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Aa & a, S. m. (ordre Encyclopéd. Entend. Science de l'homme, Logique, Art de communiquer, Gramm.) caractere ou figure de la premiere lettre de l'Alphabet, en latin, en françois, & en presque toutes les Langues de l'Europe.

On peut considérer ce caractere, ou comme lettre, ou comme mot.

I. A, en tant que lettre, est le signe du son a, qui de tous les sons de la voix est le plus facile à prononcer. Il ne faut qu'ouvrir la bouche & pousser l'air des poumons.

On dit que l'a vient de l'aleph des Hébreux : mais l'a en tant que son ne vient que de la conformation des organes de la parole ; & le caractere ou figure dont nous nous servons pour représenter ce son, nous vient de l'alpha des Grecs. Les Latins & les autres peuples de l'Europe ont imité les Grecs dans la forme qu'ils ont donnée à cette lettre. Selon les Grammaires Hébraïques, & la Grammaire générale de P. R. p. 12. l'aleph ne sert (aujourd'hui) que pour l'écriture, & n'a aucun son que celui de la voyelle qui lui est jointe. Cela fait voir que la prononciation des lettres est sujette à variation dans les Langues mortes, comme elle l'est dans les Langues vivantes. Car il est constant, selon M. Masclef & le P. Houbigan, que l'aleph se prononçoit autrefois comme notre a ; ce qu'ils prouvent surtout par le passage d'Eusebe, Prép. Ev. liv. X. c. vj. où ce P. soutient que les Grecs ont pris leurs lettres des Hébreux : Id ex Graecâ singulorum elementorum appellatione quivis intelligit. Quid enim aleph ab alpha magnopere differt ? Quid autem vel betha a beth ? &c.

Quelques Auteurs (Covarruvias) disent, que lorsque les enfans viennent au monde, les mâles font entendre le son de l'a, qui est la premiere voyelle de mas, & les filles le son de l'e, premiere voyelle de femina : mais c'est une imagination sans fondement. Quand les enfans viennent au monde, & que pour la premiere fois il poussent l'air des poumons, on entend le son de différentes voyelles, selon qu'ils ouvrent plus ou moins la bouche.

On dit un grand A, un petit a : ainsi a est du genre masculin, comme les autres voyelles de notre alphabet.

Le son de l'a, aussi bien que celui de l'e, est long en certains mots, & bref en d'autres : a est long dans grâce, & bref dans place. Il est long dans tâche quand ce mot signifie un ouvrage qu'on donne à faire ; & il est bref dans tache, macula, souillure. Il est long dans mâtin, gros chien ; & bref dans matin, premiere partie du jour. Voyez l'excellent Traité de la Prosodie de M. l'Abbé d'Olivet.

Les Romains, pour marquer l'a long, l'écrivirent d'abord double, Aala pour Ala ; c'est ainsi qu'on trouve dans nos anciens Auteurs François aage, &c. Ensuite ils insérerent un h entre les deux a, Ahala. Enfin ils mettoient quelquefois le signe de la syllabe longue, ãla.

On met aujourd'hui un accent circonflexe sur l'a long, au lieu de l's qu'on écrivoit autrefois après cet a : ainsi au lieu d'écrire mastin, blasme, asne, &c. on écrit mâtin, blâme, âne. Mais il ne faut pas croire avec la plûpart des Grammairiens, que nos peres n'écrivoient cette s après l'a, ou après toute autre voyelle, que pour marquer que cette voyelle étoit longue : ils écrivoient cette s, parce qu'ils la prononçoient ; & cette prononciation est encore en usage dans nos Provinces méridionales, où l'on prononce mastin, testo, besti, &c.

On ne met point d'accent sur l'a bref ou commun.

L'a chez les Romains étoit appellé lettre salutaire : littera salutaris. Cic. Attic. jx 7. parce que lorsqu'il s'agissoit d'absoudre ou de condamner un accusé, les juges avoient deux tablettes, sur l'une desquelles ils écrivoient l'a, qui est la premiere lettre d'absolvo ; & sur l'autre ils écrivoient le c, premiere lettre de condemno. Voyez A, signe d'absolution ou de condamnation. Et l'accusé étoit absous ou condamné, selon que le nombre de l'une de ces lettres l'emportoit sur le nombre de l'autre.

On a fait quelques usages de cette lettre qu'il est utile d'observer.

1. L'a chez les Grecs étoit une lettre numérale qui marquoit un. Voyez A, lettre numérale.

2. Parmi nous les villes où l'on bat monnoie, ont chacune pour marque une lettre de l'alphabet : cette lettre se voit au revers de la piece de monnoie audessous des armes du Roi. A est la marque de la monnoie de Paris. Voyez A numismatique.

3. On dit de quelqu'un qui n'a rien fait, rien écrit, qu'il n'a pas fait une panse d'a. Panse, qui veut dire ventre, signifie ici la partie de la lettre qui avance ; il n'a pas fait la moitié d'une lettre.


A mot, est 1. la troisieme personne du présent de l'indicatif du verbe avoir. Il a de l'argent, il a peur, il a honte, il a envie, & avec le supin des verbes, elle a aimé, elle a vû, à l'imitation des Latins, habeo persuasum. V. SUPIN. Nos peres écrivoient cet a avec une h ; il ha, d'habet. On ne met aucun accent sur a verbe.

Dans cette façon de parler il y a, a est verbe. Cette façon de parler est une de ces expressions figurées, qui se sont introduites par imitation, par abus, ou catachrese. On a dit au propre, Pierre a de l'argent, il a de l'esprit ; & par imitation on a dit, il y a de l'argent dans la bourse, il y a de l'esprit dans ces vers. Il, est alors un terme abstrait & général comme ce, on. Ce sont des termes métaphysiques formés à l'imitation des mots qui marquent des objets réels. L'y vient de l'ibi des Latins, & a la même signification. Il, y, c'est-à-dire là, ici, dans le point dont il s'agit. Il y a des hommes qui, &c. Il, c'est-à-dire, l'être métaphysique, l'être imaginé ou d'imitation, a dans le point dont il s'agit des hommes qui, &c. Dans les autres Langues on dit plus simplement, des hommes sont, qui, &c.

C'est aussi par imitation que l'on dit, la raison a des bornes. Notre Langue n 'a point de cas, la Logique a quatre parties, &c.

2. A, comme mot, est aussi une préposition, & alors on doit le marquer avec un accent grave à.


APréposition, vient du latin à, à dextris, à sinistris, à droite, à gauche. Plus souvent encore notre à vient de la préposition latine ad, loqui ad, parler à. On trouve aussi dicere ad. Cic. It lucrum ad me, (Plaute) le profit en vient à moi. Sinite parvulos venire ad me, laissez venir ces enfans à moi.

Observez que a mot, n'est jamais que ou la troisieme personne du présent de l'indicatif du verbe avoir, ou une simple préposition. Ainsi à n'est jamais adverbe, comme quelques Grammairiens l'on crû, quoiqu'il entre dans plusieurs façons de parler adverbiales. Car l'adverbe n'a pas besoin d'être suivi d'un autre mot qui le détermine, ou, comme disent communément les Grammairiens, l'adverbe n'a jamais de régime ; parce que l'adverbe renferme en soi la préposition & le nom, prudemment, avec prudence. (V. ADVERBE) au lieu que la préposition a toûjours un régime, c'est-à-dire, qu'elle est toûjours suivie d'un autre mot, qui détermine la relation ou l'espece de rapport que la préposition indique. Ainsi la préposition à peut bien entrer, comme toutes les autres prépositions, dans des façons de parler adverbiales : mais comme elle est toûjours suivie de son complément, ou, comme on dit, de son régime, elle ne peut jamais être adverbe.

A n'est pas non plus une simple particule qui marque le datif ; parce qu'en françois nous n'avons ni déclinaison, ni cas, ni par conséquent de datif. Voy. CAS. Le rapport que les Latins marquoient par la terminaison du datif, nous l'indiquons par la préposition à. C'est ainsi que les Latins mêmes se sont servis de la préposition ad, quod attinet ad me. Cic. Accedit ad, referre ad aliquem, & alicui. Ils disent aussi également loqui ad aliquem, & loqui alicui, parler à quelqu'un, &c.

A l'égard des différens usages de la préposition à, il faut observer 1. que toute préposition est entre deux termes, qu'elle lie & qu'elle met en rapport.

2. Que ce rapport est souvent marqué par la signification propre de la préposition même, comme avec, dans, sur, &c.

3. Mais que souvent aussi les prépositions, sur-tout à, de ou du, outre le rapport qu'elles indiquent quand elles sont prises dans leur sens primitif & propre, ne sont ensuite par figure & par extension, que de simples prépositions unitives ou indicatives, qui ne font que mettre deux mots en rapport ; ensorte qu'alors c'est à l'esprit même à remarquer la sorte de rapport qu'il y a entre les deux termes de la relation unis entre-eux par la préposition : par exemple, approchez-vous du feu : du, lie feu avec approchez-vous, & l'esprit observe ensuite un rapport d'approximation, que du ne marque pas. Eloignez-vous du feu ; du, lie feu avec éloignez-vous, & l'esprit observe-là un rapport d'éloignement. Vous voyez que la même préposition sert à marquer des rapports opposés. On dit de même donner à & ôter à. Ainsi ces sortes de rapports different autant que les mots different entre-eux.

Je crois donc que lorsque les prépositions ne sont, ou ne paroissent pas prises dans le sens propre de leur premiere destination, & que par conséquent elles n'indiquent pas par elles-mêmes la sorte de rapport particulier que celui qui parle veut faire entendre ; alors c'est à celui qui écoute ou qui lit, à reconnoître la sorte de rapport qui se trouve entre les mots liés par la préposition simplement unitive & indicative.

Cependant quelques Grammairiens ont mieux aimé épuiser la Métaphysique la plus recherchée, & si je l'ose dire, la plus inutile & la plus vaine, que d'abandonner le lecteur au discernement que lui donne la connoissance & l'usage de sa propre Langue. Rapport de cause, rapport d'effet, d'instrument, de situation, d'époque, table à piés de biche, c'est-là un rapport de forme, dit M. l'abbé Girard, tom. II. p. 199. Bassin à barbe, rapport de service, (id. ib.) Pierre à feu, rapport de propriété productive, (id. ib.) &c. La préposition à n'est point destinée à marquer par elle-même un rapport de propriété productive, ou de service, ou de forme, &c. quoique ces rapports se trouvent entre les mots liés par la préposition à. D'ailleurs, les mêmes rapports sont souvent indiqués par des prépositions différentes, & souvent des rapports opposés sont indiqués par la même préposition.

Il me paroît donc que l'on doit d'abord observer la premiere & principale destination d'une préposition. Par exemple : la principale destination de la préposition à, est de marquer la relation d'une chose à une autre, comme, le terme où l'on va, ou à quoi ce qu'on fait se termine, le but, la fin, l'attribution, le pourquoi. Aller à Rome, prêter de l'argent à usure, à gros intérêt. Donner quelque chose à quelqu'un, &c. Les autres usages de cette préposition reviennent ensuite à ceux-là par catachrese, abus, extension, ou imitation : mais il est bon de remarquer quelques-uns de ces usages, afin d'avoir des exemples qui puissent servir de regle, & aider à décider les doutes par analogie & par imitation. On dit donc :

APRES UN NOM SUBSTANTIF.

Air à chanter. Billet à ordre, c'est-à-dire, payable à ordre. Chaise à deux. Doute à éclaircir. Entreprise à exécuter. Femme à la hotte ? (au vocatif). Grenier à sel. Habit à la mode. Instrument à vent. Lettre de change à vûe, à dix jours de vûe. Matiere à procès. Nez à lunette. Oeufs à la coque. Plaine à perte de vûe. Question à juger. Route à gauche. Vache à lait.

A APRES UN ADJECTIF.

Agréable à la vûe. Bon à prendre & à laisser. Contraire à la santé. Délicieux à manger. Facile à faire.

Observez qu'on dit : Il est facile de faire cela.

Quand on le veut il est facile

De s'assûrer un repos plein d'appas. Quinault.

La raison de cette différence est que dans le dernier exemple de n'a pas rapport à facile, mais à il ; il, hoc, cela, à savoir de faire, &c. est facile, est une chose facile. Ainsi, il, de s'assûrer un repos plein d'appas, est le sujet de la proposition, & est facile en est l'attribut.

Qu'il est doux de trouver dans un amant qu'on aime

Un époux que l'on doit aimer ! (Idem.)

Il, à savoir, de trouver un époux dans un amant, &c. est doux, est une chose douce (V. PROPOSITION).

Il est gauche à tout ce qu'il fait. Heureux à la guerre. Habile à dessiner, à écrire. Payable à ordre. Pareil à, &c. Propre à, &c. Semblable à, &c. Utile à la santé.

APRES UN VERBE.

S'abandonner à ses passions. S'amuser à des bagatelles. Applaudir à quelqu'un. Aimer à boire, à faire du bien. Les hommes n'aiment point à admirer les autres ; ils cherchent eux-mêmes à être goûtés & à être applaudis. La Bruyere. Aller à cheval, à califourchon, c'est-à-dire, jambe deçà, jambe delà. S'appliquer à, &c. S'attacher à, &c. Blesser à, il a été blessé à la jambe. Crier à l'aide, au feu, au secours. Conseiller quelque chose à quelqu'un. Donner à boire à quelqu'un. Demander à boire. Etre à. Il est à écrire, à jouer. Il est à jeun. Il est à Rome. Il est à cent lieues. Il est long-tems à venir. Cela est à faire, à taire, à publier, à payer. C'est à vous à mettre le prix à votre marchandise. J'ai fait cela à votre considération, à votre intention. Il faut des livres à votre fils. Joüer à Colin Maillard, joüer à l'hombre, aux échecs. Garder à vûe. La dépense se monte à cent écus, & la recette à, &c. Monter à cheval. Payer à quelqu'un. Payer à vûe, à jour marqué. Persuader à. Prêter à. Puiser à la source. Prendre garde à soi. Prendre à gauche. Ils vont un à un, deux à deux, trois à trois. Voyons à qui l'aura, c'est-à-dire, voyons à ceci, (attendamus ad hoc nempe) à savoir qui l'aura.

A AVANT UNE AUTRE PREPOSITION.

A se trouve quelquefois avant la préposition de comme en ces exemples.

Peut-on ne pas céder à de si puissans charmes ?

Et peut-on refuser son coeur

A de beaux yeux qui le demandent ?

Je crois qu'en ces occasions il y a une ellipse synthétique. L'esprit est occupé des charmes particuliers qui l'ont frappé ; & il met ces charmes au rang des charmes puissans, dont on ne sauroit se garantir. Peut-on ne pas céder à ces charmes qui sont du nombre des charmes si puissans, &c. Peut-on ne pas céder à l'attrait, au pouvoir de si puissans charmes ? Peut-on refuser son coeur à ces yeux, qui sont de la classe des beaux yeux ? L'usage abrege ensuite l'expression, & introduit des façons de parler particulieres auxquelles on doit se conformer, & qui ne détruisent pas les regles.

Ainsi, je crois que de ou des sont toujours des prépositions extractives, & que quand on dit des Savans soûtiennent, des hommes m'ont dit, &c. des Savans, des hommes, ne sont pas au nominatif. Et de même quand on dit, j'ai vû des hommes, j'ai vû des femmes, &c. des hommes, des femmes, ne sont pas à l'accusatif ; car, si l'on veut bien y prendre garde, on reconnoîtra que ex hominibus, ex mulieribus, &c. ne peuvent être ni le sujet de la proposition, ni le terme de l'action du verbe ; & que celui qui parle veut dire, que quelques-uns des Savans soûtiennent, &c. quelques-uns des hommes, quelques-unes des femmes, disent, &c.

A APRES DES ADVERBES.

On ne se sert de la préposition à après un adverbe, que lorsque l'adverbe marque relation. Alors l'adverbe exprime la sorte de relation, & la préposition indique le corrélatif. Ainsi, on dit conformément à. On a jugé conformément à l'Ordonnance de 1667. On dit aussi relativement à.

D'ailleurs l'adverbe ne marquant qu'une circonstance absolue & déterminée de l'action, n'est pas suivi de la préposition à.

A en des façons de parler adverbiales, & en celles qui sont équivalentes à des prépositions Latines, ou de quelqu'autre Langue.

A jamais, à toûjours. A l'encontre. Tour à tour. Pas à pas. Vis-à-vis. A pleines mains. A fur & à mesure. A la fin, tandem, aliquando. C'est-à-dire, nempe, scilicet, Suivre à la piste. Faire le diable à quatre. Se faire tenir à quatre. A cause, qu'on rend en latin par la proposition propter. A raison de. Jusqu'à, ou jusques à. Au-delà. Au-dessus. Au-dessous. A quoi bon, quorsùm. A la vûe, à la présence, ou en présence, coram.

Telles sont les principales occasions où l'usage a consacré la préposition à. Les exemples que nous venons de rapporter, serviront à décider par analogie les difficultés que l'on pourroit avoir sur cette préposition.

Au reste la préposition au est la même que la préposition à. La seule différence qu'il y a entre l'une & l'autre, c'est que à est un mot simple, & que au est un mot composé.

Ainsi il faut considérer la préposition à en deux états différens.

I. Dans son état simple : 1°. Rendez à César ce qui appartient à César ; 2°. se prêter à l'exemple ; 3°. se rendre à la raison. Dans le premier exemple à est devant un nom sans article. Dans le second exemple à est suivi de l'article masculin, parce que le mot commence par une voyelle : à l'exemple, à l'esprit, à l'amour. Enfin dans le dernier, la préposition à précede l'article féminin, à la raison, à l'autorité.

II. Hors de ces trois cas, la préposition à devient un mot composé par sa jonction avec l'article le ou avec l'article pluriel les. L'article le à cause du son sourd de l'e muet a amené au, de sorte qu'au lieu de dire à le nous disons au, si le nom ne commence pas par une voyelle. S'adonner au bien ; & au pluriel au lieu de dire à les, nous changeons l en u, ce qui arrive souvent dans notre Langue, & nous disons aux, soit que le nom commence par une voyelle ou par une consonne : aux hommes, aux femmes, &c. ainsi au est autant que à le, & aux que à les.

A est aussi une préposition inséparable qui entre dans la composition des mots : donner, s'adonner, porter, apporter, mener, amener, &c. ce qui sert ou à l'énergie, ou à marquer d'autres points de vûe ajoûtés à la premiere signification du mot.

Il faut encore observer qu'en Grec à marque

1. Privation, & alors on l'appelle alpha privatif, ce que les Latins ont quelquefois imité, comme dans amens qui est composé de mens, entendement, intelligence, & de l'alpha privatif. Nous avons conservé plusieurs mots où se trouve l'alpha privatif, comme amazone, asyle, abysme, &c. l'alpha privatif vient de la préposition , sine, sans.

2. A en composition marque augmentation, & alors il vient de ἄγαν, beaucoup.

3. A avec un accent circonflexe & un esprit doux marque admiration, desir, surprise, comme notre ah ! ou ha ! vox quiritantis, optantis, admirantis, dit Robertson. Ces divers usages de l'a en Grec ont donné lieu à ce vers des Racines Greques.

A fait un, prive, augmente, admire.

En terme de Grammaire, & sur-tout de Grammaire Greque, on appelle a pur un a qui seul fait une syllabe comme en ϕιλία, amicitia. (F)


Aétoit une lettre numérale parmi les Anciens. Baronius rapporte des vers techniques qui expriment la valeur de chaque lettre de l'alphabet. Celui-ci,

Possidet A numeros quingentos ordine recto.

marque que la lettre A signifioit cinq cens ; surmontée d'un titre ou ligne droite, de cette façon (), elle signifioit cinq mille.

Les Anciens proprement dits ne firent point usage de ces lettres numérales, comme on le croit communément. Isidore de Séville qui vivoit dans le septieme siecle assûre expressément le contraire ; Latini autem numeros ad litteras non computant. Cet usage ne fut introduit que dans les tems d'ignorance. M. Ducange dans son Glossaire explique au commencement de chaque lettre quel fut cet usage, & la plûpart des Lexicographes l'ont copié sans l'entendre, puisqu'ils s'accordent tous à dire que l'explication de cet usage se trouve dans Valerius Probus, au lieu que Ducange a dit simplement qu'elle se trouvoit dans un Recueil de Grammairiens, du nombre desquels est Valerius Probus. Habetur verò illud cum Valerio Probo... & aliis qui de numeris scripserunt editum inter Grammaticos antiquos. Les Hébreux, les Arabes emploient leur aleph, & les Grecs leur alpha qui répond à notre A, pour désigner le nombre 1. & dans le langage de l'écriture alpha signifie le commencement & le principe de toutes choses. Ego sum alpha, &c. (G)


Alettre symbolique, étoit un hiéroglyphe chez les anciens Egyptiens, qui pour premiers caracteres employoient ou des figures d'animaux ou des signes qui en marquoient quelque propriété. On croit que celle-ci représentoit l'Ibis par l'analogie de la forme triangulaire de l'A avec la marche triangulaire de cet oiseau. Ainsi quand les caracteres Phéniciens qu'on attribue à Cadmus furent adoptés en Egypte, la lettre A y fut tout à la fois un caractere de l'écriture symbolique consacrée à la Religion, & de l'écriture commune usitée dans le commerce de la vie. (G)


ANumismatique ou monétaire, sur le revers des anciennes médailles Greques, signifie qu'elles furent frappées dans la ville d'Argos, & quelquefois dans celle d'Athenes. Dans les médailles consulaires cette lettre désigne pareillement le lieu de la fabrique ; dans celles des Empereurs, il signifie communément Augustus. Dans le revers des médailles du bas Empire, qui étoient véritablement des especes de monnoies ayant cours, & dont le peuple se servoit, A est la marque ou de la Ville, comme Antioche, Arles, Aquilée, où il y avoit des Hôtels des Monnoies, ou signifie le nom du monétaire. Dans nos especes d'or & d'argent cette lettre est la marque de la monnoie de Paris ; & le double AA celle de Metz. (G)


ALapidaire, dans les anciennes inscriptions sur des marbres, &c. signifioit Augustus, Ager, aiunt, &c. selon le sens qu'exige le reste de l'inscription. Quand cette lettre est double, elle signifie Augusti ; triple, elle veut dire auro, argento, aere. Isidore ajoûte que lorsque cette lettre se trouve après le mot miles, elle signifie que le soldat étoit un jeune homme. On trouve dans des inscriptions expliquées par d'habiles Antiquaires A rendu par ante, & selon eux, ces deux lettres AD équivalent à ces mots ante diem. (G)


ALettre de suffrage, les Romains se servoient de cette lettre pour donner leurs suffrages dans les assemblées du peuple. Lorsqu'on proposoit une nouvelle loi à recevoir, on divisoit en centuries ceux qui devoient donner leurs voix, & l'on distribuoit à chacun d'eux deux ballotes de bois, dont l'une étoit marquée d'un A majuscule qui signifioit antiquo ou antiquam volo ; l'autre étoit marquée de ces deux lettres U R, uti, rogas. Ceux qui s'opposoient à l'établissement de la loi jettoient dans l'une la premiere de ces ballotes, pour signifier, je rejette la loi, ou je m'en tiens à l'ancienne. (G)


ASigne d'absolution, chez les Romains dans les causes criminelles, étoit un signe pour déclarer innocente la personne accusée. C'est pourquoi Ciceron dans l'oraison pour Milon, appelle l'A une lettre favorable, littera salutaris. Quand il s'agissoit d'un jugement pour condamner ou renvoyer quelqu'un absous, on distribuoit à chaque Magistrat ou à chaque opinant trois bulletins, dont l'un portoit un A qui vouloit dire absolvo, j'absous ; l'autre un C qui marquoit condemno, je condamne ; & sur le troisieme il y avoit une N & une L, non liquet, c'est-à dire, le fait ou le crime en question ne me paroît pas évident. Le Préteur prononçoit selon le nombre des bulletins qui se trouvoient dans l'urne. Le dernier ne servoit que quand l'accusé n'avoit pas pû entierement se justifier, & que cependant il ne paroissoit pas absolument coupable ; c'étoit ce que nous appellons un plus amplement informé. Mais si le nombre de ces trois bulletins se trouvoit parfaitement égal, les Juges inclinoient à la douceur, & l'accusé demeuroit entierement déchargé de l'accusation. Ciceron nous apprend encore que les bulletins destinés à cet usage étoient des especes de jettons d'un bois mince, poli, & frottés de cire sur laquelle étoient inscrites les lettres dont nous venons de parler, ceratam unicuique tabellam dari cerâ legitimâ. On voit la forme de ces bulletins dans quelques anciennes médailles de la famille Casia. V. JETTONS. (G).


A COGNITIONIBUS Scorpus, fameux Agitateur du cirque, est représenté, dans un monument, courant à quatre chevaux, dont on lit les noms avec celui de Scorpus. Sur le bas du monument, au haut, Abascantus est couché sur son séant, un génie lui soûtient la tête ; un autre génie qui est à ses pieds tient une torche allumée qu'il approche de la tête d'Abascantus. Celui-ci a dans la main droite une couronne, & dans la gauche une espece de fruit : l'inscription est au-dessous en ces termes :
Diis Manibus : Titi Flavi Augusti liberti Abascanti à cognitionibus, Flavia Hesperis conjugi suo bene merenti fecit, cujus dolere nihil habui nisi mortis.
Aux Dieux Manes : Flavia Hesperis, épouse de Titus Flavius Abascantus affranchi d'Auguste & son commis, a fait ce monument pour son mari, qui méritoit bien qu'elle lui rendît ce devoir. Après la douleur de cette perte, la mort sera ma seule consolation.

On voit qu'a cognitionibus marque certainement un office de conséquence auprès de l'Empereur. C'étoit alors Tite ou Domitien qui régnoit. Mais à cognitionibus est une expression bien générale, & il n'est guere de Charge un peu considérable à la Cour, qui ne soit pour connoître de quelque chose. M. Fabretti prétend qu'à cognitionibus doit s'entendre de l'inspection sur le Cirque, & ce qui concernoit la course des chevaux ; il se fonde sur ce qu'on mettoit dans ces monumens les instrumens qui étoient de la charge ou du métier dont il étoit question ; par exemple, le muid avec l'Edile, les ventouses & les ligatures avec les Medecins, le faisceau avec le Licteur, &c. d'où il infere que la qualité donnée à Abascantus est désignée par le quadrige qui est au bas du monument. Mais il ne faut prendre ceci que pour une conjecture qui peut être ou vraie ou fausse. La coûtume de désigner la qualité de l'homme par les accessoires du monument, est démentie par une infinité d'exemples. On trouve (dit le P. Montfaucon) dans un monument un Lucius Trophymus affranchi d'Auguste, qualifié à veste & à lacunâ, Intendant de la garde-robe, avec deux arcs dont la corde est cassée, deux torches, & un pot ; & ce sçavant homme demande quel rapport il y a entre ces accessoires & la qualité d'Intendant de la garde-robe : c'est un exemple qu'il apporte contre l'opinion de Fabretti ; mais je ne le trouve pas des mieux choisis, & l'on pourroit assez aisément donner aux arcs sans cordes & au reste des accessoires un sens qui ne s'éloigneroit pas de la qualité de Trophymus. Un Intendant de la garde-robe d'un Romain n'avoit guere d'exercice qu'en tems de paix : c'est pourquoi on voit au monument de celui-ci deux arcs sans cordes, ou ce qui est mieux, avec des cordes rompues ; les autres symboles ne sont pas plus difficiles à interpréter. Mais l'exemple suivant du P. Montfaucon me semble prouver un peu mieux contre Fabretti ; c'est un Aedituus Martis ultoris représenté avec deux oiseaux qui boivent dans un pot. Cela n'a guere de rapport avec l'office de Sacristain de Mars. Mais connoissons-nous assez-bien l'antiquité pour pouvoir assûrer qu'il n'y en a point ? Ne pouvoit-il pas facilement y avoir quelque singularité dans les fonctions d'un pareil Sacristain (c'est le mot du P. Montfaucon), à laquelle les oiseaux qui boivent dans un pot feroient une allusion fort juste ? & la singularité ne pourroit-elle pas nous être inconnue ? n'admirons-nous pas aujourd'hui, ou du moins ne trouvons-nous pas très-intelligibles des figures symboliques dans nos monumens, qui seront très-obscures, & qui n'auront pas même le sens commun pour nos neveux qui ne seront pas assez instruits des minuties de nos petits usages, & de nos conditions subalternes, pour en sentir l'à propos ?


A curâ amicorumOn lit dans quelques inscriptions sépulchrales le titre de A CURA AMICORUM. Titus Caelius Titi filius, Celer, A CURA AMICORUM AUGUSTI, Praefectus legionis decimae salutaris, Mediomatricum civitas bene merenti posuit. Dans une autre : Silvano sacrum sodalibus ejus, & Larum donum posuit Tiberius Claudius Augusti Libertus Fortunatus A CURA AMICORUM, idemque dedicavit. Ailleurs encore : Aesculapio Deo Julius Onesimus Augusti Libertus A CURA AMICORUM, voto suscepto dedicavit lubens merito. Je n'entends pas trop quelle étoit cette Charge chez les Grands à curâ amicorum, dit Gruter. Mais, ajoûte le P. Montfaucon, on a des inscriptions par lesquelles il paroît que c'étoit une dignité que d'être leur ami & de leur compagnie ; d'où il conclud qu'il se peut faire que ces affranchis qui étoient à curâ amicorum, prissent soin de ceux qui étoient parvenus à cette dignité. Ces usages ne sont pas fort éloignés des nôtres ; nos femmes titrées ont quelquefois des femmes de compagnie ; & il y a bien des maisons où l'on attache tel ou tel domestique à un ami qui survient ; & ce domestique s'appelleroit fort bien en latin à curâ amici.


ADans les Ecrivains modernes, veut dire aussi l'an, comme A. D. anno Domini, l'an de Notre Seigneur : les Anglois se servent des lettres A. M. pour dire Artium Magister, Maître ès Arts. Voyez CARACTERE. (G)


ADans le calendrier Julien, est aussi la premiere des sept lettres dominicales. Voyez DOMINICAL.

Les Romains s'en étoient servis bien avant le tems de Notre Seigneur : cette lettre étoit la premiere des huit lettres nundinales ; & ce fut à l'imitation de cet usage, qu'on introduisit les lettres dominicales. (G)


A. D. épistolaire ; ces deux caracteres dans les Lettres que s’écrivoient les Anciens, signifioient ante diem. Des Copistes ignorans en ont fait tout simplement la préposition ad, & ont écrit ad IV. Kalend. ad VI. Idus, ad III. Non. &c. au lieu d’ante diem IV. Kalend. ante diem VI. Idus, &c. ainsi que le remarque Paul Manuce. On trouve dans Valerius Probus A.D.P. pour ante diem pridie. (G)


ASigne des passions, selon certains Auteurs, est relatif aux passions dans les anciens Dialectes Grecs. Le Dorien, où cette lettre se répete sans cesse, a quelque chose de mâle & de nerveux, & qui convient assez à des Guerriers. Les Latins au contraire emploient dans leur Poësie des mots où cette lettre domine, pour exprimer la douceur. Mollia luteola pingit Vaccinia caltha. Virg.

Parmi les peuples de l'Europe, les Espagnols & les Italiens sont ceux qui en font le plus d'usage, avec cette différence que les premiers remplis de faste & d'ostentation, ont continuellement dans la bouche des a emphatiques ; au lieu que les a des terminaisons Italiennes étant peu ouverts dans la prononciation, ils ne respirent que douceur & que mollesse. Notre Langue emploie cette voyelle sans aucune affectation.


Aest aussi une abréviation dont on se sert en différens Arts & pour différens usages. Voyez ABREVIATION. (Y)


A, ã ou ã ãOn se sert de cette abréviation en Medecine pour ana, c'est-à-dire, pour indiquer une égale quantité de chaque différens ingrédiens énoncés dans une formule. Ainsi thuris, myrrhae aluminis ã j, est la même chose que thuris, myrrhae, aluminis, ana j. Dans l'un & l'autre exemple , & ana, signifient parties égales de chaque ingrédient veut dire, prenez de l'encens, de la myrrhe, de l'alun, de chacun un scrupule.

Cette signification d'ana ne tire point son origine d'un caprice du premier Médecin qui s'en est servi, & ce n'est point l'autorité de ses successeurs qui en a prescrit la valeur & l'usage. La proposition chez les Grecs se prenoit dans le même sens que dans les Auteurs de Medecine d'aujourd'hui.

Hippocrate dans son Traité des Maladies des Femmes, après avoir parlé d'un pessaire qu'il recommande comme propre à la conception, & après avoir spécifié des drogues, ajoute , c'est-à-dire, de chacune une dragme. Voyez ANA. (N)

A. Les Marchands Négocians, Banquiers, & Teneurs de Livres, se servent de cette lettre, ou seule, ou suivie de quelques autres lettres aussi initiales, pour abréger des façons de parler fréquentes dans le Négoce, & ne pas tant employer de tems ni de paroles à charger leurs Journaux, Livres de comptes, ou autres Registres. Ainsi l'A mis tout seul, après avoir parlé d'une Lettre de change, signifie accepté. A. S. P. accepté sous protêt. A.S.P.C. accepté sous protêt pour mettre à compte. A. P. à protester. (G)


ACaractere alphabétique. Après avoir donné les différentes significations de la lettre A, il ne nous reste plus qu'à parler de la maniere de le tracer.

L'a dans l'écriture ronde est un composé de trois demi-cercles, ou d'un o rond & d'un demi o, observant les déliés & les pleins. Pour fixer le lieu des déliés & des pleins, imaginez un rhombe sur un de ces côtés ; la base & le côté supérieur, & le parallele à la base, marqueront le lieu des déliés ; & les deux autres côtés marqueront le lieu des pleins. V. RHOMBE.

Dans la coulée, l'a est composé de trois demi-cercles, ou plûtôt ovale, ou d'un o coulé, & d'un demi o coulé : quant au lieu des déliés & des pleins, ils seront déterminés de même que dans la ronde : mais il faut les rapporter à un rhomboïde. Voyez RHOMBOÏDE.

Dans la grosse bâtarde, il est fait des trois quarts d'un e ovale, & d'un trait droit d'abord, mais terminé par une courbe, qui forme l'a en achevant l'ovale.

La premiere partie, soit ronde, soit ovale de l'a, se forme d'un mouvement composé des doigts & du poignet ; & la seconde partie, du seul mouvement des doigts, excepté sur la fin de la courbure du trait qui applatit, soit l'o, soit l'ovale, pour en former l'a, où le poignet vient un peu au secours des doigts. V. sur ces lettres nos Planches, & sur les autres sortes d'écritures, les Préceptes de MM. Rosallet & Durel.


AS. petite riviere de France, qui a sa source près de Fontaines en Sologne.


A A Achez les Chimistes, signifie une amalgame, ou l'opération d'amalgamer. V. AMALGAMATION & AMALGAME. (M)


A DESCOUVERT(Jurisprud.) c'est lorsqu'on fait exhibition de quelque chose. Dans les offres réelles d'argent & de pieces, on doit montrer les deniers ou autres choses offertes, à découvert, afin que l'on voye que les offres sont réelles & sérieuses. Voyez EXHIBITION & OFFRES REELLES. (A)


A LA BOULINEvoyez ALLER LA BOULINE.


A LINEA(Gramm.) c'est-à-dire, incipe à lineâ, commencez par une nouvelle ligne. On n'écrit point ces deux mots à lineâ, mais celui qui dicte un discours où il y a divers sens détachés, après avoir dicté le premier sens, dit à celui qui écrit : punctum... à lineâ : c'est-à-dire, terminez par un point ce que vous venez d'écrire ; laissez en blanc ce qui reste à remplir de votre derniere ligne ; quittez-la, finie ou non finie, & commencez-en une nouvelle, observant que le premier mot de cette nouvelle ligne commence par une capitale, & qu'il soit un peu rentré en dedans pour mieux marquer la séparation ou distinction de sens. On dit alors que ce nouveau sens est à lineâ, c'est-à-dire qu'il est détaché de ce qui précede, & qu'il commence une nouvelle ligne.

Les à lineâ bien placés contribuent à la netteté du discours. Ils avertissent le lecteur de la distinction du sens. On est plus disposé à entendre ce qu'on voit ainsi séparé.

Les vers commencent toûjours à lineâ, & par une lettre capitale.

Les ouvrages en prose des anciens auteurs sont distingués par des à lineâ, cotés à la marge par des chiffres : on dit alors numéro 1, 2, 3, &c. On les divise aussi par chapitres, en mettant le numéro en chiffre romain.

Les chapitres des Instituts de Justinien sont aussi divisés par des à lineâ, & le sens contenu d'un à lineâ à l'autre est appellé paragraphe, & se marque ainsi §. (F)


A MI LAA LA MI Ré, ou simplement A, caractere ou terme de Musique qui indique la note que nous appellons la. Voyez GAMME. (S)


À PART(Littérat.) ou, comme on dit, à parte, terme latin qui a la même signification que seorsim, & qui est affecté à la Poésie dramatique.

Un à parte est ce qu'un acteur dit en particulier ou plûtôt ce qu'il se dit à lui-même, pour découvrir aux spectateurs quelque sentiment dont ils ne seroient pas instruits autrement, mais qui cependant est présumé secret & inconnu pour tous les autres acteurs qui occupent alors la scene. On en trouve des exemples dans les Poëtes tragiques & comiques.

Les critiques rigides condamnent cette action théatrale ; & ce n'est pas sans fondement, puisqu'elle est manifestement contraire aux regles de la vraisemblance, & qu'elle suppose une surdité absolue dans les personnages introduits avec l'acteur qui fait cet à parte, si intelligiblement entendu de tous les spectateurs ; aussi n'en doit-on jamais faire usage que dans une extrème nécessité, & c'est une situation que les bons auteurs ont soin d'éviter. Voyez PROBABILITE, TRAGEDIE, COMEDIE, SOLILOQUE. (G)


A-L'AUTREterme de Marine ; ce mot est prononcé à haute voix par l'équipage qui est de quart, lorsqu'on sonne la cloche, pour marquer le nombre des horloges du quart ; & cela fait connoître qu'ils veillent & qu'ils entendent bien les coups de la cloche. Voyez QUART. (Z)


A-PLOMBsorte de terme qui sert à désigner la situation verticale & perpendiculaire à l'horison. Voyez HORISON & VERTICAL. Un fil à-plomb qu'on laisse pendre librement, se met toûjours dans une situation verticale. C'est de-là qu'est venu cette dénomination. (O)

A-PLOMB, se dit dans l'Ecriture d'un caractere mâle dont les pleins sont bien remplis, ayant été formés par une plume qui les a frappés également sur la ligne perpendiculaire, & leur a donné toute la plénitude & tout le produit que comportoit sa situation.


A. D. épistolaire ; ces deux caracteres dans les Lettres que s'écrivoient les Anciens, signifioient ante diem. Des Copistes ignorans en ont fait tout simplement la préposition ad, & ont écrit ad IV. Kalend. ad VI. Idus, ad III. Non, &c. au lieu d'ante diem IV. Kalend. ante diem VI. Idus, &c. ainsi que le remarque Paul Manuce. On trouve dans Valerius Probus A. D. P. pour ante diem pridie. (G)

* A désigne une proposition générale affirmative. Assertit A... verum generaliter... A affirme, mais généralement, disent les Logiciens. Voyez l'usage qu'ils font de cette abréviation à l'article SYLLOGISME.


AAS. f. riviere de France, qui prend sa source dans le haut Boulonnois, sépare la Flandre de la Picardie, & se jette dans l'Océan au-dessous de Gravelines. Il y a trois rivieres de ce nom dans le Pays bas, trois en Suisse, & cinq en Westphalie.


AA ou AASs. ou FONTAINE DES ARQUEBUSADES. Source d'eau vive dans le Béarn, surnommée des Arquebusades, par la propriété qu'on lui attribue de soulager ceux qui ont reçu quelques coups de feu.


AABAMS. m. Quelques Alchimistes se sont servi de ce mot pour signifier le plomb. Voyez PLOMB. SATURNE. ACCIB. ALABARIC. (M)


AACou ACH, s. f. petite ville d'Allemagne dans le cercle de Souabe, près de la source de l'Aach. Long. 26. 57. lat. 47. 55.


AAHUSS. petite ville d'Allemagne dans le cercle de Westphalie, capitale de la Comté d'Aahus. Long. 24. 36. lat. 52. 10.


AAMS. mesure des liquides, en usage à Amsterdam : elle contient environ soixante-trois livres, poids de marc.


AARS. grande riviere qui a sa source proche de celle du Rhin, au mont de la Fourche, & qui traverse la Suisse depuis les confins du Vallais jusqu'à la Souabe.

* AAR, s. riviere d'Allemagne qui a sa source dans l'Eiffel, & qui se jette dans le Rhin près de Lintz.


AA ou AASAFort de Norwege dans le Bailliage d'Aggerhus.


AB (mois)S. m. onzieme mois de l'année civile des Hébreux, & le cinquieme de leur année ecclésiastique, qui commence au mois de Nisan. Le mot ab répond à la Lune de Juillet, c'est-à-dire à une partie de notre mois du même nom & au commencement d'Août. Il a trente jours. Les Juifs jeûnent le premier jour de ce mois, à cause de la mort d'Aaron, & le neuvieme, parce qu'à pareil jour le Temple de Salomon fut brûlé par les Chaldéens ; & qu'ensuite le second Temple bâti depuis la captivité, fut brûlé par les Romains. Les Juifs croyent que ce fut le même jour que les Envoyés qui avoient parcouru la Terre de Chanaan, étant revenus au camp, engagerent le peuple dans la révolte. Ils jeûnent aussi ce jour-là en mémoire de la défense que leur fit l'Empereur Adrien de demeurer dans la Judée, & de regarder même de loin Jérusalem, pour en déplorer la ruine. Le dix-huitieme jour du même mois, ils jeûnent à cause que la lampe qui étoit dans le Sanctuaire, se trouva éteinte cette nuit, du tems d'Achaz. Diction. de la Bibl. tom. I. pag. 5.

Les Juifs qui étoient attentifs à conserver la mémoire de tout ce qui leur arrivoit, avoient encore un jeûne dont parle le Prophete Zacharie, institué en mémoire & en expiation du murmure des Israélites dans le désert, lorsque Moyse eut envoyé de Cadesbarné des espions dans la Terre promise. Les Juifs disent aussi que dans ce mois les deux Temples ont été ruinés, & que leur grande Synagogue d'Alexandrie fut dispersée. L'on a remarqué que dans ce même mois ils avoient autrefois été chassés de France, d'Angleterre & d'Espagne. (G)


AB (syriaque)S. m. en Langue Syriaque est le nom du dernier mois de l'Eté. Le premier jour de ce mois est nommé dans leur Calendrier Saum-Miriam, le Jeûne de Notre-Dame ; parce que les Chrétiens d'Orient jeûnoient depuis ce jour jusqu'au quinze du même mois, qu'ils nommoient Fathr-Miriam, la cessation du Jeûne de Notre-Dame. D'Herbelot, Bib. Orientale. (G)


AB (hébreu)S. m. en hébreu signifie pere ; d'où les Chaldéens & les Syriens ont fait abba, les Grecs abbas, conservé par les Latins, d'où nous avons formé le nom d'Abbé. Saint Marc & Saint Paul ont employé le mot syriaque ou chaldaïque abba, pour signifier Pere, parce qu'il étoit alors commun dans les Synagogues & dans les premieres assemblées des Chrétiens. C'est pourquoi abba Pater dans le 14e chap. de Saint Marc, & dans le 8e de Saint Paul aux Romains, n'est que le même mot expliqué, comme s'ils disoient abba, c'est-à-dire, mon pere. Car comme le remarque S. Jerôme dans son Commentaire sur le iv chap. de l'Epitre aux Galates, les Apôtres & les Evangélistes ont quelquefois employé dans leurs Ecrits des mots syriaques, qu'ils interprétoient ensuite en Grec, parce qu'ils écrivoient dans cette derniere Langue. Ainsi ils ont dit Bartimée, fils de Timée ; aser, richesses ; où fils de Timée, & richesses, ne sont que la version pure des mots qui les précedent. Le nom d'abba en Syriaque qui signifioit un pere naturel, a été pris ensuite pour signifier un personnage, à qui l'on voueroit le même respect & la même affection qu'à un pere naturel. Les Docteurs Juifs prenoient ce titre par orgueil ; ce qui fait dire à J. C. dans S. Matthieu, ch. 23. N'appellez personne sur la terre votre pere, parce que vous n'avez qu'un pere qui est dans le ciel. Les Chrétiens ont donné communément le nom d'Abbé aux Supérieurs des Monasteres. Voyez ABBE. (G)


AB-INTESTATvoyez INTESTAT. (H)


ABAS. ville de la Phocide, bâtie par les Abantes, peuples sortis de Thrace, nommée Aba d'Abas leur Chef, & ruinée, à ce que prétendent quelques-uns, par Xercès.


ABACAS. Il ne paroît pas qu'on sache bien précisément ce que c'est. On lit dans le Dictionnaire du Commerce, que c'est une sorte de chanvre ou de lin qu'on tire d'une plante des Indes ; qu'il est blanc ou gris ; qu'on le fait roüir, qu'on le bat comme notre chanvre ; qu'on ourdit avec le blanc des toiles très-fines ; & qu'on n'emploie le gris qu'en cordages & cables.


ABACHS. petite ville d'Allemagne dans la basse Baviere, que quelques Auteurs donnent pour le château d'Abaude. Long. 29. 40. lat. 48. 52.


ABACOS. m. Quelques anciens Auteurs se servent de ce mot, pour dire l'Arithmétique. Les Italiens s'en servent aussi dans le même sens. Voyez ABAQUE & ARITHMETIQUE. (O)


ABACOAS. Isle de l'Amérique septentrionale, l'une des Lucayes.


ABACOTS. m. nom de l'ancienne parure de tête des Rois d'Angleterre ; sa partie supérieure formoit une double couronne. Voyez Dyche.


ABACUZS. m. pris adject. ce sont les biens de ceux qui meurent sans laisser d'héritiers, soit par testament, soit par droit lignager, ou autrement, & dont la succession passoit, à ce que dit Ragueau, selon l'ancienne coûtume de Poitou, au bas justicier de la seigneurie dans laquelle ils étoient décédés. (H)


ABADAS. m. c'est, dit-on, un animal qui se trouve sur la côte méridionale de Bengale, qui a deux cornes, l'une sur le front, l'autre sur la nuque du cou ; qui est de la grosseur d'un poulain de deux ans, & qui a la queue d'un boeuf, mais un peu moins longue ; le crin & la tête d'un cheval, mais le crin plus épais & plus rude, & la tête plus plate & plus courte ; les piés du cerf, fendus, mais plus gros. On ajoûte que de ses deux cornes, celle du front est longue de trois ou quatre piés, mince, de l'épaisseur de la jambe humaine vers la racine ; qu'elle est aiguë par la pointe, & droite dans la jeunesse de l'animal, mais qu'elle se recourbe en-devant ; & que celle de la nuque du cou est plus courte & plus plate. Les Negres le tuent pour lui enlever ses cornes, qu'ils regardent comme un spécifique, non dans plusieurs maladies, ainsi qu'on lit dans quelques auteurs, mais en général contre les venins & les poisons. Il y auroit de la témérité sur une pareille description à douter que l'abada ne soit un animal réel ; reste à savoir s'il en est fait mention dans quelque Naturaliste moderne, instruit & fidele, ou si par hasard tout ceci ne seroit appuyé que sur le témoignage de quelque voyageur. Voyez Vallisneri, tom. III. pag. 367.


    
    
ABADDONS. m. vient d'abad, perte. C'est le nom que S. Jean donne dans l'apocalypse au roi des sauterelles, à l'ange de l'abysme, à l'ange exterminateur.


ABADIou ABADDIR, sub. m. mot composé de deux termes Phéniciens. Il signifie pere magnifique, titre que les Carthaginois donnoient aux Dieux du premier ordre. En Mythologie, abadir est le nom d'une pierre que Cybele ou Ops, femme de Saturne, fit avaler dans des langes à son mari, à la place de l'enfant dont elle étoit accouchée. Ce mot se trouve corrompu dans les gloses d'Isidore, où on lit agadir lapis. Barthius le prenant tel qu'il est dans Isidore, le rapporte ridiculement à la langue Allemande. Bochard a cherché dans la langue Phénicienne l'origine d'abadir, & croit avec vraisemblance qu'il signifie une pierre ronde ; ce qui cadre avec la figure décrite par Damascius. Des anciens ont cru que cette pierre étoit le dieu Terme : d'autres prétendent que ce mot étoit jadis synonyme à Dieu. (G)


ABAISIRS. m. Quelques Alchimistes se sont servis de ce mot pour signifier spodium. V. SPODIUM. (M)


ABAISSES. f. c'est le nom que les Pâtissiers donnent à la pâte qu'ils ont étendue sous le rouleau, & dont ils font ensuite le fond d'un pâté, d'une tourte, & autres pieces semblables.


ABAISSÉadject. descendu plus bas. Ce terme, suivant Nicod, a pour étymologie , base, fondement.

ABAISSE, en terme de Blason, se dit du vol ou des ailes des aigles, lorsque le bout de leurs ailes est en embas & vers la pointe de l'écu, ou qu'elles sont pliées ; au lieu que leur situation naturelle est d'être ouvertes & déployées, de sorte que les bouts tendent vers les angles ou le chef de l'écu. Voyez VOL.

Le chevron, le pal, la bande, sont aussi dits abaissés, quand la pointe finit au coeur de l'écu ou au-dessous. Voyez CHEVRON, PAL, &c.

On dit aussi qu'une piece est abaissée, lorsqu'elle est au-dessous de sa situation ordinaire. Ainsi les Commandeurs de Malte qui ont des chefs dans leurs armoiries de famille, sont obligés de les abaisser sous celui de la Religion.

François de Boczossel Mongontier, chevalier de l'ordre de Saint Jean de Jérusalem, commandeur de Saint Paul, maréchal de son ordre, & depuis bailli de Lyon. D'or au chef échiqueté d'argent & d'azur de deux tires, abaissé sous un autre chef des armoiries de la Religion de Saint Jean de Jérusalem, de gueules à la croix d'argent. (V)


ABAISSEMENTS. m. (des équations) en Algebre, se dit de la réduction des équations au moindre degré dont elles soient susceptibles. Ainsi l'équation x3 + a x x = b x qui paroît du 3e degré, se réduit ou s'abaisse à une équation du 2d degré x x + a x = b x, en divisant tous les termes par x. De même l'équation x4 + a a x x = a4, qui paroît du 4e degré, se réduit au 2d, en faisant x x = a z ; car elle devient alors a a z z + a3 z = a4, ou z z + a z = a a. Voyez DEGRE, EQUATION, REDUCTION, &c.

ABAISSEMENT du Pole. Autant on fait de chemin en degrés de latitude, en allant du pole vers l'équateur, autant est grand le nombre de degrés dont le pole s'abaisse, parce qu'il devient continuellement plus proche de l'horison. Voyez ÉLEVATION du Pole.

ABAISSEMENT de l'horison visible, est la quantité dont l'horison visible est abaissé au-dessous du plan horisontal qui touche la terre. Pour faire entendre en quoi consiste cet abaissement ; soit C le centre de la terre représentée (Fig. 1. Géog.) par le cercle ou globe B E M. Ayant tiré d'un point quelconque A élevé au-dessus de la surface du globe, les tangentes A B, A E, & la ligne A O C, il est évident qu'un spectateur, dont l'oeil seroit placé au point A, verroit toute la portion B O E de la terre terminée par les points touchans B E ; de sorte que le plan B E est proprement l'horison du spectateur placé en A. Voyez HORISON.

Ce plan est abaissé de la distance O G, au-dessous du plan horisontal F O D, qui touche la terre en O ; & si la distance A O est assez petite par rapport au rayon de la terre, la ligne O G est presque égale à la ligne A O. Donc, si on a la distance A O, ou l'élévation de l'oeil du spectateur, évaluée en piés, on trouvera facilement le sinus verse O G de l'arc O E. Par exemple, soit A O = 5 piés, le sinus verse O G de l'arc O E sera donc de 5 piés, le sinus total ou rayon de la terre étant de 19000000 piés en nombres ronds : ainsi on trouvera que l'arc O E est d'environ deux minutes & demie ; par conséquent l'arc B O E sera de cinq minutes : & comme un degré de la terre est de 25 lieues, il s'ensuit que si la terre étoit parfaitement ronde & unie sans aucunes éminences, un homme de taille ordinaire devroit découvrir à la distance d'environ deux lieues autour de lui, ou une lieue à la ronde : à la hauteur de 20 piés, l'oeil devroit découvrir à 2 lieues à la ronde ; à la hauteur de 45 piés, 3 lieues, &c.

Les montagnes font quelquefois que l'on découvre plus loin ou plus près que les distances précédentes. Par exemple, la montagne N L (Fig. 1. n° 2. Géog.) placée entre A & le point E, fait que le spectateur A ne sauroit voir la partie N E ; & au contraire la montagne P Q, placée au-delà de B, fait que ce même spectateur peut voir les objets terrestres situés audelà de B, & placés sur cette montagne au-dessus du rayon visuel A B.

L'abaissement d'une étoile sous l'horison est mesuré par l'arc de cercle vertical, qui se trouve au-dessous de l'horison, entre cette étoile & l'horison. Voyez ETOILE, VERTICAL. (O)


ABAISSEMENTou ABATEMENT, sub. m. en terme de Blason, est quelque chose d'ajoûté à l'écu, pour en diminuer la valeur & la dignité, en conséquence d'une action deshonorante ou tache infamante dont est flétrie la personne qui le porte. Voyez ARME.

Les auteurs ne conviennent pas tous qu'il y ait effectivement dans le blason de véritables abattemens. Cependant Leigls & Guillaume les supposant réels, en rapportent plusieurs sortes.

Les abattemens, selon le dernier de ces deux auteurs, se font ou par reversion ou par diminution.

La reversion se fait en tournant l'écu le haut en bas, ou en enfermant dans le premier écusson un second écusson renversé.

La diminution, en dégradant une partie par l'addition d'une tache ou d'une marque de diminution, comme une barre, un point dextre, un point champagne, un point plaine, une pointe senestre, & un I gousset. Voyez chacun de ces mots à son article.

Il faut ajoûter qu'en ce cas ces marques doivent être de couleur brune ou tannée ; autrement, au lieu d'être des marques de diminution, c'en seroit d'honneur. Voyez TANNE, BRUN.

L'auteur de la derniere édition de Guillin rejette tout-à-fait ces prétendus abattemens comme des chimeres : il soûtient qu'il n'y en a pas un seul exemple, & qu'une pareille supposition implique contradiction ; que les armes étant des marques de noblesse & d'honneur, insignia nobilitatis & honoris, on n'y sauroit mêler aucune marque infamante, sans qu'elles cessent d'être des armes ; que ce seroit plûtôt des témoignages toujours subsistans du deshonneur de celui qui les porteroit, & que par conséquent on ne demanderoit pas mieux que de supprimer. Il ajoûte que comme l'honneur qu'on tient de ses ancêtres ne peut souffrir aucune diminution, il faut dire la même chose des marques qui servent à en conserver la mémoire ; qu'il les faut laisser sans altération, ou les supprimer tout-à-fait, comme on fait dans le cas du crime de lese-majesté, auquel cas on renverse totalement l'écu pour marque d'une entiere dégradation.

Cependant Colombines & d'autres rapportent quelques exemples contraires à ce sentiment. Mais ces exemples servent seulement de monumens du ressentiment de quelques Princes pour des offenses commises en leur présence, mais ne peuvent pas être tirées à conséquence pour établir un usage ou une pratique constante, & peuvent encore moins autoriser des officiers inférieurs, comme des Hérauts d'armes, à tenir par leurs mains des empreintes de ces armories infamantes.

En un mot les armes étant plûtôt les titres de ceux qui n'existent plus que de ceux qui existent, il semble qu'on ne les peut ni diminuer ni abaisser : ce seroit autant flétrir l'ancêtre que son descendant ; il ne peut donc avoir lieu que par rapport à des armes récemment accordées. S'il arrive que celui qui les a obtenues vive encore, & démente ses premieres actions par celles qui les suivent, l'abaissement se fera par la suppression de quelques caracteres honorans, mais non par l'introduction de signes diffamans. (Y)


ABAISSERABAISSER

ABAISSER est aussi un terme de Géométrie. Abaisser une perpendiculaire d'un point donné hors d'une ligne, c'est tirer de ce point une perpendiculaire sur la ligne. Voyez LIGNE & PERPENDICULAIRE. (O)

ABAISSER, c'est couper, tailler une branche près de la tige d'un arbre. Si on abaissoit entierement un étage de branches, cela s'appelleroit alors ravaler. Voyez RAVALER. (K)

ABAISSER, c'est, en terme de Fauconnerie, ôter quelque chose de la portion du manger de l'oiseau, pour le rendre plus léger & plus avide à la proie.

ABAISSER, marque parmi les Pâtissiers, la façon qu'on donne à la pâte avec un rouleau de bois qui l'applatit, & la rend aussi mince que l'on veut, soit qu'on la destine à être le fond d'un pâté, ou le dessus d'une tourte grasse.


ABAISSEURS. m. pris adj. en Anatomie, est le nom qu'on a donné à différens muscles, dont l'action consiste à abaisser ou à porter en bas les parties auxquelles ils sont attachés. Voyez MUSCLE.

ABAISSEUR de la levre supérieure, est un muscle qu'on appelle aussi constricteur des ailes du nez ou petit incisif. Voyez INCISIF.

ABAISSEUR propre de la levre inférieure ou le quarré, est un muscle placé entre les abaisseurs communs des levres sur la partie appellée le menton. Voyez MENTON.

ABAISSEUR de la machoire inférieure. Voyez DIGASTRIQUE.

ABAISSEUR de l'oeil, est un des quatre muscles de l'oeil qui le meut en bas. Voyez OEIL & DROIT.

* ABAISSEUR des sourcils, empêche les ordures d'entrer dans l'oeil, & lui fournit une défense contre la lumiere trop vive, lorsque par la contraction de ce muscle, les sourcils s'approchent de la paupiere inférieure, & en même tems l'un de l'autre.

ABAISSEUR de la paupiere inférieure ; ils servent à ouvrir l'oeil.


ABAJOURS. m. nom que les Architectes donnent à une espece de fenêtre ou ouverture destinée à éclairer tout étage soûterrain à l'usage des cuisines, offices, caves, &c. On les nomme communément des soûpiraux : elles reçoivent le jour d'enhaut par le moyen de l'embrasement de l'appui qui est en talus ou glacis, avec plus ou moins d'inclinaison, selon que l'épaisseur du mur le peut permettre : elles sont le plus souvent tenues moins hautes que larges. Leurs formes extérieures n'ayant aucun rapport aux proportions de l'architecture, c'est dans ce seul genre de croisées qu'on peut s'en dispenser, quoique quelques Architectes ayent affecté dans l'ordre attique de faire des croisées barlongues, à l'imitation des abajours ; comme on peut le remarquer au château des Tuileries du côté de la grande cour : mais cet exemple est à éviter, n'étant pas raisonnable d'affecter-là une forme de croisée, pour ainsi dire consacrée aux soûpiraux dans les étages supérieurs.

On appelle aussi fenêtres en abajour, le grand vitrail d'une église, d'un grand sallon ou galerie, lorsqu'on est obligé de pratiquer à cette croisée un glacis à la traverse supérieure ou inférieure de son embrasure, pour raccorder l'inégalité de hauteur qui peut se rencontrer entre la décoration intérieure ou extérieure d'un édifice ; tel qu'on le remarque aux Invalides, au vestibule & à la galerie du château de Clagny. (P)


ABALIENATIONS. f. dans le droit Romain, signifie une sorte d'aliénation par laquelle les effets qu'on nommoit res mancipi, étoient transférés à des personnes en droit de les acquérir, ou par une formule qu'on appelloit traditio nexu, ou par une renonciation qu'on faisoit en présence de la Cour. Voyez ALIENATION.

Ce mot est composé de ab, & alienare, aliéner. Les effets qu'on nomme ici res mancipi, & qui étoient l'objet de l'abaliénation, étoient les bestiaux, les esclaves, les terres, & autres possessions dans l'enceinte des territoires de l'Italie. Les personnes en droit de les acquérir étoient les citoyens Romains, les Latins, & quelques étrangers à qui on permettoit spécialement ce commerce. La transaction se faisoit, ou avec la cérémonie des poids, & l'argent à la main, ou bien par un désistement en présence d'un Magistrat. (H)


ABANAriviere de Syrie qui se jette dans la mer de ce nom, après avoir arrosé les murs de Damas du côté du midi, ce qui l'a fait appeller dans l'écriture riviere de Damas.


ABANDONNÉadj. en Droit, se dit de biens auxquels le propriétaire a renoncé sciemment & volontairement, & qu'il ne compte plus au nombre de ses effets.

On appelle aussi abandonnées, les terres dont la mer s'est retirée, qu'elle a laissées à sec, & qu'on peut faire valoir.

ABANDONNE au bras séculier, c'est-à-dire livré par les juges ecclésiastiques à la justice séculiere, pour y être condamné à des peines afflictives que les Tribunaux ecclésiastiques ne sauroient infliger. (H)

ABANDONNE, adj. épithete que donnent les chasseurs à un chien courant qui prend les devans d'une meute, & qui s'abandonne sur la bête quand il la rencontre.


ABANDONNEMENTS. m. en droit, est le délaissement qu'on fait des biens dont on est possesseur, ou volontairement ou forcément. Si c'est à des créanciers qu'on les abandonne, cet abandonnement se nomme cession : si on les abandonne pour se libérer des charges auxquelles on est assujetti en les possédant, il se nomme déguerpissement. Voyez CESSION & DEGUERPISSEMENT.

L'abandonnement qu'un homme fait de tous ses biens le rend quitte envers ses créanciers, sans qu'ils puissent rien prétendre aux biens qu'il pourroit acquérir dans la suite. (H)


ABANDONNERv. a. en Fauconnerie, c'est laisser l'oiseau libre en campagne, ou pour l'égayer, ou pour le congédier lorsqu'il n'est pas bon.

ABANDONNER un cheval, c'est le faire courir de toute sa vîtesse sans lui tenir la bride. Abandonner les étriers, c'est ôter ses piés de dedans. S'abandonner ou abandonner son cheval après quelqu'un, c'est le poursuivre à course de cheval.


ABANGAS. m. c'est le nom que les habitans de l'île de Saint-Thomas donnent au fruit de leur palmier. Ce fruit est de la grosseur d'un citron auquel il ressemble beaucoup d'ailleurs. C. Bauhin dit que les Insulaires en font prendre trois ou quatre pépins par jour à ceux de leurs malades qui ont besoin de pectoraux.


ABANOS. f. petite ville d'Italie dans la république de Venise & le Padoüan. Long. 29. 40. lat. 45. 20.


ABANTÉENSS. m. plur. sont les peuples d'Argos ainsi nommés d'Abas leur roi.


ABANTESS. m. pl. peuples de Thrace, qui passerent en Grece, bâtirent Abée que Xercès ruina, & se retirerent de-là dans l'île de Négrepont, qu'ils nommerent Abantide.


ABANTIDES. f. le Négrepont. V. ABANTES.


ABAPTISTONS. m. c'est le nom que les anciens donnoient à un instrument de Chirurgie, que les écrivains modernes appellent communément trépan. V. TREPAN.


ABAQUE S. m. chez les anciens Mathématiciens signifioit une petite table couverte de poussiere sur laquelle ils traçoient leurs plans & leurs figures, selon le témoignage de Martius Capella, & de Perse. Sat. I. v. 131.

Nec qui abaco numeros & facto in pulvere metas

Scit risisse vafer.

Ce mot semble venir du Phénicien , abak, poussiere ou poudre.

ABAQUE, ou table de Pythagore, abacus Pythagoricus, étoit une table de nombres pour apprendre plus facilement les principes de l'Arithmétique ; cette table fut nommée table de Pythagore, à cause que ce fut lui qui l'inventa.

Il est probable que la table de Pythagore n'étoit autre chose que ce que nous appellons table de multiplication. Voyez TABLE DE PYTHAGORE.

Ludolphe a donné des méthodes pour faire la multiplication sans le secours de l'abaque ou table : mais elles sont trop longues & trop difficiles pour s'en servir dans les opérations ordinaires. Voyez MULTIPLICATION. (O)

ABAQUE. Chez les anciens ce mot signifioit une espece d'armoire ou de buffet destiné à différens usages. Dans un magazin de Négociant il servoit de comptoir ; & dans une salle à manger, il contenoit les amphores & les crateres ; celui-ci étoit ordinairement de marbre, comme il paroît par cet endroit d'Horace :

Et lapis albus
Pocula cum cyatho duo sustinet.

Les Italiens ont nommé ce meuble credenza. Le mot abaque latinisé est > d'origine : abaque signifie de plus panier, corbeille, chapiteau de colonne, base d'une roche, d'une montagne, le diametre du soleil, &c. Quelques-uns prétendent qu'Abaque est composé d'a privatif & de βάσις, fondement ou base, c'est-à-dire qui est, sans pié-d'estal, attaché contre le mur. Mais Guichard remonte plus haut, il dérive le mot ἄβαξ de l'Hebreu , extolli, être élevé ; & il suppose qu'il signifioit d'abord une planche ou une tablette, ou quelqu'autre meuble semblable appliqué contre le mur. Tite-Live & Salluste parlant du luxe des Romains, après la conquête de l'Asie, leur reprochent pour ces buffets inconnus à leurs bons ayeux un goût qui alloit jusqu'à en faire fabriquer de bois le plus précieux, qu'on revêtoit de lames d'or.

* L'abaque d'usage pour les comptes & les calculs étoit une espece de quadre long & divisé par plusieurs cordes d'airain paralleles qui enfiloient chacune une égale quantité de petites boules d'ivoire ou de bois mobiles comme des grains de chapelet, par la disposition desquelles, & suivant le rapport que les inférieures avoient avec les supérieures, on distribuoit les nombres en diverses classes, & l'on faisoit toute sorte de calculs. Cette tablette arithmétique à l'usage des Grecs ne fut pas inconnue aux Romains. On la trouve décrite d'après quelques monumens antiques par Fulvius Ursinus & Ciaconius : mais comme l'usage en étoit un peu difficile, celui de compter avec les jettons prévalut. A la Chine & dans quelques cantons de l'Asie, les Négocians comptent encore avec de petites boules d'ivoire ou d'ébene enfilées dans un fil de léton qu'ils portent accroché à leur ceinture. (G)

* ABAQUE. Le grand abaque est encore une espece d'auge dont on se sert dans les mines pour laver l'or.

ABAQUE, c'est, dit Harris, & disent d'après Harris les auteurs de Trévoux, la partie supérieure ou le couronnement du chapiteau de la colonne. L'abaque est quarré au Toscan, au Dorique, & à l'Ionique antique, & échancré sur ses faces aux chapiteaux Corinthien & Composite. Dans ces deux ordres, ses angles s'appellent cornes, le milieu s'appelle balai, & la courbure s'appelle arc, & a communément une rose au milieu. Les ouvriers, ajoûtent Mauclerc & Harris, appellent aussi abaque un ornement Gothique avec un filet ou un chapelet de la moitié de la largeur de l'ornement, & l'on nomme ce filet, le filet ou le chapelet de l'abaque. Dans l'ordre Corinthien, l'abaque est la septieme partie du chapiteau. Andrea Palladio nomme abaque la plinthe qui est autour du quart-de-rond appellé échime ; l'abaque se nomme encore tailloir. Scamozzi donne aussi le nom d'abaque à une moulure en creux, qui forme le chapiteau du pié-d'estal de l'ordre Toscan. Voyez HARRIS, premiere & seconde partie.


ABARANERS. petite ville dans la grande Arménie. Long. 64. lat. 39. 50.


ABAREMO-TEMOS. m. arbre qui croît, dit-on, dans les montagnes du Brésil. Ses racines sont d'un rouge foncé, & son écorce est cendrée, amere au goût, & donne une décoction propre à déterger les ulceres invétérés. Sa substance a la même propriété. Il ne reste plus qu'à s'assûrer de l'existence de l'arbre & de ses propriétés. Voilà toûjours son nom.


ABARESrestes de la nation des Huns qui se répandirent dans la Thuringe sous Sigebert. Voyez la description effrayante qu'en fait le Dictionnaire de Trévoux.


ABARIAbaro, Abarum, s. m. grand arbre d'Ethiopie, qui porte un fruit semblable à la citrouille. Voilà tout ce qu'on en sait, & c'est presqu'en être réduit à un mot. (I)


ABARIMmontagne de l'Arabie d'où Moyse vit la terre promise ; elle étoit à l'orient du Jourdain, vis-à-vis Jéricho, dans le pays des Moabites.


ABARNAHASterme qu'on trouve dans quelques Alchimistes, & surtout dans le Theatrum chimicum de Servien Zadith. Il ne paroît pas qu'on soit encore bien assûré de l'idée qu'il y attachoit. Chambers dit qu'il entendoit par Abarnahas, la même chose que par plena luna, & par plena luna, la même chose que par magnesia, & par magnesia, la pierre philosophale. Voilà bien des mots pour rien.


ABARObourg ou petite ville de Syrie dans l'Antiliban.


ABASS. m. poids en usage en Perse pour peser les perles. Il est de trois grains & demi, un peu moins forts que ceux du poids de marc.


ABASCIEcontrée de la Georgie dans l'Asie. Long. 56. 60. lat. 43. 45.


ABASSou ABASCE, habitans de l'Abascie. Voyez ABASCIE.


ABASTER(Métamorph.) l'un des trois chevaux du char de Pluton ; c'est le noir. V. METHEUS & NONIUS.


ABAT CHAUVÉES. f. sorte de laine de qualité subalterne à laquelle on donne ce nom dans l'Angoumois, la Xaintonge, la Marche & le Limosin.


ABATAGES. m. on dit dans un chantier & sur un attelier faire un abatage d'une ou plusieurs pierres, lorsque l'on veut les coucher de leur lit sur leurs joints pour en faire les paremens ; ce qui s'exécute, lorsque ces pierres sont d'une moyenne grosseur, avec un boulin & des moilons : mais lorsqu'elles sont d'une certaine étendue, on se sert de leviers, de cordages, & de coins, &c. (P)

ABATAGE, sixieme manoeuvre du Faiseur de bas au métier. Elle consiste dans un mouvement assez léger : l'ouvrier tire à lui horisontalement la barre à poignée ; & par ce mouvement il fait avancer les ventres des platines jusqu'entre les têtes des aiguilles, & même un peu au-delà. Alors l'ouvrage paroît tomber, mais il est toûjours soûtenu par les aiguilles ; la maille est seulement achevée. Voyez la Planche seconde du Faiseur de bas au métier, fig. 2. 5. & 6. Dans la cinquieme manoeuvre, la presse est sur les becs des aiguilles, & la soie est amenée sur leurs extrémités, comme on voit dans les fig. 1. 3. 4. mais dans l'abatage la presse est relevée, les ventres B des platines (fig. 2.) ont fait tomber au-delà des têtes des aiguilles la soie qui n'étoit que sur leurs extrémités, comme on voit (fig. 2. 5. 6.) On voit (fig. 2.) les ventres B C des platines avancés entre les têtes des aiguilles. On voit (fig. 5.) l'ouvrage 3. 4. abattu ; & on voit (fig. 6.) l'ouvrage abattu & soûtenu par les aiguilles, avec les mailles formées, 5, 6. Voyez l'article BAS AU METIER.

ABATAGE, terme de Charpentier. Quand on a une piece de bois à lever, on pousse le bout d'un levier sous cette piece, on place un coin à un pié ou environ de ce bout ; on conçoit que plus le coin est voisin du bout du levier qui est sous la piece à lever, plus l'autre extrémité du levier doit être élevée, & que plus cette extrémité est élevée, plus l'effet du levier sera considérable. On attache une corde à cette extrémité élevée du levier ; les ouvriers tirent tous à cette corde : à mesure qu'ils font baisser cette extrémité du levier à laquelle leur force est appliquée, l'extrémité qui est sous la piece s'éleve, & avec elle la piece de bois. Voilà ce qu'on appelle en charpenterie, faire un abatage.


ABATANTS. m. c'est un chassis de croisée, ou un volet ferré par le haut, qui se leve au plancher, en s'ouvrant par le moyen d'une corde passée dans une poulie. On s'en sert dans le haut des fermetures de boutiques : les marchands d'étoffes en font toûjours usage dans leurs magasins ; ils n'ont par ce moyen de jour, que ce qu'il en faut pour faire valoir les couleurs de leurs étoffes, en n'ouvrant l'abatant qu'autant qu'il est à propos. (P)

ABATANT, (Métier à faire des bas.) On donne ce nom aux deux parties (85, 96) (85, 96) semblables & semblablement placées du Bas au métier, Planche 6. fig. 2. Il faut y distinguer plusieurs parties ; on voit sur leur face antérieure une piece 94, 94, qu'on appelle garde platine ; sur leur face postérieure une piece 95, 95, qu'on appelle le crochet du dedans de l'abatant : & sous leur partie inférieure une piece 96, 96, qu'on appelle le crochet de dessous des abatans. Il n'y a pas une de ces pieces qui n'ait son usage, relatif à son lieu & à sa configuration. Voyez pour vous en convaincre, l'article BAS AU METIER. L'extrémité supérieure des abatans 85, 85, s'assemble & s'ajuste dans la charniere des épaulieres, comme on voit aisément dans la figure premiere de la même Planche.


ABATÉou ABBATÉE, s. f. on se sert de ce terme pour exprimer le mouvement d'un vaisseau en panne, qui arrive de lui-même jusqu'à un certain point, pour revenir ensuite au vent. Voyez PANNE & ARRIVER. (Z)


ABATELEMENTS. m. terme de commerce usité parmi les François dans les échelles du Levant. Il signifie une sentence du Conseil portant interdiction de commerce contre les marchands & négocians de la Nation qui désavouent leurs marchés, ou qui refusent de payer leurs dettes. Cette interdiction est si rigide, qu'il n'est pas même permis à ceux contre qui elle est prononcée d'intenter aucune action pour le payement de leurs dettes, jusqu'à ce qu'ils ayent satisfait au jugement du Conseil, & fait lever l'abatelement en payant & exécutant ce qui y est contenu. Dictionn. du Commerce, tome I. page 548. (G)


ABATEMENTS. m. état de foiblesse dans lequel se trouvent les personnes qui ont été malades, ou celles qui sont menacées de maladie. Dans les personnes revenues de maladie, l'abatement par lui-même n'annonce aucune suite fâcheuse : mais c'est, selon Hippocrate, un mauvais symptome dans les personnes malades, quand il n'est occasionné par aucune évacuation ; & dans les personnes en santé, quand il ne provient ni d'exercice, ni de chagrin, ni d'aucune autre cause de la même évidence. (N)


ABATISS. m. Les Carriers appellent ainsi les pierres qu'ils ont abattues dans une carriere, soit la bonne pour bâtir, ou celle qui est propre à faire du moilon. Ce mot se dit aussi de la démolition & des décombres d'un bâtiment. (P)

ABATIS, c'est dans l'Art militaire une quantité de grands arbres que l'on abat & que l'on entasse les uns sur les autres pour empêcher l'ennemi de pénétrer dans des retranchemens ou dans quelque autre lieu. On étend ces arbres tout de leur long le pié en dedans ; on les attache ferme les uns contre les autres, & si près, que leurs branches s'entrelassent ou s'embrassent réciproquement.

On se sert de cette espece de retranchement pour boucher des défilés & pour se couvrir dans les passages des rivieres. Il est important d'avoir quelque fortification à la tête du passage, pour qu'il ne soit point insulté par l'ennemi ; il n'y a point d'obstacles plus redoutables à lui opposer que les abatis. On se trouve à couvert de ses coups derriere les branches, & il est impossible aux ennemis de les aborder & de joindre ceux qui les défendent, & qui voyent à travers les branches sans être vûs.

On se sert encore d'abatis pour mettre des postes d'infanterie dans les bois & les villages à l'abri d'être emportés par l'ennemi ; dans les circonvallations & les lignes on s'en sert pour former la partie de ces ouvrages qui occupe les bois & les autres lieux qui fournissent cette fortification. (Q)

ABATIS, se dit de la coupe d'un bois ou d'une forêt, laquelle se doit faire suivant les Ordonnances. Plusieurs observent que l'abatis se fasse en décours de lune, parce que avant ce tems-là, le bois deviendroit vermoulu. C'est l'opinion la plus commune, & elle n'est peut-être pas plus certaine que celle de ne semer qu'en pleine lune & de ne greffer qu'en décours.

ABATIS se dit de l'action d'un chasseur qui tue beaucoup de gibier ; c'est aussi le nom qu'on donne aux petits chemins que les jeunes loups se font en allant & venant au lieu où ils sont nourris ; & quand les vieux loups ont tué des bêtes, on dit, les loups ont fait cette nuit un grand abatis.

ABATIS. On entend par ce mot la tête, les pattes, les ailerons, le foie, & une partie des entrailles d'une oie, d'un dindon, chapon & autre volaille.

Les Cuisiniers font un grand usage des abatis, & les font servir bouillis, à l'étuvé, en ragoût, en pâté, &c.

* ABATIS, lieu où les Bouchers tuent leurs bestiaux. Voyez TUERIE.

* ABATIS, dans les tanneries, chamoiseries, &c. On appelle cuirs d'abatis, les cuirs encore en poil, & tels qu'ils viennent de la boucherie.


ABATONS. m. c'est le nom que donnerent les Rhodiens à un grand édifice qu'ils construisirent pour masquer deux Statues de bronze que la Reine Artemise avoit élevées dans leur ville en mémoire de son triomphe sur eux. Vitruve, Livre II. p. 48. (P)


ABATOSS. isle d'Egypte dans le Palus de Memphis.


ABATTREv. a. Abattre une maison, un mur, un plancher, &c. Voyez DEMOLIR. (P)

ABATTRE, arriver, dériver, obéir au vent, lorsqu'un vaisseau est sous voile. Ces termes se prennent en différens sens. On dit qu'un vaisseau abat, quand il est détourné de sa route par la force des courans, par les vagues & par les marées.

Faire abattre un vaisseau, c'est le faire obéir au vent lorsqu'il est sous les voiles, ou qu'il présente trop le devant au lieu d'où vient le vent ; ce qui s'exécute par le jeu du gouvernail, dont le mouvement doit être secondé par une façon de porter ou d'orienter les voiles.

On dit que le vaisseau abat, lorsque l'ancre a quitté le fond, & que le vaisseau arrive ou obéit au vent. Voyez ARRIVER.

Abattre un vaisseau, c'est le mettre sur le côté pour travailler à la carene, ou à quelqu'endroit qu'il faut mettre hors de l'eau, pour qu'on puisse le radouber. Voyez CARENE, RADOUB. (Z)

ABATTRE un cheval, c'est le faire tomber sur le côté par le moyen de certains cordages appellés entraves & lacs. On l'abat ordinairement pour lui faire quelque opération de Chirurgie, ou même pour le ferrer lorsqu'il est trop difficile.

Abattre l'eau : c'est essuyer le corps d'un cheval qui vient de sortir de l'eau, ou qui est en sueur ; ce qui se fait par le moyen de la main, ou du couteau de chaleur.

S'abattre, se dit plus communément des chevaux de tirage qui tombent en tirant une voiture. (V)

ABATTRE l'oiseau, c'est le tenir & le serrer entre deux mains pour lui donner quelques médicamens. On dit, il faut abattre l'oiseau.

ABATTRE, sixieme manoeuvre du Faiseur de bas au métier. Voyez ABATAGE. Voyez aussi BAS AU METIER.

ABATTRE, terme de Chapelier, c'est applatir sur un bassin chaud le dessus de la forme & les bords d'un chapeau, après lui avoir donné l'apprêt, & l'avoir bien fait sécher ; pour cet effet il faut que le bassin soit couvert de toile & de papier, qu'on arrose avec un goupillon.

ABATTRE du bois au trictrac ; c'est étaler beaucoup de dames de dessus le premier tas, pour faire plus facilement des cases dans le courant du jeu. V. CASE.


ABATTUES. f. On entend à Moyenvic & dans les autres Salines de Franche-Comté par une abattue, le travail continu d'une poële, depuis le moment où on la met en feu, jusqu'à celui où on la laisse reposer. A Moyenvic chaque abattue est composée de dix-huit tours, & chaque tour de vingt-quatre heures. Mais comme on laisse six jours d'intervalle entre chaque abattue, il ne se fait à Moyenvic qu'environ vingt abattues par an. La poële s'évalue à deux cens quarante muids par abattue. Son produit annuel seroit donc de 4800 muids, si quelques causes particulieres, qu'on exposera à l'article SALINE, ne réduisoient l'abattue d'une poële à 220 muids, & par conséquent son produit annuel à 4400 muids : surquoi déduisant le déchet à raison de 7 à 8 pour %, on peut assûrer qu'une Saline, telle que celle de Moyenvic, qui travaille à trois poëles bien soutenues, fabriquera par an douze mille trois à quatre cens muids de sel. V. SALINE.


ABATTURESS. f. pl. ce sont les traces & foulures que laisse sur l'herbe, dans les brossailles, ou dans les taillis, la bête fauve en passant : on connoît le cerf par ses abattures.


ABAVENTSS. m. plur. ce sont de petits auvents au-dehors des tours & clochers dans les tableaux des ouvertures, faits de chassis de charpente, couverts d'ardoise ou de plomb, qui servent à empêcher que le son des cloches ne se dissipe en l'air, & à le renvoyer en bas, dit Vignole après Daviler. Ils garantissent aussi le béfroi de charpente de la pluie qui entreroit par les ouvertures. (P)


ABAWIWARS. m. Château & contrée de la haute Hongrie.


ABAYANCES. f. Attente ou espérance, fondée sur un jugement à venir.


ABAZÉES. f. Voyez SABASIE.


ABBAV. la signification d'AB chez les Hébreux.


ABBAASIS. m. monnoie d'argent de Perse. Schah-Abas, deuxieme Roi de Perse, ordonna la fabrication de pieces d'argent, nommées abbaasi. La légende est relative à l'Alcoran, & les empreintes au nom de ce Roi, & à la ville où cette sorte d'espece a été fabriquée.

Un abbaasi vaut deux mamoudis ou quatre chayés. Le chayé vaut un peu plus de quatre sous six deniers de France. Ainsi l'abbaasi vaut, monnoie de France, dix-huit sols & quelques deniers, comme quatre à cinq deniers.

Il y a des doubles abbaasi, des triples & des quadruples : mais ces derniers sont rares.

Comme les abbaasi sont sujets à être altérés, il est bon de les peser ; c'est pourquoi les payemens en cette espece de monnoie se font au poids, & non pas au nombre de pieces. (G)


ABBAYES. f. Monastere ou Maison Religieuse, gouvernée par un Supérieur, qui prend le titre d'Abbé ou d'Abbesse. Voyez ABBE, &c.

Les Abbayes different des Prieurés en ce qu'elles sont sous la direction d'un Abbé ; au lieu que les Prieurés sont sous la direction d'un Prieur : mais l'Abbé & le Prieur (nous entendons l'Abbé Conventuel) sont au fond la même chose, & ne different que de nom. Voyez PRIEUR.

Fauchet observe que dans le commencement de la Monarchie Françoise, les Ducs & les Comtes s'appelloient Abbés, & les Duchés & Comtés, Abbayes. Plusieurs personnes de la premiere distinction, sans être en aucune sorte engagées dans l'état Monastique, prenoient la même qualité. Il y a même quelques Rois de France qui sont traités d'Abbés dans l'Histoire. Philippe. I. Louis VII. & ensuite les Ducs d'Orléans, prirent le titre d'Abbés du Monastere de S. Agnan. Les Ducs d'Aquitaine sont appellés Abbés du Monastere de S. Hilaire de Poitiers, & les Comtes d'Anjou, de celui de S. Aubin, &c. mais c'est qu'ils possédoient en effet ces Abbayes, quoique laïques. Voyez ABBE.

ABBAYE se prend aussi pour le bénéfice même, & le revenu dont joüit l'Abbé.

Le tiers des meilleurs Bénéfices d'Angleterre étoit anciennement, par la concession des Papes, approprié aux Abbayes & autres Maisons Religieuses : mais sous Henri VIII. ils furent abolis, & devinrent des Fiefs séculiers. 190 de ces Bénéfices abolis, rapportoient annuellement entre 200 l. & 35000 l. ce qui, en prenant le milieu, se monte à 2853000 l. par an.

Les Abbayes de France sont toutes à la nomination du Roi, à l'exception d'un petit nombre ; savoir, parmi les Abbayes d'Hommes, celles qui sont Chefs d'Ordre, comme Cluny, Cîteaux avec ses quatre Filles, &c. & quelques autres de l'Ordre de Saint-Benoît, & de celui des Prémontrés : & parmi les Abbayes de Filles, celles de Sainte-Claire, où les Religieuses, en vertu de leur Regle, élisent leur Abbesse tous les trois ans. On peut joindre à ces dernieres celles de l'Ordre de Saint-Augustin, qui ont conservé l'usage d'élire leur Abbesse à vie, comme les Chanoinesses de S. Cernin à Toulouse.

C'est en vertu du Concordat entre Léon X. & François I. que les Rois de France ont la nomination aux Abbayes de leur Royaume. (H)


ABBÉS. m. Supérieur d'un Monastere de Religieux, érigé en Abbaye ou Prélature. Voyez ABBAYE & ABBESSE.

Le nom d'Abbé tire son origine du mot Hébreu , qui signifie pere ; d'où les Chaldéens & les Syriens ont formé abba : de là les Grecs abbas, que les Latins ont retenu. D'abbas vient en François le nom d'Abbé, &c. S. Marc & S. Paul, dans leur Texte grec, se servent du Syriaque abba, parce que c'étoit un mot communément connu dans les Synagogues & dans les premieres assemblées des Chrétiens. Ils y ajoûtent en forme d'interprétation, le nom de pere, abba, Ὁ Πατὴρ, abba, pere, comme s'ils disoient, abba, c'est-à-dire, pere. Mais ce nom ab & abba, qui d'abord étoit un terme de tendresse & d'affection en Hébreu & en Chaldéen, devint ensuite un titre de dignité & d'honneur. Les Docteurs Juifs l'affectoient ; & un de leurs plus anciens Livres, qui contient les Apophthegmes, ou sentences de plusieurs d'entre eux, est intitulé Pirke abbot, ou avot ; c'est-à-dire, Chapitre des Peres. C'est par allusion à cette affectation que J. C. défendit à ses Disciples d'appeller pere aucun homme sur la terre : & S. Jerôme applique cette défense aux Supérieurs des Monasteres de son tems, qui prenoient le titre d'Abbé ou de Pere.

Le nom d'Abbé par conséquent paroît aussi ancien que l'Institution des Moines eux-mêmes. Les Directeurs des premiers Monasteres prenoient indifféremment les titres d'Abbés ou d'Archimandrites. Voyez MOINE & ARCHIMANDRITE.

Les anciens Abbés étoient des Moines qui avoient établi des Monasteres ou Communautés, qu'ils gouvernoient comme S. Antoine & S. Pacôme ; ou qui avoient été préposés par les Instituteurs de la vie monastique pour gouverner une Communauté nombreuse, résidente ailleurs que dans le chef-lieu de l'Ordre ; ou enfin, qui étoient choisis par les Moines mêmes d'un Monastere, qui se soûmettoient à l'autorité d'un seul. Ces Abbés & leurs Monasteres, suivant la disposition du Concile de Chalcédoine, étoient soûmis aux Evêques, tant en Orient qu'en Occident. A l'égard de l'Orient, le quatrieme Canon de ce Concile en fait une loi ; & en Occident, le 21e Canon du premier Concile d'Orléans, le 19 du Concile d'Epaune, le 22 du II. Concile d'Orléans, & les Capitulaires de Charlemagne, en avoient reglé l'usage, surtout en France. Depuis ce tems-là quelques Abbés ont obtenu des exemptions des Ordinaires pour eux & pour leurs Abbayes, comme les Monasteres de Lérins, d'Agaune, & de Luxeuil. Ce privilége leur étoit accordé du consentement des Evêques, à la priere des Rois & des Fondateurs. Les Abbes néanmoins étoient bénis par les Evêques, & ont eu souvent séance dans les Conciles après eux : quelques-uns ont obtenu la permission de porter la Crosse & la Mitre ; d'autres de donner la Tonsure & les Ordres mineurs. Innocent VIII. a même accordé à l'Abbé de Cîteaux le pouvoir d'ordonner des Diacres & des Soûdiacres, & de faire diverses Bénédictions, comme celles des Abbesses, des Autels, & des Vases sacrés.

Mais le gouvernement des Abbés a été différent, selon les différentes especes de Religieux. Parmi les anciens Moines d'Egypte, quelque grande que fût l'autorité des Abbés, leur premiere supériorité étoit celle du bon exemple & des vertus : ni eux ni leurs inférieurs n'étoient Prêtres, & ils étoient parfaitement soûmis aux Evêques. En Occident, suivant la Regle de Saint Benoît, chaque Monastere étoit gouverné par un Abbé, qui étoit le Directeur de tous ses Moines pour le spirituel & pour la conduite intérieure. Il disposoit aussi de tout le temporel, mais comme un bon pere de famille ; les Moines le choisissoient d'entre eux, & l'Evêque diocésain l'ordonnoit Abbé par une Bénédiction solemnelle : cérémonie formée à l'imitation de la Consécration des Evêques. Les Abbés étoient souvent ordonnés Prêtres, mais non pas toûjours. L'Abbé assembloit les Moines pour leur demander leur avis dans toutes les rencontres importantes, mais il étoit le maître de la décision ; il pouvoit établir un Prevôt pour le soulager dans le gouvernement ; & si la Communauté étoit nombreuse, il mettoit des Doyens pour avoir soin chacun de dix Religieux, comme le marque le mot Decanus. Au reste, l'Abbé vivoit comme un autre Moine, excepté qu'il étoit chargé de tout le soin de la Maison, & qu'il avoit sa Mense, c'est-à-dire, sa table à part pour y recevoir les hôtes ; ce devoir ayant été un des principaux motifs de la fondation des Abbayes.

Ils étoient réellement distingués du Clergé, quoique souvent confondus avec les Ecclésiastiques, à cause de leur degré au-dessus des Laïques. S. Jerôme écrivant à Héliodore, dit expressement : alia Monachorum est causa, alia Clericorum. Voyez CLERGE, PRETRES, &c.

Dans ces premiers tems, les Abbés étoient soûmis aux Evêques & aux Pasteurs ordinaires. Leurs Monasteres étant éloignés des Villes, & bâtis dans les solitudes les plus reculées, ils n'avoient aucune part dans les affaires ecclésiastiques, ils alloient les Dimanches aux Eglises Paroissiales avec le reste du peuple ; ou s'ils étoient trop éloignés, on leur envoyoit un Prêtre pour leur administrer les Sacremens : enfin on leur permit d'avoir des Prêtres de leur propre corps. L'Abbé lui-même, ou l'Archimandrite, étoit ordinairement Prêtre : mais ses fonctions ne s'étendoient qu'à l'assistance spirituelle de son Monastere, & il demeuroit toûjours soûmis à son Evêque.

Comme il y avoit parmi les Abbés plusieurs Personnes savantes, ils s'opposerent vigoureusement aux hérésies qui s'éleverent de leur tems ; ce qui donna occasion aux Evêques de les appeller de leurs deserts, & de les établir d'abord aux environs des Faubourgs des Villes, & ensuite dans les Villes mêmes. C'est de ce tems que l'on doit dater l'époque de leur relâchement. Ainsi les Abbés étant bientôt déchus de leur premiere simplicité, ils commencerent à être regardés comme une espece de petits Prélats. Ensuite, ils affecterent l'indépendance de leurs Evêques, & devinrent si insupportables, que l'on fit contre eux des lois fort séveres au Concile de Chalcédoine & autres, dont on a parlé.

L'Ordre de Cluny, pour établir l'uniformité, ne voulut avoir qu'un seul Abbé. Toutes les Maisons qui en dépendoient, n'eurent que des Prieurs, quelques grandes qu'elles fussent, & cette forme de gouvernement a subsisté jusqu'à présent. Les Fondateurs de Cîteaux crurent que le relâchement de Cluny venoit en partie de l'autorité absolue des Abbés : pour y remédier, ils donnerent des Abbés à tous les nouveaux Monasteres qu'ils fonderent, & voulurent qu'ils s'assemblassent tous les ans en Chapitre général, pour voir s'ils étoient uniformes & fideles à observer la Regle. Ils conserverent une grande autorité à Cîteaux sur ses quatre premieres Filles, & à chacune d'elles sur les Monasteres de sa filiation ; ensorte que l'Abbé d'une mere Eglise présidât à l'élection des Abbés des Filles, & qu'il pût avec le conseil de quelques Abbés, les destituer s'ils le méritoient.

Les Chanoines Réguliers suivirent à peu près le gouvernement des Moines, & eurent des Abbés dans leurs principales Maisons, de l'élection desquels ils demeurerent en possession jusqu'au Concordat de l'an 1516, qui transporta au Roi de France le droit des élections pour les Monasteres, aussi-bien que pour les Evêchés. On a pourtant conservé l'élection aux Monasteres qui sont Chefs-d'Ordre, comme Cluny, Cîteaux & ses quatre Filles, Prémontré, Grammont, & quelques autres ; ce qui est regardé comme un privilége, quoiqu'en effet ce soit un reste du Droit commun.

Les biens des Monasteres étant devenus considérables, exciterent la cupidité des Séculiers pour les envahir. Dès le V. siecle en Italie & en France, les Rois s'en emparerent, ou en gratifierent leurs Officiers & leurs Courtisans. En vain les Papes & les Evêques s'y opposerent-ils. Cette licence dura jusqu'au regne de Dagobert, qui fut plus favorable à l'Eglise : mais elle recommença sous Charles Martel, pendant le regne duquel les Laïques se mirent en possession d'une partie des biens des Monasteres, & prirent même le titre d'Abbés. Pepin & Charlemagne réformerent une partie de ces abus, mais ne les détruisirent pas entierement, puisque les Princes leurs successeurs donnoient eux-mêmes les revenus des Monasteres à leurs Officiers, à titre de récompense pour leurs services, d'où est venu le nom de Bénéfice, & peut-être l'ancien mot, Beneficium propter officium ; quoiqu'on l'entende aujourd'hui dans un sens très-différent, & qui est le seul vrai, savoir des services rendus à l'Eglise. Charles le Chauve fit des lois pour modérer cet usage, qui ne laissa pas de subsister sous ses successeurs. Les Rois Philippe I. & Louis VI. & ensuite les Ducs d'Orléans, sont appellés Abbés du Monastere de S. Aignan d'Orléans. Les Ducs d'Aquitaine prirent le titre d'Abbés de S. Hilaire de Poitiers. Les Comtes d'Anjou, celui d'Abbés de S. Aubin ; & les Comtes de Vermandois, celui d'Abbés de S. Quentin. Cette coûtume cessa pourtant sous les premiers Rois de la troisieme race ; le Clergé s'opposant à ces innovations, & rentrant de tems en tems dans ses droits.

Mais quoiqu'on n'abandonnât plus les revenus des Abbayes aux Laïques, il s'introduisit, surtout pendant le schisme d'Occident, une autre coûtume, moins éloignée en général de l'esprit de l'Eglise, mais également contraire au droit des Réguliers. Ce fut de les donner en commende à des Clercs séculiers ; & les Papes eux-mêmes furent les premiers à en accorder, toûjours pour de bonnes intentions, mais qui manquerent souvent d'être remplies. Enfin par le Concordat entre Léon X. & François I. la nomination des Abbayes en France fut dévolue au Roi, à l'exception d'un très-petit nombre, ensorte que maintenant presque toutes sont en commende.

Malgré les Reglemens des Conciles dont nous avons parlé, les Abbés, surtout en Occident, prirent le titre de Seigneur, & des marques de l'Episcopat, comme la Mitre. C'est ce qui donna l'origine à plusieurs nouvelles especes d'Abbés ; savoir aux Abbés mitrés, crossés, & non crossés ; aux Abbés oecuméniques, aux Abbés Cardinaux, &c.

Les Abbés mitrés sont ceux qui ont le privilége de porter la Mitre, & qui ont en même tems une autorité pleinement épiscopale dans leurs divers territoires. En Angleterre on les appelloit aussi Abbés souverains & Abbés généraux, & ils étoient Lords du Parlement. Selon le Sr Edouard Coke, il y en avoit en Angleterre vingt-sept de cette sorte, sans compter deux Prieurs mitrés. Voyez PRIEUR. Les autres qui n'étoient point mitrés, étoient soûmis à l'Evêque diocésain.

Le Pere Hay, Moine Bénédictin, dans son Livre intitulé Astrum inextinctum, soûtient que les Abbés de son Ordre ont non-seulement une Jurisdiction (comme) épiscopale, mais même une Jurisdiction (comme) papale, potestatem quasi episcopalem, imo quasi papalem ; & qu'en cette qualité ils peuvent conférer les Ordres inférieurs de Diacres & de Soûdiacres. Voyez ORDINATION.

Lorsque les Abbés commencerent à porter la Mitre, les Evêques se plaignirent amerement que leurs priviléges étoient envahis par des Moines : ils étoient principalement choqués de ce que dans les Conciles & dans les Synodes, il n'y avoit aucune distinction entre eux. C'est à cette occasion que le Pape Clément IV. ordonna que les Abbés porteroient seulement la Mitre brodée en or, & qu'ils laisseroient les pierres précieuses aux Evêques. Voyez MITRE.

Les Abbés crossés sont ceux qui portent les Crosses ou le Bâton pastoral. Voyez CROSSE.

Il y en a quelques-uns qui sont crossés & non mitrés, comme l'Abbé d'une Abbaye de Bénédictins à Bourges ; & d'autres qui sont l'un & l'autre.

Parmi les Grecs il y a des Abbés qui prennent même la qualité d'Abbés oecuméniques, ou d'Abbés universels, à l'imitation des Patriarches de Constantinople. Voyez OECUMENIQUE.

Les Latins n'ont pas été de beaucoup inférieurs aux Grecs à cet égard. L'Abbé de Cluny dans un Concile tenu à Rome, prend le titre d'Abbas Abbatum, Abbé des Abbés : & le Pape Calixte donne au même Abbé le titre d'Abbé Cardinal. Voyez CLUNY. (L'Abbé de la Trinité de Vendôme se qualifie aussi Cardinal Abbé.) pour ne rien dire des autres Abbés Cardinaux, ainsi appellés, de ce qu'ils étoient les principaux Abbés des Monasteres, qui dans la suite vinrent à être sépars.

Les Abbés Cardinaux qui sont séculiers, ou qui ne sont point Chefs-d'Ordre, n'ont point de jurisdiction sur les Religieux, ni d'autorité dans l'intérieur des Monasteres.

Les Abbés aujourd'hui se divisent principalement en Abbés Réguliers (ou Titulaires), & en Abbés Commendataires.

Les Abbés Réguliers sont de véritables Moines ou Religieux, qui ont fait les voeux & portent l'habit de l'Ordre. Voyez REGULIER, RELIGIEUX, VOEUX, &c.

Tous les Abbés sont présumés être tels, les Canons défendant expressément qu'aucun autre qu'un Moine ait le commandement sur les Moines : mais dans le fait il en est bien autrement.

En France les Abbés Réguliers n'ont la jurisdiction sur leurs Moines que pour la correction Monachale concernant la Regle. S'il est question d'autre excès non concernant la Regle, ce n'est point à l'Abbé, mais à l'Evêque d'en connoître ; & quand ce sont des excès privilégiés, comme s'il y a port d'armes, ce n'est ni à l'Abbé, ni à l'Evêque, mais au Juge Royal d'en connoître.

Les Abbés Commendataires, ou les Abbés en Commende, sont des Séculiers qui ont été auparavant tonsurés. Ils sont obligés par leurs Bulles de prendre les Ordres quand ils seront en âge. Voyez SECULIER, TONSURE, &c.

Quoique le terme de Commende insinue qu'ils ont seulement pour un tems l'administration de leurs Abbayes, ils ne laissent pas d'en jouir toute leur vie, & d'en percevoir toûjours les fruits aussi-bien que les Abbés Réguliers.

Les Bulles leur donnent un plein pouvoir, tam in spiritualibus quam in temporalibus : mais dans la réalité les Abbés Commendataires n'exercent aucune fonction spirituelle envers leurs Moines, & n'ont sur eux aucune Jurisdiction : ainsi cette expression in spiritualibus, n'est que de style dans la Cour de Rome, & n'emporte avec elle rien de réel.

Quelques Canonistes mettent les Abbayes en Commende au nombre des Bénéfices, inter titulos Beneficiorum : mais elles ne sont réellement qu'un titre canonique, ou une provision pour joüir des fruits d'un Bénéfice ; & comme de telles provisions sont contraires aux anciens Canons, il n'y a que le Pape qui puisse les accorder en dispensant du Droit ancien. Voyez COMMENDE, BENEFICE, &c.

Comme l'Histoire d'Angleterre parle très-peu de ces Abbés Commendataires, il est probable qu'ils n'y furent jamais communs : ce qui a donné lieu à quelques Auteurs de cette Nation de se méprendre, en prenant tous les Abbés pour des Moines. Nous en avons un exemple remarquable dans la dispute touchant l'Inventeur des Lignes, pour transformer les Figures géométriques, appellées par les François les Lignes Robervalliennes. Le Docteur Gregory dans les Transactions philosophiques, année 1694, tourne en ridicule l'Abbé Gallois, Abbé Commendataire de l'Abbaye de S. Martin de Cores ; & le prenant pour un Moine : " Le bon Pere, dit-il, s'imagine que nous sommes revenus à ces tems fabuleux, où il étoit permis à un Moine de dire ce qu'il vouloit ".

L'Abbé releve cette méprise, & rétorque avec avantage la raillerie sur le Docteur dans les Mémoires de l'Académie, année 1703.

La cérémonie par laquelle on établit un Abbé, se nomme proprement Bénédiction, & quelquefois, quoiqu'abusivement, Consécration. Voyez BENEDICTION & CONSECRATION.

Cette cérémonie consistoit anciennement à revêtir l'Abbé de l'habit appellé Cuculla, Coule, en lui mettant le Bâton pastoral dans la main, & les souliers, appellés pédales (sandales), à ses piés. Nous apprenons ces particularités de l'Ordre Romain de Théodore, Archevêque de Cantorbéry.

En France la nomination & la collation des Bénéfices dépendans des Abbayes en Commende, appartiennent à l'Abbé seul, à l'exclusion des Religieux. Les Abbés Commendataires doivent laisser aux Religieux le tiers du revenu de leurs Abbayes franc & exempt de toutes charges. Les biens de ces Abbayes se partagent en trois lots : le premier est pour l'Abbé ; le second pour les Religieux, & le troisieme est affecté aux réparations & charges communes de l'Abbaye ; c'est l'Abbé qui en a la disposition. Quoique le partage soit fait entre l'Abbé & les Religieux, ils ne peuvent ni les uns, ni les autres, aliéner aucune partie des fonds dont ils jouissent, que d'un commun consentement, & sans observer les solemnités de Droit.

La Profession des Religieux faite contre le consentement de l'Abbé, est nulle. L'Abbé ne peut cependant recevoir aucun Religieux sans prendre l'avis de la Communauté.

Les Abbés tiennent le second rang dans le Clergé, & sont immédiatement après les Evêques : les Abbés Commendataires doivent marcher avec les Réguliers, & concurremment avec eux, selon l'ancienneté de leur réception.

Les Abbés Réguliers ont trois sortes de Puissance : l'Oeconomique, celle d'Ordre, & celle de Jurisdiction. La premiere consiste dans l'administration du temporel du Monastere : la seconde, à ordonner du Service-Divin, recevoir les Religieux à Profession, leur donner la Tonsure, conférer les Bénéfices qui sont à la nomination du Monastere : la troisieme, dans le droit de corriger, d'excommunier, de suspendre. L'Abbé Commendataire n'a que les deux premieres sortes de Puissance. La troisieme est exercée en sa place par le Prieur-claustral, qui est comme son Lieutenant pour la discipline intérieure du Monastere. Voyez PRIEUR & CLAUSTRAL.

ABBE, est aussi un titre que l'on donne à certains Evêques, parce que leurs Siéges étoient originairement des Abbayes, & qu'ils étoient même élûs par les Moines : tels sont ceux de Catane & de Montréal en Sicile. Voyez EVEQUE.

ABBE, est encore un nom que l'on donne quelquefois aux Supérieurs ou Généraux de quelques Congrégations de Chanoines Réguliers, comme est celui de Sainte Génevieve à Paris. Voyez CHANOINE, GENEVIEVE, &c.

ABBE, est aussi un titre qu'ont porté différens Magistrats, ou autres personnes laïques. Parmi les Génois, un de leurs premiers Magistrats étoit appellé l'Abbé du Peuple : nom glorieux, qui dans son véritable sens signifioit Pere du Peuple. (H & G)


ABBÉCHEou ABBECQUER, v. a. c'est donner la becquée à un oiseau qui ne peut pas manger de lui-même.

Abbecquer ou abbécher l'oiseau, c'est lui donner seulement une partie du pât ordinaire pour le tenir en appétit ; on dit, il faut abbecquer le lanier.


ABBESSES. f. nom de dignité. C'est la Supérieure d'un Monastere de Religieuses, ou d'une Communauté ou Chapitre de Chanoinesses, comme l'Abbesse de Remiremont en Lorraine.

Quoique les Communautés de Vierges consacrées à Dieu soient plus anciennes dans l'Eglise que celles des Moines, néanmoins l'Institution des Abbesses est postérieure à celle des Abbés. Les premieres Vierges qui se sont consacrées à Dieu, demeuroient dans leurs maisons paternelles. Dans le IVe siecle elles s'assemblerent dans des Monasteres, mais elles n'avoient point d'Eglise particuliere ; ce ne fut que du tems de saint Grégoire qu'elles commencerent à en avoir qui fissent partie de leurs Convens. L'Abbesse étoit autrefois élûe par sa Communauté, on les choisissoit parmi les plus anciennes & les plus capables de gouverner ; elles recevoient la bénédiction de l'Evêque, & leur autorité étoit perpétuelle.

L'Abbesse a les mêmes droits & la même autorité sur ses Religieuses, que les Abbés Réguliers ont sur leurs Moines. Voyez ABBE.

Les Abbesses ne peuvent à la vérité, à cause de leur sexe, exercer les fonctions spirituelles attachées à la Prêtrise, au lieu que les Abbés en sont ordinairement revêtus. Mais il y a des exemples de quelques Abbesses qui ont le droit, ou plûtôt le privilége de commettre un Prêtre qui les exerce pour elles. Elles ont même une espece de jurisdiction épiscopale, aussi bien que quelques Abbés, qui sont exempts de la visite de leurs Evêques diocésains. V. EXEMPTION.

L'Abbesse de Fontevraud, par exemple, a la supériorité & la direction, non-seulement sur ses Religieuses, mais aussi sur tous les Religieux qui dépendent de son Abbaye. Ces Religieux sont soûmis à sa correction, & prennent leur mission d'elle.

En France la plûpart des Abbesses sont nommées par le Roi. Il y a cependant plusieurs Abbayes & Monasteres qui se conferent par élection, & sont exempts de la nomination du Roi, comme les Monasteres de sainte Claire.

Il faut remarquer, que quoique le Roi de France ait la nomination aux Abbayes de Filles, ce n'est pas cependant en vertu du Concordat ; car les Bulles que le Pape donne pour ces Abbesses, portent que le Roi a écrit en faveur de la Religieuse nommée, & que la plus grande partie de la Communauté consent à son élection, pour conserver l'ancien droit autant qu'il se peut. Selon le Concile de Trente, celles qu'on élit Abbesses doivent avoir 40 ans d'âge, & 8 de profession, ou avoir au moins 5 ans de profession, & être âgées de 30 ans. Et suivant les Ordonnances du Royaume, toute Supérieure, & par conséquent toute Abbesse, doit avoir 10 ans de profession, ou avoir exercé pendant 6 ans un office claustral. M. Fleury, Inst. au Droit eccles.

Le Pere Martenne dans son Traité des Rits de l'Eglise, tome II. page 39. observe que quelques Abbesses confessoient anciennement leurs Religieuses. Il ajoute, que leur curiosité excessive les porta si loin, que l'on fut obligé de la réprimer.

Saint Basile dans ses Regles abregées, interrog. 110. tome II. page 453. permet à l'Abbesse d'entendre avec le Prêtre les confessions de ses Religieuses. Voyez CONFESSION.

Il est vrai, comme l'observe le Pere Martenne dans l'endroit cité, que jusqu'au 13e siecle non-seulement les Abbesses, mais les Laïques mêmes entendoient quelquefois les confessions, principalement dans le cas de nécessité ; mais ces confessions n'étoient point sacramentales, & se devoient aussi faire au Prêtre. Elles avoient été introduites par la grande dévotion des fideles, qui croyoient qu'en s'humiliant ainsi, Dieu leur tiendroit compte de leur humiliation : mais comme elles dégénérerent en abus, l'Eglise fut obligée de les supprimer. Il y a dans quelques Monasteres une pratique appellée la coulpe, qui est un reste de cet ancien usage. (H & G)


ABBEVILLEville considérable de France, sur la riviere de Somme, qui la partage, dans la basse Picardie, capitale du Comté de Ponthieu. Long. 19d. 19'. 40". lat. trouvée de 50d. 6'. 55". par M. Cassini en 1688. Voyez Hist. Acad. page 56.


ABCASpeuple d'Asie qui habite l'Abascie.


ABCÉDERv. neut. Lorsque des parties qui sont unies à d'autres dans l'état de santé, s'en séparent dans l'état de maladie, en conséquence de la corruption, on dit que ces parties sont abcédées.


ABCÈSS. m. est une tumeur qui contient du pus. Les Auteurs ne conviennent pas de la raison de cette dénomination. Quelques-uns croyent que l'abcès a été ainsi appellé du mot latin abcedere, se séparer, parce que les parties qui auparavant étoient contigues se séparent l'une de l'autre : quelques autres, parce que les fibres y sont déchirées & détruites ; d'autres, parce que le pus s'y rend d'ailleurs, ou est séparé du sang : enfin d'autres tirent cette dénomination de l'écoulement du pus, & sur ce principe ils assurent qu'il n'y a point proprement d'abcès jusqu'à ce que la tumeur creve & s'ouvre d'elle-même. Mais ce sont là des distinctions trop subtiles, pour que les Medecins s'y arrêtent beaucoup.

Tous les abcès sont des suites de l'inflammation. On aide la maturation des abcès par le moyen des cataplasmes ou emplâtres maturatifs & pourrissans. La chaleur excessive de la tumeur & la douleur pulsative qu'on y ressent, sont avec la fievre les signes que l'inflammation se terminera par suppuration. Les frissons irréguliers qui surviennent à l'augmentation de ces symptomes sont un signe que la suppuration se fait. L'abcès est formé lorsque la matiere est convertie en pus : la diminution de la tension, de la fievre, de la douleur & de la chaleur, la cessation de la pulsation, en sont les signes rationnels. L'amollissement de la tumeur & la fluctuation sont les signes sensuels qui annoncent cette terminaison. Voyez FLUCTUATION.

On ouvre les abcès par le caustique ou par l'incision. Les abcès ne peuvent se guérir que par l'évacuation du pus. On préfere le caustique dans les tumeurs critiques qui terminent quelquefois les fievres malignes. L'application d'un caustique fixe l'humeur dans la partie où la nature semble l'avoir déposée ; elle en empêche la résorption qui seroit dangereuse & souvent mortelle. Les caustiques déterminent une grande suppuration & en accélerent la formation. On les employe dans cette vûe avant la maturité parfaite. On met aussi les caustiques en usage dans les tumeurs qui se sont formées lentement & par congestion, qui suppurent dans un point dont la circonférence est dure, & où la conversion de l'humeur en pus seroit ou difficile ou impossible sans ce moyen.

Pour ouvrir une tumeur par le caustique, il faut la couvrir d'un emplâtre fenestré de la grandeur que l'on juge la plus convenable ; on met sur la peau à l'endroit de cette ouverture, une traînée de pierre à cautere. Si le caustique est solide, on a soin de l'humecter auparavant ; on couvre le tout d'un autre emplâtre, de compresses, & d'un bandage contentif. Au bout de cinq ou six heures, plus ou moins, lorsqu'on juge, suivant l'activité du caustique dont on s'est servi, que l'escare doit être faite, on leve l'appareil, & on incise l'escare d'un bout à l'autre avec un bistouri, en pénétrant jusqu'au pus ; on panse la plaie avec des digestifs, & l'escare tombe au bout de quelques jours par une abondante suppuration.

Dans les cas ordinaires des abcès, il est préférable de faire l'incision avec l'instrument tranchant qu'on plonge dans le foyer de l'abcès. Lorsque l'abcès est ouvert dans toute son étendue, on introduit le doigt dans sa cavité ; & s'il y a des brides qui forment des cloisons, & séparent l'abcès en plusieurs cellules, il faut les couper avec la pointe des ciseaux ou avec le bistouri. Il faut que l'extrêmité du doigt conduise toûjours ces instrumens, de crainte d'intéresser quelques parties qu'on pourroit prendre pour des brides sans cette précaution. Si la peau est fort amincie, il faut l'emporter avec les ciseaux & le bistouri. Ce dernier instrument est préférable, parce qu'il cause moins de douleur, & rend l'opération plus prompte. On choisit la partie la plus déclive pour faire l'incision aux abcès. Il faut, autant que faire se peut, ménager la peau ; dans ce dessein on fait souvent des contre-ouvertures, lorsque l'abcès est fort étendu. Voyez CONTRE-OUVERTURE. Les abcès causés par la présence de quelques corps étrangers ne se guérissent que par l'extraction de ces corps. Voyez TUMEUR.

Lorsque l'abcès est ouvert, on remplit de charpie mollette le vuide qu'occupoit la matiere, & on y applique un appareil contentif. On panse, les jours suivans, avec des digestifs jusqu'à ce que les vaisseaux qui répondent dans le foyer de l'abcès se soient dégorgés par la suppuration. Lorsqu'elle diminue, que le pus prend de la consistance, devient blanc & sans odeur, le vuide se remplit alors de jour en jour de mamelons charnus, & la cicatrice se forme à l'aide des pansemens méthodiques dont il sera parlé à la cure des ulceres. Voyez ULCERE.

M. Petit a donné à l'Académie Royale de Chirurgie un Mémoire important sur les tumeurs de la vésicule du fiel qu'on prend pour des abcès au foie. Les remarques de ce célebre Chirurgien enrichissent la Pathologie d'une maladie nouvelle. Il rapporte les signes qui distinguent les tumeurs de la vésicule du fiel distendue par la bile retenue, d'avec les abcès au foie. Il fait le parallele de cette rétention de la bile & de la pierre biliaire avec la rétention d'urine & la pierre de la vessie, & propose des opérations sur la vésicule du fiel à l'instar de celles qu'on fait sur la vessie. V. le 1er vol. des Mém. de l'Acad. de Chirurgie.

Il survient fréquemment des abcès considérables au fondement, qui occasionnent des fistules. Voyez ce qu'on en dit à l'article de la FISTULE A L'ANUS. (Y)

* M. Littre observe, Histoire de l'Académie, an. 1701, page 29, à l'occasion d'une inflammation aux parois du ventricule gauche du coeur, que les ventricules du coeur doivent être moins sujets à des abcès qu'à des inflammations. Car l'abcès consiste dans un fluide extravasé qui se coagule, se corrompt & se change en pus, & l'inflammation dans un gonflement de vaisseaux causé par trop de fluide. Si donc on suppose que des arteres coronaires qui nourrissent la substance du coeur, il s'extravase & s'épanche du sang qui ne rentre pas d'abord dans les veines coronaires destinées à le reprendre ; il sera difficile que le mouvement continuel de contraction & de dilatation du coeur ne le force à y rentrer, ou du moins ne le brise & ne l'atténue, de sorte qu'il s'échappe dans les ventricules au travers des parois. Quant à l'inflammation, le coeur n'a pas plus de ressources qu'une autre partie pour la prévenir, ou pour s'en délivrer.

* On lit, Histoire de l'Acad. an. 1730, p. 40, la guérison d'un abcès au foie qui mérite bien d'être connue. M. Soullier Chirurgien de Montpellier fut appellé auprès d'un jeune homme âgé de 13 à 14 ans qui, après s'être fort échauffé, s'étoit mis les piés dans l'eau froide & avoit eu une fievre ordinaire, mais dont la suite fut très-fâcheuse. Ce fut une tumeur considérable au foie, qu'il ouvrit. Il trouva ce viscere considérablement abcédé à sa partie antérieure & convexe. Il s'y étoit fait un trou qui auroit pu recevoir la moitié d'un oeuf de poule, & il en sortoit dans les pansemens une matiere sanguinolente, épaisse, jaunâtre, amere & inflammable : c'étoit de la bile véritable accompagnée de flocons de la substance du foie.

Pour vuider la matiere de cet abcès, M. Soullier imagina une cannule d'argent émoussée par le bout qui entroit dans le foie, sans l'offenser, & percée de plusieurs ouvertures latérales qui recevoient la matiere nuisible & la portoient en-dehors, où elle s'épanchoit sur une plaque de plomb qu'il avoit appliquée à la plaie, de maniere que cette matiere ne pouvoit excorier la peau. L'expédient réussit, la fievre diminua, l'embonpoint revint, la plaie se cicatrisa, & le malade guérit.

* On peut voir encore dans le Recueil de 1731, page 515, une observation de M. Chicoyneau pere, sur un abcès intérieur de la poitrine accompagné des symptomes de la phthisie & d'un déplacement notable de l'épine du dos & des épaules ; le tout terminé heureusement par l'évacuation naturelle de l'abcès par le fondement.


ABDARS. m. nom de l'Officier du Roi de Perse qui lui sert de l'eau à boire, & qui la garde dans une cruche cachetée, de peur qu'on n'y mêle du poison, à ce que rapporte Olearius dans son voyage de Perse. (G)


ABDARAville d'Espagne, bâtie par les Carthaginois dans la Bétique, sur la côte de la Méditerranée ; on soupçonne que c'est la ville qu'on nomme aujourd'hui Adra dans le Royaume de Grenade.


ABDELARIplante Egyptienne dont le fruit ressembleroit davantage au melon, s'il étoit un peu moins oblong & aigu par ses extrémités. Ray. H. Pl.


ABDEREancienne ville de Thrace, que quelques-uns prennent pour celle qu'on appelle aujourd'hui Asperosa, ville maritime de la Romanie.


ABDERITEShabitans d'Abdere. V. ABDERE.


ABDESTS. m. mot qui dans la Langue Persane signifie proprement l'eau qui sert à laver les mains : mais il se prend par les Persans & par les Turcs pour la purification légale ; & ils en usent avant que de commencer leurs cérémonies religieuses. Ce mot est composé d'ab qui signifie de l'eau, & d'est la main. Les Persans, dit Olearius, passent la main mouillée deux fois sur leur tête depuis le col jusqu'au front, & ensuite sur les piés jusqu'aux chevilles : mais les Turcs versent de l'eau sur leur tête, & se lavent les piés trois fois. Si néanmoins ils se sont lavés les piés le matin avant que de mettre leur chaussure, ils se contentent de mouiller la main, & de la passer pardessus cette chaussure depuis les orteils jusqu'à la cheville du pié, (G)


ABDICATIONS. f. acte par lequel un Magistrat ou une personne en Charge y renonce, & s'en démet avant que le terme légal de son service soit expiré. Voyez RENONCIATION.

* Ce mot est dérivé d'abdicare, composé de ab, & de dicere, déclarer.

On confond souvent l'abdication avec la résignation : mais à parler exactement, il y a de la différence. Car l'abdication se fait purement & simplement, au lieu que la résignation se fait en faveur de quelque personne tierce. Voyez RESIGNATION.

En ce sens on dit que Dioclétien & Charles V. abdiquerent la Couronne, & que Philippe IV. Roi d'Espagne l'a résigna. Le Parlement d'Angleterre a décidé que la violation des Lois faites par le Roi Jacques, en quittant son Royaume, sans avoir pourvû à l'administration nécessaire des affaires pendant son absence, emportoit avec elle l'abdication de la Couronne : mais cette décision du Parlement est-elle bien équitable ?

ABDICATION dans le Droit civil, se prend particulierement pour l'acte par lequel un pere congédie & desavoue son fils, & l'exclut de sa famille. En ce sens, ce mot est synonyme au mot Grec ἀποκήρυξις, & au mot Latin, à familiâ alienatio, ou quelquefois ablegatio & negatio, & est opposé à adoption. Il differe de l'exhérédation, en ce que l'abdication se faisoit du vivant du pere, au lieu que l'exhérédation ne se faisoit qu'à la mort. Ainsi quiconque étoit abdiqué, étoit aussi exhérédé, mais non vice versâ. V. EXHEREDATION.

L'abdication se faisoit pour les mêmes causes que l'exhérédation.

ABDICATION s'est dit encore de l'action d'un homme libre qui renonçoit à sa liberté, & se faisoit volontairement esclave ; & d'un citoyen Romain qui renonçoit à cette qualité, & aux priviléges qui y étoient attachés.

ABDICATION, au Palais, est aussi quelquefois synonyme à abandonnement. V. ABANDONNEMENT. (H)


ABDOMENS. m. signifie le bas ventre, c'est-à-dire cette partie du corps qui est comprise entre le thorax & les hanches. Voyez VENTRE.

Ce mot est purement Latin, & est dérivé d'abdere, cacher, soit parce que les principaux visceres du corps sont contenus dans cette partie, & y sont, pour ainsi dire, cachés, soit parce que cette partie du corps est toûjours couverte & cachée à la vûe ; au lieu que la partie qui est au-dessus, savoir le thorax, est souvent laissée à nud. D'autres croyent que le mot abdomen est composé de abdere & d'omentum, parce que l'omentum ou l'épiploon est une des parties qui y sont contenues. D'autres regardent ce mot comme un pur paronymon ou terminaison d'abdere, principalement de la maniere dont on le lit dans quelques anciens glossaires, où il est écrit abdumen qui pourroit avoir été formé de abdere, comme legumen de legere, l'o & l'u étant souvent mis l'un pour l'autre.

Les Anatomistes divisent ordinairement le corps en trois régions ou ventres ; la tête, le thorax ou la poitrine, & l'abdomen qui fait la partie inférieure du tronc, & qui est terminé en haut par le diaphragme, & en bas par la partie inférieure du bassin des os innominés. Voyez CORPS.

L'abdomen est doublé intérieurement d'une membrane unie & mince appellée péritoine, qui enveloppe tous les visceres contenus dans l'abdomen, & qui les retient à leur place. Quand cette membrane vient à se rompre ou à se dilater, il arrive souvent que les intestins & l'épiploon s'engagent seuls ou tous deux ensemble dans les ouvertures du bas-ventre, & forment ces tumeurs qu'on appelle hernies ou descentes. Voyez PERITOINE & HERNIE.

Les muscles de l'abdomen sont au nombre de dix, cinq de chaque côté ; non-seulement ils défendent les visceres, mais ils servent par leur contraction & dilatation alternative à la respiration, à la digestion, & à l'expulsion des excrémens. Par la contraction de ces muscles, la cavité de l'abdomen est resserrée, & la descente des matieres qui sont contenues dans l'estomac & dans les intestins, est facilitée. Ces muscles sont les antagonistes propres des sphincters de l'anus & de la vessie, & chassent par force les excrémens contenus dans ces parties, comme aussi le foetus dans l'accouchement. Voyez MUSCLE, RESPIRATION, DIGESTION, ACCOUCHEMENT, &c.

Ces muscles sont les deux obliques descendans, & les deux obliques ascendans, les deux droits, les deux transversaux, & les deux pyramidaux. Voyez les articles OBLIQUE, DROIT, PYRAMIDAL, &c.

On divise la circonférence de l'abdomen en régions : antérieurement on en compte trois ; savoir, la région épigastrique ou supérieure, la région ombilicale ou moyenne, & la région hypogastrique ou inférieure : postérieurement on n'en compte qu'une sous le nom de région lombaire. Voyez ÉPIGASTRIQUE, OMBILICAL, &c.

On subdivise chacune de ces régions en trois, savoir, en une moyenne & deux latérales ; l'épigastrique en épigastre & en hypocondre ; l'ombilicale en ombilicale proprement dite, & en flancs ; l'hypogastrique en pubis & en aînes ; la lombaire en lombaires proprement dites & en lombes. Voyez ÉPIGASTRE, HYPOCONDRE, &c.

Immédiatement au-dessous des muscles se présente le péritoine, qui est une espece de sac qui recouvre toutes les parties renfermées dans l'abdomen.

On apperçoit sur ce sac ou dans son tissu cellulaire antérieurement les vaisseaux ombilicaux, l'ouraque, la vessie. Voyez OMBILICAL, OURAQUE, &c.

Lorsqu'il est ouvert, on voit l'épiploon, les intestins, le mesentere, le ventricule, le foie, la vésicule du fiel, la rate, les reins, le pancréas ; les vésicules séminaires dans l'homme ; la matrice, les ligamens, les ovaires, les trompes, &c. dans la femme ; la portion inférieure de l'aorte descendante, la veine-cave ascendante, la veine-porte hépatique, la veine-porte ventrale, les arteres coeliaque, mésentérique, supérieure & inférieure, les émulgentes, les hépatiques, les spléniques, les spermatiques, &c. les nerfs stomachiques qui sont des productions de la huitieme paire, & d'autres du nerf intercostal, &c. V. ÉPIPLOON, INTESTIN, MESENTERE, &c. (L)


ABDUCTEURS. m. pris adject. nom que les Anatomistes donnent à différens muscles destinés à éloigner les parties auxquelles ils sont attachés, du plan que l'on imagine diviser le corps en deux parties égales & symmétriques, ou de quelqu'autre partie avec laquelle ils les comparent. Voyez MUSCLE.

Ce mot vient des mots Latins ab, de, & ducere, mener : les antagonistes des abducteurs sont appellés adducteurs. V. ADDUCTEUR & ANTAGONISTE.

Les abducteurs du bras. Voyez SOUSEPINEUX & PIE.

L'abducteur du pouce. Voyez THENAR.

Abducteur des doigts. Voyez INTEROSSEUX.

L'abducteur du doigt auriculaire ou l'hypothenar, ou le petit hypothenar de M. Winslow, vient de l'os pisiforme, du gros ligament du carpe, & se termine à la partie interne de la base de la premiere phalange du petit doigt. Anat. Pl. VI. fig. 1. .


ABDUCTIONS. f. nom dont se servent les Anatomistes pour exprimer l'action par laquelle les muscles abducteurs éloignent une partie d'un plan qu'ils supposent diviser le corps humain dans toute sa longueur en deux parties égales & symmétriques, ou de quelqu'autre partie avec laquelle ils les comparent. (L)

ABDUCTION, s. f. en Logique, est une façon d'argumenter que les Grecs nomment apogage, où le grand terme est évidemment contenu dans le moyen terme, mais où le moyen terme n'est pas intimement lié avec le petit terme ; desorte qu'on vous accorde la majeure d'un tel syllogisme, tandis qu'on vous oblige à prouver la mineure, afin de développer davantage la liaison du moyen terme avec le petit terme. Ainsi dans ce syllogisme,

Tout ce que Dieu a révélé est très-certain :

Or Dieu nous a révélé les Mysteres de la Trinité & de l'Incarnation ;

Donc ces Mysteres sont très-certains.

la majeure est évidente ; c'est une de ces premieres vérités que l'esprit saisit naturellement, sans avoir besoin de preuve. Mais la mineure ne l'est pas, à moins qu'on ne l'étaye, pour ainsi dire, de quelques autres propositions propres à répandre sur elle leur évidence. (X)


ABÉATESS. m. pl. habitans d'Abée dans le Péloponese ; ceux d'Abée ou Aba dans la Phocide s'appelloient Abantes. Voyez ABANTES.


ABÉCÉDAIREadjectif dérivé du nom des quatre premieres lettres de l'Alphabet A, B, C, D ; il se dit des ouvrages & des personnes. M. Dumas, inventeur du bureau typographique, a fait des livres abécédaires fort utiles, c'est-à-dire, des livres qui traitent des lettres par rapport à la lecture, & qui apprennent à lire avec facilité & correctement.

ABECEDAIRE, est différent d'alphabétique. Abécédaire a rapport au fond de la chose, au lieu qu'alphabétique se dit par rapport à l'ordre. Les Dictionnaires sont disposés selon l'ordre alphabétique, & ne sont pas pour cela des ouvrages abécédaires.

Il y a en Hébreu des Pseaumes, des Lamentations, & des Cantiques, dont les versets sont distribués par ordre alphabétique : mais je ne crois pas qu'on doive pour cela les appeller des ouvrages abécédaires.

ABECEDAIRE se dit aussi d'une personne qui n'est encore qu'à l'A, B, C. C'est un docteur abécédaire, c'est-à-dire qui commence, qui n'est pas encore bien savant. On appelle aussi abécédaires les personnes qui montrent à lire. Ce mot n'est pas fort usité. (F)


ABÉES. f. ville du détroit Messenien que Xercès brûla, & qui avoit été bâti par Abas fils de Lyncée.

ABEE, s. f. ouverture pratiquée à la baie d'un moulin, par laquelle l'eau tombe sur la grande roue & fait moudre. Cette ouverture s'ouvre & se ferme avec des pales ou lamoirs.


ABEILLES. f. insecte de l'espece des mouches. Il y en a de trois sortes : la premiere & la plus nombreuse des trois est l'abeille commune : la seconde est moins abondante ; ce sont les faux-bourdons ou mâles : enfin la troisieme est la plus rare, ce sont les femelles.

Les abeilles femelles que l'on appelle reines ou meres abeilles, étoient connues des anciens sous le nom de rois des abeilles, parce qu'autrefois on n'avoit pas distingué leur sexe : mais aujourd'hui il n'est plus équivoque. On les a vû pondre des oeufs, & on en trouve aussi en grande quantité dans leur corps. Il n'y a ordinairement qu'une reine dans une ruche ; ainsi il est très-difficile de la voir : cependant on pourroit la reconnoître assez aisément, parce qu'elle est plus grande que les autres ; sa tête est plus allongée, & ses aîles sont très-courtes par rapport à son corps ; elles n'en couvrent guere que la moitié ; au contraire celles des autres abeilles couvrent le corps en entier. La reine est plus longue que les mâles : mais elle n'est pas aussi grosse. On a prétendu autrefois qu'elle n'avoit point d'aiguillon : cependant Aristote le connoissoit ; mais il croyoit qu'elle ne s'en servoit jamais. Il est aujourd'hui très-certain que les abeilles femelles ont un aiguillon même plus long que celui des ouvrieres ; cet aiguillon est recourbé. Il faut avouer qu'elles s'en servent fort rarement, ce n'est qu'après avoir été irritées pendant long-tems : mais alors elles piquent avec leur aiguillon, & la piquûre est accompagnée de venin comme celle des abeilles communes. Il ne paroît pas que la mere abeille ait d'autre emploi dans la ruche que celui de multiplier l'espece, ce qu'elle fait par une ponte fort abondante ; car elle produit dix à douze mille oeufs en sept semaines, & communément trente à quarante mille par an.

On appelle les abeilles mâles faux bourdons pour les distinguer de certaines mouches que l'on connoit sous le nom de bourdons. Voyez BOURDON.

On ne trouve ordinairement des mâles dans les ruches que depuis le commencement ou le milieu du mois de Mai jusque vers la fin du mois de Juillet ; leur nombre se multiplie de jour en jour pendant ce tems, à la fin duquel ils périssent subitement de mort violente, comme on le verra dans la suite.

Les mâles sont moins grands que la reine, & plus grands que les ouvrieres ; ils ont la tête plus ronde, ils ne vivent que de miel, au lieu que les ouvrieres mangent souvent de la cire brute. Dès que l'aurore paroît, celles-ci partent pour aller travailler, les mâles sortent bien plus tard ; & c'est seulement pour voltiger autour de la ruche, sans travailler. Ils rentrent avant le serein & la fraîcheur du soir ; ils n'ont ni aiguillon, ni patelles, ni dents saillantes comme les ouvrieres. Leurs dents sont petites, plates & cachées, leur trompe est aussi plus courte & plus déliée : mais leurs yeux sont plus grands & beaucoup plus gros que ceux des ouvrieres : ils couvrent tout le dessus de la partie supérieure de la tête, au lieu que les yeux des autres forment simplement une espece de bourlet de chaque côté.

On trouve dans certains tems des faux-bourdons qui ont à leur extrémité postérieure deux cornes charnues aussi longues que le tiers ou la moitié de leur corps : il paroit aussi quelquefois entre ces deux cornes un corps charnu qui se recourbe en haut. Si ces parties ne sont pas apparentes au dehors, on peut les faire sortir en pressant le ventre du faux-bourdon ; si on l'ouvre, on voit dans des vaisseaux & dans des reservoirs une liqueur laiteuse, qui est vraisemblablement la liqueur séminale. On croit que toutes ces parties sont celles de la génération ; car on ne les trouve pas dans les abeilles meres, ni dans les ouvrieres. L'unique emploi que l'on connoisse aux mâles, est de féconder la reine ; aussi dès que la ponte est finie, les abeilles ouvrieres les chassent & les tuent.

Il y a des abeilles qui n'ont point de sexe. En les disséquant on n'a jamais trouvé dans leurs corps aucune partie qui eût quelque rapport avec celles qui caractérisent les abeilles mâles ou les femelles. On les appelle mulets ou abeilles communes, parce qu'elles sont en beaucoup plus grand nombre que celles qui ont un sexe. Il y en a dans une seule ruche jusqu'à quinze ou seize mille, & plus ; tandis qu'on n'y trouve quelquefois que deux ou trois cens mâles, quelquefois sept ou huit cens, ou mille au plus.

On désigne aussi les abeilles communes par le nom d'ouvrieres, parce qu'elles font tout l'ouvrage qui est nécessaire pour l'entretien de la ruche, soit la récolte du miel & de la cire, soit la construction des alvéoles ; elles soignent les petites abeilles : enfin elles tiennent la ruche propre, & elles écartent tous les animaux étrangers qui pourroient être nuisibles. La tête des abeilles communes est triangulaire ; la pointe du triangle est formée par la rencontre de deux dents posées horisontalement l'une à côté de l'autre, longues, saillantes & mobiles. Ces dents servent à la construction des alvéoles : aussi sont-elles plus fortes dans les abeilles ouvrieres que dans les autres. Si on écarte ces deux dents, on voit qu'elles sont comme des especes de cuillieres dont la concavité est en-dedans. Les abeilles ont quatre aîles, deux grandes & deux petites ; en les levant, on trouve de chaque côté auprès de l'origine de l'aîle de dessous en tirant vers l'estomac, une ouverture ressemblante à une bouche ; c'est l'ouverture de l'un des poumons : il y en a une autre sous chacune des premieres jambes, desorte qu'il y a quatre ouvertures sur le corcelet (V. CORCELET), & douze autres de part & d'autre sur les six anneaux qui composent le corps : ces ouvertures sont nommées stigmates. Voyez STIGMATES.

L'air entre par ces stigmates, & circule dans le corps par le moyen d'un grand nombre de petits canaux ; enfin il en sort par les pores de la peau. Si on tiraille un peu la tête de l'abeille, on voit qu'elle ne tient à la poitrine ou corcelet que par un cou très-court, & le corcelet ne tient au corps que par un filet très-mince. Le corps est couvert en entier par six grandes pieces écailleuses, qui portent en recouvrement l'une sur l'autre, & forment six anneaux qui laissent au corps toute sa souplesse. On appelle antennes (Voyez ANTENNES) ces especes de cornes mobiles & articulées qui sont sur la tête, une de chaque côté ; les antennes des mâles n'ont que onze articulations, celles des autres en ont quinze.

L'abeille a six jambes placées deux à deux en trois rangs ; chaque jambe est garnie à l'extrémité de deux grands ongles & de deux petits, entre lesquels il y a une partie molle & charnue. La jambe est composée de cinq pieces, les deux premieres sont garnies de poils ; la quatrieme piece de la seconde & de la troisieme paire est appellée la brosse : cette partie est quarrée, sa face extérieure est rase & lisse, l'intérieure est plus chargée de poils que nos brosses ne le sont ordinairement, & ces poils sont disposés de la même façon. C'est avec ces sortes de brosses que l'abeille ramasse les poussieres des étamines qui tombent sur son corps, lorsqu'elle est sur une fleur pour faire la récolte de la cire. Voyez CIRE. Elle en fait de petites pelotes qu'elle transporte à l'aide de ses jambes sur la palette qui est la troisieme partie des jambes de la troisieme paire. Les jambes de devant transportent à celles du milieu ces petites masses ; celles-ci les placent & les empilent sur la palette des jambes de derriere.

Cette manoeuvre se fait avec tant d'agilité & de promptitude, qu'il est impossible d'en distinguer les mouvemens lorsque l'abeille est vigoureuse. Pour bien distinguer cette manoeuvre de l'abeille, il faut l'observer lorsqu'elle est affoiblie & engourdie par la rigueur d'une mauvaise saison. Les palettes sont de figure triangulaire ; leur face extérieure est lisse & luisante, des poils s'élevent au-dessus des bords ; comme ils sont droits, roides & serrés, & qu'ils l'environnent, ils forment avec cette surface une espece de corbeille : c'est-là que l'abeille dépose, à l'aide de ses pattes, les petites pelotes qu'elle a formées avec les brosses ; plusieurs pelotes réunies sur la palette font une masse qui est quelquefois aussi grosse qu'un grain de poivre.

La trompe de l'abeille est une partie qui se développe & qui se replie. Lorsqu'elle est dépliée, on la voit descendre du dessous des deux grosses dents saillantes qui sont à l'extrémité de la tête. La trompe paroît dans cet état comme une lame assez épaisse, très-luisante & de couleur châtain. Cette lame est appliquée contre le dessous de la tête : mais on n'en voit alors qu'une moitié qui est repliée sur l'autre ; lorsque l'abeille la déplie, l'extrémité qui est du côté des dents s'éleve, & on apperçoit alors celle qui étoit dessous. On découvre aussi par ce déplacement la bouche & la langue de l'abeille qui sont au-dessus des deux dents. Lorsque la trompe est repliée, on ne voit que les étuis qui la renferment.

Pour développer & pour examiner cet organe, il faudroit entrer dans un grand détail. Il suffira de dire ici que c'est par le moyen de cet organe que les abeilles recueillent le miel ; elles plongent leur trompe dans la liqueur miellée pour la faire passer sur la surface extérieure. Cette surface de la trompe forme avec les étuis un canal par lequel le miel est conduit : mais c'est la trompe seule qui étant un corps musculeux, force par ses différentes inflexions & mouvemens vermiculaires la liqueur d'aller en avant, & qui la pousse vers le gosier.

Les abeilles ouvrieres ont deux estomacs ; l'un reçoit le miel, & l'autre la cire : celui du miel a un cou qui tient lieu d'oesophage, par lequel passe la liqueur que la trompe y conduit, & qui doit s'y changer en miel parfait : l'estomac où la cire brute se change en vraie cire, est au-dessous de celui du miel. Voyez CIRE, MIEL.

L'aiguillon est caché dans l'état de repos ; pour le faire sortir, il faut presser l'extrémité du corps de l'abeille. On le voit paroître accompagné de deux corps blancs qui forment ensemble une espece de boîte, dans laquelle il est logé lorsqu'il est dans le corps. Cet aiguillon est semblable à un petit dard qui, quoique très-délié, est cependant creux d'un bout à l'autre. Lorsqu'on le comprime vers la base, on fait monter à la pointe une petite goutte d'une liqueur extrèmement transparente ; c'est-là ce qui envenime les plaies que fait l'aiguillon. On peut faire une équivoque par rapport à l'aiguillon comme par rapport à la trompe, ce qui paroît être l'aiguillon n'en est que l'étui ; c'est par l'extrémité de cet étui que l'aiguillon sort, & qu'il est dardé en même tems que la liqueur empoisonnée. De plus, cet aiguillon est double ; il y en a deux à côté qui jouent en même tems, ou séparément au gré de l'abeille ; ils sont de matiere de corne ou d'écaille, leur extrémité est taillée en scie, les dents sont inclinées de chaque côté, de sorte que les pointes sont dirigées vers la base de l'aiguillon, ce qui fait qu'il ne peut sortir de la plaie sans la déchirer ; ainsi il faut que l'abeille le retire avec force. Si elle fait ce mouvement avec trop de promptitude, l'aiguillon casse & il reste dans la plaie ; & en se séparant du corps de l'abeille, il arrache la vessie qui contient le venin, & qui est posée au-dedans à la base de l'aiguillon. Une partie des entrailles sort en même tems, ainsi cette séparation de l'aiguillon est mortelle pour la mouche. L'aiguillon qui reste dans la plaie a encore du mouvement quoique séparé du corps de l'abeille ; il s'incline alternativement dans des sens contraires, & il s'enfonce de plus en plus.

La liqueur qui coule dans l'étui de l'aiguillon est un véritable venin, qui cause la douleur que l'on éprouve lorsque l'on a été piqué par une abeille. Si on goûte de ce venin, on le sent d'abord douçâtre ; mais il devient bientôt acre & brûlant ; plus l'abeille est vigoureuse, plus la douleur de la piquûre est grande. On sait que dans l'hyver on en souffre moins que dans l'été, toutes choses égales de la part de l'abeille : il y a des gens qui sont plus ou moins sensibles à cette piquûre que d'autres. Si l'abeille pique pour la seconde fois, elle fait moins de mal qu'à la premiere fois, encore moins à une troisieme ; enfin le venin s'épuise, & alors l'abeille ne se fait presque plus sentir. On a toûjours cru qu'un certain nombre de piquûres faites à la fois sur le corps d'un animal pourroient le faire mourir ; le fait a été confirmé plusieurs fois ; on a même voulu déterminer le nombre de piquûres qui seroit nécessaire pour faire mourir un grand animal ; on a aussi cherché le remede qui détruiroit ce venin : mais on a trouvé seulement le moyen d'appaiser les douleurs en frottant l'endroit blessé avec de l'huile d'olive, ou en y appliquant du persil pilé. Quoi qu'il en soit du remede, il ne faut jamais manquer en pareil cas de retirer l'aiguillon, s'il est resté dans la plaie comme il arrive presque toûjours. Au reste la crainte des piquûres ne doit pas empêcher que l'on approche des ruches : les abeilles ne piquent point lorsqu'on ne les irrite pas ; on peut impunément les laisser promener sur sa main ou sur son visage, elles s'en vont d'elles-mêmes sans faire de mal ; au contraire, si on les chasse, elles piquent pour se défendre.

Pour suivre un ordre dans l'histoire succincte des abeilles que l'on va faire ici, il faut la commencer dans le tems où la mere abeille est fécondée. Elle peut l'être dès le quatrieme ou cinquieme jour après celui où elle est sortie de l'état de nymphe pour entrer dans celui de mouche, comme on le dira dans la suite. Il seroit presque impossible de voir dans la ruche l'accouplement des abeilles, parce que la reine reste presque toûjours dans le milieu, où elle est cachée par les gâteaux de cire, & par les abeilles qui l'environnent. On a tiré de la ruche des abeilles meres, & on les a mises avec les mâles dans des bocaux pour voir ce qui s'y passeroit.

On est obligé pour avoir une mere abeille de plonger une ruche dans l'eau, & de noyer à demi toutes les abeilles, ou de les enfumer, afin de pouvoir les examiner chacune séparément pour reconnoître la mere. Lorsqu'elle est revenue de cet état violent, elle ne reprend pas d'abord assez de vivacité pour être bien disposée à l'accouplement. Ce n'est donc que par des hasards que l'on en peut trouver qui fassent réussir l'expérience ; il faut d'ailleurs que cette mere soit jeune ; de plus il faut éviter le tems où elle est dans le plus fort de la ponte. Dès qu'on présente un mâle à une mere abeille bien choisie, aussitôt elle s'en approche, le lêche avec sa trompe, & lui présente du miel : elle le touche avec ses pattes, tourne autour de lui, se place vis-à-vis, lui brosse la tête avec ses jambes, &c. Le mâle reste quelquefois immobile pendant un quart-d'heure ; & enfin il fait à peu près les mêmes choses que la femelle ; celle-ci s'anime alors davantage. On l'a vûe monter sur le corps du mâle ; elle recourba l'extrémité du sien, pour l'appliquer contre l'extrémité de celui du mâle, qui faisoit sortir les deux cornes charnues & la partie recourbée en arc. Supposé que cette partie soit, comme on le croit, celle qui opere l'accouplement, il faut nécessairement que l'abeille femelle soit placée sur le mâle pour la rencontrer, parce qu'elle est recourbée en haut ; c'est ce qu'on a observé pendant trois ou quatre heures. Il y eut plusieurs accouplemens, après quoi le mâle resta immobile : la femelle lui mordit le corcelet, & le soûleva en faisant passer sa tête sous le corps du mâle ; mais ce fut en vain, car il étoit mort. On présenta un autre mâle : mais la mere abeille ne s'en occupa point du tout, & continua pendant tout le reste du jour de faire différens efforts pour tâcher de ranimer le premier. Le lendemain elle monta de nouveau sur le corps du premier mâle, & se recourba de la même façon que la veille, pour appliquer l'extrémité de son corps contre celui du mâle. L'accouplement des abeilles ne consiste-t-il que dans cette jonction qui ne dure qu'un instant ? On présume que c'est la mere abeille qui attaque le mâle avec qui elle veut s'accoupler ; si c'étoit au contraire les mâles qui attaquassent cette femelle, ils seroient quelquefois mille mâles pour une femelle. Le tems de la fécondation doit être nécessairement celui où il y a des mâles dans la ruche ; il dure environ six semaines prises dans les mois de Mai & de Juin ; c'est aussi dans ce même tems que les essains quittent les ruches. Les reines qui sortent sont fécondées ; car on a observé des essains entiers dans lesquels il ne se trouvoit aucun mâle, par conséquent la reine n'auroit pû être fécondée avant la ponte qu'elle fait : aussi-tôt que l'essain est fixé quelque part, vingt-quatre heures après on trouve des oeufs dans les gâteaux.

Après l'accouplement, il se forme des oeufs dans la matrice de la mere abeille ; cette matrice est divisée en deux branches, dont chacune est terminée par plusieurs filets : chaque filet est creux ; c'est une sorte de vaisseau qui renferme plusieurs oeufs disposés à quelque distance les uns des autres dans toute sa longueur. Ces oeufs sont d'abord fort petits, ils tombent successivement dans les branches de la matrice, & passent dans le corps de ce viscere pour sortir au-dehors ; il y a un corps sphérique posé sur la matrice ; on croit qu'il en dégoutte une liqueur visqueuse qui enduit les oeufs, & qui les colle au fond des alvéoles, lorsqu'ils y sont déposés dans le tems de la ponte. On a estimé que chaque extrémité des branches de la matrice est composée de plus de 150 vaisseaux, & que chacun peut contenir dix-sept oeufs sensibles à l'oeil ; par conséquent une mere abeille prête à pondre, a cinq mille oeufs visibles. Le nombre de ceux qui ne sont pas encore visibles, & qui doivent grossir pendant la ponte, doit être beaucoup plus grand ; ainsi il est aisé de concevoir comment une mere abeille peut pondre dix à douze mille oeufs, & plus, en sept ou huit semaines.

Les abeilles ouvrieres ont un instinct singulier pour prévoir le tems auquel la mere abeille doit faire la ponte, & le nombre d'oeufs qu'elle doit déposer ; lorsqu'il surpasse celui des alvéoles qui sont faits, elles en ébauchent de nouveaux pour fournir au besoin pressant ; elles semblent connoître que les oeufs des abeilles ouvrieres sortiront les premiers, & qu'il y en aura plusieurs milliers ; qu'il viendra ensuite plusieurs centaines d'oeufs qui produiront des mâles ; & qu'enfin la ponte finira par trois ou quatre, & quelquefois par plus de quinze ou vingt oeufs d'où sortiront les femelles. Comme ces trois sortes d'abeilles sont de différentes grosseurs, elles y proportionnent la grandeur des alvéoles. Il est aisé de distinguer à l'oeil ceux des reines, & que l'on a appellés pour cette raison alvéoles royaux ; ils sont les plus grands. Ceux des faux bourdons sont plus petits que ceux des reines, mais plus grands que ceux des mulets ou abeilles ouvrieres.

La mere abeille distingue parfaitement ces différens alvéoles ; lorsqu'elle fait sa ponte, elle arrive environnée de dix ou douze abeilles ouvrieres, plus ou moins, qui semblent la conduire & la soigner ; les unes lui présentent du miel avec leur trompe, les autres la lêchent & la brossent. Elle entre d'abord dans un alvéole la tête la premiere, & elle y reste pendant quelques instans ; ensuite elle en sort, & y rentre à reculons ; la ponte est faite dans un moment. Elle en fait cinq ou six de suite, après quoi elle se repose avant que de continuer. Quelquefois elle passe devant un alvéole vuide sans s'y arrêter.

Le tems de la ponte est fort long ; car c'est presque toute l'année, excepté l'hyver. Le fort de cette ponte est au printems ; on a calculé que dans les mois de Mars & de Mai, la mere abeille doit pondre environ douze mille oeufs, ce qui fait environ deux cens oeufs par jour : ces douze mille oeufs forment en partie l'essain qui sort à la fin de Mai ou au mois de Juin, & remplacent les anciennes mouches qui font partie de l'essain ; car après sa sortie, la ruche n'est pas moins peuplée qu'au commencement de Mars.

Les oeufs des abeilles ont six fois plus de longueur que de diametre ; ils sont courbes, l'une de leurs extrémités est plus petite que l'autre : elles sont arrondies toutes les deux. Ces oeufs sont d'une couleur blanche tirant sur le bleu ; ils sont revêtus d'une membrane flexible, desorte qu'on peut les plier, & cela ne se peut faire sans nuire à l'embryon. Chaque oeuf est logé séparément dans un alvéole, & placé de façon à faire connoître qu'il est sorti du corps de la mere par le petit bout ; car cette extrémité est collée au fond de l'alvéole. Lorsque la mere ne trouve pas un assez grand nombre de cellules pour tous les oeufs qui sont prêts à sortir, elle en met deux ou trois, & même quatre dans un seul alvéole ; ils ne doivent pas y rester ; car un seul ver doit remplir dans la suite l'alvéole en entier. On a vû les abeilles ouvrieres retirer tous les œufs surnuméraires : mais on ne sait pas si elles les replacent dans d'autres alvéoles ; on ne croit pas qu'il se trouve dans aucune circonstance plusieurs oeufs dans les cellules royales.

La chaleur de la ruche suffit pour faire éclorre les oeufs ; souvent elle surpasse de deux degrés celle de nos étés les plus chauds : en deux ou trois jours l'oeuf est éclos ; il en sort un ver qui tombe dans l'alvéole. Dès qu'il a pris un peu d'accroissement, il se roule en cercle ; il est blanc, charnu, & sa tête ressemble à celle des vers à soie ; le ver est posé de façon qu'en se tournant, il trouve une sorte de gelée ou de bouillie qui est au fond de l'alvéole, & qui lui sert de nourriture. On voit des abeilles ouvrieres qui visitent plusieurs fois chaque jour les alvéoles où sont les vers : elles y entrent la tête la premiere, & y restent quelque tems. On n'a jamais pû voir ce qu'elles y faisoient : mais il est à croire qu'elles renouvellent la bouillie dont le ver se nourrit. Il vient d'autres abeilles qui ne s'arrêtent qu'un instant à l'entrée de l'alvéole, comme pour voir s'il ne manque rien au ver. Avant que d'entrer dans une cellule, elles passent successivement devant plusieurs ; elles ont un soin continuel de tous les vers qui viennent de la ponte de leur reine : mais si on apporte dans la ruche des gâteaux dans lesquels il y auroit des vers d'une autre ruche, elles les laissent périr, & même elles les entraînent dehors. Chacun des vers qui est né dans la ruche n'a que la quantité de nourriture qui lui est nécessaire, excepté ceux qui doivent être changés en reines ; il reste du superflu dans les alvéoles de ceux-ci. La quantité de la nourriture est proportionnée à l'âge du ver ; lorsqu'ils sont jeunes, c'est une bouillie blanchâtre, insipide comme de la colle de farine. Dans un âge plus avancé, c'est une gelée jaunâtre ou verdâtre qui a un goût de sucre ou de miel ; enfin lorsqu'ils ont pris tout leur accroissement, la nourriture a un goût de sucre mêlé d'acide. On croit que cette matiere est composée de miel & de cire que l'abeille a plus ou moins digérés, & qu'elle peut rendre par la bouche lorsqu'il lui plaît.

Il ne sort du corps des vers aucun excrément : aussi ont-ils pris tout leur accroissement en cinq ou six jours. Lorsqu'un ver est parvenu à ce point, les abeilles ouvrieres ferment son alvéole avec de la cire ; le couvercle est plat pour ceux dont il doit sortir des abeilles ouvrieres, & convexe pour ceux des faux bourdons. Lorsque l'alvéole est fermé, le ver tapisse l'intérieur de sa cellule avec une toile de soie : il tire cette soie de son corps au moyen d'une filiere pareille à celle des vers à soie, qu'il a au-dessous de la bouche. La toile de soie est tissue de fils qui sont très-proches les uns des autres, & qui se croisent ; elle est appliquée exactement contre les parois de l'alvéole. On en trouve où il y a jusqu'à vingt toiles les unes sur les autres ; c'est parce que le même alvéole a servi successivement à vingt vers, qui y ont appliqué chacun une toile : car lorsque les abeilles ouvrieres nettoyent une cellule où un ver s'est métamorphosé, elles enlevent toutes les dépouilles de la nymphe sans toucher à la toile de soie. On a remarqué que les cellules d'où sortent les reines ne servent jamais deux fois ; les abeilles les détruisent pour en bâtir d'autres sur leurs fondemens.

Le ver après avoir tapissé de soie son alvéole, quitte sa peau de ver ; & à la place de sa premiere peau, il s'en trouve une bien plus fine : c'est ainsi qu'il se change en nymphe. Voyez NYMPHE. Cette nymphe est blanche dans les premiers jours ; ensuite ses yeux deviennent rougeâtres, il paroît des poils ; enfin après environ quinze jours, c'est une mouche bien formée, & recouverte d'une peau qu'elle perce pour paroître au jour. Mais cette opération est fort laborieuse pour celles qui n'ont pas de force, comme il arrive dans les tems froids. Il y en a qui périssent après avoir passé la tête hors de l'enveloppe, sans pouvoir en sortir. Les abeilles ouvrieres qui avoient tant de soin pour nourrir le ver, ne donnent aucun secours à ces petites abeilles lorsqu'elles sont dans leurs enveloppes : mais dès qu'elles sont parvenues à en sortir, elles accourent pour leur rendre tous les services dont elles ont besoin. Elles leur donnent du miel, les lêchent avec leurs trompes & les essuient, car ces petites abeilles sont mouillées, lorsqu'elles sortent de leur enveloppe ; elles se sechent bien-tôt ; elles déployent les ailes ; elles marchent pendant quelque tems sur les gâteaux ; enfin elles sortent au-dehors, s'envolent ; & dès le premier jour elles rapportent dans la ruche du miel & de la cire.

Les abeilles se nourrissent de miel & de cire brute ; on croit que le mêlange de ces deux matieres est nécessaire pour que leurs digestions soient bonnes ; on croit aussi que ces insectes sont attaqués d'une maladie qu'on appelle le dévoiement, lorsqu'ils sont obligés de vivre de miel seulement. Dans l'état naturel, il n'arrive pas que les excrémens des abeilles qui sont toûjours liquides, tombent sur d'autres abeilles, ce qui leur feroit un très-grand mal ; dans le dévoiement ce mal arrive, parce que les abeilles n'ayant pas assez de force pour se mettre dans une position convenable les unes par rapport aux autres, celles qui sont au-dessus laissent tomber sur celles qui sont au-dessous une matiere qui gâte leurs ailes, qui bouche les organes de la respiration, & qui les fait périr.

Voilà la seule maladie des abeilles qui soit bien connue : on peut y remédier en mettant dans la ruche où sont les malades, un gâteau que l'on tire d'une autre ruche, & dont les alvéoles sont remplis de cire brute ; c'est l'aliment dont la disette a causé la maladie ; on pourroit aussi y suppléer par une composition : celle qui a paru la meilleure se fait avec une demi-livre de sucre, autant de bon miel, une chopine de vin rouge, & environ un quarteron de fine farine de féve. Les abeilles courent risque de se noyer en bûvant dans des ruisseaux ou dans des réservoirs dont les bords sont escarpés. Pour prévenir cet inconvénient, il est à propos de leur donner de l'eau dans des assiettes autour de leur ruche. On peut reconnoître les jeunes abeilles & les vieilles par leur couleur. Les premieres ont les anneaux bruns & les poils blancs ; les vieilles ont au contraire les poils roux & les anneaux d'une couleur moins brune que les jeunes. Celles-ci ont les ailes saines & entieres ; dans un âge plus avancé, les ailes se frangent & se déchiquetent à force de servir. On n'a pas encore pû savoir quelle étoit la durée de la vie des abeilles : quelques auteurs ont prétendu qu'elles vivoient dix ans ; d'autres sept ; d'autres enfin ont rapproché de beaucoup le terme de leur mort naturelle, en le fixant à la fin de la premiere année : c'est peut-être l'opinion la mieux fondée ; il seroit difficile d'en avoir la preuve ; car on ne pourroit pas garder une abeille séparément des autres : ces insectes ne peuvent vivre qu'en société.

Après avoir suivi les abeilles dans leurs différens âges, il faut rapporter les faits les plus remarquables dans l'espece de société qu'elles composent. Une ruche ne peut subsister, s'il n'y a une abeille mere ; & s'il s'en trouve plusieurs, les abeilles ouvrieres tuent les surnuméraires. Jusqu'à ce que cette exécution soit faite, elles ne travaillent point, tout est en desordre dans la ruche. On trouve communément des ruches qui ont jusqu'à seize ou dix-huit mille habitans ; ces insectes travaillent assidûment tant que la température de l'air le leur permet. Elles sortent de la ruche dès que l'aurore paroît ; au printems, dans les mois d'Avril & de Mai, il n'y a aucune interruption dans leurs courses depuis quatre heures du matin jusqu'à huit heures du soir ; on en voit à tout instant sortir de la ruche & y rentrer chargées de butin. On a compté qu'il en sortoit jusqu'à cent par minute, & qu'une seule abeille pouvoit faire cinq, & même jusqu'à sept voyages en un jour. Dans les mois de Juillet & d'Août, elles rentrent ordinairement dans la ruche pour y passer le milieu du jour ; on ne croit pas qu'elles craignent pour elles-mêmes la grande chaleur, c'est plûtôt parce que l'ardeur du soleil ayant desséché les étamines des fleurs, il leur est plus difficile de les pelotonner ensemble pour les transporter ; aussi celles qui rencontrent des plantes aquatiques qui sont humides, travaillent à toute heure.

Il y a des tems critiques où elles tâchent de surmonter tout obstacle, c'est lorsqu'un essain s'est fixé dans un nouveau gîte ; alors il faut nécessairement construire des gâteaux ; pour cela elles travaillent continuellement ; elles iroient jusqu'à une lieue pour avoir une seule pelote de cire. Cependant la pluie & l'orage sont insurmontables ; dès qu'un nuage paroît l'annoncer, on voit les abeilles se rassembler de tous côtés, & rentrer avec promptitude dans la ruche. Celles qui rapportent du miel ne vont pas toûjours le déposer dans les alvéoles ; elles le distribuent souvent en chemin à d'autres abeilles qu'elles rencontrent ; elles en donnent aussi à celles qui travaillent dans la ruche, & même il s'en trouve qui le leur enlevent de force.

Les abeilles qui recueillent la cire brute, l'avalent quelquefois pour lui faire prendre dans leur estomac la qualité de vraie cire : mais le plus souvent elles la rapportent en pelotes, & la remettent à d'autres ouvrieres qui l'avalent pour la préparer ; enfin la cire brute est aussi déposée dans les alvéoles. L'abeille qui arrive chargée entre dans un alvéole, détache avec l'extrémité de ses jambes du milieu les deux pelotes qui tiennent aux jambes de derriere, & les fait tomber au fond de l'alvéole. Si cette mouche quitte alors l'alvéole, il en vient une autre qui met les deux pelotes en une seule masse qu'elle étend au fond de la cellule ; peu-à-peu elle est remplie de cire brute, que les abeilles pétrissent de la même façon, & qu'elles détrempent avec du miel. Quelque laborieuses que soient les abeilles, elles ne peuvent pas être toûjours en mouvement ; il faut bien qu'elles prennent du repos pour se délasser : pendant l'hyver, ce repos est forcé ; le froid les engourdit, & les met dans l'inaction : alors elles s'accrochent les unes aux autres par les pattes, & se suspendent en forme de guirlande.

Les abeilles ouvrieres semblent respecter la mere abeille, & les abeilles mâles seulement, parce qu'elles sont nécessaires pour la multiplication de l'espece. Elles suivent la reine, parce que c'est d'elle que sortent les oeufs : mais elles n'en reconnoissent qu'une, & elles tuent les autres ; une seule produit une assez grande quantité d'oeufs. Elles fournissent des alimens aux faux-bourdons pendant tout le tems qu'ils sont nécessaires pour féconder la reine : mais dès qu'elle cesse de s'en approcher, ce qui arrive dans le mois de Juin, dans le mois de Juillet, ou dans le mois d'Août, les abeilles ouvrieres les tuent à coups d'aiguillon, & les entraînent hors de la ruche : elles sont quelquefois deux, trois, ou quatre ensemble pour se défaire d'un faux-bourdon. En même tems elles détruisent tous les oeufs & tous les vers dont il doit sortir des faux-bourdons ; la mere abeille en produira dans sa ponte un assez grand nombre pour une autre génération. Les abeilles ouvrieres tournent aussi leur aiguillon contre leurs pareilles ; & toutes les fois qu'elles se battent deux ensemble, il en coûte la vie à l'une, & souvent à toutes les deux, lorsque celle qui a porté le coup mortel ne peut pas retirer son aiguillon ; il y a aussi des combats généraux dont on parlera au mot ESSAIN.

Les abeilles ouvrieres se servent encore de leur aiguillon contre tous les animaux qui entrent dans leur ruche, comme des limaces, des limaçons, des scarabés, &c. Elles les tuent & les entraînent dehors. Si le fardeau est au-dessus de leur force, elles ont un moyen d'empêcher que la mauvaise odeur de l'animal ne les incommode ; elles l'enduisent de propolis, qui est une résine qu'elles employent pour espalmer la ruche. Voyez PROPOLIS. Les guêpes & les frêlons tuent les abeilles, & leur ouvrent le ventre pour tirer le miel qui est dans leurs entrailles ; elles pourroient se défendre contre ces insectes, s'ils ne les attaquoient par surprise : mais il leur est impossible de résister aux moineaux qui en mangent une grande quantité, lorsqu'ils sont dans le voisinage des ruches. Voyez Mousset, Swammerdam, les Mémoires de M. Maraldi dans le Recueil de l'Académie Royale des Sciences, & le cinquieme volume des Mémoires pour servir à l'histoire des Insectes, par M. de Reaumur, dont cet abregé a été tiré en grande partie. Voyez ALVEOLE, ESSAIN, GATEAU, PROPOLIS, RUCHE, INSECTE.

Il y a plusieurs especes d'abeilles différentes de celles qui produisent le miel & la cire ; l'une des principales especes, beaucoup plus grosse que les abeilles, est connue sous le nom de bourdon. Voyez BOURDON.

Les abeilles que l'on appelle perce-bois, sont presque aussi grosses que les bourdons ; leur corps est applati & presque ras : elles sont d'un beau noir luisant, à l'exception des ailes dont la couleur est violette. On les voit dans les jardins dès le commencement du printems, & on entend de loin le bruit qu'elles font en volant : elles pratiquent leur nid dans des morceaux de bois sec qui commencent à se pourrir ; elles y percent des trous avec leurs dents ; d'où vient leur nom de perce-bois. Ces trous ont douze à quinze pouces de longueur, & sont assez larges pour qu'elles puissent y passer librement. Elles divisent chaque trou en plusieurs cellules de sept ou huit lignes de longueur ; elles sont séparées les unes des autres par une cloison faite avec de la sciûre de bois & une espece de colle. Avant que de fermer la premiere piece, l'abeille y dépose un oeuf, & elle y met une pâtée composée d'étamines de fleurs, humectée de miel, qui sert de nourriture au ver lorsqu'il est éclos. La premiere cellule étant fermée, elle fait les mêmes choses dans la seconde, & successivement dans toutes les autres ; le ver se métamorphose dans la suite en nymphe ; & il sort de cette nymphe une mouche qui va faire d'autres trous, & pondre de nouveaux oeufs, si c'est une femelle.

Une autre espece d'abeille construit son nid avec une sorte de mortier. Les femelles sont aussi noires que les abeilles perce-bois & plus velues ; on voit seulement un peu de couleur jaunâtre en-dessous à leur partie postérieure : elles ont un aiguillon pareil à celui des mouches à miel ; les mâles n'en ont point, ils sont de couleur fauve ou rousse. Les femelles construisent seules les nids, sans que les mâles y travaillent : ces nids n'ont que l'apparence d'un morceau de terre, gros comme la moitié d'un oeuf collé contre un mur ; ils sont à l'exposition du midi. Si on détache ce nid, on voit dans son intérieur environ huit ou dix cavités dans lesquelles on trouve ou des vers & de la pâtée ou des nymphes, ou des mouches. Cette abeille transporte entre ses dents une petite pelote composée de sable, de terre, & d'une liqueur gluante qui lie le tout ensemble, & elle applique & façonne avec ses dents la charge de mortier qu'elle a apportée pour la construction du nid. Elle commence par faire une cellule à laquelle elle donne la figure d'un petit dé à coudre ; elle la remplit de pâtée, & elle y dépose un oeuf & ensuite elle la ferme. Elle fait ainsi successivement, & dans différentes directions, sept ou huit cellules qui doivent composer le nid en entier ; enfin elle remplit avec un mortier grossier les vuides que les cellules laissent entr'elles, & elle enduit le tout d'une couche fort épaisse.

Il y a d'autres abeilles qui font des nids sous terre ; elles sont presque aussi grosses que des mouches à miel ; leur nid est cylindrique à l'extérieur, & arrondi aux deux bouts : il est posé horisontalement & recouvert de terre de l'épaisseur de plusieurs pouces, soit dans un jardin, soit en plein champ, quelquefois dans la crête d'un sillon. La mouche commence d'abord par creuser un trou propre à recevoir ce cylindre ; ensuite elle le forme avec des feuilles découpées : cette premiere couche de feuilles n'est qu'une enveloppe qui doit être commune à cinq ou six petites cellules faites avec des feuilles comme la premiere enveloppe. Chaque cellule est aussi cylindrique, & arrondie par l'un des bouts ; l'abeille découpe des feuilles en demi-ovale : chaque piece est la moitié d'un ovale coupé sur son petit diametre. Si on faisoit entrer trois pieces de cette figure dans un dé à coudre pour couvrir ses parois intérieures, de façon que chaque piece anticipât un peu sur la piece voisine, on feroit ce que fait l'abeille dont nous parlons. Pour construire une petite cellule dans l'enveloppe commune, elle double & triple les feuilles pour rendre la petite cellule plus solide, & elle les joint ensemble, de façon que la pâtée qu'elle y dépose avec l'oeuf ne puisse couler au-dehors. L'ouverture de la cellule est aussi fermée par des feuilles découpées en rond qui joignent exactement les bords de la cellule. Il y a trois feuilles l'une sur l'autre pour faire ce couvercle. Cette premiere cellule étant placée à l'un des bouts de l'enveloppe cylindrique, de façon que son bout arrondi touche les parois intérieures du bout arrondi de l'enveloppe ; la mouche fait une seconde cellule située de la même façon, & ensuite d'autres jusqu'au bout de l'enveloppe. Chacune a environ six lignes de longueur sur trois lignes de diametre, & renferme de la pâtée & un ver qui, après avoir passé par l'état de nymphe, devient une abeille. Il y en a de plusieurs especes : chacune n'employe que la feuille d'une même plante ; les unes celles de rosier, d'autres celles du marronnier, de l'orme : d'autres abeilles construisent leurs nids à peu près de la même façon, mais avec des matériaux différens ; c'est une matiere analogue à la soie, & qui sort de leur bouche.

Il y a des abeilles qui font seulement un trou en terre ; elles déposent un oeuf avec la pâtée qui sert d'aliment au ver, & elles remplissent ensuite le reste du trou avec de la terre. Il y en a d'autres qui, après avoir creusé en terre des trous d'environ trois pouces de profondeur, les revêtissent avec des feuilles de coquelicot : elles les découpent & les appliquent exactement sur les parois du trou : elles mettent au moins deux feuilles l'une sur l'autre. C'est sur cette couche de fleurs que la mouche dépose un oeuf & la pâtée du ver ; comme cela ne suffit pas pour remplir toute la partie du trou qui est revêtue de fleurs, elle renverse la partie de la tenture qui déborde, & en fait une couverture pour la pâtée & pour l'oeuf, ensuite elle remplit le reste du trou avec de la terre. On trouvera l'histoire de toutes ces mouches dans le sixieme volume des Mémoires pour servir à l'histoire des insectes, par M. de Reaumur, dont cet abregé a été tiré. Voyez MOUCHE, INSECTE. (L)

ABEILLES, (Myth.) passerent pour les nourrices de Jupiter sur ce qu'on en trouva des ruches dans l'antre de Dicté, où Jupiter avoit été nourri.


ABELS. petite ville des Ammonites que Joseph fait de la demi-tribu de Manassès, au-delà du Jourdain, dans le pays qu'on appella depuis la Trachonite.


ABEL-MOSCVoyez AMBRETTE ou GRAINE DE MUSC.


ABÉLIENSABÉLONIENS & ABÉLOITES, s. m. pl. sorte d'hérétiques en Afrique proche d'Hippone, dont l'opinion & la pratique distinctive étoit de se marier, & cependant de faire profession de s'abstenir de leurs femmes, & de n'avoir aucun commerce charnel avec elles.

Ces hérétiques peu considérables par eux-mêmes (car ils étoient confinés dans une petite étendue de pays, & ne subsisterent pas long-tems), sont devenus fameux par les peines extraordinaires que les savans se sont données pour découvrir le principe sur lequel ils se fondoient, & la raison de leur dénomination.

Il y en a qui pensent qu'ils se fondoient sur ce texte de S. Paul, 1. Cor. VII. 29. Reliquum est ut & qui habent uxores, tanquam non habentes sint.

Un auteur qui a écrit depuis peu, prétend qu'ils régloient leurs mariages sur le pié du paradis terrestre ; alléguant pour raison qu'il n'y avoit point eu d'autre union entre Adam & Eve dans le paradis terrestre, que celle des coeurs. Il ajoûte qu'ils avoient encore en vûe l'exemple d'Abel, qu'ils soûtenoient avoir été marié, mais n'avoir jamais connu sa femme, & que c'est de lui qu'ils prirent leur nom.

Bochart observe qu'il couroit une tradition dans l'Orient, qu'Adam conçut de la mort d'Abel un si grand chagrin, qu'il demeura cent trente ans sans avoir de commerce avec Eve. C'étoit, comme il le montre, le sentiment des docteurs Juifs ; d'où cette fable fut transmise aux Arabes ; & c'est de-là, selon Giggeus, que Thabala en Arabe, est venu à signifier s'abstenir de sa femme. Bouchart en a conclu qu'il est très-probable que cette histoire pénétra jusqu'en Afrique, & donna naissance à la secte & au nom des Abéliens.

Il est vrai que les Rabbins ont cru qu'Adam après la mort d'Abel, demeura long-tems sans user du mariage, & même jusqu'au tems qu'il engendra Seth. Mais d'assûrer que cet intervalle fut de cent trente ans, c'est une erreur manifeste & contraire à leur propre chronologie, qui place la naissance de Seth à la cent trentieme année du monde, ou de la vie d'Adam, comme on peut le voir dans les deux ouvrages des Juifs intitulés Seder Olam.

Abarbanel dit que ce fut cent trente ans après la chûte d'Adam, ce qui est conforme à l'opinion d'autres rabbins, que Caïn & Abel furent conçûs immédiatement après la transgression d'Adam. Mais, disent d'autres, à la bonne heure que la continence occasionnée par la chûte d'Adam ou par la mort d'Abel ait donné naissance aux Abéliens : ce fut la continence d'Adam, & non celle d'Abel, que ces hérétiques imiterent ; & sur ce pié, ils auroient dû être appellés Adamites, & non pas Abéliens. En effet il est plus que probable qu'ils prirent leur nom d'Abel sans aucune autre raison, si ce n'est que comme ce patriarche ils ne laissoient point de postérité ; non qu'il eût vécu en continence après son mariage, mais parce qu'il fut tué avant que d'avoir été marié.

Les Abéliens croyoient apparemment selon l'opinion commune, qu'Abel étoit mort avant que d'avoir été marié : mais cette opinion n'est ni certaine ni universelle. Il y a des auteurs qui pensent qu'Abel étoit marié & qu'il laissa des enfans. Ce fut même, selon ces auteurs, la cause principale de la crainte de Caïn, qui appréhendoit que les enfans d'Abel ne tirassent vengeance de sa mort.

* On croit que cette secte commença sous l'empire d'Arcadius & qu'elle finit sous celui de Théodose le jeune ; & que tous ceux qui la composoient réduits enfin à un seul village, se réunirent à l'Eglise. S. Aug. de haeres. c. lxxxv. Bayle, dictionn. (G)


ABELLINASS. vallée de Syrie entre le Liban & l'Antiliban, dans laquelle Damas est située.


ABELLIONancien Dieu des Gaulois, que Boucher dit avoir pris ce nom du lieu où il étoit adoré. Cette conjecture n'est guere fondée, non plus que celle de Vossius, qui croit que l'abellion des Gaulois est l'Apollon des Grecs & des Romains, ou en remontant plus haut, le Bélus des Crétois.


ABENEZERlieu de la terre-sainte où les Israëlites défaits abandonnerent l'arche d'alliance aux Philistins.


ABENSPERGpetite ville d'Allemagne dans le cercle & duché de Baviere. Long. 29. 25. lat. 48. 45.


ABEONES. f. déesse du paganisme à laquelle les Romains se recommandoient en se mettant en voyage.


ABERS. m. dans l'ancien Breton, chûte d'un ruisseau dans une riviere ; telle est l'origine des noms de plusieurs confluens de cette nature, & de plusieurs villes qui y ont été bâties ; telles que Aberdéen, Aberconway, &c.


ABER-YSWITHville d'Angleterre, dans le Casdiganshire, province de la principauté de Galles, proche de l'embouchure de l'Yswith. Long. 13. 20. lat. 52. 30.


ABERDEENville maritime de l'Ecosse septentrionale. Il y a le vieux & le nouvel Aberdéen. Celui-ci est la capitale de la province de son nom. Long. 16. lat. 57. 23.


ABERNETYABERBORN, ville de l'Ecosse septentrionale au fond du golphe de Firth, à l'embouchure de l'Ern. Long. 14. 40. lat. 56. 37.


ABERRATIONS. f. en Astronomie, est un mouvement apparent qu'on observe dans les étoiles fixes, & dont la cause & les circonstances ont été découvertes par M. Bradley, membre de la société royale de Londres, & aujourd'hui Astronome du roi d'Angleterre à Greenwich.

M. Picard & plusieurs autres Astronomes après lui, avoient observé dans l'étoile polaire un mouvement apparent d'environ 40" par an, qu'il paroissoit impossible d'expliquer par la parallaxe de l'orbe annuel ; parce que ce mouvement étoit dans un sens contraire à celui suivant lequel il auroit dû être, s'il étoit venu du seul mouvement de la terre dans son orbite. Voyez PARALLAXE DU GRAND ORBE.

Ce mouvement n'ayant pû être expliqué pendant 50 ans, M. Bradley découvrit enfin en 1727 qu'il étoit causé par le mouvement successif de la lumiere combiné avec le mouvement de la terre. Si la France a produit dans le dernier siecle les deux plus grandes découvertes de l'Astronomie physique, savoir, l'accourcissement du pendule sous l'équateur, dont Richer s'apperçut en 1672, & la propagation ou le mouvement successif de la lumiere démontré dans l'Académie des Sciences par M. Roëmer, l'Angleterre peut bien se flatter aujourd'hui d'avoir annoncé la plus grande découverte du dix-huitieme siecle.

Voici de quelle maniere M. Bradley a expliqué la théorie de l'aberration, après avoir observé pendant deux années consécutives que l'étoile de la tête du dragon, qui passoit à son zénith, & qui est fort près du pole de l'écliptique, étoit plus méridionale de 39" au mois de Mars qu'au mois de Septembre.

Si l'on suppose (Planche Astron. fig. 31. n. 3.) que l'oeil soit emporté uniformément suivant la ligne droite A B, qu'on peut bien regarder ici comme une très-petite partie de l'orbite que la terre décrit durant quelques minutes, & que l'oeil parcoure l'intervalle compris depuis A jusqu'à B précisément dans le tems que la lumiere se meut depuis C jusqu'en B, je dis qu'au lieu d'appercevoir l'étoile dans une direction parallele à B C, l'oeil appercevra, dans le cas présent, l'étoile selon une direction parallele à la ligne A C. Car supposons que l'oeil étant entraîné depuis A jusqu'en B, regarde continuellement au-travers de l'axe d'un tube très-délié, & qui seroit toûjours parallele à lui-même suivant les directions A C, a c, &c. il est évident que si la vitesse de la lumiere a un rapport assez sensible à la vitesse de la terre, & que ce rapport soit celui de B C à A B, alors la particule de lumiere qui s'étoit d'abord trouvée à l'extrémité C du tube coulera uniformément & sans trouver d'obstacle le long de l'axe, à mesure que le tube viendra à s'avancer, puisque selon la supposition on a toûjours A B à B C comme a B à B c, & A a à C c comme A B à B C ; c'est-à-dire, que l'oeil ayant parcouru l'intervalle A a, la particule de lumiere a dû descendre uniformément jusqu'en c, & par conséquent se trouvera dans le tuyau qui est alors dans la situation a c. D'ailleurs il est aisé de voir que si on donnoit au tube toute autre inclinaison, la particule de lumiere ne pourroit plus couler le long de l'axe, mais trouveroit dès son entrée un obstacle à son passage, parce que le point c où la particule de lumiere arriveroit, ne se trouveroit pas alors dans le tuyau, qui ne seroit plus parallele à A C. Or, parmi cette multitude innombrable de rayons que lance l'étoile & qui viennent tous parallelement à B C, il s'en trouve assez de quoi fournir continuellement de nouvelles particules qui se succédant les unes aux autres à l'extrémité du tube, coulent le long de l'axe, & forment par conséquent un rayon suivant la direction A C. Il est donc évident que ce même rayon A C sera l'unique qui viendra frapper l'oeil, qui par conséquent ne sauroit appercevoir l'étoile autrement que sous cette même direction. Maintenant si au lieu de ce tube on imagine autant de lignes droites ou de petits tubes extrèmement fins & déliés, que la prunelle de l'oeil peut admettre de rayons à la fois, le même raisonnement aura lieu pour chacun de ces tubes, que pour celui dont nous venons de parler. Donc l'oeil ne sauroit recevoir aucun des rayons de l'étoile que ceux qui paroîtront venir suivant des directions paralleles à A C, & par conséquent l'étoile paroîtra en effet dans un lieu où elle n'est pas véritablement ; c'est-à-dire, dans un lieu différent de celui où on l'auroit apperçue, si l'oeil étoit resté fixe au point A.

Ce qui confirme parfaitement cette théorie si ingénieuse, & qui en porte la certitude jusqu'à la démonstration, c'est que la vitesse que doit avoir la lumiere pour que l'angle d'aberration B C A soit tel que les observations le donnent, s'accorde parfaitement avec la vitesse de la lumiere déterminée par M. Roëmer d'après les observations des satellites de Jupiter. En effet, imaginons (Fig. 31. n°. 2.) que b c soit égal au rayon de l'orbe annuel, l'angle b c a est donné par l'observation de la plus grande aberration possible des étoiles, savoir, de 20". On fera donc, comme le rayon est à la tangente de 20", ainsi c b est à un quatrieme terme, qui sera la valeur de la petite portion a b de l'orbe terrestre, laquelle se trouve excéder un peu la dix-millieme partie de la moyenne distance A B ou A b de la terre au soleil, puisqu'elle en est la 1/10313 partie. C'est pourquoi la terre parcourant 360 degrés en 365 jours 1/4, & à proportion un arc de 57 degrés égal au rayon de l'orbite, en 58 jours 131/1000 ou 83709', il s'ensuit que la 10313 partie de ce dernier nombre, c'est-à-dire, 8' 12/100, ou 8' 7" 1/2, sera le tems que la terre met à parcourir le petit espace a b, & le tems que la lumiere met à parcourir l'espace b c égal au rayon de l'orbe annuel. Or M. Roëmer a trouvé par les observations des satellites de Jupiter, que la lumiere doit mettre en effet environ 8' 7" à venir du soleil jusqu'à nous. Voyez LUMIERE. C'est pourquoi chacune des deux théories de M. Roëmer & de M. Bradley s'accordent à donner la même quantité pour la vitesse avec laquelle la lumiere se meut.

Au reste comme les directions que l'on regarde comme paralleles, b c, B C, ou bien a c, A C, ne le sont pas en effet, mais concourent au même point du ciel, savoir à l'étoile E, il s'ensuit qu'à mesure que la terre avancera sur la circonférence de son orbite, l'arc ou la petite tangente ab qu'elle décrit chaque jour venant à changer de direction, il en sera de même à l'égard de la ligne A C qui dans le cours d'une année entiere aura un mouvement conique autour de B C ou de A E, ensorte que prolongée dans le ciel, son extrémité doit décrire un petit cercle autour du vrai lieu qu'occupe l'étoile ; & comme l'angle A C B ou l'angle alterne C A E qui lui est égal est de 20", il sera vrai de dire que l'étoile ne sauroit jamais être apperçue dans son vrai lieu, mais qu'à chaque année elle doit recommencer à parcourir la circonférence d'un cercle autour de son véritable lieu : ensorte que si elle est au zénith, par exemple, elle pourra être vûe à son passage au méridien alternativement 20" plus au nord ou plus au midi à chaque intervalle d'environ six mois. M. de Maupertuis dans son excellent ouvrage intitulé Elémens de Géographie, explique l'aberration par une comparaison ingénieuse. Il en est ainsi, dit-il, de la direction qu'il faut donner au fusil pour que le plomb frappe l'oiseau qui vole : au lieu d'ajuster directement à l'oiseau, le chasseur tire un peu au-devant, & tire d'autant plus au-devant, que le vol de l'oiseau est plus rapide par rapport à la vitesse du plomb. Il est évident que dans cette comparaison l'oiseau représente la terre, & le plomb représente la lumiere de l'étoile qui la vient frapper. Cette comparaison peut servir à faire entendre le principe de l'aberration à ceux de nos lecteurs qui n'ont aucune teinture de Géométrie. L'explication que nous venons de donner de ce même principe d'après M. Bradley, peut être aussi à l'usage de ceux qui n'en ont qu'une teinture légere ; car on doit sentir que si un tuyau est mû avec une direction donnée qui ne soit pas suivant la longueur du tuyau, un corpuscule ou globule qui doit traverser ou enfiler ce tuyau en ligne droite durant son mouvement sans choquer les parois du tuyau, doit avoir pour cela une direction différente de celle du tuyau, & qui ne soit pas parallele non plus à la longueur du tuyau.

Mais voici une démonstration qui pourra être facilement entendue par tous ceux qui sont un peu au fait des principes de méchanique, & qui ne suppose ni tuyau, ni rien d'étranger. Je ne sache pas qu'elle ait encore été donnée, quoiqu'elle soit simple. Aussi ne prétens-je pas m'en faire un mérite. C B, (fig. 31. n°. 3.) étant (hyp.) la vîtesse absolue de l'étoile, on peut regarder C B comme la diagonale d'un parallélogramme dont les côtés seroient C A & A B ; ainsi on peut supposer que le globule de lumiere, au lieu du mouvement suivant C B, ait à la fois deux mouvemens, l'un suivant C A, l'autre suivant A B. Or le mouvement suivant A B est commun à ce globule & à l'oeil du spectateur. Donc ce globule ne frappe réellement l'oeil du spectateur que suivant C A ; donc A C est la direction dans laquelle le spectateur doit voir l'étoile : car la ligne dans laquelle nous voyons un objet n'est autre chose que la ligne suivant laquelle les rayons entrent dans nos yeux. C'est pour cette raison que dans les miroirs plans, par exemple, nous voyons l'objet au-dedans du miroir, &c. Voyez MIROIR. Voyez aussi APPARENT.

M. Bradley a joint à sa théorie des formules pour calculer l'aberration des fixes en déclinaison & en ascension droite : ces formules ont été démontrées en deux différentes manieres, & réduites à un usage fort simple par M. Clairaut dans les Mémoires de l'Académie de 1737. Elles ont aussi été démontrées par M. Simpson, de la Société royale de Londres, dans un Recueil de différens opuscules Mathématiques, imprimé en Anglois à Londres 1745. Enfin M. Fontaine des Crutes a publié un traité sur le même sujet. Cet ouvrage a été imprimé à Paris en 1744. Des Astronomes habiles nous ont paru en faire cas ; tant parce qu'il explique fort clairement la théorie & les calculs de l'aberration, que parce qu'il contient une histoire assez curieuse de l'origine & du progrès de l'Astronomie, dressée sur des Mémoires de M. le Monnier. Nous avons tiré des Institutions Astronomiques de ce dernier une grande partie de cet article. (O)


ABESKOUNîle d'Asie, dans la mer Caspienne.


ABEXcontrée maritime d'Afrique, entre le pas de Suaquem, & le détroit de Babel-Mandel.


ABGARESLes Abgares d'Edesse, en Mésopotamie, étoient de petits rois qu'on voit souvent sur des médailles avec des thiares d'une forme assez semblable à certaines des rois Parthes. Voyez les Antiquités du Pere Montfaucon, tome III. part. I. page 80.


ABHAc'est, à ce qu'on lit dans James, un fruit de couleur rousse, très-connu dans l'Orient, de la grosseur à-peu-près de celui du cyprès, & qu'on recueille sur un arbre de la même espece. On le regarde comme un puissant emménagogue.


ABIADville d'Afrique, sur la côte d'Abex.


ABIANNEURVoyez ABIENHEUR.


ABIBS. m. nom que les Hébreux donnoient au premier mois de leur année sainte. Dans la suite il fut appellé Nisan. Voyez NISAN. Il répond à notre mois de Mars. Abib, en Hébreu, signifie des épis verds. S. Jerôme le traduit par des fruits nouveaux, mense novarum frugum. Exod. XIII. vers. 4. Voyez sous le mot Nisan, les principales fêtes & cérémonies que les Juifs pratiquoient ou pratiquent encore pendant ce mois. Dictionn. de la Bible, tome I. page 14. (G)


ABIENHEURsubst. m. terme de la Coûtume de Bretagne ; c'est le sequestre ou le commissaire d'un fonds saisi.


ABIENSC'étoient entre les Scythes, d'autres disent entre les Thraces, des peuples qui faisoient profession d'un genre de vie austere, dont Tertullien fait mention, lib. de praescript. cap. xlij. que Strabon loue d'une pureté de moeurs extraordinaire, & qu'Alexandre ab Alexandro & Scaliger ont jugé à propos d'appeller du nom de philosophes, enviant, pour ainsi dire, aux Scythes une distinction qui leur fait plus d'honneur qu'à la Philosophie, d'être les seuls peuples de la terre qui n'ayent presque eu ni poëtes, ni philosophes, ni orateurs, & qui n'en ayent été ni moins honorés, ni moins courageux, ni moins sages. Les Grecs avoient une haute estime pour les Abiens, & ils la méritoient bien par je ne sais quelle élévation de caractere & je ne sais quel degré de justice & d'équité dont ils se piquoient, singulierement entre leurs compatriotes, pour qui leur personne étoit sacrée. Que ne devoient point être aux yeux des autres hommes ceux pour qui les sages & braves Scythes avoient tant de vénération ! Ce sont ces Abiens, je crois, qui se conserverent libres sous Cyrus & qui se soûmirent à Alexandre. C'est un grand honneur pour Alexandre, ou peut-être un reproche à leur faire.


ABIGEATsubst. m. terme de Droit civil, étoit le crime d'un homme qui détournoit des bestiaux pour les voler.


ABIMALICsubst. m. langue des Africains Beriberes, ou naturels du pays.


ABINGDONou ABINGTON, ou ABINDON, ville d'Angleterre, en Barkshire, & sur la Tamise. Long. 16. 20. lat. 51. 40.


ABISCASS. m. peuple de l'Amérique méridionale, à l'Est du Pérou.


ABISMEou ABYSME, s. m. pris généralement, signifie quelque chose de très-profond, & qui, pour ainsi dire, n'a point de fond.

Ce mot est grec originairement ἀϐυσσὸς ; il est composé de la particule privative α & βυσσὸς, fond ; c’est-à-dire sans fond. Suidas & d'autres lui donnent différentes origines : ils disent qu'il vient de & de , couvrir, cacher, ou de & de : mais les plus judicieux critiques rejettent cette étymologie comme ne valant guere mieux que celle d'un vieux glossateur, qui fait venir abyssus de ad ipsus, à cause que l'eau vient s'y rendre en abondance.

Abysme, pris dans un sens plus particulier, signifie un amas d'eau fort profond. Voyez EAU.

Les Septante se servent particulierement de ce mot en ce sens, pour désigner l'eau que Dieu créa au commencement avec la terre ; c'est dans ce sens que l'Ecriture dit que les ténebres étoient sur la surface de l'abysme.

On se sert aussi du mot abysme, pour marquer le réservoir immense creusé dans la terre, où Dieu ramassa toutes les eaux le troisieme jour : réservoir que l'on désigne dans notre langue par le mot mer, & quelquefois dans les Livres saints par le grand abysme.

ABISME, se dit, dans l'Ecriture, de l'enfer & des lieux les plus profonds de la mer, & du cahos qui étoit couvert de ténebres au commencement du monde, & sur lequel l'esprit de Dieu étoit porté. Gen. I. 2. Les anciens Hébreux, de même que la plûpart des Orientaux, encore à présent, croyent que l'abysme, la mer, les cieux, environnoient toute la terre ; que la terre étoit comme plongée & flottante sur l'abysme, à-peu-près, disent-ils, comme un melon d'eau nage sur l'eau & dans l'eau, qui le couvre dans toute sa moitié. Ils croyent de plus, que la terre étoit fondée sur les eaux, ou du moins qu'elle avoit son fondement dans l'abysme. C'est sous ces eaux & au fond de cet abysme, que l'Ecriture nous représente les Géans qui gémissent & qui souffrent la peine de leurs crimes : c'est-là où sont relegués les Rephaïms, ces anciens Géans, qui de leur vivant faisoient trembler les peuples ; enfin c'est dans ces sombres cachots que les Prophetes nous font voir les rois de Tyr, de Babylone, & d'Egypte, qui y sont couchés & ensevelis, mais toute fois vivant & expiant leur orgueil & leur cruauté. Psal. XXXIII. 2. XXXV. 6. Proverb. XI. 18. IX. 18. XXI. 16. Ps. LXXXVII. 2. LXX. 20. Is. XIV. 9. Ezech. XXVIII. 10. XXXI. 18. XXXII. 19.

Ces abysmes sont la demeure des démons & des impies. Je vis, dit S. Jean dans l'Apocalypse, une étoile qui tomba du ciel, & à qui l'on donna la clé du puits de l'abysme : elle ouvrit le puits de l'abysme, & il en sortit une fumée comme d'une grande fournaise, qui obscurcit le soleil & l'air, & de cette fumée sortirent des sauterelles, qui se répandirent sur toute la terre : elles avoient pour roi à leur tête l'ange de l'abysme, qui est nommé Exterminateur. Et ailleurs, on nous représente la bête qui sort de l'abysme, & qui fait la guerre aux deux témoins de la Divinité. Enfin l'Ange du Seigneur descend du ciel, ayant en sa main la clé de l'abysme, & tenant une grande chaîne. Il saisit le dragon, l'ancien serpent, qui est le diable & satan, le lie, le jette dans l'abysme pour y demeurer pendant mille ans, ferme sur lui le puits de l'abysme & le scelle, afin qu'il n'en puisse sortir de mille ans, &c. Apoc. IX. 1. 2. XI. 7. XX. 1. 3.

Les fontaines & les rivieres, au sentiment des Hébreux, ont toutes leur source dans l'abysme ou dans la mer : elles en sortent par des canaux invisibles, & s'y rendent par les lits qu'elles se sont formés sur la terre. Au tems du déluge, les abysmes d'embas, ou les eaux de la mer rompirent leur digue, les fontaines forcerent leurs sources, & se repandirent sur la terre dans le même tems que les cataractes du ciel s'ouvrirent, & inonderent tout le monde. Eccl. I. 7. Genes. VIII. vers. 2.

L'abysme qui couvroit la terre au commencement du monde, & qui étoit agité par l'Esprit de Dieu, ou par un vent impétueux ; cet abysme est ainsi nommé par anticipation, parce qu'il composa dans la suite la mer, & que les eaux de l'abysme en sortirent et se formerent de son écoulement : ou si l'on veut, la terre sortit du milieu de cet abysme, comme une ile qui sort du milieu de la mer, & qui paroît tout d'un coup à nos yeux, après avoir été long-tems cachée sous les eaux. Genes. I. 2. Dictionn. de la Bibl. de Calmet, tom. I. lettre A. au mot Abysme, pag. 15.

M. Woodward nous a donné des conjectures sur la forme du grand abysme dans son Histoire naturelle de la terre : il soûtient qu'il y a un grand amas d'eaux renfermées dans les entrailles de la terre, qui forment un vaste globe dans ses parties intérieures ou centrales, & que la surface de cette eau est couverte de couches terrestres : c'est, selon lui, ce que Moyse appelle le grand gouffre, & ce que la plûpart des auteurs entendent par le grand abysme.

L'existence de cet amas d'eaux dans l'intérieur de la terre, est confirmée, selon lui, par un grand nombre d'observations. Voyez TERRE, DELUGE.

Le même auteur prétend que l'eau de ce vaste abysme communique avec celle de l'Océan, par le moyen de quelques ouvertures qui sont au fond de l'Océan : il dit que cet abysme & l'Océan ont un centre commun, autour duquel les eaux des deux réservoirs sont placées ; de maniere cependant que la surface de l'abysme n'est point de niveau avec celle de l'Océan, ni à une aussi grande distance du centre, étant en partie resserrée & comprimée par les couches solides de la terre qui sont dessus. Mais par tout où ces couches sont crevassées, ou si poreuses que l'eau peut les pénétrer, l'eau de l'abysme y monte, elle remplit toutes les fentes & les crevasses où elle peut s'introduire, & elle imbibe tous les interstices & tous les pores de la terre, des pierres, & des autres matieres qui sont autour du globe, jusqu'à ce que cette eau soit montée au niveau de l'Océan. Sur quoi tout cela est-il fondé ?

Si ce qu'on rapporte dans les Mémoires de l'Académie de 1741, de la fontaine sans fond de Sablé en Anjou, est entierement vrai, on peut mettre cette fontaine au rang des abysmes ; parce qu'en effet ceux qui l'ont sondée n'y ont point trouvé de fond ; & que selon la tradition du pays, plusieurs bestiaux qui y sont tombés, n'ont jamais été retrouvés. C'est une espece de gouffre de 20 à 25 piés d'ouverture, situé au milieu & dans la partie la plus basse d'une lande de 8 à 9 lieues de circuit, dont les bords élevés en entonnoir, descendent par une pente insensible jusqu'à ce gouffre, qui en est comme la citerne. La terre tremble ordinairement tout-autour, sous les piés des hommes & des animaux qui marchent dans ce bassin. Il y a de tems en tems des débordemens, qui n'arrivent pas toûjours après les grandes pluies, & pendant lesquels il sort de la fontaine une quantité prodigieuse de poisson, & surtout beaucoup de brochets truités, d'une espece fort singuliere, & qu'on ne connoît point dans le reste du pays. Il n'est pas facile cependant d'y pêcher, parce que cette terre tremblante & qui s'affaisse au bord du gouffre, & quelquefois assez loin aux environs, en rend l'approche fort dangereuse ; il faut attendre pour cela des années seches, & où les pluies n'ayent pas ramolli d'avance le terrein inondé. En général, il y a lieu de croire que tout ce terrein est comme la voûte d'un lac, qui est audessous. L'Académie qui porte par préférence son attention sur les curiosités naturelles du royaume, mais qui veut en même tems que ce soient de vraies curiosités, a jugé que celle-ci méritoit une plus ample instruction. Elle avoit chargé M. de Bremond de s'informer plus particulierement de certains faits, & de quelques circonstances qui pouvoient plus sûrement faire juger de la singularité de cette fontaine : mais une longue maladie, & la mort de M. de Bremond arrivée dans l'intervalle de cette recherche, ayant arrêté les vastes & utiles projets de cet Académicien, l'Académie n'a pas voulu priver le public de ce qu'elle savoit déjà sur la fontaine de Sablé. Voyez GOUFFRE. (O & G)

ABISME, s. m. terme de Blason, c'est le centre ou le milieu de l'écu, ensorte que la piece qu'on y met ne touche & ne charge aucune autre piece. Ainsi on dit d'un petit écu qui est mis au milieu d'un grand, qu'il est en abysme ; & tout autant de fois qu'on commence par toute autre figure que par celle du milieu, on dit que celle qui est au milieu est en abysme, comme si on vouloit dire que les autres grandes pieces étant élevées en relief, celle-là paroît petite, & comme cachée & abysmée. Il porte trois besans d'or avec une fleur de lis en abysme : ainsi ce terme ne signifie pas simplement le milieu de l'écu, car il est relatif, & suppose d'autres pieces, au milieu desquelles une plus petite est abysmée.

* ABISME. C'est une espece de cuvier ou vaisseau de bois à l'usage des Chandeliers, dont l'ouverture a b c d est parallélogrammatique ; les ais quarrés oblongs qui forment les grands côtés de ce cuvier sont inclinés l'un vers l'autre, font un angle aigu, & s'assemblent par cet angle dans deux patens sur une banquette à quatre piés g h i e, autour de laquelle il y a un rebord pour recevoir le suif qui coule de la chandelle quand elle sort de ce vaisseau. On voit par ce qui vient d'être dit, que les deux petits côtés de ce cuvier a b f, d c e, sont nécessairement taillés en triangles. C'est dans ce vaisseau rempli de suif en fusion, que l'on plonge à différentes reprises les meches qui occupent le centre de la chandelle. Ces meches sont enfilées sur des baguettes. Voyez la maniere de faire la chandelle à la broche ou baguette, à l'article CHANDELLE, & la figure de l'abysme, Planc. du Chandelier, figure 7.


ABISSINIES. f. grand pays & royaume d'Afrique. Long. 48. 65. lat. 6. 20.


ABITS. m. Quelques-uns se servent de ce mot pour exprimer la céruse. Voyez ABOIT, CERUSE, BLANC DE PLOMB. (M)


ABJURATIONS. f. en général, acte par lequel on dénie ou l'on renonce une chose d'une maniere solemnelle, & même avec serment. V. SERMENT.

Ce mot vient du Latin abjuratio, composé de ab, de ou contre, & de jurare, jurer.

Chez les Romains le mot d'abjuration signifioit dénégation avec faux serment, d'une dette, d'un gage, d'un dépôt, ou autre chose semblable, auparavant confiée. En ce sens l'abjuration est la même chose que le parjure ; elle differe de l'éjuration qui suppose le serment juste. Voyez PARJURE, &c.

L'abjuration se prend plus particulierement pour la solemnelle renonciation ou retractation d'une doctrine ou d'une opinion regardée comme fausse & pernicieuse.

Dans les lois d'Angleterre, abjurer une personne, c'est renoncer à l'autorité ou au domaine d'une telle personne. Par le serment d'abjuration, on s'oblige de ne reconnoître aucune autorité royale dans la personne appellée le prétendant, & de ne lui rendre jamais l'obéissance que doit rendre un sujet à son prince. Voyez SERMENT, FIDELITE, &c.

Le mot d'abjuration est aussi usité dans les anciennes coûtumes d'Angleterre, pour le serment fait par une personne coupable de félonie, qui se retirant dans un lieu d'asyle, s'obligeoit par serment d'abandonner le royaume pour toûjours ; ce qui le mettoit à l'abri de tout autre châtiment. Nous trouvons aussi des exemples d'abjuration pour un tems, pour trois ans, pour un an & un jour, & semblables.

Les criminels étoient reçus à faire cette abjuration en certains cas, au lieu d'être condamnés à mort. Depuis le tems d'Edoüard le confesseur, jusqu'à la réformation, les Anglois avoient tant de dévotion pour les églises, que si un homme coupable de félonie se réfugioit dans une église ou dans un cimetiere, c'étoit un asyle dont il ne pouvoit être tiré pour lui faire son procès ; mais en confessant son crime à la justice ou au coroner, & en abjurant le royaume, il étoit mis en liberté. Voyez ASYLE & CORONER.

Après l'abjuration on lui donnoit une croix, qu'il devoit porter à la main le long des grands chemins, jusqu'à ce qu'il fût hors des domaines du roi : on l'appelloit la banniere de Mere-Eglise. Mais l'abjuration déchut beaucoup dans la suite, & se réduisit à retenir pour toûjours le prisonnier dans le sanctuaire, où il lui étoit permis de finir le reste de ses jours, après avoir abjuré sa liberté & sa libre habitation. Par le statut 21 de Jacques 1er, tout usage d'asyle, & conséquemment d'abjuration, fut aboli. Voyez SANCTUAIRE. (G)


ABLABS. arbrisseau de la hauteur d'un sep de vigne. On dit qu'il croît en Egypte, qu'il garde sa verdure hyver & été, qu'il dure un siecle, que ses feuilles & ses fleurs ressemblent à celles de la féve de Turquie, que ses féves servent d'aliment en Egypte, & de remede contre la toux & la rétention d'urine, &c. Mais il faut attendre, pour ajoûter foi à cette plante & à ses propriétés, que les Naturalistes en ayent parlé clairement.


ABLAIS. contrée de la grande Tartarie. Long. 91-101. lat. 51-54.


ABLAISS. m. terme de coûtumes ; il se dit des blés sciés encore gissants sur le champ. (H)


ABLAQUES. nom que les François ont donné à la soie de perle, ou ardassine. Cette soie vient par la voie de Smyrne ; elle est fort belle : mais comme elle ne souffre pas l'eau chaude, il y a peu d'ouvrages dans lesquels elle puisse entrer.


ABLATIFS. m. terme de Grammaire ; c'est le sixieme cas des noms Latins. Ce cas est ainsi appellé du Latin ablatus, ôté, parce qu'on donne la terminaison de ce cas aux noms Latins qui sont le complément des prépositions à, absque, de, ex, sine, qui marquent extraction ou transport d'une chose à une autre : ablatus à me, ôté de moi ; ce qui ne veut pas dire qu'on ne doive mettre un nom à l'ablatif que lorsqu'il y a extraction ou transport ; car on met aussi à l'ablatif un nom qui détermine d'autres prépositions, comme clam, pro, prae, &c. mais il faut observer que ces sortes de dénominations se tirent de l'usage le plus fréquent, ou même de quelqu'un des usages. C'est ainsi que Priscien, frappé de l'un des usages de ce cas, l'appelle cas comparatif ; parce qu'en effet on met à l'ablatif l'un des correlatifs de la comparaison : Paulus est doctior Petro ; Paul est plus savant que Pierre. Varron l'appelle cas latin, parce qu'il est propre à la langue Latine. Les Grecs n'ont point de terminaison particuliere pour marquer l'ablatif : c'est le génitif qui en fait la fonction ; & c'est pour cela que l'on trouve souvent en Latin le génitif à la maniere des Grecs, au lieu de l'ablatif Latin.

Il n'y a point d'ablatif en François, ni dans les autres langues vulgaires, parce que dans ces langues les noms n'ont point de cas. Les rapports ou vûes de l'esprit que les Latins marquoient par les différentes inflexions ou terminaisons d'un même mot, nous les marquons, ou par la place du mot, ou par le secours des prépositions. Ainsi, quand nos Grammairiens disent qu'un nom est à l'ablatif, ils ne le disent que par analogie à la langue Latine ; je veux dire, par l'habitude qu'ils ont prise dans leur jeunesse à mettre du François en Latin, & à chercher en quel cas Latin ils mettront un tel mot François : par exemple, si l'on vouloit rendre en Latin ces deux phrases, la grandeur de Paris, & je viens de Paris ; de Paris seroit exprimé par le génitif dans la premiere phrase, au lieu qu'il seroit mis à l'ablatif dans la seconde. Mais comme en François l'effet que les terminaisons Latines produisent dans l'esprit y est excité d'une autre maniere que par les terminaisons, il ne faut pas donner à la maniere Françoise les noms de la maniere Latine. Je dirai donc qu'en Latin amplitudo, ou vastitas Lutetiae, est au génitif ; Lutetia, Lutetiae, c'est le même mot avec une inflexion différente : Lutetiae est dans un cas oblique qu'on appelle génitif, dont l'usage est de déterminer le nom auquel il se rapporte, d'en restraindre l'extension, d'en faire une application particuliere. Lumen solis, le génitif solis détermine lumen. Je ne parle, ni de la lumiere en général, ni de la lumiere de la lune, ni de celle des étoiles, &c. je parle de la lumiere du soleil. Dans la phrase Françoise la grandeur de Paris, Paris ne change point de terminaison ; mais Paris est lié à grandeur par la préposition de, & ces deux mots ensemble déterminent grandeur ; c'est-à-dire, qu'ils font connoître de quelle grandeur particuliere on veut parler : c'est de la grandeur de Paris.

Dans la seconde phrase, je viens de Paris, de lie Paris à je viens, & sert à désigner le lieu d'où je viens.

L'ablatif a été introduit après le datif pour plus grande netteté.

Sanctius, Vossius, la méthode de Port-Royal, & les Grammairiens les plus habiles, soûtiennent que l'ablatif est le cas de quelqu'une des prépositions qui se construisent avec l'ablatif ; en sorte qu'il n'y a jamais d'ablatif qui ne suppose quelqu'une de ces prépositions exprimée ou sousentendue.

ABLATIF absolu. Par ablatif absolu les Grammairiens entendent un incise qui se trouve en Latin dans une période, pour y marquer quelque circonstance ou de tems ou de maniere, &c. & qui est énoncé simplement par l'ablatif : par exemple, imperante Caesare Augusto, Christus natus est : Jesus-Christ est venu au monde sous le regne d'Auguste. Caesar deleto hostium exercitu, &c. César après avoir défait l'armée de ses ennemis, &c. imperante Caesare Augusto, deleto exercitu, sont des ablatifs qu'on appelle communément absolus, parce qu'ils ne paroissent pas être le régime d'aucun autre mot de la proposition. Mais on ne doit se servir du terme d'absolu, que pour marquer ce qui est indépendant, & sans relation à un autre : or dans tous les exemples que l'on donne de l'ablatif absolu, il est évident que cet ablatif a une relation de raison avec les autres mots de la phrase, & que sans cette relation il y seroit hors d'oeuvre, & pourroit être supprimé.

D'ailleurs, il ne peut y avoir que la premiere dénomination du nom qui puisse être prise absolument & directement ; les autres cas reçoivent une nouvelle modification ; & c'est pour cela qu'ils sont appellés cas obliques. Or il faut qu'il y ait une raison de cette nouvelle modification ou changement de terminaison ; car tout ce qui change, change par autrui ; c'est un axiome incontestable en bonne Métaphysique : un nom ne change la terminaison de sa premiere dénomination, que parce que l'esprit y ajoûte un nouveau rapport, une nouvelle vûe. Quelle est cette vûe ou rapport qu'un tel ablatif désigne ? est-ce le tems, ou la maniere, ou le prix, ou l'instrument, ou la cause, &c. Vous trouverez toûjours que ce rapport sera quelqu'une de ces vûes de l'esprit qui sont d'abord énoncées indéfiniment par une préposition, & qui sont ensuite déterminées par le nom qui se rapporte à la préposition : ce nom en fait l'application ; il en est le complément.

Ainsi l'ablatif, comme tous les autres cas, nous donne par la nomenclature l'idée de la chose que le mot signifie ; tempore, tems ; fuste, bâton ; manu, main ; patre, pere, &c. mais de plus nous connoissons par la terminaison de l'ablatif, que ce n'est pas là la premiere dénomination de ces mots ; qu'ainsi ils ne sont pas le sujet de la proposition, puisqu'ils sont dans un cas oblique : or la vûe de l'esprit qui a fait mettre le mot dans ce cas oblique, est ou exprimée par une préposition, ou indiquée si clairement par le sens des autres mots de la phrase, que l'esprit apperçoit aisément la préposition qu'on doit suppléer, quand on veut rendre raison de la construction. Ainsi observez :

1. Qu'il n'y a point d'ablatif qui ne suppose une préposition exprimée ou sousentendue.

2. Que dans la construction élégante on supprime souvent la préposition, lorsque les autres mots de la phrase font entendre aisément quelle est la préposition qui est sousentendue ; comme imperante Caesare Augusto, Christus natus est : on voit aisément le rapport de tems, & l'on sousentend sub.

3. Que lorsqu'il s'agit de donner raison de la construction, comme dans les versions interlinéaires, qui ne sont faites que dans cette vûe, on doit exprimer la préposition qui est sousentendue dans le texte élégant de l'auteur dont on fait la construction.

4. Que les meilleurs auteurs Latins, tant Poëtes qu'Orateurs, ont souvent exprimé les prépositions que les maîtres vulgaires ne veulent pas qu'on exprime, même lorsqu'il ne s'agit que de rendre raison de la construction : en voici quelques exemples.

Saepe ego correxi SUB te censore libellos. Ov. de Ponto, IV. ep. xij. v. 25. J'ai souvent corrigé mes ouvrages sur votre critique. Marco SUB judice palles. Perse, sat. v. Quos decet esse hominum, tali SUB principe mores. Mart. liv. I. Florent SUB Caesare leges. Ov. II. Fast. v. 141, Vacare à negotiis. Phaed. lib. III. Prol. v. 2. Purgare à foliis. Cato, de re rusticâ, 66. De injuriâ queri. Caesar. Super re queri. Horat. Uti de aliquo. Cic. Uti de victoriâ. Servius. Nolo me in tempore hoc videat senex. Ter. And. act. IV. v. ult. Artes excitationesque virtutum in omni aetate cultae, mirificos afferunt fructus. Cic. de Senect. n. 9. Doctrina nulli tanta in illo tempore. Auson Burd. Prof. v. . 15. Omni de parte timendos. Ov. de Ponto, lib. IV. epist. xij. v. 25. Frigida de tota fronte cadebat aqua. Prop. lib. II. eleg. xxij. Nec mihi solstitium quidquam de noctibus aufert. Ovid. Trist. lib. V. eleg. x. 7. Templum de marmore. Virg. & Ovid. Vivitur ex rapto. Ovid. Metam. I. v. 144. Facere de industria. Ter. And. act. IV. De plebe Deus ; un Dieu du commun. Ovid. Metam. lib. V. v. 595.

La préposition à se trouve souvent exprimée dans les bons auteurs dans le même sens que post, après : ainsi lorsqu'elle est supprimée devant les ablatifs que les Grammairiens vulgaires appellent absolus, il faut la suppléer, si l'on veut rendre raison de la construction.

Cujus à morte, hic tertius & tricesimus est annus. Cic. Il y a trente-trois ans qu'il est mort : à morte, depuis sa mort. Surgit, ab his, solio. Ovid. II. Met. où vous voyez que ab his veut dire, après ces choses, après quoi. Jam ab re divinâ, credo apparebunt domi. Plaut. Phaenul. Ab re divinâ : après le service divin, après l'office, au sortir du Temple, ils viendront à la maison. C'est ainsi qu'on dit, ab urbe conditâ, depuis la fondation de Rome : à caenâ, après souper : secundus à rege, le premier après le roi. Ainsi quand on trouve urbe captâ triumphavit ; il faut dire, ab urbe captâ, après la ville prise. Lectis tuis litteris, venimus in senatum ; suppléez à litteris tuis lectis ; après avoir lû votre lettre.

On trouve dans Tite-Live, lib. IV. ab re malè gesta, après ce mauvais succès ; & ab re benè gesta, L. XXIII. après cet heureux succès. Et dans Lucain, L. I. positis ab armis, après avoir mis les armes bas ; & dans Ovid. II. Trist. redeat superato miles ab hoste ; que le soldat revienne après avoir vaincu l'ennemi. Ainsi dans ces occasions on donne à la préposition à, qui se construit avec l'ablatif, le même sens que l'on donne à la préposition post, qui se construit avec l'accusatif. C'est ainsi que Lucain au liv. II. a dit post me ducem ; & Horace, I. liv. Od. iij. post ignem aetheriâ domo subductum ; où vous voyez qu'il auroit pû dire, ab igne aetheriâ domo subducto, ou simplement, igne aetheriâ domo subducto.

La préposition sub, marque aussi fort souvent le tems : elle marque ou le tems même dans lequel la chose s'est passée, ou par extension, un peu avant ou un peu après l'évenement. Dans Corn. Nepos, Att. xij. Quos sub ipsa proscriptione perillustre fuit ; c'est-à-dire, dans le tems même de la proscription. Le même auteur à la même vie d'Atticus, ch. 105. dit, sub occasu solis, vers le coucher du soleil, un peu avant le coucher du soleil. C'est dans le même sens que Suétone a dit, Ner. 5. majestatis quoque, sub excessu Tiberii, reus, où il est évident que sub excessu Tiberii, veut dire vers le tems, ou peu de tems avant la mort de Tibere. Au contraire, dans Florus, liv. III. c. 5. sub ipso hostis recessu, impatientes soli, in aquas suas resiluerunt : sub ipso hostis recessu veut dire, peu de tems après que l'ennemi se fût retiré ; à peine l'ennemi s'étoit-il retiré.

Servius, sur ces paroles du V. liv. de l'Aeneid. quo deinde sub ipso, observe que sub veut dire là, post, après.

Claudien pouvoit dire par l'ablatif absolu, gratus feretur, te teste, labor ; le travail sera agréable sous vos yeux : cependant il a exprimé la préposition gratus que feretur sub te teste labor. Claud. IV. Cons. Honor.

A l'égard de ces façons de parler, Deo duce, Deo juvante, Musis faventibus, &c. que l'on prend pour des ablatifs absolus, on peut sousentendre la préposition sub ou la préposition cum, dont on trouve plusieurs exemples : sequere hac, mea gnata, cum Diis volentibus. Plaut. Perse. Tite-Live, au Liv. I. Dec. iij. dit : agite cum Diis bene juvantibus. Ennius cité par Cicéron, dit : doque volentibus cum magnis Diis : & Caton au chapitre XIV. de Re rust. dit : circumagi cum divis.

Je pourrois rapporter plusieurs autres exemples, pour faire voir que les meilleurs auteurs ont exprimé les prépositions que nous disons, qui sont sousentendues dans le cas de l'ablatif absolu. S'agit-il de l'instrument ? c'est ordinairement cum, avec, qui est sousentendu, armis confligere ; Lucius a dit, acribus inter se cum armis confligere cernit. S'agit-il de la cause, de l'agent ? Suppléez à, ab, trajectus ense, percé d'un coup d'épée. Ovid. V. Fast. a dit, Pectora trajectus Lynceo Castor ab ense : & au second livre des Tristes, Neve peregrinis tantum defendar ab armis.

Je finirai cet article par un passage de Suétone, qui semble être fait exprès pour appuyer le sentiment que je viens d'exposer. Suétone dit qu'Auguste, pour donner plus de clarté à ses expressions, avoit coûtume d'exprimer les prépositions dont la suppression, dit-il, jette quelque sorte d'obscurité dans le discours, quoiqu'elle en augmente la grace & la vivacité. Suéton. C. Aug. n. 86. Voici le passage tout-au-long. Genus eloquendi secutus est elegans & temperatum : vitatis sententiarum ineptiis, atque inconcinnitate, & reconditorum verborum, ut ipse dicit, faetoribus : praecipuamque curam duxit, sensum animi quam apertissimè exprimere : quod quo faciliùs efficeret, aut necubi lectorem vel auditorem obturbaret ac moraretur, neque praepositiones verbis addere, neque conjunctiones saepius iterare dubitavit, quae detractae afferunt aliquid obscuritatis, etsi gratiam augent.

Aussi a-t-on dit de cet empereur que sa maniere de parler étoit facile & simple, & qu'il évitoit tout ce qui pouvoit ne pas se présenter aisment à l'esprit de ceux à qui il parloit. Augusti promta ac profluens quae decebat principem eloquentia fuit. Tacit.

In divi Augusti epistolis, elegantia orationis, neque morosa neque anxia : sed facilis, hercle & simplex. A. Gell.

Ainsi quand il s'agit de rendre raison de la construction grammaticale, on ne doit pas faire difficulté d'exprimer les prépositions, puisqu'Auguste même les exprimoit souvent dans le discours ordinaire, & qu'on les trouve souvent exprimées dans les meilleurs auteurs.

A l'égard du François, nous n'avons point d'ablatif absolu, puisque nous n'avons point de cas : mais nous avons des façons de parler absolues, c'est-à-dire, des phrases où les mots, sans avoir aucun rapport grammatical avec les autres mots de la proposition dans laquelle ils se trouvent, y forment un sens détaché qui est un incise équivalent à une proposition incidente ou liée à une autre, & ces mots énoncent quelque circonstance ou de tems ou de maniere, &c. la valeur des termes & leur position nous font entendre ce sens détaché.

En Latin la vûe de l'esprit qui dans les phrases de la construction simple est énoncée par une préposition, est la cause de l'ablatif : re confectâ ; ces deux mots ne sont à l'ablatif qu'à cause de la vûe de l'esprit qui considere la chose dont il s'agit comme faite & passée : or cette vûe se marque en Latin par la préposition à : cette préposition est donc sousentendue, & peut être exprimée en Latin.

En François, quand nous disons cela fait, ce consideré, vû par la Cour, l'Opéra fini, &c. nous avons la même vûe du passé dans l'esprit : mais quoique souvent nous puissions exprimer cette vûe par la préposition après, &c. cependant la valeur des mots isolés du reste de la phrase est équivalente au sens de la préposition Latine.

On peut encore ajoûter que la Langue Françoise s'étant formée de la Latine, & les Latins retranchant la préposition dans le discours ordinaire, ces phrases nous sont venues sans prépositions, & nous n'avons saisi que la valeur des mots qui marquent ou le passé ou le présent, & qui ne sont point sujets à la variété des terminaisons, comme les noms Latins ; & voyant que ces mots n'ont aucun rapport grammatical ou de syntaxe avec les autres mots de la phrase, avec lesquels ils n'ont qu'un rapport de sens ou de raison, nous concevons aisément ce qu'on veut nous faire entendre. (F)


ABLES. m. ou ABLETTE, s. f. poisson de riviere de la longueur du doigt : il a les yeux grands pour sa grosseur, & de couleur rouge, le dos verd, & le ventre blanc ; sa tête est petite ; son corps est large & plat : on y voit deux lignes de chaque côté, dont l'une est au milieu du corps, depuis les oüies jusqu'à la queue, & l'autre un peu plus bas ; elle commence à la nageoire qui est au-dessous des oüies, & elle disparoît avant que d'arriver jusqu'à la queue. Ce poisson n'a point de fiel ; sa chair est fort mollasse : on le prend aisément à l'hameçon, parce qu'il est fort goulu. Rondelet. L'ablette ressemble à un éperlan : mais ses écailles sont plus argentées & plus brillantes.

On tire de l'able la matiere avec laquelle on colore les fausses perles. Voyez FAUSSES PERLES. C'est cette matiere préparée que l'on appelle essence d'Orient. Pour la faire, on écaille le poisson à l'ordinaire, on met les écailles dans un bassin plein d'eau claire, & on les frotte comme si on vouloit les broyer. Lorsque l'eau a pris une couleur argentée, on la transverse dans un verre, & ensuite on en verse de nouvelle sur les écailles, & on réitere la même opération tant que l'eau se colore : après dix ou douze heures, la matiere qui coloroit l'eau se dépose au fond du verre, l'eau devient claire ; alors on la verse par inclination jusqu'à ce qu'il ne reste plus dans le verre qu'une liqueur épaisse à peu près comme de l'huile, & d'une couleur approchante de celle des perles : c'est l'essence d'Orient. Les particules de matiere qui viennent des écailles sont sensibles dans cette liqueur au moyen du microscope, ou même de la loupe. On y voit des lames, dont la plûpart sont de figure rectangulaire, & ont quatre fois plus de longueur que de largeur : il y en a aussi dont les extrémités sont arrondies, & d'autres qui sont terminées en pointe ; mais toutes sont extrèmement minces ; toutes sont plates & brillantes. Cette matiere vient de la surface intérieure de l'écaille où elle est rangée régulierement & recouverte par des membranes ; de sorte que si on veut en enlever avec la pointe d'une épingle, on enleve en même tems tout ce qui vernit l'écaille, ou au moins la plus grande partie, parce qu'on arrache la membrane qui l'enveloppe. Cette matiere brillante ne se trouve pas seulement sur les écailles du poisson ; il est encore brillant après avoir été écaillé, parce qu'immédiatement au-dessous de la peau que touchent les écailles, il y a aussi une membrane qui recouvre des lames argentées. La membrane qui enveloppe l'estomac & les intestins en est toute brillante. Cette matiere est molle & souple dans les intestins, & elle a toute sa consistance & sa perfection sur les écailles. Ces observations, & plusieurs autres, ont fait conjecturer que la matiere argentée se forme dans les intestins, qu'elle passe dans des vaisseaux pour arriver à la peau & aux écailles, & que les écailles sont composées de ces lames qui sont arrangées comme autant de petites briques, soit les unes contre les autres, soit les unes au-dessus des autres, ainsi qu'on peut le reconnoître à l'inspection de l'écaille. Si les écailles de l'able se forment de cette façon, celles des autres poissons pourroient avoir aussi la même formation. M. de Réaumur, Mém. de l'Acad. royale des Scienc. année 1716. Voyez ÉCAILLE, POISSON. (I)

ABLETTE, poisson de riviere. Voyez ABLE. (I)


ABLEREou ABLERAT, sub. m. sorte de filet quarré que l'on attache au bout d'une perche, & avec lequel on pêche de petits poissons nommés vulgairement ables.


ABLOQUIES. m. terme de Coûtume, qui signifie la même chose que situé. C'est dans ce sens qu'il est pris dans la coûtume d'Amiens, laquelle défend de démolir aucuns édifices abloquiés & solivés dans des héritages tenus en roture, sans le consentement du seigneur. (H)


ABLUTIONS. f. Dans l'antiquité c'étoit une cérémonie religieuse usitée chez les Romains, comme une sorte de purification pour laver le corps avant que d'aller au sacrifice. Voyez SACRIFICE.

Quelquefois ils lavoient leurs mains & leurs piés, quelquefois la tête, souvent tout le corps : c'est pourquoi à l'entrée des temples il y avoit des vases de marbre remplis d'eau.

Il est probable qu'ils avoient pris cette coûtume des Juifs ; car nous lisons dans l'Ecriture, que Salomon plaça à l'entrée du temple qu'il éleva au vrai Dieu, un grand vase que l'Ecriture appelle la mer d'airain, où les prêtres se lavoient avant que d'offrir le sacrifice, ayant auparavant sanctifié l'eau en y jettant les cendres de la victime immolée.

Le mot d'ablution est particulierement usité dans l'église Romaine pour un peu de vin & d'eau que les communians prenoient anciennement après l'hostie, pour aider à la consommer plus facilement.

Le même terme signifie aussi l'eau qui sert à laver les mains du Prêtre qui a consacré. (G).

ABLUTION, cérémonie qui consiste à se laver ou purifier le corps, ou quelque partie du corps, & fort usitée parmi les Mahométans, qui la regardent comme une condition essentiellement requise à la priere. Ils ont emprunté cette pratique des Juifs, & l'ont altérée comme beaucoup d'autres. Ils ont pour cet effet des fontaines dans les parvis de toutes les Mosquées.

Les Musulmans distinguent trois sortes d'ablutions ; l'une, qu'ils appellent Goul, & qui est une espece d'immersion ; l'autre, qu'ils nomment Wodou, & qui concerne particulierement les piés & les mains ; & la troisieme, appellée terreuse ou sabloneuse, parce qu'au lieu d'eau on y emploie du sable ou de la terre.

A l'égard de la premiere, trois conditions sont requises. Il faut avoir intention de se rendre agréable à Dieu, nettoyer le corps de toutes ses ordures, s'il s'y en trouve, & faire passer l'eau sur tout le poil & sur la peau. La Sonna exige encore pour cette ablution qu'on récite d'abord la formule usitée, au nom du grand Dieu : louange à Dieu, Seigneur de la Foi Musulmane ; qu'on se lave la paume de la main avant que les cruches se vuident dans le lavoir ; qu'il se fasse une expiation avant la priere ; qu'on se frotte la peau avec la main pour en ôter toutes les saletés ; enfin que toutes ces choses soient continuées sans interruption jusqu'à la fin de la cérémonie.

Six raisons rendent cette purification nécessaire. Les premieres communes aux deux sexes, sont les embrassemens illicites & criminels par le desir seul, quoiqu'il n'ait été suivi d'aucune autre impureté : les suites involontaires d'un commerce impur, & la mort. Les trois dernieres sont particulieres aux femmes, telles que les pertes périodiques du sexe, les pertes de sang dans l'accouchement, & l'accouchement même. Les vrais croyans font cette ablution au moins trois fois la semaine ; & à ces six cas, les sectateurs d'Aly en ont ajoûté quarante autres ; comme lorsqu'on a tué un lésard, touché un cadavre, &c.

Dans la seconde espece d'ablution, il y a six choses à observer : qu'elle se fasse avec intention de plaire à Dieu ; qu'on s'y lave tout le visage, les mains & les bras jusqu'au coude inclusivement ; qu'on s'y frotte certaines parties de la tête ; qu'on s'y nettoye les piés jusqu'aux talons inclusivement ; qu'on y observe exactement l'ordre prescrit.

La Sonna contient dix préceptes sur le Wodou. Il faut qu'il soit précédé de la formule au nom du grand Dieu, &c. qu'on se lave la paume de la main avant que les cruches soient vuidées ; qu'on se nettoye le visage ; qu'on attire l'eau par les narines ; qu'on se frotte toute la tête & les oreilles ; qu'on sépare ou qu'on écarte la barbe pour la mieux nettoyer quand elle est épaisse & longue, ainsi que les doigts des piés ; qu'on nettoye les oreilles l'une après l'autre ; qu'on se lave la main droite avant la gauche ; qu'on observe le même ordre à l'égard des piés ; qu'on répete ces actes de purification jusqu'à trois fois, & qu'on les continue sans interruption jusqu'à la fin.

Cinq choses rendent le Wodou nécessaire : 1°. l'issue de quelqu'excrément que ce soit (excepto semine) par les voies naturelles : 2°. lorsqu'on a dormi profondément, parce qu'il est à supposer que dans un profond sommeil on a contracté quelqu'impureté dont on ne se souvient pas : 3°. quand on a perdu la raison par quelqu'excès de vin, ou qu'on l'a eu véritablement aliénée par maladie ou quelqu'autre cause : 4°. lorsqu'on a touché une femme impure, sans qu'il y eût un voile ou quelqu'autre vêtement entre deux : 5°. lorsqu'on a porté la main sur les parties que la bienséance ne permet pas de nommer.

Quant à l'ablution terreuse ou sabloneuse, elle n'a lieu que quand on n'a point d'eau, ou qu'un malade ne peut souffrir l'eau sans tomber en danger de mort. Par le mot de sable, on entend toute sorte de terre, même les minéraux ; comme par l'eau, dans les deux autres ablutions, on entend celle de riviere, de mer, de fontaine, de neige, de grêle, &c. en un mot toute eau naturelle. Guer, Moeurs des Turcs ; tome I. livre II.

Au reste ces ablutions sont extrèmement fréquentes parmi les Mahométans : 1°. pour les raisons ci-dessus mentionnées ; & en second lieu, parce que la moindre chose, comme le cri d'un cochon, l'approche ou l'urine d'un chien, suffisent pour rendre l'ablution inutile, & mettre dans la nécessité de la réitérer : au moins est-ce ainsi qu'en usent les Musulmans scrupuleux. (G)

ABLUTION, LOTION. On appelle de ce nom plusieurs opérations qui se font chez les apothicaires. La premiere est celle par laquelle on sépare d'un médicament, en le lavant avec de l'eau, les matieres qui lui sont étrangeres : la seconde, est celle par laquelle on enleve à un corps les sels surabondans, en répandant de l'eau dessus à différentes reprises ; elle se nomme encore édulcoration : la troisieme, est celle dont on se sert, quand pour augmenter les vertus & les propriétés d'un médicament, on verse dessus, ou du vin, ou quelque liqueur distillée qui lui communique sa vertu ou son odeur, par exemple lorsqu'on lave les vers de terre avec le vin, &c.

Le mot d'ablution ne convient qu'à la premiere de ces opérations, & ne peut servir tout au plus qu'à exprimer l'action de laver des plantes dans l'eau avant que de les employer : la seconde, est proprement l'édulcoration : la troisieme peut se rapporter à l'infusion. Voyez EDULCORATION, INFUSION. (N)


ABNAKISS. m. peuple de l'Amérique septentrionale, dans le Canada. Il occupe le 309. de long. & le 46. de lat.


ABOgrande ville maritime de Suede, capitale des duché & province de Finlande méridionale. Long. 41. lat. 61.


ABOERAS. ville d'Afrique, sur la côte d'or de Guinée.


ABOILAGES. m. vieux terme de Pratique, qui signifie un droit qu'a le seigneur sur les abeilles qui se trouvent dans l'étendue de sa seigneurie. Ce terme est dérivé du mot aboille, qu'on disoit anciennement pour abeille. (H)


ABOISS. m. pl. terme de Chasse ; il marque l'extrémité où le cerf est réduit, lorsqu'excédé par une longue course il manque de force, & regarde derriere lui si les chiens sont toûjours à ses trousses, pour prendre du relâche ; on dit alors que le cerf tient les abois.

Derniers abois. Quand la bête tombe morte, ou est outrée, on dit la bête tient les derniers abois


ABOITS. quelques-uns se servent de ce mot pour signifier la céruse. Voyez ABIT, CERUSE, BLANC DE PLOMB. (M)


ABOKELLEVoyez ABUKELB. (G)


ABOLITIONS. f. en général, est l'action par laquelle on détruit ou on anéantit une chose.

Ce mot est Latin, & quelques-uns le font venir du Grec, ἀπολλύω ou ἀπόλλυμι, détruire : mais d'autres le dérivent de ab & olere, comme qui diroit anéantir tellement une chose, qu'elle ne laisse pas même d'odeur.

Ainsi abolir une loi, un réglement, une coûtume, c'est l'abroger, la révoquer, l'éteindre, de façon qu'elle n'ait plus lieu à l'avenir. Voyez ABROGATION, REVOCATION, EXTINCTION, &c.

ABOLITION, en terme de Chancellerie, est l'indulgence du prince par laquelle il éteint entierement un crime, qui selon les regles ordinaires de la justice, & suivant la rigueur des ordonnances, étoit irrémissible ; en quoi abolition differe de grace ; cette derniere étant au contraire le pardon d'un crime qui de sa nature & par ses circonstances est digne de rémission : aussi les lettres d'abolition laissent-elles quelque note infamante ; ce que ne font point les lettres de grace.

Les lettres d'abolition s'obtiennent à la grande chancellerie, & sont adressées, si elles sont obtenues par un gentilhomme, à une cour souveraine ; sinon à un bailli ou sénéchal. (H)


ABOLLAS. habit que les philosophes affectoient de porter, que quelques-uns confondent avec l'exomide : cela supposé, c'étoit une tunique sans manches, qui laissoit voir le bras & les épaules ; c'est delà qu'elle prenoit son nom. C'étoit encore un habit de valets & de gens de service.


ABOMASUSABOMASUM, ou ABOMASIUM, s. m. dans l'Anatomie comparée, c'est un des estomacs ou ventricules des animaux qui ruminent. Voyez RUMINANT ; voyez aussi ANATOMIE COMPAREE.

On trouve quatre estomacs dans les animaux qui ruminent ; savoir, le rumen ou estomac proprement dit, le reticulum, l'omasus, & l'abomasus. Voyez RUMINATION.

L'abomasus, appellé vulgairement la caillette, est le dernier de ces quatre estomacs ; c'est l'endroit où se forme le chyle, & d'où la nourriture descend immédiatement dans les intestins.

Il est garni de feuillets comme l'omasus : mais ses feuillets ont cela de particulier, qu'outre les tuniques dont ils sont composés, ils contiennent encore un grand nombre de glandes qui ne se trouvent dans aucun des feuillets de l'omasus. Voyez OMASUS, &c.

C'est dans l'abomasus des veaux & des agneaux que se trouve la presure dont on se sert pour faire cailler le lait. Voyez PRESURE. (L)


ABOMINABLEDÉTESTABLE, EXÉCRABLE, synonymes. L'idée primitive & positive de ces mots est une qualification de mauvais au suprème degré : aussi ne sont-ils susceptibles, ni d'augmentation, ni de comparaison, si ce n'est dans le seul cas où l'on veut donner au sujet qualifié le premier rang entre ceux à qui ce même genre de qualification pourroit convenir : ainsi l'on dit la plus abominable de toutes les débauches ; mais on ne diroit guere une débauche très-abominable, ni plus abominable qu'une autre : exprimant par eux-mêmes ce qu'il y a de plus fort, ils excluent toutes les modifications dont on peut accompagner la plûpart des autres épithetes. Voilà en quoi ils sont synonymes.

Leur différence consiste en ce qu'abominable paroît avoir un rapport plus particulier aux moeurs, détestable au goût, & exécrable à la conformation. Le premier marque une sale corruption ; le second, de la dépravation ; & le dernier, une extrème difformité.

Ceux qui passent d'une dévotion superstitieuse au libertinage, s'y plongent ordinairement dans ce qu'il y a de plus abominable. Tels mets sont aujourd'hui traités de détestables, qui faisoient chez nos peres l'honneur des meilleurs repas. Les richesses embellissent aux yeux d'un homme intéressé la plus exécrable de toutes les créatures.


ABOMINATIONS. f. Les pasteurs de brebis étoient en abomination aux Egyptiens. Les Hébreux devoient immoler au Seigneur dans le desert les abominations des Egyptiens, c'est-à-dire, leurs animaux sacrés ; les boeufs, les boucs, les agneaux & les béliers, dont les Egyptiens regardoient les sacrifices comme des abominations & des choses illicites. L'Ecriture donne d'ordinaire le nom d'abomination à l'idolatrie, & aux idoles, tant à cause que le culte des idoles en lui-même est une chose abominable, que parce que les cérémonies des idolatres étoient presque toûjours accompagnées de dissolutions & d'actions honteuses & abominables. Moyse donne aussi le nom d'abominable aux animaux dont il interdit l'usage aux Hébreux. Genes. xlj. 34. Exod. viij. 26.

L'abomination de désolation prédite par Daniel, c. jx. v. 27. marque, selon quelques interpretes, l'idole de Jupiter Olympien, qu'Antiochus Epiphane fit placer dans le temple de Jérusalem. La même abomination de désolation dont il est parlé en S. Marc, c. vj. v. 7. & en S. Matth. c. xxjv. v. 15. qu'on vit à Jérusalem pendant le dernier siége de cette ville par les Romains, sous Tite, ce sont les enseignes de l'armée Romaine, chargées de figures de leurs dieux & de leurs empereurs, qui furent placées dans le temple après la prise de la ville & du temple. Calmet, dict. de la Bible, tome I. lett. A. p. 21. (G)


ABONDANCES. f. divinité des payens que les anciens monumens nous représentent sous la figure d'une femme de bonne mine, couronnée de guirlandes de fleurs, versant d'une corne qu'elle tient de la main droite toutes sortes de fruits ; & répandant à terre de la main gauche des grains qui se détachent pêle-mêle d'un faisceau d'épis. On la voit avec deux cornes, au lieu d'une, dans une médaille de Trajan.

ABONDANCE, PLENITUDE, voyez FECONDITE, FERTILITE, &c. Les étymologistes dérivent ce mot d'ab & unda, eau ou vague, parce que dans l'abondance les biens viennent en affluence, & pour ainsi dire comme des flots.

L'abondance portée à l'excès dégénere en un défaut qu'on nomme regorgement ou rédondance. Voyez REDONDANCE, SURABONDANCE.

L'auteur du Dictionnaire oeconomique donne différens secrets ou moyens pour produire l'abondance : par exemple, une abondante récolte de blé, de poires, de pommes, de pêches, &c. (G)

* ABONDANCE, petite ville de Savoie, dans le diocese de Chablais.


ABONDANTadj. nombre abondant en Arithmétique, est un nombre dont les parties aliquotes prises ensemble, forment un tout plus grand que le nombre ; ainsi 12 a pour parties aliquotes 1, 2, 3, 4, 6, dont la somme 16 est plus grande que 12. Le nombre abondant est opposé au nombre défectif, qui est plus grand que la somme de ses parties aliquotes, comme 14, dont les parties aliquotes sont 1, 2, 7, & au nombre parfait qui est égal à la somme de ses parties aliquotes, comme 6, dont les parties aliquotes sont 1, 2, 3. Voyez NOMBRE & ALIQUOTE. (O)

ABONDANT, (d ') terme de Palais, qui signifie par surérogation, ou par surabondance de droit ou de procédure. (H)


ABONNEMENTS. m. est une convention faite à l'amiable, par laquelle un seigneur à qui sont dûs des droits, ou un créancier de sommes non liquides, ou non encore actuellement dûes, se contente par indulgence, ou pour la sûreté de ses droits, d'une somme claire & liquide une fois payée, ou se relâche de façon quelconque de ses droits.

Ce terme a succédé à celui d'abournement, dérivé du mot borne, parce que l'abonnement est la facilité qu'a quelqu'un de borner, limiter, ou restraindre ses prétentions (H)


ABONNIRv. act. terme de Potier de terre : on dit abonnir le carreau, pour dire, le sécher à demi, le mettre en état de rebattre. Voyez REBATTRE.


ABORDAGES. m. on se sert de ce terme pour exprimer l'approche & le choc de vaisseaux ennemis qui se joignent & s'accrochent par des grapins & par des amarres, pour s'enlever l'un l'autre. Voyez GRAPIN, AMARRES.

Aller à l'abordage, sauter à l'abordage, se dit de l'action ou de la manoeuvre d'un vaisseau qui en joint un autre pour l'enlever, aussi bien que de celle des équipages qui sautent de leur bord à celui de l'ennemi.

Abordage se dit encore du choc de plusieurs vaisseaux que la force du vent ou l'ignorance du timonier fait devirer les uns sur les autres, soit lorsqu'ils vont en compagnie, ou lorsqu'ils se trouvent au même mouillage.

On se sert aussi de ce terme pour le choc contre des rochers. Nous nous étions pourvûs de boute-hors pour nous défendre de l'abordage des rochers, où nous appréhendions d'être emportés par l'impétuosité du courant. (Z)


ABORDER ABORDER un vaisseau. Les gens de mer ne donnent point à ce terme la même signification que lui donnent les gens de riviere. Les premiers le tirent du mot bord, par lequel ils désignent une partie du navire ; & non de celui de bord, qui se prend pour le rivage. Ainsi aborder en Marine, c’est ou tomber sur un vaisseau, ou désigner l’action d’un bord qui tombe sur l’autre. De-là viennent les mots deborder, reborder, pour dire tomber une seconde fois, & se détacher des amares. Lorsque les Marins veulent marquer l’action de gagner le rivage, ils disent toucher mouches, rendre le bord, débarquer, prendre terre, relâcher.

On tâche d'aborder les vaisseaux ennemis par leur arriere vers les hanches, pour jetter les grapins aux aubans, ou bien par l'avant & par le beaupré.

Il y eût un brûlot qui nous aborda à la faveur du canon de l'amiral. Voyez BRULOT.

Aborder de bout au corps ou en belle, c'est mettre l'éperon dans le flanc d'un vaisseau. On dit aussi de deux vaisseaux qui s'approchent en droiture, qu'ils s'abordent de franc étable. Voyez ETABLE.

Aborder en travers en dérivant. Couler un vaisseau à fond en l'abordant. Vaisseaux qui s'abordent, soit en chassant sur leurs ancres, soit à la voile.

" Si un vaisseau qui est à l'ancre dans un port ou ailleurs, vient à chasser & en aborder un autre, & qu'en l'abordant il lui cause quelque dommage, les intéressés le supporteront par moitié.

Si deux vaisseaux sans voiles viennent à s'aborder par hasard, le dommage qu'ils se causeront se payera par moitié : mais s'il y a de la faute d'un des pilotes, ou qu'il ait abordé exprès, il payera seul le dommage ". Ordonnance de la Marine du mois d'Août 1681, art. 10 & 11, tit. vij. liv. III. (Z)

ABORDER, v. act. terme de Fauconnerie : lorsque la perdrix poussée par l'oiseau gagne quelque buisson, on dit il faut aborder la remise sous le vent, afin que les chiens sentent mieux la perdrix dans le buisson.


ABORIGENESnom que l'on donne quelquefois aux habitans primitifs d'un pays, ou à ceux qui en ont tiré leur origine, par opposition aux colonies ou nouveaux habitans qui y sont venus d'ailleurs. Voyez COLONIE.

Le mot d'Aborigenes est fameux dans l'antiquité : quoiqu'on le prenne à présent pour un nom appellatif, ç'a été cependant autrefois le nom propre d'un certain peuple d'Italie ; l'étymologie de ce nom est extrèmement disputée entre les savans.

Ces Aborigenes sont la nation la plus ancienne que l'on sache qui ait habité le Latium, ou ce qu'on appelle à présent la campagne de Rome, campagna di Roma.

En ce sens on distingue les Aborigenes des Janigenes, qui, selon le faux Berose, étoient établis dans le pays avant eux ; des Sicules que ces Aborigenes chasserent ; des Grecs, de qui ils tiroient leur origine ; des Latins, dont ils prirent le nom après leur union avec Enée & les Troyens ; & enfin des Ausoniens, des Volsques, des Aenotriens, & autres qui habitoient d'autres cantons du même pays.

On dispute fort pour savoir d'où vient le mot Aborigenes : s'il faut le prendre dans le sens que nous l'avons expliqué au commencement de cet article, ou s'il faut le faire venir par corruption d'aberrigenes, errans ; ou de ce qu'ils habitoient les montagnes, ou de quelqu'autre étymologie.

S. Jérome dit qu'on les appella ainsi de ce qu'ils étoient absque origine, les premiers habitans du pays après le déluge. Denys d'Halicarnasse dit que ce nom signifie les fondateurs & les premiers peres de tous les habitans du pays.

D'autres croyent que la raison pour laquelle ils furent ainsi appellés, est qu'ils étoient Arcadiens d'origine, lesquels se disoient enfans de la terre, & non issus d'aucun autre peuple.

Aurelius Victor, & après lui Festus, font venir Aborigenes par corruption d'aberrigenes, comme qui diroit errans, vagabonds, & prétendent que le nom de Pélasgiens qu'on leur a aussi donné a la même origine, ce mot signifiant aussi errant.

Pausanias veut qu'ils ayent été ainsi appellés , des montagnes qu'ils habitoient. Ce qui semble être confirmé par le sentiment de Virgile, qui parlant de Saturne, le législateur de ce peuple, s'exprime ainsi :

Is genus indocile, ac dispersum montibus altis

Composuit, legesque dedit.

Les Aborigenes étoient ou les anciens habitans du pays qui y avoient été établis par Janus, à ce que quelques-uns prétendent, ou par Saturne, ou par Cham, ou quelqu'autre chef, peu de tems après la dispersion, ou même auparavant, selon le sentiment de quelques auteurs ; ou bien c'étoit une colonie que quelqu'autre nation y avoit envoyée, & qui ayant chassé les anciens Sicules s'établit en leur place. Or il y a beaucoup de partage entre les auteurs touchant le nom de cette nation primordiale : quelques-uns veulent que ç'ait été des Arcadiens qui vinrent en Italie en différens tems ; les premiers sous la conduite d'Aenotrus, fils de Lycaon, 450 ans avant la guerre de Troie, & d'autres sous la conduite d'Hercule : quelques autres font venir cette colonie de Lacédémoniens qui quitterent leur pays, rebutés par la sévérité du gouvernement de Lycurgue ; & ils prétendent que les uns & les autres unis ensemble avoient formé la nation des Aborigenes. D'autres les font venir des contrées barbares plûtôt que de la Grece, & les prétendent originaires de Scythie ; d'autres des Gaules ; d'autres enfin disent que c'étoit les Cananéens que Josué avoit chassés de leur pays. (G)


ABORTIFadj. avorté, qui est venu avant terme, ou qui n'a point acquis la perfection, la maturité. Fruit abortif, voyez AVORTEMENT ou ACCOUCHEMENT. (L)

ABORTIF, adj. pris subst. est un enfant né avant terme. Dans le Droit civil un abortif, aussi-bien qu'un posthume venu à terme, rompt le testament par sa naissance. L. Uxoris, cap. de post haered. Instit. (H)


ABOUCOUCHOUS. m. sorte de drap de laine qui se fabrique en Languedoc, en Provence, en Dauphiné, & qui s'envoye au Levant par Marseille.


ABOUEMENTS. m. synonyme à arasement ; ils se disent l'un & l'autre des joints des traverses avec les montans, & même des joints de tout autre assemblage, lorsque ces joints sont affleurés ou affleurent (car affleurer chez les Artistes est actif, passif & neutre), & qu'une des pieces n'excede point l'autre ; ensorte que si l'on passoit l'ongle sur leur union, il ne seroit point arrêté. L'abouement de ces joints est imperceptible. Voilà un abouement bien grossierement fait.


ABOUGRIadj. bois de mauvaise venue dont le tronc est tortueux, court & noüeux. Voyez RABOUGRI.


ABOUQUEMENTS. m. dans les Ordonnances en matiere de Salines, signifie l'entassement de nouveau sel sur un meulon ou monceau de vieux sel, qu'elles défendent expressément, si ce n'est en présence des officiers royaux. (H)


ABOUTS. m. se dit d'un bout de planche qu'on joint au bout d'un bordage, ou à l'extrémité d'une autre planche qui se trouve courte. Cet ébranlement fit larguer à notre bâtiment un about de dessous la premiere ceinte. Voyez CEINTE. (Z)

ABOUT, c'est en général l'extrémité de toute sorte de piece de charpente, coupée à l'équerre, façonnée en talud, & en un mot, mise en oeuvre de quelque maniere que ce soit. On dit l'about des liens, l'about des tournices, l'about des guettes, des éperons, des tenons.


ABOUTÉadj. terme de Blason, se dit de quatre hermines, dont les bouts se répondent & se joignent en croix.

Hurleston en Angleterre, d'argent à quatre queues d'hermine en croix, & aboutées en coeur.


ABOUTIGEABUTICH, ABOUHEBE, lieu de la haute Egypte proche le Nil. Long. 26. lat. 50.


ABOUTIRv. a. V. SUPPURER, SUPPURATION.

ABOUTIR, en Hydraulique, c'est raccorder un gros tuyau sur un petit. S'il est de fer, de grès, ou de bois, ce sera par le moyen d'un collet de plomb qui viendra en diminuant du gros au petit. Quand le tuyau est de plomb, l'opération est encore plus aisée : mais quand il s'agit de raccorder une conduite de six pouces sur une de trois, il faut un tambour de plomb fait en cone, en prenant une table de plomb dont on forme un tuyau que l'on soude par-dessus. (K)

ABOUTIR, se dit des arbres fruitiers lorsqu'ils sont boutonnés. L'on entend alors que la seve s'est portée jusqu'au bout des branches. (K)

ABOUTIR, c'est revêtir des tables minces de plomb ; ce qui se pratique aux corniches, quelquefois aux cimaises, & autres saillies, soit d'Architecture, soit de Sculpture.


ABOUTISSANTadj. qui touche, qui confine par un bout : ainsi l'on dit, telle terre est aboutissante d'un bout au grand chemin, de l'autre au pré appellé N.

ABOUTISSANS, s. m. pl. ne se dit jamais seul, mais se joint toûjours avec le mot tenans, de cette maniere, tenans & aboutissans. Voyez TENANS.

Une déclaration d'héritage par tenans & aboutissans, est celle qui en désigne les bornes & les limites de tous les côtés ; telle doit être la description portée en une saisie-réelle de biens roturiers.

Les tenans & aboutissans sont autrement appellés bouts & joûtes. Voyez BOUTS & JOUTES. (H)


ABOYS. petite ville d'Irlande dans la province de Linster.


ABOYEURSS. m. pl. c'est ainsi qu'on nomme des chiens qui annoncent la présence ou le départ du sanglier, ou d'une autre bête chassée, qui ne manquent jamais de donner à sa vûe, & d'avertir le chasseur.


ABRAS. m. ce terme est générique, pour signifier une fille d'honneur, une demoiselle suivante, la servante d'une femme de condition. L'Ecriture donne ce nom aux filles de la suite de Rebecca ; à celles de la fille de Pharaon, roi d'Egypte ; à celles de la reine Esther, & enfin à la servante de Judith. On dit qu'abra signifie proprement une coëffeuse, une fille d'atours. Genes. xxiv. 16. Ex. ij. 5. Esther, jv. 15. Judith, viij. 32. Eutych. Alex. Arab. Lat. p. 304. (G)

ABRA, s. m. monnoie d'argent de Pologne, qui vaut trois sols six deniers de France.

Cette monnoie a cours en quelques provinces d'Allemagne, à Constantinople où elle est reçûe pour le quart d'un asselain ; à Astracan, à Smyrne, au Caire, elle est évaluée sur le pié du daller d'Hollande. Voyez DALLER. (G)


ABRACADABRAparole magique qui étant répétée dans une certaine forme, & un certain nombre de fois, est supposée avoir la vertu d'un charme pour guérir les fievres, & pour prévenir d'autres maladies. Voyez CHARME & AMULETE.

D'autres écrivent ce mot abrasadabra ; car on le trouve ainsi figuré en caracteres grecs où le C est l'ancien qui vaut S. Voici la maniere dont doit être écrit ce mot mystérieux pour produire la prétendue vertu qu'on lui attribue.

Serenus Simonicus, ancien Medecin, sectateur de l'hérétique Basilide qui vivoit dans le deuxieme siecle, a composé un livre des préceptes de la Medecine en vers hexametres, sous le titre De Medicinâ parvo pretio parabili, où il marque ainsi la disposition & l'usage de ces caracteres.

Inscribes chartae quod dicitur ABRACADABRA

Saepius & subter repetes, sed detrahe summam,

Et magis atque magis desint elementa figuris,

Singula quae semper rapies & caetera figes,

Donec in angustum redigatur littera conum ;

His lino nexis colum redimire memento :

Talia languentis conducent vincula collo,

Lethalesque abigent (miranda potentia) morbos.

Wendelin, Scaliger, Saumaise, & le P. Kircher se sont donné beaucoup de peine pour découvrir le sens de ce mot. Delrio en parle, mais en passant, comme d'une formule connue en magie, & qu'au reste il n'entreprend point d'expliquer, Ce que l'on peut dire de plus vraisemblable, c'est que Serenus qui suivoit les superstitions magiques de Basilide, forma le mot d'ABRACADABRA sur celui d'abrasac ou abrasax, & s'en servit comme d'un préservatif ou d'un remede infaillible contre les fievres. Voyez ABRASAX.

Quant aux vertus attribuées à cet amulete, le siecle où nous vivons est trop éclairé pour qu'il soit nécessaire d'avertir que tout cela est une chimere. (G)


ABRACALANterme Cabalistique, auquel les Juifs attribuent les mêmes propriétés qu'à l'abracadabra. Ces deux mots sont, outre des amuletes, des noms que les Syriens donnoient à une de leurs idoles.


ABRAHAMIEou ABRAHAMITE, s. m. (Théol.) Voyez PAULIANISTE.


ABRAHAMITESS. m. pl. moines catholiques qui souffrirent le martyre pour le culte des images sous Théophile, au neuvieme siecle. (G)


ABRAMBOÉABRAMBAN, ville & pays sur la côte d'Or d'Afrique & la riviere de Volte. Long. 18. lat. 7.


ABRASIONS. f. signifie, en Medecine, l'irritation que produisent sur la membrane interne de l'estomac & des intestins les médicamens violens, comme les purgatifs auxquels on a donné le nom de drastiques. Voyez DRASTIQUE.

La violence avec laquelle ces remedes agissent sur le velouté de l'estomac & du canal intestinal, produit des effets si fâcheux, que la vie des malades est en danger, lorsque l'on n'y remédie pas promptement par des remedes adoucissans & capables d'émousser ou embarrasser les pointes de ces especes de médicamens. (N)


ABRAXASou ABRASAX, terme mystique de l'ancienne Philosophie & de la Théologie de quelques hérétiques, en particulier des Basilidiens. Quelques modernes ont cru sur la foi de Tertullien & de saint Jérôme, que Basilide appelloit le Dieu suprème ou le Dieu tout-puissant du nom d'abraxas, marquant, ajoûtent-ils, par ce mot les trois cens soixante & cinq processions divines qu'il inventoit ; car selon la valeur numérale des lettres de ce nom, Α vaut 1. ϐ 2. ρ 100. α 1. σ 200. α 1. ξ 60. ce qui fait en tout 365. Mais outre que S. Jérôme dit ailleurs qu'abraxas étoit peut-être le nom de Mithra ou du soleil, qui étoit le Dieu des Perses, & qui dans sa révolution annuelle fournit le nombre de 365 jours, le sentiment de ces peres est détruit par celui de S. Irénée, qui assûre, 1°. que les Basilidiens ne donnoient point de nom au Dieu suprème. Le Pere de toutes choses, disoient-ils, est ineffable & sans nom : ils ne l'appelloient donc pas abraxas ; 2°. que ce nom faisant le nombre de 365, les Basilidiens appelloient de la sorte le premier de leurs CCCLXV cieux, ou le prince & le premier des CCCLXV anges qui y résidoient. Tertull. de proescript. hoeret. cap. xlvj. Saint Jérome, in amor. tom. VI. pag. 100. Beausobr. Hist. du Manich. tom. II. pag. 52.

Ce mot énigmatique a fort exercé les savans : mais comme les anciens n'en ont donné aucune explication satisfaisante, nous en rapporterons différentes imaginées par les modernes ; le lecteur jugera de leur solidité.

Godfrid Wendelin, homme fort versé dans l'antiquité ecclésiastique, a proposé son opinion sur cette matiere dans une lettre écrite à Jean Chifflet au mois de Septembre 1615. Il y prétend qu'abrasax est composé des lettres initiales de plusieurs mots ; que chaque lettre exprime un mot ; les quatre premieres, quatre mots Hébreux ; les trois dernieres, trois mots Grecs, de la maniere suivante :

A signifie ab, le pere.
B signifie Ben, le fils.
R signifie Rouach, l’esprit.
A signifie Acadosch, le Saint.
S signifie Soteria, le salut.
A signifie Apo, par.
X signifie Xulou, le bois.

Voilà abrasax bien orthodoxe & bien honoré, puisqu'on y trouve distinctement exprimées les trois personnes divines, & le salut acquis par la croix du Rédempteur. Il est aisé de réfuter cette idée de Wendelin par deux raisons : la premiere, qu'il n'est pas naturel de former un même mot de quatre mots Hébreux & de trois mots Grecs. Cette objection n'est pas à la vérité suffisante ; il y a d'autres exemples de ces mots bâtards : d'ailleurs les Basilidiens auroient pû désigner par-là l'union des deux peuples des Hébreux & des Grecs dans la même église & dans la même foi. La seconde raison paroît plus forte : on dit que ces hérétiques croyant que Simon le Cyrénéen fut crucifié à la place de Jesus-Christ ; & sur cette rêverie, refusant de croire en celui qui a été crucifié, ils ne pouvoient dire que le salut a été acquis par la croix. Le raffinement & la subtilité qui regnent dans cette opinion de Wendelin, contribuent à la détruire.

Le P. Hardoüin a profité de la conjecture précédente. Il veut que les trois premieres lettres du mot abrasax désignent le Pere, le Fils, & le saint-Esprit ; mais il croit que ces quatre dernieres A. S. A. X. signifient ἄνθροπους σόζων ἀγιῶ ξυλῶ, mots Grecs qui veulent dire sauvant les hommes par le saint bois. En suivant la même méthode, on a donné un sens fort pieux au mot abracadabra, dont on a fait un remede contre la fievre. On y a trouvé, le Pere, le Fils, le saint-Esprit, sauvant les hommes par le saint arbre. Le Pere, le Fils, le saint-Esprit, le Seigneur est unique. Voyez ABRACADABRA.

M. Basnage dans son Histoire des Juifs, tome III. part. II. pag. 700. a proposé une autre hypothèse ; " Abraxas, dit-il, tire son origine des Egyptiens, puisque l'on voit un grand nombre d'amuletes sur lesquels est un Harpocrate assis sur son lotus, & le foüet à la main avec le mot d'abrasax ". Jusque-là cette conjecture de M. Basnage est non-seulement vraisemblable ; elle est vraie & évidemment prouvée par le mot abracadabra, qui est formé sur celui d'abrasax, & qui répeté plusieurs fois, & écrit sur du parchemin en forme de pyramide renversée, passoit pour un remede contre la fievre. La preuve que cette superstition venoit des Payens, c'est que le poëte Serenus qui fut précepteur du jeune Gordien, & qui est le plus ancien auteur qui nous ait parlé de ce prétendu remede, ne peut avoir fait profession du Christianisme : mais ce qui confirme encore plus solidement le sentiment de M. Basnage, c'est le mot ΑΒΡΑСΑΣ en grec qu'on lit fort distinctement sur l'un des deux Talismans qui ont été trouvés dans le XVII. siecle, & dont le cardinal Baronius nous a donné la figure dans le tome II. de ses Annales, sous l'année de Jesus-Christ 120. l'autre est dans le cabinet de Sainte Génevieve ; en voici l'inscription :

; ΑΒΡΑϹΑΞ. ΑΔΩΝΑΙ. ΔΑΙΜΟΝΩΝ. ΔΕΞΙΑΙ. ΔΥΝΑΜΕΙϹ. ΦΥΛΑΞΑΤΕ. ΟΥΛΒΙΑΝ. ΠΑΥΛΕΙΝΑΝ. ΑΠΟ. ΠΑΝΤΟϹ. ΚΑΚΟΙ. ΔΑΙΜΟΝΟϹ ;

c'est-à-dire Abraxas Adonar, ou Seigneur des démons, bonnes Puissances, préservez Ulpie Pauline de tout méchant démon ; formule qui ressent fort le Paganisme. Mais ce qu'ajoûte M. Basnage n'est pas aussi juste : " Abraxas, continue-t-il, est un mot barbare qui ne signifie rien, & dans lequel il ne faut chercher que des nombres. Les Basilidiens s'en servoient pour exprimer le Dieu Souverain qui a créé trois cens soixante-cinq cieux, & partagé le cours du soleil en trois cens soixante-cinq jours ". On a vû ci-dessus qu'Abraxas n'est point le nom que les Basilidiens donnoient au Dieu suprème ; & nous allons montrer que ce terme n'est pas un mot barbare, & qui ne signifie rien.

Les recherches de M. de Beausobre nous en fourniront la preuve. " Je crois, dit ce savant, qu'abraxas ou abrasax est composé de deux mots Grecs. Le premier est qui a diverses significations ; mais entr'autres, celle de beau, de magnifique. C'est une épithete ou un attribut du Dieu appelle Jao, comme on le voit dans cet oracle d'Apollon de Claros rapporté par Macrobe. Saturnal, lib. I. 17.

Κείματι μὲν τ’Ἀΐδην, Διὰ δὲ εἴαρος ἀρκομένοιο
Ἠέλιος δὲ ἴερειν, μεταπῶρα δ’ἄϐρον Ἰαό.


« C’est-à-dire, Pluton préside sur l’hyver, Jupiter sur le printems, le Soleil sur l’été, & le beau Jao sur l’automne. On traduit ordinairement mollis Iao, ce qui ne veut pas dire une Divinité molle & foible, mais une Divinité qui fournit aux hommes toutes les délices de la vie, & qui préside sur l’automne, saison des vins & des fruits… Ἀϐρὸς signifie aussi beau, majestueux, superbe, de là vient l’ἀϐραϐαινεῖν d’Euripide, pour dire une démarche superbe, majestueuse.... Dans les vers que je viens d’alléguer Iao est Bacchus : mais Bacchus est le Soleil, comme Macrobe l’a fait voir.... Quoi qu’il en soit, ἀϐρὸς est une épithete du Soleil. Le second mot Grec dont abrasax est composé, est ou celui de Sao, ΣΑΩ, qui est souvent employé dans Homere, & qui veut dire sauver ou guérir, ou celui de Sa, ΣΑ, qui signifie salut, santé. Ainsi abrasax voudroit dire à la lettre le beau, le magnifique Sauveur, celui qui guérit les maux, & qui en préserve ». Hist. du Manichéis. tome II. pag. 55.

M. de Beausobre détaille ensuite fort au long les preuves qui établissent qu’abrasax ou ce magnifique Sauveur n’est autre que le Soleil. C’est pourquoi nous renvoyons les Lecteurs à l’ouvrage de cet Auteur. Cet article est en grande partie tiré des Mémoires de M. Formey, Historiographe de l’Académie royale de Prusse. (G)


ABREGÉS. m. épitome, sommaire, précis, raccourci. Un abregé est un discours dans lequel on réduit en moins de paroles, la substance de ce qui est dit ailleurs plus au long & plus en détail.

* " Les critiques, dit M. Baillet, & généralement tous les studieux qui sont ordinairement les plus grands ennemis des abregés, prétendent que la coûtume de les faire ne s'est introduite que longtems après ces siecles heureux où fleurissoient les Belles-Lettres & les Sciences parmi les Grecs & les Romains. C'est à leur avis un des premiers fruits de l'ignorance & de la fainéantise, où la barbarie a fait tomber les siecles qui ont suivi la décadence de l'empire. Les gens de lettres & les savans de ces siecles, disent-ils, ne cherchoient plus qu'à abreger leurs peines & leurs études, sur-tout dans la lecture des historiens, des philosophes, & des jurisconsultes, soit que ce fût le loisir, soit que ce fût le courage qui leur manquât ".

Les abregés peuvent, selon le même auteur, se réduire à six especes différentes : 1°. les épitomes où l'on a réduit les auteurs en gardant régulierement leurs propres termes & les expressions de leurs originaux, mais en tâchant de renfermer tout leur sens en peu de mots ; 2°. les abregés proprement dits, que les abréviateurs ont faits à leur mode, & dans le style qui leur étoit particulier ; 3°. les centons ou rhapsodies, qui sont des compilations de divers morceaux ; 4°. les lieux communs ou classes sous lesquelles on a rangé les matieres relatives à un même titre ; 5°. les recueils faits par certains lecteurs pour leur utilité particuliere, & accompagnés de remarques ; 6° les extraits qui ne contiennent que des lambeaux transcrits tout entiers dans les auteurs originaux, la plûpart du tems sans suite & sans liaison les uns avec les autres.

" Toutes ces manieres d'abreger les auteurs, continue-t-il, pouvoient avoir quelque utilité pour ceux qui avoient pris la peine de les faire, & peut-être n'étoient-elles point entierement inutiles à ceux qui avoient lû les originaux. Mais ce petit avantage n'a rien de comparable à la perte que la plûpart de ces abregés ont causée à leurs auteurs, & n'a point dédommagé la république des Lettres ".

En effet, en quel genre ces abregés n'ont-ils pas fait disparoître une infinité d'originaux ? Des auteurs ont crû que quelques-uns des livres saints de l'ancien Testament n'étoient que des abregés des livres de Gad, d'Iddo, de Nathan, des mémoires de Salomon, de la chronique des rois de Juda, &c. Les jurisconsultes se plaignent qu'on a perdu par cet artifice plus de deux mille volumes des premiers écrivains dans leur genre, tels que Papinien, les trois Scevoles, Labéon, Ulpien, Modestin, & plusieurs autres dont les noms sont connus. On a laissé périr de même un grand nombre des ouvrages des peres Grecs depuis Origene ou S. Irenée, même jusqu'au schisme, tems auquel on a vû toutes ces chaînes d'auteurs anonymes sur divers livres de l'Ecriture. Les extraits que Constantin Porphyrogenete fit faire des excellens historiens Grecs & Latins sur l'histoire, la politique, la morale, quoique d'ailleurs très-loüables, ont occasionné la perte de l'histoire universelle de Nicolas de Damas, d'une bonne partie des livres de Polybe, de Diodore de Sicile, de Denys d'Halicarnasse, &c. On ne doute plus que Justin ne nous ait fait perdre le Trogue Pompée entier par l'abregé qu'il en a fait, & ainsi dans presque tous les autres genres de littérature.

Il faut pourtant dire en faveur des abregés, qu'ils sont commodes pour certaines personnes qui n'ont ni le loisir de consulter les originaux, ni les facilités de se les procurer, ni le talent de les approfondir, ou d'y démêler ce qu'un compilateur habile & exact leur présente tout digéré. D'ailleurs, comme l'a remarqué Saumaise, les plus excellens ouvrages des Grecs & des Romains auroient infailliblement & entierement péri dans les siecles de barbarie, sans l'industrie de ces faiseurs d'abregés qui nous ont au moins sauvé quelques planches du naufrage : ils n'empêchent point qu'on ne consulte les originaux quand ils existent. Baillet, Jugem. des Savans, tome I. page 240. & suiv. (G)

Ils sont utiles : 1°. à ceux qui ont déjà vû les choses au long.

2°. Quand ils sont faits de façon qu'ils donnent la connoissance entiere de la chose dont ils parlent, & qu'ils sont ce qu'est un portrait en mignature par rapport à un portrait en grand. On peut donner une idée générale d'une grande histoire, ou de quelqu'autre matiere ; mais on ne doit point entamer un détail qu'on ne peut pas éclaircir, & dont on ne donne qu'une idée confuse qui n'apprend rien, & qui ne réveille aucune idée déjà acquise. Je vais éclaircir ma pensée par ces exemples : Si je dis que Rome fut d'abord gouvernée par des rois, dont l'autorité duroit autant que leur vie, ensuite par deux consuls annuels ; que cet usage fut interrompu pendant quelques années ; que l'on élut des décemvirs qui avoient la suprème autorité, mais qu'on reprit bien-tôt l'ancien usage d'élire des consuls : qu'enfin Jules César, & après lui, Auguste, s'emparerent de la souveraine autorité ; qu'eux & leurs successeurs furent nommés Empereurs : il me semble que cette idée générale s'entend en ce qu'elle est en elle-même : mais nous avons des abregés qui ne nous donnent qu'une idée confuse qui ne laisse rien de précis. Un célebre abréviateur s'est contenté de dire que Joseph fut vendu par ses freres, calomnié par la femme de Putiphar, & devint le surintendant de l'Egypte. En parlant des décemvirs, il dit qu'ils furent chassés à cause de la lubricité d'Appius ; ce qui ne laisse dans l'esprit rien qui le fixe & qui l'éclaire. On n'entend ce que l'abréviateur a voulu dire, que lorsque l'on sait en détail l'histoire de Joseph & celle d'Appius. Je ne fais cette remarque que parce qu'on met ordinairement entre les mains des jeunes gens des abregés dont ils ne tirent aucun fruit, & qui ne servent qu'à leur inspirer du dégoût. Leur curiosité n'est excitée que d'une maniere qui ne leur fait pas venir le desir de la satisfaire. Les jeunes gens n'ayant point encore assez d'idées acquises, ont besoin de détail ; & tout ce qui suppose des idées acquises, ne sert qu'à les étonner, à les décourager, & à les rebuter.

En abregé, façon de parler adverbiale, summatim. Les jeunes gens devroient recueillir en abregé ce qu'ils observent dans les livres, & ce que leurs maîtres leur apprennent de plus utile & de plus intéressant. (F)


ABREGE ou ABREVIATION, lorsqu'on veut écrire avec diligence, ou pour diminuer le volume, ou en certains mots faciles à deviner, on n'écrit pas tout au long. Ainsi au lieu d'écrire Monsieur & Madame, on écrit Mr ou Mde par abréviation ou par abregé. Ainsi les abréviations sont des lettres, notes, caracteres, qui indiquent les autres lettres qu'il faut suppléer. D. O. M. c'est-à-dire, Deo optimo, maximo. R. A. S. H. Anno reparatae salutis humanae. Au commencement des épîtres Latines, on trouve souvent S. P. D. c'est-à-dire, salutem plurimam dicit. Aux inscriptions, D. V. C. c'est-à-dire, dicat, vovet, consecrat. Sertorius Ursatus a fait une collection des explications de notis Romanorum. (F)


ABREGÉS. m. (partie de l'orgue.) c'est un assemblage de plusieurs rouleaux par le moyen desquels on répand & l'on transmet l'action des touches du clavier dans une plus grande étendue. Voyez la figure 20. Planches d'Orgue.

Si les sommiers n'avoient pas plus d'étendue que le clavier, il suffiroit alors de mettre des targettes qui seroient attachées par leur extrémité inférieure aux demoiselles du clavier, & par leur extrémité supérieure aux anneaux des boursettes. Il est sensible qu'en baisant une touche du clavier, on tireroit sa targette qui feroit suivre la boursette, l'esse & la soupape correspondante. Mais comme les soupapes ne peuvent pas être aussi près les unes des autres que les touches du clavier dont 13, nombre de touches d'une octave y compris les feintes, ne font qu'un demi-pié, puisqu'il y a tel tuyau dans l'orgue, qui porte le double ; il a donc fallu nécessairement les écarter les unes des autres : mais en les éloignant les unes des autres, elles ne se trouvent plus vis-à-vis des touches correspondantes du clavier, d'où cependant il faut leur transmettre l'action. Il faut remarquer que l'action des touches du clavier se transmet par le moyen des targettes posées verticalement, & ainsi que cette action est dans une ligne verticale. Pour remplir cette indication, on fait des rouleaux B C, fig. 21. qui sont de bois & à huit pans, d'un pouce on environ de diametre : aux deux extrémités de ces rouleaux que l'on fait d'une longueur convenable, ainsi qu'il va être expliqué, on met deux pointes de fil de fer d'une ligne ou d'une demi-ligne de diametre pour servir de pivots. Ces points entrent dans les trous des billots A A. Voyez BILLOTS. Soit maintenant la ligne E D, la targette qui monte d'une touche de clavier au rouleau, & la ligne G F, celle qui descend de la soupape au même rouleau. La distance F D entre les perpendiculaires qui passent par une soupape, & la touche qui doit la faire mouvoir, s'appellera l'expansion du clavier. Les rouleaux doivent être de trois ou quatre pouces plus longs que cette étendue. Ces trois ou quatre pouces doivent être repartis également aux deux côtés de l'espace I K qui est l'espace égal & correspondant du rouleau. A l'espace F D, aux points I & K, on perce des trous qui doivent traverser les mêmes faces. Ces trous servent à mettre des pattes I F, K D, de gros fil de fer. Ces pattes sont appointées par l'extrémité qui entre dans le rouleau, & rivées après l'avoir traversé ; l'autre extrémité de la patte est applatie dans le sens vertical, & percée d'un trou qui sert à recevoir le léton des targettes. Les pattes ont trois ou quatre pouces de longueur hors du rouleau, & sont dans le même plan horisontal. On conçoit maintenant que si l'on tire la targette E D attachée à une touche, en appuyant le doigt sur cette touche, l'extrémité D de la patte D K doit baisser. Mais comme la patte est fixée dans le rouleau au point K, elle ne sauroit baisser par son extrémité D, sans faire tourner le rouleau sur lui-même d'une égale quantité. Le rouleau en tournant fait suivre la patte I F, dont l'extrémité F décrit un arc de cercle égal à celui que décrit l'extrémité D de l'autre patte, & tire la targette F G, à laquelle le mouvement de la targette E à ainsi été transmis. Cette targette F G est attachée à la boursette par le moyen du léton H. Voyez BOURSETTE, SOMMIER.

Un abregé est un composé d'autant de rouleaux semblables à celui que l'on vient de décrire, qu'il y a de touches au clavier ou de soupapes dans les sommiers. Tous les rouleaux qui composent un abregé sont rangés sur une table ou planche E F G H, fig. 20. dans laquelle les queues des billots entrent & sont collées. Une de leurs pattes répond directement audessus d'une touche du clavier L M, à laquelle elle communique par le moyen de la targette a b. L'autre patte communique par le moyen d'une targette c d à une soupape des sommiers S S, T T qui s'ouvre, lorsque l'on tire la targette du clavier en appuyant le doigt sur la touche à laquelle elle est attachée, ce qui fait tourner le rouleau & tirer la targette du sommier. On appelle targette du clavier, celle qui va du clavier à l'abregé ; & targette du sommier, celle qui va de l'abregé au sommier. Les unes & les autres doivent se trouver dans un même plan vertical dans lequel se doivent aussi trouver les demoiselles du clavier & les boursettes des sommiers. Par cette ingénieuse construction, l'étendue des sommiers qui est quelquefois de 15 ou 20 piés, se trouve rapprochée ou réduite à l'étendue du clavier qui n'est que de deux piés pour quatre octaves. C'est ce qui lui a fait donner le nom d'abregé, comme étant les sommiers réduits ou abregés.

Dans les grandes orgues qui ont deux sommiers placés à côté l'un de l'autre en cette sorte A C B, les tuyaux des basses & des dessus sont repartis sur tous les deux ; ensorte que les plus grands soient vers les extrémités extérieures A B, & les plus petits vers C ; les tuyaux sur chaque sommier se suivent par tons, en cette sorte :

Sommier A C


ABREGERun fief, terme de Jurisprudence féodale, synonyme à démembrer, mais qui se dit singulierement lorsque le seigneur permet à des gens de mainmorte de posséder des héritages qui en relevent. (H)


    
    
ABREUVER ABREUVER un vaisseau, c’est y jetter de l’eau, après qu’il est achevé de construire, & l’en remplir entre le francbord & le serrage pour éprouver s’il est bien étanché, & s’il n’y a pas de voie d’eau. (Z)

ABREUVER, est aussi le même qu'arroser ; on le dit particulierement des prés où l'on fait d'abord venir l'eau d'une riviere, d'une source, ou d'un ruisseau, dans une grande rigole ou canal situé à la partie supérieure des terres, & divisé ensuite par les ramifications de petits canaux dans toute l'étendue d'un pré. Cette maniere d'abreuver les prairies, établie en Provence & en Languedoc, les rend extrèmement fertiles, lorsqu'elle est faite à propos. La trop grande quantité d'eau, si elle y séjournoit, rendroit les prés marécageux. (K)

Abreuver un cheval, c'est-à-dire, le faire boire ; ce qu'il faut avoir soin de faire deux fois par jour. (V)

* ABREUVER. Les Vernisseurs disent de la premiere couche de vernis qu'ils mettent sur le bois, qu'elle l'abreuve.


ABREUVOIRou GOUTTIERE, défaut des arbres qui vient d'une altération des fibres ligneuses qui s'est produite intérieurement, & n'a occasionné aucune cicatrice qui ait changé la forme extérieure de l'arbre. L'abreuvoir a la même cause que la gélivure. Voyez l'article GELIVURE.

ABREUVOIR, s. m. on appelle ainsi un lieu choisi & formé en pente douce au bord de l'eau, pour y mener boire ou baigner les chevaux. Les abreuvoirs sont ordinairement pavés & bordés en barriere. On dit : Menez ce cheval à l'abreuvoir ou à l'eau. (V)

ABREUVOIR, lieu où les oiseaux vont boire : on dit prendre les oiseaux à l'abreuvoir. Pour réussir à cette chasse, il faut choisir un endroit fréquenté par les petits oiseaux, & où il y ait quelque ruisseau le long duquel on cherche l'endroit le plus commode pour y faire un petit abreuvoir de la longueur d'un filet, & large environ d'un pié ou d'un pié & demi : on couvre l'eau des deux côtés de l'abreuvoir, de joncs, de chaume ou d'herbes, afin que les oiseaux soient obligés de boire à l'endroit que l'on a destiné pour l'abreuvoir : on attend qu'ils soient descendus pour boire ; & quand on en voit une quantité, on les enveloppe du filet, en tirant une ficelle qui répond à ce filet, & que tient le chasseur qui est caché ; ou bien l'on couvre l'abreuvoir de petits brins de bois enduits de glu, & les oiseaux venant se poser sur ces baguettes pour boire plus commodément, se trouvent pris.

L'heure la plus convenable pour tendre à l'abreuvoir, est depuis dix heures du matin jusqu'à onze, & depuis deux heures jusqu'à trois après midi, & enfin une heure & demie avant le coucher du soleil : alors les oiseaux y viennent en foule, parce que l'heure les presse de se retirer

Remarquez que plus la chaleur est grande, meilleure est cette chasse.

ABREUVOIRS, terme de Maçonnerie ou d'Architect, sont de petites tranchées faites avec le marteau de tailleur de pierres, ou avec la hachette de maçon, dans les joints & lits des pierres, afin que le mortier ou coulis qu'on met dans ces joints s'accroche avec les pierres & les lie. Vignole de Diviler, p. 353. (P)


ABRÉVIATEURadj. pris substantivement ; c'est l'auteur d'un abregé. Justin, abréviateur de Trogue Pompée, nous a fait perdre l'ouvrage de ce dernier. On reproche aux abréviateurs des Transactions Philosophiques, d'avoir fait un choix plûtôt qu'un abregé, parce qu'ils ont passé plusieurs mémoires, par la seule raison que ces mémoires n'étoient pas de leur goût. (F)

ABREVIATEUR, s. m. terme de Chancellerie Romaine. C'est le nom d'un officier dont la fonction est de rédiger la minute des bulles & des signatures. On l'appelle abréviateur, parce que ces minutes sont farcies d'abréviations.

Il y en a de deux classes ; les uns qu'on appelle de parco majori (du grand banc), à qui le régent de la chancellerie distribue les suppliques, & qui font dresser la minute des bulles par des substituts qu'ils ont sous eux ; & ceux qu'on appelle de parco minori (du second banc), dont la fonction est de dresser les dispenses de mariage. (G)


ABRÉVIATIONS. f. contraction d'un mot ou d'un passage qui se fait en retranchant quelques lettres, ou en substituant à leur place des marques ou des caracteres. Voyez SYMBOLE & APOCOPE.

Ce mot est dérivé du Latin brevis, qui vient du Grec βραχὺς, bref.

Les Jurisconsultes, les Medecins, &c. se servent fréquemment d'abréviation, tant pour écrire avec plus de diligence, que pour donner à leurs écrits un air mystérieux.

Les Rabbins sont ceux qui employent le plus d'abréviations. On ne sauroit lire leurs écrits qu'on n'ait une explication des abréviations Hébraïques. Les écrivains Juifs & les copistes ne se contentent pas de faire des abréviations comme les Grecs & les Latins, en retranchant quelques lettres ou syllabes dans un mot ; souvent ils n'en mettent que la premiere lettre. Ainsi ר signifie Rabbi, & א signifie אכ, אדרבי, ou אמד, &c. selon l’endroit où il se trouve.

Ils prennent souvent les premieres lettres de plusieurs mots de suite, & en y ajoûtant des voyelles, ils font un mot barbare qui représente tous les mots dont il est l'abregé. Ainsi Rabbi Schelemoh Jarchi, en jargon d'abréviations Hébraïques, s'appelle Rasi : & Rabbi Moses ben Maïemon Rambam. De même, est mis pour , donum in abdito evertit iram. Mercerus, David de Pomis, Schindler, Buxtorf, & d'autres, ont donné des explications de ces sortes d'abréviations. La plus ample collection des abréviations Romaines, est celle de Sertorius Ursatus, qui est la fin des marbres d'Oxford. Sertorii Ursati, equitis, de notis Romanorum, commentarius. Dans l'antiquité on appelloit les abréviations, notes. On les nomme encore de même dans les anciennes inscriptions Latines. (G)


ABREVIATIONSCe sont des lettres initiales ou des caracteres dont se servent les marchands, négocians, banquiers, & teneurs de livres, pour abreger certains termes de négoce, & rendre les écritures plus courtes. Voici les principales, avec leur explication.

C. signifie Compte.
C. O. Compte ouvert.
C. C. Compte courant.
M. C. Mon compte.
S. C. Son compte.
L. C. Leur compte.
N. C. Notre compte.
A. Accepté.
ACCEPTÉ. S.P. Accepté sous protest.
ACCEPTÉ. S.P.C. Accepté sous protest pour mettre à compte.
A. P. à protester.
P. Protesté ou payé.
TrE. ou Trs. Traite ou Traites.
Rs. Remises.
R. Reçû.
PR. Pour cent.
N°. Numero
F°. Folio ou Page.
R°. Recto.
V°. Verso.
V. Ecu de 60 sols ou de trois livres tournois.
W. Ecu de 60 sols ou de trois livres tournois.
FL. ou Fs. Florins.
Rx. ou RLE. Richedale, Risdale, Rixdale, ou Retchedale.
DAL. ou DRE. Daller ou Daldre.
DUC. ou DD. Ducat.
M. L. Marc Lubs.
L. ST. Livres sterlings.
L. de G. ou L. G. Livres de gros.
£ ou ₶. Livres tournois.
S ou . Sols tournois.
D ou . Deniers tournois.
℔. Livres de poids.
M ou Mc. Marcs.
ONC. ou ON. Onces.
G. Gros.
DEN. Denier ou gros.
D°. Dito.
. Dit.


Les négocians & banquiers Hollandois ont aussi leurs abréviations particulieres. Comme toutes les marchandises qui se vendent en Hollande, & particulierement à Amsterdam, s'y vendent par livres de gros, par rixdale, par florins d'or, par florins, par sous de gros, par sous communs, & par deniers de gros, pour abreger toutes ces monnoies de compte, on se sert des caracteres suivans.

ABREVIATIONS POUR LES POIDS.


ABREXmot qui se trouve dans une inscription Latine découverte à Langres en 1673, & qui a fait penser à M. Mahudel que Bellorix, dont il est parlé dans cette inscription, étoit un homme d'autorité chez les Langrois, & même qu'il avoit été un de leurs rois ; car il prétend que le mot abrex marque qu'il avoit abdiqué la royauté, soit qu'elle fût annuelle & élective chez ces peuples comme parmi quelques autres des Gaules, soit qu'elle fût perpétuelle dans la personne de celui qu'on avoit élû ; car si ce n'eût pas été de son propre mouvement qu'il eût renoncé à cette dignité, mais qu'il l'eût quittée après l'expiration du terme, on auroit dit exrex, & non pas abrex. Nous ne donnons ceci d'après les Mémoires de l'Académie des Belles-Lettres, que comme une conjecture ingénieuse qui n'est pas dénuée de vraisemblance. (G)


ABRIS. m. c'est ainsi qu'on appelle un endroit où l'on peut mouiller à couvert du vent. Ce port est à l'abri des vents de ouest & de nord-ouest. L'anse où nous mouillâmes est sans aucun abri. Le vent renforçant, nous fûmes nous mettre à l'abri de l'île. Mouiller à l'abri d'une terre.

Abri se dit aussi du côté du pont où l'on est moins exposé au vent. (Z)


ABRICOTIERS. m. arbre à fleur en rose, dont le pistil devient un fruit à noyau. La fleur est composée de plusieurs feuilles disposées en rose : le pistil sort du calice, & devient un fruit charnu presque rond, applati sur les côtés, & sillonné dans sa longueur ; ce fruit renferme un noyau osseux & applati, dans lequel il y a une semence. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

ABRICOTS. On en fait des compotes & des confitures seches & liquides : son amande sert à faire de la pâte & du ratafiat. Il se multiplie par son noyau, & se greffe sur prunier & sur amandier. On distingue l'abricotier en précoce ou abricotin, en abricot en espalier, à plein vent. Les abricots violets sont les plus beaux & les meilleurs.

La place la plus convenable aux abricotiers est le plein vent : mais toutes les expositions en espaliers leur sont bonnes, & ils aiment mieux une terre légere & sabloneuse, qu'une terre plus grasse. (K)

* Compote d'abricots verds. Prenez des abricots verds ; remplissez un chauderon d'eau à demi ; jettez-y des cendres de bois neuf ou gravelées ; faites faire à cette lessive sept ou huit bouillons ; mettez-y vos abricots ; remuez-les avec l'écumoire. Quand vous vous appercevrez qu'ils quitteront le noyau, mettez-les dans de l'eau froide, maniez-les, nettoyez & passez dans d'autre eau claire. Faites bouillir de l'eau dans une poele ; jettez-y vos abricots que vous tirerez de l'eau claire. Quand ils seront cuits, vous ferez fondre dans une poele une quantité de sucre clarifié, proportionnée à celle des abricots : cependant vous laisserez égoutter vos abricots entre des serviettes ; vous les tirerez de-là pour les jetter dans le sucre ; vous les y laisserez bouillir doucement ; bientôt ils verdiront : alors poussez le bouillon ; remuez, écumez, laissez refroidir, & serrez.

Compote d'abricots mûrs. Ouvrez vos abricots par la moitié, faites-les cuire en sirop ; cassez les noyaux ; pelez les amandes ; mettez une demi-livre de sucre pour une douzaine d'abricots dans une poele. Faites fondre ; arrangez vos moitiés d'abricots dans ce sucre fondu ; continuez de faire bouillir ; jettez ensuite sur les abricots vos amandes ; ôtez votre compote de dessus le feu ; remuez-la, afin d'assembler l'écume ; enlevez l'écume avec un papier. Remettez sur le feu : s'il se reforme de l'écume, enlevez-la, laissez refroidir, & serrez. On peut peler ses abricots. S'ils sont durs, on les passera à l'eau avant que de les mettre au sucre.

* Abricots confits. Prenez des abricots verds ; piquez-les par-tout avec une épingle ; jettez-les dans l'eau ; faites-les bouillir dans une seconde eau, après les avoir lavés dans la premiere ; ôtez-les de dessus le feu quand ils monteront, & les laissez refroidir. Mettez-les ensuite sur un petit feu ; tenez-les couverts, si vous voulez qu'ils verdissent, & ne les faites pas bouillir. Quand ils seront verds, mettez-les rafraîchir dans l'eau. Quand ils seront rafraîchis, vous mettrez sur cette eau deux parties de sucre contre une d'eau, ensorte que la quantité du mêlange surnage les abricots. Laissez-les reposer environ vingt-quatre heures dans cet état ; jettez-les ensuite dans un poëlon ; faites-les chauffer légerement sur le feu sans ébullition ; remuez-les souvent. Le jour suivant vous les ferez égoutter en les tirant du sirop. Vous ferez cuire le sirop seul sur le feu, jusqu'à ce qu'il vous paroisse avoir de la consistance ; vous y arrangerez vos abricots égouttés ; vous les ferez chauffer jusqu'au frémissement du sirop, puis les retirerez de dessus le feu, & les laisserez reposer jusqu'au lendemain. Le lendemain augmentant le sirop de sucre, vous les remettrez sur le feu & les ferez bouillir, puis vous les laisserez encore reposer un jour. Le quatrieme jour vous retirerez vos abricots, & vous ferez cuire le sirop seul jusqu'à ce qu'il soit lisse, c'est-à-dire, que le fil qu'il forme en le laissant distiller par inclination, se casse net. Laissez encore reposer un jour vos abricots dans ce sirop. Le cinquieme, remettez votre sirop seul sur le feu ; donnez-lui une plus forte cuisson, & plus de consistance ; jettez-y pour la derniere fois vos abricots ; faites-les frémir ; retirez-les ; achevez de faire cuire le sirop seul, & glissez-y vos abricots : couvrez-les, & faites leur jetter avec le sirop quelques bouillons encore ; écumez de tems en tems, & dressez.

* Abricots en marmelade. Prenez des abricots mûrs ; ouvrez-les ; cassez les noyaux ; jettez les amandes dans l'eau bouillante pour les dérober, ou ôter la peau. Prenez trois quarterons de sucre pour une livre de fruit ; mettez sur quatre livres un quart de sucre, un demi-septier d'eau ; faites cuire ce mêlange d'eau & de sucre ; écumez à mesure qu'il cuit. Quand il sera cuit à la demi-plume, ce dont vous vous appercevrez, si en soufflant sur votre écumoire il s'en éleve des pellicules blanchâtres & minces, jettez-y vos abricots & vos amandes ; faites cuire, remuez ; continuez de faire cuire & de remuer jusqu'à ce que votre abricot soit presqu'entierement fondu, & que votre sirop soit clair, transparent & consistant : ôtez alors votre marmelade de dessus le feu, elle est faite ; enfermez-la dans des pots que vous boucherez bien.

* Pâte d'abricots. Ayez des abricots bien mûrs ; pelez-les, ôtez le noyau, desséchez-les à petit feu ; ils se mettront en pâte. Jettez cette pâte dans du sucre que vous aurez tout prêt cuit à la plume ; mêlez bien ; faites frémir le mêlange sur le feu, puis jettez dans des moules, ou entre des ardoises, & faites bien sécher dans l'étuve à bon feu.

Abricots à mi-sucre ; ce sont des abricots confits dans une quantité modérée de sucre cuit à la plume, & glissés dans du sirop cuit à perlé. Voyez A LA PLUME & A PERLE.

Abricots à oreille ; ce sont des abricots confits que les Confiseurs appellent ainsi, parce qu'ils ont entordu & contourné une des moitiés, sans cependant la détacher tout-à-fait de l'autre, ou qu'ils ont enjoint ensemble deux moitiés séparées ; ensorte qu'elles se débordent mutuellement par les deux bouts, l'une d'un côté, & l'autre de l'autre.


ABRITERv. a. c'est porter à l'ombre une plante mise dans un pot, dans une caisse, pour lui ôter le trop de soleil. On peut encore abriter une planche entiere, en la couvrant d'une toile ou d'un paillasson, ce qui s'appelle proprement couvrir. Voyez COUVRIR. (K)


ABRIVERmot ancien, encore en usage parmi les gens de riviere ; c'est aborder & se joindre au rivage. (Z)


ABROBANIou ABRUCHBANIA, s. ville du comté du même nom, dans la Transylvanie.


ABROGATIONS. f. action par laquelle on révoque ou annulle une loi. Il n'appartient qu'à celui qui a le pouvoir d'en faire, d'en abroger. Voyez ABOLITION, REVOCATION.

Abrogation differe de dérogation, en ce que la loi dérogeante ne donne atteinte qu'indirectement à la loi antérieure, & dans les points seulement où l'une & l'autre seroient incompatibles ; au lieu que l'abrogation est une loi faite expressément pour en abolir une précédente. Voyez DEROGATION. (H)


ABROHANI(Comm.) voyez MALLE-MOLLE.


ABROLHOSou aperi oculos, s. m. pl. écueils terribles proche l'île Sainte-Barbe, à 20 lieues de la côte du Bresil.


ABROTANOIDESS. m. espece de corail ressemblant à l'aurone femelle, d'où il tire son nom. On le trouve, selon Clusius qui en a donné le nom, sur les rochers au fond de la mer.


ABROTONE ABROTONE femelle, s. f. plante plus connue sous le nom de santoline. Voyez Santoline. (I)

ABROTONE mâle, s. m. plante plus connue sous le nom d'aurone. Voyez AURONE. (I)


ABRUSespece de feve rouge qui croît en Egypte & aux Indes. Hist. plant. Ray.

On apporte l'abrus des deux Indes ; on se sert de sa semence. Il y en a de deux sortes ; l'une grosse comme un gros pois, cendrée, noirâtre ; l'autre un peu plus grosse que l'ivraie ordinaire : toutes les deux d'un rouge foncé. On les recommande pour les inflammations des yeux, dans les rhumes, &c. Voyez DALE. (I)


ABRUZZES. f. province du royaume de Naples, en Italie. Long. 30. 40. 32. 45. lat. 41. 45. 42. 52.


ABSCISSES. f. est une partie quelconque du diametre ou de l'axe d'une courbe, comprise entre le sommet de la courbe ou un autre point fixe, & la rencontre de l'ordonnée. Voyez AXE ORDONNEE.

Telle est la ligne A E (Plan. sect. coniq. fig. 26.) comprise entre le sommet A de la courbe M A m, & l'ordonnée E M, &c. On appelle les lignes A F abscisses, du Latin abscindere, couper, parce qu'elles sont des parties coupées de l'axe ou sur l'axe ; d'autres les appellent sagittae, c'est-à-dire fleches. Voyez FLECHE.

Dans la parabole l'abscisse est troisieme proportionnelle au parametre & à l'ordonnée, & le parametre est troisieme proportionnel à l'abscisse & à l'ordonnée. Voyez PARABOLE, &c.

Dans l'ellipse le quarré de l'ordonnée est égal au rectangle du parametre par l'abscisse, dont on a ôté un autre rectangle de la même abscisse par une quatrieme proportionnelle à l'axe, au parametre, & à l'abscisse. Voyez ELLIPSE.

Dans l'hyperbole les quarrés des ordonnées sont entre eux, comme les rectangles de l'abscisse par une autre ligne composée de l'abscisse & de l'axe transverse. Voyez HYPERBOLE.

Dans ces deux dernieres propositions sur l'ellipse & l'hyperbole, on suppose que l'origine des abscisses, c'est-à-dire le point A, duquel on commence à les compter, soit le sommet de la courbe, ou ce qui revient au même, le point où elle est rencontrée par son axe. Car si on prenoit l'origine des abscisses au centre, comme cela se fait souvent, alors les deux théorèmes précédens n'auroient plus lieu. (O)


ABSENCES. f. en Droit, est l'éloignement de quelqu'un du lieu de son domicile. Voyez ABSENT & PRESENT.

L'absence est présumée en matiere de prescription ; & c'est à celui qui l'allegue pour exception à prouver la présence.

Celui qui est absent du royaume, avec l'intention de n'y plus retourner, est réputé étranger : mais il n'est pas réputé mort. Cependant ses héritiers ne laissent pas par provision de partager ses biens. Or on lui présume l'intention de ne plus revenir, s'il s'est fait naturaliser en pays étranger, & y a pris un établissement stable.


ABSENTadj. en Droit, signifie en général quiconque est éloigné de son domicile.

ABSENT, en matiere de prescription, se dit de celui qui est dans une autre province que celle où est le possesseur de son héritage. V. PRESCRIPTION & PRESENT. Les absens qui le sont pour l'intérêt de l'état, sont réputés présens, quoties de commodis eorum agitur.

Lorsqu'il s'agit de faire le partage d'une succession où un absent a intérêt, il faut distinguer s'il y a une certitude probable qu'il soit vivant, ou si la probabilité au contraire est qu'il soit mort. Dans le premier cas il n'y a qu'à le faire assigner à son dernier domicile, pour faire ordonner avec lui qu'il sera procédé au partage. Dans l'autre cas, ses co-héritiers partageront entr'eux la succession, mais en donnant caution pour la part de l'absent. Mais la mort ne se présume pas sans de fortes conjectures ; & s'il reste quelque probabilité qu'il puisse être vivant, on lui réserve sa part dans le partage, & on en laisse l'administration à son héritier présomptif, lequel aussi est obligé de donner caution. (H)

Lorsque M. Nicolas Bernoulli, neveu des célebres Jacques & Jean Bernoulli, soûtint à Bâle en 1709 sa these de docteur en Droit ; comme il étoit grand Géometre, aussi-bien que Jurisconsulte, il ne put s'empêcher de choisir une matiere qui admît de la Géométrie. Il prit donc pour sujet de sa these, de usu artis conjectandi in Jure, c'est-à-dire, de l'application du calcul des probabilités aux matieres de Jurisprudence ; & le troisieme chapitre de cette these traite du tems où un absent doit être réputé pour mort. Selon lui, il doit être censé tel, lorsqu'il y a deux fois plus à parier qu'il est mort que vivant. Supposons donc un homme parti de son pays à l'âge de vingt ans ; & voyons, suivant la théorie de M. Bernoulli, en quel tems il peut être censé mort.

Suivant les tables données par M. Deparcieux de l'Académie Royale des Sciences, de 814 personnes vivantes à l'âge de 20 ans, il n'en reste à l'âge de 72 ans que 271, qui sont à peu près le tiers de 814 ; donc il en est mort les deux tiers depuis 20 jusqu'à 72 ; c'est-à-dire, en 52 ans ; donc au bout de 52 ans il y a deux fois plus à parier pour la mort que pour la vie d'un homme qui s'absente & qui disparoît à 20 ans. J'ai choisi ici la table de M. Deparcieux, & je l'ai préférée à celle dont M. Bernoulli paroît s'être servi, me contentant d'y appliquer son raisonnement : mais je crois notre calcul trop fort en cette occasion à un certain égard, & trop foible à un autre ; car 1°. d'un côté la table de M. Deparcieux a été faite sur des rentiers de tontines qui, comme il le remarque lui-même, vivent ordinairement plus que les autres, parce que l'on ne met ordinairement à la tontine que quand on est assez bien constitué pour se flater d'une longue vie. Au contraire, il y a à parier qu'un homme qui est absent, & qui depuis long-tems n'a donné de ses nouvelles à sa famille, est au moins dans le malheur ou dans l'indigence, qui joints à la fatigue des voyages, ne peuvent guere manquer d'abreger les jours. 2°. D'un autre côté je ne vois pas qu'il suffise pour qu'un homme soit censé mort, qu'il y ait seulement deux contre un à parier qu'il l'est, sur-tout dans le cas dont il s'agit. Car lorsqu'il est question de disposer des biens d'un homme, & de le dépouiller sans autre motif que sa longue absence, la loi doit toûjours supposer sa mort certaine. Ce principe me paroît si évident & si juste, que si la table de M. Deparcieux n'étoit pas faite sur des gens qui vivent ordinairement plus long-tems que les autres, je croirois que l'absent ne doit être censé mort que dans le tems où il ne reste plus aucune des 814 personnes âgées de vingt ans, c'est-à-dire à 93 ans. Mais comme la table de M. Deparcieux seroit dans ce cas trop favorable aux absens, on pourra ce me semble faire une compensation, en prenant l'année où il ne reste que le quart des 814 personnes, c'est-à-dire environ 75 ans. Cette question seroit plus facile à décider si on avoit des tables de mortalité des voyageurs : mais ces tables nous manquent encore, parce qu'elles sont très-difficiles, & peut-être impossibles dans l'exécution.

M. de Buffon a donné à la fin du troisieme volume de son Histoire naturelle, des tables de la durée de la vie plus exactes & plus commodes que celles de M. Deparcieux, pour résoudre le probleme dont il s'agit, parce qu'elles ont été faites pour tous les hommes sans distinction, & non pour les rentiers seulement. Cependant ces tables seroient peut-être encore un peu trop favorables aux voyageurs, qui doivent généralement vivre moins que les autres hommes : c'est pourquoi au lieu d'y prendre les 4/5 comme nous avons fait dans les tables de M. Deparcieux, il seroit bon de ne prendre que les 5/6, ou peut-être les 7/8. Le calcul en est aisé à faire ; il nous suffit d'avoir indiqué la méthode. (O)

* D'ailleurs, la solution de ce problême suppose une autre théorie sur la probabilité morale des évenemens, que celle qu'on a suivie jusqu'à présent. En attendant que nous exposions à l'article PROBABILITE cette théorie nouvelle qui est de M. de Buffon, nous allons mettre le lecteur en état de se satisfaire lui-même sur la question présente des absens réputés pour morts, en lui indiquant les principes qu'il pourroit suivre. Il est constant que quand il s'agit de décider par une supposition du bien-être d'un homme qui n'a contre lui que son absence, il faut avoir la plus grande certitude morale possible que la supposition est vraie. Mais comment avoir cette plus grande certitude morale possible ? où prendre ce maximum ? comment le déterminer ? Voici comment M. de Buffon veut qu'on s'y prenne ; & l'on ne peut douter que son idée ne soit très-ingénieuse, & ne donne la solution d'un grand nombre de questions embarrassantes, telles que celles du problème sur la somme que doit parier à croix ou pile un joüeur A contre un joüeur B qui lui donneroit un écu, si lui B amenoit pile du premier coup ; deux écus, si lui B amenoit encore pile au second coup ; quatre écus, si lui B amenoit encore pile au troisieme, & ainsi de suite : car il est évident que la mise de A doit être déterminée sur la plus grande certitude morale possible que l'on puisse avoir que B ne passera pas un certain nombre de coups ; ce qui fait rentrer la question dans le fini, & lui donne des limites. Mais on aura dans le cas de l'absent la plus grande certitude morale possible de sa mort, ou d'un évenement en général, par celui où un nombre d'hommes seroit assez grand pour qu'aucun ne craignît le plus grand malheur, qui devroit cependant arriver infailliblement à un d'entre-eux. Exemple : prenons dix mille hommes de même âge, de même santé, &c. parmi lesquels il en doit certainement mourir un aujourd'hui : si ce nombre n'est pas encore assez grand pour délivrer entierement de la crainte de la mort chacun d'eux, prenons-en vingt. Dans cette derniere supposition, le cas où l'on auroit la plus grande certitude morale possible qu'un homme seroit mort, ce seroit celui où de ces vingt mille hommes vivans, quand il s'est absenté, il n'en resteroit plus qu'un.

Voilà la route qu'on doit suivre ici & dans toutes autres conjonctures pareilles, où l'humanité semble exiger la supposition la plus favorable.


ABSIDES. f. terme d'Astronomie ; voyez APSIDE.


ABSINTHES. f. herbe qui porte une fleur à fleurons. Cette fleur est petite, & composée de fleurons découpés, portés chacun sur un embryon de graine, & renfermés dans un calice écailleux : lorsque la fleur est passée, chaque embryon devient une semence qui n'a point d'aigrette. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

ABSINTHE ou ALUYNE : Il y a quatre sortes d'absinthe : la romaine ou grande ; la petite appellée pontique ; l'absinthe ou l'aluyne de mer, & celle des Alpes appellée génepi.

Cette plante se met en bordure à deux ou trois piés de distance, & se peut tondre. Elle donne de la graine difficile à vanner ; c'est pourquoi on la renouvelle tous les deux ans en sevrant les vieux piés. (K)

* La grande absinthe a donné dans l'analyse chimique, n'étant pas encore fleurie, du phlegme liquide, de l'odeur & du goût de la plante, sans aucune marque d'acide, ni d'alkali : il étoit mêlé avec l'huile essentielle, ensuite une liqueur limpide, odorante, qui a donné des marques d'un acide foible & d'un alkali très-fort : enfin une liqueur purement alkaline & mêlée de sel volatil, de sel volatil urineux concret, & de l'huile, soit subtile, soit grossiere.

La masse noire restée dans la cornue calcinée au feu de reverbere, on a tiré de ses cendres par la lixiviation du sel fixe purement alkali.

Les feuilles & les sommités chargées de fleurs & de graines, ont donné un phlegme limpide de l'odeur & du goût de la plante, avec des marques d'un peu d'acidité d'abord, puis d'un acide violent, enfin d'un acide & d'un alkali urineux avec beaucoup d'huile essentielle ; une liqueur roussâtre empireumateuse, alkaline, & pleine de sel urineux ; du sel volatil concret ; de l'huile, soit essentielle & subtile, soit puante & grossiere.

De la masse noire restée dans la cornue & calcinée au feu de reverbere, on a tiré des cendres qui ont donné par la lixiviation du sel fixe purement alkali. La comparaison des élémens obtenus & de leur quantité, a démontré que les feuilles ont plus de parties subtiles & volatiles que les fleurs & les graines ; qu'elles ont beaucoup moins de sel acide & d'huile que les sommités ; d'où il s'ensuit que les feuilles contiennent un sel ammoniacal & beaucoup d'huile subtile, & que l'on rencontre dans les sommités un sel tartareux uni avec un sel ammoniacal : mais il est vraisemblable que son efficacité dépend principalement de son huile essentielle, amere & aromatique ; & que quoiqu'elle paroisse la même dans les feuilles & les sommités, cependant elle est plus subtile, plus développée & plus volatile dans les feuilles à cause de son union intime avec les sels volatils.

On l'ordonne dans la jaunisse, la cachexie, & les pâles couleurs : elle tue les vers, raffermit l'estomac ; mais elle est ennemie des nerfs comme la plûpart des amers. On en tire plusieurs compositions médicinales ; voyez celles qui suivent.

ABSINTHE (vin d ') : Prenez des sommités de deux absinthes fleuries & récentes, mondées, hachées ou rompues, de chacune quatre livres ; de la canelle concassée, trois gros : mettez le tout dans un barril de cent pintes ; remplissez le barril de moust récemment exprimé de raisins blancs : placez le barril à la cave, laissez fermenter le vin ; & la fermentation finie, remplissez le tonneau de vin blanc ; bouchez-le, & gardez le vin pour votre usage.

Vin d'absinthe qui peut se préparer en tout tems. Prenez feuilles de deux absinthes séchées, de chacune six gros ; versez dessus vin blanc quatre livres ; faites-les macérer à froid dans un matras pendant vingt-quatre heures ; passez la liqueur avec expression, & filtrez ; vous aurez le vin d'absinthe que vous garderez pour votre usage. (N)


ABSOLUadject. On appelle ainsi le Jeudi de la Semaine-sainte, ou celui qui précede immédiatement la fête de Pâques, à cause de la cérémonie de l'absoute qui se fait ce jour-là. Voyez ABSOUTE.

ABSOLU ; nombre absolu, en Algebre, est la quantité ou le nombre connu qui fait un des termes d'une équation. Voyez ÉQUATION & RACINE.

Ainsi dans l'équation x x + 16 x x = 36, le nombre absolu est 36, qui égale x multiplié par lui-même, ajoûté à 16 fois x.

C'est ce que Viete appelle Homogeneum comparationis. Voyez HOMOGENE de comparaison. (O)

ABSOLU. équation absolue, en Astronomie, est la somme des équations optique & excentrique : on appelle équation optique, l'inégalité apparente du mouvement d'une planete, qui vient de ce qu'elle n'est pas toûjours à la même distance de la terre, & qui subsisteroit quand même le mouvement de la planete seroit uniforme ; & on appelle équation excentrique l'inégalité réelle du mouvement d'une planete qui vient de ce que son mouvement n'est pas uniforme. Pour éclaircir cela par un exemple, supposons que le soleil se meuve ou paroisse se mouvoir sur la circonférence d'un cercle dont la terre occupe le centre, il est certain que si le soleil se meut uniformément dans ce cercle, il paroit se mouvoir uniformément étant vû de la terre ; & il n'y aura en ce cas ni équation optique, ni équation excentrique : mais si la terre n'occupe pas le centre du cercle, alors quand même le mouvement du soleil seroit réellement uniforme, il ne paroît pas tel étant vû de la terre. Voyez INEGALITE OPTIQUE ; & en ce cas, il y auroit une équation optique sans équation excentrique. Changeons maintenant l'orbite circulaire du soleil en un orbite elliptique dont la terre occupe le foyer : on sait que le soleil ne paroît pas se mouvoir uniformément dans cette ellipse : ainsi son mouvement est pour lors sujet à deux équations, l'équation optique, & l'équation excentrique. Voyez ÉQUATION. (O)


ABSOLUMENTadv. Un mot est dit absolument, lorsqu'il n'a aucun rapport grammatical avec les autres mots de la proposition dont il est un incise. Voyez ABLATIF. (F)

ABSOLUMENT, terme que les Théologiens scholastiques employent par opposition à ce qui se fait par voie déclarative : ainsi les Catholiques soûtiennent que le prêtre a le pouvoir de remettre les péchés absolument. Les Protestans au contraire prétendent qu'il ne les remet que par voie déclarative & ministérielle. Voyez ABSOLUTION.

Absolument se dit encore, en Théologie, par opposition à ce qui est conditionnel : ainsi les Scholastiques ont distingué en Dieu deux sortes de volontés, l'une efficace & absolue, l'autre inefficace & conditionnelle. Voyez VOLONTE. (G)

ABSOLUMENT, en Géométrie, ce mot signifie précisément la même chose que les expressions tout-à-fait, entierement : ainsi nous disons qu'une figure est absolument ronde, par opposition à celle qui ne l'est qu'en partie, comme un sphéroïde, une cycloïde, &c. (E)


ABSOLUTIONpardon, rémission, synonymes. Le pardon est en conséquence de l'offense, & regarde principalement la personne qui l'a faite. Il dépend de celle qui est offensée, & il produit la réconciliation, quand il est sincérement accordé & sincérement demandé.

La rémission est en conséquence du crime, & a un rapport particulier à la peine dont il mérite d'être puni. Elle est accordée par le prince ou par le magistrat, & elle arrête l'exécution de la justice.

L'absolution est en conséquence de la faute ou du péché, & concerne proprement l'état du coupable. Elle est prononcée par le juge civil, ou par le ministre ecclésiastique, & elle rétablit l'accusé ou le pénitent dans les droits de l'innocence.

ABSOLUTION, terme de Droit, est un jugement par lequel un accusé est déclaré innocent, & comme tel préservé de la peine que les lois infligent pour le crime ou délit dont il étoit accusé.

Chez les Romains la maniere ordinaire de prononcer le jugement étoit telle : la cause étant plaidée de part & d'autre, l'huissier crioit : dixerunt, comme s'il eût dit, les parties ont dit ce qu'elles avoient à dire : alors on donnoit à chacun des juges trois petites boules, dont l'une étoit marquée de la lettre A, pour l'absolution ; une autre de la lettre C, pour la condamnation ; & la troisieme, des lettres N L, non liquet, la chose n'est pas claire, pour requérir le délai de la sentence. Selon que le plus grand nombre des suffrages tomboit sur l'une ou sur l'autre de ces marques, l'accusé étoit absous ou condamné, &c. s'il étoit absous, le préteur le renvoyoit, en disant videtur non fecisse ; & s'il n'étoit pas absous, le préteur disoit jure videtur fecisse.

S'il y avoit autant de voix pour l'absoudre que pour le condamner, il étoit absous. On suppose que cette procédure est fondée sur la loi naturelle. Tel est le sentiment de Faber sur la 125e loi, de div. reg. jur. de Cicéron, pro Cluentio ; de Quintilien, declam. 264. de Strabon, lib. IX. &c.

Dans Athenes la chose se pratiquoit autrement : les causes en matiere criminelle, étoient portées devant le tribunal des héliastes, juges ainsi nommés d', le soleil ; parce qu'ils tenoient leurs assemblées dans un lieu découvert. Ils s'assembloient sur la convocation des thesmothetes au nombre de mille, & quelquefois de quinze cens, & donnoient leur suffrage de la maniere suivante. Il y avoit une sorte de vaisseau sur lequel étoit un tissu d'osier, & par-dessus deux urnes, l'une de cuivre & l'autre de bois : au couvercle de ces urnes étoit une fente garnie d'un quarré long, qui large par le haut, se retrécissoit par le bas, comme nous le voyons à quelques troncs anciens dans les églises : l'une de bois nommée , étoit celle où les juges jettoient les suffrages de la condamnation de l'accusé ; celle de cuivre, nommée , recevoit les suffrages portés pour l'absolution. Avant le jugement on distribuoit à chacun de ces magistrats deux pieces de cuivre, l'une pleine & l'autre percée : la premiere pour absoudre, l'autre pour condamner ; & l'on décidoit à la pluralité des pieces qui se trouvoient dans l'une ou l'autre des urnes.

ABSOLUTION, dans le Droit Canon, est un acte juridique par lequel le prêtre, comme juge, & en vertu du pouvoir qui lui est donné par Jesus-Christ, remet les péchés à ceux qui après la confession paroissent avoir les dispositions requises.

Les Catholiques Romains regardent l'absolution comme une partie du sacrement de Pénitence : le concile de Trente, sess. XIV. cap. iij. & celui de Florence dans le decret ad Armenos, fait consister la principale partie essentielle ou la forme de ce sacrement, dans ces paroles de l'absolution : je vous absous de vos péchés ; ego te absolvo à peccatis tuis.

La formule d'absolution est absolue dans l'Eglise Romaine, & déprécatoire dans l'Eglise Grecque, & cette derniere forme a été en usage dans l'Eglise d'Occident jusqu'au xiij. siecle. Arcudius prétend à la vérité que chez les Grecs elle est absolue, & qu'elle consiste dans ces paroles, mea mediocritas habet te venia donatum : mais les exemples qu'il produit, ou ne sont pas des formules d'absolution, ou sont seulement des formules d'absolution de l'excommunication, & non pas de l'absolution sacramentale.

Les Protestans prétendent qu'elle est déclaratoire & qu'elle n'influe en rien dans la rémission des péchés : d'où ils concluent que le prêtre en donnant l'absolution, ne fait autre chose que déclarer au pénitent que Dieu lui a remis les péchés, & non pas les lui remettre lui-même en vertu du pouvoir qu'il a reçu de Jesus-Christ. Mais cette doctrine est contraire à celle de Jesus-Christ, qui dit en S. Jean, ch. xx. vers. 23. Ceux dont vous aurez remis les péchés, leurs péchés leur seront remis. Aussi le Concile de Trente, sess. XIV. can. jv. l'a t-il condamnée comme hérétique.

Absolution signifie assez souvent une sentence qui délie & releve une personne de l'excommunication qu'elle avoit encourue. Voy. EXCOMMUNICATION.

L'absolution dans ce sens est également en usage dans l'Eglise Catholique & chez les Protestans. Dans l'Eglise réformée d'Ecosse, si l'excommunié fait paroître des signes réels d'un pieux repentir, & si en se présentant au presbytere (c'est-à-dire à l'assemblée des anciens) on lui accorde un billet d'assûrance pour son absolution, il est alors présenté à l'assemblée pour confesser son péché. Il manifeste son repentir autant de fois que le presbytere le juge convenable ; & quand l'assemblée est satisfaite de sa pénitence, le ministre adresse sa priere à Jesus-Christ, le conjurant d'agréer cet homme, de pardonner sa désobéissance, &c. lui qui a institué la loi de l'excommunication (c'est-à-dire de lier & délier les péchés des hommes sur la terre) avec promesse de ratifier les sentences qui sont justes. Cela fait, il prononce son absolution, par laquelle sa premiere sentence est abolie, & le pécheur reçu de nouveau à la communion. (G)

ABSOLUTION, en Droit Canonique, se prend encore dans un sens différent, & signifie la levée des censures. L'absolution accordée à l'effet de relever quelqu'un de l'excommunication est de deux sortes, l'une absolue & sans réserve, l'autre restrainte & sous réserve : celle-ci est encore de deux sortes ; l'une qu'on appelle ad effectum, ou simplement absolution des censures, l'autre appellée ad cautelam.

La premiere, c'est-à-dire l'absolution ad effectum, est de style dans les signatures de la cour de Rome dont elle fait la clôture, & a l'effet de rendre l'impétrant capable de joüir de la concession apostolique, l'excommunication tenant toûjours quant à ses autres effets.

L'absolution ad cautelam est une espece d'absolution provisoire qu'accorde à l'appellant d'une sentence d'excommunication, le juge devant qui l'appel est porté, à l'effet de le rendre capable d'ester en jugement pour poursuivre son appel ; ce qu'il ne pouvoit pas faire étant sous l'anathème de l'excommunication qui l'a séparé de l'Eglise : elle ne s'accorde à l'appellant qu'après qu'il a promis avec serment qu'il exécutera le jugement qui interviendra sur l'appel.

L'absolution à saevis, en terme de Chancellerie Romaine, est la levée d'une irrégularité ou suspense encourue par un ecclésiastique, pour avoir assisté à un jugement, ou une exécution de mort ou de mutilation. (H)

On donne encore le nom d'absolution à une priere qu'on fait à la fin de chaque nocturne & des heures canoniales : on le donne aussi aux prieres pour les morts. (G)


ABSOLUTOIREadj. terme de Droit, se dit d'un jugement qui prononce l'absolution d'un accusé. Voyez ABSOLUTION. (H)


ABSORBANTadj. Il y a des vaisseaux absorbans par-tout où il y a des arteres exhalantes. C'est par les pores absorbans de l'épiderme que passent l'eau des bains, le mercure ; & rien n'est plus certain en Anatomie, que les arteres exhalantes & les veines absorbantes. Les vaisseaux lactés absorbent le chyle, &c.

Il ne seroit pas inutile de rechercher le méchanisme par lequel se fait l'absorption. Est-ce par absorption, ou par application ou adhésion des parties, que se communiquent certaines maladies, comme la gale, les dartres, &c.

ABSORBANS, remedes dont la vertu principale est de se charger des humeurs surabondantes contenues dans l'estomac, ou même dans les intestins lorsqu'ils y parviennent, mêlés avec le chyle : les absorbans peuvent s'appliquer aussi extérieurement quand il est question de dessécher une plaie ou un ulcere.

On met au nombre des absorbans les coquillages pilés, les os desséchés & brûlés, les craies, les terres, & autres médicamens de cette espece.

Les absorbans sont principalement indiqués, lorsque les humeurs surabondantes sont d'une nature acide : rien en effet n'est plus capable d'émousser les pointes des acides, & d'en diminuer la mauvaise qualité, qu'un mêlange avec une matiere qui s'en charge, & qui étant pour l'ordinaire des alkalis fixes, en fait des sels neutres.

La précaution que l'on doit prendre avant & pendant l'usage des absorbans, & après qu'on les a cessés, est de les joindre aux délayans aqueux, & de se purger légerement ; alors on prévient tous les inconvéniens dont ils pourroient être suivis. (N)


ABSORBERengloutir, synonymes. Absorber exprime une action générale à la vérité, mais successive, qui en ne commençant que sur une partie du sujet, continue ensuite & s'étend sur le tout. Mais engloutir marque une action dont l'effet général est rapide, & saisit le tout à la fois, sans le détailler par parties.

Le premier a un rapport particulier à la consommation & à la destruction ; le second dit proprement quelque chose qui enveloppe, emporte, & fait disparoître tout d'un coup : ainsi le feu absorbe, pour ainsi dire, mais l'eau engloutit.

C'est selon cette même analogie qu'on dit dans un sens figuré, être absorbé en Dieu, ou dans la contemplation de quelqu'objet, lorsqu'on s'y livre dans toute l'étendue de sa pensée, sans se permettre la moindre distraction. Je ne crois pas qu'engloutir soit d'usage au figuré.

ABSORBER, v. act. se dit quand la branche gourmande d'un arbre fruitier emporte toute la nourriture nécessaire aux autres parties de ce végétal. (K)


ABSORPTIONS. f. dans l'Oeconomie animale, est une action dans laquelle les orifices ouverts des vaisseaux pompent les liqueurs qui se trouvent dans les cavités du corps. Ess. de la Société d'Edimbourg.

Les extrémités de la veine ombilicale pompent les liqueurs par voie d'absorption, de même que les vaisseaux lactés pompent le chyle des intestins.

Ce mot vient du latin absorbere, absorber. (L)


ABSOUTES. f. cérémonie qui se pratique dans l'Eglise Romaine le Jeudi de la Semaine-sainte, pour représenter l'absolution qu'on donnoit vers le même tems aux pénitens dans la primitive Eglise.

L'usage de l'Eglise de Rome, & de la plûpart des Eglises d'Occident, étoit de donner l'absolution aux pénitens le jour du Jeudi-saint, nommé pour cette raison le Jeudi absolu. Voyez ABSOLU.

Dans l'Eglise d'Espagne & dans celle de Milan, cette absolution publique se donnoit le jour du Vendredi-saint ; & dans l'Orient c'étoit le même jour ou le Samedi suivant, veille de Pâques. Dans les premiers tems l'évêque faisoit l'absoute, & alors elle étoit une partie essentielle du sacrement de pénitence, parce qu'elle suivoit la confession des fautes, la réparation de leurs desordres passés, & l'examen de la vie présente. " Le Jeudi-saint, dit M. l'abbé Fleury, les pénitens se présentoient à la porte de l'Eglise, l'évêque après avoir fait pour eux plusieurs prieres, les faisoit rentrer à la sollicitation de l'archidiacre, qui lui représentoit que c'étoit un tems propre à la clémence.... Il leur faisoit une exhortation sur la miséricorde de Dieu : & le changement qu'ils devoient faire paroître dans leur vie, les obligeant à lever la main pour signe de cette promesse ; enfin se laissant fléchir aux prieres de l'Eglise, & persuadé de leur conversion, il leur donnoit l'absolution solemnelle ". Moeurs des Chrétiens, tit. XXV.

Maintenant ce n'est plus qu'une cérémonie qui s'exerce par un simple prêtre, & qui consiste à réciter les sept pseaumes de la Pénitence, quelques oraisons relatives au repentir que les Fideles doivent avoir de leurs péchés, une entr'autres que le prêtre dit debout, couvert, & la main étendue sur le peuple, après quoi il prononce les formules Misereatur & Indulgentiam. Mais tous les Théologiens conviennent qu'elles n'operent pas la rémission des péchés ; & c'est la différence de ce qu'on appelle absoute, avec l'absolution proprement dite. V. ABSOLUTION. (G)


ABSPERGS. petite ville d'Allemagne dans la Suabe.


ABSTEMEdu latin abstemius, adj. pris subst. terme qui s'entend à la lettre des personnes qui s'abstiennent entierement de boire du vin, principalement par la répugnance & l'aversion qu'elles ont pour cette liqueur.

Dans ce sens, abstème est synonyme au mot latin invinius, & au mot grec ἄοινος, & même à ceux-ci ὑδρόποτης & ὑδροπαράστατης, bûveur d’eau, panégyriste de l’eau, étant composé d’abs, qui marque retranchement, éloignement, privation, répugnance, & de temetum, vin.

Les Théologiens protestans employent plus ordinairement ce terme pour signifier les personnes qui ne peuvent participer à la coupe dans la réception de l'eucharistie, par l'aversion naturelle qu'elles ont pour le vin. Voyez ANTIPATHIE.

Leurs sectes ont été extrèmement divisées pour savoir si l'on devoit laisser communier ces abstèmes sous l'espece du pain seulement. Les Calvinistes au synode de Charenton déciderent qu'ils pouvoient être admis à la cene, pourvû qu'ils touchassent seulement la coupe du bout des levres, sans avaler une seule goutte de l'espece du vin. Les Luthériens se récrierent fort contre cette tolérance, & la traiterent de mutilation sacrilége du sacrement. Il n'y a point d'ame pieuse, disoient-ils, qui par la ferveur de ses prieres n'obtienne de Dieu le pouvoir & la force d'avaler au moins une goutte de vin. Voyez Stricker, in nov. Lit. Germ. ann. 1709. p. 304.

M. de Meaux a tiré avantage de cette variation pour justifier le retranchement de la coupe ; car il est clair, dit-il, que la communion sous les deux especes n'est pas de précepte divin, puisqu'il y a des cas où l'on en peut dispenser. Voyez les Nouv. de la République des Lettres, tome III. p. 23. Mém. de Trév. 1708. p. 33. & 1717. p. 1415.

Dans les premiers siecles de la république Romaine, toutes les dames devoient être abstèmes ; & pour s'assûrer si elles observoient cette coûtume, c'étoit une regle de politesse constamment observée, que toutes les fois que des parens ou des amis les venoient voir, elles les embrassassent. (G)


ABSTENSIONS. f. terme de Droit civil, est la répudiation de l'hérédité par l'héritier, au moyen de quoi la succession se trouve vacante, & le défunt intestat, s'il ne s'est pourvû d'un second héritier par la voie de la substitution. Voyez SUBSTITUTION & INTESTAT.

L'abstension differe de la renonciation, en ce que celle-ci se fait par l'héritier à qui la nature ou la loi déferent l'hérédité, & l'abstension par celui à qui elle est déférée par la volonté du testateur. (H)


ABSTERGEANSadj. remedes de nature savonneuse, qui peuvent dissoudre les concrétions résineuses. On a tort de les confondre, comme fait Castelli, avec les abluans : ceux-ci sont des fluides qui ne peuvent fondre & emporter que les sels que l'eau peut dissoudre. (N)


ABSTINENCES. f. plusieurs croyent que les premiers hommes avant le déluge s'abstenoient de vin & de viande, parce que l'Ecriture marque expressément que Noé après le déluge commença à planter la vigne, & que Dieu lui permit d'user de viande, au lieu qu'il n'avoit donné à Adam pour nourriture que les fruits & les herbes de la terre : mais le sentiment contraire est soûtenu par quantité d'habiles interpretes, qui croyent que les hommes d'avant le déluge ne se refusoient ni les plaisirs de la bonne chere, ni ceux du vin ; & l'Ecriture en deux mots nous fait assez connoître à quel excès leur corruption étoit montée, lorsqu'elle dit que toute chair avoit corrompu sa voie. Quand Dieu n'auroit pas permis à Adam ni l'usage de la chair, ni celui du vin, ses descendans impies se seroient peu mis en peine de ces défenses. Genes. jx. 20. iij. 17. vj. 11. 12.

La loi ordonnoit aux prêtres de s'abstenir de vin pendant tout le tems qu'ils étoient occupés au service du temple. La même défense étoit faite aux Nazaréens pour tout le tems de leur nazaréat. Les Juifs s'abstiennent de plusieurs sortes d'animaux, dont on trouve le détail dans le Lévitique & le Deutéronome. S. Paul dit que les athletes s'abstiennent de toutes choses pour obtenir une couronne corruptible, c'est-à-dire, qu'ils s'abstiennent de tout ce qui peut les affoiblir ; & en écrivant à Timothée, il blâme certains hérétiques qui condamnoient le mariage & l'usage des viandes que Dieu a créées. Entre les premiers Chrétiens, les uns observoient l'abstinence des viandes défendues par la loi, & des chairs immolées aux idoles ; d'autres méprisoient ces observances comme inutiles, & usoient de la liberté que Jesus-Christ a procurée à ses fideles. S. Paul a donné sur cela des regles très-sages, qui sont rapportées dans les épîtres aux Corinthiens & aux Romains. Lévit. x. 9. Num. vj. 3. 1. Cor. jx. 25. Tim. I. c. jv. 3. 1. Cor. viij. 7. 10. Rom. xjv. 23.

Le concile de Jérusalem tenu par les apôtres, ordonne aux fideles convertis du paganisme de s'abstenir du sang des viandes suffoquées, de la fornication, & de l'idolatrie. Act. xv. 20.

S. Paul veut que les fideles s'abstiennent de tout ce qui a même l'apparence du mal ; ab omni specie mala abstinete vos ; & à plus forte raison de tout ce qui est réellement mauvais, & contraire à la religion & à la piété. Thessal. v. 21. Calmet, Diction. de la Bible, lett. A. tom. I. p. 32. (G)

ABSTINENCE, s. f. Orphée après avoir adouci les moeurs des hommes, établit une sorte de vie, qu'on nomma depuis Orphique ; & une des pratiques des hommes qui embrassoient cet état, étoit de ne point manger de la chair des animaux. Il est plausible de dire qu'Orphée ayant rendu sensibles aux lois de la société les premiers hommes qui étoient antropophages :

Silvestres homines sacer interpresque deorum,

Caedibus & faedo victu deterruit Orpheus. Horat.

il leur avoit imposé la loi de ne plus manger de viande du tout, & cela sans doute pour les éloigner entierement de leur premiere férocité ; que cette pratique ayant ensuite été adoptée par des personnes qui vouloient embrasser une vie plus parfaite que les autres, il y eut parmi les payens une sorte de vie qui s'appella pour lors vie Orphique, , dont Platon parle dans l'Epinomis, & au sixieme livre de ses lois. Les Phéniciens & les Assyriens, voisins des Juifs, avoient leurs jeûnes sacrés. Les Egyptiens, dit Hérodote, sacrifient une vache à Isis, après s'y être préparés par des jeûnes ; & ailleurs il attribue la même coûtume aux femmes de Cyrene. Chez les Athéniens, les fêtes d'Eleusine & des Tesmophores étoient accompagnées de jeûnes rigoureux, surtout entre les femmes, qui passoient un jour entier assises à terre dans un équipage lugubre, & sans prendre aucune nourriture. A Rome il y avoit des jeûnes réglés en l'honneur de Jupiter ; & les historiens font mention de ceux de Jules César, d'Auguste, de Vespasien, de Marc Aurele, &c. Les athletes en particulier en pratiquoient d'étonnans : nous en parlerons ailleurs. Voyez ATHLETE. (G)

* ABSTINENCE des Pythagoriciens. Les Pythagoriciens ne mangeoient ni chair, ni poisson, du moins ceux d'entr'eux qui faisoient profession d'une grande perfection, & qui se piquoient d'avoir atteint le dernier degré de la théorie de leur maître. Cette abstinence de tout ce qui avoit eu vie, étoit une suite de la métempsycose : mais d'où venoit à Pythagore l'aversion qu'il avoit pour un grand nombre d'autres alimens, pour les féves, pour la mauve, pour le vin, &c. On peut lui passer l'abstinence des oeufs ; il en devoit un jour éclorre des poulets : où avoit-il imaginé que la mauve étoit une herbe sacrée, folium sanctissimum ? Ceux à qui l'honneur de Pythagore est à coeur, expliquent toutes ces choses ; ils démontrent que Pythagore avoit grande raison de manger des choux, & de s'abstenir des féves. Mais n'en déplaise à Laerte, à Eustathe, à Aelien, à Jamblique, à Athenée, &c. on n'apperçoit dans toute cette partie de sa philosophie que de la superstition ou de l'ignorance : de la superstition, s'il pensoit que la féve étoit protégée des dieux ; de l'ignorance, s'il croyoit que la mauve avoit quelque qualité contraire à la santé. Il ne faut pas pour cela en faire moins de cas de Pythagore : son système de la métempsycose ne peut être méprisé qu'à tort par ceux qui n'ont pas assez de philosophie pour connoître les raisons qui le lui avoient suggéré, ou qu'à juste titre par les Chrétiens, à qui Dieu a révélé l'immortalité de l'ame & notre existence future dans une autre vie.

ABSTINENCE, en Medecine, a un sens très-étendu. On entend par ce mot la privation des alimens trop succulens. On dit communément qu'un malade est réduit à l'abstinence, quand il ne prend que du bouillon, de la tisane, & des remedes appropriés à sa maladie. Quoique l'abstinence ne suffise pas pour guérir les maladies, elle est d'un grand secours pour aider l'action des remedes. L'abstinence est un préservatif contre beaucoup de maladies, & surtout contre celles que produit la gourmandise.

On doit régler la quantité des alimens que l'on prend sur la déperdition de substance qu'occasionne l'exercice que l'on fait, sur le tems où la transpiration est plus ou moins abondante, & s'abstenir des alimens que l'on a remarqué contraires à son tempérament.

On dit aussi que les gens foibles & délicats doivent faire abstinence de l'acte vénérien.

On apprend par les lois du régime, tant dans l'état de santé que dans l'état de maladie, à quelle sorte d'abstinence on doit s'astreindre. Voyez REGIME. (N)


ABSTINENSadject. pris subst. secte d'hérétiques qui parurent dans les Gaules & en Espagne sur la fin du troisieme siecle. On croit qu'ils avoient emprunté une partie de leurs opinions des Gnostiques & des Manichéens, parce qu'ils décrioient le mariage, condamnoient l'usage des viandes, & mettoient le S. Esprit au rang des créatures. Baronius semble les confondre avec les Hiéracites : mais ce qu'il en dit d'après S. Philastre, convient mieux aux Encratites, dont le nom se rend exactement par ceux d'Abstinens ou Continens. Voyez ENCRATITES & HIERACITES. (G)


ABSTRACTIONS. f. ce mot vient du latin abstrahere, arracher, tirer de, détacher.

L'abstraction est une opération de l'esprit, par laquelle, à l'occasion des impressions sensibles des objets extérieurs, ou à l'occasion de quelque affection intérieure, nous nous formons par réflexion un concept singulier, que nous détachons de tout ce qui peut nous avoir donné lieu de le former ; nous le regardons à part comme s'il y avoit quelque objet réel qui répondît à ce concept indépendamment de notre maniere de penser ; & parce que nous ne pouvons faire connoître aux autres hommes nos pensées autrement que par la parole, cette nécessité & l'usage où nous sommes de donner des noms aux objets réels, nous ont portés à en donner aussi aux concepts métaphysiques dont nous parlons ; & ces noms n'ont pas peu contribué à nous faire distinguer ces concepts : par exemple :

Le sentiment uniforme que tous les objets blancs excitent en nous, nous a fait donner le même nom qualificatif à chacun de ces objets. Nous disons de chacun d'eux en particulier qu'il est blanc ; ensuite pour marquer le point selon lequel tous ces objets se ressemblent, nous avons inventé le mot blancheur. Or il y a en effet des objets réels que nous appellons blancs ; mais il n'y a point hors de nous un être qui soit la blancheur.

Ainsi blancheur n'est qu'un terme abstrait : c'est le produit de notre réflexion à l'occasion des uniformités des impressions particulieres que divers objets blancs ont faites en nous ; c'est le point auquel nous rapportons toutes ces impressions différentes par leur cause particuliere, & uniformes par leur espece.

Il y a des objets dont l'aspect nous affecte de maniere que nous les appellons beaux ; ensuite considérant à part cette maniere d'affecter, séparée de tout objet, de toute autre maniere, nous l'appellons la beauté.

Il y a des corps particuliers ; ils sont étendus, ils sont figurés, ils sont divisibles, & ont encore bien d'autres propriétés. Il est arrivé que notre esprit les a considérés, tantôt seulement en tant qu'étendus, tantôt comme figurés, ou bien comme divisibles, ne s'arrêtant à chaque fois qu'à une seule de ces considérations ; ce qui est faire abstraction de toutes les autres propriétés. Ensuite nous avons observé que tous les corps conviennent entre-eux en tant qu'ils sont étendus, ou en tant qu'ils sont figurés, ou bien en tant que divisibles. Or pour marquer ces divers points de convenance ou de réunion, nous nous sommes formés le concept d'étendue, ou celui de figure, ou celui de divisibilité : mais il n'y a point d'être physique qui soit l'étendue, ou la figure, ou la divisibilité, & qui ne soit que cela.

Vous pouvez disposer à votre gré de chaque corps particulier qui est en votre puissance : mais êtes-vous ainsi le maître de l'étendue, de la figure, ou de la divisibilité ? l'animal en général est-il de quelque pays, & peut-il se transporter d'un lieu en un autre ?

Chaque abstraction particuliere exclud la considération de toute autre propriété. Si vous considérez le corps en tant que figuré, il est évident que vous ne le regardez pas comme lumineux, ni comme vivant, vous ne lui ôtez rien : ainsi il seroit ridicule de conclure de votre abstraction, que ce corps que votre esprit ne regarde que comme figuré, ne puisse pas être en même tems en lui-même étendu, lumineux, vivant, &c.

Les concepts abstraits sont donc comme le point auquel nous rapportons les différentes impressions ou réflexions particulieres qui sont de même espece, & duquel nous écartons tout ce qui n'est pas cela précisément.

Tel est l'homme : il est un être vivant, capable de sentir, de penser, de juger, de raisonner, de vouloir, de distinguer chaque acte singulier de chacune de ces facultés, & de faire ainsi des abstractions.

Nous dirons, en parlant de L'ARTICLE, que n'y ayant en ce monde que des êtres réels, il n'a pas été possible que chacun de ces êtres eût un nom propre. On a donné un nom commun à tous les individus qui se ressemblent : ce nom commun est appellé nom d'espece, parce qu'il convient à chaque individu d'une espece. Pierre est homme, Paul est homme, Alexandre & César étoient hommes. En ce sens le nom d'espece n'est qu'un nom adjectif, comme beau, bon, vrai ; & c'est pour cela qu'il n'a point d'article. Mais si l'on regarde l'homme sans en faire aucune application particuliere, alors l'homme est pris dans un sens abstrait, & devient un individu spécifique ; c'est par cette raison qu'il reçoit l'article ; c'est ainsi qu'on dit le beau, le bon, le vrai.

On ne s'en est pas tenu à ces noms simples abstraits spécifiques : d'homme on a fait humanité ; de beau, beauté : ainsi des autres.

Les Philosophes scholastiques qui ont trouvé établis les uns & les autres de ces noms, ont appellé concrets ceux que nous nommons individus spécifiques, tels que l'homme, le beau, le bon, le vrai. Ce mot concret vient du latin concretus, & signifie qui croît avec, composé, formé de ; parce que ces concrets sont formés, disent-ils, de ceux qu'ils nomment abstraits : tels sont humanité, beauté, bonté, vérité. Ces Philosophes ont cru que comme la lumiere vient du soleil, que comme l'eau ne devient chaude que par le feu, de même l'homme n'étoit tel que par l'humanité ; que le beau n'étoit beau que par la beauté ; le bon, par la bonté ; & qu'il n'y avoit de vrai que par la vérité. Ils ont dit humanité, de-là homme ; & de même beauté, ensuite beau. Mais ce n'est pas ainsi que la nature nous instruit ; elle ne nous montre d'abord que le physique. Nous avons commencé par voir des hommes avant que de comprendre & de nous former le terme abstrait humanité. Nous avons été touchés du beau & du bon avant que d'entendre & de faire les mots de beauté & de bonté ; & les hommes ont été pénétrés de la réalité des choses, & ont senti une persuasion intérieure avant que d'introduire le mot de vérité. Ils ont compris, ils ont conçu avant que de faire le mot d'entendement ; ils ont voulu avant que de dire qu'ils avoient une volonté, & ils se sont ressouvenu avant que de former le mot de mémoire.

On a commencé par faire des observations sur l'usage, le service, ou l'emploi des mots : ensuite on a inventé le mot de Grammaire.

Ainsi Grammaire est comme le centre ou point de réunion, auquel on rapporte les différentes observations que l'on a faites sur l'emploi des mots. Mais Grammaire n'est qu'un terme abstrait ; c'est un nom métaphysique & d'imitation. Il n'y a pas hors de nous un être réel qui soit la Grammaire ; il n'y a que des Grammairiens qui observent. Il en est de même de tous les noms de Sciences & d'Arts, aussi-bien que des noms des différentes parties de ces Sciences & de ces Arts. Voyez ART.

De même le point auquel nous rapportons les observations que l'on a faites touchant le bon & le mauvais usage que nous pouvons faire des facultés de notre entendement, s'appelle Logique.

Nous avons vû divers animaux cesser de vivre ; nous nous sommes arrêtés à cette considération intéressante, nous avons remarqué l'état uniforme d'inaction où ils se trouvent tous en tant qu'ils ne vivent plus ; nous avons considéré cet état indépendamment de toute application particuliere ; & comme s'il étoit en lui-même quelque chose de réel, nous l'avons appellé mort. Mais la mort n'est point un être. C'est ainsi que les différentes privations, & l'absence des objets dont la présence faisoit sur nous des impressions agréables ou desagréables, ont excité en nous un sentiment réfléchi de ces privations & de cette absence, & nous ont donné lieu de nous faire par degrés un concept abstrait du néant même : car nous nous entendons fort bien, quand nous soûtenons que le néant n'a point de propriétés, qu'il ne peut être la cause de rien ; que nous ne connoissons le néant & les privations que par l'absence des réalités qui leur sont opposées.

La réflexion sur cette absence nous fait reconnoître que nous ne sentons point : c'est pour ainsi dire sentir que l'on ne sent point.

Nous avons donc concept du néant, & ce concept est une abstraction que nous exprimons par un nom métaphysique, & à la maniere des autres concepts. Ainsi comme nous disons tirer un homme de prison, tirer un écu de sa poche, nous disons par imitation que Dieu a tiré le monde du néant.

L'usage où nous sommes tous les jours de donner des noms aux objets des idées qui nous représentent des êtres réels, nous a porté à en donner aussi par imitation aux objets métaphysiques des idées abstraites dont nous avons connoissance : ainsi nous en parlons comme nous faisons des objets réels.

L'illusion, la figure, le mensonge, ont un langage commun avec la vérité. Les expressions dont nous nous servons pour faire connoître aux autres hommes, ou les idées qui ont hors de nous des objets réels, ou celles qui ne sont que de simples abstractions de notre esprit, ont entre elles une parfaite analogie.

Nous disons la mort, la maladie, l'imagination, l'idée, &c. comme nous disons le soleil, la lune, &c. quoique la mort, la maladie, l'imagination, l'idée, &c. ne soient point des êtres existans ; & nous parlons du phénix, de la chimere, du sphynx, & de la pierre philosophale, comme nous parlerions du lion, de la panthere, du rhinoceros, du pactole, ou du Pérou.

La prose même, quoiqu'avec moins d'appareil que la Poësie, réalise, personnifie ces êtres abstraits, & séduit également l'imagination. Si Malherbe a dit que la mort a des rigueurs, qu'elle se bouche les oreilles, qu'elle nous laisse crier, &c. nos prosateurs ne disent-ils pas tous les jours que la mort ne respecte personne ; attendre la mort ; les martyrs ont bravé la mort, ont couru au-devant de la mort ; envisager la mort sans émotion ; l'image de la mort ; affronter la mort ; la mort ne surprend point un homme sage : on dit populairement que la mort n'a pas faim, que la mort n'a jamais tort.

Les Payens réalisoient l'amour, la discorde, la peur, le silence, la santé, dea salus, &c. & en faisoient autant de divinités. Rien de plus ordinaire parmi nous que de réaliser un emploi, une charge, une dignité ; nous personnifions la raison, le goût, le génie, le naturel, les passions, l'humeur, le caractere, les vertus, les vices, l'esprit, le coeur, la fortune, le malheur, la réputation, la nature.

Les êtres réels qui nous environnent sont mûs & gouvernés d'une maniere qui n'est connue que de Dieu seul, & selon les lois qu'il lui a plû d'établir lorsqu'il a créé l'univers. Ainsi Dieu est un terme réel ; mais nature n'est qu'un terme métaphysique.

Quoiqu'un instrument de musique dont les cordes sont touchées, ne reçoive en lui-même qu'une simple modification, lorsqu'il rend le son du ré ou celui du sol, nous parlons de ces sons comme si c'étoit autant d'êtres réels : & c'est ainsi que nous parlons de nos songes, de nos imaginations, de nos idées, de nos plaisirs, &c. ensorte que nous habitons, à la vérité, un pays réel & physique : mais nous y parlons, si j'ose le dire, le langage du pays des abstractions, & nous disons, j'ai faim, j'ai envie, j'ai pitié, j'ai peur, j'ai dessein, &c. comme nous disons j'ai une montre.

Nous sommes émûs, nous sommes affectés, nous sommes agités ; ainsi nous sentons, & de plus nous nous appercevons que nous sentons ; & c'est ce qui nous fait donner des noms aux différentes especes de sensations particulieres, & ensuite aux sensations générales de plaisir & de douleur. Mais il n'y a point un être réel qui soit le plaisir, ni un autre qui soit la douleur.

Pendant que d'un côté les hommes en punition du péché sont abandonnés à l'ignorance, d'un autre côté ils veulent savoir & connoître, & se flattent d'être parvenus au but quand ils n'ont fait qu'imaginer des noms, qui à la vérité, arrêtent leur curiosité, mais qui au fond ne les éclairent point. Ne vaudroit-il pas mieux demeurer en chemin que de s'égarer ? l'erreur est pire que l'ignorance : celle-ci nous laisse tels que nous sommes ; si elle ne nous donne rien, du moins elle ne nous fait rien perdre ; au lieu que l'erreur séduit l'esprit, éteint les lumieres naturelles, & influe sur la conduite.

Les Poëtes ont amusé l'imagination en réalisant des termes abstraits ; le peuple payen a été trompé : mais Platon lui-même qui bannissoit les Poëtes de sa république, n'a-t-il pas été séduit par des idées qui n'étoient que des abstractions de son esprit ? Les Philosophes, les Métaphysiciens, & si je l'ose dire, les Géometres même ont été séduits par des abstractions ; les uns par des formes substantielles, par des vertus occultes ; les autres par des privations, ou par des attractions. Le point métaphysique, par exemple, n'est qu'une pure abstraction, aussi-bien que la longueur. Je puis considérer la distance qu'il y a d'une ville à une autre, & n'être occupé que de cette distance ; je puis considérer aussi le terme d'où je suis parti, & celui où je suis arrivé ; je puis de même, par imitation & par comparaison, ne regarder une ligne droite que comme le plus court chemin entre deux points : mais ces deux points ne sont que les extrémités de la ligne même ; & par une abstraction de mon esprit, je ne regarde ces extrémités que comme termes, j'en sépare tout ce qui n'est pas cela : l'un est le terme où la ligne commence ; l'autre, celui où elle finit. Ces termes je les appelle points, & je n'attache à ce concept que l'idée précise de terme ; j'en écarte toute autre idée : il n'y a ici ni solidité, ni longueur, ni profondeur ; il n'y a que l'idée abstraite de terme.

Les noms des objets réels sont les premiers noms ; ce sont, pour ainsi dire, les aînés d'entre les noms : les autres qui n'énoncent que des concepts de notre esprit, ne sont noms que par imitation, par adoption ; ce sont les noms de nos concepts métaphysiques : ainsi les noms des objets réels, comme soleil, lune, terre, pourroient être appellés noms physiques, & les autres, noms métaphysiques.

Les noms physiques servent donc à faire entendre que nous parlons d'objets réels, au lieu qu'un nom métaphysique marque que nous ne parlons que de quelque concept particulier de notre esprit. Or comme lorsque nous disons le soleil, la terre, la mer, cet homme, ce cheval, cette pierre, &c. notre propre expérience & le concours des motifs les plus légitimes nous persuadent qu'il y a hors de nous un objet réel qui est soleil, un autre qui est terre, &c. & que si ces objets n'étoient point réels, nos peres n'auroient jamais inventé ces noms, & nous ne les aurions pas adoptés : de même lorsqu'on dit la nature, la fortune, le bonheur, la vie, la santé, la maladie, la mort, &c. les hommes vulgaires croyent par imitation qu'il y a aussi indépendamment de leur maniere de penser, je ne sais quel être qui est la nature ; un autre, qui est la fortune, ou le bonheur, ou la vie, ou la mort, &c. car ils n'imaginent pas que tous les hommes puissent dire la nature, la fortune, la vie, la mort, & qu'il n'y ait pas hors de leur esprit une sorte d'être réel qui soit la nature, la fortune, &c. comme si nous ne pouvions avoir des concepts ni des imaginations, sans qu'il y eût des objets réels qui en fussent l'exemplaire.

A la vérité nous ne pouvons avoir de ces concepts à moins que quelque chose de réel ne nous donne lieu de nous les former : mais le mot qui exprime le concept, n'a pas hors de nous un exemplaire propre. Nous avons vû de l'or, & nous avons observé des montagnes ; si ces deux représentations nous donnent lieu de nous former l'idée d'une montagne d'or, il ne s'ensuit nullement de cette image qu'il y ait une pareille montagne. Un vaisseau se trouve arrêté en pleine mer par quelque banc de sable inconnu aux Matelots, ils imaginent que c'est un petit poisson qui les arrête, Cette imagination ne donne aucune réalité au prétendu petit poisson, & n'empêche pas que tout ce que les anciens ont cru du remora ne soit une fable, comme ce qu'ils se sont imaginés du phénix, & ce qu'ils ont pensé du sphynx, de la chimere, & du cheval Pégase. Les personnes sensées ont de la peine à croire qu'il y ait eu des hommes assez déraisonnables pour réaliser leurs propres abstractions : mais entre autres exemples, on peut les renvoyer à l'histoire de Valentin hérésiarque du second siecle de l'Eglise : c'étoit un Philosophe Platonicien qui s'écarta de la simplicité de la foi, & qui imagina des aeons, c'est-à-dire des êtres abstraits, qu'il réalisoit ; le silence, la vérité, l'intelligence, le propator, ou principe. Il commença à enseigner ses erreurs en Egypte, & passa ensuite à Rome où il se fit des disciples appellés Valentiniens. Tertullien écrivit contre ces hérétiques. Voyez l'histoire de l'Eglise. Ainsi dès les premiers tems les abstractions ont donné lieu à des disputes, qui, pour être frivoles, n'en ont point été moins vives.

Au reste si l'on vouloit éviter les termes abstraits, on seroit obligé d'avoir recours à des circonlocutions & à des périphrases qui énerveroient le discours. D'ailleurs ces termes fixent l'esprit ; ils nous servent à mettre de l'ordre & de la précision dans nos pensées ; ils donnent plus de grace & de force au discours ; ils le rendent plus vif, plus serré, & plus énergique : mais on doit en connoitre la juste valeur. Les abstractions sont dans le discours ce que certains signes sont en Arithmétique, en Algebre & en Astronomie : mais quand on n'a pas l'attention de les apprécier, de ne les donner & de ne les prendre que pour ce qu'elles valent, elles écartent l'esprit de la réalité des choses, & deviennent ainsi la source de bien des erreurs.

Je voudrois donc que dans le style didactique, c'est-à-dire lorsqu'il s'agit d'enseigner, on usât avec beaucoup de circonspection des termes abstraits & des expressions figurées : par exemple, je ne voudrois pas que l'on dît en Logique l'idée renferme, ni lorsque l'on juge ou compare des idées, qu'on les unit, ou qu'on les sépare ; car idée n'est qu'un terme abstrait. On dit aussi que le sujet attire à soi l'attribut, ce ne sont-là que des métaphores qui n'amusent que l'imagination. Je n'aime pas non plus que l'on dise en grammaire que le verbe gouverne, veut, demande, régit, &c. Voyez REGIME. (F)


ABSTRAIREv. act. c'est faire une abstraction ; c'est ne considérer qu'un attribut ou une propriété de quelque être, sans faire attention aux autres attributs ou qualités ; par exemple, quand on ne considere dans le corps que l'étendue, ou qu'on ne fait attention qu'à la quantité ou au nombre.

Ce verbe n'est pas usité en tous les tems, ni même en toutes les personnes du présent ; on dit seulement j'abstrais, tu abstrais, il abstrait : mais au lieu de dire nous abstraïons, &c. on dit nous faisons abstraction.

Le parfait & le prétérit simple ne sont pas usités, mais on dit j'ai abstrait, tu as abstrait, &c. j'avois abstrait, &c. j'eus abstrait, &c.

Le présent du subjonctif n'est point en usage ; on dit j'abstrairois, &c. on dit aussi que j'aie abstrait, &c. (F)

ABSTRAIT, abstraite, adjectif participe ; il se dit des personnes & des choses. Un esprit abstrait, c'est un esprit inattentif, occupé uniquement de ses propres pensées, qui ne pense à rien de ce qu'on lui dit. Un Auteur, un Géometre, sont souvent abstraits. Une nouvelle passion rend abstrait : ainsi nos propres idées nous rendent abstraits ; au lieu que distrait se dit de celui qui à l'occasion de quelque nouvel objet extérieur, détourne son attention de la personne à qui il l'avoit d'abord donnée, ou à qui il devoit la donner. On se sert assez indifféremment de ces deux mots en plusieurs rencontres. Abstrait marque une plus grande inattention que distrait. Il semble qu'abstrait marque une inattention habituelle, & distrait en marque une passagere à l'occasion de quelque objet extérieur.

On dit d'une pensée qu'elle est abstraite, quand elle est trop recherchée, & qu'elle demande trop d'attention pour être entendue. On dit aussi des raisonnemens abstraits, trop subtils. Les sciences abstraites, ce sont celles qui ont pour objet des êtres abstraits ; tels sont la Métaphysique & les Mathématiques. (F)

* ABSTRAITS en Logique. Les termes abstraits, ce sont ceux qui ne marquent aucun objet qui existe hors de notre imagination. Ainsi beauté, laideur, sont des termes abstraits. Il y a des objets qui nous plaisent, & que nous trouvons beaux ; il y en a d'autres au contraire qui nous affectent d'une maniere desagréable, & que nous appellons laids. Mais il n'y a hors de nous aucun être qui soit la laideur ou la beauté. Voyez ABSTRACTION.

ABSTRAIT, est aussi un mot en usage dans les Mathématiques : en ce sens l'on dit que les nombres abstraits sont des assemblages d'unités considérées en elles-mêmes, & qui ne sont point appliqués à signifier des collections de choses particulieres & déterminées. Par exemple, 3 est un nombre abstrait, tant qu'il n'est pas appliqué à quelque chose : mais si on dit 3 piés par exemple, 3 devient un nombre concret. Voyez CONCRET. Voyez aussi NOMBRE.

Les Mathématiques abstraites ou pures, sont celles qui traitent de la grandeur ou de la quantité considérée absolument & en général, sans se borner à aucune espece de grandeur particuliere. Voyez MATHEMATIQUES.

Telles sont la Géométrie & l'Arithmétique. Voyez ARITHMETIQUE & GEOMETRIE.

En ce sens les Mathématiques abstraites sont opposées aux Mathématiques mixtes, dans lesquelles on applique aux objets sensibles les propriétés simples & abstraites, & les rapports des quantités dont on traite dans les Mathématiques abstraites : telles sont l'Hydrostatique, l'Optique, l'Astronomie, &c. (E)


ABSUc'est, dit-on, une herbe d'Egypte dont la fleur est blanche & tire sur le jaune pâle, la hauteur environ de quatre doigts, & la feuille semblable à celle du triolet. Il ne paroît pas à la description de cette plante, qu'elle soit fort connue des Naturalistes, & nous n'en faisons mention que pour n'omettre que le moins de choses qu'il est possible.


ABSYRTIDESS. f. îles de la Dalmatie ou de l'ancienne Liburnie, situées à l'entrée du golfe de Venise, & qu'on prétend ainsi nommées d'Absyrte, frere de Médée, qu'elle y tua, & dont elle sema les membres sur la route pour ralentir la poursuite de son pere.


ABUCCOou ABOCCO, ou ABOCCHI, s. m. poids dont on se sert dans le royaume de Pegu ; il équivaut à une livre & demie & quatre onces & demie, poids leger de Venise.


ABUKESBS. m. monnoie ; c'est le nom que les Arabes donnent au daller d'Hollande qui a cours chez eux. Le lion qu'elle porte est si mal représenté, qu'il est facile de le prendre pour un chien, & c'est ce qui l'a fait nommer par les Arabes abukesb, qui signifie chien dans leur langue. Voyez DALLER. (G)


ABUSS. m. se dit de l'usage irrégulier de quelque chose ; ou bien c'est l'introduction d'une chose contraire à l'intention que l'on avoit eue en l'admettant.

Ce mot est composé des mots ab, de, & usus, usage.

Les réformes & les visites sont faites pour corriger les abus qui se glissent insensiblement dans la discipline ou dans les moeurs. Constantin le Grand, en introduisant dans l'Eglise l'abondance des biens, y jetta les fondemens de cette multitude d'abus, sous lesquels ont gémi les siecles suivans.

Abus de soi-même. C'est une expression dont se servent quelques auteurs modernes, pour dénoter le crime de la pollution volontaire. Voyez POLLUTION.

En grammaire, appliquer un mot abusivement, ou dans un sens abusif, c'est en faire une mauvaise application, ou en pervertir le vrai sens. Voyez CATACHRESE. (H)

ABUS, dans un sens plus particulier, signifie toute contravention commise par les juges & supérieurs ecclésiastiques en matiere de Droit.

Il résulte principalement de l'entreprise de la jurisdiction ecclésiastique sur la laïque ; de la contravention à la police générale de l'Eglise ou du royaume, reglée par les canons, les ordonnances, ou les arrêts.

La maniere de se pourvoir contre les jugemens & autres actes de supériorité des ecclésiastiques, même de la cour de Rome, où l'on prétend qu'il y a abus, est de recourir à l'autorité séculiere des Parlemens par appel, qu'on nomme pour le distinguer de l'appel simple, appel comme d'abus.

Le terme d'abus a été employé presque dans tous les tems dans le sens du présent article : mais l'appel comme d'abus n'a pas été d'usage dans tous les tems. On employa plusieurs moyens contre les entreprises des ecclésiastiques & de la cour de Rome avant de venir à ce dernier remede.

D'abord on imagina d'appeller du saint Siége au saint Siége apostolique, comme fit le roi Philippe Auguste lors de l'interdit fulminé contre son royaume par Innocent III.

Dans la suite on appella au futur concile, ou au pape mieux avisé, ad papam melius consultum, comme fit Philippe-le-Bel qui appella ad concilium de proximo congregandum, & ad futurum verum & legitimum pontificem, & ad illum seu ad illos ad quem vel ad quos de jure fuerit provocandum.

On joignit ensuite aux appels au futur concile les protestations de poursuivre au conseil du Roi, ou dans son Parlement, la cassation des actes prétendus abusifs, pour raison d'infraction des canons & de la pragmatique-sanction. Voyez PRAGMATIQUE-SANCTION.

Cette derniere voie acheminoit de bien près aux appels comme d'abus.

Enfin l'appel comme d'abus commença d'être en usage sous Philippe de Valois, & fut interjetté solennellement par Pierre de Cugnieres, Avocat général, & a toûjours été pratiqué depuis au grand avantage de la jurisdiction royale & des sujets du Roi.

Le ministere public est la véritable partie dans l'appel comme d'abus ; de sorte que les parties privées, l'appel une fois interjetté, ne peuvent plus transiger sur leurs intérêts au préjudice de l'appel, si ce n'est de l'avis & du consentement du ministere public, lequel peut rejetter l'expédient proposé s'il y reconnoît quelque collusion préjudiciable au bien public.

Les Parlemens prononcent sur l'appel comme d'abus par ces mots, il y a, ou il n'y a abus.

Quelquefois les Parlemens convertissent l'appel comme d'abus en appel simple ; c'est-à-dire, renvoient les parties pour se pourvoir pardevant le juge ecclésiastique, supérieur à celui d'où étoit émané le jugement prétendu abusif : quelquefois ils le convertissent aussi en simple opposition.

L'exception tirée du laps des tems n'est point admissible en matiere d'abus, ni celle tirée de la désertion d'appel en l'appel d'icelui.

L'appel comme d'abus est suspensif, si ce n'est en matiere de discipline ecclésiastique & de correction réguliere où il n'est que dévolutif.

Il se plaide en la Grand'Chambre, & se do it juger à l'audience, si ce n'est que le tiers des juges soit d'avis d'appointer.

Les appels comme d'abus ne se relevent qu'au Parlement, & les lettres de relief se prennent au petit sceau, l'appellant y annexant la consultation de trois Avocats : mais ce n'est pas par forme de gradation de l'inférieur au supérieur que les appels comme d'abus sont portés aux Parlemens, mais comme aux dépositaires de la puissance & de la protection royale.

L'appellant qui succombe à l'appel comme d'abus est condamné outre les dépens, à une amende de 75 livres. (H)

ABUS. Ce mot est consacré en Medecine aux choses que les Medecins ont nommées non-naturelles, dont le bon usage conserve & fortifie la santé, pendant que l'abus ou le mauvais usage qu'on en fait, la détruit & produit des maladies. Voyez NON-NATURELLES. (N)


ABUSIFadject. terme de Droit, qui se dit singulierement des entreprises, procédures, & jugemens des ecclésiastiques, où il y a eu abus, c'est-à-dire infraction des canons ou des ordonnances. Voyez plus haut le mot ABUS.


ABUSIVEMENTadv. terme de Droit. Voyez ci-devant ABUSIF & ABUS.

La Cour en prononçant sur l'appel comme d'abus interjetté du jugement d'une Cour ecclésiastique dit, s'il y a lieu à l'infirmer, qu'il a été mal, nullement & abusivement jugé. (H)


ABUTERv. a. Aux quilles, avant que de commencer le jeu, chaque joüeur en prend une & la jette vers la boule placée à une distance convenue entre les joüeurs ; voilà ce qu'on appelle abuter. Celui qui abute le mieux, c'est-à-dire dont la quille est la plus proche de la boule, gagne l'avantage de joüer le premier.


ABUTILONS. m. herbe à fleur d'une seule feuille semblable en quelque maniere à une cloche fort ouverte & découpée ; il sort du fond un tuyau pyramidal chargé le plus souvent d'étamines. Le pistil tient au calice, & est fiché comme un clou dans la partie inférieure de la fleur & dans le tuyau. Ce pistil devient un fruit en forme de chapiteau ; il est composé de plusieurs petites gaînes assemblées autour d'un axe. Chaque gaîne ou capsule est reçûe dans une strie de l'axe : ces capsules s'ouvrent en deux parties, & renferment des semences qui ont ordinairement la forme d'un rein. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

* On se sert de ses feuilles & de ses semences. Ses feuilles appliquées sur les ulceres les nettoyent. Ses semences provoquent les urines & chassent le gravier, Elle est diurétique & vulnéraire.


ABUYOou ABUYA, s. une des îles Philippines aux Indes Orientales. Long. 138. lat. 10.


ABYDou ABYDOS, subst. ville maritime de Phrygie vis-à-vis de Sestos. Xercès joignit ces deux endroits éloignés l'un de l'autre de sept stades, par le pont qu'il jetta sur l'Hellespont.

* ABYDE, (Géog. anc.) ville d'Egypte.


ABYLAS. nom de montagne & de ville dans le détroit de Gibraltar sur la côte de Mauritanie. C'étoit une des Colonnes d'Hercule, & Calpé sur la côte d'Espagne étoit l'autre. On croit que la ville d'Abyla des anciens est le Septa des modernes ; & la montagne, celle que nous appellons montagne des Singes.

* ABYLA ou ABYLENE, s. ville de la Colaesynie au Midi de la Chalcide, entre l'Antiliban & le fleuve Abana, & capitale d'une petite contrée qui portoit son nom.


ACACALISS. m. arbrisseau qui porte une fleur en papillon, & un fruit couvert d'une cosse. Voyez RAY. Hist. Plant. On lit dans Dioscoride que l'acacalis est le fruit d'un arbrisseau qui croît en Egypte ; que sa graine est semblable à celle du tamarin, & que son infusion mêlée avec le collyre ordinaire éclaircit la vûe. Ray ajoûte que c'est à Constantinople un remede populaire pour les maladies des yeux. Malgré toutes ces autorités, je ne regarde pas le sort de l'acacalis comme bien décidé ; sa description est trop vague, & il faut attendre ce que les progrès de l'Histoire Naturelle nous apprendront là-dessus.


ACACIAS. m. c'est une sorte de petit sac ou de rouleau long & étroit. Les Consuls & les Empereurs depuis Anastase l'ont à la main dans les médailles. Les uns veulent que ce soit un mouchoir plié qui servoit à l'Empereur pour donner le signal de faire commencer les jeux : les autres, que ce soit des mémoires qui lui ont été présentés ; c'est l'avis de M. du Cange : plusieurs, que ce soit un petit sac de terre que les Empereurs tenoient d'une main, & la croix de l'autre, ce qui les avertissoit que tout grands qu'ils étoient, ils seroient un jour réduits en poussiere. Le sac ou acacia fut substitué à la nappe, mappa, que l'Empereur, le Consul, ou tout autre Magistrat avoit à la main, & dont il se servoit pour donner le signal dans les jeux.

ACACIA, s. m. en latin pseudo-acacia, arbre à fleurs légumineuses & à feuilles rangées ordinairement par paires sur une côte. Le pistil sort du calice & est enveloppé par une membrane frangée : il devient dans la suite une gousse applatie qui s'ouvre en deux parties, & qui renferme des semences en forme de rein. Les feuilles de l'acacia sont rangées par paires sur une côte qui est terminée par une seule feuille. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

ACACIA, Acacia nostras, s. m. est celui que l'on appelle l'acacia commun de l'Amérique ; il ne s'éleve pas bien haut ; son bois est dur & raboteux, son feuillage long & petit donnant peu d'ombrage ; ses branches sont pleines de piquans. Il est propre à planter des berceaux, croît fort vîte, & produit dans le printems d'agréables fleurs à bouquets. Cet arbre est sujet à verser ; & l'usage où l'on est de l'étêter, le difforme beaucoup : il donne de la graine. (K)

* ACACIA, suc épaissi, gommeux, de couleur brune à l'extérieur, & noirâtre ou roussâtre, ou jaunâtre en-dedans ; d'une consistance ferme, dure, s'amollissant dans la bouche ; d'un goût austere astringent, non desagréable, formé en petites masses arrondies du poids de quatre, six, huit onces, & enveloppé de vessies minces. On nous l'apporte d'Egypte par Marseille ; on estime le meilleur celui qui est récent, pur, net, & qui se dissout facilement dans l'eau. On tire ce suc des gousses non-mûres d'un arbre appellé acacia folio scorpioidis leguminosae, C. B. P. C'est un grand arbre & fort branchu, dont les racines se partagent en plusieurs rameaux, & se répandent de tous côtés, & dont le tronc a souvent un pié d'épaisseur, & égale ou même surpasse en hauteur les autres especes d'acacia. Il est ferme, garni de branches & armé d'épines ; ses feuilles sont menues, conjuguées, & rangées par paires sur une côte de deux pouces de longueur : elles sont d'un verd obscur, longues de trois lignes, & larges à peine d'une ligne. Les fleurs viennent aux aisselles des côtes qui portent les feuilles, & sont ramassées en un bouton sphérique porté sur un pédicule d'un pouce de longueur ; elles sont d'une couleur d'or & sans odeur, d'une seule piece en maniere de tuyau grêle, renflé à son extrémité supérieure, & découpé en 5 quartiers. Elles sont garnies d'une grande quantité d'étamines & d'un pistil qui devient une gousse semblable en quelque façon à celle du lupin, longue de cinq pouces plus ou moins, brune ou roussâtre, applatie, épaisse d'une ligne dans son milieu, plus mince sur les bords, large inégalement, & si fort retrécie par intervalle, qu'elle représente 4. 5. 6. 8. 10. & même un plus grand nombre de pastilles applaties liées ensemble par un fil. Elles ont un demi-pouce dans leur plus grande largeur, & la partie intermédiaire a à peine une ligne : l'intérieur de chacune est rempli par une semence ovalaire, applatie, dure, mais moins que celle du cormier ; de couleur de chataigne, marquée d'une ligne tout-autour comme les graines de tamarins, & enveloppée d'un mucilage gommeux, & un peu astringent ou acide, & roussâtre. Cet arbre est commun au grand Caire ; on arrose d'eau les gousses qui ne sont pas encore mûres ; on les broie : on en exprime le suc qu'on fait bouillir pour l'épaissir, puis on le met en petites masses. Ce suc analysé donne une portion médiocre de sel acide, très-peu de sel alkali, beaucoup de terre astringente, & beaucoup d'huile ou subtile ou grossiere. On le place entre les astringens incrassans & repercussifs : il affermit l'estomac, fait cesser le vomissement, arrête les hémorrhagies & les flux de ventre : on le donne depuis . jusqu'à j. sous la forme de poudre ou de bol, ou dans une liqueur convenable. Les Egyptiens en ordonnent tous les matins à ceux qui crachent le sang la quantité d'un gros dissoûte dans une liqueur, &c.

Le suc d'acacia entre dans la thériaque, le mithridat, les trochisques de Karabé, & l'onguent styptique de Charas.

Il sert aux Corroyeurs du grand Caire pour noircir leurs peaux. A cet acacia vrai on substitue souvent l'acacia nostras. Voyez ACACIA NOSTRAS. Le suc de l'acacia nostras est plus acide que l'autre ; on le tire des cerises de cette plante récentes & non mûres : il a à peu près les mêmes propriétés que l'acacia vrai.


ACACIENSadj. pris subst. Ariens ainsi nommés d'Acace de Caesarée leur chef.


ACADÉMICIENACADÉMISTE, sub. m. Ils sont l'un & l'autre membres d'une société qui porte le nom d'Académie, & qui a pour objet des matieres qui demandent de l'étude & de l'application. Mais les Sciences & le bel esprit font le partage de l'Académicien, & les exercices du corps occupent l'Académiste. L'un travaille & compose des ouvrages pour l'avancement & la perfection de la littérature : l'autre acquiert des talens purement personnels.

ACADEMICIENS, s. m. pl. secte de Philosophes qui suivoient la doctrine de Socrate & de Platon, quant à l'incertitude de nos connoissances & à l'incompréhensibilité du vrai. Académicien pris en ce sens revient à peu près à ce que l'on appelle Platonicien, n'y ayant d'autre différence entr'eux que le tems où ils ont commencé. Ceux des anciens qui embrassoient le système de Platon étoient appellés Academici, Académiciens ; au lieu que ceux qui ont suivi les mêmes opinions depuis le rétablissement des Lettres, ont pris le nom de Platoniciens.

On peut dire que Socrate & Platon qui ont jetté les premiers fondemens de l'Académie, n'ont pas été à beaucoup près si loin que ceux qui leur ont succédé, je veux dire Arcésilas, Carnéade, Clitomaque, & Philon. Socrate, il est vrai, fit profession de ne rien savoir : mais son doute ne tomboit que sur la Physique, qu'il avoit d'abord cultivée diligemment, & qu'il reconnut enfin surpasser la portée de l'esprit humain. Si quelquefois il parloit le langage des Sceptiques, c'étoit par ironie ou par modestie, pour rabattre la vanité des Sophistes qui se vantoient sottement de ne rien ignorer, & d'être toûjours prêts à discourir sur toutes sortes de matieres.

Platon, pere & instituteur de l'Académie, instruit par Socrate dans l'art de douter, & s'avoüant son sectateur, s'en tint à sa maniere de traiter les matieres, & entreprit de combattre tous les Philosophes qui l'avoient précédé. Mais en recommandant à ses disciples de se défier & de douter de tout, il avoit moins en vûe de les laisser flottans & suspendus entre la vérité & l'erreur, que de les mettre en garde contre ces décisions téméraires & précipitées, pour lesquelles on a tant de penchant dans la jeunesse, & de les faire parvenir à une disposition d'esprit qui leur fît prendre des mesures contre ces surprises de l'erreur, en examinant tout, libres de tout préjugé.

Arcésilas entreprit de réformer l'ancienne Académie, & de former la nouvelle. On dit qu'il imita Pyrrhon, & qu'il conversa avec Timon ; desorte que ayant enrichi l'époque, c'est-à-dire l'art de douter de Pyrrhon, de l'élégante érudition de Platon ; & l'ayant armée de la dialectique de Diodore, Ariston le comparoit à la chimere, & lui appliquoit plaisamment les vers où Homere dit qu'elle étoit lion par-devant, dragon par-derriere, & chevre par le milieu. Ainsi Arcésilas étoit, selon lui, Platon par-devant, Pyrrhon par-derriere, & Diodore par le milieu. C'est pourquoi quelques-uns le rangent au nombre des Sceptiques, & Sextus Empiricus soûtient qu'il y a fort peu de différence entre sa secte, qui est la Sceptique, & celle d'Arcésilas, qui est celle de la nouvelle Académie. Voyez les SCEPTICIENS.

En effet il enseignoit que nous ne savons pas même si nous ne savons rien ; que la nature ne nous a donné aucune regle de vérité ; que les sens & l'entendement humain ne peuvent rien comprendre de vrai ; que dans toutes les choses il se trouve des raisons opposées d'une force égale : en un mot que tout est enveloppé de ténebres, & que par conséquent il faut toûjours suspendre son consentement. Sa doctrine ne fut pas fort goûtée, parce qu'il sembloit vouloir éteindre toute la lumiere de la Science, jetter des ténebres dans l'esprit, & renverser les fondemens de la Philosophie. Lacyde fut le seul qui défendit la doctrine d'Arcésilas : il la transmit à Evandre, qui fut son disciple avec beaucoup d'autres. Evandre la fit passer à Hégesime, & Hégesime à Carnéade.

Carnéade ne suivoit pas pourtant en toutes choses la doctrine d'Arcésilas, quoiqu'il en retînt le gros & le sommaire. Cela le fit passer pour auteur d'une nouvelle Académie, qui fut nommée la troisieme. Sans jamais découvrir son sentiment, il combattoit avec beaucoup d'esprit & d'éloquence toutes les opinions qu'on lui proposoit ; car il avoit apporté à l'étude de la Philosophie une force d'esprit admirable, une mémoire fidele, une grande facilité de parler, & un long usage de la Dialectique. Ce fut lui qui fit le premier connoître à Rome le pouvoir de l'éloquence & le mérite de la Philosophie ; & cette florissante jeunesse qui méditoit dès lors l'Empire de l'Univers, attirée par la nouveauté & l'excellence de cette noble science, dont Carnéade faisoit profession, le suivoit avec tant d'empressement, que Caton, homme d'ailleurs d'un excellent jugement, mais rude, un peu sauvage, & manquant de cette politesse que donnent les Lettres, eut pour suspect ce nouveau genre d'érudition, avec lequel on persuadoit tout ce qu'on vouloit. Caton fut d'avis dans le Sénat qu'on accordât à Carnéade, & aux Députés qui l'accompagnoient, ce qu'ils demandoient, & qu'on les renvoyât promptement & avec honneur.

Avec une éloquence aussi séduisante il renversoit tout ce qu'il avoit entrepris de combattre, confondoit la raison par la raison même, & demeuroit invincible dans les opinions qu'il soûtenoit. Les Stoïciens, gens contentieux & subtils dans la dispute, avec qui Carnéade & Arcésilas avoient de fréquentes contestations, avoient peine à se débarrasser des piéges qu'il leur tendoit. Aussi disoient-ils, pour diminuer sa réputation, qu'il n'apportoit rien contre eux dont il fût l'inventeur, & qu'il avoit pris ses objections dans les Livres du Stoïcien Chrysippe. Carnéade, cet homme à qui Ciceron accorde l'art de tout réfuter, n'en usoit point dans cette occasion qui sembloit si fort intéresser son amour propre : il convenoit modestement que, sans le secours de Chrysippe, il n'auroit rien fait, & qu'il combattoit Chrysippe par les propres armes de Chrysippe.

Les correctifs que Carnéade apporta à la doctrine d'Arcésilas sont très-legers. Il est aisé de concilier ce que disoit Arcésilas, qu'il ne se trouve aucune vérité dans les choses, avec ce que disoit Carnéade, qu'il ne nioit point qu'il n'y eût quelque vérité dans les choses, mais que nous n'avons aucune regle pour les discerner. Car il y a deux sortes de vérité ; l'une que l'on appelle vérité d'existence, l'autre que l'on appelle vérité de jugement. Or il est clair que ces deux propositions d'Arcésilas & de Carnéade regardent la vérité de jugement : mais la vérité de jugement est du nombre des choses relatives qui doivent être considérées comme ayant rapport à notre esprit ; donc quand Arcésilas a dit qu'il n'y a rien de vrai dans les choses, il a voulu dire qu'il n'y a rien dans les choses que l'esprit humain puisse connoître avec certitude ; & c'est cela même que Carnéade soûtenoit.

Arcésilas disoit que rien ne pouvoit être compris, & que toutes choses étoient obscures. Carnéade convenoit que rien ne pouvoit être compris : mais il ne convenoit pas pour cela que toutes choses fussent obscures, parce que les choses probables auxquelles il vouloit que l'homme s'attachât, n'étoient pas obscures, selon lui. Mais encore qu'il se trouve en cela quelque différence d'expression, il ne s'y trouve aucune différence en effet ; car Arcésilas ne soûtenoit que les choses sont obscures, qu'autant qu'elles ne peuvent être comprises : mais il ne les dépouilloit pas de toute vraisemblance ou de toute probabilité : c'étoit-là le sentiment de Carnéade ; car quand il disoit que les choses n'étoient pas assez obscures pour qu'on ne pût pas discerner celles qui doivent être préférées dans l'usage de la vie ; il ne prétendoit pas qu'elles fussent assez claires pour pouvoir être comprises.

Il s'ensuit de-là qu'il n'y avoit pas même de diversité de sentimens entr'eux, lorsque Carnéade permettoit à l'homme sage d'avoir des opinions, & peut-être même de donner quelquefois son consentement ; & lorsqu'Arcésilas défendoit l'un & l'autre, Carnéade prétendoit seulement que l'homme sage devoit se servir des choses probables dans le commun usage de la vie, & sans lesquelles on ne pourroit vivre, mais non pas dans la conduite de l'esprit, & dans la recherche de la vérité, d'où seulement Arcésilas bannissoit l'opinion & le consentement. Tous leurs différends ne consistoient donc que dans les expressions, mais non dans les choses mêmes.

Philon disciple de Clitomaque, qui l'avoit été de Carnéade, pour s'être éloigné sur de certains points des sentimens de ce même Carnéade, mérita d'être appellé avec Charmide, fondateur de la quatrieme Académie. Il disoit que les choses sont compréhensibles par elles-mêmes, mais que nous ne pouvons pas toutefois les comprendre.

Antiochus fut fondateur de la cinquieme Académie : il avoit été disciple de Philon pendant plusieurs années, & il avoit soûtenu la doctrine de Carnéade : mais enfin il quitta le parti de ses Maîtres sur ses vieux jours, & fit repasser dans l'Académie les dogmes des Stoïciens qu'il attribuoit à Platon, soûtenant que la doctrine des Stoïciens n'étoit point nouvelle, mais qu'elle étoit une réformation de l'ancienne Académie. Cette cinquieme Académie ne fut donc autre chose qu'une association de l'ancienne Académie & de la Philosophie des Stoïciens ; ou plûtôt c'étoit la Philosophie même des Stoïciens, avec l'habit & les livrées de l'ancienne Académie, je veux dire, de celle qui fut florissante sous Platon & sous Arcésilas.

Quelques-uns ont prétendu qu'il n'y a eu qu'une seule Académie ; car, disent-ils, comme plusieurs branches qui sortent d'un même tronc, & qui s'étendent vers différens côtés, ne sont pas des arbres différens ; de même toutes ces sectes, qui sont sorties de ce tronc unique de la doctrine de Socrate, que l'homme ne sait rien, quoique partagées en diverses écoles, ne sont cependant qu'une seule Académie. Mais si nous y regardons de plus près, il se trouve une telle différence entre l'ancienne & la nouvelle Académie, qu'il faut nécessairement reconnoître deux Académies : l'ancienne, qui fut celle de Socrate & d'Antiochus ; & la nouvelle, qui fut celle d'Arcésilas, de Carnéade, & de Philon. La premiere fut dogmatique dans quelques points ; on y respecta du moins les premiers principes & quelques vérités morales, au lieu que la nouvelle se rapprocha presque entierement du Scepticisme. Voyez SCEPTICIENS. (X)


ACADÉMIES. f. C'étoit dans l'antiquité un jardin ou une maison située dans le Céramique, un des fauxbourgs d'Athenes, à un mille ou environ de la ville, où Platon & ses sectateurs tenoient des assemblées pour converser sur des matieres philosophiques. Cet endroit donna le nom à la secte des Académiciens. Voyez ACADEMICIEN.

Le nom d'Académie fut donné à cette maison, à cause d'un nommé Académus ou écadémus, citoyen d'Athenes, qui en étoit possesseur & y tenoit une espece de gymnase. Il vivoit du tems de Thésée. Quelques-uns ont rapporté le nom d'Académie à Cadmus qui introduisit le premier en Grece les Lettres & les Sciences des Phéniciens : mais cette étymologie est d'autant moins fondée, que les Lettres dans cette premiere origine furent trop foiblement cultivées pour qu'il y eût de nombreuses assemblées de Savans.

Cimon embellit l'Académie & la décora de fontaines, d'arbres, & de promenades, en faveur des Philosophes & des Gens de Lettres qui s'y rassembloient pour conférer ensemble & pour y disputer sur différentes matieres, &c. C'étoit aussi l'endroit où l'on enterroit les Hommes illustres qui avoient rendu de grands services à la République. Mais dans le siége d'Athenes, Sylla ne respecta point cet asyle des beaux arts ; & des arbres qui formoient les promenades, il fit faire des machines de guerre pour battre la place.

Cicéron eut aussi une maison de campagne ou un lieu de retraite près de Pouzzole, auquel il donna le nom d'Académie, où il avoit coûtume de converser avec ses amis qui avoient du goût pour les entretiens philosophiques. Ce fut-là qu'il composa ses Questions académiques, & ses Livres sur la nature des Dieux.

Le mot Académie signifie aussi une secte de Philosophes qui soûtenoient que la vérité est inaccessible à notre intelligence, que toutes les connoissances sont incertaines, & que le sage doit toûjours douter & suspendre son jugement, sans jamais rien affirmer ou nier positivement. En ce sens l'Académie est la même chose que la secte des Académiciens. Voyez ACADEMICIEN.

On compte ordinairement trois Académies ou trois sortes d'Académiciens, quoiqu'il y en ait cinq suivant quelques-uns. L'ancienne Académie est celle dont Platon étoit le chef. Voyez PLATONISME.

Arcésilas, un de ses successeurs, en introduisant quelques changemens ou quelques altérations dans la Philosophie de cette secte, fonda ce que l'on appelle la seconde Académie. C'est cet Arcésilas principalement qui introduisit dans l'Académie le doute effectif & universel.

On attribue à Lacyde, ou plûtôt à Carnéade, l'établissement de la troisieme, appellée aussi la nouvelle Académie, qui reconnoissant que non-seulement il y avoit beaucoup de choses probables, mais aussi qu'il y en avoit de vraies & d'autres fausses, avoüoit néanmoins que l'esprit humain ne pouvoit pas bien les discerner.

Quelques-autres en ajoûtent une quatrieme fondée par Philon, & une cinquieme par Antiochus, appellée l'Antiochéene, qui tempéra l'ancienne Academie avec les opinions du Stoïcisme. Voyez STOÏCISME.

L'ancienne Académie doutoit de tout ; elle porta même si loin ce principe, qu'elle douta si elle devoit douter. Ceux qui la composoient eurent toûjours pour maxime de n'être jamais certains, ou de n'avoir jamais l'esprit satisfait sur la vérité des choses, de ne jamais rien affirmer, ou de ne jamais rien nier, soit que les choses leur parussent vraies, soit qu'elles leur parussent fausses. En effet, ils soûtenoient une acatalepsie absolue, c'est-à-dire, que quant à la nature ou à l'essence des choses, l'on devoit se retrancher sur un doute absolu. Voyez ACATALEPSIE.

Les sectateurs de la nouvelle Académie étoient un peu plus traitables : ils reconnoissoient plusieurs choses comme vraies, mais sans y adhérer avec une entiere assûrance. Ils avoient éprouvé que le commerce de la vie & de la société étoit incompatible avec le doute universel & absolu qu'affectoit l'ancienne Academie. Cependant il est visible que ces choses mêmes dont ils convenoient, ils les regardoient plûtôt comme probables que comme certaines & déterminément vraies : par ces correctifs, ils comptoient du moins éviter les reproches d'absurdité faits à l'ancienne Académie. Voyez DOUTE. Voyez aussi les Questions Académiques de Cicéron, où cet auteur réfute avec autant de force que de netteté les sentimens des Philosophes de son tems, qui prenoient le titre de sectateurs de l'ancienne & de la nouvelle Académie. Voyez aussi l'article ACADEMICIENS, où les sentimens des différentes Académies sont exposés & comparés. (G)

ACADEMIE, (Hist. Litt.) parmi les Modernes, se prend ordinairement pour une Société ou Compagnie de Gens de Lettres, établie pour la culture & l'avancement des Arts ou des Sciences.

Quelques Auteurs confondent Académie avec Université : mais quoique ce soit la même chose en Latin, c'en sont deux bien différentes en François. Une Université est proprement un Corps composé de Gens Gradués en plusieurs Facultés ; de Professeurs qui enseignent dans les écoles publiques, de Précepteurs ou Maîtres particuliers, & d'Etudians qui prennent leurs leçons & aspirent à parvenir aux mêmes degrés. Au lieu qu'une Académie n'est point destinée à enseigner ou professer aucun Art, quel qu'il soit, mais à en procurer la perfection. Elle n'est point composée d'Ecoliers que de plus habiles qu'eux instruisent, mais de personnes d'une capacité distinguée, qui se communiquent leurs lumieres & se font part de leurs découvertes pour leur avantage mutuel. Voyez UNIVERSITE.

La premiere Académie dont nous lisions l'institution, est celle que Charlemagne établit par le conseil d'Alcuin : elle étoit composée des plus beaux génies de la Cour, & l'Empereur lui-même en étoit un des membres. Dans les conférences académiques chacun devoit rendre compte des anciens Auteurs qu'il avoit lûs ; & même chaque Académicien prenoit le nom de celui de ces anciens Auteurs pour lequel il avoit le plus de goût, ou de quelque personnage célebre de l'Antiquité. Alcuin entre autres, des Lettres duquel nous avons appris ces particularités, prit celui de Flaccus qui étoit le surnom d'Horace ; un jeune Seigneur, qui se nommoit Angilbert, prit celui d'Homere ; Adelard, Evêque de Corbie, se nomma Augustin ; Riculphe, Archevêque de Mayence, Dametas, & le Roi lui-même, David.

Ce fait peut servir à relever la méprise de quelques Ecrivains modernes, qui rapportent que ce fut pour se conformer au goût général des Savans de son siecle, qui étoient grands admirateurs des noms Romains, qu'Alcuin prit celui de Flaccus Albinus.

La plûpart des Nations ont à présent des Académies, sans en excepter la Russie : mais l'Italie l'emporte sur toutes les autres au moins par le nombre des siennes. Il y en a peu en Angleterre ; la principale, & celle qui mérite le plus d'attention, est celle que nous connoissons sous le nom de Société Royale. Voyez ce qui la concerne à l'article SOCIETE ROYALE. Voyez aussi SOCIETE D'EDIMBOURG.

Il y a cependant encore une Académie Royale de Musique & une de Peinture, établies par Lettres Patentes, & gouvernées chacune par des Directeurs particuliers.

En France nous avons des Académies florissantes en tout genre, plusieurs à Paris, & quelques-unes dans des villes de Province ; en voici les principales.

ACADEMIE FRANÇOISE Cette Académie a été instituée en 1635 par le Cardinal de Richelieu pour perfectionner la Langue ; & en général elle a pour objet toutes les matieres de Grammaire, de Poësie & d'éloquence. La forme en est fort simple, & n'a jamais reçu de changement : les membres sont au nombre de quarante, tous égaux ; les grands Seigneurs & les gens titrés n'y sont admis qu'à titre d'Hommes de Lettres ; & le Cardinal de Richelieu qui connoissoit le prix des talens, a voulu que l'esprit y marchât sur la même ligne à côté du rang & de la noblesse. Cette Académie a un Directeur & un Chancelier, qui se tirent au sort tous les trois mois, & un Secrétaire qui est perpétuel. Elle a compté & compte encore aujourd'hui parmi ses membres plusieurs personnes illustres par leur esprit & par leurs ouvrages. Elle s'assemble trois fois la semaine au vieux Louvre pendant toute l'année, le Lundi, le Jeudi & le Samedi. Il n'y a point d'autres assemblées publiques que celles où l'on reçoit quelqu'Académicien nouveau, & une assemblée qui se fait tous les ans le jour de la S. Louis, & où l'Académie distribue les prix d'éloquence & de Poësie, qui consistent chacun en une médaille d'or. Elle a publié un Dictionnaire de la Langue françoise qui a déja eu trois éditions, & qu'elle travaille sans cesse à perfectionner. La devise de cette Académie est à l'immortalité.

ACADEMIE ROYALE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. A quelque degré de gloire que la France fût parvenue sous les regnes de Henri IV. & de Louis XIII. & particulierement après la paix des Pyrenées & le mariage de Louis XIV. elle n'avoit pas encore été assez occupée du soin de laisser à la postérité une juste idée de sa grandeur. Les actions les plus brillantes, les événemens les plus mémorables étoient oubliés, ou couroient risque de l'être, parce qu'on négligeoit d'en consacrer le souvenir sur le marbre & sur le bronze. Enfin on voyoit peu de monumens publics, & ce petit nombre même avoit été jusques-là comme abandonné à l'ignorance ou à l'indiscrétion de quelques particuliers.

Le Roi regarda donc comme un avantage pour la Nation l'établissement d'une Académie qui travailleroit aux Inscriptions, aux Devises, aux Médailles, & qui répandroit sur tous ces monumens le bon goût & la noble simplicité qui en font le véritable prix. Il forma d'abord cette Compagnie d'un petit nombre d'Hommes choisis dans l'Académie Françoise, qui commencerent à s'assembler dans la Bibliotheque de M. Colbert, par qui ils recevoient les ordres de Sa Majesté.

Le jour des assemblées n'étoit pas déterminé : mais le plus ordinaire au moins pendant l'hyver étoit le Mercredi, parce que c'étoit le plus commode pour M. Colbert, qui s'y trouvoit presque toûjours. En été ce Ministre menoit souvent les Académiciens à Sceaux, pour donner plus d'agrément à leurs conférences, & pour en joüir lui-même avec plus de tranquillité.

On compte entre les premiers travaux de l'Académie le sujet des desseins des tapisseries du Roi, tels qu'on les voit dans le Recueil d'estampes & de descriptions qui en a été publié.

M. Perrault fut ensuite chargé en particulier de la description du Carrousel ; & après qu'elle eut passé par l'examen de la Compagnie, elle fut pareillement imprimée avec les figures.

On commença à faire des devises pour les jettons du Trésor royal, des Parties casuelles, des Bâtimens & de la Marine ; & tous les ans on en donna de nouvelles.

Enfin on entreprit de faire par médailles une Histoire suivie des principaux événemens du regne du Roi. La matiere étoit ample & magnifique, mais il étoit difficile de la bien mettre en oeuvre. Les Anciens, dont il nous reste tant de médailles, n'ont laissé sur cela d'autres regles que leurs médailles mêmes, qui jusques-là n'avoient guere été recherchées que pour la beauté du travail, & étudiées que par rapport aux connoissances de l'Histoire. Les Modernes qui en avoient frappé un grand nombre depuis deux siecles, s'étoient peu embarrassés des regles ; ils n'en avoient suivi, ils n'en avoient prescrit aucune ; & dans les recueils de ce genre, à peine trouvoit-on trois ou quatre pieces où le génie eût heureusement suppléé à la méthode.

La difficulté de pousser tout d'un coup à sa perfection un art si négligé, ne fut pas la seule raison qui empêcha l'Académie de beaucoup avancer sous M. Colbert l'Histoire du Roi par médailles : il appliquoit à mille autres usages les lumieres de la Compagnie. Il y faisoit continuellement inventer ou examiner les différens desseins de Peinture & de Sculpture dont on vouloit embellir Versailles. On y régloit le choix & l'ordre des statues : on y consultoit ce que l'on proposoit pour la décoration des appartemens & pour l'embellissement des jardins.

On avoit encore chargé l'Académie de faire graver le plan & les principales vûes des Maisons royales, & d'y joindre des descriptions. Les gravures en étoient fort avancées, & les descriptions étoient presque faites quand M. Colbert mourut.

On devoit de même faire graver le plan & les vûes des Places conquises, & y joindre une histoire de chaque ville & de chaque conquête : mais ce projet n'eut pas plus de suite que le précédent.

M. Colbert mourut en 1683, & M. de Louvois lui succéda dans la Charge de Surintendant des Bâtimens. Ce Ministre ayant sû que M. l'Abbé Tallemant étoit chargé des inscriptions qu'on devoit mettre au-dessous des tableaux de la galerie de Versailles, & qu'on vouloit faire paroître au retour du Roi, le manda aussi-tôt à Fontainebleau où la Cour étoit alors, pour être exactement informé de l'état des choses. M. l'Abbé Tallemant lui en rendit compte, & lui montra les inscriptions qui étoient toutes prêtes. M. de Louvois le présenta ensuite au Roi, qui lui donna lui-même l'ordre d'aller incessamment faire placer ces inscriptions à Versailles. Elles ont depuis éprouvé divers changemens.

M. de Louvois tint d'abord quelques assemblées de la petite Académie chez lui à Paris & à Meudon. Nous l'appellons petite Académie, parce qu'elle n'étoit composée que de quatre personnes, M. Charpentier, M. Quinault, M. l'Abbé Tallemant, & M. Felibien le pere. Il les fixa ensuite au Louvre, dans le même lieu où se tiennent celles de l'Académie Françoise ; & il régla qu'on s'assembleroit deux fois la semaine, le Lundi & le Samedi, depuis cinq heures du soir jusqu'à sept.

M. de la Chapelle, devenu Contrôleur des Bâtimens après M. Perrault, fut chargé de se trouver aux assemblées pour en écrire les délibérations, & devint par-là le cinquieme Académicien. Bien-tôt M. de Louvois y en ajoûta deux autres, dont il jugea le secours très-nécessaire à l'Académie pour l'Histoire du Roi : c'étoient M. Racine & M. Despreaux. Il en vint enfin un huitieme, M. Rainssant, homme versé dans la connoissance des médailles, & qui étoit Directeur du cabinet des Antiques de Sa Majesté.

Sous ce nouveau ministere on reprit avec ardeur le travail des Médailles de l'Histoire du Roi, qui avoit été interrompu dans les dernieres années de M. Colbert. On en frappa plusieurs de différentes grandeurs, mais presque toutes plus grandes que celles qu'on a frappées depuis : ce qui fait qu'on les appelle encore aujourd'hui au balancier Médailles de la grande Histoire. La Compagnie commença aussi à faire des devises pour les jettons de l'ordinaire & de l'extraordinaire des guerres, sur lesquelles elle n'avoit pas encore été consultée.

Le Roi donna en 1691 le département des Académies à M. de Pontchartrain, alors Contrôleur Général & Secrétaire d'Etat ayant le département de la Maison du Roi, & depuis Chancelier de France. M. de Pontchartrain né avec beaucoup d'esprit, & avec un goût pour les Lettres qu'aucun emploi n'avoit pû ralentir, donna une attention particuliere à la petite Académie, qui devint plus connue sous le nom d'Académie Royale des Inscriptions & Médailles. Il voulut que M. le Comte de Pontchartrain, son fils, se rendît souvent aux assemblées, qu'il fixa exprès au Mardi & au Samedi. Enfin il donna l'inspection de cette Compagnie à M. l'Abbé Bignon, son neveu, dont le génie & les talens étoient déja fort célebrés.

Les places vacantes par la mort de M. Rainssant & de M. Quinault furent remplies par M. de Tourreil & par M. l'Abbé Renaudot.

Toutes les médailles dont on avoit arrêté les desseins du tems de M. de Louvois, celles mêmes qui étoient déja faites & gravées, furent revûes avec soin : on en réforma plusieurs ; on en ajoûta un grand nombre ; on les réduisit toutes à une même grandeur ; & l'Histoire du Roi fut ainsi poussée jusqu'à l'avénement de Monseigneur le Duc d'Anjou, son petit-fils, à la couronne d'Espagne.

Au mois de Septembre 1699 M. de Pontchartrain fut nommé Chancelier. M. le Comte de Pontchartrain, son fils, entra en plein exercice de sa Charge de Secrétaire d'Etat, dont il avoit depuis long-tems la survivance, & les Académiciens demeurerent dans son département. Mais M. le Chancelier qui avoit extrèmement à coeur l'Histoire du Roi par médailles, qui l'avoit conduite & avancée par ses propres lumieres, retint l'inspection de cet ouvrage ; & eut l'honneur de présenter à Sa Majesté les premieres suites que l'on en frappa, & les premiers exemplaires du Livre qui en contenoit les desseins & les explications.

L'établissement de l'Académie des Inscriptions ne pouvoit manquer de trouver place dans ce Livre fameux, où aucune des autres Académies n'a été oubliée. La médaille qu'on y trouve sur ce sujet représente Mercure assis, & écrivant avec un style à l'antique sur une table d'airain. Il s'appuie du bras gauche sur une urne pleine de médailles ; il y en a d'autres qui sont rangées dans un carton à ses piés. La légende Rerum gestarum fides, & l'exergue Academia Regia Inscriptionum & Numismatum, instituta M. DC. LXIII. signifient que l'Academie Royale des Inscriptions & Médailles, établie en 1663, doit rendre aux siecles à venir un témoignage fidele des grandes actions.

Presque toute l'occupation de l'Académie sembloit devoir finir avec le Livre des Médailles ; car les nouveaux évenemens & les devises des jettons de chaque année n'étoient pas un objet capable d'occuper huit ou neuf personnes qui s'assembloient deux fois la semaine. M. l'Abbé Bignon prévit les inconvéniens de cette inaction, & crut pouvoir en tirer avantage. Mais pour ne trouver aucun obstacle dans la Compagnie, il cacha une partie de ses vûes aux Académiciens, que la moindre idée de changement auroit peut-être allarmés : il se contenta de leur représenter que l'Histoire par médailles étant achevée, déja même sous la presse, & que le Roi ayant été fort content de ce qu'il en avoit vû, on ne pouvoit choisir un tems plus convenable pour demander à Sa Majesté qu'il lui plût assûrer l'état de l'Académie par quelqu'acte public émané de l'autorité royale. Il leur cita l'exemple de l'Académie des Sciences, qui fondée peu de tems après celle des Inscriptions par ordre du Roi, & n'ayant de même aucun titre authentique pour son établissement, venoit d'obtenir de Sa Majesté (comme nous allons le dire tout-à-l'heure) un Réglement signé de sa main, qui fixoit le tems & le lieu de ses assemblées, qui déterminoit ses occupations, qui assûroit la continuation des pensions, &c.

La proposition de M. l'Abbé Bignon fut extrèmement goûtée : on dressa aussi-tôt un Mémoire. M. le Chancelier & M. le Comte de Pontchartrain furent suppliés de l'appuyer auprès du Roi ; & ils le firent d'autant plus volontiers, que parfaitement instruits du plan de M. l'Abbé Bignon, ils n'avoient pas moins de zèle pour l'avancement des Lettres. Le Roi accorda la demande de l'Academie, & peu de jours après elle reçut un Réglement nouveau daté du 16 Juillet 1701.

En vertu de ce premier Réglement l'Académie reçoit des ordres du Roi par un des Secrétaires d'Etat, le même qui les donne à l'Académie des Sciences. L'Académie est composée de dix Honoraires, dix Pensionnaires, dix Associés, ayant tous voix délibérative, & outre cela de dix Eleves, attachés chacun à un des Académiciens pensionnaires. Elle s'assemble le Mardi & le Vendredi de chaque semaine dans une des sales du Louvre, & tient par an deux assemblées publiques, l'une après la S. Martin, l'autre après la quinzaine de Pâques. Ses vacances sont les mêmes que celles de l'Académie des Sciences. Voyez ACADEMIE DES SCIENCES. Elle a quelques Associés correspondans, soit regnicoles, soit étrangers. Elle a aussi, comme l'Académie des Sciences, un Président, un vice-Président, pris parmi les Honoraires, un Directeur & un sous-Directeur pris parmi les Pensionnaires.

La classe des Eleves a été supprimée depuis & réunie à celle des Associés. Le Secrétaire & le Thrésorier sont perpétuels, & l'Académie depuis son renouvellement en 1701 a donné au public plusieurs volumes qui sont le fruit de ses travaux. Ces volumes contiennent, outre les Mémoires qu'on a jugé à propos d'imprimer en entier, plusieurs autres dont l'extrait est donné par le Secrétaire, & les éloges des Académiciens morts. M. le Président Durey de Noinville a fondé depuis environ 15 ans un prix littéraire que l'Académie distribue chaque année. C'est une médaille d'or de la valeur de 400 livres.

La devise de cette Académie est vetat mori. Tout cet art. est tiré de l'Hist. de l'Acad. des Belles-Lettres, T. I.

ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. Cette Académie fut établie en 1666 par les soins de M. Colbert : Louis XIV. après la paix des Pyrenées desirant faire fleurir les Sciences, les Lettres & les Arts dans son Royaume, chargea M. Colbert de former une Société d'hommes choisis & savans en différens genres de littérature & de science, qui s'assemblant sous la protection du Roi, se communiquassent réciproquement leurs lumieres & leurs progrés. M. Colbert après avoir conféré à ce sujet avec les Savans les plus illustres & les plus éclairés, résolut de former une société de personnes versées dans la Physique & dans les Mathématiques, auxquels seroient jointes d'autres personnes savantes dans l'Histoire & dans les matieres d'érudition, & d'autres enfin uniquement occupées de ce qu'on appelle plus particulierement Belles-Lettres, c'est-à-dire, de la Grammaire, de l'Eloquence, & de la Poësie. Il fut réglé que les Géometres & les Physiciens de cette Société s'assembleroient séparément le Mercredi, & tous ensemble le Samedi, dans une salle de la Bibliotheque du Roi, où étoient les livres de Physique & de Mathématique : que les Savans dans l'Histoire s'assembleroient le Lundi & le Jeudi dans la salle des livres d'Histoire : qu'enfin la classe des Belles-Lettres s'assembleroit les Mardi & Vendredi, & que le premier Jeudi de chaque mois toutes ces différentes classes se réuniroient ensemble, & se feroient mutuellement par leurs Secrétaires un rapport de tout ce qu'elles auroient fait durant le mois précédent.

Cette Académie ne put pas subsister long-tems sur ce pié : 1°. les matieres d'Histoire profane étant liées souvent à celles d'Histoire ecclésiastique, & par-là à la Théologie & à la discipline de l'Eglise, on craignit que les Académiciens ne se hasardassent à entamer des questions délicates, & dont la décision auroit pû produire du trouble : 2°. ceux qui formoient la classe des Belles-Lettres étant presque tous de l'Académie Françoise, dont l'objet étoit le même que celui de cette classe, & conservant beaucoup d'attachement pour leur ancienne Académie ; prierent M. Colbert de vouloir bien répandre sur cette Académie les mêmes bienfaits qu'il paroissoit vouloir répandre sur la nouvelle, & lui firent sentir l'inutilité de deux Académies différentes appliquées au même objet, & composées presque des mêmes personnes. M. Colbert goûta leurs raisons, & peu de tems après le Chancelier Seguier étant mort, le Roi prit sous sa protection l'Académie Françoise, à laquelle la classe des Belles-Lettres dont nous venons de parler fut censée réunie, ainsi que la petite Académie d'Histoire : de sorte qu'il ne resta plus que la seule classe des Physiciens & des Mathématiciens. Celle des Mathématiciens étoit composée de Messieurs Carcavy, Huyghens, de Roberval, Frenicle, Auzout, Picard & Buot. Les Physiciens étoient Messieurs de la Chambre, Medecin ordinaire du Roi ; Perrault, très-savant dans la Physique & dans l'Histoire naturelle ; Duclos & Bourdelin, Chimistes ; Pequet & Gayen, Anatomistes ; Marchand, Botaniste, & Duhamel, Secrétaire.

Ces Savans ; & ceux qui après leur mort les remplacerent, publierent plusieurs excellens ouvrages pour l'avancement des Sciences ; & en 1692 & 1693, l'Académie publia, mois par mois, les pieces fugitives qui avoient été lûes dans les assemblées de ces années, & qui étant trop courtes pour être publiées à part, étoient indépendantes des ouvrages auxquels chacun des membres travailloit. Plusieurs de ces premiers Académiciens recevoient du Roi des pensions considérables, & l'égalité étoit parfaite entr'eux comme dans l'Académie Françoise.

En 1699 M. l'Abbé Bignon qui avoit long-tems présidé à l'Académie des Sciences, s'imagina la rendre plus utile en lui donnant une forme nouvelle. Il en parla à M. le Chancelier de Pontchartrain, son oncle, & au commencement de cette année l'Académie reçut un nouveau réglement qui en changea totalement la forme. Voici les articles principaux de ce réglement.

1°. L'Académie des Sciences demeure immédiatement sous la protection du Roi, & reçoit ses ordres par celui des Secrétaires d'Etat à qui il plaît à Sa Majesté de les donner.

2°. L'Académie est composée de dix Honoraires, l'un desquels sera Président, de vingt Pensionnaires, trois Géometres, trois Astronomes, trois Méchaniciens, trois Anatomistes, trois Botanistes, trois Chimistes, un Trésorier & un Secrétaire, l'un & l'autre perpétuels ; vingt Associés, savoir, douze regnicoles, dont deux Géometres, deux Astronomes, &c. & huit étrangers, & vingt Eleves, dont chacun est attaché à un des Académiciens pensionnaires.

3°. Les seuls Académiciens honoraires & pensionnaires doivent avoir voix délibérative quand il s'agira d'élections ou d'affaires concernant l'Académie : quand il s'agira de Sciences, les Associés y seront joints ; mais les Eleves ne parleront que lorsque le Président les y invitera.

4°. Les Honoraires doivent être regnicoles & recommandables par leur intelligence dans les Mathématiques & dans la Physique ; & les Réguliers ou Religieux peuvent être admis dans cette seule classe.

5°. Nul ne peut être Pensionnaire, s'il n'est connu par quelqu'ouvrage considérable, ou quelque découverte importante, ou quelque cours éclatant.

6°. Chaque Académicien pensionnaire est obligé de déclarer au commencement de l'année l'ouvrage auquel il compte travailler. Indépendamment de ce travail, les Académiciens pensionnaires & associés sont obligés d'apporter à tour de rôle quelques observations ou mémoires. Les assemblées se tiennent le Mercredi & le Samedi de chaque semaine, & en cas de fête, l'assemblée se tient le jour précédent.

7°. Il y a deux de ces assemblées qui sont publiques par an ; savoir, la premiere après la S. Martin, & la seconde, après la quinzaine de Pâques.

8°. L'Académie vaque pendant la quinzaine de Pâques, la semaine de la Pentecôte, & depuis Noël jusqu'aux Rois, & outre cela depuis la Nativité jusqu'à la S. Martin.

En 1716, M. le Duc d'Orléans, Régent du Royaume, jugea à propos de faire quelques changemens à ce réglement, sous l'autorité du Roi. La classe des Eleves fut supprimée. Elle parut avoir des inconvéniens, en ce qu'elle mettoit entre les Académiciens trop d'inégalité, & qu'elle pouvoit par-là occasionner entr'eux, comme l'expérience l'avoit prouvé, quelques termes d'aigreur ou de mépris. Ce nom seul rebutoit les personnes d'un certain mérite, & leur fermoit l'entrée de l'Académie. " Cependant le nom d'Eleve, dit M. de Fontenelle, Eloge de M. Amontons, n'emporte parmi nous aucune différence de mérite ; il signifie seulement moins d'ancienneté & une espece de survivance ". D'ailleurs quelques Académiciens étoient morts à soixante & dix ans avec le titre d'Eleves, ce qui paroissoit mal sonnant. On supprima donc la classe des Eleves, à la place de laquelle on créa douze Adjoints, & on leur accorda ainsi qu'aux Associés, voix délibérative en matiere de Science. On fixa à douze le nombre des Honoraires. On créa aussi une classe d'Associés libres, au nombre de six. Ces Associés ne sont attachés à aucun genre de science, ni obligés à aucun travail ; & il fut décidé que les Réguliers ne pourroient à l'avenir entrer que dans cette classe.

L'Académie a chaque année un Président & un Vice-Président, un Directeur & un Sous-Directeur nommés par le Roi. Les deux premiers sont toûjours pris parmi les Honoraires, & les deux autres parmi les Pensionnaires. Les seuls Pensionnaires ont des jettons pour leur droit de présence aux assemblées. Aucun Académicien ne peut prendre ce titre au frontispice d'un livre, si l'Ouvrage qu'il publie n'est approuvé par l'Académie.

Depuis ce renouvellement en 1699, l'Académie a été fort exacte à publier chaque année un volume contenant les travaux de ses membres ou les mémoires qu'ils ont composés & lûs à l'Académie durant cette année. A la tête de ce volume est l'Histoire de l'Académie, ou l'extrait des Mémoires, & en général de tout ce qui a été lû & dit dans l'Académie ; & à la fin de l'Histoire sont les éloges des Académiciens morts durant l'année.

La place de Secrétaire a été remplie par M. de Fontenelle depuis 1699 jusqu'en 1740. M. de Mairan lui a succédé pendant les années 1741, 1742, 1743 ; & elle est à présent occupée par M. de Fouchy.

Feu M. Rouillé de Meslay, Conseiller au Parlement de Paris, a fondé deux prix, l'un de 2500 livres, l'autre de 2000 livres, que l'Académie distribue alternativement tous les ans. Les sujets du premier prix doivent regarder l'Astronomie physique. Les sujets du second prix doivent regarder la Navigation & le Commerce.

L'Académie a pour devise, Invenit & perficit.

Les assemblées qui se tenoient autrefois dans la Bibliotheque du Roi, se tiennent depuis 1699 dans une très-belle Salle du vieux Louvre.

En 1713 le Roi confirma par des Lettres Patentes l'établissement des deux Académies des Sciences & des Belles-Lettres.

Outre ces Académies de la Capitale, il y en a dans les Provinces une grande quantité d'autres ; à Toulouse, l'Académie des Jeux Floraux, composée de quarante personnes, la plus ancienne du Royaume, & outre cela une Académie des Sciences & des Belles-Lettres ; à Montpellier, la Société Royale des Sciences, qui depuis 1706 ne fait qu'un même corps avec l'Académie des Sciences de Paris ; à Bordeaux, à Soissons, à Marseille, à Lyon, à Pau, à Montauban, à Angers, à Amiens, à Villefranche, &c. Le nombre de ces Académies augmente de jour en jour ; & sans examiner ici s'il est utile de multiplier si fort de pareils établissemens, on ne peut au moins disconvenir qu'ils ne contribuent en partie à répandre & à conserver le goût des Lettres & de l'Etude. Dans les villes mêmes où il n'y a point d'Académies, il se forme des Sociétés littéraires qui ont à peu près les mêmes exercices.

Passons maintenant aux principales Académies étrangeres.

Outre la Société Royale de Londres dont nous avons déjà dit que nous parlerions ailleurs, une des Académies les plus célebres aujourd'hui est celle de Berlin appellée l'Académie Royale des Sciences & des Belles-Lettres de Prusse. Frederic I. Roi de Prusse l'établit en 1700, & en fit M. Leibnitz Président. Les plus grands noms illustrerent sa liste dès le commencement. Elle donna en 1710 un premier volume sous le titre de Miscellanea Berolinensia ; & quoique le successeur de Frederic I. protégeât peu les Lettres, elle ne laissa pas de publier de nouveaux volumes en 1723, 1727, 1734, 1737, & 1740. Enfin Frederic II. aujourd'hui Roi de Prusse, monta sur le Thrône. Ce Prince, l'admiration de toute l'Europe par ses qualités guerrieres & pacifiques, par son goût pour les Sciences, par son esprit & par ses talens, jugea à propos de redonner à cette Académie une nouvelle vigueur. Il y appella des Etrangers très-distingués, encouragea les meilleurs Sujets par des récompenses, & en 1743 parut un nouveau volume des Miscellanea Berolinensia, où l'on s'apperçoit bien des nouvelles forces que l'Académie avoit déjà prises. Ce Prince ne jugea pas à propos de s'en tenir là. Il crut que l'Académie Royale des Sciences de Prusse qui avoit été jusqu'alors presque toûjours présidée par un Ministre ou Grand Seigneur, le seroit encore mieux par un homme de Lettres ; il fit à l'Académie des Sciences de Paris l'honneur de choisir parmi ses Membres le Président qu'il vouloit donner à la sienne. Ce fut M. de Maupertuis si avantageusement connu dans toute l'Europe, que les graces du Roi de Prusse engagerent à aller s'établir à Berlin. Le Roi donna en même tems un nouveau Reglement à l'Académie, & voulut bien prendre le titre de Protecteur. Cette Académie a publié depuis 1743 trois volumes françois dans le même goût à peu près que l'Histoire de l'Académie des Sciences de Paris ; avec cette différence, que dans le second de ces volumes, les extraits des Mémoires sont supprimés, & le seront apparemment dans tous ceux qui suivront. Ces volumes seront suivis chaque année d'un autre. Elle. a deux assemblées publiques ; l'une en Janvier le jour de la naissance du Roi aujourd'hui regnant ; l'autre à la fin de Mai, le jour de l'avenement du Roi au Thrône. Dans cette derniere assemblée on distribue un prix consistant en une médaille d'or de la valeur de 50 ducats, c'est-à-dire, un peu plus de 500 livres. Le sujet de ce prix est successivement de Physique, de Mathématique, de Métaphysique, & d'Erudition. Car cette Académie a cela de particulier, qu'elle embrasse jusqu'à la Métaphysique, la Logique & la Morale, qui ne font l'objet d'aucune autre Académie. Elle a une classe particuliere occupée de ces matieres, & qu'on appelle la classe de Philosophie spéculative.

ACADEMIE IMPERIALE de Petersbourg. Le Czar Pierre I. dit le Grand, par qui la Russie a enfin secoüé le joug de la barbarie qui y regnoit depuis tant de siecles, ayant fait un voyage en France en 1717, & ayant reconnu par lui-même l'utilité des Académies, résolut d'en établir une dans sa Capitale. Il avoit déjà pris toutes les mesures nécessaires pour cela, lorsque la mort l'enleva au commencement de 1725. La Czarine Catherine qui lui succéda, pleinement instruite de ses vûes, travailla sur le même plan, & forma en peu de tems une des plus célebres Académies de l'Europe, composée de tout ce qu'il y avoit alors de plus illustre parmi les étrangers, dont quelques-uns même vinrent s'établir à Petersbourg. Cette Académie qui embrasse les Sciences & les Belles-Lettres, a publié déjà dix volumes de Mémoires depuis 1726. Ces Mémoires sont écrits en latin, & sont surtout très-recommandables par la partie Mathématique qui contient un grand nombre d'excellentes pieces. La plûpart des Etrangers qui composoient cette Académie étant morts ou s'étant retirés, elle se trouvoit au commencement du regne de la Czarine Elisabeth dans une espece de langueur, lorsque M. le Comte Rasomowski en fut nommé Président, heureusement pour elle. Il lui a fait donner un nouveau reglement, & paroît n'avoir rien négligé pour la rétablir dans son ancienne splendeur. L'Académie de Petersbourg a cette devise modeste, Paulatim.

Il y a à Bologne une Académie qu'on appelle l'Institut. Voyez INSTITUT.

L'ACADEMIE ROYALE d'Espagne est établie à Madrid pour cultiver la langue Castillane : elle est formée sur le modele de l'Académie Françoise. Le plan en fut donné par le Duc d'Escalone, & approuvé en 1714 par le Roi, qui s'en déclara le protecteur. Elle consiste en 24 Académiciens, y compris un Directeur & un Secrétaire.

Elle a pour devise un creuset sur le feu, & le mot de la devise, est : Limpia, fija, y da esplendor.

L'Académie des Curieux de la Nature, en Allemagne, avoit été fondée d'abord en 1652 par M. Bausch, Medecin ; & l'Empereur Léopold la prit sous sa protection en 1670, je ne sais s'il fit autre chose pour elle.

L'Italie seule a plus d'Académies que tout le reste du monde ensemble. Il n'y a pas une ville considérable où il n'y ait assez de Savans pour former une Académie, & qui n'en forment une en effet. Jarckius nous en a donné une Histoire abregée, imprimée à Leipsic en 1725.

Jarckius n'a écrit l'Histoire que des Académies du Piémont, de Ferrare, & de Milan ; il en compte vingt-cinq dans cette derniere ville toute seule : il nous a seulement donné la liste des autres, qui montent à cinq cens cinquante. La plûpart ont des noms tout-à-fait singuliers & bisarres.

Les Académiciens de Bologne, par exemple, se nomment Abbandonati, Ansiosi, Ociosi, Arcadi, Confusi, Difettuosi, Dubbiosi, Impatienti, Inabili, Indifferenti, Indomiti, Inquieti, Instabili, Della notte piacere, Sitienti, Sonnolenti, Torbidi, Vespertini : ceux de Genes, Accordati, Sopiti, Resuegliati : ceux de Gubio, Addormentati : ceux de Venise, Acuti, Allettati, Discordanti, Disjiunti, Disingannati, Dodonei, Filadelfici, Incruscabili, Instaucabili : ceux de Rimini, Adagiati, Eutrapeli : ceux de Pavie, Affidati, Della chiave : ceux de Fermo, Raffrontati : ceux de Molise, Agitati : ceux de Florence, Alterati, Humidi, Furfurati, Della Crusca, Del Cimento, Infocati : ceux de Cremone, Animosi : ceux de Naples, Arditi, Infernati, Intronati, Lunatici, Secreti, Sirenes, Sicuri, Volanti : ceux d'Ancone, Argonauti, Caliginosi : ceux d'Urbin, Assorditi : ceux de Perouse, Atomi, Eccentrici, Insensati, Insipidi, Unisoni : ceux de Tarente, Audaci : ceux de Macerata, Catenati, Imperfetti ; d'autres Chimoerici : ceux de Sienne, Cortesi, Gioviali, Trapassati : ceux de Rome, Delfici, Humoristi, Lincei, Fantastici, Illuminati, Incitati, Indispositi, Infecondi, Melancholici, Negletti, Notti Vaticane, Notturni, Ombrosi, Pellegrini, Sterili, Vigilanti : ceux de Padoue, Delii, Immaturi, Orditi : ceux de Drepano, Difficili : ceux de Bresse, Dispersi, Erranti : ceux de Modene, Dissonanti : ceux de Recanati, Disuguali : ceux de Syracuse, Ebrii : ceux de Milan, Eliconii, Faticosi, Fenici, Incerti, Nascosti : ceux de Candie, Extravaganti : ceux de Pezzaro, Eterocliti : ceux de Comacchio, Fluttuanti : ceux d'Arezzo, Forzati : ceux de Turin, Fulminales : ceux de Reggio, Fumosi, Muti : ceux de Cortone, Humorosi : ceux de Bari, Incogniti : ceux de Rossano, Incuriosi : ceux de Brada, Innominati, Pigri : ceux d'Acis, Intricati : ceux de Mantoue, Invaghiti : ceux d'Agrigente, Mutabili, Offuscati : de Vérone, Olympici, Unanii : de Viterbe, Ostinati : d'autres, Vagabondi.

On appelle aussi quelquefois Académie, en Angleterre, des especes d'Ecoles ou de Colleges où la jeunesse est formée aux Sciences & aux Arts libéraux par des Maîtres particuliers. La plûpart des Ministres non-conformistes ont été élevés dans ces sortes d'Académies privées, ne s'accommodant pas de l'éducation qu'on donne aux jeunes gens dans les Universités. (O)

ACADEMIE DE CHIRURGIE. Voyez CHIRURGIE.

ACADEMIE DE PEINTURE, est une Ecole publique où les Peintres vont dessiner ou peindre, & les Sculpteurs modeler d'après un homme nud, qu'on appelle modele.

L'Académie Royale de Peinture & de Sculpture de Paris doit sa naissance aux démêlés qui survinrent entre les Maîtres Peintres & Sculpteurs de Paris, & les Peintres privilégiés du Roi, que la Communauté des Peintres voulut inquiéter. Le Brun, Sarrazin, Corneille, & les autres Peintres du Roi, formerent le projet d'une Académie particuliere ; & ayant présenté à ce sujet une requête au Conseil, ils obtinrent un Arrêt tel qu'ils le demandoient, daté du 20 Janvier 1648. Ils s'assemblerent d'abord chez Charmois, Secretaire du Maréchal Schomberg, qui dressa les premiers statuts de l'Académie.

L'Académie tint ensuite ses Conférences dans la maison d'un des amis de Charmois, située proche S. Eustache. De-là elle passa dans l'Hôtel de Clisson, rue des Deux-boules, où elle continua ses exercices jusqu'en 1653, que les Académiciens se transporterent dans la rue des Déchargeurs. En 1654 & au commencement de 1655, elle obtint du Cardinal Mazarin un Brevet & des Lettres-Patentes, qui furent enregistrées au Parlement, & en reconnoissance elle choisit ce Cardinal pour son protecteur, & le Chancelier pour Vice-protecteur.

Il est à remarquer que le Chancelier, dès la premiere institution de l'Académie, en avoit été nommé protecteur : mais pour faire sa cour au Cardinal Mazarin, il se démit de cette dignité, & se contenta de celle de Vice-protecteur.

En 1656, Sarrazin céda à l'Académie un logement qu'il avoit dans les Galeries du Louvre : mais en 1661 elle fut obligée d'en sortir ; & M. de Ratabon, Surintendant des Bâtimens, la transféra au Palais Royal, où elle demeura trente & un ans. Enfin le Roi lui donna un logement au vieux Louvre.

Enfin, en 1663 elle obtint, par le crédit de M. Colbert, 4000 livres de pension.

Cette Académie est composée d'un Protecteur, d'un Vice-protecteur, d'un Directeur, d'un Chancelier, de quatre Recteurs, d'Adjoints aux Recteurs, d'un Thrésorier, & de quatorze Professeurs, dont un pour l'Anatomie, & un autre pour la Géométrie ; de plusieurs Adjoints & Conseillers, d'un Secrétaire & Historiographe, & de deux Huissiers. Les premiers membres de cette Académie furent le Brun, Errard, Bourdon, la Hire, Sarrazin, Corneille, Beaubrun, le Sueur, d'Egmont, Vanobstat, Guillin, &c.

L'Académie de Paris tient tous les jours après midi pendant deux heures école publique, où les Peintres vont dessiner ou peindre, & les Sculpteurs modeler, d'après un homme nud ; il y a douze Professeurs qui tiennent l'école chacun pendant un mois, & douze Adjoints pour les suppléer en cas de besoin ; le Professeur en exercice met l'homme nud, qu'on nomme modele, dans la position qu'il juge convenable, & le pose en deux attitudes différentes par chaque semaine, c'est ce qu'on appelle poser le modele ; dans l'une des semaines il pose deux modeles ensemble, c'est ce qu'on appelle poser le grouppe : les desseins, peintures & modeles faits d'après cet homme, s'appellent Académies, ainsi que les copies faites d'après ces Académies. On ne se sert point dans les Ecoles publiques de femme pour modele, comme plusieurs le croyent. On distribue tous les trois mois aux éleves trois prix de Dessein, & tous les ans deux prix de Peinture & deux de Sculpture ; ceux qui gagnent les prix de Peinture & de Sculpture sont envoyés à Rome aux dépens du Roi pour y étudier & s'y perfectionner.

Outre l'Académie royale, il y a encore à Paris deux autres écoles ou Académies de Peinture, dont une à la manufacture royale des Gobelins.

Cette école est dirigée par les Artistes à qui le Roi donne un logement dans l'hôtel royal des Gobelins, & qui sont pour l'ordinaire membres de l'Académie royale.

L'autre est l'Académie de S. Luc, entretenue par la communauté des maîtres Peintres & Sculpteurs ; elle fut établie par le prevôt de Paris, le 12 Août 1391. Charles VII. lui accorda en 1430 plusieurs priviléges qui furent confirmés en 1584 par Henri III. En 1613 la communauté des Sculpteurs fut unie à celle des Peintres. Cette communauté occupe, proche S. Denys de la Chartre, une maison, où elle tient son bureau, & une Académie publique administrée ainsi que l'Académie royale, & où l'on distribue tous les ans trois prix de Dessein aux éleves. (R)

ACADEMIE D'ARCHITECTURE ; c'est une compagnie de savans Architectes, établie à Paris par M. Colbert, ministre d'état, en 1671, sous la direction du surintendant des bâtimens.

* Paracelse disoit qu'il n'avoit étudié ni à Paris, ni à Rome, ni à Toulouse, ni dans aucune Académie : qu'il n'avoit d'autre Université que la nature, dans laquelle Dieu fait éclater sa sagesse, sa puissance, & sa gloire, d'une maniere sensible pour ceux qui l'étudient. C'est à la nature, ajoûtoit-il, que je dois ce que je sai, & ce qu'il y a de vrai dans mes écrits.

ACADEMIE, se dit aussi des écoles & séminaires des Juifs, où leurs rabbins & docteurs instruisent la jeunesse de leur nation dans la langue Hébraïque, lui expliquant le thalmud & les secrets de la cabale. Les Juifs ont toûjours eu de ces Académies depuis leur retour de Babylone. Celle de cette derniere ville, & celle de Tibériade entre autres, ont été fort célebres. (G)

ACADEMIE ROYALE DE MUSIQUE. V. OPERA.

ACADEMIE, se dit encore dans un sens particulier des lieux où la jeunesse apprend à monter à cheval, & quelquefois à faire des armes, à danser, à voltiger, &c. Voyez EXERCICE.

C'est ce que Vitruve appelle Ephebeum ; quelques autres auteurs anciens Gymnasium, & les modernes Académie à monter à cheval, ou Académie militaire. Voyez GYMNASE & GYMNASTIQUE.

Le duc de Newcastle, seigneur Anglois, rapporte que l'Art de monter à cheval a passé d'Italie en Angleterre ; que la premiere Académie de cette espece fut établie à Naples par Frédéric Grison, lequel, ajoûte-t-il, a écrit le premier sur ce sujet en vrai cavalier & en grand maître. Henri VIII. continue le même auteur, fit venir en Angleterre deux Italiens, disciples de ce Grison, qui y en formerent en peu de tems beaucoup d'autres. Le plus grand maître, selon lui, que l'Italie ait produit en ce genre, a été Pignatelli de Naples. La Broue apprit sous lui pendant cinq ans, Pluvinel neuf, & Saint-Antoine un plus long tems ; & ces trois François rendirent les écuyers communs en France, où l'on n'en avoit jamais vû que d'Italiens.

L'emplacement dans lequel les jeunes gens montent à cheval s'appelle manége. Il y a pour l'ordinaire un pilier au milieu, autour duquel il s'en trouve plusieurs autres, rangés deux à deux sur les côtés. Voyez MANEGE, PILIER, &c. (V)

Les exercices de l'Académie dont nous parlons, ont été toûjours recommandés pour conserver la santé & donner de la force. C'est dans ce dessein que l'on envoye les jeunes gens à l'Académie ; ils en deviennent plus agiles & plus forts. Les exercices que l'on fait à l'Académie sont d'un grand secours dans les maladies chroniques ; ils sont d'une grande utilité à ceux qui sont menacés d'obstructions, aux vaporeux, aux mélancholiques, &c. Voyez EXERCICE. (N)


ACADÉMISTES. m. pensionnaire ou externe qui apprend à monter à cheval dans une Académie.

On trouve dans l'ordonnance de Louis XIV, du 3 Mai 1654, un article relatif aux Académistes.

" Défendons aux gentilshommes des Académies de chasser ou faire chasser avec fusils, arquebuses, alliés, filets, collets, poches, tonnelles, traineaux, ni autres engins de chasse, mener, ni faire mener chiens courans, lévriers, épagneuls, barbets, & oiseaux ; enjoignant aux écuyers desdites Académies d'y tenir la main, à peine d'en répondre en leur propre & privé nom, sur peine de 300 livres d'amende, confiscation d'armes, chevaux, chiens, oiseaux, & engins à chasser ".


ACADIEou ACCADIE, s. f. presqu'ile de l'Amérique septentrionale, située sur les frontieres orientales du Canada, entre Terre-Neuve & la nouvelle Angleterre. Long. 311-316. lat. 43-46.

Le commerce en est resté aux Anglois : il est commode pour la traite des pelleteries & la pêche des morues. Les terres y sont fertiles en blé, pois, fruits, légumes. On y trouve de gros & de menus bestiaux. Quelques endroits de l'Acadie donnent de très-belles mâtures. L'île aux loups, ainsi appellée, parce qu'ils y sont communs, donne beaucoup de leurs peaux & de leur huile. Cette huile, quand elle est fraîche, est douce & bonne à manger : on la brûle aussi. Les pelleteries sont le castor, la loutre, le loup-cervier, le renard, l'élan, le loup marin, & autres que fournit le Canada. Voyez CANADA. Quant à la pêche de la morue, elle se fait dans les rivieres & les petits golfes. Le Cap-Breton s'est formé des débris de la colonie Françoise qui étoit à l'Acadie.


ACAJAS. arbre de la hauteur du tilleul, dont l'écorce est raboteuse, & la couleur cendrée comme celle du sureau ; les feuilles sont douces au toucher, opposées les unes aux autres, longues de quatre travers de doigt, larges d'un & demi ou deux, de grandeurs inégales, brillantes, & traversées dans leur longueur d'une grosse côte. Il porte des fleurs jaunâtres, auxquelles succedent des prunes semblables aux nôtres, tant par la figure que par la grosseur, jaunes, acides, à noyau ligneux, facile à casser, & contenant une amande d'un blanc jaunâtre. Son bois est rouge & léger comme le liége.

Sa feuille est astringente ; on arrose le rôti avec leur suc. On employe ses prunes, qu'on appelle prunes de monbain, contre la fievre & la dyssenterie, & on en exprime du vin. On confit ses boutons. Voyez dans le Dict. de Medecine le reste des propriétés admirables de l'Acaja, rapportées sur la bonne foi de Ray.


ACAJOUS. m. c'est un genre de plante à fleur monopétale en forme d'entonnoir & bien découpée : il sort du calice un pistil entouré de filamens & attaché à la partie postérieure de la fleur comme un clou : ce calice devient dans la suite un fruit mou, au bout duquel il se trouve une capsule en forme de rein, qui renferme aussi une semence de la même forme. Tournefort, Inst. rei herb. append. Voyez PLANTE. (I)

* L'acajou croît dans tous les endroits du Malabar, quoiqu'il soit originaire du Bresil. On en tire une boisson qui enivre comme le vin. L'amande de sa noix se mange rôtie ; quant à l'écorce, elle est tellement acrimonieuse, qu'elle excorie les gencives quand on met la noix entre ses dents.

Les Teinturiers employent l'huile qu'on en tire dans la teinture du noir. Les habitans du Bresil comptent leur âge par ces noix : ils en serrent une chaque année.


ACALIPSENicander & Gellius font mention, l'un d'un poisson, l'autre d'un oiseau de ce nom. Le poisson de ce nom dont parle Athenée, a la chair tendre & facile à digérer. Voilà encore un de ces êtres dont il faut attendre la connoissance des progrès de l'histoire naturelle, & dont on n'a que le nom, comme si l'on n'avoit pas déjà que trop de noms vuides de sens dans les Sciences & les Arts, &c.


ACAMBOUS. royaume d'Afrique sur la côte de Guinée.


ACANESS. m. pl. Il y a le grand & le petit Acane. Ces deux villes sont situées sur la côte d'or de Guinée. Long. 17. 40. lat. 8. 30.


ACANGISS. m. pl. c'est-à-dire gâteurs, aventuriers cherchant fortune ; nom que les Turcs donnent à leurs hussards, qui ainsi que les nôtres sont des troupes legeres, plus propres aux escarmouches & aux coups de main, qu'à combattre de pié ferme dans une action. On les employe à aller en détachement à la découverte, harceler les ennemis, attaquer les convois, & faire le dégât dans la campagne. (G)


ACANTHAS. Quelques Anatomistes nomment ainsi les apophyses épineuses des vertebres du dos, qui forment ce qu'on appelle l'épine du dos : ce nom est Grec, & signifie épine. Voyez VERTEBRE & EPINE. (L)


ACANTHABOLES. m. instrument de Chirurgie dont on trouve la description dans Paul Eginete, & la figure dans Scultet. Il ressemble à des pincettes dont les extrémités sont taillées en dents qui s'emboîtent les unes dans les autres, & qui saisissent les corps avec force. On s'en servoit pour enlever les esquilles des os cariés, les épines, les tentes, en un mot tous les corps étrangers qui se trouvoient profondément engagés dans les plaies, & pour arracher les poils incommodes des paupieres, des narines, & des sourcils.


ACANTHACÉEadj. f. On dit d'une plante qu'elle est acanthacée, lorsqu'elle tient de la nature du chardon, & qu'elle est armée de pointes.


ACANTHES. f. herbe à fleur d'une seule feuille irréguliere, terminée en bas par un anneau. La partie antérieure de la fleur de l'acanthe est partagée en trois pieces ; la partie postérieure est en forme d'anneau. La place de la levre supérieure est occupée par quelques étamines qui soûtiennent des sommets assez semblables à une vergette. Il sort du calice un pistil qui est fiché comme un clou dans la partie postérieure de la fleur ; il devient dans la suite un fruit qui a la forme d'un gland, & qui est enveloppé par le calice. Ce fruit est partagé par une cloison mitoyenne en deux cellules, dans chacune desquelles il se trouve des semences qui sont ordinairement de figure irréguliere. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

Les feuilles récentes de cette herbe ont donné dans l'analyse, du phlegme sans odeur ni goût, mais chargé d'un peu de sel salé qui troubloit la solution de Saturne ; une liqueur tirant d'abord à l'acide, qui le devenoit clairement ensuite, & qui étoit même un peu alkaline ; une liqueur roussâtre empyreumatique, legerement acide, mais pleine d'un sel alkali urineux, & de beaucoup de sel volatil ; de l'huile, soit fluide, soit épaisse.

La masse noire restée dans la cornue calcinée au feu de réverbere, a donné des cendres blanchâtres, dont par la lixiviation on a tiré un sel fixe purement alkali. De cette analyse, de la quantité relative des choses qu'on en a tirées, & de la viscosité de la plante, il s'ensuit qu'elle contient beaucoup de sel ammoniac, & un peu d'huile délayée dans beaucoup de phlegme. On n'employe que ses feuilles, en lavemens, en fomentations, & en cataplasmes.


ACANTHES. f. en Architecture, ornement semblable à deux plantes de ce nom, dont l'une est sauvage, l'autre cultivée : la premiere est appellée en Grec acantha, qui signifie épine ; & c'est elle que la plûpart des Sculpteurs gothiques ont imitée dans leurs ornemens ; la seconde est appellée en latin branca ursina, à cause que l'on prétend qu'elle ressemble au pié d'un ours : les Sculpteurs anciens & modernes ont préféré celle-ci, & s'en sont servis particulierement dans leurs chapiteaux. Vitruve & plusieurs de ses commentateurs prétendent que cette plante donna occasion à Callimachus, Sculpteur Grec, de composer le chapiteau Corinthien ; voici à-peu-près comme il rapporte le fait : " Une jeune fille étant morte chez sa nourrice, & cette femme voulant consacrer aux manes de cette jeune personne plusieurs bijoux qu'elle avoit aimés pendant sa vie, les porta sur son tombeau ; & afin qu'ils se conservassent plus longtems, elle couvrit cette corbeille d'une tuile : ce panier se trouvant placé par hasard sur une racine d'acanthe, le printems suivant cette racine poussa des branches qui, trouvant de la résistance par le poids de la corbeille, se diviserent en plusieurs rameaux, qui ayant atteint le sommet de la corbeille, furent contraints de se recourber sur eux-mêmes par la saillie que formoit la tuile sur ce panier ; ce qui donna idée à Callimachus, qui apperçut ce jeu de la nature, de l'imiter dans les chapiteaux de cet ordre, & de distribuer les seize feuilles comme on l'exécute encore aujourd'hui ; la tuile lui fit aussi imaginer le tailloir ". Voyez CHAPITEAU CORINTHIEN, COLLICOLO, TIGETTES, &c.

Villapaude qui nous a donné la description du Temple de Salomon, traite de fable cette histoire, & prétend que ce chapiteau étoit exécuté à ce Temple. Il est vrai qu'il nous le décrit composé de feuilles de palmier ; ce qui donna lieu, dit-il expressément, dans la suite, à composer les chapiteaux Corinthiens de feuilles d'olivier plûtôt que d'acanthe. Sans entrer en discussion avec ces deux auteurs, je crois ce que l'un & l'autre en disent, c'est-à-dire, que les chapiteaux Corinthiens peuvent fort bien avoir été employés dans leur origine à la décoration du Temple de Jérusalem ; mais que Callimachus Sculpteur habile, peut être aussi celui à qui nous avons l'obligation de la perfection de sa forme générale, de la distribution de ses ornemens & de son élégance. Ce qu'il y a de certain, c'est que depuis plusieurs siecles, ce chapiteau a passé pour un chef-d'oeuvre dans son genre, & qu'il a presque été impossible à tous nos Architectes modernes qui ont voulu composer des chapiteaux d'une nouvelle invention, de l'égaler. (P)


ACAPATHIS. m. Voyez POIVRE.


ACAPULCOS. m. ville & port de l'Amérique dans le Mexique sur la mer du Sud. Long. 276. lat. 17.

Le commerce se fait d'Acapulco au Pérou, aux îles Philippines, & sur les côtes les plus proches du Mexique. Les marchands d'Acapulco envoyent leurs marchandises à Réalajo, à la Trinité, à Vatulco, & autres petits havres, pour en tirer des vivres & des rafraîchissemens. Il leur vient cependant du côté de la terre, des fromages, du chocolat, de la farine, des chairs salées, & des bestiaux. Il va tous les ans d'Acapulco à Lima un vaisseau, ce qui ne suffit pas pour lui donner la réputation de commerce qu'a cette ville ; elle ne lui vient cependant que de deux seuls vaisseaux appellés hourques, qu'elle envoye aux Philippines & à l'Orient. Leur charge au départ d'Acapulco est composée, partie de marchandises d'Europe, qui viennent au Mexique par la Vera-cruz, & partie de marchandises de la nouvelle Espagne. La cargaison au retour est composée de tout ce que la Chine, les Indes & l'Orient produisent de plus précieux, perles, pierreries, & or en poudre. Les habitans d'Acapulco font aussi quelque négoce d'oranges, de limons, & d'autres fruits que leur sol ne porte pas.


ACARou ACARAI, place de l'Amérique méridionale dans le Paraguai, bâtie par les Jésuites en 1624. Long. 26. 55. lat. mérid. 26.

Les Anglois, les Hollandois, & les Danois, sont établis à Acara, ce qui les rend maîtres de la traite des Negres & de l'or. Celle de l'or y étoit jadis considérable ; celle des Negres y étoit encore bonne ; les marchands Maures du petit Acara sont entendus : ils achetent en gros, & détaillent ensuite. La traite de Lampy & de Juda est considérable pour l'achat des Negres. En 1706 & 1707, les vaisseaux de l'Assiente en eurent plus de deux cens cinquante pour six fusils, cinq pieces de perpétuanes, un barril de poudre de cent livres, six pieces d'Indienne, & cinq de tapsels ; ce qui, valeur d'Europe, ne faisoit pas quarante-cinq à cinquante livres pour chaque Negre. Les Negres à Juda étoient plus chers. On voit par une comparaison des marchandises avec une certaine quantité de Negres obtenue en échange, qu'on portoit là des fusils, des pieces de perpétuanes, de tapsels, des bassins de cuivre, des bougies, des chapeaux, du crystal de roche, de l'eau-de-vie, du fer, de la poudre, des couteaux, des pierres-à-fusil, du tabac, & que le Negre revenoit à quatre-vingts-huit ou quatre-vingts-dix livres, valeur réelle de cette marchandise.


ACARIATIONS. f. voyez ACCARIATION. (H)


ACARICABAS. plante du Bresil dont les racines aromatiques peuvent être comptées entre les meilleurs apéritifs. On s'en sert dans les obstructions de la rate & des reins. Les Medecins regardent le suc de ses feuilles comme un antidote & comme un vomitif. Cet article de l'acaricaba pourroit bien avoir deux défauts ; celui d'en dire trop des propriétés de la plante, & de n'en pas dire assez de ses caracteres.


ACARNANS. , poisson de mer dont il est parlé dans Athenée, Rondelet, & Aldrovande. On prétend qu'il est diurétique, de facile digestion, & très-nourrissant. Mais il y a mille poissons dont on en peut dire autant, & qui peut-être ne sont pas mentionnés dans Athenée, & ne s'appellent pas acarnan. C'est peut-être le même qu'acarne. Voyez ce mot.


ACARNANIES. f. province de l'Epire qui avoit à l'orient l'Aetolie, à l'occident le golfe d'Ambracie, & au midi la mer Ionienne. C'est aujourd'hui Despotat, ou la petite Grece, ou la Carnie.

* ACARNANIE, s. f. ville de Sicile où Jupiter avoit un temple renommé.


ACARNARS. nom d'une étoile. Voyez ACHARNAR. (O)


ACARNES. m. , poisson de mer semblable au pagre & au pagel, avec lesquels on le vend à Rome sous le nom de phragolino, que l'on donne à ces trois especes de poisson. L'acarne est blanc, ses écailles sont argentées, le dessus de sa tête est arqué en descendant jusqu'à la bouche, qui est petite. Ses dents sont menues, ses yeux grands & de couleur d'or ; l'espace qui se trouve entre les deux yeux est applati, les nageoires sont blanches ; il y a à la racine des premieres une marque mêlée de rouge & de noir. La queue est rouge ; on voit sur le corps un trait qui va en ligne droite depuis les oüies jusqu'à la queue. On pêche ce poisson en été & en hyver ; sa chair a un goût doux, quoiqu'un peu astringent à la langue ; elle est nourrissante, & se digere facilement. Les parties intérieures de l'acarne sont à-peu-près semblables à celles du pagre & du pagel. Rondelet, Aldrovande. Voyez PAGRE & PAGEL. Voyez aussi POISSON. (I)


ACAROS. contrée & village du royaume d'Acambou, sur la côte de Guinée en Afrique. Long. 18. lat. 5. 40.


ACATALECTIQUEadj. pris subst. dans la Poétique des Anciens, signifie des vers complets, qui ont tous leurs pis, leurs syllabes, & auxquels il ne manque rien à la fin. Voyez PIE & VERS.

Ce mot est composé du Grec κατὰ & de λήγω, finir, cesser, d’où se forme καταληκτικὸς qui signifie, manquant de quelque chose à la fin ou incomplet, & d’ privatif qui, précédant καταληκτικὸς, lui donne une signification toute opposée ; conséquemment on appelloit catalectique tout vers qui manquoit d'une syllabe à la fin, & dont la mesure n'étoit pas complete .

Horace fournit un exemple de l'un & de l'autre dans ces deux vers de la quatrieme ode de son premier livre : ainsi scandez.

Solvitur | acris hy | ems gra | tâ vice | veris | & fa | voni,

Trahunt | quae sic | cas ma | chinae | cari | nas.

dans le premier desquels les piés sont complets, au lieu que dans le second il manque une syllabe pour faire un vers ïambique de six piés. (G)


ACATALEPSIES. f. terme qui signifie l'impossibilité qu'il y a qu'une chose soit conçûe ou comprise. Voyez CONCEPTION.

Ce mot est formé d' privatif, & , découvrir, saisir, lequel est composé lui-même de & , prendre. Voyez CATALEPSIE.

Acatalepsie est synonyme à incompréhensibilité. Voy. COMPREHENSION.

Les Pyrrhoniens ou Sceptiques tenoient pour l'acatalepsie absolue : toutes les sciences ou les connoissances humaines n'alloient, selon eux, tout au plus qu'à l'apparence & à la vraisemblance. Ils déclamoient beaucoup contre les sens, & les regardoient comme la source principale de nos erreurs & de notre séduction. Voyez SCEPTIQUE, PYRRHONIEN, ACADEMIQUE, SENS, ERREUR, PROBABILITE, DOUTE, SUSPENSION, &c. (X)

* Arcésilas fut le premier défenseur de l'acatalepsie. Voici comment il en raisonnoit. On ne peut rien savoir, disoit-il, pas même ce que Socrate croyoit ne pas ignorer, qu'on ne sait rien.

Cette impossibilité vient, & de la nature des choses, & de la nature de nos facultés, mais plus encore de la nature de nos facultés que des choses.

Il ne faut donc ni nier, ni assûrer quoi que ce soit ; car il est indigne du philosophe d'approuver ou une chose fausse, ou une chose incertaine, & de prononcer avant que d'être instruit.

Mais tout ayant à-peu-près les mêmes degrés de probabilité, un philosophe pour & contre peut donc se déclarer contre celui qui nie ou qui assûre quoi que ce soit ; sûr, ou de trouver enfin la vérité qu'il cherche, ou de nouvelles raisons de croire qu'elle n'est pas faite pour nous. C'est ainsi qu'Arcésilas la chercha toute sa vie, perpétuellement aux prises avec tous les philosophes de son tems.

Mais si ni les sens ni la raison ne sont pas des garans assez sûrs pour être écoutés dans les écoles de Philosophie, ajoûtoit-il, ils suffisent au moins dans la conduite de la vie, où l'on ne risque rien à suivre des probabilités, puisqu'on est avec des gens qui n'ont pas de meilleurs moyens de se déterminer.


ACAZERv. act. donner en fief ou à rente : de là vient acazement. Voyez FIEF, RENTE.


ACCAPAREMENTS. m. c'est un achat de marchandises défendues par les ordonnances.

On le prend aussi pour une espece de monopole consistante à faire des levées considérables de marchandises, pour s'en approprier la vente à soi seul, à l'effet de les vendre à si haut prix qu'on voudra.


ACCAPARERACCAPARER par conséquent signifie acheter des marchandises défendues, ou faire des levées des marchandises permises, qui les rendent rares. (H)

On dit accaparer des blés, des laines, des cires, des suifs, &c. En bonne police cette manoeuvre est défendue sous peine de confiscation des marchandises accaparées, d'amende pécuniaire, & même de punition corporelle en cas de récidive.

Quelques-uns confondent le terme d'accaparer avec celui d'enharrer : mais ils sont différens, & n'ont rien de commun que les mêmes défenses & les mêmes peines. Voyez ENHARRER. (G)


ACCARIATIONS. f. terme de Palais, usité dans quelques provinces de France, sur-tout dans les méridionales les plus voisines d'Espagne. Il est synonyme à confrontation. Voyez CONFRONTATION.

On dit aussi dans le même sens accarement ou acarement. Accarer les témoins, c'est les confronter. (H)


ACCARONS. m. ville de la Palestine, celui des cinq gouvernemens des Philistins où l'arche fut gardée après avoir été prise. Beelzébuth étoit le dieu d'Accaron.


ACCASTELLAGEc'est le château sur l'avant & sur l'arriere d'un vaisseau. Pour s'en former une idée exacte, on n'aura qu'à consulter la Planche premiere de la Marine, & les explications qui y seront jointes.

Le Roi par une ordonnance de l'année 1675, défend aux officiers de ses vaisseaux de faire aucun changement aux accastellages & aux soutes par des séparations nouvelles, à peine de cassation.

On fait un accastellage à l'avant & à l'arriere des vaisseaux, en les élevant & bordant au-dessus de la lisse de vibord, & cet exhaussement commence aux herpes de l'embelle. On met pour cet effet deux, trois ou quatre herpes derriere le mât, à proportion de la hauteur qu'on veut donner à l'accastellage : on le borde ensuite de planches qu'on nomme qlin, ou esquain, ou quein, auxquelles on donne l'épaisseur convenable.

Ces bordages qu'on appelle l'esquain, doivent être tenus plus larges à l'arriere, où ils joignent les montans du revers, qu'en-dedans ou vers le milieu du vaisseau, afin que l'accastellage aille toûjours en s'élevant ; car s'il paroissoit baisser, ou être de niveau, il formeroit un coup d'oeil desagréable. Lorsque ces bordages sont cousus & élevés autant qu'il faut, on laisse une ouverture au-dessus, telle qu'on juge à propos, & l'on coud ensuite les dernieres planches de l'esquain. A chaque herpe, on éleve l'accastellage d'un pié, ou à-peu-près, selon la grandeur du vaisseau : mais à l'arriere, on met les herpes entre les dernieres planches de l'esquain, pour que la dunette soit plus saine : on laisse aussi fort souvent du jour ou un vuide entre les plus hautes planches & celles qui sont au-dessous.


ACCASTELLÉadj. Un vaisseau accastellé est celui qui a un château sur son avant & sur son arriere. Voyez ACCASTELLAGE & CHATEAU. (Z)


ACCÉDERACCÉDER à un contrat ou à un traité, c’est joindre son consentement à un contrat ou traité déja conclu & arrêté entre deux autres personnes ou un plus grand nombre. En ce sens on dit : les Etats Généraux ont accédé au traité d’Hanovre ; la Czarine a accédé au traité de Vienne. Voyez TRAITÉ. (H)

En ce sens on dit : les Etats Généraux ont accédé au traité d'Hanovre ; la Czarine a accédé au traité de Vienne. Voyez TRAITE. (H)


ACCELERATEURS. m. pris adj. ou le bulbo-caverneux, terme d'Anatomie, est un muscle de la verge qui sert à accélérer l'écoulement de l'urine & de la semence.

Il est nommé plus particulierement accélérateur de l'urine, en latin accelerator urinae. Quelques-uns en font deux muscles, qu'ils nomment muscles accélérateurs.

Il vient par une origine tendineuse de la partie supérieure & antérieure de l'urethre : mais devenant bientôt charnu, il passe sous l'os pubis, & embrasse la bulbe de l'urethre. Les deux côtés de ce muscle se joignent par une ligne mitoyenne qui répond au ruphée que l'on voit sur la peau qui le couvre ; & ainsi unis, ils continuent leur chemin l'espace d'environ deux travers de doigt : après quoi ce muscle se divise en deux productions charnues, qui ont leurs insertions au corps caverneux de la verge, & deviennent des tendons minces. (L)


ACCELERATIONS. f. c'est l'accroissement de vîtesse dans le mouvement d'un corps. Voyez VITESSE & MOUVEMENT.

Accélération est opposée à retardation ; terme par lequel on entend la diminution de vîtesse. Voyez RETARDATION.

Le terme d'accélération s'employe particulierement en Physique, lorsqu'il est question de la chûte des corps pesans qui tendent au centre de la terre par la force de leur gravité. Voyez GRAVITE & CENTRE.

Que les corps en tombant soient accélérés, c'est une vérité démontrée par quantité de preuves, du moins à posteriori : ainsi nous éprouvons que plus un corps tombe de haut, plus il fait une forte impression, plus il heurte violemment la surface plane, ou autre obstacle qui l'arrête dans sa chûte.

Il y a eu bien des systèmes imaginés par les philosophes pour expliquer cette accélération. Quelques-uns l'ont attribuée à la pression de l'air : plus, disent-ils, un corps descend, plus le poids de l'atmosphere qui pese dessus est considérable, & la pression d'un fluide est en raison de la hauteur perpendiculaire de ses colonnes : ajoûtez, disent-ils, que toute la masse du fluide pressant par une infinité de lignes droites qui se rencontrent toutes en un point, savoir au centre de la terre, ce point où aboutissent toutes ces lignes soûtient, pour ainsi dire, la pression de toute la masse ; conséquemment plus un corps en approche de près, plus il doit sentir l'effet de la pression qui agit suivant des lignes prêtes à se réunir. Voyez AIR & ATMOSPHERE.

Mais ce qui renverse toute cette explication, c'est que plus la pression de l'air augmente, plus augmente aussi la résistance ou la force avec laquelle ce même fluide tend à repousser en en-haut le corps tombant. Voyez FLUIDE.

On essaye pourtant encore de répondre que l'air à mesure qu'il est plus proche de la terre, est plus grossier & plus rempli de vapeurs & de particules hétérogenes qui ne sont point un véritable air élastique ; & l'on ajoûte que le corps, à mesure qu'il descend, trouvant toûjours moins de résistance de la part de l'élasticité de l'air, & cependant étant toûjours déprimé par la même force de gravité qui continue d'agir sur lui, il ne peut pas manquer d'être accéléré. Mais on sent assez tout le vague & le peu de précision de cette réponse : d'ailleurs, les corps tombent plus vîte dans le vuide que dans l'air. Voyez MACHINE PNEUMATIQUE ; voyez aussi ELASTICITE.

Hobbes, Philosop. Probl. c. j. p. 3. attribue l'accélération à une nouvelle impression de la cause qui produit la chûte des corps, laquelle selon son principe est aussi l'air : en même tems, dit-il, qu'une partie de l'atmosphere monte, l'autre descend : car en conséquence du mouvement de la terre, lequel est composé de deux mouvemens, l'un circulaire, l'autre progressif, il faut aussi que l'air monte & circule tout à la fois. De-là il s'ensuit que le corps qui tombe dans ce milieu, recevant à chaque instant de sa chûte une nouvelle pression, il faut bien que son mouvement soit accéléré.

Mais pour renverser toutes les raisons qu'on tire de l'air par rapport à l'accélération, il suffit de dire qu'elle se fait aussi dans le vuide, comme nous venons de l'observer.

Voici l'explication que les Péripatéticiens donnent du même phénomene. Le mouvement des corps pesans en en-bas, disent-ils, vient d'un principe intrinseque qui les fait tendre au centre, comme à leur place propre & à leur élément, où étant arrivés ils seroient dans un repos parfait ; c'est pourquoi, ajoûtent-ils, plus les corps en approchent, plus leur mouvement s'accroît : sentiment qui ne mérite pas de réfutation.

Les Gassendistes donnent une autre raison de l'accélération : ils prétendent qu'il sort de la terre des especes de corpuscules attractifs, dirigés suivant une infinité de filets directs qui montent & descendent ; que ces filets partant comme des rayons d'un centre commun, deviennent de plus en plus divergens à mesure qu'ils s'en éloignent ; en sorte que plus un corps est proche du centre, plus il supporte de ces filets attractifs, plus par conséquent son mouvement est accéléré. Voyez CORPUS CULES & AIMANT.

Les Cartésiens expliquent l'accélération par des impulsions réitérées de la matiere subtile éthérée, qui agit continuellement sur les corps tombans, & les pousse en en-bas. V. CARTESIANISME, ÉTHER, MATIERE SUBTILE, PESANTEUR, &c.

La cause de l'accélération ne paroîtra pas quelque chose de si mystérieux, si on veut faire abstraction pour un moment de la cause qui produit la pesanteur, & supposer seulement avec Galilée que cette cause ou force agit continuellement sur les corps pesans ; on verra facilement que le principe de la gravitation qui détermine le corps à descendre, doit accélérer ces corps dans leur chûte par une conséquence nécessaire. Voyez GRAVITATION.

Car le corps étant une fois supposé déterminé à descendre, c'est sans doute sa gravité qui est la premiere cause de son commencement de descente : or quand une fois sa descente est commencée, cet état est devenu en quelque sorte naturel au corps ; de sorte que laissé à lui-même il continueroit toûjours de descendre, quand même la premiere cause cesseroit ; comme nous voyons dans une pierre jettée avec la main, qui ne laisse pas de continuer de se mouvoir après que la cause qui lui a imprimé le mouvement a cessé d'agir. Voyez LOI DE LA NATURE & PROJECTILE.

Mais outre cette détermination à descendre imprimée par la premiere cause, laquelle suffiroit pour continuer à l'infini le même degré de mouvement une fois commencé, il s'y joint perpétuellement de nouveaux efforts de la même cause, savoir de la gravité, qui continue d'agir sur le corps déjà en mouvement, de même que s'il étoit en repos.

Ainsi y ayant deux causes de mouvement qui agissent l'une & l'autre en même direction, c'est-à-dire, vers le centre de la terre, il faut nécessairement que le mouvement qu'elles produisent ensemble, soit plus considérable que celui que produiroit l'une des deux. Et tandis que la vîtesse est ainsi augmentée, la même cause subsistant toûjours pour l'augmenter encore davantage, il faut nécessairement que la descente soit continuellement accélérée.

Supposons donc que la gravité, de quelque principe qu'elle procede, agisse uniformément sur tous les corps à égale distance du centre de la terre ; divisant le tems que le corps pesant met à tomber sur la terre, en parties égales infiniment petites, cette gravité poussera le corps vers le centre de la terre, dans le premier instant infiniment court de la descente : si après cela on suppose que l'action de la gravité cesse, le corps continueroit toûjours de s'approcher uniformément du centre de la terre avec une vîtesse infiniment petite, égale à celle qui résulte de la premiere impression.

Mais ensuite si l'on suppose que l'action de la gravité continue, dans le second instant le corps recevra une nouvelle impulsion vers la terre, égale à celle qu'il a reçûe dans le premier, par conséquent sa vîtesse sera double de ce qu'elle étoit dans le premier instant ; dans le troisieme instant elle sera triple ; dans le quatrieme, quadruple ; & ainsi de suite : car l'impression faite dans un instant précédent, n'est point du tout altérée par celle qui se fait dans l'instant suivant ; mais elles sont, pour ainsi dire, entassées & accumulées l'une sur l'autre.

C'est pourquoi comme les instans de tems sont supposés infiniment petits, & tous égaux les uns aux autres, la vîtesse acquise par le corps tombant sera dans chaque instant comme les tems depuis le commencement de la descente, & par conséquent la vitesse sera proportionnelle au tems dans lequel elle est acquise.

De plus l'espace parcouru par le corps en mouvement pendant un tems donné, & avec une vîtesse donnée, peut être considéré comme un rectangle composé du tems & de la vîtesse. Je suppose donc A (Pl. de Méchan. fig. 64.) le corps pesant qui descend, A B le tems de la descente ; je partage cette ligne en un certain nombre de parties égales, qui marqueront les intervalles ou portions du tems donné, savoir, A C, C E, E G, &c. je suppose que le corps descend durant le tems exprimé par la premiere des divisions A C, avec une certaine vîtesse uniforme provenant du degré de gravité qu'on lui suppose ; cette vîtesse sera représentée par A D, & l'espace parcouru, par le rectangle C A D.

Or l'action de la gravité ayant produit dans le premier moment la vîtesse A D, dans le corps précédemment en repos ; dans le second moment elle produira la vîtesse C F, double de la précédente ; dans le troisieme moment à la vîtesse C F sera ajoûté un degré de plus, au moyen duquel sera produite la vîtesse E H, triple de la premiere, & ainsi du reste ; de sorte que dans tout le tems A B, le corps aura acquis la vîtesse B K : après cela prenant les divisions de la ligne qu'on voudra, par exemple, les divisions A C, C E, &c. pour les tems, les espaces parcourus pendant ces tems seront comme les aires ou rectangles C D, E F, &c. en sorte que l'espace décrit par le corps en mouvement, pendant tout le tems A B, sera égal à tous les rectangles, c'est-à-dire, à la figure dentelée A B K.

Voilà ce qui arriveroit si les accroissemens de vîtesse se faisoient, pour ainsi dire, tout-à-coup, au bout de certaines portions finies de tems ; par exemple, en C, en E, &c. en sorte que le degré de mouvement continuât d'être le même jusqu'au tems suivant où se feroit une nouvelle accélération.

Si l'on suppose les divisions ou intervalles de tems plus courts, par exemple, de moitié ; alors les dentelures de la figure seront à proportion plus serrées, & la figure approchera plus du triangle.

S'ils sont infiniment petits, c'est-à-dire, que les accroissemens de vîtesse soient supposés être faits continuellement & à chaque particule de tems indivisible, comme il arrive en effet ; les rectangles ainsi successivement produits formeront un véritable triangle, par exemple, A B E, fig. 65. tout le tems A B consistant en petites portions de tems A 1, A 2, &c. & l'aire du triangle A B E en la somme de toutes les petites surfaces ou petits trapezes qui répondent aux divisions du tems ; l'aire ou le triangle total exprime l'espace parcouru dans tout le tems A B.

Or les triangles A B E, A 1 f, étant semblables, leurs aires sont l'une à l'autre comme les quarrés de leurs côtés homologues A B, A 1, &c. & par conséquent les espaces parcourus sont l'un à l'autre, comme les quarrés des tems.

De-là nous pouvons aussi déduire cette grande loi de l'accélération : " qu'un corps descendant avec un mouvement uniformément accéléré, décrit dans tout le tems de sa descente un espace qui est précisément la moitié de celui qu'il auroit décrit uniformément dans le même tems avec la vîtesse qu'il auroit acquise à la fin de sa chûte ". Car, comme nous l'avons déjà fait voir, tout l'espace que le corps tombant a parcouru dans le tems A B, sera représenté par le triangle A B E ; & l'espace que ce corps parcouroit uniformément en même tems avec la vîtesse B E, sera représenté par le rectangle A B E F : or on sait que le triangle est égal précisément à la moitié du rectangle. Ainsi l'espace parcouru sera la moitié de celui que le corps auroit parcouru uniformément dans le même tems avec la vîtesse acquise à la fin de sa chûte.

Nous pouvons donc conclure, 1°. que l'espace qui seroit uniformément parcouru dans la moitié du tems A B, avec la derniere vîtesse acquise B E, est égal à celui qui a été réellement parcouru par le corps tombant pendant tout le tems A B.

2°. Si le corps tombant décrit quelqu'espace ou quelque longueur donnée dans un tems donné, dans le double du tems il la décrira quatre fois ; dans le triple, neuf fois, &c. En un mot, si les tems sont dans la proportion arithmétique, 1, 2, 3, 4, &c. les espaces parcourus seront dans la proportion 1, 4, 9, 16, &c. c'est-à-dire, que si un corps décrit, par exemple, 15 piés dans la premiere seconde de sa chûte, dans les deux premieres secondes prises ensemble, il décrira quatre fois 15 piés ; neuf fois 15 dans les trois premieres secondes prises ensemble, & ainsi de suite.

3°. Les espaces décrits par le corps tombant dans une suite d'instans ou intervalles de tems égaux, seront comme les nombres impairs 1, 3, 5, 7, 9, &c. c'est-à-dire, que le corps qui a parcouru 15 piés dans la premiere seconde, parcourra dans la seconde trois fois 15 piés, dans la troisieme, cinq fois 15 piés, &c. Et puisque les vîtesses acquises en tombant sont comme les tems, les espaces seront aussi comme les quarrés des vîtesses ; & les tems & les vîtesses en raison soûdoublées des espaces.

Le mouvement d'un corps montant ou poussé en en-haut, est diminué ou retardé par le même principe de gravité agissant en direction contraire, de la même maniere qu'un corps tombant est accéléré. Voyez RETARDATION.

Un corps lancé en-haut s'éleve jusqu'à ce qu'il ait perdu tout son mouvement ; ce qui se fait dans le même espace de tems que le corps tombant auroit mis à acquérir une vîtesse égale à celle avec laquelle le corps lancé a été poussé en en-haut.

Et par conséquent les hauteurs auxquelles s'élevent des corps lancés en en-haut avec différentes vîtesses, sont entr'elles comme les quarrés de ces vîtesses.

ACCELERATION des corps sur des plans inclinés. La même loi générale qui vient d'être établie pour la chûte des corps qui tombent perpendiculairement, a aussi lieu dans ce cas-ci. L'effet du plan est seulement de rendre le mouvement plus lent. L'inclinaison étant par-tout égale, l'accélération, quoiqu'à la vérité moindre que dans les chûtes verticales, sera égale aussi dans tous les instans depuis le commencement jusqu'à la fin de la chûte. Pour les lois particulieres à ce cas, voyez l'article PLAN INCLINE.

Galilée découvrit le premier ces lois par des expériences, & imagina ensuite l'explication que nous venons de donner de l'accélération.

Sur l'accélération du mouvement des pendules, voyez PENDULE.

Sur l'accélération du mouvement des projectiles, voyez PROJECTILE.

Sur l'accélération du mouvement des corps comprimés lorsqu'ils se rétablissent dans leur premier état & reprennent leur volume ordinaire, voyez COMPRESSION, DILATATION, CORDES, TENSION, &c.

Le mouvement de l'air comprimé est accéléré, lorsque par la force de son élasticité il reprend son volume & sa dimension naturelle : c'est une vérité qu'il est facile de démontrer de bien des manieres. Voyez AIR, ELASTICITE.

ACCELERATION est aussi un terme qu'on appliquoit dans l'Astronomie ancienne aux étoiles fixes. Accélération en ce sens étoit la différence entre la révolution du premier mobile, & la révolution solaire ; différence qu'on évaluoit à trois minutes 56 secondes. Voyez ETOILE, PREMIER MOBILE, &c. (O)


ACCÉLÉRATRICE(Force) on appelle ainsi la force ou cause qui accélere le mouvement d'un corps. Lorsqu'on examine les effets produits par de telles causes, & qu'on ne connoît point les causes en elles-mêmes, les effets doivent toûjours être donnés indépendamment de la connoissance de la cause, puisqu'ils ne peuvent en être déduits : c'est ainsi que sans connoître la cause de la pesanteur, nous apprenons par l'expérience que les espaces décrits par un corps qui tombe sont entr'eux comme les quarrés des tems. En général dans les mouvemens variés dont les causes sont inconnues, il est évident que l'effet produit par la cause, soit dans un tems fini, soit dans un instant, doit toûjours être donné par l'équation entre les tems & les espaces : cet effet une fois connu, & le principe de la force d'inertie supposé, on n'a plus besoin que de la Géométrie seule & du calcul pour découvrir les propriétés de ces sortes de mouvemens. Il est donc inutile d'avoir recours à ce principe dont tout le monde fait usage aujourd'hui, que la force accélératrice ou retardatrice est proportionnelle à l'élément de la vîtesse ; principe appuyé sur cet unique axiome vague & obscur, que l'effet est proportionnel à sa cause. Nous n'examinerons point si ce principe est de vérité nécessaire ; nous avouerons seulement que les preuves qu'on en a données jusqu'ici ne nous paroissent pas fort convaincantes : nous ne l'adopterons pas non plus, avec quelques Géometres, comme de vérité purement contingente ; ce qui ruineroit la certitude de la Méchanique, & la réduiroit à n'être plus qu'une science expérimentale. Nous nous contenterons d'observer que, vrai ou douteux, clair ou obscur, il est inutile à la Méchanique, & que par conséquent il doit en être banni. (O)


ACCÉLÉRÉ(Mouvement) en Physique, est un mouvement qui reçoit continuellement de nouveaux accroissemens de vîtesse. Voyez MOUVEMENT. Le mot accéléré vient du Latin ad, & celer, prompt, vîte.

Si les accroissemens de vîtesse sont égaux dans des tems égaux, le mouvement est dit être accéléré uniformément. Voyez ACCELERATION.

Le mouvement des corps tombans est un mouvement accéléré ; & en supposant que le milieu par lequel ils tombent, c'est-à-dire l'air, soit sans résistance, le même mouvement peut aussi être considéré comme accéléré uniformément. Voyez DESCENTE, &c.

Pour ce qui concerne les lois du mouvement accéléré, voyez MOUVEMENT, ACCELERATION. (O)

ACCELERE dans son mouvement. En Astronomie, on dit qu'une planete est accélérée dans son mouvement, lorsque son mouvement diurne réel excede son moyen mouvement diurne. On dit qu'elle est retardée dans son mouvement, lorsqu'il arrive que son mouvement réel est moindre que son mouvement moyen. Quand la terre est le plus éloignée du soleil, elle est alors le moins accélérée dans son mouvement qu'il est possible, & c'est le contraire lorsqu'elle est le plus proche du soleil. Les Astronomes s'apperçoivent de ces inégalités dans leurs observations, & on en tient compte dans les tables du mouvement apparent du soleil. Voyez ÉQUATION. (O)


ACCENSESadject. pris subst. du Latin accensi forenses. C'étoient des officiers attachés aux magistrats Romains, & dont la fonction étoit de convoquer le peuple aux assemblées, ainsi que le porte leur nom, accensi ab acciendo. Ils étoient encore chargés d'assister le préteur lorsqu'il tenoit le siége, & de l'avertir tout haut de trois heures en trois heures quelle heure il étoit dans les armées Romaines.

Les accenses, selon Festus, étoient aussi des surnuméraires qui servoient à remplacer les soldats tués dans une bataille ou mis hors de combat par leurs blessures. Cet auteur ne leur donne aucun rang dans la milice : mais Asconius Pedianus leur en assigne un semblable à celui de nos caporaux & de nos trompettes. Tite-Live en fait quelque mention, mais comme de troupes irrégulieres, & dont on faisoit peu d'estime. (G)


ACCENTS. m. cCe mot vient d’accentum, supin du verbe accinere qui vient de ad & canere : les Grecs l’appellent προσωδία, modulatio quæ syllabis adhibetur, venant de πρὸς, préposition greque qui entre dans la composition des mots, & qui a divers usages, & ωδὴ, cantus, chant. On l’appelle aussi τόνος, ton.

Il faut ici distinguer la chose, & le signe de la chose.

La chose, c'est la voix ; la parole, c'est le mot, en tant que prononcé avec toutes les modifications établies par l'usage de la langue que l'on parle.

Chaque nation, chaque peuple, chaque province, chaque ville même, differe d'une autre dans le langage, non-seulement parce qu'on se sert de mots différens, mais encore par la maniere d'articuler & de prononcer les mots.

Cette maniere différente, dans l'articulation des mots, est appellée accent. En ce sens les mots écrits n'ont point d'accens ; car l'accent, ou l'articulation modifiée, ne peut affecter que l'oreille ; or l'écriture n'est apperçue que par les yeux.

C'est encore en ce sens que les Poëtes disent : prêtez l'oreille à mes tristes accens. Et que M. Pelisson disoit aux réfugiés : vous tâcherez de vous former aux accens d'une langue étrangere.

Cette espece de modulation dans les discours, particuliere à chaque pays, est ce que M. l'abbé d'Olivet, dans son excellent traité de la Prosodie, appelle accent national.

Pour bien parler une langue vivante, il faudroit avoir le même accent, la même inflexion de voix, qu'ont les honnêtes gens de la capitale ; ainsi quand on dit, que pour bien parler François il ne faut point avoir d'accent, on veut dire qu'il ne faut avoir ni l'accent Italien, ni l'accent Gascon, ni l'accent Picard, ni aucun autre accent qui n'est pas celui des honnêtes gens de la capitale.

Accent ou modulation de la voix dans le discours, est le genre dont chaque accent national est une espece particuliere ; c'est ainsi qu'on dit, l'accent Gascon, l'accent Flamand, &c. L'accent Gascon éleve la voix où, selon le bon usage, on la baisse : il abrege des syllabes que le bon usage allonge ; par exemple, un Gascon dit par consquent, au lieu de dire par conséquent ; il prononce séchement toutes les voyelles nazales an, en, in, on, un, &c.

Selon le méchanisme des organes de la parole, il y a plusieurs sortes de modifications particulieres à observer dans l'accent en général, & toutes ces modifications se trouvent aussi dans chaque accent national, quoiqu'elles soient appliquées différemment ; car si l'on veut bien y prendre garde, on trouve partout uniformité & variété. Partout les hommes ont un visage, & pas un ne ressemble parfaitement à un autre ; partout les hommes parlent & chaque pays a sa maniere particuliere de parler & de modifier la voix. Voyons donc quelles sont ces différentes modifications de voix qui sont comprises sous le mot général accent.

Premierement, il faut observer que les syllabes en toute langue ne sont pas prononcées du même ton. Il y a diverses inflexions de voix dont les unes élevent le ton, les autres le baissent, & d'autres enfin l'élevent d'abord, & le rabaissent ensuite sur la même syllabe. Le ton élevé est ce qu'on appelle accent aigu ; le ton bas ou baissé est ce qu'on nomme accent grave ; enfin, le ton élevé & baissé successivement & presque en même tems sur la même syllabe, est l'accent circonflexe.

" La nature de la voix est admirable, dit Cicéron ; toute sorte de chant est agréablement varié par le ton circonflexe, par l'aigu & par le grave : or le discours ordinaire, poursuit-il, est aussi une espece de chant ". Mira est natura vocis, cujus quidem, è tribus omninò sonis inflexo, acuto, gravi tanta sit, & tam suavis varietas perfecta in cantibus. Est autem in dicendo etiam quidam cantus. Cic. Orator. n. XVII. & XVIII. Cette différente modification du ton, tantôt aigu, tantôt grave, & tantôt circonflexe, est encore sensible dans le cri des animaux, & dans les instrumens de musique.

2. Outre cette variété dans le ton, qui est ou grave, ou aigu, ou circonflexe, il y a encore à observer le tems que l'on met à prononcer chaque syllabe. Les unes sont prononcées en moins de tems que les autres, & l'on dit de celles-ci qu'elles sont longues, & de celles-là qu'elles sont breves. Les breves sont prononcées dans le moins de tems qu'il est possible ; aussi dit-on qu'elles n'ont qu'un tems, c'est-à-dire, une mesure, un battement ; au lieu que les longues en ont deux ; & voilà pourquoi les anciens doubloient souvent dans l'écriture les voyelles longues, ce que nos peres ont imité en écrivant aage, &c.

3. On observe encore l'aspiration qui se fait devant les voyelles en certains mots, & qui ne se pratique pas en d'autres, quoiqu'avec la même voyelle & dans une syllabe pareille : c'est ainsi que nous prononçons le héros avec aspiration, & que nous disons l'héroïne, l'héroïsme & les vertus héroïques, sans aspiration.

4. A ces trois différences que nous venons d'observer dans la prononciation, il faut encore ajoûter la variété du ton pathétique, comme dans l'interrogation, l'admiration, l'ironie, la colere & les autres passions : c'est ce que M. l'abbé d'Olivet appelle l'accent oratoire.

5. Enfin, il y a à observer les intervalles que l'on met dans la prononciation depuis la fin d'une période jusqu'au commencement de la période qui suit, & entre une proposition & une autre proposition ; entre un incise, une parenthese, une proposition incidente, & les mots de la proposition principale dans lesquels cet incise, cette parenthese ou cette proposition incidente sont enfermés.

Toutes ces modifications de la voix, qui sont très-sensibles dans l'élocution, sont, ou peuvent être marquées dans l'écriture par des signes particuliers que les anciens Grammairiens ont aussi appellés accens ; ainsi ils ont donné le même nom à la chose, & au signe de la chose.

Quoique l'on dise communément que ces signes, ou accens, sont une invention qui n'est pas trop ancienne, & quoiqu'on montre des manuscrits de mille ans, dans lesquels on ne voit aucun de ces signes, & où les mots sont écrits de suite sans être séparés les uns des autres, j'ai bien de la peine à croire que lorsqu'une langue a eu acquis un certain degré de perfection, lorsqu'elle a eu des Orateurs & des Poëtes, & que les Muses ont joüi de la tranquillité qui leur est nécessaire pour faire usage de leurs talens ; j'ai, dis-je, bien de la peine à me persuader qu'alors les copistes habiles n'ayent pas fait tout ce qu'il falloit pour peindre la parole avec toute l'exactitude dont ils étoient capables ; qu'ils n'ayent pas séparé les mots par de petits intervalles, comme nous les séparons aujourd'hui, & qu'ils ne se soient pas servis de quelques signes pour indiquer la bonne prononciation.

Voici un passage de Cicéron qui me paroît prouver bien clairement qu'il y avoit de son tems des notes ou signes dont les copistes faisoient usage. Hanc diligentiam subsequitur modus etiam & forma verborum. Versus enim veteres illi, in hâc solutâ oratione propemodum, hoc est, numeros quosdam nobis esse adhibendos putaverunt. Interspirationis enim, non defatigationis nostrae, neque LIBRARIORUM NOTIS, sed verborum & sententiarum modò, interpunctas clausulas in orationibus esse voluerunt : idque, princeps Isocrates instituisse fertur. Cic. Orat. liv. III. n. XLIV. " Les anciens, dit-il, ont voulu qu'il y eût dans la prose même des intervalles, des séparations, du nombre & de la mesure comme dans les vers ; & par ces intervalles, cette mesure, ce nombre, ils ne veulent pas parler ici de ce qui est déjà établi pour la facilité de la respiration & pour soulager la poitrine de l'Orateur, ni des notes ou signes des copistes : mais ils veulent parler de cette maniere de prononcer qui donne de l'ame & du sentiment aux mots & aux phrases, par une sorte de modulation pathétique ". Il me semble que l'on peut conclure de ce passage, que les signes, les notes, les accens étoient connus & pratiqués dès avant Cicéron, au moins par les copistes habiles.

Isidore, qui vivoit il y a environ douze cens ans, après avoir parlé des accens, parle encore de certaines notes qui étoient en usage, dit-il, chez les auteurs célebres, & que les anciens avoient inventées, poursuit-il, pour la distinction de l'écriture, & pour montrer la raison, c'est-à-dire, le mode, la maniere de chaque mot & de chaque phrase. Praetereà quaedam sententiarum notae apud celeberrimos auctores fuerunt, quasque antiqui ad distinctionem scripturarum carminibus & historiis apposuerunt, ad demonstrandam unamquanque verbi sententiarumque, ac versuum rationem. Isid. Orig. liv. I. c. XX.

Quoi qu'il en soit, il est certain que la maniere d'écrire a été sujette à bien des variations, comme tous les autres Arts. L'Architecture est-elle aujourd'hui en Orient dans le même état où elle étoit quand on bâtit Babylone ou les pyramides d'Egypte ? Ainsi tout ce que l'on peut conclure de ces manuscrits, où l'on ne voit ni distance entre les mots, ni accens, ni points, ni virgules, c'est qu'ils ont été écrits, ou dans des tems d'ignorance, ou par des copistes peu instruits.

Les Grecs paroissent être les premiers qui ont introduit l'usage des accens dans l'écriture. L'auteur de la Méthode Greque de P. R. (pag. 546.) observe que la bonne prononciation de la langue Greque étant naturelle aux Grecs, il leur étoit inutile de la marquer par des accens dans leurs écrits ; qu'ainsi il y a bien de l'apparence qu'ils ne commencerent à en faire usage que lorsque les Romains, curieux de s'instruire de la langue Greque, envoyerent leurs enfans étudier à Athenes. On songea alors à fixer la prononciation, & à la faciliter aux étrangers ; ce qui arriva, poursuit cet auteur, un peu avant le tems de Cicéron.

Au reste, ces accens des Grecs n'ont eu pour objet que les inflexions de la voix, en tant qu'elle peut être ou élevée ou rabaissée.

L'accent aigu que l'on écrivoit de droit à gauche, marquoit qu'il falloit élever la voix en prononçant la voyelle sur laquelle il étoit écrit.

L'accent grave ` ainsi écrit, marquoit au contraire qu'il falloit rabaisser la voix.

L'accent circonflexe est composé de l'aigu & du grave ^ ; dans la suite les copistes l'arrondirent de cette maniere ~, ce qui n'est en usage que dans le Grec. Cet accent étoit destiné à faire entendre qu'après avoir d'abord élevé la voix, il falloit la rabaisser sur la même syllabe.

Les Latins ont fait le même usage de ces trois accens. Cette élévation & cette dépression de la voix étoient plus sensibles chez les anciens, qu'elles ne le sont parmi nous ; parce que leur prononciation étoit plus soûtenue & plus chantante. Nous avons pourtant aussi élevement & abaissement de la voix dans notre maniere de parler, & cela indépendamment des autres mots de la phrase ; ensorte que les syllabes de nos mots sont élevées & baissées selon l'accent prosodique ou tonique, indépendamment de l'accent pathétique, c'est-à-dire, du ton que la passion & le sentiment font donner à toute la phrase : car il est de la nature de chaque voix, dit l'auteur de la Méthode Greque de P. R. (pag. 551.) d'avoir quelque élevement qui soûtienne la prononciation ; & cet élevement est ensuite modéré & diminué, & ne porte pas sur les syllabes suivantes.

Cet accent prosodique, qui ne consiste que dans l'élevement ou l'abaissement de la voix en certaines syllabes, doit être bien distingué du ton pathétique ou ton de sentiment.

Qu'un Gascon, soit en interrogeant, soit dans quelqu'autre situation d'esprit ou de coeur, prononce le mot d'examen, il élevera la voix sur la premiere syllabe, la soûtiendra sur la seconde, & la laissera tomber sur la derniere, à-peu-près comme nous laissons tomber nos e muets ; au lieu que les personnes qui parlent bien François, prononcent ce mot, en toute occasion, à-peu-près comme le dactyle des Latins, en élevant la premiere, passant vîte sur la seconde, & soûtenant la derniere. Un Gascon, en prononçant cadis, éleve la premiere syllabe ca, & laisse tomber dis, comme si dis étoit un e muet : au contraire, à Paris, on éleve la derniere dis.

Au reste, nous ne sommes pas dans l'usage de marquer dans l'écriture, par des signes ou accens, cet élevement & cet abaissement de la voix : notre prononciation, encore un coup, est moins soûtenue & moins chantante que la prononciation des anciens ; par conséquent la modification ou ton de voix dont il s'agit nous est moins sensible ; l'habitude augmente encore la difficulté de démêler ces différences délicates. Les anciens prononçoient, au moins leurs vers, de façon qu'ils pouvoient mesurer par des battemens la durée des syllabes. Adsuetam moram pollicis sonore vel plausu pedis, discriminare, qui docent artem, solent. (Terentianus Maurus de Metris sub med.) ce que nous ne pouvons faire qu'en chantant, Enfin, en toutes sortes d'accens oratoires, soit en interrogeant, en admirant, en nous fâchant, &c. les syllabes qui précedent nos e muets ne sont-elles pas soûtenues & élevées comme elles le sont dans le discours ordinaire ?

Cette différence entre la prononciation des anciens & la nôtre, me paroît être la véritable raison pour laquelle, quoique nous ayons une quantité comme ils en avoient une, cependant la différence de nos longues & de nos breves n'étant pas également sensible en tous nos mots, nos vers ne sont formés que par l'harmonie qui résulte du nombre des syllabes ; au lieu que les vers grecs & les vers latins tirent leur harmonie du nombre des piés assortis par certaines combinaisons de longues & de breves.

" Le dactyle, l'ïambe, & les autres piés entrent dans le discours ordinaire, dit Ciceron, & l'auditeur les reconnoît facilement, eos facilè agnoscit auditor. " (Cic. orator. n°. LVI.) " Si dans nos Théatres, ajoûte-t-il, un acteur prononce une syllabe breve ou longue autrement qu'elle ne doit être prononcée, selon l'usage, ou d'un ton grave ou aigu, tout le peuple se récrie. Cependant, poursuit-il, le peuple n'a point étudié la regle de notre Prosodie ; seulement il sent qu'il est blessé par la prononciation de l'acteur : mais il ne pourroit pas démêler en quoi ni comment ; il n'a sur ce point d'autre regle que le discernement de l'oreille ; & avec ce seul secours que la nature & l'habitude lui donnent, il connoît les longues & les breves, & distingue le grave de l'aigu ". Theatra tota exclamant, si fuit una syllaba brevior aut longior. Nec verò multitudo pedes novit, nec ullos numeros tenet : nec illud quod offendit, aut cur, aut in quo offendat INTELLIGIT ; & tamen omnium longitudinum & brevitatum in sonis, sicut acutarum graviumque vocum, judicium ipsa natura in auribus nostris collocavit. (Cic. orat. n°. LI. fin.)

Notre Parterre démêle avec la même finesse, ce qui est contraire à l'usage de la bonne prononciation ; & quoique la multitude ne sache pas que nous avons un e ouvert, un e fermé & un e muet, l'acteur qui prononceroit l'un au lieu de l'autre seroit sifflé.

Le célebre Lully a eu presque toûjours une extrême attention à ajuster son chant à la bonne prononciation ; par exemple, il ne fait point de tenue sur les syllabes breves, ainsi dans l'opera d'Atis,

Vous vous éveillez si matin,

l'a de matin est chanté bref tel qu'il est dans le discours ordinaire ; & un acteur qui le feroit long comme il l'est dans mâtin, gros chien, seroit également sifflé parmi nous, comme il l'auroit été chez les anciens en pareil cas.

Dans la Grammaire greque, on ne donne le nom d'accent qu'à ces trois signes, l'aigu , le grave `, & le circonflexe ~, qui servoient à marquer le ton, c'est-à-dire l'élevement & l'abaissement de la voix ; les autres signes, qui ont d'autres usages, ont d'autres noms, comme l'esprit rude, l'esprit doux, &c.

C'est une question s'il faut marquer aujourd'hui ces accens & ces esprits sur les mots grecs : le P. Sanadon, dans sa préface sur Horace, dit qu'il écrit le grec sans accens.

En effet, il est certain qu'on ne prononce les mots des langues mortes que selon les inflexions de la langue vivante ; nous ne faisons sentir la quantité du grec & du latin que sur la pénultieme syllabe, encore faut-il que le mot ait plus de deux syllabes : mais à l'égard du ton ou accent, nous avons perdu sur ce point l'ancienne prononciation ; cependant, pour ne pas tout perdre, & parce qu'il arrive souvent que deux mots ne different entr'eux que par l'accent, je crois avec l'Auteur de la Méthode greque de P. R. que nous devons conserver les accens en écrivant le grec : mais j'ajoûte que nous ne devons les regarder que comme les signes d'une prononciation qui n'est plus : & je suis persuadé que les Savans qui veulent aujourd'hui regler leur prononciation sur ces accens, seroient siflés par les Grecs mêmes, s'il étoit possible qu'ils en fussent entendus.

A l'égard des Latins, on croit communément que les accens ne furent mis en usage dans l'écriture que pour fixer la prononciation, & la faciliter aux étrangers.

Aujourd'hui, dans la Grammaire latine, on ne donne le nom d'accent qu'aux trois signes dont nous avons parlé, le grave, l'aigu, & le circonflexe, & ce dernier n'est jamais marqué qu'ainsi ^, & non ~ comme en grec.

Les anciens Grammairiens latins n'avoient pas restraint le nom d'accent à ces trois signes. Priscien qui vivoit dans le sixieme siecle, & Isidore qui vivoit peu de tems après, disent également que les Latins ont dix accens. Ces dix accens, selon ces Auteurs, sont :

1. L'accent aigu .

2. Le grave `.

3. Le circonflexe ~.

4. La longue barre, pour marquer une voyelle longue - ; longa linea, dit Priscien ; longa virgula, dit Isidore.

5. La marque de la brieveté d'une syllabe, brevis virgula .

6. L'hyphen qui servoit à unir deux mots, comme ante-tulit ; ils le marquoient ainsi, selon Priscien ‿, & ainsi selon Isidore Ω. Nous nous servons du tiret ou trait d'union pour cet usage, portemanteau, arc-en-ciel ; ce mot hyphen est purement grec, ὑπὸ, sub, & ἕν, unum.

7. La diastole au contraire étoit une marque de séparation ; on la marquoit ainsi sous le mot, supposita versui. (Isid. de fig. accentuum).

8. L'apostrophe dont nous nous servons encore ; les Anciens la mettoient aussi au haut du mot pour marquer la suppression d'une lettre, l'ame pour la ame.

9. La Δασεῖα ; c’étoit le signe de l’aspiration d’une voyelle. RAC. δασὺς, hirsutus, hérissé, rude. On le marquoit ainsi sur la lettre ` ; c'est l'esprit rude des Grecs, dont les copistes ont fait l'h, pour avoir la facilité d'écrire de suite sans avoir la peine de lever la plume pour marquer l'esprit sur la lettre aspirée.

10. Enfin, le ψιλὴ, qui marquoit que la voyelle ne devoit point être aspirée ; c'est l'esprit doux des Grecs, qui étoit écrit en sens contraire de l'esprit rude.

Ils avoient encore, comme nous, l'astérique & plusieurs autres notes dont Isidore fait mention, (Orig. liv. I.) & qu'il dit être très-anciennes.

Pour ce qui est des Hébreux, vers le cinquieme siecle, les Docteurs de la fameuse Ecole de Tibériade travaillerent à la critique des Livres de l'Ecriture-sainte, c'est-à-dire, à distinguer les Livres apocryphes d'avec les canoniques : ensuite ils les diviserent par sections & par versets ; ils en fixerent la lecture & la prononciation par des points, & par d'autres signes que les Hébraïsans appellent accens ; desorte qu'ils donnent ce nom, non-seulement aux signes qui marquent l'élévation & l'abaissement de la voix, mais encore aux signes de la ponctuation.

Aliorum exemplo excitati vetustiores Massoretoe huic malo obviam ierunt, vocesque à vocibus distinxerunt interjecto vacuo aliquo spatiolo ; versus verò ac periodas notulis quibusdam, seu ut vocant accentibus, quos eam ob causam ACCENTUS PAUSANTES & DISTINGUENTES dixerunt. Masclef, Gram. Hebraïc. 1731. tom. I. pag. 34.

Ces Docteurs furent appellés Massoretes, du mot masore, qui veut dire tradition ; parce que ces Docteurs s'attacherent dans leur opération à conserver, autant qu'il leur fut possible, la tradition de leurs Peres dans la maniere de lire & de prononcer.

A notre égard, nous donnons le nom d'accent premierement aux inflexions de voix, & à la maniere de prononcer des pays particuliers ; ainsi, comme nous l'avons déjà remarqué, nous disons l'accent gascon, &c. Cet homme a l'accent étranger, c'est-à-dire, qu'il a des inflexions de voix & une maniere de parler, qui n'est pas celle des personnes nées dans la capitale. En ce sens, accent comprend l'élévation de la voix, la quantité & la prononciation particuliere de chaque mot & de chaque syllabe.

En second lieu, nous avons conservé le nom d'accent à chacun des trois signes du ton qui est ou aigu, ou grave, ou circonflexe : mais ces trois signes ont perdu parmi nous leur ancienne destination ; ils ne sont plus, à cet égard, que des accens imprimés : voici l'usage que nous en faisons en Grec, en Latin, & en François.

A l'égard du Grec, nous le prononçons à notre maniere, & nous plaçons les accens selon les regles que les Grammairiens nous en donnent, sans que ces accens nous servent de guide pour élever, ou pour abaisser le ton.

Pour ce qui est du Latin, nous ne faisons sentir aujourd'hui la quantité des mots que par rapport à la pénultieme syllabe ; encore faut-il que le mot ait plus de deux syllabes ; car les mots qui n'ont que deux syllabes sont prononcés également, soit que la premiere soit longue ou qu'elle soit breve : par exemple, en vers, l'a est bref dans pater, & long dans mater ; cependant nous prononçons l'un & l'autre comme s'ils avoient la même quantité.

Or, dans les Livres qui servent à des lectures publiques, on se sert de l'accent aigu, que l'on place différemment, selon que la pénultieme est breve ou longue : par exemple, dans matutinus, nous ne faisons sentir la quantité que sur la pénultieme ti ; & parce que cette pénultieme est longue, nous y mettons l'accent aigu, matutinus.

Au contraire cette pénultieme ti est breve dans serótinus ; alors nous mettons l'accent aigu sur l'antépénultieme ro, soit que dans les vers cette pénultieme soit breve ou qu'elle soit longue. Cet accent aigu sert alors à nous marquer qu'il faut s'arrêter comme sur un point d'appui sur cette antépénultieme accentuée, afin d'avoir plus de facilité pour passer légerement sur la pénultieme, & la prononcer breve.

Au reste, cette pratique ne s'observe que dans les Livres d'Eglise destinés à des lectures publiques. Il seroit à souhaiter qu'elle fût également pratiquée à l'égard des Livres classiques, pour accoûtumer les jeunes gens à prononcer régulierement le Latin.

Nos Imprimeurs ont conservé l'usage de mettre un accent circonflexe sur l'â de l'ablatif de la premiere déclinaison. Les Anciens relevoient la voix sur l'a du nominatif, & le marquoient par un accent aigu, musá ; au lieu qu'à l'ablatif ils l'élevoient d'abord, & la rabaissoient ensuite comme s'il y avoit eu musáà ; & voilà l'accent circonflexe que nous avons conservé dans l'écriture, quoique nous en ayons perdu la prononciation.

On se sert encore de l'accent circonflexe en Latin quand il y a syncope, comme virûm pour virorum ; sestertiûm pour sestertiorum.

On employe l'accent grave sur la derniere syllabe des adverbes, malè, benè, diù, &c. Quelques-uns même veulent qu'on s'en serve sur tous les mots indéclinables, mais cette pratique n'est pas exactement suivie.

Nous avons conservé la pratique des Anciens à l'égard de l'accent aigu qu'ils marquoient sur la syllabe qui est suivie d'un enclitique, arma virúmque cano. Dans virúmque on éleve la voix sur l'u de virum, & on la laisse tomber en prononçant que, qui est un enclitique. Ne, ve, sont aussi deux autres enclitiques ; desorte qu'on éleve le ton sur la syllabe qui précede l'un de ces trois mots, à-peu-près comme nous élevons en François la syllabe qui précede un e muet : ainsi quoique dans mener l'e de la premiere syllabe me soit muet, cet e devient ouvert, & doit être soûtenu dans je mene, parce qu'alors il est suivi d'un e muet qui finit le mot ; cet e final devient plus aisément muet quand la syllabe qui le précede est soûtenue. C'est le méchanisme de la parole qui produit toutes ces variétés, qui paroissent des bisarreries ou des caprices de l'usage à ceux qui ignorent les véritables causes des choses.

Au reste, ce mot enclitique est purement Grec, & vient d’ἐγκλίνω, inclino, parce que ces mots sont comme inclinés & appuyés sur la derniere syllabe du mot qui les précede.

Observez que lorsque ces syllabes, que, ne, ve, font partie essentielle du mot, desorte que si vous les retranchiez, le mot n'auroit plus la valeur qui lui est propre ; alors ces syllabes n'ayant point la signification qu'elles ont quand elles sont enclitiques, on met l'accent, comme il convient, selon que la pénultieme du mot est longue ou breve ; ainsi dans ubique on met l'accent sur la pénultieme, parce que l'i est long ; au lieu qu'on le met sur l'antépénultieme dans dénique, úndique, útique.

On ne marque pas non plus l'accent sur la pénultieme avant le ne interrogatif, lorsqu'on éleve la voix sur ce ne, ego-ne ? sicci-ne ? parce qu'alors ce ne est aigu.

Il seroit à souhaiter que l'on accoûtumât les jeunes gens à marquer les accens dans leurs compositions. Il faudroit aussi que lorsque le mot écrit peut avoir deux acceptions différentes, chacune de ces acceptions fût distinguée par l'accent ; ainsi quand occido vient de cado, l'i est bref & l'accent doit être sur l'antépénultieme ; au lieu qu'on doit le marquer sur la pénultieme quand il signifie tuer ; car alors l'i est long, occído, & cet occído vient de caedo.

Cette distinction devroit être marquée même dans les mots qui n'ont que deux syllabes : ainsi il faudroit écrire légit, il lit, avec l'accent aigu ; & lêgit, il a lû, avec le circonflexe : vénit, il vient ; & vênit, il est venu.

A l'égard des autres observations que les Grammairiens ont faites sur la pratique des accens, par exemple, quand la Méthode de P. R. dit qu'au mot muliéris, il faut mettre l'accent sur l'e, quoique bref, qu'il faut écrire flôs avec un circonflexe, spés avec un aigu, &c. cette pratique n'étant fondée que sur la prononciation des Anciens, il me semble que nonseulement elle nous seroit inutile, mais qu'elle pourroit même induire les jeunes gens en erreur en leur faisant prononcer muliéris long pendant qu'il est bref, ainsi des autres que l'on pourra voir dans la Méthode de P. R. pag. 733. 735, &c.

Finissons cet article par exposer l'usage que nous faisons aujourd'hui, en François, des accens que nous avons reçûs des Anciens.

Par un effet de ce concours de circonstances, qui forment insensiblement une langue nouvelle, nos Peres nous ont transmis trois sons différens, qu'ils écrivoient par la même lettre e. Ces trois sons, qui n'ont qu'un même signe, ou caractere, sont,

1°. L'e ouvert, comme dans fer, Jupiter, la mer, l'enfer, &c.

2°. L'e fermé, comme dans bonté, charité, &c.

3°. Enfin l'e muet, comme dans les monosyllabes me, ne, de, te, se, le, & dans la derniere de donne, ame, vie, &c.

Ces trois sons différens se trouvent dans ce seul mot, fermeté ; l'e est ouvert dans la premiere syllabe fer, il est muet dans la seconde me, & il est fermé dans la troisieme té. Ces trois sortes d'e se trouvent encore en d'autres mots, comme netteté, évêque, sévère, repêché, &c.

Les Grecs avoient un caractere particulier pour l'e bref qu'ils appelloient épsilon, , c'est-à-dire e petit ; & ils avoient une autre figure pour l'e long, qu'ils appelloient Eta, ; ils avoient aussi un o bref, omicron, , & un o long, omega, .

Il y a bien de l'apparence que l'autorité publique, ou quelque corps respectable, & le concert des copistes, avoient concouru à ces établissemens.

Nous n'avons pas été si heureux : ces finesses & cette exactitude grammaticale ont passé pour des minuties indignes de l'attention des personnes élevées. Elles ont pourtant occupé les plus grands des Romains, parce qu'elles sont le fondement de l'art oratoire, qui conduisoit aux grandes places de la république. Cicéron, qui d'Orateur devint Consul, compare ces minuties aux racines des arbres. " Elles ne nous offrent, dit-il, rien d'agréable : mais c'est de-là, ajoûte-t-il, que viennent ces hautes branches & ce verd feuillage, qui font l'ornement de nos campagnes ; & pourquoi mépriser les racines, puisque sans le suc qu'elles préparent & qu'elles distribuent, vous ne sauriez avoir ni les branches, ni le feuillage " ? De syllabis propemodum denumerandis & dimetiendis loquemur ; quae etiamsi sunt, sicut mihi videntur, necessaria, tamen fiunt magnificentiùs, quam docentur. Est enim hoc omninò verum, sed propriè in hoc dicitur. Nam omnium magnarum artium, sicut arborum, latitudo, nos delectat ; radices stirpesque non item : sed, esse illa sine his, non potest. Cic. Orat. n. XLIII.

Il y a bien de l'apparence que ce n'est qu'insensiblement que l'e a eu les trois sons différens dont nous venons de parler. D'abord nos peres conserverent le caractere qu'ils trouverent établi, & dont la valeur ne s'éloignoit jamais que fort peu de la premiere institution.

Mais lorsque chacun des trois sons de l'e est devenu un son particulier de la langue, on auroit dû donner à chacun un signe propre dans l'écriture.

Pour suppléer à ce défaut, on s'est avisé, depuis environ cent ans, de se servir des accens, & l'on a cru que ce secours étoit suffisant pour distinguer dans l'écriture ces trois sortes d'e, qui sont si bien distingués dans la prononciation.

Cette pratique ne s'est introduite qu'insensiblement, & n'a pas été d'abord suivie avec bien de l'exactitude : mais aujourd'hui que l'usage du bureau typographique & la nouvelle dénomination des lettres ont instruit les maîtres & les éleves, nous voyons que les Imprimeurs & les Ecrivains sont bien plus exacts sur ce point, qu'on ne l'étoit il y a même peu d'années ; & comme le point que les Grecs ne mettoient pas sur leur iota, qui est notre i, est devenu essentiel à l'i, il semble que l'accent devienne, à plus juste titre, une partie essentielle à l'e fermé, & à l'e ouvert, puisqu'il les caractérise.

1°. On se sert de l'accent aigu pour marquer le son de l'e fermé, bonté, charité, aimé.

2°. On employe l'accent grave sur l'e ouvert, procès, accès, succès.

Lorsqu'un e muet est précédé d'un autre e, celui-ci est plus ou moins ouvert ; s'il est simplement ouvert, on le marque d'un accent grave, il mène, il pèse ; s'il est très-ouvert, on le marque d'un accent circonflexe ; & s'il ne l'est presque point & qu'il soit seulement ouvert bref, on se contente de l'accent aigu, mon pére, une régle : quelques-uns pourtant y mettent le grave.

Il seroit à souhaiter que l'on introduisît un accent perpendiculaire qui tomberoit sur l'e mitoyen, & qui ne seroit ni grave ni aigu.

Quand l'e est fort ouvert, on se sert de l'accent circonflexe, tête, tempête, même, &c.

Ces mots, qui sont aujourd'hui ainsi accentués, furent d'abord écrits avec une s, beste ; on prononçoit alors cette s comme on le fait encore dans nos provinces méridionales, beste, teste, &c. dans la suite on retrancha l's dans la prononciation, & on la laissa dans l'écriture, parce que les yeux y étoient accoûtumés, & au lieu de cette s, on fit la syllabe longue ; & dans la suite on a marqué cette longueur par l'accent circonflexe. Cet accent ne marque donc que la longueur de la voyelle, & nullement la suppression de l's.

On met aussi cet accent sur le vôtre, le nôtre, apôtre, bientôt, maître, afin qu'il donnât, &c. où la voyelle est longue : votre & notre, suivis d'un substantif, n'ont point d'accent.

On met l'accent grave sur l'à, préposition ; rendez à César ce qui appartient à César. On ne met point d'accent sur a, verbe ; il a, habet.

On met ce même accent sur là, adverbe ; il est là. On n'en met point sur la, article ; la raison. On écrit holà avec l'accent grave. On met encore l'accent grave sur où, adverbe ; où est-il ? cet où vient de l'ubi des Latins, que l'on prononçoit oubi, & l'on ne met point d'accent sur ou, conjonction alternative ; vous ou moi, Pierre ou Paul : cet ou vient de aut.

J'ajoûterai, en finissant, que l'usage n'a point encore établi de mettre un accent sur l'e ouvert quand cet e est suivi d'une consonne avec laquelle il ne fait qu'une syllabe ; ainsi on écrit sans accent, la mer, le fer, les hommes, des hommes. On ne met pas non plus d'accent sur l'e qui précede l'r de l'infinitif des verbes, aimer, donner.

Mais comme les maîtres qui montrent à lire, selon la nouvelle dénomination des lettres, en faisant épeler, font prononcer l'e ou ouvert ou fermé, selon la valeur qu'il a dans la syllabe, avant que de faire épeler la consonne qui suit cet é, ces maîtres, aussi-bien que les étrangers, voudroient que, comme on met toûjours le point sur l'i, on donnât toûjours à l'e, dans l'écriture, l'accent propre à en marquer la prononciation ; ce qui seroit, disent-ils, & plus uniforme & plus utile. (F)

ACCENT, quant à la formation ; c'est disent les Ecrivains, une vraie virgule pour l'aigu, un plain oblique incliné de gauche à droite pour le grave, & un angle aigu, dont la pointe est en haut, pour le circonflexe. Cet angle se forme d'un mouvement mixte des doigts & du poignet. Pour l'accent aigu & l'accent grave, ils se forment d'un seul mouvement des doigts.


ACCEPTABLEadj. se dit, au Palais, des offres, des propositions, des voies d'accommodement qui sont raisonnables, & concilient autant qu'il est possible les droits & prétentions respectives des parties litigeantes. (H)


ACCEPTATIONS. f. dans un sens général, l'action de recevoir & d'agréer quelque chose qu'on nous offre, consentement sans lequel l'offre qu'on nous fait ne sauroit être effectuée.

Ce mot vient du Latin acceptatio, qui signifie la même chose.

L'acceptation d'une donation est nécessaire pour sa validité : c'est une solennité qui y est essentielle. Or l'acceptation, disent les Jurisconsultes, est le concours de la volonté ou l'agrément du donataire qui donne la perfection à l'acte, & sans lequel le donateur peut révoquer sa donation quand il lui plaira. Voyez DONATION, &c.

En matiere bénéficiale, les canonistes tiennent que l'acceptation doit être signifiée dans le tems même de la résignation, & non ex intervallo.

En matiere ecclésiastique, elle se prend pour une adhésion aux constitutions des papes ou autres actes, par lesquelles ils ont été reçus & déclarés obligatoires. Voyez CONSTITUTION, BULLE, &c.

Il y a deux sortes d'acceptation, l'une solemnelle, & l'autre tacite.

L'acceptation solemnelle est un acte formel, par lequel l'acceptant condamne expressément quelque erreur ou quelque scandale que le pape a condamné.

Quand une constitution a été acceptée par tous ceux qu'elle regarde plus particulierement, elle est supposée acceptée par tous les prélats du monde chrétien qui en ont eu connoissance : & c'est cet acquiescement qu'on appelle acceptation tacite.

En ce sens la France, la Pologne, & autres états, ont accepté tacitement la constitution contre la doctrine de Molinos & des Quiétistes. De même l'Allemagne, la Pologne, & autres états catholiques, ont accepté tacitement la constitution contre Jansénius, Voyez MOLINISTE, JANSENISTE, &c.

ACCEPTATION, en style de Commerce, se dit des lettres de change & billets à ordre. Or accepter une lettre de change, c'est reconnoître qu'on est débiteur de la somme y portée, & s'engager à la payer à son échéance ; ce qui se fait en apposant simplement par l'accepteur sa signature au bas. Voyez LETTRE DE CHANGE.

L'acceptation se fait ordinairement par celui sur qui la lettre est tirée lorsqu'elle lui est présentée par celui en faveur de qui elle est faite, ou à l'ordre de qui elle est passée. Tant que l'accepteur est maître de sa signature, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'il ait remis la lettre acceptée au porteur, il peut rayer son acceptation, mais il ne le peut plus quand il l'a une fois délivrée. Voyez ACCEPTEUR.

Les lettres payables à vûe n'ont pas besoin d'acceptation, parce qu'elles doivent être payées dès qu'on les présente, ou à défaut de payement protestées. Dans les lettres tirées pour un certain nombre de jours après la vûe, l'acceptation doit être datée, parce que c'est du jour d'icelle que le tems court. La maniere d'accepter dans ce cas, est de mettre au bas, J'accepte pour tel jour, & de signer.

Les lettres de change payables à jour nommé, ou à usance, ou à double usance, n'ont pas besoin d'être datées ; l'usance servant assez pour faire connoître la date du billet. Voyez USANCE. Pour accepter celles-ci, il n'est question que d'écrire au bas, accepté, & de signer.

Si le porteur d'une lettre de change n'en fait point faire l'acceptation à tems, il n'a plus de garantie sur le tireur. Voyez PORTEUR. S'il se contente d'une acceptation à payer dans vingt jours après vûe, tandis que la lettre n'en portoit que huit, les douze jours de surplus sont à ses risques, ensorte que si pendant ces douze jours l'accepteur venoit à faillir, il n'auroit pas de recours contre le tireur. Et si le porteur se contente d'une moindre somme que celle qui est portée par la lettre, le restant est pareillement à ses risques. Voyez PROTET, ENDOSSEMENT. (H)

* Il y a des acceptations sous condition en certain cas, comme sont celles de payer à soi-même, celles qui se font sous protêt simple, & celles sous protêt pour mettre à compte.


ACCEPTERACCEPTER une lettre de change, c’est la souscrire, s’engager au payement de la somme qui y est portée dans le tems marqué ; ce qui s’appelle accepter pour éviter à protêt. Voyez LETTRE DE CHANGE& PROTÊT.

Il faut prendre garde à ne point accepter des lettres que l'on n'ait provision en main, ou qu'on ne soit certain qu'elle sera remise dans le tems ; car quand une fois on a accepté une lettre, on en devient le principal débiteur : il la faut absolument acquiter à son échéance, autrement on seroit poursuivi à la requête de celui qui en est le porteur, après le protêt qu'il en auroit fait faire faute de payement.

Il est d'usage de laisser les lettres de change chez ceux sur qui elles sont tirées pour les accepter : mais les auteurs qui ont écrit du Commerce, remarquent que cet usage est dangereux, & que sur-tout quand une lettre de change est signée au dos pour acquit, & qu'elle n'est pas encore acceptée, comme il peut arriver quelquefois, alors il ne faut jamais la laisser, pour quelque raison que ce soit, chez celui qui doit l'accepter, parce que s'il étoit de mauvaise foi il pourroit en mésuser. Si cependant celui chez qui une lettre de change a été laissée pour accepter, la vouloit retenir sous quelque prétexte que ce fût, la difficulté qu'il feroit de la rendre vaudroit acceptation, & il seroit obligé d'en payer le contenu.

Nous observerons pour ceux qui veulent se mêler du commerce des lettres de change, que celles qui sont tirées des places où le vieux style est en usage, comme à Londres, sur d'autres places où l'on suit le nouveau style, comme à Paris, la date differe ordinairement de dix jours ; c'est-à-dire, que si la lettre est datée à Londres le 11 Mars, ce sera le 21 Mars à Paris ; & ainsi des autres dates. Cette observation n'est pas également sûre pour tous les lieux où l'ancien style est en usage. En Suede, par exemple, la différence est toûjours de dix jours ; ce qui a changé en Angleterre depuis 1700, où elle a commencé d'être d'onze jours, à cause que cette année n'a pas été bissextile. Voyez NOUVEAU STYLE & VIEUX STYLE. (G)


ACCEPTEURS. m. terme de Commerce, est celui qui accepte une lettre de change. Voyez ACCEPTATION.

L'accepteur, qui ordinairement est celui sur qui la lettre de change est tirée, devient débiteur personnel par son acceptation, & est obligé à payer quand même le tireur viendroit à faillir avant l'échéance. Voyez CHANGE. (G)

* Parmi les Négocians on se sert quelquefois du terme d'acceptator, qui signifie la même chose. Voyez ACCEPTATION.


ACCEPTILATIONS. f. terme de Jurisprudence Romaine ; remise qu'on fait de sa créance à son débiteur par un acte exprès ou quittance, par laquelle on le décharge de sa dette sans en recevoir le payement. (H)


ACCEPTIONS. f. terme de Grammaire ; c'est le sens que l'on donne à un mot. Par exemple, ce mot esprit, dans sa premiere acception, signifie vent, souffle : mais en Métaphysique il est pris dans une autre acception. On ne doit pas dans la suite du même raisonnement le prendre dans une acception différente.

Acceptio vocis est interpretatio vocis ex mente ejus qui excipit. Sicul. pag. 18. L'acception d'un mot que prononce quelqu'un qui vous parle, consiste à entendre ce mot dans le sens de celui qui l'employe : si vous l'entendez autrement, c'est une acception différente. La plûpart des disputes ne viennent que de ce qu'on ne prend pas le même mot dans la même acception. On dit qu'un mot a plusieurs acceptions, quand il peut être pris en plusieurs sens différens : par exemple, coin se prend pour un angle solide, le coin de la chambre, de la cheminée ; coin signifie une piece de bois ou de fer qui sert à fendre d'autres corps ; coin, en terme de monnoie, est un instrument de fer qui sert à marquer les monnoies, les médailles & les jettons ; coin ou coing est le fruit du coignassier. Outre le sens propre qui est la premiere acception d'un mot, on donne encore souvent au même mot un sens figuré : par exemple, on dit d'un bon livre qu'il est marqué au bon coin : coin est pris alors dans une acception figurée ; on dit plus ordinairement dans un sens figuré. (F)

ACCEPTION, en Medecine, se dit de tout ce qui est reçû dans le corps, soit par la peau, soit par le canal alimentaire. (N)


ACCÈce mot vient du Latin accessus, qui signifie approcher, l'action par laquelle un corps s'approche de l'autre : mais il n'est pas usité en François dans ce sens littéral. Il signifie dans l'usage ordinaire, abord, entrée, facilité d'aborder quelqu'un, d'en approcher. V. ENTREE, ADMISSION. Ainsi l'on dit : cet homme a accès auprès du prince ; cette côte est de difficile accès, à cause des rochers qui la bordent. (F)

* ACCES, avoir accès, aborder, approcher : on a accès où l'on entre ; on aborde les personnes à qui l'on veut parler ; on approche celles avec qui l'on est souvent. Les princes donnent accès, se laissent aborder, permettent qu'on les approche ; l'accès en est facile ou difficile ; l'abord rude ou gracieux ; l'approche utile ou dangereuse. Qui a des connoissances peut avoir accès ; qui a de la hardiesse aborde ; qui joint à la hardiesse un esprit souple & flateur, peut approcher les grands. Voyez les Synonymes de M. l'Abbé Girard.

ACCES, en Medecine, se dit du retour périodique de certaines maladies qui laissent de tems en tems des intervalles de relâche au malade. V. PERIODIQUE.

Ainsi l'on dit un accès de goutte, mais plus spécialement un accès de fievre, d'épilepsie, de folie : on dit aussi un accès prophétique.

On confond bien souvent accès avec paroxisme ; cependant ce sont deux choses différentes ; l'accès n'étant proprement que le commencement ou la premiere attaque de la maladie ; au lieu que le paroxysme en est le plus fort & le plus haut degré. Voyez PAROXYSME. (N)

ACCES, terme usité à la cour de Rome, lorsqu'à l'élection des papes les voix se trouvant partagées, quelques cardinaux se désistent de leur premier suffrage, & donnent leur voix à un sujet qui en a déjà d'autres, pour en augmenter le nombre. Ce mot vient du Latin accessus, dérivé d'accedo, accéder, se joindre.

ACCES, en Droit canonique, signifioit la faculté qu'on accordoit à quelqu'un pour posséder un bénéfice après la mort du titulaire, ou parce que celui à qui on accordoit cette faculté n'avoit pas encore l'âge compétent, auquel cas on donnoit en attendant le bénéfice à un autre ; & lorsqu'il avoit atteint l'âge requis, il entroit dans son bénéfice sans nouvelle provision.

Le concile de Trente, session XXV. chap. vij. a abrogé les accès : il réserve seulement au pape la faculté de nommer des coadjuteurs aux archevêques & évêques, pourvû qu'il y ait nécessité pressante, & que ce soit en connoissance de cause.

La différence que les canonistes mettent entre l'accès & le regrès, c'est que le regrès habet causam de praeterito, parce qu'il faut pour l'exercer avoir eu droit au bénéfice ; au lieu que l'accès habet causam de futuro. Voyez REGRES. (H)


ACCESSIBLEadj. ce dont on peut aborder, qui peut être approché.

On dit : cette place ou cette forteresse est accessible du côté de la mer, c'est-à-dire, qu'on peut y entrer par ce côté-là.

Une hauteur ou distance accessible, en Géométrie, est celle qu'on peut mesurer méchaniquement en y appliquant la mesure ; ou bien c'est une hauteur du pié de laquelle on peut approcher, & d'où l'on peut mesurer quelque distance sur le terrein. Voyez DISTANCE, &c.

Avec le quart de cercle on peut prendre les hauteurs, tant accessibles qu'inaccessibles. Voy. HAUTEUR, QUART DE CERCLE, &c.

Un des objets de l'arpentage est de mesurer nonseulement les distances accessibles, mais aussi les inaccessibles. Voyez ARPENTAGE. (E)


ACCESSIONS. f. terme de Pratique, est l'action d'aller dans un lieu. Ainsi l'on dit en ce sens : le juge a ordonné une accession en tel endroit, pour y dresser un procès verbal de l'état des choses.

ACCESSION, en Droit, est l'union, l'adjection d'une chose à une autre, au moyen de laquelle celle qui a été ajoûtée, commence dès-lors à appartenir au propriétaire de la premiere. Voyez ACCESSOIRE & ACCROISSEMENT.

Accession est encore synonyme à accès, terme usité à la cour de Rome. Voyez ci-dessus ACCES. (H)


ACCESSITterme Latin usité dans les colléges, se dit dans les distributions des prix, des écoliers qui ont le mieux réussi après ceux qui ont obtenu les prix, & qui par conséquent en ont le plus approché. Il y a presque toûjours plusieurs accessit. Les Académies qui distribuent des prix donnent souvent aussi des accessit.


ACCESSOIREterme de Droit civil, est une chose ajoûtée ou survenue à une autre plus essentielle, ou d'un plus grand prix. Voyez ACCESSION.

En ce sens, accessoire est opposé à principal.

Ainsi l'on dit en Droit que la pourpre en laquelle on a teint un drap, n'étant que l'accessoire du drap, appartient à celui qui est le maître du drap. (H)

ACCESSOIRES, adj. pris subst. accessoires de Willis ou par accessorium, en Anatomie, sont une paire de nerfs qui viennent de la moelle épiniere, entre la partie antérieure & postérieure de la quatrieme paire des nerfs cervicaux ; ensuite ils montent vers le crane, & y étant entrés, ils en sortent avec la paire vague ou huitieme paire, enveloppés avec elle dans une membrane commune ; après quoi ils abandonnent la huitieme paire, & vont se distribuer aux muscles du cou & de l'omoplate.

Ces nerfs-ci en montant vers le crane, reçoivent des branches de chacune des cinq premieres paires cervicales près de leur origine de la moelle de l'épine, & fournissent des rameaux aux muscles du larynx, du pharynx, &c. s'unissant avec une branche du nerf intercostal, ils forment le plexus ganglio-forme. Voyez PLEXUS. (N)

ACCESSOIRES, s. m. pl. en Peinture, sont des choses qu'on fait entrer dans la composition d'un tableau, comme vases, armures, animaux, qui sans y être absolument nécessaires, servent beaucoup à l'embellir, lorsque le Peintre sait les y placer sans choquer les convenances. (R)


ACCHOville de Phénicie qui fut donnée à la tribu d'Azer. Il y en a qui prétendent que c'est la même ville que Acé ou Ptolémaïs ; d'autres, que c'est Accon.


ACCIDENTS. m. terme de Grammaire ; il est surtout en usage dans les anciens Grammairiens ; ils ont d'abord regardé le mot comme ayant la propriété de signifier. Telle est, pour ainsi dire, la substance du mot, c'est ce qu'ils appellent nominis positio : ensuite ils ont fait des observations particulieres sur cette position ou substance métaphysique, & ce sont ces observations qui ont donné lieu à ce qu'ils ont appellé accidens des dictions, dictionum accidentia.

Ainsi par accident les Grammairiens entendent une propriété, qui, à la vérité, est attachée au mot, mais qui n'entre point dans la définition essentielle du mot ; car de ce qu'un mot sera primitif, ou qu'il sera dérivé, simple ou composé, il n'en sera pas moins un terme ayant une signification. Voici quels sont ces accidens.

1. Toute diction ou mot peut avoir un sens propre ou un sens figuré. Un mot est au propre, quand il signifie ce pourquoi il a été premierement établi : le mot lion a été d'abord destiné à signifier cet animal qu'on appelle lion : je viens de la foire, j'y ai vû un beau lion ; lion est pris là dans le sens propre : mais si en parlant d'un homme emporté, je dis que c'est un lion, lion est alors dans un sens figuré. Quand par comparaison ou analogie un mot se prend en quelque sens autre que celui de sa premiere destination, cet accident peut être appellé l'acception du mot.

2. En second lieu, on peut observer si un mot est primitif, ou s'il est dérivé.

Un mot est primitif, lorsqu'il n'est tiré d'aucun autre mot de la langue dans laquelle il est en usage. Ainsi en François, ciel, roi, bon, sont des mots primitifs.

Un mot est dérivé lorsqu'il est tiré de quelqu'autre mot comme de sa source : ainsi céleste, royal, royaume, royauté, royalement, bonté, bonnement, sont autant de dérivés. Cet accident est appellé par les Grammairiens l'espece du mot ; ils disent qu'un mot est de l'espece primitive ou de l'espece dérivée.

3. On peut observer si un mot est simple ou s'il est composé : juste, justice, sont des mots simples ; injuste, injustice, sont composés. En Latin res est un mot simple, publica est encore simple ; mais respublica est un mot composé.

Cet accident d'être simple ou d'être composé a été appellé par les anciens Grammairiens la figure. Ils disent qu'un mot est de la figure simple ou qu'il est de la figure composée ; en sorte que figure vient ici de fingere, & se prend pour la forme ou constitution d'un mot qui peut être ou simple ou composé. C'est ainsi que les anciens ont appellé vasa fictilia, ces vases qui se font en ajoûtant matiere à matiere, & figulus l'ouvrier qui les fait, à fingendo.

4. Un autre accident des mots regarde la prononciation ; sur quoi il faut distinguer l'accent, qui est une élévation ou un abaissement de la voix toûjours invariable dans le même mot ; & le ton & l'emphase qui sont des inflexions de voix qui varient selon les diverses passions & les différentes circonstances, un ton fier, un ton soûmis, un ton insolent, un ton piteux. Voyez ACCENT.

Voilà quatre accidens qui se trouvent en toutes sortes des mots. Mais de plus chaque sorte particuliere de mots a ses accidens qui lui sont propres ; ainsi le nom substantif a encore pour accidens le genre (Voyez GENRE), le cas, la déclinaison, le nombre, qui est ou singulier ou pluriel, sans parler du duel des Grecs.

Le nom adjectif a un accident de plus, qui est la comparaison ; doctus, doctior, doctissimus ; savant, plus savant, très-savant.

Les pronoms ont les mêmes accidens que les noms.

A l'égard des verbes, ils ont aussi par accident l'acception, qui est ou propre ou figurée : ce vieillard marche d'un pas ferme ; marcher est là au propre : celui qui me suit ne marche point dans les ténebres, dit Jesus-Christ ; suit & marche sont pris dans un sens figuré, c'est-à-dire, que celui qui pratique les maximes de l'évangile a une bonne conduite, & n'a pas besoin de se cacher ; il ne fuit point la lumiere, il vit sans crainte & sans remords.

2. L'espece est aussi un accident des verbes ; ils sont ou primitifs, comme parler, boire, sauter, trembler ; ou dérivés, comme parlementer, buvoter, sautiller, trembloter. Cette espece de verbes dérivés en renferme plusieurs autres ; tels sont les inchoatifs, les fréquentatifs, les augmentatifs, les diminutifs, les imitatifs, & les désidératifs.

3. Les verbes ont aussi la figure, c'est-à-dire, qu'ils sont simples, comme venir, tenir, faire ; ou composés, comme prévenir, convenir, refaire, &c.

4. La voix ou forme du verbe : elle est de trois sortes ; la voix ou forme active, la voix passive, & la forme neutre.

Les verbes de la voix active, sont ceux dont les terminaisons expriment une action qui passe de l'agent au patient, c'est-à-dire, de celui qui fait l'action sur celui qui la reçoit : Pierre bat Paul ; bat est un verbe de la forme active ; Pierre est l'agent, Paul est le patient, ou le terme de l'action de Pierre : Dieu conserve ses créatures ; conserve est un verbe de la forme active.

Le verbe est à la voix passive, lorsqu'il signifie que le sujet de la proposition est le patient, c'est-à-dire, qu'il est le terme de l'action ou du sentiment d'un autre : les méchans sont punis, vous serez pris par les ennemis ; sont punis, serez pris, sont de la forme passive.

Le verbe est à la forme neutre, lorsqu'il signifie une action ou un état qui ne passe point du sujet de la proposition sur aucun autre objet extérieur ; comme il pâlit, il engraisse, il maigrit, nous courons, il badine toûjours, il rit, vous rajeunissez, &c.

5. Le mode, c'est-à-dire, les différentes manieres d'exprimer ce que le verbe signifie, ou par l'indicatif qui est le mode direct & absolu, ou par l'impératif, ou par le subjonctif, ou enfin par l'infinitif.

6. Le sixieme accident des verbes, c'est de marquer le tems par des terminaisons particulieres : j'aime, j'aimois, j'ai aimé, j'avois aimé, j'aimerai.

7. Le septieme accident est de marquer les personnes grammaticales, c'est-à-dire, les personnes relativement à l'ordre qu'elles tiennent dans la formation du discours ; & en ce sens il est évident qu'il n'y a que trois personnes.

La premiere est celle qui fait le discours, c'est-à-dire, celle qui parle, je chante ; je est la premiere personne, & chante est le verbe à la premiere personne, parce qu'il est dit de cette premiere personne.

La seconde personne est celle à qui le discours s'adresse ; tu chantes, vous chantez, c'est la personne à qui l'on parle.

Enfin lorsque la personne ou la chose dont on parle n'est ni à la premiere ni à la seconde personne, alors le verbe est dit être à la troisieme personne : Pierre écrit, écrit est à la troisieme personne ; le soleil luit, luit est à la troisieme personne du présent de l'indicatif du verbe luire.

En Latin & en Grec les personnes grammaticales sont marquées, aussi bien que les tems, d'une maniere plus distincte, par des terminaisons particulieres ; ; canto, cantas, cantat, cantavi, cantavisti, cantavit, cantaveram, cantabo, &c. au lieu qu'en François la différence des terminaisons n'est pas souvent bien sensible ; & c'est pour cela que nous joignons aux verbes les pronoms qui marquent les personnes ; je chante, tu chantes, il chante.

8. Le huitieme accident du verbe est la conjugaison. La conjugaison est une distribution ou liste de toutes les parties & de toutes les inflexions du verbe, selon une certaine analogie. Il y a quatre sortes d'analogies en Latin par rapport à la conjugaison ; ainsi il y a quatre conjugaisons : chacune a son paradigme, c'est-à-dire un modele sur lequel chaque verbe régulier doit être conjugué : ainsi amare, selon d'autres cantare, est le paradigme des verbes de la premiere conjugaison, & ces verbes, selon leur analogie, gardent l'a long de l'infinitif dans presque tous leurs tems & dans presque toutes les personnes. Amare, amabam, amavi, amaveram, amabo, amandum, amatum, &c.

Les autres conjugaisons ont aussi leur analogie & leur paradigme.

Je crois qu'à ces quatre conjugaisons on doit en ajoûter une cinquieme, qui est une conjugaison mixte, en ce qu'elle a des personnes qui suivent l'analogie de la troisieme conjugaison, & d'autres celle de la quatrieme ; tels sont les verbes en ere, io, comme capere, capio ; on dit à la premiere personne du passif capior, je suis pris, comme audior ; cependant on dit caperis à la seconde personne, & non capiris, quoiqu'on dise audior, audiris. Comme il y a plusieurs verbes en ere, io, suscipere, suscipio, interficere, interficio, elicere, io, excutere, io, fugere, fugio, &c. & que les commençans sont embarrassés à les conjuguer, je crois que ces verbes valent bien la peine qu'on leur donne un paradigme ou modele.

Nos Grammairiens comptent aussi quatre conjugaisons de nos verbes François.

1. Les verbes de la premiere conjugaison ont l'infinitif en er, donner.

2. Ceux de la seconde ont l'infinitif en ir, punir.

3. Ceux de la troisieme ont l'infinitif en oir, devoir.

4. Ceux de la quatrieme ont l'infinitif en re, dre, tre, faire, rendre, mettre.

La Grammaire de la Touche voudroit une cinquieme conjugaison des verbes en aindre, eindre, oindre, tels que craindre, feindre, joindre, parce que ces verbes ont une singularité qui est de prendre le g pour donner un son mouillé à l'n en certains tems, nous craignons, je craignis, je craignisse, craignant.

Mais le P. Buffier observe qu'il y a tant de différentes inflexions entre les verbes d'une même conjugaison, qu'il faut, ou ne reconnoître qu'une seule conjugaison, ou en reconnoître autant que nous avons de terminaisons différentes dans les infinitifs. Or M. l'abbé Regnier observe que la langue Françoise a jusqu'à vingt-quatre terminaisons différentes à l'infinitif.

9. Enfin le dernier accident des verbes est l'analogie ou l'anomalie, c'est-à-dire d'être réguliers & de suivre l'analogie de leur paradigme, ou bien de s'en écarter ; & alors on dit qu'ils sont irréguliers ou anomaux.

Que s'il arrive qu'ils manquent de quelque mode, de quelque tems, ou de quelque personne, on les appelle défectifs.

A l'égard des prépositions, elles sont toutes primitives & simples, à, de, dans, avec, &c. sur quoi il faut observer qu'il y a des langues qui énoncent en un seul mot ces vûes de l'esprit, ces rapports, ces manieres d'être ; au lieu qu'en d'autres langues, ces mêmes rapports sont divisés par l'élocution & exprimés par plusieurs mots : par exemple, coram patre, en présence de son pere ; ce mot coram, en Latin, est un mot primitif & simple, qui n'exprime qu'une maniere d'être considérée par une vûe simple de l'esprit.

L'élocution n'a point en François de terme pour l'exprimer ; on la divise en trois mots, en présence de. Il en est de même de propter, pour l'amour de ; ainsi de quelques autres expressions que nos Grammairiens François ne mettent au nombre des prépositions, que parce qu'elles répondent à des prépositions Latines.

La préposition ne fait qu'ajoûter une circonstance ou maniere au mot qui précede, & elle est toûjours considérée sous le même point de vûe ; c'est toûjours la même maniere ou circonstance qu'elle exprime ; il est dans ; que ce soit dans la ville, ou dans la maison, ou dans le coffre, ce sera toûjours être dans. Voilà pourquoi les prépositions ne se déclinent point.

Mais il faut observer qu'il y a des propositions séparables, telles que dans, sur, avec, &c. & d'autres qui sont appellées inséparables, parce qu'elles entrent dans la composition des mots, de façon qu'elles n'en peuvent être séparées sans changer la signification particuliere du mot ; par exemple, refaire, surfaire, défaire, contrefaire, ces mots, re, sur, dé, contre, &c. sont alors des prépositions inséparables, tirées du Latin. Nous en parlerons plus en détail au mot PREPOSITION.

A l'égard de l'adverbe, c'est un mot qui, dans sa valeur, vaut autant qu'une préposition & son complément. Ainsi prudemment, c'est avec prudence ; sagement, avec sagesse, &c. Voyez ADVERBE.

Il y a trois accidens à remarquer dans l'adverbe outre la signification, comme dans tous les autres mots. Ces trois accidens sont,

1. L'espece, qui est ou primitive ou dérivative : ici, là, ailleurs, quand, lors, hier, où, &c. sont des adverbes de l'espece primitive, parce qu'ils ne viennent d'aucun autre mot de la langue.

Au lieu que justement, sensément, poliment, absolument, tellement, &c. sont de l'espece dérivative ; ils viennent des noms adjectifs juste, sensé, poli, absolu, tel, &c.

2. La figure, c'est d'être simple ou composé. Les adverbes sont de la figure simple, quand aucun autre mot ni aucune préposition inséparable n'entre dans leur composition ; ainsi justement, lors, jamais, sont des adverbes de la figure simple.

Mais injustement, alors, aujourd'hui, & en Latin hodie, sont de la figure composée.

3. La comparaison est le troisieme accident des adverbes. Les adverbes qui viennent des noms de qualité se comparent, justement, plus justement, très ou fort justement, le plus justement, bien, mieux, le mieux, mal, pis, le pis, plus mal, très-mal, fort mal, &c.

A l'égard de la conjonction, c'est-à-dire, de ces petits mots qui servent à exprimer la liaison que l'esprit met entre des mots & des mots, ou entre des phrases & des phrases ; outre leur signification particuliere, il y a encore leur figure & leur position.

1. Quant à la figure, il y en a de simples, comme &, ou, mais, si, car, ni, &c.

Il y en a beaucoup de composées, & si, mais, si, & même il y en a qui sont composées de noms ou de verbes ; par exemple, à moins que, desorte que, bien entendu que, pourvû que.

2. Pour ce qui est de leur position, c'est-à-dire, de l'ordre ou rang que les conjonctions doivent tenir dans le discours, il faut observer qu'il n'y en a point qui ne suppose au moins un sens précédent ; car ce qui joint doit être entre deux termes. Mais ce sens peut quelquefois être transposé, ce qui arrive avec la conditionnelle si, qui peut fort bien commencer un discours ; si vous êtes utile à la société, elle pourvoira à vos besoins. Ces deux phrases sont liées par la conjonction si ; c'est comme s'il y avoit, la société pourvoira à vos besoins, si vous y êtes utile.

Mais vous ne sauriez commencer un discours par mais, &, or, donc, &c. c'est le plus ou moins de liaison qu'il y a entre la phrase qui suit une conjonction & celle qui la précede, qui doit servir de regle pour la ponctuation.

* Ou s'il arrive qu'un discours commence par un or ou un donc, ce discours est censé la suite d'un autre qui s'est tenu intérieurement, & que l'orateur ou l'écrivain a sous-entendu, pour donner plus de véhémence à son début. C'est ainsi qu'Horace a dit au commencement d'une ode :

Ergo Quintilium perpetuus sopor

Urget....

Et Malherbe dans son ode à Louis XIII. partant pour la Rochelle :

Donc un nouveau labeur à tes armes s'apprête ;

Prens ta foudre, Louis....

A l'égard des interjections, elles ne servent qu'à marquer des mouvemens subits de l'ame. Il y a autant de sortes d'interjections, qu'il y a de passions différentes. Ainsi il y en a pour la tristesse & la compassion, hélas, ha ! pour la douleur ai, ai, ha ! pour l'aversion & le dégoût, fi. Les interjections ne servant qu'à ce seul usage, & n'étant jamais considérées que sous la même face, ne sont sujettes à aucun autre accident. On peut seulement observer qu'il y a des noms, des verbes, & des adverbes, qui étant prononcés dans certains mouvemens de passions, ont la force de l'interjection, courage, allons, bon-Dieu, voyez, marche, tout-beau, paix, &c. c'est le ton plûtôt que le mot qui fait alors l'interjection. (F)

ACCIDENT, s. m. en Logique, quand on joint une idée confuse & indéterminée de substance avec une idée distincte de quelque mode : cette idée est capable de représenter toutes les choses où sera ce mode ; comme l'idée de prudent, tous les hommes prudens ; l'idée de rond, tous les corps ronds. Cette idée exprimée par un terme adjectif, prudent, rond, donne le cinquieme universel qu'on appelle accident, parce qu'il n'est pas essentiel à la chose à laquelle on l'attribue ; car s'il l'étoit, il seroit différence ou propre.

Mais il faut remarquer ici, que quand on considere deux substances ensemble, on peut en considérer une comme mode de l'autre. Ainsi un homme habillé peut être considéré comme un tout composé de cet homme & de ses habits : mais être habillé à l'égard de cet homme, est seulement un mode ou une façon d'être, sous laquelle on le considere, quoique ses habits soient des substances. V. UNIVERSAUX. (X)

* Les Aristotéliciens, après avoir distribué les êtres en dix classes, réduisoient ces dix classes à deux générales ; à la classe de la substance, ou de l'être qui existe par lui-même, & à la classe de l'accident, ou de l'être qui est dans un autre comme dans un sujet.

De la classe de l'accident, ils en faisoient neuf autres, la quantité, la relation, la qualité, l'action, la passion, le tems, le lieu, la situation, & l'habitude.

ACCIDENT, en Medecine, signifie une révolution qui occasionne une maladie, ou quelqu'autre chose de nouveau qui donne de la force à une maladie déjà existante. La suppression subite des crachats dans la péripneumonie est un accident fâcheux. Les plus fameux praticiens en Medecine recommandent d'avoir communément plûtôt égard à la violence des accidens qu'à la cause de la maladie ; parce que leur durée pourroit tellement augmenter la maladie, qu'elle deviendroit incurable. Voyez SYMPTOME. (N)

ACCIDENT, en Peinture. On dit des accidens de lumiere, lorsque les nuages interposés entre le soleil & la terre produisent sur la terre des ombres qui l'obscurcissent par espace ; l'effet que produit le soleil sur ces espaces qui en restent éclairés, s'appelle accident de lumiere. Ces accidens produisent des effets merveilleux dans un tableau.

On appelle encore accident de lumiere, les rayons qui viennent par une porte, par une lucarne, ou d'un flambeau, lorsque cependant ils ne font pas la lumiere principale d'un tableau. (R)

ACCIDENT, se dit aussi en Fauconnerie. Les oiseaux de proie sont sujets à plusieurs accidens ; il arrive quelquefois que les faucons sont blessés en attaquant le milan ou le héron : si la blessure est légere, vous la guérirez avec le remede suivant : mettez dans un pot verni une pinte de bon verjus ; faites-y infuser pendant douze heures pimprenelle & consoude de chacune une poignée, avec deux onces d'aloès & autant d'encens, une quantité suffisante d'origan, & un peu de mastic : l'infusion étant faite, passez le tout par un linge avec expression, & gardez ce remede pour le besoin. On se sert de cette colature pour étuver doucement la blessure qui se guérit par ce moyen aisément.

Si la blessure est considérable, il faut d'abord couper la plume pour empêcher qu'elle ne s'y attache, & y mettre une tente imbibée de baume ou d'huile de millepertuis.

Si la blessure est interne, ayant été causée par l'effort qu'a fait le faucon en fondant sur sa proie, il faut prendre un boyau de poule ou de pigeon, vuider & laver bien ce boyau, puis mettre dedans de la momie, & faire avaler le tout à l'oiseau ; il vomira sur le champ le sang qui sera caillé dans son corps, & peu de tems après il sera guéri.

Si la blessure de l'oiseau est considérable, mais extérieure, & que les nerfs soient offensés, il faudra premierement la bien étuver avec un liniment fait avec du vin blanc, dans lequel on aura fait infuser des roses seches, de l'écorce de grenade, un peu d'absinthe & d'alun ; ensuite on y appliquera de la térébenthine.


ACCIDENTELadj. en Physique, se dit d'un effet qui arrive, ou d'une cause qui arrive par accident, pour ainsi dire, sans être ou du moins sans paroître sujette à des lois, ni à des retours réglés. En ce sens accidentel est opposé à constant & principal. Ainsi la situation du soleil à l'égard de la terre, est la cause constante & principale du chaud de l'été, & du froid de l'hyver : mais les vents, les pluies, &c. en sont les causes accidentelles, qui alterent & modifient souvent l'action de la cause principale.

Point accidentel, en Perspective, est un point de la ligne horisontale où se rencontrent les projections de deux lignes qui sont paralleles l'une à l'autre, dans l'objet qu'on veut mettre en perspective, & qui ne sont pas perpendiculaires au tableau. On appelle ce point accidentel, pour le distinguer du point principal, qui est le point où tombe la perpendiculaire menée de l'oeil au tableau, & où se rencontrent les projections de toutes les lignes perpendiculaires au tableau. Voyez LIGNE HORISONTALE. (O)


ACCILS. m. (Chimie.) il y en a qui se sont servis de ce mot pour signifier le plomb. Voyez PLOMB, SATURNE, ALABARI, AABAM. (M)


ACCIOCAherbe qui croît au Pérou, & que l'on substitue à l'herbe du Paraguai, dont on lui croit les propriétés. Voyez PARAGUAI.


ACCISES. f. terme de Commerce, droit qui se paye à Amsterdam, & dans tous les états des Provinces-Unies, sur diverses sortes de marchandises & de denrées, comme sont le froment, & d'autres grains, la biere, les tourbes, le charbon de terre.

Les droits d'accise du froment se payent à Amsterdam à raison de trente sous le lost, soit que les grains soient chers, soit qu'ils soient à bon marché, outre les droits d'entrée qui sont de dix florins, non compris ce que les Boulangers & les bourgeois payent pour le mesurage, le courtage, & le port à leurs maisons. (G)


ACCLAMATIONS. f. marque de joie ou d'applaudissement par lequel le public témoigne son estime ou son approbation. L'antiquité nous a transmis plusieurs sortes d'acclamations. Les Hébreux avoient coûtume de crier hosanna ; les Grec , bonne fortune. Il est parlé dans les Historiens, de quelques magistrats d'Athenes qui étoient élûs par acclamation. Cette acclamation ne se manifestoit point par des cris, mais en élevant les mains. Les Barbares témoignoient leur approbation par un bruit confus de leurs armes. Nous connoissons plus en détail sur ce point les usages des Romains, dont on peut réduire les acclamations à trois especes différentes ; celles du peuple, celles du sénat, & celles des assemblées des gens de Lettres.

Les acclamations du peuple avoient lieu aux entrées des généraux & des empereurs, aux spectacles donnés par les princes ou les magistrats, & aux triomphes des vainqueurs. D'abord ce n'étoit que les cris confus d'une multitude transportée de joie, & l'expression simple & sans fard de l'admiration publique, plausus tunc arte carebat, dit Ovide. Mais sous les empereurs, & même dès Auguste, ce mouvement impétueux auquel le peuple s'abandonnoit comme par enthousiasme, devint un art, un concert apprêté. Un Musicien donnoit le ton, & le peuple faisant deux choeurs répétoit alternativement la formule d'acclamation. La fausse nouvelle de la convalescence de Germanicus s'étant répandue à Rome, le peuple courut en foule au capitole avec des flambeaux & des victimes en chantant, salva Roma, salva patria, salvus est Germanicus. Néron, passionné pour la musique, lorsqu'il joüoit de la lyre sur le théatre, avoit pour premiers acclamateurs Seneque & Burrhus, puis cinq mille soldats nommés Augustales, qui entonnoient ses loüanges, que le reste des spectateurs étoit obligé de répéter. Ces acclamations en musique durerent jusqu'à Théodoric. Aux acclamations se joignoient les applaudissemens aussi en cadence. Les formules les plus ordinaires étoient feliciter, longiorem vitam, annos felices ; celles des triomphes étoient des vers à la loüange du général, & les soldats & le peuple crioient par intervalles ïo triumphe : mais à ces loüanges le soldat mêloit quelquefois des traits piquans & satyriques contre le vainqueur.

Les acclamations du sénat, quoique plus sérieuses, avoient le même but d'honorer le Prince, & souvent de le flatter. Les sénateurs marquoient leur consentement à ses propositions par ces formules, omnes, omnes, aequum est, justum est. On a vû des élections d'empereurs se faire par acclamation, sans aucune délibération précédente.

Les gens de Lettres récitoient ou déclamoient leurs pieces dans le capitole ou dans les temples, & en présence d'une nombreuse assemblée. Les acclamations s'y passoient à-peu-près comme celles des spectacles, tant pour la musique que pour les accompagnemens. Elles devoient convenir au sujet & aux personnes ; il y en avoit de propres pour les Philosophes, pour les Orateurs, pour les Historiens, pour les Poëtes. Une des formules les plus ordinaires étoit le sophos qu'on répétoit trois fois. Les comparaisons & les hyperboles n'étoient point épargnées, surtout par les admirateurs à gages payés pour applaudir ; car il y en avoit de ce genre, au rapport de Philostrate. (G)


ACCLAMPERacclampe, mât acclampé, mât jumellé. C'est un mât fortifié par les pieces de bois attachées à ses côtés. Voyez CLAMP & JUMELLE. (Z)


ACCLIVITASsub. f. pente d'une ligne ou d'un plan incliné à l'horison, prise en montant. Voyez PLAN incliné.

Ce mot est tout Latin : il vient de la proposition ad, & de clivus, pente, penchant.

La raison pour laquelle nous insérons ici ce mot, c'est qu'il se trouve dans quelques ouvrages de Physique & de Méchanique, & qu'il n'y a point de mot François qui lui réponde.

La pente, prise en descendant, se nomme declivitas.

Quelques auteurs de Fortifications ont employé acclivitas pour synonyme à talud.

Cependant le mot talud est d'ordinaire employé indifféremment pour désigner la pente, soit en montant, soit en descendant. (O)


ACCOINTANCES. f. vieux mot qui s'employe encore quelquefois au Palais, pour signifier un commerce illicite avec une femme ou une fille. (H)


ACCOISEMENTS. m. terme de Medecine. Il n'est d'usage que dans cette phrase, l'accoisement des humeurs ; & il désigne alors la cessation d'un mouvement excessif excité en elles par quelque cause que ce soit. Voyez CALME. (N)


ACCOISERv. act. en Medecine, calmer, appaiser, rendre coi. Accoiser les humeurs, les humeurs sont accoisées. (N)


ACCOLADES. f. cérémonie qui se pratiquoit en conférant un ordre de chevalerie, dans le tems où les chevaliers étoient reçûs en cette qualité par les princes Chrétiens. Elle consistoit en ce que le prince armoit le nouveau chevalier, l'embrassoit ensuite en signe d'amitié, & lui donnoit sur l'épaule un petit coup du plat d'une épée. Cette marque de faveur & de bienveillance est si ancienne, que Grégoire de Tours écrit que les rois de France de la premiere race, donnant le baudrier & la ceinture dorée, baisoient les chevaliers à la joue gauche, en proférant ces paroles, au nom du Pere & du Fils & du Saint-Esprit, & comme nous venons de dire, les frappoient de l'épée legerement sur l'épaule. Ce fut de la sorte que Guillaume le conquérant, roi d'Angleterre, conféra la chevalerie à Henri son fils âgé de dix-neuf ans, en lui donnant encore des armes ; & c'est pour cette raison que le chevalier qui recevoit l'accolade étoit nommé chevalier d'armes, & en Latin miles ; parce qu'on le mettoit en possession de faire la guerre, dont l'épée, le haubert, & le heaume, étoient les symboles. On y ajoûtoit le collier comme la marque la plus brillante de la chevalerie. Il n'étoit permis qu'à ceux qui avoient ainsi reçu l'accolade, de porter l'épée & de chausser des éperons dorés ; d'où ils étoient nommés equites aurati, différant par-là des écuyers qui ne portoient que des éperons argentés. En Angleterre, les simples chevaliers ne pouvoient porter que des cornettes chargées de leurs armes : mais le roi les faisoit souvent chevaliers bannerets en tems de guerre, leur permettant de porter la banniere comme les barons. Voyez BANNERET. (G)

ACCOLADE, en Musique, est un trait tiré à la marge de haut en bas, par lequel on joint ensemble dans une partition les portées de toutes les différentes parties. Comme toutes ces parties doivent s'exécuter en même tems, on compte les lignes d'une partition, non par le nombre des portées, mais par celui des accolades ; car tout ce qui est sous une accolade ne forme qu'une seule ligne. Voyez PARTITION. (S)


ACCOLAGES. m. se dit de la vigne : c'est un travail qui consiste à attacher les sarmens aux échalas. Il y a des pays où on les lie ou accole, car ces termes sont synonymes, aussitôt qu'ils sont taillés. Il y en a d'autres où on n'accole que ceux qui sont crûs depuis la taille.

Il faut commencer l'accolage de bonne heure. On dit que pour qu'il fût aussi utile qu'il doit l'être, il faudroit s'y prendre à deux fois : la premiere, on accoleroit les bourgeons des jeunes vignes au bas seulement, afin qu'ils ne se mêlassent point les uns avec les autres, ni par le milieu, ni par le haut ; cette précaution empêcheroit qu'on ne les cassât, quand il s'agiroit de les séparer pour les accoler entierement. La seconde fois on les accoleroit tous généralement. Quoiqu'entre les bourgeons il y en eût de plus grands les uns que les autres, il seroit nécessaire de les accoler tous la premiere fois & par le haut & par le bas : si on attendoit qu'ils fussent tous à-peu-près de la même hauteur pour leur donner la même façon, un vent qui surviendroit pourroit les casser : mais les vignerons n'ont garde d'avoir toutes ces attentions, à moins que la vigne ne leur appartienne.


ACCOLERverb. act. c'est attacher une branche d'arbre ou un sep de vigne à un échalas ou sur un treillage d'espalier, afin qu'en donnant plus d'air aux fruits & aux raisins, leur maturité soit plus parfaite, & leur goût plus exquis. (K)

On dit accoler la vigne à l'échalas ; c'est l'attacher à l'échalas avec les branches les plus petites du saule qu'on reserve pour cet usage.

ACCOLER, terme de Commerce, signifie faire un certain trait de plume en marge d'un livre, d'un compte, d'un mémoire, d'un inventaire, qui marque que plusieurs articles sont compris dans une même supputation, ou dans une seule somme, laquelle est tirée à la marge du côté où sont posés les chiffres dont on doit faire l'addition à la fin de la page.

EXEMPLE.

Dettes actives tant bonnes que douteuses, à moi dûes par les ci-après

ACCOLE, adj. se prend dans le Blason en quatre sens différens : 1°. pour deux choses attenantes & jointes ensemble, comme les écus de France & de Navarre qui sont accolés sous une même couronne, pour les armoiries de nos rois. Les femmes accolent leurs écus à ceux de leurs maris. Les fusées, les losanges & les macles, sont aussi censées être accolées quand elles se touchent de leurs flancs ou de leurs pointes, sans remplir tout l'écu : 2°. Accolé se dit des chiens, des vaches, ou autres animaux qui ont des colliers ou des couronnes passées dans le col, comme les cignes, les aigles : 3°. des choses qui sont entortillées à d'autres, comme une vigne à l'échalas, un serpent à une colonne ou à un arbre, &c. 4°. On se sert enfin de ce terme pour les chefs, bâtons, masses, épées, bannieres & autres choses semblables qu'on passe en sautoir derriere l'écu. Voyez ECU, FUSEE, LOSANGE, MACLE, CHEF, BASTON, &c.

Rohan en Bretagne, de gueules à neuf macles d'or, accolées & aboutées trois trois en trois fasces. (V)

ACCOLER, c'est unir deux ou plusieurs pieces de bois ensemble sans aucun assemblage, simplement pour les fortifier les unes par les autres, & leur donner la force nécessaire pour le service qu'on en veut tirer.


ACCOLURES. f. piece de bois servant dans la composition d'un train. Voyez TRAIN.


ACCOMMODAGEsub. m. qui signifie l'action d'arranger les boucles d'une tête ou d'une perruque : ainsi accommoder une tête, c'est en peigner la frisure, arranger les boucles, y mettre de la pommade & de la poudre ; pour cet effet après que les cheveux ont été mis en papillotes & passés au fer, on les laisse refroidir, & quand ils sont refroidis, on ôte les papillotes, on peigne la frisure, & on arrange les boucles avec le peigne, de façon à pouvoir les étaler & en former plusieurs rangs, après quoi on y met un peu de pommade qu'on a fait fondre dans la main. Cette pommade nourrit les cheveux, y entretient l'humidité nécessaire, & sert outre cela à leur faire tenir la poudre.


ACCOMMODATIONS. f. terme de Palais qui est vieilli. Voyez ACCOMMODEMENT, qui signifie la même chose. (H)


ACCOMMODEMENTsub. m. en terme de Pratique, est un traité fait à l'amiable, par lequel on termine un différend, une contestation ou un procès. On dit qu'un mauvais accommodement vaut mieux que le meilleur procès.

Il se peut faire par le seul concours des parties, ou par l'entremise d'un tiers arbitre, ou de plusieurs à qui ils s'en sont rapportés. C'est à-peu-près la même chose que transaction. Voyez TRANSACTION, ARBITRAGE. (H)


ACCOMMODERv. act. c'est apprêter des mets ou les préparer par le moyen du feu ou autrement, pour servir de nourriture ou d'aliment. Voyez NOURRITURE ou ALIMENT.

Le dessein de l'accommodage des mets devroit être de détacher la tissure trop compacte de la chair ou des viandes, pour les préparer à la dissolution & à la digestion dans l'estomac, la viande n'étant pas un aliment propre à l'homme lorsqu'elle n'est pas préparée. Il y en a qui pensent que la nature n'a pas eu en vûe d'en faire un animal carnacier. Voyez CARNACIER.

Les opérations les plus ordinaires sont le rôti, le bouilli, l'étuvée. Il faut observer que dans le rôti, les mets supporteront une chaleur plus grande & plus longue que dans le bouilli ou l'étuvée, & dans le bouilli, plus grande & plus longue que dans l'étuvée. La raison en est que le rôti se faisant en plein air, comme les parties commencent à s'échauffer extérieurement, elles s'étendent, elles se dilatent, & ainsi elles donnent par degrés un passage aux parties raréfiées de l'air qu'elles renferment ; moyennant quoi les secousses intérieures qui operent la dissolution, en deviennent plus foibles & plus ralenties. Le bouilli se faisant dans l'eau, sa compression en est plus considérable, & par une suite nécessaire, les secousses qui doivent soulever le poids sont à proportion plus fortes ; ainsi la coction des mets s'en fait beaucoup plus vîte : & même dans cette maniere de les préparer, il y a de grandes différences ; car l'opération est plûtôt faite, à mesure que le poids d'eau est plus grand.

Dans l'étuvée, quoique la chaleur dure infiniment moins que dans les autres manieres d'accommoder, l'opération est beaucoup plus vive, à cause qu'elle se fait dans un vaisseau plein & bien clos ; ce qui cause des secousses beaucoup plus souvent réitérées & reverberées avec beaucoup plus de vigueur : c'est delà que procede la force extrème du digesteur, ou de la machine de Papin, & que l'on peut concevoir plus clairement l'opération de la digestion. Voyez DIGESTEUR & DIGESTION.

M. Cheyne observe que le bouilli sépare ou détache une plus grande partie des jus succulens que contiennent les mets, qu'ils en deviennent moins nourrissans, plus détrempés, plus légers, & d'une digestion plus aisée : que le rôti, d'un autre côté, laisse les mets trop pleins de sucs nourrissans, trop durs de digestion, & qui ont besoin d'être plus détrempés ou délayés. C'est pourquoi on doit faire bouillir les animaux robustes, grands & adultes, dont on veut faire sa nourriture : mais on doit faire rôtir les plus jeunes & les plus tendres.


ACCOMPAGNAGES. f. terme de Soierie, trame fine de même couleur que la dorure dont l'étoffe est brochée, servant à garnir le fond sous lequel elle passe, pour empêcher qu'il ne transpire au-travers de cette même dorure, ce qui en diminueroit l'éclat & le brillant.

Toutes les étoffes riches dont les chaînes sont de couleur différente de la dorure, doivent être accompagnées. Voyez FOND OR, BROCARDS, TISSUS, &c. & LISSES DE POIL.


ACCOMPAGNATEURsub. m. en Musique. On appelle ainsi celui qui dans un concert accompagne ou de l'orgue ou du clavecin.

Il faut qu'un bon accompagnateur soit excellent Musicien, qu'il sache bien l'harmonie, qu'il connoisse à fond son clavier, qu'il ait l'oreille excellente, les doigts souples, & le goût bon.

Nous aurons occasion de parler au mot ACCOMPAGNEMENT de quelques-unes des qualités nécessaires à l'accompagnateur. (S)


ACCOMPAGNÉadj. terme de Blason : il se dit de quelques pieces honorables qui en ont d'autres en séantes partitions. Ainsi on dit que la croix est accompagnée de quatre étoiles, de quatre coquilles, & seize alérions, de vingt billettes, lorsque les choses sont également disposées dans les quatre cantons qu'elle laisse vuides dans l'écu. Voyez CROIX, ALERION, BILLETTES, &c. Le chevron peut être accompagné de trois croissans, deux en chef & un en pointe, de trois roses, de trois besans, &c. La fasce peut être accompagnée de deux losanges, deux molettes, deux croisettes, &c. l'une en chef, l'autre en pointe, ou de quatre tourteaux, quatre aiglettes, &c. deux en chef & deux en pointe. Le pairle de trois pieces semblables, une en chef & deux aux flancs, & le sautoir de quatre ; la premiere en chef, la seconde en pointe, & les deux autres aux flancs. On dit la même chose des pieces mises dans le sens de celles-là, comme deux clefs en sautoir, trois poissons mis en pairle, &c. Voyez SAUTOIR, PAIRLE, &c.

Esparbez en Guienne, d'argent à la fasce de gueules, accompagné de trois merlettes de sable. (V)


ACCOMPAGNEMENTS. m. c'est l'exécution d'une harmonie complete & réguliere sur quelque instrument, tel que l'orgue, le clavecin, le théorbe, la guittare, &c. Nous prendrons ici le clavecin pour exemple.

On y a pour guide une des parties de la Musique, qui est ordinairement la basse. On touche cette basse de la main gauche, & de la droite l'harmonie indiquée par la marche de la basse, par le chant des autres parties qu'on entend en même tems, par la partition qu'on a devant les yeux, ou par des chiffres qu'on trouve communément ajoûtés à la basse. Les Italiens méprisent les chiffres ; la partition même leur est peu nécessaire ; la promptitude & la finesse de leur oreille y supplée, & ils accompagnent fort bien sans tout cet appareil : mais ce n'est qu'à leur disposition naturelle qu'ils sont redevables de cette facilité ; & les autres peuples qui ne sont pas nés comme eux pour la Musique, trouvent à la pratique de l'accompagnement des difficultés infinies ; il faut des dix à douze années pour y réussir passablement. Quelles sont donc les causes qui retardent l'avancement des éleves, & embarrassent si long-tems les maîtres ? La seule difficulté de l'art ne fait point cela.

Il y en a deux principales : l'une dans la maniere de chiffrer les basses ; l'autre dans les méthodes d'accompagnement.

Les signes dont on se sert pour chiffrer les basses sont en trop grand nombre. Il y a si peu d'accords fondamentaux ! pourquoi faut-il une multitude de chiffres pour les exprimer ? les mêmes signes sont équivoques, obscurs, insuffisans. Par exemple, ils ne déterminent presque jamais la nature des intervalles qu'ils expriment, ou, ce qui pis est, ils en indiquent d'opposés : on barre les uns pour tenir lieu de dièse, on en barre d'autres pour tenir lieu de bémol : les intervalles majeurs & les superflus, même les diminués, s'expriment souvent de la même maniere. Quand les chiffres sont doubles, ils sont trop confus ; quand ils sont simples, ils n'offrent presque jamais que l'idée d'un seul intervalle ; de sorte qu'on en a toûjours plusieurs autres à sousentendre & à exprimer.

Comment remédier à ces inconvéniens ? faudra-t-il multiplier les signes pour tout exprimer ? mais on se plaint qu'il y en a déjà trop. Faudra-t-il les réduire ? on laissera plus de choses à deviner à l'accompagnateur, qui n'est déjà que trop occupé. Que faire donc ? Il faudroit inventer de nouveaux signes, perfectionner le doigter, & faire des signes & du doigter deux moyens combinés qui concourent en même tems à soulager l'accompagnateur. C'est ce que M. Rameau a tenté avec beaucoup de sagacité dans sa dissertation sur les différentes méthodes d'accompagnement. Nous exposerons aux mots CHIFFRER & DOIGTER, les moyens qu'il propose. Passons aux méthodes.

Comme l'ancienne Musique n'étoit pas si composée que la nôtre, ni pour le chant, ni pour l'harmonie, & qu'il n'y avoit guere d'autre basse que la fondamentale, tout l'accompagnement ne consistoit que dans une suite d'accords parfaits, dans lesquels l'accompagnateur substituoit de tems en tems quelque sixte à la quinte, selon que l'oreille le conduisoit. Ils n'en savoient pas davantage. Aujourd'hui qu'on a varié les modulations, surchargé, & peut-être gâté l'harmonie par une foule de dissonances, on est contraint de suivre d'autres regles. M. Campion imagina celle qu'on appelle regle de l'octave ; & c'est par cette méthode que la plûpart des maîtres montrent aujourd'hui l'accompagnement.

Les accords sont déterminés par la regle de l'octave, relativement au rang qu'occupent les notes de la basse dans un ton donné. Ainsi le ton connu, la note de la basse continue, le rang de cette note dans le ton, le rang de la note qui la précede immédiatement, le rang de celle qui la suit, on ne se trompera pas beaucoup en accompagnant par la regle de l'octave, si le compositeur a suivi l'harmonie la plus simple & la plus naturelle : mais c'est ce qu'on ne doit guere attendre de la Musique d'aujourd'hui. D'ailleurs, le moyen d'avoir toutes ces choses présentes ? & tandis que l'accompagnateur s'en instruit, que deviennent les doigts ? A peine est-on arrivé à un accord qu'un autre se présente ; le moment de la réflexion est précisément celui de l'exécution : il n'y a qu'une habitude consommée de Musique, une expérience refléchie, la facilité de lire une ligne de Musique d'un coup d'oeil, qui puissent secourir ; encore les plus habiles se trompent-ils avec ces secours.

Attendra-t-on pour accompagner que l'oreille soit formée, qu'on sache lire rapidement la Musique, qu'on puisse débrouiller à livre ouvert une partition ? mais en fût-on là, on auroit encore besoin d'une habitude du doigter, fondée sur d'autres principes d'accompagnement que ceux qu'on a donnés jusqu'à M. Rameau.

Les maîtres zélés ont bien senti l'insuffisance de leurs principes. Pour y remédier ils ont eu recours à l'énumération & à la connoissance des consonances, dont les dissonnances se préparent & se sauvent. Détail prodigieux, dont la multitude des dissonnances fait suffisamment appercevoir.

Il y en a qui conseillent d'apprendre la composition avant que de passer à l'accompagnement ; comme si l'accompagnement n'étoit pas la composition même, aux talens près, qu'il faut joindre à l'un pour faire usage de l'autre. Combien de gens au contraire veulent qu'on commence par l'accompagnement à apprendre la composition ?

La marche de la basse, la regle de l'octave, la maniere de préparer & de sauver les dissonnances, la composition en général, ne concourent qu'à indiquer la succession d'un seul accord à un autre ; de sorte qu'à chaque accord, nouvel objet, nouveau sujet de réflexion. Quel travail pour l'esprit ! Quand l'esprit sera-t-il assez instruit & l'oreille assez exercée pour que les doigts ne soient plus arrêtés ?

C'est à M. Rameau, qui par l'invention de nouveaux signes & la perfection du doigter, nous a aussi indiqué les moyens de faciliter l'accompagnement ; c'est à lui, dis-je, que nous sommes redevables d'une méthode nouvelle, qui garantit des inconvéniens de toutes celles qu'on avoit suivies jusqu'à présent. C'est lui qui le premier a fait connoître la basse fondamentale, & qui par-là nous a découvert les véritables fondemens d'un art où tout paroissoit arbitraire.

Voici en peu de mots les principes sur lesquels sa méthode est fondée.

Il n'y a dans l'harmonie que des consonances & des dissonances. Il n'y a donc que des accords consonnans & dissonans.

Chacun de ces accords est fondamentalement divisé par tierces. (C'est le système de M. Rameau) Le consonnant est composé de trois notes, comme ut, mi, sol ; & le dissonant de quatre, comme sol, si, ré, fa.

Quelque distinction ou distribution que l'on fasse de l'accord consonnant, on y aura toûjours trois notes, comme ut, mi, sol. Quelque distribution qu'on fasse de l'accord dissonant, on y trouvera toûjours quatre notes, comme sol, si, ré, fa, laissant à part la supposition & la suspension qui en introduisent d'autres dans l'harmonie comme par licence. Ou des accords consonnans se succedent, ou des accords dissonans sont suivis d'autres dissonans, ou les consonnans & les dissonans sont entrelacés.

L'accord consonnant parfait ne convenant qu'à la tonique, la succession des accords consonnans fournit autant de toniques, & par conséquent de changemens de ton.

Les accords dissonans se succedent ordinairement dans un même ton. La dissonance lie le sens harmonique. Un accord y fait souhaiter l'autre, & fait sentir en même tems que la phrase n'est pas finie. Si le ton change dans cette succession, ce changement est toûjours annoncé par un dièse ou par un bémol. Quant à la troisieme succession, savoir l'entrelacement des accords consonnans & dissonans, M. Rameau réduit à deux cas cette succession, & il prononce en général, qu'un accord consonnant ne peut être précédé d'un autre dissonant que de celui de septieme de la dominante, ou de celui de sixte-quinte de la soûdominante, excepté dans la cadence rompue & dans les suspensions ; encore prétend-il qu'il n'y a pas d'exception quant au fond. Il nous paroît que l'accord parfait peut encore être précédé de l'accord de septieme diminuée, & même de celui de sixte superflue ; deux accords originaux, dont le dernier ne se renverse point.

Voilà donc trois textures différentes de phrases harmoniques : des toniques qui se succedent & qui font changer de ton : des consonances qui se succedent ordinairement dans le même ton ; & des consonances & des dissonances qui s'entrelacent, & où la consonnance est, selon M. Rameau, nécessairement précédée de la septieme de la dominante, ou de la sixte-quinte de la soûdominante. Que reste-t-il donc à faire pour la facilité de l'accompagnement, sinon d'indiquer à l'accompagnateur quelle est celle de ces textures qui regne dans ce qu'il accompagne ? Or c'est ce que M. Rameau veut qu'on exécute avec des caracteres.

Un seul signe peut aisément indiquer le ton, la tonique & son accord.

On tire de là la connoissance des dièses & des bémols qui doivent entrer dans le courant des accords d'une tonique à une autre.

La succession fondamentale par quintes ou par tierces, tant en montant qu'en descendant, donne la premiere texture de phrases harmoniques toute composée d'accords consonnans.

La succession fondamentale par tierces ou par quintes en descendant, donne la seconde texture, composée d'accords dissonans, savoir des accords de septieme, & cette succession donne l'harmonie descendante.

L'harmonie ascendante est fournie par une succession de quintes en montant, ou de quartes en descendant, accompagnées de la dissonance propre à cette succession, qui est la sixte ajoûtée ; & c'est la troisieme texture des phrases harmoniques, qui n'a jusqu'ici été observée de personne, quoique M. Rameau en ait trouvé le principe & l'origine dans la cadence irréguliere. Ainsi par les regles ordinaires, l'harmonie qui naît d'une succession de dissonances descend toûjours, quoique selon ses vrais principes & selon la raison, elle doive avoir en montant une progression tout aussi réguliere qu'en descendant. Voyez CADENCE.

Les cadences fondamentales donnent la quatrieme texture de phrases harmoniques, où les consonances & les dissonances s'entrelacent.

Toutes ces textures peuvent être désignées par des caracteres simples, clairs & peu nombreux, qui indiqueront en même tems, quand il le faut, la dissonance en général ; car l'espece en est toûjours déterminée par la texture même. Voyez CHIFFRER. On commence par s'exercer sur ces textures prises séparément, puis on les fait se succéder les unes aux autres sur chaque ton & sur chaque mode successivement.

Avec ces précautions, M. Rameau prétend qu'on sait plus d'accompagnement en six mois, qu'on n'en savoit auparavant en six ans, & il a l'expérience pour lui. Voy. MUSIQUE, HARMONIE, BASSE FONDAMENTALE, BASSE CONTINUE, PARTITION, CHIFFRER, DOIGTER, CONSONNANCE, DISSONANCE, REGLE DE L'OCTAVE, COMPOSITION, SUPPOSITION, SUSPENSION, TON, CADENCE, MODULATION, &c.

A l'égard de la maniere d'accompagner avec intelligence, elle dépend plus de l'habitude & du goût que des regles qu'on en peut donner. Voici pourtant quelques observations générales qu'on doit toûjours faire en accompagnant.

1°. Quoique suivant les principes de M. Rameau il faille toucher tous les sons de chaque accord, il ne faut pas toûjours prendre cette regle à la lettre. Il y a des accords qui seroient insupportables avec tout ce remplissage. Dans la plûpart des accords dissonans, surtout dans les accords par supposition, il y a quelque son à retrancher pour en diminuer la dureté ; ce son est souvent la septieme, quelquefois la quinte, quelquefois l'une & l'autre. On retranche encore assez souvent la quinte ou l'octave de la basse dans les accords dissonans, pour éviter des octaves ou des quintes de suite, qui font souvent un fort mauvais effet, surtout dans le haut ; & par la même raison, quand la note sensible est dans la basse, on ne la met pas dans l'accompagnement ; au lieu de cela, on double la tierce ou la sixte de la main droite. En général on doit penser en accompagnant, que quand M. Rameau veut qu'on remplisse tous les accords, il a bien plus d'égard à la facilité du doigter & à son système particulier d'accompagnement, qu'à la pureté de l'harmonie.

2°. Il faut toûjours proportionner le bruit au caractere de la Musique, & à celui des instrumens ou des voix qu'on a à accompagner : ainsi dans un choeur on frappe les accords pleins de la main droite, & l'on redouble l'octave ou la quinte de la main gauche, & quelquefois tout l'accord. Au contraire dans un récit lent & doux, quand on n'a qu'une flûte ou une voix foible à accompagner, on retranche des sons, on les arpege doucement, on prend le petit clavier : en un mot, on a toûjours attention que l'accompagnement, qui n'est fait que pour soûtenir & embellir le chant, ne le gâte & ne le couvre pas.

3°. Quand on a à refrapper les mêmes touches dans une note longue ou une tenue, que ce soit plûtôt au commencement de la mesure ou du tems fort, que dans un autre moment : en un mot, il faut ne rebattre qu'en bien marquant la mesure.

4°. Rien n'est si desagréable que ces traits de chant, ces roulades, ces broderies, que plusieurs accompagnateurs substituent à l'accompagnement. Ils couvrent la voix, gâtent l'harmonie, embrouillent le sujet ; & souvent ce n'est que par ignorance qu'ils font les habiles mal-à-propos, pour ne savoir pas trouver l'harmonie propre à un passage. Le véritable accompagnateur va toûjours au bien de la chose, & accompagne simplement. Ce n'est pas que dans de certains vuides on ne puisse au défaut des instrumens placer quelque joli trait de chant : mais il faut que ce soit bien à-propos, & toûjours dans le caractere du sujet. Les Italiens jouent quelquefois tout le chant au lieu d'accompagnement ; & cela fait assez bien dans leur genre de Musique. Mais quoi qu'ils en puissent dire, il y a souvent plus d'ignorance que de goût dans cette maniere d'accompagner.

5°. On ne doit pas accompagner la Musique Italienne comme la Françoise. Dans celle-ci il faut soûtenir les sons, les arpéger gracieusement du bas en haut ; s'attacher à remplir l'harmonie, à joüer proprement la basse : car les compositeurs François lui donnent aujourd'hui tous les petits ornemens & les tours de chant des dessus. Au contraire, en accompagnant de l'Italien, il faut frapper simplement les notes de la basse, n'y faire ni cadences, ni broderie, lui conserver la marche grave & posée qui lui convient : l'accompagnement doit être sec & sans arpéger. On y peut retrancher des sons sans scrupule ; mais il faut bien choisir ceux qu'on fait entendre. Les Italiens font peu de cas du bruit ; une tierce, une sixte bien adaptée, même un simple unisson, quand le bon goût le demande, leur plaisent plus que tout notre fracas de parties & d'accompagnement : en un mot, ils ne veulent pas qu'on entende rien dans l'accompagnement, ni dans la basse, qui puisse distraire l'oreille du sujet principal, & ils sont dans l'opinion que l'attention s'évanoüit en se partageant.

6°. Quoique l'accompagnement de l'orgue soit le même que celui du clavecin, le goût en est différent. Comme les sons y sont soûtenus, leur marche doit être plus douce & moins sautillante. Il faut lever la main entiere le moins qu'on peut, faire glisser les doigts d'une touche à l'autre sans lever ceux qui, dans la place où ils sont, peuvent servir à l'accord où l'on passe ; rien n'est si desagréable que d'entendre sur l'orgue cette espece d'accompagnement sec & détaché, qu'on est forcé de pratiquer sur le clavecin. Voyez le mot DOIGTER.

On appelle encore accompagnement, toute partie de basse ou autre instrument, qui est composée sur un chant principal pour y faire harmonie. Ainsi un solo de violon s'accompagne du violoncelle ou du clavecin, & un accompagnement de flûte se marie fort bien à la voix ; cette harmonie ajoûte à l'agrément du chant : il y a même par rapport aux voix une raison particuliere pour les faire toûjours accompagner de quelques instrumens : car quoique plusieurs prétendent qu'en chantant on modifie naturellement sa voix selon les lois du tempérament, cependant l'expérience nous montre que les voix les plus justes & les mieux exercées ont bien de la peine à se maintenir long-tems dans le même ton quand rien ne les y soûtient. A force de chanter on monte ou l'on descend insensiblement ; & en finissant, rarement se trouve-t-on bien juste dans le même ton d'où l'on étoit parti. C'est en vûe d'empêcher ces variations, que l'harmonie d'un instrument est employée pour maintenir toûjours la voix dans le même diapason, ou pour l'y rappeller promptement lorsqu'elle s'en égare. Voyez BASSE CONTINUE. (S)

ACCOMPAGNEMENT, se dit en Peinture, des objets qui sont ajoûtés, ou pour l'ornement, ou pour la vraisemblance. Il est naturel que dans un tableau représentant des chasseurs, on voie des fusils, des chiens, du gibier, & autres équipages de chasse : mais il n'est pas nécessaire pour le vraisemblable qu'on y en mette de toutes les especes ; lorsqu'on les y introduit, ce sont des accompagnemens qui ornent toûjours beaucoup un tableau. On dit d'un tableau représentant des chasseurs : il faudroit à ce tableau quelque accompagnement, comme de fusils, gibier, &c. On dit de beaux accompagnemens. Cette chose accompagne bien cette partie, ce grouppe, &c. (R)


ACCOMPAGNERterme de Soierie, c'est l'action de passer l'accompagnage. Voyez ACCOMPAGNAGE.


ACCOMPLISSEMENTS. m. signifie l'exécution, l'achevement, le succès d'une chose qu'on se proposoit de faire ou qu'on a entreprise.

Ce mot vient du Latin ad & complere, remplir.

L'accomplissement des prophéties de l'ancien Testament dans la personne du Sauveur, démontre assez clairement qu'il étoit le Messie. Voyez PROPHETIE.

L'accomplissement d'une prophétie peut se faire ou directement, ou par accommodation.

Car une même prophétie peut avoir plusieurs accomplissemens en différens tems : telle est, par exemple, celle que Jesus-Christ fait touchant la ruine de Jérusalem, laquelle doit avoir un second accomplissement dans le tems qui précédera immédiatement le jugement dernier.

Ce principe n'est pas universel, & pourroit même être dangereux à bien des égards, en retombant dans le système de Grotius sur l'accomplissement des prophéties. Il faut donc dire que l'accomplissement du sens littéral d'une prophétie est son accomplissement direct, & que l'accomplissement du sens figuré d'une prophétie est son accomplissement par accommodation. Ce n'est qu'entant que les prophéties ont été accomplies à la lettre dans la personne de Jesus-Christ, qu'elles prouvent qu'il est le Messie. Quant à l'accomplissement d'accommodation, il ne fait preuve qu'autant qu'il est contenu ou clairement indiqué dans les Ecritures, ou constamment enseigné par la tradition ; car on n'ignore pas jusqu'où peut aller sur cette matiere le fanatisme & le déreglement d'imagination, quand on veut interpréter le sens des prophéties, & en fixer l'accomplissement à sa fantaisie. Les systèmes extravagans de Joseph Mede & du ministre Jurieu sur celles de l'Apocalypse, & le succès ridicule qu'ont eu leurs visions, devroient bien guérir les Théologiens de cette manie. Ceux qui sont persuadés que l'esprit humain n'est pas plus capable par lui-même de fixer l'accomplissement d'une prophétie, que de prédire l'avenir d'une maniere sûre & circonstanciée, s'en tiendront toûjours à cette regle : Omnis prophetia scripturae propriâ interpretatione non fit. Voyez SENS LITTERAL, SENS FIGURE, PROPHETIE, SEMAINES, &c.

Nous ajoûtons cependant qu'il y a des prophéties qui s'accomplissent en partie dans un premier sens, & par rapport à un certain objet, & qui n'ont leur parfait accomplissement que dans un autre. Telles sont les prédictions de la ruine de Jérusalem, & quelques-unes de celles de l'Apocalypse. (G)


ACCONS. m. petit bateau à fond plat dont on se sert dans le pays d'Aunix pour aller sur la vase, après que la mer s'est retirée. (Z)


ACCORDS. m. en Droit, soit en matiere civile, soit en matiere criminelle, signifie un accommodement entre les parties contestantes, au moyen de ce que l'une des deux parties fait des offres que l'autre accepte. Ainsi l'on dit, les parties sont d'accord, pour dire qu'elles sont accommodées. V. TRANSACTION.

ACCORDS au plur. est synonyme à accordailles. Voyez ce dernier. (H)

ACCORD, en Peinture, se dit de l'harmonie qui regne dans la lumiere & les couleurs d'un tableau. On dit un tableau d'un bel accord. Il faudroit un peu diminuer cette lumiere pour l'accorder avec cette autre ; éteindre la vivacité de la couleur de cette draperie, de ce ciel, qui ne se distingue pas de telle ou telle partie, &c. (R)

ACCORD, en Musique, est l'union de deux ou plusieurs sons entendus à la fois, formant ensemble une harmonie réguliere.

L'harmonie naturelle produite par la résonante d'un corps sonore, est composée de trois sons différens, sans compter leurs octaves, lesquels forment entr'eux l'accord le plus agréable & le plus parfait que l'on puisse entendre, d'où on l'appelle par excellence accord parfait. Ainsi, pour rendre l'harmonie complete , il faut que l'accord soit composé de trois sons ; aussi les Musiciens trouvent-ils dans le trio la perfection harmonique, soit parce qu'ils y employent les accords en entier ; soit parce que dans les occasions où ils ne les employent pas en entier, ils ont du moins l'art de faire croire le contraire à l'oreille, en lui présentant les sons principaux des accords : comme dans les consonnans, la tierce avec l'octave sousentendant la quinte, la sixte avec l'octave sousentendant la tierce, &c. & dans les dissonans, la septieme avec la tierce sousentendant la quinte, de même la neuvieme, &c. dans la grande sixte, la sixte avec la quinte sousentendant la tierce, la quarte avec la seconde sousentendant la sixte, &c. Cependant l'octave du son principal produisant de nouveaux rapports & de nouvelles consonances par les complémens des intervalles (V. COMPLEMENT.), on ajoûte ordinairement cette octave pour avoir l'ensemble de toutes les consonances dans un même accord. De plus, l'addition de la dissonance (Voyez DISSONANCE) produisant un quatrieme son ajoûté à l'accord parfait, c'est une nécessité, si l'on veut remplir l'accord, d'avoir une quatrieme partie pour exprimer cette dissonance. Ainsi quand on veut faire entendre l'harmonie complete , ce ne peut être que par le moyen de quatre parties réunies ensemble.

On divise les accords en parfaits & imparfaits. L'accord parfait est celui dont nous venons de parler, qui est composé du son fondamental au grave, de sa tierce, de sa quinte, & de son octave ; & en général on appelle quelquefois parfait tout accord, même dissonant, dont le fondamental est au grave. Les accords imparfaits sont ceux où regne la sixte au lieu de la quinte, & en général tous ceux où le son grave n'est pas le fondamental. Ces dénominations qui ont été données avant qu'on connût la basse fondamentale, sont fort mal appliquées. Celles d'accords directs ou renversés, sont beaucoup plus convenables dans le même sens. Voyez RENVERSEMENT.

Les accords se distinguent encore en consonnans & dissonans. Les accords consonnans sont l'accord parfait & ses dérivés ; tout autre accord est dissonant.

TABLE de tous les Accords reçûs dans l'Harmonie.

ACCORDS FONDAMENTAUX.

Accord parfait, & ses dérivés.

Cet accord constitue le ton, & ne se fait que sur la tonique. Sa tierce peut être majeure ou mineure, & c'est ce qui constitue le mode.

Accord sensible ou dominant, & ses dérivés.

Aucun des sons de cet accord ne peut s'altérer.

Accord de septieme, & ses dérivés.

La tierce, la quinte, & la septieme de cet accord peuvent s'altérer.

Accord de septieme diminuée, & ses dérivés.

Aucun des sons de cet accord ne peut s'altérer.

Accord de sixte ajoûtée & ses dérivés.

Je joins ici par-tout le mot ajoûté, pour distinguer cet accord & ses renversés des productions semblables de l'accord de septieme.

Ce dernier renversement qui porte le nom d'accord ajoûté de septieme, est très-bon, & pratiqué par les meilleurs musiciens, même par tel qui le desapprouve ; mais ce n'est pas ici le lieu de m'étendre sur ce sujet.

Accord de sixte superflue.


ACCORDAILLESS. f. pl. terme de Palais, consentement à un mariage donné solennellement par les parens des deux futurs époux assemblés à cet effet. Hors des matieres de Palais, on dit plus ordinairement accords. Accordailles est antique. (H)


ACCORDEs'accorder, terme de commandement qu'on fait à l'équipage d'une chaloupe pour le faire nager ensemble, afin que le mouvement des avirons soit uniforme. Voyez CHALOUPE, AVIRON. (Z)


ACCORDERPour accorder un instrument, il faut d'abord déterminer un son qui doit servir aux autres de terme de comparaison ; c'est ce qu'on appelle prendre ou donner le ton : ce son est ordinairement l'ut pour l'orgue & le clavecin, & le la pour le violon & la basse, qui ont ce la sur une corde à vuide, & dans un medium propre à être aisément saisi par l'oreille : telle est la chanterelle du violoncelle & la seconde du violon.

A l'égard des flûtes, hautbois, & autres instrumens semblables, ils ont leur ton à peu près fixe, qu'on ne sauroit guere changer qu'en changeant quelque piece de l'instrument. On peut encore les allonger un peu à l'emboîture des pieces, ce qui baisse le ton de quelque chose : mais il doit nécessairement résulter des tons faux de toutes ces variations, parce que la juste proportion est rompue entre la longueur totale de l'instrument, & les intervalles d'un trou à l'autre.

Quand le ton est déterminé, on y fait rapporter tous les autres sons de l'instrument, qui doivent être fixés par l'accord selon les intervalles qui leur sont assignés. L'orgue & le clavecin s'accordent par quintes & par octaves ; la basse & le violon par quintes ; la viole par quartes & par tierces. En général on choisit toûjours des intervalles consonnans & harmonieux, afin que l'oreille soit mieux en état de juger de leur justesse.

On remarque que les instrumens dont on tire le son par inspiration, comme la flûte & le hautbois, montent sensiblement quand on en a joüé quelque tems ; ce qui vient, selon quelques-uns, de l'humidité qui, sortant de la bouche avec l'air, les renfle & les raccourcit ; ou plûtôt c'est que la chaleur & la raréfaction que l'air reçoit pendant l'inspiration rendent ses vibrations plus fréquentes, diminuent son poids, & augmentant ainsi le poids relatif de l'atmosphere, rendent le son un peu plus aigu, suivant la doctrine de M. Euler.

Quoi qu'il en soit de la cause, il faut au moment de l'accord, avoir égard à l'effet, & forcer modérément le vent quand on donne le ton avec ces instrumens ; car pour qu'ils restent d'accord durant le concert, il faut qu'ils soient un peu trop bas en commençant. (S)


ACCORDOIRS. m. c'est un outil ou instrument dont les Luthiers & Facteurs se servent pour mettre d'accord les instrumens de Musique. Cet outil est différent suivant les différens instrumens qu'on veut accorder. L'accordoir du clavecin est de fer ; il a la forme d'un petit marteau, dont le manche est creusé de façon à pouvoir y faire entrer la tête des fiches, afin de tendre ou lâcher les cordes de l'instrument, & par ce moyen en hausser ou baisser les tons. Voyez ACCORD, ACCORDOIR d'orgue, & les figures, Planches d'orgues.

ACCORDOIRS, s. m. pl. ces instrumens qui servent aux Facteurs d'orgues pour accorder les tuyaux d'etain & de plomb de l'espece des tuyaux de mutation, sont des cones de cuivre creux représentés, fig. 49, Planches d'orgues, & fig. 49. n°. 2.

Les premiers A B C servent pour les plus gros tuyaux, & les seconds a b c qui ont une poignée, servent pour les moindres. On élargit l'ouverture des tuyaux en faisant entrer la pointe du cone dedans jusqu'à ce que le tuyau soit baissé au ton convenable ; lorsqu'au contraire le tuyau se trouve trop bas, on le fait monter en le coëffant du cone concave pour resserrer l'ouverture.

ACCORDS ou ACORES, s. m. terme de Marine. C'est ainsi que les constructeurs nomment deux grandes pieces de bois qui servent à soûtenir un navire tant qu'il demeure sur le chantier.

ACCORDS de l'étrave, voyez ETRAVE.


ACCORNÉadj. terme de Blason ; il se dit de tout animal qui est marqué dans l'écu, lorsque ses cornes sont d'autres couleurs que l'animal.

Masterton, en Angleterre, de gueules à une licorne passante d'argent, accornée & onglée d'or. (V)


ACCORREACCORRE de triangle. Voyez Triangle.

ACCORRE droite, terme de Marine, c'est celle qui appuie sur terre, au lieu que les autres vont appuyer de travers sur les préceintes du vaisseau.


ACCOSTÉadj. terme de Blason, dont on se sert en parlant de toutes les pieces de longueur mises en pal, c'est-à-dire, occupant le tiers de l'écu de haut en bas par le milieu, ou mises en bandes ; ce qui veut dire occupant diagonalement le tiers de l'écu de droite à gauche, quand elles ont d'autres pieces à leurs côtés. Le pal est dit accosté de six annelets, quand il y en a trois d'un côté & autant de l'autre ; & la bande est dite accostée, quand les pieces qui sont à ses côtés sont couchées du même sens, & qu'il y en a le même nombre de chaque côté. Lorsqu'on employe des besans, des tourteaux, des roses, des annelets, qui sont des pieces rondes, on peut dire accompagné au lieu d'accosté. Voyez ACCOMPAGNE.

Villeprouvée, en Anjou & en Champagne, de gueule à la bande d'argent accostée de deux cotices d'or. (V)


ACCOSTE-ABORDc'est ce qu'on dit pour obliger un petit vaisseau ou une chaloupe à s'approcher d'un plus grand navire. (Z)


ACCOSTERACCOSTER les huniers, accoster les perroquets ; c’est faire toucher les coins ou les points des huniers ou des perroquets, à la poulie qu’on place pour cet effet au bout des vergues. Voyez HUNIER, PERROQUET, VERGUE


ACCOTARACCOTARD, s. m. terme de Marine ; piece d'abordage que l'on endente entre les membres, & que l'on place sur le haut d'un vaisseau pour empêcher que l'eau ne tombe sur les membres. Les accotars d'un vaisseau de cent trente-quatre piés de long, doivent avoir un pouce & demi d'épaisseur. Voyez fig. de Marine, Pl. V. fig. 1. comment l'accotar est posé sur le bout des allonges. (Z)


ACCOUCHÉÉE, part. Voyez ACCOUCHEMENT.

ACCOUCHEE, s. f. femme qui est en couche. Voyez ACCOUCHEMENT.


ACCOUCHEMENTS. m. dans l'oeconomie animale, action par laquelle la matrice se décharge au bout d'un certain tems du fruit de la conception. Voyez MATRICE & CONCEPTION.

Il s'agit de trouver une cause qui au bout de neuf mois nous délivre de la prison où la nature nous a fait naître : mais malheureusement en Physiologie, comme dans toute autre science, lorsqu'il s'agit des causes premieres, l'imagination a toûjours beaucoup plus de part dans leur recherche que la vérité ; delà cette diversité si grande dans l'explication de toutes les actions principales des corps animés. C'est ainsi que les uns ont prétendu que c'étoit le défaut d'alimens qui faisoit que le foetus cherchoit à sortir : d'autres, que l'enfant se détachoit de la matrice par la même raison que le fruit se détache de l'arbre ; ceux-ci ont avancé que l'acreté des eaux renfermées dans l'amnios obligeoit l'enfant à se mouvoir & à chercher la sortie ; & ceux-là ont pensé que l'urine & les excrémens formoient une certaine masse, que leur acreté qui incommodoit le foetus, de concert avec cette pesanteur, le contraignoit à se mouvoir ; que par ses mouvemens la tête se tournoit du côté de la matrice, & que le visage regardoit ordinairement le coccyx ; que dans cette situation les intestins & la vessie picotés par l'urine & par les excrémens, causoient encore plus d'inquiétude au foetus dans le bassin ; que cette action de la mere augmentoit le tenesme, & par conséquent les efforts ; & que le concours de ces causes ouvroit la matrice, &c.

Pechelin & Bohn n'ont pas été satisfaits de cette opinion ; ils ont crû mieux expliquer le phénomene dont il s'agit, en disant qu'il résultoit d'un effort du foetus pour respirer, qui le faisoit tourner vers l'orifice de la matrice. Bergerus est plus porté à croire que la situation gênante où se trouve le foetus, est la cause par laquelle il se tourne, & qu'il change de place. Marinus attribue, contre toute vérité anatomique, l'accouchement au changement de l'utérus, qui perd de son diametre, & devient un sphéroïde plus allongé & moins étendu.

Toutes ces idées ne sont que des dépenses d'esprit qu'ont fait divers philosophes, pour éclairer le premier passage qui nous a conduit à la lumiere. La premiere cause irritante est sans doute, comme l'observe le docteur Haller (Comment. Boerhaav.) dans le foetus. En effet, dans les animaux il rompt l'oeuf par son propre effort, & il éclot : cela se voit quelquefois dans les quadrupedes, toûjours dans les oiseaux, dans les viperes, & dans les insectes. Ce foetus se trouve de plus en plus incommodé, tant par son méchonium, que par l'angustie même du lieu, & par la diminution des eaux ; ce qui produit de plus fréquens froissemens contre la matrice, qui naissent du mal-aise que le foetus sent, d'autant plus que le cerveau s'accroît davantage, & que ses organes se perfectionnent : de-là tous ces foetus venus vivans après la mort de la mere, ou sortis par une chûte de la matrice qui étoit sans action. Ensuite, il est indubitable que l'irritation se communique à la matrice proportionnellement aux plus grandes inquiétudes du foetus, à sa pesanteur, à sa force, à la petite quantité d'eaux qui l'enveloppent ; d'ailleurs il paroît que la matrice ne peut s'étendre que jusqu'à un certain point fixe, & il est raisonnable de penser que la mere ne peut manquer de beaucoup souffrir d'une dilatation forcée par le foetus. Cette irritation engage d'abord la matrice à se resserrer : mais la cause prochaine efficiente est l'inspiration de la mere qui est énormément augmentée, & qui la délivre d'un fardeau qu'elle ne peut plus supporter ; c'est cette inspiration qui a ici le plus d'efficacité, puisque nous voyons tous les jours des accouchemens de foetus morts, & qu'il est à croire que le foetus vivant a encore trop peu d'instinct pour pouvoir s'aider, & que l'accouchement naturel ne se fait jamais sans des efforts violens : ces trois causes sont jointes par Verheyen. Harvey montre de la sagacité lorsqu'il dit, que si la couche est attendue de l'action du foetus, il le faut tirer par la tête ; & par les piés, quand on l'attend de l'utérus.

Ces enfans remuent les piés, & en donnent des coups assez forts. Depuis trois ou quatre mois jusqu'à neuf, les mouvemens augmentent sans cesse, de sorte qu'enfin ils excitent efficacement la mere à faire ses efforts pour accoucher ; parce qu'alors ces mouvemens & le poids du foetus ne peuvent plus être endurés par la matrice : c'est une rêverie d'imaginer que dans un tems plûtôt que dans un autre, le foetus ne puisse plus supporter le défaut d'air qui manque à son sang, & qu'il veuille qu'on le rende à la lumiere qu'il ignore, & que par conséquent il ne peut desirer.

Les sentimens qui précedent ne sont pas les seuls qu'on ait eus sur les causes de l'accouchement, & l'opinion d'Haller n'est pas la seule vraisemblable. Nous exposerons plus bas celle de M. de Buffon.

La matrice s'éloigne dans la grossesse, de l'orifice externe de la vulve, & sans cesse elle monte dans le bas-ventre, qui lui oppose moins de résistance, & se dilate sur-tout entre les trompes, où il y a plus de sinus. Une matrice pleine d'un foetus formé, occupe presque tout le bas-ventre, & fait remonter quelquefois le diaphragme dans le thorax. Quelquefois la femme ne paroît guere grosse, quoique prête d'accoucher, & elle accouche d'un gros enfant ; la raison en est que l'uterus est plus dilaté postérieurement qu'antérieurement : mais il est facile, comme on voit, de s'assûrer, en touchant une femme, si elle est grosse ; cet éloignement de l'uterus étant le premier signe de grossesse. (L)

Il s'ensuit de tout ce qui précede, qu'on peut considérer la matrice comme un muscle creux, dont la dilatation est passive pendant tout le tems de la grossesse, & qui enfin se met en contraction, & procure la sortie du foetus. On a vû au commencement de cet article ce qu'il faut penser de divers raisonnemens sur ce qui sert d'aiguillon à cette contraction de la matrice : quoi qu'il en soit de la cause, il est constant que cette contraction est accompagnée de douleurs fort vives, qu'on nomme douleurs de l'enfantement. Elles se distinguent des douleurs de colique, en ce que celles-ci se dissipent, ou du moins reçoivent quelque soulagement par l'application des linges chauds sur le bas-ventre, l'usage intérieur de l'huile d'amandes douces, la saignée, les lavemens adoucissans, &c. au lieu que tous ces moyens semblent exciter plus fortement les douleurs de l'enfantement. Un autre signe plus distinctif, est le siége de la douleur : dans les coliques venteuses, elle est vague ; dans l'inflammation, elle est fixe, & a pour siége les parties enflammées : mais les douleurs de l'enfantement sont alternatives, répondent au bas, & sont toutes déterminées vers la matrice. Ces signes pourroient néanmoins induire en erreur, car ils sont équivoques, & être produits par un flux de ventre, un tenesme, &c. Il faut donc, comme on l'a dit plus haut, toucher l'orifice de la matrice, & son état fournira des notions plus certaines sur la nature des douleurs, & les signes caractéristiques du futur accouchement. Lorsque le corps de la matrice agit sur l'enfant qu'elle renferme, elle tend à surmonter la résistance de l'orifice, qui s'amincit peu-à-peu & se dilate. Si l'on touche cet orifice dans le tems des douleurs, on sent qu'il se resserre ; & lorsque la douleur est dissipée, l'orifice se dilate de nouveau. On juge du tems que l'accouchement mettra à se terminer par l'augmentation des douleurs, & par le progrès de la dilatation de l'orifice lorsqu'elles sont cessées.

Il est donc naturel de présumer, dit M. de Buffon, que ces douleurs qu'on désigne par le nom d'heures du travail, ne proviennent que de la dilatation de l'orifice de la matrice, puisque cette dilatation est le plus sûr moyen pour reconnoître si les douleurs que ressent une femme grosse sont en effet les douleurs de l'enfantement : la seule chose qui soit embarrassante, continue l'auteur que nous venons de citer, est cette alternative de repos & de souffrance qu'éprouve la mere. Lorsque la premiere douleur est passée, il s'écoule un tems considérable avant que la seconde se fasse sentir ; & de même il y a des intervalles souvent très-longs entre la seconde & la troisieme, entre la troisieme & la quatrieme douleur, &c. Cette circonstance de l'effet ne s'accorde pas parfaitement avec la cause que nous venons d'indiquer ; car la dilatation d'une ouverture qui se fait peu-à-peu, & d'une maniere continue, devroit produire une douleur constante & continue, & non pas des douleurs par accès. Je ne sai donc si on ne pourroit pas les attribuer à une autre cause qui me paroît plus convenable à l'effet ; cette cause seroit la séparation du placenta : on sait qu'il tient à la matrice par un certain nombre de mamelons qui pénetrent dans les petites lacunes ou cavités de ce viscere ; dès-lors ne peut-on pas supposer que ces mamelons ne sortent pas de leurs cavités tous en même tems ? Le premier mamelon qui se séparera de la matrice, produira la premiere douleur ; un autre mamelon qui se séparera quelque tems après, produira une autre douleur, &c. L'effet répond ici parfaitement à la cause, & on peut appuyer cette conjecture par une autre observation ; c'est qu'immédiatement avant l'accouchement il sort une liqueur blanchâtre & visqueuse, semblable à celle que rendent les mamelons du placenta, lorsqu'on les tire hors des lacunes, où ils ont leur insertion ; ce qui doit faire penser que cette liqueur qui sort alors de la matrice, est en effet produite par la séparation de quelques mamelons du placenta. M. de Buffon, Hist. nat. (I)

Lorsque le Chirurgien aura reconnu que la femme est dans un véritable travail, il lui fera donner quelques lavemens pour vuider le rectum avant que l'enfant se trouve au passage : il est aussi fort à-propos de faire uriner la femme ou la sonder, si le col de la vessie étoit déjà comprimé par la tête de l'enfant. Lorsque la femme est assez forte, on gagne beaucoup à lui faire une saignée dans le travail ; la déplétion qu'on occasionne par ce moyen, relâche toutes les parties & les dispose très-avantageusement. On prépare ensuite un lit autour duquel on puisse tourner commodément. Le Chirurgien touchera la femme de tems en tems, pour voir si les membranes qui enveloppent l'enfant sont prêtes à se rompre. Lorsque les eaux ont percées, on porte le doigt dans l'orifice de la matrice pour reconnoître quelle partie l'enfant présente ; c'est la tête dans l'accouchement naturel : on sent qu'elle est dure, grosse, ronde, & égale ; les autres parties ont des qualités tactiles différentes dont il est assez facile de s'appercevoir, même à-travers les membranes. Les choses étant dans cet état, les eaux étant percées, il faut faire coucher promptement la femme sur le lit préparé particulierement pour l'accouchement. Ce lit doit être fait d'un ou de plusieurs matelas garnis de draps pliés en plusieurs doubles, pour recevoir le sang & les eaux qui viendront en abondance. Il ne faut pas que la femme soit tout-à-fait couchée, ni assise tout-à-fait : on lui éleve la poitrine & la tête par des oreillers ; on lui met un traversin sous l'os sacrum pour lui élever le bassin ; les cuisses & les jambes seront fléchies, & il est bon que les piés puissent être appuyés contre quelque chose qui résiste. Chez les personnes mal à leur aise, où l'on n'a pas la commodité de disposer un lit extraordinaire, on met les femmes au pié de leur lit, qu'on traverse d'une planche appuyée contre les quenouilles. La femme en travail tiendra quelqu'un par les mains, pour mieux se roidir & s'en servir de point d'appui dans le tems des douleurs. Il ne faut point presser le ventre comme le font quelques Sages-femmes. Le Chirurgien oindra ses mains avec quelque graisse, comme sain-doux, beurre frais, ou avec quelques huiles, afin de lubrifier tout le passage. Il mettra ensuite le bout du ses doigts dans le vagin, en les tenant, autant qu'il le pourra, écartés les uns des autres dans le tems des douleurs.

Quand la tête de l'enfant commencera à avancer, le Chirurgien se disposera à recevoir l'enfant. Lorsqu'elle sera avancée jusqu'aux oreilles, on tâchera de glisser quelques doigts sur la mâchoire inférieure, & à la premiere douleur un peu forte on tirera l'enfant. Il ne faut pas tirer l'enfant tout droit, mais en vacillant un peu de côté & d'autre, afin de faire passer les épaules. Ces mouvemens se doivent faire sans perdre de tems, de crainte que l'enfant ne soit suffoqué par l'action de l'orifice sur le cou, si cette partie restoit arrêtée trop long-tems au passage. Aussitôt que les épaules seront dehors, on coule les doigts sous les aisselles pour tirer le reste du corps.

Dès que l'enfant sera tiré, le Chirurgien le rangera de côté, lui tournant la face de façon qu'il ne puisse être incommodé, ou même étouffé par le sang & les eaux qui sortent immédiatement après, & qui tomberoient dans la bouche & dans le nez du nouveau-né s'il étoit couché sur le dos.

Après avoir mis l'enfant dans une position où l'on ne puisse pas craindre ces inconvéniens, on fait deux ligatures au cordon ombilical avec un fil ciré en plusieurs doubles : ces ligatures se font à quatre travers de doigts de distance, & le plus proche de l'enfant, à peu-près à cet intervalle de son nombril. On coupe le cordon avec des ciseaux ou avec un bistouri entre les deux ligatures, dont l'effet est d'empêcher que la mere ne perde du sang par la veine ombilicale qui le porte à l'enfant, & que l'enfant ne souffre point de l'hémorrhagie des arteres ombilicales qui reportent le sang de l'enfant au placenta.

On entortille alors l'extrémité du cordon qui sort de la matrice autour de deux doigts, & on le tire doucement après avoir donné de légeres secousses en tous sens pour décoller le placenta, dont la sortie est l'effet de la contraction de la matrice déterminée encore par quelques douleurs. Ce viscere tend à se débarrasser de l'arriere-faix qui deviendroit corps étranger. On doit considérer la sortie du placenta comme un second accouchement. Lorsque le cordon ombilical est rompu, ou lorsque le placenta résiste un peu trop à sa séparation de l'intérieur de la matrice, il faut que le Chirurgien y porte la main promptement tandis que l'orifice est encore béant : le délai deviendroit par le resserrement de l'orifice un grand obstacle à l'introduction de la main. Si dans le second cas que nous venons d'exposer, on ne portoit pas la main dans la matrice pour en détacher le placenta, & qu'on s'obstinât à vouloir tirer par le cordon, on pourroit occasionner le renversement de la matrice dont nous parlerons en son lieu. Il faut de même porter la main dans la matrice, lorsqu'après avoir tiré le placenta on s'apperçoit qu'il n'est pas dans son entier. On débarrasse en même tems dans toutes ces occasions la cavité de cet organe des caillots de sang qui pourroient s'y trouver.

Si après avoir tiré l'enfant on reconnoissoit que le ventre ne se fût point affaissé, comme il le fait ordinairement, & que les douleurs continuassent assez vivement, il faudroit avant que de faire des tentatives pour avoir le placenta, reporter la main dans la matrice. Il y a presque toûjours dans cette circonstance un second enfant dont il faudroit accoucher de nouveau la femme, après avoir rompu les membranes qui enveloppent le second enfant ; & il ne faudroit délivrer la mere du placenta du premier enfant qu'après le second accouchement, parce que les arriere-faix pouvant être collés l'un à l'autre, on ne pourroit en arracher un sans décoller l'autre, ce qui donneroit lieu à une perte de sang qui pourroit causer la mort à l'enfant qui resteroit, & même être préjudiciable à la mere.

Si un enfant avoit beaucoup souffert au passage, s'il étoit froissé & contus, comme cela arrive dans les accouchemens laborieux, on pourroit couper le cordon ombilical après avoir fait une seule ligature, & tiré quelques cuillerées de sang par le bout du cordon qui tient à l'enfant avant que de le lier : cette saignée rempliroit l'indication que demande un pareil état.

L'accouchement où l'enfant présente les piés pourroit à la rigueur passer pour naturel, puisqu'il sort facilement de cette façon par l'aide d'un Accoucheur, & que c'est ainsi qu'il faut terminer les accouchemens laborieux dans lesquels les enfans présentent quelques autres parties, à moins que ce ne soient les fesses, l'enfant pouvant alors être tiré en double.

Lorsqu'on a été obligé d'aller chercher les piés de l'enfant, on les amene à l'orifice de la matrice : si l'on n'en a pû saisir qu'un, l'autre ne fait point d'obstacle ; il faut tirer celui qu'on tient jusqu'à ce qu'on puisse dégager l'autre cuisse. Lorsque l'enfant a la poitrine dans l'orifice de la matrice, il faut, sans cesser de tirer, donner un demi-tour si les doigts des piés regardoient l'os pubis, afin de retourner l'enfant dont le menton pourroit s'accrocher à ces os, si l'on continuoit de le tirer dans cette premiere situation.

Un accouchement naturel par rapport à la bonne situation de l'enfant, peut être difficile lorsque la femme n'aura point été aidée à-propos, qu'il y aura long-tems que les eaux se seront écoulées, & que les douleurs deviendront languissantes, ou même cesseront tout-à-fait. On peut bien remédier en quelque sorte à la sécheresse de l'accouchement, en exposant la femme à la vapeur de l'eau tiede qui relâche les parties : mais rien ne supplée au défaut des douleurs : les lavemens acres que quelques auteurs conseillent peuvent irriter le rectum & la matrice par communication ; mais cela peut être infructueux & nuisible : le plus court dans ces conjonctures est de se servir du tire-tête, dont nous parlerons au mot FORCEPS.

Lorsque le foetus est mort, & qu'on ne peut pas l'avoir par l'instrument dont nous venons de parler, on est contraint de se servir des moyens extrèmes, & de dépecer l'enfant avec les crochets, pour délivrer la mere de ce fruit infortuné. Voyez CROCHET.

Si toutes choses bien disposées d'ailleurs, il y a une impossibilité physique de tirer l'enfant en vie par les voies ordinaires, en conséquence de la mauvaise conformation des os du bassin de la mere, &c. il faut faire l'opération césarienne. Voyez CESARIENNE.

Mais la nature tend trop efficacement à la conservation des especes, pour avoir rendu les accouchemens laborieux les plus fréquens. Au contraire, il arrive quelquefois que le foetus sort de la matrice sans déchirer les membranes qui l'enveloppent, & par conséquent sans que la liqueur qu'elles contiennent se soit écoulée : cet accouchement paroît être le plus naturel, & ressemble à celui de presque tous les animaux ; cependant le foetus humain perce ordinairement ses membranes à l'endroit qui se trouve sur l'orifice de la matrice, par l'effort qu'il fait contre cette ouverture ; & il arrive assez souvent que l'amnios, qui est fort mince, ou même le chorion, se déchirent sur les bords de l'orifice de la matrice, & qu'il en reste une partie sur la tête de l'enfant en forme de calotte ; c'est ce qu'on appelle naître coëffé. Dès que cette membrane est percée ou déchirée, la liqueur qu'elle contient s'écoule : on appelle cet écoulement le bain ou les eaux de la mere : les bords de l'orifice de la matrice & les parois du vagin en étant humectés, se prêtent plus facilement au passage de l'enfant. Après l'écoulement de cette liqueur, il reste dans la capacité de la matrice un vuide dont les Accoucheurs intelligens savent profiter pour retourner le foetus, s'il est dans une position desavantageuse pour l'accouchement, ou pour le débarrasser des entraves du cordon ombilical qui l'empêchent quelquefois d'avancer. M. de Buffon, Hist. nat.

Pour que l'accouchement soit naturel, il faut, selon les Medecins, trois conditions : la premiere, que la mere & l'enfant fassent réciproquement leurs efforts, la mere pour mettre au monde l'enfant, & l'enfant pour sortir du ventre de sa mere. La seconde, que l'enfant vienne au monde la tête la premiere, cela étant sa situation naturelle ; & la troisieme, que l'accouchement soit prompt & facile, sans aucun mauvais accident.

Lorsque l'enfant présente les piés, ou qu'il vient de travers ou double, l'accouchement n'est point naturel. Les Latins appelloient les enfans ainsi nés agrippae, comme qui diroit oegrè parti. Voyez AGRIPPA.

L'accouchement naturel est celui qui se fait au terme juste, c'est-à-dire, dans le dixieme mois lunaire : l'accouchement n'est point naturel, lorsque l'enfant vient au monde ou plûtôt ou plûtard, comme dans le huitieme mois.

Les femmes accouchent au bout de sept, huit, neuf, dix, & onze mois : mais elles ne portent pas plus long-tems, nonobstant que quelques Medecins prétendent qu'un accouchement peut être naturel dans le quatorzieme mois.

On a remarqué que les accouchemens sont plus heureux dans le septieme mois que dans le huitieme, c'est-à-dire, qu'il est plus aisé de sauver l'enfant quand il vient dans le septieme mois que quand il vient dans le huitieme, & que ces premiers vivent plus souvent que les derniers.

Peysonnel, Medecin à Lyon, a écrit un Traité latin du terme de l'accouchement des femmes, où il entreprend de concilier toutes les contradictions apparentes d'Hippocrate sur ce sujet. Il prétend que le terme le plus court de l'accouchement naturel, suivant Hippocrate, est de cent quatre-vingts-deux jours, ou de six mois entiers & complets ; & le plus long, de deux cens quatre-vingts jours, ou de neuf mois complets & dix jours ; & que les enfans qui viennent devant ou après ce terme ne vivent point, ou ne sont pas légitimes.

Bartholin a écrit un Livre de insolitis partûs viis, des conduits extraordinaires par où sort le foetus : il rapporte différens exemples d'accouchemens fort extraordinaires. Dans les uns le foetus est sorti par la bouche ; dans d'autres par l'anus. Voyez Salmuthus, Observ. 94. Cent. III. Transact. philosoph. n°. 416. pag. 435.

* Il est fait mention dans les Mémoires de l'Académie des Sciences, année 1702, pag. 235, d'un foetus humain tiré du ventre de sa mere par le fondement. Cette espece d'accouchement est assez extraordinaire pour trouver place ici. Au mois de Mars 1702, M. Cassini ayant donné avis à l'Académie des Sciences, qu'une femme, sans avoir eu aucun signe de grossesse, avoit rendu par le siége plusieurs os qui sembloient être les os d'un foetus, la chose parut singuliere, d'autant plus que quelques-uns se souvinrent qu'on avoit autrefois proposé des faits semblables, qui s'étoient trouvé faux par l'examen qu'on en avoit fait ; & M. Littre s'offrit à vérifier celui-ci.

Il trouva dans le lit une femme de 31 ans, autrefois fort grasse, alors horriblement décharnée & très-foible. Il y avoit douze ans qu'elle étoit mariée : elle avoit eu trois enfans pendant les six premieres années de son mariage ; elle avoit fait quatre fausses couches dans les trois années suivantes ; & le 15 du mois d'Août de l'année précédente, elle avoit senti une douleur aiguë à la hanche droite ; & cette douleur qui étoit diminuée quelque tems après, avoit entierement cessé au bout de cinq semaines. Au commencement du mois de Novembre de la même année, elle avoit senti sous le foie une autre douleur, accompagnée d'un grand étouffement ; & en appuyant sur la région douloureuse, on y avoit remarqué une tumeur ronde & grosse qui ne paroissoit pas au-dehors, & qu'on sentoit au toucher. Environ deux mois après, ce qui faisoit cette tumeur étoit tombé dans le côté droit du bassin de l'hypogastre, & la douleur & l'étouffement avoient cessé sur le champ.

Voyez la suite effrayante des symptomes de cet accident dans le Mémoire de M. Littre ; la fievre continue pendant quatre mois sans relâche, avec redoublemens par jour, & frissons ; l'aversion pour les alimens, les défaillances, les hoquets, le vomissement de sang, un cours de ventre purulent & sanglant qui entraînoit des os, des chairs, des cheveux, &c. les épreintes, les coliques, la toux, le crachement de sang, les insomnies, les délires, &c.

A l'inspection des os rendus, M. Littre s'apperçut qu'ils appartenoient à un foetus d'environ six mois : cependant cette femme n'avoit jamais eu aucun soupçon de grossesse ; son ventre n'avoit jamais sensiblement grossi, & elle n'y avoit point senti remuer d'enfant : mais d'un autre côté elle avoit eu quelques autres signes de grossesse que M. Littre rapporte. M. Littre examina ensuite la matrice & le gros boyau de la malade : la matrice étoit dans son état naturel, & il n'en étoit rien sorti que dans le tems reglé pour les femmes saines qui ne sont pas grosses. Mais le fondement étant bordé d'hémorrhoïdes, son orifice étoit serré & rétréci par une dureté considérable qui en occupoit toute la circonférence ; & en introduisant avec beaucoup de peine de sa part, & de douleur de la part de la malade, le doigt & les instrumens, le rectum lui parut ulcéré & percé en-dedans d'un trou large d'environ un pouce & demi. Ce trou situé à la partie postérieure de l'intestin du côté droit, deux pouces & demi au-dessus du fondement, ne laissoit plus de doute sur le chemin que les os & les autres matieres étrangeres avoient tenu.

En examinant avec le doigt cette plaie, M. Littre sentit la tête d'un foetus qui étoit si fortement appliquée, qu'il ne put la déranger, & que depuis trois jours la malade ne rendoit plus de matieres extraordinaires.

L'état de la malade étant constaté, il s'agissoit de la guérir : pour cet effet, M. Littre commença par lui donner des forces, en lui prescrivant les meilleurs alimens & les remedes les plus capables d'affoiblir les symptomes du mal ; ensuite il travailla à tirer le reste du foetus ; ce qu'il ne put exécuter qu'avec des précautions infinies, & dans un tems très-considérable. Il tira avec ses doigts tous les petits os & les chairs ; il inventa des instrumens à l'aide desquels il coupa les gros os, sans aucun danger pour la femme ; & ce traitement commencé au mois de Mars dura cinq mois, au bout desquels la malade se trouva en état de vaquer à ses affaires. Ceux qui le suivront dans tout son détail, douteront si l'art a moins de ressources que la nature, & s'il n'y a pas des cas où le Chirurgien & le Medecin ne font pas plus qu'elle pour notre conservation : cependant on sait qu'elle conserve tout ce qu'elle peut empêcher de périr, & que de tous les moyens qui lui sont possibles, il n'y en a presqu'aucun qu'elle n'employe.

M. Littre cherche, après avoir fait l'histoire de la guérison, dans quel endroit ou dans quelle partie du ventre de la malade le foetus étoit contenu pendant qu'il vivoit. On peut d'abord soupçonner quatre endroits différens ; la simple capacité du ventre, la matrice, les trompes, & les ovaires.

Il n'étoit pas dans la simple capacité du ventre, parce qu'en pressant la partie inférieure du ventre de haut en bas, on touchoit une espece de poche d'une grandeur à contenir un petits foetus d'environ six mois, ronde, peu stable dans son assiette, & percée d'un trou. Cette poche n'étoit pas les membranes du foetus, mais une partie de la mere, car les membranes du foetus avoient été extraites par l'ouverture du gros boyau.

Il n'étoit pas non plus dans la cavité de la matrice ; 1°. parce que la malade a eu réglément ses ordinaires pendant cette grossesse : 2°. que le trou de la poche étoit situé à sa partie latérale gauche : 3°. que trois mois après la sortie du foetus, cette poche étoit encore grosse : 4°. que pendant le traitement il n'étoit survenu aucune altération aux parties naturelles, aucun écoulement, &c. 5°. que la matrice pleine d'un foetus de six mois ne s'étend point jusqu'aux fausses côtes : 6°. que s'il eût été dans la matrice, il en eût rongé les parois pour en sortir.

D'où M. Littre conclut que c'est donc ou la trompe ou l'ovaire qui avoit servi de matrice au foetus : mais il ne se décide point pour l'une de ces parties plûtôt que pour l'autre ; il conjecture seulement que la poche formée par l'une ou l'autre s'est ouverte, & que le foetus est tombé dans la capacité de l'hypogastre où il est mort.

On a vû par le commencement de cet article, ce qu'il produisit là, & quelles furent les suites de cet accident.

Vers la fin de Septembre la malade fut aussi forte & dans le même embonpoint qu'auparavant. Elle joüissoit d'une parfaite santé lorsque M. Littre faisoit l'histoire de sa maladie.

Le fait précedent est remarquable par la maniere dont une femme s'est débarrassée d'un enfant mort : en voici un autre qui ne l'est guere moins par le nombre des enfans qu'une femme a mis au monde tous vivans. On lit, Hist. de l'Acad. 1709, pag. 22. que dans la même année la femme d'un Boucher d'Aix étoit accouchée de quatre filles, qui paroissoient de différens termes, ensuite d'une masse informe, puis de deux jours en deux jours de nouveaux enfans bien formés, tant garçons que filles, jusqu'au nombre de cinq ; de sorte qu'en tout il y en avoit neuf, sans compter la masse : ils étoient tous vivans, & furent tous baptisés ou ondoyés. On n'avoit point encore ouvert la masse informe, qui apparemment contenoit un autre enfant. Le nombre des enfans, & quelques soupçons de superfétation, sont ici des choses très-dignes d'observation.

Il est vrai que l'histoire de la fameuse Comtesse de Hollande seroit bien plus merveilleuse : mais aussi n'a-t-elle pas l'air d'une histoire.

En 1685, à Leckerkerch, qui est à huit ou dix lieues de la Haye, la femme d'un nommé Chrétien Claes accoucha de cinq enfans. Le premier fut un garçon qui vécut deux mois. Dix-sept heures après la naissance de celui-là, vint un second fils, mais mort. Vingt-quatre heures après cette femme mit au monde un troisieme garçon, qui vécut environ deux heures. Autres vingt-quatre heures après elle eut un quatrieme mort-né. Elle mourut elle-même en mettant au monde un cinquieme garçon, qui périt dans le travail.

Je terminerai cet article par une question physiologique relative à la méchanique des accouchemens. On demande s'il se fait un écartement des os pubis dans cette opération de la nature. Quelques auteurs pensent que ceux qui tiennent l'affirmative le font avec trop de crédulité, & peu d'exactitude : mais il y a des faits très-circonstanciés qui détruisent ces imputations. M. Verdier, célebre Anatomiste, de l'Académie royale de Chirurgie, & Démonstrateur royal des écoles, a traité amplement cette matiere dans son Traité d'Ostéologie, à l'article des os du bassin. M. Loüis a fait des observations sur un grand nombre de cadavres, à la sollicitation de M. Levret, membre de la même académie ; & tous deux ont vû par le parallele de la jonction des os du bassin des femmes & des hommes, que dans celles-là il y avoit des dispositions très-naturelles à l'écartement non-seulement des os pubis, mais encore des iléons avec l'os sacrum ; & l'examen des cadavres des femmes mortes en couche à l'Hôtel-Dieu, que M. Levret a fait avec M. Moreau, Chirurgien major de cette maison en survivance de M. Boudou ; confirme que toute la charpente osseuse du bassin prête plus ou moins dans les accouchemens les plus naturels.

Les Chirurgiens François ont beaucoup travaillé sur la matiere des accouchemens : tels sont Portail, Peu, Viardel, Amand, Mauriceau, Lamotte, Levret, &c. M. Puzos a donné à l'Académie de Chirurgie plusieurs mémoires sur cette matiere : il y en a un inséré dans le premier volume sur les pertes de sang des femmes grosses, digne de la réputation de l'auteur.


ACCOUCHERv. n. enfanter. Accoucher heureusement. Elle a accouché en tel endroit. Elle est accouchée. Accoucher à terme. Accoucher d'un enfant mort. (L)

ACCOUCHER, v. act. aider à une femme à accoucher. C'est cette Sage-femme qui a accouché une telle dame. Elle accouche bien. Un Chirurgien accouche mieux qu'une Sage-Femme. (L)


ACCOUCHEURS. m. Chirurgien dont le talent principal est d'accoucher les femmes. Ce Chirurgien est un bon Accoucheur. (L)


ACCOUCHEUSES. f. femme qui fait profession d'accoucher. Habile Accoucheuse. On dit plûtôt Sage-Femme. (L)

* Il y a des maladies, dit Boerhaave, qui viennent de causes toutes particulieres & qu'il faut bien remarquer, parce qu'elles donnent lieu à une mauvaise conformation. Les principales sont l'imagination de la mere, l'imprudence de l'Accoucheuse, &c. Il arrive fort souvent, ajoûte son commentateur, M. de la Metrie, " que ces femmes rendent les corps mous des enfans tout difformes, & qu'elles gâtent la figure de la tête en la maniant trop rudement. Delà tant de sots dont la tête est mal faite, oblongue ou angulaire, ou de toute autre forme différente de la naturelle. Il vaudroit mieux pour les femmes, ajoûte M. de la Metrie, qu'il n'y eût point d'Accoucheuses. L'art des accouchemens ne convient que lorsqu'il y a quelque obstacle : mais ces femmes n'attendent pas le tems de la nature ; elles déchirent l'oeuf, & elles arrachent l'enfant avant que la femme ait de vraies douleurs. J'ai vû des enfans dont les membres ont été luxés dans cette opération ; d'autres qui en ont eu un bras cassé. Lorsqu'un membre a été luxé, l'accident restant inconnu, l'enfant en a pour le reste de la vie. Lorsqu'il y a fracture, le raccourcissement du membre l'indique. Je vous conseille donc, lorsque vous pratiquerez, de réprimer ces téméraires Accoucheuses ". Voyez Inst. de Boerhaave.

Je me crois obligé par l'intérêt que tout honnête homme doit prendre à la naissance des citoyens, de déclarer que poussé par une curiosité qui est naturelle à celui qui pense un peu, la curiosité de voir naître l'homme après l'avoir vû mourir tant de fois, je me fis conduire chez une de ces Sages-femmes qui font des éleves & qui reçoivent des jeunes gens qui cherchent à s'instruire de la matiere des accouchemens, & que je vis là des exemples d'inhumanité qui seroient presque incroyables chez des barbares. Ces Sages-femmes, dans l'espérance d'attirer chez elles un plus grand nombre de spectateurs, & par conséquent de payans, faisoient annoncer par leurs émissaires qu'elles avoient une femme en travail dont l'enfant viendroit certainement contre nature. On accouroit ; & pour ne pas tromper l'attente, elles retournoient l'enfant dans la matrice, & le faisoient venir par les piés. Je n'oserois pas avancer ce fait si je n'en avois pas été témoin plusieurs fois, & si la Sage-femme elle-même n'avoit eu l'imprudence d'en convenir devant moi, lorsque tous les assistans s'étoient retirés. J'invite donc ceux qui sont chargés de veiller aux desordres qui se passent dans la société, d'avoir les yeux sur celui-là.


ACCOUERv. act. Quand le Veneur court un cerf qui est sur ses fins, & le joint pour lui donner le coup d'épée au défaut de l'épaule, ou lui couper le jarret ; on dit, le Veneur vient d'accouer le cerf, ou le cerf est accoué.


ACCOUPLES. f. lien dont on attache les chiens de chasse, ou deux à deux, ou quelquefois trois à trois.


ACCOUPLEMENTS. m. jonction du mâle & de la femelle pour la génération. Les animaux s'accouplent de différentes façons, & il y en a plusieurs qui ne s'accouplent point du tout. M. de Buffon nous donne une idée générale de cette variété de la nature dans le II. vol. de l'Hist. nat. gén. & part. avec la description du cabinet du Roi, page 311. & suivantes. Voici ses propres termes :

" La plus grande partie des animaux se perpétuent par la copulation ; cependant parmi les animaux qui ont des sexes, il y en a beaucoup qui ne se joignent pas par une vraie copulation ; il semble que la plûpart des oiseaux ne fassent que comprimer fortement la femelle, comme le coq, dont la verge quoique double est fort courte, les moineaux, les pigeons, &c. D'autres, à la vérité, comme l'autruche, le canard, l'oie, &c. ont un membre d'une grosseur considérable, & l'intromission n'est pas équivoque dans ces especes : les poissons mâles s'approchent de la femelle dans le tems du frai ; il semble même qu'ils se frottent ventre contre ventre, car le mâle se retourne quelquefois sur le dos pour rencontrer le ventre de la femelle, mais avec cela il n'y a aucune copulation ; le membre nécessaire à cet acte n'existe pas ; & lorsque les poissons mâles s'approchent de si près de la femelle, ce n'est que pour répandre la liqueur contenue dans leurs laites sur les oeufs que la femelle laisse couler alors ; il semble que ce soient les oeufs qui les attirent plûtôt que la femelle ; car si elle cesse de jetter des oeufs, le mâle l'abandonne, & suit avec ardeur les oeufs que le courant emporte, ou que le vent disperse : on le voit passer & repasser cent fois dans tous les endroits où il y a des oeufs : ce n'est sûrement pas pour l'amour de la mere qu'il se donne tous ces mouvemens ; il n'est pas à présumer qu'il la connoisse toûjours ; car on le voit répandre sa liqueur sur tous les oeufs qu'il rencontre, & souvent avant que d'avoir rencontré la femelle.

Il y a donc des animaux qui ont des sexes & des parties propres à la copulation, d'autres qui ont aussi des sexes & qui manquent de parties nécessaires à la copulation ; d'autres, comme les limaçons, ont des parties propres à la copulation & ont en même tems les deux sexes ; d'autres, comme les pucerons, n'ont point de sexe, sont également peres ou meres & engendrent d'eux-mêmes & sans copulation, quoiqu'ils s'accouplent aussi quand il leur plaît, sans qu'on puisse savoir trop pourquoi, ou pour mieux dire, sans qu'on puisse savoir si cet accouplement est une conjonction de sexes, puisqu'ils en paroissent tous également privés ou également pourvûs ; à moins qu'on ne veuille supposer que la nature a voulu renfermer dans l'individu de cette petite bête plus de faculté pour la génération que dans aucune autre espece d'animal, & qu'elle lui aura accordé non-seulement la puissance de se reproduire tout seul, mais encore le moyen de pouvoir aussi se multiplier par la communication d'un autre individu ".

Et à la page 313. " Presque tous les animaux, à l'exception de l'homme, ont chaque année des tems marqués pour la génération : le printems est pour les oiseaux la saison de leurs amours ; celle du frai des carpes & de plusieurs autres especes de poissons est le tems de la plus grande chaleur de l'année, comme aux mois de Juin & d'Août ; celle du frai des brochets, des barbeaux & d'autres especes de poissons, est au printems ; les chats se cherchent au mois de Janvier, au mois de Mai, & au mois de Septembre ; les chevreuils au mois de Decembre ; les loups & les renards en Janvier ; les chevaux en été ; les cerfs au mois de Septembre & Octobre ; presque tous les insectes ne se joignent qu'en automne, &c. Les uns, comme ces derniers, semblent s'épuiser totalement par l'acte de la génération, & en effet ils meurent peu de tems après, comme l'on voit mourir au bout de quelques jours les papillons qui produisent les vers à soie ; d'autres ne s'épuisent pas jusqu'à l'extinction de la vie, mais ils deviennent comme les cerfs, d'une maigreur extrème & d'une grande foiblesse, & il leur faut un tems considérable pour réparer la perte qu'ils ont faite de leur substance organique ; d'autres s'épuisent encore moins & sont en état d'engendrer plus souvent ; d'autres enfin, comme l'homme, ne s'épuisent point du tout, ou du moins sont en état de réparer promptement la perte qu'ils ont faite, & ils sont aussi en tout tems en état d'engendrer, cela dépend uniquement de la constitution particuliere des organes de ces animaux : les grandes limites que la nature a mises dans la maniere d'exister, se trouvent toutes aussi étendues dans la maniere de prendre & de digérer la nourriture, dans les moyens de la rendre ou de la garder, dans ceux de la séparer & d'en tirer les molécules organiques nécessaires à la reproduction ; & par-tout nous trouverons toûjours que tout ce qui peut être est ". (I)


ACCOUPLERv. act. apparier ensemble le mâle & la femelle. Voyez ACCOUPLEMENT. (L)

ACCOUPLER, terme de riviere, c'est lier plusieurs bateaux ensemble.

ACCOUPLER, terme d'Agriculture, c'est appareiller deux chevaux, deux boeufs, pour les employer au labour des terres & à d'autres ouvrages de la campagne.

ACCOUPLER. On dit au trictrac accoupler ses dames, c'est proprement les disposer deux à deux sur une fleche. Voyez DAMES.


ACCOURCIRACCOURCIR la bride dans sa main, c’est une action par laquelle le cavalier, après avoir tiré vers lui les rênes de la bride, en les prenant par le bout où est le bouton avec la main droite, les reprend ensuite avec la gauche qu’il avoit ouverte tant soit peu, pour laisser couler les rênes pendant qu’il les tiroit à lui. (V)

ACCOURCIR le trait, terme de Chasse, c'est le ployer à demi ou tout-à-fait pour tenir le limier.


ACCOURSES. f. terme de Marine, c'est le passage qu'on laisse au fond de calle dans le milieu & des deux côtés du vaisseau, pour aller de la poupe à la proue le long du vaisseau. (Z)


ACCOUTREMENTS. m. vieux mot qui signifie parure, ajustement. Il signifioit aussi l'habillement & l'équipage militaire d'un soldat, d'un chevalier, d'un gentilhomme.

Quelques auteurs font venir ce mot de l'Allemand custer, d'où l'on a fait coûtre, qui est encore en usage dans quelques cathédrales de France, & entre autres dans celle de Bayeux, pour signifier un sacristain ou officier qui a soin de parer l'autel ou l'église. D'autres le font venir du mot acculturare, qui dans la basse latinité équivaut à culturam dare ou ornare. Quoi qu'il en soit, ce terme est suranné, & n'est plus d'usage que dans la conversation ou dans le style familier. (G)


ACCOUTUMERACCOUTUMER un cheval, c’est le styler, le faire à quelque exercice ou à quelque bruit que ce soit, pour qu’il n’en ait point peur. (V)


ACCRÉTIONS. f. en Medecine, voyez ACCROISSEMENT.


ACCROCHEMENTS. m. parmi les Horlogers, signifie un vice de l'échappement qui fait arrêter l'horloge. Il vient de ce qu'une dent de la roue de rencontre s'appuie sur une palette avant que son opposée ait échappé de dessus l'autre palette. Cet accident arrive aux montres dont l'échappement est trop juste ou mal fait, & à celles dont les trous des pivots du balancier, ceux de la roue de rencontre, & les pointes des dents de cette roue, ont souffert beaucoup d'usure.

On dit qu'une montre a une feinte d'accrochement, lorsque les dents opposées de sa roue de rencontre touchent en échappant les deux palettes en même tems, mais si légerement qu'elles ne font, pour ainsi dire, que frotter sur la palette qui échappe, & que cela n'est pas assez considérable pour la faire arrêter. Voyez ECHAPPEMENT. (T)


ACCROCHERv. act. (Marine) c'est aborder un vaisseau en y jettant des grapins. V. ABORDAGE. (Z)


ACCROISSANCES. f. V. ACCROISSEMENT.


ACCROISSEMENTS. m. en Droit, est l'adjection & la réunion d'une portion devenue vacante à celle qui est déjà possédée par quelqu'un. Voyez ACCESSION.

Dans le Droit civil un legs fait à deux personnes conjointes, tam re quam verbis, tombe tout entier par droit d'accroissement à celui des deux légataires qui survit au testateur, si l'un des deux est mort auparavant. L'alluvion est une autre espece d'accroissement. Voyez ALLUVION. (H)

ACCROISSEMENT, en Physique, se dit de l'augmentation d'un corps organisé qui croît par de nouvelles parties qui s'y ajoûtent.

L'accroissement est de deux sortes : l'un consiste dans une simple apposition extérieure de nouvelle matiere ; c'est ce qu'on nomme autrement juxta-position, & c'est ainsi, selon plusieurs Physiciens, que croissent les pierres, les coquilles, &c. Voyez PIERRE & COQUILLE.

L'autre se fait par un fluide qui est reçû dans des vaisseaux, & qui y étant porté peu-à-peu, s'attache à leurs parois ; c'est ce qu'on appelle intus-susception ; & c'est ainsi, selon les mêmes auteurs, que croissent les animaux & les plantes. V. PLANTE, ANIMAL ; voyez aussi VEGETATION & NUTRITION. (O)

ACCROISSEMENT, action par laquelle les pertes du corps sont plus que compensées par la nutrition. Voyez NUTRITION.

Il y a quelque chose d'assez remarquable dans l'accroissement du corps humain : le foetus dans le sein de la mere croît toûjours de plus en plus jusqu'au moment de la naissance ; l'enfant au contraire croît toûjours de moins en moins jusqu'à l'âge de puberté, auquel il croît, pour ainsi dire, tout-à-coup, & arrive en fort peu de tems à la hauteur qu'il doit avoir pour toûjours. Il ne s'agit pas ici du premier tems après la conception, ni de l'accroissement qui succede immédiatement à la formation du foetus ; on prend le foetus à un mois, lorsque toutes ses parties sont développées ; il a un pouce de hauteur alors ; à deux mois, deux pouces un quart ; à trois mois, trois pouces & demi ; à quatre mois, cinq pouces & plus ; à cinq mois, six pouces & demi ou sept pouces ; à six mois, huit pouces & demi ou neuf pouces ; à sept mois, onze pouces & plus ; à huit mois, quatorze pouces ; à neuf mois, dix-huit pouces. Toutes ces mesures varient beaucoup dans les différens sujets, & ce n'est qu'en prenant les termes moyens qu'on les a déterminées. Par exemple, il naît des enfans de vingt-deux pouces & de quatorze ; on a pris dix-huit pouces pour le terme moyen, il en est de même des autres mesures : mais quand il y auroit des variétés dans chaque mesure particuliere, cela seroit indifférent à ce que M. de Buffon, d'où ces observations sont tirées, en veut conclure. Le résultat sera toûjours que le foetus croît de plus en plus en longueur tant qu'il est dans le sein de la mere : mais s'il a dix-huit pouces en naissant, il ne grandira pendant les douze mois suivans que de six ou sept pouces au plus ; c'est-à-dire, qu'à la fin de la premiere année il aura vingtquatre ou vingt-cinq pouces ; à deux ans, il n'en aura que vingt-huit ou vingt-neuf ; à trois ans, trente ou trente-deux au plus, & ensuite il ne grandira guere que d'un pouce & demi ou deux pouces par an jusqu'à l'âge de puberté : ainsi le foetus croît plus en un mois sur la fin de son séjour dans la matrice, que l'enfant ne croît en un an jusqu'à cet âge de puberté, où la nature semble faire un effort pour achever de développer & de perfectionner son ouvrage, en le portant, pour ainsi dire, tout-à-coup au dernier degré de son accroissement.

Le foetus n'est dans son principe qu'une goutte de liqueur limpide, comme on le verra ailleurs ; un mois après toutes les parties qui dans la suite doivent devenir osseuses, ne sont encore que des cellules remplies d'une espece de colle très-déliée. Le foetus passe promptement du néant, ou d'un état si petit que la vûe la plus fine ne peut rien appercevoir, à un état d'accroissement si considérable au moyen de la nourriture qu'il reçoit du suc laiteux ; qu'il acquiert dans l'espace de neuf mois la pesanteur de douze livres environ, poids dont le rapport est certainement infini avec celui de son premier état. Au bout de ce terme, exposé à l'air, il croît plus lentement, & il devient dans l'espace de vingt ans environ douze fois plus pesant qu'il n'étoit, & trois ou quatre fois plus grand. Examinons la cause & la vîtesse de cet accroissement dans les premiers tems, & pourquoi il n'est pas aussi considérable dans la suite. La facilité surprenante qu'a le foetus pour être étendu, se concevra si on fait attention à la nature visqueuse & muqueuse des parties qui le composent, au peu de terre qu'elles contiennent, à l'abondance de l'eau dont elles sont chargées, enfin au nombre infini de leurs vaisseaux, que les yeux & l'injection découvrent dans les os, dans les membranes, dans les cartilages, dans les tuniques des vaisseaux, dans la peau, dans les tendons, &c. Au lieu de ces vaisseaux, on n'observe dans l'adulte qu'un tissu cellulaire épais, ou un suc épanché : plus il y a de vaisseaux, plus l'accroissement est facile. En effet le coeur alors porte avec une vîtesse beaucoup plus grande les liquides ; ceux qui sont épanchés dans le tissu cellulaire s'y meuvent lentement, & ils ont moins de force pour étendre les parties. Il doit cependant y avoir une autre cause ; savoir, la plus grande force & le plus grand mouvement du coeur qui soit dans le rapport des fluides & des premiers vaisseaux : ce point saillant déjà vivifié dans le tems que tous les autres visceres dans le foetus, & tous les autres solides, ne sont pas encore sensibles, la fréquence du pouls dans les jeunes animaux, & la nécessité, nous le font voir. Effectivement l'animal pourroit-il croître, si le rapport du coeur du tendre foetus à ses autres parties, étoit le même que celui du coeur de l'adulte à toutes les siennes. La force inconnue, quelle qu'elle puisse être, qui met les parties des corps animés en mouvement, paroît produire un plus grand effet dans le foetus que dans l'adulte, dans lequel tous les organes des sensations s'endurcissent, tandis qu'ils sont extrèmement tendres & sensibles dans le foetus. Telles sont l'oeil, l'oreille, la peau, le cerveau même. Ceci ne peut-il pas encore s'expliquer, en ce que le foetus a la tête plus grosse, par le rapport plus grand des nerfs des jeunes animaux au reste de leurs parties ?

Ne doit-il donc pas arriver que le coeur faisant effort contre des vaisseaux muqueux, il les étende aisément, de même que le tissu cellulaire qui les environne, & les fibres musculaires arrosées par des vaisseaux ? Or toutes ces parties cedent facilement, parce qu'elles renferment peu de terre, & qu'au contraire elles sont chargées de beaucoup de gluten qui s'unit & qui se prête aisément. L'ossification doit donc se faire lorsque le suc gelatineux renfermé entre deux vaisseaux paralleles, devient osseux à la suite du battement réitéré de ces vaisseaux. Les os s'accroissent lorsque les vaisseaux placés le long de leurs fibres viennent à être étendus par le coeur ; ces vaisseaux en effet entraînent alors avec eux les fibres osseuses, ils les allongent, & elles repoussent les cartilages qui limitent les os & toutes les autres parties qui, quoique cellulaires, sont cependant élastiques. Ces fibres s'étendent entre leurs épiphyses, de sorte qu'elles les rendent plus courtes, mais plus solides. Tel est le méchanisme par lequel les parties du corps s'allongent, & par lequel il se forme des intervalles entre les fibres osseuses, cellulaires & terreuses qui se sont allongées. Ces intervalles sont remplis par les liquides, qui sont plus visqueux & plus gelatineux dans les jeunes animaux que les adultes. Ces liquides contractent donc plus facilement des adhérences, & se moulent sur les petites cavités dans lesquelles ils entrent. La souplesse des os dans le foetus, la facilité avec laquelle ils se consolident, la plus grande abondance du suc glutineux & de l'humeur gelatineuse dans les membres des jeunes animaux, & le rapport des cartilages aux grands os, font voir que les os dans les jeunes sujets sont d'une nature plus visqueuse que dans les vieillards : mais plus l'animal approche de l'adolescence, & plus l'accroissement se fait lentement. La roideur des parties qui étoient souples & flexibles dans le foetus ; la plus grande partie des os qui auparavant n'étoient que des cartilages, en sont des preuves. En effet, plusieurs vaisseaux s'affaissant à la suite du battement des gros troncs qui leur sont voisins, ou dans les membranes desquels ils se distribuent, ces vaisseaux sont remplacés par des parties solides qui ont beaucoup plus de consistance. Effectivement le suc osseux s'écoule entre les fibres osseuses ; toutes les membranes & les tuniques des vaisseaux sont formées d'un tissu cellulaire plus épais : d'ailleurs une grande quantité d'eau s'évaporant de toutes les parties, les filets cellulaires se rapprochent, ils s'attirent avec plus de force, ils s'unissent plus étroitement, ils résistent davantage à leur séparation ; l'humeur glaireuse, qui est adhérente aux os & aux parties solides, se seche ; la compression des arteres & des muscles dissipe le principe aqueux : les parties terreuses sont en conséquence dans un plus grand rapport avec les autres.

Toutes ces choses se passent ainsi jusqu'à ce que les forces du coeur ne soient plus suffisantes pour étendre les solides au-delà. Ceci a lieu lorsque les épiphyses cartilagineuses dans les os longs, se sont insensiblement diminuées au point qu'elles ne peuvent l'être davantage, & que devenues extrèmement minces & très-dures, elles se résistent à elles-mêmes, & au coeur en même tems. Or comme la même cause agit de même sur toutes les parties du corps, si on en excepte un petit nombre, tout le tissu cellulaire, toutes les membranes des arteres, les fibres musculaires, les nerfs, doivent acquérir insensiblement la consistance qu'ils ont par la suite, & devenir tels que la force du coeur ne soit plus capable de les étendre.

Cependant le tissu cellulaire lâche & entrecoupé de plusieurs cavités, se prête dans différens endroits à la graisse qui s'y insinue, & quelquefois au sang : ce tissu se gonfle dans différentes parties ; ainsi quoiqu'on ne croisse plus, on ne laisse pas de grossir. Il paroît que cela arrive, parce que l'accroissement n'ayant plus lieu, il se sépare du sang une plus petite quantité de sucs nourriciers, il reste plus de matiere pour les secrétions ; la résistance que trouve le sang dans les plus petits vaisseaux, devient plus grande par leur endurcissement : les secrétions lentes doivent alors être plus abondantes, le rapport de la force du coeur étant moindre, puisque la roideur des parties augmente la résistance, & que d'ailleurs la force du coeur ne paroît pas devenir plus grande. En effet, le coeur est un muscle qui tire principalement sa force de sa souplesse, de la grande quantité du suc nerveux qui s'y distribue, eu égard à la solidité de la partie rouge du sang, comme nous le dirons ailleurs. Or bien loin que la vieillesse augmente toutes ces choses, elle les diminue certainement : ainsi le corps humain n'a point d'état fixe, comme on le pourroit penser. Quelques vaisseaux sont continuellement détruits, & se changent en fibres d'autant plus solides, que la pression du poids des muscles & du coeur a plus de force dans différentes parties : c'est pour cela que les parties dont les ouvriers se servent plus fréquemment se roidissent ; le tissu cellulaire devient aussi continuellement plus épais, plus dur ; l'humeur glutineuse plus seche & plus terreuse ; les os des vieillards deviennent en conséquence roides ; les cartilages s'ossifient. Lorsque le gluten, dont toutes les parties tiennent leur souplesse, vient à être détruit, elles deviennent dures, le tissu cellulaire même du cerveau, du coeur, des arteres, sont dans ce cas ; la pesanteur spécifique des différentes parties du corps devient plus grande & même celle du crystallin : enfin la force attractive des particules glutineuses des liqueurs du corps humain diminue par les alimens salés dont on a fait usage, par les boissons inflammables, par les excès de tout genre. Le sang dégénere donc en une masse friable, acre, & qui n'est point gelatineuse : c'est ce que font voir la lenteur des cicatrices des plaies & des fractures, la mauvaise odeur de l'haleine, de l'urine, la plus grande quantité des sels du sang, la diminution de sa partie aqueuse, & l'opacité des humeurs qui étoient autrefois transparentes.

C'est pourquoi les ligamens intervertébraux venant à se sécher, à se durcir, & à s'ossifier, ils rapprochent insensiblement en devant les vertebres les unes des autres ; on devient plus petit & tout courbé. Les tendons deviennent très-transparens, très-durs & cartilagineux, lorsque le gluten qui étoit dans l'interstice de leurs fibres est presque détruit. Les fibres musculaires, les vaisseaux, & sur-tout les arteres, deviennent plus dures, l'eau qui les rendoit molles étant dissipée : elles s'ossifient même quelquefois. Le tissu cellulaire lâche se contracte, forme des membranes d'une tissure plus serrée : les vaisseaux excréteurs sont en conséquence comprimés de part & d'autre, & leurs petits orifices se ferment : la sécheresse des parties diminue donc les secrétions nécessaires du sang, les parties se roidissent, la température du sang devient plus seche & plus terreuse ; de maniere qu'au lieu de l'humeur que le sang déposoit auparavant dans toutes les parties du corps, il n'y porte plus qu'une vraie terre, comme on le sait par les endurcissemens qui arrivent, par les croûtes osseuses, répandues dans les arteres, dans les membranes, dans la superficie de la plûpart des os, surtout des vertebres, & quelquefois dans les parties les plus molles, comme on l'a observé dans toutes les parties du corps.

C'est la voie naturelle qui conduit à la mort, & cela doit arriver lorsque le coeur devient plus compact ; que sa force n'augmente pas à proportion des résistances qu'il rencontre ; & que par conséquent il succombe sous la charge. Lorsque le poumon, qui est moins susceptible de dilatation, résiste au ventricule droit du coeur, de même que tout le système des arteres capillaires, qui d'ailleurs font beaucoup de résistance au coeur, le mouvement du sang se ralentit insensiblement, il s'arrête, & le sang s'accumule surtout dans le ventricule droit, parce qu'il ne trouve plus de passage libre par le poumon, jusqu'à ce qu'enfin le coeur palpitant pendant quelque tems, le sang s'arrête, se coagule, & le mouvement du coeur cesse.

La nature a presque marqué le terme auquel tous les animaux doivent arriver : on n'en sait pas bien les raisons. L'homme qui vit long-tems vit naturellement deux fois plus que le boeuf & que le cheval, & il s'en est trouvé assez fréquemment qui ont vécû cent ans, & d'autres qui sont parvenus à 150. Les oiseaux vivent plus long-tems que les hommes ; les poissons vivent plus que les oiseaux, parce qu'au lieu d'os ils n'ont que des cartilages, & ils croissent continuellement.

La durée totale de la vie peut se mesurer en quelque façon par celle du tems de l'accroissement. Un arbre ou un animal qui prend en peu de tems son accroissement, périt beaucoup plûtôt qu'un autre auquel il faut plus de tems pour croître. Dans les animaux comme dans les végétaux, l'accroissement en hauteur est celui qui est achevé le premier. Un chêne cesse de grandir long-tems avant qu'il cesse de grossir. L'homme croît en hauteur jusqu'à seize ou dix-huit ans, & cependant le développement entier de toutes les parties de son corps en grosseur, n'est achevé qu'à trente ans. Les chiens prennent en moins d'un an leur accroissement en longueur ; & ce n'est que dans la seconde année qu'ils achevent de prendre leur grosseur. L'homme qui est trente ans à croître, vit quatre-vingts-dix ans ou cent ans ; le chien qui ne croît que pendant deux ou trois ans, ne vit aussi que dix ou douze ans : il en est de même de la plûpart des autres animaux. Les poissons qui ne cessent de croître qu'au bout d'un très-grand nombre d'années, vivent des siecles, &c. comme nous l'avons déjà insinué. Cette longue durée de leur vie doit dépendre de la constitution particuliere de leurs arêtes, qui ne prennent jamais autant de solidité que les os des animaux terrestres.

Les animaux qui ne produisent qu'un petit nombre de fétus, prennent la plus grande partie de leur accroissement, & même leur accroissement tout entier, avant que d'être en état d'engendrer ; au lieu que les animaux qui multiplient beaucoup, engendrent avant même que leur corps ait pris la moitié, ou même le quart de son accroissement. L'homme, le cheval, le boeuf, l'âne, le bouc, le bélier, ne sont capables d'engendrer que quand ils ont pris la plus grande partie de leur accroissement ; il en est de même des pigeons & des autres oiseaux qui ne produisent qu'un petit nombre d'oeufs : mais ceux qui en produisent un grand nombre, comme les coqs, les poules, les poissons, &c. engendrent bien plûtôt. Un coq est capable d'engendrer à l'âge de trois mois, & il n'a pas alors pris plus d'un tiers de son accroissement ; un poisson qui doit au bout de vingt ans peser trente livres, engendre dès la premiere ou la seconde année, & cependant il ne pese peut-être pas alors une demi-livre. Mais il y auroit des observations particulieres à faire sur l'accroissement & la durée de la vie des poissons : on peut reconnoître à-peu-près leur âge en examinant avec une loupe ou un microscope les couches annuelles dont sont composées leurs écailles : mais on ignore jusqu'où il peut s'étendre. On voit des carpes chez M. le Comte de Maurepas, dans les fossés de son château de Pontchartrain, qui ont au moins cent cinquante ans bien avérés, & elles paroissent aussi agiles & aussi vives que des carpes ordinaires. Il ne faut pas dire avec Leuwenhoek, que les poissons sont immortels, ou du moins qu'ils ne peuvent mourir de vieillesse. Tout doit périr avec le tems ; tout ce qui a eu une origine, une naissance, un commencement, doit arriver à un but, à une mort, à une fin : mais il est vrai que les poissons vivant dans un élément uniforme, & qu'étant à l'abri des grandes vicissitudes, & de toutes les injures de l'air, ils doivent se conserver plus long-tems dans le même état que les autres animaux : & si ces vicissitudes de l'air sont, comme le prétend un grand Philosophe (le chancelier Bacon,voyez son Traité de la vie & de la mort), les principales causes de la destruction des êtres vivans, il est certain que les poissons étant de tous les animaux ceux qui y sont les moins exposés, ils doivent durer beaucoup plus long-tems que les autres. Mais ce qui doit contribuer encore plus à la longue durée de leur vie, c'est que leurs os sont d'une substance plus molle que ceux des autres animaux, & qu'ils ne se durcissent pas, & ne changent presque point du tout avec l'âge. Les arêtes des poissons s'allongent, grossissent, & prennent de l'accroissement sans prendre plus de solidité, du moins sensiblement ; au lieu que les os des autres animaux, aussi-bien que toutes les autres parties solides de leurs corps, prennent toûjours plus de dureté & de solidité : & enfin lorsqu'elles sont absolument remplies & obstruées, le mouvement cesse, & la mort suit. Dans les arêtes au contraire, cette augmentation de solidité, cette replétion, cette obstruction qui est la cause de la mort naturelle, ne se trouve pas, ou du moins ne se fait que par degrés beaucoup plus lents & plus insensibles, & il faut peut-être beaucoup de tems pour que les poissons arrivent à la vieillesse.

La mort est donc d'une nécessité indispensable suivant les lois des corps qui nous sont connues, quoique la différente proportion de la force du coeur aux parties solides, la coction des alimens, le caractere du sang, la chaleur de l'air extérieur, puissent plus ou moins en éloigner le terme. En conséquence de ces lois, les vaisseaux les plus petits devoient être comprimés par les plus gros, le gluten devoit s'épaissir insensiblement, les parties aqueuses s'évaporer, & par conséquent les filets du tissu cellulaire s'approcher de plus en plus. Au reste, un régime de vie tranquille, qui n'est point troublé par les passions de l'ame & par les mouvemens violens du corps ; une nourriture tirée des végétaux ; la tempérance, & la fraîcheur extérieure, peuvent empêcher les solides de devenir sitôt roides, suspendre la secheresse & l'acreté du sang.

Est-il croyable qu'il naisse ou renaisse de nouvelles parties dans le corps humain ? La maniere dont les polypes, & presque toute la famille des testacées se reproduisent ; la régénération des vers, des chenilles, des serres des écrevisses ; tous les différens changemens qui arrivent à l'estomac, la reproduction des queues des lésards, & des os qui occupent la place de ceux que l'on a perdus, prouvent-ils qu'il se fait une pareille régénération dans toutes les parties des corps animés ? doit-on lui attribuer la réparation naturelle des cheveux (qui sont des parties organiques) des ongles, des plumes, la production des nouvelles chairs dans les plaies, celle de la peau, la réduction du scrotum, le cal des os ? La question est difficile à décider. Ceci a néanmoins lieu dans les insectes, dont la structure est simple & gélatineuse, & dont les humeurs lentes ne s'écoulent point, mais restent adhérentes aux autres parties du corps. Les membranes dans lesquelles se forment les hydatides dans l'homme, la génération des chairs dans les blessures, le cal qui fortifie non-seulement les os fracturés, mais qui encore tient lieu des os entiers, se forment d'une liqueur gélatineuse rendue compacte par la pulsation des arteres voisines prolongées : on n'a cependant jamais observé que de grandes parties organiques se soient régénérées. La force du coeur dans l'homme, & la tendance que les humeurs qui y séjournent ont à la pourriture, la structure composée du corps, qui est fort différente de celle des insectes, s'opposent à de pareilles régénérations.

Il y a une autre espece d'accroissement qui a paru merveilleux quand le hasard l'a découvert : on remarqua en Angleterre que nos corps étoient constamment plus grands le matin que le soir, & que cet accroissement montoit à six & sept lignes : on examina ce nouveau phénomene, & on en donna l'explication dans les Transactions philosophiques. Un esprit qui n'auroit pû étendre ses vûes que sur des objets déjà découverts, auroit vérifié grossierement ce phénomene, l'auroit étalé aux yeux du public sous une autre forme, l'auroit paré de quelque explication physique mal ajustée, auroit promis de dévoiler de nouvelles merveilles : mais M. l'abbé Desfontaines s'est rendu maître de cette nouvelle découverte ; il a laissé si loin ceux qui l'avoient donnée au public, qu'ils n'ont osé publier leurs idées ; il est fâcheux que l'ouvrage où il a rassemblé ses observations n'ait pas été imprimé. Nous ne donnerons pas ici le détail de toutes les découvertes qu'il a faites sur cette matiere : mais nous allons donner des principes dont on pourra les déduire. 1°. L'épine est une colonne composée de parties osseuses séparées par des cartilages épais, compressibles & élastiques ; les autres cartilages qui se trouvent à la tête des os, & dans les jointures, ne paroissent pas avoir la même élasticité. 2°. Tout le poids du tronc, c'est-à-dire, le poids de cent livres au moins, porte sur l'épine ; les cartilages qui sont entre les vertebres sont donc comprimés quand le corps est debout : mais quand il est couché, ils ne portent plus le même poids ; ils doivent se dilater, & par conséquent éloigner les vertebres ; ainsi le tronc doit devenir plus long, mais ce sera là précisément une force élastique qui augmentera le volume des cartilages. Les fluides sont poussés continuellement par le coeur, & ils trouvent moins de résistance dans les cartilages lorsqu'ils ne sont pas comprimés par le poids du tronc ; ils doivent donc y entrer en plus grande quantité & dilater les vaisseaux : mais ces vaisseaux ne peuvent se dilater sans augmenter le volume des cartilages, & sans écarter les vertebres : d'abord les cartilages extrèmement comprimés se rétablissent avec plus de force ; ensuite cette force diminuera par degrés, comme dans les bâtons fléchis, qui se restituent ; il est donc évident que l'accroissement qui se fait quand on est couché demande un certain espace de tems, parce que les cartilages, toûjours pressés, ne peuvent se rétablir dans un instant. De plus, supposons que l'accroissement soit de six lignes, chaque ligne d'augmentation ne se fait pas dans le même espace de tems ; les dernieres lignes demanderont un tems beaucoup plus long, parce que les cartilages ont moins de force dans le dernier tems de la restitution ; de même qu'un ressort qui se débande, a moins de force sur la fin de sa détente. 3°. L'accroissement dans les cartilages, doit produire une augmentation dans le diametre de la poitrine ; car les côtes en général sont plus éloignées sur l'épine que sur le sternum, ou dans leur marche. Suivant cette idée, prenons-en deux du même côté, regardons-les comme formant un angle dont une vertebre & un cartilage sont la base. Il est certain que de deux triangles qui ont les côtés égaux & les bases inégales, celui qui a la base plus petite a plus de hauteur perpendiculaire : or la base de l'angle que forment ces deux côtés le soir, est plus petite que la base de l'angle qu'ils forment le matin ; il faut donc que le soir il y ait plus de distance de l'épine au sternum, ou bien il faut que les côtés se soient voûtés, & par conséquent la poitrine aura plus de distance le soir que le matin. 4°. Après le repas les vaisseaux sont plus pleins, le coeur pousse le sang & les autres fluides avec plus de force, les vaisseaux agissent donc plus fortement sur les cartilages ; ils doivent donc porter dans leur intérieur plus de fluide, & par conséquent les dilater ; les vertebres doivent donc s'éloigner, & par conséquent il y aura un accroissement après le repas, & il se fera en plus ou moins de tems, selon la force des vaisseaux, ou selon la situation du corps ; car si le corps est appuyé sur le dossier d'une chaise, le poids du tronc portera moins sur les cartilages, ils seront donc moins pressés ; l'action des vaisseaux qui arrivent dans les cartilages trouvera donc moins de résistance, elle pourra donc mieux les dilater : mais quand l'action des vaisseaux commencera à diminuer, le décroissement arrivera, parce que la pesanteur du corps l'emportera alors sur l'action des vaisseaux, laquelle ne sera plus aussi vigoureuse quand la digestion sera faite, & quand la transpiration, qui est très-abondante trois heures après le repas, aura diminué le volume, & par conséquent l'action des vaisseaux, & la chaleur qui porte partout la raréfaction. 5°. Il y a un accroissement & un décroissement auquel toutes ces causes n'ont pas la même part ; quand on est couché on devient plus long d'un demi-pouce, même davantage : mais cette augmentation disparoît dès qu'on est levé. Deux faits expliqueront ce phénomene. 1°. L'épine est plus droite quand on est couché, que lorsque le corps est sur ses piés. 2°. Le talon se gonfle, & ce gonflement disparoît par le poids du corps ; au reste cet accroissement & ce décroissement sont plus considérables dans la jeunesse, que dans l'âge avancé. M. Senac, Essais de Physique. (L)

ACCROISSEMENT, se dit en Medecine, de l'augmentation d'une maladie. Le tems de l'accroissement est un tems fâcheux ; c'est celui où les accidens augmentent en nombre, en durée, & en violence ; si l'on saisit la maladie dès son commencement, on pourra prévenir la force de l'accroissement. Voyez MALADIE. (N)

ACCROISSEMENT, en Jardinage, se dit des plantes lorsqu'elles ont fait un grand progrès, & de belles pousses. Voyez VEGETATION. (K)


ACCROISTVoyez ACCROISSEMENT.


ACCROISTRE(Commerce.) en un sens neutre, se dit d'une chose qui passe à un associé ou co-propriétaire, par droit d'accroissement, en conséquence de ce que celui qui possédoit cette portion est mort ou l'a abandonnée. (G)


ACCROUPIadject. en terme de Blason, se dit du lion quand il est assis, comme celui de la ville d'Arles, & celui de Venise. On dit la même chose de tous les animaux sauvages qui sont dans cette posture, & des lievres, lapins & conils qui sont ramassés, ce qui est leur posture ordinaire, lorsqu'ils ne courent pas.

Paschal Colombier, en Dauphiné, d'argent à un singe accroupi de gueules : quelques-uns de la même famille l'ont porté rampant. (V)


ACCRUES(terme de marchands de filets.) faire des boucles au lieu de mailles pour accrocher les filets ; c'est ce qu'ils appellent jetter des accrues.


ACCUBITEURS. m. (Hist. anc.) officier du palais des empereurs de Constantinople. C'étoit un chambellan qui couchoit auprès du prince, pour la sûreté de sa personne. (G)


ACCULS. m. terme de Marine : les navigateurs de l'Amérique se servent de ce mot pour désigner l'enfoncement d'une baie. Le mot de cul-de-sac a parmi eux la même signification. Ils disent l'accul du petit Goave, & le cul-de-sac de la Martinique. (Z)


ACCULÉterme de Blason : il se dit d'un cheval cabré quand il est sur le cul en arriere, & de deux canons opposés sur leurs affuts, comme les deux que le grand-maître de l'Artillerie met au bas de ses armoiries pour marque de sa dignité.

Harling en Angleterre, d'argent à la licorne acculée de sable, accornée & onglée d'or. (V)


ACCULEMENou ACULEMENT, s. m. terme de Marine : c'est la proportion suivant laquelle chaque gabarit s'éleve sur la quille plus que la maîtresse côte, ou premier gabarit, ou l'évidure des membres qu'on place à l'avant & à l'arriere du vaisseau. Voyez VARANGUE ACCULEE. (Z)


ACCULER(Manege.) se dit lorsque le cheval qui manie sur les voltes ne va pas assez en avant à chacun de ses tems & de ses mouvemens ; ce qui fait que ses épaules n'embrassent pas assez de terrein, & que sa croupe s'approche trop près du centre de la volte. Cheval acculé, votre cheval s'accule & s'entable tout à la fois. Les chevaux ont naturellement de l'inclination à s'acculer en faisant les demi-voltes. Quand les Italiens travaillent les chevaux au répolon, ils affectent de les acculer. Acculer a un autre sens parmi le vulgaire, & se dit d'un cheval qui se jette & s'abandonne sur la croupe en desordre lorsqu'on l'arrête ou qu'on le tire en arriere. Voyez VOLTE, REPOLON, &c. (V)


ACCUMULATIONS. f. entassement, amas de plusieurs choses ensemble. Ce mot est fait du Latin ad, & cumulus, monceau.

ACCUMULATION ou CUMULATION, en Droit, est la jonction de plusieurs titres avec lesquels un prétendant se présente pour obtenir un héritage ou un bénéfice, qu'un seul de ces titres pourroit lui acquérir. Voyez CUMULATION. (H)


ACCUSATEURS. m. en Droit, est celui qui poursuit quelqu'un en Justice pour la réparation d'un crime qu'il lui impute. Chez les Romains l'accusation étoit publique, & tout citoyen se pouvoit porter accusateur. En France un particulier ne se peut porter accusateur qu'entant que le crime lui a apporté personnellement du dommage, & il ne peut conclure qu'à des réparations civiles : mais il n'appartient qu'au ministere public, c'est-à-dire au procureur général ou son substitut, de conclure à des réparations pénales ; c'est lui seul qui est chargé de la vindicte publique. Et le particulier qui révele en justice un crime où il n'est point intéressé, n'est point accusateur, mais simple dénonciateur, attendu qu'il n'entre pour rien dans la procédure, & n'est point poursuivant concurremment avec le procureur général, comme l'est l'accusateur intéressé.

Dans le cas où l'accusé se trouveroit innocent par l'évenement du procès, l'accusateur privé doit être condamné à des dommages & intérêts, à l'exception d'un petit nombre de cas ; au contraire du procureur général, contre lequel l'accusé absous ne peut prétendre de recours pour raison de dommages & intérêts ; parce que l'usage de ce recours nuiroit à la recherche des crimes, attendu que les procureurs du Roi ne l'entreprendroient qu'en tremblant, s'ils étoient responsables en leur nom de l'évenement du procès. Seulement, si au défaut de partie civile il y a un dénonciateur, l'accusé absous pourra s'en prendre à lui pour ses dommages & intérêts.

Accusateur differe de dénonciateur, en ce qu'on suppose que le premier est intéressé à la recherche du crime qu'il révele, au contraire du dénonciateur.


ACCUSATIFS. m. terme de Grammaire ; c'est ainsi qu'on appelle le quatrieme cas des noms dans les langues qui ont des déclinaisons, c'est-à-dire, dans les langues dont les noms ont des terminaisons particulieres destinées à marquer différens rapports ou vûes particulieres, sous lesquelles l'esprit considere le même objet. " Les cas ont été inventés, dit Varron, afin que celui qui parle puisse faire connoître, ou qu'il appelle, ou qu'il donne, ou qu'il accuse ". Sunt destinati casus ut qui de altero diceret, distinguere posset, quùm vocaret, quùm daret, quùm accusaret ; sic alia quaedam discrimina quae nos & Graecos ad declinandum duxerunt. Varro, lib. I. de Anal.

Au reste les noms que l'on a donnés aux différens cas ne sont tirés que de quelqu'un de leurs usages, & sur-tout de l'usage le plus fréquent ; ce qui n'empêche pas qu'ils n'en ayent encore plusieurs autres, & même de tout contraires : car on dit également donner à quelqu'un, & ôter à quelqu'un, défendre & accuser quelqu'un ; ce qui a porté quelques Grammairiens (tel est Scaliger) à rejetter ces dénominations, & à ne donner à chaque cas d'autre nom que celui de premier, second, & ainsi de suite jusqu'à l'ablatif, qu'ils appellent le sixieme cas.

Mais il suffit d'observer que l'usage des cas n'est pas restraint à celui que leur dénomination énonce. Tel est un seigneur qu'on appelle duc ou marquis d'un tel endroit ; il n'en est pas moins comte ou baron d'un autre. Ainsi nous croyons que l'on doit conserver ces anciennes dénominations, pourvû que l'on explique les différens usages particuliers de chaque cas.

L'accusatif fut donc ainsi appellé, parce qu'il servoit à accuser, accusare aliquem : mais donnons à accuser la signification de déclarer, signification qu'il a même souvent en François, comme quand les négocians disent accuser la réception d'une lettre ; & les joüeurs de piquet, accuser le point. En déterminant ensuite les divers usages de ces cas, j'en trouve trois qu'il faut bien remarquer.

1. La terminaison de l'accusatif sert à faire connoître le mot qui marque le terme ou l'objet de l'action que le verbe signifie. Augustus vicit Antonium, Auguste vainquit Antoine : Antonium est le terme de l'action de vaincre ; ainsi Antonium est à l'accusatif, & détermine l'action de vaincre. Vocem praecludit metus, dit Phedre en parlant des grenouilles épouvantées du bruit que fit le soliveau que Jupiter jetta dans leur marais ; la peur leur étouffa la voix : vocem est donc l'action de proecludit. Ovide parlant du palais du Soleil, dit que materiem superabat opus ; materiem ayant la terminaison de l'accusatif, me fait entendre que le travail surpassoit la matiere. Il en est de même de tous les verbes actifs transitifs, sans qu'il puisse y avoir d'exception, tant que ces verbes sont présentés sous la forme d'actifs transitifs.

Le second service de l'accusatif c'est de terminer une de ces prépositions qu'un usage arbitraire de la langue Latine détermine par l'accusatif. Une préposition n'a par elle-même qu'un sens appellatif ; elle ne marque qu'une sorte, une espece de rapport particulier ; mais ce rapport est ensuite appliqué, & pour ainsi dire individualisé par le nom qui est le complément de la préposition : par exemple, il s'est levé avant, cette préposition avant marque une priorité. Voilà l'espece de rapport : mais ce rapport doit être déterminé. Mon esprit est en suspens jusqu'à ce que vous me disiez avant qui ou avant quoi. Il s'est levé avant le jour, ante diem ; cet accusatif diem détermine, fixe la signification de ante. J'ai dit qu'en ces occasions ce n'étoit que par un usage arbitraire que l'on donnoit au nom déterminant la terminaison de l'accusatif ; car au fond ce n'est que la valeur du nom qui détermine la préposition : & comme les noms Latins & les noms Grecs ont différentes terminaisons, il falloit bien qu'alors ils en eussent une ; or l'usage a consacré la terminaison de l'accusatif après certaines prépositions, & celle de l'ablatif après d'autres ; & en Grec il y a des prépositions qui se construisent aussi avec le génitif.

Le troisieme usage de l'accusatif est d'être le suppôt de l'infinitif, comme le nominatif l'est avec les modes finis ; ainsi comme on dit à l'indicatif Petrus legit, Pierre lit, on dit à l'infinitif Petrum legere, Pierre lire, ou Petrum legisse, Pierre avoir lû. Ainsi la construction de l'infinitif se trouve distinguée de la construction d'un nom avec quelqu'un des autres modes ; car avec ces modes le nom se met au nominatif.

Que si l'on trouve quelquefois au nominatif un nom construit avec un infinitif, comme quand Horace a dit patiens vocari Caesaris ultor, au lieu de patiens te vocari ultorem ; c'est ou par imitation des Grecs qui construisent indifféremment l'infinitif, ou avec un nominatif, ou avec un accusatif, ou bien c'est par attraction ; car dans ce passage d'Horace, ultor est attiré par patiens, qui est au même cas que filius Maiae : tout cela se fait par le rapport d'identité. Voy. CONSTRUCTION.

Pour épargner bien des peines, & pour abreger bien des regles de la méthode ordinaire au sujet de l'accusatif, observez :

1°. Que lorsqu'un accusatif est construit avec un infinitif, ces deux mots forment un sens particulier équivalent à un nom, c'est-à-dire, que ce sens seroit exprimé en un seul mot par un nom, si un tel nom avoit été introduit & autorisé par l'usage. Par exemple, pour dire Herum esse semper lenem, mon maître est toûjours doux, Terence a dit heri semper lenitas.

2° D'où il suit que comme un nom peut être le sujet d'une proposition, de même ce sens total exprimé par un accusatif avec un infinitif, peut aussi être & est souvent le sujet d'une proposition.

En second lieu, comme un nom est souvent le terme de l'action qu'un verbe actif transitif signifie, de même le sens total énoncé par un nom avec un infinitif est aussi le terme ou objet de l'action que ces sortes de verbes expriment. Voici des exemples de l'un & de l'autre, & premierement du sens total qui est le sujet de la proposition ; ce qui, ce me semble, n'est pas assez remarqué. Humanam rationem praecipitationi & praejudicio esse obnoxiam satis compertum est. Cailly, Phil. Mot à mot, l'entendement humain être sujet à la précipitation & au préjugé est une chose assez connue. Ainsi la construction est, hoc, nempe humanam rationem esse obnoxiam praecipitationi & praejudicio, est seu negotium satis compertum. Humanam rationem esse obnoxiam praecipitationi & praejudicio, voilà le sens total qui est le sujet de la proposition ; est satis compertum en est l'attribut.

Caton dans Lucain, liv. II. v. 288. dit que s'il est coupable de prendre le parti de la république, ce sera la faute des dieux. Crimen erit Superis & me fecisse nocentem. Hoc, nempe deos fecisse me nocentem, de m'avoir fait coupable ; voilà le sujet dont l'attribut est erit crimen Superis. Plaute, Miles gl. act. III. scen. j. v. 109. dit que c'est une conduite loüable pour un homme de condition qui est riche, de prendre soin lui-même de l'éducation de ses enfans ; que c'est élever un monument à sa maison & à lui-même. Laus est magno in genere & in divitiis maximis liberos, hominem educare, generi monumentum & sibi. Construisez, hominem constitutum magno in genere & divitiis maximis educare liberos, monumentum generi & sibi ; hoc, inquam, est laus ; ainsi est laus est l'attribut, & les mots qui précedent font un sens total, qui est le sujet de la proposition.

Il y a en François & dans toutes les langues un grand nombre d'exemples pareils ; on en doit faire la construction suivant le même procédé. Il est doux de trouver dans un amant qu'on aime, un époux que l'on doit aimer, Quinault. Il, illud, à savoir l'avantage, le bonheur de trouver dans un amant qu'on aime un époux que l'on doit aimer : voilà un sens total, qui est le sujet de la proposition ; on dit de ce sens total, de ce bonheur, de ce il, qu'il est doux ; ainsi est doux, c'est l'attribut.

Quam bonum est correptum manifestare paenitentiam ! est negotium quam bonum. Eccli, c. xx. v. 4. construisez : hoc, nempe hominem correptum manifestare paenitentiam, est negotium quàm bonum. Il est beau pour celui qu'on reprend de quelque faute, de faire connoître son repentir. Il vaut mieux pour un esclave d'être instruit que de parler, plus scire satius est quàm loqui hominem servum. Plaute, act. I. scen. j. v. 57. construisez : hoc, nempe hominem servum plus scire, est satius quam hominem servum loqui. Homines esse amicos Dei, quanta est dignitas ! Qu'il est glorieux pour les hommes, dit Saint Grégoire le Grand, d'être les amis de Dieu ! où vous voyez que le sujet de la proposition est ce sens total, homines esse amicos Dei. Le même procédé peut faire la construction en François, & dans quelqu'autre langue que ce puisse être. Il, illud, à savoir d'être les amis de Dieu, est combien glorieux pour les hommes ! Mihi semper placuit non rege solum, sed regno liberari rem publicam. Lett. VII. de Brutus à Ciceron. Hoc, scilicet rempublicam liberari non solum, à rege, sed regno, placuit mihi. J'ai toûjours souhaité que la république fût délivrée non-seulement du roi, mais même de l'autorité royale.

Je pourrois rapporter un bien plus grand nombre d'exemples pareils d'accusatifs qui forment avec un infinitif un sens qui est le sujet d'une proposition : passons à quelques exemples où le sens formé par un accusatif & un infinitif, est le terme de l'action d'un verbe actif transitif.

A l'égard du sens total, qui est le terme de l'action d'un verbe actif, les exemples en sont plus communs. Puto te esse doctum ; mot à mot, je crois toi être savant ; & selon notre construction usuelle, je crois que vous êtes savant. Sperat se palmam esse relaturum ; il espere soi être celui qui doit remporter la victoire, il espere qu'il remportera la victoire.

La raison de ces accusatifs Latins est donc qu'ils forment un sens qui est le terme de l'action d'un verbe actif ; c'est donc par l'idiotisme de l'une & de l'autre langue qu'il faut expliquer ces façons de parler, & non par les regles ridicules du que retranché.

A l'égard du François, nous n'avons ni déclinaison ni cas ; nous ne faisons usage que de la simple dénomination des noms, qui ne varient leur terminaison que pour distinguer le pluriel du singulier. Les rapports ou vûes de l'esprit que les Latins font connoître par la différence de la terminaison d'un même nom, nous les marquons, ou par la place du mot, ou par le secours des prépositions. C'est ainsi que nous marquons le rapport de l'accusatif en plaçant le nom après le verbe. Auguste vainquit Antoine, le travail surpassoit la matiere. Il n'y a sur ce point que quelques observations à faire par rapport aux pronoms. Voy. ARTICLE, CAS, CONSTRUCTION. (F)


ACCUSATIONS. f. en Droit, est la délation d'un crime ou délit faite en justice, ou par une partie privée, ou par la partie publique, c'est-à-dire le procureur général ou son substitut. Voyez ACTION & INFORMATION. Ce mot vient du Latin accusatio, qui signifie la même chose.

Chez les Romains il n'y avoit point d'accusateur public pour les crimes publics : chaque particulier, soit qu'il y fût intéressé ou non, en pouvoit poursuivre la vindicte : mais l'accusation des crimes privés n'étoit recevable qu'en la bouche de ceux qui y avoient intérêt. Personne, par exemple, ne pouvoit accuser une femme d'adultere que son mari ; & cette loi s'observe encore parmi nous, au moins dans ce cas particulier. Voyez ADULTERE.

Le terme d'accusation n'avoit lieu même qu'à l'égard des crimes publics : la poursuite d'un crime ou délit particulier s'appelloit simplement action. Voyez ACTION.

Caton, le plus honnête homme de son siecle, fut accusé quarante-deux fois, & absous autant de fois. Voyez ABSOLUTION.

Quand l'accusé accuse son accusateur, cela s'appelle récrimination, laquelle n'est point admise que l'accusé n'ait commencé par se purger. Voyez RECRIMINATION.

Les lois cruelles de l'inquisition exigent de l'accusé qu'il s'accuse lui-même du crime qu'on lui impute. Voyez INQUISITION.

C'étoit autrefois la coûtume dans quelques parties de l'Europe, lorsque l'accusation étoit grave, qu'on la décidât par le combat, ou qu'on obligeât l'accusé à se purger par serment ; serment qui néanmoins ne suffisoit pas pour le purger, à moins qu'un certain nombre de ses voisins ou de ses connoissances ne jurassent conjointement avec lui. Voyez DUEL, COMBAT, SERMENT, PURGATION, &c.

C'est sans doute par une suite de cet usage qui a été long-tems en vigueur en Angleterre, qu'on y appelle encore celui qui s'intéressant à la personne d'un mort, se porte accusateur du meurtrier, appellant, & l'accusé appellé. (H)


ACCUSÉen Droit, est celui qu'on poursuit en justice pour la réparation d'un crime qu'on lui impute. Il est de l'essence de la procédure criminelle, qu'il soit entendu avant que d'être jugé, si ce n'est qu'il soit contumax ou refuse de répondre ; auxquels cas, après l'avoir sommé de se représenter ou de répondre, on passe outre au jugement du procès. Il doit répondre présent & en personne, & non pas par procureur, si ce n'est qu'il ne sût pas le François, auquel cas on lui adjoindroit un interprete qui expliqueroit ses réponses au juge. Voyez INTERPRETE, MUET, NTUMAXUMAX.

Il n'est point reçu à user de récrimination, qu'il n'ait purgé l'accusation contre lui intentée.

L'accusé meurt integri statûs, c'est-à-dire, sans flétrissure, lorsqu'il meurt avant le jugement de son procès, nonobstant que les informations fussent achevées & qu'elles fussent concluantes contre lui ; nonobstant même qu'il fût déjà condamné par les premiers juges, pourvu que l'appel n'ait point encore été confirmé par des juges souverains, si ce n'est que l'accusation ait pour objet un crime de lese-majesté. Et par conséquent ses biens ne sont pas sujets en ce cas à confiscation : ce qui n'empêche pourtant pas que la partie civile ne puisse répéter ses dommages & intérêts contre les héritiers ; lesquels n'ont d'autre moyen de s'en faire décharger, que de purger la mémoire du défunt. Voyez MEMOIRE.

Un ecclésiastique accusé ne peut point résigner, quand le crime emporte la privation de son bénéfice. (H)


ACCUTSterme de Chasse, se dit des endroits les plus réculés des terriers des renards & des blereaux ; & aussi des lieux les plus enfoncés, où l'on oblige le gibier de se retirer.

ACCUTS, sont aussi les bouts des forêts & des grands pays de bois.


ACÉS. f. (Géog. anc.) ville de Phénicie. Voyez PTOLEMAIS.


ACENSES. f. terme de Coûtumes, est un héritage ou ferme qu'on tient d'un seigneur, moyennant un cens ou autre pareille redevance annuelle à perpétuité ou à longues années, comme en vertu d'un bail emphitéotique ou d'un bail à rente. (H)


ACENSEMENTS. m. terme de Coûtumes, tenue ou tenure d'un fonds ou d'un héritage à titre d'acense. Voyez ci-dessus ACENSE. (H)


ACEPHALE S. m. ἀκέφαλος, qui n’a point de chef ou de tête, mot formé du grec, savoir d’ privatif & de κεφαλὴ, tête. On l’emploie dans le sens propre pour exprimer des êtres vivans sans tête, s’il en existe ; car il paroît que c’est sans fondement que les anciens Naturalistes ont avancé qu’il y avoit des peuples entiers agissans sans cette partie du corps humain. Pline les nomme les Blemmyes. Borel, savant Medecin, a refuté cette fable, sur la relation d’un Voyageur, son parent. Mais on trouve souvent des insectes & des vers qui vivent sans tête. Voyez VERS.

Acéphale se dit plus ordinairement dans un sens figuré d'un corps sans chef. Ainsi l'on appelle acéphales des prêtres qui se soustrayent à la discipline & à la jurisdiction de leur évêque, & des évêques qui refusent de se soûmettre à celle de leur patriarche. Voyez EXEMPTION & PRIVILEGE.

On a encore donné ce nom aux monasteres ou chapitres indépendans de la jurisdiction des évêques ; sur quoi Geoffroi, abbé de Vendôme, fit cette réponse au commencement du XII siecle : " Nous ne sommes point acéphales, puisque nous avons Jesus-Christ pour chef, & après lui le pape ". Raison illusoire, puisque non-seulement tout le clergé, mais encore les lacs auroient pû la prétexter pour se soustraire à la jurisdiction des ordinaires. Aussi les conciles & les capitulaires de nos rois prononcent-ils des peines très-grieves contre les clercs acéphales.

L'histoire ecclésiastique fait mention de plusieurs sectes désignées par le nom d'acéphales. De ce nombre sont, 1°. ceux qui ne voulurent adhérer ni à Jean, patriarche d'Antioche, ni à S. Cyrille d'Alexandrie, dans la dispute qu'ils eurent après l'assemblée du concile d'Ephese : 2°. certains hérétiques du cinquieme siecle, qui suivirent d'abord les erreurs de Pierre Mongus, évêque d'Alexandrie, puis l'abandonnerent, parce qu'il avoit feint de souscrire aux décisions du concile de Chalcedoine ; ils soûtenoient les erreurs d'Eutychés (Voyez EUTYCHIEN) : 3°. les sectateurs de Severe, évêque d'Antioche, & généralement tous ceux qui refusoient d'admettre le concile de Chalcedoine. Voyez SEVERIENS.

Quelques jurisconsultes appellent aussi acéphales les pauvres gens qui n'ont aucun seigneur propre, parce qu'ils ne possedent aucun héritage, à raison duquel ils puissent relever du roi, d'un baron, d'un évêque, ou autre seigneur féodal. Ainsi dans les lois d'Henri I. roi d'Angleterre, on entend par acéphales, les citoyens qui, ne possédant aucun domaine, ne relevent d'aucun seigneur en qualité de vassaux. Du Cange, Glossar. latinit. (G)


ACERBEadj. espece de saveur mixte qui consiste en un goût sûr, avec une pointe piquante & astringente. Voyez GOUST.

Tel est le goût des poires, du raisin & de la plûpart des autres fruits avant leur maturité. Voyez FRUIT, &c.

Les Medecins entendent ordinairement par acerbe une saveur intermédiaire entre l'acide & l'amer. Voyez ACIDE & ASTRINGENT.


ACERENZou CIRENZA, s. ville du royaume de Naples, capitale de la Basilicate sur le Branduno, au pié de l'Apennin. Long. 33. 40. lat. 40. 48.


ACERERv. act. (Serrurerie & Taillanderie.) c'est souder un morceau d'acier à l'extrémité d'un morceau de fer ; on pratique cette opération dans tous les outils tranchans qui servent à couper des matieres dures.

On acere de différentes manieres. S'il s'agit d'un marteau, soit de la tête, soit de la panne, on commence par corroyer un morceau d'acier de la largeur & de la forme de la tête du marteau ; puis on le soude à un morceau de fer menu de la même forme. Ensuite on fait chauffer la tête du marteau & cette acérure, & on soude le tout ensemble comme il sera dit à l'article SOUDER. On ne pratique l'acérure avec le fer que pour conserver à l'acier sa qualité. Il y a des ouvriers qui pour s'épargner de la peine, s'en dispensent & n'en font pas mieux. S'il s'agit de la panne, on peut employer la même façon : mais ordinairement on fend le côté de la panne du marteau, & on y insere un morceau d'acier amorcé en forme de coin.

Les deux premieres façons d'acérer s'appellent acérer à chaude portée.

Il vaut mieux se servir de la troisieme façon, autant qu'il est possible, parce que la chaude portée est sujette à se dessouder à cause des crasses qui se trouvent souvent prises entre les deux surfaces appliquées, quelque précaution que l'on prenne.

On voit, Pl. I. du Taillandier, fig. u, un marteau de tailleur de pierre fendu en pié de biche par son extrémité supérieure, & prêt à recevoir l'acérure.

Le morceau d'acier x, fait en coin, s'appelle l'acérure. Ce morceau se met dans la fente en pié de biche du marteau, & s'y soude. Alors on dit que le marteau est acéré ou aciéré.

Pour acérer un tas, on prend d'abord un morceau d'acier plat ; on le roule, comme on voit, Planche I. du Taillandier. Quand il est ainsi roulé, on le soude bien, & on lui donne la forme quarrée qu'on lui voit en H, où il est soudé avec le morceau d'acier G 2 qu'on appelle une mise. Ainsi la mise se trouve entre le tas & son acérure, comme on voit fig. 1. Voyez, quant à l'assemblage de ces parties, l'article TAS.


ACERIDESest un emplâtre fait sans cire, comme celui qu'on appelle emplastrum Norimbergense. Il entre de la cire dans l'emplâtre de Nuremberg de la pharmacopée de Paris, & il n'en entre point dans la véritable recette. (N)


ACERNou ACIERNO, s. ville d'Italie dans le royaume de Naples. Long. 31. 58. lat. 40. 55.


ACERRAS. petite ville d'Italie, au royaume de Naples, dans la Terre de Labour. Long. 31. 58. lat. 40. 55.


ACERRES. f. du Latin acerra. Chez les Romains c'étoit une espece d'autel dressé près du lit d'un mort sur lequel les parens & les amis du défunt brûloient perpétuellement de l'encens jusqu'au moment des funérailles. (G)


ACERSOCOMEadj. pris subst. nom d'Apollon qui veut dire à longue chevelure, parce qu'on représente ordinairement ce dieu avec la chevelure d'un jeune homme. (G)


ACERURES. f. (Serrurerie & Taillanderie.) On donne ce nom aux morceaux d'acier préparés pour être soudés à l'extrémité de morceaux de fer, ou autrement, suivant le besoin, & comme on voit à l'article ACERER.


ACESCENCE(Medecine.) disposition à l'acidité. On appelle liqueurs & médicamens acescens tous ceux qui affectent les organes du goût d'une aigreur piquante. Voyez ACIDE.


ACESIOSou qui rend la santé, (Myth.) surnom de Telesphore, dieu de la Medecine.


ACESTIDESS. f. (Hist. nat. & Minéral. anc.) nom que les anciens donnoient aux cheminées des fourneaux à fondre le cuivre. Elles alloient en se retrécissant du bas au sommet, afin que les vapeurs du métal en fusion s'y attachassent, & que la cadmie s'y formât en plus grande quantité. Voyez Dioscoride, Saumaise.


ACÉTABULEsub. m. (Hist. nat.) On avoit mis l'acétabule au rang des plantes marines : mais on a reconnu qu'il appartient au regne animal, & qu'il est produit par des insectes de mer. En effet, cette production ne paroît pas analogue aux plantes par sa substance qui est pierreuse : mais elle en est moins éloignée par sa figure. C'est un petit bassin fait en forme de cone renversé, qui tient par sa pointe à un pédicule fort mince & assez long. Il y a plusieurs de ces pédicules qui semblent sortir d'une pierre, ou d'une coquille, ou d'une autre matiere dure sur laquelle ils sont collés. Cette apparence jointe à d'autres circonstances avoit induit en erreur sur la nature de l'acétabule & de bien d'autres prétendues plantes marines, jusqu'à ce que M. Peyssonel ait découvert qu'elles étoient des productions animales. Voyez POLIPIER DE MER, PLANTES MARINES. (I)

ACETABULE, en Anatomie, s'employe pour désigner dans certains os une cavité profonde destinée à recevoir les grosses têtes d'autres os qui s'y articulent.

C'est ainsi que la cavité de l'os des iles qui reçoit la tête du fémur ou os de la cuisse, est appellée acétabule, & quelquefois cotyle ou cavité cotyloïde. Voyez OS DES ILES, FEMUR, COTYLE, &c.

L'acétabule est revêtu & tapissé d'un cartilage dont le bord circulaire est appellé sourcil ; au fond de cette cavité est une grosse glande mucilagineuse.

Acétabule est aussi employé par les anatomistes dans le même sens que cotyledon. Voy. COTYLEDON. (L)

ACETABULE, (Hist. anc.) du mot Latin acetabulum, petit vase ou burette que chez les anciens on mettoit sur la table rempli de quelque sauce ou assaisonnement, & semblable à nos salieres, saucieres, huiliers & vinaigriers. On doit principalement le déterminer à cette derniere espece, puisqu'Agricola, Traité des mesures Romaines, tire l'étymologie d'acetabulum, d'acetum, vinaigre : d'autres prétendent que c'étoit un vase en compartiment, qui contenoit diverses sortes d'épices.

ACETABULE, étoit aussi une mesure Romaine dont on se servoit pour les choses liquides, & même pour les seches, particulierement en Médecine. Cette sorte de mesure contenoit un cyathe, comme le prouve Agricola par deux vers de Fannius, qui, parlant du cyathe, dit qu'il contient le poids de dix dragmes, & l'oxybaphe ou acétabule, celui de quinze :

Bis quinque hunc (cyathum) faciunt drachmae, si appendere tentes ;

Oxybaphus fiet, si quinque addantur ad illas.

Du Pinet, dans son Traité des mesures antiques, mis à la tête de sa traduction de Pline, prétend que l'acétabule d'huile pesoit deux onces & deux scrupules ; l'acétabule de vin, deux onces deux dragmes un grain & un tiers de grain ; l'acétabule de miel, trois onces trois dragmes un scrupule & deux siliques ou huit grains.


ACETUMACETUM radicatum (Chimie.) c’est la partie la plus acide du vinaigre, après qu’on en a tiré le phlegme. Voyez Vinaigre radical. (M)


ACHAIES. m. (Géog. anc.) c'est le nom d'une ancienne province de Grece, située entre la Thessalie, l'épire, le Péloponese, & la mer Aegée, & qu'on nomme aujourd'hui Livadie ou la province du Péloponese, qui s'appelle maintenant le Duché de Clarence.


ACHAIENou ACHÉES, ou ACHÉENS, s. m. pl. peuples anciens de l'Achaie. Voyez ACHAIE.


ACHALANDER(Commerce.) attirer les marchands, accréditer, mettre une boutique, un magasin en réputation, y faire venir les chalands. V. CHALAND.

ACHALANDE, ACHALANDEE, qui a des chalands. Il se dit également du marchand & de la boutique. Un marchand achalandé, est celui qui fait un grand débit. Une boutique achalandée, est celle où il vient quantité de marchands pour acheter des marchandises. (G)


ACHAou AZEM ou ASEM, subst. royaume d'Asie, dans la partie septentrionale des états du roi d'Ava.


ACHAMECHque quelques-uns écrivent acamech, d'autres acemech, signifie, selon quelques chimistes, l'écume de l'argent, ou la litharge d'argent. V. LITHARGE, &c. (M)


ACHANACAS. f. (Hist. nat. & bot.) plante qui croît en Afrique, au royaume de Meli, qui a la feuille grande & semblable à celle du chou, mais moins épaisse, & avec une côte plus menue. Elle porte un fruit gros comme un oeuf & de couleur jaune, que les naturels du pays nomment alfar ou fach. Sa feuille & son fruit sont des sudorifiques qu'ils employent dans les maladies vénériennes. Cette description seroit passable pour des Africains : mais elle est insuffisante & mauvaise pour nous. C'est une réflexion qu'on n'a que trop souvent occasion de faire sur la botanique des plantes étrangeres.


ACHANES. f. (Hist. anc.) , ancienne mesure de blé usitée en Perse, qui contenoit quarante-cinq médimnes attiques. Arbuthhn. Dissert. p. 104. (G)


ACHARNARen Astronomie, est le nom d'une étoile de la premiere grandeur, à l'extrêmité australe de la constellation appellée Eridan. Voyez ERIDAN. (O)


ACHARNERv. act. (Chasse & Fauconnerie.) On acharne les chiens en leur donnant le goût & l'appétit de la chair. On dit acharner l'oiseau sur le tiroir, soit au poing avec le tiroir, ou en attachant le tiroir au leurre. Voyez TIROIR & LEURRE.


ACHATS. m. (Comm.) C'est l'acquisition d'une chose moyennant le payement de sa valeur. Achat se prend aussi pour la chose achetée. Vente est le contraire d'achat ; & acheteur est opposé à vendeur.

On appelle livre d'achat, un livre particulier dont les marchands se servent pour écrire journellement toutes les marchandises qu'ils achetent. V. LIVRES. (G)

ACHAT, (Jurisprud.) est l'acquisition d'un effet ou mobilier ou immobilier, moyennant une somme à laquelle il a été estimé entre les parties à l'amiable, ou prisé judiciairement. Le consentement de l'acheteur est ce qui rend parfait l'achat. L'achat & la vente ne sont qu'une même sorte de contrat considéré par rapport aux différentes parties contractantes ; car il ne sauroit y avoir d'achat sans vente, ni de vente sans achat. C'est pourquoi ce contrat est appellé dans le Droit civil, d'un même nom, emptio-venditio.

Ce qu'on dit proverbialement qu'achat passe loüage, signifie que le nouvel acquéreur d'une maison ou autre héritage, est le maître de déposséder le locataire ou le fermier. (H)


ACHES. f. est une plante potagere, qui est un vrai persil : on en compte de quatre sortes : l'ache ou persil de Macédoine ; l'ache de jardin ou persil ordinaire ; l'ache de montagne, qui est celle qui s'éleve le plus haut ; l'ache de marais, que d'autres nomment l'ache royale.

Cette derniere plante se cultive dans les jardins. Ses feuilles ressemblent à celles du persil, & poussent une tige d'un pié de haut, d'où naissent des fleurs en Juillet & Août, faites en ombelles, de couleur jaune ou blanche, composées de cinq feuilles disposées en rose. A la place de ces fleurs croît un fruit qui renferme deux graines qui en multiplient l'espece, ainsi que ses racines éclatées, dont on se sert le plus ordinairement.

Cette plante aime une terre humide & substantielle, avec peu de soleil. On mange ses racines crues & cuites.

Il y a encore une ache fort cultivée dans les jardins, qui est appellée celeri. Voyez CELERI. (K)

* Apium palustre, & apium officinarum. (C. B. Pin. 154.) Cette plante est amere, acre, aromatique : elle contient beaucoup de sel volatil huileux, dont le sel ammoniac n'est pas entierement décomposé, mais dissous dans beaucoup de phlegme & uni avec beaucoup de terre. Mém. de l'Acad. Royale des Sciences. On en tire par l'analyse chimique, outre plusieurs liqueurs acides, beaucoup de soufre, beaucoup de terre, assez d'esprit urineux, & un peu de sel volatil concret : c'est pourquoi elle est apéritive, diurétique, sudorifique, fébrifuge, vulnéraire. On fait prendre six onces du suc de ses feuilles dans le commencement du frisson de l'accès des fievres intermittentes : on couvre le malade, & il sue ordinairement.

Un gros d'extrait de feuilles d'ache avec deux gros de kinkina, est un excellent remede contre la fievre quarte, & toutes celles qui naissent d'obstructions au bas-ventre. On peut substituer le suc d'ache à celui de cochléaria, dans le scorbut, & quand il faut fortifier les gencives & nettoyer les ulceres de la bouche. On en bassine le cancer & les ulceres extérieurs. On emploie la racine d'ache en tisane, dans les bouillons, dans les apozèmes, & dans les sirops propres à désopiler. C'est une des cinq apéritives. Pour faire passer le lait, faites bouillir égale partie de feuilles d'ache & de mente dans du saindoux, passez par un tamis ; saupoudrez ce qui sera passé avec les semences d'ache pulvérisées. Cette plante se trouve le long des fossés & des ruisseaux.


ACHÉENNEadj. pris subst. (Myth.) surnom qu'on donna à Cérès à cause de la douleur qu'elle ressentit de l'enlevement de Proserpine sa fille. Cérès achéenne, c'est-à-dire Cérès la triste ou la désolée.


ACHÉESsub. m. (Pêche.) On donne ce nom & celui de laiche, à certains vers qui servent à nourrir des oiseaux, ou à faire des appats pour la pêche ; & comme il est quelquefois assez difficile d'en trouver, voici divers moyens pour en avoir presque en toutes les saisons de l'année.

Le premier est de s'en aller dans un pré ou autre lieu rempli d'herbes, où l'on jugera qu'il peut y avoir de cette sorte de vers ; là il faut, sans sortir d'une place, danser ou plûtôt trépigner des piés environ un demi-quart d'heure sans s'arrêter ; vous verrez les vers sortir de terre tout-autour de vous ; vous les amasserez, non à mesure qu'ils sortiront, mais quand ils seront tous dehors ; car si vous vous arrêtez un moment, ils rentreront dans la terre.

Le deuxieme moyen s'employe lorsqu'il y a des noix vertes sur les noyers : prenez-en un quarteron ou deux ; ayez un seau plein d'eau, & une brique ou tuile sur laquelle vous raperez la broue de vos noix, tenant la brique & les noix dans le fond de l'eau : lorsque vous aurez tout rapé, l'eau sera amere ; répandez cette eau ; s'il y a des vers, ils sortiront dans un quart d'heure.

On fait la même chose avec des feuilles de noyer ou de chanvre qu'on fait bouillir, & on répand sur la terre l'eau dans laquelle les feuilles ont bouilli.

On fait encore bouillir du verd-de-gris dans un peu de vinaigre, & on en arrose la terre.

Enfin vous trouverez des achées aisément la nuit, ayant une lanterne sourde, & marchant doucement dans un jardin le long des allées, ou dans un pré où il n'y aura plus d'herbes, quand il aura plû ou après un brouillard. Quand il fait sec, les achées ne sortent de leurs trous que dans les lieux humides, & à l'abri du vent & du soleil.

Autre moyen : c'est de planter d'environ un pié un gros bâton dans un endroit d'un pré humide, & de remuer la terre pendant un demi-quart d'heure en agitant le bâton en tout sens : l'ébranlement de la terre fera sortir les vers.


ACHEIROPOEETE(Théol. & Hist. mod.) qui n'est pas fait avec la main. C'est le nom d'une image de Jesus-Christ qui est à Rome dans l'église de saint Jean de Latran, & qu'on dit que saint Luc ébaucha & que les anges acheverent.


ACHELAÉn. p. f. (Mythol.) nom d'une des harpies. On lui donne pour soeurs Alope & Ocypete.


ACHEou ACHEN, s. ville capitale du royaume du même nom, dans la partie septentrionale de l'île de Sumatra, aux Indes orientales. Long. 113. 30. lat. 5.


ACHEMENISS. f. (Myth.) plante dont il est fait mention dans Pline, à laquelle la fable a attribué la vertu de jetter la terreur parmi les armées, & de les mettre en fuite. C'est dommage que ce soit là une fable, & que les hommes ne puissent pas aller au combat avec des plantes à la main.


ACHEMENSS. m. terme de Blason, lambrequins ou chaperons d'étoffe découpés, qui environnent le casque ou l'écu. Ils sont ordinairement des mêmes émaux que les armoiries. (V)


ACHEMINERACHEMINER un cheval, (Manege.) c’est accoûtumer un poulain à marcher droit devant lui. Voyez Poulain. Cheval acheminé est celui qui a de la disposition à être dressé, qui connoît la bride & répond aux éperons, qui est dégourdi & rompu. (V)


ACHERONS. m. (Géog. anc. & Myth.) C'étoit un fleuve des enfers, chez les Poëtes & les anciens Géographes ; ou un fleuve de la Thesprotie, prenant sa source au marais d'Acheruse, & se jettant près d'Ambracie dans le golfe Adriatique ; ou de la Calabre en Italie.


ACHERUSES. f. (Géog. Hist. anc. & Mythol.) lac d'Egypte près de Memphis, environné de belles campagnes où les Egyptiens venoient déposer leurs morts. Ils les exposoient d'abord sur les rives du lac, & des Juges examinoient la vie qu'ils avoient menée. On écoutoit les accusateurs ; & selon ce qu'on alléguoit pour ou contre le vivant, le mort étoit honoré ou privé de la sépulture. Il y avoit dans la même contrée un temple consacré à Hécate la ténébreuse, & deux marais appellés le Cocyte & le Cirsé : c'est là-dessus que l'imagination des Poëtes s'est exercée, & qu'elle a bâti ses enfers & son élysée.


ACHETERACHETER des marchandises (Commerce.) ou en faire l’achat, c’est les acquérir pour un prix dont on convient, moyennant quoi on s’en rend le propriétaire : il y a différentes manieres d’acheter.

Acheter en gros, c'est enlever une grande quantité de la même marchandise ou denrée, & quelquefois tout ce qu'il y en a à vendre. Voyez ENLEVER & MONOPOLE. Par opposition, acheter en détail, c'est enlever une portion modique de marchandise.

Acheter comptant, c'est payer sur le champ, en monnoie réelle, les marchandises qu'on vient d'acheter.

Acheter au comptant ou pour comptant, c'est une maniere de parler des négocians, qui semble signifier qu'on devroit payer comptant ; cependant elle peut avoir une autre signification, d'autant que quand on achete de cette façon, on a quelquefois jusqu'à trois mois de terme pour payer.

Acheter à crédit ou à terme, c'est acheter à condition de payer dans un certain tems dont on convient.

Acheter partie comptant, & partie à tems ou à crédit, c'est payer une partie sur le champ, & prendre du tems pour l'autre.

Acheter à crédit pour un tems, à charge d'escompte ou de discompte, ou à tant pour cent par mois pour le promt payement, c'est une convention par laquelle le vendeur s'oblige de faire une diminution ou rabais sur le payement des marchandises qu'il a vendues, supposé que l'acheteur veuille les lui payer avant le tems, & cela à proportion de ce qu'il en restera à expirer, à compter du jour du payement.

Acheter à profit, c'est acheter suivant le livre journal d'achat du vendeur, à tant pour cent de bénéfice.

Acheter pour payer d'une foire à l'autre, ou pour payer de foire en foire, c'est proprement acheter à crédit pour un tems.

Acheter pour son compte, c'est acheter pour soi-même ; & par opposition, acheter par commission, c'est acheter pour le compte d'autrui, moyennant un droit que l'on appelle de commission.

Acheter partie comptant, partie en lettres de change, & partie à terme ou à crédit, c'est payer en argent comptant une partie, une autre en lettres de change, & s'obliger de payer l'autre partie dans un certain tems dont on convient.

Acheter partie comptant, partie en promesses, & partie en troc, c'est payer une partie en monnoie réelle & sur le champ, une autre en promesses ou billets payables dans des tems, & donner pour l'autre des marchandises dont on convient de prix ; ce qui s'appelle marchandise de troc.

La maniere la plus avantageuse d'acheter, est celle qui se fait à crédit pour un tems, à charge d'escompte ou de discompte. Voyez ESCOMPTE & DISCOMPTE. (G)


ACHETEURS. m. (Jurisprud.) est celui qui a fait l'achat, soit d'un immeuble ou d'un effet mobilier : en quoi ce terme differe de celui d'acquéreur, qui ne se dit proprement que de l'acheteur d'un immeuble. Voyez ACHAT & ACQUEREUR. (H)

ACHETEUR, (Commerce.) marchand qui achete des marchandises pour faire son commerce ; pour les revendre en gros ou en détail, en magasin, en boutique, en foire, &c. Acheteur se dit aussi de toute personne qui achete quelque marchandise ou denrée, pour en faire simplement usage pour elle-même, sans en faire trafic. (G)


ACHEVEMENTS. m. terme de Teinturier ; c'est l'action de finir une étoffe en noir par le Teinturier du petit teint, lorsqu'elle a été guesdée ou passée sur la cuve du bleu par le Teinturier du grand teint. Voyez GUESDE, BLEU, INTURETURE.


ACHEVERACHEVER un cheval (Manége.) c’est achever sa derniere reprise au manége. Cheval achevé est celui qui est bien dressé, qui ne manque point à faire un certain manége, qui est confirmé dans un air ou un manége particulier. Voyez AIR, MANÉGE, &c. Cheval commencé, acheminé & achevé, sont les termes dont on se sert pour marquer les différentes dispositions, &, pour ainsi dire, les différentes classes d’un cheval qui a de l’école. Voyez ÉCOLE. (V)

ACHEVER, terme de Potier d'étain ; ce mot se dit de ce qui reste à faire depuis que l'ouvrage est tourné, jusqu'à ce qu'il soit fini. Ainsi, à l'égard de la vaisselle, achever, c'est la forger, qui est sa derniere façon. Voyez FORGER l'étain. A l'égard de la poterie ou menuiserie d'étain, achever, c'est jetter les anses sur la piece, ou les mouler, ou souder à la soudure légere, & enfin réparer. Voyez JETTER sur la piece, MOULER les anses, SOUDER à la soudure légere, REPARER.


ACHIAS. f. (Commerce.) espece de canne confite en verd dans le vinaigre, le poivre, des épiceries & d'autres ingrédiens, de la longueur à peu-près & de la consistance de nos cornichons ; d'un jaune pâle & d'un tissu fibreux. Les Hollandois l'apportent des Indes Orientales, dans des urnes de terre.


ACHILLEtendon d'Achille, en Latin, corda Achillis. C'est un gros tendon formé par l'union des tendons des quatre muscles extenseurs du pié. Voyez TENDON & PIE.

Il est ainsi nommé, parce que ce fut en cet endroit qu'Achille reçut cette fatale blessure, que l'on prétend lui avoir causé la mort. (L)


ACHILLEAS. f. (Géogr. anc.) île du Pont-Euxin, ainsi nommée d'Achille, qui y étoit adoré comme un Dieu.


ACHILLÉESadj. pris subst. (Hist. anc.) fêtes instituées en l'honneur d'Achille. Elles se célébroient à Braseis où ce héros avoit un temple. C'est tout ce qu'on en sait.


ACHILLEIDE(Belles-Lettres.) ouvrage en vers, de Stace, dans lequel cet auteur se proposoit de raconter toute la vie & les exploits d'Achille : mais prévenu par la mort, il n'a traité que ce qui concernoit l'enfance & l'éducation de son héros ; & cette histoire est demeurée imparfaite.

Nous disons histoire, quoique nous n'ignorions pas que des Auteurs célebres l'ont appellée Poëme épique, & que Jules Scaliger donne à Stace la préférence sur tous les Poëtes héroïques Grecs & Romains, sans en excepter Homere : mais on est assez généralement d'accord aujourd'hui que Stace a traité son sujet plûtôt en Historien qu'en Poëte, sans s'attacher à ce qui fait l'essence & la constitution d'un véritable Poëme épique ; & que, quant à la diction & à la versification, en cherchant à s'élever & à paroître grand, il donne dans l'enflure & devient empoulé. Un Poëme épique n'est pas l'histoire de la vie entiere d'un héros. Voyez EPOPEE ou POEME EPIQUE. (G)


ACHIOTLS. (Hist. nat.) Voyez ROUCOU.


ACHITHS. m. (Hist. nat. & bot.) sorte de vigne de l'île de Madagascar, qui donne un fruit nommé Voachit, de la grosseur du raisin verd, qui mûrit en Décembre, Janvier & Février.


ACHLADESS. f. plur. (Hist. nat. & bot.) espece de poires sauvages, qui croissent sur les montagnes de Crete. Ray.


ACHLYSS. m. (Myth.) nom que quelques Auteurs Grecs donnent au premier Etre, dont l'existence précédoit celle du monde, des dieux & du chaos ; qui fut seul éternel, & qui engendra les autres dieux. Ce mot vient, selon toute apparence, du mot Grec ἀχλὺς, ténebres.


ACHOAVAou ACHOAVA, s. (Hist. nat. & bot.) C'est ainsi qu'on appelle une plante commune en Egypte, mais surtout en Sbechie. Elle est moins haute que la camomille, mais elle lui ressemble assez par ses fleurs, & à la matricaire par sa feuille. Prosper Alpin, qui l'a souvent cueillie fraîche, lui a trouvé le goût & l'odeur desagréable. Prosper Alpin étoit assez habile homme pour nous dire de cette plante mieux que cela, s'il eût voulu s'en donner la peine.


ACHORS. m. (Myth.) Dieu chasse-mouche, ou dieu des mouches. Pline dit que les habitans de Cyrene lui sacrifioient, pour en obtenir la délivrance de ces insectes, qui occasionnoient quelquefois dans leur pays des maladies contagieuses. Cet auteur ajoûte qu'elles mouroient aussi-tôt qu'on avoit sacrifié. Un savant moderne remarque que Pline auroit pû se contenter de dire, pour l'honneur de la vérité, que c'étoit l'opinion vulgaire ; pour moi, il me semble qu'il ne faut pas exiger une vérité qui peut être dangereuse à dire, d'un auteur qu'on accuse d'avoir menti en tant d'occasions où il eût été véridique sans conséquence ; & que Pline qui vraisemblablement ne croyoit guere à la divinité de Chasse-Mouche, mais qui se proposoit de nous instruire du préjugé des habitans de Cyrene, sans exposer sa tranquillité, ne pouvoit s'exprimer autrement. Voilà, je crois, une de ces occasions où l'on ne peut tirer aucune conséquence du témoignage d'un auteur ni contre lui-même, ni pour le fait qu'il atteste.


ACHORES. m. (en Medec.) est la troisieme espece de teigne, ou le troisieme degré de cette maladie. C'est encore un petit ulcere qui se forme sur la peau de la tête ; il en sort par nombre de petits trous dont il est parsemé, une quantité de pus qui est plus épais que l'eau, mais qui n'a pas cependant tout-à-fait la consistance du miel.

Il paroit que les anciens Grecs & les Arabes ont compris sous le nom d'achore, les croûtes de lait & la teigne, quoique ces accidens soient différens pour le siége & le danger. Les croûtes de lait attaquent le visage, le cou, & il n'y a guere que les enfans qui tetent, qui y soient sujets, d'où elles ont tiré leur nom. Le siége des croûtes de lait est dans les glandes cutanées de la tête ; celui de la teigne est dans la peau même qui en est toute sillonnée. Voy. CROUTES DE LAIT. Voyez aussi TEIGNE. (N)


ACHOUROUS. espece de laurier qui croît en Amérique, & que l'on appelle Bois d'Inde. Ce bois d'Inde s'éleve beaucoup ; il est dur, rouge, & s'employe aux ouvrages solides. Il a la feuille & le fruit aromatiques. La décoction de ses feuilles se prend dans les maladies des nerfs & dans l'hydropisie. Son fruit qui a la figure d'une grappe de raisin, & dont les baies sont plûtôt ovales que rondes, est d'un violet foncé, couvert d'une pellicule, menu & plein de suc. Il renferme des semences vertes, violettes, & en forme de rein : les oiseaux qui en mangent, ont la chair violette & amere au goût. Voyez le Dictionnaire de Med.


ACHRONIQUEadj. m. terme d'Astronomie, qui se dit du lever ou du coucher d'une étoile, lorsqu'il se fait au moment où le Soleil se couche ou se leve. On écrit aussi acronique ; l'ortographe de ce mot dépend de l'étymologie qu'on lui donne, & c'est sur quoi on n'est point entierement d'accord. Voyez ACRONIQUE. (O)


ACHSTEDEou AKSTEDE, s. petite ville d'Allemagne dans le Duché de Brem, sur le Lun.


ACHTELINGS. (Commerce.) mesure de liqueurs dont on se sert en Allemagne : il faut 32 achtelings pour un heémer. Quatre schiltems font un achteling. (G)


ACHTENDEELENou ACHTELING, s. (Commerce.) mesure de grains dont on se sert en quelques endroits de Hollande. Deux hoeds de Gormiheng font cinq achtendeelens. Vingt-huit achtendeelens d'Aspesen en font 32 de Rotterdam, mais il n'en faut que 26 de ceux de Worcum ; 29 achtendeelens de Delft font 12 viertels d'Anvers, quatre achtendeelens 24/35 de Delft, font le hoed de Bruges. Voyez VIERTEL & HOED. (G)


ACHYRACHIAI, s. ville & château de l'Ukraine ou Volnie intérieure sur le Vorsklo, aux Russiens. Long. 53. 34. lat. 49. 32.


ACIDALES. (Myth.) fontaine de Béotie, d'où Vénus fut appellée Acidalie. Voyez ACIDALIE.


ACIDALIEou ACIDALIENNE, (Myth.) c'est ainsi que les Grecs appelloient quelquefois Vénus, d'Acidale, fontaine de Béotie où les Graces alloient se baigner avec elle.


ACIDEadj. qui se prend quelquefois subst. (Ord. encyclop. Entend. Science de la Nat. Chim.) ce qui pique la langue & lui cause en même tems un sentiment d'aigreur. Voyez GOUT, ACIDITE.

On divise ordinairement les acides en manifestes & cachés.

Les acides manifestes sont ceux que nous venons de définir, savoir ceux qui causent une impression sensible. Tels sont le vinaigre, & l'esprit de vinaigre ; les sucs de pomme sauvage, de citrons, d'oranges, de limons, d'épine vinette, de tamarins, & des fruits qui ne sont pas mûrs : l'esprit d'alun, l'esprit de vitriol, l'esprit de soufre, tiré par la cloche, l'esprit de sel, &c. sont autant d'acides manifestes. Voyez VINAIGRE, NITRE, VITRIOL, ALUN, SOUFRE, &c.

Les acides cachés sont ceux qui n'ont pas assez d'acidité pour se faire sentir au goût, mais qui ressemblent aux acides manifestes par d'autres propriétés suffisantes pour les mettre au rang des acides.

Il paroît par-là qu'il y a des caracteres d'acidité plus généraux que celui d'un goût aigre, quoique l'on considere principalement ce goût, en parlant des acides.

La grande marque, ou la marque générale à laquelle on reconnoît les acides, c'est l'effervescence qui se fait lorsqu'on les mêle avec une autre sorte de corps appellés alkalis. Voyez EFFERVESCENCE & ALKALI.

Cependant il ne faut pas toûjours s'arrêter à cette seule propriété pour déterminer qu'une substance est acide, parce que tout acide ne fait pas effervescence, ou ne fermente pas avec tout alkali ; il est des acides que le goût seul fait connoître mieux qu'aucune autre épreuve. Les acides se reconnoissent encore à quelques changemens de couleur qu'ils causent à certains corps. Par exemple, pour éprouver un acide caché, mettez-le avec une teinture bleue de quelque végétal, comme sera une infusion, ou du sirop de violettes délayé dans de l'eau ; si la teinture bleue devient rouge par ce mêlange, c'est une marque d'acidité ; & la teinture bleue deviendra plus ou moins rouge, selon que le corps qu'on éprouvera par son moyen sera plus ou moins acide. Si au contraire la teinture bleue devenoit verte, c'est une preuve d'alkalicité.

Tout ce qui est acide est sel, ou ce qui fait l'acidité de tout corps acide ou aigre, est sel. On peut même dire que l'acide fait l'essence de tout sel, non-seulement de tout sel acide, comme on le comprend aisément, mais encore de tout sel moyen, & même, ce qui paroîtra d'abord extraordinaire, de tout sel alkali. Les sels moyens ne sont sels que par leur acide, joint à une terre particuliere qui l'a adouci ; ce qui forme une matiere qui n'est ni acide ni alkaline, & qu'on nomme pour cette raison, sel moyen, ou neutre.

Les alkalis ne sont sels, que par un peu d'acide concentré par la fusion dans beaucoup de terre absorbante, qui par ce mêlange intime avec l'acide, est dissoluble, & a de la saveur, en un mot est saline.

Les acides sont ou minéraux, comme est celui du sel commun ; ou végétaux, comme est le vinaigre ; ou animaux, comme est l'acide des fourmis.

Il y a trois especes différentes d'acides minéraux ; savoir, l'acide vitriolique, l'acide du nitre, & l'acide du sel commun.

L'acide vitriolique se trouve dans les vitriols, dans l'alun, dans le soufre minéral, &c. l'acide vitriolique joint à un fer dissout ou mêlé avec de l'eau & un peu de terre, forme le vitriol verd, ferrugineux, comme est le vitriol d'Angleterre, celui de Liége, &c.

Lorsque l'acide vitriolique est joint de même à du cuivre, il en résulte un vitriol bleu, tel qu'est la couperose bleue, ou vitriol de Chypre.

On croit que la base métallique du vitriol blanc est le zinc ; & je soupçonne que le peu de terre qui entre dans la composition des vitriols, est alkaline, & de la nature de la base du sel commun ; c'est ce qui fait qu'il y a un peu de sel commun dans le vitriol. Voyez VITRIOL, COUPEROSE.

L'acide vitriolique incorporé avec une terre de la nature de la craie, mêlée avec un peu de la base du sel commun, & avec une très-petite quantité de bitume, fait l'alun. Voyez ALUN.

L'acide vitriolique combiné avec un peu de bitume, donne le soufre minéral. Il faut très-peu de bitume pour ôter à l'acide vitriolique sa fluidité, & pour lui donner une consistance de corps solide, telle qu'est celle du soufre. Il faut bien peu de ce soufre aussi pour faire perdre au mercure sa fluidité, & pour le fixer en quelque sorte, ce qui fait le cinnabre. Voyez SOUFRE, CINNABRE.

On peut dire la même chose de l'acide du sel commun : il donne différens sels. Voyez l'analyse des eaux de Plombieres dans les Memoires de l'Académie Royale des Sciences, de l'année 1746.

L'acide du sel commun, incorporé naturellement avec une terre alkaline de la nature de la soude, constitue le sel gemme, qui se trouve en especes de carrieres ou de mines en différentes parties du globe terrestre ; ce qui fait les fontaines & les puits salés lorsque l'eau traverse des terres salées. V. SALINES.

L'acide du sel commun joint ainsi à cette terre alkaline, & de plus intimement mêlé avec des matieres grasses qui résultent du bitume & de la pourriture des plantes & des animaux qui vivent & meurent dans la mer, forme le sel marin

L'acide marin incorporé à une grande quantité de matiere bitumineuse & à très-peu de terre alkaline, donne un petit sel grenu, qu'il est impossible de mettre en crystaux distincts. Voyez SEL COMMUN.

L'acide nitreux, qui est l'eau forte ou l'esprit de nitre, joint à une terre alkaline semblable au sel alkali du tartre, forme le nitre, qu'on nomme vulgairement salpetre ; & cette sorte de nitre est différente encore selon différentes combinaisons : quoiqu'en général le salpetre de houssage, le nitre fossile des mines & notre nitre, ne different pas entre eux essentiellement, ils ne sont cependant pas absolument les mêmes.

L'acide nitreux est naturellement combiné avec un principe gras, qui donne à l'esprit de nitre lorsqu'il est en vapeurs dans le ballon pendant la distillation, une couleur rouge orangée, qui le distingue dans la distillation de tous les autres acides & esprits. Cette couleur rouge des vapeurs de l'esprit de nitre lui a fait donner par les Alchimistes le nom de sang de la salamandre. Voyez NITRE.

C'est aussi l'acide qui fait l'essence saline des sels des végétaux. Les sels de la terre dissous dans l'eau, que les plantes en tirent pour leur accroissement & pour leur entretien, deviennent propres à la plante qui les reçoit. Ce qui forme les sels de la terre, sont les acides minéraux dont nous venons de parler. Les plantes tirent l'un ou l'autre de ces sels, suivant qu'ils se trouvent plus dans la terre où elles sont plantées, & selon les différentes especes de plantes ; c'est pourquoi il y a des plantes dont on tire du tartre vitriolé, comme sont les plantes aromatiques, le romarin, &c. d'autres desquelles on tire un sel nitreux, comme sont les plantes rafraîchissantes, la pariétaire, &c. Il y a des plantes qui donnent beaucoup de sel commun ; ce sont les plantes marines, comme est le kali.

Comme les végétaux tirent leur salure de la terre où ils sont plantés, les animaux s'approprient les sels des plantes dont ils se nourrissent : c'est pourquoi il y a dans les animaux de l'acide vitriolique, de l'acide nitreux, & de l'acide du sel commun. Voyez la Chimie medicinale, Partie II. chap. j.

On ne doit pas révoquer en doute qu'il y a de l'acide dans les animaux : les sages Medecins reconnoissent avec Hippocrate qu'il y a dans l'homme du doux, de l'amer, du salé, de l'acide, & de l'acre. Tant que ces choses, qui sont de qualités différentes, ne sont point à part, en dépôt, & qu'elles sont proportionnées entr'elles, & dans un mouvement naturel, elles font la santé : si au contraire elles dominent sensiblement les unes sur les autres, qu'elles restent en repos, & qu'elles soient dans un trop grand mouvement, elles produisent la maladie, & l'espece de la maladie est différente, selon la différente nature de ce qui domine, & selon la différente partie où il se porte.

Il y a dans les animaux plus ou moins de salure, & par conséquent plus ou moins d'acide, comme le prouvent plusieurs opérations de Chimie, & particulierement celle du phosphore ; & cette salure est différente dans les différentes especes d'animaux : elle est dans la plûpart de la nature du sel ammoniac, ou de celle du nitre. Il y a aussi des animaux dont la salure approche plus de l'acidité, & cette acidité est volatile, comme on peut le reconnoître dans les fourmis.

Les acides sont ou fixes, comme est l'acide du vitriol, le tartre ; ou volatils, comme sont les esprits sulphureux, les esprits fumans, & l'esprit de fourmis.

En général, les acides sont plus pesans que ne sont les sels neutres & les alkalis.

Les acides sont fort utiles en Medecine, comme est celui du citron, de l'épine-vinette, de la groseille, & du vinaigre ; on peut mettre au nombre des remedes acides, l'eau de Rabel, l'esprit de nitre dulcifié, & l'esprit de sel dulcifié, qui sont d'un bon usage pour la guérison de plusieurs maladies.

Les acides coagulent les liqueurs animales, comme on le voit arriver au lait quand on y mêle quelqu'acide : c'est pourquoi on se sert des acides pour prévenir la dissolution du sang sur la fin des fievres ardentes, lorsqu'il s'est formé dans les humeurs du malade un acre urineux qui vise à l'alkali. C'est pourquoi Hippocrate recommandoit les acides dans ces cas.

Les acides temperent l'effervescence de la bile & du sang ; c'est ce qui les rend utiles à ceux qui ont le visage rouge par trop de chaleur : & au contraire les acides sont nuisibles à ceux qui ne sont point ainsi échauffés, ou qui ont des sentimens de froid dans les chairs, & qui ont le visage pâle.

Dans certains cas les acides sont atténuans & apéritifs, comme lorsqu'il y a des humeurs glaireuses ou couenneuses avec chaleur ; alors les acides agissant sur les fibres, sont des remedes toniques qui les excitent à briser les liqueurs visqueuses.

Les acides sont les corps les plus pénétrans par rapport au tissu & à la forme de leurs parties, comme les fluides sont aussi les corps les plus pénétrans par rapport à la petitesse & à la mobilité de leurs parties ; de sorte que des acides en liqueur sont ce qu'il y a de plus propre à pénétrer & à dissoudre : c'est pourquoi on est quelquefois obligé d'ajoûter de l'eau aux eaux-fortes dont on se sert pour dissoudre les métaux, non pas pour affoiblir ces eaux-fortes, comme on le dit ordinairement ; au contraire, c'est pour les rendre plus fortes, en leur donnant plus de fluidité.

Les acides minéraux sont des dissolvans plus forts que les acides végétaux, & les acides végétaux plus forts que les acides animaux.

Cela est vrai en général, mais souffre des exceptions particulieres par rapport à différens corps qui se dissolvent plus aisément par des acides plus foibles, c'est-à-dire, qui sont réputés plus foibles, parce qu'ils dissolvent moins de corps, & les dissolvent moins fortement que ne les dissolvent les acides plus forts, comme sont les acides minéraux, qui sont nommés pour cela eaux-fortes.

Les autres acides, même les acides animaux, sont plus forts pour dissoudre certains corps, que ne le sont les eaux-fortes. On a un exemple de cela dans la dissolution de l'ivoire par le petit-lait. Le petit-lait aigre dissout les os, les dents, & l'ivoire.

Nous avons expliqué plus haut comment les acides les plus forts, comme sont les eaux-fortes, perdent leur force & s'adoucissent par les alkalis, en devenant simplement des corps salés. Nous devons ajoûter ici que les acides s'adoucissent encore davantage par les corps huileux, comme est l'esprit-de-vin : les acides ainsi joints à une matiere grasse, font des savons acides, comme les alkalis joints à des matieres grasses, font les savons alkalis, qui sont les savons ordinaires.

Les acides dulcifiés sont des liqueurs fort agréables. L'esprit de nitre ou l'eau-forte qui a une odeur insupportable, devient très-agréable lorsque cet acide est mêlé avec un peu d'esprit-de-vin ; & l'odeur qui en résulte ne tient ni de celle de l'eau-forte, ni de celle de l'esprit-de-vin.

Les liqueurs les plus douces, comme sont les différens laits, & les plus agréables, comme sont les différens vins, sont des acides adoucis.

C'est sur-tout des différentes proportions de l'acide & de l'huile, & de leurs différentes combinaisons, que dépendent les différentes qualités des vins. (M)

ACIDES, adj. pris subst. (Medecine.) Les acides sont regardés avec raison par les Medecins comme une des causes générales des maladies. Les acides occasionnent divers accidens, selon les parties qu'ils occupent. Tant qu'ils sont contenus dans le ventricule, ils causent des rapports aigres, un sentiment de faim, des picotemens douloureux, qui produisent même la cardialgie : parvenus aux intestins, dans le duodenum, ils diminuent l'action de la bile ; dans les autres ils produisent la passion iliaque, les spasmes ; en resserrant l'orifice des vaisseaux lactées, ils donnent naissance à des diarrhées chroniques, qui souvent se terminent en dyssenteries : lorsqu'ils se mêlent avec le sang, ils en alterent la qualité, y produisent un épaississement, auquel la lymphe qui doit servir de matiere aux secrétions, se trouve aussi sujette : de-là naissent les obstructions dans les glandes du mesentere, maladie commune aux enfans ; les fibres dont leurs parties sont composées, étant encore trop molles pour émousser les pointes des acides qui se rencontrent dans la plûpart des alimens qu'ils prennent. Les gens sédentaires & qui travaillent beaucoup dans le cabinet, se trouvent souvent attaqués des maladies que produit l'acrimonie acide ; la dissipation & l'exercice étant très-nécessaires pour prévenir ces maladies, en augmentant la transpiration. Les pâles couleurs auxquelles les filles sont si sujettes lorsque leurs regles n'ont point encore paru, ou ont été supprimées par quelqu'accident, sont aussi des suites de l'acrimonie acide ; ce qui leur occasionne l'appétit dépravé qu'elles ont pour le charbon, la craie, le plâtre, & autres matieres de cette espece, qui sont toutes absorbantes, & contraires aux acides.

L'on vient à bout de détruire les acides, & d'arrêter le ravage qu'ils peuvent faire, lorsque l'on s'apperçoit de bonne heure de leur existence dans l'estomac, en les évacuant en partie par le moyen des émétiques, auxquels on fait succéder l'usage des absorbans, les remedes apéritifs & martiaux, qui sont tous très-propres pour donner du ressort aux parties solides, & de la fluidité aux liqueurs ; enfin en mettant en usage les remedes, qui fermentant promptement avec les acides, forment des sels d'une nature particuliere, & qui ont une vertu stimulante, diaphorétique, & capable de résoudre les obstructions.

Tous ces remedes doivent être administrés avec soin, & l'on doit toûjours avoir égard aux forces, à l'âge, au tempérament, & au sexe des malades. (N)


ACIDITÉS. f. (Chimie.) qualité qui constitue un corps acide, c'est-à-dire, ce sentiment d'aigreur, ce goût qu'excitent les acides en piquant la langue. Voyez ACIDE, GOUT, &c.

Un peu d'acide de vitriol communique à l'eau une agréable acidité. Le vinaigre & le verjus ont une différente sorte d'acidité.

On empêche que les acidités ne prédominent dans les corps & ne viennent à coaguler le sang, soit en les corrigeant & les émoussant par des sels alkalis, ou par des matieres absorbantes, soit en les enveloppant dans des matieres grasses : ainsi le lait, l'huile, ou les alkalis, émoussent les acides du sublimé corrosif, qui est un poison corrodant, par les acides du sel marin, dont l'action est augmentée par le mercure qui y est joint. Le sublimé corrosif est un mercure réduit en forme seche & saline par l'acide du sel commun. Voyez SUBLIME CORROSIF.

C'est ainsi que le minium détruit l'acidité de l'esprit de vinaigre ; la pierre calaminaire, celle de l'esprit de sel, &c. Voyez ABSORBANT, &c. (M)


ACIDULÉadj. (Pharmacie.) c'est en général tout ce à quoi l'on a mêlé quelque suc acide, afin de rendre d'un goût agréable certaines liqueurs rafraîchissantes, comme la limonade, les eaux de groseille, de verjus, les sucs de berberis, les teintures de roses où l'on a ajoûté quelques gouttes d'esprit de vitriol jusqu'à une agréable acidité ; les esprits minéraux dulcifiés par l'esprit-de-vin, doivent trouver ici leur place, tels que l'esprit de vitriol, de nitre, & de sel marin. Voyez ACIDE. (N)

Ce nom convient aussi aux eaux minérales froides. On les a ainsi nommées pour les distinguer des thermales, qui sont les eaux chaudes.


ACIERS. m. (Entend. Science de la Nat. Chim. Métallurg.) Ce mot, selon Ménage, vient d'aciarium, dont les Italiens ont fait acciaro, & les Espagnols azero : mais aciarium, acciaro, & azero, viennent tous d'acies, dont Pline s'est servi pour le mot chalybs. Les Latins l'appelloient chalybs, parce que le premier acier qui ait été en réputation parmi eux venoit, dit-on, d'Espagne, où il y avoit un fleuve nommé chalybs, dont l'eau étoit la plus propre que l'on connût pour la bonne trempe de l'acier.

De tous les métaux l'acier est celui qui est susceptible de la plus grande dureté, quand il est bien trempé : c'est pourquoi l'on en fait beaucoup d'usage pour les outils & les instrumens tranchans de toute espece. Voyez TREMPER.

C'étoit une opinion généralement reçûe jusqu'à ces derniers tems, que l'acier étoit un fer plus pur que le fer ordinaire ; que ce n'étoit que la substance même du fer affinée par le feu ; en un mot, que l'acier le plus fin & le plus exquis n'étoit que du fer porté à la plus grande pureté que l'art peut lui procurer. Ce sentiment est très-ancien : mais on jugera par ce qui suit s'il en est pour cela plus vrai.

On entend par un fer pur, ou par de l'acier, un métal dégagé des parties hétérogenes qui l'embarrassent & qui lui nuisent ; un métal plus plein des parties métalliques qui constituent son être, sous un même volume. Si telle étoit la seule différence de l'acier & du fer ; si l'acier n'étoit qu'un fer qui contînt sous un même volume une plus grande quantité de parties métalliques, la définition précédente de l'acier seroit exacte : il s'ensuivroit même de-là une méthode de convertir le fer en acier, qui seroit fort simple ; car elle consisteroit à le battre à grands coups sur l'enclume, & à resserrer ses parties. Mais si ce fer pur ou l'acier est moins dépouillé de parties étrangeres, que les fers d'une autre espece qui ne sont point de l'acier ; s'il a même besoin de parties hétérogenes pour le devenir ; & si le fer forgé a besoin d'en être dénué, il ne sera pas vrai que l'acier ne soit que du fer plus pur, du fer plus compact, & contenant sous un même volume plus de parties métalliques. Or je démontrerai par ce que je dirai sur la nature du fer & de l'acier, que l'acier naturel est dans un état moyen entre le fer de fonte & le fer forgé ; que lorsque l'on pousse le fer de fonte au feu (j'entens celui que la nature a destiné à devenir acier naturel), il devient acier avant que d'être fer forgé. Ce dernier état est la perfection de l'art, c'est-à-dire, du feu & du travail ; au-delà de cet état, il n'y a plus que de la destruction.

Si l'on veut donc définir exactement l'acier, il faut d'abord en distinguer deux especes ; un acier naturel, & un acier factice ou artificiel. Qu'est-ce que l'acier naturel ? c'est celui où l'art n'a eu d'autre part que de détruire par le feu l'excès des parties salines & sulphureuses, & autres dont le fer de fonte est trop plein. J'ajoûte & autres ; car qui est-ce qui peut s'assûrer que les sels & les soufres soient les seuls élémens détruits dans la fusion ? La Chimie est loin de la perfection, si on la considere de ce côté, & je ne pense pas qu'elle ait encore des preuves équivalentes à une démonstration, qu'il n'y eût dans un corps, quel qu'il soit avant son analyse, d'autres élémens que ceux qu'elle en a tirés en l'analysant. L'acier artificiel est du fer à qui l'art a restitué, par le secours des matieres étrangeres, les mêmes parties dont il étoit trop dénué. Enfin si l'on desire une notion générale & qui convienne aux deux fers, il faut dire que l'acier est un fer dans lequel le mêlange des parties métalliques, avec les parties salines sulphureuses & autres, a été amené à un point de précision qui constitue cette substance métallique qui nous est connue sous le nom d'acier. Ainsi l'acier consiste dans un certain rapport qu'ont entr'elles les parties précédentes qu'on nous donne pour ses élémens.

La nature nous présente le fer plus ou moins mêlangé de ces parties, mais presque toûjours trop grossierement mêlangé ; c'est-à-dire, presque jamais contenant les parties dont il est composé, dans le vrai rapport qui conviendroit pour nous en procurer les avantages que nous en devons retirer. C'est ici que l'art doit réformer la nature. Le fer de fonte ou la mine qui vient d'être fondue, est dure, cassante, intraitable ; la lime, les ciseaux, les marteaux, n'ont aucune prise sur elle. Quand on lui donne une forme déterminée dans un moule, il faut qu'elle la garde ; aussi ne l'employe-t-on qu'en bombes, boulets, poeles, contre-coeurs de cheminées. Voyez FORGE. La raison de sa dureté, de son aigreur, & de son cassant, c'est, dit-on, l'excès des parties sulphureuses & terrestres dont elle est trop pleine : si vous l'en dépouillez, elle deviendra ductile, molle, & susceptible de toutes sortes de formes, non par la fusion, mais sous le marteau. C'est donc à épurer le fer de ces matieres étrangeres que consistent les deux arts de faire l'acier naturel & l'acier artificiel.

Le seul agent que nous ayons & qui soit capable de séparer les parties métalliques des parties salines, sulphureuses & terrestres, c'est le feu. Le feu fait fondre & vitrifier les terrestres. Ces parties étant plus légeres que les parties métalliques, surnagent le métal en fusion, & on les enleve sous le nom de crasses ou scories. Cependant le feu brûle & détruit les soufres & les sels. On croiroit d'abord que si l'on pouvoit pousser au dernier point la destruction des parties terrestres, sulphureuses, & salines, la matiere métallique qui resteroit, seroit absolument pure. Mais l'expérience ne confirme pas cette idée, & l'on éprouve que le feu ne peut séparer totalement les parties étrangeres d'avec la matiere métallique, sans l'appauvrir au point qu'elle n'est plus bonne à rien.

L'art se réduit donc à ne priver le fer de ses parties hétérogenes, qu'autant qu'il est nécessaire pour détruire le vice de l'excès, & pour n'y en laisser que ce qu'il lui en faut pour qu'il soit ou de l'acier ou du fer forgé, suivant les mines & leur qualité.

Pour cet effet on travaille, & la mine qui doit donner du fer & celle qui doit donner de l'acier, à peu près de la même maniere, jusqu'à ce qu'elles soient l'une & l'autre en gueuse (voyez pour ces préparations bitumineuses l'article FORGE) ; on la paîtrit sous des marteaux d'un poids énorme, & à force de la ronger & de la tourmenter plus ou moins suivant que l'expérience l'indique, on change la nature de la fonte ; & d'une matiere dure, aigre, & cassante, on en fait une matiere molle & flexible, qui est ou de l'acier ou du fer forgé, selon la mine.

La nature nous donne deux especes de mines ; les unes, telles sont celles de France, contiennent un soufre peu adhérent qui s'exhale & s'échappe aisément dans les premieres opérations du feu, ou qui peut-être n'y est pas en assez grande quantité, même avant la fusion ; d'où il arrive que la matiere métallique qui en est facilement dépouillée, reste telle qu'elle doit être pour devenir un fer forgé : les autres mines, telles sont celles qui sont propres à donner de l'acier naturel, & qu'on appelle en Allemagne mines ou veines d'acier, contiennent un soufre fixe, qu'on ne détruit qu'avec beaucoup de peine. Il faudroit réitérer bien des fois sur elles, & avec une augmentation considérable de dépense, le travail qui amene les premieres à l'état de fer forgé ; ce que l'on n'a garde de faire, car avant que d'acquérir cette derniere qualité de fer forgé, elles sont acier. L'acier naturel est donc, comme j'avois promis de le démontrer, un état moyen entre le fer de fonte & le fer forgé : l'acier est donc, s'il est permis de s'exprimer ainsi, sur le passage de l'un à l'autre.

Mais, pourroit-on objecter contre ce système, si l'état de la matiere métallique, sans lequel elle est acier, est sur le passage de son premier état de mine à celui où elle seroit fer forgé, il semble qu'on pourroit pousser la mine qui donne l'acier naturel, depuis son premier état, jusqu'à l'état de fer forgé ; & il ne paroît pas qu'on obtienne du fer forgé & de l'acier de la même qualité de mine. La seule chose qu'on nous apprenne, c'est que si on y réussissoit, on feroit sortir les matieres d'un état où elles valent depuis 7, 8, 9, jusqu'à 15 & 16 sous la livre, pour les faire arriver, à grands frais, à un autre où elles ne vaudroient que 3 à 4 sous.

En un mot, on nous apprend bien qu'avec de la fonte, on fait ou du fer forgé ou de l'acier naturel, & cela en suivant à-peu-près le même procédé : mais on ne nous apprend point, si en réitérant ou variant le procédé, la mine qui donne de l'acier naturel, donneroit du fer forgé ; ce qui ne seroit pourtant pas inutile à la confirmation du système précédent sur la différence des deux mines de fer. Quoi qu'il en soit, il faut avoüer qu'en chauffant & forgeant les fontes de Stirie, Carinthie, Tirol, Alsace, & de quelques autres lieux, on fait de l'acier ; & qu'en faisant les mêmes opérations sur les mines de France, d'Angleterre & d'ailleurs, on ne fait que du fer forgé.

Mais avant que d'entrer dans le détail des procédés par lesquels on parvient à convertir le fer de fonte en acier naturel, nous allons parler des manieres différentes dont on s'est servi pour composer avec le fer forgé, de l'acier artificiel, tant chez les anciens que parmi les modernes.

M. Martin Lister pense qu'il y avoit dans le procédé que les anciens suivoient pour convertir le fer en acier, quelque particularité qui nous est maintenant inconnue ; & il prononce avec trop de sévérité peut-être, que la maniere dont on exécute aujourd'hui cette transformation chez la plûpart des nations, est moins une méthode d'obtenir du véritable acier, que celle d'empoisonner le fer par des sels. Quoi qu'il en soit du sentiment de M. Lister, Aristote nous apprend, Meteor. liv. IV. c. vj. " Que le fer forgé, travaillé même, peut se liquéfier de rechef, & de rechef se durcir, & que c'est par la réitération de ce procédé, qu'on le conduit à l'état d'acier. Les scories du fer se précipitent, ajoûte-t-il, dans la fusion ; elles restent au fond des fourneaux ; & les fers qui en sont débarrassés de cette maniere, prennent le nom d'acier. Il ne faut pas pousser trop loin cet affinage ; parce que la matiere qu'on traite ainsi, se détruit, & perd considérablement de son poids. Mais il n'en est pas moins vrai, que moins il reste d'impuretés, plus l'acier est parfait ".

Il y a beaucoup à desirer dans cette description d'Aristote, & il n'est pas facile de la concilier avec les principes que nous avons posés ci-devant. Il est vrai que le fer même travaillé peut être remis en fusion, & qu'à chaque fois qu'il se purge, il perd de son poids. Mais fondez, purgez tant qu'il vous plaira de certains fers, vous n'en ferez jamais ainsi de l'acier. Cependant c'est avec du fer ainsi purgé, qu'on fait incontestablement le meilleur acier, continue M. Lister : il y a donc quelque circonstance essentielle omise dans le procédé d'Aristote.

Voici la maniere dont Agricola dit qu'on fait avec le fer de l'acier artificiel ; & le Pere Kircher assûre que c'est celle qu'on suivoit dans l'île d'Ilva, lieu fameux pour cette fabrication, depuis le tems des Romains jusqu'à son tems.

" Prenez, dit Agricola, du fer disposé à la fusion, cependant dur, & facile à travailler sous le marteau ; car quoique le fer fait de mine vitriolique puisse toûjours se fondre, cependant il est ou doux, ou cassant, ou aigre. Prenez un morceau de ce fer ; faites-le chauffer rouge ; coupez-le par parcelles ; mêlez-les avec la sorte de pierre qui se fond facilement. Placez dans une forge de Serrurier ou dans un fourneau, un creuset d'un pié & demi de diametre & d'un pié de profondeur ; remplissez-le de bon charbon ; environnez-le de briques, qui forment autour du creuset une cavité qui puisse contenir le mêlange de pierre fusible & de parcelles de fer coupé.

Lorsque le charbon contenu dans le creuset sera bien allumé, & le creuset rouge ; soufflez & jettez dedans peu-à-peu le mêlange de pierre & de parcelles de fer.

Lorsque ce mêlange sera en fusion, jettez dans le milieu trois ou quatre morceaux de fer ; poussez le feu pendant cinq ou six heures ; prenez un ringard ; remuez bien le mêlange fondu, afin que les morceaux de fer que vous avez jettés dedans, s'empreignent fortement des particules de ce mêlange : ces particules consumeront & diviseront les parties grossieres des morceaux de fer auxquels elles s'attacheront ; & ce sera, s'il est permis de parler ainsi, une sorte de ferment qui les amollira.

Tirez alors un des morceaux de fer hors du feu ; portez-le sous un grand marteau ; faites-le tirer en barre & tourmenter ; & sans le faire chauffer plus qu'il ne l'est, plongez-le dans l'eau froide.

Quand vous l'aurez trempé, cassez-le ; considérez son grain, & voyez s'il est entierement acier, ou s'il contient encore des parties ferrugineuses.

Cela fait, reduisez tous les morceaux de fer en barre ; soufflez de nouveau ; réchauffez le creuset & le mêlange ; augmentez la quantité du mêlange, & rafraîchissez de cette maniere ce que les premiers morceaux n'ont pas bu ; remettez-y ou de nouveaux morceaux de fer, si vous êtes content de la transformation des premiers, ou les mêmes ; s'ils vous paroissent ferrugineux ; & continuez comme nous avons dit ci-dessus ".

Voici ce que nous lisons dans Pline sur la maniere de convertir le fer en acier : fornacum maxima differentia est ; in iis equidem nucleus ferri excoquitur ad indurandam aciem, alioque modo ad densandas incudes malleorumque rostra. Il sembleroit par ce passage, que les anciens avoient une maniere de faire au fourneau de l'acier avec le fer, & de durcir ou tremper leurs enclumes & autres outils. Cette observation est de M. Lister, qui ne me paroît pas avoir regardé l'endroit de Pline assez attentivement. Pline parle de deux opérations qui n'ont rien de commun, la trempe & l'aciérie. Quant au nucleus ferri, au noyau de fer, il est à présumer que c'est une masse de fer affiné, qu'ils traitoient comme nous l'avons lû dans Aristote, dont la description dit quelque chose de plus que celle de Pline. Mais toutes les deux sont insuffisantes.

Pline ajoûte dans le chapitre suivant : Ferrum accensum igni, nisi duretur rictibus, corrumpitur : & ailleurs, aquarum summa differentia est quibus immergitur ; ce qui rapproche un peu la maniere de convertir le fer en acier du tems de Pline, de celle qui étoit en usage chez les Grecs, du tems d'Aristote.

Venons maintenant à celui des modernes, qui s'est le plus fait de réputation par ses recherches dans cette matiere ; c'est M. de Reaumur, célebre par un grand nombre d'ouvrages, ou imprimés séparément, ou répandus dans les Mémoires de l'Académie des Sciences ; mais surtout par celui où il expose la maniere de convertir le fer forgé en acier. Son ouvrage parut en 1722 avec ce titre : l'Art de convertir le fer forgé en acier, & l'Art d'adoucir le fer fondu, ou de faire des ouvrages de fer fondu aussi finis que le fer forgé. Il est partagé en différens Mémoires, parce qu'effectivement il avoit été lu à l'Académie sous cette forme, pendant le cours de trois ans.

M. de Reaumur, après avoir reconnu que l'acier ne differe du fer forgé, qu'en ce qu'il a plus de soufre & de sel, en conclut : 1°. que la fonte qui ne differe aussi du fer forgé, que par ce même endroit, peut être de l'acier : 2°. que changer le fer forgé en acier, c'est lui donner de nouveaux soufres & de nouveaux sels.

Après un grand nombre d'essais, M. de Reaumur s'est déterminé, pour les matieres sulphureuses, au charbon pur & à la suie de cheminée ; & pour les matieres salines, au sel marin seul, le tout mêlé avec de la cendre pour intermede. Il faut que ces matieres soient à une certaine dose entr'elles, & la quantité de leur mêlange dans un certain rapport avec la quantité de fer à convertir ; il faut même avoir égard à sa qualité.

Si la composition qui doit changer le fer en acier est trop forte ; si le feu a été trop long, le fer sera trop acier ; trop de parties sulphureuses & salines introduites entre les métalliques, les écarteront trop les unes des autres, & en empêcheront la liaison au point que le tout ne soûtiendra pas le marteau. M. de Reaumur a donné d'excellens préceptes pour prévenir cet inconvénient ; & ceux qu'il prescrit pour faire usage de l'acier, quand par malheur il est devenu trop acier par sa méthode, ne sont pas moins bons. Il avoit trop de soufres & de sels, il ne s'agit que de lui en ôter. Pour cet effet il ne faut que l'envelopper de matieres alkalines, avides de soufres & de sels. Celles qui lui ont paru les plus propres, sont la chaux d'os & la craie ; ces matieres avec certaine durée de feu, remettent le mauvais acier, l'acier trop acier, au point qu'il faut pour être bon. On voit, qu'en s'y prenant ainsi, on pourroit ramener l'acier à être entierement fer, & l'arrêter dans tel degré moyen qu'on voudroit. L'art de M. de Reaumur, dit très-ingénieusement M. de Fontenelle dans l'Histoire de l'Académie, semble se joüer de ce métal. Voilà pour le fer forgé converti en acier. Voyez, quant à l'art d'adoucir le fer fondu, ou de faire des ouvrages de fer fondu aussi finis que du fer de forge, les articles FER & FONTE. Nous rapporterons seulement ici un de ces faits singuliers que fournit le hasard, mais que le raisonnement & les réflexions mettent à profit : M. de Reaumur adoucissoit un marteau de porte cochere assez orné ; quand il le retira du fourneau, il le trouva extrèmement diminué de poids ; & en effet, ses deux grosses branches, de massives qu'elles devoient être, étoient devenues creuses, en conservant leur forme ; il s'y étoit fait au bas un petit trou par où s'étoit écoulé le métal qui étoit fondu au-dedans, & pour ainsi dire, sous une croûte extérieure. Voyez les inductions fines que M. de Reaumur a tirées de ce phénomene : tout tourne à profit entre les mains d'un habile homme ; il s'instruit par les accidens, & le public s'enrichit par ses succès.

Voici une autre description de la maniere de convertir le fer en acier, tirée de Geoffroy, Mat. med. tome I. pag. 495. " Si le fer est excellent, on le fond dans un fourneau ; & lorsqu'il est fondu, on y jette de tems en tems un mêlange fait de parties égales de sel de tartre, de sel alkali, de limaille de plomb, de raclure de corne de boeuf, remuant de tems en tems ; on obtient ainsi une masse qu'on bat à coups de marteau, & qu'on met en barre.

Si le fer ne peut supporter une nouvelle fusion, on fait une autre opération : on prend des verges de fer de la grosseur du doigt ; on les place dans un vaisseau de terre fait exprès, alternativement, lit sur lit, avec un mêlange fait de parties égales de suie, de poudre de charbon, de râpure de corne de boeuf ou de poil de vache. Quand le vaisseau est rempli, on le couvre ; on l'enduit exactement de lut, & on le place dans un fourneau de reverbere. Alors on allume le feu, & on l'augmente par degré, jusqu'à ce que le vaisseau soit ardent ; sept ou huit heures après, on retire les verges de fer changées en acier, ce que l'on connoît en les rompant. S'il y paroît des pailles métalliques brillantes, très-petites & très-serrées, c'est un très-bon acier : si elles sont peu serrées, mais parsemées de grands pores, il est moins bon : quelquefois les paillettes qui sont à l'extérieur sont serrées, & celles qui sont à l'intérieur ne le sont pas ; ce qui marque que l'acier n'a pas été suffisamment calciné. Alors il faut remettre lit sur lit, & calciner de nouveau ". Il faut substituer dans cette description le mot de lames, à celui de paillettes, parce que celui-ci se prend toûjours en mauvaise part, & que tout acier pailleux est défectueux.

Voilà pour l'artificiel : voici maintenant pour l'acier naturel. Avant que d'entrer dans la description du travail de l'acier naturel, il est à propos d'avertir qu'on ne sauroit discerner à l'oeil, par aucun signe extérieur, une mine de fer, d'avec une mine d'acier. Elles se ressemblent toutes, ou pour mieux dire, elles sont toutes si prodigieusement variées, que l'on a pû jusqu'à présent assigner aucun caractere qui soit particulier à l'une ou à l'autre. Ce n'est qu'à la premiere fonte qu'on peut commencer à conjecturer ; & ce n'est qu'après avoir poussé un essai à son plus grand point de perfection, que l'on s'assûre de la bonté ou de la médiocrité de la mine.

La nature a tellement destiné certaines mines, plûtôt que d'autres, à être acier, que dans quelques manufactures de France, où l'on fait de l'acier naturel, on trouve dans la même fonte un assemblage des deux mines bien marqué ; elles se tiennent séparées dans le même bloc. Il y en a d'autres où l'acier surnage le fer dans la fonte. Cette espece donne même de l'acier excellent & à très-bon compte : mais on en tire peu. Voici un fait arrivé dans une mine d'Alsace, & qui prouvera que plus les mines tendent à être acier, ou acier plus pur, moins elles ont de dispositions à se mêler avec celles qui sont destinées à être fer forgé, ou acier moins pur. Le Mineur ayant trouvé un filon qui par ses caracteres extérieurs lui parut d'une qualité différente de l'arbre de la mine ; il en présenta au Fondeur, qui de son chef en mit fondre avec la mine ordinaire ; mais quand il vint à percer son fourneau, les deux mines sortirent ensemble, sans se mêler ; la meilleure portée par la moins bonne ; d'où il s'ensuit que plus une mine est voisine de la qualité de l'acier, plus elle est legere.

Lorsqu'on a trouvé une mine de fer, & qu'on s'est assûré par les épreuves, qu'elle est propre à être convertie en acier naturel ; la premiere opération est de fondre cette mine. La seule différence qu'il y a dans cette fonte des aciéries, est celle des forges où l'on travaille le fer ; c'est que dans les forges on coule le fer en gueuse (Voyez FORGE), & que dans les aciéries on le coule en plaques minces, & cela afin de pouvoir le briser plus facilement. Chaque pays, & presque chaque forge & chaque aciérie, a ses constructions de fourneaux, ses positions différentes de soufflets, ses fondans particuliers, ses charbons, ses bois ; mais ces variétés de manoeuvres ne changent rien au fond des procédés.

Dans les aciéries de Dalécarlie, on fait rougir la premiere fonte ; on la forge, & on la fond une seconde fois. On fait la même chose à Quvarnbaka : mais ici on jette sur cette fonte des cendres mêlées de vitriol & d'alun. En Alsace & ailleurs, on supprime la seconde fonte. A Saltzbourg où l'on fait d'excellent acier, on le chauffe jusqu'au rouge blanc ; on met du sel marin dans de l'eau froide, & on l'y trempe. En Carinthie, en Stirie, on ne tient pas le fer rouge, & au lieu de sel, c'est de l'argile que l'on détrempe dans l'eau. Ailleurs, on frappe le fer rouge long-tems avant que de le tremper ; ensorte que quand on le plonge dans l'eau, il est d'un rouge éteint.

Dans presque toutes les aciéries, on jette des crasses ou scories sur la fonte, pendant qu'elle est en fusion ; on a soin de l'en tenir couverte, pour empêcher qu'elle ne se brûle. En Suede, c'est du sable de riviere. En Carinthie, Tirol & Stirie, on emploie au même usage des pierres à fusil pulvérisées. En Stirie, on ne fond que quarante à cinquante livres pesant de fer à la fois ; ailleurs, on fond jusqu'à cent & cent vingt-cinq livres à la fois. Ici l'orifice de la tuyere est en demi-cercle ; ailleurs il est oval. On regarde dans un endroit la chaux comme un mauvais fondant ; ce fondant réussit bien en Alsace. Les fontes de Saltzbourg sont épaisses dans la fusion ; dans d'autres endroits on ne peut les avoir trop limpides & trop coulantes. Là, on agite la fonte, & on fait bien ; ici, on fait bien de la laisser tranquille. Quelques-uns ne veulent couler que sur des lits de sable de riviere fin & pur, & ils prétendent que l'acier en vaudra mieux ; en Alsace, on se contente d'un sable tiré de la terre, & l'acier n'en vaut peut-être pas moins.

Il faut attribuer toutes ces différences presqu'autant au préjugé & à l'entêtement des ouvriers, qu'à la nature des mines.

Après avoir instruit le lecteur de toutes ces petites différences, qui s'observent dans la fonte de l'acier naturel, afin qu'il puisse les essayer toutes, & s'en tenir à ce qui lui paroîtra le mieux, relativement à la nature de la mine qu'il aura à employer ; nous allons reprendre ce travail, tel qu'il se fait à Dambach à sept lieues de Strasbourg, & le suivre jusqu'à la fin.

A mi-côté d'une des montagnes de Vosges, on ouvrit une mine de fer qui avoit tous les caracteres d'une mine abondante & riche. Elle rendoit en 1737 par la fusion cinquante sur cent ; les filons en étoient larges de quatre à cinq piés, & on leur trouvoit jusqu'à vingt à trente toises de profondeur. Ils couroient dans des entre-deux de rochers extrèmement écartés ; ils jettoient de tous côtés des branches aussi grosses que le tronc, & que l'on suivoit par des galeries. La mine étoit couleur d'ardoise, composée d'un grain ferrugineux très-fin ; enveloppée d'une terre grasse, qui, dissoute dans l'eau, prenoit une assez belle couleur d'un brun violet. Quoiqu'on la pulverisât, la pierre d'aimant ne paroissoit point y faire la moindre impression ; l'aiguille aimantée n'en ressentoit point non plus à son approche : mais lorsqu'on l'avoit fait rôtir, & qu'on avoit dépouillé la terre grasse de son humidité visqueuse, l'aimant commençoit à s'y attacher.

Il est étonnant que les corps les plus compacts, comme l'or & l'argent, mis entre le fer & l'aimant, n'arrêtent en aucune façon l'action magnétique, & qu'elle soit suspendue par la seule terre grasse qui enveloppe la mine.

On tiroit cette mine en la cassant avec des coins, comme on fend les rochers, & on la voituroit dans un fourneau à fondre. Là on la couloit sur un lit de sable fin, qui lui donnoit la forme d'une planche de cinq à six piés de long sur un pié ou un pié & demi de largeur, & deux ou trois doigts d'épaisseur. Longtems avant que de couler, on remuoit souvent avec des ringards, afin de mêler les deux especes de mines qui seroient restées séparées, même en fusion, sans cette précaution. Il eût été peut-être mieux de ne les point mêler du tout, & de ne faire couler que la partie supérieure, qui contenoit l'acier le plus pur. C'est aux entrepreneurs à le tenter.

Après cette fonte, qui est la même que celle du fer, & qu'on verra à l'art. FORGE, dans le dernier détail ; on transportoit les planches de fonte ou les gâteaux, dans une autre usine, qu'on appelle proprement aciérie. C'est là que la fonte recevoit sa premiere qualité d'acier.

Pour parvenir à cette opération, on cassoit les plaques, ou gueuses froides, en morceaux de vingt-cinq à trente livres pesant ; on faisoit rougir quelques-uns de ces morceaux, & on les portoit sous le marteau qui les divisoit en fragmens de la grosseur du poing. On posoit ces derniers morceaux sur le bord d'un creuset qu'on remplissoit de charbon de hêtre : lorsque le feu étoit vif, on y jettoit ces fragmens les uns après les autres, comme si on eût voulu les fondre.

C'est ici une des opérations les plus délicates de l'art. Le degré de feu doit être ménagé de façon que ces morceaux de fonte se tiennent simplement mous pendant un tems très-notable. On a soin alors de les rassembler au milieu du foyer avec des ringards, afin qu'en se touchant, ils se prennent & soudent les uns aux autres.

Pendant ce tems les matieres étrangeres se fondent, & on leur procure l'écoulement par un trou fait au bas du creuset. Pour les morceaux réunis & soudés les uns aux autres, on en forme une masse qu'on appelle loupe. Le Forgeron souleve la loupe de tems en tems avec son ringard pour la mettre audessus de la sphere du vent, & l'empêcher de tomber au fond du creuset. En la soûlevant, il donne encore moyen au charbon de remplir le fond du creuset, & de servir d'appui à la loupe élevée. Cette loupe reste cinq à six heures dans le feu, tant à se former qu'à se cuire. Quand on la retire du feu, on remarque que c'est une masse de fer toute boursouflée, spongieuse, pleine de charbons & de matiere vitrifiée. On la porte toute rouge sous le martinet, par le moyen duquel on la coupe en quatre grosses parts, chacune comme la tête d'un enfant. Si on casse une de ces loupes à froid, son intérieur présente des lames assez larges & très-brillantes, comme on en voit au bon fer forgé.

On rapporte une des quatre parts de la loupe au même feu, on la pose sur les charbons, on la recouvre d'autres charbons ; elle est placée un peu audessus de la tuyere. On la fait rougir fortement pendant trois ou quatre heures. On la porte ensuite sous le martinet ; on la bat, & on lui donne une forme quarrée. On la remet encore au feu assujettie dans une tenaille qui sert à la gouverner, & à l'empêcher de prendre dans le creuset, des places qui ne lui conviendroient pas. Après une demi-heure elle est toute pénétrée de feu. On la pousse jusqu'au rouge-blanc ; on la retire, on la roule dans le sable, on lui donne quelques coups de marteau à main, puis on la porte sous le martinet. On forge toute la partie qui est hors de la tenaille ; on lui donne une forme quarrée de deux pouces de diametre, sur trois ou quatre de long ; & on la reprend, par ce bout forgé, avec les mêmes tenailles pour faire une semblable opération sur la partie qui étoit enfermée dans les tenailles. Cette manoeuvre se réitere trois ou quatre fois, jusqu'à ce que le Forgeron sente que sa matiere se forge aisément, sans se fendre ni casser. Toute cette opération demande encore une grande expérience de main & d'oeil pour ménager le fer en le forgeant, & juger, à la couleur, du degré de chaleur qu'il doit avoir pour être forgé.

Après toutes ces opérations, on le forge fortement sous le martinet. Il est en état de n'être plus ménagé : on l'allonge en une barre de deux piés & demi ou trois piés, qu'on coupe encore en deux parties, & qu'on remet ensemble au même feu, saisies chacune dans une tenaille différente ; on les pousse jusqu'au rouge-blanc, & on les allonge encore en barres plus longues & plus menues, qu'on jette aussi-tôt dans l'eau pour les tremper.

Jusques là ce n'est encore que de l'acier brut, bon pour des instrumens grossiers, comme bêches, socs de charrues, pioches, &c. Dans cet état il a le grain gros, & est encore mêlé de fer. On porte ces barres d'acier brut dans une autre usine, qu'on appelle affinerie. Quand elles y sont arrivées, on les casse en morceaux de la longueur de cinq à six pouces ; on remplit alors le creuset de charbon de terre jusqu'un peu au-dessus de la tuyere, observant de ne la pas boucher. On tape le charbon pour le presser & en faire un lit solide sur lequel on arrange ces derniers morceaux en forme de grillage, posés les uns sur les autres par leurs extrémités, sans que les côtés se touchent ; on en met jusqu'à quatre ou cinq rangs en hauteur, ce qui forme un prisme, qu'on voit en A, Planche de l'acier ; puis on environne le tout de charbon de terre pilé & mouillé, ce qui forme une croûte ou calotte autour de ce petit édifice. Cette croûte dure autant que le reste de l'opération, parce qu'on a soin de l'entretenir & de la renouveller à mesure que le feu la détruit. Son usage est de concentrer la chaleur, & de donner un feu de reverbere. Après trois ou quatre heures, les morceaux sont suffisamment chauds ; on les porte les uns après les autres sous le martinet, où on les allonge en lames plates, que l'on trempe aussi-tôt qu'elles sortent de dessous le martinet. On observe cependant d'en tirer deux plus fortes & plus épaisses que les autres, auxquelles on donne une legere courbure, & que l'on ne trempe point. Le grain de ces lames est un peu plus fin que celui de l'acier brut.

Ces lames sont encore brisées en morceaux de toutes longueurs ; il n'y a que les deux fortes qui restent comme elles sont. On rassemble tous les autres fragmens ; on les rejoint bout à bout & plat contre plat, & on les enchâsse entre les deux longues lames non trempées. Le tout est saisi dans des tenailles, comme on voit fig. B. même Planche, & porté à un feu de charbon de terre comme le précédent. On pousse cette matiere à grand feu ; & quand on juge qu'elle y a demeuré assez long-tems, on la porte sous le martinet. On ne lui fait supporter d'abord que des coups legers, qui sont précédés de quelques coups de marteau à main. Il n'est alors question que de rapprocher les fragmens les uns des autres, & de les souder. On reporte cette pince au feu, on la pousse encore au rouge-blanc, on la reporte sous le martinet ; on la frappe un peu plus fort que la premiere fois ; on allonge les parties des fragmens qui saillent hors de la pince ; on leur fait prendre par le bout la figure d'un prisme quarré. (Voyez la fig. C, même Planche.) On retire cette masse avec des pinces ; on la saisit avec une tenaille par le prisme quarré, & l'on fait souffrir au reste le même travail : c'est ainsi que l'on s'y prend pour faire du tout une longue barre que l'on replie encore une fois sur elle-même pour la souder de rechef ; du nouveau prisme qui en provient, on forme des barres d'un pouce ou d'un demi-pouce d'équarrissage, que l'on trempe & qui sont converties en acier parfait. La perfection de l'acier dépend, en grande partie, de la derniere opération. Le fer, ou plûtôt l'étoffe faite de petits fragmens, veut être tenue dans un feu violent, arrosée souvent d'argile pulvérisée, pour l'empêcher de brûler, & mise fréquemment sous le marteau, & du marteau au feu. On voit (même Planche, fig. D.) le prisme tiré en barres pour la derniere fois par le moyen du martinet.

Voilà la fabrication de l'acier naturel dans son plus grand détail. Nous n'avons omis que les choses que le discours ne peut rendre, & que l'expérience seule apprend. De ces choses, voici les principales.

Il faut 1°. savoir gouverner le feu ; tenir les loupes entre la fusion & la non fusion. 2°. Conduire avec ménagement le vent des soufflets ; le forcer & le ralentir à propos. 3°. Manier comme il convient la matiere sous le martinet, sans quoi elle sera mise en pieces. Ajoûtez à cela une infinité d'autres notions, comme celles de la trempe, de l'épaisseur des barres, des chaudes, de la couleur de la matiere en feu, &c.

Après toutes ces opérations, on ne conçoit pas comment l'acier peut être à si bon marché : mais il faut savoir qu'elles se font avec une vîtesse extrème, & que le travail est infiniment abregé pour les hommes, par les machines qu'ils employent. L'eau & le feu les soulagent à tout moment ; le feu qui amollit la matiere, l'eau qui meut le martinet qui la bat. Les ouvriers n'ont presque que la peine de diriger ces agens : c'en est encore bien assez.

Il y a d'autres manieres de fabriquer l'acier naturel, dont nous allons faire mention le plus brievement qu'il nous sera possible. Proche d'Hedmore, dans la Dalécarlie, on trouve une très-belle aciérie. La veine est noire, peu compacte & formée de grains ferrugineux. On la réduit aisément en poudre sous les doigts ; elle est lourde & donne un fer tenace & fibreux. Après la premiere fonte, on la remet dans une autre usine après l'avoir brisée en morceaux. On trouve dans cette usine une forge à-peu-près comme celle des Ouvriers en fer, mais plus grande. Son foyer est un creuset de quatorze doigts de diametre sur un peu plus de hauteur. Les parois & le fond de ce creuset sont revêtus de lames de fer. Il y a à la partie antérieure une ouverture oblongue pour retirer les scories. Quant à la tuyere, elle est à une telle distance du fond, que la lame de fer sur laquelle elle est posée, quoiqu'un peu inclinée, ne rencontreroit pas, en la prolongeant, l'extrémité des lames qui revêtent le fond. Depuis la levre inférieure de la tuyere jusqu'au fond, il y a une hauteur de six doigts & demi. Les deux canaux des soufflets se réunissent dans la tuyere qui est de cuivre. Il est nécessaire, pour réussir, que toutes ces pieces soient bien ajustées. On fait trois ou quatre cuites par jour.

Chaque matin, lorsqu'on commence l'ouvrage, on jette dans le creuset des scories, du charbon & de la poudre de charbon pêle-mêle, puis on met dessus la fonte en morceaux ; on la recouvre de charbon. On tient les morceaux dans le feu jusqu'à ce qu'ils soient d'un rouge-blanc, ce qu'on appelle blanc de lune. Quand ils sont bien pénétrés de feu, on les porte en masse sous le marteau, & cette masse se divise là en parties de trois ou quatre livres chacune. Si le fer est ténace quand il est rouge, & fragile quand il est froid, on en bat davantage la masse avant que de la diviser. Si elle se met en gros fragmens, on reporte ces fragmens sur l'enclume pour être soûdivisés.

Cela fait, on prend ces morceaux & on les range dans la forge autour du creuset. On en jette d'abord quelques-uns dans le creuset ; on les y enfonce & ensevelit sous le charbon, puis on ralentit le vent, & on les laisse fondre. Pendant ce tems on sonde avec un fer pointu, & l'on examine si la matiere, prête à entrer en fusion, ne se répand point sur les coins, & hors de la sphere du vent. Si on trouve des morceaux écartés, on les met sous le vent ; & quand tout est fondu, pour entretenir la fusion, on force le vent. La fusion est à son point lorsque les étincelles des scories & de la matiere s'échappent avec vivacité à-travers les charbons, & lorsque la flamme, qui étoit d'abord d'un rouge-noir, devient blanche quand les scories sont enlevées.

Quand le fer a été assez long-tems en fonte, & qu'il est nettoyé de ses crasses, la chaleur se ralentit, & la masse se prend : alors on y ajoûte les autres morceaux rangés autour du creuset ; ils se fondent comme les précédens. On emplit ainsi le creuset dans l'intervalle de quatre heures : les morceaux de fer ont été jettés pendant ces quatre heures à quatre reprises différentes. Quand la masse a souffert suffisamment le feu, on y fiche un fer pointu, on la laisse prendre, & on l'enleve hors du creuset. On la porte sous le marteau, on en diminue le volume en la paitrissant, puis avec un coin de fer on la partage en trois, ou quatre, ou cinq.

Il est bon de savoir que si la tuyere est mal placée, & le vent inégal, ou qu'il survienne quelqu'accident, il ne se forme point de scories, le fer brûle, les lames du fond du creuset ne résistent pas, &c. & qu'il n'y a de remede à cela que de jetter sur la fonte une pelletée ou deux de sable de riviere.

On remet au feu les quatre parties coupées : on commence par en faire chauffer deux, dont l'une est pourtant plus près du vent que l'autre. Lorsque la premiere est suffisamment rouge, on la met en barre sur l'enclume ; pendant ce travail on tient la seconde sous le vent, & on l'étend de même quand elle est assez rouge. On en fait autant aux deux restantes. On leur donne à toutes une forme quarrée, d'un doigt & un quart d'épaisseur, & de quatre à cinq piés de long. On appelle cet acier acier de forge, ou de fonte. On le forge à coups pressés, & on le jette dans une eau courante : quand il y est éteint on l'en retire, & on le remet en morceaux.

On porte ces morceaux dans une autre usine, où l'on trouve une autre forge qui differe de la premiere en ce que la tuyere est plus grande ; & qu'au lieu d'être sémi-circulaire elle est ovale : qu'il n'y a de sa forme ou levre jusqu'au bas du creuset, que deux à trois doigts de profondeur, & que le creuset a dix à onze pouces de large, sur quatorze à seize de longueur. Les morceaux d'acier sont rangés là par lits dans le foyer de la forge. Ces lits sont en forme de grillage, & les morceaux ne se touchent qu'en deux endroits. On couvre cette espece de pyramide de charbon choisi, on y met le feu, & on souffle. Le grillage est sous le vent. Après une demi-heure ou trois quarts d'heure de feu, les morceaux d'acier sont d'un rouge de lune : alors on arrête le vent, & on les retire l'un après l'autre, en commençant par ceux d'en-haut : on les porte sous le martinet pour être forgés & mis en barre. Deux ouvriers, dont l'un tient le morceau par un bout & l'autre par l'autre, le font aller & venir dans sa longueur sous le martinet : l'enclume est entre deux. C'est ainsi qu'ils mettent tous les fragmens ou morceaux pris sur la pile ou pyramide & portés sous le martinet, en lames qu'ils jettent à mesure dans une eau courante & froide. Les deux derniers morceaux de la pile, ceux qui la soûtenoient, & qui sont plus grands que les autres, servent à l'usage suivant : on casse toutes les lames, & on en fait une étoffe entre ces deux gros morceaux qui n'ont point été trempés. On prend le tout dans des pinces, on remet cette espece d'étoffe au feu, & on l'y laisse jusqu'à ce qu'elle soit d'un rouge blanc. Cette masse rouge blanche se roule sur de l'argile sec & pulvérisé ; ce qui l'aide à se souder. On la remet au feu, on l'en retire ; on la frappe de quelques coups avec un marteau à main, pour en faire tomber les scories, & aider les lames à prendre. Quand la soudure est assez poussée, on porte la masse sous le martinet, on l'étend & on la met en barres. Ces barres ont neuf à dix piés de long, & sont d'un acier égal, sinon préférable à celui de Carinthie & de Stirie.

Il faut se servir dans toutes ces opérations de charbon de hêtre & de chêne, ou de pin & de bouleau. Les charbons récens & secs sont les meilleurs. Il en faut bien séparer la terre & les pierres. La ouille ou le charbon de terre est très-bon.

Il faut trois leviers aux soufflets pour élever leurs feuilles, & non un ou deux comme aux soufflets de forges, car on a besoin ici d'un plus grand feu.

Quant à ce qui concerne la diminution du fer, il a perdu presque la moitié de son poids avant que d'être en acier : de vingt-six livres de fer crud, on n'en retire que treize d'acier, quelquefois quatorze, si l'ouvrier est très-habile. En général, la diminution est de vingt-quatre livres sur soixante ou soixante-quatre ; dans le premier feu : le restant perd encore huit livres au second.

Il faut ménager le feu avec soin : le fer trop chauffé se brûle ; pas assez, il ne donne point d'acier.

Pour obtenir un acier pur & exempt de scories, il faut fondre trois fois ; & sur la fin de la troisieme fonte, jetter dessus une petite partie de fer crud frisé, & mêlé avec du charbon, mais plus de charbon que de fer.

Pour fabriquer un cent pesant d'acier, ou selon la façon de compter des Suédois, pour huit grandes tonnes, il faut trente tonnes de charbon.

La manufacture d'acier de Quvarnbaka est établie depuis le tems de Gustave Adolphe. Il y a deux fourneaux : ils sont si grands qu'un homme y peut tenir de toute sa hauteur : ni les murs ni le fond ne sont point revêtus de lames de fer ; c'est une pierre qui approche du talc qui les garantit. On jette chaque fois dans le feu dix grandes livres de fer. Le fer s'y cuit bien, & comme dans les forges. Il en faut souvent tirer les scories, afin que la masse fonde seche. Lorsque le fer est en fonte, on jette dessus des cendres mêlées de vitriol & d'alun. On estime que cette mixtion ajoûte à la qualité.

Quand le fer est fondu, il est porté & divisé sous un marteau, & les fragmens mis en barres ; les barres partagées en moindres parties, sont mises à chauffer, disposées en grillages ; chaudes, on les étend de nouveau ; & l'on réitere cette manoeuvre jusqu'à ce qu'on ait un bon acier.

L'acier en barril de Suede est fait avec celui dont nous venons de donner la fabrication : on se contente après son premier recuit de le mettre en barres & de le tremper. L'acier pour les épées, qui est celui dont la qualité est exactement au-dessus de l'acier en barril, est mis quatre fois en lames, autant de fois chauffé au grillage, & mis autant de fois sous le marteau. L'acier excellent, ou celui qui est au-dessus du précédent, est façonné & trempé huit fois.

On met des marques à l'acier pour distinguer de quel genre il est : mais les habiles ouvriers ne se trompent pas au grain.

On fait chaque semaine quatorze cens pesans d'acier en barril, douze cens d'acier à épées, & huit cens d'acier à ressorts. Le cent pesant est de huit grandes barres de Suede, ou de cent soixante petites livres du même pays.

Pour le cent pesant du meilleur acier, de l'acier à ressorts, il faut treize grandes livres & demie de fer crud, & vingt-six tonnes de charbon : dix grandes livres de fer crud, & 24 tonnes de charbon pour l'acier à épées ; & la même quantité de fer crud & neuf tonnes de charbon pour l'acier en barril.

Lorsque la mine de fer est mise pour la premiere fois en fusion dans les fourneaux à fondre & destinés au fer forgé, on lui voit quelquefois surnager de petites masses ou morceaux d'acier qui ne vont point dans les angles, & qui ne se précipitent point au fond, mais qui tiennent le milieu du bain. Leur superficie extérieure est inégale & informe ; celle qui est enfoncée dans la matiere fluide est ronde : c'est du véritable acier qui ne se mêlera avec le reste que par la violence du vent. Ces masses donnent depuis six jusqu'à dix & quinze livres d'acier. Les ouvriers Suédois qui ont soin de recueillir cet acier qu'ils estiment, disent que le reste de la fonte n'y perd ni n'y gagne.

Dans la Dalecarlie on tire encore d'une mine marécageuse un fer, qu'on transforme de la maniere suivante en un acier qu'on employe aux ouvrages qui n'ont pas besoin d'être retrempés : on tient ce fer audessus d'une flamme vive jusqu'à ce qu'il fonde & qu'il coule au fond du creuset : quand il est bien liquide, on redouble le feu ; on retire ensuite les charbons, & on le laisse refroidir : on met cette matiere froide en morceaux ; on prend les parties du centre, & l'on rejette celles qui sont à la circonférence : on les remet plusieurs fois au feu. On commence par un feu qui ne soit pas de fonte : quand cela arrive, on arrête le vent, & on donne le tems à la matiere fondue de s'épaissir. On jette dessus des scories ; on la remet en fusion, & l'on en sépare l'acier. Toute cette manoeuvre mériteroit bien un plus long détail : mais outre qu'il nous manque, il allongeroit trop cet article. Si le fer de marais ne se fond pas, & qu'il reste gras & épais, on le retourne, & on l'expose au feu de l'autre face.

Dans le Dauphiné, près de l'Allévard & de la montagne de Vanche, il y a des mines de fer. Le fer crud qui en vient est porté dans un feu qu'on appelle l'affinerie. Le vent des soufflets donne sur la masse, qui se fond par ce moyen peu-à-peu. Le foyer du creuset est garni de lames de fer ; il est très-profond. On laisse ici le bain tranquille jusqu'à ce que le creuset soit plein ; alors on arrête le vent, & on débouche le trou ; la fonte coule dans des moules où elle se met en petites masses. On enleve de la surface de ces masses, des scories qui cachent le fer. On porte le reste sous le marteau, & on le met en barres. On porte ces barres dans un feu voisin qu'on appelle chaufferie : là, on les pousse jusqu'au blanc. On les roule dans le sable pour tempérer la chaleur, & on les forge pour les durcir & convertir en acier. Mais il faut observer qu'entre ces deux opérations, après l'avoir poussé jusqu'au rouge blanc, on le trempe.

A Saltzbourg, on choisit les meilleures veines : ce sont les brunes & jaunes. On calcine ; on fond ; on met en masses, qui pesent jusqu'à quatre cens dans la premiere fonte. On tient la matiere en fusion pendant douze heures ; on retire les crasses ; on remue ; on laisse figer ; on met en morceaux ; on plonge dans l'eau chaque morceau encore chaud : on le remet au feu ; on l'y laisse pendant six heures qu'on pousse le feu avec la derniere violence : on ôte les scories ; on refend & l'on trempe. Ces opérations réitérées donnent à l'acier une grande dureté : cependant on y revient une troisieme fois ; on remet les morceaux au feu pendant six heures ; on les forme en barres que l'on trempe. Ces barres plus épaisses que les premieres sont remises en morceaux, & forgées en petites barres quarrées d'un demi-doigt d'équarrissage. A chaque fois qu'on les trempe on a soin qu'elles soient chaudes jusqu'au blanc, & l'on met du sel marin dans l'eau pour rendre la fraicheur plus vive. Cet acier est extremement estimé. On en fait des paquets qui pesent vingt-cinq livres. Cet acier s'appelle bisson.

De quatre cens pesant de fer crud, on tire environ deux cens livres & demie de bisson : le reste s'en va en scories, crasses & fumées. On y employe moitié charbons mous, moitié charbons durs. On en consomme à recuire six sacs. Trois hommes peuvent faire quinze à seize cens de cet acier par semaine. L'acier qui porte le nom de Stirie, se fait en Carinthie suivant cette méthode.

Il y a dans la Carinthie, la Stirie & le Tirol, des forges de fer & d'acier. Leurs fourneaux sont construits comme en Saxe ; la tuyere entre assez avant dans le creuset. Ils fondent quatre cens & demi à chaque fonte. On tient la matiere en fusion pendant trois ou quatre heures : pendant ce tems on ne cesse de l'agiter avec des ringards ; & à chaque renouvellement de matiere, on jette dessus de la pierre à fusil calcinée & pulvérisée. On dit que cette poudre aide les scories à se détacher. Lorsque la matiere a été en fusion pendant quatre heures, on retire les scories : on en laisse cependant quelques-unes qu'on a reconnues pour une matiere ferrugineuse. On enleve cette matiere en lames ; on la forge en barres, & l'on a du fer forgé. Quant au reste de la matiere en fusion, on le retire. On le porte sous le marteau, on le partage en quatre parties qu'on jette dans l'eau froide. On refond de nouveau comme auparavant : on réitere ces opérations trois ou quatre fois, selon la nature de la matiere. Quand on est assûré qu'elle est convertie en bon acier, on l'étend sous le marteau en barres de la longueur de trois piés. On la trempe à chaque barre dans une eau où l'on a fait dissoudre de l'argile ; puis on en fait des tonneaux de deux cens & demi pesant.

De quatre cens & demi de fer, on retire un demi cent de fer pur, le reste est acier. Trois hommes font un millier par semaine.

On suit presque cette méthode de faire l'acier en Champagne, dans le Nivernois, la Franche-Comté, le Dauphiné, le Limosin, le Périgord, & même la Normandie.

Enfin à Fordinberg & autres lieux, dans le Roussillon & le pays de Foix, on fond la mine de fer dans un fourneau ; on lui laisse prendre la forme d'un creuset ou d'un pain rond par-dessous, & plat dessus, qu'on appelle un masset. Cette masse tirée du feu se divise en cinq ou six parties qu'on remet au feu, & qu'on allonge ensuite en barres. Un côté de ces barres est quelquefois fer, & l'autre acier.

Il suit de tout ce qui précede, qu'il ne faut point supposer que les étrangers ayent des méthodes de convertir le fer en acier dont ils fassent des secrets : que le seul moyen de faire d'excellent acier naturel, c'est d'avoir une mine que la nature ait formée pour cela, & que quant à la maniere d'obtenir de l'autre mine un acier artificiel, si celle de M. de Reaumur n'est pas la vraie, elle reste encore à trouver.

L'acier mis sur un petit feu de charbon, prend différentes couleurs. Une lame prend d'abord du blanc ; 2°. un jaune leger comme un nuage ; 3°. ce jaune augmente jusqu'à la couleur d'or ; 4°. la couleur d'or disparoît, & le pourpre lui succede ; 5°. le pourpre se cache comme dans un nuage, & se change en violet ; 6°. le violet se change en un bleu élevé ; 7°. le bleu se dissipe & s'éclaircit ; 8°. les restes de toutes ces couleurs se dissipent, & font place à la couleur d'eau. On prétend que pour que ces couleurs soient bien sensibles, il faut que l'acier mis sur les charbons ait été bien poli, & graissé d'huile ou de suif.

Nos meilleurs aciers se tirent d'Allemagne & d'Angleterre. Celui d'Angleterre est le plus estimé, par sa finesse de grain & sa netteté : on lui trouve rarement des veines & des pailles. L'acier est pailleux quand il a été mal soudé ; les pailles paroissent en écailles à sa surface : les veines sont de simples traces longitudinales. L'acier d'Allemagne au contraire est veineux, pailleux, cendreux, & piqué de nuances pâles qu'on apperçoit quand il est émoulu & poli. Les cendrures sont de petites veines tortueuses : mais les piquûres sont de petits trous vuides que les particules d'acier laissent entr'elles quand leur tissu n'est pas assez compact.

Les pailles & les veines rendent l'ouvrage malpropre, & le tranchant des instrumens inégal, foible, mou. Les cendrures & les piquûres le mettent en scie.

Pour distinguer le bon acier du mauvais, prenez le morceau que vous destinez à l'ouvrage dans des tenailles, mettez-le dans un feu de terre ou de charbon, selon le pays ; faites-le chauffer doucement, comme si vous vous proposiez de le souder : prenez garde de le surchauffer ; il vaut mieux lui donner deux chaudes qu'une ; l'acier surchauffé se pique, & le tranchant qu'on en fait est en scie, & par conséquent rude à la coupe ; ne surchauffez donc pas. Quand votre acier sera suffisamment chaud, portez-le sur l'enclume ; prenez un marteau proportionné au morceau d'acier que vous éprouvez ; un marteau trop gros écrasera, & empêchera de souder : trop petit, il ne fera souder qu'à la surface, & laissera le coeur intact ; le grain sera donc inégal : frappez doucement votre morceau d'acier, jusqu'à ce qu'il ait perdu la couleur de cerise ; remettez-le au feu : faites-le rougir un peu plus que cerise ; plongez-le dans l'eau fraîche ; laissez-le refroidir ; émoulez-le & le polissez ; essayez-le ensuite & le considérez : s'il a des pailles, des cendrures, des veines, des piquûres, vous les appercevrez. Il arrivera quelquefois qu'un, deux, trois, ou même tous les côtés du morceau éprouvé seront parfaits : s'il n'y en a qu'un de bon, faites-en le tranchant de votre ouvrage ; par ce moyen les imperfections de l'acier se trouveront au dos de la piece : mais il y a des pieces à deux tranchans. L'acier ne sauroit alors être trop bon ni trop scrupuleusement choisi : il faut qu'il soit pur & net par ses quatre faces & au coeur.

L'acier d'Allemagne vient en barrils d'environ deux piés de haut, & du poids de cent cinquante livres. Il étoit autrefois très-bon : mais il a dégénéré.

L'étoffe de Pont vient en barres de différentes grosseurs : c'est le meilleur acier pour les gros instrumens, comme ciseaux, forces, serpes, haches, &c. pour aciérer les enclumes, les bigornes, &c.

L'acier de Hongrie est à-peu-près de la même qualité que l'étoffe de Pont, & on peut l'employer aux mêmes usages.

L'acier de rive se fait aux environs de Lyon, & n'est pas mauvais : mais il veut être choisi par un connoisseur, & n'est propre qu'à de gros tranchans ; encore lui préfère-t-on l'étoffe de Pont, & l'on a raison. C'est cependant le seul qu'on employe à Saint-Etienne & à Thiers.

L'acier de Nevers est très-inférieur à l'acier de rive : il n'est bon pour aucun tranchant : on n'en peut faire que des socs de charrue.

Mais le bon acier est propre à toutes sortes d'ouvrages entre les mains d'un ouvrier qui sait l'employer. On fait tout ce qu'on veut avec l'acier d'Angleterre. Il est étonnant qu'en France, ajoûte l'artiste de qui je tiens les jugemens qui précedent sur la qualité des aciers (c'est M. Foucou, ci-devant coutelier), on ne soit pas encore parvenu à faire de bon acier, quoique ce royaume soit le plus riche en fer & en habiles ouvriers. J'ai bien de la peine à croire que ce ne soit pas plûtôt défaut d'intelligence dans ceux qui conduisent ces manufactures, que défaut dans les matieres & mines qu'ils ont à travailler. Il sort du royaume près de trois millions par an pour l'acier qui y entre. Cet objet est assez considérable pour qu'on y fît plus d'attention, qu'on éprouvât nos fers avec plus de soin, & qu'on tâchât enfin d'en obtenir ou de l'acier naturel, ou de l'acier artificiel, qui nous dispensât de nous en fournir auprès de l'étranger. Mais pour réussir dans cet examen, des chimistes, sur-tout en petit, des contemplatifs systématiques ne suffisent pas : il faut des ouvriers, & des gens pourvûs d'un grand nombre de connoissances expérimentales sur les mines avant que de les mettre en fer, & sur l'emploi du fer au sortir des forges. Il faut des hommes de forges intelligens qui ayent opéré, mais qui n'ayent pas opéré comme des automates, & qui ayent eu pendant vingt à trente ans le marteau à la main. Mais on ne fait pas assez de cas de ces hommes pour les employer : cependant ils sont rares, & ce sont peut-être les seuls dont on puisse attendre quelque découverte solide.

Outre les aciers dont nous avons fait mention, il y a encore les aciers de Piémont, de Clamecy, l'acier de Carme, qui vient de Kernant en Allemagne ; on l'appelle aussi acier à la double marque ; il est assez bon. L'acier à la rose, ainsi nommé d'une tache qu'on voit au coeur quand on le casse. L'acier de grain de Motte, de Mondragon, qui vient d'Espagne ; il est en masses ou pains plats de dix-huit pouces de diametre, sur deux, trois, quatre, cinq d'épaisseur. Il ne faut pas oublier l'acier de Damas, si vanté par les sabres qu'on en faisoit : mais il est inutile de s'étendre sur ces aciers, dont l'usage est moins ordinaire ici.

On a trouvé depuis quelques années une maniere particuliere d'aimanter l'acier : voyez là-dessus l'article AIMANT ; voyez aussi l'article FER sur les propriétés médicinales de l'acier. Nous les renvoyons à cet article, parce que ces propriétés leur sont communes ; & l'on croit que pour l'usage de la Medecine le fer vaut mieux que l'acier. Voyez Geoffroy, Mat. med. pag. 500.

Nous finirons cet article acier par le problème proposé aux physiciens & aux chimistes sur quelques effets qui naissent de la propriété qu'a l'acier de produire des étincelles, en le frappant contre un caillou, & résolu par M. de Reaumur. On s'étoit apperçû au microscope que les étincelles qui sortent de ce choc sont autant de petits globes sphériques. Cette observation a donné lieu à M. Kemp de Kerrwik de demander, 1°. laquelle des deux substances, ou du caillou ou de l'acier, est employée à la production des petits globes ; 2°. de quelle maniere cela se fait ou doit faire ; 3°. pourquoi, si l'on emploie le fer au lieu d'acier, n'y a-t-il presque plus d'étincelles scorifiées.

M. de Reaumur commence la solution de ces questions par quelques maximes si sages, que nous ne pouvons mieux faire que de les rapporter ici. Ces questions ayant été inutilement proposées à la Société royale de Londres plus d'un an avant que de parvenir à M. de Reaumur, il dit qu'on auroit souvent tort d'en croire des questions plus difficiles parce que de très-habiles gens à qui on les a proposées n'en ont pas donné la solution ; qu'il faudroit être bien sûr auparavant qu'ils l'ont cherchée, & que quelqu'un qui est parvenu à se faire connoître par son travail, n'auroit qu'à renoncer à tout ouvrage suivi, s'il avoit la facilité de se livrer à tous les éclaircissemens qui lui seroient demandés.

M. de Reaumur laisse à d'autres à expliquer comment le choc de l'acier contre le caillou produit des étincelles brillantes ; & il répond aux autres questions, que le fer & l'acier sont pénétrés d'une matiere inflammable à laquelle ils doivent leur ductilité ; matiere qu'ils n'ont pas plûtôt perdue, qu'ils deviennent friables, & qu'ils sont réduits en scories ; qu'il ne faut qu'un instant pour allumer la matiere inflammable des grains de fer & d'acier très-petits, peut-être moins, ou aussi peu de tems que pour allumer des grains de sciûres de bois ; que si la matiere inflammable d'un petit grain d'acier est allumée subitement, si elle est toute allumée presqu'à la fois, cela suffit pour mettre le grain en fusion ; que les petits grains d'acier détachés par le caillou sont aussi embrasés soudainement ; que le caillou lui-même aide peut-être par la matiere sulphureuse qu'il fournit dans l'instant du choc à celle qui est propre au grain d'acier ; que ce grain d'acier rendu liquide s'arrondit pendant sa chûte ; qu'il devient une boule, mais creuse, friable, spongieuse, parce que sa matiere huileuse & inflammable a été brûlée & brule avec éruption ; que ce tems suffit pour brûler celle d'un grain qui est dans l'air libre : enfin que l'acier plus dur que le fer, imbibé d'une plus grande quantité de matiere inflammable & mieux distribué, doit donner plus d'étincelles. On peut voir dans le Mémoire même de M. de Reaumur, Recueil de l'Académie des Sciences, année 1736. les preuves des suppositions sur lesquelles la solution que nous venons de rapporter est appuyée : ces preuves y sont exposées avec toute la clarté, l'ordre, & l'étendue qu'elles méritent, depuis la page 391 jusqu'à 403.

ACIER tiré, terme d'Horlogerie. Voyez FIL DE PIGNON.


ACIERIES. f. (Métallurgie.) c'est l'usine où l'on transporte les plaques de fer fondu au sortir de la fonte ou forge, pour y continuer le travail qui doit les transformer en acier, soit naturel, soit artificiel. Voyez le détail de ces opérations à l'article ACIER.


ACINIFORMEadj. ou acinosa tunica (en Anatomie) c'est une membrane de l'oeil appellée aussi uvée. Voyez UVEE. (L)


ACKENou ACHEN, s. ville d'Allemagne, dans le cercle de Basse-Saxe sur l'Elbe.


ACMES. (Medecine) vient du Grec ἀκμὴ, pointe ; il est particulierement en usage pour signifier le plus haut point, ou le fort d’une maladie ; car quelques uns divisent les maladies en quatre états ou périodes ; 1°. l’arche qui est le commencement ou la premiere attaque ; 2°. l’anabasis, du Grec ἀνάϐασις, qui est l’augmentation du mal ; 3°. l’acme qui en est le plus haut point ; 4°. le paracme qui en est le déclin.

Cette division mérite attention dans les maladies aiguës où elle a sur-tout lieu, comme dans la fievre continue, dans la fievre maligne, dans les inflammations. Les maladies suivent tous ces périodes selon le bon ou le mauvais traitement qu'on y apporte, ou selon la cause, le degré de malignité de la maladie, l'épuisement ou les forces actuelles du malade. (N)


ACMELLAsubst. plante qui vient de l'île de Ceylan où elle est commune. Voici son caractere selon le P. Hotton, professeur de botanique à Leyde. Les fleurs de cette plante sortent de l'extrémité des tiges, & sont composées d'un grand nombre de petites fleurs jaunes, radiées, qui forment en s'unissant une tête portée sur un calice à cinq feuilles. Lorsque ces fleurs sont tombées, il leur succede des semences d'un gris obscur, longues & lisses, excepté celles qui sont au sommet : elles sont garnies d'une double barbe qui les rend fourchues ; la tige est quarrée & couverte de feuilles posées par paires, semblables à celles de l'ortie morte, mais plus longues & plus pointues.

La vertu qu'elle a ou qu'on lui attribue de guérir de la pierre, en la dissolvant, l'a rendue célebre. En 1690 un officier Hollandois assûra à la Compagnie des Indes Orientales qu'il avoit guéri plus de cent personnes de la néphrétique, & même de la pierre, par l'usage seul de cette plante. Ce témoignage fut confirmé par celui du gouverneur de Ceylan. En 1699, le chirurgien de l'hôpital de la ville de Colombo écrivit les mêmes choses de l'acmella à P. Hotton. Ce chirurgien distinguoit dans sa lettre trois sortes d'acmella différentes entr'elles, principalement par la couleur des feuilles ; il recommandoit sur-tout celle à semences noires & à grandes feuilles.

On cueille les feuilles avant que les fleurs paroissent ; on les fait sécher au soleil, & on les prend en poudre dans du thé, ou quelqu'autre véhicule convenable : ou l'on fait infuser la racine, les tiges, & les branches dans de l'esprit-de-vin, que l'on distille ensuite ; l'on se sert des fleurs, de l'extrait, de la racine & des sels de cette plante dans la pleurésie, les coliques, & les fievres.

Comme une plante aussi importante ne peut être trop bien connue, j'ajoûterai à la description précédente celle de Breyn. Cet auteur dit que sa racine est fibreuse & blanche, sa tige quarrée & haute d'environ un pié ; qu'elle se divise en plusieurs branches ; que ses feuilles sont longues, pointues, raboteuses, & un peu découpées, & que ses fleurs naissent aux extrémités des branches.

Le même auteur ajoûte qu'on peut prendre deux ou trois fois par jour de la teinture d'acmella faite avec l'esprit-de-vin dans un verre de vin de France ou du Rhin, ou dans quelque décoction antinéphrétique, pour faciliter la sortie du gravier & des pierres.

Nous ne pouvons trop inviter les naturalistes à rechercher les propriétés de cette plante. Quel bonheur pour le genre humain, si on lui découvroit par hasard celles qu'on lui attribue, & quel homme mériteroit mieux l'immortalité que celui qui se seroit livré à ce travail ? Peut-être faudroit-il faire le voyage de Ceylan. Les substances animales prennent des qualités singulieres par l'usage que font les animaux de certains alimens plûtôt que d'autres ; pourquoi n'en seroit-il pas de même des substances végétales ? Mais si cette induction est raisonnable, il s'ensuit que telle plante cueillie d'un côté de cette montagne aura une vertu qu'on ne retrouvera pas dans la même plante cueillie de l'autre côté ; que telle plante avoit jadis une propriété qu'elle n'a plus aujourd'hui, & qu'elle ne recouvrera peut-être jamais ; que les fruits, les végétaux, les animaux sont dans une vicissitude perpétuelle, par rapport à leurs qualités, à leurs formes, à leurs élémens ; qu'un ancien d'il y a quatre mille ans, ou plûtôt que nos neveux dans dix mille ans ne reconnoîtront peut-être aucun des fruits que nous avons aujourd'hui, en les comparant avec les descriptions les plus exactes que nous en faisons, & que par conséquent il faut être extrèmement réservé dans les jugemens qu'on porte sur les endroits où les anciens historiens & naturalistes nous entretiennent de la forme, des vertus, & des autres qualités d'êtres qui sont dans un mouvement perpétuel d'altération. Mais, dira-t-on, si les alimens salubres dégénerent en poison, de quoi vivront les animaux ? Il y a deux réponses à cette objection : la premiere, c'est que la forme, la constitution des animaux s'altérant en même proportion & par les mêmes degrés insensibles, les uns seront toûjours convenables aux autres ; la seconde, c'est que s'il arrivoit qu'une substance dégénérât avec trop de rapidité, les animaux en abandonneroient l'usage. On dit que le malum persicum ou la pêche nous est venue de Perse comme un poison ; c'est pourtant dans notre climat un excellent fruit, & un aliment fort sain.


ACOS. m. poisson dont Aldrovande fait mention, & qu'il dit être fort commun dans l'Epyre, la Lombardie, le lac Como, & d'une nourriture excellente. Cherchez maintenant ce que c'est que l'aco


ACOCATSS. m. pl. (Soierie.) Ce sont deux liteaux de deux piés de longueur environ, & d'un pouce d'épaisseur, taillés en dents faites en V. à leur partie supérieure : ils servent à porter un bâton rond auquel le battant est suspendu ; & au moyen des entailles qui sont dans leur longueur, on peut avancer ou reculer le battant, selon que le travail l'exige. Les acocats sont attachés au-dedans du métier aux deux estases, parallelement l'un à l'autre. Les dents en V des acocats aident suffisamment à fixer le battant dans l'endroit où il est placé, pour qu'on ne craigne pas qu'il se dérange en travaillant. Voyez VELOURS ciselé, & l'explication du métier à velours ciselé.


ACŒMETES du Latin acœmetæ ou acœmeti, pour insomnii, s. m. pl. (Théolog.) nom de certains Religieux fort célebres dans les 1rs siecles de l’Eglise, sur-tout dans l’Orient ; appellés ainsi, non qu’ils eussent les yeux toûjours ouverts sans dormir un seul moment, comme quelques Auteurs l’ont écrit, mais parce qu’ils observoient dans leurs Eglises une psalmodie perpétuelle, sans l’interrompre ni jour ni nuit. Ce mot est Grec, ἀκοίμητος, composé d’ά privatif, & κοιμάω, dormir.

Les Acoemetes étoient partagés en trois bandes, dont chacune psalmodioit à son tour, & relevoit les autres ; de sorte que cet exercice duroit sans interruption pendant toutes les heures du jour & de la nuit. Suivant ce partage, chaque Acoemete consacroit religieusement tous les jours huit heures entieres au chant des Pseaumes, à quoi ils joignoient la vie la plus exemplaire & la plus édifiante : aussi ont-ils illustré l'église Orientale par un grand nombre de saints, d'évêques, & de patriarches.

Nicéphore donne pour fondateur aux Acoemetes un nommé Marcellus, que quelques écrivains modernes appellent Marcellus d'Apamée : mais Bollandus nous apprend que ce fut Alexandre, moine de Syrie, antérieur de plusieurs années à Marcellus. Suivant Bollandus, celui-là mourut vers l'an 430. Il fut remplacé dans le gouvernement des Acoemetes par Jean Calybe, & celui-ci par Marcellus.

On lit dans S. Grégoire de Tours, & plusieurs autres écrivains, que Sigismond, roi de Bourgogne, inconsolable d'avoir, à l'instigation d'une méchante princesse qu'il avoit épousée en secondes nôces, & qui étoit fille de Théodoric, roi d'Italie, fait périr Géseric son fils, prince qu'il avoit eu de sa premiere femme, se retira dans le monastere de S. Maurice, connu autrefois sous le nom d'Agaune, & y établit les Acoemetes, pour laisser dans l'Eglise un monument durable de sa douleur & de sa pénitence.

Il n'en fallut pas davantage pour que le nom d'Acoemetes & la psalmodie perpétuelle fût mise en vogue dans l'Occident, & sur-tout dans la France, dont plusieurs monasteres, entr'autres celui de Saint-Denys, suivirent presqu'en même tems l'exemple de celui de Saint-Maurice : quelques monasteres de filles se conformerent à la même regle. Il paroît par l'abregé des actes de sainte Saleberge, recueillis dans un manuscrit de Compiegne cité par le P. Ménard, que cette sainte après avoir fait bâtir un vaste monastere, & y avoir rassemblé trois cens religieuses, les partagea en plusieurs choeurs différens, de maniere qu'elles pussent faire retentir nuit & jour leur église du chant des Pseaumes.

On pourroit encore donner aujourd'hui le nom d'Acoemetes à quelques maisons religieuses, où l'adoration perpétuelle du Saint-Sacrement fait partie de la regle, en sorte qu'il y a jour & nuit quelques personnes de la communauté occupées de ce pieux exercice. Voyez SACREMENT & ADORATION.

On a quelquefois appellé les Stylites Acoemetes, & les Acoemetes, Studites. V. STYLITE & STUDITE. (G)


ACOLALANS. m. (Hist. nat.) punaise de l'île Madagascar qui devient grosse comme le pouce, & qui prend alors des ailes : elle ronge tout, mais surtout les étoffes.


ACOLYTHES. m. (Théolog. Hist. anc. & mod.) chez les anciens, signifioit une personne ferme & inébranlable dans ses sentimens. C'est pourquoi l'on donna ce nom à certains Stoïciens qui se piquoient de cette fermeté.

Ce nom est originairement Grec, ἀκολούθος. Quelques-uns le composent d’ά privatif & de κολεέτος, via, voie, chemin ; & pris en ce sens il signifie à la lettre qui persiste toûjours dans la même voie, qui ne s’en écarte jamais. D’autres écrivent acolyte sans h, & le dérivent d’άκολύτος, acolytus, formé d’ négatif & de κολύω, arceo, impedio ; d’autres enfin prétendent qu’il signifie à la lettre un suivant, un servant.

C'est en ce dernier sens que dans les auteurs ecclésiastiques on trouve ce terme spécialement appliqué aux jeunes clercs qui aspiroient au saint ministere, & tenoient dans le clergé le premier rang après les soûdiacres. L'église Greque n'avoit point d'acolythes, au moins les plus anciens monumens n'en font-ils aucune mention : mais l'église Latine en a eu dès le iij. siecle ; S. Cyprien & le pape Corneille en parlent dans leurs épitres, & le jv. concile de Carthage prescrit la maniere de les ordonner.

Les acolythes étoient de jeunes hommes entre 20 & 30 ans, destinés à suivre toûjours l'évêque, & à être sous sa main. Leurs principales fonctions dans les premiers siecles de l'Eglise étoient de porter aux évêques les lettres que les églises étoient en usage de s'écrire mutuellement, lorsqu'elles avoient quelqu'affaire importante à consulter ; ce qui, dans les tems de persécution où les Gentils épioient toutes les occasions de profaner nos mysteres, exigeoit un secret inviolable & une fidélité à toute épreuve : ces qualités leur firent donner le nom d'acolythes, aussi-bien que leur assiduité auprès de l'évêque, qu'ils étoient obligés d'accompagner & de servir. Ils faisoient ses messages, portoient les eulogies, c'est-à-dire, les pains-benis, que l'on envoyoit en signe de communion : ils portoient même l'eucharistie dans les premiers tems ; ils servoient à l'autel sous les diacres, & avant qu'il y eût des soûdiacres, ils en tenoient la place. Le Martyrologe marque qu'ils tenoient autrefois à la messe la patene enveloppée, ce que font à présent les soûdiacres ; & il est dit dans d'autres endroits qu'ils tenoient aussi le chalumeau qui servoit à la communion du calice. Enfin ils servoient encore les évêques & les officians en leur présentant les ornemens sacerdotaux. Leurs fonctions ont changé ; le pontifical ne leur en assigne point d'autre, que de porter les chandeliers, allumer les cierges, & de préparer le vin & l'eau pour le sacrifice : ils servent aussi l'encens, & c'est l'ordre que les jeunes clercs exercent le plus. Thomass. Discipl. de l'Eglise. Fleury, Instit. au Droit ecclés. tome I. part. I. chap. vj.

Dans l'église Romaine il y avoit trois sortes d'acolythes : ceux qui servoient le pape dans son palais, & qu'on nommoit palatins : les stationnaires, qui servoient dans les églises ; & les régionnaires, qui aidoient les diacres dans les fonctions qu'ils exerçoient dans les divers quartiers de la ville.

Le nom d'Acolythe a encore été donné à des officiers laïcs attachés à la personne des empereurs de Constantinople ; & dans les Liturgies des Grecs, le mot signifie la suite, la continuation de l'office, les cérémonies des sacremens, & les prieres. (G)


ACOMAS. ville de l'Amérique septentrionale, au nouveau Mexique : elle est capitale de la province. Long. 169. lat. 35.


ACOMASS. m. (Hist. nat.) grand & gros arbre de l'Amérique, dont la feuille est large, le fruit en olive, d'une couleur jaune, & d'un goût amer. On employe cet arbre dans la construction des navires, & on en tire des poutres de dix-huit pouces de diametre, sur soixante piés de longueur.


ACONITS. m. (Hist. nat.) en Latin aconitum, herbe à fleur irréguliere composée de plusieurs feuilles, & dont le pistil devient un fruit à plusieurs loges ou capsules. La fleur de cette plante a cinq feuilles qui sont toutes différentes entr'elles, & qui représentent en quelque façon la tête d'un homme revêtu d'un heaume ou d'un capuchon. La feuille supérieure tient lieu de casque ou de capuchon ; les deux feuilles inférieures sont à la place de la mentonniere, & celles des côtés peuvent être comparées à des oreillettes. Il sort du milieu de la fleur deux crosses qui sont cachées sous la feuille du dessus ; il en sort aussi le pistil, qui devient un fruit composé de gaînes membraneuses, qui sont disposées en maniere de tête, & qui renferment ordinairement des semences anguleuses & ridées. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

ACONIT, (l') (Jardinage), vient de semence sur couche, & aussi de brins sans racine. Il y a un aconit d'été & un autre d'hyver. (K)

Mais de tous les aconits (Mat. med.) il n'y en a qu'un qui puisse servir dans la Medecine ; c'est l'aconitum salutiferum sive anthora. C. B.

Sa racine est un contre-poison pour ceux qui ont mangé la racine des autres aconits. Les paysans des Alpes & des Pyrenées s'en servent contre les morsures des chiens enragés & contre la colique. Elle est donc alexitere, cordiale, stomachale, & bonne pour la colique venteuse. Elle contient beaucoup d'huile & de sel essentiel volatil.

La nature a semblé faire naître l'aconit salutaire auprès du napel, qui est un vrai poison, pour servir de contre-poison ; aussi comme le napel coagule le sang, l'aconit salutaire agit en divisant les humeurs. (N)


ACONTIASS. m. (Hist. nat.) serpent qui s'élance comme un trait décoché, ce qui lui a fait donner le nom de javelot. Voyez JAVELOT. (I)


ACOPISS. (Hist. nat.) pierre précieuse transparente comme le verre, avec des taches de couleur d'or. On l'a appellée acopis, parce que l'huile dans laquelle on la fait bouillir passe pour un remede contre les lassitudes. Pline. Constant. Il faut attendre pour savoir à laquelle de nos pierres rapporter celle-ci, & beaucoup d'autres dont nous parlerons dans la suite, que M. Daubenton, de l'Académie royale des Sciences de Paris, ait fait usage de sa découverte ingénieuse sur la maniere de transmettre à nos descendans la maniere d'appliquer, sans erreur, nos noms de pierres, aux pierres mêmes auxquelles nous les avons donnés, & de trouver quel est celui de nos noms de pierres qui répond à tel ou tel nom des anciens.


ACOPOSS. (Hist. nat.) plante dont il est fait mention dans Pline, & que l'on prétend être l'anagyris de Dioscoride, que Gérard regarde comme une espece de trifolium.


AÇORESS. îles de l'Amérique qui appartiennent aux Portugais ; elles sont au nombre de neuf. Long. 346-354. lat. 39.

Elles sont commodément situées pour la navigation des Indes Orientales & du Bresil : on en tire principalement des blés, des vins & du pastel : mais cette derniere denrée est le principal du négoce. Les batates entrent dans la cargaison des Hollandois. Les Açores donnent encore des citrons, des limons, des confitures, dont le fayal est la plus estimée. On y porte des toiles, de l'huile, du sel, des vins de Canarie & de Madere ; des taffetas, des rubans, des droguets de soie, des draps, des futaines, des bas de soie, du riz, du papier, des chapeaux, & quelques étoffes de laine. On a en retour de la monnoie d'or du Bresil, des sucres blancs, des moscoüades, du bois de Jacaranda, du cacao, du girofle. Les Anglois y passent aussi des étoffes, des laines, du fer, des harengs, des sardines, du fromage, du beurre, & des chairs salées.


ACORNAS. (Hist. nat. & bot.) espece de chardon dont il est parlé dans Théophraste. Il a, dit cet auteur, la tige & la feuille velues & piquantes ; ce qui convient non-seulement à l'actilis, mais à un grand nombre d'autres plantes.

L'acorna est, selon Pline, une espece de chêne verd, semblable aux houx ou au genevrier.


ACORUSS. m. (Hist. nat.) On donne aujourd'hui le nom d'acorus à trois racines différentes ; le vrai acorus, l'acorus des Indes, & le faux acorus.

Le vrai acorus est une racine longue, genouillée, de la grosseur du doigt, un peu plate, d'un blanc verdâtre au-dehors ; quand elle est nouvelle, roussâtre ; quand elle est dessechée, blanche au-dedans ; spongieuse, acre, amere, aromatique au goût, & agréable à l'odorat. Des racines de cette plante rampante s'élevent des feuilles d'une coudée & demie, de la figure de l'iris à feuille étroite, applaties, pointues, d'un verd agréable, lisses, larges de 4 à 5 lignes, acres, aromatiques, un peu ameres, & odorantes quand on les froisse. Quant à ses fleurs, elles sont sans pétales, composées de six étamines rangées en épis serrés, entre lesquels croissent des embryons environnés de petites feuilles applaties ou écaillées. Chaque embryon devient un fruit triangulaire & à trois loges ; & toutes ces parties sont attachées à un poinçon assez gros, & forment un épi conique qui naît à une feuille sillonnée & plus épaisse que les autres. Cet acorus vient dans les lieux humides de la Lithuanie, de la Tartarie, & en Flandre, en Angleterre le long des ruisseaux. Sa racine distillée donne beaucoup d'huile essentielle, & un peu d'esprit volatil urineux. D'où il s'ensuit qu'elle est pleine de sel volatil, aromatique, huileux. On le recommande pour fortifier l'estomac, chasser les vents, appaiser les tranchées, lever les obstructions de la matrice & de la rate, provoquer les regles, augmenter le mouvement du sang. Il passe aussi pour alexipharmaque.

L'acorus des Indes est une racine semblable au vrai acorus, mais un peu plus menue, d'une odeur plus agréable, amere & piquante au goût. Il vient des Indes Orientales & Occidentales. Celui du Bresil est assez semblable à celui de l'Europe. On l'ordonne seul ou avec d'autres remedes contre les humeurs visqueuses & les poisons.

Le troisieme acorus est une racine noueuse, rouge intérieurement & extérieurement, sans odeur, surtout quand elle est verte ; d'un goût très-foible d'abord, mais qui devient bientôt d'une grande acrimonie. Dodonée dit qu'elle est bonne dans les dyssenteries, les flux de ventre, & toute hémorrhagie. On le prend ou en décoction ou de quelqu'autre maniere.


ACOTOIRS. m. en Architecture, c'est le derriere d'un banc de pierre ou de bois qui sert à s'appuyer en arriere. (P)


ACOUDOIRS. m. (Architect.) s'entend de tous murs à hauteur d'appui, dont l'élévation est proportionnée à la grandeur humaine. Voyez APPUI & BALUSTRADE. (P)


ACOUSMATIQUESadj. pris subst. (Hist. anc.) Pour entendre ce que c'étoit que les Acousmatiques, il faut savoir que les Disciples de Pythagore étoient distribués en deux classes séparées dans son école par un voile ; ceux de la premiere classe, de la classe la plus avancée, qui ayant pardevers eux cinq ans de silence passés sans avoir vû leur maître en chaire, car il avoit toûjours été séparé d'eux pendant tout ce tems par un voile, étoient enfin admis dans l'espece de sanctuaire d'où il s'étoit seulement fait entendre, & le voyoient face à face ; on les appelloit les Esotériques. Les autres qui restoient derriere le voile & qui ne s'étoient pas encore tûs assez long-tems pour mériter d'approcher & de voir parler Pythagore, s'appelloient Exotériques & Acousmatiques ou Acoustiques. Voyez PYTHAGORICIEN. Mais cette distinction n'étoit pas la seule qu'il y eût entre les Esotériques & les Exotériques. Il paroît que Pythagore disoit seulement les choses emblématiquement à ceux-ci ; mais qu'il les révéloit aux autres telles qu'elles étoient sans nuage, & qu'il leur en donnoit les raisons. On disoit pour toute réponse aux objections des Acoustiques, , Pythagore l'a dit : mais Pythagore lui-même résolvoit les objections aux Esotériques.


ACOUSTIQUES. f. est la doctrine ou la théorie des sons. Voyez SON. Ce mot vient du Grec ἀκούω, j’entends.

L'Acoustique est proprement la partie théorique de la Musique. C'est elle qui donne les raisons plus ou moins satisfaisantes du plaisir que nous fait l'harmonie, qui détermine les affections ou propriétés des cordes vibrantes, &c. V. SON, HARMONIE, CORDE.

L'Acoustique est la même science qu'on a autrement appellée Phonique. Voyez PHONIQUE.

ACOUSTIQUES, adj. pris subst. On dit les acoustiques pour les remedes acoustiques. Ce sont ceux qu'on employe contre les défauts & les maladies de l'oreille ou du sens de l'oüie. Voyez OREILLE & OUIE. On dit aussi maladies acoustiques & instrumens acoustiques dans le même sens que remedes acoustiques. Acoustique se dit principalement des instrumens par lesquels ceux qui ont l'oüie dure remédient à ce défaut. Voyez CORNET, PORTE-VOIX.

Le docteur Hook prétend qu'il n'est pas impossible d'entendre à la distance d'une stade le plus petit bruit qu'une personne puisse faire en parlant, & qu'il sait un moyen d'entendre quelqu'un à-travers une muraille de pierre épaisse de trois piés. Voyez ECHO, CABINETS SECRETS & PORTE-VOIX. (O)


ACOUSTIQUESS. m. V. ACOUSMATIQUES.


ACOUTREURS. m. terme de Tireur d'or ; c'est l'ouvrier qui resserre & polit le trou du fer ou de la filiere dans laquelle passe le trait, lorsqu'il s'agit de le tirer fin. Voyez TIREUR-D'OR.


ACOUTUMANCES. f. (Architecture.) se dit, d'après Vitruve, pour exprimer l'habitude que l'on a de suivre un précepte, un auteur, ou un genre de bâtiment, selon l'usage du climat, du lieu, &c. C'est proprement de cette acoutumance ou habitude que se sont formées les regles du goût pour l'art de bâtir selon l'esprit de chaque nation, & que sont nées les architectures Italienne, Françoise, Moresque, Chinoise, &c. (P)


ACOUTYS. m. (Hist. nat.) animal quadrupede des Antilles. Il est de la grosseur du lapin ou du lievre ; il a deux dents dans la mâchoire supérieure, & deux autres dans la mâchoire inférieure, semblables à celles du lievre, & il est fort agile ; sa tête est approchante de celle du rat ; son museau est pointu, ses oreilles sont courtes & arrondies ; il est couvert d'un poil roussâtre comme le cerf, & quelquefois brun, tirant sur le noir, rude & clair comme celui d'un cochon de trois mois ; il a la queue plus courte que celle d'un lievre ; elle est dégarnie de poils, de même que les jambes de derriere : les quatre jambes sont courtes & menues ; le pié de celles de devant est divisé en cinq doigts terminés par des ongles, tandis que les piés de devant n'ont que quatre doigts. Cet animal se retire dans les creux des arbres : la femelle porte deux ou trois fois l'année ; avant que de mettre bas, elle prépare sous un buisson, un petit lit d'herbes & de mousse, pour y déposer ses petits, qui ne sont jamais que deux ; elle les alaite dans cet endroit pendant deux ou trois jours, & ensuite elle les transporte dans des creux d'arbres où elle les soigne jusqu'à ce qu'ils puissent se passer d'elle. L'acouty se nourrit de racines, & il mange avec ses pattes de devant comme les écureuils ; il n'est jamais gras à moins qu'il ne se trouve assez près des habitations, pour avoir des fruits de manioc & des patates ; alors il s'engraisse ; mais en quelque état qu'il soit, il a toûjours un goût de venaison, & sa chair est dure ; cependant il y a beaucoup de gens qui l'aiment autant que celle du lapin. Au commencement que l'île de la Guadeloupe fut habitée, on n'y vivoit presque d'autre chose. On chasse ces animaux avec des chiens qui les réduisent dans les creux des arbres qu'ils habitent : là on les enfume comme les renards, & ils n'en sortent qu'après avoir beaucoup crié. Lorsque cet animal est irrité, il hérisse le poil de son dos, il frappe la terre de ses pattes de derriere comme les lapins ; il crie, il siffle & il mord ; on peut pourtant l'apprivoiser. Les Sauvages se servent des dents de l'acouty, qui sont fort tranchantes, pour se déchirer la peau dans leurs cérémonies. Hist. des Antilles, par le P. du Tertre ; Hist. nat. & mor. des Antilles de l'Amérique, &c. (I)


ACQSS. (Géog.) Voyez DAX.


ACQUAPENDENTES. ville d'Italie dans l'état de l'Eglise, au territoire d'Orviette, près de la Paglia. Long. 29. 28. lat. 42. 43.


ACQUARIAS. ville d'Italie, dans le duché de Modene, près de la Sultena.


ACQUEREURS. m. en Droit, est la personne à qui l'on a transporté la propriété d'une chose, par vente, cession, échange, ou autrement. Il se dit singulierement de celui qui a fait l'acquisition d'un immeuble. (H)


ACQUÊTS. m. (Jurisprud.) est un bien immeuble qu'on n'a point eu par succession, mais qu'on a acquis par achat, par donation, ou autrement. Voyez IMMEUBLE. Ce mot vient du Latin acquirere, acquérir, gagner.

Nos coûtumes mettent beaucoup de différence entre les acquêts & les propres : le Droit civil ne fait pas cette distinction. Voyez PROPRE, TRIMONIALNIAL, &c.

Legs, ou donation faite à l'héritier présomptif en ligne collatérale, est acquêt en sa personne : mais ce qu'il recueille à titre de succession, lui devient propre. En ligne directe, tout héritage une fois parvenu aux enfans, même par legs ou donation, prend en leurs mains la qualité de propre, quand il ne l'auroit pas eue précédemment.

Les acquêts faits par le mari ou la femme avant le mariage, n'entrent point en communauté, quand même le prix n'en auroit été payé que depuis le mariage : mais dans ce second cas, la moitié du prix appartient à l'autre conjoint.

Des acquêts faits dans une coûtume qui ne porte point communauté, ne laissent pas d'être communs, si les conjoints ont contracté mariage dans une coûtume qui porte communauté, sans y déroger, ou s'ils l'ont expressément stipulée.

ACQUETS (nouveaux), terme de finances, est un droit que payent au Roi les roturiers pour raison de l'acquisition & tenure de fiefs, dont autrement ils seroient obligés de vuider leurs mains, comme n'étant point de condition à posséder telle sorte de biens. Cependant les bourgeois de Paris, & de quelques autres villes, quoique roturiers, peuvent posséder des fiefs, sans être sujets à ce droit. (H)


ACQUIS. ville d'Italie, duché de Montferrat, sur la Bormia. Long. 26. 5. lat. 44. 40.


ACQUIESCEMENTS. m. terme de Droit, est l'adhésion d'une des parties contractantes ou collitigeantes, ou de toutes deux, à un acte ou un jugement. Ainsi acquiescer à une condition, à une clause, c'est l'accepter : acquiescer à un jugement, c'est en passer par ce qu'il ordonne. (H)

ACQUIESCEMENT, (Commerce.) consentement qu'un négociant ou autre personne donne à l'exécution d'une sentence arbitrale, d'une sentence des consuls, ou autre acte fait en Justice. On ne peut revenir contre un jugement, après un acquiescement ; l'exécution d'un jugement passe pour acquiescement. (G)


ACQUIESCERdemeurer d'accord d'une chose, en convenir. Ce marchand a été obligé d'acquiescer à la sentence arbitrale rendue contre lui. (G)


ACQUISITIONS. f. (Jurisprud.) est l'action par laquelle on se procure la propriété d'une chose. Il se dit aussi de la chose même acquise. Ainsi l'on dit en ce sens : il a fait une mauvaise ou une bonne acquisition. Il se dit singulierement d'un immeuble.

Les acquisitions faites par l'un des conjoints survivans, avant la confection d'inventaire, appartiennent à la communauté qui étoit entre lui & le prédécédé. Voyez COMMUNAUTE & CONTINUATION de communauté. (H)


ACQUITS. m. terme de Pratique, synonyme à quittance ou décharge. Voyez l'une & l'autre.

ACQUIT à caution, terme de finances, se dit d'un billet que les commis de bureaux d'entrée du royaume délivrent à un particulier, qui se rend caution qu'une balle de marchandise sera vûe & visitée à la Doüanne du lieu pour lequel elle est destinée ; sur le dos duquel billet les commis de la Doüanne, après avoir fait leur visite, en donnent leur certificat, qui sert de décharge à celui qui s'est porté caution.

ACQUIT à caution de transit, autre terme de finances. Ce terme regarde certaines marchandises ou choses servant aux ouvrages & fabrication d'icelles, qui sont exemptes des droits d'entrée & de sortie du royaume, même des péages, octrois, & autres droits.

L'ACQUIT ou certificat de franchise, concerne l'exemption des droits de sortie des marchandises destinées pour envoyer hors le royaume, lesquelles sont achetées & enlevées pendant le tems des franchises des foires.

ACQUIT de payement, est un terme usité dans les bureaux des cinq grosses Fermes. Quand on paye les droits d'entrée & de sortie, le receveur du bureau fournit un acquit sur papier timbré, qu'on nomme acquit de payement, & qui sert de quittance & de décharge.

ACQUIT de comptant, sont des lettres patentes expédiées à la décharge du garde du thrésor royal pour certaines sommes remises comptant entre les mains du Roi. Les acquits de comptant ne sont point libellés : ce sont des lettres de validation qui regardent certaines sommes données manuellement au Roi, & que Sa Majesté veut que la chambre des Comptes passe en dépense, sans qu'il soit fait mention des emplois à quoi elles ont été destinées, imposant sur ce, silence à ses procureurs généraux. (H)

ACQUIT, s. m. (Commerce.) parmi des négocians, signifie encore quittance, reçû, ou récépissé : payé à un tel par acquit du tel jour, c'est-à-dire sur sa quittance, reçû, ou récépissé.

Quand un banquier ou une autre personne donne une lettre de change échûe, pour en aller recevoir le payement, il l'endosse en blanc, afin que le garçon puisse mettre le reçu au-dessus de sa signature. Il faut observer toûjours en faisant ces sortes d'endossemens en blanc, de mettre au-dessous de sa signature ces mots pour acquit, & cela afin qu'on ne puisse pas remplir le blanc d'un ordre payable à un autre. (G)

ACQUIT, s. m. (terme de jeu) au billard ; c'est le coup que celui qui a le devant donne à joüer sur sa bille à celui qui est le dernier.


ACQUITERv. a. signifie, payer des droits pour des marchandises aux entrées & sorties du royaume, aux entrées des villes, & dans les bureaux du Roi. Il signifie aussi payer ses dettes. On dit acquiter des lettres & billets de change, des promesses, des obligations, pour dire les payer. (G)

ACQUITER, v. a. (Jurisprud.) acquiter une promesse, un engagement, c'est le remplir. Acquiter ses dettes, ou celles d'un autre, c'est les payer ; acquiter quelqu'un de quelque chose, c'est l'en affranchir en la faisant pour lui, ou empêchant qu'il ne soit poursuivi pour raison de ce. Si, par exemple, un seigneur qui releve lui-même d'un autre, a des vassaux sur qui le seigneur suzerain prétende des droits, c'est à lui à les en acquiter ; car ils ne doivent le service qu'à leur seigneur immédiat. (H)


ACQUITPATENTS. m. (terme de finances.) est une ordonnance ou mandement du Roi, en vertu de laquelle les thrésoriers ou receveurs des domaines de Sa Majesté sont obligés de payer au porteur d'icelle, quand elle est en bonne forme, la somme contenue en l'acquitpatent. Or la forme requise pour un acquitpatent valide, est qu'il soit signé, contre-signé, vérifié à la chambre du thrésor, contrôlé, &c. (H)


ACRAMARou VAN, ville & lac d'Arménie, en Asie. Long. 62. lat. 36. 30.


ACRATISMES. m. (Hist. anc.) Les Grecs faisoient quatre repas ; le déjeuner, qu'ils appelloient acratisma, ou dianestismos ; le dîner, ariston, ou dorpiston ; un petit repas entre le dîner & le souper, hesperisma, ce qu'on appelle en Latin merenda ; & le souper, dipnon, & quelquefois epidorpis.


ACRATOPHOREou qui donne le vin pur, (Myt.) nom qu'on donna à Bacchus, à Phigalie, ville d'Arcadie, où ce Dieu étoit principalement honoré.


ACRATUS(Myt.) génie de la suite de Bacchus.


ACRES. (Géog.) Ptolémaïde, S. Jean d'Acre, ville d'Asie, qui appartient aux Turcs, proche de Tyr. Long. 57. lat. 32. 40.

ACRE, s. f. (Commerce.) mesure de terre, différente selon les différens pays. Voyez MESURE, VERGE & PERCHE.

Ce mot vient du Saxon accre, ou de l'Allemand acker, lequel vraisemblablement est formé d'acer, & signifie la même chose. Saumaise cependant le fait venir d'acra, qui a été dit pour akena, & signifioit chez les anciens une mesure de terre de dix piés.

L'acre en Angleterre & en Normandie est de 160 perches quarrées. L'acre Romaine étoit proprement la même chose que le jugerum. Voyez ARPENT.

Il y a en Angleterre une taille réelle imposée par Charles II. à raison du nombre d'acres que possedent les habitans.

Le chevalier Petty a calculé dans l'Arithmétique politique, que l'Angleterre contient 39038500 acres ; les Provinces-Unies 4382000, &c.

L'acre des bois est de quatre vergées, c'est-à-dire, 960 piés. Voyez VERGEE. (E & G)

ACRE, adj. (Chimie) se dit de ce qui est piquant, mordicant, & d'un goût desagréable. Tout excès & toute dépravation de salure fait l'acre. C'est en Medecine qu'on employe plus communément ce terme.

Il y a autant de différentes especes d'acres que de différentes especes de sels. Il y a des acres aigres, des acres alkalis, & des acres moyens, qui tiennent de l'acide & de l'alkali en différentes proportions ; & on peut éprouver les acres pour en connoître l'espece, comme on éprouve les sels pour savoir s'ils sont acides ou alkalis, ou neutres. Voyez SELS.

On peut aussi distinguer les acres en acre scorbutique, acre vérolique, &c. Lorsque les différens sels qui sont naturellement dans les liqueurs du corps, sont en quantité disproportionnée, ou lorsque la dépuration de ces liqueurs est troublée, & leur chaleur naturelle augmentée, il se fait des acres de différentes especes. Certaines gangrenes font voir que les liqueurs du corps humain peuvent devenir si acres, qu'elles en sont caustiques. Les alkalis urineux qui se forment naturellement dans les corps vivans, sont dissolvans des parties animales, non-seulement des humeurs & des chairs, mais aussi des nerfs & des cartilages ; & les acres acides des animaux, comme est l'acide du lait, amollissent & dissolvent les os les plus durs. On peut en faire l'expérience avec du lait aigre ; on verra qu'il dissout jusqu'à l'ivoire.

Souvent un acre contre nature se trouve confondu dans les humeurs, & ne produit point de mal sensible tant qu'il n'y est pas en assez grande quantité, ou qu'il est plus foible que ne le sont les liqueurs qui n'ont qu'une salure naturelle. On a vû souvent des personnes qui portant un levain de vérole dans leurs humeurs, paroissoient se bien porter tant que le virus n'avoit pas fait assez de progrès pour se rendre sensible. Il y a des goutteux qui se portent bien dans les intervalles des accès de goutte, quoiqu'ils ayent dans eux de l'humeur acre de la goutte : c'est pour cette raison-là que les Medecins sages & habiles ont égard à la cause de la goutte dans toutes les maladies qui arrivent aux goutteux, comme aux autres hommes.

Des charbons de peste ont sorti tout d'un coup à des personnes qui paroissoient être en parfaite santé ; & lorsque ces charbons pestilentiels sortent de quelque partie intérieure du corps, ceux à qui ce malheur arrive, meurent sans garder le lit ; & quelquefois même ils tombent morts dans les rues en allant à leurs affaires : ce qui prouve bien qu'on peut porter dans soi pendant quelque tems un levain de maladie, & d'une maladie très-dangereuse, sans s'en appercevoir. C'est ce qu'ont peine à comprendre ceux qui ayant la vérole conservent cependant toutes les apparences d'une bonne santé, n'ont rien communiqué, & ont des enfans sains.

Souvent des personnes sont prêtes d'avoir la petite vérole, & semblent se porter bien ; cependant elles ont en elles le levain de cette maladie, qui quelques jours après les couvrira de boutons & d'ulceres. Ces choses sont approfondies & clairement expliquées dans la Chimie medicinale. (M)


ACREMENTS. m. (Commerce.) nom qu'on donne à Constantinople à des peaux assez semblables à celles qu'on appelle premiers cousteaux. Ces peaux sont de boeufs & de vaches, & sont apportées des environs de la mer Noire.


ACRIDOPHAGESS. pl. dans l'Histoire ancienne, a été le nom d'un peuple qui, disoit-on, vivoit de sauterelles ; ce que veut dire le mot acridophages, formé de , sauterelles, & , manger.

On plaçoit les Acridophages dans l'Ethiopie proche des deserts. Dans le printems ils faisoient une grande provision de sauterelles qu'ils saloient & gardoient pour tout le reste de l'année. Ils vivoient jusqu'à 40 ans, & mouroient à cet âge de vers ailés qui s'engendroient dans leur corps. Voyez S. Jerôme contre Jovinien ; & sur S. Jean, cap. iv. Diodore de Sicile, lib. III. cap. iij. & xxix. & Strabon, lib. XVI. Pline met aussi des Acridophages dans le pays des Parthes, & S. Jerôme dans la Libye.

Quoiqu'on raconte de ces peuples des circonstances capables de faire passer tout ce qu'on en dit pour fabuleux, il peut bien y avoir eu des Acridophages : & même encore à présent il y a quelques endroits du Levant où l'on dit qu'on mange des sauterelles. Et l'Evangile nous apprend que S. Jean mangeoit dans le desert des sauterelles, , y ajoûtant du miel sauvage. Matth. cap. iij. v. 4.

Il est vrai que tous les savans ne sont pas d'accord sur la traduction de , & ne conviennent pas qu'il faille le rendre par sauterelles. Isidore de Peluse entre autres, dans sa 132e Epître, parlant de cette nourriture de S. Jean, dit que ce n'étoit point des animaux, mais des pointes d'herbes, & taxe d'ignorance ceux qui ont entendu ce mot autrement. Mais S. Augustin, Bede, Ludolphe & autres, ne sont pas de son avis. Aussi les Jésuites d'Anvers rejettent-ils l'opinion des Ebionites, qui à , substituent , qui étoit un mets délicieux, préparé avec du miel & de l'huile ; celle de quelques autres qui lisent ou , des écrevisses de mer ; & celle de Beze qui lit , poires sauvages.


ACRIMONIEACRETÉ, synonymes. Acrimonie est un terme scientifique qui designe une qualité active & mordicante, qui ne s'applique guere qu'aux humeurs qui circulent dans l'être animé, & dont la nature se manifeste plûtôt par les effets qu'elle produit dans les parties qui en sont affectées, que par aucune sensation bien distincte.

Acreté est d'un usage commun, par conséquent plus fréquent : il convient aussi à plus de sortes de choses. C'est non-seulement une qualité piquante, capable d'être, ainsi que l'acrimonie, une cause active d'altération dans les parties vivantes du corps animal ; c'est encore une sorte de saveur que le goût distingue & démêle des autres par une sensation propre & particuliere que produit le sujet affecté de cette qualité. On dit l'acrimonie des humeurs, & l'acreté de l'humeur.

* ACRIMONIE, s. f. (Chimie & Physiq.) considérée dans le corps acre, consiste dans quelque chose de spiritueux & qui tient de la nature du feu. Si on dépouille le poivre de son huile essentielle, & cette huile essentielle de son esprit recteur, le reste est fade, & ce reste est une si grande partie du tout, qu'à peine l'analyse donne-t-elle quelques grains d'acre sur une livre de poivre. Ce qui est acre dans les aromatiques est donc un esprit & un esprit fort subtil. Si un homme mange de la canelle pendant quelques années, il est sûr de perdre ses dents : cependant les aromatiques pris en petite quantité peuvent être remedes, mais leur abondance nuit. Le docteur de Bontekoe dit que les parfums sont les mains des dieux ; & le commentateur de Boerhaave a ajoûté avec autant de vérité que d'esprit, que si cela étoit, ils auroient tué bien des hommes avec ces mains.

L'acrimonie, sensation, est l'action de cet esprit uni à d'autres élémens sur nos organes. Cette action est suivie de la soif, du desséchement, de chaleur, d'ardeur, d'irritation, d'accélération dans les fluides, de dissipation de ces parties, & des autres effets analogues.

Acrimonie dans les humeurs, est une qualité maligne qu'elles contractent par un grand nombre de causes, telles que le croupissement, le trop d'agitation, &c. Cette qualité consiste dans le développement des sels & quelque tendance à l'alkalisation, en conséquence de la dissipation extrème du véhicule aqueux qui les enveloppe ; d'où l'on voit combien la longue abstinence peut être nuisible dans la plûpart des tempéramens.


ACROBATESS. m. (Hist. anc.) espece de danseurs de corde. Il y en avoit de quatre sortes : les premiers se suspendant à une corde par le pié ou par le col voltigeoient autour, comme une roue tourne sur son essieu ; les autres voloient de haut en bas sur la corde, les bras & les jambes étendus, appuyés simplement sur l'estomac ; la troisieme espece étoient ceux qui couroient sur une corde tendue obliquement, ou du haut en bas ; & les derniers, ceux qui non-seulement marchoient sur la corde tendue horisontalement, mais encore faisoient quantité de sauts & de tours, comme auroit fait un danseur sur la terre. Nicéphore, Grégoras, Manilius, Nicétas, Vopiscus, Symposius, font mention de toutes ces différentes especes de danseurs de corde. (G)


ACROBATIQUEadj. pris subst. (Architecture.) premier genre de machine dont les Grecs se servoient pour monter des fardeaux. Ils la nommoient acrobaticon. (P)


ACROCERAUNES(Géog. anc. & mod.) nom qu'on a donné à plusieurs hautes montagnes de différentes contrées : mais ce sont proprement celles qui sont en Epire, qui donnent leur nom à un promontoire de la mer Adriatique.


ACROEAadj. f. (Myth.) surnom de Junon & de la Fortune. Ce surnom leur venoit des temples qu'elles avoient dans des lieux élevés : on n'immoloit que des chevres dans celui que Junon avoit dans la citadelle de Corinthe.


ACROEUSadj. m. (Myth.) surnom que les habitans de Smyrne donnerent à Jupiter, comme & par la même raison que Junon & la Fortune furent surnommées acroeoe par les habitans de Corinthe. V. ACROEA.


ACROLITHOSS. (Hist. anc.) statue colossale que le roi Mausole fit placer au haut du temple de Mars en la ville d'Halicarnasse : cette statue fut faite par l'excellent ouvrier Telochares, ou comme quelques-uns estiment, par Timothée. (P)


ACROMIOou ACROMIUM, s. en Anatomie est une apophise de l'omoplate produite par une éminence appellée épine. Voyez OMOPLATE.

Ce mot vient d', extrème, & d', épaule, comme qui diroit, l'extrémité de l'épaule, & non pas d'anchora, à raison de quelque ressemblance de figure de l'acromion avec une ancre, comme Dionis s'est imaginé.

Quelques-uns ont crû que l'acromion étoit d'une nature différente des autres os, parce que durant l'enfance il ne paroît que comme un cartilage qui s'ossifie peu-à-peu, & qui vers l'âge de vingt ans devient dur, ferme & continu avec l'omoplate. Voyez EPIPHISE, OSSIFICATION. (L)


ACRONS. petit royaume d'Afrique sur la côte d'Or de Guinée. Il est divisé en deux parties ; l'une qu'on appelle le petit Acron, & l'autre le grand Acron.


ACRONYQUEadj. en Astronomie, se dit du lever d'une étoile au-dessus de l'horison lorsque le soleil y entre ; ou de son coucher, lorsque le soleil en sort. Voyez LEVER & COUCHER.

La plûpart écrivent achronique, faisant venir ce mot de privatif & χρόνος, tems, en quoi ils se trompent ; car c’est un mot francisé du Grec ἀκρόνυχος, composé de ἄκρον, extrémité, & νὺξ, nuit : ideo acronychum quòd circa ἄκρον τῆς νύκτος ; aussi quelques Auteurs écrivent-ils même acronyctal au lieu d’acronychus ; & cette façon de l’écrire est en effet tres-conforme à l’étymologie, mais contraire à l’usage.

Lever ou coucher acronyque est opposé à lever ou coucher cosmique & héliaque.

Comme dans la premiere antiquité la plûpart des peuples n'avoient pas tout-à-fait réglé la grandeur de l'année, parce qu'ils ne connoissoient pas encore assez le mouvement apparent du soleil, il est évident que si on eût fixé à certains jours du mois quelque évenement remarquable, on auroit eu trop de peine à découvrir dans la suite précisément le tems de l'année auquel cela devoit répondre. On se servoit donc de la méthode usitée parmi les gens qui vivoient à la campagne ; car ceux-ci ne pouvoient se régler sur le calendrier civil, puisque les mêmes jours du mois civil ne répondoient jamais aux mêmes saisons de l'année, & qu'ainsi il falloit avoir recours à d'autres signes pour distinguer les tems & les saisons. Or les laboureurs, les historiens, & les poëtes, y ont employé le lever & le coucher des astres. Pour cet effet ils distinguerent trois sortes de lever & de coucher des astres, qu'ils ont nommé acronyque, cosmique, & héliaque. Voyez COSMIQUE & HELIAQUE. Instr. Ast. de M. le Monnier. (O)


ACROSTICHES. f. (Belles-Lettres.) sorte de poësie dont les vers sont disposés de maniere que chacun commence par une des lettres du nom d'une personne, d'une devise, ou tout autre mot arbitraire. Voyez POEME, POESIE. Ce mot vient du Grec ἄκρος, summus, extremus, qui est à une des extrémités, & στίχος, vers.

Nos premiers Poëtes François avoient tellement pris goût pour les acrostiches, qu'ils avoient tenté tous les moyens imaginables d'en multiplier les difficultés. On en trouve dont les vers non-seulement commencent, mais encore finissent par la lettre donnée ; d'autres où l'acrostiche est marquée au commencement des vers, & à l'hémistiche. Quelques-uns vont à rebours, commençant par la premiere lettre du dernier vers, & remontant ainsi de suite jusqu'au premier. On a même eu des sonnets pentacrostiches, c'est-à-dire, où le même acrostiche répeté jusqu'à cinq fois formoit comme cinq différentes colonnes. Voyez PENTACROSTICHE.

ACROSTICHE, est aussi le nom que donnent quelques auteurs à deux épigrammes de l'Anthologie, dont l'une est en l'honneur de Bacchus, & l'autre en l'honneur d'Apollon : chacune consiste en vingt-cinq vers, dont le premier est le précis de toute la piece ; & les vingt-quatre autres sont remplis d'épithetes commençant toutes dans chaque vers par la même lettre de l'alphabet, c'est-à-dire par A dans le second vers, par B dans le troisieme, & ainsi de suite jusqu'à ; ce qui fait pour chaque dieu quatre-vingt-seize épithetes. Voyez ANTHOLOGIE.

Il y a beaucoup d'apparence qu'à la renaissance des lettres sous François I. nos poëtes, qui se piquoient beaucoup d'imiter les Grecs, prirent de cette forme de poësie le dessein des acrostiches, qu'on trouve si répandus dans leurs écrits, & dans ceux des rimeurs qui les ont suivis jusqu'au regne de Louis XIV. C'étoit affecter d'imposer de nouvelles entraves à l'imagination déjà suffisamment resserrée par la contrainte du vers, & chercher un mérite imaginaire dans des difficultés qu'on regarde aujourd'hui, & avec raison, comme puériles.

On se servoit aussi dans la cabale des lettres d'un mot pour en faire les initiales d'autant de mots différens ; & saint Jérome dit que David employa contre Semeï, un terme dont chaque lettre signifioit un nouveau terme injurieux, ce qui revient à nos acrostiches. Mém. de l'Acad. tom. IX. (G)

ACROSTICHE, s. f. en Droit, s'est dit pour cens. Voyez CENS.


ACROSTOLIOou CORYMBE, subst. m. (Hist. anc.) c'étoit l'extrémité de la proue des vaisseaux anciens. Le rostrum ou l'éperon étoit plus bas, & à fleur d'eau.


ACROTERESsubst. f. (Architecture.) Quelques-uns confondent ce terme avec amortissement, couronnement, &c. à cause qu’il vient du Grec ἀκρωτήριον, qui signifie extrémité ou pointe : aussi Vitruve nomme-t-il acroteres de petits piés-d'estaux sans base, & souvent sans corniche, que les anciens destinoient à recevoir les figures qu'ils plaçoient aux extrémités triangulaires de leurs frontons : mais dans l'architecture Françoise, ce terme exprime les petits murs ou dosserets que l'on place à côté des piés-d'estaux, entre le socle & la tablette des balustrades. Ces acroteres sont destinées à soûtenir la tablette continue d'un pié-d'estal à l'autre, & font l'office des demi-balustres, que quelques architectes affectent dans leur décoration, ce qu'il faut éviter. Voyez BALUSTRADES. (P)


ACROTERIA(Hist. anc.) ce sont, dans les médailles, les signes d'une victoire, ou l'emblème d'une ville maritime ; ils consistoient en un ornement de vaisseau recourbé.


ACRU(Maneg.) On dit monter à cru. V. MONTER.


ACTÆAsub. (Bot. Hist. nat.) herbe dont Pline fait mention, & que Ray prend pour l'aconitum racemosum ou l'herbe de saint Christophe. Tous les botanistes regardent le suc de la christophorienne comme un poison ; cependant Pline dit qu'on en peut donner le quart d'une pinte dans les maladies internes des femmes. Il faut donc ou que l'actaea ne soit pas la même plante que la christophorienne ; ou que la christophorienne ne soit pas un poison ; ou que ce soit une preuve des réflexions que j'ai faites à l'article acmella. Voyez ACMELLA.

* ACTEA, n. p. (Mytholog.) une des cinquante Néréides.


ACTEsubst. m. (Bell. Lett.) partie d'un poëme dramatique, séparée d'une autre partie par un intermede.

Ce mot vient du Latin actus, qui dans son origine, veut dire la même chose que le δρᾶμα des Grecs ; ces deux mots venant des verbes ago & δράω, qui signifient faire & agir. Le mot δρᾶμα convient à toute une piece de théatre ; au lieu que celui d’actus en Latin, & d’acte en François, a été restraint, & ne s’entend que d’une seule partie du Poëme dramatique.

Pendant les intervalles qui se rencontrent entre les actes, le théatre reste vacant, & il ne se passe aucune action sous les yeux des spectateurs ; mais on suppose qu'il s'en passe hors de la portée de leur vûe quelqu'une relative à la piece, & dont les actes suivans les informeront.

On prétend que cette division d'une piece en plusieurs actes, n'a été introduite par les modernes, que pour donner à l'intrigue plus de probabilité, & la rendre plus intéressante : car le spectateur à qui dans l'acte précédent on a insinué quelque chose de ce qui est supposé se passer dans l'entr'acte, ne fait encore que s'en douter, & est agréablement surpris, lorsque dans l'acte suivant, il apprend les suites de l'action qui s'est passée, & dont il n'avoit qu'un simple soupçon. Voyez PROBABILITE & VRAISEMBLANCE.

D'ailleurs les auteurs dramatiques ont trouvé parlà le moyen d'écarter de la scene, les parties de l'action les plus seches, les moins intéressantes, celles qui ne sont que préparatoires, & pourtant idéalement nécessaires, en les fondant, pour ainsi dire, dans les entre-actes, de sorte que l'imagination seule les offre au spectateur en gros, & même assez rapidement pour lui dérober ce qu'elles auroient de lâche ou de desagréable dans la représentation. Les poëtes Grecs ne connoissoient point ces sortes de divisions ; il est vrai que l'action paroît de tems en tems interrompue sur le théatre, & que les acteurs occupés hors de la scene, ou gardant le silence, font place aux chants du choeur ; ce qui produit des intermedes, mais non pas absolument des actes dans le goût des modernes, parce que les chants du choeur se trouvent liés d'intérêt à l'action principale avec laquelle ils ont toûjours un rapport marqué. Si dans les nouvelles éditions leurs tragédies se trouvent divisées en cinq actes, c'est aux éditeurs & aux commentateurs qu'il faut attribuer ces divisions, & nullement aux originaux ; car de tous les anciens qui ont cité des passages de comédies ou de tragédies Greques, aucun ne les a désignés par l'acte d'où ils sont tirés, & Aristote n'en fait nulle mention dans sa poëtique. Il est vrai pourtant qu'ils considéroient leurs pieces comme consistant en plusieurs parties ou divisions, qu'ils appelloient protase, épitase, catastase, & catastrophe ; mais il n'y avoit pas sur le théatre d'interruptions réelles qui marquassent ces divisions. Voyez PROTASE, EPITASE, &c.

Ce sont les Romains qui les premiers ont introduit dans les pieces de théatre cette division par actes. Donat, dans l'argument de l'Andrienne, remarque pourtant qu'il n'étoit pas facile de l'appercevoir dans leurs premiers poëtes dramatiques : mais du tems d'Horace l'usage en étoit établi ; il avoit même passé en loi.

Neuve minor, neu sit quinto productior actu

Fabula, quae posci vult & spectata reponi.

Mais on n'est pas d'accord sur la nécessité de cette division, ni sur le nombre des actes : ceux qui les fixent à cinq, assignent à chacun la portion de l'action principale qui lui doit appartenir. Dans le premier, dit Vossius, Institut. Poët. lib. II. on expose le sujet ou l'argument de la piece, sans en annoncer le dénoüement, pour ménager du plaisir au spectateur, & l'on annonce les principaux caracteres : dans le second on développe l'intrigue par degrés : le troisieme doit être rempli d'incidens qui forment le noeud : le quatrieme prépare des ressources ou des voies au dénoüement, auquel le cinquieme doit être uniquement consacré.

Selon l'abbé d'Aubignac, cette division est fondée sur l'expérience ; car on a reconnu, 1°. que toute tragédie devoit avoir une certaine longueur ; 2°. qu'elle devoit être divisée en plusieurs parties ou actes. On a ensuite fixé la longueur de chaque acte ; il a été facile après cela d'en déterminer le nombre. On a vû, par exemple, qu'une tragédie devoit être environ de quinze ou seize cens vers partagés en plusieurs actes ; que chaque acte devoit être environ de trois cens vers : on en a conclu que la tragédie devoit avoir cinq actes, tant parce qu'il étoit nécessaire de laisser respirer le spectateur, & de ménager son attention, en ne la surchargeant pas par la représentation continue de l'action, & d'accorder au poëte la facilité de soustraire aux yeux des spectateurs certaines circonstances, soit par bienséance, soit par nécessité ; ce qu'on appuie de l'exemple des poëtes Latins, & des préceptes des meilleurs critiques.

Jusque-là la division d'une tragédie en actes paroît fondée ; mais est-il absolument nécessaire qu'elle soit en cinq actes, ni plus ni moins ? M. l'abbé Vatry, de qui nous empruntons une partie de ces remarques, prétend qu'une piece de théatre pourroit être également bien distribuée en trois actes, & peut-être même en plus de cinq, tant par rapport à la longueur de la piece, que par rapport à sa conduite. En effet, il n'est pas essentiel à une tragédie d'avoir quinze ou seize cens vers. On en trouve dans les anciens qui n'en ont que mille, & dans les modernes qui vont jusqu'à deux mille. Or dans le premier cas, trois intermedes seroient suffisans ; & dans le second, cinq ne le seroient pas, selon le raisonnement de l'abbé d'Aubignac. La division en cinq actes est donc une regle arbitraire qu'on peut violer sans scrupule. Il peut se faire, conclut le même auteur, qu'il convienne en général que la tragédie soit en cinq actes, & qu'Horace ait eu raison d'en faire un précepte ; & il peut être vrai en même tems qu'un poëte feroit mieux de mettre sa piece en trois, quatre, ou six actes, que de filer des actes inutiles ou trop longs, embarrassés d'épisodes, ou surchargés d'incidens étrangers, &c. M. de Voltaire a déjà franchi l'ancien préjugé, en nous donnant la mort de César, qui n'est pas moins une belle tragédie, pour n'être qu'en trois actes.

Les actes se divisent en scenes, & Vossius remarque que dans les anciens un acte ne contient jamais plus de sept scenes. On sent bien qu'il ne faudroit pas trop les multiplier, afin de garder quelque proportion dans la longueur respective des actes ; mais il n'y a aucune regle fixe sur ce nombre. Voss. Inst. poët. lib. II. Mém. de l'Acad. tom. VIII. pag. 188. & suiv.

Comme les entr'actes parmi nous sont marqués par une symphonie de violons, ou par des changemens de décorations, ils l'étoient chez les anciens par une toile qu'on baissoit à la fin de l'acte, & qu'on relevoit au commencement du suivant. Cette toile, selon Donat, se nommoit siparium. Vossius, Instit. poët. lib. II.


ACTEONn. p. (Myth.) un des chevaux qui conduisoient le char du soleil dans la chûte de Phaéton. Actéon signifie lumineux. Les autres chevaux compagnons d'Actéon s'appellent Erythreus, Lampos, & Philogeus ou Aerson, Pyrois, Eous, & Phlégon, selon qu'on en voudra croire, ou le poëte Ovide, ou Fulgence le Mythologue. Ovide appelle celui-ci Aethon.


ACTESS. m. pl. se dit quelquefois en matiere de Sciences, des mémoires ou journaux faits par une société de gens de lettres. On appelle les actes de la société royale de Londres, transactions ; ceux de l'académie royale des sciences de Paris, mémoires ; ceux de Leipsic sont nommés simplement actes, ou acta eruditorum, &c. Voyez SOCIETE ROYALE, ACADEMIE, JOURNAUX. (O)

ACTES DES APOTRES, s. m. plur. (Théolog.) Livre sacré du Nouveau Testament, qui contient l'histoire de l'Eglise naissante pendant l'espace de 29 ou 30 ans, depuis l'Ascension de N. S. Jesus-Christ, jusqu'à l'année 63 de l'ere chrétienne. S. Luc est l'auteur de cet ouvrage, au commencement duquel il se nomme, & il l'adresse à Théophile, auquel il avoit déjà adressé son évangile. Il y rapporte les actions des apôtres, & presque toûjours comme témoin oculaire : de-là vient que dans le texte Grec, ce livre est intitulé πράξεις, Actes. On y voit l'accomplissement de plusieurs promesses de J. C. son Ascension, la descente du S. Esprit, les premieres prédications des apôtres, & les prodiges par lesquels elles furent confirmées, un tableau admirable des moeurs des premiers chrétiens ; enfin tout ce qui se passa dans l'Eglise jusqu'à la dispersion des apôtres, qui se partagerent pour porter l'évangile dans tout le monde. Depuis le point de cette séparation, S. Luc abandonna l'histoire des autres apôtres, dont il étoit trop éloigné, pour s'attacher particulierement à celle de S. Paul, qui l'avoit choisi pour son disciple & pour compagnon de ses travaux. Il suit cet apôtre dans toutes ses missions, & jusqu'à Rome même, où il paroît que les actes ont été publiés la seconde année du séjour qu'y fit S. Paul, c'est-à-dire, la 63e année de l'ere chrétienne, & la 9e & 10e de l'empire de Néron. Au reste le style de cet ouvrage, qui a été composé en Grec, est plus pur que celui des autres écrivains canoniques ; & l'on remarque que S. Luc qui possédoit beaucoup mieux la langue Greque que l'Hébraïque, s'y sert toûjours de la version des Septante dans les citations de l'Ecriture. Le concile de Laodicée met les actes des apôtres au nombre des livres canoniques, & toutes les églises l'ont toûjours sans contestation reconnu comme tel.

Il y a eu dans l'antiquité un grand nombre d'ouvrages supposés, & la plûpart par des hérétiques, sous le nom d'actes des apôtres. Le premier livre de cette nature qu'on vit paroître ; & qui fut intitulé Actes de Paul & de Thecle, avoit pour auteur un prêtre, disciple de S. Paul. Son imposture fut découverte par S. Jean ; & quoique ce prêtre ne se fût porté à composer cet ouvrage que par un faux zele pour son maître, il ne laissa pas d'être dégradé du sacerdoce. Ces actes ont été rejettés comme apocryphes par le pape Gélase. Depuis, les Manichéens supposerent des actes de S. Pierre & S. Paul, où ils semerent leurs erreurs. On vit ensuite les actes de S. André, de S. Jean, & des apôtres en général, supposés par les mêmes hérétiques, selon S. Epiphane, S. Augustin, & Philastre ; les actes des apôtres faits par les Ebionites ; le voyage de S. Pierre faussement attribué à S. Clément ; l'enlevement ou le ravissement de S. Paul, composé par les Gasanites, & dont les Gnostiques se servoient aussi ; les actes de S. Philippe & de S. Thomas, forgés par les Encratites & les Apostoliques ; la mémoire des apôtres, composée par les Priscillianites ; l'itinéraire des apôtres, qui fut rejetté dans le concile de Nicée ; & divers autres dont nous ferons mention sous le nom des sectes qui les ont fabriqués. Act. apostol. Hieronim. de Viris illust. c. vij. Chysostom. in Act. Dupin, Dissert. prélim. sur le Nouv. Test. Tertull. de Baptism. Epiphan. heres. VIII. n° 47 & 61. Saint Aug. de fide contr. Manich. & tract. in Joann. Philastr. heres. 48. Dupin, Biblioth. des auteurs ecclés. des trois premiers siecles.

ACTE DE FOI, sub. m. (Hist. mod.) dans les pays d'inquisition en Espagne, auto da fé, est un jour solemnel que l'inquisition assigne pour la punition des hérétiques, ou pour l'absolution des accusés reconnus innocens. Voyez INQUISITION.

L'auto se fait ordinairement un jour de grande fête, afin que l'exécution se fasse avec plus de solennité & de publicité : on choisit ordinairement un dimanche.

D'abord les criminels sont amenés à l'église, où on leur lit leur sentence ou de condamnation ou d'absolution. Les condamnés à mort sont livrés au juge séculier par les inquisiteurs, qui le prient que tout se passe sans effusion de sang ; s'ils perséverent dans leurs erreurs, ils sont brûlés vifs. (G)

ACTE, s. m. (Droit & Hist. mod.) signifie déclaration, convention, ou stipulation, faite par ou entre des parties, en présence & par le ministere d'officiers publics, ou sans leur ministere, & hors de leur présence.

En Angleterre l'expédition des actes se fait de deux manieres différentes : ou l'expédition est dentelée, ou elle ne l'est pas.

L'expédition dentelée, est celle dont le bord d'enhaut ou du côté est découpé par crans, & qui est scellée du cachet de chacune des parties contractantes ; au moyen de quoi, en la rapprochant de la portion de papier ou de parchemin dont elle a été séparée, il est aisé de voir si c'est elle-même qui a été délivrée, ou si elle n'a point été contrefaite.

L'expédition non dentelée est celle qui est unique, comme dans les cas où il n'est pas besoin que les deux parties ayent une expédition chacune. Voyez MI-PARTI.

Les actes sont ou publics ou particuliers ; ceux-là sont de jurisdiction volontaire, ou de jurisdiction contentieuse.

Les actes de jurisdiction volontaire, qu'on appelle aussi actes authentiques, sont tous les contrats, obligations, transactions, ou décharges, passés par-devant Notaires.

Les actes de jurisdiction contentieuse sont tous ceux qui se font en Justice, pour intenter une action, & la poursuivre jusqu'au jugement définitif.

Les actes privés, sont ceux qui se passent de particulier à particulier, sans le ministere d'Officiers publics, tels que les billets, quittances, baux, ou tous autres faits sous simple signature privée.

Acte d'appel, est celui par lequel une partie qui se plaint d'un jugement, déclare qu'elle s'en porte appellante.

Acte d'héritier, est toute démarche ou action, par laquelle il paroît que quelqu'un est dans la disposition de se porter héritier d'un défunt.

Acte de notoriété. Voyez NOTORIETE.

Acte du Parlement, en terme de Jurisprudence Angloise, est synonyme à Ordonnance. Cependant les Jurisconsultes du pays mettent quelque différence entre ces deux termes. Voyez-la au mot ORDONNANCE. (H)

ACTE, s. m. en terme de Palais, signifie attestation donnée par les Juges pour constater quelque circonstance de fait ou de procédure. Ainsi l'une des parties, par exemple, qui a mis son inventaire de production au greffe, en demande acte. Un avocat dans ses écritures ou dans son plaidoyer demande acte de quelque aveu fait en justice par sa partie adverse, & favorable à la sienne ; mais il faut observer que ce terme n'est d'usage qu'au Parlement : dans les Justices inférieures on ne dit pas demander acte, mais demander lettres. Voyez LETTRES.

On appelle aussi acte au Palais, l'attestation que donne un greffier, ou autre personne ayant caractere en justice, qu'une partie s'est présentée, ou a satisfait à telle ou telle formalité ou procédure. C'est en ce sens qu'on dit un acte de comparution, pour l'attestation qu'une partie a comparu ; un acte de voyage, pour l'attestation qu'une partie s'est transportée de tel lieu en tel autre, à l'effet de poursuivre son droit, ou de défendre à la demande contre elle formée. C'est dans ce sens aussi qu'on appelle acte de célébration de mariage, le certificat par lequel le curé atteste qu'il a été célébré entre tel & telle. (H)


ACTEURACTEUR se dit de tout homme qui agit. Voyez ACTE, ACTION, ACOCAT.

ACTEUR, en parlant du Théatre, signifie un homme qui joue un rôle dans une piece, qui y représente quelque personnage ou caractere. Les femmes se nomment actrices, & tous sont compris sous le nom général d'acteurs.

Le Drame originairement ne consistoit qu'en un simple choeur qui chantoit des hymnes en l'honneur de Bacchus, de sorte que les premiers acteurs n'étoient que des chanteurs & des musiciens. Voyez PERSONNAGE, TRAGEDIE, CARACTERE, CHOEUR.

Thespis fut le premier qui à ce choeur très-informe mêla, pour le soulager, un déclamateur qui récitoit quelqu'autre aventure héroïque ou comique. Eschyle à qui ce personnage seul parut ennuyeux, tenta d'en introduire un second, & convertit les anciens récits en dialogues. Avant lui, les acteurs barbouillés de lie, & traînés sur un tombereau, amusoient les passans : il donna la premiere idée des théatres, & à ses acteurs des habillemens plus majestueux, & une chaussure avantageuse qu'on nomma brodequins ou cothurne. Voyez BRODEQUIN.

Sophocle ajoûta un troisieme acteur, & les Grecs se bornerent à ce nombre ; c'est-à-dire, qu'on regarda comme une regle du poëme dramatique de n'admettre jamais sur la scene plus de trois interlocuteurs à la fois : regle qu'Horace a exprimée dans ce vers,

Nec quarta loqui persona laboret.

Ce qui n'empêchoit pas que les troupes de comédiens ne fussent plus nombreuses : mais selon Vossius, le nombre de tous les acteurs nécessaires dans une piece ne devoit pas excéder celui de quatorze. Avant l'ouverture de la piece, on les nommoit en plein théatre, & l'on avertissoit du rôle que chacun d'eux avoit à remplir. Les modernes ont quelquefois mis sur le théatre un plus grand nombre d'acteurs pour augmenter l'intérêt par la variété des personnages : mais il en a souvent résulté de la confusion dans la conduite de la piece.

Horace parle d'une espece d'acteurs secondaires en usage de son tems, & dont le rôle consistoit à imiter les acteurs du premier ordre, & à donner à ceux-ci le plus de lustre qu'ils pouvoient en contre-faisant les Nains. Au reste on sait peu quelles étoient leurs fonctions.

Les anciens acteurs déclamoient sous le masque, & étoient obligés de pousser extrèmement leur voix pour se faire entendre à un peuple innombrable qui remplissoit les amphitéatres : ils étoient accompagnés d'un joüeur de flûte qui préludoit, leur donnoit le ton, & joüoit pendant qu'ils déclamoient.

Autant les acteurs étoient en honneur à Athenes, où on les chargeoit quelquefois d'ambassades & de négociations, autant étoient-ils méprisés à Rome : non-seulement ils n'avoient pas rang parmi les citoyens, mais même lorsque quelque citoyen montoit sur le théatre, il étoit chassé de sa tribu, & privé du droit de suffrage par les Censeurs. C'est ce que dit expressément Scipion dans Cicéron cité par Saint Augustin, liv. II. de la cité de Dieu, chap. xiij. cùm artem ludicram scenamque totam probro ducerent, genus id hominum, non modo honore reliquorum civium, sed etiam tribu moveri notatione censoriâ voluerunt ; & l'exemple de Roscius dont Cicéron faisoit tant de cas, ne prouve point le contraire. L'orateur estime à la vérité les talens du comédien : mais il fait encore plus de cas de ses vertus, qui le distinguoient tellement de ceux de sa profession, qu'elles sembloient devoir l'exclure du théatre. Nous avons à cet égard à-peu-près les mêmes idées que les Romains : & les Anglois paroissent avoir en partie adopté celles des Grecs. (G)


ACTIAQUESadj. (Hist. anc.) ont été des jeux qu'Auguste institua, ou selon d'autres, renouvella en mémoire de la fameuse victoire qu'il avoit remportée sur Marc-Antoine auprès d'Actium. Voy. JEU.

Stephanus & quelques autres après lui ont prétendu qu'on les célebroit tous les trois ans : mais la plus commune opinion, fondée sur le témoignage de Strabon qui vivoit du tems d'Auguste, est que ce n'étoit que tous les cinq ans, & qu'on les célebroit, en l'honneur d'Apollon surnommé Actius.

C'est donc une étrange bévûe que de s'imaginer, comme ont fait quelques auteurs, que Virgile a eu intention d'insinuer qu'ils avoient été institués par Enée, dans ce passage de l'Enéide, liv. III. v. 280.

Actiaque Iliacis celebramus littora ludis.

Il est vrai que le poëte en cet endroit fait allusion aux jeux actiaques : mais il ne le fait que pour flater Auguste, en attribuant au héros de qui cet empereur descendoit, ce que cet empereur lui-même avoit fait comme le remarque Servius.

ACTIAQUES, (années) sont la suite d'années que l'on commença à compter depuis l'ere ou époque de la bataille d'Actium, qu'on appella aussi ere d'Auguste. Voyez ANNEE & ÉPOQUE. (G)


ACTIFactive, terme de Grammaire ; un mot est actif quand il exprime une action. Actif est opposé à passif. L'agent fait l'action, le patient la reçoit. Le feu brûle, le bois est brûlé ; ainsi brûle est un terme actif, & brûlé est passif. Les verbes réguliers ont un participe actif, comme lisant, & un participe passif, comme lû.

Je ne suis point battant de peur d'être battu,

Et l'humeur débonnaire est ma grande vertu. (Mol.)

Il y a des verbes actifs & des verbes passifs. Les verbes actifs marquent que le sujet de la proposition fait l'action, j'enseigne ; le verbe passif au contraire marque que le sujet de la proposition reçoit l'action, qu'il est le terme ou l'objet de l'action d'un autre, je suis enseigné, &c.

On dit que les verbes ont une voix active & une voix passive, c’est-à-dire, qu’ils ont une suite de terminaisons qui exprime un sens actif, & une autre liste de désinances qui marque un sens passif, ce qui est vrai, sur-tout en Latin & en Grec ; car en François, & dans la plûpart des Langues vulgaires, les verbes n’ont que la voix active ; & ce n’est que par le secours d’une périphrase, & non par une terminaison propre, que nous exprimons le sens passif. Ainsi en Latin amor, amaris, amatur, & en Grec φιλέομαι, φιλέη, φιλέεται, veulent dire je suis aimé ou aimée, tu es aimé ou aimée, il est aimé ou elle est aimée.

Au lieu de dire voix active ou voix passive, on dit à l'actif, au passif ; & alors actif & passif se prennent substantivement, ou bien on sousentend sens : ce verbe est à l'actif, c'est-à-dire, qu'il marque un sens actif.

Les véritables verbes actifs ont une voix active & une voix passive : on les appelle aussi actifs transitifs, parce que l'action qu'ils signifient passe de l'agent sur un patient, qui est le terme de l'action, comme battre, instruire, &c.

Il y a des verbes qui marquent des actions qui ne passent point sur un autre objet, comme aller, venir, dormir, &c. ceux-là sont appellés actifs intransitifs, & plus ordinairement neutres, c'est-à-dire, qui ne sont ni actifs transitifs, ni passifs ; car neutre vient du Latin neuter, qui signifie ni l'un ni l'autre : c'est ainsi qu'on dit d'un nom qu'il est neutre, c'est-à-dire, qu'il n'est ni masculin ni féminin. Voyez VERBE. (F)

ACTIF, adj. ce qui communique le mouvement ou l'action à un autre. Voyez ACTION.

Dans ce sens le mot d'actif est opposé à passif. Voy. PASSIF.

C'est ainsi que l'on dit une cause active, des principes actifs, &c. Voyez CAUSE, PRINCIPES, &c.

Newton prétend que la quantité du mouvement dans l'Univers devroit toûjours diminuer en vertu des chocs contraires, &c. de sorte qu'il est nécessaire qu'elle soit conservée par certains principes actifs.

Il met au nombre de ces principes actifs la cause de la gravité ou l'attraction, & celle de la fermentation, & il ajoûte qu'on voit peu de mouvement dans l'univers qui ne provienne de ces principes. La cause de l'attraction toûjours subsistante, & qui ne s'affoiblit point en s'exerçant, est, selon ce philosophe, une ressource perpétuelle d'action & de vie.

Encore pourroit-il arriver que les effets de cette vertu vinssent à se combiner, de façon que le système de l'univers se dérangeroit, & qu'il demanderoit, selon Newton, une main qui y retouchât, emendatricem manum desideraret. Voyez MOUVEMENT, GRAVITE, FERMENTATION, ATTRACTION. (O)

ACTIF, adj. en terme de Pratique, se dit des dettes du côté du créancier : considérées par rapport au débiteur, on les appelle dettes passives.

On appelle dans les élections voix active, la faculté de donner son suffrage pour le choix d'un sujet ; & voix passive, l'habileté à être élû soi-même. (H)

ACTIFS, principes actifs, en Chimie, sont ceux que l'on suppose agir d'eux-mêmes, sans avoir besoin d'être mis en action par d'autres. Voyez PRINCIPE.

La plûpart des livres de Chimie distinguent les principes chimiques des corps en principes actifs & en principes passifs. Les principes actifs sont, selon eux, l'esprit, l'huile, & le sel ; & ils regardent comme principes passifs l'eau & la terre. Nous n'admettons point cette distinction, parce que ces choses sont relatives : tel principe qui est actif à quelques égards, est passif à d'autres. L'eau ne paroît pas devoir être mise au nombre des principes passifs.

M. Homberg & quelques Chimistes modernes après lui, ne font qu'un seul principe actif ; savoir, le soufre ou le feu qu'ils prétendent être la source de toute action & de tout évenement dans l'univers. Voyez SOUFRE & FEU.

Le terme de principes actifs, dit le docteur Quincy, a été employé pour exprimer certaines divisions de la matiere, qui par quelques modifications particulieres sont actives, respectivement à d'autres, comme l'esprit, l'huile, & le sel, dont les parties sont plus propres au mouvement que celles de la terre & de l'eau : mais l'on voit assez combien ce terme est employé improprement. Voyez la Chimie Physique. (M)

ACTIF, (Medecine.) nom que l'on donne aux remedes ; dont l'action est prompte & vive, de même qu'à ceux dont l'action est grande & subite. Tels sont les émétiques, les purgatifs violens, les alexitaires, les cordiaux. Ces derniers méritent sur-tout le nom d'actif. (N)


ACTIONACTE, (Grammaire.) Action se dit généralement de tout ce qu'on fait, commun ou extraordinaire. Acte ne se dit que de ce qu'on fait de remarquable. Cette action est bonne ou mauvaise ; c'est un acte héroïque. C'est une bonne action que de soulager les malheureux ; c'est un acte généreux que de se retrancher du nécessaire pour eux. Le sage se propose dans toutes ses actions une fin honnête. Le Prince doit marquer tous les jours de sa vie par des actes de grandeur. On dit aussi une action vertueuse & un acte de vertu.

Un petit accessoire de sens physique ou historique, dit M. l'abbé Girard, distingue encore ces deux mots : celui d'action a plus de rapport à la puissance qui agit, & celui d'acte en a davantage à l'effet produit, ce qui rend l'un propre à devenir attribut de l'autre. Ainsi on pourroit dire : conservez la présence d'esprit dans vos actions, & faites qu'elles soient toutes des actes d'équité. Voyez les Synonymes de M. l'abbé Girard.


ACTIONAIRou ACTIONISTE, s. m. (Commerce.) c'est le propriétaire d'une action ou d'une part dans le fonds ou capital d'une compagnie. Voyez ACTION.

Les Anglois aussi-bien que nous se servent du terme d'actionaire dans le sens que nous venons de marquer. Les Hollandois employent plus communément celui d'actioniste. (G)


ACTIUMS. m. promontoire d'Epire, fameux par le combat où Auguste & Antoine se disputerent l'empire du monde.


ACTIUSadj. (Myth.) Apollon fut ainsi surnommé d'Actium où il étoit honoré.


ACTIVITÉS. f. (Physique) vertu d'agir ou faculté active. Voyez FACULTE, &c.

L'activité du feu surpasse toute imagination. On dit l'activité d'un acide, d'un poison, &c. Les corps, selon M. Newton, tirent leur activité du principe d'attraction. Voyez ATTRACTION.

Sphere d'activité d'un corps se dit d'un espace qui environne ce corps, & qui s'étend aussi loin que sa vertu ou son efficacité peut produire quelque effet sensible. Ainsi on dit la sphere d'activité d'une pierre d'aimant, d'un corps électrique, &c. Voyez SPHERE, ÉCOULEMENT, &c. (O)


ACTON(Medecine.) Les eaux minérales d'Acton sont les plus énergiques entre les eaux purgatives des environs de Londres. Elles causent à ceux qui les prennent des douleurs au fondement & dans les intestins ; ce que l'on attribue à la grande quantité de sels qu'elles chassent du corps, & qui réunis à ceux dont ces eaux sont chargées, en deviennent plus actifs & plus piquans. (N)


ACTUAIRES(Hist. anc.) vaisseaux pour l'action. C'est ainsi que les anciens appelloient une sorte de longs vaisseaux, que l'on avoit construits particulierement d'une forme agile & propre aux expéditions ; ils reviennent à ce que l'on appelle en France des brigantins. Voyez VAISSEAU & BRIGANTIN.

Cicéron dans une épître à Atticus appelle une chaloupe decem scalmorum, c'est-à-dire à cinq rames de chaque bord, actuariola ; ce qui fait présumer que les bâtimens nommés actuariae naves ne pouvoient contenir ni un nombreux équipage, ni une nombreuse chiourme telle que celle des vaisseaux de haut-bord & à plusieurs rangs de rames. (G)


ACTUELadj. terme de Théologie, se dit d'un attribut qui détermine la nature de quelque sujet & le distingue d'un autre, mais non pas toûjours dans le même sens ni de la même maniere. Voyez ATTRIBUT, SUJET.

Ainsi les Théologiens scholastiques disent grace actuelle par opposition à la grace habituelle. Voyez HABITUEL.

Ils disent aussi péché actuel par opposition au péché originel.

La grace actuelle est celle qui nous est accordée par maniere d'acte ou de motion passagere. Voyez ACTE & MOTION. On pourroit la définir plus clairement, celle que Dieu nous donne pour nous mettre en état de pouvoir, d'agir, ou de faire quelqu'action. C'est de cette grace que parle S. Paul, quand il dit aux Philippiens, chap. j. " Il vous a été donné non-seulement de croire en Jesus-Christ, mais encore de souffrir pour lui ". S. Augustin a démontré contre les Pélagiens, que la grace actuelle est absolument nécessaire pour toute action méritoire dans l'ordre du salut.

La grace habituelle est celle qui nous est donnée par maniere d'habitude, de qualité fixe & permanente, inhérente à l'ame, qui nous rend agréables à Dieu, & dignes des récompenses éternelles. Telle est la grace du baptême dans les enfans. Voyez GRACE.

Le péché actuel est celui que commet par sa propre volonté & avec pleine connoissance une personne qui est parvenue à l'âge de discrétion. Le péché originel est celui que nous contractons en venant au monde, parce que nous sommes les enfans d'Adam. Voyez PECHE. Le péché actuel se subdivise en péché mortel & péché véniel. Voyez MORTEL & VENIEL. (G)

ACTUEL, adj. s'applique dans la pratique de Medecine aux maladies, à leur accès, & à la façon de les traiter. Ainsi on dit douleur actuelle, pour signifier la présence de la douleur ; accès actuel, dans une fievre, signifie l'état du malade présentement affligé d'une fievre continue, ou intermittente, ou d'un redoublement.

La cure actuelle est celle qui convient à l'accès même de la maladie.

ACTUEL, (en Chirurgie.) se dit d'une des sortes de cauteres. Voyez CAUTERE. (N)


ACTUSterme qu'on trouve dans les anciens Architectes ; c'est selon eux une espace de 120 piés. Vitruve, page 266. (P)


ACUDIAS. m. (Hist. nat.) animal de l'Amérique, de la grosseur & de la forme de l'escargot, qui jette, dit-on, de la lumiere par quatre taches luisantes, dont deux sont à côté de ses yeux, & deux sous ses ailes. On ajoûte que si l'on se frotte le visage de l'humidité de ses taches luisantes ou étoiles, on paroît resplendissant de lumiere tant qu'elle dure ; & que cette humidité éclairoit les Américains pendant la nuit avant l'arrivée des Espagnols.


ACUITZEHUARIRAou ZOZOTAQUAM, ou CHIPAHUARZIL, (Hist. nat. bot.) s. m. plante de Méchoacan, province de l'Amérique. Sa racine est ronde, blanche en-dedans, & jaune en-dehors. On en tire une eau que les Espagnols appellent l'ennemie des venins, contre lesquels elle est apparemment un antidote.


ACUTANGLEadj. Un triangle acutangle est celui dont les trois angles sont aigus. Voyez TRIANGLE.

ACUTANGULAIRE. Section acutangulaire d'un cone, est la section d'un cone qui fait un angle avec l'axe du cone. Voyez AIGU. (E)


AD(Gram.) préposition Latine qui signifie à, auprès, pour, vers, devant. Cette préposition entre aussi dans la composition de plusieurs mots, tant en Latin qu'en François ; amare, aimer ; adamare, aimer fort ; addition, donner, adonner ; on écrivoit autrefois addonner, s'appliquer à, s'attacher, se livrer : cet homme est adonné au vin, au jeu, &c.

Quelquefois le d est supprimé, comme dans aligner, aguérir, améliorer, anéantir ; on conserve le d lorsque le simple commence par une voyelle, selon son étymologie ; adopter, adoption, adhérer, adhésion, adapter ; & dans les mots qui commencent par m, admettre, admirer, administrer, administration ; & encore dans ceux qui commencent par les consonnes j & v ; adjacent, adjectif, adverbe, adversaire, adjoint : autrefois on prononçoit advent, advis, advocat ; mais depuis qu'on ne prononce plus le d dans ces trois derniers mots, on le supprime aussi dans l'écriture.

Le méchanisme des organes de la parole a fait que le d se change en la lettre qui commence le mot simple, selon l'étymologie ; ainsi on dit accumuler, affirmer, affaire (ad faciendum), affamer, aggréger, annexer, annexe, applanir, arroger, arriver, associer, attribuer. Par la même méchanique le d étoit changé en c dans acquérir, acquiescer, parce que dans ces deux mots le q est le c dur ; mais aujourd'hui on prononce aquérir, aquiescer. (F)


ADA(Géog. mod.) ville de la Turquie Asiatique, sur la route de Constantinople à Hispahan, & la riviere de Zacarat.


ADAou ADOD, s. m. (Myth.) divinité des Assyriens, que les uns prennent pour le soleil, d'autres pour cet Adad qui fut étouffé par Azael qui lui succéda, & qui fut adoré ainsi qu'Adad par les Syriens, & sur-tout à Damas, au rapport de Josephe. Antiq. Judaïq.


ADAEQUAou TOTAL, adj. (Logique.) se dit de l'objet d'une science. L'objet adaequat d'une science est la complexion de ces deux objets, matériel & formel.

L'objet matériel d'une science est la partie qui lui est commune avec d'autres sciences.

L'objet formel est la partie qui lui est propre.

Exemple. Le corps humain en tant qu'il peut être guéri, est l'objet adaequat ou total de la Medecine. Le corps humain en est l'objet matériel : en tant qu'il peut être guéri, il en est l'objet formel.

ADAEQUATE ou TOTALE, se dit en Métaphysique de l'idée. L'idée totale ou adaequate est une vûe de l'esprit occupé d'une partie d'un objet entier : l'idée partielle ou inadaequate, est une vûe de l'esprit occupé d'une partie d'un objet. Exemple : La vûe de Dieu est une idée totale. La vûe de sa toute-puissance est une idée partielle.


ADAGES. m. (Belles-Lettres.) c'est un proverbe ou une sentence populaire que l'on dit communément. Voyez PROVERBE, &c. Ce mot vient de ad & agor, suivant Scaliger, quod agatur ad aliud signandum, parce que l'on s'en sert pour signifier autre chose.

Erasme a fait une vaste & précieuse collection des adages Grecs & Latins, qu'il a tirés de leurs Poëtes, Orateurs, Philosophes, &c.

Adage, proverbe, & paraemia, signifient la même chose : mais l'adage est différent du gnome, de la sentence ou de l'apophthegme. Voyez SENTENCE & APOPHTHEGME, &c. (G)


ADAGIOterme de Musique. Ce mot écrit à la tête d'un air désigne le premier & le plus lent des quatre principaux degrés de mouvement établis dans la Musique Italienne. Adagio est un adverbe Italien, qui signifie à l'aise, posément ; & c'est aussi de cette maniere qu'il faut battre la mesure des airs auxquels il s'applique. Voyez MOUVEMENT.

Le nom d'adagio se transporte assez communément par métonymie aux morceaux de Musique dont il détermine le mouvement ; & il en est de même des autres mots semblables. Ainsi l'on dira un adagio de Tartini, un andante de S. Martino, un allegro de Locatelli, &c. Voyez ALLEGRO, ANDANTE. (S)


ADALIDESS. m. pl. (Hist. mod.) Dans le gouvernement d'Espagne ce sont des Officiers de Justice qui connoissent de toutes les matieres concernant les forces militaires.

Dans les lois du Roi Alphonse, il est parlé des Adalides comme de Magistrats établis pour diriger la marche des troupes & veiller sur elles en tems de guerre. Lopez les représente comme une sorte de juges qui connoissoient des différends nés à l'occasion des incursions, du partage du butin, des contributions, &c. peut-être étoit-ce la même chose que nos Intendans d'armée, ou nos Commissaires des Guerres. (G)


ADAMS. (Théol.) nom du premier homme que Dieu créa, & qui fut la tige de tout le genre-humain, selon l'Ecriture.

Ce n’est pas précisément comme nom propre, mais comme nom appellatif, que nous plaçons dans ce Dictionnaire le nom d’Adam, qui désigne tout homme en général, & répond au grec ἄνθρωπος ; en particulier le nom Hébreu אדם, répond au Grec πυῤῥὸς, & au Latin rufus, à cause de la couleur roussâtre de la terre, dont, selon les Interpretes, Adam avoit été tiré.

On peut voir dans la Genese, chap. 1. 2. 3. & 4. toute l'histoire d'Adam ; comment il fut formé du limon, & placé dans le paradis terrestre, & institué chef & roi de la terre, & des animaux créés pour son usage ; & quelle fut sa premiere innocence & sa justice originelle ; par quelle desobéissance il en déchut, & quels châtimens il attira sur lui-même & sur sa postérité. Il faut nécessairement en revenir à ce double état de félicité & de misere, de foiblesse & de grandeur, pour concevoir comment l'homme, même dans l'état présent, est un composé si étrange de vices & de vertus, si vivement porté vers le souverain bien, si souvent entraîné vers le mal, & sujet à tant de maux qui paroissent à la raison seule les châtimens d'un crime commis anciennement. Les Payens même avoient entrevû les ombres de cette vérité, & elle est la base fondamentale de leur métempsycose, & la clé unique de tout le système du Christianisme.

Quoique tous les Peres ayent regardé ces deux différens états d'Adam comme le premier anneau auquel tient essentiellement toute la chaîne de la révélation, on peut dire cependant que S. Augustin est le premier qui les ait développés à fond, & prouvé solidement l'un & l'autre dans ses écrits contre les Manichéens & les Pélagiens ; persuadé que pour combattre avec succès ces deux Sectes opposées, il ne pouvoit trop insister sur l'extrème différence de ces deux états, relevant contre les Manichéens le pouvoir du libre arbitre dans l'homme innocent, & après sa chûte, la force toute-puissante de la grace pour combattre les maximes des Pélagiens : mais il n'anéantit jamais dans l'un & l'autre état ni la nécessité de la grace, ni la coopération du libre arbitre.

Les Interpretes & les Rabbins ont formé diverses questions relatives à Adam, que nous allons parcourir ; parce qu'on les trouve traitées avec étendue, soit dans le Dictionnaire de Bayle, soit dans le Dictionnaire de la Bible du P. Calmet.

On demande, 1° combien de tems Adam & Eve demeurerent dans le jardin de délices. Quelques-uns les y laissent plusieurs années, d'autres quelques jours, d'autres seulement quelques heures. Dom Calmet pense qu'ils y pûrent demeurer dix ou douze jours, & qu'ils en sortirent vierges.

2°. Plusieurs auteurs Juifs ont prétendu que l'homme & la femme avoient été créés ensemble & collés par les épaules ayant quatre piés, quatre mains & deux têtes, semblables en tout, hors le sexe, & que Dieu leur ayant envoyé un profond sommeil, les sépara & en forma deux personnes : idée qui a beaucoup de rapport aux Androgynes de Platon. Voyez ANDROGYNE. Eugubin, in Cosmopaeia, veut qu'ils ayent été unis, non par le dos, mais par les côtés ; ensorte que Dieu, selon l'Ecriture, tira la femme du côté d'Adam : mais cette opinion ne s'accorde pas avec le texte de Moyse, dans lequel on trouveroit encore moins de traces de la vision extravagante de la fameuse Antoinette Bourignon, qui prétendoit qu'Adam avoit été créé hermaphrodite, & qu'avant sa chûte il avoit engendré seul le corps de Jesus-Christ.

3°. On n'a pas moins débité de fables sur la beauté & la taille d'Adam. On a avancé qu'il étoit le plus bel homme qui ait jamais été, & que Dieu, pour le former, se revêtit d'un corps humain parfaitement beau. D'autres ont dit qu'il étoit le plus grand géant qui eût jamais été, & ont prétendu prouver cette opinion par ces paroles de la Vulgate, Josué, ch. xjv. Nomen Hebron ante vocabatur Cariath-arbe, Adam maximus ibi inter Enachim situs est : mais dans le passage le mot Adam n'est pas le nom propre du premier homme, mais un nom appellatif qui a rapport à Arbé ; ensorte que le sens de ce passage est : cet homme (Arbé) étoit le plus grand ou le pere des Enachims. Sur ce fondement, & d'autres semblables, les Rabbins ont enseigné que le premier homme étoit d'une taille si prodigieuse, qu'il s'étendoit d'un bout du monde jusqu'à l'autre, & qu'il passa des îles Atlantiques dans notre continent sans avoir au milieu de l'Océan de l'eau plus haut que la ceinture : mais que depuis son péché Dieu appesantit sa main sur lui, & le réduisit à la mesure de cent aunes. D'autres lui laissent la hauteur de neuf cens coudées, c'est-à-dire, de plus de mille trois cens piés, & disent que ce fut à la priere des Anges effrayés de la premiere hauteur d'Adam, que Dieu le réduisit à celle-ci.

4°. On dispute encore aujourd'hui, dans les écoles, sur la science infuse d'Adam. Il est pourtant difficile d'en fixer l'étendue. Le nom qu'il a donné aux animaux prouve qu'il en connoissoit les propriétés, si dans leur origine tous les noms sont significatifs, comme quelques-uns le prétendent. Dieu l'ayant créé parfait, on ne peut douter qu'il ne lui ait donné un esprit vaste & éclairé : mais cette science spéculative n'est pas incompatible avec l'ignorance expérimentale des choses qui ne s'apprennent que par l'usage & par la réflexion. C'est donc sans fondement qu'on lui attribue l'invention des lettres hébraïques, le pseaume XCI. & quelques ouvrages supposés par les Gnostiques & d'autres Novateurs.

5°. Quoique la certitude du salut d'Adam ne soit pas un fait clairement revélé, les Peres, fondés sur ces mots du Livre de la Sagesse, ch. x. v. 2. custodivit & eduxit illum à delicto suo, ont enseigné qu'il fit une solide pénitence. C'est aussi le sentiment des Rabbins, & l'Eglise a condamné l'opinion contraire dans Tatien & dans les Encratites. Adam mourut âgé de neuf cens trente ans, & fut enterré à Hébron, selon quelques-uns qui s'appuient du passage de Josué, que nous avons déjà cité. D'autres, en plus grand nombre, soûtiennent qu'il fut enterré sur le Calvaire ; ensorte que le pié de la Croix de Jesus-Christ répondoit à l'endroit même où reposoit le crane du premier homme, afin, disent-ils, que le sang du Sauveur coulant d'abord sur le chef de ce premier coupable, purifiât la nature humaine comme dans sa source, & que l'homme nouveau fût enté sur l'ancien. Mais S. Jerôme remarque que cette opinion, qui est assez propre à flater les oreilles des peuples, n'en est pas plus certaine pour cela : favorabilis opinio, & mulcens aurem populi, nec tamen vera. In Matth. cap. xxvij.

Le terme d'Adam en matiere de morale & de spiritualité, a des significations fort différentes selon les divers noms adjectifs avec lesquels il se trouve joint. Quand il accompagne ceux-ci, premier, vieil, & ancien, il se prend quelquefois dans un sens littéral, & alors il signifie le premier homme considéré après sa chûte, comme l'exemple & la cause de la foiblesse humaine : quelquefois dans un sens figuré, pour les vices, les passions déréglées, tout ce qui part de la cupidité & de la nature dépravée par le péché d'Adam. Quand il est joint aux adjectifs nouveau ou second, il se prend toûjours dans un sens figuré, & le plus souvent il signifie Jesus-Christ, comme l'homme Dieu, saint par essence, par opposition à l'homme pécheur, ou la justice d'une ame véritablement chrétienne, & en général toute vertu ou sainteté exprimée sur celle de Jesus-Christ, & produite par sa grace. (G)


ADAM'S PICen Anglois, ou Pic d'Adam en François, la plus haute montagne de Ceylan dans l'île de Colombo. Elle a deux lieues de hauteur, & à son sommet une plaine de deux cens pas de diametre. Long. 98. 25. lat. 5. 55.


ADAMA(Géog. anc.) ville de la Pentapole ; qui étoit voisine de Gomorrhe & de Sodome, & qui fut consumée avec elles.


ADAMANTISS. (Hist. nat.) nom d'une plante qui croît en Arménie & dans la Cappadoce, & à laquelle Pline attribue la vertu de terrasser les lions & de leur ôter leur férocité. Voyez le liv. XXIV. chap. xvij.


ADAMIQUE(terre.) adamica terra, (Hist. nat.) Le fond de la mer est enduit d'un limon salé, gluant, gras, mucilagineux & semblable à de la gelée ; on le découvre aisément après le reflux des eaux. Ce limon rend les lieux qu'elles ont abandonnés, si glissans qu'on n'y avance qu'avec peine. Il paroît que c'est un dépôt de ce que les eaux de la mer ont de plus glaireux & de plus huileux, qui se précipitant continuellement de même que le sédiment que les eaux douces laissent tomber insensiblement au fond des vaisseaux qui les renferment, forme une espece de vase qu'on appelle terra adamica. On conjecture qu'outre la grande quantité de poissons & de plantes qui meurent continuellement, & qui se pourrissent dans la mer, l'air contribue encore de quelque chose à l'augmentation du limon dont il s'agit ; car on observe que la terre adamique se trouve en plus grande quantité dans les vaisseaux que l'on a couverts simplement d'un linge, que dans ceux qui ont été scellés hermétiquement. Mémoire de l'Académie, année 1700, pag. 29.


ADAMITEou ADAMIENS, s. m. pl. (Théolog.) Adamistae & Adamiani, secte d'anciens hérétiques, qu'on croit avoir été un rejetton des Basilidiens & des Carpocratiens.

S. Epiphane, après lui S. Augustin, & ensuite Theodoret, font mention des Adamites : mais les critiques sont partagés sur la véritable origine de cette secte, & sur le nom de son auteur. Ceux qui pensent qu'elle doit sa naissance à Prodicus, disciple de Carpocrate, la font commencer au milieu du 11e siecle de l'Eglise : mais il paroît par Tertullien & par saint Clément d'Alexandrie, que les sectateurs de Prodicus ne porterent jamais le nom d'Adamites, quoique dans le fond ils professassent les mêmes erreurs que ceux-ci. Saint Epiphane est le premier qui parle des Adamites, sans dire qu'ils étoient disciples de Prodicus : il les place dans son catalogue des Hérétiques après les Montanistes & avant les Théodotiens, c'est-à-dire, sur la fin du 11e siecle.

Quoi qu'il en soit, ils prirent, selon ce pere, le nom d'Adamites, parce qu'ils prétendoient avoir été rétablis dans l'état de nature innocente, être tels qu'Adam au moment de sa création, & par conséquent devoir imiter sa nudité. Ils détestoient le mariage, soûtenant que l'union conjugale n'auroit jamais eu lieu sur la terre sans le péché, & regardoient la joüissance des femmes en commun comme un privilége de leur prétendu rétablissement dans la justice originelle. Quelqu'incompatibles que fussent ces dogmes infames avec une vie chaste, quelques-uns d'eux ne laissoient pas que de se vanter d'être continens, & assûroient que si quelqu'un des leurs tomboit dans le péché de la chair, ils le chassoient de leur assemblée, comme Adam & Eve avoient été chassés du paradis terrestre pour avoir mangé du fruit défendu ; qu'ils se regardoient comme Adam & Eve, & leur temple comme le paradis. Ce temple après tout n'étoit qu'un soûterrain, une caverne obscure, ou un poële dans lequel ils entroient tout nuds, hommes & femmes ; & là tout leur étoit permis, jusqu'à l'adultere & à l'inceste, dès que l'ancien ou le chef de leur société avoit prononcé ces paroles de la Genese, chap. j. v. 22. Crescite & multiplicamini. Théodoret ajoûte que, pour commettre de pareilles actions, ils n'avoient pas même d'égard à l'honnêteté publique, & imitoient l'impudence des Cyniques du paganisme. Tertullien assûre qu'ils nioient avec Valentin l'unité de Dieu, la nécessité de la priere, & traitoient le martyre de folie & d'extravagance. Saint Clément d'Alexandrie dit qu'ils se vantoient d'avoir des livres secrets de Zoroastre, ce qui a fait conjecturer à M. de Tillemont qu'ils étoient adonnés à la magie. Epiph. haeres. 52. Théodoret, liv. I. hereticar. fabular. Tertull. contr. Prax. c. iij. & in Scorpiac. c. xv. Clem. Alex. Strom. lib. I. Tillemont, tome II. page 280.

Tels furent les anciens Adamites. Leur secte obscure & détestée ne subsista pas apparemment longtems, puisque saint Epiphane doute qu'il y en eût encore, lorsqu'il écrivoit : mais elle fut renouvellée dans le xij. siecle par un certain Tandème connu encore sous le nom de Tanchelin, qui sema ses erreurs à Anvers sous le regne de l'empereur Henri V. Les principales étoient qu'il n'y avoit point de distinction entre les prêtres & les laïcs, & que la fornication & l'adultere étoient des actions saintes & méritoires. Accompagné de trois mille scélérats armés, il accrédita cette doctrine par son éloquence & par ses exemples ; sa secte lui survécut peu, & fut éteinte par le zele de saint Norbert.

D'autres Adamites reparurent encore dans le xjv. siecle sous le nom de Turlupins & de pauvres Freres, dans le Dauphiné & la Savoie. Ils soûtenoient que l'homme arrivé à un certain état de perfection, étoit affranchi de la loi des passions, & que bien loin que la liberté de l'homme sage consistât à n'être pas soûmis à leur empire, elle consistoit au contraire à secoüer le joug des lois divines. Ils alloient tous nuds, & commettoient en plein jour les actions les plus brutales. Le roi Charles V. secondé par le zele de Jacques de Mora, Dominicain & inquisiteur à Bourges, en fit périr plusieurs par les flammes ; on brûla aussi quelques-uns de leurs livres à Paris dans la place du marché aux pourceaux, hors la rue saint Honoré.

Un fanatique nommé Picard, natif de Flandre, ayant pénétré en Allemagne & en Boheme au commencement du xv. siecle, renouvella ces erreurs, & les répandit sur-tout dans l'armée du fameux Zisca malgré la sévérité de ce général. Picard trompoit les peuples par ses prestiges, & se qualifioit fils de Dieu : il prétendoit que comme un nouvel Adam il avoit été envoyé dans le monde pour y rétablir la loi de nature, qu'il faisoit sur-tout consister dans la nudité de toutes les parties du corps, & dans la communauté des femmes. Il ordonnoit à ses disciples d'aller nuds par les rues & les places publiques, moins réservé à cet égard que les anciens Adamites, qui ne se permettoient cette licence que dans leurs assemblées. Quelques Anabaptistes tenterent en Hollande d'augmenter le nombre des sectateurs de Picard : mais la sévérité du gouvernement les eut bien-tôt dissipés. Cette secte a aussi trouvé des partisans en Pologne & en Angleterre : ils s'assemblent la nuit ; & l'on prétend qu'une des maximes fondamentales de leur société est contenue dans ce vers :

Jura, perjura, secretum prodere noli.

Quelques savans sont dans l'opinion que l'origine des Adamites remonte beaucoup plus haut que l'établissement du Christianisme : ils se fondent sur ce que Maacha mere d'Asa, roi de Juda, étoit grande prêtresse de Priape, & que dans les sacrifices nocturnes que les femmes faisoient à cette idole obscène, elles paroissoient toutes nues. Le motif des Adamites n'étoit pas le même que celui des adorateurs de Priape ; & l'on a vû par leur Théologie qu'ils n'avoient pris du Paganisme que l'esprit de débauche, & non le culte de Priape. Voyez PRIAPE. (G)


ADANAADENA, s. ville de la Natolie sur la riviere de Chaquen. Long. 54. lat. 38. 10.


ADANES. m. (Hist. nat.) en Italien, ADELLO ou ADENO ; en Latin, ATTILUS, poisson qui ne se trouve que dans le fleuve du Pô. Il a cinq rangs de grandes écailles rudes & piquantes, deux de chaque côté, & l'autre au milieu du dos ; celui-ci finit en approchant de la nageoire, qui est près de la queue ; cette nageoire est seule sur le dos : il y en a deux sous le ventre & deux près des nageoires ; la queue est pointue. Ce poisson seroit assez ressemblant à l'esturgeon, sur-tout par ses grandes écailles : mais il les quitte avec le tems ; l'esturgeon au contraire ne perd jamais les siennes. Quand l'adane a quitté ses écailles, ce qui arrive lorsqu'il a un certain âge, il est fort doux au toucher. Ce poisson a la tête fort grosse, les yeux petits, la bouche ouverte, grande & ronde : il n'a point de dents ; lorsque la bouche est fermée, les levres ne sont pas en ligne droite, elles forment des sinuosités. Il a deux barbillons charnus & mous ; ses oüies sont couvertes, & son dos est blanchâtre. Ce poisson est si grand & si gros, qu'il pese jusqu'à mille livres, au rapport de Pline, ce qui est fort étonnant pour un poisson de riviere. On le pêche avec un hameçon attaché à une chaîne de fer ; & il faut deux boeufs pour le traîner lorsqu'il est pris. Pline assûre qu'on ne trouve ce poisson que dans le Pô. En effet, on n'en a jamais vû dans l'Océan ni dans la Méditerranée. Quelque gros qu'il puisse être, ce n'est pas une raison pour croire qu'il ne soit pas de riviere ; car l'étendue & la profondeur du Pô sont plus que suffisantes dans de certains endroits pour de pareils poissons : celui-ci habite les lieux où il y a le plus de poisson, & il s'en nourrit ; il se retire pendant l'hyver dans les endroits les plus profonds. La chair de l'adane est molle, mais de bon goût, selon Rondelet. Aldrovande prétend qu'elle n'est pas trop bonne en comparaison de l'esturgeon. Voyez ces deux auteurs & le mot POISSON. (I)


ADAOUou QUAQUA, peuple d'Afrique dans la Guinée propre, au royaume de Saccao.


ADAPTERv. act. Adapter en Chimie, c'est ajuster un récipient au bec du chapiteau d'un alembic ou au bec d'une cornue, pour faire des distillations ou des sublimations. Il vaut mieux se servir du terme ajuster, parce qu'il sera mieux entendu de tout le monde. (M)

ADAPTER, terme d'Architecture, c'est ajoûter après coup par encastrement ou assemblage, un membre saillant d'Architecture ou de Sculpture, à quelque corps d'ouvrage, soit de maçonnerie, de menuiserie, &c. (P)


ADARS. m. (Hist. anc. & Théolog.) douzieme mois de l'année sainte des Hébreux, & le sixieme de leur année civile. Il n'a que vingt-neuf jours, & répond à Février ; quelquefois il entre dans le mois de Mars, selon le cours de la lune.

Le septieme jour de ce mois, les Juifs célebrent un jeûne à cause de la mort de Moyse.

Le treizieme jour ils célebrent le jeûne qu'ils nomment d'Esther, à cause de celui d'Esther, de Mardochée, & des Juifs de Suses, pour détourner les malheurs dont ils étoient menacés par Aman.

Le quatorzieme, ils célebrent la fête de Purim ou des sorts, à cause de leur délivrance de la cruauté d'Aman. Esth. IX. 17.

Le vingt-cinquieme, ils font mémoire de Jechonias, roi de Juda, élevé par Evilmerodach au-dessus des autres rois qui étoient à sa cour, ainsi qu'il est rapporté dans Jérémie, c. lij. v. 31 & 32.

Comme l'année lunaire que les Juifs suivent dans leur calcul, est plus courte que l'année solaire d'onze jours, lesquels au bout de trois ans font un mois ; ils intercalent alors un treizieme mois qu'ils appellent Véadar ou le second adar, qui a vingt-neuf jours. Voyez INTERCALER, Dictionn. de la Bibl. tom. I. pag. 55.


ADARCES. m. (Hist. nat.) espece d'écume salée qui s'engendre dans les lieux humides & marécageux, qui s'attache aux roseaux & à l'herbe, & qui s'y endurcit en tems sec. On la trouve dans la glatie : elle est de la couleur de la poudre la plus fine de la terre Assienne. Sa substance est lâche & poreuse, comme celle de l'éponge bâtarde, ensorte qu'on pourroit l'appeller l'éponge bâtarde des marais.

Elle passe pour détersive, pénétrante, résolutive, propre pour dissiper les dartres, les rousseurs, & autres affections cutanées : elle est aussi attractive, & l'on en peut user dans la sciatique. Dioscorid. lib. V. ch. cxxxvij.


ADARGATIou ADERGATIS, ou ATERGATIS, (Myth.) divinité des Syriens, femme du dieu Adad. Selden prétend qu'Adargatis vient de Dagon par corruption. C'est presqu'ici le cas de l'épigramme : Mais il faut avoüer aussi qu'en venant de-là jusqu'ici elle a bien changé sur la route. On la prend pour la Derecto des Babyloniens, & la Venus des Grecs.


ADARIGE(Chymie.) Voyez SEL AMMONIAC, qu'Harris dit que quelques Chimistes nomment ainsi.


ADARMES. (Commerce.) petit poids d'Espagne dont on se sert à Buenos-Aires & dans l'Amérique Espagnole. C'est la seizieme partie de notre once, qui est à celle de Madrid comme cent est à quatre-vingt-treize.


ADATISS. m. (Commerce.) c'est le nom qu'on donne à des mousselines qui viennent des Indes Orientales. Les plus beaux se font à Bengale ; ils portent trois quarts de large.


ADDAriviere de Suisse & d'Italie, qui a sa source au mont Braulio dans le pays des Grisons, & se jette dans le Pô auprès de Crémone.


ADDADS. m. (Bot.) nom que les Arabes donnent à une racine d'herbe qui croît dans la Numidie & dans l'Afrique. Elle est très-amere, & c'est un poison si violent, que trente ou quarante gouttes de son eau distillée font mourir en peu de tems. Ablanc. tract. de Marmol. liv. VII. c. j.


ADDEXTRÉadj. en terme de Blason, se dit des pieces qui en ont quelqu'autre à leur droite ; un pal qui n'auroit qu'un lion sur le flanc droit, seroit dit addextré de ce lion.

Thomassin en Provence, de sable semé de faulx d'or, le manche en haut, addextré & senestré de même. (V)


ADDICTIONS. f. (Jurisprud.) dans la loi Romaine, c'est l'action de faire passer ou de transférer des biens à un autre, soit par sentence d'une cour, soit par voie de vente à celui qui en offre le plus. Voyez ALIENATION.

Ce mot est opposé au terme abdictio ou abdicatio. Voyez ABDICATION.

Il est formé d'addico, un des mots déterminés à l'usage des juges Romains, quand ils permettoient la délivrance de la chose ou de la personne, sur laquelle on avoit passé jugement.

C'est pourquoi les biens adjugés de cette maniere par le préteur au véritable propriétaire, étoient appellés bona addicta ; & les débiteurs livrés par cette même voie à leurs créanciers pour s'acquiter de leurs dettes, s'appelloient servi addicti.

Addictio in diem, signifioit l'adjudication d'une chose à une personne pour un certain prix, à moins qu'à un jour déterminé le propriétaire ou quelque autre personne n'en donnât ou n'en offrît davantage. (H)


ADDITIONen Arithmétique, c'est la premiere des quatre regles ou opérations fondamentales de cette science. Voyez ARITHMETIQUE.

L'addition consiste à trouver le total ou la somme de plusieurs nombres que l'on ajoûte successivement l'un à l'autre. Voyez NOMBRE, SOMME ou TOTAL.

Dans l'Algebre le caractere de l'addition est le signe +, que l'on énonce ordinairement par le mot plus : ainsi 3 + 4 signifie la somme de 3 & de 4 ; & en lisant on dit trois plus quatre. Voyez CARACTERE.

L'addition des nombres simples, c'est-à-dire composés d'un seul chiffre, est fort aisée. Par exemple, on apperçoit d'abord que 7 & 9, ou 7 + 9 font 16.

Dans les nombres composés, l'addition s'exécute en écrivant les nombres donnés par colonnes verticales, c'est-à-dire, en mettant directement les unités sous les unités, les dixaines sous les dixaines, &c. après quoi l'on prend séparément la somme de toutes ces colonnes.

Mais pour rendre cela bien intelligible par des exemples, supposons que l'on propose de faire l'addition des nombres 1357 & 172 : après les avoir écrits l'un sous l'autre, comme on le voit,

on commence par l'addition des unités, en disant 7 & 2 sont 9, qu'il faut écrire sous la colonne des unités ; passant ensuite à la colonne des dixaines, on dira 5 & 7 sont 12 (dixaines) qui valent 1 cent & 2 dixaines, on posera donc 2 dixaines sous la colonne des dixaines, & l'on retiendra 1 cent que l'on doit porter à la colonne des cens, où l'on continuera de dire 1 (cent qui a été retenu) & 3 sont 4, & 1 sont 5 (cens) ; on écrira 5 sous la colonne des cens : passant enfin à la colonne des mille où il n'y a qu'un, on l'écrira sous cette colonne, & la somme ou le total de tous ces nombres réunis, sera 1529.

Ensorte que pour faire cette opération, il faut réunir ou ajoûter toutes les unités de la premiere colonne, en commençant de la droite vers la gauche ; & si la somme de ces unités ne surpasse pas 9, on écrira cette somme entiere sous la colonne des unités : mais si elle est plus grande, on retiendra le nombre des dixaines contenues dans cette somme pour l'ajoûter à la colonne suivante des dixaines ; & dans le cas où il y aura quelques unités, outre ce nombre de dixaines, on les écrira sous la colonne des unités ; quand il n'y en aura pas, on mettra o, ce qui signifiera qu'il n'y a point d'unités, mais simplement des dixaines, que l'on ajoûtera à la colonne suivante des dixaines, où l'on observera précisément les mêmes lois qu'à la précédente ; parce que 10 unités valent 1 dixaine ; 10 dixaines valent 1 cent ; 10 cens valent 1 mille, &c.

Ainsi pour faire l'addition des nombres 87899 + 13403 + 1920 + 885, on les disposera comme dans l'exemple précédent :

Et après avoir tiré une ligne sous ces nombres ainsi disposés, on dira 9 & 3 sont 12, & 5 sont 17, où il y a une dixaine & 7 unités ; on écrira donc 7 sous la colonne des unités, & l'on retiendra 1 (dixaine) que l'on portera à la colonne des dixaines, où l'on dira 1 (dixaine retenue) & 9 sont 10, & 2 sont 12, (le o ne se compte point) & 8 sont 20 (dixaines) qui valent précisément 2 cens, puisque 10 dixaines valent 1 cent ; on écrira donc o sous la colonne des dixaines pour marquer qu'il n'y a point de dixaine, & l'on portera les 2 cens à la colonne des cens, où il faudra poursuivre l'opération, en disant 2 (cens retenus) & 8 sont 10, & 4 sont 14, & 9 sont 23, & 8 sont 31 cens, qui valent 3 milles & 1 cent ; on posera donc 1 sous la colonne des cens, & l'on portera les 3 (mille) à celle des mille, où l'on dira 3 (mille retenus) & 7 sont 10, & 3 sont 13, & 1 sont 14 mille, qui valent 1 (dixaine) de mille, & 4 (mille) ainsi l'on écrira 4 (mille) sous la colonne des mille, & l'on portera 1 (dixaine de mille) à la colonne des dixaines de mille, où l'on dira 1 (dixaine de mille retenue) & 8 sont 9, & 1 sont 10 (dixaine de mille), qui valent précisément 1 centaine de mille ; ainsi l'on écrira o sous la colonne des dixaines de mille, pour marquer qu'il n'y a point de pareilles dixaines, & l'on placera en avant 1 (centaine de milles), ce qui achevera l'opération, dont la somme ou le total sera 108107.

Quand les nombres ont différentes dénominations : par exemple, quand ils contiennent des livres, des sous, & des deniers, ou des toises, des piés, des pouces, &c. on aura l'attention de placer les deniers sous les deniers, les sous sous les sous, les livres, &c. & l'on opérera comme ci-dessus. Supposons pour cela que l'on propose d'ajoûter les nombres suivans, 120 l. 15s. 9d. + 65 l. 12s. 5d. + 9 l. 8s. 0d. (le signe l. signifie des livres ; celui-ci s. des sous, & celui-là d. des deniers), on les disposera comme on le voit dans cet exemple :

Et après avoir tiré une ligne, on commencera par les deniers, en disant 9 & 5 sont 14 deniers, qui valent 1 sou & 2 deniers (puisque 1 sou vaut 12 deniers) ; on écrira donc 2 deniers sous la colonne des deniers, & l'on portera 1 sou à la colonne des sous, où l'on dira 1 (sou retenu) & 5 sont 6, & 2 sont 8, & 8 sont 16 sous, qui valent 6 sous & 1 dixaine de sous ; ainsi l'on écrira 6 sous sous les unités de sous, & l'on retiendra 1 dixaine de sous pour le porter à la colonne des dixaines de sous, où l'on dira 1 (dixaine retenue) & 1 sont 2, & 1 sont 3 dixaines de sous, qui valent 30 sous ou 1 livre & 1 dixaine de sous ; car 1 livre vaut 20 sous : on écrira donc 1 dixaine de sous sous la colonne des dixaines de sous ; & retenant 1 livre on la portera à la colonne des unités de livres, où continuant d'opérer à l'ordinaire, on trouvera que le total est 195 l. 16s. 2d.

L'addition des décimales se fait de la même maniere que celle des nombres entiers ; ainsi qu'on peut le voir dans l'exemple suivant :

Voyez encore le mot DECIMAL. (E)

L'addition, en Algebre, c'est-à-dire, l'addition des quantités indéterminées, designées par les lettres de l'alphabet, se fait en joignant ces quantités avec leurs propres signes, & réduisant celles qui sont susceptibles de réduction ; savoir les grandeurs semblables. Voyez SEMBLABLE & ALGEBRE.

Ainsi a ajoûté à la quantité b, donne a + b ; & a joint avec - b, fait a - b ; - a & - b, font - a - b ; 7 a & 9 a font 7 a + 9 a = 16 a ; car 7 a & 9 a sont des grandeurs semblables.

Si les grandeurs algébriques, dont on propose de faire l'addition, étoient composées de plusieurs termes où il y en a de semblables ; par exemple, si l'on avoit le polynome 3 a2 b3 - 5 c s4 - 4 d r + 2 s qu'il fallût ajoûter au polynome - s + 4 c s4 - a2 b3 + 4 d r ; l'on écriroit d'abord l'un de ces polynomes, tel qu'il est donné, comme on le voit :

On disposeroit ensuite l'autre polynome sous celui que l'on vient d'écrire, de maniere que les termes semblables fussent directement les uns sous les autres : on tireroit une ligne sous ces polynomes ainsi disposés ; & réduisant successivement les termes semblables à leur plus simple expression, on trouveroit que la somme de ces deux polynomes est 2 a2 b3 - c s4 + s, en mettant une petite étoile ou un zéro sous les termes qui se détruisent totalement.

Remarquez que l'on appelle grandeurs semblables, en Algebre, celles qui ont les mêmes lettres & précisément le même nombre de lettres ; ainsi 5 a b d & 2 a b d sont des grandeurs semblables ; la premiere signifie que la grandeur a b d est prise cinq fois, & la seconde qu'elle est prise deux fois ; elle est donc prise en tout sept fois ; l'on doit donc écrire 7 a b d au lieu de 5 a b d + 2 a b d ; & comme l'expression 7 a b d est plus simple que 5 a b d + 2 a b d, c'est la raison pour laquelle on dit en ce cas que l'on réduit à la plus simple expression.

Pour reconnoître facilement les quantités algébriques semblables, on ne doit point faire attention à leur coefficient ; mais il faut écrire les lettres dans l'ordre de l'alphabet. Quoique 2 b a d soit la même chose que 2 a b d ou 2 d b a ; cependant on aura une grande attention de ne point renverser l'ordre de l'alphabet, & d'écrire 2 a b d, au lieu de 2 b a d ou de 2 b d a : cela sert à rendre le calcul plus clair ; 5 a b d & 2 a b d paroissent plûtôt des grandeurs semblables que 5 b a d & 2 b d a, qui sont pourtant la même chose que les précédentes. Les quantités 3 b2 c & 4 b2 c sont aussi des grandeurs semblables : mais les grandeurs 4 a3 f & 2 a3 ne sont pas semblables, quoiqu'elles ayent de commun la quantité a3 ; parce qu'il est essentiel aux grandeurs semblables d'avoir les mêmes lettres & le même nombre de lettres.

On observera encore que les quantités positives ou affectées du signe + sont directement opposées aux quantités négatives ou précédées du signe - ; ainsi quand les grandeurs dont on propose l'addition sont semblables & affectées de signes contraires, elles se détruisent en tout ou en partie ; c'est-à-dire que dans le cas où l'une est plus grande que l'autre, il se détruit dans la plus grande une partie égale à la plus petite, & le reste est la différence de la plus grande à la plus petite, affectée du signe de la plus grande.

Or cette opération ou réduction tombe toûjours sur les coefficiens : il est évident que 5 d f & - 3 d f se réduisent à + 2 d f ; puisque + 5 d f montre que la quantité d f est prise 5 fois, & - 3 d f fait connoître que la même quantité d f est retranchée 3 fois : mais une même quantité prise 5 fois & ôtée 3 fois se réduit à n'être prise que 2 fois.

Pareillement + 5 f m & - 6 f m se réduisent à - 1 f m ou simplement à - f m ; car - 6 f m est la quantité f m ôtée 6 fois, & + 5 f m est la même quantité f m remise 5 fois ; la quantité f m reste donc négative encore une fois, & est par conséquent - f m. Voyez NEGATIF.

Il n'y a point de grandeurs algébriques, dont on ne puisse faire l'addition, en tenant la conduite que l'on a indiquée ci-dessus : ainsi 3 a/c + 5 a/c = 8 a/c, 2 + 7 = 9 , 6 + 7 = 13 . De même 6 3 + 7 3 = 13 3. L'on a encore a + b = (a + b) , en ajoûtant ensemble les grandeurs a, b, qui multiplient la quantité .

Pareillement + = , puisque 2 a + 3 c + 3 a = 5 a + 3 c.

On fait l'addition des fractions positives ou affirmatives, qui ont le même dénominateur, en ajoûtant ensemble leur numérateur, & mettant sous cette somme le dénominateur commun : ainsi 1/5 + 2/5 = 3/5 ; 2 a x/b + 3 a x/b = 5 a x/b ; + = ; & a a/c + b x/c = a a + b x/c. Voyez FRACTION.

On fait l'addition des quantités négatives de la même maniere précisément que celle des quantités affirmatives : ainsi - 2 & - 3 = - 5 ; - 4 a x/b & - 11 a x/b = - 15 a x/b ; - a & - b = - .

Quand il faut ajoûter une quantité négative à une quantité affirmative, l'affirmative doit être diminuée par la négative, ou la négative par l'affirmative : ainsi + 3 - 2 = 1 ; 11 a x/b & - 4 a x/b = 7 a x/b ; - a & + b = ; pareillement + 2 - 3 = - 1 ; - 11 a x/b & + 4 a x/b = - 7 a x/b ; de même + 2 & - 7 = - 5 .

S'il s'agit d'ajoûter des irrationels ; quand ils n'auront pas la même dénomination, on la leur donnera. En ce cas, s'ils sont commensurables entr'eux, on ajoûtera les quantités rationnelles sans les lier par aucun signe, & après leur somme on écrira le signe radical : ainsi + = + = 2 + 3 = 5 = . Au contraire & étant incommensurables, leur somme sera + . Voyez SOURD & INCOMMENSURABLE. Voyez aussi ARITHMETIQUE UNIVERSELLE. (O)

ADDITION, s. f. en termes de Pratique, est synonyme à supplément : ainsi une addition d'enquête ou d'information, est une nouvelle audition de témoins à l'effet de constater davantage un fait dont la preuve n'étoit pas complete par l'enquête ou information précédemment faite. (H)

ADDITIONS, s. f pl. dans l'art de l'Imprimerie, sont de petites lignes placées en marge, dont le caractere est pour l'ordinaire de deux corps plus minuté que celui de la matiere. Elles doivent être placées à côté de la ligne à laquelle elles ont rapport, sinon on les indique par une * étoile, ou par les lettres a, b, c, &c. On y porte les dates, les citations d'auteurs, le sommaire de l'article à côté duquel elles se trouvent. Quand les lignes d'additions par leur abondance excedent la colonne qui leur est destinée, & qu'on ne veut pas en transporter le restant à la page suivante, pour lors on fait son addition hachée, c'est-à-dire que l'on raccourcit autant de lignes de la matiere, qu'il en est nécessaire pour y substituer le reste ou la suite des additions ; dans ce cas, ces dernieres lignes comprennent la largeur de la page & celle de l'addition.


ADDUCTEURS. m. pris adj. en Anatomie, est le nom qu'on donne à différens muscles destinés à approcher les parties auxquelles ils sont attachés, du plan que l'on imagine diviser les corps en deux parties égales & symmétriques, & de la partie avec laquelle on les compare ; ce sont les antagonistes des abducteurs. Voyez MUSCLE & ANTAGONISTE.

Ce mot vient des mots latins ad, vers, & ducere, mener.

L'ADDUCTEUR de l'oeil, est un des quatre muscles droits de l'oeil, ainsi nommé, parce qu'il fait avancer la prunelle vers le nez. Voyez OEIL & DROIT.

On le nomme aussi buveur, parce que quand on boit, il tourne l'oeil du côté du verre. V. BUVEUR.

L'adducteur du pouce est un muscle du pouce, qui vient de la face de l'os du métacarpe, qui soûtient le doigt index tourné du côté du pouce, & monte obliquement vers la partie supérieure de la premiere phalange du pouce, où il se termine par une large insertion ; c'est le mésothénar de Witil. exp. an. & l'anti-thenar de quelques autres Anatomistes. Voyez DOIGT.

Adducteur du gros orteil, appellé aussi anti-thenar. Voyez ANTI-THENAR.

L'adducteur du doigt indice, est un muscle du doigt indice, qui vient de la partie interne de la premiere phalange du pouce, & se termine à la premiere phalange du doigt indice qu'il approche du pouce.

L'adducteur du petit doigt, ou métacarpien, vient du ligament annulaire interne de l'os pisiforme ou crochu, & se termine tout le long de la partie interne & concave de l'os du métacarpe du doigt auriculaire.

Les adducteurs de la cuisse. Voyez TRICEPS.

L'adducteur de la jambe. Voyez COUTURIER.

Adducteur du pié. Voyez JAMBIER.

Adducteurs des doigts du pié. Voyez INTEROSSEUX. Voyez les planches d'Anatomie & leur explication. (L)


ADDUCTIONS. f. nom dont se servent les Anatomistes pour exprimer l'action par laquelle les muscles adducteurs approchent une partie d'un plan qu'ils supposent diviser le corps humain dans toute sa longueur en deux parties égales & symmétriques, ou de quelqu'autre partie avec laquelle ils les comparent. (L)


ADEL(Géogr.) qu'on nomme aussi Zeila, de sa capitale, royaume d'Afrique, côte méridionale du détroit de Babel-Mandel.


ADELBERGpetite ville d'Allemagne, dans le Duché de Wirtemberg.


ADELITES& ALMOGANENS, Adelitti, & Almoganeni, s. m. pl. (Hist. mod.) nom que les Espagnols donnent à certains peuples, qui par le vol & le chant des oiseaux, par la rencontre des bêtes sauvages & de plusieurs autres choses semblables, devinoient à point nommé tout ce qui doit arriver de bien ou de mal à quelqu'un. Ils conservent soigneusement parmi eux des livres qui traitent de cette espece de science, où ils trouvent des regles pour toutes sortes de pronostics & de prédictions. Les devins sont divisés en deux classes, l'une de chefs ou de maîtres, & l'autre de disciples ou d'aspirans. On leur attribue encore une autre sorte de connoissance, c'est d'indiquer non-seulement par où ont passé des chevaux ou autres bêtes de somme, mais aussi le chemin qu'auront tenu un ou plusieurs hommes, jusqu'à spécifier la nature ou la forme du terrein par où ils auront fait leur route, si c'est une terre dure ou molle, couverte de sable ou d'herbe, si c'est un grand chemin pavé ou sablé, ou quelque sentier détourné, s'ils ont passé entre des roches, ensorte qu'ils pouvoient dire au juste le nombre des passans, & dans le besoin les suivre à la piste. Laurent Valla, de qui l'on a tiré ces particularités merveilleuses, a négligé de nous apprendre dans quelle Province d'Espagne & dans quel tems vivoient ces devins. (G)


ADEMPTIONS. f. en terme de Droit Civil, est la révocation d'un privilége, d'une donation, ou autre acte semblable.

L'ademption ou la privation d'un legs peut être expresse, comme quand le testateur déclare en forme qu'il révoque ce qu'il avoit légué ; ou tacite, comme quand il fait cette révocation seulement d'une maniere indirecte ou implicite. Voyez REVOCATION. (H)


ADEN(Géogr.) ville de l'Arabie heureuse, capitale du royaume de ce nom. C'est un port de mer, dans une presqu'isle de la côte méridionale, vis-à-vis du cap de Guardafui. Long. 63. 20. lat. 13. C'est aussi une montagne dans le royaume de Fez.


ADENAou ADANA, aujourd'hui Malmestra, (Géogr.) s. f. ville de Cilicie, dans l'Anatolie.


ADENBOURGou ALDENBOURG, (Géog. mod.) ville d'Allemagne, cercle de Westphalie, Duché de Berg. Long. 25. lat. 51. 2.


ADENERERv. act. (Jurisprud.) est un ancien terme de Pratique, qui signifioit estimer, mettre à prix. (H)


ADENO-PHARYNGIENadj. pris sub. en Anatomie, nom d'une paire de muscles qui sont formés par un paquet de fibres qui se détache de la glande thyroïde, & s'unit de chaque côté avec le thyropharyngien. Winslow. Voyez GLANDES THYROIDES, THYROPHARYNGIEN. Voyez les Planches d'Anatomie & leur explication. (L)


ADENOGRAPHIES. f. en Anatomie, description des glandes. Ce mot est composé du Grec ἄδην, glande, & γραφὴ, description.

Nous avons un livre de Wharton, intitulé Adenographia, in- 12. à Londres 1656 ; & de Nuck un ouvrage in- 8 °. imprimé à Leyde en 1691 & en 1722. (L)


ADENOIDESadj. pl. en Anat. glanduleux, glandiformes, épithete que l'on donne aux prostates.


ADENOSS. m. ou coton de Marine, vient d'Alep par la voie de Marseille.


ADENTS. m. (Charpent. & Menuis.) ce sont des entailles ou assemblages où les pieces assemblées ont la forme de dents. On donne quelquefois ce nom à des mortoises, qui ont la même figure ; & l'on dit mortoises, assemblages en adent.


ADÉONES. f. (Myth.) Déesse dont S. Augustin dit dans la Cité de Dieu, L. IV. chap. xxij. qu'elle étoit invoquée par les Romains quand ils alloient en voyage.


ADEPHAGIES. f. (Myth.) déesse de la gourmandise à laquelle les Siciliens rendirent un culte religieux : ils lui avoient élevé un Temple où sa statue étoit placée à côté de celle de Cérès.


ADEPHAGUSadj. (Myth.) surnom d'Hercule ; c'étoit à dire Hercule le vorace.


ADEPTESadj. pris sub. (Philosop.) C'est le nom qu'on donnoit jadis à ceux qui s'occupoient de l'art de transformer les métaux en or, & de la recherche d'un remede universel. Il faut, selon Paracelse, attendre la découverte de l'un & de l'autre immédiatement du Ciel : elle ne peut, selon lui, passer d'un homme à un autre. Mais Paracelse étoit apparemment dans l'enthousiasme lorsqu'il faisoit ainsi l'éloge de cette sorte de Philosophie, pour laquelle il avoit un extrème penchant : car dans des momens où son esprit étoit plus tranquille, il convenoit qu'on pouvoit l'apprendre de ceux qui la possédoient. Nous parlerons plus au long de ces visionnaires à l'article Alchimie. Voyez ALCHIMIE.


ADEQUATadj. (Logiq.) Voyez ADAEQUAT.


ADERBIJAN(Géog. mod.) grande Province de Perse. Long. 60-66. lat. 36-39.


ADERBOGH(Géog. mod.) ville d'Allemagne, cercle de haute Saxe, Duché de Poméranie. Elle appartient au roi de Prusse.


ADERNO(Géog. mod.) ville de Sicile dans la vallée de Démone.


ADESS. (Myth.) ou Pluton. Voyez PLUTON.


ADESSENAIRESS. m. plur. (Théolog.) nom formé par Pratéolus du verbe latin adesse, être présent, & employé pour désigner les Hérétiques du xvj. siecle, qui reconnoissoient la présence réelle de Jesus-Christ dans l'Eucharistie, mais dans un sens différent de celui des Catholiques. Voyez PRESENCE, EUCHARISTIE.

Ce mot au reste est peu usité, & ces hérétiques sont plus connus sous le nom d'Impanateurs, Impanatores : leur secte étoit divisée en quatre branches ; les uns soutenant que le Corps de Jesus-Christ est dans le pain, d'autres qu'il est à l'entour du pain, d'autres qu'il est sur le pain, & les derniers qu'il est sous le pain. Voyez IMPANATION. (G)


ADGISTE(Myth.) Génie hermaphrodite.


ADHATODAS. (Hist. nat.) herbe à fleur d'une seule feuille irréguliere, en forme de tuyau évasé en gueule à deux levres, dont la supérieure est repliée en bas dans quelques especes, ou renversée en arriere dans quelques autres ; la levre inférieure est découpée en trois parties ; il sort du calice un pistil qui est fiché comme un clou dans la partie postérieure de la fleur : ce pistil devient dans la suite un fruit assez semblable à une massue, qui est divisé dans sa longueur en deux loges, & qui se partage en deux pieces : il renferme des semences qui sont ordinairement plates & échancrées en forme de coeur. Tournefort, Instit. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

* On lui attribue la vertu d'expulser le foetus mort ; & c'est de-là que lui vient le nom d'adhatoda, dans la Langue de Ceylan.


ADHERENCou ADHESION, s. f. en Physique, est l'état de deux corps qui sont joints & tiennent l'un à l'autre, soit par leur propre action, soit par la compression des corps extérieurs. Ce mot est composé de la préposition latine ad, & hoerere, être attaché.

Les Anatomistes observent quelquefois des prosphyses ou adhérences des poumons aux parois du thorax, à la plevre ou au diaphragme, qui donnent occasion à différentes maladies. Voyez POUMON, PLEVRE, PLEURESIE, PHTHISIE, PERIPNEUMONIE, &c.

L'adhérence de deux surfaces polies & de deux moitiés de boules, sont des phénomenes qui prouvent la pesanteur & la pression de l'air. Voyez AIR.

M. Musschenbroeck, dans son essai de Physique, donne beaucoup de remarques sur l'adhérence des corps : il y fait mention de différentes expériences qu'il a faites sur cette matiere, & dont les principales sont la résistance que différens corps font à la rupture, en vertu de l'adhérence de leurs parties. Il attribue l'adhérence des parties des corps principalement à leur attraction mutuelle. L'adhérence mutuelle des parties de l'eau entr'elles & aux corps qu'elle touche, est prouvée par les expériences les plus communes. Il en est de même de l'adhérence des parties de l'air, sur laquelle on trouvera un Mémoire de M. Petit le Medecin, parmi ceux de l'Académie des Sciences de 1731. Voyez COHESION.

Quelques Auteurs paroissent peu portés à croire que l'adhérence des parties de l'eau, & en général de tous les corps, vienne de l'attraction de leurs parties. Voici la raison qu'ils en apportent. Imaginez une petite particule d'eau, & supposant que l'attraction agisse, par exemple à une ligne de distance, décrivez autour de cette petite particule d'eau un cercle dont le rayon soit d'une ligne, la particule d'eau ne sera attirée que par les particules qui seront dans ce cercle ; & comme ces particules agissent en sens contraires, leurs effets mutuels se détruiront, & l'attraction de la particule sera nulle, puisqu'elle n'aura pas plus de tendance vers un côté que vers un autre. (O)


ADHERENTadj. (Jurisprud.) signifie celui qui est dans le même parti, la même intrigue, le méme complot ; car ce terme se prend pour l'ordinaire en mauvaise part. Il est synonyme à complice : mais il en differe en ce que ce dernier se dit de celui qui a part à un crime, quel que soit ce crime : au lieu que le mot d'adhérent ne s'employe guere que dans le cas de crime d'Etat, comme rebellion, trahison, félonie, &c. (H)

* ADHERENT, attaché, annexé. Une chose est adhérente à une autre par l'union que la nature a produite, ou par celle que le tissu & la continuité ont mise entr'elles. Elle est attachée par des liens arbitraires, mais qui la fixent réellement dans la place ou dans la situation où l'on veut qu'elle demeure : elle est annexée par un effet de la volonté & par une loi d'institution, & cette sorte de réunion est morale.

Les branches sont adhérentes au tronc, & la statue l'est à son pié-d'estal, lorsque le tout est fondu d'un seul jet : mais les voiles sont attachées au mât, les idées aux mots, & les tapisseries aux murs. Il y a des emplois & des bénéfices annexés à d'autres.

Adhérent est du ressort de la nature, & quelquefois de l'art ; & presque toûjours il est pris dans le sens littéral & physique : attaché est presque toûjours de l'art, & se prend assez communément au figuré : annexé est du style de la législation, & peut passer du littéral au figuré.

Les excroissances qui se forment sur les parties du corps animal, sont plus ou moins adhérentes selon la profondeur de leurs racines & la nature des parties. Il n'est pas encore décidé que l'on soit plus fortement attaché par les liens de l'amitié que par ces liens de l'intérêt si vils & si méprisés, les inconstans n'étant pas moins communs que les ingrats. Il semble que l'air fanfaron soit annexé à la fausse bravoure, & la modestie au vrai mérite.


ADHÉSIONen Logique. Les Scholastiques distinguent deux sortes de certitude : l'une de spéculation, qui naît de l'évidence de la chose ; & l'autre d'adhésion ou d'intérêt, qui ne naît pas de l'évidence, mais de l'importance de la chose & de l'intérêt qu'on y a. Voyez CERTITUDE, TEMOIGNAGE, VERITE, ÉVIDENCE.

Adhésion se prend aussi simplement pour le consentement qu'on donne à une chose, & dans lequel on persiste constamment. (X)

ADHESION, s. en Physique, est la même chose qu'adhérence. Voyez ADHERENCE. (O)


ADIABENES. f. contrée d'Asie à l'Orient du Tigre, d'où l'on a fait Adiabenien, habitant de l'Adiabene.


ADIANTEVoyez CAPILLAIRE. (N)


ADIAPHORISTESS. m. pl. (Théol.) nom formé du Grec ἀδιαφορος, indifférent, composé d’ privatif, & de διάφορος, différent.

On donna ce titre dans le xvj. siecle aux Luthériens mitigés qui adhéroient aux sentimens de Melanchton dont le caractere pacifique ne s'accommodoit point de l'extrème vivacité de Luther. Depuis en 1548, on appella encore Adiaphoristes les Luthériens qui souscrivirent à l'Interim que l'Empereur Charles V. avoit fait publier à la Diete d'Ausbourg. Sponde A. C. an. de J. C. 1525 & en 1548. Voyez LUTHERIEN. (G)


ADIAZZOADIAZZE ou AJACCIO, (Géog. mod.) ville, port, & château d'Italie sur la côte occidentale de l'isle de Corse. Long. 26. 28. lat. 41. 54.


ADIEU-TOUTparmi les Tireurs d'or, est une maniere de parler dont ils se servent pour avertir ceux qui tournent le moulinet que la main est placée sûrement, & qu'ils n'ont plus qu'à marcher.


ADIEU-VAterme de Marine ; c'est un terme dont on se sert lorsque voulant faire venir le vaisseau pour changer de route, on en avertit l'équipage pour qu'il se tienne prêt à obéir au commandement. (Z)


ADIGE(Géog. mod.) riviere d'Italie qui prend sa source au midi du lac glacé dans les Alpes, & se jette dans le golphe de Venise.


ADIMAINS. m. (Hist. nat.) on dit que c'est un animal privé, assez semblable à un mouton, à laine courte & fine, dont il n'y a que la femelle qui porte cornes, qui a l'oreille longue & pendante ; qu'il est de la grosseur d'un veau ; qu'il se l'aisse monter par les enfans ; qu'il peut les porter à une lieue, & qu'il compose la plus grande partie des troupeaux des habitans des deserts de Libye. Marm. trad. par Ablanc.


ADIMIAN(Jardinage.) c'est le nom que les Fleuristes donnent à une tulipe amarante, panachée de rouge & de blanc.


ADIPEUSEadj. ou GRAISSEUSE, en Anatomie, est le nom que l'on donne à une membrane ou tunique qui enveloppe le corps, & qui est située immédiatement sous la peau : on la regarde comme le soûtien de la graisse, qui est logée dans les intervalles qui se trouvent entre ses fibres, & dans les cellules particulieres qu'elle forme. Voyez GRAISSE, PEAU, CELLULE, &c.

Les Anatomistes sont partagés touchant l'existence de cette membrane. La plûpart des modernes ne la regardent que comme la tunique extérieure de la membrane charnue, autrement de la membrane commune des muscles. Voyez MEMBRANE CHARNUE, PANNICULE, &c. (L)

ADIPEUSES, cellules. Voyez CELLULES adipeuses.


ADIPEUXadj. en Anatomie, se dit de certains conduits & de certains vaisseaux qui se distribuent à la graisse. Voyez VAISSEAU & GRAISSE.

Il y a des vaisseaux adipeux qui font, suivant quelques auteurs, une partie de la substance de l'épiploon. Voyez EPIPLOON.

Malpighi doute si les conduits adipeux sont des vaisseaux distincts (dans un ouvrage imprimé après sa mort). Morgagni, advers. Anat. III. page 3 insinue qu'ils ne sont pas nécessaires, parce qu'il pense que la secrétion de la graisse peut se faire au moyen des arteres dans les cellules adipeuses, de même que dans les autres parties d'où elle peut être ensuite reprise par les veines, sans qu'il soit besoin d'admettre un troisieme genre de vaisseaux propres à cet office, tels que Malpighi paroît les avoir soupçonnés. Rivin n'admet point de conduits adipeux. dis. de omento.


ADIRÉadj. vieux terme de Pratique, qui est encore usité au Palais. Il est synonyme à égarer, & se dit singulierement des pieces d'un procès qui ne se trouvent plus : ainsi l'on dira, par exemple, la meilleure piece de mon sac s'est trouvée adirée. Ce même terme signifie aussi quelquefois rayé ou biffé (H)


ADIREou ADHIRER. Voyez ADIRE.

Lorsqu'une lettre de change payable à un particulier, & non au porteur, ou ordre, est adirée, le payement en peut être poursuivi & fait en vertu d'une seconde lettre, sans donner caution, en faisant mention que c'est une seconde lettre, & que la premiere ou autre précédente demeurera nulle.

Et au cas que la lettre adirée fût payable au porteur ou à ordre, le payement n'en doit être fait que par ordonnance de Justice, en baillant caution de garantir le payement qui en sera fait. Voyez l'Ordonnance de 1673, tit. V. (G)


ADIRESS. m. pl. (Hist. nat.) on appelle en Espagne adires, une sorte de petits chiens de Barbarie, fins, rusés, mais voraces, qu'on prend dans les maisons, quand ils y sont jettés par la faim. Il y en a de Perse qui sont plus grands que ceux de Barbarie ; les chiens n'osent attaquer ceux-ci, ils sont pourtant presque de la même couleur les uns & les autres : les jardiniers de ces contrées disent qu'ils se mêlent avec les chiens ordinaires. Il est parlé dans d'autres Auteurs, sous le nom d'adire, d'un animal qu'on trouve en Afrique, de la grandeur du renard, & qui en a la finesse. Cette description & la précédente sont si différentes qu'on ne peut assûrer qu'elles soient l'une & l'autre du même animal.


ADITIONS. f. terme de Jurisprudence, qui ne s'emploie qu'avec le mot hérédité. Adition d'hérédité est la déclaration que fait l'héritier institué formellement ou tacitement, qu'il accepte l'hérédité qui lui est déférée. Dans le Droit Civil ce terme ne s'employoit qu'en parlant d'un héritier étranger appellé à la succession par le testament du défunt. Quand l'héritier naturel, ou héritier du sang acceptoit l'hérédité, cela s'apelloit s'immiscer, & l'acceptation immixtion. Mais nous ne faisons point cette distinction, & l'adition se prend en général pour l'acte par lequel l'héritier, soit naturel ou institué, prend qualité.

Un simple acte de l'héritier naturel ou institué, par lequel il s'est comporté comme héritier, opère l'adition d'hérédité, & lui ôte la faculté de renoncer ou de joüir du bénéfice d'inventaire. Voyez RENONCIATION, BENEFICE D'INVENTAIRE.


ADJou AGGA, (Géog. mod.) petite ville d'Afrique dans la Guinée, sur la côte de Fantin proche d'Anemabo.


ADJACENTadj. (Géom.) ce qui est immédiatement à côté d'un autre. On dit qu'un angle est adjacent à un autre angle, quand l'un est immédiatement contigu à l'autre ; de sorte que les deux angles ont un côté commun. On se sert même plus particulierement de ce mot, lorsque les deux angles ont nonseulement un côté commun, mais encore lorsque les deux autres côtés forment une même ligne droite. Voyez ANGLE & COTE.

Ce mot est composé de ad, à, & jacere, être situé,

ADJACENT, adj. m. On dit souvent en Physique. les corps adjacens à un autre corps, pour dire les corps voisins. (O)


ADJECTIFterme de Gramm. Adject. vient du latin adjectus, ajoûté, parce qu'en effet le nom adjectif est toûjours ajoûté à un nom substantif qui est ou exprimé ou sous-entendu. L'adjectif est un mot qui donne une qualification au substantif ; il en désigne la qualité ou maniere d'être. Or comme toute qualité suppose la substance dont elle est qualité, il est évident que tout adjectif suppose un substantif : car il faut être, pour être tel. Que si nous disons, le beau vous touche, le vrai doit être l'objet de nos recherches, le bon est préférable au beau, &c. il est évident que nous ne considérons même alors ces qualités qu'entant qu'elles sont attachées à quelque substance ou suppôt : le beau, c'est-à-dire, ce qui est beau ; le vrai, c'est-à-dire, ce qui est vrai, &c. En ces exemples, le beau, le vrai, &c. ne sont pas de purs adjectifs ; ce sont des adjectifs pris substantivement qui désignent un suppôt quelconque, entant qu'il est ou beau, ou vrai, ou bon, &c. Ces mots sont donc alors en même tems adjectifs & substantifs : ils sont substantifs, puisqu'ils désignent un suppôt, le... ils sont adjectifs, puisqu'ils désignent ce suppôt entant qu'il est tel.

Il y a autant de sortes d'adjectifs qu'il y a de sortes de qualités, de manieres & de relations que notre esprit peut considérer dans les objets.

Nous ne connoissons point les substances en elles-mêmes, nous ne les connoissons que par les impressions qu'elles font sur nos sens, & alors nous disons que les objets sont tels, selon le sens que ces impressions affectent. Si ce sont les yeux qui sont affectés, nous disons que l'objet est coloré, qu'il est ou blanc, ou noir, ou rouge, ou bleu, &c. Si c'est le goût, le corps est ou doux, ou amer ; ou aigre, ou fade, &c. Si c'est le tact, l'objet est ou rude, ou poli ; ou dur, ou mou ; gras, huileux, ou sec ; &c.

Ainsi ces mots blanc, noir, rouge, bleu, doux, amer, aigre, fade, &c. sont autant de qualifications que nous donnons aux objets, & sont par conséquent autant de noms adjectifs. Et parce que ce sont les impressions que les objets physiques font sur nos sens, qui nous font donner à ces objets les qualifications dont nous venons de parler, nous appellerons ces sortes d'adjectifs, adjectifs physiques.

Remarquez qu'il n'y a rien dans les objets qui soit semblable au sentiment qu'ils excitent en nous. Seulement les objets sont tels qu'ils excitent en nous telle sensation, ou tel sentiment, selon la disposition de nos organes, & selon les lois du méchanisme universel. Une aiguille est telle que si la pointe de cette aiguille est enfoncée dans ma peau, j'aurai un sentiment de douleur : mais ce sentiment ne sera qu'en moi, & nullement dans l'aiguille. On doit en dire autant de toutes les autres sensations.

Outre les adjectifs physiques il y a encore les adjectifs métaphysiques qui sont en très-grand nombre, & dont on pourroit faire autant de classes différentes qu'il y a de sortes de vûes sous lesquelles l'esprit peut considérer les êtres physiques & les êtres métaphysiques.

Comme nous sommes accoûtumés à qualifier les êtres physiques, en conséquence des impressions immédiates qu'ils font sur nous, nous qualifions aussi les êtres métaphysiques & abstraits, en conséquence de quelque considération de notre esprit à leur égard. Les adjectifs qui expriment ces sortes de vûes ou considérations, sont ceux que j'appelle adjectifs métaphysiques, ce qui s'entendra mieux par des exemples.

Supposons une allée d'arbres au milieu d'une vaste plaine : deux hommes arrivent à cette allée, l'un par un bout, l'autre par le bout opposé ; chacun de ces hommes regardant les arbres de cette allée dit, voilà le premier ; de sorte que l'arbre que chacun de ces hommes appelle le premier est le dernier par rapport à l'autre homme. Ainsi, premier, dernier, & les autres noms de nombre ordinal, ne sont que des adjectifs métaphysiques. Ce sont des adjectifs de relation & de rapport numéral.

Les noms de nombre cardinal, tels que deux, trois, &c. sont aussi des adjectifs métaphysiques qui qualifient une collection d'individus.

Mon, ma, ton, ta, son, sa, &c. sont aussi des adjectifs métaphysiques qui désignent un rapport d'appartenance ou de propriété, & non une qualité physique & permanente des objets.

Grand & petit sont encore des adjectifs métaphysiques ; car un corps, quel qu'il soit, n'est ni grand ni petit en lui-même ; il n'est appellé tel que par rapport à un autre corps. Ce à quoi nous avons donné le nom de grand a fait en nous une impression différente de celle que ce que nous appellons petit nous a faite ; c'est la perception de cette différence qui nous a donné lieu d'inventer les noms de grand, de petit, de moindre, &c.

Différent, pareil, semblable, sont aussi des adjectifs métaphysiques qui qualifient les noms substantifs en conséquence de certaines vûes particulieres de l'esprit. Différent qualifie un nom précisément entant que je sens que la chose n'a pas fait en moi des impressions pareilles à celles qu'un autre y a faites. Deux objets tels que j'apperçois que l'un n'est pas l'autre, font pourtant en moi des impressions pareilles en certains points : je dis qu'ils sont semblables en ces points là, parce que je me sens affecté à cet égard de la même maniere ; ainsi semblable est un adjectif métaphysique.

Je me promene tout autour de cette ville de guerre, que je vois enfermée dans ses remparts : j'apperçois cette campagne bornée d'un côté par une riviere & d'un autre par une forêt : je vois ce tableau enfermé dans son cadre, dont je puis même mesurer l'étendue & dont je vois les bornes : je mets sur ma table un livre, un écu ; je vois qu'ils n'occupent qu'une petite étendue de ma table ; que ma table même ne remplit qu'un petit espace de ma chambre, & que ma chambre est renfermée par des murailles : enfin tout corps me paroît borné par d'autres corps, & je vois une étendue au-delà. Je dis donc que ces corps sont bornés, terminés, finis ; ainsi borné, terminé, fini, ne supposent que des bornes & la connoissance d'une étendue ultérieure.

D'un autre côté, si je me mets à compter quelque nombre que ce puisse être, fût-ce le nombre des grains de sable de la mer & des feuilles de tous les arbres qui sont sur la surface de la terre, je trouve que je puis encore y ajoûter, tant qu'enfin, las de ces additions toûjours possibles, je dis que ce nombre est infini, c'est-à-dire, qu'il est tel, que je n'en apperçois pas les bornes, & que je puis toûjours en augmenter la somme totale. J'en dis autant de tout corps étendu, dont notre imagination peut toûjours écarter les bornes, & venir enfin à l'étendue infinie. Ainsi infini n'est qu'un adjectif métaphysique.

Parfait est encore un adjectif métaphysique. L'usage de la vie nous fait voir qu'il y a des êtres qui ont des avantages que d'autres n'ont pas : nous trouvons qu'à cet égard ceux-ci valent mieux que ceux-là. Les plantes, les fleurs, les arbres, valent mieux que les pierres. Les animaux ont encore des qualités préférables à celles des plantes, & l'homme a des connoissances qui l'élevent au-dessus des animaux. D'ailleurs ne sentons-nous pas tous les jours qu'il vaut mieux avoir que de n'avoir pas ? Si l'on nous montre deux portraits de la même personne, & qu'il y en ait un qui nous rappelle avec plus d'exactitude & de vérité l'image de cette personne, nous disons que le portrait est parlant, qu'il est parfait, c'est-à-dire qu'il est tel qu'il doit être.

Tout ce qui nous paroît tel que nous n'appercevons pas qu'il puisse avoir un degré de bonté & d'excellence au-delà, nous l'appellons parfait.

Ce qui est parfait par rapport à certaines personnes, ne l'est pas par rapport à d'autres, qui ont acquis des idées plus justes & plus étendues.

Nous acquérons ces idées insensiblement par l'usage de la vie ; car dès notre enfance, à mesure que nous vivons, nous appercevons des plus ou des moins, des bien & des mieux, des mal & des pis : mais dans ces premiers tems nous ne sommes pas en état de réfléchir sur la maniere dont ces idées se forment par degrés dans notre esprit ; & dans la suite, comme l'on trouve ces connoissances toutes formées, quelques Philosophes se sont imaginé qu'elles naissoient avec nous : ce qui veut dire qu'en venant au monde nous savons ce que c'est que l'infini, le beau, le parfait, &c. ce qui est également contraire à l'expérience & à la raison. Toutes ces idées abstraites supposent un grand nombre d'idées particulieres que ces mêmes Philosophes comptent parmi les idées acquises : par exemple, comment peut-on savoir qu'il faut rendre à chacun ce qui lui est dû, si l'on ne sait pas encore ce que c'est que rendre, ce que c'est que chacun & qu'il y a des biens & des choses particulieres, qui, en vertu des lois de la société, appartiennent aux uns plûtôt qu'aux autres ? Cependant sans ces connoissances particulieres, que ces Philosophes même comptent parmi les idées acquises, peut-on comprendre le principe général ?

Voici encore d'autres adjectifs métaphysiques qui demandent de l'attention.

Un nom est adjectif quand il qualifie un nom substantif : or qualifier un nom substantif, ce n'est pas seulement dire qu'il est rouge ou bleu, grand ou petit, c'est en fixer l'étendue, la valeur, l'acception, étendre cette acception ou la restraindre, ensorte pourtant que toûjours l'adjectif & le substantif, pris ensemble, ne présentent qu'un même objet à l'esprit ; au lieu que si je dis liber Petri, Petri fixe à la vérité l'étendue de la signification de liber : mais ces deux mots présentent à l'esprit deux objets différens, dont l'un n'est pas l'autre ; au contraire, quand je dis le beau livre, il n'y a là qu'un objet réel, mais dont j'énonce qu'il est beau. Ainsi tout mot qui fixe l'acception du substantif, qui en étend ou qui en restraint la valeur, & qui ne présente que le même objet à l'esprit, est un véritable adjectif. Ainsi nécessaire, accidentel, possible, impossible, tout, nul, quelque, aucun, chaque, tel, quel, certain, ce, cet, cette, mon, ma, ton, ta, vos, vôtre, nôtre, & même le, la, les, sont de véritables adjectifs métaphysiques puisqu'ils modifient des substantifs, & les font regarder sous des points de vûe particuliers. Tout homme présente homme dans un sens général affirmatif : nul homme l'annonce dans un sens général négatif : quelque homme présente un sens particulier indéterminé : son, sa, ses, vos, &c. font considérer le substantif sous un sens d'appartenance & de propriété ; car quand je dis meus ensis, meus est autant simple adjectif qu'Evandrius, dans ce vers de Virgile :

Nam tibi, Timbre, caput, Evandrius abstulit ensis.

Aen. Liv. X. v. 394.

meus marque l'appartenance par rapport à moi, & Evandrius la marque par rapport à Evandre.

Il faut ici observer que les mots changent de valeur selon les différentes vûes que l'usage leur donne à exprimer : boire, manger, sont des verbes ; mais quand on dit le boire, le manger, &c. alors boire & manger sont des noms. Aimer est un verbe actif : mais dans ce vers de l'opera d'Atys,

J'aime, c'est mon destin d'aimer toute ma vie.

aimer est pris dans un sens neutre. Mien, tien, sien, étoient autrefois adjectifs ; on disoit un sien frere, un mien ami : aujourd'hui, en ce sens, il n'y a que mon, ton, son, qui soient adjectifs ; mien, tien, sien, sont de vrais substantifs de la classe des pronoms, le mien, le tien, le sien. La Discorde, dit la Fontaine, vint,

Avec, Que si-que non, son frere ;

Avec, Le tien-le mien, son pere.

Nos, vos, sont toûjours adjectifs : mais vôtre, nôtre, sont souvent adjectifs, & souvent pronoms, le vôtre, le nôtre. Vous & les vôtres ; voilà le vôtre, voici le sien & le mien : ces pronoms indiquent alors des objets certains dont on a déja parlé. Voyez PRONOM.

Ces réflexions servent à décider si ces mots Pere, Roi, & autres semblables, sont adjectifs ou substantifs. Qualifient-ils ? ils sont adjectifs. Louis XV. est Roi, Roi qualifie Louis XV ; donc Roi est-là adjectif. Le Roi est à l'armée : le Roi désigne alors un individu : il est donc substantif. Ainsi ces mots sont pris tantôt adjectivement, tantôt substantivement ; cela dépend de leur service, c'est-à-dire de la valeur qu'on leur donne dans l'emploi qu'on en fait.

Il reste à parler de la syntaxe des adjectifs. Ce qu'on peut dire à ce sujet, se réduit à deux points.

1. La terminaison de l'adjectif. 2. La position de l'adjectif.

1°. A l'égard du premier point, il faut se rappeller ce principe dont nous avons parlé ci-dessus, que l'adjectif & le substantif mis ensemble en construction, ne présentent à l'esprit qu'un seul & même individu, ou physique, ou métaphysique. Ainsi l'adjectif n'étant réellement que le substantif même considéré avec la qualification que l'adjectif énonce, ils doivent avoir l'un & l'autre les mêmes signes des vûes particulieres sous lesquelles l'esprit considere la chose qualifiée. Parle-t-on d'un objet singulier ? l'adjectif doit avoir la terminaison destinée à marquer le singulier. Le substantif est-il de la classe des noms qu'on appelle masculin ? l'adjectif doit avoir le signe destiné à marquer les noms de cette classe. Enfin y a-t-il dans une Langue une maniere établie pour marquer les rapports ou points de vûe qu'on appelle cas ? l'adjectif doit encore se conformer ici au substantif : en un mot il doit énoncer les mêmes rapports, & se présenter sous les mêmes faces que le substantif, parce qu'il n'est qu'un avec lui. C'est ce que les Grammairiens appellent la concordance de l'adjectif avec le substantif, qui n'est fondée que sur l'identité physique de l'adjectif avec le substantif.

2°. A l'égard de la position de l'adjectif, c'est-à-dire, s'il faut le placer avant ou après le substantif, s'il doit être au commencement ou à la fin de la phrase, s'il peut être séparé du substantif par d'autres mots : je répons que dans les Langues qui ont des cas, c'est-à-dire, qui marquent par des terminaisons les rapports que les mots ont entre eux, la position n'est d'aucun usage pour faire connoître l'identité de l'adjectif avec son substantif : c'est l'ouvrage, ou plûtôt la destination de la terminaison, elle seule a ce privilége. Et dans ces Langues on consulte seulement l'oreille pour la position de l'adjectif, qui même peut être séparé de son substantif par d'autres mots.

Mais dans les Langues qui n'ont point de cas, comme le François, l'adjectif n'est pas séparé de son substantif. La position supplée au défaut des cas.

Parve, nec invideo, sine me, Liber, ibis in urbem.

Ovid. I. Trist. j. 1.

Mon petit livre, dit Ovide, tu iras donc à Rome sans moi ? Remarquez qu'en François l'adjectif est joint au substantif, mon petit livre ; au lieu qu'en Latin parve qui est l'adjectif de liber, en est séparé, même par plusieurs mots : mais parve a la terminaison convenable pour faire connoître qu'il est le qualificatif de liber.

Au reste, il ne faut pas croire que dans les Langues qui ont des cas, il soit nécessaire de séparer l'adjectif du substantif ; car d'un côté les terminaisons les rapprochent toûjours l'un de l'autre, & les présentent à l'esprit, selon la syntaxe des vûes de l'esprit qui ne peut jamais les séparer. D'ailleurs si l'harmonie ou le jeu de l'imagination les sépare quelquefois, souvent aussi elle les rapproche. Ovide, qui dans l'exemple ci-dessus sépare parve de liber, joint ailleurs ce même adjectif avec son substantif.

Tuque cadis, patriâ, parve Learche, manu.

Ovid. IV. Fast. v. 490.

En François l'adjectif n'est séparé du substantif que lorsque l'adjectif est attribut ; comme Louis est juste, Phébus est sourd, Pégase est rétif : & encore avec rendre, devenir, paroître, &c.

Un vers étoit trop foible, & vous le rendez dur.

J'évite d'être long, & je deviens obscur.

Despreaux, Art. Poët. c. j.

Dans les phrases, telles que celle qui suit, les adjectifs qui paroissent isolés, forment seuls par ellipse une proposition particuliere.

Heureux, qui peut voir du rivage

Le terrible Océan par les vents agité.

Il y a là deux propositions grammaticales : celui (qui peut voir du rivage le terrible Océan par les vents agité) est heureux, où vous voyez que heureux est l'attribut de la proposition principale.

Il n'est pas indifférent en François, selon la syntaxe élégante & d'usage d'énoncer le substantif avant l'adjectif ou l'adjectif avant le substantif. Il est vrai que pour faire entendre le sens, il est égal de dire bonnet blanc ou blanc bonnet : mais par rapport à l'élocution & à la syntaxe d'usage, on ne doit dire que bonnet blanc. Nous n'avons sur ce point d'autre regle que l'oreille exercée, c'est-à-dire accoûtumée au commerce des personnes de la nation qui font le bon usage. Ainsi je me contenterai de donner ici des exemples qui pourront servir de guide dans les occasions analogues. On dit habit rouge, ainsi dites habit bleu, habit gris, & non bleu habit, gris habit. On dit mon livre, ainsi dites ton livre, son livre, leur livre. Vous verrez dans la liste suivante zone torride, ainsi dites par analogie zone tempérée & zone glaciale ; ainsi des autres exemples.

LISTE DE PLUSIEURS ADJECTIFS qui ne vont qu'après leurs substantifs dans les exemples qu'on en donne ici.

Accent Gascon. Action basse. Air indolent. Air modeste. Ange gardien. Beauté parfaite. Beauté Romaine. Bien réel. Bonnet blanc. Cas direct. Cas oblique. Chapeau noir. Chemin raboteux. Chemise blanche. Contrat clandestin. Couleur jaune. Coûtume abusive. Diable boiteux. Dîme royale. Dîner propre. Discours concis. Empire Ottoman. Esprit invisible. Etat Ecclésiastique. Etoiles fixes. Expression littérale. Fables choisies. Figure ronde. Forme ovale. Ganif aiguisé. Gage touché. Génie supérieur. Gomme arabique. Grammaire raisonnée. Hommage rendu. Homme instruit. Homme juste. Isle deserte. Ivoire blanc. Ivoire jaune. Laine blanche. Lettre anonyme. Lieu inaccessible. Faites une ligne droite. Livres choisis. Mal nécessaire. Matiere combustible. Méthode latine. Mode françoise. Morue fraîche. Mot expressif. Musique Italienne. Nom substantif. Oraison dominicale. Oraison funebre. Oraison mentale. Péché mortel. Peine inutile. Pensée recherchée. Perle contrefaite. Perle orientale. Pié fourchu. Plans dessinés. Plants plantés. Point mathématique. Poisson salé. Politique angloise. Principe obscur. Qualité occulte. Qualité sensible. Question métaphysique. Raisins secs. Raison décisive. Raison péremptoire. Raisonnement recherché. Régime absolu. Les Sciences exactes. Sens figuré. Substantif masculin. Tableau original. Terme abstrait. Terme obscur. Terminaison féminine. Terre labourée. Terreur panique. Ton dur. Trait piquant. Urbanité romaine. Urne fatale. Usage abusif. Verbe actif. Verre concave. Verre convexe. Vers iambe. Viande tendre. Vin blanc. Vin cuit. Vin verd. Voix harmonieuse. Vûe courte. Vûe basse. Des yeux noirs. Des yeux fendus. Zone torride, &c.

Il y a au contraire des adjectifs qui précedent toûjours les substantifs qu'ils qualifient, comme

Certaines gens. Grand Général. Grand Capitaine. Mauvaise habitude. Brave Soldat. Belle situation. Juste défense. Beau jardin. Beau garçon. Bon ouvrier. Gros arbre. Saint Religieux. Sainte Thérese. Petit animal. Profond respect. Jeune homme. Vieux pécheur. Cher ami. Réduit à la derniere misere. Tiers-Ordre. Triple alliance, &c.

Je n'ai pas prétendu insérer dans ces listes tous les adjectifs qui se placent les uns devant les substantifs, & les autres après : j'ai voulu seulement faire voir que cette position n'étoit pas arbitraire.

Les adjectifs métaphysiques comme le, la, les, ce, cet, quelque, un tout, chaque, tel, quel, son, sa, ses, votre, nos, leur, se placent toûjours avant les substantifs qu'ils qualifient.

Les adjectifs de nombre précèdent aussi les substantifs appellatifs, & suivent les noms propres : le premier homme, François premier, quatre personnes, Henri quatre, pour quatrieme : mais en parlant du nombre de nos Rois, nous disons dans un sens appellatif, qu'il y a eu quatorze Louis, & que nous en sommes au quinzieme. On dit aussi, dans les citations, livre premier, chapitre second ; hors de là, on dit le premier livre, le second livre.

D'autres enfin se placent également bien devant ou après leurs substantifs, c'est un savant homme, c'est un homme savant ; c'est un habile avocat ou un avocat habile ; & encore mieux, c'est un homme fort savant, c'est un avocat fort habile : mais on ne dit point c'est un expérimenté avocat, au lieu qu'on dit, c'est un avocat expérimenté, ou fort expérimenté ; c'est un beau livre, c'est un livre fort beau ; ami véritable, véritable ami ; de tendres regards, des regards tendres : l'intelligence suprème, la suprème intelligence ; savoir profond, profond savoir ; affaire malheureuse, malheureuse affaire, &c.

Voilà des pratiques que le seul bon usage peut apprendre ; & ce sont-là de ces finesses qui nous échappent dans les langues mortes, & qui étoient sans doute très-sensibles à ceux qui parloient ces langues dans le tems qu'elles étoient vivantes.

La poësie, où les transpositions sont permises, & même où elles ont quelquefois des graces, a sur ce point plus de liberté que la prose.

Cette position de l'adjectif devant ou après le substantif est si peu indifférente, qu'elle change quelquefois entierement la valeur du substantif : en voici des exemples bien sensibles.

C'est une nouvelle certaine, c'est une chose certaine, c'est-à-dire, assûrée, véritable, constante. J'ai appris certaine nouvelle ou certaines choses ; alors certaine répond au quidam des Latins, & fait prendre le substantif dans un sens vague & indéterminé.

Un honnête-homme est un homme qui a des moeurs, de la probité & de la droiture. Un homme honnête est un homme poli, qui a envie de plaire : les honnêtes gens d'une ville, ce sont les personnes de la ville qui sont au-dessus du peuple, qui ont du bien, une réputation integre, une naissance honnête, & qui ont eu de l'éducation : ce sont ceux dont Horace dit, quibus est equus & pater & res.

Une sage-femme est une femme qui est appellée pour assister les femmes qui sont en travail d'enfant. Une femme sage est une femme qui a de la vertu & de la conduite.

Vrai a un sens différent, selon qu'il est placé, avant ou après un substantif : Gilles est un vrai charlatan, c'est-à-dire qu'il est réellement charlatan ; c'est un homme vrai, c'est-à-dire véridique ; c'est une nouvelle vraie, c'est-à-dire véritable.

Gentilhomme est un homme d'extraction noble ; un homme gentil, est un homme gai, vif, joli, mignon.

Petit-maître, n'est pas un maître petit ; c'est un pauvre homme, se dit par mépris d'un homme qui n'a pas une sorte de mérite, d'un homme qui néglige ou qui est incapable de faire ce qu'on attend de lui ; & ce pauvre homme peut être riche, au lieu qu'un homme pauvre est un homme sans bien.

Un homme galant n'est pas toûjours un galant-homme : le premier est un homme qui cherche à plaire aux dames, qui leur rend de petits soins ; au lieu qu'un galant-homme est un honnête-homme, qui n'a que des procédés simples.

Un homme plaisant est un homme enjoüé, folâtre, qui fait rire ; un plaisant homme se prend toûjours en mauvaise part ; c'est un homme ridicule, bizarre, singulier, digne de mépris. Une femme grosse, c'est une femme qui est enceinte. Une grosse femme est celle dont le corps occupe un grand volume, qui est grasse & replette. Il ne seroit pas difficile de trouver encore de pareils exemples.

A l’égard du genre, il faut observer qu’en Grec & en Latin, il y a des adjectifs qui ont au nominatif trois terminaisons, καλός, καλή, καλόν, bonus, bona, bonum ; d’autres n’ont que deux terminaisons dont la premiere sert pour le masculin & le féminin, & la seconde est consacrée au genre neutre, ὁ καὶ ἡ ἐυδαίμων heureux ; & en latin hic & hæc fortis & hoc forte, fort. Clenard & le commun des Grammairiens Grecs disent qu’il y a aussi en Grec des adjectifs qui n’ont qu’une terminaison pour les trois genres : mais la savante méthode Greque de P. R. assure que les Grecs n’ont point de ces adjectifs, liv. I. ch. ix. regle XIX. avertissement. Les Latins en ont un grand nombre, prudens, felix, ferax, tenax, &c.

En François nos adjectifs sont terminés : 1°. ou par un e muet, comme sage, fidele, utile, facile, habile, timide, riche, aimable, volage, troisieme, quatrieme, &c. alors l'adjectif sert également pour le masculin & pour le féminin ; un amant fidele, une femme fidele. Ceux qui écrivent fidel, util, font la même faute que s'ils écrivoient sag au lieu de sage, qui se dit également pour les deux genres.

2°. Si l'adjectif est terminé dans sa premiere dénomination par quelqu'autre lettre que par un e muet, alors cette premiere terminaison sert pour le genre masculin : pur, dur, brun, savant, fort, bon.

A l'égard du genre féminin, il faut distinguer : ou l'adjectif finit au masculin par une voyelle, ou il est terminé par une consonne.

Si l'adjectif masculin finit par toute autre voyelle que par un e muet, ajoûtez seulement l'e muet après cette voyelle, vous aurez la terminaison féminine de l'adjectif : sensé, sensée ; joli, jolie ; bourru, bourrue.

Si l'adjectif masculin finit par une consonne, détachez cette consonne de la lettre qui la précede, & ajoûtez un e muet à cette consonne détachée, vous aurez la terminaison féminine de l'adjectif : pur, pure ; saint, sain-te ; sain, sai-ne ; grand, gran-de ; sot, so-te ; bon, bo-ne.

Je sai bien que les Maîtres à écrire, pour multiplier les jambages dont la suite rend l'écriture plus unie & plus agréable à la vûe, ont introduit une seconde n dans bo-ne, comme ils ont introduit une m dans ho-me : ainsi on écrit communément bonne, homme, honneur, &c. mais ces lettres redoublées sont contraires à l'analogie, & ne servent qu'à multiplier les difficultés pour les étrangers & pour les gens qui apprennent à lire.

Il y a quelques adjectifs qui s'écartent de la regle : en voici le détail.

On disoit autrefois au masculin bel, nouvel, sol, mol, & au féminin selon la regle, belle, nouvelle, folle, molle ; ces féminins se sont conservés : mais les masculins ne sont en usage que devant une voyelle ; un bel homme, un nouvel amant, un fol amour : ainsi beau, nouveau, fou, mou, ne forment point de féminin : mais Espagnol est en usage, d'où vient Espagnole ; selon la regle générale, blanc fait blanche ; franc, franche ; long fait longue ; ce qui fait voir que le g de long est le g fort que les Modernes appellent gue ; il est bon dans ces occasions d'avoir recours à l'analogie qu'il y a entre l'adjectif & le substantif abstrait : par exemple, longueur, long, longue ; douceur, doux, douce ; jalousie, jaloux, jalouse ; fraîcheur, frais, fraîche ; sécheresse, sec, seche.

Le f & le v sont au fond la même lettre divisée en forte & en foible ; le f est la forte, & le v est la foible : de-là naïf, naïve ; abusif, abusive ; chétif, chétive ; défensif, défensive ; passif, passive ; négatif, négative ; purgatif, purgative, &c.

On dit mon, ma ; ton, ta ; son, sa : mais devant une voyelle on dit également au féminin mon, ton, son ; mon ame, ton ardeur, son épée : ce que le méchanisme des organes de la parole a introduit pour éviter le bâillement qui se feroit à la rencontre des deux voyelles, ma ame, ta épée, sa épouse ; en ces occasions, son, ton, mon, sont féminins, de la même maniere que mes, tes, ses, les, le sont au plurier, quand on dit, mes filles, les femmes, &c.

Nous avons dit que l'adjectif doit avoir la terminaison qui convient au genre que l'usage a donné au substantif : sur quoi on doit faire une remarque singuliere, sur le mot gens ; on donne la terminaison féminine à l'adjectif qui précede ce mot, & la masculine à celle qui le suit, fût-ce dans la même phrase : il y a de certaines gens qui sont bien sots.

A l'égard de la formation du plurier, nos anciens Grammairiens disent qu'ajoûtant s au singulier, nous formons le plurier, bon, bons. (Acheminement à la Langue Françoise par Jean Masset.) Le même auteur observe que les noms de nombre qui marquent pluralité, tels que quatre, cinq, six, sept, &c. ne reçoivent point s, excepté vingt & cent, qui ont un plurier : quatre-vingts ans, quatre cens hommes.

Telle est aussi la regle de nos Modernes : ainsi on écrit au singulier bon, & au plurier bons ; fort au singulier, forts au plurier ; par conséquent puisqu'on écrit au singulier gâté, gâtée, on doit crire au plurier gâtés, gâtées, ajoûtant simplement l's au plurier masculin, comme on l'ajoûte au féminin. Cela me paroît plus analogue que d'ôter l'accent aigu au masculin, & ajoûter un z, gâtez : je ne vois pas que le z ait plûtôt que l's le privilége de marquer que l'e qui le précede est un e fermé : pour moi je ne fais usage du z après l'e fermé, que pour la seconde personne plurielle du verbe, vous aimez, ce qui distingue le verbe du participe & de l'adjectif ; vous êtes aimés, les perdreaux sont gâtés, vous gâtez ce Livre.

Les adjectifs terminés au singulier par une s, servent aux deux nombres : il est gros & gras ; ils sont gros & gras.

Il y a quelques adjectifs qu'il a plû aux Maîtres à écrire de terminer par un x au lieu de s, qui finissant en-dedans ne donnent pas à la main la liberté de faire de ces figures inutiles qu'ils appellent traits ; il faut regarder cet x comme une véritable s ; ainsi on dit : il est jaloux, & ils sont jaloux ; il est doux, & ils sont doux ; l'époux, les époux, &c. L'l final se change en aux, qu'on feroit mieux d'écrire aus : égal, égaus ; verbal, verbaus ; féodal, féodaus ; nuptial, nuptiaus, &c.

A l'égard des adjectifs qui finissent par ent ou ant au singulier, on forme leur plurier en ajoûtant s, selon la regle générale, & alors on peut laisser ou rejetter le t : cependant lorsque le t sert au féminin, l'analogie demande qu'on le garde : excellent, excellente ; excellents, excellentes.

Outre le genre, le nombre, & le cas, dont nous venons de parler, les adjectifs sont encore sujets à un autre accident, qu'on appelle les degrés de comparaison, & qu'on devroit plûtôt appeller degrés de qualification, car la qualification est susceptible de plus & de moins : bon, meilleur, excellent ; savant, plus savant, très-savant. Le premier de ces degrés est appellé positif, le second comparatif, & le troisieme superlatif : nous en parlerons en leur lieu.

Il ne sera pas inutile d'ajoûter ici deux observations : la premiere, c'est que les adjectifs se prennent souvent adverbialement. Facile & difficile, dit Donat, quae adverbia ponuntur, nomina potiùs dicenda sunt, pro adverbiis posita : ut est, torvùm clamat ; horrendùm resonat : & dans Horace, turbidùm laetatur (Liv. II. Od. xjx. v. 6.) ; se réjoüit tumultueusement, ressent les saillies d'une joie agitée & confuse : perfidùm ridens Venus (Liv. III. xxvij. v. 67.) ; Venus avec un soûrire malin. Et même primò, secundò, tertiò, postremò, serò, optatò, ne sont que des adjectifs pris adverbialement. Il est vrai qu'au fond l'adjectif conserve toûjours sa nature, & qu'en ces occasions même il faut toûjours sousentendre une préposition & un nom substantif, à quoi tout adverbe est réductible : ainsi, turbidùm laetatur, id est, laetatur juxta negotium ou modum turbidum : primò, secundò, id est, in primo vel secundo loco ; optato advenis, id est, in tempore optato, &c.

A l'imitation de cette façon de parler latine, nos adjectifs sont souvent pris adverbialement ; parler haut, parler bas, sentir mauvais, voir clair, chanter faux, chanter juste, &c. on peut en ces occasions sousentendre une préposition & un nom substantif : parler d'un ton haut, sentir un mauvais goût, voir d'un oeil clair, chanter d'un ton faux : mais quand il seroit vrai qu'on ne pourroit point trouver de nom substantif convenable & usité, la façon de parler n'en seroit pas moins elliptique ; on y sousentendroit l'idée de chose ou d'être, dans un sens neutre. V. ELLIPSE.

La seconde remarque, c'est qu'il ne faut pas confondre l'adjectif avec le nom substantif qui énonce une qualité, comme blancheur, étendue ; l'adjectif qualifie un substantif ; c'est le substantif même considéré comme étant tel, Magistrat équitable ; ainsi l'adjectif n'existe dans le discours que relativement au substantif qui en est le suppôt, & auquel il se rapporte par l'identité, au lieu que le substantif qui exprime une qualité, est un terme abstrait & métaphysique, qui énonce un concept particulier de l'esprit, qui considere la qualité indépendamment de toute application particuliere, & comme si le mot étoit le nom d'un être réel & subsistant par lui-même : tels sont couleur, étendue, équité, &c. ce sont des noms substantifs par imitation. Voyez ABSTRACTION.

Au reste les adjectifs sont d'un grand usage, surtout en Poësie, où ils servent à faire des images & à donner de l'énergie : mais il faut toûjours que l'Orateur ou le Poëte ayent l'art d'en user à propos, & que l'adjectif n'ajoûte jamais au substantif une idée accessoire, inutile, vaine, ou déplacée. (F)

ADJECTIFS, (Logique.) Les adjectifs étant destinés par leur nature à qualifier les dénominations, on en peut distinguer principalement de quatre sortes ; savoir les nominaux, les verbaux, les numéraux, & les pronominaux.

Les adjectifs nominaux sont ceux qui qualifient par un attribut d'espece, c'est-à-dire par une qualité inhérente & permanente, soit qu'elle naisse de la nature de la chose, de sa forme, de sa situation ou de son état ; tels que bon, noir, simple, beau, rond, externe, autre, pareil, semblable.

Les adjectifs verbaux qualifient par un attribut d'évenement, c'est-à-dire par une qualité accidentelle & survenue, qui paroît être l'effet d'une action qui se passe ou qui s'est passée dans la chose ; tels sont rampant, dominant, liant, caressant, bonifié, simplifié, noirci, embelli. Ils tirent leur origine des verbes, les uns du gérondif, & les autres du participe : mais il ne faut pas les confondre avec les participes & les gérondifs dont ils sont tirés. Ce qui constitue la nature des adjectifs, c'est de qualifier les dénominations ; au lieu que celle des participes & des gérondifs consiste dans une certaine maniere de représenter l'action & l'évenement. Par conséquent lorsqu'on voit le mot qui est participe, être dans une autre occasion simplement employé à qualifier, il faut conclure que c'est ou par transport de service, ou par voie de formation & de dérivation, dont les Langues se servent pour tirer d'une espece les mots dont elles ont besoin dans une autre où elles les placent, & dès-lors en établissent la différence. Au reste il n'importe pas que dans la maniere de les tirer de leur source, il n'y ait aucun changement quant au matériel : les mots formés n'en seront pas moins distingués de ceux à qui ils doivent leur origine. Ces différences vont devenir sensibles dans les exemples que je vais citer.

Un esprit rampant ne parvient jamais au sublime. Tels vont rampant devant les Grands pour devenir insolens avec leurs égaux. Une personne obligeante se fait aimer de tous ceux qui la connoissent. Cette dame est bonne, obligeant toûjours quand elle le peut. L'ame n'a guere de vigueur dans un corps fatigué. Il est juste de se reposer après avoir fatigué.

Qui ne voit que rampant dans le premier exemple est une simple qualification, & que dans le second il représente une action ? Je dis la même chose des mots obligeante & obligeant, & de ceux-ci, un corps fatigué, & avoir fatigué.

Les adjectifs numéraux sont, comme leur nom le déclare, ceux qui qualifient par un attribut d'ordre numéral, tels que premier, dernier, second, deuxieme, troisieme, cinquieme.

Les adjectifs pronominaux qualifient par un attribut de désignation individuelle, c'est-à-dire par une qualité qui ne tenant ni de l'espece ni de l'action, ni de l'arrangement, n'est qu'une pure indication de certains individus ; ces adjectifs sont, ou une qualification de rapport personnel, comme mon, ma, ton, notre, votre, son, leur, mien, tien, sien ; ou une qualification de quotité vague & non déterminée, tels que quelque, un, plusieurs, tout, nul, aucun ; ou enfin une qualification de simple présentation, comme les suivans, ce, cet, chaque, quel, tel, certain.

La qualification exprimée par les adjectifs est susceptible de divers degrs : c'est ce que l'art nomme degrés de comparaison, qu'il a réduits à trois, sous les noms de positif, comparatif, & superlatif.

Le positif consiste dans la simple qualification faite sans aucun rapport au plus ni au moins. Le comparatif est une qualification faite en augmentation ou en diminution, relativement à un autre degré de la même qualité. Le superlatif qualifie dans le plus haut degré, c'est-à-dire dans celui qui est au-dessus de tous ; au lieu que le comparatif n'est supérieur qu'à un des degrés de la qualité : celui-ci n'exprime qu'une comparaison particuliere ; & l'autre en exprime une universelle.

Les adjectifs verbaux & nominaux sont aussi appellés concrets. Voyez ces termes. (X)


ADJOINDREv. act. (Jurisprudence.) c'est donner à quelqu'un un collegue, lui associer un second. Voyez ADJOINT. (H)


ADJOINTterme de Grammaire. Les Grammairiens qui font la construction des mots de la phrase, relativement au rapport que les mots ont entr'eux dans la proposition que ces mots forment, appellent adjoint ou adjoints les mots ajoûtés à la proposition, & qui n'entrent pas dans la composition de la proposition : par exemple, les interjections hélas, ha ! & les vocatifs.

Hélas, petits moutons, que vous êtes heureux !

Que vous êtes heureux sont les mots qui forment le sens de la proposition ; que y entre comme adverbe de quantité, de maniere, & d'admiration ; quantum, combien, à quel point. Vous est le sujet, êtes heureux est l'attribut, dont êtes est le verbe, c'est-à-dire le mot qui marque que c'est de vous que l'on dit êtes heureux ; & heureux marque ce que l'on dit que vous êtes, & se rapporte à vous par un rapport d'identité. Voilà la proposition complete . Hélas & petits moutons ne sont que des adjoints. V. SUJET, ATTRIBUT. (F)

ADJOINTS, adj. (Belles-Lettres.) sont au nombre de sept, qu'on appelle aussi circonstances, exprimées par ce vers :

Quis, quid, ubi, quibus auxiliis, cur, quomodo, quando.

Les argumens qui se tirent des adjoints, sont des adminicules des preuves qui naissent des circonstances particulieres du fait. Voyez PREUVE & CIRCONSTANCE.

En Rhétorique, les adjoints, adjuncta, forment un lieu commun d'où l'on tire des argumens pour ou contre presque dans toutes les matieres, parce qu'il en est peu qui ne soient accompagnées de circonstances favorables ou défavorables ; la chose est si claire, qu'il seroit inutile d'en donner des exemples. (G)

ADJOINT, adj. pris subst. On appelle ainsi une sorte d'associé, de collegue ou de coadjuteur qu'on donne à quelqu'un qui est en place, ou pour le soulager dans ses fonctions, ou pour rendre compte de sa vigilance & de sa fidélité.

Quelques-uns prononcent & écrivent ajoints : mais ils prononcent & écrivent mal. (H)

ADJOINT de l'Académie des Sciences. Voyez ACADEMIE.

ADJOINT, Officier de la Librairie ; c'est un Libraire élû à la pluralité des voix dans l'assemblée générale des anciens, & de seize mandés dans le nombre des modernes, qui sont ceux qui ont au moins dix ans de réception ; préposé conjointement avec le syndic pour régir les affaires de la Communauté, & veiller à l'observation des réglemens donnés par nos Rois sur le fait de la Librairie & de l'Imprimerie. Il y en a quatre qui avec le syndic forment ce qu'on appelle les Officiers de la Librairie.

Leurs principales fonctions sont de visiter en la Chambre Syndicale de la Librairie les livres qui arrivent à Paris, soit des provinces du royaume, soit des pays étrangers ; de faire des visites chez les Libraires & chez les Imprimeurs, pour voir s'il ne s'y passe rien contre le bon ordre ; & dans le cas de contravention, en rendre compte à M. le Chancelier. Ils sont encore chargés de faire la visite des bibliotheques ou cabinets de livres à vendre, afin de veiller à ce qu'il ne se débite par aucunes voies des livres proscrits, & délivrent un certificat sur lequel le Lieutenant de Police accorde la permission de vendre & d'afficher la vente. Voyez SYNDIC, CHAMBRE SYNDICALE.


ADJONCTIONS. f. terme de style du Palais, qu'on employe dans les plaintes en matiere criminelle, où l'on demande l'intervention ou adjonction de M. le Procureur Général, ou de son Substitut, ou du Procureur fiscal, si la plainte n'est point portée devant une Justice royale. Or demander l'adjonction du ministere public, c'est demander qu'il se porte accusateur, & poursuivre l'accusé en son nom concurremment avec la partie civile. (H)


ADJOURNEMENTS. m. (Jurisprud.) est une assignation à comparoître à certain jour nommé pour procéder par-devant une Cour de Justice ou un Juge aux fins & conclusions de l'exploit d'assignation, c'est-à-dire les contester ou y déférer Voyez ASSIGNATION.

Menage dérive ce mot de adjurnare, comme qui diroit diem dicere, qu'on trouve en ce sens dans les capitulaires.

L'adjournement en Cour ecclésiastique s'appelle citation.

L'assignation n'emporte pas toûjours adjournement ; par exemple, les témoins qu'on assigne à venir déposer ne sont pas adjournés : l'assignation n'emporte adjournement que quand la partie est assignée à comparoître en Justice.

Les adjournemens doivent être libellés, c'est-à-dire contenir les conclusions & les moyens de la demande. Voyez LIBELLE.

Les adjournemens par-devant les Juges inférieurs se donnent sans commissions : secùs ès Cours supérieures : par exemple, on ne peut donner adjournement aux Requêtes de l'Hôtel ou du Palais, qu'en vertu de lettres de committimus dont sera laissé copie avec l'exploit, si ce n'est qu'il y eût déjà instance liée ou retenue en cette Cour, auquel cas il ne seroit pas besoin de lettres : on ne le peut non plus ès Cours supérieures, telles que le Parlement, ou autres, qu'en vertu de Lettres de Chancellerie, Commission particuliere, ou Arrêt : on ne le peut non plus au Conseil, ni même aux Requêtes de l'Hôtel, lorsqu'il s'agit de juger au Souverain, qu'en vertu d'Arrêt du Conseil ou Commission du Grand Sceau.

Les exploits d'adjournement doivent contenir le nom du Procureur du demandeur en tous siéges & matieres où le ministere des Procureurs est nécessaire. Voyez le titre II. de l'Ordonnance de 1667.

L'adjournement personnel est une assignation en matiere criminelle, par laquelle l'accusé est sommé de comparoître en personne. Il se décerne contre l'accusé, lorsque le crime n'est pas capital, & qu'il n'échet point de peine afflictive, ni même infamante ; ou contre une partie assignée simplement pour être oüie, laquelle a négligé de comparoître. Il emporte interdiction contre un Officier de judicature. Voyez DECRET.

Un adjournement à trois briefs jours est une sommation faite à cri public au son de trompe, après qu'on a fait perquisition de la personne de l'accusé, à ce qu'il ait à comparoître dans les trois jours en Justice, à faute de quoi on lui fera son procès comme contumax.

ADJOURNEMENT se dit en Angleterre d'une espece de prorogation, par laquelle on remet la séance du Parlement à un autre tems, toutes choses demeurant en état. Voyez PROROGATION. (H)


ADJUDICATAIRES. m. terme de Palais, est celui au profit de qui est faite une adjudication. Voyez ADJUDICATION & ADJUGER.


ADJUDICATIFadj. terme de Palais, qui se dit d'un Arrêt ou d'une Sentence qui porte adjudication au profit du plus offrant, d'un bien vendu par autorité de Justice, ou qui défere au moins demandant une entreprise de travaux ordonnés judiciairement. Voyez ADJUDICATION & ADJUGER.


ADJUDICATIONS. f. (Jurisprud.) est l'action d'adjuger. Voyez ADJUGER.

L'effet de l'adjudication par decret est de purger les dettes & les hypotheques dont étoit affectée la chose vendue : elle ne purge pas cependant le doüaire lorsqu'il n'est point ouvert. Pour entendre ce que signifient ces expressions, purger le doüaire, les dettes, les hypotheques. Voyez au mot PURGER. (H)


ADJUGERv. a. (Jurisprud.) c'est juger en faveur de quelqu'un, conformément à ses prétentions. Il signifie aussi donner la préférence dans une vente publique au plus offrant & dernier enchérisseur ; & dans une proclamation d'ouvrages ou entreprises au rabais, à celui qui demande moins. (H)


ADJURATIONS. f. (Théol.) commandement ou injonction qu'on fait au démon de la part de Dieu, de sortir du corps d'un possédé, ou de déclarer quelque chose.

Ce mot est dérivé du Latin adjurare, conjurer, solliciter avec instance ; & l'on a ainsi nommé ces formules d'exorcisme, parce qu'elles sont presque toutes conçues en ces termes : adjuro te, spiritus immunde, per Deum vivum, ut, &c. Voyez EXORCISME, POSSESSION, &c. (G)


ADJUTORIUMS. est le nom qu'on donne en Anatomie, à l'os du bras, ou à l'humerus. Voyez HUMERUS. (L)


ADMETES. f. (Myth.) une des Nymphes Océanides.


ADMETTRERECEVOIR. On admet quelqu'un dans une société particuliere ; on le reçoit à une charge, dans une Académie : il suffit pour être admis d'avoir l'entrée libre ; il faut pour être reçû du cérémonial. Le premier est une faveur accordée par les personnes qui composent la société, en conséquence de ce qu'elles vous jugent propre à participer à leurs desseins, à goûter leurs occupations, & à augmenter leur amusement ou leur plaisir. Le second est une opération par laquelle on acheve de vous donner une entiere possession, & de vous installer dans la place que vous devez occuper en conséquence d'un droit acquis, soit par bienfait, soit par élection, soit par stipulation.

Ces deux mots ont encore dans un usage plus ordinaire, une idée commune qui les rend synonymes. Il ne faut pas alors chercher de différence entr'eux, qu'en ce qu'admettre semble supposer un objet plus intime & plus de choix ; & que recevoir paroît exprimer quelque chose de plus extérieur & de moins libre. C'est par cette raison qu'on pourroit dire que l'on est admis à l'Académie Françoise, & qu'on est reçû dans les autres Académies. On admet dans sa familiarité & dans sa confidence ceux qu'on en juge dignes ; on reçoit dans les maisons & dans les cercles ceux qu'on y présente ; où l'on voit que recevoir dans ce sens n'emporte pas une idée de précaution qui est attachée à admettre. Le Ministre étranger est admis à l'audience du Prince, & le Seigneur qui voyage est reçû à sa Cour.

Mieux l'on veut que les sociétés soient composées, plus l'on doit être attentif à en bannir les esprits aigres, inquiets, & turbulens, quelque mérite qu'ils ayent d'ailleurs ; à n'y admettre que des gens d'un caractere doux & liant. Quoique la probité & la sagesse fassent estimer, elles ne font pas recevoir dans le monde ; c'est la prérogative des talens aimables & de l'esprit d'agrément.


ADMINICULES. m. en Droit, est ce qui forme un commencement de preuve, ou une preuve imparfaite ; une circonstance ou une conjecture qui tend à former ou à fortifier une preuve.

Ce mot vient du Latin adminiculum, qui signifie appui, échalas.

Les Antiquaires se servent du mot adminicules, pour signifier les attributs ou ornemens avec lesquels Junon est représentée sur les médailles. Voyez ATTRIBUT & SYMBOLE (H)


ADMINISTRATEURS. m. (Jurisprud.) est celui qui régit un bien comme un tuteur, curateur, exécuteur testamentaire. Voyez ADMINISTRATION, EXECUTEUR TESTAMENTAIRE. Les peres sont les administrateurs nés de leurs enfans.

On appelle singulierement administrateurs, ceux qui régissent les biens des Hôpitaux. Voyez HOPITAL.

Si une femme est chargée d'une administration, on l'appelle administratrice, & elle est obligée à rendre compte comme le feroit l'administrateur. (H)


ADMINISTRATIONS. f. (Jurisprud.) est la gestion des affaires de quelque particulier ou communauté, ou la régie d'un bien. Voyez GOUVERNEMENT, REGIE.

Les Princes indolens confient l'administration des affaires publiques à leurs Ministres. Les guerres civiles ont ordinairement pour prétexte la mauvaise administration, ou les abus commis dans l'exercice de la Justice, &c.

Administration se dit singulierement de la direction des biens d'un mineur, ou d'un interdit pour fureur, imbécilité, ou autre cause, & de ceux d'un Hôpital ; par un tuteur, un curateur, ou un administrateur. V. MINEUR, PUPILLE, TUTEUR, CURATEUR, ADMINISTRATEUR, &c.

Administration se dit aussi des fonctions ecclésiastiques. C'est au Curé qu'appartient exclusivement à tout autre, l'administration des Sacremens dans sa Paroisse. Voyez CURE, PAROISSE, &c. On doit refuser l'administration des Sacremens aux excommuniés. Voyez EXCOMMUNICATION.

En matiere bénéficiale, on distingue deux sortes d'administration, l'une au temporel, & l'autre au spirituel. Celle-ci consiste dans le pouvoir d'excommunier, de corriger, de conférer les bénéfices : l'autre dans l'exercice des droits & prérogatives attachées au bénéfice. Voyez TEMPORALITE.

Administration s'employe aussi au Palais comme synonyme à fournissement : ainsi l'on dit administrer des témoins, des moyens, des titres, des preuves. (H)


ADMIRABLEadject. (Medecine.) épithete que des Chimistes ont donnée, par hyperbole, à quelques-unes de leurs compositions ; tel est le sel admirable de Glauber. On l'a appliquée généralement à toutes les pierres factices & medicinales : en voici une dont M. Lemeri donne la description à cause de ses grandes qualités.

Pulvérisez, mêlez ensemble du vitriol blanc, 18 onces ; du sucre fin, du salpetre, de chacun 9 onces ; de l'alun, 2 onces ; du sel ammoniac, 8 gros ; du camphre, 2 onces. Mettez le mêlange dans un pot de terre vernissé ; humectez-le en consistance de miel avec de l'huile d'olive ; puis mettez sur un petit feu, faites dessécher doucement la matiere jusqu'à ce qu'elle ait pris la dureté d'une pierre ; gardez-la couverte, car elle s'humecte aisément.

On observera de modérer le feu dans cette opération, à cause de la volatilité du camphre : mais quelque soin que l'on y apporte, il s'en dissipe toûjours une grande quantité. On en ajoûtera à cause de cela quelques grains dans la pierre, lorsqu'on s'en servira.

Cette pierre est détersive, vulnéraire, astringente ; elle résiste à la gangrene, arrête le sang, étant appliquée seche ou dissoute : on l'employe dans les cataractes en collyre, contre les ulceres scorbutiques. On ne s'en sert qu'à l'extérieur. (N)


ADMIRATIFadj. m. (Gramm.) comme quand on dit un ton admiratif, un geste admiratif ; c'est-à-dire un ton, un geste, qui marque de la surprise, de l'admiration ou une exclamation. En terme de Grammaire, on dit un point admiratif, on dit aussi un point d'admiration. Quelques-uns disent un point exclamatif ; ce point se marque ainsi !. Les Imprimeurs l'appellent simplement admiratif, & alors ce mot est substantif masculin, ou adjectif pris substantivement, en sousentendant point.

On met le point admiratif après le dernier mot de la phrase qui exprime l'admiration : Que je suis à plaindre ! Mais si la phrase commence par une interjection, ah, ou ha, hélas, quelle doit être alors la ponctuation ? Communément on met le point admiratif d'abord après l'interjection : Hélas ! petits moutons, que vous êtes heureux. Ha ! mon Dieu, que je souffre : mais comme le sens admiratif ou exclamatif ne finit qu'avec la phrase, je ne voudrois mettre le point admiratif qu'après tous les mots qui énoncent l'admiration. Hélas, petits moutons, que vous êtes heureux ! Ha, mon Dieu, que je souffre ! Voyez PONCTUATION. (F)


ADMIRATIONS. f. (Morale.) c'est ce sentiment qu'excite en nous la présence d'un objet, quel qu'il soit, intellectuel ou physique, auquel nous attachons quelque perfection. Si l'objet est vraiment beau, l'admiration dure ; si la beauté n'étoit qu'apparente, l'admiration s'évanoüit par la réflexion ; si l'objet est tel, que plus nous l'examinons, plus nous y découvrons de perfections, l'admiration augmente. Nous n'admirons guere que ce qui est au-dessus de nos forces ou de nos connoissances. Ainsi l'admiration est fille tantôt de notre ignorance, tantôt de notre incapacité : ces principes sont si vrais, que ce qui est admirable pour l'un, n'attire seulement pas l'attention d'un autre. Il ne faut pas confondre la surprise avec l'admiration. Une chose laide ou belle, pourvu qu'elle ne soit pas ordinaire dans son genre, nous cause de la surprise ; mais il n'est donné qu'aux belles de produire en nous la surprise & l'admiration : ces deux sentimens peuvent aller ensemble & séparément. Saint-Evremont dit que l'admiration est la marque d'un petit esprit : cette pensée est fausse ; il eût fallu dire, pour la rendre juste, que l'admiration d'une chose commune est la marque de peu d'esprit : mais il y a des occasions où l'étendue de l'admiration est, pour ainsi dire, la mesure de la beauté de l'ame & de la grandeur de l'esprit. Plus un être créé & pensant voit loin dans la nature, plus il a de discernement, & plus il admire. Au reste il faut un peu être en garde contre ce premier mouvement de notre ame à la présence des objets, & ne s'y livrer que quand on est assûré par ses connoissances, & surtout par des modeles auxquels on puisse rapporter l'objet qui nous est présent. Il faut que ces modeles soient d'une beauté universellement convenue. Il y a des esprits qu'il est extrèmement difficile d'étonner ; ce sont ceux que la Métaphysique a élevés audessus des choses faites ; qui rapportent tout ce qu'ils voyent, entendent, &c. au possible, & qui ont en eux-mêmes un modele idéal au-dessous duquel les êtres créés restent toûjours.


ADMISSIBLEadj. (en Droit.) qui mérite l'admission. Voyez ci-dessous ADMISSION.


ADMISSIONS. f. (Jurisprud.) action par laquelle quelqu'un est admis à une place ou dignité.

Ce terme se dit spécialement de la réception aux Ordres, ou à quelque degré dans une Faculté ; & le billet des Examinateurs en faveur du Candidat, s'appelle admittatur, parce que l'admission est exprimée par ce terme latin. Voyez CANDIDAT.

ADMISSION se dit aussi au Palais, des preuves & des moyens, qui sont reçûs comme concluans & pertinens. (H)


ADMITTATURterme latin, s. m. (Hist. mod.) billet qu'on accorde après les examens ordonnés à ceux qui se présentent aux Ordres, à certaines dignités, aux degrés d'une Faculté, &c. lorsqu'ils ont été trouvés dignes d'y être admis.


ADMODIATEUou AMODIATEUR, s. m. (Jurisprud.) Fermier qui tient un bien à titre d'admodiation. Voyez ci-dessous ADMODIATION.


ADMODIATIOou AMODIATION, s. f. (Jurisprud.) terme de Coûtumes, usité en quelques Provinces pour signifier un bail, dont le prix se paye en fruits par le Fermier, lequel en retient moitié, ou plus ou moins, pour son exploitation. Amodiation est aussi synonyme en quelques endroits à bail à ferme, & se dit du bail même, dont le prix se paye en argent.


ADMONESTERv. a. terme de Palais, c'est faire une legere correction verbale en matiere de délit. Voyez ADMONITION.


ADMONITIONS. f. terme de Palais, est une remontrance que fait le Juge en matiere de délit au délinquant, à qui il remontre sa faute, & l'avertit d'être plus circonspect à l'avenir.

L'admonition est moindre que le blâme, & n'est pas flétrissante, si ce n'est qu'elle soit suivie d'amende ; elle se joint le plus ordinairement avec l'aumône, & se fait à huis clos.

Le terme d'admonition s'employe aussi en matiere ecclésiastique, & alors il est synonyme à monition. Voyez ce dernier. (H)


ADNATAadj. f. pris subst. en Anatomie, est une membrane épaisse & blanche, qui enveloppe le globe de l'oeil, & qui en forme la tunique externe. On l'appelle en françois conjonctive. Voyez TUNIQUE & CONJONCTIVE. (L)


ADODS. (Myth.) nom que les Phéniciens donnoient au Maître des Dieux.


ADOLESCENCES. f. (Physiolog.) est le tems de l'accroissement dans la jeunesse, ou l'âge qui suit l'enfance, & qui se termine à celui où un homme est formé. Voyez ACCROISSEMENT & AGE. Ce mot vient du latin adolescere, croître.

L'état d'adolescence dure tant que les fibres continuent de croître & d'acquérir de la consistance. Voy. FIBRE.

Ce tems se compte ordinairement depuis quatorze ou quinze ans jusqu'à vingt-cinq, quoique, selon les différentes constitutions, il puisse durer plus ou moins.

Les Romains l'appliquoient indistinctement aux garçons & aux filles, & le comptoient depuis douze ans jusqu'à vingt-cinq pour les uns, & depuis douze jusqu'à vingt-un pour les autres. Voyez PUBERTE, &c.

Souvent même leurs écrivains employoient indifféremment les termes de juvenis & adolescens pour toutes sortes de personnes en-deçà de quarante-cinq ans.

Lorsque les fibres sont arrivées à un degré de consistance & de tension suffisant pour soûtenir les parties, la matiere de la nutrition devient incapable de les étendre davantage, & par conséquent elles ne sauroient plus croître. Voyez MORT. (H)


ADOou ADON, (Géog. mod.) contrée qui borne la côte d'or de Guinée en Afrique.


ADONAIS. m. (Théol.) est, parmi les Hébreux, un des noms de Dieu, & signifie Seigneur. Les Massoretes ont mis sous le nom que l'on lit aujourd'hui Jehova, les points qui conviennent aux consonnes du mot Adonaï, parce qu'il étoit défendu chez les Juifs de prononcer le nom propre de Dieu, & qu'il n'y avoit que le Grand-Prêtre qui eût ce privilége, lorsqu'il entroit dans le Sanctuaire. Les Grecs ont aussi mis le mot Adonaï à tous les endroits où se trouve le nom de Dieu. Le mot Adonaï est dérivé d'une racine qui signifie base & fondement, & convient à Dieu, en ce qu'il est le soûtien de toutes les créatures, & qu'il les gouverne. Les Grecs l'ont traduit par , & les Latins par Dominus. Il s'est dit aussi quelquefois des hommes, comme dans ce verset du Pseaume 104. Constituit eum Dominum domûs suae, en parlant des honneurs auxquels Pharaon éleva Joseph, où le texte hébreu porte : Adonaï. Genebrard, le Clerc, Cappel, de nomine Dei Tetragramm. (G)


ADONÉE(Myth.) nom que les Arabes donnoient au Soleil & à Bacchus, qu'ils adoroient. Ils offroient au premier tous les jours de l'encens & des parfums.


ADONERADONE, terme de Marine, on dit le vent-adone, quand après avoir été contraire, il commence à devenir favorable, & que des rumbs ou airs de vent les plus prêts de la route qu'on doit faire, il se range vers les rumbs de la bouline, & du vent largue. Voyez BOULINE. (Z)


ADONIEou FÊTES ADONIENNES, subst. f. (Myth.) qu'on célébroit anciennement en l'honneur d'Adonis favori de Venus, qui fut tué à la chasse par un sanglier dans les forêts du mont Liban. Ces fêtes prirent naissance en Phénicie, & passerent delà en Grece. On en faisoit de semblables en Egypte en mémoire d'Osiris. Voici ce que dit Lucien de celles de Byblos en Phénicie : " Toute la ville au jour marqué pour la solemnité, commençoit à prendre le deuil, & à donner des marques publiques de douleur & d'affliction : on n'entendoit de tous côtés que des pleurs & des gémissemens ; les femmes qui étoient les ministres de ce culte, étoient obligées de se raser la tête, & de se battre la poitrine en courant les rues. L'impie superstition obligeoit celles qui refusoient d'assister à cette cérémonie, à se prostituer pendant un jour, pour employer au culte du nouveau Dieu, l'argent qu'elles gagnoient à cet infame commerce. Au dernier jour de la fête, le deuil se changeoit en joie, & chacun la témoignoit comme si Adonis eût été ressuscité : la premiere partie de cette solemnité s'appelloit , pendant laquelle on pleuroit le Prince mort ; & la deuxieme , le retour, où la joie succédoit à la tristesse. Cette cérémonie duroit huit jours, & elle étoit célébrée en même tems dans la basse Egypte. Alors, dit encore Lucien qui en avoit été témoin, les Egyptiens exposoient sur la mer un panier d'osier, qui étant poussé par un vent favorable, arrivoit de lui-même sur les côtes de Phénicie, où les femmes de Byblos qui l'attendoient avec impatience, l'emportoient dans la ville, & c'étoit alors que l'affliction publique faisoit place à une joie universelle ". S. Cyrille dit qu'il y avoit dans ce petit vaisseau des lettres par lesquelles les Egyptiens exhortoient les Phéniciens à se réjoüir, parce qu'on avoit retrouvé le Dieu qu'on pleuroit. Meursius a prétendu que ces deux différentes cérémonies faisoient deux fêtes distinctes qui se célébroient à différens tems de l'année, & à six mois l'une de l'autre, parce qu'on croyoit qu'Adonis passoit la moitié de l'année avec Proserpine, & l'autre moitié avec Venus. Les Juifs voisins de la Phénicie & de l'Egypte, & enclins à l'idolatrie, adopterent aussi ce culte d'Adonis. La vision du Prophete Ezechiel, où Dieu lui montre des femmes voluptueuses assises dans le Temple, & qui pleuroient Adonis, & ecce ibi sedebant mulieres plangentes Adonidem, ne permet pas de douter qu'ils ne fussent adonnés à cette superstition. Mém. de l'Acad. des Belles-Lettres. (G)


ADONIQUEou ADONIEN, adject. (Poës.) sorte de vers fort court, usité dans la poësie Greque & Latine. Il n'est composé que de deux piés, dont le premier est dactyle, & le second un spondée ou trochée, comme rara juventus.

On croit que son nom vient d'Adonis, favori de Venus, parce que l'on faisoit grand usage de ces sortes de vers dans les lamentations ou fêtes lugubres qu'on célébroit en l'honneur d'Adonis Voyez ADONIES ou ADONIENNES. Ordinairement on en met un à la fin de chaque strophe de vers sapphiques, comme dans celle-ci :

Scandit aeratas vitiosa naves

Cura, nec turmas equitum relinquit,

Ocyor cervis & agente nimbos

Ocyor euro. Horat.

Aristophane en entremêloit aussi dans ses comédies avec des vers anapestes. Voyez ANAPESTE & SAPPHIQUE. (G)


ADONISS. f. (Jardinage.) sorte de renoncule, qui a la feuille de la camomille ; sa fleur est en rose, ses semences sont renfermées dans des capsules oblongues. On en distingue deux especes.

Ray attribue à la graine d'adonis hortensis, flore minore, atro, rubente, la vertu de soulager dans la pierre & dans la colique.

Et mêlée à l'adonis ellebori radice, buphthalmi flore, de tenir la place de l'ellébore, même dans les compositions medicinales.


ADOPTIENSS. m. pl. (Théolog.) hérétiques du huitieme siecle, qui prétendoient que Jesus-Christ, en tant qu'homme, n'étoit pas fils propre ou fils naturel de Dieu, mais seulement son fils adoptif.

Cette secte s'éleva sous l'empire de Charlemagne vers l'an 783, à cette occasion. Elipand, Archevêque de Tolede, ayant consulté Felix, Evêque d'Urgel, sur la filiation de Jesus-Christ, celui-ci répondit que Jesus-Christ, en tant que Dieu, est véritablement & proprement fils de Dieu, engendré naturellement par le Pere ; mais que Jesus-Christ, en tant qu'homme ou fils de Marie, n'est que fils adoptif de Dieu ; décision à laquelle Elipand souscrivit.

On tint en 791 un Concile à Narbonne, où la cause des deux Evêques Espagnols fut discutée, mais non décidée. Felix ensuite se rétracta, puis revint à ses erreurs ; & Elipand de son côté ayant envoyé à Charlemagne une profession de foi, qui n'étoit pas orthodoxe, ce Prince fit assembler un Concile nombreux à Francfort en 794, où la doctrine de Felix & d'Elipand fut condamnée, de même que dans celui de Forli de l'an 795, & peu de tems encore après dans le Concile tenu à Rome sous le Pape Leon III.

Felix d'Urgel passa sa vie dans une alternative continuelle d'abjurations & de rechûtes, & la termina dans l'hérésie ; il n'en fut pas de même d'Elipand.

Geoffroi de Clairvaux impute la même erreur à Gilbert de la Porée ; & Scot & Durand semblent ne s'être pas tout-à-fait assez éloignés de cette opinion. Wuitasse, Trait. de l'Incarn. part. II. quest. viij. art. 1. pag. 216. & suiv. (G)


ADOPTIFadj. (Jurisprud.) est la personne adoptée par une autre. Voyez ADOPTION.

Les enfans adoptifs, chez les Romains, étoient considérés sur le même pié que les enfans ordinaires, & ils entroient dans tous les droits que la naissance donne aux enfans à l'égard de leurs peres. C'est pourquoi il falloit qu'ils fussent institués héritiers ou nommément deshérités par le pere, autrement le testament étoit nul.

L'Empereur Adrien préféroit les enfans adoptifs aux enfans ordinaires, par la raison, disoit-il, que c'est le hasard qui nous donne ceux-ci, au lieu que c'est notre propre choix qui nous donne les autres.

M. Menage a publié un Livre d'éloges ou de vers adressés à cet Empereur, intitulé Liber adoptivus, auquel il a joint quelques autres ouvrages. Heinsius & Furstemberg de Munster ont aussi publié des Livres adoptifs. (H)


ADOPTIONS. f. (Jurisprud. Hist. anc. mod.) est un acte par lequel un homme en fait entrer un autre dans sa famille, comme son propre fils, & lui donne droit à sa succession en cette qualité.

Ce mot vient de adoptare qui signifie la même chose en latin ; d'où on a fait dans la basse latinité adobare, qui signifie faire quelqu'un chevalier, lui ceindre l'épée ; d'où est venu aussi qu'on appelloit miles adobatus un chevalier nouvellement fait ; parce que celui qui l'avoit fait chevalier étoit censé en quelque façon l'avoir adopté. Voyez CHEVALIER.

Parmi les Hébreux on ne voit pas que l'adoption proprement dite ait été en usage. Moyse n'en dit rien dans ses lois ; & l'adoption que Jacob fit de ses deux petits-fils Ephraïm & Manassé n'est pas proprement une adoption, mais une espece de substitution par laquelle il veut que les deux fils de Joseph ayent chacun leur lot dans Israel, comme s'ils étoient ses propres fils : Vos deux fils, dit-il, seront à moi ; Ephraïm & Manassé seront réputés comme Ruben & Simeon : mais comme il ne donne point de partage à Joseph leur frere, toute la grace qu'il lui fait, c'est qu'au lieu d'une part qu'il auroit eu à partager entre Ephraïm & Manassé, il lui en donne deux ; l'effet de cette adoption ne tomboit que sur l'accroissement de biens & de partage entre les enfans de Joseph. Genese xlviij. 5. Une autre espece d'adoption usitée dans Israel, consistoit en ce que le frere étoit obligé d'épouser la veuve de son frere décédé sans enfans, ensorte que les enfans qui naissoient de ce mariage étoient censés appartenir au frere défunt, & portoient son nom, pratique qui étoit en usage avant la loi, ainsi qu'on le voit dans l'histoire de Thamar. Mais ce n'étoit pas encore la maniere d'adopter connue parmi les Grecs & les Romains. Deut. xxv. 5. Ruth. jv. Matth. xxij. 24. Gen. xviij. La fille de Pharaon adopta le jeune Moyse, & Mardochée adopta Esther pour sa fille. On ignore les cérémonies qui se pratiquoient dans ces occasions, & jusqu'où s'étendoient les droits de l'adoption : mais il est à présumer qu'ils étoient les mêmes que nous voyons dans les lois Romaines ; c'est-à-dire que les enfans adoptifs partageoient & succédoient avec les enfans naturels ; qu'ils prenoient le nom de celui qui les adoptoit, & passoient sous la puissance paternelle de celui qui les recevoit dans sa famille. Exode ij. 10. Esther. ij. 7. 15.

Par la passion du Sauveur, & par la communication des mérites de sa mort qui nous sont appliqués par le baptême, nous devenons les enfans adoptifs de Dieu, & nous avons part à l'héritage céleste. C'est ce que S. Paul nous enseigne en plusieurs endroits. Vous n'avez pas reçu l'esprit de servitude dans la crainte, mais vous avez reçu l'esprit d'adoption des enfans par lequel vous criez, mon pere, mon pere. Et : Nous attendons l'adoption des enfans de Dieu. Et encore : Dieu nous a envoyé son fils pour racheter ceux qui étoient sous la loi, afin que nous recevions l'adoption des enfans. Rom viij. 15. & 23. Galat. jv. 4. & 5.

Parmi les Musulmans la cérémonie de l'adoption se fait en faisant passer celui qui est adopté par dedans la chemise de celui qui l'adopte. C'est pourquoi pour dire adopter en Turc, on dit faire passer quelqu'un par sa chemise ; & parmi eux un enfant adoptif est appellé abiet-ogli, fils de l'autre vie, parce qu'il n'a pas été engendré en celle-ci. On remarque parmi les Hébreux quelque chose d'approchant. Elie adopte le Prophete Elisée, & lui communique le don de prophétie, en le revêtant de son manteau : Elias misit pallium suum super illum : & quand Elie fut enlevé dans un chariot de feu, il laissa tomber son manteau, qui fut relevé par Elisée son disciple, son fils spirituel & son successeur dans la fonction de Prophete. D'Herbelot, Bibliot. orient. page 47. III. Reg. xjx. 19. IV. Reg. xj. 15.

Moyse revêt Eleasar des habits sacrés d'Aaron, lorsque ce grand-prêtre est prêt de se réunir à ses peres, pour montrer qu'Eleasar lui succédoit dans les fonctions du Sacerdoce, & qu'il l'adoptoit en quelque sorte pour l'exercice de cette dignité. Le Seigneur dit à Sobna capitaine du temple, qu'il le dépouillera de sa dignité, & en revêtira Eliacim fils d'Helcias. Je le revêtirai de votre tunique, dit le Seigneur, & je le ceindrai de votre ceinture, & je mettrai votre puissance dans sa main. S. Paul en plusieurs endroits dit que les Chrétiens se sont revêtus de Jesus-Christ, qu'ils se sont revêtus de l'homme nouveau, pour marquer l'adoption des enfans de Dieu dont ils sont revêtus dans le baptême ; ce qui a rapport à la pratique actuelle des Orientaux. num. xx. 26. Isaie xxij. 21. Rom. xiij. Galat. iij. 26. Ephes. jv. 14. Coloss. iij. 10. Calmet, Dictionn. de la Bible, tome I. lettre A. pag. 62. (G)

La coûtume d'adopter étoit très-commune chez les anciens Romains, qui avoient une formule expresse pour cet acte : elle leur étoit venue des Grecs, qui l'appelloient , filiation. Voyez ADOPTIF.

Comme l'adoption étoit une espece d'imitation de la nature, inventée pour la consolation de ceux qui n'avoient point d'enfans, il n'étoit pas permis aux Eunuques d'adopter, parce qu'ils étoient dans l'impuissance actuelle d'avoir des enfans. V. EUNUQUE.

Il n'étoit pas permis non plus d'adopter plus âgé que soi ; parce que c'eût été renverser l'ordre de la nature : il falloit même que celui qui adoptoit eût au moins dix-huit ans de plus que celui qu'il adoptoit, afin qu'il y eût du moins possibilité qu'il fût son pere naturel.

Les Romains avoient deux sortes d'adoption ; l'une qui se faisoit devant le Préteur ; l'autre par l'assemblée du peuple, dans le tems de la République ; & dans la suite par un rescrit de l'Empereur.

Pour la premiere, qui étoit celle d'un fils de famille, son pere naturel s'adressoit au Préteur, devant lequel il déclaroit qu'il émancipoit son fils, se dépouilloit de l'autorité paternelle qu'il avoit sur lui, & consentoit qu'il passât dans la famille de celui qui l'adoptoit. Voyez EMANCIPATION.

L'autre sorte d'adoption étoit celle d'une personne qui n'étoit plus sous la puissance paternelle, & s'appelloit adrogation. Voyez ADROGATION.

La personne adoptée changeoit de nom & prenoit le prénom, le nom, & le surnom de la personne qui l'adoptoit. Voyez NOM.

L'adoption ne se pratique pas en France. Seulement il y a quelque chose qui y ressemble, & qu'on pourroit appeller une adoption honoraire : c'est l'institution d'un héritier universel, à la charge de porter le nom & les armes de la famille.

Les Romains avoient aussi cette adoption testamentaire : mais elle n'avoit de force qu'autant qu'elle étoit confirmée par le peuple. Voyez TESTAMENT.

Dans la suite il s'introduisit une autre sorte d'adoption, qui se faisoit en coupant quelques cheveux à la personne, & les donnant à celui qui l'adoptoit.

Ce fut de cette maniere que le Pape Jean VIII. adopta Boson, Roi d'Arles ; exemple unique, peut-être, dans l'histoire, d'une adoption faite par un ecclésiastique ; l'usage de l'adoption établi à l'imitation de la nature, ne paroissant pas l'autoriser dans des personnes à qui ce seroit un crime d'engendrer naturellement des enfans.

M. Boussac, dans ses Noctes Theologicae, nous donne plusieurs formes modernes d'adoption, dont quelques-unes se faisoient au baptême, d'autres par l'épée. (H)

La demande en adoption nommée adrogatio étoit conçue en ces termes : Velitis, jubeatis uti L. Valerius Lucio Titio tam lege jureque filius sibi siet, quàm si ex eo patre matreque familias ejus natus esset ; utique ei vitae necisque in eum potestas siet uti pariundo filio est. Hoc ità, ut dixi, ità vos, Quirites, rogo. Dans les derniers tems les adoptions se faisoient par la concession des Empereurs. Elles se pratiquoient encore par testament. In imâ cerâ C. Octavium in familiam nomenque adoptavit. Les fils adoptifs prenoient le nom & le surnom de celui qui les adoptoit ; & comme ils abandonnoient en quelque sorte la famille dont ils étoient nés, les Magistrats étoient chargés du soin des dieux pénates de celui qui quittoit ainsi sa famille pour entrer dans une autre. Comme l'adoption faisoit suivre à l'enfant adoptif la condition de celui qui l'adoptoit, elle donnoit aussi droit au pere adoptif sur toute la famille de l'enfant adopté. Le Sénat au rapport de Tacite condamna & défendit des adoptions feintes dont ceux qui prétendoient aux charges avoient introduit l'abus afin de multiplier leurs cliens & de se faire élire avec plus de facilité. L'adoption étoit absolument interdite à Athenes en faveur des Magistrats avant qu'ils eussent rendu leurs comptes en sortant de charge. (G & H)


ADOR & ADOREA(Myth.) gâteaux faits avec de la farine & du sel, qu'on offroit en sacrifice ; & les sacrifices s'appelloient adorea sacrificia.


ADORATIONS. f. (Théol.) l'action de rendre à un être les honneurs divins. Voyez Dieu.

Ce mot est formé de la préposition Latine ad & de os, la bouche ; ainsi adorare dans sa plus étroite signification veut dire approcher sa main de sa bouche, manum ad os admovere, comme pour la baiser ; parce qu'en effet dans tout l'Orient ce geste est une des plus grandes marques de respect & de soûmission.

Le terme d'adoration est équivoque, & dans plusieurs endroits de l'Ecriture, il est pris pour la marque de vénération que des hommes rendent à d'autres hommes ; comme en cet endroit où il est parlé de la Sunamite dont Elisée ressuscita le fils. Venit illa, & corruit ad pedes ejus, & adoravit super terram. Reg. IV. cap. iv. v. 37.

Mais dans son sens propre, adoration signifie le culte de latrie, qui n'est dû qu'à Dieu Voyez CULTE & LATRIE. Celle qu'on prodigue aux idoles s'appelle idolatrie. Voyez IDOLATRIE.

C'est une expression consacrée dans l'Eglise Catholique, que de nommer adoration le culte qu'on rend, soit à la vraie croix, soit aux croix formées à l'image de la vraie croix. Les Protestans ont censuré cette expression avec un acharnement que ne méritoit pas l'opinion des Catholiques bien entendue. Car suivant la doctrine de l'Eglise Romaine, l'adoration qu'on rend à la vraie croix, & à celles qui la représentent, n'est que relative à Jesus-Christ l'Homme-Dieu ; elle ne se borne ni à la matiere, ni à la figure de la croix. C'est une marque de vénération singuliere & plus distinguée pour l'instrument de notre rédemption, que celle qu'on rend aux autres images, ou aux reliques des Saints. Mais il est visible que cette adoration est d'un genre bien différent, & d'un degré inférieur à celle qu'on rend à Dieu. On peut voir sur cette matiere l'Exposition de la Foi, par M. Bossuet, & décider si l'accusation des Protestans n'est pas sans fondement. Voyez LATRIE, CROIX, SAINT, IMAGE, RELIQUE.

ADORATION, (Hist. mod.) maniere d'élire les Papes, mais qui n'est pas ordinaire. L'élection par adoration se fait lorsque les Cardinaux vont subitement & comme entraînés par un mouvement extraordinaire à l'adoration d'un d'entre eux, & le proclament Pape. Il y a lieu de craindre dans cette sorte d'élection que les premiers qui s'élevent n'entraînent les autres, & ne soient cause de l'élection d'un sujet auquel on n'auroit pas pensé. D'ailleurs quand on ne seroit point entraîné sans réflexion, on se joint pour l'ordinaire volontairement aux premiers, de peur que si l'élection prévaut, on n'encourre la colere de l'élû. Lorsque le Pape est élû, on le place sur l'autel, & les Cardinaux se prosternent devant lui, ce qu'on appelle aussi l'adoration du Pape, quoique ce terme soit fort impropre, l'action des Cardinaux n'étant qu'une action de respect.


ADORERv. a. (Théol.) Ce terme pris selon sa signification littérale & étymologique tirée du Latin, signifie proprement porter à sa bouche, baiser sa main, ou baiser quelque chose : mais dans un sentiment de vénération & de culte : si j'ai vû le soleil dans son état, & la lune dans sa clarté, & si j'ai baisé ma main, ce qui est un très-grand péché, c'est-à-dire si je les ai adoré en baisant ma main à leur aspect. Et dans les livres des Rois : Je me reserverai sept mille hommes qui n'ont pas fléchi le genou devant Baal, & toutes les bouches qui n'ont pas baisé leurs mains pour l'odorer. Minutius Felix dit que Cecilius passant devant la statue de Séraphis baisa la main, comme c'est la coûtume du peuple superstitieux. Ceux qui adorent, dit S. Jerôme, ont accoûtumé de baiser la main, & de baisser la tête ; & les Hébreux, suivant la propriété de leur Langue, mettent le baiser pour l'adoration ; d'où vient qu'il est dit : baisez le fils, de peur qu'il ne s'irrite, & que vous ne périssiez de la voie de justice, c'est-à-dire adorez -le, & soûmettez-vous à son empire. Et Pharaon parlant à Joseph : tout mon peuple baisera la main à votre commandement, il recevra vos ordres comme ceux de Dieu ou du Roi. Dans l'Ecriture le terme d'adorer se prend non-seulement pour l'adoration & le culte qui n'est dû qu'à Dieu seul, mais aussi pour les marques de respect extérieures que l'on rend aux Rois, aux Grands, aux Personnes supérieures. Dans l'une & dans l'autre sorte d'adoration, on s'inclinoit profondément, & souvent on se prosternoit jusqu'en terre pour marquer son respect. Abraham adore prosterné jusqu'en terre les trois Anges qui lui apparoissent sous une forme humaine à Mambré. Loth les adore de même à leur arrivée à Sodome. Il y a beaucoup d'apparence que l'un & l'autre ne les prit d'abord que pour des hommes. Abraham adore le peuple d'Hébron : adoravit populum terrae. Il se prosterna en sa présence pour lui demander qu'il lui fît vendre un sépulcre pour enterrer Sara. Les Israélites ayant appris que Moyse étoit envoyé de Dieu pour les délivrer de la servitude des Egyptiens, se prosternerent & adorerent le Seigneur. Il est inutile d'entasser des exemples de ces manieres de parler : ils se trouvent à chaque pas dans l'Ecriture. Job. xxxj. 26. 27. III. Reg. xjx. 18. Minut. in octav. Hier. contr. Rufin. L. I. Ps. xj. 12. Genes. xlj. 40. Genes. xviij. 2. xjx. 7. Exod. jv. 31. Calmet, Dictionn. de la Bible, tome I. lett. A. page 63.

* ADORER, honorer, revérer ; ces trois verbes s'employent également pour le culte de religion & pour le culte civil. Dans le culte de religion, on adore Dieu, on honore les Saints, on revere les reliques & les images. Dans le culte civil, on adore une maîtresse, on honore les honnêtes gens, on revere les personnes illustres & celles d'un mérite distingué. En fait de religion, adorer c'est rendre à l'être suprème un culte de dépendance & d'obéissance : honorer, c'est rendre aux êtres subalternes, mais spirituels, un culte d'invocation : revérer, c'est rendre un culte extérieur de respect & de soin à des êtres matériels, en mémoire des êtres spirituels auxquels ils ont appartenu.

Dans le style profane, on adore en se dévoüant entierement au service de ce qu'on aime, & en admirant jusqu'à ses défauts : on honore par les attentions, les égards, & les politesses : on revere en donnant des marques d'une haute estime & d'une considération au-dessus du commun.

La maniere d'adorer le vrai Dieu ne doit jamais s'écarter de la raison ; parce que Dieu est l'auteur de la raison, & qu'il a voulu qu'on s'en servît même dans les jugemens de ce qu'il convient de faire ou ne pas faire à son égard. On n'honoreroit peut-être pas les Saints, ni on ne révéroit peut-être pas leurs images & leurs reliques dans les premiers siecles de l'Eglise, comme on a fait depuis, par l'aversion qu'on portoit à l'idolatrie, & la circonspection qu'on avoit sur un culte dont le précepte n'étoit pas assez formel.

La beauté ne se fait adorer que quand elle est soûtenue des graces ; ce culte ne peut presque jamais être justifié, parce que le caprice & l'injustice sont très-souvent les compagnes de la beauté.

L'éducation du peuple se borne à le faire vivre en paix & familierement avec ses égaux. Le peuple ne sait ce que c'est que s'honorer réciproquement : ce sentiment est d'un état plus haut. La vertu mérite d'être révérée : mais qui la connoît ? Cependant sa place est partout.


ADOS(Jardinage.) est une terre élevée en talus le long d'un mur à l'exposition du midi, afin d'avancer promptement les pois, les feves, & les autres graines qu'on y seme. Ce moyen est infiniment plus court que de les semer en pleine terre. (K)


ADOSSÉadj. terme de Blason, il se dit de deux animaux rampans qui ont le dos l'un contre l'autre, lions adossés : on le dit généralement de tout ce qui est de longueur, & qui a deux faces différentes, comme les haches, les doloires, les marteaux, &c. Clefs adossées, c'est-à-dire qui ont leurs pannetons tournés en-dehors, l'un d'un côté & l'autre de l'autre. Haches adossées, marteaux adossés.

Descordes en Hainaut, d'or à deux lions adossés de gueules. (V)


ADOUBLERv. a. terme de Jeu, se dit au jeu de trictrac, aux dames, aux échecs, pour faire connoître qu'on ne touche une piece que pour l'arranger en sa place, & non pas pour la joüer.


ADOUCIRmitiger. Le premier diminue la rigueur de la regle par la dispense d'une partie de ce qu'elle prescrit, & par la tolérance des legeres inobservations ; il n'a rapport qu'aux choses passageres & particulieres. Le second diminue la rigueur de la regle par la réforme de ce qu'elle a de rude ou de trop difficile. C'est une constitution, sinon constante, du moins autorisée pour un tems.

Adoucir dépend de la facilité ou de la bonté d'un supérieur : mitiger est l'effet de la réunion des volontés ou de la convention des membres d'un corps, ou de la loi d'un maître, selon le gouvernement.

Adoucir & mitiger ont encore une legere différence qui n'est pas renfermée évidemment dans la distinction qui précede. Exemple : on adoucit les peines d'un ami : on mitige le châtiment d'un coupable.

ADOUCIR, en Peinture, c'est mêler ou fondre deux ou plusieurs couleurs ensemble avec le pinceau, de façon que le passage de l'une à l'autre paroisse insensible.

On adoucit ou fond la couleur avec toutes sortes de pinceaux, mais particulierement avec ceux qui ne se terminent pas en pointe ; ils sont de poil de putois, de bléreau, de chien, &c.

On se sert encore au même usage d'une autre espece de pinceau qu'on nomme brosse, & qui est de poil de porc.

On adoucit aussi les desseins lavés & faits avec la plume, en affoiblissant la teinte, c'est-à-dire en rendant ses extrémités moins noires. L'on adoucit encore les traits d'un visage en les marquant moins.

ADOUCIR, dans l'Architecture, c'est l'art de laver un dessein de maniere que les ombres expriment distinctement les corps sphériques d'avec les quadrangulaires, ceux qui donnent sur ces derniers ne devant jamais être adoucis, malgré l'habitude qu'ont la plûpart de nos Dessinateurs de fondre indistinctement leurs ombres ; inadvertance qu'il faut éviter absolument, devant supposer que le bâtiment qu'on veut représenter, reçoit sa lumiere du soleil, & non du jour : car toutes les ombres supposées du jour & non du soleil, n'étant pas décidées, paroissent foibles, incertaines, ôtent l'effet du dessein, mettent l'Artiste dans la nécessité de les adoucir & de négliger les reflets, sans lesquels un dessein géométral ne donne qu'une idée imparfaite de l'exécution. (P)

ADOUCIR, (en terme d'Epingletier-Aiguilletier) s'entend de l'action d'ôter les traits de la grosse lime avec une plus fine, pour pouvoir polir l'ouvrage plus aisément & plus exactement. Voyez POLIR. Il faut observer en adoucissant, d'applatir tant-soit-peu la place de la chasse.

Le même terme s'employe aussi dans le même sens parmi les Cloutiers Faiseurs d'aiguilles courbes, lorsqu'ils polissent l'aiguille avec une lime taillée en fin.

ADOUCIR, en terme d'Orphévrerie, c'est l'action de rendre l'or plus facile à être mis en oeuvre, en l'épurant des matieres étrangeres qui le rendoient aigre & cassant. On adoucit l'or en le fondant à diverses reprises, jusqu'à ce que l'on voye qu'il ne travaille plus, & qu'il est tranquille dans le creuset : c'est la marque à laquelle on connoît qu'il est doux.

ADOUCIR, (en terme de Diamantaire) c'est ôter les traits que la poudre a faits sur le diamant en le changeant de place & de sens, sur la roue de fer.

ADOUCIR, en terme de Doreur sur bois, c'est polir le banc dont la piece est enduite, & enlever les parties excédentes en l'humectant modérément avec une brosse, & la frottant d'abord d'une pierre-ponce avec une peau de chien fort douce, & enfin avec un bâton de soufre. Voyez Planche du Doreur, Fig. 4. qui représente un ouvrier qui adoucit.

ADOUCIR, terme d'Horlogerie ; il signifie rendre une piece plus douce, soit en la limant avec une lime plus douce, soit en l'usant avec différens corps.

Pour adoucir le laiton, les Horlogers se servent ordinairement de ponce, de pierres douces, & de petites pierres bleues ou d'Angleterre.

Pour l'acier trempé ou non trempé, ils employent l'émeril, & la pierre à l'huile broyée. Voyez EMERIL, PIERRE à l'huile broyée, &c.

La différence entre un corps poli & adouci, c'est que le premier est brillant, au lieu que le second a un air mat, quoique celui-ci ait souvent bien moins de traits que le premier. (T)

ADOUCIR, en terme de Fondeurs de plomb, c'est polir le plomb dans le moulin. Voyez ROULER.

* ADOUCIR, (Teint.) c'est réduire des couleurs trop vives à d'autres de la même espece qui le soient moins. Voyez l'article TEINTURE.


ADOUCISSEMENTS. m. se dit, en Peinture, de l'action par laquelle les couleurs ont été fondues, & marque que les traits ne sont point tranchés, & qu'il n'y a point de dureté dans l'ouvrage. L'adoucissement des couleurs rend la peinture plus tendre & plus moëlleuse. Les Peintres disent plus volontiers la fonte des couleurs que l'adoucissement.

ADOUCISSEMENT, terme d'Architecture, c'est la liaison d'un corps avec un autre corps formé par un congé, comme Palladio a uni la plinthe de ses bases Doriques, Ioniques, & Corinthiennes, avec la corniche de leurs piés-d'estaux. Ordinairement toutes les plinthes extérieures d'un bâtiment s'unissent avec le nud des murs par un adoucissement, lorsque l'on veut éviter des retraites qui marquent le fruit que doivent avoir les murs à chaque étage d'un édifice ; quelquefois aussi on ne pratique qu'un talud, glacis, ou chamfrin, pour faire écouler l'eau qui séjourneroit sur la saillie horisontale des plinthes, corniches, impostes, &c. (P)


ADOUÉEadj. (Fauconnerie.) on dit une perdrix adoüée, pour une perdrix appariée, accouplée.


ADOUR(Géog. mod.) riviere de France qui prend sa source aux montagnes de Bigorre, & se jette dans la mer par le Boucaut neuf. Il y a en Gascogne deux autres petites rivieres de même nom qui se jettent dans la premiere.


ADOUXvenir adoux. (Teinture.) Il se dit des fleurs bleues que jette le pastel mis dans la cuve. Voyez TEINT. Le reglement de 1669 veut que la teinture des draps noirs se fasse avec de fort guesde, & qu'on y mêle six livres d'indigo tout apprêté avec chaque balle de pastel, quand la cuve sera en adoux.


ADRA(Géog. mod.) petite ville maritime, & château fort au royaume de Grenade. Long. 16-25. lat. 36. Il y a encore d'autres villes de ce nom.


ADRACHNES. f. (Bot.) plante commune dans la Candie sur les montagnes de Leuce, & dans d'autres endroits entre des rochers. Elle ressemble plus à un buisson qu'à un arbre : elle est toûjours verte ; sa feuille ressemble à celle du laurier. On ne peut l'en distinguer qu'à l'odorat ; celle de l'adrachne ne sent rien. L'écorce du tronc & des branches est si douce, si éclatante, si rouge, qu'on la prendroit pour du corail. En été elle se fend & tombe en morceaux ; alors l'arbrisseau perd sa couleur rouge, & en reprend une autre qui tient du rouge & du cendré : il fleurit, & porte fruit deux fois l'an. Ce fruit est tout-à-fait semblable à celui de l'arbousier : il est bon à manger ; il vient en grappe, & il est de la couleur & de la grosseur de la framboise.


ADRAGANTla gomme, (Hist. nat. Med. & Chim.) c'est un suc gommeux qui est tantôt en filets longs, cylindriques, entortillés de différente maniere, semblables à de petits vers ou à des bandes roulées & repliées de différente maniere ; tantôt en grumeaux blancs, transparens, jaunâtres ou noirâtres, secs, sans goût, sans odeur, un peu gluans. Elle vient de Crete, d'Asie, & de Grece. La bonne est en vermisseaux, blanche comme de la colle de poisson, sans ordures. Elle découle, ou d'elle-même, ou par incision, du tronc & des branches d'une plante appellée tragacantha exotica flore parvo, texis purpureis striato. Voyez TRAGACANTHA. La gomme adragant analysée donne du flegme liquide, sans odeur & sans goût, une liqueur flegmatique, roussâtre, d'une odeur empyreumatique, d'un goût un peu acide, un peu amer, comme des noyaux de pêche, & donnant des marques d'un acide violent ; une liqueur legerement roussâtre, soit acide, soit urineuse alkaline ; une huile roussâtre, soit subtile, soit épaisse : la masse noire restée au fond de la cornue étoit compacte comme du charbon, & calcinée pendant vingt-huit heures, elle a laissé des cendres grises dont on a tiré par lixivation du sel alkali fixe. Ainsi la gomme adragant a les mêmes principes & presqu'en même rapport, que la gomme arabique. Voyez gomme ARABIQUE. Elle contient cependant un peu plus de sel acide, moins d'huile & plus de terre : elle ne se dissout ni dans l'huile ni dans l'esprit-de-vin. Elle s'enfle macérée dans l'eau ; elle se raréfie, & se met en un mucilage dense, épais, & se dissolvant à peine dans une grande quantité d'eau ; aussi s'en sert-on pour faire des poudres, & pour réduire le sucre en trochisques, pilules, rotules, gâteaux, tablettes. Elle épaissit les humeurs, diminue le mouvement, enduit de mucosité les parties excoriées, & adoucit par conséquent les humeurs. On l'employe dans les toux seches & acres, dans l'enrouement, dans les maladies de poitrine causées par l'acreté de la lymphe, dans celles qui viennent de l'acrimonie des urines, dans la dysurie, la strangurie, l'ulcération des reins. On en unit la poudre avec des incrassans & des adoucissans, & on la réduit en mucilage avec l'eau-rose, l'eau de fleur d'orange ; on s'en sert rarement à l'extérieur.


ADRAMELECHS. m. (Myth.) faux Dieu des Sépharraïmites, peuples que les rois d'Assyrie envoyerent dans la Terre-sainte après que Salmanazar eut détruit le royaume d'Israël. Les adorateurs d'Adramelech faisoient brûler leurs enfans en son honneur. On dit qu'il étoit représenté sous la forme d'un mulet, d'autres disent sous celle d'un paon.


ADRAMUSS. m. (Myth.) Dieu particulier à la Sicile, & à la ville d'Adram qui portoit son nom. On l'adoroit dans toute l'île, mais spécialement à Adram.


ADRASTES. f. (Myth.) une des Melisses ou Nymphes qui nourrirent Jupiter dans l'antre de Dicté. Voyez MELISSES.


ADRASTÉou ADRASTIE, s. f. (Myth.) divinité autrement appellée Nemesis, fille de Jupiter & de la Nécessité, ou, selon Hésiode, de la Nuit : c'étoit la vangeresse des crimes. Elle examinoit les coupables du haut de la sphere de la Lune où les Egyptiens l'avoient reléguée.

* ADRASTEE ou ADRASTIE, (Geog. anc.) étoit encore le nom d'une ville de la Troade, bâtie par Adraste fils de Mérops.


ADRESSEsouplesse, finesse, ruse, artifice, considérées comme synonymes.

Adresse, art de conduire ses entreprises de maniere à réussir. Souplesse, disposition à s'accommoder aux conjonctures. Finesse, façon d'agir secrette & cachée. Ruse, voie oblique d'aller à ses fins. Artifice, moyen injuste, recherché, & plein de combinaison, d'exécuter un dessein : les trois premiers se prennent souvent en bonne part ; les deux autres toûjours en mauvaise. L'adresse employe les moyens ; la souplesse évite les obstacles ; la finesse s'insinue imperceptiblement ; la ruse trompe ; l'artifice surprend. Le négociateur est adroit ; le courtisan souple ; l'espion rusé ; le flateur & le fourbe artificieux. Maniez les affaires difficiles avec adresse : usez de souplesse avec les grands : soyez fin à la cour : ne soyez rusé qu'en guerre : laissez l'artifice aux méchans.

ADRESSE, s. f. (Hist. mod.) expression singulierement usitée en Angleterre, où elle signifie placet, requête ou remontrance présentée au roi au nom d'un corps, pour exprimer ou notifier ses sentimens de joie, de satisfaction, &c. dans quelqu'occasion extraordinaire. Ce mot est François : il est formé du verbe adresser, envoyer quelque chose à une personne.

On dit en Angleterre, l'adresse des Lords, l'adresse des Communes. Ces adresses commencerent à avoir lieu sous l'administration d'Olivier Cromwel. A Paris, le lieu où s'impriment & se débitent les gazettes est appellé Bureau d'adresse. (H)

ADRESSE, s. f. (Comm.) suscription qu'on met sur le dos d'une lettre missive pour la faire tenir, ou par la poste ou autrement, à la personne à qui elle est adressée.

Cette adresse ou suscription doit contenir les noms, demeure & qualité de celui à qui elle doit être rendue, avec les noms de la province, de la ville & du lieu où l'on veut envoyer la lettre.

Adresse se dit plus ordinairement dans le Commerce de ce qu'on écrit & met sur les balles, ballots, bannes, mannes & futailles remplies de marchandises qu'on envoye au loin par des voituriers. Ces adresses doivent contenir à-peu-près les mêmes choses que les suscriptions des lettres. Il y a néanmoins des occasions où il faut ajoûter d'autres circonstances qui leur sont propres. V. EMBALLAGE & EMBALLEUR.

Adresse est encore un terme qui a plusieurs autres significations dans le Commerce. On dit, mon adresse est à Lyon chez un tel, pour marquer que c'est-là qu'on doit envoyer ce qu'on veut qui me soit rendu. J'ai accepté une lettre de change payable à l'adresse de M. Nicolas ; ce qui sert comme d'élection de domicile pour le payement de cette lettre, ou pour les poursuites que le porteur pourroit être obligé de faire, faute d'être acceptée ou payée. Cette lettre de change est à l'adresse du sieur Simon, pour dire qu'elle est tirée sur lui.


ADRESSERen terme de Commerce, signifie envoyer des marchandises en quelque lieu ou à quelque personne : par exemple, je viens d'adresser quatre balles de poivre à Lyon, &c. (G)


ADRIou HADRIA, (Géog. mod.) ville d'Italie qui a donné son nom au golphe Adriatique. Long. 29. 38. lat. 45. Il y a dans l'Abruzze une autre ville du même nom.


ADRIANES. f. ville de la province de Cyrene en Afrique ; ainsi nommée d'Adrien, Empereur.


ADRIANISTESS. m. plur. (Théol.) Théodoret met les Adrianistes au nombre des hérétiques qui sortirent de la secte de Simon le Magicien : mais aucun autre auteur ne parle de ces hérétiques. Théodor. liv. I. Fable hérétiq.

Les sectateurs d'Adrien Hamstedius, un des novateurs du xvj. siecle, furent appellés de ce nom. Il enseigna premierement dans la Zélande, & puis en Angleterre, qu'il étoit libre de garder les enfans durant quelques années sans leur conférer le baptême ; que Jesus-Christ avoit été formé de la semence de la femme, & qu'il n'avoit fondé la Religion Chrétienne que dans certaines circonstances. Outre ces erreurs, & quelques-autres pleines de blasphèmes, il souscrivoit à toutes celles des Anabaptistes. Pratéole, Sponde, Lidan. (G)


ADRIATIQUEla mer (Géog.) c'est le golfe de Venise. Elle est appellée Adriatique, selon Strabon, du fleuve Adria.

Quelques Auteurs donnent encore le nom de mer Adriatique à celle qui est entre la Palestine & la Sicile. D'autres appellent la mer Phénicienne la mer Adriatique.


ADRIENS. (Géog. mod.) petite ville des Pays-Bas en Flandre, sur la Dendre.


ADROGATIONS. f. terme de Droit civil, étoit une sorte d'adoption qui ne différoit de l'adoption simplement dite, qu'en ce qu'il falloit que le sujet adopté par l'adrogation fût affranchi de la puissance paternelle, soit par la mort de son pere naturel, soit par l'émancipation. Elle demandoit aussi un peu plus de solemnité, & ne se pouvoit faire du tems que la République subsistoit, que dans l'assemblée du Peuple, & depuis par un rescrit de l'Empereur. Quant aux effets, ils étoient précisément les mêmes que ceux de l'adoption. Voyez ADOPTION.

Adrogation se disoit aussi chez les Romains de l'association d'un Patricien dans l'Ordre des Plébeïens, où il se faisoit aggréger, soit pour gagner l'affection du peuple, soit pour parvenir au Tribunat. (H)


ADROITadject. (Manége.) se dit d'un cheval qui choisit bien l'endroit où il met son pié en marchant dans un terrein raboteux & difficile. Il y a des chevaux très-mal adroits, & qui font souvent un faux pas dans ces sortes d'occasions, quoiqu'ils ayent la jambe très-bonne. (V)


ADRUMETES. f. (Géog. anc. & mod.) ancienne ville d'Afrique, que les Arabes appellent aujourd'hui Hamametha ; elle étoit capitale de la province de Bizance.


ADULTES. m. en Anatomie, se dit des corps animés, dont toutes les parties sont parvenues à leur dernier état de perfection.

On peut considérer tout ce qui est relatif aux corps animés, ou dans un sujet adulte, ou dans un corps qui ne commence qu'à se former. Tout ce que nous avons de connoissances sur le foetus, nous le devons à l'analogie, ou à la comparaison que nous avons faite des visceres & des vaisseaux des jeunes sujets, avec les parties de l'adulte. (L)

ADULTE, (Jurisprud.) est une personne arrivée à l'âge de discrétion, ou à l'âge d'adolescence, & qui est assez grande & assez âgée pour avoir des sentimens & du discernement. Voyez AGE & PUBERTE.

Ce mot est formé du participe du verbe latin adolescere, croître. C'est comme qui diroit crû. Voyez ADOLESCENCE. (H)

Il y a bien de la différence entre les proportions d'un enfant & celles d'un adulte. Un homme fait comme un foetus, seroit un monstre, & n'auroit presque pas figure humaine, comme l'a observé M. Dodart. Voyez FOETUS & EMBRYON.

Les Anabaptistes ne donnent le baptême qu'aux adultes. Voyez BAPTEME & ANABAPTISTE.


ADULTÉRATIONS. f. terme de Droit, est l'action de dépraver & gâter quelque chose qui est pur, en y mêlant d'autres choses qui ne le sont pas. Ce mot vient du latin adulterare, qui signifie la même chose. Ce n'est pas un mot reçû dans le langage ordinaire : on dit plûtôt altération.

Il y a des lois qui défendent l'adultération du caffé, du thé, du tabac, soit en bout, soit en poudre ; du vin, de la cire, de la poudre à poudrer les cheveux.

C'est un crime capital dans tous les pays d'adultérer la monnoie courante. Les Anciens le punissoient avec une grande sévérité : les Egyptiens faisoient couper les deux mains aux coupables ; le Droit civil les condamnoit à être exposés aux bêtes ; l'Empereur Tacite ordonna qu'ils seroient punis de mort ; & Constantin, qu'ils seroient réputés criminels de lese-Majesté. Parmi nous, l'adultération des monnoies est un cas pendable. Voyez MONNOIE, ESPECE. (H)

ADULTERATION, (Pharmacie) est l'action de falsifier un médicament, en y ajoûtant quelque chose qui en diminue la vertu, ou en le mêlant avec quelqu'autre qui, ayant la même couleur, n'est pas aussi chere. Les poudres sont sujettes à adultération par la difficulté que l'on a à s'en appercevoir à l'inspection.

Il est d'une conséquence infinie pour les malades de ne point acheter les médicamens des coureurs de pays, qui les vendent adultérés. (N)


ADULTEREest l'infidélité d'une personne mariée, qui au mépris de la foi conjugale qu'elle a jurée, a un commerce charnel avec quelqu'autre que son épouse ou son époux ; ou le crime d'une personne libre avec une autre qui est mariée. Voyez FORNICATION, MARIAGE. (H)

ADULTERE, (Morale.) Je ne mettrai pas ici en question si l'adultere est un crime, & s'il défigure la société. Il n'y a personne qui ne sente en sa conscience que ce n'est pas là une question à faire, s'il n'affecte de s'étourdir par des raisonnemens qui ne sont autres que les subtilités de l'amour propre. Mais une autre question bien digne d'être discutée, & dont la solution emporte aussi celle de la précédente, seroit de savoir lequel des deux fait le plus de tort à la société, ou de celui qui débauche la femme d'autrui, ou de celui qui voit une personne libre, & qui évite d'assûrer l'état des enfans par un engagement régulier.

Nous jugeons avec raison, & conformément au sentiment de toutes les Nations, que l'adultere est, après l'homicide, le plus punissable de tous les crimes, parce qu'il est de tous les vols le plus cruel, & un outrage capable d'occasionner les meurtres & les excès les plus déplorables.

L'autre espece de conjonction illégitime ne donne pas lieu communément aux mêmes éclats que l'adultere. Les maux qu'elle fait à la société ne sont pas si apparens : mais ils ne sont pas moins réels, & quoique dans un moindre degré d'énormité, ils sont peut-être beaucoup plus grands par leurs suites.

L'adultere, il est vrai, est l'union de deux coeurs corrompus & pleins d'injustice, qui devroient être un objet d'horreur l'un pour l'autre, par la raison que deux voleurs s'estiment d'autant moins, qu'ils se connoissent mieux. L'adultere peut extrèmement nuire aux enfans qui en proviennent, parce qu'il ne faut attendre pour eux, ni les effets de la tendresse maternelle, de la part d'une femme qui ne voit en eux que des sujets d'inquiétude, ou des reproches d'infidélité ; ni aucune vigilance sur leurs moeurs, de la part d'une mere qui n'a plus de moeurs, & qui a perdu le goût de l'innocence. Mais quoique ce soient-là de grands desordres, tant que le mal est secret, la société en souffre peu en apparence : les enfans sont nourris, & reçoivent même une sorte d'éducation honnête. Il n'en est pas de même de l'union passagere des personnes qui sont sans engagement.

Les plaisirs que Dieu a voulu attacher à la société conjugale, tendent à faire croître le genre humain ; & l'effet suit l'institution de la Providence, quand ces plaisirs sont assujettis à une regle : mais la ruine de la fécondité & l'opprobre de la société sont les suites infaillibles des liaisons irrégulieres.

D'abord elles sont la ruine de la fécondité : les femmes qui ne connoissent point de devoirs, aiment peu la qualité de mere, & s'y trouvent trop exposées ; ou si elles le deviennent, elles ne redoutent rien tant que le fruit de leur commerce. On ne voit qu'avec dépit ces malheureux enfans arriver à la lumiere ; il semble qu'ils n'y ayent point de droit, & l'on prévient leur naissance par des remedes meurtriers ; ou on les tue après qu'ils ont vu le jour, ou l'on s'en délivre en les exposant. Il se forme de cet amas d'enfans dispersés à l'aventure, une vile populace sans éducation, sans biens, sans profession. L'extrème liberté dans laquelle ils ont toûjours vécu, les laisse nécessairement sans principe, sans regle & sans retenue. Souvent le dépit & la rage les saisissent, & pour se vanger de l'abandon où ils se voyent, ils se portent aux excès les plus funestes.

Le moindre des maux que puissent causer ces amours illégitimes, c'est de couvrir la terre de citoyens infortunés, qui périssent sans pouvoir s'allier, & qui n'ont causé que du mal à cette société, où on ne les a vûs qu'avec mépris.

Rien n'est donc plus contraire à l'accroissement & au repos de la société, que la doctrine & le célibat infame de ces faux Philosophes, qu'on écoute dans le monde, & qui ne nous parlent que du bien de la société, pendant qu'ils en ruinent en effet les véritables fondemens. D'une autre part, rien de si salutaire à un Etat, que la doctrine & le zele de l'Eglise, puisqu'elle n'honore le célibat que dans l'intention de voir ceux qui l'embrassent en devenir plus parfaits, & plus utiles aux autres ; qu'elle s'applique à inculquer aux grands comme aux petits, la dignité du mariage, pour les fixer tous dans une sainte & honorable société : puisqu'enfin c'est elle qui travaille avec inquiétude à recouvrer, à nourrir, & à instruire ces enfans, qu'une Philosophie toute bestiale avoit abandonnés. (X)

Les anciens Romains n'avoient point de loi formelle contre l'adultere ; l'accusation & la peine en étoient arbitraires. L'Empereur Auguste fut le premier qui en fit une, qu'il eut le malheur de voir exécuter dans la personne de ses propres enfans : ce fut la loi Julia, qui portoit peine de mort contre les coupables : mais, quoiqu'en vertu de cette loi, l'accusation du crime d'adultere fût publique & permise à tout le monde, il est certain néanmoins que l'adultere a toûjours été considéré plûtôt comme un crime domestique & privé, que comme un crime public ; ensorte qu'on permettoit rarement aux étrangers d'en poursuivre la vengeance, sur-tout si le mariage étoit paisible, & que le mari ne se plaignît point.

Aussi quelques-uns des Empereurs qui suivirent, abrogerent-ils cette loi qui permettoit aux étrangers l'accusation d'adultere ; parce que cette accusation ne pouvoit être intentée sans mettre de la division entre le mari & la femme, sans mettre l'état des enfans dans l'incertitude, & sans attirer sur le mari le mépris & la risée ; car comme le mari est le principal intéressé à examiner les actions de sa femme, il est à supposer qu'il les examinera avec plus de circonspection que personne ; de sorte que quand il ne dit mot, personne n'est en droit de parler. Voyez ACCUSATION.

Voilà pourquoi la loi en certains cas a établi le mari juge & exécuteur en sa propre cause, & lui a permis de se venger par lui-même de l'injure qui lui étoit faite, en surprenant dans l'action même les deux coupables qui lui ravissoient l'honneur. Il est vrai que quand le mari faisoit un commerce infame de la débauche de sa femme, ou que témoin de son desordre, il le dissimuloit & le souffroit ; alors l'adultere devenoit un crime public, & la loi Julia décernoit des peines contre le mari même aussi-bien que contre la femme.

A présent, dans la plûpart des contrées de l'Europe, l'adultere n'est point réputé crime public ; il n'y a que le mari seul qui puisse accuser sa femme : le ministere public même ne le pourroit pas, à moins qu'il n'y eût un grand scandale.

De plus, quoique le mari qui viole la foi conjugale soit coupable aussi-bien que la femme, il n'est pourtant point permis à celle-ci de l'en accuser, ni de le poursuivre pour raison de ce crime. Voyez MARI, &c.

Socrate rapporte que sous l'Empereur Théodose en l'année 380, une femme convaincue d'adultere, fut livrée, pour punition, à la brutalité de quiconque voulut l'outrager.

Lycurgue punissoit un homme convaincu d'adultere comme un parricide ; les Locriens lui crevoient les yeux ; & la plûpart des peuples orientaux punissent ce crime très-séverement.

Les Saxons anciennement brûloient la femme adultere ; & sur ses cendres ils élevoient un gibet où ils étrangloient le complice. En Angleterre le roi Edmond punissoit l'adultere comme le meurtre : mais Canut ordonna que la punition de l'homme seroit d'être banni, & celle de la femme d'avoir le nez & les oreilles coupés.

En Espagne on punissoit le coupable par le retranchement des parties qui avoient été l'instrument du crime.

En Pologne, avant que le Christianisme y fût établi, on punissoit l'adultere & la fornication d'une façon bien singuliere. On conduisoit le criminel dans la place publique ; là on l'attachoit avec un crochet par les testicules, lui laissant un rasoir à sa portée ; de sorte qu'il falloit de toute nécessité qu'il se mutilât lui-même pour se dégager ; à moins qu'il n'aimât mieux périr dans cet état.

Le Droit civil, réformé par Justinien, qui sur les remontrances de sa femme Theodora modéra la rigueur de la loi Julia, portoit que la femme fût foüettée & enfermée dans un couvent pour deux ans : & si durant ce tems le mari ne vouloit point se résoudre à la reprendre, on lui coupoit les cheveux & on l'enfermoit pour toute sa vie. C'est-là ce qu'on appella authentique, parce que la loi qui contenoit ces dispositions étoit une authentique ou novelle. Voyez AUTHENTIQUE & AUTHENTIQUER.

Les lois concernant l'adultere sont à présent bien mitigées. Toute la peine qu'on inflige à la femme convaincue d'adultere, c'est de la priver de sa dot & de toutes ses conventions matrimoniales, & de la reléguer dans un monastere. On ne la foüette même pas, de peur que si le mari se trouvoit disposé à la reprendre, cet affront public ne l'en détournât.

Cependant les héritiers ne seroient pas reçus à intenter contre la veuve l'action d'adultere, à l'effet de la priver de ses conventions matrimoniales. Ils pourroient seulement demander qu'elle en fût déchûe, si l'action avoit été intentée par le mari : mais il leur est permis de faire preuve de son impudicité pendant l'an du deuil, à l'effet de la priver de son doüaire. Voyez DEUIL.

La femme condamnée pour adultere, ne cesse pas pour cela d'être sous la puissance du mari.

Il y eut un tems où les Lacédémoniens, loin de punir l'adultere, le permettoient, ou au moins le toléroient, à ce que nous dit Plutarque.

L'adultere rend le mariage illicite entre les deux coupables, & forme ce que les Théologiens appellent impedimentum criminis.

Les Grecs & quelques autres Chrétiens d'Orient sont dans le sentiment que l'adultere rompt le lien du mariage ; en sorte que le mari peut sans autre formalité épouser une autre femme. Mais le concile de Trente, session XXIV. can. 7. condamne ce sentiment, & anathématise en quelque sorte ceux qui le soûtiennent.

En Angleterre, si une femme mariée abandonne son mari pour vivre avec un adultere, elle perd son doüaire, & ne pourra pas obliger son mari à lui donner quelqu'autre pension :

Sponte virum mulier fugiens, & adultera facta,

Dote suâ careat, nisi sponso sponte retracta. (H)

* Quelques Astronomes appellent adultere les éclipses du soleil & de la lune, lorsqu'elles arrivent d'une maniere insolite, & qu'il leur plaît de trouver irréguliere ; telles que sont les éclipses horisontales : car quoique le soleil & la lune soient diamétralement opposés alors, ils ne laissent pas de paroître tous deux au-dessus de l'horison ; ce mot n'est plus usité. Voyez ÉCLIPSE, REFRACTION, &c.


ADULTÉRINadj. terme de Droit, se dit des enfans provenus d'un adultere. Voyez ADULTERE.

Les enfans adultérins sont plus odieux que ceux qui sont nés de personnes libres. Les Romains leur refusoient même la qualité d'enfans naturels, comme si la nature les desavoüoit. Voyez BASTARD.

Les bâtards adultérins sont incapables de bénéfice, s'ils ne sont légitimés ; & il y a des exemples de pareilles légitimations. Voyez LEGITIMATION.

Le mariage subséquent, s'il devient possible par la dissolution de celui du pere ou de la mere de l'enfant adultérin, ou de tous les deux, n'opere point la légitimation ; c'est au contraire un nouveau crime, les lois canoniques défendant le mariage entre les adulteres, sur-tout s'ils se sont promis l'un à l'autre de le contracter lors de leur adultere. V. ADULTERE. (H)


ADUSTEadj. en Medecine, s'applique aux humeurs qui, pour avoir été long-tems échauffées, sont devenues comme brûlées. Ce mot vient du Latin adustus, brûlé. On met la bile au rang de ces humeurs adustes ; & la mélancholie n'est, à ce que l'on croit, qu'une bile noire & aduste. Voyez BILE, MELANCHOLIE, &c.

On dit que le sang est aduste, lorsqu'ayant été extraordinairement échauffé, ses parties les plus subtiles se sont dissipées, & n'ont laissé que les plus grossieres à demi brûlées pour ainsi dire, & avec toutes leurs impuretés : la chaleur raréfiant le sang, ses parties aqueuses & séreuses s'atténuent & s'envolent, & il ne reste que la partie fibreuse avec la globuleuse, concentrée & dépouillée de son véhicule ; c'est alors que se forme tantôt cette couenne, tantôt ce rouge brillant que l'on remarque au sang qui est dans une palette. Cet état des humeurs se rencontre dans les fievres & les inflammations, & demande par conséquent que l'on ôte la cause en restituant au sang le véhicule dont il a besoin pour circuler. Le remede le plus efficace alors est l'usage des délayans ou aqueux, tempérés par les adoucissans. Voyez SANG & HUMEUR, &c. (N)


ADVENANTS. m. (Jurisprudence.) c'est la portion légitime des héritages & patrimoine en laquelle une fille peut succéder ab intestat. La quatrieme partie de l'advenant est le plus que l'advenant dont les peres & meres peuvent disposer avant le mariage de leur fils aîné, en faveur de leur fille aînée ou autre fille mariée la premiere, soit en forme de dot, ou par autre don de noces. Ragueau.


ADVENEMENTS. m. ou AVENEMENT. (Hist. mod.) se dit de l'élévation d'un prince sur le throne, d'un pape à la souveraine prélature.


ADVENTICou ADVENTIF, adj. m. terme de Jurisprudence, se disent de ce qui arrive ou accroît à quelqu'un ou à quelque chose du dehors. Voyez ACCRETION, &c.

Ainsi matiere adventive est celle qui n'appartient pas proprement à un corps, mais qui y est jointe fortuitement.

Adventice se dit aussi des biens qui viennent à quelqu'un comme un présent de la fortune, ou par la libéralité d'un étranger, ou par succession collatérale, & non pas par succession directe. V. BIENS.

En ce sens adventice est opposé à profectice, qui se dit des biens qui viennent en ligne directe du pere ou de la mere au fils. Voyez PROFECTICE. (H)


ADVERBES. m. terme de Grammaire : ce mot est formé de la préposition latine ad, vers, auprès, & du mot verbe ; parce que l'adverbe se met ordinairement auprès du verbe, auquel il ajoûte quelque modification ou circonstance : il aime constamment, il parle bien, il écrit mal. Les dénominations se tirent de l'usage le plus fréquent : or le service le plus ordinaire des adverbes est de modifier l'action que le verbe signifie, & par conséquent de n'en être pas éloignés ; & voilà pourquoi on les a appellés adverbes, c'est-à-dire mots joints au verbe ; ce qui n'empêche pas qu'il n'y ait des adverbes qui se rapportent aussi au nom adjectif, au participe & à des noms qualificatifs, tels que roi, pere, &c. car on dit, il m'a paru fort changé ; c'est une femme extrèmement sage & fort aimable ; il est véritablement roi.

En faisant l'énumération des différentes sortes de mots qui entrent dans le discours, je place l'adverbe après la préposition, parce qu'il me paroît que ce qui distingue l'adverbe des autres especes de mots, c'est que l'adverbe vaut autant qu'une préposition & un nom ; il a la valeur d'une préposition avec son complément ; c'est un mot qui abrege ; par exemple, sagement vaut autant que avec sagesse.

Ainsi tout mot qui peut être rendu par une préposition & un nom, est un adverbe ; par conséquent ce mot y, quand on dit il y est, ce mot, dis-je, est un adverbe qui vient du latin ibi ; car il y est est comme si l'on disoit, il est dans ce lieu-là, dans la maison, dans la chambre, &c.

Où est encore un adverbe qui vient du latin ubi, que l'on prononçoit oubi, où est-il ? c'est-à-dire, en quel lieu.

Si, quand il n'est pas conjonction conditionnelle, est aussi adverbe, comme quand on dit, elle est si sage, il est si savant ; alors si vient du latin sic, c'est-à-dire, à ce point, au point que, &c. c'est la valeur ou signification du mot, & non le nombre des syllabes, qui doit faire mettre un mot en telle classe plûtôt qu'en telle autre ; ainsi à est préposition quand il a le sens de la préposition latine à ou celui de ad, au lieu que a est mis au rang des verbes quand il signifie habet, & alors nos peres écrivoient ha.

Puisque l'adverbe emporte toûjours avec lui la valeur d'une préposition, & que chaque préposition marque une espece de maniere d'être, une sorte de modification dont le mot qui suit la préposition fait une application particuliere ; il est évident que l'adverbe doit ajoûter quelque modification ou quelque circonstance à l'action que le verbe signifie ; par exemple, il a été reçû avec politesse ou poliment.

Il suit encore de-là que l'adverbe n'a pas besoin lui-même de complément ; c'est un mot qui sert à modifier d'autres mots, & qui ne laisse pas l'esprit dans l'attente nécessaire d'un autre mot, comme font le verbe actif & la préposition ; car si je dis du roi qu'il a donné, on me demandera quoi & à qui. Si je dis de quelqu'un qu'il s'est conduit avec, ou par, ou sans, ces prépositions font attendre leur complément ; au lieu que si je dis, il s'est conduit prudemment, &c. l'esprit n'a plus de question nécessaire à faire par rapport à prudemment : je puis bien à la vérité demander en quoi a consisté cette prudence ; mais ce n'est plus là le sens nécessaire & grammatical.

Pour bien entendre ce que je veux dire, il faut observer que toute proposition qui forme un sens complet est composée de divers sens ou concepts particuliers, qui, par le rapport qu'ils ont entr'eux, forment l'ensemble ou sens complet.

Ces divers sens particuliers, qui sont comme les pierres du bâtiment, ont aussi leur ensemble. Quand je dis le soleil est levé, voilà un sens complet : mais ce sens complet est composé de deux concepts particuliers : j'ai le concept de soleil, & le concept de est levé : or remarquez que ce dernier concept est composé de deux mots est & levé, & que ce dernier suppose le premier. Pierre dort : voilà deux concepts énoncés par deux mots : mais si je dis, Pierre bat, ce mot bat n'est qu'une partie de mon concept, il faut que j'énonce la personne ou la chose que Pierre bat : Pierre bat Paul ; alors Paul est le complément de bat : bat Paul est le concept entier, mais concept partiel de la préposition Pierre bat Paul.

De même si je dis Pierre est avec, sur, ou dans, ces mots avec, sur, ou dans ne sont que des parties de concept, & ont besoin chacun d'un complément ; or ces mots joints à un complément font un concept, qui, étant énoncé en un seul mot, forme l'adverbe, qui, en tant que concept particulier & tout formé, n'a pas besoin de complément pour être tel concept particulier.

Selon cette notion de l'adverbe, il est évident que les mots qui ne peuvent pas être réduits à une préposition suivie de son complément, sont ou des conjonctions ou des particules qui ont des usages particuliers : mais ces mots ne doivent point être mis dans la classe des adverbes ; ainsi je ne mets pas non, ni oui parmi les adverbes ; non, ne, sont des particules négatives.

A l'égard de oui, je crois que c'est le participe passif du verbe ouir, & que nous disons oui par ellipse, cela est oui, cela est entendu : c'est dans le même sens que les Latins disoient, dictum puto. Ter. Andr. act. I. sc. 1.

Il y a donc autant de sortes d'adverbes qu'il y a d'especes de manieres d'êtres qui peuvent être énoncées par une préposition & son complément, on peut les réduire à certaines classes.

ADVERBES DE TEMS. Il y a deux questions de tems, qui se font par des adverbes, & auxquelles on répond ou par des adverbes ou par des prépositions avec un complément.

1. Quando, quand viendrez-vous ? demain, dans trois jours.

2. Quandiu, combien de tems ? tandiu, si longtems que, autant de tems que.

D. Combien de tems Jesus-Christ a-t-il vêcu ? R. Trente-trois ans : on sous-entend pendant.

Voici encore quelques adverbes de tems : donec jusqu'à ce que ; quotidie tous les jours : on sous-entend la préposition pendant, per : nunc maintenant, présentement, alors, c'est-à-dire à l'heure.

Auparavant : ce mot étant adverbe ne doit point avoir de complément ; ainsi c'est une faute de dire auparavant cela ; il faut dire avant cela, autrefois, dernierement.

Hodie, aujourd'hui, c'est-à-dire au jour de hui, au jour présent ; on disoit autrefois simplement hui, je n'irai hui. Nicod. Hui est encore en usage dans nos provinces méridionales ; heri, hier ; cras, demain ; olim, quondam, alias, autrefois, un jour, pour le passé & pour l'avenir.

Aliquando, quelquefois ; pridie, le jour de devant ; postridie, quasi posterà die, le jour d'après ; perindie, après demain ; mane, le matin ; vespere & vesperi, le soir ; sero, tard ; nudius-tertius, avant-hier, c'est-à-dire, nunc est dies tertius, quartus, quintus, &c. il y a trois, quatre, cinq jours, &c. unquam, quelques jours, avec affirmation ; nunquam, jamais, avec négation ; jam, déjà ; nuper, il n'y a pas long-tems.

Diu, long-tems ; recens & recenter, depuis peu ; jam-dudum, il y a long-tems ; quando, quand ; antehac, ci-devant ; posthac, ci-après ; dehinc, deinceps, à l'avenir ; antea, priùs, auparavant ; antequam, priusquam, avant que ; quoad, donec, jusqu'à ce que ; dum, tandis que ; mox, bien-tôt ; statim, dabord, tout-à-l'heure ; tum, tunc, alors ; etiam-nunc, ou etiam-num, encore maintenant ; jam-tum, dèslors ; prope-diem, dans peu de tems ; tandem, demum, denique, enfin ; deinceps, à l'avenir ; plerumque, crebro, frequenter, ordinairement, d'ordinaire.

ADVERBES DE LIEU. Il y a quatre manieres d'envisager le lieu : on peut le regarder 1°. comme étant le lieu où l'on est, où l'on demeure ; 2°. comme étant le lieu où l'on va ; 3°. comme étant le lieu par où l'on passe ; 4°. comme étant le lieu d'où l'on vient. C'est ce que les Grammairiens appellent in loco, ad locum, per locum, de loco ; ou autrement, ubi, quo, qua, unde.

1. In loco, ou ubi, où est-il ? il est là ; où & là, sont adverbes ; car on peut dire en quel lieu ? R. en ce lieu ; hic, ici, où je suis ; istic, où vous êtes ; illic, & ibi, là où il est.

2. Ad locum, ou quò ; ce mot pris aujourd'hui adverbialement, est un ancien accusatif neutre, comme duo & ambo ; il s'est conservé en quocirca, c'est pourquoi, c'est pour cette raison : quò vadis, où allez-vous ? R. Huc, ici ; istuc, là où vous êtes ; illuc, là où il est ; eò, là.

3. Qua ? qua ibo ? là, où irai-je ? R. hac, par ici ; istac, par là où vous êtes ; illac, par là où il est.

4. Unde ? unde venis ? D'où venez-vous ? hinc, d'ici ; istinc, de-là ; illinc, de-là ; inde, de-là.

Voici encore quelques adverbes de lieu ou de situation ; y, il y est, ailleurs, devant, derriere, dessus, dessous, dedans, dehors, partout, autour.

DE QUANTITE : quantum, combien ; multum, beaucoup, qui vient de bella copia, ou selon un beau coup ; parum, peu ; minimum, fort peu ; plus, ou ad plus, davantage ; plurimum, très-fort ; aliquantulum, un peu ; modicè, médiocrement ; largè, amplement ; affatim, abundanter, abundè, copiosè, ubertim, en abondance, à foison, largement.

DE QUALITE : doctè, savamment ; piè, pieusement ; ardenter, ardemment ; sapienter, sagement ; alacriter, gaiement ; benè, bien ; malè, mal ; feliciter, heureusement ; & grand nombre d'autres formés des adjectifs, qui qualifient leurs substantifs.

DE MANIERE : celeriter, promptement ; subitò, tout d'un coup ; lentè, lentement ; festinanter, properè, properanter, à la hâte ; sensim, peu-à-peu ; promiscuè, confusément ; protervè, insolemment ; multifariam, de diverses manieres ; bifariam, en deux manieres : racine, bis & viam, ou faciem, &c.

Utinam peut être regardé comme une interjection, ou comme un adverbe de desir, qui vient de ut, uti, & de la particule explétive nam : nous rendons ce mot par une périphrase, plût à Dieu que.

Il y a des adverbes qui servent à marquer le rapport, ou la relation de ressemblance : ita ut, ainsi que ; quasi, ceu, par un c, ut, uti, velut, veluti, sic, sicut, comme, de la même maniere que ; tanquam, de même que.

D'autres au contraire marquent diversité ; aliter, autrement ; alioquin, caeteroquin, d'ailleurs, autrement.

D'autres adverbes servent à compter combien de fois : semel, une fois ; bis, deux fois ; ter, trois fois, &c. en François, nous sous-entendons ici quelques prépositions, pendant, pour, par trois fois ; quoties, combien de fois ; aliquoties, quelquefois ; quinquies, cinq fois ; centies, cent fois ; millies, mille fois ; iterum, denuò, encore ; saepè, crebrò, souvent ; rarò, rarement.

D'autres sont adverbes de nombre ordinal, primò, premierement ; secundò, secondement, en second lieu : ainsi des autres.

D'INTERROGATION : quare, c'est-à-dire, quâ de re, & par abréviation, cur, quamobrem, ob quam rem, quapropter, pourquoi, pour quel sujet ; quomodò, comment. Il y a aussi des particules qui servent à l'interrogation, an, anne, num, nunquid, nonne, ne, joint à un mot ; vides-ne ? voyez-vous ? ec joint à certains mots, ecquando, quand ? ecquis, qui ? ecqua mulier (Cic.), quelle femme ?

D'AFFIRMATION : etiam, ita, ainsi ; certè, certainement ; sanè, vraiment, oui, sans doute : les Anciens disoient aussi Hercle, c'est-à-dire, par Hercule ; Pol, Aedepol, par Pollux ; Naecastor, ou Mecastor, par Castor, &c.

DE NEGATION : nullatenus, en aucune maniere ; nequaquam, haudquaquam, neutiquam, minimè, nullement, point du tout ; nusquam, nulle part, en aucun endroit.

DE DIMINUTION : fermè, ferè, penè, propè, presque ; tantum non, peu s'en faut.

DE DOUTE : fors, forte, forsan, forsitan, fortasse, peut-être.

Il y a aussi des adverbes qui servent dans le raisonnement, comme quia, que nous rendons par une préposition & un pronom, suivi du relatif que, parce que, propter illud quod est ; atque ita, ainsi ; atqui, or ; ergo, par conséquent.

Il y a aussi des adverbes qui marquent assemblage : una, simul, ensemble ; conjunctim, conjointement ; pariter, juxta, pareillement : d'autres division : seorsim, seorsum, privatim, à part, en particulier, séparément ; sigillatim, en détail, l'un après l'autre.

D'EXCEPTION : tantum, tantummodo, solum, solummodo, duntaxat, seulement.

Il y a aussi des mots qui servent dans les comparaisons pour augmenter la signification des adjectifs : par exemple on dit au positif pius, pieux, magis pius, plus pieux : maximè pius, très-pieux ; ou fort pieux. Ces mots plus, magis, très-fort, sont aussi considérés comme des adverbes : fort, c'est-à-dire fortement, extrèmement ; très, vient de ter, trois fois ; plus, c'est-à-dire, ad plus, selon une plus grande valeur, &c. minus, moins, est encore un adverbe qui sert aussi à la comparaison.

Il y a des adverbes qui se comparent, surtout les adverbes de qualité, ou qui expriment ce qui est susceptible de plus ou de moins : comme diu, longtems ; diutius, plus long-tems ; doctè, savamment ; doctius, plus savamment ; doctissimè, très-savamment ; fortiter, vaillamment ; fortiùs, plus vaillamment ; fortissimè, très-vaillamment.

Il y a des mots que certains Grammairiens placent avec les conjonctions, & que d'autres mettent avec les adverbes : mais si ces mots renferment la valeur d'une préposition, & de son complément, comme quia, parce que ; quapropter, c'est pourquoi, &c. ils sont adverbes ; & s'ils font de plus l'office de conjonction, nous dirons que ce sont des adverbes conjonctifs.

Il y a plusieurs adjectifs en Latin & en François qui sont pris adverbialement, transversa tuentibus hircis, où transversa est pour transversè, de travers ; il sent bon, il sent mauvais, il voit clair, il chante juste, parlez bas, parlez haut, frappez fort. (F)


ADVERBIALALE, adjectif, terme de Grammaire ; par exemple, marcher à tâtons, iter praetentare baculo, ou dubio manuum conjectu : à tâtons, est une expression adverbiale ; c'est-à-dire qui est équivalente à un adverbe. Si l'usage avoit établi un seul mot pour exprimer le même sens, ce mot seroit un adverbe ; mais comme ce sens est énoncé en deux mots, on dit que c'est une expression adverbiale. Il en est de même de vis-à-vis, & tout-d'un-coup, tout-à-coup, à coup-sûr, qu'on exprime en latin en un seul mot par des adverbes particuliers, improvisè, subitò, certò, & tout-de-bon, seriò, &c.


ADVERBIALEMENTadv. c'est-à-dire, à la maniere des adverbes. Par exemple, dans ces façons de parler, tenir bon, tenir ferme ; bon & ferme sont pris adverbialement, constanter perstare : sentir bon, sentir mauvais ; bon & mauvais sont encore pris adverbialement, bene, ou jucundè olere, male olere.


ADVERSAIRES. m. (Jurisprud.) Voyez ANTAGONISTE, OPPOSANT, COMBAT, DUEL, &c.

Ce mot est formé de la préposition latine adversus, contre, composée de ad, vers, & vertere, tourner. Il signifie au Palais la partie adverse de celui qui est engagé dans un procès.


ADVERSATIFIVE, adj. terme de Grammaire, qui se dit d'une conjonction qui marque quelque différence, quelque restriction ou opposition, entre ce qui suit & ce qui précede. Ce mot vient du latin adversus, contraire, opposé.

Mais est une conjonction adversative : il voudroit savoir, mais il n'aime pas l'étude. Cependant, néanmoins, pourtant, sont des adverbes qui font aussi l'office de conjonction adversative

Il y a cette différence entre les conjonctions adversatives & les disjonctives, que dans les adversatives le premier sens peut subsister sans le second qui lui est opposé ; au lieu qu'avec les disjonctives, l'esprit considere d'abord les deux membres ensemble, & ensuite les divise en donnant l'alternative, en les partageant & les distinguant : c'est le soleil ou la terre qui tourne. C'est vous ou moi. Soit que vous mangiez, soit que vous bûviez. En un mot, l'adversative restraint ou contrarie, au lieu que la disjonctive sépare ou divise. (F)


ADVERSEadj. (Partie) terme de Palais, signifie la Partie avec laquelle on est en procès. Voyez ci-dessus ADVERSAIRE.


ADVERTISSEMENTS. m. terme de Palais, pieces d'écritures que fait l'Advocat dans un procès appointé en premiere instance, pour établir l'état de la question, & les moyens tant de fait que de droit.


ADVEUADVEU & DÉNOMBREMENT, s. m. terme de Jurisprudence féodale, est un acte que le nouveau vassal est obligé de donner à son Seigneur dans les quarante jours après avoir fait la foi & hommage ; portant qu’il reconnoît tenir de lui tels & tels héritages, dont l’acte doit contenir la description, si ce ne sont des Fiefs, par tenans & aboutissans. On appelle cet acte adveu, parce qu’il emporte reconnoissance que son fief réleve du Seigneur à qui il présente l’adveu.

L'adveu est opposé au desaveu. Voyez ce dernier.

Après le fournissement dudit adveu & dénombrement, le seigneur a quarante jours pour le blâmer ; lesquels expirés, le vassal le peut retirer d'entre les mains du seigneur : & alors si le seigneur ne l'a pas blâmé, il est tenu pour reçû. Voyez BLASME.

Les adveux & dénombremens ne sauroient nuire à un tiers : soit que ce tiers soit un autre seigneur prétendant la directe sur les héritages mentionnés en l'adveu, ou sur partie d'iceux ; soit que ce fût un autre vassal qui prétendît droit de propriété sur une portion de ces mêmes héritages ou sur la totalité.

Si l'adveu est blâmé par le seigneur, le vassal peut être contraint de le réformer par saisie de son fief. Ainsi jugé au Parlement de Paris par Arrêt du 24 Janvier 1642.

L'adveu & dénombrement n'est pas dû comme la foi & hommage à chaque mutation de la part du fief dominant. Cependant si le nouveau seigneur l'exige, le vassal est obligé de le fournir, quoiqu'il l'ait déja fourni précédemment ; mais ce sera aux frais du Seigneur.

Les Coûtumes sont différentes sur le sujet du dénombrement, tant pour le délai, que pour la peine du vassal qui ne l'a pas fourni à tems. Dans celle de Paris, il a quarante jours, à compter de celui qu'il a été reçu en foi & hommage, au bout desquels, s'il n'y a pas satisfait, le Seigneur peut saisir le fief : mais il ne fait pas les fruits siens ; il doit établir des Commissaires, qui en rendent compte au vassal, après qu'il a satisfait à la Coûtume.


ADVISS. m. en terme de Palais, signifie le suffrage des Juges ou Conseillers séans pour la décision d'un procès.

Advis signifie encore, en terme de Pratique, le résultat des délibérations de personnes commises par la Justice pour examiner une affaire, & en dire leur sentiment. C'est en ce sens qu'on dit un advis de parens. (H)


ADVOATEURS. m. terme usité dans quelques Coûtumes pour signifier celui qui, autorisé par la loi du pays, s'empare des bestiaux qu'il trouve endommageant ses terres. (H)


ADVOCATparmi nous, est un Licentié ès Droits immatriculé au Parlement, dont la fonction est de défendre de vive voix ou par écrit les parties qui ont besoin de son assistance.

Ce mot est composé de la préposition Latine ad, à, & vocare, appeller, comme qui diroit appellé au secours des parties.

Les Advocats à Rome, quant à la plaidoirie, faisoient la même fonction que nos Advocats font au Barreau ; car pour les conseils ils ne s'en mêloient point : c'étoit l'affaire des Jurisconsultes.

Les Romains faisoient un grand cas de la profession d'Advocat : les siéges du Barreau de Rome étoient remplis de Consuls & de Sénateurs, qui se tenoient honorés de la qualité d'Advocats. Ces mêmes bouches qui commandoient au peuple étoient aussi employées à le défendre.

On les appelloit Comites, Honorati, Clarissimi, & même Patroni ; parce qu'on supposoit que leurs cliens ne leur avoient pas de moindres obligations que les esclaves en avoient aux maîtres qui les avoient affranchis. Voyez PATRON & CLIENT.

Mais alors les Advocats ne vendoient point leurs services. Ceux qui aspiroient aux honneurs & aux charges se jettoient dans cette carriere pour gagner l'affection du peuple ; & toûjours ils plaidoient gratuitement : mais lorsque le luxe se fut introduit à Rome, & que la faveur populaire ne servit plus à parvenir aux dignités, leurs talens n'étant plus récompensés par des honneurs ni des emplois, ils devinrent mercenaires par nécessité. La profession d'Advocat devint un métier lucratif ; & quelques-uns pousserent même si loin l'avidité du gain, que le Tribun Cincius, pour y pourvoir, fit une loi appellée de son nom Cincia, par laquelle il étoit expressément défendu aux Advocats de prendre de l'argent de leurs cliens. Frédéric Brummerus a fait un ample Commentaire sur cette loi.

Il avoit déjà été défendu aux Advocats de recevoir aucuns présens pour leurs plaidoyers : l'Empereur Auguste y ajoûta une peine : mais nonobstant toutes ces mesures, le mal étoit tellement enraciné, que l'Empereur Claudius crut avoir fait beaucoup que de leur défendre de prendre plus de dix grands sesterces pour chaque cause ; ce qui revient à 437 liv. 10 s. de notre monnoie.

Il y avoit à Rome deux sortes d'Advocats ; les plaidans & les Jurisconsultes : distinction que nous faisons aussi au Palais entre nos Advocats, dont les uns s'appliquent à la plaidoirie, & les autres se renferment dans la consultation. Il y avoit seulement cette différence, que la fonction des Jurisconsultes qui donnoient simplement leurs conseils, étoit distincte de celle des Advocats plaidans, qu'on appelloit simplement Advocats, puisqu'on n'en connoissoit point d'autres. Les Jurisconsultes ne plaidoient point : c'étoit une espece de Magistrature privée & perpétuelle, principalement sous les premiers Empereurs. D'une autre part, les Advocats ne devenoient jamais Jurisconsultes ; au lieu qu'en France les Advocats deviennent Jurisconsultes ; c'est-à-dire qu'ayant acquis de l'expérience & de la réputation au Barreau, & ne pouvant plus en soûtenir le tumulte & la fatigue, ils deviennent Advocats consultans.

ADVOCAT Général est un Officier de Cour souveraine, à qui les parties communiquent les causes où le Roi, le Public, l'Eglise, des Communautés ou des Mineurs sont intéressés ; & qui après avoir résumé à l'Audience les moyens des Advocats, donne lui-même son avis, & prend des conclusions en faveur de l'une des parties.

L'ADVOCAT Fiscal des Empereurs, Officier institué par Adrien, avoit quelque rapport avec nos Advocats Généraux, car il étoit aussi l'Advocat du Prince, mais spécialement dans les causes concernant le fisc, & ne se mêloit point de celles des particuliers.

ADVOCAT Consistorial, est un Officier de Cour de Rome, dont la fonction est entr'autres de plaider sur les oppositions aux provisions des bénéfices en cette Cour : ils sont au nombre de douze. V. PROVISION.

ADVOCAT d'une cité ou d'une ville : c'est dans plusieurs endroits d'Allemagne un Magistrat établi pour l'administration de la Justice dans la ville, au nom de l'Empereur. Voyez ADVOUE.

ADVOCAT se prend aussi dans un sens plus particulier, dans l'Histoire Ecclésiastique, pour une personne dont la fonction étoit de défendre les droits & les revenus de l'Eglise & des Communautés Religieuses, tant par armes qu'en Justice. Voyez DEFENSEUR, VIDAME.

Pris en ce sens, c'est la même chose qu'Advoüé, Défenseur, Conservateur, Oeconome, Causidicus, Mundiburdus, Tuteur, Acteur, Pasteur lai, Vidame, Scholastique, &c. Voyez ADVOUE, OECONOME, &c.

Il a été employé pour synonyme à Patron ; c'est-à-dire celui qui a l'advouerie ou le droit de présenter en son propre nom. Voyez PATRON, ADVOUERIE, PRESENTATION, &c.

Les Abbés & Monasteres ont aussi des Advocats ou Advoüés. Voyez ABBE, &c. (H)


ADVOUATEURS. m. terme usité en quelques Coûtumes pour signifier celui qui reclame & reconnoît pour sien du bétail qui a été pris en dommageant les terres d'autrui. (H)


ADVOUÉadj. (Jurisprud.) signifioit anciennement l'Advocat, c'est-à-dire le Patron ou Protecteur d'une Eglise ou Communauté Religieuse.

Ce mot vient, ou du Latin Advocatus, appellé à l'aide, ou de advotare, donner son suffrage pour une chose.

Les Cathédrales, les Abbayes, les Monasteres, & autres Communautés ecclésiastiques, avoient leurs Advoüés. Ainsi Charlemagne prenoit le titre d'Advoüé de S. Pierre ; le Roi Hugues, de S. Riquier : & Bollandus fait mention de quelques lettres du Pape Nicolas, par lesquelles il établissoit le saint Roi Edouard & ses successeurs Advoüés du Monastere de Westminster, & de toutes les Eglises d'Angleterre.

Ces Advoüés étoient les Gardiens, les Protecteurs, & en quelque sorte les Administrateurs du temporel des Eglises ; & c'étoit sous leur autorité que se faisoient tous les contrats concernant ces Eglises. Voyez DEFENSEURS, &c.

Il paroît même par d'anciennes chartes, que les donations qu'on faisoit aux Eglises étoient conférées en la personne des Advoüés.

C'étoient eux qui se présentoient en jugement pour les Eglises dans toutes leurs causes, & qui rendoient la justice pour elles dans tous les lieux où elles avoient jurisdiction.

C'étoient eux qui commandoient les troupes des Eglises en guerre, & qui leur servoient de champions & de duellistes. Voyez COMBAT, DUEL, CHAMPION.

On prétend que cet office fut introduit dès le tems de Stilicon dans le jv. siecle : mais les Bénédictins n'en font remonter l'origine qu'au viij. Act. S. Bened. S. iij. P. I. Praef. p. 9. &c.

Dans la suite, les plus grands Seigneurs même firent les fonctions d'Advoüés, & en prirent la qualité, lorsqu'il fallut défendre les Eglises par leurs armes, & les protéger par leur autorité. Ceux de quelques Monasteres prenoient le titre de Conservateurs : mais ce n'étoit autre chose que des Advoüés sous un autre nom. Voyez CONSERVATEUR.

Il y eut aussi quelquefois plusieurs Sous-advoüés ou Sous-advocats dans chaque Monastere, ce qui néanmoins fit grand tort aux Monasteres, ces Officiers inférieurs y introduisant de dangereux abus ; aussi furent-ils supprimés au Concile de Rheims en 1148.

A l'exemple de ces Advoüés de l'Eglise, on appella aussi du même nom les maris, les tuteurs, ou autres personnes en général qui prenoient en main la défense d'un autre. Plusieurs villes ont eu aussi leurs Advoüés. On trouve dans l'Histoire les Advoüés d'Ausbourg, d'Arras, &c.

Les Vidames prenoient aussi la qualité d'Advoüés ; & c'est ce qui fait que plusieurs Historiens du viij. siecle confondent ces deux qualités. Voyez VIDAME.

Et c'est aussi pourquoi plusieurs grands Seigneurs d'Allemagne, quoique séculiers, portent des mitres en cimier sur leur écu, parce que leurs peres ont porté la qualité d'Advoüés de grandes Eglises. Voyez MITRE & CIMIER.

Spelman distingue deux sortes d'Advoüés ecclésiastiques en Angleterre : les uns pour les causes ou procès, qu'il appelle Advocati causarum ; & les autres pour l'administration des domaines, qu'il appelle Advocati soli.

Les premiers étoient nommés par le Roi, & étoient ordinairement des Advocats de profession, intelligens dans les matieres ecclésiastiques.

Les autres qui subsistent encore, & qu'on appelle quelquefois de leur nom primitif Advoüés, mais plus souvent Patrons, étoient & sont encore héréditaires, étant ceux mêmes qui avoient fondé des Eglises, ou leurs héritiers. Voyez PATRONS.

Il y a eu aussi des femmes qui ont porté la qualité d'Advoüés, Advocatissae ; & en effet le Droit canonique fait mention de quelques-unes qui avoient même droit de présentation dans leurs Eglises que les Advoüés ; & même encore à présent, si le droit de Patronage leur est transmis par succession, elles l'exercent comme les mâles.

Dans un Edit d'Edouard III. Roi d'Angleterre, on trouve le terme d'Advoüé en chef, c'est-à-dire Patron souverain, qui s'entend du Roi ; qualité qu'il prend encore à présent, comme le Roi de France la prend dans ses états.

Il y a eu aussi des Advoüés de contrées & de provinces. Dans une chartre de 1187, Berthold Duc de Zeringhem est appellé Advoüé de Thuringe ; & dans la notice des Eglises Belgiques publiée par Miraeus, le Comte de Louvain est qualifié Advoüé de Brabant. Dans l'onzieme & douzieme siecle, on trouve aussi des Advoüés d'Alsace, de Soüabe, &c.

Raymond d'Agiles rapporte qu'après qu'on eut repris Jérusalem sur les Sarrasins, sur la proposition qu'on fit d'élire un Roi, les Evêques soûtinrent, " qu'on ne devoit pas créer un Roi pour une ville où un Dieu avoit souffert & avoit été couronné ", non debere ibi eligi Regem ubi Deus & coronatus est, &c. " que c'étoit assez d'élire un Advoüé pour gouverner la Place, &c. " Et en effet, Dodechin, Abbé Allemand, qui a écrit le voyage à la Terre-sainte du xij. siecle, appelle Godefroy de Bouillon, Advoüé du saint Sépulchre. (H)


ADVOUERIES. f. (Jurisprud.) qualité d'Advoüé. Voyez ADVOUE.

ADVOUERIE signifie entr'autres choses le droit de présenter à un Bénéfice vacant. Voyez PRESENTATION.

En ce sens, il est synonyme à patronage. Voyez PATRONAGE.

La raison pourquoi on a donné au patronage le nom d'advoüerie, c'est qu'anciennement ceux qui avoient droit de présenter à une Eglise, en étoient les Protecteurs & les bienfaiteurs, ce qu'on exprimoit par le mot Advoüé, Advocati.

Advoüerie pris pour synonyme à patronage, est le droit qu'a un Evêque, un Doyen, ou un Chapitre, ou un Patron laïque, de présenter qui ils veulent à un Bénéfice vacant. V. VACANCE & BENEFICE, &c.

L'advoüerie est de deux sortes ; ou personnelle, ou réelle ; personnelle, quand elle suit la personne & est transmissible à ses enfans & à sa famille, sans être annexée à aucun fonds ; réelle, quand elle est attachée à la glebe & à un certain héritage.

On acquiert l'advoüerie ou patronage, en bâtissant une Eglise, ou en la dotant.

Lorsque c'est un laïque qui la bâtit ou la dote, elle est en patronage laïque. Si c'est un ecclésiastique, il faut encore distinguer ; car s'il l'a fondée ou dotée de son propre patrimoine, c'est un patronage laïque : mais si c'est du bien de l'Eglise qu'elle a été fondée, c'est un patronage ecclésiastique.

Si la famille du fondateur est éteinte, le patronage en appartient au Roi, comme Patron de tous les Bénéfices de ses états, si ce n'est les Cures, & autres Bénéfices à charge d'ames qui tombent dans la nomination de l'ordinaire.

Si le Patron est retranché de l'Eglise, ou par l'excommunication, ou par l'hérésie, le patronage dort & n'est pas perdu pour le Patron, qui recommencera à en exercer les droits dès qu'il sera rentré dans le sein de l'Eglise. En attendant, c'est le Roi ou l'ordinaire qui pourvoyent aux Bénéfices vacans à sa présentation. Voyez PATRON.


ADYVoyez PALMIER.


ADYTUMS. ἀδύτον, (Hist. anc.) terme dont les Anciens se servoient pour désigner un endroit au fond de leurs Temples, où il n’étoit permis qu’aux Prêtres d’entrer ; c’étoit le lieu d’où partoient les Oracles.

Ce mot est Grec d’origine, & signifie inaccessible : il est composé d’ privatif & de δύω ou δύνω, entrer.

Parmi les Juifs, le tabernacle où reposoit l'arche d'alliance, & dans le temple de Salomon le Saint des Saints, étoient les lieux où Dieu manifestoit particulierement sa volonté : il n'étoit permis qu'au Grand-Prêtre d'y entrer, & cela une seule fois l'année. (G)


Æ(Gramm.) Cette figure n'est aujourd'hui qu'une diphthongue aux yeux, parce que quoiqu'elle soit composée de a & de e, on ne lui donne dans la prononciation que le son de l'e simple ou commun, & même on ne l'a pas conservée dans l'orthographe Françoise : ainsi on écrit César, Enée, Enéide, Equateur, Equinoxe, Eole, Préfet, Préposition, &c.

Comme on ne fait point entendre dans la prononciation le son de l'a & de l'e en une seule syllabe, on ne doit pas dire que cette figure soit une diphthongue.

On prononce a-éré, exposé à l'air, & de même a-érien : ainsi a-é ne font point une diphthongue en ces mots, puisque l'a & l'e y sont prononcés chacun séparément en syllabes particulieres.

Nos anciens auteurs ont écrit par ae le son de l'ai prononcé comme un ê ouvert : ainsi on trouve dans plusieurs anciens Poëtes l'aer au lieu de l'air, aer, & de même aeles pour aîles ; ce qui est bien plus raisonnable que la pratique de ceux qui écrivent par ai le son de l'é ouvert, Français, connaître. On a écrit connoître dans le tems que l'on prononçoit connoître ; la prononciation a changé, l'orthographe est demeurée dans les livres ; si vous voulez réformer cette orthographe & la rapprocher de la prononciation présente, ne réformez pas un abus par un autre encore plus grand : car ai n'est point fait pour représenter ê. Par exemple, l'interjection hai, hai, hai, bail, mail, &c. est la prononciation du Grec ταῖς, ούσαις.

Que si on prononce par ê la diphthongue oculaire ai en palais, &c. c'est qu'autrefois on prononçoit l'a & l'i en ces mots-là ; usage qui se conserve encore dans nos provinces méridionales : de sorte que je ne vois pas plus de raison de réformer François par Français, qu'il y en auroit à réformer palais par palois.

En Latin ae & ai étoient de véritables diphthongues, où l'a conservoit toûjours un son plein & entier, comme Plutarque l'a remarqué dans son Traité des Festins, ainsi ai que nous entendons le son de l'a dans notre interjection, hai, hai, hai ! Le son de l'e ou de l'i étoit alors très-foible ; & c'est à cause de cela qu'on écrivoit autrefois par ai ce que depuis on a écrit par ae, Musai ensuite Musae, Kaisar & Caesar. Voyez la Méthode Latine de P. R. (F)


ÆDESS. (Hist. anc.) chez les anciens Romains, pris dans un sens général, signifioit un bâtiment, une maison, l'intérieur du logis, l'endroit même où l'on mangeoit, si l'on adopte cette étymologie de Valafridus Strabon : potest enim fieri ut oedes ad edendum in eis, ut caenacula ad caenandum primo sint factae.

Le même mot dans un sens plus étroit, signifie une chapelle ou sorte de temple du second ordre, non consacré par les augures comme l'étoient les grands édifices proprement appellés temples. On trouve dans les anciennes descriptions de Rome, & dans les auteurs de la pure Latinité : Aedes Fortunae, Aedes Herculis, Aedes Juturnae. Peut-être ces temples n'étoient-ils affectés qu'aux dieux du second ordre ou demi-dieux. Le fond des temples où se rencontroit l'autel & la statue du dieu, se nommoit proprement Aedicula, diminutif d'Aedes.


AEGILOPSterme de Chirurgie, signifie un ulcere au grand angle de l'oeil. La cause de cette maladie est une tumeur inflammatoire qui a suppuré & qui s'est ouverte d'elle-même. On confond mal-à-propos l'aegilops avec la fistule lacrymale. L'aegilops n'attaquant point le sac ou réservoir des larmes, n'est point une maladie lacrymale. Voyez ANCHILOPS.

La cure de l'aegilops ne differe point de celle des ulceres. Voyez ULCERE (Y)

* AEGILOPS. Voyez YEUSE.


ÆGIUCHUS(Myth.) surnom de Jupiter, sous lequel les Romains l'honoroient quelquefois en mémoire de ce qu'il avoit été nourri par une chevre.


ÆGOCEROS(Myth.) Pan mis par les dieux au rang des astres, se métamorphosa lui-même en chevre, ce qui le fit surnommer aegoceros.


ÆGOLETHRONplante d'écrite par Pline. Il paroît que c'est celle que Tournefort a décrit sous le nom de chamaerododendros Pontica maxima mespili folio, flore luteo.

Cette plante croît dans la Colchide, & les abeilles sucent sa fleur : mais le miel qu'elles en tirent rend furieux ou ivres ceux qui en mangent, comme il arriva à l'armée des dix mille à l'approche de Trebisonde, au rapport de Xenophon : ces soldats ayant mangé de ce miel, il leur prit un vomissement & une diarrhée suivis de rêveries ; de sorte que les moins malades ressembloient à des ivrognes ou à des furieux, & les autres à des moribonds : cependant personne n'en mourut, quoique la terre parût jonchée de corps comme après une bataille ; & le mal cessa le lendemain, environ à l'heure qu'il avoit commencé ; de sorte que les soldats se leverent le troisieme & le quatrieme jour, mais en l'état que l'on est après avoir pris une forte medecine. La fleur de cet arbrisseau est comme celle du chevrefeuille, mais bien plus forte, au rapport du pere Lamberti, Missionnaire Théatin. Mémoires de l'Académie Royale des Sciences 1704. (N)

* Voici les caracteres de cette plante. Elle s'éleve à cinq ou six piés : son tronc est accompagné de plusieurs tiges menues, divisées en branches inégales, foibles & cassantes, blanches en-dedans, couvertes d'une écorce grisâtre & lisse, excepté à leurs extrémités où elles sont velues. Elles portent des touffes de feuilles assez semblables à celles du néflier des bois. Ces feuilles sont longues de quatre pouces, sur un pouce & demi de largeur vers le milieu, aiguës par les deux bouts, mais sur-tout par celui d'embas, de couleur verd gai, & legerement velues, excepté sur les bords où leurs poils forment une espece de sourcil. Elles ont la côte assez forte, & cette côte se distribue en nervures sur toute leur surface. Elle n'est qu'un prolongement de la queue des feuilles, qui n'a le plus souvent que trois ou quatre lignes de longueur sur une ligne d'épaisseur. Les fleurs naissent rassemblées au nombre de dix-huit ou vingt. Elles forment des bouquets à l'extrémité des branches, où elles sont soûtenues par des pédicules d'un pouce de long, velus, & naissans des aisselles de petites feuilles membraneuses, blanchâtres, longues de sept à huit lignes sur trois de large. Chaque fleur est un tube de deux lignes & demie de diametre, legerement cannelé, velu, jaune, tirant sur le verd. Il s'évase au-delà d'un pouce de diametre, & se divise en cinq portions dont celle du milieu a plus d'un pouce de long sur presqu'autant de largeur : elle est refleurie en arriere ainsi que les autres, & terminée en arcade gothique. Sa couleur est le jaune pâle, doré vers le milieu ; les autres portions sont plus étroites & plus courtes, mais pareillement jaunes pâles. La fleur entiere est ouverte par derriere, & s'articule avec un pistil pyramidal, cannelé, long de deux lignes, verd blanchâtre, legerement velu, garni d'un filet courbe, long de deux pouces, & terminé par un bouton verd pâle. Des environs de l'ouverture de la fleur sortent cinq étamines plus courtes que le pistil, inégales, courbes, chargées de sommets longs d'une ligne & demie, & chargés d'une poussiere jaunâtre. Les étamines sont aussi de cette couleur : elles sont velues depuis leur origine jusques vers leur milieu, & toutes les fleurs sont inclinées comme celles de la fraxinelle. Le pistil devient dans la suite un fruit d'environ quinze lignes de long, sur six ou sept lignes de diametre. Il est relevé de cinq côtés, dur, brun & pointu. Il s'ouvre de l'une à l'autre extrémité en sept ou huit endroits creusés en gouttieres ; ces gouttieres vont se terminer sur un axe qui traverse le fruit dont il occupe le milieu ; cet axe est cannelé, & distribue l'intérieur du fruit en autant de loges qu'il y a de gouttieres à l'extérieur.

C'est ainsi que M. Tournefort caractérise cette plante, dont les anciens ont connu les propriétés dangereuses.


ÆGOPHAGE(Myth.) Junon fut ainsi surnommée des chevres qu'on lui sacrifioit.


ÆGYPTEVoyez EGYPTE.


ÆLURUS(Myth.) Dieu des chats. Il est représenté dans les antiques Egyptiennes, tantôt en chat, tantôt en homme à tête de chat.


AEou AM, (Commerce.) mesure dont on se sert à Amsterdam pour les liquides. L'aem est de quatre ankers, l'anker de deux stekans ou trente-deux mingles ou mingelles, & le mingle revient à deux pintes, mesure de Paris. Six aems font un tonneau de quatre barriques de Bordeaux, dont chaque barrique rend à Amsterdam douze stekans & demi, ce qui fait 50 stekans le tonneau, ou 800 mingles vin & lie ; ce qui peut revenir à 1600 pintes de Paris ; & par conséquent l'aem revient à 250 ou 260 pintes de Paris.

AEM, AM ou AME. (Commerce.) Cette mesure pour les liqueurs qui est en usage dans presque toute l'Allemagne, n'est pourtant pas la même que celle d'Amsterdam, quoiqu'elle en porte le nom, ou un approchant ; & elle n'est pas même semblable dans toutes les villes d'Allemagne. L'ame communément est de 20 vertels, ou de 80 masses. A Heydelberg elle est de 12 vertels, & le vertel de 4 masses, ce qui réduit l'ame à 48 masses. Et dans le Wirtemberg l'ame est de 16 yunes, & l'yune de 10 masses, ce qui fait monter l'ame jusqu'à 160 masses. (G)


ÆON(Myth.) la premiere femme créée, dans le système des Phéniciens. Elle apprit à ses enfans à prendre des fruits pour leur nourriture, à ce que dit Sanchoniathon.


ÆORou GESTATION, (Hist. anc. gymnast.) Voyez GESTATION.


ÆREA(Myth.) Diane fut ainsi surnommée d'une montagne de l'Argolide où on lui rendoit un culte particulier.


AÉRERv. act. (Archit.) donner de l'air à un bâtiment. Il a fait percer sa galerie des deux côtés pour l'aérer davantage. Ce terme est de peu d'usage ; & l'on dit plûtôt mettre en bel air.

AERER, (Chasse.) se dit des oiseaux de proie qui font leurs aires ou leurs nids sur les rochers.


AÉRIENadj. qui est d'air ou qui concerne l'air. Voyez AIR.

Les Esseniens qui étoient chez les Juifs, la secte la plus subtile & la plus raisonnable, tenoient que l'ame humaine étoit une substance aérienne. Voyez ESSENIENS.

Les bons ou les mauvais Anges qui apparoissoient autrefois aux hommes, prenoient, dit-on, un corps aérien pour se rendre sensibles. Voyez ANGE.

Porphyre & Jamblique admettoient une sorte de Démons aériens à qui ils donnoient différens noms. Voyez DEMON, GENIE, &c.

Les Rosecroix, ou confreres de la Rosecroix, & autres Visionnaires, peuplent toute l'atmosphere d'habitans aériens. Voyez ROSECROIX, GNOME, &c. (G)


AERIENNE(Myt.) surnom donné à Junon, qui passoit pour la Déesse des airs.


AERIENSadj. pris sub. (Théol.) Sectaires du jv.e siecle qui furent ainsi appellés d'Aérius, Prêtre d'Arménie, leur chef. Les Aériens avoient à-peu-près les mêmes sentimens sur la Trinité que les Ariens : mais ils avoient de plus quelques dogmes qui leur étoient propres & particuliers : par exemple, que l'épiscopat est l'extension du caractere sacerdotal, pour pouvoir exercer certaines fonctions particulieres que les simples Prêtres ne peuvent exercer. Voyez EVEQUE, PRETRE, &c. Ils fondoient ce sentiment sur plusieurs passages de S. Paul, & singulierement sur celui de la premiere Epître à Timothée, chap. jv. v. 14. où l'Apôtre l'exhorte à ne pas négliger le don qu'il a reçu par l'imposition des mains des Prêtres. Sur quoi Aérius observe qu'il n'est pas là question d'Evêques, & qu'il est clair par ce passage que Timothée reçut l'ordination des Prêtres. Voyez ORDINATION.

S. Epiphane, Héres. 75. s'éleve avec force contre les Aériens en faveur de la supériorité des Evêques. Il observe judicieusement que le mot Presbyterii, dans S. Paul, renferme les deux ordres d'Evêques & de Prêtres, tout le Sénat, toute l'assemblée des Ecclésiastiques d'un même endroit, & que c'étoit dans une pareille assemblée que Timothée avoit été ordonné. Voyez PRESBYTERE.

Les disciples d'Aérius soûtenoient encore après leur Maître, que la priere pour les morts étoit inutile, que les jeûnes établis par l'Eglise, & sur-tout ceux du Mercredi, du Vendredi & du Carême, étoient superstitieux ; qu'il falloit plûtôt jeûner le Dimanche que les autres jours, & qu'on ne devoit plus célébrer la Pâque. Ils appelloient par mépris Antiquaires les fideles attachés aux cérémonies prescrites par l'Eglise & aux traditions ecclésiastiques. Les Ariens se réunirent aux Catholiques pour combattre les rêveries de cette secte, qui ne subsista pas long-tems. S. Epiphane, Haeres. 757. Onuphre, in Chronic. ad ann. Christ. 349. Tillemont, Hist. Ecclésiast. tome IX. (G)


AÉROLOGIES. f. (Med.) traité ou raisonnement sur l'air, ses propriétés, & ses bonnes ou mauvaises qualités. On ne peut réussir dans la pratique de la Medecine sans la connoissance de l'aérologie ; c'est par elle qu'on s'instruit des impressions de l'air & de ses différens effets sur le corps humain. Voyez AIR. (N)


AÉROMANTIES. f. (Divin. Hist. anc.) sorte de divination qui se faisoit par le moyen de l'air & par l'inspection des phénomenes qui y arrivoient. Aristophane en parle dans sa Comédie des Nuées. Elle se subdivise en plusieurs especes, selon Delrio. Celle qui se fait par l'observation des météores, comme le tonnerre, la foudre, les éclairs, se rapporte aux augures. Elle fait partie de l'Astrologie, quand elle s'attache aux aspects heureux ou malheureux des Planetes ; & à la Teratoscopie, quand elle tire des présages de l'apparition de quelques spectres qu'on a vûs dans les airs, tels que des armées, des cavaliers, & autres prodiges dont parlent les Historiens. L'aéromantie proprement dite étoit celle où l'on conjuroit l'air pour en tirer des présages. Cardan a écrit sur cette matiere. Voyez Delrio, disquisit. magicar. lib. IV. cap. ij. quaest. vj. sect. 4. page 547.

Ce mot est formé du Grec ἀὴρ, air, & μαντεία, divination. (G)


AÉROMÉTRIEVoyez AIROMÉTRIE.


AEROPHOBIES. f. (Med.) crainte de l'air, symptomes de phrénésie. Voyez PHRENESIE. (N)


AERSCHOT(Géog. mod.) ville des Pays-Bas dans le Duché de Brabant sur la riviere de Demere. Long. 26. 10. lat. 51. 4.


ÆS USTUou CUIVRE BRULÉ, préparation de Chymie médicinale. Mettez dans un vaisseau de terre de vieilles lames de cuivre, du soufre & du sel commun en parties égales ; arrangez-les couche sur couche ; couvrez le vaisseau ; lutez la jointure du couvercle avec le vaisseau, ne laissant qu'un petit soûpirail ; faites du feu autour & calcinez la matiere Ou, faites rougir une lame de cuivre ; éteignez-la dans du vinaigre ; réitérez sept fois la même opération ; broyez le cuivre brûlé ; réduisez-le en poudre fine que vous laverez legerement dans de l'eau, & vous aurez l'aes ustum. On recommande ce remede pour les luxations, les fractures & les contusions. On le fait prendre dans du vin : mais l'usage interne en est suspect. C'est à l'extérieur un bon détersif.


ÆSÆSCULANUS, ÆRES, (Myt.) nom de la divinité qui présidoit à la fabrication des monnoies de cuivre. On la représentoit debout avec l'habillement ordinaire aux déesses, la main gauche sur la haste pure, dans la main droite une balance. Aesculanus étoit, disoit-on, pere du dieu Argentin.


ÆTHERdes Chimistes, & ÆTHERÉ. V. ÉTHER & ÉTHERÉ.


ÆTHON(Myth.) un des quatre chevaux du Soleil qui précipiterent Phaéton, selon Ovide. Claudien donne le même nom à un des chevaux de Pluton. Le premier vient d', brûler ; & l'autre vient d', noir.


AÉTIENSS. m. pl. (Théol.) hérétiques du jv. siecle, ainsi nommés d'Aëtius leur chef, surnommé l'Impie ou l'Athée, natif de la Célésyrie aux environs d'Antioche, ou d'Antioche même. Il joignoit à la plus vile extraction les moeurs les plus débordées : fils d'un pere qui périt par une mort infame, il fut dans ses premieres années esclave de la femme d'un vigneron : sorti de servitude, il apprit le métier de Forgeron ou d'Orfevre, puis exerça celui de Sophiste : de là successivement Medecin, ou plûtôt charlatan ; Diacre & déposé du Diaconat ; détesté de Constance & flétri par plusieurs exils ; enfin chéri de Gallus & rappellé par Julien l'Apostat, sous le regne duquel il fut ordonné Evêque. Il fut d'abord sectateur d'Arius, & se fit ensuite chef de parti. Tillemont, tom. VI. art. lxv. pag. 405. & suiv.

Les Aëtiens imbus de ses erreurs, étoient une branche d'Ariens plus outrés que les autres, & soûtenoient que le Fils & le Saint-Esprit étoient en tout différens du Pere. Ils furent encore appellés Eunoméens d'Eunome, un des principaux Disciples d'Aëtius ; Hétérousiens, Anoméens, Exoucontiens, Troglytes ou Troglodytes, Exocionites & purs Ariens. Voyez tous ces mots sous leurs titres. (G)


AETITEAETITES, s. f. (Hist. nat.) minéral connu communément sous le nom de Pierre d'aigle. Voyez PIERRE D'AIGLE. (I)


AFFABILITÉS. f. (Morale) l'affabilité est une qualité qui fait qu'un homme reçoit & écoute d'une maniere gracieuse ceux qui ont affaire à lui.

L'affabilité naît de l'amour de l'humanité, du desir de plaire & de s'attirer l'estime publique.

Un homme affable prévient par son accueil ; son attention le porte à soulager l'embarras ou la timidité de ceux qui l'abordent. Il écoute avec patience, & il répond avec bonté aux personnes qui lui parlent. S'il contredit leurs raisons, c'est avec douceur & avec ménagement ; s'il n'accorde point ce qu'on lui demande, on voit qu'il lui en coûte ; & il diminue la honte du refus par le déplaisir qu'il paroît avoir en refusant.

L'affabilité est une vertu des plus nécessaires dans un homme en place. Elle lui ouvre le chemin à la vérité, par l'assurance qu'elle donne à ceux qui l'approchent. Elle adoucit le joug de la dépendance, & sert de consolation aux malheureux. Elle n'est pas moins essentielle dans un homme du monde, s'il veut plaire ; car il faut pour cela gagner le coeur, & c'est ce que sont bien éloignés de faire les grandeurs toutes seules. La pompe qu'elles étalent offusque le sensible amour-propre ; mais si les charmes de l'affabilité en temperent l'éclat, les coeurs alors s'ouvrent à leurs traits, comme une fleur aux rayons du soleil, lorsque le calme régnant dans les cieux, cet astre se leve dans les beaux jours d'été à la suite d'une douce rosée.

La crainte de se compromettre n'est point une excuse recevable. Cette crainte n'est rien autre chose que de l'orgueil. Car si cet air fier & si rebutant que l'on voit dans la plûpart des grands, ne vient que de ce qu'ils ne savent pas jusqu'où la dignité de leur rang leur permet d'étendre leurs politesses ; ne peuvent-ils pas s'en instruire ? D'ailleurs ne voient-ils pas tous les jours combien il est beau & combien il y a à gagner d'être affable, par le plaisir & l'impression que leur fait l'affabilité des personnes au-dessus d'eux ?

Il ne faut pas confondre l'affabilité avec un certain patelinage dont se masque l'orgueil des petits esprits pour se faire des partisans. Ces gens-là reçoivent tout le monde indistinctement avec une apparence de cordialité ; ils paroissent prévenus en faveur de tous ceux qui leur parlent, ils ne désapprouvent rien de ce qu'on leur propose ; vous diriez qu'ils vont tout entreprendre pour vous obliger. Ils entrent dans vos vues, vos raisons, vos intérêts ; mais ils tiennent à tous le même langage ; & le contraire de ce qu'ils ont agréé, reçoit, le moment d'après, le privilege de leur approbation. Ils visent à l'estime publique, mais ils s'attirent un mépris universel. Article de M. MILLOT, curé de Loisey, diocèse de Toul.


AFFAIRES. f. (Jurispr.) en terme de Pratique est synonyme à procès. Voyez PROCES. (H)

AFFAIRE, (Commerce.) terme qui dans le Commerce a plusieurs significations.

Quelquefois il se prend pour marché, achat, traité, convention, mais également en bonne & en mauvaise part, suivant ce qu'on y ajoûte pour en fixer le sens : ainsi selon qu'un marché est avantageux ou desavantageux, on dit qu'un Marchand a fait une bonne ou une mauvaise affaire.

Quelquefois affaire se prend pour la fortune d'un Marchand ; & selon qu'il fait des gains ou des pertes considérables, qu'il est riche, sans dettes, ou endetté, on dit qu'il est bien ou mal dans ses affaires.

Entendre ses affaires, c'est se bien conduire dans son négoce ; entendre les affaires, c'est entendre la chicane, la conduite d'un procès ; mettre ordre à ses affaires, c'est les régler, payer ses dettes, &c. On dit en proverbe que qui fait ses affaires par Procureur, va en personne à l'hôpital. Savary, Dict. du Comm. tom. I. page 579. (G)

AFFAIRE, terme de Fauconnerie ; on dit c'est un oiseau de bonne affaire, pour dire, c'est un oiseau bien dressé pour le vol, bien duit à la volerie.


AFFAISSÉadj. terme d'Architecture. On dit qu'un bâtiment est affaissé, lorsqu'étant fondé sur un terrain de mauvaise consistance, son poids l'a fait baisser inégalement ; ou qu'étant vieux, il menace ruine.

On dit aussi qu'un plancher est affaissé, lorsqu'il n'est plus de niveau ; on en dit autant d'un pié droit, d'une jambe sous poutre, lorsque sa charge ou sa vétusté l'a mise hors d'aplomb, &c. Voyez NIVEAU. (P)


AFFAISSEMENTS. m. (Med.) maladie. Boerhaave distingue cinq especes de maladies, relatives aux cavités retrécies, & l'affaissement en est une. " Il faut rapporter ici, dit ce grand Medecin, l'affaissement des vaisseaux produit par leur inanition, ce qui détruit leur cavité. N'oublions pas, ajoûte-t-il, ce qui peut arriver à ceux qui trop détendus par une matiere morbifique, se vuident tout-à-coup par une trop grande évacuation. Rapportons encore ici la trop grande contraction occasionnée par l'action excessive des fibres orbiculaires " ; ce qui soûdivise l'affaissement en trois branches différentes. Exemple de l'affaissement de la seconde sorte : si quelqu'un est attaqué d'une hydropisie anasarque, la maladie a son siége dans le pannicule adipeux, que l'eau épanchée distend au point d'augmenter le volume des membres dix fois plus que dans l'état de santé. Si dans cet état on se brûle les jambes, il s'écoulera une grande quantité d'eau qui étoit en stagnation ; cette eau s'écoulant, il s'ensuivra l'affaissement ; les parties deviendront si flasques, que les parties du bas-ventre en pourront contracter des adhérences, comme il est arrivé quelquefois. Cet affaissement suppose donc toûjours distension. Voyez Instit. Med. de Boerhaave en François, & Comment.

AFFAISSEMENT des terres. Quelquefois une portion considérable de terre, au-dessous de laquelle il y a un espace vuide, s'enfonce tout d'un coup, ce qu'on appelle s'affaisser ; cela arrive surtout dans les montagnes. Voyez CAVERNE. (O)

AFFAISSEMENT, (Jardinage.) s'employe en parlant des terres rapportées qui viennent à s'abbaisser ; ainsi que d'une couche dont on n'a pas eu soin de bien fouler le fumier. (K)


AFFAISSERs'abaisser, (Jardinage.) Lorsque les terres ne sont pas assez solides, ou que les eaux passent par-dessus les bords d'un bassin, souvent le niveau s'affaisse, & le bassin s'écroule. (K)

AFFAISSER, v. a. terme de Fauconn. c'est dresser des oiseaux de proie à voler & revenir sur le poing ou au leurre ; c'est aussi les rendre plus familiers, & les tenir en santé, en leur ôtant le trop d'embonpoint. On dit dans le premier sens, l'affaissage est plus difficile qu'on ne pense.


AFFALEterme de commandement, (Marine.) il est synonyme à fais baisser. L'on dit affale les cargues-fond. Voyez CARGUE-FOND. (Z)


AFFALÉêtre affalé sur la côte, (Marine.) c'est-à-dire, que la force du vent ou des courans porte le vaisseau près de terre, d'où il ne peut s'éloigner & courir au large, soit par l'obstacle du vent, soit par l'obstacle des courans ; ce qui le met en danger d'échoüer sur la côte, & de périr.


AFFALERv. act. (Marine.) affaler une manoeuvre, c'est la faire baisser. Voyez MANOEUVRE. (Z)


AFFANURESS. f. pl. (Agricult.) c'est la quantité de blé que l'on accorde dans quelques Provinces aux moissonneurs & aux batteurs en grange pour le prix de leur journée. Cette maniere de payer n'a plus lieu aujourd'hui, que quand le fermier manque d'argent, & que les ouvriers veulent être payés sur le champ.


AFFEAGERv. act. terme de Coûtumes ; c'est donner à féage, c'est-à-dire, démembrer une partie de son fief pour le donner à tenir en fief ou en roture. Voyez FEAGE. (H)


AFFECTATIONS. f. Ce mot qui vient du Latin affectare, rechercher avec soin, s'appliquer à différentes choses. Affectation dans une personne est proprement une maniere d'être actuelle, qui est ou qui paroît recherchée, & qui forme un contraste choquant, avec la maniere d'être habituelle de cette personne, ou avec la maniere d'être ordinaire des autres hommes. L'affectation est donc souvent un terme relatif & de comparaison ; de maniere que ce qui est affectation dans une personne relativement à son caractere ou à sa maniere de vivre, ne l'est pas dans une autre personne d'un caractere différent ou opposé ; ainsi la douceur est souvent affectée dans un homme colere, la profusion dans un avare, &c.

La démarche d'un Maître à danser & de la plûpart de ceux qu'on appelle petits maîtres, est une démarche affectée ; parce qu'elle differe de la démarche ordinaire des hommes, & qu'elle paroît recherchée dans ceux qui l'ont, quoique par la longue habitude elle leur soit devenue ordinaire & comme naturelle.

Des discours pleins de grandeur d'ame & de philosophie, sont affectation dans un homme qui, après avoir fait sa cour aux Grands, fait le Philosophe avec ses égaux. En effet rien n'est plus contraire aux maximes philosophiques, qu'une conduite dans laquelle on est souvent forcé d'en pratiquer de contraires.

Les grands complimenteurs sont ordinairement pleins d'affectation, surtout lorsque leurs complimens s'adressent à des gens médiocres ; tant parce qu'il n'est pas vraisemblable qu'ils pensent en effet tout le bien qu'ils en disent, que parce que leur visage dément souvent leurs discours ; de maniere qu'ils feroient très-bien de ne parler qu'avec un masque.

AFFECTATION, s. f. dans le langage & dans la conversation, est un vice assez ordinaire aux gens qu'on appelle beaux parleurs. Il consiste à dire en termes bien recherchés, & quelquefois ridiculement choisis, des choses triviales ou communes : c'est pour cette raison que les beaux parleurs sont ordinairement si insupportables aux gens d'esprit, qui cherchent beaucoup plus à bien penser qu'à bien dire, ou plûtôt qui croyent que pour bien dire, il suffit de bien penser ; qu'une pensée neuve, forte, juste, lumineuse, porte avec elle son expression ; & qu'une pensée commune ne doit jamais être présentée que pour ce qu'elle est, c'est-à-dire avec une expression simple.

Affectation dans le style, c'est à-peu-près la même chose que l'affectation dans le langage, avec cette différence que ce qui est écrit doit être naturellement un peu plus soigné que ce que l'on dit, parce qu'on est supposé y penser mûrement en l'écrivant ; d'où il s'ensuit que ce qui est affectation dans le langage ne l'est pas quelquefois dans le style. L'affectation dans le style est à l'affectation dans le langage, ce qu'est l'affectation d'un grand Seigneur à celle d'un homme ordinaire. J'ai entendu quelquefois faire l'éloge de certaines personnes, en disant qu'elles parlent comme un livre : si ce que ces personnes disent étoit écrit, cela pourroit être supportable : mais il me semble que c'est un grand défaut que de parler ainsi ; c'est une marque presque certaine que l'on est dépourvû de chaleur & d'imagination : tant pis pour qui ne fait jamais de solécisme en parlant. On pourroit dire que ces personnes-là lisent toûjours, & ne parlent jamais. Ce qu'il y a de singulier, c'est qu'ordinairement ces beaux parleurs sont de très-mauvais écrivains : la raison en est toute simple ; ou ils écrivent comme ils parleroient, persuadés qu'ils parlent comme on doit écrire ; & ils se permettent en ce cas une infinité de négligences & d'expressions impropres qui échappent, malgré qu'on en ait, dans le discours ; ou ils mettent, proportion gardée, le même soin à écrire qu'ils mettent à parler ; & en ce cas l'affectation dans leur style est, si on peut parler ainsi, proportionnelle à celle de leur langage, & par conséquent ridicule. (O)

* AFFECTATION, AFFETERIE. Elles appartiennent toutes les deux à la maniere extérieure de se comporter, & consistent également dans l'éloignement du naturel ; avec cette différence que l'affectation a pour objet les pensées, les sentimens, le goût dont on fait parade, & que l'afféterie ne regarde que les petites manieres par lesquelles on croit plaire.

L'affectation est souvent contraire à la sincérité ; alors elle tend à décevoir ; & quand elle n'est pas hors de la vérité, elle déplaît encore par la trop grande attention à faire paroître ou remarquer cet avantage. L'afféterie est toûjours opposée au simple & au naïf : elle a quelque chose de recherché qui déplaît sur-tout aux partisans de la franchise : on la passe plus aisément aux femmes qu'aux hommes. On tombe dans l'affectation en courant après l'esprit, & dans l'afféterie en recherchant des graces. L'affectation & l'afféterie sont deux défauts que certains caracteres bien tournés ne peuvent jamais prendre, & que ceux qui les ont pris ne peuvent presque jamais perdre. La singularité & l'affectation se font également remarquer : mais il y a cette différence entr'elles, qu'on contracte celle-ci, & qu'on naît avec l'autre. Il n'y a guere de petits maîtres sans affectation, ni de petites maîtresses sans afféterie.

AFFECTATION, terme de Pratique, signifie l'imposition d'une charge ou hypotheque sur un fonds, qu'on assigne pour sûreté d'une dette, d'un legs, d'une fondation, ou autre obligation quelconque.

Affectation, en Droit canonique, est telle exception ou réservation que ce soit, qui empêche que le collateur n'en puisse pourvoir à la premiere vacance qui arrivera ; comme lorsqu'il est chargé de quelque mandat, indult, nomination, ou réservation du Pape. Voyez MANDAT, INDULT, NOMINATION, SERVATIONTION.

L'affectation des Bénéfices n'a pas lieu en France, où les réservations papales sont regardées comme abusives. (H)


AFFECTÉEquation affectée, en Algebre, est une équation dans laquelle la quantité inconnue monte à deux ou à plusieurs degrés différens. Telle est, par exemple, l'équation x3 - p x2 + q x = a2 b, dans laquelle il y a trois différentes puissances de x ; savoir x3, x2, & x1 ou x. Voyez EQUATION.

Affecté se dit aussi quelquefois en Algebre, en parlant des quantités qui ont des coefficiens : par exemple, dans la quantité 2 a, a est affecté du coefficient 2. Voyez COEFFICIENT.

On dit aussi qu'une quantité Algébrique est affectée du signe + ou du signe -, ou d'un signe radical, pour dire qu'elle a le signe + ou le signe -, ou qu'elle renferme un signe radical. Voyez RADICAL, &c. (O)


AFFECTIONS. f. pris dans sa signification naturelle & littérale, signifie simplement un attribut particulier à quelque sujet, & qui naît de l'idée que nous avons de son essence. Voyez ATTRIBUT.

Ce mot vient du verbe Latin afficere, affecter, l'attribut étant supposé affecter en quelque sorte le sujet par la modification qu'il y apporte.

Affection en ce sens est synonyme à propriété, ou à ce qu'on appelle dans les écoles proprium quarto modo. Voyez PROPRIETE, &c.

Les Philosophes ne sont pas d'accord sur le nombre de classes des différentes affections qu'on doit reconnoître.

Selon Aristote, elles sont, ou subordonnantes, ou subordonnées. Dans la premiere classe est le mode tout seul ; & dans la seconde, le lieu, le tems, & les bornes du sujet.

Le plus grand nombre des Péripatéticiens partagent les affections en internes, telles que le mouvement & les bornes ; & externes, telles que la place & le tems. Selon Sperlingius, il est mieux de diviser les affections en simples ou unies, & en séparées ou désunies. Dans la premiere classe, il range la quantité, la qualité, la place, & le tems ; & dans l'autre, le mouvement & le repos.

Sperlingius paroît rejetter les bornes du nombre des affections, & Aristote & les Péripatéticiens, la quantité & qualité : mais il n'est pas impossible de concilier cette différence, puisque Sperlingius ne nie pas que le corps ne soit fini ou borné ; ni Aristote & ses sectateurs, qu'il n'ait le quantum & le quale. Ils ne different donc qu'en ce que l'un n'a pas donné de rang propre & spécial à quelques affections à qui l'autre en a donné.

On distingue aussi les affections en affections du corps & affections de l'ame.

Les affections du corps sont certaines modifications qui sont occasionnées ou causées par le mouvement en vertu duquel un corps est disposé de telle ou telle maniere. Voyez CORPS, MATIERE, MOUVEMENT, MODIFICATION, &c.

On subdivise quelquefois les affections du corps en premieres & secondaires.

Les affections premieres sont celles qui naissent de l'idée de la matiere, comme la quantité & la figure ; ou de celle de la forme, comme la qualité & la puissance ; ou de l'une & l'autre, comme le mouvement, le lieu, & le tems. Voyez QUANTITE, FIGURE, QUALITE, PUISSANCE, MOUVEMENT, LIEU, TEMS.

Les secondaires ou dérivatives sont celles qui naissent de quelqu'une des premieres, comme la divisibilité, la continuité, la contiguité, les bornes, l'impénétrabilité, qui naissent de la quantité, la régularité & l'irrégularité qui naissent de la figure, la force & la santé qui naissent de la qualité, &c. Voyez DIVISIBILITE.

Les affections de l'ame sont ce qu'on appelle plus ordinairement passion. Voyez PASSION.

Les affections méchaniques. (Cet article se trouvera traduit au mot MECHANIQUES AFFECTIONS qu'il faudra rapporter ici).


AFFÉRENTadj. terme de Pratique, qui n'est usité qu'au féminin avec le mot part : la part afférente dans une succession est celle qui appartient & revient de droit à chacun des cohéritiers. (H)


AFFERMERv. act. terme de Pratique, qui signifie prendre ou donner, mais plus souvent donner à ferme une terre, métairie, ou autre domaine, moyennant certain prix ou redevance que le preneur ou fermier s'oblige de payer annuellement. Voyez FERME. (H)


AFFERMIR laouche d'un cheval, v. act. (Manége.) ou l'affermir dans la main & sur les hanches ; c'est continuer les leçons qu'on lui a données, pour qu'il s'accoûtume à l'effet de la bride, & à avoir les hanches basses. Voyez ASSURER. (V)


AFFERTEMENTS. m. (Marine.) on se sert de ce terme sur l'Océan pour marquer le prix qu'on paye pour le loüage de quelque vaisseau. Sur la Méditerranée, on dit nolissement : l'accord qui se fait entre le propriétaire du navire & celui qui charge ses marchandises, s'appelle contrat d'affertement.


AFFERTERv. act. (Marine.) c'est loüer un vaisseau sur l'Océan. (Z)


AFFERTEURS. m. (Marine.) c'est le nom qu'on donne au marchand qui loüe un vaisseau, & qui en paye tant par mois, par voyage, ou par tonneau, au propriétaire pour le fret.

Le Roi défend de donner aucun de ses bâtimens de mer à fret, que l'afferteur ne paye comptant au moins la dixieme partie du fret dont on sera convenu. (Z)


AFFEURAGES. terme de Coûtumes. Voyez AFFORAGE, qui est la même chose.


AFFEURER(Commerce.) vieux mot de Commerce qui signifie, mettre les marchandises & les denrées qui s'apportent dans les marchés à un certain prix, les taxer, les estimer. Voyez AFFORAGE. (G)


AFFICHERv. a. est l'action d'appliquer une affiche. Voyez AFFICHEUR.


AFFICHESS. f. pl. terme de Palais, sont des placards que l'Huissier procédant à une saisie réelle, est obligé d'apposer en certains endroits lors des criées qu'il fait de quatorzaine en quatorzaine de l'immeuble saisi. Voyez CRIEE, ISIE REELLEELLE.

Ces affiches doivent contenir aussi-bien que le procès-verbal de criées, les noms, qualités, & domiciles du poursuivant & du débiteur, la description des biens saisis, par tenans & aboutissans, si ce n'est que ce soit un fief ; auquel cas il suffit de le designer par son principal manoir, dépendances & appartenances.

Elles doivent être marquées aux armes du Roi, & non à celles d'aucun autre Seigneur, à peine de nullité, & apposées à la principale porte de l'Eglise paroissiale sur laquelle est situé l'immeuble saisi ; à celle de la paroisse du débiteur, & à celle de la paroisse du siége dans lequel se poursuit la saisie réelle. (H)

AFFICHE, en Librairie, est un placard ou feuille de papier que l'on applique ordinairement au coin des rues pour annoncer quelque chose avec publicité, comme jugemens rendus, effets à vendre, meubles perdus, livres imprimés nouvellement ou réimprimés, &c. Toute affiche à Paris doit être revêtue d'une permission du Lieutenant de Police.

Il est une feuille périodique que l'on appelle AFFICHES DE PARIS ; c'est un assemblage exact de toutes les affiches, ou au moins des plus intéressantes : elle renferme les biens de toute espece à vendre ou à loüer, les effets perdus ou trouvés ; elle annonce les découvertes nouvelles, les spectacles, les morts, le cours & le change des effets commerçables, &c. Cette feuille se publie régulierement toutes les semaines.


AFFICHEURS. m. nom de celui qui fait métier d'afficher. Il est tenu de savoir lire & écrire, & doit être enregistré à la Chambre Royale & Syndicale des Libraires & Imprimeurs, avec indication de sa demeure. Il fait corps avec les Colporteurs, & doit comme eux porter au-devant de son habit une plaque de cuivre, sur laquelle soit écrit AFFICHEUR. Il lui est défendu de rien afficher sans la permission du Lieutenant de Police.


AFFILÉadj. (Agricult.) Les Laboureurs designent par ce terme l'état des blés, lorsque les gelées du mois de Mars les ont fait souffrir en altérant les fibres de la fane qui est encore tendre, & qui cesse par cet accident de prendre son accroissement en longueur & en diametre.


AFFILERv. act. (Jardinage.) c'est planter à la ligne. Voyez ALIGNER.

AFFILER, (terme de Tireurs-d'or.) c'est disposer l'extrémité d'un fil d'or à passer dans une filiere plus menue. Voyez TIREUR-D'OR.

AFFILER, (terme commun à presque tous les Arts où l'on use d'outils tranchans, & à presque tous les ouvriers qui les font.) Ainsi les Graveurs affilent leurs burins ; les Couteliers affilent leurs rasoirs, leurs couteaux, ciseaux & lancettes.

Ce terme se prend en deux sens fort différens : 1°. affiler, c'est donner à un instrument tranchant, tel qu'un couteau, une lancette, &c. la derniere façon, en enlevant après qu'il est poli, cette barbe menue & très-coupante qui le borde d'un bout à l'autre, que les ouvriers appellent morfil : 2°. affiler, c'est passer sur la pierre à affiler un instrument dont le tranchant veut être réparé, soit qu'il y ait breche, soit qu'à force de travailler il soit émoussé, en un mot un tranchant qui ne coupe plus assez facilement. Il y a généralement trois sortes de pierres à affiler : une grosse pierre bleue, couleur d'ardoise, & qui n'en est qu'un morceau, sur laquelle on ôte le morfil aux couteaux quand ils sont neufs, & sur laquelle on répare leurs tranchans quand ils ne coupent plus. Cette pierre ne sert guere qu'à affiler les instrumens dont il n'est pas nécessaire que le tranchant soit extrèmement fin. Pour les instrumens dont le tranchant ne peut être trop fin, comme les rasoirs, on a une autre pierre blanchâtre plus tendre & d'un grain plus fin que la premiere, qui se trouve en Lorraine : celle-ci sert à deux usages. Le premier, c'est d'enlever le morfil : le second, c'est en usant peu-à-peu les grains de l'acier, à rendre le tranchant plus fin qu'il n'a pû l'être au sortir de dessus la polissoire ; aussi la pierre d'ardoise n'a-t-elle pas plûtôt enlevé le morfil des couteaux & des autres instrumens auxquels elle sert, que ces instrumens sont affilés. Il n'en est pas de même du rasoir, ni des autres outils qui veulent être passés sur la seconde pierre blanche, qu'on appelle pierre à rasoir. L'ouvrier fait encore aller & venir doucement son rasoir sur cette pierre long-tems après que le morfil est emporté. Il y a une troisieme pierre qu'on appelle pierre du Levant, dont la couleur est ordinairement d'un verd très-obscur, très-sale, & tirant par endroits sur le blanchâtre ; son grain est fin, & elle est ordinairement très-dure : mais pour qu'elle soit bonne, on veut qu'elle soit tendre. C'est une trouvaille pour un ouvrier, qu'une pierre du Levant d'une bonne qualité. Cette pierre est à l'usage des Graveurs ; ils affilent sur elle leurs burins : elle sert aux Couteliers qui affilent sur elle les lancettes : en général elle paroît par la finesse du grain, propre pour les petits outils & autres dont le tranchant doit être fort vif, & à qui on peut & on doit donner cette finesse de tranchant ; parce qu'ils ont été faits d'un acier fort fin & à grain très-petit, & qu'ils sont destinés à couper promptement & nettement. Il y a une quatrieme pierre du Levant d'un tout-à-fait beau verd, sur laquelle on repasse aussi les petits outils, tels que les lancettes, & dont les ouvriers font grand cas quand elle est bonne.

Pour repasser un couteau, on tient la pierre de la main gauche, & l'on appuie dessus la lame du couteau qui fait avec la pierre un angle assez considérable : de cette maniere la lame prend sur la pierre & perd son morfil. On fait aller & venir quatre à cinq fois le tranchant sur la pierre, depuis le talon jusqu'à la pointe, sur un des plats en allant, & sur l'autre plat en revenant ; la pierre est à sec. Le rasoir s'affile entierement à plat ; & la pierre à rasoir est arrosée d'huile. Mais comme le morfil du rasoir est fin, que le grain de la pierre est fin, & que la lame du rasoir va & vient à plat sur la pierre, il pourroit arriver que le morfil seroit long-tems à se détacher. Pour prévenir cet inconvénient, l'ouvrier passe legerement le tranchant du rasoir perpendiculairement sur l'ongle du pouce : de cette maniere le morfil est renversé d'un ou d'autre côté, & la pierre l'enleve plus facilement. La lancette ne s'affile pas tout-à-fait tant à plat que le rasoir ; la pierre du Levant est aussi arrosée d'huile d'olive, & la lancette n'est censée bien affilée par l'ouvrier, que quand elle entre par son propre poids & celui de sa chasse, & sans faire le moindre bruit, sur un morceau de canepin fort fin que l'ouvrier tient tendu entre les doigts de la main gauche. Il y a des instrumens qu'on ne passe point sur la pierre à affiler, mais sur lesquels au contraire on appuie la pierre. C'est la longueur de l'instrument, & la forme qu'on veut donner au tranchant, qui déterminent cette maniere d'affiler.




AIGUILLE, dans l’Artillerie, est un outil à Mineur qui sert à travailler dans le roc pour y pratiquer de petits logemens de poudre propres à faire sauter des roches, accommoder des chemins, &c. V. Mine. (Q)

Aiguille, s. f. c’est en Horlogerie la piece qui marque les heures ou les minutes &c. sur le cadran de toutes sortes d’horloges. Voyez la fig. I. Pl. I. de l’Horlogerie. Pour que des aiguilles soient bien faites, il faut qu’elles soient légeres, sans cependant être trop foibles, & que celles qui sont fort longues, ou qui tournent fort vîte soient bien de pesanteur, de façon qu’un bout ne l’emporte pas sur l’autre ; sans cela, dans différentes situations elles accélereroient ou retarderoient le mouvement de l’horloge. On doit encore tâcher que leur couleur soit telle qu’elle ne se confonde point avec celle du cadran, afin qu’on les distingue facilement & de loin. Ces aiguilles se fondent d’abord, si elles sont d’or ou d’argent ; & s’achevent ensuite à la lime, au foret, &c.… Quant à la maniere de les fondre, elle n’a rien de particulier. (T)

Aiguille, (Marine.) on donne ce nom à une grosse piece de bois en arc-boutant avec laquelle les Charpentiers appuient les mâts d’un vaisseau qu’on met sur le côté pour lui donner carene. Les Ordonnances du Roi veulent que lorsqu’on carene un [203] vaisseau, le maitre de l’équipage ait soin que les aiguilles soient bien présentées & bien saisies ; les ponts bien étançonnés aux endroits où ils portent ; les caliornes bien étropées & bien garnies ; & que les pontons soient aussi garnis de caliornes, franc-funnis, barres & cabestans.

On donne encore le nom d’aiguilles à diverses pieces de bois posées à plomb, qui-servent à fermer les pertuis des rivieres pour arrêter l’eau. On les leve, lorsqu’on veut faire passer des bateaux.

On appelle aussi aiguilles des petits bateaux pêcheurs des rivieres de Garonne & Dordogne. (Z)

Aiguille (en Archit.) c’est une pyramide de charpente établie sur la tour d’un clocher ou le comble d’une église pour lui servir de couronnement. Une aiguille est composée d’une plate-forme qui lui sert d’empattement. Cette plate-forme qui porte sur la maçonnerie de la tour est traversée par plusieurs entraits qui se croisent au centre du clocher. Sur le point de réunion de ces entraits est élevé verticalement un poinçon que l’on appelle proprement aiguille. Il est soûtenu en cette situation par plusieurs arbalêtriers emmortoisés dans le poinçon & les entraits, & entouré de chevrons dont toutes les extrémités supérieures se réunissent près de son sommet. Les chevrons sont emmortoisés par en bas dans la plate-forme, & soûtenus dans différens points de leur longueur par de petits entraits qui s’assemblent avec les chevrons & le poinçon autour duquel ils sont placés. On latte sur les chevrons, & on couvre le tout de plomb ou d’ardoise.

Les aiguilles que l’on pratique sur les combles des églises sont construites de la même façon, à cette différence près, qu’elles n’ont point pour empattement une maçonerie, mais le haut de la cage du clocher qui est de charpente, lequel leur sert de plate-forme.

Aiguille, Voyez OBÉLISQUE.

Aiguille ou Poinçon, (Charpent.) piece de bois debout dans un cintre, entretenue par deux arbalêtriers qui sont quelquefois courbes, pour porter les dosses d’un pont.

Aiguille, s. f. petit instrument d’acier trempé, délié, poli, & ordinairement pointu par un bout, & percé d’une ouverture longitudinale par l’autre bout. Je dis ordinairement, & non pas, toûjours percé & pointu ; parce qu’entre les instrumens qui portent le nom d’aiguille, & à qui on a donné ce nom, à cause de l’usage qu’on en fait, il y en a qui sont pointus & non percés, d’autres qui sont percés & non pointus, & d’autres encore qui ne sont ni pointus ni percés. De toutes les manieres d’attacher l’un à l’autre deux corps flexibles, celle qui se pratique avec l’aiguille est une des plus étendues. Aussi distingue-t-on un grand nombre d’aiguilles différentes. On a les aiguilles à coudre ou de tailleur, les aiguilles de chirurgie, d’artillerie, de bonnetier ou faiseur de bas au métier, d’horloger, de cirier, de drapier, de guainier, de perruquier, de coëffeuse, de faiseuse de coëffe à perruque, de piqueur d’étuis, tabatieres & autres semblables ouvrages, de sellier, d’ouvrier en soie, de brodeur, de tapissier, de chandelier, d’embaleur, à matelas, à empointer, à tricoter, à enfiler, à presser, à brocher, à relier, à nater, à boussole ou aimantée, &c. sans compter les machines qu’on appelle du nom d’aiguille, par le rapport de leur forme avec celle de l’aiguille à coudre. Voyez Aiguille, Architecture.

Aiguille de tailleur ou à coudre. Cette aiguille qui semble avoir donné son nom à toutes les autres sortes, se fabrique de la maniere suivante. Ayez de l’acier d’Allemagne ou de Hongrie ; mais surtout de Hongrie, car celui d’Allemagne commence à dégénérer. Voyez l’article Acier. Faites passer cet acier soit au charbon de terre, soit au charbon de bois, selon l’endroit où vous fabriquerez. Mettez-le chaud sous le martinet pour lui ôter ses angles, l’étirer & l’arrondir. Lorsqu’il sera fort étiré & qu’il ne pourra plus soûtenir le coup du martinet, continuez de l’étirer & de l’arrondir au marteau. Ayez une filiere à différens trous ; faites passer ce fil par un des grands trous de votre filiere, & trifilez-le. Ce premier trifilage s’appelle dégrossir. Quant aux machines dont on se sert pour trifiler. Voyez les articles épinglier & trifilerie. Après le premier trifilage ou le dégrossi, donnez un second trifilage par un plus petit trou de votre filiere, après avoir fait chauffer votre fil ; puis un troisieme trifilage par un troisieme trou plus petit que le second. Continuez ainsi jusqu’à ce que votre fil soit réduit par ces trifilages successifs au degré de finesse qu’exige la sorte d’aiguilles que vous voulez fabriquer. Mais observez deux choses, c’est qu’il semble que la facilité du trifilage demande un acier ductile & doux, & que l’usage de l’aiguille semble demander un acier fin, & par conséquent très-cassant. C’est à l’ouvrier à choisir entre tous les aciers, celui où ces deux qualités sont combinées de maniere que son fil se tire bien, & que les aiguilles aient la pointe fine, sans être cassantes. Mais comme il y a peu d’ouvriers en général qui entendent assez bien leurs intérêts, pour ne rien épargner quand il s’agit de rendre leur ouvrage excellent ; il n’y a guere d’aiguilliers qui ne disent que plus on cassera d’aiguilles, plus ils en vendront ; & qui ne les fassent de l’acier le plus fin, d’autant plus qu’ils ont répandu le préjugé que les bonnes aiguilles devoient casser. Les bonnes aiguilles cependant ne doivent être ni molles ni cassantes. Graissez votre fil de lard, à chaque trifilage, il en sera moins revêche & plus docile à passer par les trous de la filiere.

Lorsque l’acier est suffisamment trifilé, on le coupe par brins à-peu-près d’égale longueur ; un ouvrier prend de ces brins autant qu’il en peut tenir les uns contre les autres étendus & paralleles, de la main gauche. Voyez cet ouvrier aiguillier Pl. I. fig. 1. a. II est assis devant un banc. Ce banc est armé d’un anneau fixe à son extrémité c. Il est échancré circulairement à son extrémité b. L’anneau de l’extrémité c reçoit le bout long, de la branche d’une cisaille ou force d. A l’échancrure circulaire b, est ajusté un seau rond ; l’ouvrier tient l’autre branche de la cisaille de la main droite a, & coupe les brins de fil d’acier qui tombent dans le seau. Ces bouts de fil d’acier coupés passent entre les mains d’un second ouvrier qui les palme. Palmer les aiguilles, c’est les prendre quatre à quatre, plus ou moins, de la main gauche, par le bout qui doit faire la pointe, placé entre le pouce & l’intervalle de la troisieme & de la seconde jointure de l’index, de les tenir divergentes, & d’en applatir sur l’enclume l’autre bout. Ce bout fera le cul de l’aiguille. Voyez fig. 4. un ouvrier qui palme : Voyez la même manœuvre, même Planche figure 16. k est la main de l’ouvrier palmeur : l sont les aiguilles à palmer sur l’enclumeau. On conçoit aisément que ce petit applatissement fera de la place à la pointe de l’instrument qui doit percer l’aiguille : mais pour faciliter encore cette manœuvre, on tache d’amollir la matiere. Pour cet effet, on passe toutes les aiguilles palmées par le feu, on les laisse refroidir ; & un autre ouvrier tel que celui qu’on voit fig. 2. assis devant un billot à trois piés d, prend un poinçon à percer, l’applique sur une des faces applaties de l’aiguille, & frappe sur le poinçon ; il en fait autant à l’autre face applatie, & l’aiguille est percée. On voit cette manœuvre séparée, même Planche, [204] figure 15. n est la main de l’ouvrier armée du marteau à percer ; m est l’autre main avec le poinçon. On apperçoit sous le poinçon l’aiguille, & l’aiguille est posée sur l’enclumeau. On transporte les aiguilles percées sur un bloc de plomb, où un ouvrier qu’on voit fig. 3. ôte à l’aide d’un autre poinçon le petit morceau d’acier qui est resté dans l’œil de l’aiguille, & qui le bouche. Cet ouvrier s’appelle le troqueur ; & sa manœuvre, troquer les aiguilles. Les aiguilles troquées passent entre les mains d’un ouvrier qui pratique à la lime cette petite rainure qu’on apperçoit des deux côtés du trou & dans sa direction ; c’est ce qu’on appelle les évider. Quand les aiguilles sont évidées ; & que la canelle ou la rainure ou la railure est faite, & le cul de l’aiguille arrondi, ce qui est encore de l’affaire de l’évideur ; on commence à former la pointe à la lime ; ce qui s’appelle pointer l’aiguille ; & de la même manœuvre, on en forme le corps, ce qui s’appelle dresser l’aiguille. Quand les aiguilles sont pointées & dressées, on les range sur un fer long, plat, étroit & courbé par le bout. Voyez ce fer en p, fig. 13. avec la pince dont on prend ce fer, quand il est chaud. Quand il est tout couvert, on fait rougir sur ce fer les aiguilles, à un feu de charbon. Rouges on les faits tomber dans un bassin d’eau froide pour les tremper. C’est cette opération qu’on voit même Pl. fig. 5. c’est la plus délicate de toutes. C’est d’elle que dépend toute la qualité de l’aiguille. Trop de chaleur brûle l’aiguille ; trop peu la laisse molle. Il n’y a point de regle à donner la-dessus. C’est l’expérience qui forme l’œil de l’ouvrier, & qui lui fait reconnoître à la couleur de l’aiguille quand il est temps de la tremper. Après la trempe, se fait le recuit. Pour recuire les aiguilles, on les met dans une poele de fer, sur un feu plus ou moins fort, selon que les aiguilles sont plus ou moins fortes. L’effet du recuit, est de les empêcher de se casser facilement. Il faut encore avoir ici grande attention au degré de la chaleur. Trop de chaleur les rend molles & détruit la trempe ; trop peu, les laisse inflexibles & cassantes. Il arrive aux aiguilles dans la trempe, où elles sont jettées dans l’eau fraîche, de se courber, de se tordre & de se défigurer. C’est pour les redresser & les restituer dans leur premier état, qu’on les a fait recuire. On les redresse avec le marteau ; cette manœuvre s’appelle dresser les aiguilles de marteau. Il s’agit ensuite de les polir. Pour cet effet, on en prend douze à quinze mille qu’on range en petits tas, les uns auprès des autres, sur un morceau de treillis neuf couvert de poudre d’émeri. Quand elles sont ainsi arrangées, on répand dessus de la poudre d’émeri ; on arrose l’émeri d’huile ; on roule le treillis ; on en fait un espece de bourse oblongue, en le liant fortement par les deux bouts, & le serrant par tout avec des cordes. Voyez fig. 24. les aiguilles rangées sur le treillis, & fig. 12. le treillis roulé & mis en bourse. On prend cette bourse ou ce rouleau ; on le porte sur la table à polir ; on place dessus une planche épaisse, chargée d’un poids & suspendue par deux cordes. Un ou deux ouvriers font aller & venir cette charge sur le rouleau ou la bourse, pendant un jour & demi & même deux jours de suite. Par ce moyen, les aiguilles enduites d’émeri sont continuellement frottées les unes contre les autres selon leur longueur, & se polissent insensiblement. V. cette manœuvre même Pl. fig. 6. L est la table ; M est la planche ; n est le poids dont elle est chargée ; oo les cordes qui tiennent le tout suspendu ; p l’ouvrier. On peut polir de plusieurs manieres ; à deux, ou à un : à deux, le poids est suspendu par quatre cordes égales, & la table est horisontale : à un, il n’y a que deux cordes & la table est inclinée. L’ouvrier tire la charge, & la laisse ensuite aller. En Allemagne, on fait aller ces machines ou d’autres semblables par des moulins à eau. La machine qu’on voit figure 6 s’appelle polissoire ; & son effet est le poliment. Lorsque les aiguilles sont polies, on délie les deux extrémités du rouleau, s’il n’y en avoit qu’un sous la polissoire ; car on peut très-bien y en mettre plusieurs. Le rouleau délié ; on jette les aiguilles dans de l’eau chaude & du savon ; ce mêlange en détache le camboui formé d’huile, de parties d’acier & de parties d’émeri dont elles sont enduites ; & cette manœuvre s’appelle lessive. Lorsque les aiguilles sont lessivées ; on prend du son humide, qu’on étale ; on répand les aiguilles encore humides sur ce son. Elles s’en couvrent, en les remuant un peu. Quand elles en sont chargées, on les jette avec ce son dans une boëte ronde qui est suspendue en l’air par une corde & qu’on agite jusqu’à ce qu’on juge que le son, & les aiguilles sont secs & sans humidité. C’est ce qu’on entend par vanner les aiguilles. Mais il est plus commode d’avoir pour van, une machine telle qu’on la voit fig. 8. même Planche. C’est une boîte ab quarrée, traversée par un axe, à une des extrémités duquel est une manivelle qui met en mouvement la boîte, avec le son & les aiguilles qu’elle contient. Après que les aiguilles sont nettoyées par le van, où on a eu le soin de les faire passer par deux ou trois sons différens, on les en tire, en ouvrant la porte b du van qui est tenue barrée. On les met dans des vases de bois. On les trie. On sépare les bonnes des mauvaises ; car on se doute bien qu’il y en a un bon nombre dont la pointe ou le cul s’est cassé sous la polissoire & dans le van. Ce triage, & l’action de leur mettre à toutes la pointe du même côté, s’appelle détourner les aiguilles : il n’est plus question que de les empointer, pour les achever. C’est ce qu’un ouvrier placé comme dans la fig. 7. exécute sur une pierre d’émeri qu’il fait tourner comme on voit même fig. tenant la manivelle de la roue d’une main, & roulant la pointe de l’aiguille sur la pierre d’émeri qui est en mouvement. Voilà enfin le travail des aiguilles achevé. La derniere manœuvre que nous venons de décrire s’appelle l’affinage.

Lorsque les aiguilles sont affinées, on les essuie avec des linges mollets, secs, & plûtôt gras & huilés qu’humides. On en fait des comptes de deux cens cinquante qu’on empaquete dans de petits morceaux de papier bleu que l’on plie proprement. De ces petits paquets on en forme de plus gros qui contiennent jusqu’à cinquante milliers d’aiguilles de différentes qualités & grosseurs ; on les distingue par numero. Celles du numero 1 sont les plus grosses ; les aiguilles vont en diminuant de grosseur jusqu’au numero 22, qui marque les plus petites. Les 50 milliers sont distribués en treize paquets, douze de 4 milliers, & un paquet de deux milliers. Le paquet de quatre milliers est distribué en quatre paquets d’un millier, & le paquet d’un millier en quatre paquets de deux cens cinquante. Chaque paquet porte le nom & la marque de l’ouvrier. Le paquet de deux cens cinquante est en gros papier bleu ; les autres en papier blanc ; tous sont encore couverts de gros papiers blancs en six ou sept doubles, qui font leur enveloppe commune : cette enveloppe est bien ficelée ; on la recouvre de deux vessies de cochon qu’on ficelle, & les vessies de cochon, d’une grosse toile d’emballage. Toutes ces précautions sont nécessaires, si l’on ne veut pas que les aiguilles se rouillent. Le paquet tel que nous venons de le former, est marqué à l’extérieur avec de l’encre, des différens numeros des aiguilles qui y sont contenues.

Ce sont les Merciers & les Aiguilliers-Alèniers qui [205] font le négoce des aiguilles ; il est considérable : on les tire de Rouen & d’Evreux. L’Allemagne en fabrique beaucoup ; il en vient sur-tout d’Aix-la-Chapelle. On n’en fabrique plus guere à Paris ; si on y trouve encore quelques Aiguilliers, ce sont de ceux qui font de grandes aiguilles à broder, pour la tapisserie, pour les métiers à bas ; en un mot des seules sortes qui se font à peu de frais, & qui se vendent cher. Il y a des aiguilles à tapisserie qu’on vend jusqu’à six sols la piece. Il n’étoit guere possible qu’une Communauté d’ouvriers fabriquant l’aiguille à coudre, qui demande tant de préparations, & qui se donne à si bon marché, se formât & se soûtînt dans une ville capitale où les vivres sont chers, à moins qu’elle n’en eût eu le privilége exclusif : mais il me semble qu’il n’y a qu’un seul cas où les priviléges exclusifs puissent être accordés sans injustice ; c’est celui ou c’est l’inventeur d’une chose utile qui le demande. Il faut récompenser les inventeurs, afin d’exciter entre les sujets d’un état l’esprit de recherche & d’invention : mais accorder à une Compagnie le privilége exclusif de la fabrication d’un ouvrage que beaucoup de gens peuvent faire, c’est vouloir que cet ouvrage, au lieu de se perfectionner, aille toûjours en dégénérant, & soit toûjours vendu plus cher ; le fabriquant privilégié sûr de vendre, met à ce qu’il fait le moins d’étoffe & de perfection qu’il peut ; & le Marchand est contraint d’acheter sans mot dire. Dans l’impossibilité de se mieux pourvoir ailleurs, il faut qu’il se contente de ce qu’il trouve.

Les aiguilles à Tailleur se distribuent en aiguilles à boutons, à galons, & à boutonnieres, & en aiguilles à rabattre, à coudre, & à rentraire. L’aiguille dont le Tailleur se sert pour coudre, rentraire, & rabattre, est la même : mais entre les Tailleurs, les uns font ces manœuvres avec une aiguille fine, les autres avec une aiguille un peu plus grosse. Il en est de même des aiguilles à boutons, à galons, & à boutonnieres ; il ne seroit pourtant pas mal de prendre l’aiguille à boutons & à galons, un peu plus forte que l’aiguille à boutonnieres, parce qu’elle a plus de résistance à vaincre.

Les Chirurgiens se servent d’aiguilles ordinaires pour coudre les bandes, & autres pieces d’appareils. Il y en a de particulieres pour différentes opérations. On se sert d’aiguilles pour la réunion des plaies & pour la ligature des vaisseaux. Ces aiguilles sont courbes (V. les figures 6 & 7. Pl. III.) on y considere trois parties, la tête, le corps, & la pointe. La tête doit avoir moins de volume que le corps ; elle est percée d’une ouverture longuette entre deux rainures latérales plus ou moins profondes, suivant la dimension de l’aiguille. L’usage de ces rainures est de contenir une partie des fils qui traversent l’œil, afin qu’ils passent facilement dans les chairs. Les rainures & l’œil doivent se trouver du côté des tranchans. Le corps de l’aiguille commence où finissent les rainures ; il doit être rond, & commencer un triangle en approchant de la pointe. La pointe est la partie la plus large de l’aiguille : elle doit en comprendre le tiers. Elle forme un triangle dont la base est plate en-dehors ; les angles qui terminent cette surface sont tranchans, & par conséquent très-aigus. Le commencement de cette pointe est large, & diminue insensiblement jusqu’à l’extrémité qui doit être assez fine pour faire le moins de douleur qu’il est possible, mais en même tems assez solide pour ne point s’émousser en perçant le tissu de la peau. La base du triangle dont nous avons parlé forme le dos ou la convexité de l’aiguille ; la surface concave est double : ce sont deux biseaux séparés par une vive arrête. Par cette construction, le corps & la tête armée des fils passent facilement par l’ouverture que la pointe a faite ; & le Chirurgien ne risque point de se blesser, le corps de l’aiguille n’étant point tranchant ; condition que la plûpart des Couteliers négligent. La courbure mal faite donne une grande imperfection aux aiguilles ; & cette imperfection est commune. Il ne faut pas que la courbure soit particulierement affectée à la pointe ; tout le corps de l’aiguille doit contribuer à former un arc ; car l’aiguille en pénétrant à une certaine distance d’une levre de la plaie pour passer par son fond, & sortir à pareille distance de l’autre levre, doit décrire une ligne courbe dans toute son étendue ; & si toute l’aiguille ne contribue pas également à la formation de sa courbure, l’opération sera très-douloureuse, & sujette à accidens ; parce que la tête & le corps formant une ligne droite, ne pourroient traverser les chairs qu’en froissant considérablement le passage. Il y a des aiguilles de différentes grandeurs & de différens degrés de courbure, selon la profondeur des plaies ; on proportionne toûjours le volume du fil à celui des aiguilles, comme l’aiguille à la plaie. Voyez Plaie.

Les aiguilles pour la suture des tendons (Voyez fig. 8. Pl. III.) ont le corps rond ; la pointe ne coupe point sur les côtés : elles sont plates par cette extrémité où il n’y a qu’un tranchant dans la concavité, la partie convexe étant arrondie & mousse ; cette construction a été imaginée pour que l’aiguille ne fasse qu’écarter les fibres tendineuses qui sont disposées parallelement. L’œil de cette aiguille doit par la même raison répondre à son tranchant & à son dos, afin que le fil passe plus facilement, & n’écarte pas la plaie. Les habiles Chirurgiens ne se servent pas de suture pour la réunion des tendons, ce qui supprime l’usage de ces aiguilles. Voyez Plaie des tendons.

Les aiguilles pour le bec de lievre (fig. 9. Pl. III.) sont toutes droites ; leur corps est exactement cylindrique, & elles n’ont point d’œil. Leur pointe est applatie, tranchante sur les côtés, & a la forme d’une langue de vipere, afin de couper en perçant, & de faire une voie large au reste de l’aiguille. Quelques Praticiens veulent que ces aiguilles soient d’or, pour ne se point rouiller dans la plaie.

M. Petit a imaginé des épingles d’or ou d’argent à deux têtes pour l’opération du bec de lievre. (fig. 11. Pl. III.) Les aiguilles qui sont destinées à les conduire sont en forme de lardoires. (fig. 10. Pl. III.) Leur corps est cylindrique ; leur tête est fendue pour loger une extrémité des épingles : la pointe est un peu courbe, triangulaire, & tranchante sur les côtés. Voyez Bec de lièvre.

Il y a une aiguille particuliere pour la ligature de l’artere intercostale. On en doit l’invention à M. Goulard, Chirurgien de Montpellier, & de la Société Royale des Sciences de cette ville. Elle ressemble à une petite algalie ; sa tête est en plaque, son corps qui a trois pouces de longueur, est cylindrique : sa pointe qui est tranchante sur les côtés, & percée de deux trous, est à l’extrémité d’un demi-cercle capable d’embrasser une côte. Il y a une rainure sur la convexité pour loger les fils. Nous parlerons de ce moyen en parlant de la ligature de l’artere intercostale.

Les aiguilles à abattre la cataracte (fig. 12. Planche XXIII.) sont montées sur un manche d’ivoire, de bois, ou de métal, de trois pouces de long : elles sont droites, & la pointe est à langue de serpent bien tranchante. Il faut en avoir qui aient une petite rainure le long de leur corps pour conduire une lancette en cas de besoin. Ces aiguilles doivent être d’un acier bien pur & bien trempé ; leur longueur au-delà du manche est d’un pouce trois ou quatre lignes ; le manche peut leur servir d’étui. Voyez Cataracte.

L’aiguille à anevrisme (fig. 18. Pl. III.) a le corps cylindrique, sa tête est une petite palette qui sert à la tenir avec plus de sûreté ; sa courbure est grande, & forme une panse pour donner plus de jeu à [206] l’instrument. La pointe au lieu d’être triangulaire, comme aux autres aiguilles, est un cylindre applati dont les côtés sont obtus. L’extrémité de la pointe ne pique point ; elle a un œil à quelques lignes de sa pointe. On trouve une aiguille de cette forme, mais un peu plus matérielle, dans Ambroise Paré à l’article du point doré pour les hernies. Je n’ai pas pû découvrir à qui l’on devoit la perfection & l’application de cet instrument à l’opération de l’anevrisme. Saviard, Obs. 7. décrit cette aiguille dans l’appareil préparé pour l’opération d’un anevrisme en 1691, & en parle comme d’un instrument d’usage ordinaire. Voyez Anévrisme.

M. Petit a imaginé une aiguille pour l’anevrisme (Pl. XIX. fig. 3.) elle est plate, large, & un peu courbée en S. Elle a vers sa pointe qui est mousse deux ouvertures dans lesquelles on fait passer les deux bouts d’un ruban composé de trois ou quatre brins de fil. Lorsque cette aiguille est passée sous l’artere ; on coupe l’anse du fil qu’elle portoit, & les deux bouts se trouvent d’un seul coup d’aiguille placés aux endroits où il faut faire la ligature. Cette aiguille convient aux anevrismes faux ; on ne peut pas s’en servir aux anevrismes par dilatation, parce qu’il faudroit que la pointe de cette aiguille fût plus large que la poche, afin de porter d’un seul coup les fils au lieu où il le faut ; & en outre il faudroit autant d’aiguilles qu’il peut y avoir de degrés différens de dilatation.

Il y a une aiguille pour l’opération de la fistule à l’anus ; (Pl. XXVI. fig. 13.) cette aiguille doit être d’un argent mou & fort pliant : elle est longue de sept pouces, épaisse d’une demi-ligne, large de deux lignes à l’endroit de sa tête, & diminuant doucement pour se terminer en pointe. Il y a une ouverture ou chas de sept lignes de longueur à la tête de cet instrument ; & on pratique sur une de ses surfaces une rainure qui commence à quelques lignes de son ouverture, & finit à quelques lignes de sa pointe. L’ouverture sert en cas de besoin à passer un séton, & la rainure à conduire un bistouri pour ouvrir un sinus, si on le juge à propos.

Il faut aussi que le Chirurgien porte dans son étui une aiguille à sétons. Je ne désigne pas par-là un mauvais instrument piquant & tranchant en forme de carrelet, pour percer la peau dans l’opération du séton, mais j’entends un stylet d’argent boutonné par une de ses extrémités, & avant à l’autre un œil ou chas propre à porter une bandelette de linge effilée qu’on nomme séton, pour entretenir la communication de deux plaies. Voyez Séton & Opération du séton.

Comme il peut se trouver des plaies qui percent la cuisse de part en part, il faut que le Chirurgien ait une aiguille fort longue ; on la fait de deux pieces qui ont chacune environ cinq pouces de longueur. Une de ces pieces peut être appellée mâle, & l’autre femelle : celle-là a son extrémité antérieure boutonnée, & son autre extrémité est en vis. La piece femelle a un écrou dans son extrémité antérieure, & un œil ou chas à son autre bout qui sert de tête à l’instrument. (Y)

* Ce sont les Couteliers qui font ces aiguilles ; elles se forgent, s’émoulent, & se polissent comme les autres ouvrages de ces ouvriers. Voyez l’article Coutelier.

Aiguille, instrument de blanchisseurs de cire ; c’est un morceau de fer long dont ils se servent pour déboucher les trous de la greloüoire, lorsque la cire s’y arrête.

Aiguille, terme & outil de Guainier ; cette aiguille est de la longueur d’un pouce ; elle se met dans le porte-aiguille, & sert à l’ouvrier à faire les trous dans ses ouvrages pour y poser les petits clous d’ornement. Du reste elle n’a rien de particulier dans sa forme, sinon que pointue par un bout, comme la plûpart des autres aiguilles, elle n’est pas ouverte ou percée par l’autre.

Il y a une petite aiguille de Gantier qui n’est proprement, ni à cul rond, ni à cul long, mais dont la pointe est en tiers point ; de maniere pourtant qu’une des faces est plus large que les deux autres. La raison de cette forme, c’est que cette aiguille destinée à coudre des peaux extrèmement fines, qui doivent être cousues à points imperceptibles, étant faite proprement en langue, fend plûtôt ces peaux qu’elle n’y fait des trous, & permet une couture si fine qu’on le veut.

Aiguille à tête ou à cheveux ; c’est un morceau d’acier, fer, léton, argent, or, &c. poli & menu, de quatre pouces de longueur, ou environ, dont les femmes se servent pour arranger leurs cheveux quand elles se coëffent. Ces aiguilles ont la tête plate & percée en longueur, & la pointe peu piquante. Il n’est pas nécessaire de rendre raison de cette forme.

Aiguille à réseau ; c’est un morceau de fer fendu par les deux extrémités, dont on se sert pour faire les réseaux sur lesquels les Perruquiers appliquent les tresses de cheveux pour monter leurs perruques. V. Réseau.

Aiguille à emballer, grosse aiguille de fer ou d’acier, longue de cinq ou six pouces, ronde par la tête, tranchante & à trois quarres par la pointe.

Aiguille à matelas, autre espece d’aiguille de douze ou quinze pouces de longueur ; les Tapissiers s’en servent pour piquer de ficelle leurs matelas, & autres ouvrages.

Aiguille à empointer ; especes de carrelets assez longs dont les Marchands se servent pour arrêter avec du gros fil ou de la ficelle les plis des pieces d’étoffe.

Aiguille servant à faire les filets ou reseaux de ficelle, corde, cordonet, & dont on se sert pour pêcher, chasser, & fermer les baies des jeux de paulme, est pour les grands ouvrages à mailles larges, une piece de bois, & pour les petits une piece de fer terminée en pointe obtuse par une de ses extrémités A (fig. 1. Planche du Paumier.) & par l’autre en fourchette sur laquelle on monte la ficelle ou le fil dont le filet doit être composé. Cette aiguille a une ouverture vers sa pointe dont les deux tiers sont occupés par une languette cylindrique qui se termine en pointe. Cette languette doit être dans le même plan que l’aiguille qui est plate. On attache en D extrémité inférieure de la languette un bout de la ficelle dont on veut garnir l’aiguille. Cette ficelle ainsi attachée est conduite dans la fourchette C, & revient par l’autre côté de l’aiguille embrasser la languette B ; elle retourne ensuite dans la fourchette d’où elle revient encore embrasser la languette, mais du côté opposé à son premier tour, ainsi de suite jusqu’à ce que l’aiguille en soit suffisamment garnie. Voyez à l’article Filet l’usage de cette aiguille & comment on fabrique les filets par son moyen.

Aiguille, chez les Piqueurs d’étuis, de tabatieres, &c. est une espece de petit poinçon dont on se sert pour forer les pieces qu’on veut piquer. Elle est trop petite pour être tenue entre les doigts ; c’est pour cela qu’elle est montée sur une espece de manche ou porte-aiguille. Si la matiere à piquer est dure, on supplée à l’aiguille par le foret ou le perçoir. Voyez Perçoir.

Aiguille à Sellier ; c’est une aiguille à quatre quarres, dont les Selliers se servent pour coudre leurs ouvrages ; on l’appelle aussi carrelet à cause de sa figure qui est quarrée : il y en a de grosses, de moyennes & de fines, suivant la délicatesse de l’ouvrage auquel on veut les employer.

Aiguille de chasse, morceau de fer (N fig. 11. Planche de Draperie.) ouvert d’un côté, d’un pié de longueur, & tarodé de l’autre de la même longueur, [207] servant à soûtenir la chasse ou le battant des métiers de draps, à la hausser ou baisser, avancer ou reculer suivant le besoin. Les lames des chasses C sont insérées dans l’ouverture de l’aiguille & arrêtées avec deux ou trois vis à écrou. La partie tarodée Y de l’aiguille passe dans une ouverture de la traverse B du métier qui arrête le pié de devant & celui de derriere. Il y a dans cette traverse une ouverture de la longueur d’un pié sur dix-huit lignes de largeur ; & sur cette traverse sont attachées deux tringles de fer dentelées xx de même longueur, & posées chacune le long de l’ouverture. Une piece de fer vv faite en coûteau & ouverte dans le milieu reçoit par son ouverture la partie tarodée de l’aiguille, est posée sur les deux tringles xx appellées cramailleres, & forme avec l’aiguille une espece de croix. Au-dessus de la piece vv est un écrou à oreilles appellé le poulet, qui reçoit la partie tarodée de l’aiguille. Le poulet sert à hausser ou baisser la chasse ; & la piece de fer qui forme la croix & qui soûtient la chasse a encore la liberté d’avancer ou reculer sur les cramailleres, & d’entraîner avec elle la chasse qui avance ou recule en même tems. On verra à l’article Draperie la nécessité d’avancer ou reculer, hausser ou baisser la chasse.

Aiguille à meche ; c’est dans la fabrique des chandelles moulées un fil de fer long d’un pié, recourbé par un bout & en anneau par l’autre bout. On le fait entrer dans le moule par l’ouverture d’en-haut, le crochet ou bout recourbé tourné vers l’ouverture d’enbas ; on passe dans le crochet la boucle d’un nœud coulant qui tient à la meche, & qui par cette raison s’appelle fil à meche. En tirant l’aiguille on entraine la meche qui suit le fil à meche ; on attache le fil à meche au culot du moule ; cela fait, on prend l’autre extrémité de la meche qui est restée hors du moule & qui excede l’ouverture d’en-bas ; on la tire ferme avec les doigts afin de tenir la meche droite, tendue & au centre du moule. Voyez Moule, Chandelle moulée, Culot. Les Chandeliers ont encore une autre aiguille qu’ils appellent aiguille à enfiler. Elle est longue d’un pié ou environ ; ils s’en servent pour mettre la chandelle par livres : ils enfilent le nombre de chandelles qui doit former ce poids, puis avec un morceau de fil dont l’aiguille à enfiler est garnie, ils attachent ensemble ces chandelles. On appelle pennes les morceaux de fil qui sont employés à cet usage par les Chandeliers ; ils les achetent des Tisserands. Ce sont des bouts de chaînes qu’on ne peut travailler, & qui restent quand on leve les pieces entre le battant & l’ensuple de derriere.

Aiguille à presser, espece de grosse aiguille de fer longue de quelques pouces & triangulaire par sa pointe. Les ouvriers en tapisserie s’en servent pour arranger, séparer ou presser leurs soies ou leurs laines après qu’ils les ont placées entre les fils de la chaine, afin de former plus parfaitement les contours du dessein. Voyez fig. 5. Planche de tapisserie de haute-lisse. Il est évident que sa pointe triangulaire & ses angles rendent cette aiguille beaucoup plus propre à ces usages que si elle étoit ronde.

Aiguille, (Hydraul.) est une piece de bois arrondie, assez menue, & longue de six piés, retenue en tête par la brise, & portant par le pié sur le seuil d’un pertuis. Cette piece sert, en la fermant, à faire hausser l’eau. (K)

Aiguille, (Fauconnerie.) maladie des faucons, causée par de petits vers courts qui s’engendrent dans leur chair. Ces vers sont plus petits & plus dangereux que les filandres.

Aiguille ; (Chasse.) on tuoit autrefois les loups avec des aiguilles : on en avoit deux ; elles étoient pointues par les deux bouts ; on les mettoit en croix, & on les attachoit l’une sur l’autre avec un crin de cheval, qui tendoit à les séparer. On les replioit avec effort, pour les enfoncer dans un morceau de viande. On exposoit aux loups cette viande ainsi préparée ; les loups avaloient les aiguilles & la viande goulument ; & quand la viande étoit digérée, les aiguilles reprenant leur premiere situation, en vertu de l’effort du crin de cheval, revenoient en croix, piquoient les intestins, & faisoient mourir ces animaux.

Aiguilles, sont aussi des fils ou lardons que les valets de chiens pour sanglier, doivent porter pour panser & recoudre les chiens que les défenses du sanglier auront blessés.
AFFILIATIONS. f. (Jurispr.) s'est dit par les Ecrivains du moyen âge pour adoption. Voyez ADOPTION.

Chez les anciens Gaulois l'affiliation étoit une adoption qui se pratiquoit seulement parmi les grands. Elle se faisoit avec des cérémonies militaires. Le pere présentoit une hache de combat à celui qu'il vouloit adopter pour fils, comme pour lui faire entendre que c'étoit par les armes qu'il devoit se conserver la succession à laquelle il lui donnoit droit. (H)


AFFINAGES. m. (Arts méchaniques.) se dit en général de toute manoeuvre par laquelle on fait passer une portion de matiere, solide sur-tout, quelle qu'elle soit d'ailleurs, d'un état à un autre, où elle est plus dégagée de parties hétérogenes, & plus propre aux usages qu'on s'en promet. Le sucre s'affine ; le fer s'affine ; le cuivre s'affine, &c. Je dis une portion de matiere solide, parce que l'affinage ne se dit pas des fluides : on les clarifie, on les purifie, &c. mais on ne les affine pas.

L'AFFINAGE des métaux (Chimie.) se pratique différemment en différens pays, & selon les différentes vûes de ceux qui affinent. Il y a pour l'argent l'affinage au plomb, qui se fait avec une coupelle bien seche qu'on fait rougir dans un fourneau de reverbere ; ensuite on y met du plomb. La quantité du plomb qu'on employe n'est pas la même par-tout. On employe plus ou moins de plomb, selon que l'argent qu'on veut coupeller est soupçonné d'avoir plus ou moins d'alliage. Pour savoir la quantité de plomb qu'on doit employer, on met une petite partie d'argent avec deux parties de plomb dans la coupelle ; & si l'on voit que le bouton d'argent n'est pas bien net, on ajoûte peu-à-peu du plomb jusqu'à ce qu'on en ait mis suffisamment ; ensuite on suppute la quantité de plomb qu'on a employée, & on sait ainsi combien il en faut pour affiner l'argent ; on laisse fondre le plomb avant que de mettre l'argent, & même il faut que la litarge qui se forme sur le plomb fondu, soit fondue aussi : c'est ce qu'on appelle en terme d'Art, le plomb découvert ou en nappe. Si on y mettoit l'argent plûtôt, on risqueroit de faire sauter de la matiere : si au contraire on tardoit plus qu'il ne faut pour que le plomb soit découvert, on gâteroit l'opération ; parce que le plomb seroit trop diminué par la calcination.

Le plomb étant découvert, on y met l'argent. Si on enveloppe l'argent, il vaut mieux l'envelopper dans une lame de plomb, que dans une feuille de papier ; parce qu'il seroit à craindre que le papier ne s'arrêtât à la coupelle.

L'argent dans la coupelle se fond, & tourne sans cesse de bas en haut & de haut en bas, formant des globules qui grossissent de plus en plus à mesure que la masse diminue ; & enfin ces globules, que quelques-uns nomment fleurs, diminuent en nombre, & deviennent si gros, qu'ils se réduisent à un qui couvre toute la matiere, en faisant une corruscation ou éclair, & reste immobile. Lorsque l'argent est dans cet état, on dit qu'il fait l'opale, & pendant ce tems il paroît tourner. Enfin on ne le voit plus remuer ; il paroît rouge ; il blanchit, & on a peine à le distinguer de la coupelle ; & dans cet état il ne tourne plus. Si on le tire trop vîte pendant qu'il tourne encore, l'air le saisissant il vegette, & il se met en spirale ou en masse hérissée, & quelquefois il en sort de la coupelle.

Il y a quelques différences entre la façon de coupeller en petit, & celle de coupeller en grand : par exemple, lorsqu'on coupelle en grand, on souffle sur la coupelle pendant que l'argent tourne, pour le dégager de la litarge ; on présente à la litarge un écoulement, en pratiquant une échancrure au bord de la coupelle, & on retire la litarge avec un rateau ; ce qui fait que lorsque l'ouvrier ne travaille pas bien, on trouve du plomb dans la litarge, & quelquefois de l'argent ; ce qui n'arrive pas, & ce qu'on ne fait pas lorsqu'on coupelle en petit. Il faut dans cette opération compter sur seize parties de plomb pour chaque partie d'alliage.

L'affinage de l'argent au salpetre se fait en faisant fondre de l'argent dans un creuset dans un fourneau à vent ; lorsque l'argent est fondu, c'est ce qu'on appelle la matiere est en bain : l'argent étant dans cet état, on jette dans le creuset du salpetre, & on laisse bien fondre le tout ensemble ; ce qu'on appelle brasser bien la matiere en bain.

On retire le creuset du feu, & on verse par inclination dans un baquet plein d'eau où l'argent se met en grenaille, pourvû qu'on remue l'eau avec un balai ou autrement : si l'eau est en repos, l'argent tombe en masse.

On fond aussi l'argent trois fois, en y mettant du salpetre & un peu de borax chaque fois ; & la troisieme fois, on laisse refroidir le creuset sans y toucher, & on le verse dans une lingotiere ; ensuite on le casse, & on y trouve un culot d'argent fin : les scories qui sont dessus, sont composées du salpetre & de l'alliage qui étoit dans l'argent.

Deux onces de salpetre & un gros de borax calciné par marc d'argent, ce qu'on réitere tant que les scories ont de la couleur.

On peut affiner l'or par le nitre, comme on affine par ce moyen l'argent, si ce n'est qu'il ne faut pas y employer le borax, parce qu'il gâte la couleur de l'or : l'or mêlé d'argent ne peut s'affiner par le salpetre.

L'affinage de l'or se fait en mettant fondre de l'or dans un creuset & on y ajoûte peu-à-peu, lorsque l'or est fondu, quatre fois autant d'antimoine : lorsque le tout sera dans une fonte parfaite, on versera la matiere dans un culot, & lorsqu'elle sera refroidie, on séparera les scories du métal ; ensuite on fera fondre ce métal à feu ouvert pour en dissiper l'antimoine en soufflant ; ou pour avoir plûtôt fait, on y jettera à différentes reprises du salpetre.

L'antimoine n'est meilleur que le plomb pour affiner l'or, que parce qu'il emporte l'argent, au lieu que le plomb le laisse, & même en donne.

Il y a l'affinage de l'or par l'inquart qui se fait par le moyen de l'esprit de nitre, qui dissout l'alliage de l'or & l'en sépare. Cet affinage ne se peut faire que lorsque l'alliage surpasse de beaucoup en quantité l'or ; il faut qu'il y ait le quart d'or : il se peut faire lorsqu'il y en a plus ; il ne se fait pas si bien lorsqu'il y en a moins.

On affine aussi l'or par la cimentation, en mettant couche sur couche des lames d'or & du ciment composé avec de la brique en poudre, du sel ammoniac & du sel commun, & on calcine le tout au feu : il y en a qui mettent du vitriol, d'autres du verd de gris, &c.

Affiner, v. a. rendre plus pur : affiner l'argent, c'est purifier ce métal de tous les métaux qui peuvent lui être unis, en les séparant entierement de lui.

Affiner est aussi neutre : on peut dire l'or s'affine, &c.

Affineur, s. m. celui qui affine l'or & l'argent, &c.

Affinerie, s. f. lieu où l'on rend plus purs les métaux, le sucre, &c. Affinerie se dit aussi du fer affiné. On peut dire, j'ai acheté tant de milliers d'affinerie.

Il y en a qui disent raffiner, raffinement, raffineur & raffiné : mais ces mots sont plus propres dans le moral que dans le physique. Voyez sur ces différentes affineries les articles des métaux. (M)

AFFINAGE, terme de Filassier. Voyez CHANVRE & AFFINER.


AFFINERv. neut. terme de Marine. On dit le tems affiné : c'est-à-dire qu'il n'est plus si sombre ni si chargé, & que l'air commence à s'éclaircir. Le tems s'étant affiné, nous découvrîmes deux vaisseaux qui étoient sous le vent à nous, auxquels nous donnâmes chasse jusqu'au soir. Voyez TEMS. (Z)

AFFINER, en terme de Cloutier d'épingle, c'est faire la pointe au clou, en le faisant passer sur la meule. Voyez MEULE.

AFFINER, c'est la derniere façon que les Filassiers donnent au chanvre pour le rendre assez fin & assez menu, pour en pouvoir faire du fil propre à toutes sortes d'ouvrages. Voyez CHANVRE.


AFFINERIon donne le nom d'affinerie, aux bâtimens, où les ouvriers affineurs travaillent. Par conséquent il y a des bâtimens d'affinerie de sucre, des affineries de fer, des affineries de cuivre, &c. Voyez FER, SUCRE, FORGE, &c. & en général les articles qui portent le nom des différentes matieres à affiner, la maniere dont on s'y prend pour les affiner, avec la description des outils & des bâtimens appellés affineries. Par exemple, Forges, Pl. IX. pour l'affinage du fer.


AFFINEURS. m. (Art méchan.) c'est le nom que l'on donne en général à tout ouvrier entre les mains duquel une substance solide, quelle qu'elle soit, passe pour recevoir une nouvelle modification qui la rende plus propre aux usages qu'on en tirera. Ainsi les sucreries ont leurs affineurs & leurs affineries. Il en est de même des forges, & de toutes les manufactures où l'on travaille des métaux & d'autres substances solides qui ne reçoivent pas toute leur perfection de la premiere main-d'oeuvre.

AFFINEUR, à la Monnoie, appellé plus communément essayeur. Voyez ESSAYEUR.


AFFINITÉS. f. (Jurisprud.) est la liaison qui se contracte par mariage entre l'un des conjoints, & les parens de l'autre.

Ce mot est composé de la préposition Latine ad, & de fines, bornes, confins, limites ; c'est comme si l'on disoit que l'affinité confond ensemble les bornes qui séparoient deux familles, pour n'en faire plus qu'une, ou du moins faire qu'elles soient unies ensemble.

Affinité est différent de consanguinité. Voyez CONSANGUINITE.

Dans la loi de Moyse il y avoit plusieurs degrés d'affinité qui formoient des empêchemens au mariage, lesquels ne semblent pas y faire obstacle en ne suivant que la loi de nature. Par exemple, il étoit défendu (Levit. c. xviij. v. 16.) d'épouser la veuve de son frere, à moins qu'il ne fût mort sans enfans, auquel cas le mariage étoit non-seulement permis, mais ordonné. De même il étoit défendu à un mari d'épouser la soeur de sa femme, lorsque celle-ci étoit encore vivante ; ce qui néanmoins étoit permis avant la prohibition portée par la loi ; comme il paroît par l'exemple de Jacob.

Les anciens Romains n'avoient rien dit sur ces mariages ; & Papinien est le premier qui en ait parlé à l'occasion du mariage de Caracalla. Les Jurisconsultes qui vinrent ensuite étendirent si loin les liaisons de l'affinité, qu'ils mirent l'adoption au même point que la nature. Voyez ADOPTION.

L'affinité, suivant les canonistes modernes, est un empêchement au mariage jusqu'au quatrieme degré inclusivement ; mais seulement en ligne directe, & non pas en ligne collatérale. Affinis mei affinis non est affinis meus. V. DEGRE, DIRECT, COLLATERAL.

Il est à remarquer que cet empêchement ne résulte pas seulement d'une affinité contractée par mariage légitime, mais aussi de celle qui l'est par un commerce illicite ; avec cette différence pourtant que celle-ci ne s'étend qu'au deuxieme degré inclusivement ; au lieu que l'autre, comme on l'a observé, s'étend jusqu'au quatrieme. Voyez ADULTERE, CONCUBINE, &c.

Les canonistes distinguent trois sortes d'affinité : la premiere est celle que nous avons définie, & celle qui se contracte entre le mari & les parens de sa femme, & entre la femme & les parens du mari.

La seconde, entre le mari & les alliés de la femme, & entre la femme & les alliés du mari.

La troisieme, entre le mari & les alliés des alliés de sa femme, & entre la femme, & les alliés des alliés du mari.

Mais le quatrieme concile de Latran, tenu en 1213, jugea qu'il n'y avoit que l'affinité du premier genre qui produisît une véritable alliance, & que les deux autres especes d'affinité n'étoient que des raffinemens qu'il falloit abroger. C. non debet, Tit. de consanguin. & affin.

Les degrés d'affinité se comptent comme ceux de parenté ; & conséquemment autrement dans le Droit canon que dans le Droit civil. Voyez DEGRE.

Il y a encore une affinité ou cognation spirituelle, qui est celle qui se contracte par le sacrement de baptême & de confirmation. En conséquence de cette affinité le parrein ne peut pas épouser sa filleule sans dispense. Voyez PARREIN, BAPTEME, &c.

AFFINITE, en matiere de Science, voyez ANALOGIE.


AFFINOIRLes Filassiers donnent ce nom au seran qui, plus fin que tous les autres, sert à donner la derniere façon à la filasse pour la rendre en état d'être filée. Voyez la fig. Pl. du Cordier.


AFFINSterme de Droit, vieilli : ce mot avoit été francisé, & étoit synonyme à alliés, qui se dit des personnes de deux familles distinctes, mais attachées seulement l'une à l'autre par les liens de l'affinité. (H)


AFFIRMATIFIVE, adj. Il y a en Algebre des quantités affirmatives ou positives. Ces deux mots reviennent au même. Voyez QUANTITE & POSITIF.

Le signe ou le caractere affirmatif est +. (O)

AFFIRMATIF, adj. (Théol.) se dit spécialement à l'inquisition, des hérétiques qui avouent les sentimens erronés qu'on leur impute, & qui à leurs interrogatoires les défendent & les soûtiennent avec force. Voyez INQUISITION & HERETIQUE. (G)


AFFIRMATIONS. f. au Palais, est la déclaration que fait en justice avec serment l'une des parties litigantes. Voyez SERMENT.

L'affirmation est de deux sortes : celle qui se fait en matiere civile, & celle qui se fait en matiere criminelle. C'est une maxime de notre Droit, que l'affirmation ne sauroit être divisée ; c'est-à-dire qu'il faut faire droit sur toutes les parties de la déclaration, & non pas avoir égard à une partie & rejetter l'autre. Si par exemple une partie à qui on défere le serment en justice sur la question de savoir si elle a reçu un dépôt qu'on lui demande, répond qu'elle l'a reçu, mais qu'elle l'a restitué depuis ; on ne pourra pas, en conséquence de l'aveu qu'elle fait de l'avoir reçu, la condamner à restituer : il faudra au contraire la décharger de la demande afin de restitution, en conséquence de ce qu'elle affirme avoir restitué : mais cette maxime ne s'observe qu'en matiere civile. En matiere criminelle, comme l'affirmation ne suffit pas pour purger l'accusé, on se sert contre lui de ses aveux pour opérer sa conviction, sans avoir toûjours égard à ce qu'il dit à sa décharge. Si, par exemple, un homme accusé de meurtre, avoue avoir menacé la personne qui depuis s'est trouvée tuée, quoiqu'il affirme que ce n'est pas lui qui l'a tuée, la présomption qui résulte de sa menace, ne laissera pas d'être regardée comme un adminicule ou commencement de preuve, nonobstant ce qu'il ajoûte à sa décharge.

Et même en matiere civile, lorsque l'affirmation n'est pas litis-décisoire, comme sont les déclarations que fait une partie dans ses défenses sans prestation de serment, ou même celles précédées de prestation de serment dans un interrogatoire sur faits & articles ; le juge y aura seulement tel égard que de raison.

En Angleterre on se contente d'une simple affirmation, sans serment de la part des Quacres, qui soûtiennent que le serment est absolument contraire à la loi de Dieu. Voyez QUACRE & SERMENT.

Cette secte y causa beaucoup de trouble par son opposition déclarée à toutes sortes de sermens, & spécialement par le refus qu'ils firent de prêter le serment de fidélité exigé par Charles II. jusqu'à ce qu'en 1689, le parlement fit un acte qui portoit que leur déclaration solemnelle d'obéissance & de fidélité vaudroit le serment ordinaire. V. DECLARATION & FIDELITE.

En 1695, ils obtinrent pour un tems limité un autre acte, portant que leur affirmation solemnelle vaudroit serment dans tous les cas où le serment est solennellement prescrit par la loi ; excepté dans les matieres criminelles, pour posséder des charges de judicature, des postes de confiance, & des emplois lucratifs : laquelle affirmation devoit être conçue en cette forme : " Je N. en présence de Dieu tout-puissant, témoin de la vérité de ce que j'atteste ; déclare que, &c. ".

Dans la suite cet acte fut renouvellé & confirmé pour toûjours : mais la formule de cette affirmation n'étant pas encore à leur gré, comme contenant en substance tout ce qui fait l'essence du serment, ils solliciterent le parlement d'y faire quelques changemens, à quoi ils parvinrent en 1721, qu'on la rectifia de la maniere qui suit, à la satisfaction universelle de tous les Quacres : " Je N. déclare & affirme sincerement, solennellement & avec vérité ". A présent on se contente à leur égard de cette formule, de la maniere pourtant, & en exceptant les cas qu'on vient de dire en parlant de la formule de 1695. Et celui qui après une pareille affirmation déposeroit faux, seroit réputé coupable de parjure, & punissable comme tel. Voyez PARJURE.

AFFIRMATION, en termes de bureaux, est la déclaration qu'un comptable met à la tête de son compte, pour le certifier véritable. Selon l'usage des bureaux, l'affirmation se met au haut de la premiere page du compte, & à la marge en forme d'apostille.

Ce terme se dit aussi du serment que fait le comptable, lorsqu'il présente son compte à la chambre des comptes en personne, & qu'il affirme que toutes les parties en sont véritables. Voyez INTERROGATOIRE. (H)


AFFLICTIONS. f. (Med.) passion de l'ame qui influe beaucoup sur le corps. L'affliction produit ordinairement les maladies chroniques. La phthisie est souvent la suite d'une grande affliction. Voyez CHAGRIN. (N)


AFFLUENTadj. terme de Rivieres, se dit d'une riviere qui tombe dans une autre. La riviere de Marne afflue dans la Seine. Confluent se dit des deux rivieres, & affluent de l'une ou de l'autre. Au confluent de la Marne & de la Seine. A l'affluent de la Marne dans la Seine.


AFFOLCÉEboussole, aiguille affolcée, (Marine.) c'est l'épithete de toute aiguille défectueuse, & touchée d'un aimant qui ne l'anime pas assez, ou qui ne lui donne pas la véritable direction, indiquant mal le nord, & ayant d'autres défauts. Voyez BOUSSOLE. (Z)


AFFORAGES. terme de Droit, qui se prend dans deux significations différentes : dans les coûtumes où il est employé, il signifie un droit qu'on paye au seigneur, pour avoir droit de vendre du vin, du cidre, ou autre liqueur, dans l'étendue de sa seigneurie, suivant le prix qui y a été mis par ses officiers : & dans l'ordonnance de la ville du mois de Décembre 1672, il signifie le tarif même de ces sortes de marchandises fixé par les échevins.

Ce terme paroît venir du mot Latin forum, qui signifie marché.


AFFOUAGES. terme de Coûtumes, qui signifie le droit de couper du bois dans une forêt, pour son usage & celui de sa famille. Ce mot est dérivé de feu.


AFFOUAGEMENTS. m. terme de Coûtumes usité dans la Provence, & en quelques autres endroits où les tailles sont réelles : il signifie l'état ou la liste du nombre des feux de chaque paroisse, qu'on dresse à l'effet d'asseoir la taille avec équité & proportion. Ce mot est dérivé du précédent. (H)


AFFOURCHES. f. (travail d'ancres), ancres d'affourche, est la troisieme ancre d'un vaisseau. Voyez ANCRE.


AFFOURCHERv. act. (Marine.) c'est mouiller une seconde ancre après la premiere, de façon que l'une est mouillée à stribord de la proue, & l'autre à bas-bord ; au moyen de quoi les deux cables font une espece de fourche au-dessous des écubiers, & se soulagent l'un l'autre, empêchant le vaisseau de tourner sur son cable : car l'une de ces ancres assûre le vaisseau contre le flot, & l'autre contre le jusan. On appelle cette seconde ancre, ancre d'affourche, ou d'affourché. Voyez ANCRE, JUSAN, ECUBIER.

AFFOURCHER à la voile, (Marine.) c'est porter l'ancre d'affourche avec le vaisseau, lorsqu'il est encore sous les voiles. (Z)


AFFRANCHIen Latin libertinus, s. m. (Théol.) Ce terme signifie proprement un esclave mis en liberté. Dans les actes des apôtres il est parlé de la synagogue des affranchis, qui s'éleverent contre saint Etienne, qui disputerent contre lui, & qui témoignerent beaucoup de chaleur à le faire mourir. Les interpretes sont fort partagés sur ces libertins ou affranchis : les uns croyent que le texte Grec qui porte libertini, est fautif, & qu'il faut lire Libystini, les Juifs de la Libye voisine de l'Egypte. Le nom de libertini n'est pas Grec ; & les noms auxquels il est joint dans les actes, font juger que S. Luc a voulu designer des peuples voisins des Cyrénéens & des Alexandrins : mais cette conjecture n'est appuyée sur aucun manuscrit ni sur aucune version que l'on sache. Joan. Drus. Cornel. à lapid. Mill.

D'autres croyent que les affranchis dont parlent les actes, étoient des Juifs que Pompée & Sosius avoient emmenés captifs de la Palestine en Italie, lesquels ayant obtenu la liberté, s'établirent à Rome, & y demeurerent jusqu'au tems de Tibere, qui les en chassa, sous prétexte de superstitions étrangeres, qu'il vouloit bannir de Rome & de l'Italie. Ces affranchis pûrent se retirer en assez grand nombre dans la Judée, avoir une synagogue à Jérusalem, où ils étoient lorsque S. Etienne fut lapidé. Les rabbins enseignent qu'il y avoit dans Jérusalem jusqu'à 400 synagogues, sans compter le temple. Oecumenius Lyran. &c. Tacite, Annal. lib. II. Calmet, Dictionn. de la Bible, tome I. lett. A. p. 71. (G)

AFFRANCHI, adj. pris sub. dans le Droit Romain, étoit un nouveau citoyen parvenu à la qualité d'homme libre, par l'affranchissement ou manumission. Voyez l'un & l'autre de ces deux mots.

L'affranchi, quoique sorti de l'esclavage par la manumission, n'étoit pas exempt de tous devoirs envers son ancien maître, devenu son patron. En général, il étoit obligé à la reconnoissance, non-seulement par la loi naturelle qui l'exige sans distinction pour toute sorte de bienfait, mais aussi par la loi civile qui lui en faisoit un devoir indispensable, à peine de rentrer dans la servitude : si, par exemple, son patron ou le pere ou la mere de son patron étoient tombés dans l'indigence, il étoit obligé de fournir à leur subsistance, selon ses facultés, sous peine de rentrer dans les fers. Il encouroit la même peine s'il avoit maltraité son patron, ou qu'il eût suborné des témoins contre lui en justice.

L'honneur que l'affranchi devoit à son patron empêchoit qu'il ne pût épouser sa mere, sa veuve ou sa fille.

Le fils de l'affranchi n'étoit pas réputé affranchi, & étoit pleinement libre à tous égards. Voyez LIBERTIN.

Quelques auteurs mettent de la différence entre libertus & libertinus, & veulent que libertus signifie celui même qui a été tiré de l'état de servitude, & libertinus, le fils de l'affranchi : mais dans l'usage tous les deux signifient un affranchi. L'acte par lequel un esclave étoit mis en liberté s'appelloit en Droit manumissio, comme qui diroit dimissio de manu, " affranchissement de l'autorité d'un maître ". Voyez AFFRANCHISSEMENT.

Les affranchis conservoient leur nom, & le joignoient au nom & au prénom de leur maître ; c'est ainsi que le poëte Andronicus, affranchi de M. Livius Salinator, fut appellé M. Livius Andronicus. Les affranchis portoient aussi quelquefois le prénom de la personne à la recommandation de laquelle ils avoient obtenu la liberté. Ces nouveaux citoyens étoient distribués dans les tribus de la ville qui étoient les moins honorables ; on ne les a placés que très-rarement dans les tribus de la campagne.

Dès l'instant de l'affranchissement les esclaves se coupoient les cheveux, comme pour chercher dans cette offrande une juste compensation du don précieux de la liberté qu'ils recevoient des dieux, cette dépouille passant dans toute l'antiquité payenne pour un présent extrèmement agréable à la divinité.

C'étoit un des priviléges des esclaves devenus libres par leur affranchissement, que de ne pouvoir plus être appliqués à la question dans une affaire où leur maître se seroit trouvé impliqué. Milon, accusé du meurtre de Clodius, se servit de cette précaution pour détourner des dépositions qui ne lui auroient pas été favorables. Il aima mieux donner la liberté à des esclaves témoins du fait, que de s'exposer à être chargé par des gens d'autant moins capables de résister à la torture, qu'ils étoient presque tous délateurs nés de leurs maîtres. La condition d'affranchis étoit comme mitoyenne entre celle des citoyens par droit de naissance, & celle des esclaves ; plus libre que celle-ci, mais toutefois moins indépendante que la premiere. (G & H)


AFFRANCHIRAFFRANCHIR la pompe. (Marine.) La pompe est dite affranchie ou franche quand ayant jetté plus d’eau hors du vaisseau qu’il n’y en entre, elle cesse de travailler. Voyez FRANCHE & FRANCHIR.


AFFRANCHISSEMENTS. m. (Jurisprud.) est l'acte par lequel on fait passer un esclave de l'état de servitude à celui de liberté. Voyez, pour les différentes manieres dont on procédoit à l'affranchissement d'un esclave chez les Romains, le mot MANUMISSION.

Affranchissement, dans notre Droit, est la concession d'immunités & d'exemptions d'impôts & de charges publiques, faite à une ville, une communauté, ou à des particuliers.

On le prend en Angleterre dans un sens analogue à celui-ci, pour l'aggrégation d'un particulier dans une société ou dans un corps politique, au moyen de laquelle il acquiert certains priviléges & certaines prérogatives.

Ainsi on dit en Angleterre qu'un homme est affranchi, quand il a obtenu des lettres de naturalisation, au moyen desquelles il est réputé régnicole, ou des patentes qui le déclarent bourgeois de Londres, ou de quelqu'autre ville. Voyez AUBAIN & NATURALISATION. (H)


AFFRIANDERv. act. (Chasse.) Affriander l'oiseau, en Fauconnerie, c'est le faire revenir sur le leurre avec du pât de pigeonneaux ou de poulets.


AFFRONTAILLESS. f. pl. terme de Pratique usité en quelques endroits pour signifier les bornes de plusieurs héritages aboutissantes à celles d'un autre fonds. (H)


AFFRONTÉterme de Blason ; c'est le contraire d'adossé ; il se dit de deux choses opposées de front, comme deux lions, ou deux autres animaux.

Gonac en Vivarès ; de gueules à deux levrettes affrontées d'argent, accollées de sable, cloüées d'or. (V)


AFFURAGou AFFEURÉS. Voyez AFFORAGE.


AFFUSIONS. f. (Pharmacie.) L'affusion consiste à verser une liqueur chaude ou froide sur certains médicamens. Il y a des substances dont les infusions & les préparations doivent se faire de cette façon pour n'en pas dissiper les parties volatiles : telles sont les infusions de cresson, de cochléaria, de beccabunga, des plantes labiées, & de la plûpart des plantes aromatiques, comme l'absinthe, la tanesie, la santoline, l'aurone, &c.

Sans cette précaution, on se prive de l'huile essentielle & de l'esprit érecteur ou incoercible, qui fait toute l'énergie de ces plantes. (N)


AFFUSTAGES. m. terme de Chapelier ; c'est ainsi qu'on appelle les façons que l'on donne aux vieux chapeaux en les remettant à la teinture, en leur rendant le lustre, ou en les redressant sous les plombs, & sur-tout quand on les retourne, & qu'on leur donne une nouvelle colle.

* AFFUSTAGE, (Menuisiers, Charpentiers, & autres ouvriers qui se servent d'outils en fer.) c'est raccommoder la pointe ou le taillant d'un outil émoussé, ou sur la meule, ou sur la pierre à repasser.

* AFFUSTAGE, (Métier.) se dit aussi de l'assortissement des outils nécessaires à ce métier. Il est mal ou bien affusté. Cette boutique est bien ou mal affustée. Je ne suis pas affusté ici pour cet ouvrage.


AFFUTS. m. est un assemblage de charpente sur lequel on monte le canon, & qu'on fait mouvoir par le moyen de deux roues. Il sert à tenir le canon dans une situation convenable pour faire aisément son service.

L'affut est composé de deux longues pieces de bois H I, K L, (Pl. VI. de l'Art milit. fig. 4.) qu'on nomme ses flasques. Elles font chacune une espece de ligne courbée, dont une des extrémités I est immédiatement posée à terre, & l'autre H est appuyée sur l'axe ou l'essieu des roues, qu'elle déborde d'environ un pié. Les flasques sont jointes l'une à l'autre par quatre pieces de bois appellées entretoises. La premiere A est appellée entretoise de volée ; la seconde C, entretoise de couche ; la troisieme D, entretoise de mire ; & la quatrieme G, qui occupe tout l'intervalle de la partie des flasques qui touche à terre, se nomme entretoise de lunette. On pratique dans les flasques entre la partie qui répond à l'entretoise de volée, & celle qui répond à l'essieu des roues de l'affut, des entailles dans lesquelles on place les tourillons du canon. On pose sur les trois premieres entretoises A, C, D, une piece de bois fort épaisse, sur laquelle pose la culasse du canon. Cette piece se nomme la semelle de l'affut.

La fig. 2. de la Planche VI. de l'Art milit. fait voir le canon monté sur son affut. La fig. 3. de la même Planche représente le profil de l'affut dont A B est une des flasques ; & la fig. 4. le plan du même affut.

Lorsqu'on veut mener le canon en campagne, ou le transporter d'un lieu à un autre ; on attache un avant-train à la partie de ces flasques où est l'entretoise de lunette, comme on le voit, Pl. VI. Art mil. fig. 5. La figure 2. de la Planche VII. fait voir le plan de l'avant-train, & de l'affut qui y est joint ou attaché.

Outre l'affut qu'on vient de faire connoître, qui est le plus ordinaire, & qui se nomme affut à roüage, il y a des affuts de place, des marins, & des batards, lesquels, au lieu des roues ordinaires, n'ont que des roulettes pleines qui suffisent pour faire mouvoir le canon sur un rempart ou sur de petits espaces.

Le mortier a aussi un affut pour la facilité du service, & pour le faire tenir plus solidement dans telle situation qu'on veut.

L'affut du mortier n'a point de roues, attendu qu'on ne transporte point le mortier sur son affut, comme on y transporte le canon. On a imaginé différentes sortes d'affuts de mortiers ; il y en a de fer, il y en a eu de fonte : mais nous ne parlerons ici que du plus ordinaire. Il est composé de deux pieces de bois plus ou moins fortes & longues, suivant la grosseur du mortier : on les appelle flasques, comme dans le canon ; elles sont jointes par des entretoises fort épaisses. Sur la partie supérieure du milieu des flasques, il y a une entaille pour recevoir les tourillons du mortier ; par-dessus chaque entaille, se pose une forte bande de fer appellée sus-bande, dont le milieu est courbé en demi-cercle pour encastrer les tourillons, & les tenir fortement joints ou attachés aux flasques de l'affut. Dans l'intérieur de chaque entaille est une pareille bande de fer appellée, à cause de sa position, sous-bande. Ces bandes sont attachées aux flasques par de longues & fortes chevilles de fer ; quelquefois la sus-bande est attachée aux flasques par une autre bande de fer, qui couvre chacune de ses extrémités. Il y a sur le devant & sur le derriere des flasques, des especes de barres de fer arrondies qui les traversent de part & d'autre, & qui servent à les serrer exactement avec les entretoises : c'est ce qu'on appelle des boulons. Sur le devant des flasques ou de l'affut, il y a quatre chevilles de fer élevées perpendiculairement, entre lesquelles est un morceau de bois sur lequel s'appuie le ventre du mortier, ou sa partie qui contient la chambre. Ce morceau de bois sert à soûtenir le mortier lorsqu'on veut le faire tirer ; il est appellé coussinet. Au lieu de chevilles pour le tenir, il est quelquefois encastré dans une entaille que l'on fait exprès vers l'extrémité des flasques. Lorsqu'on veut relever le mortier, & diminuer son inclinaison sur le coussinet, on introduit entre le mortier & le coussinet un coin de mire, à-peu-près comme celui qui sert à pointer le canon. On voit, Pl. VII. de Fortific. fig. 8. un mortier A monté sur son affut X. Traité d'Artillerie par M. le Blond. (Q)

AFFUT, terme de Chasse ; c'est un lieu caché où l'on se met avec un fusil prêt à tirer, & où on attend le soir le gibier à la sortie d'un bois. On dit, il fait bon aller ce soir à l'affut ; on va le matin à la rentrée.


AFFUTERv. act. parmi les Graveurs, les Sculpteurs, & autres ouvriers, est synonyme à aiguiser. On dit, affuter les outils, pour aiguiser les outils. Voyez AIGUISER.

Les Peintres & les Dessinateurs disent affuter les crayons, pour dire aiguiser les crayons.

Pour affuter comme il faut les burins, il suffit seulement de les aiguiser sur trois faces a b, a c, & sur le biseau a b c d (fig. 17. Pl. II. de Gravûre.). On aiguise les faces a b, a c, en les appliquant sur la pierre, & appuyant avec le doigt indice sur la face opposée, comme on le voit dans la figure 6. & poussant vivement le burin de b en a, & de c en d, & le ramenant de même. Après que les deux faces sont aiguisées, on aiguise le biseau a b c d, en l'appliquant sur la pierre à l'huile, & le poussant & ramenant plusieurs fois de e en f & de f en e, ainsi qu'on peut le voir dans la figure 8. Il y a cette différence entre aiguiser & affuter, qu'affuter se dit plus ordinairement du bois & des crayons que des métaux, & qu'on aiguise un instrument neuf & un instrument qui a déjà servi ; au lieu qu'on n'affute guere que l'instrument qui a servi. Aiguiser désigne indistinctement l'action de donner la forme convenable à l'extrémité d'un instrument qui doit être aigu ; au lieu qu'affuter désigne la réparation de la même forme altérée par l'usage.


AFFUTSS. m. pl. en terme d'Artillerie, sont des machines sur lesquelles on monte les différentes bouches à feu, pour pouvoir s'en servir utilement & commodément, suivant l'usage de chaque genre. De-là les affuts de canon, de mortier & d'obusier.

Il y a trois sortes d'affuts de canon, qu'on peut nommer réguliers. Une à hauts rouages pour le service de campagne principalement, mais qui peut aussi servir dans les places ; & deux à roulettes, dont une pour le service des places uniquement, & l'autre pour la marine : on appelle ceux-ci affuts marins, & ceux-là affuts de place ou bâtards.

Les affuts à hauts rouages sont les principaux pour le service de terre, parce qu'on peut les employer dans les places aussi-bien qu'en campagne, pour peu qu'un rempart soit d'une construction raisonnable.

Cette portion de l'affut sur laquelle on pose immédiatement le canon, s'appelle corps d'affut. Il est composé de deux flasques, de l'essieu, de la semelle & de quatre entretoises qui unissent ensemble, & affermissent en partie les deux flasques.

Comme l'on se sert du canon pour tirer horisontalement, ou à-peu-près, & que c'est dans cette attitude qu'on le charge & qu'on le pointe, il faut donc qu'il soit soutenu à une certaine hauteur, pour que le cannonier puisse faire sa fonction commodément ; & après un usage de plus de deux siecles, on a trouvé que pour satisfaire à ces deux points, on ne pouvoit mieux faire que d'élever convenablement le bout de l'affut, auprès duquel sont encastrés les tourillons, & à poser l'autre bout à terre.

C'est sur des roues ou sur des roulettes (machines qui tournent sur leur axe) qu'on éleve l'avant-bout du corps d'affut ; & il est très-apparent que le premier motif pour lui donner un tel soutien, a été la facilité du recul, sans laquelle tout affut de canon seroit ou renversé à chaque coup, ou les parties dont il est composé seroient bientôt brisées, ou du-moins disloquées.

Le second motif peut avoir été la facilité de remuer les pieces & de les manier : quant à celle de transporter les pieces sur leurs affuts, elle peut seulement avoir occasionné une plus grande hauteur dans les roues des affuts de campagne, puisqu'on a conservé les roulettes aux affuts bâtards, quoiqu'on ne puisse jamais transporter des pieces avec, parce qu'on ne sauroit se servir d'un avant-train, sans que la bouche du canon vienne à toucher terre, à cause de la courte taille de leurs flasques, & parce que les roulettes sont plus basses que les roues de l'avant-train. Donc les roulettes sont pour la facilité du recul & de la manoeuvre.

Chaque partie d'un affut doit avoir sa juste longueur, largeur & épaisseur. L'épaisseur des flasques est ordinairement égale à la longueur des tourillons de la piece, avec lesquels elle repose dessus. La largeur doit être telle à l'avant-bout qu'il y ait place par en-haut pour recevoir la moitié des tourillons avec le ventre du canon, & une partie de l'essieu par enbas, avec l'entretoise de volée un peu en-avant, & autant que faire se peut vers le milieu de la largeur du flasque : le tout ensorte qu'aucune de ces pieces n'embarrasse l'autre, & que l'entre-toise n'empêche point que le canon puisse être pointé de quelques degrés au-dessous de l'horison. C'est à cause de tous ces emplacemens que les flasques ont besoin d'une plus grande largeur à l'avant-bout que par-tout ailleurs, & que depuis la volée jusqu'au bout de la crosse on la diminue continuellement. Les entretoises de couche & de mire doivent être placées de façon dans le sens horisontal, que lorsque le canon repose sur la semelle, l'extrémité de la culasse se trouve au milieu d'entr'elles, afin qu'elles portent le fardeau également ; de plus, il convient qu'à celle de mire on donne plus de hauteur que de largeur, pour autant que la largeur du flasque le permet à cet endroit, parce que les chocs du canon venant du haut en bas, elle a besoin de plus de force dans ce sens que dans l'autre. Outre cela ces deux entretoises doivent être placées de maniere dans le sens vertical, que le canon reposant sur la semelle, il ait une telle élévation qu'on puisse tirer à ricochet, sans que cependant elle surpasse les dix degrés, & c'est-là ce qui occasionne la courbure des flasques : car comme la hauteur des roues, & le point I (fig. 1.) sont déterminés, & que la crosse doit venir à terre, on ne sauroit faire des flasques droits sans qu'ils deviennent d'une longueur excessive, & par conséquent embarrassans & incommodes ; mais il faut avoir soin en même tems de ne pas les faire trop courts non plus, car autrement ils deviendroient trop courbes, & par-là sujets à se rompre facilement par les chocs du canon. Donc, pour éviter ces deux excès, il faut considerer dans la construction d'un affut, que la longueur des flasques dépend en partie de celle du canon, & en partie de la hauteur des roues : c'est pourquoi plus le canon est court & les roues hautes, & plus il faut allonger la ligne.

Pour ce qui est de l'entre toise de lunette, comme elle fait sa fonction dans le sens horisontal lorsqu'elle est posée sur l'avant-train, elle a besoin de beaucoup plus de largeur que d'épaisseur, & le trou par lequel passe la cheville ouvriere de l'avant-train, doit être éloigné pour le moins de 2/3 de sadite largeur du bout de la crosse ; il est aussi nécessaire que ce trou soit plus ouvert par en-haut que par en-bas, pour que la cheville ouvriere n'y soit point gênée.

Voilà les loix principales, selon lesquelles un affut doit être construit, & il ne s'agit plus que de trouver une mesure ou échelle de laquelle on puisse se servir en suivant une regle générale pour la proportion des affuts de toutes sortes de pieces ; & cette échelle ne sauroit être ni le calibre de la piece, ni le pié courant & ses parties, mais ce doit être une ligne donnée de flasque même ; & cette ligne est, à mon avis, la largeur dudit flasque à la volée, laquelle on doit trouver d'abord, pour pouvoir faire les emplacemens, suivant ce qui a été dit ci-dessus. Je cherche donc premierement cette largeur pour le flasque de 24, & puis pour celui de 4, qui sont les deux extrêmes, & par leur moyen je trouve celle des intermédiaires de 16, de 12 & de 8, de la façon qu'on peut le voir dans la fig. 2. & je m'apperçois que pour celui de 24, je puis me servir du diametre de cette piece aux plates-bandes de la culasse, & pour celui de 4 du même diametre de cette piece, plus 1/3 de ce diametre, & en divisant ces lignes en 150 parties égales, je puis m'en servir pour toutes les largeurs & pour toutes les longueurs (hormis pour les lignes N I, M R, & R e), & même pour la ferrure ; & pour commencer l'ouvrage, je trace d'abord une ligne horisontale A B ; puis sous un angle de dix degrés ACD, je tire la ligne DCE, qui sera l'axe prolongé du canon. Du point C je leve sur D E la perpendiculaire C F, égale au rayon du tourillon, dont F sera le centre. Je prends C G égale à la longueur de la piece depuis le centre des tourillons jusqu'à l'extrémité de la culasse ; en G je fais la perpendiculaire H I, égale au diametre de la piece à l'extrémité de la culasse, & je fais G H = G I ; pour I K, je prends 70/150 de H I ; je tire la ligne F K, & la prolonge des deux côtés ; je prends F L = 106/150 de la largeur du flasque à la volée que j'ai déja déterminée, & en L je fais sur L K la perpendiculaire L M, qui est cette largeur si souvent mentionnée ; je la partage en cinq parties égales, & je fais M N = 1/5 de L M ; je tire la ligne N I & la prolonge du côté de I, & je fais I O = 85/150 de L M, de même que I P ; I b & I a = 25/150. En O, je fais sur N O la perpendiculaire Q R, laquelle doit avoir 140/150 de L M ; je tire la ligne M R du point F comme centre, & avec le rayon F C, je fais un cercle qui est la circonférence du tourillon de la piece ; de S je tire la perpendiculaire S T sur M R ; de T vers V, je prends 60/150 pour la largeur de l'entaille à placer l'essieu ; je fais V W = 18/150 & W X = 14/150 ou 1/6 de la hauteur de l'essieu X Y, qui est = 14/150 ; je prends Y Z = 30/150, & la perpendiculaire Z a de même, & en a se trouve le centre du bras de l'essieu ; de a, comme centre de la roue, je fais avec son rayon l'arc b c d, auquel je mene une tangente parallele à la ligne A B, qui me donne la ligne de terre. Je divise M R en 200 parties égales, & pour l'affut de 24, je prends 184/200 seulement pour la ligne R e, mais pour tous les autres, j'ajoute chaque fois la différence du diametre de leurs roues à celle de 24, pour avoir la ligne R e. Je fais e f = L M, f g perpendiculaire sur c f, & = 80/150, f h, = 12/150, g i & k h = 16/50, h l parallele à e f, & = f g ; je tire les lignes Q m, & g m, & je fais l'arc n o h, qui partant du point h, ne fasse que toucher les lignes R e, e f ; je prends O p = 85/150, & P q = 46/150. Pour trouver le contour de l'entre-toise de volée, je tire une tangente r s à la circonférence du tourillon, qui avec la ligne A s fasse un angle de cinq degrés A s r ; la ligne r s est l'axe du canon sur lequel je dessine sa partie antérieure depuis le centre des tourillons jusqu'au bourrelet, pour voir comment je pourrois placer ladite entre-toise sans qu'elle empêche le canon de se baisser sous un tel angle, & je trouve que je puis faire N t = 43/150, t v = 70/150, v w = 56/150, & t x = 50/150.

On peut considérer le corps d'affut, comme un levier qui a le point d'appui dans le moyeu des roues, la puissance au bout de la crosse, & dont le poids est la piece de canon. Si le centre de gravité du canon étoit dans l'axe des tourillons, toute sa pesanteur seroit comme réunie à cet endroit, & la culasse se soutiendroit en l'air comme la volée ; & pour qu'il fût alors en équilibre avec l'affut, ensorte pourtant que la crosse touchât encore terre, on sent que le point d'équilibre devroit se trouver à quelque distance audelà de l'essieu, que le levier seroit de la premiere espece, & que pour mouvoir la piece avec l'affut, soit dans un plan vertical, soit dans un plan horisontal, comme cela arrive lorsqu'on donne du flasque en pointant le canon, on ne pourroit jamais le faire avec une moindre puissance que dans ce cas, où l'on ne fait attention qu'à la plus grande facilité de la manoeuvre, en faisant pour un moment abstraction de tout le reste. Mais comme pour des raisons connues le canon est plus pesant derriere les tourillons qu'au-devant, la culasse descend, & le poids se trouve entre le point d'appui & la puissance, ensorte que le corps d'affut devient un levier de la seconde espece, où la puissance doit augmenter à mesure que le poids y est plus proche ; c'est pourquoi plus la culasse en seroit éloignée, & plus la manoeuvre en seroit facile à cet égard, mais par contre, moins solidement le canon seroit-il posé sur son affut, & celui-ci deviendroit trop long au-devant de l'essieu ; & par-là sujet à plusieurs inconvéniens ; de façon que ce n'est pas une chose si facile de trouver le point juste pour l'emplacement des tourillons par rapport à l'essieu, & je ne sache pas que jusqu'à présent on l'ait déterminé par les loix de la méchanique, & ne crois pas qu'on puisse jamais le faire, parce qu'en fait d'artillerie il s'agit beaucoup de ce qui est commode pour différentes manoeuvres à-la-fois ; car ce qui est bon pour l'une est souvent contraire à une autre, ce qui ne peut être susceptible d'aucun calcul, ni découvert que par l'expérience ; & puisque j'ai éprouvé que pour les grosses pieces les affuts sont d'un meilleur usage, lorsqu'ils ont les tourillons placés, comme dans la fig. 1. que lorsqu'ils sont placés autrement, je m'y suis conformé ; mais j'ai trouvé aussi après de bons connoisseurs, qu'à mesure que les pieces sont plus légeres, plus on peut approcher l'entaille de l'essieu de celle des tourillons ; ainsi que pour celle de 4 on peut avancer le point T d'un demi-calibre vers M, & d'autres à proportion.

La distance des flasques de l'un à l'autre, doit être telle qu'ils touchent le canon aux plates-bandes du premier & second renfort, & celles de la culasse au point k, lorsque le canon repose sur la semelle en I.


AFILIATIONVoyez AFFILIATION.


AFLEURERv. act. terme d'Architecture, c'est réduire deux corps saillans l'un sur l'autre à une même surface : desafleurer, c'est le contraire. On dit : cette porte, cette croisée desafleure le nud du mur, lorsque l'une des deux fait ressaut de quelques lignes, & qu'alors il faut approfondir leurs fellures ou ôter de leurs épaisseurs pour détruire ce desafleurement. (P)


AFRAISCHERv. n. (Marine.) Le vent afraîche. Les matelots se servent de ce mot pour dire que le vent devient plus fort qu'il n'étoit. Voyez FRAISCHIR, FRAIS. Ils marquent aussi par la même expression le desir qu'ils ont qu'il s'éleve un vent frais ; afraîche, disent-ils. (Z)


AFRICAINEVoyez OEILLET-D'INDE.


AFRIQUE(Géog.) l'une des quatre parties principales de la terre. Elle a depuis Tanger jusqu'à Suez environ 800 lieues ; depuis le Cap-verd jusqu'au cap Guadafui 1420 ; & du cap de Bonne-Espérance jusqu'à Bone 1450. Long. 1-71. lat. mérid. 1-35. & lat. sept. 1-37. 30.

On ne commerce guere que sur les côtes de l'Afrique ; le dedans de cette partie du monde n'est pas encore assez connu, & les Européens n'ont guere commencé ce commerce que vers le milieu du xjv. siecle. Il y en a peu depuis les royaumes de Maroc & de Fez jusqu'aux environs du Cap-verd. Les établissemens sont vers ce cap & entre la riviere de Sénégal & de Serrelionne. La côte de Serrelionne est abordée par les quatre nations : mais il n'y a que les Anglois & les Portugais qui y soient établis. Les Anglois seuls résident près du cap de Misérado. Nous faisons quelque commerce sur les côtes de Malaguette ou de Greve : nous en faisons davantage au petit Dieppe & au grand Sestre. La côte d'Ivoire ou des Dents est fréquentée par tous les Européens ; ils ont presque tous aussi des habitations & des forts à la côte d'Or. Le cap de Corse est le principal établissement des Anglois : on trafique peu à Asdres. On tire de Benin & d'Angole beaucoup de Negres. On ne fait rien dans la Cafrerie. Les Portugais sont établis à Sofala, à Mozambique, à Madagascar. Ils font aussi tout le commerce de Melinde. Nous suivrons les branches de ces commerces sous les différens articles CAP-VERD, SENEGAL, &c.

* AFRIQUE, (Géog.) port & ville de Barbarie au royaume de Tunis en Afrique.

* AFRIQUE, (Géog. mod.) petite ville de France en Gascogne, généralité de Montauban.


AFSLAGERSS. m. (Commerce.) On nomme ainsi à Amsterdam les personnes établies par les bourguemaîtres pour présider aux ventes publiques qui se font dans la ville, y recevoir les encheres, & faire l'adjudication des cavelins ou partie de marchandises au plus offrant & dernier enchérisseur. L'afslager doit toûjours être accompagné d'un clerc de la secrétairerie pour tenir une note de la vente.

Les commissaires se nomment aussi vendu meester, ou maîtres de la vente ; & c'est ainsi qu'on les appelle le plus ordinairement. Voyez VENDU MEESTER. (G)


AGAS. m. (Hist. mod.) dans le langage du Mogol, est un grand seigneur ou un commandant.

Les Turcs se servent de ce mot dans ce dernier sens ; ainsi chez eux l'aga des Janissaires est le colonel de cette troupe. Le capi-aga est le capitaine de la porte du serrail. Voyez JANISSAIRE, CAPI-AGA.

Ils donnent aussi quelquefois le titre d'aga par politesse à des personnes de distinction, sans qu'elles ayent de charge ni de commandement. Mais aux personnes revêtues du titre d'aga, par honneur & par respect pour leur dignité, on employe le mot d'agarat, terme pluriel, au lieu de celui d'aga qui est singulier. Ainsi parmi nous, au lieu de vous, nous disons à certaines personnes votre grandeur ; & au lieu de je, un ministre ou officier général écrit nous, &c.

En quelques occasions, au lieu d'aga, ils disent agasi ou agassi : ainsi ils appellent l'aga ou commandant général de la cavalerie, spahilar agassi. Voyez PAGE, ODA, SPAHI, &c.

AGA des Janissaires, voyez JANISSAIRE-AGA.

AGA des Spahis, voyez SPAHILAR-AGA. (G)


AGACES. f. (Hist. nat.) oiseau plus connu sous le nom de pie. Voyez PIE. (I)


AGADES(Géog.) royaume & ville de même nom, dans la Nigritie en Afrique. Long. 20. 15. lat. 19. 10.


AGANIPPIDES(Myth.) les Muses furent ainsi surnommées de la fontaine Aganippe qui leur étoit consacrée.


AGANTE(Marine.) terme qui n'est employé que par quelques matelots pour prends. (Z)


AGAPESS. f. termes de l’Hist. ecclesiast. Ce mot est tiré du Grec ἀγαπὴ, amour, & on l’employoit pour signifier ces repas de charité que faisoient entr’eux les premiers Chrétiens dans les Eglises, pour cimenter de plus en plus la concorde & l’union mutuelle des membres du même corps.

Dans les commencemens ces agapes se passoient sans desordre & sans scandale, au moins les en bannissoit-on séverement, comme il paroît par ce que S. Paul en écrivit aux Corinthiens, Epit. I. ch. xj. Les Payens qui n'en connoissoient ni la police ni la fin, en prirent occasion de faire aux premiers fideles les reproches les plus odieux. Quelque peu fondés qu'ils fussent, les pasteurs, pour en bannir toute ombre de licence, défendirent que le baiser de paix par où finissoit cette assemblée se donnât entre les personnes de sexe différent, ni qu'on dressât des lits dans les églises pour y manger plus commodément : mais divers autres abus engagerent insensiblement à supprimer les agapes. S. Ambroise & S. Augustin y travaillerent si efficacement, que dans l'église de Milan l'usage en cessa entierement, & que dans celle d'Afrique, il ne subsista plus qu'en faveur des clercs, & pour exercer l'hospitalité envers les étrangers, comme il paroît par le troisieme concile de Carthage. Thomass. Discipl. de l'Eglise, part. III. ch. xlvij. n°. 1.

Quelques critiques pensent, & avec raison, que c'est de ces agapes que parle S. Paul dans l'endroit que nous avons déjà cité. Ce qu'ils ajoûtent n'est pas moins vrai ; savoir, que la perception de l'Eucharistie ne se faisoit pas dans les agapes mêmes, mais immédiatement après, & qu'on les faisoit en mémoire de la derniere cene que Jesus-Christ célébra avec ses Apôtres, & dans laquelle il institua l'Eucharistie : mais depuis qu'on eut reglé qu'on recevroit ce Sacrement à jeun, les agapes précéderent la communion.

D'autres écrivains prétendent que ces agapes n'étoient point une commémoration de la derniere cene de Jesus-Christ, mais une coûtume que les nouveaux Chrétiens avoient empruntée du paganisme. Mos vero ille, ut referunt, dit Sédulius sur le chap. xj. de la premiere Epit. aux Corinth. de gentili adhuc superstitione veniebat. Et S. Augustin rapporte que Fauste le Manichéen reprochoit aux fideles qu'ils avoient converti les sacrifices des payens en agapes : Christianos sacrificia paganorum convertisse in agapas.

Mais outre que le témoignage de Fauste, ennemi des Catholiques, n'est pas d'un grand poids, son objection & celle de Sédulius ne sont d'aucune force, dès qu'on fait attention que les Juifs étoient dans l'usage de manger des victimes qu'ils immoloient au vrai Dieu, & qu'en ces occasions ils rassembloient leurs parens & leurs amis. Le Christianisme qui avoit pris naissance parmi eux, en prit cette coûtume, indifférente en elle-même, mais bonne & loüable par le motif qui la dirigeoit. Les premiers fideles, d'abord en petit nombre, se considéroient comme une famille de freres, vivoient en commun : l'esprit de charité institua ces repas, où régnoit la tempérance : multipliés par la suite, ils voulurent conserver cet usage des premiers tems ; les abus s'y glisserent, & l'Eglise fut obligée de les interdire.

On trouve dans les Epitres de S. Grégoire le Grand, que ce pape permit aux Anglois nouvellement convertis de faire des festins sous des tentes ou des feuillages, au jour de la dédicace de leurs églises ou des fêtes des Martyrs, auprès des églises, mais non pas dans leur enceinte. On rencontre aussi quelques traces des agapes dans l'usage où sont plusieurs églises cathédrales & collégiales, de faire le Jeudi-saint, après le lavement des piés & celui des autels, une collation dans le chapitre, le vestiaire, & même dans l'église. Tertull. orig. Clem. Alex. Minut. Felix. S. Aug. S. Chrysost. S. Grég. Ep. 71. L. IX. Baronius, ad ann. 57. 377. 384. Fleury, Hist. ecclésiast. tome I. page 94. Liv. I.


AGAPETESS. f. terme de l'Histoire ecclésiastique ; c'étoient dans la primitive Eglise des vierges qui vivoient en communauté, & qui servoient les ecclésiastiques par pur motif de piété & de charité.

Ce mot signifie bien aimées, & comme le précédent il est dérivé du grec ἀγαπάω.

Dans la premiere ferveur de l'Eglise naissante, ces pieuses sociétés, loin d'avoir rien de criminel, étoient nécessaires à bien des égards. Car le petit nombre de vierges, qui faisoient avec la mere du Sauveur partie de l'Eglise, & dont la plûpart étoient parentes de Jesus-Christ ou de ses Apôtres, ont vécu en commun avec eux comme avec tous les autres fideles. Il en fut de même de celles que quelques Apôtres prirent avec eux en allant prêcher l'Evangile aux Nations ; outre qu'elles étoient probablement leurs proches parentes, & d'ailleurs d'un âge & d'une vertu hors de tout soupçon, ils ne les retinrent auprès de leurs personnes que pour le seul intérêt de l'Evangile, afin de pouvoir par leur moyen, comme dit saint Clement d'Alexandrie, introduire la foi dans certaines maisons, dont l'accès n'étoit permis qu'aux femmes ; car on sait que chez les Grecs sur-tout, le gynecée ou appartement des femmes étoit séparé, & qu'elles avoient rarement communication avec les hommes du dehors. On peut dire la même chose des vierges dont le pere étoit promu aux Ordres sacrés, comme des quatre filles de saint Philippe, diacre, & de plusieurs autres : mais hors de ces cas privilégiés & de nécessité, il ne paroît pas que l'Eglise ait jamais souffert que des vierges, sous quelque prétexte que ce fût, vécussent avec des ecclésiastiques autres que leurs plus proches parens. On voit par ses plus anciens monumens qu'elle a toûjours interdit ces sortes de sociétés. Car Tertullien, dans son livre sur le voile des vierges, peint leur état comme un engagement indispensable à vivre éloignées des regards des hommes ; à plus forte raison, à fuir toute cohabitation avec eux. Saint Cyprien, dans une de ses Epîtres, assûre aux vierges de son tems, que l'Eglise ne sauroit souffrir non-seulement qu'on les vît loger sous le même toît avec des hommes, mais encore manger à la même table : nec pati virgines cum masculis habitare, non dico simul dormire, sed nec simul vivere. Le même saint évêque, instruit qu'un de ses collegues venoit d'excommunier un diacre pour avoir logé plusieurs fois avec une vierge, félicite ce prélat de cette action comme d'un trait digne de la prudence & de la fermeté épiscopale : consultè & cum vigore fecisti, abstinendo diaconum qui cum virgine saepè mansit. Enfin les peres du concile de Nicée défendent expressément à tout ecclésiastique d'avoir chez eux de ces femmes qu'on appelloit subintroductae, si ce n'étoit leur mere, leur soeur ou leur tante paternelle ; à l'égard desquelles, disent-ils, ce seroit une horreur de penser que des ministres du Seigneur fussent capables de violer les lois de la nature, de quibus nominibus nefas est aliud quam natura constituit suspicari.

Par cette doctrine des peres, & par les précautions prises par le concile de Nicée, il est probable que la fréquentation des agapetes & des ecclésiastiques avoit occasionné des desordres & des scandales. Et c'est ce que semble insinuer saint Jérôme quand il demande avec une sorte d'indignation : unde Agapetarum pestis in Ecclesiâ introiit ? C'est à cette même fin que saint Jean Chrysostome, après sa promotion au siége de Constantinople, écrivit deux petits traités sur le danger de ces sociétés ; & enfin le concile général de Latran, sous Innocent III. en 1139, les abolit entierement.

M. Chambers avoit brouillé tout cet article, confondu les diaconesses avec les agapetes, donné une même cause à la suppression des unes & des autres, & autorisé par des faits mal exposés le concubinage des prêtres. Il est certain que l'Eglise n'a jamais toléré cet abus en tolérant les agapetes, & il n'est pas moins certain que ce n'est point à raison des desordres qu'elle a aboli les fonctions de diaconesses. Voyez DIACONESSE. (G)


AGARÉENS(Géog. Hist. anc.) peuples ainsi nommés d'Agar mere d'Ismael, dont ils descendoient ; & depuis appellés Sarrasins.


AGARICminéral (Hist. nat.) matiere de la nature des pierres à chaux, qui se trouve dans les carrieres de ces pierres. L'agaric minéral est mieux nommé moelle de pierre Voyez MOELLE DE PIERRE. (I)

AGARIC, s. m. (Hist. nat.) en Latin Agaricus, herbe, dit M. Tournefort, dont on ne connoît ni les fleurs ni les graines, qui croît ordinairement contre le tronc des arbres, & qui ressemble en quelque façon au champignon. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE.

Mais M. Micheli prétend avoir vû des fleurs dans l'agaric ; & conséquemment voici comment il décrit ce genre. " L'agaric est un genre de plante dont les caracteres dépendent principalement de la forme de ses différentes feuilles ; elles sont composées de deux parties différentes : il y en a qui sont poreuses en-dessous, d'autres sont dentelées en forme de peigne, d'autres sont en lames, d'autres enfin sont unies. Les fleurs sont sans petales, & n'ont qu'un seul filet ; elles sont stériles, elles n'ont ni calice, ni pistil, ni étamines. Elles naissent dans des enfoncemens, ou à l'orifice de certains petits trous. Les semences sont rondes ou arrondies ; elles sont placées dans différens endroits comme il est expliqué dans les soûdivisions de ce genre, & dans le détail des especes qu'a donné M. Micheli ". Nova plant. genera, page 117. & suivantes. Voyez PLANTE. (I)

* M. Boulduc, continuant l'histoire des purgatifs répandue dans les Mémoires de l'Académie, en est venu à l'agaric, & il lui paroît (Mém. 1714. p. 27.) que ce purgatif a été fort estimé des anciens, quoiqu'il le soit peu aujourd'hui & avec raison ; car il est très-lent dans son opération, & par le long séjour qu'il fait dans l'estomac, il excite des vomissemens, ou tout au moins des nausées insupportables, suivies de sueurs, de syncopes, & de langueurs qui durent beaucoup ; il laisse aussi un long dégoût pour les alimens. Les anciens qui n'avoient pas tant de purgatifs à choisir que nous, n'y étoient apparemment pas si délicats ; ou bien, auroit pû ajoûter M. Boulduc, l'agaric n'a plus les mêmes propriétés qu'il avoit.

C'est, dit cet Académicien, une espece de champignon qui vient sur le larix ou melese. Quelques-uns croyent que c'est une excroissance, une tumeur produite par une maladie de l'arbre : mais M. Tournefort le range sans difficulté parmi les plantes & avec les autres champignons. On croit que celui qui nous est apporté du Levant, vient de la Tartarie, & qu'il est le meilleur. Il en vient aussi des Alpes & des montagnes du Dauphiné & de Trentin. Il y a un mauvais agaric qui ne croît pas sur le larix, mais sur les vieux chênes, les hêtres, &c. dont l'usage seroit très-pernicieux.

On divise l'agaric en mâle & femelle ; le premier a la superficie rude & raboteuse, & la substance intérieure fibreuse, ligneuse, difficile à diviser, de diverses couleurs, hormis la blanche ; il est pesant. Le second au contraire a la superficie fine, lisse, brune ; il est intérieurement blanc, friable, & se met aisément en farine, & par conséquent il est leger : tous deux se font d'abord sentir au goût sur la langue, & ensuite ils sont amers & acres ; mais le mâle a plus d'amertume & d'acreté. Celui-ci ne s'employe point en Medecine, & peut-être est-ce le même que celui qui ne croît pas sur le larix.

M. Boulduc a employé sur l'agaric les deux grandes especes de dissolvans, les sulphureux & les aqueux. Il a tiré par l'esprit-de-vin une teinture résineuse d'un goût & d'une odeur insupportable : une goutte mise sur la langue faisoit vomir, & donnoit un dégoût de tout pour la journée entiere. De deux onces d'agaric, il est venu six dragmes & demie de teinture : le marc qui ne pesoit plus que neuf dragmes, ne contenoit plus rien, & n'étoit qu'un mucilage ou une espece de boue.

Sur cela, M. Boulduc soupçonna que ce mucilage inutile qui étoit en si grande quantité, pouvoit venir de la partie farineuse de l'agaric, détrempée & amollie ; & la teinture résineuse, de la seule partie superficielle ou corticale. Il s'en assûra par l'expérience ; car ayant séparé les deux parties, il ne tira de la teinture que de l'extérieur, & presque point de l'intérieur ; ce qui fait voir que la premiere est la seule purgative, & la seule à employer, si cependant on l'employe ; car elle est toûjours très-desagréable, & cause beaucoup de nausées & de dégoût. Pour diminuer ses mauvais effets, il faudroit la mêler avec d'autres purgatifs.

Les dissolvans aqueux n'ont pas non plus trop bien réussi sur l'agaric ; l'eau seule n'en tire rien : on n'a par son moyen qu'un mucilage épais, une boue, & nul extrait. L'eau aidée du sel de tartre, parce que les sels alkalis des plantes dissolvent ordinairement les parties résineuses, donne encore un mucilage, dont, après quelques jours de repos, la partie supérieure est transparente, en forme de gelée, & fort différente du fond, qui est très-épais. De cette partie supérieure séparée de l'autre, M. Boulduc a tiré par évaporation à chaleur lente un extrait d'assez bonne consistance, qui devoit contenir la partie résineuse & la partie saline de l'agaric, l'une tirée par le sel de tartre, l'autre par l'eau. Deux onces d'agaric avec une demi-once de sel de tartre, avoient donné une once & demi-dragme de cet extrait : il purge très-bien, sans nausées, & beaucoup plus doucement que la teinture résineuse tirée avec l'esprit-de-vin. Quant à la partie inférieure du mucilage, elle ne purge point du tout, ce n'est que la terre de l'agaric.

M. Boulduc ayant employé le vinaigre distillé au lieu de sel de tartre, & de la même maniere, il a eu un extrait tout pareil à l'autre, & de la même vertu, mais en moindre quantité.

La distillation de l'agaric a donné à M. Boulduc assez de sel volatil, & un peu de sel essentiel : il y a très-peu de sel fixe dans la terre morte.

L'agaric mâle, que M. Boulduc appelle faux agaric, & qu'il n'a travaillé que pour ne rien oublier sur cette matiere, a peu de parties résineuses, & moins encore de sel volatil ou de sel essentiel. Aussi ne vient-il que sur de vieux arbres pourris, dans lesquels il s'est fait une résolution ou une dissipation des principes actifs. L'infusion de cet agaric faite dans l'eau, devient noire comme de l'encre, lorsqu'on la mêle avec la solution de vitriol : aussi l'agaric mâle est-il employé pour teindre en noir. On voit par-là qu'il a beaucoup de conformité avec la noix de galle, qui est une excroissance d'arbres.


AGATELes Tireurs-d'or appellent ainsi un instrument dans le milieu duquel est enchâssée une agate qui sert à rebrunir l'or.

AGATE, achates, s. f. (Hist. nat.) pierre fine que les auteurs d'histoire naturelle ont mise dans la classe des pierres fines demi-transparentes. Voyez PIERRE FINE.

On croit que le nom de l'agate vient de celui du fleuve Achates dans la vallée de Noto en Sicile, que l'on appelle aujourd'hui le Drillo ; & on prétend que les premieres pierres d'agate furent trouvées sur les bords de ce fleuve.

La substance de l'agate est la même que celle du caillou, que l'on appelle communément pierre à fusil : toute la différence que l'on peut mettre entre l'une & l'autre, est dans les couleurs ou dans la transparence. Ainsi l'agate brute, l'agate imparfaite, par rapport à la couleur & à la transparence, n'est pas différente du caillou ; & lorsque la matiere du caillou a un certain degré de transparence ou des couleurs marquées, on la nomme agate.

On distingue deux sortes d'agates par rapport à la transparence : savoir, l'agate orientale & l'agate occidentale : la premiere vient ordinairement des pays Orientaux, comme son nom le designe ; & on trouve la seconde dans les pays Occidentaux, en Allemagne, en Boheme, &c. On reconnoît l'agate orientale à la netteté, à la transparence, & à la beauté du poli ; au contraire l'agate occidentale est obscure, sa transparence est offusquée, & son poliment n'est pas aussi beau que celui des agates orientales. Toutes les agates que l'on trouve en Orient n'ont pas les qualités qu'on leur attribue ordinairement, & on rencontre quelquefois des agates en Occident que l'on pourroit comparer aux orientales.

La matiere ou la pâte de l'agate orientale, comme disent les Lapidaires, est un caillou demi-transparent, pur & net : mais dès qu'un tel caillou a une teinte de couleur, il retient rarement le nom d'agate. Si la couleur naturelle du caillou est laiteuse & mêlée de jaune ou de bleu, c'est une chalcedoine ; si le caillou est de couleur orangée, c'est une sardoine ; s'il est rouge, c'est une cornaline. Voyez CAILLOU, CHALCEDOINE, CORNALINE, SARDOINE. On voit par cette distinction qu'il y a peu de variété dans la couleur des agates orientales ; elles sont blanches, ou plûtôt elles n'ont point de couleur. Au contraire l'agate occidentale a plusieurs couleurs & différentes nuances dans chaque couleur ; il y en a même de jaunes & de rouges, que l'on ne peut pas confondre avec les sardoines ni les cornalines, parce que le jaune de l'agate occidentale, quoique mêlé de rouge, n'est jamais aussi vif & aussi net que l'orangé de la sardoine. De même le rouge de l'agate occidentale semble être la vé & éteint en comparaison du rouge de la cornaline : c'est la couleur du minium comparée à celle du vermillon.

La matiere de l'agate occidentale est un caillou, dont la transparence est plus qu'à demi-offusquée, & dont les couleurs n'ont ni éclat ni netteté.

Il est plus difficile de distinguer l'agate des autres pierres demi-transparentes, telles que la chalcedoine, la sardoine & la cornaline, que de la reconnoître parmi les pierres opaques, telles que le jaspe & le jade ; cependant on voit souvent la matiere demi-transparente de l'agate mêlée dans un même morceau de pierre avec une matiere opaque, telle que le jaspe ; & dans ce cas on donne à la pierre le nom d'agate jaspée, si la matiere d'agate en fait la plus grande partie ; & on l'appelle jaspe agaté, si c'est le jaspe qui domine.

L'arrangement des taches & l'opposition des couleurs dans les couches, dont l'agate est composée, sont des caracteres pour distinguer différentes especes, qui sont l'agate simplement dite, l'agate onyce, l'agate oeillée, & l'agate herborisée.

L'agate simplement dite est d'une seule couleur ou de plusieurs, qui ne forment que des taches irrégulieres posées sans ordre & confondues les unes avec les autres. Les teintes & les nuances des couleurs peuvent varier presqu'à l'infini ; de sorte que dans ce mêlange & dans cette confusion il s'y rencontre des hasards aussi singuliers que bisarres. Il semble quelquefois qu'on y voit des gasons, des ruisseaux & des paysages, souvent même des animaux & des figures d'hommes ; & pour peu que l'imagination y contribue, on y apperçoit des tableaux en entier telle étoit la fameuse agate de Pyrrhus, roi d'Albanie, sur laquelle on prétendoit voir, au rapport de Pline, Apollon avec sa lyre, & les neuf Muses, chacune avec ses attributs : ou l'agate dont Boece de Boot fait mention ; elle n'étoit que de la grandeur de l'ongle, & on y voyoit un évêque avec sa mitre : & en retournant un peu la pierre, le tableau changeant, il y paroissoit un homme & une tête de femme. On pourroit citer quantité d'autres exemples, ou plûtôt il n'y a qu'à entendre la plûpart des gens qui jettent les yeux sur certaines agates, ils y distinguent quantité de choses que d'autres ne peuvent pas même entrevoir. C'est pousser le merveilleux trop loin ; les jeux de la nature n'ont jamais produit sur les agates que quelques traits toûjours trop imparfaits, même pour y faire une esquisse.

L'agate onyce est de plusieurs couleurs : mais ces couleurs au lieu de former des taches irrégulieres, comme dans l'agate simplement dite, forment des bandes ou des zones qui représentent les différentes couches dont l'agate est composée. La couleur de l'une des bandes n'anticipe pas sur les bandes voisines. Chacune est terminée par un trait net & distinct. Plus les couleurs sont opposées & tranchées l'une par rapport à l'autre, plus l'agate onyce est belle. Mais l'agate est rarement susceptible de ce genre de beauté, parce que ses couleurs n'ont pas une grande vivacité. Voyez ONYCE.

L'agate oeillée est une espece d'agate onyce dont les couches sont circulaires. Ces couches forment quelquefois plusieurs cercles concentriques sur la surface de la pierre ; elles peuvent être plus épaisses les unes que les autres, mais l'épaisseur de chacune en particulier est presqu'égale dans toute son étendue : ces couches ou plûtôt ces cercles ont quelquefois une tache à leur centre commun, alors la pierre ressemble en quelque façon à un oeil ; c'est pourquoi on les a nommées agates oeillées. Il y a souvent plusieurs de ces yeux sur une même pierre ; c'est un assemblage de plusieurs cailloux qui se sont formés les uns contre les autres, & confondus ensemble en grossissant. Voyez CAILLOU. On monte en bagues les agates oeillées, & le plus souvent on les travaille pour les rendre plus ressemblantes à des yeux. Pour cela on diminue l'épaisseur de la pierre dans certains endroits, & on met dessous une feuille couleur d'or ; alors les endroits les plus minces paroissent enflammés, tandis que la feuille ne fait aucun effet sur les endroits de la pierre qui sont les plus épais. On ne manque pas aussi de faire une tache noire au centre de la pierre en-dessous, pour représenter la prunelle de l'oeil, si la nature n'a pas fait cette tache.

On donne à l'agate le nom d'herborisée ou de dendrite (Voyez DENDRITE), lorsqu'on y voit des ramifications qui représentent des plantes telles que des mousses, & même des buissons & des arbres. Les traits sont si délicats, le dessein est quelquefois si bien conduit, qu'un peintre pourroit à peine copier une belle agate herborisée : mais elles ne sont pas toutes aussi parfaites les unes que les autres. On en voit qui n'ont que quelques taches informes ; d'autres sont parsemées de traits qui semblent imiter les premieres productions de la végétation, mais qui n'ont aucun rapport les uns aux autres. Ces traits quoique liés ensemble, ne forment que des rameaux imparfaits & mal dessinés. Enfin, les belles agates herborisées présentent des images qui imitent parfaitement les herbes & les arbres ; le dessein de ces especes de peintures est si régulier, que l'on peut y distinguer parfaitement les troncs, les branches, les rameaux, & même les feuilles : on est allé plus loin, on a crû y voir des fleurs. En effet, il y a des dendrites dans lesquelles les extrémités des ramifications sont d'une belle couleur jaune, ou d'un rouge vif. Voyez CORNALINE herborisée, SARDOINE herborisée.

Les ramifications des agates herborisées sont d'une couleur brune ou noire, sur un fond dont la couleur dépend de la qualité de la pierre ; il est net & transparent, si l'agate est orientale ; si au contraire elle est occidentale, ce fond est sujet à toutes les imperfections de cette sorte de pierre. Voyez CAILLOU. (I)

* Les agates & les jaspes se peuvent facilement teindre : mais celles de ces pierres qui sont unies naturellement, sont par cette même raison, composées de tant de parties hétérogenes, que la couleur ne sauroit y prendre uniformément : ainsi, on n'y peut faire que des taches, pour perfectionner la régularité de celles qui s'y rencontrent ; mais non pas les faire changer entierement de couleur, comme on fait à l'agate blanchâtre nommée chalcedoine.

Si l'on met, sur un morceau d'agate chalcedoine, de la dissolution d'argent dans de l'esprit de nitre, & qu'on l'expose au soleil, on la trouvera teinte au bout de quelques heures, d'une couleur brune tirant sur le rouge. Si l'on y met de nouvelle dissolution, on l'aura plus foncée, & la teinture la pénétrera plus avant, & même entierement ; si l'agate n'a qu'une ou deux lignes d'épaisseur, & qu'on mette de la dissolution des deux côtés, cette teinture n'agit pas uniformément. Il y a dans cette sorte d'agate, & dans la plûpart des autres pierres dures, des veines presqu'imperceptibles, qui en sont plus facilement pénétrées que le reste ; ensorte qu'elles deviennent plus foncées, & forment de très-agréables variétés qu'on ne voyoit point auparavant.

Si l'on joint à la dissolution d'argent le quart de son poids, ou environ, de suie & de tartre rouge mêlés ensemble, la couleur sera brune tirant sur le gris.

Au lieu de suie & de tartre, si on met la même quantité d'alun de plume, la couleur sera d'un violet foncé tirant sur le noir.

La dissolution d'or ne donne à l'agate qu'une legere couleur brune qui pénetre très-peu ; celle du bismuth la teint d'une couleur qui paroît blanchâtre & opaque, lorsque la lumiere frappe dessus, & brune quand on la regarde à-travers le jour. Les autres dissolutions de métaux & de minéraux, employées de la même maniere, n'ont donné aucune sorte de teinture.

Pour réussir à cette opération, il est nécessaire d'exposer l'agate au soleil : M. Dufay en a mis sous une moufle ; mais elles n'ont pris que très-peu de couleur, & elle ne pénétroit pas si avant. Il a même remarqué plusieurs fois que celles qu'il avoit exposées au soleil ont pris moins de couleur dans tout le cours de la premiere journée, qu'en une demi-heure du second jour, même sans y remettre de nouvelle dissolution. Cela lui a fait soupçonner, que peut-être l'humidité de l'air étoit très-propre à faire pénétrer les parties métalliques. En effet, il a fait colorer des agates très-promptement, en les portant dans un lieu humide aussi-tôt que le soleil avoit fait sécher la dissolution, & les exposant de rechef au soleil.

Pour tracer sur la chalcedoine des figures qui ayent quelque sorte de régularité, la maniere qui réussit le mieux est de prendre la dissolution d'argent avec une plume, ou un petit bâton fendu, & de suivre les contours avec une épingle : si l'agate est dépolie, le trait n'est jamais bien fin, parce que la dissolution s'étend en très-peu de tems : mais si elle est bien chargée d'argent, & qu'elle se puisse crystalliser promptement au soleil, elle ne court plus risque de s'épancher, & les traits en seront assez délicats. Ils n'approcheront cependant jamais du trait de la plume, & par conséquent de ces petits arbres qu'on voit si délicatement formés par les dendrites

Supposé pourtant qu'on parvînt à les imiter, voici deux moyens de distinguer celles qui sont naturelles d'avec les factices. 1°. En chauffant l'agate colorée artificiellement, elle perd une grande partie de sa couleur, & on ne peut la lui faire reprendre qu'en remettant dessus de nouvelle dissolution d'argent. La seconde maniere, qui est plus facile & plus simple, est de mettre sur l'agate colorée un peu d'eau forte ou d'esprit de nitre, sans l'exposer au soleil ; il ne faut qu'une nuit pour la déteindre entierement. Lorsque l'épreuve sera faite, on lui restituera, si l'on veut, toute sa couleur, en l'exposant au soleil plusieurs jours de suite : mais il ne faut pas trop compter sur ce moyen, comme on verra par ce qui suit.

On sait que par le moyen du feu, on peut changer la couleur de la plûpart des pierres fines ; c'est ainsi qu'on fait les saphirs blancs, les améthistes blanches. On met ces pierres dans un creuset, & on les entoure de sable ou de limaille de fer ; elles perdent leurs couleurs à mesure qu'elles s'échauffent ; on les retire quelquefois fort blanches. Si l'on chauffe de même la chalcedoine ordinaire, elle devient d'un blanc opaque ; & si l'on fait des taches avec de la dissolution d'argent, ces taches seront d'un jaune citron, auquel l'eau-forte n'apporte plus aucun changement. La dissolution d'argent mise sur la chalcedoine ainsi blanchie & exposée au soleil plusieurs jours de suite, y fait des taches brunes.

La dissolution d'argent donne à l'agate orientale une couleur plus noire qu'à la chalcedoine commune. Sur une agate parsemée de taches jaunes, elle a donné une couleur de pourpre. Voyez Mém. de l'Acad. ann. 1728, par M. Dufay. Nous avons dit dans l'endroit où l'on propose le moyen de reconnoître l'agate teinte d'avec l'agate naturelle, qu'il ne falloit pas trop compter sur l'eau-forte. En effet, M. de la Condamine ayant mis deux dendrites naturelles dans de l'eau-forte pendant trois ou quatre jours, il n'y eut point de changement. Les dendrites mises en expérience, ayant été oubliées sur une fenêtre pendant quinze jours d'un tems humide & pluvieux, il se mêla un peu d'eau de pluie dans l'eau forte ; & l'agate où les arbrisseaux étoient très-fins, se déteignit entierement : le même sort arriva à l'autre, du moins pour la partie qui trempoit dans l'eau-forte ; il fallut pour cette expérience de l'oubli, au lieu de soin & d'attention.

AGATE, (Mat. med.) on attribue de grandes vertus à l'agate, de même qu'à d'autres pierres précieuses : mais elles sont toutes imaginaires Geoffroy. (N)

L'AGATE, en Architecture, sert à l'embellissement des tabernacles, des cabinets de pieces de rapport, de marqueterie, &c. (P)


AGATHYRSESS. m. pl. (Hist. anc.) peuples de la Sarmatie d'Europe, dont Hérodote, S. Jerôme, & Virgile, ont fait mention. Virgile a dit qu'ils se peignoient ; S. Jerôme, qu'ils étoient riches sans être avares ; & Hérodote, qu'ils étoient efféminés.


AGATY(Hist. nat. bot.) arbre du Malabare qui a quatre à cinq fois la hauteur de l'homme, & dont le tronc a environ six piés de circonférence. Ses branches partent de son milieu & de son sommet, & s'étendent beaucoup plus en hauteur ou verticalement, qu'horisontalement. Il croît dans les lieux sablonneux. Sa racine est noire, astringente au goût, & pousse des fibres à une grande distance. Le bois d'agaty est tendre, & d'autant plus tendre, qu'on le prend plus voisin du coeur. Si l'on fait une incision à l'écorce, il en sort une liqueur claire & aqueuse, qui s'épaissit, & devient gommeuse peu après sa sortie. Ses feuilles sont ailées ; elles ont un empan & demi de long ; elles sont formées de deux lobes principaux, unis à une maîtresse côte, & opposées directement. Leur pédicule est fort court, & courbé en-devant. Leurs petits lobes sont oblongs & arrondis par les bords. Ils ont environ un pouce & demi de longueur, & un travers de doigt de largeur. Cette largeur est la même à leur sommet qu'à leur base. Leur tissu est extrèmement compact & uni, d'un verd éclatant en-dessus, pâle en-dessous, & d'une odeur qu'ont les féves quand on les broye. De la grosse côte partent des ramifications déliées, qui tapissent toute la surface des feuilles. Ces feuilles se ferment pendant la nuit, c'est-à-dire, que leurs lobes s'approchent.

Les fleurs sont papilionacées, sans odeur, naissent quatre à quatre ou cinq à cinq, ou même en plus grand nombre, sur une petite tige qui sort d'entre les ailes des feuilles. Elles sont composées de quatre pétales, dont un s'éleve au-dessus des autres. Les latéraux forment un angle, sont épais, blancs, & striés par des veines, blanches d'abord, puis jaunes & ensuite rouges. Les étamines des fleurs forment un angle, & se distribuent à leur extrémité en deux filamens qui portent deux sommets jaunes & oblongs. Le calice qui environne la base des pétales est profond, composé de quatre portions ou feuilles courtes, arrondies, & d'un verd pâle.

Lorsque les fleurs sont tombées, il leur succede des cosses longues de quatre palmes, & larges d'un travers de doigt, droites, un peu arrondies, vertes & épaisses. Ces cosses contiennent des féves oblongues, arrondies, placées chacune dans une loge, séparée d'une autre loge par une cloison charnue qui regne tout le long de la cosse ; les féves ont le goût des nôtres, & leur ressemblent, excepté qu'elles sont beaucoup plus petites. Elles blanchissent à mesure qu'elles mûrissent. On peut en manger. Si les tems sont pluvieux, cet arbre portera des fruits trois ou quatre fois l'année.

Sa racine broyée dans de l'urine de vache, dissippe les tumeurs. Le suc tiré de l'écorce, mêlé avec le miel & pris en gargarisme, est bon dans l'esquinancie, & les aphthes de la bouche. Je pourrois encore rapporter d'autres propriétés des différentes parties de cet arbre : mais elles n'en seroient pas plus réelles, & mon témoignage n'ajoûteroit rien à celui de Ray, d'où la description précédente est tirée.


AGDE(Géog.) ville de France en Languedoc, au territoire d'Agadez, differ. de long. à l'Observatoire de Paris, 1d 7' 37" à l'orient. Lat. 43-18. 54. Mém. de l'Acad. 1724, p. 89. Hist.


AGE(Myth.) Les poëtes ont distribué le tems qui suivit la formation de l'homme en quatre âges. L'âge d'or, sous le regne de Saturne au ciel, & sous celui de l'innocence & de la justice en terre. La terre produisoit alors sans culture, & des fleuves de miel & de lait couloient de toutes parts. L'âge d'argent, sous lequel ces hommes commencerent à être moins justes & moins heureux. L'âge d'airain, où le bonheur des hommes diminua encore avec leur vertu ; & l'âge de fer, sous lequel, plus méchans que sous l'âge d'airain, ils furent plus malheureux. On trouvera tout ce système exposé plus au long dans l'ouvrage d'Hésiode, intitulé Opera & dies ; ce poëte fait à son frere l'histoire des siecles écoulés, & lui montre le malheur constamment attaché à l'injustice, afin de le détourner d'être méchant. Cette allégorie des âges est très-philosophique & très-instructive ; elle étoit très-propre à apprendre aux peuples à estimer la vertu ce qu'elle vaut.

Les historiens, ou plûtôt les chronologistes, ont divisé l'âge du monde en six époques principales, entre lesquelles ils laissent plus ou moins d'intervalles, selon qu'ils font le monde plus ou moins vieux. Ceux qui placent la création six mille ans avant Jesus-Christ, comptent pour l'âge d'Adam jusqu'au déluge, 2262 ans ; depuis le déluge jusqu'au partage des nations, 738 ; depuis le partage des nations jusqu'à Abraham, 460 ; depuis Abraham jusqu'à la pâque des Israëlites, 645 ; depuis la pâque des Israëlites jusqu'à Saül, 774 ; depuis Saül jusqu'à Cyrus, 583 ; & depuis Cyrus jusqu'à Jesus-Christ, 538.

Ceux qui ne font le monde âgé que de quatre mille ans, comptent de la création au déluge 1656 ; du déluge à la vocation d'Abraham, 426 ; depuis Abraham jusqu'à la sortie d'Egypte, 430 ; depuis la sortie d'Egypte jusqu'à la fondation du temple, 480 ; depuis la fondation du temple jusqu'à Cyrus, 476 ; depuis Cyrus jusqu'à Jesus-Christ, 532.

D'autres comptent de la création à la prise de Troie, 2830 ans ; & à la fondation de Rome, 3250 ; de Carthage vaincue par Scipion à Jesus-Christ, 200 ; de Jesus-Christ à Constantin, 312 ; & au rétablissement de l'empire d'Occident, 808.

AGE, en terme de Jurisprudence, se dit de certains périodes de la vie auxquels un citoyen devient habile à tels ou tels actes, à posséder telles ou telles dignités, tels ou tels emplois : mais ce qu'on appelle purement & simplement en Droit être en âge, c'est être majeur. Voyez MAJEUR & MAJORITE.

Dans la coûtume de Paris on est en âge, pour tester de ses meubles & acquêts, à vingt ans : mais on ne peut disposer de ses immeubles qu'à vingt-cinq.

On ne peut être reçu conseiller es parlemens & présidiaux, maître, correcteur ou auditeur des comptes, avocat ou procureur du Roi, bailli, sénéchal, vicomte, prevôt, lieutenant général, civil, criminel ou particulier ès siéges qui ne ressortissent pas nûment au parlement, ni avocat ou procureur du Roi esdits siéges, avant l'âge de vingt-sept ans accomplis ; ni avocat ou procureur général, bailli, sénéchal, lieutenant général & particulier, civil ou criminel, ou président d'un présidial, qu'on n'ait atteint l'âge de trente ans ; ni maître des requêtes de l'hôtel avant trente sept ans ; ni président ès cours souveraines avant quarante. Mais le Roi, quand il le juge à-propos, accorde des dispenses, moyennant finance, à l'effet de rendre habiles à ces charges ceux qui n'ont pas atteint l'âge prescrit par les édits. Voyez DISPENSE.

Et quant aux dignités ecclésiastiques, on ne peut être promû à l'épiscopat avant vingt-sept ans ; à une abbaye, aux dignités, personnats, cures & prieurés claustraux, ayant charge d'ames, avant vingt-cinq ans. Si cependant la cure attachée au prieuré claustral est exercée par un vicaire perpétuel, vingt ans suffisent. On peut même en France posséder des prieurés électifs à charge d'ames à vingt-trois ans, & ceux qui n'ont point charge d'ames à vingt-deux commencés ; & c'est de cette maniere qu'il faut entendre l'âge requis pour tous les bénéfices que nous venons de dire ; car c'est une maxime en Droit canonique, que l'année commencée se compte comme si elle étoit accomplie.

Pour les bénéfices simples, ou bénéfices à simple tonsure, tels que les chapelles ou chapellenies, les prieurés qu'on appelle ruraux, & qui n'ont rien qui tienne de ce qu'on appelle rectorerie, on les peut posséder à sept ans, mais accomplis. Il en faut quatorze aussi complets pour posséder les bénéfices simples, qui sont des especes de rectoreries, & pour les canonicats des cathédrales & des métropoles, si ce n'est qu'ils vaquent en régales ; car alors sept ans suffisent. Mais le droit commun est qu'on ne puisse être pourvû d'aucun bénéfice, même simple, avant quatorze ans.

AGE, (Lettres de bénéfice d') est synonyme à Lettres d'émancipation. Voyez EMANCIPATION.

AGE, (dispense d') est une permission que le Roi accorde, & qui s'expédie en chancellerie, pour être reçu à exercer une charge avant l'âge requis par les ordonnances.

AGE du bois, en style d'Eaux & Forêts, est le tems qu'il y a qu'un taillis n'a été coupé. Voyez TAILLIS.

AGE nubile, (Jurisprud.) dans les auteurs du palais, est l'âge auquel une fille devient capable de mariage, lequel est fixé à douze ans. (H)

AGE, se prend en Medecine pour la division de la vie humaine. La vie se partage en plusieurs âges, savoir en enfance, qui dure depuis le moment de la naissance, jusqu'au tems où l'on commence à être susceptible de raison. Suit après l'âge de puberté, qui se termine à quatorze ans dans les hommes, & dans les filles à douze. L'adolescence succede depuis la quatorzieme année jusqu'à vingt ou vingt-cinq ans, ou pour mieux dire, tant que la personne prend de l'accroissement. On passe ensuite à l'âge viril, dont on sort à quarante-cinq ou cinquante ans. Delà on tombe dans la vieillesse, qui se subdivise en vieillesse proprement dite, en caducité, & décrépitude, qui est la borne de la vie.

Chaque âge a ses maladies particulieres ; elles dépendent de la fluidité des liquides, & de la résistance que leur opposent les solides : dans les enfans, la délicatesse des fibres occasionne diverses maladies, comme le vomissement, la toux, les hernies, l'épaississement des liqueurs, d'où procedent les aphthes, les fluxions, les diarrhées, les convulsions, sur-tout lorsque les dents commencent à paroître, ce qu'on appelle vulgairement le germe des dents. A peine les enfans sont-ils quittes de ces accidens, qu'ils deviennent sujets aux inflammations des amygdales, au rachitis, aux éruptions vers la peau, comme la rougeole & la petite vérole, aux tumeurs des parotides, à l'épilepsie : dans l'âge de puberté ils sont attaqués de fievres aiguës, à quoi se joignent les hémorrhagies par le nez ; & dans les filles, les pâles-couleurs. Cet âge est vraiment critique, selon Hippocrate : car si les maladies opiniâtres auxquelles les jeunes gens ont été sujets ne cessent alors, ou, selon Celse, lorsque les hommes connoissent pour la premiere fois les femmes, & dans le sexe féminin au tems de l'éruption des regles, elles deviennent presqu'incurables. Dans l'adolescence la tension des solides devenant plus considérable, les alimens étant d'une autre nature, les exercices plus violens, les humeurs sont plus atténuées, divisées, & exaltées : de-là résultent les fievres inflammatoires & putrides, les péripneumonies, les crachemens de sang, qui, lorsqu'on les néglige, dégénerent en phthisie, maladie si commune à cet âge, qu'on ne pensoit pas autrefois que l'on y fût sujet lorsque l'on avoit atteint l'âge viril, qui devient lui-même le regne de maladies très-considérables. L'homme étant alors dans toute sa force & sa vigueur, les fibres ayant obtenu toute leur élasticité, les fluides se trouvent pressés avec plus d'impétuosité ; de-là naissent les efforts qu'ils font pour se soustraire à la violence de la pression ; de-là l'origine d'une plus grande dissipation par la transpiration, des inflammations, des dyssenteries, des pleurésies, des flux hémorrhoïdaux, des engorgemens du sang dans les vaisseaux du cerveau, qui produisent la phrénésie, la léthargie, & autres accidens de cette espece, auxquels se joignent les maladies qu'entraînent après elles la trop grande application au travail, la débauche dans la premiere jeunesse, les veilles, l'ambition demesurée, enfin les passions violentes & l'abus des choses non-naturelles ; telles sont l'affection hypochondriaque, les vapeurs, la consomption, la catalepsie, & plusieurs autres.

La vieillesse devient à son tour la source d'un nombre de maladies fâcheuses ; les fibres se dessechent & se raccornissent, elles perdent leur élasticité, les vaisseaux s'obstruent, les pores de la peau se resserrent, la transpiration devient moins abondante ; il se fait un reflux de cette matiere sur les autres parties : delà naissent les apoplexies, les catharres, l'vacuation abondante des sérosités par le nez & par la voie des crachats, que l'on nomme vulgairement pituite ; l'épaississement de l'humeur contenue dans les articulations, les rhûmatismes, les diarrhées & les stranguries habituelles : de l'affaissement des vaisseaux & du raccornissement des fibres proviennent les dysuries, la paralysie, la surdité, le glaucome, maladies si ordinaires aux vieillards, & dont la fin est le terme de la vie.

L'on a vû jusqu'ici la différence des maladies selon les âges : les remedes varient aussi selon l'état des fluides & des solides auxquels on doit les proportionner. Les doux, & ceux qui sont legerement toniques, conviennent aux enfans ; les délayans & les aqueux doivent être employés pour ceux qui ont atteint l'âge de puberté, en qui l'on doit modérer l'activité du sang. Dans ceux qui sont parvenus à l'adolescence & à l'âge viril, la sobriété, l'exercice modéré, le bon usage des choses non-naturelles, deviennent autant de préservatifs contre les maladies auxquelles on est sujet ; alors les remedes délayans & incisifs sont d'un grand secours si, malgré le régime ci-dessus, l'on tombe en quelque maladie.

Une diete aromatique & atténuante soûtiendra les vieillards ; on peut avec succès leur accorder l'usage modéré du vin ; les diurétiques & les purgatifs legers & réitérés suppléront au défaut de transpiration. Toutes ces regles sont tirées d'Hoffman, & des plus fameux praticiens en Medecine. (N)

AGE, (Anat.) Les cartilages & les ligamens s'ossifiant, & le cerveau se durcissant avec l'âge, celui des vieillards est plus propre aux démonstrations anatomiques. On concevra la callosité qui doit se former dans les vaisseaux les plus mous de la tête, si on fait attention à la mémoire incertaine par rapport aux nouvelles idées qu'on voudroit donner aux gens avancés en âge, eux qui ne se souviennent que trop fidelement de ce qu'ils ont vû jadis. Laudator temporis acti. (L)

AGE de la Lune, (en Astronomie.) se dit du nombre de jours écoulés depuis la nouvelle Lune. Ainsi trouver l'âge de la Lune, c'est trouver le nombre de jours écoulés depuis la nouvelle Lune. V. LUNE. (O)

AGE, (Jardinage.) On dit l'âge d'un bois, d'une graine, d'un arbre : ce bois à neuf ans demande à être coupé ; cette graine à deux ou trois ans, est trop vieille pour être bonne à semer : on en doit choisir de plus jeune. Cet arbre doit avoir tant d'années ; il y a tant d'années qu'il est planté. Voyez ARBRE.

L'âge d'un arbre se compte par les cercles ligneux qu'on remarque sur son tronc coupé ou scié horisontalement. Chaque année le tronc & les branches d'un arbre reçoivent une augmentation qui se fait par un cercle ligneux, ou par une nouvelle enveloppe extérieure de fibres & de trachées. (K)

AGE, en terme de Manége, se dit du tems qu'il y a qu'un cheval est né, & des signes qui l'indiquent. Voyez CHEVAL.

Il y a plusieurs marques qui font connoître l'âge du cheval dans sa jeunesse : telles sont les dents, le sabot, le poil, la queue, & les yeux. Voyez DENT, SABOT, &c.

La premiere année il a ses dents de lait, qui ne sont que ses mâchelieres & ses pinces ou dents de devant ; la seconde année ses pinces brunissent & grossissent ; la troisieme il lui tombe une partie de ses dents de lait, dont il ne lui reste plus que deux de chaque côté en-haut & en-bas ; la quatrieme, il lui tombe encore la moitié de ce qui lui restoit de dents de lait, ensorte qu'il ne lui en reste plus qu'une de chaque côté en-haut & en-bas. A cinq ans toutes ses dents de devant sont renouvellées, & ses crochets complets des deux côtés. Celles qui ont remplacé les dernieres dents de lait, à savoir les coins, sont creuses, & ont une petite tache au milieu, qu'on appelle marque ou feve dans la bouche d'un cheval. Voyez MARQUE. A six ans il pousse de nouveaux crochets, qui sont entourés vers la racine d'un petit bourlet de chair, du reste blancs, menus, courts, & pointus. A sept ans ses dents sont au bout de leur croissance ; & c'est alors que la marque ou féve est la plus apparente. A huit ans toutes les dents sont pleines, unies & polies au-dessus, & la marque ne se distingue presque plus : ses crochets sont alors jaunâtres. A neuf ans les dents de devant ou les pinces paroissent plus longues, plus jaunes, & moins nettes qu'auparavant ; & la pointe de ses crochets est un peu émoussée. A dix ans on ne sent plus de creux en-dedans des crochets supérieurs, comme on l'avoit senti jusqu'alors, & ses tempes commencent à se creuser & à s'enfoncer. A onze ans ses dents sont fort longues, jaunes, noires, & sales : mais celles de ses deux mâchoires se répondent encore, & portent les unes sur les autres. A douze ans les supérieures croisent sur les inférieures. A treize ans si le cheval a beaucoup travaillé, ses crochets sont presque perdus dans la gencive ; sinon ils en sortent noirs, sales & longs.

2. Quant au sabot, s'il est poli, humide, creux, & qu'il sonne, c'est un signe de jeunesse : si au contraire il a des aspérités, des avalures les unes sur les autres, s'il est sec, sale, & mat, c'est une marque de vieillesse.

3° Quant à la queue, en la tâtant vers le haut, si l'on sent l'endroit de la jointure plus gros & plus saillant que le reste, le cheval n'a pas dix ans : si au contraire les jointures sont unies & égales au reste, il faut que le cheval ait quinze ans.

4°. S'il a les yeux ronds, pleins, & assûrés, que la paupiere supérieure soit bien remplie, unie, & de niveau avec les tempes, & qu'il n'ait point de rides ni au-dessus de l'oeil, ni au-dessous ; c'est une marque de jeunesse.

5°. Si lorsqu'on lui pince la peau, & qu'on la lâche ensuite, elle se rétablit aussi-tôt sans laisser de rides ; c'est une preuve que le cheval est jeune.

6°. Si à un cheval de poil brun, il pousse du poil grisâtre aux paupieres ou à la criniere ; ou qu'un cheval blanchâtre devienne ou tout blanc, ou tout brun, c'est une marque indubitable de vieillesse.

Enfin lorsqu'un cheval est jeune, les barres de la bouche sont tendres & élevées ; s'il est vieux, elles sont basses, & n'ont presque pas de sentiment. Voyez BARRES.

Il y a une sorte de chevaux appellés bégaux, qui ont à tout âge du noir à la dent ; ce qui peut tromper ceux qui ne s'y connoissent pas.

AGE, ou discernement qu'on fait des bêtes noires, comme marcassins, bêtes de compagnies, ragot, sanglier en son tieran, sanglier en son quartan, vieux sanglier miré & laie.

Age, ou discernement qu'on fait des cerfs ; on dit jeune cerf, cerf de dix cors jeunement, cerf de dix cors & vieil cerf.

Age, ou discernement qu'on fait des lievres ; on dit levrauts, lievres & hazes.

Age, ou discernement qu'on fait des chevreuils ; on dit fans, chevrotins, jeune chevreuil, vieil chevreuil & chevrette.

Age des loups ; on dit louveteaux, jeunes loups, vieux loup & louve.

Age des renards ; on dit renardeaux, jeunes renards, vieux renards & renardes.


AGÉadj. en terme de Jurisprudence, est celui qui a l'âge compétent & requis par les lois, pour exercer certains actes civils, ou posséder certains emplois ou dignités. Voyez AGE. (H)


AGELAROUau-haut de la seconde planche du pavé du temple de la fortune de Palestrine, on apperçoit un animal avec l'inscription agelarou. Cet animal a beaucoup de ressemblance avec le singe d'Angole. Des éthiopiens vont l'attaquer ; les uns ont des boucliers, d'autres des fleches : c'est-là le seul endroit où il en soit fait mention. Voyez les antiquités du pere de Montfaucon, supplément, tome IV. page 163.


AGEMOGLANSS. m. ou AGIAM-OGLANS, ou AZAMOGLANS, (Hist. mod.) sont de jeunes enfans que le grand seigneur achete des Tartares, ou qu'il prend en guerre, ou qu'il arrache d'entre les bras des Arétiens soûmis à sa domination.

Ce mot dans la langue originale signifie enfant de Barbare ; c'est-à-dire, suivant la maniere de s'exprimer des Musulmans, né de parens qui ne sont pas Turcs. Il est composé des deux mots Arabes ; , agem, qui signifie parmi les Turcs la même chose que barbare parmi les Grecs ; les Turcs distinguant tous les habitans de la terre en Arabes ou Turcs, & en agem, comme les Grecs les divisoient en Grecs & en Barbares ; l'autre mot est , oglan, qui signifie enfant.

La plûpart de ces enfans sont des enfans de chrétiens que le sultan fait enlever tous les ans par forme de tribut, des bras de leurs parens. Ceux qui sont chargés de la levée de cet odieux impôt, en prennent un sur trois, & ont soin de choisir ceux qui leur paroissent les mieux faits & les plus adroits.

On les mene aussi-tôt à Gallipoli, ou à Constantinople, où on commence par les faire circoncire ; ensuite on les instruit dans la religion Mahométane ; on leur apprend la langue Turque, & on les forme aux exercices de guerre, jusqu'à ce qu'ils soient en âge de porter les armes : & c'est de cette école qu'on tire les Janissaires. Voyez JANISSAIRES.

Ceux qu'on ne trouve pas propres à porter les armes, on les employe aux offices les plus bas & les plus abjects du serrail ; comme à la cuisine, aux écuries, aux jardins, sous le nom de Bostangis, Attagis, Halvagis, &c. Ils n'ont ni gages ni profits, à moins qu'ils ne soient avancés à quelque petite charge, & alors même leurs appointemens sont très-médiocres, & ne montent qu'à sept aspres & demi par jour, ce qui revient à environ trois sols & demi de notre monnoie. (G)


AGEN(Géog.) ancienne ville de France, capitale de l'Agénois, dans la Guienne, sur la rive droite de la Garonne. Long. 18. 15. 49. lat. 44. 12. 7.


AGENDAadj. pris subst. (Comm.) tablette ou livret de papier sur lequel les marchands écrivent tout ce qu'ils doivent faire pendant le jour pour s'en souvenir, soit lorsqu'ils sont chez eux, soit lorsqu'ils vont par la ville.

Ce mot est originairement latin, agenda, les choses qu'il faut faire, dérivé du verbe ago ; mais nous l'avons francisé.

L'agenda est très-nécessaire aux négocians, particulierement à ceux qui ont peu ou point de mémoire, ou qui sont chargés de trop grandes affaires, parce qu'il sert à leur rappeller des occasions importantes, soit pour l'achat, soit pour la vente, soit pour des négociations de lettres de change, &c.

On appelle aussi agenda un petit almanach de poche que les marchands ont coutume de porter sur eux pour s'assûrer des dates, jours de rendez-vous, &c. (G)


AGENOISadj. pris subst. (Géog.) contrée de France dans la Guienne, qui a pris son nom d'Agen sa capitale.


AGENORIA(Myth.) c'étoit la déesse du courage & de l'industrie. On lui opposoit Vacuna, déesse de la paresse.


AGENSAGENS de Change & de Banque. s. m. pl. (Comm.) sont des Officiers établis dans les villes commerçantes de la France pour négocier entre les Banquiers & Commerçans les affaires du change & l’achat ou la vente des marchandises & autres effets. A Paris & à Lyon, on les nomme Agens de change ; en Provence on les appelle Censals ; ailleurs on les appelle Courtiers. Voyez COURTIER & CHANGE.

A Paris, il y a 30 agens de change & courtiers de marchandises, de draps, de soie, de laine, de toile, &c. qui furent créés en titre d'office par Charles IX. en Juin 1572, & le nombre en fut fixé par Henri IV. en 1595. Ce nombre a fort varié depuis ; car d'abord il n'y avoit que huit agens de change pour la ville de Paris de la création d'Henri IV. leur nombre fut augmenté jusqu'à 20 en 1634, & porté à 30 par un édit du mois de Décembre 1638. En 1645, Louis XIV. créa six nouveaux offices, & les choses demeurerent en cet état jusqu'en 1705, que tous les offices d'agens de change ou de banque ayant été supprimés dans toute l'étendue du royaume, à la réserve de ceux de Marseille & de Bordeaux, le roi créa en leur place cent seize nouveaux offices pour être distribués dans les principales villes du royaume avec la qualité de conseillers du roi, agens de banque, change, commerce & finance. Ces nouvelles charges furent encore supprimées en 1708 pour Paris ; & au lieu de vingt agens de change qui y établissoit l'édit de 1705, celui de 1708 en porta le nombre à quarante ; & en 1714, le roi y en ajoûta encore vingt autres pour la ville de Paris. Mais le titre de ces agens fut encore supprimé en 1720, & soixante autres agens par commission furent établis pour faire leurs fonctions. Ceux-ci furent à leur tour supprimés, & d'autres créés en leur place en titre d'office par édit du mois de Janvier 1723. Ainsi il y a actuellement soixante agens de change à Paris ; ils font un corps qui élit des syndics. Ils ne prennent plus la qualité de courtiers, mais celle d'agens de change depuis l'arrêt du Conseil de 1639 ; & par l'édit de 1705, ils ont aussi le titre de conseiller du roi. Voyez COURTIER. Leur droit est un quart pour cent, dont la moitié est payable par celui qui donne son argent, & l'autre par celui qui le reçoit ou qui en fournit la valeur en lettres de change ou autres effets. Dans la négociation du papier qui perd beaucoup, comme par exemple, des contrats sur l'hôtel de ville, &c. dont l'acheteur ne paye pas la moitié de la somme totale portée dans le contrat à cause de la variation du cours de ces effets, l'agent de change prend son droit sur le papier, c'est-à-dire, sur la somme qu'il valoit autrefois, & non sur l'argent qu'on le paye selon le cours de la place. Dans les villes où les agens ne sont pas établis en titre d'office, ils sont choisis par les consuls, maires, & échevins devant lesquels ils prêtent le serment. Les agens de change ne peuvent être banquiers, & porter bilan sur la place, où ils doivent avoir un livre paraphé d'un consul, côté & numéroté, par l'ordonnance de 1673. On peut voir dans le Dictionnaire du Commerce de Savary, les divers réglemens faits pour les corps des agens de change, & surtout ceux qui sont portés par l'arrêt du Conseil du 24 Septembre 1724.

AGENS GENERAUX DU CLERGE : ce sont ceux qui sont chargés des affaires du Clergé de l'église Gallicane. Il y en a deux qui font ou poursuivent au Conseil toutes les affaires de l'Eglise : on les change de cinq en cinq ans, & même à chaque assemblée du Clergé, si elle le juge à propos. Les assemblées du Clergé ayant été reglées sous Charles IX. on laissoit à la suite de la cour, après qu'elles étoient finies, des personnes qui prenoient soin des affaires, à qui on donnoit le nom de syndics : mais en 1595 on établit des agens fixes, avec un pouvoir beaucoup plus étendu, & on régla, 1°. leurs gages ; 2°. qu'ils seroient nommés alternativement par les provinces ecclésiastiques ; savoir, l'un par celles de Lyon, Sens, Ambrun, Reims, Vienne, Rouen, Tours ; & l'autre par celles d'Auch, Arles, Narbonne, Bourges, Bordeaux, Toulouse, Aix ; 3°. que ceux que l'on nommeroit seroient actuellement prêtres, qu'ils posséderoient un bénéfice payant décimes dans la province. Les agens généraux ont droit de committimus. Cette place est remplie par MM. les abbés de Coriolis & de Castries, en la présente année 1751. (G)


AGENTadj. pris subst. se dit en Méchanique & en Physique d'un corps, ou en général d'une puissance qui produit ou qui tend à produire quelque effet par son mouvement actuel, ou par sa tendance au mouvement. Voyez PUISSANCE & ACTION.

AGENT & PATIENT, (Jurisprud.) se dit dans le Droit coûtumier d'Angleterre, de celui ou de celle qui se fait ou qui se donne quelque chose à soi-même ; de sorte qu'il est tout-à-la-fois & celui qui fait ou qui donne la chose, & celui à qui elle est donnée, ou à qui elle est faite. Telle est, par exemple, une femme quand elle s'assigne à elle-même sa dot sur partie de l'héritage de son mari. (H)

Agent se dit aussi de celui qui est commis pour avoir soin des affaires d'un prince, ou de quelque corps, ou d'un particulier. Dans ce sens agent est la même chose que député, procureur, syndic, facteur. Voyez DEPUTE, SYNDIC, &c.

En Angleterre, parmi les officiers de l'échiquier, il y a quatre agens pour les taxes & impôts. Voyez TAXE, ECHIQUIER.

AGENT, en terme de Négociation, est une personne au service d'un prince ou d'une république, qui veille sur les affaires de son maître afin qu'elles soient expédiées. Les agens n'ont point de lettres de créance, mais simplement de recommandation ; on ne leur donne pas audience comme aux envoyés & aux résidens : mais il faut qu'ils s'adressent à un secrétaire d'état, ou tel autre ministre chargé de quelque département. Ils ne joüissent pas non plus des priviléges que le droit des gens donne aux ambassadeurs, aux envoyés & aux résidens. Dict. de Furetiere.


AGEOMETRIEdéfaut ou ignorance de Géométrie, qui fait qu'on s'écarte dans quelque chose des principes & des regles de cette science. Voyez GEOMETRIE.

On l'appelle autrement ageometresie. Ces deux mots sont purement Grecs, & . Les Anglois & quelques écrivains les ont conservés tels qu'ils sont. (O)


AGERATEageratum, (Hist. nat.) plante dont la fleur est monopétale, légumineuse, en forme de tuyau par le bas, & divisée par le haut en deux levres, dont la supérieure est découpée en deux parties, & l'inférieure en trois : le pistil qui sort du calice devient un fruit oblong, membraneux, partagé en deux loges, & rempli de petites semences attachées au placenta. Tournefort, Inst. rei herb. appendix. Voyez PLANTE.


AGERATOIDEen Latin ageratoides, (Hist. nat.) genre de plante qui porte ses fleurs sur une petite tête faite en forme de demi-globe. Ces fleurs sont composées de fleurons d'une seule feuille ; les semences qu'elles produisent sont couronnées par un anneau membraneux, & tiennent au fond d'un calice qui est à nud. Pontederoe dissert. VIII. Voyez PLANTE. (I)


AGERONIou ANGERONIA, (Myth.) déesse du silence : elle présidoit aux conseils. On avoit placé sa statue dans le temple de la Volupté. Elle est représentée dans les monumens avec un doigt sur la bouche. Sa fête se célébroit le 21 Décembre.


AGESILAUS(Myth.) premier nom de Pluton.


AGETORION(Myth.) fête des Grecs dont il est fait mention dans Hesychius, mais où l'on n'en apprend que le nom.


AGGERHUS(Géog.) gouvernement de Norvege, dont Anslo est la capitale.


AGGLUTINANSadj. pris s. (Med.) Les agglutinans sont la plûpart d'une nature visqueuse, c'est-à-dire, qu'ils se réduisent facilement en gelée, & prennent une consistance gommeuse, d'où leur vient le nom d'agglutinans, qui est formé d'ad, à, & gluten, glu. Voyez GLU & AGGLUTINATION.

Les agglutinans sont des remedes fortifians, & dont l'effet est de réparer promptement les pertes, en empâtant les fluides, & en s'attachant aux solides du corps ; ainsi ils remplacent abondamment ce que les actions vitales ont commencé à détruire. Ces remedes ne conviennent qu'aux gens affoiblis & épuisés par les remedes évacuans, la diete & les boissons trop aqueuses, comme il arrive à ceux qui ont essuyé de longues & fâcheuses maladies.

On doit diviser les agglutinans en deux classes. La premiere comprend les alimens bien nourrissans, & empâtant les parties acres des fluides : tels sont les gelées en général, comme celles de corne de cerf, de mou de veau, de pié de veau & de mouton, de poulets. La seconde comprend les remedes qui ne sont pas alimens ; telles sont la gomme arabique, la gomme adragante, la graine de psyllium, la graine de lin, l'oliban, le sang de dragon, & d'autres.

Mais parmi les remedes agglutinans il y en a qui s'appliquent extérieurement ; tels sont le baume du Commandeur, celui d'André de la Croix, les térébenthines, la sarcocolle, l'ichtyocolle, les poix, & quelques plantes même, comme la consoude, le plantin, les orties, les millefeuilles, &c. Il en est d'autres dont l'usage est intérieur & extérieur. Voyez REMEDES, NUTRITION, FORTIFIANS, &c.


AGGLUTINATIONS. m. (Med.) action de réunir les parties du corps séparées par une plaie, coupure, &c. de-là vient le nom que l'on donne à certains topiques qui produisent cet effet, le nom d'agglutinans.

Mais ce terme peut convenir aux remedes intérieurs agglutinans & incrassans, qui empâtant de leur naturel les particules acres de nos fluides, émoussent leur pointe, & changeant ainsi leur consistance, les rendent plus propres à fournir un suc nourricier loüable, & capable de réparer les parties.

La nutrition ne remplit tous ces termes qu'au moyen de cette agglutination ; & c'est à son défaut que nous attribuons le desséchement de nos solides, la fonte de nos humeurs, & les flux colliquatifs qui détruisent les fluides & corrodent les solides, &c. Voyez NUTRITION, ATROPHIE, CONSOMPTION, AGGLUTINANS. (N)


AGGOUED-BUND(Soierie.) Il y a différentes sortes de soie qui se recueillent au Mogol : l'aggoued-bund est la meilleure.


AGGRAVATIONS. f. (Jurispr.) dans le sens de son verbe d'où il est formé, devroit signifier l'action de rendre une faute plus criminelle, ou d'en augmenter le châtiment ; car c'est-là la signification d'aggraver : mais il n'est pas François en ce sens.

Aggravation ou aggrave, est un terme de Droit canonique par où l'on entend une censure ecclésiastique, une menace d'excommunication après trois monitions faites sans fruit. Voyez CENSURE.

Après l'aggravation on procede à la réaggravation ou réaggrave, qui est l'excommunication définitive : le reste jusqu'alors n'avoit été que comminatoire. V. EXCOMMUNICATION & REAGGRAVATION, &c.

L'aggravation & réaggravation ne peuvent être ordonnées sans la permission du juge laïque.


AGGRAVES. m. terme de Droit canonique, est la même chose qu'aggravation. Voyez suprà. (H)


AGGRÉGATIONS. f. en Physique, se dit quelquefois de l'assemblage & union de plusieurs choses qui composent un seul tout, sans qu'avant cet assemblage les unes ni les autres eussent aucune dépendance ou liaison quelconque ensemble.

Ce mot vient de la préposition Latine ad, & grex, troupeau. En ce sens un monceau de sable, un tas de décombres, sont des corps par aggrégation. (O)

AGGREGATION, (Jurispr.) se dit aussi dans l'usage ordinaire pour association. V. ASSOCIATION.

Ainsi l'on dit qu'une personne est d'une compagnie ou communauté par aggrégation ; une aggrégation de docteurs aux écoles de Droit. En Italie on fait fréquemment des aggrégations de plusieurs familles ou maisons, au moyen dequoi elles portent les mêmes noms & les mêmes armes. (H)


AGGREGÉadj. pris s. dans les Ecoles de Droit : on appelle aggregés en Droit, ou simplement aggregés, des docteurs attachés à la faculté, & dont les fonctions sont de donner des leçons de Droit privées & domestiques, pour disposer les étudians à leurs examens & theses publiques, de les présenter à ces examens & theses comme suffisamment préparés, & de venir interroger ou argumenter les récipiendaires lors de ces examens ou de ces theses.

Ces places se donnent au concours, c'est-à-dire, à celui des compétiteurs qui en est réputé le plus digne, après avoir soûtenu des theses publiques sur toutes les matieres de Droit. Il faut pour tre habile à ces places être déjà docteur en Droit ; on ne l'exige pas de ceux qui disputent une chaire, quoique le titre de professeur soit au-dessus de celui d'aggregé. La raison qu'on en rend, est que le titre de professeur emporte éminemment celui de docteur. (H)

AGGREGE pris comme substantif, est la réunion ou le résultat de plusieurs choses jointes & unies ensemble. Ce mot n'est presque plus en usage ; il vient du Latin aggregatum, qui signifie la même chose ; & on dit souvent l'aggregat au lieu de l'aggregé : mais ce dernier mot ne s'employe guere. Voyez AGGREGATION & SOMME. Il a la même origine que aggrégation.

Les corps naturels sont des aggregés ou assemblages de particules ou corpuscules unis ensemble par le principe de l'attraction. Voyez CORPS, PARTICULE, &c. On disoit aussi anciennement en Arithmétique, l'aggregé ou l'aggregat de plusieurs quantités, pour dire la somme de ces mêmes quantités. (O)


AGGRESSEURS. m. en terme de Droit, est celui de deux contendans ou accusés qui a commencé la dispute ou la querelle : il est censé le plus coupable.

En matiere criminelle, on commence par informer qui des deux a été l'aggresseur.


AGGRESSIONS. f. terme de Pratique, est l'action par laquelle quelqu'un se constitue aggresseur dans une querelle ou une batterie. (H)


AGHAISterme de Coûtume, marché à aghais ou fait à terme de payement & de livraison, & qui oblige celui qui veut en profiter à ne point laisser passer le jour convenu au d'aghais, sans livrer ou payer, ou sans consigner & faire assigner au refus de la partie. Voyez Galland, Traité du franc-aleu.


AGIDIES(Myth.) joüeurs de gobelets, faiseurs de tours de passe-passe : c'étoit l'épithete que les payens mêmes donnoient aux prêtres de Cybele.


AGILITÉSOUPLESSE, s. f. (Physiol.) disposition au mouvement dans les membres ou parties destinées à être mûes. Voyez MUSCLE & MUSCULAIRE. (L)


AGIOS. m. terme de Commerce usité principalement en Hollande & à Venise, pour signifier ce que l'argent de banque vaut de plus que l'argent courant ; excédent qui est assez ordinairement de cinq pour cent. Ce mot vient de l'Italien agio, qui signifie aider.

Si un marchand, dit Savary dans son Dictionnaire du Commerce, en vendant sa marchandise stipule le payement, ou seulement cent livres en argent de banque, ou cent cinq en argent de caisse ; en ce cas on dit que l'agio est de cinq pour cent.

L'agio de banque, ajoûte le même auteur, est variable dans presque toutes les places à Amsterdam. Il est ordinairement d'environ trois ou quatre pour cent ; à Rome de près de vingt-cinq sur quinze cens ; à Venise, de vingt pour cent fixe.

Agio se dit aussi pour exprimer le profit qui revient d'une avance faite pour quelqu'un ; & en ce sens les noms d'agio & d'avance sont synonymes. On se sert du premier parmi les marchands & négocians, pour faire entendre que ce n'est point un intérêt, mais un profit pour avance faite dans le commerce : ce profit se compte ordinairement sur le pié de demi pour cent par mois, c'est-à-dire, à raison de six pour cent par an. On lui donne quelquefois, mais improprement, le nom de change. Savary, Dict. du Comm. tome I. page 606.

Agio se dit encore mais improprement, du change d'une somme négociée, soit avec perte, soit avec profit.

Quelques-uns appellent agio d'assûrance, ce que d'autres nomment prime ou coût d'assûrance. Voyez PRIME. Id. ibid. (G)


AGIOGRAPHEpieux, utile, qui a écrit des choses saintes, & qu'on peut lire avec édification. Ce mot vient de , saint, sacré, & de , j'écris. C'est le nom que l'on donne communément aux livres qui ne sont pas compris au nombre des livres sacrés, qu'on nomme apocryphes ; mais dont l'Eglise a cependant jugé la lecture utile aux fideles, & propre à leur édification. Voyez HAGIOGRAPHE.


AGIOTEURS. m. (Comm.) c'est le nom qu'on donne à celui qui fait valoir son argent à gros intérêt, & qui prend du public des effets de commerce sur un pié très-bas, pour les faire rentrer ensuite dans le public sur un pié très-haut. Ce terme n'est pas ancien ; il fut, je crois, employé pour la premiere fois, ou lors du fameux système, ou peu de tems après. (G)


AGIRv. a. (Morale.) Qu'est-ce qu'agir ? c'est, dit-on, exercer une puissance ou faculté ; & qu'est-ce que puissance ou faculté ? c'est, dit-on, le pouvoir d'agir : mais le moyen d'entendre ce que c'est que pouvoir d'agir, quand on ne sait pas encore ce que c'est qu'agir ou action ? On ne dit donc rien ici, si ce n'est un mot pour un autre : l'un obscur, & qui est l'état de la question ; pour un autre obscur, & qui est également l'état de la question.

Il en est de même de tous les autres termes qu'on a coûtume d'employer à ce sujet. Si l'on dit qu'agir, c'est produire un effet, & en être la cause efficiente & proprement dite : je demande 1°. ce que c'est que produire ; 2°. ce que c'est que l'effet ; 3°. ce que c'est que cause ; 4°. ce que c'est que cause efficiente, & proprement dite.

Il est vrai que dans les choses matérielles & en certaines circonstances, je puis me donner une idée assez juste de ce que c'est que produire quelque chose & en être la cause efficiente, en me disant que c'est communiquer de sa propre substance à un être censé nouveau. Ainsi la terre produit de l'herbe qui n'est que la substance de la terre, avec un surcroît ou changement de modifications pour la figure, la couleur, la flexibilité, &c.

En ce sens-là je comprens ce que c'est que produire ; j'entendrai avec la même facilité ce que c'est qu'effet, en disant que c'est l'être dont la substance a été tirée de celle d'un autre avec de nouvelles modifications ou circonstances ; car s'il ne survenoit point de nouvelles modifications, la substance communiquée ne différeroit plus de celle qui communique.

Quand une substance communique ainsi à une autre quelque chose de ce qu'elle est, nous disons qu'elle agit : mais nous ne laissons pas de dire qu'un être agit en bien d'autres conjonctures, où nous ne voyons point qu'une substance communique rien de ce qu'elle est.

Qu'une pierre se détache du haut d'un rocher, & que dans sa chûte elle pousse une autre pierre qui commence de la sorte à descendre, nous disons que la premiere pierre agit sur la seconde : lui a-t-elle pour cela rien communiqué de sa propre substance ? C'est, dira-t-on, le mouvement de la premiere qui s'est communiqué à la seconde ; & c'est par cette communication de mouvement que la premiere pierre est dite agir. Voilà encore de ces discours où l'on croit s'entendre, & où certainement on ne s'entend point assez ; car enfin comment le mouvement de la premiere pierre se communique-t-il à la seconde, s'il ne se communique rien de la substance de la pierre ? c'est comme si l'on disoit que la rondeur d'un globe peut se communiquer à une autre substance, sans qu'il se communique rien de la substance du globe. Le mouvement est-il autre chose qu'un pur mode ? & un mode est-il réellement & physiquement autre chose que la substance même dont il est mode ?

De plus, quand ce que j'appelle en moi mon ame ou mon esprit ; de non pensant ou de non voulant à l'égard de tel objet, devient pensant ou voulant à l'égard de cet objet ; alors d'une commune voix il est dit agir. Cependant & la pensée & la volition n'étant que les modes de mon esprit, n'en sont pas une substance distinguée : & par cet endroit encore agir, n'est point communiquer une partie de ce qu'est une substance à une autre substance.

De même encore si nous considérons Dieu en tant qu'ayant été éternellement le seul être, il se trouva par sa volonté avec d'autres êtres que lui, qui furent nommés créatures ; nous disons encore par-là que Dieu a agi : dans cette action ce n'est point non plus la substance de Dieu qui devint partie de la substance des créatures. On voit par ces différens exemples que le mot agir forme des idées entierement différentes : ce qui est très-remarquable.

Dans le premier, agir signifie seulement ce qui se passe quand un corps en mouvement rencontre un second corps, lequel à cette occasion est mis en mouvement, ou dans un plus grand mouvement, tandis que le premier cesse d'être en mouvement, ou dans un si grand mouvement.

Dans le second, agir signifie ce qui se passe en moi, quand mon ame prend une des deux modifications dont je sens par expérience qu'elle est susceptible, & qui s'appellent pensée ou volition.

Dans le troisieme, agir signifie ce qui arrive, quand en conséquence de la volonté de Dieu il se fait quelque chose hors de lui. Or en ces trois exemples, le mot agir exprime trois idées tellement différentes, qu'il ne s'y trouve aucun rapport, sinon vague & indéterminé, comme il est aisé de le voir.

Certainement les Philosophes, & en particulier les Métaphysiciens, demeurent ici en beau chemin. Je ne les vois parler ou disputer que d'agir & d'action ; & dans aucun d'eux, pas même dans M. Loke, qui a voulu pénétrer jusqu'aux derniers replis de l'entendement humain, je ne trouve point qu'ils ayent pensé nulle part à exposer ce que c'est qu'agir.

Pour résultat des discussions précédentes, disons ce que l'on peut répondre d'intelligible à la question. Qu'est-ce qu'agir ? je dis que par rapport aux créatures, agir est, en général, la disposition d'un être en tant que par son entremise il arrive actuellement quelque changement ; car il est impossible de concevoir qu'il arrive naturellement du changement dans la nature, que ce ne soit par un être qui agisse ; & nul être créé n'agit, qu'il n'arrive du changement, ou dans lui-même, ou au-dehors.

On dira qu'il s'ensuivroit que la plume dont j'écris actuellement devroit être censée agir, puisque c'est par son entremise qu'il se fait du changement sur ce papier qui de non écrit devient écrit. A quoi je réponds que c'est de quoi le torrent même des Philosophes doivent convenir, dès qu'ils donnent à ma plume en certaine occasion le nom de cause instrumentale ; car si elle est cause, elle a un effet ; & tout ce qui a un effet, agit.

Je dis plus : ma plume en cette occasion agit aussi réellement & aussi formellement qu'un feu soûterrain qui produit un tremblement de terre ; car ce tremblement n'est autre chose que le mouvement des parties de la terre excité par le mouvement des parties du feu, comme les traces formées actuellement sur ce papier ne sont que de l'encre mûe par ma plume, qui elle-même est mûe par ma main : il n'y a donc de différence, sinon que la cause prochaine du mouvement de la terre est plus imperceptible, mais elle n'en est pas moins réelle.

Notre définition convient encore mieux à ce qui est dit agir à l'égard des esprits, soit au-dedans d'eux-mêmes par leurs pensées & volitions, soit au-dehors par le mouvement qu'ils impriment à quelque corps ; chacune de ces choses étant un changement qui arrive par l'entremise de l'ame.

La même définition peut convenir également bien à l'action de Dieu dans ce que nous en pouvons concevoir. Nous concevons qu'il agit entant qu'il produit quelque chose hors de lui ; car alors c'est un changement qui se fait par le moyen d'un être existant par lui-même. Mais avant que Dieu eût rien produit hors de lui, n'agissoit-il point, & auroit-il été de toute éternité sans action ? question incompréhensible. Si, pour y répondre, il faut pénétrer l'essence de Dieu impénétrable dans ce qu'elle est par elle-même, les savans auront beau nous dire sur ce sujet que Dieu de toute éternité agit par un acte simple, immanent & permanent ; grand discours, & si l'on veut respectable, mais sous lequel nous ne pouvons avoir des idées claires.

Pour moi qui, comme le dit expressément l'apôtre saint Paul, ne connois naturellement le Créateur que par les créatures, je ne puis avoir d'idée de lui naturellement qu'autant qu'elles m'en fournissent ; & elles ne m'en fournissent point sur ce qu'est Dieu, sans aucun rapport à elles. Je vois bien qu'un être intelligent, comme l'auteur des créatures, a pensé de toute éternité. Si l'on veut appeller agir à l'égard de Dieu, ce qui est simplement penser ou vouloir, sans qu'il lui survienne nulle modification, nul changement ; je ne m'y oppose pas ; & si la religion s'accorde mieux de ce terme agir, j'y serai encore plus inviolablement attaché : mais au fond la question ne sera toûjours que de nom ; puisque par rapport aux créatures je comprends ce que c'est qu'agir, & que c'est ce même mot qu'on veut appliquer à Dieu, pour exprimer en lui ce que nous ne comprenons point.

Au reste je ne comprends pas même la vertu & le principe d'agir dans les créatures ; j'en tombe d'accord. Je sai qu'il y a dans mon ame un principe qui fait mouvoir mon corps ; je ne comprends pas quel en est le ressort : mais c'est aussi ce que je n'entreprends point d'expliquer. La vraie Philosophie se trouvera fort abregée, si tous les Philosophes veulent bien, comme moi, s'abstenir de parler de ce qui manifestement est incompréhensible.

Pour finir cet article, expliquons quelques termes familiers dans le sujet qui fait celui de ce même article.

1°. Agir, comme j'ai dit, est en général, par rapport aux créatures, ce qui se passe dans un être par le moyen duquel il arrive quelque changement.

2°. Ce qui survient par ce changement s'appelle effet ; ainsi agir & produire un effet, c'est la même chose.

3°. L'être considéré entant que c'est par lui qu'arrive le changement, je l'appelle cause.

4°. Le changement considéré au moment même où il arrive, s'appelle par rapport à la cause, action.

5°. L'action entant que mise ou reçûe dans quelque être, s'appelle passion ; & entant que reçûe dans un être intelligent, qui lui-même l'a produite, elle s'appelle acte ; de sorte que dans les êtres spirituels on dit d'ordinaire que l'acte est le terme de la faculté agissante, & l'action l'exercice de cette faculté.

6°. La cause considérée au même tems, par rapport à l'action & à l'acte, je l'appelle causalité. La cause considérée entant que capable de cette causalité, je l'appelle puissance ou faculté. (X)

AGIR est d'usage en Méchanique & en Physique : on dit qu'un corps agit pour produire tel ou tel effet. Voyez ACTION. On dit aussi qu'un corps agit sur un autre, lorsqu'il le pousse ou tend à le pousser. Voyez PERCUSSION. (O)

AGIR, en terme de Pratique, signifie poursuivre une demande ou action en justice. Voyez ACTION & DEMANDE. (H)


AGITATEURSS. m. (Hist. mod.) nom que l'on donna en Angleterre vers le milieu du siecle passé à certains agens ou solliciteurs que l'armée créa pour veiller à ses intérêts.

Cromwel se ligua avec les agitateurs, trouvant qu'ils étoient plus écoutés que le conseil de guerre même. Les agitateurs commencerent à proposer la réforme de la religion & de l'état, & contribuerent plus que tous les autres factieux à l'abolition de l'épiscopat & de la royauté : mais Cromwel parvenu à ses fins par leur moyen, vint à bout de les faire casser. (G)


AGITATIONS. f. (Phys.) signifie le secouement, le cahotage ou la vacillation d'un corps en différens sens. Voyez MOUVEMENT.

Les Prophetes, les Pythies étoient sujets à de violentes agitations de corps, &c. & aujourd'hui les Quakres ou Trembleurs en ont de semblables en Angleterre. Voyez PROPHETE, PYTHIE, &c.

Les Physiciens appliquent quelquefois ce mot à l'espece de tremblement de terre qu'ils appellent tremor & arietatio. Voyez TREMBLEMENT de terre.

Les Philosophes l'employent principalement pour signifier l'ébranlement intestin des parties d'un corps naturel. Voyez INTESTIN.

Ainsi on dit que le feu agite les plus subtiles parties des corps. Voyez FEU. La fermentation & l'effervescence ne se font pas sans une vive agitation des particules du corps fermentant. Voyez FERMENTATION, EFFERVESCENCE & PARTICULE. (O)


AGITOqu'on nomme aussi gito, (Comm.) petit poids dont on se sert dans le royaume de Pegu. Deux agito font une demi-biza ; la biza pese cent reccalis, c'est-à-dire deux livres cinq onces poids fort, ou trois livres neuf onces poids leger de Venise. Savary, Dictionn. du Commerce, tome I. p. 606.


AGLAIA(Myth.) nom de la plus jeune des trois Graces, qu'on donne pour épouse à Vulcain. Voyez GRACES.


AGLAOPHÈME(Myth.) une des Sirenes. Voyez SIRENES.


AGLATIATout ce que nous savons de l'aglatia, c'est que c'est un fruit dont les Egyptiens faisoient la récolte en Février, & qui dans les caracteres symboliques dont ils se servoient pour designer leurs mois, servoit pour indiquer celui de sa récolte. Voyez le tome II. du Supplément des Antiquités du pere Montfaucon.


AGLIBOLUS(Myth.) dieu des Palmyréniens. Ils adoroient le soleil sous ce nom ; ils le représentoient sous la figure d'un jeune homme vêtu d'une tunique relevée par la ceinture, & qui ne lui descendoit que jusqu'au genou, & ayant à sa main gauche un petit bâton en forme de rouleau ; ou selon Hérodien, sous la forme d'une grosse pierre ronde par en-bas, & finissant en pointe ; ou sous la forme d'un homme fait, avec les cheveux frisés, la figure de la lune sur l'épaule, des cothurnes aux piés, & un javelot à la main.


AGMAou AGMET, (Géog.) ville d'Afrique, au royaume de Maroc, dans la province & sur la riviere de même nom. Long. 11. 20. lat. 30. 35.


AGNACAT(Hist. nat. bot.) Rai fait mention de cet arbre, qu'on trouve, dit-il, dans une contrée de l'Amérique voisine de l'isthme de Darien : il est de la grandeur & de la figure du poirier ; ses feuilles sont d'un beau verd, & ne tombent point. Il porte un fruit semblable à la poire, verd lors même qu'il est mûr. Sa pulpe est aussi verte, douce, grasse, & a le goût de beurre. Il passe pour un puissant érotique.


AGNADEL(Géog.) village du Milanez dans la terre de Crémone, sur un canal entre l'Adda & Serio. Long. 27. lat. 45. 10.


AGNANIou ANAGNI, (Géog.) ville d'Italie dans la campagne de Rome. Long. 30-41. lat. 41. 45.


AGNANO(Géog.) lac du royaume de Naples dans la terre de Labour.


AGNANSS. m. pl. terme de riviere, sortes de morceaux de fer en triangle, percés par le milieu, qui servent à river les clous à clains qui entrent dans la composition d'un bateau foncet.


AGNANTHUS(Hist. nat. bot.) plante dont Vaillant fait mention : ses fleurs sont placées aux extrémités des tiges & des branches en bouquets ; elles ressemblent beaucoup à celles de l'agnus castus. C'est un petit tube dont le bord antérieur est découpé en portions inégales : de ces portions les trois supérieures forment un treffle ; des trois inférieures, celle du milieu est la plus grande des six, & ses deux latérales les plus petites de toutes. L'ovaire naît du fond d'un calice découpé : cet ovaire tient à l'extrémité du tube qui forme la fleur. Quand la fleur tombe, il se change, à ce que rapporte Plumier, en une baie qui contient une seule semence : il n'y en a qu'une espece. Voyez les Mémoires de l'Académie des Sciences 1722.


AGNATIONS. f. terme du Droit Romain, qui signifie le lien de parenté ou de consanguinité entre les descendans par mâles d'un même pere. Voyez AGNATS.

L'étymologie de ce mot est la préposition Latine ad, & nasci, naître.

L'agnation differe de la cognation en ce que celle-ci étoit le nom universel sous lequel toute la famille & même les agnats étoient renfermés ; au lieu que l'agnation n'étoit qu'une sorte particuliere de cognation, qui ne comprenoit que les descendans par mâles. Une autre différence est que l'agnation tire ses droits & sa distinction du Droit civil, & que la cognation au contraire tire les siens de la loi naturelle & du sang. Voyez COGNATION.

Par la loi des douze tables, les femmes étoient appellées à la succession avec les mâles, suivant leur degré de proximité, & sans distinction de sexe. Mais la jurisprudence changea dans la suite ; & par la loi Voconia les femmes furent exclues du privilége de l'agnation, excepté celles qui étoient dans le degré même de consanguinité, c'est-à-dire les soeurs de celui qui étoit mort intestat : & voilà d'où vint la différence entre les agnats & les cognats.

Mais cette distinction fut dans la suite abolie par Justinien, Institut. iij. 10. & les femmes furent rétablies dans les droits de l'agnation ; ensorte que tous les descendans paternels, soit mâles ou femelles, furent admis indistinctement à lui succéder suivant le degré de proximité.

Par-là le mot de cognation rentra dans la signification naturelle, & signifia tous les parens, tant du côté du pere que du côté de la mere ; & agnation signifia seulement les parens du côté paternel.

Les enfans adoptifs joüissoient aussi des priviléges de l'agnation, que l'on appelloit à leur égard civile, par opposition à l'autre qui étoit naturelle.


AGNATSterme de Droit Romain, les descendans mâles d'un même pere. Voyez AGNATION.

Agnats se dit par opposition à cognats, terme plus générique, qui comprend aussi la descendance féminine du même pere. Voyez COGNATS, COGNATION & AGNATION. (H)


AGNEAU(Théol.) Voyez PASCAL.


AGNEou AIGNEL, ancienne monnoie d'or qui fut battue sous S. Louis, & qui porte un agneau ou mouton. On lit dans le Blanc que l'agnel étoit d'or fin, & de 59 1/2 au marc sous S. Louis, & valoit 12 sous 6 deniers tournois. Ces sous étoient d'argent & presque du poids de l'agnel. La valeur de l'agnel est encore fixée par le même auteur à 3 deniers 5 grains trébuchans. Le roi Jean en fit faire qui étoient de 10 à 12 grains plus pesans. Ceux de Charles VI. & de Charles VII. ne pesoient que 2 deniers, & n'étoient pas or fin.


AGNELINS(terme de Mégisserie.) peaux passées d'un côté, qui ont la laine de l'autre côté.

Nous avons expliqué à l'article AGNEAU ; l'usage que les Mégissiers, les Chapeliers, les Pelletiers-Fourreurs, & plusieurs autres ouvriers font de la peau de cet animal.

Agnelins se dit encore de la laine des agneaux qui n'ont pas été tondus, & qui se leve pour la premiere fois au sortir des abattis des Bouchers ou des boutiques des Rôtisseurs.

Agnelins se dit en général de la laine des agneaux qui n'ont pas été tondus, soit qu'on la coupe sur leur corps, ou qu'on l'enleve de dessus leurs peaux après qu'ils ont été tués.


AGNESTIN(Géog.) ville de Transylvanie, sur la riviere d'Hospach. Long. 43. 12. lat. 46. 45.


AGNOITESou AGNOETES, s. m. pl. (Théol.) secte d'hérétiques qui suivoient l'erreur de Théophrone de Cappadoce, lequel soûtenoit que la science de Dieu par laquelle il prévoit les choses futures, connoît les présentes & se souvient des choses passées, n'est pas la même, ce qu'il tâchoit de prouver par quelques passages de l'Ecriture. Les Eunomiens ne pouvant souffrir cette erreur, le chasserent de leur communion ; & il se fit chef d'une secte, à laquelle on donna le nom d'Eunomisphroniens. Socrate, Sozomene & Nicéphore qui parlent de ces hérétiques, ajoûtent qu'ils changerent aussi la forme du baptême usitée dans l'Eglise, ne baptisant plus au nom de la Trinité, mais au nom de la mort de Jesus-Christ. Voyez BAPTEME & FORME. Cette secte commença sous l'empire de Valens, vers l'an du salut 370.

AGNOITES ou AGNOETES, secte d'Eutychiens dont Thémistius fut l'auteur dans le vj. siecle. Ils soûtenoient que Jesus-Christ en tant qu'homme ignoroit certaines choses, & particulierement le jour du jugement dernier.

Ce mot vient du Grec ἀγνοηται, ignorant, dérivé d’ἀγνοεῖν, ignorer.

Eulogius, patriarche d'Alexandrie, qui écrivit contre les Agnoïtes sur la fin du vj. siecle, attribue cette erreur à quelques Solitaires qui habitoient dans le voisinage de Jérusalem, & qui pour la défendre alléguoient différens textes du Nouveau Testament, & entre autres celui de S. Marc, ch. xiij. v. 32. que nul homme sur la terre ne sait ni le jour, ni l'heure du jugement, ni les Anges qui sont dans le ciel, ni même le Fils, mais le Pere seul.

Il faut avoüer qu'avant l'hérésie des Ariens qui tiroient avantage de ce texte contre la divinité de Jesus-Christ, les Peres s'étoient contentés de leur répondre que ces paroles devoient s'entendre de Jesus-Christ comme homme. Mais depuis l'Arianisme & les disputes des Agnoïtes, les Théologiens Catholiques répondent que Jesus-Christ, même comme homme, n'ignoroit pas le jour du jugement, puisqu'il en avoit prédit l'heure en S. Luc, c. xvij. v. 31. le lieu en S. Matthieu, c. xxjv. v. 28. les signes & les causes en S. Luc, c. xxj. v. 25. ce qui a fait dire à S. Ambroise, lib. V. de fide, cap. xvj. n°. 204. Quomodo nescivit judicii diem, qui & horam praedixit, & locum & signa expressit ac causas ? mais que par ces paroles le Sauveur avoit voulu réprimer la curiosité indiscrette de ses disciples, en leur faisant entendre qu'il n'étoit pas à-propos qu'il leur révélât ce secret : & enfin, que ces mots, le Pere seul, n'excluent que les créatures & non le Verbe incarné, qui connoissoit bien l'heure & le jour du jugement en tant qu'homme, mais non par la nature de son humanité quelqu'excellente qu'elle fût, dit S. Grégoire : in naturâ quidem humanitatis novit diem & horam, non ex naturâ humanitatis novit. Ideo scientiam, quam ex naturâ humanâ non habuit, in quâ cum angelis creaturâ fuit, hanc se cum angelis habere denegavit. Lib. I. epist. xlij. Wuitass. tract. de Trinit. part. I. qu. jv. art. 2. sect. iij. p. 408. & seq. (G)


AGNONou ANGLONE, (Géog.) ville considérable du royaume de Naples dans l'Abruzze, près du Mont-Marel.


AGNUS DEI(Théol.) est un nom que l'on donne aux pains de cire empreints de la figure d'un agneau portant l'étendart de la croix, & que le pape bénit solennellement le dimanche in albis après sa consécration, & ensuite de sept ans en sept ans, pour être distribué au peuple.

Ce mot est purement Latin, & signifie agneau de Dieu, nom qu'on lui a donné à cause de l'empreinte qu'il porte.

L'origine de cette cérémonie vient d'une coûtume ancienne dans l'église de Rome. On prenoit autrefois le dimanche in albis, le reste du cierge pascal béni le jour du samedi-saint, & on le distribuoit au peuple par morceaux. Chacun les brûloit dans sa maison, dans les champs, les vignes, &c. comme un préservatif contre les prestiges du démon, & contre les tempêtes & les orages. Cela se pratiquoit ainsi hors de Rome : mais dans la ville, l'archidiacre au lieu du cierge pascal, prenoit d'autre cire sur laquelle il versoit de l'huile, & en faisant divers morceaux en figures d'agneaux, il les bénissoit & les distribuoit au peuple. Telle est l'origine des agnus Dei que les papes ont depuis bénis avec plus de cérémonies. Le sacristain les prépare long-tems avant la bénédiction. Le pape revêtu de ses habits pontificaux, les trempe dans l'eau-benite & les bénit. Après qu'on les en a retirés, on les met dans une boîte qu'un soûdiacre apporte au pape à la messe après l'agnus Dei, & les lui présente en répétant trois fois ces paroles : ce sont ici de jeunes agneaux qui vous ont annoncé l'alleluia ; voilà qu'ils viennent à la fontaine pleins de charité, alleluia. Ensuite le pape les distribue aux cardinaux, évêques, prélats, &c. On croit qu'il n'y a que ceux qui sont dans les ordres sacrés qui puissent les toucher ; c'est pourquoi on les couvre de morceaux d'étoffe proprement travaillés, pour les donner aux laïques. Quelques écrivains en rendent bien des raisons mystiques, & leur attribuent plusieurs effets. L'ordre Romain. Amalarius, Valafrid Strabon, Sirmond dans ses notes sur Ennodius ; Théophile, Raynaud.

AGNUS DEI, partie de la Liturgie de l'Eglise Romaine, ou priere de la messe entre le pater & la communion. C'est l'endroit de la messe où le prêtre se frappant trois fois la poitrine, répete autant de fois à voix intelligible, la priere qui commence par ces deux mots agnus Dei. (G)


AGNUS SCYTHICUS(Hist. nat. bot.) Kirker est le premier qui ait parlé de cette plante. Je vais d'abord rapporter ce qu'a dit Scaliger pour faire connoître ce que c'est que l'agnus scythicus, puis Kempfer & le savant Hans Sloane nous apprendront ce qu'il en faut penser. " Rien, dit Jules César Scaliger, n'est comparable à l'admirable arbrisseau de Scythie. Il croît principalement dans le Zaccolham, aussi célebre par son antiquité que par le courage de ses habitans. L'on seme dans cette contrée une graine presque semblable à celle du melon, excepté qu'elle est moins oblongue. Cette graine produit une plante d'environ trois piés de haut, qu'on appelle boramets, ou agneau, parce qu'elle ressemble parfaitement à cet animal par les piés, les ongles, les oreilles & la tête ; il ne lui manque que les cornes, à la place desquelles elle a une touffe de poil. Elle est couverte d'une peau legere dont les habitans font des bonnets. On dit que sa pulpe ressemble à la chair de l'écrevisse de mer, qu'il en sort du sang quand on y fait une incision, & qu'elle est d'un goût extrèmement doux. La racine de la plante s'étend fort loin dans la terre : ce qui ajoûte au prodige, c'est qu'elle tire sa nourriture des arbrisseaux circonvoisins, & qu'elle périt lorsqu'ils meurent ou qu'on vient à les arracher. Le hasard n'a point de part à cet accident : on lui a causé la mort toutes les fois qu'on l'a privée de la nourriture qu'elle tire des plantes voisines. Autre merveille, c'est que les loups sont les seuls animaux carnassiers qui en soient avides. (Cela ne pouvoit manquer d'être.) On voit par la suite que Scaliger n'ignoroit sur cette plante que la maniere dont les piés étoient produits & sortoient du tronc ".

Voilà l'histoire de l'agnus scythicus, ou de la plante merveilleuse de Scaliger, de Kirker, de Sigismond, d'Herberstein, d'Hayton Arménien, de Surius, du chancelier Bacon (du chancelier Bacon,notez bien ce témoignage), de Fortunius Licetus, d'André Libavius, d'Eusebe de Nuremberg, d'Adam Olearius, d'Olaus Vormius, & d'une infinité d'autres Botanistes.

Seroit-il bien possible qu'après tant d'autorités qui attestent l'existence de l'agneau de Scythie, après le détail de Scaliger, à qui il ne restoit plus qu'à savoir comment les piés se formoient, l'agneau de Scythie fût une fable ? Que croire en histoire naturelle, si cela est ?

Kempfer, qui n'étoit pas moins versé dans l'histoire naturelle que dans la Medecine, s'est donné tous les soins possibles pour trouver cet agneau dans la Tartarie, sans avoir pû y réussir. " On ne connoît ici, dit cet auteur, ni chez le menu peuple ni chez les Botanistes, aucun zoophite qui broute ; & je n'ai retiré de mes recherches que la honte d'avoir été trop crédule ". Il ajoûte que ce qui a donné lieu à ce conte, dont il s'est laissé bercer comme tant d'autres, c'est l'usage que l'on fait en Tartarie de la peau de certains agneaux dont on prévient la naissance, & dont on tue la mere avant qu'elle les mette bas, afin d'avoir leur laine plus fine. On borde avec ces peaux d'agneaux des manteaux, des robes & des turbans. Les voyageurs, ou trompés sur la nature de ces peaux par ignorance de la langue du pays, ou par quelqu'autre cause, en ont ensuite imposé à leurs compatriotes, en leur donnant pour la peau d'une plante la peau d'un animal.

M. Hans Sloane dit que l'agnus scythicus est une racine longue de plus d'un pié, qui a des tubérosités, des extrémités desquelles sortent quelques tiges longues d'environ trois à quatre pouces, & assez semblables à celles de la fougere, & qu'une grande partie de sa surface est couverte d'un duvet noir jaunâtre, aussi luisant que la soie, long d'un quart de pouce, & qu'on employe pour le crachement de sang. Il ajoûte qu'on trouve à la Jamaïque plusieurs plantes de fougere qui deviennent aussi grosses qu'un arbre, & qui sont couvertes d'une espece de duvet pareil à celui qu'on remarque sur nos plantes capillaires ; & qu'au reste il semble qu'on ait employé l'art pour leur donner la figure d'un agneau, car les racines ressemblent au corps, & les tiges aux jambes de cet animal.

Voilà donc tout le merveilleux de l'agneau de Scythie réduit à rien, ou du moins à fort peu de chose, à une racine velue à laquelle on donne la figure, ou à-peu-près, d'un agneau en la contournant.

Cet article nous fournira des réflexions plus utiles contre la superstition & le préjugé, que le duvet de l'agneau de Scythie contre le crachement de sang. Kirker, & après Kirker, Jules César Scaliger, écrivent une fable merveilleuse ; & ils l'écrivent avec ce ton de gravité & de persuasion qui ne manque jamais d'en imposer. Ce sont des gens dont les lumieres & la probité ne sont pas suspectes : tout dépose en leur faveur : ils sont crus ; & par qui ? par les premiers génies de leur tems ; & voilà tout d'un coup une nuée de témoignages plus puissans que le leur qui le fortifient, & qui forment pour ceux qui viendront un poids d'autorité auquel ils n'auront ni la force ni le courage de résister, & l'agneau de Scythie passera pour un être réel.

Il faut distinguer les faits en deux classes ; en faits simples & ordinaires, & en faits extraordinaires & prodigieux. Les témoignages de quelques personnes instruites & véridiques suffisent pour les faits simples ; les autres demandent, pour l'homme qui pense, des autorités plus fortes. Il faut en général que les autorités soient en raison inverse de la vraisemblance des faits ; c'est-à-dire, d'autant plus nombreuses & plus grandes, que la vraisemblance est moindre.

Il faut subdiviser les faits, tant simples qu'extraordinaires, en transitoires & permanens. Les transitoires, ce sont ceux qui n'ont existé que l'instant de leur durée ; les permanens, ce sont ceux qui existent toûjours, & dont on peut s'assûrer en tout tems. On voit que ces derniers sont moins difficiles à croire que les premiers, & que la facilité que chacun a de s'assûrer de la vérité ou de la fausseté des témoignages, doit rendre les témoins circonspects, & disposer les autres hommes à les croire.

Il faut distribuer les faits transitoires en faits qui se sont passés dans un siecle éclairé, & en faits qui se sont passés dans des tems de ténebres & d'ignorance ; & les faits permanens, en faits permanens dans un lieu accessible ou dans un lieu inaccessible.

Il faut considérer les témoignages en eux-mêmes, puis les comparer entr'eux : les considérer en eux-mêmes, pour voir s'ils n'impliquent aucune contradiction, & s'ils sont de gens éclairés & instruits : les comparer entr'eux, pour découvrir s'ils ne sont point calqués les uns sur les autres, & si toute cette foule d'autorités de Kirker, de Scaliger, de Bacon,de Libarius, de Licetus, d'Eusebe, &c. ne se réduiroit pas par hazard à rien, ou à l'autorité d'un seul homme.

Il faut considérer si les témoins sont oculaires ou non ; ce qu'ils ont risqué pour se faire croire ; quelle crainte ou quelles espérances ils avoient en annonçant aux autres des faits dont ils se disoient témoins oculaires : s'ils avoient exposé leur vie pour soûtenir leur déposition, il faut convenir qu'elle acquéreroit une grande force ; que seroit-ce donc s'ils l'avoient sacrifiée & perdue ?

Il ne faut pas non plus confondre les faits qui se sont passés à la face de tout un peuple, avec ceux qui n'ont eu pour spectateurs qu'un petit nombre de personnes. Les faits clandestins, pour peu qu'ils soient merveilleux, ne méritent presque pas d'être crus : les faits publics, contre lesquels on n'a point reclamé dans le tems, ou contre lesquels il n'y a eu de réclamation que de la part de gens peu nombreux & mal intentionnés ou mal instruits, ne peuvent presque pas être contredits.

Voilà une partie des principes d'après lesquels on accordera ou l'on refusera sa croyance, si l'on ne veut pas donner dans des rêveries, & si l'on aime sincerement la vérité. Voyez CERTITUDE, PROBABILITE, &c.


AGNUS-CASTUSen latin vitex, arbrisseau dont la fleur est composée d'une seule feuille, & dont le pistil devient un fruit composé de plusieurs capsules. Cette fleur semble être divisée en deux levres ; sa partie postérieure forme un tuyau ; il sort du calice un pistil qui est fiché comme un clou dans la partie postérieure de la fleur ; dans la suite il devient un fruit presque sphérique, divisé en quatre cellules, & rempli de semences oblongues. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

AGNUS-CASTUS, (Mat. med.) on se sert de sa feuille, de sa fleur, & sur-tout de sa semence, pour résoudre, pour atténuer, pour exciter l'urine & les mois aux femmes, pour ramollir les duretés de la rate, pour chasser les vents ; on en prend en poudre & en décoction ; on l'applique aussi extérieurement. (N)


AGOBEL(Géog.) ville d'Afrique au royaume de Maroc, dans la province d'Ea en Barbarie.


AGONS. m. (Hist. anc.) chez les anciens étoit une dispute ou combat pour la supériorité dans quelqu'exercice du corps ou de l'esprit.

Il y avoit de ces combats dans la plûpart des fêtes anciennes en l'honneur des dieux ou des héros. Voyez FETE, JEU.

Il y en avoit aussi d'institués exprès, & qui ne se célebroient pas simplement pour rendre quelque fête plus solemnelle. Tels étoient à Athenes l'agon gymnicus, l'agon nemeus, institué par les Argiens dans la 53e olympiade ; l'agon olympius, institué par Hercule 430 ans avant la premiere olympiade. Voyez NEMEEN, OLYMPIQUE, &c.

Les Romains, à l'imitation des Grecs, instituerent aussi de ces sortes de combats. L'empereur Aurélien en établit un sous le nom d'agon solis, combat du soleil ; Dioclétien un autre, sous le nom d'agon capitolinus, qui se célébroit tous les quatre ans à la maniere des jeux olympiques. C'est pourquoi au lieu de compter les années par lustres, les Romains les ont quelquefois comptées par agones.

Agon se disoit aussi du ministre dans les sacrifices, dont la fonction étoit de frapper la victime. Voyez SACRIFICE, VICTIME.

On croit que ce nom lui est venu de ce que se tenant prêt à porter le coup, il demandoit, agon', ou agone, frapperai-je ?

L'agon en ce sens s'appelloit aussi pona cultrarius & victimarius. (G)


AGONALESadj. pris subst. (Hist. anc.) fêtes que les Romains célébroient à l'honneur du Dieu Janus, ou, à ce que d'autres prétendent, à l'honneur du Dieu Agonius, que les Romains avoient coûtume d'invoquer lorsqu'ils entreprenoient quelque chose d'important. Voyez FETE.

Les auteurs ne sont pas d'accord sur l'étymologie de ce mot. Quelques-uns le font venir du mont Agonus, qui depuis fut nommé Quirinal, où se faisoit cette solennité. D'autres le dérivent de la cérémonie qui se pratiquoit en cette fête, où le prêtre tenant un couteau dégaîné, & prêt à frapper la victime qui étoit un bélier, demandoit, agone, ferai-je ? C'est le sentiment d'Ovide, Fast. Liv. I. v. 319. Voyez SACRIFICE.

AGONALES. On nommoit encore ainsi des jeux publics consistans en combats & en luttes, tant d'hommes que d'animaux. Ces jeux se donnoient dans l'amphithéatre dédié à Mars & à Minerve.


AGONAUXjours ou fêtes agonales célébrées chez les Romains au commencement du mois de Janvier. Elles paroissent avoir été en usage dès le tems des rois de Rome, puisque Varron rapporte que dans ces jours le prince immoloit une victime dans son palais. Ovide, après d'autres auteurs, rapporte l'origine de ce nom à plusieurs étymologies : mais la plus vraisemblable, & celle à laquelle il s'en tient, est celle-ci :

Fas etiam fieri solitis aetate priorum

Nomina de ludis Graeca tulisse diem.

Et priùs antiquus dicebat Agonia sermo ;

Veraque judicio est ultima causa meo.

D'autres prétendent que ces sacrifices se nommoient agonalia, parce qu'ils se faisoient sur les montagnes nommées par les anciens Latins agones : au moins appelloient-ils le mont Quirinal mons Agonus, & la porte Colline, porta Agonensis.


AGONIENS(Myth.) c'étoient les dieux qu'on invoquoit lorsqu'on vouloit entreprendre quelque chose d'important. Ce mot vient du verbe ago.


AGONIOS(Myth.) nom donné à Mercure parce qu'il présidoit aux jeux agonaux, dont on lui attribuoit l'invention.


AGONISTIQUEadj. f. pris subst. (Hist. anc.) la science des exercices du corps usités dans les spectacles des anciens, ainsi nommée à cause des jeux publics, , qui en étoient le principal objet, & à l'institution desquels est dû l'établissement de la profession d'athlete. On en apprenoit les statuts avec un soin extrème, & ils n'étoient pas exécutés avec moins de sévérité. Nous avons de Pierre Dufaur un traité d'agonistique plein d'érudition, mais confus & sans méthode. (G)


AGONISTIQUES(Théol.) du Grec ἀγὼν, combat, nom par lequel Donat & les Donatistes désignoient les prédicateurs qu'ils envoyoient dans les villes & les campagnes pour répandre leur doctrine, & qu'ils regardoient comme autant de combattans propres à leur conquérir des disciples. On les appelloit ailleurs circuiteurs, circellions, circumcellions, catropites, coropites, & à Rome montenses. L'histoire ecclésiastique est pleine des violences qu'ils exerçoient contre les Catholiques. Voyez CIRCONCELLIONS, DONATISTES, &c. (G)


AGONIUS(Myth.) surnom donné à Janus dans les fêtes agonales qu'on célébroit en son honneur. Janus Agonali luce piandus erit. (G)


AGONOTHETES. m. (Hist. anc.) chez les Grecs, étoit un magistrat qui faisoit la fonction de directeur, de président, & de juge des combats ou jeux publics, qu'on appelloit agons. C'étoit lui qui en ordonnoit les préparatifs, & qui adjugeoit le prix aux vainqueurs. Voyez JEU, COMBAT, &c.

Ce mot est composé d’ἀγὼν, combat, & de τίθημι, mettre, disposer.

Les Romains appelloient designator & numerarius, l'officier qui faisoit chez eux la fonction de l'agonothete.

On appelloit encore athlothetes & hellanodiques, ceux qui présidoient aux jeux, dont voici les principales fonctions. Ils écrivoient sur un registre le nom & le pays des athletes qui s'enrolloient, pour ainsi dire ; & à l'ouverture des jeux, un héraut proclamoit publiquement ces noms. L'agonothete leur faisoit prêter serment qu'ils observeroient très-religieusement toutes les lois prescrites pour chaque sorte de combat, & qu'ils ne feroient rien ni directement ni indirectement contre l'ordre & la police établie dans les jeux. Il faisoit punir sur le champ les contrevenans par des officiers ou licteurs armés de verges, & nommés mastophores. Enfin pour régler le rang de ceux qui devoient disputer le prix dans chaque espece de combat, ils les faisoient tirer au sort, & décidoient des contestations qui pouvoient s'élever entr'eux. C'est sur ce modele qu'on avoit établi dans nos anciens tournois des juges de barriere.

Les agonothetes placés au bout ou à l'un des côtés du stade, distribuoient les couronnes aux athletes victorieux ; des javelots élevés devant eux, étoient le symbole de leur autorité, qui n'étoit point subordonnée à celle des amphyctions ; car quoique ceux-ci fissent l'office des juges aux jeux Pythiens, on appelloit de leurs décisions à l'agonothete, ou intendant des jeux, & de celui-ci à l'empereur. (G)


AGONYCLITESS. m. pl. (Théol.) hérétiques du vii. siecle, qui avoient pour maxime de ne prier jamais à genoux, mais debout.

Ce mot est composé d’ privatif, de γόνυ, genou, & du verbe κλίνω, incliner, plier, courber. Voyez GENUFLEXION. (G)


AGORANOMES. m. (Hist. anc.) étoit un magistrat, chez les Athéniens, établi pour maintenir le bon ordre & la police dans les marchés, mettre le prix aux denrées, juger des contestations qui s'élevoient entre le vendeur & l'acheteur, & examiner les poids & mesures.

Ce mot est composé du Grec, ἀγορὰ, marché, & νέμω, distribuer.

L'agoranome étoit à-peu-près chez les Grecs, ce qu'étoit un édile curule chez les Romains. Voyez EDILE.

Aristote distingue deux sortes de magistrats : les agoranomes, qui avoient inspection sur les marchés ; & les astynomes, , qui l'avoient sur les bâtimens, ou sur la construction des cités, .

Les Romains n'ont méconnu ni le nom ni les fonctions de ce magistrat, comme il paroît par ces vers de Plaute :

Euge pe ! edictiones aedilitias hic habet quidem

Mirumque adeo est, ni hunc fecere sibi aetoli

Agoranomum. Captiv.

L'agoranome avoit principalement inspection sur les poids & sur les mesures des denrées. Ainsi il n'avoit pas des fonctions si étendues que celles des édiles chez les Romains. (G)


AGOREUS(Myth.) surnom donné à Mercure, d'une statue qu'il avoit sur le marché de Lacédémone. Mercure Agoreus est synonyme à Mercure du marché.


AGOSTA(Géog.) ville de Sicile & port. Long. 33. lat. 37. 17.


AGOUTYS. m. (Hist. nat.) animal quadrupede de l'Amérique. Voyez ACOUTY. (I)


AGRA(Géog.) ville capitale de l'Indostan, dans les états du Mogol en Asie, sur la riviere de Gemene. Long. 96. 26. lat. 26. 40.

Le commerce s'y fait par des caravanes qui partent d'Amadabath, de Surate & d'ailleurs, sur des chameaux dont se servent les François, les Anglois, les Hollandois, les Maures, les Turcs, les Arabes, les Persans, &c. On en tire d'excellent indigo, des étoffes & des toiles. On dit qu'il n'y a point de confiscation pour avoir fait sortir ou entrer des marchandises en fraude, mais qu'on paye le double du droit.


AGRA-CARAMBAautre bois de senteur qui vient pareillement de Haynan, mais sur lequel on ne nous instruit pas davantage que sur l'agra simple. On dit qu'il coûte 60 taels le cati, & se vend à Canton 80 sous, qu'il est purgatif, & que les Japonois en font cas.


AGRAFES. f. terme d'Architect. on entend par ce nom tout ornement de sculpture qui semble unir plusieurs membres d'architecture, les uns avec les autres, comme le haut de la bordure d'une glace, avec celle du tableau au-dessus, ou cette derniere avec la corniche qui regne à l'extrémité supérieure d'un salon, d'une galerie, &c. mais en général, agrafe exprime la décoration qu'on peut affecter sur le parement extérieur de la clé d'une croisée ou arcade plein ceintre, bombée, ou anse de panier ; c'est dans cette espece de sculpture qu'il faut être circonspect. Nos sculpteurs modernes ont pris des licences à cet égard qu'il faut éviter, plaçant des ornemens chimériques de travers, & de formes variées, qui ne sont point du ressort de la décoration de la clé d'une arcade, qui représente expressément la solidité que cette clé donne à tous les voussoirs, qu'elle seule tient dans un équilibre parfait. D'ailleurs, les ornemens de pierre en général doivent être d'une composition grave ; la beauté des formes en doit faire tous les frais, & sur-tout celle de ce genre-ci. Sa forme doit indiquer son nom ; c'est-à-dire, qu'il faut qu'elle paroisse agrafer l'archivolte, le chambranle ou bandeau, avec le claveau, sommier, plinthe, ou corniche de dessus. Voyez la figure. (P)

AGRAFE, (Jardinage.) est un ornement qui sert à lier deux figures dans un parterre ; alors il peut se prendre pour un noeud : on peut encore entendre par le mot d'agrafe, un ornement qu'on attache & que l'on cole à la plate-bande d'un parterre, pour n'en faire paroître que la moitié, qui se lie & forme un tout avec le reste de la broderie. (K)

AGRAFE, (Serrurerie.) c'est un terme générique pour tout morceau de fer qui sert à suspendre, à accrocher ou à joindre, &c. Dans les espagnolettes, par exemple, l'agrafe, c'est le morceau de fer évidé & large qui s'applique sur l'un des guichets des croisées, & dans lequel passe le panneton de l'espagnolette, qui va se refermer sur le guichet opposé. Voyez SERRURERIE, Planche XIII. figure chiffrée 11. 12. 13. 14. 18. 19. En 18 & 19, une agrafe avec un panneton. Même Planche, figure 15. l'agrafe séparée.


AGRAHALID(Hist. nat. bot.) plante d'Egypte & d'Ethiopie, à laquelle Rai donne le nom suivant, lycio affinis Aegyptiaca. C'est, selon Lemery, un arbre grand comme un poirier sauvage, peu branchu, épineux, ressemblant au lycium. Sa feuille ne differe guere de celle du buis ; elle est seulement plus large & plus rare. Il a peu de fleurs. Elles sont blanches, semblables à celles de l'hyacinthe, mais plus petites. Il leur succede de petits fruits noirs, approchans de ceux de l'hieble, & d'un goût styptique amer. Ses feuilles aigrelettes & astringentes donnent une décoction qui tue les vers.


AGRAIRE(Hist. anc.) terme de Jurisprudence Romaine, dénomination qu'on donnoit aux lois concernant le partage des terres prises sur les ennemis. Voyez LOI. Ce mot vient du Latin ager, champ.

Il y en a eu quinze ou vingt, dont les principales furent la loi Cassia, de l'an 267 de Rome ; la loi Licinia, de l'an 377 ; la loi Flaminia, de l'an 525 ; les deux lois Sempronia, en 620 ; la loi Apuleia, en 653 ; la loi Baebia ; la loi Cornelia, en 673 ; la loi Servilia, en 690 ; la loi Flavia ; la loi Julia, en 691 ; la loi Aelia Licinia ; la loi Livia ; la loi Marcia ; la loi Roscia, après la destruction de Carthage ; la loi Floria, & la loi Titia.

Mais lorsqu'on dit simplement la loi agraire, cette dénomination s'entend toûjours de la loi Cassia, publiée par Spurius Cassius, pour le partage égal des terres conquises entre tous les citoyens, & pour régler la quantité d'acres ou arpens que chacun pourroit posséder. Les deux autres lois agraires dont il est fait mention dans le Digeste, & dont l'une fut publiée par César & l'autre par Nerva, n'ont pour objet que les limites ou bornes des terres, & n'ont aucun rapport avec la loi Cassia.

Nous avons quelques oraisons de Cicéron avec le titre de lege agraria : elles sont contre Rullus, tribun du peuple, qui vouloit que les terres conquises fussent vendues à l'encan, & non distribuées aux citoyens. L'exorde de la seconde est admirable. (H)


AGRANIESAGRIANIES, ou AGRIONIES, (Hist. anc. Myth.) fêtes instituées à Argos en l'honneur d'une fille de Proëtus. Plutarque décrit ainsi cette fête. Les femmes y cherchent Bacchus, & ne le trouvant pas, elles cessent leurs poursuites, disant qu'il s'est retiré près des Muses. Elles soupent ensemble, & après le repas elles se proposent des énigmes ; mystere qui signifioit que l'érudition & les Muses doivent accompagner la bonne chere ; & si l'ivresse y survient, sa fureur est cachée par les Muses, qui la retiennent chez elles, c'est-à-dire, qui en répriment l'excès. On célébroit ces fêtes pendant la nuit, & l'on y portoit des ceintures & des couronnes de lierre, arbuste consacré à Bacchus & aux Muses.


AGRAULIESou AGLAURIES, (Hist. anc. Myth.) fêtes ainsi nommées parce qu'elles devoient leur institution aux Agraules, peuples de l'Attique de la tribu Evertheïde, qui avoit pris leur nom d'Agraule ou Aglaure, fille du roi Cecrops. On en ignore les cérémonies, & l'on sait seulement qu'elles se faisoient en honneur de Minerve. (G)

* AGRAULIES, (Myth.) fêtes qu'on célébroit en l'honneur de Minerve. Elles étoient ainsi nommées des Agraules, peuple de l'Attique de la tribu Erectheide, qui les avoient instituées.


AGRÉABLEGRACIEUX, considérés grammaticalement. L'air & les manieres, dit M. l'abbé Girard, rendent gracieux. L'esprit & l'humeur rendent agréable. On aime la rencontre d'un homme gracieux ; il plaît. On recherche la compagnie d'un homme agréable ; il amuse. Les personnes polies sont toûjours gracieuses. Les personnes enjoüées sont ordinairement agréables. Ce n'est pas assez pour la société d'être d'un abord gracieux, & d'un commerce agréable. On fait une réception gracieuse. On a la conversation agréable. Il semble que les hommes sont gracieux par l'air, & les femmes par les manieres.

Le gracieux & l'agréable ne signifient pas toûjours des qualités personnelles. Le gracieux se dit quelquefois de ce qui flatte les sens & l'amour propre ; & l'agréable, de ce qui convient au goût & à l'esprit. Il est gracieux d'avoir de beaux objets devant soi ; rien n'est plus agréable que la bonne compagnie. Il peut être dangereux d'approcher de ce qui est gracieux, & d'user de ce qui est agréable. On naît gracieux, l'on fait l'agréable.


AGRÉAGE(Comm.) on nomme ainsi à Bourdeaux, ce qu'ailleurs on appelle courtage. Voyez COURTAGE. (H)


AGREDA(Géog.) ville d'Espagne dans la vieille Castille. Long. 15-54. lat. 41-53.

* AGREDA, (Géog.) ville de l'Amérique méridionale, au royaume de Popaïan.


AGRÉERv. act. (Marine.) on dit agréer un vaisseau ; c'est l'équiper de ses manoeuvres, cordages, toiles, poulies, vergues, ancres, cables, en un mot de tout ce qui est nécessaire pour le mettre en état de naviger.


AGRÉEURsubst. m. (Marine.) c'est ainsi qu'on nomme celui qui agrée le vaisseau qui passe le funin, frappe les poulies, oriente les vergues, & met tout en bon ordre, & en état de faire manoeuvre.


AGREILSAGREZ, AGREZILS, s. m. pl. (Marine.) On entend par ce mot les cordages, poulies, vergues, voiles, caps de mouton, cables, ancres, & tout ce qui est nécessaire pour naviger. Sur la Méditerranée, quelques-uns se servent du mot sortil. On dit rarement agrezils. (Z)


AGRÉMENSS. m. (Passement.) On comprend sous ce nom tous les ouvrages de mode qui servent à l'ornement des robes des dames ; ces ouvrages sont momentanées, c'est-à-dire sujets à des variations infinies, qui dépendent souvent ou du goût des femmes, ou de la fantaisie du fabriquant. C'est pourquoi il n'est guere possible de donner une idée parfaite & détaillée de tous ces ouvrages ; ils seroient hors de mode avant que le détail en fût achevé : on en dira seulement le plus essentiel & le moins sujet au changement. On doit l'origine de ces sortes d'agrémens au seul métier de Rubanerie, qui est l'unique en possession du bas métier : cet ouvrage a été connu seulement dans son principe sous le nom de soucis d'hannetons, dont la fabrique a été d'abord fort simple, & est aujourd'hui extrèmement étendue. Nous allons en détailler une partie qui fera connoître l'importance de ce seul objet : premierement, c'est sur le bas métier annoncé plus haut, que s'operent toutes les petites merveilles dont nous rendons compte : ce bas métier est une simple planche bien corroyée, longue de deux piés & demi sur un pié de large. Vers les deux extrémités de cette planche sont deux trous dans lesquels entrent deux montans, sur l'un desquels est placée une pointe aiguë & polie, qui servira à la tension de l'ouvrage à faire ; c'est sur l'autre que sont mises les soies à employer : enfin on peut dire qu'il ressemble parfaitement au métier des Perruquiers, & peut, comme lui, être placé sur les genoux. Les soies sont tendues sur ce métier, & elles y font l'effet de la chaîne des autres ouvrages ; on tient ces soies ouvertes par le moyen d'un fuseau de buis qu'on y introduit, & dont la tête empêche sa sortie à-travers d'elles ; ce fuseau, outre qu'il tient ces soies ouvertes, leur sert encore de contrepoids dans le cas où les montans, par leur mouvement, occasionneroient du lâche. C'est par les différens passages & entrelacemens des soies contenues sur le petit canon qui sert de navette, passages & entrelacemens qui font l'office de la trame, que sont formés différens noeuds, dans divers espaces variés à l'infini, & dont on fera l'usage qui sera décrit ci-après. Quand une longueur contenue entre les deux montans dont on a parlé plus haut, se trouve ainsi remplie de noeuds, elle est enroulée sur le montant à pointe & fait place à une autre longueur qui sera fixée comme celle-ci sur cette pointe ; ce premier ouvrage ainsi fait jusqu'au bout, est ensuite coupé entre le milieu de deux noeuds, pour être de nouveau employé à l'usage qu'on lui destine. Ces noeuds ainsi coupés sont appellés noeuds simples, & forment deux especes de petites touffes de soie, dont le noeud fait la jonction. De ces noeuds sont formés, toûjours à l'aide de la chaîne, d'autres ouvrages d'abord un peu plus étendus, appellés travers ; puis encore d'autres encore plus étendus appellés quadrille : cette quantité d'opérations tendent toutes à donner la perfection à chaque partie & au tout qu'on en formera. C'est du génie & du goût de l'ouvrier que dépendent les différens arrangemens des parties dont on vient de parler : c'est à lui à faire valoir le tout par la variété des desseins, par la diversité des couleurs artistement unies, par l'imitation des fleurs naturelles, & d'autres objets agréables. Ces ouvrages regardés souvent avec trop d'indifférence, forment cependant des effets très-galans, & ornent parfaitement les habillemens des dames : on les employe encore sur des vestes ; on en forme des aigrettes, pompons, bouquets à mettre dans les cheveux, bouquets de côté, brasselets, ornemens de coeffures & de bonnets, &c. On y peut employer la chenille, le cordonnet, la milanese & autres. Quant à la matiere, l'or, l'argent, les perles, la soie, peuvent y entrer lorsqu'il est question d'en former des franges. La derniere main d'oeuvre s'opere sur le haut métier à basses lisses & à plate navette, & par le secours d'une nouvelle & derniere chaîne. Il y a de ces agrémens appellés fougere, parce qu'ils représentent cette plante ; il y a presqu'autant de noms que d'ouvrages différens. Nous en donnerons quelques-uns à leurs articles, avec la description du métier appliqué à une figure.


AGRÉMENTS. m. en Droit, signifie consentement ou ratification ; consentement, lorsqu'on adhere à un acte ou contract d'avance, ou dans le tems même qu'il se fait ; ratification, lorsqu'on y adhere après coup. (H)


AGRERE(Géog.) petite ville de France dans le haut Vivarez, au pié des Monts.


AGRIA(Géog.) en Allemagne, ville de la haute-Hongrie sur la riviere d'Agria. Long. 37. lat. 47. 30.


AGRICULTURES. f. (Ordre encycl. Histoire de la Nature. Philos. Science de la Nat. Botan. Agricult.) L'agriculture est, comme le mot le fait assez entendre, l'art de cultiver la terre. Cet art est le premier, le plus utile, le plus étendu, & peut-être le plus essentiel des arts. Les Egyptiens faisoient honneur de son invention à Osiris ; les Grecs à Cerès & à Triptoleme son fils ; les Italiens à Saturne ou à Janus leur roi, qu'ils placerent au rang des dieux en reconnoissance de ce bienfait. L'agriculture fut presque l'unique emploi des patriarches, les plus respectables de tous les hommes par la simplicité de leurs moeurs, la bonté de leur ame, & l'élévation de leurs sentimens. Elle a fait les délices des plus grands hommes chez les autres peuples anciens. Cyrus le jeune avoit planté lui-même la plûpart des arbres de ses jardins, & daignoit les cultiver ; & Lisandre de Lacédemone, & l'un des chefs de la République, s'écrioit à la vûe des jardins de Cyrus : O prince, que tous les hommes vous doivent estimer heureux, d'avoir sû joindre ainsi la vertu à tant de grandeur & de dignité ! Lisandre dit la vertu, comme si l'on eût pensé dans ces tems qu'un monarque agriculteur ne pouvoit manquer d'être un homme vertueux ; & il est constant du moins qu'il doit avoir le goût des choses utiles & des occupations innocentes. Hiéron de Syracuse, Attalus, Philopator de Pergame, Archelaüs de Macédoine, & une infinité d'autres, sont loués par Pline & par Xenophon, qui ne loüoient pas sans connoissance, & qui n'étoient pas leurs sujets, de l'amour qu'ils ont eu pour les champs & pour les travaux de la campagne. La culture des champs fut le premier objet du législateur des Romains ; & pour en donner à ses sujets la haute idée qu'il en avoit lui-même, la fonction des premiers prêtres qu'il institua, fut d'offrir aux dieux les prémices de la terre, & de leur demander des récoltes abondantes. Ces prêtres étoient au nombre de douze ; ils étoient appellés Arvales, de arva, champs, terres labourables. Un d'entr'eux étant mort, Romulus lui-même prit sa place ; & dans la suite on n'accorda cette dignité qu'à ceux qui pouvoient prouver une naissance illustre. Dans ces premiers tems, chacun faisoit valoir son héritage, & en tiroit sa subsistance. Les consuls trouverent les choses dans cet état, & n'y firent aucun changement. Toute la campagne de Rome fut cultivée par les vainqueurs des nations. On vit pendant plusieurs siecles, les plus célebres d'entre les Romains, passer de la campagne aux premiers emplois de la république, &, ce qui est infiniment plus digne d'être observé, revenir des premiers emplois de la république aux occupations de la campagne. Ce n'étoit point indolence ; ce n'étoit point dégoût des grandeurs, ou éloignement des affaires publiques : on retrouvoit dans les besoins de l'état nos illustres agriculteurs, toûjours prêts à devenir les défenseurs de la patrie. Serranus semoit son champ, quand on l'appella à la tête de l'armée Romaine ; Quintius Cincinnatus labouroit une piece de terre qu'il possédoit au-delà du Tibre, quand il reçut ses provisions de dictateur ; Quintius Cincinnatus quitta ce tranquille exercice, prit le commandement des armées, vainquit les ennemis, fit passer les captifs sous le joug, reçut les honneurs du triomphe, & fut à son champ au bout de seize jours. Tout dans les premiers tems de la république & les plus beaux jours de Rome, marqua la haute estime qu'on y faisoit de l'agriculture : les gens riches, locupletes, n'étoient autre chose que ce que nous appellerions aujourd'hui de gros laboureurs & de riches fermiers. La premiere monnoie, pecunia à pecu, porta l'empreinte d'un mouton ou d'un boeuf, comme symboles principaux de l'opulence : les registres des questeurs & des censeurs s'appelloient pascua. Dans la distinction des citoyens Romains, les premiers & les plus considérables furent ceux qui formoient les tribus rustiques, rusticae tribus : c'étoit une grande ignominie, d'être réduit, par le défaut d'une bonne & sage économie de ses champs, au nombre des habitans de la ville & de leurs tribus, in tribu urbana. On prit d'assaut la ville de Carthage : tous les livres qui remplissoient ses bibliotheques furent donnés en présent à des princes amis de Rome ; elle ne se réserva pour elle que les vingt-huit livres d'agriculture du capitaine Magon. Decius Syllanus fut chargé de les traduire ; & l'on conserva l'original & la traduction avec un très-grand soin. Le vieux Caton étudia la culture des champs, & en écrivit : Cicéron la recommande à son fils, & en fait un très-bel éloge : Omnium rerum, lui dit-il, ex quibus aliquid exquisitur, nihil est agriculturâ melius, nihil uberius, nihil dulcius, nihil homine libero dignius. " De tout ce qui peut être entrepris ou recherché, rien au monde n'est meilleur, plus utile, plus doux, enfin plus digne d'un homme libre, que l'agriculture ". Mais cet éloge n'est pas encore de la force de celui de Xénophon. L'agriculture naquit avec les lois & la société ; elle est contemporaine de la division des terres. Les fruits de la terre furent la premiere richesse : les hommes n'en connurent point d'autres, tant qu'ils furent plus jaloux d'augmenter leur félicité dans le coin de terre qu'ils occupoient, que de se transplanter en différens endroits pour s'instruire de bonheur ou du malheur des autres : mais aussi-tôt que l'esprit de conquête eut aggrandi les sociétés & enfanté le luxe, le commerce, & toutes les autres marques éclatantes de la grandeur & de la méchanceté des peuples ; les métaux devinrent la représentation de la richesse, l'agriculture perdit de ses premiers honneurs ; & les travaux de la campagne abandonnés à des hommes subalternes, ne conserverent leur ancienne dignité que dans les chants des Poëtes. Les beaux esprits des siecles de corruption, ne trouvant rien dans les villes qui prêtât aux images & à la peinture, se répandirent encore en imagination dans les campagnes, & se plurent à retracer les moeurs anciennes, cruelle satyre de celles de leur tems : mais la terre sembla se venger elle-même du mépris qu'on faisoit de sa culture. " Elle nous donnoit autrefois, dit Pline, ses fruits avec abondance ; elle prenoit, pour ainsi dire, plaisir d'être cultivée par des charrues couronnées par des mains triomphantes ; & pour correspondre à cet honneur, elle multiplioit de tout son pouvoir ses productions. Il n'en est plus de même aujourd'hui ; nous l'avons abandonnée à des fermiers mercenaires ; nous la faisons cultiver par des esclaves ou par des forçats ; & l'on seroit tenté de croire qu'elle a ressenti cet affront ". Je ne sai quel est l'état de l'agriculture à la Chine : mais le pere du Halde nous apprend que l'empereur, pour en inspirer le goût à ses sujets, met la main à la charrue tous les ans une fois ; qu'il trace quelques sillons ; & que les plus distingués de sa cour lui succedent tour-à-tour au même travail & à la même charrue.

Ceux qui s'occupent de la culture des terres sont compris sous les noms de laboureurs, de laboureurs fermiers, sequestres, économes, & chacune de ces dénominations convient à tout seigneur qui fait valoir ses terres par ses mains, & qui cultive son champ. Les prérogatives qui ont été accordées de tout tems à ceux qui se sont livrés à la culture des terres, leur sont communes à tous. Ils sont soûmis aux mêmes lois, & ces lois leur ont été favorables de tour tems ; elles se sont même quelquefois étendues jusqu'aux animaux qui partageoient avec les hommes les travaux de la campagne. Il étoit défendu par une loi des Athéniens, de tuer le boeuf qui sert à la charrue ; il n'étoit pas même permis de l'immoler en sacrifice. " Celui qui commettra cette faute, ou qui volera quelques outils d'agriculture, sera puni de mort ". Un jeune Romain accusé & convaincu d'avoir tué un boeuf, pour satisfaire à la bisarrerie d'un ami, fut condamné ou bannissement, comme s'il eût tué son propre métayer, ajoûte Pline.

Mais ce n'étoit pas assez que de protéger par des lois les choses nécessaires au labourage, il falloit encore veiller à la tranquillité & à la sûreté du laboureur & de tout ce qui lui appartient. Ce fut par cette raison que Constantin le Grand défendit à tout créancier de saisir pour dettes civiles les esclaves, les boeufs, & tous les instrumens du labour. " S'il arrive aux créanciers, aux cautions, aux juges mêmes, d'enfreindre cette loi, ils subiront une peine arbitraire à laquelle ils seront condamnés par un juge supérieur ". Le même prince étendit cette défense par une autre loi, & enjoignit aux receveurs de ses deniers, sous peine de mort, de laisser en paix le laboureur indigent. Il concevoit que les obstacles qu'on apporteroit à l'agriculture diminueroient l'abondance des vivres & du commerce, & par contre-coup l'étendue de ses droits. Il y eut un tems où l'habitant des provinces étoit tenu de fournir des chevaux de poste aux couriers, & des boeufs aux voitures publiques ; Constantin eut l'attention d'excepter de ces corvées le cheval & le boeuf servant au labour. " Vous punirez séverement, dit ce prince à ceux à qui il en avoit confié l'autorité, quiconque contreviendra à ma loi. Si c'est un homme d'un rang qui ne permette pas de sévir contre lui, dénoncez-le moi, & j'y pourvoirai : s'il n'y a point de chevaux ou de boeufs que ceux qui travaillent aux terres, que les voitures & les couriers attendent ". Les campagnes de l'Illyrie étoient desolées par de petits seigneurs de villages qui mettoient le laboureur à contribution, & le contraignoient à des corvées nuisibles à la culture des terres : les empereurs Valens & Valentinien instruits de ces desordres, les arrêterent par une loi qui porte exil perpétuel & confiscation de tous biens contre ceux qui oseront à l'avenir exercer cette tyrannie.

Mais les lois qui protegent la terre, le laboureur & le boeuf, ont veillé à ce que le laboureur remplît son devoir. L'empereur Pertinax voulut que le champ laissé en friche appartînt à celui qui le cultiveroit ; que celui qui le défricheroit fût exempt d'imposition pendant dix ans ; & s'il étoit esclave, qu'il devînt libre. Aurélien ordonna aux magistrats municipaux des villes d'appeller d'autres citoyens à la culture des terres abandonnées de leur domaine, & il accorda trois ans d'immunité à ceux qui s'en chargeroient. Une loi de Valentinien, de Théodose & d'Arcade, met le premier occupant en possession des terres abandonnées, & les lui accorde sans retour, si dans l'espace de deux ans personne ne les reclame : mais les ordonnances de nos rois ne sont pas moins favorables à l'agriculture que les lois Romaines.

Henri III. Charles IX. Henri IV. se sont plûs à favoriser par des reglemens les habitans de la campagne. Ils ont tous fait défenses de saisir les meubles, les harnois, les instrumens & les bestiaux du Laboureur. Louis XIII. & Louis XIV. les ont confirmés. Cet article n'auroit point de fin, si nous nous proposions de rapporter toutes les ordonnances relatives à la conservation des grains depuis la semaille jusqu'à la récolte. Mais ne sont-elles pas toutes bien justes ? Est-il quelqu'un qui voulût se donner les fatigues & faire toutes les dépenses nécessaires à l'agriculture, & disperser sur la terre le grain qui charge son grenier, s'il n'attendoit la récompense d'une heureuse moisson ?

La loi de Dieu donna l'exemple. Elle dit : " Si l'homme fait du dégât dans un champ ou dans une vigne en y laissant aller sa bête, il réparera ce dommage aux dépens de son bien le meilleur. Si le feu prend à des épines & gagne un amas de gerbes, celui qui aura allumé ce feu supportera la perte ". La loi des hommes ajoûta : " Si quelque voleur de nuit dépouille un champ qui n'est pas à lui, il sera pendu, s'il a plus de quatorze ans ; il sera battu de verges, s'il est plus jeune, & livré au propriétaire du champ, pour être son esclave jusqu'à ce qu'il ait réparé le dommage, suivant la taxe du préteur. Celui qui mettra le feu à un tas de blé, sera foüetté & brûlé vif. Si le feu y prend par sa négligence, il payera le dommage, ou sera battu de verges, à la discrétion du préteur ".

Nos princes n'ont pas été plus indulgens sur le dégât des champs. Ils ont prétendu qu'il fût seulement réparé, quand il étoit accidentel ; & réparé & puni, quand il étoit médité. " Si les bestiaux se répandent dans les blés, ils seront saisis, & le berger sera châtié ". Il est défendu, même aux gentilshommes, de chasser dans les vignes, dans les blés, dans les terres ensemencées. Voyez l'Edit d'Henri IV. à Follembray, 12 Janvier 1599. Voyez ceux de Louis XIV. Août 1689. & 20 Mai 1704. Ils ont encore favorisé la récolte en permettant d'y travailler même les jours de fêtes. Mais nous renvoyons à l'article GRAIN & à d'autres articles, ce qui a rapport à la récolte, à la vente, au commerce, au transport, à la police des grains, & nous passons à la culture des terres.

Pour cultiver les terres avec avantage, il importe d'en connoître la nature : telle terre demande une façon, telle autre une autre ; celle-ci une espece de grains, celle-là une autre espece. On trouvera à l'article TERRE & TERROIR en général ce qui y a rapport, & aux plantes différentes le terroir & la culture qu'elles demandent : nous ne réserverons ici que ce qui concerne l'agriculture en général, ou le labour.

1. Proportionnez vos bêtes & vos ustensiles, le nombre, la profondeur, la figure, la saison des labours & des repos, à la qualité de vos terres & à la nature de votre climat.

2. Si votre domaine est de quelqu'étendue, divisez-le en trois parties égales ou à-peu-près ; c'est ce qu'on appelle mettre ses terres en soles.

Semez l'une de ces trois parties en blé, l'autre en avoine & menus grains qu'on appelle mars, & laissez la troisieme en jachere.

3. L'année suivante, semez la jachere en blé : changez en avoine celle qui étoit en blé, & mettez en jachere celle qui étoit en avoine.

Cette distribution rendra le tribut des années, le repos & le travail des terres à-peu-près égaux, si l'on combine la bonté des terres avec leur étendue. Mais le laboureur prudent, qui ne veut rien laisser au hasard, aura plus d'égard à la qualité des terres, qu'à la peine de les cultiver ; & la crainte de la disette le déterminera plûtôt à fatiguer considérablement une année, afin de cultiver une grande étendue des terres ingrates, & égaliser ses années en revenus, que d'avoir des revenus inégaux en égalisant l'étendue de ses labours ; & il ne se mettra que le moins qu'il pourra dans le cas de dire, ma sole de blé est forte ou foible cette année.

4. Ne dessolez point vos terres, parce que cela vous est défendu, & que vous ne trouveriez pas votre avantage à les faire porter plus que l'usage & un bon labourage ne le permettent.

5. Vous volerez votre maître, si vous êtes fermier, & que vous décompotiez contre sa volonté, & contre votre bail. Voyez DECOMPOTER.

Terres à blé. Vous donnerez trois façons à vos terres à blé avant que de les ensemencer, soit de froment, soit de méteil, soit de seigle : ces trois façons vous les donnerez pendant l'année de jachere. La premiere aux environs de la Saint-Martin, ou après la semaille des menus grains vers Pâques : mais elle est plus avantageuse & plus d'usage en automne. Elle consiste à ouvrir la terre & à en détruire les mauvaises herbes : cela s'appelle faire la cassaille, ou sombrer, ou égerer, ou jacherer, ou lever le guéret, ou guerter, ou mouvoir, ou casser, tourner, froisser les jacheres. Ce premier labour n'est guere que de quatre doigts de profondeur, & les sillons en sont serrés : il y a pourtant des provinces où l'on croit trouver son avantage à le donner profond. Chacun a ses raisons. On retourne en terre par cette façon le chaume de la dépouille précédente, à moins qu'on n'aime mieux y mettre le feu. Si on y a mis le feu, on laboure sur la cendre, ou bien on brûle le chaume, comme nous venons de dire, ou on l'arrache pour en faire des meules, & l'employer ensuite à différens usages ; ou on le retourne, en écorchant legerement la terre. Dans ce dernier cas, on lui donne le tems de pourrir, & au mois de Décembre on retourne au champ avec la charrue, & on lui donne le premier des trois véritables labours : ce labour est profond, & s'appelle labour en plante. Il est suivi de l'émotage qui se fait avec le casse-motte, mais plus souvent avec une forte herse garnie de fortes dents de fer. Il faut encore avoir soin d'ôter les pierres ou d'épierrer, d'ôter les souches ou d'essarter les ronces, les épines, &c.

Le second labour s'appelle binage ; quand on a donné la premiere façon avant l'hyver, on bine à la fin de l'hyver ; si on n'a donné la premiere façon qu'après l'hyver, on bine six semaines ou un mois après. On avance ou on recule ce travail, suivant la température de l'air ou la force des terres. Il faut que ce labour soit profond.

Le troisieme labour s'appelle ou tierçage ou rebinage. On fume les terres avant que de le donner, si on n'y a pas travaillé plûtôt. Il doit être profond quand on ne donne que trois façons ; on le donne quand l'herbe commence à monter sur le gueret, & qu'on est prêt à l'emblaver, & tout au plus huit à quinze jours avant.

Comme il faut qu'il y ait toûjours un labour avant la semaille, il y a bien des terres qui demandent plus de trois labours. On donne jusqu'à quatre à cinq labours aux terres fortes, à mesure que les herbes y viennent ; quand la semaille est précédée d'un quatrieme labour, ce labour est leger ; il s'appelle traverser. On ne traverse point les terres glaiseuses, enfoncées, & autres d'où les eaux s'écoulent difficilement. Quand on donne plus de trois labours, on n'en fait guere que deux ou trois pleins ; deux l'hyver, un avant la semaille : les autres ne sont proprement que des demi-labours qui se font avec le soc simple, sans coutre & sans oreilles.

Terres à menus grains. On ne laisse reposer ces terres depuis le mois de Juillet ou d'Août qu'elles ont été dépouillées de blé, que jusqu'en Mars qu'on les ensemence de menus grains. On ne leur donne qu'un ou deux labours, l'un avant l'hyver, l'autre avant de semer. Ceux qui veulent amender ces terres y laissent le chaume, ou le brûlent : ils donnent le premier labour aux environs de la Saint-Martin, & le second vers le mois de Mars.

On n'employe en France que des chevaux ou des boeufs. Le boeuf laboure plus profondément, commence plûtôt, finit plus tard, est moins maladif, coûte moins en nourriture & en harnois, & se vend quand il est vieux : il faut les accoupler serrés, afin qu'ils tirent également. On se sert de bufles en Italie, d'ânes en Sicile ; il faut prendre ces animaux jeunes, gras, vigoureux, &c.

1. N'allez point aux champs sans connoître le fonds, sans que vos bêtes soient en bon état, & sans quelque outil tranchant. La terre n'est bonne que quand elle a dix-huit pouces de profondeur.

2. Choisissez un tems convenable ; ne labourez ni trop tôt ni trop tard ; c'est la premiere façon qui décidera des autres quant aux terres.

3. Ne labourez point quand la terre est trop seche : ou vous ne feriez que l'égratigner par un labour superficiel, ou vous dissiperiez sa substance par un labour profond. Le labour fait dans les grandes chaleurs doit être suivi d'un demi-labour avant la semaille.

4. Si vous labourez par un tems trop mou, la terre chargée d'eau se mettra en mortier ; ensorte que ne devenant jamais meuble, la semence s'y porteroit mal. Prenez le tems que la terre est adoucie, après les pluies ou les brouillards.

5. Renouvellez les labours quand les herbes commencent à pointer, & donnez le dernier peu de tems avant la semaille.

6. Labourez fortement les terres grasses, humides & fortes, & les novales ; legerement les terres sablonneuses, pierreuses, seches, & legeres, & non à vive jauge.

7. Ne poussez point vos sillons trop loin, vos bêtes auront trop à tirer d'une traite. On dit qu'il seroit bon que les terres fussent partagées en quartiers, chacun de quarante perches de long au plus pour les chevaux, & de cent cinquante piés au plus pour les boeufs ; ne les faites reposer qu'au bout de la raie.

8. Si vous labourez sur une colline, labourez horisontalement, & non verticalement.

9. Labourez à plat & uniment dans les pays où vos terres auront besoin de l'arrosement des pluies. Labourez en talus, à dos d'âne, & en sillons hauts, les terres argilleuses & humides. On laisse dans ces derniers cas un grand sillon aux deux côtés du champ pour recevoir & décharger les eaux.

10. Que vos sillons soient moins larges, moins unis & plus élevés, dans les terres humides que dans les autres. Si vos sillons sont étroits, & qu'ils n'ayent que quatorze à quinze pouces de largeur sur treize à quatorze de hauteur, labourez du midi au nord, afin que vos grains ayent le soleil des deux côtés. Cette attention est moins nécessaire si vos sillons sont plats. Si vous labourez à plat & en planches des terres humides, n'oubliez pas de pratiquer au milieu de la planche un sillon plus profond que les autres, qui reçoive les eaux. Il y a des terres qu'on laboure à uni, sans sillons ni planches, & où l'on se contente de verser toutes les raies du même côté, en ne prenant la terre qu'avec l'oreille de la charrue ; ensorte qu'après le labour on n'apperçoit point d'enrue ; on se sert alors d'une charrue à tourne-oreille.

11. Sachez que les sillons porte-eaux ne sont permis que quand ils ne font point de tort aux voisins, & qu'ils sont absolument nécessaires.

12. Donnez le troisieme labour de travers, afin que votre terre émotée en tout sens se nettoye plus facilement de pierres, & s'imbibe plus aisément des eaux de pluie.

13. Que votre dernier labour soit toûjours plus profond que le précédent ; que vos sillons soient pressés. Changez rarement de soc : ne donnez point à la même terre deux fois de suite la même sorte de grains : ne faites point labourer à prix d'argent ; si vous y êtes forcé, veillez à ce que votre ouvrage se fasse bien.

14. Ayez une bonne charrue. Voyez à l'article CHARRUE, une casse-motte, une herse, des pioches, &c.

Voulez-vous connoître le travail de votre année ? le voici.

En Janvier. Dépouillez les gros légumes ; retournez les jacheres ; mettez en oeuvre les chanvres & lins ; nettoyez, raccommodez vos charrettes, tombereaux, & apprêtez des échalas & des osiers ; coupez les saules & les peupliers ; relevez les fossés ; façonnez les haies ; remuez les terres des vignes ; fumez ceux des arbres fruitiers qui languiront ; émondez les autres ; essartez les prés ; battez les grains ; retournez le fumier ; labourez les terres legeres & sablonneuses qui ne l'ont pas été à la Saint-Martin : quand il fera doux, vous recommencerez à planter dans les vallées. Entez les arbres & arbrisseaux hâtifs ; enterrez les cormes, amandes, noix, &c. faites tiller le chanvre & filer ; faites faire des fagots & du menu bois ; faites couver les poules qui demanderont ; marquez les agneaux que vous garderez ; salez le cochon. Si vous êtes en pays chaud, rompez les guérets ; préparez les terres pour la semaille de Mars, &c.

En Février. Continuez les ouvrages précédens ; plantez la vigne ; curez, taillez, échaladez les vignes plantées ; fumez les arbres, les champs, les prés, les jardins, & les couches ; habillez les prairies ; élaguez les arbres ; nettoyez-les de feuilles mortes, de vers, de mousse, d'ordure, &c. donnez la façon aux terres que vous semerez en Mars, sur-tout à celles qui sont en côteaux : vous semerez l'avoine, si vous écoutez le proverbe. Semez les lentilles, les pois chiches, le chanvre, le lin, le pastel ; préparez les terres à sainfoin ; visitez vos vins s'ils sont délicats ; plantez les bois, les taillis, les rejettons ; nettoyez le colombier, le poulaillier, &c. repeuplez la garenne ; raccommodez les terriers ; achetez des ruches & des mouches. Si votre climat est chaud, liez la vigne à l'échalas ; réchauffez les piés des arbres ; donnez le verrat aux truies, sinon attendez.

En Mars. Semez les petits blés, le lin, les avoines, & les mars ; achevez de tailler & d'échalader les vignes ; donnez tout le premier labour ; faites les fagots de sarmens ; soûtirez les vins ; donnez la seconde façon aux jacheres ; sarclez les blés ; semez les olives, & autres fruits à noyau ; dressez des pepinieres ; greffez les arbres avant qu'ils bourgeonnent ; mettez vos jardins en état ; semez la lie d'olive sur les oliviers languissans ; défrichez les prés ; achetez des boeufs, des veaux, des genisses, des poulains, des taureaux, &c.

En Avril. Continuez de semer les mars & le sainfoin ; labourez les vignes & les terres qui ne l'ont pas encore été ; greffez les arbres fruitiers ; plantez les oliviers ; greffez les autres ; taillez la vigne nouvelle ; donnez à manger aux pigeons, car ils ne trouveront plus rien ; donnez l'étalon aux cavales, aux ânesses, & aux brebis ; nourrissez bien les vaches qui vêlent ordinairement dans ce tems ; achetez des mouches ; cherchez-en dans les bois ; nettoyez les ruches, & faites la chasse aux papillons.

En Mai. Semez le lin, le chanvre, la navette, le colsa, le millet, & le panis, si vous êtes en pays froid ; plantez le safran ; labourez les jacheres ; sarclez les blés ; donnez le second labour & les soins nécessaires à la vigne ; ôtez les pampres & les sarmens sans fruit ; coupez les chênes & les aunes pour qu'ils pelent ; émondez & entez les oliviers ; soignez les mouches à miel, & plus encore les vers à soie ; tondez les brebis ; faites beurre & fromage ; remplissez vos vins ; châtrez vos veaux ; allez chercher dans les forêts du jeune feuillage pour vos bestiaux.

En Juin. Continuez les labours & les semailles des mois précédens : ébourgeonnez & liez la vigne ; continuez de soigner les mouches, & de châtrer les veaux ; faites provision de beurre & de fromage. Si vous êtes en pays froid, tondez vos brebis ; donnez le deuxieme labour aux jacheres ; charriez les fumiers & la marne ; préparez & nettoyez l'aire de la grange ; châtrez les mouches à miel, tenez leurs ruches nettes ; fauchez les prés, & autres verdages ; fanez le foin ; recueillez les légumes qui sont en maturité ; sciez sur la fin du mois vos orges quarrés. En Italie, vous commencerez à dépouiller vos fromens ; partout vous vous disposerez à la moisson ; battez du blé pour la semaille ; dépouillez les cerisiers ; amassez des claies, & parquez les bestiaux.

En Juillet. Achevez de biner les jacheres ; continuez de porter les fumiers ; dépouillez les orges de primeur, les navettes, colsas, lins, vers à soie, récoltes, les légumes d'été ; serrez ceux d'hyver ; donnez le troisieme labour à la vigne ; ôtez le chiendent ; unissez la terre pour conserver les racines ; déchargez les pommiers & les poiriers des fruits gâtés & superflus ; ramassez ceux que les vents auront abattus, & faites-en du cidre de primeur ; faites couvrir vos vaches ; visitez vos troupeaux ; coupez les foins ; vuidez & nettoyez vos granges ; retenez des moissonneurs : en climat chaud, achetez à vos brebis des béliers, & rechaussez les arbres qui sont en plein vent.

En Août. Achevez la moisson, arrachez le chanvre ; faites le verjus ; en pays froid, effeuillez les seps tardifs ; en pays chaud, ombragez-les ; commencez à donner le troisieme labour aux jacheres ; battez le seigle pour la semaille prochaine, continuez de fumer les terres ; cherchez des sources, s'il vous en faut, vous aurez de l'eau toute l'année, quand vous en trouverez en Août ; faites la chasse aux guêpes ; mettez le feu dans les patis pour en consumer les mauvaises herbes ; préparez vos pressoirs, vos cuves, vos tonneaux, & le reste de l'attirail de la vendange.

En Septembre. Achevez de dépouiller les grains & les chanvres, & de labourer les jacheres ; fumez les terres ; retournez le fumier ; fauchez la deuxieme coupe des prés ; cueillez le houblon, le senevé, les pommes, les poires, les noix, & autres fruits d'automne ; ramassez le chaume pour couvrir vos étables ; commencez à semer les seigles, le méteil & même le froment ; coupez les riz & les millets ; cueillez & préparez le pastel & la garence ; vendangez sur la fin du mois. En pays chaud, semez les pois, la vesce, le sénegré, la dragée, &c. cassez les terres pour le sainfoin ; faites de nouveaux prés ; raccommodez les vieux ; semez les lupins, & autres grains de la même nature ; & faites amas de cochons maigres pour la glandée.

En Octobre. Achevez votre vendange & vos vins, & la semaille des blés ; recueillez le miel & la cire ; nettoyez les ruches ; achevez la récolte du safran ; serrez les orangers ; semez les lupins, l'orge quarré, les pois, les féverolles, l'hyvernache ; faites le cidre & le résiné ; plantez les oliviers ; déchaussez ceux qui sont en pié ; confisez les olives blanches ; commencez sur la fin de ce mois à provigner la vigne, à la rueller, si c'est l'usage ; veillez aux vins nouveaux ; commencez à abattre les bois, à tirer la marne & à planter. En pays chaud, depuis le 10 jusqu'au 23, vous semerez le froment ras & barbu, & même le lin qu'on ne met ici en terre qu'au printems.

En Novembre. Continuez les cidres ; abattez les bois ; plantez ; provignez & déchaussez la vigne ; amassez les olives quand elles commencent à changer de couleur ; tirez-en les premieres huiles ; plantez les oliviers, taillez les autres ; semez de nouveaux piés ; récoltez les marons & chataignes, la garence & les osiers ; serrez les fruits d'automne & d'hyver ; amassez du gland pour le cochon, serrez les raves ; ramassez & faites sécher des herbes pour les bestiaux ; charriez les fumiers & la marne ; liez les vignes ; rapportez & serrez les échalas ; coupez les branches de saules ; taillez-les ou fendez ; faites l'huile de noix ; commencez à tailler la vigne ; émondez les arbres ; coupez les bois à bâtir & à chauffer ; nettoyez les ruches, & visitez vos serres & vos fruiteries. On a dans un climat chaud des moutons dès ce mois ; on lâche le bouc aux chevres ; on seme le blé ras & barbu, les orges, les féves & le lin. En pays froid & tempéré, cette semaille ne se fait qu'en Mars.

En Décembre. Défrichez les bois ; coupez-en pour bâtir & chauffer ; fumez & marnez vos terres ; battez votre blé ; faites des échalas, des paniers de jonc & d'osier, des rateaux, des manches ; préparez vos outils ; raccommodez vos harnois & vos ustensiles ; tuez & salez le cochon ; couvrez de fumier les piés des arbres & les légumes que vous voulez garder jusqu'au printems ; visitez vos terres ; étêtez vos peupliers & vos autres arbres, si vous voulez qu'ils poussent fortement au printems ; tendez des rets & des piéges, & recommencez votre année. Voyez le détail de chacune de ces opérations à leurs articles.

Voilà l'année, le travail, & la maniere de travailler de nos laboureurs. Mais un auteur Anglois a proposé un nouveau système d'agriculture que nous allons expliquer, d'après la traduction que M. Duhamel nous a donnée de l'ouvrage Anglois, enrichi de ses propres découvertes.

M. Tull distingue les racines, en pivotantes qui s'enfoncent verticalement dans la terre, & qui soûtiennent les grandes plantes, comme les chênes & les noyers ; & en rampantes, qui s'étendent parallelement à la surface de la terre. Il prétend que celles-ci sont beaucoup plus propres à recueillir les sucs nourriciers que celles-là. Il démontre ensuite que les feuilles sont des organes très-nécessaires à la santé des plantes, & nous rapporterons à l'article FEUILLE les preuves qu'il en donne : d'où il conclut que c'est faire un tort considérable aux lusernes & aux sainfoins, que de les faire paître trop souvent par le bétail, & qu'il pourroit bien n'être pas aussi avantageux qu'on se l'imagine, de mettre les troupeaux dans les blés quand ils sont trop forts.

Après avoir examiné les organes de la vie des plantes, la racine & la feuille, M. Tull passe à leur nourriture : il pense que ce n'est autre chose qu'une poudre très-fine, ce qui n'est pas sans vraisemblance, ni sans difficulté ; car il paroît que les substances intégrantes de la terre doivent être dissolubles dans l'eau ; & les molécules de terre ne semblent pas avoir cette propriété : c'est l'observation de M. Duhamel. M. Tull se fait ensuite une question très-embarrassante ; il se demande si toutes les plantes se nourrissent d'un même suc ; il le pense : mais plusieurs auteurs ne sont pas de son avis ; & ils remarquent très-bien que telle terre est épuisée pour une plante, qui ne l'est pas pour une autre plante ; que des arbres plantés dans une terre où il y a eu beaucoup & longtems de la même espece, n'y viennent pas si bien que d'autres arbres ; que les sucs dont l'orge se nourrit, étant plus analogues à ceux qui nourrissent le blé, la terre en est plus épuisée qu'elle ne l'eût été par l'avoine ; & par conséquent que tout étant égal d'ailleurs, le blé succede mieux à l'avoine dans une terre qu'à l'orge. Quoi qu'il en soit de cette question, sur laquelle les Botanistes peuvent encore s'exercer, M. Duhamel prouve qu'un des principaux avantages qu'on se procure en laissant les terres sans les ensemencer pendant l'année de jachere, consiste à avoir assez de tems pour multiplier les labours autant qu'il est nécessaire pour détruire les mauvaises herbes, pour ameublir & soûlever la terre, en un mot pour la disposer à recevoir le plus précieux & le plus délicat de tous les grains, le froment : d'où il s'ensuit qu'on auroit beau multiplier les labours dans une terre ; si on ne laissoit des intervalles convenables entre ces labours, on ne lui procureroit pas un grand avantage. Quand on a renversé le chaume & l'herbe, il faut laisser pourrir ces matieres, laisser la terre s'imprégner des qualités qu'elle peut recevoir des météores, sinon s'exposer par un travail précipité à la remettre dans son premier état. Voilà donc deux conditions ; la multiplicité des labours, sans laquelle les racines ne s'étendant pas facilement dans les terres, n'en tireroient pas beaucoup de sucs ; des intervalles convenables entre ces labours, sans lesquels les qualités de la terre ne se renouvelleroient point. A ces conditions il en faut ajoûter deux autres : la destruction des mauvaises herbes, ce qu'on obtient par les labours fréquens ; & le juste rapport entre la quantité de plantes & la faculté qu'a la terre pour les nourrir.

Le but des labours fréquens, c'est de diviser les molécules de la terre, d'en multiplier les pores, & d'approcher des plantes plus de nourriture : mais on peu encore obtenir cette division par la calcination & par les fumiers. Les fumiers alterent toûjours un peut la qualité des productions ; d'ailleurs on n'a pas du fumier autant & comme on veut, au lieu qu'on peu multiplier les labours à discrétion sans altérer la qualité des fruits. Les fumiers peuvent bien fournir à la terre quelque substance : mais les labours réitérés exposent successivement différentes parties de la terre aux influences de l'air, du soleil & des pluies, ce qui les rend propres à la végétation.

Mais les terres qui ont resté long-tems sans être ensemencées, doivent être labourées avec des précautions particulieres, dont on est dispensé quand il s'agit des terres qui ont été cultivées sans interruption. M. Tull fait quatre classes de ces terres ; 1°. celles qui sont en bois ; 2°. celles qui sont en landes ; 3°. celles qui sont en friche ; 4°. celles qui sont trop humides. M. Tull remarque que quand la rareté du bois n'auroit pas fait cesser la coûtume de mettre le feu à celles qui étoient en bois pour les convertir en terres labourables, il faudroit s'en départir ; parce que la fouille des terres qu'on est obligé de faire pour enlever les souches, est une excellente façon que la terre en reçoit, & que l'engrais des terres par les cendres est sinon imaginaire, du moins peu efficace. 2°. Il faut, selon lui, brûler toutes les mauvaises productions des landes vers la fin de l'été, quand les herbes sont desséchées, & recourir aux fréquens labours. 3°. Quant aux terres en friche, ce qui comprend les sainfoins, les lusernes, les treffles, & généralement tous les prés avec quelques terres qu'on ne laboure que tous les huit ou dix ans ; il ne faut pas se contenter d'un labour pour les prés, il faut avec une forte charrue à versoir commencer par en mettre la terre en grosses mottes, attendre que les pluies d'automne ayent brisé ces mottes, que l'hyver ait achevé de les détruire, & donner un second labour, un troisieme, &c. en un mot ne confier du froment à cette terre que quand les labours l'auront assez affinée. On brûle les terres qui ne se labourent que tous les dix ans ; & voici comment on s'y prend : on coupe toute la surface en pieces les plus régulieres qu'on peut, comme on les voit en a a a (fig. 1. Pl. d'Agriculture) de huit à dix pouces en quarré sur deux à trois doigts d'épaisseur : on les dresse ensuite les unes contre les autres, comme on voit en b b b (fig. 2.) Quand le tems est beau, trois jours suffisent pour les dessécher : on en fait alors des fourneaux. Pour former ces fourneaux, on commence par élever une petite tour cylindrique, a f b (fig. 3.) d'un pié de diametre. Comme la muraille de la petite tour est faite avec des gasons, son épaisseur est limitée par celle des gasons : on observe de mettre l'herbe en-dedans, & d'ouvrir une porte f d'un pié de largeur, du côté que souffle le vent. On place au-dessus de cette porte un gros morceau de bois qui sert de lintier. On remplit la capote de la tour de bois sec mêlé de paille, & l'on acheve le fourneau avec les mêmes gasons en dôme, comme on voit (fig. 4.) en e d. Avant que la voûte soit entierement fermée, on allume le bois, puis on ferme bien vîte la porte d, fermant aussi avec des gasons les crevasses par où la fumée sort trop abondamment.

On veille aux fourneaux jusqu'à ce que la terre paroisse embrasée ; on étouffe le feu avec des gasons, si par hasard il s'est formé des ouvertures, & l'on rétablit le fourneau. Au bout de 24 à 28 heures le feu s'éteint & les mottes sont en poudre, excepté celles de dessus qui restent quelquefois crues, parce qu'elles n'ont pas senti le feu. Pour éviter cet inconvénient, il n'y a qu'à faire les fourneaux petits : on attend que le tems soit à la pluie, & alors on répand la terre cuite le plus uniformément qu'on peut, excepté aux endroits où étoient les fourneaux. On donne sur le champ un labour fort leger ; on pique davantage les labours suivans ; si l'on peut donner le premier labour en Juin, & s'il est survenu de la pluie, on pourra tout d'un coup retirer quelque profit de la terre, en y semant du millet, des raves, &c. ce qui n'empêchera pas de semer du seigle ou du blé l'automne suivant. Il y en a qui ne répandent leur terre brûlée qu'immédiatement avant le dernier labour. M. Tull blâme cette méthode malgré les soins qu'on prend pour la faire réussir ; parce qu'il est très-avantageux de bien mêler la terre brûlée avec le terrein. 4°. On égouttera les terres humides par un fossé qui sera pratiqué sur les côtés, ou qui la refendra. M. Tull expose ensuite les différentes manieres de labourer : elles ne different pas de celles dont nous avons parlé plus haut : mais voici où son système va s'éloigner le plus du système commun. Je propose, dit M. Tull, de labourer la terre pendant que les plantes annuelles croissent, comme on cultive la vigne & les autres plantes vivaces. Commencez par un labour de huit à dix pouces de profondeur ; servez-vous pour cela d'une charrue à quatre coutres & d'un soc fort large : quand votre terre sera bien préparée, semez : mais au lieu de jetter la graine à la main & sans précaution, distribuez-la par rangées, suffisamment écartées les unes des autres. Pour cet effet ayez mon semoir. Nous donnerons à l'article SEMOIR la description de cet instrument. A mesure que les plantes croissent, labourez la terre entre les rangées ; servez-vous d'une charrue legere. Voyez à l'article CHARRUE la description de celle-ci. M. Tull se demande ensuite s'il faut plus de grains dans les terres grasses que dans les terres maigres, & son avis est qu'il en faut moins où les plantes deviennent plus vigoureuses.

Quant au choix des semences, il préfere le nouveau froment au vieux. Nos fermiers trempent leurs blés dans l'eau de chaux : il faut attendre des expériences nouvelles pour savoir s'ils ont tort ou raison ; & M. Duhamel nous les a promises. On estime qu'il est avantageux de changer de tems en tems de semence, & l'expérience justifie cet usage. Les autres auteurs prétendent qu'il faut mettre dans un terrein maigre des semences produites par un terrein gras, & alternativement. M. Tull pense au contraire, que toute semence doit être tirée des meilleurs terreins ; opinion, dit M. Duhamel, agitée, mais non démontrée dans son ouvrage. Il ne faut pas penser, comme quelques-uns, que les grains changent au point que le froment devienne seigle ou ivraie. Voilà les principes généraux d'agriculture de M. Tull, qui different des autres dans la maniere de semer, dans les labours fréquens, & dans les labours entre les plantes. C'est au tems & aux essais à décider, à moins qu'on en veuille croire l'auteur sur ceux qu'il a faits. Nous en rapporterons les effets aux articles BLE, FROMENT, SAINFOIN, &c. & ici nous nous contenterons de donner le jugement qu'en porte M. Duhamel, à qui l'on peut s'en rapporter quand on sait combien il est bon observateur.

Il ne faut pas considérer, dit M. Duhamel, si les grains de blé qu'on met en terre en produisent un plus grand nombre, lorsqu'on suit les principes de M. Tull ; cette comparaison lui seroit trop favorable. Il ne faut pas non plus se contenter d'examiner si un arpent de terre cultivé suivant ses principes, produit plus qu'une même quantité de terre cultivée à l'ordinaire ; dans ce second point de vûe, la nouvelle culture pourroit bien n'avoir pas un grand avantage sur l'ancienne.

Ce qu'il faut examiner, c'est 1°. si toutes les terres d'une ferme cultivées suivant les principes de M. Tull, produisent plus de grain que les mêmes terres n'en produiroient cultivées à l'ordinaire ; 2°. si la nouvelle culture n'exige pas plus de frais que l'ancienne, & si l'accroissement de profit excede l'accroissement de dépense ; 3°. si l'on est moins exposé aux accidens qui frustrent l'espérance du laboureur, suivant la nouvelle méthode que suivant l'ancienne.

A la premiere question, M. Tull répond qu'un arpent produira plus de grain cultivé suivant ses principes, que suivant la maniere commune. Distribuez, dit-il, les tuyaux qui sont sur les planches dans l'étendue des plates-bandes, & toute la superficie de la terre se trouvera aussi garnie qu'à l'ordinaire : mais mes épis seront plus longs, les grains en seront plus gros, & ma récolte sera meilleure.

On aura peine à croire que trois rangées de froment placées au milieu d'un espace de six piés de largeur, puissent par leur fécondité suppléer à tout ce qui n'est pas couvert ; & peut-être, dit M. Duhamel, M. Tull exagere-t-il : mais il faut considérer que dans l'usage ordinaire il y a un tiers des terres en jachere, un tiers en menus grains, & un tiers en froment ; au lieu que suivant la nouvelle méthode, on met toutes les terres en blé : mais comme sur six piés de largeur on n'en employe que deux, il n'y a non plus que le tiers des terres occupées par le froment. Reste à savoir si les rangées de blé sont assez vigoureuses, & donnent assez de froment, non-seulement pour indemniser de la récolte des avoines, estimée dans les fermages le tiers de la récolte du froment, mais encore pour augmenter le profit du laboureur.

A la seconde question, M. Tull répond qu'il en coûte moins pour cultiver ses terres ; & cela est vrai, si l'on compare une même quantité de terre cultivée par l'une & l'autre méthode. Mais comme suivant la nouvelle il faut cultiver toutes les terres d'une ferme, & que suivant l'ancienne on en laisse reposer un tiers, qu'on ne donne qu'une culture au tiers des avoines, & qu'il n'y a que le tiers qui est en blé qui demande une culture entiere, il n'est pas possible de prouver en faveur de M. Tull ; reste à savoir si le profit compensera l'excès de dépense.

C'est la troisieme question ; M. Tull répond que des accidens qui peuvent arriver aux blés, il y en a que rien ne peut prévenir, comme la grêle, les vents, les pluies & les gelées excessives, certaines gelées accidentelles, les brouillards secs, &c. mais que quant aux causes qui rendent le blé petit & retrait, chardonné, &c. sa méthode y obvie.

Mais voici quelque chose de plus précis : supposez deux fermes de 300 arpens, cultivées l'une par une méthode, l'autre par l'autre ; le fermier qui suivra la route commune divisera sa terre en trois soles, & il aura une sole de cent arpens en froment, une de même quantité en orge, en avoine, en pois, &c. & la troisieme sole en repos.

Il donnera un ou deux labours au lot des menus grains, trois ou quatre labours au lot qui doit rester en jachere, & le reste occupé par le froment ne sera point labouré. C'est donc six labours pour deux cens arpens qui composent les deux soles en valeur ; ou, ce qui revient au même, son travail se réduit à labourer une fois tous les ans quatre ou six cens arpens.

On paye communément six francs pour labourer un arpent ; ainsi suivant la quantité de labours que le fermier doit donner à ses terres, il déboursera 2400 ou 3600 liv.

Il faut au moins deux mines & demie de blé, mesure de Petiviers, la mine pesant quatre-vingts livres, pour ensemencer un arpent. Quand ce blé est chotté, il se renfle, & il remplit trois mines ; c'est pourquoi l'on dit qu'on seme trois mines par arpent. Nous le supposerons aussi, parce que le blé de semence étant le plus beau & le plus cher, il en résulte une compensation. Sans faire de différence entre le prix du blé de récolte & celui de semence, nous estimons l'un & l'autre quatre livres la mine ; ainsi il en coûtera 1200 liv. pour les cent arpens.

Il n'y a point de frais pour ensemencer & herser les terres, parce que le laboureur qui a été payé des façons met le blé en terre gratis.

On donne pour scier & voiturer le blé dans la grange, six livres par arpent ; ce qui fait pour les cent arpens, 600 liv.

Ce qu'il en coûte pour arracher les herbes ou sarcler, varie suivant les années ; on peut l'évaluer à une livre dix sous par arpent, ce qui fera 150 liv.

Il faut autant d'avoine ou d'orge que de blé pour ensemencer le lot qui produira ces menus grains : mais comme ils sont à meilleur marché, les fermiers ne les estiment que le tiers du froment, 400 liv.

Les frais de semaille se bornent au roulage, qui se paye à raison de dix sous l'arpent, 50 liv.

Les frais de récolte se montent à 200 liv. le tiers des frais de récolte du blé, 200 liv.

Nous ne tiendrons pas compte des fumiers : 1°. parce que les fermiers n'en achetent pas ; ils se contentent du produit de leur fourrage : 2°. ils s'employent dans les deux méthodes, avec cette seule différence que dans la nouvelle méthode on fume une fois plus de terre que dans l'ancienne.

Les frais de fermage sont les mêmes de part & d'autre, ainsi que les impôts : ainsi la dépense du fermier qui cultive trois cens arpens de terre à l'ordinaire, se monte à 5000 liv. s'il ne donne que trois façons à ses blés, & une à ses avoines ; ou à 6200 liv. s'il donne quatre façons à ses blés, & deux à ses avoines.

Voyons ce que la dépouille de ses terres lui donnera. Les bonnes terres produisant environ cinq fois la semence, il aura donc quinze cens mines, ou 6000 liv.

La récolte des avoines étant le tiers du froment, lui donnera 2000 liv.

Et sa récolte totale sera de 8000 liv. ôtez 5000 liv. de frais, reste 3000 liv. sur quoi il faudroit encore ôter 1200 liv. s'il avoit donné à ses terres plus de quatre façons.

On suppose que la terre a été cultivée pendant plusieurs années à la maniere de M. Tull, dans le calcul suivant : cela supposé, on doit donner un bon labour aux plates-bandes après la moisson, un labour leger avant de semer, un labour pendant l'hyver, un au printems, un quand le froment monte en tuyau, & un enfin quand il épie. C'est six labours à donner aux trois cens arpens de terre. Les trois cens arpens doivent être cultivés & ensemencés en blé : ce seroit donc 1800 arpens à labourer une fois tous les ans. Mais comme à chaque labour il y a un tiers de la terre qu'on ne remue pas, ces 1800 arpens seront réduits à 1200 ou à 1000 ; ce qui coûtera à raison de six liv. 6000 ou 7200 liv.

On ne consume qu'un tiers de la semence qu'on a coûtume d'employer ; ainsi cette dépense sera la même pour les 300 arpens que pour les 100 arpens du calcul précédent, 1200 liv.

Supposons que les frais de semence & de récolte soient les mêmes pour chaque arpent que dans l'hypothese précédente, c'est mettre les choses au plus fort, ce seroit pour les 300 arpens 1800 liv.

Le sarclage ne sera pas pour chaque arpent le tiers de ce que nous l'avons supposé dans l'hypothese précédente ; ainsi nous mettons pour les 300 arpens 150 liv.

Toutes ces sommes réunies font 10350 liv. que le fermier sera obligé de dépenser, & cette dépense excede la dépense de l'autre culture de 5350 liv.

On suppose, contre le témoignage de M. Tull, que chaque arpent ne produira pas plus de froment qu'un arpent cultivé à l'ordinaire. J'ai mis quinze mines par arpent ; c'est 4500 mines pour les trois cens arpens, à raison de quatre liv. la mine, 18000 liv. mais si l'on ôte de 18000 liv. la dépense de 10350 liv. restera à l'avantage de la nouvelle culture sur l'ancienne, 4650 liv.

D'où il s'ensuit que quand deux arpens cultivés suivant les principes de M. Tull, ne donneroient que ce qu'on tire d'un seul cultivé à l'ordinaire, la nouvelle culture donneroit encore 1650 livres par trois cens arpens de plus que l'ancienne. Mais un avantage qu'on n'a pas fait entrer en calcul, & qui est très-considérable, c'est que les récoltes sont moins incertaines.

Nous nous sommes étendus sur cet objet, parce qu'il importe beaucoup aux hommes. Nous invitons ceux à qui leurs grands biens permettent de tenter des expériences coûteuses, sans succès certain & sans aucun dérangement de fortune, de se livrer à celles-ci, d'ajoûter au parallele & aux conjectures de M. Duhamel les essais. Cet habile académicien a bien senti qu'une legere tentative feroit plus d'effet sur les hommes que des raisonnemens fort justes, mais que la plûpart ne peuvent suivre, & dont un grand nombre, qui ne les suit qu'avec peine, se méfie toûjours. Aussi avoit-il fait labourer une piece quarrée oblongue de terre, dont il avoit fait semer la moitié à l'ordinaire, & l'autre par rangées éloignées les unes des autres d'environ quatre piés. Les grains étoient dans les rangées à six pouces les uns des autres. Ce petit champ fut semé vers la fin de Décembre. Au mois de Mars, M. Duhamel fit labourer à la bêche la terre comprise entre les rangées : quand le blé des rangées montoit en tuyau, il fit donner un second labour, enfin un troisieme avant la fleur. Lorsque ce blé fut en maturité, les grains du milieu de la partie cultivée à l'ordinaire n'avoient produit qu'un, deux, trois, quatre, quelquefois cinq, & rarement six tuyaux ; au lieu que ceux des rangées avoient produit depuis dix-huit jusqu'à quarante tuyaux ; & les épis en étoient encore plus longs & plus fournis de grains. Mais malheureusement, ajoûte M. Duhamel, les oiseaux dévorerent le grain avant sa maturité, & l'on ne put comparer les produits.


AGRIERS. m. terme de Coûtume, est un droit ou redevance seigneuriale, qu'on appelle en d'autres coûtume terrage. Voyez TERRAGE. (H)


AGRIGNON(Géog.) l'une des îles des Larrons ou Marianes. Lat. 19. 40.


AGRIMENSATIONS. f. terme de Droit, par où l'on entend l'arpentage des terres. V. ARPENTAGE. (H)


AGRIMONOIDES. f. en Latin agrimonoides. (Hist. nat.) genre d'herbe dont la fleur est en rose, & dont le calice devient un fruit sec. Cette fleur est composée de plusieurs feuilles qui sont disposées en rond, & qui sortent des échancrures du calice. La fleur & le calice sont renfermés dans un autre calice découpé. Le premier calice devient un fruit oval & pointu, qui est enveloppé dans le second calice, & qui ne contient ordinairement qu'une seule semence. Tournefort. Inst. rei herb. Voyez PLANTE.


AGRIPAUMES. f. en Latin cardiaca, (Hist. nat.) herbe à fleur composée d'une seule feuille, & labiée : la levre supérieure est pliée en gouttiere, & beaucoup plus longue que l'inférieure qui est divisée en trois parties. Il sort du calice un pistil qui tient à la partie postérieure de la fleur comme un clou, & qui est environné de quatre embrions ; ils deviennent ensuite autant de semences anguleuses, qui remplissent presque toute la cavité de la capsule qui a servi de calice à la fleur. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

* Elle donne dans l'analyse chimique de ses feuilles & de ses sommités fleuries & fraîches, une liqueur limpide, d'une odeur & d'une saveur d'herbe un peu acide ; une liqueur manifestement acide, puis austere ; une liqueur rousse, impregnée de beaucoup de sel volatil urineux ; de l'huile. La masse noire restée dans la cornue laisse après la calcination & la lixiviation des cendres, un sel fixe purement alkali. Cette plante contient un sel essentiel tartareux, uni avec beaucoup de soufre subtil & grossier. Elle a plus de réputation, selon M. Geoffroy, qu'elle n'en mérite. On l'appelle cardiaca, de l'erreur du peuple qui prend les maladies d'estomac pour des maladies de coeur. Le cataplasme de ses feuilles pilées & cuites, résout les humeurs visqueuses, & soulage le gonflement & la distension des hypochondres qui occasionnent la cardialgie des enfans. On lui attribue quelques propriétés contre les convulsions, les obstructions des visceres, les vers plats, & les lombrics ; & l'on dit que prise en poudre dans du vin elle excite les urines & les regles, & provoque l'accouchement. Ray parle de la décoction d'agripaume ou de sa poudre seche mêlée avec du sucre, comme d'un remede merveilleux dans les palpitations, dans les maladies de la rate, & les maladies hystériques. Il y a des maladies des chevaux & des boeufs, dans lesquelles les maquignons & les maréchaux l'employent avec succès.


AGRIPPA(Hist. anc.) nom que l'on donnoit anciennement aux enfans qui étoient venus au monde dans une attitude autre que celle qui est ordinaire & naturelle, & spécialement à ceux qui étoient venus les piés en-devant. Voyez DELIVRANCE, ACCOUCHEMENT.

Ils ont été ainsi appellés, selon Pline, parce qu'ils étoient aegre parti, venus au monde avec peine.

De savans critiques rejettent cette étymologie, parce qu'ils rencontrent ce nom dans d'anciens auteurs Grecs, & ils le dérivent d', chasser, & de , cheval, c'est-à-dire chasseur à cheval : quoi qu'il en soit, ce mot a été à Rome un nom, puis un surnom d'hommes, qu'on a féminisé en Agrippina. (G)


AGRISbourg de France dans la généralité de Limoges.


AGROTEREadj. (Myth.) nom de Diane, ainsi appellée parce qu'elle habitoit perpétuellement les forêts & les campagnes. On immoloit tous les ans à Athenes cinq cens chevres à Diane Agrotere. Xénophon dit que ce sacrifice se faisoit en mémoire de la défaite des Perses, & qu'on fut obligé de réduire, par un decret du senat, le nombre des chevres à cinq cens par an ; car le voeu des Athéniens ayant été de sacrifier à Diane Agrotere autant de chevres qu'ils tueroient de Perses, il y eut tant de Perses tués, que toutes les chevres de l'Attique n'auroient pas suffi à satisfaire au voeu. On prit le parti de payer en plusieurs fois ce qu'on avoit promis en une, & de transiger avec la déesse à cinq cens chevres par an.


AGROTESS. m. (Myth.) divinité des Phéniciens, qu'on promenoit en procession le jour de sa fête, dans une niche couverte, sur un chariot traîné par différens animaux.


AGUAPAsubst. m. (Hist. nat. bot.) arbre qui croît aux Indes occidentales, dont on dit que l'ombre fait mourir ceux qui s'y endorment nuds, & qu'elle fait enfler les autres d'une maniere prodigieuse. Si les habitans du pays ne le connoissent pas mieux qu'il ne nous est désigné par cette description, ils sont en grand danger.


AGUARA PONDAS. m. Brasilianis Marggravii, Ruttensteert Belgis, id est myosuros, viola spicata Brasiliana, (Hist. nat. bot.) plante haute d'un pié & demi & plus, à tige lisse, ronde, verte & noüeuse. Il sort de chaque noeud quatre ou cinq feuilles étroites, crenelées, pointues, vertes & inégales. Le sommet de sa tige est chargé d'un épi long d'un pouce & plus, uni & couvert de fleurs d'un bleu violet, & formées de cinq feuilles rondes. Elle ressemble à la violette, & en a l'odeur. Sa racine est droite, d'une médiocre grosseur, & divisée en branches filamenteuses.

Il y en a une autre espece qui differe de la précédente par la largeur de ses feuilles. Elle est marquée au sommet de ses tiges d'un cube creux, qui forme une espece de casque verd ; de ce creux sortent des fleurs bleues semblables aux premieres.


AGUAS(Géog.) peuple considérable de l'Amérique méridionale, sur le bord du fleuve des Amazones. Ce sont, dit-on dans l'excellent Dictionnaire portatif de M. Vosgien, les plus raisonnables des Indiens : ils serrent la tête entre deux planches à leurs enfans aussi-tôt qu'ils sont nés.


AGUATULCou AQUATULCO ou GUATULCO, ville & port de la nouvelle Espagne, en Amérique, sur la mer du Sud. Longit. 279. latit. 15. 10.


AGUAXIMA(Hist. nat. bot.) plante du Brésil & des îles de l'Amérique méridionale. Voilà tout ce qu'on nous en dit ; & je demanderois volontiers pour qui de pareilles descriptions sont faites. Ce ne peut être pour les naturels du pays, qui vraisemblablement connoissent plus de caracteres de l'aguaxima, que cette description n'en renferme, & à qui on n'a pas besoin d'apprendre que l'aguaxima naît dans leur pays ; c'est, comme si l'on disoit à un François, que le poirier est un arbre qui croît en France, en Allemagne, &c. Ce n'est pas non plus pour nous ; car que nous importe qu'il y ait au Brésil un arbre appellé aguaxima, si nous n'en savons que ce nom ? à quoi sert ce nom ? Il laisse les ignorans tels qu'ils sont ; il n'apprend rien aux autres : s'il m'arrive donc de faire mention de cette plante, & de plusieurs autres aussi mal caractérisées, c'est par condescendance pour certains lecteurs, qui aiment mieux ne rien trouver dans un article de Dictionnaire, ou même n'y trouver qu'une sottise, que de ne point trouver l'article du tout.


AGUI L'AN NEUF(Hist. mod.) quête que l'on faisoit en quelques diocèses le premier jour de l'an pour les cierges de l'église. Il paroît que cette cérémonie instituée d'abord pour une bonne fin, dégénéra ensuite en abus. Cette quête se faisoit par de jeunes gens de l'un & de l'autre sexe : ils choisissoient un chef qu'ils appelloient leur follet, sous la conduite duquel ils commettoient, même dans les églises, des extravagances qui approchoient fort de la fête des Fous. Voyez FETE DES FOUS.

Cette coûtume fut abolie dans le diocèse d'Angers en 1595 par une ordonnance synodale : mais on la pratiqua encore hors des églises ; ce qui obligea un autre synode en 1668 de défendre cette quête qui se faisoit dans les maisons avec beaucoup de licence & de scandale, les garçons & les filles y dansant & chantant des chansons dissolues. On y donnoit aussi le nom de bachelettes à cette folle réjoüissance, peut-être à cause des filles qui s'y assembloient, & qu'en langage du vieux tems on appelloit bachelettes. Thiers, Traité des Jeux.

AU GUI L'AN NEUF, (Hist. anc.) cri ou refrain des anciens Druides, lorsqu'ayant cueilli le gui de chêne le premier jour de l'an, ils alloient le porter en pompe soit dans les villes, soit dans les campagnes voisines de leurs forêts. On cueilloit ce gui avec beaucoup de cérémonies dans le mois de Décembre ; au premier jour de l'an, on l'envoyoit aux grands, & on le distribuoit pour étrennes au peuple, qui le regardoit comme un remede à tous maux, & le portoit pendu au cou, à la guerre, &c. On en trouvoit dans toutes les maisons & dans les temples. (G)


AGUIATEou AGUÉE, (Myth.) qui est dans les rues. Les Grecs donnoient cette épithete à Apollon, parce qu'il avoit des statues dans les rues.


AGUILou AGLE, ville de la province de Habat, au royaume de Fez en Afrique, sur la riviere d'Erguila.


AGUILAR* AGUILAR DEL CAMPO, (Géog.) petite ville d’Espagne, dans la vieille Castille.


AGUILLESS. f. (Commerce.) c'est le nom de toiles de coton, qui se font à Alep.


AGUITRANS. m. poix molle. Voyez POIX.


AGUL(Hist. nat. bot.) c'est un petit arbrisseau fort épineux, dont les feuilles sont longuettes, & semblables à celles de la sanguinaire. Il a beaucoup de fleurs rougeâtres, auxquelles succedent des gousses. Sa racine est longue & purpurine : il se trouve en Arabie, en Perse, & en Mésopotamie. Ses feuilles sont chargées le matin de manne grosse comme des grains de coriandre ; cette manne a le goût & la saveur de la nôtre ; mais si on laisse passer le soleil dessus, elle se fond & se dissipe. Les feuilles de l'agul passent pour purgatives. Lemery. Voyez ALHAGI.


AGUTI TREVou AGOUTI TREVA, plante des îles Marianes ; sa feuille est semblable à celles de l'oranger, mais plus mince ; sa fleur est couverte d'une espece de rosée ; son fruit est gros, couvert d'une écorce rougeâtre, & contient des semences semblables à celles de la grenade, transparentes, douces & agréables au goût. Ray.


AGUTIGUEPA(Hist. nat. bot.) plante du Brésil, à racine ronde par le haut, d'un rouge foncé, & bonne à manger ; à tige droite, longue de trois piés jusqu'à cinq, grosse comme le doigt, portant sans ordre sur des pédicules qui ont six travers de doigt de longueur, des feuilles longues depuis un pié jusqu'à deux, larges de quatre travers de doigt, pointues, d'un beau verd, luisantes, semblables aux feuilles du paco-eira, relevées dans toute leur longueur d'une côte & d'une infinité de veines qui rampent obliquement sur toute la surface, & bordées tout autour d'un trait rouge. Du sommet de la tige s'éleve une fleur semblable au lis, de couleur de feu, composée de trois ou quatre feuilles : chaque fleur a trois ou quatre étamines, de même couleur, & faites en défenses de sanglier. On dit que sa racine pilée, guérit, mondifie, &c. les ulceres. Dans des tems de disette, on la fait bouillir ou griller, & on la mange.


AGYNNIENS(Théol.) hérétiques qui parurent environ l'an de J. C. 694. Ils ne prenoient point de femmes, & prétendoient que Dieu n'étoit pas auteur du mariage. Ce mot vient d' privatif, & de , femme. Prateol. (G)


AGYRTESjoüeurs de gobelets, farceurs, faiseurs de tours de passe-passe ; voilà ce que signifie agyrte, & c'étoit le nom que portoient, & que méritoient bien les Galles, prêtres de Cybele.


AH-AH(Jardinage.) CLAIRE VOIE ou SAULT DE LOUP. On entend par ces mots une ouverture de mur sans grille, & à niveau des allées avec un fossé au pié, ce qui étonne & fait crier ah-ah. On prétend que c'est Monseigneur, fils de Louis XIV. qui a inventé ce terme, en se promenant dans les jardins de Meudon. (K)


AHATE* AHATE de Pauncho Recchi, (Histoire naturelle, botanique.) arbre d’une grosseur médiocre, d’environ vingt piés de haut. Son écorce est fongueuse & rouge en dedans. Son bois blanc & dur. Ses branches en petit nombre & couvertes d’une écorce verte & cendrée. Sa racine jaunâtre, d’un odeur forte, & d’un goût onctueux. Sa feuille oblongue & semblable à celle du malacatijambou ; froissée dans la main, elle rend une huile sans odeur. Sa fleur est attachée par des pédicules aux plus petites feuilles. Elle a trois feuilles triangulaires, épaisses comme du cuir, blanches en dedans, vertes en dessus, & rendant l’odeur du cuir brûlé, quand on les met au feu.

Le fruit sort des étamines de la fleur. Il est dans sa maturité de la grosseur d'un citron ordinaire, verd & strié par-dehors ; blanc en-dedans, & plein d'une pulpe succulente, d'un goût & d'une odeur agréable. Ses semences sont oblongues, unies, luisantes & enfermées dans des cosses. On le cueille avant qu'il soit mûr, & il devient comme la neffle dans la serre où on le met. Cet arbre a été apporté des Indes aux îles Philippines. Il aime les climats chauds. Il fleurit deux fois l'an, la premiere fois en Avril. Ray lui attribue différentes propriétés, ainsi qu'aux feuilles & aux autres parties de l'arbre.


AHOUAIAHOUAI est un genre de plante à fleur, composée d’une seule feuille en forme d’entonnoir & découpée. Il sort du fond du calice un pistil qui est attaché au bas de la fleur comme un clou, & qui devient dans la suite un fruit charnu en forme de poire, qui renferme un noyau presque triangulaire, dans lequel il y a une amande. Tournefort. Inst rei herb. app. Voyez Plante. (I)


AHOVAITheveti Clusii, (Hist. natur. botan.) fruit du Brésil de la grosseur de la châtaigne, blanc, & de la figure à-peu-près des truffes d'eau. Il croît sur un arbre grand comme le poirier, dont l'écorce est blanche, piquante & succulente ; la feuille longue de deux ou trois pouces, large de deux, toûjours verte ; & la fleur monopétale, en entonnoir, découpée en plusieurs parties ; & du calice s'éleve un pistil qui devient le fruit. Ce fruit est un poison. Lemery.

Millet en distingue un autre, qui croît pareillement en Amérique, & qui n'est pas moins dangereux ; on dit que l'arbre qui le porte répand une odeur desagréable quand on l'incise.


AHUILLEbourg de France, dans la généralité de Tours.


AHUNpetite ville de France dans la haute-Marche, généralité de Moulins. Long. 19. 38. lat. 49. 5.


AHUou AHUIS, (Géog.) ville maritime de Suede, principauté de Gothlande & terre de Bleckingie ; elle est située proche la mer Baltique. Long. 32. 14. lat. 56.


AICH(Géog.) ville d'Allemagne, dans la haute Baviere, sur le Par. Long. 28. 50. lat. 48. 30.


AICHÉERAun des sept dieux célestes que les Arabes adoroient, selon M. d'Herbelot.


AICHSTAT(Géog.) ville d'Allemagne, dans la Franconie, sur la riviere Altmul. L. 28. 45. lat. 49.


AIDEAIDE signifie assistance, secours qu’on prête à quelqu’un. Il signifie aussi quelquefois la personne même qui prête ce secours ou cette assistance ; ainsi dans ce dernier sens, on dit aide de camp. Voyez AIDE DE CAMP. Aide-major. Voyez AIDE-MAJOR.

AIDE, se dit aussi en général de quiconque est adjoint à un autre en second pour l'aider au besoin ; ainsi l'on dit en ce sens aide des cérémonies, d'un officier qui assiste le grand-maître, & tient sa place s'il est absent. On appelle aussi aides les garçons qu'un Chirurgien mene avec lui pour lui prêter la main dans quelque opération de conséquence. On appelle aide-de-cuisine un cuisinier en second, ou un garçon qui sert à la cuisine.

AIDE, en Droit Canon, ou église succursale, est une église bâtie pour la commodité des paroissiens, quand l'église paroissiale est trop éloignée, ou trop petite pour les contenir tous.

AIDE, dans les anciennes Coûtumes, signifie un subside en argent, que les vassaux ou censitaires étoient obligés de payer à leur seigneur en certaines occasions particulieres.

Aide differe de taxe en ce que la taxe s'impose dans quelque besoin extraordinaire & pressant ; au lieu que l'aide n'est exigible qu'autant qu'elle est établie par la coûtume, & dans le cas marqué par la coûtume ; de cette espece sont les aides de relief & de chevel. Voyez AIDE-RELIEF & AIDE-CHEVAL.

On payoit une aide au seigneur quand il vouloit acheter une terre. Mais il n'en pouvoit exiger une semblable qu'une fois en sa vie.

Ces aides, dans l'origine, étoient libres & volontaires ; c'est pourquoi on les appelloit droits de complaisance.

Il paroît que les seigneurs ont imposé cette marque de servitude sur leurs vassaux, à l'exemple des patrons de l'ancienne Rome, qui recevoient des présens de leurs cliens & de leurs affranchis, en certaines occasions, comme pour doter leurs filles, ou en certains jours solemnels, comme le jour de leur naissance. Voyez PATRON & CLIENT. (G)

AIDE, en terme de Jurisprudence féodale, sont des secours auxquels les vassaux, soit gentilshommes ou roturiers, sont tenus envers leur seigneur dans quelques occasions particulieres, comme lorsqu'il marie sa fille ou fait recevoir son fils chevalier, ou qu'il est prisonnier de guerre ; ce qui fait trois sortes d'aides, l'aide de mariage, l'aide de chevalerie, & l'aide de rançon.

On appelle d'un nom commun ces trois sortes d'aides, aide-chevel, quia capitali domino debentur.

L'aide de rançon s'appelloit aussi aides loyaux, parce qu'elle étoit dûe indispensablement. On appella aussi aides loyaux, sous Louis VII. une contribution qui fut imposée sur tous les sujets sans distinction, pour le voyage d'outre-mer ou la croisade ; & on appelloit ainsi en général toutes celles qui étoient dûes en vertu d'une loi.

On appelloit au contraire aides libres ou gracieuses, celles qui étoient offertes volontairement par les sujets ou vassaux.

L'aide chevel est le double des devoirs que le sujet doit ordinairement chaque année, pourvû qu'ils n'excedent pas vingt-cinq sous. Si le sujet ne doit point de devoirs, il payera seulement vingt-cinq sous. Le seigneur ne peut exiger cette aide qu'une fois en sa vie pour chaque cas.

Aides raisonnables, étoient celles que les vassaux étoient obligés de fournir au seigneur dans de certaines nécessités imprévûes, & pour raison desquelles on les taxoit au prorata de leurs facultés ; telles étoient par exemple, en particulier, celles qu'on appelloit aides de l'ost & de chevauchée, qui étoient des subsides dûs au seigneur pour l'aider à subvenir aux frais d'une guerre, comme qui diroit de nos jours, le dixieme denier du revenu des biens.

Aide-relief, est un droit dû en certaines provinces par les vassaux aux héritiers de leur seigneur immédiat, pour lui fournir la somme dont ils ont besoin pour payer le relief du fief qui leur échet par la mort de leur parent.

On trouve aussi dans l'Histoire ecclésiastique des aides levées par des évêques dans des occasions qui les obligeoient à des dépenses extraordinaires ; comme lors de leur sacre ou joyeux avenement, lorsqu'ils reçoivent les rois chez eux, lorsqu'ils partoient pour un concile, ou qu'ils alloient à la cour du pape.

Ces aides s'appelloient autrement coûtumes épiscopales ou synodales, ou denier de Pâque.

Les archidiacres en levoient aussi chacun dans leur archidiaconé.

Il est encore d'usage & d'obligation de leur payer un droit lorsqu'ils font leur visite ; droit qui leur est dû par toutes les églises paroissiales, même celles qui sont desservies par des religieux.

AIDE, adj. pris subst. en Cuisine, est un domestique subordonné au cuisinier, & destiné à l'aider.

AIDE se joint aussi à plusieurs mots, avec lesquels il ne fait proprement qu'un seul nom substantif.

AIDES, en terme de Finance, signifie les impôts qui se levent, à quelque titre que ce soit, par le souverain sur les denrées & les marchandises qui se vendent dans le royaume. Ce droit répond à ce que les Romains appelloient vectigal, à vehendo ; parce qu'il se levoit, comme parmi nous, à titre de péage, d'entrée ou de sortie sur les marchandises qui étoient transportées d'un lieu à un autre. Le vectigal étoit opposé à tributum, lequel se levoit par têtes sur les personnes, comme parmi nous les aides sont opposées à la taille ou capitation, qui sont aussi des taxes personnelles.

On a appellé les aides de ce nom, parce que c'étoit originairement des subsides volontaires & passagers, que les sujets fournissoient au prince dans des besoins pressans, & sans tirer à conséquence pour la suite. Mais enfin elles ont été converties en impositions obligatoires & perpétuelles.

On croit que ces aides furent établies sous le regne de Charles V. vers l'an 1270, & qu'elles n'étoient qu'à raison d'un sou pour livre du prix des denrées. Les besoins de l'état les ont fait monter successivement à des droits beaucoup plus forts. (H)

La Cour des Aides est une cour souveraine établie en plusieurs provinces du royaume pour connoître de ces sortes d'impositions & de toutes les matieres qui y ont rapport : elle connoît, par exemple, des prétendus titres de noblesse, à l'effet de décharger ceux qui les alleguent des impositions roturieres, s'ils sont véritablement nobles, ou de les y soûmettre s'ils ne le sont pas.

Dans plusieurs provinces, telles que la Provence, la Bourgogne, & le Languedoc, la Cour des Aides est unie à la chambre des Comptes.

Il y a en France douze Cours des Aides, comme douze Parlemens ; savoir à Paris, à Roüen, à Nantes, à Bourdeaux, à Pau, à Montpellier, à Montauban, à Grenoble, à Aix, à Dijon, à Châlons, & à Metz.

Avant l'érection des Cours des Aides, il y avoit des généraux des aides pour la perception & la régie des droits, & une autre sorte de généraux pour le jugement des contestations en cette matiere ; & ce furent ces généraux des aides, sur le fait de la justice, qui réunis en corps par François premier, commencerent à former un tribunal en matiere d'aides, qu'on appella par cette raison la Cour des Aides.

AIDES, s. f. (Manege.) se dit des secours & des soûtiens que le cavalier tire des effets modérés de la bride, de l'éperon, du caveçon, de la gaule, du son de la voix, du mouvement des jambes, des cuisses, & du talon, pour faire manier un cheval comme il lui plaît. On employe les aides pour prévenir les châtimens qu'il faut souvent employer pour dresser un cheval. Il y a aussi les aides secrettes du corps du cavalier ; elles doivent être fort douces. Ainsi on dit : ce cheval connoît les aides, obéit, répond aux aides, prend les aides avec beaucoup de facilité & de vigueur. On dit aussi : ce cavalier donne les aides extrèmement fines, pour exprimer qu'il manie le cheval à propos, & lui fait marquer avec justesse ses tems & ses mouvemens. Lorsqu'un cheval n'obéit pas aux aides du gras des jambes, on fait venir l'éperon au secours, en pinçant de l'un ou des deux. Si l'on ne se sert pas avec discrétion des aides du caveçon, elles deviennent un châtiment qui rebute peu-à-peu le cheval sauteur, qui va haut & juste en ses sauts & sans aucune aide. Voyez SAUTEUR. Un cheval qui a les aides bien fines se brouille ou s'empêche de bien manier, pour peu qu'on serre trop les cuisses, ou qu'on laisse échapper les jambes.

Aides du dedans, aides du dehors : façons de parler relatives au côté sur lequel le cheval manie sur les voltes, ou travaille le long d'une muraille ou d'une haie. Les aides dont on se sert pour faire aller un cheval par airs, & celles dont on se sert pour le faire aller sur le terrein, sont fort différentes. Il y a trois aides distinguées qui se font ayant les rênes du dedans du caveçon à la main. La premiere est de mettre l'épaule de dehors du cheval en dedans ; la seconde est de lui mettre aussi l'épaule de dedans en dedans ; & la troisieme est de lui arrêter les épaules. On dit : répondre, obéir aux aides ; tenir dans la sujétion des aides. Voyez REPONDRE, OBEIR, JETIONTION. (V)

AIDES, s. f. pl. (Architect.) piece où les aides de cuisine & d'office font leur service ; c'est proprement la décharge des cuisines, où l'on épluche, lave & prépare tout ce qui se sert sur la table, après avoir été ordonné par le maître-d'hôtel. Ces aides doivent être voisines des cuisines, avoir des tables, une cheminée, des fourneaux, & de l'eau abondamment. (P)


AIDE-BOUT-AVANTS. m. c'est, dans les Salines, le nom qu'on donne à celui qui aide dans ses fonctions celui qui est chargé de remplir le vaxel avec les pelles destinées à cet usage, & de frapper ou de faire frapper un nombre de coups uniforme, afin de conserver le poids & l'égalité dans les mesurages. Voyez VAXEL & BOUT-AVANT.


AIDE DE CAMPS. m. On appelle ainsi en France de jeunes volontaires qui s'attachent à des officiers généraux pour porter leurs ordres partout où il est besoin, principalement dans une bataille. Ils doivent les bien comprendre, & les déclarer très-exactement & très-juste.

Le Roi entretient quatre aides-de-camp à un général en campagne ; deux à chaque lieutenant général, & un à chaque maréchal de camp. (Z)


AIDE-LEVIERS. m. en Anatomie, ce mot est synonyme à points d'appui en méchanique : tel est le grand trocanter au muscle fessier ; le sinus de l'os des iles ; la rotule pour les extenseurs du tibia. Voyez APPUI, POINT D'APPUI.


AIDE-MAÇOc'est le nom qu'on donne à ceux qui portent aux maçons & aux couvreurs les matériaux dont ils ont besoin ; métier dur & dangereux, qui donne à peine du pain : heureusement ceux qui le font, sont heureux quand ils n'en manquent pas.


AIDE-MAISTRE* AIDE-MAISTRE DE PONT, autrement Chableur, est le titre qu’on donne à des Officiers de ville qui aident les batteaux à passer dans les endroits difficiles de la riviere, comme sous les arches des ponts.


AIDE-MAJORS. m. est un officier qui seconde le major d'un régiment dans ses fonctions. Voyez MAJOR. Ils roulent avec les lieutenans : ils commandent du jour de leur brevet d'aide-major, ou du jour de leurs lettres de lieutenans, s'ils l'ont été, dans le régiment où ils servent.

Les aides-majors d'infanterie marchent avec les colonels réformés attachés à leur régiment, pour quelque service que ces colonels soient commandés, & avec leurs lieutenans colonels.

Les aides-majors ont pour les aider des sous-aides-majors, ou garçons-majors, qui exécutent les ordres qu'ils leur donnent. Ils sont à cheval dans le combat comme le major, afin de pouvoir se transporter facilement & promptement dans tous les endroits où il est nécessaire pour bien faire manoeuvrer le régiment.

Il y a aussi des aides-majors des places. Ce sont des officiers qui remplissent toutes les fonctions des majors en leur absence : ils doivent précéder & commander à tous les enseignes ; & lorsqu'il ne se trouve dans les places ni gouverneur, ni lieutenans de roi, ni major, ni capitaines des régimens, ils doivent y commander préférablement aux lieutenans d'infanterie qui se trouveront avoir été reçûs lieutenans depuis que les aides-majors auront été reçûs en ladite charge d'aide-major. Briquet, Code milit. (Q)

AIDE-MAJOR, (Marine.) a les mêmes fonctions que le major en son absence. Voyez MAJOR.

Le major & l'aide-major s'embarquent sur le vaisseau du commandant : mais s'il y a plusieurs aides-majors dans une armée navale, on les distribue sur les principaux pavillons. En l'absence du major, l'aide-major a les mêmes fonctions ; & quand le major a reçu l'ordre du commandant dans le port, & qu'il le porte lui-même au lieutenant général, à l'intendant & aux chefs d'escadre, l'aide-major le porte en même tems au commissaire général & au capitaine des gardes. (Z)


AIDE-MOULEURse dit d'officiers de ville, commis par le prevôt & les échevins pour emplir les membrures, corder, mettre dans la chaîne les bois à brûler qui doivent y être mesurés, & soulager les marchands de bois dans toutes leurs fonctions ; ils sont aux ordres de ces derniers.


AIDERun cheval, (Manege.) c'est se servir, pour avertir un cheval, d'une ou de plusieurs aides ensemble, comme appeller de la langue, approcher les jambes, donner des coups de gaule ou d'éperon. Voyez AIDES, GAULE, ÉPERON, &c. (V)


AIGLANTIERS. m. (Hist. nat.) espece de rosier, mieux nommé églantier. Voyez ROSIER, pour la description du genre. (I)


AIGLES. m. (Hist. nat.) très-grand oiseau de proie qui va le jour ; c'est le plus courageux de tous ; son bec est recourbé sur toute sa longueur, ce qui peut le faire distinguer du faucon, dont le bec n'est crochu qu'à l'extrémité. On a distingué six especes principales d'aigles ; savoir 1°. l'aigle royal, qui a été appellé chrysaëtos, ou asterias, sans doute parce que ses plumes sont rousses ou de couleur d'or, & qu'elles sont parsemées de taches dont on a comparé la blancheur à celle des étoiles : 2°. l'orfraie, aigle de mer, haliaëtos. (Voyez ORFRAIE) : 3°. le petit aigle noir, melanaëtos, ou valeria : 4°. l'aigle à queue blanche, pygargus : 5°. le huard, morphnos, ou clanga. (Voyez HUARD) : 6°. le percnoptere, percnopteros. Voyez PERCNOPTERE.

AIGLE ROYAL. On trouve dans les Mémoires de l'Académie Royale des Sciences, la description suivante de deux aigles que l'on a rapportés à l'espece de l'aigle royal ; l'un étoit mâle, & l'autre femelle : ils ne pesoient chacun guere plus de huit livres, parce qu'ils étoient jeunes. Le bec étoit noir par le bout, jaune vers sa naissance, & bleuâtre par le milieu : l'oeil étoit enfoncé dans l'orbite, & couvert par une saillie de l'os du front qui faisoit comme un sourcil avancé ; il étoit de couleur isabelle fort vive, & ayant l'éclat d'une topase ; les paupieres étoient grandes, chacune étant capable de couvrir tout l'oeil ; outre les paupieres supérieures & inférieures, il y en avoit une interne qui étoit relevée dans le grand coin de l'oeil, & qui étant étendue vers le petit, couvroit entierement la cornée : le plumage étoit de trois couleurs, de châtain brun, roux, & blanc ; le dessus de la tête étoit mêlé de châtain & de roux ; la gorge & le ventre étoient mêlés de blanc, de roux & de châtain, peu de roux, & encore moins de blanc. Les tuyaux des grandes plumes des ailes avoient neuf lignes de tour ; les plumes de la queue étoient fort brunes vers l'extrémité, ayant quelque peu de blanc vers leur origine : les cuisses, les jambes, & le haut des piés, jusqu'au commencement des doigts, étoient couverts de plumes moitié blanches & moitié rousses ; chaque plume étant rousse par le bout, & blanche vers son origine. Outre les grandes plumes qui couvroient le corps, il y avoit à leur racine un duvet fort blanc & fort fin, de la longueur d'un pouce : les autres plumes qui couvroient le dos & le ventre, avoient quatre ou cinq pouces de long ; celles qui couvroient les jambes en-dehors, avoient jusqu'à six pouces, & elles descendoient de trois pouces au-dessous de la partie qui tient lieu de tarse & de métatarse. Les plumes qui garnissoient la gorge & le ventre, avoient sept pouces de long & trois de large à la femelle, & elles étoient rangées les unes sur les autres comme des écailles. Au mâle, elles étoient molles, n'ayant des deux côtés du tuyau qu'un long duvet, dont les fibres n'étoient point accrochées ensemble, comme elles sont ordinairement aux plumes fermes arrangées en écailles. Ces plumes étoient doubles ; car chaque tuyau après être sorti de la peau de la longueur d'environ deux lignes & demie, jettoit deux tiges inégales, l'une étant une fois plus grande que l'autre. Les doigts des piés étoient jaunes, couverts d'écailles de différentes grandeurs ; celles de dessus étoient grandes & en table, principalement vers l'extrémité, les autres étant fort petites : les ongles étoient noirs, crochus, & fort grands, sur-tout celui du doigt de derriere, qui étoit presque une fois plus grand que les autres. Descript. des Anim. vol. III. part. II. pag. 89. & suiv.

Joignons à cette description d'un jeune aigle quelque chose de ce qu'Aldrovande a dit d'un aigle royal, qui avoit pris tout son accroissement ; il pesoit douze livres ; il avoit trois piés neuf pouces de longueur depuis la pointe du bec jusqu'à l'extrémité de la queue, qui n'excédoit les pattes étendues que d'environ quatre pouces ; l'envergure étoit de six piés, le bec avoit une palme & un pouce de longueur, & deux pouces de largeur au milieu ; l'extrémité crochue de la partie supérieure du bec étoit longue d'un pouce & de couleur noire ; le reste étoit de couleur de corne, tirant sur le bleu pâle, taché de brun ; la langue ressembloit assez à celle de l'homme ; les yeux étoient fort enfoncés sous une prééminence de l'os du front ; l'iris brilloit comme du feu, & étoit legerement teinte de verd ; la prunelle étoit fort noire ; les plumes du cou étoient fermes & de couleur de fer ; les aîles & la queue étoient brunes, & cette couleur étoit d'autant plus foncée, que les plumes étoient plus grandes ; les petites plumes du reste du corps étoient d'un brun roux ou châtain, & parsemées de taches blanches, plus fréquentes sur le dos que sur le ventre de l'oiseau. Toutes ces plumes étoient blanches à leur racine ; il y avoit six grandes plumes dans chaque aîle : les tuyaux étoient forts, plus courts que ceux des plumes d'oie, & très-bons pour écrire. Les jambes étoient revêtues de plumes jusqu'aux piés, dont la couleur étoit jaunâtre ; les doigts étoient couverts d'écailles ; les griffes avoient depuis deux jusqu'à six pouces de longueur.

Willughby a vû trois aigles dont la queue étoit blanche en partie, & il les rapporte à l'espece de l'aigle royal. Chrysaëtos, Ornit. pag. 28.

PETIT AIGLE NOIR : Willughby a décrit un aigle de cette espece, qui étoit de moitié plus gros que le corbeau, mais plus petit que l'aigle à queue blanche ; il avoit les mâchoires & les paupieres dégarnies de plumes & rougeâtres : la tête, le cou, & la poitrine étoient noires ; on voyoit au milieu du dos, ou plûtôt entre les épaules, une grande tache de figure triangulaire, & d'un blanc roussâtre ; le croupion étoit roux ; les petites plumes des aîles étoient de la couleur de la buse ; les grandes plumes étoient traversées par une bande noire qui joignoit une autre bande blanche : enfin ce qui restoit des plumes jusqu'à leur extrémité étoit d'une couleur cendrée très-foncée ; le bec étoit moins gros que celui de l'aigle blanc ; sa pointe étoit noire, & le gros bout de couleur jaunâtre, auprès de la peau qui étoit rouge vers les narines ; l'iris des yeux étoit de couleur de noisette ; il y avoit des plumes qui couvroient le dessus des pattes, qui étoient rouges au-dessous des plumes : enfin les ongles étoient fort longs.

AIGLE A QUEUE BLANCHE. Cet oiseau tire son nom de la couleur blanche qu'il a sur la queue, selon la description que Willughby a faite d'un mâle de cette espece dans son Ornithologie, page 31. Il pese huit livres & demie ; il a environ deux piés & demi depuis la pointe du bec jusqu'à l'extrémité de la queue, & seulement vingt-six à vingt-sept pouces si on ne prend la longueur que jusqu'au bout des pattes ; l'envergure est de six piés quatre pouces. Le bec a presque deux pouces de longueur depuis la pointe jusqu'aux narines, & trois jusqu'aux angles de la bouche, & presque trois jusqu'aux yeux. Le bec a près d'un pouce un quart de largeur ; l'extrémité crochue de la partie supérieure du bec excede presque d'un pouce la partie inférieure : l'ouverture des narines est longue d'un demi-pouce, & se trouve dans une direction oblique. Le bec est d'un jaune clair, de même que la peau qui recouvre sa base & qui environne les narines. La langue est large, charnue, & noire par le bout ; son impression est marquée sur le palais par une cavité ; il a de grands yeux enfoncés sous une prééminence de l'os du front. Ses yeux sont de couleur de noisette pâle. Willughby en avoit vû d'autres de la même espece avec des yeux jaunes & rouges ; celui-ci a les piés d'une couleur jaune claire avec de grands ongles crochus ; celui de derriere, qui est le plus grand, a un pouce de longueur ; le doigt du milieu a deux pouces. La tête de l'oiseau est blanchâtre, la côte des petites plumes pointues est noire : il n'y a point de plumes entre les yeux & les narines, mais cet espace est couvert de soies cotonneuses par le bas. Les plumes du cou sont fort étroites, & les premieres un peu roussâtres. Le croupion est noirâtre, & tout le reste du corps de couleur de fer. Il y a environ vingt-sept grandes plumes dans chaque aîle, qui sont très-bonnes pour écrire ; la troisieme & la quatrieme sont les plus longues ; la seconde a un demi-pouce de moins que la troisieme, & la premiere environ trois pouces & demi moins que la seconde. Toutes les grandes plumes des aîles sont noirâtres, & les plus petites sont de couleur cendrée par le bord. Les aîles repliées ne vont pas jusqu'au bout de la queue. La queue est composée de douze plumes, & longue de près de onze pouces ; la partie supérieure des plumes est blanchâtre, & l'inférieure noire. Willughby avoit vû un autre oiseau de cette espece, dont la queue étoit blanche à son origine, & noire par le bout. Dans celui-ci les plumes extérieures de la queue sont moins longues que celles du milieu, & leur longueur diminue par degrés mesure qu'elles en sont éloignées.

Willughby trouva cet aigle à Venise, & il le rapporta à l'espece dont il s'agit à cause du blanc de la queue. La couleur de la tête & du bec de cet oiseau suffit, selon l'auteur qui vient d'être cité, pour le distinguer de l'aigle royal, dont la queue est traversée par une bande blanche.

Cette description de l'aigle à queue blanche, n'est pas d'accord avec celle d'Aldrovande dans son Ornithologie, liv. II. ch. v.

Il y a des aigles sur le mont Caucase, sur le Taurus, au Pérou, en Angleterre, en Allemagne, en Pologne, en Suede, en Danemarck, en Prusse, en Russie, & en général dans tout le Septentrion, où ils trouvent des oiseaux aquatiques qui sont aisés à prendre parce qu'ils volent difficilement, & quantité d'animaux, &c. Ils habitent les rochers les plus escarpés, & les arbres les plus élevés. Ils se plaisent dans les lieux les plus reculés & les plus solitaires, fuyant non-seulement les hommes & leurs habitations, mais aussi le voisinage des autres oiseaux de proie. Il y a deux especes d'aigles qui semblent être plus familiers : l'aigle à queue blanche, qui approche des villes & qui séjourne dans les bois & dans les plaines ; & le huard qui reste sur les lacs & les étangs. En général ils se nourrissent de la chair des poissons, des crabes, des tortues, des serpens, des oiseaux, tels que les pigeons, les oies, les cygnes, les poules, & beaucoup d'autres. Ils n'épargnent pas même ceux de leur espece, lorsqu'ils sont affamés. Ils enlevent les lievres ; ils attaquent & ils déchirent les brebis, les daims, les chevres, les cerfs, & même les taureaux ; enfin ils tombent sur toute sorte d'animaux, & quelquefois le berger n'est pas en sûreté contr'eux auprès de son troupeau. L'aigle est très-chaud. On a prétendu qu'il s'approchoit jusqu'à trente fois au moins de sa femelle en un seul jour ; & on a ajoûté que la femelle ne refusoit jamais le mâle même après l'avoir reçu tant de fois. Les aigles font leur aire sur les rochers les plus escarpés ou sur le sommet des arbres les plus élevés. Quelquefois les bâtons dont l'aire est composée tiennent d'un côté à un rocher & de l'autre à des arbres. On a vû des aires qui avoient jusqu'à six piés en quarré ; elles sont revêtues de morceaux de peaux de renard ou de lievre & d'autres pelleteries pour tenir les oeufs chauds. La ponte est ordinairement de deux oeufs, & rarement de trois : ils les couvent pendant vingt ou trente jours ; la chaleur de l'incubation est très-grande : on croit qu'il n'éclôt ordinairement qu'un seul aiglon ; le pere & la mere ont grand soin de leurs petits ; ils leur apportent dans leur bec le sang des animaux qu'ils ont tués, & ils leur fournissent des alimens en abondance, souvent même des animaux, comme des lievres, ou des agneaux encore vivans, sur lesquels les aiglons commencent à exercer leur férocité naturelle. Lorsqu'on peut aborder une aire, on y trouve différentes parties d'animaux, & même des animaux entiers bons à manger, du gibier, des oiseaux, &c. On les enleve à mesure que l'aigle les apporte, & on retient l'aiglon en l'enchaînant pour faire durer cet approvisionnement : mais il faut éviter la présence de l'aigle ; cet oiseau seroit furieux, & on auroit beaucoup à craindre de sa rencontre ; car on dit que sans être irrité, il attaque les enfans. On dit aussi que l'aigle porte son petit sur ses aîles, & que lorsqu'il est assez fort pour se soûtenir, il l'éprouve en l'abandonnant en l'air, mais qu'il le soûtient à l'instant où les forces lui manquent. On ajoûte que dès qu'il peut se passer de secours étrangers, le pere & la mere le chassent au loin, & ne le souffrent pas dans leur voisinage non plus qu'aucun autre oiseau de proie. Mais la plûpart de ces faits n'ont peut-être jamais été bien observés ; il faudroit au moins tâcher de les confirmer. Je ne parlerai pas de ceux qui sont démentis par l'expérience, ou absurdes par eux-mêmes : par exemple, la pierre d'aigle qui tempere la chaleur de l'incubation, & qui fait éclorre les petits : Voyez PIERRE D'AIGLE : l'épreuve qu'ils font de leurs petits en les exposant aux rayons du soleil, & en les abandonnant s'ils ferment la paupiere : la maniere dont les vieux aigles se rajeunissent ; & tant d'autres faits qu'il est inutile de rapporter.

Les Naturalistes assûrent que l'aigle vit long-tems, & peut-être plus qu'aucun autre oiseau. On prétend que lorsqu'il est bien vieux, son bec se courbe au point qu'il ne peut plus prendre de nourriture. Cet oiseau est un des plus rapides au vol & des plus forts pour saisir sa proie. Il est doüé à un degré éminent de qualités, qui lui sont communes avec les autres oiseaux de proie, comme la vûe perçante, la férocité, la voracité, la force du bec & des serres, &c. Voyez OISEAU DE PROIE. (I)

* L'AIGLE est un oiseau consacré à Jupiter, du jour où ce dieu ayant consulté les augures dans l'île de Naxos, sur le succès de la guerre qu'il alloit entreprendre contre les Titans, il parut un aigle qui lui fut d'un heureux présage. On dit encore que l'aigle lui fournit de l'ambroisie pendant son enfance, & que ce fut pour le récompenser de ce soin qu'il le plaça dans la suite parmi les astres. L'aigle se voit dans les images de Jupiter, tantôt aux piés du dieu, tantôt à ses côtés, & presque toûjours portant la foudre entre ses serres. Il y a bien de l'apparence que toute cette fable n'est fondée que sur l'observation du vol de l'aigle qui aime à s'élever dans les nuages les plus hauts, & à se tenir dans la région du tonnerre. C'en fut là tout autant qu'il en falloit pour en faire l'oiseau du dieu du ciel & des airs, & pour lui donner la foudre à porter. Il n'y avoit qu'à mettre les Payens en train, quand il falloit honorer leurs dieux : la superstition imagine plûtôt les visions les plus extravagantes & les plus grossieres, que de rester en repos. Ces visions sont ensuite consacrées par le tems & la crédulité des peuples ; & malheur à celui qui sans être appellé par Dieu au grand & périlleux état de missionnaire, aimera assez peu son repos & connoîtra assez peu les hommes, pour se charger de les instruire. Si vous introduisez un rayon de lumiere dans un nid de hibous, vous ne ferez que blesser leurs yeux & exciter leurs cris. Heureux cent fois le peuple à qui la religion ne propose à croire que des choses vraies, sublimes & saintes, & à imiter que des actions vertueuses ; telle est la nôtre, où le Philosophe n'a qu'à suivre sa raison pour arriver aux piés de nos autels.

AIGLE, s. m. en Astronomie, est le nom d'une des constellations de l'hémisphere septentrional ; son aîle droite touche à la ligne équinoctiale ; son aîle gauche est voisine de la tête du serpent ; son bec est séparé du reste du corps par le cercle qui va du cancer au capricorne.

L'aigle & Antinoüs ne font communément qu'une même constellation. Voyez CONSTELLATION.

Ptolomée dans son catalogue ne compte que 15 étoiles dans la constellation de l'aigle & d'Antinoüs, Tycho-Brahé en compte 17 : le catalogue Britannique en compte 70. Hevelius a donné les longitudes, latitudes, grandeurs, &c. des étoiles qui sont nommées par les deux premiers auteurs ; on peut voir le calcul du catalogue Britannique sur cette constellation dans l'Histoire Céleste de Flamstéed. (O)

AIGLE, s. f. en Blason, est le symbole de la royauté, parce qu'il est, selon Philostrate, le roi des oiseaux ; c'est aussi la raison pour laquelle les anciens l'avoient dédié à Jupiter.

L'empereur, le roi de Pologne, &c. portent l'aigle dans leurs armes : on l'estime une des parties les plus nobles du Blason ; & suivant les connoisseurs dans cet art, elle ne devroit jamais être donnée qu'en récompense d'une bravoure ou d'une générosité extraordinaire. Dans ces occasions, on peut permettre de porter ou une aigle entiere, ou une aigle naissante, ou bien seulement une tête d'aigle.

On représente l'aigle quelquefois avec une tête, quelquefois avec deux, quoiqu'elle n'ait jamais qu'un corps, deux jambes, & deux aîles ouvertes & étendues, & en ce cas on dit qu'elle est éployée : telle est l'aigle de l'Empire, qu'on blasonne ainsi ; une aigle éployée, sable, couronnée, languée, becquée & membrée de gueule.

La raison pour laquelle on a coûtume de donner dans le Blason des aigles avec les aîles ouvertes & étendues, est que dans cette attitude elles remplissent mieux l'écusson, & qu'on s'imagine que cette attitude est naturelle à l'aigle lorsqu'elle arrange son plumage, ou qu'elle regarde le soleil. On voit cependant dans les armoiries, des aigles dans d'autres attitudes ; il y en a de monstrueuses, à tête d'homme, de loup, &c.

Les auteurs modernes se servent du mot éployée, pour designer une aigle qui a deux têtes, & l'appellent simplement aigle, sans ajoûter d'épithete, lorsqu'elle n'en a qu'une. Le royaume de Pologne porte gueule, une aigle argent, couronnée & membrée, or.

L'aigle a servi d'étendart à plusieurs nations. Les premiers peuples qui l'ont portée en leurs enseignes sont les Perses, selon le témoignage de Xénophon. Les Romains, après avoir porté diverses autres enseignes, s'arrêterent enfin à l'aigle, la seconde année du consulat de Marius : avant cette époque, ils portoient indifféremment des loups, des léopards, & des aigles, selon la fantaisie de celui qui les commandoit. Voyez ÉTENDART.

Plusieurs d'entre les savans soûtiennent que les Romains emprunterent l'aigle de Jupiter, qui l'avoit prise pour sa devise, parce que cet oiseau lui avoit fourni du nectar pendant qu'il se tenoit caché dans l'île de Crete, de peur que son pere Saturne ne le dévorât. D'autres disent qu'ils la tiennent des Toscans, & d'autres enfin des habitans de l'Epire.

Il est bon de remarquer que ces aigles Romaines n'étoient point des aigles peintes sur des drapeaux ; c'étoient des figures en relief d'or ou d'argent, au haut d'une pique ; elles avoient les aîles étendues, & tenoient quelquefois un foudre dans leurs serres. Voyez l'Histoire de Dion, liv. XI. Au-dessous de l'aigle on attachoit à la pique des boucliers, & quelquefois des couronnes. Voyez Feschius, Dissert. de insignibus. Et Lipse, de Militia Romanâ, liv. IV. Dialogue 5.

On dit que Constantin fut le premier qui introduisit l'aigle à deux têtes, pour montrer qu'encore que l'Empire semblât divisé, ce n'étoit néanmoins qu'un même corps. D'autres disent que ce fut Charlemagne, qui reprit l'aigle, comme étant l'enseigne des Romains, & qu'il y ajoûta une seconde tête. Mais cette opinion est détruite par un aigle à deux têtes, que Lipse a observé dans la colonne Antonine, & parce qu'on ne voit qu'une seule tête dans le sceau de l'empereur Charles IV. qui est apposé à la bulle d'or. Ainsi il y a plus d'apparence à la conjecture du pere Menestrier, qui dit que de même que les Empereurs d'Orient, quand il y en avoit deux sur le thrône, marquoient leurs monnoies d'une croix à double traverse, que chacun d'eux tenoit d'une main, comme étant le symbole des Chrétiens ; aussi firent-ils la même chose de l'aigle dans leurs enseignes, & au lieu de doubler leurs aigles, ils les joignirent & les représenterent avec deux têtes : en quoi les Empereurs d'Occident suivirent bien-tôt leur exemple.

Le pere Papebrock demande que la conjecture du pere Menestrier soit prouvée par d'anciennes monnoies, sans quoi il doute si l'usage de l'aigle à deux têtes n'a point été purement arbitraire ; cependant il convient qu'il est probable que cet usage s'est introduit à l'occasion de deux Empereurs qui avoient été en même tems sur le thrône : il ajoûte que depuis l'aigle à deux têtes de la colonne Antonine, on n'en trouve plus jusqu'au quatorzieme siecle sous l'empereur Jean Paléologue.

Selon M. Spanheim, l'aigle sur les médailles est un symbole de la divinité & de la providence : mais tous les autres antiquaires disent que c'est le symbole de la souveraineté ou de l'Empire ; les princes sur les médailles desquels on la trouve le plus souvent, sont les Ptolemées & les Seleucides de Syrie : une aigle avec le mot consecratio dénote l'apothéose d'un Empereur. (V)

AIGLE, (en Architecture.) c'est la représentation de cet oiseau qui servoit anciennement d'attribut aux chapiteaux des temples dédiés à Jupiter. On s'en sert encore pour orner quelques chapiteaux, comme à l'ionique de l'église des PP. Barnabites de Paris. (P)

* AIGLE, (Géog.) petite ville de France dans la haute Normandie, à onze lieues d'Evreux & dix-neuf de Rouen.


AIGLE CELESTEse dit figurément par les Alchimistes en parlant du sel ammoniac, parce que ce sel volatilise & emporte avec lui des matieres naturellement très-pesantes ; c'est pourquoi on se sert en Chimie de sel ammoniac pour diviser & volatiliser les minéraux & les métaux mêmes : c'est ainsi qu'on fait les fleurs de pierre haematite. Voyez SEL AMMONIAC. (M)


AIGLE-BLANC(Hist. mod.) Ordre de Chevalerie en Pologne, institué en 1325 par Uladislas V. lorsqu'il maria son fils Casimir avec la princesse Anne fille du grand duc de Lithuanie. Le roi de Pologne Frédéric Auguste, électeur de Saxe, renouvella l'ordre de l'Aigle-blanc en 1705, afin de s'attacher par cette distinction les principaux seigneurs, dont plusieurs penchoient pour le roi Stanislas. Les Chevaliers de cet ordre portoient une chaîne d'or, d'où pendoit sur l'estomac un aigle d'argent couronné.

AIGLE-NOIR ; c'est aussi le nom d'un ordre de chevalerie institué le 18 Janvier 1701 par l'électeur de Brandebourg, lorsqu'il eut été couronné roi de Prusse. les chevaliers de l'Aigle-noir portent un ruban orangé, qui de l'épaule gauche passe sous le bras droit, & d'où pend une croix bleue entourée d'aigles noirs. (G)


AIGLETTES. f. terme dont on se sert dans le Blason, lorsqu'il y a plusieurs aigles dans un écu. Elles y paroissent avec bec & jambes, & sont fort souvent becquées & membrées d'une autre couleur, ou d'un autre métal que le gros du corps. (V)


AIGLURESS. f. pl. (Fauconnerie.) ce sont des taches rousses qui bigarrent le dessus du corps de l'oiseau. Le lanier plus que tous les autres est bigarré d'aiglures, qu'on appelle aussi bigarrures.


AIGNAI-LE-DUC(Géog.) petite ville de France en Bourgogne, généralité de Dijon.


AIGNAN(SAINT) (Géog.) ville de France dans le Berry sur le Cher.


AIGRE(Med.) ce mot exprime ce goût piquant accompagné d'astringence que l'on trouve dans les fruits qui ne sont pas encore mûrs ; c'est une bonne qualité dans ces fruits considérés comme remedes acides. Voyez ACIDE. (N)


AIGREDONS. m. (Hist. nat.) espece de duvet mieux nommé édredon. Voyez EDREDON. (I)


AIGREFINS. m. (Hist. nat.) poisson de mer mieux connu sous le nom d'égrefin. V. EGREFIN. (I)


AIGREMOINEsub. f. (Hist. nat. bot.) en Latin agrimonia, herbe dont la fleur est composée de plusieurs feuilles disposées en rose & soûtenues par le calice. Lorsque la fleur est passée, le calice devient un fruit oblong pour l'ordinaire, hérissé de piquans, & renfermant une ou deux semences le plus souvent oblongues. Tournefort, Inst. rei herb. V. PLANTE. (I)


AIGREMONT-LE-DUC(Géog.) ville de France en Bourgogne, généralité de Dijon.


AIGREMORES. m. (Artificier.) Les Artificiers déguisent sous ce nom toutes sortes de charbons de bois tendres propres aux feux d'artifices, comme sont ceux de bois de bourdaine ou purine, de saule, de coudre, de tilleul, & autres semblables, lorsqu'ils sont écrasés & tamisés.


AIGRETTES. f. (Hist. nat.) Ardea alba minor, oiseau qui pese près d'une livre, & qui a environ vingt-deux pouces de longueur depuis la pointe du bec jusqu'à l'extrémité de la queue, & trente pouces si on prend la longueur jusqu'au bout des pattes. Tout son corps est d'un beau blanc ; il a une petite aigrette qui lui prend derriere la tête. On lui voit un espace auprès des yeux, dégarni de plumes & de couleur verte ; le bec est noirâtre & long d'environ quatre pouces ; l'iris des yeux est d'un jaune pâle ; la langue est courte ; les pattes sont de couleur verte, & couvertes d'espace en espace d'une corne noirâtre qu'on peut lever en écaille. Le bas des jambes est dégarni de plumes ; la premiere phalange du doigt extérieur tient au doigt du milieu par une membrane.

Willughby croit que cet oiseau est le même que celui que Gesner & Aldrovande ont décrit sous le nom d', ou garzetta, & que Belon appelle en François aigrette, quoique les descriptions soient un peu différentes.

Gesner dit que les plumes de l'aigrette sont très-longues & d'un grand prix ; mais Belon & Aldrovande prétendent que les plumes dont les grands ornent leur tête, & qui se vendent à un si haut prix en Turquie, ne sont pas des plumes de la tête de cet oiseau, mais qu'elles viennent sur le dos, à côté des ailes. Willughby.

Cet auteur avoit acheté à Venise l'aigrette qu'il a décrite ; elle n'avoit pas les plumes d'aigrette ; il soupçonne qu'on les avoit arrachées avant que de vendre l'oiseau. Voyez OISEAU. (I)

AIGRETTE, s. f. en Latin pappus, terme de Botanique, c'est une espece de brosse ou de pinceau de poil délié qui se trouve au haut des graines des chardons, de la dent de lion, des asters, & de plusieurs autres plantes. Ces graines se soûtiennent aisément en l'air au moyen de leurs aigrettes, de sorte que le moindre vent les disperse & les porte au loin. Ces aigrettes sont un caractere par lequel on distingue plusieurs genres de plantes. Voyez PLANTE. (I)

* AIGRETTE, s. f. partie du casque connu dans les anciens auteurs sous le nom de juba ou crista. C'étoit une boîte quarrée fixée sur le devant d'où sortoient de grandes plumes ; ce qui faisoit un assez bel ornement de tête.

AIGRETTE, en terme de Metteur en oeuvre, c'est un petit bouquet de pierres précieuses serties & assemblées, dont les dames décorent leurs coëffures. On y distingue sa queue, ses branches, ses feuillages, & ses fleurs voltigeantes. Au reste il y a des aigrettes de toutes sortes de formes, de rondes, d'ovales, de longues, de ramassées, d'étalées, à branches, sans branches, &c.

AIGRETTE de verre, autre sorte d'ornement ou parure des femmes, & composé de fils de verre aussi fins que des cheveux. Voyez à l'article EMAIL la maniere de tirer le fil de verre dont on forme des aigrettes. On lie ensemble par un bout un faisceau de ces fils au moyen d'un fil de léton très-fin & recuit pour qu'il soit plus flexible. On coupe ensuite tous les fils d'une même longueur, & l'aigrette est achevée.

Les fils des petites aigrettes, après être liés, sont soudés ensemble au moyen de la flamme que le chalumeau de la lampe d'Emailleur porte sur leurs extrémités.

AIGRETTE se prend aussi communément par les Plumassiers pour le bouquet entier des lits & des dais ; quoique l'aigrette ne fasse que le terminer par en-haut, & que le bas du bouquet soit composé de plumes d'autruche.

AIGRETTE, (Artific.) espece d'artifice dont le flux d'étincelles imite un peu les aigrettes de verre. On n'en parle guere que lorsqu'il sert de porte-feu à un pot qui jette quantité d'autres artifices sous le nom de pot à aigrette.

AIGRETTES, s. f. pl. ardeolae cristae, (Hist. nat.) plumes qui ont fait donner le nom d'aigrette à l'oiseau qui les porte. V. AIGRETTE, oiseau. Ces plumes servent d'ornement de tête chez les nations qui ont des turbans ou des bonnets, comme les Turcs, les Perses, les Polonois, &c. On les apporte du Levant par la voie de Marseille. (I)


AIGREURS. f. se dit, en Medecine, des rapports acides qui viennent des premieres voies. Ces rapports sont produits par les alimens qui prennent dans l'estomac, ou reçoivent de ce viscere une qualité acide à laquelle ils sont quelquefois enclins de leur nature. La foiblesse des organes de la digestion est la cause principale des aigreurs. Aussi les enfans, les femmes, les vaporeux & les convalescens y sont-ils plus sujets que d'autres. On y remédie par les évacuans, les amers absorbans, les remedes toniques, l'exercice, la diete restaurante, &c. (N)

AIGREUR, s. f. terme relatif au sens du goût : c'est cette qualité dans une substance, ou la sensation excitée sur les organes du goût par cette qualité, que nous reconnoissons dans les citrons, l'épine vinette, & autres. Exprimer l'aigre du citron, c'est en tirer le jus. (N)


AIGRIRv. n. c'est contracter par quelque cause que ce soit, cette qualité relative au goût que nous remarquons dans certains fruits, & qui leur est naturelle. Voyez AIGRE.

Les confitures prennent cette qualité par l'humidité des fruits, quand on n'a pas soin de leur faire rendre ou leur eau naturelle, ou celle dont ils ont été imbibés en blanchissant ; elle décuit le sucre, & occasionne la moisissure.


AIGUPOINTU, ou TRANCHANT, adj. m. ce qui se termine en pointe ou en tranchant, dont la forme est propre à percer ou à couper.

Ce mot pris en ce sens est ordinairement opposé à ce que l'on appelle obtus. Voyez OBTUS.

Angle aigu en Géométrie, est celui qui est plus petit qu'un ongle droit, ou qui n'est pas assez grand pour être mesuré par un arc de 90 degrés. Voyez ANGLE. Tel est l'angle A E C. (Pl. Géom. fig. 86.)

Le triangle acutangle est celui dont les trois angles sont aigus ; on l'appelle aussi triangle oxygone. Voyez TRIANGLE. Tel est le triangle A C B. (Pl. Géom. fig. 68.)

Section acutangulaire d'un cone. C'est une expression dont les anciens Géometres se servoient pour désigner l'ellipse. Voyez ELLIPSE & CONE.

Aigu, en terme de Musique, se dit d'un son ou d'un ton perçant ou élevé, par rapport à quelqu'autre ton. Voyez SON.

En ce sens ce mot est opposé au mot grave.

Les sons considérés en tant qu'aigus & graves, c'est-à-dire sous les rapports d'aigu & de grave, sont un des fondemens de l'harmonie. Voyez TON, ACCORD & HARMONIE. (S)

* AIGU, accent aigu, terme de Grammaire. Voyez ACCENT.

AIGU, adj. vaisseau aigu, aigu par l'avant, aigu par l'arriere ; c'est un vaisseau qui est étroit en son dessous, ou par les façons. (Z)


AIGUADES. f. c'est le lieu où les vaisseaux envoyent l'équipage pour faire de l'eau, c'est-à-dire, pour renouveller leur provision d'eau douce. On trouve dans cette rade une aiguade excellente ; c'est un ruisseau qui descend des montagnes voisines, &c.

On entend aussi par ce mot la provision d'eau douce qu'on fait pour le vaisseau. On dit, nous fîmes aiguade à cette île : mais cette expression n'est plus guere en usage, &c. On dit plus communément nous fîmes de l'eau. (Z)


AIGUAILLES. f. terme de chasse ; c'est la rosée qui tombe le matin dans la campagne : on dit, les chiens d'aiguaille ne valent rien le haut du jour.


AIGUE-MARINES. f. (Hist. nat.) aqua marina des Italiens, pierre précieuse d'une couleur mêlée de vert & de bleu, à-peu-près comme la couleur de l'eau de mer, d'où vient le nom d'aigue-marine, que les modernes ont donné à cette pierre. Il y a très-grande apparence que les anciens la connoissoient sous le nom de beril ; les plus beaux berils, dit Pline, sont ceux qui imitent la couleur de l'eau de la mer ; il distingue plusieurs especes de beril (voyez BERIL), auxquels il seroit très-difficile de rapporter nos aigues-marines ; par exemple, les chryso-berils qui avoient de la couleur d'or. Je suppose que cette couleur d'or soit sur un fond vert, c'est notre peridot (voyez PERIDOT), mais on ne peut avoir à présent que des présomptions sur la vraie signification des anciennes dénominations de la plûpart des pierres précieuses. Quoi qu'il en soit du nom ancien de l'aigue-marine, tâchons de donner un moyen sûr pour distinguer cette pierre précieuse de toute autre. L'aigue-marine étant d'une couleur verte mêlée de bleu, on ne peut la confondre qu'avec les pierres vertes & les pierres bleues qui sont les émeraudes & les saphirs (voyez EMERAUDE, SAPHIR) : mais si on fait attention que l'émeraude doit être purement verte sans aucune teinte de bleu, & le saphir purement bleu ou indigo, & toûjours sans aucune teinte de vert, on reconnoîtra aisément que toute pierre teinte de vert & de bleu mêlés ensemble, n'est ni une émeraude ni un saphir. Ce mêlange de la couleur de l'émeraude & de celle du saphir, c'est-à-dire du vert & du bleu, caractérise si bien l'aigue-marine, qu'il n'est pas possible de s'y méprendre. Il y a des aigues-marines où le vert domine plus que le bleu ; il y en a où le bleu domine plus que le vert. Quel que soit le mêlange de ces deux couleurs, la teinte en peut être plus ou moins foncée. Ces pierres different encore entr'elles par la dureté ; les unes sont orientales, les autres sont occidentales ; les premieres sont les plus dures, leur poli est le plus fin ; elles sont par conséquent plus belles, plus rares & plus cheres que les aigues-marines occidentales. On peut distinguer toutes ces différentes especes, comme il sera expliqué au mot PIERRE PRECIEUSE. Les plus belles aigues-marines viennent des Indes orientales ; on dit qu'on en trouve sur les bords de l'Euphrate & au pié du mont Taurus. Les aigues-marines occidentales viennent de Boheme, d'Allemagne, de Sicile, de l'île d'Elbe, &c. On assûre qu'il y en a sur quelques côtes de la mer Océane. (I)


AIGUE-PERSE(Géog.) ville de France, dans la basse Auvergne. Long. 20. 46. lat. 45. 50.


AIGUES-MORTES(Géog.) ville de France, dans le bas Languedoc. Long. 22. 54. lat. 43. 34.


AIGUILLATS. m. (Hist. nat.) poisson de mer, mieux connu sous le nom de chien de mer. Voyez CHIEN DE MER. (I)


AIGUILLES. f. (Hist. nat.) poisson de mer. Il y a deux sortes de poisson de mer que l'on appelle aiguille, parce que leurs mâchoires sont si fort allongées, qu'elles ressemblent en quelque façon à de longues aiguilles ; la premiere espece dont il est question dans cet article, retient simplement le nom d'aiguille ; l'autre est appellée aiguille d'Aristote. Voyez AIGUILLE D'ARISTOTE.

L'aiguille est nommée en Latin acus ou aculeatus ; en Normandie on lui donne le nom d'arphye. Ce poisson n'est pas gluant comme la plûpart des autres poissons ; il est long & lisse, les deux mâchoires sont fort menues & fort allongées ; celle du dessous avance plus que celle du dessus, elle est molle à son extrémité ; toutes les deux sont garnies de petites dents posées fort près les unes des autres. La tête est de couleur verte & de figure triangulaire ; les yeux sont grands, ronds & jaunes, il se trouve deux trous devant les yeux. Ce poisson a quatre oüies doubles de chaque côté, deux nageoires près des oüies, deux autres petites sous le ventre, & deux autres plus grandes près de la queue, l'une en-dessous & l'autre au-dessus : ces deux nageoires sont garnies d'aiguillons jusqu'à la queue, qui est courte & terminée par deux petites nageoires qui la rendent fourchue. L'aiguille a le ventre plat, son corps paroît quarré, à cause d'une suite d'écaille qui va depuis la tête jusqu'à la queue ; le reste est lisse & sans écailles. L'épine du dos est verte, le dos bleu, & le ventre blanc. Toutes les parties intérieures sont allongées comme la figure de ce poisson. En été son ventre est rempli d'oeufs. Sa chair est dure, seche, & indigeste. Rondelet, Voyez POISSON. (I)

AIGUILLE d'Aristote, s. f. (Hist. nat.) poisson de mer. Il y a deux sortes de poissons de mer, appellés aiguille, dont l'une retient simplement le nom d'aiguille. Voyez AIGUILLE. L'autre, dont il est ici question, est appellée aiguille d'Aristote, parce que c'est l'espece dont l'auteur a fait mention en plusieurs endroits de ses ouvrages. On lui donne en Languedoc le nom de trompette. Il y a plusieurs de ces poissons qui sont de la longueur d'une coudée : mais ils ne sont tous pas plus gros que le doigt. L'extrémité de la tête de ce poisson est en forme de tuyau, ce qui lui a fait donner le nom de trompette ; son corps a six faces depuis la tête jusqu'à l'anus, & dans le reste il n'y a que quatre faces ; il n'est pas couvert d'écailles, mais d'une sorte d'écorce dure & gravée ; l'anus est placé presque au milieu du corps. On voit derriere l'anus une fente longue, dans laquelle on trouve des oeufs, & quelquefois des petits nouvellement éclos, de différentes grandeurs. Ce poisson a deux petites nageoires auprès des ouïes, & une autre fort petite sur le dos, qui n'est bien apparente que lorsque le poisson s'agite dans l'eau ; la queue est terminée par une seule nageoire fort menue. L'aiguille d'Aristote a un conduit long qui communique de la bouche à l'estomac, qui est petit & allongé. Le foie est grand, les boyaux sont étroits & droits ; ce poisson n'a pour ainsi dire point de chair. Rondelet, Voyez POISSON.

AIGUILLE DE BERGER, scandix, (Hist. nat.) ou pecten Veneris, genre de plante, plus connu sous le nom de peigne de Venus. Voyez PEIGNE DE VENUS. (I)

AIGUILLE AIMANTEE, est une lame d'acier longue & mince, mobile sur un pivot par son centre de gravité, & qui a reçu d'une pierre d'aimant la propriété de diriger ses deux bouts vers les poles du monde. Voyez AIMANT.

Les meilleures aiguilles ont environ six pouces de longueur, deux lignes & demie de largeur vers le milieu, & deux lignes vers les extrémités ; l'épaisseur doit être d'environ un sixieme de ligne.

On donne ordinairement aux aiguilles aimantées la figure d'une fleche, & on fait ensorte que ce soit la pointe qui se tourne du côté du nord. Voyez Pl. de physique, fig. 47. Mais il est plus avantageux que ces extrémités se terminent en une pointe qui ne soit point trop aiguë, comme on voit dans la fig. 48. & il sera facile de désigner par les lettres N & S, qu'on gravera sur ces extrémités, les pointes qui doivent se diriger au nord & au sud. La chape C doit être de laiton, soudée sur le milieu de l'aiguille, & creusée d'une forme conique, dont l'axe soit bien perpendiculaire à l'aiguille, & passe par son centre de gravité. Le style F qui doit servir de pivot, doit être d'acier bien trempé, exactement droit, délié & fixé perpendiculairement sur la base B. Enfin la pointe de ce style doit être extrèmement polie & terminée en une pointe un peu mousse.

Comme il est difficile de bien placer la chape dans le centre de gravité, on tâchera de la mettre dans cette situation le plus exactement qu'il sera possible ; & l'ayant mise ensuite sur son pivot, si on remarque qu'elle ne soit pas en équilibre, on en ôtera un peu du côté qui paroîtra le plus pesant.

Quoique la plûpart des lames d'acier qu'on employe à cet usage, ayent naturellement la propriété de se diriger vers les poles du monde, & qu'on puisse aider cette propriété naturelle en les trempant dans l'eau froide après les avoir fait rougir, & les faisant recuire peu-à-peu ; il n'est cependant pas douteux qu'on ne doit compter que sur les aiguilles qui auront été aimantées par un bon aimant.

La meilleure maniere d'aimanter une aiguille, est de la fixer sur une table, & de poser sur son milieu de chaque côté de la chape, le pole boréal d'un bon aimant, & le pole austral d'un autre, de maniere cependant que le pole boréal de l'aimant soit posé sur la partie de l'aiguille qui doit se tourner au sud, & le pole austral de l'autre aimant sur la partie qui doit se tourner vers le nord. Ensuite on coulera chacun de ces poles en appuyant fortement du milieu vers la pointe, & on réitérera cette opération quinze ou vingt fois, en observant d'éloigner un peu les pierres avant que de les approcher de la chape ; alors l'aiguille sera aimantée, & la partie qui aura été touchée par le pole austral de la pierre, se dirigera constamment vers le nord, & avec vivacité.

L'excellence de l'aimant avec lequel on touche l'aiguille, & la grande vertu magnétique qu'elle reçoit dans toutes les circonstances que nous venons de rapporter, font qu'elle obéit plus facilement aux impressions magnétiques, & que les obstacles du frottement & de la résistance de l'air deviennent comme nuls : mais elle ne prend pas une meilleure direction que si elle eût été moins bien aimantée. En effet on observe que la direction des aiguilles qui n'ont jamais touché à l'aimant, ou qui ont été trempées après avoir été rougies, celles de toutes les especes d'aiguilles aimantées sur différentes pierres, de figures & de qualités différentes, & dans quelque partie du monde que ce soit ; on observe, dis-je, que la direction de toutes ces aiguilles se fait uniformément suivant le même méridien magnétique particulier à chaque lieu. Voyez fig. 35. n°. 2.

Il est arrivé quelquefois que le tonnerre tombé auprès d'une aiguille aimantée, en a changé la direction, & même qu'il lui en a donné une directement contraire : mais ces accidens sont assez rares, & ne doivent point être comptés parmi ceux qui agissent sur l'aiguille aimantée, & qui en changent constamment la direction.

On seroit bien plus porté à croire que les mines de fer, dans le voisinage desquelles se trouveroit une aiguille aimantée, pourroient altérer sa vertu directive : on s'est assûré du contraire en mettant une aiguille très-mobile auprès d'un morceau d'excellente mine de fer, qui rendoit 23 livres de fer par chaque quintal (110 livres), sans que l'aiguille en ait été sensiblement dérangée. Mais il y a d'autres causes inconnues, dépendantes sans doute des météores, qui dérangent sensiblement l'aiguille aimantée : par exemple, à la latitude de 41d 10' du nord & à 28d 0' de longitude du cap Henri en Virginie, le 2 Septembre 1724, l'aiguille aimantée devint d'une agitation si grande, qu'il fut impossible de se servir de la boussole pour faire la route ; & on eut beau mettre plusieurs aiguilles en différens endroits du vaisseau, & en aimanter quelques-unes de nouveau, la même agitation continua & dura pendant plus d'une heure, après quoi elle se calma, & l'aiguille se dirigea comme à l'ordinaire.

Il y a quelque apparence que le grand froid détruit, ou du moins suspend la vertu directive de l'aiguille aimantée. Le capitaine Ellis rapporte dans son voyage à la baie d'Hudson, qu'un jour que son vaisseau étoit environné de beaucoup de glace, ses aiguilles aimantées perdirent entierement leur vertu directive ; que pendant que l'une suivoit une certaine direction, l'autre en marquoit une toute différente, & que pas une ne resta long-tems dans la même direction ; qu'il tâcha de remédier à ces accidens, en touchant ses aiguilles à un aimant artificiel : mais qu'il y perdit ses peines, & qu'elles perdoient en un moment la vertu qu'elles acquéroient par ce moyen ; & qu'il fut bien convaincu après plusieurs essais, que ce dérangement des aiguilles ne pouvoit être corrigé par l'attouchement de l'aimant ; que le moyen qui lui réussit le mieux pour remédier à cet accident, fut de placer ses aiguilles dans un lieu chaud, où elles reprirent effectivement leur activité, & pointerent juste comme à l'ordinaire : d'où il conclut que le froid excessif causé par les montagnes de glace dont il étoit environné, en resserrant trop les pores des aiguilles, empêchoit les écoulemens de la matiere magnétique de les traverser, & que la chaleur dilatant ces mêmes pores, rendoit la liberté au passage de cette même matiere.

Lorsqu'on place une aiguille aimantée sur une bonne méridienne, ensorte que son pivot soit bien perpendiculaire & dans le plan de cette méridienne, & qu'on la laisse ensuite se diriger d'elle-même suivant son méridien magnétique, on observe qu'elle ne se dirige pas exactement vers les poles du monde, mais qu'elle en décline de quelques degrés, tantôt à l'est, tantôt à l'ouest, suivant les différens lieux, & en différens tems dans le même lieu.

La découverte de cette déclinaison de l'aiguille aimantée, a suivi de peu de tems celle de sa direction. Il étoit naturel de chercher à approfondir les circonstances de cette vertu directive ; & en la mettant si souvent sur la ligne méridienne, on se sera bientôt apperçû qu'elle déclinoit. Thevenot assûre dans ses voyages avoir vû une lettre de Pierre Adsiger, écrite en 1269, dans laquelle il est dit que l'aiguille aimantée déclinoit de cinq degrés : & M. de Lisle le Géographe possédoit un manuscrit d'un pilote de Dieppe nommé Crignon, dédié en 1534 à Sebastien Chabot, Vénitien, dans lequel on fait mention de la déclinaison de l'aiguille aimantée ; cependant on fait honneur de cette découverte à Chabot lui-même, à Gonzales de Oviedo, à Robert Normann, à Dalancé, & autres.

Il paroît au reste que cette découverte étoit très-connue dans le xvj. siecle ; car Hartman l'a observée en Allemagne de 10d 15' en l'année 1536. Dans le commencement on attribuoit cette déclinaison de l'aiguille à ce qu'elle avoit été mal aimantée, ou à ce que la vertu magnétique s'affoiblissoit : mais les observations réitérées ont mis cette vérité hors de doute.

La variation de la déclinaison, c'est-à-dire ce mouvement continuel dans l'aiguille aimantée, qui fait que dans une même année, dans le même mois, & même à toutes les heures du jour, elle se tourne vers différens points de l'horison ; cette variation, dis-je, paroît avoir été connue de bonne-heure en France. Les plus anciennes observations sont celles qui ont été faites en 1550 à Paris ; l'aiguille déclinoit alors de 8d vers l'est, en 1580 de 11d 30' vers l'est, en 1610 de 8d 0' vers l'est, jusqu'à ce qu'en 1625 Gellibrand a fait en Angleterre des observations très-exactes sur cette variation.

Nous joignons ici la table des différens degrés de déclinaison de l'aiguille aimantée, faites à Paris, surtout à l'Observatoire royal.

TABLE des différens Degrés de Déclinaison de l'Aiguille aimantée, observés à Paris.

Pour observer commodément la déclinaison de l'aiguille aimantée, il faut tracer d'abord une ligne méridienne bien exacte sur un plan horisontal, dans un endroit qui soit éloigné des murs, ou des autres endroits où il pourroit y avoir du fer ; ensuite on placera sur cette ligne la boîte graduée d'une aiguille bien suspendue sur son axe, ensorte que le point O de la graduation soit tourné & posé bien exactement sur la méridienne du côté du nord. On aura soin que la boîte soit bien horisontale sur le plan, & que rien n'empêche la liberté des vibrations de l'aiguille ; alors l'extrémité B de l'aiguille marquera sa déclinaison, qui sera exprimée par l'arc compris depuis O jusqu'à l'endroit vis-à-vis duquel l'aiguille est arrêtée. Voyez fig. 37. n°. 2.

Les observations qu'on a faites sur la déclinaison de l'aiguille aimantée, ont mis à portée de découvrir son inclinaison, c'est-à-dire cette propriété qu'elle a de s'incliner vers un des poles du monde plûtôt que vers un autre. En effet si on construit une aiguille qui soit parfaitement en équilibre sur son pivot avant que d'être aimantée, c'est-à-dire que son plan soit bien parallele à l'horison, dès qu'elle aura été aimantée, elle cessera d'être en équilibre, s'inclinera dans notre hémisphere vers le pole boréal & vers le pole austral dans l'hémisphere méridional de notre globe.

Cette inclinaison est d'autant plus considérable, que l'aiguille est plus proche des poles du monde, & d'autant moindre, qu'elle est proche de l'équateur, ensorte que sous la ligne l'aiguille est parfaitement horisontale. Cette inclinaison au reste varie dans tous les lieux de la terre comme la déclinaison ; elle varie aussi dans tous les tems de l'année & dans les différentes heures du jour : & il paroît que les variations de cette inclinaison sont plus considérables que celles de la déclinaison, & pour ainsi dire indépendantes l'une de l'autre. On peut voir dans la figure 35. n°. 3. de quelle maniere on dispose l'aiguille pour observer son inclinaison. Mais on n'a pas été longtems à s'appercevoir qu'une grande partie de cette variation dépendoit du frottement de l'axe sur lequel l'aiguille devoit tourner pour se mettre en équilibre ; car en examinant la quantité des degrés d'inclinaison d'une aiguille mise en mouvement & revenue à son point de repos, on la trouvoit tout-à-fait variable, quoique l'expérience fût faite dans les mêmes circonstances, dans la même heure, & avec la même aiguille : d'ailleurs on a fait différentes aiguilles avec tout le soin imaginable ; on les a faites de même longueur & épaisseur, du même acier ; on les a frottées toutes également & de la même maniere sur un bon aimant ; ç'a été par hasard quand deux se sont accordées à donner la même inclinaison ; ces inégalités ont été quelquefois à 10 ou 12 degrés : ensorte qu'il a fallu absolument chercher une méthode de construire des aiguilles d'inclinaison exemptes de ces inégalités. Ce problème a été un de ceux que l'Académie des Sciences a jugé digne d'être proposé aux plus habiles Physiciens de l'Europe ; & voici les regles que prescrit M. Dan. Bernoulli qu'elle a couronné.

1°. On doit faire ensorte que l'axe des aiguilles soit bien perpendiculaire à leur longueur, & qu'il passe exactement par leur centre de gravité.

2°. Que les tourillons de cet axe soient exactement ronds & polis, & du plus petit diametre que le permettra la pesanteur de l'aiguille.

3°. Que cet axe roule sur deux tablettes qui soient dans un même plan bien horisontal, très-dur & très-poli. Mais comme l'inflexion de l'aiguille, & la difficulté de placer cet axe exactement dans le centre de gravité, peut causer des erreurs sensibles dans l'inclinaison de l'aiguille aimantée, voici la construction d'une nouvelle aiguille.

On en choisira une d'une bonne longueur, à laquelle on ajustera un axe perpendiculaire, & dans le centre de gravité le mieux qu'il sera possible ; on aura un petit poids mobile, comme de 10 grains, pour une aiguille qui en pese 6000, & on approchera ce petit poids auprès des tourillons jusqu'à environ la 20e partie de la longueur d'une des moitiés ; ensuite on mettra l'aiguille en équilibre horisontalement avec toute l'attention possible ; & lorsqu'elle sera en cette situation, on marquera le lieu du petit poids : alors on l'éloignera des tourillons vers l'extrémité de l'aiguille jusqu'à ce qu'elle ait pris une inclinaison de 5 degrés. On marquera encore sur l'aiguille le lieu du petit poids, & on le reculera jusqu'à ce que l'inclinaison soit de 10 degrés, & ainsi de suite en marquant le lieu du petit poids de cinq en cinq degrés. Après ces préparations on aimantera l'aiguille, en observant que le côté auquel est attaché le petit poids, devienne le pole boréal pour les pays où la pointe méridionale de l'aiguille s'éleve, & qu'il soit au contraire le côté méridional pour les pays où la pointe méridionale s'éleve au-dessus de l'horison.

La maniere de se servir de cette boussole d'inclinaison, consiste à mettre d'abord le petit poids à la place qu'on présumera convenir à-peu-près à la véritable inclinaison de l'aiguille ; après quoi on l'avancera ou reculera jusqu'à ce que l'inclinaison marquée par l'aiguille s'accorde avec celle que marque le petit poids ; & de cette maniere l'inclinaison de l'aiguille sera la véritable inclinaison.

L'action de l'aimant, du fer, & des autres corps magnétiques, mis dans le voisinage d'une aiguille aimantée, est capable de déranger beaucoup sa direction : il faut bien se souvenir que l'aiguille aimantée est un véritable aimant qui attire ou est attiré par le fer & les corps magnétiques, suivant cette loi uniforme & constante, que les poles de différens noms s'attirent mutuellement, & ceux de même nom se repoussent : c'est pourquoi si on présente une aiguille aimantée à une pierre d'aimant, son extrémité boréale sera attirée par le pole du sud de l'aimant, & la pointe australe par le pole du nord ; au contraire le pole du nord repoussera la pointe boréale, & le pole du sud repoussera pareillement la pointe australe. La même chose arrivera avec une barre de fer aimantée, ou simplement avec une barre de fer tenue verticalement, dont l'extrémité supérieure est toûjours un pole austral, & l'extrémité inférieure un pole boréal. Mais ce dernier cas souffre quelques exceptions, parce que les poles d'une barre de fer verticale ne sont pas les mêmes par toute la terre, & qu'ils varient beaucoup en cette sorte.

Dans tous les lieux qui sont sous le cercle polaire boréal & le 10e degré de latitude nord, le pole boréal de l'aiguille aimantée sera toûjours attiré par la partie supérieure de la barre, & la pointe du sud par la partie inférieure ; & on aura beau renverser la barre, la pointe boréale de l'aiguille sera toûjours attirée par le bout supérieur quel qu'il soit, pourvû que la barre soit tenue bien verticalement. A la latitude de 9d 42' N. la pointe australe de l'aiguille étoit fortement attirée par l'extrémité inférieure de la barre : mais la pointe boréale n'étoit pas si fortement attirée par la partie supérieure qu'auparavant.

A 4d 33' de latitude N. & 5d 18' de longitude du cap Lésard, la pointe boréale commençoit à s'éloigner de la partie supérieure de la barre, & la pointe australe étoit encore plus vivement attirée par le bas de la barre.

A 0d 52' de latitude méridionale, & 11d 52' à l'occident du cap Lésard, la pointe boréale de l'aiguille n'étoit plus attirée par le haut de la barre, non plus que par sa partie inférieure ; la pointe australe se tournoit toûjours vers la partie inférieure, mais moins fortement.

A la latitude de 5d 17' méridionale, & 15d 9' de longitude du cap Lésard, la pointe méridionale se tournoit vers l'extrémité inférieure de la barre d'environ deux points ; & lorsqu'on éloignoit la barre, l'aiguille reprenoit sa direction naturelle après quelques oscillations : mais le même pole de l'aiguille ne se tournoit point du tout vers le bord supérieur de la barre, & la pointe septentrionale n'étoit attirée ni par le bord supérieur, ni par l'inférieur ; seulement en mettant la barre dans une situation horisontale & dans le plan du méridien, le pole boréal de l'aiguille se dirigeoit vers l'extrémité tournée au sud, & la pointe australe vers le bout de la barre tourné du côté du nord, ensorte que l'aiguille s'écartoit de sa direction naturelle de 5 ou 6 points de la boussole ; & non davantage : mais en remettant la barre dans sa situation perpendiculaire, & mettant son milieu vis-à-vis de l'aiguille, elle suivoit sa direction naturelle comme si la barre n'y eût point été.

A la latitude de 8d 17' N. & à 17d 35' ouest du cap Lésard, la pointe boréale de l'aiguille ne se tournoit plus vers la partie supérieure de la barre, au contraire elle la fuyoit : mais le pole austral se détournoit un peu vers le bord inférieur, & changeoit sa position naturelle d'environ deux points : mais en mettant la barre dans une situation inclinée, de maniere que le bout supérieur fût tourné vers la pointe australe de l'aiguille, & le bout inférieur vers sa pointe boréale, celle-ci étoit attirée par le bout inférieur : mais lorsqu'on mettoit le bout supérieur vers le nord, & le bout inférieur vers le sud, la pointe boréale fuyoit celui-ci ; & si on tenoit la barre tout-à-fait horisontalement, il arrivoit la même chose que dans les observations précédentes.

A 15d 0' de latitude sud, & 20d 0' de longitude occidentale du cap Lésard, le pole austral de l'aiguille a commencé à regarder le bout supérieur de la barre, & la pointe boréale s'est tournée vers le bout inférieur d'environ un point de la boussole : mais en tenant la barre horisontalement, le pole boréal s'est tourné vers le bout de la barre qui regardoit le sud, & vice versâ.

A 20d 20' de latitude sud, & 19d 20' de longitude occidentale du cap Lésard, la pointe australe de l'aiguille s'est tournée vers le haut bout de la barre, & la pointe boréale vers le bout inférieur, & assez vivement ; en sorte que l'aiguille s'est dérangée de sa direction naturelle d'environ quatre points.

Enfin à 29d 25' de latitude méridionale, & 13d 10' de longitude occidentale du méridien du cap Lésard, les mêmes choses sont arrivées plus vivement, & cette direction a continué d'être réguliere jusqu'à une plus grande latitude méridionale.

Il paroît donc que la vertu polaire d'une barre de fer que l'on tient verticalement, n'est pas constante par toute la terre comme celle de l'aimant ou d'un corps aimanté ; qu'elle s'affoiblit considérablement entre les deux tropiques, & devient presque nulle sous la ligne ; & que les poles sont changés réciproquement d'une hémisphere à l'autre. Cet article nous a été fourni par M. le Monnier, medecin, de l'Académie royale des Sciences. Voyez AIMANT.


AIGUILLERAIGUILLER la soie, en terme de Manufacture, c’est se servir de poinçons d’aiguilles, & autres instrumens de cette nature, pour nettoyer la soie fur l’asple ou hors de l’asple. Cette manœuvre est expressément défendue par l’article 17 du règlement de Piémont, sous peine de dix livres d’amende ; &c c’est avec juste raison : la soie fur l’asple s’érailleroit & fe détordroit par le poinçon ; hors de l’asple ce seroit encore pis, parce qu’elle est sèche. D’ailleurs, ce besoin d’aiguiller la soie marque qu’on n’a pas pris les précautions nécessaires, soit dans la séparation des cocons, soit dans leur séjour dans la bassine, pour en tirer une soie pure & nette.


AIGUILLESAIGUILLES d'ensuple ; les aiguilles d'ensuple ne sont autre chose que des pointes d'aiguilles ordinaires qu'on casse pour l'usage qui suit. Dans les manu factures d'ouvrages en soie, si vous appuyez votre main sur l'ensuple de devant des métiers à velours ciselés & à petits velours, vous vous sentirez piquer d'une multitude de petites pointes. Ce sont des bouts d'aiguilles cassées qui sont fichés dans l'ensuple, la partie aiguë en haut. Ils sont placés sur quatre bandes différentes, & il y en a trois rangées sur chaque bande. Ils débordent au-dessus de la surface de l'ensuple d'une ligne ou environ. Leur usage est d'arrêter les velours ciselés & les petits velours à mesure qu'on les fabrique, & de contribuer en même tems à la tension qui convient à la chaîne. Les ensuples des velours unis ont été très-long-tems garnies de bouts d'aiguilles, ainsi que les ensuples des velours ciselés, & celles des petits velours, qu'on appelle communément velours de Hollande. Mais on conçoit facilement que ces petites pointes passant à-travers l'étoffe, la percent d'une infinité de trous, & que l'étoffe étant tendue & tirée, ces petits trous sont encore aggrandis par cette action ; aussi l'ouvrage regardé au jour au sortir de dessus l'ensuple, en paroît-il criblé. On conçoit encore que ce doit être un inconvénient considérable pour des fabriquans qui se piquent de mettre dans leurs ouvrages la derniere perfection. On a beaucoup cherché le moyen d'y remédier, & l'on desespéroit presque de le découvrir, lorsqu'on inventa l'entacage. Il n'y a point d'embarras pour les étoffes qui peuvent être roulées fortement sur elles-mêmes sans se gâter. Mais il n'en est pas ainsi des velours : si on les rouloit fortement, dès le commencement du second tour l'envers se trouveroit appliqué & serré sur le poil, qui en seroit écrasé. Voilà ce qui a fait imaginer les aiguilles. Elles tiennent l'ouvrage également tendu dans toute sa largeur ; mais elles le piquent, & ne satisfont qu'à la moitié de ce qu'on souhaite. De quoi s'agissoit-il donc quand on cherchoit l'entacage ? de trouver une machine qui se plaçât & se déplaçât en peu de tems, & qui tînt l'ouvrage tendu également dans sa longueur & sa largeur, sans le piquer en-dessous & sans le froisser en-dessus. Il n'y a que la seconde partie de ce problème qui soit résolue par l'entacage, car il faut trop de tems pour entaquer & desantaquer. C'est par cette raison principalement qu'on ne s'en sert point dans les ouvrages où la fassure, c'est-à-dire la plus grande quantité d'étoffe que l'ouvrier puisse fabriquer sans tourner l'ensuple & sans enrouler, est très-petite ; c'est le cas des velours ciselés & des petits velours. La tire fatigueroit trop la chaîne, si la fassure étoit longue dans les velours ciselés ; d'ailleurs comme ce genre d'étoffe est très-fourni, les piquûres des aiguilles n'y font pas grand dommage. Dans les petits velours la chaîne est trop fine, pour que la fassure puisse être longue. Il faut donc dans ces deux sortes de velours, tourner fréquemment, & par conséquent s'en tenir aux aiguilles, quoiqu'elles doivent rendre le travail des petits velours fort délicat. L'entacage n'a donc chassé les pointes que de l'ensuple des velours unis, dont l'ouvrier ne fabriquant qu'environ deux fassures par jour, ne desantaque qu'une fois ou deux. Reste donc un beau problème à proposer aux Méchaniciens, & sur-tout à l'habile académicien M. de Vaucanson, à qui ces objets sont si connus, & qui s'est déjà immortalisé par tant de machines délicates. Ce problème consiste à trouver une machine appliquable à tout genre d'étoffe en général, qui ne la pique point en-dessous, qui ne la froisse point en-dessus, & qui soit telle encore que l'ouvrier puisse changer souvent de fassure sans perdre beaucoup de tems. Ceux qui chercheront cette machine, trouveront plus de difficulté à la trouver, qu'elle n'en présente d'abord.

AIGUILLES à Brodeur. Les Brodeurs ont trois sortes d'aiguilles au moins ; les aiguilles à passer, les aiguilles à soie, & les aiguilles à frisure. L'aiguille à passer l'or & l'argent differe de l'aiguille à coudre en ce qu'elle a le trou oblong, au lieu que celle à Tailleur ou à coudre l'a quarré. Comme il faut effiler l'or pour enfiler cette aiguille, & que quand l'or est effilé il ne reste plus qu'une soie plate, il étoit nécessaire que l'aiguille à passer eût l'oeil oblong. L'aiguille à soie est plus menue que l'aiguille à passer, & son oeil est aussi très-oblong. L'aiguille à frisure s'enfilant d'une soie extrèmement fine, est encore plus petite que l'aiguille à soie, & a l'oeil encore plus oblong : son oeil est une petite fente imperceptible. L'aiguille à enlever s'enfile de ficelle ou de fil, & a le cul rond comme celle du Tailleur. Outre les noms que nous venons de donner à ces aiguilles, celle à enlever s'appelle encore aiguille à lisiere ; & celle à frisure, aiguille à bouillon.

Les aiguilles à faire le point sont comme les aiguilles à passer, mais extrèmement menues.

Les aiguilles à tapisserie sont grosses, fortes, & ont l'oeil extrèmement large & long, sur-tout quand elles sont à tapisserie en laine.

AIGUILLES de métier à bas ou de Bonnetier. Ces aiguilles sont plates par un bout, aiguës & recourbées par l'autre. La partie recourbée & aiguë trouve, quand on la presse, une petite chasse pratiquée dans le corps de l'aiguille où elle peut se cacher. Voyez Planches d'Aiguiller-Bonnetier, fig. 7. 1 est la queue de l'aiguille, 2 sa tête, 3 son bec, 4, 5 sa chasse. Voici la maniere dont on fabrique cette aiguille. On a du fil d'acier fort élastique & fort doux : comme le fil d'acier nous vient des trifileries en paquets roulés, il s'agit d'abord de le redresser : pour cet effet, on le fait passer à plusieurs reprises entre des clous d'épingles plantés perpendiculairement & à la distance convenable sur une planche où on les voit par rangées. La fig. 1. Planche de l'Aiguiller-Bonnetier est l'engin. La planche est percée de deux trous, 1, 2 à ses extrémités, pour pouvoir être fixée par des vis. 34, 34, 34, sont les clous d'épingles fichés sur la planche. 56, est le fil d'acier passé entre ces clous d'épingles. Quand le fil d'acier est redressé, on le coupe par morceaux de la longueur que doit avoir l'aiguille. On prend chacun de ces morceaux, & on les aiguise en pointe avec une lime rude ; ce qui s'appelle ébaucher. On n'a que faire de dire que cette pointe formera le bec de l'aiguille. On prend l'aiguille ébauchée ; on a une espece de gaufrier chaud ; on insere dans ce gaufrier le bec de l'aiguille : cette manoeuvre, qu'on appelle donner le recuit, détrempe l'aiguille & la rend moins cassante. Quand elle est recuite, elle perce à l'étau. L'étau dont on se sert pour percer l'aiguille est une machine très-ingénieuse : sa queue A, en forme de pyramide, fig. 3. s'enfonce comme celle d'un tas d'Orfevre dans un billot de bois : son corps B a un rebord a, a, a, qui empêche l'étau d'enfoncer dans le billot. Ses deux mâchoires laissent entr'elles une ouverture quarrée F, dans laquelle on place une piece quarrée G. On doit remarquer à cette piece quarrée G, qui s'appelle bille, une rainure 1, 2, assez profonde. C'est dans cette rainure qu'est reçûe l'aiguille dont on veut faire la chasse ou qu'on veut percer. Imaginez la bille G placée dans le quarré F, sa rainure tournée vers l'ouverture n. Tournez la vis E ; l'extrémité de cette vis appuiera sur sa bille, la pressera latéralement, & l'empêchera de sortir par le côté qu'elle est entrée. La bille ne pourra pas non plus sortir par le côté du quarré F opposé à son entrée, parce qu'on l'a fait un peu plus étroit, en sorte que cette bille G entre en façon de coin dans ce quarré F. On a pratiqué l'ouverture n à la mâchoire courbe de l'étau, perpendiculairement au-dessus de la rainure 1, 2, de la bille G, & par conséquent de l'aiguille qu'il faut y supposer placée. Tournez la piece c, afin que l'aiguille qui s'insere dans la rainure par le côté opposé de la bille, ne s'y insere que d'une certaine quantité déterminée, & que toutes les aiguilles soient percées à la même distance du bec. Assemblez maintenant avec le corps de l'étau la piece H, au moyen de trois vis 1, 2, 3, qui fixent cette piece sur les deux mâchoires. Vous voyez dans le plan supérieur de cette piece H une ouverture m ; que cette ouverture corresponde encore perpendiculairement à l'ouverture n & à la rainure 1, 2, de la bille G : cela supposé, il est évident qu'un poinçon k l, qui passeroit juste par l'ouverture m, par l'ouverture n, rencontreroit la rainure 1, 2, de la bille G, & par conséquent l'aiguille qui y est logée. Soit l'extrémité tranchante de ce poinçon, correspondante à la rainure & au milieu de l'aiguille ; frappez un coup de marteau sur la tête k de ce poinçon, il est évident que son extrémité 4 tranchante ouvrira ou plûtôt s'imprimera dans l'aiguille. C'est cette empreinte qu'on appelle chasse ; & l'aiguille au sortir de cet instrument ou étau, est dite aiguille percée, quoique dans le vrai elle ne soit que creusée, & non ouverte d'outre en outre.

Cet étau est très-bon : mais il y en a un plus simple de l'invention du sieur Barat, le premier faiseur de métier de bas qu'il y ait à Paris, & qu'il y aura peut-être jamais. Voyez Planche VIII. du métier à bas, fig. 1. A B C D est un étau fixé sur un établi : E est l'extrémité du poinçon. 1, 2, 3, 4, 5, 6, fig. 2. est sa partie inférieure. K, fig. 3. est la bille à laquelle on voit plusieurs rainures, afin qu'elle puisse servir à percer plusieurs sortes d'aiguilles. Fig 4. L. est une plaque qui s'ajuste par le moyen des vis m n, dans l'endroit de la partie inférieure de l'étau chifré 5, 6, 4, 7. Imaginez donc la partie inférieure 1, 2, 3, 4, fig. 2. couverte de sa supérieure, comme on voit en A B C D fig. 1. Imaginez la bille K, fig. 3. placée dans le quarré 8, 3, 6, 4. Imaginez la plaque L, figure 4. fixée en 5 & 7, fig. 2. par les vis m n. Imaginez la grande vis à écrou à oreille, fig. 5. passée dans l'ouverture S de la plaque, fig. 4. & dans le trou 6. du dessous de l'étau fig. 2. l'écrou de la grande vis fig. 5. se trouvera appliqué sur le milieu de la plaque qui fixera la bille dans le quarré 8. 3. 6. 4. fig. 2. l'aiguille à percer fig. 6. s'insérera en G fig. 1. dans la rainure de la bille, & ne pourra s'avancer dans cette rainure qu'autant que le lui permettra l'extrémité de la grande vis qui est percée d'un petit trou dans lequel l'extrémité de l'aiguille est reçûe. Le poinçon, fig. 7. entrant exactement par l'ouverture 1. 2. rencontrera avec son tranchant l'aiguille ; & s'il est frappé il y formera une chasse.

On n'a qu'à choisir de ces deux machines celle qu'on voudra ; elles percent les aiguilles également bien : mais la derniere est la plus simple. Quand l'aiguille est percée, on l'adoucit à la lime, & on l'applatit un peu à l'endroit de la chasse : quand elle est adoucie on la polit. Pour la polir, on l'enferme avec un grand nombre d'autres dans un morceau de treillis, & l'on procede comme pour polir l'aiguille à coudre ou à Tailleur. Voyez AIGUILLE à coudre ou à Tailleur. On la savonne de même ; on la seche : pour la sécher, on en prend un grand nombre qu'on met avec du son & de la mie de pain dans le moulin. Le moulin est une boîte ronde & cylindrique, traversée par un arbre, qui est la seule piece de cette machine qui mérite d'être considérée. Voyez fig. 8. le moulin, & fig. 6. son arbre. Cet arbre est traversé de bâtons qui servent à sasser & vanner les aiguilles, pendant que le corps du moulin tourne sur lui-même. On plie les aiguilles au sortir du moulin : on a pour cet effet un outil appellé plioir, qu'on voit fig. 5. c'est une plaque de fer pliée en double, de maniere que les côtés A B, C D, soient bien paralleles. On insere dans le pli la pointe d'une aiguille I K L : on tourne le plioir qu'on tient par la partie E F G H, qui lui sert de manche : on tient l'aiguille ferme ; par ce moyen sa pointe se plie en K, & il est évident qu'une autre aiguille se pliera de la même quantité. On fait le bec ou le crochet, en saisissant avec une tenaille l'extrémité de l'aiguille, & en la contournant comme on voit fig. 7. de maniere que l'extrémité aiguë puisse se cacher dans la chasse. Après que le bec est fait, on palme : palmer, c'est applatir dans le plan du corps du bec sur un tas l'extrémité de l'aiguille qui doit être prise dans le plomb à aiguille. Voyez PLOMB à aiguille. Enfin on les jauge, & c'est la derniere façon. On voit fig. 4. la jauge. C'est une plaque mince d'acier ou de fer, percée de trous ronds, & fendue par les bords de fentes de différentes largeurs, mais qui vont toutes jusqu'au trou. On place la tête d'une aiguille dans un de ces trous, & on la fait ensuite sortir par une des fentes : il est évident que si l'aiguille a plus de diametre que la fente, elle ne passera pas. On présente successivement la même aiguille à différentes fentes, en allant de la plus étroite à la plus large, & la fente par laquelle elle sort marque son numero ou sa grosseur.

Ces numeros commencent à 22, & continuent jusqu'à 26 inclusivement : ils reprennent à 28, il n'y a point d'aiguilles du 29 ; il y en a du 30, du 40, point des numeros intermédiaires : il y en a quelquefois du 25, mais rarement. Voyez à l'article Bas au métier la raison de ces numeros & de leurs sauts. Il est ordonné par le reglement du 30 Mars 1700, que pour les ouvrages de soie, chaque plomb portera trois aiguilles ; & que pour les ouvrages de laine, de fil, de coton, de poil de castor, chaque plomb en portera deux : quant à l'usage de ces aiguilles, voyez aussi l'article BAS AU METIER, & les Planches.

AIGUILLES à Perruquier ; ce sont des aiguilles très-fortes, aiguës par un bout, percées par l'autre, & beaucoup plus longues que les aiguilles ordinaires. Les Perruquiers s'en servent pour monter les perruques.

LES AIGUILLES passe-grosses ou passe-très-grosses, n'ont rien de particulier que ce nom qu'on leur a donné, parce qu'elles ne sont point comprises dans les numeros qui désignent les différentes grosseurs des autres aiguilles.

LES AIGUILLES à ficelle sont encore plus grosses que les précédentes ; elles portent trois pouces de long : leur nom indique leur usage.

On donne aussi le nom d'aiguille à cette partie du fléau d'une balance, qui s'éleve perpendiculairement sur son milieu, & qui par son inclinaison de l'un ou de l'autre côté de la fourchette, indique l'inégalité de pesanteur des choses mises sur les plateaux, ou qui par son repos & son parallélisme aux branches de la fourchette, indique équilibre ou égalité de poids entre les choses pesées. La romaine a deux aiguilles qui ont la même fonction ; l'une en-dessus de la broche qui porte la garde forte, & l'autre au-dessus de celle qui porte la garde foible.

AIGUILLES de l'éperon. C'est la partie de l'éperon d'un vaisseau, qui est comprise entre la gorgere & les portes-vergues, c'est-à-dire la partie qui fait une grande saillie en mer. Voyez FLECHE, & la fig. marine, Planche IV. n°. 184. & Planche V. fig. 2.

Les aiguilles sont deux pieces de bois qu'on proportionne au relevement qu'ont les préceintes, pour les y joindre bien juste, & leur donner en même tems une belle rondeur, afin que l'éperon ne baisse pas, & ne paroisse pas comme se détacher du bâtiment, ce qui est extrèmement laid. On place la frise entre les deux aiguilles. L'aiguille inférieure d'un vaisseau de 134 piés de long de l'étrave à l'étambord, doit avoir 22 piés de long, 17 pouces de large, & 14 pouces d'épaisseur à son arriere, c'est-à-dire, au bout qui joint l'avant du vaisseau. Sa courbure doit être de plus de 20 pouces pour donner plus de grace. A 5 piés de son arriere, l'aiguille doit avoir 12 pouces de large ; à 9 piés elle doit avoir 11 pouces ; & à 2 piés de son extrémité, au bout de devant, elle n'a que cinq pouces, c'est-à-dire en son dessus. L'aiguille supérieure est moins forte que l'inférieure, elle doit avoir un pié de large à son arriere, & 5 pouces en avant ; son épaisseur doit être de 12 pouces à son arriere, & 9 en devant. (Z)

AIGUILLES de tré ou de trévier. Ce sont les aiguilles dont on se sert pour coudre les voiles. Il y en a de trois sortes ; aiguilles de coûture ; aiguilles à oeillets, c'est pour faire des boucles de certaines cordes qu'on appelle bagues, & les appliquer sur des trous qu'on appelle oeillets, où l'on passe des garcettes ; aiguilles de ralingue doubles & simples, c'est-à-dire, pour coudre & appliquer ces cordes qu'on employe pour servir d'ourlet aux voiles. (Z)

AIGUILLES. Ce sont, dans les Manufactures en soie, des filets de plomb de 10 à 11 pouces de longueur, du poids de deux onces, attachés aux mailles de corps pour tenir les cordes de sample & de rames tendues, & la soie de la chaîne baissée. Il y a des aiguilles de demi-once, plus ou moins, dans les métiers à la petite tire. Quant au nombre qu'il en faut pour chaque métier, voyez l'article VELOURS ciselé, auquel nous avons rapporté la plûpart des autres étoffes. Voyez Planche VI. soierie, n°. 14. ces aiguilles.

* AIGUILLES, (Hist. anc.) acus discriminales & crinales. Les premieres ou les discriminales servoient aux femmes mariées à séparer en deux leurs cheveux sur le devant, & cette raie pratiquée entre leurs cheveux ainsi séparés, les distinguoit des filles. En effet presque toutes les têtes antiques de femmes qu'on trouve dans le P. Montfaucon, ont les cheveux séparés : les autres les ont frisés sur le devant du front, à l'exception de quelques-unes : mais il n'y a rien d'étonnant en cela ; les modes varioient chez les Romains ainsi que parmi nous, & les coëffures ont rechangé à Rome jusqu'à quatre fois en vingt ans. Les aiguilles crinales servoient seulement à tenir les boucles des cheveux frisés.


AIGUILLETIERS. m. est à Paris un ouvrier qui fait & vend des lacets & autres ustenciles ferrés de cette espece. Il peut vendre encore des noeuds d'épaule, & toutes sortes de menue mercerie, comme cordons de canne, de chapeaux, lisieres d'enfans, jarretieres, &c. Les Aiguilletiers font à Paris un corps de communauté, mais peu nombreux. Le plus beau de leur privilége est de vendre, sans aucuns fers, toutes les marchandises qu'ils peuvent ferrer.


AIGUILLETTES. f. (Mercerie.) est un morceau de tresse, tissu ou cordon plat ou rond, ferré par les deux bouts, dont on se sert pour mettre sur l'épaule ou pour attacher quelque chose. Les aiguillettes sont du commerce des marchands Merciers : mais ce sont les Passementiers-Boutonniers qui les fabriquent, & ont droit de les vendre, pourvû qu'elles soient faites de tresses rondes ou plates. On fait des aiguillettes de fil d'or & d'argent, de soie, de fil, &c. Les aiguillettes ont eu le sort de bien d'autres ajustemens ; elles sont hors de mode. On n'en voit plus guere qu'aux domestiques, & aux cavaliers de certains régimens. On dit aujourd'hui noeud d'épaule.

AIGUILLETTE, (Manége.) noüer l'aiguillette, espece de proverbe qui signifie cinq ou six sauts ou ruades consécutives & violentes qu'un cheval fait tout-à-coup par gaieté, ou pour démonter son cavalier. Voyez SAUT, RUADE. (V)

* AIGUILLETTES de maho, petites cordes faites avec l'écorce du mahot filée : on s'en sert dans les îles Françoises Américaines à attacher les plantes de tabac aux gaulettes, quand on veut les faire sécher à la pente.

AIGUILLETTES, sont parmi les Aiguilletiers, des rubans de fil ou de soie ferrés à l'ordinaire, dont les dames & les enfans se servent pour soûtenir leurs jupes.


AIGUILLIERartisan qui fait & qui vend des aiguilles, des alenes, &c. Les Aiguilliers forment à Paris une communauté, dont les statuts sont du 15 Septembre 1599. Par ces statuts ils sont qualifiés Maîtres Aiguilliers-Alèniers, & faiseurs de burins, carrelets, & autres petits outils servant aux Orfevres, Cordonniers, Bourreliers & autres, &c. Suivant ces statuts, aucun ne peut être reçu maître qu'il n'ait atteint l'âge de vingt ans, qu'il n'ait été en apprentissage pendant cinq ans, & ensuite servi les maîtres trois années en qualité de compagnon, & qu'il n'ait fait chef-d'oeuvre : il faut pourtant en excepter les fils de maîtres qui sont reçus après un seul examen.

Chaque maître est obligé d'avoir sa marque particuliere, dont l'empreinte soit mise sur une table déposée chez le Procureur du Roi au Châtelet.

Vers la fin du xvii. siecle, la communauté des Aiguilliers ayant de la peine à subsister, fut réunie à celle des maîtres Epingliers par Lettres patentes de l'année 1695. Les Jurés des deux communautés réunies furent réduits au nombre de trois ; savoir, deux Aiguilliers & un Epinglier. On fit quelques changemens dans les statuts, qui pour le surplus resterent en vigueur. Voyez l'article EPINGLIER.


AIGUILLONS. m. (Hist. nat.) aculeus, partie du corps de plusieurs insectes. Par exemple, l'abeille a un aiguillon qui est placé à la partie postérieure de son corps ; c'est avec cet aiguillon qu'elle pique. V. ABEILLE, INSECTE. On a donné le nom d'aiguillon, aculeus, aux parties osseuses & pointues qui sont dans les nageoires & sur d'autres parties du corps de la plûpart des poissons. Voyez POISSON. On entend aussi quelquefois par le mot aiguillon, aculeus, spina, les pointes, les piquans des hérissons, des porc-épics, des oursins, &c. Voyez HERISSON, PORC-EPIC, OURSIN. (I)

AIGUILLON, (Manége.) Voyez VALET.

AIGUILLON, instrument de la campagne ; c'est un bâton de neuf à dix piés de longueur, d'un bon pouce de diametre, armé d'une douille pointue par le bout, ou simplement aiguisée & durcie au feu : on s'en sert pour piquer les boeufs & les exciter au travail.

AIGUILLON, (Chasse.) se dit de la pointe qui termine les fumées des bêtes fauves. Les fumées ont des aiguillons, c'est une bête fauve qui a passé.

AIGUILLON, (Géog.) ville de France en Guyenne, dans l'Agénois. Long. 18. 8. lat. 44. 25.


AIGUILLONNÉadj. (Chasse.) se dit des fumées qui portent un aiguillon quand elles sont en noeuds, ce qui marque ordinairement que les cerfs ont eu quelque ennui.


AIGUISÉadj. en terme de Blason, se dit d'une croix, d'une fasce, d'un pal, dont les bouts sont taillés en pointe, mais de sorte néanmoins que ces pointes ne forment que des angles obtus.

L'aiguisé differe du fiché en ce que celui-ci s'appétissant depuis le haut, se termine par le bas en une pointe aiguë ; au lieu que la pointe de l'aiguisé ne prend que tout au bas.

Chandos, d'argent au pal aiguisé de gueules. (V)


AIGUISERAIGUISER la pierre ; on entend par cette expression dans les usines où l’on travaille la pierre calaminaire & le cuivre, détacher l’enduit qui couvre les faces intérieures des moules dans lesquels on coule les tables, lorsque cet enduit ne peut plus supporter de fonte. Voyez le détail de cette opération à l’article CALAMINE.


AIGURANDE(Géog.) ville de France dans la Marche, sur les confins du Berry. Long. 19. 35. lat. 46. 25.


AILen Latin alium, s. m. (Hist. nat.) herbe dont la fleur approche en quelque maniere de celle du lis : elle est composée de six feuilles ; le pistil en occupe le milieu, & devient dans la suite un fruit arrondi & divisé en trois loges remplies de semences presque rondes. Ajoûtez au caractere de ce genre les fleurs qui naissent en bouquets sphériques, les racines composées de tuniques qui enveloppent plusieurs tubercules charnus, & les feuilles de la plante qui ne sont point en tuyau comme celle de l'oignon. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

AIL, (Jardinage.) rien n'est si fort que l'odeur de cette plante ; elle rend l'appétit aux animaux dégoûtés, & il y a des pays où l'on en met dans les viandes à rôtir. On enfonce les cayeux en terre de trois ou quatre pouces à la fin de Février, & à autant de distance l'un de l'autre. On les sort de terre à la fin de Juillet pour les faire sécher dans un lieu convenable, & les garder d'une année à l'autre. (K)

* AIL, (Mat. med.) on tire des gousses de l'ail dans l'analyse chimique un phlegme limpide, qui a le goût & l'odeur de l'ail, d'abord un peu acide & salé, puis moins salé & fort acide ; une liqueur limpide fort acide & enfin acerbe ; une liqueur limpide roussâtre, soit un peu acide, soit alkaline urineuse & pleine de sel volatil urineux ; un sel volatil urineux concret ; une huile épaisse, & de la consistance d'extrait.

La masse noire restée dans la cornue, calcinée pendant neuf heures au feu de reverbere, a donné des cendres dont on a tiré par lixiviation du sel fixe salé. Ainsi l'ail est composé d'un sel ammoniac uni avec beaucoup d'huile, soit subtile, soit grossiere, acre, mais capable d'une grande expansion.

Il contient des parties subtiles, actives, acres & un peu caustiques : actives, si on en met à la plante des piés en emplâtre, l'haleine sentira l'ail : acre, cette qualité se discerne au goût : caustique, c'est une suite de l'analyse chimique & d'autres expériences.


AILAH(Géog.) petite & ancienne ville d'Asie dans l'Arabie Petrée, sur la mer Rouge : c'est l'ancien Elath. Long. 53. 10. lat. 29. 20.


AILES. f. (Ecrivain.) Les Ecrivains entendent par l'aile d'une plume la partie supérieure & barbue d'une plume : ils y distinguent le dessus & le dessous ; la partie cannelée qu'ils nomment l'aile intérieure ou le dedans de l'aile, & la partie lisse qu'ils appellent l'extérieure ou le dessus.

AILE, ala. Les Hébreux sous le nom d'aile entendent non-seulement les ailes des oiseaux, mais aussi le pan des habits, l'extrémité d'un pays, les ailes d'une armée ; & dans le sens figuré & métaphorique, la protection, la défense. Dieu dit qu'il a porté son peuple sur les ailes des aigles ; c'est-à-dire, qu'il les a tirés de l'Egypte comme un aigle porte ses petits sous ses ailes. Le Prophete prie Dieu de le protéger sous ses ailes : il dit que les enfans des hommes esperent dans la protection de ses ailes, in tegmine alarum tuarum sperabunt. Ruth prie Booz d'étendre sur elle l'aile de son habit : expande pallium tuum (Hébreu) alam tuam super famulam tuam. Dans Jérémie ij. 34, le sang s'est trouvé dans vos ailes, dans le pan de vos habits. Isaïe parlant à l'armée du Roi d'Israël & de Syrie, qui devoit venir sur les terres de Juda, dit : l'étendue de ses ailes remplira toute votre terre, ô Emmanuel. Le même Prophete nomme les sistres des Egyptiens cimbalum alarum, apparemment à cause des baguettes qui joüoient dans les trous du sistre. Exod. xjx. 4. Deut. xxxij. 11. Psal. xxj. 9. xxv. 8. Ruth iij. Is. viij. 8. & xviij.

Ailleurs il nomme l'aile de la terre l'extrémité du pays. Isaïe xjv. 16. Nous avons oüi les louanges du juste de l'extrémité de la terre : à finibus terrae, (l'Hébreu) ab alis terrae. Voyez aussi Job xxxviij. 13. Tenuisti extrema terrae. Malach. vj. 2. On donne aux rayons du soleil le nom d'ailes : orietur vobis sol justitiae, & sanitas in pennis ejus : ou plûtôt on nous représente le soleil comme ayant des ailes, à cause de la rapidité de sa course. Les poëtes donnent quelquefois des ailes aux animaux qui traînent le char d'Apollon : ils en donnent aussi à Mithras, qui est le soleil. Osée iv. 19. parlant du vent, nous le représente avec des ailes : ligavit eum spiritus in alis suis. Calmet, Dict. de la Bib. tom. I. lett. A, p. 88. (G)

AILE, en Anatomie, se dit de différentes parties, comme des inférieures du nez, des deux lames osseuses de l'apophyse ptérigoïde, des quatre apophyses de l'os sphénoïde, dont deux sont appellées les grandes ailes, & deux les petites ailes. V. PTERIGOÏDE, SPHENOÏDE, NEZ, &c. Voyez Pl. I. Anatom. fig. 2. 5. H I K VX 4 l'os sphénoïde. XV 4 les grandes ailes. H l'aile externe. I l'aile interne. K le petit crochet qui s'observe à l'extrémité de l'aile interne. (L)

AILE, partie du corps des oiseaux qui est double, & qui correspond à nos bras & aux jambes de devant des quadrupedes. C'est par le moyen des ailes que les oiseaux se soûtiennent en l'air & volent. Tout animal qui peut voler a des ailes ou des parties de son corps qui ressemblent à des ailes pour la figure & pour le mouvement, comme on le voit dans plusieurs insectes tels que les mouches, les papillons, les scarabés, &c. On trouve même des animaux bien différens des insectes & des oiseaux, qui sont cependant conformés de façon qu'ils peuvent voler ; tels sont les chauve-souris & l'écureuil volant. Aussi y a-t-il beaucoup de différence entre toutes ces sortes d'ailes ; les unes sont membraneuses, les autres sont cutanées. Voyez INSECTE, CHAUVE-SOURIS, ECUREUIL. Les ailes des oiseaux sont couvertes de plumes, ou pour mieux dire les plumes sont la principale partie des ailes des oiseaux. Cette conformation paroît la plus favorable pour le vol : cependant il y a des oiseaux qui ne peuvent pas voler, quoiqu'ils ayent des ailes ; tels sont le pingoin, l'émeu & l'autruche.

Il ne sera ici question que des ailes des oiseaux. Voici ce que dit à ce sujet M. Formey, secrétaire de l'Académie royale des Sciences de Berlin, dans un manuscrit qu'il nous a remis.

" Ailes, parties du corps des oiseaux, qui sont les instrumens du vol, & qui sont façonnées pour cet effet avec beaucoup d'art, placées à l'endroit le plus commode du corps, & le plus propre à le tenir dans un exact équilibre au milieu d'un fluide aussi subtil que l'air. En général, toute la structure des ailes est parfaitement convenable à leur méchanisme.

Elles sont façonnées avec beaucoup d'art. Cet art incomparable brille dans la construction de chaque plume. Le tuyau en est extrèmement roide & creux par le bas, ce qui le rend en même tems fort & leger. Vers le haut il n'est pas moins dur, & il est rempli d'une espece de parenchyme ou de moelle, ce qui contribue aussi beaucoup à sa force & à sa legereté. La barbe des plumes est rangée régulierement des deux côtés, large d'un côté & étroite de l'autre. On ne sauroit assez admirer l'exactitude du sage Auteur de la nature dans le soin exact qu'il a pris d'une partie aussi peu considérable que le paroît cette barbe des plumes qui sont aux ailes. On y peut observer entr'autres ces deux choses. 1°. Que les bords des filets extérieurs & étroits de la barbe se courbent en bas, au lieu que ceux des intérieurs & plus larges se courbent en haut : par ce moyen les filets tiennent fortement ensemble ; ils sont clos & serrés, lorsque l'aile est étendue, de sorte qu'aucune plume ne perd rien de la force ou de l'impression qu'elle fait sur l'air. 2°. On peut remarquer une adresse & une exactitude qui ne sont pas moins grandes, dans la maniere dont les plumes sont coupées à leur bord. Les intérieures vont en se rétrécissant, & se terminent en pointe vers la partie supérieure de l'aile. Les extérieures se rétrécissent d'un sens contraire, de la partie supérieure de l'aile vers le corps, du moins en beaucoup d'oiseaux. Celles du milieu de l'aile ayant une barbe par-tout égale, ne sont guere coupées de biais ; de sorte que l'aile, soit étendue, soit resserrée, est toûjours façonnée & taillée aussi exactement que si elle avoit été coupée avec des ciseaux. Mais pour revenir à la tissure même de cette barbe dont nous avons entrepris l'examen, elle est composée de filets si artistement travaillés, entrelacés d'une maniere si curieuse, que la vûe n'en peut qu'exciter l'admiration, sur-tout lorsqu'on les regarde avec des microscopes. Cette barbe ne consiste pas dans une seule membrane continue ; car alors cette membrane étant une fois rompue, ne se remettroit en ordre qu'avec beaucoup de peine : mais elle est composée de quantité de petites lames ou de filets minces & roides, qui tiennent un peu de la nature d'un petit tuyau de plume. Vers la tige ou le tuyau, sur-tout dans les grosses plumes de l'aile, ces petites lames sont plus larges & creusées dans leur largeur en demi-cercle ; ce qui contribue beaucoup à leur force, & à serrer davantage ces lames les unes sur les autres, lorsque l'aile fait ses battemens sur l'air. Vers le bord ou la partie extérieure de la plume, ces lames deviennent très-minces, & se terminent presqu'en pointe ; en-dessous elles sont minces & polies, mais en-dessus leur extrémité se divise en deux parties, garnies de petits poils, chaque côté ayant une différente sorte de poils. Ces poils sont larges à leur base ; leur moitié supérieure est plus menue, & barbue.

Les ailes sont placées à l'endroit le plus commode du corps. Il est constant que dans tous les oiseaux qui ont le plus d'occasion de voler, les ailes sont placées à l'endroit le plus propre à balancer le corps dans l'air, & à lui donner un mouvement progressif aussi rapide que les ailes & le corps sont capables d'en recevoir : sans cela nous verrions les oiseaux chanceler à tout moment, & voler d'une maniere inconstante & peu ferme ; comme cela arrive lorsqu'on trouble l'équilibre de leur corps, en coupant le bout d'une de leurs ailes, ou en suspendant un poids à une des extrémités du corps. Quant à ceux qui nagent & qui volent, les ailes pour cet effet sont attachées au corps hors du centre de gravité ; & pour ceux qui se plongent plus souvent qu'ils ne volent, leurs jambes sont plus reculées vers le derriere, & leurs ailes plus avancées vers le devant du corps.

Structure des ailes. La maniere dont les plumes sont rangées dans chaque aile est fort étonnante. Elles sont placées dans un ordre qui s'accorde exactement avec la longueur & la force de chaque plume : les grosses servent d'appui aux moindres ; elles sont si bien bordées, couvertes & défendues par les plus petites, que l'air ne sauroit passer à-travers ; par-là leurs impulsions sur ce fluide sont rendues très-fortes. Enfin pour finir cet article, qui mériteroit que nous nous y arrêtassions plus long-tems, quel appareil d'os très-forts, mais sur-tout legers, & formés avec une adresse incomparable ! quelles jointures qui s'ouvrent, se ferment, ou se meuvent de quelque côté que l'occasion le demande, soit pour étendre les ailes, soit pour les resserrer vers le corps ! en un mot, quelle diversité de muscles, parmi lesquels la force singuliere des muscles pectoraux mérite sur-tout l'attention, parce qu'ils sont beaucoup plus forts & plus robustes dans les oiseaux que dans l'homme, que dans tout autre animal qui n'a pas été fait pour voler. Plaçons ici la remarque de Borelli à cet égard : Pectorales musculi hominis flectentes humeros, parvi & parum carnosi sunt, non aequant quinquagesimam aut septuagesimam partem omnium musculorum hominis : contra in avibus pectorales musculi validissimi sunt, & aequant, imo excedunt, & magis pendent quam reliqui omnes musculi ejusdem avis simul sumpti. De motu animal. vol. I. prop. 184. M. Willughby après avoir fait la même remarque, ajoûte la réflexion suivante : c'est par cette raison que s'il étoit possible à l'homme de voler, ceux qui ont considéré le plus attentivement ce sujet, croyent que pour entreprendre une pareille chose avec espérance de succès, on doit tellement ajuster & ménager les ailes, que pour les diriger on se serve des jambes & non des bras, parce que les muscles des jambes sont beaucoup plus robustes, comme il l'observe très-bien. Willughby, Ornitol. Liv. I. c. 1. §. 19. apud Derham Théol. Phys. pag. 474. ". Ici finit le manuscrit de M. Formey pour le mot aile.

Je n'ajoûterai à cet article qu'une énumération des principales parties de l'aile. " Tous les oiseaux, dit Willughby, ont à l'extrémité de l'aile une sorte d'appendice en forme de doigt, qu'il appelle l'aile secondaire extérieure, ou la fausse aile extérieure ; elle n'est composée que de quatre ou cinq plumes. Quelques oiseaux ont un rang de plumes sur la partie intérieure de l'aile ; c'est ce qu'on appelle la fausse aile intérieure. Ses plumes sont ordinairement blanches. On distingue dans les ailes deux sortes de plumes : les grandes, qui sont celles qui servent le plus pour le vol ; c'est pourquoi on les appelle alarum remiges, comme si on disoit, les rameurs ou les rames de l'aile ; les autres plumes sont les plus petites, elles recouvrent la partie inférieure des grandes, ce qui leur a fait donner le nom de remigum tegetes. On distingue celles qui sont sur la face extérieure de l'aile, & celles qui sont sur la face intérieure. Ces plumes sont disposées sur l'une & sur l'autre face par rangs qui suivent la longueur de l'aile, & qui se surmontent les uns les autres. Les plumes qui se trouvent sur la côte de l'aile sont les plus petites ; les autres sont plus grandes à mesure qu'elles approchent des grandes plumes de l'aile. On les a appellées alarum vestitrices, parce qu'elles revêtent les ailes en-dessus & en-dessous ". (I)

AILE s'employe aussi en Fauconnerie ; on dit monter sur l'aile, donner du bec & des pennes, pour exprimer les différentes manieres de voler. Monter sur l'aile, c'est s'incliner sur une des ailes, & s'élever principalement par le mouvement de l'autre. Donner du bec & des pennes, c'est accélérer le vol par l'agitation redoublée de la tête & de l'extrémité des ailes.

AILE, terme de Botanique. Les ailes des fleurs légumineuses sont les deux pétales qui se trouvent placés entre ceux que l'on a nommés le pavillon & la carene ; ce sont les mêmes pétales qui représentent les ailes de papillons dans ces mêmes fleurs auxquelles on a aussi donné le nom de papilionacées à cause de cette ressemblance. On entend aussi quelquefois par le mot d'ailes, de petites branches qui sortent de la tige ou du tronc des plantes. On ne doit pas prendre le mot d'aile pour celui d'aisselle, qui est l'angle que la feuille forme avec sa tige. Voyez AISSELLE des plantes. On donne le nom d'aile à la petite membrane qui fait partie de certaines graines, par exemple, de celles de l'érable ; on appelle ces graines semences ailées. On dit aussi tige ailée, lorsqu'il y a de ces sortes de membranes qui s'étendent le long d'une tige. (I)

AILE, terme d'Architecture. Les anciens comprennent généralement sous ce nom le portique & toutes les colonnes qui sont autour d'un temple, c'est-à-dire, celles des faces aussi-bien que celles des côtés. Ils appelloient péripteres les temples qui avoient des ailes tout à l'entour ; & par conséquent les colonnes des faces de devant & de derriere étoient, selon eux, des ailes. Voyez PERIPTERE.

Aile se dit par métaphore d'un des côtés en retour d'angle qui tient au corps du milieu d'un bâtiment.

On dit aile droite & aile gauche par rapport au bâtiment où elles tiennent, & non pas à la personne qui le regarde ; ainsi la grande galerie du Louvre, en regardant le château du côté de la grande cour, est l'aile droite du palais des Tuileries.

On donne encore ce nom aux bas-côtés d'une église.

Ailes de mur, voyez MUR en ailes.

Ailes de cheminée ; ce sont les deux côtés de mur dans l'étendue d'un pié, qui touche au manteau & tuyau d'une cheminée, & dans lesquels on scelle les boulins pour échafauder.

Ailes de pavé ; ce sont les deux côtés ou pente de la chaussée d'un pavé depuis le tas droit jusqu'aux bordures.

Aile se dit aussi des deux plus petits côtés d'un vestibule. Vitruve, liv. VI. p. 212. (P)

AILE, espece de biere très-commune en Angleterre & en France. M. James, Anglois, & qui doit savoir par conséquent ce que c'est que l'aile, dit qu'elle est jaunâtre, claire, transparente, & fort piquante ; qu'elle prend au nez ; qu'elle est apéritive & agréable au goût ; qu'il n'y entre ni houblon ni autres plantes ameres ; & que sa grande force vient d'une fermentation extraordinaire qu'on y a excitée par quelques ingrédiens acres & piquans.

Nos Brasseurs au contraire entendent par aile, la même chose que par métiers, une liqueur sans houblon ; la premiere dissolution de la farine dans l'eau chaude, qu'on fait ensuite bouillir & dont on obtient, sans autre préparation, une liqueur doucereuse, même sucrée, mais jusqu'à la fadeur, & qui n'est pas de garde.

AILES de saint Michel, est le nom d'un ordre de chevalerie institué en Portugal en 1165, suivant le Pere Mendo, Jésuite ; ou en 1171, suivant D. Michieli, comme on le peut voir dans son Tesoro militar de Cavalleria. Alphonse-Henri premier, roi de Portugal, fonda cet ordre à l'occasion d'une victoire qu'il avoit remportée sur le roi de Séville & les Sarrasins, & dont il attribuoit le succès au secours de S. Michel, qu'il avoit pris pour patron contre les Infideles.

La banniere de cet ordre étoit une aile semblable à celles de l'Archange, de couleur de pourpre, & environnée de rayons d'or. La regle des chevaliers étoit celle de S. Benoît. Ils faisoient voeu de défendre la religion Chrétienne & les frontieres du royaume, & de secourir les orphelins. Leur devise étoit quis ut Deus ? qui est en Latin la signification du mot Hébreu, Michel. (G)

AILES, s. f. pl. en termes de Guerre, sont les deux extrémités d'une armée rangée en bataille : on les distingue en aile droite & en aile gauche. Voyez ARMEE, BATAILLON, &c. La cavalerie est ordinairement portée sur les ailes, c'est-à-dire sur les flancs, à la droite & à la gauche de chaque ligne ; on la place ainsi afin de couvrir l'infanterie qui est au milieu. Voyez LIGNE & FLANC.

Pan, l'un des capitaines de Bacchus, est regardé comme le premier inventeur de cette maniere de ranger une armée en bataille ; & c'est-là la cause, à ce qu'on prétend, pourquoi les anciens, qui nommoient cornua, ce que nous appellons ailes aujourd'hui, représentoient Pan avec des cornes à la tête. Voyez PANIQUE.

Ce qu'il y a de certain, c'est que cette maniere de ranger les armées est très-ancienne. On sait que les Romains donnoient le nom d'ailes à deux corps de troupes de leurs armées, qui étoient placés l'un à droite & l'autre à gauche, & qui consistoient l'un & l'autre dans 400 chevaux & 4200 fantassins. Ces ailes étoient ordinairement de troupes alliées, & leur usage étoit de couvrir l'armée Romaine, comme les ailes d'un oiseau servent à lui couvrir le corps. Les troupes des ailes étoient appellées alares, & alares copiae.

Aujourd'hui les armées sont divisées en aile droite, aile gauche, & centre.

Ailes signifie aussi les deux files qui terminent la droite & la gauche d'un bataillon ou d'un escadron. Du tems qu'on avoit des piquiers, on les plaçoit dans le milieu, & les mousquetaires aux ailes. (Q)

AILES, dans la Fortification, sont les côtés ou les branches des ouvrages à corne, à couronne, & autres ouvrages extérieurs. Voyez OUVRAGE A CORNE, &c.

Les ailes ou côtés doivent être flanqués ou par le corps de la place, lorsqu'elles n'en sont pas trop éloignées, ou du moins par des redoutes, ou par des traverses faites dans leur fossé. Celles des ouvrages à corne placés vis-à-vis les courtines, sont flanquées ou des demi-lunes collatérales, ou des faces des bastions. Il en est de même des ouvrages à corne placés vis-à-vis des bastions, & des ouvrages à couronne.

Il faut observer que si l'on veut que ces ailes soient exactement défendues, leur extrémité vers la campagne ne doit être éloignée des parties qui les défendent que de la portée du fusil, c'est-à-dire de 120 ou 140 toises. Il faut aussi que la défense n'en soit pas trop oblique ; autrement elle devient très-foible, & d'un très-leger obstacle à l'ennemi. (Q)

AILES (les) du nez ; voyez NEZ. (L)

AILES de chauve-souris, vespertilionum alae, en Anatomie, sont deux ligamens fort larges & membraneux, qui tiennent le fond de la matrice attachée aux os de l'ilium ; leur nom vient de la ressemblance qu'elles ont avec les ailes d'une chauve-souris. (N)

AILES, nom que les Horlogers donnent aux dents d'un pignon. Voyez DENT, PIGNON.

Pour que la roue mene uniformément le pignon, lorsque la dent rencontre l'aile dans la ligne des centres, il faut que la face de cette aile soit une ligne droite tendante au centre. Voyez ROUE, ENGRENAGE. (T)

AILES, se dit, en Jardinage, des arbres ou des plantes, qui poussant des branches à côté les unes des autres, forment des especes d'ailes. On voit aux artichaux, des pommes à côté du principal montant & sur la même tige ; ces pommes sont appellées les ailes d'un pié d'artichaux. (K)

AILES, terme de Tourneur ; ce sont deux pieces de bois plates & triangulaires qu'on attache en-travers à une des poupées du tour, pour lui servir de support, quand on veut tourner des quadres ronds.

AILES ou AILERONS, en termes de Vitrier, sont les extrémités les plus minces du plomb qui entretiennent les pieces de verre dont un panneau de vitre est composé, & qui recouvrant de part & d'autre ces mêmes pieces, empêchent que le vent ni la pluie ne passent entre le plomb & le verre. Voyez LINGOTIERE.

AILES, (Manege.) Les ailes de la lance sont les pieces de bois qui forment l'endroit le plus large de la lance au-dessus de la poignée. Voyez LANCE. (V)

AILES, en Blason, se portent quelquefois simples & quelquefois doubles ; on appelle ces dernieres, ailes conjointes. Quand les pointes sont tournées vers le bas de l'écusson, on les nomme ailes renversées ; & ailes élevées, quand les pointes sont en haut. Voyez VOL. (V)

AILES, terme de riviere, sont deux planches formant arrondissement, de trois pouces d'épaisseur, que l'on met au bout des semelles d'un bateau foncet en-avant & en-arriere.

AILE, partie de moulin à vent. Voyez MOULIN.

AILE DE FICHE ou COUPLET ; c'est la partie de ces ouvrages de serrurerie qui s'attache sur le bois, & qui est entraînée dans le mouvement d'une porte, d'une fenêtre, d'un volet brisé ; en un mot, on donne le nom d'aile à tout ce qui n'est pas la charniere.

AILE, se dit de la partie des lardoires à l'usage des Cuisiniers & Rotisseurs, qui est fendue en plusieurs parties, & évasée autant qu'il le faut pour recevoir le lard, dont on veut piquer une viande.


AILÉadjectif, terme de Blason ; il se dit de toutes les pieces auxquelles on donne des ailes contre leur nature, comme d'un lion, d'un léopard, &c. Il se dit encore de tous les animaux volatils qui ont des ailes d'un autre émail ou couleur que le reste de leur corps. D'azur au taureau ailé & élancé d'or ; de gueules au griffon d'or ailé d'argent.

Manuel en Espagne, de gueules à une main de carnation ailée d'or, tenant une épée d'argent, la garde d'or. (V)


AILERONS. m. terme d'Architecture. c'est une espece de console renversée, de pierre ou de bois, revêtu de plomb, dont on orne les côtés d'une lucarne, comme on en voit au-devant des combles de la place de Vendôme à Paris, ou à côté d'un second ordre du portail d'une église, comme à Saint Roch, aux Barnabites, aux Petits Peres, &c. Ces consoles renversées sont ainsi pratiquées sur le devant d'un portail pour cacher les arcboutans élevés sur les bas côtés d'une église, & servant à soûtenir les murs de la nef. (P)


AILESBURY(Géog.) ville d'Angleterre dans le Bukinghamshire, sur la Tamise. Long. 16. 49. lat. 51. 50.


AILETTEou ALETTES, s. f. terme de Cordonnerie ; ce sont deux morceaux de cuir minces, parés dans leur pourtour, que les Cordonniers cousent aux parties latérales internes de l'empeigne du soulier, pour la renforcir en cet endroit. Les ailettes sont cousues comme l'empeigne avec les semelles. Elles s'étendent depuis le paton jusqu'à l'origine du quartier. Elles sont prises en devant entre l'empeigne & le paton. On doit observer de bien parer toutes ces pieces, puisque la moindre inégalité dans l'intérieur du soulier est capable d'incommoder le pié, dont les parties latérales sont celles qui s'appliquent aux ailettes.


AILURESILOIRES, s. f. ce sont deux soliveaux que l'on place sur le pont du vaisseau, portés sur les barrots, faisant un quarré avec ces barrots, & ce quarré est l'ouverture nommée écoutille. Voyez ILOIRES. (Z)


AIMABLEOrphée, c'est, en terme de Fleuriste, un oeillet panaché de cramoisi & de blanc, qui vient de l'Ille. Sa fleur n'est pas bien large, mais elle est bien tranchée. Sa feuille & sa tige sont d'un beau verd : il abonde en marcottes.


AIMANTS. m. pierre ferrugineuse assez semblable en poids & en couleur à l'espece de mine de fer qu'on appelle en roche. Elle contient du fer en une quantité plus ou moins considérable, & c'est dans ce métal uni au sel & à l'huile, que réside la vertu magnétique plûtôt que dans la substance pierreuse. Cette pierre fameuse a été connue des anciens ; car nous savons sur le témoignage d'Aristote, que Thalès, le plus ancien philosophe de la Grece, a parlé de l'aimant : mais il n'est pas certain que le nom employé par Aristote soit celui dont Thalès s'est servi. Onomacrite qui vivoit dans la LX. Olympiade, & dont il nous reste quelques poésies sous le nom d'Orphée, est celui qui nous fournit le plus ancien nom de l'aimant ; il l'appelle . Hippocrate (lib. de sterilib. mulier.) a désigné l'aimant sous la périphrase de la pierre qui attire le fer, .

Les Arabes & les Portugais se servent de la même périphrase, que Sextus Empiricus a exprimée en un seul mot . Sophocle, dans une de ses pieces qui n'est pas venue jusqu'à nous, avoit nommé l'aimant , pierre de Lydie. Hesychius nous a conservé ce mot aussi-bien que , qui en est une variation. Platon, dans le Timée, appelle l'aimant , pierre d'Héraclée, nom qui est un des plus usités parmi les Grecs.

Aristote a fait plus d'honneur que personne à l'aimant, en ne lui donnant point de nom ; il l'appelle , la pierre par excellence. Themipius s'exprime de même. Théophraste avec la plûpart des anciens, a suivi l'appellation déjà établie de .

Pline, sur un passage mal entendu de ce philosophe, a cru que la pierre de touche, coticula, qui entre ses autres noms a celui de , avoit de plus celui d', commun avec l'aimant : les Grecs & les Latins se sont aussi servis du mot tiré de , fer, d'où est venu le vieux nom François pierre ferriere. Enfin les Grecs ont diversifié le nom de en diverses façons : on trouve dans Tzetzès ; dans Achilles Tatius dans la plûpart des auteurs ; dans quelques-uns, aussi-bien qu', par la permutation de en , familiere aux Grecs dès les premiers tems ; & , qui n'est pas de tous ces noms le plus usité parmi eux, est presque le seul qui soit passé aux Latins.

Pour ce qui est de l'origine de cette dénomination de l'aimant, elle vient manifestement du lieu où l'aimant a d'abord été découvert. Il y avoit dans l'Asie mineure deux villes appellées Magnetie : l'une auprès du Méandre, l'autre sous le mont Sypile. Cette derniere qui appartenoit particulierement à la Lydie, & qu'on appelloit aussi Héraclée, selon le témoignage d'Aelius Dionysius dans Eustathe, étoit la vraie patrie de l'aimant. Le mont Sypile étoit sans doute fécond en métaux, & en aimant par conséquent ; ainsi l'aimant appellé magnes du premier lieu de sa découverte, a conservé son ancien nom, comme il est arrivé à l'acier & au cuivre, qui portent le nom des lieux où ils ont été découverts : ce qu'il y a de singulier, c'est que le plus mauvais aimant des cinq especes que rapporte Pline, étoit celui de la Magnésie d'Asie mineure, premiere patrie de l'aimant, comme le meilleur de tous étoit celui d'Aethiopie.

Marbodaeus dit, que l'aimant a été trouvé chez les Troglodytes, & que cette pierre vient aussi des Indes. Isidore de Seville dit, que les Indiens l'ont connu les premiers ; & après lui, la plûpart des auteurs du moyen & bas âge appellent l'aimant lapis Indicus, donnant la patrie de l'espece à tout le genre.

Les anciens n'ont guere connu de l'aimant que sa propriété d'attirer le fer ; c'étoit le sujet principal de leur admiration, comme l'on peut voir par ce beau passage de Pline : Quid lapidis rigore pigrius ? Ecce sensus manusque tribuit illi natura. Quid ferri duritie pugnacius ? Sed cedit & patitur mores : Trahitur namque à magnete lapide, domitrixque illa rerum omnium materia ad inane nescio quid currit, atque ut propiùs venit, assistit teneturque, & complexu hoeret. Plin. liv. XXXVI. cap. xvj.

Cependant il paroît qu'ils ont connu quelque chose de sa vertu communicative ; Platon en donne un exemple dans l'Ion, où il décrit cette fameuse chaîne d'anneaux de fer suspendus les uns aux autres, & dont le premier tient à l'aimant. Lucrece, Philon, Pline, Galien, Némesius, rapportent le même phénomene ; & Lucrece fait de plus mention de la propagation de la vertu magnétique au-travers des corps les plus durs, comme il paroît dans ces vers :

Exultare etiam Samothracia ferrea vidi,

Et ramenta simul ferri furere intus ahenis

In scaphiis, lapis hic magnes cum subditus esset.

Mais on ne voit par aucun passage de leurs écrits qu'ils ayent rien connu de la vertu directive de l'aimant ; on ignore absolument dans quel tems on a fait cette découverte, & on ne sait pas même au juste quand est-ce qu'on l'a appliquée aux usages de la navigation.

Il y a toute apparence que le hasard a fait découvrir à quelqu'un que l'aimant mis sur l'eau dans un petit bateau, se dirigeoit constamment nord & sud ; & qu'un morceau de fer aimanté avoit la même propriété : qu'on mit ce fer aimanté sur un pivot afin qu'il pût se mouvoir plus librement : qu'ensuite on imagina que cette découverte pourroit bien être utile aux navigateurs pour connoître le midi & le septentrion lorsque le tems seroit couvert, & qu'on ne verroit aucun astre ; enfin qu'on substitua la boussole ordinaire à l'aiguille aimantée pour remédier aux dérangemens occasionnés par les secousses du vaisseau. Il paroît au reste que cette découverte a été faite avant l'an 1180. Voyez l'article AIGUILLE, où l'on traite plus particulierement de cette découverte.

I. DES POLES DE L'AIMANT, ET DE SA VERTU DIRECTIVE.

Chaque aimant a deux poles dans lesquels réside la plus grande partie de sa vertu : on les reconnoît en roulant une pierre d'aimant quelconque dans de la limaille de fer ; toutes les parties de cette limaille qui s'attachent à la pierre se dirigent vers l'un ou l'autre de ces poles, & celles qui sont immédiatement dessus sont en ces points perpendiculairement hérissées sur la pierre : enfin la limaille est attirée avec plus de force & en plus grande abondance sur les poles que par-tout ailleurs. Voici une autre maniere de connoître les poles ; on place un aimant sur un morceau de glace polie, sous laquelle on a mis une feuille de papier blanc : on répand de la limaille peu-à-peu sur cette glace autour de l'aimant, & on frappe doucement sur les bords de la glace pour diminuer le frottement qui empêcheroit les molécules de limaille d'obéir aux écoulemens magnétiques : aussi-tôt on apperçoit la limaille prendre un arrangement régulier, tel qu'on l'observe dans la figure, dans lequel la limaille se dirige en lignes courbes A E B, A E B, (Planc. Phys. fig. 58.) à mesure qu'elle est éloignée des poles, & en lignes droites A A, B B, à mesure qu'elle s'en approche ; ensorte que les poles sont les points où convergent toutes ces différentes lignes courbes & droites.

Maintenant on appelle axe de l'aimant, la ligne droite qui le traverse d'un pole à l'autre ; & l'équateur de l'aimant est le plan perpendiculaire qui le partage par le milieu de son axe. Or cette propriété de l'aimant d'avoir des poles est comme essentielle à tous les aimans ; car on aura beau casser un aimant en tant de morceaux que l'on voudra, les deux poles se trouveront toûjours dans chaque morceau. Cette polarité de l'aimant ne vient point, comme on l'a cru, de ce que les mines de l'aimant sont dirigées nord & sud ; car il est très-certain que ces mines affectent comme les autres toute sorte de direction, & nommément il y a dans le Devonshire une mine d'aimant, dont les veines sont dirigées de l'est à l'ouest, & dont les poles se trouvent aussi dans cette direction : mais les poles de l'aimant ne doivent point être regardés comme deux points si invariables qu'ils ne puissent changer de place : car M. Boyle dit, qu'on peut changer les poles d'un petit morceau d'aimant en les appliquant contre les poles plus vigoureux d'une autre pierre ; ce qui a été confirmé de nos jours par M. Gwarin Knight, qui peut changer à volonté les poles d'un aimant naturel, par le moyen des barreaux de fer aimantés.

On a donné aux poles de l'aimant les mêmes noms qu'aux poles du monde, parce que l'aimant mis en liberté, a la propriété de diriger toûjours ses poles vers ceux de notre globe ; c'est-à-dire, qu'un aimant qui flotte librement sur une eau dormante, ou qui est mobile sur son centre de gravité, ayant son axe parallele à l'horison, s'arrêtera constamment dans une situation telle, qu'un de ses poles regarde toûjours le nord, & l'autre le midi : & si on le dérange de cette situation, même en lui en donnant une directement contraire, il ne cessera de se mouvoir & d'osciller jusqu'à ce qu'il ait retrouvé sa premiere direction. On est convenu d'appeller pole austral de l'aimant, celui qui se tourne vers le nord, & pole boréal celui qui se dirige vers le sud. Le méridien magnétique est le plan perpendiculaire à l'aimant suivant la longueur de son axe, qui passe par conséquent par les poles.

Lorsqu'après avoir bien reconnu les poles & l'axe d'un aimant, on le laisse flotter librement sur un liége, le vaisseau dans lequel il flotte étant posé sur une méridienne exactement tracée, on s'appercevra que les poles de l'aimant ne regardent pas précisément ceux du monde, mais qu'ils en déclinent plus ou moins à l'est ou à l'ouest, suivant les différens lieux de la terre où se fait cette observation. Cette déclinaison de l'aimant varie aussi chaque année, chaque mois, chaque jour, & même à chaque heure dans le même lieu. Voyez l'article AIGUILLE, où l'on en traite plus particulierement.

Pareillement, si l'on fait nager sur du mercure un aimant sphérique, après en avoir bien reconnu l'axe & les poles, il se dirigera d'abord à-peu-près nord & sud : mais on remarquera aussi que son axe s'inclinera d'une maniere constante ; ensorte que dans nos climats le pole austral s'incline, & le pole boréal s'éleve, & au contraire dans l'autre hémisphere. Cette inclinaison varie aussi dans tous les lieux de la terre & dans tous les tems de l'année, comme on peut le voir à l'article AIGUILLE, où l'on en parle plus amplement.

Les poles de l'aimant sont, comme nous l'avons dit précédemment, des points variables que nous sommes quelquefois les maîtres de produire à volonté, & sans le secours d'aucun aimant ; comme nous verrons qu'il est facile de le faire par les moyens que nous exposerons dans la suite : car lorsqu'on coupe doucement & sans effort un aimant par le milieu de son axe, chacune de ses parties a constamment deux poles, & de vient un aimant complet : les parties qui étoient contiguës sous l'équateur avant la section, & qui n'étoient rien moins que des poles, le sont devenues, & même poles de différens noms ; ensorte que chacune de ces parties pouvoit devenir également pole boréal ou pole austral, suivant que la section se seroit faite plus près du pole austral ou du pole boréal du grand aimant : & la même chose arriveroit à chacune de ces moitiés, si on les coupoit par le milieu de la même maniere. Voyez Planc. Physiq. fig. 66.

Mais si au lieu de couper l'aimant par le milieu de son axe A B, on le coupe suivant sa longueur, (Pl. Physiq. fig. 67.) on aura pareillement quatre poles a a, b b, dont ceux du même nom seront dans chaque partie, du même côté qu'ils étoient avant la section, à la reserve qu'il sera formé dans chaque partie un nouvel axe a b, a b, parallele au premier, & plus ou moins rentré au-dedans de la pierre, suivant qu'elle aura naturellement plus de force magnétique.

II. DE LA VERTU ATTRACTIVE DE L'AIMANT.

§. I. De l'attraction réciproque de deux aimans, & de la répulsion.

Le phénomene de l'attraction réciproque de deux aimans, d'un aimant & d'un morceau de fer, ou bien de deux fers aimantés, est celui de tous qui a le plus excité l'admiration des anciens philosophes, & qui a fait dire à quelques-uns que l'aimant étoit animé. En effet, qu'y a-t-il de plus singulier que de voir deux aimans se porter l'un vers l'autre comme par sympathie ; s'approcher avec vitesse comme par empressement ; s'unir par un côté déterminé au point de ne se laisser séparer que par une force considérable ; témoigner ensuite dans une autre situation, une haine réciproque qui les agite tant qu'ils sont en présence ; se fuir avec autant de vitesse qu'ils s'étoient recherchés, & n'être tranquilles que lorsqu'ils sont fort éloignés l'un de l'autre ? Ce sont cependant les circonstances du phénomene de l'attraction & de la répulsion de l'aimant, comme il est facile de s'en convaincre par l'expérience suivante.

Prenez deux aimans a b, A B, (Pl. Phys. fig. 64.) mettez-les chacun dans une petite boîte de sapin, pour qu'ils puissent aisément flotter sur une eau dormante & à l'abri des mouvemens de l'air ; faites ensorte qu'ils ne soient pas plus éloignés l'un de l'autre que ne s'étend leur sphere d'activité : vous verrez qu'ils s'approcheront avec une vîtesse accélérée, & qu'ils s'uniront enfin dans un point C qui sera le milieu de leur distance mutuelle, si les aimans sont égaux en force & en masse, & si les deux boîtes sont parfaitement semblables : marquez les points b, A, par lesquels ces aimans se sont unis, & éloignez-les l'un de l'autre de la même distance, ils s'approcheront avec la même vîtesse, & s'uniront par les mêmes points : mais si vous changez l'un de ces aimans de situation, de maniere qu'il présente à l'autre le point directement contraire à celui qui étoit attiré, ils se fuiront réciproquement avec une égale vîtesse jusqu'à ce qu'ils soient hors de la sphere d'activité l'un de l'autre.

L'expérience fait connoître que ces deux aimans s'attirent par les poles de différent nom ; c'est-à-dire, que le pole boréal de l'un attire le pole austral de l'autre, & le pole boréal de celui-ci attire le pole austral du premier : au contraire les deux poles du nord se fuient aussi-bien que les deux poles du sud ; ensorte que c'est une loi constante du magnétisme, que l'attraction mutuelle & réciproque se fait par les poles de différent nom ; & la répulsion, par les poles de même dénomination.

On a cherché à découvrir si la force qui fait approcher ou fuir ces deux aimans, agit sur eux seulement jusqu'à un terme déterminé ; si elle agit uniformément à toutes les distances en-deçà de ce terme : ou si elle étoit variable, dans quelle proportion elle croîtroit ou décroîtroit par rapport aux différentes distances : mais le résultat d'un grand nombre d'expériences a appris que la force d'un aimant s'étend tantôt plus loin, tantôt moins. Il y en a dont l'activité s'étend jusqu'à 14 piés ; d'autres dont la vertu est insensible à 8 ou 9 pouces. La sphere d'activité d'un aimant donné, a elle-même une étendue variable ; elle est plus grande en certains jours que dans d'autres, sans qu'il paroisse que ni la chaleur, ni l'humidité, ni la secheresse de l'air ayent part à cet effet.

D'autres expériences ont fait connoître que vers les termes de la sphere d'activité, la force magnétique agit d'abord d'une maniere insensible ; qu'elle devient plus considérable à mesure que le corps attiré s'approche de l'aimant, & qu'elle est la plus grande de toutes dans le point de contact : mais la proportion de cette force dans les différentes distances, n'est pas la même dans les différens aimans ; ce qui fait qu'on ne sauroit établir de regle générale.

Voici le résultat d'une expérience faite avec soin par M. du Tour.

Il a rempli d'eau un grand bassin M, (Pl. Physiq. fig. 63.) & il a fait nager par le moyen d'une fourchette une aiguille à coudre A B qu'il avoit aimantée (qu'on peut par conséquent regarder comme un aimant, ainsi que nous le verrons par la suite) ; il a présenté une pierre d'aimant T à la distance de 13 pouces de cette aiguille, ce qui étoit à-peu-près le terme de sa sphere d'activité, & il a examiné le rapport des vîtesses de l'aiguille à différentes distances. Voici le résultat de son observation.

L'aiguille a employé à parcourir

Ce qu'on a observé de la répulsion, est en quelque sorte semblable aux circonstances du phénomene de l'attraction ; c'est-à-dire, que la sphere de répulsion varie dans les différens aimans, aussi-bien que la force répulsive dans les différentes distances. Plusieurs auteurs ont cru que la force répulsive ne s'étend dans aucun aimant aussi loin que la force attractive, & qu'elle n'est nulle part aussi forte que la vertu attractive, pas même dans le point de contact, où elle est la plus grande. La force attractive des poles de différens noms de deux aimans étoit, par une observation de M. Musschenbroeck, de 340 grains dans le point de contact, tandis que la force répulsive des poles de même nom de ces deux aimans n'étoit que de 44 grains dans le point de contact de ces deux poles.

Ces auteurs joignent à ces observations une autre, qui n'est pas moins singuliere : c'est qu'on trouve des aimans (& la même chose arrive à des corps aimantés) dont les poles de même nom se repoussent tant qu'ils sont à une distance moyenne des termes de leur sphere d'activité, & s'attirent au contraire dans le point de contact ; d'autres se repoussent avec plus de vivacité vers le milieu de leur sphere d'activité qu'aux environs du point de contact, où il semble que la répulsion diminue. Néanmoins M. Mitchell prétend avoir observé par le moyen des aimans artificiels, que les deux poles attirent & repoussent également aux mêmes distances, & dans toute sorte de direction ; que l'erreur de ceux qui ont cru la répulsion plus foible que l'attraction, vient de ce que l'on affoiblit toûjours les aimans & les corps magnétiques, en les approchant par les poles de même nom, au lieu qu'on augmente leur vertu lorsqu'on les approche par les poles de différente dénomination ; que cette augmentation ou diminution de force occasionnée par la proximité de deux aimans, devient insensible à mesure qu'on les éloigne : c'est pourquoi l'on voit qu'à une grande distance l'attraction & la répulsion approchent de plus en plus de l'égalité ; & réciproquement s'éloignent de l'égalité à mesure que la distance réciproque des deux aimans diminue, & qu'ils agissent l'un sur l'autre ; ensorte que si un aimant est assez fort & assez près pour endommager considérablement un aimant foible qui l'approche par les poles de même nom, il arrivera que le pole de celui-ci sera détruit & changé en un pole d'une dénomination différente, au moyen dequoi la répulsion sera convertie en attraction. Plusieurs expériences au reste font croire à M. Mitchell que l'attraction & la répulsion croissent & décroissent en raison inverse des quarrés des distances respectives des deux poles.

Tous ces effets d'attraction & de répulsion réciproques de deux aimans, n'éprouvent aucun obstacle de la part des corps solides, ni des fluides. L'attraction & la répulsion de deux aimans étoit également forte, soit qu'il y eût une masse de plomb de 100 livres d'épaisseur entre deux, soit qu'il n'y eût que de l'air libre. M. Boyle a éprouvé que la vertu magnétique pénétroit au-travers du verre scellé hermétiquement, qu'on sait être un corps des plus impénétrables par aucune sorte d'écoulement particulier : le fer seul paroît intercepter la matiere magnétique ; car une plaque de fer battu interposée entre deux aimans, affoiblit considérablement leurs forces attractives & répulsives.

De même ni le vent, ni la flamme, ni le courant des eaux n'interrompent les effets d'attraction & de répulsion de deux aimans ; ces actions sont aussi vives dans l'air commun, que dans l'air raréfié ou condensé dans la machine pneumatique. Planche Physiq. fig. 32. & 35.

§. 2. De l'attraction réciproque de l'aimant & du fer.

L'aimant attire le fer avec encore plus de vigueur qu'il n'attire un autre aimant : qu'on mette sur un liége A, Pl. phys. fig. 62. un morceau de fer cubique B qui n'ait jamais été aimanté, & que le tout flotte sur l'eau, & qu'on lui présente un aimant C par quelque pole que ce soit, le fer s'en approchera avec vivacité ; & réciproquement si on met l'aimant sur le liége & qu'on lui présente le morceau de fer, il s'approchera de celui-ci avec la même vîtesse ; en sorte qu'il paroît que l'action de l'aimant sur le fer, & de celui-ci sur l'aimant, est égale & réciproque.

Cette attraction de l'aimant sur le fer s'étend jusque sur tous les corps qui contiennent des particules de ce métal, & le nombre en est très-grand dans la nature : il attire des particules de toutes les especes de terres, de sables, de pierres ; des sels & des résidences de toutes les fontaines ; des cendres & des suies de toutes sortes de bois & de tourbes, des charbons, des huiles & des graisses de toute espece ; du miel, de la cire, du castor, & une infinité d'autres matieres. En un mot l'aimant est la pierre de touche par le moyen de laquelle on démêle jusqu'aux plus petites parties ferrugineuses que renferme un corps.

A la vérité pour découvrir que ces corps renferment du fer, il est souvent nécessaire d'employer le moyen de la calcination pour soûmettre ce métal à l'action de l'aimant : mais cette préparation n'est employée que pour les corps qui ne tiennent pas le fer sous une forme métallique, ou lorsque ses particules sont confondues d'une maniere particuliere avec d'autres métaux : dans ce cas le fer obéit souvent à l'action d'un aimant très-foible, tandis qu'il se refuse à celle d'un aimant fort. Ainsi on a vû à Petersbourg un alliage de fer & d'étain qu'un foible aimant attiroit, & sur lequel un excellent aimant n'avoit aucune action.

Aucuns corps solides ou fluides n'empêchent en rien l'action mutuelle du fer & de l'aimant, si ce n'est le fer lui-même, comme nous l'avons remarqué précédemment. La chaleur excessive du fer ne diminue pas non plus ces effets ; car on a appliqué le pole boréal d'un aimant sur un clou à latte tout rouge, qui a été vivement attiré, & qui est resté suspendu : mais on a remarqué aussi que la chaleur excessive de l'aimant diminue sa vertu, du moins pour un tems : on a fait rougir l'aimant qui avoit servi dans l'expérience précédente ; & quand il a été bien rougi, on a appliqué son pole boréal sur un autre clou à latte semblable, qui a été attiré foiblement, quoiqu'il soit resté suspendu : néanmoins au bout de deux ou trois jours la pierre attiroit le clou aussi vivement qu'avant d'avoir été au feu. La plus grande force attractive d'un aimant est aux environs de ses poles : il y a des aimans qui peuvent lever des clous assez considérables par leurs poles, & qui ne sauroient lever les plus petites parties de limaille par leur équateur. Cependant si on fait ensorte que différentes parties de l'équateur deviennent des poles, comme nous avons dit qu'il arrive en coupant l'aimant en plusieurs parties, la force attractive sera très-sensible dans ces nouveaux poles, de maniere que la somme des poids que pourra lever un gros aimant ainsi coupé par parties, excédera de beaucoup ce que ce morceau pouvoit soûlever lorsqu'il étoit entier.

§. 3. De l'armure de l'aimant.

La force attractive d'un aimant nouvellement sorti de la mine, ne consiste qu'à lui faire lever de petits clous ou d'autres morceaux de fer d'une pesanteur peu considérable ; c'est pourquoi on est obligé de l'armer pour augmenter sa force : d'ailleurs l'armure réunit, dirige & condense toute sa vertu vers les poles, & fait que ses émanations sont toutes dirigées vers la masse qu'on met sous ses poles.

Il est essentiel, avant que d'armer un aimant, de bien reconnoître la situation de ses poles ; car l'armure lui deviendroit inutile si elle étoit placée par-tout ailleurs que sur ces parties. Afin donc de reconnoître exactement les poles d'un aimant, on le mettra sur un carton blanc lissé, & on répandra par-dessus de la limaille de fer qui ne soit point rouillée, ce qui se fera plus uniformément par le moyen d'un tamis : on frappera doucement sur le carton, & on verra bien-tôt se former autour de l'aimant un arrangement symmétrique de la limaille qui se dirigera en lignes courbes E E (Pl. phys. fig. 58.) vers l'équateur, en suivant les lignes droites A B vers les poles qui seront dans les deux parties de l'aimant où tendront toutes ces lignes droites : mais on les déterminera encore plus précisément en plaçant dessus une aiguille fort fine & très-courte ; car elle se tiendra perpendiculairement élevée à l'endroit de chaque pole, & elle sera toûjours oblique sur tout autre point.

Lorsqu'on a bien déterminé où sont les poles de l'aimant, il faut le scier de maniere qu'il soit bien plan & bien poli à l'endroit de ces poles. De toutes les figures que l'on peut lui donner, la plus avantageuse sera celle où l'axe aura la plus grande longueur, sans cependant trop diminuer les autres dimensions.

Maintenant pour déterminer les proportions de l'armure, il faut commencer par connoître la force de l'aimant qu'on veut armer ; car plus cette force est grande, plus il faut donner d'épaisseur aux pieces qui composent l'armure. Pour cet effet on aura de petits barreaux d'acier bien polis & un peu plats, qu'on appliquera sur un des poles de l'aimant : on présentera à ce barreau d'acier immédiatement au-dessous du pole un petit anneau de fer auquel sera attaché le bassin d'une balance, & l'on éprouvera quelle est la plus grande quantité de poids que l'aimant pourra supporter, sans que l'anneau auquel tient le plan de la balance se sépare du barreau d'acier : on fera successivement la même expérience avec plusieurs barreaux semblables, mais de différentes épaisseurs, & on découvrira facilement par le moyen de celui qui soûlevera le plus grand poids, quelle épaisseur il faudra donner aux boutons de l'armure.

Lorsqu'on aura déterminé cette épaisseur, on choisira des morceaux d'acier bien fins & non trempés, qu'on taillera de cette maniere. A B (fig. 59.) est une des jambes de l'armure, dont la hauteur & la largeur doivent être égales respectivement à l'épaisseur & à la largeur de l'aimant : B E D est un bouton de la même piece d'acier, dont le plan S B D est perpendiculaire à A B : sa largeur à l'endroit où il touche le plan A B, doit être des deux tiers de G G, largeur de la plaque A B ; & l'épaisseur du bouton S E doit avoir la même dimension : enfin la longueur B D, qui est la quantité dont le bouton sera avancé audessous de la pierre, sera des deux tiers de D S ou de S E. Il est nécessaire que ce bouton devienne plus mince, & aille en s'arrondissant par-dessous depuis S & D jusqu'en E, de maniere que sa largeur en E soit d'un tiers ou d'un quart de la largeur S D. Il est encore fort important de faire attention à l'épaisseur de la jambe A B ; car si on la fait trop épaisse ou trop mince, l'armure en aura moins de force : or c'est ce qu'on ne sauroit bien déterminer qu'en tâtonnant ; c'est pourquoi il y faudra procéder comme on a fait pour déterminer l'épaisseur du bouton. On observe en général que l'extrémité supérieure C C doit être arrondie, & un peu moins élevée que l'aimant, & que l'épaisseur de la plaque doit être moindre vers C C que vers G G. On appliquera donc ces deux plaques avec leurs boutons sur les poles respectifs de l'aimant, de maniere que ces deux pieces touchent l'aimant dans le plus de points qu'il sera possible ; & on les contiendra avec un bandage de cuivre bien serré, auquel on ajustera le suspensoir X, fig. 60.

Maintenant pour réunir la force attractive des deux poles, il faut avoir une traverse d'acier D A C B bien souple & non trempée, dont la longueur excede d'une ou deux lignes les boutons de l'armure, & dont l'épaisseur soit à-peu-près d'une ligne : il doit y avoir un trou avec un crochet L, afin qu'on puisse suspendre les poids que l'aimant pourra lever.

Lorsqu'on aura ainsi armé l'aimant, il sera facile de s'appercevoir que sa vertu attractive sera considérablement augmentée ; car tel aimant qui ne sauroit porter plus d'une demi-once lorsqu'il est nud, leve sans peine un poids de dix livres lorsqu'il est armé : cependant ses émanations ne s'étendent pas plus loin lorsqu'il est armé que lorsqu'il est nud, comme il paroît par son action sur une aiguille aimantée mobile sur son pivot ; & si l'on applique sur les piés de l'armure la traverse qui sert à soûtenir les poids qu'on fait soûlever à l'aimant, la distance à laquelle il agira sur l'aiguille sera beaucoup moindre, la vertu magnétique se détournant pour la plus grande partie dans la traverse.

Lorsqu'on présente à un aimant armé un morceau de gros fil de fer A B (fig. 61.) assez pesant pour que le bouton de l'armure duquel on l'approche ne puisse pas le supporter, on le fera attirer aussi-tôt si on ajoûte la traverse G dans la situation que la figure le représente ; & si on ôte cette piece lorsque le fil de fer A B sera ainsi fortement attiré, il tombera aussi-tôt, & cessera d'être soûtenu.

On a mis sur un des boutons de l'armure une petite plaque d'acier poli de dix à onze lignes de long, de sept lignes de large, & d'une ligne d'épaisseur. Cette plaque T (fig. 61. n°. 2.) portoit un petit crochet auquel étoit suspendu le plateau d'une balance ; à l'autre pié de l'armure étoit placée la traverse G, de façon que la traverse & la plaque se touchoient : on a ensuite mis des poids dans le plateau S, jusqu'à ce que l'aimant ait cessé de soûtenir la plaque T, & on a trouvé qu'il falloit dix-huit onces : ayant ensuite ôté la traverse, & laissé la plaque toute seule appliquée contre l'aimant, un poids de deux onces dans la balance a suffi pour séparer la plaque ; ce qui prouve que la proximité de la traverse a augmenté de seize onces la vertu attractive du pole auquel la plaque étoit appliquée.

Quoique l'attraction d'un aimant armé paroisse considérable, il arrive cependant que des causes assez foibles en détruisent l'effet en un instant : par exemple, lorsqu'on soûtient un morceau de fer oblong F (fig. 68.) sous le pole d'un excellent aimant M, & qu'on présente à l'extrémité inférieure de ce morceau de fer le pole de différent nom d'un autre aimant N, plus foible ; celui-ci enlevera le fer au plus fort. On jugera bien mieux du succès de cette expérience, si elle est faite sur une glace polie & horisontale. La même chose arrive aussi à une boule d'acier qu'on touche avec un aimant foible, dans le point diamétralement opposé au pole de l'aimant vigoureux sous lequel elle est suspendue.

Pareillement si on met la pointe d'une aiguille S (fig. 69.) sous un des poles de l'aimant, ensorte qu'elle soit pendante par sa tête, & qu'on présente à cette tête une barre de fer quelconque F par son extrémité supérieure, l'aiguille quittera aussi-tôt l'aimant pour s'attacher à la barre : cependant si l'aiguille tient par sa tête au pole de l'aimant, alors ni la barre de fer, ni un aimant foible, ne la détacheront : il sembleroit d'abord que l'aiguille s'attacheroit à celui des deux qu'elle toucheroit en plus de points, mais des expériences faites à dessein ont prouvé le contraire.

Une autre circonstance assez legere fait encore qu'un aimant armé & vigoureux paroît n'avoir plus de force : c'est la trop grande longueur du fer qu'on veut soulever par un des poles. Il seroit facile de faire lever à de certains aimans un morceau cubique de fer pesant une livre : mais le même aimant ne pourroit pas soûtenir un fil de fer d'un pié de longueur ; en sorte qu'augmenter la longueur du corps suspendu, est un moyen de diminuer l'effet de la vertu attractive des poles de l'aimant. C'est par cette raison que lorsqu'on présente le pole d'un bon aimant sur un tas d'aiguilles, de petits clous ou d'anneaux, l'aimant en attire seulement sept ou huit au bout les uns des autres ; & il est facile de remarquer que l'attraction du premier clou au second est beaucoup plus forte que celle du second au troisieme, & ainsi de suite ; de maniere que l'attraction du pénultieme au dernier est extrèmement foible. Voyez fig. 34.

III. DE LA COMMUNICATION DE LA VERTU MAGNETIQUE.

L'aimant peut communiquer au fer les qualités directives & attractives ; & l'on doit considérer celui qui les a reçûes de cette maniere comme un véritable aimant, qui peut lui-même aussi les communiquer à d'autre fer. Un aimant vigoureux donnera aussi de la vertu à un aimant foible, & rendra pour toûjours les effets de celui-ci aussi sensibles & aussi vifs que ceux d'un bon aimant.

En général il suffit de toucher, ou même seulement d'approcher le pole d'une bonne pierre du corps à qui l'on veut communiquer la vertu magnétique, & aussi-tôt celui-ci se trouve aimanté. A la vérité le fer qui n'aura reçû de vertu que par un instant de contact avec l'aimant, la perdra presque aussi-tôt qu'il en sera séparé : mais on rendra sa vertu plus durable, en le laissant plus long-tems auprès de l'aimant, ou bien en le faisant rougir avant que de l'approcher de la pierre, & le laissant refroidir dans cette situation : dans ce cas, la partie qu'on présentera au pole boréal de l'aimant, deviendra un pole austral, & deviendroit pareillement pole boréal si on l'approchoit du pole austral de l'aimant.

Mais comme ces moyens simples ne procurent pas une grande vertu, on en employe ordinairement d'autres plus efficaces.

Premierement on a découvert que le fer frotté sur un des poles de l'aimant, acquiert beaucoup plus de vertu que sur toute autre partie de la pierre, & que la vertu que ce pole communique au fer est bien plus considérable lorsqu'il est armé, que lorsqu'il est nud. 2°. Plus on passe lentement le fer, & plus on le presse contre le pole de l'aimant, plus il reçoit de vertu magnétique. 3°. Il est plus avantageux d'aimanter le fer sur un seul pole de l'aimant, que successivement sur les deux poles ; parce que le fer reçoit de chaque pole la vertu magnétique dans des directions contraires, & dont les effets se détruisent. 4°. On aimante beaucoup mieux un morceau de fer en le passant uniformément & dans la même direction sur le pole de l'aimant suivant sa longueur, qu'en le frottant simplement par son milieu ; & on remarque que l'extrémité qui touche le pole la derniere, conserve le plus de force. 5°. Un morceau d'acier poli, ou bien un morceau de fer acéré, reçoivent plus de vertu magnétique, qu'un morceau de fer simple & de même figure ; & toutes choses d'ailleurs égales, on aimante plus fortement un morceau de fer long, mince & pointu, qu'un autre d'une forme toute différente : ainsi une lame de sabre, d'épée ou de couteau, reçoivent beaucoup plus de vertu, qu'un carreau d'acier de même masse, qui n'a d'autres pointes que ses angles. En général, un morceau de fer ou d'acier passé sur le pole d'un aimant, comme nous avons dit, ne reçoit, ou plûtôt ne conserve jamais qu'une vertu magnétique déterminée ; & il paroît que cette quantité de vertu magnétique est déterminée par la longueur, la largeur & l'épaisseur du morceau de fer ou d'acier qu'on aimante. 6°. Puisque le fer ne reçoit de vertu magnétique que suivant sa longueur, il est important, lorsqu'on veut lui communiquer beaucoup de vertu magnétique, que cette longueur soit un peu considérable : c'est pourquoi une lame d'épée reçoit plus de vertu qu'une lame de couteau, passée sur la même pierre. Il y a cependant de certaines proportions d'épaisseur & de longueur, hors desquelles le fer reçoit moins de vertu magnétique ; en voici un exemple : on a aimanté six lames de fer de 4 pouces de long, & d'environ 1/100 de pouce d'épaisseur ; leur largeur respective étoit de 1, 2, 3, 4, 5 & 6 lignes ; on les a passées chacune trois fois & de la même maniere sur le pole d'un excellent aimant, & on a éprouvé les différens poids qu'elles pourroient soûlever. La premiere, qui étoit la plus petite, leva

Voici maintenant la preuve que la force magnétique qu'un morceau de fer peut recevoir d'un aimant, dépend aussi de la proportion de sa longueur : on a pris une lame de fer de 1/100 de pouce d'épaisseur, de 5 lignes de large, & de 13 1/4 pouces de long : on l'a passée trois fois sur le pole d'un aimant, & elle a porté 25 grains : on l'a réduite à la longueur de 10 pouces, & on l'a aimantée trois autres fois ; elle a porté 33 grains : réduite à neuf pouces, elle a porté 19 grains : à 8 pouces, 17 grains : à 4 pouces, 1 1/2 grain : d'où l'on voit que la longueur doit être déterminée à 10 pouces ou entre 10 & 13 1/4, pour qu'avec la largeur & l'épaisseur donnée, cette barre puisse acquérir le plus de vertu magnétique.

Lorsqu'une lame de fer ou d'acier, d'une certaine largeur & épaisseur, se trouve trop courte, pour recevoir beaucoup de vertu magnétique par communication, on peut y suppléer en l'attachant sur un autre morceau de fer plus long, à-peu-près de même largeur & épaisseur, ensorte que le tout soit à-peu-près aussi long qu'il est nécessaire, pour qu'une barre qui auroit ces mêmes dimensions pût acquérir le plus de vertu magnétique qu'il est possible en la passant sur le pole de l'aimant : alors en séparant la petite barre de la grande, on trouvera sa vertu magnétique considérablement augmentée. C'est ainsi qu'on a trouvé moyen d'augmenter considérablement la vertu magnétique d'un bout de lame de sabre d'un pié de long, en l'appliquant sur un autre qui avoit 2 piés 7 pouces & 8 lignes de longueur, & en les aimantant dans cette situation : alors la petite lame qui ne pouvoit porter, étant aimantée toute seule, que 4 onces 2 gros 36 grains, soûleva après avoir été séparée de la grande, 7 onces 3 gros 36 grains.

Il faut cependant observer que deux lames, ainsi unies l'une à l'autre, ne reçoivent pas autant de vertu magnétique, qu'une seule lame de même longueur & d'égale dimension. Car on a coupé en deux parties bien égales une lame de fer médiocrement mince, & on a partagé une des moitiés en plusieurs morceaux rectangulaires : on a rapproché les parties sciées les unes des autres, afin qu'elles pussent faire à-peu-près la longueur qu'elles avoient auparavant, & on les a fixées dans cette situation : on a placé à côté la moitié de la lame qui n'a point été coupée, & on les a aimantées toutes deux également : la partie qui étoit restée entiere a eu beaucoup plus de vertu magnétique que l'autre, & la partie coupée en recevoit d'autant moins, que ses fragmens étoient moins contigus les uns aux autres.

Indépendamment de ces méthodes de communiquer au fer la vertu magnétique par le moyen de l'aimant, il y en a d'autres dont nous parlerons ci-après en traitant du magnétisme artificiel : mais nous ne saurions nous dispenser à présent de faire savoir qu'il y a des moyens de donner au fer une vertu magnétique très-considérable, & même d'augmenter celle des aimans foibles au point de les rendre très-vigoureux. M. Knight, du collége de la Magdelaine à Oxford, est l'auteur de cette découverte, qu'il n'a pas encore rendue publique : voici des exemples de la grande vertu magnétique qu'il a communiquée à des barreaux d'acier, qu'on ne pouvoit pas leur procurer en les aimantant sur les meilleurs aimans à la maniere ordinaire : 1°. un petit barreau d'acier à huit pans, de trois pouces 7/10 de long, & du poids d'environ une demi-once, a levé par un de ses bouts environ onze onces sans être armé : 2°. un autre barreau d'acier parallelepipede de 59/10 de pouce de long, de 4/10 de pouce de large, & de 2/10 d'épaisseur, pesant deux onces huit grains 1/2, a levé vingt onces par une de ses extrémités sans être armé : 3°. un autre barreau de la même forme & de quatre pouces de long, armé d'acier comme un aimant, l'armure contenue avec un bandage d'argent, le tout pesant une once quatorze grains, a levé par le pié de son armure quatre livres : 4°. un barreau d'acier parallelepipede de quatre pouces de long, d'un pouce 2/10 de large, & de 4/10 de pouce d'épaisseur, armé par ses extrémités avec un bandage de cuivre pour maintenir l'armure, le tout pesant quatorze onces un scrupule, a levé par un des piés de l'armure quatorze livres deux onces & demie.

Il a fait aussi un aimant artificiel avec douze barreaux d'acier armés à la maniere ordinaire, lequel a levé par un des piés de l'armure 23 livres deux onces & demie. Ces 12 barreaux avoient chacun un peu plus de 4 pouces de long, 3/10 de pouce de large, & 16/100 d'épaisseur ; chacune de ces lames pesoit environ 25 scrupules ; & elles étoient placées l'une sur l'autre, ensorte qu'elles formoient un parallelepipede d'environ deux pouces de haut : toutes ces lames étoient bien serrées avec des liens de cuivre, & portoient une armure d'acier à l'ordinaire ; le tout pesoit 20 onces.

La méthode de communiquer une grande vertu magnétique, particuliere à M. Knight, n'est pas bornée au fer & à l'acier : il sait aussi aimanter un aimant foible au point de le rendre excellent : il en a présenté un à la Société Royale de Londres, qui pesoit tout armé sept scrupules 14 grains, & qui pouvoit à peine lever deux onces ; l'ayant aimanté diverses fois, suivant sa méthode, il soûleva jusqu'à 13 onces. Il aimante si fort un aimant foible, qu'il fait évanoüir la vertu de ses poles, & leur en substitue ensuite d'autres plus vigoureux & directement contraires, ensorte qu'il met le pole boréal où étoit naturellement le pole austral, & ainsi de l'autre pole : pareillement il place les poles d'un aimant où étoit auparavant l'équateur, & l'équateur où étoient les poles : dans un aimant cylindrique il met un pole boréal tout-au-tour de la circonférence du cercle qui fait une des bases, & le pole austral au centre de ce même cercle, tandis que toute la circonférence de l'autre base est un pole austral, & le centre est un pole boréal. Il place à sa volonté les poles d'un aimant en quel endroit on peut le desirer ; par exemple, il rend pole boréal le milieu d'une pierre, & les deux extrémités sont pole austral. Enfin dans un aimant parallelepipede il place les poles aux deux extrémités, de telle sorte que la moitié supérieure de la surface est pole austral, & la moitié inférieure pole boréal : la moitié supérieure de l'autre extrémité est pole boréal ; & l'inférieure, pole austral.

Il est vraisemblable que M. Knight réussit à produire tous ces effets par quelque moyen analogue à celui qui a été révelé au public par M. Mitchell, c'est-à-dire par le secours des aimans artificiels faits avec des barreaux d'acier trempés & polis, aimantés d'une façon particuliere, qu'il nomme la double touche. Il est très-certain qu'on peut donner à des barreaux d'acier d'une figure convenable, & trempés fort dur, une quantité de vertu magnétique très-considérable. L'acier trempé a cet avantage sur le fer & sur l'acier doux, qu'il retient beaucoup plus de vertu magnétique, quoiqu'il ait plus de peine à s'en imbiber, & qu'on est le maître de placer les poles à telle distance qu'on voudra l'un de l'autre, & dans les endroits qu'on jugera les plus convenables. Nous exposerons tout-à-l'heure à l'article de l'aimant artificiel la maniere d'aimanter par le moyen de la double touche.

La communication de la vertu magnétique n'épuise en aucune maniere sensible l'aimant dont on emprunte la vertu. Quel que soit le nombre de morceaux de fer qu'on aimante avec une même pierre, on ne diminue rien de sa force ; quoique cependant on ait vû des aimans qui ont donné au fer plus de vertu pour lever des poids, qu'ils n'en avoient eux-mêmes, sans que pour cela leur force ait paru diminuer.

Le fer ne s'enrichit pas non plus aux dépens de l'aimant, quelque vertu qu'il acquierre ; car on a pesé exactement une lame d'acier polie, & un aimant armé ; & après avoir marqué le poids de chacun séparément, on a aimanté la lame : après l'opération, on a trouvé le poids de ces deux corps exactement le même, quoiqu'on se soit servi d'une balance très-exacte.

Au reste, ce ne sont pas les aimans qui levent les plus grands poids, qui communiquent le plus de vertu : l'expérience a appris que des aimans très-petits & très-foibles pour porter du fer, communiquent cependant beaucoup de vertu magnétique : il est vrai qu'il y a des especes de fer qui ne reçoivent presque point de vertu d'un bon aimant, tandis qu'une autre espece de fer en reçoit une très-considérable. Mais cette vérité ne paroît pas d'une maniere plus évidente que dans les aimans artificiels, qui communiquent pour la plûpart beaucoup de vertu, & qui néanmoins levent ordinairement peu de fer.

Aimant artificiel.

Lorsqu'un morceau de fer ou d'acier est aimanté, il peut communiquer de la vertu magnétique à d'autre fer, & à de l'aimant même (s'il est assez fort) : alors il ne differe en rien de l'aimant, quant aux effets ; c'est pourquoi on le nomme aimant artificiel. Entre les méthodes de faire des aimans artificiels, voici celle qui a été proposée comme la meilleure.

On choisira plusieurs lames de fleuret bien trempées, polies & bien calibrées, ensorte qu'elles soient égales en longueur, largeur & épaisseur : elles auront environ six pouces de long, cinq lignes de largeur, & une ligne d'épaisseur ; & si on veut augmenter leur longueur, on augmentera en même raison leurs autres dimensions. On aimantera bien chaque lame séparément sur le pole d'un excellent aimant bien armé : on préparera une armure ABCD, (fig. 36.) qui puisse les contenir toutes appliquées les unes sur les autres, & qui les serre & les embrasse par les boutons C & D posés vers leurs extrémités. L'épaisseur des jambages A & B, aussi-bien que celle des boutons C & D, doit être d'autant plus grande, qu'il y a un plus grand nombre de barres assemblées : lors donc qu'on aura disposé toutes ces barres les unes sur les autres entre les deux jambages de maniere que les poles de même nom soient tous du même côté, on les assujettira dans cette situation par le moyen des vis O, O, P, P, & l'aimant artificiel sera fait.

On se contente quelquefois d'unir ensemble plusieurs lames de fleuret aimantées chacune séparément, & auxquelles on conserve toute leur longueur ; on les tient assujetties par des cercles de cuivre en prenant garde que toutes leurs extrémités soient bien dans le même plan ; c'est sur cette extrémité qu'on passe les lames d'acier & les aiguilles qu'on veut aimanter, & ces sortes d'aimans artificiels sont préférables à beaucoup d'aimans naturels. Ces aimans artificiels seront d'autant meilleurs, qu'ils seront construits d'excellent acier bien trempé & bien poli, qu'ils auront été passés sur le pole d'un aimant naturel ou artificiel bien vigoureux, qu'ils auront plus de longueur, enfin qu'ils seront rassemblés en plus grand nombre.

Il faut avoüer cependant que malgré toutes ces précautions, faute d'un aimant assez fort, on ne sauroit communiquer aux barres d'acier qui composent l'aimant artificiel, toute la vertu magnétique qu'elles sont capables de recevoir & de contenir ; car il faut observer qu'un morceau d'acier donné est capable d'une quantité de vertu magnétique déterminée, au-delà de laquelle il n'en sauroit plus acquérir ou tout au moins conserver. Il seroit donc très-avantageux qu'on pût donner facilement aux lames d'acier toute la quantité de magnétisme qu'elles peuvent recevoir ; c'est précisément en quoi consiste l'avantage de la méthode de M. Mitchell, appellée la double touche ; méthode par laquelle il rend les aimans artificiels bien supérieurs à ceux qu'on peut faire par les méthodes précédentes, & plus forts même que les meilleurs aimans naturels : voici en quoi consiste cette méthode.

On prendra douze barres d'acier plat, égales, longues de six pouces, & larges de six lignes, & d'une épaisseur telle qu'elles ne pesent qu'environ une once trois quarts. Après les avoir bien limées & ajustées, on les fera rougir à un feu modéré (car un trop grand feu, ou un trop foible, ne conviendroit pas si bien), & on les trempera. On fera auprès d'une de leurs extrémités une marque avec un ciseau ou un poinçon, afin qu'on puisse reconnoître le pole qui doit se tourner vers le nord, & qu'on nomme pole austral.

Toutes ces barres étant ainsi préparées, on en disposera six sur une table dans une même ligne droite, suivant la direction du méridien magnétique à-peu-près, & on les assujettira de maniere que toutes les extrémités marquées d'un coup de ciseau soient tournées vers le nord, & touchent l'extrémité de la barre voisine qui n'est pas marquée : ensuite on prendra une bonne pierre d'aimant armée, & on placera ses deux poles sur une des barres, ensorte que son pole du nord soit tourné vers le bout marqué de la barre qui doit devenir pole austral, & que le pole austral de l'aimant soit tourné vers l'extrémité de la barre qui n'est pas marquée, & qui doit devenir un pole boréal. On glissera l'aimant de côté & d'autre d'une extrémité à l'autre de la ligne formée par ces six barres, & on répetera la même opération trois ou quatre fois, prenant bien garde de les toucher toutes : ensuite ramenant l'aimant sur une des barres du milieu, on ôtera les deux barres qui sont aux extrémités, & on les placera dans le milieu de la ligne dans la même situation qu'elles étoient, après quoi on passera encore la pierre trois ou quatre fois dessus, mais sans aller cette fois-ci jusqu'au bout de la ligne ; parce que les barres qui sont actuellement aux extrémités, & qui étoient auparavant dans le milieu, ont déjà plus de vertu qu'elles n'en pourroient recevoir aux extrémités de la ligne où elles sont à présent, & même elles en perdroient une partie si on les repassoit encore ; & c'est justement parce que les barres qui sont aux extrémités ne reçoivent pas autant de vertu que celles qui sont au milieu, que l'on conseille de les remettre au milieu pour les repasser.

Après qu'on aura exécuté toutes ces opérations, il sera bon de retourner toutes les barres sens dessus-dessous, & de les retoucher de l'autre côté, excepté celles des extrémités qu'on ne retouchera point, par les raisons qu'on vient de dire, mais qu'on ramenera dans le milieu pour les retoucher après les autres. Ayant ainsi communiqué un peu de magnétisme aux six barres d'acier, on disposera les six autres sur une table, de la même maniere que les précédentes. On peut voir dans la figure 72. la disposition de trois de ces barres A B, & les marques du poinçon & du ciseau qui sont sur leurs extrémités qui sont à main droite, & où doit être leur pole austral. C D & E F représentent les six autres barres déjà aimantées, comme nous venons de le dire, dont il y en a trois dans l'assemblage C D, & trois en E F ; elles se touchent toutes par le haut : mais elles sont éloignées par le bas de la dixieme partie d'un pouce ou un peu plus, quoique d'abord, quand elles n'ont qu'une foible vertu, on puisse les approcher un peu plus près pourvû qu'elles ne se touchent point, ce qu'elles ne doivent jamais faire.

Pour les empêcher de se toucher, on pourra mettre entre-deux un petit morceau de bois ou de toute autre matiere, pourvû que ce ne soit pas du fer.

Les trois aimans C D (car on peut déjà les nommer ainsi, quoique leur vertu soit encore très-foible) ont tous trois leur pole austral en-bas & du côté des extrémités des barres qui ne sont pas marquées, c'est-à-dire celles qui doivent devenir pole boréal ; & les trois aimans E F ont leur pole boréal en-bas tourné vers les extrémités des barres qui sont marquées. Quand on les aura ainsi disposés tous six, on les coulera trois ou quatre fois d'un bout à l'autre de la ligne en allant & revenant ; ensuite on ramenera les barres des extrémités dans le milieu pour les repasser comme nous avons dit ci-dessus, & on les retournera toutes pour faire la même chose sur l'autre plat.

Si les six premieres barres C D, E F, ont été aimantées par un aimant assez vigoureux, ces six dernieres seront déjà aimantées plus fortement que les premieres ; c'est pourquoi on remettra les six premieres dans une ligne droite sur une table comme auparavant, & on les repassera de même avec les dernieres, jusqu'à ce qu'elles soient devenues encore plus fortes ; alors on s'en servira pour aimanter de la même maniere la seconde demi-douzaine, & on répetera cette opération jusqu'à ce que ces barres ne paroissent plus acquérir de vertu par ces touches réitérées.

Chacune de ces six barres, lorsqu'elle a été bien trempée & aimantée de la maniere que nous venons d'exposer, pourra lever par un de ses poles un morceau de fer d'une livre ou plus (pourvû qu'il soit d'une forme convenable) ; & six de ces barres une fois bien aimantées & employées de la maniere que nous venons d'enseigner, aimantent tout-à-fait six barres nouvelles en les passant seulement trois ou quatre fois d'un bout à l'autre, excepté celles des extrémités qu'il faut toûjours repasser après les avoir ramenées dans le milieu.

Dans toutes ces opérations on est souvent obligé de desunir ou de rassembler les barreaux de fer qui composent les deux paquets C D, E F, aussi-bien que les six qui forment la ligne A B. Or comme deux aimans qui ont les poles de même nom du même côté, s'affoiblissent toûjours réciproquement lorsqu'ils se touchent, il est absolument nécessaire (& on doit y prendre garde bien soigneusement dans toutes les occasions) de n'en jamais placer deux à la fois du même côté C D ou E F : mais on les mettra un à un de chaque côté, en les faisant toucher dans toute leur longueur, ou bien en mettant leurs extrémités inférieures sur la ligne des barres qu'on veut aimanter, tandis qu'ils se touchent par les extrémités supérieures ; & on observera la même chose en les retirant, c'est-à-dire un à un de chaque côté. Il sera plus court de les assembler tous six en un faisceau en les prenant un à un à la fois de chaque côté ; & les transportant sur la ligne des barres, on les partagera en deux faisceaux, comme nous avons enseigné : mais on prendra bien garde de les séparer par le bas avant qu'ils soient sur la barre ; car dès le moment ils s'affoibliroient. Au reste, s'ils venoient à s'affoiblir par cet accident, on pourroit les aimanter en les repassant avec les six autres, de la maniere que nous avons enseignée.

Il faut user des mêmes précautions pour conserver ces barreaux aimantés. C'est pourquoi on aura une boîte convenable dans laquelle on fera ajuster deux pieces de fer d'environ un pouce de longueur (qui est à-peu-près l'épaisseur de six barres d'acier) perpendiculairement l'une vis-à-vis de l'autre, & à la distance de six pouces de dehors en-dehors ; ces pieces de fer seront d'environ un quart de pouce quarré & bien polies sur les côtés ; on placera à côté d'elles, & tout joignant, les douze barres d'acier, six d'un côté & six de l'autre ; les six d'un côté avec leur pole du nord vers un bout de la boîte, & les six de l'autre avec leur pole du sud vers ce même bout. Il faut bien prendre garde de ne les jamais mettre ni retirer toutes à la fois d'un côté ou de l'autre, car on les désaimanteroit : mais on en mettra à la fois une de chaque côté, de maniere que leur effort se contre-balance continuellement ; c'est une observation qu'on doit toûjours faire, de n'en laisser jamais deux ou plusieurs ensemble avec leur pole de même nom du même côté, sans quoi elles ne manqueroient pas de perdre leur vertu.

La vertu magnétique que l'on communique à un morceau de fer ou d'acier, y réside tant que ces corps ne sont pas exposés à aucune action violente qui puisse la dissiper : il y a néanmoins des circonstances assez legeres qui peuvent détruire en très-peu de tems le magnétisme du fer le mieux aimanté. Nous allons rapporter ici les principales.

Premierement, lorsqu'on a aimanté un morceau de fer sur un aimant vigoureux, si on vient à le passer sur le pole semblable d'un aimant plus foible, il perd beaucoup de sa vertu, & n'en conserve qu'autant que lui en auroit pû donner l'aimant foible sur lequel on l'a passé en dernier lieu. 2°. Lorsqu'on passe une lame de fer ou d'acier sur le même pole de l'aimant sur lequel on l'a déjà aimantée, mais dans une direction contraire à la premiere, la vertu magnétique de la lame se dissipe aussi-tôt, & ne se rétablira qu'en continuant de passer la lame sur le même pole dans le dernier sens : mais les poles seront changés à chaque extrémité, & on aura bien de la peine à lui communiquer autant de vertu magnétique qu'elle en avoit d'abord.

3°. Il est essentiel de bien toucher les poles de l'aimant avec le morceau de fer qu'on veut aimanter, & de ne pas se contenter de l'en approcher à une petite distance, non-seulement parce que c'est le meilleur moyen de lui communiquer beaucoup de vertu magnétique ; mais parce que la matiere magnétique se distribue dans le fer suivant une seule & même direction. Voici une expérience qui prouve la nécessité du contact du fer & de l'armure de l'aimant, pour que la communication soit parfaite : si on passe une aiguille de boussole d'un pole à l'autre de l'aimant, en lui faisant toucher successivement les deux boutons de l'armure, elle acquerra la vertu magnétique, & se dirigera nord & sud, comme l'on sait. Mais si après avoir examiné sa direction, on la repasse une seconde fois sur l'aimant dans le même sens qu'on l'avoit fait d'abord, avec cette seule différence, qu'au lieu de toucher les boutons de l'armure, on ne fasse que l'en approcher, même le plus près qu'il est possible ; sa vertu magnétique s'affoiblira d'abord, & elle en acquerra une autre, mais avec une vertu directive précisément contraire à la premiere. Et si on continue à l'aimanter dans le même sens, en recommençant à toucher les boutons de l'armure ; cette seconde vertu magnétique se détruira, & elle en reprendra une autre avec sa premiere direction ; & on détruira de cette maniere son magnétisme & sa direction autant de fois que l'on voudra.

4°. Pour bien conserver la vertu magnétique que l'on a communiquée à un morceau de fer, il faut le garantir de toute percussion violente ; car toute percussion vive & irréguliere détruit le magnétisme : on a aimanté une lame d'acier sur un excellent aimant, & après avoir reconnu sa vertu attractive, qui étoit très-forte, on l'a battue pendant quelque tems sur une enclume ; elle a bien-tôt perdu toute sa vertu, à cela près, qu'elle pouvoit bien lever quelques parcelles de limaille, comme fait tout le fer battu, mais elle n'a jamais pû enlever la plus petite aiguille : la même chose seroit arrivée en la jettant plusieurs fois sur un quarreau de marbre.

5°. L'action du feu détruit aussi en grande partie la vertu magnétique que l'on a communiquée : après avoir bien aimanté une lame de fer, on la fait rougir dans le feu de forge jusqu'au blanc ; lorsqu'on l'a présentée toute chaude à de la limaille de fer, elle n'en a point attiré : mais elle a repris le magnétisme en se refroidissant. Cependant lorsqu'on a aimanté une lame de fer actuellement rouge, elle a attiré de la limaille de fer, & cette attraction a éte plus vive après que la lame a été refroidie.

6°. L'action de plier ou de tordre un morceau de fer aimanté lui fait aussi perdre sa vertu magnétique : on a aimanté un morceau de fil de fer de maniere qu'il se dirigeoit avec vivacité, suivant le méridien magnétique ; ensuite on l'a courbé pour en former un anneau, & on a trouvé qu'il n'avoit plus de direction sous cette forme : on l'a redressé dans son premier état : mais toutes ces violences lui avoient enlevé la vertu magnétique, ensorte qu'il ne se dirigeoit plus. On a conjecturé que les deux poles avoient agi l'un sur l'autre dans le point de contact, & s'étoient détruits mutuellement ; on a donc aimanté de nouveau le même fil de fer & plusieurs autres semblables, & on en a fait des anneaux imparfaits. On a remarqué qu'ils avoient aussi perdu leur vertu magnétique sous cette nouvelle forme, & qu'ils ne la recouvroient que quand on les avoit redressés. Cette expérience réussit toûjours quand le fil de fer est bien & dûment courbé, & sur-tout si on lui fait faire plusieurs tours en spirale sur un cylindre ; car si la moindre de ses parties n'est pas courbée avec violence, elle conservera son magnétisme : la même chose arrivera à un fil de fer aimanté qu'on plie d'abord en deux, & dont on tortille les deux moitiés l'une sur l'autre ; ensorte qu'il paroît que le magnétisme est détruit par la violence qu'on fait souffrir au fer dans tous ces cas, & par le dérangement qu'on cause dans ses parties, comme il est facile de s'en convaincre par le moyen du microscope.

Voici une expérience qui confirme cette vérité, & qui fait voir que le dérangement causé dans les parties du fer détruit le magnétisme. On a mis de la limaille de fer dans un tuyau de verre bien sec, & on l'a pressée avec soin ; on l'a aimantée doucement avec une bonne pierre armée, & le tube a attiré des parcelles de limaille répandues sur une table : mais si-tôt qu'on a eu secoüé le tube, & changé la situation respective des particules de limaille, la vertu magnétique s'est évanoüie.

Du fer aimanté sans avoir jamais touché à l'aimant.

Il n'est pas toûjours besoin d'une pierre d'aimant, ou d'un aimant artificiel, pour communiquer la vertu magnétique au fer & à l'acier : ces corps s'aimantent quelquefois naturellement ; on les aimante quelquefois par différens moyens, sans qu'il soit nécessaire d'emprunter le secours d'aucun aimant.

Premierement, un morceau de fer quelconque de figure oblongue, qui demeure pendant quelque tems dans une position verticale, devient un aimant d'autant plus parfait, qu'il a resté plus long-tems dans cette position : c'est ainsi que les croix des clochers de Chartres, de Delft, de Marseille, &c. sont devenues des aimans si parfaits, qu'elles ont presque perdu leur qualité métallique, & qu'elles attirent & exercent tous les effets des meilleurs aimans : d'ailleurs la vertu magnétique qu'elles ont ainsi contractée à la longue, est demeurée fixe & constante, & se manifeste dans toute sorte de situation. Pour s'en convaincre, il n'y a qu'à fixer verticalement sur un liége C un morceau de fer a b (figure 54.) qui ait resté long-tems dans la position verticale, & faire nager le tout sur l'eau ; si on approche de l'extrémité supérieure a de ce morceau de fer, le pole boréal B d'une pierre d'aimant, le fer sera attiré, mais il sera repoussé si on lui présente l'autre pole A de la pierre : de même si on approche le pole A de l'extrémité inférieure b du fer, celui-ci sera attiré, & repoussé si on en approche le pole B de l'aimant.

En second lieu, les pelles & les pincettes, les barres de fer des fenêtres, & généralement toutes les pieces de fer qui restent long-tems dans une situation perpendiculaire à l'horison, acquierent une vertu magnétique plus ou moins permanente, suivant le tems qu'elles ont demeuré en cet état ; & la partie supérieure de ces barres devient toûjours un pole austral, tandis que le bas est un pole boréal.

3°. Il y a de certaines circonstances dans lesquelles le tonnerre communique au fer une grande vertu magnétique : il tomba un jour dans une chambre dans laquelle il y avoit une caisse remplie de couteaux & de fourchettes d'acier destinés à aller sur mer ; le tonnerre entra par l'angle méridional de la chambre justement où étoit la caisse ; plusieurs couteaux & fourchettes furent fondus & brisés ; d'autres qui demeurerent entiers, furent très-vigoureusement aimantés, & devinrent capables de lever de gros clous & des anneaux de fer ; & cette vertu magnétique leur fut si fortement imprimée, qu'elle ne se dissipa pas en les faisant rougir.

4°. La même barre de fer peut acquérir sans toucher à l'aimant des poles magnétiques, fixes ou variables, qu'on découvrira facilement par le moyen d'une aiguille aimantée en cette sorte. On approche d'une aiguille aimantée, bien mobile sur son pivot, une barre de fer qui n'ait jamais touché à l'aimant, ni resté long-tems dans une position verticale ; on soûtient cette barre de fer bien horisontalement, & l'aiguille reste immobile quelle que soit l'extrémité de la barre qu'on lui présente ; si-tôt qu'on présente la barre dans une situation verticale, aussi-tôt son extrémité supérieure attire vivement (dans cet hémisphere septentrional de la terre) l'extrémité boréale de l'aiguille, & la partie inférieure de la barre, attire le sud de l'aiguille (figure 55.) : mais si on renverse la barre, ensorte que sa partie supérieure soit celle même qui étoit en-bas dans le cas précédent, le nord de l'aiguille sera toûjours attiré constamment par l'extrémité supérieure de la barre, & le sud par l'extrémité inférieure ; d'où il est évident que la position verticale détermine les poles d'une barre de fer ; savoir, le bord supérieur est toûjours (dans notre hémisphere) un pole austral, & l'inférieur un pole boréal : & comme l'on peut mettre chaque extrémité de la barre en-haut ou en-bas, il est clair que les poles qu'elle acquiert par cette méthode sont variables. On donne à une barre de fer des poles fixes en cette sorte : on la fait rougir, & on la laisse refroidir en la tenant dans le plan du méridien : alors l'extrémité qui regarde le nord, devient un pole boréal constant ; & celle qui se refroidit au sud, devient un pole austral aussi constant. Mais pour que cette expérience réussisse, il doit y avoir une certaine proportion entre la grosseur de la barre & sa longueur : par exemple, une barre de 1/5 de pouce de diametre doit avoir au moins 30 pouces pour acquérir des poles fixes par cette méthode ; & une barre de 30 pouces de long, doit n'avoir que 1/5 de pouce de diametre ; car si elle étoit plus épaisse, elle n'auroit que des poles variables.

5°. On a vû précédemment qu'une percussion forte & prompte dans un morceau de fer aimanté, est capable de détruire sa vertu magnétique ; une semblable percussion dans un morceau de fer qui n'a jamais touché à l'aimant, est capable de lui donner des poles. On a mis sur une grosse enclume, & dans le plan du méridien, une barre de fer doux, longue & mince, & on a frappé avec un marteau sur l'extrémité qui étoit tournée du côté du nord : aussi-tôt elle est devenue pole boréal : on a frappé pareillement l'autre extrémité, laquelle est devenue pole austral : il faut toûjours observer dans ces sortes d'expériences, que la longueur de la barre soit proportionnée à son épaisseur, sans quoi elles ne réussissent point. Cet effet, au reste, que l'on produit avec un marteau, arrive aussi en limant ou en sciant la barre par une de ses extrémités.

6°. Les outils d'acier qui servent à couper ou à percer le fer, s'aimantent par le travail, sur-tout en s'échauffant ; ensorte qu'il y en a qui peuvent soûlever des petits clous de fer. Ces outils n'ont presque point de force au sortir de la trempe : mais lorsqu'après avoir été recuits, on les lime & on les use, ils acquierent alors beaucoup de vertu qui diminue néanmoins quand ils se refroidissent. Les morceaux d'acier qui se terminent en pointe s'aimantent beaucoup plus fortement que ceux qui se terminent en une langue large & plate : ainsi un poinçon d'acier attire plus par sa pointe qu'un ciseau ou qu'un couteau ordinaire : plus les poinçons sont longs, plus ils acquierent de vertu ; ensorte qu'un poinçon long d'un pouce & de 9 lignes de diametre, attire beaucoup moins qu'un foret de 3 à 4 pouces & d'une ligne 1/2 de diametre.

On a remarqué que la vertu attractive de tous les corps aimantés de cette maniere étoit beaucoup plus forte lorsqu'on en éprouvoit l'effet sur une enclume ou sur quelqu'autre grosse piece de fer ; ensorte que selon toutes les apparences, les petits clous devenus des aimans artificiels par le contact de l'enclume, présentoient aux poinçons leurs poles de différens noms, ce qui rendoit l'attraction plus forte que lorsqu'ils étoient sur tout autre corps, où ils n'avoient plus de vertu polaire.

7°. On aimante encore très-bien un morceau de fer doux & flexible, & toûjours d'une longueur proportionnée à son épaisseur, en le rompant par l'une ou l'autre de ses extrémités à force de le plier de côté & d'autre. C'est ainsi qu'on a aimanté un morceau de fil de fer très-flexible, long de deux piés & demi, & de la grosseur du petit doigt ; on l'a serré dans un étau à cinq pouces de son extrémité ; & après l'avoir plié de côté & d'autre, on l'a cassé ; chacun de ses bouts a attiré par la cassure un petit clou de broquette : on a remis dans l'étau le bout le plus long, & on l'a serré à un demi-pouce de la cassure, & on l'a plié & replié plusieurs fois sans le rompre, & on a trouvé sa vertu attractive considérablement augmentée à l'endroit de la cassure : on l'a plié ainsi à huit différentes reprises jusqu'au milieu, & il a pû lever quatre broquettes : mais lorsqu'on a continué de le plier au-delà du milieu vers l'autre extrémité, sa vertu a diminué à l'endroit de la cassure, & il a attiré au contraire par le bout opposé, jusqu'à ce qu'ayant été plié plusieurs fois jusqu'à cette derniere extrémité, il a soûlevé quatre broquettes par celle-ci, tandis qu'il pouvoit à peine soûlever quelques particules de limaille par l'extrémité où il avoit été rompu.

Si on plie un morceau de fer dans son milieu, il n'acquerra presque pas de vertu magnétique : si on le plie à des distances égales du milieu, chacune de ses extrémités sera aimantée, mais plus foiblement que si on ne l'avoit plié que d'un côté.

8°. Enfin, M. Marcel, de la Société royale de Londres, a trouvé un moyen de communiquer la vertu magnétique à des morceaux d'acier, qui est encore indépendant de la pierre d'aimant.

Ce moyen consiste à mettre ces pieces d'acier sur une enclume bien polie, & à les frotter suivant leur longueur, & toûjours dans le même sens, avec une grosse barre de fer verticale, dont l'extrémité inférieure est arrondie & bien polie ; en répétant ce frottement un grand nombre de fois sur toutes les faces de la piece d'acier qu'on veut aimanter, elle acquiert autant de vertu magnétique que si elle eût été touchée par le meilleur aimant ; c'est ainsi qu'il a aimanté des aiguilles de boussole, des lames d'acier destinées à faire des aimans artificiels, & des couteaux qui pouvoient porter une once trois quarts.

Dans les morceaux d'acier qu'on aimante de cette maniere, l'extrémité par où commence le frottement se dirige toûjours vers le nord ; & celle par où le frottement finit se dirige vers le sud, quelle que soit la situation de l'acier sur l'enclume.

Cette expérience réussit, au reste, beaucoup mieux lorsque le morceau de fer ou d'acier qu'on veut aimanter par cette méthode, est dans la direction du méridien magnétique, un peu inclinée vers le nord, & sur-tout entre deux grosses barres de fer assez longues pour contenir & contre-balancer l'effort des écoulemens magnétiques qu'on imprime au morceau d'acier.

Cet article nous a été donné tout entier par M. Lemonnier, Medecin, des Académies royales des Sciences de Paris & de Berlin, qui a fait avec beaucoup de succès une étude particuliere de l'aimant. Sur la cause des propriétés de l'aimant, voyez MAGNETISME.

AIMANT, (Mat. med.) On ne fait aucun usage en Medecine de la pierre d'aimant pour l'intérieur du corps, quoique Galien, dans le livre des vertus des remedes simples, y reconnoisse les mêmes vertus que dans la pierre hématite ; & que dans le livre de la Medecine simple, il vante sa vertu purgative, & sur-tout pour les humeurs aqueuses dans l'hydropisie ; & que Dioscoride l'ait aussi proposée jusqu'au poids de trois oboles, pour évacuer les humeurs épaisses des mélancholiques.

Quelques-uns croyent qu'il y a dans l'aimant une vertu destructive ; d'autres le nient : mais je croirois qu'il faudroit plûtôt attribuer cette mauvaise qualité à une autre espece d'aimant qui a la couleur de l'argent, & qui me paroît être une espece de litarge naturelle, qu'à l'aimant qui attire le fer.

L'aimant employé extérieurement desseche, resserre & affermit ; il entre dans la composition de l'emplâtre appellé main de Dieu, dans l'emplâtre noir, l'emplâtre divin, & l'emplâtre styptique de Charas. Geoffroy.

Schroder dit que l'aimant est astringent, qu'il arrête les hémorrhagies ; calciné, il chasse les humeurs grossieres & atrabilaires : mais on s'en sert rarement. (N)

AIMANT ARSENICAL, magnes arsenicalis, (Chim.) c'est une préparation d'antimoine avec du soufre & de l'arsénic blanc qu'on met ensemble dans une phiole, & dont on fait la fusion au feu de sable. Les Alchimistes prétendent ouvrir parfaitement l'or par le moyen de cette composition, qui est d'un beau rouge de rubis, après la fusion. (M)


AIMORROUSS. m. (Hist. nat.) serpent qu'on trouvoit autrefois & qu'on trouve même encore aujourd'hui en Afrique. L'effet de sa morsure est très-extraordinaire ; c'est de faire sortir le sang tout pur des poumons. M. de la Métrie dans son commentaire sur Boerhaave, cite ce fait sur l'endroit des institutions où son auteur dit des venins, qu'il y en a qui nuisent par une qualité occulte, & qui exigent de ces remedes merveilleux appellés spécifiques, dont la découverte ne se peut faire que par hasard. On ne connoît la vertu de l'aimorrous que par expérience, ajoûte M. de la Métrie ; l'expérience seule peut mener à la découverte des remedes.


AINES. f. bâton qu'on passe à-travers la tête des harengs, pour les mettre sorer à la fumée.

AINE, terme d'Anatomie, c'est la partie du corps qui s'étend depuis le haut de la cuisse jusqu'au-dessus des parties génitales.

Ce mot est purement latin, & dérivé selon quelques-uns d'unguen, onguent ; parce qu'on oint souvent ces parties : d'autres le dérivent d'ango, à cause qu'on sent souvent des douleurs dans cet endroit : d'autres d'ingenero, à cause que les parties de la génération y sont placées. (L)


AINÉadj. pris subst. en Droit, est le plus âgé des enfans mâles, & à qui à ce titre échet dans la succession de ses pere & mere, une portion plus considérable qu'à chacun de ses freres ou soeurs. Voyez PRECIPUT.

Je dis des enfans mâles ; parce que l'ainesse ne se considere qu'entre mâles, & qu'il n'y a pas de droit d'ainesse entre filles, si ce n'est dans quelques coûtumes particulieres, dans lesquelles au défaut d'enfans mâles, l'ainée des filles a un préciput. Voyez ci-dessous AINESSE.

L'ainé ne se considere qu'au jour du décès ; ensorte néanmoins que les enfans de l'ainé, quoique ce soit des filles, représentent leur pere au droit d'ainesse.

Il n'est tenu des dettes pour raison de son préciput ; & si son fief ou préciput est saisi & vendu pour les biens de la succession, il doit être récompensé sur les autres biens.

L'ainé a les mêmes prérogatives du préciput & de la portion avantageuse dans les terres tenues en franc-aleu noble, que dans les fiefs. Voyez ALLEU & FIEF. (H)


AINESAINES & DEMI-AINES, s. f. (Orgue.) ce sont les premieres des pieces de peau de mouton Y de forme de losange, & les secondes des pieces X de la même étoffe, qui sont triangulaires ; elles servent à joindre les éclisses & les têtieres des soufflets d’orgue. Voyez SOUFFLET D'ORGUE, & la figure 25. Pl. d’Orgue.


AINESSES. f. en Droit, priorité de naissance ou d'âge entre des enfans nobles, ou qui ont à partager des biens possédés noblement, pour raison de laquelle le plus âgé des mâles emporte de la succession de son pere ou de sa mere, une portion plus considérable que celle de chacun de ses freres ou soeurs en particulier. Voyez AINE.

J'ai dit entre des enfans nobles, ou qui ont à partager des biens possédés noblement, par rapport à la coûtume de Paris, & plusieurs autres semblables : mais il y a des coûtumes où le droit d'ainesse a lieu, même entre roturiers, & pour des biens de roture.

Le droit d'ainesse étoit inconnu aux Romains : il a été introduit singulierement en France, pour perpétuer le lustre des familles en même tems que leurs noms.

Dans la coûtume de Paris, le droit d'ainesse consiste 1°. dans un préciput, c'est-à-dire, une portion que l'ainé préleve sur la masse de la succession avant que d'entrer en partage avec ses freres & soeurs : & ce préciput consiste dans le château ou principal manoir, la basse-cour attenant & contiguë audit manoir ; & en outre un arpent dans l'enclos ou jardin joignant ledit manoir ; le corps du moulin, four ou pressoir banaux, étant dans l'enclos du préciput de l'ainé, lui appartiennent aussi : mais le revenu en doit être partagé entre les puînés, en contribuant par eux à l'entretenement desdits moulin, four, ou pressoir. Peut toutefois l'ainé garder pour lui seul le profit qui en revient, en récompensant ses freres.

2°. Le préciput prélevé, voici comme se partage le reste des biens : s'il n'y a que deux enfans, l'ainé des deux prend les deux tiers des biens restans, & le cadet l'autre tiers : s'il y a plus de deux enfans, l'ainé de tous prend la moitié pour lui seul, & le reste se partage également entre tous les autres enfans.

S'il n'y avoit pour tout bien dans la succession qu'un manoir, l'ainé le garderoit : mais les puînés pourroient prendre sur icelui leur légitime, ou droit de doüaire coûtumier ou préfixe ; si mieux n'aimoit l'ainé, pour ne point voir démembrer son fief, leur bailler récompense en argent.

Si au contraire il n'y avoit dans la succession que des terres sans manoir, l'ainé prendroit pour son préciput un arpent avant partage.

S'il y a des fiefs dans différentes coûtumes, l'ainé peut prendre un préciput dans chaque coûtume selon la coûtume d'icelle ; ensorte que le principal manoir que l'ainé aura pris pour son préciput dans un fief situé dans la coûtume de Paris, n'empêche pas qu'il ne prenne un autre manoir dans un fief situé dans une autre coûtume, qui attribuera le manoir à l'ainé pour son préciput.

Ce droit est si favorable, que les pere & mere n'y sauroient préjudicier en aucune façon, soit par derniere volonté, ou par actes entre-vifs, par constitution de dot ou donation en avancement d'hoirie, au profit des autres enfans.

Ce droit se prend sur les biens substitués, même par un étranger : mais il ne se prend pas sur les biens échûs à titre de doüaire, & ne marche qu'après la légitime ou le doüaire.

Voyez sur cette matiere la coûtume de Paris, article xiij. xjv. &c. jusqu'à xjx. inclusivement. C'est sur cette coûtume que se reglent toutes celles qui n'ont pas de dispositions contraires.

Le droit d'ainesse ne peut être ôté par le pere au premier né, & transporté au cadet, même du consentement de l'ainé : mais l'ainé peut de son propre mouvement & sans contrainte, renoncer validement à son droit : & si la renonciation est faite avant l'ouverture de la succession, elle opere le transport du droit d'ainesse sur le puîné ; secus, si elle est faite après l'ouverture de la succession : auquel cas elle accroît au profit de tous les enfans, à moins qu'il n'en ait fait cession expresse à l'un d'eux.

Les filles n'ont jamais de droit d'ainesse, à moins qu'il ne leur soit donné expressément par la coûtume.

La représentation a lieu pour le droit d'ainesse dans la plûpart des coûtumes, & spécialement dans celle de Paris, où les enfans de l'ainé, soit mâles ou femelles, prennent tout l'avantage que leur pere auroit eu.

Observez néanmoins que les filles ne représentent leur pere au droit d'ainesse, que lorsque le défunt n'a pas laissé de frere : seulement elles prennent à ce titre la part qu'auroit eu un enfant mâle, laquelle est double de celle qui revient à une fille.

Quoique la plûpart des coûtumes se servent indifféremment du mot de préciput en parlant du principal manoir, & de la moitié ou des deux tiers que l'ainé prend dans les fiefs, néanmoins ce qu'on appelle proprement le préciput, c'est le manoir, la basse-cour ou le vol du chapon ; le reste s'appelle communément la portion avantageuse. Voyez PORTION avantageuse.

Il y a cette différence de l'un à l'autre, que quand il y auroit dix terres en fief toutes bâties, dans une même succession & dans une même coûtume, l'ainé ne peut avoir qu'un château tel qu'il veut choisir pour son préciput, au lieu qu'il prend la portion avantageuse dans tous les fiefs. (H)


AIOLscarus varius, s. m. (Hist. nat.) Poisson de mer appellé en grec αἰόλος, à cause de ses différentes couleurs, d'où sont venus les noms d'aiol & d'auriol. On a aussi appellé ce poisson rochau, parce qu'il vit au milieu des rochers, comme les autres poissons que l'on appelle saxatiles : celui-ci a les y eux & le bas du ventre où se trouve l'anus, de couleur de pourpre, la queue de couleur bleue, & le reste du corps en partie verd & en partie noir-bleuâtre ; les écailles sont parsemées de taches obscures. La bouche est petite, les dents larges ; celles de la mâchoire supérieure sont serrées, & celles de la mâchoire inférieure sont éloignées les unes des autres, & pointues. Ce poisson a sur le dos, presque jusqu'auprès de la queue, des aiguillons posés à des distances égales, & qui tiennent à une membrane mince qui est entr'eux. Il y a aussi à la pointe de chaque aiguillon une autre petite membrane qui flotte comme un étendard. Les nageoires qui sont auprès des oüies, sont larges & presqu'ovales. Il y a deux taches de couleur de pourpre sur le milieu du ventre. Ce poisson est un des plus beaux que l'on puisse voir ; sa chair est tendre & délicate : on en trouve à Marseille & à Antibe. Rondelet. Voyez POISSON. (I)


AIRS. m. est un corps leger, fluide, transparent, capable de compression & de dilatation, qui couvre le globe terrestre jusqu'à une hauteur considérable. Voyez TERRE & TERRESTRE. Ce mot vient du grec ἀὴρ, qui signifie la même chose.

Quelques anciens ont considéré l'air comme un élément ; mais ils ne prenoient pas le mot élément dans le même sens que nous. Voyez ELEMENT.

Il est certain que l'air pris dans sa signification ordinaire, est très-éloigné de la simplicité d'une substance élémentaire, quoiqu'il puisse avoir des parties qui méritent cette dénomination ; c'est pourquoi on peut distinguer l'air en air vulgaire ou hétérogene, & en propre ou élémentaire.

L'air vulgaire ou hétérogene est un assemblage de corpuscules de différentes sortes, qui toutes ensemble constituent une masse fluide dans laquelle nous vivons & nous nous mouvons, & que nous inspirons & expirons alternativement. Cette masse totale est ce que nous appellons atmosphere. Voyez ATMOSPHERE.

A la hauteur où finit cet air ou atmosphere, commence l'éther, selon quelques philosophes. Voyez ETHER & REFRACTION.

Les substances hétérogenes dont l'air est composé, peuvent se réduire à deux sortes ; savoir 1°. la matiere de la lumiere ou du feu qui émane perpétuellement des corps célestes. Voyez FEU. A quoi quelques physiciens ajoûtent les émanations magnétiques de la terre, vraies ou prétendues. Voyez MAGNETISME.

2°. Ce nombre infini de particules qui s'élevent en forme de vapeurs ou d'exhalaisons seches de la terre, de l'eau, des minéraux, des végétaux, des animaux, &c. soit par la chaleur du soleil, ou par celle des feux soûterrains, ou par celle des foyers. Voyez VAPEUR & EXHALAISON.

L'air élémentaire, ou air proprement dit, est une matiere subtile, homogene & élastique, qui est la base, pour ainsi dire, & l'ingrédient fondamental de tout l'air de l'atmosphere, & qui lui donne son nom.

On peut reconnoître l'air proprement dit, à une infinité de caracteres : nous en allons ici exposer quelques-uns.

1°. Lorsqu'on renferme l'air dans quelque vaisseau de métal ou dans un verre, il y reste sans qu'il lui arrive aucun changement, & toûjours sous la forme d'air : mais il n'en est pas de même des vapeurs ; car dès qu'elles deviennent froides, elles perdent toute leur élasticité, & vont s'attacher tout-autour des parois internes du verre, d'où elles dégouttent & tombent ensuite en-bas ; de sorte que les verres & les vaisseaux, qui auparavant étoient remplis de vapeurs élastiques, se trouvent ensuite comme vuides. Il en est à-peu-près de même des exhalaisons des autres corps, qui se dissipent avec le tems, & se perdent en quelque maniere, lorsque leurs parties, après avoir perdu l'élasticité qu'elles avoient, viennent à se réunir & à ne faire qu'un corps. Cela paroît par plusieurs expériences qui ont été faites par M. Boyle avec l'air que l'on tire des raisins, de la pâte de farine, de la chair, & de plusieurs autres corps. Cela se confirme aussi par les expériences dont M. Halles a donné la description dans son ouvrage intitulé la Statique des végétaux, & l'analyse de l'air.

2°. Une autre propriété de l'air, c'est que par son moyen les corps terrestres qui sont en feu, continuent de brûler jusqu'à ce que toutes les parties qui peuvent contenir du feu, soient consumées ; au contraire les vapeurs & les exhalaisons éteignent dans l'instant le feu le plus vif, de même que l'éclat des charbons & du fer ardent. Ces mêmes vapeurs, bien loin d'être nécessaires à la respiration, comme l'air, y nuisent souvent, & quelquefois suffoquent ; témoin l'effet du soufre allumé, & celui de la grotte d'Italie, où un chien est suffoqué en un clin d'oeil.

3°. Si l'air n'est pas un fluide différent des vapeurs & des exhalaisons, pourquoi reste-t-il tel qu'il étoit auparavant, après une grosse pluie mêlée d'éclairs & de tonnerre ? En effet, lorsqu'il fait des éclairs, les exhalaisons se mettent en feu, & tombent sur la terre en forme de pluie avec les vapeurs ; mais après la pluie on ne remarque pas qu'il soit arrivé aucun changement à l'air, si ce n'est qu'il se trouve purifié : il doit donc être différent des exhalaisons terrestres. Mussch. Essai de Phys.

Quant à la nature & la substance de l'air, nous n'en savons que bien peu de chose, ce que les auteurs en ont dit jusqu'à-présent n'étant que de pures conjectures. Il n'y a pas moyen d'examiner l'air seul & épuré de toutes les matieres qui y sont mêlées ; & par conséquent on ne peut pas dire quelle est sa nature particuliere, abstraction faite de toutes les matieres hétérogenes parmi lesquelles il est confondu.

Le docteur Hook veut que ce ne soit rien autre chose que l'éther même, ou cette matiere fluide & active répandue dans tout l'espace des régions célestes ; ce qui répond au medium subtile, ou milieu subtil de Newton. Voyez ETHER, MILIEU.

Considéré comme tel, on en fait une substance sui generis, qui ne dérive d'aucune autre, qui ne peut être engendrée, qui est incorruptible, immuable, présente en tous lieux, dans tous les corps, &c. D'autres s'attachent à son élasticité, qu'ils regardent comme son caractere essentiel & distinctif ; ils supposent qu'il peut être produit & engendré, & que ce n'est autre chose que la matiere des autres corps, devenue, par les changemens qui s'y sont faits, susceptible d'une élasticité permanente. M. Boyle nous rapporte plusieurs expériences qu'il a lui-même faites sur la production de l'air. Ce philosophe appelle produire de l'air, tirer une quantité d'air sensible de corps où il ne paroissoit pas y en avoir du tout, du moins où il paroissoit y en avoir moins que ce qui en a été tiré. Il observe que parmi les différentes méthodes propres à cet effet, les meilleures sont la fermentation, la corrosion, la dissolution, la décomposition, l'ébullition de l'eau & des autres fluides, & l'action réciproque des corps, sur-tout des corps salins, les uns sur les autres. Hist. de l'air. Il ajoûte que les différens corps solides & minéraux, dans les parties desquels on ne soupçonneroit pas la moindre élasticité, étant plongés dans des menstrues corrosifs, qui ne soient point élastiques non plus, on aura cependant, au moyen de l'atténuation des parties, causée par leur froissement, une quantité considérable d'air élastique. Voyez ibid.

Newton est du même sentiment. Selon ce philosophe, les particules d'une substance dense, compacte & fixe, adhérentes les unes aux autres par une puissante force attractive, ne peuvent être séparées que par une chaleur violente, & peut-être jamais sans fermentation ; & ces corps raréfiés à la fin par la chaleur ou la fermentation, se transforment en un air vraiment élastique. Voyez l'OPTIQUE de Newton. Sur ce principe il ajoûte que la poudre à canon produit de l'air par son explosion. Ibid.

Voilà donc non-seulement des matériaux pour produire de l'air, mais aussi la méthode d'y procéder ; en conséquence de quoi on divise l'air en réel ou permanent, & en apparent ou passager. Car pour se convaincre que tout ce qui paroît air ne l'est pas pour cela, il ne faut que l'exemple de l'éolipile, où l'eau étant suffisamment raréfiée par le feu, sort avec un sifflement aigu, sous la forme d'une matiere parfaitement semblable à l'air ; mais bientôt après perd cette ressemblance, sur-tout au froid, & redevient eau par la condensation, telle qu'elle étoit originairement. On peut observer la même chose dans l'esprit-de-vin, & autres esprits subtils & fugitifs qu'on obtient par la distillation ; au lieu que l'air réel ne se peut réduire ni par la compression, ni par la condensation ou autre voie, en aucune autre substance que de l'air. Voyez EOLIPILE.

On peut donc faire prendre à l'eau pour quelque tems l'apparence de l'air ; mais elle reprend bientôt la sienne. Il en est de même des autres fluides ; la plus grande subtilisation qu'on y puisse produire, est de les réduire en vapeurs, lesquelles consistent en un fluide extrèmement raréfié, & agité d'un mouvement fort vif : car pour qu'une substance soit propre à devenir un air permanent, il faut, dit-on, qu'elle soit d'une nature fixe, autrement elle ne sauroit subir la transmutation qu'il faudroit qui s'y fît ; mais elle s'envole & se dissipe trop vîte. Ainsi la différence entre l'air passager & l'air permanent, répond à celle qui est entre les vapeurs & les exhalaisons, qui consiste en ce que celles-ci sont seches, & celles-là humides, &c. Voyez VAPEUR & EXHALAISON.

La plûpart des philosophes font consister l'élasticité de l'air dans la figure de ses particules. Quelques-uns veulent que ce soit de petits flocons semblables à des touffes de laine ; d'autres les imaginent tournées en rond comme des cerceaux, ou roulées en spirale comme des fils d'archal, des copeaux de bois, ou le ressort d'une montre, & faisant effort pour se rétablir en vertu de leur contexture ; de sorte que pour produire de l'air, il faut, selon eux, produire des particules disposées de cette maniere ; & qu'il n'y a de corps propres à en produire, que ceux qui sont susceptibles de cette disposition ; or c'est de quoi, ajoûtent-ils, les fluides ne sont pas susceptibles, à cause du poli, de la rondeur, & de la lubricité de leurs parties.

Mais Newton (Opt. pag. 371.) propose un système différent ; il ne trouve pas cette contexture des parties suffisante pour rendre raison de l'élasticité surprenante qu'on observe dans l'air, qui peut être raréfié au point d'occuper un espace un million de fois plus grand que celui qu'il occupoit avant sa raréfaction : or comme il prétend que tous les corps ont un pouvoir attractif & répulsif, & que ces deux qualités sont d'autant plus fortes dans les corps, qu'ils sont plus denses, plus solides, & plus compacts, il en conclut que quand par la chaleur, ou par l'effet de quelqu'autre agent, la force attractive est surmontée, & les particules du corps écartées au point de n'être plus dans la sphere d'attraction, la force répulsive commençant à agir, les fait éloigner les unes des autres avec d'autant plus de force, qu'elles étoient plus étroitement adhérentes entr'elles, & ainsi il s'en forme un air permanent. C'est pourquoi, dit le même auteur, comme les particules d'air permanent sont plus grossieres, & formées de corps plus denses que celles de l'air passager ou des vapeurs, le véritable air est plus pesant que les vapeurs, & l'atmosphere humide plus legere que l'atmosphere seche. Voy. ATTRACTION, REPULSION, &c.

Mais, après tout, il y a encore lieu de douter si la matiere ainsi extraite des corps solides a toutes les propriétés de l'air ; si cet air n'est pas passager, ou si l'air permanent qu'on tire des corps n'y existoit pas déjà. M. Boyle prouve par une expérience faite dans la machine pneumatique avec une meche allumée, que cette fumée subtile que le feu éleve même des corps secs, n'a pas autant de ressort que l'air, puisqu'elle ne sauroit empêcher l'expansion d'un peu d'air enfermé dans une vessie qu'elle environne. Physic. méch. exper. Néanmoins dans quelques expériences postérieures, en dissolvant du fer dans l'huile de vitriol & de l'eau, ou dans de l'eau-forte, il a formé une grosse bulle d'air qui avoit un véritable ressort, & qui en conséquence de son ressort, empêchoit que la liqueur voisine ne prît sa place ; lorsqu'on y appliqua la main toute chaude, elle se dilata aisément comme tout autre air, & se sépara dans la liqueur même en plusieurs bulles, dont quelques-unes s'éleverent hors de la liqueur en plein air. Ibid.

Le même physicien nous assûre avoir tiré une substance vraiment élastique de plusieurs autres corps ; comme du pain, du raisin, de la biere, des pommes, des pois, du boeuf, &c. & de quelques corps, en les brûlant dans le vuide, & singulierement du papier, de la corne de cerf : mais cependant cette substance, à l'examiner de près, étoit si éloignée de la nature d'un air pur, que les animaux qu'on y enfermoit, non-seulement ne pouvoient respirer qu'avec peine, mais même y mouroient plus vîte que dans un vuide, où il n'y auroit point eu d'air du tout. Physic. méchan. exper.

Nous pouvons ajoûter ici une observation de l'académie royale des Sciences, qui est que l'élasticité est si éloignée d'être la qualité constitutive de l'air, qu'au contraire s'il se joint à l'air quelques matieres hétérogenes, il devient plus élastique qu'il ne l'étoit dans toute sa pureté. Ainsi M. de Fontenelle assûre, en conséquence de quelques expériences faites à Paris par M. de la Hire, & à Boulogne par M. Stancari, que l'air rendu humide par le mêlange des vapeurs, est beaucoup plus élastique & plus capable d'expansion que quand il est pur ; & M. de la Hire le juge huit fois plus élastique que l'air sec. Hist. de l'acad. an. 1708.

Mais il est bon d'observer aussi que M. Jurin explique ces expériences d'une autre maniere, & prétend que la conséquence qu'on en tire, n'en est pas une suite nécessaire. Append. ad Varen. Geogr.

Tout ce que nous venons de dire, s'entend de l'air considéré en lui-même : mais, comme nous l'avons remarqué, cet air n'existe nulle part pur de tout mêlange. Or ces substances hétérogenes des propriétés & des effets desquels nous avons à traiter ici, sont selon M. Boyle, d'une nature toute différente de celle de l'air pur. Boerhaave même fait voir que c'est un cahos & un assemblage de toutes les especes de corps créés. Tout ce que le feu peut volatiliser s'éleve dans l'air : or il n'y a point de corps qui puisse résister à l'action du feu. Voyez FEU, VOLATIL, &c.

Par exemple, il doit s'y trouver 1°. des particules de toutes les substances qui appartiennent au regne minéral : car toutes ces substances, telles que les sels, les soufres, les pierres, les métaux, &c. peuvent être converties en fumée, & par conséquent prendre place parmi les substances aériennes. L'or même, le plus fixe de tous les corps naturels, se trouve dans les mines fortement adhérent au soufre, & peut conséquemment être élevé avec ce minéral. Voyez OR, &c.

2°. Il faut aussi qu'il y ait dans l'air des particules de toutes les substances qui appartiennent au regne animal. Car les émanations abondantes qui sortent perpétuellement des corps des animaux par la transpiration qu'opere sans cesse la chaleur vitale, portent dans l'air pendant le cours entier de la vie d'un animal plus de particules de sa substance qu'il n'en faudroit pour recomposer plusieurs corps semblables. Voyez TRANSPIRATION, EMANATION, &c.

De plus, quand un animal mort reste exposé à l'air, toutes ses parties s'évaporent & se dissipent bien-tôt ; de sorte que la substance dont étoit composé un animal, un homme par exemple, un boeuf ou tout autre, se trouve presque toute convertie en air.

Voici une preuve entre mille autres, qui fait bien voir que l'air se charge d'une infinité de particules excrémenteuses : on dit qu'à Madrid, on n'est point dans l'usage d'avoir des privés dans les maisons ; que les rues en servent la nuit : que cependant l'air enleve si promptement les particules fétides, qu'il n'en reste aucune odeur le jour.

3°. Il est également certain que l'air est aussi chargé de végétaux ; car on sait que toutes les substances végétales deviennent volatiles par la putréfaction, sans même en excepter ce qu'il y a de terreux & de vasculaire qui s'échappe à son tour. Voyez VEGETAL, PLANTE, &c.

De toutes ces émanations qui flottent dans le vaste océan de l'atmosphere, les principales sont celles qui consistent en parties salines. La plûpart des auteurs imaginent qu'elles sont d'une espece nitreuse : mais il n'y a pas à douter qu'il n'y en ait de toutes sortes ; du vitriol, de l'alun, du sel marin, & une infinité d'autres. Voyez SEL, NITRE, &c.

M. Boyle observe même qu'il peut y avoir dans l'air quantité de sels composés qui ne sont point sur terre, formés par la rencontre fortuite & le mêlange de différens esprits salins. Ainsi l'on voit des vitrages d'anciens bâtimens, corrodés comme s'ils avoient été rongés par des vers, quoique aucun des sels que nous connoissons en particulier, ne fût capable de produire cet effet.

Les soufres sont sans doute une partie considérable de la substance aérienne, à cause du grand nombre de volcans, de grottes, de cavernes, & de soûpiraux ; d'où il sort une quantité considérable de soufres qui se répand dans l'atmosphere. Voyez SOUFRE, VOLCAN, &c.

Et l'on peut regarder les aggrégations, les séparations, les frottemens, les dissolutions, & les autres opérations d'une matiere sur une autre, comme les sources d'une infinité de substances neutres & anonymes qui ne nous sont pas connues.

L'air, pris dans cette acception générale, est un des agens les plus considérables & les plus universels qu'il y ait dans la nature, tant pour la conservation de la vie des animaux, que pour la production des plus importans phénomenes qui arrivent sur la terre. Ses propriétés & ses effets ayant été les principaux objets des recherches & des découvertes des philosophes modernes, ils les ont réduits à des lois & des démonstrations précises qui font partie des branches des Mathématiques qu'on appelle Pneumatique & Airométrie. Voyez RESPIRATION, PNEUMATIQUE & AIROMETRIE, &c.

Parmi les propriétés & les effets méchaniques de l'air, les principaux sont sa fluidité, sa pesanteur & son élasticité. 1°. Commençons par la fluidité. Cette propriété de l'air est constante par la facilité qu'ont les corps à le traverser, par la propagation des sons, des odeurs & émanations de toutes sortes qui s'échappent des corps ; car ces effets désignent un corps dont les parties cedent au plus léger effort, & en y cédant, se meuvent elles-mêmes avec beaucoup de facilité : or voilà précisément ce qui constitue le fluide. L'air ne perd jamais cette propriété, soit qu'on le garde plusieurs années dans une bouteille fermée, soit qu'on l'expose au plus grand froid naturel ou artificiel, soit qu'on le condense en le comprimant fortement. On n'a jamais remarqué dans aucun de ces cas qu'il se soit réduit en parties solides ; cela vient de sa rareté, de sa mobilité, & de la figure de ses parties. M. Formey. Voyez FLUIDE & SON, &c.

Ceux qui, suivant le sentiment de Descartes, font consister la fluidité dans un mouvement perpétuel & intestin des parties, trouveront ce caractere dans l'air. Ainsi dans une chambre obscure où les représentations des objets extérieurs ne sont introduites que par un seul rayon, on voit les corpuscules dont l'air est rempli dans une fluctuation perpétuelle ; & les meilleurs thermometres ne sont jamais dans un parfait repos. Voyez THERMOMETRE.

Quelques philosophes modernes attribuent la cause de la fluidité de l'air, au feu qui y est entremêlé, sans lequel toute l'atmosphere, selon eux, se durciroit en une masse solide & impénétrable ; & en effet, plus le degré de feu y est considérable, plus elle est fluide, mobile & perméable ; & selon que les différentes positions du soleil augmentent ou diminuent ce degré de feu, l'air en reçoit toûjours une température proportionnée. Voyez FEU.

C'est-là, sans doute en grande partie, ce qui fait que sur les sommets des plus hautes montagnes, les sensations de l'oüie, de l'odorat, & les autres, se trouvent plus foibles. Voyez MONTAGNE.

Comme l'air est un fluide, il presse dans toutes sortes de directions avec la même force, c'est-à-dire, en haut, en bas, latéralement, obliquement, ainsi que l'expérience le démontre dans tous les fluides. On prouve que la pression latérale de l'air est égale à la pression perpendiculaire par l'expérience suivante, qui est de M. Mariotte. On prend une bouteille haute, percée vers son milieu d'un petit trou ; lorsque cette bouteille est pleine d'eau, on y plonge un tuyau de verre ouvert de chaque côté, dont l'extrémité inférieure descend plus bas que le petit trou fait à la bouteille. On bouche le col de la bouteille avec de la cire ou de la poix, dont on a soin de bien envelopper le tuyau, ensorte qu'il ne puisse point du tout entrer d'air entre le tuyau & le col : lors donc que le tuyau se trouve rempli d'eau & que le trou latéral de la bouteille vient à s'ouvrir, l'eau s'écoule en partie du tuyau, mais elle s'arrête proche de l'extrémité inférieure du tuyau à la hauteur du trou, & toute la bouteille reste pleine. Or si la pression perpendiculaire de l'air l'emportoit sur la pression latérale, toute l'eau devroit être poussée hors du tuyau, & ne manqueroit pas de s'écouler ; c'est pourtant ce qui n'arrive pas, parce que l'air presse latéralement avec tant de force contre le trou, que l'eau ne se peut échapper de la bouteille. Mussch. ess. de Phys.

II. La pesanteur ou la gravité. Cette propriété de l'air est peut-être une suite de ce qu'il est une substance corporelle ; la pesanteur étant ou une propriété essentielle de la matiere, ou du moins une propriété qui se rencontre dans tous les corps. Voyez ATTRACTION, PESANTEUR, GRAVITE.

Nous avons une infinité de preuves de cette propriété par les expériences. La pesanteur de l'air paroît d'abord en ce qu'il n'abandonne point le centre de la terre. Si on pompe l'air d'un verre, & qu'on ouvre ensuite ce verre en-haut, l'air se précipitera sur le champ dans le verre par l'ouverture, & le remplira. Toutes les expériences de la machine pneumatique prouvent cette qualité de l'air. Voyez PNEUMATIQUE. Qu'on applique la main sur l'orifice d'un vaisseau vuide d'air, on sent bien-tôt le poids de l'atmosphere qui la comprime. Des vaisseaux de verre dont on a pompé l'air, sont aisément brisés par la pesanteur de l'air qui les comprime en dehors. Si l'on joint bien exactement deux moitiés d'une sphere creuse, & qu'on en pompe l'air, elles seront pressées l'une contre l'autre par le poids de l'air voisin, avec une force égale à celle d'un poids de cent livres.

Lorsqu'on pose sur un récipient de machine pneumatique un disque mince & plat de plomb ou de verre, & qu'on pompe ensuite l'air du récipient, l'air extérieur presse alors par sa pesanteur le disque de plomb dans le récipient, ou il brise en pieces avec beaucoup de violence le verre en le poussant en dedans. Si on enveloppe un cylindre ouvert par en haut, d'une vessie de cochon bien mince, dès qu'on aura pompé l'air de ce cylindre, la vessie sera déchirée avec beaucoup de violence. Lorsqu'on pose sur la plaque de la machine pneumatique des verres ou vases sphériques dont on pompe l'air, ils se trouvent d'abord pressés avec beaucoup de force contre cette plaque, par la pesanteur de l'air extérieur qui les comprime ; de sorte qu'on ne peut les en retirer ensuite qu'avec beaucoup de force.

Autre expérience : Prenez un tuyau fermé par un bout, emplissez-le de mercure, plongez-le par le bout ouvert dans un bassin plein du même fluide, & le tenez droit ; le mercure sera suspendu dans le tuyau à la hauteur d'environ 27 à 28 pouces, audessus de la surface du mercure qui est dans le bassin. La raison de cette suspension est, que le mercure du tuyau ne sauroit descendre plus bas sans faire monter celui qui est dans le bassin, lequel étant pressé par le poids de l'atmosphere qu'il supporte, ne permet pas à celui du tuyau de descendre, à moins que le poids de ce dernier n'excede celui de l'air qui presse sur le bassin. Ce qui prouve que c'est-là la cause de cette suspension, c'est que si l'on met le bassin & le tuyau sous le récipient de la machine pneumatique, à mesure que l'on pompera l'air, le mercure du tuyau baissera ; & réciproquement à mesure que l'on laissera rentrer l'air, le mercure remontera à sa premiere hauteur. C'est-là ce qu'on appelle l'expérience de Torricelli.

C'est aussi à la pesanteur de l'air qu'on doit attribuer l'effet des pompes. Car supposons un tuyau de verre ouvert de chaque côté, & qu'on pousse dedans jusqu'en bas un piston attaché à un manche, qu'on mette ce tuyau dans un petit bassin de mercure, & qu'on tire le piston en haut, qu'en arrivera-t-il ? Comme il n'y a pas d'air & par conséquent point de résistance ni aucune cause qui agisse par la pression, entre le piston & le mercure qui est dans le petit bassin, placé à l'ouverture du tuyau, il faut que le mercure du bassin étant pressé par l'air supérieur & extérieur, monte dans le tuyau & suive le piston ; & lorsque le piston est arrivé à la hauteur de 28 pouces environ, & qu'on continue de le tirer, il faut que le mercure abandonne le piston, & qu'il reste suspendu dans le tuyau à la hauteur de 28 pouces. Car le poids de l'air extérieur n'a pas la force de l'élever davantage. Si on prend de l'eau au lieu du mercure, comme elle est environ 14 fois plus légere, l'air la fera aussi monter plus haut, c'est-à-dire jusqu'à environ 32 pieds.

L'action des enfans qui tetent ne differe pas beaucoup de celle d'une pompe ; car un enfant qui tete, avale l'air qui est dans sa bouche ; il bouche les narines par-derriere dans le gosier, & prend le mamelon qu'il serre tout autour avec ses levres. Il gonfle ensuite ses joues & produit de cette maniere un vuide dans sa bouche. L'air presse par sa pesanteur sur les mammelles, & pousse le lait vers le mamelon, & de-là dans la bouche.

On peut aussi expliquer l'action des ventouses par le même principe. Car la partie de la peau qui est enfermée sous la ventouse, se trouve sous un vase dont on a pompé l'air ; de sorte que les humeurs du corps sont poussées vers cette partie par l'action de l'air extérieur : ce qui fait que la peau & ses vaisseaux se gonflent & se levent sous la ventouse. Mussch.

Enfin on peut peser l'air ; car si l'on met un vaisseau plein d'air commun dans une balance bien juste, on le trouvera plus pesant que si l'air en avoit été retiré ; & le poids sera encore bien plus sensible, si l'on pese ce même vaisseau rempli d'air condensé sous un récipient d'où on aura pompé l'air. Voyez BALANCE HYDROSTATIQUE.

Quelques personnes douteront peut-être que l'air soit pesant de lui-même, & croiront que sa pesanteur peut venir des vapeurs & des exhalaisons dont il est rempli. Il n'y a aucun lieu de douter que la pesanteur de l'air ne dépende effectivement en partie des vapeurs, comme on peut l'expérimenter, en prenant une boule de verre pleine d'air, qu'on pompera ensuite fort exactement. Pour cet effet on mettra en-haut sur l'ouverture par laquelle l'air devra rentrer dans la boule, un entonnoir fait exprès, qui aura une cloison percée de petits trous ; on mettra ensuite dessus de la potasse fort seche, ou du sel de tartre, & on laissera entrer l'air lentement à-travers ces sels dans la boule. On attendra assez long-tems afin que la boule se remplisse d'air, & qu'elle ne se trouve pas plus chaude que l'air extérieur, en cas qu'il puisse s'échauffer par quelque fermentation en passant à-travers les sels. Si l'air de l'atmosphere est sec, on trouve que l'air qui avoit auparavant rempli la boule, étoit de même pesanteur que celui qui y est entré en traversant les sels ; & s'il fait un tems humide, on trouvera que l'air qui a passé à-travers les sels, est plus leger que celui qui auparavant avoit rempli la boule. Mais quoique cette expérience prouve que la pesanteur de l'air dépende en partie des vapeurs qui y nagent, on ne peut s'empêcher de reconnoître que l'air est pesant de lui-même ; car autrement il ne seroit pas possible de concevoir comment les nuées qui pesent beaucoup pourroient y rester suspendues, ne faisant le plus souvent que flotter dans l'air avec lequel elles sont en équilibre. Otez cet équilibre, & vous les verrez bientôt se précipiter en bas. Mussch.

Le poids de l'air varie perpétuellement, selon les différens degrés de chaleur & de froid. Riccioli estime que sa pesanteur est à celle de l'eau, comme un est à 1000 : Mersenne, comme un est à 1300, ou à 1356 : Galilée, comme un est à 400 : M. Boyle, par une expérience plus exacte, trouve ce rapport aux environs de Londres, comme un est à 938, & pense que tout bien considéré, la proportion de un à 1000 doit être regardée comme sa pesanteur respective moyenne ; car on n'en sauroit fixer une précise, attendu que le poids de l'air, aussi bien que celui de l'eau même, varie à chaque instant : ajoûtez que les mêmes expériences varient en différens pays, selon la différente hauteur des lieux, & le plus ou le moins de densité de l'air, qui résulte de cette différente hauteur. Boyle, Phys. méchan. expér.

Il faut ajoûter cependant que par des expériences faites depuis en présence de la société royale de Londres, la proportion du poids de l'air à celui de l'eau s'est trouvée être de un à 840 ; dans une expérience postérieure, comme un est à 852 ; & dans une troisieme, comme un est à 860, Phil. Trans. n°. 181 ; & enfin en dernier lieu, par une expérience fort simple & forte exacte, faite par M. Hawksbée, comme un est à 885. Phys. méch. expér. Mais toutes ces expériences ayant été faites en été, le docteur Jurin est d'avis qu'il faut choisir un tems entre le froid & le chaud, & qu'alors la proportion de la pesanteur de l'air à celle de l'eau sera de un à 800.

M. Musschenbroeck dit avoir quelquefois trouvé que la pesanteur de l'air étoit à celle de l'eau comme 1 à 606, lorsque l'air étoit fort pesant. Il ajoûte qu'en faisant cette expérience en différentes années & dans des saisons différentes, il a observé une différence continuelle dans cette proportion de pesanteur ; de sorte que suivant les expériences faites en divers endroits de l'Europe, il croit que le rapport de la pesanteur de l'air à celle de l'eau doit être réduit à certaines bornes, qui sont comme un à 606, & de-là jusqu'à 1000.

L'air une fois reconnu pesant & fluide, les lois de sa gravitation & de sa pression doivent être les mêmes que celles des autres fluides ; & conséquemment sa pression doit être proportionnelle à sa hauteur perpendiculaire. Voyez FLUIDE.

D'ailleurs cette conséquence est confirmée par les expériences. Car si l'on porte le tube de Torricelli en un lieu plus élevé, où par conséquent la colonne d'air sera plus courte, la colonne de mercure soûtenue sera moins haute, & baissera d'un quart de pouce lorsqu'on aura porté le tube à cent piés plus haut, & ainsi de cent piés en cent piés à mesure qu'on montera.

De ce principe dépend la structure & l'usage du barometre. Voyez BAROMETRE.

De ce même principe il s'ensuit aussi que l'air, comme tous les autres fluides, presse également de toutes parts. C'est ce que nous avons déjà démontré ci-dessus, & dont on voit encore la preuve, si l'on fait attention que les substances molles en soûtiennent la pression sans que leur forme en soit changée, & les corps fragiles sans en être brisés, quoique la pression de la colonne d'air sur ces corps soit égale à celle d'une colonne de mercure de 30 pouces, ou d'une colonne d'eau de 32 piés. Ce qui fait que la figure de ces corps n'est point altérée, c'est la pression égale de l'air qui fait qu'autant il presse d'un côté, autant il résiste du côté opposé. C'est pourquoi si l'on ôte ou si l'on diminue la pression seulement d'un côté, l'effet de la pression sur le côté opposé se sentira bien-tôt.

De la gravité & la fluidité considérées conjointement, s'ensuivent plusieurs usages & plusieurs effets de l'air. 1°. Au moyen de ces deux qualités conjointes, il enveloppe la terre avec les corps qui sont dessus, les presse, & les unit avec une force considérable. Pour le prouver, nous observerons que dès qu'on connoît la pesanteur spécifique de l'air, on peut savoir d'abord combien pese un pié-cube d'air ; car si un pié-cube d'eau pese 64 livres, un pié-cube d'air pesera environ la 800e partie de 64 livres : delà on pourra conclure quel est le poids d'une certaine quantité d'air. On peut aussi déterminer quelle est la force avec laquelle l'air comprime tous les corps terrestres. Car il est évident que cette pression est la même que si tout notre globe étoit couvert d'eau à la hauteur de 32 piés environ. Or un pié-cube d'eau pesant 64 livres, 32 piés peseront 32 fois 64 livres, ou environ 2048 livres ; & comme la surface de la terre contient à-peu-près 5547800000000000 piés quarrés, il faudra prendre 2048 fois ce grand nombre pour avoir à-peu-près le poids réduit en livres avec lequel l'air comprime notre globe. Or on voit aisément que l'effet d'une telle pression doit être fort considérable. Par exemple elle empêche les vaisseaux artériels des plantes & des animaux d'être excessivement distendus par l'impétuosité des sucs qui y circulent, ou par la force élastique de l'air dont il y a une quantité considérable dans le sang. Ainsi nous ne devons plus être surpris que par l'application des ventouses, la pression de l'air étant diminuée sur une partie du corps, cette partie s'enfle ; ce qui cause nécessairement un changement à la circulation des fluides dans les vaisseaux capillaires, &c.

Cette même cause empêche les fluides de transpirer & de s'échapper à-travers les pores des vaisseaux qui les contiennent. C'est ce qu'éprouvent les voyageurs à mesure qu'ils montent des montagnes élevées : ils se sentent lâches de plus en plus à mesure qu'ils avancent vers le haut ; & à la longue, il leur vient un crachement de sang ou d'autres hémorrhagies ; & cela parce que l'air ne presse pas suffisamment sur les vaisseaux des poumons. On voit la même chose arriver aux animaux enfermés sous le récipient de la machine pneumatique : à mesure qu'on en pompe l'air, ils s'enflent, vomissent, bavent, suent, lâchent leur urine & leurs autres excrémens, &c. Voyez VUIDE.

2°. C'est à ces deux mêmes qualités de l'air, la pesanteur & la fluidité, qu'est dû le mêlange des corps contigus les uns aux autres, & singulierement des fluides. Ainsi plusieurs liquides, comme les huiles & les sels qui dans l'air se mêlent promptement & d'eux-mêmes, ne se mêleront point s'ils sont dans le vuide.

3°. En conséquence de ces deux mêmes qualités, l'air détermine l'action d'un corps sur un autre. Ainsi le feu qui brûle du bois s'éteint, & la flamme se dissipe si l'on retire l'air ; parce qu'alors il n'y a plus rien qui puisse appliquer les corpuscules du feu contre ceux de la substance combustible, & empêcher la dissipation de la flamme. La même chose arrive à l'or en dissolution dans l'eau régale. Ce menstrue cesse d'agir sur le métal dès qu'on a retiré l'air ; & c'est en conséquence de cette faculté déterminante de l'air, que Papin a imaginé le digestoire qui porte son nom. Voyez DIGESTOIRE.

C'est aussi pour cela que sur les sommets des plus hautes montagnes, comme sur le pic de Ténérif, les substances qui ont le plus de saveur, comme le poivre, le gingembre, le sel, l'esprit-de-vin, sont presque insipides ; car faute d'un agent suffisant qui applique leurs particules sur la langue, & qui les fasse entrer dans ses pores, elles sont chassées & dissipées par la chaleur même de la bouche. La seule substance qui y retienne sa saveur est le vin de Canarie ; ce qui vient de sa qualité onctueuse qui le fait adhérer fortement au palais, & empêche qu'il n'en puisse être écarté aisément.

Ce même principe de gravité produit aussi en partie les vents, qui ne sont autre chose qu'un air mis en mouvement par quelqu'altération dans son équilibre. Voyez VENT.

III. Une autre qualité de l'air d'où résultent un grand nombre de ses effets, & dont nous avons déjà parlé, est son élasticité par laquelle il cede à l'impression des autres corps en retrécissant son volume, & se rétablit ensuite dans la même forme & la même étendue, en écartant ou affoiblissant la cause qui l'avoit resserré. Cette force élastique est une des propriétés distinctives de l'air ; les deux autres propriétés dont nous avons parlé plus haut, lui étant communes avec les autres fluides.

Une infinité de preuves nous convainquent que l'air a cette faculté. Si par exemple on presse avec la main une vessie soufflée, on trouve une résistance sensible dans l'air qui y est enfermé ; & si l'on cesse de la comprimer, la partie qui étoit comprimée se tend & se remplit aussi-tôt.

C'est de cette propriété de l'air que dépend la structure & l'usage de la machine pneumatique. Voyez MACHINE PNEUMATIQUE.

Chaque particule d'air fait un continuel effort pour se dilater, & ainsi lute contre les particules voisines qui en font aussi un semblable ; mais si la résistance vient à cesser ou à s'affoiblir, à l'instant la particule dégagée se raréfie prodigieusement. C'est ce qui fait que si l'on enferme sous le récipient de la machine pneumatique de petites balles de verre minces, ou des vessies pleines d'air & bien fermées, & qu'ensuite on pompe l'air, elles y crevent par la force de l'air qu'elles contiennent. Si l'on met sous le récipient une vessie toute flasque, qui ne contienne que très-peu d'air ; lorsqu'on vient à pomper l'air, elle s'y enfle & paroît toute pleine. La même chose arrivera si l'on porte une vessie flasque sur le sommet d'une haute montagne.

Cette même expérience fait voir d'une maniere évidente, que l'élasticité des corps solides est fort différente de la vertu élastique de l'air, & que les corps solides & élastiques se dilatent tout autrement que l'air. En effet, lorsque l'air cesse d'être comprimé, non-seulement il se dilate, mais il occupe alors un plus grand espace, & reparoît sous un plus grand volume qu'auparavant ; ce qu'on ne remarque pas dans les corps solides & élastiques, qui reprennent seulement la figure qu'ils avoient avant que d'être comprimés.

L'air tel qu'il est tout proche de notre globe, se raréfie de telle maniere que son volume est toûjours en raison inverse des poids qui le compriment, c'est-à-dire que si l'air pressé par un certain poids occupe un certain espace, ce même air pressé par un poids qui ne soit que la moitié du précédent, occupera un espace double de celui qu'il occupoit dans le premier cas. M. Boyle & M. Mariotte ont établi cette regle par des expériences. La même regle a lieu lorsqu'on comprime l'air, comme M. Mariotte l'a fait voir aussi. Cependant il ne faut pas regarder cette regle comme parfaitement exacte ; car en comprimant l'air bien fortement, & le réduisant à un volume quatre fois plus petit, l'effet ne répond plus à la regle donnée par M. Mariotte ; cet air commence alors à faire plus de résistance, & a besoin pour être comprimé davantage, d'un poids plus grand que la regle ne l'exige. En effet, pour peu qu'on y fasse attention, on verra qu'il est impossible que la regle soit exactement vraie : car lorsque l'air sera si fort comprimé que toutes ses parties se toucheront & ne formeront qu'une seule masse solide, il n'y aura plus moyen de comprimer davantage cette masse, puisque les corps sont impénétrables. Il n'est pas moins évident que l'air ne sauroit se raréfier à l'infini, & que sa raréfaction a des bornes ; d'où il s'ensuit que la regle des raréfactions en raison inverse des poids comprimans, n'est pas non plus entierement exacte : car il faudroit suivant cette regle, qu'à un degré quelconque de raréfaction de l'air, on trouvât un poids correspondant qui empêcheroit cette raréfaction d'être plus grande. Or, lorsque l'air est raréfié le plus qu'il est possible, il n'est alors chargé d'aucun poids, & il occupe cependant un certain espace.

On ne sauroit assigner de bornes précises à l'élasticité de l'air, ni la détruire ou altérer aucunement. M. Boyle a fait plusieurs expériences, pour voir s'il pourroit affoiblir le ressort d'un air extrèmement raréfié dans la machine pneumatique, en le tenant long-tems comprimé par un poids dont il est étonnant qu'il soûtint la force pendant un seul instant : & après tout ce tems il n'a point vû de diminution sensible dans son élasticité. M. de Roberval ayant laissé un fusil à vent chargé pendant seize ans d'air condensé, cet air mis enfin en liberté, poussa une balle avec autant de force qu'auroit pû faire un air tout récemment condensé.

Cependant M. Hawksbée a prétendu prouver par une expérience qu'il a faite depuis, que le ressort de l'air peut être tellement dérangé par une violente pression, qu'il ne puisse plus se rétablir qu'au bout de quelque tems. Il prit pour cet effet un vaisseau de cuivre bien fort, dans lequel il versa d'abord une demi-pinte d'eau ; il y comprima ensuite trois ou quatre fois plus d'air qu'il n'y en avoit eu auparavant : une heure après il ouvrit le vase, & en laissa sortir l'air en y serrant avec une vis un tuyau ouvert, dont l'un des bouts étoit plongé dans l'eau : il trouva peu de tems après que l'eau s'étoit élevée d'un pié dans le tuyau, & qu'elle venoit jusqu'à la hauteur de 16 pouces. Il conclut de-là, que la force élastique de l'air avoit été affoiblie pendant quelque tems ; car si elle fût restée la même qu'elle étoit auparavant, tout l'air n'eût pas manqué de s'échapper du vase après qu'il eût été ouvert : d'où il s'ensuit, selon M. Hawksbée, que cet air étant resté dans le vase, il s'y étoit ensuite raréfié, & avoit fait monter l'eau dans le tuyau. Cependant on pourroit soupçonner qu'il seroit peut-être entré une plus grande quantité d'air dans l'eau, parce que l'air qui reposoit dessus, se trouvoit trois ou quatre fois plus comprimé, & que l'air n'auroit été en état de se dégager de l'eau qu'après un certain tems ; ensorte que celui qui avoit pû s'échapper librement, seroit en effet sorti du vase, tandis que celui qui avoit pénétré l'eau en trop grande quantité, auroit eu besoin de tems pour en sortir. M. Musschenbroeck ayant versé du mercure dans un tuyau de 8 piés de long, dont un des bouts étoit recourbé, & ayant de cette maniere comprimé l'air dans le bout recourbé, scella ensuite l'autre bout hermétiquement, & marqua le degré de chaleur que l'air avoit alors. Depuis ce tems il dit avoir toûjours observé que le mercure se tenoit à la même hauteur dans le tuyau, lorsque l'air avoit le même degré de chaleur qu'au commencement de l'expérience. Au contraire lorsque l'air devenoit plus chaud, le mercure montoit dans le tuyau ; d'où il paroîtroit s'ensuivre que la compression de l'air ne lui fait point perdre son élasticité. On ne sauroit cependant nier que l'air ne puisse perdre de sa force élastique, puisque M. Halles a prouvé que la chose étoit possible, en mettant le feu à du soufre dans un verre plein d'air : & peut-être y a-t-il un plus grand nombre d'exhalaisons qui produisent le même effet. Mussch.

Il est visible que le poids ou la pression de l'air ne dépend pas de son élasticité, & qu'il ne seroit ni plus ni moins pesant, quand il ne seroit pas élastique. Mais de ce qu'il est élastique, il s'ensuit qu'il doit être susceptible d'une pression qui le réduise à un tel espace, que son élasticité qui réagit contre le poids qui le comprime, soit égale à ce poids.

En effet, la loi de l'élasticité est qu'elle augmente à proportion de la densité de l'air, & que sa densité augmente à proportion des forces qui le compriment. Or il faut qu'il y ait une égalité entre l'action & la réaction ; c'est-à-dire que la gravité de l'air qui opere sa compression, & l'élasticité de l'air qui le fait tendre à sa dilatation, soient égales. Voyez DENSITE, REACTION, &c.

Ainsi l'élasticité augmentant ou diminuant généralement à proportion que la densité de l'air augmente ou diminue, c'est-à-dire, à proportion que l'espace entre ses particules diminue ou augmente, il n'importe que l'air soit comprimé & retenu dans un certain espace par le poids de l'atmosphere, ou par quelque autre cause ; il suffit qu'il tende à se dilater avec une action égale à celle de la cause qui le comprime. C'est pourquoi si l'air voisin de la terre est enfermé dans un vaisseau, de maniere qu'il n'ait plus du tout de communication avec l'air extérieur, la pression de cet air enfermé ne laissera pas d'être égale au poids de l'atmosphere. Aussi voyons-nous que l'air d'une chambre bien fermée soûtient le mercure dans le barometre, par sa force élastique, à la même hauteur que feroit le poids de toute l'atmosphere. Voyez l'article ÉLASTICITE.

Suivant ce principe, on peut par de certaines méthodes condenser l'air. Voyez CONDENSATION.

C'est sur ce même principe qu'est fondée la structure de l'arquebuse-à-vent. Voyez ARQUEBUSE-A-VENT.

L'air peut donc être condensé : mais jusqu'à quel point le peut-il être, ou à quel volume est-il possible de le réduire en le comprimant ? Nous n'en connoissons point encore les bornes. M. Boyle a trouvé le moyen de rendre l'air treize fois plus dense en le comprimant : d'autres prétendent l'avoir vû réduit à un volume soixante fois plus petit. M. Halles l'a rendu trente-huit fois plus dense à l'aide d'une presse, mais en faisant geler de l'eau dans une grenade ou boulet de fer, il a réduit l'air en un volume 1838 fois plus petit, de sorte qu'il doit avoir été plus de deux fois plus pesant que l'eau ; ainsi comme l'eau ne peut être comprimée, il s'ensuit de-là que les parties aëriennes doivent être d'une nature bien différente de celles de l'eau : car autrement on n'auroit pû réduire l'air qu'à un volume 800 fois plus petit ; il auroit alors été précisément aussi dense que l'eau, & il auroit résisté à toutes sortes de pressions avec une force égale à celle que l'on remarque dans l'eau. Mussch.

M. Halley assûre dans les Transactions philosophiques, en conséquence d'expériences faites à Londres, & d'autres faites à Florence dans l'académie del Cimento, qu'on peut en toute sûreté décider qu'il n'y a pas de force capable de réduire l'air à un espace 800 fois plus petit que celui qu'il occupe naturellement sur la surface de notre terre. Et M. Amontons combattant le sentiment de M. Halley, soûtient dans les Mémoires de l'académie royale des Sciences, qu'on ne peut point assigner de bornes précises à la condensation de l'air ; que plus on le chargera, plus on le condensera ; qu'il n'est élastique qu'en vertu du feu qu'il contient ; & que comme il est impossible d'en tirer tout le feu qui y est, il est également impossible de le condenser à un point au-delà duquel on ne puisse plus aller.

L'expérience que nous venons de rapporter de M. Halles, prouve du moins que l'air peut être plus condensé que ne l'a prétendu M. Halley. C'est à l'élasticité de l'air qu'on doit attribuer les effets de la fontaine de Héron, & de ces petits plongeons de verre, qui étant enfermés dans un vase plein d'eau, descendent au fond, remontent ensuite, & se tiennent suspendus au milieu de l'eau, se tournent & se meuvent comme on le veut. C'est encore à cette élasticité que l'on doit l'action des pompes à feu. V. FONTAINE & POMPE.

L'air, en vertu de sa force élastique, se dilate à un point qui est surprenant ; le feu a la propriété de le raréfier considérablement. L'air produit par cette dilatation le même effet que si sa force élastique augmentoit ; d'où il arrive qu'il fait effort pour s'étendre de tous côtés. Il se condense au contraire par le froid ; de sorte qu'on diroit alors qu'il a perdu une partie de sa force élastique. On éprouve la force de l'air échauffé, lorsqu'on l'enferme dans une phiole mince, scellée hermétiquement, & qu'on met ensuite sur le feu ; l'air se raréfie avec tant de force, qu'il met la phiole en pieces avec un bruit considérable. Si on tient sur le feu une vessie à demi soufflée, bien liée & bien fermée, non-seulement elle se gonflera par la raréfaction de l'air intérieur, mais même elle crevera. M. Amontons a trouvé que l'air rendu aussi chaud que l'eau bouillante, acquéroit une force qui est au poids de l'atmosphere, comme 10 à 33, ou même comme 10 à 35, & que la chose réussissoit également, soit qu'on employât pour cette expérience une plus grande ou une plus petite quantité d'air. M. Hawksbée a observé en Angleterre, qu'une portion d'air enfermée dans un tuyau de verre lorsqu'il commençoit à geler, formoit un volume qui étoit à celui de la même quantité d'air dans la plus grande chaleur de l'été comme 6 à 7.

Lorsque l'air se trouve en liberté & délivré de la cause qui le comprimoit, il prend toûjours une figure sphérique dans les interstices des fluides où il se loge, & dans lesquels il vient à se dilater. Cela se voit lorsqu'on met des fluides sous un récipient dont on pompe l'air : car on voit d'abord paroître une quantité prodigieuse de bulles d'air d'une petitesse extraordinaire, & semblables à des grains de sable fort menus, lesquelles se dispersent dans toute la masse du fluide & s'élevent en-haut. Lorsqu'on tire du récipient une plus grande quantité d'air, ces bulles se dilatent davantage, & leur volume augmente à mesure qu'elles s'élevent, jusqu'à ce qu'elles sortent de la liqueur, & qu'elles s'étendent librement dans le récipient.

Mais ce qu'il y a sur-tout de remarquable, c'est que dans tout le trajet que font alors ces bulles d'air, elles paroissent toûjours sous la forme de petites spheres.

Lorsqu'on met dans la liqueur une plaque de métal, & qu'on commence à pomper, on voit la surface de cette plaque couverte de petites bulles ; ces bulles ne sont autre chose que l'air qui étoit adhérent à la surface de la plaque, & qui s'en détache peu-à-peu. Voyez ADHERENCE & COHESION.

On n'a rien négligé pour découvrir jusqu'à quel point l'air peut se dilater lorsqu'il est entierement libre, & qu'il ne se trouve comprimé par aucune force extérieure. Cette recherche est sujette à de grandes difficultés, parce que notre atmosphere est composée de divers fluides élastiques, qui n'ont pas tous la même force ; par conséquent, si l'on demandoit combien l'air pur & sans aucun mêlange peut se dilater, il faudroit pour répondre à cette question, avoir premierement un air bien pur ; or c'est ce qui ne paroît pas facile. Il faut ensuite savoir dans quel vase & comment on placera cet air, pour faire ensorte que ses parties soient séparées, & qu'elles n'agissent pas les unes sur les autres. Aussi plusieurs physiciens habiles desesperent-ils de pouvoir arriver à la solution de ce problème. On peut néanmoins conclure, selon M. Musschenbroeck, de quelques expériences assez grossieres, que l'air qui est proche de notre globe, peut se dilater jusqu'à occuper un espace 4000 fois plus grand que celui qu'il occupoit. Mussch.

M. Boyle, dans plusieurs expériences, l'a dilaté une premiere fois jusqu'à lui faire occuper un volume neuf fois plus considérable qu'auparavant ; ensuite il lui a fait occuper un espace 31 fois plus grand ; après cela il l'a dilaté 60 fois davantage ; puis 150 fois ; enfin il prétend l'avoir dilaté 8000 fois davantage, ensuite 10000 fois, & en dernier lieu 13679 fois, & cela par sa seule vertu expansive, & sans avoir recours au feu. Voyez RAREFACTION.

C'est sur ce principe que se regle la construction & l'usage du manometre. Voyez MANOMETRE.

Il conclut de-là que l'air que nous respirons près de la surface de la terre, est condensé par la compression de la colonne supérieure en un espace au moins 13679 fois plus petit que celui qu'il occuperoit dans le vuide. Mais si ce même air est condensé par art, l'espace qu'il occupera lorsqu'il le sera autant qu'il peut l'être, sera à celui qu'il occupoit dans ce premier état de condensation, comme 550000 est à 1. Voyez DILATATION.

L'on voit par ces différentes expériences, qu'Aristote se trompe lorsqu'il prétend que l'air rendu dix fois plus rare qu'auparavant, change de nature, & devient feu.

M. Amontons & d'autres, comme nous l'avons déjà observé, font dépendre la raréfaction de l'air du feu qu'il contient : ainsi en augmentant le degré de chaleur, la raréfaction sera portée bien plus loin qu'elle ne pourroit l'être par une dilatation spontanée. Voyez CHALEUR.

De ce principe se déduit la construction & l'usage du thermometre. Voyez THERMOMETRE.

M. Amontons est le premier qui ait découvert que plus l'air est dense, plus avec un même degré de chaleur il se dilatera. Voyez DENSITE.

En conséquence de cette découverte, cet habile académicien a fait un discours pour prouver que " le ressort & le poids de l'air joints à un degré de chaleur moderé, peuvent suffire pour produire même des tremblemens de terre, & d'autres commotions très-violentes dans la Nature ".

Suivant les expériences de cet auteur, & celles de M. de la Hire, une colonne d'air sur la surface de la terre, de la hauteur de 36 toises, est égale au poids de trois lignes de mercure ; & des quantités égales d'air occupent des espaces proportionnels aux poids qui les compriment. Ainsi le poids de l'air qui rempliroit tout l'espace occupé par le globe terrestre, seroit égal à celui d'un cylindre de mercure, dont la base égaleroit la surface de la terre, & qui auroit en hauteur autant de fois trois lignes que toute l'atmosphere contient d'orbes égaux en poids à celui que nous avons supposé haut de 36 toises. Donc en prenant le plus dense de tous les corps, l'or, par exemple, dont la gravité est environ 14630 fois plus grande que celle de l'air que nous respirons ; il est aisé de trouver par le calcul que cet air seroit réduit à la même densité que l'or, s'il étoit pressé par une colonne de mercure qui eût 14630 fois 28 pouces de haut, c'est-à-dire 409640 pouces ; puisque les densités de l'air en ce cas seroient en raison réciproque des poids par lesquels elles seroient pressées. Donc 409640 pouces expriment la hauteur à laquelle le barometre devroit être dans un endroit où l'air seroit aussi pesant que l'or, & 2 51632/409640 lignes l'épaisseur à laquelle seroit réduite dans ce même endroit notre colonne d'air de 36 toises.

Or nous savons que 409640 pouces ou 43528 toises ne sont que la 74e partie du demi-diametre de la terre. Donc si au lieu de notre globe terrestre, on suppose un globe de même rayon, dont la partie extérieure soit de mercure à la hauteur de 43538t. & l'intérieure pleine d'air, tout le reste de la sphere dont le diametre sera de 6451538t. sera rempli d'un air dense plus lourd par degré que les corps les plus pesans que nous ayons. Conséquemment, comme il est prouvé que plus l'air est comprimé, plus le même degré de feu augmente la force de son ressort & le rend capable d'un effet d'autant plus grand ; & que, par exemple, la chaleur de l'eau bouillante augmente le ressort de notre air au-delà de sa force ordinaire d'une quantité égale au tiers du poids avec lequel il est comprimé ; nous en pouvons inférer qu'un degré de chaleur qui dans notre orbe ne produiroit qu'un effet moderé, en produiroit un beaucoup plus violent dans un orbe inférieur ; & que comme il peut y avoir dans la Nature bien des degrés de chaleur au-delà de celle de l'eau bouillante, il peut y en avoir dont la violence secondée du poids de l'air intérieur soit capable de mettre en pieces tout le globe terrestre. Mém. de l'Ac. R. des Sc. ann. 1703. Voyez TREMBLEMENT de terre.

La force élastique de l'air est encore une autre source très-féconde des effets de ce fluide. C'est en vertu de cette propriété qu'il s'insinue dans les pores des corps, y portant avec lui cette faculté prodigieuse qu'il a de se dilater, qui opere si facilement ; conséquemment il ne sauroit manquer de causer des oscillations perpétuelles dans les particules du corps auxquelles il se mêle. En effet le degré de chaleur, la gravité & la densité de l'air ; & conséquemment son élasticité & son expansion ne restant jamais les mêmes pendant deux minutes de suite, il faut nécessairement qu'il se fasse dans tous les corps une vibration, ou une dilatation & contraction perpétuelles. Voyez VIBRATION, OSCILLATION, &c.

On observe ce mouvement alternatif dans une infinité de corps différens, & singulierement dans les plantes dont les trachées des vaisseaux à air font l'office de poumons : car l'air qui y est contenu se dilatant & se resserrant alternativement à mesure que la chaleur augmente ou diminue, contracte & relâche tour-à-tour les vaisseaux, & procure ainsi la circulation des fluides. V. VEGETAL, CIRCULATION, &c.

Aussi la végétation & la germination ne se feroient-elles point dans le vuide. Il est bien vrai qu'on a vû des féves s'y gonfler un peu ; & quelques-uns ont crû qu'elles y végétoient : mais cette prétendue végétation n'étoit que l'effet de la dilatation de l'air qu'elles contenoient. Voyez VEGETATION, &c.

C'est par la même raison que l'air contenu en bulles dans la glace, la rompt par son action continuelle ; ce qui fait que souvent les vaisseaux cassent quand la liqueur qu'ils contiennent est gelée. Quelquefois des blocs de marbre tout entiers se cassent en hyver, à cause de quelque petite bulle d'air qui y est enfermée, & qui a acquis un accroissement d'élasticité.

C'est le même principe qui produit la putréfaction & la fermentation : car rien ne fermentera ni ne pourrira dans le vuide, quelque disposition qu'il ait à l'un ou à l'autre. Voyez PUTREFACTION & FERMENTATION.

L'air est le principal instrument de la nature dans toutes ses opérations sur la surface de la terre & dans son intérieur. Aucun végétal ni animal terrestre ou aquatique ne peut être produit, vivre ou croître sans air. Les oeufs ne sauroient éclorre dans le vuide. L'air entre dans la composition de tous les fluides, comme le prouvent les grandes quantités d'air qui en sortent. Le chêne en fournit un tiers de son poids ; les pois autant ; le blé de Turquie, un quart, &c. Voyez la Statique des végétaux de M. Halles.

L'air produit en particulier divers effets sur le corps humain, suivant qu'il est chargé d'exhalaisons, & qu'il est chaud, froid ou humide. En effet, comme l'usage de l'air est inévitable, il est certain qu'il agit à chaque instant sur la disposition de nos corps. C'est ce qui a été reconnu par Hippocrate, & par Sydenham l'Hippocrate moderne, qui nous a laissé des épidémies écrites sur le modele de celle du prince de la Medecine, contenant une histoire des maladies aiguës, entant qu'elles dépendent de la température de l'air. Quelques savans medecins d'Italie & d'Allemagne ont marché sur les traces de Sydenham ; & une société de medecins d'Edimbourg suit actuellement le même plan. Le célebre M. Clifton nous a donné l'histoire des maladies épidémiques, avec un journal de la température de l'air par rapport à la ville d'Yorck, depuis 1715 jusqu'en 1725. A ces ouvrages il faut joindre l'essai sur les effets de l'air, par M. Jean Arbuthnot docteur en Medecine, & traduit de l'Anglois par M. Boyer. Paris, 1740. in-12. M. Formey.

L'air rempli d'exhalaisons animales, particulierement de celles qui sont corrompues, a souvent causé des fievres pestilentielles. Les exhalaisons du corps humain sont sujettes à la corruption. L'eau où l'on s'est baigné acquiert par le séjour une odeur cadavéreuse. Il est démontré que moins de 3000 hommes placés dans l'étendue d'un arpent de terre, y formeroient de leur propre transpiration dans 34 jours une atmosphere d'environ 71 piés de hauteur, laquelle n'étant point dissipée par les vents, deviendroit pestilentielle en un moment. D'où l'on peut inférer que la premiere attention en bâtissant des villes, est qu'elles soient bien ouvertes, les maisons point trop hautes, & les rues bien larges. Des constitutions pestilentielles de l'air ont été quelquefois précédées de grands calmes. L'air des prisons cause souvent des maladies mortelles : aussi le principal soin de ceux qui servent dans les hôpitaux, doit être de donner un libre passage à l'air. Les parties corruptibles des cadavres ensevelis sous terre, sont emportées, quoique lentement, dans l'air ; & il seroit à souhaiter qu'on s'abstînt d'ensevelir dans les églises, & que tous les cimetieres fussent hors des villes en plein air. On peut juger delà que dans les lieux où il y a beaucoup de monde assemblé, comme aux spectacles, l'air s'y remplit en peu de tems de quantité d'exhalaisons animales très-dangereuses par leur prompte corruption. Au bout d'une heure on ne respire plus que des exhalaisons humaines ; on admet dans ses poumons un air infecté sorti de mille poitrines, & rendu avec tous les corpuscules qu'il a pû entraîner de l'intérieur de toutes ces poitrines, souvent corrompues & puantes. M. Formey.

L'air extrèmement chaud peut réduire les substances animales à un état de putréfaction. Cet air est particulierement nuisible aux poumons. Lorsque l'air extérieur est de plusieurs degrés plus chaud que la substance du poumon, il faut nécessairement qu'il détruise & corrompe les fluides & les solides, comme l'expérience le vérifie. Dans une raffinerie de sucre, où la chaleur étoit de 146 degrés, c'est-à-dire de 54 audelà de celle du corps humain, un moineau mourut dans 2 minutes, & un chien en 28. Mais ce qu'il y eut de plus remarquable, c'est que le chien jetta une salive corrompue, rouge & puante. En général, personne ne peut vivre long-tems dans un air plus chaud que son propre corps. M. Formey.

Le froid condense l'air proportionnellement à ses degrés. Il contracte les fibres animales & les fluides, aussi loin qu'il les pénetre ; ce qui est démontré par les dimensions des animaux, réellement moindres dans le froid que dans le chaud. Le froid extrème agit sur le corps en maniere d'aiguillon, produisant d'abord un picotement, & ensuite un leger degré d'inflammation, causé par l'irritation & le resserrement des fibres. Ces effets sont bien plus considérables sur le poumon, où le sang est beaucoup plus chaud & les membranes très-minces. Le contact de l'air froid entrant dans ce viscere, seroit insupportable, si l'air chaud en étoit entierement chassé par l'expiration. L'air froid resserre les fibres de la peau ; & refroidissant trop le sang dans les vaisseaux, arrête quelques-unes des parties grossieres de la transpiration, & empêche quantité de sels du corps de s'évaporer. Faut-il s'étonner que le froid cause tant de maladies ? Il produit le scorbut avec les plus terribles symptomes, par l'irritation & l'inflammation des parties qu'il resserre. Le scorbut est la maladie des pays froids, comme on le peut voir dans les journaux de ceux qui ont passé l'hyver dans la Groenlande & dans d'autres régions froides. On lit dans les voyages de Martens & du capitaine Wood, que des Anglois ayant passé l'hyver en Groenlande, eurent le corps ulcéré & rempli de vessies ; que leurs montres s'arrêterent ; que les liqueurs les plus fortes se gelerent, & que tout se glaçoit même au coin du feu. M. Formey.

L'air humide produit le relâchement dans les fibres animales & végétales. L'eau qui s'insinue par les pores du corps, en augmente les dimensions ; c'est ce qui fait qu'une corde de violon mouillée baisse en peu de tems. L'humidité produit le même effet sur les fibres des animaux. Un nageur est plus abattu par le relâchement des fibres de son corps, que par son exercice. L'humidité facilite le passage de l'air dans les pores. L'air passe aisément dans une vessie mouillée. L'humidité affoiblit l'élasticité de l'air ; ce qui cause le relâchement des fibres en tems de pluie. L'air sec produit le contraire. Le relâchement des fibres dans les endroits où la circulation du sang est imparfaite, comme dans les cicatrices & dans les parties luxées ou contuses, cause de grandes douleurs. M. Formey.

Un des exemples de l'efficacité merveilleuse de l'air, c'est qu'il peut changer les deux regnes, l'animal & le végétal, l'un en l'autre. Voyez ANIMAL, &c.

En effet, il paroît que c'est de l'air que procede toute la corruption naturelle & l'altération des substances ; & les métaux, & singulierement l'or, ne sont durables & incorruptibles que parce que l'air ne les sauroit pénétrer. C'est la raison pourquoi on a vû des noms écrits dans le sable ou dans la poussiere sur de hautes montagnes, se lire encore bien distinctement au bout de quarante ans, sans avoir été aucunement défigurés ou effacés. Voyez CORRUPTION, ALTERATION, &c.

Quoique l'air soit un fluide fort délié, il ne pénetre pourtant pas toutes sortes de corps. Il ne pénetre pas, comme nous venons de dire, les métaux : il en est même quelques-uns qu'il ne pénetre pas, quoique leur épaisseur ne soit que de 1/24 de pouce ; il passeroit à-travers le plomb, s'il n'étoit battu à coups de marteau : il ne traverse pas non plus le verre, ni les pierres dures & solides, ni la cire, ni la poix, la résine, le suif & la graisse ; mais il s'insinue dans toutes sortes de bois, quelque durs qu'ils puissent être. Il passe à-travers le cuir sec de brebis, de veau, le parchemin sec, la toile seche, le papier blanc, bleu ou gris, & une vessie de cochon tournée à l'envers ; mais lorsque le cuir, le papier, le parchemin ou la vessie se trouvent pénétrés d'eau, ou imbibés d'huile ou de graisse, l'air ne passe plus alors à-travers : il pénetre aussi bien plus facilement le bois sec que celui qui est encore verd ou humide. Cependant lorsque l'air est dilaté jusqu'à un certain point, il ne passe plus alors à-travers les pores de toutes sortes de bois. Mussch.

Venons aux effets que les différentes substances mêlées dans l'air produisent sur les corps inanimés. L'air n'agit pas uniquement en conséquence de sa pesanteur & de son élasticité ; il a encore une infinité d'autres effets, qui résultent des différens ingrédiens qui y sont confondus.

Ainsi, 1°. non-seulement il dissout & atténue les corps par sa pression & son froissement, mais aussi comme étant un chaos qui contient toutes sortes de menstrues, & qui conséquemment trouve par-tout à dissoudre quelque sorte de corps. V. DISSOLUTION.

On sait que le fer & le cuivre se dissolvent aisément & se rouillent à l'air, à moins qu'on ne les garantisse en les enduisant d'huile. Boerhaave assûre avoir vû des barres de fer tellement rongées par l'air, qu'on les pouvoit mettre en poudre sous les doigts. Pour le cuivre, il se convertit à l'air en une substance à-peu-près semblable au verd-de-gris qu'on fait avec le vinaigre. Voyez FER, CUIVRE, VERD-DE-GRIS, ROUILLE, &c.

M. Boyle rapporte que dans les régions méridionales de l'Angleterre les canons se rouillent si promptement, qu'au bout de quelques années qu'ils sont restés exposés à l'air, on en enleve une quantité considérable de crocus de Mars.

Acosta ajoûte que dans le Pérou l'air dissout le plomb, & le rend beaucoup plus lourd ; cependant l'or passe généralement pour ne pouvoir être dissous par l'air, parce qu'il ne contracte jamais de rouille, quelque long-tems qu'on l'y laisse exposé. La raison en est que le sel marin, qui est le seul menstrue capable d'agir sur l'or, étant très-difficile à volatiliser, il n'y en a qu'une très-petite quantité dans l'air, à proportion des autres substances. Dans les laboratoires de Chimie, où l'on prépare l'eau régale, l'air étant imprégné d'une grande quantité de ce sel, l'or y contracte de la rouille comme les autres métaux. Voyez OR, &c.

Les pierres même subissent le sort commun aux métaux : ainsi en Angleterre on voit s'amollir & tomber en poussiere la pierre de Purbec, dont est bâtie la cathédrale de Salisbury ; & M. Boyle dit la même chose de la pierre de Blackington. Voyez PIERRE.

Il ajoûte que l'air travaille considérablement sur le vitriol, même lorsque le feu n'a plus à y mordre. Le même auteur a trouvé que les fumées d'une liqueur corrosive agissoient plus promptement & plus manifestement sur un métal exposé à l'air, que ne faisoit la liqueur elle-même sur le même métal, qui n'étoit pas en plein air.

2°. L'air volatilise les corps fixes : par exemple, si l'on calcine du sel, & qu'on le fonde ensuite, qu'on le seche & qu'on le refonde encore, & ainsi de suite plusieurs fois, à la fin il se trouvera tout-à-fait évaporé, & il ne restera au fond du vase qu'un peu de terre. Voyez VOLATIL, VOLATILISATION, &c.

Van-Helmont fait un grand secret de Chimie de volatiliser le sel fixe de tartre ; mais l'air tout seul suffit pour cela : car si l'on expose un peu de ce sel à l'air dans un endroit rempli de vapeurs acides, le sel tire à lui tout l'acide ; & quand il s'en est soûlé, il se volatilise. Voyez TARTRE, &c.

3°. L'air fixe aussi les corps volatils : ainsi quoique le nitre ou l'eau-forte s'évaporent promptement au feu, cependant s'il y a près du feu de l'urine putréfiée, l'esprit volatil se fixera & tombera au fond.

4°. Ajoûtez que l'air met en action les corps qui sont en repos, c'est-à-dire qu'il excite leurs facultés cachées. Si donc il se répand dans l'air une vapeur acide, tous les corps dont cette vapeur est le menstrue en étant dissous, sont mis dans un état propre à l'action. Voyez ACIDE, &c.

En Chimie il n'est point du tout indifférent qu'un procédé se fasse à l'air ou hors de l'air, ou même à un air ouvert, ou à un air enfermé. Ainsi le camphre brûlé dans un vaisseau fermé, se met tout en sels ; au lieu que si pendant le procédé on découvre le vaisseau, & qu'on en approche une bougie, il se dissipera tout en fumée. De même pour faire du soufre inflammable, il faut un air libre. Dans une cucurbite fermée on pourroit le sublimer jusqu'à mille fois sans qu'il prît feu. Si l'on met du soufre sous une cloche de verre avec du feu dessous, il s'y élevera un esprit de soufre ; mais s'il y a la moindre fente à la cloche par où l'air enfermé puisse avoir communication avec l'air extérieur, le soufre s'enflammera aussitôt. Une once de charbon de bois enfermée dans un creuset bien luté, y restera sans déchet pendant quatorze ou quinze jours à la chaleur d'un fourneau toûjours au feu ; tandis que la millieme partie du feu qu'on y a consumé, l'auroit mis en cendres dans un air libre. Van-Helmont ajoûte que pendant tout ce tems-là le charbon ne perd pas même sa couleur noire, mais que s'il s'y introduit un peu d'air, il tombe aussi-tôt en cendres blanches. Il faut dire la même chose de toutes les substances animales & végétales, qu'on ne sauroit calciner qu'à feu ouvert, & qui dans des vaisseaux fermés ne peuvent être réduits qu'en charbons noirs.

L'air peut produire une infinité de changemens dans les substances, non-seulement par rapport à ses propriétés méchaniques, sa gravité, sa densité, &c. mais aussi à cause des substances hétérogenes qui y sont mêlées. Par exemple, dans un endroit où il y a beaucoup de marcassites, l'air est imprégné d'un sel vitriolique mordicant, qui gâte tout ce qui est sur terre en cet endroit, & se voit souvent à terre en forme d'efflorescence blanchâtre. A Fahlun en Suede, ville connue par ses mines de cuivre, qui lui ont fait aussi donner le nom de Copperberg, les exhalaisons minérales affectent l'air si sensiblement, que la monnoie d'argent & de cuivre qu'on a dans la poche en change de couleur. M. Bayle apprit d'un bourgeois qui avoit du bien dans cet endroit, qu'audessus des veines de métaux & de minéraux qui y sont, on voyoit souvent s'élever des especes de colonnes de fumée, dont quelques-unes n'avoient point du tout d'odeur, d'autres en avoient une très-mauvaise, & quelques-unes en avoient une agréable. Dans la Carniole, & ailleurs, où il y a des mines, l'air devient de tems en tems fort mal-sain ; d'où il arrive de fréquentes maladies épidémiques, &c. Ajoûtons que les mines qui sont voisines du cap de Bonne-Espérance, envoyent de si horribles vapeurs d'arsenic dont il y a quantité, qu'aucun animal ne sauroit vivre dans le voisinage ; & que dès qu'on les a tenues quelque tems ouvertes, on est obligé de les refermer.

On observe la même chose dans les végétaux : ainsi lorsque les Hollandois eurent fait abattre tous les girofliers dont l'île de Ternate étoit toute remplie, afin de porter plus haut le prix des clous de girofle, il en résulta un changement dans l'air qui fit bien voir combien étoient salutaires dans cette île les corpuscules qui s'échappoient de l'arbre & de ses fleurs : car aussi-tôt après que les girofliers eurent été coupés, on ne vit plus que maladies dans toute l'île. Un medecin qui étoit sur les lieux, & qui a rapporté ce fait à M. Boyle, attribue ces maladies aux exhalaisons nuisibles d'un volcan qui est dans cette île, lesquelles vraisemblablement étoient corrigées par les corpuscules aromatiques que répandoient dans l'air les girofliers.

L'air contribue aussi aux changemens qui arrivent d'une saison à l'autre dans le cours de l'année. Ainsi dans l'hyver la terre n'envoye guere d'émanations au-dessus de sa surface, par la raison que ses pores sont bouchés par la gelée ou couverts de neige. Or pendant tout ce tems la chaleur soûterraine ne laisse pas d'agir au-dedans, & d'y faire un fond dont elle se décharge au printems. C'est pour cela que la même graine semée dans l'automne & dans le printems, dans un même sol & par un tems également chaud, viendra pourtant tout différemment. C'est encore pour cette raison que l'eau de la pluie ramassée dans le printems, a une vertu particuliere pour le froment, qui y ayant trempé, en produit une beaucoup plus grande quantité qu'il n'auroit fait sans cela. C'est aussi pourquoi il arrive d'ordinaire, comme on l'observe assez constamment, qu'un hyver rude est suivi d'un prin tems humide & d'un bon été.

De plus, depuis le solstice d'hyver jusqu'à celui d'été, les rayons du soleil donnant toûjours de plus en plus perpendiculairement, leur action sur la surface de la terre acquiert de jour en jour une nouvelle force, au moyen de laquelle ils relâchent, amollissent & putréfient de plus en plus la glebe ou le sol, jusqu'à ce que le soleil soit arrivé au tropique, où avec la force d'un agent chimique, il résout les parties superficielles de la terre en leurs principes, c'est-à-dire en eau, en huile, en sels, &c. qui s'élevent dans l'atmosphere. Voyez CHALEUR.

Voilà comme se forment les météores qui ne sont que des émanations de ces corpuscules répandus dans l'air. Voyez METEORE.

Ces météores ont des effets très-considérables sur l'air. Ainsi, comme on sait, le tonnerre fait fermenter les liqueurs. Voyez TONNERRE, FERMENTATION, &c.

En effet tout ce qui produit du changement dans le degré de chaleur de l'atmosphere, doit aussi en produire dans la matiere de l'air. M. Boyle va plus loin sur cet article, & prétend que les sels & autres substances mêlées dans l'air, sont maintenus par le chaud dans un état de fluidité, qui fait qu'étant mêlés ensemble ils agissent conjointement ; & que par le froid ils perdent leur fluidité & leur mouvement, se mettent en crystaux, & se séparent les uns des autres. Si les colonnes d'air sont plus ou moins hautes, cette différence peut causer aussi des changemens, y ayant peu d'exhalaisons qui s'élevent au-dessus des plus hautes montagnes. On en a eu la preuve par certaines maladies pestilentielles, qui ont emporté tous les habitans qui peuploient un côté d'une montagne, sans que ceux qui peuploient l'autre côté s'en soient aucunement sentis.

On ne sauroit nier non plus que la sécheresse & l'humidité ne produisent de grands changemens dans l'atmosphere. En Guinée, la chaleur jointe à l'humidité cause une telle putréfaction, que les meilleures drogues perdent en peu de tems toutes leurs vertus, & que les vers s'y mettent. Dans l'île de Saint-Jago, on est obligé d'exposer le jour les confitures au soleil, pour en faire exhaler l'humidité qu'elles ont contractée pendant la nuit, sans quoi elles seroient bien-tôt gâtées.

C'est sur ce principe que sont fondés la construction & l'usage de l'hygrometre. Voyez HYGROMETRE.

Ces différences dans l'air ont aussi une grande influence sur les expériences des Philosophes, des Chimistes, & autres.

Par exemple, il est difficile de tirer l'huile du soufre, per campanam, dans un air clair & sec, parce qu'alors il est très-facile aux particules de ce minéral de s'échapper dans l'air : mais dans un air grossier & humide, elle vient en abondance. Ainsi tous les sels se mêlent plus aisément, & étant fondus agissent avec plus de force dans un air épais & humide ; toutes les séparations de substances s'en font aussi beaucoup mieux. Si le sel de tartre est exposé dans un endroit où il y ait dans l'air quelque esprit acide flottant, il s'en imprégnera, & de fixe deviendra volatil. De même les expériences faites sur des sels à Londres, où l'air est abondamment imprégné du soufre qui s'exhale du charbon de terre qu'on y brûle, réussissent tout autrement que dans les autres endroits du royaume où l'on brûle du bois, de la tourbe, ou autres matieres. C'est aussi pourquoi les ustenciles de métal se rouillent plus vîte ailleurs qu'à Londres ; où il y a moins de corpuscules acides & corrosifs dans l'air, & pourquoi la fermentation qui est facile à exciter dans un lieu où il n'y a point de soufre, est impraticable dans ceux qui abondent en exhalaisons sulphureuses. Si du vin tiré au clair après qu'il a bien fermenté, est transporté dans un endroit où l'air soit imprégné des fumées d'un vin nouveau qui fermente actuellement, il recommencera à fermenter. Ainsi le sel de tartre s'enfle comme s'il fermentoit, si on le met dans un endroit où l'on prépare de l'esprit de nitre, du vitriol, ou du sel marin. Les Brasseurs, les Distillateurs & les Vinaigriers font une remarque qui mérite bien d'avoir place ici : c'est qu'il n'y a pas de meilleur tems pour la fermentation des sucs des plantes, que celui où ces plantes sont en fleurs. Ajoûtez que les taches faites par les sucs des substances végétales ne s'enlevent jamais mieux de dessus les étoffes, que quand les plantes d'où ils proviennent sont dans leur primeur. M. Boyle dit qu'on en a fait l'expérience sur des taches de jus de coing, de houblon, & d'autres végétaux ; & que singulierement une qui étoit de jus de houblon, & qu'on n'avoit pas pû emporter, quelque chose qu'on y fît, s'en étoit allée d'elle-même dans la saison du houblon.

Outre tout ce que nous venons de dire de l'air, quelques naturalistes curieux & pénétrans ont encore observé d'autres effets de ce fluide, qu'on ne peut déduire d'aucune des propriétés dont nous venons de parler. C'est pour cela que M. Boyle a composé un traité exprès, intitulé Conjectures sur quelques propriétés de l'air encore inconnues. Les phénomenes de la flamme & du feu dans le vuide portent à croire, selon cet auteur, qu'il y a dans l'air une substance vitale & singuliere, que nous ne connoissons pas, en conséquence de laquelle ce fluide est si nécessaire à la nutrition de la flamme. Mais quelle que soit cette substance, il paroît en examinant l'air qui en est dépouillé, & dans lequel conséquemment la flamme ne peut plus subsister, qu'elle y est en bien petite quantité en comparaison du volume d'air qui en est imprégné, puisqu'on ne trouve aucune altération sensible dans les propriétés de cet air. Voyez FLAMME.

D'autres exemples qui servent à entretenir ces conjectures, sont les sels qui paroissent & qui s'accroissent dans certains corps, qui n'en produiroient point du tout, ou en produiroient beaucoup moins s'ils n'étoient pas exposés à l'air. M. Boyle parle de quelques marcassites tirées de dessous terre, qui étant gardées dans un endroit sec, se couvroient assez vîte d'une efflorescence vitriolique, & s'égrugeoient en peu de tems en une poudre qui contenoit une quantité considérable de couperose, quoique vraisemblablement elles fussent restées en terre plusieurs siecles sans se dissoudre. Ainsi la terre ou la mine d'alun & de quantité d'autres minéraux, dépouillée de ses sels, de ses métaux & autres substances, les recouvre avec le tems. On observe la même chose du fraisi dans les forges. Voyez MINE, FER, &c.

M. Boyle ajoûte, que sur des enduits de chaux de vieilles murailles, il s'amasse avec le tems une efflorescence copieuse d'une qualité nitreuse dont on tire du salpetre. Le colcothar de vitriol n'est point naturellement corrosif, & n'a de lui-même aucun sel : mais si on le laisse quelque tems exposé à l'air, il donne du sel, & beaucoup. Voyez COLCOTHAR.

Autre preuve qui constate ces propriétés cachées de l'air ; c'est que ce fluide, introduit dans les médicamens antimoniaux, les rend émétiques, propres à causer des foiblesses de coeur & des brûlemens d'entrailles ; & qu'il gâte & pourrit en peu de tems des arbres déracinés qui s'étoient conservés sains & entiers pendant plusieurs siecles qu'ils étoient restés sur pié. Voyez ANTIMOINE.

Enfin les soies dans la Jamaïque se gâtent bien-tôt, si on les laisse exposées à l'air, quoiqu'elles ne perdent pas toûjours leur couleur ; au lieu que quand on ne les y expose pas, elles conservent leur force & leur teinture. Le taffetas jaune porté au Bresil y devient en peu de jours gris-de-fer, si on le laisse exposé à l'air ; au lieu que dans les boutiques il conserve sa couleur. A quelques lieues au-delà du Paraguai, les hommes blancs deviennent tannés : mais dès qu'ils quittent cette contrée, ils redeviennent blancs. Ces exemples, outre une infinité d'autres que nous ne rapportons point ici, suffisent pour nous convaincre que nonobstant toutes les découvertes qu'on a faites jusqu'ici sur l'air, il reste encore un vaste champ pour en faire de nouvelles.

Par les observations qu'on a faites sur ce qui arrive, lorsqu'après avoir été saigné dans des rhûmatismes on vient à prendre du froid, il est avéré que l'air peut s'insinuer dans le corps avec toutes ses qualités, & vicier toute la masse du sang & des autres humeurs. Voyez SANG.

Par les paralysies, les vertiges & autres affections nerveuses que causent les mines, les lieux humides & autres, il est évident que l'air chargé des qualités qu'il a dans ces lieux, peut relâcher & obstruer tout le système nerveux. Voyez HUMIDITE, &c. Et les coliques, les fluxions, les toux, & les consomptions que produit un air humide, aqueux & nitreux, font bien voir qu'un tel air est capable de gâter & de dépraver les parties nobles, &c. Voyez l'article ATMOSPHERE.

M. Desaguliers a imaginé une machine pour changer l'air de la chambre d'une personne malade, en en chassant l'air impur, & y en introduisant du frais par le moyen d'une roue qu'il appelle roue centrifuge, sans qu'il soit besoin d'ouvrir ni porte, ni fenêtre ; expédient qui seroit d'une grande utilité dans les mines, dans les hôpitaux, & autres lieux semblables, où l'air ne circule pas. On a déjà pratiqué quelque chose de semblable à Londres, pour évacuer de ces lieux l'air échauffé par les lumieres & par l'haleine & la sueur d'un grand nombre de personnes, ce qui est très-incommode, sur-tout dans les grandes chaleurs. Voyez Transact. philos. n°. 437. page 41.

M. Halles a imaginé depuis peu une machine très-propre à renouveller l'air. Il appelle cette machine le ventilateur. Il en a donné la description dans un ouvrage qui a été traduit en François par M. de Mours, docteur en Medecine, & imprimé à Paris il y a peu d'années. Voyez VENTILATEUR.

AIR inné, est une substance aërienne extrèmement subtile, que les Anatomistes supposent être enfermée dans le labyrinthe de l'oreille interne, & qui sert, selon eux, à transmettre les sons au sensorium commune. Voyez LABYRINTHE, SON, OUIE.

Mais par les questions agitées dans ces derniers tems au sujet de l'existence de cet air inné, il commence à être fort vraisemblable que cet air n'existe pas réellement.

Machine à pomper l'air. Voyez MACHINE PNEUMATIQUE. (O)

AIR, (Théol.) L'air est souvent désigné dans l'Ecriture sous le nom de ciel ; les oiseaux du ciel pour les oiseaux de l'air. Dieu fit pleuvoir du ciel sur Sodome le soufre & le feu ; c'est-à-dire il fit pleuvoir de l'air. Que le feu descende du ciel, c'est-à-dire de l'air. Moyse menace les Israélites des effets de la colere de Dieu, de les faire périr par un air corrompu : percutiat te Dominus aere corrupto ; ou peut-être par un vent brûlant qui cause des maladies mortelles, ou par une sécheresse qui fait périr les moissons. Battre l'air, parler en l'air, sont des manieres de parler usitées même en notre langue, pour dire parler sans jugement, sans intelligence, se fatiguer en vain. Les puissances de l'air, (Ephes. xj. 2.) sont les démons qui exercent principalement leur puissance dans l'air, en y excitant des tempêtes, des vents, & des orages. Gen. xjv. 24. IV. Reg. j. 10. Deut. xxij. 22. I. Cor. jx. 24. xjv. 9. Dict. de la Bible du P. Calmet, tome I. A. page 89. (G)

* AIR. Les Grecs adoroient l'air, tantôt sous le nom de Jupiter, tantôt sous celui de Junon. Jupiter régnoit dans la partie supérieure de l'atmosphere, Junon dans sa partie inférieure. L'air est aussi quelquefois une divinité qui avoit la lune pour femme & la rosée pour fille. Il y avoit des divinations par le moyen de l'air ; elles consistoient ou à observer le vol & le cri des oiseaux, ou à tirer des conjectures des météores & des cometes, ou à lire les évenemens dans les nuées ou dans la direction du tonnerre. Ménelas dans Iphigénie atteste l'air témoin des paroles d'Agamemnon : mais Aristophane traite d'impiété ce serment d'Euripide. Plus on considere la religion des Payens, plus on la trouve favorable à la Poésie ; tout est animé, tout respire, tout est en image ; on ne peut faire un pas sans rencontrer des choses divines & des dieux, & une foule de cérémonies agréables à peindre, mais peu conformes à la raison.

* AIR, MANIERES, considérés grammaticalement. L'air semble être né avec nous ; il frappe à la premiere vûe. Les manieres sont d'éducation. On plaît par l'air ; on se distingue par les manieres. L'air prévient, les manieres engagent. Tel vous déplaît & vous éloigne par son air, qui vous retient & vous charme ensuite par ses manieres. On se donne un air ; on affecte des manieres. On compose son air ; on étudie ses manieres. Voyez les Synonymes François. On ne peut être un fat sans savoir se donner un air & affecter des manieres ; pas mme peut-être un bon comédien. Si l'on ne sait composer son air & étudier ses manieres, on est un mauvais courtisan ; & l'on doit s'éloigner de tous les états où l'on est obligé de paroître différent de ce qu'on est.

AIR, se dit en Peinture, de l'impression que fait un tableau, à la vûe duquel on semble réellement respirer l'air qui regne dans la nature suivant les différentes heures du jour : frais, si c'est un soleil levant qu'il représente ; chaud, si c'est un couchant. On dit encore qu'il y a de l'air dans un tableau, pour exprimer que la couleur du fond & des objets y est diminuée selon les divers degrés de leur éloignement : cette diminution s'appelle la perspective aërienne. On dit aussi air de tête : tel fait de beaux airs de tête. On dit encore attraper, saisir l'air d'un visage, c'est-à-dire le faire parfaitement ressembler. En ce cas l'air sembleroit moins dépendre de la configuration des parties, que de ce qu'on pourroit appeller le geste du visage. (R)

AIR, en Musique, est proprement le chant qu'on adapte aux paroles d'une chanson ou d'une petite piece de poésie propre à être chantée ; & par extension on appelle air la chanson même. Dans les opéra on donne le nom d'airs à tous les morceaux de musique mesurés, pour les distinguer du récitatif qui ne l'est pas ; & généralement on appelle air tout morceau de musique, soit vocale, soit instrumentale, qui a son commencement & sa fin. Si le sujet est divisé entre deux parties, l'air s'appelle duo ; si entre trois, trio, &c.

Saumaise croit que ce mot vient du Latin aera ; & M. Burette est de son opinion, quoique Menage combatte ce sentiment dans son étymologie de la langue françoise.

Les Romains avoient leurs signes pour le rythme, ainsi que les Grecs avoient les leurs ; & ces signes, tirés aussi de leurs caracteres numériques, se nommoient non-seulement numerus, mais encore aera, c'est-à-dire nombre, ou la marque du nombre ; numeri nota, dit Nonius Marcellus. C'est en ce sens qu'il se trouve employé dans ce vers de Lucile :

Haec est ratio ? perversa aera ? summa subducta improbè ?

Et Sextus Rufus s'en est servi de même. Or quoique ce mot aera ne se prît originairement parmi les Musiciens que pour le nombre ou la mesure du chant, dans la suite on en fit le même usage qu'on avoit fait du mot numerus ; & l'on se servoit d'aera pour désigner le chant même : d'où est venu le mot françois air, & l'italien aria pris dans le même sens.

Les Grecs avoient plusieurs sortes d'airs qu'ils appelloient nomes, qui avoient chacun leur caractere, & dont plusieurs étoient propres à quelques instrumens particuliers, à-peu-près comme ce que nous appellons aujourd'hui pieces ou sonates.

La musique moderne a diverses especes d'airs qui conviennent chacune à quelque espece de danse dont ils portent le nom. Voyez MENUET, GAVOTTE, MUSETTE, PASSEPIE, CHANSON, &c. (S)

AIR, (Jard.) On dit d'un arbre qu'il est planté en plein vent ou en plein air, ce qui est synonyme. Voyez AIR. (K)

AIR, en Fauconnerie ; on dit l'oiseau prend l'air, c'est-à-dire qu'il s'éleve beaucoup.

* AIR ou AYR, (Géog.) ville d'Ecosse à l'embouchure de la riviere de son nom. Long. 14. 40. lat. 56. 22.


AIR CARACTERISE(Musiq.) on appelle communément airs caractérisés, ceux dont le chant & le rithme imitent le goût d'une musique particuliere, & qu'on imagine avoir été propre à certains peuples, & même à certains personnages de l'antiquité, qui peut-être n'existerent jamais. L'imagination se forme donc cette idée sur le chant & sur la musique, convenable au caractere de ces personnages, à qui le musicien prête des airs de son invention. C'est sur le rapport que des airs peuvent avoir avec cette idée, laquelle, bien qu'elle soit une idée vague, est néanmoins à-peu-près la même dans toutes les têtes, que nous jugeons de la convenance de ces mêmes airs. Il y a même un vraisemblable pour cette musique imaginaire. Quoique nous n'ayons jamais entendu de la musique de Pluton, nous ne laissons pas de trouver une espece de vraisemblable dans les airs de violon, sur lesquels Lulli fait danser la suite du dieu des enfers dans le quatrieme acte de l'opéra d'Alceste, parce que ces airs respirent un contentement tranquille & sérieux, & comme Lulli le disoit lui-même, une joie voilée. En effet, des airs caractérisés par rapport aux fantômes que notre imagination s'est formés, sont susceptibles de toutes sortes d'expressions, comme les autres airs. Ils expriment la même chose que les autres airs ; mais c'est dans un goût particulier & conforme à la vraisemblance que nous avons imaginée. C'est Lulli le premier, qui a composé en France les airs caractérisés. Réflexions sur la poésie & la peinture.

(Le Chevalier DE JAUCOURT.)


AIRAIou CUIVRE JAUNE, s. m. (Chim.) c'est un métal factice composé de cuivre fondu avec la pierre de calamine qui lui communique la dureté & la couleur jaune. Voyez METAL, CUIVRE.

On dit que les Allemands ont possédé long-tems le secret de faire ce métal. Voici présentement comment on le prépare. On mêle avec du charbon de terre de la pierre calamine calcinée & réduite en poudre : on incorpore ces deux substances en une seule masse par le moyen de l'eau ; ensuite quand cela est ainsi préparé, on met environ sept livres de calamine dans un vase à fondre qui doit contenir environ quatre pintes, & on y joint à-peu-près cinq livres de cuivre : on met le vase dans une fournaise à vent de huit piés de profondeur, & on l'y laisse environ onze heures, au bout duquel tems l'airain est formé. Quand il est fondu, on le jette en masses ou en bandes. Quarante-cinq livres de calamine crue, trente livres étant brûlée ou calcinée, & soixante livres de cuivre, font avec la calamine cent livres d'airain. Du tems d'Erker, fameux Métallurgiste, soixante & quatre livres de cuivre ne donnoient par le moyen de la calamine, que quatre-vingts-dix livres d'airain.

Airain, qui autrefois ne signifioit que le cuivre & dont on se sert présentement plus particulierement pour signifier le cuivre jaune, se dit encore du métal dont on fait des cloches, & qu'on nomme aussi bronze. Ce métal se fait le plus communément avec dix parties de cuivre rouge & une partie d'étain ; on y ajoûte aussi un peu de zinc.

L'airain de Corinthe a eu beaucoup de réputation parmi les anciens. Le consul Mummius ayant saccagé & brûlé Corinthe 146 ans avant J. C. on dit que ce précieux métal fut formé de la prodigieuse quantité d'or, d'argent & de cuivre dont cette ville étoit remplie, & qui se fondirent ensemble dans cet incendie. Les statues, les vases, &c. qui étoient faits de ce métal, étoient d'un prix inestimable. Ceux qui entrent dans un plus grand détail, le distinguent en trois sortes : l'or étoit le métal dominant de la premiere espece ; l'argent de la seconde ; & dans la troisieme, l'or, l'argent, & le cuivre, étoient en égale quantité.

Il y a pourtant une difficulté au sujet du cuivre de Corinthe ; c'est que quelques auteurs disent que ce métal étoit fort recherché avant le sac de Corinthe par les Romains ; ce qui prouveroit que le cuivre de Corinthe n'étoit point le produit des métaux fondus confusément dans l'incendie de cette ville, & que les Corinthiens avoient possédé particulierement l'art de composer un métal où le cuivre dominoit, & qu'on nommoit pour cela cuivre de Corinthe. Voyez CUIVRE.

L'airain ou cuivre jaune est moins sujet à verdir que le cuivre rouge : il est aussi plus dur, c'est de tous les métaux le plus dur ; c'est ce qui a fait qu'on s'en est servi pour exprimer la dureté : on dit un siecle d'airain, un front d'airain, &c. Les limes qui ne peuvent plus servir à l'airain sont encore bonnes pour limer le fer ; ce qui prouve que le fer est moins dur que l'airain. (M)


AIREarea, s. f. Une aire est proprement une surface plane sur laquelle on marche. Voyez PLAN.

Le mot latin area, d'où vient aire, signifie proprement le lieu où l'on bat le blé ; il est dérivé de arere, être sec.

AIRE, en Géométrie, est la surface d'une figure rectiligne, curviligne, ou mixtiligne, c'est-à-dire l'espace que cette figure renferme. Voyez SURFACE, FIGURE, &c.

Si une aire, par exemple un champ, a la figure d'un quarré dont le côté soit de 40 piés, cette aire aura 1600 piés quarrés, ou contiendra 1600 petits quarrés dont le côté sera d'un pié. Voyez QUARRE, MESURE.

Ainsi, trouver l'aire ou la surface d'un triangle, d'un quarré, d'un parallélogramme, d'un rectangle, d'un trapeze, d'un rhombe, d'un polygone, d'un cercle, ou d'une autre figure, c'est trouver combien cette aire contient de piés, de pouces, & de lignes quarrés. Quant à la maniere de faire cette réduction d'une surface en surfaces partielles quarrées, voyez TRIANGLE.

Pour mesurer un champ, un jardin, un lieu entouré de murs, fermé de haies, ou terminé par des lignes, il faut prendre les angles qui se trouvent dans le contour de ce lieu, les porter sur le papier, & réduire ensuite l'aire comprise entre ces angles & leurs côtés en arpens, &c. en suivant les méthodes prescrites pour la mesure des figures planes en général. Voyez FAIRE ou LEVER UN PLAN. (E)

Si du centre du Soleil on conçoit une ligne tirée au centre d'une planete, cette ligne engendrera autour du Soleil des aires elliptiques proportionnelles au tems. Telle est la loi que suivent les planetes dans leur mouvement autour du Soleil ; ainsi le Soleil étant supposé en S, & une planete en A, (Planche d'Astronom. fig. 61. n°. 2.) si cette planete parvient en B dans un tems quelconque donné ; le rayon vecteur A S aura formé dans ce mouvement l'aire A S B : soit ensuite la même planete parvenue en P, & soit pris le point D, tel que l'aire P S D soit égale à l'aire A S B ; il est certain par la proposition précédente, qu'elle aura parcouru les arcs P D & A B dans des tems égaux. Voyez PLANETE & ELLIPSE.

Le célebre Newton a démontré que tout corps qui dans son mouvement autour d'un autre suit la loi dont nous venons de parler, c'est-à-dire, que tout corps qui décrit autour d'un autre corps des aires proportionnelles au tems, gravite ou tend vers ce corps. Voyez GRAVITATION & PHILOSOPHIE NEWTONNIENNE. (O)

AIRE, terme d'Architecture, est une place ou superficie plane & horisontale, sur laquelle l'on trace un plan, une épure, &c. Voyez EPURE.

Il se dit encore d'un enduit de plâtre dressé de niveau, pour tracer une épure ou quelque dessein.

AIRE de plancher, se dit de la charge qu'on met sur les solives d'un plancher, d'une couche de plâtre pur pour recevoir le carreau.

AIRE de moilon, c'est une petite fondation au rez-de-chaussée, sur laquelle on pose des lambourdes, du carreau de pierre, de marbre, ou dalles de pierre : c'est ce que Vitruve entend par statumen.

AIRE de chaux & de ciment ; c'est un massif en maniere de chape, pour conserver le dessus des voûtes qui sont à l'air, comme il en a été fait un sur l'orangerie de Versailles.

AIRE de recoupes ; c'est une épaisseur d'environ huit à neuf pouces de recoupes de pierre, pour affermir les allées des jardins. (P)

AIRE de pont ; c'est le dessus d'un pont sur lequel on marche, pavé ou non pavé.

AIRE d'un bassin ; c'est un massif d'environ un pié d'épaisseur, fait de chaux & de ciment avec des caillous ou un corroi de glaise pavé par-dessus, ce qui fait le fond du bassin. Cette aire se conserve long-tems, pourvû que la superficie de l'eau s'écoule aisément, quand le tuyau de décharge est trop menu, l'eau superflue regorgeant sur les bords, délaye le terrein sur lequel est assis le bassin, & le fait périr. (K)

AIRE ; c'est, en Oeconomie rustique, le nom que l'on donne à la surface des granges, des poulailliers, des colombiers, des toits à porc, des bergeries, des vinées, &c. sur laquelle on marche.

L'aire de la grange d'une grande ferme est percée d'une porte charretiere au moins, quelquefois de deux. Pour faire l'aire, on commence par labourer le terrein ; on enleve un demi-pié de terre ; on lui substitue de la glaise paitrie & rendue ferme ; on étend bien cette glaise ; on a soin que sa surface garde le niveau.

On laisse essuyer la terre ; on la bat à trois ou quatre reprises avec une batte de Jardinier. Voyez BATTE. On n'y laisse point de fentes ; on l'applanit bien avec un gros cylindre de pierre fort pesant. On ne prend pas toûjours cette précaution. C'est sur cette aire qu'on bat le blé.

Pour l'aire des bergeries, il ne faut pas la faire de niveau ; il faut qu'elle soit un peu en pente, afin d'avoir la commodité de la nettoyer ; du reste sans pierre & bien battue.

Celle des toits à porc doit être pavée, sans quoi les cochons la fouilleront.

AIRE, (Jardinage.) est un terrein plein & uni sur lequel on se promene, tel que seroit la place d'un parterre, d'un potager, le fond d'un boulingrin, & autres. (K)

AIRE, s. f. nidus, est le nid ou l'endroit qu'habitent les grands oiseaux de proie, tel que l'aigle, le faucon, l'autour, &c. Ces oiseaux se retirent & élevent leurs petits dans les rochers les plus escarpés, ou sur les arbres les plus élevés ; ils y construisent des aires qui ont jusqu'à une toise quarrée d'étendue, & qui sont faites avec des bâtons assez gros, & des peaux des animaux qu'ils ont dévorés. Voyez AIGLE. (I)

Article 8. de l'ordonnance de Louis XIV. du mois d'Août 1669. (Chasse.) il est dit : " Défendons à toutes personnes de prendre dans nos forêts, garennes, buissons, & plaisirs, aucunes aires d'oiseaux de quelque espece que ce soit ; & en tout autre lieu les oeufs de cailles, perdrix & faisans, à peine de 100 livres pour la premiere fois, 200 livres pour la seconde, & du foüet & bannissement à six lieues de la forêt pendant cinq ans, pour la troisieme ".

AIRE, en termes de Vannier ; c'est un endroit plein dans un ouvrage de faisserie, qui commence à la torche & monte jusqu'à une certaine distance ; ce qui se fait en tournant un brin d'osier autour de chaque pé. Voyez FAISSERIE, TORCHE, PE.

* AIRE, (Géog.) ville de France dans la Gascogne, sur l'Adour. Long. 17. 49. lat. 43. 47.

* AIRE, (Géog.) ville des Pays-Bas, comté d'Artois. Long. 20d. 3'. 28". lat. 50d. 38'. 18".


AIRELLES. f. ou MIRTILLE, s. m. (Hist. nat.) en latin vitis Idaea ; plante dont la fleur est d'une seule feuille en forme de cloche ou de grelot. Il sort du calice un pistil qui est attaché comme un clou à la partie postérieure de la fleur, & qui devient dans la suite un fruit mou, ou une baie pleine de suc creusée en forme de nombril : cette baie est remplie de semences ordinairement assez menues. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)


AIRESS. f. ce sont dans les marais salans, le nom qu'on donne aux plus petits des bassins quarrés dans lesquels le fond de ces marais est distribué. Les aires ou oeillettes, car on leur donne encore ce dernier nom, ont chacune 10 à 12 piés de largeur sur 15 de longueur ou environ : elles sont séparées par de petites digues de treize à quatorze pouces de large ; & on retire dix-huit à vingt livres de sel par an d'une aire ou oeillette, tous frais faits.

AIRES, (Manége.) Voyez AIRS.


AIRÈSfête qu'on célébroit à Athenes en l'honneur de Cerès & de Bacchus, en leur offrant les prémices de la récolte du blé & du vin. Elle se nommoit aussi Aloes. Voyez ALOES.


AIROMETRIES. f. est la science des propriétés de l'air. Voyez AIR. Ce mot est composé d', air, & de , mesurer.

L'airométrie comprend les lois du mouvement, de la pesanteur, de la pression, de l'élasticité, de la raréfaction, de la condensation, &c. de l'air. Voyez ÉLASTICITE, RAREFACTION, &c.

Le mot d'airométrie n'est pas fort en usage ; & on appelle ordinairement cette branche de la Physique la Pneumatique. Voyez PNEUMATIQUE.

M. Wolf, professeur de Mathématique à Hall, ayant réduit en démonstrations géométriques plusieurs des propriétés de l'air, publia le premier à Leipsic en 1709, les élémens de l'Airométrie en allemand, & ensuite plus amplement en latin ; & ces élémens d'Airométrie ont depuis été inserés dans le cours de Mathématiques de cet auteur, en cinq volumes in-4 °. à Geneve. (O)


AIRSS. m. pl. en terme de Manége, sont tous les mouvemens, allures, & exercices qu'on apprend au cheval de manége. Voyez MANEGE, ACADEMIE, CHEVAL.

Le pas naturel d'un cheval, le trot, & le galop, ne sont point comptés au nombre des airs de manége, qui sont les ballotades, les croupades, les caprioles, les courbettes & demi-courbettes, les falcades, le galop gaillard, le demi-air ou mesair, le pas, le saut, les passades, les pesades, les piroüettes, le répolon, le terre-à-terre, les voltes & demi-voltes. Voyez les explications de tous ces airs à leurs lettres respectives.

Quelques auteurs prennent les airs dans un sens plus étendu, & les divisent en bas & relevés : les airs bas sont la démarche naturelle du cheval, telle que le pas, le trot, le galop, & le terre-à-terre : les airs élevés sont ceux par lesquels le cheval s'éleve davantage de terre. Un cheval qui n'a point d'air naturel, est celui qui plie fort peu les jambes en galopant. On dit : ce cavalier a bien rencontré l'air de ce cheval, & il manie bien terre-à-terre : ce cheval prend l'air des courbettes, se présente bien à l'air des caprioles, pour dire qu'il a de la disposition à ces sortes d'airs. Les courbettes & les airs mettent parfaitement bien un cheval dans la main, le rendent leger du dedans, le mettent sur les hanches. Ces airs le font arrêter sur les hanches, le font aller par sauts, & l'assûrent dans la main. Il faut ménager un cheval qui se présente de lui-même aux airs relevés, parce qu'ils le mettent en colere quand on le presse trop. (V)


AISS. m. (Menuis. Charpent.) planche de chêne ou de sapin à l'usage de la Menuiserie : on nomme les ais, entrevouts, lorsqu'ils servent à couvrir les espaces des solives, & qu'ils en ont la longueur sur neuf ou dix pouces de large, & un pouce d'épaisseur. Cette maniere de couvrir les entrevouts étoit fort en usage autrefois : mais on se sert à présent de lattes que l'on ourdit de plâtre dessus & dessous ; cela rend les planchers plus sourds, & empêche la poussiere de pénétrer ; ce qu'il est presqu'impossible d'éviter dans l'usage des ais de planches, qui sont sujets à se fendre ou gercer : ces entrevouts de plâtre ne servent même aujourd'hui que pour les chambres en galetas : on plafonne presque toutes celles habitées par les maîtres ; ce qui occasionne la ruine des planchers, les Charpentiers trouvant par-là occasion d'employer du bois vert rempli de flaches & d'aubier ; au lieu qu'on voit presque tous les planchers des bâtimens des derniers siecles subsister sans affaissement ; le bois étant apparent, ayant une portée suffisante, étant bien équarri, quarderoné sur les arêtes & les entrevouts, garni d'ais bien dressés & corroyés, ornés de peintures & sculptures, ainsi que sont celles de la grande galerie de Luxembourg à Paris.

AIS de bois de bateau ; ce sont des planches de chêne ou de sapin qu'on tire des débris des bateaux déchirés, & qui servent à faire des cloisons legeres, lambrissées de plâtre des deux côtés pour empêcher le bruit & le vent, pour ménager la place & la charge dans les lieux qui ont peu de hauteur de plancher. Voyez CLOISON à claire voie. (P)

AIS, outil de Fondeur en sable ; c'est une planche de bois de chêne d'environ un pouce d'épaisseur : cette planche sert aux Fondeurs pour poser les chassis dans lesquels ils font le moule. Voyez FONDEUR EN SABLE, & la fig. 17. Pl. du Fondeur en sable.

AIS, ustensile d'Imprimerie ; c'est une planche de bois de chêne de deux piés de long sur un pié & demi de large, & de huit à dix lignes d'épaisseur, unie d'un côté, & traversée de l'autre de deux barres de bois posées à deux ou trois pouces de chaque extrémité. On se sert d'ais pour tremper le papier, pour le remanier, pour le charger après l'avoir imprimé. Il y a à chaque presse deux ais ; un sur lequel est posé le papier préparé pour l'impression, & l'autre pour recevoir chaque feuille imprimée.

Les Compositeurs ont aussi des ais pour desserrer leurs formes à distribuer & mettre leur lettre. Voyez FORME. Mais le plus souvent ils ne se servent que de demi-ais : deux de ces demi-ais sont de la grandeur d'un grand ais.

AIS, terme de Paumier ; c'est une planche maçonnée dans le mur à l'extrémité d'un tripot ou jeu de paume, qu'on appelle quarré. L'ais est placé précisément dans l'angle du jeu de paume qui touche à la galerie, & dans la partie du tripot où est placé le serveur. Les tripots ou jeux de paume qu'on appelle des dedans, n'ont point d'ais. Quand la balle va frapper de volée dans l'ais, ce qui se connoît par le son de la planche, le joüeur qui l'a poussée gagne un quinze. Voyez JEU DE PAUME.

AIS à presser ou mettre les livres en presse, outil des Relieurs ; ils doivent être de bois de poirier. Il en faut de différente grandeur, c'est-à-dire pour in-folio, in-4°, in-8°, in-12, & in-18. Voyez Planche I. de la Reliure, fig. 5.

Quand on ne trouve point de poirier, on prend du bois de hêtre.

Ais à endosser ; ce sont de petites planches de hêtre bien polies, dont un des côtés dans la largeur est rond, l'autre est quarré. On met une de ces planches entre chacun des volumes, qui sont tous tournés du même sens, lorsqu'ils sont couchés & qu'on se prépare à les mettre en presse pour y faire le dos, le côté quarré de la planche tout joignant le bout des ficelles de la couture ; ensorte que ces planches pressant un peu plus le bord des livres, servent à faire sortir le dos en rond. Il y en a pour toutes les formes de livre. Voyez Pl. I. fig. F.

Ais à foüetter ; il y a des planches toutes semblables pour foüetter, mais plus larges que les précédentes. On dit ais à foüetter. Voyez Pl. I. fig. G.

Ais à rogner ; ce sont de petites planches qui servent aux Relieurs à maintenir les livres qu'ils veulent rogner dans la presse. Voyez ROGNER, FOUETTER, DOSSERSSER.

AIS feuillé, en terme de Vitrerie ou Planche à la soudure, est un ais qui sert à couler l'étain pour souder.

AIS du corps, partie du bois du métier des étoffes en soie. Ce sont deux petites planches oblongues percées d'autant de trous que l'exige le nombre des mailles du corps, ou des maillons ou des aiguilles.

Elles ont 400 trous chacune pour les métiers de 400 cordes, & 600 trous pour les métiers de 600 cordes : il y a huit trous dans la largeur pour les métiers de 400, & il y en a 10 pour les métiers de 600. Leur usage est de tenir les mailles de corps & les arcades dans la direction qu'elles doivent avoir. Voyez Planche VI. n° 7. la planche est un des ais du corps.

AIS en Serrurerie ; c'est un outil à l'usage de la Serrurerie en ornement. Sa forme est bien simple ; ce n'est proprement qu'un morceau de bois, d'un pouce ou un pouce & demi d'épaisseur, oblong, porté sur deux piés, percé à sa surface de trous ronds & concaves, qui servent à l'ouvrier pour emboutir des demi-boules. Voyez Serrur. Pl. XV. fig. M.

AIS à coller, bout de planche d'un bois leger & uni, qui a la forme de la moitié d'un cercle dont on auroit enlevé un petit segment, ensorte que les deux arcs terminés par la corde de ce segment & par le diametre fussent égaux de part & d'autre. Ces ais sont à l'usage de ceux qui peignent en éventail ; c'est là-dessus qu'ils collent leurs papiers ou peaux ; ces papiers ou peaux ne sont collés que sur les bords de l'ais. Voyez de ces ais, Planche de l'éventailliste, 11. 12. 13. 14.


AISANCES. f. en terme de Pratique, se dit d'un service ou d'une commodité qu'un voisin retire d'un autre, en vertu de titres ou de possession immémoriale, sans qu'il en revienne aucun fruit à cet autre voisin ; comme la souffrance d'un passage sur ses terres, d'un égoût, &c. Ce terme est synonyme à servitude. Voyez SERVITUDE. (H)


AISAY-LE-DUC(Géog.) ville de France en Bourgogne, baillage de Châtillon.


AISEMENTgarde-robe, s. m. (Marine.) L'éperon sert d'aisement aux matelots ; mais on en fait dans les galeres & ailleurs pour les officiers. (Z)


AISNAY-LE-CHASTEAU(Géog.) ville de France, dans la généralité de Bourges.


AISNE(Géog.) riviere de France, qui a sa source en Champagne, & se joint à l'Oise vers Compiegne.


AISSADEde poupe, (Marine.) c'est l'endroit où la poupe commence à se retrécir, & où sont aussi les radiers. Voyez POUPE & RADIER. (Z)


AISSANTESsubst. f. plur. ou AISSIS ou BARDEAUX, subst. m. plur. c'est le nom que les couvreurs donnent à de très-petits ais faits de douves, ou d'autres bouts de planches minces dont on couvre les chaumieres à la campagne. Cette couverture est legere. On s'en sert aussi pour les hangards, sur-tout quand la tuile est rare. Il faut que les aissantes soient sans aubier, sans quoi elles se pourriront. Elles demandent beaucoup de clous. Il ne seroit pas mal de les peindre. On regagne toutes ces petites dépenses sur la grosse charpente qui peut être moins forte.


AISSELIERS. m. chez les Charpentiers ; on entend par un aisselier une piece de bois ou droite ou arcuée, terminée par deux tenons, dont l'un a sa mortoise dans une des deux pieces de bois assemblées de maniere qu'elles forment un angle à l'endroit de leur assemblage, & dont l'autre tenon a sa mortoise dans l'autre de ces deux pieces de bois. Ainsi les deux pieces & l'aisselier forment un triangle dont l'aisselier est la base, & dont les parties supérieures des pieces assemblées forment les côtés. L'aisselier est employé pour fortifier l'assemblage des deux pieces, & pour empêcher que celle qui est horisontale ne se sépare de celle qui est perpendiculaire, ou verticale, soit par son propre poids, soit par les poids dont elle sera chargée. Ainsi, Planche II. des Ardoises, fig. 1. la piece de bois opposée à l'angle K, dans la machine, est un aisselier. Il suffit de cet exemple, pour reconnoître l'aisselier toutes les fois qu'il se rencontrera dans les autres figures. Voyez aussi les Planches de Charpente.

AISSELIERS ; on donne aussi le nom d'aisseliers aux bras d'une roue, lorsqu'ils excedent la circonférence de cette roue, de maniere que la puissance appliquée à ces bras, fait mouvoir la roue plus facilement.


AISSELLES. f. (Anatom.) cavité qui est sous la partie la plus élevée du bras. Voyez BRAS. Ce mot est un diminutif d'axis, & signifie petit axe. Voyez AXE.

Les abscès dans les aisselles sont ordinairement dangereux, à cause de la quantité des vaisseaux sanguins, lymphatiques, & des nerfs qui forment beaucoup de plexus autour de cette partie. Les anciennes lois ordonnoient de pendre les criminels impuberes par dessous les aisselles. Voyez PUBERTE, &c. (L)

Il y a des personnes en qui la sueur ou la transpiration des aisselles de même que celle des aines, est puante : on en peut corriger la puanteur, selon Paul Eginete, de cette façon : prenez alun liquide, deux parties ; myrrhe, une partie dissoute dans du vin : lavez souvent les aisselles avec ce mêlange.

Ou bien prenez de la litharge calcinée & éteinte dans du vin odoriférant, & battez-la en y ajoûtant un peu de myrrhe, jusqu'à ce qu'elle ait acquis la consistance du miel.

Ou bien prenez litharge d'argent, six gros ; myrrhe, deux gros ; amome, un gros, que vous arroserez avec du vin.

Enfin, prenez alun liquide, huit gros ; amome, myrrhe, lavande, de chacun quatre gros ; broyez-les avec du vin. Paul Eginete, ch. xxxvj. lib. III. (N)

AISSELLE, (Jardinage.) se dit encore des tiges qui s'élevent & qui sortent des côtés du maître brin, en se fourchant & se subdivisant en d'autres branches qui sont moindres ; elles produisent à leur extrémité des boutons foibles qu'il faut retrancher, afin de laisser toute la seve au maître brin qui en devient plus beau ; coupez ces branches avec l'ongle, ou aux ciseaux, au-dessous du fourchon, sans l'écarter. (K)

AISSELLE DES PLANTES, ala, s. f. (Hist. nat. bot.) c'est le petit espace creux qui se trouve à la jonction des feuilles ou des rameaux avec la branche ou la tige ; il en sort de nouvelles poussées, & quelquefois des fleurs. Dans ce cas, on dit que les fleurs naissent dans les aisselles des feuilles. (I)


AISSESVoyez ESSES.


AISSIEUd'ancre, Voyez JAS. Voyez aussi ESSIEU.


AITacte, expression de Palais, est une ordonnance qui se met au bas des requêtes présentées par les parties, lorsqu'elles demandent acte de l'emploi qu'elles font d'icelles pour quelques écritures. Par exemple, dans une requête d'emploi pour griefs, l'appellant demande acte que pour griefs, il emploie la présente requête, & le rapporteur met au bas d'icelle, ait acte & soit signifié. (H)


AITMATnom que les Arabes donnent à l'antimoine.


AIUS-LOCUTIUSdieu de la parole, que les Romains honoroient sous ce nom extraordinaire : mais comme il faut savoir se taire, ils avoient aussi le dieu du silence. Lorsque les Gaulois furent sur le point d'entrer en Italie, on entendit sortir du bois de Vesta une voix qui crioit : si vous ne relevez les murs de la ville, elle sera prise. On négligea cet avis, les Gaulois arriverent, & Rome fut prise. Après leur retraite on se rappella l'oracle, & on lui éleva un autel sous le nom dont nous parlons. Il eut ensuite un temple à Rome, dans l'endroit même où il s'étoit fait entendre la premiere fois. Cicéron dit au deuxieme livre de la Divination, que quand ce dieu n'étoit connu de personne, il parloit : mais qu'il s'étoit tu depuis qu'il avoit un temple & des autels, & que le dieu de la parole étoit devenu muet aussi-tôt qu'il avoit été adoré. Il est difficile d'accorder la vénération singuliere que les payens avoient pour leurs dieux, avec la patience qu'ils ont eue pour les discours de certains philosophes : ces Chrétiens qu'ils ont tant persécutés, disoient-ils rien de plus fort que ce qu'on lit dans Cicéron ? Les livres de la Divination ne sont que des traités d'irreligion. Mais quelle impression devoient faire sur les peuples, ces morceaux d'éloquence où les dieux sont pris à témoin, & sont invoqués ; où leurs menaces sont rappellées, en un mot, où leur existence est supposée ; quand ces morceaux étoient prononcés par des gens dont on avoit une foule d'écrits philosophiques, où les dieux & la religion étoient traités de fables ! Ne trouveroit-on pas la solution de toutes ces difficultés dans la rareté des manuscrits du tems des anciens ? Alors le peuple ne lisoit guere : il entendoit les discours de ses orateurs, & ces discours étoient toûjours remplis de piété envers les dieux : mais il ignoroit ce que l'orateur en pensoit & en écrivoit dans son cabinet ; ces ouvrages n'étoient qu'à l'usage de ses amis. Dans l'impossibilité où l'on sera toûjours d'empêcher les hommes de penser & d'écrire, ne seroit-il pas à desirer qu'il en fût parmi nous comme chez les anciens ? Les productions de l'incrédulité ne sont à craindre que pour le peuple & que pour la foi des simples. Ceux qui pensent bien savent à quoi s'en tenir ; & ce ne sera pas une brochure qui les écartera d'un sentier qu'ils ont choisi avec examen, & qu'ils suivent par goût. Ce ne sont pas de petits raisonnemens absurdes qui persuadent à un philosophe d'abandonner son Dieu : l'impiété n'est donc à craindre que pour ceux qui se laissent conduire. Mais un moyen d'accorder le respect que l'on doit à la croyance d'un peuple, & au culte national, avec la liberté de penser, qui est si fort à souhaiter pour la découverte de la vérité, & avec la tranquillité publique, sans laquelle il n'y a point de bonheur ni pour le philosophe, ni pour le peuple ; ce seroit de défendre tout écrit contre le gouvernement & la religion en langue vulgaire ; de laisser oublier ceux qui écriroient dans une langue savante, & d'en poursuivre les seuls traducteurs. Il me semble qu'en s'y prenant ainsi, les absurdités écrites par les auteurs, ne feroient de mal à personne. Au reste, la liberté qu'on obtiendroit par ce moyen, est la plus grande, à mon avis, qu'on puisse accorder dans une société bien policée. Ainsi par-tout où l'on n'en joüira pas jusqu'à ce point-là, on n'en sera peut-être pas moins bien gouverné ; mais à coup sûr il y aura un vice dans le gouvernement par-tout où cette liberté sera plus étendue. C'est-là, je crois, le cas des Anglois & des Hollandois : il semble qu'on pense dans ces contrées, qu'on ne soit pas libre, si l'on ne peut être impunément effréné.


AIX(Géogr.) ville de France en Provence, dont elle est la capitale, près de la petite riviere d'Arc. Long. 23d 6' 34". lat. 43d 31' 35".

* AIX, (Géogr.) ville de Savoie sur le lac de Bourget. Long. 23. 34. lat. 45. 40.

* AIX, (Géog.) petite ville de France dans le Limosin, sur les confins de la Marche.

* AIX-LA-CHAPELLE, (Géog.) ville d'Allemagne dans le cercle de Westphalie, au duché de Juliers. Long. 23. 55. lat. 51. 55.


AIZOONplante aquatique qui ressemble à l'aloës ordinaire, sinon qu'elle a la feuille plus petite & épineuse par le bord ; il s'éleve du milieu des especes de tuyaux ou gaines disposées en pattes d'écrevisse, qui s'ouvrent & laissent paroître des fleurs blanches à trois feuilles, qui ont en leur milieu de petits poils jaunes. Sa racine est fibreuse, longue, ronde, blanche, semblable à des vers. Elle croît dans les marais : elle contient beaucoup d'huile & de phlegme, peu de sel. Elle rafraîchit & épaissit les humeurs. On s'en sert en application extérieure.


AJACCIO(Géog.) Voyez ADIAZZO.


AJAN(Géog.) nom général de la côte orientale d'Afrique, depuis Magadoxo jusqu'au cap Guardafui, sur la pointe du détroit de Babelmandel.


AJAXTIESfêtes qu'on célébroit à Salamine en l'honneur d'Ajax, fils de Telamon. C'est tout ce qu'on en sait.


AJOURÉadj. terme de Blason ; il se prend pour une couverture du chef, de quelque forme qu'elle soit, ronde, quarrée, en croissant, &c. pourvû qu'elle touche le bout de l'écu. Il se dit encore des jours d'une tour & d'une maison, quand ils sont d'autre couleur.

Viry en Bourgogne, de sable à la croix anchrée d'argent, ajourée en coeur, en quarré, c'est-à-dire ouverte au milieu : ce sont des croix de fer de moulin. (V)


AJOURNEMENTvoyez ADJOURNEMENT.


AJOUTÉou ACQUISE, adj. pris subst. c'est, dans la Musique des Grecs, la corde ou le son qu'ils appelloient proslambanomenos. Voyez ce mot.

Sixte ajoûtée, voyez SIXTE. (S)


AJOUTERAUGMENTER. On ajoûte une chose à une autre : ou augmente la même. Ajoûter laisse une perception distincte des choses ajoûtées : lorsque j'ai ajoûté une somme connue à une autre somme connue, j'en vois deux. Augmenter ne laisse pas cette perception ; on n'a que l'idée du tout, lorsqu'on augmente l'eau contenue dans un bassin. Aussi M. l'abbé Girard a-t-il dit très-heureusement, Syn. franç. bien des gens ne font point scrupule, pour augmenter leur bien, d'y ajoûter celui d'autrui. Ajoûter est toûjours actif ; augmenter est quelquefois neutre. Notre ambition augmente avec notre fortune ; à peine avons-nous une dignité, que nous pensons à y en ajoûter une autre. Voyez Syn. franç. L'addition est de parties connues & déterminées ; l'augmentation, de parties indéterminées.


AJOUXS. m. se dit, parmi les Tireurs d'or, de deux lames de fer entre lesquelles sont retenues les filieres & les précatons. Voyez FILIERES & PRECATONS.


AJUBATIPITA* AJUBATIPITA Brasiliensium, nom d’un arbrisseau du Brésil qui a cinq ou six palmes de haut, & dont le fruit est semblable à l’amande, excepté qu’il est noir. On en tire une huile de la même couleur, dont les sauvages se servent pour fortifier les articulations.


AJUDANTsubst. m. terme dont on se sert dans quelques pays étrangers, pour signifier ce que nous appellons aide-de-camp. Voyez AIDE-DE-CAMP. (Z)


AJUSTEvoyez AVUSTE.


AJUSTEMENTS. m. se dit en général de tout ce qui orne le corps humain en le couvrant ; il s'en tend en Peinture, non-seulement des draperies ou vêtemens de mode & de fantaisie, mais encore de la façon d'orner les figures, soit en les ceignant de chaînes d'or, ou d'autres riches ceintures, soit en les habillant de légeres étoffes, en les coëffant de diadèmes de belle forme, ou de voiles singulierement liés avec des rubans, en relevant leurs cheveux, ou les laissant pendre galamment ; enfin en les ornant de colliers, de brasselets, &c. (R)


AJUSTERvoyez AVUSTER.


AJUSTEURSà la Monnoie, ne peuvent, non-plus que les Monnoyeurs, être reçûs s'ils ne sont d'estoc & ligne. Leur fonction est de donner aux flancs le poids qu'ils doivent avoir ; leur droit, de deux sols pour l'or, un sol pour l'argent & le billon, lequel droit ils partagent entr'eux.


AJUSTOIRES. m. à la Monnoie, est une balance qui sert aux ajusteurs à déterminer si le flanc à monnoyer est du poids fixé, s'il est fort ou foible : les flancs qui sont d'un poids au-dessous sont cisaillés pour ensuite être remis à la fonte ; ceux qui sont trop forts sont limés & diminués par leur surface avec une écoüanne. Voyez FLANC, CISAILLER, ECOUANE.


AJUTAGou AJOUTOIR, s. m. (Fontainier.) Les ajutages ou ajoutoirs sont des cylindres de fer-blanc ou de cuivre percés de plusieurs façons, lesquels se vissent sur leur écrou que l'on soude au bout d'un tuyau montant appellé souche.

Il y a deux sortes d'ajutages, les simples & les composés ; les simples sont ordinairement élevés en cone, & percés d'un seul trou.

Les composés sont applatis en-dessus, & percés sur la platine de plusieurs trous, de fentes ou d'un faisceau de tuyaux qui forment des gerbes & des girandoles.

Parmi les ajutages composés, il y en a dont le milieu de la superficie est tout rempli, & qui ne sont couverts que d'une zone qui les entoure : on les appelle ajoutoirs à l'épargne, parce qu'on prétend qu'ils dépensent moins d'eau, & que le jet en paroît plus gros. On fait prendre aux ajoutoirs plusieurs figures, comme de gerbes, de pluies, d'évantails, soleils, girandoles, bouillons. Voyez PLUIES, EVANTAILS, GIRANDOLES, BOUILLONS, SOUCHE. (K)

Il s'ensuit de ce qui précede, que c'est la différence des ajutages qui met de la différence dans les jets. Ainsi le même tuyau d'eau peut fournir autant de jets différens qu'on y place de différens ajutages.

Si on veut savoir quels ajutages sont les meilleurs, Mariotte assûre, conformément à l'expérience, qu'un trou rond, égal & poli, à l'extrémité d'un tube, donne un jet plus élevé que ne feroit un ajutage cylindrique, ou même conique ; mais que des deux derniers le conique est le meilleur. Voyez Traité du mouvement des Eaux, part. IV. Philosoph. Transact. n°. 181. p. 121. Voyez aussi dans les oeuvres de M. Mariotte le Traité intitulé, Regles pour les Jets-d'eau, qui est séparé de son Traité du mouvement des Eaux, & dans lequel on trouve toutes les tables pour les dépenses d'eaux par différens ajutages, pour les ajutages répondans aux différens réservoirs, &c. Voici une des tables qu'il nous donne sur cela.

Tables des dépenses d'eau pendant une minute par différens ajutages ronds, l'eau du réservoir étant à 12 piés de hauteur.

Si on divise ces nombres par 14, le quotient donnera les pouces d'eau : ainsi 126 divisés par 14 font 9 pouces, &c. (O)


AJUTANou ADJUTANT & AJUTANT CANONNIER ; c'est-à-dire, en terme de Marine, aide-pilote & aide-canonnier. On se sert rarement de ce terme, & l'on préfere celui d'aide. (Z)


AKISSAou AK-HISSAR, (Géog.) ville d'Asie dans la Natolie, sur la riviere Hermus. Long. 46. lat. 38. 50.


AKONDS. m. (Hist. mod.) terme de relations, officier de justice en Perse qui juge des causes des veuves & des orphelins, des contrats & autres affaires civiles. Il est le grand maître de l'école de Droit, & c'est lui qui en fait leçon aux officiers subalternes. Il a des députés dans toutes les cours du royaume ; & ce sont ces députés, assistés d'un sadra, qui font tous les contrats. (G)


ALparticule qui signifie dans la grammaire arabe le ou la. Elle s'emploie souvent au commencement d'un nom pour marquer l'excellence. Mais les Orientaux disant les montagnes de Dieu pour désigner des montagnes d'une hauteur extraordinaire, il pourroit se faire que al fût employé par les Arabes dans le même sens ; car en Arabe Alla signifie Dieu : ainsi Alchimie, ce seroit la Chimie de Dieu, ou la Chimie par excellence. Nous avons donné la signification de cette particule, parce qu'elle entre dans la composition de plusieurs noms françois. Quant à l'étymologie des mots Alchimie, Algebre, & autres dont nous venons de parler, nous n'y sommes nullement attachés. Quoique nous ne méprisions pas la science étymologique, nous la mettons fort au-dessous de cette partie de la Grammaire, qui consiste à marquer les différences délicates des mots, qui dans l'usage commun, & sur-tout en Poésie, sont pris pour synonymes, mais qui ne le sont pas. C'est sur cette partie que feu M. l'abbé Girard a donné un excellent essai. Nous avons fait usage de son livre par-tout où nous en avons eu occasion, & nous avons tâché d'y suppléer par nous-mêmes en plusieurs endroits où M. l'abbé Girard nous a manqué. La continuation de son ouvrage seroit bien digne de quelque membre de l'Académie Françoise. Il reste beaucoup à faire encore de ce côté, comme nous le montrerons à l'article SYNONYME. On n'aura un excellent dictionnaire de langue, que quand la métaphysique des mots se sera exercée sur tous ceux dont on use indistinctement, & qu'elle en aura fixé les nuances.


ALABARIS. m. (Chimie.) Il y en a qui se sont servi de ce nom pour signifier le plomb. V. PLOMB, SATURNE, AABAM, ACCIB. (M)


ALADULou ALADULIE, (Géog.) province de la Turquie en Asie, entre Amasie & la mer Méditerranée, vers le mont Taurus.


ALAINSnom d'un ancien peuple de Sarmatie d'Europe. Josephe dit qu'ils étoient Scythes. Ptolomée les place au-delà du mont Imaüs. Selon Claudien, ils occupoient depuis le mont Caucase jusqu'aux portes Caspiennes. Ammien Marcellin les confond avec les Massagetes. M. Herbelot les fait venir d'Alan, ville du Turquestan ; & le P. Lobineau les établit en Bretagne.


ALAISoiseau de proie qui vient d'Orient ou du Pérou, & qui vole bien la perdrix. On en entretient dans la fauconnerie du Roi. On les appelle aussi alethes.

ALAIS, (Géog.) ville de France dans le bas Languedoc, sur la riviere de Gardon. Long. 21. 32. lat. 44. 8.


ALAMATOUS. m. prune de l'île de Madagascar. On en distingue de deux sortes : l'une a le goût de nos prunes ; toutes deux ont des pepins : mais celle qu'on nomme alamatou issaïe, & qui a le goût de la figue, est un aliment dont l'excès passe pour dangereux.


ALAMBIou ALEMBIC, s. m. (Chimie.) c'est un vaisseau qui sert à distiller, & qui consiste en un matras ou une curcubite garnie d'un chapiteau presque rond, lequel est terminé par un tuyau oblique par où passent les vapeurs condensées, & qui sont reçûes dans une bouteille ou matras qu'on y a ajusté, & qui s'appelle alors récipient. V. DISTILLATION.

On entend communément par alambic, l'instrument entier qui sert pour la distillation, avec tout ce qui en dépend ; mais dans le sens propre, ce n'est qu'un vaisseau qui est ordinairement de cuivre, auquel est adapté & exactement joint un chapiteau concave, rond, & de même métal, servant à arrêter les vapeurs qui s'élevent, & à les conduire dans son bec.

La chaleur du feu élevant les parties volatiles de la matiere qui est au fond du vaisseau, elles sont reçûes dans le chapiteau, & y sont condensées par la froideur de l'air, ou par le moyen de l'eau qu'on applique extérieurement. Ces vapeurs deviennent ainsi une liqueur qui coule par le bec de l'alambic, & tombe dans un autre vaisseau appellé récipient. Voyez RECIPIENT.

Le chapiteau de l'alambic est quelquefois environné d'un vaisseau plein d'eau froide, & qu'on nomme un réfrigérent, quoique dans cette vûe on se serve aujourd'hui plus communément d'un serpentin. Voy. REFRIGERENT, SERPENTIN, &c.

Il y a différentes sortes d'alambics ; il y en a un où le chapiteau & le matras en cucurbite sont deux pieces séparées ; & un autre où le chapiteau est joint hermétiquement à la cucurbite. &c. Voyez CUCURBITE, MATRAS, RECIPIENT. (M)

* Voyez Planche III. de Chimie, fig. 1. un alambic de verre, composé d'un matras A & d'un chapiteau B. Fig. 2. un alambic de verre, composé d'une cucurbite A, d'un chapiteau tubulé B, C tube du chapiteau, D bouchon du tube. Fig. 3. un alambic de métal ; d la cucurbite ; e le chapiteau avec son réfrigérent ; f le récipient. Figure 4. alambics au bain-marie, où se font en même tems plusieurs distillations ; i petit fourneau de fer ; l bain-marie ; m ouverture par laquelle on met de l'eau dans le bain-marie à mesure qu'elle s'y consume ; n n n chapiteaux des alambics, o o o récipiens. Fig. 5. alambic au bain de sable ou de cendre ; a porte du cendrier ; b porte du foyer ; c capsule de la cucurbite ; d le sable ; e chapiteau de l'alambic.


A LA MORTCHIENS, (cri de chasse.) on parle ainsi à un chien lorsque le cerf est pris.


ALANS. m. en Venerie, c'est un gros chien de l'espece des dogues.

* ALAN, (Géog.) ville de Perse dans la province d'Alan dans le Turquestan.


ALAND(Géog.) île de la mer Baltique, entre la Suede & la Finlande.


ALANGUER(Géog.) ville de Portugal dans l'Estramadoure.


ALANIERS. m. (Jurisprudence.) dans quelques anciennes coûtumes, est le nom qu'on donnoit à des gens qui formoient & élevoient pour la chasse des dogues venus d'Espagne, qu'on nommoit alans. (H)


ALAQUES. f. Voyez PLINTHE ou ORLET.


ALAQUECApierre qui se trouve à Balagate aux Indes, en petits fragmens polis, auxquels on attribue la vertu d'arrêter le sang, quand ils sont appliqués extérieurement.


ALARBESc'est selon Marmol, le nom qu'on donne aux Arabes voleurs établis en Barbarie.


ALARESS. m. (Hist. anc.) selon quelques anciens Auteurs, étoient une espece de milice chez les Romains ; ainsi appellée du mot latin ala, à cause de leur agilité & de leur légereté dans les combats.

Quelques-uns veulent que ç'ait été un peuple de Pannonie : mais d'autres, avec plus d'apparence de raison, ne prennent alares que pour un adjectif ou une épithete qu'on donnoit à la Cavalerie, parce qu'elle étoit toûjours placée aux deux aîles de l'armée ; raison pour laquelle on appelloit un corps de cavalerie ala. Voyez AILE, CAVALERIE, &c. (G)

Muscles ALAIRES, musculi ALARES, en Anatomie. Voyez PTERYGOIDE.


ALARGUERv. n. terme de Marine, qui signifie s'éloigner d'une côte où l'on craint d'échoüer ou de demeurer affalé ; mais il ne signifie pas avancer en mer & prendre le large en sortant d'un port. La chaloupe s'est alarguée du navire. (Z)


ALASTORc'est, selon Claudien, un des quatre chevaux qui tiroient le char de Pluton lorsqu'il enleva Proserpine. Le même Poëte nous apprend que les trois autres s'appelloient Ophneus, Aethon, & Dycteus, noms qui marquent tous quelque chose de sombre & de funeste. On donne encore le nom d'alastor à certains esprits qui ne cherchent qu'à nuire.


ALATERNES. m. en Latin alaternus, arbrisseau dont les fleurs sont d'une seule feuille en forme d'entonnoir, & découpées en étoile à cinq pointes. Le pistil qui sort du fond de ces fleurs devient dans la suite un fruit ou une baie molle, remplie ordinairement de trois semences, qui ont d'un côté une bosse, & de l'autre des angles. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

* On en fait des haies : on le met en buisson dans les plates-bandes des parterres. Si on le veut encaisser, on lui donnera un tiers de terre à potager & un tiers de terreau de couche. On employe ses feuilles en gargarisme dans les inflammations de la bouche & de la gorge.


ALATRI(Géog.) ancienne ville d'Italie, dans la Campagne de Rome. Long. 30. 58. lat. 41. 44.


ALAUou ALT, (Géog.) riviere de la Turquie en Europe ; elle sort des montagnes qui séparent la Moldavie de la Transylvanie, & se jette dans le Danube.


ALAVou ALABA, (Géog.) petite province d'Espagne ; Victoria en est la capitale.


ALBAS. f. (Commerce.) petite monnoie d'Allemagne, en françois demi-piece ; elle vaut huit fenins du pays, & le fenin vaut deux deniers ; ainsi l'alba vaut seize deniers de France. Voyez DENIER.


ALBADARAc'est le nom que les Arabes donnent à l'os sésamoïde de la premiere phalange du gros orteil. Il est environ de la grosseur d'un pois. Les Magiciens lui attribuent des propriétés surprenantes, comme d'être indestructible, soit par l'eau, soit par le feu. C'est là qu'est le germe de l'homme que Dieu doit faire éclorre un jour, quand il lui plaira de le ressusciter. Mais laissons ces contes à ceux qui les aiment, & venons à deux faits qu'on peut lire plus sérieusement. Une jeune femme étoit sujette à de fréquens accès d'une maladie convulsive contre laquelle tous les remedes avoient échoüé. Elle s'adressa à un medecin d'Oxfort qui avoit de la réputation, & qui lui ayant annoncé que le petit os dont il s'agit ici étoit, par sa dislocation, la véritable cause de sa maladie, ne balança pas à lui proposer l'amputation du gros orteil. La malade y consentit & recouvra la santé. Ce fait, dit M. James, a été confirmé par des témoignages, & n'a jamais été révoqué en doute. Mais il y a plus : il dit que lui-même fut appellé en 1737 chez un fermier de Henwood-Hall près de Solihull dans le Warwickshire, & qu'il le trouva assis sur le bord de son lit, où il disoit avoir passé le jour & la nuit qui avoient précédé, sans oser remuer, parce que le moindre mouvement du pié lui donnoit des convulsions. Le fermier ajoûta qu'il y avoit quelques jours qu'il s'étoit blessé au gros orteil de ce pié, que cette blessure lui avoit donné des convulsions, & qu'elles avoient continué depuis. Comme ces symptomes avoient quelque rapport avec ceux de l'épilepsie, M. James l'interrogea, & n'en apprit autre chose sinon qu'il s'étoit toûjours bien porté. Sur cette réponse il lui ordonna des remedes qui furent tous inutiles, & cet homme mourut au bout d'une semaine.


ALBAN(S.) Géog. petite ville de France dans le bas Languedoc, diocèse de Mende.


ALBANIE(Géog.) province de la Turquie Européenne sur le golphe de Venise. Long. 36. 18. 39. 40. lat. 39-43. 30.


ALBANIou BALBANIN, s. m. peuple qui, selon M. d'Herbelot, n'a aucune demeure fixe, subsiste de ses courses sur la Nubie & l'Abyssinie, a une langue qui n'est ni l'Arabe, ni le Cophte, ni l'Abyssin, & se prétend descendu des anciens Grecs qui ont possédé l'Egypte depuis Alexandre.


ALBANO(Géog.) ville d'Italie sur un lac de même nom, dans la Campagne de Rome. Long. 30. 15. lat. 41. 43.

* ALBANO, (Géog.) ville dans la Basilicate au Royaume de Naples.


ALBANOISadj. pris subst. (Théolog.) hérétiques qui troublerent dans le vij. siecle la paix de l'Eglise. Ils renouvellerent la plûpart des erreurs des Manichéens & des autres hérétiques qui avoient vécû depuis plus de trois cens ans. Leur premiere rêverie consistoit à établir deux principes, l'un bon, pere de Jesus-Christ, auteur du bien & du nouveau Testament ; & l'autre mauvais, auteur de l'ancien Testament, qu'ils rejettoient en s'inscrivant en faux contre tout ce qu'Abraham & Moyse ont pû dire. Ils ajoûtoient que le monde est de toute éternité ; que le Fils de Dieu avoit apporté un corps du ciel ; que les Sacremens, à la reserve du Baptême, sont des superstitions inutiles ; que l'homme a la puissance de donner le Saint-Esprit ; que l'Eglise n'a point le pouvoir d'excommunier, & que l'enfer est un conte fait à plaisir. Prateole Gautier, dans sa chron. (G)


ALBANOISEadj. f. c'est, parmi les Fleuristes, une anémone qui seroit toute blanche, sans un peu d'incarnat qu'elle a au fond de ses grandes feuilles & de sa pluche.


ALBANOPOLI(Géog.) ville de la Turquie Européenne dans l'Albanie. Long. 38. 4. lat. 51. 48.


ALBANS(Géog.) ville d'Angleterre. Long. 17. 10. lat. 51. 40.


ALBARAZIN(Géog.) ville d'Espagne au Royaume d'Aragon, sur le Guadalabiar. Long. 16. 12. lat. 40. 32.


ALBARIUM OPUSterme d'Architecture. V. STUC.


ALBASTR(on prononce l'S) ou ALABASTRA, s. f. ancienne ville d'Egypte du côté de l'Arabie & dans la partie orientale de ce royaume. Les habitans sont appellés dans S. Epiphane, Alabastrides.


ALBASTRES. m. Alabastrum (Hist. nat.) matiere calcinable moins dure que le marbre. Elle a différentes couleurs : on en voit de blanche ou blanchâtre ; elle est le plus souvent d'un blanc sale jaunâtre, ou jaune roussâtre, ou roux ; il y en a de rougeâtre ; on en trouve qui est variée de ces différentes couleurs avec du brun, du gris, &c. On y voit des veines ou bandes que l'on pourroit comparer à celles des pierres fines que l'on appelle onyces. Voyez ONYX. C'est dans ce sens que l'on pourroit dire qu'il y a de l'albâtre onyce, & il s'en trouve avec des taches noires qui sont disposées de façon qu'elles ressemblent à de petites mousses, & qu'elles représentent des bandes de gason ; c'est pourquoi on pourroit l'appeller albâtre herborisé à l'imitation des pierres fines auxquelles on a donné cette dénomination. Voyez DENDRITES. L'albâtre est un peu transparent, & sa transparence est d'autant plus sensible que sa couleur approche le plus du blanc. On le polit, mais on ne peut pas lui donner un poliment aussi beau & aussi vif que celui dont le marbre est susceptible, parce qu'il est plus tendre que le marbre. D'ailleurs lorsque sa surface a été polie, on croiroit qu'elle auroit été frottée avec de la graisse. Cette apparence obscurcit son poliment ; & comme cette matiere est un peu transparente, elle ressemble en quelque façon à de la cire. Sa couleur contribue à le rendre tel ; car on ne voit pas la même chose dans le jade, qui, malgré sa dureté, a aussi un poliment matte & gras. Quoique l'albâtre n'ait pas un beau poli & qu'il soit tendre, on l'a toûjours recherché pour l'employer à différens usages ; on en fait des tables, des cheminées, de petites colonnes, des vases, des statues, &c. On distingue deux sortes d'albâtre, l'oriental & le commun. L'albâtre oriental est celui dont la matiere est la plus fine, la plus nette, & pour ainsi dire la plus pure ; elle est plus dure, ses couleurs sont plus vives ; aussi cet albâtre est-il beaucoup plus recherché & d'un plus grand prix que l'albâtre ordinaire. Celui-ci n'est pas rare : on en trouve en France : on connoît celui des environs de Cluny dans le Mâconnois. Il y en a en Lorraine, en Allemagne, & surtout en Italie aux environs de Rome, & il est encore plus commun qu'on ne le croit. Voyez STALACTITE. (I)

ALBASTRE, (Médecine.) L'albâtre étant calciné & appliqué avec de la poix ou de la résine, amollit & résout les tumeurs skirrheuses, appaise les douleurs de l'estomac, & raffermit les dents & les gencives, selon Dioscoride. (N)


ALBATROSSalbatoça maxima, oiseau aquatique du cap de Bonne-Espérance ; c'est un des plus grands oiseaux de ce genre : il a le corps fort gros & les aîles très-longues lorsqu'elles sont étendues ; il y a près de dix piés de distance entre l'extrémité de l'une des aîles & celle de l'autre. Le premier os de l'aîle est aussi long que le corps de l'oiseau. Le bec est d'une couleur jaunâtre terne ; il a environ six pouces de longueur dans l'oiseau sur lequel cette description a été faite ; car les oiseaux de cette espece ne sont pas tous de la même grandeur : il y en a de beaucoup plus petits que celui dont il s'agit. Les narines sont fort apparentes ; le bec est un peu resserré par les côtés à l'extrémité qui tient à la tête, & il est encore plus étroit à l'autre extrémité qui est terminée par une pointe crochue. Le sommet de la tête est d'un brun clair & cendré ; le reste de la tête, le cou, la poitrine, le ventre, les cuisses, le dessous de la queue, & la face interne des aîles, sont de couleur blanche. Le derriere du cou, les côtés du corps sont traversés par des lignes de couleur obscure sur un fond blanc. Le dos est d'un brun sale parsemé de petites lignes & de quelques taches noires ou de couleur plombée. Le croupion est d'un brun clair ; la queue d'une couleur bleuâtre tirant sur le noir. Les aîles sont de la même couleur que la queue, à l'exception des grandes plumes qui sont presque tout-à-fait noires. Les bords supérieurs des aîles sont blancs ; les jambes & les piés sont de couleur de chair. Il n'a que trois doigts qui sont tous dirigés en avant & joints ensemble par une membrane : il y a aussi une portion de membrane sur les côtés extérieurs du doigt interne & de l'externe.

Les albatross sont en grand nombre au cap de Bonne-Espérance. Albin les confond avec d'autres oiseaux que l'on appelle dans les Indes Orientales vaisseaux de guerre. Edwards prétend qu'il se trompe, parce qu'au rapport des voyageurs les vaisseaux de guerre sont des oiseaux beaucoup plus petits que les albatross. Hist. naturelle des oiseaux par Georges Edwards. Voyez OISEAU. (I)


ALBAZARIou ALBARAZIN, s. m. sorte de laine d'Espagne. Voyez LAINE.


ALBAZIN(Géog.) ville de la grande Tartarie. Long. 122. lat. 54.


ALBou ALBETTE, petit poisson de riviere, mieux connu sous le nom d'ablette. V. ABLETTE. (I)

* ALBE, (Géog.) ville d'Italie dans le Montferrat, sur la rive droite du Tanaro. Long. 25. 40. lat. 44. 36.


ALBE-JULIou WEISSEMBOURG, (Géog.) ville de Transylvanie, près des rivieres d'Ompay & de Mérish. Long. 42. lat. 46. 30.


ALBE-LONGUE(Géog.) ancienne ville d'Italie : on en attribue la fondation à Ascagne fils d'Enée, environ 1100 ans avant Jesus-Christ.


ALBE-ROYALou STUL-WEISSEMBOURG, (Géog.) ville de la basse Hongrie sur le Rausiza. Long. 36. lat. 47.


ALBENGUou ALBENGUA, (Géog.) ville d'Italie dans l'état de Genes. Longit. 25. 45. latit. 44. 4.


ALBERGAINEzoophyte, aussi appellé albergame. Voyez ALBERGAME. (I)


ALBERGAMEALBERGAME de mer, s. m. malum insanum, zoophyte que Rondelet a ainsi nommé à cause de sa ressemblance avec l’espece de pommes d’amour longues, auxquelles on a donné le nom d’albergaine à Montpellier. On voit sur l’albergame des apparences de feuilles ou de plumes. C’est en quoi ce zoophyte differe de la grappe de mer : il y a aussi quelque différence dans leur pédicule. Voyez GRAPPE DE MER, ZOOPHYTE. (I)


ALBERGEALBERGIER, s. m. (Jard.) espece de pêcher dont le fruit sont des pêches précoces qui ont une chair jaune, ferme, & se nomment alberges. (K)


ALBERGEMENTS. m. (Jurispr.) en Dauphiné, est la même chose que ce que nous appellons emphytéose ou bail emphytéotique. V. EMPHYTEOSE. (H)


ALBERNUSespece de camelot ou bouracan qui vient du Levant par la voie de Marseille.


ALBERTUSS. m. (Comm.) ancienne monnoie d'or qu'Albert, archiduc d'Autriche, fit frapper en Flandre, à laquelle il donna son nom.

Cette monnoie est au titre de vingt-un carrats 18/32. On la reçoit à la monnoie sur le pié de matiere pour passer à la fonte. Le marc est acheté 690 livres, & il y a 90 carolus au marc ; conséquemment il vaut 8 l. 4 s. 4 d.


ALBI(Géog.) ville de France, capitale de l'Albigeois, dans le haut Languedoc : elle est sur le Tarn. Long. 19. 49. lat. 43. 55. 44.


ALBICANTou CARNÉE, s. f. c'est, chez les Fleuristes, une anémone dont les grandes feuilles sont d'un blanc sale, & la pluche blanche, excepté à son extrémité qui est couleur de rose.


ALBICORES. m. poisson qui a, dit-on, la figure & le goût du maquereau, mais qui est plus grand. On le trouve vers les latitudes méridionales de l'Océan, où il fait la guerre aux poissons volans.


ALBIGEOIadj. pris subst. (Théol.) secte générale composée de plusieurs hérétiques qui s'éleverent dans le xij. siecle, & dont le but principal étoit de détourner les Chrétiens de la réception des sacremens, de renverser l'ordre hiérarchique, & de troubler la discipline de l'Eglise. On les nomma ainsi parce qu'Olivier, un des disciples de Pierre de Valdo, chef des Vaudois ou pauvres de Lyon, répandit le premier leurs erreurs dans Albi, ville du haut Languedoc sur le Tarn, & que cette ville fût comme le centre des Provinces qu'ils infecterent de leurs opinions.

Cette hérésie qui renouvelloit le Manichéisme, l'Arianisme, & d'autres dogmes des anciens sectaires, auxquels elle ajoûtoit diverses erreurs particulieres aux différentes branches de cette secte, avoit pris naissance en Bulgarie. Les Cathares en étoient la tige ; & les Pauliciens d'Arménie l'ayant semée en Allemagne, en Italie & en Provence, Pierre de Bruys & Henri la porterent, dit-on, en Languedoc ; Arnaud de Bresse la fomenta ; ce qui fit donner à ces hérétiques les noms d'Henriciens, de Petrobusiens, d'Arnaudistes, Cathares, Piffres, Patarins, Tisserands, Bons-hommes, Publicains, Passagiens, &c. & à tous ensuite le nom général d'Albigeois.

Ceux-ci étoient proprement des Manichéens. Les erreurs dont les accusent Alanus, moine de Cîteaux, & Pierre, moine de Vaux-Cernay, auteurs contemporains qui écrivirent contr'eux, sont 1°. D'admettre deux principes ou deux créateurs, l'un bon, l'autre méchant : le premier, créateur des choses invisibles & spirituelles ; le second, créateur des corps, & auteur de l'ancien Testament qu'ils rejettoient, admettant le nouveau, & néanmoins rejettant l'utilité des sacremens. 2°. D'admettre deux Christs ; l'un méchant, qui avoit paru sur la terre avec un corps fantastique, comme l'avoient prétendu les Marcionites, & qui n'avoit, disoient-ils, vécu ni n'étoit ressuscité qu'en apparence ; l'autre bon, mais qui n'a point été vû en ce monde. 3°. De nier la résurrection de la chair, & de croire que nos ames sont ou des démons, ou d'autres ames logées dans nos corps en punition des crimes de leur vie passée ; en conséquence ils nioient le purgatoire, la nécessité de la priere pour les morts, & traitoient de fable la créance des Catholiques sur l'enfer. 4°. De condamner tous les sacremens de l'Eglise ; de rejetter le baptême comme inutile ; d'avoir l'Eucharistie en horreur ; de ne pratiquer ni confession ni pénitence ; de croire le mariage défendu : à quoi l'on peut ajoûter leur haine contre les ministres de l'Eglise ; le mépris qu'ils faisoient des images & des reliques. Ils étoient généralement divisés en deux ordres, les parfaits & les croyans. Les parfaits menoient une vie austere, continente, ayant en horreur le mensonge & le jurement. Les croyans, vivant comme le reste des hommes, & souvent même déréglés, s'imaginoient être sauvés par la foi, & par la seule imposition des mains des parfaits.

Cette hérésie fit en peu de tems de si grands progrès dans les provinces méridionales de la France, qu'en 1176 on la condamna dans un concile tenu à Lombez, & au concile général de Latran en 1179. Mais malgré le zele de S. Dominique & des autres inquisiteurs, ces hérétiques multipliés mépriserent les foudres de l'Eglise. La puissance temporelle se joignit à la spirituelle pour les terrasser. On publia contr'eux une croisade en 1210 ; & ce ne fut qu'après dix-huit ans d'une guerre sanglante, qu'abandonnés par les comtes de Toulouse leurs protecteurs, & affoiblis par les victoires de Simon de Montfort, les Albigeois poursuivis dans les tribunaux ecclésiastiques, & livrés au bras séculier, furent entierement détruits, à l'exception de quelques-uns qui se joignirent aux Vaudois des vallées de Piémont, de France & de Savoie. Lorsque les nouveaux réformés parurent, ces hérétiques projetterent de se joindre aux Zuingliens, & s'unirent enfin aux Calvinistes, sous le regne de François I. L'exécution de Cabrieres, & de Mérindol, qu'on peut lire dans notre histoire, acheva de dissiper les restes de cette secte dont on ne connoît plus que le nom. Au reste, quoique les Albigeois se soient joints aux Vaudois, il ne faut pas croire que ceux-ci ayent adopté les opinions des premiers ; les Vaudois n'ayant jamais été Manichéens, comme M. Bossuet l'a démontré dans son Histoire des Variations, liv. XI. Petrus Vall. Cern. Sanderus, Baronius, Spondan. de Marca, Bossuet, Hist. des Variat. Dupin, Biblioth. eccles. siecle xij & xiij. (G)


ALBIONancien nom de la grande Bretagne. Les conjectures que l'on a formées sur l'origine de ce nom nous paroissent si vagues, que quand elles ne seroient pas hors de notre objet, nous n'en rapporterions aucune.

* ALBION la nouvelle, partie de l'Amérique septentrionale, découverte & nommée par Drake en 1578. Elle est voisine du Mexique & de la Floride.


ALBIQUES. f. nom qu'on donne à une espece de craie ou terre blanche qui a quelque ressemblance avec la terre sigillée, & qu'on trouve en plusieurs endroits de France.


ALBLASSER-WAERT(Géog.) pays de la Hollande méridionale, entre la Meuse & le Leck.


ALBOGALERUSS. m. bonnet des Flamines Diales ou des Flamines de Jupiter. Ils le portoient toûjours, & il ne leur étoit permis de le quitter que dans la maison. Il étoit fait, dit Festus, de la peau d'une victime blanche : on y ajustoit une pointe faite d'une branche d'olivier. Celui qu'on voit Plan VII. Hist. anc. est orné de la foudre de Jupiter dont le Flamine diale étoit prêtre.


ALBORAespece de gale ou plûtôt de lepre dont Paracelse donne la description suivante. C'est, dit-il, une complication de trois choses ; des dartres farineuses, du serpigo, & de la lepre.

Lorsque plusieurs maladies dont l'origine est différente viennent à se réunir, il s'en forme une nouvelle à laquelle il faut donner un nom différent. Voici les signes de celle-ci. On a sur le visage des taches semblables au serpigo ; elles se changent en petites pustules de la nature des dartres farineuses : quant à leur terminaison, elle se fait par une évacuation puante par la bouche & le nez. Cette maladie, qu'on ne connoît que par ses signes extérieurs, a aussi son siége à la racine de la langue. Voici le remede que Paracelse propose pour cette maladie qu'il a nommée.

Prenez d'étain, de plomb, d'argent, de chacun une dragme ; d'eau distillée de blancs-d'oeufs demi-pinte : mêlez. Il faut distiller les blancs-d'oeufs après les avoir fait cuire, verser l'eau sur la limaille des métaux, & en laver l'albora. Paracelse, de apostematribus. Voyez DARTRE, SERPIGO, LEPRE.


ALBORNOZS. m. manteau à capuce fait de poil de chevre, & tout d'une piece, à l'usage des Maures, des Turcs, & des chevaliers de Malte, quand ils vont au camp par le mauvais tems.


ALBOUou AULBOURG, arbre mieux connu sous le nom d'ébenier ou de faux ébenier. Voyez EBENIER. (I)


ALBOURG(Géog.) ville de Danemark dans le Nord Jutland. Long. 27. lat. 57.


ALBRANDou ALEBRAN, ou ALEBRENT, nom qu'on donne en Venerie au jeune canard, qui devient au mois d'Octobre canardeau, & en Novembre canard, ou oiseau de riviere.


ALBRENÉadj. terme de Fauconnerie, se dit d'un oiseau de proie qui a perdu entierement ou en partie son plumage. On dit : ce gerfaut est albrené, il faut le baigner.


ALBRENERv. n. veut dire chasser aux albrans : il fait bon albrener.


ALBREou LABRIT, (Géog.) ville de France en Gascogne, au pays d'Albret. Lon. 17. lat. 44. 10.


ALBUGINÉEadj. f. en Anatomie, est la tunique la plus extérieure de l'oeil, appellée autrement conjonctive. Voyez CONJONCTIVE. Ce mot vient du Latin albus, blanc ; la tunique albuginée recouvrant le blanc de l'oeil. Voyez OEIL.

Albuginée est aussi la tunique qui enveloppe immédiatement les testicules. Voyez TESTICULES & SCROTUM (L)


ALBUGou TAIE, est une maladie des yeux où la cornée perd sa couleur naturelle, & devient blanche & opaque.

La taie est la même chose que ce qu'on appelle autrement leucoma, . V. LEUCOMA & TAIE.

ALBUGO ou LEUCOMA, s. m. (Chirurg.) c'est une tache blanche & superficielle qui survient à la cornée transparente par un engorgement des vaisseaux lymphatiques de cette partie. Ce vice empêche la vûe tant qu'il subsiste. Il ne faut pas confondre l'albugo avec les cicatrices de la cornée : les cicatrices sont ordinairement d'un blanc luisant & sans douleur ; ce sont des marques de guérison, & non de maladie. L'albugo est d'un blanc non luisant comme de craie, & est accompagné d'une légere fluxion, d'un peu d'inflammation & de douleur, & d'un petit larmoyement ; il arrive sans qu'aucun ulcere ait précédé : la cicatrice au contraire est la marque d'un ulcere guéri.

L'albugo peut se terminer par un ulcere, & alors après sa guérison il laisse une cicatrice qui ne s'efface point.

Pour guérir l'albugo, il faut prescrire les remedes généraux propres à détourner la fluxion : on fait ensuite usage des remedes particuliers. Les auteurs proposent les remedes acres & volatils pour dissoudre, détacher & nettoyer l'albugo, comme les fiels de brochet, de carpe ou autres poissons ; ou ceux de perdrix, d'oiseaux de proie & autres, dans lesquels on trempe la barbe d'une plume pour en toucher la tache deux fois par jour. M. Me Jean conseille entr'autres remedes le collyre sec avec l'iris, le sucre candi, la myrrhe, de chacun un demi-gros, & quinze grains de vitriol blanc. On s'est souvent servi avec succès d'un mêlange de poudre de tuthie, de sucre candi & de vitriol blanc à parties égales qu'on souffle sur la tache avec un fétu de paille ou un tuyau de plume. (Y)


ALBUMINEUXadj. (Physiol.) suc albumineux, dans l'Oeconomie animale, est une espece d'huile fort fixe, tenace, glaireuse & peu inflammable, qui forme le sang & les lymphes des animaux. Ses proprietés sont assez semblables à celles du blanc-d'oeuf ; c'est ce qui lui a fait donner le nom de suc albumineux. Voyez SUC & HUILE.

L'huile albumineuse a des propriétés fort singulieres, dont il est difficile de découvrir le principe : elle se durcit au feu, & même dans l'eau chaude ; elle ne se laisse point délayer par les liqueurs vineuses, même par l'esprit-de-vin, ni par l'huile de terebenthine, & les autres huiles résineuses fluides ; au contraire ces huiles la durcissent. Elle contient assez de sel tartareux pour être fort susceptible de pourriture, surtout lorsqu'elle est exposée à l'action de l'air : mais elle n'est sujette à aucun mouvement de fermentation remarquable, parce que son sel est plus volatilisé & plus tenacement uni à l'huile que celui des végétaux ; aussi le feu le fait-il facilement dégénérer en sel alkali volatil ; ce qui n'arrive presque pas au sel tartareux des végétaux, sur-tout lorsqu'il n'est encore uni qu'à une huile mucilagineuse. L'indissolubilité, le caractere glaireux, & le défaut d'inflammabilité de cette huile, lui donnent beaucoup de conformité avec l'huile muqueuse ; mais elle en differe par quelques autres propriétés, & sur-tout par le sel qu'elle contient, & dont l'huile muqueuse est entierement ou presqu'entierement privée. Voyez Ess. de Phys. par M. Quesnay. (L)


ALBUNÉEla dixieme des Sibylles. Varron dit qu'elle étoit de Tibur ; c'est aujourd'hui Tivoli. Elle y fut adorée : elle eut une fontaine & un bois consacrés près du fleuve Anis. On dit que sa statue fut trouvée dans le fleuve ; elle étoit représentée tenant un livre à la main.


ALBUQUERQUE(Géogr.) ville d'Espagne, dans l'Estramadure. Long. 11. 40. lat. 38. 52.


ALBURNES. m. Ce fut d'abord le nom d'une montagne de Lucanie, puis celui du dieu de cette montagne. On dut à M. Aemilius Metellus la connoissance de cette nouvelle divinité.


ALBUSS. m. (Comm.) petite monnoie de Cologne, qui vaut deux creuzers, & le creuzers vaut un sol six deniers, & 6/13 de denier ; ainsi l'albus vaut neuf deniers 3/13 de France.


ALCAÇAR CEGUER(Géog.) ville d'Afrique, au royaume de Fez, province d'Habat. Longit. 12. lat. 35.


ALCAÇAR DO SAL(Géog.) ville de Portugal, dans l'Estramadure, sur la riviere de Cadaon. Long. 9. 41. lat. 38. 18.


ALCAÇAR-QUIVIou ALCAZAR-QUIVIR, (Géog.) ville d'Afrique sur la côte de Barbarie, province d'Asgar, royaume de Fez.


ALCADES. m. (Hist. mod.) en Espagne, est un juge ou officier de judicature, qui répond à-peu-près à ce que nous appellons en France un prevôt.

Les Espagnols ont tiré le nom d'alcade, de l'alcaïde des Mores. Voyez ALCAÏDE. (G)


ALCAHESTvoyez ALKAHEST.


ALCAIDou ALCAYDE, sub. m. (Hist. mod.) chez les Mores, en Barbarie, est le gouverneur d'une ville ou d'un château, sous l'autorité du roi de Maroc. Ce mot est composé de la particule al, & du verbe , kad, ou akad, gouverner, régir, administrer.

La jurisdiction de l'alcaïde est souveraine, tant au criminel qu'au civil ; & c'est à lui qu'appartiennent les amendes. (G)


ALCAIQUESadj. (Littérat.) dans la poésie greque & latine, est un nom commun à plusieurs sortes de vers, ainsi appellés du nom d'Alcée, à qui on en attribue l'invention.

La premiere espece d'alcaïques est de vers de cinq piés, dont le premier est un spondée ou un ïambe ; le second un ïambe, le troisieme une syllabe longue, le quatrieme un dactyle, & le cinquieme un dactyle ou un amphimacre, tels que sont ces vers d'Horace :

Omnes | eo | dem | cogimur, | omnium |

Versa | tur ur | na | serius | ocyus |

Sors exitura,

La seconde espece consiste en deux dactyles & deux trochées, tel que celui-ci :

Exili | um imposi | tura | cymbae.

Outre ces deux premieres sortes qu'on appelle alcaïques dactyliques, il y en a une troisieme qui s'appelle simplement alcaïques, dont le premier pié est un épitrite, le second & le troisieme deux choriambes, & le quatrieme un bacche, comme celui-ci :

Cur timet fla | vum tiberim | tangere, cur | olivum ?

L'ode alcaïque consiste en quatre strophes, de quatre vers chacune, dont les deux premiers sont des vers alcaïques de la premiere espece ; le troisieme un ïambe dimetre hypercatalectique, c'est-à-dire de quatre piés & une syllabe longue, tel que celui-ci :

Trans mu | tat in | cer | tos ho | nores |

& le quatrieme est un alcaïque de la seconde espece, tel que le dernier de la strophe suivante :

Non possidentem multa vocaveris

Recte beatum : rectius occupat

Nomen beati, qui deorum

Muneribus sapienter uti, &c. Horat.

Pour peu qu'on ait l'oreille délicate, on sent combien les vers alcaïques, mais sur-tout ceux dont est formée cette strophe, sont harmonieux. Aussi Horace les appelle-t-il les sons mâles & nerveux d'Alcée, minaces Alcaei camaenae. (G)


ALCALA DE HENAREZ(Géog.) ville d’Espagne, dans la nouvelle Castille, sur la riviere de Henarez. Long. 14. 32. lat. 40. 30.


ALCALA LA REALE(Géog.) ville d'Espagne dans l'Andalousie, près de la riviere de Salado. Longit. 14. 30. lat. 37. 18.


ALCALESCENTTE, adj. en Medecine, qui n'est pas tout-à-fait alkali, qui approche de la nature du sel lixiviel. Boerhaave, comm. Pourquoi les choses naturellement acescentes, ou alcalescentes, n'essuyeroient-elles pas dans l'estomac les mêmes dégénérations qu'elles souffrent au-dehors ? (L)


ALCALIvoyez ALKALI.


ALCAMO(Géog.) ville de Sicile, au pié du mont Bonifati. Long. 30. 42. lat. 38. 2.


ALCANAS. m. Le troesne d'Egypte fournit à la teinture un rouge ou un jaune qu'on tire de ses feuilles, selon qu'on employe cette couleur : un jaune, si on la fait tremper dans l'eau ; un rouge, si on la laisse infuser dans du vinaigre, du citron, ou de l'eau d'alun. On extrait des baies de la même plante, une huile d'une odeur très-agréable ; on en fait usage en Medecine.


ALCANNA(Medecine.) alcanna offic. Ligustrum Indicum, seu alcanna Manithondi. Herm. Mus. Zeil. 6. 65. C'est le kenna des Turcs & des Maures ; ses feuilles réduites en poudre jaune, servent de cosmétique aux naturels du pays, qui en font une espece de pâte avec du suc de limon ; les hommes en teignent leur barbe, & les femmes leurs ongles. Elle est bonne pour exciter les regles, & pour les maladies hystériques ; aussi les Orientaux s'en servent-ils pour causer l'avortement, & pour chasser le foetus mort dans la matrice. (N)


ALCANTARA(Géog.) ville d'Espagne dans l'Estramadure, sur le Tage. L. 11. 35. lat. 39. 20. Il y a en Espagne une autre ville nommée Valencia d'Alcantara ; c'est encore le nom d'une contrée de Portugal, à une lieue ou environ au-dessous de Lisbonne.

ALCANTARA, (Ordre d') Hist. mod. ancien ordre militaire, ainsi appellé d'une ville d'Espagne de même nom, dans l'Estramadoure. Voyez CHEVALIER, ORDRE, &c.

En 1212, Alphonse IX. roi de Castille, ayant repris Alcantara sur les Mores, en confia la garde & la défense, d'abord aux chevaliers de Calatrava, & deux ans après aux chevaliers du Poirier, autre ordre militaire institué en 1170 par Gomez Fernand, & approuvé par le pape Alexandre III. sous la regle de S. Benoît. Ce fut à cette occasion qu'ils quitterent leur ancien nom, pour prendre celui de chevaliers d'Alcantara.

Après l'expulsion des Mores & la prise de Grenade, la maîtrise de l'ordre d'Alcantara, & celle de l'ordre de Calatrava, furent unies à la couronne de Castille par Ferdinand & Isabelle. Voyez CALATRAVA.

En 1540, les chevaliers d'Alcantara demanderent la permission de se marier, & elle leur fut accordée. Ils portent la croix verte ou de sinople fleurdelysée, & ont en Espagne plusieurs riches commanderies, dont le roi dispose en qualité de grand-maître de l'ordre. (G)


ALCARAZ(Géogr.) ville d'Espagne dans la Manche, sur la Guardamena. Long. 15. 42. lat. 38. 28.


ALCATHÉESfêtes qu'on célébroit à Micènes en l'honneur d'Alcathoüs fils de Pelops, celui qui soupçonné d'avoir fait assassiner son frere Chrysippe, chercha un asyle à la cour du roi de Megare, dont il épousa la fille, après avoir délivré le pays d'un lion furieux qui le ravageoit. Il succéda à son beau-pere, fut bon souverain, & mérita de l'amour de ses peuples les fêtes annuelles appellées Alcathées.


ALCATRACES. m. petit oiseau que l'on chercheroit envain sur l'Océan des Indes aux environs du seizieme degré de latitude & sur les côtes d'Arabie, où Wicquefort dit qu'il se trouve ; car pour le reconnoître il en faudroit une autre description, & sur cette description peut-être s'appercevroit-on que c'est un oiseau déjà connu sous un autre nom. Nous invitons les voyageurs d'être meilleurs observateurs, s'ils prétendent que l'Histoire naturelle s'enrichisse de leurs observations. Tant qu'ils ne nous rapporteront que des noms, nous n'en serons guere plus avancés.


ALCAVALAdroit de doüanne de cinq pour cent du prix des marchandises, qu'on paye en Espagne & dans l'Amérique espagnole.


ALCÉS. m. animal quadrupede. On ne sait pas bien quel est l'animal auquel ce nom doit appartenir, parce que les descriptions qu'on a faites de l'alcé, sont différentes les unes des autres. Si on consulte les Naturalistes anciens & modernes, on trouvera par rapport à cet animal des faits qui paroissent absolument contraires ; par exemple, qu'il a le poil de diverses couleurs, & qu'il est semblable au chameau dont le poil n'est que d'une seule couleur ; qu'il a des cornes, & qu'il n'en a point ; qu'il n'a point de jointures aux jambes, & qu'il a des jointures, & que c'est ce qui le distingue d'un autre animal appellé machlis ; qu'il a le pié fourchu, & qu'il a le pié solide comme le cheval. Cependant on croit qu'il y a beaucoup d'apparence que l'alcé n'est point différent de l'animal que nous appellons élan, parce que la plûpart des auteurs conviennent que l'alcé est à-peu-près de la taille du cerf ; qu'il a les oreilles & les piés comme le cerf, & qu'il lui ressemble encore par la petitesse de sa queue & par ses cornes ; qu'il est différent du cerf par la couleur & la longueur de son poil, par la petitesse de son cou, & par la roideur de ses jambes. On a remarqué qu'il a la levre supérieure fort grande. Il est certain que tous ces caracteres conviennent à l'élan. On pourroit aussi concilier les contrariétés qui se trouvent dans les descriptions de l'alcé ; car quoique le poil de l'élan ne soit que d'une couleur, cependant cette couleur change dans les différentes saisons de l'année, si l'on en croit les historiens septentrionaux, elle devient plus pâle en été qu'elle ne l'est en hyver. Les élans mâles ont des cornes, les femelles n'en ont point ; & lorsqu'on a dit que l'alcé n'avoit point de jointures, on a peut-être voulu faire entendre seulement, qu'il a les jambes presqu'aussi roides que s'il n'avoit point de jointures ; en effet cet animal a la jambe très-ferme. Mém. de l'acad. royale des Sc. tom. III. part. I. pag. 179. Voyez ELAN. (I)


ALCÉEen latin alcea, s. f. herbe à fleur monopétale en forme de cloche ouverte & découpée ; il y a au milieu de la fleur un tuyau pyramidal, chargé le plus souvent d'étamines, & il sort du calice un pistil qui passe par le fond de la fleur, & qui s'emboîte dans le tuyau. Ce pistil devient dans la suite un fruit applati & arrondi, quelquefois pointu, & enveloppé pour l'ordinaire par le calice. Ce fruit est composé de plusieurs capsules qui tiennent à un axe cannelé, dont chaque cannelure reçoit une capsule qui renferme un fruit fait ordinairement en forme de rein. L'alcée ne differe de la mauve & de la guimauve, qu'en ce que ses feuilles sont découpées. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)


ALCHIMELECou MELILOT EGYPTIEN, plante qui croît & s'étend à terre, petite, serpentant lentement, ne s'élevant presque jamais ; ayant la feuille du treffle, seulement un peu moins grande ; les fleurs petites, en grand nombre, oblongues, placées les unes à côté des autres, de la couleur du safran, & d'une odeur fort douce. Il succede à ces fleurs des gousses obliques, qui contiennent une très-petite semence ronde, d'un rouge noirâtre, d'une saveur amere & astringente, & qui n'est pas sans odeur. Ray.


ALCHIMIES. f. est la chimie la plus subtile par laquelle on fait des opérations de Chimie extraordinaires, qui exécutent plus promptement les mêmes choses que la nature est long-tems à produire ; comme lorsqu'avec du mercure & du soufre seulement, on fait en peu d'heures une matiere solide & rouge, qu'on nomme cinabre, & qui est toute semblable au cinabre natif, que la nature met des années & même des siecles à produire.

Les opérations de l'alchimie ont quelque chose d'admirable & de mystérieux ; il faut remarquer que lorsque ces opérations sont devenues plus connues, elles perdent leur merveilleux, & elles sont mises au nombre des opérations de la chimie ordinaire, comme y ont été mises celles du lilium, de la panacée, du kermès, de l'émétique, de la teinture de l'écarlate, &c. & suivant la façon dont sont ordinairement traitées les choses humaines, la chimie use avec ingratitude des avantages qu'elle a reçûs de l'alchimie : l'alchimie est maltraitée dans la plûpart des livres de chimie. Voyez ALCHIMISTES.

Le mot alchimie est composé de la préposition al qui est arabe, & qui exprime sublime ou par excellence, & de chimie, dont nous donnerons la définition en son lieu (voyez CHIMIE) ; de sorte que alchimie, suivant la force du mot, signifie la chimie sublime, la chimie par excellence.

Les antiquaires ne conviennent pas entr'eux de l'origine ni de l'ancienneté de l'alchimie. Si on en croit quelques histoires fabuleuses, elle étoit dès le tems de Noé : il y en a même eu qui ont prétendu qu'Adam savoit de l'alchimie.

Pour ce qui regarde l'antiquité de cette science, on n'en trouve aucune apparence dans les anciens auteurs, soit Medecins, soit Philosophes, soit Poëtes, depuis Homere, jusqu'à quatre cens ans après Jesus-Christ. Le premier auteur qui parle de faire de l'or, est Zozime, qui vivoit vers le commencement du cinquieme siecle. Il a composé en grec un livre sur l'art divin de faire de l'or & de l'argent. C'est un manuscrit qui est à la bibliotheque du Roi. Cet ouvrage donne lieu de juger que lorsqu'il a été écrit, il y avoit déjà long-tems que la Chimie étoit cultivée, puisqu'elle avoit déjà fait ce progrès.

Il n'est point parlé du remede universel, qui est l'objet principal de l'Alchimie, avant Geher, auteur arabe, qui vivoit dans le septieme siecle.

Suidas prétend que si on ne trouve point de monument plus ancien de l'Alchimie, c'est que l'empereur Dioclétien fit brûler tous les livres des anciens Egyptiens, & que c'étoient ces livres qui contenoient les mysteres de l'Alchimie.

Kirker assûre que la théorie de la pierre philosophale est expliquée au long dans la table d'Hermès, & que les anciens Egyptiens n'ignoroient point cet art.

On sait que l'empereur Caligula fit des essais pour tirer de l'or de l'orpiment. Ce fait est rapporté par Pline, Hist. nat. chap. jv. liv. XXXIII. Cette opération n'a pû se faire sans des connoissances de Chimie, supérieures à celles qui suffisent dans la plûpart des arts, & des expériences pour lesquelles on employe le feu.

Au reste le monde est si ancien, & il s'y est fait tant de révolutions, qu'il ne reste point de monumens certains de l'état où étoient les Sciences dans les tems qui ont précédé les vingt derniers siecles : je n'en rapporterai qu'un exemple. La Musique a été portée dans un certain tems chez les Grecs à un haut point de perfection ; elle étoit si fort au-dessus de la nôtre, à en juger par ses effets, que nous avons peine à le comprendre ; & on ne manqueroit pas de le révoquer en doute, si cela n'étoit bien prouvé par l'attention singuliere qu'on sait que le gouvernement des Grecs y donnoit, & par le témoignage de plusieurs auteurs contemporains & dignes de foi. Voyez An ad sanitatem musice, de M. Malouin. A Paris, chez Quillau, rue Galande.

Il se peut aussi que la Chimie ait de même été portée à un si haut point de perfection, qu'elle ait pû faire des choses que nous ne pouvons faire aujourd'hui, & que nous ne comprenons pas comment il seroit possible que l'on exécutât. C'est la Chimie ainsi perfectionnée, qu'on a nommée Alchimie. Cette science, comme toutes les autres, a péri dans certains tems, & il n'en est resté que le nom. Dans la suite, ceux qui ont eu du goût pour l'Alchimie, se sont tout-d'un-coup mis à faire les opérations dans lesquelles la renommée apprend que l'Alchimie réussissoit ; ils ont ainsi cherché l'inconnu sans passer par le connu : ils n'ont point commencé par la Chimie, sans laquelle on ne peut devenir alchimiste que par hasard.

Ce qui s'oppose encore fort au progrès de cette science, c'est que les Chimistes, c'est-à-dire ceux qui travaillent par principes, croyent que l'Alchimie est une science imaginaire à laquelle ils ne doivent pas s'appliquer ; & les Alchimistes au contraire croyent que la Chimie n'est pas la route qu'ils doivent tenir.

La vie d'un homme, un siecle même, n'est pas suffisant pour perfectionner la Chimie ; on peut dire que le tems où a vécu Beker, est celui où a commencé notre Chimie. Elle s'est ensuite perfectionnée du tems de Stahl, & on y a encore bien ajoûté depuis ; cependant elle est vraisemblablement fort éloignée du terme où elle a été autrefois.

Les principaux auteurs d'Alchimie sont Geber, le Moine, Bacon,Ripley, Lulle, Jean le Hollandois, & Isaac le Hollandois, Basile Valentin, Paracelse, Van Zuchten, Sendigovius, &c. (M)


ALCHIMISTES. m. celui qui travaille à l'Alchimie. Voyez ALCHIMIE. Quelques anciens auteurs grecs se sont servis du mot , qui signifie faiseur d'or, pour dire Alchimiste ; & de , l'art de faire de l'or, en parlant de l'Alchimie. On lit dans d'autres livres grecs, , fictor, faiseur, Alchimiste, qui signifie aussi auteur de vers, poëte. En effet, la Chimie & la Poésie ont quelque conformité entr'elles. M. Diderot dit, page 8. du Prospectus de ce Dictionnaire : la Chimie est imitatrice & rivale de la nature ; son objet est presqu'aussi étendu que celui de la nature même : cette partie de la Physique est entre les autres, ce que la Poésie est entre les autres genres de Littérature ; ou elle décompose les êtres, ou elle les revivifie, ou elle les transforme, &c.

On doit distinguer les Alchimistes en vrais, & en faux ou fous. Les Alchimistes vrais sont ceux qui, après avoir travaillé à la Chimie ordinaire en physiciens, poussent plus loin leurs recherches, en travaillant par principes & méthodiquement à des combinaisons curieuses & utiles, par lesquelles on imite les ouvrages de la nature ; ou qui les rendent plus propres à l'usage des hommes, soit en leur donnant une perfection particuliere, soit en y ajoûtant des agrémens qui, quoiqu'artificiels, sont dans certains cas plus beaux que ceux qui viennent de la simple nature dénuée de tout art, pourvû que ces agrémens artificiels soient fondés sur la nature même, & l'imitent dans son beau.

Ceux au contraire qui, sans savoir bien la Chimie ordinaire, ou qui même, sans en avoir de teinture, se jettent dans l'Alchimie sans méthode & sans principes, ne lisant que des livres énigmatiques qu'ils estiment d'autant plus qu'ils les comprennent moins, sont de faux Alchimistes qui perdent leur tems & leur bien, parce que travaillant sans connoissance, ils ne trouvent point ce qu'ils cherchent, & font plus de dépenses que s'ils étoient instruits, parce qu'ils employent souvent des choses inutiles, & qu'ils ne savent pas sauver certaines matieres qu'on peut retirer des opérations manquées.

D'ailleurs ils ont pour les charlatans autant de goût que pour les livres énigmatiques : ils ne se soucient pas d'un bon livre qui parle clairement, mais ne flate point leur cupidité, comme font les livres énigmatiques auxquels on ne comprend rien, & auxquels les gens entêtés du fabuleux, ou du moins du mystérieux, donnent le sens qu'ils veulent y trouver, & qui est plus suivant leur imagination ; aussi ces faux Alchimistes s'ennuyeront aux discours d'un homme instruit de cette science, qui la dévoile, & qui réduit ses opérations à leur juste valeur : ils écouteront plus volontiers des hommes à secrets aussi ignorans qu'eux, mais qui font profession d'exciter leur curiosité.

Il faut dans toute chose, & sur-tout dans celles de cette nature, éviter les extrémités : on doit éviter également d'être superstitieux, ou incrédule. Dire que l'Alchimie n'est qu'une science de visionnaires, & que tous les Alchimistes sont des fous ou des imposteurs, c'est porter un jugement injuste d'une science réelle à laquelle des gens sensés & de probité peuvent s'appliquer : mais aussi il faut se garantir d'une espece de fanatisme dont sont particulierement susceptibles ceux qui s'y livrent sans discernement, sans conseil & sans connoissances préliminaires, en un mot sans principes. Or les principes des sciences sont des choses connues ; on y doit passer du connu à l'inconnu : si en Alchimie, comme dans les autres sciences, on passe du connu à l'inconnu, on pourra en tirer autant & plus d'utilité que de certaines autres sciences ordinaires. (M)


ALCIDOc'est le nom que les Fleuristes donnent à une des especes d'oeillets piquetés. Voyez OEILLET.


ALCISnom sous lequel Minerve étoit adorée chez les Macédoniens.


ALCMAER(Géog.) ville des Provinces-Unies dans le Kennemerland, partie de la Hollande septentrionale. Long. 22. 10. lat. 52. 28.


ALCMANIENadj. (Belles-Lettr.) dans la poésie latine, c'est une sorte de vers composé de deux dactyles & de deux trochées, comme celui-ci :

Virgini | bus pue | risque | canto. Horat.

Ce nom vient d'Alcman, ancien poëte grec, estimé pour ses poésies lyriques & galantes, dans lesquelles il employoit fréquemment cette mesure de vers. (G)


ALCOHOLvoyez ALKOOL.


ALCORAou AL-CORAN, s. m. (Théol.) c'est le livre de la loi mahométane, ou le livre des révélations prétendues & de la doctrine du faux prophete Mahomet. Voyez MAHOMETISME.

Le mot alcoran est Arabe, & signifie à la lettre livre ou collection, & la premiere de ces deux interprétations est la meilleure ; Mahomet ayant voulu qu'on appellât son alcoran le livre par excellence, à l'imitation des Juifs & des Chrétiens, qui nomment l'ancien & le nouveau Testament l'Ecriture, , les livres, . Voyez LIVRE & BIBLE.

Les Musulmans appellent aussi l'alcoran, , alforkan, du verbe , pharaka, diviser ou distinguer, soit parce que ce livre marque la distinction entre ce qui est vrai ou faux, licite ou illicite ; soit parce qu'il contient des divisions ou chapitres, ce qui est encore une imitation des Hébreux, qui donnent à différens livres le même nom de , perakim, c'est-à-dire titres ou chapitres, comme , chapitres des Peres ; , chapitres du R. Eliezer. Enfin ils nomment encore leur alcoran alzeehr, avertissement ou souvenir, pour marquer que c'est un moyen d'entretenir les esprits des Croyans dans la connoissance de la loi, & de les y rappeller. Dans toutes les fausses religions, le mensonge a affecté de se donner les traits de la vérité.

L'opinion commune parmi nous sur l'origine de l'alcoran, est que Mahomet le composa avec le secours de Batyras, hérétique Jacobite ; de Sergius, moine Nestorien, & de quelques Juifs. M. d'Herbelot, dans sa Bibliotheque orientale, conjecture qu'après que les hérésies de Nestorius & d'Eutychès eurent été condamnées par des conciles oecuméniques, plusieurs évêques, prêtres, religieux & autres s'étant retirés dans les deserts de l'Arabie & de l'Egypte, fournirent à cet imposteur des passages défigurés de l'Ecriture Sainte, & des dogmes mal conçus & mal réfléchis, qui s'altérerent encore en passant par son imagination : ce qu'il est aisé de reconnoître par les dogmes de ces anciens hérétiques, dispersés dans l'alcoran. Les Juifs répandus dans l'Arabie n'y contribuerent pas moins ; aussi se vantent-ils que douze de leurs principaux docteurs en ont été les auteurs. Quoiqu'on n'ait pas de certitude entiere sur le premier de ces sentimens, il paroît néanmoins plus probable que le second ; car comme il s'agissoit en donnant l'alcoran de tromper tout un peuple, le secret & le silence, quelque grossiers que pûssent être les Arabes, n'étoient-ils pas les voies les plus sûres pour accréditer la fraude ? & n'étoit-il pas à craindre que dans la multitude il ne se rencontrât quelques esprits assez éclairés pour ne regarder pas comme inspiré, un ouvrage auquel tant de mains auroient eu part ?

Mais les Musulmans croyent comme un article de foi, que leur prophete, qu'ils disent avoir été un homme simple & sans lettres, n'a rien mis du sien dans ce livre ; qu'il l'a reçû de Dieu par le ministere de l'ange Gabriel, écrit sur un parchemin fait de la peau du bélier qu'Abraham immola à la place de son fils Isaac, & qu'il ne lui fut communiqué que successivement verset à verset en différens tems & en différens lieux pendant le cours de vingt-trois ans. C'est à la faveur de ces interruptions qu'ils prétendent justifier la confusion qui regne dans tout l'ouvrage ; confusion qu'il est si impossible d'éclaircir, que leurs plus habiles docteurs y ont travaillé vainement : car Mahomet, ou si l'on veut son copiste, ayant ramassé pêle-mêle toutes ces prétendues révélations, il n'a plus été possible de retrouver dans quel ordre elles ont été envoyées du ciel.

Ces vingt-trois ans que l'Ange a employés à apporter l'alcoran à Mahomet, sont, comme on voit, une merveilleuse ressource pour ses sectateurs : parlà ils sauvent une infinité de contradictions palpables qui se rencontrent dans leur loi. Ils les rejettent pieusement sur Dieu même, & disent que pendant ce long espace de tems il corrigea & réforma plusieurs des dogmes & des préceptes qu'il avoit précédemment envoyés à son prophete.

Quant à ce que contient l'alcoran, ce que nous en allons dire, avec ce qu'on trouvera au mot MAHOMETISME, suffira pour donner une idée juste & complete de la religion mahométane.

On peut rapporter en général toute sa doctrine aux points historiques & dogmatiques : les premiers avec quelques traces de vérité, sont mêlés d'une infinité de fables & d'absurdités. Par exemple, on y lit qu'après le châtiment de la premiere posterité des enfans d'Adam, qu'on y nomme le plus ancien des prophetes, Noé avoit réparé ce que les premiers avoient perdu ; qu'Abraham avoit succédé à ce second, Joseph au troisieme ; qu'un miracle avoit produit & conservé Moyse ; qu'enfin saint Jean étoit venu prêcher l'Evangile ; que Jesus-Christ, conçû sans corruption dans le sein d'une Vierge exemte des tentations du démon, créé du souffle de Dieu, & animé de son saint Esprit, étoit venu l'établir, & que Mahomet l'avoit confirmé. En donnant ces éloges au Sauveur du monde, que ce livre appelle le verbe, la vertu, l'ame & la force de Dieu, il nie pourtant sa génération éternelle & sa divinité, & mêle des fables extravagantes aux vérités saintes de notre Religion ; & rien n'est plus ordinaire que d'y trouver à côté d'une chose sensée, les imaginations les plus ridicules.

Quant au dogme, les peines & les récompenses de la vie future étant un motif très-puissant pour animer ou retenir les hommes, & Mahomet ayant affaire à un peuple fort adonné aux plaisirs des sens, il a cru devoir borner la félicité éternelle à une facilité sans bornes de contenter leurs desirs à cet égard ; & les châtimens, principalement à la privation de ces plaisirs, accompagnée pourtant de quelques châtimens terribles, moins par leur durée que par leur rigueur.

En conséquence il enseigne dans l'alcoran qu'il y a sept paradis ; & le livre d'Azar ajoûte que Mahomet les vit tous, monté sur l'alborak, animal de taille moyenne, entre celle de l'âne & celle du mulet : que le premier est d'argent fin ; le second d'or ; le troisieme de pierres précieuses, où se trouve un ange, d'une main duquel à l'autre il y a soixante & dix mille journées, avec un livre qu'il lit toûjours ; le quatrieme est d'émeraudes ; le cinquieme de crystal ; le sixieme de couleur de feu ; & le septieme est un jardin délicieux arrosé de fontaines & de rivieres de lait, de miel & de vin, avec divers arbres toûjours verds, dont les pepins se changent en des filles si belles & si douces, que si l'une d'elles avoit craché dans la mer, l'eau n'en auroit plus d'amertume. Il ajoûte que ce paradis est gardé par des anges, dont les uns ont la tête d'une vache, qui porte des cornes, lesquelles ont quarante mille noeuds, & comprennent quarante journées de chemin d'un noeud à l'autre. Les autres anges ont 70000 bouches, chaque bouche 70000 langues, & chaque langue loue Dieu 70000 fois le jour en 70000 sortes d'idiomes différens. Devant le throne de Dieu sont quatorze cierges allumés qui contiennent cinquante journées de chemin d'un bout à l'autre. Tous les appartemens de ces cieux imaginaires seront ornés de ce qu'on peut concevoir de plus brillant ; les croyans y seront servis des mets les plus rares & les plus délicieux, & épouseront des houris ou jeunes filles, qui, malgré le commerce continuel que les Musulmans auront avec elles, seront toujours vierges. Par où l'on voit que Mahomet fait consister toute la béatitude de ses prédestinés dans les voluptés des sens.

L'enfer consiste dans des peines qui finiront un jour par la bonté de Mahomet, qui lavera les réprouvés dans une fontaine, & les admettra à un festin composé des restes de celui qu'il aura fait aux bienheureux. Il admet aussi un jugement après la mort, & une espece de purgatoire, c'est-à-dire, des peines dans le tombeau & dans le sein de la terre, pour les corps de ceux qui n'auront pas parfaitement accompli sa loi. Voyez MUNKIR & NEKIR.

Les deux points fondamentaux de l'alcoran suffiroient pour en démontrer la fausseté : le premier est la prédestination, qui consiste à croire que tout ce qui arrive est tellement déterminé dans les idées éternelles, que rien n'est capable d'en empêcher les effets ; & l'on sait à quel point les Musulmans sont infatués de cette opinion. Le second est que la religion mahométane doit être établie sans miracle, sans dispute, sans contradiction ; de sorte que tous ceux qui y répugnent doivent être mis à mort, & que les Musulmans qui tuent ces incrédules, méritent le paradis : aussi l'histoire fait-elle foi qu'elle s'est encore moins établie & répandue par la séduction, que par la violence & la force des armes.

Il est bon d'observer que l'alcoran, tant que vécut Mahomet, ne fut conservé que sur des feuilles volantes ; & que ce fut Aboubekre son successeur, qui le premier fit de ces feuilles volantes un volume, dont il confia la garde à Hapsha ou Aiicha, veuve de Mahomet, comme l'original auquel on pût avoir recours en cas de dispute ; & comme il y avoit déjà un nombre infini de copies de l'alcoran répandues dans l'Asie, Othman, successeur d'Aboubekre, en fit faire plusieurs conformes à l'original qui étoit entre les mains d'Hapsha, & supprima toutes les autres. Quelques auteurs prétendent que Mohavia, calife de Babylone, ayant fait recueillir les différentes copies de l'alcoran, confia à six docteurs des plus habiles le soin de recueillir tout ce qui étoit véritablement du fondateur de la secte, & fit jetter le reste dans la riviere. Mais malgré l'attention de ces docteurs à établir un seul & même fondement de leur doctrine, ils devinrent néanmoins les chefs de quatre sectes différentes. La premiere & la plus superstitieuse est celle du docteur Melik, suivie par les Maures & par les Arabes. La seconde, qu'on nomme l'Imeniane, conforme à la tradition d'Ali, est suivie par les Persans. Les Turcs ont embrassé celle d'Omar qui est la plus libre ; & celle d'Odman, qu'on regarde comme la plus simple, est adoptée par les Tartares ; quoique tous s'accordent à regarder Mahomet comme le plus grand des prophetes.

Les principales différences qui soient survenues aux copies faites postérieurement à celle d'Aboubekre, consistent en des points qui n'étoient pas en usage du tems de Mahomet, & qui y ont été ajoûtés par les commentateurs, pour fixer & déterminer la véritable leçon, & cela à l'exemple des Massoretes, qui ont aussi mis de pareils points au texte hébreu de l'Ecriture. Voyez POINT.

Tout l'alcoran est divisé en suras ou chapitres, & les suras sont sousdivisées en petits versets mal cousus & sans suite, qui ressemblent plus à de la prose qu'à de la poésie. La division de l'alcoran en suras est moderne ; le nombre en est fixé à soixante. La plûpart de ces suras ou chapitres ont des titres ridicules, comme de la vache, des fourmis, des mouches, & ne traitent nullement de ce que leurs titres annoncent.

Il y a sept principales éditions de l'alcoran ; deux à Médine, une à la Mecque, la quatrieme à Coufa, une à Balsora, une en Syrie, & l'édition commune. La premiere contient 6000 vers ou lignes ; les autres en contiennent 200 ou 236 de plus : mais pour le nombre des mots ou des lettres, il est le même dans toutes : celui des mots est de 77639, & celui des lettres de 323015.

Le nombre des commentaires de l'alcoran est si immense, que des titres seuls rassemblés on en pourroit faire un très-gros volume. Ben Oschair en a écrit l'histoire intitulée, Tarikh Ben Oschair. Ceux qui ont le plus de vogue sont le Raidhaori Thaalebi, le Zamalch schari, & le Bacai.

Outre l'alcoran, dont les Mahométans font la base de leur croyance, ils ont un livre de traditions appellé la Sonna. Voyez SONNA, TRADITION, MAHOMETISME. Ils ont aussi une théologie positive, fondée sur l'alcoran & sur la sonna, & une scholastique fondée sur la raison. Ils ont leurs casuistes & une espece de droit-canon, où ils distinguent ce qui est de droit divin d'avec ce qui est de droit positif.

On a fait différentes traductions de l'alcoran : nous en avons une en François d'André du Riel, sieur de Maillezais ; & le P. Maracci, professeur en langue arabe dans le collége de Rome, en fit imprimer à Padouë en 1698 une latine, à laquelle il avoit travaillé 40 ans, & qui passe pour la meilleure, tant par rapport à la fidélité à rendre le texte, qu'à cause des notes savantes, & de la réfutation complete des rêveries de l'alcoran, dont il l'a ornée.

Les Mahométans ont un culte extérieur, des cérémonies, des prieres publiques, des mosquées, & des ministres pour s'acquiter des fonctions de leur religion, dont on trouvera les noms & l'explication dans ce Dictionnaire, sous les titres de MOSQUEE, MUPHTI, IMAN, HATIB, SCHEIK, DERVIS, & autres.

ALCORAN, chez les Persans, signifie aussi une espece de tour ou de clocher fort élevé, environné de deux ou trois galeries l'une sur l'autre, d'où les Moravites, espece de prêtres parmi eux, récitent des prieres à haute voix plusieurs fois le jour en faisant le tour de la galerie afin d'être entendus de tous côtés. C'est a peu près la même chose que les Minarets dans les mosquées des Turcs. Voyez MINARET.


ALCOVES. m. (Architect.) c'est la partie d'une chambre où est ordinairement placé le lit, & où il y a quelquefois des siéges ; elle est séparée du reste par une estrade, ou par quelques colonnes ou autres ornemens d'Architecture.

Ce mot nous vient de l'Espagnol alcoba, lequel vient lui-même de l'arabe elcauf, qui signifie simplement un cabinet, un lieu où l'on dort, ou d'elcobat, qui signifie une tente sous laquelle on dort, en latin zeta. On décore les alcoves de plusieurs façons. Voyez NICHE. C'est à l'architecte à marquer la place de l'alcove ; c'est au sculpteur ou au menuisier à l'exécuter. (P)


ALCREBITS. m. (Chimie.) instrument de fer qui garnit une ouverture faite à la partie postérieure du fourneau à fondre les mines ; ce fourneau se nomme castillan. On ne se servoit que de cette espece de fourneau pour la fonte des mines en Espagne, avant la découverte de l'Amérique. L'alcrebit sert à recevoir le canon du soufflet ; desorte que le bout du soufflet ne déborde point dans le fourneau (M)


ALCYONS. m. alcedo, nom que les anciens ont donné à un oiseau : mais ils n'ont pas assez bien décrit cet oiseau, pour que l'on ait pû le reconnoître : ainsi nous ne savons pas précisément quel étoit l'alcyon des anciens. Cependant les modernes ont fait l'application de ce nom. Belon l'a donné à deux especes d'oiseaux que nous appellons en françois martin-pêcheur & rousserolle. Voyez MARTIN-PECHEUR, ROUSSEROLLE. On trouvera dans l'Ornithologie d'Aldrovande, liv. XX. chap. lx. tout ce que cet auteur a pû tirer des anciens, par rapport à leur alcyon. (I)


ALCYONIUMsub. m. substance qui se trouve dans la mer, & que l'on avoit mise presque jusqu'à présent au rang des végétaux, & au nombre des plantes de mer. Les Botanistes ont distingué plusieurs especes d'alcyonium ; on en trouve douze dans les Institutions de M. de Tournefort : mais comme on ne pouvoit reconnoître ni feuilles ni fleurs ni semences dans aucune de ces especes, on ne leur a donné aucun caractere générique. Le degré de consistance, la couleur, la grandeur, & la figure de ces prétendues plantes, servoient de caracteres spécifiques : mais le meilleur moyen de les reconnoître est d'en voir les gravûres dans différens auteurs, comme le conseille M. de Tournefort. On en trouve aussi des descriptions détaillées, Hist. pl. Jo. Bauh. tom. III. liv. XXXIX. Hist. plant. Raii, tom. I. &c. Enfin on a reconnu que ces prétendues plantes doivent être soustraites du regne végétal, & qu'elles appartiennent au regne animal. On est redevable de cette découverte à M. Peyssonel ; il a reconnu que l'alcyonium étoit produit & formé par des insectes de mer qui sont assez ressemblans aux polypes. Cette observation a été confirmée, & elle s'étend à la plûpart des substances que l'on croyoit être des plantes marines. Voyez PLANTES MARINES, POLYPIER. Le mot alcyonium vient d'alcyon, parce qu'on a cru que l'alcyonium avoit quelque rapport avec cet oiseau pour son nid. En effet, il y a des alcyonium qui sont creux & spongieux, & que l'on a bien pû prendre pour des nids d'oiseaux. (I)


ALDBOROUG(Géog.) ville d'Angleterre, dans le comté de Suffolk. Long. 18. lat. 57. 40. Il y a encore une ville de même nom dans la subdivision septentrionale de la province d'Yorck. Long. 17. lat. 57. 9.


ALDEBARAou ALDEBARAN, s. m. (Astron.) mot arabe, nom d'une étoile de la premiere grandeur, dans l'oeil d'un des douze signes ou constellations du Zodiaque, appellé le Taureau ; ce qui fait qu'on l'appelle aussi très-communément l'oeil du Taureau. Voyez TAUREAU. (O)


ALDENBOURGVoyez ALTEMBOURG.


ALDERMANS. m. (Hist. mod.) terme usité en Angleterre, où il signifie un adjoint ou collegue associé au maire ou magistrat civil d'une ville ou cité, afin que la police y soit mieux administrée. Voyez CITE, VILLE, &c.

Il y a des aldermans dans toutes les cités & les villes municipales, qui en composent le conseil commun, & par l'avis desquels se font les reglemens de police. Ils prennent aussi connoissance en quelques occasions de matieres civiles & même criminelles, mais très-rarement.

Leur nombre n'est point le même par-tout ; il y en a plus ou moins, selon les différentes villes : mais il n'y en a nulle part moins de six, ou plus de vingt-six.

C'est de ce corps d'aldermans qu'on tire tous les ans des maire & échevins, qui après leur mairie ou échevinage retournent dans la classe des aldermans, dont ils étoient comme les commissaires. V. MAIRE.

Les vingt-six aldermans de Londres sont supérieurs aux trente-six quarteniers. Voyez QUARTENIER.

Quand un des aldermans vient à mourir, les quarteniers en présentent deux, entre lesquels le lord maire & les aldermans en choisissent un.

Tous les aldermans qui ont été lords-maires, & les trois plus anciens aldermans qui ne l'ont pas été, ont le brevet de juges de paix.

Il y a eu autrefois des aldermans des marchands, des aldermans de l'hôpital, & autres. Il est parlé aussi dans les anciennes archives des Anglois, de l'alderman du roi, qui étoit comme un intendant ou juge de province envoyé par le roi pour rendre la justice. Il étoit joint à l'évêque pour connoître des délits ; de sorte néanmoins que la jurisdiction du premier se renfermoit dans les lois humaines, & celle de l'autre dans les lois divines, & qu'elles ne devoient point empiéter l'une sur l'autre. Voyez SENATEUR.

Les aldermans chez les Anglois-Saxons étoient le second ou troisieme ordre de leur noblesse. Voyez NOBLESSE. Aussi ce mot vient-il du saxon alder, ancien, & man, homme.

Un auteur moderne prétend avec assez de vraisemblance, que chez les anciens Allemands le chef de chaque famille ou tribu se nommoit ealderman, non pas pour signifier qu'il fût le plus vieux, mais parce qu'il représentoit l'aîné des enfans, conformément au gouvernement paternel qui étoit usité dans cette nation.

Comme un village ne consistoit ordinairement qu'en une tribu ou branche de famille, le chef de cette branche ou tribu, qui en cette qualité avoit une sorte de jurisdiction sur le village, s'appelloit l'ealderman du village.

Thomas Eliensis, dans la vie de S. Ethelred, rend alderman par prince ou comte : Egelwinus, qui cognominatus est alderman, quod intelligitur princeps sive comes. Matthieu Paris rend le mot d'alderman par justicier, justiciarius ; & Spelman observe que ce furent les rois de la maison des ducs de Normandie qui substituerent le mot de justicier à celui d'alderman.

Atheling signifioit un noble de la premiere classe ; alderman, un noble de la seconde ; & thane, un simple gentilhomme. Voyez ATHELING & THANE.

Alderman étoit la même chose que ce que nous appellons comte ; & ce fut après le regne d'Athelstane qu'on commença à dire comte au lieu d'alderman. Voyez COMTE.

Alderman, dès le tems du roi Edgar, s'employoit aussi pour signifier un juge ou un justicier. Voyez JUGE & JUSTICIER.

C'est dans ce sens qu'Alwin, fils d'Athelstane, est appellé aldermanus totius Angliae ; ce que Spelman rend par capitalis justiciarius Angliae. (G)


ALEAsurnom de Minerve : il lui fut donné par Aleus, roi d'Arcadie, qui lui bâtit un temple dans la ville de Tegée, capitale de son royaume. On conservoit dans ce temple la peau & les défenses du sanglier Calydon ; & Auguste en enleva la Minerve alea, pour punir les Arcadiens d'avoir suivi le parti d'Antoine.


ALECHARITHS. m. (Chimie.) il y en a qui se servent de ce nom pour signifier le mercure. Voyez MERCURE, VIF-ARGENT. (M)


ALECTOS. f. une des trois furies ; Tisiphone & Megere sont ses soeurs. Elles sont filles de l'Acheron & de la Nuit. Son nom répond à celui de l'Envie. Quelle origine & quelle peinture de l'envie ! Il me semble que pour les peuples & pour les enfans, qu'il faut prendre par l'imagination, cela est plus frappant que de se borner à représenter cette passion comme un grand mal. Dire que l'envie est un mal, c'est presque ne faire entendre autre chose, sinon que l'envieux ressemble à un autre homme : mais quel est l'envieux qui n'ait horreur de lui-même, quand il entendra dire que l'Envie est une des trois Furies, & qu'elle est fille de l'Enfer & de la Nuit ? Cette partie emblématique de la Théologie du Paganisme n'étoit pas toûjours sans quelqu'avantage ; elle étoit toute de l'invention des Poëtes : & quoi de plus capable de rendre aux autres hommes la vertu aimable & le vice odieux, que les peintures charmantes ou terribles de ces imaginations fortes ?


ALECTORIENNEPIERRE ALECTORIENNE, PIERRE DE COQ, gemma alectoria, pierre qui se forme dans l'estomac & dans le foie des coqs & même des chapons. Celles qui se trouvent dans le foie sont les plus grosses, & il y en a eu une qui avoit jusqu'à un pouce & demi de longueur, & qui étoit de figure irréguliere, & de couleur mêlée de brun & de blanc. Celles de l'estomac sont pour la plûpart assez semblables aux semences de lupin pour la figure, & à une féve pour la grandeur ; leur couleur est cendrée, blanchâtre, ou brune claire ; il y en a qui ressemblent à du crystal, mais elles sont plus obscures, & elles ont des filets de couleur rougeâtre. Voyez Agricola, de natura fossilium, Lib. VI. pag. 307. (I)


ALECTRYOMANCIES. f. Divination, qui se faisoit par le moyen d'un coq. Voyez DIVINATION. Ce mot est Grec, composé d’ἀλεκτρυών, un coq, & de μαντεία, divination.

Cet art étoit en usage chez les Grecs, qui le pratiquoient ainsi : on traçoit un cercle sur la terre, & on le partageoit ensuite en vingt-quatre portions ou espaces égaux, dans chacun desquels on figuroit une des lettres de l'alphabet, & sur chaque lettre on mettoit un grain d'orge ou de blé. Cela fait, on plaçoit au milieu du cercle un coq fait à ce manége, on observoit soigneusement les lettres de dessus lesquelles il enlevoit les grains, & de ces lettres rassemblées on faisoit un mot qui formoit la réponse à ce qu'on vouloit savoir.

Ce fut ainsi que quelques devins nommés Fidustius, Irenée, Bergamius, & Hilaire, selon Ammien Marcellin, auxquels Zonaras ajoûte Libanius & Jamblique, chercherent quel devoit être le successeur de l'Empereur Valens. Le coq ayant enlevé les grains qui étoient sur les lettres

, E, O, , ils en conclurent que ce seroit Theodore : mais ce fut Theodose, qui seul échappa aux recherches de Valens ; car ce Prince, informé de l'action de ces devins, fit tuer tous ceux dont les noms commençoient par ces quatre premieres lettres, comme Theodose, Theodore, Théodat, Theodule, &c. aussi-bien que les devins. Hilaire, un de ces derniers, confessa dans son interrogatoire, rapporté par Zonaras & cité par Delrio, qu'ils avoient, à la vérité, recherché quel seroit le successeur de Valens, non par l'alectryomancie, mais par la nécyomancie, autre espece de divination, où l'on employoit un anneau & un bassin. Voyez NECYOMANCIE. Voyez aussi Delrio, Disquisit. magic. Lib. IV. cap. ij. quaest. VII. sect. iij. pag. 564. & 565. (G)


ALÉESa. p. s. (Hist. anc.) fêtes qu'on célébroit en Arcadie en l'honneur de Minerve Alea, ainsi surnommée par Aleus, roi de cette partie de la Grece.


ALEGRANI(Géog.) Voyez ALLEGRANIA.


ALEGRE(Géog.) Voyez ALLEGRE.


ALEGRETTE(Géog.) ville de Portugal dans l'Alentéjo, sur la riviere Caia & les confins de Port-Alegre. Long. 11. 10. lat. 39. 6.


ALEIROou ALERON, s. m. piece du métier d'étoffe en soie. L'aleiron est un liteau d'environ un pouce de large & un peu plus, sur un demi-pouce d'épaisseur, & deux piés ou environ de longueur. Il est percé dans le milieu : on enfile des aleirons dans le carete, plus ou moins, selon le genre d'étoffe qu'on a à travailler. Au moyen des cordes ou ficelles qui passent dans chaque trou pratiqué aux deux extrémités de l'aleiron, & dont les unes répondent aux lisses, & les autres aux calquerons, on fait hausser & relever les lisses à discrétion. L'aleiron dans les bons métiers ne doit pas être coché à ses extrémités, mais percé. Si on passoit les cordes autour des aleirons, elles pourroient frotter les unes contre les autres, & gêner le renvoi des lisses. Voyez soierie, fig. 2. Pl. VIII. Voyez aussi Pl. I. fig. 1. q. & VELOURS ciselé.


ALEMBROTHS. m. (Chim.) est un mot Chaldéen dont se servent les Alchimistes pour signifier clé de l'art, c'est-à-dire, de l'art chimique, Cette clé fait entrer le Chimiste dans la transmutation, & elle ouvre les corps de sorte qu'ils sont propres à former la pierre philosophale. Qui sait ou qui sauroit quelle est cette clé, sauroit le grand oeuvre. Il y en a qui disent que cette clé est le sel du mercure.

Alembroth signifie aussi un sel fondant ; & parce que les sels les plus fondans sont les alkalis, alembroth est un sel alkali qui sert à la fusion des métaux.

Dans ce sens alembroth a été employé pour signifier un sel alkali naturel qui se trouve en Chypre ; & il y a apparence que ce sel est une espece de borax, ou qu'on en pourroit faire du borax. V. BORAX. (M)


ALEMDARS. m. (Hist. mod.) Officier de la Cour du Grand-Seigneur. C'est celui qui porte l'enseigne ou étendard verd de Mahomet lorsque le Sultan se montre en public dans quelque solemnité. Ce mot est composé d'alem, qui signifie étendard, & de dar, avoir, tenir. Ricault, de l'Emp. Ott. (G)


ALENÇON(Géog.) ville de France dans la basse Normandie sur la Sarte, grossie par la Briante. Long. 17. 45. lat. 48. 25.

Le commerce de la Généralité d'Alençon mérite d'être connu. On fait à Alençon des toiles de ce nom : au Pont-audemer & à Bernay, les blancards, qui sont des toiles de lin ; à Bernay, à Lizieux, à Brionne, les brionnes ; à Lizieux, les cretonnes, dont la chaine est chanvre, & la trame est lin ; à Domfront & Vimoutiers, de grosses toiles ; les points de France, appellés velin, à Alençon ; les frocs à Lisieux, à Orbec, à Bernay, à Fervaques, & à Tardoüet ; des serges, des étamines, des crêpons, à Alençon ; des petites serges à Seez ; des serges croisées & des droguets à Verneuil ; des étamines de laine, de laine & soie, & des droguets de fil & laine, à Souance & à Nogent-le-Rotrou ; des serges fortes & des tremieres à Escouche ; des serges, des étamines, & des laineries à Laigle, où l'on fabrique aussi des épingles, de même qu'à Conches. Il y a à Conches quincaillerie & dinandrie ; tanneries à Argentan, Vimoutiers, Conches, & Verneuil ; fabrique de sabots, de bois quarrés, de planches & mairain, engrais de volailles, oeufs & beurre ; salpêtre d'Argentan ; verreries & forges, verreries à Nonant, à Tortissambert & à Thimarais ; forges à Chansegrai, Varennes, Carouges, Rannes, Conches, & la Bonne-ville ; mines abondantes dans le pays d'Houlme, & aux environs de Domfront ; chevaux dans les herbages d'Auge, & bestiaux à l'engrais.


ALENES. f. c'est un outil d'acier dont se servent les Selliers, Bourreliers, Cordonniers, & autres ouvriers qui travaillent le cuir épais, & qui le cousent. L'alene a la pointe très-fine & acérée, & va toûjours en grossissant jusqu'à la soie, ou à l'endroit par où elle est enfoncée dans un manche de bois. On a soin de fabriquer toûjours les alenes courbées en arc, afin de les rendre plus commodes pour travailler, & moins sujettes à blesser l'ouvrier qui s'en sert.

Ce sont les Maîtres Epingliers & Aiguilliers qui font & vendent les alenes : aussi les appelle-t-on quelquefois Aleniers.

Il y a des alenes de plusieurs sortes : les alenes à joindre, sont celles dont les Cordonniers se servent pour coudre les empeignes avec les cartiers ; l'alene à premiere semelle est plus grosse que celle à joindre ; & l'alene à derniere semelle, encore davantage. Voyez les figures de six sortes d'alenes, fig. 22. & suivantes du Cordonnier-Bottier. Ces alenes des Cordonniers sont des especes de poinçons d'acier très-aigus, polis, & courbés de différentes manieres, selon le besoin. Ils sont montés sur un manche de buis. Voyez la fig. 37. qui représente une alene montée. On tient cet outil de la main droite, & on perce avec le fer des trous dans les cuirs pour y passer les fils qu'on veut joindre ensemble. Ces fils sont armés de soie de cochon, qui leur sert de pointe : ils sont au nombre de deux, que l'on passe dans le même trou, l'un d'un sens, & l'autre de l'autre. On serre le point en tirant des deux mains ; savoir de la main gauche, après avoir tourné le fil un tour ou deux sur un cuir qui environne la main, & qu'on appelle manicle. Voyez MANICLE. Son usage est de garantir la main de l'impression du fil : de la main droite on entortille l'autre fil deux ou trois fois autour du collet du manche de l'alene ; ce qui donne le moyen de les tirer tous deux fortement.


ALENTAKI(Géog.) Province de l'Esthonie, sur le Golfe de Finlande.


ALENTÉJO(Géog.) Province de Portugal, située entre le Tage & la Guadiana.


ALEOPHANGINESadj. (en Pharmacie.) Ce sont des pilules qu'on prépare de la maniere suivante.

Prenez de la canelle, des clous de girofle, des petites cardamomes, de la muscade, de la fleur de muscade, du calamus aromatique, carpobalsamum, ou fruit de baume, du jonc odorant, du santal jaune, du galanga, des feuilles de roses rouges, une demi-once de chaque. Réduisez le tout grossierement en poudre ; tirez-en une teinture avec de l'esprit-de-vin dans un vaisseau de terre bien fermé ; vous dissoudrez dans trois pintes de cette teinture du meilleur aloès une livre. Vous y ajoûterez du mastic, de la myrrhe en poudre, une demi-once de chaque ; du safran, deux gros ; du baume du Pérou, un gros : vous donnerez à ce mélange la consistance propre pour des pilules, en faisant évaporer l'humidité superflue, sur des cendres chaudes. Pharmacop. de Londres. (N)


ALEP(Géog.) grande ville de Syrie, en Asie, sur le ruisseau Marsgras ou Coié. Long. 55. lat. 35. 50.

Le commerce d'Alep est le même que d'Alexandrette, qui n'est, à proprement parler, que le port d'Alep. Les pigeons y servent de couriers ; on les instruit à ce voyage, en les transportant d'un de ces endroits dans l'autre, quand ils ont leurs petits. L'ardeur de retrouver leurs petits, les ramene d'Alep à Alexandrette, ou d'Alexandrette à Alep, en trois heures, quoiqu'il y ait vingt à vingt-cinq lieues. La défense d'aller autrement qu'à cheval d'Alexandrette à Alep, a été faite pour empêcher par les frais le matelot de hâter la vente, d'acheter trop cher, & de fixer ainsi le tau des marchandises trop haut. On voit à Alep des marchands François, Anglois, Hollandois, Italiens, Arméniens, Turcs, Arabes, Persans, Indiens, &c. Les marchandises propres pour cette échelle, sont les mêmes que pour Smyrne. Les retours sont en soie, toile de coton, comme amanblucies, anguilis, lizales, toiles de Beby, en Taquis, à Jamis, & indiennes, cotons en laine ou filés, noix de galle, cordoüans, savons, & camelots fort estimés.


ALEPHc'est le nom de la premiere lettre de l'alphabet hébreu, d'où l'on a formé l'alpha des Syriens & des Grecs ; ce nom signifie Chef, Prince, ou mille. On trouve quelques pseaumes & quelques autres ouvrages dans l'Ecriture, qui commencent par aleph, & dont les autres versets continuent par les lettres suivantes de l'alphabet. Il n'y a en cela aucun mystere ; mais ces pieces s'appellent acrostiches, parce que tous les vers qui les composent, commencent par une lettre de l'alphabet, selon l'ordre & l'arrangement qu'elles tiennent entre elles dans l'ordre grammatical. Ainsi dans le pseaume Beati immaculati in viâ, les huit premiers vers commencent par aleph, les huit suivans par beth ; & ainsi des autres. Dans le pseaume 110. Confitebor tibi Domine, in toto corde meo, ce vers commence par aleph ; ce qui suit, in concilio justorum & congregatione, commence par beth ; & ainsi de suite. Dans les lamentations de Jérémie, il y a deux chapitres, dont la premiere strophe seulement commence par aleph, la seconde par beth, & ainsi des autres. Le troisieme chapitre a trois versets de suite qui commencent par aleph ; puis trois autres qui commencent par beth, & les Hébreux ne connoissent point d'autres vers acrostiches que ceux-là. Voyez ACROSTICHE.

Les Juifs se servent aujourd'hui de leurs lettres, pour marquer les chiffres : aleph vaut un ; beth, deux ; ghimel, trois ; & ainsi des autres. Mais on ne voit pas qu'anciennement ces caracteres aient eu le même usage : pour le reste, on peut consulter les grammaires Hébraïques. On en a depuis peu imprimé une en François à Paris chez Colombat, en faveur de ceux qui n'entendent pas le latin : pour les latines, elles sont très-communes. On peut consulter ce que nous dirons ci-après, sous les articles de LANGUES HEBRAIQUES, de GRAMMAIRE, de POINTS VOYELLES, de LETTRES, &c. (G)


ALERIONSS. m. pl. terme de Blason, sorte d'aiglettes qui n'ont ni bec ni jambes. Voyez AIGLETTE. Menage dérive ce mot de aquilario, diminutif d'aquila. Il n'y a pas plus de cent ans qu'on les nomme alérions, & qu'on les représente les ailes étendues sans jambes & sans bec. On les appelloit auparavant simplement, par leur nom aiglettes.

L'alérion représenté ne paroît différent des merlettes, qu'en ce que celles-ci ont les aîles serrées, & sont représentées comme passantes ; au lieu que l'alérion est en pal, & a l'aile étendue ; outre que la merlette a un bec, & que l'alérion n'en a pas. Voyez MERLETTE. (V)


ALERONS. m. (Soierie.) Voyez ALEIRON. On dit aleron dans la manufacture de Paris, & l'on dit aleiron dans celle de Lyon.


ALERTEcri de guerre, par lequel on appelle les soldats à leur devoir.


ALÉSÉadj. (Hydraul.) se dit des parois ou côtés d'un tuyau qui sont bien limés, c'est-à-dire, dont on a abattu tout le rude. (K)

ALESE, terme de Blason ; il se dit de toutes les pieces honorables, comme d'un chef, d'une fasce, d'une bande, qui ne touchent pas les deux bords ou les deux flancs de l'écu. De même, la croix ou le sautoir qui ne touchent pas les bords de leurs quatre extrémités, sont dits alésés. Il porte d'argent à la fasce alésée de gueules.

L'Aubespine, d'azur au sautoir alésé d'or, accompagné de quatre billettes de même. (V)


ALÉSERdans l'Artillerie, c'est nettoyer l'ame d'une piece de canon, l'aggrandir pour lui donner le calibre qu'elle doit avoir. (Q)

ALESER, terme d'Horlogerie, c'est rendre un trou circulaire fort lisse & poli, en y passant un alésoir. Voyez ALESOIR. (T)


ALÉSOIRS. m. en terme de la Fonderie des Canons, est une machine assez nouvellement inventée, qui sert à forer les canons, & à égaliser leur surface intérieure.

L'alésoir est composé d'une forte cage de charpente A B C D (Planche de la Fonderie des canons), établie sur un plancher solide E E, élevé de huit ou dix piés au-dessus du sol de l'attelier. Cette cage contient deux montans à languettes F F, fortement fixés à des pieces de bois G G, qui portent par leurs extrémités sur les traverses qui assemblent les montans de la cage. On appelle ces montans à languettes, coulisses dormantes. Leurs languettes, qui sont des pieces de bois de quatre pouces d'équarrissage, cloüées sur les montans, doivent se regarder & être posées bien d'aplomb & parallelement dans la cage ; leur longueur doit être triple, ou environ, de celle des canons qu'on y veut aléser.

Sur ces coulisses il y en a deux autres à rainure 22, qui s'y ajustent exactement. Ce sont ces dernieres qui portent les moises 3 3 3, entre lesquelles la piece de canon H se trouve prise ; ensorte que les deux coulisses à rainure, les moises & la piece de canon, ne forment plus qu'une seule piece au moyen des gougeons à clavettes ou à vis qui les unissent ensemble ; ensorte que le tout peut couler entre les deux coulisses dormantes par des cordages & poulies mouflées K K K K, attachées au haut de l'alésoir & à la culasse de la piece de canon. Le bout des cordages va se rouler sur un treuil L, aux deux extrémités duquel sont deux roues dentées M M du même nombre de dents. Les tourillons du treuil sont pris dans des collets, pratiqués entre les montans antérieurs de la cage & des dosses 4 4 qui y sont appliquées. Voyez même Planche, fig. 2.

Les deux roues dont nous venons de parler, engrenent chacune dans une lanterne N N d'un même nombre de fuseaux. Ces lanternes sont fixées sur un arbre commun P P, dont les tourillons sont pris de même par des collets, formés par les deux montans de la cage & les dosses 5 qui y sont appliquées. Les parties de cet axe qui excedent la cage, sont des quarrés sur lesquels sont montées deux roues à chevilles O O, au moyen desquelles les ouvriers font tourner les lanternes fixées sur le même axe, & les roues dentées qui y engrenent, & par ce moyen, élever ou baisser les moises, les coulisses à rainures, & la piece de canon qui leur est assujettie par les cordages qui se roulent sur le treuil ou axe des roues dentées M M.

Sur le sol de l'attelier, directement au-dessous des coulisses dormantes, est fixé un bloc de pierre Q solidement maçonné dans le terre-plein. Cette pierre porte une crapaudine de fer ou de cuivre R, qui doit répondre directement à-plomb au-dessous de la ligne parallele aux languettes des coulisses dormantes, & qui sépare l'espace qu'elles laissent entr'elles en deux parties égales. Nous appellerons cette ligne, la ligne de foi de l'alésoir. C'est dans cette ligne qui est àplomb, que l'axe vrai de la piece de canon, dont la bouche regarde la crapaudine, doit se trouver ; ensorte que le prolongement de cet axe, qui doit être parallele aux languettes des coulisses dormantes, passe par cette crapaudine.

Toutes ces choses ainsi disposées, & la machine bien affermie, tant par des contrevents que par des traverses qui unissent les montans à la charpente du comble de l'attelier, on présente le foret à la bouche du canon, s'il a été fondu plein, pour le forer, ou s'il a été fondu avec un noyau, pour faire sortir les matieres qui le composent. Le foret a (fig. 3.) est fait en langue de carpe, c'est-à-dire à deux biseaux ; il est terminé par une boîte d, dans laquelle entre la partie quarrée b de la tige du foret, qui est une forte barre de fer, ronde dans la partie qui doit entrer dans le canon, & terminée en pivot par sa partie inférieure, laquelle porte sur la crapaudine R, dont on a parlé.

A trois ou quatre piés au-dessus de la crapaudine est fixée sur la tige du foret, qui est quarré en cet endroit, une forte boîte de bois ou de fer S, au-travers de laquelle passent les leviers S T, que des hommes ou des chevaux font tourner. Au moyen de ce mouvement & de la pression de la piece de canon sur la pointe du foret, on vient à-bout de la percer aussi avant que l'on souhaite. Les parties que le foret détache, & qu'on appelle alésures, sont reçûes dans une auge V posée sur la boîte des leviers, ou suspendue à la partie inférieure des coulisses dormantes.

Lorsque la piece est forée assez avant, ce que l'on connoît lorsque la bouche du canon est arrivée à une marque faite sur la tige du foret, à une distance convenable de sa pointe, on l'éleve au moyen du roüage expliqué ci-devant, jusqu'à ce que le foret soit sorti de la piece. On démonte ensuite le foret de dessus sa tige, & on y substitue un alésoir ou équarrissoir à quatre couteaux. L'alésoir représenté figure 3, est une boîte de cuivre D de forme cylindrique, au milieu de laquelle est un trou quarré, capable de recevoir la partie quarrée & un peu pyramidale B de la tige sur laquelle précédemment le foret étoit monté. Cette boîte a quatre rainures en queue d'aronde, paralleles à son axe, & dans lesquelles on fait entrer quatre couteaux d'acier trempé. Ces couteaux sont des barres d'acier C en queue d'aronde, pour remplir les rainures de la boîte. Ils entrent en coin par la partie supérieure, pour qu'ils ne puissent sortir de cette boîte, quoique la piece de canon les pousse en embas de toute sa pesanteur. Les couteaux doivent excéder de deux lignes, ou environ, la surface de la boîte, & un peu moins par le haut que par le bas, pour que l'alésoir entre facilement dans la piece de canon, dont on accroît l'ame avec cet outil, en faisant tourner la tige qui le porte, comme on fait pour forer la piece.

Après que cet alésoir a passé dans la piece, on en fait passer un autre de cinq couteaux, & on finit par un de six, où les surfaces tranchantes des couteaux sont paralleles à l'axe de la boîte, & seulement un peu arrondies par le haut pour en faciliter l'entrée. Cet alésoir efface toutes les inégalités que les autres peuvent avoir laissées, & donne à l'ame du canon la forme parfaitement cylindrique & polie qu'elle doit avoir.

Le canon ainsi alésé, est renvoyé à l'attelier des Cizeleurs, où on l'acheve & répare. On y perce aussi la lumiere ; & il en sort pour être monté sur son affut. Il est alors en état de servir, après néanmoins qu'il a été éprouvé. Voyez CANON.

On a pris le parti de fondre les canons solides, & de les forer & aléser à l'aide de cette machine, parce qu'on est sûr par ce moyen de n'avoir ni soufflures, ni chambres ; inconvéniens auxquels on est plus exposé en les fondant creux par le moyen d'un noyau. Le premier alésoir a été construit à Strasbourg. On en fit long-tems un secret, & on ne le montroit point. Il y en a maintenant un à l'arsenal de Paris, que tout le monde peut voir. Un seul alésoir suffit pour trois fourneaux ; cette machine agissant avec assez de promptitude, elle peut forer autant de canons qu'on en peut fondre en une année dans un attelier.

ALESOIR, outil d'Horlogerie, espece de broche d'acier trempé. Pour qu'un alésoir soit bien fait, il faut qu'il soit bien rond & bien poli, & un peu en pointe. Il sert à rendre les trous durs, polis & bien ronds. Ces sortes d'outils sont emmanchés comme une lime dans un petit manche de bois, garni d'une virole de cuivre. Leur usage est de polir intérieurement & d'accroître un peu les trous ronds dans lesquels on les fait tourner à force. Voyez fig. 39. Pl. XIV. d'Horlogerie. (T)

ALESOIR, en terme de Doreur, est une autre espece de foret qui se monte sur un fut de vilebrequin. On s'en sert pour équarrir les trous d'une piece. Voyez la fig. 22. Pl. du Doreur.


ALÉSONNEville de France en Languedoc, généralité de Toulouse, diocese de Lavaur.


ALESSANApetite ville du royaume de Naples dans la province d'Otrante. Long. 36. lat. 40. 12.


ALESSIS(Géog.) ville d'Albanie dans la Turquie européenne, proche l'embouchure du Drin. Long. 37. 15. lat. 41. 48.


ALESURES. f. Les Fondeurs de canons appellent ainsi le métal qui provient des pieces qu'on alese. Voyez ALESER & ALESOIR.


ALETESS. f. plur. (Archit.) de l'italien aletta, petite aîle ou côté, s'entend du parement extérieur d'un pié-droit : mais la véritable signification d'aletes s'entend de l'avant-corps que l'on affecte sur un pié-droit pour former une niche quarrée, lorsque l'on craint que le pié-droit sans ce ressaut, ne devienne trop massif ou trop pesant en rapport avec le diametre de la colonne ou pilastre. Voyez PIEDROIT. (P)


ALÉTIDESadj. pris subst. (Hist. anc.) sacrifices solemnels que les Athéniens faisoient aux mânes d'Erigone, par ordre de l'oracle d'Apollon.


ALEUROMANCIES. f. (Divinat.) divination dans laquelle on se servoit de farine, soit d'orge, soit d'autres grains. Ce mot est Grec & formé d’ἀλεύρον, farine, & de μαντεία, divination.

On sait que l'aleuromancie étoit en usage dans le Paganisme, qu'elle s'est même introduite parmi les Chrétiens, comme en fait foi cette remarque de Théodore Balsamon, sur le sixieme concile général. Mulieres quaedam, cum ordeo ea, quae ab aliis ignorantur enunciant ; quae.... ecclesiis & sanctis imaginibus assidentes, & se ex iis futura discere praedicantes, non secus ac Pythonissae futura praedicant : mais on ignore de quelle maniere on disposoit cette farine pour en tirer des présages. Delrio, disquisit. magic. lib. IV. cap. ij. quaest. 7. sect. ij. pag. 553. (G)


ALEXANDRETTE(Géog.) ville de Syrie en Asie, à l'extrémité de la mer Méditerranée, à l'embouchure d'un petit ruisseau appellé Bellum ou Soldrat, sur le golfe d'Ajazze. Lat. 36d. 35'. 10". long. 54. Voyez ALEP.


ALEXANDRIEou SCANDERIA, ville d'Egypte, à l'une des embouchures occidentales du Nil, près de la mer Méditerranée. Long. 47d. 56'. 30". lat. 31d. 11'. 30".

Il y a en Pologne une petite ville de ce nom. Voyez ALEXANDROW.


ALEXANDRIE DE LA PAILLEville d’Italie dans l’Alexandrin, au Duché de Milan, sur le Tanaro. Long. 26. 15. lat. 44. 53.


ALEXANDRIN(L') quartier d'Italie dans le duché de Milan, autour d'Alexandrie, qui lui donne le nom d'Alexandrin.

* ALEXANDRIN ; épithete qui désigne dans la Poésie françoise, la sorte de vers affectée depuis longtems, & vraisemblablement pour toûjours, aux grandes & longues compositions, telles que le poëme épique & la tragédie, sans être toutefois exclue des ouvrages de moindre haleine. Le vers alexandrin est divisé par un repos en deux parties qu'on appelle hémistiches. Dans le vers alexandrin, masculin ou féminin, le premier hémistiche n'a jamais que six syllabes qui se comptent : je dis qui se comptent, parce que s'il arrive que cet hémistiche ait sept syllabes, sa derniere finira par un e muet, & la premiere du second hémistiche commencera par une voyelle, ou par une h non aspirée, à la rencontre de laquelle l'e muet s'élidant, le premier hémistiche sera réduit à six syllabes. Dans le vers alexandrin masculin, le second hémistiche n'a non plus que six syllabes qui se comptent, dont la derniere ne peut être une syllabe muette. Dans le vers alexandrin féminin, le second hémistiche a sept syllabes, dont la derniere est toûjours une syllabe muette. Voyez RIME MASCULINE, RIME FEMININE, HEMISTICHE. Le nombre & la gravité forment le caractere de ce vers ; c'est pourquoi je le trouve trop éloigné du ton de la conversation ordinaire pour être employé dans la comédie. Le vers alexandrin françois répond au vers hexametre latin, & notre vers marotique ou de dix syllabes, au vers iambique latin. Il faudroit donc faire en françois de notre alexandrin & de notre marotique, l'usage que les Latins ont fait de leur hexametre & de leur iambique. Une loi commune à tout vers partagé en deux hémistiches, & principalement au vers alexandrin, c'est que le premier hémistiche ne rime point avec le second ni avec aucun des deux du vers qui précede ou qui suit. On dit que notre vers alexandrin a été ainsi nommé, ou d'un poëme françois de la vie d'Alexandre, composé dans cette mesure par Alexandre de Paris, Lambert Licor, Jean le Nivelois, & autres anciens Poëtes, ou d'un poëme latin intitulé l'Alexandriade, & traduit par les deux premiers de ces Poëtes, en grands vers, en vers alexandrins, en vers héroïques ; car toutes ces dénominations sont synonymes, & désignent indistinctement la sorte de vers que nous venons de définir.


ALEXANDROWpetite ville de Pologne, dans la Wolhinie, sur la riviere de Horin.


ALEXIPHARMAQUESadj. pris subst. (Med.) Ce terme vient d', repousser, & de , qui veut dire proprement poison. Ainsi les alexipharmaques, selon cette étymologie, sont des remedes dont la vertu principale est de repousser ou de prévenir les mauvais effets des poisons pris intérieurement. C'est ainsi que l'on pensoit autrefois sur la nature des alexipharmaques ; mais les modernes sont d'un autre avis. Ils disent que les esprits animaux sont affectés d'une espece de poison dans les maladies aiguës, & ils attribuent aux alexipharmaques la vertu d'expulser par les ouvertures de la peau ce poison imaginaire. Cette nouvelle idée, qui a confondu les sudorifiques avec les alexipharmaques, a eu de fâcheuses influences dans la pratique ; elle a fait périr des millions de malades.

Les alexipharmaques sont des remedes altérans, cordiaux, qui n'agissent qu'en stimulant & irritant les fibres nerveuses & vasculeuses. Cet effet doit produire une augmentation dans la circulation, & une raréfaction dans le sang. Le sang doit être plus broyé, plus atténué, plus divisé, parce que le mouvement intestin des humeurs devient plus rapide : mais la chaleur augmente dans le rapport de l'effervescence des humeurs ; alors les fibres stimulées, irritées, agissant avec une plus grande force contractive, les actions toniques, musculaires & élastiques sont plus énergiques. Les vaisseaux foüettent le sang & l'expriment avec plus de vigueur : la force trusive & compressive du coeur augmente, celle des vaisseaux y correspond ; & les résistances devenant plus grandes par la pléthore présupposée ou par la raréfaction qui est l'effet de ces mouvemens augmentés, il doit se faire un mouvement de rotation dans les molécules des humeurs, qui étant poussées de la circonférence au centre, du centre à la circonférence, sont sans cesse battues contre les parois des vaisseaux, de ces parois à la base, & de la base à la pointe de l'axe de ces mêmes canaux ; la force systaltique du genre vasculeux augmente donc dans toute l'étendue ; les parois fortement distendues dans le tems de la systole du coeur réagissent contre le sang, qui les écarte au moment de la diastole ; leur ressort tend à les rapprocher, & son action est égale à la distension qui a précédé.

Il doit résulter de cette impulsion du sang dans les vaisseaux & de cette rétropulsion, une altération considérable dans le tissu de ce fluide ; s'il étoit épais avant cette action, ses parties froissées passent de l'état de condensation à celui de raréfaction, & cette raréfaction répond au degré de densité & de tenacité précédentes ; les molécules collées & rapprochées par une cohésion intime doivent s'écarter, se séparer, s'atténuer, se diviser ; l'air contenu dans ce tissu resserré & condensé tend à se remettre dans son premier état, chaque molécule d'air occupant plus d'espace, augmente le volume des molécules du liquide qui l'enferme ; & enfin celles-ci cherchant à se mettre à l'aise, distendent les parois des vaisseaux, ceux-ci augmentent leur réaction, ce qui produit un redoublement dans le mouvement des liquides. Delà viennent la fievre, la chaleur, les lésions de fonctions qui sont extrèmes, & qui ne se terminent que par l'engorgement des parties molles, le déchirement des vaisseaux, les dépôts de la matiere morbifique sur des parties éloignées ou déjà disposées à en recevoir les atteintes, les hémorrhagies dans le poumon, dans la matrice, les inflammations du bas-ventre, de la poitrine & du cerveau. Celles-ci se terminent par des abscès, & la gangrene devient la fin funeste de la cure des maladies entreprise par les alexipharmaques, dans le cas d'un sang ou trop sec ou trop épais.

Mais si le sang est acre, dissous & raréfié, ces remedes donnés dans ce cas sans préparation préliminaire sont encore plus funestes : ils atténuent le sang déjà trop divisé ; ils tendent à exalter les sels acides & alkalins qui devenant plus piquans font l'effet des corrosifs sur les fibres ; ainsi il arrive une fonte des humeurs & une diaphorese trop abondante. Delà une augmentation de chaleur, de sécheresse & de tension. Ces cruels effets seront suivis d'autres encore plus fâcheux.

Les alexipharmaques ne doivent donc pas être donnés de toute main, ni administrés dans toutes sortes de maladies. Les maladies aiguës, sur-tout dans leur commencement, dans l'état d'accroissement, dans l'acme, doivent être respectées ; & malheur à ceux à qui on donnera ces remedes incendiaires dans ces tems où la nature fait tous ses efforts pour se débarrasser du poids de la maladie qui la surcharge. Ces maladies aiguës où la fievre, la chaleur, la sécheresse, le délire, sont ou au dernier degré, ou même légers, ne permettent point l'usage des alexipharmaques avant d'avoir desempli les vaisseaux ; il faut diminuer la quantité, la raréfaction & l'acrimonie des sels répandus dans les humeurs, avant de les mettre en action. Les saignées, les adoucissans, les délayans, les purgatifs sont donc les préliminaires requis à l'administration des alexipharmaques. Mais ce n'est pas assez d'employer ces précautions générales ; elles doivent être modifiées selon la différence des circonstances que présentent la délicatesse ou la force du tempérament, l'épaississement ou la raréfaction des humeurs, la dissolution & l'acrimonie, ou la viscosité des liqueurs, la sécheresse ou la mollesse de la peau, la tension ou la laxité des fibres. Cela étant, l'usage de ces remedes actifs ne sera point si général qu'il l'est, & leur administration ne se fera qu'après un mûr examen de l'état actuel des forces, ou oppressées par la quantité des humeurs, ou épuisées par la disette & l'acrimonie de ces mêmes humeurs.

Voici des réflexions utiles pour l'administration de ces remedes.

1°. Les alexipharmaques ne pouvant que redoubler la chaleur du corps, doivent être proscrits dans les inflammations, dans la fievre, dans les douleurs vives, dans la tension & l'irritation trop grande. Ainsi ils ne conviennent nullement dans tous les cas où les empyriques les donnent, sans avoir égard à aucune des circonstances énoncées.

2°. On doit les éviter toutes les fois que leur effet ne peut qu'irriter & accélérer le mouvement des liquides déjà trop grand. Ainsi les gens secs, bilieux, dont les humeurs sont adustes & résineuses, doivent en éviter l'usage.

3°. Ces remedes devant agiter le sang, il est bon de ne les administrer que dans les cas où l'on ne craindra point de faire passer les impuretés des premieres voies dans les plus petits vaisseaux. Ainsi on se gardera de les employer avant d'avoir évacué les levains contenus dans les premieres voies, qui se mêlant avec le sang, deviendroient plus nuisibles & plus dangereux.

4°. Quoique dans les maladies épidémiques le poison imaginaire fasse soupçonner la nécessité de ces remedes, il faut avoir soin d'employer les humectans avant les incendiaires, & tempérer l'action des alexipharmaques par la douceur & l'aquosité des délayans & des tempérans : ainsi le plus sûr est de les mêler alors dans l'esprit de vinaigre délayé & détrempé avec une suffisante quantité d'eau.

5°. Comme la sueur & la transpiration augmentent par l'usage de ces remedes, il faut se garder de les ordonner avant d'avoir examiné si les malades suent facilement, s'il est expédient de procurer la sueur : ainsi quoique les catarrhes, les rhûmes, les péripneumonies, &c. ne viennent souvent que par la transpiration diminuée, il seroit imprudent de vouloir y remédier par les alexipharmaques avant de sonder le tempérament, le siége & la cause du mal.

Le poumon reçoit sur-tout une terrible atteinte de ces remedes dans la fievre & dans la péripneumonie, car ils ne font qu'augmenter l'engorgement du sang déjà formé : aussi voit-on tous les jours périr un nombre infini de malades par cette pratique, aussi pernicieuse que mal raisonnée.

6°. Quoique les sueurs soient indiquées dans bien des maladies, il est cependant bon d'employer avec circonspection les alexipharmaques : le tissu compact de la peau, la chaleur actuelle, l'épaississement des liqueurs, l'obstruction des couloirs, demandent d'autres remedes plus doux & plus appropriés, qui n'étant pas administrés avant les sudorifiques, jettent les malades dans un état affreux, faute d'avoir commencé par les délayans, les tempérans & les apéritifs légers.

7°. Dans les chaleurs excessives de l'été, dans les froids extrèmes, dans les affections cholériques, dans les grandes douleurs, dans les spasmes qui resserrent le tissu des pores, il faut éviter les alexipharmaques, ou ne les donner qu'avec de grands ménagemens.

Les alexipharmaques sont en grand nombre : les trois regnes nous fournissent de ces remedes. Les fleurs cordiales, les tiges & les racines, les graines & les feuilles des plantes aromatiques, sur-tout des ombelliferes, sont les plus grands alexipharmaques du regne végétal. Dans le regne animal, ce sont les os, les cornes, les dents des animaux, & sur-tout du cerf, rapés & préparés philosophiquement ; les différens besoards, les calculs animaux. Dans le regne minéral, les différentes préparations de l'antimoine, le soufre anodyn ou l'éther fait par la dulcification de l'esprit de vitriol avec l'alkool. Les remedes simples tirés des trois regnes sont à l'infini dans la classe des alexipharmaques.

Les remedes alexipharmaques composés sont la confection d'alkermes, celle d'hyacinthe, les différentes thériaques, le laudanum liquide, les pilules de Starké, l'orviétan, les eaux générale, thériacale, divine, l'eau de mélisse composée. (N)


ALEXITERESadj. pris substantiv. (Medecine.) Ce terme dans Hippocrate ne signifie rien plus que remedes & secours. Les modernes ont appliqué le mot alexiteres à des remedes contre la morsure des animaux venimeux, & même aux amuletes & aux charmes ; en un mot à tout ce que l'on porte sur soi, comme un préservatif contre les poisons, les enchantemens & les maléfices, & leurs suites fâcheuses. Il n'y a pas de différence entre les alexiteres & les alexipharmaques.

Eau de lait ALEXITERE selon la Pharmacopée de Londres. Prenez de reine des prés, de chardon beni, de galanga, six poignées de chacun ; de menthe, d'absynthe, cinq poignées de chacune ; de rue, trois poignées ; d'angélique, deux poignées : mettez pardessus, après que vous aurez broyé le tout, environ douze pintes de lait, & le distillez au bain-marie.

Trochisques ALEXITERES de la même Pharmacopée. Prenez de la racine de zédoaire, de la racine de serpentaire de Virginie, de la poudre de pattes d'écrevisses, de chaque un gros & demi ; de l'écorce extérieure de citron séchée, de semence d'angélique, de chacun un gros ; du bol d'Arménie préparé, un demi-gros ; de sucre candi, le poids du tout : réduisez tous ces ingrédiens en une poudre fine ; ensuite faites-en une pâte propre pour les trochisques avec une quantité suffisante de mucilage de gomme adraganth préparée avec de l'eau thériacale.

L'eau de lait alexitere & les trochisques sont de bons altérans, propres à fortifier, stimuler, ranimer les fibres & réveiller les esprits.

Les trochisques sont encore astringens, absorbans & carminatifs : la dose de l'eau & des trochisques est fort arbitraire. (N)


ALFANDIGc'est à Lisbonne ce que nous appellons ici la douanne, ou le lieu où se payent les droits d'entrée & de sortie. Il est bon d'avertir que tous les galons, franges, brocards, rubans d'or & d'argent, y étoient confisqués sous le regne précédent, parce qu'il étoit défendu d'employer de l'or & de l'argent filés, soit en meubles, soit en habits : les choses ne sont peut-être plus dans cet état sous le regne présent.


ALFAQUINS. m. prêtre des Maures : il y en a encore de cachés en Espagne. Ce mot est composé de deux mots arabes, dont l'un signifie exercer l'office de prêtre, ou administrer les choses saintes, & l'autre signifie clerc : l'alfaqui ou alfaquin de la grande mosquée de Fez est souverain dans les affaires spirituelles, & dans quelques temporelles où il ne s'agit point de peine de mort.


ALFERGANest le nom d'un auteur arabe traduit par Golius. Voyez ASTRONOMIE. (O)


ALFETS. m. (Jurisprud.) ancien mot anglois, qui signifioit la chaudiere qui contenoit l'eau boüillante dans laquelle l'accusé devoit enfoncer son bras jusqu'au coude par forme d'épreuve ou de purgation. Voyez EPREUVE & PURGATION. (H)


ALFIDENAville d'Italie au royaume de Naples, dans l'Abruzze.


ALFIEREou porte-enseigne. Ce nom a passé de l'Espagnol en notre langue, à l'occasion des Flamands qui servent dans les troupes d'Espagne.


ALFONSINEadj. pris subst. c'est dans l'université d'Alcala le nom d'un acte de théologie, ainsi appellé parce qu'il se soûtient dans la chapelle de S. Ildefonse. On dit d'un bachelier qu'il a soûtenu son alfonsine, comme on dit ici d'un licencié qu'il a fait sa sorbonique.


ALGALIES. f. instrument de Chirurgie, est un tuyau d'argent qu'on introduit dans la vessie. Les cas pour lesquels on les met en usage en ont fait changer diversement la construction. Les plus longues ont dix pouces de long & environ deux lignes de diametre. Dans la forme la plus ordinaire, & dont la plûpart des Chirurgiens se servent en toutes rencontres, elles ont cinq à six pouces en droite ligne ; elles forment ensuite un petit coude en-dedans, qui donne naissance à une courbure ou demi-cercle qui fait la panse en-dehors. Cette courbure a environ trois pouces : le reste de la sonde qui acheve la courbure, forme un bec d'un pouce & demi ou deux pouces de long, dont l'extrémité fermée finit le canal. Il y a sur les côtés du bec, à deux lignes de son bout, deux petites ouvertures longuettes d'environ cinq lignes, & d'une ligne de largeur dans leur milieu : on appelle ces ouvertures les yeux de la sonde. L'extrémité postérieure de la sonde qui forme l'entrée du canal doit être évasée en entonnoir, & avoir deux anses sur les côtés. Ce sont ordinairement deux anneaux, dont l'usage est de servir à armer en cas de besoin la sonde de deux cordons pour l'assujettir à une ceinture. Je préfere l'ancienne figure de ces anses qui sont en forme de boussole ; elles me paroissent plus propres à servir d'appui & empêcher que la sonde ne vacille entre les doigts de celui qui la dirige. Cette figure des anses n'empêche pas qu'elles ne servent au même usage que les anneaux qu'on leur a substitués. Voyez fig. 2 e. & 3 e. Pl. X.

Les sondes à long bec que nous venons de décrire sont bonnes pour s'instruire de la capacité de la vessie, de l'existence des pierres, &c. mais on s'est apperçu qu'elles n'avoient pas les mêmes avantages dans le cas de rétention d'urine. Lorsque ce long bec est dans la vessie, il déborde l'orifice de deux ou trois travers de doigt ; il n'est donc pas possible qu'avec ces sondes on puisse tirer toute l'urine qui est dans la vessie ; & ce qui restera au-dessous du niveau des yeux de la sonde pourra occasionner des irritations, des ulceres & autres accidens, par la mauvaise qualité qu'il aura acquise. Une petite courbure sans panse, avec un bec fort court, qui ne déborde l'orifice de la vessie que de quelques lignes, remédie à cet inconvénient.

On a reconnu encore un défaut dans les algalies ; ce sont les ouvertures de l'extrémité antérieure, dans lesquelles le tissu spongieux de l'urethre enflammé peut s'introduire & engager par-là la sonde dans le canal, de façon qu'on ne pourroit la faire avancer ni reculer sans déchirement & effusion de sang ; accident qui, comme on voit, ne vient point du peu d'adresse du Chirurgien, mais de l'imperfection de l'instrument qu'il employe : on y a remédié en coupant l'extrémité antérieure de la sonde (V. les fig. 5. & 6. Pl. X.) que l'on ferme exactement par un petit bouton pyramidal, dont la grosseur doit excéder le diametre de l'algalie d'un cinq ou sixieme de ligne. Ce bouton est au bout d'un stylet très-fin, qui passe dans le canal de la sonde, & qui est contourné en anneau à 3 ou 4 lignes du pavillon. Lorsqu'on tire cet anneau, le bec de la sonde se ferme ; & si on le pousse, le bouton pyramidal s'éloigne de l'extrémité de la sonde, & en laisse l'ouverture assez libre pour la sortie de l'urine, des glaires, & même des caillots de sang.

Il y a des sondes flexibles (Voyez la fig. 4. Pl. X.) qui paroissent propres à moins incommoder les malades, lorsqu'on est obligé de leur laisser une algalie dans la vessie pour éviter la réïtération trop fréquente de son introduction. Leur structure les rend sujettes à inconvénient : le fil d'argent plat tourné en spirale peut s'écarter, pincer les parties qui le touchent, & ne pouvoir être retiré. On en a vû dont les pas se sont incrustés de matieres tartareuses.

M. Petit a le premier supprimé la sonde flexible, & s'est servi en sa place d'une algalie tournée en S, qui s'accommode parfaitement aux courbures du canal de l'urethre, la verge étant pendante.

Les algalies des femmes ne different de celles des hommes qu'en grandeur & en courbure. Les plus longues ont cinq à six pouces ; elles sont presque droites ; il n'y a que l'extrémité antérieure qui se courbe legerement dans l'étendue de sept à huit lignes (Voy. fig. 1. Pl. X.). La différente conformation des organes établit, comme on en peut juger, la différence des algalies propres à l'un & à l'autre sexe.

Lorsqu'on veut faire des injections dans la vessie, il faut avoir une algalie de deux pieces, entre lesquelles on ajuste un uretere de boeuf ou une trachée artere de dindon, afin que la vessie ne souffre point de l'action de la seringue sur l'entrée du canal. Voyez Pl. X. fig. 8. (Y)


ALGAROTHS. m. Victor Algaroth étoit un medecin de réputation de Vérone ; il est auteur d'un remede, qui est une préparation d'antimoine, qu'on nomme poudre d'Algaroth. Voyez ANTIMOINE. (M)


ALGARRIA(L') province d'Espagne, dans la partie septentrionale de la nouvelle Castille.


ALGARVEpetit royaume, province de Portugal, borné à l'occident & au sud par l'Océan ; à l'orient par la Guadiana, & au nord par l'Entéjo.


ALGATRANES. f. sorte de poix qu'on trouve à la pointe de Sainte-Hélene, dans la baie. On dit que cette matiere bitumineuse sort liquide d'un trou élevé de quatre à cinq pas au-dessus du montant de la mer ; qu'elle bouillonne ; qu'elle se durcit comme de la poix, & qu'elle devient ainsi propre à tous les usages de la poix.


ALGÉBRAIQUEadj. est la même chose qu'algébrique. Voyez ALGEBRIQUE.


ALGEBRES. f. (Ordre encyclopédique, Entendement, Raison, Science de la Nature, Science des êtres réels, des êtres abstraits, de la quantité ou Mathématiques, Mathématiques pures, Arithmétique, Arithmétique numérique, & Algebre.) c'est la méthode de faire en général le calcul de toutes sortes de quantités, en les représentant par des signes très-universels. On a choisi pour ces signes les lettres de l'alphabet, comme étant d'un usage plus facile & plus commode qu'aucune autre sorte de signes. Ménage dérive ce mot de l'Arabe Algiabarat, qui signifie le rétablissement d'une chose rompue ; supposant faussement que la principale partie de l'Algebre consiste dans la considération des nombres rompus. Quelques-uns pensent avec M. d'Herbelot, que l'Algebre prend son nom de Geber, philosophe Chimiste & Mathématicien célebre, que les Arabes appellent Giabert, & que l'on croit avoir été l'inventeur de cette science ; d'autres prétendent que ce nom vient de gefr, espece de parchemin, fait de la peau d'un chameau, sur lequel Ali & Giafur Sadek écrivirent en caracteres mystiques la destinée du Mahométisme, & les grands évenemens qui devoient arriver jusqu'à la fin du monde ; d'autres le dérivent du mot geber, dont avec la particule al on a formé le mot Algebre, qui est purement arabe, & signifie proprement la réduction des nombres rompus en nombres entiers ; étymologie qui ne vaut guere mieux que celle de Ménage. Au reste il faut observer que les Arabes ne se servent jamais du mot Algebre seul pour exprimer ce que nous entendons aujourd'hui par ce mot ; mais ils y ajoûtent toûjours le mot macabelah, qui signifie opposition & comparaison ; ainsi Algebra-Almacabelah est ce que nous appellons proprement Algebre.

Quelques auteurs définissent l'Algebre l'art de résoudre les problèmes mathématiques : mais c'est-là l'idée de l'Analyse ou de l'art analytique plutôt que de l'Algebre. Voyez ANALYSE.

En effet l'Algebre a proprement deux parties : 1°. la méthode de calculer les grandeurs en les représentant par les lettres de l'alphabet : 2°. la maniere de se servir de ce calcul pour la solution des problèmes. Comme cette derniere partie est la plus étendue & la principale, on lui donne souvent le nom d'Algebre tout court, & c'est principalement dans ce sens que nous l'envisagerons dans la suite de cet article.

Les Arabes l'appellent l'art de restitution & de comparaison, ou l'art de résolution & d'équation. Les anciens auteurs Italiens lui donnent le nom de regula rei & census, c'est-à-dire, la regle de la racine & du quarré : chez eux la racine s'appelle res ; & le quarré, census. Voyez RACINE, QUARRE. D'autres la nomment Arithmétique spécieuse, Arithmétique universelle, &c.

L'Algebre est proprement la méthode de calculer les quantités indéterminées ; c'est une sorte d'arithmétique par le moyen de laquelle on calcule les quantités inconnues comme si elles étoient connues. Dans les calculs algébriques, on regarde la grandeur cherchée, nombre, ligne, ou toute autre quantité, comme si elle étoit donnée ; & par le moyen d'une ou de plusieurs quantités données, on marche de conséquence en conséquence, jusqu'à ce que la quantité que l'on a supposé d'abord inconnue, ou au moins quelqu'une de ses puissances, devienne égale à quelques quantités connues ; ce qui fait connoître cette quantité elle-même. V. QUANTITTE & ARITHMETIQUE.

On peut distinguer deux especes d'Algebre ; la numérale, & la littérale.

L'Algebre numérale ou vulgaire est celle des anciens Algébristes, qui n'avoit lieu que dans la résolution des questions arithmétiques. La quantité cherchée y est représentée par quelque lettre ou caractere : mais toutes les quantités données sont exprimées en nombres. Voyez NOMBRE.

L'Algebre littérale ou spécieuse, ou la nouvelle Algebre, est celle où les quantités données ou connues, de même que les inconnues, sont exprimées ou représentées généralement par les lettres de l'alphabet. Voyez SPECIEUSE.

Elle soulage la mémoire & l'imagination en diminuant beaucoup les efforts qu'elles seroient obligées de faire, pour retenir les différentes choses nécessaires à la découverte de la vérité sur laquelle on travaille, & que l'on veut conserver présentes à l'esprit : c'est pourquoi quelques auteurs appellent cette science Géométrie métaphysique.

L'Algebre spécieuse n'est pas bornée comme la numérale, à une certaine espece de problèmes : mais elle sert universellement à la recherche ou à l'invention des théorèmes, comme à la résolution & à la démonstration de toutes sortes de problèmes, tant arithmétiques que géométriques. Voyez THÉOREME, &c.

Les lettres dont on fait usage en Algebre représentent chacune séparément des lignes ou des nombres, selon que le problème est arithmétique ou géométrique ; & mises ensemble elles représentent des produits, des plans, des solides, & des puissances plus élevées, si les lettres sont en plus grand nombre : par exemple, en Géométrie, s'il y a deux lettres, comme a b, elles représentent un rectangle dont deux côtés sont exprimés, l'un par la lettre a, & l'autre par b ; de sorte qu'en se multipliant réciproquement elles produisent le plan a b : si la même lettre est répétée deux fois, comme a a, elle signifie un quarré : trois lettres, a b c, représentent un solide ou un parallélepipede rectangle, dont les trois dimensions sont exprimées par les trois lettres a, b, c ; la longueur par a, la largeur par b, la profondeur ou l'épaisseur par c ; ensorte que par leur multiplication mutuelle elles produisent le solide a b c.

Comme dans les quarrés, cubes, 4es puissances, &c. la multiplication des dimensions ou degrés est exprimée par la multiplication des lettres, & que le nombre de ces lettres peut croître jusqu'à devenir trop incommode, on se contente d'écrire la racine une seule fois, & de marquer à la droite l'exposant de la puissance, c'est-à-dire le nombre des lettres dont est composée la puissance ou le degré qu'il s'agit d'exprimer, comme a2, a3, a4, a5 : cette derniere expression a5 veut dire la même chose que a élevé à la cinquieme puissance ; & ainsi du reste. Voyez PUISSANCE, RACINE, EXPOSANT, &c.

Quant aux symboles, caracteres, &c. dont on fait usage en Algebre, avec leur application, &c. Voyez les articles CARACTERE, QUANTITE, &c.

Pour la méthode de faire les différentes opérations de l'Algebre, voyez ADDITION, SOUSTRACTION, MULTIPLICATION, &c.

Quant à l'origine de cet art, nous n'avons rien de fort clair là-dessus : on en attribue ordinairement l'invention à Diophante, auteur grec, qui en écrivit treize livres, quoiqu'il n'en reste que six. Xylander les publia pour la premiere fois en 1575 ; & depuis ils ont été commentés & perfectionnés par Gaspar Bachet, sieur de Meziriac, de l'académie Françoise, & ensuite par M. de Fermat.

Néanmoins il semble que l'Algebre n'a pas été totalement inconnue aux anciens mathématiciens, qui existoient bien avant le siecle de Diophante : on en voit les traces en plusieurs endroits de leurs ouvrages, quoiqu'ils paroissent avoir eu le dessein d'en faire un mystere. On en apperçoit quelque chose dans Euclide, ou au moins dans Theon qui a travaillé sur Euclide. Ce commentateur prétend que Platon avoit commencé le premier à enseigner cette science. Il y en a encore d'autres exemples dans Pappus, & beaucoup plus dans Archimede & Apollonius.

Mais la vérité est que l'Analyse dont ces auteurs ont fait usage, est plûtôt géométrique qu'algébrique, comme cela paroît par les exemples que l'on en trouve dans leurs ouvrages ; ensorte que l'on peut dire que Diophante est le premier & le seul auteur parmi les Grecs qui ait traité de l'Algebre. On croit que cet art a été fort cultivé par les Arabes : on dit même que les Arabes l'avoient reçû des Perses, & les Perses des Indiens. On ajoûte que les Arabes l'apporterent en Espagne ; d'où, suivant l'opinion de quelques-uns, il passa en Angleterre avant que Diophante y fût connu.

Luc Paciolo, ou Lucas à Burgo, Cordelier, est le premier dans l'Europe qui ait écrit sur ce sujet : son livre, écrit en Italien, fut imprimé à Venise en 1494. Il étoit, dit-on, disciple d'un Léonard de Pise & de quelques autres dont il avoit appris cette méthode : mais nous n'avons aucun de leurs écrits. Selon Paciolo, l'Algebre vient originairement des Arabes : il ne fait aucune mention de Diophante ; ce qui feroit croire que cet auteur n'étoit pas encore connu en Europe. Son Algebre ne va pas plus loin que les équations simples & quarrées ; encore son travail sur ces dernieres équations est-il fort imparfait, comme on le peut voir par le détail que donne sur ce sujet M. l'abbé de Gua, dans un excellent mémoire imprimé parmi ceux de l'académie des Sciences de Paris 1741. Voyez QUARRE ou QUADRATIQUE, EQUATIONS, RACINE, &c.

Après Paciolo parut Stifelius, auteur qui n'est pas sans mérite : mais il ne fit faire aucun progrès remarquable à l'Algebre. Vinrent ensuite Scipion Ferrei, Tartaglia, Cardan, & quelques autres, qui pousserent cet art jusqu'à la résolution de quelques équations cubiques : Bombelli les suivit. On peut voir dans la dissertation de M. l'abbé de Gua que nous venons de citer, l'histoire très-curieuse & très-exacte des progrès plus ou moins grands que chacun de ces auteurs fit dans la science dont nous parlons : tout ce que nous allons dire dans la suite de cet article sur l'histoire de l'Algebre, est tiré de cette dissertation. Elle est trop honorable à notre nation pour n'en pas insérer ici la plus grande partie.

" Tel étoit l'état de l'Algebre & de l'Analyse, lorsque la France vit naître dans son sein François Viete, ce grand Géometre, qui lui fit seul autant d'honneur que tous les auteurs dont nous venons de faire mention, en avoient fait ensemble à l'Italie.

Ce que nous pourrions dire ici à son éloge, seroit certainement au-dessous de ce qu'en ont dit déjà depuis long-tems les auteurs les plus illustres, même parmi les Anglois, dans la bouche desquels ces loüanges doivent être moins suspectes de partialité que dans celle d'un compatriote. Voyez ce qu'en dit M. Halley, Trans. philos. n°. 190. art. 2. an. 1687.

Ce témoignage, quelque avantageux qu'il soit pour Viete, est à peine égal à celui qu'Harriot, autre Algébriste Anglois, rend au même auteur dans la préface du livre qui porte pour titre, Artis analyticae praxis.

Les éloges qu'il lui donne sont d'autant plus remarquables, qu'on les lit à la tête de ce même ouvrage d'Harriot, où Wallis a prétendu appercevoir les découvertes les plus importantes qui se soient faites dans l'Analyse, quoiqu'il lui eût été facile de les trouver presque toutes dans Viete, à qui elles appartiennent en effet pour la plûpart, comme on le va voir.

On peut entr'autres en compter sept de ce genre.

La premiere, c'est d'avoir introduit dans les calculs les lettres de l'alphabet, pour désigner même les quantités connues. Wallis convient de cet article, & il explique au chap. xjv. de son traité d'Algebre, l'utilité de cette pratique.

La seconde, c'est d'avoir imaginé presque toutes les transformations des équations aussi-bien que les différens usages qu'on en peut faire pour rendre plus simples les équations proposées. On peut consulter là-dessus son traité de recognitione Aequationum, à la page 91 & suivantes, édit. de 1646, aussi-bien que le commencement du traité de emendatione Aequationum, page 127 & suivantes.

La troisieme, c'est la méthode qu'il a donnée pour reconnoître par la comparaison de deux équations, qui ne différeroient que par les signes, quel rapport il y a entre chacun des coefficiens qui leur sont communs, & les racines de l'une & de l'autre. Il appelle cette méthode syncrisis, & il l'explique dans le traité de recognitione, page 104 & suivantes.

La quatrieme, c'est l'usage qu'il fait des découvertes précédentes pour résoudre généralement les équations du quatrieme degré, & même celles du troisieme. Voyez le traité de emendatione, page 140 & 147.

La cinquieme, c'est la formation des équations composées par leurs racines simples, lorsqu'elles sont toutes positives, ou la détermination de toutes les parties de chacun des coefficiens de ces équations, ce qui termine le livre de emendatione, page 158.

La sixieme & la plus considérable, c'est la résolution numérique des équations, à l'imitation des extractions de racines numériques, matiere qui fait elle seule l'objet d'un livre tout entier.

Enfin on peut prendre pour une septieme découverte ce que Viete a enseigné de la méthode pour construire géométriquement les équations, & qu'on trouve expliquée page 229 & suiv.

Quoiqu'un si grand nombre d'inventions propres à Viete dans la seule Analyse, l'ayent fait regarder avec raison comme le pere de cette Science, nous sommes néanmoins obligés d'avoüer qu'il ne s'étoit attaché à reconnoître combien il pouvoit y avoir dans les équations de racines de chaque espece, qu'autant que cette recherche entroit dans le dessein qu'il s'étoit proposé, d'assigner en nombre les valeurs ou exactes ou approchées de ces racines. Il ne considéra donc point les racines réelles négatives, non plus que les racines impossibles, que Bombelli avoit introduites dans le calcul ; & ce ne fut que par des voies indirectes qu'il vint à bout de déterminer, lorsqu'il en eut besoin, le nombre des racines réelles positives. L'illustre M. Halley lui fait même avec fondement quelques reproches sur les regles qu'il donne pour cela.

Ce que Viete avoit omis de faire au sujet du nombre des racines, Harriot qui vint bientôt après, le tenta inutilement dans son Artis analyticae praxis. L'idée que l'on doit se former de cet ouvrage, est précisément celle qu'en donne sa préface ; car pour celle qu'on pourroit en prendre par la lecture du traité d'Algebre de Wallis, elle ne seroit point du tout juste. Non-seulement ce livre ne comprend point, comme Wallis voudroit l'insinuer, tout ce qui avoit été découvert de plus intéressant dans l'Analyse lorsque Wallis a écrit ; on peut même dire qu'il mérite à peine d'être regardé comme un ouvrage d'invention. Les abregés que Harriot a imaginés dans l'Algebre, se réduisent à marquer les produits de différentes lettres, en écrivant ces lettres immédiatement les unes après les autres : (car nous ne nous arrêterons point à observer avec Wallis, qu'il a employé dans les calculs les lettres minuscules au lieu des majuscules). Il n'a point simplifié les expressions où une même lettre se trouvoit plusieurs fois, c'est-à-dire les expressions des puissances, en écrivant l'exposant à côté. On verra bientôt que c'est à Descartes qu'on doit cet abregé, ainsi que les premiers élémens du calcul des puissances ; découverte qui en étoit la suite naturelle, & qui a été depuis d'un si grand usage.

Quant à l'Analyse, le seul pas qu'Harriot paroisse proprement y avoir fait, c'est d'avoir employé dans la formation des équations du 3e & du 4e degré, les racines négatives, & même des produits de deux racines impossibles ; ce que n'avoit point fait Viete dans son dernier chapitre de emendatione : encore trouve-t-on ici une faute ; c'est que l'auteur forme les équations du 4e degré, dont les quatre racines doivent être tout-à-la-fois impossibles, par le produit de b e + a a = 0, & d f + a a = 0, ce qui n'est pas assez général, les quatre racines ne devant pas être tout-à-la-fois supposées des imaginaires pures, mais tout au plus deux imaginaires pures, & deux mixtes imaginaires ".

M. l'abbé de Gua fait encore à Harriot plusieurs autres reproches, qu'on peut lire dans son mémoire.

" Il n'est presqu'aucune Science qui n'ait dû au grand Descartes quelque degré de perfection : mais l'Algebre & l'Analyse lui sont encore plus redevables que toutes les autres. Vraisemblablement il n'avoit point lû ce que Viete avoit découvert dans ces deux Sciences, & il les poussa beaucoup plus loin. Non-seulement il marque, ainsi qu'Harriot, les produits de deux lettres, en les écrivant à la suite l'une de l'autre ; & il a ajoûté à cela l'expression du produit de deux polynomes, en se servant du signe de la multiplication, & en tirant une ligne sur chacun de ces polynomes en particulier, ce qui soulage beaucoup l'imagination. C'est lui qui a introduit dans l'Algebre les exposans, ce qui a donné les principes élémentaires de leurs calculs : c'est lui qui a imaginé le premier des racines aux équations, dans les cas mêmes où ces racines sont impossibles ; de façon que les imaginaires & les réelles remplissent le nombre des dimensions de la proposée : c'est lui qui a donné le premier des moyens de trouver les limites des racines des équations, qu'on ne peut résoudre exactement : enfin il a beaucoup ajoûté aux affections géométriques de l'Algebre que Viete nous avoit laissées, en déterminant ce que c'est que les lignes négatives, c'est-à-dire celles qui répondent aux racines des équations qu'il nomme fausses ; & en enseignant à multiplier & à diviser les lignes les unes par les autres. Voyez le commencement de sa Géométrie. Il forme, comme Harriot, les équations par la multiplication de leurs racines simples, & ses découvertes dans l'Analyse pure se réduisent principalement à deux. La premiere, d'avoir enseigné combien il se trouve de racines positives ou négatives dans les équations qui n'ont point de racines imaginaires. Voyez RACINE. La seconde, c'est l'emploi qu'il fait de deux équations du second degré à coefficiens indéterminés, pour former par leur multiplication une équation qui puisse être comparée terme à terme avec une proposée quelconque du quatrieme degré, afin que ces comparaisons différentes fournissent la détermination de toutes les déterminées qu'il avoit prises d'abord, & que la proposée se trouve ainsi décomposée en deux équations du second degré, faciles à résoudre par les méthodes qu'on avoit déjà pour cet effet. Voyez sa Géométrie, page 89. édit. d'Amst. an. 1649. Cet usage des indéterminées est si adroit & si élégant, qu'il a fait regarder Descartes comme l'inventeur de la méthode des indéterminées ; car c'est cette méthode qu'on a depuis appellée & qu'on nomme encore aujourd'hui proprement l'Analyse de Descartes ; quoiqu'il faille avoüer que Ferrei, Tartaglia, Bombelli, Viete sur-tout, & après lui Harriot, en eussent eu connoissance.

Pour l'Analyse mixte, c'est-à-dire l'application de l'Analyse à la Géométrie, elle appartient presque entierement à Descartes, puisque c'est à lui qu'on doit incontestablement les deux découvertes qui en sont comme la base. Je parle de la détermination de la nature des courbes par les équations à deux variables (p. 26), & de la construction générale des équations du 3e & du 4e degré (p. 95). On peut y ajoûter l'idée de dterminer la nature des courbes à double courbure par deux équations variables (page 74) ; la méthode des tangentes, qui est comme le premier pas qui se soit fait vers les infiniment petits (page 46) ; enfin la détermination des courbes propres à réfléchir ou à réunir par réfraction en un seul point les rayons de lumiere ; application de l'Analyse & de la Géométrie à la Physique, dont on n'avoit point vû jusqu'alors d'aussi grand exemple. Si on réunit toutes ces différentes productions, quelle idée ne se formera-t-on pas du grand homme de qui elles nous viennent ! & que sera-ce en comparaison de tout cela, que le peu qui restera à Harriot, lorsque des découvertes que Wallis lui avoit attribuées sans fondement dans le chapitre 53 de son Algebre historique & pratique, on aura ôté, comme on le doit, ce qui appartient à Viete ou à Descartes, suivant l'énumération que nous en avons faite ?

Outre la détermination du nombre des racines vraies ou fausses, c'est-à-dire positives ou négatives, dans les équations de tous les degrés qui n'ont point de racines imaginaires, Descartes a mieux déterminé qu'on n'avoit fait jusqu'alors, le nombre & l'espece des racines des équations quelconques du 3e & du 4e degré, soit au moyen des remarques qu'il a faites sur ses formules algébriques, soit en employant à cet usage différentes observations sur ses constructions géométriques.

Ce dernier ouvrage, qu'il avoit néanmoins laissé imparfait, a été perfectionné depuis peu-à-peu par différens auteurs, Debaune, par exemple ; jusqu'à ce que l'illustre M. Halley y ait mis, pour ainsi dire, la derniere main dans un beau mémoire inséré dans les Transactions philosophiques, n°. 190. art. 2. an. 1687, & qui porte le titre suivant : De numero radicum in aequationibus solidis ac biquadraticis, sive tertiae ac quartae potestatis, earumque limitibus tractatulus.

Quoique Newton fût né dans un tems où l'Analyse paroissoit déjà presque parfaite, cependant un si grand génie ne pouvoit manquer de trouver à y ajoûter encore. Il a donné en effet successivement dans son Arithmétique universelle : 1°. une regle très-élégante & très-belle pour connoître les cas où les équations peuvent avoir des diviseurs rationnels, & pour déterminer dans ces cas quels polynomes peuvent être ces diviseurs : 2°. une autre regle pour reconnoître dans un grand nombre d'occasions combien il doit se trouver de racines imaginaires dans une équation quelconque : une troisieme, pour déterminer d'une maniere nouvelle les limites des équations ; enfin une quatrieme qui est peu connue, mais qui n'en est pas moins belle, pour découvrir en quel cas les équations des degrés pairs peuvent se résoudre en d'autres de degrés inférieurs, dont les coefficiens ne contiennent que de simples radicaux du premier degré.

A cela il faut joindre l'application des fractions au calcul des exposans ; l'expression en suites infinies des puissances entieres ou fractionnaires, positives ou négatives d'un binome quelconque ; l'excellente regle connue sous le nom de Regle du parallélogramme, & au moyen de laquelle Newton assigne en suites infinies toutes les racines d'une équation quelconque ; enfin la belle méthode que cet auteur a donnée pour interpoler les séries, & qu'il appelle methodus differentialis.

Quant à l'application de l'Analyse à la Géométrie, Newton a fait voir combien il y étoit versé, non-seulement par les solutions élégantes de différens problemes qu'on trouve ou dans son Arithmétique universelle, ou dans ses principes de la Philosophie naturelle, mais principalement par son excellent traité des Lignes du troisieme ordre. Voyez COURBE ".

Voilà tout ce que nous dirons sur le progrès de l'Algebre. Les élémens de cet art furent compilés & publiés par Kersey en 1671 : l'Arithmétique spécieuse & la nature des équations y sont amplement expliquées & éclaircies par un grand nombre d'exemples différens : on y trouve toute la substance de Diophante. On y a ajoûté plusieurs choses qui regardent la composition & la résolution mathématique tirée de Ghetaldus. La même chose a été exécutée depuis par Prestet en 1694, & par Ozannam en 1703. Mais ces auteurs ne parlent point, ou ne parlent que fort briévement de l'application de l'Algebre à la Géométrie. Guisnée y a suppléé dans un traité écrit en françois, qu'il a composé exprès sur ce sujet, & qui a été publié en 1705 : aussi-bien que le Marquis de l'Hopital dans son traité analytique des Sections coniques, 1707. Le traité de la Grandeur, du P. Lamy de l'Oratoire ; le premier volume de l'Analyse démontrée, du P. Reyneau ; & la science du Calcul, du même auteur, sont aussi des ouvrages où l'on peut s'instruire de l'Algebre : enfin M. Saunderson professeur en Mathématique à Cambridge, & membre de la société royale de Londres, a publié un excellent traité sur cette matiere, en anglois, & en deux volumes in -4°. intitulé Elémens d'Algebre. Nous avons aussi des élémens d'Algebre de M. Clairaut, dont la réputation de l'auteur assûre le succès & le mérite.

On a appliqué aussi l'Algebre à la considération & au calcul des infinis ; ce qui a donné naissance à une nouvelle branche fort étendue du calcul algébrique : c'est ce que l'on appelle la doctrine des fluxions ou le calcul différentiel. V. FLUXIONS & DIFFERENTIEL. On peut voir à l'article ANALYSE, les principaux auteurs qui ont écrit sur ce sujet.

Je me suis contenté dans cet article de donner l'idée générale de l'Algebre, telle à-peu-près qu'on la donne communément ; & j'y ai joint, d'après M. l'abbé de Gua, l'histoire de ses progrès. Les savans trouveront à l'art. ARITHMETIQUE UNIVERSELLE, des réflexions plus profondes sur cette Science ; & à l'article APPLICATION, des observations sur l'application de l'Algebre à la Géométrie. (O)


ALGÉBRIQUEadj. m. ce qui appartient à l'Algebre. Voyez ALGEBRE.

Ainsi l'on dit caracteres ou symboles algébriques, courbes algébriques, solutions algébriques. Voyez CARACTERE, &c.

Courbe algébrique, c'est une courbe dans laquelle le rapport des abscisses aux ordonnées, peut être déterminé par une équation algébrique. Voyez COURBE.

On les appelle aussi lignes ou courbes géométriques. Voyez GEOMETRIQUE.

Les courbes algébriques sont opposées aux courbes méchaniques ou transcendantes. Voyez MECHANIQUE & TRANSCENDANT.


ALGÉBRISTES. m. se dit d'une personne versée dans l'Algebre. Voyez ALGEBRE. (O)


ALGÉNEou ALGÉNIB, s. m. terme d'Astronomie ; c'est le nom d'une étoile de la seconde grandeur, au côté droit de Persée. Voyez PERSÉE. (O)


ALGERroyaume d'Afrique dans la Barbarie, borné à l'est par le royaume de Tunis, au nord par la Méditerranée, à l'occident par les royaumes de Maroc & de Tafilet, & terminé en pointe vers le midi. Long. 16. 26. lat. 34. 37.

* ALGER, ville d'Afrique dans la Barbarie, capitale du royaume d'Alger, vis-à-vis l'île Minorque. Long. 21. 20. lat. 36. 30.


ALGEZIREville d'Espagne dans l'Andalousie, avec port sur la côte du détroit de Gibraltar. On l'appelle aussi le vieux Gibraltar. Long. 12. 28. lat. 36.


ALGHIERville d'Italie sur la côte occidentale de Sardaigne. Long. 26. 15. lat. 40. 33.


ALGOIDEou ALGOIDE, Voyez ALGUETTE.


ALGOou tête de Méduse, étoile fixe de la troisieme grandeur, dans la constellation de Persée. Voyez PERSÉE. (O)


ALGONQUINSpeuple de l'Amérique septentrionale, au Canada ; ils habitent entre la riviere d'Ontonac & le lac Ontario.


ALGORITHMES. m. terme Arabe, employé par quelques auteurs, & singulierement par les Espagnols, pour signifier la pratique de l'Algebre. Voyez ALGEBRE.

Il se prend aussi quelquefois pour l'Arithmétique par chiffres. Voyez ARITHMETIQUE.

L'algorithme, selon la force du mot, signifie proprement l'art de supputer avec justesse & facilité : il comprend les six regles de l'Arithmétique vulgaire. C'est ce qu'on appelle autrement Logistique nombrante ou numérale. Voyez ARITHMETIQUE, REGLE, &c.

Ainsi l'on dit l'algorithme des entiers, l'algorithme des fractions, l'algorithme des nombres sourds. Voyez FRACTION, SOURD, &c. (O)


ALGOWpays d'Allemagne, qui fait partie de la Soüabe.


ALGUAZILS. m. (Hist. mod.) en Espagne, est le nom des bas officiers de justice, faits pour procurer l'exécution des ordonnances du magistrat ou juge. Alguazil répond assez à ce que nous appellons ici sergent ou exemt. Ce nom est originairement arabe, comme plusieurs autres que les Espagnols ont conservés des Sarrasins ou Mores, qui ont long-tems regné dans leur pays. (G)


ALGUES. f. en latin alga, (Bot.) herbe qui naît au fond des eaux, & dont les feuilles ressemblent assez à celles du chiendent : il y a quelques especes qui ont les feuilles déliées comme les cheveux, & très-longues. Tournef. inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

L'algue commune, alga offic. est une plante qui croît en grande quantité le long des bords de la Méditerranée ; on s'en sert comme du kali. Elle est apéritive, vulnéraire & dessiccative. On dit qu'elle tue les puces & les punaises. (N)


ALGUELville d'Afrique dans la province d'Hea, au royaume de Maroc.


ALGUETTES. f. zannichellia, genre de plante qui vient dans les eaux, & auquel on a donné le nom d'un fameux apothicaire de Venise, appellé Zannichelli. Ses fleurs sont de deux sortes, mâle & femelle, sans pétales ; la fleur mâle est sans calice, & ne consiste qu'en une simple étamine dont le sommet est oblong, & a deux, trois ou quatre cavités. Les fleurs femelles se trouvent auprès de la fleur mâle, enveloppées d'une membrane qui tient lieu de calice : elles sont composées de plusieurs embryons, surmontés chacun d'un pistil. Ces embryons deviennent dans la suite autant de capsules oblongues, en forme de cornes convexes d'un côté, & plates ou même concaves de l'autre, qui toutes forment le fruit aux aisselles des feuilles. Chacune de ces capsules renferme une semence oblongue, & à-peu-près de même figure qu'elle. Pontedera a décrit ce genre sous le nom d'aponogeton. Antolog. p. 117. Voyez PLANTE. (I)


ALHAGIS. m. plante à fleur papilionacée, dont le pistil devient dans la suite un fruit ou une silique composée de plusieurs parties jointes, ou, pour ainsi dire, articulées ensemble, & dont chacune renferme une semence faite en forme de rein. Ajoûtez au caractere de ce genre, que ses feuilles sont alternes. Tournef. Corol. inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

* ALHAGI, ou agul, ou almagi arabibus, planta spinosa mannam resipiens. J. B. Cette plante s'éleve à la hauteur d'une coudée & plus ; elle est fort branchue ; elle est hérissée de tous côtés d'une multitude prodigieuse d'épines extrèmement pointues, foibles & pliantes. Sur ces épines naissent différentes fleurs purpurines ; ces fleurs en tombant font place à de petites gousses longues, rouges, ressemblantes à celles du genêt piquant, & pleines de semences qui ont la même couleur que la gousse.

Les habitans d'Alep recueillent sur cette plante une espece de manne, dont les grains sont un peu plus gros que ceux de la coriandre.

Elle croît en buisson, & des branches assez rassemblées partent d'un même tronc dans un fort bel ordre, & lui donnent une forme ronde. Les feuilles sont à l'origine des épines ; elles sont de couleur cendrée, oblongues & polygonales : sa racine est longue, & de couleur de pourpre.

Les Arabes appellent tereniabin ou trangebin, la manne de l'alhagi : on trouve cette plante en Perse, aux environs d'Alep & de Kaika, en Mésopotamie. Ses feuilles sont dessiccatives & chaudes : ses fleurs purgent ; on en fait bouillir une poignée dans de l'eau.

Ses feuilles & ses branches, dit M. Tournefort, se couvrent dans les grandes chaleurs de l'été, d'une liqueur grasse & onctueuse, & qui a à-peu-près la consistance de miel. La fraîcheur de la nuit la condense & la réduit en forme de grains : ce sont ces grains auxquels on donne le nom de manne d'alhagi, & que les naturels du pays appellent trangebin, ou tereniabin. On la recueille principalement aux environs de Tauris, ville de Perse, où on la réduit en pains assez gros, & d'une couleur jaune foncée. Les grains les plus gros qui sont chargés de poussiere & de parcelles de feuilles desschées, sont les moins estimés ; on leur préfere les plus petits, qui cependant pour la bonté sont au-dessous de notre manne de Calabre.

On en fait fondre trois onces dans une infusion de feuilles de séné, que l'on donne aux malades qu'on veut purger.


ALHAMAville d'Espagne au royaume de Grenade. Long. 14. 20. lat. 36. 50.


ALIBANIESS. f. toiles de coton qu'on apporte en Hollande des Indes orientales, par les retours de la compagnie.


ALIBIS. m. (Jurisprud.) terme purement latin, dont on a fait un nom françois, qui s'employe en style de procédure criminelle, pour signifier l'absence de l'accusé par rapport au lieu où on l'accuse d'avoir commis le crime ou le délit : ainsi alléguer ou prouver un alibi, c'est protester ou établir par de bonnes preuves, que lors du crime commis on étoit en un autre endroit que celui où il a été commis. Ce mot latin signifie littéralement ailleurs. (H)


ALICAespece de nourriture dont il est beaucoup parlé dans les anciens, & cependant assez peu connue des modernes, pour que les uns pensent que ce soit une graine, & les autres une préparation alimentaire ; mais afin que le lecteur juge par lui-même de ce que c'étoit que l'alica, voici la plûpart des passages où il en est fait mention. L'alica mondé, dit Celse, est un aliment convenable dans la fievre : prenez-le dans l'hydromel, si vous avez l'estomac fort & le ventre resserré : prenez-le au contraire dans du vinaigre & de l'eau, si vous avez le ventre relâché & l'estomac foible. Lib. III. cap. vj. Rien de meilleur après la tisane, dit Aretée, lib. I. de Morb. acut. cap. x. L'alica & la tisane sont visqueuses, douces, agréables au goût : mais la tisane vaut mieux. La composition de l'une & de l'autre est simple ; car il n'y entre que du miel. Le chondrus (& l'on prétend que alica se rend en grec par χόνδρος) est, selon Dioscoride, une espece d'épeautre qui vaut mieux pour l'estomac que le riz, qui nourrit davantage, & qui resserre. L'alica ressembleroit tout-à-fait au chondrus, s'il resserroit un peu moins, dit Paul Aeginete : (il s'ensuit de ce passage de Paul Aeginete, que l'alica & le chondrus ne sont pas tout-à-fait la même chose.) On lit dans Oribase que l'alica est un froment dont on ne forme des alimens liquides qu'avec une extrème attention. Galien est de l'avis d'Oribase, & il dit positivement : " l'alica est un froment d'un suc visqueux & nourrissant ". Cependant il ajoûte : " la tisane paroît nourrissante... mais l'alica l'est ". Pline met l'alica au nombre des fromens ; après avoir parlé des pains, de leurs especes, &c. il ajoûte : " l'alica se fait de mais ; on le pile dans des mortiers de bois ; on employe à cet ouvrage des malfaiteurs : à la partie extérieure de ces mortiers est une grille de fer qui sépare la paille & les parties grossieres des autres : après cette préparation, on lui en donne une seconde dans un autre mortier ". Ainsi nous avons trois sortes d'alica ; le gros, le moyen, & le fin : le gros s'appelle aphairema ; mais pour donner la blancheur à l'alica, il y a une façon de le mêler avec la craie. Pline distingue ensuite d'autres sortes d'alica, & donne la préparation d'un alica bâtard fait de maïs d'Afrique ; & dit encore que l'alica est de l'invention des Romains, & que les Grecs eussent moins vanté leur tisane, s'ils avoient connu l'alica. De ces autorités comparées, Saumaise conclut que l'alica & le chondrus sont la même chose ; avec cette différence, selon lui, que le chondrus n'étoit que l'alica grossier ; & que l'alica est une préparation alimentaire. On peut voir sa dissertation de komonym. hyles. iatr. c. lvij.


ALICAIRESS. f. (Hist. anc.) alicariae. On appelloit ainsi chez les Romains des femmes publiques, parce qu'elles se tenoient tous les jours à leur porte pour attirer les débauchés. On les nommoit aussi prostibula, parce que les lieux infâmes qu'elles habitoient, étoient appellés stabula, & encore cellae ; ce qui les fit désigner par le nom de cellariae. (G)


ALICANTEville d'Espagne au royaume de Valence, & sur le territoire de Cégura. Elle est sur la Méditerranée, & dans la baie de ce nom. Long. 17. 40. lat. 38. 14.


ALICATAville de Sicile dans une espece d'île près de la mer. Long. 31. 37. lat. 37. 11.


ALICATES. f. (Peint. en émail.) c'est une espece de pince dont se servent les Emailleurs à la lampe, & que les Orfévres & autres ouvriers appellent bruxelles. Voyez BRUXELLES.


ALIDADES. f. (Géom.) On appelle ainsi l'index ou la regle mobile, qui partant du centre d'un instrument astronomique ou géométrique, peut en parcourir tout le limbe pour montrer les degrés qui marquent les angles, avec lesquels on détermine les distances, les hauteurs, &c. Ce mot vient de l'arabe, où il a la même signification. En Grec & en Latin on l’appelle souvent δίοπτρα, dioptra, & encore linea fiduciæ, ligne de foi.

Cette piece porte deux pinnules élevées perpendiculairement à chaque extrémité. Voyez PINULE, DEMI-CERCLE, &c. (E)

ALIDADE, (Canon.) c'est dans la machine à canneler les canons de fusil, une espece d'aiguille qui se meut sur le cadran de cette machine, & qui indique à l'ouvrier, lorsqu'il a travaillé un des pans de son canon, de combien il doit le tourner, pour que la cannelure qu'il va commencer soit aux autres dans le rapport demandé ; pour qu'elle soit, par exemple, égale ou qu'elle soit double de celle qui précede. Voyez Pl. II. du Canonier, fig. 12. e. Mais voyez l'article CANON, pour l'usage de cette piece.


ALIEATIQUEsorte de poids anciennement usité en Arabie. Voyez POIDS. (G)


ALIÉNABLEadj. (Jurisprudence.) terme de Droit, se dit des choses dont l'aliénation est permise : telles sont toutes celles qui sont dans le commerce civil.


ALIÉNATIONS. f. (Jurisp.) est un terme général qui signifie tout acte par lequel on se dépouille de la propriété d'un effet, pour la transférer à un autre. Telles sont la vente, la donation, &c.

L'aliénation en général est libre & permise à tout propriétaire : cependant un mineur ne sauroit aliéner valablement son bien sans y être autorisé par justice. L'aliénation des terres de la couronne est toûjours censée faite avec faculté perpétuelle de rachat.

Le concile de Latran tenu en 1123, défend aux bénéficiers d'aliéner leur bénéfice, prébende, ou autre bien ecclésiastique.

Le bail emphitéotique est une espece d'aliénation.

Le bail à ferme de plus de neuf ans, passe aussi pour aliénation. Voyez BAIL.

On tient cette maxime en Droit, que qui ne peut aliéner, ne sauroit obliger. (H)


ALIES(Hist. nat.) fêtes d'Apollon ou du Soleil, établies à Athenes. (G)


ALIGNEMENTS. m. est la situation de plusieurs objets dans une ligne droite. Voyez ALIGNER. (O)

ALIGNEMENT, terme d'Architecture. Lorsque les faces de deux pavillons ou de deux bâtimens séparés à une certaine distance l'un de l'autre, ont la même saillie, & sont sur une même ligne droite, on dit qu'ils sont en alignement. Donner un alignement, c'est régler par des réparations fixes le devant d'un mur de face sur une rue. Prendre un alignement, c'est en faire l'opération. (P)


ALIGNERv. act. n'est autre chose, en général, que placer plusieurs objets de maniere qu'ils soient tous dans une même ligne droite, ou dans un même plan. Voyez LIGNE, PLAN, &c.

On aligne ordinairement en plaçant des jalons ou piquets, de maniere qu'en mettant l'oeil assez près d'un de ces jalons, tous les autres qui suivent lui soient cachés. (O)

ALIGNER, terme d'Architecture ; c'est réduire plusieurs corps à une même saillie, comme dans la Maçonnerie, quand on dresse les murs ; & dans le Jardinage, quand on plante des allées d'arbres. Ils sont alignés, lorsqu'en les bornoyant ils paroissent à l'oeil sur une même ligne. (P)

ALIGNER, en Jardinage, c'est tracer sur le terrein des lignes par le moyen d'un cordeau & de bâtons appellés jalons, pour former des allées, des parterres, des bosquets, des quinconces & autres pieces.

Il faut être trois ou quatre personnes pour porter les jalons, les changer, les reculer selon la volonté du traceur. On observera de se placer à trois ou quatre piés au-dessus du jalon ; & en se baissant à sa hauteur & fermant un oeil, mirer avec celui qui est ouvert tous les autres, de maniere qu'ils se couvrent tous, suivant la tête du premier jalon, & de ceux qui sont posés dans le milieu & à l'autre extrémité. On ne doit point parler en travaillant, sur-tout dans les grandes distances, où la voix se perd aisément. Certains signes dont on conviendra, suffiront pour se faire entendre de loin : par exemple, si en alignant un jalon sur une ligne, il verse du côté gauche, il faut montrer avec la main, en la menant du côté droit, que ce jalon doit être redressé du côté droit ; comme aussi pour le faire avancer ou reculer pour le mettre en alignement. Observez qu'il faut toûjours en poser un à chaque bout de l'alignement, & les laisser même long-tems, pour faciliter le plantage des arbres. Voyez JALON.

Un jour de pluie & venteux empêche de bien aligner. On met du linge ou du papier pour discerner les jalons, & souvent on y appose un chapeau pour les mieux découvrir. (K)


ALIGNOUETS. m. instrument de fer dont on se sert dans la fabrication des ardoises. Il a son extrémité supérieure quarrée comme la tête d'un marteau ; il va toûjours en diminuant comme un coin. Son extrémité inférieure se termineroit en taillant, comme l'extrémité tranchante d'un ciseau, si on n'y avoit pratiqué une entaille en V, qui y forme deux pointes. La plus petite des figures K, Pl. I. de l'ardoise, est un alignouet. Quand une piece d'ardoise est bien séparée de son banc, on la jette dans la foncée. Voyez BANC & FONCEE. On la sort de la carriere ; & la premiere opération, qui consiste à la diviser par son épaisseur, s'exécute avec la pointe. V. POINTE. La pointe prépare une entrée à l'alignouet. On place l'alignouet dans l'entrée préparée par la pointe ; on frappe sur l'alignouet avec un pic moyen, & la séparation de la piece d'ardoise se fait. Voyez PIC MOYEN & ARDOISE.


ALILATnom sous lequel les Arabes adoroient la lune, ou, selon d'autres, la planete de Venus, que nous nommons hesperus le soir, & phosphorus le matin.


ALIMENSS. m. pl. en Droit, signifient non-seulement la nourriture, mais aussi toutes les autres nécessités de la vie, & fort souvent même une pension destinée à fournir à quelqu'un ces besoins, qu'on appelle aussi par cette raison pension alimentaire.

Ainsi l'on dit que les enfans doivent les alimens à leurs pere & mere, s'ils sont en nécessité, & un pere ou une mere à ses enfans, même naturels : un mari est obligé de nourrir & entretenir sa femme quand elle ne lui auroit point apporté de dot ; comme la femme est obligée de fournir des alimens à son mari lorsqu'il n'a pas de quoi vivre : le beau-pere & la belle-mere sont pareillement obligés d'en fournir à leur gendre & à leur bru ; & le gendre & la bru à leur beau-pere ou leur belle-mere, tant que l'alliance dure.

Le pere n'est pas obligé de fournir des alimens à un enfant qu'il est dans le cas de deshériter ; ni l'ayeul à ses petits-enfans si leur pere s'est marié sans son consentement, à moins qu'il n'ait fait les sommations respectueuses.

Pour la faveur des alimens, il est défendu de faire aucune stipulation sur les revenus à écheoir pour les éteindre ou les diminuer ; on n'en admet point la compensation. Les contestations pour cause d'alimens doivent être jugées sommairement, & le jugement qui intervient doit être exécuté nonobstant l'appel. Les alimens légués par testament sont ordonnés par provision, si l'héritier est absent ou qu'il differe d'accepter la succession. Quand le prince accorde des lettres de surséance, ils en sont exceptés. Si les alimens ont été légués jusqu'à l'âge de puberté, elle est réputée pour ce cas ne commencer qu'à dix-huit ans.

C'est aussi en conséquence de la faveur que méritent les alimens, que le boulanger & le boucher, & autres marchands de fournitures de bouche, sont, dans quelques jurisdictions, préférés aux autres créanciers. (H)

ALIMENS (les) méritent une attention singuliere dans la pratique de la Medecine ; car on peut les regarder, 1°. comme causes des maladies lorsqu'ils sont ou vicieux ou pris en trop grande quantité : 2°. comme remedes dans les maladies, ou comme faisant partie du régime que doivent tenir les malades pour obtenir leur guérison.

Des alimens considérés comme cause de maladies.

On peut considérer dans les alimens leur quantité, leur qualité, le tems de les prendre, les suites des alimens mêmes. Tous ces motifs peuvent faire envisager les alimens comme causes d'autant de maladies, & tendent à prouver que ce n'est pas sans raison que les plus grands Medecins insistent si fort sur la diete dans la pratique ordinaire de Medecine.

I. La quantité trop grande des alimens devient la cause de nombre de maladies. En effet, les alimens amassés dans l'estomac en plus grande quantité qu'il n'en peut porter, causent à ce viscere un grand travail : la digestion devient pénible, les deux orifices du ventricule se trouvent fermés de maniere que les alimens ne peuvent en sortir ; ce qui excite des cardialgies, des douleurs dans l'épigastre, des gonflemens des hypochondres, des suffocations qui sont plus grandes lorsqu'on est couché sur le dos & sur le côté gauche ; parce que le diaphragme étant horisontal, le poids & la plénitude de l'estomac l'emportent sur la contraction de ce muscle, & le ventricule ne se vuide que par des convulsions, sans avoir changé le tissu des alimens ; ce qui cause des diarrhées, des lienteries, & des coliques avec dyssenterie. S'il passe dans les vaisseaux lactées quelques parties de ces alimens indigestes & non divisés, elles épaississent le chyle, comme nous l'allons voir.

II. La qualité vicieuse des alimens produit un effet encore plus dangereux : en se digérant ils se mêlent avec les humeurs à qui elles communiquent leur mauvaise qualité. Ces qualités sont l'alkalescence, l'acidité, la qualité rance, la viscosité, & la glutinosité ; toutes ces qualités méritent l'attention des praticiens, & font un des plus grands objets dans les maladies.

1°. Tous les alimens tirés du regne animal sont alkalins, de même que toutes les plantes légumineuses & cruciferes. Les chairs des animaux vieux ou fort exercés sont encore plus alkalines. Les sels volatils des parties des animaux s'exaltent de même que les huiles, & produisent l'effet des alkalis volatils. Voyez ALKALI.

2°. L'acidité des alimens est occasionnée par les fruits acides, les herbes, les fruits d'été, les boissons acides, le lait, les vins acides, l'esprit-de-vin, la biere, & enfin toutes les substances où l'acide domine. Cette acidité produit des maladies dans ceux où les organes sont trop foibles pour dénaturer ces acides, & empêcher leur effet pernicieux. V. ACIDE.

3°. La qualité rance des alimens est sur-tout remarquable dans les chairs salées, le lard, les graisses trop vieilles, de même que les huiles ; elle est aussi produite par le séjour trop long de ces alimens dans l'estomac sans être digérés. Elle produit les mêmes maladies que l'alkalicité des humeurs, & demande les mêmes remedes.

4°. L'acrimonie muriatique est produite par les alimens salés, les poissons, les chairs salées, la grande quantité de sel dans les alimens, & leur assaisonnement de trop haut goût : la quantité des épiceries & aromates engendrent des maladies qui dépendent de l'acrimonie muriatique, telles que le scorbut des pauvres & des gens de mer, & le scorbut des gens oisifs, & sur-tout des riches & des gens de Lettres. Voyez SCORBUT & ACRIMONIE.

5°. La viscosité & la glutinosité se trouvent dans les alimens durs, tenaces, compacts, dont le suc est muqueux, visqueux, & comme de la colle ; tels sont les viandes dures, les extrémités des animaux, les peaux, les cartilages, les tendons ; telles sont les plantes légumineuses, les féves & les pois, les féves de marais, &c. Cette viscosité produit les maladies de l'épaississement & de la viscosité des humeurs ; l'obstruction des petits vaisseaux, les flatuosités, les coliques venteuses & souvent bilieuses avec diarrhées.

Mais ces différentes sortes d'alimens ne produisent ces effets qu'à raison de leur trop grande quantité ou de la disposition particuliere du tempérament : d'ailleurs le défaut de boisson suffisante ou même le trop de boisson servent encore à diminuer les forces des organes de la digestion.

III. Le tems de prendre les alimens influe sur leur altération. Si on les prend lorsque l'estomac est plein & chargé de crudités ou de salure, ils ne servent qu'à l'augmenter : lorsque l'estomac est vuide, & leur quantité immodérée ou leur qualité vicieuse, ils ne peuvent produire que des effets pernicieux.

Si on mange après une grande évacuation de sang, de semence, ou de quelqu'autre humeur, la digestion devient difficile à cause de la déperdition des esprits animaux.

Lorsque l'on mange dans le tems de la fievre, alors les sucs digestifs ne peuvent se séparer par l'érétisme & la trop grande tension des visceres ; il se forme un nouveau le vain qui entretient & augmente celui de la fievre.

La cure des maladies dont la cause est produite par les alimens, se reduit à enlever la salure qu'ils ont formée, à empêcher la régénération d'une nouvelle, & à fortifier l'estomac contre les effets produits, ou par la quantité ou par la qualité des alimens.

Le premier moyen consiste à employer les émétiques : si l'estomac est surchargé, selon la nature & la force du tempérament, l'émétique est préférable aux purgatifs ; d'autant que ceux-ci mêlent une partie de la salure dans le sang, & que l'émétique l'emporte de l'estomac & purge seul ce viscere de la façon la plus efficace. Cependant c'est au medecin à examiner les cas, la façon & les précautions que demande l'émétique.

Le second moyen consiste à empêcher la salure ou les crudités de se former de nouveau ; les remedes les meilleurs sont le régime & la diete, qui consistent à éviter les causes dont on a parlé ci-dessus : ainsi on doit changer la quantité, la qualité des alimens, & les regler selon les tems indiqués par le régime. Voyez RÉGIME. (N)

* Si certains alimens très-sains sont, par la raison qu'ils nourrissent trop, des alimens dangereux pour un malade, tout aliment en général peut avoir des qualités ou contraires ou favorables à la santé de celui qui se porte le mieux. Il seroit peut-être très-difficile d'expliquer physiquement comment cela se fait, ce qui constitue ce qu'on appelle le tempérament n'étant pas encore bien connu ; ce qui constitue la nature de tel ou tel aliment ne l'étant pas assez, ni par conséquent le rapport qu'il peut y avoir entre tels & tels alimens & tels & tels tempéramens. Il y a des gens qui ne boivent jamais de vin, & qui se portent fort bien ; d'autres en boivent, & même avec excès, & ne s'en portent pas plus mal. Ce n'est pas un homme rare qu'un vieil ivrogne : mais comment arrive-t-il que celui-ci seroit enterré à l'âge de vingt-cinq ans, s'il faisoit même un usage modéré du vin, & qu'un autre qui s'enivre tous les jours parvienne à l'âge de quatre-vingts ans ? Je n'en sai rien : je conjecture seulement que l'homme n'étant point fait pour passer ses jours dans l'ivresse, & tout excès étant vraisemblablement nuisible à la santé d'un homme bien constitué, il faut que ceux qui font excès continuel de vin sans en être incommodés, soient des gens mal constitués, qui ont eu le bonheur de rencontrer dans le vin un remede au vice de leur tempérament, & qui auroient beaucoup moins vécu s'ils avoient été plus sobres. Une belle question à proposer par une académie, c'est comment le corps se fait à des choses qui lui semblent très-nuisibles : par exemple, les corps des forgerons, à la vapeur du charbon, qui ne les incommode pas, & qui est capable de faire périr ceux qui n'y sont pas habitués ; & jusqu'où le corps se fait à ces qualités nuisibles. Autre question, qui n'est ni moins intéressante ni moins difficile, c'est la cause de la répugnance qu'on remarque dans quelques personnes pour les choses les meilleures & d'un goût le plus général ; & celle du goût qu'on remarque dans d'autres pour les choses les plus malsaines & les plus mauvaises.

Il y a selon toute apparence dans la nature un grand nombre de lois qui nous sont encore inconnues, & d'où dépend la solution d'une multitude de phénomenes. Il y a peut-être aussi dans les corps bien d'autres qualités ou spécifiques ou générales, que celles que nous y reconnoissons. Quoi qu'il en soit, on sait par des expériences incontestables, qu'entre ceux qui nous servent d'alimens, ceux qu'on soupçonneroit le moins de contenir des oeufs d'insectes, en sont impregnés, & que ces oeufs n'attendent qu'un estomac &, pour ainsi dire, un four propre à les faire éclorre. Voyez Mém. de l'Acad. 1730. page 217. & Hist. de l'Acad. 1707. p. 9. où M. Homberg dit qu'un jeune homme qu'il connoissoit, & qui se portoit bien, rendoit tous les jours par les selles depuis quatre ou cinq ans une grande quantité de vers longs de 5 ou 6 lignes, quoiqu'il ne mangeât ni fruit ni salade, & qu'il eût fait tous les remedes connus. Le même auteur ajoûte que le même jeune homme a rendu une fois ou deux plus d'une aune & demie d'un ver plat divisé par noeuds : d'où l'on voit, conclut l'historien de l'Académie, combien il y a d'oeufs d'insectes dans tous les alimens.

M. Lemery a prouvé dans un de ses mémoires, que de tous les alimens, ceux qu'on tire des végétaux étoient les plus convenables aux malades, parce qu'ayant des principes moins développés, ils semblent être plus analogues à la nature. Cependant le bouillon fait avec les viandes est la nourriture que l'usage a établie, & qui passe généralement pour la plus saine & la plus nécessaire dans le cas de maladie, où elle est presque toûjours la seule employée : mais ce n'est que par l'examen de ses principes qu'on se peut garantir du danger de la prescrire trop forte dans les circonstances où la diete est quelquefois le seul remede ; ou trop foible, lorsque le malade extenué par une longue maladie a besoin d'une nourriture augmentée par degrés pour réparer ses forces. Voilà ce qui détermina M. Geoffroy le cadet à entreprendre l'analyse des viandes qui sont le plus d'usage, & ce qui nous détermine à ajoûter ici l'analyse de la sienne.

Son procedé général peut se distribuer en quatre parties : 1°. par la simple distillation au bain-marie, & sans addition, il tire d'une certaine quantité, comme de quatre onces d'une viande crue, tout ce qui peut s'en tirer : 2°. il fait bouillir quatre autres onces de la même viande autant & dans autant d'eau qu'il faut pour en faire un consommé, c'est-à-dire, pour n'en plus rien tirer ; après quoi il fait évaporer toutes les eaux où la viande a bouilli, & il lui reste un extrait aussi solide qu'il puisse être, qui contient tous les principes de la viande, dégagés de flegme & d'humidité : 3°. il analyse cet extrait, & sépare ces principes autant qu'il est possible : 4°. après cette analyse il lui reste encore de l'extrait une certaine quantité de fibres de la viande très-desséchées, & il les analyse aussi.

La premiere partie de l'opération est en quelque sorte détachée des trois autres, parce qu'elle n'a pas pour sujet la même portion de viande, qui est le sujet des trois dernieres. Elle est nécessaire pour déterminer combien il y avoit de flegme dans la portion de viande qu'on a prise ; ce que les autres parties de l'opération ne pourroient nullement déterminer.

Ce n'est pas cependant qu'on ait par-là tout le flegme, ni un flegme absolument pur ; il y en a quelques parties que le bain-marie n'a pas la force d'enlever, parce qu'elles sont trop intimement engagées dans le mixte ; & ce qui s'enleve est accompagné de quelques sels volatils, qui se découvrent par les épreuves chimiques.

La chair de boeuf de tranche, sans graisse, sans os, sans cartilages ni membranes, a donné les principes suivans : de quatre onces mises en distillation au bain-marie, sans aucune addition, il est venu 2 onces 6 gros 36 grains de flegme ou d'humidité qui a passé dans le récipient. La chair restée seche dans la cornue s'est trouvée réduite au poids d'une once 1 gros 36 grains. Le flegme avoit l'odeur de bouillon. Il a donné des marques de sel volatil en précipitant en blanc la dissolution de mercure sublimé corrosif ; & le dernier flegme de la distillation en a donné des marques encore plus sensibles en précipitant une plus grande quantité de la même dissolution. La chair desséchée qui pesoit 1 once 1 gros 36 grains, mise dans une cornue au fourneau de reverbere, a d'abord donné un peu de flegme chargé d'esprit volatil, qui pesoit 1 gros 4 grains ; puis 3 gros 46 grains de sel volatil & d'huile fétide qui n'a pu s'en séparer. La tête morte pesoit 3 gros 30 grains : c'étoit un charbon noir, luisant & leger, qui a été calciné dans un creuset à feu très-violent. Ses cendres exposées à l'air se sont humectées, & ont augmenté de poids : lessivées, l'eau de leur lessive n'a point donné de marques de sel alkali, mais de sel marin. En précipitant en blanc la dissolution du mercure dans l'esprit de nitre, elle n'a causé aucun changement à la dissolution du sublimé corrosif, si ce n'est qu'après quelque tems de repos il s'est formé au bas du vaisseau une espece de nuage en forme de coagulum leger. Or nous ne connoissons jusqu'à présent que les sels qui sont de la nature du sel ammoniac, ou le sel marin, qui précipitent en blanc la dissolution de mercure par l'esprit de nitre, & seulement les terres absorbantes animales qui précipitent légerement la dissolution du sublimé corrosif.

Quatre onces de chair de boeuf séchée au bain-marie, ensuite arrosée d'autant d'esprit-de-vin bien rectifié, & laissée en digestion pendant un très-long tems, n'ont donné à l'esprit-de-vin qu'une foible teinture : l'esprit n'en a détaché que quelques gouttes d'huile ; la couleur qu'il a prise étoit rousse, & son odeur étoit fade. L'huile de tartre mêlée avec cet esprit, en a développé une odeur urineuse : son mêlange avec la dissolution de mercure par l'esprit de nitre a blanchi ; il s'y est fait un précipité blanc jaunâtre ; puis cette liqueur est devenue ardoisée, à cause du sel ammoniac urineux dont l'esprit-de-vin s'étoit imbu. L'essai de cet esprit-de-vin, mêlé avec la dissolution du sublimé corrosif, a produit un précipité blanc qui est devenu un peu jaune : la précipitation ne s'est faite dans le dernier cas que par le développement d'une portion du sel volatil urineux, qui a passé dans l'esprit-de-vin avec le sel ammoniacal.

Quatre onces de chair de boeuf ayant été cuites dans un vaisseau bien fermé avec trois chopines d'eau, & la cuisson répétée six fois avec pareille quantité de nouvelle eau, tous les bouillons mis ensemble, & les derniers n'ayant plus qu'une odeur de veau très-légere, on les a fait évaporer à feu lent ; on les a filtrés vers la fin de l'évaporation pour en séparer une portion terreuse, & il est resté dans le vaisseau un extrait médiocrement solide qui s'humectoit à l'air très-facilement, & qui s'est trouvé peser 1 gros 56 grains, c'est-à-dire que quatre onces de boeuf bouilli donnant 1 gros 56 grains d'extrait, une livre de semblable boeuf eût donné 7 gros 8 grains de pareil extrait ; plus 11 onces 16 gros 64 grains de flegme, & 3 onces 2 gros de fibres dépouillées de tout suc. On conçoit que ce produit doit varier selon la qualité du boeuf. Au reste, le bouillon fait d'une bonne chair de boeuf, dénuée de membranes, de tendons, de cartilages, ne se met presque jamais en gelée : j'entens par gelée une masse claire & tremblante.

L'extrait de boeuf qui pesoit 1 gros 56 grains analysé, a fourni 1 gros 2 grains de sel volatil attaché aux parois du récipient, non en ramifications, comme ordinairement les sels volatils, mais en crystaux plats, formés pour la plûpart en parallélepipedes. L'esprit & l'huile qui sont venus ensemble après le sel volatil, pesoient 38 grains. Le sel fixe de tartre, mêlé avec ce sel volatil, a paru augmenter sa force, ce qui pourroit faire soupçonner ce dernier d'être un sel ammoniacal urineux. La tête morte ou le charbon resté dans la cornue, étoit très-raréfié & très-léger ; il ne pesoit plus que six grains : sa lessive a précipité en blanc la dissolution de mercure, comme a fait la lessive de la cendre de chair de boeuf crue dont j'ai parlé ci-dessus. Les 6 gros 36 grains de la masse des fibres de boeuf desséchées, analysées de la même façon, ont rendu 2 gros d'un sel volatil de la forme des sels volatils ordinaires, & qui s'est attaché aux parois du récipient en ramifications, & mêlé d'un peu d'huile fétide assez épaisse, mais moins brune que celle de l'extrait qui a été tirée du bouillon. L'esprit qui étoit de couleur citrine, séparé de son huile, a pesé 36 grains ; la tête morte pesoit un gros 60 grains.

La lessive qu'on a faite après la calcination n'a pû altérer la dissolution du mercure par l'esprit de nitre, parce que lorsqu'on a analysé ces fibres de boeuf desséchées, elles étoient déjà dénuées, non-seulement de tout leur sel essentiel ammoniacal, mais encore de leur sel fixe, qui est de nature de sel marin, puisqu'elles ont passé pour la plus grande partie avec les huiles dans l'eau pendant la longue ébullition de cette chair. Cette lessive a seulement teint legerement de couleur d'opale la dissolution du sublimé corrosif ; preuve qu'il y restoit encore une portion huileuse. On sait que les matieres sulphureuses précipitent cette dissolution en noir, ou plûtôt en violet foncé, dont la couleur d'opale est un commencement.

On connoît donc par l'analyse de l'extrait des bouillons, qu'il passe dans l'eau pendant l'ébullition de la chair de boeuf, un sel ammoniacal qu'on peut regarder comme le sel essentiel de cette viande, & qui paroît dans la distillation de l'extrait sous une forme différente de celui qu'on retire de la chair lorsqu'on la distille crue.

M. Geoffroy a fait les mêmes opérations sur la chair de veau, celle de mouton, celle de poulet, de coq, de chapon, de pigeon, de faisan, de perdrix, de poulet-d'inde ; & voici la table du produit de ses expériences.

Les doses d'extraits marquées dans ces tables, mettent en état de ne plus faire au hasard des mêlanges de différentes viandes sans savoir précisément ce qu'on y donne ou ce qu'on y prend de nourriture.

Ces doses sont les doses extrèmes, c'est-à-dire qu'elles supposent qu'on a tiré de la viande tout ce qui pouvoit s'en tirer par l'ébullition. Mais les bouillons ordinaires ne vont pas jusque-là, & les extraits qui en viendroient seroient moins forts. M. Geoffroy en les réduisant à ce pié ordinaire, trouve qu'on a encore beaucoup de tort de craindre, comme on fait communément, que les bouillons ne nourrissent pas assez les malades. La Medecine d'aujourd'hui tend assez à rétablir la diete austere des anciens, mais elle a bien de la peine à obtenir sur ce point une grande soûmission.


ALIMENTS. m. (Physiologie.) est tout ce qui peut se dissoudre & se changer en chyle par le moyen de la liqueur stomachale & de la chaleur naturelle, pour être ensuite converti en sang, & servir à l'augmentation du corps ou à en réparer les pertes continuelles. Voyez NOURRITURE, CHYLE, SANG, NUTRITION, &c. Ce mot est latin, & vient du verbe alere, nourrir.

Les premiers hommes ignoroient les vertus des viandes, des fruits, des plantes, des bêtes sauvages, de l'eau froide, &c. ils ont par conséquent dû faire bien des tentatives à leurs dépens. Tel aliment qui convient à un corps robuste, dérange, détruit un sujet foible & délicat : ce qui est sain dans un climat froid, ne l'est pas dans un pays chaud. Savoit-on tout cela autrefois ? On usoit de choses dangereuses, parce qu'elles étoient inconnues, & cela arrive encore aux navigateurs dans les pays lointains. On sait que les soldats d'Antoine furent obligés en Assyrie de manger les racines qui se rencontroient ; il s'en trouva de venimeuses qui les firent tomber dans le délire, au rapport de Plutarque ; & Diodore de Sicile raconte que les Grecs à leur retour de l'expédition de Cyrus, se nourrirent pendant 24 heures du miel de la Colchide. Boerh. comment. (L)

ALIMENT DU FEU, pabulum ignis, signifie tout ce qui sert à nourrir le feu, comme le bois, les huiles, & en général toutes les matieres grasses & sulphureuses. Voyez FEU & CHALEUR. (O)


ALIMENTAIREadj. (Physiologie.) ce qui a rapport aux alimens ou à la nourriture. Voyez NOURRITURE, &c.

Les anciens medecins tenoient que chaque humeur étoit composée de deux parties ; une alimentaire, & une excrémentitielle. Voyez HUMEUR & EXCREMENT.

Conduit ALIMENTAIRE, est un nom que Tyson & quelques autres auteurs donnent à cette partie du corps, par où la nourriture passe depuis qu'elle est entrée dans la bouche, jusqu'à sa sortie par l'anus, & qui comprend le gosier, l'estomac, les intestins. Voyez ESTOMAC, &c.

Morgagni regarde tout le conduit alimentaire (qui comprend l'estomac, les intestins, & les veines latées) comme formant une seule glande, qui est de la même nature, qui a la même structure & les mêmes usages que les autres glandes du corps. Voyez GLANDE.

Chaque glande a ses vaisseaux différens, secrétoires & excrétoires, & aussi son réservoir commun, où la matiere qui y est apportée reçoit sa premiere préparation par voie de digestion, &c.

Dans cette vaste & importante glande que forme le conduit alimentaire, le gosier & l'oesophage sont le vaisseau déférent ; l'estomac est le réservoir commun ; les veines lactées sont les vaisseaux secrétoires, autrement les couloirs ; & les intestins depuis le pylore jusqu'à l'anus, sont le canal excrétoire. Ainsi les fonctions de cette glande, comme de toutes les autres, sont principalement quatre ; savoir, la solution, la séparation, la secrétion, & l'excrétion.

Conduit alimentaire, s'entend aussi quelquefois du canal thorachique. Voyez THORACHIQUE. (L)

Loi ALIMENTAIRE (Jurisprud.) étoit une loi chez les Romains qui enjoignoit aux enfans de fournir la subsistance à leurs pere & mere. V. ALIMENS. (H)

ALIMENTAIRES, adj. pris subst. (Hist. anc.) nom que donnoient les Romains à de jeunes garçons & de jeunes filles qu'on élevoit dans des lieux publics, comme cela se pratique à Paris dans les hôpitaux de la Pitié, des Enfans-rouges, &c. Ils avoient comme nous des maisons fondées où l'on élevoit & nourrissoit des enfans pauvres & orphelins de l'un & de l'autre sexe, dont la dépense se prenoit ou sur le fisc ou sur des revenus certains laissés par testament à ces établissemens, soit par les empereurs, soit par les particuliers. On appelloit les garçons alimentarii pueri, & les filles alimentariae puellae. On les nommoit aussi souvent du nom des fondateurs & fondatrices de ces maisons. Jule Capitolin, dans la vie d'Antonin le Pieux, rapporte que ce prince établit une maison en faveur des filles orphelines, qu'on appella Faustiniennes, Faustinianae, du nom de l'Impératrice épouse d'Antonin ; & selon le même auteur, Alexandre Severe en fonda une autre pour des enfans de l'un & de l'autre sexe, qu'on nomma Mamméens, & Mamméennes du nom de sa mere Mammée : Puellas & pueros, quemadmodum Antonius Faustinianas instituerat, Mammaeanas & Mammaeanos instituit. Jul. Capitol. in Antonin. & Sever. (G)


ALIPHEville d'Italie au royaume de Naples, dans la terre de Labour, près de Volturne.


ALIPTÆS. m. pl. (Hist. ant.) du Grec ἀλείφω frotter, nom des Officiers chargés d’huiler & de froter les Athletes, sur-tout les Luteurs & les Pancratites avant que la lice fût ouverte.


ALIPTERIONen latin onctuarium, s. m. (Hist. anc.) étoit un des appartemens des thermes des anciens, dans lequel les athletes se rendoient pour se faire oindre par les officiers de palestre, ou se rendre ce service les uns aux autres. On appelloit encore cette chambre aeleothesium.


ALIQUANTESad. f. Les parties aliquantes d'un tout sont celles qui répétées un certain nombre de fois ne font pas le tout complet, ou qui répétées un certain nombre de fois, donnent un nombre plus grand ou plus petit que celui dont elles sont les parties aliquantes. Voyez PARTIE, MESURE, &c.

Ce mot vient du latin aliquantus, qui a la même signification.

Ainsi 5 est une partie aliquante de 12, parce que prise deux fois, elle donne un nombre moindre que 12 ; & que prise trois fois, elle en donne un plus grand. Les parties aliquantes d'une livre ou vingt sols, sont :

Quant à la maniere de multiplier les parties aliquantes, voyez MULTIPLICATION.


ALIQUOTESadj. f. on appelle ainsi les parties d'un tout qui répétées un certain nombre de fois font le tout complet, ou qui prises un certain nombre de fois, égalent le tout. Voyez PARTIE, &c.

Ce mot vient du latin aliquotus, qui signifie la même chose.

Ainsi 3 est une partie aliquote de 12, parce que prise quatre fois elle égale ce nombre.

Les parties aliquotes d'une livre ou vingt sols sont : 10 s. moitié de 20 s.

Quant à la multiplication des parties aliquotes, voyez l'article MULTIPLICATION. (E)


ALISÉadj. vents alisés, (Physiq. & Marine.) sont certains vents réguliers qui soufflent toûjours du même côté sur les mers, ou alternativement d'un certain côté & du côté opposé.

Les Anglois les appellent aussi vents de commerce ; parce qu'ils sont extrèmement favorables pour ceux qui font le commerce des Indes.

Ces vents sont de différentes sortes ; quelques-uns soufflent pendant 3 ou 6 mois de l'année du même côté, & pendant un pareil espace de tems du côté opposé : ils sont extrèmement communs dans la mer des Indes, & on les appelle moussons. Voyez MOUSSONS.

D'autres soufflent constamment du même côté ; tel est ce vent continuel qui regne entre les deux tropiques, & qui souffle tous les jours le long de la mer d'orient en occident.

Ce dernier vent est celui qu'on appelle proprement vent alisé. Il regne toute l'année dans la mer Atlantique & dans la mer d'Ethiopie entre les deux tropiques ; mais de telle maniere qu'il semble souffler en partie du nord-est dans la mer Atlantique, & en partie du sud-est dans la mer d'Ethiopie.

Aussi tôt qu'on a passé les îles Canaries, à-peu-près à la hauteur de 28 degrés de latitude septentrionale, il regne un vent de nord-est qui prend d'autant plus de l'est qu'on approche davantage des côtes d'Amérique, & les limites de ce vent s'étendent plus loin sur les côtes d'Amérique que sur celles d'Afrique. Ces vents sont sujets à quelques variations suivant la saison, car ils suivent le soleil ; lorsque le soleil se trouve entre l'équateur & le tropique du cancer, le vent de nord-est qui regne dans la partie septentrionale de la terre, prend davantage de l'est, & le vent de sud-est qui regne dans la mer d'Ethiopie, prend davantage du sud. Au contraire, lorsque le soleil éclaire la partie méridionale de la terre, les vents du nord-est de la mer Atlantique prennent davantage du nord, & ceux du sud-est de la mer d'Ethiopie, prennent davantage de l'est.

Le vent général d'est souffle aussi dans la mer du Sud. Il est vent de nord-est dans la partie septentrionale de cette mer, & de sud-est dans la partie méridionale : ces deux vents s'étendent de chaque côté de l'équateur jusqu'au 28 & 30e degré. Ces vents sont si constans & si forts, que les vaisseaux traversent cette grande mer depuis l'Amérique jusqu'aux îles Philippines, en dix semaines de tems ou environ ; car ils soufflent avec plus de violence que dans la mer du Nord & dans celle des Indes. Comme ces vents regnent constamment dans ces parages sans aucune variation & presque sans orages, il y a des Marins qui prétendent qu'on pourroit arriver plûtôt aux Indes, en prenant la route du détroit de Magellan par la mer du Sud, qu'en doublant le cap de Bonne-Espérance, pour se rendre à Java, & de-là à la Chine. Mussch. Essais de Physique.

Ceux qui voudront avoir un plus ample détail sur ces sortes de vents, peuvent consulter ce qu'en ont écrit M. Halley & le voyageur Dampierre. Ils pourront aussi avoir recours au chapitre sur les vents, qui se trouve à la fin de l'essai de Physique de M. Musschenbroeck, ainsi qu'aux traités de M. Mariotte, sur la nature de l'air & sur le mouvement des fluides.

Pour ce qui est des causes physiques de tous ces vents, voyez l'article VENT.

Le docteur Lister, dans les Transactions philosophiques, a sur la cause de ces vents une opinion singuliere. Il conjecture que les vents tropiques ou moussons naissent en grande partie de l'haleine ou du souffle qui sort d'une plante marine appellée sargossa ou lenticula marina, laquelle croît en grande quantité depuis le 36d jusqu'au 18d de latitude septentrionale, & ailleurs sur les mers les plus profondes : " car, dit-il, la matiere du vent qui vient du souffle d'une seule & même plante, ne peut être qu'uniforme & constante ; au lieu que la grande variété d'arbres & plantes de terre, fournit une quantité de vents différens : d'où il arrive, ajoûte-t-il, que les vents en question sont plus violens vers le midi, le soleil réveillant ou ranimant pour lors la plante plus que dans une autre partie du jour naturel, & l'obligeant de souffler plus fort & plus fréquemment ". Enfin il attribue la direction de ce vent d'orient en occident, au courant général & uniforme de la mer, comme on observe que le courant d'une riviere est toûjours accompagné d'un petit vent agréable qui souffle du même côté : à quoi l'on doit ajoûter encore, selon lui, que chaque plante peut être regardée comme un héliotrope, qui en se penchant suit le mouvement du soleil, & exhale sa vapeur de ce côté-là ; de sorte que la direction des vents alisés doit être attribuée en quelque façon au cours du soleil. Une opinion si chimérique ne mérite pas d'être réfutée. Voyez COURANT.

Le docteur Gordon est dans un autre système ; & il croit que l'atmosphere qui environne la terre & qui suit son mouvement diurne, ne la quitte point ; ou que si l'on prétend que la partie de l'atmosphere la plus éloignée de la terre ne peut pas la suivre, du moins la partie la plus proche de la terre ne l'abandonne jamais ; de sorte que s'il n'y avoit point de changemens dans la pesanteur de l'atmosphere, elle accompagneroit toûjours la terre d'occident en orient par un mouvement toûjours uniforme & entierement imperceptible à nos sens. Mais comme la portion de l'atmosphere qui se trouve sous la ligne est extrèmement raréfiée, que son ressort est relâché, & que par conséquent sa pesanteur & sa compression sont devenues beaucoup moins considérables que celles des parties de l'atmosphere qui sont voisines des poles, cette portion est incapable de suivre le mouvement uniforme de la terre vers l'orient, & par conséquent elle doit être poussée du côté de l'occident, & causer le vent continuel qui regne d'orient en occident entre les deux tropiques. Voyez sur tout cela l'article VENT. (O)


ALISIERS. m. ou ALIZIER, crataegus, arbre dont le fruit ne differe de celui du poirier, que par la forme & la grosseur. Ce fruit n'est qu'une baie remplie de semences calleuses & renfermées dans de petites loges. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)


ALISMAespece de doronic : cette plante jette de sa racine plusieurs feuilles semblables à celles du plantin, épaisses, nerveuses, velues, & s'étendant à terre. Il sort du milieu des feuilles une tige qui s'éleve d'un pié ; ou d'un pié & demi, velue, portant des feuilles beaucoup plus petites que celles d'enbas, & à son sommet une fleur jaune radiée comme celle du doronic ordinaire, plus grande cependant & d'une couleur d'or plus foncée. Sa semence est longuette, garnie d'une aigrette, âcre, odorante. Sa racine est rougeâtre, entourée de filamens longs comme celle de l'ellébore noir, d'un goût piquant, aromatique & agréable. Ce doronic croît aux lieux montagneux ; il contient beaucoup de sel & d'huile ; il est diurétique, sudorifique, quelquefois émétique : il dissout les coagulations du sang. Ses fleurs font éternuer : leur infusion arrête le crachement de sang. Lemery. Il y a entre cette description & celle d'Oribase des choses communes & d'autres qui different. Oribase attribue à l'alisma des propriétés singulieres, comme de guérir ceux qui ont mangé du lievre marin. Hoffman dit qu'il est résolutif & vulnéraire ; qu'il est bon dans les grandes chûtes ; & que les paysans le substituent avec succès à l'ellébore dans les maladies des bestiaux. Tournefort en distingue cinq especes : on en peut voir chez lui les descriptions, surtout de la quatrieme.


ALITEUSsurnom donné à Jupiter, parce que dans un tems de famine il prit un soin particulier des Meuniers, afin que la farine ne manquât pas.


ALKAHESTou ALCAHEST, s. m. (Chimie.) est un menstrue ou dissolvant, que les Alchimistes disent être pur, au moyen duquel ils prétendent résoudre entierement les corps en leur matiere primitive, & produire d'autres effets extraordinaires & inexplicables. Voyez MENSTRUE, DISSOLVANT, &c.

Paracelse & Vanhelmont, ces deux illustres adeptes, déclarent expressément qu'il y a dans la nature un certain fluide capable de réduire tous les corps sublunaires, soit homogenes, soit hétérogenes, en la matiere primitive dont ils sont composés, ou en une liqueur homogene & potable, qui s'unit avec l'eau & les sucs du corps humain, & retient néanmoins ses vertus séminales, & qui étant remêlée avec elle-même, se convertit par ce moyen en une eau pure & élémentaire ; d'où, comme se le sont imaginés ces deux auteurs, elle réduiroit enfin toutes choses en eau. Voyez EAU.

Le témoignage de Paracelse, appuyé de celui de Vanhelmont, qui proteste avec serment qu'il possédoit le secret de l'alkahest, a excité les Chimistes & les Alchimistes qui les ont suivis, à chercher un si noble menstrue. Boyle en étoit si entêté, qu'il avoue franchement qu'il aimeroit mieux posséder l'alkahest, que la pierre philosophale même. Voyez ALCHIMIE.

En effet, il n'est pas difficile de concevoir que tous les corps peuvent venir originairement d'une matiere primitive qui ait d'abord été sous une forme fluide. Ainsi la matiere primitive de l'or n'est peut-être autre chose qu'une liqueur pesante, qui par sa nature ou par une forte attraction entre ses parties, acquiert ensuite une forme solide. Voyez OR. En conséquence il ne paroît pas qu'il y ait rien d'absurde dans l'idée d'un être ou matiere universelle, qui résout tous les corps en leur être primitif.

L'alkahest est un sujet qui a été traité par une infinité d'auteurs, tels que Pantaleon, Philalethe, Tachenius, Ludovic, &c. Boerhaave dit qu'on en pourroit faire une bibliotheque. Veidenfelt, dans son traité de secretis adeptorum, rapporte toutes les opinions que l'on a eues sur cette matiere.

Le terme d'alkahest ne se trouve dans aucune langue en particulier : Vanhelmont dit l'avoir premierement remarqué dans Paracelse, comme un terme qui étoit inconnu avant cet auteur ; lequel dans son II. livre de viribus membrorum, dit en parlant du foie : est etiam alkahest liquor magnam hepatis conservandi & confortandi, &c. c'est-à-dire " il y a encore la liqueur alkahest qui est fort efficace pour conserver le foie, comme aussi pour guérir l'hydropisie, & toutes les autres maladies qui proviennent des vices de ce viscere, &c. ".

C'est ce simple passage de Paracelse qui a excité les Chimistes à chercher l'alkahest ; car dans tous les ouvrages de cet auteur, il n'y a qu'un autre endroit où il en parle, & encore il ne le fait que d'une maniere indirecte.

Or comme il lui arrive souvent de transposer les lettres des mots, & de se servir d'abréviations, & d'autres moyens de déguiser sa pensée, comme lorsqu'il écrit mutratar pour tartarum, mutrin pour nitrum ; on croit qu'alkahest peut bien être ainsi un mot déguisé : de-là quelques-uns s'imaginent qu'il est formé d'alkali est, & par conséquent que c'est un sel alkali de tartre volatilisé. Il semble que c'étoit l'opinion de Glauber, lequel avec un pareil menstrue fit en effet des choses étonnantes sur des matieres prises dans les trois genres des corps ; savoir, animaux, végétaux & minéraux ; cet alkahest de Glauber est le nitre qu'on a rendu alkali, en le fixant avec le charbon.

D'autres prétendent qu'alkahest vient du mot allemand algueist, comme qui diroit entierement spiritueux ou volatil ; d'autres veulent qu'il soit pris de saltz-gueist, c'est-à-dire esprit de sel ; car le menstrue universel doit être, à ce qu'on prétend, tiré de l'eau ; & Paracelse lui-même appelle le sel, le centre de l'eau, où les métaux doivent mourir, &c.

En effet, l'esprit de sel étoit le grand menstrue dont il se servoit la plûpart du tems. Le commentateur de Paracelse, qui a donné une édition latine de ses oeuvres à Delft, assûre que l'alkahest est le mercure réduit en esprit. Zwelfer jugeoit que c'étoit un esprit de vinaigre rectifié du verd-de-gris ; & Starkey croyoit l'avoir découvert dans son savon.

On a employé pour exprimer l'alkahest quelques termes synonymes & plus significatifs : Vanhelmont le pere en parle sous le nom d'ignis aqua, feu eau : mais il semble qu'en cet endroit il entend la liqueur circulée de Paracelse, qu'il nomme feu, à cause de la propriété qu'elle a de consumer toutes choses, & eau à cause de sa forme liquide. Le même auteur appelle l'alkahest ignis gehennae, feu d'enfer, terme dont se sert aussi Paracelse ; il le nomme aussi summum & felicissimum omnium salium, " le plus excellent & le plus heureux de tous les sels, qui ayant acquis le plus haut degré de simplicité, de pureté & de subtilité, joüit seul de la faculté de n'être point altéré ni affoibli par les sujets sur lesquels il agit, & de dissoudre les corps les plus intraitables & les plus rebelles, comme les caillous, le verre, les pierres précieuses, la terre, le soufre, les métaux, &c. & d'en faire un véritable sel de même poids que le corps dissous ; & cela avec la même facilité que l'eau chaude fait fondre la neige. Ce sel, continue Vanhelmont, étant plusieurs fois cohobé avec le sal circulatum de Paracelse, perd toute sa fixité, & à la fin devient une eau insipide de même poids que le sel d'où elle a été produite ". Vanhelmont déclare expressément " que ce menstrue est entierement une production de l'art, & non de la nature. Quoique l'art, dit-il, puisse convertir en eau une partie homogene de la terre élémentaire, je nie cependant que la nature seule puisse faire la même chose ; car aucun agent naturel ne peut changer un élément en un autre ". Et il donne cela comme une raison pourquoi les élémens demeurent toûjours les mêmes. Une chose qui peut porter quelque jour dans cette matiere, c'est d'observer que Vanhelmont, ainsi que Paracelse, regardoit l'eau comme l'instrument universel de la Chimie & de la Philosophie naturelle ; la terre comme la base immuable de toutes choses ; le feu comme leur cause efficiente ; que, selon eux, les vertus séminales ont été placées dans le méchanisme de la terre ; que l'eau, en dissolvant la terre, & fermentant avec elle comme elle fait par le moyen du feu, produit chaque chose ; que c'est-là l'origine des animaux, des végétaux, & des minéraux ; & que l'homme même fut ainsi créé au commencement, au récit de Moyse.

Le caractere essentiel de l'alkahest, comme nous avons observé, est de dissoudre & de changer tous les corps sublunaires, excepté l'eau seule ; voici de quelle maniere ces changemens arrivent.

1°. Le sujet exposé à l'opération de l'alkahest, est réduit en ses trois principes, qui sont le sel, le soufre & le mercure ; ensuite en sel seulement, qui alors devient volatil, & à la fin il est changé entierement en eau insipide. La maniere d'appliquer le corps qui doit être dissous, par exemple, l'or, le mercure, le sable, & autres semblables, est de le toucher une fois ou deux avec le prétendu alkahest ; & si ce menstrue est véritable, le corps sera converti en sel d'un poids égal.

2°. L'alkahest ne détruit pas les vertus séminales des corps qu'il dissout : ainsi en agissant sur l'or, il le réduit en sel d'or ; il réduit l'antimoine en sel d'antimoine ; le safran en sel de safran, &c. sels qui ont les mêmes vertus séminales & les mêmes propriétés que le concret d'où ils sont formés.

Par vertus séminales, Vanhelmont entend les vertus qui dépendent de la structure ou méchanisme d'un corps, & qui le constituent ce qu'il est par le moyen de l'alkahest. On pourroit facilement avoir un or potable actuel & véritable, puisque l'alkahest change tout le corps de l'or en un sel qui conserve les vertus séminales de ce mtal, & qui est en même tems soluble dans l'eau.

3°. Tout ce que dissout l'alkahest peut être volatilisé par un feu de sable ; & si après l'avoir volatilisé on distille l'alkahest, le corps qui reste est une eau pure & insipide, de même poids que le corps primitif, mais privée de ses vertus séminales. Par exemple, si l'on dissout de l'or par l'alkahest, le métal devient d'abord un sel qui est l'or potable : mais lorsqu'en donnant plus de feu on distille le menstrue, il ne reste qu'une pure eau élémentaire ; d'où il paroît que l'eau simple est le dernier produit ou effet de l'alkahest.

4°. L'alkahest n'éprouve aucun changement ni diminution de force en dissolvant les corps sur lesquels il agit ; c'est pourquoi il ne souffre aucune réaction de leur part, étant le seul menstrue inaltérable dans la nature.

5°. Il est incapable de mêlange ; c'est pourquoi il est exemt de fermentation & de putréfaction ; en effet il sort aussi pur du corps qu'il a dissous, que lorsqu'il y a été appliqué, & ne laisse aucune impureté.

On peut dire que l'alkahest est un être de raison, c'est-à-dire un être imaginaire, si on lui attribue toutes les propriétés dont nous venons de parler d'après les Alchimistes.

On ne doit pas dire que l'alkahest est les alkalis volatilisés ou digerés dans les huiles ; puisque Vanhelmont lui-même dit, que si on ne peut pas atteindre à la préparation de l'alkahest, il faut volatiliser les alkalis, afin que par leur moyen on puisse faire les dissolutions. (M)


ALKALIS. m. (Chimie.) signifie en général tout sel dont les effets sont différens & contraires à ceux des acides. Il ne faut pas pour cela dire que les alkalis sont d'une nature différente & opposée à celle des acides, puisqu'il est de l'essence saline des alkalis de contenir de l'acide. Voyez ACIDE.

Alkali est un mot arabe : les Arabes nomment kali une plante que les François connoissent sous le nom de soude ; on tire de la lessive des cendres de cette plante, un sel qui fermente avec les acides, & les émousse ; & parce que ce sel est celui de cette espece qui est le plus connu, on a donné le nom d'alkali à tous les sels qui fermentent avec les acides, & leur font perdre leur acidité.

Les propriétés de ces corps, par lesquelles on les considere comme alkalis, ne sont que des rapports de ces corps, comparés avec d'autres qui sont acides pour eux ; c'est pourquoi il y a des matieres qui sont alkalines pour quelques corps, & qui se trouvent acides pour d'autres.

Les alkalis sont ou fluides, comme est la liqueur de nitre fixé ; ou solides, comme la soude.

Les alkalis, tant les fluides que les solides, sont ou fixes, comme sont le sel alkali de tartre, & la liqueur alkaline de tartre, qu'on nomme vulgairement huile de tartre par défaillance ; ou les alkalis sont volatils, comme sont le sel & l'esprit de corne de cerf.

On peut distinguer les alkalis fixes des alkalis volatils, en ce que les fixes font prendre au sublimé corrosif dissous dans de l'eau, ou à la dissolution de mercure faite par l'esprit de nitre, une couleur rouge orangée ; au lieu que les alkalis volatils donnent à ces dissolutions une couleur blanche laiteuse.

Pour savoir dans l'instant si une matiere est alkaline, on l'éprouve avec une teinture violette : par exemple, en les mêlant avec du sirop de violette, dissous dans l'eau, les alkalis, tant les fixes que les volatils, verdissent ces teintures violettes ; au lieu que les acides les rougissent.

Les alkalis ont la propriété de se fondre aisément au feu ; & plus un alkali est pur, plus aisément il s'y fond ; au contraire lorsqu'il contient de la terre, ou quelqu'autre matiere, il n'est pas facile à fondre.

Les alkalis s'humectent aussi fort aisément à l'air ; ils s'imbibent de son humidité lorsqu'ils ne sont pas exactement renfermés.

Ces trois genres de corps donnent des alkalis : le genre des animaux fournit beaucoup d'alkalis volatils, & presque point de fixes ; le genre des végétaux donne plus d'alkalis fixes que de volatils ; il y a beaucoup d'alkalis fixes du genre minéral, & presque point de volatils ; & même il n'y a pas longtems qu'on sait qu'on peut tirer des alkalis volatils urineux du genre minéral. Voyez les Mémoires de l'Académie Royale des Scienc. de l'année 1746. Analyse des eaux minérales de Plombieres, par M. Maloüin.

Il y a un alkali fixe naturel qui est du genre minéral, tel qu'est le natrum ; cet alkali naturel est peu connu, & plus commun qu'on ne le croit ; c'est pourquoi on en trouve dans presque toutes les eaux minérales, parce qu'elles l'ont emporté des terres qu'elles ont traversées : c'est pourquoi aussi on trouve dans la plûpart de ces eaux du sel de Glauber dont la base est un alkali de la nature du natrum. Enfin cet alkali naturel est la base du sel le plus commun par ses usages & par la quantité qu'on en trouve, savoir le sel gemme & le sel marin.

Quoiqu'on n'admette point communément d'alkali naturel dans le genre des végétaux, on conçoit cependant qu'il n'est pas impossible qu'ils en ayent tiré de la terre dont elles se nourrissent ; il est vrai que la plus grande partie de cet alkali naturel change de nature dans la plûpart des plantes.

Il y a encore moins d'alkali naturel dans les animaux, que dans les végétaux : cependant on en tire plus d'alkali, que des végétaux, parce que le feu peut alkaliser plus aisément les principes des animaux.

Les sels fixes des plantes sont des sels alkalis, qu'on en tire après les avoir brûlées & avoir lessivé leurs cendres : c'est pourquoi on appelle ces sels, sels lixiviels. On n'entend communément sous le nom de sels alkalis fixes, que les sels lixiviels des plantes.

Les sels naturels ou essentiels des plantes sont le plus souvent ou de la nature du nitre, ou de la nature du tartre, ou de la nature du sel commun ; desorte qu'en brûlant ces plantes, on fixe leurs sels par leur charbon, & ces sels sont aluns, ou de la nature de nitre fixe, ou de la nature de l'alkali du tartre, ou de la nature de l'alkali du sel commun, qui est une espece de soude, savoir le sel alkali proprement dit. Quelques plantes ont de tous ces sels ensemble.

La méthode de Tachenius, pour faire les sels alkalis fixes, est de brûler les plantes en charbon avant que de les convertir tout-à-fait en cendres ; au lieu qu'en les brûlant à feu ouvert, par la façon ordinaire, elles tombent en cendres tout de suite. Les sels fixes, faits à la maniere de Tachenius, sont moins alkalis & plus huileux que les sels faits à l'ordinaire.

Ce qui reste dans la cornue après la distillation des plantes, diminue environ des deux tiers, lorsqu'on le calcine à feu ouvert. Cette partie qui s'évapore est une portion d'huile de la plante, qui ayant été saisie par la chaleur & combinée avec la partie terreuse & saline fixe de la plante, n'a pû en être séparée, par le feu clos & plus foible, dans la cornue.

Il entre dans la composition des sels alkalis fixes des plantes, une partie de leur huile, qui fait que ces sels ont quelque chose de doux au toucher. Le nitre fixe contient un peu de la partie grasse de la matiere inflammable avec laquelle on l'a fixé ; & quoiqu'en versant de l'acide de nitre sur du nitre fixé, on forme de nouveau un nitre qui ne contient point cette partie grasse, on n'en peut pas conclure que pour fixer le nitre, c'est-à-dire, pour en faire un alkali fixe, le principe huileux n'y soit nécessaire. Si on demande ce que devient cette partie grasse du nitre fixe, dans la reproduction du nitre ; il est facile de répondre à cette question, en faisant voir que cette partie grasse qui faisoit partie du nitre fixe, reste dans l'eau-mere de la dissolution qu'on fait pour crystalliser ce nitre régénéré : on y trouveroit, si on s'en donnoit la peine, un résidu gras qui après avoir été desséché pourroit s'enflammer au feu.

Il est vrai qu'en général les huiles se dissipent par le feu : mais il y a des cas où elles se fixent aussi par le feu. Il y a lieu de soupçonner que les alkalis sont gras au toucher, par l'huile qui y est fixée. La salure & l'acreté des alkalis ne sont pas une preuve qu'ils ne contiennent point de l'huile : les huiles qui ont passé par le feu sont salées & acres comme est l'huile de corne de cerf.

Les alkalis different entre eux par la terre qui en fait la base, par l'acide qui les constitue sel, & par la matiere grasse qui entre dans leur composition.

On n'alkalise pas tous les sels avec les matieres grasses, comme on fait le nitre, parce qu'il n'y a que l'acide du nitre qui dissolve bien les huiles.

Personne sans doute n'a pensé qu'il ne se faisoit pas de dissipation dans l'opération par laquelle on fixe du nitre : & il est bon de savoir que le charbon ne donne presque point de sel alkali.

Les alkalis fixes sont en général plus forts que les alkalis volatils : on tire l'esprit volatil de sel ammoniac, par le moyen de l'alkali du tartre & de la potasse ; cependant il y a des occasions où les alkalis volatils sont plus forts que les alkalis fixes. Par exemple, si dans une dissolution de cuivre précipitée par l'alkali du tartre, on verse une suffisante quantité d'esprit volatil, cet alkali volatil fera quitter prise à l'alkali fixe ; il se saisira du cuivre, & il le redissoudra. Ce qui prouve encore que l'alkali volatil est quelquefois plus fort que l'alkali fixe, c'est que si on met du cuivre dans un alkali volatil, il le dissoudra plus parfaitement que ne le dissoudroit un alkali fixe.

Les sels alkalis fixes des plantes sont composés d'une petite partie de la terre de la plante, dans laquelle est concentré un peu de son acide par le feu même qui dissipe le reste, pendant qu'on brûle la plante, ce qui fait un corps salin poreux ; & c'est par cet acide que contient cette terre, que le sel qui résulte de cette combinaison est dissoluble. Voyez ACIDE.

Un sel alkali peut être plus ou moins alkali, selon qu'il a plus ou moins d'acide concentré dans sa terre. Les alkalis qui ont plus d'acide approchent plus de la nature des sels moyens, & ainsi ils sont moins alkalis, que ceux qui n'ont d'acide que pour rendre dissoluble la terre absorbante qui leur sert de base, & pour faire l'analogie des sels alkalis avec les acides, les choses de même nature étant naturellement portées à s'unir ; ainsi les choses grasses s'unissent aisément ensemble.

Si au contraire les alkalis avoient moins d'acide, ils seroient moins alkalis ; ils tiendroient plus de la nature des terres absorbantes, ils s'uniroient avec moins de vivacité avec les acides, & ils seroient moins dissolubles dans l'eau.

Il ne faut pas lessiver les cendres des plantes avec de l'eau chaude, pour en tirer les sels, si on veut ne pas dissoudre une trop grande quantité d'huile, qui les rendroit noirâtres ou roussâtres : ils sont plus blancs lorsqu'on a employé l'eau froide. A la vérité on tire plus de ces sels par l'eau chaude, que par l'eau froide : mais le feu qu'il faut employer pour blanchir les sels tirés par l'eau chaude, dissipe cet excédent ; de sorte qu'après la calcination qui est moindre pour les sels tirés par l'eau froide, que pour ceux qui sont tirés par l'eau chaude, on tire autant, & même plus de sel d'une même quantité de cendre, lorsqu'on a employé l'eau froide, que lorsqu'on a employé l'eau chaude.

Les sels alkalis volatils different entre eux, comme les sels alkalis fixes different entre eux. C'est faire tort à la Pharmacie, à la Medecine, & sur-tout aux malades, que de dire que les sels volatils tirés du genre des animaux, ont tous les mêmes vertus : on peut dire au contraire qu'ils sont différens en propriétés, selon les différentes matieres desquelles on les tire. Les sels volatils de crane humain sont spécifiques pour l'épilepsie, ceux de vipere sont à préférer dans les fievres, sur-tout pour celles qui portent à la peau ; ceux de corne de cerf sont recommandables dans les maladies qui sont avec affection des nerfs.

A la vérité, les esprits volatils urineux, tirés des animaux, ont des propriétés qui sont communes à tous : mais il faut reconnoître aussi qu'ils en ont de particulieres, qui sont plus différentes dans les uns que dans les autres ; comme en reconnoissant que les vins ont des qualités communes à tous les vins en général, il faut reconnoître en même tems qu'ils en ont qui sont particulieres à chaque vin.

Dans la grande quantité d'analyses de plantes qui ont été faites à l'Académie des Sciences, M. Homberg a observé qu'on trouvoit rarement deux sels alkalis de deux différentes plantes, qui fussent d'égale force d'alkali.

Les alkalis different par leurs différentes terres, par leurs différens acides, & par les différentes proportions & combinaisons de ces deux choses ; ils different aussi par le plus ou le moins d'huile qu'ils contiennent, & par le plus ou moins de sels moyens qui y sont joints, & enfin par la différente espece de ces sels moyens.

Les alkalis fixes sont des dissolvans des matieres grasses, avec lesquelles ils forment des corps savonneux, qui ont de grandes propriétés. Ces sels sont apéritifs des conduits urinaires : c'est pourquoi ils sont mis au nombre des plus forts diurétiques que fournisse la Medecine. On sait combien cette vertu diurétique des sels lixiviels est utile dans le sel de genêt, pour la guérison des hydropisies.

Souvent on employe aux mêmes usages des cendres des plantes, au lieu de leur sel, & ils n'en font que mieux, parce que pour les tirer de leurs cendres, la lessive & ensuite l'exsiccation & la calcination de ces sels, ne les rendent pas meilleurs pour cela.

Il y en a qui employent l'eau même distillée de la plante, pour tirer le sel de ses cendres.

En général, les alkalis sont de puissans fondans, c'est-à-dire, les alkalis dissolvent fortement les humeurs épaisses & visqueuses : c'est pourquoi ils sont apéritifs, & propres à remédier aux maladies qui viennent d'obstruction, lorsqu'un medecin sage & habile les met en oeuvre.

Les savons ne sont composés que d'alkalis & d'huiles joints ensemble ; les Medecins peuvent faire préparer différens savons pour différentes maladies, en faisant employer différens alkalis & différentes huiles, selon les différens cas où ils jugent les savons convenables.

On peut dans bien des occasions employer les sels fixes des plantes dans les medecines, pour tirer la teinture des purgatifs résineux, & employer ceux de ces sels qui conviennent dans la maladie. Voyez la Chimie médicinale de M. Maloüin. (M)

LES ALKALIS fixes sont considérés comme remedes, & ont les propriétés suivantes.

On s'en sert comme évacuans, purgatifs, diurétiques, sudorifiques. Leur propriété est de détruire en peu de tems l'acide des humeurs contenues dans les premieres voies, en formant avec lui un sel neutre qui devient purgatif.

On s'en sert pour résoudre les obstructions du foie, & faire couler la bile ; ils deviennent diurétiques en donnant un mouvement plus fort au sang, & en débarrassant les reins des parties glaireuses qui s'opposent au passage des urines ; c'est par la même raison qu'ils sont aussi quelquefois sudorifiques. Enfin, ces sels sont d'un très-grand secours dans les maladies extérieures ; on emploie avec succès la lessive qu'on en tire pour nettoyer les ulceres sanieux, & arrêter les progrès de la mortification.

Il faut cependant en faire usage intérieurement avec beaucoup de précaution ; car ils sont très-dangereux dans le cas de chaleur & de putréfaction alkaline, & lorsque les humeurs sont beaucoup exaltées ; enfin lorsqu'elles sont en dissolution, ce que l'on connoît par la puanteur de l'haleine & l'urine du malade.

Maniere d'employer les alkalis. On aura soin d'abord que l'estomac soit vuide : la dose est depuis quatre grains jusqu'à un gros, selon l'état des forces du malade, sur lesquelles on doit consulter un Medecin.

Le véhicule ordinaire dans lequel on les fait prendre est l'eau commune. Selon l'intention que l'on aura, & l'indication que l'on voudra remplir, on changera la boisson que l'on fera prendre par-dessus, c'est-à-dire, que lorsque l'on aura dessein de faire suer ou d'augmenter la transpiration, cette boisson sera legerement sudorifique, ou lorsqu'il sera question de pousser par la voie des urines, alors on la rendra un peu diurétique. Voyez SUDORIFIQUE & DIURETIQUE.

Mais si les alkalis sont des remedes, ils sont aussi causes de maladies : ces maladies sont l'alkalescence du sang & des autres humeurs, les fievres de tout genre, la dissolution du sang, la crispation des solides, le scorbut, la goutte même & les rhûmatismes. Ces sels agissant sur les liquides, les atténuent, en exaltent les soufres, séparent l'humeur aqueuse, la rendent plus acre & plus saline ; il seroit imprudent d'ordonner dans ces cas l'usage des alkalis.

Les causes antécédentes de l'alkalescence sont les suivantes : les alimens alkalescens, c'est-à-dire, tirés des végétaux alkalescens ou des animaux, excepté le lait de ceux qui se nourrissent d'herbes, les poissons, leur foie, & leur peau, les oiseaux qui vivent de poissons, tous les oiseaux qui se nourrissent d'animaux, ou d'insectes, ou qui se donnent beaucoup d'exercice ; comme aussi les animaux que l'on tue pendant qu'ils sont encore échauffés, sont plus sujets que les autres à une putréfaction alkaline. Les alimens tirés de certains animaux, comme les graisses, les oeufs, les viandes aromatisées, le poisson vieux & pris en grande quantité, la marée gardée longtems, produisent une alkalescence dans les humeurs qui exalte les soufres, & dispose le corps aux maladies inflammatoires.

La foiblesse des organes de la digestion ; car dans ce cas l'aliment qu'on a pris se corrompt dans l'estomac, & cause ce que nous appellons ordinairement indigestion ; le chyle mal fait qui en résulte se mêle avec le sang, & le dispose à devenir plus alkalescent.

La force excessive des organes de la digestion destinés à l'assimilation des sucs, produit une grande quantité de sang extrèmement exalté, & une bile de même nature. Alors les alimens acescens se convertissent en alkalescens. Lors donc que ces organes agissent avec trop de force sur un aliment qui est déjà alkalescent, il le devient davantage, & approche de plus en plus de la corruption.

De-là vient que les personnes pléthoriques sont plus sujettes aux maladies épidémiques que les autres ; que celles qui joüissent d'une santé parfaite sont plûtôt attaquées de fievres malignes que d'autres qui ne sont pas aussi bien constituées. Ceux qui sont d'une constitution mâle & athlétique sont plus sujets aux maladies pestilentielles & aux fievres putrides que les valétudinaires.

Aussi Hippocrate, lib. I. aph. 3. veut que l'on se méfie d'une santé excessive : car la même force de complexion qui suffit pour porter le sang & les sucs à ce degré de perfection, les exalte enfin au point d'occasionner les maladies. Celse prétend qu'une trop bonne santé doit être suspecte. " Si quelqu'un, dit-il, est trop rempli d'humeurs bonnes & loüables, d'un grand embonpoint, & d'un coloris brillant, il doit se méfier de ses forces ; parce que ne pouvant persister au même degré, ni aller au-delà, il se fait un bouleversement qui ruine le tempérament ".

Une longue abstinence ; car lorsque le sang n'est pas continuellement délayé & rafraîchi par un nouveau chyle, il contracte une acrimonie alkaline qui rend une haleine puante, & dégénere en une fievre putride dont la mort est la suite. En effet les effets de l'abstinence sont plus difficiles à guérir que ceux de l'intempérance.

La stagnation de quelque partie du sang & des humeurs ; parce que les sucs animaux qui croupissent suivant le penchant naturel qu'ils ont à se corrompre, s'exaltent & acquierent une expansion qui ne tarde guere à se manifester.

La chaleur excessive des saisons, du climat ; aussi dans l'été les maladies aiguës sont-elles plus fréquentes & plus dangereuses.

La violente agitation du sang qui produit la chaleur. Lorsque quelqu'une de ces causes ou plusieurs ensemble ont occasionné une putréfaction alkaline, elle se manifeste par les signes suivans dans les premieres voies.

1°. La soif. On se sent altéré, c'est-à-dire, porté à boire une grande quantité de délayans, qui noyant les sels acres & alkalis, font cesser ce sentiment incommode, & disposent la matiere qui se putréfie ou qui est déjà putréfiée à sortir de l'estomac & des intestins, par le vomissement ou par les selles. Si on se sert d'acides dans ces cas, leur union avec les alkalis forme un sel neutre.

2°. La perte totale de l'appétit, & l'aversion pour les alimens alkalescens ; l'appétit ne pouvant être que nuisible, lorsque l'estomac ne peut digérer les alimens.

3°. Les rots nidoreux, ou les rapports qui laissent dans la bouche un goût d'oeufs pourris, à cause de la portion des sels putrides & d'huile rance qui sort en même tems que l'air.

4°. Les matieres épaisses qui s'amassent sur la langue & le palais, affectent les organes du goût d'une sensation d'amertume, à cause que les sucs animaux contractent un goût amer, en devenant rances ; il peut se faire aussi que ce goût soit causé par une bile trop exaltée & prête à se corrompre.

5°. Les maux d'estomac causés par l'irritation des sels acrimonieux, la vûe ou même l'idée d'un aliment alkalescent prêt à se corrompre, suffisent quelquefois pour les augmenter. Cette irritation augmentant produit un vomissement salutaire, si la matiere putréfiée ne séjourne que dans les premieres voies. Si cette acrimonie affecte les intestins, elle sollicite des diarrhées symptomatiques. C'est ainsi que le poisson & les oeufs putréfiés gardés long-tems dans les premieres voies causent de pareils effets.

6°. Cette acrimonie alkaline produit une lassitude spontanée, une inquiétude universelle, un sentiment de chaleur incommode, & des douleurs iliaques inflammatoires. Les inflammations de bas-ventre sont souvent la suite des fievres putrides.

7°. Cette acrimonie mêlée dans le sang le dénature & le décompose au point que les huiles deviennent rances, les sels acres & corrosifs, les terres alkalines. La lymphe nourriciere perd sa consistance & sa qualité balsamique & nourrissante, devient acre, irritante, corrosive ; & loin de pouvoir réparer les solides & les fluides, les ronge & les détruit.

8°. Les humeurs qui se séparent par les secrétions sont acres, l'urine est rouge & puante, la transpiration picote & déchire les pores de la peau.

Enfin la putréfaction alkaline du sang & des humeurs doit être suivie d'une dépravation ou d'une destruction totale des actions naturelles, animales & vitales, d'une altération générale dans la circulation, dans les secrétions & dans les excrétions, d'inflammations générales ou locales, de fievres qui dégénerent en suppurations, gangrenes & sphaceles qui ne se terminent que par la mort.

Cure des maladies occasionnées par les alkalis ou l'alkalescence des humeurs. La différence des parties affectées par la putréfaction alkaline en apporte aussi à la cure. Si les alimens alkalins dont la quantité est trop grande pour être digérée, pourrissent dans l'estomac & dans les intestins, & produisent les effets dont nous avons parlé, on ne peut mieux faire que d'en procurer l'évacuation par le vomissement ou les selles. Les vomitifs convenables sont l'eau chaude, le thé, l'hypecacuanha à la dose d'un scrupule.

Lorsque la putréfaction alkaline a passé dans les vaisseaux sanguins, la saignée est un des remedes les plus propres à aider la cure ; elle ralentit l'action des solides sur les fluides, ce qui diminue la chaleur, & par conséquent l'alkalescence.

La cessation des exercices violens soulage aussi beaucoup ; l'agitation accélérant la progression du sang & les secrétions, augmente la chaleur & tous ses effets.

Les bains émolliens, les fomentations & les lavemens de même espece sont utiles ; en relâchant les fibres, ils diminuent la chaleur : d'ailleurs les vaisseaux absorbans recevant une partie du liquide, les bains deviennent plus efficaces.

L'air que le malade respire doit être frais, tempéré.

Les viandes qu'on pourra permettre sont l'agneau, le veau, le chevreau, les poules domestiques, les poulets, parce que ces animaux étant nourris de végétaux ont les sucs moins alkalins. On peut faire de ces viandes des bouillons legers qu'on donnera de trois heures en trois heures.

On ordonnera des tisanes, des aposemes, ou des infusions faites avec les végétaux farineux.

On peut ordonner tous les fruits acides en général que l'été & l'automne nous fournissent.

Il y a une infinité de remedes propres à détruire l'acrimonie alkaline : mais nous n'en citerons qu'un petit nombre qui pourront servir dans les différentes occasions.

Prenez avoine avec son écorce, deux onces ; eau de riviere, trois livres ; faites bouillir, filtrez & mêlez à deux livres de cette décoction suc de citron récent, une once ; eau de canelle distillée, deux gros ; de sirop de mûres de haies, deux onces : le malade en usera pour boisson ordinaire. Boerhaave, Mat. med.

Mais tous ces remedes seront inutiles sans le régime, & sans une boisson abondante qui délaye & détrempe les humeurs ; il faut avant tout débarrasser les premieres voies des matieres alkalines qu'elles contiennent.

L'abstinence des viandes dures & alkalines, le mouvement modéré, un exercice alternatif des muscles du corps pris dans un air frais & tempéré, soulagera beaucoup dans l'acrimonie alkaline. Il faut encore éviter l'usage des plantes alkalines qui d'elles-mêmes sont bonnes dans des cas opposés à celui dont nous parlons. (N)

ALKALI de Rotrou ; c'est l'alkali des coquilles d'oeufs préparées. Rotrou préparoit l'alkali de coquilles d'oeufs, en les faisant sécher au soleil, après en avoir ôté les petites peaux, & après les avoir bien lavées ; ensuite il les broyoit, & les réduisoit en poudre fine sur le porphyre. Voyez ROTROU.


ALKALINALKALINE, adj. qui est alkali, ou esprit alkalin, liqueur alkaline.


ALKALISALKALIS dulcifiés, ce sont des savons. Les alkalis sont des acres que les huiles adoucissent, & les alkalis joints à des huiles sont des savons. Voyez Savon. Les savons ordinaires font des alkalis dulcifiés, & les acides dulcifiés font des savons acides.

Les différens alkalis dulcifiés, c'est-à-dire les savons ordinaires, ont des propriétés qui sont différentes, selon les différens alkalis, & selon les différentes matieres grasses dont ils sont composés. Voyez la Chimie médicinale.


ALKALISATIONS. f. terme de Chimie, qui signifie l'action par laquelle on donne à un corps ou à une liqueur la propriété alkaline. Par exemple, l'alkalisation du salpetre qui est un sel neutre, qui n'est ni alkali ni acide, se fait en le fixant avec le charbon ; après cette opération le salpetre est un alkali.

On peut aussi faire l'alkalisation d'un sel acide, comme le tartre, qui calciné devient alkali. Voyez TARTRE.


ALKALISÉpart. pass. & adj. ce qu'on a rendu alkali, comme on dit esprit de vin alkalisé. Voyez ESPRIT-DE-VIN tartarisé.


ALKALISERverb. act. rendre alkali une liqueur ou un corps. (M)


ALKÉKENGEsubst. f. (Bot.) coqueret ou coquerelle. Ses racines sont genouillées & donnent plusieurs fibres grêles. Ses tiges ont une coudée de haut ; elles sont rougeâtres, un peu velues & branchues. Ses feuilles naissent deux à deux de chaque noeud, portées par de longues queues. Elles naissent solitaires de chaque aisselle des feuilles, sur des pédicules longs d'un demi pouce, grêles, velus. Elles sont d'une seule piece, en rosette, en forme de bassin, partagées en cinq quartiers, blanchâtres, garnies de sommets de même couleur. Le calice est en cloche. Il forme une vessie membraneuse, verte dans le commencement, puis écarlate, à cinq quartiers. Son fruit est de la figure, de la grosseur & de la couleur de la cerise, aigrelet & un peu amer. Il contient des semences jaunâtres, applaties & presque rondes. Il donne dans l'analyse beaucoup de phlegme, du sel essentiel & de l'huile.

Les baies d'alkékenge excitent l'urine, font sortir la pierre, la gravelle, guérissent la colique néphrétique, purifient le sang ; on les employe ordinairement en décoction, & quelquefois séchées & pulvérisées : on employe ce fruit dans le sirop de chicorée, & dans le sirop antinéphrétique de la pharmacopée royale de Londres. On en fait aussi des trochisques selon la pharmacopée du collége de Londres.

Voici les trochisques d'alkékenge, tels que la préparation en est ordonnée dans la pharmacopée de la Faculté de Medecine de Paris.

Prenez de pulpe épaissie de baies d'alkékenge avec leurs semences, deux onces ; de gomme arabique, adragant, de suc de réglisse, d'amandes ameres, de semence de pavot blanc, de chacune une demi-once ; des quatre grandes semences froides, des semences d'ache, de suc de citron préparé, de chacun deux gros ; d'opium thébaïque, un gros ; de suc récent d'alkékenge, une quantité suffisante : faites-en selon l'art des trochisques.


ALKERMÈSS. m. ou graine d'écarlate. Cette graine se cueille en grande partie dans la campagne de Montpellier. On la porte toute fraîche à la ville où on l'écrase ; on en tire le jus qu'on fait cuire, & c'est ce qu'on nomme le sirop alkermès de Montpellier. C'est donc une espece d'extrait d'alkermès, ou de rob qui doit être fait sans miel & sans sucre, pour être légitime. M. Fagon, premier Medecin de Louis XIV. fit voir que la graine d'écarlate qu'on croyoit être un végétal, doit être placée dans le genre des animaux. Voyez GRAINE D'ÉCARLATE.

Confection d'alkermès, (Pharmacie.) La préparation de cette confection est ainsi ordonnée dans la pharmacopée de la Faculté de Médecine de Paris :

Prenez du bois d'aloès, de canelle mise en poudre, de chacun six onces ; d'ambre gris, de pierre d'azur, de chacun deux gros ; de perles préparées, une demi-once ; d'or en feuille, un demi-gros ; de musc, un scrupule ; du sirop du meilleur kermès, chauffé au bain-marie & passé par le tamis, une livre : mêlez tous ces ingrédiens ensemble, & faites-en selon l'art une confection.

Nota que cette confection peut se préparer aussi sans ambre & sans musc. La dose en est depuis un demi-gros jusqu'à un gros. Bien des personnes préferent le suc de kermès à cette confection. Quant aux propriétés de cette confection. V. KERMES. (N)


ALKOOLS. m. que quelques-uns écrivent alcohol ; c'est un terme d'Alchimie & de Chimie, qui est Arabe. Il signifie une matiere quelle qu'elle soit, réduite en parties extrèmement fines ou rendues extrèmement subtiles ; ainsi on dit alkool de corail, pour dire du corail réduit en poudre fine, comme l'est la poudre à poudrer.

On dit alkool d'esprit de vin, pour faire entendre qu'on parle d'un esprit-de-vin rendu autant subtil qu'il est possible par des distillations réitérées. Je crois que c'est à l'occasion de l'esprit-de-vin, qu'on s'est servi d'abord de ce mot alkool ; & encore aujourd'hui ce n'est presque qu'en parlant de l'esprit-de-vin qu'on s'en sert : ce terme n'est point usité lorsqu'on parle des autres liqueurs. Voyez ESPRIT-DE-VIN.


ALKOOLISERverbe act. signifie lorsqu'on parle des liqueurs, purifier & subtiliser autant qu'il est possible ; & lorsqu'il s'agit d'un corps solide, il signifie réduire en poudre impalpable : ce mot alkooliser vient originairement de l'hébreu , qui signifie être ou devenir léger : il est dérivé de l'arabe , qui signifie devenir menu ou se subtiliser, & à la troisieme conjugaison, , Kaal, diminuer ou rendre subtil ; on y a ajoûté la particule al, comme qui diroit par excellence. C'est pourquoi on ne doit pas écrire alcohol, mais alkool, vû la racine de ce mot. (M)


ALLAITEMENTS. m. lactatio, est l'action de donner à téter. Voyez LAIT.

Ce mot s'employe aussi pour signifier le tems pendant lequel une mere s'acquite de ce devoir. Voyez SEVRAGE. (L)

ALAITER, v. a. nourrir de son lait : la nourrice qui l'a alaité : une chienne qui alaite ses petits. (L)


ALLANCHESou ALANCHE, ville de France en Auvergne, au duché de Mercoeur, généralité de Riom. Long. 20. 40. lat. 45. 12.


ALLANTville de France en Auvergne, généralité de Riom.


ALLANTOIDES. f. (Anatomie.) membrane allantoïde en Anatomie : c'est une membrane qui environne le foetus de différens animaux ; elle est continue avec l'ouraque, qui est un canal ouvert, au moyen duquel elle est remplie d'urine. Ce mot est dérivé du Grec ἀλλὰς, farcimen, boyau, & de εἶδος, forme, parce que dans plusieurs animaux la membrane allantoïde est de la forme d’une andouille ; tandis que dans d’autres elle est ronde.

La membrane allantoïde fait partie de l'arrierefaix ; on la conçoit comme un reservoir urinaire, placée entre le chorion & l'amnios, & qui reçoit par le nombril & l'ouraque l'urine qui vient de la vessie. Voyez ARRIERE-FAIX & OURAQUE.

Les Anatomistes disputent si l'allantoïde se trouve dans l'homme.

Drelincourt, Professeur d'Anatomie à Leyde, dans une dissertation qu'il a composée exprès sur cette membrane, soûtient qu'elle est particuliere aux animaux qui ruminent. Voyez RUMINANT.

Manget affirme qu'il l'a souvent vûe, & qu'elle contient une eau différente de celle de l'amnios. Munich écrit avoir démontré l'allantoïde dans un foetus de quatre mois : Halé dit que l'allantoïde est plus délicate que l'amnios, qu'elle couvre seulement la partie du foetus qui regarde le chorion. Voyez Transactions philosophiques, n°. 271.

Tison, Keill, Cheselden, sont pour l'allantoïde : Albinus a trouvé dans un foetus de sept semaines, un petit vaisseau qui peut passer pour l'ouraque, inséré dans une propre vésicule ovale, plus grande que la vessie urinaire séparée de l'amnios ; l'expérience ne s'est pas encore assez répetée pour constater ce fait. (L)


ALLARMES. f. ce mot vient de l'Italien all' arme, aux armes.

Poste d'allarme est un espace de terrein que le Quartier-Mestre général ou Maréchal général des Logis assigne à un régiment, pour y marcher en cas d'allarme.

Poste d'allarme dans une garnison, est le lieu où chaque régiment a ordre de venir se rendre dans des occasions ordinaires.

Pieces d'allarmes, c'est ordinairement quelques pieces de canon placées à la tête du camp, & qui sont toûjours prêtes à être tirées au premier commandement, soit pour donner l'allarme aux troupes ou les rappeller du fourrage ; en cas que l'ennemi se mette en devoir d'avancer pour attaquer l'armée. (Q)


ALLASSAC(Géog.) ville de France, dans le Limosin & la généralité de Limoges.


ALLÉES. f. terme d'Architecture, est un passage commun pour aller depuis la porte de devant d'un logis jusqu'à la cour, ou à l'escalier ou montée. C'est aussi dans les maisons ordinaires un passage qui communique & dégage les chambres, & qu'on nomme aussi corridor. Voyez CORRIDOR. (P)


ALLÉE D'EAU(Hydr.) Voy. GALERIE D'EAU.


ALLÉES DE JARDINLes allées d’un jardin sont comme les rues d’une ville, ce sont des chemins droits & paralleles, bordés d’arbres, d’arbrisseaux, de gason &c. elles se distinguent en allées simples & allées doubles.

La simple n'a que deux rangs d'arbres ; la double en a quatre ; celle du milieu s'appelle maîtresse allée, les deux autres se nomment contre-allées.

Les allées vertes sont gasonnées ; les blanches sont toutes sablées & ratissées entierement.

L'allée couverte se trouve dans un bois touffu ; l'allée découverte est celle dont le ciel s'ouvre par enhaut.

On appelle sous allée, celle qui est au fond & sur les bords d'un boulingrin ou d'un canal renfoncé, entouré d'une allée supérieure.

On appelle allée de niveau, celle qui est bien dressée dans toute son étendue : allée en pente ou rampe douce, est celle qui accompagne une cascade, & qui en suit la chûte : on appelle allée parallele, celle qui s'éloigne d'une égale distance d'une autre allée : allée retournée d'équerre, celle qui est à angles droits : allée tournante ou circulaire, est la même : allée diagonale, traverse un bois ou un parterre quarré d'angle en angle, ou en croix de saint André : allée en zigzag, est celle qui serpente dans un bois, sans former aucune ligne droite.

Allée de traverse, se dit par sa position en équerre par rapport à un bâtiment ou autre objet : allée droite, qui suit sa ligne : allée biaisée, qui s'en écarte : grande allée, petite allée, se disent par rapport à leur étendue.

Il y a encore en Angleterre deux sortes d'allées ; les unes couvertes d'un gravier de mer plus gros que le sable, & les autres de coquillages, qui sont de très-petites coquilles toutes rondes liées par du mortier de chaux & de sable : ces allées, par leur variété, font quelque effet de loin ; mais elles ne sont pas commodes pour se promener.

Allée en perspective, c'est celle qui est plus large à son entrée qu'à son issûe.

Allée labourée & hersée, celle qui est repassée à la herse, & où les carrosses peuvent rouler.

Allée sablée, celle où il y a du sable sur la terre battue, ou sur une aire de recoupe.

Allée bien tirée, celle que le Jardinier a nettoyée de méchantes herbes avec la charrue, puis repassée au rateau.

Allée de compartiment, large sentier qui sépare les carreaux d'un parterre.

Allée d'eau, chemin bordé de plusieurs jets ou bouillons d'eau, sur deux lignes paralleles ; telle est celle du jardin de Versailles, depuis la fontaine de la pyramide, jusqu'à celle du dragon.

Les allées doivent être dressées dans leur milieu en ados, c'est-à-dire, en dos de carpe ou d'os d'âne, afin de donner de l'écoulement aux eaux, & empêcher qu'elles ne corrompent le niveau d'une allée. Ces eaux même ne deviennent point inutiles ; elles servent à arroser les palissades, les plates-bandes, & les arbres des côtés.

Celles des mails & des terrasses qui sont de niveau s'égouttent dans les puisarts bâtis aux extrémités.

Les allées simples, pour être proportionnées à leur longueur, auront 5 à 6 toises de largeur, sur 100 toises de long. Pour 200 toises, 7 à 8 de large ; pour 300 toises, 9 à 10 toises ; & pour 400, 10 à 12 toises.

Dans les allées doubles, on donne la moitié de la largeur à l'allée du milieu, & l'autre moitié se divise en deux pour les contre-allées ; par exemple, dans une allée de 8 toises, on donne 4 toises à celle du milieu, & 2 toises à chaque contre-allée : si l'espace est de 12 toises, on en donne 6 à l'allée du milieu, & chaque contre-allée en a trois.

Si les contre-allées sont bordées de palissades, il faut tenir les allées plus larges. On compte ordinairement pour se promener à l'aise trois piés pour un homme, une toise pour deux, & deux toises pour quatre personnes.

Afin d'éviter le grand entretien des allées, on remplit leur milieu de tapis de gason, en pratiquant de chaque côté des sentiers assez larges pour s'y promener.

Voyez la maniere de les dresser & de les sabler à leurs articles. (K)

* Il n'y a personne qui étant placé, soit au bout d'une longue allée d'arbres plantée sur deux lignes droites paralleles, soit à l'extrémité d'un long corridor, dont les murs de côté, & le platfond & le pavé sont paralleles, n'ait remarqué dans le premier cas que les arbres sembloient s'approcher, & dans le second cas, que les murs de côté, le platfond & le pavé offrant le même phénomene à la vûe, ces quatre surfaces paralleles ne présentoient plus la forme d'un parallelepipede, mais celle d'une pyramide creuse ; & cela d'autant plus que l'allée & le corridor étoient plus longs. Les Géometres ont demandé sur quelle ligne il faudroit disposer des arbres pour corriger cet effet de la perspective, & conserver aux rangées d'arbres le parallelisme apparent. On voit que la solution de cette question sur les arbres, satisfait en même tems au cas des murs d'un corridor.

Il est d'abord évident que pour paroître paralleles, il faudroit que les arbres ne le fussent pas, mais que les rangées s'écartassent l'une de l'autre. Les deux lignes de rangées devroient être telles que les intervalles inégaux de deux arbres quelconques correspondans, c'est-à-dire, ceux qui sont le premier, le second, le troisieme, &c. de sa rangée, fussent toûjours vûs égaux ou sous le même angle ; si c'est de cette seule égalité des angles visuels que dépend l'égalité de la grandeur apparente de la distance des objets, ou si en général la grandeur des objets ne dépend que de celle des angles visuels.

C'est sur cette supposition que le P. Fabry a dit sans démonstration, & que le P. Taquet a démontré d'une maniere embarrassée, que les deux rangées devoient former deux demi-hyperboles ; c'est-à-dire, que la distance des deux premiers arbres étant prise à volonté, ces deux arbres seront chacun au sommet de deux hyperboles opposées. L'oeil sera à l'extrémité d'une ligne partant du centre des hyperboles, égales à la moitié du second axe, & perpendiculaire à l'allée. M. Varignon l'a trouvé aussi par une seule analogie : mais le problème devient bien plus général, sans devenir guere plus compliqué, entre les mains de M. Varignon ; il le résout, dans la supposition que les angles visuels seront non-seulement toûjours égaux, mais croissans ou décroissans selon tel ordre que l'on voudra, pourvû que le plus grand ne soit pas plus grand qu'un angle droit, & que tous les autres soient aigus. Comme les sinus des angles sont leur mesure, il suppose une courbe quelconque, dont les ordonnées représenteront les sinus des angles visuels, & qu'il nomme par cette raison courbe des sinus. De plus, l'oeil peut être placé où l'on voudra, soit au commencement de l'allée, soit en-deçà, soit en-delà : cela supposé, & que la premiere rangée soit une ligne droite, M. Varignon cherche quelle ligne doit être la seconde qu'il appelle courbe de rangée ; il trouve une équation générale & indéterminée, où la position de l'oeil, la courbe quelconque des sinus, & la courbe quelconque de rangée, sont liées de telle maniere que deux de ces trois choses déterminées, la troisieme le sera nécessairement.

Veut-on que les angles visuels soient toûjours égaux, c'est-à-dire que la courbe des sinus soit une droite, la courbe de rangée devient une hyperbole, l'autre rangée ayant été supposée ligne droite : mais M. Varignon ne s'en tient pas là ; il suppose que la premiere rangée d'arbres soit une courbe quelconque, & il cherche quelle doit être la seconde, afin que les arbres fassent à la vûe tel effet qu'on voudra.

Dans toutes ces solutions M. Varignon a toûjours supposé avec les PP. Fabry & Taquet, que la grandeur apparente des objets ne dépendoit que de la grandeur de l'angle visuel ; mais quelques philosophes prétendent qu'il y faut joindre la distance apparente des objets qui nous les font voir d'autant plus grands, que nous les jugeons plus éloignés : afin donc d'accommoder son problème à toute hypothese, M. Varignon y a fait entrer cette nouvelle condition. Mais un phénomene remarquable, c'est que quand on a joint cette seconde hypothese sur les apparences des objets, à la premiere hypothese, & qu'ayant supposé la premiere rangée d'arbres en ligne droite, on cherche, selon la formule de M. Varignon, quelle doit être la seconde rangée, pour faire paroître tous les arbres paralleles, on trouve que c'est une courbe qui s'approche toûjours de la premiere rangée droite, ce qui est réellement impossible ; car si deux rangées droites paralleles font paroître les arbres non paralleles & s'approchans, à plus forte raison deux rangées non paralleles & qui s'approchent, feront-elles cet effet. C'est donc là, si on s'en tient aux calculs de M. Varignon, une très-grande difficulté contre l'hypothese des apparences en raison composée des distances & des sinus des angles visuels. Ce n'est pas là le seul exemple de suppositions philosophiques qui introduites dans des calculs géométriques, menent à des conclusions visiblement fausses : d'où il résulte que les principes sur lesquels une solution est fondée, ou ne sont pas employés par la nature, ou ne le sont qu'avec des modifications que nous ne connoissons pas. La Géométrie est donc en ce sens-là une bonne, & même la seule pierre de touche de la Physique. Hist. de l'Acad. ann. 1718, pag. 57.

Mais il me semble que pour arriver à quelque résultat moins équivoque, il eût fallu prendre la route opposée à celle qu'on a suivie. On a cherché dans le problème précédent, quelle loi devoient suivre des distances d'arbres mis en allée, pour paroître toûjours à la même distance, dans telle ou telle hypothese sur la vision ; au lieu qu'il eût fallu ranger des arbres de maniere que la distance de l'un à l'autre eût toûjours paru la même, & d'après l'expérience déterminer quelle seroit l'hypothese la plus vraisemblable sur la vision.

Nous traiterons plus à fond cette matiere à l'article PARALLELISME ; & nous tâcherons de donner sur ce sujet de nouvelles vûes, & des remarques sur la méthode de M. Varignon. Voyez aussi APPARENT.


ALLÉGATIONS. f. en terme de Palais, est la citation d'une autorité ou d'une piece authentique, à l'effet d'appuyer une proposition, ou d'autoriser une prétention ou l'énonciation d'un moyen. (H)


ALLEGEterme de Riviere, bateau vuide qu'on attache à la queue d'un plus grand, afin d'y mettre une partie de sa charge, s'il arrivoit que son trop grand poids le mît en danger. On appelle cette manoeuvre rincer. Voyez RINCER.

On donne en général le nom d'alleges à tous les bâtimens de grandeur médiocre, destinés à porter les marchandises d'un vaisseau qui tire trop d'eau, & à le soulager d'une partie de sa charge. Les alleges servent donc au délestage.

ALLEGE LE CABLE, (Marine.) terme de commandement pour dire filer un peu de cable.

ALLEGE LA TOURNEVIRE, (Mar.) c'est un commandement que l'on fait à ceux qui sont près de cette manoeuvre, afin qu'ils la mettent en état, & qu'on puisse s'en servir promptement. Voy. TOURNEVIRE.

ALLEGES A VOILES, bâtimens grossierement faits, qui ont du relevement à l'avant & à l'arriere, & qui portent mâts & voiles.

ALLEGES d'Amsterdam, bateaux grossierement faits, qui n'ont ni mât ni voiles, dont on se sert dans la ville d'Amsterdam pour décharger & transporter d'un lieu à l'autre les marchandises qu'on y débite. Les écoutilles en sont fort cintrées, & presque toutes rondes ; le croc ou la gasse lui sert de gouvernail, & il y a un retranchement ou une petite chambre à l'arriere. (Z)

ALLEGES, terme d'Architecture ; ce sont des pierres sous les piés-droits d'une croisée, qui jettent harpe (voyez HARPE), pour faire liaison avec le parpin d'appui, lorsque l'appui est évidé dans l'embrasement. On les nomme ainsi, parce qu'elles allegent ou soulagent, étant plus legeres à l'endroit où elles entrent sous l'appui. (P)


ALLÉGEANCE(SERMENT D ') s. f. Jurisprud. c'est le serment de fidélité que les Anglois prêtent à leur roi en sa qualité de prince & seigneur temporel, différent de celui qu'ils lui prêtent en la qualité qu'il prend de chef de l'église anglicane, lequel s'appelle serment de suprématie. Voyez SUPREMATIE.

Le serment d'allégeance est conçû en ces termes : " Je N.... proteste & déclare solemnellement devant Dieu & les hommes, que je serai toûjours fidele & soûmis au Roi N.... Je professe & déclare solemnellement que j'abhorre, déteste & condamne de tout mon coeur, comme impie & hérétique, cette damnable proposition, que les princes excommuniés ou destitués par le pape ou le siége de Rome, peuvent être légitimement déposés ou mis à mort par leurs sujets, ou par quelque personne que ce soit ".

Les Quacres sont dispensés du serment d'allégeance ; on se contente à ce sujet de leur simple déclaration. Voyez QUACRE. (H)


ALLEGEASS. m. (Commerce.) étoffes des Indes orientales, dont les unes sont de chanvre ou de lin, les autres de coton. Elles portent huit aulnes sur cinq, six à sept huitiemes, ou douze aulnes sur trois quarts & cinq sixiemes.


ALLEGERALLEGER le cable, c’est en Marine soulager le cable, ou attacher plusieurs morceaux de bois ou barils le long d’un cable pour le faire floter, afin qu’il ne touche point sur les roches qui pourroient se trouver au fond de l’eau & l’endommager.

ALLEGER un vaisseau, c'est lui ôter une partie de sa charge pour le mettre à flot, ou pour le rendre plus leger à la voile. (Z)


ALLEGERIou ALLEGIR un cheval, (Manége.) c'est le rendre plus libre & plus leger du devant que du derriere, afin qu'il ait plus de grace dans ses airs de manége. Lorsqu'on veut allégerir un cheval, il faut qu'en le faisant troter on le sente toûjours disposé à galoper ; & que l'ayant fait galoper quelque tems, on le remette encore au trot. Ce cheval est si pesant d'épaules & si attaché à la terre, qu'on a de la peine à lui rendre le devant leger, quand même l'on se serviroit pour l'allégerir du caveçon à la Newcastle. Ce cheval s'abandonne trop sur les épaules, il faut l'allégerir du devant, & le mettre sous lui. (V)


ALLÉGORIES. f. (Littérat.) figure de Rhétorique, par laquelle on employe des termes qui, pris à la lettre, signifient toute autre chose que ce qu'on veut leur faire signifier. L'allégorie n'est proprement autre chose qu'une métaphore continuée, qui sert de comparaison pour faire entendre un sens qu'on n'exprime point, mais qu'on a en vûe. C'est ainsi que les Orateurs & les Poëtes ont coûtume de représenter un état sous l'image d'un vaisseau, & les troubles qui l'agitent sous celle des flots & des vents déchaînés ; par les pilotes, ils entendent les souverains ou les magistrats ; par le port, la paix ou la concorde. Horace fait un pareil tableau de sa patrie prête à être replongée dans les horreurs d'une guerre civile, dans cette belle ode qui commence ainsi :

O navis, referent in mare te novi

Fluctus, &c.

La plûpart des Théologiens trouvent l'ancien Testament plein d'allégories & de sens typiques, qu'ils rapportent au nouveau ; mais on convient que le sens allégorique, à moins qu'il ne soit fondé sur une tradition constante, ne forme pas un argument sûr, comme le sens littéral. Sans cette sage précaution, chaque fanatique trouveroit dans l'Ecriture de quoi appuyer ses visions. En effet, c'est en matiere de religion sur-tout que l'allégorie est d'un plus grand usage. Philon le Juif a fait trois livres d'allégories sur l'histoire des six jours (voyez HEXAMERON) ; & l'on sait assez quelle carriere les Rabbins ont donné à leur imagination dans le Talmud & dans leurs autres commentaires.

Les Payens eux-mêmes faisoient grand usage des allégories, & cela avant les Juifs ; car quelques-uns de leurs philosophes voulant donner des sens raisonnables à leurs fables & à l'histoire de leurs dieux, prétendirent qu'elles signifioient toute autre chose que ce qu'elles portoient à la lettre ; & de-là vint le mot d'allégorie, c'est-à-dire un discours qui, à le prendre dans son sens figuré, , signifie toute autre chose que ce qu'il énonce. Ils eurent donc recours à cet expédient pour contenter de leur mieux ceux qui étoient choqués des absurdités dont les Poëtes avoient farci la religion, en leur insinuant qu'il ne falloit pas prendre à la lettre ces fictions ; qu'elles contenoient des mysteres, & que leurs dieux avoient été des personnages tout autrement respectables que ne les dépeignoit la Mythologie, dont ils donnerent des explications telles qu'ils les vouloient imaginer : ensorte qu'on ne vit plus dans les fables que ce qui n'y étoit réellement pas ; on abandonna l'historique qui révoltoit, pour se jetter dans la mysticité qu'on n'entendoit pas.

M. de la Nause, dans un discours sur l'origine & l'antiquité de la Cabale, inséré dans le tome IX. de l'académie des Belles-Lettres, prétend que ce n'étoit point pour se cacher, mais pour se faire mieux entendre, que les Orientaux employoient leur style figuré, les Egyptiens leurs hiéroglyphes, les Poëtes leurs images, & les Philosophes la singularité de leurs discours, qui étoient autant d'especes d'allégories. En ce cas il faudra dire que l'explication étoit plus obscure que le texte, & l'expérience le prouva bien ; car on brouilla si bien les signes figuratifs avec les choses figurées, & la lettre de l'allégorie avec le sens qu'on prétendoit qu'elle enveloppoit, qu'il fut très-difficile, pour ne pas dire impossible, de démêler l'un d'avec l'autre. Les Platoniciens sur-tout donnoient beaucoup dans cette méthode ; & le desir de les imiter en transportant quelques-unes de leurs idées aux mysteres de la véritable religion, enfanta dans les premiers siecles de l'Eglise les hérésies des Marcionites, des Valentiniens, & de plusieurs autres, compris sous le nom de Gnostiques.

C'étoit de quelques Juifs récemment convertis, tels qu'Ebion, que cette maniere de raisonner s'étoit introduite parmi les Chrétiens. Philon, comme nous l'avons déja dit, & plusieurs autres docteurs juifs s'appliquoient à ce sens figuré, flateur pour certains esprits, par la nouveauté & la singularité des découvertes qu'ils s'imaginent y faire. Quelques auteurs des premiers siecles du Christianisme, tels qu'Origene, imiterent les Juifs, & expliquerent aussi l'ancien & le nouveau Testament par des allégories. Voyez ALLEGORIQUES & PROPHETIE.

Quelques auteurs, & entr'autres le P. le Bossu, ont pensé que le sujet du poëme épique n'étoit qu'une maxime de morale allégoriée, qu'on revêtoit d'abord d'une action chimérique, dont les acteurs étoient A & B ; qu'on cherchoit ensuite dans l'histoire quelque fait intéressant, dont la vérité mise avec le fabuleux, pût donner au poëme quelque vraisemblance ; & qu'ensuite on donnoit des noms aux acteurs, comme Achille, Enée, Renaud, &c. Voyez ce qu'on doit penser de cette prétention, sous le mot EPOPEE ou POEME EPIQUE. (G)


ALLEGORIQUEadj. (Théol.) ce qui contient une allégorie. Voyez ALLEGORIE. Les Théologiens distinguent dans l'Ecriture deux sortes de sens en général, le sens littéral & le sens mystique. Voyez SENS LITTERAL & MYSTIQUE.

Ils subdivisent le sens mystique en allégorique, tropologique & anagogique.

Le sens allégorique est celui qui résulte de l'application d'une chose accomplie à la lettre, mais qui n'est pourtant que la figure d'une autre chose : ainsi le serpent d'airain élevé par Moyse dans le desert pour guérir les Israëlites de leurs plaies, représentoit dans un sens allégorique Jesus-Christ élevé en croix pour la rédemption du genre humain.

Les anciens interpretes de l'Ecriture se sont fort attachés aux sens allégoriques : on peut s'en convaincre en lisant Origene, Clément d'Alexandrie, &c. mais ces allégories ne sont pas toûjours des preuves concluantes, à moins qu'elles ne soient indiquées dans l'Ecriture même, ou fondées sur le concert unanime des peres.

Le sens allégorique proprement dit, est un sens mystique qui regarde l'Eglise & les matieres de religion. Tel est ce point de doctrine que saint Paul explique dans son épître aux Galates : Abraham duos filios habuit, unum de ancillâ, & unum de liberâ : sed qui de ancillâ, secundùm carnem natus est ; qui autem de liberâ, per repromissionem : quae sunt per ALLEGORIAM dicta. Voilà l'allégorie ; en voici le sens, & l'application à l'Eglise & à ses enfans : Hoec enim sunt duo testamenta ; unum quidem in monte Sina, in servitutem generans ; quae est Agar.... Illa autem quae sursum est Jerusalem libera est, quae est mater nostra.... Nos autem fratres, secundùm Isaac promissionis filii summus.... Non summus ancillae filii, sed liberae ; quâ libertate Christus nos liberavit. Galat. cap. jv. vers. 23. 24. 25. 26. 29. 31. (G)


ALLEGRANIA(Géogr.) petite île d'Afrique, l'une des Canaries, au nord de la Gracieuse, au nord-oüest de Rocca, & au nord-est de Sainte-Claire.


ALLEGRou ALEGRE, ville de France en Auvergne, généralité de Riom, élection de Brioude, au pié d'une montagne au-dessus de laquelle il y a un grand lac. Long. 21. 22. lat. 45. 10.


ALLEGROterme de Musique ; ce mot écrit à la tête d'un air, désigne du lent au vîte, le troisieme des quatre principaux degrés de mouvement établis dans la Musique italienne. Allegro est un adjectif italien qui signifie gai ; & c'est aussi l'expression d'un mouvement gai & animé, le plus vif de tous après le presto. Voyez MOUVEMENT.

Le diminutif allegretto indique une gaieté plus modérée, un peu moins de vivacité dans la mesure. (S)


ALLELUIou ALLELUIAH, ou HALLELUIAH, expression de joie que l'on chante, ou que l'on récite dans l'église à la fin de certaines parties de l'office divin. Ce mot est hébreu, ou plûtôt composé de deux mots hébreux ; savoir, , hallelu, & , Ja, qui est une abréviation du nom de Dieu , Jehova, qui tous deux signifient laudate Dominum ; ensorte qu'en notre langue, alleluia veut dire proprement loüez le Seigneur.

S. Jérôme prétend que le dernier mot dont est composé alleluia, n'est point une abréviation du nom de Dieu, mais un de ses noms ineffables ; ce qu'il prouve par divers passages de l'Ecriture, où à la place de laudate Dominum, comme nous lisons dans la version latine, les Hébreux lisent alleluia ; remarque qui n'infirme pas le sens que nous avons donné à ce mot.

Le même Pere est le premier qui ait introduit le mot alleluia dans le service de l'église : pendant longtems on ne l'employoit qu'une seule fois l'année dans l'Eglise Latine ; savoir, le jour de Pâques : mais il étoit plus en usage dans l'Eglise Greque, où on le chantoit dans la pompe funebre des saints, comme S. Jérôme le témoigne expressément en parlant de celle de sainte Fabiole : cette coûtume s'est conservée dans cette Eglise, où l'on chante même l'alleluia quelquefois pendant le carême.

Saint Grégoire le grand ordonna qu'on le chanteroit de même toute l'année dans l'Eglise Latine ; ce qui donna lieu à quelques personnes de lui reprocher qu'il étoit trop attaché aux rits des Grecs, & qu'il introduisoit dans l'église de Rome les cérémonies de celle de Constantinople : mais il répondit que tel avoit été autrefois l'usage à Rome, même lorsque le pape Damase, qui mourut en 384, introduisit la coûtume de chanter l'alleluia dans tous les offices de l'année. Ce decret de S. Grégoire fut tellement reçu dans toute l'Eglise d'Occident, qu'on y chantoit l'alleluia même dans l'office des Morts, comme l'a remarqué Baronius dans la description qu'il fait de l'enterrement de sainte Radegonde. On voit encore dans la messe mosarabique, attribuée à S. Isidore de Séville, cet introït de la messe des défunts : Tu es portio mea, Domine, alleluia, in terrâ viventium, alleluia.

Dans la suite l'Eglise romaine supprima le chant de l'alleluia dans l'office & dans la messe des Morts, aussi bien que depuis la septuagésime jusqu'au graduel de la messe du samedi-saint, & elle y substitua ces paroles, laus tibi, Domine, rex aeternae gloriae, comme on le pratique encore aujourd'hui. Et le quatrieme concile de Tolede, dans l'onzieme de ses canons, en fit une loi expresse, qui a été adoptée par les autres Eglises d'Occident.

Saint Augustin, dans son épître 119 ad Januar. remarque qu'on ne chantoit l'alleluia que le jour de Pâques & les cinquante jours suivans, en signe de joie de la résurrection de Jesus-Christ : & Sozomene dit que dans l'église de Rome on ne le chantoit que le jour de Pâques. Baronius & le cardinal Bona se sont déchaînés contre cet historien pour avoir avancé ce fait : mais M. de Valois, dans ses notes sur cet auteur, montre qu'il n'avoit fait que rapporter l'usage de son siecle. Dans la messe mosarabique, on le chantoit après l'évangile, mais non pas en tout tems ; au lieu que dans les autres Eglises on le chantoit, comme on le fait encore, entre l'épître & l'évangile, c'est-à-dire au graduel. Sidoine Apollinaire remarque que les forçats ou rameurs chantoient à haute voix l'alleluia, comme un signal pour s'exciter & s'encourager à leur manoeuvre.

Curvorum hinc chorus helciariorum

Responsantibus ALLELUIA ripis,

Ad Christum levat amnicum celeusma :

Sic, sic psallite, nauta vel viator.

C'étoit en effet la coûtume des premiers Chrétiens, que de sanctifier leur travail par le chant des hymnes & des pseaumes. Bingham, orig. ecclésiast. tome VI. lib. XIV. cap. xj. §. 4. (G)

ALLELUIA, s. m. (Hist. nat.) en latin oxis, herbe à fleur d'une seule feuille en forme de cloche, ouverte & découpée. Il sort du calice un pistil qui est attaché au fond de la fleur comme un clou, & qui devient dans la suite un fruit membraneux, oblong, & divisé le plus souvent en cinq loges qui s'ouvrent chacune en-dehors par une fente qui s'étend depuis la base du fruit jusqu'à la pointe. Chaque loge contient quelques semences enveloppées chacune d'une membrane élastique, qui la pousse ordinairement assez loin lorsqu'elle est mûre. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

ALLELUIA, (Jard.) oxytriphillon. Cette plante ne graine point, & ne se multiplie que par de grandes traînasses ou rejettons qui sortent de son pié, de même qu'il en sort des violettes & des marguerites. On replante ces rejettons en Mars & Avril, & on leur donne un peu d'eau. Cette plante croît naturellement dans les bois, & aime l'ombre. (K)

ALLELUIA, (L') Medecine, est d'une odeur agréable, & d'un goût aigrelet : il est bon pour desaltérer, pour calmer les ardeurs de la fievre, pour rafraîchir, pour purifier les humeurs : il fortifie le coeur, résiste aux venins. On s'en sert en décoction, ou bien on en fait boire le suc dépuré.


ALLEMAGNE(Géog.) grand pays situé au milieu de l'Europe, avec titre d'Empire ; borné à l'est par la Hongrie & la Pologne ; au nord par la mer Baltique & le Danemark ; à l'occident par les Pays-bas, la France & la Suisse ; au midi par les Alpes ou l'Italie, & la Suisse. Il a environ 240 lieues de la mer Baltique aux Alpes, & 200 du Rhin à la Hongrie. Il est divisé en neuf cercles, qui sont l'Autriche, le bas Rhin, le haut Rhin, la Baviere, la haute Saxe, la basse Saxe, la Franconie, la Soüabe, & la Westphalie. Long. 23. 37. lat. 46. 55.

C'est un composé d'un grand nombre d'Etats souverains & libres, quoique sous un chef commun. On conçoit que cette constitution de gouvernement établissant dans un même empire une infinité de frontieres différentes, supposant d'un lieu à un autre des lois différentes, des monnoies d'une autre espece, des denrées appartenantes à des maîtres différens, &c. on conçoit, dis-je, que toutes ces circonstances doivent mettre beaucoup de variété dans le commerce. En voici cependant le général & le principal à observer. Pour encourager ses sujets au commerce, l'empereur a établi le port franc sur la mer Adriatique, par des compagnies tantôt projettées, tantôt formées dans les Pays-bas ; par des priviléges particuliers accordés à l'Autriche, à la Hongrie, à la Boheme (Voyez COMPAGNIE & PORT) ; par des traités avec les puissances voisines, & sur-tout par le traité de 1718 avec la Porte, dans lequel il est arrêté que le commerce sera libre aux Allemands dans l'empire Ottoman ; que depuis Vidin les Impériaux pourront faire passer leurs marchandises sur des sacques turques en Tartarie, en Crimée, &c. que les vaisseaux de l'Empire pourront aborder sur la Méditerranée dans tous les ports de Turquie ; qu'ils seront libres d'établir des consuls, des agens, &c. par-tout où les alliés de la Porte en ont déjà, & avec les mêmes prérogatives ; que les effets des marchands qui mourront ne seront point confisqués ; qu'aucun marchand ne sera appellé devant les tribunaux ottomans, qu'en présence du consul impérial ; qu'ils ne seront aucunement responsables des dommages causés par les Maltois ; qu'avec passeport ils pourront aller dans toutes les villes du Grand-Seigneur où le commerce les demandera : enfin que les marchands ottomans auront les mêmes facultés & priviléges dans l'Empire.


ALLEMANDES. f. (Musique.) est une sorte de piece de Musique, dont la mesure est à quatre tems, & se bat gravement. Il paroît par son nom que ce caractere d'air nous est venu d'Allemagne : mais il est vieilli, & à peine les Musiciens s'en servent-ils aujourd'hui ; ceux qui l'employent encore lui donnent un mouvement plus gai. Allemande est aussi une sorte de danse commune en Suisse & en Allemagne ; l'air de cette danse doit être fort gai, & se bat à deux tems. (S)


ALLEMANDSS. m. Ce peuple a d'abord habité le long des rives du Danube, du Rhin, de l'Elbe & de l'Oder. Ce mot a un grand nombre d'étymologies ; mais elles sont si forcées, qu'il vaut presqu'autant n'en savoir aucune, que de les savoir toutes. Cluvier prétend que l'Allemand n'est point Germain, mais qu'il est Gaulois d'origine. Selon le même auteur, les Gaulois, dont Tacite dit qu'ils avoient passé le Rhin, & s'étoient établis au-delà de ce fleuve, furent les premiers Allemands. Tout ce que l'on ajoûte sur l'origine de ce peuple depuis Tacite jusqu'à Clovis, n'est qu'un tissu de conjectures peu fondées. Sous Clovis, les Allemands étoient un petit peuple qui occupoit la plus grande partie des terres situées entre la Meuse, le Rhin, & le Danube. Si l'on compare ce petit terrein avec l'immense étendue de pays qui porte aujourd'hui le nom d'Allemagne, & si l'on ajoûte à cela qu'il y a des siecles que les Allemands ont les François pour rivaux & pour voisins, on en saura plus sur le courage de ces peuples, que tout ce qu'on en pourroit dire d'ailleurs.


ALLERALLER

ALLER en droiture, (Marine.) Voyez DROITURE.

ALLER à bord, (Marine.) Voyez BORD.

ALLER au cabestan, (Marine.) Voyez CABESTAN.

ALLER à la sonde, (Marine.) Voyez SONDE.

ALLER à grasse bouline, (Marine.) c'est cingler sans que la bouline du vent soit entierement halée. Voyez BOULINE GRASSE.

ALLER au plus près du vent, (Marine.) c'est cingler à six quarts de vent près de l'aire ou rumb d'où il vient ; par exemple, si le vent est nord, on pourroit aller à l'ouest-nord-ouest, & changeant de bord à l'est-nord-est.

ALLER proche du vent, approcher le vent, (Mar.) c'est se servir d'un vent qui paroît contraire à la route, & le prendre de biais, en mettant les voiles de côté par le moyen des boulines & des bras.

ALLER de bout au vent, (Marine.) se dit d'un vaisseau qui est bon boulinier, & dont les voiles sont bien orientées, de sorte qu'il semble aller contre le vent, ou de bout au vent. Un navire travaille moins ses ancres & ses cables, lorsqu'étant mouillé il est de bout au vent, c'est-à-dire qu'il présente la proue au lieu d'où vient le vent.

ALLER vent largue, (Marine.) c'est avoir le vent par le travers, & cingler où l'on veut aller sans que les boulines soient halées.

ALLER entre deux écoutes, (Mar.) c'est aller vent en poupe.

ALLER au lof, (Marine.) Voyez LOF.

ALLER à la bouline, (Marine.) Voyez BOULINE.

ALLER à trait & à rame, (Marine.) Voyez RAME.

ALLER à la dérive, (Marine.) Voyez DERIVE & DERIVER. Se laisser aller à la dérive ; aller à Dieu & au tems ; à mats & à cordes, ou à sec, c'est serrer toutes les voiles, & laisser voguer le vaisseau à la merci des vents & des vagues ; ou bien c'est aller avec toutes les voiles & les vergues baissées à cause de la fureur du vent.

ALLER avec les huniers, à mi-mât, (Mar.) Voyez HUNIER.

ALLER terre à terre, (Marine.) c'est naviger en côtoyant le rivage. Voyez RANGER LA COTE. (Z)

ALLER en traite, voyez TRAITE.

ALLER à l'épée, (Escrime.) on dit d'un escrimeur qu'il bat la campagne, qu'il va à l'épée, quand il s'ébranle sur une attaque, & qu'il fait de trop grands mouvemens avec son épée pour trouver celle de l'ennemi. C'est un défaut dans un escrimeur d'aller à l'épée, parce qu'en voulant parer un côté, il en découvre un autre.

ALLER (Manége.) se dit des allures du cheval, aller le pas, aller le trot, &c. Voy. ALLURES. On dit aussi en terme de Manége, aller étroit, lorsqu'on s'approche du centre du Manége : aller large, lorsqu'on s'en éloigne : aller droit à la muraille, c'est conduire son cheval vis-à-vis de la muraille, comme si l'on vouloit passer au-travers. On dit en termes de cavalerie, aller par surprise, lorsque le cavalier se sert des aides trop à coup, de façon qu'il surprend le cheval au lieu de l'avertir ; aller par pays, signifie faire un voyage, ou se promener à cheval ; aller à toutes jambes, à toute bride, à étripe cheval, ou à tombeau ouvert, c'est faire courir son cheval aussi vîte qu'il peut aller. On dit du cheval, aller par bonds & par sauts, lorsqu'un cheval par gaieté ne fait que sauter, au lieu d'aller une allure reglée. Cette expression a une autre signification en terme de Manége. Voyez SAUTER. Aller à trois jambes, se dit d'un cheval qui boite ; aller de l'oreille, se dit d'un cheval qui fait une inclination de tête à chaque pas. (V)

ALLER de bon tems, terme des Véneurs ; l'on dit : les Véneurs alloient de bon tems, lorsque le roi arriva ; ce qui signifie qu'il y avoit peu de tems que la bête étoit passée.

Aller d'assûrance, se dit de la bête, lorsqu'elle va au pas, le pié serré & sans crainte.

Aller au gagnage, se dit de la bête fauve (le cerf, le dain, ou le chevreuil), lorsqu'elle va dans les grains pour y viander & manger ; ce qui se dit aussi du lievre.

Aller de hautes erres, se dit d'une bête passée il y a sept ou huit heures ; ce lievre va de hautes erres.

Aller en quête, se dit du valet de limier lorsqu'il va aux bois pour y détourner une bête avec son limier.

Aller sur soi, se sur-aller, se sur-marcher, se dit de la bête qui revient sur ses erres, sur ses pas, en retournant par le même chemin qu'elle avoit pris.

ALLER en galée, terme d'Imprimerie. Voy. GALEE.


ALLEU(FRANC) s. m. Jurisprud. fief possédé librement par quelqu'un sans dépendance d'aucun seigneur. Voyez ALLODIAL. Le mot alleu a été formé des mots alodis, alodus, alodium, aleudum, usités dans les anciennes lois & dans les anciens titres, qui tous signifient terre, héritage, domaine ; & le mot franc, marque que cet héritage est libre & exempt de tout domaine. Mais quelle est l'origine de ces mots latins eux-mêmes ? C'est ce qu'on ne sait point.

Caseneuve dit qu'elle est aussi difficile à découvrir que la source du Nil. Il y a peu de langues en Europe à laquelle quelque étymologiste n'en ait voulu faire honneur. Mais ce qui paroît de plus vraisemblable à ce sujet, c'est que ce mot est françois d'origine.

Bollandus définit l'alleu, praedium, seu quaevis possessio libera jurisque proprii, & non in feudum clientelari onere accepta. Voyez FIEF.

Après la conquête des Gaules, les terres furent divisées en deux manieres, savoir en bénéfices & en alleus, beneficia & allodia.

Les bénéfices étoient les terres que le roi donnoit à ses officiers & à ses soldats, soit pour toute leur vie, soit pour un tems fixe. Voyez BENEFICE.

Les alleus étoient les terres dont la propriété restoit à leurs anciens possesseurs ; le soixante-deuxieme titre de la loi Salique est de allodis : & là ce mot est employé pour fonds héréditaires, ou celui qui vient à quelqu'un, de ses peres. C'est pourquoi alleu & patrimoine sont souvent pris par les anciens jurisconsultes pour deux termes synonymes. Voyez PATRIMOINE.

Dans les capitulaires de Charlemagne & de ses successeurs, alleu est toûjours opposé à fief : mais vers la fin de la deuxieme race, les terres allodiales perdirent leurs prérogatives ; & les seigneurs fieffés obligerent ceux qui en possédoient à les tenir d'eux à l'avenir. Le même changement arriva aussi en Allemagne. Voyez FIEF & TENURE.

L'usurpation des seigneurs fieffés sur les terres allodiales alla si loin, que le plus grand nombre de ces terres leur furent assujetties ; & celles qui ne le furent pas, furent du moins converties en fiefs : de-là la maxime que, nulla terra sine domino, nulle terre sans seigneur.

Il y a deux sortes de franc-aleu, le noble & le roturier.

Le franc-aleu noble est celui qui a justice, censive ou fief mouvant de lui ; le franc-aleu roturier est celui qui n'a ni justice ni aucunes mouvances.

Par rapport au franc-aleu, il y a trois sortes de coûtumes dans le royaume : les unes veulent que tout héritage soit réputé franc, si le seigneur dans la justice duquel il est situé, ne montre le contraire ; tels sont tous les pays de droit écrit, & quelques portions du pays coûtumier. Dans d'autres le franc-aleu n'est point reçû sans titre, & c'est à celui qui prétend posséder à ce titre, à le prouver. Et enfin quelques autres ne s'expliquent point à ce sujet ; & dans ces dernieres on se regle par la maxime générale admise dans tous les pays coûtumiers, qu'il n'y a point de terre sans seigneur, & que ceux qui prétendent que leurs terres sont libres, le doivent prouver, à moins que la coûtume ne soit expresse au contraire.

Dans les coûtumes même qui admettent le franc-aleu sans titre, le roi & les seigneurs sont bien fondés à demander que ceux qui possedent des terres en franc-aleu ayent à leur en donner une déclaration, afin de connoître ce qui est dans leur mouvance, & ce qui n'y est pas. (H)


ALLEVURES. f. (Commerce.) petite monnoie de cuivre, la plus petite qui se fabrique en Suede : sa valeur est au-dessous du denier tournois ; il faut deux allevûres pour un roustique. Voyez ROUSTIQUE.


ALLIAGES. m. (Chimie.) signifie le mêlange de différens métaux. Alliage se dit le plus souvent de l'or & de l'argent qu'on mêle séparément avec du cuivre ; & la différente quantité de cuivre qu'on mêle avec ces métaux, en fait les différens titres.

L'alliage de l'or & de l'argent se fait le plus souvent pour la monnoie & pour la vaisselle.

L'alliage de la monnoie se fait pour durcir l'or & l'argent, & pour payer les frais de la fabrique de la monnoie, & pour les droits des princes. L'alliage de la vaisselle se fait pour durcir l'or & l'argent.

L'alliage est différent dans les différentes souverainetés, par la différente quantité de cuivre avec laquelle on le fait. L'alliage de la monnoie d'argent d'Espagne differe de celui des monnoies des autres pays, en ce qu'il se fait avec le fer.

Tout alliage durcit les métaux ; & même un métal devient plus dur par l'alliage d'un métal plus tendre que lui : mais l'alliage peut rendre, & il rend quelquefois les métaux plus ductiles, plus extensibles : on le voit par l'alliage de la pierre calaminaire avec le cuivre rouge, qui fait le cuivre jaune. De l'or & de l'argent sans alliage ne seroient pas aussi extensibles que lorsqu'il y en a un peu.

L'alliage rend les métaux plus faciles à fondre qu'ils ne le sont naturellement.

L'alliage des métaux est quelquefois naturel lorsqu'il se trouve des métaux différens dans une même mine, comme lorsqu'il y a du cuivre dans une mine d'argent.

Le fer est très-difficile à allier avec l'or & l'argent : mais lorsqu'il y est une fois allié, il est aussi difficile de l'en ôter.

L'alliage du mercure avec les autres métaux, se nomme amalgame. Voyez AMALGAME. Lorsqu'on allie le mercure en petite quantité avec les métaux, qu'il ne les amollit point, & qu'au contraire il les durcit, on se sert aussi du terme d'alliage pour signifier ce mêlange du mercure avec les métaux ; & cet alliage se fait toûjours par la fusion, au lieu que l'amalgame se fait souvent sans fusion. Voyez ALLIER, MERCURE. (M)

Tout le monde connoît la découverte d'Archimede sur l'alliage de la couronne d'or d'Hieron, roi de Syracuse. Un ouvrier avoit fait cette couronne pour le roi, qui la soupçonna d'alliage, & proposa à Archimede de le découvrir. Ce grand géometre y rêva long-tems sans pouvoir en trouver le moyen ; enfin étant un jour dans le bain, il fit réflexion qu'un corps plongé dans l'eau perd une quantité de son poids égale au poids d'un pareil volume d'eau. Voyez HYDROSTATIQUE. Et il comprit que ce principe lui donneroit la solution de son problème. Il fut si transporté de cette idée, qu'il se mit à courir tout nud par les rues de Syracuse en criant, , je l'ai trouvé.

Voici le raisonnement sur lequel porte cette solution : s'il n'y a point d'alliage dans la couronne, mais qu'elle soit d'or pur, il n'y a qu'à prendre une masse d'or pur dont on soit bien assûré, & qui soit égale au poids de la couronne, cette masse devra aussi être du même volume que la couronne, & par conséquent ces deux masses plongées dans l'eau doivent y perdre la même quantité de leur poids. Mais s'il y a de l'alliage dans la couronne, en ce cas la masse d'or pur égale en poids à la couronne sera d'un volume moindre que cette couronne ; parce que l'or pur est de tous les corps celui qui contient le plus de matiere sous un moindre volume : donc la masse d'or plongée dans l'eau, perdra moins de son poids que la couronne.

Supposons ensuite que l'alliage de la couronne soit de l'argent, & prenons une masse d'argent pur égale en poids à la couronne, cette masse d'argent sera d'un plus grand volume que la couronne, & par conséquent elle perdra plus de poids que la couronne étant plongée dans l'eau : cela posé, voici comme on résout le problème. Soit P le poids de la couronne, x le poids de l'or qu'elle contient, y le poids de l'argent, p le poids que perd la masse d'or dans l'eau, q le poids que perd la masse d'argent, r le poids que perd la couronne, on aura (p x)/P pour le poids que la quantité d'or x perdroit dans l'eau, & (q y)/p pour le poids que la quantité d'argent y perdroit dans l'eau : or ces deux quantités prises ensemble doivent être égales au poids r perdu par la couronne.

Donc (p x)/P + (q y)/P = r. De plus on a x + y = P.

Ces deux équations feront connoître les inconnues x & y. Voyez EQUATION.

Au reste pour la solution complete & entiere de ce problème, il est nécessaire, 1°. que l'alliage ne soit que d'une matiere ; car s'il étoit de deux, on auroit trois inconnues & deux équations seulement, & le problème resteroit indéterminé : 2°. que l'on connoisse quelle est la matiere de l'alliage ; si c'est de l'argent ou du cuivre, &c. (O)

Regle d'ALLIAGE, est une regle d'Arithmétique dont on se sert pour résoudre des questions qui ont rapport au mêlange de plusieurs denrées ou matieres, comme du vin, du blé, du sucre, des métaux, ou autres choses de différent prix.

Quand ces différentes matieres sont mêlées ensemble, la regle d'alliage apprend à en déterminer le prix moyen. Supposons, par exemple, que l'on demandât un mêlange de 144 livres de sucre à 12 sols la livre, & que ce mêlange fût composé de quatre sortes de sucre, à 6, 10, 15 & 17 sols la livre ; si l'on vouloit déterminer combien il doit entrer de chaque espece de sucre dans cette composition, voici la regle qu'il faudroit suivre.

Placez l'un sous l'autre tous les prix, excepté le prix moyen. Que chaque nombre plus petit que le prix moyen soit lié à un nombre plus grand que le même prix ; par exemple, liez 6 avec 15, & 10 avec 17 ; prenez ensuite la différence de chaque nombre au prix moyen, & placez ces différences de maniere que celle de 15 à 12 soit vis-à-vis de 6 ; celle de 6 à 12 vis-à-vis 15 ; celle de 12 à 17 vis-à-vis 10 : enfin celle de 12 à 10 vis-à-vis 17 ; ainsi que vous pouvez le voir dans l'exemple qui suit.

Remarquez qu'un nombre qui seroit lié à plusieurs autres nombres doit avoir vis-à-vis de lui toutes les différences des nombres auxquels il est lié.

Après cela faites cette proportion : la somme de toutes les différences est au mêlange total donné, comme une différence quelconque est à un quatrieme nombre, qui exprimera la quantité cherchée de la chose vis-à-vis laquelle est la différence dont vous vous êtes servi dans la proportion ; l'opération étant achevée, vous trouverez qu'il faudra 27 livres du sucre à 6 sols, 54 du sucre à 15 sols, 45 du sucre à 10 sols, & 18 du sucre à 17 sols.

Observez cependant que souvent ces sortes de questions sont indéterminées, & qu'elles sont par conséquent susceptibles d'une infinité de solutions ; ainsi qu'il est facile de s'en convaincre pour peu que l'on soit versé dans l'Algebre, ou même que l'on fasse un peu d'attention à la nature de la question, qui fait assez comprendre qu'en prenant un peu plus d'une espece de matiere, il en faudra prendre un peu moins des autres, vû que le total en est déterminé.

Ceux qui seront curieux de voir une explication plus étendue de la regle d'alliage, & d'en avoir même une pleine démonstration, pourront consulter Wallis, Taquet dans son Arithmétique, & le système d'Arithmétique de M. Malcolm. (E)

ALLIAGE, est dans l'Artillerie le mêlange des métaux qui s'employent pour former celui dont on fait les mortiers & les canons. Voyez CANON. (Q)

ALLIAGE, (à la Monnoie.) est un mêlange de différens métaux dont on forme un mixte de telle nature & de tel prix que l'on veut. Dans le monnoyage, l'alliage est prescrit par les ordonnances : mais l'on altere les métaux avec tant de précaution, que par ce mêlange l'or & l'argent ne sont que peu éloignés de leur pureté. L'alliage est nécessaire pour la conservation des especes ; il donne au métal monnoyé assez de dureté ; il empêche que les frais ne diminuent le poids des especes ; il augmente le volume, & remplit les dépenses de fabrication. Les ordonnances ayant prescrit le titre de l'alliage, on ne peut se dispenser, si le titre général de la matiere fondue est trop bas, d'y mettre du fin ; si au contraire le titre est trop haut, de le diminuer par une matiere inférieure, telle que le cuivre, &c. Le procédé de l'alliage des monnoies est expliqué à l'article MONNOIE.


ALLIAIRES. f. plante dont la racine menue, ligneuse, blanche, sent l'ail. Ses tiges sont d'une coudée & demie, grêles, un peu velues, cylindriques, cannelées, solides. Ses feuilles sont d'abord arrondies comme celles du lierre terrestre : mais elles sont bien plus amples. Bien-tôt après elles deviennent pointues. Elles sont crenelées tout autour, d'un verd pâle, lisses, portées sur de longues queues fort écartées l'une de l'autre, placées alternativement & sans aucun ordre ; elles ont l'odeur & la saveur de l'ail. Ses fleurs sont nombreuses, placées à l'extrémité des tiges & des rameaux, en forme de croix, composées de quatre pétales blancs. Le pistil qui s'éleve du calice se change en un fruit membraneux, cylindrique, en siliques partagées intérieurement en deux loges par une cloison mitoyenne, à laquelle sont attachés deux panneaux voûtés. Ces loges sont pleines de graines oblongues, arrondies, noires, nichées dans les fosses de la cloison mitoyenne. Toute la plante pilée a l'odeur d'ail. Elle naît dans les buissons & sur le bord des fossés, aux environs de Paris. Toutes ses parties sont d'usage.

Elle ronge un peu le papier bleu ; ce qui prouve qu'elle contient un sel qui tient de l'ammoniac, mêlé avec beaucoup de soufre & de terre. Elle donne par l'analyse chimique, outre le flegme acide, un sel volatil concret, du sel fixe très-lixiviel, beaucoup d'huile & de terre. On dit qu'elle est diurétique ; que sa graine est bonne pour les vapeurs, & que la poudre de ses feuilles guérit les ulceres carcinomateux.


ALLIANCEdans les Saintes Ecritures ; on employe souvent le nom de testamentum, & en Grec diathiké, pour exprimer la valeur du mot Hébreu berith, qui signifie alliance ; d'où viennent les noms d'ancien & de nouveau testament, pour marquer l'ancienne & la nouvelle alliance. La premiere alliance de Dieu avec les hommes, est celle qu'il fit avec Adam au moment de sa création, & lorsqu'il lui défendit l'usage du fruit défendu. Le Seigneur mit l'homme dans le paradis terrestre, & lui fit ce commandement : Vous mangerez de tous les fruits du paradis ou du jardin ; mais ne mangez point du fruit de l'arbre de la science du bien & du mal ; car aussi-tôt que vous en aurez mangé, vous mourrez, ou vous deviendrez mortels. C'est-là, dit saint Augustin, la premiere alliance de Dieu avec l'homme : testamentum autem primum quod factum est ad hominem primum, profecto illud est : quâ die ederitis, morte moriemini ; d'où vient qu'il est écrit : testamentum à saeculo : morte morieris. Genes. II. xvj. Aug. de civit. Dei, lib. XVI. cap. xxvij. Eccli. XIV. xviij.

La seconde alliance est celle que Dieu fit avec l'homme après son péché, en lui promettant nonseulement le pardon, pourvû qu'il fît pénitence, mais aussi la venue du Messie, qui le racheteroit & toute sa race de la mort du péché, & de la seconde mort qui est celle de l'éternité. S. Paul, en plusieurs endroits, nous parle de ce pacte, par lequel le second Adam a racheté & délivré de la mort ceux que le premier Adam avoit fait condamner à mourir. Sicut in Adam omnes moriuntur, ita in Christo omnes vivificabuntur. Et ailleurs : sicut per hominem peccatum in hunc mundum introivit, & per peccatum mors.... Sicut per inobedientiam unius hominis peccatores constituti sunt multi, ita & per unius obeditionem justi constituentur multi. Et le Seigneur parlant au serpent, dit : Je mettrai une inimitié entre toi & la femme, entre ta race & la sienne ; elle te brisera la tête, & tu l'attaqueras en secret par le talon. La postérité de la femme qui doit briser la tête du serpent, est le Messie ; par sa mort, il a fait périr le diable, qui avoit l'empire de la mort : Ut per mortem destrueret eum qui habebat mortis imperium, id est diabolum. I. Cor. xv. 22. Rom. v. 12. 19. Genes. iij. 15. Hebr. ij. 14.

Une troisieme alliance est celle que le Seigneur fit avec Noé, lorsqu'il lui dit de bâtir une arche ou un grand vaisseau pour y sauver les animaux de la terre, & pour y retirer avec lui un certain nombre d'hommes, afin que par leur moyen il pût repeupler la terre après le déluge. Genes. vj. 18.

Cette alliance fut renouvellée cent vingt-un ans après ; lorsque les eaux du déluge s'étant retirées, & Noé étant sorti de l'arche avec sa femme & ses enfans, Dieu lui dit : Je vais faire alliance avec vous & avec vos enfans après vous, & avec tous les animaux qui sont sortis de l'arche, ensorte que je ne ferai plus périr toute chair par les eaux du déluge ; & l'arc-en-ciel que je mettrai dans les nues sera le gage de l 'alliance que je ferai aujourd'hui avec vous. Genes. IX. viij. jx. x. xj.

Toutes ces alliances ont été générales entre Adam & Noé & toute leur postérité : mais celle que Dieu fit dans la suite avec Abraham fut plus limitée ; elle ne regardoit que ce patriarche & sa race, qui devoit naître de lui par Isaac. Les autres descendans d'Abraham par Ismael & par les enfans de Cethura, n'y devoient point avoir de part. La marque ou le sceau de cette alliance fut la circoncision, que tous les mâles de la famille d'Abraham devoient recevoir le huitieme jour après leur naissance ; les effets & les suites de ce pacte sont sensibles dans toute l'histoire de l'ancien Testament : la venue du Messie en est la consommation & la fin. L'alliance de Dieu avec Adam forme ce que nous appellons l'état de nature ; l'alliance avec Abraham expliquée dans la loi de Moyse, forme la loi de rigueur ; l'alliance de Dieu avec tous les hommes par la médiation de Jesus-Christ, fait la loi de grace. Genes. xij. 1. 2. xvij. 10. 11. 12.

Dans le discours ordinaire nous ne parlons guere que de l'ancien & du nouveau Testament ; de l'alliance du Seigneur avec la race d'Abraham, & de celle qu'il a faite avec tous les hommes par Jesus-Christ, parce que ces deux alliances contiennent éminemment toutes les autres qui en sont des suites, des émanations, & des explications : par exemple, lorsque Dieu renouvelle ses promesses à Isaac & à Jacob, & qu'il fait alliance à Sinaï avec les Israélites, & leur donne sa loi : lorsque Moyse peu de tems avant sa mort, renouvelle l'alliance que le Seigneur a faite avec son peuple, & qu'il rappelle devant leurs yeux tous les prodiges qu'il a faits en leur faveur : lorsque Josué se sentant près de sa fin, jure avec les anciens du peuple une fidélité inviolable au Dieu de leurs peres, tout cela n'est qu'une suite de la premiere alliance faite avec Abraham. Josias, Esdras, Néhémie, renouvellerent de même en différens tems leurs engagemens & leur alliance avec le Seigneur ; mais ce n'est qu'un renouvellement de ferveur, & une promesse d'une fidélité nouvelle à observer les lois données à leurs peres. Exod. xj. 24. vj. 47. xjx. 5. Deuter. xxjx. Jos. xxiij. & xxjv. Reg. xviij. Paral. II. xxij.

La plus grande, la plus solemnelle, la plus excellente, & la plus parfaite de toutes les alliances de Dieu avec les hommes, est celle qu'il fait avec nous par la médiation de Jesus-Christ : alliance éternelle qui doit subsister jusqu'à la fin des siecles, dont le fils de Dieu est le garant, qui est cimentée & affermie par son sang, qui a pour fin & pour objet la vie éternelle, dont le sacerdoce, le sacrifice, & les lois sont infiniment plus relevées que celles de l'ancien Testament. Voyez saint Paul, dans les épîtres aux Galates & aux Hébreux. (G)

ALLIANCE, s. f. (Jurisprud. & Hist. anc.) union ou liaison de deux personnes ou de deux familles par le mariage, qu'on appelle autrement affinité. Voyez AFFINITE. Ce mot vient de la préposition latine ad, & de ligare, lier.

La loi des douze tables défendoit les alliances entre les personnes d'un rang & d'une condition inégale ; & l'on dit qu'en Portugal les filles de qualité ne sauroient s'allier à des gens qui n'ayent jamais été à la guerre.

ALLIANCE se dit aussi des ligues & des traités qui se font entre des Souverains & des Etats, pour leur sûreté & leur défense commune. Voyez TRAITE, LIGUE, &c.

La triple alliance entre l'Angleterre, la Hollande, & la Suede, est très-fameuse. La quadruple alliance entre la France, l'Empire, l'Angleterre & la Hollande, ne l'est pas moins.

Alliés, dans ce même sens, est synonyme à confédérés : ainsi l'on dit : le Roi & ses alliés. Voyez CONFEDERATION.

Quoique le titre d'allié des Romains fût une espece de servitude, il étoit pourtant fort recherché. Polybe raconte qu'Ariarathes offrit un sacrifice d'action de graces aux Dieux pour l'avoir obtenu. La raison en étoit que dès-lors ces alliés n'avoient plus rien à craindre d'aucun autre peuple.

Les Romains avoient différentes sortes d'alliés : quelques-uns participoient avec eux aux priviléges des citoyens, comme les Latins & les Herniques ; d'autres leur étoient unis en conséquence de leur fondation, comme les colonies sorties de Rome ; d'autres y tenoient par les bienfaits qu'ils en avoient reçûs, comme Massinissa, Eumenes & Attale, qui leur étoient redevables de leurs états ; d'autres l'étoient en conséquence de traités libres, mais qui aboutissoient toûjours à la fin à les rendre sujets de Rome, comme les Rois de Bithynie, de Cappadoce, d'Egypte, & la plûpart des villes de Grece ; d'autres enfin l'étoient par des traités forcés & en qualité de vaincus ; car les Romains n'accordoient jamais la paix à un ennemi qu'ils ne fissent une alliance avec lui, c'est-à-dire qu'ils ne subjuguoient jamais aucun peuple qui ne lui servît à en subjuguer d'autres. V. Considérat. sur les causes de la grandeur des Rom. c. vj. p. 62. & seq. (H)

ALLIANCE, marchandise d'Orfévre, bague ou jonc que l'accordé donne à son accordée ; elle est faite d'un fil d'or & d'un fil d'argent en lacs.


ALLIAR AERISsignifie en Alchimie le cuivre des Philosophes, c'est-à-dire, le cuivre de ceux qui travaillent au grand oeuvre. On a exprimé par ces deux mots le cuivre blanc ou blanchi. Quelques Chimistes ont aussi entendu par alliar aeris, ce que d'autres veulent dire par eau de mercure.

Je soupçonne qu'alliar aeris vient de l'alliage de l'arsenic avec le cuivre, qui fait un cuivre blanc très-semblable à l'argent, ce qui a présenté aux Alchimistes une image de la transmutation.

Becker dit que pour changer le cuivre en argent, il faut dissoudre de l'argent dans l'eau-forte, en faire la précipitation par le moyen du sel commun, ou avec de l'esprit de sel, & édulcorer le précipité. L'argent dans cet état est fusible, volatil & très-pénétrant. On le mêle avec poids égal ou plus, de cendre d'étain ou de limaille de fer. On met le mêlange dans une boîte de cuivre façonnée comme une boîte à savonnette, de sorte que l'hémisphere d'en bas soit rempli du mêlange.

On lutte bien les jointures, & on met la boîte au feu pour l'y faire rougir & ensuite blanchir, sans fondre.

Alors on laisse éteindre le feu ; la boîte refroidie & ouverte, on prend ce qui est dedans qu'on rétablit en métal, en le faisant fondre avec du flux noir. Par ce moyen on a l'argent qu'on avoit employé, & de plus la boîte de cuivre est presque toute convertie en bon argent. Ce que Becker attribue à la force pénétrante de l'argent chargé de l'acide du sel. Voyez LUNE CORNEE. (M)


ALLIEMENTS. m. c'est le nom que les Charpentiers, Masons, Architectes, en un mot tous les ouvriers qui ont à se servir de la grue ou d'une autre machine à élever de grands fardeaux, donnent au noeud qu'ils font à la corde qui doit enlever la piece. Voyez fig. 26. n°. 16. le noeud d'alliement.


ALLIERv. a. (Chimie.) c'est mêler différens métaux en les faisant fondre ensemble, comme lorsqu'on fond ensemble du cuivre, de l'étain, & quelquefois de l'argent, pour faire des cloches, des statues, &c. V. METAL ou AIRAIN DE CORINTHE, ALLIAGE.

En alliant l'or & l'argent ensemble, il faut beaucoup d'or pour jaunir l'argent, & il faut peu d'argent pour blanchir l'or.

Les Indiens allient l'or avec l'émeri d'Espagne pour en augmenter la quantité, comme les Européens allient le cuivre avec la pierre calaminaire.

Pour déterminer le degré de l'alliage ou de la pureté de l'argent, on le suppose divisé en douze deniers ; & lorsqu'il est allié avec un douzieme de cuivre, c'est un argent à onze deniers ; lorsqu'il contient un sixieme d'alliage ou deux douziemes, l'argent est à dix deniers.

Il y a environ deux gros de cuivre pour l'alliage sur chaque marc d'argent. L'argent de monnoie est allié avec une plus grande quantité de cuivre que ne l'est l'argent de vaisselle ; au lieu que l'or de monnoie a moins d'alliage que l'or de vaisselle.

On se sert du terme d'amalgamer, lorsqu'on allie le mercure avec les métaux. Le mercure amollit les autres métaux lorsqu'on les mêle ensemble sans les faire fondre, & qu'on y met une grande quantité de mercure, & ce mêlange retient toûjours le nom d'amalgame : mais lorsqu'on employe une moindre quantité de mercure, & qu'on le fond avec les métaux, on se sert du terme d'alliage.

J'ai cherché (Hist. de l'Acad. Royale des Sciences, 1740.) à perfectionner l'étain en le rendant plus blanc, plus dur, plus sonore, & en lui faisant perdre le cri qu'il a ordinairement lorsqu'on le fait plier.

J'ai allié le mercure avec l'étain fondu, ce qui se fait fort aisément, pourvû qu'on ait l'attention de ne laisser l'étain au feu que le tems qu'il faut pour le mettre dans une fonte parfaite. Si on l'y laissoit plus long-tems, ou qu'on donnât un feu trop fort, l'étain se calcineroit, & étant trop chaud il rejailliroit de la matiere en pétillant lorsqu'on y verseroit le mercure.

J'ai essayé différentes proportions du mercure & de l'étain : j'ai trouvé que celle qui convient le mieux est de mettre une partie de mercure sur huit parties d'étain ; suivant cette proportion, l'étain devient plus blanc & plus dur.

Lorsque j'ai mis moins de mercure, il ne perfectionnoit pas assez l'étain ; lorsque j'en ai mis plus, il le rendoit trop cassant ; & même lorsque j'en ai mis beaucoup, il l'a rendu friable.

Le mercure a aussi la propriété de faire perdre par l'alliage le cri de l'étain, & je crois que ce cri n'est pas essentiel à l'étain.

Cet alliage résiste au feu auquel résiste l'étain ordinaire : j'ai chauffé l'étain allié avec du mercure, suivant la proportion que j'ai indiquée : je l'ai fondu & refondu, mais j'ai trouvé que cela ne lui faisoit point perdre de son poids, & qu'il en devenoit plus beau ; ce qui vient de ce que tant qu'on n'employe qu'un feu suffisant pour faire fondre l'étain, ce feu n'est pas assez fort pour vaincre l'adhérence qui est entre les globules de mercure & les parties de l'étain : au contraire il mêle plus également & plus intimement le mercure avec l'étain.

Pour perfectionner le plomb en le rendant plus propre aux ouvrages pour lesquels il seroit utile qu'il fût plus dur, je l'ai allié avec du mercure, & j'ai trouvé que le mercure ôte au plomb sa couleur livide, qu'il le rend plus blanc & plus dur, & que dans cet état il ressemble à de l'étain ordinaire.

J'ai trouvé que la proportion du plomb & du mercure, qui réussit le mieux pour cela, est celle d'une partie de mercure sur quatre parties de plomb.

J'ai refondu le plomb que j'avois ainsi allié avec du mercure ; je l'ai pesé après l'avoir laissé refroidir, & j'ai trouvé qu'il n'avoit rien perdu du mercure que j'y avois mêlé.

Pour allier le mercure au plomb, il faut faire chauffer le mercure dans une cuillere de fer pendant que le plomb est au feu à fondre.

On verse le mercure dans le plomb dès qu'il est fondu, & on retire aussi-tôt le tout du feu.

Lorsque l'alliage est refroidi, on le remet au feu pour le fondre de nouveau, & on le retire du feu dès qu'il est fondu.

C'est ce tems de la seconde fusion qu'il faut prendre pour verser dans des moules, le plomb ainsi allié, si on veut lui donner une forme particuliere. (M)

ALLIER, s. m. arbre forestier qui se rapporte au genre de l'alisier. Voyez ALISIER. (I)

ALLIER, (Chasse.) est un engin ou filet fait à mailles claires de fil verd ou blanc, qui sert à prendre les cailles, les faisans, les perdrix, les rales, &c. L'allier pour les uns ne differe du même instrument pour les autres que par la hauteur ou la longueur. Ce filet est traversé de piquets qu'on fiche en terre. Ces piquets tiennent l'allier tendu, & servent à le diriger comme on veut, droit ou en ziz-zag. On le conduit ordinairement en zig-zag, parce qu'il est plus captieux, quoiqu'il occupe alors moins d'espace. L'allier est proprement à trois feuilles : la premiere est un filet de mailles fort larges, qui permettent une entrée facile à l'oiseau ; la seconde est à mailles plus étroites, afin que l'oiseau étant entré dans l'allier & trouvant de la résistance de la part de la seconde feuille, fasse effort & s'embarrasse dans les mailles ; la troisieme feuille est à mailles larges comme la premiere, parce que l'oiseau pouvant se présenter à l'allier ou de l'un ou de l'autre côté, il faut qu'il trouve de l'un & de l'autre côté le même piége.

* ALLIER, riviere de France qui a sa source dans le Gevaudan, passe entre le Bourbonnois & le Nivernois, & se jette dans la Loire à une lieue ou environ au-dessus de Nevers.


ALLIGATORS. m. espece de crocodile des Indes occidentales ; il a jusqu'à dix-huit piés de long, & sa grosseur est proportionnée à sa longueur. Il est amphibie. On dit qu'il ne cesse de croître jusqu'à ce qu'il meure. Il répand une forte odeur de musc, dont l'air & l'eau s'empregnent au loin.


ALLINGUESS. f. terme de Riviere, sorte de pieux que l'on enfonce dans une riviere flotable au-dessus de l'arrêt, à environ une toise & demie de la berge, pour faire entrer le bois qui vient à flot, afin de le tirer plus commodément, & l'empiler sur la berge que l'on souhaite.


ALLIOTHterme d'Astronomie, étoile qui se remarque à la queue de la grande ourse. Voyez ETOILE & GRANDE OURSE. (O)


ALLITERATIONS. f. figure de Rhétorique ; c'est une répétition & un jeu sur la même lettre. (G)


ALLOBROGESS. m. On entendoit autrefois par Allobroges, un peuple ancien de la Gaule Narbonnoise ; & l'on entend par ce mot aujourd'hui les Savoyards.


ALLOCATION(Commerce & reddition de compte.) se dit quand on a approuvé, alloüé ou admis un article de l'une des trois parties d'un compte, recette, dépense ou reprise, pour le passer en compte à l'état final. Voyez ALLOUER. (G)

ALLOCATION, en terme de Pratique, a aussi le même sens. L'approbation ou l'arrêté du compte, ou en particulier des articles d'icelui, doit se faire par la partie intéressée à qui le compte est fourni. (H)


ALLOCUTIONS. f. (Hist. anc.) nom donné par les Romains aux harangues faites aux soldats par les généraux ou les empereurs. Plusieurs médailles de Caligula, de Néron, de Galba & des autres empereurs romains, représentent ces princes en habit de guerre, haranguant des soldats, avec ces légendes : Adloc. coh. Adlocutio cohortium. Adlocutio coh. praetor Adlocutio Aug. Augusti adlocutio militum. Ce qui prouve que les harangues militaires des anciens ne sont pas si suspectes que les ont voulu rendre quelques critiques, puisque les empereurs ont consacré par des monumens publics celles qu'ils faisoient à leurs armées. (G)


ALLODIALadj. (Jurisp.) épithete d'un héritage qui est tenu en franc-aleu. Voyez ALLEU.

Une terre allodiale est une terre dont quelqu'un a la propriété absolue, & pour raison de laquelle le propriétaire n'a aucun seigneur à reconnoître, ni redevance à payer. Voyez PROPRIETE.

En ce sens allodial est opposé à feudal ou féodal, ou bénéficiaire. Voyez FIEF, BENEFICE, ALLEU, &c. Les héritages allodiaux ne sont pas exempts de la dixme. (H)


ALLOGNES. m. est dans l'Artillerie un cordage qui s'employe dans la construction des ponts. (Q)


ALLONGES. f. (Marine.) c'est une piece de bois ou un membre de vaisseau dont on se sert pour en allonger un autre. On éleve l'allonge sur les varangues, sur les genoux & sur les porques, pour former la hauteur & la rondeur du vaisseau. Les plus proches du plat-bord, qui terminent la hauteur du vaisseau, s'appellent allonges de revers. Voyez VARANGUES, GENOUX, PORQUES.

Allonge premiere, ou demi-grenier ; c'est celle qu'on empatte avec la varangue & le genou de fond. Allonge seconde, ou seconde allonge ; c'est celle qui est placée au-dessus de la premiere, & qui s'empatte avec le bout du haut du genou de fond.

Allonge de revers, ou troisieme allonge ; c'est celle qui acheve la hauteur du vaisseau par ses côtés. Lorsqu'il n'y a que deux allonges, la seconde s'appelle d e revers.

Les allonges de revers different des premieres, en ce qu'elles présentent leur concavité au lieu de leur convexité. Voyez la Planche IV. fig. 1. n°. 19. 20. & 21. où l'on voit la forme des allonges, & la maniere dont elles sont placées. Voyez aussi Planche V. fig. 3. 4. & 5.

Gabarit de trois allonges, ce sont les trois allonges l'une sur l'autre, qui forment les côtés du vaisseau.

Lorsque les allonges sont bien empatées sur les genoux, le vaisseau en est plus fort & mieux lié ; l'épaisseur des allonges est ordinairement des deux cinquiemes parties de l'étrave, à la hauteur des gouttieres du premier pont.

Leur retrécissement qui donne la façon au vaisseau, est du tiers de la hauteur du pontal, c'est-à-dire du creux. Voyez PONTAL ou CREUX.

On met deux allonges aux deux côtés de l'étrave, & deux aux deux côtés de l'étambot, pour affermir davantage ces pieces principales.

Le serre-gouttiere vient répondre entre les secondes allonges & les allonges de revers. (Z)

* ALLONGE, (Comm.) morceaux que ceux qui veulent frauder les droits de marque dans le commerce des dentelles de Flandre, font rentrer sur de nouvelles pieces. L'arrêt du 24 Juin 1684, portant que ces marchandises seront marquées aux allonges & à l'un des bouts, a obvié à cette contravention. Auparavant on faisoit passer successivement les allonges d'une piece à une autre.

ALLONGE, terme commun à la Menuiserie, Charpenterie, à la Taillanderie, Serrurerie, &c. & à un grand nombre d'autres arts, tant en bois qu'en métaux, &c. Il se dit de toute piece rapportée à une autre de quelque maniere que ce puisse être, pour lui donner l'étendue en longueur qu'exige l'usage auquel on destine la piece avec son allonge.

* ALLONGE, s. f. c'est dans les Boucheries un petit crochet qui sert à suspendre les animaux tués, ou entiers ou par morceaux. L'allonge est recourbée en sens contraire par ses deux bouts ; l'un de ces bouts est mousse, & l'autre est très-aigu, & ils semblent former avec le corps du crochet une s, dont le bec supérieur sert à embrasser la tringle du dedans de l'étale, & l'inférieur à entrer dans la viande & à la suspendre. Lorsqu'un animal est tué & dépouillé de sa peau, ou même avant, on lui passe à chaque patte de derriere une allonge, & on le suspend tout ouvert, en attendant qu'il acheve de se vuider de sang.

ALLONGES DE POUPE, (Marine.) cormieres, cornieres, allonges de trepot. Ce sont les dernieres pieces de bois qui sont posées à l'arriere du vaisseau sur la lisse de hourdi & sur les estains, & qui forment le haut de la poupe. Quelques-uns les distinguent, appellant les deux allonges des deux bouts, cornieres, ou allonges de trepot ; & celle qui est au milieu, & qui a sous elle l'étambot, ils l'appellent allonge de poupe. On donne ordinairement aux allonges de poupe autant de long ou de hauteur au-dessus de la lisse de hourdi, qu'en a l'étambot. Les allonges des deux bouts sont posées droites sur les estains, & entretenues avec eux par des chevilles de fer & de bois.

On leur donne le plus souvent les deux tiers de l'épaisseur de l'étrave, & on les fait rentrer ou tomber en-dedans, autant qu'il faut pour achever la courbe que les estains ont commencé à former, & par ce moyen il ne doit y avoir d'espace par le haut entr'elles que les trois cinquiemes parties de la longueur de la lisse de hourdi, ou deux piés plus que la moitié de cette longueur. Voyez la figure de cette piece, Pl. VI. fig. 7. & sa position Pl. III. fig. 1. RR. On dit poser les allonges.

Allonges d'étrave, ce sont deux pieces de bois qu'on met souvent aux deux côtés de l'étrave pour la fortifier. Voyez ETRAVE.

Allonges de porque, ce sont des allonges qui viennent joindre les porques, & qui sont dans les côtés des plus grands vaisseaux par-dessus le serrage. Les allonges de porque d'un vaisseau de 134 piés de long de l'étrave à l'étambot, doivent avoir dix pouces d'épaisseur, & de la largeur à proportion ; leur bout d'en-bas doit passer jusqu'au-delà des fleurs, & le bout d'en-haut doit venir au plus haut point. En général leur épaisseur doit approcher de celle des courbes ; mais elles doivent être entées plus avant dans les serre-gouttieres. Voyez Planche IV. Marine, fig. 1. n°. 28. & 29. (Z).

ALLONGES des potenceaux, (Rubann.) Ces allonges sont deux longues pieces de bois menues en forme de fortes lattes, que l'on attache sur la traverse du derriere du métier, au-dessous des potenceaux. Ils sont posés obliquement, c'est-à-dire que le bout est beaucoup plus élevé que celui qui porte sur la traverse. Cette obliquité est nécessaire pour que les différentes soies des roquetins ne traînent point les unes sur les autres. Ces allonges sont percées de quantité de trous dans leur longueur, pour passer les broches qui portent les roquetins : elles sont aussi soûtenues par différens supports qui sont de petits poteaux posés à terre. Voici l'usage de ces allonges. Lorsque l'on fait du velours, il faut que toutes les branches soient mises à part sur quantité de petits roquetins enfilés par sept ou huit dans les broches des allonges : cette séparation est nécessaire, parce que si toutes ces branches étoient ensemble sur la même ensuple, une partie lâcheroit pendant que l'autre seroit roide ; ce que l'on évite en les séparant, chaque branche pouvant ainsi ne lâcher qu'à proportion de l'emploi. Il y a quelquefois 150 roquetins sur ces allonges, & même davantage. Chaque roquetin a son contre-poids particulier, qui est un petit sac de toile où sont attachés les deux bouts d'une ficelle, laquelle ficelle s'entortille deux fois à l'entour de la moulure du roquetin : ce contre-poids reste toûjours en équilibre par ce moyen, la ficelle pouvant continuellement glisser à mesure que le contre-poids déroule. On se sert d'un petit sac de toile pour pouvoir contenir quantité de petites pierres, dont on diminue le nombre à mesure que le roquetin se vuide, parce qu'il faut qu'il soit moins chargé alors que lorsqu'il est plein. Il faut encore que chacune des branches de velours porte elle-même un petit poids ; ce qui se fait ainsi : on passe la branche dans une petite ficelle qui porte le petit poids dont il s'agit ; on peut mettre un maillon à cette petite ficelle, ce qui ne sera que mieux. Voici l'usage de tous ces petits poids. Lorsque l'ouvrier enfonce une marche, le pas qu'il ouvre fait lever toutes ces branches, ainsi que tout le reste de la chaîne qui leve : ces branches sur-tout obéissent à la levée ; & lorsqu'il quitte cette marche, le pas baissant occasionneroit de lâcher, si tous ces petits poids ne tenoient la branche en équilibre, puisque le roquetin ne peut s'enrouler, mais bien se dérouler, lorsqu'il est tiré en-avant. Chacun de ces petits poids s'appelle freluquet. Voyez FRELUQUET.

ALLONGES, ce sont des pieces du métier de Gasier. Voyez Planche III. du Gasier, fig. 2. Les pieces de bois 9, 10, 9, 10, assemblées chacune à un des piés de derriere du métier, perpendiculairement à ces piés, à tenon & à mortoise, & soûtenues en-dessous chacune par un aisselier 10, 11, 10, 11, sont les allonges du métier. Elles servent à soûtenir l'ensuple de derriere, & donnent lieu à un plus grand déployement de la chaîne. Quand un métier est assez long, il est inutile de lui donner des allonges. Les allonges ne sont à proprement parler que des additions à des métiers mal-faits ou mal-placés : mal-faits, si n'étant pas assez longs pour donner le jeu convenable à la chaîne & aux parties de chaîne séparées par la lisse & par la tire, on est obligé d'y mettre des allonges : mal-placés, si les piés de derriere se trouvant trop hauts pour s'appliquer contre un mur incliné en-dedans d'une chambre, comme il arrive à tous les étages élevés, on est obligé d'avoir un métier court, auquel on remédie par les allonges.

ALLONGES de portelots, terme de Riviere ; pieces de bois cintrées, posées sur les crochuaux d'un bateau foncet à la hauteur de la soûbarque. Voyez CROCHUAUX, SOUBARQUE.


ALLONGÉadj. se dit généralement en Géométrie, de ce qui est plus long que large. C'est en ce sens qu'on dit, un exagone, un eptagone, un octogone, &c. allongé, un ovale fort allongé. Voyez EXAGONE, &c.

Sphéroïde allongé, se dit d'un sphéroïde dont l'axe seroit plus grand que le diametre du cercle perpendiculaire à cet axe, & également éloigné de ses extrémités. Voyez AXE.

Ainsi on peut donner le nom de sphéroïde allongé à un sphéroïde qui est formé par la révolution d'une demi-ellipse autour de son grand axe. Voyez SPHEROÏDE. Si le sphéroïde est formé par la révolution d'une demi-ellipse autour de son petit axe ; ou en général si son axe est plus petit que le diametre du cercle dont le plan est perpendiculaire au milieu de cet axe, il s'appelle alors sphéroïde applati. Cette derniere figure est à-peu-près celle de la terre que nous habitons, & peut-être de toutes les planetes, dans la plûpart desquelles on observe que l'axe est plus petit que le diametre de l'équateur. Voyez TERRE. Le mot allongé s'employe aussi quelquefois en parlant des cycloïdes & des épicycloïdes, dont la base est plus grande que la circonférence du cercle générateur. Voyez CYCLOÏDE & EPICYCLOÏDE. (O)

ALLONGE, terme de Vénerie, se dit d'un chien qui a les doigts du pié étendus par une blessure qui lui a offensé les nerfs. En Fauconnerie on appelle oiseau allongé, celui qui a ses pennes entieres & d'une bonne longueur.

Allonger le trait à un limier, c'est laisser le trait déployé tout de son long.

ALLONGEE, adj. en Anatomie, se dit de la moëlle du cerveau réunie de toute part pour former deux cylindres médullaires, qui s'unissent avec deux pareils du cervelet sur l'apophyse basilaire de l'os occipital. Les nerfs olfactifs ne viennent point de la moëlle allongée ; la fin de la moëlle allongée s'étrécit sous les corps pyramidaux & olivaires, & sort obliquement du crane pour entrer dans le canal de l'épine, où elle prend le nom de moëlle épiniere. Voyez MOELLE, CERVEAU. (L)


ALLONGERv. act. (Marine.) Allonger le cable, c'est l'étendre sur le pont jusqu'à une certaine longueur, ou pour le bitter, ou pour mouiller l'ancre. Voyez BITTER. Allonger une manoeuvre, c'est l'étendre pour pouvoir s'en servir au besoin. Allonger la vergue de civadiere, c'est ôter la vergue de civadiere de l'état où elle doit être pour servir, & la faire passer sous le beaupré ou le long du beaupré, au lieu de la tenir dressée en croix. Voyez BEAUPRE. Allonger la terre, c'est aller le long de la terre. Voyez RANGER LA COTE. (Z)

ALLONGER, (Escrime.) c'est détacher un coup d'épée à l'ennemi, en avançant le pié droit sans remuer le gauche. Voyez ESTOCADE.

ALLONGER le cou, (Manége.) se dit d'un cheval qui au lieu de tenir sa tête en bonne situation lorsqu'on l'arrête, avance la tête & tend le cou, comme pour s'appuyer sur sa bride ; ce qui marque ordinairement peu de force des reins. Allonger, en terme de Cocher, c'est avertir le postillon de faire tirer les chevaux de devant ; alors le cocher dit au postillon, allongez, allongez. Allonger les étriers, c'est augmenter la longueur de l'étriviere par le moyen de sa boucle, dont on fait entrer l'ardillon à un ou plusieurs points plus bas. Voyez ÉTRIER. (V)

* ALLONGER, v. neut. usité dans les Manufactures de soie. Si une étoffe est mal frappée, que les figures du dessein, quelles qu'elles soient, fleurs ou autres, n'ayent pas les contours qu'elles doivent avoir, mais qu'elles prennent plus de longueur que le dessein n'en comporte ; on dit que l'ouvrier allonge.

ALLONGER, c'est en terme de Manufacturier en laine, en fil, en un mot presqu'en tout ouvrage ourdi, mettre l'étoffe ou l'ouvrage sur deux ensuples éloignées l'une de l'autre de quelques piés ; & par le moyen de leviers appliqués dans des trous pratiqués aux quatre extrémités de ces deux ensuples, le distendre & lui donner plus d'aulnage. Cette manoeuvre est expressément défendue par les réglemens. Voyez RAMER, DRAPERIE.

Allonger se dit encore d'une chaîne qui devenue trop courte pour fournir la quantité d'ouvrages d'un même dessein que l'on desire, s'allonge d'une autre chaîne qu'on lui ajoûte, par le tordage & par les noeuds. Voyez TORDAGE & NOEUDS.


ALLOUÉadject. pris subst. (Jurisprud.) est un ouvrier qui après son apprentissage fini, s'est encore engagé à travailler pendant quelque tems pour le compte de son maître.

Alloüé s'est dit aussi, particulierement en Bretagne, du substitut ou lieutenant général du sénéchal. Allouyse ou alloise étoit la charge ou dignité de l'alloüé, pris en ce dernier sens. (H)

ALLOUE d'Imprimerie, s. m. c'est une espece d'ouvrier apprenant l'art de l'Imprimerie, différent de l'apprentif en ce que ce dernier, s'il est reçu comme apprentif, peut parvenir à la maîtrise ; au lieu que le premier, engagé sous la dénomination d'alloüé, ne peut jamais être plus qu'ouvrier à la journée, suivant les réglemens de la Librairie & Imprimerie, & en conséquence de son propre engagement.


ALLOUERv. act. (Jurisprud.) c'est approuver quelque chose. Ce terme s'employe singulierement en parlant des articles d'un compte ou d'un mémoire ; en allouer les articles, c'est reconnoître que ces articles ne sont pas susceptibles de contestation, & y acquiescer ; ce qui se peut faire purement & simplement, ou avec des restrictions & modifications. Dans le premier cas, l'allocation s'exprime simplement par ces mots, alloüé tel article. Dans le second cas on ajoûte, pour la somme de tant. (H)


ALLUCHOou ALICHON, s. m. terme de Riviere, espece de dents ou de pointes de bois qui sont placées dans la circonférence d'une grande roue, & qui engrainent entre les fuseaux d'une lanterne dans les moulins & les autres machines qui ont des roues. Les alluchons different des dents, en ce que les dents font corps avec la roue, & sont prises sur elle ; au lieu que les alluchons sont des pieces rapportées. La partie qui fait dent & qui engraine, s'appelle la tête de l'alluchon ; celle qui est emmortoisée ou assemblée de quelque façon que ce soit avec la roue, s'appelle la queue de l'alluchon. Toutes les éminences ou dents qu'on apperçoit à la partie supérieure c c du rouet, Pl. II. ardoises, fig. 2. S'appellent des alluchons. Vous en verrez encore à la Pl. VI. des Forges, & dans un grand nombre d'autres endroits de nos Planches.


ALLUMÉadj. terme de Blason ; il se dit des yeux des animaux, lorsqu'ils sont d'une autre couleur que leur corps. On le dit aussi d'un bûcher ardent, & d'un flambeau dont la flamme n'est point de même couleur. D'azur à trois flambeaux d'or allumés de gueules.

Perrucard de Ballon en Savoie, de sinople à trois têtes de perroquets d'argent, allumées & bequées de gueules, au chef d'argent, chargé d'une croix trefflée de sable. (V)


ALLUMELLEoutil de Tabletiers-Peigniers, est un tronçon de lame de couteau, dont le tranchant est aiguisé d'un seul côté, comme celui d'un ciseau de Menuisier. Cet outil leur sert à gratter les matieres dont les peignes sont faits, par exemple, le buis, l'ivoire, l'écaille, la corne, comme ils feroient avec un morceau de verre, qui est trop cassant pour qu'ils puissent s'en servir à cet usage. Il y a des ouvriers qui emmanchent cet outil dans un manche semblable à celui d'une lime.


ALLUMETTES. f. petit fétu de bois sec & blanc, de roseau, de chenevotte, de sapin, soufré par les deux bouts, servant à allumer la chandelle, & vendu par les Grainetiers & les Fruitieres. Les allumettes payent d'entrée deux sols le cent, & un sol de sortie.


ALLURES. f. c'est la maniere de marcher des bêtes. Ce mot s'applique, en Morale, à la conduite, & se prend en mauvaise part.


ALLURESS. f. pl. (Manége.) train, marche d'un cheval. Les allures du cheval sont le pas, l'entrepas, le trot, l'amble, le galop, le traquenard, & le train rompu. Voyez chacun de ces mots à leurs lettres. On dit qu'un cheval a les allures froides, quand il leve très-peu les jambes de devant en cheminant. Une allure réglée, c'est celle qu'on fait aller au cheval, ensorte qu'il aille toûjours également vîte. (V)


ALLUSIONS. f. (Littérature.) est une figure de Rhétorique, par laquelle on dit une chose qui a du rapport à une autre, sans faire une mention expresse de celle à laquelle elle a rapport. Ainsi subir le joug, est une allusion à l'usage des anciens, de faire passer leurs ennemis vaincus sous une traverse de bois portant sur deux montans, laquelle s'appelloit jugum. Ces sortes d'allusions, quand elles ne sont point trop obscures, donnent de la noblesse & de la grace au discours.

Il y a une autre espece d'allusion qui consiste dans un jeu de mots, fondé sur la ressemblance des sons, telle que celle que faisoient les Romains sur le nom de l'empereur Tiberius Nero, qu'ils appelloient Biberius Mero ; ou celle qu'on trouve dans Quintilien sur le nom d'un certain Placidus, homme aigre & caustique, dont en ôtant les deux premieres lettres on fait acidus. Cette seconde sorte d'allusion est ordinairement froide & insipide.

Ce mot vient de la préposition latine ad, & de ludere, joüer, parce qu'en effet l'allusion est un jeu de pensées ou de mots. (G)

* Une observation à faire sur les allusions en général, c'est qu'on ne doit jamais les tirer que de sujets connus, en sorte que les auditeurs ou les lecteurs n'ayent pas besoin de contention d'esprit pour en saisir le rapport ; autrement elles sont en pure perte pour celui qui parle ou qui écrit.


ALLUVIONS. f. (Jurisp.) dans le droit civil est un accroissement qui se fait par degrés au rivage de la mer ou à la rive d'un fleuve, par les terres que l'eau y apporte. Voyez ACCESSION.

Ce mot vient du latin alluo, laver, baigner.

Le droit romain met l'alluvion entre les moyens légitimes d'acquérir, & le définit un accroissement latent & imperceptible. Si donc une portion considérable d'un champ est emportée toute en une fois par un débordement, & jointe à un champ voisin, cette portion de terre ne sera point acquise par droit d'alluvion, mais pourra être réclamée par le propriétaire. (H)


ALMADIES. f. on appelle ainsi une petite barque dont se servent les Noirs de la côte d'Afrique ; elle est longue d'environ vingt piés, & faite pour l'ordinaire d'écorce d'arbre.

C'est aussi un bâtiment dont on se sert dans l'Inde, qui a 80 piés de long sur six à sept piés de large. Il ressemble à une navette, à la reserve de son arriere qui est quarré.

Les habitans de la côte de Malabar, & sur-tout le roi de Calicut, se servent de ces almadies, que l'on nomme aussi cathuri. Ils en arment en tems de guerre jusqu'à deux ou trois cens ; ils les font souvent d'écorces d'arbres, pointues devant & derriere, & leur donnent quarante à cinquante piés de long : elles vont à la voile & à la rame d'une très-grande vîtesse. (Z)


ALMAGESTES. m. (Astronom.) est le nom d'un ouvrage fameux composé par Ptolomée. C'est une collection d'un grand nombre d'observations & de problèmes des anciens, concernant la Géométrie & l'Astronomie. Dans le grec, qui est la langue dans laquelle il a été composé originairement, il est intitulé , comme qui diroit très-ample collection : or de ce mot , avec la particule al, il a été appellé almageste par les Arabes, qui le traduisirent en leur langue vers l'an 800, par ordre du calife Almamoun. Le nom arabe est almagherti.

Ptolomée vivoit sous Marc Aurele ; son ouvrage & ceux de plusieurs auteurs qui l'ont précédé ou qui l'ont suivi, nous font connoître que l'Astronomie étoit parvenue au point où elle étoit de son tems, par les seules observations des Grecs, sans qu'il paroisse qu'ils ayent eu connoissance de ce que les Chaldéens ou Babyloniens avoient découvert sur la même matiere. Il est vrai qu'il cite quelques observations d'éclipses, qui avoient été apparemment tirées de celles que Callisthene envoya de Babylone à Aristote ; mais on ne trouve pas que les systèmes de ces anciens astronomes eussent été connus par les Grecs.

Cet ouvrage avoit été publié sous l'empire d'Antonin ; & soit qu'il nous ait d'abord été apporté par les Sarrasins d'Espagne, le nombre des astronomes s'étant multiplié d'abord sous la protection des califes de Bagdad ; soit qu'on en eût enlevé diverses copies du tems des croisades, lorsqu'on fit la conquête de la Palestine sur les Sarrasins, il est certain qu'il a d'abord été traduit d'arabe en latin par ordre de l'empereur Frideric II. vers l'an 1230 de l'ere chrétienne.

Cette traduction étoit informe, & celles qu'on a faites depuis ne sont pas non plus trop exactes : on est souvent obligé d'avoir recours au texte original. Ismael Bouillaud en a cependant rétabli divers passages, dont il a fait usage dans son Astronomie philolaïque, s'étant servi pour cet effet du manuscrit grec que l'on conserve à la bibliotheque du roi.

L'Almageste a été long-tems regardé comme une des plus importantes collections qui eussent été faites de toute l'Astronomie ancienne, parce qu'il ne restoit guere que ce livre d'Astronomie qui eût échappé à la fureur des Barbares. Préface des Inst. astron. de M. le Monnier.

Le P. Riccioli, Jésuite italien, a aussi fait un traité d'Astronomie, qu'il a intitulé, à l'imitation de Ptolomée, nouvel Almageste : c'est une collection d'observations astronomiques anciennes & modernes. Voyez ASTRONOMIE & ASTRONOMIQUE.


ALMAMOUNest le nom d'un calife des Sarrasins, le septieme de la race des Abbassides, à qui nous avons l'obligation de la premiere mesure de la terre qui ait été faite depuis l'ere chrétienne.

Vers l'an 820, deux astronomes arabes, Chalid Ibn Abd'mlic & Ali Ibn Isa mesurerent dans les plaines de Sinjar, par l'ordre de ce calife, un degré de la circonférence de la terre ; l'un vers le nord & l'autre vers le sud. Comme ce fait est peu connu, & a rapport à l'histoire des Sciences, nous avons crû devoir lui donner place dans cet ouvrage. (O)


ALMANACHS. m. (Astron.) calendrier ou table, où sont marqués les jours & les fêtes de l'année, le cours de la Lune pour chaque mois, &c. Voyez CALENDRIER, ANNEE, JOUR, MOIS, LUNE, &c.

Les Grammairiens ne sont point d'accord sur l'origine de ce mot : les uns le font venir de la particule arabe al, & de manah, compte : d'autres, du nombre desquels est Scaliger, le dérivent de cette même préposition al, & du mot Grec μάνακος, le cours des mois. Golius n'est pas de ce sentiment : voici quel est le sien. C'est, dit-il, l'usage dans tout l'Orient, que les sujets fassent des présens à leurs princes au commencement de l'année : or le présent que font les Astronomes, sont des éphémerides pour l'année commençante ; & c'est de-là que ces éphémerides ont été nommées almanha, qui signifie étrennes ou présens de la nouvelle année. Voyez EPHEMERIDE. Enfin Verstegan écrit almon-ac, & le fait venir du saxon. Nos ancêtres, dit-il, traçoient le cours des lunes pour toute l'année sur un bâton ou morceau de bois quarré, qu'ils appelloient al monaght, par contraction, pour al-moon-held, qui signifie en vieil anglois ou en vieux saxon, contenant toutes les lunes.

Nos almanachs modernes répondent à ce que les anciens Romains appelloient fastes. Voyez FASTES.

Le lecteur peut s'instruire de ce qu'il faut faire pour construire un almanach, à l'article CALENDRIER.

Le roi de France Henri III. par une ordonnance de l'an 1579, défendit " à tous faiseurs d'almanachs d'avoir la témérité de faire des prédictions sur les affaires civiles ou de l'état, ou des particuliers, soit en termes exprès, ou en termes couverts ". Voyez ASTROLOGIE. Notre siecle est trop éclairé pour qu'une pareille défense soit nécessaire ; & quoique nous voyions encore plusieurs almanachs remplis de ces sortes de prédictions, à peine le plus bas peuple y ajoûte-t-il quelque foi.

La plûpart de nos almanachs d'aujourd'hui contiennent non-seulement les jours & les fêtes de l'année, mais encore un très-grand nombre d'autres choses. Ce sont des especes d'agenda, où l'on peut s'instruire d'une infinité de détails souvent nécessaires dans la vie civile, & qu'on auroit peine quelquefois à trouver ailleurs.

L'almanach le plus ancien & le plus utile, est l'Almanach Royal, vol. in-8°. Dans son origine, qui remonte à l'année 1679, cet almanach ou calendrier, avec quelques prédictions ajoûtées aux phases de la lune, renfermoit seulement le départ des couriers, le journal des fêtes du Palais, un extrait des principales foires du royaume, & les villes où l'on bat monnoie. Les premieres lettres de privilége sont datées du 16 Mars 1679 ; il a subsisté à-peu-près dans la même forme jusqu'en 1697. Le feu Roi Louis XIV. ayant eu la curiosité de le voir cette année, Laurent d'Houry eut l'honneur de le lui présenter, & peu de tems après il obtint de Sa Majesté des Lettres de renouvellement de privilége, sous le titre d'Almanach Royal, le 29 Janvier 1699. Le but de l'auteur, dès cet instant, fut d'y renfermer peu-à-peu les Naissances des Princes & Princesses de l'Europe, le Clergé de France, l'Epée, la Robe, & la Finance ; ce qu'il a exécuté en très-grande partie jusqu'à sa mort arrivée en 1725. Depuis ce tems cet ouvrage a été continué, tant par la veuve d'Houry que par Le Breton petit-fils d'Houry, à qui le Roi en a confié la manutention & donné le privilége, aux charges, clauses & conditions portées par l'Arrêt du Conseil du 15 Décembre 1743. Cet Almanach contient aujourd'hui les Naissances & Alliances des Princes & Princesses de l'Europe, les Cardinaux, les Evêchés & Archevêchés de France, les Abbayes commendataires, les Ducs & Pairs, les Maréchaux de France, & autres Officiers généraux de terre & de mer, les Conseils du Roi, & tout ce qui y a rapport, le Parlement, les Cours souveraines & Jurisdictions de Paris ; l'Université, les Académies, les Bibliotheques publiques, les Fermiers généraux, Thrésoriers des deniers royaux, &c. mis dans leur ordre de réception, & singulierement leurs demeures à Paris. (O)


ALMANDINEALABANDINE, alabandica gemma, (Hist. nat.) pierre précieuse de couleur rouge, dont le nom vient d'Alabanda, ancienne ville de Carie dans l'Asie mineure. On trouve dans le Mercure indien un chapitre qui traite de l'almandine. L'auteur prétend qu'elle est beaucoup plus tendre & plus legere que le rubis oriental, qu'elle tire plus sur la couleur de grenat que sur celle de rubis ; ce qui fait que cette pierre est moins agréable à la vûe & moins estimée que le rubis oriental, ou même le rubis balais, ou le rubis spinel, quoiqu'elle soit mise au nombre des pierres les plus précieuses. II. part. chap. jv.

Le même auteur ajoûte que cette pierre, pour peu qu'il s'en trouve, peut être évaluée au prix du rubis balais ; que les plus belles peuvent être estimées à l'égal du rubis spinel de la premiere couleur. III. part. ch. jv. & que les almandines étoient rares de son tems. Ce nom n'est presque plus en usage d'aujourd'hui ; je ne sai même pourquoi il est venu jusqu'à nous, tandis que l'on a oublié tant d'autres noms de pierres précieuses qui avoient été tirés des noms des villes où se faisoit le commerce de ces pierres, ou du nom des contrées où se trouvoient leurs mines. Pour avoir des connoissances plus détaillées de la nature de la pierre qui a été appellée almandine, il faut remonter à la source, & consulter le troisieme chap. du XXXVII. livre de l'histoire naturelle de Pline. (I)


ALMANZAville d'Espagne dans la nouvelle Castille, sur les frontieres du royaume de Valence. Long. 16. 35. lat. 38. 54.


ALMEDAville de Portugal dans l'Estramadoure, sur le Tage, à l'opposite de Lisbonne. Long. 9. lat. 38. 42.


ALMEDINEville du royaume de Maroc en Afrique, entre Azamor & Safle.


ALMEIDEville frontiere de Portugal, dans la province de Tra-los-montes, sur les confins du royaume de Léon. Long. 11. 20. lat. 40. 51.


ALMENES. f. (Commerce.) poids de deux livres dont on se sert à peser le safran en plusieurs endroits des Indes orientales.


ALMERIEville maritime d'Espagne dans le royaume de Grenade, avec un bon port sur la Méditerranée, sur la riviere d'Almorra. Long. 15. 45. lat. 36. 51.


ALMICANTARATSou ALMUCANTARATS, subst. m. pl. terme d'Astronomie ; ce sont des cercles paralleles à l'horison qu'on imagine passer par tous les degrés du méridien. Voyez CERCLE, HORISON, PARALLELE, &c. Ce mot vient de l'Arabe almocantharat.

Les almicantarats coupent le méridien dans tous ses degrés, comme les paralleles à l'équateur coupent le méridien. Voyez MERIDIEN & EQUATEUR.

Les almicantarats sont donc par rapport aux azimuts & à l'horison ce que sont les paralleles par rapport aux méridiens & à l'équateur. Voyez AZIMUT.

Ils servent à faire connoître la hauteur du soleil & des étoiles ; c'est pourquoi on les appelle aussi cercles de hauteur ou paralleles de hauteur ; ils sont d'usage dans la Gnomonique pour tracer des cadrans solaires.

Feu M. Mayer, de l'académie de Petersbourg, à qui l'Astronomie doit plusieurs excellentes choses, a donné une méthode pour trouver la déclinaison des étoiles & la hauteur du pole indépendamment l'une de l'autre, & sans se servir d'aucun angle mesuré par des arcs de cercle, en supposant que l'on connoisse les passages de deux étoiles par le méridien, par deux verticaux & par deux almicantarats inconnus, mais constans. M. de Maupertuis a aussi résolu ce même problème à la fin de son Astronomie nautique. (O)


ALMISSAville de Dalmatie, à l'embouchure de la Cetina. Long. 36. lat. 43. 50.


ALMONDES. f. (Comm.) mesure de Portugal qui sert à mesurer les huiles. Les Portugais vendent leurs huiles d'olive par almondes, dont les 26 font une botte ou pipe. Chaque almonde est composée de douze canadors, & le canador est semblable au mingle ou bouteille d'Amsterdam. Voyez MINGLE.


ALMORAVIDESsub. m. pl. peuples qui habitent les environs du mont Atlas.


ALMOUCHIQUOISpeuples de l'Amérique dans la nouvelle France, le long de la riviere de Chovacouet.


ALMOXARISFASGO, c'est dans quelques ports de l'Amérique espagnole, & surtout à Buenos-Ayres, un droit de deux & demi pour cent, levé pour le roi d'Espagne sur les peaux de taureaux qu'on charge pour l'Europe. Ce droit est sans préjudice de celui de quint ou des quatre réaux par cuir.


ALMSFEOHS. m. (Jurispr.) étoit un des noms que les anciens Anglois donnoient au denier S. Pierre. Voyez DENIER S. PIERRE. (H)


ALMUCANTARATSvoyez ALMICANTARATS.


ALMUDES. f. (Comm.) mesure des liquides : on la nomme plus ordinairement almonde. Voyez ALMONDE. (G)


ALMUGIES. f. en Astrologie, se dit de deux planetes ; du Jupiter, par exemple, & du Soleil, lorsqu'ils se regardent de trine, parce que le Lion & le Sagittaire qui sont leurs maisons se regardent aussi de trine. Ainsi deux planetes sont en almugie quand elles se regardent du même aspect que leurs maisons.


ALMUNECARville d'Espagne au royaume de Grenade, avec port sur la Méditerranée. Long. 14. 37. lat. 36. 50.


ALOÈS(Bot.) en latin aloe, plante à fleur liliacée, monopétale, en forme de tuyau, & découpée en six parties : il y a des especes dont le calice devient le fruit, & d'autres où c'est le pistil qui se change en un fruit oblong, & pour l'ordinaire cylindrique, divisé en trois loges remplies de semences applaties & presque demi-circulaires. Tournefort, inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

ALOE ou ALOES, subst. m. (Mat. med.) est le suc épaissi de plusieurs plantes du même genre & portant le même nom, qui croissent à différentes hauteurs, suivant le terrain & le climat. Il vient d'Espagne & de plusieurs autres pays chauds.

L'espece la plus ordinaire de ces plantes est celle qu'on nomme aloe, J. B. Pit. Tourn. aloe vulg. C. B.

Cette plante a un goût extrèmement amer ; elle croît en Perse, en Egypte, en Arabie, en Italie, & en Espagne.

On divise l'aloès en trois especes ; en aloès succotrin, en aloès hépatique, & en aloès caballin : ils se tirent tous les trois de différentes especes d'aloès.

Le premier est appellé en latin aloès socotrina vel succotrina, parce qu'on en tiroit beaucoup de l'île de Succotra ; c'est le plus beau & le meilleur de tous ; il est net, de couleur noire ou brune, luisante en-dehors, citrine en-dedans ; friable, résineux, assez leger, fort amer au goût, d'une odeur desagréable, & il devient jaune en le pulvérisant.

Le second est appellé en latin aloès hepatica, parce qu'étant rompu, il a la couleur du foie ; il ne differe du succotrin qu'en ce que sa couleur est plus obscure, mais on confond assez ces deux especes, & l'on prend l'une pour l'autre.

Le troisieme est appellé caballina, parce qu'on ne s'en sert que pour les maladies des chevaux : c'est le plus grossier, le plus terrestre, & le moins bon de tous. Pour le tirer on pile la plante, & l'on en exprime le suc à la presse ; on fait ensuite épaissir ce suc au soleil ou sur le feu, jusqu'à une consistance solide : il est fort noir, compact & pesant.

L'aloès en calebasse ou aloès des Barbades, est semblable à cette derniere sorte lorsqu'il est nouveau ; en vieillissant il devient hépatique ; & étant gardé il devient cassant, lucide & transparent.

L'aloès contient beaucoup d'huile & de sel essentiel, d'où vient son amertume.

Les aloès hépatique & succotrin sont de fort bons purgatifs ; mais ils causent des hémorrhagies en raréfiant le sang, & d'autres évacuations fâcheuses ; ils sont emménagogues, apéritifs, stomachiques, pourvû qu'on les prenne en mangeant ; car si on les met dans un estomac vuide, ils y causent beaucoup de tranchées, & purgent peu. Ils tuent les vers & les chassent : employés à l'extérieur en teinture, ils dessechent, détergent & consolident les plaies.

C'est un grand atténuant, cordial & restaurant, que l'aloès : il brise & dissout les humeurs pituiteuses & gypseuses. Comme il purge violemment, il faut se donner de garde d'en ordonner l'usage en substance aux femmes enceintes & hystériques ; il faut corriger sa vertu purgative avec la casse : on l'ordonne depuis quatre grains jusqu'à une demi-dragme : sa partie résineuse extraite par l'esprit-de-vin, purgera violemment ; la partie gommeuse extraite par l'eau, sera un bon vulnéraire, sur-tout dans les ulceres de la vessie & des reins. La teinture de myrrhe & d'aloès sert à prévenir la mortification dans les plaies.

Si l'on veut donc employer ce remede sans craindre d'augmenter la raréfaction des humeurs, il est à propos de le débarrasser de son principe sulphureux & résineux, ou plûtôt de diviser ses soufres & sa résine. Les pilules de Becher remplissent fort bien ces vûes. Si ces principes ne sont pas divisés, ce remede agite beaucoup le sang, & produit d'étranges effets.

M. Boulduc, parlant des purgatifs, dit que l'aloès est un des modérés ; & selon l'analyse chimique qu'il en donne, l'aloès succotrin contient à peine la moitié autant de résine ou de matiere sulphureuse que l'aloès hépatique, mais un tiers de plus de substance saline ; c'est pour cela que le succotrin est préféré pour l'usage intérieur, parce qu'il a moins de résine. L'hépatique s'employe avec les baumes naturels, lorsqu'il est question de nettoyer une plaie ou de refermer une coupure récente ; c'est l'effet des particules résineuses & balsamiques dont il est composé.

Quoiqu'il soit besoin de corriger la résine d'aloès en la bridant avec des tempérans, il ne faut pas la séparer entierement des sels ; ceux-ci étant très-actifs, rongent les veines & les extrémités déliées des fibres, s'ils ne sont tempérés & enchaînés par la partie résineuse. Les préparations du suc d'aloès demandent à être faites par d'habiles mains. Afin donc qu'elles soient moins nuisibles, loin de séparer la partie saline de la résineuse, M. Boulduc exige qu'on travaille à les unir par un sel alkali, comme le sel de tartre, &c. Il faut, ajoûte ce célebre artiste, nonseulement aider la nature par des remedes, mais encore lui donner du secours dans la façon d'administrer les remedes mêmes. Hist. de l'académie royale des Scienc. 1708.

Les différentes préparations d'aloès se trouvent dans toutes les pharmacopées ; telles sont l'aloès rosat, les pilules d'aloès lavé, la teinture d'aloès : il entre dans différentes pilules, telles que celles de Becher, les pilules de Rufus, les aléophangines, les marocostines. L'élixir de propriété doit ses vertus à la teinture tirée de cette résine, &c.

Aloès rosat le plus simple & le seul d'usage. Prenez de l'aloès succotrin luisant en poudre, quatre onces ; du suc dépuré de roses de Damas, une pinte : mettez le tout en digestion sur un feu modéré, jusqu'à ce que le phlegme superflu soit évaporé, & qu'il se fasse une consistance de pilules secundum artem.

Pilules d'aloès lavé. Prenez de l'aloès dissous dans du suc de roses & épaissi, une once ; de trochisques d'agaric, trois dragmes ; de mastic, deux dragmes ; du sirop de roses de Damas, quantité suffisante pour faire des pilules s. a.

Nota que, selon quelques auteurs, les trois especes d'aloès ci-dessus, le succotrin, l'hépatique & le caballin, peuvent se tirer de la même plante, par la seule différence de l'évaporation. (N)

ALOES, voyez AIRES.


ALOÉTIQUEadj. on se sert de ce mot en Pharmacie, pour exprimer toutes les préparations dont l'aloès fait la base ou le principal ingrédient. (N)


ALOGIENSS. m. pl. (Théologie.) secte d'anciens hérétiques dont le nom est formé d' privatif, & de , parole ou verbe, comme qui diroit sans verbe, parce qu'ils nioient que Jesus-Christ fût le Verbe éternel, & qu'en conséquence ils rejettoient l'évangile de S. Jean comme un ouvrage apocryphe écrit par Cerinthe, quoique cet apôtre ne l'eût écrit que pour confondre cet hérétique, qui nioit aussi la divinité de Jesus-Christ.

Quelques auteurs rapportent l'origine de cette secte à Théodose de Bysance, corroyeur de son métier, & cependant homme éclairé, qui ayant apostasié pendant la persécution de Sévere, répondit à ceux qui lui reprochoient ce crime, que ce n'étoit qu'un homme qu'il avoit renié, & non pas un Dieu ; & que de-là ses disciples qui nioient l'existence du Verbe, prirent le nom d' : " Ils disoient, ajoûte, M. Fleury, que tous les anciens, & même les apôtres, avoient reçû & enseigné cette doctrine, & qu'elle s'étoit conservée jusqu'au tems de Victor, qui étoit le treizieme évêque de Rome depuis saint Pierre ; mais que Zephirin son successeur avoit corrompu la vérité ". Mais outre qu'un auteur contemporain leur opposoit les écrits de Justin, de Miltiade, de Tatien, de Clément, d'Irenée, de Meliton, & autres anciens qui disoient que Jesus-Christ étoit Dieu & homme ; il étoit sûr que Victor avoit excommunié Théodose : & comment l'eût-il excommunié, s'ils eussent été du même sentiment ? Hist. eccl. tome I. liv. IV. n°. xxiij. page 489.

D'autres avancent que ce fut saint Epiphane, qui dans sa liste des hérésies leur donna ce nom : mais ce sentiment paroît moins fondé que le premier ; d'autant plus que d'autres peres, & grand nombre d'auteurs ecclésiastiques, parlent des Alogiens comme des sectateurs de Théodose de Bysance. Voy. Tertul. liv. des pres. chap. dern. Saint August. de haer. cap. xxxiij. Euseb. liv. V. chap. xjx. Baronius, ad ann. 196. Tillemont, Dupin, bibl. des aut. ecclés. j. siecle. (G)


ALOGOou sans raison, nom que les Egyptiens donnoient à Thyphon. Voyez THYPHON.


ALOIS. m. terme d'Orfévre, de Bijoutier, & autres ouvriers en métaux précieux ; se dit du mêlange d'un métal précieux avec un autre, dans un certain rapport convenable à la destination du mêlange. L'aloi est à l'alliage, comme l'espece au genre, ou comme alliage est à mêlange. Mêlange se dit de toutes matieres mises ensemble ; alliage se dit seulement d'un mêlange de métaux ; & aloi ne se dit que d'un alliage de métaux fait dans un certain rapport déterminé par l'usage, de la matiere ou du mêlange, ou ordonné par les réglemens. Si le rapport déterminé par l'usage, ou ordonné par les réglemens, se trouve dans le mêlange, on dit du mêlange qu'il est de bon aloi ; sinon on dit qu'il est de mauvais aloi : bon aloi est synonyme à titre, quand il s'agit des matieres d'or ou d'argent. Voyez TITRE.


ALOIDESaloe palustris, plante qui a la feuille de l'aloès, seulement un peu plus courte & plus étroite, bordée d'épines, & chargée de gousses semblables à des pattes d'écrevisse, qui s'ouvrent & poussent des fleurs blanches à deux ou trois feuilles, qui reviennent assez à celles de l'espece de nénuphar appellé morsus ranae, & qui portent de petites étamines jaunes. Sa racine est longue, ronde, composée de fibres blanches, & tend droit au fond de l'eau, où elle parvient rarement. Elle a aussi des fibres obliques. L'aloïdes est vulnéraire.

ALOÏDES, s. pl. (Myth.) enfans d'Iphimedie & d'Aloée son époux, ou selon d'autres, de Neptune.


ALOIGNEvoyez BOUEE.


ALOPEest une des harpies. Voyez HARPIES.


ALOPÉCIES. f. maladie de la tête dans laquelle elle est dépouillée de cheveux, en tout ou en partie. La cause de cette maladie est un épaississement du suc nourricier, qui lui ôte la fluidité nécessaire pour pouvoir pénétrer jusqu'au bulbe dans lequel le cheveu est implanté ; ce qui prive le cheveu de sa nourriture, & l'oblige de se séparer de la tête. Cet épaississement a plusieurs causes : dans les enfans, c'est la même que ce qui occasionne les croûtes de lait, qui souvent entraînent après elles la chûte des cheveux : la petite vérole fait aussi le même effet ; lorsque l'alopécie attaque les adultes & les hommes faits, elle a ordinairement pour cause la vérole, le scorbut : elle est aussi produite par les maux de tête violens & invétérés, par la trop grande application au travail, par les mêmes causes que la maladie hypochondriaque & mélancholique, enfin par des révolutions & des chagrins imprévûs. Dans les vieillards, l'alopécie est une suite du raccornissement des fibres.

L'alopécie est plus ou moins difficile à traiter, selon la cause qui l'a produite ; & on ne peut parvenir à sa guérison, qu'en détruisant cette cause : ainsi il est d'une grande conséquence pour un Medecin d'être instruit de ce qui a donné lieu à l'alopécie, afin d'employer les remedes propres à cette maladie.

On en donnera le traitement dans les cas où elle se trouvera jointe à quelqu'autre maladie, comme la vérole, le scorbut, &c. Voyez VEROLE & SCORBUT. (N)


ALOPECUREen latin alopecurus, est un genre de plante à fleur monopétale, labiée, dont la levre supérieure est en forme de voûte, & inclinée en bas ; la levre inférieure est partagée en trois parties. Il y a dans l'intérieur de la fleur des étamines, des sommets, & la trompe du pistil : elle produit quatre semences qui sont oblongues, qui ont différens angles, & qui mûrissent dans un calice d'une seule piece, dont les bords sont découpés. Pontederae Anthologia, lib. III. cap. xljx. Voyez HERBE, PLANTE, BOTANIQUE. (I)


ALORUSnom que les Chaldéens donnoient au premier homme.


ALOSES. f. poisson de mer, en latin alosa ; on l'a appellé à Bordeaux du nom de coulac : il est fort ressemblant à la sardine pour la tête, l'ouverture de la bouche, les écailles, & pour le nombre & la situation des nageoires : mais l'alose est beaucoup plus grande. Elle est longue & applatie sur les côtés, de façon que le ventre est saillant dans le milieu, & forme sur la longueur du poisson une ligne tranchante & garnie de pointes comme une scie : la tête est applatie sur les côtés comme le corps ; le museau est pointu ; la bouche est grande & unie dans l'intérieur sans aucunes dents : il y a quatre oüies de chaque côté ; les écailles sont grandes & minces ; on les arrache aisément : il semble voir des émeraudes briller au-dessus des yeux de chaque côté : la langue est noirâtre ; les mâchoires supérieures sont pendantes ; le ventre & les côtés sont de couleur argentée ; le dos & le dessus de la tête sont d'un blanc jaunâtre. Ce poisson entre au printems & en été dans les rivieres, où il s'engraisse ; c'est pourquoi les aloses que l'on pêche dans l'eau douce sont meilleures à manger que celles que l'on prend dans la mer : la chair de celles-ci a peu de suc ; elle est seche, & on se sent altéré après en avoir mangé. Ces poissons sont toûjours plusieurs ensemble ; & on en prend une si grande quantité dans de certains endroits, qu'on n'en fait aucun cas : ils ont tant d'arêtes, qu'on a de la peine à les manger ; au reste leur chair est de très-bon goût quand elle est grasse, & on la digere aisément. Rondelet. Aldrovande. Voyez POISSON. (I)


ALOSTville des Pays-bas, dans le comté de Flandre, capitale du comté d'Alost. Elle est sur la Dendre, entre Gand & Bruxelles. Long. 21. 42. lat. 49. 55.


ALOUCHIS. m. gomme qu'on tire du cannelier blanc ; elle est très-odoriférante.


ALOUETTES. f. en latin alauda : il y a plusieurs especes d'aloüette ; ce qui pourroit faire distinguer leur genre, c'est que le doigt de derriere est fort long, qu'elles chantent en s'élevant en l'air, & de plus que leurs plumes sont ordinairement de couleur de terre : mais ce dernier caractere n'est pas constant dans toutes les especes d'alouette, & n'est pas particulier à leur genre, car il convient aux moineaux & à d'autres oiseaux.

L'aloüette ordinaire n'est guere plus grosse que le moineau domestique, cependant son corps est un peu plus long ; elle pese une once & demie ; elle a six pouces de longueur depuis la pointe du bec jusqu'à l'extrémité des pattes. La queue est aussi longue que les pattes. L'envergure est de dix pouces. Le bec a environ trois quarts de pouce de longueur depuis sa pointe jusqu'à l'angle de la bouche. La partie supérieure du bec est noire & quelquefois de couleur de corne ; celle du dessous est presque blanchâtre ; la langue est large, dure, & fourchue ; & les narines sont rondes. Les plumes de la tête sont de couleur cendrée tirant sur le roux, & le milieu des plumes est noir ; quelquefois l'oiseau les hérisse en forme de crête. Le derriere de la tête est entouré d'une bande de couleur cendrée qui va depuis l'un des yeux jusqu'à l'autre. Cette espece de bande est d'une couleur plus pâle & moins apparente dans l'aloüette ordinaire que dans l'aloüette des bois. Le menton est blanchâtre, la gorge jaune & parsemée de taches brunes, le dos est de la même couleur que la tête, & les côtés sont d'une couleur rousse jaunâtre. Chaque aile a dixhuit grandes plumes ; le bord extérieur de la premiere est blanchâtre, & dans les autres plumes il est roux. Les plumes qui sont entre la sixieme & la dix-septieme ont la pointe comme émoussée, dentelée, & de couleur blanchâtre. Les bords des petites plumes de l'aile sont de couleur rousse cendrée. La queue a trois pouces de longueur, & elle est composée de douze plumes ; les deux plumes du milieu sont posées l'une sur l'autre, elles sont brunes & entourées d'une bande de blanc roussâtre. Les deux qui suivent de chaque côté sont brunes, & leur bord est d'un blanc roussâtre. La quatrieme est brune, à l'exception du bord extérieur qui est blanc. Les barbes extérieures de l'avant-derniere plume de chaque côté sont blanches en entier, de même que la pointe. Le reste de ces deux plumes est brun ; les deux dernieres à l'extérieur sont blanches, & elles ont une bande brune longitudinale sur les bords intérieurs. Les piés & les doigts sont bruns, les ongles sont noirs à l'exception de leurs extrémités qui sont blanches ; le doigt extérieur tient au doigt du milieu à sa naissance. L'aloüette devient fort grasse dans les hyvers modérés. Elle fait trois pontes chaque année, dans les mois de Mai, de Juillet & d'Août, & elle donne quatre ou cinq oeufs d'une seule ponte. Le fond de son nid est en terre, elle le ferme avec des brins d'herbe ; enfin elle éleve ses petits en peu de tems. Willughby. Derham. Voyez OISEAU. (I)

ALOUETTE DE BOIS, alauda arborea, alauda sylvestris. Derh. Hist. nat. des oiseaux, tom. I. le mâle pese une once un quart ; cet oiseau a six pouces de longueur depuis la pointe du bec jusqu'au bout de la queue ; l'envergure est d'un pié ; il est plus petit que l'aloüette ordinaire, & son corps est plus court ; le bec est comme dans les autres oiseaux de ce genre, droit, pointu, mince, un peu large, de couleur brune, & long de plus d'un demi-pouce. La langue est large & fourchue ; l'iris des yeux est couleur de noisette, les narines sont longues ; les piés sont d'un jaune pâle ou de couleur de chair. Les ongles sont bruns ; le doigt de derriere est le plus long ; le doigt extérieur tient au doigt du milieu à sa naissance.

Le ventre & la poitrine sont d'un blanc jaunâtre : cette même couleur est plus foncée sur la gorge, & sur le milieu de chaque plume il y a des taches brunes. La tête & le dos sont mouchetés de noir & de roux jaunâtre, & le milieu des plumes est de couleur noire. Le cou est un peu cendré ; il y a une ligne blanchâtre qui va depuis l'un des yeux jusqu'à l'autre, & qui fait une espece de couronne autour de la tête. Le croupion est de couleur jaune roussâtre.

Il y a dix-huit grandes plumes dans chaque aîle ; l'extérieure est la plus courte, les cinq qui suivent sont plus longues que les autres d'un demi-pouce ; leur extrémité est pointue ; leurs bords extérieurs sont blanchâtres ; les autres plumes sont plus courtes, leur pointe est émoussée & dentelée, & leurs bords sont de couleur jaune. Les plumes de la fausse aile sont brunes, & la pointe est de couleur roussâtre mêlée de blanc, & il y a une tache blanchâtre au bas de ces plumes. Les plumes qui couvrent l'articulation de l'aileron sont de couleur cendrée. La queue a deux pouces de longueur ; elle est composée de douze plumes ; elle n'est point fourchue, cependant les plumes du milieu sont un peu plus courtes que les autres, elles sont terminées en pointe, & elles sont de couleur verte mêlée d'un roux sale ou de fauve. Les quatre qui suivent de chaque côté ont la pointe émoussée, leur extrémité est blanchâtre. La couleur de celles qui sont successivement les plus avancées en-dehors, est plus sombre & tire sur le noir. On trouve dans l'estomac de cet oiseau, des scarabés, des chenilles & des graines, de l'herbe aux perles ou gremil.

Ces oiseaux volent en troupe, & restent en l'air sans balancer leurs ailes ; ils chantent en volant à-peu-près comme les merles.

L'aloüette de bois differe principalement de l'aloüette ordinaire, 1°. par sa voix & son chant qui imite celui du merle ; 2°. par un petit cercle de plumes blanches qui forment une espece de couronne qui entoure la tête depuis l'un des yeux jusqu'à l'autre ; 3°. parce que la premiere plume extérieure de l'aile est plus courte que la seconde, au lieu qu'elles sont d'égale grandeur dans l'aloüette ordinaire ; 4°. parce que les plumes extérieures de la queue ont la pointe blanchâtre ; 5°. parce qu'elle se perche sur les arbres ; 6°. parce qu'elle est plus petite, & que son corps est plus court & plus gros à proportion de sa longueur. Willughby. Voyez OISEAU. (I)

ALOUETTE DE MER, schaeniclos, petit oiseau qui se trouve dans les lieux marécageux sur les côtes de la mer. On lui a donné le nom d'aloüette, parce qu'il n'est guere plus gros que cet oiseau, & qu'il est à-peu-près de la même couleur ; cependant il est un peu plus blanc par-dessous le ventre & plus brun sur le dos. Il a les jambes noires, minces & allongées de même que le bec ; sa langue est noire, & elle s'étend dans toute la longueur du bec ; il remue continuellement la queue, & il change de place à tout instant. L'aloüette de mer seroit assez semblable au bécasseau si elle étoit aussi grande. Ces oiseaux doivent multiplier beaucoup & être fort fréquens, car on en prend une très-grande quantité ; on les trouve meilleurs à manger que les aloüettes communes. Belon, Hist. de la nat. des oiseaux, liv. IV. chap. xxjv. Voyez OISEAU, (I)

ALOUETTE DE PRES, alauda pratorum. Voyez FARLOUSE.

ALOUETTE HUPEE, alauda cristata. Voyez COCHEVIS.

* On prend les aloüettes diversement : la maniere la plus commune est avec des nappes, qui se tendent comme pour les ortolans, à la reserve qu'il faut se servir d'un miroir, & que les appellans sont à terre, au lieu qu'on met les ortolans sur de petites fourchettes ; 2°. au traîneau la nuit dans les chaumes ; 3°. aux collets ; 4°. au filet quarré, tendu en plain champ sur des fourchettes comme une espece de souriciere, dans laquelle on chasse doucement les aloüettes ; 5°. avec une autre sorte de filet appellé tonnelle murée. Voyez tous ces piéges à leurs articles.


ALPAGNES. m. animal à laine, fort semblable au llamas & aux vigognes, excepté qu'il a les jambes plus courtes & le muffle plus ramassé. C'est au Pérou une bête de charge ; on fait des étoffes, des cordes, & des sacs de sa laine. On la mêlange avec celle de vigogne : cette derniere ne vient guere du Pérou en Espagne sans en être fourrée.


ALPAMplante indienne dont le tronc est divisé en deux ou trois tiges, & couvert d'une écorce verte & cendrée, sans odeur, & d'un goût acide astringent ; le bois de la branche est blanchâtre, partagé par des noeuds, plein d'une moelle verte ; la racine longue, rouge, composée d'un grand nombre de filets capillaires qui s'étendent en tout sens ; la feuille oblongue, étroite, pointue par le bout, d'un verd foncé en-dessous, d'un verd pâle en-dessus, avec beaucoup de côtes, de fibres, de veines ; attachée à un pédicule court, fort & plat en-dessus, desagréable à l'odorat & acre au goût ; la fleur pourpre foncé, sans odeur, placée sur un pédicule foible & rond, par deux ou trois, à trois feuilles assez larges, pointues par le bout, & couvertes en-dedans d'un duvet blanc ; les étamines, au nombre de trois, rouges, oblongues & se croisant ; & la cosse qui succede à la fleur, pointue, ronde, pleine d'une pulpe charnue & sans aucune semence, au moins qu'on puisse discerner.

Elle croît dans les lieux découverts & sablonneux ; elle est commune à Aregatti & à Mondabelli : elle porte fleur & fruit au commencement & à la fin de l'année ; elle est toûjours feuillée.

Quelque partie qu'on prenne de cette plante, on en fera avec de l'huile un onguent, qui guérira la gale & détergera les vieux ulceres.


ALPANETS. m. en Vénerie, c'est un oiseau de proie qui s'apprivoise & qui vole la perdrix & le lievre. Nous l'appellons Tunissien, parce qu'il vient de Tunis. Cette description est insuffisante en histoire naturelle.


ALPARGATESce sont des sortes de souliers qui se font avec le chanvre. On prend le chanvre quand il est prêt à être filé, on le tord avec les machines du Cordier ; on le natte à deux brins ; on coud cette natte en la reployant sans cesse sur elle-même, plus ou moins, selon que la largeur de l'empeigne & des quartiers le demande ; elle forme tout le dessus du soulier. Le Cordonnier ajuste la semelle à ce dessus, comme s'il étoit de cuir, & l'alpargate est faite. Il y a des alpargates d'hyver & d'été. Celles d'été sont d'une natte extrèmement legere & fine. Celles d'hyver sont d'une natte plus épaisse & plus large, & cette natte est encore soûtenue en-dessous par une fourrure ou piquûre de laine ou de coton. Le Cordonnier a soin d'en ajuster une pareille sur la semelle en-dedans ; ce qui rend cette chaussure extrèmement chaude. On y a les piés comme dans un manchon.


ALPEShautes montagnes d'Europe, qui séparent l'Italie de la France & de l'Allemagne. Elles commencent du côté de France vers la côte de la Méditerranée près de Monaco, entre l'état de Genes & le comté de Nice, & finissent au golfe de Carnero, partie du golfe de Venise.


ALPHABETsubst. m. (Entendement, Science de l'homme, Logique, Art de communiquer, Grammaire.) Par le moyen des organes naturels de la parole, les hommes sont capables de prononcer plusieurs sons très-simples, avec lesquels ils forment ensuite d'autres sons composés. On a profité de cet avantage naturel : on a destiné ces sons à être les signes des idées, des pensées, & des jugemens.

Quand la destination de chacun de ces sons particuliers, tant simples que composés, a été fixée par l'usage, & qu'ainsi chacun d'eux a été le signe de quelque idée, on les a appellés mots.

Ces mots considérés relativement à la société où ils sont en usage, & regardés comme formant un ensemble, sont ce qu'on appelle la langue de cette société.

C'est le concours d'un grand nombre de circonstances différentes qui a formé ces diverses langues : le climat, l'air, le sol, les alimens, les voisins, les relations, les arts, le commerce, la constitution politique d'un état ; toutes ces circonstances ont eu leur part dans la formation des langues, & en ont fait la variété.

C'étoit beaucoup que les hommes eussent trouvé par l'usage naturel des organes de la parole, un moyen facile de se communiquer leurs pensées quand ils étoient en présence les uns des autres : mais ce n'étoit point encore assez ; on chercha, & l'on trouva le moyen de parler aux absens, & de rappeller à soi-même & aux autres ce qu'on avoit pensé, ce qu'on avoit dit, & ce dont on étoit convenu. D'abord les symboles ou figures hiéroglyphiques se présenterent à l'esprit : mais ces signes n'étoient ni assez clairs, ni assez précis, ni assez univoques pour remplir le but qu'on avoit de fixer la parole, & d'en faire un monument plus expressif que l'airain & que le marbre.

Le desir & le besoin d'accomplir ce dessein, firent enfin imaginer ces signes particuliers qu'on appelle lettres, dont chacune fut destinée à marquer chacun des sons simples qui forment les mots.

Dès que l'art d'écrire fut porté à un certain point, on représenta en chaque langue dans une table séparée les sons particuliers qui entrent dans la formation des mots de cette langue, & cette table ou liste est ce qu'on appelle l'alphabet d'une langue.

Ce nom est formé des deux premieres lettres greques alpha & betha, tirées des deux premieres lettres de l'alphabet hébreu ou phénicien, aleph, beth. Quid enim aleph ab alpha magnopere differe ? dit Eusebe, l. X. de praepar. evang. c. vj. Quid autem vel betha à beth, &c. Ce qui fait voir, en passant, que les anciens ne donnoient pas au betha des Grecs le son de l'v consonne, car le beth des Hébreux n'a jamais eu ce son-là.

Ainsi par alphabet d'une langue, on entend la table ou liste des caracteres, qui sont les signes des sons particuliers qui entrent dans la composition des mots de cette langue.

Toutes les nations qui écrivent leur langue, ont un alphabet qui leur est propre, ou qu'elles ont adopté de quelque autre langue plus ancienne.

Il seroit à souhaiter que chacun de ces alphabets eût été dressé par des personnes habiles, après un examen raisonnable ; il y auroit alors moins de contradictions choquantes entre la maniere d'écrire & la maniere de prononcer, & l'on apprendroit plus facilement à lire les langues étrangeres : mais dans le tems de la naissance des alphabets, après je ne sai quelles révolutions, & même avant l'invention de l'Imprimerie, les copistes & les lecteurs étoient bien moins communs qu'ils ne le sont devenus depuis ; les hommes n'étoient occupés que de leurs besoins, de leur sûreté & de leur bien-être, & ne s'avisoient guere de songer à la perfection & à la justesse de l'art d'écrire ; & l'on peut dire que cet art ne doit sa naissance & ses progrès qu'à cette sorte de génie, ou de goût épidémique qui produit quelquefois tant d'effets sur prenans parmi les hommes.

Je ne m'arrêterai point à faire l'examen des alphabets des principales langues. J'observerai seulement :

I. Que l’alphabet Grec me paroît le moins défectueux. Il est composé de 24 caracteres qui conservent toûjours leur valeur, excepté peut-être le γ qui se prononce en ν devant certaines lettres : par exemple devant un autre γ, ἄγγελος qu’on prononce ἄνγελος, & c’est de là qu’est venu Angelus, Ange.
Le κ qui répond à notre c a toûjours la prononciation dure de ca, & n’emprunte point celle du ς ou du ζήτα ; ainsi des autres.
Il y a plus : les Grecs s’étant apperçus qu’ils avoient un e bref & un e long, les distinguerent dans l’écriture par la raison que ces lettres étoient distinguées dans la prononciation ; ils observerent une pareille différence pour l’o bref & pour l’o long : l’un est appellé o micron, c’est-à-dire petit o ou o bref ; & l’autre qu’on écrit ainsi ω, est appellé o mega, c’est-à-dire o grand, o long, il a la forme & la valeur d’un double o.
Ils inventerent aussi des carcteres particuliers pour distinguer le c, le p & le t communs, du c, du p & du t qui ont une aspiration. Ces trois lettres χ, φ, θ, sont les trois aspirées, qui ne sont que le c, le p & le t, accompagnés d’une aspiration. Elles n’en ont pas moins leur place dans l’alphabet Grec.

On peut blâmer dans cet alphabet le défaut d'ordre. Les Grecs auroient dû séparer les consonnes des voyelles ; après les voyelles, ils devoient placer les diphthongues, puis les consonnes, faisant suivre la consonne foible de sa forte, b, p, z, s, &c. Ce défaut d'ordre est si considérable, que l'o bref est la quinzieme lettre de l'alphabet, & le grand o ou o long, est la vingt-quatrieme & derniere ; l'e bref est la cinquieme, & l'e long la septieme, &c.

Pour nous nous n'avons pas d'alphabet qui nous soit propre ; il en est de même des Italiens, des Espagnols, & de quelques autres de nos voisins. Nous avons tous adopté l'alphabet des Romains.

Or cet alphabet n'a proprement que 19 lettres : a, b, c, d, e, f, g, h, i, l, m, n, o, p, r, s, t, u, z, car l'x & le & ne sont que des abréviations.

x est pour gz : exemple, exil, exhorter, examen, &c. on prononce egzemple, egzil, egzhorter, egzamen, &c.

x est aussi pour cs : axiome, sexe, on prononce acsiome, secse.

On fait encore servir l'x pour deux ss dans Auxerre, Flexelles, Uxel, & pour une simple s dans Xaintonge, &c.

L'& n'est qu'une abréviation pour et.

Le k est une lettre greque, qui ne se trouve en latin qu'en certains mots dérivés du grec ; c'est notre c dur, ca, co, cu.

Le q n'est aussi que le c dur : ainsi ces trois lettres c, k, q, ne doivent être comptées que pour une même lettre ; c'est le même son représenté par trois caracteres différens. C'est ainsi que c i font ci ; si encore si, & t i font aussi quelquefois si.

C'est un défaut qu'un même son soit représenté par plusieurs caracteres différens : mais ce n'est pas le seul qui se trouve dans notre alphabet.

Souvent une même lettre a plusieurs sons différens ; l's entre deux voyelles se prend pour le z, au lieu qu'en grec le z est toûjours z, & sigma toûjours sigma.

Notre e a pour le moins quatre sons différens ; 1°. le son de l'e commun, comme en père, mère, frère ; 2°. le son de l'e fermé, comme en bonté, vérité, aimé ; 3°. le son de l'e ouvert, comme bête, tempête, fête ; 4°. le son de l'e muet, comme j'aime ; 5°. enfin souvent on écrit e, & on prononce a, comme empereur, enfant, femme ; en quoi on fait une double faute, disoit autrefois un ancien : premierement, en ce qu'on écrit autrement qu'on ne prononce : en second lieu, en ce qu'en lisant on prononce autrement que le mot n'est écrit. Bis peccatis, quod aliud scribitis, & aliud legitis quam scriptum est, & scribenda sunt ut legenda, & legenda ut scripta sunt. Marius Victorinus, de Orthog. apud Vossium de arte Gram. tom. I. pag. 179. " Pour moi, dit aussi Quintilien, à moins qu'un usage bien constant n'ordonne le contraire, je crois que chaque mot doit être écrit comme il est prononcé ; car telle est la destination des lettres, poursuit-il, qu'elles doivent conserver la prononciation des mots ; c'est un dépôt qu'il faut qu'elles rendent à ceux qui lisent, de sorte qu'elles doivent être le signe de ce qu'on doit prononcer quand on lit " : Ego nisi quod consuetudo obtinuerit, sit scribendum quidque judico quomodo sonat : hic enim usus est litterarum, ut custodiant voces & velut depositum reddant legentibus ; itaque id exprimere debent, quod dicturi sunt. Quint. Inst. orat. lib. I. cap. vij.

Tel est le sentiment général des Anciens ; & l’on peut prouver 1°. que d’abord nos Peres ont écrit conformément à leur prononciation, selon la premiere destination des lettres ; je veux dire qu’ils n’ont pas donné à une lettre le son qu’ils avoient déja donné à une autre lettre, & que s’ils écrivoient Empereur, c’est qu’ils prononçoient empereur par un é, comme on le prononce encore aujourd’hui en plusieurs Provinces. Toute la faute qu’ils ont faite, c’est de n’avoir pas inventé un alphabet François, composé d’autant de caracteres particuliers, qu’il y a de sons différens dans notre langue ; par exemple, les trois e devroient avoir chacun un caractere propre, comme l’ε, & l’η des Grecs.

2°. Que l'ancienne prononciation ayant été fixée dans les livres où les enfans apprenoient à lire, après même que la prononciation avoit changé ; les yeux s'étoient accoûtumés à une maniere d'écrire différente de la maniere de prononcer ; & c'est de-là que la maniere d'écrire n'a jamais suivi que de loin en loin la maniere de prononcer ; & l'on peut assûrer que l'usage qui est aujourd'hui conforme à l'ancienne orthographe, est fort différent de celui qui étoit autrefois le plus suivi. Il n'y a pas cent ans qu'on écrivoit il ha, nous écrivons il a ; on écrivoit il est nai, ils sont nais, nati, nous écrivons ils sont nés ; soubs, nous écrivons sous ; treuve, nous écrivons trouve, &c.

3°. Il faut bien distinguer la prononciation d'avec l'orthographe : la prononciation est l'effet d'un certain concours naturel de circonstances. Quand une fois ce concours a produit son effet, & que l'usage de la prononciation est établi, il n'y a aucun particulier qui soit en droit de s'y opposer, ni de faire des remontrances à l'usage.

Mais l'orthographe est un pur effet de l'art ; tout art a sa fin & ses principes, & nous sommes tous en droit de représenter qu'on ne suit pas les principes de l'art, qu'on n'en remplit pas la fin, & qu'on ne prend point les moyens propres pour arriver à cette fin.

Il est évident que notre alphabet est défectueux, en ce qu'il n'a pas autant de caracteres, que nous avons de sons dans notre prononciation. Ainsi ce que nos peres firent autrefois quand ils voulurent établir l'art d'écrire, nous sommes en droit de le faire aujourd'hui pour perfectionner ce même art ; & nous pouvons inventer un alphabet qui rectifie tout ce que l'ancien a de défectueux. Pourquoi ne pourroit-on pas faire dans l'art d'écrire ce que l'on a fait dans tous les autres arts ? Fait-on la guerre, je ne dis pas comme on la faisoit du tems d'Alexandre, mais comme on la faisoit du tems même d'Henri IV ? On a déjà changé dans les petites écoles la dénomination des lettres ; on dit be, fe, me, ne : on a enfin introduit, quoiqu'avec bien de la peine, la distinction de l'u consonne v, qu'on appelle ve, & qu'on n'écrit plus comme on écrit l'u voyelle ; il en est de même du j, qui est bien différent de l'i : ces distinctions sont très-modernes ; elles n'ont pas encore un siecle, elles sont suivies généralement dans l'Imprimerie. Il n'y a plus que quelques vieux écrivains qui n'ont pas la force de se défaire de leur ancien usage : mais enfin la distinction dont nous parlons étoit raisonnable, elle a prévalu.

Il en seroit de même d'un alphabet bien fait, s'il étoit proposé par les personnes à qui il convient de le proposer, & que l'autorité qui préside aux petites écoles, ordonnât aux maîtres d'apprendre à leurs disciples à le lire.

Je prie les personnes qui sont d'abord révoltées à de pareilles propositions, de considérer :

I. Que nous avons actuellement plus de quatre alphabets différens, & que nos jeunes gens à qui on a bien montré à lire, lisent également les ouvrages écrits selon l'un ou selon l'autre de ces alphabets : les alphabets dont je veux parler sont :

1°. Le romain, où l'a se fait ainsi a.

2°. L'italique, a.

3°. L'alphabet de l'écriture que les maîtres appellent françoise, ronde, ou financiere ; où l'e se fait ainsi e, l's ainsi s, l'r r, r, r ^ ainsi.

4°. L'alphabet de la lettre bâtarde.

5°. L'alphabet de la coulée.

Je pourrois même ajoûter l'alphabet gothique.

Il. La lecture de ce qui est écrit selon l'un de ces alphabets, n'empêche pas qu'on ne lise ce qui est écrit selon un autre alphabet. Ainsi quand nous aurions encore un nouvel alphabet, & qu'on apprendroit à le lire à nos enfans, ils n'en liroient pas moins les autres livres.

III. Le nouvel alphabet dont je parle, ne détruiroit rien ; il ne faudroit pas pour cela brûler tous les livres, comme disent certaines personnes ; le caractere romain fait-il brûler les livres écrits en italique ou autrement ? Ne lit-on plus les livres imprimés il y a 80 ou 100 ans, parce que l'orthographe d'aujourd'hui est différente de ces tems-là ? Et si l'on remonte plus haut, on trouvera des différences bien plus grandes encore, & qui ne nous empêchent pas de lire les livres qui ont été imprimés selon l'orthographe alors en usage.

Enfin cet alphabet rendroit l'orthographe plus facile, la prononciation plus aisée à apprendre, & feroit cesser les plaintes de ceux qui trouvent tant de contrariétés entre notre prononciation & notre orthographe, qui présente souvent aux yeux des signes différens de ceux qu'elle devroit présenter selon la premiere destination de ces signes.

On oppose que les réformateurs de l'orthographe n'ont jamais été suivis, je répons :

1°. Que cette réforme n'est pas l'ouvrage d'un particulier.

2°. Que le grand nombre de ces réformateurs fait voir que notre orthographe a besoin de réforme.

3°. Que notre orthographe s'est bien réformée depuis quelques années.

4°. Enfin, c'est un simple alphabet de plus que je voudrois qui fût fait & autorisé par qui il convient ; qu'on apprît à le lire, & qu'il y eût certains livres écrits suivant cet alphabet ; ce qui n'empêcheroit pas plus de lire les autres livres, que le caractere italique n'empêche de lire le romain.

Alphabet, en terme de Polygraphie, ou Steganographie, c'est le double du chiffre que garde chacun des correspondans qui s'écrivent en caracteres particuliers & secrets dont ils sont convenus. On écrit en une premiere colonne l'alphabet ordinaire, & vis-à-vis de chaque lettre, on met les signes ou caracteres secrets de l'alphabet polygraphe, qui répondent à la lettre de l'alphabet vulgaire. Il y a encore une troisieme colonne où l'on met les lettres nulles ou inutiles, qu'on n'a ajoûtées que pour augmenter la difficulté de ceux entre les mains de qui l'écrit pourroit tomber. Ainsi l'alphabet polygraphe est la clef dont les correspondans se servent pour déchiffrer ce qu'ils s'écrivent. J'ai égaré mon alphabet, faisons-en un autre.

L’art de faire de ces sortes d’alphabets, & d’apprendre à les déchiffrer, est appellé Polygraphie & Steganographie, du Grec στεγανὸς, caché, venant de στέγω, tego, je cache ; cet art étoit inconnu aux Anciens ; ils n’avoient que la cytale laconique. C’étoit deux cylindres de bois fort égaux ; l’un étoit entre les mains de l’un des correspondans, & l’autre en celles de l’autre correspondant. Celui qui écrivoit, tortilloit sur son rouleau une laniere de parchemin, sur laquelle il écrivoit en long ce qu’il vouloit ; ensuite il l’envoyoit à son correspondant qui l’appliquoit sur son cylindre ; ensorte que les traits de l’écriture se trouvoient dans la même situation en laquelle ils avoient été écrits ; ce qui pouvoit aisément être deviné : les Modernes ont usé de plus de rafinemens.

On donne aussi le nom d'alphabet à quelques livres où certaines matieres sont écrites selon l'ordre alphabétique. L'alphabet de la France est un livre de Géographie, où les villes de France sont décrites par ordre alphabétique. Alphabetum Augustinianum, est un livre qui contient l'histoire des monasteres des Augustins, par ordre alphabétique. (F)

ALPHABET grec & latin, (Théol.) caracteres ou lettres à l'usage des grecs ou des latins, que, dans la consécration d'une église, le prélat consécrateur trace avec son doigt sur la cendre dont on a couvert le pavé de la nouvelle église. Quelques-uns croyent que c'est par allusion à ce qui est dit de Jesus-Christ dans l'Apocalypse, c. j. . 7. & 22. ego sum alpha & omega, primus & novissimus, principium & finis : mais en ce cas il suffiroit de tracer un alpha & un omega grec, & un a & un z latin. D'autres, avec plus de vraisemblance, prétendent que cette cérémonie est relative à une priere que l'on récite pendant ce tems-là, & dans laquelle il est fait mention d'élémens, nom qu'on donne aux lettres de l'alphabet. Bruno Signiensis, de consecr. eccles. (G)

ALPHABET, table, index, ou répertoire du grand livre, (Commerce.) Ce sont les divers noms que les marchands, négocians, banquiers, & teneurs de livres, donnent à une espece de registre composé de vingt-quatre feuillets cotés & marqués chacun en gros caracteres d'une des lettres de l'alphabet, suivant leur ordre naturel, commençant par A, & finissant par Z.

Cet alphabet où sont écrits les noms & surnoms de ceux avec lesquels on est en compte ouvert, & les folio du grand livre où ces comptes sont débités & crédités, sert à trouver facilement & sans peine les endroits du grand livre dont on a besoin.

Alphabet se dit aussi, mais moins ordinairement, des simples tables qui se mettent au commencement des autres livres dont les négocians se servent dans les affaires de leur commerce, soit pour les parties simples, soit pour les parties doubles. V. LIVRE. (G)

ALPHABET : les Relieurs-Doreurs appellent alphabet les diverses lettres dont ils se servent pour mettre les noms des livres sur le dos. Ces lettres sont de cuivre fondu ; chacune a sa tige assez longue pour être emmanchée dans un morceau de bois, & pour que le bois ne se brule pas en faisant chauffer la lettre au fourneau. Il faut des alphabets de différentes grosseurs pour assortir à celles des livres. Voyez Pl. II. fig. Q. de la Reliûre. On dit faire les noms.


ALPHABÉTIQUEadj. (Gramm.) qui est selon l'ordre de l'alphabet, table alphabétique. Les Dictionnaires sont rangés selon l'ordre alphabétique ; mais on a tort de ne pas séparer les mots qui commencent par i de ceux qui commencent par j ; ensorte qu'on trouve ïambe sous la même lettre que jambe. Il en est de même des mots qui commencent par u, ils sont confondus avec ceux qui commencent par v ; ensorte qu'urbanité se trouve après vrai, &c. Aujourd'hui que la distinction de ces lettres est observée exactement, on devroit y avoir égard dans l'arrangement alphabétique des mots. (F)


ALPHAENIXS. m. les confiseurs appellent ainsi le sucre d'orge blanc ou tors. Pour le faire, ils font cuire du sucre ordinaire ; ils l'écument bien : quand il est pur & cuit à se casser, ils le jettent sur un marbre frotté d'un peu d'huile d'amande douce. Ils peuvent le falsifier avec l'amydon, &, selon toute apparence, ils n'y manquent pas. Cependant ils lui donnent le nom d'alphaenix pour le faire valoir. Voyez SUCRE.


ALPHANGES. f. (Jardinage.) C'est une laitue romaine ou chicon rouge, qu'on lie pour la faire devenir belle. Voyez LAITUE. (K)


ALPHÉEfleuve d'Elide : on croyoit qu'il traversoit la mer, & se rendoit ensuite en Sicile auprès de la fontaine Aréthuse ; opinion fondée sur ce que l'on retrouvoit, à ce qu'on croyoit, dans l'île d'Ortygie, ce que l'on jettoit dans l'Alphée : mais ce phénomene n'est fondé que sur une ressemblance de mots, & que sur une ignorance de langue ; sur ce que l'Aréthuse étant environnée de saules, les Siciliens l'appellerent Alphaga : les Grecs qui vinrent longtems après en Sicile, y trouverent ce nom qu'ils prirent aisément pour celui d'Alphée ; & puis voilà un article de Mythologie payenne tout préparé : un Poëte n'a plus qu'à faire le conte des amours du fleuve & de la fontaine, & le Paganisme aura deux dieux de plus : l'aventure de quelque enfant exposé dans ces lieux, multipliera bientôt les autels ; car qui empêchera un Poëte d'attribuer cet enfant au dieu & à la fontaine, qui par ce moyen ne se seront pas cherchés de si loin à propos de rien ?


ALPHETAterme d'Astronomie, c'est le nom d'une étoile fixe de la couronne septentrionale, qu'on appelle autrement lucida coronae, ou luisante de la couronne. Voyez l'article COURONNE. (O)


ALPHIASSou ALPHIONIA, (Myth.) surnom de Diane, qui lui venoit d'un bois qu'on lui avoit consacré dans le Péloponnèse, à l'embouchure de l'Alphée.


ALPHITApréparation alimentaire faite de la farine d'orge pelé & grillé, ou plus généralement de la farine de quelque grain que ce soit : on conjecture que les anciens étendoient sur le plancher, de distance en distance, leur orge en petits tas, pour le faire mieux sécher quand il étoit humide, & que l'alphita est la farine même de l'orge qui n'a point été seché de cette maniere. L'alphita des Grecs étoit aussi le polenta des Latins. La farine de l'orge détrempée & cuite avec l'eau ou quelqu'autre liqueur, comme le vin, le moût, l'hydromel, &c. étoit la nourriture du peuple & du soldat. Hippocrate ordonnoit souvent à ses malades l'alphita sans sel.


ALPHITOMANCIES. f. divination qui se faisoit par le moyen de quelque mets en général, si l’on tire ce mot du Grec ἄλφιτα, les vivres ; ou par celui de l’orge en particulier, si on le fait venir d’ἄλφιτον, farine d’orge, & de μαντεία, divination.

On croit qu'elle consistoit à faire manger à ceux de qui on vouloit tirer l'aveu de quelque crime incertain, un morceau de pain ou de gâteau d'orge : s'ils l'avaloient sans peine, ils étoient déclarés innocens, sinon on les tenoit pour coupables. Tel est du moins l'exemple qu'en donne Delrio qui dit l'avoir tiré d'un ancien manuscrit de S. Laurent de Liege, qui porte : Cùm in servis suspicio furti habetur, ad sacerdotem ducuntur, qui crustam panis carmine infectam dat singulis, quae cùm haeserit gutturi, manifesti furti reum asserit.

Les payens connoissoient cette pratique, à laquelle Horace fait allusion dans ce vers de son épître à Fuscus :

Utque sacerdotis fugitivus liba recuso.

Cette superstition avoit passé dans le Christianisme, & faisoit partie des épreuves canoniques ; & c'est vraisemblablement ce qui a donné lieu à ce serment : que ce morceau puisse m'étrangler si, &c. Delrio, disquisit. magic. lib. IV. c. ij. quaest. vij. sect. 2. (G)


ALPHONSINS. m. c'est le nom d'un instrument de Chirurgie dont on se sert pour tirer les balles du corps.

Il a été ainsi appellé du nom de son inventeur Alphonse Ferrier, Medecin de Naples. Il consiste en trois branches jointes ensemble par le moyen d'un anneau.

L'instrument ainsi serré étant introduit dans la plaie jusqu'à la balle, l'opérateur retire l'anneau vers le manche, & les branches s'ouvrant d'elles-mêmes saisissent la balle ; alors il repousse l'anneau, & par ce moyen les branches tiennent si ferme la balle, qu'elles l'amenent nécessairement hors de la plaie, lorsqu'on les en retire. Bibliot. anat. med. tome I. p. 517. Voyez TIRE-BALLE. (Y)


ALPHONSINEStables Alphonsines. On appelle ainsi des tables astronomiques dressées par ordre d'Alphonse, roi de Castille, & auxquelles on a crû que ce prince lui-même avoit travaillé. Voyez ASTRONOMIE & TABLE. (O)


ALPHOSS. m. (Chirurgie.) est une maladie décrite par Colsus sous le nom de vitiligo, dans laquelle la peau est rude & marquetée de taches blanches.

Ce terme est employé par quelques auteurs pour désigner un symptome de lepre : l'altération de la couleur de la peau, ou le changement de sa superficie qui devient rude & inégale, peuvent être l'effet de l'impression de l'air, ou du maniement de quelques matieres solides ou fluides, & par conséquent n'être pas un effet du vice de la masse du sang. La distinction de ces causes est importante pour le traitement. Voyez LEPRE. (Y)


ALPINES. f. alpina, genre de plante ainsi appellée du nom de Prosper Alpin, Medecin Botaniste, mort en 1616. Les plantes de ce genre ont une fleur monopétale, irréguliere, tubulée, faite en forme de masque, découpée en trois parties, ayant un pistil dont la partie antérieure est creuse & aîlée, & la partie postérieure est terminée par un anneau à-travers lequel passe le pistil de la fleur. Le calice devient dans la suite un fruit oval, charnu, divisé en trois parties qui s'étendent depuis le sommet jusqu'à la base. Ce fruit est rempli de semences qui tiennent au placenta par de petits filamens. Plumier, nova plantarum genera. Voyez PLANTE. (I)


ALPISTEPhalaris. Cette plante porte un gros épi composé d'un amas écailleux de gousses pleines de semences : deux de ces gousses sur-tout ressemblent à des écailles, & contiennent dans leurs cavités, car elles sont creuses & carinées, chacune une semence enveloppée de sa cosse. Elle croît aux îles Canaries, en Toscane parmi le blé, en Languedoc, aux environs de Marseille. Les anciens en recommandent la semence, le suc, & les feuilles comme un excellent remede interne contre les douleurs de la vessie.

On lit dans Lobel que quelques personnes en font du pain qu'elles mangent pour cet effet. Ses semences sont apéritives, & par conséquent salutaires dans les embarras des reins & de la vessie.


ALPUXARRAS(Géog.) hautes montagnes d'Espagne dans le royaume de Grenade au bord de la Méditerranée.


ALQUIERqu'on nomme aussi cantar, s. m. (Commerce.) mesure dont on se sert en Portugal pour mesurer les huiles. L'alquier contient six cavadas. Il faut deux alquiers pour faire l'almude ou almonde. Voyez ALMONDE.

L'alquier est aussi une mesure de grains à Lisbonne. Cette mesure est très-petite, ensorte qu'il ne faut pas moins de 240 alquiers pour faire 19 septiers de Paris ; 60 alquiers font le muid de Lisbonne ; 102 à 103 alquiers, le tonneau de Nantes, de la Rochelle, & d'Auray, & 114 à 115, le tonneau de Bordeaux & de Vannes. Ricard, dans son Traité du Négoce d'Amsterdam, dit qu'il ne faut que 54 alquiers pour le muid de Lisbonne.

La mesure de Porto en Portugal s'appelle aussi alquier : mais elle est de 20 pour 100 plus grande que celle de Lisbonne. On se sert aussi d'alquiers dans d'autres états du roi de Portugal, particulierement aux îles Açores & dans l'île de S. Michel. Dans ces deux endroits, suivant le même Ricard, le muid est de 60 alquiers, & il en faut 240 pour le last d'Amsterdam. Voyez LAST & MUID (G)


ALQUIFOUXespece de plomb minéral très-pesant, facile à pulvériser, mais difficile à fondre. Quand on le casse, on lui remarque une écaille blanche, luisante, cependant d'un oeil noirâtre, du reste assez semblable à l'aiguille de l'antimoine. Ce plomb vient d'Angleterre en saumons de différentes grosseurs & pesanteurs. Plus il est gras, lourd, & liant, meilleur il est.


ALRAMECou ARAMECH, terme d'Astronomie, c'est le nom d'une étoile de la premiere grandeur, appellée autrement Arcturus. Voyez ARCTURUS. (O)


ALRUNESS. f. c'est ainsi que les anciens Germains appelloient certaines petites figures de bois dont ils faisoient leurs lares, ou ces dieux qu'ils avoient chargés du soin des maisons & des personnes, & qui s'en acquittoient si mal. C'étoit pourtant une de leurs plus générales & plus anciennes superstitions. Ils avoient deux de ces petites figures d'un pié ou demi-pié de hauteur ; ils représentoient des sorcieres, rarement des sorciers ; ces sorcieres de bois, tenoient, selon eux, la fortune des hommes dans leurs mains. On les faisoit d'une racine dure ; on donnoit la préférence à celle de mandragore. On les habilloit proprement. On les couchoit mollement dans de petits coffrets. On les lavoit toutes les semaines avec du vin & de l'eau. On leur servoit à chaque repas à boire & à manger, de peur qu'elles ne se missent à crier comme des enfans qui ont besoin. Elles étoient renfermées dans un lieu secret. On ne les tiroit de leur sanctuaire que pour les consulter. Il n'y avoit ni infortune, ni danger, ni maladies à craindre, pour qui possédoit une alrune : mais elles avoient bien d'autres vertus. Elles prédisoient l'avenir par des mouvemens de tête, & même quelquefois d'une maniere bien plus intelligible. N'est-ce pas là le comble de l'extravagance ? a-t-on l'idée d'une superstition plus étrange, & n'étoit-ce pas assez pour la honte du genre humain qu'elle eût été ? Falloit-il encore qu'elle se fût perpétuée jusqu'à nos jours ? On dit que la folie des alrunes subsiste encore parmi le peuple de la basse Allemagne, chez les Danois, & chez les Suédois.


ALSACEprovince de France, bornée à l'est par le Rhin, au sud par la Suisse & la Franche-Comté, à l'occident par la Lorraine, & au nord par le palatinat du Rhin. Long. 24. 30 35. 20. lat. 47. 36-49.

Le commerce de ce pays consiste en tabac, eau-de-vie, chanvre, garence, écarlate, safran, cuirs, & bois ; ces choses se trafiquent à Strasbourg, sans compter les choux pommés qui font un objet beaucoup plus considérable qu'on ne croiroit. Il y a manufacture de tapisserie de moquette & de bergame, de draps, de couvertures de laine, de futaines, de toiles de chanvre & de lin ; martinet pour la fabrique du cuivre : on trouvera à l'article CUIVRE & aux Planches de Minéralogie, la description & la figure de ces martinets. Moulin à épicerie, commerce de bois de chauffage, qui appartient aux magistrats seuls ; tanneries à petits cuirs, comme chamois, boucs, chevres, moutons ; suifs, poisson sec & salé, chevaux, &c.... Le reste du pays a aussi son négoce ; celui de la basse Alsace est en bois ; de la haute en vin, en eaux-de-vie, vinaigre, blés, seigles, avoines. Les Suisses tirent ces dernieres denrées de l'une & de l'autre Alsace. En porcs & bestiaux, en tabac ; en safran, terebenthine, chanvre, lin, tartre, suif, poudre à tirer, chataignes, prunes, graines & légumes. Le grand trafic des chataignes, des prunes, & autres fruits se fait à Cologne, à Francfort, & à Bâle. L'Alsace a des manufactures en grand nombre ; mais les étoffes qu'on y fabrique ne sont ni fines ni cheres. Ce sont des tiretaines moitié laine & moitié fil, des treillis, des canevas & quelques toiles. Quant aux mines, l'auteur du dictionnaire du Commerce dit, que hors celles de fer, les autres sont peu abondantes.

On va juger de la valeur de ces mines par le compte que nous en allons rendre d'après des mémoires qui nous ont été communiqués, par M. le Comte d'Hérouville de Clayes, lieutenant-général des armées de Sa Majesté. Les mines de Giromagny, le Puix & Auxelle-haut, sont situées au pié des montagnes de Voges, à l'extrémité de la haute Alsace ; la superficie des montagnes où sont situées les mines appartient à différens particuliers, dont on achete le terrain, quand il s'agit d'établir des machines, & de faire de nouveaux percemens.

Depuis le don fait des terres d'Alsace à la maison de Mazarin, ces mines ont été exploitées par cette maison jusqu'à la fin de 1716, que le seigneur Paul-Jules de Mazarin les fit détruire, par des raisons dont il est inutile de rendre compte, parce qu'elles n'ont aucun rapport à la qualité de ces mines. Ces mines sont restées presque sans exploitation jusqu'en 1733, qu'on commença à les rétablir.

Ce travail a été continué jusqu'en 1740 ; & voici l'état où elles étoient en 1741, 1742, 1743, &c.

La mine de saint Pierre, située dans la montagne appellée le Mont-jean, banc de Giromagny, a son entrée & sa premiere galerie au pié de la montagne ; elle est de quarante toises de longueur : le long de cette galerie, est le premier puits de 89 piés de profondeur ; je dis le long, parce qu'au-delà du trou de ce puits, la galerie est continuée de 55 toises, & se rend aux ouvrages de la mine de S. Joseph. Le second puits a 100 piés de profondeur ; le troisieme 193 ; le quatrieme 123 : alors on trouve une autre galerie de quatre toises qui conduit au cinquieme puits, qui est de 128 piés. Au milieu de ce puits, on rencontre une galerie de quarante toises de longueur, qui conduit aux ouvrages où sont actuellement quatre mineurs occupés à un filon de mine d'argent d'un pouce d'épaisseur, qui promet augmentation. De ces ouvrages, on revient au sixieme puits, qui est de 107 piés de profondeur, où les ouvrages sur le minuit sont remplis de décombres, que l'on commence à enlever.

Du sixieme puits vers le midi, on a commencé une galerie de 35 toises de longueur, pour arriver à des ouvrages qu'on appelle du cougle, où il y a un filon de mine d'argent de deux pouces & demi d'épaisseur, où trois mineurs sont employés, & où l'on espere en employer vingt. Cette partie de la mine passe pour la plus riche.

Le septieme puits a 94 piés de profondeur. En tirant de ce puits au minuit par une galerie de trente-cinq toises, on trouve des ouvrages dans lesquels il y a deux mineurs à un filon de 4 à 5 pouces d'épaisseur de mine d'argent, cuivre & plomb. Le huitieme puits a 100 piés de profondeur ; le neuvieme a aussi 100 piés de profondeur. Au fond de ce puits, on trouve une galerie de 40 toises, qui conduit aux ouvrages vers le minuit, où sont employés neuf mineurs sur un filon de quatre à cinq pouces. Le dixieme puits a 86 piés, & le onzieme 120 piés. Le douzieme est de 60 ; on y trouve un filon de 4 pouces d'épaisseur sur trois toises de longueur, continuant par une mine picassée, jusqu'au fond où se trouve encore un filon de deux pouces d'épaisseur sur six toises de longueur, & un autre picassement de mine en remontant.

Nous avons dit, en parlant du premier puits, qu'au-delà de ce puits la galerie étoit continuée de 55 toises, pour aller à la mine de saint Joseph. Au bout de cette galerie est un puits de la profondeur de 60 piés, un second puits de 40 : mais ces ouvrages sont si remplis de décombres qu'on ne peut les travailler. Cette mine de saint Pierre est riche ; & si les décombres en étoient enlevées, on pourroit employer vers le midi trente mineurs coupant mine. On tira de cette mine pendant le mois de Mars 1741, quatorze quintaux de mine d'argent tenant huit lots ; 86 de mine d'argent, cuivre, & plomb, tenant en argent quatre lots, en cuivre, douze lots p %, le plomb servant de fondant ; plus 30 quintaux tenant 3 lots, qui sont provenus des pierres de cette même mine, que l'on a fait piler & laver par les bocards.

Pour exploiter cette mine, il y a un canal sur terre d'un grand quart de lieue de longueur, qui conduit les eaux sur une roue de 32 piés de diametre, laquelle tire les eaux du fond de cette mine par vingt-deux pompes aspirantes & foulantes. Pour gouverner cette machine, il faut un homme qui ait soin du canal, un maître de machine, quatre valets, trois charpentiers, trois houtemens, soixante-dix manoeuvres, pour tirer la mine hors du puits ; deux maréchaux, deux valets, huit chaideurs, outre le nombre de coupeurs dont nous avons parlé.

La mine de saint Daniel sur le banc de Giromagny, actuellement exploitée, a son entrée au levant par une galerie de la longueur de 30 toises ; & sur la longueur de cette galerie, il se trouve trois puits ou chocs différens. Le premier a 48 piés ; le second 48 ; le troisieme 36. Ces trois puits se réunissent dans le fond où il se trouve une galerie de 42 toises. Dans cette galerie est un autre puits de 60 piés ; puis une autre galerie de 6 toises, & au bout de cette galerie un puits de 12 piés de profondeur. Le filon du fond de la mine est argent, cuivre, & plomb, de la largeur de 6 pouces sur 6 toises de longueur, & le filon des deux galeries est de 6 pouces de largeur sur 20 toises de longueur. Cette mine produit actuellement par mois 70 quintaux de mine de plomb, 40 quintaux de mine d'argent, la mine de plomb tenant 45 lots de plomb p %, & 8 lots de mine aussi pour % ou quintal.

La mine de saint Nicolas, banc de Giromagny, donnoit trois métaux, argent, cuivre, & plomb ; on cessa en 1738 d'y travailler faute d'argent, pour payer les ouvriers qui n'y travailloient qu'à fortfait. Elle a son entrée au levant par une galerie de 8 toises au bout de laquelle est un puits ; & cette galerie continue depuis ce puits encore 18 toises, au bout desquelles on trouve un filon de cuivre de l'épaisseur de deux pouces sur une toise de longueur ; ce filon est mêlé de veines de mine d'argent, dont le quintal tient six lots. Cette mine a trois puits : le premier de 40 piés ; le second de 60, & le troisieme de 20 piés de profondeur.

On observoit en 1741, qu'il étoit nécessaire d'exploiter cette mine pour l'utilité de celle de S. Daniel.

La mine de S. Louis sur le banc de Giromagny, a son entrée au midi par une galerie de 10 toises, au bas de laquelle est un puits de 12 piés : au bas de ce puits est une autre galerie de la longueur de 80 toises, qui aboutit sur la galerie du premier puits de la mine de Phenigtorne. Dans le premier puits, il y en a un autre de 24 piés de profondeur, où se trouve un filon d'argent, de cuivre & plomb, de 4 pouces d'épaisseur sur 4 toises de longueur.

La mine de Phenigtorne passe pour la plus considérable du pays : elle a son entrée au levant au pié de la montagne de ce nom, & son filon est au midi ; elle est mêlée d'argent & cuivre ; le quintal produit 2 marcs d'argent & 10 à 12 livres de cuivre : quand le filon est mêlé de roc, elle ne donne qu'un marc d'argent par quintal, mais toûjours la même quantité de cuivre. La premiere galerie pour l'entrée de cette mine est de 15 toises jusqu'au premier puits : il y a 12 chocs ou puits de 100 piés de profondeur. Les ouvrages qui méritoient d'être travaillés ne commençoient, en 1741, qu'au sixieme puits. Dans le septieme puits, il y avoit un filon seulement picassé de mine d'argent ; rien dans le huitieme : dans le neuvieme, au bout d'une galerie de trente toises de long, il y avoit un filon qui pouvoit avoir de la suite ; au bout de cette galerie il y avoit encore un puits commencé, où l'on trouvoit un pouce de mine qui promettoit un gros filon : dans le dixieme & onzieme peu de chose : dans le douzieme, vers minuit, il se trouvoit un filon de 3 pouces d'épaisseur sur 4 toises de longueur ; & dans le fond de la montagne, où la machine prenoit son eau, il y avoit un filon de trois pouces, en tirant du côté du puits, de la longueur de douze toises, au bout desquelles se trouvoit encore un puits commencé, de la profondeur de 20 piés, & de trois toises de longueur, dans le fond duquel est un filon de six pouces d'épaisseur, de mine d'argent & cuivre, sans roc ; & aux deux côtés dudit puits, encore le même filon d'une toise de chaque côté.

Nous ne donnerons point la coupe de toutes ces mines, une seule suffisant pour aider l'imagination à se faire une image exacte des autres. La mine de Phenigtorne étant la plus riche, nous l'avons préférée. Voyez Minéralogie, Pl. I. A, est la galerie pour entrer dans la mine ; B, la galerie du soldant tirant à S. Louis ; C, galerie dans le troisieme étage ; D, galerie sur le sixieme étage ; E, galerie dans le sixieme étage ; F, galerie sur le septieme étage ; G, galerie sur le huitieme étage ; H, galerie sur le neuvieme étage ; I, galerie au milieu du neuvieme étage ; L L, les ouvrages du côté de minuit ; M, le fond des ouvrages ; N N, les ouvrages du côté de midi ; p p p, le puits où est le plus fort de la mine ; la trace ombrée fort marque la mine ; q, bermond d'eau porté par le grand tuyau dans le reservoir R ; T, un grand réservoir pour soûtenir les eaux de la machine.

Cette mine de Phenigtorne exploitée dans les regles, pouvoit, selon l'estimation de 1741, produire 90 quintaux, plutôt plus que moins, par mois.

On voit par ce profil, que les trois mines de S. Daniel, de S. Louis, & de S. Nicolas, peuvent communiquer dans la Phenigtorne par des galeries, & par conséquent abréger beaucoup les travaux & les dépenses.

La mine de S. François, sur le banc du Puix, n'étoit point exploitée en 1741 ; elle a son entrée au levant par une galerie de quinze toises, au bout de laquelle on trouve le premier puits qui est de 60 piés de profondeur ; & du premier puits au second, la galerie est continuée sur la longueur de sept toises, où l'on trouve le second puits de 90 piés de profondeur.

Cette mine contient du plomb, tenant trois lots d'argent par quintal, & 40 liv. de plomb pour 0/0. Le filon commence au premier puits, & va jusqu'au fond du second, gros de tems en tems de 3 pouces, sur la longueur de 80 piés du côté du midi & minuit ; dans le fond du puits il y a un autre filon de quatre à cinq pouces, mêlé de roc par moitié ; & en remontant du côté du midi, il y a encore un filon de trois à quatre pouces d'épaisseur, sur trois toises de longueur, qui contient plus d'argent que les autres filons de la mine.

La mine de S. Jacques, sur le banc du Puix, non exploitée en 1741, passoit alors pour ne pouvoir l'être sans nuire à la Phenigtorne, qui valoit mieux ; & cela faute d'une quantité d'eau suffisante pour les deux dans les tems de sécheresse.

La mine de S. Michel, banc du Puix, non exploitée en 1741, est de plomb pur ; elle a son entrée entre le midi & le couchant par une galerie de huit toises, au bout de laquelle est un puits de 30 piés : son filon est petit, & de peu de valeur, mais de bonne espérance.

La mine de la Selique, banc du Puix, non exploitée en 1741, est de cuivre pur, n'a qu'une galerie de 20 toises au bout de laquelle il y a un puits commenc, qui n'a pas été continué ; le filon n'en étoit pas encore en regle.

La mine de S. Nicolas des bois, banc du Puix, non exploitée en 1741, est de cuivre & plomb, à en juger par les décombres.

Les autres mines du banc du Puix, qui n'ont jamais été exploitées, du moins de mémoire d'homme, sont la montagne Collin, la montagne Schelogue, les trois Rois, Saint Guillaume, la Buzeniere, & Sainte-Barbe.

La Taichegronde, non exploitée, est une mine d'argent qui paroît abondante & riche.

Toutes ces montagnes, tant du banc de Giromagny que du Puix, sont contiguës ; une petite riviere les sépare : de la premiere à la derniere il n'y a guere qu'une lieue de tour.

Il y a au banc d'Etueffont une mine d'argent, cuivre & plomb, distante d'une lieue & demie de celles de Giromagny ; elle n'a point non plus été exploitée de mémoire d'homme.

Au banc d'Auxelles, la mine de S. Jean est entierement exploitée à la premiere galerie seulement ; elle est de plomb : on y entre par une galerie de cent toises pratiquée au pié du Montbomard ; vingt mineurs y sont occupés. Il y a dans cette mine dix chocs ou puits de différentes profondeurs, depuis 56 jusqu'à 57 piés chacun.

La mine de Saint Urbain, au même banc, est exploitée à fortfait ; elle est de plomb : on y entre par une galerie pratiquée au midi, de cinq à six toises ; la découverte de cette mine est nouvelle ; elle est de 1734 ou 1735. Son filon, qui parut d'abord à la superficie de la terre, est maintenant de douze pouces d'épaisseur en des endroits, & de six pouces en d'autres ; & sa longueur de cinq toises avec espérance de continuité.

Au même banc, la mine de S. Martin non exploitée depuis un an, est de plomb ; son exposition est au midi : on y entre par une galerie de vingt toises, au bout de laquelle est un choc ou puits de 18 piés seulement de profondeur. Le filon de cette mine est de quatre à cinq pouces d'épaisseur, & de quatre toises de longueur ; c'est la même qualité de mine qu'à S. Urbain.

La mine de Sainte-Barbe, non exploitée depuis deux ans, est exposée au levant : on y entre par une galerie de la longueur de douze toises, au bout de laquelle est un seul puits de 90 piés de profondeur : elle donnoit argent, cuivre & plomb.

Au même banc, la mine de S. Jacques, non exploitée depuis deux ans, a son exposition au midi ; sans galerie d'abord ; elle n'a qu'un puits de 24 piés de profondeur, au bout duquel on trouve une galerie de quatre toises qui conduit à un autre puits de 60 piés, où sont des ouvrages à pouvoir occuper cinquante mineurs coupant mines.

Au même banc, la mine de l'Homme-sauvage, non exploitée, a son exposition au midi par une galerie de trois toises seulement, & travaillée à découvert : son exploitation a cessé depuis trois ans. Cette mine est de plomb ; son filon est de deux pouces d'épaisseur.

Au même banc, la mine de la Scherchemite, non exploitée, a son exposition au levant ; elle est de plomb : son filon étoit, à ce que disoient les ouvriers, d'un demi-pié d'épaisseur.

Mine de S. George, non exploitée : elle est de cuivre ; son puits est sans galerie, & n'a que 18 piés de profondeur.

Mines de la Kelchaffe & du Montménard, non exploitées : elles sont argent, cuivre & plomb ; & de vieux mineurs les disent très-riches.

Les mines d'Auxelle-haut sont aussi contiguës les unes aux autres.

Voilà l'état des principales mines d'Alsace en 1741 ; voici maintenant les observations qu'elles occasionnerent.

1°. Qu'il faut continuer un percement commencé à la mine de S. Nicolas, banc de Giromagny, jusqu'à la mine de S. Daniel ; parce qu'alors les eaux de S. Daniel s'écouleront dans S. Nicolas, & le transport des décombres se fera plus facilement par le rechangement des manoeuvres & l'épargne des machines coûteuses qu'il faut employer aux eaux de Saint Daniel. On conjecture encore que le percement ne sera pas long, les ouvriers de l'une des mines entendant les coups de marteau qui se frappent dans l'autre.

2°. Que pour relever la mine de Phenigtorne, il faut rétablir l'ancien canal & les deux roues, à cause de la grande quantité d'eau que produit la source qui est au fond de la mine.

3°. Qu'il faudroit déplacer les fourneaux, les fonderies, & tous les établissemens auxquels il faut de l'eau, dont la Phenigtorne a besoin, & qu'elle ne pourroit partager avec ces établissemens sans en manquer dans les tems de sécheresse.

4°. Que la mine de S. François, banc du Puix, peut être reprise à peu de frais.

5°. Que celle de S. Jacques, même banc, est à abandonner, parce que les machines à eau nuiroient à la Phenigtorne, & qu'on ne peut y en établir ni à chevaux ni à bras.

6°. Que l'exploitation des mines d'Auxelle-haut, en même tems que de celles de Puix & de Giromagny, seroient fort avantageuses, parce qu'on tireroit des unes ce qui seroit nécessaire, soit en fondant soit autrement, pour les autres.

7°. Que pour tirer partie de la mine de S. Jean, au banc d'Etueffont, il faudroit nettoyer trois étangs qui servent de réservoir, afin que dans les tems de sécheresse on en pût tirer l'eau, & suppléer ainsi à la source qui manque.

8°. Que les ouvriers, quand ils ne travaillent qu'à fortfait, ruinent nécessairement les entrepreneurs, & empêchent la continuation des ouvrages, les galeries étant mal entretenues, les décombres mal nettoyés, & le filon tout-à-fait abandonné, quand il importeroit d'en chercher la suite.

9°. Que les entrepreneurs, par le payement à fortfait, payant aux mineurs un sol six deniers par livre de plomb suivant l'essai, les autres métaux qui se trouvent dans la mine de plomb, quoique non perdus, ne sont pas payés.

10°. Que l'essai doit contenir par quintal de mine 45 livres de plomb, & que quand il produit moins, le Directeur ne la recevant pas, le mineur est obligé de la nettoyer pour la faire monter au degré.

11°. Que le Directeur ne la reçoit point à moindre degré, parce que plus la mine est nette, plus elle donne en pareil volume, & moins il faut de charbon pour la fondre. Il importe donc par cette raison que la mine soit mêlée de roc le moins qu'il est possible : mais en voici d'autres qui ne sont pas moins importantes ; c'est que ce roc est une matiere chargée d'arsenic, d'antimoine, & autres poisons qui détruisent le plomb & l'argent, l'emportant en fumée.

12°. Qu'il se trouve dans le pays toutes choses nécessaires, tant en bois qu'en eaux, machines, fondeurs, mineurs, &c. pour l'exploitation des mines ; & qu'il est inutile de recourir à des étrangers, surtout pour les fontes ; l'expérience ayant démontré que celles des fondeurs du pays réussissent mieux que celles des étrangers.

13°. Que sans nier que les Allemands ne soient de très-bons ouvriers, il ne faut cependant pas imputer à leur habileté, mais à la force de leurs gages, ce qu'ils font de plus que les nôtres, dont la rente est moindre.

14°. Que quant aux bois nécessaires pour les mines de Puix & de Giromagny, tous les bois des montagnes étoient jadis affectés à leur usage ; qu'il seroit à souhaiter que ce privilége leur fût continué, & que les forges de Belfort & les quatorze communautés du val de Rozemont se pourvussent ailleurs.

15°. Que les autres bois des montagnes voisines qui ne sont pas dégradés, s'ils sont bien entretenus, suffiront à l'exploitation.

16°. Que le fortfait empêche les ouvrages ingrats de s'exécuter, quelque profit qu'il puisse en revenir pour la suite ; & par conséquent que cette convention du Directeur au mineur ne devroit jamais avoir lieu.

17°. Que les mines étant presque toûjours engagées dans les rocs, leur exploitation consomme beaucoup de poudre à canon, & qu'il faudroit l'accorder aux entrepreneurs au prix que le Roi la paye.

18°. Qu'il faut établir le plus qu'on pourra de bocards pour piler les pierres de rebut, tant les anciennes que les nouvelles, parce que l'usage des bocards est de petite dépense, & l'avantage considérable. Voici la preuve de leur avantage ; celle de leur peu de dépense n'est pas nécessaire.

Après l'abandon des mines d'Alsace, les fermiers des domaines de M. le Duc de Mazarin, n'ignorant pas ce qu'ils pourroient retirer des pierres de rebut provenues de l'ancienne exploitation, traiterent pour avoir la permission de cette recherche, avec M. le Duc de Mazarin. Le Seigneur Duc ne manqua pas d'être lésé dans ce premier traité ; il le fit donc résilier ; & il s'obligea par un autre à fournir les bois & les charbons, les fourneaux & les bocards, pour la moitié du profit. On peut juger par ces avances combien les rentrées devoient être considérables.

19°. Que si la compagnie Angloise qui avoit traité de ces mines, s'en est mal trouvée, c'est qu'elle a été d'abord obligée de se constituer dans des frais immenses, en machines, en maison, en magasin, en fourneaux, en halles, &c. sans compter les gages trop forts qu'elle donnoit aux ouvriers.

20°. Qu'il conviendroit, pour prévenir tout abus, qu'il y eût des directeurs, inspecteurs & contrôleurs des mines établis par le Roi.

21°. Que les terrains des particuliers que l'on occupe pour l'exploitation des mines, sont remplacés par d'autres, selon l'estimation du traitant ; mais non à sa charge, tant dans les autres mines du Royaume, que dans les mines étrangeres, & qu'il faudroit étendre ce privilége à celles d'Alsace.

22°. Qu'afin que les précautions qu'on prendra pour exploiter utilement ces mines, ne restent pas inutiles, il faudroit ménager les bois, & avoir une concession à cet effet de certains bois à perpétuité, ainsi qu'il est pratiqué dans toutes les autres mines de l'Europe ; parce que les baux à tems n'étant jamais d'un terme suffisant pour engager les entrepreneurs aux dépenses nécessaires, il arrive souvent que les entrepreneurs à tems limité, ou travaillent & disposent les mines à l'avantage des successeurs, ou que les entrepreneurs à tems, voyant leurs baux prêts à expirer, font travailler à fortfait pour en tirer le plus de profit, & préparent ainsi une besogne ruineuse à ceux qui y entrent après eux.

23°. Que pour le bon ordre des mines en général, il conviendroit que le Roi établît de sa part un officier, non-seulement pour lui rendre compte de la vigilance des entrepreneurs & des progrès qu'ils pourroient faire ; mais qui pût encore y administrer la justice pour tout ce qui concerne les officiers, ouvriers, mineurs ; & les appels en justice ordinaire étant toûjours dispendieux, que ceux des Jugemens de cet officier ne se fissent que pardevant les intendans de la province.

24°. Que tous les officiers, mineurs, fondeurs, maîtres des bocards & lavoirs, ainsi que les voituriers ordinaires qui conduisent les bois & charbons, joüissent de toute franchise, soit de taille, soit de corvée.

25°. Qu'il plût au Roi d'accorder la permission de passer en toutes les provinces du Royaume les cuivres & les plombs, sans payer droits d'entrée & de sortie.

26°. Que le conseil rendît un arrêt par lequel il fût dit que tous les associés dans l'entreprise des mines seront tenus de fournir leur part ou quotité des fonds & avances nécessaires, dans le mois ; faute de quoi ils seront déchus & exclus de la societé, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune sommation ni autorité de justice ; cette loi étant usitée dans toute l'Europe en fait de mines.

Voilà ce que des personnes éclairées pensoient en 1741, devoir contribuer à l'exploitation avantageuse, tant des mines d'Alsace, que de toute mine en général : nous publions aujourd'hui leurs observations, presque sûrs qu'il s'en trouvera quelques-unes dans le grand nombre, qui pourroient encore être utiles, quelque changement qu'il soit peut-être arrivé depuis 1741 dans ces mines. Que nous serions satisfaits de nous tromper dans cette conjecture, & que l'intervalle de dix ans eût suffi pour remettre les choses sur un si bon pié, qu'on n'eût plus rien à desirer dans un objet aussi important !

Elles observoient encore en 1741 dans les visites qu'elles ont faites de ces mines, que les mineurs se conduisoient sans aucun secours de l'art ; que les entrepreneurs n'avoient aucune connoissance de la Géométrie soûterraine ; qu'ils ignoroient l'anatomie des montagnes ; que les meilleurs fondans y étoient inconnus ; que pourvû que le métal fût fondu, ils se soucioient fort peu du reste, de la bonne façon & de la bonne qualité, qui ne dépend souvent que d'une espece de fondant qui rendroit le métal plus net, plus fin, & meilleur ; que les ouvriers s'en tenoient à leurs fourneaux, sans étudier aucune forme nouvelle ; qu'ils n'examinoient pas davantage les matériaux dont ils devoient les charger ; qu'ils imaginoient qu'on ne peut faire mieux que ce qu'ils font ; qu'on est ennemi de leur intérêt, quand on leur propose d'autres manoeuvres : que quand on leur faisoit remarquer que les scories étoient épaisses, & que le métal fondu étoit impur, ils vous répondoient, c'est la qualité de la mine, tandis qu'ils devoient dire, c'est la mauvaise qualité du fondant, & en essayer d'autres : que si on leur démontroit que leurs machines n'avoient pas le degré de perfection dont elles étoient susceptibles, & qu'il y auroit à reformer dans la construction de leurs fourneaux, ils croyoient avoir satisfait à vos objections, quand ils avoient dit, c'est la méthode du pays ; & que si leurs usines étoient mal construites, on ne les auroit pas laissées si long-tems imparfaites : qu'il est constant qu'on peut faire de l'excellent acier en Alsace ; mais que l'ignorance & l'entêtement sur les fondans, laisse la matiere en gueuse trop brute, le fer mal préparé, & l'acier médiocre. Qu'on croyoit à Kingdall que les armes blanches étoient de l'acier le plus épuré, & qu'il n'en étoit rien ; que la présomption des ouvriers, & la suffisance des maîtres, ne souffroient aucun conseil : qu'il faudroit des ordres ; & que ces ordres, pour embrasser le mal dans toute son étendue, devroient comprendre les tireries, fonderies, & autres usines : que la conduite des eaux étoit mal entendue ; les machines mauvaises, & les trempes médiocres ; qu'il n'y avoit nulle oeconomie dans les bois & les charbons ; que les établissemens devenoient ainsi presqu'inutiles ; que chaque entrepreneur détruisoit ce qu'il pouvoit pendant son bail ; que tout se dégradoit, usines & forêts : qu'il suffisoit qu'on fût convenu de tant de charbon, pour le faire supporter à la mine ; que dure ou tendre, il n'importoit, la même dose alloit toûjours ; que le fondant étant trop lent à dissoudre, il faudroit quelquefois plus de charbon ; mais que ni le maître ni l'ouvrier n'y pensoient pas : en un mot, que la matiere étoit mauvaise, qu'ils la croyoient bonne, & que cela leur suffisoit. Voilà des observations qui étoient très-vraies en 1741 ; & il faudroit avoir bien mauvaise opinion des hommes, pour croire que c'est encore pis aujourd'hui.

Mais les endroits dont nous avons fait mention ne sont pas les seuls d'où on tire de la mine en Alsace : Sainte-Marie-aux-mines donne fer, plomb & argent ; Giromagny & Banlieu, de même ; Lach & Val-de-Willé, charbon, plomb ; d'Ambach, fer ordinaire, fer fin ou acier ; Ban-de-la-Roche, fer ordinaire ; Framont, fer ordinaire ; Molsheim, fer ordinaire, plâtre, marbre ; Sultz, huile de pétrole, & autres bitumes. Ces mines ont leurs usines & hauts-fourneaux ; au Val de Saint-Damarin, pour l'acier ; au Val de Munster, pour le laiton ; à Kingdall, pour les armes blanches & les cuivres ; à Baao, pour le fer & l'acier.

L'Alsace a aussi ses carrieres renommées : il y a à Rousack, moilons, pierre de taille, chaux & pavé ; à Bolwil, chaux ; à Rozeim, pierre de taille, pavé, meules de moulin, bloc, & bonne chaux ; à Savernes, excellent pavé.

Les mines non exploitées sont, pour le fer, le Val de Munster & celui d'Orbay ; pour le fer & cuivre, le Val de Willé, Baao & Thaim ; pour le gros fer, le fin, & le plomb, d'Ambach ; pour l'argent, le plomb & le fer, Andlau ; pour le plomb, Oberenheim ; pour le charbon, Vische ; pour le fer & l'alun, le Ban-de-la-Roche & Framont. On trouve encore à Marlheim, Valsone & Hautbaac, des marcassites qui indiquent de bonnes mines.

Voici ce que les mines de Giromagny produisoient en 1744.

ETAT de Livraison pour le mois de Mars.

C'est-à-dire que cette livraison donne en argent 63 marcs 3 liv. & en cuivre fin 1054.

ETAT de la Livraison du mois d'Avril, même année.

C'est-à-dire, argent fin, 55 marcs 13 livres ; & cuivre fin, 1087 livres.


ALSENîle de Danemarck dans la mer Baltique, auprès d'Apenrade & de Fléensbourg.


ALSMASTRUMplante dont il y a trois especes ; sa racine est composée de fibres blanches, qui partent des noeuds inférieurs de la tige, & s'étendent en rond ; sa tige est pleine de cellules membraneuses, qui vont du centre à la circonférence, & qui sont formées par de petites feuilles. Elle est cannelée dans toute sa longueur ; la partie qui sort de l'eau est pâle ; le reste est rougeâtre ; ses noeuds sont à deux lignes de distance les uns des autres ; il en part des feuilles au nombre de 8, 10, & 12, à compter avant que la tige soit hors de l'eau ; ces feuilles sont disposées circulairement ; elles n'ont qu'environ une ligne de largeur à la base, sur 8 ou 10 lignes de long : celles qui sont hors de l'eau sont plus larges & plus courtes que les autres. De leurs aisselles partent des fleurs à quatre feuilles blanches rangées en rond, d'environ une ligne & demie de large, le pistil en est rond ; elles sont opposées aux divisions d'un calice découpé en quatre parties : ses étamines sont courtes, au nombre de quatre & à sommets blancs ; le pistil dégénere en une capsule plate, ronde, divisée par côtes de melon, avec un nombril sur le devant. Il s'ouvre en quatre parties, & laisse échapper un grand nombre de semences oblongues. Cette plante fleurit en Juillet & en Août.


ALTAMURAville du Royaume de Naples, dans la terre de Bari, au pié de l'Apennin. Long. 34. 13. lat. 41.


ALTBRANDEBOURGVoyez BRANDEBOURG.


ALTDORou ALTORF, bourg de Suisse, chef-lieu du canton d'Uri, au-dessous du lac des quatre cantons, où la Russ se jette dans ce lac. Long. 26. 10. lat. 46. 55.


ALTEMBOURGville de Transylvanie. Long. 40. lat. 46. 34.


ALTENou ALTENAW, ville d'Allemagne, dans la basse Saxe, sur la rive septentrionale de l'Elbe. Long. 27. 25. lat. 54.


ALTENBOURGville d'Allemagne, avec un château, dans le cercle de haute Saxe & dans la Misnie, sur la Pleiss. Long. 30. 38. lat. 50. 59.

ALTENBOURG, autre ville du même nom, dans la basse Hongrie, dans la contrée de Moson, près du Danube. Long. 35. 30. lat. 44.

ALTENBOURG ou OLDENBOURG, ville d'Allemagne dans le duché d'Holstein. Long. 28. 50. lat. 54. 20.


ALTENDORFville d'Allemagne, dans le cercle du haut Rhin & le landgraviat de Hesse, sur le Weser. Long. 27. 40. lat. 51. 50.


ALTENSPACHville d'Allemagne dans le cercle de Soüabe, située entre le lac de Constance & celui de Zeil.


ALTÉRATIONS. f. en Physique, est un changement accidentel & partial d'un corps, qui ne va pas jusqu'à rendre le corps entierement méconnoissable, ou à lui faire prendre une nouvelle dénomination ; ou bien c'est l'acquisition ou la perte de certaines qualités qui ne sont pas essentielles à la nature d'un corps. Voyez CORPS, QUALITE, ESSENCE.

Ainsi on dit qu'un morceau de fer, qui auparavant étoit froid, est altéré lorsqu'il est échauffé ; parce qu'on peut toûjours voir que c'est du fer, qu'il porte toûjours le nom de fer, & qu'il en a toutes les propriétés.

C'est par-là que l'altération est distinguée de la génération & de la corruption, ces termes marquant l'acquisition ou la perte des qualités essentielles d'un corps. Voyez GENERATION & CORRUPTION.

Quelques Philosophes modernes prétendent, d'après les anciens Chimistes & les Corpusculaires, que toute altération est produite par un mouvement local ; & selon eux, elle consiste toûjours dans l'émission, ou l'accession, ou l'union, ou la séparation, ou la transposition des particules qui composent un corps. Voyez PARTICULE, &c.

Aristote établit une espece particuliere de mouvement, qu'il appelle mouvement d'altération. Voyez MOUVEMENT, &c. (O)

ALTERATION, en Médecine, se prend en différens sens : pour le changement de bien en mal, tous les excès causent de l'altération dans la santé : pour une grande soif, il a une altération continuelle ; l'altération est une suite ordinaire de la fievre. (L)

ALTERATION, (Jardinage) est une espece de cessation de seve dans un végétal ; c'est une maladie à laquelle il faut promptement remédier, pour rendre à la plante toute la vigueur nécessaire. (K)

ALTERATION, (à la Monnoie.) est la diminution d'une piece en la rognant, en la limant, regravant dans la tranche, ou en emportant quelque partie de la superficie avec des caustiques, comme l'eau régale pour l'or, l'eau-forte pour l'argent, ou avec une fleur de soufre préparée. Les ordonnances & les lois punissent ce crime de mort, comme celui de faux monnoyage.


ALTERCATIONS. f. (Jurispr.) leger démêlé entre deux amis ou deux personnes qui se fréquentent. Ce mot vient du latin altercari, qui signifioit simplement converser, s'entretenir ensemble. Ils n'ont pas ensemble de querelle formée : mais il y a toûjours quelque petite altercation entre eux.

Altercation se dit aussi quelquefois, en terme de Palais, de ces contestations, ou plûtôt de ces cris qui s'élevent souvent entre les avocats, lorsque les juges sont aux opinions. (H)


ALTÉRERdiminuer, affoiblir, v. a. Voyez ALTERATION.

ALTERER, (Physiol.) signifie causer la soif. Les medecines alterent ordinairement : ces alimens m'ont beaucoup altéré. (N)


ALTERNATIFadj. (Jurispr.) qui succede à un autre, qui lui succede à son tour. Ainsi un office alternatif est celui qui s'exerce tour à tour par plusieurs officiers pourvus d'un semblable office. On dit de deux officiers généraux qui commandent chacun leur jour, qu'ils commandent alternativement. (H)


ALTERNATIONS. f. se dit quelquefois pour exprimer le changement d'ordre qu'on peut donner à plusieurs choses ou à plusieurs personnes, en les plaçant successivement les unes auprès des autres, ou les unes après les autres. Ainsi trois lettres a, b, c, peuvent subir une alternation en six façons différentes ; a b c, a c b, b a c, b c a, c b a, c a b.

L'alternation est une des différentes especes de combinaisons. Voyez COMBINAISON. En voici la regle. Pour trouver toutes les alternations possibles d'un nombre de choses donné, par exemple de cinq choses, (comme de cinq lettres, de cinq personnes, &c.) prenez tous les nombres depuis l'unité jusqu'à cinq, & multipliez-les successivement les uns par les autres, 1 par 2, puis par 3, puis par 4, puis par 5, le produit 120 sera le nombre d'alternations cherché.

La raison de cette pratique est bien simple. Prenons par exemple deux lettres a & b, il est évident qu'il n'y a que deux alternations possibles, a b, b a ; prenons une troisieme lettre c, il est évident que cette troisieme lettre peut être disposée de trois manieres différentes dans chacune des deux alternations précédentes ; savoir, ou à la tête, ou au milieu, ou à la fin. Voilà donc pour trois lettres deux fois trois alternations ou six. Prenons une quatrieme lettre, elle pourra de même occuper quatre places différentes dans chacune des six alternations de trois lettres, ce qui fait six fois 4 ou 24 ; de même cinq lettres feront 24 fois 5 ou 120, & ainsi de suite. (O)


ALTERNATIVES. f. (Gramm.) Quoique ce mot soit le féminin de l'adjectif alternatif, il est pris substantivement quand il signifie le choix entre deux choses offertes. On dit en ce sens, prendre l'alternative de deux propositions, en approuver l'une, en rejetter l'autre. (F)


ALTERNEadj. se dit en général de choses qui se succedent mutuellement, ou qui sont disposées par ordre les unes après les autres, avec de certains intervalles. Il ne s'employe guere qu'en matiere de Sciences & d'Arts.

En Botanique, par exemple, on dit que les feuilles d'une plante sont alternes ou placées alternativement, lorsqu'elles sont disposées les unes plus haut que les autres, des deux côtés opposés de la tige ; la premiere d'un côté étant un peu plus bas que la premiere de l'autre ; la seconde de même, & ainsi de suite jusqu'au haut.

En Géométrie ; quand une ligne coupe deux droites paralleles, elle forme des angles intérieurs & extérieurs, que l'on appelle alternes, quand on les prend deux à deux au-dedans des paralleles, ou deux à deux au-dehors, l'un d'un côté de la sécante & enhaut, & l'autre de l'autre côté de la même sécante & en bas. Ainsi (dans les Planches de Géométrie, fig. 46.) a & b, b, & c, x & u, z & y, sont des angles alternes.

Les angles externes peuvent donc être alternes comme les internes. Voyez ANGLE & PARALLELE.

Raison alterne est une proportion qui consiste en ce que l'antécédent d'une raison étant à son conséquent comme l'antécédent d'une autre est à son conséquent, il y aura encore proportion, en disant : l'antécédent est à l'antécédent comme le conséquent est au conséquent. Par exemple, si A : B : : C : D ; donc en alternant, A : C : : B : D. Voyez RAISON, RAPPORT, &c. (E)

Alterné : on dit dans le Blason que deux quartiers sont alternés, lorsque leur situation est telle qu'ils se répondent en alternative, comme dans l'écartelé, où le premier quartier & le quatrieme sont ordinairement de même nature. (V)


ALTESSES. f. (Hist. mod.) titre d'honneur qu'on donne aux Princes. Voyez TITRE & QUALITE.

Les rois d'Angleterre & d'Espagne n'avoient point autrefois d'autre titre que celui d'Altesse. Les premiers l'ont conservé jusqu'au tems de Jacques I. & les seconds jusqu'à Charles V. Voyez MAJESTE.

Les princes d'Italie commencerent à prendre le titre d'Altesse en 1630 ; le Duc d'Orléans prit le titre d'Altesse royale en 1631, pour se distinguer des autres princes de France. V. ALTESSE ROYALE.

Le duc de Savoie, aujourd'hui roi de Sardaigne, prend le titre d'Altesse royale, en vertu de ses prétentions sur le royaume de Chypre. On prétend qu'il n'a pris ce titre que pour se mettre au-dessus du duc de Florence, qui se faisoit appeller Grand-Duc ; mais celui-ci a pris depuis le titre d'Altesse royale, pour se mettre à niveau du duc de Savoie.

Le prince de Condé est le premier qui ait pris le titre d'Altesse sérénissime, & qui ait laissé celui de simple Altesse aux princes légitimés.

On donne en Allemagne aux électeurs tant ecclésiastiques que séculiers, le titre d'Altesse électorale ; & les Plénipotentiaires de France à Munster, donnerent par ordre du Roi le titre d'Altesse à tous les princes souverains d'Allemagne.

ALTESSE ROYALE, titre d'honneur qu'on donne à quelques princes légitimes descendus des Rois.

L'usage de ce titre a commencé en 1633, lorsque le Cardinal Infant passa par l'Italie pour aller aux Pays-Bas ; car se voyant sur le point d'être environné d'une multitude de petits princes d'Italie, qui tous affectoient le titre d'Altesse, avec lesquels il étoit chagrin d'être confondu ; il fit ensorte que le duc de Savoie convînt de le traiter d'Altesse royale, & de n'en recevoir que l'Altesse. Gaston de France, duc d'Orléans, & frere de Louis XIII. étant alors à Bruxelles, & ne voulant pas souffrir qu'il y eût de distinction entre le Cardinal & lui, puisqu'ils étoient tous deux fils & freres de rois, prit aussi-tôt la même qualité ; & à leur exemple, les fils & petits-fils de rois en France, en Angleterre, & dans le Nord, ont aussi pris ce titre. C'est ainsi que l'ont porté monsieur Philippe de France, frere unique du roi Louis XIV. & son fils Philippe, régent du royaume, sous la minorité du Roi ; & l'on donna aussi le titre d'Altesse royale à la princesse sa doüairiere : au lieu qu'on ne donne que le titre d'Altesse sérénissime, aux princes des maisons de Condé & de Conti.

On ne donne point le titre d'Altesse royale à Monseigneur le Dauphin, à cause du grand nombre de Princes qui le prennent ; cependant Louis XIV. agréa que les cardinaux en écrivant à Monseigneur le Dauphin, le traitassent de Sérénissime Altesse Royale ; parce que le tour de la phrase italienne veut que l'on donne quelque titre en cette langue, & qu'après celui de Majesté, il n'y en a point de plus relevé que celui d'Altesse royale.

La Czarine aujourd'hui régnante, en désignant pour son successeur au throne de Russie, le prince de Holstein, lui a donné le titre d'Altesse impériale.

Les princes de la maison de Rohan ont aussi le titre d'Altesse ; & ceux d'entr'eux qui sont cardinaux, tels que M. le cardinal de Soubise évêque de Strasbourg, prennent le titre d'Altesse éminentissime. (G)

* ALTESSE, s. f. nom que donnent les Fleuristes à un oeillet d'un violet brun, qui de carné qu'il paroît d'abord, passe ensuite au blanc de lait.


ALTEXville maritime d'Espagne au royaume de Valence, sur la Méditerranée. Long. 18. 4. lat. 38. 40.


ALTHEA FRUTEou GUIMAUVE ROYALE, s. f. (Jardinage.) arbrisseau peu élevé, dont le bois est jaunâtre ; ses feuilles ressemblent à celles de la vigne, & ses fleurs sont en forme de clochettes, tantôt blanches, tantôt couleur de rose, tantôt violettes. Son fruit est plat & arrondi en pastille, avec des capsules qui en renferment la graine. On l'employe dans les plates-bandes, & on l'éleve de graine en l'arrosant souvent, parce qu'il aime naturellement les lieux humides. (K)


ALTIMÉTRIES. f. (Géom.) c’est l’art de mesurer les hauteurs, soit accessibles, soit inaccessibles. Ce mot est composé du Latin altus, haut, & du Grec μέτρον, mesure.

L'Altimétrie est une partie de la Géométrie pratique, qui enseigne à mesurer des lignes perpendiculaires & obliques, soit en hauteur ou en profondeur. Voyez GEOMETRIE, HAUTEUR, &c. (E)


ALTINS. m. (Commerce.) monnoie d'argent de Moscovie, qui vaut trois copées, & la copée vaut quinze sous deux deniers. Ainsi l'altin vaut quarante-cinq sous six deniers de France. Voyez COPEE.

* ALTIN, ville & royaume de même nom, en Afrique, dans la grande Tartarie, proche l'Obi. Long. 108. 3.


ALTKIRCKville de France, dans le Sundgow.


ALTOINS. m. (Commerce.) monnoie ; nom que l'on donne au sequin dans plusieurs provinces des états du Grand-Seigneur, particulierement en Hongrie. Voyez SEQUIN.


ALTORFville d'Allemagne dans le cercle de Franconie, au territoire de Nuremberg. Long. 28. 57. lat. 49. 25.


ALTUSen Musique. Voyez HAUTE-CONTRE.


ALTZEYville d'Allemagne, dans le bas Palatinat, capitale du territoire de même nom. Long. 25. lat. 49. 44.


ALUCOnom d'un oiseau dont il est parlé dans Belloni, Aldrovande, & Jonston. C'est une espece de hibou dont la grandeur varie ; il est gros tantôt comme un chapon, tantôt comme un pigeon ; son plumage est plombé & marqueté de blanc ; il a la tête grosse, couronnée de plumes, & sans oreilles apparentes ; son bec est blanc ; ses yeux grands, noirs, & couverts de plumes qui les renfoncent ; ses pattes velues & armées de serres longues & crochues. Il habite les ruines, les cavernes, le creux des chênes ; il rode la nuit dans les champs ; il vit de rats & d'oiseaux ; il a le gosier très-large, & son cri est lugubre ; sa chair contient beaucoup de sel volatil & d'huile ; son sang desséché & pulvérisé, est bon dans l'asthme ; sa cervelle fait agglutiner les plaies. La dose de sang pulvérisé est depuis un demi-scrupule jusqu'à deux scrupules.


ALUDES. f. basanne colorée, qui a l'envers velu, & dont on se sert pour couvrir les livres. Voy. BASANNE.


ALUDELS. m. terme de Chimie, qui se dit des vaisseaux qui servent à sublimer les fleurs des minéraux. Voyez SUBLIMATION, &c.

Les aludels consistent dans une suite de tuyaux de terre ou de fayence, ou plûtôt ce sont des pots ajustés les uns sur les autres, qui vont en diminuant à mesure qu'ils s'élevent ; ces especes de pots sont sans fond, si ce n'est le dernier qui sert de chapiteau aveugle.

Le premier aludel s'ajuste sur un pot qui est placé dans le fourneau ; & c'est dans ce pot d'en-bas qu'on met la matiere qui doit être sublimée. En un mot les aludels sont ouverts par les deux bouts, à l'exception du premier & du dernier : le premier est fermé par son fond, & le dernier est fermé par son sommet.

On employe plus ou moins d'aludels selon que les fleurs qu'on y veut sublimer doivent monter plus ou moins haut.

Voyez Pl. IV. Chim. fig. 8. aludel ou pot oval ouvert par les deux bouts. Fig. 9. aludels montés sur un fourneau a a ; b, porte du cendrier ; c, porte du foyer ; d d, regîtres du fourneau ; e, pot qui est au milieu des charbons ardens, & qui contient la matiere mise en sublimation ; f, premier aludel percé d'une porte gg, par laquelle on jette de la matiere ; h, 3e aludel ; i, 4e aludel ; k, 5e aludel fait en chapiteau aveugle & tubulé ; l, bouchon qui ferme le tube. (M)


ALUINou ALUYNE, (Botan.) nom que l'on a donné à l'absynthe. Voyez ABSYNTHE.


ALUNS. m. alumen, sel fossile & minéral d'un goût acide, qui laisse dans la bouche une saveur douce, accompagnée d'une astriction considérable. Ce mot vient du Grec ἅλς, sel, ou peut-être du Latin lumen ; parce qu’il donne de l’éclat aux couleurs. On distingue deux sortes d'alun, le naturel ou natif, & le factice, quoique celui-ci soit aussi naturel que l'autre. On a voulu faire entendre par cette épithete, qu'il faut faire plusieurs opérations pour le tirer de la mine, & que ce n'est qu'après avoir été travaillé que nous l'obtenons en crystaux ou en masses salines. A peine connoissons-nous aujourd'hui l'alun naturel. Les anciens au contraire en faisoient un très-grand usage : ils en distinguerent de deux sortes, le liquide & le sec. L'alun naturel liquide n'étoit pas absolument en liqueur. Il paroît par les descriptions, que cet alun étoit seulement humide & mouillé, & qu'il attiroit l'humidité de l'air. Ainsi on ne le disoit liquide, que pour le distinguer de l'alun sec. L'alun liquide étoit plus ou moins pur. Le plus pur étoit lisse & uni, quelquefois transparent, mais ordinairement nuageux. La surface de l'autre alun liquide étoit inégale, & il se trouvoit mêlé avec des matieres étrangeres, suivant la description des mêmes auteurs.

Les anciens distinguoient aussi deux sortes d'alun naturel sec ; ils le reconnoissoient aux différences de la figure & de la texture : ou il étoit fendu & comme la fleur de celui qui est en masse, car il étoit formé en mottes ou en lattes ; ou il se fendoit & se partageoit en cheveux blancs ; ou il étoit rond, & se distribuoit encore en trois especes ; en alun moins serré & comme formé de bulles ; en alun percé de trous fistuleux, & presque semblable à l'éponge ; en alun presque rond & comme l'astragale : ou il ressembloit à de la brique ; ou il étoit composé de croûtes. Et tous ces aluns avoient leurs noms.

M. de Tournefort trouva dans l'île de Milo de l'alun naturel liquide. Voici en peu de mots ce qu'il rapporte sur les mines de ce sel. Relation d'un voyage du Levant, tome I. p. 163. " Les principales mines sont à une demi-lieue de la ville de Milo, du côté de Saint-Venerande : on n'y travaille plus aujourd'hui. Les habitans du pays ont renoncé à ce commerce, dans la crainte que les Turcs ne les inquiétassent par de nouveaux impôts. On entre d'abord dans une caverne, d'où l'on passe dans d'autres cavités qui ont été creusées autrefois à mesure que l'on en tiroit l'alun. Ces cavités sont en forme de voûtes, hautes seulement de quatre ou cinq piés, sur neuf ou dix de largeur. L'alun est incrusté presque par-tout sur les parois de ces soûterrains. Il se détache en pierres plates de l'épaisseur de huit ou neuf lignes, & même d'un pouce. A mesure qu'on tire ces pierres, il s'en trouve de nouvelles par-dessous. La solution de cet alun naturel est aigrelette & styptique : elle fermente avec l'huile de tartre, & elle la coagule. Ce mêlange ne donne aucune odeur urineuse. On trouve aussi dans ces cavernes de l'alun de plume ; il vient par gros paquets, composés de filets déliés comme la soie la plus fine, argentés, luisans, longs d'un pouce & demi ou deux. Ces faisceaux de fibres s'échappent à-travers des pierres qui sont très-legeres & friables. Cet alun a le même goût que l'alun en pierre dont on vient de parler, & il produit le même effet quand on le mêle avec l'huile de tartre ".

Le nom d'alun de plume vient de ce que ces filets déliés sont quelquefois disposés de façon qu'ils ressemblent aux barbes d'une plume. On confond souvent cette sorte d'alun avec l'amiante ou pierre incombustible, parce que cette pierre est composée de petits filets déliés comme ceux de l'alun. M. de Tournefort rapporte que dans tous les endroits où il avoit demandé de l'alun de plume en France, en Italie, en Hollande, en Angleterre, &c. on lui avoit toûjours présenté une mauvaise espece d'amiante, qui vient des environs de Carysto dans l'île de Négrepont.

On fait encore à présent la même équivoque ; parce que l'alun de plume est si rare, que l'on n'en trouve presque plus que dans les cabinets des curieux. Il est cependant fort aisé de le distinguer de l'amiante : cette pierre est insipide. L'alun de plume au contraire a le même goût que l'alun ordinaire. " On rencontre, continue M. de Tournefort, à quatre milles de la ville de Milo vers le sud, sur le bord de la mer, dans un lieu fort escarpé, une grotte d'environ quinze pas de profondeur, dans laquelle les eaux de la mer pénetrent quand elles sont agitées. Cette grotte, après quinze ou vingt piés de hauteur, a ses parois revêtues d'alun sublimé, aussi blanc que la neige dans quelques endroits, & roussâtres ou dorées dans d'autres. Parmi ces concrétions on distingue deux sortes de fleurs très-blanches & déliées comme des brins de soie ; les unes sont alumineuses & d'un goût aigrelet, les autres sont pierreuses & insipides. Les filets alumineux n'ont que trois ou quatre lignes de longueur, & ils sont attachés à des concrétions d'alun : ainsi ils ne different pas de l'alun de plume. Les filets pierreux sont plus longs, un peu plus flexibles, & ils sortent des rochers ". M. de Tournefort croit qu'il y a beaucoup d'apparence que c'est la pierre que Dioscoride a comparée à l'alun de plume, quoiqu'elle soit sans goût & sans astriction, comme le dit ce dernier auteur, qui la distingue de l'amiante.

Les incrustations de la grotte dont on vient de parler, ne brûlent point dans le feu : il reste une espece de rouille après qu'elles sont consumées. On trouve de semblables concrétions sur tous les rochers qui sont autour de cette grotte : mais il y en a qui sont de sel marin sublimé, aussi doux au toucher que la fleur de la farine. On voit des trous dans lesquels l'alun paroît pur & comme friable ; si on le touche on le trouve d'une chaleur excessive. Ces concrétions fermentent à froid avec l'huile de tartre.

A quelques pas de distance de cette grotte, M. de Tournefort en trouva une autre dont le fond étoit rempli de soufre enflammé qui empêchoit d'y entrer. La terre des environs fumoit continuellement, & jettoit souvent des flammes. On voyoit dans quelques endroits du soufre pur & comme sublimé qui s'enflammoit à tout instant : dans d'autres endroits, il distilloit goutte à goutte une solution d'alun d'une stypticité presque corrosive. Si on la mêloit avec l'huile de tartre, elle fermentoit vivement.

On seroit porté à croire que cette liqueur seroit l'alun liquide dont Pline a parlé, & qu'il dit être dans l'île de Melos. Mais on peut voir dans Dioscoride que cette espece d'alun n'étoit pas liquide ; & que comme nous l'avons déjà dit, les descriptions que les anciens nous ont laissées de l'alun liquide, prouvent qu'il n'étoit point en liqueur.

On suit différens procédés pour faire l'alun factice ; & suivant les différentes matieres dont on se sert, on a ou l'alun rouge, ou le romain, ou le citronné, auxquels il faut ajoûter l'alun de plume, dont nous avons déjà fait mention, l'alun sucré, & l'alun brûlé.

Les mines d'alun les plus ordinaires sont 1°. les rocs un peu résineux : 2°. le charbon de terre : 3°. toutes les terres combustibles, brunes & feuilletées comme l'ardoise. La mine de charbon de terre de Laval au Maine, a donné de l'alun en assez grande quantité, dans les essais qu'en a fait M. Hellot de l'académie royale des Sciences de Paris, & de la société royale de Londres : 4°. plusieurs autres terres tirant sur le gris-brun. Il y en a une veine courante sur terre dans la viguerie de Prades en Roussillon, qui a depuis une toise jusqu'à quatre de largeur dans une longueur de près de 4 lieues, & qui est abondante. En général, lorsque le minéral qui contient l'alun a été mis en tas, & long-tems exposé à l'air, on voit fleurir l'alun à la surface du tas. Pour essayer ces matieres on en fait une lessive, comme on fait celle des pyrites calcinées par le vitriol. Cependant on ne calcine pas les mines d'alun qui ne sont pas sulphureuses. On réduit la lessive par ébullition dans la petite chaudiere de plomb, & on pese l'alun qui s'y trouve, après l'avoir fait secher. Voyez de la fonte des mines, des fonderies, &c. traduit de l'Allemand de Shlutter, publié par M. Hellot, tom. I. p. 260.

L'Angleterre, l'Italie, la Flandre, & la France, sont les principaux endroits où l'on fait l'alun. Les mines où se trouve l'alun de Rome sont aux environs de Civita-Vecchia ; on les appelle l'aluminiere della Tolfa. On y trouve une sorte de pierre fort dure qui contient l'alun. Pour en séparer ce sel, on commence par tirer la pierre de la mine, de même que nous tirons ici la pierre à bâtir ou le marbre de nos carrieres. Après avoir brisé ces pierres, on les jette dans un fourneau semblable à nos fourneaux à chaux, & on les y fait calciner pendant douze à quatorze heures au plus. On retire du fourneau les pierres calcinées, & on en fait plusieurs tas dans une grande place. Les monceaux ne sont point élevés ; on les sépare les uns des autres par un fossé rempli d'eau. Cette eau sert à arroser les monceaux trois ou quatre fois par jour pendant l'espace de quarante jours, jusqu'à ce que la pierre calcinée semble fermenter & se couvre d'une efflorescence de couleur rouge. Alors on met cette chaux dans des chaudieres pleines d'eau que l'on fait bouillir pendant quelque tems pour faire fondre le sel. Ensuite on transvase l'eau impregnée de sel, & on la fait bouillir pour la réduire jusqu'à un certain degré d'épaississement, & sur le champ on la fait couler toute chaude dans des vaisseaux de bois de chêne. L'alun se crystallise en huit jours dans ces vaisseaux ; il se forme contre leurs parois une croûte de quatre à cinq doigts d'épaisseur, composée de crystaux transparens, & d'un rouge pâle ; c'est ce qu'on appelle alun de roche, ou parce qu'il est tiré d'une espece de roche, ou parce qu'il est presqu'aussi dur que la roche.

Il y a en Italie une autre mine d'alun à une demi-lieue de Pouzzol du côté de Naples. C'est une montagne appellée le mont d'alun, ou les soufrieres, ou la solfatre ; en latin sulphureus mons, forum Vulcani, campi phlegraei, la demeure de Vulcain, les campagnes ardentes ; parce qu'on voit dans cet endroit de la fumée pendant le jour, des flammes pendant la nuit. Ces exhalaisons sortent d'une fosse longue de quinze cens piés & large de mille. On en tire beaucoup de soufre & d'alun. L'alun paroît sur la terre en efflorescence. On ramasse tous les jours cette fleur avec des balais, & on la jette dans des fossés remplis d'eau, jusqu'à ce que l'eau soit suffisamment chargée de ce sel. Alors on la filtre, & ensuite on la verse dans des bassins de plomb qui sont enfoncés dans la terre. Après que la chaleur soûterraine, qui est considérable dans ce lieu, a fait évaporer une partie de l'eau, on filtre de nouveau le résidu, & on le verse dans des vaisseaux de bois. Sa liqueur s'y refroidit, & l'alun s'y crystallise. Les crystaux de ce sel sont blancs transparens.

On trouve aussi dans le solfatre des pierres dures qui contiennent de l'alun. On les travaille de la même façon que celles de l'aluminiere della Tolfa.

Les mines d'alun d'Angleterre qui se trouvent dans les provinces d'York & de Lancastre, sont en pierres bleuâtres assez semblables à l'ardoise. Ces pierres contiennent beaucoup de soufre : c'est une espece de pyrite qui s'enflamme au feu, & qui fleurit à l'air : on pourroit tirer du vitriol de son efflorescence. On fait des monceaux de cette pierre, & on y met le feu pour faire évaporer le soufre qu'elle contient. Le feu s'éteint de lui-même après cette évaporation. Alors on met en digestion dans l'eau pendant vingt-quatre heures la pierre calcinée : ensuite on verse dans des chaudieres de plomb l'eau chargée d'alun. On fait bouillir cette eau avec une lessive d'algue marine, jusqu'à ce qu'elle soit réduite à un certain degré d'épaississement. Alors on y verse une assez grande quantité d'urine pour précipiter au fond du vaisseau le soufre, le vitriol, & les autres matieres étrangeres. Ensuite on transvase la liqueur dans des baquets de sapin. Peu-à-peu l'alun se crystallise & s'attache aux parois des vaisseaux. On l'en retire en crystaux blancs & transparens, que l'on fait fondre sur le feu dans des chaudieres de fer. Lorsque l'alun est en fusion, on le verse dans des tonneaux ; il s'y refroidit, & on a des masses d'alun de la même forme que les tonneaux qui ont servi de moules. On a aussi appellé cet alun, alun de roche, peut-être parce qu'il est en grandes masses, ou parce qu'il est tiré d'une pierre comme l'alun de l'aluminiere della Tolfa. Dans ces mines d'alun d'Angleterre, on voit couler sur les pierres alumineuses une eau claire d'un goût styptique. On tire de l'alun de cette eau en la faisant évaporer.

On trouve en Suede une sorte de pierre dont on peut tirer de l'alun, du vitriol & du soufre. C'est une belle pyrite fort pesante & fort dure, d'une couleur d'or, brillante, avec des taches de couleur d'argent. On fait chauffer cette pierre, & on l'arrose avec de l'eau froide pour la faire fendre & éclater. Ensuite on la casse aisément ; on met les morceaux de cette pierre dans des vaisseaux convenables sur un fourneau de reverbere ; le soufre que contient la pierre se fond, & coule dans des récipiens pleins d'eau. Lorsqu'il ne tombe plus rien, on retire la matiere qui reste dans les vaisseaux, & on l'expose à l'air pendant deux ans. Cette matiere s'échauffe beaucoup, jette de la fumée, & même une petite flamme que l'on apperçoit à peine pendant le jour ; enfin elle se réduit en cendres bleuâtres dont on peut tirer du vitriol par les lotions, les évaporations & les crystallisations. Lorsque le vitriol est crystallisé, il reste une eau crasse & épaisse que l'on fait bouillir avec une huitieme partie d'urine & de lessive de cendres de bois ; il se précipite au fond du vaisseau beaucoup de sédiment rouge & grossier. On filtre la liqueur, & on la fait évaporer jusqu'à un certain degré d'épaississement ; ensuite il s'y forme des crystaux d'alun bien transparens, que l'on appelle alun de Suede.

A Cypsele en Thrace, on prépare l'alun en faisant calciner lentement les marcassites, & les laissant ensuite dissoudre à l'air par la rosée & la pluie ; après quoi on fait bouillir dans l'eau, & on laisse crystalliser le sel. Belon, M. Rays. trav. tom. II. pag. 351.

Nous n'avons point été à portée de mettre en planches tous ces travaux ; & quand nous l'aurions pû, nous n'eussions pas été assez tentés de nous écarter de notre plan pour l'entreprendre. Nous nous contenterons de donner ici la maniere de faire l'alun qu'on suit à Dange, à trois lieues de Liege, & deux lieues d'Hui, l'appliquant à des planches que nous avons dessinées sur des plans exécutés en relief par les ordres de M. le comte d'Herouville, lieutenant-général, qui a eu la bonté de nous les communiquer. Ces plans ont été pris sur les lieux. Mais avant que d'entrer dans la manufacture de l'alun, le lecteur ne sera pas fâché sans doute de descendre dans la mine & de suivre les préparations que l'on donne à la matiere qu'on en tire sur le chemin de la mine à la manufacture ; c'est ce que nous allons expliquer, & appliquer en même-tems à des planches sur l'exactitude desquelles on peut compter.

Les montagnes des environs de la mine de Dange sont couvertes de bois de plusieurs sortes : mais on n'y trouve que des plantes ordinaires, des genievres, des fougeres, & autres. Les terres rapportent des grains de plusieurs especes & donnent des vins. L'eau des fontaines est legere, la pierre des rochers est d'un gris bleu céleste, elle a le grain dur & fin ; on en fait de la chaux. C'est derriere ces rochers qu'on trouve les bures pour le soufre, l'alun, le vitriol, le plomb & le cuivre. Plus on s'enfonce dans les profondeurs de la terre, plus les matieres sont belles. On y descend quelquefois de 80 toises ; on suit les veines de rochers en rochers ; on rencontre de très-beaux minéraux, quelquefois du crystal. Il sort de ces mines une vapeur qui produit des effets surprenans : une fille qui se trouva à l'entrée de la mine fut frappée d'une de ces vapeurs, & elle changea de couleur d'un côté seulement. On trouve dans les bois sous les hauteurs à dix piés de profondeur, plusieurs sortes de sable dont on fait du verre, du crystal, & de la fayance. Trois hommes commencent une bure ; ils tirent les terres, les autres les étançonnent avec des perches coupées en deux. Quand le percement est poussé à une certaine profondeur, on place à son entrée un tour avec lequel on tire les terres dans un panier qui a trois piés de diametre sur un pié & demi de profondeur. Six femmes sont occupées à tirer le panier, trois d'un côté du tour, trois de l'autre. Un broüetteur reçoit les terres au sortir du panier & les emmene. On conçoit que plus la bure avance, plus il faut de monde. Il y a quelquefois sept personnes dedans & sept au-dehors. De ceux du dedans les uns minent, les autres chargent le panier, quelques-uns étançonnent. Les hommes ont 20 sols du pays par jour, ou 28 sols de France ; les femmes 10 sols de France. Quand on est parvenu à 50 piés de profondeur, les femmes du tour tirent jusqu'à 200 paniers par huit heures. A dix piés on commence à rencontrer de la mine qu'on néglige. On ne commence à recueillir qu'à vingt à vingt-cinq piés. Quand on la trouve bonne, on la suit par des chemins soûterrains qu'on se fraye en la tirant ; on étançonne tous ces chemins avec des morceaux de bois qui ont six pouces d'équarrissage sur six piés de haut ; on place ces étais à deux piés les uns des autres sur les côtés ; on garnit le haut de petits morceaux de bois & de fascines ; quand les ouvriers craignent de rencontrer l'eau, ils remontent leur chemin.

Mais s'il arrive qu'on ne puisse éviter l'eau, on pratique un petit canal soûterrain qui conduise les eaux dans une bure qui a 90 piés de profondeur, & qui est au niveau des eaux : là il y a dix pompes sur quatre bassins, quatre au niveau de l'eau, trois au second étage, & trois au troisieme. Des canaux de ces pompes, les uns ont deux piés de hauteur, les autres quatre ou même cinq. Ces pompes vont par le moyen de deux grandes roues qui ont 46 piés de diametre, & qui sont mises en mouvement par des eaux qui se trouvent plus hautes qu'elles, & qui sont dans les environs. Cette machine qui meut les pompes s'appelle engin. La premiere pompe a 10 toises, la seconde 10, & celle du fond 10. Les trois verges de fer qui tiennent le piston ont 50 piés, & le reste est d'aspiration. La largeur de la bure a huit piés en quarré. L'engin & les pompes font le même effet que la machine de Marly, mais ils sont plus simples.

On jette le minéral qui contient l'alun dans de gros tas qui ont vingt piés de haut, sur soixante en quarré. Voyez Minéral. Pl. II. A, A, A, sont ces tas. On le laisse dans cet état pendant deux ans, pour qu'il jette son feu, disent les ouvriers. Au bout de deux ans, on en fait, pour le brûler, de nouveaux amas, qu'on voit même Planche en B, B, B, B. Ces amas sont par lits de fagots & lits de minéral, les uns élevés au-dessus des autres, au nombre de vingt, en forme de banquettes, comme on les voit. On a soin de donner de l'air à ces amas dans les endroits où l'on s'apperçoit qu'ils ne brûlent pas également ; c'est ce que fait avec son pic la fig. 1. Pour donner de l'air, l'ouvrier travaille ou pioche, comme s'il vouloit faire un trou d'un pié quarré : mais ce trou fait, il le rebouche tout de suite. On laisse brûler le minéral pendant huit à neuf jours, veillant à ce qu'il ne soit ni trop cuit ni pas assez cuit ; dans l'un & l'autre cas on n'en tireroit rien. Quand on s'apperçoit que la matiere est rougeâtre, & qu'elle sonne ; on s'en sert d'un côté (celui où l'on a commencé de mettre le feu) tandis que de l'autre côté on continue d'ajoûter à-peu-près la même quantité, ensorte que l'amas se reforme à mesure qu'il se détruit : c'est ce que font les deux fig. 2. & 3. l'une, 2. emporte la matiere brûlée avec sa broüette ; l'autre, 3. continue un lit avec sa hotte. Les Fêtes & les Dimanches n'interrompent point ce travail, qu'on pousse pendant 8 heures par jour. Deux hommes prennent la matiere brûlée pour la jetter dans les baquets d'eau ; & une douzaine de petits garçons & de petites filles refont le tas à l'autre extrémité. C, C, C, C, &c. D, D, D, D, &c. sont ces baquets. Les hommes ont trente sols de France par jour, & les enfans cinq sols.

On remarque que les arbres qui sont aux environs des tas du minéral en feu meurent, & que la fumée qui les tue ne fait point de mal aux hommes. Les baquets sont au nombre de douze, comme on les voit sur deux rangées C, C, C, C, C, C ; D, D, D, D, D, D ; six d'un côté, six d'un autre : ils ont chacun seize piés en quarré, sur un pié de profondeur. Ces douze baquets sont séparés par un espace, dans lequel on en a distribué trois petits E, E, E, qui ont chacun, sur trois piés de long, un pié & demi de large, & deux piés de profondeur. Il y a un petit baquet pour quatre grands ; quatre des grands, deux d'un côté C, C, & deux de l'autre D, D, communiquent avec un petit E. L'ouverture par laquelle les grands baquets communiquent avec les petits, est fermée d'un tampon, qu'on peut ôter quand on veut. Les broüetteurs portent sans cesse de la matiere du tas dans les grands baquets : ces grands baquets sont pleins d'eau ; ils reçoivent l'eau par le canal F ; le canal F prolongé en G, G, G, &c. fait le tour des douze grands baquets : ces grands baquets ont des ouvertures en H, H, H, &c. par lesquelles ils peuvent recevoir l'eau qui coule dans le canal G, G, G, qui les environne. Quand la matiere a trempé pendant vingt-quatre heures dans un grand baquet C 1, on laisse couler l'eau chargée de particules alumineuses dissoutes dans le petit baquet E, & on la jette de ce petit baquet E, dans le grand D 1, où elle reste encore à s'éclaircir : on continue ainsi à remplir les baquets C 1, C 2, C 3, &c. & les baquets D 1, D 2, D 3, &c. d'eau chargée de parties alumineuses, par le moyen des petits baquets E, E, E. Ces baquets sont tous faits de bois, de madriers & de planches, & le fond en est plancheyé. Quand on présume que l'eau est assez éclaircie dans les grands baquets C 1, C 2, C 3, &c. D 1, D 2, D 3, &c. on en ôte les bouchons, & on la laisse couler par le long canal E, E, E, &c. dans un réservoir F, qui est à 50 toises de-là : elle demeure deux à trois heures dans ce réservoir, puis on la laisse aller dans un autre réservoir I, qui est à deux cens toises du réservoir F, mais de sa même grandeur : ce dernier réservoir I (voyez Minéral. Planche III.) est derriere les chaudieres. Quand l'eau du réservoir I est claire, on s'en sert ; si elle ne l'est pas, on la laisse reposer. Quand elle est suffisamment reposée, on la laisse couler dans les deux chaudieres G, G ; ces chaudieres sont de plomb, & sont assises sur les fourneaux H, H, H. K, K, escaliers qui conduisent sur les fourneaux vers les chaudieres. L, L, cendriers. M, M ; portes des fourneaux par lesquelles on jette la houille. L'eau qu'on a introduite dans les chaudieres G, G, y reste vingt-quatre heures ; on les remplit à mesure que l'eau y diminue, non de l'eau du réservoir I, qui est derriere elles, mais d'une autre dont nous parlerons tout à l'heure. Quand on s'apperçoit que la matiere contenue dans les chaudieres G, G, est cuite, ce que l'on reconnoît à sa transparence & à son écume blanche, on la renvoye, soit par un canal, soit autrement, des chaudieres G, G, dans huit cuves M, M, M, M, &c. où elle reste pendant trois jours : au bout de trois jours on prend avec des écopes l'eau qui lui surnage dans les cuves M, M, M, M, &c. on la jette sur les canaux r, r, r, r, qui la conduisent dans les cuves p, p, où il ne reste plus qu'un sédiment qu'on prend avec des seaux, & qu'on remet dans les deux chaudieres du milieu ou d'affinage n, n. A mesure que la matiere diminue dans les chaudieres n, n, on les remplit avec d'autre eau claire. Quand la matiere tirée des chaudieres M, M, M, en une espece de pâte, & portée dans les chaudieres d'affinage n, n, est entierement fondue ou dissoute, on la décharge par un petit canal dans les tonneaux o, o, o, o, où elle crystallise. Les chaudieres G, G, ont cinq piés de largeur, deux & demi de hauteur du côté du bouchon ; de l'autre côté deux piés, & neuf piés de longueur. Les tonneaux o, o, o, ont trois piés de diametre sur six de hauteur. On laisse la matiere dans les tonneaux pendant neuf jours en automne, & pendant douze jours en hyver, sans y toucher, crainte de tout gâter. Le tonneau tient 2500. Quant aux chaudieres G, G, qu'on appelle chaudieres à éclaircir, on les remplit à mesure que l'eau y diminue avec de l'eau-mere : on entend par eau-mere, celle qui s'éleve à la surface des cuves M, M, M, &c. pendant que l'eau y séjourne ; on prend cette eau dans les cuves p, p, avec des seaux, & on la renvoye, selon le besoin, des cuves p, p, dans les chaudieres à éclaircir G, G. C'est ce que font les deux fig. 1. 2. dont l'une prend dans la cuve p, & l'autre jette sur les canaux de renvoi q, q, qui se rendent aux deux chaudieres à éclaircir G, G, qu'on entretient toûjours avec moitié de l'eau des cuves p, p, & moitié de l'eau du réservoir I. Les fours sont de la longueur de la chaudiere ; leur hauteur est coupée en deux par un grillage dont les barres ont trois pouces d'équarrissage, & cinq piés de longueur ; il y en a cinq en longueur, & trois en travers. Ce grillage ne s'étend qu'à la moitié de la capacité du four ; c'est sur lui qu'on met la houille ; il faut toutes les 24 heures deux tombereaux de houille pour les quatre fourneaux : ces tombereaux ont six piés de long, sur trois de large & trois de haut.

Il est bon d'observer que les chaudieres étant de plomb, il faut qu'elles soient garanties de l'action du feu par quelque rempart : ce rempart, c'est une grande plaque de fonte d'un pouce d'épaisseur H, H, H, qui couvre le dessus des fourneaux. Voyez la Planche III. de Minéralogie. On voit, Planche de la couperose, une coupe du fourneau ; A, porte du fourneau ; B, B, porte du cendrier ; C, C, la grille ; D, D, D, D, coupe de la chaudiere ; H, H, la cheminée ; I, K, L, hotte & tuyau de la cheminée.

On fait aussi de l'alun en France, proche les montagnes des Pyrénées.

L'alun est composé d'un acide qui est de la nature de l'acide vitriolique, puisque quand il est joint avec l'alkali du tartre, il donne un tartre vitriolé, comme feroit l'acide tiré du vitriol même. Cet acide, pour former l'alun, est uni à une terre qui est une espece de craie ; cette terre est particuliere, & semble tenir de la nature des matieres animales calcinées. L'alun donne par la décomposition quelque chose d'urineux, qui vient le plus souvent de l'urine dont on se sert pour le clarifier quand on le fabrique. D'ailleurs, l'alun pourroit donner un alkali volatil urineux, indépendamment de cette urine, parce qu'il contient un peu de bitume, qui combiné avec la terre de l'alun, peut donner un alkali volatil ; ce qu'on doit inférer des expériences que M. Maloüin a rapportées à l'Académie en 1746, en donnant l'analyse des eaux minérales de Plombieres. C'est de lui que nous tenons le reste de cet article.

L'alun est un remede qui, étant mis en oeuvre avec les précautions & la prudence nécessaires, appaise & guérit toutes les hémorrhagies en général, tant internes qu'externes. On peut donc s'en servir dans l'écoulement du sang, causé par l'ouverture de quelques vaisseaux dans les premieres voies ; dans le saignement de nez ; dans les crachemens & vomissemens de sang ; dans le flux des urines ensanglantées, & des hémorrhoïdes ; dans toutes les pertes de sang qui arrivent aux femmes, en quelque tems qu'elles leur surviennent, pendant leur grossesse, & après l'accouchement.

Enfin l'alun n'est pas moins efficace dans les hémorrhagies qui auroient été causées par un coup de feu, ou par quelque instrument tranchant, par quelque chûte, ou quelque coup de tête violent ; & dans celles même qui seroient la suite de quelques ulceres rongeans & invétérés.

La maniere dont agit l'alun est très-douce : on n'éprouve lorsqu'on en prend, d'autre changement dans le corps, que quelques maux de coeur legers : mais ils durent très-peu, & ne vont jamais jusqu'à faire vomir avec effort.

Quelques-uns prétendent qu'il est dangereux d'arrêter le sang par l'usage des astringens ; préjugé d'autant plus mal fondé à l'égard de l'alun, qu'il est détruit par l'expérience. Ce remede n'entraîne jamais de suite fâcheuse, pourvû néanmoins que les vaisseaux ayent été suffisamment désemplis, ou par les pertes, ou par les saignées ; c'est au Medecin à en décider. Le Medecin ne l'employera jamais dans les hémorrhagies critiques, ni dans les fievres violentes : c'est pourquoi il est toûjours nécessaire de consulter le Medecin sur son usage.

Au reste, la maniere d'en user doit être variée, ainsi que le régime, selon les différens tempéramens, & les différentes hémorrhagies.

La dose est depuis trois grains jusqu'à un demi-gros, incorporé avec un peu de miel rosat. M. Maloüin a trouvé que le cinnabre joint à l'alun, faisoit réussir mieux ce remede, sur-tout lorsqu'il s'agit de calmer les nausées, &c. Ce Medecin fait entrer un grain de cinnabre naturel dans chaque prise d'alun. Voyez sa Chimie médicinale. On donne l'alun dans les grandes hémorrhagies pressantes, de deux heures en deux heures, & nuit & jour. Lorsque les hémorrhagies seront moins vives, on le donnera de trois ou de quatre heures en quatre heures, & le jour seulement, si la chose n'est pas pressante.

Lorsque la perte de sang sera arrêtée, ce qui arrive ordinairement après la huitieme ou dixieme prise, on diminuera insensiblement pendant un mois l'usage de l'alun.

Les femmes ont quelquefois des pertes de sang extraordinaires, ou sont sujettes à en évacuer tous les mois en telle abondance, qu'elles s'en trouvent considérablement affoiblies.

Dans la vûe de modérer ces pertes sans les arrêter, on leur fera prendre le matin à jeun un demi-gros d'alun sept ou huit jours de suite avant le tems de l'évacuation ; elles continueront cette pratique pendant cinq ou six mois, sans quoi elles courent risque de devenir sujettes aux pertes blanches, qui peuvent devenir d'autant plus dangereuses, qu'elles sont quelquefois suivies de skirrhes ou d'ulceres.

Deux observations générales doivent être rapportées à toutes les especes de pertes de sang dont nous venons de parler ; la premiere, c'est que lorsqu'il y a des insomnies pendant la perte, on doit joindre à l'usage de l'alun, celui des narcotiques, ou du moins des calmans : la seconde, c'est que les grandes hémorrhagies sont presque toûjours suivies de dégoûts, d'altération, de lassitudes, d'inquiétudes & de douleurs de tête violentes, & de battemens des grosses arteres ; il faut aussi employer dans ces cas les calmans, & même les narcotiques, sur-tout lorsqu'il y a de l'insomnie. Voyez Helvetius, Traité des maladies.

On se sert extérieurement de l'alun dans les lotions astringentes ; & il entre dans différens cosmétiques, & dans plusieurs compositions pour nettoyer les dents.

C'est un des principaux ingrédiens des teintures & des couleurs, qui pour être comme il le faut, ne peuvent s'en passer. Il sert à affermir la couleur sur l'étoffe, & il a en cette occasion le même usage que l'eau gommée & les huiles visqueuses ; il dispose aussi les étoffes à prendre la couleur, & il lui donne plus de vivacité & de délicatesse, comme on voit clairement dans la cochenille & la graine d'écarlate.

Cet effet de l'alun semble être dû à sa qualité astringente, par le moyen de laquelle il bride les particules les plus fines des couleurs, les retient ensemble, & les empêche de s'évaporer. C'est par-là aussi qu'il empêche le papier, qui a été long-tems dans l'eau alumineuse, de boire lorsqu'on écrit dessus. Voyez COULEUR, TEINTURE.

L'alun sucré ressemble beaucoup au sucre ; c'est une composition d'alun ordinaire, d'eau-rose, & de blancs d'oeufs cuits ensemble en consistance de pâte, à laquelle on donne ensuite la forme que l'on veut ; étant refroidie, elle devient dure comme une pierre, on l'employe en qualité de cosmétique.

L'alun brûlé, alumen ustum ; c'est un alun calciné sur le feu, & qui par ce moyen devient plus blanc, plus leger, plus facile à pulvériser & caustique.

L'alun de plume, alumen plumosum, est une sorte de pierre minérale saline de différentes couleurs, ordinairement d'un blanc verdâtre, ressemblant au talc de Venise, excepté qu'au lieu d'écailles, elle a des filets ou fibres qui ressemblent à celles d'une plume, d'où lui vient son nom.

L'alun clarifie les liqueurs ; un peu d'alun jetté dans de l'eau divine, la clarifie de façon, qu'on n'est pas obligé de la filtrer. L'alun clarifie aussi l'encre ; on employe l'alun dans les fabriques de sucre, pour la propriété qu'il a de clarifier : ceux qui font profession de dessaler de la morue, se servent aussi d'alun.

Les Anatomistes & les Naturalistes mettent un peu d'alun dans l'eau-de-vie blanche, dans laquelle ils conservent des animaux, &c. pour conserver les couleurs.

Il y en a qui s'imaginent que l'alun a la secrette propriété d'appaiser les douleurs de rhûmatismes, lorsqu'on le porte sur soi : quelques personnes sujettes aux rhûmatismes, croyent s'en garantir, en portant dans leur poche, ou dans leur gousset, un morceau d'alun.

Alun purifié : on purifie l'alun comme la plûpart des autres sels, par la dissolution, la filtration, & la crystallisation. On prend de l'alun de Rome, on le fait fondre dans de l'eau bouillante, après l'avoir concassé ; on filtre la dissolution ; on en fait évaporer une partie, & on le porte dans un lieu frais, où l'alun se forme en crystaux, qu'on retire de l'eau, & qu'on fait sécher ; c'est l'alun purifié.

Alun teint de Mynsicht. Il y a eu dans le siecle passé une préparation d'alun en grande réputation : Mynsicht, qui étoit un grand medecin d'Allemagne, en fut l'auteur. Pour purifier l'alun, il en faisoit fondre deux onces dans de l'eau de chardon-bénit ; il y ajoûtoit une once de sang-de-dragon en poudre tamisée ; le tout ayant bouilli ensemble jusqu'à ce que l'alun fût dissous, il filtroit la dissolution, & la mettoit à crystalliser : il avoit par ce moyen un alun teint en rouge.

M. Helvetius qui a remis en France, comme il est encore en Allemagne, l'usage de l'alun pris en grande dose, faisoit par le feu ce que Mynsicht faisoit par l'eau ; c'est-à-dire, pour parler le langage de Chimie, Mynsicht employoit, pour purifier l'alun, la voie humide, & M. Helvetius se servoit de la voie seche. M. Helvetius faisoit fondre l'alun dans une cuilliere de fer sur le feu avec le sang de dragon en poudre ; il les mêloit bien ensemble, & après avoir retiré du feu la masse molle, il en formoit des pilules de la grosseur des pois ronds : il faut que plusieurs personnes se mettent à faire promptement ces pilules, parce que la masse se durcit en refroidissant.


ALUNERv. act. c'est une opération de Teinturier : toutes les étoffes qu'on veut teindre en cramoisi doivent être alunées. Ainsi aluner, c'est ou faire tremper dans l'alun, ou mettre au bain d'alun. Voyez TEINTURE.


ALUSdesert d'Arabie, où les Israëlites camperent le dixieme jour.


ALVE DE TORMESville d'Espagne au royaume de Léon, dans le territoire de Salamanque, sur la rive septentrionale de la riviere de Tormes. Long. 12. lat. 41.


ALVEATILUMen Anatomie, est la même chose que la conque. Voyez CONQUE. (L)


ALVÉOLAIREadj. f. en Anatomie, apophyse ou arcade de l'os maxillaire, dans l'épaisseur de laquelle les alvéoles sont creusées. Voyez MAXILLAIRE.

ALVEOLAIRES, voyez ALVEOLE. (L)


ALVÉOLESS. f. pl. en Anatomie, se dit des cavités dans lesquelles les dents sont placées. Voyez DENT. Ce mot vient du latin alveoli.

Les alvéoles dans le foetus ne sont pas toutes formées, & il n'y a dans chaque mâchoire que dix ou douze dents ; elles ont peu de profondeur, les cloisons qui les séparent sont très-minces ; on les distingue par dehors par autant de bosses ; leur entrée est fermée par la gencive, de maniere qu'elles demeurent dans cet état jusqu'à l'âge de six ou sept mois, ce qui étoit nécessaire pour que l'enfant ne blessât point le téton de la nourrice ; les germes des dents sont enfermés dans ces alvéoles. Voyez GERME.

Les alvéoles dans la mâchoire d'un adulte sont plus profondes, plus dures, & plus épaisses ; elles sont garnies d'une matiere spongieuse & d'un diploé qui sépare les racines des molaires, & elles sont en plus grand nombre ; elles peuvent se rélargir & se retrécir suivant que les causes de compression agiront du centre à la circonférence, & de la circonférence au centre : c'est ce qui fait que les alvéoles se dilatent quelquefois si fort, que les dents ne sont plus affermies dans ces cavités, & qu'elles disparoissent dans les jeunes comme dans les vieux sujets.

Les alvéoles sont tapissées d'une membrane très-sensible qui paroît être nerveuse, & qui enveloppe les racines de chaque dent : c'est de cette membrane & du nerf de la dent que vient la douleur appellée odontalgie, ou mal de dent. Voyez ODONTALGIE & MAL DE DENT. (L)

ALVEOLE, s. m. alveolus. On a donné ce nom aux petites cellules dont sont composés les gâteaux de cire dans les ruches des abeilles. V. ABEILLE. Elles construisent ces alvéoles avec la cire qu'elles ont avalée. On a vû au mot ABEILLE, que les ouvrieres, après avoir avalé la cire brute, la changeoient dans leur estomac en vraie cire. Voyez CIRE. L'abeille rend par la bouche la cire dont elle forme l'alvéole : cette cire n'est alors qu'une liqueur mousseuse, & quelquefois une espece de bouillie qu'elle pose avec sa langue, & qu'elle façonne avec ses deux dents ; on voit la langue agir continuellement & changer de figure dans les différentes positions où elle se trouve ; la pâte de cire se seche bientôt & devient de la vraie cire parfaitement blanche, car tous les alvéoles nouvellement faits sont blancs ; s'ils jaunissent, & même s'ils deviennent bruns & noirs, c'est parce qu'ils sont exposés à des vapeurs qui changent leur couleur naturelle. On ne peut pas douter que la cire ne sorte de la bouche de l'abeille ; car on la voit allonger un alvéole sans prendre de la cire nulle part, & sans en avoir aucune pelote à ses jambes ; elle n'employe pas d'autre matiere que celle qui sort de sa bouche ; il faut même qu'elle soit liquide pour être façonnée, ou au moins elle ne doit pas être absolument seche. On croit que les raclures d'un alvéole nouvellement fait, c'est-à-dire, les petites parties que les ouvrieres enlevent en le réparant, peuvent servir à en construire d'autres : mais il est certain qu'elles n'employent jamais de la cire seche ; on leur en a présenté sans qu'elles en ayent pris la moindre particule ; elles se contentent de la hacher pour en tirer tout le miel qui peut y être mêlé. Les alvéoles sont des tuyaux à six pans, posés sur une base pyramidale. Le fond de ces tuyaux est un angle solide, formé par la réunion de trois lames de cire de figure quadrilatérale ; chacune de ces lames a la figure d'un rhombe, dont les deux grands angles ont chacun à-peu-près, 110 degrés, & dont les deux petits angles ont par conséquent chacun environ 70 degrés. Cette figure n'est pas exactement la même dans tous les alvéoles ; il y en a où les lames du fond paroissent quarrées : on trouve même des cellules dont le fond est composé de quatre pieces, quelquefois il n'y a que deux de ces pieces qui soient de figure quadrilatérale, les autres ont plus ou moins de côtés. Enfin ces pieces varient de figure & de grandeur : mais pour l'ordinaire ce sont des losanges ou des rhombes plus ou moins allongés, & il n'y en a que trois ; elles sont réunies par un de leurs angles obtus, & se touchent par les côtés qui forment cet angle. Voilà une cavité pyramidale dont le sommet est au centre ; la circonférence a trois angles saillans ou pleins, & trois angles rentrans ou vuides. Chaque angle saillant est l'angle obtus d'un losange dont l'angle opposé est au sommet de la pyramide ; chaque angle rentrant est formé par les côtés des losanges qui ne se touchent pas, & qui sont par conséquent au nombre de six dans la circonférence du fond de l'alvéole. Ce fond est adapté à l'extrémité d'un tuyau exagone dont les pans sont égaux. Cette extrémité est terminée, comme les bords du fond, par trois angles saillans ou pleins, & par trois angles rentrans ou vuides placés alternativement. Les arêtes qui sont formées par la réunion des pans du tuyau exagone, aboutissent aux sommets des angles qui sont à son extrémité, alternativement à un angle saillant & à un angle rentrant. L'extrémité du tuyau étant ainsi terminée, le couvercle le ferme exactement ; ses angles saillans sont reçus dans les angles rentrans de l'extrémité du tuyau dont il reçoit les angles saillans dans ses angles rentrans. Il y a toûjours quelqu'irrégularité dans la figure des alvéoles. Les arêtes du tuyau exagone, qui devroient aboutir aux sommets des angles rentrans du fond, se trouvent un peu à côté. Ce défaut, si c'en est un, se trouve au moins dans deux angles, & souvent dans tous les trois ; soit parce que les losanges du fond ne sont pas réguliers, soit parce que les pans de l'exagone ne sont pas égaux ; il y en a au moins deux qui ont plus de largeur que les quatre autres, & qui sont opposés l'un à l'autre ; quelquefois on en trouve trois plus larges que les trois autres. Cette irrégularité est moins sensible à l'entrée de l'alvéole, que près du fond. Les tuyaux des alvéoles sont posés les uns sur les autres, & pour ainsi dire, empilés, de façon que leurs ouvertures se trouvent du même côté, & sans qu'aucune déborde de la surface du gâteau de cire qu'elles composent. Voy. GATEAU DE CIRE. L'autre face du gâteau est composée d'une pile de tuyaux disposés comme ceux de la premiere face ; de sorte que les alvéoles de l'une des faces du gâteau & ceux de l'autre face se touchent par leur extrémité fermée. Toutes les alvéoles d'un gâteau étant ainsi rangées, se touchent exactement sans laisser aucun vuide entre elles. On conçoit aisément qu'un tuyau exagone, tel qu'est un alvéole posé au milieu de six autres tuyaux exagones, touche par chacune de ses faces à une face de chacune des autres alvéoles ; de sorte que chaque pan pourroit être commun à deux alvéoles : ce qui est bien éloigné de laisser du vuide entr'eux. Supposons que les deux piles de tuyau qui composent le gâteau, & qui se touchent par leurs extrémités fermées, c'est-à-dire par leurs fonds, soient séparées l'une de l'autre, on verra à découvert la face de chaque pile sur laquelle paroîtront les parois extérieures des fonds des alvéoles. Ce fond qui est concave en-dedans, comme nous l'avons déjà dit, est convexe en-dehors, & forme une pyramide qui se trouve creuse lorsqu'on regarde dans l'intérieur de l'alvéole, & saillante à l'extérieur. Si on se rappelle la figure des parois intérieures du fond qui est composé de trois losanges, &c. on aura la figure des parois extérieures ; ce sont les mêmes losanges réunis par un de leurs angles obtus. Ils se touchent par les côtés qui forment cet angle. La circonférence est composée de trois angles saillans & de trois angles rentrans, & par conséquent de six côtés. Toute la différence qui se trouve à l'extérieur, c'est que le centre est saillant. Les tuyaux exagones des alvéoles étant disposés comme nous avons dit, considérons un alvéole, & les six autres alvéoles, dont il est environné. Les fonds pyramidaux de ces six alvéoles, forment, en se joignant avec le fond de l'alvéole qui est au centre, trois pyramides creuses & renversées, semblables à celles qui sont formées par les parois intérieures des fonds ; aussi ces pyramides renversées servent-elles de fond aux alvéoles qui remplissent l'autre face du gâteau que nous avons supposé être partagé en deux parties.

M. Koenig a démontré que la capacité d'une cellule à six pans & à fond pyramidal quelconque fait de trois rhombes semblables & égaux, étoit toûjours égale à la capacité d'une cellule à fond plat dont les pans rectangles ont la même longueur que les pans en trapese de la cellule pyramidale, & cela quels que soient les angles des rhombes. Il a aussi démontré qu'entre les cellules à fond pyramidal, celle dans laquelle il entroit le moins de matiere avoit son fond composé de trois rhombes dont chaque grand angle étoit de 109 degrés 26 minutes, & chaque petit angle de 70 degrés 34 minutes. Cette solution est bien d'accord avec les mesures précises de M. Maraldi, qui sont de 109 degrés 28 minutes pour les grands angles, & de 70 degrés 32 minutes pour les petits. Il est donc prouvé, autant qu'il peut l'être, que les abeilles construisent leurs alvéoles de la façon la plus avantageuse pour épargner la cire : cette sorte de construction est aussi la plus solide ; chaque fond d'alvéole est retenu par les pans des alvéoles qui se trouvent derriere : cet appui paroît nécessaire, car les fonds & les pans de l'alvéole sont plus minces que le papier le plus fin. Le bord de l'alvéole est trois ou quatre fois plus épais que le reste ; c'est une espece de bourlet qui le rend assez fort pour résister aux mouvemens des abeilles qui entrent dans l'alvéole & qui en sortent. Ce bord est plus épais dans les angles de l'exagone, que sur les pans ; il est pour ainsi dire presqu'impossible de voir dans les ruches, & même dans les ruches vitrées qui sont faites exprès pour l'observation, quelles sont les parties de l'alvéole que les abeilles forment les premieres. Il y a un moyen plus simple ; il faut prendre des gâteaux, surtout ceux qui sont nouvellement faits, & examiner les cellules qui se trouvent sur leurs bords, elles ne sont que commencées : il y en a dont la construction est plus ou moins avancée ; on a reconnu que les abeilles commençoient l'alvéole par le fond, qu'elles formoient d'abord un des rhombes ; elles élevent sur les deux côtés de ce rhombe, qui doivent se trouver à la circonférence du fond, la naissance de deux pans de l'exagone ; ensuite elles font un second rhombe du fond avec les commencemens de deux autres pans de l'exagone, & enfin le troisieme rhombe complete le fond, & deux pans qu'elles ajoûtent ferment l'exagone. Le fond étant fait, & le tuyau exagone commencé, elles l'allongent & le finissent en appliquant le bourlet sur les bords de l'ouverture. Elles construisent en même tems plusieurs fonds les uns à côté des autres ; & pendant que les unes font des cellules sur l'un des côtés de ces fonds, les autres en construisent de l'autre : de sorte qu'elles font les deux faces d'un gâteau en même tems. Il leur en faut beaucoup pour dresser les parois des cellules, pour les amincir, pour les polir : chaque cellule ne peut contenir qu'une ouvriere ; on la voit y entrer la tête la premiere ; elle ratisse les parois avec ses dents ; elle fait une petite pelote grosse comme la tête d'une épingle avec les particules de cire qu'elle a détachées, & à l'instant elle emporte la pelote : une autre fait la même manoeuvre, & ainsi de suite jusqu'à ce que l'alvéole soit fini.

Les alvéoles servent de dépôt pour conserver le miel, les oeufs, & les vers des abeilles : comme ces oeufs & ces vers sont de différente grosseur (Voyez ABEILLE), les abeilles font des alvéoles de différente grandeur pour les loger. Les plus petits sont pour les vers qui doivent se changer en abeilles ouvrieres ; le diametre de ces cellules est d'environ deux lignes 2/5, & la profondeur est de cinq lignes 1/2, & le gâteau composé de deux rangs de ces cellules a environ dix lignes d'épaisseur ; les cellules où doivent naître les faux bourdons sont profondes de huit lignes, souvent plus, & quelquefois moins ; elles ont trois lignes 17/50, ou à-peu-près trois lignes & un tiers de ligne de diametre pris dans un sens : mais le diametre qu'on prend en sens contraire est plus petit d'une neuvieme partie ; cette différence vient de ce que l'exagone de ces alvéoles a deux faces opposées plus petites que les quatre autres ; il y a aussi quelque différence, mais bien moins sensible entre les diametres des petites cellules. Les deux sortes d'alvéoles dont on vient de donner les dimensions, ne servent pas seulement à loger les oeufs & ensuite les vers ; souvent les abeilles les remplissent de miel lorsqu'elles les trouvent vuides. Il y a aussi des cellules dans lesquelles elles ne mettent jamais que du miel, celles-ci sont plus profondes que les autres : on en a vû qui n'avoient pas plus de diametre que les plus petites, & dont la profondeur étoit au moins de 10 lignes. Lorsque la récolte du miel est abondante, elles allongent d'anciens alvéoles pour le renfermer, ou elles en font de nouveaux qui sont plus profonds que les autres. Lorsque les parois de la ruche ou quelque autre circonstance gênent les abeilles dans la construction de leurs alvéoles, elles les inclinent, elles les courbent, & les disposent d'une maniere irréguliere.

Les alvéoles destinés à servir de logement aux vers qui doivent se métamorphoser en abeilles meres, sont absolument différens des autres alvéoles : on n'y voit aucune apparence de la figure exagone ; ils sont arrondis & oblongs ; l'un des bouts est plus gros que l'autre ; leur surface extérieure est parsemée de petites cavités. Ces cellules paroissent être grossierement construites, leurs parois sont fort épaisses ; une seule de ces cellules peut peser autant que 150 cellules ordinaires : le lieu qu'elles occupent semble être pris au hasard ; les unes sont posées au milieu d'un gâteau sur plusieurs cellules exagones ; d'autres sont suspendues aux bords des gâteaux. Le gros bout est toûjours en haut ; ce bout, par lequel les ouvrieres commencent la construction de l'alvéole, est quelquefois suspendu par un pédicule : mais à mesure que l'alvéole s'allonge, il s'étrécit ; enfin il est terminé par le petit bout qui reste ouvert. La cellule entiere a quinze ou seize lignes de profondeur ; lorsque ces, alvéoles ne sont qu'à demi faits, leur surface est lisse ; dans la suite les ouvrieres y appliquent de petits cordons de cire qui y forment des cavités. On croit que ces cavités sont les premiers vestiges des cellules ordinaires qui seront construites dans la suite sur ces grands alvéoles. Lorsque les abeilles femelles sont sorties de ceux qui pondent aux bords des gâteaux, les ouvrieres raccourcissent ces alvéoles, & les enveloppent en allongeant les gâteaux ; ils sont alors recouverts par des cellules ordinaires qui sont plus élevées dans cet endroit du gâteau, où il est plus épais qu'ailleurs. Il y a des ruches où il ne se trouve que deux ou trois grands alvéoles ; on en a vû jusqu'à quarante dans d'autres : c'est au printems qu'il faut chercher ces alvéoles ; car dans une autre saison ils pourroient tous être recouverts par d'autres cellules. Mém. de l'acad. royale des Sciences, 1712, & Mém. pour servir à l'histoire des insectes, par M. de Reaumur. (I)


ALVINS. m. on appelle alvin, tout le menu poisson qui sert à peupler les étangs & autres pieces d'eau : ainsi alviner un étang, c'est l'empoissonner en y jettant de l'alvin ; & l'alvinage est le poisson que les marchands rebutent, & que les pêcheurs rejettent dans l'eau. En plusieurs endroits on appelle l'alvin du norrain : en d'autres on dit du fretin, du menu fretin, de la menuisaille, & généralement du peuple. On se sert encore du mot de feuille, quoiqu'à parler juste, il y ait de la différence entre la feuille & l'alvin. Voyez FEUILLE.


ALVINIERESS. f. carpieres, forcieres ; ce sont de petits étangs où l'on tient le poisson, mais principalement les carpes mâles & femelles destinées à peupler.


ALYPUou FRUTEX TERRIBILIS, (Hist. nat.) arbuste qui s'éleve à environ une coudée ; sa racine est couverte d'une écorce noirâtre, sa longueur est de quatre à cinq pouces, & sa grosseur de près d'un pouce de diametre en son collet ; elle est garnie, ou plûtôt partagée en trois ou quatre grosses fibres ; ses branches sont couvertes d'une petite pellicule d'une couleur de rouge brun, déliées & cassantes ; ses feuilles placées sans ordre, tantôt par bouquets, tantôt isolées, quelquefois accompagnées à leurs aisselles d'autres petites feuilles, sont de différentes figures : les unes ressemblent aux feuilles du myrte ; les autres s'élargissent vers le bout, ou sont en trident, ou n'ont qu'une pointe. Les plus grandes ont environ un pouce de longueur, sur trois ou quatre lignes de largeur, & sont épaisses & d'un verd éclatant. Chaque branche porte une seule fleur, quelquefois deux, mais rarement : ces fleurs sont d'un beau violet, & ont environ un pouce de diametre ; elles sont composées de demi-fleurons, & de leur milieu s'élevent quelques étamines blanches, avec un petit sommet noirâtre. Ces fleurons finissent en trois pointes, & n'ont qu'environ trois lignes de long, sur une ligne de large : chaque demi-fleuron porte son embryon, qui, quand la fleur est passée, devient une semence garnie d'une espece d'aigrette. Toute la fleur est soûtenue par un calice composé de feuilles disposées en écailles, chacune desquelles n'a que deux ou trois lignes de long sur une ligne de large.

On lit dans Clusius, que les charlatans de l'Andalousie donnoient la décoction de cette plante pour les maladies vénériennes ; d'autres gens de même caractere la substituent au sené : mais la violente action de ce remede, qui n'a pas été nommé pour rien frutex terribilis, fait souvent repentir de son usage & ceux qui l'ordonnent, & ceux à qui il est ordonné. Mémoires de l'Académie des Sciences, 1712.

Cette plante a beaucoup d'amertume, son goût est aussi desagréable que celui du lauréole, & son amertume augmente beaucoup pendant six ans ; on la trouve en plusieurs endroits du Languedoc : mais elle croît principalement en abondance sur le mont de Cette, dans cette province, auprès de Frontignan ; c'est pour cette raison que les Botanistes lui ont donné le nom d'alypon montis Ceti. On trouve aussi l'alypum dans plusieurs endroits de Provence, surtout dans ceux qui sont voisins de la mer & situés au midi.

Elle est un violent cathartique, & ne purge pas avec moins de force la bile, le phlegme, & les humeurs aqueuses, que le tithymale. Mais nous ne saurions trop répeter qu'on ne doit se servir d'un remede si violent qu'avec beaucoup de précaution. (N)


ALYSSOIDES. f. herbe dont la fleur est composée de quatre feuilles disposées en croix ; il sort du calice un pistil qui devient dans la suite un fruit presqu'elliptique, gonflé, & assez gros ; ce fruit est partagé en deux loges par une cloison parallele aux deux portions qu'elle divise, & il renferme des semences applaties, arrondies, & entourées par un limbe. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE.


ALYSSONS. m. herbe dont les fleurs sont composées de quatre feuilles disposées en croix ; il sort du calice un pistil, qui devient dans la suite un fruit assez petit, relevé en bosse, & partagé en deux loges par une cloison qui est parallele aux portions qu'elle divise : ce fruit renferme des semences arrondies. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)


ALYTARCHIES. f. dignité de l'alytarque, qui duroit quatre ans. Voyez ci-dessous ALYTARQUE.


ALYTARQUES. m. (Hist. anc.) magistrat qui dans les jeux commandoit aux mastigophores, ou porte-verges, & leur faisoit exécuter les ordres de l'agonothete. (G)


ALZANS. m. (Manége.) poil de cheval tirant sur le roux. Ce poil a plusieurs nuances qu'on désigne par plusieurs épithetes ; savoir, alzan clair, alzan poil de vache, alzan bai, alzan vif, alzan obscur, alzan brûlé. On dit proverbialement alzan brûlé, plûtôt mort que lassé ; ce qui veut dire que les chevaux de ce poil sont si vigoureux, qu'ils ne se lassent jamais. (V)


AMvoyez HAMEÇON.


AM-KASS. m. (Hist. mod.) vaste salle dans le palais du grand-mogol, où il donne audience à ses sujets, & où il paroît les jours solemnels avec une magnificence extraordinaire. Son throne est soûtenu par six gros piés d'or massif, & tout semés de rubis, d'émeraudes & de diamans ; on l'estime soixante millions. Ce fut Cha-Gean pere d'Aurengzeb, qui le fit faire pour y exposer en public toutes les pierreries de son thrésor, qui s'y étoient amassées des dépouilles des anciens Patans & Rajas, & des présens que les Ombras sont obligés de faire au grand-mogol tous les ans à certaines fêtes. Les auteurs qui nous apprennent ces particularités, conviennent que tous ces ouvrages si riches pour la matiere, sont travaillés sans goût, à l'exception de deux paons couverts de pierreries & de perles, qui servent d'ornement à ce throne, & qui ont été faits par un François. Assez près de cette salle on voit dans la cour une tente qu'on nomme l'aspek, qui a autant d'étendue que la salle ou am-kas, & qui est renfermée dans un grand balustre couvert de lames d'argent ; elle est soûtenue par des piliers revêtus de lames de même métal : le dehors est rouge, & le dedans doublé de toiles peintes au pinceau, dont les couleurs sont si vives & les fleurs si naturelles, qu'elles paroissent comme un parterre suspendu. Bernier, Hist. du grand-Mogol. (G)


AMABYou AMVABYR, s. m. ancien mot anglois, qui signifie le prix de la virginité. C'étoit un droit qui se payoit au seigneur dans quelques provinces d'Angleterre, par celui qui épousoit la fille d'un de ses vassaux. Voyez MARQUETTE. (H)


AMACACHESS. m. pl. peuples de l'Amérique méridionale dans le Bresil, aux environs de la contrée de Saint-Sébastien de Rio-Janeiro.


AMACORE& AMACURE, riviere de l'Amérique septentrionale, qui tombe dans la Caribone, & se jette dans la mer du nord, aux environs de l'embouchure de l'Orenoque.


AMACUSAîle & province du Japon, avec une ville du même nom.


AMADABADgrande ville d'Asie, capitale du royaume de Guzurate, aux Indes orientales, dans l'empire du Mogol. Long. 90. 15. lat. 23.

Son commerce est d'étoffes de soie, de coton, pures ou mêlées de l'une & de l'autre, comme tulbandes, allégias, attelasses, baffetas & chilfes, brocards de draps d'or & d'argent, damas, satins, taffetas, velours, alcatifs d'or, d'argent, de soie, & de laine ; toiles de coton, blanches ou peintes, qui se font dans cette ville même, & qu'on transporte à Surate, à Cambaye, & à Boritschia. Le pays a de l'indigo, du sucre, des confitures, du cumin, du miel, de la laque, de l'opium, du borax, du gingembre, des mirobolans, du salpetre, du sel ammoniac, de l'ambre-gris, du musc, des diamans : ces trois dernieres marchandises sont d'importation. C'est d'Amadabad ou Amadabath, que viennent toutes les toiles bleues qui passent en Perse, en Arabie, en Abyssinie, à la mer Rouge, à la côte de Mélinde, à Mosambique, à Madagascar, à Java, à Sumatra, à Macassar, aux Moluques.

Boritschia ou Brotchia, ville du royaume de Gusarate, à 12 lieues de Surate, a aussi des manufactures de toiles de coton. On en fait aussi à Bisantagar, à Pettan, à Brodera, à Goga, à Chin, Pour, Nariaath, Vasset, &c.


AMADANville d'Asie, dans la Perse. Long. 65. 25. lat. 35. 15.


AMADESS. f. pl. On appelle ainsi dans le Blason, trois listes plates paralleles, dont chacune est large comme le tiers de la fasce ; elles traversent l'écu dans la même situation, sans toucher aux bords d'un côté ni d'autre. (V)


AMADIEville d'Asie, dans le Curdistan, sur une haute montagne. Long. 53. 30. lat. 36. 25.


AMADISc'est le nom que les Couturieres en linge donnent à une façon de manche ou de poignet, qui n'est guere d'usage qu'aux chemises de nuit. Les manches en amadis sont peu ouvertes ; sont doublées de la même toile qu'elles sont faites, depuis le poignet jusqu'au-dessus de la fente ou ouverture de la manche ; sont étroites & s'appliquent si exactement sur le bras, qu'elles ne bouffent point, & qu'à peine peuvent-elles se plisser. Les gens opulens les garnissent en-dessus de falbalas longs, ou de belle mousseline, ou même de dentelle. Le poignet n'a qu'une petite manchette de deux ou trois doigts au plus. On donne encore le nom d'amadis aux manchettes dont les femmes en couches se couvrent les bras.


AMADOUS. m. espece de meche noire qui se prépare en Allemagne avec une sorte de grands champignons ou d'excroissances qu'on trouve sur les vieux chênes, frênes, & sapins. On fait cuire ces excroissances dans de l'eau commune ; on les seche, on les bat ; on leur donne ensuite une forte lessive de salpetre ; on les remet sécher au four, & l'amadou est fait. On sait de quel usage il est pour avoir promptement du feu, par le moyen de l'acier & de la pierre à fusil.


AMAGEou AMAG, île du Danemark sur la mer Baltique, vis-à-vis de Copenhague, d'où l'on peut y passer sur un pont.


AMAGUANAîle de l'Amérique septentrionale, & une des Lucayes, près d'Hispaniola.


AMAIAAMAJA, AMAGIA, ville principale des Cantabres en Espagne, vers les confins des Asturies, à trois lieues de Villa-Diego, où l'on en voit encore les ruines.


AMAIGRIadj. se dit d'une terre usée & dénuée des sels nécessaires à la production des végétaux. On doit y remédier en l'engraissant. V. ENGRAIS. (K)


AMAIGRIRv. act. terme d'Architecture. Voyez DEMAIGRIR.

* AMAIGRIR, rendre maigre. L'usage fréquent de certains alimens desseche & amaigrit ; le travail l'a amaigri.

AMAIGRIR, v. n. il amaigrit tous les jours. Voyez MAIGREUR. (L)

* AMAIGRIR, en Sculpture, se dit du changement qui survient dans une figure de terre ou de plâtre nouvellement faite, lorsqu'en se séchant ses parties se resserrent, diminuent de grosseur, & deviennent moins nourries.

AMAIGRIR, v. a. en terme de Charpentier constructeur de vaisseau, c'est rendre un bordage ou une piece de bois moins épaisse. (Z)


AMALFIville d'Italie au royaume de Naples, sur la côte occidentale du golfe de Salerne. Long. 37. 7. lat. 40. 35.


AMALGAMATIONS. f. c'est en Chimie l'action d'amalgamer, c'est-à-dire de dissoudre ou d'incorporer un métal, spécialement l'or, avec le mercure. Voyez AMALGAME.

Cette opération est désignée chez les Chimistes par les lettres A A A. Voyez A A A.

L'amalgamation se fait en fondant, ou du moins en chauffant le métal, & en y ajoûtant alors une certaine proportion de mercure, en remuant les deux substances, qui par ce moyen s'incorporent ensemble. La trituration seule pourroit suffire pour faire cette dissolution, ou cet alliage du mercure avec les métaux : mais l'opération se fait mieux par la chaleur.

Tous les métaux, excepté le fer, s'unissent & s'amalgament plus ou moins facilement avec le mercure : mais l'or est celui de tous qui le fait le plus aisément ; ensuite l'argent, puis le plomb & l'étain ; le cuivre assez difficilement, & le fer point du tout. Il n'est cependant pas absolument impossible de le faire ; il paroît que Becker en a connu les moyens. Le remede de M. Desbois medecin de la faculté de Paris, est un alliage de fer & de mercure.

L'amalgamation de l'or se fait ordinairement en échauffant les lames ou feuilles d'or jusqu'à ce qu'elles soient rouges ; après quoi on verse le mercure dessus, & on remue le mêlange avec une petite baguette de fer jusqu'à ce qu'il commence à fumer ; alors on le jette dans un vaisseau plein d'eau, où il se fige & devient maniable.

Cette sorte de calcination est fort en usage chez les Orfevres & les Doreurs, qui par ce moyen rendent l'or fluide & ductile pour servir à leurs ouvrages.

Ce mêlange ou amalgame étant mis sur un autre métal, par exemple sur le cuivre, & le tout étant mis ensuite sur le feu à évaporer, l'or reste seul sur la surface du cuivre ; ce qui forme ce qu'on appelle dorure. Voyez DORURE.

On peut enlever la noirceur de l'amalgame en le lavant avec de l'eau, & on peut en séparer une portion de mercure en l'exprimant à-travers un linge ; le reste étant évaporé dans un creuset, l'or reste sous la forme d'une poudre impalpable, & dans cet état on l'appelle chaux d'or. Voyez OR. L'or retient environ trois fois son poids du mercure par l'amalgamation. (M)


AMALGAMES. m. en Chimie, est une combinaison ou un alliage du mercure avec quelqu'un des métaux. Voyez AMALGAMATION, MERCURE, METAL. Ce mot est formé du Grec ἄμα, simul, ensemble, & de γάμειν, jungere, joindre.

L'amalgame du mercure avec le plomb est une substance molle, friable, & de couleur d'argent. Voyez PLOMB.

Si on lave cet amalgame avec de l'eau bien claire & qui soit chaude, & qu'on le broye en même tems dans un mortier de verre, les impuretés du métal se mêleront avec l'eau ; & si l'on change l'eau & qu'on répete la lotion plusieurs fois, le métal se purifiera de plus en plus. Un des plus grands secrets de la Chimie, selon Boerhaave, c'est de trouver moyen d'avoir à la fin la liqueur aussi pure & aussi nette, que lorsqu'elle a été versée sur l'amalgame ; ce qui pourroit fournir une méthode d'annoblir les métaux, ou de les retirer des métaux moins précieux. V. TRANSMUTATION, PIERRE PHILOSOPHALE, &c.

Cette maniere philosophique de purifier les métaux, peut s'appliquer à tous les métaux, excepté au fer. Voyez AMALGAMATION.

Les amalgames s'amollissent par la chaleur, & au contraire se durcissent par le froid. Les métaux amalgamés avec le mercure, prennent une consistance molle & quelquefois presque fluide, selon la quantité du mercure qu'on y a employée.

On peut retirer les métaux du mercure & les remettre dans leur premier état par le moyen du feu. Le mercure est volatil, & cede bien plus aisément au feu que ne font les métaux ; c'est pourquoi en mettant l'amalgame sur le feu, le mercure se dissipe & le métal reste divisé en petites parties, ce qui est l'effet du mercure qui a dissous le métal qui est ainsi réduit en poudre, qu'on nomme quelquefois chaux. Voyez CHAUX D'OR.

Si on veut ne pas perdre ainsi le mercure par l'évaporation, il faut faire l'opération dans des vaisseaux clos, dans une cornue avec son récipient, & y faire distiller le mercure comme on fait dans la révivification du mercure de son cinnabre.

Et pour avoir le métal dans son premier état, tel qu'il étoit avant que d'en faire l'amalgame, on prend la poudre ou la chaux du métal, qui reste après en avoir retiré le mercure, & on fait fondre ce reste dans un creuset.

L'amalgame est un moyen dont on se sert dans plusieurs pays pour tirer l'or & l'argent de leurs mines. On broye ces mines avec du mercure qui se charge de ce qu'elles ont de fin, c'est-à-dire de ce qu'elles ont d'or ou d'argent, & qui ne se mêle point avec la terre, ni avec la pierre ; de sorte que le mercure étant retiré de la mine par son propre poids & par la lotion qu'on fait de ce mercure dans de l'eau, on retire par la cornue le mercure, qui laisse le métal qui étoit dans la mine. (M)


AMALGAMERv. act. Voyez AMALGAME & AMALGAMATION.


AMALTHÉES. f. c'est le nom de la chevre qui allaita Jupiter, & que ce dieu par reconnoissance plaça parmi les astres. Les Grecs ont fait d'une de ses cornes leur corne d'abondance. Voyez CHEVRE.


AMAMville de la tribu de Juda. Voyez Josué, xv. 26.


AMANport du royaume de Maroc sur la côte de l'Océan Atlantique, entre le cap Ger & celui de Canthin.


AMANAîle de l'Amérique septentrionale, & une des Lucayes.


AMANASîles turques au nord de l'île espagnole dans l'Amérique ; ce sont les plus orientales.


AMANBLUCÉES. f. toile de coton qui vient du Levant par la voie d'Alep.


AMANCEbourg de France en Lorraine sur l'Amance, ruisseau. Long. 23. 57. 9. lat. 48. 45. 5.


AMAN(SAINT-), ville des Pays-Bas dans le comté de Flandre, sur la Scarpe. Long. 21. 5. 42. lat. 50. 27. 12.

* AMAND (SAINT-), ville de France dans le Bourbonnois, sur le Cher & les confins du Berri. Longit. 20. lat. 46. 32.

* AMAND (SAINT-), petite ville de France dans le Gatinois, au diocèse d'Auxerre.


AMANDES. f. semence renfermée dans une écorce dure & ligneuse. Le composé de ces deux parties est appellé noyau. Voyez NOYAU. (I)

Les amandes sont douces ou ameres. Les amandes douces passent pour être nourrissantes : mais elles sont de difficile digestion, lorsqu'on en mange trop. On en fait avec le sucre différentes sortes de préparations, comme des massepains, des macarons ; on en tire l'orgeat, & une huile fort en usage en Medecine. Elle est excellente dans les maladies des poumons, la toux, les aigreurs d'estomac, l'asthme & la pleurésie. Sa qualité adoucissante & émolliente la rendent d'un usage admirable dans la pierre de la vessie, dans la gravelle, dans toutes les maladies des reins & de la vessie. Elle corrige les sels acres & irritans qui se trouvent dans l'estomac & les intestins ; elle est bonne pour la colique & la constipation. On en donne aux femmes enceintes quelque tems avant qu'elles accouchent. Elle abat les tranchées des enfans qu'elle purge, si on la mêle avec quelque sirop convenable.

L'amande douce contient beaucoup d'huile, peu de sel & de phlegme.

L'amande amere contient beaucoup d'huile, plus de sel que l'amande douce, peu de flegme ; c'est pourquoi l'huile d'amandes ameres se conserve plus long-tems, sans se rancir, que l'huile d'amandes douces. On employe les amandes ameres extérieurement, pour nettoyer & embellir la peau ; l'huile qu'on en tire est bonne pour la surdité, elle entre souvent dans les linimens anodyns. L'huile d'amandes ameres employée extérieurement est bonne pour les duretés des nerfs, pour effacer les taches de la peau, & pour dissiper la dureté du ventre des enfans. Selon quelques-uns, l'esprit-de-vin tartarisé empêche les huiles d'amandes douces & d'amandes ameres de devenir rances.

Les amandes douces procurent le sommeil, & augmentent la secrétion de la semence : les unes & les autres conviennent en tout tems, à tout âge, & à toutes sortes de tempéramens, pourvû qu'on en use modérément.

On exprime des amandes douces pilées & délayées dans l'eau, un lait que l'on fait boire aux gens maigres ou hectiques, aux pleurétiques, & qui leur fait un bien évident ; parce que ce lait contient beaucoup de parties huileuses balsamiques, propres à nourrir & rétablir les parties solides, à modérer le mouvement impétueux des humeurs & à adoucir leur acreté.

La différence du goût entre les amandes douces & les ameres, vient de ce que dans les douces il se trouve moins de sel, & que ce sel est parfaitement lié & retenu par des parties rameuses, de sorte qu'il ne peut faire qu'une impression très-legere sur la langue. Les ameres au contraire contiennent plus de sel acre, qui n'étant qu'à demi embarrassé par des parties huileuses, excite une sensation plus forte & plus desagréable.

L'huile d'amandes douces tirée sans feu est la meilleure ; elle soulage dans les douleurs, les spasmes & les convulsions. (N)

* Pour faire l'huile d'amandes douces, choisissez-les ; jettez-les dans l'eau chaude ; ôtez-en la peau ; essuyez avec un linge. Pilez dans un mortier ; mettez la pâte dans un sac de canevas, & le sac sous une presse, & vous aurez de l'huile sans feu.

Vous aurez de la même maniere l'huile d'amandes ameres ; vous observerez seulement de mettre la pâte chaude dans le sachet de canevas.

Vous confirez les amandes vertes, comme les abricots. Voyez ABRICOT. C'est encore la même méthode qu'il faut suivre pour les mettre en compote.

Si vous prenez pour deux livres d'amandes, une livre ou cinq quarterons de sucre ; que vous le fassiez cuire à la plume ; que vous y jettiez vos amandes ; que vous remuiez bien, pour les empêcher de prendre au fond ; que vous continuiez jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de sucre ; que vous les mettiez ensuite sur un petit feu ; que vous les y teniez jusqu'à ce qu'elles petent ; que vous les remettiez dans la poele, & les y teniez couvertes jusqu'à ce qu'elles soient essuyées : vous aurez des amandes à la praline grises.

Si quand vos amandes ont pris sucre, vous les laissez égoutter dans un poëslon, & qu'à cette égoutture vous ajoûtiez un peu d'eau, de cochenille, d'alun & de creme de tartre ; que vous fassiez bien cuire le tout, & que vous y jettiez vos amandes, vous les aurez pralines rouges.

Si vous vous contentez de les faire cuire dans du sucre préparé & cassé, vous les aurez blanches.

Prenez du sucre en poudre, du blanc d'oeuf, de la fleur d'orange, faites-en une glace ; roulez-y vos amandes pelées ; faites-leur prendre cette glace : dressez-les sur un papier ; mettez-les sur ce papier sécher à petit feu dans un four, & vous aurez des amandes glacées.

Si après avoir échaudé & pelé vos amandes, vous les jettez dans du blanc d'oeuf, & de-là dans du sucre en poudre ; si vous les glacez ensuite, recommençant de les remettre dans le blanc d'oeuf, de-là dans le sucre en poudre, & de les glacer jusqu'à ce qu'elles soient assez grosses ; vous aurez des amandes soufflées.

AMANDE, (Comm.) fruit très-dur & extrèmement amer, qui sert de basse monnoie aux Indes orientales, principalement où les cauris des Maldives n'ont point cours. Voyez CAURIS.

Ces amandes croissent & sont très-communes dans la Caramanie deserte ; on les envoye premierement à Ormus, île du golfe Persique, & d'Ormus elles passent dans une grande partie des Indes. La valeur de ces amandes va assez communément jusqu'à quarante-cinq à cinquante pour un pacha, petite monnoie de cuivre d'une valeur variable, de six à sept deniers de France.

AMANDE, en terme de Fourbisseur, est cette partie de la branche d'une garde d'épée qui en occupe le milieu, de figure un peu ovale comme la poignée, & enrichie de divers ornemens. Voyez la fig. 9. Pl. du Damasquineur, qui représente une garde d'épée : on donne le nom d'amande à l'endroit n de la branche qui est en ventre ou renflement oval.


AMANDÉS. m. c'est une boisson qui se fait de la maniere suivante. Pelez des amandes douces ; faites bouillir legerement dans de l'eau une demi-poignée d'orge mondé ; jettez cette eau ; faites bouillir votre orge une seconde fois, jusqu'à ce qu'il commence à crever ; retirez la décoction ; passez le tout par un linge ; pilez vos amandes ; à mesure qu'elles se mettent en pâte, délayez cette pâte avec la décoction d'orge. Vous aurez un lait dans lequel vous dissoudrez du sucre ; ajoûtez-y un peu de fleur d'orange, & vous aurez une boisson agréable au goût, rafraîchissante, somnifere, & nourrissante. Voyez AMANDIER.


AMANDEMENTS. m. (Agric.) c'est l'action d'amander une terre. Voyez AMANDER. (K)


AMANDERv. a. (Agriculture.) c'est améliorer une terre maigre & usée en y répandant de bon fumier, ou d'autres engrais convenables à sa nature. Il y a plusieurs sortes d'amandemens, tels que les fumiers, les terres, les cendres, les excrémens des animaux ; les curures des mares, des étangs, & les boues des rues. Voyez ENGRAIS. (K)


AMANDIERen latin amygdalus, arbre dont la fleur est composée de plusieurs feuilles disposées en rose ; il sort du calice un pistil qui devient dans la suite un fruit dur, ligneux, oblong, & recouvert d'une sorte d'écorce : ce fruit renferme une semence oblongue. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

L'amandier sert à recevoir les greffes des pêchers & des abricotiers. Ses feuilles & ses fleurs sont toutes semblables à celles du pêcher ; son fruit oblong & verdâtre forme une coque qui renferme une amande douce ou amere : c'est par ce moyen qu'il perpétue son espece. (K)

Sur le fruit de l'amandier, voyez AMANDE.


AMANDOURIsorte de coton qui vient d'Alexandrie par la voie de Marseille.


AMANGUERville d'Asie dans l'île de Nyphon, sur la côte occidentale de Jamaysoti, où elle a un port.


AMANSESS. f. plur. (Chimie.) mot barbare & factice, dont certains Alchimistes fantasques se servent pour dire, pierres précieuses contrefaites, ou pierres artificielles, ou factices. Voyez PIERRE. (M)


AMANTAMOUREUX, adject. (Gramm.) Il suffit d'aimer pour être amoureux ; il faut témoigner qu'on aime pour être amant. On est amoureux de celle dont la beauté touche le coeur ; on est amant de celle dont on attend du retour. On est souvent amoureux sans oser paroître amant ; & quelquefois on se déclare amant sans être amoureux. Amoureux désigne encore une qualité relative au tempérament, un penchant dont le terme amant ne réveille point l'idée. On ne peut empêcher un homme d'être amoureux ; il ne prend guere le titre d'amant, qu'on ne le lui permette. Voyez les Synon. de M. l'abbé Girard.


AMANTHEAville de Calabre sur la Méditerranée, vers le cap de Suraro.


AMANUSS. m. (Mythol.) dieu des anciens Perses. C'étoit, à ce qu'on croit, ou le soleil, ou le feu perpétuel qui en étoit une image. Tous les jours les mages alloient dans son temple chanter leurs hymnes pendant une heure devant le feu sacré, tenant de la vervaine en main, & la tête couronnée de tiares dont les bandelettes leur tomboient sur les joues.


AMAPAIAprovince de l'Amérique méridionale, dans la nouvelle Andalousie, près de l'Orenoque.


AMARACINONL'amaracinon étoit un onguent précieux, préparé avec des huiles essentielles & des substances aromatiques. Il n'est plus usité. L'auteur de cet onguent, ou, pour mieux dire, de ce baume précieux, lui a donné le nom d'amaracinon, vraisemblablement à cause de l'huile essentielle de marjolaine qui en faisoit la base, ou qui du moins y entroit ; car amaracinon paroît venir d'amaracus, marjolaine. (N)


AMARANTESS. m. pl. anciens peuples de la Colchide ; ils habitoient à la source du Phase, sur une montagne du nom d'Amarante.


AMARANTHES. f. (Bot. & Jard.) amaranthus, herbe dont les fleurs sont composées de plusieurs feuilles disposées en rose ; du milieu de ces fleurs il s'éleve un pistil, qui devient dans la suite un fruit en forme de boîte presque ronde ou ovale, qui se divise transversalement en deux pieces, & qui renferme des semences qui sont pour l'ordinaire arrondies. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

La fleur de l'amaranthe, qui ressemble à une panache en forme d'épi, d'une couleur de pourpre d'oranger, de rouge & de jaune, extrèmement vive & variée, s'éleve à la hauteur d'environ deux piés avec des feuilles larges, pointues, rougeâtres dans les bords, & d'un verd clair dans le milieu. Sa graine qui naît dans de petites capsules au milieu des fleurs, est ronde, petite, luisante, & ne vient qu'aux fleurs simples : elle fleurit au mois d'Août jusqu'à la fin de l'automne, & demande à être souvent arrosée, & à être élevée sur une couche avec des cloches ; le froid & le vent lui sont très-contraires.

On leve les amaranthes en mottes pour les transplanter dans les parterres, & garnir les pots remplis de fumier bien pourri, ou de bonne terre ; sans cette précaution elles auroient de la peine à reprendre.

On conserve leur graine dans des boîtes pendant l'hyver, ou plûtôt on garde la tige seche dans la serre ; & après que les fortes gelées sont passées, on l'égraine pour la semer ; ce qui lui donne le tems de bien mûrir. Elle se seme en Avril & en Mai. (K)


AMARANTHEAsurnom de Diane, pris de celui d'un village de l'Eubée, où elle étoit adorée.


AMARANTHOIDES. f. (Bot.) amaranthoides, genre de plante observé par le P. Plumier. Sa fleur est composée de fleurons rassemblés en forme de tête écailleuse ; il sort de l'axe plusieurs feuilles qui sont posées deux à deux, rangées comme des écailles faites en forme de tuile creuse, & ressemblantes en quelque sorte à des pattes d'écrevisses. Ces feuilles embrassent un fleuron entouré d'un calice ; il sort du fond un pistil qui tient comme un clou à la partie inférieure de la fleur, & qui est enveloppé d'une coëffe. Ce pistil devient dans la suite un fruit arrondi, avec une espece de queue crochue. Tournefort, Inst. rei herb. app. Voyez PLANTE.


AMARI(SAINT), ville d'Alsace.


AMARMOCHDYville du Zanguebar en Afrique, au royaume de Melinde, à la source de la riviere Quilimanco.


AMARQUES. f. terme de Marine ; c'est, ou un tonneau flottant & qu'on met dessus un banc de sable, ou un mât qu'on éleve sur une roche, pour que les vaisseaux qui viennent dans ce parage s'éloignent de l'endroit où ils voyent ces marques, qu'on appelle autrement balise ou boüée.


AMARRAGES. f. en termes de Marine, est l'ancrage du vaisseau, ou son arrêt, ou l'attache de ses agreils avec des cordages. Voyez AMARRES & SAISINE. Lorsqu'un vaisseau est desarmé, il n'y reste que les cables nécessaires à son amarrage. On appelle encore ainsi l'endroit auquel une grosse corde, ou une seule mise en double, est liée à une petite. Voyez AMARRER.


AMARREterme de Marine, c'est le commandement pour faire attacher ou lier quelque chose. On dit : amarre bas bord, amarre stribord ; pour dire, amarre à gauche, amarre à droite. Amarre à fil de carret, c'est faire amarrer les voiles de façon qu'on puisse les déployer aisément au besoin, en coupant les fils de carret. Voyez FILS DE CARRET.


AMARRERv. n. terme de Marine, qui signifie attacher ou lier fortement avec un cordage, soit un vaisseau, soit quelqu'une de ses parties, ou de ses agreils. On dit amarrer le cable, lorsqu'il faut l'attacher fortement à l'organeau de l'ancre. Amarrer deux cables, c'est les attacher ensemble avec un noeud ; ce qui est moins sûr, mais plûtôt fait qu'une épicure. Voyez EPICER.

Amarrer la grand'voile, c'est l'attacher fortement au mât dans l'endroit convenable.

Amarrer à terre, c'est lier le cordage à terre par un bout.

Amarrer une manoeuvre lorsqu'elle est assez filée. Voyez MANOEUVRE, FILER. Voyez ANCRE & ORGANEAU. (Z)

Amarrer a les mêmes significations sur la riviere ; c'est toûjours attacher par le moyen d'un cable : mais fermer est plus usité. Les voituriers par eau entendent encore par amarrer, s'approcher de terre.


AMARRESterme de Marine qui désigne les cordages avec lesquels on attache les agreils du vaisseau, ou les culasses des canons qui y sont placés. Ce sont aussi les cordes avec lesquelles on attache le vaisseau à des pieux, ou à des anneaux. On le dit aussi des cables qui servent à mouiller l'ancre : par exemple, ce navire a ses trois amarres dehors, c'est-à-dire, qu'il a mouillé ses trois ancres ; ce qui s'appelle mouiller en patte d'oie : ce vaisseau est sur les amarres, c'est-à-dire qu'il est à l'ancre. On dit larguer une amarre, pour dire détacher une corde. Nous fîmes couper l'amarre de notre chaloupe qui étoit à la toue. Voyez TOUE, MOUILLER.


AMARUMAYAriviere de l'Amérique méridionale, qui a sa source proche de Cusco, & se jette dans le fleuve des Amazones, au-dessous des îles Amagues.


AMASENville d'Afrique dans la Nigritie, sur le lac de Borno, capitale d'un petit royaume de son nom.


AMASIEville de Turquie dans la Natolie, capitale d'une contrée à laquelle elle donne son nom, près de la riviere de Casalmach. Long. 53. 40. lat. 39. 53.


AMASSERv. act. en Hydraulique. Pour amasser des eaux, il faut examiner si la source est découverte & peu profonde, si elle n'est point apparente, ou si elle est enfoncée dans les terres : on agira différemment suivant ces trois cas.

Lorsque la source est découverte, vous creusez seulement pour l'amasser un trou quarré, dont vous tirez les terres doucement, que vous soûtiendrez par des pierres seches. Dans l'endroit de l'écoulement, vous creusez une rigole dans les terres, ou une pierrée bâtie de blocailles ou pierres seches, que vous couvrez de terre à mesure que vous marchez. Si la source n'est pas apparente, on fera plusieurs puits éloignés de trente à quarante pas, & joints par des tranchées, qui ramasseront toutes les eaux. Dans le cas où la source est enfoncée plus avant dans la terre, vous creuserez jusqu'à l'eau un passage en forme de voûte par-dessous les terres, que vous retiendrez avec des planches & des étressillons. Lorsque vous aurez construit plusieurs de ces voûtes & des pierrées de communication, vous les conduirez dans une grande tranchée de recherche, dont les berges seront coupées en talus des deux côtés, en pratiquant des rameaux à droite & à gauche en forme de pattes d'oie, pour ramasser le plus d'eau que vous pourrez. Toutes ces pierrées, tranchées, & rameaux, se rendront par une petite pente douce, dans une seule & grande pierrée, qui portera l'eau dans le regard de prise, ou dans le réservoir.

On pratique depuis ce regard de 50 toises en 50 toises, des puisarts ou puits maçonnés, pour examiner si l'eau y coule, & en connoître la quantité. On marque le chemin de l'eau par des bornes, afin d'empêcher les plantations d'arbres dont les racines perceroient les tranchées & feroient perdre les eaux. (K)


AMASSETTEc'est une petite piece de bois, de corne, d'ivoire, &c. dont on se sert pour rassembler les couleurs après les avoir broyées sur la pierre. Voyez Planche de Peinture, figure 1.


AMASTREAMASTRIS, AMASTRIDE, ville ancienne & maritime de Paphlagonie sur le bord du Pont-Euxin ; on l'appelle aujourd'hui Amastro.


AMATELOTERse dit, en Marine, de deux matelots qui se prennent pour compagnons & associés, afin de se soulager réciproquement, & que l'un puisse se reposer quand l'autre fait le quart. (Z)


AMATEURS. m. c'est un terme consacré aux beaux Arts, mais particulierement à la Peinture. Il se dit de tous ceux qui aiment cet art, & qui ont un goût décidé pour les tableaux. Nous avons nos amateurs, & les Italiens ont leurs virtuoses. (R)


AMATHONTou AMATHUSE, ville de l'île de Chypre, où Vénus & Adonis avoient des autels. Quelques géographes croyent que c'est Limisso d'aujourd'hui ; d'autres disent que Limisso est à plus de sept milles des ruines d'Amathuse.


AMATHREnom qu'Homere a donné à une des cinquante Néréides.


AMATHUou AMATHONTE, ville de la tribu de Manassès, en-deçà du Jourdain.


AMATHUSIVénus fut ainsi nommée d'Amathonte dans l'île de Chypre, où elle étoit particulierement adorée.


AMATIQUEou S. THOMAS. Voyez THOMAS (Saint).


AMATIRterme de Monnoie, est l'opération de blanchir les flancs, ensorte que le métal en soit mat & non poli : en cet état on marque le flanc au balancier, d'où il sort ayant les fonds polis & les reliefs mats. La cause de ces deux effets est que la gravure des quarrés est seulement adoucie, au lieu que les faces sont parfaitement polies. La grande pression que le flanc souffre entre les quarrés fait qu'il en prend jusqu'aux moindres traits. Les parties polies des quarrés, doivent rendre polies celles du flanc qui leur correspondent ; au lieu que celles qui sont gravées & seulement adoucies, par conséquent encore remplies de pores qui sont imperceptibles chacun en particulier, mais dont le grand nombre fait que ces parties poreuses ne sont point luisantes, laissent sur le flanc autant de petits points en relief qu'elles ont de pores. C'est ce qu'on appelle le mat. Le blanchiment pour l'argent & la couleur pour l'or qui rendent les flancs mats dans toute leur étendue, sont des préparations indispensables pour avoir de belle monnoie, & que l'avidité des entrepreneurs leur fait négliger, quoiqu'ils soient payés pour les faire.

AMATIR, en terme d'Orfevre en grosserie, c'est ôter l'éclat & le poliment à certaines parties qui doivent servir comme d'ombre en les rendant graineuses & mattes, pour que celles auxquelles on laisse le poli paroissent avec plus d'éclat lorsque ce sont des reliefs. Au contraire, lorsque ce sont les fonds qui sont polis, certaines parties des reliefs sont mattes, afin qu'elles se détachent davantage des mêmes fonds, comme dans les médailles. Voyez MEDAILLES & MATOIR. On dit or mat & argent blanchi, lorsque les pieces faites de ces metaux n'ont point été polies après avoir été dérochées. Voyez POLIR & DEROCHER.


AMATITUEriviere de l'Amérique septentrionale en la nouvelle Espagne, qui se jette dans la mer Pacifique sur les confins de la province de Guaxaca.


AMATOriviere d'Italie dans la Calabre ; elle a sa source dans l'Apennin, & se jette dans la mer près du bourg de Sainte-Euphémie.


AMATRICEville d'Italie au royaume de Naples dans l'Abruzze ultérieure. Long. 31. 5. lat. 42. 53.


AMATZQUITLsive unedo papyracea Nieremberg. (Bot.) plante dont la substance est legere comme celle du figuier, dont la feuille ressemble à celle du citronnier, mais est plus velue & plus pointue, & dont le fruit est de la grosseur d'une noix, & plein de graine blanche de la même forme que celle de la figue. Cette plante aime les pays chauds & se trouve à Chietla ; la décoction de sa racine passe pour salutaire dans les maladies fébriles.


AMAUROSES. f. terme de Medecine, est une privation totale de la vûe sans qu'il y ait aux yeux aucun défaut apparent. Voyez OEIL, &c. Ce mot est francisé du Grec ἀμαυρῶσις qui signifie obscurcissement, étant derivé du verbe ἀμαυρόω, qui signifie obscurcir. Amaurosis est la même chose que le gutta serena des Latins. Voyez GOUTTE SEREINE. (N)


AMAUTASS. m. (Hist. mod.) philosophes du Pérou sous le regne des Incas. On croit que ce fut l'Inca Roca qui fonda le premier des écoles à Cusco, afin que les Amautas y enseignassent les sciences aux princes & aux gentilshommes ; car il croyoit que la science ne devoit être que pour la noblesse. Le devoir des Amautas étoit d'apprendre à leurs disciples les cérémonies & les préceptes de leur religion ; la raison, le fondement & l'explication des lois ; la politique & l'art Militaire ; l'Histoire & la Chronologie ; la Poésie même, la Philosophie, la Musique & l'Astrologie. Les Amautas composoient des comédies & des tragédies, qu'ils représentoient devant leurs rois & les seigneurs de la cour aux fêtes solemnelles. Les sujets de leurs tragédies étoient des actions militaires, les triomphes de leurs rois ou d'autres hommes illustres. Dans les comédies ils parloient de l'agriculture, des affaires domestiques, & des divers évenemens de la vie humaine. On n'y remarquoit rien d'obscene ni de rampant ; tout, au contraire, y étoit grave, sententieux, conforme aux bonnes moeurs & à la vertu. Les acteurs étoient des personnes qualifiées ; & quand la piece étoit joüée, ils venoient reprendre leur place dans l'assemblée, chacun selon sa dignité. Ceux qui avoient le mieux réussi dans leur rôle, recevoient pour prix des joyaux ou d'autres présens considérables. La poésie des Amautas étoit composée de grands & de petits vers, où ils observoient la mesure des syllabes. On dit néanmoins qu'au tems de la conquête des Espagnols ils n'avoient pas encore l'usage de l'écriture, & qu'ils se servoient de signes ou d'instrumens sensibles pour exprimer ce qu'ils entendoient dans les Sciences qu'ils enseignoient. Garcislasso de la Vega, Hist. des Incas, liv. II. & IV. (G)


AMAXHOBIENSanciens peuples de Sarmatie, dans le pays de Roxolanes, maintenant la Moscovie.


AMAXIEville ancienne de la Cilicie, féconde en bois propres pour la Marine.


AMAXITEancienne ville de la Troade, où Apollon eut un temple dont Chrysès fut grand-prêtre.


AMAZONES. f. (Hist. anc.) femme courageuse & hardie, capable de grands exploits. Voyez VIRAGO, HEROÏNE, &c.

Amazone, dans un sens plus particulier, est le nom d'une nation ancienne de femmes guerrieres, qui, dit-on, fonderent un empire dans l'Asie mineure, près du Thermodon, le long des côtes de la mer Noire.

Il n'y avoit point d'hommes parmi elles ; pour la propagation de leur espece, elles alloient chercher des étrangers ; elles tuoient tous les enfans mâles qui leur naissoient, & retranchoient aux filles la mammelle droite pour les rendre plus propres à tirer de l'arc. C'est de cette circonstance qu'elles furent appellées Amazones ; mot composé d' privatif, & de , mammelle, comme qui diroit sans mammelle, ou privées d'une mammelle.

Les auteurs ne sont pas tous d'accord qu'il y ait eu réellement une nation d'Amazones. Strabon, Paléphate, & plusieurs autres, le nient formellement : mais Hérodote, Pausanias, Diodore de Sicile, Trogue Pompée, Justin, Pline, Pomponius Mela, Plutarque, & plusieurs autres, l'assurent positivement. Hippocrate dit qu'il y avoit une loi chez elles, qui condamnoit les filles à demeurer vierges, jusqu'à ce qu'elles eussent tué trois des ennemis de l'état. Il ajoûte que la raison pour laquelle elles amputoient la mammelle droite à leurs filles, c'étoit afin que le bras de ce côté-là profitât davantage, & devînt plus fort.

Quelques auteurs disent qu'elles ne tuoient pas leurs enfans mâles ; qu'elles ne faisoient que leur tordre les jambes, pour empêcher qu'ils ne prétendissent un jour se rendre les maîtres.

M. Petit, medecin de Paris, a publié en 1681 une dissertation latine, pour prouver qu'il y a eu réellement une nation d'Amazones ; cette dissertation contient quantité de remarques curieuses & intéressantes sur leur maniere de s'habiller, leurs armes, & les villes qu'elles ont fondées. Dans les médailles, le buste des Amazones est ordinairement armé d'une petite hache d'armes appellée bipennis, ou securis, qu'elles portoient sur l'épaule, avec un petit bouclier en croissant que les Latins appelloient pelta, à leur bras gauche : c'est ce qui a fait dire à Ovide : de Ponto.

Non tibi amazonia est pro me sumenda securis,

Aut excisa levi pelta gerenda manu.

Des géographes & voyageurs modernes prétendent qu'il y a encore dans quelques endroits, des Amazones. Le P. Jean de Los Sanctos, capucin portugais, dans sa description de l'Ethiopie, dit qu'il y a en Afrique une république d'Amazones ; & Aenéas Sylvius rapporte qu'on a vû subsister en Bohème pendant neuf ans, une république d'Amazones fondée par le courage d'une fille nommée Valasca. (G)

AMAZONES, riviere des Amazones ; elle traverse toute l'Amérique méridionale d'occident en orient, & passe pour le plus grand fleuve du monde. On croit communément que le premier européen qui l'a reconnu, fut François d'Orellana, espagnol ; ce qui a fait nommer cette riviere par quelques-uns Orellana : mais avant lui, elle étoit connue sous le nom de Maranon (qu'on prononce Maragnon), nom qu'elle avoit reçû, à ce qu'on croit, d'un autre capitaine espagnol ainsi appellé. Orellana, dans sa relation, dit avoir vû en descendant cette riviere, quelques femmes armées dont un cacique indien lui avoit dit de se défier : c'est ce qui l'a fait appeller riviere des Amazones.

On prétend que ce fleuve prend sa source au Pérou ; après avoir traversé 1000 à 1200 lieues de pays, il se jette dans la mer du Nord sous la ligne. Son embouchure, dit-on, est de 80 lieues.

La carte très-défectueuse du cours de la riviere des Amazones, dressée par Sanson sur la relation purement historique d'un voyage de cette riviere que fit Texeira, accompagné du P. d'Acunha jésuite, a été copiée par un grand nombre de géographes ; & on n'en a pas eû de meilleure jusqu'en 1717, qu'on en publia une du P. Fritz jésuite, dans les Lettres édifiantes & curieuses.

Enfin M. de la Condamine, de l'académie royale des Sciences, a parcouru toute cette riviere en 1743 ; & ce voyage long, pénible, & dangereux, nous a valu une nouvelle carte de cette riviere plus exacte que toutes celles qui avoient précédé. Le célebre académicien que nous venons de nommer, a publié une relation de ce voyage très-curieuse & très-bien écrite, qui a été aussi insérée dans le volume de l'académie royale des Sciences pour 1745. Nous y renvoyons nos lecteurs, que nous exhortons fort à la lire. M. de la Condamine dit qu'il n'a point vû dans tout ce voyage d'Amazones, ni rien qui leur ressemble ; il paroît même porté à croire qu'elles ne subsistent plus aujourd'hui ; mais en rassemblant les témoignages, il croit assez probable qu'il y a eu en Amérique des Amazones, c'est-à-dire une société de femmes qui vivoient sans avoir de commerce habituel avec les hommes.

M. de la Condamine nous apprend dans sa relation, que l'Orenoque communique avec ce fleuve par la riviere Noire ; ce qui jusqu'à présent étoit resté douteux. (O)


AMAZONIUSnom donné au mois de Décembre par les flateurs de l'empereur Commode, en l'honneur d'une courtisanne qu'il aimoit éperdument, & qu'il avoit fait peindre en Amazone : ce prince par la même raison prit aussi le surnom d'Amazonius. (G)


AMBAvoyez MANGA.


AMBADARville de la haute Ethiopie, au royaume de Bagamedri, au pié des montagnes, entre les provinces de Savea & Dambea.


AMBAGESS. m. (Belles-Lettres.) mot purement latin, adopté dans plusieurs langues pour signifier un amas confus de paroles obscures & entortillées dont on a peine à démêler le sens ; ou un long verbiage, qui, loin d'éclaircir les choses dont il s'agit, ne sert qu'à les embrouiller. Voyez CIRCONLOCUTION.


AMBAIBAarbre qui croît au Brésil ; il est très-élevé ; son écorce ressemble à celle du figuier ; elle couvre une peau mince, épaisse, verte, & gluante ; son bois est blanc, comme celui du bouleau, mais plus doux & plus facile à rompre ; son tronc est de grosseur ordinaire, mais creux depuis la racine jusqu'au sommet ; sa feuille est portée sur un pédicule épais, long de deux ou trois piés, d'un rouge foncé en-dehors, & spongieux au-dedans ; elle est large, ronde, découpée en neuf ou dix lanieres, & chaque laniere a sa côte, d'où partent des nervures en grand nombre ; elle est verte en-dessus, cendrée en-dessous, & bordée d'une ligne grisâtre ; le haut du creux donne une espece de moelle que les Negres mettent sur leurs blessures : les fleurs sortent de la partie supérieure du tronc, & pendent à un pédicule fort court, au nombre de quatre ou cinq ; leur forme est cylindrique : elles ont sept à neuf pouces de long sur un pouce d'épaisseur ; leur cavité est pleine de duvet ; il y a aussi des amandes qui sont bonnes à manger, quand les fleurs sont tombées ; les habitans du Bresil font du feu avec sa racine seche, sans caillou ni acier ; ils pratiquent un petit trou ; ils fichent dans ce trou un morceau de bois dur & pointu qu'ils agitent avec beaucoup de vîtesse ; le bois percé est sous leurs piés, & le bois pointu est perpendiculaire entre leurs jambes ; l'agitation suffit pour allumer l'écorce.

On attribue à sa racine, à son écorce, à sa moelle, à sa feuille, au suc de ses rejettons, une si grande quantité de propriétés, que les hommes ne devroient point mourir dans un pays où il y auroit une douzaine de plantes de cette espece, si on en savoit faire usage. Mais je ne doute point que ceux qui habitent ces contrées éloignées, ne portent le même jugement de nos plantes & de nous, quand ils lisent les vertus merveilleuses que nous leur attribuons.


AMBAITINGcet arbre a la branche rougeâtre, le bois d'un tissu fort serré, & la feuille d'un verd éclatant au sommet, pâle à la base, mais d'un grain si rude, qu'elle polit comme la lime. On tire de l'ambaitinga une liqueur huileuse ; son fruit est large, menu, long comme la main, bon & doux au goût. Voyez l'hist. des plantes de Ray.


AMBALAMgrand arbre qui croît aux Indes, dont les branches s'étendent beaucoup ; qui aime les lieux sabloneux, dont le tronc est fort gros, & qui a la racine longue & fibreuse, le bois lisse & poli, l'écorce épaisse ; les plus grandes branches de couleur cendrée, les petites de couleur verte, & parsemées d'une poudre bleue ; les feuilles petites, irrégulieres, rangées par paires, oblongues, arrondies, excepté par le bout, deux fois aussi longues que larges, pointues, d'un tissu serré, douces, lisses, luisantes des deux côtés, d'un verd vif en-dessus, un peu plus pâles en-dessous, & traversées d'une côte qui distribue des nervures presqu'en tous sens. Les jets des grandes branches portent un grand nombre de fleurs à cinq ou six pétales minces, pointues, dures & luisantes ; ces fleurs contiennent dans un petit ovaire jaune le fruit qui doit venir ; cet ovaire est entouré de dix à douze étamines, selon le nombre des pétales. Les étamines sont déliées, petites, blanches & jaunes à leurs sommets. Il part du centre de l'ovaire cinq ou six petits styles : quand les boutons des fleurs viennent à paroître, l'arbre perd ses feuilles, & n'en pousse d'autres que quand le fruit se forme. Ce fruit pend des branches en grappes ; il est rond, oblong, dur, semblable à celui du mango, & d'un verd vif, quand il est presque mûr ; il jaunit ensuite ; il est acide au goût ; sa pulpe se mange ; il contient une amande dure, qui remplit toute sa cavité ; sa surface est recouverte de filets ligneux ; il est tendre sous ces filets ; l'arbre porte fleurs & fruits deux fois l'an. Les naturels du pays font de son suc mêlé avec le riz une espece de pain qu'ils appellent apen. On attribue à ses différentes parties, à ses feuilles, à son écorce, &c. plusieurs propriétés médicinales qu'on peut voir dans Ray.


AMBAREarbre des Indes grand & gros, à feuilles semblables à celles du noyer, d'un verd un peu plus clair, & parsemées de nervures qui les embellissent ; à fleurs petites & blanches, à fruit gros comme la noix, verd au commencement, d'une odeur forte, d'un goût âpre, jaunissant à mesure qu'il mûrit ; acquérant en même tems une odeur agréable, un goût aigrelet, & plein d'une moelle cartilagineuse & dure, parsemée de nervures ; on le confit avec du sel & du vinaigre ; il excite l'appétit & fait couler la bile. Lémery.


AMBARVALESadj. pl. pris sub. (Hist. anc.) fêtes ou cérémonies d'expiation que les Romains faisoient tous les ans dans les campagnes, pour obtenir des Dieux une abondante moisson. Voyez FETE, &c.

A cette fête ils sacrifioient une jeune vache, une truie, ou une brebis, après l'avoir promenée trois fois autour du champ ; ce qui fit donner à cette fête le nom d'ambarvales, lequel est dérivé d', autour, ou ambio, faire le tour, & de arva, champs ; d'autres, au lieu d'ambarvalia, écrivent ambarbalia & amburbia, & le font venir de ambio, faire le tour, & urbs, ville.

Du nom des animaux qu'on sacrifioit en cette fête, on la nommoit aussi suovetauriles, suovetaurilia. Voy. SUOVETAURILES.

Le carmen ambarvale étoit une priere qui se faisoit en cette occasion, dont Caton nous a conservé la formule, chap. cxlj. de re rusticâ.

Les prêtres qui officioient à cette solennité, s'appelloient fratres orvales. Voyez ORVALES & AGRICULTURE.

Cette fête se célébroit deux fois l'année, à la fin de Janvier, ou selon quelques auteurs, au mois d'Avril, & pour la seconde fois au mois de Juillet : mais on n'a rien de certain sur le jour auquel elle étoit fixée. (G)


AMBASSADEsub. f. (Hist. mod.) envoi que les princes souverains ou les états se font les uns aux autres de quelque personne habile & expérimentée pour négocier quelque affaire en qualité d'ambassadeur. Voyez AMBASSADEUR.

Le P. Daniel dit que c'étoit la coûtume, sous les premiers rois de France, d'envoyer ensemble plusieurs ambassadeurs qui composoient une espece de conseil : on observe encore quelque chose d'assez semblable à cela dans les traités de paix. L'ambassade de France à Nimegue, pour la paix, étoit composée de trois plénipotentiaires ; celle de Munster de deux, &c.

L'histoire nous parle aussi d'ambassadrices ; Mme la maréchale de Guébriant a été, comme dit Wicquefort, la premiere femme, & peut-être la seule, qui ait été envoyée par aucune cour de l'Europe en qualité d'ambassadrice. Matth. liv. IV. vie d'Henri IV. dit que le roi de Perse envoya une dame de sa cour en ambassade vers le grand-seigneur pendant les troubles de l'Empire.


AMBASSADEURS. m. (Hist. mod.) ministre public envoyé par un souverain à un autre, pour y représenter sa personne. Voyez MINISTRE.

Ce mot vient de ambasciator, terme de la basse latinité, qui a été fait de ambactus, vieux mot emprunté du gaulois, signifiant serviteur, client, domestique ou officier, selon Borel, Ménage, & Chifflet d'après Saumaise & Spelman : mais les jésuites d'Anvers, dans les act. sancti Mart. tome II. page 128. rejettent cette opinion, parce que l'ambact des Gaulois avoit cessé d'être en usage long-tems avant qu'on se servît du mot latin ambascia ; cependant cela n'est pas strictement vrai, car on trouve ambascia dans la loi salique, tit. xjx. qui s'est fait d'ambactia, en prononçant le t comme dans actio ; & ambactia vient d'ambactus, & ce dernier d'ambact. Lindenbroeg le dérive de l'allemand ambacht, qui signifie oeuvre, comme si on se loüoit pour faire quelque ouvrage ou légation. Chorier est du sentiment de Lindenbroeg au sujet du même mot, qui se trouve dans la loi des Bourguignons. Albert Acharisius en son dictionnaire italien, le dérive du latin ambulare, marcher ou voyager. Enfin les jésuites d'Anvers, à l'endroit que nous venons de citer, disent que l'on trouve ambascia dans les lois des Bourguignons, & que c'est delà que viennent les mots ambassicatores & ambasciatores, pour dire les envoyés, les agens d'un prince ou d'un état, à un autre prince ou état. Ils croyent donc que chez les barbares qui inonderent l'Europe, ambascia signifioit le discours d'un homme qui s'humilie ou s'abaisse devant un autre, & qu'il vient de la même racine qu'abaisser, c'est-à-dire de an ou am & de bas.

En latin nous nommons ce ministre legatus ou orator : cependant il est certain que ce mot ambassadeur a chez nous une signification beaucoup plus ample que celui de legatus chez les Romains ; & à la reserve de la protection que le droit des gens donne à l'un & donnoit à l'autre, il n'y a presque rien de commun entr'eux. Voyez LEGATUS.

Les ambassadeurs sont ou ordinaires ou extraordinaires.

AMBASSADEUR ORDINAIRE, est celui qui réside en la cour d'un autre prince par honneur, pour entretenir réciproquement une bonne intelligence, pour veiller aux intérêts de son maître, & pour négocier les affaires qui peuvent survenir. Les ambassadeurs ordinaires sont d'institution moderne ; ils étoient inconnus il y a 200 ans : avant ce tems-là tous les ambassadeurs étoient extraordinaires, & se retiroient sitôt qu'ils avoient achevé l'affaire qu'ils avoient à négocier. Voyez ORDINAIRE.

AMBASSADEUR EXTRAORDINAIRE, est celui qui est envoyé à la cour d'un prince pour quelque affaire particuliere & pressante, comme pour conclure une paix ou un mariage, pour faire un compliment, &c. Voyez EXTRAORDINAIRE.

A la vérité il n'y a nulle différence essentielle entre ambassadeur ordinaire & ambassadeur extraordinaire : le motif de leurs ambassades est tout ce qui les distingue : ils joüissent également de toutes les prérogatives que le droit des gens leur accorde.

Athenes & Sparte florissantes, dit M. Tourreil, n'avoient autrefois rien tant aimé que de voir & d'entendre dans leurs assemblées divers ambassadeurs qui recherchoient la protection ou l'alliance de l'une ou de l'autre. C'étoit, à leur gré, le plus bel hommage qu'on leur pût rendre ; & celle qui recevoit le plus d'ambassades, croyoit l'emporter sur sa rivale.

A Athenes, les ambassadeurs des princes & des états étrangers montoient dans la tribune des orateurs pour exposer leur commission & pour se faire mieux entendre du peuple : à Rome ils étoient introduits au sénat, auquel ils exposoient leurs ordres. Chez nous les ambassadeurs s'adressent immédiatement & uniquement au Roi.

Le nom d'ambassadeur, dit Cicéron, est sacré & inviolable : non modo inter sociorum jura, sed etiam inter hostium tela incolume versatur. In Ver. orat. VI. Nous lisons que David fit la guerre aux Ammonites pour venger l'injure faite à ses ambassadeurs. Liv. II. des Rois, chap. x. Alexandre fit passer au fil de l'épée les habitans de Tyr, pour avoir insulté ses ambassadeurs. La jeunesse de Rome ayant outragé les ambassadeurs de Vallonne, fut livrée entre leurs mains pour les en punir à discrétion.

Les ambassadeurs des rois ne doivent point aller aux noces, aux enterremens, ni aux assemblées publiques & solemnelles, à moins que leur maître n'y ait intérêt : ils ne doivent point aussi porter le deuil, pas même de leurs proches, parce qu'ils représentent la personne de leur prince, à qui il est de leur devoir de se conformer en tout.

En France le nonce du pape a la préséance sur tous les autres ambassadeurs, & porte la parole en leur nom, lorsqu'il s'agit de complimenter le Roi.

Dans toutes les autres cours de l'Europe l'ambassadeur de France a le pas sur celui d'Espagne, comme cette couronne le reconnut publiquement au mois de Mai 1662, dans l'audience que le roi Louis XIV. donna à l'ambassadeur d'Espagne, qui, en présence de vingt-sept autres tant ambassadeurs qu'envoyés des princes, protesta que le roi son maître ne disputeroit jamais le pas à la France. Ce fut en réparation de l'insulte faite à Londres l'année précédente par le baron de Batteville ambassadeur d'Espagne, au comte d'Estrades ambassadeur de France : on frappa à cette occasion une médaille. (G)


AMBELAarbre que les Indiens appellent charamei, & les Perses & les Arabes ambela. Il y en a de deux especes : l'une est aussi grande que le nefflier ; elle a la feuille du poirier & le fruit semblable à la noisette, mais anguleux & aigrelet. On le confit dans sa maturité, & on le mange avec du sel. L'autre espece est de la même grandeur : mais sa feuille est plus petite que celle du poirier, & son fruit plus gros. Les Indiens font bouillir son bois avec le santal, & prennent cette décoction dans la fievre.

Le premier ambela croît sur les bords de la mer ; le second en terre ferme. L'écorce de la racine de l'un & de l'autre donne un lait purgatif, qu'on fait prendre avec le suc d'une dragme de moutarde pilée, à ceux qui sont attaqués d'asthme. L'on arrête l'effet de ce purgatif quand il agit trop, avec de la décoction de riz, qu'on garde deux ou trois jours pour la rendre aigre. Le fruit de l'ambela se mange. On le confit. On l'employe aussi dans les ragoûts. Voyez Bot. de Parkinson.


AMBERriviere d'Allemagne dans la Baviere, qui a sa source à deux lieues de Fuxsen, & se joint à l'Iser au-dessus de Landshut.


AMBERGville d'Allemagne dans le Nordgow, capitale du haut Palatinat de Baviere sur la riviere de Wils. Long. 29. 30. lat. 49. 26.


AMBERTville de France dans la basse Auvergne, chef-lieu du Livradois. Long. 21. 28. lat. 45. 28.


AMBEZASse dit au trictrac de deux as qu'on amene en joüant les dés. Voyez AS, RAFLE & TRICTRAC.


AMBIS. m. machine ou instrument de Chirurgie, inventé par Hippocrate pour réduire la luxation du bras avec l'épaule. Voyez LUXATION. Il est composé de deux pieces de bois jointes ensemble par une charniere : l'une sert de pié & est parallele au corps ; l'autre piece est parallele au bras qui y est attachée par plusieurs lacs, & elle fait avec la premiere piece un angle droit qui se trouve placé précisément sous l'aisselle. V. les fig. 10. & 12. Pl. IV. de Chirurgie.

Pour se servir de l'ambi, on lie le bras sur le levier dont la charniere est le point fixe ; & en appuyant avec force sur l'extrémité du levier, on lui fait décrire une courbe pour approcher cette extrémité du pié de l'instrument : ce mouvement fait en même tems l'extension, la contre-extension & la réduction de l'os.

Cette machine a quelques avantages : le bras peut y être placé de façon que les muscles soient relâchés ; elle a une force suffisante, & on pourroit même lui en donner davantage en allongeant le bout de son levier. L'extension & la contre-extension sont également fortes, puisque la même cause les produit en même tems. Mais l'ambi a aussi des défauts considérables, en ce que la tête de l'os peut être poussée dans sa cavité avant que les extensions ayent été suffisantes. On risque alors de renverser en-dedans ou le rebord cartilagineux, ou la capsule ligamenteuse. Au reste cette machine ne pourroit convenir tout au plus que pour la luxation en-dessous, & on sait que le bras se luxe fort facilement en-devant & en-dehors. M. Petit a inventé une machine qui convient également à toutes les especes de luxation du bras. Voyez MACHINE pour la luxation du bras. (Y)


AMBIA-MONARD(Med.) bitume liquide jaune, dont l'odeur approche de celle du tacamahaca ; il est résolutif, fortifiant, adoucissant : il guérit les dartres, la gratelle. On s'en sert pour les humeurs froides : il a les mêmes vertus que les gommes. (N)


AMBIAMville & royaume d'Ethiopie, vers le lac Zaflan.


AMBIANCATIVEville & royaume d'Ethiopie, entre la Nubie & le Bagamedri.


AMBIANTadj. se dit en Physique de ce qui forme comme un cercle ou une enveloppe à l'entour de quelque chose ; ce qu'on appelle ambiens en Latin, ou circumambiens, comme l'atmosphere qui enveloppe la terre & tout ce qu'elle porte : ainsi on dit l'air ambiant pour l'air environnant ; les corps ambians pour les corps environnans. Voyez AIR. (O)


AMBIBARIENSpeuples de l'ancienne Gaule : on croit que ce sont aujourd'hui ceux du diocèse d'Avranches.


AMBIDEXTREadj. pris subst. (Jurispr.) qui se sert des deux mains avec une aisance égale. Voy. MAIN. Ce mot vient du Latin ambidextra, composé de ambo, les deux, & dextra, main droite, fait à l’imitation du mot Grec ἀμφιδέξιος, qui signifie la même chose. Hippocrate dans ses Aphorismes prétend qu'il n'y a point de femme ambidextre : plusieurs modernes cependant soûtiennent le contraire, & citent des exemples en faveur de leur sentiment ; mais s'il y a des femmes ambidextres, il faut avoüer du moins qu'il y en a beaucoup moins que d'hommes.

On a aussi appliqué le mot ambidextre dans un sens métaphorique, à ceux qui prennent de l'argent de deux parties, & promettent séparément à l'une & à l'autre de s'employer pour elle, comme pourroit faire un expert, un procureur ou solliciteur de mauvaise foi. (H)


AMBIERLEville de France dans le Forès, à trois lieues de Roüanne, à quinze de Lyon.


AMBIGENEadj. hyperbole ambigene, en Géométrie ; c'est celle qui a une de ses branches infinies inscrite, & l'autre circonscrite à son asymptote. Voyez COURBE. Telle est dans la fig. 38. Analys. la courbe B C E D, dont une branche C B est inscrite à l'asymptote A G, c'est-à-dire tombe au-dedans ; & l'autre branche C E D est circonscrite à l'asymptote A F, c'est-à-dire tombe au-dehors de cette asymptote. M. Newton paroît être le premier qui se soit servi de ce terme, pour désigner certaines courbes hyperboliques du troisieme ordre. (O)


AMBIGUadj. (Gramm.) ce mot vient de ambo, deux, & de ago, pousser, mener. Un terme ambigu présente à l'esprit deux sens différens. Les réponses des anciens oracles étoient toûjours ambiguës ; & c'étoit dans cette ambiguité que l'oracle trouvoit à se défendre contre les plaintes du malheureux qui l'avoit consulté, lorsque l'évenement n'avoit pas répondu à ce que l'oracle avoit fait espérer selon l'un des deux sens. Voyez AMPHIBOLOGIE. (F)


AMBITÉadj. en usage dans les Verreries. On dit que le verre est ambité, quand il est mou, quand il n'y a pas assez de sable ; alors il vient plein de petits grumeaux ; le corps du verre en est tout parsemé ; les marchandises qui s'en font sont comme pourries, & cassent facilement. Il faut alors le raffiner, & perdre à cette manoeuvre du tems & du charbon. Voyez l'article VERRERIE.


AMBITIONS. f. c'est la passion qui nous porte avec excès à nous aggrandir. Il ne faut pas confondre tous les ambitieux : les uns attachent la grandeur solide à l'autorité des emplois ; les autres à la richesse ; les autres au faste des titres, &c. Plusieurs vont à leur but sans nul choix des moyens ; quelques-uns par de grandes choses, & d'autres par les plus petites : ainsi telle ambition passe pour vice, telle autre pour vertu ; telle est appellée force d'esprit, telle égarement & bassesse.

Toutes les passions prennent le tour de notre caractere. Il y a, s'il est permis de s'exprimer ainsi, entre l'ame & les objets une influence réciproque. C'est de l'ame que viennent tous les sentimens : mais c'est par les organes du corps que passent les objets qui les excitent ; selon les couleurs que l'ame leur donne : selon qu'elle les pénetre, qu'elle les embellit, qu'elle les déguise ; elle les rebute, ou elle s'y attache. Quand on ignoreroit que tous les hommes ne se ressemblent point par le coeur, il suffiroit de savoir qu'ils envisagent les choses selon leurs lumieres, peut-être encore plus inégales, pour comprendre la différence qui distingue les passions qu'on désigne du même nom : si différemment partagés d'esprit, de sentimens & de préjugés, il n'est pas étonnant qu'ils s'attachent au même objet sans avoir en vûe le même intérêt ; & cela n'est pas seulement vrai des ambitieux, mais aussi de toute passion. (X)

* Les Romains avoient élevé un temple à l'ambition, & ils le lui devoient bien. Ils la représentoient avec des ailes & les piés nuds.


AMBITUSS. m. est, en Musique, le nom qu'on donnoit autrefois à l'étendue particuliere de chaque ton ou mode du grave à l'aigu ; car quoique l'étendue d'un mode fût en quelque maniere fixée à deux octaves, il y avoit des tons irréguliers dont l'ambitus excédoit cette étendue, & d'autres qui n'y arrivoient pas. Voyez MODE, TON de l'Eglise. (S)


AMBIVARITESpeuples de la Gaule Belgique : on croit qu'ils habitoient le pays aujourd'hui appellé le Brabant. Voyez BRABANT.


AMBLES. m. c'est, en langue de Manége, un pas du cheval, dans lequel il a toûjours à-la-fois deux jambes levées. Voyez PAS.

Ce pas est un train rompu, un cheval qui va l'amble, mouvant toûjours à-la-fois les deux jambes de devant ou les deux de derriere. L'amble est l'allure naturelle des poulains, & ils s'en défont dès qu'ils sont assez forts pour troter. On ne connoît point cette allure dans les manéges, où les écuyers ne veulent que le pas, le trot, & le galop. La raison qu'ils en donnent est qu'on peut mettre au galop un cheval qui trote, sans l'arrêter ; mais qu'on ne peut pas le mettre de même de l'amble au galop sans l'arrêter ; ce qui prend du tems, & interrompt la justesse & la cadence du manége. Voyez TROT, GALOP, &c.

Il y a différentes manieres pour dresser un jeune cheval à l'amble. Quelques-uns le fatiguent à marcher pas à pas dans des terres nouvellement labourées, ce qui l'accoûtume naturellement à la démarche de l'amble. Mais cette méthode a ses inconvéniens ; car on peut, en fatiguant ainsi un jeune cheval, l'affoiblir ou l'estropier.

D'autres, pour le former à ce pas, l'arrêtent tout court tandis qu'il galope, & par cette surprise lui font prendre un train mitoyen entre le trot & le galop ; de sorte que perdant ces deux allures il faut nécessairement qu'il retombe à l'amble : mais on risque par-là de lui gâter la bouche, ou de lui donner une encartelure, ou un nerf-férure.

D'autres l'y dressent en lui chargeant les piés de fers extrèmement lourds ; mais cela peut leur faire heurter & blesser les jambes de devant avec les piés de derriere. D'autres leur attachent au paturon des poids de plomb ; mais outre que cette méthode peut causer les mêmes accidens que la précédente, elle peut aussi causer au cheval des foulures incurables, ou lui écraser la couronne, &c.

D'autres chargent le dos du cheval de terre, de plomb, ou d'autres matieres pesantes ; mais il est à craindre qu'on ne lui rompe les vertebres en le surchargeant.

D'autres tâchent de le réduire à l'amble à la main, avant de le monter, en lui opposant une muraille ou une barriere, & lui tenant la bride serrée, & le frappant avec une verge, lorsqu'il bronche, sur les jambes de derriere & sous le ventre ; mais par-là on peut mettre un cheval en fureur, sans lui faire entendre ce que l'on veut de lui, ou le faire cabrer, ou lui faire écarter les jambes, ou lui faire prendre quelqu'autre mauvais tic dont on aura de la peine à le déshabituer.

D'autres, pour le même effet, lui mettent aux deux piés de derriere des fers plats & longs qui débordent le sabot en-devant, autant qu'il faut pour que le cheval, s'il prend le trot, se heurte le derriere des jambes de devant avec le bout des fers ; mais il y a à craindre qu'il ne se blesse les nerfs, & n'en devienne estropié pour toûjours.

Quelques-uns, pour réduire un cheval à l'amble, lui mettent des lisieres autour des jambes en forme de jarretiere, & l'envoyent au verd en cet état pendant deux ou trois semaines, au bout desquelles on les lui ôte. C'est ainsi que les Espagnols s'y prennent : mais on n'approuve pas cette méthode ; car quoiqu'à la vérité il ne puisse pas en cet état troter sans douleur, ses membres n'en souffriront pas moins ; & si l'on parvient à le mettre à l'amble, son allure sera lente & aura mauvaise grace, parce qu'il aura le train de derriere trop rampant. La maniere de mettre un cheval à l'amble par le moyen du tramail, paroît la plus naturelle & la plus sûre.

Mais beaucoup de ceux qui s'en tiennent à cette méthode, tombent encore dans différentes fautes : quelquefois ils font le tramail trop long, & alors il ne sert qu'à faire heurter les piés du cheval confusément les uns contre les autres ; ou ils le font trop court, & alors il ne sert qu'à lui faire tournoyer & lever les piés de derriere si subitement, qu'il s'en fait une habitude dont on ne vient guere à bout de le défaire par la suite. Quelquefois aussi le tramail est mal placé, & est mis, de crainte qu'il ne tombe, au-dessus du genou & du sabot : en ce cas l'animal ne peut pas pousser contre, & la jambe de devant ne peut pas forcer celle de derriere à suivre : ou si, pour éviter cet inconvénient, on fait le tramail court & droit, il comprimera le gros nerf de la jambe de derriere, & la partie charnue des cuisses de devant ; ensorte que le cheval ne pourra plus aller qu'il ne bronche pardevant, & ne fléchisse du train de derriere.

Quant à la forme du tramail, quelques-uns le font de cuir ; à quoi il y a cet inconvénient, qu'il s'allongera ou rompra : ce qui pourra empêcher le succès de l'opération. Pour un bon tramail il faut que les côtés soient si fermes, qu'ils ne puissent pas prêter de l'épaisseur d'un cheveu ; la housse mollette, & si bien arrêtée, qu'elle ne puisse pas se déranger ; la bande de derriere plate, & descendant assez bas.

En le dressant à la main, on lui mettra seulement en commençant un demi-tramail pour le dresser d'abord d'un côté ; ensuite on en fera autant à l'autre côté ; & lorsqu'il ira l'amble à la main avec facilité & avec aisance, sans trébucher ni broncher, ce qui se fait d'ordinaire en deux ou trois heures, on lui mettra le tramail entier. Voyez TRAMAIL.


AMBLER(Man.) c'est aller l'amble. V. AMBLE. Il y a certains chevaux bien forts, qui amblent lorsqu'on les presse au manége ; mais c'est le plus souvent par foiblesse naturelle ou par lassitude. (V)


AMBLETEUSEville maritime de France dans la Picardie. Long. 19. 20. lat. 50. 50.


AMBLEURS. m. (Man.) officier de la grande & petite écurie du roi. Voyez AMBLE. (V)

AMBLEUR s. m. ; c'est ainsi qu'on nomme, en Vénerie, un cerf dont la trace du pié de derriere surpasse la trace du pié de devant.


AMBLYGONEadj. m. terme de Géométrie, qui se dit d'un triangle dont un des angles est obtus, ou a plus de 90 degrés. Voyez ANGLE & TRIANGLE.

Ce mot est composé de l’adjectif Grec άμβλὺς, obtus, & de γωνία angle. (E)


AMBLYOPIES. f. est une offuscation ou un obscurcissement de la vûe, qui empêche de distinguer clairement l'objet, à quelque distance qu'il soit placé. Cette incommodité vient d'une obstruction imparfaite des nerfs optiques, d'une suffusion legere, du défaut ou de l'épaisseur des esprits, &c. Quelques-uns comptent quatre especes d'amblyopies ; savoir la myopie, la presbytie, la nyctalopie, & l'amaurosis. Voyez chacune à son article. Blanchard. (N)


AMBOHISTMENESpeuples d'Afrique qui habitent les montagnes de la partie orientale de l'île de Madagascar.


AMBOINEîle d'Asie, l'une des Moluques, aux Indes Orientales, avec ville de même nom. Long. 145. lat. mérid. 4.


AMBOISEville de France dans la Touraine, au confluant de la Loire & de la Masse. Long. 18d. 39'. 7". lat. 47d 24'. 56".


AMBON, nom que l'on donne au bord cartilagineux qui environne les cavités des os qui en reçoivent d'autres : tels sont ceux de la cavité glenoïde de l'omoplate, de la cavité cotyloïde des os des hanches. Voyez OMOPLATE & HANCHE, &c. (L)

AMBON, est aussi la même chose que jubé. V. JUBE.


AMBOUCHOIRS. m. pl. en terme de Bottier ; ce sont les moules sur lesquels on fait la tige d'une botte. Ils sont composés de deux morceaux de bois qui réunis ensemble, ont à-peu-près la figure de la jambe, & qu'on fait entrer l'un après l'autre dans le corps de la botte. On écarte les morceaux de bois à discrétion par le moyen d'un coin de bois appellé clé, que l'on chasse à coups de marteau entre les deux pieces qui composent l'ambouchoir. Voyez la fig. 29. Pl. du Bottier.


AMBOULE(VALLEE D') contrée de l'île de Madagascar au midi, vers la côte orientale, au nord du Carcanossi.


AMBOURNAou AMBRONAI, ville de France dans le Bugey, à trois lieues de Bourg en Bresse.


AMBOUTIRv. act. en terme de Chauderonnier, c'est donner de la profondeur & de la capacité à une piece qui étoit plate, en la frappant en-dedans avec un marteau à tranche ou à panne ronde. Voyez la fig. 6. Pl. I. du Chaudronnier, qui représente un ouvrier qui amboutit une piece sur un tas avec un marteau. Ce terme convient dans le même sens à l'Orfévre, au Serrurier, au Ferblantier, & à la plûpart des autres ouvriers qui employent les métaux, ou des matieres flexibles.

AMBOUTIR, en terme d'Eperonnier. Voyez ESTAMPER.


AMBOUTISSOIou EMBOUTISSOIR, s. m. outil d'Eperonnier ; est une plaque de fer dans laquelle est une cavité sphérique ou paraboloïde, selon que l'on veut que les fonceaux que l'on amboutit dessus soient plus arrondis ou plus aigus. Le fond de cette cavité est percé d'un trou rond d'environ sept à huit lignes de diametre. C'est sur cet outil, posé à cet effet sur une enclume, que l'on fait prendre la forme convexo-concave aux pieces de fer qui doivent former les fonceaux, en frappant dessus la tête d'une bouterolle qui appuie la piece rougie au feu, qui doit former le fonceau. Voyez ESTAMPER & FONCEAU, & la fig. 1. Pl. de l'Eperonnier, qui représente l'amboutissoir.

AMBOUTISSOIR, outil de Cloutier, est un poinçon d'acier trempé, dont l'extrémité inférieure est concave, & de la forme que l'on veut donner aux têtes des clous que l'on fabrique avec cet outil, comme les clous à tête de champignon, les broquettes à tête embouties, & autres sortes. Voyez la fig. 1. Pl. du Cloutier.


AMBRACANS. m. poisson de mer qu'on appelle encore ambera, dont Marmol a fait mention, mais qui n'est connu, je crois, d'aucun Naturaliste. Marmol dit qu'il est d'une grandeur énorme ; qu'on ne le voit que quand il est mort ; qu'alors la mer le jette sur le rivage ; qu'il a la tête dure comme un caillou ; plus de douze aunes de longueur ; & que c'est ce poisson, & non la baleine, qui jette l'ambre. Voyez à l'article AMBRE ce qu'il faut penser de cette derniere partie de la description ; quant aux autres, elles ne peuvent être appuyées ni combattues d'aucune autorité.


AMBRACIEancienne ville d'Epire, dont le golfe est célebre par la victoire d'Auguste sur Antoine.


AMBRASIriviere d'Afrique, au royaume de Congo ; elle a sa source dans des montagnes voisines de Tinda, & se jette dans la mer d'Ethiopie, entre les rivieres de Lelunda & de Cose.


AMBRE-GRIS(Hist. nat.) ambarum cineraceum seu griseum, ambra grisea ; parfum qui vient de la mer, & qui se trouve sur les côtes en morceaux de consistance solide ; cette matiere est de couleur cendrée & parsemée de petites taches blanches ; elle est legere & grasse ; elle a une odeur forte & pénétrante qui la fait reconnoître aisément ; mais qui n'est cependant pas aussi active & aussi agréable dans l'ambre brut qu'elle le devient après qu'il a été préparé, & surtout après qu'il a été mêlé avec une petite quantité de musc & de civette. C'est par ces moyens qu'on nous développe son odeur dans les eaux de senteur & dans les autres choses, où on fait entrer ce parfum. Il s'enflamme & il brûle ; en le mettant dans un vaisseau sur le feu, on le fait fondre & on le réduit en une résine liquide de couleur jaune, ou même dorée. Il se dissout en partie dans l'esprit-de-vin, & il en reste une partie sous la forme d'une matiere noire visqueuse.

Les Naturalistes n'ont jamais été d'accord sur l'origine & sur la nature de l'ambre-gris. Les uns ont cru que c'étoit l'excrément de certains oiseaux qui vivoient d'herbes aromatiques aux îles Maldives ou à Madagascar ; que ces excrémens étoient altérés, affinés, & changés en ambre sur les rochers où ils restoient exposés à toutes les vicissitudes de l'air. D'autres ont prétendu que ces mêmes excrémens étoient fondus par la chaleur du soleil sur les bords de la mer, & entraînés par les flots ; que les baleines les avaloient & les rendoient ensuite convertis en ambre-gris, qui étoit d'autant plus noir qu'il avoit demeuré plus long-tems dans le corps de ces animaux. On a aussi soûtenu que l'ambre-gris étoit l'excrément du crocodile, du veau marin, & principalement des baleines, sur-tout des plus grosses & des plus vieilles. On en a trouvé quelquefois dans leurs intestins ; cependant de cent que l'on ouvrira, on ne sera pas assûré d'en trouver dans une seule. On a même voulu expliquer la formation de l'ambre-gris dans le corps de la baleine, en disant que c'est une véritable concrétion animale, qui se forme en boule dans le corps de la baleine mâle, & qui est enfermée dans une grande poche ovale au-dessus des testicules à la racine du penis. Trans. Philos. n°. 385 & 387. On a dit que l'ambre-gris étoit une sorte de gomme qui distille des arbres, & qui tombe dans la mer où elle se change en ambre. D'autres ont avancé que c'étoit un champignon marin arraché du fond de la mer par la violence des tempêtes ; d'autres l'ont cru une production végétale, qui naît des racines d'un arbre qui s'étend dans la mer : on a dit qu'il venoit de l'écume de la mer ; d'autres enfin ont assûré que l'ambre-gris n'étoit autre chose que des rayons de cire & de miel que les abeilles faisoient dans des fentes de grands rochers qui sont au bord de la mer des Indes. Cette opinion a paru la meilleure à M. Formey, secrétaire de l'académie royale des Sciences & Belles-Lettres de Prusse. Voici comment il s'en explique dans son manuscrit : " Je ne trouve point de sentiment plus raisonnable que celui qui assûre que l'ambre-gris n'est autre chose qu'un composé de cire & de miel, que les mouches font sur les arbres, dont les côtes de Moscovie sont remplies, ou dans les creux des rochers qui sont au bord de la mer des Indes ; que cette matiere se cuit & s'ébauche au soleil, & que se détachant ensuite ou par l'effort des vents, ou par l'élevation des eaux, ou par son propre poids, elle tombe dans la mer & acheve de s'y perfectionner, tant par l'agitation des flots, que par l'esprit salin qu'elle y rencontre ; car on voit par expérience qu'en prenant de la cire & du miel, & les mettant en digestion pendant quelque tems, on en tire un élixir & une essence qui est non-seulement d'une odeur très-agréable, mais qui a aussi des qualités fort approchantes de l'ambre-gris ; & je ne doute point qu'on ne fît un élixir encore plus excellent, si on se servoit du miel des Indes ou de Moscovie, parce que les mouches qui le font y trouvent des fleurs plus aromatiques & plus odoriférantes, &c. "

M. Geoffroy dit expressément dans le premier volume de son traité de la Matiere médicale, qu'il n'y a pas lieu de douter que l'ambre-gris ne soit une espece de bitume qui sort de la terre sous les eaux de la mer : il est d'abord liquide, ensuite il s'épaissit, enfin il se durcit ; alors les flots l'entraînent & le jettent sur le rivage : en effet c'est sur les rivages de la mer, & sur-tout après les tempêtes, que l'on trouve l'ambre-gris. Ce qui prouve qu'il est liquide quand il sort de la terre, c'est que l'ambre-gris solide, tel que nous l'avons, contient des corps étrangers qui n'auroient pas pû entrer dans sa substance si elle avoit toûjours été seche & solide ; par exemple, on y trouve de petites pierres, des coquilles, des os, des becs d'oiseaux, des ongles, des rayons de cire encore pleins de miel, &c. On a vû des morceaux d'ambre-gris, dont la moitie étoit de cire pure. Il y a eu encore d'autres Chimistes qui ont nié que cette matiere fût une substance animale, parce qu'elle ne leur avoit donné dans l'analyse aucun principe animal. On a cru dans tous les tems que l'ambre-gris étoit une matiere bitumineuse. Les Orientaux pensoient qu'il sortoit du fond de la mer comme le naphthe distille de quelques rochers ; & ils soûtenoient qu'il n'y en avoit des sources que dans le golfe d'Ormus, entre la mer d'Arabie & le golfe de Perse. Plusieurs auteurs se sont réunis à croire que l'ambre-gris étoit une sorte de poix de matiere visqueuse, un bitume qui sort du fond de la mer, ou qui coule sur ses côtes en forme liquide, comme le naphthe ou le pétrole sort de la terre & distille des rochers ; qu'il s'épaissit peu-à-peu & se durcit dans la mer. Trans. Philos. n. 433. 434. 435. Nous voyons tous ces différens états du bitume dans le pissasphalte & dans l'asphalte. Voyez NAPHTHE, PISSASPHALTE, ASPHALTE.

L'ambre-gris est en morceaux plus ou moins gros & ordinairement arrondis ; ils prennent cette forme en roulant dans la mer ou sur le rivage. On en apporta en Hollande, sur la fin du siecle dernier, un morceau qui pesoit 182 livres ; il étoit presque rond, & il avoit plus de deux piés de diametre. On dit que ce morceau étoit naturellement de cette grosseur, & qu'il n'y avoit pas la moindre apparence qu'on eût réuni plusieurs petits morceaux pour le former. Plusieurs voyageurs ont rapporté qu'ils avoient vû une quantité prodigieuse d'ambre-gris dans certaines côtes, mais on n'a jamais pû les retrouver ; qu'ils en avoient rencontré des masses qui pouvoient peser jusqu'à quinze mille livres ; enfin qu'il y avoit une île qui en étoit formée en entier. Il est vrai qu'ils ont été obligés d'avoüer que cette île étoit flottante, parce qu'ils n'avoient pas pû la rejoindre. Si l'ambre est un bitume, il ne seroit pas étonnant qu'il y en eût de grands amas : mais on les connoît si peu, que l'ambre a été jusqu'ici une matiere rare & précieuse ; cependant on en trouve en plusieurs endroits. Il y en a une assez grande quantité dans la mer des Indes autour des îles Moluques : on en ramasse sur la partie de la côte d'Afrique & des îles voisines qui s'étend depuis Mozambique jusqu'à la mer Rouge ; dans l'île de Sainte-Marie ; dans celle de Diego-Ruis près de Madagascar ; à Madagascar ; dans l'île Maurice qui n'en est pas fort éloignée ; aux Maldives, & sur la côte qui est au-delà du cap de Bonne-Espérance. Il y en a aussi sur les côtes des îles Bermudes, de la Jamaïque, de la Caroline, de la Floride, sur les rades de Tabago, de la Barbade, & des autres Antilles. Dans le détroit de Bahama & dans les îles Samballes, les habitans de ces îles le cherchent d'une façon assez singuliere ; ils le quêtent à l'odorat comme les chiens de chasse suivent le gibier. Après les tempêtes ils courent sur les rivages, & s'il y a de l'ambre-gris ils en sentent l'odeur. Il y a aussi certains oiseaux sur ces rivages qui aiment beaucoup l'ambre-gris, & qui le cherchent pour le manger. On trouve quelques morceaux d'ambre-gris sur le rivage de la mer Méditerranée, en Angleterre, en Ecosse, sur les côtes occidentales de l'Irlande, en Norvege, & sur les côtes de Moscovie & de Russie, &c.

On distingue deux sortes d'ambre-gris ; la premiere & la meilleure est de couleur cendrée au-dehors, & parsemée de petites taches blanches au-dedans. La seconde est blanchâtre ; celle-ci n'a pas tant d'odeur ni de vertu que la premiere. Enfin la troisieme est de couleur noirâtre, & quelquefois absolument noire ; c'est la moins bonne & la moins pure ; on l'a appellée ambre-renardé, parce qu'on a cru qu'il n'étoit noir que parce qu'il avoit été avalé par des poissons. En effet on a trouvé de l'ambre dans l'estomac de quelques poissons : mais sa couleur noire peut bien venir d'un mêlange de matieres terreuses ou de certaines drogues, comme des gommes avec lesquelles on le sophistique. Pour essayer si l'ambre-gris est de bonne qualité, on le perce avec une aiguille que l'on a fait chauffer ; s'il en sort un suc gras & de bonne odeur, c'est une bonne marque.

Les Parfumeurs sont ceux qui font le plus grand usage de l'ambre-gris ; on en mêle aussi dans le sucre & dans d'autres choses, c'est un remede dans la Medecine. (I)

AMBRE-GRIS, (Med.) Si on distille l'ambre, il donne d'abord un flegme insipide, ensuite une liqueur acide, suivie d'une huile dont l'odeur est suave, & mêlée avec un peu de sel volatil semblable à celui que l'on retire du succin ; enfin il reste au fond de la cornue une matiere noire, luisante, & bitumineuse. L'ambre est donc composé de parties huileuses, très-ténues, & fort volatiles, mais qui sont engagées dans des parties salines & grasses, plus épaisses & plus grossieres. Il n'a pas beaucoup d'odeur quand il est en masse : mais étant pulvérisé & mêlé avec d'autres ingrédiens, ses principes se raréfient & s'étendent, & sa volatilité est telle, qu'il répand une odeur suave & des plus agréables. Ses vertus sont de fortifier le cerveau, le coeur, l'estomac ; il excite de la joie, provoque la semence, & on le donne pour augmenter la secrétion des esprits animaux & les réveiller. On l'ordonne dans les syncopes, dans les débilités des nerfs : on s'en sert dans les vapeurs des hommes ; mais il est nuisible à celles des femmes : on en fait une teinture dans l'esprit-de-vin ; on l'ordonne en substance à la dose d'un grain jusqu'à huit. Les Orientaux en font un grand usage. (N)

AMBRE-JAUNE, (Hist. nat.) ambarum citrinum, electrum, karabe, succinum, succin, matiere dure, seche, transparente, cassante, de couleur jaune, de couleur de citron ou rougeâtre, quelquefois blanchâtre ou brune, d'un goût un peu acre & approchant de celui des bitumes. L'ambre-jaune est inflammable, & a une odeur forte & bitumineuse lorsqu'il est échauffé. Il attire, après avoir été frotté, les petites pailles, les fétus, & autres corps minces & legers ; d'où vient le nom d'electrum, & celui d'électricité. Voyez ELECTRICITE. L'ambre-jaune se dissout dans l'esprit-de-vin, dans l'huile de lavande, & même dans l'huile de lin, mais plus difficilement. Il se fond sur le feu, il s'enflamme ; alors il répand une odeur aussi forte & aussi desagreable que celle des bitumes.

Les Naturalistes n'ont pas été moins incertains sur l'origine de l'ambre-jaune, que sur celle de l'ambre-gris : on a cru que c'étoit une concrétion de l'urine du lynx, qui acquéroit une dureté égale à celle des pierres de la vessie ; c'est pourquoi on avoit donné le nom de lyncurium à l'ambre : d'autres ont prétendu que c'étoit une concrétion des larmes de certains oiseaux ; d'autres ont dit qu'il venoit d'une sorte de peuplier par exudation. Pline rapporte qu'il découle de certains arbres du genre des sapins, qui étoient dans les îles de l'Océan septentrional ; que cette liqueur tomboit dans la mer après avoir été épaissie par le froid ; & qu'elle étoit portée par les flots sur les bords du continent le plus prochain, qu'il appelle l'Austravie. M. Formey, secrétaire de l'académie royale des Sciences de Prusse, a exposé les preuves que l'on a données de ce système sur la formation de l'ambre ; voici ce qu'il dit dans un manuscrit qui nous a été communiqué. " L'ambre-jaune ne se trouve ordinairement que dans la mer Baltique, sur les côtes de la Prusse. Quand de certains vents regnent, il est jetté sur le rivage ; & les habitans qui craignent que la mer qui le jette ne le rentraîne, le vont ramasser au plus fort de la tempête. On en trouve des morceaux de diverse figure & de différente grosseur. Ce qu'il y a de plus surprenant, & qui embarrasse les Naturalistes, est qu'on pêche quelquefois des morceaux de cet ambre, au milieu desquels on voit des feuilles d'arbres, des fétus, des araignées, des mouches, des fourmis, & d'autres insectes qui ne vivent que sur terre. En effet, c'est une chose assez difficile à expliquer, comment des fétus & des insectes, qui nagent toûjours sur l'eau à cause de leur legereté, peuvent se rencontrer dans les morceaux d'ambre qu'on tire du fond de la mer. Voici l'explication qu'on en donne. Ceux qui ont voyagé du côté de la mer Baltique, remarquent que vers la Prusse il y a de grands rivages sur lesquels la mer s'étend, tantôt plus, tantôt moins : mais que vers la Suede ce sont de hautes falaises, ou des terres soûtenues, sur le bord desquelles il y a de grandes forêts remplies de peupliers & de sapins, qui produisent tous les étés quantité de gomme & de résine ; cela supposé, il est aisé de concevoir qu'une partie de cette matiere visqueuse demeurant attachée aux branches des arbres, les neiges la couvrent pendant l'hyver, les froids l'endurcissent & la rendent cassante, & les vents impétueux en secoüant les branches, la détachent & l'enlevent dans la mer. Elle descend au fond par son propre poids ; elle s'y cuit peu-à-peu, & s'y endurcit par l'action continuelle des esprits salins ; & enfin elle devient l'ambre : ensuite de quoi la mer venant à s'agiter extraordinairement, & le vent poussant ses flots des côtes de la Suede à celles de la Prusse, c'est une nécessité que l'ambre suive ce mouvement, & donne aux pêcheurs occasion de s'enrichir, & de profiter de cette tempête. L'endroit donc de la mer Baltique où il y a le plus d'ambre, doit être au-dessous de ces arbres, & du côté de la Suede ; & si la mer n'y étoit pas trop profonde, je ne doute pas qu'on n'y en trouvât en tout tems une grande quantité ; & il ne faudroit pas attendre que le vent fût favorable, comme on fait aux côtes de la Prusse. Il ne répugne pourtant pas qu'on puisse trouver quelques morceaux d'ambre dans d'autres endroits de la mer Baltique, & même dans l'Océan, avec lequel elle a communication ; car l'eau de la mer étant continuellement agitée, elle peut bien en enlever quelques-uns, & les pousser sur des rivages fort éloignés : mais cela ne se doit pas faire si fréquemment & en si grande abondance que sur les côtes de Prusse. Au reste, il n'y a pas de difficulté à expliquer dans ce sentiment comment des mouches, des fourmis, & autres insectes, peuvent quelquefois se trouver au milieu d'un morceau d'ambre ; car s'il arrive qu'un de ces insectes, en se promenant sur les branches d'un arbre, rencontre une goutte de cette matiere résineuse qui coule à travers l'écorce, qui est assez liquide en sortant, il s'y embarrasse facilement ; & n'ayant pas la force de s'en retirer, il est bientôt enseveli par d'autres gouttes qui succedent à la premiere, & qui la grossissent en se répandant tout à l'entour. Cette matiere, au milieu de laquelle il y a des insectes, venant à tomber, comme nous avons dit, dans la mer, elle s'y prépare & s'y endurcit ; & s'il arrive ensuite qu'elle soit poussée sur un rivage, & qu'elle tombe entre les mains de quelque pêcheur, elle fait l'étonnement de ceux qui n'en savent pas la cause.

On demande au reste si l'ambre-jaune doit passer pour une gomme ou pour une résine. Il est aisé de se déterminer là-dessus ; car comme la gomme se fond à l'eau, & que la résine ne se fond qu'au feu, il semble que l'ambre, qui ne se fond que de cette derniere maniere, doit être mis au nombre des résines plûtôt qu'en celui des gommes. M. Kerkring avoit pourtant trouvé le secret de ramollir l'ambre autrement que par le feu, & d'en faire comme une pâte, à laquelle il donnoit telle figure qu'il lui plaisoit. Voyez Journ. des Sav. Août 1672. Observ. cur. sur toutes les part. de la Phys. tome II. p. 93 & suiv. ".

Cette opinion sur l'origine & la formation de l'ambre a été suivie par plusieurs auteurs, & en particulier par le pere Camelli, Transact. phil. n°. 290.

On a assûré que l'ambre-jaune étoit une congelation qui se formoit dans la mer Baltique, & dans quelques fontaines, comme la poix. D'autres ont crû que c'étoit un bitume qui coule dans la mer, qu'il y prend de la consistance, & qu'ensuite il est rejetté sur les côtes par les flots : mais il se trouve aussi de l'ambre dans les terres, & même en grande quantité. On a conclu de ce fait que l'ambre étoit un bitume fossile, & on a dit qu'il étoit produit par un suc bitumineux & par un sel vitriolique, & qu'il étoit plus ou moins pur & transparent, qu'il avoit plus ou moins de consistance, selon que les particules de sel & de bitume étoient plus ou moins pures, & qu'elles étoient mêlées en telle ou telle proportion. Agricola pensoit que l'ambre-jaune étoit un bitume, de natura fossilium, lib. IV. son sentiment a été confirmé par plusieurs auteurs ; il y en a même qui en ont été si bien convaincus, qu'ils ont assûré qu'il n'y a pas lieu d'en douter. M. Geoffroy l'a dit expressément dans le premier volume de son Traité de la Matiere médicale. Il distingue deux sortes d'ambre-jaune, qui toutes les deux sont absolument de la même nature. L'une est jettée sur les bords de certaines mers par l'agitation des flots ; on tire l'autre du sein de la terre. On trouve la premiere sorte sur les côtes de la Prusse ; les vagues en jettent des morceaux sur le rivage, les habitans du pays courent les ramasser, même pendant les orages & les tempêtes, de peur que les flots ne reportent dans la mer les mêmes morceaux qu'ils ont apportés sur le rivage. Cet ambre-jaune est de consistance solide : on dit cependant qu'il y en a quelques morceaux qui sont en partie liquides, & qu'on trouve sur les rives des petites rivieres dont l'embouchure est sur les mêmes côtes dont on vient de parler ; & même on en montre des morceaux sur lesquels on a imprimé des cachets lorsqu'ils étoient assez mous pour en recevoir les empreintes. Comme le terrein de ces côtes contient beaucoup d'ambre-jaune, les eaux qui y coulent en entraînent des morceaux qui n'ont pas encore acquis un certain degré de consistance ; l'agitation de ces eaux n'étant pas si forte que celle des eaux de la mer, les morceaux qui sont encore liquides en partie sont conservés & jettés dans leur entier sur les bords des petites rivieres ou des ruisseaux.

On trouve de l'ambre-jaune fossile en Prusse & en Poméranie, presque dans tous les endroits où on ouvre la terre à une certaine profondeur : souvent même on en voit dans les sillons de la charrue. Hartman, qui a fait un traité de l'ambre-jaune, croit que tout le fond du territoire de Prusse & de Poméranie est d'ambre-jaune, à cause de la grande quantité que l'on en trouve presque par-tout dans ces pays : mais les principales mines sont des côtes de Sudwic. Il y a sur ces côtes des hauteurs faites d'une sorte de terre qui ressemble à des écorces d'arbre ; de sorte qu'on prendroit ces éminences de terre pour des monceaux d'écorces : la couche extérieure de ce terrein est desséchée, & de couleur cendrée : la seconde couche est bitumineuse, molle & noire. On trouve sous ces deux couches une matiere grise formée comme le bois, à cette différence près que dans le bois on remarque des fibres transversales ; au lieu que la matiere dont nous parlons est simplement composée de couches plates & droites posées les unes sur les autres ; cependant on lui a donné le nom de bois fossile. On trouve de prétendu bois fossile presque partout où il y a de l'ambre-jaune, & ils sont mêlés ensemble en grande quantité ; c'est ce qui a fait croire à Hartman que cette matiere étoit la matrice ou la mine de l'ambre-jaune : en effet c'est une terre bitumineuse qui prend feu comme le charbon, & qui rend une odeur de bitume. On y trouve des minéraux qui participent du vitriol. On a crû que ce bois fossile venoit des arbres qui s'étoient entassés sur ces côtes, & qui avoient été conservés & comme embaumés par l'ambre-jaune : mais cette opinion n'a point du tout été prouvée. Voyez le premier vol. de la Matiere médicale de M. Geoffroy, & Hist. succinorum corpora aliena involventium, &c. Nathan. Sendelio, D. Med. &c.

On trouve de l'ambre-jaune dans les montagnes de Provence, auprès de la ville de Sisteron, & aux environs du village de Salignac, sur les côtes de Marseille ; on en trouve en Italie dans la Marche d'Ancone, aux environs de la ville du même nom, dans le duché de Spolete, en Sicile aux environs de la ville de Catane & de celle de Gergenti, & sur les bords du Pô ; en Pologne, en Silésie, en Suede : mais on n'y trouve de l'ambre qu'en très-petite quantité ; il y en a un peu plus dans l'Allemagne septentrionale, en Suede, en Danemarck, dans le Jutland & le Holstein ; il y en a encore davantage sur les côtes de Samogitie, de Curlande & de Livonie, & dans les terres, &c. mais l'ambre-jaune qui vient de ces pays n'est pas si beau ni si pur, ni, à beaucoup près, en si grande quantité que celui qui se trouve en Poméranie, depuis Dantzick jusqu'à l'île de Rugen, & sur-tout en Prusse dans le pays appellé Sambie, depuis Neve-Tiff jusqu'à Vrantz-Vrug.

On distingue trois sortes d'ambre-jaune par rapport aux différentes teintes de couleur ; savoir, le jaune ou le citronné, le blanchâtre & le roux. L'ambre-jaune est employé à différens usages de luxe ; son poli, sa transparence, sa belle couleur d'or, l'ont fait mettre au rang des matieres précieuses. On en a fait des colliers, des brasselets, des pommes de canne, des boîtes, & d'autres bijoux qui sont encore d'usage chez plusieurs nations de l'Europe, & sur-tout à la Chine, en Perse, & même chez les Sauvages. Autrefois l'ambre étoit à la mode en France : combien ne voit-on pas encore de coupes, de vases, & d'autres ouvrages faits de cette matiere avec un travail infini ? mais les métaux précieux, les pierres fines & les pierreries, l'ont emporté sur l'ambre-jaune dès qu'ils ont été assez communs pour fournir à notre luxe. Il n'en sera pas de même des vertus médicinales de l'ambre, & de ses préparations chimiques ; elles le rendront précieux dans tous les tems, & préférable, à cet égard, aux pierres les plus éclatantes. (I)


AMBREADES. f. nom que l'on donne à de l'ambre faux ou factice, dont on se sert pour la traite sur quelques côtes d'Afrique, & en particulier du Sénegal. Voyez TRAITE.


AMBRESville de France dans le haut Languedoc, au diocese de Castres.


AMBRESBURIville d'Angleterre dans la Wiltonie, sur l'Avon.


AMBRETTEsemence d'une plante du genre appellé ketmie. Voyez KETMIE. (I)


AMBRETTou FLEUR DU GRAND SEIGNEUR, jacea, (Jardin.) plante du genre appellé bluet. Voyez BLUET. Ses feuilles ressemblent à celles de la chicorée ; sa tige se divise en plusieurs branches dont les fleurs sont par bouquets, & à têtes écailleuses, de couleur purpurine, & d'une odeur fort agréable. L'ambrette croît dans les prés & autres lieux incultes ; ce qui la fait nommer jacea nigra pratensis, ou ambrette sauvage. (K)


AMBRIERESville de France dans le Maine, sur la Grete.


AMBRISES. m. c'est, en termes de Fleuriste, une tulipe colombine, rouge & blanche. Voyez TULIPE.


AMBRONSpeuples de la Gaule qui habitoient les environs d'Embrun, selon Festus ; & les cantons de Zurich, Berne, Lucerne & Fribourg, selon Cluvier.


AMBROSIAnom que les Grecs donnoient à une fête que l'on célébroit à Rome le 24 Novembre en l'honneur de Bacchus. Romulus l'avoit instituée, & les Romains l'appelloient Brumalia. Voyez BRUMALES.


AMBROSIES. f. dans la Théologie des Payens, étoit le mets dont ils supposoient que leurs dieux se nourrissoient. V. DIEU & AUTEL. Ce mot est composé d' privatif, & de , mortel ; ou parce que l'ambrosie rendoit immortels ceux qui en mangeoient, ou parce qu'elle étoit mangée par des immortels.

Lucien se moquant des dieux de la fable, dit qu'il falloit bien que l'ambrosie & le nectar, dont l'une étoit leur mets & l'autre leur boisson ordinaire, ne fussent pas si excellens que les poëtes le disoient ; puisqu'ils descendoient du ciel pour venir sur les autels sucer le sang & la graisse des victimes, comme font les mouches sur un cadavre : propos d'esprit fort. (G)

AMBROSIE, s. f. ambrosia, (Bot.) genre de plante dont la fleur est un bouquet à plusieurs fleurons soûtenus par le calice. Ces fleurons ne laissent aucune semence après eux. Les embryons naissent sur la même plante séparément des fleurs, & deviennent dans la suite des fruits semblables à des masses d'armes ; ils renferment chacun une semence ordinairement oblongue. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

AMBROSIE ou THE DU MEXIQUE, (Med.) chenopodium ambrosioides Mexicanum. Pit. Tourn. Cette plante étrangere se cultive dans les jardins ; elle a passé pour le vrai thé. L'infusion de ses feuilles est bonne pour les crachemens de sang & pour les maladies des femmes en couche. (N)


AMBROSIEN(RIT ou OFFICE) Théolog. maniere particuliere de faire l'office divin dans l'église de Milan, qu'on appelle aussi quelquefois l'église Ambrosienne. Voyez RIT, OFFICE, LITURGIE. Ce nom vient de S. Ambroise, docteur de l'Eglise & évêque de Milan dans le jv. siecle. Walafrid Strabon a prétendu que S. Ambroise étoit véritablement l'auteur de l'office qu'on nomme encore aujourd'hui Ambrosien, & qu'il le disposa d'une maniere particuliere, tant pour son église cathédrale que pour toutes les autres de son diocèse. Cependant quelques-uns pensent que l'église de Milan avoit un office différent de celle de Rome, quelque tems avant ce saint prélat. En effet jusqu'au tems de Charlemagne, les églises avoient chacune leur office propre ; dans Rome même il y a eu une grande diversité d'offices ; & si l'on en croit Abailard, la seule église de Latran conservoit en son entier l'ancien office Romain ; & lorsque dans la suite les papes voulurent faire adopter celui-ci à toutes les églises d'Occident, afin d'y établir une uniformité de rit, l'église de Milan se servit du nom du grand Ambroise, & de l'opinion où l'on étoit qu'il avoit eu composé ou travaillé cet office pour être dispensé de l'abandonner ; ce qui l'a fait nommer rit Ambrosien, par opposition au rit Romain.

AMBROSIEN, (Chant.) Il est parlé dans les Rubriquaires du chant Ambrosien aussi usité dans l'église de Milan & dans quelques autres, & qu'on distinguoit du chant Romain en ce qu'il étoit plus fort & plus élevé ; au lieu que le Romain étoit plus doux & plus harmonieux. Voyez CHANT & GREGORIEN. S. Augustin attribue à S. Ambroise d'avoir introduit en Occident le chant des pseaumes, à l'imitation des églises Orientales ; & il est très-probable qu'il en composa ou revit la psalmodie. August. Confess. IX. c. vij,

AMBROSIENNE, (BIBLIOTHEQUE) nom qu'on donne à la bibliotheque publique de Milan. Voyez l'article BIBLIOTHEQUE.


AMBUBAIESS. f. Ambubaiae, (Hist. anc.) certaines femmes venues de Syrie qui gagnoient leur vie à joüer de la flûte & à se prostituer. Horace les joint aux charlatans :

Ambubaiarum collegia, Pharmacopolae.

Ce nom vient du Syriaque abbub, ou de l'Arabe aubub, qui signifie flûte, c'est-à-dire joüeuse de flûte ; d'autres le dérivent d'ambu pour am, aux environs, & de Baiae, parce que ces femmes débauchées se retiroient auprès de Baies en Italie. Cruquius met ces femmes au nombre de celles qui vendoient des drogues pour farder.


AMBUELLou AMBOILLA, contrée d'Afrique au royaume de Congo, entre le lac d'Aquelonde & Saint-Salvador.


AMBULANTadj. pris subst. (Comm.) on appelle ambulans dans les fermes du Roi, des commis qui n'ont point de bureau fixe, mais qui parcourent tous les bureaux d'un certain département, pour voir s'il ne se passe rien contre les droits du Roi & l'intérêt de la ferme. Voyez COMMIS, DROITS, FERME, &c.

AMBULANT se dit aussi à Amsterdam des courtiers ou agens de change, qui n'ont pas fait serment par-devant les magistrats de la ville. Ils travaillent comme les autres, mais ils ne sont pas crus en justice. Voyez AGENT DE CHANGE & COURTIER. (G)

AMBULANT, en Manége, se dit d'un cheval qui va l'amble. Voyez AMBLE. (V)


AMBULATOIREadj. (Jurisprud.) terme qui se disoit des jurisdictions qui n'avoient point de tribunal fixe, mais qui s'exerçoient tantôt dans un lieu, & tantôt dans un autre, pour les distinguer de celles qui étoient sédentaires. Voyez COUR. Ce mot est dérivé du verbe latin ambulare, aller & venir. Les parlemens & le grand-conseil étoient des cours ambulatoires.

On dit en Droit, en prenant ce terme dans un sens figuré, que la volonté de l'homme est ambulatoire jusqu'à la mort ; pour signifier que jusqu'à sa mort il lui est libre de changer & révoquer comme il lui plaira ses dispositions testamentaires.

Les Polonois, sans en excepter la noblesse & la cour, ne prennent plaisir qu'à la vie errante & ambulatoire. Dalerac, tome II. op. 76. chap. jv.

En vain les hommes ont prétendu fixer leur séjour dans des cités ; le desir qu'ils ont tous d'en sortir pour aller de côté & d'autre, montre bien que la nature les avoit fait pour mener une vie active & ambulatoire. (H)


AMBULONarbre qui croît dans l'île Aruchit, & porte un fruit semblable à celui de la canne de sucre, & de la grosseur de la graine de coriandre. Ray.


AMBULTI(Mythol.) terme qui désigne prolongation, & dont on a fait le surnom d'Ambulti qu'on donnoit à Jupiter, à Minerve, & aux Tyndarides, d'après l'opinion où l'on étoit que les dieux prolongeoient leur vie à discrétion.


AMBURBIUou AMBURBIALE SACRUM (Hist. anc.) étoit une fête ou cérémonie de religion usitée chez les Romains, qui consistoit à faire processionnellement le tour de la ville en-dehors. Ce mot est composé du verbe latin ambire, aller autour, & urbs, ville. Scaliger, dans ses notes sur Festus, a prétendu que les amburbia étoient la même chose que les ambarvalia ; & il n'est pas le seul qui l'ait prétendu. Les victimes qu'on menoit à cette procession, & qu'on sacrifioit ensuite, s'appelloient du mot amburbium, amburbiales victimae. Voyez AMBARVALES. (G)


AMDENAGER(Géog.) un des royaumes de Kunkam, ou du grand pays compris entre le Mogol & le Malabar.


AMES. f. Ord. encycl. Entend. Rais. Philos. ou Science des Esprits, de Dieu, des Anges, de l'Ame. On entend par ame un principe doüé de connoissance & de sentiment. Il se présente ici plusieurs questions à discuter : 1°. quelle est son origine : 2°. quelle est sa nature : 3°. quelle est sa destinée : 4°. quels sont les êtres en qui elle réside.

Il y a eu une foule d'opinions sur son origine ; & cette matiere a été extrèmement agitée dans l'antiquité, tant payenne que chrétienne. Il ne peut y avoir que deux manieres d'envisager l'ame, ou comme une qualité, ou comme une substance. Ceux qui pensoient qu'elle n'étoit qu'une pure qualité, comme Epicure, Dicéarchus, Aristoxène, Asclépiade, & Galien, croyoient & devoient nécessairement croire qu'elle étoit anéantie à la mort. Mais la plus grande partie des Philosophes ont pensé que l'ame étoit une substance. Tous ceux qui étoient de cette opinion, ont soûtenu unanimement qu'elle n'étoit qu'une partie séparée d'un tout ; que Dieu étoit ce tout, & que l'ame devoit enfin s'y réunir par voie de réfusion. Mais ils différoient entr'eux sur la nature de ce tout ; les uns soûtenant qu'il n'y avoit dans la nature qu'une seule substance, les autres prétendant qu'il y en avoit deux. Ceux qui soûtenoient qu'il n'y avoit qu'une seule substance universelle, étoient de vrais athées : leurs sentimens & ceux des Spinosistes modernes sont les mêmes ; & Spinosa sans doute a puisé ses erreurs dans cette source corrompue de l'antiquité. Ceux qui soutenoient qu'il y avoit dans la nature deux substances générales, Dieu & la matiere, concluoient en conséquence de cet axiome fameux, de rien rien, que l'une & l'autre étoient éternelles : ceux-ci formoient la classe des Philosophes Théistes & Déistes, approchant plus ou moins suivant leurs différentes subdivisions, de ce qu'on appelle le Spinofisme. Il faut remarquer que tous les sentimens des anciens sur la nature de Dieu, tenoient beaucoup de ce système absurde. La seule barriere qui soit entr'eux & Spinosa, c'est que ce Philosophe, ainsi que Straton, destituoit & privoit de la connoissance & de la raison cette force répandue dans le monde, qui selon lui en vivifioit les parties & entretenoit leur liaison ; au lieu que les Philosophes Théistes donnoient de la raison & de l'intelligence à cette ame du monde. La divinité de Spinosa n'étoit qu'une nature aveugle, qui n'avoit ni vie ni sentiment, & qui néanmoins avoit produit tous ces beaux ouvrages, & y avoit mis sans le savoir une symmétrie & une subordination qui paroissent évidemment l'effet d'une intelligence très-éclairée, qui choisit & ses fins & ses moyens. La divinité des Philosophes au contraire étoit une intelligence éclairée, qui avoit présidé à la formation de l'univers. Ces Philosophes ne distinguoient Dieu de la matiere, que parce qu'ils ne donnoient le nom de matiere qu'à ce qui est sensible & palpable. Ainsi Dieu étant dans leur système une substance plus déliée, plus agile, plus pénétrante que les corps exposés à la perception des sens, ils lui donnoient le nom d'esprit, quoique dans la rigueur il fût matériel. Voyez l'article de l 'IMMATERIALISME, où nous prouvons que les anciens Philosophes n'avoient eu aucune teinture de la véritable spiritualité. Nous y prouverons même que les idées des premiers Peres, encore un peu teintes de la sagesse humaine, n'avoient pas été nettes sur la spiritualité : il est si commode de raisonner par imitation, si difficile de ne rien conserver de ce qu'on a chéri longtems, si naturel de justifier ses pensées par la droiture de l'intention, que souvent on est dans le piége sans l'avoir craint ni soupçonné. Ainsi les Peres imbus & pénétrés, s'il est permis de parler ainsi, des principes des Philosophes grecs, les avoient portés avec eux dans le Christianisme.

Parmi les Théistes, les uns ne reconnoissoient qu'une seule personne dans la Divinité, les autres deux ou trois : ensorte que les premiers croyoient que l'ame étoit une partie du Dieu suprème, & les derniers croyoient seulement qu'elle étoit une partie de la seconde ou de la troisieme hypostase, ainsi qu'ils l'appelloient. De même qu'ils multiplierent les personnes de la Divinité, ils multiplierent la nature de l'ame. Les uns en donnoient deux à chaque homme ; les autres encore plus libéraux lui en donnoient trois : il y avoit l'ame intellectuelle, l'ame sensitive, & l'ame végétative. Mais l'on doit observer qu'entre ces ames ainsi multipliées, ils croyoient qu'il n'y en avoit qu'une seule qui fût partie de la Divinité. Les autres étoient seulement une matiere élémentaire, ou de pures qualités.

Quelque différence de sentiment qu'il y eût sur la nature de l'ame, tous ceux qui croyoient que c'étoit une substance réelle, s'accordoient en ce point, qu'elle étoit une partie de la substance de Dieu, qu'elle en avoit été séparée, & qu'elle devoit y retourner par réfusion : la proposition est évidente par elle-même à l'égard de ceux qui n'admettoient dans toute la nature qu'une seule substance universelle ; & ceux qui en admettoient deux, les considéroient comme réunies & composant ensemble l'univers, précisément comme le corps & l'ame composent l'homme : Dieu en étoit l'ame, & la matiere le corps ; & de même que le corps retournoit à la masse de la matiere dont il étoit sorti, l'ame retournoit à l'esprit universel, de qui tous les esprits tiroient leur substance & leur existence.

C'est conformément à ces idées que Cicéron expose les sentimens des Philosophes grecs : " Nous tirons, dit-il, nous puisons nos ames dans la nature des Dieux, ainsi que le soûtiennent les hommes les plus sages & les plus savans ". Les expressions originales sont plus fortes & plus énergiques : A naturâ deorum, ut doctissimis sapientissimisque placuit, haustos animos & libatos habemus. De Div. lib. II. c. xljx. Dans un autre endroit, il dit que l'esprit humain qui est tiré de l'esprit divin, ne peut être comparé qu'à Dieu : Humanus autem animus decerptus est mente divina, cum alio nullo nisi cum ipso Deo comparari potest. Tuscul. quaest. lib. V. c. xv. Et afin qu'on ne s'imagine pas que ces sortes de phrases, que l'ame est une partie de Dieu, qu'elle est tirée de lui, de sa nature (phrases qui reviennent continuellement dans les écrits des anciens), ne sont que des expressions figurées, & que l'on ne doit point interpréter avec une sévérité métaphysique, il ne faut qu'observer la conséquence que l'on tiroit de ce principe, & qui a été universellement adoptée par toute l'antiquité, que l'ame étoit éternelle, à parte ante & à parte post ; c'est-à-dire qu'elle étoit sans commencement & sans fin, ce que les Latins exprimoient par le seul mot de sempiternelle. C'est ce que Ciceron indique assez clairement, quand il dit qu'on ne peut trouver sur la terre l'origine des ames : " On ne rencontre rien, dit-il, dans la nature terrestre, qui ait la faculté de se ressouvenir & de penser, qui puisse se rappeller le passé, considérer le présent, & prévoir l'avenir. Ces facultés sont divines ; & l'on ne trouvera point d'où l'homme peut les avoir, si ce n'est de Dieu. Ainsi ce quelque chose qui sent, qui goûte, qui veut, est céleste & divin, & par cette raison il doit être nécessairement éternel ". La maniere dont Ciceron tire la conséquence, ne permet pas d'envisager le principe dans un autre sens que dans un sens précis & métaphysique.

Lorsqu'on dit que les anciens croyoient l'éternité de l'ame, sans commencement comme sans fin, on ne doit pas s'imaginer qu'ils crussent que l'ame existât de toute éternité d'une maniere distincte & particuliere, mais seulement qu'elle étoit tirée ou détachée de la substance éternelle de Dieu, dont elle faisoit partie, & qu'elle s'y devoit réunir & y rentrer de nouveau. C'est ce qu'ils expliquoient par l'exemple d'une bouteille remplie d'eau & nageant dans la mer, venant à se briser ; l'eau coule de nouveau & se réunit à la masse commune : il en étoit de même de l'ame à la dissolution du corps. Ils ne différoient que sur le tems de cette réunion ; la plus grande partie soûtenoit qu'elle se faisoit à la mort, & les Pythagoriciens prétendoient qu'elle ne se faisoit qu'après plusieurs transmigrations. Les Platoniciens marchant entre ces deux opinions, ne réunissoient à l'esprit universel ; immédiatement après la mort, que les ames pures & sans tache. Celles qui s'étoient souillées par des vices ou par des crimes, passoient par une succession de corps différens, pour se purifier avant que de retourner à leur substance primitive. C'étoit-là les deux especes de métempsycoses naturelles, dont faisoient réellement profession ces deux écoles de Philosophie.

Que ce soient-là les véritables sentimens de l'antiquité, nous le prouvons par les quatre grandes sectes de l'ancienne Philosophie ; savoir, les Pythagoriciens, les Platoniciens, les Péripatéticiens, & les Stoïciens : l'exposition de leurs sentimens confirmera ce que nous avons dit de ceux des Philosophes en général sur la nature de l'ame.

Ciceron, dans la personne de Velleius l'Epicurien, accuse Pythagore de soûtenir que l'ame étoit une substance détachée de celle de Dieu, ou de la nature universelle, & de ne pas voir que par-là il mettoit Dieu en pieces & en morceaux. " Pythagore & Empédocle, dit Sextus Empiricus, croyoient, ainsi que toute l'école Italique, que nos ames sont nonseulement de la même nature les unes que les autres, mais qu'elles sont encore de la même nature que celles des dieux, & que les ames irrationnelles des brutes ; n'y ayant qu'un seul esprit infus dans l'univers qui lui fournit des ames, & qui unit les nôtres avec toutes les autres ".

Platon appelle souvent l'ame sans aucun détour. Dieu, une partie de Dieu. Plutarque dit que Pythagore & Platon croyoient l'ame immortelle, & que s'élançant dans l'ame universelle de la nature, elle retournoit à sa premiere origine. Arnobe accuse les Platoniciens de la même opinion, en les apostrophant de la sorte : " Pourquoi donc l'ame que vous dites être immortelle, être Dieu, est-elle malade dans les malades, imbécille dans les enfans, caduque dans les vieillards ? ô folie, démence, infatuation " !

Aristote, à quelques modifications près, pensoit sur la nature de l'ame comme les autres Philosophes. Après avoir parlé des ames sensitives, & déclaré qu'elles étoient mortelles, il ajoûte que l'esprit ou l'intelligence existe de tout tems, & qu'elle est de nature divine : mais il fait une seconde distinction ; il trouve que l'esprit est actif ou passif, & que de ces deux sortes d'esprit le premier est immortel & éternel, le second corruptible. Les plus savans commentateurs de ce Philosophe ont regardé ce passage comme inintelligible, & ils se sont imaginés que cette obscurité provenoit des formes & des qualités qui infectent sa philosophie, & qui confondent ensemble les substances corporelles & incorporelles. S'ils eussent fait attention au sentiment général des Philosophes grecs sur l'ame universelle du monde, ils auroient trouvé que ce passage est clair, & qu'Aristote, de ce principe commun que l'ame est une partie de la substance divine, tire ici une conclusion contre son existence particuliere & distincte dans un état futur : sentiment qui a été embrassé par tous les Philosophes, mais qu'ils n'ont pas tous avoüé aussi ouvertement. Lorsqu'Aristote dit que l'intelligence active est seule immortelle & éternelle, & que l'intelligence passive est corruptible ; le sens de ces expressions ne peut être que celui-ci : que les sensations particulieres de l'ame, en quoi consiste son intelligence passible, cesseront à la mort : mais que la substance, en quoi consiste son intelligence active, continuera de subsister, non séparément, mais confondue dans l'ame de l'univers. Car l'opinion d'Aristote, qui comparoit l'ame à une table rase, étoit que les sensations & les réflexions ne sont que des passions de l'ame, & c'est ce qu'il appelle l'intelligence passive, qui comme il le dit, cessera d'exister, ou qui en d'autres termes équivalens, est corruptible. Ses commentateurs & ses paroles mêmes nous apprennent ce qu'il faut entendre par l'intelligence active, en la caractérisant d'intelligence divine, ce qui en indique & l'origine & la fin. Par-là cette distinction, extravagante en apparence, de l'esprit humain en intelligence active & passive, paroît simple & exacte. Pour n'avoir point eu la clé de cette ancienne métaphysique, les partisans d'Aristote ont été fort partagés entr'eux, pour décider ce que leur maître croyoit de la mortalité ou de l'immortalité de l'ame. Les expressions d'intelligence passive ont même fait imaginer à quelques-uns, comme à Némesius, qu'Aristote croyoit que l'ame n'étoit qu'une qualité.

Quant aux Stoïciens, voyons la maniere dont Séneque expose leurs sentimens : " Et pourquoi, dit-il, ne croiroit-on pas qu'il y a quelque chose de divin dans celui qui est une partie de la divinité même ? Ce tout dans lequel nous sommes contenus est un, & cet un est Dieu. Nous sommes ses associés, nous sommes ses membres ". Epictete dit que les ames des hommes ont la relation la plus étroite avec Dieu ; qu'elles en sont des parties ; qu'elles sont des fragmens séparés & arrachés de sa substance. Enfin Marc Antonin combat par ces réflexions la crainte de la mort. " La mort, dit-il, est non-seulement conforme au cours de la nature, mais elle est encore extrèmement utile. Que l'on examine combien un homme est étroitement uni à la divinité ; dans quelle partie de nous-mêmes cette union réside, & quelle sera la condition de cette partie ou portion de l'humanité au moment de sa réfusion dans l'ame du monde ".

Les sentimens des quatre grandes sectes de philosophes sont, comme on le voit, à-peu-près uniformes sur ce point. Ceux qui croyoient, comme Plutarque, qu'il y avoit deux principes, l'un bon & l'autre mauvais, croyoient que l'ame étoit tirée, partie de la substance de l'un, & partie de la substance de l'autre ; & ce n'étoit qu'en cette circonstance seule qu'ils différoient des autres philosophes.

Peu de tems après la naissance du Christianisme, les philosophes étant puissamment attaqués par les écrivains chrétiens, altérerent leur philosophie & leur religion, en rendant leur philosophie plus religieuse & leur religion plus philosophique. Parmi les raffinemens du Paganisme, l'opinion qui faisoit de l'ame une partie de la substance divine, fut adoucie. Les Platoniciens la bornerent à l'ame des brutes. Toute puissance irrationnelle, dit Porphire, retourne par réfusion dans l'ame du tout. Et l'on doit remarquer que ce n'est seulement qu'alors que les philosophes commencerent à croire réellement & sincerement le dogme des peines & des récompenses d'une autre vie. Mais les plus sages d'entr'eux n'eurent pas plûtôt abandonné l'opinion de l'ame universelle, que les Gnostiques, les Manichéens & les Priscilliens s'en emparerent : ils la transmirent aux Arabes, de qui les athées de ces derniers siecles, & notamment Spinosa, l'ont empruntée.

On demandera peut-être d'où les Grecs ont tiré cette opinion si étrange de l'ame universelle du monde ; opinion aussi détestable que l'athéisme même, & que M. Bayle trouve avec raison plus absurde que le système des atomes de Démocrite & d'Epicure. On s'est imaginé qu'ils avoient tiré cette opinion d'Egypte. La nature seule de cette opinion fait suffisamment voir qu'elle n'est point égyptienne : elle est trop raffinée, trop subtile, trop métaphysique, trop systématique : l'ancienne philosophie des Barbares (sous ce nom les Grecs entendoient les Egyptiens comme les autres nations) consistoit seulement en maximes détachées, transmises des maîtres aux disciples par la tradition, où rien ne ressentoit la spéculation, & où l'on ne trouvoit ni les raffinemens ni les subtilités qui naissent des systèmes & des hypothèses. Ce caractere simple ne regnoit nulle part plus qu'en Egypte. Leurs sages n'étoient point des sophistes scholastiques & sédentaires, comme ceux des Grecs ; ils s'occupoient entierement des affaires publiques de la religion & du gouvernement ; & en conséquence de ce caractere, ils ne poussoient les Sciences que jusqu'où elles étoient nécessaires pour les usages de la vie. Cette sagesse si vantée des Egyptiens, dont il est parlé dans les saintes Ecritures, consistoit essentiellement dans les arts du gouvernement, dans les talens de la législature, & dans la police de la société civile.

Le caractere des premiers Grecs, disciples des Egyptiens, confirme cette vérité ; savoir, que les Egyptiens ne philosophoient ni sur des hypothèses, ni d'une maniere systmatique. Les premiers sages de la Grece, conformément à l'usage des Egyptiens leurs maîtres, produisoient leur philosophie par maximes détachées & indépendantes, telle certainement qu'ils l'avoient trouvée, & qu'on la leur avoit enseignée. Dans ces anciens tems le philosophe & le théologien, le législateur & le poëte, étoient tous réunis dans la même personne : il n'y avoit ni diversité de sectes, ni succession d'écoles : toutes ces choses sont des inventions greques, qui doivent leur naissance aux spéculations de ce peuple subtil & grand raisonneur.

Quoique l'opposition du génie de la philosophie égyptienne avec le dogme de l'ame universelle, soit seule suffisante pour prouver que ce dogme n'étant point égyptien ne peut être que grec, nous en confirmerons la vérité en prouvant que les Grecs en furent les premiers inventeurs. Le plus beau principe de la physique des Grecs eut deux auteurs, Démocrite & Séneque : le principe le plus vicieux de leur métaphysique eut de même deux auteurs, Phérécide le Syrien & Thalès le Milésien, philosophes contemporains.

Phérécide le Syrien, dit Cicéron, fut le premier qui soûtint que les ames des hommes étoient sempiternelles ; opinion que Pythagore son disciple accrédita beaucoup.

Quelques personnes, dit Diogene Laërce, prétendent que Thalès fut le premier qui soûtint que les ames des hommes étoient sempiternelles. Thalès, dit encore Plutarque, fut le premier qui enseigna que l'ame est une nature éternellement mouvante, ou se mouvant par elle-même.

On entend communément par le passage ci-dessus de Cicéron, & par celui de Diogene Laërce, que les philosophes dont il y est fait mention, sont les premiers qui ayent enseigné l'immortalité de l'ame. Mais comment accorder ce sentiment avec ce que dit Cicéron, ce que dit Plutarque, ce qu'ont dit tous les anciens, que l'immortalité de l'ame étoit une chose que l'on avoit crûe de tout tems ? Homere l'enseigne, Hérodote rapporte que les Egyptiens l'avoient enseignée depuis les tems les plus reculés : c'est sur cette opinion qu'étoit fondée la pratique si ancienne de déifier les morts. Il en faut conclure, qu'il n'est pas question dans ces passages de la simple immortalité, considérée comme une existence qui n'aura point de fin, mais qu'il faut entendre une existence sans commencement, aussi-bien que sans fin : c'est ce que signifie le mot de sempiternelle dont se sert Cicéron. Or l'éternité de l'ame étoit, comme nous l'avons déjà fait voir, une conséquence qui ne pouvoit naître que du principe qui faisoit l'ame de l'homme une partie de Dieu, & qui par conséquent faisoit Dieu l'ame universelle du monde. Enfin l'antiquité nous apprend que ces deux philosophes pensoient qu'il y avoit une ame universelle ; & l'on doit observer que ce dogme est souvent appellé le dogme de l'immortalité.

Ainsi ces différens passages, & sur-tout celui de Cicéron, contiennent un trait singulier d'histoire, qui prouve non-seulement que l'opinion de l'ame universelle est une production des Grecs, mais qui même nous découvre quels en furent les auteurs : car Suidas nous dit que Phérécide n'eut de maître que lui-même. L'autorité de Pythagore répandit promptement cette opinion par toute la Grece ; & je ne doute point qu'elle ne soit la cause que Phérécide, qui n'eut point soin de la cacher, comme le fit son grand disciple par le moyen de la double doctrine, ait été regardé comme athée.

Quoique les Grecs ayent été inventeurs de cette opinion, comme il est cependant très-certain qu'ils ont été redevables à l'Egypte de leurs premieres connoissances, il est vraisemblable qu'ils furent conduits à cette erreur par l'abus de quelques principes égyptiens.

Les Egyptiens, comme nous l'enseigne le témoignage unanime de toute l'antiquité, furent des premiers à enseigner l'immortalité de l'ame ; & ils ne le firent point dans l'esprit des sophistes grecs, uniquement pour spéculer, mais afin d'établir sur ce fondement le dogme si utile des peines & des récompenses d'une autre vie. Toutes les pratiques & toutes les instructions des Egyptiens ayant pour objet le bien de la société, le dogme d'un état futur servoit lui-même à prouver & à expliquer celui de la Providence divine : mais cela seul ne leur paroissoit point suffisant pour résoudre toutes les objections qui naissent de l'origine du mal, & qui attaquent les attributs moraux de la divinité, parce qu'il ne suffit pas pour le bien de la société que l'on soit persuadé qu'il y a une providence divine, si l'on ne croit en même tems que cette providence est dirigée par un être parfaitement bon & parfaitement juste : ils n'imaginerent donc point de meilleur moyen pour résoudre cette difficulté, que la métempsycose ou la transmigration des ames, sans laquelle, suivant l'opinion d'Hiéroclès, on ne peut justifier les voies de la Providence. La conséquence nécessaire de cette idée, c'est que l'ame est plus ancienne que le corps. Ainsi les Grecs trouvant que les Egyptiens enseignoient d'un côté que l'ame est immortelle à parte post, & qu'ils croyoient d'un autre côté que l'ame existoit avant que d'être unie au corps, ils en conclurent, pour donner à leur système un air d'uniformité, qu'elle étoit éternelle à parte ante comme à parte post ; ou que devant exister éternellement, elle avoit aussi existé de toute éternité.

Les Grecs après avoir donné à l'ame un des attributs de la divinité, en firent bien-tôt un Dieu parfait ; erreur où ils tomberent par l'abus d'un autre principe égyptien. Le grand secret des mysteres & le premier des mysteres qui furent inventés en Egypte, consistoit dans le dogme de l'unité de Dieu : c'étoit-là le mystere que l'on apprenoit aux rois, aux magistrats & à un petit nombre choisi d'hommes sages & vertueux ; & en cela même cette pratique avoit pour objet l'utilité de la société. Ils représentoient Dieu comme un esprit répandu dans tout le monde, & qui pénétroit la substance intime de toutes choses, enseignant dans un sens moral & figuré que Dieu est tout en tant qu'il est présent à tout, & que sa providence est aussi particuliere qu'universelle. Leur opinion, comme l'on voit, étoit fort différente de celle des Grecs sur l'ame universelle du monde ; celle-ci étant aussi pernicieuse à la société, que l'athéisme direct peut l'être. C'est néanmoins de ce principe que Dieu est tout, expression employée figurément par les Egyptiens, & prise à la lettre par les Grecs, que ces derniers ont tiré cette conséquence, que tout est Dieu : ce qui les a entraînés dans toutes les erreurs & les absurdités de notre Spinosisme. Les Orientaux d'aujourd'hui ont aussi tiré originairement leur religion d'Egypte, quoiqu'elle soit infectée du spinosisme le plus grossier : mais ils ne sont tombés dans cet égarement que par le laps de tems, & par l'effet d'une spéculation raffinée, nullement originaire d'Egypte. Ils en ont contracté le goût par la communication des Arabes-Mahométans, grands partisans de la philosophie des Grecs, & en particulier de leur opinion sur la nature de l'ame. Ce qui le confirme, c'est que les Druides, branche qui provenoit également des anciens sages de l'Egypte, n'ont jamais rien enseigné de semblable, ayant été éteints avant que d'avoir eu le tems de spéculer & de subtiliser sur des hypothèses & des systèmes. Je sai bien que le dogme monstrueux de l'ame du monde passa des Grecs aux Egyptiens ; que ces derniers furent infectés des mauvais principes des premiers : mais cela n'arriva que lorsque la puissance de l'Egypte ayant été violemment ébranlée par les Perses, & enfin entierement détruite par les Grecs, les sciences & la religion de cette nation fameuse subirent une révolution générale. Les prêtres égyptiens commencerent alors à philosopher à la maniere des Grecs ; & ils en contracterent une si grande habitude, qu'ils en vinrent enfin à oublier la science simple de leurs ancêtres, trop négligée par eux. Les révolutions du gouvernement contribuerent à celle des Sciences : cette derniere doit paroître d'autant moins surprenante, que toutes leurs sciences étoient transmises de génération en génération, en partie par tradition, & en partie par le moyen mystérieux des hiéroglyphes, dont la connoissance fut bien-tôt perdue ; de sorte que les anciens qui depuis ont prétendu les expliquer, nous ont appris seulement qu'ils n'y entendoient rien.

Les peres mêmes ont été fort embarrassés à expliquer ce qui regarde l'origine de l'ame : Tertullien croyoit que les ames avoient été créées en Adam, & qu'elles venoient l'une de l'autre par une espece de production. Anima velut surculus quidam ex matrice Adami in propaginem deducta, & genitalibus semine foveis commodata. Pullulabit tam intellectu quam & sensu. Tertull. de animâ, ch. xjx. J'ajoûterai un passage de St Augustin, qui renferme les diverses opinions de son tems, & qui démontre en même tems la difficulté de cette question. Harum autem sententiarum quatuor de animâ, utrum de propagine veniant, an in singulis quibusque nascentibus mox fiant, an in corpora nascentium jam alicubi existentes vel mittantur divinitùs, vel suâ sponte labantur, nullam temerè affirmari oportebit ; aut enim nondum ista quaestio à divinorum librorum catholicis tractatoribus, pro merito suae obscuritatis & perplexitatis, evoluta atque illustrata est ; aut si jam factum est, nondum in manus nostras hujuscemodi litterae provenerunt. Origene croyoit que les ames existoient avant que d'être unies aux corps, & que Dieu ne les y envoyoit pour les animer, que pour les punir en même tems de ce qu'elles avoient failli dans le ciel, & de ce qu'elles s'étoient écartées de l'ordre.

M. Leibnitz a sur l'origine des ames un sentiment qui lui est particulier. Le voici : il croit que les ames ne sauroient commencer que par la création, ni finir que par l'annihilation ; & comme la formation des corps organiques animés ne lui paroît explicable dans l'ordre, que lorsqu'on suppose une préformation déjà organique, il en infere que ce que nous appellons génération d'un animal, n'est qu'une transformation & augmentation : ainsi puisque le même corps étoit déjà organisé, il est à croire, ajoûte-t-il, qu'il étoit déjà animé, & qu'il avoit la même ame. Après avoir établi un si bel ordre, & des regles si générales à l'égard des animaux, il ne lui paroît pas raisonnable que l'homme en soit exclu entierement, & que tout se fasse en lui par miracle par rapport à son ame. Il est donc persuadé que les ames qui seront un jour ames humaines, comme celles des autres especes, ont été dans les semences, & dans les ancêtres jusqu'à Adam, & ont existé par conséquent depuis le commencement des choses, toûjours dans une maniere de corps organisés ; doctrine qu'il confirme par les observations microscopiques de M. Leuwenhoek, & d'autres bons observateurs. Il ne faut pas cependant s'imaginer qu'il croye qu'elles ayent toûjours existé comme raisonnables ; ce n'est point là son sentiment : il veut seulement qu'elles n'ayent alors existé qu'en ames sensitives ou animales, doüées de perception & de sentiment, mais destituées de raison ; & qu'elles soient demeurées dans cet état jusqu'au tems de la génération de l'homme à qui elles devoient appartenir. Elles ne reçoivent donc, dans ce système, la raison, que lors de la génération de l'homme ; soit qu'il y ait un moyen naturel d'élever une ame sensitive au degré d'ame raisonnable, ce qu'il est difficile de concevoir ; soit que Dieu ait donné la raison à cette ame par une opération particuliere, ou si vous voulez, par une espece de transcréation ; ce qui est d'autant plus aisé à admettre, que la révélation enseigne beaucoup d'autres opérations immédiates de Dieu sur nos ames. Cette explication paroît à M. de Leibnitz lever les embarras qui se présentent ici en Philosophie ou en Théologie : il est bien plus convenable à la justice divine de donner à l'ame déjà corrompue physiquement ou animalement par le péché d'Adam, une nouvelle perfection qui est la raison, que de mettre une ame raisonnable, par création ou autrement, dans un corps où elle doive être corrompue moralement.

La nature de l'ame n'a pas moins exercé les Philosophes anciens & modernes, que son origine : il a été & il sera toûjours impossible de pénétrer comment cet être qui est en nous & que nous regardons comme nous-mêmes, est uni à un certain assemblage d'esprits animaux qui sont dans un flux continuel. Chaque philosophe a donné une définition différente de sa nature. Plutarque rapporte les sentimens de plusieurs philosophes, qui ont tous été d'avis différens. Cela est bien juste, puisqu'ils décidoient positivement sur une chose dont ils ne savoient rien du tout. Voici ce passage, tom. II. pag. 898. trad. d'Amyot. " Thalès a été le premier qui a défini l'ame une nature se mouvant toûjours en soi-même : Pythagore, que c'est un nombre se mouvant soi-même ; & ce nombre-là, il le prend pour l'entendement : Platon, que c'est une substance spirituelle se mouvant soi-même, & par un nombre harmonique : Aristote, que c'est l'acte premier d'un corps organique, ayant vie en puissance : Dicéarchus, que c'est l'harmonie & concordance des quatre élémens : Asclépiade le Medecin, que c'est un exercice commun de tous les sentimens ensemble. Tous ces philosophes-là, continue-t-il, que nous avons mis ci-devant, supposent que l'ame est incorporelle, qu'elle se meut elle-même, que c'est une substance spirituelle ". Mais ce que les anciens nommoient incorporel, ce n'étoit point notre spirituel, c'étoit simplement ce qui est composé de parties très-subtiles. En voici une preuve sans réplique. Aristote rapportant le sentiment d'Héraclite sur l'ame, dit qu'il la regardoit comme une exhalaison ; & il ajoûte que selon ce philosophe elle étoit incorporelle. Qu'est-ce que cette incorporéité, sinon une extrème ténuité qui rend l'ame impalpable & imperceptible à tous nos sens ? C'est à cela qu'il faut rapporter toutes les opinions suivantes. Pythagore disoit que l'ame étoit un détachement de l'air ; Empedocle en faisoit un composé de tous les élémens : Démocrite, Leucippe, Parménide, &c. (Diog. Laërt. lib. VIII. fig. 27.) soûtenoient qu'elle étoit de feu : Epithorme avançoit que les ames étoient tirées du Soleil : Plutarque rapporte ainsi l'opinion d'Epicure. " Epicure croit que l'ame est un mêlange, une température de quatre choses ; de je ne sai quoi de feu, de je ne sai quoi d'air, de je ne sai quoi de vent, & d'un autre quatrieme qui n'a point de nom. (ubi suprà.) ". Anaxagore, Anaximene, Archélaüs, &c. ont crû que c'étoit un air subtil. Hippon assûra qu'elle étoit d'eau, parce que, selon lui, l'humide étoit le principe de toutes choses. Xenophane la composoit d'eau & de terre ; Parmenide, de feu & de terre ; Boëce, d'air & de feu. Critius soûtint que l'ame n'étoit que le sang ; Hippocrate, que c'étoit un esprit délié répandu par tout le corps. Marc Antonin, qui étoit Stoïcien, étoit persuadé que c'étoit quelque chose de semblable au vent. Critolaüs imagina que son essence étoit une cinquieme substance. Encore aujourd'hui il y a peu d'hommes en Orient qui ayent une connoissance parfaite de la spiritualité. Il y a là-dessus un passage de M. de Laloubere (Voyage du royaume de Siam, t. I. p. 361.) qui vient ici fort à propos. " Nulle opinion, dit-il, n'a été si généralement reçûe parmi les hommes, que celle de l'immortalité de l'ame : mais que l'ame soit immatérielle, c'est une vérité dont la connoissance ne s'est pas tant étendue ; aussi est-ce une difficulté très-grande de donner à un Siamois l'idée d'un pur esprit ; & c'est le témoignage qu'en rendent les Missionnaires qui ont été le plus long-tems parmi eux. Tous les payens de l'Orient croyent à la verité qu'il reste quelque chose de l'homme, après sa mort, qui subsiste séparement & indépendamment de son corps : mais ils donnent de l'étendue & de la figure à ce qui reste, & ils lui attribuent les mêmes membres & toutes les mêmes substances solides & liquides dont nos corps sont composés ; ils supposent seulement que nos ames sont d'une matiere assez subtile pour se dérober à l'attouchement & à la vûe, quoiqu'ils croyent d'ailleurs que si on en blessoit quelqu'une, le sang qui couleroit de sa blessure pourroit paroître. Telles étoient les manes & les ombres des Grecs & des Romains ; & c'est à cette figure des ames, pareille à celle des corps, que Virgile suppose qu'Enée reconnut Palinure, Didon & Anchise dans les enfers ". Aux payens anciens & modernes, on peut joindre les anciens docteurs des Juifs, & même les Peres des premiers siecles de l'Eglise. M. de Beausobre a prouvé démonstrativement dans le second tome de son histoire du Manichéisme, que les notions de création & de spiritualité ne se trouvent point dans l'ancienne théologie judaïque. Pour les Peres, rien n'est plus aisé que d'alléguer des témoignages de leur hétherodoxie sur ce sujet. S. Irénée (lib. II. c. xxxjv. lib. V. c. vij. & passim) dit que l'ame est un souffle, qu'elle n'est incorporelle qu'en comparaison des corps grossiers, & qu'elle ressemble au corps qu'elle a habité. Tertullien suppose que l'ame est corporelle ; definimus animam Dei statu natam immortalem, corporalem effigiatam. De animâ, cap. xxij. S. Bernard, selon l'aveu du P. Mabillon, enseigna à propos de l'ame, qu'après la mort elle ne voyoit pas Dieu dans le ciel, mais qu'elle conversoit seulement avec l'humanité de Jesus-Christ. Voyez l'article de L'IMMATERIALISME, ou de la SPIRITUALITE.

Il est donc bien démontré que tous les anciens philosophes ont cru l'ame matérielle. Parmi les modernes qui se déclarent pour ce sentiment, on peut compter un Averroës, un Calderin, un Politien, un Pomponace, un Bembe, un Cardan, un Cesalpin, un Taurell, un Cremonin, un Berigard, un Viviani, un Hobbes, &c. On peut aussi leur associer ceux qui prétendent que notre ame tire son origine des peres & des meres par la vertu séminale ; que d'abord elle n'est que végétative & semblable à celle d'une plante ; qu'ensuite elle devient sensitive en se perfectionnant ; & qu'enfin elle est rendue raisonnable par la coopération de Dieu. Une chose corporelle ne peut devenir incorporelle : si l'ame raisonnable est la même que la sensitive, mais plus épurée, elle est alors matérielle nécessairement. C'est-là le système des Epicuriens ; à cela près que l'ame chez les Philosophes payens avoit en elle la faculté de se perfectionner, au lieu que chez les Philosophes chrétiens c'est Dieu qui par sa puissance la conduit à la perfection : mais la matérialité de l'ame est toûjours nécessaire dans les deux opinions. Ceux qui disent que l'embryon est animé jusqu'au quarantieme jour, tems auquel se fait la conformation des parties, prêtent, sans le vouloir, des armes à ceux qui soûtiennent la matérialité de l'ame. Comment se peut-il faire que la vertu séminale, qui n'est secourue d'aucun principe de vie, puisse produire des actions vitales ? Or si vous accordez, continuent-ils, qu'il y a un principe de vie dans les semences, capable de produire la conformation des parties, d'agir, de mouvoir, en perfectionnant ce principe & lui donnant la liberté d'augmenter & d'agir librement par les organes parfaits, il est aisé de voir qu'il peut & doit même devenir ce qu'on appelle ame, qui par conséquent est matérielle.

Spinosa ayant une fois posé pour principe qu'il n'y a qu'une substance dans l'univers, s'est vû forcé par la suite de ses principes à détruire la spiritualité de l'ame. Il ne trouve entr'elle & le corps d'autre différence que celle qu'y mettent les modifications diverses, modifications qui sortent néanmoins d'une même source, & possedent un même sujet. Comme il est un de ceux qui paroît avoir le plus étudié cette matiere, qu'il me soit permis de donner ici un précis de son système & des raisons sur lesquelles il prétend l'appuyer. Ce philosophe prétend donc qu'il y a une ame universelle répandue dans toute la matiere, & sur-tout dans l'air, de laquelle toutes les ames particulieres sont tirées ; que cette ame universelle est composée d'une matiere déliée & propre au mouvement, telle qu'est celle du feu ; que cette matiere est toûjours prête à s'unir aux sujets disposés à recevoir la vie, comme la matiere de la flamme est prête à s'attacher aux choses combustibles qui sont dans la disposition d'être embrasées.

Que cette matiere unie au corps de l'animal y entretient, du moment qu'elle y est insinuée jusqu'à celui qu'elle l'abandonne, & se réunit à son tout, le double mouvement des poumons dans lequel la vie consiste, & qui est la mesure de sa durée.

Que cette ame ou cet esprit est constamment, & sans variation de substance, le même en quelque corps qu'il se trouve, séparé ou réuni ; qu'il n'y a enfin aucune diversité de nature dans la matiere animante, qui fait les ames particulieres raisonnables, sensitives, végétatives, comme il vous plaira de les nommer ; mais que la différence qui se voit entr'elles ne consiste que dans celle de la matiere qui s'est trouvée animée, & dans la différence des organes qu'elle est employée à mouvoir dans les animaux, ou dans la différente disposition des parties de l'arbre ou de la plante qu'elle anime ; semblable à la matiere de la flamme uniforme dans son essence, mais plus ou moins brillante ou vive, suivant la substance à laquelle elle se trouve réunie ; en effet elle paroît belle & nette, lorsqu'elle est attachée à une bougie de cire purifiée ; obscure & languissante, lorsqu'elle est jointe à une chandelle de suif grossier. Il ajoûte que même parmi les cires, il y en a de plus nettes & de plus pures ; qu'il y a de la cire jaune & de la cire blanche.

Il y a aussi des hommes de différentes qualités ; ce qui seul constitue plusieurs degrés de perfections dans leur raisonnement, y ayant une différence infinie là-dessus. On peut même, ajoûte-t-il, perfectionner en l'homme les puissances de l'ame ou de l'entendement, en fortifiant les organes par le secours des Sciences, de l'éducation, de l'abstinence de certaines nourritures ou boissons ; ou les dégrader par une vie déréglée, par des passions violentes, les calamités, les maladies, & la vieillesse : ce qui est même une preuve invincible, que ces puissances ne sont que l'effet des organes du corps constituées d'une certaine maniere.

La portion de l'ame universelle qui aura servi à animer un corps humain, pourra servir à animer celui d'une autre espece, & pareillement celle dont les corps d'autres animaux auront été animés, & celle qui aura fait pousser un arbre ou une plante, pourra être employée réciproquement à animer des corps humains ; de la même maniere que les parties de la flamme qui auroient embrasé du bois, pourroient aussi embraser une autre matiere combustible.

Ce philosophe moderne pousse cette pensée plus loin, & il prétend qu'il n'y a pas de moment où les ames particulieres ne se renouvellent dans les corps animés, par des parties de l'ame universelle qui succedent aux ames particulieres ; ainsi que les particules de la lumiere d'une bougie ou d'une autre flamme sont suppléées par d'autres qui les chassent, & sont chassées à leur tour par d'autres.

La réunion des ames particulieres à la générale, à la mort de l'animal, est aussi prompte & aussi entiere que le retour de la flamme à son principe aussitôt qu'elle est séparée de la matiere à laquelle elle étoit unie. L'esprit de vie dans lequel les ames consistent, d'une nature encore plus subtile que celle de la flamme, si elle n'est la même, n'est ni susceptible d'une séparation permanente de la matiere dont il est tiré, ni capable d'être mangé, & est immédiatement & essentiellement uni dans l'animal vivant avec l'air, dont sa respiration est entretenue. Cet esprit est porté sans interruption dans les poumons de l'animal avec l'air qui entretient leur mouvement : il est poussé avec lui dans les veines par le souffle des poumons ; il est répandu par celles-ci dans toutes les autres parties du corps : il fait le marcher & le coucher dans les unes ; le voir, l'entendre, le raisonner dans les autres : il donne lieu aux diverses passions de l'animal : ses fonctions se perfectionnent & s'affoiblissent, selon l'accroissement ou diminution des forces dans les organes ; elles cessent totalement, & cet esprit de vie s'envole & se réunit au général, lorsque les dispositions qu'il maintenoit dans le particulier viennent à cesser.

Avant de bien pénétrer le système de Spinosa, il faut remonter jusqu'à la plus haute antiquité, pour savoir ce que les anciens pensoient de la substance. Il paroît qu'ils n'admettoient qu'une seule substance, naturelle, infinie, & ce qui surprendra le plus, indivisible, quoique pourtant divisée en trois parties ; & ce sont elles, qui réunies & jointes ensemble, forment ce que Pythagore appelloit le tout, hors duquel il n'y a rien. La premiere partie de cette substance, inaccessible aux regards de tous les hommes, est proprement ce qui détermine l'essence de Dieu, des anges, & des génies ; elle se répand de-là sur tout le reste de la nature. La seconde partie compose les globes célestes, le Soleil, les étoiles fixes, les planetes, & ce qui brille d'une lumiere primitive & originale. La troisieme enfin compose les corps, & généralement tout l'empire sublunaire, que Platon dans le Timée nomme le séjour du changement, la mere & la nourrice du sensible. Voilà en gros quelle idée on avoit de la substance unique dont on croyoit que les êtres tiroient le fond même de leur nature, chacun suivant le degré de perfection qui lui convient. Et comme cette substance passoit pour indivisible, quoiqu'elle fût divisée en trois parties, de même elle passoit pour immuable, quoiqu'elle se modifiât de différentes manieres. Mais ces modifications étant de peu de durée, on les comptoit pour rien, même on les regardoit comme non existantes, & cela par rapport au tout, qui seul existe véritablement. Ce qu'on doit observer avec soin : la substance joüit de l'être, & ses modifications esperent en joüir, sans jamais pouvoir y arriver.

Le trop fameux Spinosa, en écrivant à Henri Oldenbourg, secrétaire de la société royale de Londres, convient que c'est parmi les plus anciens philosophes qu'il a puisé son système, qu'il n'y a qu'une substance dans l'univers. Mais il ajoûte qu'il a pris les choses d'un biais plus favorable, soit en proposant de nouvelles preuves, soit en leur donnant la forme observée par les Géometres. Quoi qu'il en soit, son système n'est point devenu plus probable, les contradictions n'y sont pas mieux sauvées. Les anciens confondoient quelquefois la matiere avec la substance unique, & ils disoient conséquemment que rien ne lui est essentiel que d'exister ; & que si l'étendue convient à quelques-unes de ses parties, ce n'est que lorsqu'on les considere par abstraction. Mais le plus souvent ils bornoient l'idée de la matiere à ce qu'ils appelloient eux-mêmes l'empire sublunaire, la nature corporelle. Le corps, selon eux, est ce qu'on conçoit par rapport à lui seul, & en le détachant du tout dont il fait partie. Le tout ne s'apperçoit que par l'entendement, & le corps que par l'imagination aidée des sens. Ainsi les corps ne sont que des modifications qui peuvent exister ou non exister sans faire aucun tort à la substance ; ils caractérisent & déterminent la matiere ou la substance, à-peu-près comme les passions caractérisent & déterminent un homme indifférent à être mû ou à rester tranquille. En conséquence, la matiere n'est ni corporelle ni incorporelle ; sans doute parce qu'il n'y a qu'une seule substance dans l'univers, corporelle en ce qui est corps, incorporelle en ce qui ne l'est point. Ils disoient aussi, selon Proclus de Lycie, que la matiere est animée ; mais que les corps ne le sont pas, quoiqu'ils ayent un principe d'organisation, un je ne sai quoi de décisif qui les distingue l'un de l'autre ; que la matiere existe par elle-même, mais non les corps, qui changent continuellement d'attitude & de situation. Donc on peut avancer beaucoup de choses des corps, qui ne conviennent point à la matiere ; par exemple, qu'ils sont déterminés par des figures, qu'ils se meuvent plus ou moins vîte, qu'ils se corrompent & se renouvellent, &c. au lieu que la matiere est une substance de tous points inaltérable. Aussi Pythagore & Platon conviennent-ils l'un & l'autre que Dieu existoit avant qu'il y eût des corps, mais non avant qu'il y eût de la matiere, l'idée de la matiere ne demandant point l'existence actuelle du corps.

Mais pour percer ces ténebres, & pour se faire jour à-travers, il faut demander à Spinosa ce qu'il entend par cette seule substance qu'il a puisée chez les anciens. Car ou cette substance est réelle, existe dans la nature & hors de notre esprit ; ou ce n'est qu'une substance idéale, métaphysique & abstraite. S'il s'en tient au premier sens, il avance la plus grande absurdité du monde ; car à qui persuadera-t-il que le corps A qui se meut vers l'orient, est la même substance numérique que le corps B qui se meut vers l'occident ? A qui fera-t-il croire que Pierre qui pense aux propriétés d'un triangle, est précisément le même que Paul qui médite sur le flux & reflux de la mer ? Quand on presse Spinosa pour savoir si l'esprit humain est la même chose que le corps, il répond que l'un & l'autre sont le même sujet, la même matiere qui a différentes modifications ; qu'elle est esprit en tant qu'on la considere comme pensante, & qu'elle est corps en tant qu'on se la représente comme étendue & figurée. Mais je voudrois bien savoir ce qu'auroit dit Spinosa à un homme assez ridicule pour affirmer qu'un cercle est un triangle, & qui auroit répondu à ceux qui lui auroient objecté la différence des définitions & des propriétés du cercle & du triangle, pour prouver que ces figures sont différentes ; que c'est pourtant la même figure, mais diversement modifiée ; que quand on la considere comme une figure qui a tous les côtés de la circonférence également distans du centre, & que cette circonférence ne touche jamais une ligne droite ou un plan que par un point, on la nomme cercle ; mais que quand on la considere comme figure composée de trois angles & de trois côtés, alors on la nomme triangle : cette réponse seroit semblable à celle de Spinosa. Cependant je suis persuadé que Spinosa se seroit moqué d'un tel homme, & qu'il lui auroit dit que ces deux figures ayant des définitions & des propriétés diverses, sont nécessairement différentes, malgré sa distinction imaginaire & son frivole quatenus. Voyez l'article du SPINOSISME. Ainsi, en attendant que les hommes soient faits d'une autre espece, & qu'ils raisonnent d'une autre maniere qu'ils ne font, & tant qu'on croira qu'un cercle n'est pas un triangle, qu'une pierre n'est pas un cheval, parce qu'ils ont des définitions, des propriétés diverses & des effets différens ; nous conclurons par les mêmes raisons, & nous croirons que l'esprit humain n'est pas corps. Mais si par substance Spinosa entend une substance idéale, métaphysique & arbitraire, il ne dit rien ; car ce qu'il dit ne signifie autre chose, sinon qu'il ne peut y avoir dans l'univers deux essences différentes qui ayent une même essence. Qui en doute ? C'est à la faveur d'une équivoque aussi grossiere qu'il soûtient qu'il n'y a qu'une seule substance dans l'univers. Vous ne vous imagineriez pas qu'il eût le front de soûtenir que la matiere est indivisible : il ne vous vient pas seulement dans l'esprit comment il pourroit s'y prendre pour soûtenir un tel paradoxe. Mais de la maniere dont il entend la substance, rien n'est plus aisé. Il prouve donc que la matiere est indivisible, parce qu'il considere métaphysiquement l'essence ou la définition qu'il en donne ; & parce que la définition ou l'essence de toutes choses, c'est d'être précisément ce qu'on est, sans pouvoir être ni augmenté, ni diminué, ni divisé ; de-là il conclut que le corps est indivisible. Ce sophisme est semblable à celui-ci. L'essence d'un triangle consiste à être une figure composée de trois angles ; on ne peut ni en ajoûter ni en diminuer : donc le triangle est un corps ou une figure indivisible. Ainsi, comme l'essence du corps est d'être une substance étendue, il est certain que cette essence est indivisible. Si on ôte ou la substance, ou l'extension, on détruit nécessairement la nature du corps. A cet égard donc le corps est quelque chose d'indivisible. Mais Spinosa donne grossierement le change à ses lecteurs : ce n'est pas de quoi il s'agit. On prétend que ce corps ou cette substance étendue, a des parties les unes hors des autres, quoiqu'à parler métaphysiquement elles soient toutes de même nature. Or c'est du corps, tel qu'il existe dans la nature, que je soûtiens contre Spinosa qu'il n'est pas capable de penser.

L'esprit de l'homme est de sa nature indivisible. Coupez le bras ou la jambe d'un homme, vous ne divisez ni ne diminuez son esprit ; il demeure toûjours semblable à lui-même, & suffisant à toutes ses opérations, comme il étoit auparavant. Or si l'ame de l'homme ne peut être divisée, il faut nécessairement que ce soit un point, ou que ce ne soit pas un corps. Ce seroit une extravagance de dire que l'esprit de l'homme fût un point mathématique, puisque le point mathématique n'existe que dans l'imagination. Ce n'est pas aussi un point physique ou un atome. Outre qu'un atome indivisible répugne par lui-même, cette ridicule pensée n'est jamais tombée dans l'esprit d'aucun homme, non pas même d'aucun Epicurien. Puis donc que l'ame de l'homme ne peut être divisée, & que ce n'est ni un atome ni un point mathématique, il s'ensuit manifestement que ce n'est pas un corps.

Lucrece, après avoir parlé d'atomes subtils qui agitent le corps sans en augmenter ou diminuer le poids, comme on voit que l'odeur d'une rose ou du vin, quand elle est évaporée, n'ôte rien à la pesanteur de ces corps ; Lucrece, dis-je, voulant ensuite rechercher ce qui peut produire le sentiment en l'homme, s'est trouvé fort embarrassé dans ses principes : il parle d'une quatrieme nature de l'ame qui n'a point de nom, & qui est composée des parties les plus déliées & les plus polies, qui sont comme l'ame de l'ame elle-même. On peut lire le troisieme livre de ce poëte philosophe, & on verra sans peine que sa philosophie est pleine de ténebres & d'obscurités, & qu'elle ne satisfait nullement la raison.

Quand je me replie sur moi-même, je m'apperçois que je pense, que je réfléchis sur ma pensée, que j'affirme, que je nie, que je veux, & que je ne veux pas. Toutes ces opérations me sont infiniment connues : quelle en est la cause ? c'est mon esprit : mais quelle est sa nature ? si c'est un corps, ces actions auront nécessairement quelque teinture de cette nature corporelle ; elles conduiront nécessairement l'esprit à reconnoître la liaison qu'il a par quelqu'endroit avec le corps & la matiere qui le soûtient comme un sujet, & le produit comme son effet. Si on pense à quelque chose de figuré, de mou ou de dur, de sec ou de liquide, qui soit en mouvement ou en repos, l'esprit se porte d'abord à se représenter une substance qui a des parties séparées les unes des autres, & qui est nécessairement étendue. Tout ce qu'on peut s'imaginer qui appartienne au corps, toutes les propriétés de la figure & du mouvement, conduisent l'esprit à reconnoître cette étendue, parce que toutes les actions & toutes les qualités du corps en émanent, comme de leur origine ; ce sont autant de ruisseaux qui menent nécessairement l'esprit à cette source. On conclut donc certainement que la cause de toutes ses actions, le sujet de toutes ses qualités, est une substance étendue. Mais quand on passe aux opérations de l'ame, à ses pensées, à ses affirmations, à ses négations, à ses idées de vérité, de fausseté, à l'acte de vouloir & de ne pas vouloir ; quoique ce soient des actions clairement & distinctement connues, aucune d'elles néanmoins ne conduit l'esprit à se former l'idée d'une substance matérielle & étendue. Il faut donc de nécessité conclure qu'elles n'ont aucune liaison essentielle avec le corps.

On pourroit bien d'abord s'imaginer que l'idée qu'on a de quelqu'objet particulier, comme d'un cheval ou d'un arbre, seroit quelque chose d'étendu, parce qu'on se figure ces idées comme de petits portraits semblables aux choses qu'elles nous représentent ; mais quand on y fait plus de réflexion, on conçoit aisément que cela ne peut être : car quand je dis, ce qui a été fait, je n'ai l'idée ni le portrait d'aucune chose : mon imagination ne me sert ici de rien ; mon esprit ne se forme l'idée d'aucune chose particuliere, il conçoit en général l'existence d'une chose. Par conséquent cette idée, ce qui a été fait, n'est pas une idée qui ait reçû quelqu'extension, ni aucune expression de corps étendu. Elle existe pourtant dans mon ame, je le sens : si donc cette idée avoit quelque figure, quelqu'extension, quelque mouvement ; comme elle ne provient pas de l'objet, elle auroit été produite par mon esprit, parce que mon esprit seroit lui-même quelque chose d'étendu. Or si cette idée sort de mon esprit, parce qu'il est formellement matériel & étendu, elle aura reçû de cette extension qui l'aura produite, une liaison nécessaire avec elle, qui la fera connoître, & qui la présentera d'abord à l'esprit.

Cependant de quelque côté que je tourne cette idée, je n'y apperçois aucune connexion nécessaire avec l'étendue. Elle ne me paroît ni ronde, ni quarrée, ni triangulaire ; je n'y conçois ni centre, ni circonférence, ni base, ni angle, ni diametre, ni aucune autre chose qui résulte des attributs d'un corps ; dès que je veux la corporifier, ce sont autant de ténebres & d'obscurités que je verse sur la connoissance que j'en ai. La nature de l'idée se soûleve d'elle-même contre tous les attributs corporels, & les rejette. N'est-ce pas une preuve fort sensible qu'on veut y insérer une matiere étrangere qu'elle repousse, & avec laquelle elle ne peut avoir d'union ni de société ? Or cette antipathie de la pensée avec tous les attributs de la matiere & du corps, si subtil, si délié, si agité qu'il puisse être, seroit sans contredit impossible, si la pensée émanoit d'une substance corporelle & étendue. Dès que je veux joindre quelqu'étendue à ma pensée, & diviser la moitié d'une volonté ou d'une réflexion, je trouve que cette moitié de volonté ou de réflexion est quelque chose d'extravagant & de ridicule : on peut raisonner de même, si on tâche d'y joindre la figure & le mouvement. Entre une substance dont l'essence est de penser, & entre une pensée, il n'y a rien d'intermédiaire, c'est une cause qui atteint immédiatement son effet ; desorte qu'il ne faut pas croire que l'étendue, la figure ou le mouvement ayent pû s'y glisser par des voies subreptices & secrettes, pour y demeurer incognito. Si elles y sont, il faut nécessairement ou que la pensée ou que la faculté de penser les découvre : or il est clair que ni la faculté de penser ni la pensée ne renferment aucune idée d'étendue, de figure ou de mouvement. Il est donc certain que la substance qui pense, n'est pas une substance étendue, c'est-à-dire un corps.

Spinosa pose comme un principe de sa philosophie, que l'esprit n'a aucune faculté de penser ni de vouloir ; mais seulement il avoue qu'il a telle ou telle pensée, telle ou telle volonté : ainsi par l'entendement il n'entend autre chose que les idées actuelles qui surviennent à l'homme. Il faut avoir un grand penchant à adopter l'absurdité, pour recevoir une philosophie si ridicule. Afin de mieux comprendre cette absurdité, il faut considérer cette substance en elle même, & par abstraction de tous les êtres singuliers, & particulierement de l'homme ; car puisque l'existence d'aucun homme n'est nécessaire, il est possible qu'il n'y ait point d'homme dans l'univers. Je demande donc si cette substance, considérée ainsi précisément en elle-même, a des pensées, ou si elle n'en a pas. Si elle n'a point de pensées, comment a-t-elle pû en donner à l'homme, puisqu'on ne peut donner ce qu'on n'a pas ? Si elle a des pensées, je demande d'où elles lui sont venues ; sera-ce de dehors ? mais outre cette substance, il n'y a rien. Sera-ce de dedans ? mais Spinosa nie qu'il y ait aucune faculté de penser, aucun entendement ou puissance, comme il parle. De plus, si ces pensées viennent de dedans, ou de la nature de la substance, elles se trouveront dans tous les êtres qui posséderont cette substance ; desorte que les pierres raisonneront aussi-bien que les hommes. Si on répond que cette substance, pour être en état de penser, doit être modifiée ou façonnée de la maniere dont l'homme est formé ; ne sera-ce pas un Dieu d'une assez plaisante fabrique ; un Dieu, qui tout infini qu'il est, est privé de toute connoissance, à moins qu'il n'y ait quelques atomes de cette substance infinie, modifiés & façonnés comme est l'homme, afin qu'on puisse dire que ce Dieu a quelque connoissance ; c'est-à-dire, en deux mots, que sans le genre humain Dieu n'auroit aucune connoissance ?

Selon cette belle doctrine, un vaisseau de crystal plein d'eau aura autant de connoissance qu'un homme ; car il reçoit les idées des objets de même que nos yeux. Il est susceptible des impressions que ces objets lui peuvent donner ; de sorte que s'il n'y a point d'entendement ou de faculté capable de penser & de raisonner à la présence de ces idées, & que les réflexions ne soient autre chose que ces idées mêmes, il s'ensuit nécessairement que comme elles sont dans un vaisseau plein d'eau, autant que dans la tête d'un homme qui regarde la lune & les étoiles, ce vaisseau doit avoir autant de connoissance de la lune & des étoiles que l'homme ; on ne peut y trouver aucune différence, qu'on ne la cherche dans une cause supérieure à toutes ces idées, qui les sent, qui les compare l'une à l'autre, & qui raisonne sur leur comparaison, pour en tirer des conséquences qui font qu'il conçoit le corps de la lune & des étoiles beaucoup plus grand que ne le représente l'idée qui frappe l'imagination.

Cet absurde système a été embrassé par Hobbes : écoutons-le expliquer la nature & l'origine des sensations. " Voici, dit-il, en quoi consiste la cause immédiate de la sensation : l'objet vient presser la partie extérieure de l'organe, & cette pression pénetre jusqu'à la parte intérieure : là se forme la représentation ou l'image (phantasma) par la résistance de l'organe, ou par une espece de réflexion qui cause une pression vers la partie extérieure, toute contraire à la pression de l'objet, qui tend vers la partie intérieure : cette représentation, ce phantasma est, dit-il, la sensation même ".

Voici comment il parle dans un autre endroit : " La cause de la sensation est l'objet qui presse l'organe ; cette pression pénetre jusqu'au cerveau par le moyen des nerfs ; & de-là elle est portée au coeur ; de-là, au moyen de la résistance du coeur qui s'efforce de renvoyer au-dehors cette pression & de s'en délivrer ; de-là, dit-il, naît l'image, la représentation, & c'est ce qu'on appelle sensation ". Mais quel rapport, je vous prie, entre cette impression & le sentiment lui-même, c'est-à-dire la pensée que cette impression excite dans l'ame ? Il n'y a pas plus de rapport entre ces deux choses, qu'il y en a entre un quarré & du bleu, entre un triangle & un son, entre une aiguille & le sentiment de la douleur, ou entre la réflexion d'une balle dans un jeu de paume & l'entendement humain. De sorte que la définition que Hobbes donne de la sensation, qu'il prétend n'être autre chose que l'image qui se forme dans le cerveau par l'impression de l'objet, est aussi impertinente, que si pour définir la couleur bleue, il avoit dit que c'est l'image d'un quarré, &c. S'il n'y a point en nous de faculté de penser & de sentir, l'oeil recevra, si vous voulez, l'impression extérieure des objets : mais excepté le mouvement des ressorts, rien ne sera apperçû, rien ne sera senti ; & tant que la matiere sera seule, quelque délicats que soient les organes, quelque action qui suive de leur jeu & de leur harmonie, la matiere demeurera toûjours aveugle & sourde, parce qu'elle est insensible de sa nature, & que le sentiment, quel qu'il soit, est le caractere d'une autre substance.

Hobbes paroît avoir senti le poids de cette difficulté insurmontable ; de-là il vient qu'il affecte de la cacher à ses lecteurs, & de leur en imposer à la faveur de l'ambiguité du terme de représentation. Il se ménage même un subterfuge ; & en cas qu'on le presse trop vivement, il insinue à tout hasard qu'il pourroit bien se faire qu'il y eût dans la sensation quelque chose de plus. " Il ne sait s'il ne doit pas dire, à l'exemple de quelques philosophes, que toute matiere a naturellement & essentiellement la faculté de connoître, & qu'il ne lui manque que les organes & la mémoire des animaux pour exprimer au-dehors ses sensations. Il ajoûte que si on suppose un homme qui eût possédé d'autres sens que celui de la vûe, qui ait ses yeux immobiles, & toûjours attachés à un seul & même objet, lequel de son côté soit invariable & sans le moindre changement, cet homme ne verra pas, à parler proprement, mais qu'il sera dans une espece d'étonnement & d'extase incompréhensible. Ainsi, dit-il, il pourroit bien se faire que les corps qui ne sont pas organisés, eussent des sensations : mais comme faute d'organes, il ne s'y rencontre ni variété, ni mémoire, ni aucun autre moyen d'exprimer ces sensations, ils ne nous paroissent pas en avoir ". Quoique Hobbes ne se déclare pas pour cette opinion, il la donne pourtant comme une chose possible : mais il le fait d'une maniere si peu assûrée, & avec tant de reserve, qu'il est aisé de voir que ce n'est qu'une porte de derriere qu'il s'est ménagée à tout évenement, en cas qu'il se trouvât trop pressé par les absurdités dont fourmille la supposition qui envisage la sensation comme un pur résultat de figure & de mouvement. Il a raison de se tenir sur la réserve : ce n'est qu'un misérable subterfuge à tous égards, aussi absurde que l'opinion qui fait consister la pensée dans le mouvement d'un certain nombre d'atomes. Car qu'y a-t-il au monde de plus ridicule que de s'imaginer que la connoissance est aussi essentielle à la matiere que l'étendue ? Quelle sera la conséquence de cette supposition ? Il en faudra conclure qu'il y a dans chaque portion de matiere, autant d'êtres pensans qu'elle a de parties : or chaque portion de matiere étant composée de parties divisibles à l'infini, c'est-à-dire de parties qui malgré leur contiguité, sont aussi distinctes que si elles étoient à une très-grande distance les unes des autres, elle sera ainsi composée d'une infinité d'êtres pensans. Mais c'est trop nous arrêter sur les absurdités qui naissent en foule de cette supposition monstrueuse. Quelque familiarisé que fût Spinosa avec les absurdités, il n'en est cependant jamais venu jusque-là : pour penser, dans son système, du moins faut-il être organisé comme nous le sommes.

Mais pour réfuter Epicure, Spinosa, & Hobbes, qui font consister la nature de l'ame, non dans la faculté de penser, mais dans un certain assemblage de petits corps déliés, subtils & fort agités, qui se trouvent dans le corps humain, voici quelque chose de plus précis. D'abord on ne conçoit pas que les impressions des objets extérieurs puissent y apporter d'autre changement que de nouveaux mouvemens, ou de nouvelles déterminations de mouvement, de nouvelles figures ou de nouvelles situations ; cela est évident : or toutes ces choses n'ont aucun rapport avec l'idée qu'elles impriment dans l'ame ; il faut nécessairement que ce soit des signes d'institution qui supposent une cause qui les ait établis, ou qui les connoisse. Servons-nous de l'exemple de la parole, pour faire mieux sentir la force de l'argument : quand on entend dire Dieu, l'Arabe reçoit le même mouvement d'air à la prononciation de ce mot françois ; le tympan de son oreille, les petits os qu'on nomme l'enclume & le marteau, reçoivent de ce mouvement d'air la même secousse & le même tremblement qui se fait dans l'oreille & dans la tête d'une personne qui entend le françois. Par conséquent tous ces petits corps qu'on suppose composer l'esprit humain, sont remués de la même maniere, & reçoivent les mêmes impressions dans la tête d'un arabe que dans celle d'un françois ; par conséquent encore un arabe attacheroit au mot de Dieu la même idée que le françois, parce que les petits corps subtils & agités qui composent l'esprit humain, selon Epicure & les Athées, ne sont pas d'une autre nature chez les Arabes que chez les François. Pourquoi donc l'esprit de l'arabe ne se forme-t-il à la prononciation du mot Dieu, aucune autre idée que celle d'un son, & que l'esprit d'un françois joint à l'idée de ce son celle d'un être tout parfait, créateur du ciel & de la terre ? Voici un détroit pour les Athées & pour ceux qui nient la spiritualité de l'ame, d'où ils ne pourront se tirer, puisque jamais ils ne pourront rendre raison de cette différence qui se rencontre entre l'esprit de l'arabe & celui du françois.

Cet argument est sensible, quoiqu'on n'y fasse pas assez de réflexion ; car chacun sait que cette différence vient de l'établissement des langues, suivant lequel on est convenu de joindre au son de ce mot Dieu, l'idée d'un être tout parfait ; & comme l'arabe qui ne sait pas la langue françoise ignore cette convention, il ne reçoit que la seule idée du son, sans y en joindre aucune autre. Cette vérité est constante, & il n'en faut pas davantage pour détruire les principes d'Epicure, d'Hobbes, & de Spinosa ; car je voudrois bien savoir quelle seroit la partie contractante dans cette convention ; à ce mot Dieu je joindrai l'idée d'un être tout parfait ; ce ne sera pas ce corps sensible & palpable, chacun en convient ; ce ne sera pas aussi cet amas de corps subtils & agités, qui sont l'esprit humain, selon le sentiment de ces philosophes, parce que ces esprits reçoivent toutes les impressions de l'objet, sans pouvoir rien faire audelà : or ces impressions étoient les mêmes, & parfaitement semblables, lorsque l'arabe entendoit prononcer ce mot Dieu, sans savoir pourtant ce qu'il signifioit. Il faut donc nécessairement qu'il y ait quelqu'autre cause que ces petits corps avec laquelle on convienne qu'à ce mot Dieu, l'ame se représentera l'être tout parfait ; de la même maniere qu'on peut convenir avec le gouverneur d'une place assiégée, qu'à la décharge de vingt ou trente volées de canon, il doit assûrer les habitans qu'ils seront bientôt secourus. Mais comme ces signaux seroient inutiles, si on ne supposoit dans la place un gouverneur sage & intelligent, pour raisonner & pour tirer de ces signaux les conséquences dont on seroit convenu avec lui ; de même aussi il est nécessaire de concevoir dans l'homme un principe capable de former telles ou telles idées, à telle ou telle détermination, à tel ou tel mouvement de ces petits corps qui reçoivent quelque impression de la prononciation des mots, comme l'idée d'un être tout parfait à la prononciation du mot Dieu. Ainsi il est clair & certain qu'il doit y avoir dans l'homme une cause dont l'essence soit de penser, avec laquelle on convient de la signification des mots. Il est encore clair & certain que cette cause ne peut être une substance matérielle, parce que l'on convient avec elle qu'au mouvement de la matiere ou de ces petits corps, elle se formera telle ou telle idée. Il est donc clair & certain que l'ame de l'homme n'est pas un corps, mais que c'est une substance distinguée du corps, de laquelle l'essence est de penser, c'est-à-dire d'avoir la faculté de penser.

Il en est de l'idée des objets qui se présentent à nos yeux, comme des sons qui frappent l'oreille ; & comme il est nécessaire qu'on soit convenu avec un chinois qu'il se représentera un être tout parfait à la prononciation du mot françois Dieu, il faut aussi de même qu'il y ait une certaine convention entre les impressions que les objets font au fond de nos yeux & de notre esprit, pour se représenter tels ou tels objets, à la présence de telles ou telles impressions. Car, 1°. quand on a les yeux ouverts, en pensant fortement à quelque chose, il arrive très-souvent qu'on n'apperçoit pas les objets qui sont devant soi, quoiqu'ils envoyent à nos yeux les mêmes especes & les mêmes rayons, que lorsqu'on y fait plus d'attention. De sorte qu'outre tout ce qui se passe dans l'oeil & dans le cerveau, il faut qu'il y ait encore quelque chose qui considere & qui examine ces impressions de l'objet, pour le voir & pour le connoître. Mais il faut encore que cette cause qui examine ces impressions, puisse se former à leur présence l'idée de l'objet qu'elles nous font connoître ; car il ne faut pas s'imaginer que les impressions que produit un objet dans notre oeil & dans le cerveau, puissent être semblables à cet objet. Je sai qu'il y a des philosophes qui se représentent ce qui émane des corps, & qu'ils nomment des especes intentionnelles, comme de petits portraits de l'objet : mais je sai aussi qu'ils ne sont en cela rien moins que philosophes. Car quand je regarde un cheval noir, par exemple, si ce qui émane de ce cheval étoit semblable au cheval, l'air devroit recevoir l'impression de la noirceur, puisque cette espece doit être imprimée dans l'air, ou dans l'eau, ou dans le verre au-travers duquel elle passe avant de venir à mon oeil ; & on ne pourra rendre aucune raison suffisante de cette différence qui s'y trouve, ni dire pourquoi cette espece intentionnelle imprimeroit sa ressemblance dans mon oeil & dans les esprits du cerveau, si elle ne les a pas imprimées dans l'air ; parce que les esprits du cerveau sont & plus subtils & plus agités que n'est l'air, ou l'eau, & le crystal, par le moyen desquels cette espece est parvenue jusqu'à moi. On ne peut aussi rendre raison, pourquoi nous n'appercevons pas les objets dans l'obscurité ; car quand je suis dans une chambre fermée, proche d'un objet, pourquoi ne l'apperçois-je pas, s'il envoye de lui-même des especes intentionnelles qui le représentent ? J'en suis proche, j'ouvre les yeux, je fais tous mes efforts pour l'appercevoir, & pourtant je ne vois rien. Il faut donc croire que je n'apperçois les objets que par la lumiere qu'ils réfléchissent à mes yeux, qui est diversement déterminée, selon la diversité de la figure & du mouvement de l'objet : or entre des rayons de lumiere diversement déterminés, & l'objet que j'apperçois, par exemple, un cheval noir, il y a si peu de proportion & de ressemblance, qu'il faut reconnoître une cause supérieure à tous ces mouvemens, qui ayant en soi la faculté de penser, produit des idées de tel ou tel objet, à la présence de telles ou de telles impressions que les objets causent dans le cerveau par l'organe des yeux, comme par celui de l'oreille.

Quelle sera donc cette cause ? Si c'est un corps, on retombe dans les mêmes difficultés qu'auparavant ; on ne trouvera que des mouvemens & des figures, & rien de tout cela n'est la pensée que je cherche : sera-ce huit, dix ou douze atomes qui composeront cette pensée & cette réflexion ? Supposons que ce sont dix atomes, je demande ce que fait chacun de ces atomes ; est-ce une partie de ma pensée, ou ne l'est-ce pas ? si ce n'est pas une partie de ma pensée, elle n'y contribue en rien ; si elle en est une partie, ce sera la dixieme. Or bien loin que je conçoive la dixieme partie d'une pensée, je sens au contraire clairement que ma pensée est indivisible ; soit que je pense à tout un cheval, ou que je ne pense qu'à son oeil, ma pensée est toûjours une pensée & une action de mon ame, de même nature & de même espece : soit que je pense à la vaste étendue de l'univers, ou que je médite sur un atome d'Epicure & sur un point mathématique ; soit que je pense à l'être, ou que je médite sur le néant ; je pense, je raisonne, je fais des réflexions, & toutes ces opérations, en tant qu'action de mon ame, sont absolument semblables & parfaitement uniformes. Dira-t-on que la pensée est un assemblage de ces atomes ? Mais si c'est un assemblage de dix atomes, ces atomes, pour former la pensée, seront en mouvement ou en repos : s'ils sont en mouvement, je demande de qui ils ont reçû ce mouvement : s'ils l'ont reçû de l'objet, on en aura la pensée autant de tems que durera cette impression ; ce sera comme une boule poussée par un mail, elle produira tout le mouvement qu'elle aura reçû ; or cela est manifestement contre l'expérience. Dans toutes les pensées des choses indifférentes où les passions du coeur n'ont aucun intérêt, je pense quand il me plaît, & quand il me plaît je quitte ma pensée ; je la rappelle quand je veux, & j'en choisis d'autres à ma fantaisie. Il seroit encore plus ridicule de s'imaginer que la pensée consistât dans le repos de l'assemblage de ces petits corps, & on ne s'arrêtera pas à réfuter cette imagination. Il faut donc reconnoître nécessairement dans l'homme un principe, qui a en lui-même & dans son essence la faculté de penser, de délibérer, de juger & de vouloir. Or ce principe que j'appelle esprit, recherche, approfondit ses idées, les compare les unes avec les autres, & voit leur conformité ou leur disproportion. Le néant, le pur néant, quoiqu'il ne puisse produire aucune impression, parce qu'il ne peut agir, ne laisse pas d'être l'objet de la pensée, de même que ce qui existe. L'esprit, par sa propre vertu & par la faculté qu'il a de penser, tire le néant de l'abysme pour le confronter avec l'être, & pour reconnoître que ces deux idées du néant & de l'être se détruisent réciproquement.

Je voudrois bien qu'on me dît ce qui peut conduire mon esprit à s'appercevoir des choses qui impliquent contradiction : on conçoit que l'esprit peut recevoir de différens objets, des idées qui sont contraires & opposées : mais pour juger des choses impossibles, il faut que l'esprit aille beaucoup plus loin que là où la seule perception de l'objet le conduit ; il faut pour cet effet que l'esprit humain tire de son propre fonds d'autres idées que celles-là seules que les objets peuvent produire. Donc il y a une cause supérieure à toutes les impressions des objets, qui agit & qui s'exerce sur ses idées, dont la plûpart ne se forment point en lui par les impressions des objets extérieurs, telles que sont les idées universelles, métaphysiques, & abstraites, les idées des choses passées & des choses futures, les idées de l'infini, de l'éternité, des vertus, &c. En un instant mon esprit raisonne sur la distance de la terre au Soleil ; en un instant il passe de l'idée de l'univers à celle d'un atome, de l'être au néant, du corps à l'esprit ; il raisonne sur des axiomes qui n'ont rien de corporel. De quel corps est-il aidé dans tous ces raisonnemens, puisque la nature des corps est entierement opposée à ces idées ? Donc, &c.

Enfin, la maniere dont nous exerçons la faculté de communiquer nos pensées aux autres, ne nous permet pas de mettre notre ame au rang des corps. Si ce qui pense en nous étoit une matiere subtile, qui produisît la pensée par son mouvement, la communication de nos pensées ne pourroit avoir lieu, qu'en mettant en autrui la matiere pensante dans le même mouvement où elle est chez nous ; & à chaque pensée que nous avons, devroit répondre un mouvement uniforme dans celui auquel nous voudrions la transmettre : mais une portion de matiere ne sauroit en toucher une autre, sans la toucher médiatement ou immédiatement. Personne ne soûtiendra que la matiere qui pense en nous agisse immédiatement sur celle qui pense en autrui. Il faudroit donc que cela se fît à l'aide d'une autre matiere en mouvement. Nous avons trois moyens de faire part de nos pensées aux autres, la parole, les signes, & l'écriture. Si l'on examine attentivement ces moyens, on verra qu'il n'y en a aucun qui puisse mettre la matiere pensante d'autrui en mouvement. Il résulte de tout ce que nous avons dit, que ce n'est pas l'incompréhensibilité seule, qui fait refuser la pensée à la matiere, mais que c'est l'impossibilité intrinseque de la chose, & les contradictions où l'on s'engage, en faisant le principe matériel pensant. Dès-là on n'est plus en droit de recourir à la toute-puissance de Dieu, pour établir la matérialité de l'ame. C'est pourtant ce qu'a fait M. Locke : on sait que ce philosophe a avancé, que nous ne serons peut-être jamais capables de connoître si un être purement matériel pense, ou non. Un des plus beaux esprits de ce siecle, dit dans un de ses ouvrages, que ce discours parut une déclaration scandaleuse, que l'ame est matérielle & mortelle. Voici comme il en parle : " Quelques Anglois dévots à leur maniere sonnerent l'allarme. Les superstitieux sont dans la société ce que les poltrons sont dans une armée, ils ont & donnent des terreurs paniques : on cria que M. Locke vouloit renverser la religion ; il ne s'agissoit pourtant pas de religion dans cette affaire ; c'étoit une question purement philosophique, très-indépendante de la foi & de la révélation. Il ne falloit qu'examiner sans aigreur s'il y a de la contradiction à dire, la matiere peut penser, & si Dieu peut communiquer la pensée à la matiere. Mais les Théologiens commen cent souvent par dire que Dieu est outragé, quand on n'est pas de leur avis ; c'est ressembler aux mauvais poëtes, qui crioient que Despreaux parloit mal du Roi, parce qu'il se moquoit d'eux. Le docteur Stillingfleet s'est fait une réputation de théologien moderé, pour n'avoir pas dit positivement des injures à M. Locke. Il entra en lice contre lui : mais il fut battu, car il raisonnoit en docteur, & Locke en philosophe instruit de la force & de la foiblesse de l'esprit humain, & qui se battoit avec des armes dont il connoissoit la trempe ". C'est-à-dire, si l'on en croit ce célebre écrivain, que la question de la matérialité de l'ame, portée au tribunal de la raison, sera décidée en faveur de M. Locke.

Examinons quelles sont ses raisons : " Je suis corps, dit-il, & je pense ; je n'en sai pas davantage. Si je ne consulte que mes foibles lumieres, irai-je attribuer à une cause inconnue ce que je puis si aisément attribuer à la seule cause seconde que je connois un peu ? Ici tous les Philosophes de l'école m'arrêtent en argumentant, & disent : il n'y a dans le corps que de l'étendue & de la solidité, & il ne peut y avoir que du mouvement & de la figure : or du mouvement, de la figure, de l'étendue, & de la solidité, ne peuvent faire une pensée ; donc, l'ame ne peut pas être matiere. Tout ce grand raisonnement répété tant de fois se réduit uniquement à ceci : je ne connois que très-peu de chose de la matiere, j'en devine imparfaitement quelques propriétés ; or je ne sai point du tout si ces propriétés peuvent être jointes à la pensée ; donc, parce que je ne sai rien du tout, j'assûre positivement que la matiere ne sauroit penser. Voilà nettement la maniere de raisonner de l'école. M. Locke diroit avec simplicité à ces Messieurs : confessez que vous êtes aussi ignorans que moi ; votre imagination & la mienne ne peuvent concevoir comment un corps a des idées ; & comprenez-vous mieux comment une substance telle qu'elle soit a des idées ? Vous ne concevez ni la matiere ni l'esprit ; comment osez-vous assûrer quelque chose ? Que vous importe que l'ame soit un de ces êtres incompréhensibles qu'on appelle matiere, ou un de ces êtres incompréhensibles qu'on appelle esprit ? Quoi ! Dieu le créateur de tout ne peut-il pas éterniser ou anéantir votre ame à son gré, quelle que soit sa substance ? Le superstitieux vient à son tour, & dit qu'il faut brûler pour le bien de leurs ames ceux qui soupçonnent qu'on peut penser avec la seule aide du corps ; mais que diroit-il si c'étoit lui-même qui fût coupable d'irréligion ? En effet quel est l'homme qui osera assûrer sans une impiété absurde, qu'il est impossible au Créateur de donner à la matiere la pensée & le sentiment ? Voyez, je vous prie, à quel embarras vous êtes réduits, vous qui bornez ainsi la puissance du Créateur " ? Dans ce raisonnement je vois l'homme d'esprit, & nullement le métaphysicien. Il ne faut pas s'imaginer que pour résoudre cette question il faille connoître l'essence & la nature de la matiere : les raisonnemens que l'auteur fonde sur cette ignorance ne sont nullement concluans. Il suffit de remarquer que le sujet de la pensée doit être un ; or un amas de matiere n'est pas un, c'est une multitude. Ces mots, amas, assemblage, collection, ne signifient qu'un rapport externe entre plusieurs choses, une maniere d'exister dépendamment les unes des autres. Par cette union nous les regardons comme formant un seul tout, quoique dans la réalité elles ne soient pas plus une que si elles étoient séparées. Ce ne sont là, par conséquent, que des termes abstraits qui au-dehors ne supposent pas une substance unique, mais une multitude de substances. Or, que notre ame doive être une d'une unité parfaite, c'est ce qu'il est aisé de prouver. Je regarde une perspective agréable, j'écoute un beau concert ; ces deux sentimens sont également dans toute l'ame. Si l'on y supposoit deux parties, celle qui entendroit le concert n'auroit pas le sentiment de la vûe agréable ; puisque l'un n'étant pas l'autre, elle ne seroit pas susceptible des affections de l'autre. L'ame n'a donc point de parties, elle compare divers sentimens qu'elle éprouve. Or, pour juger que l'un est douloureux, & l'autre agréable, il faut qu'elle ressente tous les deux ; & par conséquent qu'elle soit une même substance très-simple. Si elle avoit seulement deux parties, l'un jugeroit de ce qu'elle sentiroit de son côté, & l'autre de ce qu'elle sentiroit en particulier de son côté, sans qu'aucune des deux pût faire la comparaison, & porter son jugement sur les deux sentimens ; l'ame est donc sans parties & sans nulle composition. Ce que je dis ici des sentimens, je peux le dire des idées : que A, B, C, trois substances qui entrent dans la composition du corps, se partagent trois perceptions différentes ; je demande où s'en fera la comparaison. Ce ne sera pas dans A, puisqu'elle ne sauroit composer une perception qu'elle a avec celles qu'elle n'a pas. Par la même raison, ce ne sera ni dans B ni dans C ; il faudra donc admettre un point de réunion, une substance qui soit en même tems un sujet simple & indivisible de ces trois perceptions, distincte par conséquent du corps ; une ame, en un mot, purement spirituelle.

L'ame étant une substance très-simple, il ne peut y avoir de division dans elle ; & celles que nous y supposons pour concevoir d'une maniere plus nette les diverses choses qui s'y passent, ne consistent qu'en pures abstractions. L'entendement, c'est l'ame entant qu'elle se représente simplement un objet ; la volonté, c'est l'ame entant qu'elle se détermine vers tel objet ou s'en éloigne. C'est ce qu'on a désigné du nom de faculté de l'ame. Ce sont diverses manieres d'exercer la force unique qui constitue l'essence de l'ame. Quiconque veut s'instruire à fond de toutes les opérations de l'ame, trouvera de quoi se satisfaire dans plusieurs excellens ouvrages dont les principaux sont la recherché de la vérité, le traité de l'entendement humain, & les deux Philosophies de M. Wolf. Ces dernieres sur-tout sont ce qui a paru jusqu'à présent de plus circonstancié & de mieux développé sur cet important sujet. Après avoir établi l'existence de l'ame, M. Wolf la considere par rapport à la faculté de connoître, qu'il distingue en inférieure & supérieure. La partie inférieure comprend la perception, source des idées, le sentiment, l'imagination, la faculté de former des fictions, la mémoire, l'oubli, & la réminiscence. La partie supérieure de la faculté de connoître consiste dans l'attention & la réflexion, dans l'entendement en général & ses trois opérations en particulier, & dans les dispositions naturelles de l'entendement. La seconde faculté générale de l'ame, c'est celle d'appéter ou de se porter vers un objet, entant qu'elle le considere comme un bien ; d'où résulte la détermination contraire, lorsqu'elle l'envisage comme un mal. Cette faculté se partage même en partie inférieure & partie supérieure. La premiere n'est autre chose que l'appétit sensitif & l'aversation sensitive, ou le goût & l'éloignement que nous conservons pour les objets en nous laissant diriger par les idées confuses des sens ; de-là naissent les passions. La partie supérieure est la volonté entant que nous voulons ou ne voulons pas, uniquement parce que des idées distinctes, exemptes de toute impression machinale, nous y déterminent. La liberté est l'usage que nous faisons de ce pouvoir de nous déterminer. Enfin, il regne une liaison entre les opérations de l'ame & celles du corps dont l'expérience nous apprend les regles invariables. Voilà l'analyse psychologique de M. Wolf.

La question de l'immortalité de l'ame est nécessairement liée avec la spiritualité de l'ame. Nous ne connoissons de destruction que par l'altération ou la séparation des parties d'un tout ; or nous ne voyons point de parties dans l'ame : bien plus nous voyons positivement que c'est une substance parfaitement une & qui n'a point de parties. Phérécide le Syrien est le premier qui, au rapport de Cicéron & de S. Augustin, répandit dans la Grece le dogme de l'immortalité de l'ame. Mais ni l'un ni l'autre ne nous détaillent les preuves dont il se servoit : & de quelles preuves pouvoit se servir un philosophe, qui, quoique rempli de bon sens, confondoit les substances spirituelles avec les matérielles, ce qui est esprit avec ce qui est corps ? On sait seulement que Pythagore n'entendit point parler de ce dogme dans tous les voyages qu'il fit en Egypte & en Assyrie, & qu'il le reçut de Phérécide, touché principalement de ce qu'il avoit de neuf & d'extraordinaire. L'orateur romain ajoûte que Platon étant venu en Italie pour converser avec les disciples de Pythagore, approuva tout ce qu'ils disoient de l'immortalité de l'ame, & en donna même une sorte de démonstration qui fut alors très-applaudie : mais il faut avoüer que rien n'est plus frêle que cette démonstration, & qu'elle part d'un principe suspect. En effet, pour connoître quelle espece d'immortalité il attribuoit à l'ame, il ne faut que considérer la nature des argumens qu'il employe pour la prouver. Les argumens qui lui sont particuliers & pour lesquels il est si fameux, ne sont que des argumens métaphysiques tirés de la nature & des qualités de l'ame, & qui par conséquent ne prouvent que sa permanence, & certainement il la croyoit ; mais il y a de la différence entre la permanence de l'ame pure & simple, & la permanence de l'ame accompagnée de châtimens & de récompenses. Les preuves morales sont les seules qui puissent prouver un état futur & proprement nommé de peines & de récompenses. Or Platon, loin d'insister sur ce genre de preuves, n'en allegue point d'autres, comme on peut le voir dans le douzieme livre de ses lois, que l'autorité de la tradition & de la religion. Je tiens tout cela pour vrai, dit-il, parce que je l'ai oüi dire. Par-là il fait assez voir qu'il en abandonne la vérité, & qu'il n'en reclame que l'inutilité. 2°. L'opinion de Platon sur la métempsycose a donné lieu de le regarder comme le plus grand défenseur des peines & des récompenses d'une autre vie. A l'opinion de Pythagore qui croyoit la transmigration des ames purement naturelle & nécessaire, il ajoûta que cette transmigration étoit destinée à purifier les ames qui ne pouvoient point, à cause des souillures qu'elles avoient contractées ici-bas, remonter au lieu d'où elles étoient descendues, ni se rejoindre à la substance universelle dont elles avoient été séparées ; & que par conséquent les ames pures & sans tache ne subissoient point la métempsycose. Cette idée étoit aussi singuliere à Platon, que la mtempsycose physique l'étoit à Pythagore. Elle semble renfermer quelque sorte de dispensation morale que n'avoit point celle de son maître ; & elle en différoit même en ce qu'elle n'y assujettissoit pas tout le monde sans distinction, ni pour un tems égal. Mais pour faire voir néanmoins combien ces deux philosophes s'accordoient pour rejetter l'idée des peines & des récompenses d'une autre vie, il suffira de se rappeller ce que nous avons dit au commencement de cet article, de leur sentiment sur l'origine de l'ame. Des gens qui étoient persuadés que l'ame n'étoit immortelle que parce qu'ils la croyoient une portion de la divinité elle-même, un être éternel, incréé aussi-bien qu'incorruptible ; des gens qui supposoient que l'ame, après un certain nombre de révolutions, se réunissoit à la substance universelle où elle étoit absorbée, confondue & privée de son existence propre & personnelle ; ces gens-là, dis-je, ne croyoient pas sans doute l'ame immortelle dans le sens que nous le croyons : autant valoit-il pour les ames être absolument détruites & anéanties, que d'être ainsi englouties dans l'ame universelle, & d'être privées de tout sentiment propre & personnel. Or nous avons prouvé au commencement de cet article, que la réfusion de toutes les ames dans l'ame universelle, étoit le dogme constant des quatre principales sectes de philosophes qui florissoient dans la Grece. Tous ces philosophes ne croyoient donc pas l'ame immortelle au sens que nous l'entendons.

Mais pour dire ici quelque chose de plus précis, lorsque Platon insiste en plusieurs endroits de ses ouvrages sur le dogme des peines & des récompenses d'une autre vie, comment le fait-il ? c'est toûjours en suivant les idées grossieres du peuple ; que les ames des méchans passent dans le corps des ânes & des pourceaux ; que ceux qui n'ont point été initiés restent dans la fange & dans la boue ; qu'il y a trois juges dans les enfers : il parle du Styx, du Cocyte & de l'Achéron, &c. & il y insiste avec tant de force, que l'on peut & que l'on doit même croire qu'il a voulu persuader les lecteurs auxquels il avoit destiné les ouvrages où il en parle, comme le Phédon, le Gorgias, sa République, &c. Mais qui peut s'imaginer qu'il ait été lui-même persuadé de toutes ces idées chimériques ? Si Platon, le plus subtil de tous les philosophes, eût crû aux peines & aux récompenses d'une autre vie, il l'eût au moins laissé entrevoir comme il l'a fait à l'égard de l'éternité de l'ame, dont il étoit intimement persuadé ; c'est ce qu'on voit dans son Epinomis, lorsqu'il parle de la condition de l'homme de bien après sa mort. " J'assûre, dit-il, très-fermement, en badinant comme sérieusement, que lorsque la mort terminera sa carriere, il sera à sa dissolution dépouillé des sens dont il avoit l'usage ici-bas ; ce n'est qu'alors qu'il participera à une condition simple & unique ; & sa diversité étant résolue dans l'unité, il sera heureux, sage, & fortuné ". Ce n'est pas sans dessein que Platon est obscur dans ce passage. Comme il croyoit que l'ame se réunissoit finalement à la substance universelle & unique de la nature dont elle avoit été séparée, & qu'elle s'y confondoit, sans conserver une existence distincte, il est assez sensible que Platon insinue ici secrettement que lorsqu'il badinoit, il enseignoit alors que l'homme de bien avoit dans l'autre vie une existence distincte, particuliere, & personnellement heureuse, conformément à l'opinion populaire sur la vie future ; mais que lorsqu'il parloit sérieusement, il ne croyoit pas que cette existence fût particuliere & distincte : il croyoit au contraire que c'étoit une vie commune, sans aucune sensation personnelle, une résolution de l'ame dans la substance universelle. J'ajoûterai seulement ici, pour confirmer ce que je viens de dire, que Platon dans son Timée s'explique plus ouvertement, & qu'il y avoue que les tourmens des enfers sont des opinions fabuleuses.

En effet, les anciens les plus éclairés ont regardé ce que ce philosophe dit des peines & des récompenses d'une autre vie, comme choses d'un genre exotérique, c'est-à-dire comme des opinions destinées pour le peuple, & dont il ne croyoit rien lui-même. Lorsque Chrysippe, fameux stoïcien, blâme Platon de s'être servi mal-à-propos des terreurs d'une vie future pour détourner les hommes de l'injustice, il suppose lui-même que Platon n'y ajoûtoit aucune foi ; il ne le reprend pas d'avoir crû ces opinions, mais de s'être imaginé que ces terreurs puériles pouvoient être utiles au progrès de la vertu. Strabon fait voir qu'il est du même sentiment, lorsqu'en parlant des brachmanes des Indes, il dit qu'ils ont à la maniere de Platon inventé des fables concernant l'immortalité de l'ame & le jugement futur. Celse avoue que ce que Platon dit d'un état futur & des demeures fortunées destinées à la vertu, n'est qu'une allégorie. Il réduit le sentiment de ce philosophe sur la nature des peines & des récompenses d'une autre vie, à l'idée de la métempsycose qui servoit à la purification des ames ; & la métempsycose elle-même se réduisoit finalement à la réunion de l'ame avec la nature divine, lorsque l'ame, pour me servir de ses expressions, étoit devenue assez forte pour pénétrer dans les hautes régions.

Les Péripatéticiens & les Stoïciens ayant renoncé au caractere de législateurs, parloient plus ouvertement contre les peines & les récompenses d'une autre vie. Aussi voyons-nous qu'Aristote s'explique sans détour & de la maniere la plus dogmatique, contre les peines & les récompenses d'une autre vie : " La mort, dit-il, est de toutes les choses la plus terrible, c'est la fin de notre existence ; & après elle, l'homme n'a ni bien à espérer, ni mal à craindre ".

Epictete, vrai stoïcien s'il y en eût jamais, dit en parlant de la mort : " Vous n'allez point dans un lieu de peines : vous retournez à la source dont vous êtes sortis, à une douce réunion avec vos élémens primitifs ; il n'y a ni enfer, ni Achéron, ni Cocyte, ni Phlégéton ". Séneque dans sa consolation à Marcia, fille du fameux stoïcien Crémutius Cordus, reconnoît & avoue les mêmes principes avec aussi peu de tour qu'Epictete : " Songez que les morts ne ressentent aucun mal ; la terreur des enfers est une fable ; les morts n'ont à craindre ni ténebres, ni prison, ni torrent de feu, ni fleuve d'oubli ; il n'y a après la mort ni tribunaux, ni coupables ; il regne une liberté vague sans tyrans. Les poëtes donnant carriere à leur imagination, ont voulu nous épouvanter par de vaines frayeurs : mais la mort est la fin de toute douleur, le terme de tous les maux ; elle nous remet dans la même tranquillité où nous étions avant que de naître ".

Cicéron dans ses épîtres familieres où il fait connoître les véritables sentimens de son coeur, dans ses Offices même, se déclare expressément contre ce dogme : " La consolation, dit-il dans une lettre à Torquatus, " qui m'est commune avec vous, c'est " qu'en quittant la vie, je quitterai une république dont je ne regretterai point d'être enlevé ; d'autant plus que la mort exclut tout sentiment ". Et il dit à son ami Térentianus : " Lorsque les conseils ne servent plus de rien, on doit néanmoins, quelque chose qu'il puisse arriver, le supporter avec modération, puisque la mort est la fin de toutes choses ". Il est certain que Cicéron déclare ici ses véritables sentimens. Ce sont des lettres qu'il écrivoit à ses amis pour les consoler, lorsqu'il avoit besoin lui-même de consolation, à cause de la triste & mauvaise situation des affaires publiques : circonstances où les hommes sont peu susceptibles de déguisemens & d'artifices, & où ils sont portés à déclarer leurs sentimens les plus secrets. Les passages que l'on extrait de Cicéron pour prouver qu'il croyoit l'immortalité de l'ame, ne détruisent point ce qu'on vient d'avancer : car l'opinion des Payens sur l'immortalité de l'ame, bien-loin de prouver qu'il y eût après cette vie un état de peines & de récompenses, est incompatible avec cette idée, & prouve directement le contraire, comme je l'ai déjà fait voir.

La plus belle occasion de discuter quels étoient les vrais sentimens des différentes sectes philosophiques sur le dogme d'un état futur, se présenta autrefois dans Rome, lorsque César pour dissuader le sénat de condamner à mort les partisans de Catilina, avança que la mort n'étoit point un mal, comme se l'imaginoient ceux qui prétendoient l'infliger pour châtiment ; appuyant son sentiment par les principes connus d'Epicure sur la mortalité de l'ame. Caton & Cicéron, qui étoient d'avis qu'on fît mourir les conspirateurs, n'entreprirent cependant point de combattre cet argument par les principes d'une meilleure philosophie ; ils se contenterent d'alléguer l'opinion qui leur avoit été transmise par leurs ancêtres sur la croyance des peines & des récompenses d'une autre vie. Au lieu de prouver que César étoit un méchant philosophe, ils se contenterent d'insinuer qu'il étoit un mauvais citoyen. C'étoit évader l'argument ; & rien n'étoit plus opposé aux regles de la bonne Logique que cette réponse, puisque c'étoit cette autorité même de leurs maîtres que César combattoit par les principes de la philosophie greque. Il est donc bien décidé que tous les philosophes grecs n'admettoient point l'immortalité de l'ame dans le sens que nous la croyons. Mais avons-nous des preuves bien convainquantes de cette immortalité ? S'il s'agit d'une certitude parfaite, notre raison ne sauroit la décider. La raison nous apprend que notre ame a eu un commencement de son existence ; qu'une cause toute-puissante & souverainement libre l'ayant une fois tirée du néant, la tient toûjours sous sa dépendance, & la peut faire cesser dès qu'elle voudra, comme elle l'a fait commencer dès qu'elle a voulu. Je ne puis m'assûrer que mon ame subsistera après la mort, & qu'elle subsistera toûjours, à moins que je ne sache ce que le Créateur a résolu sur sa destinée. C'est uniquement sa volonté qu'il faut consulter ; & l'on ne peut connoître sa volonté s'il ne la révele. Les seules promesses d'une révélation peuvent donc donner une pleine assûrance sur ce sujet ; & nous n'en douterons pas, si nous voulons croire le souverain docteur des hommes. Comme il est le seul qui ait pû leur promettre l'immortalité, il déclare qu'il est le seul qui ait mis ce dogme dans une pleine évidence, & qui l'ait conduit à la certitude. Quoique la révélation seule puisse nous convaincre pleinement de cette immortalité, néanmoins on peut dire que la raison a de très-grands droits sur cette question, & qu'elle fournit en foule des raisons si fortes, & qui deviennent d'un si grand poids par leur assemblage, que cela nous mene à une espece de certitude. En effet, notre ame doüée d'intelligence & de liberté, est capable de connoître l'ordre & de s'y soûmettre ; elle l'est de connoître Dieu & de l'aimer ; elle est susceptible d'un bonheur infini par ces deux voies : capable de vertu, avide de félicité & de lumiere, elle peut faire à l'infini des progrès à tous ces égards, & contribuer ainsi pendant l'éternité à la gloire de son Créateur. Voilà un grand préjugé pour sa durée. La sagesse de Dieu lui permettroit-elle de placer dans l'ame tant de facultés, sans leur proposer un but qui leur réponde ; d'y mettre un fonds de richesses immenses, qu'une éternité seule suffit à développer ; richesses inutiles pourtant, s'il lui refuse une durée éternelle. Ajoûtez à cette premiere preuve la différence essentielle qui se trouve entre la vertu & le vice : la terre est le lieu de leur naissance & de leur exercice ; mais ce n'est pas le lieu de leur juste rétribution. Un mêlange confus des biens & des maux, obscurcit ici-bas l'oeconomie de la providence par rapport aux actions morales. Il faut donc qu'il y ait pour les ames humaines un tems au-delà de cette vie, où la sagesse de Dieu se manifeste à cet égard, où sa providence se développe, où sa justice éclate par le bonheur des bons, & par les supplices des méchans, & où il paroisse à tout l'Univers que Dieu ne s'intéresse pas moins à la conduite des êtres intelligens, & qu'il ne regne pas moins sur eux que sur les créatures insensibles. Rassemblez les raisons prises de la nature de l'ame humaine, de l'excellence & du but de ses facultés, considérées dans le rapport qu'elles ont avec les attributs divins ; prises des principes de vertu & de religion qu'elle renferme, de ses desirs & de sa capacité pour un bonheur infini ; joignez toutes ces raisons avec celles que nous fournit l'état d'épreuve où l'homme se trouve ici-bas, la certitude & tout-à-la-fois les obscurités de la providence, vous conclurez que le dogme de l'immortalité de l'ame humaine est fort au-dessus du probable. Ces preuves bien méditées, forment en nous une conviction, à laquelle il n'y a que les seules promesses de la révélation qui puissent ajoûter quelque chose.

Pour la quatrieme question, savoir quels sont les êtres en qui réside l'ame spirituelle, vous consulterez l'article AME DES BESTES. (X)

* Aux quatre questions précédentes sur l'origine, la nature, la destinée de l'ame, & sur les êtres en qui elle réside, les Physiciens & les Anatomistes en ont ajoûté une cinquieme, qui sembloit plus être de leur ressort que de la Métaphysique ; c'est de fixer le siége de l'ame dans les êtres qui en ont. Ceux d'entre les Physiciens qui croyent pouvoir admettre la spiritualité de l'ame, & lui accorder en même tems de l'étendue, qualité qu'ils ne peuvent plus regarder comme la différence spécifique de la matiere, ne lui fixent aucun siége particulier : ils disent qu'elle est dans toutes les parties du corps ; & comme ils ajoûtent qu'elle existe toute entiere sous chaque partie de son étendue, la perte de certains membres ne doit rien ôter ni à ses facultés, ni à son activité, ni à ses fonctions. Ce sentiment résout des difficultés : mais il en fait naître d'autres, tant sur cette maniere particuliere & incompréhensible d'exister des esprits, que sur la distinction de la substance spirituelle & de la substance corporelle : aussi n'est-il guere suivi. Les autres philosophes pensent qu'elle n'est point étendue, & que pourtant il y a dans le corps un lieu particulier où elle réside, & d'où elle exerce son empire. Si ce n'étoit un certain sentiment commun à tous les hommes, qui leur persuade que leur tête ou leur cerveau est le siége de leurs pensées, il y auroit autant de sujet de croire que c'est le poumon ou le foie, ou tel autre viscere qu'on voudroit ; car si leur méchanisme n'a & ne peut avoir aucun rapport avec la faculté de penser, comme on l'a démontré ci-devant, celui du cerveau n'y en a pas davantage. Il faudroit, à ce qu'il semble, une partie où vinssent aboutir tous les mouvemens des sensations, & telle que M. Descartes avoit imaginé la glande pinéale. Voyez GLANDE PINEALE. Mais il n'est que trop vrai, comme on le verra dans la suite de cet article, que c'étoit une pure imagination de ce philosophe, & que non-seulement cette partie, mais nulle autre, n'est capable des fonctions qu'il lui attribuoit. Ces traces qu'on suppose si volontiers, & dont les Philosophes ont tant parlé qu'elles sont devenues familieres dans le discours commun, on ne sait pas trop bien où les mettre ; & l'on ne voit point de partie dans le cerveau qui soit bien propre ni à les recevoir ni à les garder. Non-seulement nous ne connoissons pas notre ame, ni la maniere dont elle agit sur des organes matériels ; mais dans ces organes mêmes nous ne pouvons appercevoir aucune disposition qui détermine l'un plûtôt que l'autre à être le siége de l'ame.

Cependant la difficulté du sujet n'exclut pas les hypotheses ; elle doit seulement les faire traiter avec moins de rigueur. Nous ne finirions point si nous les voulions rapporter toutes. Comme il étoit difficile de donner la préférence à une partie sur une autre, il n'y en a presqu'aucune où l'on n'ait placé l'ame. On la met dans les ventricules du cerveau, dans le coeur, dans le sang, dans l'estomac, dans les nerfs, &c. mais de toutes ces hypotheses, celles de Descartes, de Vieussens & de Lancisi, ou de M. de la Peyronie, paroissent être les seules auxquelles leurs auteurs ayent été conduits par des phénomenes, comme nous l'allons faire voir. M. Vieussens le fils a supposé dans un ouvrage, où il se propose d'expliquer le délire mélancholique, que le centre ovale étoit le siége des fonctions de l'esprit. Selon les découvertes ou le système de M. Vieussens le pere, le centre ovale est un tissu de petits vaisseaux très-déliés, qui communiquent tous les uns avec les autres par une infinité d'autres petits vaisseaux encore infiniment plus déliés, que produisent tous les points de leur surface extérieure. C'est dans les premiers de ces petits vaisseaux que le sang artériel se subtilise au point de devenir esprit animal, & il coule dans les seconds sous la forme d'esprit. Au-dedans de ce nombre prodigieux de tuyaux presqu'absolument imperceptibles, se font tous les mouvemens auxquels répondent les idées ; & les impressions que ces mouvemens y laissent, sont les traces qui rappellent les idées qu'on a déjà eues. Il faut savoir que le centre ovale se trouve placé à l'origine des nerfs ; ce qui favorise beaucoup la fonction qu'on lui donne ici. Voyez CENTRE OVALE.

Si cette méchanique est une fois admise, on peut imaginer que la santé, pour ainsi dire, matérielle de l'esprit, dépend de la régularité, de l'égalité, de la liberté du cours des esprits dans ces petits canaux. Si la plûpart sont affaissés, comme pendant le sommeil, les esprits qui coulent dans ceux qui restent fortuitement ouverts, réveillent au hasard des idées entre lesquelles il n'y a le plus souvent aucune liaison, & que l'ame ne laisse pas d'assembler, faute d'en avoir en même tems d'autres qui lui en fassent voir l'incompatibilité : si au contraire tous les petits tuyaux sont ouverts, & que les esprits s'y portent en trop grande abondance, & avec une trop grande rapidité, il se réveille à-la-fois une foule d'idées très-vives, que l'ame n'a pas le tems de distinguer ni de comparer ; & c'est-là la frénésie. S'il y a seulement dans quelques petits tuyaux une obstruction telle que les esprits cessent d'y couler, les idées qui y étoient attachées sont absolument perdues pour l'ame, elle n'en peut plus faire aucun usage dans ses opérations ; de sorte qu'elle portera un jugement insensé toutes les fois que ces idées lui auroient été nécessaires pour en former un raisonnable ; hors de-là tous ses jugemens seront sains : c'est-là le délire mélancholique.

M. Vieussens a fait voir combien sa supposition s'accorde avec tout ce qui s'observe dans cette maladie ; puisqu'elle vient d'une obstruction, elle est produite par un sang trop épais & trop lent, aussi n'a-t-on point de fievre. Ceux qui habitent un pays chaud, & dont le sang est dépouillé de ses parties les plus subtiles par une trop grande transpiration ; ceux qui usent d'alimens trop grossiers ; ceux qui ont été frappés de quelque grande & longue crainte, &c. doivent être plus sujets au délire mélancholique. On pourroit pousser le détail des suppositions si loin qu'on voudroit, & trouver à chaque supposition différente, un effet différent, d'où il résulteroit qu'il n'y a guere de tête si saine où il n'y ait quelque petit tuyau du centre ovale bien bouché.

Mais quand la supposition de la cause de M. Vieussens s'accorderoit avec tous les cas qui se présentent, elle n'en seroit peut-être pas davantage la cause réelle. Les anciens attribuoient la pesanteur de l'air à l'horreur du vuide ; & l'on attribue aujourd'hui tous les phénomenes célestes à l'attraction. Si les anciens sur des expériences réitérées avoient découvert dans cette horreur quelque loi constante, comme on en a découvert une dans l'attraction, auroient-ils pû supposer que l'horreur du vuide étoit vraiment la cause des phénomenes, quand même les phénomenes ne se seroient jamais écartés de cette loi ? Les Newtoniens peuvent-ils supposer que l'attraction soit une cause réelle, quand même il ne surviendroit jamais aucun phénomene qui ne suivît la loi inverse du quarré des distances ? Point du tout. Il en est de même de l'hypothese de M. Vieussens. Le centre ovale a beau avoir des petits tuyaux, dont les uns s'ouvrent & les autres se bouchent : quand il pourroit même s'assûrer à la vûe (ce qui lui est impossible) que le délire mélancholique augmente ou diminue dans le rapport des petits tuyaux ouverts aux petits tuyaux bouchés, son hypothese en acquerroit beaucoup plus de certitude, & rentreroit dans la classe du flux & reflux, & de l'attraction considérée relativement aux mouvemens de la Lune : mais elle ne seroit pas encore démontrée. Tout cela vient de ce que l'on n'apperçoit par-tout que des effets qui se correspondent, & point du-tout dans un de ces effets la raison de l'effet correspondant ; presque toûjours la liaison manque, & nous ne la découvrirons peut-être jamais.

Mais de quelque maniere que l'on conçoive ce qui pense en nous, il est constant que les fonctions en sont dépendantes de l'organisation, & de l'état actuel de notre corps pendant que nous vivons. Cette dépendance mutuelle du corps & de ce qui pense dans l'homme, est ce qu'on appelle l'union du corps avec l'ame ; union que la saine philosophie & la révélation nous apprennent être uniquement l'effet de la volonté libre du Créateur. Du moins n'avons-nous nulle idée immédiate de dépendance, d'union, ni de rapport entre ces deux choses, corps & pensée. Cette union est donc un fait que nous ne pouvons révoquer en doute, mais dont les détails nous sont absolument inconnus. C'est à la seule expérience à nous les apprendre, & à décider toutes les questions qu'on peut proposer sur cette matiere. Une des plus curieuses est celle que nous agitons ici : l'ame exerce-t-elle également ses fonctions dans toutes les parties du corps auquel elle est unie ? ou y en a-t-il quelqu'une à laquelle ce privilége soit particulierement attaché ? S'il y en a une, quelle est cette partie ? C'est la glande pinéale, a dit Descartes : c'est le centre ovale, a dit Vieussens ; c'est le corps calleux, ont dit Lancisi & M. de la Peyronie. Descartes n'avoit pour lui qu'une conjecture, sans autre fondement que quelques convenances : Vieussens a fait un système, appuyé de quelques observations anatomiques ; M. de la Peyronie a présenté le sien avec des expériences.

Descartes vit la glande pinéale unique & comme suspendue au milieu des ventricules du cerveau par deux filamens nerveux & flexibles, qui lui permettent d'être mûe en tous sens, & par où elle reçoit toutes les impressions que le cours des esprits ou d'un fluide quelconque qui coule dans les nerfs, y peut apporter de tout le reste du corps ; il vit la glande pinéale environnée d'artérioles, tant du lacis choroïde que des parois internes des ventricules, où elle est renfermée, & dont les plus déliés tendent vers cette glande ; & sur cette situation avantageuse, il conjectura que la glande pinéale étoit le siége de l'ame, & l'organe commun de toutes nos sensations. Mais on a découvert que la glande pinéale manquoit dans certains sujets, ou qu'elle y étoit entierement oblitérée, sans qu'ils eussent perdu l'usage de la raison & des sens : on l'a trouvé putréfiée dans d'autres, dont le sort n'avoit pas été différent : elle étoit pourrie dans une femme de vingt-huit ans, qui avoit conservé le sens & la raison jusqu'à la fin ; & voilà l'ame délogée de l'endroit que Descartes lui avoit assigné pour demeure.

On a des expériences de destruction d'autres parties du cerveau, telles que les nattes & testes, sans que les fonctions de l'ame ayent été détruites. Il en faut dire autant des corps cannelés ; c'est M. Petit qui a chassé l'ame des corps cannelés, malgré leur structure singuliere. Où est donc le sensorium commune ? où est cette partie, dont la blessure ou la destruction emporte nécessairement la cessation ou l'interruption des fonctions spirituelles, tandis que les autres parties peuvent être altérées ou détruites, sans que le sujet cesse de raisonner ou de sentir ? M. de la Peyronie fait passer en revûe toutes les parties du cerveau, excepté le corps calleux ; & il leur donne l'exclusion par une foule de maladies très-marquées & très-dangereuses qui les ont attaquées, sans interrompre les fonctions de l'ame : c'est donc, selon lui, le corps calleux qui est le lieu du cerveau qu'habite l'ame. Oui, c'est selon M. de la Peyronie, le corps calleux qui est ce siége de l'ame, qu'entre les Philosophes les uns ont supposé être par-tout, & que les autres ont cherché en tant d'endroits particuliers ; & voici comment M. de la Peyronie procede dans sa démonstration.

" Un paysan perdit, par un coup reçû à la tête, une très-grande cuillerée de la substance du cerveau ; cependant il guérit, sans que sa raison en fût altérée : donc l'ame ne réside pas dans toute l'étendue de la substance du cerveau. On a vû des sujets en qui la glande pinéale étoit oblitérée ou pourrie ; d'autres qui n'en avoient aucune trace, tous cependant jouissoient de la raison : donc l ame n'est pas dans la glande pinéale. On a les mêmes preuves pour les nattes, les testes, l'infundibulum, les corps cannelés, le cervelet ; je veux dire que ces parties ont été ou détruites, ou attaquées de maladies violentes, sans que la raison en souffrît plus que de toute autre maladie : donc l'ame n'est pas dans ces parties. Reste le corps calleux ". On peut voir dans le mémoire de M. de la Peyronie, toutes les expériences par lesquelles il prouve que cette partie du cerveau n'a pû être altérée ou détruite, sans que l'altération ou la perte de la raison ne s'en soit suivie ; nous nous contenterons de rapporter ici celle qui nous a le plus fortement affecté. Un jeune homme de seize ans fut blessé d'un coup de pierre au-haut & au-devant du pariétal gauche ; l'os fut contus & ne parut point fêlé ; il ne survint point d'accident jusqu'au vingt-cinquieme jour, que le malade commença à sentir que l'oeil droit s'affoiblissoit, & qu'il étoit pesant & douloureux, sur-tout lorsqu'on le pressoit : au bout de trois jours, il perdit la vûe de cet oeil seulement ; il perdit ensuite l'usage presqu'entier de tous les sens, & il tomba dans un assoupissement & un affaissement absolu de tout le corps : on fit des incisions ; on fit trois trépans ; on ouvrit la dure-mere ; on tira d'un abscès, qui devoit avoir environ le volume d'un oeuf de poule, trois onces & demie de matiere épaisse, avec quelques flocons de la substance du cerveau. On jugea par la direction d'une sonde applatie & arrondie par le bout en forme de champignon, qu'on nomme meningophylax, & par la profondeur de l'endroit où cette sonde pénétroit, qu'elle étoit soûtenue par le corps calleux, quand on l'abandonnoit legerement.

Dès que le pus qui pesoit sur le corps calleux fut vuidé, l'assoupissement cessa, la vûe & la liberté des sens revinrent. Les accidens recommençoient à mesure que la cavité se remplissoit d'une nouvelle suppuration, & ils disparoissoient à mesure que les matieres sortoient. L'injection produisoit le même effet que la présence des matieres : dès que l'on remplissoit la cavité, le malade perdoit la raison & le sentiment ; & on lui redonnoit l'un & l'autre, en pompant l'injection par le moyen d'une seringue : en laissant même aller le meningophylax sur le corps calleux, son seul poids rappelloit les accidens, qui disparoissoient quand ce poids étoit éloigné. Au bout de deux mois, ce malade fut guéri ; il eut la tête entierement libre, & ne ressentit pas la moindre incommodité.

Voilà donc l'ame installée dans le corps calleux ; jusqu'à ce qu'il survienne quelqu'expérience qui l'en déplace, & qui réduise les Physiologistes dans le cas de ne savoir plus où la mettre. En attendant, considérons combien ses fonctions tiennent à peu de chose : une fibre dérangée ; une goutte de sang extravasé ; une legere inflammation ; une chûte ; une contusion : & adieu le jugement, la raison, & toute cette pénétration dont les hommes sont si vains : toute cette vanité dépend d'un filet bien ou mal placé, sain ou mal sain.

Après avoir employé tant d'espace à établir la spiritualité & l'immortalité de l'ame, deux sentimens très-capables d'enorgueillir l'homme sur sa condition à venir ; qu'il nous soit permis d'employer quelques lignes à l'humilier sur sa condition présente par la contemplation des choses futiles d'où dépendent les qualités dont il fait le plus de cas. Il a beau faire, l'expérience ne lui laisse aucun doute sur la connexion des fonctions de l'ame, avec l'état & l'organisation du corps ; il faut qu'il convienne que l'impression inconsidérée du doigt de la Sage-femme suffisoit pour faire un sot, de Corneille, lorsque la boîte osseuse qui renferme le cerveau & le cervelet, étoit molle comme de la pâte. Nous finirons cet article par quelques observations qu'on trouve dans les mémoires de l'Académie, dans beaucoup d'autres endroits, & qu'on s'attend sans doute à rencontrer ici. Un enfant de deux ans & demi, ayant joüi jusque-là d'une santé parfaite, commença à tomber en langueur ; la tête lui grossissoit peu-à-peu : au bout de dix-huit mois il cessa de parler aussi distinctement qu'il avoit fait ; il n'apprit plus rien de nouveau ; au contraire toutes les fonctions de l'ame s'altérerent au point qu'il vint à ne plus donner aucun signe de perception ni de mémoire, non pas même de goût, d'odorat ni d'oüie : il mangeoit à toute heure, & recevoit indifféremment les bons & les mauvais alimens : il étoit toûjours couché sur le dos, ne pouvant soûtenir ni remuer sa tête, qui étoit devenue fort grosse & fort lourde ; il dormoit peu, & crioit nuit & jour ; il avoit la respiration foible & fréquente, & le poux fort petit, mais réglé ; il digéroit assez bien, avoit le ventre libre, & fut toûjours sans fievre.

Il mourut après deux ans de maladie ; M. Littre l'ouvrit, & lui trouva le crane d'un tiers plus grand qu'il ne devoit être naturellement, de l'eau claire dans le cerveau ; l'entonnoir large d'un pouce & profond de deux ; la glande pinéale cartilagineuse ; la moëlle allongée, moins molle dans sa partie antérieure que le cerveau ; le cervelet skirrheux, ainsi que la partie postérieure de la moëlle allongée, & la moëlle de l'épine & les nerfs qui en sortent, plus petits & plus mous que de coûtume. Voyez les mémoires de l'académie, année 1705, page 57 ; année 1741, hist. page 31 ; année 1709, hist. page 11 ; & dans notre Dictionnaire les articles CERVEAU, CERVELET, MOELLE, ENTONNOIR, &c.

La nature des alimens influe tellement sur la constitution du corps, & cette constitution sur les fonctions de l'ame, que cette seule réflexion seroit bien capable d'effrayer les meres qui donnent leurs enfans à nourrir à des inconnues.

Les impressions faites sur les organes encore tendres des enfans, peuvent avoir des suites si fâcheuses, relativement aux fonctions de l'ame, que les parens doivent veiller avec soin à ce qu'on ne leur donne aucune terreur panique, de quelque nature qu'elle soit.

Mais voici deux autres faits très-propres à démontrer les effets de l'ame sur le corps, & réciproquement les effets du corps sur l'ame. Une jeune fille, que ses dispositions naturelles ou la sévérité de l'éducation avoient jettée dans une dévotion outrée, tomba dans une espece de mélancolie religieuse. La crainte mal raisonnée qu'on lui avoit inspirée du souverain être, avoit rempli son esprit d'idées noires ; & la suppression de ses regles fut une suite de la terreur & des allarmes habituelles dans lesquelles elle vivoit. L'on employa inutilement contre cet accident les emménagogues les plus efficaces & les mieux choisis ; la suppression dura ; elle occasionna des effets si fâcheux, que la vie devint bien-tôt insupportable à la jeune malade ; & elle étoit dans cet état, lorsqu'elle eut le bonheur de faire connoissance avec un ecclésiastique d'un caractere doux & liant, & d'un esprit raisonnable, qui, partie par la douceur de sa conversation, partie par la force de ses raisons, vint à bout de bannir les frayeurs dont elle étoit obsédée, à la réconcilier avec la vie, & à lui donner des idées plus saines de la Divinité ; & à peine l'esprit fut-il guéri, que la suppression cessa, que l'embonpoint revint, & que la malade joüit d'une très-bonne santé, quoique sa maniere de vivre fût exactement la même dans les deux états opposés. Mais comme l'esprit n'est pas moins sujet à des rechûtes que le corps, cette fille étant retombée dans ses premieres frayeurs superstitieuses, son corps retomba dans le même dérangement, & la maladie fut accompagnée des mêmes symptomes qu'auparavant. L'ecclésiastique suivit, pour la tirer de-là, la même voie qu'il avoit employée ; elle lui réussit, les regles reparurent, & la santé revint. Pendant quelques années, la vie de cette jeune personne fut une alternative de superstition & de maladie, de religion & de santé. Quand la superstition dominoit, les regles cessoient, & la santé disparoissoit ; lorsque la religion & le bon sens reprenoient le dessus, les humeurs suivoient leur cours ordinaire, & la santé revenoit.

Un musicien célebre, grand compositeur, fut attaqué d'une fievre qui ayant toûjours augmenté, devint continue avec des redoublemens. Le septieme jour il tomba dans un délire violent & presque continu, accompagné de cris, de larmes, de terreurs, & d'une insomnie perpétuelle. Le troisieme jour de son délire, un de ces coups d'instinct que l'on dit qui font chercher aux animaux malades les herbes qui leur sont propres, lui fit demander à entendre un petit concert dans sa chambre. Son medecin n'y consentit qu'avec beaucoup de peine ; cependant on lui chanta des cantates de Bernier ; dès les premiers accords qu'il entendit, son visage prit un air serein, ses yeux furent tranquilles, les convulsions cesserent absolument, il versa des larmes de plaisir, & eut alors pour la Musique une sensibilité qu'il n'avoit jamais éprouvée, & qu'il n'éprouva point depuis. Il fut sans fievre durant tout le concert ; & dès qu'on l'eut fini, il retomba dans son premier état. On ne manqua pas de revenir à un remede dont le succès avoit été si imprévû & si heureux. La fievre & le délire étoient toûjours suspendus pendant les concerts ; & la Musique étoit devenue si nécessaire au malade, que la nuit il faisoit chanter & même danser une parente qui le veilloit, & à qui son affliction ne permettoit guere d'avoir pour son malade la complaisance qu'il en exigeoit. Une nuit entr'autres qu'il n'avoit auprès de lui que sa garde, qui ne savoit qu'un misérable vaudeville, il fut obligé de s'en contenter, & en ressentit quelques effets. Enfin dix jours de Musique le guérirent entierement, sans autre secours qu'une saignée du pié, qui fut la seconde qu'on lui fit, & qui fut suivie d'une grande évacuation. Voyez TARENTULE.

M. Dodart rapporte ce fait, après l'avoir vérifié. Il ne prétend pas qu'il puisse servir d'exemple ni de regle : mais il est assez curieux de voir comment dans un homme dont la Musique étoit, pour ainsi dire, devenue l'ame par une longue & continuelle habitude, les concerts ont rendu peu-à-peu aux esprits leur cours naturel. Il n'y a pas d'apparence qu'un peintre pût être guéri de même par des tableaux ; la Peinture n'a pas le même pouvoir sur les esprits, & elle ne porteroit pas la même impression à l'ame.


AME DES BETES(Métaph.) La question qui concerne l'ame des bêtes, étoit un sujet assez digne d'inquiéter les anciens philosophes ; il ne paroît pourtant pas qu'ils se soient fort tourmentés sur cette matiere, ni que partagés entr'eux sur tant de points différens, ils se soient fait de la nature de cette ame un prétexte de querelle. Ils ont tous donné dans l'opinion commune, que les brutes sentent & connoissent, attribuant seulement à ce principe de connoissance plus ou moins de dignité, plus ou moins de conformité avec l'ame humaine ; & peut-être se contentant d'envelopper diversement, sous les savantes ténebres de leur style énigmatique, ce préjugé grossier, mais trop naturel aux hommes, que la matiere est capable de penser. Mais quand les philosophes anciens ont laissé en paix certains préjugés populaires, les modernes y signalent leur hardiesse. Descartes suivi d'un parti nombreux, est le premier philosophe qui ait osé traiter les bêtes de pures machines : car à peine Gomesius Pereira, qui le dit quelque tems avant lui, mérite-t-il qu'on parle ici de lui, puisqu'il tomba dans cette hypothèse par un pur hasard, & que selon la judicieuse réflexion de M. Bayle, il n'avoit point tiré cette opinion de ses véritables principes. Aussi ne lui fit-on l'honneur, ni de la redouter, ni de la suivre, pas même de s'en souvenir ; & ce qui peut arriver de plus triste à un novateur, il ne fit point de secte.

Descartes est donc le premier que la suite de ses profondes méditations ait conduit à nier l'ame des bêtes, paradoxe auquel il a donné dans le monde une vogue extraordinaire. Il n'auroit jamais donné dans cette opinion, si la grande vérité de la distinction de l'ame & du corps, qu'il a le premier mise dans son plus grand jour, jointe au préjugé qu'on avoit contre l'immortalité de l'ame des bêtes, ne l'avoit forcé, pour ainsi dire, à s'y jetter. L'opinion des machines sauvoit deux grandes objections ; l'une contre l'immortalité de l'ame, l'autre contre la bonté de Dieu. Admettez le système des automates, ces deux difficultés disparoissent : mais on ne s'étoit pas apperçu qu'il en venoit bien d'autres du fond du système même. On peut observer en passant que la philosophie de Descartes, quoi qu'en ayent pû dire ses envieux, tendoit toute à l'avantage de la religion ; l'hypothèse des machines en est une preuve.

Le Cartésianisme a toûjours triomphé, tant qu'il n'a eu en tête que les ames matérielles d'Aristote, que ces substances incomplete s tirées de la puissance de la matiere, pour faire avec elles un tout substantiel qui pense & qui connoît dans les bêtes. On a si bien mis en déroute ces belles entités de l'école, que je ne pense pas qu'on s'avise de les reproduire jamais : ces fantômes n'oseroient soûtenir la lumiere d'un siecle comme le nôtre ; & s'il n'y avoit pas de milieu entr'eux & les automates cartésiens, on seroit obligé d'admettre ceux-ci. Heureusement depuis Descartes, on s'est apperçu d'un troisieme parti qu'il y avoit à prendre ; & c'est depuis ce tems que le ridicule du système des automates s'est développé. On en a l'obligation aux idées plus justes qu'on s'est faites, depuis quelque tems, du monde intellectuel. On a compris que ce monde doit être beaucoup plus étendu qu'on ne croyoit, & qu'il renferme bien d'autres habitans que les anges, & les ames humaines ; ample ressource pour les Physiciens, par-tout où le méchanisme demeure court, en particulier quand il s'agit d'expliquer les mouvemens des brutes.

En faisant l'exposé du fameux système des automates, tâchons de ne rien omettre de ce qu'il a de plus spécieux, & de représenter en raccourci toutes les raisons directes qui peuvent établir ce système. Elles se réduisent à ceci ; c'est que le seul méchanisme rendant raison des mouvemens des brutes, l'hypothèse qui leur donne une ame est fausse, par cela même qu'elle est superflue. Or c'est ce qu'il est aisé de prouver, en supposant une fois ce principe, que le corps animal a déjà en lui-même, indépendamment de l'ame, le principe de sa vie & de son mouvement : c'est de quoi l'expérience nous fournit des preuves incontestables.

1°. Il est certain que l'homme fait un grand nombre d'actions machinalement, c'est-à-dire sans s'en appercevoir lui-même, & sans avoir la volonté de les faire ; actions que l'on ne peut attribuer qu'à l'impression des objets & à une disposition primitive de la machine, où l'influence de l'ame n'a aucune part. De ce nombre sont les habitudes corporelles, qui viennent de la réitération fréquente de certaines actions, à la présence de certains objets ; ou de l'union des traces que diverses sensations ont laissées dans le cerveau ; ou de la liaison d'une longue suite de mouvemens, qu'on aura réitérés souvent dans le même ordre, soit fortuitement, soit à dessein. A cela se rapportent toutes les dispositions acquises par l'art. Un musicien, un joüeur de luth, un danseur, exécutent les mouvemens les plus variés & les plus ordonnés tout ensemble, d'une maniere très-exacte, sans faire la moindre attention à chacun de ces mouvemens en particulier : il n'intervient qu'un seul acte de la volonté par où il se détermine à chanter ou joüer un tel air, & donne le premier branle aux esprits animaux ; tout le reste suit régulierement sans qu'il y pense. Rapportez à cela tant d'actions surprenantes des gens distraits, des somnambules, &c. dans tous ces cas les hommes sont autant d'automates.

2°. Il y a des mouvemens naturels tellement involontaires, que nous ne saurions les retenir, par exemple, ce méchanisme admirable qui tend à conserver l'équilibre, lorsque nous nous baissons, lorsque nous marchons sur une planche étroite, &c.

3°. Les goûts & les antipathies naturelles pour certains objets, qui dans les enfans précedent le discernement & la connoissance, & qui quelquefois dans les personnes formées surmontent tous les efforts de la raison, ont leur fondement dans le méchanisme, & sont autant de preuves de l'influence des objets sur les mouvemens du corps humain.

4°. On sait combien les passions dépendent du degré du mouvement du sang & des impressions réciproques que produisent les esprits animaux sur le coeur & sur le cerveau, dont l'union par l'entremise des nerfs est si étroite. On sait combien les impressions du dehors peuvent exciter ces passions, ou les fortifier, en tant qu'elles sont de simples modifications de la machine. Descartes, dans son traité des passions, & le P. Malebranche, dans sa morale, expliquent d'une maniere satisfaisante le jeu de la machine à cet égard ; & comment, sans le secours d'aucune pensée, par la correspondance & la sympathie merveilleuse des nerfs & des muscles, chacune de ces passions, considérée comme une émotion toute corporelle, répand sur le visage un certain air qui lui est propre, est accompagné du geste & du maintien naturel qui la caractérise, & produit dans tout le corps des mouvemens convenables à ses besoins & proportionnés aux objets.

Il est aisé de voir où doivent aboutir toutes ces réflexions sur le corps humain, considéré comme un automate existant indépendamment d'une ame ou d'un principe de sentiment & d'intelligence : c'est que si nous ne voyons faire aux brutes que ce qu'un tel automate pourroit exercer en vertu de son organisation, il n'y a, ce semble, aucune raison qui nous porte à supposer un principe intelligent dans les brutes, & à les regarder autrement que comme de pures machines, n'y ayant alors que le préjugé qui nous fasse attacher au mouvement des bêtes les mêmes pensées qui accompagnent en nous des mouvemens semblables.

Rien ne donne une plus juste idée des automates cartésiens, que la comparaison employée par M. Regis, de quelques machines hydrauliques que l'on voit dans les grottes & dans les fontaines de certaines maisons des grands, où la seule force de l'eau déterminée par la disposition des tuyaux, & par quelque pression extérieure, remue diverses machines. Il compare les tuyaux des fontaines aux nerfs ; les muscles, les tendons, &c. sont les autres ressorts qui appartiennent à la machine ; les esprits sont l'eau qui les remue ; le coeur est comme la source, & les cavités du cerveau sont les regards. Les objets extérieurs, qui par leur présence agissent sur les organes des sens des bêtes, sont comme les étrangers qui entrant dans la grotte, selon qu'ils mettent le pié sur certains carreaux disposés pour cela, font remuer certaines figures ; s'ils s'approchent d'une Diane, elle fuit & se plonge dans la fontaine ; s'ils s'avancent davantage, un Neptune s'approche, & vient les menacer avec son trident. On peut encore comparer les bêtes, dans ce système, à ces orgues qui jouent différens airs par le seul mouvement des eaux : il y aura de même, disent les Cartésiens, une organisation particuliere dans les bêtes que le Créateur y aura produite, & qu'il aura diversement réglée dans les diverses especes d'animaux, mais toûjours proportionnément aux objets, toûjours par rapport au grand but de la conservation de l'individu & de l'espece. Rien n'est plus aisé que cela au suprème ouvrier, à celui qui connoît parfaitement la disposition & la nature de tous ces objets qu'il a créés. L'établissement d'une si juste correspondance ne doit rien coûter à sa puissance & à sa sagesse. L'idée d'une telle harmonie paroît grande & digne de Dieu : cela seul, disent les Cartésiens, doit familiariser un philosophe avec ces paradoxes si choquans pour le préjugé vulgaire, & qui donnent un ridicule si apparent au Cartésianisme sur ce point.

Une autre considération en faveur du Cartésianisme, qui paroît avoir quelque chose d'ébloüissant, est prise des productions de l'art. On sait jusqu'où est allée l'industrie des hommes dans certains machines : leurs effets sont inconcevables, & paroissent tenir du miracle dans l'esprit de ceux qui ne sont pas versés dans la méchanique. Rassemblez ici toutes les merveilles dont vous ayez jamais oüi parler en ce genre, des statues qui marchent, des mouches artificielles qui volent & qui bourdonnent, des araignées de même fabrique qui filent leur toile, des oiseaux qui chantent, une tête d'or qui parle, un pan qui joue de la flûte : on n'auroit jamais fait l'énumération, même à s'en tenir aux généralités de chaque espece, de toutes ces inventions de l'art qui copie si agréablement la nature. Les ouvrages célebres de Vulcain, ces trépiés qui se promenoient d'eux-mêmes dans l'assemblée des dieux ; ces esclaves d'or, qui sembloient avoir appris l'art de leur maître, qui travailloient auprès de lui, sont une sorte de merveilleux qui ne passe point la vraisemblance ; & les dieux qui l'admiroient si fort, avoient moins de lumieres apparemment que les Méchaniciens de nos jours. Voici donc comme nos philosophes cartésiens raisonnent. Réunissez tout l'art & tous les mouvemens surprenans de ces différentes machines dans une seule, ce ne sera encore que l'art humain : jugez ce que produira l'art divin. Remarquez qu'il ne s'agit pas d'une machine en idée que Dieu pourroit produire : le corps de l'animal est incontestablement une machine composée de ressorts infiniment plus déliés que ne seroient ceux de la machine artificielle, où nous supposons que se réuniroit toute l'industrie répandue & partagée entre tant d'autres que nous avons vûes jusqu'ici. Il s'agit donc de savoir si le corps de l'animal étant, sans comparaison, au-dessus de ce que seroit cette machine, par la délicatesse, la variété, l'arrangement, la composition de ses ressorts, nous ne pouvons pas juger, en raisonnant du plus petit au plus grand, que son organisation peut causer cette variété de mouvemens réguliers que nous voyons faire à l'animal ; & si, quoique nous n'ayons pas à beaucoup près là-dessus une connoissance exacte, nous ne sommes pas en droit de juger qu'elle renferme assez d'art pour produire tous ces effets. De tout cela le Cartésien conclut que rien ne nous oblige d'admettre dans les bêtes une ame qui seroit hors d'oeuvre, puisque toutes les actions des animaux ont pour derniere fin la conservation du corps, & qu'il est de la sagesse divine de ne rien faire d'inutile, d'agir par les plus simples voies, de proportionner l'excellence & le nombre des moyens à l'importance de la fin ; que par conséquent Dieu n'aura employé que des lois méchaniques pour l'entretien de la machine, & qu'il aura mis en elle-même, & non hors d'elle, le principe de sa conservation & de toutes les opérations qui y tendent. Voilà le plaidoyer des Cartésiens fini : voyons ce qu'on y répond.

Je mets en fait que si l'on veut raisonner sur l'expérience, on démonte les machines cartésiennes ; & que posant pour fondement les actions que nous voyons faire aux bêtes, on peut aller de conséquence en conséquence, en suivant les regles de la plus exacte Logique, jusqu'à démontrer qu'il y a dans les bêtes un principe immatériel, lequel est cause de ces actions. D'abord il ne faut pas chicaner les Cartésiens sur la possibilité d'un méchanisme qui produiroit tous ces phénomenes. Il faut bien se garder de les attaquer sur ce qu'ils disent de la fécondité des lois du mouvement, des miraculeux effets du méchanisme, de l'étendue incompréhensible de l'entendement divin, & sur le parallele qu'ils font des machines que l'art des hommes a construites, avec le merveilleux infiniment plus grand que le Créateur de l'univers pourroit mettre dans celles qu'il produiroit. Cette idée féconde & presqu'infinie des possibilités méchaniques, des combinaisons de la figure & du mouvement, jointe à celle de la sagesse & de la puissance du Créateur, est comme le fort inexpugnable du Cartésianisme. On ne sauroit dire où cela ne mene point ; & certainement quiconque a tant-soit-peu consulté l'idée de l'être infiniment parfait, prendra bien garde à ne nier jamais la possibilité de quoi que ce soit, pourvû qu'il n'implique pas contradiction.

Mais le Cartésien se trompe, lorsque partant de cette possibilité qu'on lui accorde, il vient argumenter de cette maniere : Puisque Dieu peut produire des êtres tels que mes automates, qui nous empêchera de croire qu'il les a produits ? Les opérations des brutes, quelqu'admirables qu'elles nous paroissent, peuvent être le résultat d'une combinaison de ressorts, d'un certain arrangement d'organes, d'une certaine application précise des lois générales du mouvement ; application que l'art divin est capable de concevoir & de produire : donc il ne faut point attribuer aux bêtes un principe qui pense & qui sent, puisque tout peut s'expliquer sans ce principe : donc il faut conclure qu'elles sont de pures machines. On fera bien alors de lui nier cette conséquence, & de lui dire : Nous avons certitude qu'il y a dans les bêtes un principe qui pense & qui sent ; tout ce que nous leur voyons faire, conduit à un tel principe : donc nous sommes fondés à le leur attribuer, malgré la possibilité contraire qu'on nous oppose. Remarquez qu'il s'agit ici d'une question de fait ; savoir, si dans les bêtes un tel principe existe ou n'existe point. Nous voyons les actions des bêtes, il s'agit de découvrir quelle en est la cause ; & nous sommes astraints ici à la même maniere de raisonner dont les Physiciens se servent dans la recherche des causes naturelles, & que les Historiens employent quand ils veulent s'assûrer de certains évenemens. Les mêmes principes qui nous conduisent à la certitude sur les questions de ce genre, doivent nous déterminer dans celle-ci.

La premiere regle, c'est que Dieu ne sauroit nous tromper. Voici la seconde : la liaison d'un grand nombre d'apparences ou d'effets réunis avec une cause qui les explique, prouve l'existence de cette cause. Si la cause supposée explique tous les phénomenes connus, s'ils se réunissent tous à un même principe, comme autant de lignes dans un centre commun ; si nous ne pouvons imaginer d'autre principe qui rende raison de tous ces phénomenes, que celui-là, nous devons tenir pour indubitable l'existence de ce principe. Voilà le point fixe de certitude au-delà duquel l'esprit humain ne sauroit aller ; car il est impossible que notre esprit demeure en suspens, lorsqu'il y a raison suffisante d'un côté, & qu'il n'y en a point de l'autre. Si nous nous trompons malgré cela, c'est Dieu qui nous trompe, puisqu'il nous a faits de telle maniere, & qu'il ne nous a point donné d'autre moyen de parvenir à la certitude sur de pareils sujets. Si les bêtes sont de pures machines, Dieu nous trompe : cet argument est le coup fatal à l'hypothese des machines.

Avoüons-le d'abord : si Dieu peut faire une machine qui, par la seule disposition de ses ressorts, exécute toutes les actions surprenantes que l'on admire dans un chien ou dans un singe, il peut former d'autres machines qui imiteront parfaitement toutes les actions des hommes : l'un & l'autre est également possible à Dieu, & il n'y aura dans ce dernier cas qu'une plus grande dépense d'art ; une organisation plus fine, plus de ressorts combinés, seront toute la différence. Dieu, dans son entendement infini, renfermant les idées de toutes les combinaisons, de tous les rapports possibles de figures, d'impressions & de déterminations de mouvement, & son pouvoir égalant son intelligence, il paroît clair qu'il n'y a de différence dans ces deux suppositions, que celle des degrés du plus & du moins, qui ne changent rien dans le pays des possibilités. Je ne vois pas par où les Cartésiens peuvent échapper à cette conséquence, & quelles disparités essentielles ils peuvent trouver entre le cas du méchanisme des bêtes qu'ils défendent, & le cas imaginaire qui transformeroit tous les hommes en automates, & qui réduiroit un Cartésien à n'être pas bien sûr qu'il y ait d'autres intelligences au monde que Dieu & son propre esprit.

Si j'avois affaire à un Pyrrhonien de cette espece, comment m'y prendrois-je pour lui prouver que ces hommes qu'il voit ne sont pas des automates ? Je ferois d'abord marcher devant moi ces deux principes : 1°. Dieu ne peut tromper : 2°. la liaison d'une longue chaîne d'apparences, avec une cause qui explique parfaitement ces apparences, & qui seule me les explique, prouve l'existence de cette cause. La pure possibilité ne prouve rien ici, puisque qui dit possibilité qu'une chose soit de telle maniere, pose en même tems possibilité égale pour la maniere opposée. Vous m'alléguez qu'il est possible que Dieu ait fabriqué des machines semblables au corps humain, qui par les seules lois du méchanisme parleront s'entretiendront avec moi, feront des discours suivis, écriront des livres bien raisonnés. Ce sera Dieu dans ce cas qui, ayant toutes les idées que je reçois à l'occasion des mouvemens divers de ces êtres que je crois intelligens comme moi, fera joüer les ressorts de certains automates, pour m'imprimer ces idées à leur occasion, & qui exécutera tout cela lui seul par les lois du méchanisme. J'accorde que tout cela est possible ; mais comparez un peu votre supposition avec la mienne. Vous attribuez tout ce que je vois à un méchanisme caché, qui vous est parfaitement inconnu ; vous supposez une cause dont vous ne voyez assûrément point la liaison avec aucun des effets, & qui ne rend raison d'aucune des apparences : moi je trouve d'abord une cause dont j'ai l'idée, une cause qui réunit, qui explique toutes ces apparences : cette cause, c'est une ame semblable à la mienne. Je sai que je fais toutes ces mêmes actions extérieures que je vois faire aux autres hommes, par la direction d'une ame qui pense, qui raisonne, qui a des idées, qui est unie à un corps, dont elle regle comme il lui plaît les mouvemens. Une ame raisonnable m'explique donc clairement des opérations pareilles que je vois faire à des corps humains qui m'environnent. J'en conclus qu'ils sont unis comme le mien à des ames raisonnables. Voilà un principe dont j'ai l'idée, qui réunit & qui explique avec une parfaite clarté les phénomenes innombrables que je vois.

La pure possibilité d'une autre cause dont vous ne me donnez point l'idée, votre méchanisme possible, mais inconcevable, & qui ne m'explique aucun des effets que je vois, ne m'empêchera jamais d'affirmer l'existence d'une ame raisonnable qui me les explique, ni de croire fermement que les hommes avec qui je commerce, ne sont pas de purs automates. Et prenez-y garde, ma croyance est une certitude parfaite, puisqu'elle roule sur cet autre principe évident, que Dieu ne sauroit tromper : & si ce que je prends pour des hommes comme moi, n'étoient en effet que des automates, il me tromperoit ; il feroit alors tout ce qui seroit nécessaire pour me pousser dans l'erreur, en me faisant concevoir d'un côté une raison claire des phénomenes que j'apperçois, laquelle n'auroit pourtant pas lieu, tandis que de l'autre il me cacheroit la véritable.

Tout ce que je viens de dire s'applique aisément aux actions des brutes, & la conséquence va toute seule. Qu'appercevons-nous chez elles ? des actions suivies, raisonnées, qui expriment un sens, & qui représentent les idées, les desirs, les intérêts, les desseins de quelqu'être particulier. Il est vrai qu'elles ne parlent pas ; & cette disparité entre les bêtes & l'homme, vous servira tout au plus à prouver qu'elles n'ont point, comme lui, des idées universelles ; qu'elles ne forment point de raisonnemens abstraits. Mais elles agissent d'une maniere conséquente : cela prouve qu'elles ont un sentiment d'elles-mêmes, & un intérêt propre, qui est le principe & le but de leurs actions ; tous leurs mouvemens tendent à leur utilité, à leur conservation, à leur bien-être. Pour peu qu'on se donne la peine d'observer leurs allures, il paroît manifestement une certaine société entre celles de même espece, & quelquefois même entre les especes différentes ; elles paroissent s'entendre, agir de concert, concourir au même dessein : elles ont une correspondance avec les hommes ; témoin les chevaux, les chiens, &c. on les dresse, ils apprennent ; on leur commande, ils obéissent ; on les menace, ils paroissent craindre ; on les flate, ils caressent à leur tour. Bien plus, car il faut mettre ici à l'écart les merveilles de l'instinct, nous voyons ces animaux faire des actions spontanées, où paroît une image de raison & de liberté, d'autant plus qu'elles sont moins uniformes, plus diversifiées, plus singulieres, moins prévûes, accommodées sur le champ à l'occasion présente.

Vous, Cartésien, m'alléguez l'idée vague d'un méchanisme possible, mais inconnu & inexplicable pour vous & pour moi : voilà, dites-vous, la source des phénomenes que vous offrent les bêtes. Et moi j'ai l'idée claire d'une autre cause ; j'ai l'idée d'un principe sensitif : je vois que ce principe a des rapports très-distincts avec tous les phénomenes en question, & qu'il explique & réunit universellement tous ces phénomenes. Je vois que mon ame, en qualité de principe sensitif, produit mille actions & remue mon corps en mille manieres, toutes pareilles à celles dont les bêtes remuent le leur dans des circonstances semblables. Posez un tel principe dans les bêtes, je vois la raison & la cause de tous les mouvemens qu'elles font pour la conservation de leur machine : je vois pourquoi le chien retire sa patte quand le feu le brûle, pourquoi il crie quand on le frappe, &c. ôtez ce principe, je n'apperçois plus de raison, ni de cause unique & simple de tout cela. J'en conclus qu'il y a dans les bêtes un principe de sentiment, puisque Dieu n'est point trompeur, & qu'il seroit trompeur, au cas que les bêtes fussent de pures machines, puisqu'il me représenteroit une multitude de phénomenes ; d'où résulte nécessairement dans mon esprit l'idée d'une cause qui ne seroit point : donc les raisons qui nous montrent directement l'existence d'une ame intelligente dans chaque homme, nous assûrent aussi celle d'un principe immatériel dans les bêtes.

Mais il faut pousser plus loin ce raisonnement, pour en mieux comprendre toute la force. Supposons dans les bêtes, si vous le voulez, une disposition de la machine d'où naissent toutes leurs opérations surprenantes ; croyons qu'il est digne de la sagesse divine de produire une machine qui puisse se conserver elle-même, & qui ait au-dedans d'elle, en vertu de son admirable organisation, le principe de tous les mouvemens qui tendent à la conserver ; je demande à quoi bon cette machine ? pourquoi ce merveilleux arrangement de ressorts ? pourquoi tous ces organes semblables à ceux de nos sens ? pourquoi ces yeux, ces oreilles, ces narines, ce cerveau ? c'est, dites-vous, afin de régler les mouvemens de l'automate sur les impressions diverses des corps extérieurs : le but de tout cela, c'est la conservation même de la machine. Mais encore, je vous prie, à quoi bon dans l'univers des machines qui se conservent elles-mêmes ? Ce n'est point à nous, dites-vous, de pénétrer les vûes du Créateur, & d'assigner les fins qu'il se propose dans chacun de ses ouvrages. Mais s'il nous les découvre ces vûes par des indices assez parlans, n'est-il pas raisonnable de les reconnoître ? Quoi ! n'ai-je pas raison de dire que l'oreille est faite pour oüir, & les yeux pour voir ; que les fruits qui naissent du sein de la terre sont destinés à nourrir l'homme ; que l'air est nécessaire à l'entretien de sa vie, puisque la circulation du sang ne se feroit point sans cela ? Nierez-vous que les différentes parties du corps animal soient faites par le Créateur pour l'usage que l'expérience indique ? Si vous le niez, vous donnez gain de cause aux athées.

Je vais plus avant : les organes de nos sens, qu'un art si sage, qu'une main si industrieuse a façonnés, ont-ils d'autres fins dans l'intention du Créateur, que les sensations mêmes qui s'excitent dans notre ame par leur moyen ? Doutera-t-on que notre corps ne soit fait pour notre ame, pour être à son egard un principe de sensation & un instrument d'action ? Et si cela est vrai des hommes, pourquoi ne le seroit-il pas des animaux ? Dans la machine des animaux, nous découvrons un but très-sage, très-digne de Dieu, but vérifié par notre expérience dans des cas semblables ; c'est de s'unir à un principe immatériel, & d'être pour lui source de perception & instrument d'action ; voilà une unité de but ; auquel se rapporte cette combinaison prodigieuse de ressorts qui composent le corps organisé ; ôtez ce but, niez ce principe immatériel, sentant par la machine, agissant sur la machine, & tendant sans cesse par son propre intérêt à la conserver, je ne vois plus aucun but d'un si admirable ouvrage. Cette machine doit être faite pour quelque fin distincte d'elle ; car elle n'est point pour elle-même, non plus que les roues de l'horloge ne sont point faites pour l'horloge. Ne répliquez pas, que comme l'horloge est construite pour marquer les heures, & qu'ainsi son usage est de fournir aux hommes une juste mesure du tems, il en est de même des bêtes ; que ce sont les machines que le Créateur a destinées à l'usage de l'homme. Il y auroit en cela une grande erreur ; car il faut soigneusement distinguer les usages accessoires, & pour ainsi dire étrangers des choses, d'avec leur fin naturelle & principale. Combien d'animaux brutes, dont l'homme ne tire aucun usage, comme les bêtes féroces, les insectes, tous ces petits êtres vivans dont l'air, l'eau, & presque tous les corps sont peuplés ! Les animaux qui servent l'homme, ne le font que par accident ; c'est lui qui les dompte, qui les apprivoise, qui les dresse, qui les tourne adroitement à ses usages. Nous nous servons des chiens, des chevaux, en les appliquant avec art à nos besoins, comme nous nous servons du vent pour pousser les vaisseaux, & pour faire aller les moulins. On se méprendroit fort de croire que l'usage naturel du vent & le but principal que Dieu se propose en produisant ce météore, soit de faire tourner les moulins, & de faciliter la course des vaisseaux ; & l'on aura beaucoup mieux rencontré, si l'on dit que les vents sont destinés à purifier & à rafraîchir l'air. Appliquons ceci à notre sujet. Une horloge est faite pour montrer les heures, & n'est faite que pour cela ; toutes les différentes pieces qui la composent sont nécessaires à ce but, & y concourent toutes : mais y a-t-il quelque proportion entre la délicatesse, la variété, la multiplicité des organes des animaux, & les usages que nous en tirons, que même nous ne tirons que d'un petit nombre d'especes, & encore de la plus petite partie de chaque espece ? L'horloge a un but distinct d'elle-même : mais regardez bien les animaux, suivez leurs mouvemens, voyez-les dans leur naturel, lorsque l'industrie des hommes ne les contraint en rien, & ne les assujettit point à nos besoins & à nos caprices, vous n'y remarquez d'autre vûe que leur propre conservation. Mais qu'entendez-vous par leur conservation ? est-ce celle de la machine ? Votre réponse ne satisfait point ; la pure matiere n'est point sa fin à elle-même ; encore moins le peut-on dire d'une portion de matiere organisée ; l'arrangement d'un tout matériel a pour but autre chose que ce tout ; la conservation de la machine de la bête, quand son principe se trouveroit dans la machine même, seroit moyen & non fin : plus il y auroit de fine méchanique dans tout cela, plus j'y découvrirois d'art, & plus je serois obligé de recourir à quelque chose hors de la machine, c'est-à-dire à un être simple, pour qui cet arrangement fût fait, & auquel la machine entiere eût un rapport d'utilité. C'est ainsi que les idées de la sagesse & de la véracité de Dieu, nous menent de concert à cette conclusion générale que nous pouvons desormais regarder comme certaine. Il y a une ame dans les bêtes, c'est-à-dire un principe immatériel uni à leur machine, fait pour elle, comme elle est faite pour lui, qui reçoit à son occasion différentes sensations, & qui leur fait faire ces actions qui nous surprennent, par les diverses directions qu'elle imprime à la force mouvante dans la machine.

Nous avons conduit notre recherche jusqu'à l'existence avérée de l'ame des bêtes, c'est-à-dire, d'un principe immatériel joint à leur machine. Si cette ame n'étoit pas spirituelle, nous ne pourrions nous assûrer si la nôtre l'est ; puisque le privilége de la raison & toutes les autres facultés de l'ame humaine, ne sont pas plus incompatibles avec l'idée de la pure matiere, que l'est la simple sensation, & qu'il y a plus loin de la matiere raffinée, subtilisée, mise dans quelque arrangement que ce puisse être, à la simple perception d'un objet, qu'il n'y a de cette perception simple & directe aux actes réfléchis & au raisonnement.

D'abord il y a une distinction essentielle entre la raison humaine & celle des brutes. Quoique le préjugé commun aille à leur donner quelque degré de raison, il n'a point été jusqu'à les égaler aux hommes. La raison des brutes n'agit que sur de petits objets, & agit très-foiblement, cette raison ne s'applique point à toutes sortes d'objets comme la nôtre. L'ame des brutes sera donc une substance qui pense, mais le fonds de sa pensée sera beaucoup plus étroit que celui de l'ame humaine. Elle aura l'idée des objets corporels qui ont quelque relation d'utilité avec son corps : mais elle n'aura point d'idées spirituelles & abstraites ; elle ne sera point susceptible de l'idée d'un Dieu, d'une religion, du bien & du mal moral, ni de toutes celles qui sont si bien liées avec celles-là, qu'une intelligence capable de recevoir les unes est nécessairement susceptible des autres. L'ame de la bête ne renfermera point non plus ces notions & ces principes sur lesquels on bâtit les sciences & les arts. Voilà beaucoup de propriétés de l'ame humaine qui manquent à celle de la bête : mais qui nous garantit ce défaut ? l'expérience : avec quelque soin que l'on observe les bêtes, de quelque côté qu'on les tourne, aucune de leurs actions ne nous découvre la moindre trace de ces idées dont je viens de parler ; je dis même celles de leurs actions qui marquent le plus de subtilité & de finesse, & qui paroissent plus raisonnées. A s'en tenir à l'expérience, on est donc en droit de leur refuser toutes ces propriétés de l'ame humaine. Direz-vous avec Bayle, que de ce que l'ame des brutes emprisonnée qu'elle est dans certains organes, ne manifeste pas telles & telles facultés, telles & telles idées, il ne s'ensuit point du tout qu'elle ne soit susceptible de ces idées, & qu'elle n'ait pas ces facultés ; parce que c'est peut-être l'organisation de la machine qui les voile & les enveloppe ? A ce ridicule peut-être, dont le bon sens s'irrite, voici une réponse décisive. C'est une chose directement opposée à la nature d'un Dieu bon & sage, & contraire à l'ordre qu'il suit invariablement, de donner à la créature certaines facultés, & de ne lui en permettre pas l'exercice, sur-tout si ces facultés, en se déployant, peuvent contribuer à la gloire du Créateur & au bonheur de la créature. Voici un principe évidemment contenu dans l'idée d'un Dieu souverainement bon & souverainement sage, c'est que les intelligences qu'il a créées, dans quelque ordre qu'il les place, à quelque économie qu'il lui plaise de les soûmettre (je parle d'une économie durable & reglée selon les lois générales de la nature), soient en état de le glorifier autant que leur nature les en rend capables, & soient en même tems mises à portée d'acquérir le bonheur dont cette nature est susceptible. De-là il suit qu'il répugne à la sagesse & à la bonté de Dieu, de soûmettre des créatures à aucune économie qui ne leur permette de déployer que les moins nobles de leurs facultés, qui leur rende inutiles celles qui font les plus nobles, & par conséquent les empêche de tendre au plus haut point de félicité où elles puissent atteindre. Telle seroit une économie qui borneroit à de simples sensations des créatures susceptibles de raisonnement & d'idées claires, & qui les priveroit de cette espece de bonheur que procurent les connoissances évidentes & les opérations libres & raisonnables, pour les réduire aux seuls plaisirs des sens. Or l'ame des brutes, supposé qu'elle ne différât point essentiellement de l'ame humaine, seroit dans le cas de cet assujettissement forcé qui répugne à la bonté & à la sagesse du Créateur, & qui est directement contraire aux lois de l'ordre. C'en est assez pour nous convaincre que l'ame des brutes n'ayant, comme l'expérience le montre, aucune connoissance de la divinité, aucun principe de religion, aucunes notions du bien & du mal moral, n'est point susceptible de ces notions. Sous cette exclusion est comprise celle d'un nombre infini d'idées & de propriétés spirituelles. Mais si elle n'est pas la même que celle des hommes, quelle est donc sa nature ? Voici ce qu'on peut conjecturer de plus raisonnable sur ce sujet, & qui soit moins exposé aux embarras qui peuvent naître d'ailleurs.

Je me représente l'ame des bêtes comme une substance immatérielle & intelligente : mais de quelle espece ? Ce doit être, ce semble, un principe actif qui a des sensations, & qui n'a que cela. Notre ame a dans elle-même, outre son activité essentielle, deux facultés qui fournissent à cette activité la matiere sur laquelle elle s'exerce. L'une, c'est la faculté de former des idées claires & distinctes sur lesquelles le principe actif ou la volonté agit d'une maniere qui s'appelle réflexion, jugement, raisonnement, choix libre : l'autre, c'est la faculté de sentir, qui consiste dans la perception d'une infinité de petites idées involontaires, qui se succedent rapidement l'une à l'autre, que l'ame ne discerne point, mais dont les différentes successions lui plaisent ou lui déplaisent, & à l'occasion desquelles le principe actif ne se déploye que par desirs confus. Ces deux facultés paroissent indépendantes l'une de l'autre : qui nous empêcheroit de supposer dans l'échelle des intelligences, au-dessous de l'ame humaine, une espece d'esprit plus borné qu'elle, & qui ne lui ressembleroit pourtant que par la faculté de sentir ; un esprit qui n'auroit que cette faculté sans avoir l'autre, qui ne seroit capable que d'idées indistinctes, ou de perceptions confuses ? Cet esprit ayant des bornes beaucoup plus étroites que l'ame humaine, en sera essentiellement ou spécifiquement distinct. Son activité sera resserrée à proportion de son intelligence : comme celle-ci se bornera aux perfections confuses, celle-là ne consistera que dans des desirs confus qui seront relatifs à ces perceptions. Il n'aura que quelques traits de l'ame humaine ; il sera son portrait en raccourci. L'ame des brutes, selon que je me la figure, apperçoit les objets par sensation ; elle ne réfléchit point ; elle n'a point d'idée distincte ; elle n'a qu'une idée confuse du corps. Mais qu'il y a de différence entre les idées corporelles que la sensation nous fait naître, & celles que la bête reçoit par la même voie ! Les sens font bien passer dans notre ame l'idée des corps : mais notre ame ayant outre cela une faculté supérieure à celle des sens, rend cette idée toute autre que les sens ne la lui donnent. Par exemple, je vois un arbre, une bête le voit aussi : mais ma perception est toute différente de la sienne. Dans ce qui dépend uniquement des sens, peut-être que tout est égal entre elle & moi : j'ai cependant une perception qu'elle n'a pas ; pourquoi ? parce que j'ai le pouvoir de réfléchir sur l'objet que me présente ma sensation. Dès que j'ai vû un seul arbre, j'ai l'idée abstraite d'arbre en général, qui est séparée dans mon esprit de celle d'une plante, de celle d'un cheval & d'une maison. Cette vûe que l'entendement se forme d'un objet auquel la sensation l'applique, est le principe de tout raisonnement ; qui suppose réflexion, vûe distincte, idées abstraites des objets, par où l'on voit les rapports & les différences, & qui mettent dans chaque objet une espece d'unité. Nous croyons devoir aux sens des connoissances qui dépendent d'un principe bien plus noble, je veux dire de l'intelligence qui distingue, qui réunit, qui compare, qui fournit cette vûe de discrétion ou de discernement. Dépouillons donc hardiment la bête des priviléges qu'elle avoit usurpés dans notre imagination. Une ame purement sensitive est bornée dans son activité, comme elle l'est dans son intelligence ; elle ne réfléchit point ; elle ne raisonne point ; à proprement parler, elle ne choisit point non plus ; elle n'est capable ni de vertus ni de vices, ni de progrès autres que ceux que produisent les impressions & les habitudes machinales. Il n'y a pour elle ni passé ni avenir ; elle se contente de sentir & d'agir ; & si ses actions semblent lui supposer toutes les propriétés que je lui refuse, il faut charger la pure méchanique des organes de ces trompeuses apparences.

En réunissant le méchanisme avec l'action d'un principe immatériel & soi-mouvant, dès-lors la grande difficulté s'affoiblit, & les actions raisonnées des brutes peuvent très-bien se réduire à un principe sensitif joint avec un corps organisé. Dans l'hypothese de Descartes, le méchanisme ne tend qu'à la conservation de la machine ; mais le but & l'usage de cette machine est inexplicable, la pure matiere ne pouvant être sa propre fin, & l'arrangement le plus industrieux d'un tout matériel ayant nécessairement de sa conservation d'autre raison que lui-même. D'ailleurs de cette réaction de la machine, je veux dire de ces mouvemens excités chez elle, en conséquence de l'impression des corps extérieurs, on n'en peut donner aucune cause naturelle ni finale. Par exemple, pour expliquer comment les bêtes cherchent l'aliment qui leur est propre, suffit-il de dire, que le picotement causé par certain suc acre aux nerfs de l'estomac d'un chien, étant transmis au cerveau, l'oblige de s'ouvrir vers les endroits les plus convenables, pour faire couler les esprits dans les muscles des jambes ; d'où suit le transport de la machine du chien vers la viande qu'on lui offre ? Je ne vois point de raison physique qui montre que l'ébranlement de ce nerf transmis jusqu'au cerveau doit faire refluer les esprits animaux dans les muscles qui produisent ce transport utile à la machine. Quelle force pousse ces esprits précisément de ce côte-là ? Quand on auroit découvert la raison physique qui produit un tel effet, on en chercheroit inutilement la cause finale. La machine insensible n'a aucun intérêt, puisqu'elle n'est susceptible d'aucun bonheur ; rien, à proprement parler, ne peut être utile pour elle.

Il en est tout autrement dans l'hypothese du méchanisme réuni avec un principe sensitif ; elle est fondée sur une utilité réelle, je veux dire, sur celle du principe sensitif, qui n'existeroit point s'il n'y avoit point de machine à laquelle il fût uni. Ce principe étant actif, il a le pouvoir de remuer les ressorts de cette machine, le Créateur les dispose de maniere qu'il les puisse remuer utilement pour son bonheur, l'ayant construit avec tant d'art, que d'un côté les mouvemens qui produisent dans l'ame des sentimens agréables tendent à conserver la machine, source de ces sentimens ; & que d'un autre côté les desirs de l'ame qui répondent à ces sentimens, produisent dans la machine des mouvemens insensibles, lesquels en vertu de l'harmonie qui y regne, tendent à leur tour à la conserver en bon état, afin d'en tirer pour l'ame des sensations agréables, La cause physique de ces mouvemens de l'animal si sagement proportionnés aux impressions des objets, c'est l'activité de l'ame elle-même, qui a la puissance de mouvoir les corps ; elle dirige & modifie son activité conformément aux diverses sensations qu'excitent en elle certaines impressions externes, dès qu'elle y est involontairement appliquée ; impressions qui, selon qu'elles sont agréables ou affligeantes pour l'ame, sont avantageuses ou nuisibles à la machine. D'autre côté à cette force, toute aveugle qu'elle est, se trouve soûmis un instrument si artistement fabriqué, que d'une telle suite d'impressions que fait sur lui cette force aveugle, résultent des mouvemens également réguliers & utiles à cet agent.

Ainsi tout se lie & se soûtient : l'ame, en tant que principe sensitif, est soûmise à un méchanisme qui lui transmet d'une certaine maniere l'impression des objets du dehors ; en tant que principe actif, elle préside elle-même à un autre méchanisme qui lui est subordonné, & qui n'étant pour elle qu'instrument d'action, met dans cette action toute la régularité nécessaire. L'ame de la bête étant active & sensitive tout ensemble, reglant son action sur son sentiment, & trouvant dans la disposition de sa machine, & de quoi sentir agréablement, & de quoi exécuter utilement, & pour elle, & pour le bien des autres parties de l'univers, est le lien de ce double méchanisme ; elle en est la raison & la cause finale dans l'intention du Créateur.

Mais pour mieux expliquer ma pensée, supposons un de ces chef-d'oeuvres de la méchanique où divers poids & divers ressorts sont si industrieusement ajustés, qu'au moindre mouvement qu'on lui donne, il produit les effets les plus surprenans & les plus agréables à la vûe ; comme vous diriez une de ces machines hydrauliques dont parle M. Regis, une de ces merveilleuses horloges, un de ces tableaux mouvans, une de ces perspectives animées : supposons qu'on dise à un enfant de presser un ressort, ou de tourner une manivelle, & qu'aussi-tôt on apperçoive des décorations superbes & des paysages rians ; qu'on voye remuer & danser plusieurs figures, qu'on entende des sons harmonieux, &c. cet enfant n'est-il pas un agent aveugle par rapport à la machine ? Il en ignore parfaitement la disposition, il ne sait comment & par quelles lois arrivent tous ces effets qui le surprennent ; cependant il est la cause de ces mouvemens ; en touchant un seul ressort, il a fait joüer toute la machine ; il est la force mouvante qui lui donne le branle. Le méchanisme est l'affaire de l'ouvrier qui a inventé cette machine pour le divertir ; ce méchanisme que l'enfant ignore est fait pour lui, & c'est lui qui le fait agir sans le savoir. Voilà l'ame des bêtes : mais l'exemple est imparfait ; il faut supposer qu'il y ait quelque chose à ce ressort d'où dépend le jeu de la machine, qui attire l'enfant, qui lui plaît & qui l'engage à le toucher. Il faut supposer que l'enfant s'avançant dans une grotte, à peine a-t-il appuyé son pié sur un certain endroit où est un ressort, qu'il paroît un Neptune qui vient le menacer avec son trident ; qu'effrayé de cette apparition, il fuit vers un endroit où un autre ressort étant pressé, fasse survenir une figure plus agréable, ou fasse disparoître la premiere. Vous voyez que l'enfant contribue à ceci, comme un agent aveugle, dont l'activité est déterminée par l'impression agréable ou effrayante que lui cause certains objets. L'ame de la bête est de même, & de-là ce merveilleux concert entre l'impression des objets & les mouvemens qu'elle fait à leur occasion. Tout ce que ces mouvemens ont de sage & de régulier est sur le compte de l'intelligence suprème qui a produit la machine, par des vûes dignes de sa sagesse & de sa bonté. L'ame est le but de la machine ; elle en est la force mouvante ; reglée par le méchanisme, elle le regle à son tour. Il en est ainsi de l'homme à certains égards, dans toutes les actions, ou d'habitude, ou d'instinct : il n'agit que comme principe sensitif, il n'est que force mouvante brusquement déterminée par la sensation : ce que l'homme est à certains égards, les bêtes le sont en tout ; & peut-être que si dans l'homme le principe intelligent & raisonnable étoit éteint, on n'y verroit pas moins de mouvemens raisonnés, pour ce qui regarde les biens du corps, ou, ce qui revient à la même chose, pour l'utilité du principe sensitif qui resteroit seul, que l'on n'en remarque dans les brutes.

Si l'ame des bêtes est immatérielle, dit-on, si c'est un esprit comme notre hypothese le suppose, elle est donc immortelle, & vous devez nécessairement lui accorder le privilege de l'immortalité, comme un apanage inséparable de la spiritualité de sa nature. Soit que vous admettiez cette conséquence, soit que vous preniez le parti de la nier, vous vous jettez dans un terrible embarras. L'immortalité de l'ame des bêtes est une opinion trop choquante & trop ridicule aux yeux de la raison même, quand elle ne seroit pas proscrite par une autorité supérieure, pour l'oser soûtenir sérieusement. Vous voilà donc réduit à nier la conséquence, & à soûtenir que tout être immatériel n'est pas immortel : mais dès-lors vous anéantissez une des plus grandes preuves que la raison fournisse pour l'immortalité de l'ame. Voici comme l'on a coûtume de prouver ce dogme : l'ame ne meurt pas avec le corps, parce qu'elle n'est pas corps, parce qu'elle n'est pas divisible comme lui, parce qu'elle n'est pas un tout tel que le corps humain, qui puisse périr par le dérangement ou la séparation des parties qui le composent. Cet argument n'est solide, qu'au cas que le principe sur lequel il roule le soit aussi ; savoir, que tout ce qui est immatériel est immortel, & qu'aucune substance n'est anéantie : mais ce principe sera réfuté par l'exemple des bêtes ; donc la spiritualité de l'ame des bêtes ruine les preuves de l'immortalité de l'ame humaine. Cela seroit bon si de ce raisonnement nous concluions l'immortalité de l'ame humaine : mais il n'en est pas ainsi. La parfaite certitude que nous avons de l'immortalité de nos ames ne se fonde que sur ce que Dieu l'a révélée : or la même révélation qui nous apprend que l'ame humaine est immortelle, nous apprend aussi que celle des bêtes n'a pas le même privilége. Ainsi quoique l'ame des bêtes soit spirituelle, & qu'elle meure avec le corps, cela n'obscurcit nullement le dogme de l'immortalité de nos ames, puisque ce sont là deux vérités de fait dont la certitude a pour fondement commun le témoignage divin. Ce n'est pas que la raison ne se joigne à la révélation pour établir l'immortalité de nos ames : mais elle tire ses preuves d'ailleurs que de la spiritualité. Il est vrai qu'on peut mettre à la tête des autres preuves la spiritualité ; il faut aguerrir les hommes contre les difficultés qui les étonnent ; accoûtumés, en vertu d'une pente qui leur est naturelle, à confondre l'ame avec le corps ; voyant du moins, malgré leur distinction, qu'il n'est pas possible de ne pas sentir combien le corps a d'empire sur l'ame, à quel point il influe sur son bonheur & sur sa misere, combien la dépendance mutuelle de ces deux substances est étroite ; on se persuade facilement que leur destinée est la même ; & que puisque ce qui nuit au corps blesse l'ame, ce qui détruit le corps doit aussi nécessairement la détruire. Pour nous munir contre ce préjugé, rien n'est plus efficace que le raisonnement fondé sur la différence essentielle de ces deux êtres, qui nous prouve que l'un peut subsister sans l'autre. Cet argument n'est bon qu'à certains égards, & pourvû qu'on ne le pousse que jusqu'à un certain point. Il prouve seulement que l'ame peut subsister après la mort ; c'est tout ce qu'il doit prouver : cette possibilité est le premier pas que l'on doit faire dans l'examen de nos questions ; & ce premier pas est important. C'est avoir fait beaucoup que de nous convaincre que notre ame est hors d'atteinte à tous les coups qui peuvent donner la mort à notre corps.

Si nous réfléchissons sur la nature de l'ame des bêtes, elle ne nous fournit rien de son fonds qui nous porte à croire que sa spiritualité la sauvera de l'anéantissement. Cette ame, je l'avoue, est immatérielle ; elle a quelque degré d'activité & d'intelligence, mais cette intelligence se borne à des perceptions indistinctes ; cette activité ne confiste que dans des desirs confus, dont ces perceptions indistinctes sont le motif immédiat. Il est très-vraisemblable qu'une ame purement sensitive, & dont toutes les facultés ont besoin, pour se déployer, du secours d'un corps organisé, n'a été faite que pour durer autant que ce corps : il est naturel qu'un principe uniquement capable de sentir, un principe que Dieu n'a fait que pour l'unir à certains organes, cesse de sentir & d'exister, aussi-tôt que ces organes étant dissous, Dieu fait cesser l'union pour laquelle seule il l'avoit créé. Cette ame purement sensitive n'a point de facultés qu'elle puisse exercer dans l'état de séparation d'avec son corps : elle ne peut point croître en félicité, non plus qu'en connoissance, ni contribuer éternellement, comme l'ame humaine, à la gloire du Créateur, par un progrès éternel de lumieres & de vertus. D'ailleurs, elle ne réfléchit point, elle ne prévoit, ni ne desire l'avenir, elle est toute occupée de ce qu'elle sent à chaque instant de son existence ; on ne peut donc point dire que la bonté de Dieu l'engage à lui accorder un bien dont elle ne sauroit se former l'idée, à lui préparer un avenir qu'elle n'espere ni ne desire. L'immortalité n'est point faite pour une telle ame ; ce n'est point un bien dont elle puisse joüir ; car pour joüir de ce bien, il faut être capable de réflexion, il faut pouvoir anticiper par la pensée sur l'avenir le plus reculé ; il faut pouvoir se dire à soi-même, je suis immortel, & quoi qu'il arrive, je ne cesserai jamais d'être, & d'être heureux.

L'objection prise des souffrances des bêtes, est la plus redoutable de toutes celles que l'on puisse faire contre la spiritualité de leur ame : elle est d'un si grand poids, que les Cartésiens ont crû la pouvoir tourner en preuve de leur sentiment, seule capable de les y retenir, malgré les embarras insurmontables où ce sentiment les jette. Si les brutes ne sont pas de pures machines, si elles sentent, si elles connoissent, elles sont susceptibles de la douleur comme du plaisir ; elles sont sujettes à un déluge de maux, qu'elles souffrent sans qu'il y ait de leur faute, & sans l'avoir mérité, puisqu'elles sont innocentes, & qu'elles n'ont jamais violé l'ordre qu'elles ne connoissent point. Où est en ce cas la bonté, où est l'équité du Créateur ? Où est la vérité de ce principe, qu'on doit regarder comme une loi éternelle de l'ordre ? Sous un Dieu juste, on ne peut être miserable sans l'avoir mérité. Mais ce qu'il y a de pis dans leur condition, c'est qu'elles souffrent dans cette vie sans aucun dédommagement dans une autre, puisque leur ame meurt avec le corps ; & c'est ce qui double la difficulté. Le pere Malebranche a fort bien poussé cette objection dans sa défense contre les accusations de M. de la Ville.

Je répons d'abord que ce principe de S. Augustin, savoir, que sous un Dieu juste on ne peut être misérable sans l'avoir mérité, n'est fait que pour les créatures raisonnables, & qu'on ne sauroit en faire qu'à elles seules d'application juste. L'idée de justice, celle de mérite & de démérite, suppose qu'il est question d'un agent libre, & de la conduite de Dieu à l'égard de cet agent. Il n'y a qu'un tel agent qui soit capable de vice & de vertu, & qui puisse mériter quoi que ce soit. La maxime en question n'a donc aucun rapport à l'ame des bêtes. Cette ame est capable de sentiment ; mais elle ne l'est ni de raison, ni de liberté, ni de vice, ni de vertu ; n'ayant aucune idée de regle, de loi, de bien ni de mal moral, elle n'est capable d'aucune action moralement bonne ou mauvaise. Comme chez elle le plaisir ne peut être récompense, la douleur n'y peut être châtiment : il faut donc changer la maxime, & la réduire à celle-ci ; savoir, que sous un Dieu bon aucune créature ne peut être nécessitée à souffrir sans l'avoir mérité : mais loin que ce principe soit évident, je crois être en droit de soûtenir qu'il est faux. L'ame des brutes est susceptible de sensations, & n'est susceptible que de cela : elle est donc capable d'être heureuse en quelque degré. Mais comment le sera-t-elle ? c'est en s'unissant à un corps organisé ; sa constitution est telle que la perception confuse qu'elle aura d'une certaine suite de mouvemens, excités par les objets extérieurs dans le corps qui lui est uni, produira chez elle une sensation agréable : mais aussi, par une conséquence nécessaire, cette ame, à l'occasion de son corps, sera susceptible de douleur comme de plaisir. Si la perception d'un certain ordre de mouvemens lui plaît, il faut donc que la perception d'un ordre de mouvemens tous différens l'afflige & la blesse : or selon les lois générales de la nature, ce corps auquel l'ame est unie doit recevoir assez souvent des impressions de ce dernier ordre, comme il en reçoit du premier, & par conséquent l'ame doit recevoir des sensations douloureuses, aussi bien que des sensations agréables. Cela même est nécessaire pour l'appliquer à la conservation de la machine, dont son existence dépend, & pour la faire agir d'une maniere utile à d'autres êtres de l'univers ; cela d'ailleurs est indispensable : voudriez-vous que cette ame n'eût que des sensations agréables ? Il faudroit donc changer le cours de la nature, & suspendre les lois du mouvement ; car les lois du mouvement produisent cette alternative d'impressions opposées dans les corps vivans, comme elles produisent celles de leur génération & de leur destruction : mais de ces lois résulte le plus grand bien de tout le système immatériel, & des intelligences qui lui sont unies ; la suspension de ces lois renverseroit tout. Qu'emporte donc la juste idée d'un Dieu bon ? c'est que quand il agit, il tende toûjours au bien, & produise un bien ; c'est qu'il n'y ait aucune créature sortie de ses mains, qui ne gagne à exister plûtôt que d'y perdre. Or telle est la condition des bêtes ; qui pourroit pénétrer leur intérieur, y trouveroit une compensation des douleurs & des plaisirs, qui tourneroit toute à la gloire de la bonté divine ; on y verroit que dans celles qui souffrent inégalement, il y a proportion, inégalité, ou de plaisirs ou de durée ; & que le degré de douleur qui pourroit rendre leur existence malheureuse, est précisément ce qui la détruit : en un mot si l'on déduisoit la somme des maux, on trouveroit toûjours au bout du calcul un résidu de bienfaits purs, dont elles font uniquement redevables à la bonté divine ; on verroit que la sagesse divine a sû ménager les choses, ensorte que dans tout individu sensitif, le degré de mal qu'il souffre, sans lui enlever tout l'avantage de son existence, tourne d'ailleurs au profit de l'Univers. Ne nous imaginons pas aussi que les souffrances des bêtes ressemblent aux nôtres : les bêtes ignorent un grand nombre de nos maux, parce qu'elles n'ont pas les dédommagemens que nous avons ; ne jouissant pas des plaisirs que la raison procure, elles n'en éprouvent pas les peines : d'ailleurs, la perception des bêtes étant renfermée dans le point indivisible du présent, elles souffrent beaucoup moins que nous par les douleurs du même genre ; parce que l'impatience & la crainte de l'avenir n'aigrit point leurs maux, & qu'heureusement pour elles il leur manque une raison ingénieuse à se les grossir.

Mais n'y a-t-il pas de la cruauté & de l'injustice à faire souffrir des ames & à les anéantir, en détruisant leurs corps pour conserver d'autres corps ? n'est-ce pas un renversement visible de l'ordre, que l'ame d'une mouche, qui est plus noble que le plus noble des corps, puisqu'elle est spirituelle, soit détruite afin que la mouche serve de pâture à l'hirondelle, qui eût pû se nourrir de toute autre chose ? Est-il juste que l'ame d'un poulet souffre & meure afin que le corps de l'homme soit nourri ? que l'ame du cheval endure mille peines & mille fatigues durant si long-tems, pour fournir à l'homme l'avantage de voyager commodément ? Dans cette multitude d'ames qui s'anéantissent tous les jours pour les besoins passagers des corps vivans, peut-on reconnoître cette équitable & sage subordination qu'un Dieu bon & juste doit nécessairement observer ? Je réponds à cela que l'argument seroit victorieux, si les ames des brutes se rapportoient aux corps & se terminoient à ce rapport ; car certainement tout être spirituel est au-dessus de la matiere. Mais, remarquez-le bien, ce n'est point au corps, comme corps, que se termine l'usage que la Créateur tire de cette ame spirituelle, c'est au bonheur des êtres intelligens. Si le cheval me porte, & si le poulet me nourrit, ce sont bien-là des effets qui se rapportent directement à mon corps : mais ils se terminent à mon ame, parce que mon ame seule en recueille l'utilité. Le corps n'est que pour l'ame, les avantages du corps sont des avantages propres à l'ame ; toutes les douceurs de la vie animale ne sont que pour elle, n'y ayant qu'elle qui puisse sentir, & par conséquent être susceptible de félicité. La question reviendra donc à savoir si l'ame du cheval, du chien, du poulet, ne peut pas être d'un ordre assez inférieur à l'ame humaine, pour que le Créateur employe celle-là à procurer même la plus petite partie du bonheur de celle-ci, sans violer les regles de l'ordre & des proportions. On peut dire la même chose de la mouche à l'égard de l'hirondelle, qui est d'une nature plus excellente. Pour l'anéantissement, ce n'est point un mal pour une créature qui ne réfléchit point sur son existence, qui est incapable d'en prévoir la fin, & de comparer, pour ainsi dire, l'être avec le non-être, quoique pour elle l'existence soit un bien, parce qu'elle sent. La mort, à l'égard d'une ame sensitive, n'est que la soustraction d'un bien qui n'étoit pas dû ; ce n'est point un mal qui empoisonne les dons du Créateur, & qui rende la créature malheureuse. Ainsi, quoique ces ames & ces vies innombrables que Dieu tire chaque jour du néant, soient des preuves de la bonté divine, leur destruction journaliere ne blesse point cet attribut : elles se rapportent au monde dont elles font partie ; elles doivent servir à l'utilité des êtres qui le composent ; il suffit que cette utilité n'exclue point la leur propre, & qu'elles soient heureuses en quelque mesure, en contribuant au bonheur d'autrui. Vous trouverez ce système plus développé & plus étendu dans le traité de l'essai philosophique sur l'ame des bêtes de M. Bouillet, d'où ces réflexions ont été tirées.

L'amusement philosophique du P. Bougeant Jésuite, sur le langage des bêtes, a eu trop de cours dans le monde pour ne pas mériter de trouver ici sa place. S'il n'est vrai, du moins il est ingénieux. Les bêtes ont-elles une ame, ou n'en ont-elles point ? question épineuse & embarrassante, sur-tout pour un philosophe chrétien. Descartes sur ce principe, qu'on peut expliquer toutes les actions des bêtes par les lois de la méchanique, a prétendu qu'elles n'étoient que de simples machines, de purs automates. Notre raison semble se révolter contre un tel sentiment : il y a même quelque chose en nous qui se joint à elle pour bannir de la société l'opinion de Descartes. Ce n'est pas un simple préjugé, c'est une persuasion intime, un sentiment dont voici l'origine. Il n'est pas possible que les hommes avec qui je vis soient autant d'automates ou de perroquets instruits à mon insu. J'apperçois dans leur extérieur des tons & des mouvemens qui paroissent indiquer une ame : je vois régner un certain fil d'idées qui suppose la raison : je vois de la liaison dans les raisonnemens qu'ils me font, plus ou moins d'esprit dans les ouvrages qu'ils composent. Sur ces apparences ainsi rassemblées, je prononce hardiment qu'ils pensent en effet. Peut-être que Dieu pourroit produire un automate en tout semblable au corps humain, lequel par les seules lois du méchanisme parleroit, feroit des discours suivis, écriroit des livres très-bien raisonnés. Mais ce qui me rassûre contre toute erreur, c'est la véracité de Dieu. Il me suffit de trouver dans mon ame le principe unique qui réunit & qui explique tous ces phénomenes qui me frappent dans mes semblables, pour me croire bien fondé à soûtenir qu'ils sont hommes comme moi. Or les bêtes sont par rapport à moi dans le même cas. Je vois un chien accourir quand je l'appelle, me caresser quand je le flate, trembler & fuir quand je le menace, m'obéir quand je lui commande, & donner toutes les marques extérieures de divers sentimens de joie, de tristesse, de douleur, de crainte, de desir, des passions de l'amour & de la haine ; je conclus aussi-tôt qu'un chien a dans lui-même un principe de connoissance & de sentiment, quel qu'il soit. Il me suffit que l'ame que je lui suppose soit l'unique raison suffisante qui se lie avec toutes ces apparences & tous ces phénomenes qui me frappent les yeux, pour que je sois persuadé que ce n'est pas une machine. D'ailleurs une telle machine entraîneroit avec elle une trop grande composition de ressorts, pour que cela puisse s'allier avec la sagesse de Dieu qui agit toûjours par les voies les plus simples. Il y a toute apparence que Descartes, ce génie si supérieur, n'a adopté un système si peu conforme à nos idées, que comme un jeu d'esprit, & dans la seule vûe de contredire les Péripatéticiens, dont en effet le sentiment sur la connoissance des bêtes n'est pas soûtenable. Il vaudroit encore mieux s'en tenir aux machines de Descartes, si l'on n'avoit à leur opposer que la forme substantielle des Péripatéticiens, qui n'est ni esprit ni matiere. Cette substance mitoyenne est une chimere, un être de raison dont nous n'avons ni idée ni sentiment. Est-ce donc que les bêtes auroient une ame spirituelle comme l'homme ? Mais si cela est ainsi, leur ame sera donc immortelle & libre ; elles seront capables de mériter ou de démériter, dignes de récompense ou de châtiment ; il leur faudra un paradis ou un enfer. Les bêtes seront donc une espece d'hommes, ou les hommes une espece de bêtes ; toutes conséquences insoûtenables dans les principes de la religion. Voilà des difficultés à étonner les esprits les plus hardis, mais dont on trouve le dénoüement dans le système de notre Jésuite. En effet, pourvû que l'on se prête à cette supposition, que Dieu a logé des démons dans le corps des bêtes, on conçoit sans peine comment les bêtes peuvent penser, connoître, sentir, & avoir une ame spirituelle, sans intéresser les dogmes de la religion. Cette supposition n'a rien d'absurde ; elle coule même des principes de la religion. Car enfin, puisqu'il est prouvé par plusieurs passages de l'Ecriture, que les démons ne souffrent point encore les peines de l'enfer, & qu'ils n'y seront livrés qu'au jour du jugement dernier, quel meilleur usage la justice divine pouvoit-elle faire de tant de légions d'esprits reprouvés, que d'en faire servir une partie à animer des millions de bêtes de toute espece, lesquelles remplissent l'Univers, & font admirer la sagesse & la toute-puissance du Créateur ? Mais pourquoi les bêtes, dont l'ame vraisemblablement est plus parfaite que la nôtre, n'ont-elles pas tant d'esprit que nous ? Oh, dit le P. Bougeant, c'est que dans les bêtes, comme dans nous, les opérations de l'esprit sont assujetties aux organes matériels de la machine, à laquelle il est uni ; & ces organes étant dans les bêtes plus grossiers & moins parfaits que dans nous, il s'ensuit que la connoissance, les pensées, & toutes les opérations spirituelles des bêtes, doivent être aussi moins parfaites que les nôtres. Une dégradation si honteuse pour ces esprits superbes, puisqu'elle les réduit à n'être que des bêtes, est pour eux un premier effet de la vengeance divine, qui n'attend que le dernier jour pour se déployer sur eux d'une maniere bien plus terrible.

Une autre raison qui prouve que les bêtes ne sont que des démons métamorphosés en elles, ce sont les maux excessifs auxquels la plûpart d'entr'elles sont exposées, & qu'elles souffrent réellement. Que les chevaux sont à plaindre, disons-nous, à la vûe d'un cheval qu'un impitoyable charretier accable de coups ? qu'un chien qu'on dresse à la chasse est misérable ! que le sort des bêtes qui vivent dans les bois est triste ! Or si les bêtes ne sont pas des démons, qu'on m'explique quel crime elles ont commis pour naître sujettes à des maux si cruels ? Cet excès de maux est dans tout autre système un mystere incompréhensible ; au lieu que dans le sentiment du pere Bougeant, rien de plus aisé à comprendre. Les esprits rébelles méritent un châtiment encore plus rigoureux : trop heureux que leur supplice soit différé ; en un mot, la bonté de Dieu est justifiée ; l'homme lui-même est justifié. Car quel droit auroit-il de donner la mort sans nécessité, & souvent par pur divertissement, à des millions de bêtes, si Dieu ne l'avoit autorisé ? & un Dieu bon & juste auroit-il pû donner ce droit à l'homme, puisqu'après tout, les bêtes sont aussi sensibles que nous-mêmes, à la douleur & à la mort, si ce n'étoient autant de coupables victimes de la vengeance divine ?

Mais écoutez, continue notre philosophe, quelque chose de plus fort & de plus intéressant. Les bêtes sont naturellement vicieuses : les bêtes carnacieres & les oiseaux de proie sont cruels ; beaucoup d'insectes de la même espece se dévorent les uns les autres ; les chats sont perfides & ingrats ; les singes sont malfaisans ; les chiens sont envieux ; toutes sont jalouses & vindicatives à l'excès, sans parler de beaucoup d'autres vices que nous leur connoissons. Il faut dire de deux choses l'une : ou que Dieu a pris plaisir à former les bêtes aussi vicieuses qu'elles sont, & à nous donner dans elles des modeles de tout ce qu'il y a de plus honteux ; ou qu'elles ont comme l'homme un péché d'origine, qui a perverti leur premiere nature. La premiere de ces propositions fait une extrème peine à penser, & est formellement contraire à l'Ecriture-sainte, qui dit que tout ce qui sortit des mains de Dieu à la création du monde, étoit bon & même fort bon. Or si les bêtes étoient telles alors qu'elles sont aujourd'hui, comment pourroit-on dire qu'elles fussent bonnes & fort bonnes ? Où est le bien qu'un singe soit si malfaisant, qu'un chien soit si envieux, qu'un chat soit si perfide ? Il faut donc recourir à la seconde proposition, & dire que la nature des bêtes a été comme celle de l'homme corrompue par quelque péché d'origine ; autre supposition qui n'a aucun fondement & qui choque également la raison & la religion. Quel parti prendre ? Admettez le système des démons changés en bêtes, tout est expliqué. Les ames des bêtes sont des esprits rébelles qui se sont rendus coupables envers Dieu. Ce péché dans les bêtes n'est point un péché d'origine ; c'est un péché personnel qui a corrompu & perverti leur nature dans toute sa substance : delà tous les vices que nous leur connoissons.

Vous êtes peut-être inquiet de savoir quelle est la destinée des démons après la mort des bêtes. Rien de plus aisé que d'y satisfaire. Pythagore enseignoit autrefois qu'au moment de notre mort nos ames passent dans un corps, soit d'homme, soit de bête, pour recommencer une nouvelle vie, & toûjours ainsi successivement jusqu'à la fin des siecles. Ce système qui est insoûtenable par rapport aux hommes, & qui est d'ailleurs proscrit par la religion, convient admirablement bien aux bêtes, selon le P. Bougeant, & ne choque ni la religion, ni la raison. Les demons destinés de Dieu à être des bêtes, survivent nécessairement à leur corps, & cesseroient de remplir leur destination, si lorsque leur premier corps est détruit, ils ne passoient aussi-tôt dans un autre pour recommencer à vivre sous une autre forme.

Si les bêtes ont de la connoissance & du sentiment, elles doivent conséquemment avoir entr'elles pour leurs besoins mutuels, un langage intelligible. La chose est possible ; il ne faut qu'examiner si elle est nécessaire. Toutes les bêtes ont de la connoissance, c'est un principe avoüé ; & nous ne voyons pas que l'auteur de la nature ait pû leur donner cette connoissance pour d'autres fins que de les rendre capables de pourvoir à leurs besoins, à leur conservation, à tout ce qui leur est propre & convenable dans leur condition, & la forme de vie qu'il leur a prescrite. Ajoûtons à ce principe, que beaucoup d'especes de bêtes sont faites pour vivre en société, & les autres pour vivre du moins en ménage, pour ainsi dire, d'un mâle avec une femelle, & en famille avec leurs petits jusqu'à ce qu'ils soient élevés. Or, si l'on suppose qu'elles n'ont point entr'elles un langage, quel qu'il soit, pour s'entendre les unes les autres, on ne conçoit plus comment leur société pourroit subsister : comment les castors, par exemple, s'aideroient-ils les uns les autres pour se bâtir un domicile, s'ils n'avoient un langage très-net & aussi intelligible pour eux que nos langues le sont pour nous ? La connoissance sans une communication réciproque par un langage sensible & connu, ne suffit pas pour entretenir la société, ni pour exécuter une entreprise qui demande de l'union & de l'intelligence. Comment les loups concerteroient-ils ensemble des ruses de guerre dans la chasse qu'ils font aux troupeaux de moutons, s'ils ne s'entendoient pas ? Comment enfin des hirondelles ont-elles pû sans se parler, former toutes ensemble le dessein de claquemurer un moineau qu'elles trouverent dans le nid d'une de leurs camarades, voyant qu'elles ne pouvoient l'en chasser ? On pourroit apporter mille autres traits semblables pour appuyer ce raisonnement. Mais ce qui ne souffre point ici de difficulté, c'est que si la nature les a faites capables d'entendre une langue étrangere, comment leur auroit-elle refusé la faculté d'entendre & de parler une langue naturelle ? car les bêtes nous parlent & nous entendent fort bien.

Quand on sait une fois que les bêtes parlent & s'entendent, la curiosité n'en est que plus avide de connoître quels sont les entretiens qu'elles peuvent avoir entr'elles. Quelque difficile qu'il soit d'expliquer leur langage & d'en donner le dictionnaire, le pere Bougeant a osé le tenter. Ce qu'on peut assûrer, c'est que leur langage doit être fort borné, puisqu'il ne s'étend pas au-delà des besoins de la vie ; car la nature n'a donné aux bêtes la faculté de parler, que pour exprimer entr'elles leurs desirs & leurs sentimens, afin de pouvoir satisfaire par ce moyen à leurs besoins & à tout ce qui est nécessaire pour leur conservation : or tout ce qu'elles pensent, tout ce qu'elles sentent, se réduit à la vie animale. Point d'idées abstraites par conséquent, point de raisonnemens métaphysiques, point de recherches curieuses sur tous les objets qui les environnent, point d'autre science que celle de se bien porter, de se bien conserver, d'éviter tout ce qui leur nuit, & de se procurer du bien. Ce principe une fois établi, que les connoissances, les desirs, les besoins des bêtes, & par conséquent leurs expressions, sont bornées à ce qui est utile ou nécessaire pour leur conservation ou la multiplication de leur espece ; il n'y a rien de plus aisé que d'entendre ce qu'elles veulent se dire. Placez-vous dans les diverses circonstances où peut être quelqu'un qui ne connoît & qui ne sait exprimer que ses besoins : & vous trouverez dans vos propres discours l'interprétation de ce qu'elles se disent. Comme la chose qui les touche le plus, est le desir de multiplier leur espece, ou du moins d'en prendre les moyens, toute leur conversation roule ordinairement sur ce point. On peut dire que le P. Bougeant a décrit avec beaucoup de vivacité leurs amours, & que le dictionnaire qu'il donne de leurs phrases tendres & voluptueuses, vaut bien celui de l'Opéra. Voilà ce qui a révolté dans un Jésuite, condamné par état à ne jamais abandonner son pinceau aux mains de l'amour. La galanterie n'est pardonnable dans un ouvrage philosophique, que lorsque l'auteur de l'ouvrage est homme du monde ; encore bien des personnes l'y trouvent-elles déplacée. En prétendant ne donner aux raisonnemens qu'un tour leger & propre à intéresser par une sorte de badinage, souvent on tombe dans le ridicule ; & toûjours on cause du scandale, si l'on est d'un état qui ne permet pas à l'imagination de se livrer à ses saillies. Il paroît qu'on a censuré trop durement notre Jésuite, sur ce qu'il dit que les bêtes sont animées par des diables. Il est aisé de voir qu'il n'a jamais regardé ce système que comme une imagination bizarre & presque folle. Le titre d'amusement qu'il donne à son livre, & les plaisanteries dont il l'égaye, font assez voir qu'il ne le croyoit pas appuyé sur des fondemens assez solides pour opérer une vraie persuasion. Ce n'est pas que ce système ne réponde à bien des difficultés, & qu'il ne fût assez difficile de le convaincre de faux : mais cela prouve seulement qu'on peut assez-bien soûtenir une opinion chimérique, pour embarrasser des personnes d'esprit, mais non pas assez bien pour les persuader. Il n'y a, dit M. de Fontenelle dans une occasion à-peu-près semblable, que la vérité qui persuade, même sans avoir besoin de paroître avec toutes ses preuves ; elle entre si naturellement dans l'esprit, que quand on l'apprend pour la premiere fois, il semble qu'on ne fasse que s'en souvenir. Pour moi, s'il m'est permis de dire mon sentiment, je trouve ce petit ouvrage charmant & très-agréablement tourné. Je n'y vois que deux défauts ; celui d'être l'ouvrage d'un Religieux ; & l'autre, le bizarre assortiment des plaisanteries qui y sont semées, avec des objets qui touchent à la religion, & qu'on ne peut jamais trop respecter. (X)

AME DES PLANTES, (Jardinage.) Les Physiciens ont toûjours été peu d'accord sur le lieu où réside l'ame des plantes ; les uns la placent dans la plante, ou dans la graine avant d'être semée ; les autres dans les pepins ou dans le noyau des fruits.

La Quintinie veut qu'elle consiste dans le milieu des arbres, qui est le siége de la vie, & dans des racines saines qu'une chaleur convenable & l'humidité de la seve font agir. Malpighi veut que les principaux organes des plantes soient les fibres ligneuses, les trachées, les utricules placées dans la tige des arbres. D'autres disent que l'ame des plantes n'est autre chose que les parties subtiles de la terre, lesquelles poussées par la chaleur, passent à-travers les pores des plantes, où étant ramassées, elles forment la substance qui les nourrit. Voyez TRACHEE.

Aujourd'hui, en faisant revivre le sentiment de Théophraste, de Pline & de Columelle, on soûtient que l'ame des végétaux réside dans la moelle qui s'étend dans toutes les branches & les bourgeons Cette moelle qui est une espece d'ame, & qui se trouve dans le centre du tronc & des branches d'un arbre, se remarque plus aisément dans les plantes ligneuses, telles que le sureau, le figuier, & la vigne, que dans les herbacées ; cependant par analogie ces dernieres n'en doivent pas être dépourvûes. Voyez LIGNEUX, HERBACEE, &c.

Cette ame n'est regardée dans les plantes que comme végétative ; & quoique Redi la croye sensitive, on ne l'admet qu'à l'égard des animaux : on restraint à l'homme, comme à l'être le plus parfait, les trois qualités de l'ame, savoir de végétative, de sensitive, & de raisonnable. (K)

AME DE SATURNE, anima Saturni, selon quelques Alchimistes, est la partie du plomb la plus parfaite, qui tend à la perfection des métaux parfaits ; laquelle partie est, selon quelques-uns, la partie regnante. (M)

AME, terme d'Architecture & de Dessein ; c'est l'ébauche de quelques ornemens, qui se fait sur une armature de fer ; avec mortier composé de chaux & de ciment, pour être couverte & terminée de stuc ; on la nomme aussi noyau. Ame est aussi une armature de quelque figure que ce soit, recouverte de carton. On dit aussi qu'un dessein a de l'ame, pour dire que son exquisse est touchée d'art, avec feu & légereté.

AME, (Stucateur.) On appelle ainsi la premiere forme que l'on donne aux figures de stuc, lorsqu'on les ébauche grossierement avec du plâtre, ou bien avec de la chaux & du sable, ou du tuileau cassé, avant que de les couvrir de stuc, pour les finir ; c'est ce que Vitruve, liv. VII. chap. j. appelle nucleus, ou noyau. Voyez la fig. 12. Planche de stuc. On nomme aussi ame ou noyau, les figures de terre ou de plâtre qui servent à fermer les figures qu'on jette en bronze, ou autre métal. Voyez NOYAU.

AME, en terme d'Artillerie, est le dedans du calibre, depuis l'embouchure jusqu'à la culasse. Voyez CANON & NOYAU. (Q)

AME d'un gros cordage, (Marine.) c'est un certain nombre de fils de carrets, qui se mettent au milieu de différens torons qui composent le cordage ; cela s'appelle aussi la meche. Voyez CABLE & CORDAGE. Voyez FILS DE CARRETS, TORON. (Z)

AME : les Artificiers appellent ainsi le trou conique pratiqué dans le corps d'une fusée volante, le long de son axe, pour que la flamme s'y introduise d'abord assez avant pour la soûtenir. Voyez FUSEE VOLANTE.

AME, en terme de Boisselier ; c'est un morceau de cuir qui forme dans le soufflet une espece de soûpape, qui y laisse entrer l'air lorsqu'on écarte les deux palettes du soufflet, & l'y retient lorsqu'on les comprime l'une contre l'autre ; ce qui oblige l'air contenu dans la capacité de cette machine, de passer par le tuyau de fer ou de cuivre appellé porte-vent, qui le porte au lieu où on le destine. Voyez SOUFFLET DES ORGUES.

* AME ou essieu d'un rôle de tabac ; c'est le bâton autour duquel le tabac cordé est monté. Il se dit aussi des feuilles de tabac dont on remplit aux îles ce que l'on appelle andouilles de tabac. Voyez l'art. TABAC.


AMELANCHIERS. m. arbrisseau qui doit être rapporté au genre appellé nefflier. Voy. NEFFLIER. (I)


AMELIAville d'Italie, dans le duché de Spolete. Long. 30. 4. lat. 42. 33.


AMÉLIORATIONS. f. en Droit, signifie l'accroissement ou progrès de la valeur & du prix d'une chose. Voyez VALEUR. Ainsi améliorer, c'est augmenter le revenu d'une chose.

On en distingue de plusieurs sortes, d'indispensables, d'utiles, & de voluptueuses. Les améliorations indispensables sont celles qui étoient absolument nécessaires pour la conservation de la chose. Les utiles sont celles qui n'ont fait qu'augmenter sa valeur ou son produit. On tient compte à celui qui a fait les unes ou les autres, quoiqu'il n'eût pas commission de les faire. Les améliorations voluptueuses sont celles qui n'ajoûtent que des agrémens extérieurs à la chose, sans en augmenter le prix. On n'est pas obligé de tenir compte de celles-là à celui qui les a faites sans pouvoir. (H)


AMÉLIORERverbe actif, s'entend, en Jardinage, de la réparation qu'on fait à un terrain épuisé des sels nécessaires à la végétation, en le labourant bien, & l'échauffant par d'excellent fumier, pour l'engraisser & le rendre meilleur. Si c'est une terre usée ou très-mauvaise, on fera fouiller à trois piés de profondeur dans toute l'étendue du terrain : on enlevera la mauvaise terre, & on y en fera apporter de meilleure. On peut faire encore retourner les terres à trois piés de bas, en commençant par un bout à faire une rigole de six piés de large, & de toute l'étendue du jardin : on répandra dans le fond un lit de demi-pié de fumier convenable à la nature de la terre : on fera ensuite couvrir de terre le fumier, en observant de jetter dans le fond la terre de dessus, qui est toûjours la meilleure, & que l'on aura eu soin de mettre à part. Par de semblables rigoles faites dans tout le terrain, on rejoindra la premiere rigole par où on avoit commencé, & on rendra cette terre plus vigoureuse, & même cela coûte moins que d'en rapporter de nouvelle, comme il a été dit ci-dessus. Il se trouveroit un vuide à la derniere tranchée, si le fumier qu'on a répandu par-tout, & qui ne laisse pas de hausser les terres, ne suppléoit à ce défaut.

Si on trouvoit une terre très-pierreuse, on la passeroit à la grosse claie ; mais si c'étoient de grosses pierres ou roches qui se rencontrassent par espace, on les pourroit laisser, elles ne nuiroient point ; elles serviroient même à la filtration des parties les plus grossieres de la terre, & à en détacher plus facilement les sels. (K)


AMÉLIORISSEMENTS. m. se dit dans l'Ordre de Malte, dans le même sens qu'on dit par-tout ailleurs amélioration. Voyez AMELIORATION. (H)


AMELPODInom de quatre arbres qui croissent aux Indes. Ray qui en parle, rapporte quelques-unes de leurs propriétés ; mais il n'en donne d'autres descriptions que celles qui peuvent entrer dans des phrases de Botanique fort courtes. Il appelle, par exemple, le premier, arbor Indica acarpos, floribus umbellatis tetrapetalis, & ainsi des autres.


AMELSFELDcontrée de la Turquie en Europe, dans la partie orientale de la Bosnie, aux confins de la Servie, vers la riviere de Setniza.


AMENmot hébreu usité dans l'Eglise à la fin de toutes les prieres solemnelles, dont il est la conclusion ; il signifie fiat, c'est-à-dire ainsi-soit, ainsi-soit-il. Les Hébreux avoient quatre sortes d'amen ; l'un entr'autres qu'ils appelloient l'amen juste, devoit être accompagné de beaucoup d'attention & de dévotion : c'est l'amen entendu dans le sens que nous venons de l'interpréter, lequel a passé dans toutes les langues sans aucune altération.

Quelques auteurs prétendent que le mot amen n'est qu'un composé des lettres initiales de ces mots, adonaï melech neeman, Dominus rex fidelis, expression usitée parmi les Juifs, quand ils vouloient donner du poids & de l'autorité à ce qu'ils disoient. En effet, pour exprimer en abrégé les mots HEBREW, adonaï, melech, neeman, les Rabbins ne se servent que des lettres initiales , qui jointes ensemble forment réellement le mot HEBREW, amen.

Les Cabalistes juifs, en suivant leur méthode de chercher des sens cachés dans les mots, méthode qu'ils appellent notaricon, forment avec le mot amen la phrase entiere adonaï melech neeman. Voyez NOTARICON.

D'un autre côté, il est certain que le mot amen se trouvoit dans la langue hébraïque, avant qu'il y eût au monde ni cabale ni cabalistes, comme on le voit au Deutéronome, ch. xxvij. v. 15. Voyez CABALE, &c.

La racine du mot amen est le verbe aman, lequel au passif signifie être vrai, fidele, constant, &c. d'où a éte fait le nom amen qui signifie vrai ; puis du nom amen on a fait une espece d'adverbe affirmatif, qui placé à la fin d'une phrase ou d'une proposition, signifie qu'on y acquiesce, qu'elle est vraie, qu'on en souhaite l'accomplissement, &c. Ainsi, dans le passage que nous venons de citer du Deutéronome, Moyse ordonnoit aux Lévites de crier à haute voix au peuple : maudit celui qui taille ou jette en fonte aucune image, &c. & le peuple devoit répondre amen ; c'est-à-dire, oüi, qu'il le soit, je le souhaite, j'y consens. Mais au commencement d'une phrase, comme il se trouve dans plusieurs passages du Nouveau-Testament, il signifie vraiment, véritablement. Quand il est répété deux fois, comme il l'est toûjours dans S. Jean, il a l'effet d'un superlatif, conformément au génie de la langue hébraïque, & des deux langues dont elle est la mere, la chaldaïque & la syriaque. C'est en ce sens qu'on doit entendre ces paroles, amen, amen, dico vobis. Les Evangélistes ont conservé le mot hébreu amen dans leur grec, excepté S. Luc qui l’exprime quelquefois par ἀληθῶς, véritablement, ou ναὶ, certainement. (G)


AMENAGES. m. terme de voiturier ; c'est tantôt l'action de transporter les marchandises d'un lieu dans un autre ; tantôt la quantité de marchandises amenées. On dit : je ferai l'amenage de mes huiles ; il a fait un fort amenage.


AMENAGERv. act. terme de commerce de bois ; c'est le débiter, soit en bois de charpente, soit en bois destinés à d'autres usages.


AMENDABLEadj. terme de Droit, qui a deux significations différentes : quand on l'applique à une personne, il signifie qui mérite d'être imposé à une amende ; quand on l'applique à une chose, il signifie qui mérite d'être amendée, c'est-à-dire d'être réformée ou perfectionnée. (H)

AMENDABLE, (Commerce.) dans ce dernier sens est très-commun dans les statuts des corps & des communautés des Arts & Métiers, & se dit des ouvrages saisis par les jurés, qui sont en état d'être rendus meilleurs, & qui pour cela ne sont pas sujets à confiscation. A Paris, c'est la chambre de police qui juge si une besogne est amendable ou non : & dans le premier sens il s'entend aussi des artisans qui méritent d'être mis à l'amende pour avoir contrevenu à leurs statuts & réglemens. Voyez AMENDE. (G)


AMENDEsub. f. (Jurisprud.) imposition d'une peine pécuniaire pour un crime ou un délit, ou pour avoir intenté mal-à-propos un procès, ou interjetté un appel téméraire d'un jugement sans grief.

Il y en a que les lois n'ont pas déterminées, & qui s'imposent suivant les circonstances & la prudence du juge ; d'autres qui sont fixées par les ordonnances ; telles sont entr'autres celles qui sont dûes en matieres civiles, en cas d'appel, de récusation de juges, de demande en requête civile ; lesquelles dans tous ces cas doivent être consignées d'avance par l'appellant, le récusant, ou demandeur en requête civile ; toute audience lui devant être déniée jusqu'à ce ; sauf à les lui restituer, si par l'évenement du procès, ses moyens d'appel, de récusation, ou de requête civile sont jugés admissibles & pertinens.

AMENDE honorable, est une sorte de punition infamante, usitée particulierement en France contre les criminels de lese Majesté divine ou humaine, ou autres coupables de crimes scandaleux.

On remet le coupable entre les mains du bourreau, qui le dépouille de ses habits, & ne lui laisse que la chemise ; après quoi il lui passe une corde au cou ; lui met une torche de cire dans la main, & le conduit dans un auditoire ou devant une église, où il lui fait demander pardon à Dieu, au Roi, & à Justice. Quelquefois la punition se termine là : mais le plus souvent ce n'est que le prélude du supplice capital ou des galeres.

On appelle aussi faire amende honorable à quelqu'un, lui faire une réparation publique en justice, ou en présence de personnes choisies à cet effet ; des injures qu'on lui a dites, & des mauvais traitemens qu'on lui a faits. (H)

AMENDES, relatives aux Chasses. Il en est dit : article 40. de l'ordonnance de Louis XIV. du mois d'Août 1669. " La collecte des amendes adjugées ès capitaineries des chasses de nos maisons royales ci-dessus dénommées sera faite par les sergens, collecteurs des amendes des lieux, lesquels fournir ont chacune année un état de leur recette & dépense au grand-maître, dans lequel pourra être employé jusqu'à la somme de 300 livres par nos capitaines ou leurs lieutenans, pour les frais extraordinaires de procès & de justice de leurs capitaineries ; & pourront taxer aux gardes-chasses leurs salaires pour leurs rapports sur les deniers des amendes, dont le revenant-bon sera mis entre les mains du receveur de nos bois, ou de notre domaine, pour les payer, & en compter comme des autres deniers de son maniement. Défendons à tous greffiers, sergens, gardes-chasses, & autres officiers, de s'immiscer en la collecte des amendes des chasses ; pourquoi à cet effet, sera observé ce qui est ordonné pour les amendes de nos forêts ".

Article 14. titre des peines, amendes, restitutions, du mois d'Août 1669. " Défendons aux officiers d'arbitrer les amendes & peines, ni les proposer moindres que ce qu'elles sont reglées par la présente ordonnance, ou les modérer ou changer après le jugement, à peine de répétition contr'eux, de suspension de leurs charges pour la premiere fois, & de privation en récidive ".

Article 15. idem. " Ne sera fait donc remise ou modération, pour telle cause que ce soit, des amendes, restitutions, intérêts, confiscations, avant qu'elles soient jugées, ni après, pour quelque personne que ce puisse être ".


AMENDÉadj. cheval amendé, en terme de Manege, celui qui a pris un bon corps, qui s'est engraissé. (V)


AMENDER uouvrage, c'est en corriger les défectuosités. Les réglemens pour les manufactures de Laineries, portent que les draps & étoffes de laine qui ne pourront être amendés, seront coupés par morceaux de deux aunes de long, quelquefois sans amende, & quelquefois sans préjudice de l'amende.

Parmi les artisans, les besognes saisies par les jurés, qui ne peuvent être amendées, sont sujettes à confiscation.

AMENDER, signifie aussi diminuer de prix. Les pluies ont fait amender les avoines & les foins. Quelques-uns disent ramender. Voyez RAMENDER. (G)


AMENERv. act. & quelquefois neutre, terme de Marine, signifie abbaisser ou mettre bas. Par exemple on dit : le vent renforçant beaucoup, nous fûmes obligés d'amener nos vergues sur le plat-bord. Nous trouvâmes dans cette rade un vaisseau du Roi, qui nous contraignit d'amener le pavillon par respect. Après deux heures de combat, le galion Espagnol amena & se rendit. Ce vaisseau a amené, c'est-à-dire qu'il a abbaissé ses voiles ou son pavillon pour se rendre.

AMENE, terme de Marine, c'est ainsi qu'on commande d'amener ou de baisser quelque chose ; amene le grand hunier ; amene la misene ; amene le pavillon ; amene les huniers sur le ton ; amene tout, toute la voile ; n'amene pas. Voyez HUNIER, MISENE, PAVILLON, &c. (Z)

AMENER les mats de hune, c'est les mettre à bas. Amener un vaisseau, amener une terre, c'est pour dire s'en approcher, ou se mettre vis-à-vis. On dit : nous amenâmes cette pointe au sud. Voyez HUNE, PLAT-BORD, &c. (Z)


AMENRIRv. act. (Jurisp.) terme ancien employé dans quelques vieilles coûtumes, où il signifie diminuer, estropier, déteriorer, &c. (H)


AMENTHèSce terme signifioit chez les Egyptiens la même chose qu' chez les Grecs ; un lieu soûterrein où toutes les ames vont au sortir des corps ; un lieu qui reçoit & qui rend : on supposoit qu'à la mort d'un animal, l'ame descendoit dans ce lieu soûterrein, & qu'elle en remontoit ensuite pour habiter un nouveau corps. Presque tous les législateurs ont préparé aux méchans & aux bons, après cette vie, un séjour dans une autre, où les uns seront punis & les autres récompensés. Ils n'ont imaginé que ce moyen ou la métempsycose, pour accorder la providence avec la distribution inégale des biens & des maux dans ce monde. La Philosophie les avoit suggérés l'un & l'autre aux sages, & la révélation nous a appris quel est celui des deux que nous devions regarder comme le vrai. Nous ne pouvons donc plus avoir d'incertitude sur notre existence future, ni sur la nature des biens ou des maux qui nous attendent après la mort. La parole de Dieu qui s'est expliqué positivement sur ces objets importans, ne nous laisse aucun lieu aux hypotheses. Mais je suis bien étonné que parmi les anciens philosophes que cette lumiere n'éclairoit pas, il ne s'en soit trouvé aucun, du moins que je connoisse, qui ait songé à ajoûter aux tourmens du Tartare & aux plaisirs de l'élisée, la seule broderie qui leur manquât ; c'est que les méchans entendroient dans le Tartare, & les bons dans l'élisée ; ceux-ci tout le bien, & ceux-là tout le mal qu'on diroit ou qu'on penseroit d'eux, quand ils ne seroient plus. Cette idée m'est venue plusieurs fois à la vûe de la statue équestre de Henri IV. J'étois fâché que ce grand monarque n'entendît pas où il étoit, l'éloge que je faisois de lui dans mon coeur. Cet éloge eût été si doux pour lui ! car je n'étois plus son sujet.


AMENTUMS. m. Pour bien entendre ce que c'est que l'amentum, il faut savoir que les Romains avoient deux sortes de lance ou pique, hasta : les unes pour les soldats armés à la légere, elles se lançoient comme le javelot ; les autres plus longues & plus pesantes, dont on frappoit sans les lâcher, celles-ci s'appelloient hastae amentatae ; & l'amentum étoit un petit lien de cuir qui les traversoit à peu près dans le milieu. Le soldat passoit son doigt dans le lien, de peur qu'en lançant son coup, la pique ne lui échappât de la main. Il y avoit aussi des javelots à amentum. Voyez l'Antiq. expliq. pag. 64.


AMENUISERallégir, aiguiser, termes communs à presque tous les Arts méchaniques. Amenuiser se dit généralement de toutes les parties d'un corps qu'on diminue de volume. Amenuiser une planche, c'est lui ôter par-tout de son épaisseur ; il ne differe d'allégir dans cette occasion qu'en ce qu'allégir se dit des grosses pieces comme des petites ; & qu'amenuiser ne se dit guere que de ces dernieres ; on n'amenuise pas un arbre, mais on l'allégit ; on ne l'aiguise pas non plus ; on n'aiguise qu'une épingle ou un bâton. Aiguiser ne se dit que des bords ou du bout ; des bords, quand on les met à tranchant sur une meule ; du bout, quand on le rend aigu à la lime ou au marteau. Aiguiser ne se peut jamais prendre pour allégir ; mais amenuiser & allégir s'employent quelquefois l'un pour l'autre. On allégit une poutre ; on amenuise une voliche ; on aiguise un poinçon. On allégit en diminuant un corps considérable sur toutes les faces ; on en amenuise un petit en le diminuant davantage par une seule face ; on l'aiguise par les extrémités.


AMERadj. qui désigne cette qualité dans les substances végétales & autres que nous reconnoissons au goût, quand elles excitent en nous par le moyen de ce sens, l'impression que nous fait principalement éprouver ou l'absynthe, ou la coloquinte ; car il n'est pas possible de définir autrement les saveurs, qu'en les rapportant aux substances naturelles qui les excitent : d'où il s'ensuit que si les substances étoient dans un état de vicissitude perpétuelle, & que les choses ameres tendissent à cesser de l'être, & celles qui ne le sont pas à le devenir, les expressions dont nous nous servons ne transmettroient à ceux qui viendroient long-tems après nous, aucune notion distincte, & qu'il n'y auroit point de remede à cet inconvénient.

Quoi qu'il en soit de la saveur, passons à l'action des amers. En général ils paroissent agir premierement en augmentant le ressort des fibres des organes de la digestion qui sont relâchées & affoiblies ; & secondement en succédant aux fonctions de la bile, quand elle est devenue trop languissante & peu propre aux services qu'elle doit rendre ; d'où il s'ensuit encore que les amers corrigent le sang & les humeurs ; qu'ils facilitent la digestion & l'assimilation des alimens ; qu'ils fortifient les solides, & qu'ils les disposent à l'exercice qui convient de leur part, pour la conservation de la santé. Voyez AMERTUME.

* AMER DE BOEUF, c'est le fiel de cet animal ; les Teinturiers-Dégraisseurs en font un grand usage pour enlever les taches des étoffes. Voyez DETACHEUR, DETACHER, DEGRAISSEUR & DEGRAISSER.


AMERADES. m. c'étoit, chez les Sarrasins, la même chose qu'émir (voyez EMIR). La fonction des amerades répondoit à celle de nos gouverneurs de province.


AMÉRIQUEou le Nouveau monde, ou les Indes occidentales, est une des quatre parties du monde, baignée de l'Océan, découverte par Christophe Colomb, Génois, en 1491, & appellée Amérique d'Améric-Vespuce Florentin, qui aborda en 1497, à la partie du continent située au sud de la ligne ; elle est principalement sous la domination des Espagnols, des François, des Anglois, des Portugais, & des Hollandois. Elle est divisée en septentrionale & en méridionale par le golfe de Mexique & par le détroit de Panama. L'Amérique septentrionale connue s'étend depuis le 11e degré de latitude jusqu'au 75e. Ses contrées principales sont le Mexique, la Californie, la Loüisiane, la Virginie, le Canada, Terre-neuve, les îles de Cuba, Saint-Domingue, & les Antilles. L'Amérique méridionale s'étend depuis le 12e degré septentrional, jusqu'au 60e degré méridional ; ses contrées sont Terre-ferme, le Pérou, le Paraguai, le Chili, la Terre Magellanique, le Bresil, & le pays des Amazones.

L'Amérique méridionale donne de l'or & de l'argent, de l'or en lingots, en paille, en pepins, en poudre : de l'argent en barres & en piastres ; l'Amérique septentrionale, des peaux de castors, de loutres, d'origneaux, de loups cerviers, &c. Les perles viennent ou de la Marguerite dans la mer du nord, ou des îles de Las-perlas dans celle du sud ; les émeraudes, des environs de Sainte-Foi, de Bogette. Les marchandises plus communes sont le sucre, le tabac, l'indigo, le gingembre, la casse, le mastic, l'aloès, les cotons, l'écaille, les laines, les cuirs, le quinquina, le cacao, la vanille ; les bois de campeche, de santal, de sassafras, de bresil, de gayac, de canelle, d'inde, &c. les baumes de tolu, de copahu, du Pérou, le besoard, la cochenille, l'ipécacuhana, le sang de dragon, l'ambre, la gomme copale, la muscade, le vif-argent, les ananas, le jalap, le mécoachan, des vins, des liqueurs, l'eau des barbades, des toiles, &c.

Toute contrée de l'Amérique ne porte pas toutes ces marchandises : nous renvoyons aux articles du commerce de chaque province ou royaume, le détail des marchandises qu'il produit.


AMERou AMETS, s. m. (Marine.) ce sont des marques prises sur la côte pour servir à guider les navigateurs, & les faire éviter les dangers cachés sous l'eau qu'ils trouvent dans certains parages ; on se sert ordinairement pour amers, de clochers, d'arbres, de moulins, & autres marques sur les côtes qui puissent se distinguer aisément de la mer. (Z)


AMERSFORTville des Pays-Bas, dans la province d'Utrecht, sur la riviere d'Ems. Long. 23. lat. 52. 14.


AMERTUMES. f. (Phys.) espece de saveur ou de sensation opposée à douceur. On croit qu'elle vient de ce que toutes les particules d'un corps amer sont émoussées & diminuées au point qu'il n'en reste pas une qui soit longue & roide, ce que l'expérience paroît confirmer. En effet, les alimens étant brûlés ou cuits, & leurs particules diminuées & brisées par le feu, deviennent amers : mais cette hypothese ou explication, comme on voudra l'appeller, est purement conjecturale. Voyez GOUT & AMER. (O)


AMÉS ET FEAUXexpressions par lesquelles nos rois avoient coûtume de distinguer dans leurs lettres patentes, les magistrats & les officiers qui avoient dignités, d'avec les autres ; il n'y avoit même ordinairement, selon la remarque de Loyseau, dans son traité des Ordres & des Dignités, que ceux qui avoient le titre de conseillers du prince, à qui il accordât ceux de dilecti & fideles nostri, dont nos amés & féaux est la traduction.

* AMES, espece de gâteau qu'on faisoit dans les cuisines greques. La maniere ne nous est pas connue.


AMETHYSTES. f. (Hist. nat.) amethystus, pierre précieuse de couleur violette, ou de couleur violette pourprée. On a fait dériver son nom de sa couleur, en disant qu'elle ressembloit à la couleur qu'a le vin lorsqu'il est mêlé d'eau. Les auteurs qui ont traité des pierres précieuses, ont donné plusieurs dénominations des couleurs de l'amethyste ; ils disent que les plus belles sont de couleur violette, tirant sur la couleur de rose pourprée, de couleur colombine, ou de fleur de pensée ; & qu'elles ont un mêlange de rouge, de violet, de gris de lin, &c. il est bien difficile de trouver des termes pour exprimer les teintes d'une couleur ou les nuances de plusieurs couleurs. Je crois même qu'il est impossible de parvenir par ce moyen à donner une idée juste de la couleur d'une pierre précieuse. C'est pourquoi il vaut mieux donner un objet de comparaison qui exprime la couleur de l'amethyste. On le trouvera dans le spectre solaire que donne le prisme par la réfraction des rayons de la lumiere. L'espace de ce spectre auquel M. Newton a donné le nom de violet, représente la couleur de l'amethyste la plus commune, qui est simplement violette. Si on fait tomber l'extrémité inférieure d'un spectre sur l'extrémité supérieure d'un autre spectre, on mêlera du rouge avec du violet, & on verra la couleur de l'amethyste pourprée. Ce moyen de reconnoître les couleurs de l'amethyste est certainement le plus sûr. On peut de la même façon voir les couleurs de toutes les autres pierres précieuses colorées. Voyez PIERRE PRECIEUSE.

On a dit qu'il y a des amethystes orientales : mais elles sont si rares, qu'il se trouve peu de personnes qui prétendent en avoir vû. Il seroit aisé de les distinguer des autres par leur poids & par leur dureté ; car elles doivent, comme toutes les pierres orientales, être beaucoup plus pesantes & plus dures que les pierres occidentales ; elles doivent aussi avoir un plus beau poli : on assûre qu'elles sont de couleur violette pourprée. Les amethystes occidentales sont fort communes : on en distingue deux sortes ; l'une est simplement violette, & cette couleur est un peu obscure dans la plûpart ; l'autre est d'une couleur violette un peu pourprée, elle nous vient par la voie de Carthagene : celle-ci est plus rare que la premiere ; on la désigne ordinairement par le nom d'amethyste de Carthagene.

La dureté de l'amethyste est à-peu-près la même que celle du crystal ; elle se forme aussi comme le crystal en aiguilles exagones terminées à chaque bout par une pointe à six faces. Voyez CRYSTAL DE ROCHE. La plûpart de ces aiguilles ne sont teintes de violet qu'en partie, le reste est blanc, & c'est du vrai crystal de roche. On voit des cuvettes, des couvercles de tabatieres, & d'autres bijoux qui, quoique faits d'une seule piece, sont en partie de crystal & en partie d'amethyste. Les aiguilles de cette pierre sont le plus souvent réunies plusieurs ensemble dans sa mine ; on en voit des morceaux assez gros. On les scie transversalement pour faire des lames ; on y voit les plans à six faces que forment les différentes portions d'aiguilles ; elles ont ordinairement si peu d'adhérence les unes avec les autres, que la lame qu'elles composent se sépare aisément en plusieurs pieces. On trouve l'amethyste, comme le crystal, dans les fentes perpendiculaires des rochers ; aussi y en a-t-il des morceaux qui sont unis au caillou & à l'agate ; d'autres sont recouverts d'une terre jaunâtre, telle qu'on en trouve ordinairement dans les fentes des rochers. Aussi les morceaux d'amethyste n'ont pas tous la même netteté ; il y en a qui, comme le crystal, sont obscurs ou revêtus d'une croûte jaunâtre. On trouve beaucoup d'amethystes dans les montagnes d'Auvergne ; il y en a en Allemagne, en Boheme, en Espagne dans une montagne à deux lieues de Vic en Catalogne. Il peut s'en trouver dans la plûpart des lieux où il y a du crystal, puisque l'amethyste n'est autre chose qu'un crystal teint par une substance métallique fort atténuée. Voyez PIERRE PRECIEUSE. (I)

AMETHYSTE, (Medecine.) L'amethyste, selon quelques-uns, est propre à empêcher l'ivresse, étant portée au doigt, ou mise en poudre dans la bouche ; on prétend qu'elle est bonne pour arrêter le cours de ventre, & pour absorber les acides qui sont en trop grande quantité dans l'estomac, comme les autres substances alkalines. Selon M. Geoffroy, les propriétés de la teinture tirée de cette pierre précieuse, ne sont pas plus certaines pour leur efficacité, que les vertus prétendues dont on vient de parler. (N)


AMEUBLIRv. act. c'est, en Jardinage, donner à une terre des labours si fréquens & faits si à propos, qu'elle devienne comme de la poudre. Par ce moyen les arbres profitent de tous les arrosemens du ciel, qui dissolvent les sels de la terre, en provoquent la fermentation, & font pousser aux végétaux de beaux jets & de longues racines. (K)


AMEUBLISSEMENTS. m. terme de Jurisprudence françoise, est une fiction de droit par laquelle une portion de la dot d'une femme, qui est immeuble de sa nature, est réputée meuble ou effet mobilier, en vertu d'une stipulation expresse faite au contrat de mariage, à l'effet de le faire entrer en communauté. On le fait ordinairement lorsque la femme n'a pas assez d'effets mobiliers pour mettre dans la communauté. Le mari même peut aussi ameublir une partie de ses propres.

L'ameublissement fait par contrat de mariage n'est pas une paction ou convention sujette à insinuation, quoiqu'elle puisse emporter avantage en faveur de l'un des conjoints. L'ameublissement d'un propre fait par contrat de mariage, reste sans effet dans le cas de décès du conjoint sans enfans.

Dans le cas de renonciation à la communauté par la femme, elle reprend ses ameublissemens : mais si elle l'accepte, ils sont confondus dans la communauté.

Un mineur ou une mineure ne sauroit faire par contrat de mariage l'ameublissement d'aucune portion de sa dot, de sa propre autorité, ni même de celle de son tuteur ou curateur seul ; ou s'il le peut, du moins seroit-il restituable après l'avoir fait : mais il ne l'est pas si l'ameublissement a été fait par avis de parens, homologué en justice, à moins que l'ameublissement ne fût excessif, auquel cas il seroit seulement réductible. Or l'ameublissement est jugé raisonnable ou excessif par proportion avec l'avantage que le conjoint ameublissant reçoit de l'autre conjoint.

Dans l'usage, c'est ordinairement le tiers de la dot qui est ameubli.

L'ameublissement n'étant stipulé qu'à l'effet de faire entrer dans la communauté les propres ameublis, il n'en change point d'ailleurs la nature ; de sorte que si la femme a ameubli un héritage qui lui étoit propre, & que dans le partage de la communauté cet héritage tombe dans son lot, il sera propre dans sa succession, comme s'il n'avoit point été ameubli. (H)


AMEUTERv. a. terme de Chasse, c'est mettre les chiens en meute, ou les assembler pour la chasse. On dit : les chiens sont bien ameutés, lorsqu'ils marchent bien ensemble. Voyez MEUTE.


AMFORApetite riviere du Frioul qui a sa source dans l'état de Venise, & qui se jette dans le golfe de ce nom près d'Aquilée.


AMHARAroyaume de l'Abyssinie, dont il occupe le milieu ; il touche au septentrion le royaume de Bagemdar ; à l'orient, celui d'Angot ; au midi, celui de Walaka ; & à l'occident, celui de Gojam, dont il est séparé par le Nil.


AMIadj. signifie, en fait de négoce, correspondant, personne avec laquelle on est en liaison & en commerce d'affaires. Ainsi l'on dit : j'ai fait cette affaire, cette négociation pour compte d'ami.

AMI, est aussi en usage dans les polices d'assûrance, & lorsqu'on ne veut pas y paroître sous son nom ; il suffit que le correspondant déclare qu'il assûre pour compte d'ami. Voyez ASSURANCE. (G)


AMIAMITIé, s. en Peinture, se disent des couleurs qui sympathisent entr'elles, & dont les tons & les nuances produisent un bel effet. Cette union ou sympathie s'appelle amitié ; on dit des couleurs amies. (R)


AMIAnom d'un poisson dont Aétius & Pline ont parlé. L'un nous apprend que sa chair est difficile à digérer ; l'autre qu'il croît si promptement, qu'on y remarque des différences d'un jour à l'autre. Voyez Tetrab. I. serm. 2. & Histor. nat. lib. IX. cap. xiij.


AMIABLEadj. en terme de Commerce : on appelle amiable compositeur, celui qui fait l'office d'ami pour accommoder deux négocians qui ont des contestations ou des procès ensemble. Il differe de l'arbitre, en ce que pour concilier & rapprocher les esprits, il retranche souvent quelque chose du droit de chaque partie ; ce que l'arbitre qui remplit la fonction de juge semble n'avoir pas la liberté de faire. Voyez ARBITRE. (G)


AMIABLEMENou à L 'AMIABLE, de concert & avec douceur. Ainsi l'on dit que deux marchands, pour éviter les frais, ont terminé leurs affaires ou leurs contestations à l'amiable. On dit encore, vente à l'amiable. (G)

AMIABLES, (Arith.) on entend par nombres amiables, ceux qui sont réciproquement égaux à la somme totale des parties aliquotes l'un de l'autre : tels sont les nombres 284 & 220 ; car les parties aliquotes du premier sont 1, 2, 4, 71, 142, dont la somme est 220 ; & les parties aliquotes du second sont 1, 2, 4, 5, 10, 11, 20, 22, 44, 55, 110, dont la somme est 284. Voyez NOMBRE. (O)


AMIANTES. m. amiantus, (Hist. nat.) matiere minérale composée de filets déliés, plus ou moins longs, posés longitudinalement les uns contre les autres en maniere de faisceau. Ces filets sont si fins qu'on les a comparés à du lin. Il y a plusieurs sortes d'amiante, qui quoique de même nature, varient par leurs couleurs, par les différentes longueurs de leurs filets, par leur adhérence plus ou moins forte. Il y a de l'amiante jaunâtre ou roussâtre ; on en voit de couleur d'argent ou grisâtre, comme le talc de Venise : il y en a de parfaitement blanc ; ils sont plus ou moins luisans : il y a des filets qui n'ont que quelques lignes de longueur ; on en trouve qui ont six pouces & plus : ceux-ci sont ordinairement les plus blancs & les plus brillans ; ce sont aussi les plus rares ; on les prendroit pour de la soie, si on ne les examinoit pas de près : chaque fil se détache aisément des autres, tandis qu'il y a d'autres amiantes où ils sont collés &, pour ainsi dire, unis les uns aux autres : quelquefois ils tiennent à des matieres d'une autre nature ; il y en a dans des morceaux de crystal de roche : enfin il y a de l'amiante qui paroît n'être pas encore dans son état de perfection ; c'est, pour ainsi dire, une mine ou une pierre d'amiante. La plûpart des auteurs donnent à ce minéral le nom de pierre, lapis amiantus ; mais au moins ce n'est pas une pierre calcinable, puisqu'on a crû qu'elle étoit incombustible. La vérité est que l'amiante résiste à l'action ordinaire du feu : mais si on l'expose à un feu plus violent, on vient à bout de le vitrifier, c'est donc une matiere vitrifiable. Il n'y a rien de merveilleux dans cette propriété ; si elle eût été seule dans l'amiante, on ne l'auroit pas tant vantée : mais elle est jointe à une autre propriété beaucoup plus singuliere ; c'est que les filets de l'amiante sont si flexibles, & qu'ils peuvent devenir si souples, qu'il est possible d'en faire un tissu presque semblable à ceux que l'on fait avec les fils de chanvre, de lin, ou de soie. On file l'amiante, on en fait une toile, & cette toile ne brûle pas lorsqu'on la jette au feu : voilà ce qui a toûjours paru étonnant ; & il y a encore bien des gens qui ont peine à le croire aujourd'hui. En effet, il est assez singulier d'avoir une toile que l'on blanchisse dans le feu ; c'est cependant ce que l'on fait pour la toile d'amiante. Lorsqu'elle est sale & crasseuse, on la met dans le feu ; & lorsqu'elle en sort, elle est pure & nette, parce que le feu ordinaire est assez actif pour consumer toutes les matieres étrangeres dont elle étoit chargée : mais fût-il assez violent pour calciner les pierres, il n'auroit pas encore la force de vitrifier l'amiante ; cependant chaque fois qu'on la met au feu, & qu'on l'y tient pendant quelque tems, elle perd un peu de son poids.

On a donné à la matiere dont il s'agit ici différens noms, qui ont rapport à ses propriétés. On l'a nommée amiante, asbeste, salamandre ; parce qu'elle résiste au feu ordinaire, & parce qu'elle se file comme du lin ou de la laine, on lui en a donné les noms, en ajoûtant une épithete, pour faire entendre que ce lin ou cette laine ne se consument point au feu. Voilà d'où viennent les noms de lin incombustible, linum asbestinum, linum vivum, plume ou laine de salamandre, parce qu'on a crû que la salamandre étoit à l'épreuve du feu. L'amiante a eu d'autres noms, tirés de sa couleur & de sa forme : on l'a connu sous le nom de bostrichites, de corsoides, de polia, parce qu'il ressemble à des cheveux, & même à des cheveux gris. Enfin on a ajoûté à tous ces noms ceux des pays où il se trouvoit, linum Carpasium, Carbasum, Caristium, Cyprium, Indum, &c. M. de Tournefort a fait mention de l'amiante de Caristo, dans l'île de Négrepont, & il dit que c'est de toutes les especes d'amiante la plus méprisable. Rel. d'un voyage du Levant, tome I. pag. 165. Il y a de l'amiante dans bien d'autres lieux ; par exemple, en Siberie, à Eisfield dans la Thuringe, dans les mines de l'ancienne Baviere, à Namur dans les Pays-bas, dans l'île d'Anglesey, annexe de la principauté de Galles ; à Alberdeen en Ecosse, à Montauban en France, dans la vallée de Campan aux Pyrénées, en Italie à Pouzzole, dans l'île de Corse, à Smyrne, en Tartarie, en Egypte, &c.

L'amiante est bon pour faire des meches dans les lampes ; il devoit même paroître bien plus propre à cet usage que les filets d'argent dont on fait des meches dans les réchauds à l'esprit-de-vin : ces meches métalliques ôtent toute apparence de merveilleux à celles d'amiante ; celles-ci sont préférables aux meches ordinaires, parce qu'il ne leur arrive aucun changement qui puisse offusquer la lumiere. On n'a pas de peine à croire que ceux qui ont fait des recherches sur les lampes perpétuelles, n'ont pas manqué d'y faire entrer l'amiante pour beaucoup. C'étoit déjà quelque chose que d'avoir la meche : mais on ne s'en est pas tenu-là ; on a prétendu que l'amiante devoit aussi fournir l'huile, & que si on trouvoit moyen d'extraire cette huile, elle ne se consommeroit pas plus que l'amiante. Quelle absurdité ! Une matiere peut-elle jetter de la flamme, sans perdre de sa substance ? Les anciens savoient faire des toiles d'amiante : quoique Pline ait été mal instruit sur l'origine & la nature de l'amiante, qu'il prenoit pour une matiere végétale, il ne peut pas nous jetter dans l'erreur par rapport à l'usage que l'on faisoit de l'amiante de son tems : il dit, Hist. nat. lib. XIX. cap. j. avoir vû dans des festins des nappes de lin vif, c'est-à-dire d'amiante, que l'on jettoit au feu pour les nettoyer lorsqu'elles étoient sales, & que l'on brûloit dans ces toiles les corps des rois, pour empêcher que leurs cendres ne fussent mêlées avec celles du bûcher. Ces toiles devoient être fort cheres, puisque Pline ajoûte que ce lin valoit autant que les plus belles perles : il dit aussi qu'il étoit roux, & qu'on ne le travailloit que très-difficilement, parce qu'il étoit fort court. Cela prouve que l'amiante que l'on connoissoit du tems de Pline, & qui venoit des Indes, étoit d'une très-mauvaise qualité. Cependant on avoit bien certainement le secret d'en faire des toiles. Cet art a été ensuite presqu'entierement ignoré pendant long-tems, & encore à présent on ne le connoît qu'imparfaitement. M. Ciampini a fait un traité sur la maniere de filer l'amiante ; selon cet auteur, il faut commencer par le faire tremper dans l'eau chaude pendant quelque tems, ensuite on le divise, on le frotte avec les mains, & on l'agite dans l'eau pour le bien nettoyer, & pour en séparer la partie la plus grossiere & la moins flexible, & les brins les plus courts. Après cette premiere opération, on le fait tremper de nouveau dans l'eau chaude, jusqu'à ce qu'il soit bien imbibé & qu'il paroisse ramolli ; alors on le divise & on le presse entre les doigts pour en séparer toute matiere étrangere. Après avoir répété ces lotions cinq ou six fois, on rassemble tous les fils qui sont épars, & on les fait secher. L'amiante étant ainsi préparé, on prend deux petites cardes plus fines que celles avec lesquelles on carde la laine des chapeaux, on met entre deux de l'amiante, & on tire peu-à-peu avec les cardes quelques filamens ; mais ces fils sont trop courts pour être filés sans y ajoûter une filasse d'une autre nature, qui contienne les fils d'amiante, qui les réunisse, & qui les lie ensemble. On prend du coton ou de la laine, & à mesure que l'on fait ce fil mêlé d'amiante & de laine ou de coton, on doit avoir attention qu'il y entre toûjours plus d'amiante que d'autre matiere, afin que le fil puisse se soûtenir avec l'amiante seul ; car dès qu'on en a fait de la toile ou d'autres ouvrages, on les jette au feu pour faire brûler la laine ou le coton. D'autres auteurs disent qu'on fait tremper l'amiante dans de l'huile pour la rendre plus flexible : quoi qu'il en soit, celle dont les filets sont les plus longs, est la plus facile à employer ; & les ouvrages qu'on en fait sont d'autant plus beaux, que l'amiante est plus blanche. On peut faire aussi une sorte de papier avec les brins d'amiante les plus fins, qui restent ordinairement après qu'on a employé les autres. Voyez le quatrieme volume des Récréations mathématiques & physiques.

On confond souvent l'alun de plume avec l'amiante ; & si cet alun étoit plus commun, on le prendroit pour l'amiante, parce que ces deux matieres se ressemblent beaucoup. Il est cependant fort aisé de les distinguer ; l'alun de plume est fort piquant au goût, & l'amiante est insipide. V. ALUN DE PLUME. (I)

AMIANTE, (Medecine.) L'amiante entre dans les médicamens qui servent à enlever les poils. Myrepse l'employe dans la composition de son onguent de citron pour les taches de la peau : il passe pour être très-efficace contre toutes sortes de sortiléges, sur-tout contre ceux des femmes, selon Pline & Schroder. On prétend aussi que l'amiante résiste au poison, & qu'il guérit la gale. (N)


AMICLES. m. (Hist. anc.) amiculum ou palla ; c'est l'habit extérieur dont les femmes se couvroient. Il paroît par plusieurs antiques qu'elles le faisoient quelquefois monter comme un voile jusque par-dessus la tête, & que les plus modestes s'en enveloppoient les bras jusqu'aux poignets. Le peplum étoit aussi une sorte d'habit extérieur, dont l'usage fut très-commun chez les Grecs & chez les Romains : mais il seroit difficile de distinguer ces vêtemens les uns des autres ; les marbres n'aident presque point à faire ces distinctions, & les auteurs qui ont eu occasion de les nommer, ne pensoient guere à en marquer la différence.


AMICTS. m. (Hist. mod.) du latin amictus, venant du verbe amicire, vêtir, couvrir ; c'est un des six ornemens que porte le prêtre à l'autel : il consiste en une piece quarrée de toile blanche, à deux coins de laquelle sont attachés deux rubans ou cordons : on le passe à l'entour du cou, disent les anciens rituels, ne inde ad linguam transeat mendacium ; & on en fait ensuite revenir les bouts sur la poitrine & sur le coeur ; enfin on l'arrête en noüant les rubans derriere le dos. Dans presque toutes les églises les prêtres séculiers le portent sous l'aube ; dans d'autres, & en particulier dans celle de Paris, cette coûtume n'a lieu qu'en été. Pendant l'hyver l'amict sert à couvrir la tête, & forme une espece de capuce ou de camail, qu'ils laissent tomber sur les épaules depuis la préface jusqu'après la communion. Les réguliers en couvrent en tout tems leur capuchon. La rubrique porte qu'on ne doit point mettre d'aube sans amict. Voyez AUBE. (G)


AMIDville de Turquie dans la Natolie. Long. 54. 20. lat. 40 30.


AMIDAS. m. (Hist. mod.) faux dieu adoré par les Japonois. Il a plusieurs temples dans l'empire du Japon, dont le principal est à Jedo. Sa statue composée d'un corps d'homme avec une tête de chien, comme l'anubis des anciens, est montée sur un cheval à sept têtes. Proche de la ville de Meaco, on voit un autre temple dédié à cette idole, qui y est représentée sous la figure d'un jeune homme qui porte sur sa tête une couronne environnée de rayons d'or. Il est accompagné de mille autres idoles qui sont rangées aux deux côtés de ce temple. Les Japonois ont une si grande confiance dans leur idole Amida, qu'ils se persuadent de joüir d'un bonheur éternel, pourvû qu'ils puissent souvent invoquer ou prononcer son nom. Ils croyent même qu'il suffit, pour se sauver, de repéter fréquemment les paroles suivantes : Nami, Amida, buth, c'est-à-dire, heureux Amida, sauvez-nous. On garde une des figures de cette idole à Rome dans le cabinet de Kirker, comme on le peut voir dans le Mus. Coll. Rom. Soc. Jesu, Amst. 1678. (G)


AMIDou AMNÉE, ancienne ville de Mésopotamie sur le Tigre ; elle s'est aussi appellée Constantie, de l'empereur Constantius qui l'embellit.


AMIDONvoyez AMYDON.


AMIÉNOISpetit pays de France dans la Picardie, qui a pour capitale Amiens, & qui est traversé par la Somme.


AMIENSville de France, capitale de Picardie sur la Somme. Long. 20d. 2'. 4". lat. 49d. 33'. 38".


AMIESTIESS. f. nom qu'on donne à des toiles de coton qui viennent des Indes.


AMILou AMULUS, fleuve de Mauritanie dont il est parlé dans Pline.


AMIMETOBIES. f. (Hist. anc.) nom que Marc-Antoine & Cléopatre donnerent à la société de plaisirs qu'ils lierent ensemble à Alexandrin. Ce mot est composé du Grec ἀμίμητος, inimitable, & de βίος, vie, c’est-à-dire vie inimitable. Ce que Plutarque en raconte dans la vie d'Antoine, prouve qu'elle étoit assez bien nommée pour les dépenses effroyables qu'elle entraînoit, & qu'il n'étoit pas possible d'imiter. (G)


AMINÉE(Med.) Le vin d'Aminée étoit ou celui de Falerne, ou le produit d'une espece particuliere de raisin qu'on avoit transplantée en Italie. Galien parle du vin d'Aminée qui se faisoit dans le royaume de Naples, dans la Sicile & dans la Toscane. Selon Columelle, le vin aminéen étoit le plus ancien & le premier dont les Romains eussent fait usage, & le produit de vignes transplantées du pays des Aminéens dans la Thessalie.

Ce vin étoit austere, rude & acide lorsqu'il étoit nouveau : mais il s'amollissoit en vieillissant, & acquéroit une force & une vigueur qui étoit beaucoup augmentée par la quantité d'esprits qu'il contenoit : ce qui le rendoit propre à fortifier l'estomac. (N)


AMINELpetite ville d'Afrique en Barbarie ; elle est située dans la partie orientale du royaume de Tripoli.


AMIRALS. m. (Marine.) Ce mot vient des Grecs qui nommerent Ἀμηράλιος celui qui commandoit aux armées navales ; ils l’avoient formé du mot Arabe Amir, qui signifioit un Seigneur, un Commandant.

Anciennement on a donné ce nom à ceux qui commandoient sur terre, comme à ceux qui commandoient sur mer. Les Sarrasins ont été les premiers qui ayent appellé amiraux les capitaines & généraux de leurs flottes ; après les Sarrasins, les Siciliens & les Génois accorderent ce titre à celui qui commandoit leurs armées navales. Aujourd'hui l'amiral est le chef & le commandant des armées navales & des flottes. Il est à la tête & le premier officier de toute la marine du royaume. Autrefois il y avoit deux amiraux, l'un du Ponant, & l'autre du Levant : aujourd'hui ce sont deux vice-amiraux créés en 1669.

L'amiral d'Aragon, d'Angleterre, de Hollande & de Zélande ne le sont que par commission : ces officiers sont inférieurs à l'amiral général des Etats Généraux.

En Espagne on dit l'amirante, mais l'amiral n'est que le second officier qui a un général d'armée audessus de lui.

L'amiral en France porte pour marque extérieure de sa dignité, deux ancres d'or passées en sautoir derriere son écu. Entre les droits attribués à l'amiral, il a celui du dixieme de toutes les prises qui se font sur mer & sur les greves, des rançons, & des représailles : il a aussi le tiers de ce qu'on tire de la mer ou qu'elle rejette ; le droit d'ancrage, tonnes & balises.

Il a la nomination de tous les officiers des siéges généraux & particuliers de l'amirauté, & la justice s'y rend en son nom. C'est de lui que les capitaines & maîtres des vaisseaux équipés en marchandises, doivent prendre leurs congés, passeports, commissions & sauf-conduits.

L'amiral n'a point de séance au parlement, suivant l'arrêt rendu à la réception de l'amiral de Chatillon en 1551. Les anciens amiraux n'avoient point de jurisdiction contentieuse ; elle appartenoit à leurs lieutenans ou officiers de robe longue. Mais en 1626 le cardinal de Richelieu, en se faisant donner le titre de grand maître & surintendant du commerce & de la navigation, au lieu de la charge d'amiral qui fut alors supprimée, se fit attribuer l'autorité de décider & de juger souverainement de toutes les questions de marine, même des prises & du bris des vaisseaux.

En 1669 la charge de surintendant général de la navigation & du commerce fut supprimée, & celle d'amiral fut rétablie la même année en faveur du comte de Vermandois, avec le titre d'officier de la couronne.

Le pouvoir de l'amiral étoit autrefois extrèmement étendu ; on peut voir au titre I. de l'ordonnance de la Marine de 1681, jusqu'où le Roi a borné ce pouvoir. Le Roi s'est réservé le droit de nommer les vice-amiraux, lieutenans généraux, chefs d'escadre, capitaines, lieutenans, enseignes & pilotes de ses vaisseaux, frégates, brûlots, &c.

Il y a eu anciennement des amiraux pour diverses provinces maritimes du royaume. La Normandie, la Bretagne, la Guienne, le Languedoc & la Provence du tems de leurs ducs ou comtes, avoient leurs amirautés particulieres, dont quelques-unes ont subsisté après la réunion de ces provinces à la couronne ; & même en 1626 le duc de Guise se prétendoit encore amiral de Provence. En Bretagne la qualité d'amiral est jointe à celle de gouverneur de cette province : c'est pourquoi en 1695 le Roi donna le gouvernement de Bretagne au comte de Toulouse, afin que l'amirauté de Bretagne fût réunie à la charge d'amiral général de France.

On trouve une liste des amiraux de France donnée par le P. Fournier ; il nomme pour le premier Pierre Lemegue, sous Charles IV. l'an 1327, & il finit sa liste à Henri de Montmorency, qui fit sa démission de l'amirauté entre les mains du roi à Nantes, l'an 1626. Jean le Feron a fait un traité des amiraux, & la Popliniere a fait un livre intitulé l'Amiral : on peut y voir des détails sur cette charge.

Mais toutes les choses qui regardent le pouvoir, les fonctions & les droits de l'amiral, se trouvent dans le réglement du 12 Novembre 1669, & dans l'ordonnance du mois d'Août 1681, auxquels nous renvoyons. Depuis Florent de Varenne, amiral de France en 1270 au passage d'Outremer sous le roi saint Louis, on compte cinquante-cinq amiraux jusqu'à Louis-Jean-Marie de Bourbon, duc de Penthievre, qui remplit aujourd'hui cette charge. (Z)

AMIRAL d'une compagnie de vaisseaux marchands allans de conserve ; c'est celui d'entr'eux qu'ils choisissent comme le plus fort & le plus en état de les défendre, sous la conduite & les ordres duquel ils se mettent pour ce voyage. Voyez CONSERVE. (Z)

AMIRAL, vaisseau amiral ; c'est celui qui est monté par l'amiral. Il porte le pavillon quarré au grand mât, & quatre fanaux en poupe, soit dans un port ou en mer. V. dans les Pl. de Mar. celle des pav. Il est d'usage que le navire qui est monté par l'amiral, surpasse les autres par sa beauté, sa grandeur & sa force.

On appelle aussi amiral le principal vaisseau d'une flotte, quelque petite qu'elle soit.

Lorsque deux vaisseaux de même banniere, c'est-à-dire commandés par des officiers de même grade, se rencontrent dans un même port, le premier arrivé a les prérogatives & la qualité d'amiral ; & celui qui arrive après, quoique plus grand & plus fort, n'est que vice-amiral.

Cet ordre s'observe parmi les Terreneuviers, c'est-à-dire les bâtimens qui vont à la pêche sur le banc de Terreneuve, dont le premier arrivé prend la qualité d'amiral, & la retient pendant tout le tems de la pêche. Il porte le pavillon au grand mât, donne les ordres, assigne les places pour pêcher à ceux qui sont arrivés après lui, & regle leurs contestations. (Z)

* AMIRAL-tromp, amiral-frise, amiral d'Angleterre, amiral-chrétien, castillian, trivermant, valier, resnet, &c. ce sont des noms que les Fleuristes ont donnés à différentes sortes d'oeillets, selon les diverses couleurs de leurs feuilles. Voyez dans le Dictionnaire de Trevoux les différentes significations qu'il y faut attacher, & qu'il est assez inutile de rapporter ici.


AMIRANTE(ISLES DE L ') îles d'Afrique entre la ligne & l'île de Madagascar.

AMIRANTE, s. m. (Marine.) se dit quelquefois de la charge d'amiral. La charge de grand, haut ou premier amiral (car différentes nations lui donnent différentes épithetes) est toûjours très-considérable, & une des premieres charges de l'état dans tous les royaumes & souverainetés bordées de la mer, & n'est possédée communément que par des princes & des personnes du premier rang. On a vû, par exemple, en Angleterre Jacques duc d'Yorck, frere unique du roi Charles II. revêtu de cette charge pendant la guerre contre les Hollandois, & son titre étoit le lord haut-amiral d'Angleterre, avec de très-grandes prérogatives & priviléges. On a vû aussi dans le même royaume cette importante charge partagée entre plusieurs commissaires, que l'on appelle dans ce cas les lords-commissaires de l'amirauté. Actuellement (1751) elle se trouve ainsi partagée, n'y ayant point de haut-amiral de ce royaume. Voyez AMIRAL & AMIRAUTE. (Z)


AMIRAUTÉ(Jurisprud.) est une jurisdiction qui connoît des contestations en matiere de marine & de commerce de mer. Il y a en France des siéges particuliers d'amirauté dans tous les ports ou havres du royaume, dont les appellations se relevent aux siéges généraux, lesquels sont au nombre de trois en tout, dont un à la table de marbre de Paris, un autre à celle de Roüen, & l'autre à Rennes : les appels de ceux-ci se relevent aux parlemens dans le ressort desquels ils sont situés.

Ce tribunal connoît de tous les délits & différends qui arrivent sur les mers qui baignent les côtes de France, de toutes les actions procédantes du commerce qui se fait par mer, de l'exécution des sociétés pour raison dudit commerce & des armemens, des affaires de compagnies érigées pour l'augmentation du commerce ; en premiere instance, des contestations qui naissent dans les lieux du ressort du parlement de Paris, où il n'y a point de siéges particuliers d'amirauté établis ; & par appel, des sentences des juges particuliers établis dans les villes & lieux maritimes.

Il est composé de l'amiral de France, qui en est le chef ; d'un lieutenant général, d'un lieutenant particulier, d'un lieutenant criminel, de cinq conseillers, d'un procureur du roi, de trois substituts, d'un greffier, & de plusieurs huissiers.

L'AMIRAUTE des Provinces-Unies a un pouvoir plus étendu : outre la connoissance des contestations en matiere de marine & de commerce de mer, elle est chargée du recouvrement des droits que doivent les marchandises qu'on embarque & débarque dans les ports de la république, & de faire construire & équiper les vaisseaux nécessaires pour le service des Etats-Généraux. Elle est divisée en cinq colléges, & juge en dernier ressort des matieres qui sont de sa connoissance.

L'AMIRAUTE d'Angleterre ne differe pas beaucoup de celle de France. Il est à remarquer seulement que dans tous les siéges d'amirauté, tant les particuliers que le général & souverain qui réside à Londres, toutes les procédures se font au nom de l'amiral, & non pas au nom du roi. Il faut encore remarquer cette différence, que l'amirauté d'Angleterre a deux sortes de procédures ; l'une particuliere à cette jurisdiction, & c'est de celle-là qu'elle se sert dans la connoissance des cas arrivés en plaine mer ; l'autre conforme à celle usitée dans les autres cours ; & c'est de celle-ci qu'elle se sert pour les cas de son ressort qui ne sont point arrivés en plaine mer, comme les contestations survenues dans les ports ou havres, ou à la vûe des côtes.

L'AMIRAUTE d'Angleterre comprend aussi une cour particuliere, appellée cour d'équité, établie pour régler les differends entre marchands. (H-Z)


AMITERNO(Hist. & Géog.) ancienne ville d'Italie, dans le pays des Sabins : c'est la patrie de l'historien Salluste. Amiterne a été détruite, & les ouvrages de Salluste dureront à jamais. On voit encore dans l'Abruzze des ruines de cette ville. On lit dans Strabon, liv. V. qu'elle étoit située sur le penchant d'une montagne, & qu'il en restoit de son tems un théatre, quelques débris d'un temple, avec une grosse tour.


AMITIÉS. f. (Morale.) L'amitié n'est autre chose que l'habitude d'entretenir avec quelqu'un un commerce honnête & agréable. L'amitié ne seroit-elle que cela ? L'amitié, dira-t-on, ne s'en tient pas à ce point ; elle va au-delà de ces bornes étroites. Mais ceux qui font cette observation, ne considerent pas que deux personnes n'entretiendront point une liaison qui n'ait rien de vicieux, & qui leur procure un plaisir réciproque, sans être amies. Le commerce que nous pouvons avoir avec les hommes, regarde ou l'esprit ou le coeur ; le pur commerce de l'esprit s'appelle simplement connoissance ; le commerce où le coeur s'intéresse par l'agrément qu'il en tire, est amitié. Je ne vois point de notion plus exacte & plus propre à développer tout ce qu'est en soi l'amitié, & même toutes ses propriétés.

Elle est par-là distinguée de la charité, qui est une disposition à faire du bien à tous. L'amitié n'est dûe qu'à ceux avec qui l'on est actuellement en commerce ; le genre humain pris en général, est trop étendu pour qu'il soit en état d'avoir commerce avec chacun de nous, ou que chacun de nous l'ait avec lui. L'amitié suppose la charité, au moins la charité naturelle ; mais elle ajoûte une habitude de liaison particuliere, qui fait entre deux personnes un agrément de commerce mutuel.

C'est l'insuffisance de notre être qui fait naître l'amitié, & c'est l'insuffisance de l'amitié même qui la détruit. Est-on seul, on sent sa misere ; on sent qu'on a besoin d'appui ; on cherche un fauteur de ses goûts, un compagnon de ses plaisirs & de ses peines ; on veut un homme dont on puisse occuper le coeur & la pensée : alors l'amitié paroît être ce qu'il y a de plus doux au monde ? A-t-on ce qu'on a souhaité, on change de sentiment.

Lorsqu'on entrevoit de loin quelque bien, il fixe d'abord les desirs ; lorsqu'on l'atteint, on en sent le néant. Notre ame dont il arrêtoit la vûe dans l'éloignement, ne sauroit plus s'y reposer quand elle voit au-delà : ainsi l'amitié, qui de loin bornoit toutes nos prétentions, cesse de les borner de près ; elle ne remplit pas le vuide qu'elle avoit promis de remplir, elle nous laisse des besoins qui nous distrayent & nous portent vers d'autres biens : alors on se néglige, on devient difficile : on exige bientôt comme un tribut, les complaisances qu'on avoit d'abord reçûes comme un don. C'est le caractere des hommes, de s'approprier peu-à-peu jusqu'aux graces qu'on leur fait ; une longue possession accoûtume naturellement à regarder comme siennes les choses qu'on tient d'autrui : l'habitude persuade qu'on a un droit naturel sur la volonté des amis ; on voudroit s'en former un titre pour les gouverner : lorsque ces prétentions sont réciproques, comme il arrive souvent, l'amour propre s'irrite, crie des deux côtés, & produit de l'aigreur, des froideurs, des explications ameres, & la rupture.

On se trouve aussi quelquefois des défauts qu'on s'étoit cachés, ou l'on tombe dans des passions qui dégoûtent de l'amitié, comme les maladies violentes dégoûtent des plus doux plaisirs. Aussi les hommes extrèmes, capables de donner les plus fortes preuves de dévouement, ne sont pas les plus capables d'une constante amitié ; on ne la trouve nulle part si vive & si solide que dans les esprits timides & sérieux, dont l'ame modérée connoît la vertu. Le sentiment doux & paisible de l'amitié soulage leur coeur, détend leur esprit, l'élargit ; les rend plus confians & plus vifs ; se mêle à leurs amusemens, à leurs affaires & à leurs plaisirs mystérieux : c'est l'ame de toute leur vie.

Les jeunes gens neufs à tout, sont très-sensibles à l'amitié ; mais la vivacité de leurs passions les distrait & les rend volages. La sensibilité & la confiance sont usées dans les vieillards ; mais le besoin les rapproche, & la raison est leur lien. Les uns aiment plus tendrement, les autres plus solidement.

Les devoirs de l'amitié s'étendent plus loin qu'on ne croit : on doit à l'amitié à proportion de son degré & de son caractere ; ce qui fait autant de degrés & de caracteres différens de devoirs. Réflexion importante pour arrêter le sentiment injuste de ceux qui se plaignent d'avoir été abandonnés, mal servis, ou peu considérés par leurs amis. Un ami avec qui l'on n'aura eu d'autre engagement que de simples amusemens de Littérature, trouve étrange qu'on n'expose pas son crédit pour lui : l'amitié n'étoit point d'un caractere qui exigeât cette démarche. Un ami que l'on aura cultivé pour la douceur & l'agrément de son entretien, exige de vous un service qui intéresseroit votre fortune : l'amitié n'étoit point d'un degré à mériter un tel sacrifice.

Un ami, homme de bon conseil, & qui vous en a donné effectivement d'utiles, se formalise que vous ne l'ayez point consulté en une occasion particuliere : il a tort, cette occasion demandoit une confidence qui ne se fait qu'à des amis de famille & de parenté ; ils doivent être les seuls instruits de certaines particularités qu'il ne convient pas toûjours de communiquer à d'autres amis, fussent-ils des plus intimes. La juste mesure de ce que des amis doivent exiger, se diversifie par une infinité de circonstances, & selon la diversité des degrés & des caracteres d'amitié. En général, pour ménager avec soin ce qui doit contribuer à la satisfaction mutuelle des amis, & à la douceur de leur commerce, il faut que l'un dans son besoin attende ou exige toûjours moins que plus de son ami ; & que l'autre, selon ses facultés, donne toûjours à son ami plus que moins.

Par les réflexions que nous venons d'exposer, on éclaircira au sujet de l'amitié une maxime importante ; savoir que l'amitié doit entre les amis trouver de l'égalité, ou l'y mettre : amicitia aut pares invenit, aut facit. Un monarque ne peut-il donc avoir des amis ? faut-il que pour les avoir il les cherche en d'autres monarques, ou qu'il donne à ses autres amis un caractere qui aille de pair avec le pouvoir souverain ? Voici le véritable sens de la maxime reçûe.

C'est que par rapport aux choses qui forment l'amitié, il doit se trouver entre les deux amis une liberté de sentiment & de langage aussi grande que si l'un des deux n'étoit point supérieur, ni l'autre inférieur. L'égalité doit se trouver de part & d'autre dans la douceur du commerce de l'amitié. Cette douceur est de se proposer mutuellement ses pensées, ses goûts, ses doutes, ses difficultés ; mais toûjours dans la sphere du caractere de l'amitié qui est établi.

L'amitié ne met pas plus d'égalité que le rapport du sang ; la parenté entre des parens d'un rang fort différent, ne permet pas certaine familiarité. On sait la réponse d'un prince à un seigneur qui lui montroit la statue équestre d'un héros leur ayeul commun : celui qui est dessous est le vôtre, celui qui est dessus est le mien. C'est que l'air de familiarité ne convenoit pas au respect dû au rang du prince ; & ce sont des attentions dans l'amitié, comme dans la parenté, auxquelles il ne faut pas manquer. (X)

* Les anciens ont divinisé l'amitié ; mais il ne paroît pas qu'elle ait eu, comme les autres divinités, des temples & des autels de pierre, & je n'en suis pas trop fâché. Quoique le tems ne nous ait conservé aucune de ses représentations, Lilio Geraldi prétend dans son ouvrage des dieux du Paganisme, qu'on la sculptoit sous la figure d'une jeune femme, la tête nue, vêtue d'un habit grossier, & la poitrine découverte jusqu'à l'endroit du coeur, où elle portoit la main ; embrassant de l'autre côté un ormeau sec. Cette derniere idée me paroît sublime.

* AMITIE, (Comm.) c'est une espece de moiteur legere & un peu onctueuse, accompagnée de pesanteur, que les marchands de blé reconnoissent au tact dans les grains, mais sur-tout dans le froment, quand il est bien conditionné. Si on ne l'a pas laissé sécher sur le grenier, si on a eu soin de s'en défaire à tems, il est frais & onctueux, & les marchands de blé disent qu'il a de l'amitié ou de la main. Le grain verd est humide & mou ; le bon grain est lourd, ferme, onctueux & doux ; le vieux grain est dur, sec & leger.


AMIUAMune des îles Majottes, dans l'Océan éthiopique, entre les côtes de Zanguebar & l'île de Madagascar.


AMIXOCORESpeuples de l'Amérique dans le Brésil, proche la contrée de Rio-Janeïro.


AMMI(Bot.) genre de plante à fleurs disposées en forme de parasol. Chaque fleur est composée de plusieurs feuilles arrangées en forme de rose, échancrées en coeur, inégales, & tenantes à un calice. Ce calice devient dans la suite un fruit composé de deux petites semences convexes, cannelées d'un côté, & plates de l'autre. Dans les especes de ce genre les feuilles sont oblongues, étroites, & placées par paires le long d'une côte, qui est terminée par une seule feuille. Tournef. Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

AMMI DE CANDIE, (Medec.) ammi parvum foliis foeniculi, C. B. P. On doit choisir la semence d'ammi la plus récente, la mieux nourrie, la plus nette, la plus odorante, d'un goût un peu amer : elle donne de l'huile exaltée, & du sel volatil.

Cette semence est aromatique, incisive, apéritive, hystérique, carminative, céphalique ; elle résiste au venin : c'est une des quatre petites semences chaudes. L'ammi ordinaire & de nos campagnes n'est point aromatique. (N)


AMMITou AMMONITE, s. f. (Hist. nat.) ammites, ammonites, matiere pierreuse composée de grains arrondis, plus ou moins gros. Cette différence de grosseur a fait distinguer l'ammite en petite & en grande. La petite est composée de parties que l'on a comparées pour la forme & pour la grosseur à des oeufs de poisson, à des grains de millet, à des semences de pavots, d'où sont venus les mots cencrites & meconites que l'on trouve dans Pline. Les grains de la grande ammite sont quelquefois gros comme des pois ou comme des orobes, & ils leur ressemblent pour la forme ; c'est pourquoi on a donné à ces ammites les noms de pisolithos & d'orobias. Il y en a dont les parties sont autant & plus grosses que des noix. La couleur des ammites doit varier comme celle de la pierre ; on en voit de grises & de parfaitement blanches. Les grains de celle-ci sont fort ressemblans à des anis, lorsqu'ils sont séparés les uns des autres. On trouve cette pierre assez communément. Agricola de Nat. fossil. lib. V. pag. 264. Aldrovande Musaei metal. lib. IV. pag. 633. Voyez PIERRE. On a rapporté au genre de l'ammite la pierre que l'on appelle besoard minéral. Voyez BESOARD MINERAL. (I)


AMMOCHOSISS. f. (Medecine.) , espece de remede propre à dessécher le corps, qui consiste à l'enterrer dans du sable de mer extrèmement chaud. Voyez BAIN & SABLE. (N)


AMMODYTES. m. ammodytes, (Hist. nat.) serpent ainsi appellé, parce qu'il se glisse sous le sable ; il en a la couleur : sa longueur est d'une coudée, & il ressemble à la vipere ; cependant sa tête est plus grande, & ses machoires plus larges : son dos est parsemé de taches noires ; sa queue est dure ; il semble qu'elle soit parsemée de grains de millet : c'est ce qui a fait donner à ce serpent le nom de cenchrias, ou plûtôt cerchnias. Il a sur le devant de la tête, ou plûtôt sur le bout de la machoire supérieure, une éminence pointue en forme de verrue, que l'on pourroit prendre pour une corne, ce qui lui a fait donner le nom de serpent cornu. Les serpens ammodytes sont en Afrique & en Europe, & sur-tout dans l'Esclavonie, aussi les a-t-on appellés viperes cornues d'Illirie ; on en trouve en Italie, &c. On dit que si on ne remédie à la morsure de ce serpent, on en meurt en trois jours, ou au plus en sept jours, & beaucoup plûtôt, si on a été mordu par la femelle. Aldrovande. Voyez SERPENT. (I)

AMMODYTE, (Medecine.) Lorsque la morsure de l'ammodyte ne cause pas une mort prompte, le sang sort de la plaie ; la partie mordue s'enfle, il survient aussi-tôt un écoulement de sanie, qui est suivi d'une pesanteur de tête & de défaillance. On doit dans un pareil cas recourir d'abord aux remedes ordinaires, aux ventouses, aux scarifications de la partie autour de la plaie, à la ligature & à l'ouverture de la plaie avec le bistouri : les meilleurs remedes sont la menthe prise dans l'hydromel, la thériaque appliquée sur la plaie, les cataplasmes propres à la cure des ulceres malins, &c. Aétius, Tetrab. IV. Serm. 1. (N)


AMMONIAsurnom sous lequel les Eléens sacrifioient à Junon, soit par allusion à Jupiter-Ammon son époux, soit à cause de l'autel qu'elle avoit dans le voisinage du temple de Jupiter-Ammon.


AMMONIACsel AMMONIAC ou ARMONIAC, sal ammoniacus seu armeniacus. (Hist. nat.) Nous ne connoissons le sel ammoniac des anciens que par les descriptions qu'ils en ont laissées : autant que nous pouvons en juger aujourd'hui, il paroît que ce sel étoit assez semblable à notre sel gemme. Les anciens lui ont donné le nom de sel ammoniac, parce qu'on le trouvoit en Libye aux environs du temple de Jupiter-Ammon. Quelques-uns l'ont appellé sel armoniac ou armeniac, peut-être à cause du voisinage de l'Arménie. On ne sait pourquoi tant d'auteurs ont dit que ce sel venoit de l'urine des chameaux, laquelle étant desséchée par l'ardeur du soleil, laissoit un sel sublimé sur les sables brûlans de l'Arabie & des autres lieux arides de l'Afrique & de l'Asie, où il passe beaucoup de chameaux pendant les longs voyages des caravanes : cette opinion est peut-être fondée sur ce que l'on a dit que l'urine des chameaux entre dans la composition du sel ammoniac, que l'on nous apporte aujourd'hui d'Egypte & de Syrie. Mais ce sel n'a de commun que le nom avec le sel ammoniac des anciens.

Nous connoissons aujourd'hui deux sortes de sel ammoniac, le naturel & le factice.

Le sel ammoniac naturel se tire des soufrieres de Pouzzol, dans cette grande fosse dont il est fait mention à l'article de l'ALUN. Voyez ALUN. Il y a des fentes dans quelques endroits, d'où l'on voit sortir de la fumée le jour, & des flammes la nuit. On entasse sur ces fentes des monceaux de pierres ; les évaporations salines qui sont continuellement élevées par les feux soûterrains, passent à-travers ces monceaux, & laissent sur les pierres une suie blanche, qui forme après quelques jours une croûte de sel. On ramasse cette incrustation, & on lui donne le nom de sel ammoniac. Cette suie blanche ou ces fleurs ont vraiment un goût de sel ; elles se fondent dans l'eau, & elles se crystallisent en tubes, qui ne paroissent pas différens de ceux du sel marin. Ce sel paroît approcher beaucoup du sel ammoniac des anciens ; & il paroît qu'on en doit trouver de la même nature dans plusieurs autres endroits, où il se fait des évaporations de sel fossile par les feux soûterrains.

M. d'Herbelot rapporte dans sa Bibliotheque orientale, que dans le petit pays de Boton en Asie, il y a une grotte où l'on voit de la fumée pendant le jour, & des flammes pendant la nuit, & qu'il se condense sur les parois de cette cavité un sel ammoniac, que les habitans du pays appellent nuschader. La vapeur qui forme ce sel est si pénétrante, que les ouvriers qui travaillent dans cette grotte y périssent lorsqu'ils y restent un peu trop long-tems.

Nous avons deux sortes de sel ammoniac factice ; l'une vient des Indes ; elle est de couleur cendrée & en pains de figure conique, comme nos pains de sucre. Nous tirons l'autre d'Egypte & de Syrie, par la voie de Marseille ; elle est en forme de pains ronds & plats, d'un palme ou deux de diametre, & de trois ou quatre doigts d'épaisseur, concaves sur l'une des faces, & convexes sur l'autre, avec une petite cavité au centre de cette face. Ces pains sont raboteux & de couleur cendrée au-dehors, & blanchâtres, transparens, & cannelés au-dedans. Leur goût est salé, acre & piquant. Cette seconde sorte de sel ammoniac est beaucoup plus commune que la premiere, qui commence à être fort rare en ce pays-ci.

Il y a eu plusieurs opinions sur la formation & sur la composition du sel ammoniac factice. Les uns disoient qu'il venoit des urines que les chameaux répandent sur les sables de la Libye, & que c'étoit le sel fixe de ces urines que la chaleur des sables faisoit sublimer ; mais cela n'est rapporté par aucun auteur digne de foi. Cette opinion paroît aussi fausse, par rapport à notre sel ammoniac, que par rapport à celui des anciens, comme on l'a déjà dit. D'autres croyoient que pour faire le sel ammoniac, on ramassoit l'urine des chameaux ou des autres bêtes de charge, qu'on la faisoit évaporer ; & qu'après plusieurs lotions, on modeloit le résidu en forme de pains. Enfin d'autres prétendoient que ce sel étoit composé de cinq parties d'urine d'homme, d'une partie de sel marin, & d'une demie-partie de suie ; que l'on faisoit évaporer toute l'humidité de ce mêlange, & sublimer le résidu ; qu'ensuite on dissolvoit la matiere que donnoit la sublimation, & que l'on faisoit évaporer la dissolution pour tirer le sel ammoniac. Malgré tout cela, nous ne saurions pas encore la vraie préparation de ce sel, sans le Pere Sicard Jésuite, missionnaire en Egypte, qui a rapporté le procédé que l'on suit pour cette préparation. Voici en peu de mots ce qu'il en dit, dans les nouveaux mémoires des Missionnaires de la Compagnie de Jesus, dans le Levant. Tome II.

" On fait du sel ammoniac dans plusieurs lieux d'Egypte, comme Damaier & Mehallée ; mais sur-tout à Damaier, qui est un village dans la partie de l'Egypte appellée Delta, aux environs de la ville de Mansoura. On met une certaine suie dans de grandes bouteilles de verre d'un pié & demi de diametre avec un peu de sel marin dissous dans de l'urine de chameaux ou d'autres bêtes de somme. On remplit les bouteilles jusqu'à la moitié ou aux trois quarts, & on les range au nombre de vingt ou trente sur un fourneau bâti exprès pour cet usage ; on entoure les bouteilles avec de la terre-glaise, de façon que leur col ne passe que d'un demi-pié au-dessus de la terre ; alors on met le feu au fourneau, on l'augmente par degré ; & lorsqu'il est poussé à un certain point, on l'entretient pendant trois jours & trois nuits. Pendant ce tems, il se sublime une matiere qui s'attache au col des bouteilles, & il reste au fond une masse noire ; la matiere sublimée est le sel ammoniac. Il faut pour la préparation de ce sel une suie qui ait été produite par les excrémens des animaux, sur-tout des chameaux ". Cette suie est fort commune en Egypte ; car le bois y étant fort rare, on brûle les excrémens des animaux mêlés avec la paille ; on en fait de petites masses semblables à celles que les Tanneurs font avec le tan, & qu'ils appellent mottes à brûler : en Egypte on donne le nom de gelées à celles qui sont faites avec la fiente des animaux. Geoffroy, Mat. med. tom. I. Voyez SEL. (I)

LE SEL AMMONIAC, si l'on en croit l'illustre Boerhaave, garantit toutes les substances animales de la corruption, & pénetre les parties les plus intimes des corps ; il est apéritif, atténuant, résolutif, diaphorétique, sudorifique, antiseptique, & diurétique, propre à irriter les nerfs & à provoquer l'éternument ; il n'agit point sur le corps humain par une qualité acide ou alkaline, mais par une autre beaucoup plus pénétrante que celle du sel commun ; on l'ordonne à la dose d'un scrupule mêlé avec d'autres substances, dans les fievres intermittentes, dans les obstructions.

On en fait un gargarisme de la façon suivante dans la paralysie de la langue, dans le gonflement des amygdales : prenez de l'eau de fleurs de sureau, six onces ; de l'esprit de cochléaria, une once ; du sel ammoniac, un gros : mêlez-les ensemble, & faites-en un gargarisme.

Le sel ammoniac, dissous avec la chaux dans un vaisseau de cuivre, donne une eau ophthalmique qui est de couleur bleue.

Le sel volatil & l'esprit volatil urineux du sel ammoniac s'ordonnent à la dose de douze grains pour le sel volatil, & de douze gouttes pour l'esprit & sel aromatique huileux. Toutes ces préparations sont bonnes pour réveiller & irriter dans les affections soporeuses, dans l'affection hystérique.

On employe l'esprit de sel ammoniac pour frotter les parties affligées de rhûmatisme. Il ne faut point ordonner les esprits volatils seuls ; car ils irritent & brûlent les membranes de l'oesophage & des intestins, comme des caustiques.

Les sleurs martiales de sel ammoniac sont un excellent apéritif ; elles s'ordonnent jusqu'à la dose d'un scrupule. Ces fleurs mises dans l'eau-de-vie, donnent la teinture de Mars de Mynsicht.

Le sel fébrifuge de Sylvius est le résidu ou le caput mortuum de la distillation du sel ammoniac avec le sel de tartre. Ce sel crystallisé se donne à un gros, & davantage, dans les fievres intermittentes & autres maladies. (N)

* AMMONIAQUE (GOMME) ; c'est un suc concret qui tient le milieu entre la gomme & la résine. Il s'amollit quand on le manie, & devient gluant dans les mains. Il est tantôt en gros morceaux formés de petits grumeaux, rempli de taches blanches ou roussâtres, parsemé dans la substance d'une couleur sale & presque brune ; de sorte qu'on peut fort bien le comparer au mêlange de couleurs que l'on voit dans le benjoin amygdaloïde : tantôt cette gomme est en larmes ou en petits grumeaux compacts & solides, semblables à de l'encens, jaunâtres & bruns en-dehors, blancs ou jaunâtres en-dedans, luisans & brillans. Sa saveur est douce d'abord, ensuite un peu amere : son odeur est pénétrante, & approche de celle du galbanum, mais elle est plus puante ; elle s'étend facilement sous les dents sans se briser, & elle y devient plus blanche : jettée sur des charbons ardens, elle s'enflamme, & elle se dissout dans le vinaigre ou dans l'eau chaude. On nous l'apporte d'Alexandrie en Egypte.

Pour l'usage on préfere le suc en larmes aux gros morceaux ; il faut choisir celles qui sont grandes, pures, seches, qui ne sont point mêlées de sable, de terre ou d'autres choses étrangeres. On les purifie quand elles sont sales, en les faisant dissoudre dans du vinaigre ; on les passe ensuite & on les épaissit.

Dioscoride dit que c'est la liqueur d'un arbre du genre de la férule, qui naît dans cette partie de la Libye, qui est près du temple de Jupiter-Ammon. M. Geoffroy dit qu'elle découle comme du lait, ou d'elle-même, ou par l'incision que l'on fait à une plante ombellifere, dont on n'a pas encore la description. Au reste, les graines qu'on trouve dans les morceaux de cette gomme, font bien voir qu'elle est le suc d'une plante ombellifere ; car elles sont foliacées, semblables à celles de l'anet, mais plus grandes. L'auteur que nous venons de citer, ajoûte que la plante qui les porte croît dans cette partie de l'Afrique qui est au couchant de l'Egypte, & que l'on appelle aujourd'hui le royaume de Barca.

Cette gomme donne dans l'analyse chimique par la distillation du phlegme limpide, roussâtre, odorant & un peu acide ; du phlegme urineux ; de l'huile limpide, jaunâtre, odorante, & une huile épaisse, roussâtre & brune.

La masse noire restée dans la cornue, calcinée au creuset pendant vingt heures, a laissé des cendres brunes dont on a tiré par lixiviation du sel alkali fixe.

D'où l'on voit que cette gomme est composée de beaucoup de soufre, soit grossier, soit subtil, mêlé avec un sel de tartre, un sel ammoniacal, & un peu de terre.

Elle est apéritive, atténuante, détersive ; elle amollit, digere, résout ; elle excite les regles ; elle fond les duretés & les tumeurs scrophuleuses.

On la donne en substance depuis un scrupule jusqu'à un demi-gros ; elle fait un excellent emménagogue, & pour cet effet on l'employe en pilules & en bols avec les préparations de mars & les fleurs de sel ammoniac.

Les préparations de la gomme ammoniaque sont les pilules, l'emplâtre & le lait.

Emplâtre de gomme ammoniaque : prenez de la gomme ammoniaque plus de six onces ; de la cire jaune, de la résine, de chacune cinq onces ; de l'emplâtre simple de mélilot, de l'onguent d'althéa, de l'huile d'iris, de la terebenthine de Venise, de chacun une once & demie ; de la graisse d'oie, une once ; du sel ammoniac, des racines de bryone, d'iris, de chacune demi-once ; du galbanum, du bdellium, de chacun deux gros : faites cuire le tout jusqu'à consistance de cérat : on doit employer bien de la précaution dans cette composition (voyez EMPLATRE) ; on en fait peu d'usage.

Lait d'ammoniac : prenez de la gomme ammoniaque la plus pure, trois gros ; faites-la dissoudre dans six onces d'eau d'hysope : ce remede est bon dans l'asthme & la respiration gênée.

Pilules de gomme ammoniaque : prenez de la gomme ammoniaque préparée avec le vinaigre de squille, deux onces ; du meilleur aloès, une once & demie ; de la myrrhe, du mastic, du benjoin, de chacun demi-once ; du safran de mars, du sel d'absinthe, de chacun deux gros ; du sirop d'absinthe, une suffisante quantité pour en faire des pilules ; elles sont un grand apéritif : on en peut user à la dose d'un demi-gros par jour le matin & le soir. (N)


AMMONITESpeuples descendus d'Ammon fils de Lot. Ils habitoient avec les Moabites une contrée de la Syrie. Dieu se servit d'eux pour punir les Israëlites, & de Jephté pour les réprimer. Ce Naas qui fit imprudemment couper la moitié de la barbe aux ambassadeurs de David, étoit leur roi. Il y avoit un autre peuple de ce nom, & qu'on appelloit aussi Ammoniens ; il habitoit la Libye, aux environs du temple de Jupiter Ammon.


AMNIOMANTIES. f. sorte de divination ou de présage qu'on tiroit de la coeffe ou membrane qui enveloppe quelquefois la tête d'un enfant à sa naissance.

Pour bien entendre ce terme, il faut savoir que dans le ventre de la mere le fœtus est enveloppé de trois membranes : l’une forte, que les Grecs appelloient χόριον, & les Latins secundinæ ; l’autre plus mince, appellée ἀλλαντόιδες, & la troisieme plus mince encore, qu’on nommoit ἀμνίος : ces deux dernieres sortent quelquefois avec le fœtus, & enveloppent la tête & le visage de l’enfant. On dit que le fils de l’empereur Macrin fut surnommé Diadumene, parce qu’il vint au monde avec cette pellicule, qui formoit autour de sa tête une espece de bandeau ou de diadème. Et dans l’ancienne Rome, les avocats achetoient fort cher ces sortes de membranes qu’ils portoient sur eux, imaginant qu’elle leur portoit bonheur, & leur procuroit gain de cause dans les procès dont ils étoient chargés. Les vieilles, dit Delrio, selon que cette pellicule est vermeille ou livide, présagent la bonne ou mauvaise fortune des enfans. Et il ajoûte que Paul Jove, tout évêque qu’il étoit, n’a pas manqué d’observer dans l’éloge de Ferdinand d’Avalos, marquis de Pescaire, que ce seigneur étoit venu au monde la tête ainsi enveloppée, & par conséquent qu’il devoit être heureux. Ce préjugé subsiste encore parmi le peuple, qui dit d’un homme à qui tout réussit, qu’il est né coeffé. C’est ce que les anciens entendoient par amniomantie, terme composé des deux mots, ἀμνίος, coëffe ou membrane, & μαντεῖα, divination. Delrio, Disquisit. magic. art. lib. IV. quæst. vij. sect. 1. p. 554. (G)


AMNIOou AMNION, en Anatomie, est la membrane qui enveloppe immédiatement le foetus dans la matrice, & qui est la plus intérieure. Ce mot paroît venir du grec ἀμνὸς, agneau, comme qui diroit peau d’agneau. L'amnios est une membrane blanche, molle, mince & transparente, contigue au chorion, dans laquelle on ne voit presque point de vaisseaux, ou bien il n'en paroît qu'un petit nombre. Elle fait partie de l'arriere-faix, & elle est placée sous le chorion. Voyez ARRIERE-FAIX & CHORION.

Elle contient une liqueur claire, semblable à une gelée fine, que l'on croit servir à la nourriture du foetus, parce qu'on en trouve toûjours son estomac rempli. Voyez NUTRITION.

A la partie extérieure de l'amnios est située la membrane allantoïde. Dans quelques sujets cette membrane & le chorion tiennent si étroitement ensemble, qu'ils paroissent n'être qu'une seule membrane. Ses vaisseaux ont la même origine que ceux du chorion. Voyez ALLANTOIDE.

Cette membrane a-t-elle de vraies glandes ? plusieurs ont vû dans la surface interne de l'amnios de la vache, une grande quantité de petits corps blancs, ainsi que dans le cordon, & même des appendices fistuleuses à la même surface interne de l'amnios, qui versoient une liqueur par une infinité de pores. Il faut convenir que dans l'homme on n'a pas encore vû de glandes : on nie que cette membrane ait des vaisseaux sanguins. On pourroit demander d'où vient la liqueur de cette membrane ; la question est difficile à décider. Voyez ce qu'en dit le docteur Haller, Comment. sur Boerhaave. (L)


AMNISIADEou AMNISIDES, s. f. nymphes de la ville d'Amnisies dans l'île de Crete.


AMNISTIEsub. f. sorte de pardon général qu'un prince accorde à ses sujets par un traité ou par un édit ; par lequel il déclare qu'il oublie tout le passé & le tient pour non avenu, & promet n'en faire aucune recherche. Voyez PARDON.

Ce mot est francisé du grec ἀμνιστία, amnistie, qui étoit le nom d’une loi semblable, que Thrasybule avoit faite après l’expulsion des trente tyrans d’Athenes. Andocides, orateur athénien, dont Plutarque a écrit la vie, & dont il y a une édition de 1575, nous donne dans son oraison sur les mysteres, une formule de l'amnistie & des sermens par lesquels elle étoit cimentée.

L'amnistie est ordinairement la voie par où le prince se réconcilie avec son peuple après une révolte ou un soûlevement général. Tel a été, par exemple, l'acte d'oubli que Charles II. roi d'Angleterre, a accordé lors de sa restauration. (H)

L'amnistie est aussi, dans les troupes, un pardon que le souverain accorde aux deserteurs, à condition de rejoindre leurs régimens. (Q)


AMODIATEURS. m. celui qui prend une terre à ferme.


AMODIATIONS. f. bail à ferme d'une terre en grain ou en argent.


AMODIEou ADMODIER, v. act. affermer une terre en grain ou en argent.


AMOGABARES. m. nom d'une ancienne milice espagnole, fort renommée par sa bravoure. Il n'y a plus d'amogabares dans les troupes espagnoles ; ce qui ne signifie pas qu'il n'y a plus de braves gens.


AMOISEVoyez MOISE, terme de Charpenterie.


AMOLville d'Asie au pays des Usbecs, sur le Gihun. Long. 82. lat. 39. 20.


AMOLETTEou AMELOTES, s. f. pl. (Mar.) on appelle ainsi les trous quarrés où l'on passe les barres du cabestan & du virevaux. Les amelotes doivent avoir de largeur la sixieme partie de l'épaisseur du cabestan. (L)


AMOMES. m. amomum racemosum, est un fruit sec, en grappe, membraneux, capsulaire, plein de graines, qui a été connu des anciens Grecs, ainsi qu'il est facile de s'en assûrer par la comparaison qu'on en peut faire avec la description de Dioscoride. V. dans la mat. med. de Geoffroy, les sentimens des Botanistes sur l'amome. La grappe de l'amome est composée de dix ou douze follicules ou grains ; ces grains sont membraneux, fibreux, faciles à rompre, & serrés les uns près des autres, sans pédicule ; ils naissent du même sarment ; ce sarment est ligneux, fibreux, cylindrique, de la longueur d'un pouce ; odorant, acre, garni de feuilles entassées, soit petites & disposées en écailles à la partie où ce sarment ne porte point de follicules, soit de six feuilles plus longues qui environnent chaque follicule, comme si elles en étoient le calice. Trois de ces longues feuilles sont de la longueur d'un demi-pouce ; & les trois autres sont un peu plus courtes : elles sont toutes minces, fibreuses, acres, odorantes, souvent retirées à leur sommet, rarement entieres, desorte qu'à peine s'étendent-elles au-delà des grains de l'amome ; ce qui vient, comme il est croyable, de ce qu'elles se froissent mutuellement, & se brisent à leur extrémité dans le transport. La grosseur & la figure de ces grains d'amome est semblable à celle d'un grain de raisin : ils ont une petite tête, ou plutôt un petit mamelon à leur pointe, & à leur extérieur des filets très-minces, & des nervures comme des lignes dans toute leur longueur : ils ont encore trois petits sillons, & autant de petites côtes qui répondent aux trois rangs de graines qui remplissent l'intérieur des follicules, & qui sont chacun séparés par une cloison membraneuse. Chaque rang contient beaucoup de graines anguleuses, enveloppées d'une membrane mince si étroitement, que ces trois rangs ne forment que trois graines oblongues. La couleur du bois & des grappes est la même : dans les unes elle est pâle, dans d'autres blanche ou roussâtre ; mais dans les follicules blancs, les graines sont ordinairement avortées, au lieu que dans les roussâtres, elles sont plus solides & plus parfaites. Ces graines sont anguleuses, d'un roux foncé, en-dehors, & blanches en-dedans : mais elles sont plus solides que celles du cardamome. Les grappes ont une odeur vive qui approche de celle de la lavande ordinaire, mais plus douce : séparées de leurs follicules, les graines ont une odeur plus forte & plus acre, & qui tient de celle du camphre.

L'amome renferme beaucoup d'huile essentielle aromatique, subtile & volatile, qu'on en tire par la distillation après l'avoir fait macérer dans l'eau.

Il faut choisir le plus récent, le plus gros, assez pesant & rempli de grains bien nourris, de couleur purpurine, odorans, acres au goût ; il en faut séparer la coque blanchâtre, qui n'est bonne à rien, afin d'avoir les grains purs & nets : on nous l'apporte des îles Philippines. Il incise, il digere ; résiste au venin, chasse les vents, fortifie l'estomac ; il donne de l'appétit & de la vigueur, & provoque les mois aux femmes.

L'amomum, ou sium aromaticum, sion officinarum, Tourn. inst. 308. est une semence chaude, seche, atténuante, bonne pour lever les obstructions, chasser le gravier des reins, & exciter l'urine & les regles ; elle passe pour alexipharmaque ; on l'employe quelquefois pour l'amome véritable, celui dont nous avons donné d'abord la description. (N)


AMOMInom que les Hollandois donnent au poivre de la Jamaïque, que nous appellons autrement graine de girofle.


AMOMUM Pliniiou solanum fruticosum, bacciferum (Jardinage.), est un arbrisseau dont le bois est brun, la feuille jaune, d'un verd noir, la fleur blanche, les fruits rouges & ronds comme des cerises. L'amomum garde ses feuilles & ses fruits dans la serre, & ne se dépouille qu'au printems. On en a de l'espece par le moyen de sa graine. (K)


AMONCELERv. n. ou pass. cheval qui amoncelle ou qui s'amoncelle ; cheval qui est bien ensemble, qui est bien sous lui, qui marche sur les hanches sans se traverser. Ce terme n'est presque plus usité dans le Manége. (V)


AMONDEriviere d'Ecosse dans la Lothiane ; elle se jette dans le golfe d'Edimbourg.


AMONou L'AMONE, riviere d'Italie, qui a sa source au pié de l'Apennin, arrose une partie de la Romagne, & se jette dans le Pô près de Ravenne.


AMONTterme dont on se sert sur les Rivieres ; il marque la position d'une partie, ou d'un pont ou d'un bateau, relativement au cours de la riviere ; ainsi on dit : l'avant-bec d'une pile, l'avant-bec d'amont ; & de l'arriere-bec, le bec d'aval. L'amont est opposé au cours de la riviere ; l'aval le regarde & le suit.


AMORAVISnom que nos anciens romanciers donnent aux Sarrasins ou aux Maures d'Afrique. L'étymologie de ce nom ressemble à beaucoup d'autres, qu'on ne lit point sans se rappeller l'épigramme du chevalier d'Aceilly.


AMORBACHville d'Allemagne dans la Franconie, sur la riviere de Muldt.


AMORCEsubst. en terme de Pyrotechnie, ou de Pyrobologie, est de la poudre à tirer qu'on met dans le bassinet des armes à feu, à des fusées, à des petards, &c. On ne met l'amorce qu'après avoir chargé. Quelquefois l'amorce est de la poudre à canon pulvérisée & mise en pâte, comme aux fusées, pétards, serpentaux, & autres pieces d'artifice ; quelquefois aussi comme pour les bombes, carcasses, grenades, &c. on ajoûte sur quatre parties de poudre une de soufre, & autant de salpetre, pilés séparément, & alliés avec de l'huile.

Pour les canons de guerre, on a une verge de fer pointue pour percer la cartouche par la lumiere, & qu'on appelle dégorgeoir. Voyez DEGORGEOIR.

On appelle aussi amorce une corde préparée pour faire tirer tout de suite, ou des boîtes, ou des pétards, ou des fusées. Les meches soufrées qu'on attache aux grenades & à des saucisses, avec lesquelles on met le feu aux mines, se nomment aussi amorce. (M)

AMORCE, se dit aussi d'un appât dont on se sert à la chasse ou à la pêche pour prendre du gibier, des bêtes carnacieres, ou du poisson.


AMORCERv. act. c'est, chez les Charrons, les Menuisiers, les Charpentiers, & autres ouvriers en bois, commencer avec l'amorçoir un trou qu'on finit avec un autre instrument, selon la figure & l'usage qu'on leur destine. Chez les Faiseurs de peignes, c'est faire la premiere coupure des dents par le haut feuillet de l'estadon. Voyez PEIGNE & ESTADON.

AMORCER, chez les Ouvriers en fer, c'est préparer deux morceaux de fer, quarrés ou d'autre forme, à être soudés ensemble de maniere qu'après être soudés ils n'ayent tous deux que l'épaisseur de l'un ou de l'autre ; pour cet effet on les forge en talus, & on les applique l'un sur l'autre ; & pour que la soudure se fasse proprement, & que par conséquent il n'y ait point de crasse ou fraisier sur les surfaces qui doivent être appliquées l'une contre l'autre, le forgeron a attention de tourner ces surfaces toûjours du côté du fond du feu.


AMORÇOIRS. m. outil de Charron. Cet outil est emmanché comme les tarieres & les esserets, & n'en differe que par le bout d'en-bas du fer qui est fort aigu, & qui est demi reployé d'un côté, & demi reployé de l'autre : ces deux demi-plis sont tranchans ; cet outil sert aux Charrons pour commencer à former les trous ou mortoises dans les moyeux & dans les gentes. Voyez la figure 22. Pl. du Charron. Ce sont les Taillandiers qui font les amorçoirs. Voyez aussi Pl. V. du Taillandier.


AMORGOSville de l'Archipel, l'une des Cyclades. Long. 44. 15. lat. 36. 30.


AMORIUMancienne ville de la grande Phrygie, aux confins de la Galatie, dans l'Asie mineure.


AMORRHÉENSS. m. pl. peuples descendus d'Amorrhée, fils de Chanaan ; ils habitoient entre les torrens de Jabok & d'Arnon.


AMORTIRv. act. terme de Boyaudier, c'est faire tremper les boyaux dans le chaudron à mesure qu'ils sont lavés, pour les amollir un peu & les disposer à recevoir la préparation suivante, qui est le dégraissage. Il n'y a point de tems fixe pour faire tremper ces boyaux ; quelquefois il ne faut qu'un jour pour les amortir, & quelquefois davantage ; cela dépend communément de la chaleur & du tems qu'il fait. Voyez CORDES A BOYAU & DEGRAISSAGE.


AMORTISSEMENTS. m. (Jurisprud.) est une aliénation d'immeubles faite au profit de gens de main-morte, comme de couvens, confréries, corps de métiers, ou autres communautés. Voyez MAINMORTE. Ce mot à la lettre signifie la même chose qu'extinction.

AMORTISSEMENT, (Lettres d ') sont des patentes royales contenant permission en faveur d'une communauté d'acquérir un fonds ; ce qu'elle ne pourroit faire sans cela. Cette concession se fait moyennant une somme qui est payée au Roi & au seigneur, pour dédommager l'un & l'autre des profits qui leur reviendroient lors des mutations, lesquels ne peuvent plus avoir lieu lorsque le bien est possédé par une communauté, qui ne meurt pas.

Ce réglement a été fait à l'imitation de la loi Papiria, par laquelle il étoit défendu de consacrer aucun fonds à des usages religieux, sans le consentement du peuple.

Ce fut S. Louis qui imagina cet expédient, sur les plaintes que les ecclésiastiques de son tems porterent au pape contre les seigneurs qui prétendoient les troubler dans leurs acquisitions, en conséquence des lois du royaume qui défendoient aux gens d'église de posséder des fonds. Il leur conserva ceux qu'ils possédoient pour lors : mais pour reprimer leur avidité, il leur imposa pour les acquisitions qu'ils feroient à l'avenir, l'obligation de payer au domaine les droits d'amortissement, & aux seigneurs une indemnité. Voyez INDEMNITE. (H)

AMORTISSEMENT s'entend, en Architecture, de tout ouvrage de sculpture isolé qui termine quelques avant-corps, comme celui du château de Versailles du côté de la cour de Marbre, & celui du palais Bourbon à Paris du côté de l'entrée ; ou bien composé d'architecture & sculpture, comme celui qui couronne l'avant-corps du milieu du manége découvert du château de Chantilly. Ces amortissemens tiennent souvent lieu de fronton dans la décoration extérieure de nos bâtimens : mais il n'en faut pas user trop fréquemment, & craindre sur-tout d'abuser de la licence de les trop tourmenter, dans l'intention, disent la plûpart de nos Sculpteurs, de leur donner un air pittoresque : la sagesse des formes y doit présider ; l'on doit rejetter absolument dans leur composition tous ornemens frivoles, qui ne forment que de petites parties, corrompent les masses ; & qui vûes d'en-bas ou d'une certaine distance, ne laissent appercevoir qu'un tout mal entendu, sans choix, & souvent sans convenance pour le sujet. Il faut observer aussi que ces amortissemens soient en proportion avec l'architecture qui les reçoit, que leur forme générale soit pyramidale avec l'édifice, & éviter les idées capricieuses ; car il semble depuis quelques années qu'on n'ose plus placer d'écussons qu'ils ne soient inclinés ; abus qui fait peu d'honneur à la plûpart des Architectes de nos jours ; par paresse ou par ignorance, ils abandonnent le soin de leur composition à des Sculpteurs peu entendus, qui ne connoissant pas les principes de l'architecture naturelle, croyent avoir imaginé un chef-d'oeuvre quand ils ont entassé des coquilles, des palmettes, des génies, des supports, &c. qui ne forment qu'un tout monstrueux, sans grace, sans art, & souvent sans beauté d'exécution.

Je ne crois pas pouvoir me dispenser de parler de ces abus, ni de recommander aux Sculpteurs d'acquérir les principes de l'Architecture, & aux jeunes Architectes l'art du dessein, comme l'ame du goût ; toutes ces frivolités n'ont pris le dessus que par l'ignorance de l'un & de l'autre. Le Sculpteur se contente de sa main-d'oeuvre ; quelques Architectes, d'un vain titre dont ils abusent. S'ils étoient instruits réciproquement de leur art, l'exécution en auroit plus de succès ; car il ne faut pas douter que c'est dans cette partie principalement qu'il faut réunir la théorie & l'expérience. La Sculpture dans un édifice étant étrangere à la solidité & à la commodité, elle ne peut trouver raisonnablement sa place que dans les édifices sacrés, dans les palais des rois, & dans les maisons des grands ; alors il faut qu'elle soit traitée avec noblesse, avec prudence, & qu'elle paroisse si bien liée à l'Architecture qui la reçoit, que l'une & l'autre concoure à donner un air de dignité aux monumens qu'il s'agit d'ériger. Voyez ce que j'en ai dit, & les exemples que j'en ai donnés dans le II. volume de ma Décoration des édifices, à Paris, chez Jombert.

On peut user de moins de sévérité pour les amortissemens destinés à la décoration des fêtes publiques, comme arcs de triomphe, décorations théatrales, feux d'artifices, &c. dont l'aspect est momentanée, & s'exécute en peinture à fresque sur de la toile ou de la volige, où l'on peut préférer les formes ingénieuses, quoiqu'hasardées, le brillant & l'éclat, à la gravité des formes qu'exige un monument de pierre : aussi ai-je usé de ces licences dans l'arc de triomphe de la porte S. Martin, que je fis exécuter à Paris en 1745, à l'occasion du retour du Roi de l'armée de Flandre, & à la décoration du théatre du collége de Louis le Grand, exécutée en 1748. (P)


AMOUQUES. m. c'est, en Indien, le nom des gouverneurs ou pasteurs de Chrétiens de Saint-Thomé.


AMOURil entre ordinairement beaucoup de sympathie dans l'amour, c'est-à-dire une inclination dont les sens forment le noeud : mais quoiqu'ils en forment le noeud, ils n'en sont pas toûjours l'intérêt principal ; il n'est pas impossible qu'il y ait un amour exempt de grossiereté.

Les mêmes passions sont bien différentes dans les hommes. Le même objet peut leur plaire par des endroits opposés. Je suppose que plusieurs hommes s'attachent à la même femme ; les uns l'aiment pour son esprit, les autres pour sa vertu, les autres pour ses défauts, &c. & il se peut faire encore que tous l'aiment pour des choses qu'elle n'a pas, comme lorsque l'on aime une femme legere que l'on croit solide. N'importe, on s'attache à l'idée qu'on se plaît à s'en figurer ; ce n'est même que cette idée que l'on aime, ce n'est pas la femme legere. Ainsi l'objet des passions n'est pas ce qui les dégrade ou ce qui les annoblit, mais la maniere dont on envisage cet objet. Or j'ai dit qu'il étoit possible que l'on cherchât dans l'amour quelque chose de plus pur que l'intérêt des sens. Voici ce qui me fait le croire. Je vois tous les jours dans le monde qu'un homme environné de femmes auxquelles il n'a jamais parlé, comme à la messe, au sermon, ne se décide pas toûjours pour celle qui est la plus jolie, & qui même lui paroît telle : quelle est la raison de cela ? C'est que chaque beauté exprime un caractere tout particulier, & celui qui entre le plus dans le nôtre, nous le préférons. C'est donc le caractere qui nous détermine ; c'est donc l'ame que nous cherchons : on ne peut me nier cela. Donc tout ce qui s'offre à nos sens ne nous plaît que comme une image de ce qui se cache à leur vûe : donc nous n'aimons les qualités sensibles que comme les organes de notre plaisir, & avec subordination aux qualités insensibles dont elles sont l'expression : donc il est au moins vrai que l'ame est ce qui nous touche le plus. Or ce n'est pas aux sens que l'ame est agréable, mais à l'esprit : ainsi l'intérêt de l'esprit devient l'intérêt principal ; & si celui des sens lui étoit opposé, nous le lui sacrifierions. On n'a donc qu'à nous persuader qu'il lui est vraiment opposé, qu'il est une tache pour l'ame ; voilà l'amour pur.

Cet amour est cependant véritable, & on ne peut le confondre avec l'amitié ; car dans l'amitié c'est l'esprit qui est l'organe du sentiment : ici ce sont les sens. Et comme les idées qui viennent par les sens, sont infiniment plus puissantes que les vûes de la réflexion, ce qu'elles inspirent est passion. L'amitié ne va pas si loin ; c'est pourtant ce que je ne voudrois pas décider ; cela n'appartient qu'à ceux qui ont blanchi sur ces importantes questions.

Il n'y a pas d'amour sans estime, la raison en est claire. L'amour étant une complaisance dans l'objet aimé, & les hommes ne pouvant se défendre de trouver un prix aux choses qui leur plaisent, leur coeur en grossit le mérite ; ce qui fait qu'ils se préferent les uns aux autres, parce que rien ne leur plaît tant qu'eux-mêmes.

Ainsi non-seulement on s'estime avant tout, mais on estime encore toutes les choses qu'on aime, comme la chasse, la musique, les chevaux, &c. Et ceux qui méprisent leurs propres passions, ne le font que par réflexion & par un effort de raison ; car l'instinct les porte au contraire.

Par une suite naturelle du même principe, la haine rabaisse ceux qui en sont l'objet, avec le même soin que l'amour les releve. Il est impossible aux hommes de se persuader que ce qui les blesse n'ait pas quelque grand défaut, c'est un jugement confus que l'esprit porte en lui-même.

Et si la réflexion contrarie cet instinct (car il y a des qualités qu'on est convenu d'estimer, & d'autres de mépriser), alors cette contradiction ne fait qu'irriter la passion ; & plûtôt que de céder aux traits de la vérité, elle en détourne les yeux. Ainsi elle dépouille son objet de ses qualités naturelles, pour lui en donner de conformes à son intérêt dominant ; ensuite elle se livre témérairement & sans scrupule à ses préventions insensées.

AMOUR DU MONDE. Que de choses sont comprises dans l'amour du monde ! Le libertinage, le desir de plaire, l'envie de dominer, &c. L'amour du sensible & du grand ne sont nulle part si mêlés ; je parle d'un grand mesuré à l'esprit & au coeur qu'il touche. Le génie & l'activité portent à la vertu & à la gloire : les petits talens, la paresse, le goût des plaisirs, la gaieté, & la vanité, nous fixent aux petites choses ; mais en tous c'est le même instinct, & l'amour du monde renferme de vives semences de presque toutes les passions.

AMOUR DE LA GLOIRE. La gloire nous donne sur les coeurs une autorité naturelle qui nous touche, sans doute, autant qu'aucune de nos sensations, & nous étourdit plus sur nos miseres qu'une vaine dissipation : elle est donc réelle en tout sens.

Ceux qui parlent de son néant véritable, soûtiendroient peut-être avec peine le mépris ouvert d'un seul homme. Le vuide des grandes passions est rempli par le grand nombre des petites : les contempteurs de la gloire se piquent de bien danser, ou de quelque misere encore plus basse. Ils sont si aveugles, qu'ils ne sentent pas que c'est la gloire qu'ils cherchent si curieusement, & si vains qu'ils osent la mettre dans les choses les plus frivoles. La gloire, disent-ils, n'est ni vertu ni mérite ; ils raisonnent bien en cela : elle n'en est que la récompense. Elle nous excite donc au travail & à la vertu, & nous rend souvent estimables, afin de nous faire estimer.

Tout est très-abject dans les hommes, la vertu, la gloire, la vie : mais les choses les plus petites ont des proportions reconnues. Le chêne est un grand arbre près du cerisier ; ainsi les hommes à l'égard les uns des autres. Quelles sont les inclinations & les vertus de ceux qui méprisent la gloire ! l'ont-ils méritée ?

AMOUR DES SCIENCES ET DES LETTRES. La passion de la gloire & la passion des Sciences se ressemblent dans leur principe ; car elles viennent l'une & l'autre du sentiment de notre vuide & de notre imperfection. Mais l'une voudroit se former comme un nouvel être hors de nous ; & l'autre s'attache à étendre & à cultiver notre fonds : ainsi la passion de la gloire veut nous aggrandir au-dehors, & celle des sciences au-dedans.

On ne peut avoir l'ame grande, ou l'esprit un peu pénétrant, sans quelque passion pour les Lettres. Les Arts sont consacrés à peindre les traits de la belle nature ; les Arts & les Sciences embrassent tout ce qu'il y a dans la pensée de noble ou d'utile ; desorte qu'il ne reste à ceux qui les rejettent, que ce qui est indigne d'être peint ou enseigné. C'est très-faussement qu'ils prétendent s'arrêter à la possession des mêmes choses que les autres s'amusent à considérer. Il n'est pas vrai qu'on possede ce qu'on discerne si mal, ni qu'on estime la réalité des choses, quand on en méprise l'image : l'expérience fait voir qu'ils mentent, & la réflexion le confirme.

La plûpart des hommes honorent les Lettres, comme la religion & la vertu, c'est-à-dire comme une chose qu'ils ne peuvent ni connoître, ni pratiquer, ni aimer. Personne néanmoins n'ignore que les bons livres sont l'essence des meilleurs esprits, le précis de leurs connoissances, & le fruit de leurs longues veilles : l'étude d'une vie entiere s'y peut recueillir dans quelques heures ; c'est un grand secours.

Deux inconvéniens sont à craindre dans cette passion : le mauvais choix & l'excès. Quant au mauvais choix, il est probable que ceux qui s'attachent à des connoissances peu utiles, ne seroient pas propres aux autres : mais l'excès peut se corriger.

Si nous étions sages, nous nous bornerions à un petit nombre de connoissances, afin de les mieux posséder ; nous tâcherions de nous les rendre familieres, & de les réduire en pratique : la plus longue & la plus laborieuse théorie n'éclaire qu'imparfaitement ; un homme qui n'auroit jamais dansé, posséderoit inutilement les regles de la danse : il en est de même des métiers d'esprit.

Je dirai bien plus : rarement l'étude est utile, lorsqu'elle n'est pas accompagnée du commerce du monde. Il ne faut pas séparer ces deux choses ; l'une nous apprend à penser, l'autre à agir ; l'une à parler, l'autre à écrire ; l'une à disposer nos actions, & l'autre à les rendre faciles. L'usage du monde nous donne encore l'avantage de penser naturellement, & l'habitude des Sciences, celui de penser profondément.

Par une suite nécessaire de ces vérités, ceux qui sont privés de l'un & de l'autre avantage par leur condition, étalent toute la foiblesse de l'esprit humain. La nature ne porte-t-elle qu'au milieu des cours, & dans le sein des villes florissantes, des esprits aimables & bien faits ? Que fait-elle pour le laboureur préoccupé de ses besoins ? Sans doute elle a ses droits, il en faut convenir. L'art ne peut égaler les hommes ; il les laisse loin les uns des autres dans la même distance où ils sont nés, quand ils ont la même application à cultiver leurs talens : mais quels peuvent être les fruits d'un beau naturel négligé ?

AMOUR DU PROCHAIN. L'amour du prochain est de tous les sentimens le plus juste & le plus utile : il est aussi nécessaire dans la société civile, pour le bonheur de notre vie, que dans le Christianisme pour la félicité éternelle.

AMOUR DES SEXES. L'amour, par tout où il est, est toûjours le maître. Il forme l'ame, le coeur & l'esprit selon ce qu'il est. Il n'est ni petit ni grand, selon le coeur & l'esprit qu'il occupe, mais selon ce qu'il est en lui-même ; & il semble véritablement que l'amour est à l'ame de celui qui aime, ce que l'ame est au corps de celui qu'elle anime.

Lorsque les amans se demandent une sincérité réciproque pour savoir l'un & l'autre quand ils cesseront de s'aimer, c'est bien moins pour vouloir être avertis quand on ne les aimera plus, que pour être mieux assûrés qu'on les aime lorsqu'on ne dit point le contraire.

Comme on n'est jamais en liberté d'aimer ou de cesser d'aimer, l'amant ne peut se plaindre avec justice de l'inconstance de sa maîtresse, ni elle de la légereté de son amant.

L'amour, aussi-bien que le feu, ne peut subsister sans un mouvement continuel, & il cesse de vivre dès qu'il cesse d'espérer ou de craindre.

Il n'y a qu'une sorte d'amour : mais il y en a mille différentes copies. La plûpart des gens prennent pour de l'amour le desir de la joüissance. Voulez-vous sonder vos sentimens de bonne-foi, & discerner laquelle de ces deux passions est le principe de votre attachement ; interrogez les yeux de la personne qui vous tient dans ses chaînes. Si sa présence intimide vos sens & les contient dans une soûmission respectueuse, vous l'aimez. Le véritable amour interdit même à la pensée toute idée sensuelle, tout essor de l'imagination dont la délicatesse de l'objet aimé pourroit être offensée, s'il étoit possible qu'il en fût instruit : mais si les attraits qui vous charment font plus d'impression sur vos sens que sur votre ame ; ce n'est point de l'amour, c'est un appétit corporel.

Qu'on aime véritablement ; & l'amour ne fera jamais commettre des fautes qui blessent la conscience ou l'honneur.

Un amour vrai, sans feinte & sans caprice,

Est en effet le plus grand frein du vice ;

Dans ses liens qui sait se retenir,

Est honnête-homme, ou va le devenir.

L'Enfant Prodigue, Comédie.

Quiconque est capable d'aimer est vertueux : j'oserois même dire que quiconque est vertueux est aussi capable d'aimer ; comme ce seroit un vice de conformation pour le corps que d'être inepte à la génération, c'en est aussi un pour l'ame que d'être incapable d'amour.

Je ne crains rien pour les moeurs de la part de l'amour, il ne peut que les perfectionner ; c'est lui qui rend le coeur moins farouche, le caractere plus liant, l'humeur plus complaisante. On s'est accoûtumé en aimant à plier sa volonté au gré de la personne chérie ; on contracte par-là l'heureuse habitude de commander à ses desirs, de les maîtriser & de les réprimer ; de conformer son goût & ses inclinations aux lieux, aux tems, aux personnes : mais les moeurs ne sont pas également en sûreté quand on est inquiété par ces saillies charnelles que les hommes grossiers confondent avec l'amour.

De tout ce que nous venons de dire, il s'ensuit que le véritable amour est extrèmement rare. Il en est comme de l'apparition des esprits ; tout le monde en parle, peu de gens en ont vû. Maximes de la Rochefoucauld.

AMOUR CONJUGAL. Les caracteres de l'amour conjugal ne sont pas équivoques. Un amant, dupe de lui-même, peut croire aimer sans aimer en effet : un mari sait au juste s'il aime. Il a joüi : or la jouissance est la pierre de touche de l'amour ; le véritable y puise de nouveaux feux, mais le frivole s'y éteint.

L'épreuve faite, si l'on connoît qu'on s'est mépris, je ne sai de remede à ce mal que la patience. S'il est possible, substituez l'amitié à l'amour : mais je n'ose même vous flatter que cette ressource vous reste. L'amitié entre deux époux est le fruit d'un long amour, dont la jouissance & le tems ont calmé les bouillans transports. Pour l'ordinaire sous le joug de l'hymen, quand on ne s'aime point on se hait, ou tout au plus les génies de la meilleure trempe se renferment dans l'indifférence.

Des vices dans le caractere, des caprices dans l'humeur, des sentimens opposés dans l'esprit, peuvent troubler l'amour le mieux affermi. Un époux avare prend du dégoût pour une épouse qui, pensant plus noblement, croit pouvoir régler sa dépense sur leurs revenus communs : un prodigue au contraire méprise une femme oeconome.

Pour vivre heureux dans le mariage, ne vous y engagez pas sans aimer & sans être aimé. Donnez du corps à cet amour en le fondant sur la vertu. S'il n'avoit d'autre objet que la beauté, les graces & la jeunesse ; aussi fragile que ces avantages passagers, il passeroit bien-tôt comme eux : mais s'il s'est attaché aux qualités du coeur & de l'esprit, il est à l'épreuve du tems.

Pour vous acquérir le droit d'exiger qu'on vous aime, travaillez à le mériter. Soyez après vingt ans aussi attentif à plaire, aussi soigneux à ne point offenser, que s'il s'agissoit aujourd'hui de faire agréer votre amour. On ne conserve un coeur que par les mêmes moyens qu'on a employés pour le conquérir. Des gens s'épousent, ils s'adorent en se mariant ; ils savent bien ce qu'ils ont fait pour s'inspirer mutuellement de la tendresse ; elle est le fruit de leurs égards, de leur complaisance, & du soin qu'ils ont eu de ne s'offrir de part & d'autre qu'avec un certain extérieur propre à couvrir leurs défauts, ou du moins à les empêcher d'être desagréables. Que ne continuent-ils sur ce ton-là quand ils sont mariés ? & si c'est trop, que n'ont-ils la moitié de leurs attentions passées ? Pourquoi ne se piquent-ils plus d'être aimés quand il y a plus que jamais de la gloire & de l'avantage à l'être ? Quoi, nous qui nous estimons tant, & presque toûjours mal à propos ; nous qui avons tant de vanité, qui aimons tant à voir des preuves de notre mérite, ou de celui que nous nous supposons, faut-il que, sans en devenir ni plus loüables ni plus modestes, nous cessions d'être orgueilleux & vains dans la seule occasion peut-être où il va de notre profit & de tout l'agrément de notre vie à l'être ?

AMOUR PATERNEL. Si la raison dans l'homme, ou plûtôt l'abus qu'il en fait, ne servoit pas quelquefois à dépraver son instinct, nous n'aurions rien à dire sur l'amour paternel : les brutes n'ont pas besoin de nos traités de morale, pour apprendre à aimer leurs petits, à les nourrir & à les élever ; c'est qu'elles ne sont guidées que par l'instinct : or l'instinct, quand il n'est point distrait par les sophismes d'une raison captieuse, répond toujours au voeu de la Nature, fait son devoir, & ne bronche jamais. Si l'homme étoit donc en ce point conforme aux autres animaux, dès que l'enfant auroit vû la lumiere, sa mere le nourriroit de son propre lait, veilleroit à tous ses besoins, le garantiroit de tout accident, & ne croiroit pas d'instans dans sa vie mieux remplis que ceux qu'elle auroit employés à ces importans devoirs. Le pere de son côté contribueroit à le former ; il étudieroit son goût, son humeur & ses inclinations pour mettre à profit ses talens : il cultiveroit lui-même cette jeune plante, & regarderoit comme une indifférence criminelle, de l'abandonner à la discrétion d'un gouverneur ignorant, ou peut-être même vicieux.

Mais le pouvoir de la coûtume, malgré la force de l'instinct, en dispose tout autrement. L'enfant est à peine né, qu'on le sépare pour toûjours de sa mere ; elle est ou trop foible ou trop délicate ; elle est d'un état trop honnête pour alaiter son propre enfant. En vain la Nature a détourné le cours de la liqueur qui l'a nourri dans le sein maternel, pour porter aux mammelles de sa dure marâtre deux ruisseaux de lait destinés desormais pour sa subsistance : la Nature ne sera point écoutée, ses dons seront rejettés & méprisés : celle qu'elle en a enrichie, dût-elle en périr elle-même, va tarir la source de ce nectar bienfaisant. L'enfant sera livré à une mere empruntée & mercenaire, qui mesurera ses soins au profit qu'elle en attend.

Quelle est la mere qui consentiroit à recevoir de quelqu'un un enfant qu'elle sauroit n'être pas le sien ? Cependant ce nouveau-né qu'elle relegue loin d'elle sera-t-il bien véritablement le sien, lorsqu'après plusieurs années, les pertes continuelles de substance que fait à chaque instant un corps vivant auront été réparées en lui par un lait étranger qui l'aura transformé en un homme nouveau ? Ce lait qu'il a sucé n'étoit point fait pour ses organes : ç'a donc été pour lui un aliment moins profitable que n'eût été le lait maternel. Qui sait si son tempérament robuste & sain dans l'origine n'en a point été altéré ? Qui sait si cette transformation n'a point influé sur son coeur ? l'ame & le corps sont si dépendans l'un de l'autre ! s'il ne deviendra pas un jour, précisément par cette raison, un lâche, un fourbe, un malfaiteur ? Le fruit le plus délicieux dans le terroir qui lui convenoit, ne manque guere à dégénérer, s'il est transporté dans un autre.

On compare les rois à des peres de famille, & l'on a raison : cette comparaison est fondée sur la nature & l'origine même de la royauté.

Le premier qui fut Roi, fut un soldat heureux,

dit un de nos grands poëtes (Mérope, Tragédie de M. de Voltaire) : mais il est bon d'observer que c'est dans la bouche d'un tyran, d'un usurpateur, du meurtrier de son roi, qu'il met cette maxime, indigne d'être prononcée par un prince équitable : tout autre que Poliphonte eût dit :

Le premier qui fut Roi, régna sur ses enfans.

Un pere étoit naturellement le chef de sa famille ; la famille en se multipliant devint un peuple, & conséquemment le pere de famille devint un roi. Le fils aîné se crut sans doute en droit d'hériter de son autorité, & le sceptre se perpétua ainsi dans la même maison, jusqu'à ce qu'un soldat heureux ou un sujet rebelle devint la tige premiere d'une nouvelle race.

Un roi pouvant être comparé à un pere, on peut réciproquement comparer un pere à un roi, & déterminer ainsi les devoirs du monarque par ceux du chef de famille, & les obligations d'un pere par celles d'un souverain : aimer, gouverner, récompenser & punir, voilà, je crois, tout ce qu'ont à faire un pere & un roi.

Un pere qui n'aime point ses enfans est un monstre : un roi qui n'aime point ses sujets est un tyran. Le pere & le roi sont l'un & l'autre des images vivantes de Dieu, dont l'empire est fondé sur l'amour. La Nature a fait les peres pour l'avantage des enfans : la société a fait les rois pour la félicité des peuples : il faut donc nécessairement un chef dans une famille & dans un état : mais si ce chef est indifférent pour les membres, ils ne seront autre chose à ses yeux que des instrumens faits pour servir à le rendre heureux. Au contraire, traiter avec bonté ou sa famille ou son état, c'est pourvoir à son intérêt propre. Quoique siége principal de la vie & du sentiment, la tête est toûjours mal assise sur un tronc maigre & décharné.

Même parité entre le gouvernement d'une famille & celui d'un état. Le maître qui régit l'une ou l'autre, a deux objets à remplir : l'un d'y faire régner les moeurs, la vertu & la piété : l'autre d'en écarter le trouble, les desastres & l'indigence : c'est l'amour de l'ordre qui doit le conduire, & non pas cette fureur de dominer, qui se plaît à pousser à bout la docilité la mieux éprouvée.

Le pouvoir de récompenser & punir est le nerf du gouvernement. Dieu lui-même ne commande rien, sans effrayer par des menaces, & inviter par des promesses. Les deux mobiles du coeur humain sont l'esprit & la crainte. Peres & rois, vous avez dans vos mains tout ce qu'il faut pour toucher ces deux passions. Mais songez que l'exacte justice est aussi soigneuse de récompenser, qu'elle est attentive à punir. Dieu vous a établis sur la terre ses substituts & ses représentans : mais ce n'est pas uniquement pour y tonner ; c'est aussi pour y répandre des pluies & des rosées bienfaisantes.

L'amour paternel ne differe pas de l'amour propre. Un enfant ne subsiste que par ses parens, dépend d'eux, vient d'eux, leur doit tout ; ils n'ont rien qui leur soit si propre. Aussi un pere ne sépare point l'idée de son fils de la sienne, à moins que le fils n'affoiblisse cette idée de propriété par quelque contradiction ; mais plus un pere s'irrite de cette contradiction, plus il s'afflige, plus il prouve ce que je dis.

AMOUR FILIAL ET FRATERNEL. Comme les enfans n'ont nul droit sur la volonté de leurs peres, la leur étant au contraire toûjours combattue, cela leur fait sentir qu'ils sont des êtres à part, & ne peut pas leur inspirer de l'amour-propre, parce que la propriété ne sauroit être du côté de la dépendance. Cela est visible : c'est par cette raison que la tendresse des enfans n'est pas aussi vive que celle des peres ; mais les lois ont pourvû à cet inconvénient. Elles sont un garant aux peres contre l'ingratitude des enfans, comme la nature est aux enfans un ôtage assûré contre l'abus des lois. Il étoit juste d'assûrer à la vieillesse ce qu'elle accordoit à l'enfance.

La reconnoissance prévient dans les enfans bien nés ce que le devoir leur impose, il est dans la saine nature d'aimer ceux qui nous aiment & nous protegent, & l'habitude d'une juste dépendance fait perdre le sentiment de la dépendance même : mais il suffit d'être homme pour être bon pere ; & si on n'est homme de bien, il est rare qu'on soit bon fils.

Du reste, qu'on mette à la place de ce que je dis la sympathie ou le sang ; & qu'on me fasse entendre pourquoi le sang ne parle pas autant dans les enfans que dans les peres ; pourquoi la sympathie périt quand la soûmission diminue ; pourquoi des freres souvent se haïssent sur des fondemens si légers, &c.

Mais quel est donc le noeud de l'amitié des freres ? Une fortune, un nom commun, même naissance & même éducation, quelquefois même caractere ; enfin l'habitude de se regarder comme appartenant les uns aux autres, & comme n'ayant qu'un seul être ; voilà ce qui fait que l'on s'aime, voilà l'amour propre, mais trouvez le moyen de séparer des freres d'intérêt, l'amitié lui survit à peine ; l'amour-propre qui en étoit le fond se porte vers d'autres objets.

AMOUR DE L'ESTIME. Il n'est pas facile de trouver la premiere & la plus ancienne raison pour laquelle nous aimons à être estimés. On ne se satisfait point là-dessus, en disant que nous desirons l'estime des autres, à cause du plaisir qui y est attaché ; car comme ce plaisir est un plaisir de réflexion, la difficulté subsiste, puisqu'il reste toûjours à savoir pourquoi cette estime, qui est quelque chose d'étranger & d'éloigné à notre égard, fait notre satisfaction.

On ne réussit pas mieux en alléguant l'utilité de la gloire ; car bien que l'estime que nous acquérons nous serve à nous faire réussir dans nos desseins, & nous procure divers avantages dans la société, il y a des circonstances où cette supposition ne sauroit avoir lieu. Quelle utilité pouvoient envisager Mutius, Léonidas, Codrus, Curtius, &c. & par quel intérêt ces femmes Indiennes qui se font brûler après la mort de leurs maris, cherchent-elles en dépit même des lois & des remontrances, une estime à laquelle elles ne survivent point ?

Quelqu'un a dit sur ce sujet, que l'amour-propre nourrit avec complaisance une idée de nos perfections, qui est comme son idole, ne pouvant souffrir ce qui choque cette idée, comme le mépris & les injustices, & recherchant au contraire avec passion tout ce qui la flatte & la grossit, comme l'estime & les loüanges. Sur ce principe, l'utilité de la gloire consisteroit en ce que l'estime que les autres font de nous confirme la bonne opinion que nous en avons nous-mêmes. Mais ce qui nous montre que ce n'est point là la principale, ni même l'unique source de l'amour de l'estime ; c'est qu'il arrive presque toûjours que les hommes font plus d'état du mérite apparent qui leur acquiert l'estime des autres, que du mérite réel qui leur attire leur propre estime ; ou si vous voulez, qu'ils aiment mieux avoir des défauts qu'on estime, que de bonnes qualités qu'on n'estime point dans le monde ; & qu'il y a d'ailleurs une infinité de personnes qui cherchent à se faire considérer par des qualités qu'elles savent bien qu'elles n'ont pas ; ce qui prouve qu'elles n'ont pas recours à une estime étrangere, pour confirmer les bons sentimens qu'elles ont d'elles-mêmes.

Qu'on cherche tant qu'on voudra les sources de cette inclination, je suis persuadé qu'on n'en trouvera la raison que dans la sagesse du Créateur. Car comme Dieu se sert de l'amour du plaisir pour conserver notre corps, pour en faire la propagation, pour nous unir les uns avec les autres, pour nous rendre sensibles au bien & à la conservation de la société ; il n'y a point de doute aussi que sa sagesse ne se serve de l'amour de l'estime, pour nous défendre des abaissemens de la volupté, & faire que nous nous portions aux actions honnêtes & loüables, qui conviennent si bien à la dignité de notre nature.

Cette précaution n'auroit point été nécessaire, si la raison de l'homme eût agi seule en lui, & indépendamment du sentiment ; car cette raison pouvoit lui montrer l'honnête, & même le lui faire préférer à l'agréable : mais, parce que cette raison est partiale, & juge souvent en faveur du plaisir, attachant l'honneur & la bienséance à ce qui lui plaît ; il a plû à la sagesse du Créateur de nous donner pour juge de nos actions, non-seulement notre raison, qui se laisse corrompre par la volupté, mais encore la raison des autres hommes, qui n'est pas si facilement séduite.

AMOUR-PROPRE & de nous-mêmes. L'amour est une complaisance dans l'objet aimé. Aimer une chose, c'est se complaire dans sa possession, sa grace, son accroissement ; craindre sa privation, ses déchéances, &c.

Plusieurs philosophes rapportent généralement à l'amour-propre toute sorte d'attachemens ; ils prétendent qu'on s'approprie tout ce que l'on aime, qu'on n'y cherche que son plaisir & sa propre satisfaction ; qu'on se met soi-même avant tout ; jusque-là qu'ils nient que celui qui donne sa vie pour un autre, le préfere à soi. Ils passent le but en ce point ; car si l'objet de notre amour nous est plus cher que l'existence sans l'objet de notre amour, il paroît que c'est notre amour qui est notre passion dominante, & non notre individu propre ; puisque tout nous échappe avec la vie, le bien que nous nous étions approprié par notre amour, comme nôtre, être véritable. Ils répondent que la possession nous fait confondre dans ce sacrifice notre vie & celle de l'objet aimé ; que nous croyons n'abandonner qu'une partie de nous-mêmes pour conserver l'autre : au moins ils ne peuvent nier que celle que nous conservons nous paroît plus considérable que celle que nous abandonnons. Or, dès que nous nous regardons comme la moindre partie dans le tout ; c'est une préférence manifeste de l'objet aimé. On peut dire la même chose d'un homme, qui volontairement & de sang-froid meurt pour la gloire : la vie imaginaire qu'il achete au prix de son être réel, est une préférence bien incontestable de la gloire, & qui justifie la distinction que quelques écrivains ont mise avec sagesse entre l'amour-propre & l'amour de nous-mêmes. Avec l'amour de nous-mêmes, disent-ils, on cherche hors de soi son bonheur ; on s'aime hors de soi davantage, que dans son existence propre ; on n'est point soi-même son objet. L'amour-propre au contraire subordonne tout à ses commodités & à son bien-être : il est à lui-même son objet & sa fin ; desorte qu'au lieu que les passions qui viennent de l'amour de nous-mêmes nous donnent aux choses, l'amour-propre veut que les choses se donnent à nous, & se fait le centre de tout.

L'amour de nous-mêmes ne peut pécher qu'en excès ou en qualité ; il faut que son déréglement consiste en ce que nous nous aimons trop, ou en ce que nous nous aimons mal, ou dans l'un & dans l'autre de ces défauts joints ensemble.

L'amour de nous-mêmes ne peche point en excès : cela paroît de ce qu'il est permis de s'aimer tant qu'on veut, quand on s'aime bien. En effet, qu'est-ce que s'aimer soi-même ? c'est desirer son bien, c'est craindre son mal, c'est rechercher son bonheur. Or j'avoue qu'il arrive souvent qu'on desire trop, qu'on craint trop, & qu'on s'attache à son plaisir, ou à ce qu'on regarde comme son bonheur, avec trop d'ardeur : mais prenez garde que l'excès vient du défaut qui est dans l'objet de vos passions, & non pas de la trop grande mesure de l'amour de vous-même. Ce qui le prouve, c'est que vous pouvez & vous devez même desirer sans bornes la souveraine félicité, craindre sans bornes la souveraine misere ; & qu'il y auroit même du déréglement à n'avoir que des desirs bornés pour un bien infini.

En effet, si l'homme ne devoit s'aimer lui-même que dans une mesure limitée, le vuide de son coeur ne devroit pas être infini ; & si le vuide de son coeur ne devoit pas être infini, il s'ensuivroit qu'il n'auroit pas été fait pour la possession de Dieu, mais pour la possession d'objets finis & bornés.

Cependant la religion & l'expérience nous apprennent également le contraire. Rien n'est plus légitime & plus juste que cette insatiable avidité, qui fait qu'après la possession des avantages du monde, nous cherchons encore le souverain bien. De tous ceux qui l'ont cherché dans les objets de cette vie, aucun ne l'a trouvé. Brutus, qui avoit fait une profession particuliere de sagesse, avoit cru ne pas se tromper en le cherchant dans la vertu : mais comme il aimoit la vertu pour elle-même, au lieu qu'elle n'a rien d'aimable & de loüable que par rapport à Dieu ; coupable d'une belle & spirituelle idolatrie, il n'en fut pas moins grossierement déçû ; il fut obligé de reconnoître son erreur en mourant, lorsqu'il s'écria : O vertu, je reconnois que tu n'es qu'un misérable fantôme, &c !

Cette insatiable avidité du coeur de l'homme n'est donc pas un mal. Il falloit qu'elle fût, afin que les hommes se trouvassent par-là disposés à chercher Dieu. Or ce que dans l'idée métaphorique & figurée, nous appellons un coeur qui a une capacité infinie, un vuide qui ne peut être rempli par les créatures, signifie dans l'idée propre & littérale, une ame qui desire naturellement un bien infini, & qui le desire sans bornes, qui ne peut être contente qu'après l'avoir obtenu. Si donc il est nécessaire que le vuide de notre coeur ne soit point rempli par les créatures, il est nécessaire que nous desirions infiniment, c'est-à-dire que nous nous aimions nous-mêmes sans mesure. Car s'aimer, c'est desirer son bonheur.

Je sai bien que notre nature étant bornée, elle n'est pas capable, à parler exactement, de former des desirs infinis en véhémence : mais si ces desirs ne sont pas infinis en ce sens, ils le sont en un autre ; car il est certain que notre ame desire selon toute l'étendue de ses forces : que si le nombre des esprits nécessaires à l'organe pouvoit croître à l'infini, la véhémence de ses desirs croîtroit aussi à l'infini ; & qu'enfin si l'infinité n'est point dans l'acte, elle est dans la disposition du coeur naturellement insatiable.

Aussi est-ce un grand égarement d'opposer l'amour de nous-mêmes à l'amour divin, quand celui-là est bien réglé : car qu'est-ce que s'aimer soi-même comme il faut ? C'est aimer Dieu ; & qu'est-ce qu'aimer Dieu ? C'est s'aimer soi-même comme il faut. L'amour de Dieu est le bon sens de l'amour de nous-mêmes ; c'en est l'esprit & la perfection. Quand l'amour de nous-mêmes se tourne vers d'autres objets, il ne mérite pas d'être appellé amour ; il est plus dangereux que la haine la plus cruelle : mais quand l'amour de nous-mêmes se tourne vers Dieu, il se confond avec l'amour divin.

J'ai insinué dans ce que je viens de dire, que l'amour de nous-mêmes allume toutes nos autres affections, & est le principe général de nos mouvemens. Voici la preuve de cette vérité : en concevant une nature intelligente, nous concevons une volonté ; une volonté se porte nécessairement à l'objet qui lui convient : ce qui lui convient est un bien par rapport à elle, & par conséquent son bien : or aimant toûjours son bien, par-là elle s'aime elle-même, & aime tout par rapport à elle-même ; car qu'est-ce que la convenance de l'objet auquel elle se porte, sinon un rapport essentiel à elle ? Ainsi quand elle aime ce qui a rapport à elle, comme lui convenant, n'est-ce pas elle-même qui s'aime dans ce qui lui convient ?

J'avoue que l'affection que nous avons pour les autres, fait quelquefois naître nos desirs, nos craintes, & nos espérances : mais quel est le principe de cette affection, si ce n'est l'amour de nous-mêmes ? Considérez bien toutes les sources de nos amitiés, & vous trouverez qu'elles se réduisent à l'intérêt, la reconnoissance, la proximité, la sympathie, & une convenance délicate entre la vertu & l'amour de nous-mêmes, qui fait que nous croyons l'aimer pour elle-même, quoique nous l'aimions en effet pour l'amour de nous ; & tout cela se réduit à l'amour de nous-mêmes.

La proximité tire de-là toute la force qu'elle a pour allumer nos affections : nous aimons nos enfans parce qu'ils sont nos enfans ; s'ils étoient les enfans d'un autre, ils nous seroient indifférens. Ce n'est donc pas eux que nous aimons, c'est la proximité qui nous lie avec eux. Il est vrai que les enfans n'aiment pas tant leurs peres que les peres aiment leurs enfans : mais cette différence vient d'ailleurs. Voyez AMOUR PATERNEL & FILIAL. Au reste, comme il y a proximité de sang, proximité de profession, proximité de pays, &c. il est certain aussi que ces affections se diversifient à cet égard en une infinité de manieres : mais il faut que la proximité ne soit point combattue par l'intérêt ; car alors celui-ci l'emporte infailliblement. L'intérêt va directement à nous ; la proximité n'y va que par réflexion : ce qui fait que l'intérêt agit toûjours avec plus de force que la proximité. Mais en cela, comme en toute autre chose, les circonstances particulieres changent beaucoup la proposition générale.

Non-seulement la proximité est une source d'amitié, mais encore nos affections varient selon le degré de la proximité : la qualité d'homme que nous portons tous, fait cette bienveillance générale que nous appellons humanité : homo sum, humani nihil à me alienum puto.

La proximité de la nation inspire ordinairement aux hommes une bienveillance qui ne se fait point sentir à ceux qui habitent dans leur pays, parce que cette proximité s'affoiblit par le nombre de ceux qui la partagent ; mais elle devient sensible, quand deux ou trois personnes originaires d'un même pays se rencontrent dans un climat étranger. Alors l'amour de nous-mêmes qui a besoin d'appui & de consolation, & qui en trouve en la personne de ceux qu'un pareil intérêt & une semblable proximité doit mettre dans la même disposition, ne manque jamais de faire une attention perpétuelle à cette proximité, si un plus fort motif pris de son intérêt ne l'en empche.

La proximité de profession produit presque toûjours plus d'aversion que d'amitié, par la jalousie qu'elle inspire aux hommes les uns pour les autres : mais celle des conditions est presque toûjours accompagnée de bienveillance. On est surpris que les grands soient sans compassion pour les hommes du commun ; c'est qu'ils les voyent en éloignement, les considérant par les yeux de l'amour-propre. Ils ne les prennent nullement pour leur prochain ; ils sont bien éloignés d'appercevoir cette proximité ou ce voisinage, eux dont l'esprit & le coeur ne sont occupés que de la distance qui les sépare des autres hommes, & qui font de cet objet les délices de leur vanité.

La fermeté barbare que Brutus témoigne en voyant mourir ses propres enfans, qu'il fait exécuter en sa présence, n'est pas si desintéressée qu'elle paroît : le plus grand des poëtes latins en découvre le motif en ces termes :

Vincet amor patriae, laudumque immensa cupido.

mais il n'a pas démêlé toutes les raisons d'intérêt qui font l'inhumanité apparente de ce romain. Brutus étoit comme les autres hommes ; il s'aimoit lui-même plus que toutes choses : ses enfans sont coupables d'un crime qui tendoit à perdre Rome, mais beaucoup plus encore à perdre Brutus. Si l'affection paternelle excuse les fautes, l'amour-propre les aggrave, quand il est directement blessé : sans doute que Rome eut l'honneur de ce que Brutus fit pour l'amour de lui-même, que sa patrie accepta le sacrifice qu'il faisoit à son amour-propre, & qu'il fut cruel par foiblesse plutôt que par magnanimité.

L'intérêt peut tout sur les ames ; on se cherche dans l'objet de tous ses attachemens ; & comme il y a diverses sortes d'intérêts, on peut distinguer aussi diverses sortes d'affections que l'intérêt fait naître entre les hommes. Un intérêt de volupté fait naître les amitiés galantes : un intérêt d'ambition fait naître les amitiés politiques : un intérêt d'orgueil fait naître les amitiés illustres : un intérêt d'avarice fait naître les amitiés utiles. Le vulgaire qui déclame ordinairement contre l'amitié intéressée, ne sait ce qu'il dit. Il se trompe en ce qu'il ne connoît, généralement parlant, qu'une sorte d'amitié intéressée, qui est celle de l'avarice ; au lieu qu'il y a autant de sortes d'affections intéressées, qu'il y a d'objets de cupidité. Il s'imagine que c'est être criminel que d'être intéressé, ne considérant pas que c'est le desintéressement & non pas l'intérêt qui nous perd. Si les hommes nous offroient d'assez grands biens pour satisfaire notre ame, nous ferions bien de les aimer d'un amour d'intérêt, & personne ne devroit trouver mauvais que nous préférassions les motifs de cet intérêt à ceux de la proximité & de toute autre chose.

La reconnoissance elle-même n'est pas plus exempte de ce principe de l'amour de nous-mêmes ; car quelle différence y a-t-il au fond entre l'intérêt & la reconnoissance ? C'est que le premier a pour objet le bien à venir, au lieu que la derniere a pour objet le bien passé. La reconnoissance n'est qu'un retour délicat de l'amour de nous-mêmes, qui se sent obligé ; c'est en quelque sorte l'élévation de l'intérêt : nous n'aimons point notre bienfaiteur parce qu'il est aimable, nous l'aimons parce qu'il nous a aimés.

La sympathie, qui est la quatrieme source que nous avons marquée de nos affections, est de deux sortes. Il y a une sympathie des corps & une sympathie de l'ame : il faut chercher la cause de la premiere dans le tempérament, & celle de la seconde dans les secrets ressorts qui font agir notre coeur. Il est même certain que ce que nous croyons être une sympathie de tempérament, a quelquefois sa source dans les principes cachés de notre coeur. Pourquoi pensez-vous que je hais cet homme à une premiere vûe, quoiqu'il me soit inconnu ? C'est qu'il a quelques traits d'un homme qui m'a offensé ; que ces traits frappent mon ame & réveillent une idée de haine sans que j'y fasse réflexion. Pourquoi au contraire aimé-je une personne inconnue dès que je la vois, sans m'informer si elle a du mérite ou si elle n'en a pas ? C'est qu'elle a de la conformité ou avec moi ou avec mes enfans & mes amis, en un mot avec quelque personne que j'aurai aimée. Vous voyez donc quelle part a l'amour de nous-mêmes à ces inclinations mystérieuses & cachées, qu'un de nos Poëtes décrit de cette maniere :

Il est des noeuds secrets, il est des sympathies,

Dont par les doux accords les ames assorties, &c.

Mais si après avoir parlé des sympathies corporelles, nous entrions dans le détail des sympathies spirituelles, nous connoîtrions qu'aimer les gens par sympathie, n'est proprement que chérir la ressemblance qu'ils ont avec nous ; c'est avoir le plaisir de nous aimer en leurs personnes. C'est un charme pour notre coeur de pouvoir dire du bien de nous sans blesser la modestie. Nous n'aimons pas seulement ceux à qui la Nature donne des conformités avec nous, mais encore ceux qui nous ressemblent par art & qui tâchent de nous imiter : ce n'est pas qu'il ne puisse arriver qu'on haïra ceux de qui l'on est mal imité : personne ne veut être ridicule ; on aimeroit mieux être haïssable ; ainsi on ne veut jamais de bien aux copies dont le ridicule rejaillit sur l'original.

Mais sur quels principes d'amour propre peut être fondée cette affection que les hommes ont naturellement pour les hommes vertueux, auxquels néanmoins ils ne se soucient pas de ressembler ? car le vice rend à cet égard des hommages forcés à la vertu ; les hommes l'estiment & la respectent.

Je répons qu'il y a fort peu de personnes qui ayent pour jamais renoncé à la vertu, & qui ne s'imaginent que s'ils ne sont pas vertueux en un tems, ils ne puissent le devenir en un autre. J'ajoûte que la vertu est essentiellement aimable à l'amour de nous-mêmes, comme le vice lui est essentiellement haïssable. La raison en est que le vice est un sacrifice que nous nous faisons des autres à nous-mêmes ; & la vertu un sacrifice que nous faisons au bien des autres de quelque plaisir ou de quelque avantage qui nous flattoit. Comment n'aimerions-nous pas la clémence ? elle est toute prête à nous pardonner nos crimes : la libéralité se dépouille pour nous faire du bien : l'humilité ne nous dispute rien ; elle cede à nos prétentions : la tempérance respecte notre honneur, & n'en veut point à nos plaisirs : la justice défend nos droits, & nous rend ce qui nous appartient : la valeur nous défend ; la prudence nous conduit ; la modération nous épargne ; la charité nous fait du bien, &c.

Si ces vertus font du bien, dira-t-on, ce n'est pas à moi qu'elles le font ; je le veux : mais si vous vous trouviez en d'autres circonstances elles vous en feroient : mais elles supposent une disposition à vous en faire dans l'occasion. N'avez-vous jamais éprouvé, qu'encore que vous n'attendiez ni secours ni protection d'une personne riche, vous ne pouvez vous défendre d'avoir pour elle une secrette considération ? Elle naît, non de votre esprit, qui méprise souvent les qualités de cet homme, mais de l'amour de vous-mêmes, qui vous fait respecter en lui jusqu'au simple pouvoir de vous faire du bien. En un mot, ce qui vous prouve que l'amour de vous-mêmes entre dans celui que vous avez pour la vertu, c'est que vous éprouvez que vous aimez davantage les vertus, à mesure que vous y trouvez plus de rapport & de convenance avec vous. Nous aimons plus naturellement la clémence que la sévérité, la libéralité que l'oeconomie, quoique tout cela soit vertu.

Au reste, il ne faut point excepter du nombre de ceux qui aiment ainsi les vertus, les gens vicieux & déréglés : au contraire, il est certain que par cela même qu'ils sont vicieux, ils doivent trouver la vertu plus aimable. L'humilité applanit tous les chemins à notre orgueil ; elle est donc aimée d'un orgueilleux : la libéralité donne ; elle ne sauroit donc déplaire à un intéressé : la tempérance vous laisse en possession de vos plaisirs ; elle ne peut donc qu'être agréable à un voluptueux, qui ne veut point de rival ni de concurrent. Auroit-on crû que l'affection que les hommes du monde témoignent pour les gens vertueux, eût une source si mauvaise ? & me pardonnera-t-on bien ce paradoxe, si j'avance qu'il arrive souvent que les vices qui sont au-dedans de nous, font l'amour que nous avons pour les vertus des autres ?

Je vais bien plus avant, & j'oserai dire que l'amour de nous-mêmes a beaucoup de part aux sentimens les plus épurés que la morale & la religion nous font avoir pour Dieu. On distingue trois sortes d'amour divin ; un amour d'intérêt, un amour de reconnoissance, & un amour de pure amitié : l'amour d'intérêt se confond avec l'amour de nous-mêmes ; l'amour de reconnoissance a encore la même source que celui d'intérêt, selon ce que nous en avons dit ci-dessus ; l'amour de pure amitié semble naître indépendamment de tout intérêt & de tout amour de nous-mêmes. Cependant si vous y regardez de près, vous trouverez qu'il a dans le fond le même principe que les autres : car premierement il est remarquable que l'amour de pure amitié ne naît pas tout d'un coup dans l'ame d'un homme à qui l'on fait connoître la religion. Le premier degré de notre sanctification est de se détacher du monde ; le second, c'est d'aimer Dieu d'un amour d'intérêt, en lui donnant tout son attachement, parce qu'on le considere comme le souverain bien ; le troisieme, c'est d'avoir pour ses bienfaits la reconnoissance qui leur est dûe ; & le dernier enfin, c'est d'aimer ses perfections. Il est certain que le premier de ces sentimens dispose au second, le second au troisieme, le troisieme au quatrieme : or comme tout ce qui dispose à ce dernier mouvement, qui est le plus noble de tous, est pris de l'amour de nous-mêmes, il s'ensuit que la pure amitié dont Dieu même est l'objet, ne naît point indépendamment de ce dernier amour.

D'ailleurs, l'expérience nous apprend qu'entre les attributs de Dieu, nous aimons particulierement ceux qui ont le plus de convenance avec nous : nous aimons plus sa clémence que sa justice, sa bénéficence que son immensité ; d'où vient cela ? si ce n'est de ce que cette pure amitié, qui semble n'avoir pour objet que les perfections de Dieu, tire sa force principale des rapports que ces perfections ont avec nous.

S'il y avoit une pure amitié dans notre coeur à l'égard de Dieu, laquelle fût exempte du principe de l'amour de nous-mêmes, cette pure amitié naîtroit nécessairement de la perfection connue, & ne s'éleveroit point de nos autres affections. Cependant les démons connoissent les perfections de Dieu sans les aimer, les hommes connoissent ces perfections avant leur conversion, & personne n'oseroit dire que dans cet état ils ayent pour lui cette affection que l'on nomme de pure amitié ; il s'ensuit donc qu'il faut autre chose que la perfection connue pour faire naître cet amour.

Pendant que nous regardons Dieu comme notre juge, & comme un juge terrible qui nous attend la foudre à la main, nous pouvons admirer ses perfections infinies, mais nous ne saurions concevoir de l'affection pour elles. Il est bien certain que si nous pouvions refuser à Dieu cette admiration, nous nous garderions bien de la lui rendre : & d'où vient cette nécessité d'admirer Dieu ? C'est que cette admiration naît uniquement de la perfection connue : si donc vous concevez que la pure amitié a la même source, il s'ensuit que la pure amitié naîtra dans notre ame comme l'admiration.

1°. De ce que nous nous aimons nous-mêmes nécessairement, il s'ensuit que nous avons certains devoirs à remplir qui ne regardent que nous-mêmes : or les devoirs qui nous regardent nous-mêmes peuvent se réduire en général à travailler à notre bonheur & à notre perfection ; à notre perfection, qui consiste principalement dans une parfaite conformité de notre volonté avec l'ordre ; à notre bonheur, qui consiste uniquement dans la joüissance des plaisirs, j'entens des solides plaisirs, & capables de contenter un esprit fait pour posséder le souverain bien.

2°. C'est dans la conformité avec l'ordre que consiste principalement la perfection de l'esprit : car celui qui aime l'ordre plus que toutes choses, a de la vertu ; celui qui obéit à l'ordre en toutes choses, remplit ses devoirs ; & celui-là mérite un bonheur solide, qui sacrifie ses plaisirs à l'ordre.

3°. Chercher son bonheur, ce n'est point vertu, c'est nécessité : car il ne dépend point de nous de vouloir être heureux ; & la vertu est libre. L'amour-propre, à parler exactement, n'est point une qualité qu'on puisse augmenter ou diminuer. On ne peut cesser de s'aimer ; mais on peut cesser de se mal aimer. On peut, par le mouvement d'un amour propre éclairé, d'un amour-propre soutenu par la foi & par l'espérance, & conduit par la charité, sacrifier ses plaisirs présens aux plaisirs futurs, se rendre malheureux pour un tems, afin d'être heureux pendant l'éternité ; car la grace ne détruit point la nature. Les pécheurs & les justes veulent également être heureux ; ils courent également vers la source de la félicité : mais le juste ne se laisse ni tromper ni corrompre par les apparences qui le flattent ; au lieu que le pécheur, aveuglé par ses passions, oublie Dieu, ses vengeances & ses récompenses, & employe tout le mouvement que Dieu lui donne pour le vrai bien, à courir après des fantômes.

4°. Notre amour-propre est donc le motif qui, secouru par la grace, nous unit à Dieu, comme à notre bien, & nous soûmet à la raison comme à notre loi, ou au modele de notre perfection : mais il ne faut pas faire notre fin ou notre loi de notre motif. Il faut véritablement & sincerement aimer l'ordre, & s'unir à Dieu par la raison ; il ne faut pas desirer que l'ordre s'accommode à nos volontés : cela n'est pas possible ; l'ordre est immuable & nécessaire : il faut haïr ses desordres, & former sur l'ordre tous les mouvemens de son coeur ; il faut même venger à ses dépens l'honneur de l'ordre offensé, ou du moins se soûmettre humblement à la vengeance divine : car celui qui voudroit que Dieu ne punît point l'injustice ou l'ivrognerie, n'aime point Dieu ; & quoique par la force de son amour-propre éclairé il s'abstienne de voler & de s'enivrer, il n'est point juste.

5°. De tout ceci il est manifeste premierement, qu'il faut éclairer son amour propre, afin qu'il nous excite à la vertu : en second lieu, qu'il ne faut jamais suivre uniquement le mouvement de l'amour-propre : en troisieme lieu, qu'en suivant l'ordre inviolablement, on travaille solidement à contenter son amour-propre : en un mot, que Dieu seul étant la cause de nos plaisirs, nous devons nous soûmettre à sa loi, & travailler à notre perfection.

6°. Voici en général les moyens de travailler à sa perfection, & d'acquérir & conserver l'amour habituel & dominant de l'ordre. Il faut s'accoûtumer au travail de l'attention, & acquérir par-là quelque force d'esprit ; il ne faut consentir qu'à l'évidence, & conserver ainsi la liberté de son ame ; il faut étudier sans cesse l'homme en général, & soi-même en particulier, pour se connoître parfaitement ; il faut méditer jour & nuit la loi divine, pour la suivre exactement ; se comparer à l'ordre pour s'humilier & se mépriser ; se souvenir de la justice divine, pour la craindre & se réveiller. Le monde nous séduit par nos sens ; il nous trouble l'esprit par notre imagination ; il nous entraîne & nous précipite dans les derniers malheurs par nos passions. Il faut rompre le commerce dangereux que nous avons avec lui par notre corps, si nous voulons augmenter l'union que nous avons avec Dieu par la raison.

Ce n'est pas qu'il soit permis de se donner la mort, ni même de ruiner sa santé : car notre corps n'est pas à nous ; il est à Dieu, il est à l'état, à notre famille, à nos amis : nous devons le conserver dans sa force, selon l'usage que nous sommes obligés d'en faire : mais nous ne devons pas le conserver contre l'ordre de Dieu, & aux dépens des autres hommes : il faut l'exposer pour le bien de l'état, & ne point craindre de l'affoiblir, le ruiner, le détruire, pour exécuter les ordres de Dieu. Je n'entre point dans le détail de tout ceci, parce que je n'ai prétendu exposer que les principes généraux sur lesquels chacun est obligé de régler sa conduite, pour arriver heureusement au lieu de son repos & de ses plaisirs. (X)


AMOURGALANTERIE, (Langue franç.) ce ne sont point-là deux synonymes.

La galanterie est l'enfant du desir de plaire, sans un attachement fixe qui ait sa source dans le coeur. L'amour est le charme d'aimer & d'être aimé.

La galanterie est l'usage de certains plaisirs qu'on cherche par intervalles, qu'on varie par dégoût & par inconstance. Dans l'amour la continuité du sentiment en augmente la volupté, & souvent son plaisir s'éteint dans les plaisirs mêmes.

La galanterie devant son origine au tempérament & à la complexion, finit seulement quand l'âge vient en tarir la source. L'amour brise en tout tems ses chaînes par l'effort d'une raison puissante, par le caprice d'un dépit soutenu, ou bien encore par l'absence ; alors il s'évanouit comme on voit le feu matériel s'éteindre.

La galanterie entraîne vers toutes les personnes qui ont de la beauté ou de l'agrément, nous unit à celles qui répondent à nos desirs, & nous laisse du goût pour les autres. L'amour livre notre coeur sans réserve à une seule personne qui le remplit tout entier ; ensorte qu'il ne nous reste que l'indifférence pour toutes les autres beautés de l'univers.

La galanterie est jointe à l'idée de conquête par faux honneur, ou par vanité ; l'amour consiste dans le sentiment tendre, délicat, & respectueux, sentiment qu'il faut mettre au rang des vertus.

La galanterie n'est pas difficile à démêler ; elle ne laisse entrevoir dans toutes sortes de caracteres, qu'un goût fondé sur les sens. L'amour se diversifie, selon les différentes ames sur lesquelles il agit. Il regne avec fureur dans Médée, au lieu qu'il allume dans les naturels doux, un feu semblable à celui de l'encens qui brûle sur l'autel. Ovide tient les propos de la galanterie, & Tibulle soupire l'amour.

C'est d'amour dont Lydie est atteinte, quand elle s'écrie :

Calaïs est charmant ; mais je n'aime que vous.

Ingrat, mon coeur vous justifie ;

Heureuse également en des liens si doux

De perdre ou de passer ma vie.

Trad. de M. le duc de Nivernois.

Lorsque la niece du cardinal de Mazarin, recevant un ordre pour se rendre à Brouage, dit à Louis XIV : " Ah, sire, vous êtes roi, vous m'aimez, & je pars ", ces paroles qui disent tant de choses, n'en disent pas une qui ait rapport à la galanterie ; c'est le langage de l'amour qu'elle tenoit. Bérénice dans Racine ne parle pas si bien à Titus.

Quand Despréaux a voulu railler Quinault, en le qualifiant de doux & de tendre, il n'a fait que donner à cet aimable poëte, une louange qui lui est légitimement acquise. Ce n'est point par-là qu'il devoit attaquer Quinault ; mais il pouvoit lui reprocher qu'il se montroit fréquemment plus galant que tendre, que passionné, qu'amoureux, & qu'il confondoit à tort ces deux choses dans ses écrits.

L'amour est souvent le frein du vice, & s'allie d'ordinaire avec les vertus. La galanterie est un vice, car c'est le libertinage de l'esprit, de l'imagination, & des sens ; c'est pourquoi, suivant la remarque de l'auteur de l'esprit des Loix, les bons législateurs ont toujours banni le commerce de galanterie que produit l'oisiveté, & qui est cause que les femmes corrompent avant même que d'être corrompues, qui donne un prix à tous les riens, rabaisse ce qui est important, & fait que l'on ne se conduit que sur les maximes du ridicule que les femmes entendent si bien à établir.

(Le Chevalier DE JAUCOURT.)


AMOUREUXadj. muscles amoureux, amatorii musculi (en Anatomie.), est le nom que l'on donne quelquefois aux muscles de l'oeil qui le font mouvoir obliquement, & lui font faire ce qu'on appelle des oeillades. Voyez OEIL.

Lorsque l'abducteur & l'abaisseur agissent ensemble, ils donnent à l'oeil ce mouvement oblique. Voyez DROIT. (L)


AMOVIBLEadj. terme de Droit, & sur-tout de Droit ecclésiastique, signifie, qui peut être destitué de son emploi, dépossédé de son office, ou privé de son bénéfice : tels sont des vicaires de paroisses, des grands-vicaires, qui sont amovibles à la volonté du curé ou de l'évêque ; ou des officiers claustraux, que le supérieur peut déposer quand bon lui semble. (H)


AMPAou EMPAN, s. m. (Comm.) mesure étendue qui sert à mesurer les distances & les longueurs. Voyez PALME.


AMPARLIERS. m. (Jurisp.) vieux mot qui s'est dit autrefois pour Avocat. On a dit aussi avant-parlier dans la même signification. Tous deux sont dérivés de parlier, signifiant la même chose. (H)


AMPASApetit pays d'Afrique, sur la côte de Zanguebar, entre la ligne & le royaume de Melinde. Long. 58. lat. mérid. 1. 30.


AMPASTELERen Teinture, c'est donner aux laines & aux draps, le bleu de pastel. On dit aussi gueder, parce que le guede & le pastel sont la même chose. Quand le bleu se donne avec le voude & l'indigo, cela n'empêche pas qu'on ne se serve du terme ampasteler. Voyez TEINTURE.


AMPATRESpeuples de l'île de Madagascar, vers la côte méridionale, entre Caremboule & Carcanassi.


AMPECHONÉ(Hist. anc.) manteau leger que les femmes portoient sur leur tunique. On peut voir dans les Antiquités expliquées du P. Montfaucon une figure d'Hésione avec cet ajustement. Son manteau est frangé par le bas. Vol. III. pag. 35.


AMPELITES. f. ampelites, pharmacitis, (Hist. nat.) terre noire & bitumineuse, qui doit être regardée comme sulphureuse & inflammable. Pline l'a désignée comme telle, en disant qu'elle est très-ressemblante au bitume, qu'elle se liquéfie dans l'huile, & qu'elle reste de couleur noirâtre après avoir té brûlée. Dioscoride assûre que l'on trouve la terre qu'il appelle ampelite, aux environs de la ville aujourd'hui nommée Seleuche en Sourie ; il la donne comme une terre d'un beau noir, qui se divise assez facilement, qui est également luisante dans toutes ses parties, & qui se dissout promptement dans l'huile après avoir été broyée ; celle qui est blanche n'est pas dissoluble, c'est une mauvaise qualité pour cette terre au rapport du même auteur. Mathiole conclut de toutes ces observations, que l'ampelite n'est pas fort différente du jais (voyez JAIS), ou du charbon de terre (voyez CHARBON DE TERRE). Le nom d'ampelite vient d'une propriété qu'a cette terre, qui est de faire mourir les vers qui se trouvent dans les vignes ; c'est pourquoi on l'a nommée terre de vigne. On l'a aussi appellée pharmacitis, parce qu'on lui attribue quelques propriétés médicinales, comme de guérir les ulceres des paupieres ; on s'en est aussi servi pour teindre en noir les cheveux & les sourcils ; on en a fait des dépilatoires, &c. Terrae musei regii Dresdensis. D. Christ. Gottlieb Ludwig. Lipsiae 1749, pag. 72. Voyez TERRE. (I)


AMPELUSIAc'est un promontoire d'Afrique, dans la Mauritanie Tingitane, dans la province de Hasbar près de Tanger, vis-à-vis l'Andalousie ; c'est aussi une ville & promontoire de Crete, qu'on nomme aujourd'hui Capo Sagro. C'est encore une ville & promontoire de Macédoine, près du golfe Sainte-Anne, & que nous appellons Capo Canistro.


AMPHAXou AMPHAXIS, petite ville de Macédoine, sur le golfe que nous appellons de Contessa. Elle donnoit son nom à un petit pays qu'on nommoit l'Amphaxite.


AMPHIARÉES(Hist. anc.) fêtes que les Oropiens célebroient à l'honneur du devin Amphiaraüs, qui avoit un oracle fameux dans le temple qu'ils lui éleverent. Ceux qui alloient consulter l'oracle, immoloient un mouton, en étendoient à terre la peau, & s'endormoient dessus, attendant en songe l'inspiration du dieu.


AMPHIARTHROSES. f. en Anatomie, est une sorte d'articulation neutre ou moyenne, qui est distinguée de la diarthrose, en ce qu'elle n'a pas un mouvement manifeste, & de la synarthrose, par sa connexion. Voyez ARTICULATION, DIARTHROSE, &c. Ce mot vient d', deux, & d', articulation, l'amphiarthrose étant composée de deux autres sortes d'articulations : c'est pourquoi quelques-uns l'appellent aussi diarthrose-synarthrodiale.

Les pieces qui la composent n'ont pas chacune un cartilage propre & particulier comme dans la diarthrose ; elles tiennent de part & d'autre à un même cartilage commun, qui étant plus ou moins souple, leur permet un mouvement de flexibilité. Telle est la connexion de la premiere côte avec le sternum, & celle des corps des vertebres entre eux. Winslow. Voyez VERTEBRE, & Planches Anatomiques..


AMPHIBIES. pris adject. (Hist. nat.) animal qui vit alternativement sur la terre & dans l'eau, c'est-à-dire dans l'air & dans l'eau, comme le castor, le veau de mer, &c. L'homme & quantité d'autres animaux que l'on ne regarde pas comme amphibies, le sont cependant en quelque façon ; puisqu'ils vivent dans l'eau tant qu'ils restent dans la matrice, & qu'ils respirent lorsqu'ils sont nés : mais ils ne peuvent plus dans la suite se passer d'air, si ce n'est pendant quelques instans, comme il arrive aux plongeurs. Il est vrai qu'on a vû des gens qui pouvoient rester dans l'eau pendant un assez long-tems ; peut-être que si on y mettoit de jeunes animaux, on empêcheroit le trou oval de se fermer, & que le sang pourroit circuler au moins pendant quelque tems sans le mouvement des poumons. Voyez TROU OVAL.

On a divisé les animaux en terrestres, aquatiques, & amphibies : mais on a trouvé cette méthode très-défectueuse, parce qu'on y sépare des especes du même genre, & des genres de la même classe, & parce qu'on y réunit des especes de différens genres & des genres de différentes classes, c'est-à-dire parce que cette méthode n'est pas d'accord avec d'autres méthodes : mais cet inconvénient doit arriver dans toutes les méthodes arbitraires. Voyez METHODE.

Gesner a fait un article des amphibies dans sa division des animaux, ordre II. des animaux d'eau-douce, part v. Amphibies. Le castor, le loutre, le rat d'eau, l'hippopotame, le crocodile, un grand lésard d'Amérique, le cordyle, la tortue d'eau, la grenouille, le crapaud d'eau, la salamandre d'eau appellée tac ou tassot, le serpent d'eau, &c. Gesner regardoit aussi comme amphibies les oiseaux qui cherchent leur nourriture dans l'eau. Nomenclator aquatilium animantium, pag. 352. & suivantes.

M. Linnaeus fait une classe d'amphibies dans sa distribution des animaux. Syst. nat. regn. anim. classis III. Le premier ordre contient les reptiles, qui sont les tortues, le crapaud, la grenouille, le crocodile, le cordyle, le lésard, la salamandre, le caméleon, le scinc, &c. Le second ordre contient les serpens. Voyez ANIMAL. (I)


AMPHIBLESTROIDES. f. en Anatomie, est le nom d'une tunique ou membrane de l'oeil, appellée plus ordinairement rétine. Voyez RETINE.

Ce mot est Grec, ἀμφιϐληστροιδὴς, composé d’ἀμφίϐληστρον, rets, & de εἶδος, forme ; parce que le tissu de cette membrane est en façon de rets : d’où les Latins l’appellent aussi retiformis. (L)


AMPHIBOLOGIES. f. terme de Grammaire, ambiguité. Ce mot vient du Grec ἀμφιϐολία, qui a pour racine ἀμφὶ, préposition qui signifie environ, autour, & βάλλω, jetter ; à quoi nous avons ajoûté λόγος, parole, discours.

Lorsqu'une phrase est énoncée de façon qu'elle est susceptible de deux interprétations différentes, on dit qu'il y a amphibologie, c'est-à-dire qu'elle est équivoque, ambiguë.

L'amphibologie vient de la tournure de la phrase, c'est-à-dire de l'arrangement des mots, plûtôt que de ce que les termes sont équivoques.

On donne ordinairement pour exemple d'une amphibologie, la réponse que fit l'oracle à Pyrrhus, lorsque ce prince l'alla consulter sur l'évenement de la guerre qu'il vouloit faire aux Romains :

Aio te, Æacida, Romanos vincere posse.

L'amphibologie de cette phrase consiste en ce que l'esprit peut ou regarder te comme le terme de l'action de vincere, ensorte qu'alors ce sera Pyrrhus qui sera vaincu ; ou bien on peut regarder Romanos comme ceux qui seront vaincus, & alors Pyrrhus remportera la victoire.

Quoique la langue Françoise s'énonce communément dans un ordre qui semble prévenir toute amphibologie ; cependant nous n'en avons que trop d'exemples, sur-tout dans les transactions, les actes, les testamens, &c. nos qui, nos que, nos il, son, sa, se, donnent aussi fort souvent lieu à l'amphibologie : celui qui compose s'entend, & par cela seul il croit qu'il sera entendu : mais celui qui lit n'est pas dans la même disposition d'esprit ; il faut que l'arrangement des mots le force à ne pouvoir donner à la phrase que le sens que celui qui a écrit a voulu lui faire entendre. On ne sauroit trop répeter aux jeunes gens, qu'on ne doit parler & écrire que pour être entendu, & que la clarté est la premiere & la plus essentielle qualité du discours. (F)


AMPHIBRAQUE(Belles-Lettres.) est le nom d'un pié de vers dans le poésie Greque & Latine, qui consiste en trois syllabes, une longue entre deux breves. Voyez PIE & VERS.

Ce mot vient d', autour, & de , bref ; comme qui diroit pié-bref à ses deux extrémités. On l'a appellé aussi janius & scolius. Diom. III. p. 475.

Tels sont ces mots mr, br, ptrns, , &c. (G)


AMPHIBRONCHESS. f. pl. c'est le nom qu'on peut donner aux parties circonvoisines des bronches ; & qu'on applique, selon Harris, à celles qui environnent les glandes des gencives & autres qui arrosent la gorge, la trachée artere & l'oesophage. On dit aussi amphibronchies.


AMPHICLÉEancienne ville de la Phocide en Grece, dont les Amphictyons changerent le nom en celui d'Ophythea.


AMPHICTYONSS. m. pl. (Hist. anc.) c'étoient des députés des différens peuples de la Grece, qui dans l'assemblée générale représentoient toute la nation. Ils avoient plein pouvoir de proposer, de résoudre & d'arrêter tout ce qu'ils jugeoient utile & avantageux à la Grece.

Les Amphictyons étoient à-peu-près en Grece ce que sont les Etats Généraux dans les Provinces-Unies, ou plûtôt ce qu'on appelle en Allemagne, la diete de l'Empire. Voyez ETATS & DIETE.

Celui qui donna l'idée de ces assemblées, & qui en convoqua une le premier, fut Amphictyon, troisieme roi d'Athenes, qui imagina ce moyen pour unir les Grecs plus étroitement entre eux, & les rendre par-là la terreur des barbares leurs voisins ; & son nom demeura affecté à son tribunal.

Il s'assembloit deux fois l'an dans le temple de Cérès, qui étoit bâti dans une vaste plaine près du fleuve Asopus.

Pausanias, dans la liste des dix nations qui envoyoient des députés à ces assemblées, ne parle que des Ioniens, des Dolopes, des Thessaliens, des Oenianes, des Magnésiens, des Méliens, des Phthiens, des Doriens, des Phocéens, & des Locriens : il n'y comprend pas les Achéens, les Eléens, les Argiens, les Messéniens & plusieurs autres. Eschine donne aussi une liste des cités qui étoient admises dans ces assemblées, dans son Oraison de falsâ legatione.

Acrisius institua un nouveau conseil d'amphictyons, qui s'assembloient deux fois l'an dans le temple de Delphes. Les députés se nommoient indifféremment, , & leur assemblée .

Les Romains ne jugerent pas nécessaire de supprimer ces assemblées des amphictyons. Strabon même assûre que de son tems elles se tenoient encore. (G)


AMPHIDÉES. f. c'est, selon quelques Anatomistes, la partie supérieure de l'orifice de la matrice.


AMPHIDROMIES. f. (Hist. anc.) étoit une fête chez les anciens, qui se célebroit le cinquieme jour après la naissance d'un enfant. Voyez FETE. (G)


AMPHIMACRES. m. pié dans la Poësie ancienne, Greque & Latine, qui consistoit en trois syllabes, une breve entre deux longues. Ce mot vient du Grec ἀμφὶ, autour, & de μακρὸς, long ; comme qui diroit long à ses deux extrémités.

Tels sont ces mots : ōmnĭūm, cāstĭtās, γραμματων, &c. Ce pié est aussi appellé quelquefois creticus & sescennius. Diom. III. p. 475. Quintil. lib. IX. cap. iv. (G)


AMPHIMALLES. m. (Hist. anc.) habit velu des deux côtés, à l'usage des Romains dans la saison froide. C'est tout ce qu'on en sait.


AMPHINOMEnom qu'Homere donne à une des cinquante Néréides.


AMPHIPHON(Mythol.) gâteaux qu'on faisoit en l'honneur de Diane, & qu'on environnoit de petits flambeaux. C'est-là tout ce que nous en savons. Ceux qui écrivent, tombent dans une étrange contradiction ; ils prétendent tous que leurs ouvrages passeront à la postérité, & la plûpart d'entre eux parlent des choses d'une maniere à n'être entendus que de leurs contemporains. Je sai qu'il y a un grand nombre d'ouvrages où le bon goût ne permet pas les détails, & qu'il ne faut pas s'attendre qu'un poëte qui a occasion d'employer le nom d'une arme ou d'un plumet, en fasse la description : mais tous les auteurs ne sont pas dans ce cas. Ceux qui font des dictionnaires n'ont pas cette excuse pour eux : au contraire, je pense que si les dictionnaires étoient bien faits, ils serviroient de commentaire à tous les autres ouvrages ; & que c'est-là qu'on trouveroit ces notes, ces éclaircissemens qui enflent nos éditions, & au milieu desquels le texte d'un auteur est comme étouffé. On a imaginé tant de dictionnaires, on en a tant exécuté ; cependant il en reste un à faire : ce seroit un dictionnaire où tous les passages obscurs de nos bons auteurs seroient éclaircis. Il ne seroit peut-être pas inutile de marquer dans le même ouvrage les fautes de langue dans lesquelles ils sont tombés. Ce travail nettoyeroit nos éditions à venir de toute cette broderie marginale, qui leur est nécessaire dans l'état où sont les choses, mais qui ne les en défigure pas moins. On conçoit bien que ce que je viens de dire des auteurs françois, s'étend aussi aux auteurs grecs & latins.


AMPHIPOLESS. m. pl. (Hist. anc.) étoient des archontes, ou magistrats souverains de Syracuse. Voyez ARCHONTE. Ils y furent établis par Timoléon, après qu'il en eut expulsé Denys le Tyran. Ils gouvernerent Syracuse pendant l'espace de 300 ans ; & Diodore de Sicile nous assûre qu'ils subsistoient encore de son tems. (G)


AMPHIPOLIS(Géog.) ville ancienne, située sur le fleuve Strimon, aux frontieres de Thrace & de Macédoine. Elle s'appella depuis Christopoli ; on dit qu'elle se nomme aujourd'hui Emboli ou Chrysopoli.


AMPHIPROSTYLE(Archit.) ce mot est formé de ces trois, , autour, , devant, & , colonne. Il signifie un double prostyle (voyez PROSTYLE), qui a deux faces pareilles, c'est-à-dire qui a un portail derriere, pareil à celui qui n'est que devant au prostyle. Cette espece de temple a été particuliere aux Payens. Les Chrétiens n'ont jamais fait de portail au-derriere de leurs églises. Voyez TEMPLE. (P)


AMPHIROnom d'une nymphe océanide.


AMPHISBAENEserpent qui peut se porter en avant & en arriere. Voyez DOUBLE-MARCHEUR. (I)


AMPHISCIENSS. m. pl. terme de Géographie & d'Astronomie, se dit des peuples qui habitent la zone torride. Voyez ZONE. Ce mot vient d', autour, & de , ombre. On les a ainsi nommés, parce qu'ils ont leur ombre tantôt d'un côté, tantôt de l'autre ; c'est-à-dire dans une saison de l'année au septentrion, & dans l'autre au midi. Voyez OMBRE. Les Amphisciens sont aussi Asciens. Voyez ASCIENS. (O)


AMPHISMILES. m. bistouri tranchant des deux côtés, propre pour disséquer. Ce mot est composé d', autour, & de , bistouri ou lancette. Voyez SCALPEL. (Y)


AMPHITHÉATRES. m. Ce terme est composé de & de , théatre, & théatre vient de , regarder, contempler : ainsi amphithéatre signifie proprement un lieu d'où les spectateurs rangés circulairement voyoient également bien ; aussi les Latins le nommoient-ils visorium. C'étoit un bâtiment spacieux, rond, plus ordinairement ovale, dont l'espace du milieu étoit environné de siéges élevés les uns au-dessus des autres, avec des portiques en-dedans & en-dehors. Cassiodore dit que ce bâtiment étoit fait de deux théatres conjoints. Le nom de cavea qu'on lui donnoit quelquefois, & qui fut le premier nom des théatres, n'exprimoit que le dedans, ou ce creux formé par les gradins, en cone tronqué, dont la surface la plus petite, celle qui étoit au-dessous du premier rang de gradins & du podium, s'appelloit l'arene, parce qu'avant que de commencer les jeux de l'amphithéatre, on y répandoit du sable ; nous disons encore aujourd'hui l'arene de Nîmes, les arenes de Tintiniac. Au lieu de sable, Caligula fit répandre dans le cirque de la chrysocolle ; Néron ajoûta à la chrysocolle du cinnabre broyé.

Dans les commencemens, les amphithéatres n'étoient que de bois. Celui que Statilius Taurus fit construire à Rome dans le champ de Mars sous l'empire d'Auguste, fut le premier de pierre. L'amphithéatre de Statilius Taurus fut brûlé & rétabli sous Néron. Vespasien en bâtit un plus grand & plus superbe, qui fut souvent brûlé & relevé : il en reste encore aujourd'hui une grande partie. Voyez Planche II. de nos antiquités, figure premiere, l'amphithéatre de Vespasien, tel qu'il étoit jadis ; & figure 2, tel qu'il est à présent. Parmi les amphithéatres entiers ou à demi-détruits qui subsistent, il n'y en a point de comparable au colisée. Il pouvoit contenir, dit Victor, quatre-vingts sept mille spectateurs. Le fond ou l'enceinte la plus basse étoit ovale. Autour de cette enceinte étoient des loges ou voûtes, qui renfermoient les bêtes qui devoient combattre ; ces loges s'appelloient caveae.

Au-dessus des loges appellées caveae, dont les portes étoient prises dans un mur qui entouroit l'arene, & sur ce mur, étoit pratiquée une avance en forme de quai, qu'on appelloit podium. Rien ne ressemble tant au podium qu'une longue tribune, ou qu'un grand peristyle circulaire. Ce podium étoit orné de colonnes & de balustrades. C'étoit la place des sénateurs, des magistrats, des empereurs, de l'éditeur du spectacle & des vestales, qui avoient aussi le privilége du podium. Quoiqu'il fût élevé de douze à quinze piés, cette hauteur n'auroit pas suffi pour garantir des éléphans, des lions, des léopards, des pantheres, & autres bêtes féroces. C'est pourquoi le devant en étoit garni de rets, de treillis, de gros troncs de bois ronds & mobiles qui tournoient verticalement, sous l'effort des bêtes qui vouloient y monter : quelques-unes cependant franchirent ces obstacles ; & ce fut pour prévenir cet accident à l'avenir, qu'on pratiqua des fossés ou euripes tout-autour de l'arene, pour écarter les bêtes du podium.

Les gradins étoient au-dessus du podium : il y avoit deux sortes de gradins ou de siéges ; les uns destinés pour s'asseoir ; les autres plus bas & plus étroits, pour faciliter l'entrée & la sortie des premiers. Les gradins à s'asseoir étoient circulaires ; ceux qui servoient d'escalier, coupoient les autres de haut en bas. Les gradins de l'amphithéatre de Vespasien ont un pié deux pouces de hauteur, & deux piés & demi de largeur. Ces gradins formoient les précinctions ; & l'amphithéatre de Vespasien avoit quatre précinctions ou baudriers, baltei. Les avenues que Macrobe appelloit vomitoria, sont des portes au haut de chaque escalier, auxquelles on arrivoit par des voûtes couvertes. Les espaces contenus entre les précinctions & les escaliers, s'appelloient cunei, des coins. Nous avons dit que les sénateurs occupoient le podium, les chevaliers avoient les siéges immédiatement au-dessus du podium jusqu'à la premiere précinction ; ce qui formoit environ quatorze gradins. On avoit pratiqué deux sortes de canaux, les uns pour décharger les eaux de pluie ; d'autres pour transmettre des liqueurs odoriférantes, comme une infusion de vin & de safran. On tendoit des voiles pour garantir les spectateurs du soleil, simples dans les commencemens, dans la suite très-riches. Le grand diametre de l'amphithéatre étoit au plus petit, environ comme 1 1/2 à 1.

Outre l'amphithéatre de Statilius Taurus & celui de Vespasien, il y avoit encore à Rome celui de Trajan. Il ne reste du premier & du dernier que le nom de l'endroit où ils étoient, le champ de Mars.

Il y avoit un amphithéatre à Albe, dont il reste, à ce qu'on dit, quelques vestiges ; un à Vérone, dont les habitans travaillent tous les jours à réparer les ruines ; un à Capoue, de pierres d'une grandeur énorme ; un à Pouzzol, dont les ornemens sont détruits au point qu'on n'y peut rien connoître ; un au pié du Mont-Cassin, dans le voisinage de la maison de Varron, qui n'a rien de remarquable ; un à Orticoli, dont on voit encore des restes ; un à Hispella, qui paroît avoir été fort grand, & c'est tout ce qu'on en peut conjecturer ; un à Pola, dont la premiere enceinte est entiere. Chaque ville avoit le sien, mais tout est détruit ; les matériaux ont été employés à d'autres bâtimens ; & ces sortes d'édifices étoient si méprisés dans les siecles barbares, qu'il n'y a que la difficulté de la démolition, qui en ait garanti quelques-uns.

Mais l'usage des amphithéatres n'étoit pas borné à l'Italie ; il y en avoit dans les Gaules ; on en voit des restes à Fréjus & à Arles. Il en subsiste un presqu'entier à Nîmes. Celui de Nîmes est d'ordre dorique à deux rangs de colonnes, sans compter un autre ordre plus petit qui le termine par le haut. Il y a des restes d'amphithéatres à Saintes ; ceux d'Autun donnent une haute idée de cet édifice ; la face extérieure étoit à quatre étages, comme celle du colisée, ou de l'amphithéatre de Vespasien.

Pline parle d'un amphithéatre brisé, dressé par Curion, qui tournoit sur de gros pivots de fer ; ensorte que du même amphithéatre, on pouvoit, quand on vouloit, faire deux théatres différens, sur lesquels on représentoit des pieces toutes différentes.

C'est sur l'arene des amphithéatres que se faisoient les combats de gladiateurs (V. GLADIATEURS), & les combats des bêtes ; elles combattoient ou contre d'autres de la même espece, ou contre des bêtes de différente espece, ou enfin contre des hommes. Les hommes exposés aux bêtes étoient ou des criminels condamnés au supplice, ou des gens qui se loüoient pour de l'argent, ou d'autres qui s'y offroient par ostentation d'adresse ou de force. Si le criminel vainquoit la bête, il étoit renvoyé absous. C'étoit encore dans les amphithéatres que se faisoient quelquefois les naumachies & autres jeux, qu'on trouvera décrits à leurs articles.

L'amphithéatre parmi nous, c'est la partie du fond d'une petite salle de spectacle, ronde ou quarrée, opposée au théatre, à sa hauteur, & renfermant des banquettes paralleles, & placées les unes devant les autres, auxquelles on arrive par un espace ou une allée vuide qui les traverse depuis le haut de l'amphithéatre jusqu'en bas ; les banquettes du fond sont plus élevées que celles de devant d'environ un pié & demi, en supposant la profondeur de tout l'espace de dix-huit piés. Les premieres loges du fond sont un peu plus élevées que l'amphithéatre ; l'amphithéatre domine le parterre ; l'orchestre qui est presque de niveau avec le parterre, est dominé par le théatre ; & le parterre qui touche l'orchestre, forme entre l'amphithéatre & le théatre, au-dessous de l'un & de l'autre, un espace quarré profond, où ceux qui sifflent ou applaudissent les pieces sont debout.

AMPHITHEATRE, en Anatomie, est un lieu où sont des gradins, ou rangs de siéges élevés circulairement les uns au-dessus des autres. Ces gradins ou siéges occupés par les étudians en Anatomie, ne forment quelquefois que la demi-circonférence ; dans ce cas l'amphithéatre est en face du démonstrateur : mais si les gradins regnent tout autour de la salle, le démonstrateur en Anatomie occupe le milieu de l'arene, & ses éleves l'environnent, rangés comme dans un cone creux, tronqué & renversé.

AMPHITHEATRE DE GASON ou VERTUGADIN, en Jardinage, est une décoration de gason pour régulariser un côteau ou une montagne, qu'on n'a pas dessein de couper & de soûtenir par des terrasses. On y pratique des estrades, des gradins & des plain-pieds, qui vous montent insensiblement dans les parties les plus élevées. On orne ces amphithéatres de caisses, d'ifs, de pots, de vases de fayence remplis d'arbrisseaux & de fleurs de saison, ainsi que de figures & de fontaines. (K)


AMPHITHOÉnom d'une des cinquante Néréides.


AMPHITRITE(Myth.) fille de l'Océan & de Doris, qui consentit à épouser Neptune à la persuasion d'un dauphin, qui pour sa récompense fut placé parmi les astres. Spanheim dit qu'on la représentoit moitié femme & moitié poisson. Il y avoit aussi deux Néréides du même nom.


AMPHORA(Astronom.) ce nom qui est latin se donne quelquefois à la constellation du Verseau. Voyez VERSEAU. (O)


AMPHOREamphora, dans l'Ecriture, se prend souvent dans un sens appellatif, pour une cruche ou un vase à mettre des liqueurs : par exemple, vous rencontrerez un homme qui portera un vase plein d'eau, amphoram aquae portans. Luc xxij. 10. Ailleurs il signifie une certaine mesure : ainsi il est dit dans Daniel, qu'on donnoit par jour au dieu Belus six amphores de vin, vini amphorae sex. cap. xv. v. 2. mais l'amphore n'étoit pas une mesure hébraïque.

AMPHORE, s. f. chez les Grecs & les Romains, étoit un vaisseau de terre servant de mesure aux choses liquides. Voyez MESURE.

Elle est appellée dans Homere (en place dequoi on a dit aussi par syncope ), à cause des deux anses qui étoient pratiquées aux deux côtés de ce vaisseau pour le porter plus facilement ; c'est la même chose que quadrantal. Voy. QUADRANTAL.

L'amphore étoit la vingtieme partie du culeus, & contenoit 88 septiers, qui pouvoient faire à peu près 36 pintes de Paris. Suétone parle d'un certain homme qui briguoit la questure, qui but une amphore de vin à un seul repas avec l'empereur Tibere.

Le P. Calmet prétend que l'amphore romaine contenoit deux urnes ou 48 septiers romains, ou quatre-vingts livres de douze onces chacune ; & que l'amphore attique contenoit trois urnes ou cent-vingt livres aussi de douze onces, qui n'en font que quatre-vingts-dix des nôtres, poids de marc.

Amphore se disoit aussi d'une mesure de choses seches, laquelle contenoit trois boisseaux, &c. On en conservoit le modele au capitole, pour empêcher le faux mesurage ; elle étoit d'un pié cubique.

Amphore se dit chez les Vénitiens, d'une mesure de liquides beaucoup plus grande que l'amphore greque ou romaine. Elle contient quatre bigots, soixante-seize mustachio, ou deux bottes ou muids. (G)


AMPHORITESespece de combat poétique, qui se faisoit dans l'île d'Aegine. On y accordoit un boeuf, pour récompense, au poëte qui avoit le mieux célébré Bacchus en vers dithyrambiques.


AMPHOTIDESS. f. plur. (Hist. anc.) du Grec ἀμφώτιδες, armes défensives, en usage dans le Pugilat : c’étoient certaines calottes à oreilles, faites d’airain, & doublées de quelqu’étoffe, dont les athletes couvroient les parties de leur tête les plus exposées, pour amortir la violence des coups. (G)


AMPHRYSEriviere de Thessalie, dans la province nommée Phthiotide. Il y en a une autre du même nom en Phrygie dans l'Asie mineure ; enfin c'est encore une ville de la Phocide, située sur le Parnasse.


AMPIGLIONEce sont les ruines de l'ancienne ville, appellée Empulum ; elles sont à une lieue de Tivoli, près du bourg Castello S. Angelo.


AMPLEadj. (Maréchal.) est une épithete qu'on donne au jarret d'un cheval. Voyez JARRET. (V)


AMPLIATIFadj. terme de Chancellerie Romaine ; il se dit des Brefs ou Indults qui ajoûtent quelque chose aux concessions & priviléges contenus ès Indults & Brefs antérieurs. Voyez ci-dessous AMPLIATION. (H)


AMPLIATIONS. f. terme de Chancellerie, & singulierement de Chancellerie Romaine : un Bref ou Bulle d'ampliation, est la même chose qu'un Bref ampliatif. Voyez ci-dessus AMPLIATIF.

On appelloit autrefois Lettres d'ampliation, des Lettres qu'on obtenoit en petite Chancellerie à l'effet d'articuler de nouveaux moyens omis dans des Lettres de requête civile précédemment impétrées : mais l'usage de ces Lettres est à présent abrogé ; & l'Ordonnance de 1667 qui les a abrogées, a ordonné que ces moyens seroient articulés par une simple requête.

AMPLIATION, en termes de Finance, est un double qu'on garde d'une quittance ou autre acte portant décharge, à l'effet de le produire au besoin.

Ampliation, signifie encore en termes de Finance, l'expédition en papier d'un nouveau contract de rente sur la ville, que le Notaire fournit avec la grosse en parchemin, & que le rentier remet au payeur avec sa quittance pour recevoir.

AMPLIATIONS de contracts, en termes de Pratique, sont des copies de ces contracts, dont on dépose les grosses ès mains d'un Notaire, pour en délivrer des ampliations ou expéditions aux parties ou à des créanciers colloqués utilement dans un ordre, avec déclaration de l'intérêt que chaque créancier a dans ces contracts relativement à sa collocation dans l'ordre. (H)


AMPLIERv. act. terme de Palais, usité dans quelques tribunaux, signifie différer & mettre plus au large. Ainsi, amplier le terme d'un payement, c'est donner du tems au débiteur ; amplier un criminel, c'est différer le jugement de son procès ; amplier un prisonnier, c'est lui rendre sa prison plus supportable, en lui donnant plus d'aisance & de liberté. (H)


AMPLIFICATIONS. f. en Rhétorique ; forme que l'orateur donne à son discours, & qui consiste à faire paroître les choses plus grandes ou moindres qu'elles ne sont en effet. L'amplification trouve sa place dans toutes les parties du discours ; elle sert à la preuve, à l'exposition du fait, à concilier la faveur de ceux qui nous écoutent, & à exciter leurs passions. Par elle l'orateur aggrave un crime, exagere une loüange, étend une narration par le développement de ses circonstances, présente une pensée sous diverses faces, & produit des émotions relatives à son sujet. Voyez ORAISON & PASSION. Tel est ce vers de Virgile, où au lieu de dire simplement Turnus meurt, il amplifie ainsi son récit :

Ast illi solvuntur frigore membra,

Vitaque cum gemitu fugit indignata sub umbras.

Aeneid. XII.

La définition que nous avons donnée de l'amplification, est celle d'Isocrate & même d'Aristote ; & à ne la considérer que dans ce sens, elle seroit plûtôt l'art d'un sophiste & d'un déclamateur, que celui d'un véritable orateur. Aussi Cicéron la définit-il une argumentation véhémente, une affirmation énergique qui persuade en remuant les passions. Quintilien & les autres maîtres d'éloquence font de l'amplification l'ame du discours : Longin en parle comme d'un des principaux moyens qui contribuent au sublime, mais il blâme ceux qui la définissent un discours qui grossit les objets, parce que ce caractere convient au sublime & au pathétique, dont il distingue l'amplification en ce que le sublime consiste uniquement dans l'élevation des sentimens & des mots, & l'amplification dans la multitude des uns & des autres. Le sublime peut se trouver dans une pensée unique, & l'amplification dépend du grand nombre. Ainsi ce mot de l'Ecriture, en parlant d'Alexandre, siluit terra in conspectu ejus, est un trait sublime ; pourroit-on dire que c'est une amplification ?

On met aussi cette différence entre l'amplification & la preuve, que celle-ci a pour objet d'éclaircir un point obscur ou controversé, & celle-là de donner de la grandeur & de l'élévation aux objets : mais rien n'empêche qu'un tissu de raisonnemens ne soit en même tems preuve & amplification. Cette derniere est en général de deux sortes : l'une roule sur les choses, l'autre a pour objet les mots & les expressions.

La premiere peut s'exécuter de différentes manieres, 1°. par l'amas des définitions, comme lorsque Cicéron définit l'histoire : testis temporum, lux veritatis, vita memoriae, magistra vitae, conscia vetustatis. Voyez DEFINITION.

2°. Par la multiplicité des adjoints ou circonstances : Virgile en donne un exemple dans cette lamentation sur la mort de César, où il décrit tous les prodiges qui la précéderent ou la suivirent :

Vox quoque per lucos vulgo exaudita silentes

Ingens ; & simulacra modis pallentia miris

Visa sub obscurum noctis ; pecudesque locutae,

Infandum, sistunt amnes, terraeque dehiscunt,

Et moestum illachrymat templis ebur, aeraque sudant.

3°. On amplifie encore une chose par le détail des causes & des effets : 4°. par l'énumération des conséquences : 5°. par les comparaisons, les similitudes, & les exemples, voyez COMPARAISON, &c. 6°. par des contrastes ou oppositions, & par les inductions qu'on en tire. Toutes ces belles descriptions des orages, des tempêtes, des combats singuliers, de la peste, de la famine, si fréquentes dans les poëtes, ne sont que des amplifications d'une pensée ou d'une action simple développée.

L'amplification par les mots se fait principalement en six manieres : 1°. par des métaphores : 2°. par des synonymes : 3°. par des hyperboles : 4°. par des périphrases : 5°. par des répétitions auxquelles on peut ajoûter la gradation : 6°. par des termes nobles & magnifiques. Ainsi au lieu de dire simplement, nous sommes tous mortels, Horace a dit :

Omnes eòdem cogimur ; omnium

Versatur urna seriùs, ocyùs

Sors exitura, & nos in aeternum

Exilium impositura cymbae. Od. Lib. II.

On amplifie une pensée générale en la particularisant, en la développant, & une pensée particuliere & restrainte, en remontant de conséquence en conséquence jusqu'à son principe. Mais on doit prendre garde dans l'amplification, comme en tout autre ouvrage du ressort de l'éloquence, de sortir des bornes de son sujet, défaut ordinaire aux jeunes gens que la vivacité de leur imagination emporte trop loin. Les plus grands orateurs ne se sont pas toujours eux-mêmes préservés de cet écueil ; & Cicéron lui-même, dans un âge plus mûr, condamna cette longue amplification qu'il avoit faite sur le supplice des parricides dans son oraison pour Roscius d'Amerie, qui lui attira cependant de grands applaudissemens. Il impute au caractere bouillant de la jeunesse l'affectation qu'il eut alors de s'étendre avec complaisance sur des lieux communs qui n'alloient pas directement à la justification de sa partie. (G)


AMPLISSIMEadj. superl. amplissimus, qualité dont on honore chez les étrangers & dans les colléges quelques personnes constituées en dignité : on traite dans les exercices publics le Recteur de l'Université de Paris, d'amplissime rector.


AMPLITUDEAMPLITUDE d’un arc de parabole, (en Géom.) est la ligne horisontale comprise entre le point d’où on suppose qu’un arc, ou portion de parabole commence, & le point où cette portion se termine. Ce terme est principalement en usage dans le jet des bombes, & l’amplitude de la parabole s’appelle alors amplitude du jet. Voyez PARABOLE & PROJECTILE.

AMPLITUDE d'un astre, en Astronomie, est l'arc de l'horison compris entre le vrai levant ou le vrai couchant, & le point où cet astre se leve ou se couche en effet. Voyez HORISON, LEVER, COUCHER, &c.

L'amplitude est de deux sortes, ortive ou orientale, & occidentale ou occase.

L'amplitude orientale ou ortive, est la distance entre le point où se leve l'astre, & le point du véritable orient, qui est un des points d'intersection de l'équateur & de l'horison. Voyez ORIENT.

L'amplitude occidentale ou occase, est la distance entre le point où l'astre se couche, & le point du vrai occident équinoctial. Voyez OCCIDENT.

L'amplitude orientale & l'occidentale s'appellent tantôt septentrionale, tantôt meridionale, selon qu'elles tombent dans la partie septentrionale ou meridionale de l'horison.

Le complément de l'amplitude orientale ou occidentale au quart complet de l'horison, s'appelle azimuth ; cependant il faut remarquer, que comme il y a une infinité d'azimuths, il n'y en a qu'un seul qui soit véritablement le complément de l'amplitude ; savoir, l'azimuth qui répond au cercle vertical, passant par le point de l'horison où l'astre se leve ou se couche. Voyez AZIMUTH & VERTICAL.

Pour trouver l'amplitude orientale du soleil, ou d'un autre astre, par le moyen du globe, V. GLOBE.

Pour trouver l'amplitude du soleil par la Trigonométrie, la latitude & la déclinaison du soleil données ; il faut dire : comme le co-sinus de la latitude est au rayon, ainsi le sinus de la déclinaison est au sinus de l'amplitude. Il est facile de voir que comme la déclinaison du soleil change d'un jour à l'autre, l'amplitude change aussi, & que de plus elle est différente pour chaque latitude. C'est pourquoi les Astronomes ont dressé des tables des amplitudes diurnes du soleil pour chaque jour & pour différentes latitudes, comme pour Paris, Londres, &c.

L'amplitude magnétique est un arc de cercle compris entre le point du lever ou du coucher du soleil, & le point est ou oüest du compas magnétique ou boussole ; c'est-à-dire, la distance du point du lever ou du coucher du soleil au point est ou oüest du compas magnétique. Voyez BOUSSOLE, CERCLE, LEVER, COUCHER, &c.

Lorsque la boussole n'a point de déclinaison, c'est-à-dire, lorsqu'elle est directement tournée au pole, il est visible que l'est ou l'oüest de la boussole répondent exactement à ceux du monde, & qu'ainsi l'amplitude magnétique est alors la même que l'amplitude astronomique. (O)


AMPOULES. f. (Hist. anc.) vase en usage chez les Romains, & surtout dans les bains, où ils étoient remplis de l'huile dont on se frottoit au sortir de l'eau. Les Chrétiens se sont aussi servis d'ampoules ; & les vases qui contenoient l'huile dont on oignoit les cathécumenes & les malades, le saint chrême, & le vin du sacrifice, s'appelloient ampoules. C'est encore aujourd'hui le nom d'une phiole qu'on conserve dans l'église de Saint Remi de Reims, & qu'on prétend avoir été apportée du ciel pleine de baume, pour le baptême de Clovis. Ce fait est attesté par Hincmar, par Flodoard, & par Aimoin. Gregoire de Tours & Fortunat n'en parlent point. D'habiles gens l'ont combattu ; d'autres habiles gens l'ont défendu. Et il y a eu, à ce qu'on prétend, un ordre de chevaliers de la sainte ampoule, qui faisoit remonter son institution jusqu'à Clovis. Ces chevaliers étoient, selon Favin, au nombre de quatre ; savoir, les barons de Terrier, de Belestre, de Sonatre & de Louvercy.

AMPOULETTE, s. f. (Art Milit.) C'est ainsi qu'on nomme dans l'Artillerie, le bois des fusées des bombes & grenades. Voyez FUSEE. (Q)


AMPOULETTESS. f. pl. en terme de Marine, c'est l'horloge à sable qu'on tient dans la chambre du vaisseau où est la boussole. V. SABLE & HORLOGE. (Z)


AMPURDAMpetit pays d'Espagne, à l'extrémité orientale de la Catalogne, au pié des Pyrénées.

* AMPURIAS, ville & port d'Espagne dans la Catalogne. Long. 20. 40. lat. 42.


AMPUTATIONS. f. en Chirurgie, est l'opération de couper un membre ou autre partie du corps. Dans les cas de mortification on a souvent recours à l'amputation. Voyez MORTIFICATION, GANGRENE, SPHACELE. L'amputation d'un membre est une opération extrème à laquelle on ne doit avoir recours qu'après avoir employé tous les moyens possibles pour l'éviter. Elle est inévitable lorsque la mortification s'est emparée d'une partie, au point qu'il n'y ait plus aucune espérance qu'elle se revivifie. Les fracas d'os considérables, par coups de fusil, éclats de bombe & de grenade, & autres corps contondans, exigent l'amputation ; de même que la carie des os, qui ronge & consume leur substance, & les rend comme vermoulus.

Lorsque l'opération est résolue sur sa nécessité indispensable, il faut déterminer l'endroit où elle se fera. On a établi avec raison qu'on ne couperoit du bras & de la cuisse que le moins qu'il seroit possible. On coupe la jambe quatre travers de doigt au-dessous de la tubérosité antérieure du tibia ; non-seulement pour la facilité de porter une jambe de bois après la guérison, mais pour éviter de faire l'incision dans les tendons aponévrotiques des muscles extérieurs de la jambe, & pour ne point scier l'os dans l'apophyse, ce qui rend la cure longue & difficile par la grande surface d'os qui seroit alors découverte.

Quelques auteurs sont d'avis qu'on doit ménager la jambe de même que l'extrémité supérieure ; ils prescrivent en conséquence, que pour les maladies du pié, il faut conserver la jambe jusqu'au-dessus des malléoles, & faire porter un pié artificiel. Sollingen, fameux praticien de Hollande, en a inventé un (au rapport de Dionis), qu'il dit avoir tant de fermeté, qu'on peut marcher avec autant de facilité que si l'on avoit un pié naturel. Cette heureuse invention ne nous ayant pas été transmise, nous sommes dans le cas de douter de ses avantages. V. JAMBE DE BOIS.

On peut extirper le bras dans son articulation supérieure, pour les maladies qui affectent la tête de l'humerus. On a donné à l'Académie de Chirurgie plusieurs Mémoires en projet sur la méthode d'extirper la cuisse dans l'article : mais cette operation n'a pas encore eu lieu, & paroît absolument impraticable. On coupe les doigts dans les articles : quelques praticiens préferent de les couper dans le corps de la phalange avec des tenailles incisives.

Fabrice d'Aquapendente ne veut pas qu'on coupe un membre dans la partie saine ; mais dans la partie gangrenée, deux travers de doigt au-dessous du lieu où finit la mortification. L'opération se fait sans douleur ; on cautérise ensuite avec des fers rouges tout ce qui reste atteint de pourriture. Cette maxime n'est point suivie, elle est très-défectueuse ; car il est impossible de cautériser jusqu'à la partie saine exclusivement ; mais si la cautérisation n'est pas exacte, ce qui restera de gangrené communiquera facilement la pourriture aux parties saines, ce qui rendra l'opération inutile. Si le feu agit sur les parties saines, l'opération sera fort douloureuse ; on perd par-là l'avantage qu'on se promettroit. Outre la cruauté d'une pareille opération, on ne seroit pas dispensé de la ligature des vaisseaux lors de la chûte de l'escare. Tous ces inconvéniens doivent faire rejetter cette opération, & semblent confirmer un axiome reçû en Chirurgie, que les amputations doivent se faire dans la partie saine. J'ose cependant assûrer que je me suis quelquefois fort bien trouvé de suivre une route moyenne entre ces deux préceptes. J'ai fait avec succès plusieurs amputations dans la partie attaquée d'inflammation, qui sépare la partie saine de la gangrenée. Cette méthode est fondée sur la raison & sur l'expérience : lorsqu'on a emporté un membre, on doit tâcher de procurer la suppuration de la plaie, & on sait que l'inflammation est un état antécédent nécessaire à la suppuration ; on doit donc l'obtenir plus facilement en coupant le membre dans une partie déjà enflammée. On sait aussi qu'il ne se fait jamais de suppuration sans fievre, & que la fievre est causée par l'inflammation : la fievre sera donc plus violente si l'on coupe le membre dans la partie saine, puisque sans calmer celle que produisoit l'inflammation qui séparoit le sain du gangrené, on en excite encore une nouvelle. (Voyez GANGRENE.) Lorsqu'on se détermine à faire l'amputation dans la partie enflammée, il faut avoir soin de débrider les membranes ou les aponévroses ; car par l'étranglement qu'elles causent, le moignon pourroit tomber en mortification, & on regarderoit alors ce que nous venons de dire comme un précepte meurtrier, malgré les avantages décrits, auxquels se joint celui de conserver une plus grande partie du membre.

Avant que d'entreprendre l'opération, il faut disposer toutes les choses qui y sont nécessaires : le tourniquet, & tout ce qui en dépend, sera rangé sur un plat, avec les instrumens, qui consistent en un grand couteau courbe pour l'incision circulaire des chairs, (Voyez COUTEAU), un couteau droit pour couper les chairs qui entourent les os, une compresse fendue pour retrousser les chairs, une scie pour scier les os (Voyez SCIE), & des aiguilles enfilées pour faire la ligature des vaisseaux (Voyez AIGUILLE). Sur un autre plat seront disposées les pieces de l'appareil, de façon qu'elles se présentent les unes après les autres dans l'ordre où l'on doit les employer : ce sont de la charpie brute, deux petites compresses quarrées larges d'un pouce, une compresse ronde de la grandeur du moignon, une croix de Malte, trois compresses longuettes, & une bande d'une longueur convenable. Il est bon d'avoir toutes ces pieces doubles, en cas qu'on soit obligé de changer l'appareil ; il faut en outre être muni de quelques boutons d'alun crud & d'alun en poudre.

Tout étant prêt, on peut faire l'opération : il faut d'abord mettre le malade dans une situation commode pour lui, autant qu'elle peut l'être dans cette circonstance, & pour l'opérateur. Si l'on doit couper le bras ou la cuisse, le chirurgien se mettra extérieurement ; & si c'est la jambe ou l'avant-bras, il se placera à la partie interne, parce que dans cette situation il sciera plus facilement les os.

Les aides chirurgiens doivent être placés selon les fonctions dont ils seront chargés pendant l'opération, où il y a trois conditions essentielles à remplir. Il faut d'abord se rendre maître du sang par le moyen du tourniquet (voyez TOURNIQUET). Il faut en second lieu abattre le membre selon l'art ; & en dernier lieu, il faut faire la ligature des vaisseaux, & appliquer l'appareil.

Pour abattre le membre, il faut le faire soûtenir au-dessus & au-dessous du lieu où se doit faire la section. Lorsque le membre est fracturé en plusieurs pieces, il doit être sur une planche ou dans une espece de caisse ; sans cette précaution, le moindre mouvement causeroit au malade des douleurs très-aiguës, aussi cruelles que l'opération. On peut mettre immédiatement au-dessus du lieu où l'on va faire l'incision, une ligature circulaire un peu serrée ; elle sert à affermir les chairs & diriger l'incision. Il faut avoir soin de retrousser la peau & les chairs avant l'application de cette ligature.

Le chirurgien, le genou droit en terre, & le bras droit passé sous le membre qu'il va amputer, reçoit de cette main le couteau courbe qu'un aide lui présente. Il en pose le tranchant sur le membre de façon que la pointe soit du côté de la poitrine le plus inférieurement qu'il est possible. Il pince avec le doigt index & le pouce de la main gauche le dos du couteau vers sa pointe : il est inutile de poser fortement les quatre doigts de la main gauche sur le dos du couteau ; car ce n'est point en appuyant que les instrumens tranchans sont capables de couper, mais en sciant, pour ainsi dire. Sur ce principe, qui est incontestable, on commencera l'incision circulaire en tirant le couteau inférieurement par l'action combinée des deux mains, & ensuite on coupera en glissant circulairement autour du membre ; quand on en est à la partie supérieure, le chirurgien se releve, & il continue de couper en faisant ce mouvement, ensorte qu'il acheve l'incision circulaire lorsqu'il est entierement debout, avec cette attention de commencer le plus inférieurement que l'on peut ; on n'est pas obligé de reporter plusieurs fois le couteau, & d'un seul tour on fait l'incision.

Quelques praticiens font l'incision circulaire en deux tems : ils coupent la peau & la graisse deux travers de doigts au-dessous du lieu où ils se proposent de scier l'os ; ils font ensuite retrousser & assujettir les parties coupées pour continuer à leur niveau l'incision jusqu'à l'os. L'avantage de cette méthode est d'éviter que l'os ne déborde les chairs ; ce qui rendroit la cure fort longue, en mettant dans l'obligation de rescier la portion d'os qui fait éminence. Mais on pourroit sans rendre l'opération plus longue & plus douloureuse, obtenir cet avantage, en inclinant le tranchant du couteau vers la partie supérieure du membre, le faisant entrer obliquement de bas enhaut dans les chairs. J'ai fait plusieurs fois cette opération de cette maniere : je laisse de cette premiere incision environ un pouce de chair autour de l'os, & je coupe encore obliquement avec un bistouri droit ce qui reste jusqu'au périoste exclusivement. Par cette méthode le bout de l'os est toûjours caché dans les chairs, sans que le malade ait été obligé d'acheter cet avantage par un surcroît de douleurs ; & je ménage le tranchant de mon instrument pour une autre opération. C'est une attention qu'il faut avoir, surtout dans les armées, où il faut beaucoup opérer avec le même instrument.

Dès que l'incision circulaire est faite, on prend le couteau droit pour couper les chairs qui restent autour de l'os, ou dans l'entre-deux à la jambe & à l'avant-bras. On a soin d'inciser le périoste ; il est inutile de le ratisser vers la partie inférieure, comme on le fait communément ; cela allonge l'opération sans produire aucun fruit. On retrousse les chairs avec la compresse fendue, & on prend ensuite la scie que l'on appuie sur l'os légerement pour faire la premiere trace. On peut aller après à plus grands coups, mais toûjours sans trop appuyer, de crainte d'engager les dents dans le corps de l'os. Quand on est sur la fin, il faut aller plus doucement pour ne point faire d'éclats. Celui qui soûtient le membre doit avoir attention de ne pas le baisser, car il feroit éclater l'os ; ni de le relever, car il serreroit la scie comme dans un étau, & rendroit l'opération plus difficile. Lorsqu'il y a deux os, il faut faire ensorte de finir par le plus solide, de crainte d'occasionner des tiraillemens & des dilacérations par la secousse de l'os le plus foible : ainsi à la jambe on fait les premieres impressions sur le tibia, on scie ensuite les os conjointement, & on finit par le tibia. A l'avant-bras on finit par le cubitus. L'aide qui soûtient doit appuyer fortement le péroné contre le tibia, ou le radius contre le cubitus, lorsqu'on scie ces parties.

Lorsque l'amputation est faite, il faut se rendre maître du sang : pour cet effet on lâche suffisamment le tourniquet afin de découvrir les principaux vaisseaux, & en faire la ligature, qui est le moyen le plus sûr & sujet à moins d'inconvéniens que l'application des caustiques (voyez CAUSTIQUE & HEMORRHAGIE). Dès qu'on a apperçu le vaisseau, on resserre le tourniquet : pour faire la ligature, on prend une aiguille courbe enfilée de trois ou quatre brins de fil dont on forme un cordonnet plat en le cirant. On entre dans les chairs au-dessous & à côté de l'extrémité du vaisseau, en piquant assez profondément pour sortir au-dessus & à côté. On en fait autant du côté opposé, de façon que le vaisseau se trouve pris avec une suffisante quantité de chairs dans l'anse du fil entre les quatre points paralleles : on fait d'abord un double noeud, nommé communément le noeud du chirurgien, que l'on fixe par un second noeud simple : s'il y a plusieurs vaisseaux considérables, on en fait la ligature. L'hémorrhagie des vaisseaux musculaires s'arrête par l'application de la charpie & la compression ; on pourroit tremper la charpie qu'on applique immédiatement sur ces vaisseaux, dans l'esprit-de-vin ou dans celui de terebenthine, pour en fermer l'orifice, & donner lieu à la formation du caillot. On peut aussi appliquer pour produire cet effet, des boutons d'alun ou de la poudre de ce minéral.

On couvre ensuite tout le moignon de charpie seche & brute, parce qu'elle s'accommode plus exactement à toutes les inégalités de la plaie, que si elle étoit arrangée en plumasseaux : on pose de petites compresses quarrées vis-à-vis les vaisseaux ; on contient le tout avec une compresse ronde ou quarrée dont on a abattu les angles, ce qui la rend octogone ; celle-ci doit être soûtenue par une grande compresse en croix de Malte, dont le plein sera de la grandeur du moignon & de la compresse octogone, & dont les quatre chefs s'arrangeront sur les parties antérieure, postérieure, & latérales du moignon : on applique ensuite les trois longuettes, dont deux croisent le moignon, & la troisieme qu'on nomme longuette circulaire à cause de son usage, contient les deux autres en entourant le bord du moignon. On fait ensuite un bandage qu'on nomme capeline, qui consiste en circulaires sur le membre, & en renversés pour couvrir le moignon, lesquels renversés sont contenus par des tours circulaires qui terminent l'application de la bande. On peut se dispenser de ce bandage qui exige une bande de six aunes de long ; ne faire que quelques circulaires pour contenir les compresses, & avoir un fond de bonnet de laine garni & armé de cordons pour en coëffer, pour ainsi dire, le bout du membre.

Tout cela étant achevé, on peut lâcher le tourniquet, afin de soulager le malade ; ou même l'ôter entierement, après avoir mis le malade au lit. Il doit-y être couché le moignon un peu élevé, & un aide tenir ferme avec la main l'appareil pendant 12 ou 15 heures, crainte d'une hémorrhagie.

On peut lever l'appareil au bout de trois ou quatre jours, & panser la plaie avec un digestif convenable. On attend ordinairement trois ou quatre jours pour la levée de l'appareil, pour que la suppuration se détache : mais on peut humecter dès le second jour la charpie avec l'huile d'hypericum.

Il est parlé dans l'histoire de l'académie royale des Sciences, année 1702, d'une méthode proposée à cette académie par M. Sabourin, chirurgien de Geneve, pour perfectionner l'opération de l'amputation. Tout le secret consiste à conserver un lambeau de la chair & de la peau qui descende un peu au-dessous de l'endroit où se doit faire la section, afin qu'il serve à recouvrir le moignon. L'avantage de cette méthode est qu'en moins de deux jours ce lambeau de chair se réunit avec les extrémités des vaisseaux coupés, & exempte par-là de les lier, ou d'appliquer les caustiques & les astringens ; méthodes qui sont toutes fort dangereuses, ou au moins fort incommodes. Ajoûtez à cela que l'os ainsi recouvert ne s'exfolie point.

Cette opération qui est précisément la même que celle que Pierre Verduin, chirurgien d'Amsterdam, a imaginée & publiée en 1697, n'a pas eu tous les avantages que ses partisans s'en promettoient ; personne ne la pratique : les personnes curieuses d'en savoir plus au long le détail, peuvent en lire la description dans les traités d'opérations de M. de Garengeot. Cette méthode a donné lieu à l'opération à deux lambeaux de M. Ravaton chirurgien aide-major de l'hôpital royal de Landau, décrite dans le traité des opérations de M. le Dran, aussi bien que celle de M. Vermalle chirurgien de l'électeur Palatin. Ces opérations, qui consistent à fendre le moignon en deux endroits opposés, pour scier l'os de façon qu'il y ait un ou deux pouces de chair qui le recouvrent ; ces opérations, dis-je, sont plus douloureuses que la méthode que nous avons décrite. On se propose d'éviter l'exfoliation de l'os, dont l'expectative ne rend pas l'opération ordinaire plus dangereuse, car on attend avec patience ce qui ne fait courir aucun péril : enfin on veut guérir en peu de jours & éviter la suppuration. L'expérience démontre néanmoins que la suppuration sauve plus de la moitié des malades. On sait que plusieurs personnes sont mortes après la guérison parfaite d'une amputation, par l'abondance du sang, qui ne leur étoit point nécessaire, ayant alors moins de parties à nourrir. La suppuration peut empêcher cette formation surabondante des liqueurs, & les accidens subits qu'elle occasionneroit, comme on le voit quelquefois dans les amputations de cuisse, où les malades sont tourmentés de coliques violentes qui ne cedent qu'aux saignées, parce qu'elles sont l'effet de l'engorgement des vaisseaux mésentériques produit par l'obstacle que le sang trouve à sa circulation dans le membre amputé. Il y a cependant des observations qui déposent en faveur de ces opérations à lambeaux : mais je crois qu'on ne peut les pratiquer que pour les accidens de cause externe, & au bras par préférence.

M. le Dran, le pere, maître chirurgien de Paris, a fait le premier l'amputation du bras dans l'article. On n'applique pas le tourniquet pour faire cette opération. Il n'est pas plus nécessaire de passer une aiguille de la partie antérieure à la postérieure du bras en côtoyant l'humerus, afin d'embrasser avec un fil ciré les vaisseaux & les lier avec la peau pour empêcher l'hémorrhagie ; la soustraction de cette aiguille diminue la douleur. On fait une incision demi-circulaire à la partie moyenne du muscle deltoïde jusqu'au périoste exclusivement. On soûleve ce lambeau en le disséquant, jusqu'à ce qu'on ait découvert la tête de l'humerus. On incise la capsule ligamenteuse ; & tandis qu'un aide luxe supérieurement le bras en faisant sortir la tête de l'os, l'opérateur coupe les chairs le long de l'humerus avec un bistouri droit, & fait un lambeau triangulaire inférieurement. Il est le maître de lier les vaisseaux avant de les couper ; il n'y auroit pas d'ailleurs grand inconvénient à ne les lier qu'apres. Quelques chirurgiens prétendent même qu'il n'est point nécessaire de faire la ligature des vaisseaux, parce qu'en retroussant le lambeau inférieur, on leur fait faire un pli qui arrête l'hémorragie. Le premier appareil consiste en charpie, compresse, & bandage contentif. (Y)


AMRASchâteau fort en Allemagne, dans le Tirol. Long. 29. 10. lat. 47.


AMSDORFIENSS. m. pl. (Théol.) secte de Protestans du xvj.e siecle, ainsi nommés de leur chef Nicolas Amsdorf disciple de Luther, qui le fit d'abord ministre de Magdebourg, & de sa propre autorité évêque de Naümburg. Ses sectateurs étoient des confessionnistes rigides, qui soûtenoient que nonseulement les bonnes oeuvres étoient inutiles, mais même pernicieuses au salut ; doctrine aussi contraire au bon sens qu'à l'Ecriture, & qui fut improuvée par les autres sectateurs de Luther. (G)


AMSTELriviere de Hollande qui passe à Amsterdam, & qui se jette dans l'Y. On prétend que la ville a pris son nom de la riviere.


AMSTELANDpetit pays de la Hollande méridionale, qui a pris le nom d'Amsteland, terre d'Amstel, ou de la riviere d'Amstel, ou de la ville d'Amsterdam, qu'on appelle aussi Amsteldam, & en latin Amstelodamum.


AMSTERDAMville des Provinces-Unies, capitale de tous les Pays-bas hollandois, de la Hollande septentrionale & de l'Amsteland, au confluant des rivieres d'Amstel & de l'Y. Long. 22. 39. lat. 52d 22'. 45".


AMSTERDAM LA NOUVELLE Ville de l'Amérique septentrionale dans le nouveau Pays-bas, sur la riviere du Nord.


AMSTERDAM * île de la Mer glaciale, dans la partie septentrionale du Spirtzberg, que les Anglois nomment Newland. Il y a encore trois îles du même nom ; l'une dans la mer des Indes, vers les terres Australes inconnues, entre la nouvelle Hollande & Madagascar ; l'autre dans la même mer, entre le Pérou & les îles de Salomon ; & la troisieme dans la mer de la Chine, entre le Japon & l'île Formose.


AMSTRUTTERpetite ville de l'Ecosse méridionale dans la province de Fise, sur le golfe d'Edimbourg.


AMULETES. m. (Divinat.) image ou figure qu'on porte pendue au cou ou sur soi, comme un préservatif contre les maladies & les enchantemens. Les Grecs appelloient ces sortes de préservatifs , , , , . Les Latins leur donnoient les noms de probra, servatoria, amolimenta, quia mala amoliri dicebantur, parce qu'on prétendoit qu'ils avoient la vertu d'écarter les maux ; & amoleta, d'où nous avons fait amulete. Les Romains les appelloient aussi phylacteria, phylacteres, & étoient dans cette persuasion, que les athletes qui en portoient, ou remportoient la victoire sur leurs antagonistes, ou empêchoient l'effet des charmes que ceux-ci pouvoient porter sur eux. Rustici didicerunt luxuriam, dit l'ancien scholiaste de Juvénal, & palestris uti & phylacteriis, ut athletae, ad vincendum ; nam & niceteria phylacteria sunt quae ob victoriam fiebant, & de collo pendentia gestabantur.

Les Juifs attribuoient aussi les mêmes vertus à ces phylacteres ou bandes de parchemin qu'ils affectoient de porter, par une fausse interprétation du précepte qui leur ordonnoit d'avoir continuellement la loi de Dieu devant les yeux, c'est-à-dire de la méditer & de la pratiquer.

Les Latins les nommoient encore praesiscini, c'est-à-dire préservatifs contre la fascination ; & ceux qu'ils pendoient à cet effet au cou des enfans, étoient d'ambre ou de corail, & représentoient des figures obscenes & autres. Voyez Planche VI. d'Antiq. fig. 8. 9. Les Chrétiens n'ont pas été exempts de ces superstitions, puisque S. Jean Chrysostôme reproche à ceux de son tems de se servir de charmes, de ligatures, & de porter sur eux des pieces d'or qui représentoient Alexandre le grand, & qu'on regardoit comme des préservatifs. Quid verò diceret aliquis de his qui carminibus & ligaturis utuntur, & de circumligantibus aurea Alexandri Macedonis numismata capiti vel pedibus ? Homil. 25. ad pop. Antioch. Ces pratiques avoient été condamnées par Constantin & par différens conciles, entr'autres par celui de Tours, tenu sous Charlemagne ; & ce prince les défend aussi dans ses capitulaires, liv. VI. ch. lxxij.

Delrio rapporte que dans cette armée de Reistres qui sous le regne d'Henri III. passa en France, commandée par le baron de Dhona, & fut défaite par le duc de Guise à Vimori & à Auneau, presque tous les soldats qui resterent sur le champ de bataille portoient des amuletes, comme on le reconnut en les dépouillant après la victoire. Le peuple a encore foi à certaines branches de corail ou autres végétaux qu'on pend au cou des enfans, & qu'on regarde comme des préservatifs contre la colique ou d'autres maux. Delrio, liv. I. chap. jv. quest. 4. pag. 53. & suivantes.

Les Arabes, aussi-bien que les Turcs, ont beaucoup de foi aux talismans & aux amuletes. Les Negres les appellent des gris-gris : ces derniers sont des passages de l'Alcoran, écrits en petits caracteres sur du papier ou du parchemin. Quelquefois au lieu de ces passages, les Mahométans portent de certaines pierres auxquelles ils attribuent de grandes vertus. Les dervis leur vendent fort cher ces sortes d'amuletes, & les dupent en leur promettant des merveilles qui n'arrivent point ; & quoique l'expérience eût dû détromper ceux qui les achetent, ils s'imaginent toûjours que ce n'est pas la vertu qui a manqué, mais qu'eux-mêmes ont manqué à quelque pratique ou circonstance qui a empêché la vertu des amuletes. Ils ne se contentent pas d'en porter sur eux, ils en attachent encore au cou de leurs chevaux, après les avoir renfermés dans de petites bourses de cuir : ils prétendent que cela les garantit de l'effet des yeux malins & envieux. Les Provençaux appellent ces amuletes cervelami, & par-là on voit qu'ils sont dans la même erreur, soit qu'ils ayent apporté cette superstition de l'Orient où ils trafiquent, soit qu'ils l'ayent tirée des Espagnols, qui l'ont eux-mêmes reçûe des Mores ou Arabes, qui ont été maîtres de leur pays pendant quelques siecles. Le chevalier d'Arvieux, de qui nous empruntons ceci, dit que les chevaux arabes dont quelques émirs lui firent présent dans ses voyages, avoient au cou de ces amuletes, dont on lui vantoit fort la vertu, & qu'on lui recommandoit de ne point ôter à ses chevaux, à moins qu'il ne voulût bientôt les voir périr. Voyez TALISMAN. Mém. du chevalier d'Arvieux, tome III. page 247.

Le concile de Laodicée défend aux ecclésiastiques de porter de ces amuletes ou phylacteres, sous peine de dégradation. S. Chrysostôme & S. Jérôme ont montré aussi beaucoup de zele contre cette pratique. Hoc. apud nos, dit ce dernier, superstitiosae mulierculae, in parvulis evangeliis & in crucis ligno, & istiusmodi rebus, quae habent quidem zelum Dei, non juxta scientiam, usque hodie factitant. Voyez Kirch. Oedip. Aegypt.

Les amuletes ont à-présent bien perdu de leur crédit ; cependant le fameux M. Boyle les allegue comme des preuves qui constatent par le grand nombre d'émanations qui passent de ces médicamens dans le corps humain, combien ce dernier est poreux & facilement pénétrable. Il ajoûte qu'il est persuadé que quelques-uns de ces médicamens ne sont pas sans effet ; parce que lui-même ayant été sujet à un saignement de nez, après bien des remedes tentés inutilement, n'en trouva pas de plus efficace que de la poudre de crane humain appliquée sur la peau, autant qu'il faut seulement pour qu'elle s'y échauffe.

Zwelfer à ce sujet-là apprit une circonstance très-particuliere du premier medecin de Moravie, qui ayant préparé quelques trochisques de crapauds, de la maniere que le prescrit Vanhelmont, trouva que non-seulement portés en guise d'amulete ils le préservoient, lui, ses amis & ses domestiques, de la peste, mais même qu'appliqués sur le mal de ceux qui étoient déjà pestiférés, ils les soulageoient considérablement, & en guérissoient quelques-uns.

Le même M. Boyle fait voir combien les émanations qui sortent même des amuletes froids, sont capables de pénétrer dans les pores des animaux vivans, en supposant quelqu'analogie entre les pores de la peau & la figure des corpuscules. Bellini a fait tout ce qu'il a pû pour démontrer la possibilité de cette introduction des corpuscules des amuletes dans le corps humain, dans ses dernieres propositions de febribus. M. Wainwright & autres l'ont démontré aussi. V. EMANATION, PORE, PEAU, PESTE, &c.

On trouve des livres d'anciens medecins qui contiennent plusieurs descriptions de ces remedes, qui sont encore pratiqués aujourd'hui par des empiriques, des femmes, ou d'autres personnes crédules & superstitieuses. (G)


AMUou AMOER, riviere de la grande Tartarie en Asie ; elle a sa source près du lac Baycal, vers le 117 degré de longitude, & se jette dans l'Océan oriental au 55 degré de latitude septentrionale, & le 152 de longitude. Elle sépare le Dauria du pays des Monguls, & baigne la ville d'Albasin.


AMURERv. act. (Marine.) C'est bander & roidir quatre cordages appellés couets, qui tiennent aux points d'en bas de la grande voile & de la misene, pour maintenir la voile du côté d'où vient le vent. Voyez COUETS & AMURES.

Amurer la grande voile, c'est mettre vers le vent le coin qu'on appelle le point de la voile, en l'amenant jusqu'à un trou fait dans le côté du vaisseau, & appellé dogue d'amure.

On dit la même chose des autres voiles, en les nommant en même tems par leurs noms.

L'on amure pour aller au plus près & vent largue.

Amurer tout bas, c'est mettre le point des voiles qu'on amure le plus bas qu'il est possible, pour que le vaisseau se comporte bien, & qu'il aille mieux & au plus près du vent.

Amure, c'est le commandement qu'on fait pour faire amurer, quand on veut faire route près du vent. Amure la grande voile, amure tout bas ; serre la civadiere & le perroquet de beaupré, & amure les coüets.


AMURESS. f. pl. (Marine.) Ce sont des trous pratiqués dans le plat-bord du vaisseau, & dans la gorgere de son éperon. Il y a dix amures, quatre pour les coüets, & six pour les écoutes des pacfis & de la civadiere.

Les amures des coüets de misene sont à la gorgere de l'éperon. Voyez les figures, Marine, Pl. I. & Pl. IV. fig. 1. Voyez ÉPERON.

Les amures des coüets de la grande voile sont à l'avant du grand mât dans le plat-bord, l'un à bas-bord, l'autre à stribord. Ces deux amures s'appellent dogues d'amure. Voyez les figures, Marine, Planche I.

Les amures des écoutes de la grande voile sont à stribord & à bas-bord de l'artimon.

Les amures des écoutes de misene sont à stribord & à bas-bord du grand mât.

Les amures de la civadiere sont auprès des amures des écoutes de misene.

Quoiqu'il y ait des amures pour les écoutes, on ne se sert du verbe amurer que pour les coüets ; car on dit border l'écoute & haler l'écoute.

Les amures servent pour aller à la bouline & serrer le vent. Voyez COUETS.

Amures d'une voile, ce sont les manoeuvres qui servent à l'amurer.

L'amure d'artimon, c'est un palanquin, ou quelquefois une corde simple.

On dit l'amure à bas-bord, l'amure à stribord, pour marquer qu'un vaisseau est amuré au côté droit ou au côté gauche.

Les amures des voiles d'étay sont de simples cordes.

Dogue d'amure, c'est le trou pratiqué dans le côté du vaisseau à l'embelle. V. DOGUE D'AMURE. (Z)


AMURQUES. f. c'est le nom que les Apothicaires & Droguistes donnent, soit au marc d'olives pressurées, soit au dépôt même de l'huile.


AMUYville de l'Inde, au-delà du Gange, en Asie, près du bord occidental du lac de Chiamai, aux confins du royaume de Kanduana.


AMYCLÉENsurnom d'Apollon. Voyez AMYCLES.


AMYCLESancienne ville du Péloponnèse, bâtie par Amycle roi de Sparte, près du mont Taygete, où Apollon eut un temple qui le fit surnommer Amycléen.


AMYCLEUSétoit un dieu particulier de la Grece ; il y avoit un temple & des autels. Pausanias qui en a fait mention, ne nous en apprend rien de plus. Ce sont quelques extravagances de moins sur le compte du genre humain.


AMYDONS. m. (usage de la nature, Art, blé, & amyd.) Nous allons expliquer la maniere dont se fait l'amydon : nous en suivrons le détail dans toutes les circonstances ; & la définition de l'amydon, par laquelle nous finirons, sera le résultat des opérations que nous aurons exposées.

Ayez du blé ou des issues de blé, comme les recoupettes & les griots. Pour entendre ce que c'est que recoupettes & griots, il faut savoir que le blé moulu se blute, & que le bluteau le distribue en six portions ; savoir, la fleur de la farine, la grosse farine, les griots, les recoupettes, les recoupes, & le son. On donne le son aux chevaux ; on nourrit les vaches de recoupes ; on fait du pain de la grosse farine & de la fleur de farine, & l'on tire l'amydon des griots & des recoupettes. Les Amydonniers n'employent le blé en nature que quand il est gâté. Il leur est défendu d'y consumer de bon blé ; défense assez superflue. La raison de plus de perfection dans l'ouvrage, ne détermine presque jamais les ouvriers à faire bien à gros frais, ce qu'ils peuvent faire mal ou moins bien à vil prix.

Toute l'attention des Amydonniers se réduit à choisir les issues des blés les plus gras. C'est de ces issues qu'ils font l'amydon fin, celui qu'on employe en poudre à poudrer la tête, en dragées, & autres compositions qui entrent dans le corps humain. Le blé gâté est moulu & employé, comme on verra dans la suite, à la confection de l'amydon commun, celui qui sert aux Cartonniers, aux Relieurs, aux Afficheurs, &c. en un mot à tous les artisans qui dépensent beaucoup de colle.

Pourvoyez-vous donc de griots & de recoupettes, & même de blés gâtés : les Boulangers vous fourniront les griots & recoupettes, que vous pourrez employer sur le champ. Il faudra faire moudre les blés gâtés.

L'eau est le principal instrument d'un Amydonnier ; mais sur-tout celle qui doit servir de levain & produire la fermentation. Si vous vous proposez de faire l'amydon dans un lieu où il n'y ait point d'Amydonnier, & que vous ne puissiez emprunter du levain, & obtenir par cet emprunt ce que l'on appelle des eaux sûres, vous pourrez vous en procurer de l'une des trois manieres suivantes.

1°. Prenez deux livres du levain avec lequel le Boulanger fait lever sa pâte ; délayez ces deux livres de levain dans un seau d'eau chaude : au bout de deux jours l'eau sera sûre. Remuez cette eau ; ajoûtez un demi-seau d'eau chaude ; laissez reposer. Remuez encore & continuez la même manoeuvre jusqu'à ce que vous ayez la quantité d'eau dont vous aurez besoin.

2°. Ou mettez dans un chauderon quatre pintes d'eau, quatre pintes d'eau-de-vie, deux livres d'alun de roche : faites bouillir le tout ensemble, & servez-vous-en comme je vous le dirai dans la suite.

3°. Ou suivez le procédé qui vous sera indiqué à la troisieme manoeuvre de l'Amydonnier.

Ayez des tonneaux connus sous le nom de demi-queues de Bourgogne, comme vous les voyez Planch. de l'Amydonn. b, c, d, e, f, g, &c. défoncez-les par un bout, & servez-vous-en de la maniere suivante.

Mettez un seau d'eau sûre empruntée d'un confrere, ou préparée comme nous l'avons dit ci-dessus, dans un de vos tonneaux ; peut-être faudra-t-il de cette eau moins d'un seau. La quantité du levain varie : il en faut moins en été, plus en hyver, & il faut prendre garde, sur-tout dans cette derniere saison, que le levain ne gele.

Mettez de l'eau pure sur ce levain jusqu'au bondon ; c'est ce que fait la fig. 1. de l'Amydonnier, qui est au puits. Achevez de remplir les tonneaux de matiere, c'est-à-dire de recoupettes & de griots, moitié par moitié, ou de farine de blé gâté moulu gros. Cette premiere opération s'appelle mettre en trempe.

Les statuts disent que les recoupes & recoupettes seront mises en trempe ou en levain pendant l'espace de trois semaines dans des eaux pures, nettes & claires. Mais on ne les y laisse en été que pendant dix jours, & pendant quinze en hyver : ce terme est plus court ou plus long, suivant la force du levain. Il n'y a guere que l'expérience qui puisse instruire là-dessus. La matiere est en trempe dans les tonneaux e, f, &c. qu'on voit pleins.

Après que les matieres auront été suffisamment en trempe ou en levain, elles seront précipitées, & il leur surnagera une eau qu'on appelle eau grasse. Cette eau grasse n'est autre chose que les huiles des matieres que la fermentation a envoyées à la surface. On jette cette eau. Après que vous aurez jetté cette eau, ayez des sas de toile de crin de 18 pouces de diametre sur 18 pouces de hauteur ; prenez-en un ; posez-le sur un tonneau bien rincé, comme vous voyez au tonneau b ; puisez trois seaux de matiere en trempe ; versez-les sur le sas, & lavez-les avec six seaux d'eau claire, en procédant de la maniere suivante. Versez d'abord sur les trois seaux de matiere en trempe mise dans le sas, deux seaux d'eau claire ; remuez le tout avec vos bras, comme vous voyez faire à la fig. 2. Quand ces deux seaux d'eau claire seront passés, versez deux autres seaux sur le reste de matiere contenue dans le sas ; remuez de rechef. Quand ces deux seaux seront passés, versez les deux derniers seaux sur le second restant, & remuez pour la troisieme fois. Cette seconde opération s'appelle laver le son. Il est enjoint par les statuts aux maîtres Amydonniers de bien laver ou séparer les sons, & de veiller à ce que leurs sas soient bons, & leurs eaux bien pures & bien nettes.

Vuidez dans un tonneau ce qui restera dans le sas ; lavez bien ces résidus avec de l'eau claire, c'est ce que fait la fig. 3. & ces résidus lavés serviront de nourriture aux bestiaux. Continuez de passer de la matiere en trempe sur le même tonneau, jusqu'à ce qu'il soit plein.

Le lendemain de cette seconde opération (les statuts disent trois jours après) jettez l'eau qui a passé à-travers le sas avec la matiere en trempe : cette eau se nomme eau sûre. C'est le levain naturel des Amydonniers ; celui que je vous conseillois d'emprunter d'eux, si vous en avez à votre portée. Il faut mettre de cette eau, quand on s'en sert pour mettre en trempe, un seau sur chaque tonneau de matiere en été ; trois & quelquefois quatre seaux en hyver. Voilà le troisieme levain dont j'avois promis de parler.

Enlevez cette eau sûre avec une sebille de bois, jusqu'à ce que le blanc déposé au fond de chaque tonneau paroisse ; remplissez ensuite vos tonneaux de nouvelle eau, en quantité suffisante pour pouvoir avec une pelle de bois, battre, broyer & démêler l'amydon : c'est ce que peut faire aussi la fig. 3. ensuite remplissez vos tonneaux d'eau claire. Cette troisieme manoeuvre s'appelle rafraîchir l'amydon. On voit que les Amydonniers qui rafraîchissent le lendemain du lavage des sons, ne suivent pas bien exactement leurs statuts.

Deux jours après le rafraîchissement, jettez l'eau qui a servi à rafraîchir jusqu'à ce que le premier blanc paroisse. Ce premier blanc se nomme par les Artistes ou gros ou noir, suivant les différens endroits où l'amydon se fabrique : ce gros ou noir s'enleve de dessus l'amydon ou second blanc qui en est couvert. On ne le perd pas ; il fait le plus gros gain des Amydonniers, qui en engraissent des cochons. Quand le gros ou noir est enlevé, on jette un seau d'eau claire sur le résidu de crasse que le gros ou noir laisse sur le second blanc, ou sur l'amydon qu'il couvroit. On rince bien la surface de cet amydon avec ce seau d'eau ; on a un tonneau vuide tout prêt à recevoir les rinçures : on les y met ; elles y déposent ; & ce dépôt des rinçures s'appelle amydon commun. Les Amydonniers nomment cette quatrieme opération rincer.

Le rincer étant fait, on trouve au fond de chaque tonneau quatre pouces d'épaisseur ou environ d'amydon. Cette quantité varie selon la bonté des recoupettes & des griots qu'on a employés. Il est évident que les blés gâtés qu'on employe en amydon, doivent donner davantage, tout étant employé : mais l'amydon qu'on en tire est toûjours commun, & n'a jamais la blancheur de celui qui est fait de recoupettes & de griots de bon blé. On prend l'amydon qui est dans un tonneau, on le verse dans un autre ; c'est-à-dire, pour parler précisément, que de deux tonneaux d'amydon on n'en fait qu'un, où par conséquent il se doit trouver neuf à dix pouces d'amydon de recoupettes & de griots. Cette cinquieme opération s'appelle passer les blancs.

Lorsque les blancs sont passés d'un tonneau sur un autre, on verse dessus une quantité suffisante d'eau claire pour les battre, broyer & délayer ; ce qui s'exécute avec une pelle de bois. Cette opération est la sixieme, & s'appelle démêler les blancs.

Les blancs démêlés, on pose un tamis de soie, dont la figure est ovale, sur un tonneau rincé & propre ; on fait passer à-travers ce tamis les blancs qu'on vient de démêler : on continue ce travail sur un même tonneau, jusqu'à ce qu'il soit plein. Les statuts enjoignent de se servir d'eau bien claire pour passer les blancs.

Deux jours après que les blancs ont été démêlés & passés, on jette l'eau qui est dans les tonneaux, & qui a traversé le tamis de soie, jusqu'à ce qu'on soit au blanc. Il reste sur le blanc une eau de même couleur qui le couvre ; versez cette eau dans un grand pot de terre ; jettez ensuite un seau d'eau claire sur l'amydon même ; rincez sa surface avec cette eau ; ajoûtez cette rinçure à l'eau blanche : cette rinçure déposera ; le dépôt sera encore de l'amydon commun.

Après que l'amydon aura été bien rincé, levez-le du fond des tonneaux ; mettez-le dans des paniers d'osier, arrondis par les coins & garnis en-dedans de toiles qui ne sont point attachées aux paniers. Ces paniers ont un pié de large, dix-huit pouces de long, sur dix pouces de haut. Cette opération s'appelle lever les blancs.

Le lendemain du jour qu'on aura levé les blancs, vous ferez monter les paniers remplis d'amydon dans le grenier au haut de la maison ; c'est ce que fait la fig. 4. L'aire du plancher de ce grenier doit être de plâtre bien blanc & bien propre. On renversera les paniers o o sens-dessus-dessous sur l'aire de plâtre ; la toile n'étant point attachée aux paniers suivra l'amydon. On ôtera cette toile de dessus le bloc d'amydon qui restera nud, comme on le voit en n m. On mettra ce bloc n m sur le côté ; on le rompra avec les mains, sans instrumens, en quatre parties ; chaque quartier en quatre morceaux ; c'est-à-dire que chaque panier donnera seize morceaux, ou environ soixante livres d'amydon. On laisse l'amydon sur le plancher de plâtre jusqu'à ce qu'il ait tiré l'eau qui se pouvoit trouver dans l'amydon. L'opération précédente est la huitieme, & s'appelle rompre l'amydon. On voit autour du bloc n m de l'amydon rompu.

Quand on s'apperçoit que l'amydon rompu est suffisamment séché, & qu'il est resté assez de tems sur le plancher de plâtre du grenier pour pouvoir être manié, on le met aux essuis ; c'est la neuvieme opération : elle consiste à l'exposer proprement à l'air sur des planches situées horisontalement aux fenêtres des Amydonniers. C'est ce que fait la fig. 5. & ce qu'on voit en i, i, i, &c.

Lorsque l'amydon vous aura paru suffisamment ressuyé sur les planches, vous prendrez les morceaux, vous les ratisserez de tout côté ; ces ratissures passeront dans l'amydon commun ; vous écraserez les morceaux ratissés, & vous les porterez dans l'étuve, le répandant à la hauteur de trois pouces d'épaisseur, sur des claies couvertes de toile. C'est ce que font les fig. 6 & 7. Vous aurez soin de retourner l'amydon soir & matin : sans cette précaution, sans ce remuage dans l'étuve, de très-beau blanc qu'il est, il deviendroit verd. Cette opération est la derniere, & s'appelle mettre l'amydon à l'étuve.

Les Amydonniers qui n'ont point d'étuves, se servent du dessus des fours des Boulangers ; ils les louent.

L'amydon au sortir de l'étuve est sec & vénal.

Qu'est-ce donc que l'amydon ? c'est un sédiment de blé gâté, ou de griots & recoupettes de bon blé, dont on fait une espece de pâte blanche & friable, & qu'on prépare en suivant le procédé que nous venons d'expliquer.

Le gros amydon qu'on vend aux Confiseurs, aux Chandeliers, aux Teinturiers du grand-teint, aux Blanchisseurs de gase, &c. doit rester quarante-huit heures aux fours des Amydonniers ; & au sortir du four, huit jours aux essuis : ce sont les statuts.

L'Amydonnier ne pourra acheter des blés gâtés sans la permission accordée au marchand par le magistrat de les vendre.

L'amydon qui en proviendra sera fabriqué avec la même précaution que l'amydon fin.

L'amydon commun & fin ne sera vendu par les Amydonniers qu'en grain, sans qu'il leur soit permis, sous quelque prétexte que ce soit, de le réduire en poudre.

L'amydon sert à faire de la colle, de l'empois blanc ou bleu, &c. le meilleur est blanc, doux, tendre & friable. On dit que son nom latin amylum est dérivé de sine mola factum : parce que les anciens ne faisoient point moudre le grain dont ils faisoient l'amydon. On suit encore cette méthode dans quelques endroits de l'Allemagne ; on le fait crever & on l'écrase.

Outre l'amydon de froment, il y en a encore deux autres : l'un se fait avec la racine de l'arum (voyez ARUM ou pié-de-veau, &c.), & l'autre avec la pomme de terre & la truffe rouge. Ce fut le sieur de Vaudreuil qui l'inventa le premier, & qui obtint en 1716 le privilége exclusif, pour lui & pour sa famille, de le fabriquer pendant vingt ans. L'Académie jugea en 1739, que l'amydon de pommes de terre & de truffes rouges, proposé par le sieur de Ghise, faisoit un empois plus épais que celui de l'amydon ordinaire, mais que l'émail ne s'y mêloit pas aussi-bien ; cependant qu'il seroit bon d'en permettre l'usage, parce qu'il n'étoit point fait de grains, qu'il faut épargner dans les années de disette. Voyez EMPOIS.

L'AMYDON est d'usage en Medecine ; il contient de l'huile & du sel essentiel ; il est pectoral ; il épaissit & adoucit les sérosités acres de la poitrine, arrête les crachemens de sang. On le dit propre aux maladies des yeux ; on l'employe cuit avec du lait pour la diarrhée ; on fait grand cas de sa décoction prise en lavement dans la diarrhée ; & lorsque les selles sont sanglantes & les intestins fort relâchés, on fait cette décoction plus épaisse, & on y met sur quatre onces une once d'eau-de-vie : mais ce remede est suspect, lorsque le feu & la douleur de l'inflammation se joignent aux selles sanguinolentes, &c. (N)


AMYDONNIERS. m. artisan qui fabrique & vend l'amydon fait ou de recoupes de froment pur, ou de racines. Voyez AMYDON.


AMYELESancienne ville d'Italie, dans le pays des Arunciens, qu'on prétend être aujourd'hui la terre de Labour : elle donna son nom au golfe que nous appellons de Gaëte, & qui se nommoit golfe d'Amyeles.


AMYGDALESen Anatomie, est le nom de deux glandes du gosier, appellées en latin tonsillae. Voyez OESOPHAGE, GOSIER, &c.

Ces deux glandes sont rougeâtres, de la figure à-peu-près d'une amande, d'où elles ont été appellées amygdales, du latin amygdalae, qui signifie amandes. Elles occupent chacune l'interstice des demi-arcades latérales de la cloison du palais, l'une à droite, & l'autre à gauche de la base de la langue, & sont recouvertes de la membrane commune du gosier.

Elles ont chacune une grande sinuosité ovale qui s'ouvre dans le gosier, & dans laquelle répondent des conduits plus petits, qui versent dans le gosier, dans le larynx, & dans l'oesophage, une liqueur mucilagineuse & onctueuse, pour humecter & lubrifier ces parties. Voyez LARYNX, &c.

Lorsque les muscles des demi-arcades agissent, ils compriment les amygdales ; & comme elles sont fort sujettes à s'enflammer, elles occasionnent souvent ce qu'on appelle mal de gorge. Voyez OESOPHAGE, ENROUEMENT. (L)

LES AMYGDALES sont sujettes à différentes maladies ; telles sont l'inflammation, le skirrhe, le gonflement oedémateux, & enfin toutes les différentes especes de tumeurs qui peuvent arriver aux glandes. Ces accidens produisent l'angine, ou l'esquinancie fausse. Voyez ESQUINANCIE.

Remarquez cependant que les tumeurs des amygdales deviennent plus aisément skirrheuses que celles qui se forment dans les autres parties, à cause de l'épaississement de l'humeur qui se sépare dans ces glandes. L'air qui les frappe continuellement, est une cause occasionnelle des concrétions lymphatiques qui y sont fréquentes. On sent bien qu'il est aisé de prévenir ces concrétions dans les différentes especes d'esquinancie. Pour y parvenir, il faut entretenir la fluidité dans cette humeur, par les remedes incisifs, atténuans, les béchiques expectorans, les emplâtres résolutifs & fondans, tels que le diachylon gommé & autres.

On ne doit employer le fer dans ces cas que dans un besoin extrème & constaté par l'impossibilité de guérir autrement. Les cicatrices que produisent les opérations ou les escarotiques, causent un grand dérangement dans la déglutition & la respiration, outre qu'elles sont disgracieuses pour les personnes qui les portent.

Si ces tumeurs sont causées, comme il arrive d'ordinaire, par un virus écroüelleux, scorbutique, ou rachitique, il faut avant tout penser à traiter ces causes générales.

On doit craindre avec juste raison la gangrene qui attaque souvent ces parties. Voyez GANGRENE. (N)


AMYNTIQUESadj. terme de Pharmacie, qualification qu'on donne à des emplâtres défensifs ou fortifians. Voyez EMPLASTRE. (N)


AMYZOou MEZO, ville ancienne de Carie, dans l'Asie mineure.


ANS. m. ou ANNÉE, s. f. (Hist. & Astr.) dans l'étendue ordinaire de sa signification, est le cycle ou l'assemblage de plusieurs mois, & communément de douze. Voyez CYCLE & MOIS.

D'autres définissent généralement l'année, une période ou espace de tems qui se mesure par la révolution de quelque corps céleste dans son orbite. Voyez PERIODE.

Ainsi le tems dans lequel les étoiles fixes font leur révolution est nommé la grande année. Cette année est de 25920 de nos années vulgaires ; car on a remarqué que la section commune de l'écliptique & de l'équateur, n'est pas fixe & immobile dans le ciel étoilé ; mais que les étoiles s'en éloignent en s'avançant peu-à-peu au-delà de cette section, d'environ 50 secondes par an. On a donc imaginé que toute la sphere des étoiles fixes faisoit une révolution périodique autour des poles de l'écliptique, & parcouroit 50 secondes en un an ; ce qui fait 25920 ans pour la révolution entiere. On a appellé grande année ce long espace de tems, qui surpasse quatre à cinq fois celui que l'on compte vulgairement depuis le commencement du monde. Voyez l'article PRECESSION des équinoxes.

Les tems dans lesquels Jupiter, Saturne, le Soleil, la Lune, finissent leurs révolutions, & retournent au même point du zodiaque, sont respectivement appellés années de Jupiter, de Saturne ; années solaires, & années lunaires. Voyez SOLEIL, LUNE, PLANETE, &c.

L'année proprement dite, est l'année solaire, ou l'espace de tems dans lequel le soleil parcourt ou paroît parcourir les douze signes du zodiaque. Voyez ZODIAQUE & ECLIPTIQUE.

Suivant les observations de MM. Cassini, Bianchini, de la Hire, l'année est de 365 jours 5 heures 49 min. & c'est-là la grandeur de l'année fixée par les auteurs du calendrier Grégorien. Cette année est celle qu'on appelle l'année astronomique : quant à l'année civile, on la fait de 365 jours, excepté une année de quatre en quatre, qui est de 366 jours.

La vicissitude des saisons semble avoir donné occasion à la premiere institution de l'année ; les hommes portés naturellement à chercher la cause de cette vicissitude, virent bien-tôt qu'elle étoit produite par les différentes situations du soleil par rapport à la terre, & ils convinrent de prendre pour l'année l'espace de tems que cet astre mettoit à revenir dans la même situation, c'est-à-dire, au même point de son orbite. Voyez SAISON.

Ainsi comme ce fut principalement par rapport aux saisons que l'année fut instituée, la principale attention qu'on eut, fut de faire ensorte que les mêmes parties de l'année répondissent toûjours aux mêmes saisons, c'est-à-dire, que le commencement de l'année se trouvât toûjours dans le tems que le soleil étoit au même point de son orbite.

Mais comme chaque peuple prit une voie différente pour arriver à ce but, ils ne choisirent pas tous le même point du zodiaque pour fixer le commencement de l'année, & ils ne s'accorderent pas non plus sur la durée de la révolution entiere. Quelques-unes de ces années étoient plus correctes que les autres, mais aucune n'étoit exacte, c'est-à-dire, qu'aucune ne marquoit parfaitement le tems précis de la révolution du soleil.

Ce sont les Egyptiens, si on en croit Hérodote, qui ont les premiers fixé l'année, & qui l'ont fait de 360 jours, qu'ils séparerent en douze mois ; Mercure Trismegiste ajoûta cinq jours à l'année, & la fit de 365 jours. Thalès, à ce qu'on prétend, la fit du même nombre de jours parmi les Grecs : mais il ne fut suivi en ce point que d'une partie de la Grece. Les Juifs, les Syriens, les Romains, les Perses, les Ethiopiens, les Arabes, avoient chacun des années différentes. Toute cette diversité est peu étonnante, si on fait attention à l'ignorance où l'on étoit pour lors de l'Astronomie. Nous lisons même dans Diodore de Sicile, livre I. dans la vie de Numa par Plutarque, & dans Pline, livre VII. chap. xlviij. que l'année Egyptienne étoit dans les premiers tems fort différente de celle que nous appellons aujourd'hui de ce nom.

L'année solaire est l'intervalle de tems dans lequel le soleil paroît décrire le zodiaque, ou celui dans lequel cet astre revient au point d'où il étoit parti. Voyez SOLEIL.

Ce tems, selon la mesure commune, est de 365 jours 5 heures 49 minutes. Cependant quelques Astronomes le font plus ou moins grand de quelques secondes, & vont même jusqu'à une minute de différence. Kepler, par exemple, faisoit l'année de 365 jours 5 heures 48 minutes 57 secondes 39 tierces. Riccioli, de 365 jours 5 heures 48 min. Tycho, de 365 jours 5 heures 48 min. M. Euler a publié dans le premier tome des Mémoires François de l'Académie de Berlin, page 37. une table par laquelle on voit combien les Astronomes sont peu d'accord sur la grandeur de l'année solaire.

L'année solaire, comme nous l'avons déjà observé, est divisée en année astronomique & année civile.

L'année astronomique est celle qui est déterminée avec précision par les observations astronomiques : comme il est assez avantageux que cette année ait un commencement fixe, soit qu'on compte le tems en années écoulées depuis la naissance de J. C. soit qu'on le compte en années écoulées depuis le commencement de la période Julienne, les Astronomes sont enfin convenus que le commencement de l'année solaire soit compté du midi qui précede le premier jour de Janvier, c'est-à-dire, de maniere qu'à midi du premier Janvier, on compte déjà un jour complet ou 24 heures de tems écoulées.

On peut distinguer l'année astronomique en deux especes ; l'une syderéale, l'autre tropique.

L'année syderéale qu'on appelle aussi anomalistique ou périodique, est l'espace de tems que le soleil met à faire sa révolution apparente autour de la terre ; ou, ce qui revient au même, le tems que la terre met à revenir au même point du zodiaque. Ce tems est de 365 jours 6 heures 9 minutes 14 secondes.

L'année tropique est le tems qui s'écoule entre deux équinoxes de printems ou d'automne ; on la nomme année tropique, parce qu'il faut que tout cet intervalle de tems s'écoule pour que chaque saison se rétablisse dans le même ordre qu'auparavant : cette année est de 365 jours 5 heures 48 minutes 57 sec. & par conséquent elle est un peu plus courte que l'année syderéale. La raison de cela est que comme l'équinoxe, ou la section de l'écliptique & de l'équateur est rétrograde de 50 secondes par an, le soleil, après qu'il est parti d'un des équinoxes, doit paroître rencontrer ce même équinoxe l'année suivante dans un point un peu en-deçà de celui où il l'a quitté ; & par conséquent le soleil n'aura pas encore achevé sa révolution entiere lorsqu'il sera de retour aux mêmes points des équinoxes. Inst. astr.

L'année civile est celle que chaque nation a fixée pour calculer l'écoulement du tems : ce n'est autre chose que l'année tropique, dans laquelle on ne s'arrête qu'au nombre entier de jours, en laissant les fractions des heures & des minutes, afin que le calcul en soit plus commode.

Ainsi l'année tropique étant d'environ 365 jours 5 heures 49 minutes, l'année civile est seulement de 365 jours : mais de crainte que la correspondance avec le cours du soleil ne s'altérât au bout d'un certain tems, on a reglé que chaque quatrieme année seroit de 366 jours, pour réparer la perte des fractions qu'on néglige les trois autres années.

De cette maniere l'année civile est soûdivisée en commune & en bissextile.

L'année civile commune est celle qu'on a fixée à 365 jours ; elle est composée de 7 mois de 31 jours ; savoir, Janvier, Mars, Mai, Juillet, Août, Octobre, Décembre ; de quatre de 30 jours, Avril, Juin, Septembre & Novembre, & d'un de 28 jours, qui est Février. Il y a apparence que cette distribution bizarre a été faite pour conserver, autant qu'il étoit possible, l'égalité entre les mois, & en même tems pour qu'ils fussent tous à-peu-près de la grandeur des mois lunaires, dont les uns sont de 30 jours & les autres de 29. Une autre raison qui a pû y engager, c'est que le soleil met plus de tems à aller de l'équinoxe du printems à l'équinoxe d'automne, que de celui d'automne à celui du printems ; de sorte que du premier Mars au premier Septembre, il y a quatre jours de plus que du premier Septembre au premier Mars : mais quelque motif qu'on ait eu pour faire cette distribution, on peut en général supposer l'année commune de 5 mois de 31 jours, & de 7 mois de 30 jours.

L'année bissextile est composée de 366 jours, & elle a par conséquent un jour de plus que l'année commune ; ce jour est appellé jour intercalaire ou bissextile.

L'addition de ce jour intercalaire, tous les quatre ans, a été faite par Jules César, qui, voulant que les saisons pussent toûjours revenir dans le même tems de l'année, joignit à la quatrieme année les six heures négligées dans chacune des années précédentes. Il plaça le jour entier formé par ces quatre fractions après le vingt-quatrieme de Février, qui étoit le sixieme des calendes de Mars.

Or comme ce jour ainsi répété étoit appellé en conséquence bis sexto calendas, l'année où ce jour étoit ajoûté, fut aussi appellée bis sextus, d'où est venu bissextile.

Le jour intercalaire n'est plus aujourd'hui regardé comme la répétition du 24 Février, mais il est ajoûté à la fin de ce mois, & en est le vingt-neuvieme. Voyez BISSEXTILE.

Il y a encore une autre réformation de l'année civile, établie par le pape Grégoire XIII. Voyez GREGORIEN.

L'année lunaire est composée de douze mois lunaires. Voyez LUNAIRE. Or il y a deux especes de mois lunaires ; savoir, le mois périodique, qui est de 27 jours 7 heures 43 min. 5 sec. c'est à-peu-près le tems que la lune employe à faire sa révolution autour de la terre : 2°. le mois synodique, qui est le tems que cette planete employe à retourner vers le soleil à chaque conjonction ; ce tems qui est l'intervalle de deux nouvelles lunes, est de 29 jours 12 heures 44 minutes 33 sec. Voyez à l'article SYNODIQUE la cause de la différence de ces deux mois. Le mois synodique est le seul dont on se serve pour mesurer les années lunaires : or comme ce mois est d'environ 29 jours & 12 heures, on a été obligé de supposer, pour la commodité du calcul, les mois lunaires civils de 30 & de 29 jours alternativement ; ainsi le mois synodique étant de deux especes, astronomique & civil, il a fallu distinguer aussi deux especes d'années lunaires, l'une astronomique, l'autre civile. Inst. astr.

L'année astronomique lunaire est composée de douze mois synodiques lunaires, & contient par conséquent 354 jours 8 heures 48 min. 30 sec. 12 tierces. Voyez SYNODIQUE.

L'année lunaire civile est ou commune, ou embolismique.

L'année lunaire commune est de douze mois lunaires civils, c'est-à-dire de 354 jours.

L'année embolismique intercalaire est de treize mois lunaires civils, & de 384 jours. Voyez EMBOLISMIQUE. Voici la raison qui a fait inventer cette année : comme la différence entre l'année lunaire civile & l'année tropique est de 11 jours 5 heures 49 min. il faut, afin que la premiere puisse s'accorder avec la seconde, qu'il y ait 34 mois de 30 jours, & 4 mois de 31 insérés dans cent années lunaires ; ce qui laisse encore en arriere un reste de 4 heures 21 min. qui dans six siecles fait un peu plus d'un jour.

Jusqu'ici nous avons parlé des années & des mois, en les considérant astronomiquement. Examinons présentement les différentes formes d'années civiles que les anciens ont imaginées, & celles que suivent aujourd'hui divers peuples de la terre. L'ancienne année romaine étoit l'année lunaire. Dans sa premiere institution par Romulus, elle étoit seulement composée de dix mois. Le premier, celui de Mars, contenoit 31 jours ; le second, celui d'Avril, 30. 3°. Mai, 31. 4°. Juin, 30 ; 5°. Quintilis ou Juillet, 31 ; 6°. Sextilis ou Août, 30 ; 7°. Septembre, 30 ; 8°. Octobre, 31 ; 9°. Novembre, 30 ; 10°. Décembre, 30 : le tout faisant 304 jours. Ainsi cette année se trouvoit moindre de 50 jours que l'année lunaire réelle, & de 61 que l'année solaire.

De-là il résultoit que le commencement de l'année de Romulus étoit vague, & ne répondoit à aucune saison fixe. Ce prince sentant l'inconvénient d'une telle variation, voulut qu'on ajoûtât à chaque année le nombre de jours nécessaires, pour que le premier mois répondît toûjours au même état du ciel : mais ces jours ajoûtés ne furent point partagés en mois.

Numa Pompilius corrigea cette forme irréguliere de l'année, & fit deux mois de ces jours surnuméraires. Le premier fut le mois de Janvier ; le second celui de Février. L'année fut ainsi composée par Numa de douze mois, 1°. Janvier, 29 jours ; 2°. Février, 28 ; 3°. Mars, 31 ; 4°. Avril, 29 ; 5°. Mai, 31 ; 6°. Juin, 29 ; 7°. Juillet, 31 ; 8°. Août, 29 ; 9°. Septembre, 29 ; 10°. Octobre, 31 ; 11°. Novembre, 29 ; 12°. Décembre, 29 : le tout faisant 355 jours. Ainsi cette année surpassoit l'année civile lunaire d'un jour, & l'année astronomique lunaire de 15 heures 11 minutes 24 secondes : mais elle étoit plus courte que l'année solaire de 11 jours, ensorte que son commencement étoit encore vague par rapport à la situation du soleil.

Numa voulant que le solstice d'hyver répondît au même jour, fit intercaler 22 jours au mois de Février de chaque seconde année, 23 à chaque quatrieme, 22 à chaque sixieme, & 23 à chaque huitieme. Mais cette regle ne faisoit point encore la compensation nécessaire ; car comme l'année de Numa surpassoit d'un jour l'année Greque de 354 jours, l'erreur devint sensible au bout d'un certain tems, ce qui obligea d'avoir recours à une nouvelle maniere d'intercaler ; au lieu d'ajoûter vingt-trois jours à chaque huitieme année, on n'en ajoûta que quinze ; & on chargea les grands pontifes de veiller au soin du calendrier. Mais les grands pontifes ne s'acquitant point de ce devoir, laisserent tout retomber dans la plus grande confusion. Telle fut l'année Romaine jusqu'au tems de la réformation de Jules César. Voyez les articles CALENDES, NONES & IDES, sur la maniere de compter les jours du mois chez les Romains.

L'année Julienne est une année solaire, contenant communément 365 jours, mais qui de quatre ans en quatre ans, c'est-à-dire dans les années bissextiles, est de 366 jours.

Les mois de l'année Julienne étoient disposés ainsi : 1°. Janvier 31 jours, 2°. Février 28, 3°. Mars 31 4°. Avril 30, 5°. Mai 31, 6°. Juin 30, 7°. Juillet 31, 8°. Août 31, 9°. Septembre 30, 10°. Octobre 31, 11°. Novembre 30, 12°. Décembre 31 ; & dans toutes les années bissextiles le mois de Février avoit comme à présent 29 jours. Suivant cet établissement, la grandeur astronomique de l'année Julienne étoit de 365 jours 6 heures ; & elle surpassoit par conséquent la vraie année solaire d'environ 11 minutes, ce qui en 131 ans produisoit un jour d'erreur. L'année Romaine étoit encore dans cet état d'imperfection, lorsque le pape Gregoire XIII. y fit une réformation, dont nous parlerons un peu plus bas.

Jules César, à qui l'on est redevable de la forme de l'année Julienne, avoit fait venir d'Egypte Sosigènes, fameux Mathématicien, tant pour fixer la longueur de l'année, que pour en rétablir le commencement, qui avoit été entierement dérangé de 67 jours, par la négligence des pontifes.

Afin donc de le remettre au solstice d'hyver, Sosigènes fut obligé de prolonger la premiere année jusqu'à quinze mois ou 445 jours ; & cette année s'appella en conséquence l'année de confusion, annus confusionis.

L'année établie par Jules César a été suivie par toutes les nations chrétiennes jusqu'au milieu du seizieme siecle, & continue même encore de l'être par l'Angleterre. Les astronomes & les chronologistes de cette nation comptent de la même maniere que le peuple, & cela sans aucun danger, parce qu'une erreur qui est connue n'en est plus une.

L'année Grégorienne n'est autre que l'année Julienne corrigée par cette regle, qu'au lieu que la derniere de chaque siecle étoit toûjours bissextile, les dernieres années de trois siecles consécutifs doivent être communes, & la derniere du quatrieme siecle seulement est comptée pour bissextile.

La raison de cette correction, fut que l'année Julienne avoit été supposée de 365 jours 6 heures, au lieu que la véritable année solaire est de 365 jours 5 heures 49 minutes, ce qui fait 11 minutes de différence, comme nous l'avons déja remarqué.

Or quoique cette erreur de 11 minutes qui se trouve dans l'année Julienne soit fort petite, cependant elle étoit devenue si considérable en s'accumulant depuis le tems de Jules César, qu'elle avoit monté à 70 jours, ce qui avoit considérablement dérangé l'équinoxe. Car du tems du concile de Nicée, lorsqu'il fut question de fixer les termes du tems auquel on doit célébrer la Pâque, l'équinoxe du printems se trouvoit au 21 de Mars. Mais cette équinoxe ayant continuellement anticipé, on s'est apperçû l'an 1582, lorsqu'on proposa de réformer le calendrier de Jules César, que le soleil entroit déja dans l'équateur dès le 11 Mars ; c'est-à-dire 10 jours plûtôt que du tems du concile de Nicée. Pour remédier à cet inconvénient, qui pouvoit aller encore plus loin, le pape Grégoire XIII. fit venir les plus habiles astronomes de son tems, & concerta avec eux la correction qu'il falloit faire, afin que l'équinoxe tombât au même jour que dans le tems du concile de Nicée ; & comme il s'étoit glissé une erreur de dix jours depuis ce tems-là, on retrancha ces dix jours de l'année 1582, dans laquelle on fit cette correction ; & au lieu du 5 d'Octobre de cette année, on compta tout de suite le 15.

La France, l'Espagne, les pays catholiques d'Allemagne, & l'Italie, en un mot tous les pays qui sont sous l'obéissance du pape, reçûrent cette réforme dès son origine : mais les Protestans la rejetterent d'abord.

En l'an 1700 l'erreur des dix jours avoit augmenté encore & étoit devenue de onze ; c'est ce qui détermina les protestans d'Allemagne à accepter la réformation Grégorienne, aussi-bien que les Danois & les Hollandois. Mais les peuples de la Grande-Bretagne & la plûpart de ceux du Nord de l'Europe, ont conservé jusqu'ici l'ancienne forme du calendrier Julien. Voyez CALENDRIER, STYLE. Inst. astr.

Au reste il ne faut pas croire que l'année Grégorienne soit parfaite ; car dans quatre siecles l'année Julienne avance de trois jours, une heure & 22 minutes. Or comme dans le calendrier Grégorien on ne compte que les trois jours, & qu'on néglige la fraction d'une heure & 22 minutes, cette erreur au bout de 72 siecles produira un jour de mécompte.

L'année Egyptienne, appellée aussi l'année de Nabonassar, est l'année solaire de 365 jours divisée en douze mois de trente jours, auxquels sont ajoûtés cinq jours intercalaires à la fin : les noms de ces mois sont ceux-ci. 1°. Thot, 2°. Paophi, 3°. Athyr, 4°. Chojac, 5°. Tybi, 6°. Mecheir, 7°. Phatmenoth, 8°. Pharmuthi, 9°. Pachon, 10°. Pauni, 11°. Epiphi, 12°. Mesori ; & de plus , ou les cinq jours intercalaires.

La connoissance de l'année Egyptienne, dont nous venons de parler, est de toute nécessité en Astronomie, à cause que c'est celle suivant laquelle sont dressées les observations de Ptolomée dans son Almageste.

Les anciens Egyptiens, suivant Diodore de Sicile, liv. I. Plutarque dans la vie de Numa, Pline, liv. VII. chap. xlviij. mesuroient les années par le cours de la lune. Dans le commencement une lunaison, c'est-à-dire un mois lunaire, faisoit l'année ; ensuite trois, puis quatre, à la maniere des Arcadiens. De-là les Egyptiens allerent à six, ainsi que les peuples de l'Acarnanie. Enfin ils vinrent à faire l'année de 360 jours, & de douze mois ; & Aseth, 32e roi des Egyptiens, ajoûta à la fin de l'année les cinq jours intercalaires. Cette briéveté des premieres années Egyptiennes, est ce qui fait, suivant les mêmes auteurs, que les Egyptiens supposoient le monde si ancien, & que dans l'histoire de leurs rois, on en trouve qui ont vêcu jusqu'à mille & douze cens ans. Quant à Herodote, il garde un profond silence sur ce point ; il dit seulement que les années Egyptiennes étoient de douze mois, ainsi que nous l'avons déja remarqué. D'ailleurs l'Ecriture nous apprend que dès le tems du déluge l'année étoit composée de douze mois. Par conséquent Cham, & son fils Misraim, fondateur de la monarchie Egyptienne, ont dû avoir gardé cet usage, & il n'est pas probable que leurs descendans y ayent dérogé. Ajoûtez à cela, que Plutarque ne parle sur cette matiere qu'avec une sorte d'incertitude, & qu'il n'avance le fait dont il s'agit que sur le rapport d'autrui. Pour Diodore de Sicile, il n'en parle que comme d'une conjecture de quelques auteurs, dont il ne dit pas le nom, & qui probablement avoient crû par-là concilier la chronologie Egyptienne avec celle des autres nations.

Quoi qu'il en soit, le P. Kircher prétend qu'outre l'année solaire, quelques provinces d'Egypte avoient des années lunaires, & que dans les tems les plus reculés, quelques-uns des peuples de ces provinces prenoient une seule révolution de la lune pour une année ; que d'autres trouvant cet intervalle trop court, faisoient l'année de deux mois, d'autres de trois, &c. Aedip. Egypt. tom. II. p. 252.

Un auteur de ces derniers tems assûre que Varron a attribué à toutes les nations ce que nous venons d'attribuer aux Egyptiens, & il ajoûte que Lactance le releve à ce sujet.

Nous ne savons pas sur quels endroits de Varron & de Lactance cet auteur se fonde ; tout ce que nous pouvons assûrer, c'est que Lactance, divin. instit. lib. II. cap. xiij. en parlant de l'opinion de Varron suppose qu'il parle seulement des Egyptiens.

Au reste Saint Augustin, de Civit. Dei, lib. XV. cap. xjv. fait voir que les années des Patriarches rapportées dans l'Ecriture, sont les mêmes que les nôtres ; & qu'il n'est pas vrai, comme beaucoup de gens se le sont imaginés, que dix de ces années n'en valoient qu'une d'à-présent.

Quoi qu'il en soit, il est certain que l'année Egyptienne de 365 jours étoit une année vague ; car comme elle différoit d'environ 6 heures de l'année tropique, il arrivoit en négligeant cet intervalle de 6 heures, que de 4 ans en 4 ans cette année vague anticipoit d'un jour sur la période solaire ; & que par conséquent en quatre fois 365 ans. c'est-à-dire en 1460 ans, son commencement devoit répondre successivement aux différentes saisons de l'année.

Lorsque les Egyptiens furent subjugués par les Romains, ils reçûrent l'année Julienne, mais avec quelqu'altération ; car ils retinrent leurs anciens noms avec les cinq , & ils placerent le jour intercalé tous les quatre ans, entre le 28 & le 29 d'Août.

Le commencement de leur année répondoit au 29 Août de l'année Julienne. Leur année réformée de cette maniere, s'appelloit annus Actiacus, à cause qu'elle avoit été instituée après la bataille d'Actium.

L'ancienne année Greque étoit lunaire, & composée de douze mois, qui étoient d'abord tous de 30 jours, & qui furent ensuite alternativement de 30 & de 29 jours ; les mois commençoient avec la premiere apparence de la nouvelle lune, & à chaque 3e, 5e, 8e, 11e, 14e, 16e, & 17e année du cycle de 19 ans, on ajoûtoit un mois embolismique de trente jours, afin que les nouvelles & pleines lunes revinssent aux mêmes termes ou saisons de l'année. Voyez EMBOLISMIQUE.

Leur année commençoit à la premiere pleine lune d'après le solstice d'été. L'ordre de leurs mois étoit celui-ci, 1°. de 29 jours, 2°. 30 jours, 3°. 29, 4°. 30, 5°. 29, 6°. 30, 7°. 29, 8°. 30, 9°. 29, 10°. 30, 11°. 29, 11°. 30.

Les Macédoniens avoient donné d'autres noms à leurs mois, ainsi que les Syro-Macédoniens, les Smyrniens, les Tyriens, les peuples de Chypre, les Paphiens, les Bithyniens, &c.

L'ancienne année Macédonienne étoit une année lunaire, qui ne différoit de la Greque que par le nom & l'ordre des mois. Le premier mois Macédonien répondoit au mois Maemacterion, ou quatrieme mois Attique : voici l'ordre, la durée, & les noms de ces mois : 1°. 30 jours, 2°. 29, 3°. 30, 4°. 29, 5°. 30, 6°. 30, 7°. 30, 8°. 29, 9°. 30, 10°. 29, 11°. 30, 12°. 29.

La nouvelle année Macédonienne est une année solaire, dont le commencement est fixé au premier Janvier de l'année Julienne, avec laquelle elle s'accorde parfaitement.

Cette année étoit particulierement nommée l'année Attique ; & le mois intermédiaire d'après Posideon, ou le sixieme mois, étoit appellé , ou dernier Posideon.

L'ancienne année Juive étoit une année lunaire, composée ordinairement de 12 mois alternativement de 30 & de 29 jours. On la faisoit répondre à l'année solaire, en ajoûtant à la fin 11 & quelquefois 12 jours, ou en insérant un mois embolismique.

Voici les noms & la durée de ces mois : 1°. Nisan ou Abib 30 jours, 2°. Jiar ou Zius 29, 3°. Siban ou Siivan 30, 4°. Thamuz ou Tamuz 29, 5°. Ab 30, 6°. Elul 29, 7°. Tisri ou Ethanim 30, 8°. Marchesvam ou Bul 29, 9°. Cisleu 30, 10°. Thebeth 29, 11°. Sabat ou Schebeth 30, 12°. Adar dans les années embolismiques 30, Adar dans les années communes étoit de 29.

L'année Juive moderne est pareillement une année lunaire de 12 mois dans les années communes, & de 13 dans les années embolismiques, lesquelles font la 3e, la 6e, 8e, 11e, 14e, 17e & 19e du cycle de 19 ans. Le commencement de cette année est fixé à la nouvelle lune d'après l'équinoxe d'automne.

Les noms des mois & leur durée sont, 1°. Tisri de 30 jours, 2°. Marchesvan 29, 3°. Cisleu 30, 4°, Tebeth 29, 5°. Schebeth 30, 6°. Adar 29, 7°. Veadar, dans les années embolismiques, 30, 8°. Nisan 30, 9°. Jiar 29, 10°. Silvan 30, 11°. Thamuz 29, 12°. Ab 30, 13°. Elub. 29 Voyez CALENDRIER.

L'année Syrienne est une année solaire, dont le commencement est fixé au commencement du mois d'Octobre de l'année Julienne, & qui ne differe d'ailleurs de l'année Julienne que par le nom des mois, la durée étant la même. Les noms de ses mois sont, 1°. Tishrin répondant au mois d'Octobre & contenant 31 jours, 2°. le second Tishrin contenant ainsi que Novembre 30 jours, 3°. Canun 31, 4°. le second Canun 31. 5°. Shabar 28, 6°. Adar 31, 7°. Nisan 30, 8°. Acyar 31, 9°. Hariram 30, 10°. Tamuz 31, 11°. Ab 31, 12°. Elul 30.

L'année Persienne est une année solaire de 365 jours, & composée de douze mois de 30 jours chacun, avec cinq jours intercalaires ajoûtés à la fin. Voici le nom des mois de cette année : 1°. Atrudiamech ; 2°. Ardihasehlmeh ; 3°. Cardimeh ; 4°. Thirmeh ; 5°. Merdedmed ; 6°. Schabarirmeh ; 7°. Meharmeh ; 8°. Abenmeh ; 9°. Adarmeh ; 10°. Dimeh ; 11°. Behenmeh ; 12°. Affirermeh. Cette année est appellée année Jezdegerdique, pour la distinguer de l'année solaire fixe, appellée l'année Gelaleene, que les Persans suivent depuis l'année 1089.

Golius, dans ses notes sur Alfergan, pag. 27. & suiv. est entré dans un grand détail sur la forme ancienne & nouvelle de l'année Persienne, laquelle a été suivie de la plûpart des auteurs orientaux. Il nous apprend particulierement, que sous le Sultan Gelaluddaulé Melicxa, vers le milieu du onzieme siecle, on entreprit de corriger la grandeur de l'année, & d'établir une nouvelle époque ; il fut donc réglé que de quatre ans en quatre ans, on ajoûteroit un jour à l'année commune, laquelle seroit par conséquent de 366 jours. Mais parce qu'on avoit reconnu que l'année solaire n'étoit pas exactement de 365 jours 6 heures, il fut ordonné qu'alternativement (après 7 ou 8 intercalations) on intercaleroit la cinquieme, & non pas la quatrieme année ; d'où il paroît que ces peuples connoissoient déjà fort exactement la grandeur de l'année, puisque selon cette forme, l'année Persienne seroit de 365 jours 5 heures 49 minutes 31 secondes, ce qui differe à peine de l'année Grégorienne, que les Européens ou Occidentaux se sont avisés de rechercher plus de 500 ans après les Asiatiques ou Orientaux. Or depuis la mort de Jezdagirde, le dernier des rois de Perse, lequel fut tué par les Sarrasins, l'année Persienne étoit de 365 jours, sans qu'on se souciât d'y admettre aucune intercalation ; & il paroît que plus anciennement, après 120 années écoulées, le premier jour de l'an, qui avoit rétrogradé très-sensiblement, étoit remis au même lieu qu'auparavant, en ajoûtant un mois de plus à l'année, qui devenoit pour lors de 13 mois. Mais l'année dont tous les auteurs qui ont écrit en Arabe ou en Persan, ont fait usage dans leurs tables astronomiques, est semblable aux années Egyptiennes, lesquelles sont toutes égales, étant de 365 jours sans intercalation. Inst. astr. de M. le Monnier.

Au reste l'année Jezdegerdique, comme on peut le remarquer, est la même chose que l'année de Nabonassar. Quant à l'année Gelaleene, c'est peut-être la plus parfaite & la plus commode de toutes les années civiles, ainsi que nous venons de le dire ; car, comme on trouve par le calcul, les solstices & les équinoxes répondent constamment aux mêmes jours de cette année, qui s'accorde en tout point avec les mouvemens solaires ; & c'est un avantage qu'elle a même, selon plusieurs chronologistes, sur l'année Grégorienne, parce que celle-ci, selon eux, n'a pas une intercalation aussi commode.

L'année Arabe ou Turque est une année lunaire, composée de 12 mois, qui sont alternativement de 30 & de 29 jours ; quelquefois aussi elle contient 13 mois. Voici le nom, &c. de ces mois. 1°. Muharram, de 30 jours ; 2°. Saphar, 29 ; 3°. Rabia, 30 ; 4°. second Rabia, 29 ; 5°. Jomada, 30 ; 6°. second Jomada, 29 ; 7°. Rajab, 30 ; 8°. Shaaban, 29 ; 9°. Samadan, 30 ; 10°. Shawal, 29 ; 11°. Dulkaadah, 30 ; 12°. Dulheggia, 29, & de 30 dans les années embolismiques. On ajoûte un jour intercalaire à chaque 2e, 5e, 7e, 10e, 13e, 15e, 18e, 21e, 24e, 26e, 29e année d'un cycle de 29 ans.

L'année Ethiopique est une année solaire qui s'accorde parfaitement avec l'Actiaque, excepté dans les noms des mois. Son commencement répond à celui de l'année Egyptienne, c'est-à-dire au 29e d'Avril de l'année Julienne.

Les mois de cette année sont, 1°. Mascaram ; 2°. Tykympl ; 3°. Hydar ; 4°. Tyshas ; 5°. Tyr ; 6°. Jacatil ; 7°. Magabit ; 8°. Mijaria ; 9°. Giribal ; 10°. Syne ; 11°. Hamle ; 12°. Hahase, & il y a de plus cinq jours intercalaires.

L'année Sabbatique, chez les anciens Juifs, se disoit de chaque septieme année. Durant cette année, les Juifs laissoient toûjours reposer leurs terres.

Chaque septieme année Sabbatique, c'est-à-dire chaque 49e année, étoit appellée l'année de Jubilé, & étoit célébrée avec une grande solennité. Voyez JUBILE.

Le jour de l 'AN, ou le jour auquel l'année commence, a toûjours été très-différent chez les différentes nations.

Chez les Romains, le premier & le dernier jour de l'an étoient consacrés à Janus ; & c'est par cette raison qu'on le représentoit avec deux visages.

C'est de ce peuple que vient la cérémonie de souhaiter la bonne année, cérémonie qui paroît très-ancienne. Non-seulement les Romains se rendoient des visites, & se faisoient réciproquement des complimens avant la fin du premier jour : mais ils se présentoient aussi des étrennes, strenae, & offroient aux Dieux des voeux pour la conservation les uns des autres. Lucien en parle comme d'une coûtume très-ancienne, même de son tems, & il en rapporte l'origine à Numa.

Ovide fait allusion à la même cérémonie au commencement de ses fastes.

Postera lux oritur, linguisque animisque favete ;

Nunc dicenda bono sunt bona verba die.

Et Pline dit plus expressément, L. XXVIII. c. v. primum anni incipientis diem laetis precationibus invicem faustum ominantur.

L'année civile ou légale, en Angleterre, commence le jour de l'Annonciation, c'est-à-dire le 25 Mars ; quoique l'année chronologique commence le jour de la Circoncision, c'est-à-dire le premier jour de Janvier, ainsi que l'année des autres nations de l'Europe. Guillaume le Conquérant ayant été couronné le premier de Janvier, donna occasion aux Anglois de commencer à compter l'année de ce jour-là pour l'histoire ; mais pour toutes les affaires civiles, ils ont retenu leur ancienne maniere, qui étoit de commencer l'année le 25 Mars.

Dans la partie de l'année qui est entre ces deux termes, on met ordinairement les deux dates à-la-fois, les deux derniers chiffres étant écrits l'un sur l'autre à la maniere des fractions ; par exemple, 172 4/5 est la date pour tout le tems entre le premier Janvier 1725 & le 25 Mars de la même année. Depuis Guillaume le Conquérant, les patentes des rois, les chartres, &c. sont ordinairement datées de l'année du regne du roi.

L'église d'Angleterre commence l'année au premier dimanche de l'Avent. Voyez AVENT.

Les Juifs, ainsi que la plûpart des autres nations de l'Orient, ont une année civile qui commence avec la nouvelle lune de Septembre, & une année ecclésiastique qui commence avec la nouvelle lune de Mars.

Les François, sous les Rois de la race Merovingienne, commençoient l'année du jour de la revûe des troupes, qui étoit le premier de Mars ; sous les rois Carlovingiens, ils commencerent l'année le jour de Noël ; & sous les Capétiens, le jour de Pâques ; de sorte que le commencement de l'année varioit alors depuis le 22 Mars, jusqu'au 25 Avril. L'année ecclésiastique en France commence au premier dimanche de l'Avent.

Quant à l'année civile, Charles IX. ordonna en 1564, qu'on la feroit commencer à l'avenir au premier de Janvier.

Les Mahométans commencent l'année au moment où le soleil entre dans le bélier.

Les Persans, dans le mois qui répond à notre mois de Juin.

Les Chinois & la plûpart des Indiens commencent leur année avec la premiere lune de Mars. Les Brachmanes avec la nouvelle lune d'Avril, auquel jour ils célebrent une fête appellée Samwat saradi pauduga, c'est-à-dire la fête du nouvel an.

Les Mexicains, suivant d'Acosta, commençoient l'année le 23 de Février, tems où la verdure commençoit à paroître. Leur année étoit composée de dixhuit mois de vingt jours chacun, & ils employoient les cinq jours qui restoient après ces dix-huit mois, aux plaisirs, sans qu'il fût permis de vaquer à aucune affaire, pas même au service des temples. Alvarez rapporte la même chose des Abyssins, qui commençoient l'année le 26 d'Août, & avoient cinq jours oisifs à la fin de l'année, qui étoient nommés pagomen.

A Rome, il y a deux manieres de compter les années ; l'une commence à la Nativité de Notre-Seigneur, & c'est celle que les Notaires suivent, datant à Nativitate ; l'autre commence au 25 Mars, jour de l'Incarnation, & c'est de cette façon que sont datées les Bulles, anno Incarnationis. Les Grecs commencent l'année le premier Septembre, & datent du commencement du monde.

Les années sont encore distinguées, eu égard aux époques d'où on les compte : lorsqu'on dit ans de grace ou années de Notre-Seigneur, on compte depuis la naissance de Jesus-Christ. Ans ou années du monde, se dit en comptant depuis le commencement du monde : ces années, suivant Scaliger, sont au nombre de 5676. On dit aussi ans de Rome, de l'égire de Nabonassar, &c. Voyez l'article EPOQUE. (O)

Année séculaire, c'est la même chose qu'un Jubilé. Voyez JUBILE. (G)


AN ET JOURen Droit, &c. est un tems qui détermine le droit d'une personne dans bien des cas, & qui quelquefois opere l'usucapion, & quelquefois la prescription. Voyez PRESCRIPTION, &c.

Par exemple, la possession pendant an & jour opere une fin de non-recevoir contre le propriétaire qui réclame des effets mobiliaires. Elle opere aussi en faveur du possesseur qui a détenu pendant ce tems un héritage, le droit de se faire maintenir en ladite possession, par la complainte, ou action de reintégrande. Voyez COMPLAINTE & REINTEGRANDE. Voyez le titre des prescriptions dans la coûtume de Paris.

L'an & jour, en matiere de retrait, est le tems accordé aux lignagers, pour retraire un héritage propre qui a été aliéné, & au-delà duquel le retrait n'est plus praticable. Ce tems court même contre les mineurs, sans espérance de restitution. Voyez LIGNAGER.

AN de deuil. Voyez DEUIL.

AN de viduité. Voyez VIDUITE ou DEUIL.


ANA(Pharm.) caractere usité dans les ordonnances de Medecine, qu'on écrit aussi par abréviation a a ; il désigne dans une recette ou dans une ordonnance, des parties égales d'ingrédiens, soit que ces ingrédiens soient liquides ou secs. Voyez A. Ainsi quelques auteurs ont dit une proportion anatique, pour signifier raison ou proportion d'égalité. Voyez ÉGALITE, RAISON, &c. (N)


ANAville d'Asie, dans l'Arabie deserte, sur l'Euphrate. Long. 60. 20. lat. 33. 25.


ANA-COLUPPA(Hist nat.) nom d'une plante dont il est fait mention dans l'Hortus malabaricus, & qui est nommée ranunculi facie indica spicata, corymbiferis affinis, flosculis tetrapetalis. On dit que son suc mêlé avec le poivre soulage dans l'épilepsie, & qu'il est le seul remede connu contre la morsure du cobra-capella. Voyez COBRA-CAPELLA.


ANA-MALLUS. m. (Hist. nat.) arbrisseau légumineux qui croît au Bresil ; il a des épines dont les naturels du pays se servent pour se percer les oreilles. Pour cet effet ils en ôtent l'écorce. De plus, ils font avec les feuilles, bouillies dans l'eau de riz ou le petit-lait, un bain pour le ventre, quand il est gonflé par des vents ou par une lymphe extravasée. On voit par ce que nous venons de dire de l'ana-mallu, qu'il s'en manque beaucoup que nous en ayons une bonne description. Consultez l'Hortus Malabaricus.


ANAB(Géog. anc.) montagne dans la Tribu de Juda, au pié de laquelle il y avoit une ville du même nom, entre Dabet & Istamo. Voyez Jos. xj.


ANABAGATHA(Géog. anc.) ancienne ville d'Asie, sous le Patriarchat d'Antioche. Voyez Aubert le Mire, in Geog. eccles. not.


ANABAO(Géog. mod.) une des îles Moluques, au sud-ouest de Timor. Anabao & Timor sont séparées par un canal qui peut recevoir tous les vaisseaux. Il y a deux pointes à l'extrémité du canal ; celle qui est du côté méridional, & qui s'appelle Cupang, appartient à Timor ; celle qui est sur le côté septentrional est à Anabao.


ANABAPTISMEhérésie des Anabaptistes. Voyez l'article suivant.


ANABAPTISTESS. m. plur. (Théol.) secte d'hérétiques qui soûtiennent qu'il ne faut pas baptiser les enfans avant l'âge de discrétion, ou qu'à cet âge on doit leur réitérer le baptême, parce que, selon eux, ces enfans doivent être en état de rendre raison de leur foi, pour recevoir validement ce sacrement.

Ce mot est composé d', de rechef, & de ou de , baptiser, laver, parce que l'usage des Anabaptistes est de rebaptiser ceux qui ont été baptisés dans leur enfance.

Les Novatiens, les Cataphryges, & les Donatistes, dans les premiers siecles, ont été les prédécesseurs des nouveaux Anabaptistes, avec lesquels cependant il ne faut pas confondre les évêques catholiques d'Asie & d'Afrique, qui dans le troisieme siecle soûtinrent que le baptême des hérétiques n'étoit pas valide, & qu'il falloit rebaptiser ceux de ces hérétiques qui rentroient dans le sein de l'Eglise. Voyez REBAPTISANS.

Les Vaudois, les Albigeois, les Pétrobrusiens, & la plûpart des sectes qui s'éleverent au xiije siecle, passent pour avoir adopté la même erreur : mais on ne leur a pas donné le nom d'Anabaptistes, car il paroît d'ailleurs qu'ils ne croyoient pas le baptême fort nécessaire. Voyez ALBIGEOIS, &c.

Les Anabaptistes proprement dits, sont une secte de Protestans qui parut d'abord dans le xvje siecle en quelques contrées d'Allemagne, & particulierement en Westphalie, où ils commirent d'horribles excès. Ils enseignoient que le baptême donné aux enfans étoit nul & invalide ; que c'étoit un crime que de prêter serment & de porter les armes ; qu'un véritable chrétien ne sauroit être magistrat : ils inspiroient de la haine pour les puissances & pour la noblesse ; vouloient que tous les biens fussent communs, & que tous les hommes fussent libres & indépendans, & promettoient un sort heureux à ceux qui s'attacheroient à eux pour exterminer les impies, c'est-à-dire ceux qui s'opposoient à leurs sentimens.

On ne sait pas au juste quel fut l'auteur de cette secte : les uns en attribuent l'origine à Carlostad, d'autres à Zuingle. Cochlée dit que ce fut Balthasar Pacimontan, nommé par d'autres Hubmeïr, & brûlé pour ses erreurs à Vienne en Autriche, l'an 1527. Meshovius, qui a écrit fort au long une histoire des Anabaptistes, imprimée à Cologne en 1617, leur donne pour premier chef Pelargus, qui commença, dit-il, à ébaucher cette hrésie en 1522. Leur système paroît avoir été développé successivement en Allemagne par Hubmeïr, Rodenstein, Carlostad, Westenberg, Didyme, More, Mansius, David, Hoffman, Kants ; & par plusieurs autres, soit en Hollande, soit en Angleterre.

L'opinion la plus commune est qu'elle doit son origine à Thomas Muncer de Zwicau, ville de Misnie, & à Nicolas Storch ou Pelargus de Stalberg, en Saxe, qui avoient été tous deux disciples de Luther, dont ils se séparerent ensuite, sous prétexte que sa doctrine n'étoit pas assez parfaite ; qu'il n'avoit que préparé les voies à la réformation, & que pour parvenir à établir la véritable religion de Jesus-Christ, il falloit que la révélation vînt à l'appui de la lettre morte de l'écriture. Ex revelationibus divinis judicandum esse, & ex bibliis, dicebat Muncerus.

Sleidan est l'auteur qui détermine plus précisément l'origine des Anabaptistes, dans ses commentaires historiques. Il observe que Luther avoit prêché avec tant de force pour ce qu'il appelloit la liberté évangélique, que les paysans de Suabe se liguerent ensemble, sous prétexte de défendre la doctrine évangélique & de secoüer le joug de la servitude. Obductâ causâ quasi doctrinam Evangelii tueri, & servitutem abs se profligare vellent. Ils commirent de grands desordres : la noblesse, qu'ils se proposoient d'exterminer, prit les armes contre eux ; & après en avoir tué un grand nombre, les obligea à poser les armes, excepté dans la Turinge, où Muncer, secondé de Pfiffer, homme hardi, avoit fixé le siége de son empire chimérique à Mulhausen. Luther leur écrivit plusieurs fois pour les engager à quitter les armes, mais toûjours inutilement : ils retorquerent contre lui sa propre doctrine, soûtenant que puisqu'ils avoient été rendus libres par le sang de Jesus-Christ, c'étoit déja trop d'outrage au nom chrétien, qu'ils eussent été réputés esclaves par la noblesse ; & que s'ils prenoient les armes, c'étoit par ordre de Dieu. Telles étoient les suites du fanatisme où Luther lui-même avoit plongé l'Allemagne par la liberté de ses opinions. Il crut y remédier en publiant un livre dans lequel il invitoit les Princes à prendre les armes contre ces séditieux qui abusoient ainsi de la parole de Dieu. Il est vrai que le comte de Mansfeld, soûtenu par les princes & la noblesse d'Allemagne, défit & prit Muncer & Pfiffer, qui furent exécutés à Mulhausen : mais la secte ne fut que dissipée & non détruite ; & Luther, suivant son caractere inconstant, desavoüa en quelque sorte son premier livre par un second, à la sollicitation de bien des gens de son parti, qui trouvoient sa premiere démarche dure, & même un peu cruelle.

Cependant les Anabaptistes se multiplierent & se trouverent assez puissans pour s'emparer de Munster en 1534, & y soûtenir un siége sous la conduite de Jean de Leyde, tailleur d'habits, qui se fit déclarer leur roi. La ville fut reprise sur eux par l'évêque de Munster le 24 Juin 1535. Le prétendu roi, & son confident Knisperdollin, y périrent par les supplices ; & depuis cet échec la secte des Anabaptistes n'a plus osé se montrer ouvertement en Allemagne.

Vers le même tems, Calvin écrivit contr'eux un traité qu'on trouve dans ses opuscules. Comme ils fondoient sur-tout leur doctrine sur cette parole de Jesus-Christ, Marc xvj. vers. 16. quiconque croira & sera baptisé, sera sauvé, & qu'il n'y a que les adultes qui soient capables d'avoir la foi actuelle ; ils en inféroient qu'il n'y a qu'eux non plus qui doivent recevoir le baptême, sur-tout n'y ayant aucun passage dans le nouveau-Testament où le baptême des enfans soit expressément ordonné : d'où ils tiroient cette conséquence, qu'on devoit le réitérer à ceux qui l'avoient reçû avant l'âge de raison. Calvin & d'autres auteurs furent embarrassés de ce sophisme ; & pour s'en tirer, ils eurent recours à la tradition & à la pratique de la primitive Eglise. Ils opposerent aux Anabaptistes Origene, qui fait mention du baptême des enfans ; l'auteur des questions attribuées à saint Justin, qui en parle aussi ; un concile tenu en Afrique, qui, au rapport de S. Cyprien, ordonnoit qu'on baptisât les enfans aussi-tôt qu'ils seroient nés ; la pratique du même saint docteur à ce sujet ; les conciles d'Autun, de Mâcon, de Girone, de Londres, de Vienne, &c. une foule de témoignages des Peres, tels que S. Irenée, S. Jérôme, S. Ambroise, S. Augustin, &c.

Ces autorités, toutes respectables & toutes fortes qu'elles soient, faisoient peu d'impression sur des esprits aheurtés à décider tout par les Ecritures, tels qu'étoient les Anabaptistes : aussi les Théologiens catholiques se sont-ils attachés à trouver dans le nouveau-Testament des textes capables de les terrasser, n'employant contr'eux les argumens de tradition que par surabondance de droit. En effet, les enfans sont jugés capables d'entrer dans le royaume des cieux, Marc, jx. vers. 14. Luc, xviij. vers. 16. & le Sauveur lui-même en fit approcher quelques-uns de lui & les bénit. Or ailleurs, ch. iij. v. 5. S. Jean assûre que quiconque n'est pas baptisé ne peut entrer dans le royaume de Dieu ; d'où il s'ensuit qu'on doit donner le baptême aux enfans.

Ce que répondent les Anabaptistes, que les enfans dont parle Jesus-Christ étoient déjà grands, puisqu'ils vinrent à lui, & conséquemment qu'ils étoient capables de produire un acte de foi, est manifestement une interprétation forcée du texte sacré, puisque dans S. Matthieu & dans S. Marc ils sont appellés de jeunes enfans, ; dans S. Luc, , de petits enfans ; & que le même évangéliste dit expressément qu'ils furent amenés à Jesus-Christ : ils n'étoient donc pas en état d'y aller tous seuls.

Une autre preuve non moins forte contre les Anabaptistes, c'est celle qui se tire de ces paroles de saint Paul aux Romains, ch. v. vers. 17. " que si à cause du péché d'un seul, la mort a régné par ce seul homme, à plus forte raison ceux qui reçoivent l'abondance de la grace & du don de la justice régneront-ils dans la vie par un seul homme, qui est Jesus-Christ ". Car si tous sont devenus criminels par un seul, les enfans sont donc criminels ; & de même si tous sont justifiés par un seul, les enfans sont donc aussi justifiés par lui : or on ne sauroit être justifié sans la foi ; les enfans ont donc la foi nécessaire pour recevoir le baptême, non pas une foi actuelle, telle qu'on l'exige dans les adultes, mais une foi suppléée par celle de l'Eglise, de leurs peres & meres, de leurs parreins & marreines. C'est la doctrine de S. Augustin : satis piè recteque credimus, dit-il, lib III. de liber. arb. c. xxiij. n°. 67. prodesse parvulo eorum fidem à quibus consecrandus offertur : & il ajoûte ailleurs que cette imputation de foi est très-équitable, puisque ces enfans ayant péché par la volonté d'autrui, il est juste qu'ils soient aussi justifiés par la volonté d'autrui. Accommodat illis mater Ecclesia aliorum pedes ut veniant, aliorum cor ut credant, aliorum linguam ut fateantur, ut quoniam quod aegri sunt, alio peccante praegravantur, alio pro eis confitente salventur. Serm. 176, de verbis Apostoli.

A cette erreur capitale, les Anabaptistes en ont ajoûté plusieurs autres des Gnostiques & des anciens hérétiques : par exemple, quelques-uns ont nié la divinité de Jesus-Christ, & sa descente aux enfers ; d'autres ont soûtenu que les ames des morts dormoient jusqu'au jour du jugement, & que les peines de l'enfer n'étoient pas éternelles. Leurs enthousiastes prophétisoient que le jugement dernier approchoit, & en fixoient même terme.

Les nouveaux Anabaptistes se bornent aux trois principales opinions des anciens, n'attaquent point les puissances, du moins ouvertement, & ne se distinguent guere en Angleterre des autres sectes que par une conduite des moeurs, & un extérieur extrèmement simple & uni, en quoi ils ont beaucoup de conformité avec les Quakers. Voyez QUAKERS.

A mesure que les Anabaptistes se sont multipliés, leurs diverses sectes ont pris des dénominations distinctives, tirées, soit du nom de leurs chefs, soit des opinions particulieres qu'elles ont entées sur le système général de l'Anabaptisme. On les a connus sous les noms de Munceriens, Catharistes, Enthousiastes, Silentieux, Adamistes, Georgiens, Indépendans, Hutites, Melchiorites, Nudipedaliens, Mennonites, Bulcholdiens, Augustiniens, Servetiens, Monasteriens ou Munsteriens, Libertins, Deorelictiens, Semperorans, Polygamites, Ambroisiens, Clanculaires, Manifestaires, Babulariens, Pacificateurs, Pastoricides, Sanguinaires, &c. On peut principalement consulter sur cette hérésie Sleidan. Meshovius, hist. des Anabapt. Spon. ad an. 1522 & 1523. Dupin, hist. du xvj. siecle. (G)


ANABASIENSS. m. pl. (Hist. anc.) étoient des couriers qui voyageoient à cheval ou sur des chariots pour des messages d'importance. Voyez COURIER & POSTE. Ce mot vient du Grec ἀναϐαίνω, monter. (G)


ANABASSESS. m. (Com. & Drap.) couvertures ou pagnes qui se font à Rouen & en Hollande. Elles ont trois quarts & demi de long sur trois quarts de large ; elles sont rayées bleu & blanc, & il y a environ un pouce d'intervalle entre chaque raie.


ANABIBAZONS. m. terme d'Astronomie ; c'est le nom qu'on donne à la queue du dragon, ou au noeud méridional de la lune, c'est-à-dire, à l'endroit où elle coupe l'écliptique pour passer de la latitude septentrionale à la méridionale. Voyez NOEUD. (O)


ANACALIPou ANACALIF, s. m. (Hist. nat.) espece de polypede venimeux qu'on trouve à Madagascar entre l'écorce des vieux arbres, & dont la piquûre est aussi dangereuse que celle du scorpion.


ANACALYPTERIES. f. (Hist. anc.) fête qui se célébroit chez les anciens le jour qu'il étoit permis à la nouvelle épouse d'ôter son voile, & de se laisser voir en public. Voyez FETE, MARIAGE, &c. Ce mot vient du Grec ἀνακαλυπτειν, découvrir. (G)


ANACAMPTIQUEadj. m. (Acoustique.) signifie la même chose que réfléchissant, & se dit singulierement des échos qu'on dit être des sons réfléchis. Voyez REFLEXION, SON, ECHO.

Et par analogie quelques-uns appellent aussi ANACAMPTIQUE, la science qui a pour objet les rayons réfléchis, & qu'on appelle autrement Catoptrique. Voyez CATOPTRIQUE, PHONIQUE, &c. Ce mot est formé des mots Grecs ἀνὰ, rursum, derechef, & κάμπτω, flecto, je fléchis. (O)


ANACANDEFS. m. (Hist. nat.) serpent extrèmement petit qui se glisse dans le fondement, où il cause de grandes douleurs, & qu'on n'en déloge pas aisément. Les relations de l'île de Madagascar, qui sont les seules qui en fassent mention, en parlent comme d'un animal dangereux.


ANACANDRIANSS. m. pl. (Hist. mod.) c'est le nom que les habitans de l'île de Madagascar donnent à ceux qui sont descendus d'un Roandrian, ou prince blanc, qui a dérogé, ou pris une femme qui n'étoit ni de son rang, ni de son état.


ANACARDES. m. anacardium, (Hist. nat.) c'est un fruit, ou plûtôt un noyau applati, de la forme du coeur d'un petit oiseau, noirâtre, brillant, long d'environ un pouce, se terminant par une pointe mousse, attaché à un pédicule ridé qui occupe toute la base. Il renferme sous une double enveloppe fort dure & qui est une espece d'écorce, un noyau blanchâtre, d'un goût doux comme l'amande ou la châtaigne. Entre la duplicature de cette enveloppe est un suc mielleux, acre & brûlant, placé dans les petits creux d'une certaine substance fongueuse ou diploé. Les anciens Grecs ne le connoissoient pas.

Il faut prendre l'anacarde récent, noir, pesant, contenant un noyau blanc & beaucoup de liqueur fluide. Le R. P. George Camelli, de la Compagnie de Jesus, dans l'index des plantes de l'île de Luzone que Jean Ray a fait imprimer, distingue trois especes d'anacarde : la premiere est la plus petite, appellée ligas ; la seconde ou moyenne, est l'anacarde des boutiques ; & la troisieme se nomme cajou, ou acajou.

Le ligas est un arbre sauvage de médiocre grandeur, qui vient sur les montagnes, & dont les jeunes pousses répandent, quand on les casse, une liqueur laiteuse, qui en tombant sur les mains ou sur le visage, excite d'abord la demangeaison, & peu-à-peu l'enflure. Sa feuille est longue d'un empan & davantage ; elle est d'un verd foncé & rude, & a peu de suc ; sa fleur est petite, blanche, découpée en forme d'étoile, & disposée en grappe à l'extrémité des tiges. Son fruit est de la grosseur de celui de l'érable, & d'un rouge safran ; il a le goût acerbe comme la pomme sauvage ; à son sommet est attaché un noyau noir, luisant, & plus long que les fruits ; son amande mâchée picote & resserre un peu le gosier.

L'anacarde moyen est un grand arbre, beau & droit, haut de soixante & dix piés, épais de seize ou environ, qui aime le bord des fleuves, & qui jette au loin & en tout sens plusieurs branches de couleur cendrée : son bois est blanchâtre, & couvert d'une écorce cendrée ; sa racine fibreuse, rougeâtre, garnie d'une écorce rousse, sans odeur, mucilagineuse, & d'une saveur un peu salée ; sa feuille grande, quelquefois de trois coudées, longue, ovalaire, attachée aux rameaux par de petites queues, disposée à son extrémité en forme de rose, épaisse, nombreuse, rude, lisse, luisante, verte en-dessus, un peu cendrée en-dessous, insipide, & sans odeur : sa fleur petite, ramassée en grappe, blanchâtre, de bonne odeur, taillée en étoile, & portée sur de longs pédicules violets qui sortent du tronc. Elle est composée d'un calice verd, pointu, découpé en cinq quartiers, & de cinq pétales jaunes, ovales, pointus, & blanchâtres par leur bord. Entre ces pétales sont placées autant d'étamines blanchâtres, garnies de sommets partagés en deux, & au milieu un petit style blanchâtre. Quand la fleur est passée, il lui succede un fruit allongé, plus petit qu'un oeuf de poule, sans noyau, bon à manger, rougeâtre d'abord, ensuite de couleur de pourpre foncé en-dehors, jaunâtre d'abord en-dedans, & bien-tôt après d'un bleu rougeâtre, d'une saveur acerbe, portant à son sommet un noyau en coeur, verd dans le commencement, rougeâtre par la suite, enfin noirâtre. Cet arbre se trouve aux Indes orientales, au Malabar, & dans les îles Philippines.

Les Indiens en font cuire les tendres sommets pour les manger : les noyaux ou amandes sont bonnes aussi ; elles ont le goût des pistaches & des châtaignes ; on en ôte l'écorce en les mettant sous la cendre chaude.

Le même Camelli dit que la vertu caustique & dangereuse qu'on attribue au noyau, n'est que dans le suc mielleux qui remplit les petits creux de l'écorce. On frotte de ce suc les condylomes, & autres excroissances charnues, les écroüelles, les verrues, & les dartres vives qu'on veut déraciner. Ce suc mielleux est utile pour mondifier les ulceres des bestiaux ; il consume les dents cariées : on l'employe avec la chaux vive pour marquer les étoffes de soie : on fait de l'encre avec les fruits verds pilés, & mêlés avec de la lessive & du vinaigre.

L'acajou est un fruit, ou plûtôt un noyau qui a la figure d'un rein, la grosseur d'une châtaigne, l'écorce grise, brune, épaisse d'une ligne, composée comme de deux membranes, & d'une certaine substance qui est entre les deux, fongueuse, & comme un diploé, contenant dans ses cellules un suc mielleux, roussâtre, acre, & si mordicant, qu'en en frottant légerement la peau, on y excite la sensation du feu.

Si quelqu'un mord imprudemment cette écorce, il souffrira une ardeur vive & brûlante à la langue & aux levres. L'amande qui est dessous a aussi la figure d'un rein ; sa substance est blanche ; elle a la consistance & le goût de l'amande douce ; elle est revêtue d'une petite peau jaune qu'il en faut enlever.

L'arbre qui porte ce fruit se trouve aux îles de l'Amérique, au Brésil & aux Indes ; il s'éleve plus ou moins haut, selon la différence du climat & du terroir. Au Brésil il égale la hauteur des hêtres ; au Malabar & aux îles, il est médiocre : le P. Plumier en donne la description suivante.

L'acajou est de la hauteur de notre pommier, fort branchu, fort touffu, & couvert d'une écorce ridée & cendrée : sa feuille est arrondie, longue d'environ cinq pouces, large de trois, attachée à une queue courte, lisse, ferme comme du parchemin, d'un verd gai en-dessus & en-dessous, avec une côte & des nervures paralleles ; au sommet des rameaux naissent plusieurs pédicules chargés de petites fleurs rangées en parasol, le calice découpé en cinq quartiers droits, pointus, & en forme de lance ; la fleur est en entonnoir, composée de cinq pétales longs, pointus, rougeâtres, verdâtres, rabattus en-dehors, & plus longs que le calice : les étamines sont au nombre de dix, déliées, de la longueur des pétales, & garnies de petits sommets ; elles entourent le pistil dont l'embryon est arrondi ; le style est grêle, recourbé, de la longueur des pétales, & le stigmate qui le termine est pointu ; le fruit est charnu & en forme de poire, plus gros qu'un oeuf d'oie, ou du moins de cette grosseur, couvert d'une écorce mince, lisse, luisante, tantôt pourpre, tantôt jaune, tantôt coloré de l'un & de l'autre ; sa substance intérieure est blanche, succulente, douce, mais un peu acerbe. Ce fruit tient à un pédicule long d'un peu plus d'un pouce, & porte à son sommet un noyau : c'est ce noyau par lequel nous avons commencé la description, & qu'on appelle ici noix d'acajou.

Le bois d'acajou coupé, & même sans l'être, répand beaucoup de gomme roussâtre, transparente, & solide ; cette gomme imbibée d'eau se fond comme la gomme arabique, & tient lieu de la meilleure glu. On exprime du fruit un suc, qui fermenté devient vineux & enivre : il excite les urines ; on en retire un esprit ardent fort vif. Plus il est vieux, plus il enivre ; on en fait du vinaigre ; les Indiens préferent l'amande au fruit. Le suc mielleux teint le linge de couleur de fer ; l'huile peint le linge en noir ; le suc est bon pour le feu volage, les dartres, la gale, les vers, &c. Il enleve les taches de rousseur, mais il n'en faut pas user dans le tems des regles ; alors il excite des érésipeles. Les habitans du Bresil comptoient jadis leur âge avec ces noix ; ils en serroient une tous les ans.


ANACATHARSES. f. (Med.) vient de , purger par le haut. Blancard comprend sous cette dénomination les émétiques, les sternutatoires, les errhines, les masticatoires, & les mercuriaux ; cependant il ne signifie proprement que purgation par le haut, & n'a été appliqué chez les anciens qu'au soulagement des poûmons par l'expectoration.


ANACATHARTIQUESadj. pl. épithete que l'on donne aux médicamens qui aident l'expectoration. Voyez EXPECTORATION.


ANACÉPHALÉOSEsubst. f. (Belles-Lettres.) terme de Rhétorique. C'est une récapitulation ou répétition courte & sommaire des principaux chefs d'un discours.

Ce mot est formé de la préposition Grecque ἀνὰ, une seconde fois, & κεφαλὴ, téte, chef.

Cette récapitulation ne doit point être une répétition seche de ce qu'on a déjà dit, mais un précis exact en termes différens, orné & varié de figures, dans un style vif. Elle peut se faire de différentes manieres, soit en rappellant simplement les raisons qu'on a alléguées, soit en les comparant avec celles de l'adversaire, dont ce parallele peut mieux faire sentir la foiblesse. Elle est nécessaire, soit pour convaincre davantage les auditeurs, soit pour réunir comme dans un point de vûe, tout ce dont on les a déjà entretenus, soit enfin pour réveiller en eux les passions qu'on a tâché d'y exciter. Cicéron excelloit particulierement en ce genre. Voyez PERORAISON. (G)


ANACHIMOUSSIS. m. (Géog. mod.) peuple de l'île Madagascar, dont il occupe la partie méridionale, située au nord de Manamboule.


ANACHISS. m. (Mythologie.) nom d'un des quatre dieux familiers que les Egyptiens croyoient attachés à la garde de chaque personne, dès le moment de sa naissance. Les trois autres étoient Dymon, Tychès, & Heros : ces quatre dieux se nommoient aussi Dynamis, Tyché, Eros, & Ananché ; la Puissance, la Fortune, l'Amour, & la Nécessité.

S'il est vrai que les Payens même ayent reconnu que l'homme abandonné à lui-même n'étoit capable de rien, & qu'il avoit besoin de quelque divinité pour le conduire, ils auroient pû le confier à de moins extravagantes que les quatre précédentes. La puissance est sujette à des injustices, la fortune à des caprices, l'amour à toutes sortes d'extravagances, & la nécessité à des forfaits, si on la prend pour le besoin ; & si on la prend pour le destin, c'est pis encore : car sa présence rend les secours des trois autres divinités superflus. Il faut pourtant convenir que ces divinités représentent assez bien notre condition présente ; nous passons notre vie à commander, à obéir, à desirer, & à poursuivre.


ANACHORETES. m. (Hist. mod.) hermite ou personnage pieux qui vit seul dans quelque desert, pour y être à l'abri des tentations du monde, & plus à portée de méditer. Voyez HERMITE. Ce mot vient du Grec αναχωρεω, se retirer dans une région écartée.

Tels ont été S. Antoine, S. Hilarion, & une infinité d'autres. S. Paul l'hermite fut le premier anachorete.

Parmi les Grecs il y a un grand nombre d'anachoretes, la plûpart religieux, qui ne se souciant pas de la vie laborieuse & des fatigues du monastere, demandent un petit canton de terre & une cellule où ils se retirent & ne se montrent plus au couvent qu'aux grandes solennités. Voyez MOINE.

On les appelle aussi quelquefois ascetes & solitaires. Voyez ASCETIQUE, &c.

Les anachoretes de Syrie & de Palestine se retiroient dans les endroits les plus inconnus & les moins fréquentés, habitant dans des grottes, & y vivant de fruits & d'herbes sauvages.

Il y a eu aussi des anachoretes dans l'Occident. Pierre Damien, qui a été de l'ordre des hermites, en parle souvent avec éloge. Il les représente comme ce qu'il y a de plus parfait parmi les Religieux, & marque pour eux beaucoup plus d'estime & de vénération que pour les coenobites ou moines qui résident dans des monasteres. Voyez COENOBITE.

La plûpart de ces anachoretes ne se retiroient qu'avec la permission de leur abbé, & c'étoit le couvent qui leur fournissoit leurs besoins. Le peuple en considération de leur piété, leur portoit quelquefois des sommes considérables d'argent qu'ils gardoient, & à leur mort ils le laissoient au monastere dont ils étoient coenobites. L'ordre de Saint Benoît a eu beaucoup de ces anachoretes ; ce qui étoit conforme aux constitutions de cet ordre, qui permettent de quitter la communauté pour vivre solitaires ou anachoretes. Les anachoretes ne subsistent plus aujourd'hui : mais les anciens ont enrichi leurs monasteres de plusieurs revenus considérables, comme l'a remarqué Pierre Acosta dans son histoire de l'origine & du progrès des revenus ecclésiastiques. (G)


ANACHRONISMES. m. terme usité en Chronologie, erreur dans la supputation des tems & dans la date des évenemens, qu'on place plutôt qu'ils ne sont arrivés. Ce mot est composé de la préposition greque , au-dessus, en-arriere, & de , tems.

Tel est celui qu'a commis Virgile en faisant régner Didon en Afrique du tems d'Enée ; quoique dans la vérité elle n'y soit venue que 300 ans après la prise de Troie.

L'erreur opposée, qui consiste à dater un évenement d'un tems postérieur à celui auquel il est arrivé, s'appelle parachronisme. Mais dans l'usage ordinaire on ne fait guere cette distinction, & on employe indifféremment anachronisme pour toute faute contre la chronologie. (G)


ANACLASTIQUES. f. (Optiq.) est la partie de l'Optique qui a pour objet les réfractions. C'est la même chose que ce qu'on appelle autrement Dioptrique. Voyez DIOPTRIQUE.

Ce mot se prend aussi adjectivement. Point anaclastique, est le point où un rayon de lumiere se rompt, c'est-à-dire le point où il rencontre la surface rompante. Voyez REFRACTION. Ce mot est formé des mots Grecs, ἀνὰ, rursùm, derechef, & κλάζω, frango, je romps.

Courbes anaclastiques, est le nom que M. de Mairan a donné aux courbes apparentes que forme le fond d'un vase plein d'eau pour un oeil placé dans l'air ; ou le plat-fond d'une chambre, pour un oeil placé dans un bassin plein d'eau au milieu de cette chambre ; ou la voûte du ciel, vûe par réfraction à-travers l'atmosphere. M. de Mairan détermine ces courbes d'après un principe d'Optique adopté par plusieurs auteurs, & rejetté par d'autres, mais qu'on peut ne prendre dans son mémoire que pour un principe purement géométrique ; auquel cas ses recherches conserveront tout le mérite qu'elles ont à cet égard. Barrow à la fin de son Optique, détermine ces mêmes courbes par un autre principe. Voyez ce que c'est que le principe de M. de Mairan, & celui de Barrow, à l'article APPARENT. Mém. ac. 1740. (O)


ANACLETERIES. f. (Hist. anc.) fête solemnelle que célébroient les anciens lorsque leurs rois ou leurs princes devenus majeurs, prenoient en main les renes du gouvernement, & en faisoient la déclaration solemnelle à leur peuple. Ce mot est composé de la préposition greque , & de , appeller. (G)


ANACOCKS. m. (Hist. nat.) dans Ray, hist. Plant. c'est le nom d'une espece de haricot de l'Amérique, que Jean Bauhin appelle pisum Americanum aliud, magnum, bicolor, coccineum, & nigrum simul, sive faseolus bicolor anacock dictus, dont Caspard Bauhin donne la même description, & que Gérard & Parkinson nomment haricot ou feve d'Egypte.


ANACOLUTHES. f. (Gramm.) c'est une figure de mots qui est une espece d'ellipse. Ce mot vient d', adjectif, non consentaneus : la racine de ce mot en fera entendre la signification. R. , comes, compagnon ; ensuite on ajoûte l' privatif & un euphonique, pour éviter le bâillement entre les deux a ; par conséquent l'adjectif anacoluthe signifie qui n'est pas compagnon, ou qui ne se trouve pas dans la compagnie de celui avec lequel l'analogie demanderoit qu'il se trouvât. En voici un exemple tiré du second livre de l'Enéide de Virgile, vers 330. Panthée, prêtre du temple d'Apollon, rencontrant Enée dans le tems du sac de Troie, lui dit qu'Ilion n'est plus ; que des milliers d'ennemis entrent par les portes en plus grand nombre qu'on n'en vit autrefois venir de Mycenes :

Portis alii bipatentibus adsunt

Millia quot magnis nunquam venêre Mycenis.

On ne sauroit faire la construction sans dire :

Alii adsunt tot quot nunquam venêre Mycenis.

Ainsi tot est l'anacoluthe ; c'est le compagnon qui manque. Voici ce que dit Servius sur ce passage : MILLIA, subaudi TOT, & est ; nam dixit QUOT cum non praemiserit TOT.

Il en est de même de tantùm sans quantùm, de tamen sans quanquam ; souvent en françois au lieu de dire il est-là où vous allez, il est dans la ville où vous allez, nous disons simplement il est où vous allez.

Ainsi l'anacoluthe est une figure par laquelle on sousentend le correlatif d'un mot exprimé ; ce qui ne doit avoir lieu que lorsque l'ellipse peut être aisément suppléée, & qu'elle ne blesse point l'usage. (F)


ANACONTIS. m. (Hist. nat.) arbre de l'île de Madagascar, dont la feuille ressemble à celle du poirier, & dont le fruit est long, & donne un suc qui fait cailler le lait. Je n'ai que faire d'avertir que cette description est très-incomplete , & qu'il y a là de l'ouvrage pour les Botanistes.


ANACOSTEsub. f. (Comm. Drap.) étoffe de laine croisée, très-rase, & fabriquée en maniere de serge ; elle a une aune de large, & vingt aunes ou environ font la piece. Il s'en fabrique à Beauvais, d'où elles passent en Espagne. Quant à la maniere de fabriquer l'anacoste, voyez l'article DRAPERIE.


ANACRÉONTIQUEadj. (Belles-Lettres.) terme consacré en Poésie pour signifier ce qui a été inventé par Anacréon, ou composé dans le goût & le style de ce poëte.

Anacréon né à Téos, ville d'Ionie, florissoit vers l'an du monde 3512. Il se rendit célebre par la délicatesse de son esprit & par le tour aisé de sa poésie, où, sans qu'il paroisse aucun effort de travail, on trouve par-tout des graces simples & naïves. Ses odes sont marquées à un coin de délicatesse, ou pour mieux dire de négligence aimable ; elles sont courtes, gracieuses, élégantes, & ne respirent que le plaisir & l'amusement : ce sont, à proprement parler, des chansons qu'il enfanta sur le champ dans un coup de verve inspiré par l'amour & par la bonne-chere, entre lesquels il partageoit sa vie. Le tendre, le naïf, le gracieux, sont les caracteres du genre anacréontique, qui n'a mérité le nom de lyrique dans l'antiquité, que parce qu'on le chantoit en s'accompagnant de la lyre : car il differe entierement & par le choix des sujets & par les nuances du style, de la hauteur & de la majesté de Pindare. Nous avons une traduction d'Anacréon en prose par Mlle Lefevre, connue depuis sous le nom de Mde Dacier, & trois en vers. L'une est de Longepierre, l'autre de M. de la Fosse : elles passent pour plus fideles que celle de Gacon, qu'on lit néanmoins avec plus de plaisir, parce qu'elle est plus légere, & qu'il l'a enchassée dans un roman assez ingénieux des avantures galantes & des plaisirs d'Anacréon. Horace a fait plusieurs odes à l'imitation de ce poëte, telles que celle qui commence par ce vers, O matre pulchrâ filia pulchrior ; & celle-ci, Lydia, dic per omnes, &c. & plusieurs autres dans le même goût. La conformité de caractere produisoit entr'eux celle des ouvrages. Parmi nos poëtes françois, M. de la Mothe s'est distingué par ses odes anacréontiques, qui sont toutes remplies de traits d'esprit, d'un badinage leger, & d'une morale épicurienne. Nos bonnes chansons sont aussi autant d'odes anacréontiques.

La plûpart des odes d'Anacréon sont en vers de sept syllabes, ou de trois piés & demi, spondées ou ïambes, & quelquefois anapestes : c'est pourquoi l'on appelle ordinairement les vers de cette mesure anacréontiques. Nos poëtes ont aussi employé pour cette ode les vers de sept & de huit syllabes, qui ont moins de noblesse, ou si l'on veut d'emphase, que les vers alexandrins, mais plus de douceur & de mollesse. (G)


ANACTESS. m. (Mytholog.) nom commun à trois anciens dieux qu'on prétendoit nés dans Athenes, de Jupiter & de Proserpine. Ils s'appelloient Tritopatreus, Eubulcus & Dionysius. On leur donnoit aussi le nom de Dioscures. Ils avoient un temple qu'on nommoit l'Anacée ; & l'on y célébroit une fête de même nom. Voyez dans le dict. de Moreri, toutes les conjectures des savans sur l'origine des Anactes.

Anactes étoit encore un nom d'honneur, affecté aux fils & aux freres des rois de Chypre. Les rois étoient sur le throne, mais les Anactes gouvernoient. C'étoit à eux que les Gergines rendoient compte, & ils faisoient examiner les dénonciations des Gergines par les Promalanges (voyez GERGINES & PROMALANGES). Les femmes des Anactes s'appelloient anasses, & celles qui les servoient colacydes.


ANACTORIES. f. (Géog. anc. & mod.) c'est aujourd'hui Vonizza, ville d'Epire à l'embouchure du golfe d'Ambracie ; elle appartenoit jadis aux Corinthiens & à ceux de Corcyre ; les Atheniens la prirent & y placerent les Acarnaniens qui les avoient aidés dans le siége.


ANACUIESsub. m. (Géog. mod.) peuples de l'Amérique dans le Bresil, vers la contrée que les Portugais possedent sous le nom de capitanie de Seregippe. Baudran,


ANADIPLOSEsub. f. (Gramm.) . R. , retro, re, & , duplico. C'est une figure qui se fait lorsqu'une proposition recommence par le même mot par lequel la proposition précédente finit. Par exemple :

Sit Tityrus, Orpheus,

Orpheus in sylvis, &c. Virg. Ecl. viij. v. 55.

Et encore,

Addit se sociam, timidisque supervenit Aegle,

Aegle Naïadum pulcherrima. Virg. Ecl. vj. v. 20.

Il y a une autre figure qu'on appelle épanadiplose, qui se fait, lorsque de deux propositions correlatives, l'une commence & l'autre finit par le même mot.

Crescit amor nummi quantum ipsa pecunia crescit.

Juvénal, xjv. v. 138.

Et Virgile, au I. liv. de l'Enéide, v. 754.

Multa super Priamo rogitans, super Hectore multa. (F)


ANADOLI HISSARou DENI HISSAR, s. m. (Géog. & Hist.) nom que les Turcs donnent à celui des châteaux de l'Hellespont ou des Dardanelles, qui est en Asie. D'Herbelot, bibl. orient.


ANADROMES. m. (en Medecine.) transport de l'humeur morbifique des parties inférieures aux supérieures. Cet accident est d'un mauvais présage, selon Hippocrate.


ANADYOMENEde , qui se leve ou sort en se levant, (Hist. anc.) nom d'un tableau de Venus sortant des eaux, peint par Apelle, & qu'Auguste fit placer dans le temple de César son pere adoptif. Le tems en ayant altéré la partie inférieure, on dit qu'il ne se trouva personne qui osât le retoucher. J'en suis étonné. Ny avoit-il donc point à Rome de Peintre mauvais ou médiocre ? Les hommes communs sont toûjours prêts à continuer ce que les hommes extraordinaires ont entrepris ; & ce ne sera jamais un barbouilleur qui se croira incapable de finir ou de retoucher un tableau de Raphael.


ANAETISANETIS, ANAITIS, s. f. (Myth.) Déesse adorée jadis par les Lydiens, les Arméniens, & les Perses. Son culte défendoit de rien entreprendre que sous ses auspices ; c'est pourquoi dans les contrées voisines de la Scythie, les assemblées importantes & les délibérations sur les grandes affaires se faisoient dans son temple. Les filles les plus belles & les mieux nées lui étoient consacrées : la partie la plus essentielle de leur service consistoit à rendre heureux les hommes pieux qui venoient offrir des sacrifices à la déesse. Cette prostitution religieuse, loin de les deshonorer, les rendoit au contraire plus considérées & plus exposées aux propositions de mariage. L'estime qu'on faisoit d'elles se mesuroit sur l'attachement qu'elles avoient marqué pour le culte plaisant d'Anetis. La fête de cette divinité se célébroit tous les ans : dans ce jour on promenoit sa statue, & ses dévots & dévotes redoubloient de ferveur. On tient que cette fête fut instituée en mémoire de la victoire que Cyrus, roi de Perse, remporta sur les Saces, peuples de Scythie. Cyrus les vainquit par un stratagême si singulier, que je ne puis me dispenser d'en faire mention : ce prince feignit d'abandonner son camp & de s'enfuir ; aussi-tôt les Saces s'y précipiterent & se jetterent sur le vin & les viandes que Cyrus y avoit laissés à dessein. Cyrus revint sur eux, les trouva ivres & épars, & les défit. On appelloit aussi la fête d'Anetis, la solennité des Saces. Pline dit que sa statue fut la premiere qu'on eût faite d'or, & qu'elle fut brisée dans la guerre d'Antoine contre les Parthes. Les Lydiens adoroient une Diane sous le nom d'Anetis, à ce que disent Hérodote, Strabon & Pausanias. Strab. lib. II. 12. 15. Paus. in Lacon. Plin. lib. LIII. cap. jv. Coel. Rhodig. lib. XVIII. c. xxjx. Plusieurs soldats s'enrichirent des morceaux de la statue d'Anetis : on raconte qu'un d'eux, qui s'étoit établi à Boulogne en Italie, eut l'honneur de recevoir un jour Auguste dans sa maison & de lui donner à souper. Est-il vrai, lui demanda ce prince pendant le repas, que celui qui porta les premiers coups à la déesse, perdit la vûe, l'usage des membres, & mourut sur le champ ? Si cela étoit vrai, lui répondit le soldat, je n'aurois pas l'avantage de voir Auguste chez moi ; ce fut moi qui le premier frappa la statue, & je m'en trouve bien ; si je possede quelque chose, j'en ai l'obligation à la bonne déesse ; & c'est d'une de ses jambes, Seigneur, que vous soupez.


ANAFou AFFA, (Géog. mod.) ville de la province de Temesne, au royaume de Fez en Afrique, sur la côte de l'Océan atlantique. Alfonse roi de Portugal, la ruina, pour mettre fin aux courses que ses habitans faisoient sur les Chrétiens.


ANAGALLIDASTRUM(Hist. nat.) genre de plante qui ne differe du mouron, qu'en ce que ses feuilles sont placées alternativement le long de la tige, & que ses fleurs sont découpées en quatre parties. Micheli, nova plant. genera. Voyez MOURON. (I)


ANAGALLISvoyez MOURON.


ANAGARSKAIE(Géog. mod.) ville des Moscovites de la grande Tartarie, dans la province de Dauria, à l'orient du lac Baycal, aux sources de la riviere d'Amur. Long. 118. lat. septentrionale 58. Wits, carte de Tartarie.


ANAGHELOME(Géog. mod.) petite ville d'Irlande, dans la province d'Ulster ou d'Ultonie, comté de Dowane, sur le Ban.


ANAGLYPHES. m. (Anat.) d', je grave, nom qu'Herophile donnoit à une portion du quatrieme ventricule du cerveau, & que les anatomistes modernes appellent calamus scriptorius. Voyez CALAMUS SCRIPTORIUS. (L)


ANAGNIou AGNANI, (Géog. anc. & mod.) ville d'Italie, dans l'Etat ecclésiastique, & la Campagne de Rome ; elle est ancienne & fut célebre entre celles des Herniques. Elle est aujourd'hui presque ruinée. Ce fut là que Boniface VIII. fut pris le 7 Septembre 1303 par Colonne & Nogaret.


ANAGNOSTES. m. (Hist. anc.) nom que les Romains donnoient à celui de leurs domestiques qui lisoit pendant le repas. Les hommes puissans avoient des anagnostes, & ces esclaves furent en grand crédit sous l'empereur Claude.


ANAGOGIES. f. (Théol.) ravissement ou élévation de l'ame vers les choses célestes & éternelles, ou pensées & explications par lesquelles on éleve l'ame vers ces choses. Voyez EXTASE, &c. Ce mot est formé du grec ἀνὰ, sursum, en haut, & d’ἀγωγὴ, conduite, du verbe ἄγω, duco, c’est-à-dire, mouvement qui conduit aux choses d’en-haut, qui éleve l’ame à la contemplation des choses divines. (G)


ANAGOGIQUEadj. transportant, (Théologie.) c'est-à-dire tout ce qui éleve l'esprit humain vers les choses éternelles & divines, & particulierement celles qui concernent la vie future. Voyez ANAGOGIE. Ce nom, comme le précédent, est dérivé du grec, & est principalement employé en parlant de divers sens de l'Ecriture. Le sens anagogique est un sens mystique de quelque passage de l'Ecriture, qui regarde l'éternité ou la vie à venir. Ainsi le mot Jerusalem, qui dans le sens littéral signifie une ville de Palestine, la capitale de la Judée, pris dans un sens anagogique, signifie la patrie céleste, le terme où nous devons tendre. Voyez LITTERAL & SENS. (G)


ANAGRAMMES. f. (Belles-Lettres.) transposition des lettres d'un nom avec un arrangement ou combinaison de ces mêmes lettres, d'où il résulte un sens avantageux ou desavantageux à la personne à qui appartient ce nom. Voyez NOM.

Ce mot est formé du grec ἀνὰ, en arriere, & de γράμμα, lettre, c’est-à-dire, lettre transposée ou prise à rebours.

Ainsi l'anagramme de logica est caligo, celle de Lorraine, alérion, & l'on dit que c'est pour cela que la maison de Lorraine porte des alérions dans ses armes. Calvin à la tête de ses institutions imprimées à Strasbourg en 1539, prit le nom d'Alcuinus, qui est l'anagramme de Calvinus, & le nom d'Alcuin, cet anglois qui se rendit si célebre en France par sa doctrine sous le regne de Charlemagne.

Ceux qui s'attachent scrupuleusement aux regles dans l'anagramme, prétendent qu'il n'est pas permis de changer une lettre en une autre, & n'en exceptent que la lettre aspirée h. D'autres moins timides prennent plus de licence, & croyent qu'on peut quelquefois employer e pour ae, v pour w, s pour z, c pour k, & réciproquement ; enfin qu'il est permis d'omettre ou de changer une ou deux lettres en d'autres à volonté, & l'on sent qu'avec tous ces adoucissemens on peut trouver dans un mot tout ce qu'on veut.

L’anagramme n’est pas fort ancienne chez les Modernes ; on prétend que Daurat poëte françois, du tems de Charles IX, en fut l’inventeur : mais comme on vient de le dire, Calvin l’avoit précédé à cet égard ; & l’on trouve dans Rabelais, qui écrivoit sous François I. & sous Henri II, plusieurs anagrammes. On croit aussi que les Anciens s’appliquoient peu à ces bagatelles ; cependant Lycophron qui vivoit du tems de Ptolomée Philadelphe, environ 280 ans avant la naissance de Jesus-Christ, avoit fait preuve de ses talens à cet égard, en trouvant dans le nom de Ptolomée Πτολέμαιος, ces mots ἀπὸ μελίτος, du miel, pour marquer la douceur du caractere de ce Prince ; & dans celui de la Reine Arsinoé, Αρσινοὴ, ceux-ci ἴον ἡρᾶς, violette de Junon. Ces découvertes étoient bien dignes de l’auteur le plus obscur & le plus entortillé de toute l’antiquité.

Les Cabalistes, parmi les Juifs, font aussi usage de l'anagramme : la troisieme partie de leur art qu'ils appellent themura, c'est-à-dire changement, n'est que l'art de faire des anagrammes, & de trouver par-là dans les noms des sens cachés & mystérieux. Ce qu'ils exécutent, en changeant, transportant ou combinant différemment les lettres de ces noms. Ainsi de , qui sont les lettres du nom de Noé, ils font , qui signifie grace ; & dans , le Messie, ils trouvent ces mots , il se réjoüira.

Il y a deux manieres principales de faire des anagrammes : la premiere consiste à diviser un simple mot en plusieurs ; ainsi sustineamus contient sus-tinea-mus. C'est ce qu'on appelle autrement rebus ou logogryphe. Voyez LOGOGRYPHE.

La seconde, est de changer l'ordre & la situation des lettres, comme dans Roma, on trouve amor, mora, & maro. Pour trouver toutes les anagrammes que chaque nom peut admettre par Algebre, voyez l'article COMBINAISON.

On ne peut nier qu'il n'y ait des anagrammes heureuses & fort justes : mais elles sont extrèmement rares ; telle est celle qu'on a mise en réponse à la question que fit Pilate à Jesus-Christ, Quid est veritas ? rendue lettre pour lettre par cette anagramme, Est vir qui adest, qui convenoit parfaitement à celui qui avoit dit de lui-même, ego sum via, veritas, &c. Telle est encore celle qu'on a imaginée sur le meurtrier d'Henri III. frere Jacques Clément, & qui porte, c'est l'enfer qui m'a créé.

Outre les anciennes especes d'anagrammes, on en a inventé de nouvelles, comme l'anagramme mathématique imaginée en 1680, par laquelle l'abbé Catelan trouva que les huit lettres de Loüis XIV. faisoient vrai héros.

On a encore une espece d'anagramme numérale, nommée plus proprement chronogramme, où les lettres numérales, c'est-à-dire celles qui dans l'arithmétique romaine tenoient lieu de nombre, prises ensemble selon leur valeur numérale, expriment quelque époque : tel est ce distique de Godart sur la naissance de Loüis XIV. en 1638, dans un jour où l'aigle se trouvoit en conjonction avec le coeur du lion.

EXorIens DeLphIn aqVILa CorDIsqVe LeonIs CongressV gaLLos spe LaetItIâqVe refeCIt,

dont toutes les lettres majuscules rassemblées forment en chiffre romain, M DC XXXVIII. ou 1638.


ANAGROSS. m. (Commer.) mesure de grains en Espagne, qui tient un peu plus que la mine de Paris. Trente-six anagros font dix-neuf septiers de Paris.


ANAGYRIou BOIS-PUANT, (Hist. natur.) Dioscoride a connu cet arbrisseau ; il le décrit, liv. III. chap. clxvij. & lui attribue quelques propriétés médicinales. Selon nos Botanistes, l'anagyris est fort rameux ; son écorce est d'un verd brun ; son bois jaunâtre ou pâle ; ses feuilles rangées trois à trois, oblongues, pointues, vertes en-dessus, blanchâtres en-dessous ; d'une odeur si forte & si puante, sur-tout quand on les écrase, qu'elles font mal à la tête ; sa fleur jaune & semblable à celle du genêt, suivie de gousses longues d'un doigt, comme celles des haricots, cartilagineuses, contenant chacune trois ou quatre semences grosses comme nos plus petites féveroles, formées en petits reins ; blanches au commencement, puis purpurines, & enfin noirâtres & bleues, quand elles sont tout-à-fait mûres ; sa feuille passe pour résolutive, & sa semence pour émétique. Voyez le dictionn. de Medecine.


ANAGYRUS(Géog. & Myth.) bourg de l'Attique en Grece, dans la tribu Erechtide. On dérive son nom, ou de l'anagyris plante, ou d'un Anagyrus, demi-dieu, qui avoit un temple dans cet endroit, & qu'il étoit dangereux d'offenser. Suidas raconte qu'un vieillard ayant coupé le bois sacré de son temple, Anagyrus s'en vengea en inspirant à la concubine du vieillard un amour violent pour son fils ; que sur le refus que fit le jeune homme de prêter l'oreille aux sollicitations de la concubine, elle l'accusa auprès de son pere de l'avoir voulu forcer ; & que le vieillard crédule oubliant son âge, celui de son fils, & le caractere de l'accusatrice, fit précipiter son fils du haut d'un rocher, & se pendit bien-tôt après, desespéré d'avoir fait périr ce fils unique dont il reconnut l'innocence.


ANAHARATH(Géog. anc.) ville de la tribu d'Issachar, dont il est fait mention dans Josué, xjx. 19.


ANAIDIAS. f. impudence, (Myth.) divinité qui eut des autels dans Athenes. On la désigna par une perdrix, qui passoit alors, apparemment sur quelque préjugé d'histoire naturelle, pour un oiseau fort impudent.


ANALABES. m. (Hist. mod.) partie de l'habillement des moines grecs. L'analabe étoit en Orient, ce qu'est le scapulaire en Occident ; il étoit percé dans le milieu d'une ouverture pour passer la tête, & s'ajustoit sur les épaules en forme de croix. Analabe vient de , dessus, & de , je prends.


ANALECTEadj. (Littérat.) mot grec usité pour une collection de petites pieces ou compositions. Le mot vient d’ἀναλεγω, je ramasse. Le P. Mabillon a donné sous le nom d’analecte une collection de plusieurs manuscrits qui n’avoient point encore été imprimés. (G)


ANALEMMES. m. (Astron.) L'analemme est un planisphere ou une projection orthographique de la sphere sur le plan du méridien, l'oeil étant supposé à une distance infinie, & dans le point oriental ou occidental de l'horison. Voyez PLANISPHERE, PROJECTION, SPHERE, &c. Analemme vient du verbe Grec ἀναλάμϐανω, résumer, reprendre ; d’où l’on a fait analemma.

On se sert de l'analemme comme d'un gnomon ou d'un astrolabe, dont une des parties seroit la même projection faite sur une plaque d'airain ou de bois ; & l'autre un horison mobile qu'on lui auroit adapté. Voyez ASTROLABE.

L'analemme donne le tems du lever & du coucher du soleil, la durée du plus long jour pour une latitude quelconque, & l'heure du jour.

L'instrument appellé trigone des signes, s'appelle aussi quelquefois analemme. Voyez TRIGONE DES SIGNES.

Cet instrument est fort utile à ceux qui tracent des cadrans solaires, pour marquer les signes du zodiaque, la longueur des jours, & généralement tout ce qui entre dans la construction des cadrans solaires. Voyez CADRAN. (O)


ANALEPSIES. f. (Medecine.) c'est le recouvrement des forces & de la premiere vigueur après une maladie. (N)


ANALEPTIQUESadj. (Medecine.) remedes destinés à relever & à rétablir les forces diminuées & abattues. Ce sont des médicamens de la classe de ceux que l'on nomme fortifians & cordiaux.

Ces remedes agissent par un principe subtil, volatil, huileux, & d'une odeur très-agréable ; il s'insinue dans les petits vaisseaux absorbans des nerfs & des membranes. Leur vertu est fort limitée, car ils n'operent qu'après qu'on a détruit les causes morbifiques, & leur effet n'est point tel que le vulgaire se l'imagine, de ranimer ou de reproduire positivement les forces abattues & éteintes. Ces remedes ne sont salutaires qu'autant qu'il se fait une conversion convenable des alimens solides & liquides en sang & en liqueurs bien conditionnées, pour former un suc nourricier propre à réparer les pertes occasionnées par les mouvemens du corps.

On ne doit point employer ces remedes dans les maladies aiguës, dans la chaleur & l'effervescence des humeurs, comme dans la fievre, ou lorsque la masse du sang & des liqueurs est remplie d'impuretés : mais on peut s'en servir utilement dans le déclin des maladies ; dans la convalescence, lorsque les passions de l'ame & de longues veilles, les travaux & fatigues de l'esprit & du corps, ou de grandes hémorrhagies, ont épuisé les forces.

Il ne faut pas non plus donner ces remedes indifféremment : on doit user d'un grand ménagement dans leur administration, parce qu'ils passent promptement dans le sang, & qu'ils en augmentent la quantité.

Les remedes analeptiques sont parmi les végétaux, les fleurs de rose, de citron, d'orange, de jasmin, de muguet ; les feuilles de mélisse, d'origan, de marum ; les fruits tels que les citrons, les oranges ; les écorces de canelle, de cascarille.

Parmi les animaux ; les sucs tirés des animaux, les gelées, les consommés.

La décoction ou l'infusion de chocolat dans l'eau, le lait, l'eau distillée du pain avec les écorces de citron, le bon vin vieux de Bourgogne, le véritable vin d'Espagne, sont des remedes assûrés pour réparer peu-à-peu les forces des convalescens.

Toutes les eaux spiritueuses données par intervalle & à petite dose, sont bonnes dans le cas où il faut ranimer les forces ou épuisées ou abattues.

La thériaque, les confections d'hyacinthe & d'alkermès sont d'excellens moyens pour réveiller le ressort des fibres tombées dans l'atonie & le relâchement. (N)


ANALOGIES. f. (Logique & Gramm.) terme abstrait : ce mot est tout Grec, ἀναλογια. Cicéron dit que puisqu’il se sert de ce mot en Latin, il le traduira par comparaison, rapport de ressemblance entre une chose & une autre : Ἀναλογια, latinè (audendum est enim, quoniam hæc primum à nobis novantur) comparatio, proportio-ve dici potest. Cic.

Analogie signifie donc la relation, le rapport ou la proportion que plusieurs choses ont les unes avec les autres, quoique d'ailleurs différentes par des qualités qui leur sont propres. Ainsi le pié d'une montagne a quelque chose d'analogue avec celui d'un animal, quoique ce soient deux choses très-différentes.

Il y a de l'analogie entre les êtres qui ont entre eux certains rapports de ressemblance, par exemple, entre les animaux & les plantes : mais l'analogie est bien plus grande entre les especes de certains animaux avec d'autres especes. Il y a aussi de l'analogie entre les métaux & les végétaux.

Les scholastiques définissent l'analogie, une ressemblance jointe à quelque diversité. Ils en distinguent ordinairement de trois sortes ; savoir une d'inégalité, où la raison de la dénomination commune est la même en nature, mais non pas en degré ou en ordre ; en ce sens, animal est analogue à l'homme & à la brute : une d'attribution, où quoique la raison du nom commun soit la même, il se trouve une différence dans son habitude ou rapport ; en ce sens, salutaire est analogue tant à l'homme qu'à un exercice du corps : une enfin de proportion, où quoique les raisons du nom commun different réellement, toutefois elles ont quelque proportion entre elles ; en ce sens, les ouies des poissons sont dites êtres analogues aux poumons dans les animaux terrestres. Ainsi l'oeil & l'entendement sont dits avoir analogie, ou rapport l'un à l'autre.

En matiere de langage, nous disons que les mots nouveaux sont formés par analogie, c'est-à-dire que des noms nouveaux sont donnés à des choses nouvelles, conformément aux noms déjà établis d'autres choses, qui sont de même nature & de même espece. Les obscurités qui se trouvent dans le langage, doivent sur-tout être éclaircies par le secours de l'analogie.

L'analogie est aussi un des motifs de nos raisonnemens ; je veux dire qu'elle nous donne souvent lieu de faire certains raisonnemens, qui d'ailleurs ne prouvent rien, s'ils ne sont fondés que sur l'analogie. Par exemple, il y a dans le ciel une constellation qu'on appelle lion ; l'analogie qu'il y a entre ce mot & le nom de l'animal qu'on nomme aussi lion, a donné lieu à quelques Astrologues de s'imaginer que les enfans qui naissoient sous cette constellation étoient d'humeur martiale : c'est une erreur.

On fait en Physique des raisonnemens très-solides par analogie. Ce sont ceux qui sont fondés sur l'uniformité connue, qu'on observe dans les opérations de la nature ; & c'est par cette analogie que l'on détruit les erreurs populaires sur le phénix, le rémora, la pierre philosophale & autres.

Les préjugés dont on est imbu dans l'enfance, nous donnent souvent lieu de faire de fort mauvais raisonnemens par analogie.

Les raisonnemens par analogie peuvent servir à expliquer & à éclaircir certaines choses, mais non pas à les démontrer. Cependant une grande partie de notre Philosophie n'a point d'autre fondement que l'analogie. Son utilité consiste en ce qu'elle nous épargne mille discussions inutiles, que nous serions obligés de répéter sur chaque corps en particulier. Il suffit que nous sachions que tout est gouverné par des lois générales & constantes, pour être fondés à croire que les corps qui nous paroissent semblables, ont les mêmes propriétés, que les fruits d'un même arbre ont le même goût, &c.

Une analogie tirée de la ressemblance extérieure des objets, pour en conclure leur ressemblance intérieure, n'est pas une regle infaillible : elle n'est pas universellement vraie, elle ne l'est que ut plurimum ; ainsi l'on en tire moins une pleine certitude, qu'une grande probabilité. On voit bien en général qu'il est de la sagesse & de la bonté de Dieu de distinguer par des caracteres extérieurs les choses intérieurement différentes. Ces apparences sont destinées à nous servir d'étiquette pour suppléer à la foiblesse de nos sens, qui ne pénetrent pas jusqu'à l'intérieur des objets : mais quelquefois nous nous méprenons à ces étiquettes. Il y a des plantes venimeuses qui ressemblent à des plantes très-salutaires. Quelquefois nous sommes surpris de l'effet imprévu d'une cause, d'où nous nous attendions à voir naître un effet tout opposé : c'est qu'alors d'autres causes imperceptibles s'étant jointes avec cette premiere à notre insu, en changent la détermination. Il arrive aussi que le fond des objets n'est pas toûjours diversifié à proportion de la dissemblance extérieure. La regle de l'analogie n'est donc pas une regle de certitude, puisqu'elle a ses exceptions. Il suffit au dessein du Créateur, qu'elle forme une grande probabilité, que ses exceptions soient rares, & d'une influence peu étendue. Comme nous ne pouvons pénétrer par nos sens jusqu'à l'intérieur des objets, l'analogie est pour nous ce qu'est le témoignage des autres, quand ils nous parlent d'objets que nous n'avons ni vûs, ni entendus. Ce sont-là deux moyens que le Créateur nous a laissés pour étendre nos connoissances. Détruisez la force du témoignage, combien de choses que la bonté de Dieu nous a accordées, dont nous ne pourrions tirer aucune utilité ! Les seuls sens ne nous suffisent pas : car quel est l'homme du monde qui puisse examiner par lui-même toutes les choses qui sont nécessaires à la vie ? Par conséquent dans un nombre infini d'occasions, nous avons besoin de nous instruire les uns les autres, & de nous en rapporter à nos observations mutuelles. Ce qui prouve en passant, que le témoignage, quand il est revêtu de certaines conditions, est le plus souvent une marque de la vérité ; ainsi que l'analogie tirée de la ressemblance extérieure des objets, pour en conclure leur ressemblance intérieure, en est le plus souvent une regle certaine. Voyez l'article CONNOISSANCE, où ces réflexions sont plus étendues.

En matiere de foi on ne doit point raisonner par analogie ; on doit se tenir précisément à ce qui est révelé, & regarder tout le reste comme des effets naturels du méchanisme universel dont nous ne connoissons pas la manoeuvre. Par exemple, de ce qu'il y a eu des démoniaques, je ne dois pas m'imaginer qu'un furieux que je vois soit possédé du démon ; comme je ne dois pas croire que ce qu'on me dit de Léda, de Sémelé, de Rhéa-Sylvia, soit arrivé autrement que selon l'ordre de la nature. En un mot Dieu comme auteur de la nature, agit d'une maniere uniforme. Ce qui arrive dans certaines circonstances, arrivera toûjours de la même maniere quand les circonstances seront les mêmes ; & lorsque je ne vois que l'effet sans que je puisse découvrir la cause, je dois reconnoître ou que je suis ignorant, ou que je suis trompé, plûtôt que de me tirer de l'ordre naturel. Il n'y a que l'autorité spéciale de la divine révélation qui puisse me faire recourir à des causes surnaturelles. Voyez le I. chapitre de l'Evangile de saint Matthieu, . 19. & 20. où il paroît que saint Joseph garda la conduite dont nous parlons.

En Grammaire, l'analogie est un rapport de ressemblance ou d'approximation qu'il y a entre une lettre & une autre lettre, ou bien entre un mot & un autre mot, ou enfin entre une expression, un tour, une phrase, & un autre pareil. Par exemple, il y a de l'analogie entre le B & le P. Leur différence ne vient que de ce que les levres sont moins serrées l'une contre l'autre dans la prononciation du B ; & qu'on les serre davantage lorsqu'on veut prononcer P. Il y a aussi de l'analogie entre le B & le V. Il n'y a point d'analogie entre notre on dit & le dicitur des Latins, ou si dice des Italiens : ce sont-là des façons de parler propres & particulieres à chacune de ces langues. Mais il y a de l'analogie entre notre on dit & le man sagt des Allemands : car notre on vient de homo, & man sagt signifie l'homme dit ; man kan, l'homme peut. L'analogie est d'un grand usage en Grammaire pour tirer des inductions touchant la déclinaison, le genre & les autres accidens des mots. (F & X)

ANALOGIE, en Mathématique, est la même chose que proportion, ou égalité de rapport. Voyez PROPORTION, RAPPORT, RAISON. (O)

ANALOGIE. On se sert de ce mot en Medecine pour signifier la connoissance de l'usage des parties, de leur structure & de leur liaison, eu égard à leurs fonctions : elle donne de grandes vûes dans les maladies ; soit pour en expliquer la cause & l'action, soit pour déterminer les remedes qui y sont nécessaires. C'est à l'analogie que l'on doit l'utilité de la saignée dans différentes maladies inflammatoires & éruptoires ; c'est par l'analogie que l'on a reconnu les effets de différentes préparations chimiques tirées du mercure, de l'antimoine & du fer. (N)


ANALOGUEadj. (Gram.) qui a de l'analogie : par exemple, les étrangers se servent souvent d'expressions, de tours ou phrases dont tous les mots à la vérité sont des mots François, mais l'ensemble ou construction de ces mots n'est point analogue au tour, à la maniere de parler de ceux qui savent la langue. Dans la plûpart des auteurs modernes qui ont écrit en grec ou en latin, on trouve des phrases qui sont analogues au tour de leur langue naturelle, mais qui ne sont pas conformes au tour propre à la langue originale qu'ils ont voulu imiter. Voyez ce que dit Quintilien de l'analogie, au chap. vj. liv. I. de ses Instit. (F)


ANALYSE(Ordre encyclop. Entend. Raison. Philosoph. ou Science, Science de la Nature, Mathématiques pures, Arithmétique littérale, ou Algebre, Analyse.) est proprement la méthode de résoudre les problèmes mathématiques, en les réduisant à des équations. Voyez PROBLEME & EQUATION.

L'Analyse, pour résoudre les problèmes, employe le secours de l'Algebre, ou calcul des grandeurs en général : aussi ces deux mots, Analyse, Algebre, sont souvent regardés comme synonymes.

L'Analyse est l'instrument ou le moyen général par lequel on a fait depuis près de deux siecles dans les Mathématiques de si belles découvertes. Elle fournit les exemples les plus parfaits de la maniere dont on doit employer l'art du raisonnement, donne à l'esprit une merveilleuse promptitude pour découvrir des choses inconnues, au moyen d'un petit nombre de données ; & en employant des signes abregés & faciles pour exprimer les idées, elle présente à l'entendement des choses, qui autrement sembleroient être hors de sa sphere. Par ce moyen les démonstrations géométriques peuvent être singulierement abregées : une longue suite d'argumens, où l'esprit ne pourroit sans le dernier effort d'attention découvrir la liaison des idées, est convertie en des signes sensibles, & les diverses opérations qui y sont requises sont effectuées par la combinaison de ces signes. Mais ce qui est encore plus extraordinaire, c'est que par le moyen de cet art un grand nombre de vérités sont souvent exprimées par une seule ligne ; au lieu que si on suivoit la maniere ordinaire d'expliquer & de démontrer, ces vérités rempliroient des volumes entiers. Ainsi par la seule étude d'une ligne de calcul, on peut apprendre en peu de tems des sciences entieres, qui autrement pourroient à peine être apprises en plusieurs années. Voyez MATHEMATIQUE, CONNOISSANCE, THEOREME, ALGEBRE, &c.

L'Analyse est divisée, par rapport à son objet, en Analyse des quantités finies, & Analyse des quantités infinies.

Analyse des quantités finies, est ce que nous appellons autrement Arithmétique spécieuse ou Algebre. Voyez ALGEBRE.

Analyse des quantités infinies ou des infinis, appellée aussi la nouvelle Analyse, est celle qui calcule les rapports des quantités qu'on prend pour infinies, ou infiniment petites. Une de ses principales branches est la méthode des fluxions ou le calcul différentiel. Voyez FLUXION, INFINIMENT PETIT, FFERENTIELTIEL.

Le grand avantage des Mathématiciens modernes sur les anciens, vient principalement de l'usage qu'ils font de l'analyse.

Les anciens auteurs d'Analyse sont nommés par Pappus, dans la préface de son septieme livre des collections mathématiques ; savoir, Euclide, en ses Data & Porismata ; Apollonius, de Sectione Rationis, & dans ses Coniques ; Aristaeus, de Locis solidis ; & Eratosthenes, de Mediis proportionalibus. Mais les anciens auteurs d'Analyse étoient très-différens des modernes. Voyez ARITHMETIQUE.

L'Algebre appartient principalement à ceux-ci : on en peut voir l'histoire, avec ses divers auteurs, sous l'article ALGEBRE.

Les principaux auteurs sur l'Analyse des infinis, sont Wallis, dans son Arithmétique des infinis ; Newton, dans son Analysis per quantitatum series, fluxiones & differentias, & dans son excellent traité qui a pour titre de quadraturâ curvarum : Leibnitz, act. eruditor. an. 1684. le marquis de l'Hôpital, en son Analyse des infiniment petits, 1696. Carré, en sa méthode pour la mesure des surfaces, la dimension des solides, &c. par l'application du calcul intégral, 1700. G. Manfredi, dans son ouvrage de constructione equationum differentialium primi gradûs, 1707. Nic. Mercator, dans sa Logarithmotechnia, 1668. Cheyne, dans sa Methodus fluxionum inversa, 1703. Craig, Methodus figurarum lineis rectis & curvis comprehensarum, quadraturas determinandi, 1685, & de quadraturis figurarum curvilinearum & locis, &c. 1693. Dav. Grégory, dans son Exercitatio geometrica, de dimensione figurarum, 1684. & Nieuwentijt, dans ses Considerationes circà analyseos ad quantitates infinitè parvas applicatae, principia, 1695.

L'Analyse démontrée du P. Reyneau de l'Oratoire, imprimée pour la premiere fois à Paris en 1708, en 2 volumes in-4°. est un livre auquel ceux qui veulent étudier cette science ne peuvent se dispenser d'avoir recours. Quoiqu'il s'y soit glissé quelques erreurs, c'est cependant jusqu'à présent l'ouvrage le plus complet que nous ayons sur l'Analyse. Il seroit à souhaiter que quelque habile Géometre nous donnât sur cette matiere un traité encore plus exact & plus étendu à certains égards, & moins étendu à d'autres, que celui du P. Reyneau. On pourroit abreger le premier volume, qui contient sur la théorie des équations beaucoup de choses assez inutiles, & augmenter ce qui concerne le calcul intégral, en se servant pour cela des différens ouvrages qui en ont été publiés, & des morceaux répandus dans les mémoires des Académies des Sciences de Paris, de Berlin, de Londres & de Petersbourg, dans les actes de Leipsic, dans les ouvrages de MM. Bernoulli, Euler, Maclaurin, &c. Voyez CALCUL INTEGRAL.

Cet article Analyse est destiné au commun des lecteurs, & c'est pour cela que nous l'avons fait assez court : on trouvera à l'article ARITHMETIQUE UNIVERSELLE un détail plus approfondi ; & à l'article APPLICATION, on traitera de celle de l'Analyse à la Géométrie. L'article ALGEBRE contient l'histoire de l'Analyse. (O)

Analyse, s. f. (Gram.) ce mot est Grec, ἀνάλυσις, formé d’ἀνὰ, rursùm, & de λυω, solvo, je résous. Il signifie, à proprement parler, la résolution ou le développement d’un tout en ses parties : ainsi on appelle Analyse d’un ouvrage, l’extrait de cet ouvrage, où l’on en développe les parties principales ; Analyse d’un raisonnement, l’examen qu’on fait d’un raisonnement en le partageant en plusieurs parties ou propositions, pour en découvrir plus facilement la vérité ou la fausseté. (O)

L'ANALYSE, s. f. en Logique, c'est ce qu'on appelle dans les écoles la méthode qu'on suit pour découvrir la vérité ; on la nomme autrement la méthode de résolution. Par cette méthode, on passe du plus composé au plus simple ; au lieu que dans la synthese, on va du plus simple au plus composé. Comme cette définition n'est pas des plus exactes, on nous permettra d'en substituer une autre. L'analyse consiste à remonter à l'origine de nos idées, à en développer la génération & à en faire différentes compositions ou décompositions pour les comparer par tous les côtés qui peuvent en montrer les rapports. L'analyse ainsi définie, il est aisé de voir qu'elle est le vrai secret des découvertes. Elle a cet avantage sur la synthese, qu'elle n'offre jamais que peu d'idées à-la-fois, & toûjours dans la gradation la plus simple. Elle est ennemie des principes vagues, & de tout ce qui peut être contraire à l'exactitude & à la précision. Ce n'est point avec le secours des propositions générales qu'elle cherche la vérité, mais toûjours par une espece de calcul ; c'est-à-dire, en composant & décomposant les notions pour les comparer, de la maniere la plus favorable, aux découvertes qu'on a en vûe. Ce n'est pas non plus par des définitions, qui d'ordinaire ne font que multiplier les disputes : mais c'est en expliquant la génération de chaque idée. Par ce détail on voit qu'elle est la seule méthode qui puisse donner de l'évidence à nos raisonnemens ; & par conséquent la seule qu'on doive suivre dans la recherche de la vérité, & dans la maniere même d'en instruire les autres ; honneur qu'on fait ordinairement à la synthese. Il s'agit maintenant de prouver ce que nous avançons.

Tous les Philosophes, en général, conviennent qu'il faut dans l'exposition, comme dans la recherche de la vérité, commencer par les idées les plus simples & les plus faciles ; mais ils ne s'accordent pas sur la notion qu'ils se forment de ces idées simples & faciles. Presque tous les Philosophes, à la tête desquels on peut mettre Descartes, donnent ces noms à des idées innées, à des principes généraux, & à des notions abstraites, qu'ils regardent comme la source de nos connoissances. De ce principe, il s'ensuit nécessairement qu'il faut commencer par définir les choses, & regarder les définitions comme des principes propres à en faire découvrir les propriétés. D'autres en petit nombre, tels que Loke & Bacon,entendent par des idées simples, les premieres idées particulieres qui nous viennent par sensation & par réflexion : ce sont les matériaux de nos connoissances que nous combinons selon les circonstances, pour en former des idées complexes, dont l'analyse nous découvre les rapports. Il ne faut pas les confondre avec les notions abstraites, ni avec les principes généraux des Philosophes ; ce sont au contraire celles qui nous viennent immédiatement des sens, & à la faveur desquelles nous nous élevons ensuite par degrés à des idées plus simples ou plus composées. Je dis plus composées, parce que l'analyse ne consiste pas toûjours, comme on se l'imagine communément, à passer du plus composé au plus simple.

Il me semble que si on saisissoit bien le progrès des vérités, il seroit inutile de chercher des raisonnemens pour les démontrer, & que ce seroit assez de les énoncer ; car elles se suivroient dans un tel ordre, que ce que l'une ajoûteroit à celle qui l'auroit immédiatement précédée, seroit trop simple pour avoir besoin de preuve : de la sorte on arriveroit aux plus compliquées, & l'on s'en assûreroit mieux que par toute autre voie. On établiroit même une si grande subordination entre toutes les connoissances qu'on auroit acquises, qu'on pourroit à son gré aller des plus composées aux plus simples, ou des plus simples aux plus composées ; à peine pourroit-on les oublier, ou du moins, si cela arrivoit, la liaison qui seroit entr'elles faciliteroit les moyens de les retrouver.

Mais pour mieux faire sentir l'avantage de l'analyse sur la synthese, interrogeons la Nature, & suivons l'ordre qu'elle indique elle-même dans l'exposition de la vérité. Si toutes nos connoissances viennent des sens, il est évident que c'est aux idées simples à préparer l'intelligence des notions abstraites. Est-il raisonnable de commencer par l'idée du possible pour venir à celle de l'existence, ou par l'idée du point pour passer à celle du solide ? Il est évident que ce n'est pas là la marche naturelle de l'esprit humain : si les Philosophes ont de la peine à reconnoître cette vérité, c'est parce qu'ils sont dans le préjugé des idées innées, ou parce qu'ils se laissent prévenir pour un usage que le tems paroît avoir consacré.

Les Géometres mêmes, qui devroient mieux connoître les avantages de l'analyse que les autres Philosophes, donnent souvent la préférence à la synthese ; aussi quand ils sortent de leurs calculs pour entrer dans des recherches d'une nature différente, on ne leur trouve plus la même clarté, la même précision, ni la même étendue d'esprit.

Mais si l'analyse est la méthode qu'on doit suivre dans la recherche de la vérité, elle est aussi la méthode dont on doit se servir pour exposer les découvertes qu'on a faites. N'est-il pas singulier que les Philosophes, qui sentent combien l'analyse est utile pour faire de nouvelles découvertes dans la vérité, n'ayent pas recours à ce même moyen pour la faire entrer plus facilement dans l'esprit des autres ? Il semble que la meilleure maniere d'instruire les hommes, c'est de les conduire par la route qu'on a dû tenir pour s'instruire soi-même. En effet, par ce moyen, on ne paroîtroit pas tant démontrer des vérités déja découvertes, que faire chercher & trouver des nouvelles vérités. On ne convaincroit pas seulement le lecteur, mais encore on l'éclaireroit ; & en lui apprenant à faire des découvertes par lui-même, on lui présenteroit la vérité sous les jours les plus intéressans. Enfin on le mettroit en état de se rendre raison de toutes ses démarches ; il sauroit toûjours où il est, d'où il vient, où il va : il pourroit donc juger par lui-même de la route que son guide lui traceroit, & en prendre une plus sûre toutes les fois qu'il verroit du danger à le suivre.

Mais pour faire ici une explication de l'analyse que je viens de proposer, supposons-nous dans le cas d'acquérir pour la premiere fois les notions élémentaires des Mathématiques. Comment nous y prendrions-nous ? Nous commencerions, sans doute, par nous faire l'idée de l'unité ; & l'ajoûtant plusieurs fois à elle-même, nous en formerions des collections que nous fixerions par des lignes ; nous répéterions cette opération, & par ce moyen nous aurions bientôt sur les nombres autant d'idées complexes que nous souhaiterions d'en avoir. Nous réfléchirions ensuite sur la maniere dont elles se sont formées ; nous en observerions les progrès, & nous apprendrions infailliblement les moyens de les décomposer. Dès-lors nous pourrions comparer les plus complexes avec les plus simples, & découvrir les propriétés des unes & des autres.

Dans cette méthode les opérations de l'esprit n'auroient pour objet que des idées simples ou des idées complexes que nous aurions formées, & dont nous connoîtrions parfaitement les générations : nous ne trouverions donc point d'obstacle à découvrir les premiers rapports des grandeurs. Ceux-là connus, nous verrions plus facilement ceux qui les suivent immédiatement, & qui ne manqueroient pas de nous en faire appercevoir d'autres ; ainsi après avoir commencé par les plus simples, nous nous éleverions insensiblement aux plus composés, & nous nous ferions une suite de connoissances qui dépendroient si fort les unes des autres, qu'on ne pourroit arriver aux plus éloignées que par celles qui les auroient précdées.

Les autres sciences qui sont également à la portée de l'esprit humain, n'ont pour principes que des idées simples, qui nous viennent par sensation & par réflexion. Pour en acquérir les notions complexes, nous n'avons, comme dans les Mathématiques, d'autres moyens que de réunir les idées simples en différentes collections : il y faut donc suivre le même ordre dans le progrès des idées, & apporter la même précaution dans le choix des signes.

En ne raisonnant ainsi que sur des idées simples, ou sur des idées complexes qui seront l'ouvrage de l'esprit, nous aurons deux avantages ; le premier, c'est que connoissant la génération des idées sur lesquelles nous méditerons, nous n'avancerons point que nous ne sachions où nous sommes, comment nous y sommes venus, & comment nous pourrions retourner sur nos pas : le second, c'est que dans chaque matiere nous verrons sensiblement quelles sont les bornes de nos connoissances ; car nous les trouverons lorsque les sens cesseront de nous fournir des idées, & que, par conséquent, l'esprit ne pourra plus former des notions.

Toutes les vérités se bornent aux rapports qui sont entre des idées simples, entre des idées complexes, & entre une idée simple & complexe. Par la méthode de l'analyse, on pourra éviter les erreurs où l'on tombe dans la recherche des unes & des autres.

Les idées simples ne peuvent donner lieu à aucune méprise. La cause de nos erreurs vient de ce que nous retranchons d'une idée quelque chose qui lui appartient, parce que nous n'en voyons pas toutes les parties ; ou de ce que nous lui ajoûtons quelque chose qui ne lui appartient pas, parce que notre imagination juge précipitamment qu'elle renferme ce qu'elle ne contient point. Or, nous ne pouvons rien retrancher d'une idée simple, puisque nous n'y distinguons point de parties ; & nous n'y pouvons rien ajoûter tant que nous la considérons comme simple, puisqu'elle perdroit sa simplicité.

Ce n'est que dans l'usage des notions complexes qu'on pourroit se tromper, soit en ajoûtant, soit en retranchant quelque chose mal-à-propos : mais si nous les avons faites avec les précautions que je demande, il suffira, pour éviter les méprises, d'en reprendre la génération ; car par ce moyen nous y verrons ce qu'elles renferment, & rien de plus ni de moins. Cela étant, quelques comparaisons que nous fassions des idées simples & des idées complexes, nous ne leur attribuerons jamais d'autres rapports que ceux qui leur appartiennent.

Les Philosophes ne font des raisonnemens si obscurs & si confus, que parce qu'ils ne soupçonnent pas qu'il y ait des idées qui soient l'ouvrage de l'esprit, ou que s'ils le soupçonnent, ils sont incapables d'en découvrir la génération. Prévenus que les idées sont innées, ou que, telles qu'elles sont, elles ont été bien faites, ils croyent n'y devoir rien changer, & les prennent telles que le hasard les présente. Comme on ne peut bien analyser que les idées qu'on a soi-même formées avec ordre, leurs analyses, ou plûtôt leurs définitions, sont presque toûjours défectueuses ; ils étendent ou restreignent mal-à-propos la signification de leurs termes ; ils la changent sans s'en appercevoir, ou même ils rapportent les mots à des notions vagues, & à des entités inintelligibles. Il faut donc se faire une nouvelle combinaison d'idées ; commencer par les plus simples que les sens transmettent ; en former des notions complexes, qui, en se combinant à leur tour, en produiront d'autres, & ainsi de suite. Pourvû que nous consacrions des noms distincts à chaque collection, cette méthode ne peut manquer de nous faire éviter l'erreur. Voyez SYNTHESE & AXIOME. Voyez aussi LOGIQUE. (X)

ANALYSE, (Littérature.) d'un livre, d'un ouvrage, c'est un précis, un extrait fidele d'un ouvrage, tel qu'en donnent ou qu'en doivent donner les Journalistes. L'art d'une analyse impartiale consiste à bien saisir le but de l'auteur, à exposer ses principes, divisions, le progrès de sa marche, à écarter ce qui peut être étranger à son sujet ; & sans lui dérober rien de ce qu'il a de bon ou d'excellent, ne pas dissimuler ses défauts. L'analyse demande de la justesse dans l'esprit pour ne pas prendre le change en appuyant sur des accessoires tandis qu'on néglige le principal. Les analyses des nouvelles de la République des Lettres de M. Bayle, & aujourd'hui celles du Journal des Savans, sont un modele d'impartialité : il seroit à souhaiter qu'on en pût dire autant de tous les Journaux. Les plaidoyers des avocats généraux, lorsqu'ils donnent leurs conclusions, sont des analyses, dans lesquelles ils résument les moyens des deux parties, exposés & débattus auparavant par leurs avocats.

ANALYSE, (Littérature.) se dit encore d'une espece d'index ou table des principaux chefs ou articles d'un discours continu, disposés dans leur ordre naturel & dans la liaison & la dépendance qu'ont entr'elles les matieres. Les analyses contiennent plus de science que les tables alphabétiques, mais sont moins en usage, parce qu'elles sont moins faciles à comprendre. (G)

ANALYSE, est aussi en usage dans la Chimie pour dissoudre un corps composé, ou en diviser les différens principes. Voyez PRINCIPE DE COMPOSITION, CORPS, &c.

Analyser des corps, ou les résoudre en leurs parties composantes, est le principal objet de l'art chimique. Voyez CHIMIE. L'analyse des corps est principalement effectuée par le moyen du feu. Voyez FEU.

Tous les corps, par le moyen d'une analyse chimique, peuvent se résoudre en eau, esprit, huile, sel, & terre, quoique tous les corps ne fournissent pas tous ces principes également, mais les uns plus, les autres moins, & en différentes proportions, selon les différens corps, selon les différens genres dont ils sont. Voyez PRINCIPE.

L'analyse des animaux & celle des végétaux est aisée ; celle des minéraux, & en particulier des métaux & demi-métaux, est plus difficile. Voyez ANIMAL, VEGETAL, TALETAL.

Les différentes analyses de plantes n'ont pas réussi par rapport à aucune découverte des propriétés & vertus des plantes analysées. Les plantes les plus salutaires rendent par cette voie d'agir, à-peu-près les mêmes principes que les plus venimeuses ; la raison apparemment est, que l'action du feu dans la distillation change les plantes & leurs principes : c'est pourquoi au lieu de distillation, M. Bolduc a fait ses analyses par décoction seulement. Voyez Mém. Acad. Roy. des Scienc. an. 1734. p. 139. hist. 63.

Quelques corps du genre des minéraux sont formés de particules si menues & si fortement unies, que leurs corpuscules ont besoin de moins de chaleur pour les emporter que pour les diviser en leurs principes ; de sorte que l'analyse de tel corps est impraticable : c'est ce qui fait la difficulté d'analyser le soufre, le mercure, &c.

La dissection anatomique d'un animal est aussi une espece d'analyse. Voyez ANATOMIE.

Il est du devoir d'un bon citoyen de faire connoître aux autres, autant qu'il lui est possible, les erreurs qui peuvent les séduire. L'analyse, qui est si difficile en Chimie, est aujourd'hui fort commune par la crédulité des hommes & la charlatanerie de ceux qui en abusent. Il est difficile de connoître par l'analyse la composition & les propriétés des choses ; il faut être savant & expérimenté en Chimie, pour séparer les principes qui composent les corps, & les avoir tels qu'ils y sont naturellement, afin de pouvoir dire ce qu'ils sont. Cependant on croit que tout homme de l'art, je veux dire tout homme qui tient à l'art de guérir, sait faire des analyses. On donne comme une chose possible à tout homme du métier, à faire l'analyse d'un remede secret ou d'une eau qu'on veut connoître ; & on a la vanité de s'en charger, & le rapport qu'on en fait est une imposture. Ces faiseurs d'analyse trouvoient toûjours autrefois du nitre dans toutes les eaux, aujourd'hui c'est du sel selenite & du sel de Glauber : ils savent faire loucher de l'eau avec de la noix de galle ; ils la distillent ou la font évaporer, & ne savent pas même connoître le résidu de ces opérations, qui d'ailleurs sont insuffisantes. L'analyse des eaux est ce qu'il y a de plus difficile en Chimie, comme les expériences sur les fluides en Physique, sont en général les plus difficiles. Il faut pour pouvoir parler savamment des eaux & des principes qui les composent, être non-seulement versé dans la Chimie, mais même il faut y être très-habile. Pour connoître combien il est difficile d'analyser, & pour apprendre comment il faut s'y prendre pour analyser une eau minérale, il faut lire dans les mémoires de l'Académie de 1726 l'analyse des eaux de Passy ; & dans les mémoires de 1746 l'analyse de l'eau de Plombieres. (M)


ANALYSTES. m. en Mathématique, se dit d'une personne versée dans l'analyse mathématique. Voyez ANALYSE.


ANALYTIQUEadj. (Matth.) qui appartient à l'analyse, ou qui est de la nature de l'analyse, ou qui se fait par la voie de l'analyse. Voyez ANALYSE. Ainsi l'on dit équation analytique, démonstration analytique, recherches analytiques, table analytique, calcul analytique, &c. Voyez METHODE.

La méthode analytique est opposée à la synthétique. Dans la Philosophie naturelle, aussi-bien que dans les Mathématiques, il faut commencer à applanir les difficultés par la méthode analytique, avant que d'en venir à la méthode synthétique. Or cette analyse consiste à faire des expériences & des observations, à en tirer des conséquences générales par la voie de l'induction, & ne point admettre d'objections contre ces conséquences, que celles qui naissent des expériences ou d'autres vérités constantes. Et quand même les raisonnemens qu'on fait sur les expériences par la voie de l'induction, ne seroient pas des démonstrations des conséquences générales qu'on a tirées, c'est du moins la meilleure méthode de raisonner sur ces sortes d'objets ; le raisonnement sera d'autant plus fort, que l'induction sera plus générale. S'il ne se présente point de phénomenes qui fournissent d'exception, on peut tirer la conséquence générale. Par cette voie analytique, on peut procéder des substances composées à leurs élémens, des mouvemens aux forces qui les produisent, & en général des effets à leurs causes, & des causes particulieres à de plus générales, jusqu'à ce que l'on soit parvenu à celle qui est la plus grande de toutes. Voilà ce que c'est que la méthode analytique, dit M. Newton.

La méthode synthétique consiste à prendre comme principes les causes déjà connues & constatées ; à les faire servir à l'explication des phénomenes qui en proviennent, & à justifier cette explication par des preuves. Voyez SYNTHESE.

Méthode analytique, en Géométrie, est la méthode de résoudre les problèmes, & de démontrer les théorèmes de Géométrie, en y employant l'Analyse ou l'Algebre. Voyez ALGEBRE, ANALYSE & APPLICATION.

Cette méthode est opposée à la méthode appellée synthétique, qui démontre les théorèmes, & résout les problèmes, en se servant des lignes mêmes qui composent les figures, sans représenter ces lignes par des noms algébriques. La méthode synthétique étoit celle des anciens, l'analytique est dûe aux modernes. V. les articles cités ci-dessus. V. aussi SYNTHESE. (O)


ANAMELECHS. m. (Myth.) idole des Samaritains, représentée sous la figure du faisan ; d'autres disent du cheval, le symbole de Mars.


ANAMNETIQUESadj. (Méd.) médicamens propres à réparer ou à fortifier la mémoire.


ANAMORPHOSES. f. en Perspective & en Peinture, se dit d'une projection monstrueuse, ou d'une représentation défigurée de quelque image, qui est faite sur un plan ou sur une surface courbe, & qui néanmoins à un certain point de vûe, paroît réguliere & faite avec de justes proportions. Voyez PROJECTION. Ce mot est grec ; il est composé d’άνα, rursum, derechef, & μόρφωσις, formation, qui vient de μορφή, forme.

Pour faire une anamorphose, ou une projection monstrueuse sur un plan, tracez le quarré A B C D, (Pl. de Perspect. fig. 19. n°. 1.) d'une grandeur à volonté, & subdivisez-le en aréoles ou en petits quarrés. Dans ce quarré ou cette espece de réseau, que l'on appelle prototype craticulaire, tracez au naturel l'image dont l'apparence doit être monstrueuse : tirez ensuite la ligne a b (fig. 19. n°. 2.) égale à A B, & divisez-la dans le même nombre de parties égales que le côté du prototype A B : au point du milieu E, élevez la perpendiculaire E V, & menez V S perpendiculaire à E V, en faisant la ligne E V d'autant plus longue, & la ligne V S d'autant plus courte, que vous avez dessein d'avoir une image plus difforme. De chaque point de division tirez au point V des lignes droites, & joignez les points b, S, par la ligne droite b, S. Par les points c, e, f, g, &c. tirez des lignes droites paralleles à a b : alors a b c d sera l'espace où l'on doit tracer la projection monstrueuse ; & c'est ce que l'on appelle l'ectype craticulaire.

Enfin dans chaque aréole ou petit trapeze de l'espace a b c d, dessinez ce que vous voyez tracé dans l'aréole correspondante du quarré A B C D ; par ce moyen vous aurez une image difforme, qui paroîtra néanmoins dans ses justes proportions, si l'oeil est placé de maniere qu'il en soit éloigné de la longueur E V, & élevé au-dessus à la hauteur de V S.

Le spectacle sera beaucoup plus agréable, si l'image défigurée ne représente pas un pur cahos, mais quelqu'autre apparence : ainsi l'on a vû une riviere avec des soldats, des chariots, &c. marchans sur l'une de ses rives, représentée avec un tel artifice, que quand elle étoit regardée au point S, il sembloit que ce fût le visage d'un satyre. Mais on ne peut donner facilement des regles pour cette partie, qui dépend principalement de l'industrie & de l'adresse de l'artiste.

On peut aussi faire méchaniquement une anamorphose de la maniere suivante : on percera de part en part le prototype à coups d'aiguille dans son contour, & dans plusieurs autres points ; ensuite on l'exposera à la lumiere d'une bougie ou d'une lampe, & on marquera bien exactement les endroits où tombent sur un plan, ou sur une surface courbe, les rayons qui passent à-travers ces petits trous, car ils donneront les points correspondans de l'image difforme, par le moyen desquels on peut achever la déformation.

Faire une anamorphose sur la surface convexe d'un cone. Il paroît assez par le problème précédent, qu'il ne s'agit que de faire un ectype craticulaire sur la surface d'un cone qui paroisse égal au prototype craticulaire, l'oeil étant placé à une distance convenable au-dessus du sommet du cone.

C'est pourquoi, soit la base A B C D du cone (fig. 20.) divisée par des diametres en un nombre quelconque de parties égales ; ou, ce qui revient au même, soit divisée la circonférence de cette base en tel nombre qu'on voudra de parties égales, & soient tirées par les points de division des lignes droites au centre. Soit aussi divisé un rayon en quelques parties égales ; par chaque point de division décrivez des cercles concentriques ; par ce moyen vous aurez tracé le prototype craticulaire A, le double du diametre A B, comme rayon ; décrivez le quart de cercle E G (fig. 21.) afin que l'arc E G soit égal à la circonférence entiere, & pliez ce quart de cercle, de maniere qu'il forme la surface d'un cone, dont la base soit le cercle A B C D ; divisez l'arc E G dans le même nombre de parties égales que le prototype craticulaire est divisé, & tirez des rayons de chacun des points de division ; prolongez G F en I, jusque à ce que F I = F G : du centre I, & du rayon I F, décrivez le quart de cercle F K H ; & du point I au point E, tirez la droite I E ; divisez l'arc K F dans le même nombre de parties égales que le rayon du prototype craticulaire ; & du centre I par chaque point de division, tirez des rayons qui rencontrent E F aux points 1, 2, 3, &c. enfin du centre F, & des rayons F 1, F 2, F 3, décrivez des arcs concentriques. De cette maniere vous aurez l'ectype craticulaire, dont les aréoles paroîtront égales entr'elles.

Ainsi en transportant dans les aréoles de l'ectype craticulaire, ce qui est dessiné dans chaque aréole du prototype craticulaire, vous aurez une image monstrueuse qui paroîtra néanmoins dans ses justes proportions, si l'oeil est élevé au-dessus du sommet du cone, d'une quantité égale à la distance de ce sommet à la base.

Si l'on tire dans le prototype craticulaire les cordes des quarts de cercle, & dans l'ectype craticulaire les cordes de chacun de ses quarts, toutes choses d'ailleurs restant les mêmes, on aura l'ectype craticulaire dans une pyramide quadrangulaire.

Il sera donc aisé de dessiner une image monstrueuse sur toute pyramide, dont la base est un polygone régulier quelconque.

Comme l'illusion est plus parfaite quand on ne peut pas juger, par les objets contigus, de la distance des parties de l'image monstrueuse, il est mieux de ne regarder ces sortes d'images que par un petit trou.

On voit à Paris, dans le cloître des Minimes de la Place Royale, deux anamorphoses tracées sur deux des côtés du cloître ; l'une représente la Madeleine ; l'autre S. Jean écrivant son évangile. Elles sont telles que quand on les regarde directement, on ne voit qu'une espece de paysage, & que quand on les regarde d'un certain point de vûe, elles représentent des figures humaines très-distinctes. Ces deux figures sont l'ouvrage du pere Niceron, Minime, qui a fait sur ce même sujet un traité latin, intitulé, Thaumaturgus opticus, Optique miraculeuse, dans lequel il traite de plusieurs phénomenes curieux d'Optique, & donne fort au long les méthodes de tracer ces sortes d'anamorphoses sur des surfaces quelconques. Le P. Emmanuel Maignan, Minime, a aussi traité cette même matiere dans un ouvrage latin, intitulé, Perspectiva horaria, imprimé à Rome en 1648. Voyez la proposition 77 de la Catoptrique horaire de ce dernier ouvrage, page 438.

Comme les mirois cylindriques, coniques & pyramidaux ont la propriété de rendre difformes les objets qu'on leur expose, & que par conséquent ils peuvent faire paroître naturels des objets difformes, on donne aussi dans l'Optique des moyens de tracer sur le papier des objets difformes, qui étant vûs par ces sortes de miroirs, paroissent de leur figure naturelle.

Par exemple, si on veut tracer une image difforme, qui paroisse de sa figure naturelle, étant vûe dans un miroir cylindrique, on commencera (figure 14. Perspect.) par décrire un cercle H B C égal à la base du cylindre ; ensuite supposant que O soit le point où tombe la perpendiculaire menée de l'oeil, on tirera les tangentes O C & O B. On joindra les points d'attouchement C & B par la droite C B ; on divisera cette ligne C B en tant de parties égales qu'on voudra, & par les points de division on tirera des lignes au point O ; on supposera que les rayons O H, O I, se réfléchissent en F & en G ; ensuite (fig. 15. Persp.) sur une droite indéfinie M Q, on élevera la perpendiculaire M P égale à la hauteur de l'oeil ; on fera M Q égale à O H de la fig. 14. & au point Q on élevera la perpendiculaire Q R égale à C B, & divisée en autant de parties que C B ; par les points de division on tirera des lignes au point P, qui étant prolongées jusqu'à la ligne M N, donneront les points I, III, &c. & les distances Q I, III, IIIII, &c. qu'il faudra transporter dans la fig. 14. de I en I, de I en II, de II en III, &c. de cette maniere les points F, G, de la fig. 14. répondront au point N ou IV de la fig. 15. Par ces points F, G, & par le point K tel que K H = I G, on tracera un arc de cercle jusqu'en S & en T, c'est-à-dire jusqu'à la rencontre des tangentes O S, O T, & on fera de même pour les points III, II, &c. ensuite on dessinera une figure quelconque dans un quarré ; dont les côtés soient égaux à C B ou Q R, & soient divisés en autant de parties qu'on a divisé ces lignes ; ensorte que le quarré dont il s'agit, soit partagé lui-même en autant de petits quarrés. On dessinera après cela dans la figure S F G T une image difforme, dont les parties soient situées dans les parties de cette figure, correspondantes aux parties du quarré. Cette image étant approchée d'un miroir cylindrique dont H B C soit la base, & l'oeil étant élevé au-dessus du point O à une hauteur égale à M P, on verra dans le miroir cylindrique la figure naturelle qui avoit été tracée dans le petit quarré.

On a aussi des méthodes assez semblables à la précédente pour tracer des images difformes, qui soient rétablies dans leur figure naturelle, par des miroirs coniques ou pyramidaux. On peut voir une idée de ces méthodes dans la Catoptrique de M. Wolf. Nous nous bornerons ici à ce qui regarde les miroirs cylindriques, comme étant les plus communs. On trouve dans les actes de Leipsic de 1712, la description d'une machine anamorphotique de M. Jacques Léopold, par le moyen de laquelle on peut décrire méchaniquement & assez exactement des images difformes qui soient rétablies dans leur état naturel par des miroirs cylindriques ou coniques.

On fait aussi dans la Dioptrique des anamorphoses. Elles consistent en des figures difformes, qui sont tracées sur un papier, & qui paroissent dans leur état naturel lorsqu'on les regarde à-travers un verre polyhedre, c'est-à-dire à plusieurs faces. Et voici de quelle maniere elles se font.

Sur une table horisontale A B C D, on éleve à angles droits (fig. 11. Persp.) une planche A F E D ; on pratique dans chacune de ces deux planches ou tables deux coulisses, telles que l'appui B H C puisse se mouvoir entre les coulisses de la table horisontale, & qu'on puisse faire couler un papier entre les coulisses de la planche verticale ; on adapte à l'appui B H C un tuyau I K, garni en I d'un verre polyhedre, plan convexe, composé de 24 plans triangulaires disposés à-peu-près suivant la courbure d'une parabole. Le tuyau est percé en K d'un petit trou, qui doit être un peu au-delà du foyer du verre ; on éloigne l'appui B H C de la planche verticale, & on l'en éloigne d'autant plus que l'image difforme doit être plus grande.

On met au-devant du trou K une lampe ; on marque avec du crayon les aréoles ou points lumineux que sa lumiere forme sur la planche A D E F ; & pour ne se point tromper en les marquant, il faut avoir soin de regarder par le trou si en effet ces aréoles ne forment qu'une seule image.

On tracera ensuite dans chacune de ces aréoles des parties d'un objet, qui étant vûes par le trou K, ne paroîtront former qu'un seul tout ; & on aura soin de regarder par le trou K en faisant cette opération, pour voir si toutes ces parties forment en effet une seule image. A l'égard des espaces intermédiaires, on les remplira de tout ce qu'on voudra ; & pour rendre le phénomene plus curieux, on aura soin même d'y tracer des choses toutes différentes de celle qu'on doit voir par le trou ; alors regardant par le trou K, on ne verra qu'une image distincte, fort différente de celle qui paroissoit sur le papier à la vûe simple.

On voit à Paris dans la bibliotheque des Minimes de la Place Royale, deux anamorphoses de cette espece ; elles sont l'ouvrage du P. Niceron, dont nous avons déjà parlé : & on trouve aussi dans le tome IV. des Mémoires de l'académie impériale de Petersbourg, la description d'une anamorphose semblable, faite par M. Leutman, membre de cette académie, en l'honneur de Pierre II. empereur de Russie : cet auteur expose la méthode qu'il a suivie pour cela, & fait des remarques utiles sur cette matiere. Voyez sur cet article la Catoptrique & la Dioptrique de M. Wolf, déjà citées. (O)


ANAou ANNAND, (Géog. mod.) fleuve d'Ecosse, dans sa partie méridionale, province d'Anandal ; il prend sa source près du Cluid, & se décharge dans un golfe de la mer d'Irlande, appellé Solvaifrith. Baudrand.


ANANAS(Hist. nat.) genre de plante observé par le P. Plumier : sa fleur est monopétale, faite en forme d'entonnoir, divisée en trois parties, & posée sur les tubercules d'un embryon ; qui devient dans la suite un fruit charnu, plein de suc, & fait comme une pomme de pin. Voyez Planche XXVIII. fig. 5. Il renferme de petites semences faites en forme de rein, & couvertes d'une coëffe. Tournefort, inst. rei herb. app. Voyez PLANTE. (I)

* On en distingue six especes, selon Miller, où l'on peut voir leurs descriptions. La premiere qu'il appelle ananas aculeatus, fructu ovato, carne albidâ, est, selon lui, la plus commune en Europe : mais il ajoûte que l'ananas aculeatus, fructu pyramidato, carne aureâ, qui est la seconde espece, est préférable à la premiere, parce que son fruit est plus gros, & d'un meilleur goût, & que son suc est moins astringent. Cette espece pousse ordinairement de dessous son fruit six ou sept rejettons, ce qui la fait multiplier aisément, & peut la rendre, dit Miller, commune en peu d'années.

Les curieux cultivent la troisieme espece, ananas folio vix serrato, pour la variété seulement ; car le fruit n'en est pas si bon que celui des especes précédentes.

La cinquieme espece, ananas aculeatus, fructu pyramidato, virescente, carne aureâ, est maintenant fort rare en Europe ; elle passe pour la meilleure ; en Amérique les curieux la cultivent préférablement aux autres : on la peut faire venir des Barbades ou du Montferrat.

La sixieme qu'on appelle en Botanique, ananas, fructu ovato, ex luteo virescente, carne luteâ, est venue de la Jamaïque ; elle n'est pas encore commune en Angleterre, dit Miller ; ceux qui ont goûté de son fruit, assûrent qu'il a beaucoup de saveur. Mais comme elle est tardive, elle s'accommode plus difficilement de notre climat. Son fruit est un mois de plus à mûrir que le fruit des autres.

J'ai oüi parler, continue le même botaniste, d'une autre espece d'ananas, dont la chair est jaune en-dehors, & verte en-dedans ; mais je ne l'ai jamais vûe.

L'ananas, fruit dont la saveur surpasse celle de tous les fruits qui nous sont connus, est produit par une plante, dont la feuille ressemble à celle de l'aloès, pour l'ordinaire dentelée comme elle, mais moins épaisse & moins pleine de suc.

Elle a été apportée des établissemens des Indes orientales dans ceux des Indes occidentales, où elle est devenue très-commune & d'un excellent acabit. Il n'y a pas long-tems qu'on la cultive en Europe, & qu'elle y donne du fruit. M. le Cour de Leyde est le premier qui l'ait cultivée avec succès ; après plusieurs tentatives inutiles, il a enfin trouvé un degré de chaleur propre à lui faire porter un fruit, plus petit à la vérité qu'aux Indes occidentales, mais aussi bon, au jugement de personnes qui ont vécu long-tems dans l'une & l'autre contrée.

Le tems de la maturité des bons ananas est depuis le commencement de Juillet jusqu'au mois de Septembre. Ce fruit est mûr, lorsqu'il répand une odeur forte, & qu'il cede sous le doigt : il ne conserve son odeur sur la plante, que trois ou quatre jours ; & quand on le veut manger parfait, il ne faut pas le garder plus de 24 heures après l'avoir cueilli. Dict. de Miller.

On tire par expression de l'ananas un suc dont on fait un vin excellent, qui fortifie, arrête les nausées, réveille les esprits, provoque les urines, mais dont les femmes enceintes doivent s'abstenir. On confit les ananas, & cette confiture est bonne pour les personnes d'un tempérament foible. Lémery.


ANANDAL(Géog. mod.) province de l'Ecosse méridionale, entre la contrée d'Eskédale au couchant, & celle de Nithesdale à l'orient.


ANANISAPTAterme de Magie, espece de talisman ou de préservatif contre la peste & les autres maladies contagieuses, qui consiste à porter sur soi ce mot écrit ananisapta.

Delrio le regarde comme un talisman magique, & fondé sur un pact avec le démon, & le met au nombre de ceux qu'on portoit comme des préservatifs contre les fievres pestilentielles, & qui étoient conçûs en trois vers écrits d'une certaine maniere qu'il n'explique point, & dont il ne cite que celui-ci :

Ananischapta ferit, mortem quae laedere quaerit.

Il en cherche l'origine dans le Chaldéen ou l'Hébreu , choneni, miserere mei, & , schophet, par lesquels on implore la miséricorde d'un juge, mais non pas celle de Dieu. Ana, , ajoûte-t-il, dans les mysteres de la cabale, signifie un esprit où sont les notions innées, & auquel préside l'ange que les cabalistes appellent , anim, qui manifeste à l'homme la vérité ; d'où vient le mot , henag, que d'autres prononcent ana, & qui signifie idole ; d'où vient , anani, divination, & schaphat, , qui signifie que cette idole ou ce mauvais ange juge que la maladie naît de maléfice, & en indique le remede. Il dit encore que les cabalistes ont voulu mettre dans le mot ananisapta, autant de mots différens qu'il y a de lettres, & qu'ainsi ce mot signifie A. antidotum, N. Nazareni, A. auferat, N. necem, I. intoxicationis, S. sanctificet, A. alimenta, P. pocula, T. Trinitas, A. alma ; qui signifient que la mort de Jesus-Christ qui a été injuste de la part des Juifs, frappe de la part de Dieu la mort, c'est-à-dire le démon, &c. & il traite cette explication de rêverie : la sienne est un peu plus savante ; c'est au lecteur à juger si elle est plus sensée. Delrio, disquisit. magic. lib. III. part. II. quaest. 4. sect. viij. pag. 463. & 464. (G)


ANAPAUOMÉNÉsubst. f. (Hist. nat.) d', qui cesse ; nom d'une fontaine de Dodone, dans la Molossie, province d'Epire, en Grece. Pline dit que l'eau en est si froide, qu'elle éteint d'abord les flambeaux allumés, & qu'elle les allume néanmoins, si on les en approche quand ils sont éteints ; qu'elle tarit sur le midi ; on l'a appellée par cette raison anapauoméné : qu'elle croît depuis midi jusqu'à minuit, & qu'elle recommence ensuite à diminuer, sans qu'on puisse savoir quelle peut être la cause de ce changement. Il ne faut pas mettre au même degré de probabilité les premieres & les dernieres merveilles attribuées aux eaux de l'anapauoméné. Il y a sur la surface de la terre tant d'amas d'eaux sujets à des abaissemens & à des élévations périodiques, que l'esprit est disposé à admettre tout ce qu'on lui racontera d'analogue à ce phénomene ; mais la fontaine d'anapauoméné est peut-être la seule dont on ait jamais dit qu'elle éteignoit & allumoit les flambeaux qu'on en approchoit : on n'est ici secouru par aucun fait semblable.


ANAPES. m. (Géog. & Mythol.) aujourd'hui l'Alfeo, fleuve de Sicile, près de Syracuse ; les Poëtes l'ont fait amoureux de Cyané, & protecteur de Proserpine, contre l'attentat de Pluton. Cyané fut changée en fontaine ; ses eaux se mêlerent à celles de l'Alphée, & elles coulerent ensemble dans la mer de Sicile. Ovide a décrit cette avanture dans ses Métamorphoses ; & il en fait aussi mention dans ses fastes, à propos des jeux institués à Rome, & célébrés en Avril en l'honneur de Cerès.


ANAPESTES. m. (Littérat.) sorte de pié dans la Poésie greque & latine, qui consiste en deux breves & une longue. Voyez PIE.

Ce mot est dérivé d', frapper à contre sens ; parce qu'en dansant lorsqu'on chantoit des vers de cette mesure, on frappoit la terre d'une maniere toute contraire à celle dont on battoit la mesure pour des poésies où dominoit le dactyle ; aussi les Grecs l'appelloient-ils anti-dactyle, . Diom. III. pag. 474. Voyez DACTYLE.

En effet, l'anapeste est comme l'opposé du dactyle ; ces trois mots spns, lgrnt, , sont des anapestes.

Les vers anapestes ou anapestiques, c'est-à-dire composés de ces sortes de piés, étoient fort en usage chez les anciens, & sur-tout chez les Grecs dans les poésies legeres. Voyez ANACREONTIQUE. (G)


ANAPHES. f. (Geog. & Myth.) île de la mer Egée, qu'on dit s'être formée insensiblement comme Delos, Hiera, & Rhodes. C'est du culte particulier qu'on y rendoit à Apollon, qu'il fut appellé Anapheen.


ANAPHONESEsub. f. l'exercice par le chant. Antylle, Plutarque, Paul, Aétius, & Avicenne, disent qu'une des propriétés de cet exercice, c'est de fortifier les organes qui servent à la production de la voix, d'augmenter la chaleur, & d'atténuer les fluides ; les mêmes auteurs le conseillent aux personnes sujettes à la cardialgie, aux vomissemens, à l'indigestion, au dégoût, & en général à toutes celles qui sont surchargées d'humeurs. Hippocrate veut qu'on chante après le repas : mais ce n'est pas l'avis d'Aretée.

Quoi qu'il en soit, il est constant que l'action fréquente de l'inspiration & de l'expiration dans le chant, peut nuire ou servir à la santé dans plusieurs circonstances, sur lesquelles les acteurs de l'opéra nous donneroient de meilleurs mémoires que la faculté de Medecine.


ANAPHORES. f. (Gramm.) , de , iterùm fero, refero. Figure d'élocution qui se fait lorsqu'on recommence divers membres de période par le même mot : en voici un exemple tiré de l'ode d'Horace à la Fortune, liv. I. Te pauper ambit sollicitâ prece ; te dominam aequoris, &c. Te Dacus asper ; te profugi Scythae ; te semper anteit saeva necessitas ; te spes & albo rara fides colit velata panno. Et dans Virgile, Eccl. 10. v. 42.

Hîc gelidi fontes, hîc mollia prata, Lycori,

Hîc nemus, hîc ipso tecum consumerer aevo.

Cette figure est aussi appellée répétition. (F)


ANAPLEROSEsub. f. (Medecine.) l'action de remplir. On a quelquefois donné le nom d'anaplerose à cette partie de la Chirurgie qui s'occupe de la reproduction des parties qui peuvent se reproduire ; & c'est de-là qu'est venue l'épithete d'anaplerotique, que l'on donne aux remedes qui font renaître les chairs dans les plaies & dans les ulceres, & qui les disposent à cicatriser. Voyez ANAPLEROTIQUES.


ANAPLEROTIQUESadj. terme de Medecine, qualification qu'on donne aux médicamens qui font revenir dans les ulceres & les plaies, des chairs nouvelles qui les remplissent & réparent la perte de la substance. Voyez PLAIE & ULCERE.

Ce sont des topiques qui aident à cicatriser les plaies, tels que la sarcocolle, certains baumes ou résines dissoutes dans l'esprit-de-vin, comme le baume du Commandeur. On les appelle aussi incarnatifs & sarcotiques.

Ces topiques agissent par leurs parties agglutinatives, lorsque les bords ou les ulceres d'une plaie faite dans les chairs sont rapprochées. Si l'on applique dessus des compresses trempées dans ces baumes, ils les consolident & hâtent leur réunion, parce que leurs parties résineuses venant à s'appliquer immédiatement sur la peau, tiennent, à l'aide de la compresse, les bords de la plaie en respect, l'empêchent de se desunir, & par ce moyen donnent la faculté aux sucs nourriciers de s'y porter & d'y faire corps.

Il est bon d'observer ici qu'on ne doit point user indifféremment de ces sortes de topiques, soit naturels, soit factices ; ils ne conviennent que pour les parties charnues ; & dans ce cas même on doit avoir attention à n'employer que de l'esprit-de-vin médiocrement rectifié, pour dissoudre ces résines. En effet, si l'esprit-de-vin étoit trop rectifié, il auroit deux inconvéniens : le premier seroit de ne pas tirer des corps employés pour la confection de ce baume, toute la substance qu'on desire ; il ne suffit pas d'avoir seulement la résineuse, il faut qu'il agisse sur la gommeuse, pour répondre à l'intention de ceux qui en sont les inventeurs ; & le second inconvénient, c'est qu'un esprit-de-vin trop vif crisperoit & brûleroit les bords de la plaie ; & au lieu d'en hâter la guérison, il ne feroit que la retarder.

Si j'ai dit que l'application de ces baumes, soit factices, soit naturels, ne convenoit que pour les plaies faites dans les parties charnues, à plus forte raison seroit-elle beaucoup plus à redouter & dangereuse, si les blessés avoient quelques tendons ou parties nerveuses endommagées ; car ces parties étant beaucoup plus sensibles & plus délicates, on couroit risque d'estropier les blessés par la crispation, l'inflammation & la suppuration qu'on causeroit à la plaie. (N)


ANAPLYSTou ANAPHLYSTE, (Géogr. & Myth.) ancienne ville maritime de la Grece, proche d'Athenes, vers le cap Colias. Elle étoit célebre par les temples de Pan, de Cérès, de Venus Coliade, & des déesses Genethyllides. Il y en a qui croyent que Anaphlyste est aujourd'hui Asope.


ANAPODARI(Géog.) petite riviere de l'île de Candie, qui a sa source à Castel Bonifacio, coule proche de Castel Belvedere, & se jette dans la mer Méridionale entre le cap de Matola & Castel de Gira Petra. Mat. Dict. géog.


ANAPODOPHYLLON(Hist. nat.) genre de plante à fleurs, composée de plusieurs feuilles disposées en rose ; il s'éleve du milieu de la fleur un pistil, qui devient dans la suite un fruit fait ordinairement en forme d'oeuf, & qui n'a qu'une capsule : il est rempli de semences, qui sont pour l'ordinaire arrondies. Tournefort, inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)


ANAPUIA(Géog. mod.) province de la Venezuela, dans l'Amérique méridionale, vers les monts S. Pierre & la source de Buria.


ANAQUITO(Géog. mod.) contrée de l'Amérique au Pérou, & dans la province de Quito.


ANARCHIES. f. (Politique.) c'est un desordre dans un état, qui consiste en ce que personne n'y a assez d'autorité pour commander & faire respecter les lois, & que par conséquent le peuple se conduit comme il veut, sans subordination & sans police. Ce mot est composé d' privatif, & de , commandement.

On peut assûrer que tout gouvernement en général tend au despotisme ou à l'anarchie.


ANASARQUEsub. f. (Medecine.) espece d'hydropisie où la peau est bouffie & enflée, & cede à l'impression des doigts comme de la pâte. Voyez HYDROPISIE.

Cette hydropisie est dans les cellules de la graisse, qui communiquant les unes avec les autres, donnent passage à la sérosité épanchée dans leur cavité.

Cette bouffissure se guérit si on détruit la cause qui l'occasionne : les apéritifs, les fondans, les diurétiques chauds, sont excellens dans l'anasarque. V. OEDEME.


ANASTASEsubst. f. en Medecine, transport des humeurs qu'on a détournées d'une partie sur une autre. (N)


ANASTASIOPLEou île de Saint Joachim, dans l'Océan oriental, une des Marianes ou île des Larrons.


ANASTOMOSES. f. terme d'Anatomie, qui signifie quelquefois une si grande ouverture de l'orifice des vaisseaux, qu'ils ne peuvent retenir ce qu'ils contiennent. Voyez VAISSEAU, &c.

Ce mot est formé du Grec ἀνὰ, per, à travers, & στόμα, os, bouche.

Ce mot est plus en usage pour signifier l'ouverture de deux vaisseaux dont elle rend la communication réciproque.

Il en est plusieurs de cette espece : par exemple, d'une artere avec une artere, d'une veine avec une veine, ou d'une veine avec une artere. Voyez ARTERE & VEINE.

La circulation du sang dans le foetus se fait par le moyen des anastomoses ou des jonctions de la veine cave avec la veine pulmonaire, & de l'artere pulmonaire avec l'aorte. Voyez FOETUS.

La même circulation dans les adultes se fait par les anastomoses, ou les jonctions continuées des arteres capillaires avec les veines. V. CIRCULATION.

Après que Harvey eut démontré la circulation du sang dans le coeur, le poumon, & les grands vaisseaux sanguins, on n'eut encore que des conjectures au sujet de la maniere dont les extrémités de ces vaisseaux transmettoient le sang aux veines ; jusqu'à ce que Leuwenhoek eut découvert avec ses microscopes la continuation des extrémités de ces vaisseaux dans les poissons, les grenouilles, &c. Malgré cette découverte, on n'osoit assûrer que ces liaisons des extrémités des arteres & des veines eussent lieu dans le corps humain & dans les quadrupedes, car les animaux sur qui l'on a jusqu'à présent fait cette expérience avec succès, sont, disoit-on, une espece de poissons ou d'amphibies, dont le coeur n'a qu'un ventricule : outre que le sang en est froid, il n'a point en ces animaux une circulation aussi rapide que le sang de ceux en qui le coeur a deux ventricules.

Cette différence dans les principaux organes de la circulation, détermina Cowper à faire des expériences plus approfondies sur des animaux dont les organes sont pareils aux nôtres, par la structure & la conformation intrinseque, & n'en different que par le volume : il en résulta une démonstration complete de l'anastomose, ou de la jonction des arteres & des veines dans l'épiploon.

En 1705, Fréderic Frantzus de Frankenau, medecin à Copenhague, publia un ouvrage étendu & savant, intitulé Anastomosis retecta. (L)


ANASTROPHES. f. (Gramm.) , de , qui répond à per, in, inter des Latins, & du verbe , verto. Quintilien, au chap. v. du I. liv. de ses Inst. or. dit que l'anastrophe est un vice de construction dans lequel on tombe par des inversions contre l'usage, vitium inversionis. On en donne pour exemple ces endroits de Virgile, Saxa per & scopulos. III. Géor. v. 276. & encore

.... Furit immissis Vulcanus habenis,

Transtra per & remos. Aen. V. v. 662. & au I. L.

v. 12. Italiam contra. On voit par ces exemples que l'anastrophe n'est pas toûjours un vice, & qu'elle peut aussi passer pour une figure par laquelle un mot qui régulierement est mis devant un autre, per saxa, per transtra, contra Italiam, versus Italiam, &c. est mis après. Saxa per, &c. (F)


ANATou ATTOLE, s. f. (Hist. nat.) sorte de teinture qui se prépare aux Indes orientales, à peu près comme l'indigo. On la tire d'une fleur rouge qui croît sur des arbrisseaux de sept à huit piés de haut : on cueille cette fleur quand elle est dans sa force ; on la jette dans des cuves ou des cîternes ; on l'y laisse pourrir : quand elle est pourrie, on l'agite, ou à bras, ou avec une machine telle que celle qu'on employe dans les indigoteries (voyez INDIGO) ; on la réduit en une substance épaisse ; on la laisse un peu sécher au soleil ; on en forme ensuite des gâteaux ou des rouleaux. Les Teinturiers préferent l'anate à l'indigo. On la tire de la baie d'Honduras.


ANATHÈMES. m. (Théolog.) du grec ἀνάθημα, chose mise à part, séparée, dévouée. Ce nom est équivoque, & a été pris dans un sens odieux & dans un sens favorable. Dans le premier de ces deux sens, anathème se prend principalement pour le retranchement & la perte entiere d'un homme séparé de la communion des Fideles, ou du nombre des vivans ; ou des priviléges de la société ; ou le dévoûment d'un homme, d'un animal, d'une ville, ou d'autre chose, à être exterminé, détruit, livré aux flammes, & en quelque sorte anéanti.

Le mot hébreu HEBREW, cherem, qui répond au grec ἀνάθημα, signifie proprement perdre, détruire, exterminer, dévoüer, anathématiser. Moyse veut qu'on dévoue à l'anathème les villes des Chananéens qui ne se rendront pas aux Israëlites, & ceux qui adoreront les faux dieux. Deut. VII. 2. 26. Ex. XXII. 19. Quelquefois on dévoüoit à l'anathème ceux qui n'avoient pas exécuté les ordres du prince ou de la république : ainsi le peuple Hébreu assemblé à Maspha dévoua à l'anathème quiconque ne marcheroit pas contre ceux de Benjamin, pour venger l'outrage fait à la femme du jeune Lévite. Judic. xjx. & xxj. Saül dévoüa à l'anathème quiconque mangeroit quelque chose avant le coucher du soleil dans la poursuite des Philistins. I. Reg. xjv. 24. Il paroît par l'exécution de tous ces dévoûmens, qu'il s'agissoit de faire mourir tous ceux qui s'y trouvoient enveloppés. Quelquefois des personnes se dévoüoient elles-mêmes, si elles n'exécutoient quelque chose.

De-là l'Eglise chrétienne, dans ses décisions, a prononcé anathème, c'est-à-dire qu'elle a dévoüé au malheur éternel ceux qui se révoltent contr'elle, ou qui combattent sa foi. Dans plusieurs conciles, tant généraux que particuliers, on a dit anathème aux hérétiques qui altéroient la pureté de la foi ; & plusieurs autres ont conçû leurs décisions en cette forme : si quelqu'un dit ou soûtient telle ou telle erreur ; si quelqu'un nie tel ou tel dogme catholique, qu'il soit anathème : si quis dixerit, &c. anathema sit ; si quis negaverit, &c. anathema sit.

Il y a deux especes d'anathèmes ; les uns sont judiciaires, & les autres abjuratoires.

Les judiciaires ne peuvent être prononcés que par un concile, un pape, un évêque, ou quelqu'autre personne ayant jurisdiction à cet égard : ils different de la simple excommunication, en ce qu'elle n'interdit aux Fideles que l'entrée de l'église ou la communion des Fideles, & que l'anathème les retranche du corps des Fideles, même de leur commerce, & les livre à Satan. Voyez EXCOMMUNICATION.

L'anathème abjuratoire fait pour l'ordinaire partie de l'abjuration d'un hérétique converti, parce qu'il est obligé d'anathématiser l'erreur à laquelle il renonce. Voyez ABJURATION.

Les critiques & les commentateurs sont partagés sur la maniere d'entendre ce que dit S. Paul, qu'il desiroit être anathème pour ses freres. Rom. jx. 3. Les uns expliquent ce mot par celui de maudit ; les autres par celui de séparé.

Cependant comme le mot anathème, , signifie en général consacré, dévoü, on le trouve pris en bonne part dans les anciens auteurs ecclésiastiques ; c'est-à-dire, pour toutes les choses que la piété des Fideles offroit dans les temples, & consacroit d'une maniere particuliere, soit à leur décoration, soit au service de Dieu. Quelques grammairiens distinguent scrupuleusement entre ces deux mots grecs ἀνάθηματα, & ἀνάθεματα, dont le premier, disent-ils, signifie les choses dévoüées à périr, en signe de malédiction & d'exécration ; & le second s'applique aux choses retirées de l'usage profane, pour être spécialement consacrés à Dieu : mais ils ne donnent aucune raison solide de cette distinction. D'ailleurs, les peres grecs employent indifféremment ces deux termes dans le double sens dont il s'agit ici, sans y mettre la distinction qu'ont imaginée les Grammairiens. Pour nous, nous nous contenterons de remarquer que les anciens donnoient le nom d'anathème à toutes les offrandes, mais principalement à celles qu'on suspendoit aux piliers ou colomnes & aux voûtes des églises, comme des monumens de quelque grace ou faveur signalée qu'on avoit reçue du ciel. Bingham, orig. ecclésiastiq. tome III. liv. VIII. chap. viij. §. 1. (G)


ANATOCISMES. m. (Comm.) contrat usuraire où l'on stipule un intérêt de l'intérêt même uni au principal.

Ce mot est originairement grec. Cicéron l'a employé en latin, & il a passé dans la plûpart des autres langues : il vient de la préposition ἀνὰ, qui dans les mots composés signifie répétition, ou duplication, & de τόκος, usure.

L'anatocisme est ce que nous appellons vulgairement l'intérêt de l'intérêt ou l'intérêt composé. Voyez INTERET.

C'est la plus criminelle espece d'usure ; elle est séverement condamnée par les lois romaines, & par le droit commun de la plûpart des nations ; elle est contraire au droit naturel & divin ; nulle autorité n'en peut accorder ni la dispense ni l'absolution, même à l'article de la mort, sans la restitution, ou du moins la promesse de restituer, si on le peut, tout le bien acquis par ce crime, également opposé à la justice & à la charité. Voyez USURE. (H)


ANATOLIEVoyez NATOLIE.


ANATOMIES. f. (Ordre encycl. Entend. Raison, Philosophie ou Science, Science de la nat. Physiq. générale, particul. Zoologie Anatomie simple & comparée.) C'est l'art de disséquer ou de séparer adroitement les parties solides des animaux, pour en connoître la situation, la figure, les connexions, &c. Le terme anatomie vient de , je coupe, je disseque. Il a différentes acceptions. S'il se prend, comme on vient de le dire, pour l'art de disséquer, il se prend aussi pour le sujet qu'on disseque ou qu'on a disséqué ; & quelquefois même pour la représentation en plâtre, en cire, ou de quelqu'autre maniere, soit de la structure entiere, soit de quelqu'une des parties d'un animal disséqué. Exemple : Il y a au cabinet du Roi de belles anatomies en cire.

But de l'Anatomie. Le but immédiat de l'Anatomie prise dans le premier sens, ou considérée comme l'art de disséquer, c'est la connoissance des parties soli des qui entrent dans la composition des corps des animaux. Le but éloigné, c'est l'avantage de pouvoir, à l'aide de cette connoissance, se conduire sûrement dans le traitement des maladies, qui sont l'objet de la Medecine & de la Chirurgie. Ce seroit sans doute une contemplation très-belle par elle même, & une recherche bien digne d'occuper seule un philosophe, que celle de la figure, de la situation, des connexions des os, des cartilages, des membranes, des nerfs, des ligamens, des tendons, des vaisseaux artériels, veineux, lymphatiques, &c. Mais si on ne passoit de l'examen stérile des parties solides du corps à leur action sur les parties fluides, sur le chyle, sur le sang, le lait, la lymphe, la graisse, &c. & de-là à la conservation & au rétablissement de la machine entiere ; ce travail retomberoit dans le cas de beaucoup d'autres travaux, qui font un honneur infini à la pénétration de l'esprit humain, & qui seront des monumens éternels de sa patience, quoiqu'on n'en ait retiré aucune utilité réelle.

Avantages de l'Anatomie. Lorsqu'on examine combien il est nécessaire de connoître parfaitement le méchanisme de l'ouvrage le plus simple, quand on est préposé par état, soit à l'entretien, soit au rétablissement de cet ouvrage, s'il vient à se déranger ; on n'imagine guere qu'il y ait eu & qu'il y ait encore deux sentimens différens sur l'importance de l'Anatomie pour l'exercice de la Medecine. Lorsqu'on s'est dit à soi-même, que tout étant égal d'ailleurs, celui qui connoîtra le mieux une horloge sera l'ouvrier le plus capable de la raccommoder, il semble qu'on soit forcé de conclure, que tout étant égal d'ailleurs, celui qui entendra le mieux le corps humain, sera le plus en état d'en écarter les maladies, & que le meilleur anatomiste sera certainement le meilleur medecin.

C'étoit aussi l'avis de ceux d'entre les medecins qu'on appelloit dogmatiques. Il faut, disoient-ils, ouvrir des cadavres, parcourir les visceres, fouiller dans les entrailles, étudier l'animal jusque dans ses parties les plus insensibles ; & l'on ne peut trop loüer le courage d'Hérophile & d'Erasistrate, qui recevoient les malfaiteurs & qui les disséquoient tout vifs ; & la sagesse des princes qui les leur abandonnoient, & qui sacrifioient un petit nombre de méchans à la conservation d'une multitude d'innocens de tout état, de tout âge, & dans tous les siecles à venir.

Que répondoient à cela les empiriques ? Que les choses ne sont point dans un cadavre, ni même dans un homme vivant qu'on vient d'ouvrir, ce qu'elles sont dans le corps sain & entier ; qu'il n'est guere possible de confondre ces deux états sans s'exposer à des suites fâcheuses ; que si les demi-notions sont toûjours nuisibles, c'est sur-tout dans le cas présent ; que la recherche anatomique, quelque exacte & parfaite qu'on la suppose, ne pouvant jamais rien procurer d'évident sur le tissu des solides, sur la nature des fluides, sur le jeu de la machine entiere, cette recherche ne manquera pas de devenir le fondement d'une multitude de systèmes, d'autant plus dangereux, qu'ils auront tous quelque ombre de vraisemblance ; qu'il est ridicule de se livrer à une occupation desagréable & pénible, qui ne conduit qu'à des ténebres, & de chercher par la dissection des corps des lumieres qu'on n'en tirera jamais ; que c'est tomber dans une lourde faute que de comparer la machine animale à une autre machine ; que, quelque composé que soit un ouvrage sorti de la main de l'homme, on peut s'en promettre avec du tems & de la peine une entiere & parfaite connoissance ; mais qu'il n'en est pas ainsi des ouvrages de la nature, & à plus forte raison du chef-d'oeuvre de la Divinité, & qu'il faut, pour développer la formation d'un cheveu, plus de sagacité qu'il n'y en a dans toutes les têtes des hommes ensemble. Celui, disent-ils, qui sur le battement du coeur & la pulsation des arteres, crut qu'il n'y avoit qu'à porter le scalpel sur un de ses semblables, & pénétrer d'un oeil curieux dans l'intérieur de la machine pour en découvrir les ressorts, forma de toutes les conjectures la plus naturelle en même tems & la plus trompeuse : l'homme vû au-dedans lui devint plus incompréhensible que quand il n'en connoissoit que la superficie ; & ses imitateurs dans les siecles à venir, mieux instruits sur la configuration, la situation, & la multitude des parties, n'en ont été par cette raison que plus incertains sur l'économie générale du tout.

Celse sentit la force des raisonnemens qu'on faisoit de part & d'autre, & prit un parti moyen : il permit à l'anatomiste d'ouvrir des cadavres, mais non d'égorger des hommes : il voulut qu'on attendît du tems & de la pratique les connoissances anatomiques que l'inspection du cadavre ne pourroit donner ; méthode lente, mais plus humaine, dit-on, que celle d'Hérophile & d'Erasistrate.

Me seroit-il permis d'exposer ce que je pense sur l'emploi qu'on fait ici du terme d'humanité ? Qu'est ce que l'humanité ? sinon une disposition habituelle de coeur à employer nos facultés à l'avantage du genre humain. Cela supposé, qu'a d'inhumain la dissection d'un méchant ? Puisque vous donnez le nom d'inhumain au méchant qu'on disseque, parce qu'il a tourné contre ses semblables des facultés qu'il devoit employer à leur avantage, comment appellerez-vous l'Erasistrate, qui surmontant sa répugnance en faveur du genre humain, cherche dans les entrailles du criminel des lumieres utiles ? Quelle différence mettez-vous entre délivrer de la pierre un honnête homme, & dissequer un méchant ? l'appareil est le même de part & d'autre. Mais ce n'est pas dans l'appareil des actions, c'est dans leur objet, c'est dans leurs suites, qu'il faut prendre les notions véritables des vices & des vertus. Je ne voudrois être ni chirurgien, ni anatomiste, mais c'est en moi pusillanimité ; & je souhaiterois que ce fût l'usage parmi nous d'abandonner à ceux de cette profession les criminels à dissequer, & qu'ils en eussent le courage. De quelque maniere qu'on considere la mort d'un méchant, elle seroit bien autant utile à la société au milieu d'un amphithéatre que sur un échafaud ; & ce supplice seroit tout au moins aussi redoutable qu'un autre. Mais il y auroit un moyen de ménager le spectateur, l'anatomiste & le patient : le spectateur & l'anatomiste, en n'essayant sur le patient que des opérations utiles, & dont les suites ne seroient pas évidemment funestes : le patient, en ne le confiant qu'aux hommes les plus éclairés, & en lui accordant la vie, s'il réchappoit de l'opération particuliere qu'on auroit tentée sur lui. L'Anatomie, la Medecine & la Chirurgie ne trouveroient-elles pas aussi leur avantage dans cette condition ? & n'y auroit-il pas des occasions où l'on auroit plus de lumieres à attendre des suites d'une opération, que de l'opération même ? Quant aux criminels, il n'y en a guere qui ne préférassent une opération douloureuse à une mort certaine ; & qui, plûtôt que d'être exécutés, ne se soûmissent, soit à l'injection des liqueurs dans le sang, soit à la transfusion de ce fluide, & ne se laissassent ou amputer la cuisse dans l'articulation, ou extirper la rate, ou enlever quelque portion du cerveau, ou lier les arteres mammaires & épigastriques, ou scier une portion de deux ou trois côtes, ou couper un intestin dont on insinueroit la partie supérieure dans l'inférieure, ou ouvrir l'oesophage, ou lier les vaisseaux spermatiques, sans y comprendre le nerf, ou essayer quelqu'autre opération sur quelque viscere.

Les avantages de ces essais suffiront pour ceux qui savent se contenter de raisons ; nous allons rapporter un fait historique pour les autres. " Au mois de Janvier quatre cens soixante & quatorze, il advint, disent les chroniques de Louis XI. page 249. édit. de 1620, que ung franc archier de Meudon près Paris, estoit prisonnier ès prisons de Chastelet pour occasion de plusieurs larrecins qu'il avoit faits en divers lieux, & mesmement en l'église dudit Meudon ; & pour lesdits cas & comme sacrilége, fut condempné à estre pendu & estranglé au gibet de Paris nommé Montfaulcon, dont il appella en la court de Parlement, où il fut mené pour discuter de son appel ; par laquelle court & par son arrest fut ledit franc archier déclaré avoir mal appellé & bien jugé par le prevost de Paris, par devers lequel fut renvoyé pour exécuter sa sentence ; & ce même jour fut remonstré au roy par les medecins & chirurgiens de ladicte ville, que plusieurs & diverses personnes étoient fort travaillez & molestez de la pierre, colicque passion, & maladie du costé, dont pareillement avoit esté fort molesté ledit franc archier ; & aussi des dictes maladies estoit lors fort malade Monsieur du Boccaige, & qu'il seroit fort requis de veoir les lieux où les dictes maladies sont concrées dedens les corps humains, laquelle chose ne pouvoit mieulx être sceuë que inciser le corps d'ung homme vivant, ce qui pouvoit bien estre fait en la personne d'icelui franc archier, que aussi-bien estoit prest de souffrir mort ; laquelle ouverture & incision fut faite au corps du dit franc archier, & dedens icelui pris & regardé les lieux des dictes maladies : & après qu'ils eurent été vûs, fut recousu, & ses entrailles remises dedens : & fut par l'ordonnance du roi fait très-bien penser, & tellement que dedens quinze jours après, il fut bien guéri, & eut remission de ses cas sans despens, & si lui fut donné avecques ce argent ". Dira-t-on qu'alors on étoit moins superstitieux & plus humain qu'aujourd'hui ? Ce fut pour la premiere fois, depuis Celse, qu'on tenta l'opération de la taille, qui a sauvé dans la suite la vie à tant d'hommes.

Mais pour en revenir aux avantages de l'Anatomie pour l'exercice de la Medecine, il paroît que dans cette question chacun a pris le parti qui convenoit à ses lumieres anatomiques : ceux qui n'étoient ni grands anatomistes, ni par conséquent grands physiologistes, ont imaginé qu'on pouvoit très-bien se passer de ces deux titres, sans se départir de celui d'habile medecin. Stahl chimiste, paroît avoir été de ce nombre : les autres au contraire ont prétendu que ceux qui n'avoient pas suivi l'Anatomie dans ses labyrinthes, n'étoient pas dignes d'entrer dans le sanctuaire de la Medecine ; & c'étoit le sentiment d'Hoffman auteur de la medecine systématique raisonnée ; c'étoit aussi, à ce qu'il semble, celui de Freind : mais il ne vouloit ni systèmes ni hypothèses, dans les autres s'entend ; car pour lui, il ne renonçoit point au droit d'en faire. Cet exemple prouve beaucoup en faveur des empiriques, qui prétendoient, comme nous l'avons fait voir ci-dessus, que les connoissances anatomiques entraîneroient nécessairement dans des hypothèses : mais il n'ôte rien à la certitude des propositions qui suivent.

Premiere proposition. Le corps humain est une machine sujette aux lois de la Méchanique, de la Statique, de l'Hydraulique & de l'Optique ; donc celui qui connoîtra le mieux la machine humaine, & qui ajoûtera à cette connoissance celle des lois de la Méchanique, sera plus en état de s'assûrer par la pratique & les expériences, de la maniere dont ces lois s'y exécutent, & des moyens de les y rétablir quand elles s'y dérangent ; donc l'Anatomie est absolument nécessaire au medecin.

Seconde proposition. Le corps humain est une machine sujette à des dérangemens qu'on ne peut quelquefois arrêter qu'en divisant le tissu, & qu'en retranchant des parties. Il n'y a presqu'aucun endroit où cette division ne devienne nécessaire : on ampute les piés, les mains, les bras, les jambes, les cuisses, &c. & dans presque toutes les opérations, il y a des parties qu'il faut ménager, & qu'on ne peut offenser, sans exposer le malade à périr. Donc l'Anatomie est indispensable au chirurgien.

Troisieme proposition. Le corps est une partie de nous-mêmes très-importante ; si cette partie languit, l'autre s'en ressent. Le corps humain est une des plus belles machines qui soient sorties des mains du Créateur. La connoissance de soi-même suppose la connoissance de son corps ; & la connoissance du corps suppose celle d'un enchaînement si prodigieux de causes & d'effets, qu'aucun ne mene plus directement à la notion d'une intelligence toute sage & toute-puissante : elle est, pour ainsi dire, le fondement de la Théologie naturelle. Galien, dans son livre de la formation du foetus, fait un crime aux philosophes de son tems de s'amuser à des conjectures hasardées sur la nature & la formation du monde, tandis qu'ils ignoroient les premiers élémens de la structure des corps animés. Donc la connoissance anatomique est requise dans un philosophe.

Quatrieme proposition. Les magistrats sont exposés tous les jours à faire ouvrir des cadavres, pour y découvrir les causes d'une mort violente ou suspecte ; c'est sur cette ouverture & les apparences qu'elle offrira, qu'ils appuyeront leur jugement, & qu'ils prononceront que la personne morte a été empoisonnée, ou qu'elle est morte naturellement ; qu'un enfant étoit mort avant que de naître, ou qu'il a été étouffé après sa naissance, &c. Combien de contestations portées à leurs tribunaux, où l'impuissance, la stérilité, le tems de l'accouchement, l'avortement, l'accouchement simulé ou dissimulé, &c. se trouvent compliqués ! Ils sont obligés de s'en tenir aveuglément aux rapports des Medecins & des Chirurgiens. Ces rapports sont motivés à-la-vérité ; mais qu'importe, si les motifs sont inintelligibles pour le Magistrat ? L'Anatomie ne seroit donc pas tout-à-fait inutile à un Magistrat.

Cinquieme proposition. Les Peintres, les Sculpteurs, devront à l'étude plus ou moins grande qu'ils auront faite de l'Anatomie, le plus ou le moins de correction de leurs desseins. Les Raphaels, les Michel-Anges, les Rubens, &c. avoient étudié particulierement l'Anatomie. L'étude de la partie de l'Anatomie qui est relative à ces arts, est donc nécessaire pour y exceller.

Sixieme proposition. Chacun a intérêt à connoître son corps ; il n'y a personne que la structure, la figure, la connexion, la communication des parties dont il est composé, ne puisse confirmer dans la croyance d'un être tout-puissant. A ce motif si important, il se joint un intérêt qui n'est pas à négliger, celui d'être éclairé sur les moyens de se bien porter, de prolonger sa vie, d'expliquer plus nettement le lieu, les symptomes de sa maladie, quand on se porte mal ; de discerner les charlatans ; de juger, du moins en général, des remedes ordonnés, &c. Aulu-Gelle ne peut souffrir que des hommes libres, & dont l'éducation doit être conforme à leur état, ignorent rien de ce qui a rapport à l'économie du corps humain. La connoissance de l'Anatomie importe donc à tout homme.

Histoire abrégée des progrès de l'Anatomie. Est-il étonnant après cela qu'on fasse remonter l'origine de l'Anatomie aux premiers ages du monde ? Eusebe dit qu'on lisoit dans Manethon, qu'Athotis, dont la chronologie égyptienne fixoit le regne plusieurs siecles avant notre ere, avoit écrit des traités d'Anatomie. Parcourez les livres saints, arrêtez-vous à la description allégorique que l'Ecclésiaste fait de la vieillesse : memento Creatoris tui, dùm juvenis es, &c. & vous appercevrez dès ces tems des vestiges de systèmes physiologiques. Homere dit de la blessure qu'Enée reçut de Diomede, que les deux nerfs qui retiennent le femur, s'étant rompus, l'os se brisa au-dedans de la cavité où est reçû le condyle supérieur ; ce poëte est dans d'autres occasions semblables si exact & si circonstancié, que quelques auteurs ont prétendu qu'on tireroit de ses ouvrages un corps d'Anatomie assez étendu. Dès les premiers ages du monde, l'inspection des entrailles des victimes, la coûtume d'embaumer, les traitemens des plaies, & les boucheries mêmes, aiderent à connoître la fabrique du corps animal. On est convaincu par les ouvrages d'Hippocrate, que l'Ostéologie lui étoit parfaitement connue ; & Pausanias nous dit qu'il fit fondre un squelete d'airain, qu'il consacra à Apollon de Delphes. On seroit tenté de croire qu'il avoit eu des notions de la circulation du sang & de la secrétion des humeurs. Voici là-dessus un des passages les plus frappans. On lit dans Hippocrate : " que les veines sont répandues par tout le corps ; qu'elles y portent le flux, l'esprit & le mouvement, & qu'elles sont toutes des branches d'une seule ". Remarquez que les anciens donnoient à tous les vaisseaux sanguins indistinctement, le nom de veines.

Démocrite cultiva l'Anatomie ; & lorsqu'Hippocrate fut appellé par les Abderitains, pour le guérir de sa folie prétendue, il trouva le philosophe occupé dans ses jardins à disséquer des animaux. Il avoit écrit sur la nature de l'homme & des chairs ; mais nous n'avons pas son ouvrage.

Pythagore eut aussi des notions anatomiques ; Empedocle, disciple de Pythagore, avoit formé un système sur la génération, la respiration, l'oüie, la chair, & les semences des plantes. Il attribuoit la génération des animaux à des parties de ces animaux mêmes, les unes contenues dans la semence du mâle, les autres dans la semence de la femelle. La réunion de ces parties formoit l'animal, & leur pente à se réunir occasionnoit l'appétit vénérien. Il comparoit l'oreille à un corps sonore que l'air vient frapper ; la chair étoit, selon lui, un composé de quatre élémens ; les ongles étoient une expansion des nerfs racornis par l'air & par le toucher ; les os étoient de la terre & de l'eau condensées ; les larmes & les sueurs, du sang atténué & fondu ; les graines des plantes, des oeufs qui tombent quand ils sont mûrs, & que la terre fait éclorre ; & il attribuoit la suspension des liqueurs dans les syphons, à la pesanteur de l'air.

Alcmeon, autre disciple de Pythagore, passe pour avoir anatomisé le premier des animaux. Ce qui nous reste de son Anatomie ne valoit guere la peine d'être conservé ; il prétendoit que les chevres respirent par les oreilles : ce que je pourrois ajoûter de sa Physiologie n'en donneroit pas une grande opinion.

Ce qui nous reste d'Aristote ne nous permet pas de douter de ses progrès en Anatomie. Un fait qui honore autant Alexandre qu'aucune de ses victoires, c'est d'avoir donné à Aristote huit cens talens, près de onze millions de notre monnoie, & d'avoir confié à ses ordres plusieurs milliers d'hommes, pour perfectionner la science de la nature & des propriétés des animaux. Ces puissans secours n'étoient pas restés inutiles entre les mains du philosophe, s'il est vrai, comme je l'ai entendu dire à un habile Anatomiste, que celui qui en dix ans de travail parviendroit à savoir ce qu'Aristote a renfermé dans ses deux petits volumes des animaux, auroit bien employé son tems.

Aristote disséqua des quadrupedes, des poissons, des oiseaux & des insectes. Selon ce philosophe, le coeur est le principe & la source des veines & du sang. Il sort du coeur deux veines ; l'une du côté droit, qui est la plus grosse ; l'autre du côté gauche : ces veines portent le sang dans toutes les parties du corps. Le coeur a trois ventricules dans le foetus ; ces ventricules communiquent avec le poumon, par deux grandes veines qui se distribuent dans toute sa substance. Le coeur est aussi l'organe des nerfs. Aristote confond, ainsi qu'Hippocrate, les nerfs, les ligamens & les tendons. Le cerveau n'est qu'une masse d'eau & de terre, mais il n'en est pas de même de la moelle épiniere ; il donne au foie, à la rate & aux reins la fonction de soûtenir & de suspendre les vaisseaux. Les testicules ne sont que pour le mieux. Deux canaux viennent s'y rendre de l'aorte, & deux autres des reins : les derniers contiennent du sang ; les premiers n'en contiennent point. Il sort de la tête de chaque testicule ou de l'une de leurs extrémités, un autre canal plus gros qui se recourbe & va en diminuant vers les deux autres canaux ; ce canal recourbé est enveloppé d'une membrane & se termine à l'origine de la verge : il ne contient point de sang, mais une liqueur blanche. Il y a à l'endroit de la verge où il se termine, une ouverture par laquelle il aboutit dans la verge. Aristote se sert de cette exposition anatomique pour expliquer comment les eunuques ne peuvent engendrer. La conception se fait, selon lui, du mêlange de la semence de l'homme avec le sang menstruel. Il admet de la semence dans la femme ; mais il la regarde comme un excrément. Il prend les testicules pour des poids semblables à ceux que les Tisserans attachent à leurs chaînes pour les tendre ; autant en font les testicules sur les canaux dont nous avons parlé.

Pour la nutrition, il dit que les alimens se préparent d'abord dans la bouche ; qu'ils sont portés par l'oesophage dans le ventre supérieur, & que les veines du mésentere absorbent ce qu'il faut au corps, comme les fibres de la racine des plantes sucent l'humeur terrestre qui nourrit l'arbre. On n'a pas dit mieux depuis. Il employe l'épiploon & le foie à aider la coction des viandes par leur chaleur.

Voilà une esquisse de l'Anatomie & de la Physiologie d'Aristote. J'ajoûterai qu'il a fait mention des intestins jejunum, colon, caecum, & rectum ; qu'il connoissoit mieux ces parties qu'Hippocrate ne les avoit connues ; & que le reste de sa Physiologie prouve au moins l'attention qu'il a apportée pour parvenir à la connoissance de l'économie animale.

Dioclès de Cariste, qui vécut peu après Aristote sous le regne d'Antigonus, passe pour avoir écrit le premier de l'art de disséquer : mais c'est une erreur. On avoit long-tems avant lui des planches ou représentations anatomiques. Aristote renvoye à ces planches ou représentations, dans toutes les occasions où les descriptions anatomiques devroient être expliquées ; & haec anatomica descriptio, dit-il, ex iconibus petenda est.

Cet art long-tems renfermé dans quelques familles, & connu d'un petit nombre de savans, fut soigneusement étudié par Hérophile & par Erasistrate. On croit qu'Hérophile naquit à Carthage, & qu'il vécut sous Ptolemée Soter ; Galien dit de lui, que ce fut un homme consommé dans la Medecine & dans l'Anatomie ; qu'il avoit étudié dans Alexandrie. La Nevrologie étoit alors un pays inconnu ; Hérophile y fit les premieres découvertes. Un certain Eudeme, medecin, partage avec lui l'honneur d'avoir découvert & démontré les nerfs proprement dits. Hérophile en distinguoit de trois sortes : les uns servoient aux sensations, & étoient ministres de la volonté ; ils tiroient leur origine en partie du cerveau, dont ils étoient comme des germes, & en partie de la moelle allongée. Les autres venoient des os, & alloient se terminer à des os. Les troisiemes partoient des muscles & se rendoient à des muscles, d'où l'on voit que le terme nerf étoit encore commun aux nerfs, aux ligamens & aux tendons. Il logeoit l'ame dans les ventricules du coeur ; il disoit que les nerfs optiques avoient une cavité sensible, ce qui leur étoit particulier ; & il les appelloit par cette raison, pores optiques. Il avoit remarqué que certaines veines du mésentere étoient destinées à nourrir les intestins, & n'alloient point à la veine-porte, mais à de certains corps glanduleux. Il nomma le premier intestin dodecadactylon, qui a onze pouces de long. Et parce que le vaisseau qui passe du ventricule droit du coeur dans le poumon, qu'il prenoit pour une veine, avoit la tunique épaisse comme une artere, il le nomma veine artérielle ; par la même raison, il donna le nom d'artere veineuse à celui qui va du poumon dans le ventricule gauche : il appella cloison les séparations des ventricules du coeur. Il fit les noms de retine & d'arachnoïde que portent les tuniques de l'oeil auxquelles il les donna ; celui de pressoir qui est resté à l'endroit du cerveau où s'unissent les sinus de la dure-mere ; celui de glandulae parastulae à celles qui sont situées à la racine de la verge : il les distingua par l'épithete de glanduleuses, de celles qu'il appella variqueuses & qu'il plaçoit à l'extrémité des vaisseaux qui apportent la semence des testicules.

Sur ce qui précede on ne peut douter qu'Hérophile n'ait été le premier Anatomiste de son tems. Si l'on considere de plus qu'une science ou un art ne commence à être science ou art, que quand les connoissances acquises donnent lieu de lui faire une langue ; on sera tenté de croire que ce ne fut guere que sous Hérophile que l'Anatomie devint un art.

Erasistrate passe pour contemporain d'Hérophile ; il se fit aussi un nom célebre par ses connoissances anatomiques. On croit qu'Hérophile & Erasistrate oserent les premiers ouvrir des corps humains, autorisés par les Antiochus & Ptolemées, princes savans, & par conséquent protecteurs de ceux qui l'étoient. La principale découverte d'Erasistrate est celle de certains vaisseaux blancs, qu'il apperçut dans le mésentere des chevreaux qui tetent ; il reconnut dans sa vieillesse que tous les nerfs partent du cerveau. Il décrivit fort exactement les membranes qui sont aux orifices du coeur, que nous nommons ranules, & que ses disciples appellerent tricuspidales. Ce n'est pas ici le lieu de faire mention de sa Physiologie ; il savoit que l'urine se sépare dans les reins, & il redressa Platon sur l'usage de la trachée-artere, par laquelle ce philosophe & d'autres croyoient que la boisson alloit rafraîchir les poumons.

Après Hérophile & Erasistrate, ces deux fondateurs de l'art Anatomique, parurent Lycus, Quintus, Marinus, dont il ne nous est parvenu que la réputation de grands anatomistes dont ils ont joüi. On voit à plusieurs traits épars dans les ouvrages de Celse, qu'il s'étoit occupé de l'Anatomie. On en peut dire autant de Pline le Naturaliste, aussi-bien que de son neveu.

Aretée fit trop de cas de cet art pour l'avoir ignoré. Selon Aretée, le coeur est le siége de l'ame : les poumons ne peuvent jamais être par eux-mêmes susceptibles de douleur. La pulsation de l'artere est la cause du mouvement progressif du sang. Aretée fait partir les veines du foie : il y fait engendrer la bile. L'estomac est la source de la peine & du plaisir ; le colon contribue à la coction des alimens. Il y a aux intestins & à l'estomac deux tuniques couchées obliquement l'une sur l'autre : les reins sont des corps glanduleux. Le reste de sa Physiologie est fondé sur les connoissances anatomiques qu'on avoit avant lui. C'étoit un système composé de ceux d'Hippocrate, d'Hérophile & d'Erasistrate : on a dit de lui qu'il n'avoit embrassé aveuglément aucun parti ; qu'il n'étoit admirateur enthousiaste de personne, & qu'il étoit pour la vérité contre toute autorité.

Rufus l'Ephésien, qui vécut sous les Empereurs Nerva & Trajan, est le premier anatomiste célebre qui se présente après Aretée ; on infere de quelques endroits des livres qui nous restent de lui, que les nerfs qu'on a depuis appellés récurrens, étoient récemment découverts, & qu'il avoit apperçû dans la matrice quelques vaisseaux, dont ses prédécesseurs n'avoient pas fait mention.

Galien succéda à Rufus. On ne voit pas que l'Anatomie ait fait de grands progrès depuis Hippocrate jusqu'à Hérophile & Erasistrate, ni depuis ces deux derniers jusqu'à Galien. On s'occupa dans tous les tems qui précéderent ces deux anatomistes, depuis Hippocrate, & dans ceux qui les suivirent jusqu'à Galien, au défaut de cadavres qu'on pût disséquer pour augmenter le fonds des connoissances anatomiques, à combiner ces connoissances, & à former des conjectures physiologiques. Plus on suit attentivement l'histoire des Sciences & des Arts, plus on est disposé à croire que les hommes font très-rarement des expériences & des systèmes en même tems. Lorsque les esprits sont tournés vers les connoissances expérimentales, on cesse de raisonner ; & alternativement, quand on commence à raisonner, les expériences restent suspendues.

Mais on apperçoit évidemment ici l'obstacle qui arrêta les dissections anatomiques. Dans les tems qui suivirent ceux d'Hérophile & d'Erasistrate, on brûloit plus attentivement que jamais les cadavres chez les Romains ; la religion & les lois civiles faisoient respecter les corps morts sous les peines les plus séveres ; les Anatomistes en furent réduits à des hasards inopinés ; il leur fallut trouver ou des tombeaux ouverts ou des malfaiteurs exposés. Les enfans abandonnés en naissant furent leur plus grande ressource, & ce fut dans les ouvrages des Anatomistes, sur les grands chemins, sur les enfans exposés, sur les animaux, & sur-tout sur les singes, que Galien s'instruisit en Anatomie. Il nous a laissé deux ouvrages qui l'ont immortalisé ; l'un est intitulé administrations anatomiques, & l'autre de l'usage des parties du corps humain. Il dit qu'en les écrivant, il compose un hymne à l'honneur de celui qui nous a faits ; & j'estime, ajoûte-t-il, que la solide piété ne consiste pas tant à sacrifier à Dieu une centaine de taureaux, qu'à annoncer aux hommes sa sagesse & sa toute-puissance. On voit, en parcourant ces ouvrages, que Galien possédoit toutes les découvertes anatomiques des siecles qui l'avoient précédé, & que s'il n'y en ajoûta pas un grand nombre d'autres sur l'anatomie du corps humain, ce fut manque d'occasions & non d'activité. Trompé par la ressemblance extérieure de l'homme avec le singe, il a souvent attribué à celui-ci ce qui ne convenoit qu'à celui-là ; c'est du reste le seul reproche qu'on lui fasse.

Soranus, contemporain de Galien, anatomisa la matrice : Théophile Protospatarius écrivit de la structure du corps humain ; dans une analyse des traités anatomiques de Galien, il dit que la premiere paire de nerfs qui partent des premiers ventricules du cerveau, s'étend aux narines ; qu'il y a deux muscles employés pour fermer les paupieres, & un seul pour les ouvrir ; que la substance de la langue est musculeuse ; qu'il y a un ligament fort qui embrasse les vertebres, & que cela est commun à toutes les autres articulations. Oribase, singe de Galien, ne nous a rien laissé qu'on ne trouve dans les ouvrages de son modele, si l'on en excepte la description des glandes salivaires. Théophile écrivit de l'Anatomie sous l'empereur Heraclius.

Nemesius, évêque d'Emissa en Phénicie, disoit sur la fin du quatrieme siecle, que la bile n'existoit pas dans le corps pour elle même, mais pour la digestion, l'éjection des excrémens, & d'autres usages ; idée dont Sylvius de le Boë se vantoit long-tems après.

Suivirent les tems d'ignorance & de barbarie, pendant lesquels l'Anatomie éprouva le sort des autres sciences & des autres arts. Il s'écoula des siecles sans qu'il parût aucun anatomiste ; & l'on est presqu'obligé de sauter depuis Nemesius d'Emissa, jusqu'à Mundinus de Milan, sans être arrêté dans cet intervalle de plus de neuf cens ans, par une seule découverte de quelqu'importance.

Mundinus tenta de perfectionner l'Anatomie : il disséqua beaucoup ; il écrivit : mais au jugement de Douglas & de Freind, il écrivit peu de choses nouvelles ; il avança que les testicules des femmes sont pleins de cavités & de caroncules glanduleuses, & qu'il s'y engendre une humidité assez semblable à de la salive ; d'où naît le plaisir de la femme, qui la répand dans l'acte vénérien ; que la matrice est distribuée en sept cellules ; que son orifice ressemble à un bec de tanche ; & qu'il y a à l'orifice du vagin une membrane qu'il appelle velamentum : auroit-il voulu désigner l'hymen ? Une réflexion qui nous est suggérée par ce mêlange de choses fausses & vraies, c'est qu'il semble que les yeux avec lesquels les auteurs ont vû certaines choses, ne sont pas les mêmes yeux que ceux avec lesquels ils en ont observé d'autres.

Mais je n'aurois jamais fini si j'insistois sur tous les anatomistes des siecles où je vais entrer. Cet art, qu'on avoit si long-tems négligé, fut tout-à-coup repris avec enthousiasme. Les différentes parties des cadavres humains suffirent à peine à la multitude des observateurs : de-là vint que les mêmes découvertes se firent souvent en même tems dans des lieux fort éloignés, & par plusieurs anatomistes à la fois ; & qu'on est très-incertain à qui il faut les attribuer. J'avertis donc ici que je ne prétens dépouiller personne de ce qui lui appartient, & qu'on me trouvera tout disposé à restituer à un auteur ce que je lui aurai ôté, au premier titre de propriété qui me sera produit en sa faveur. Après cette protestation, qui m'a paru nécessaire, je vais poursuivre avec rapidité l'histoire de l'Anatomie, n'insistant sur les découvertes que lorsqu'elles le mériteront par leur importance, & me conformant à l'ordre chronologique de la premiere édition de leurs principaux ouvrages.

Jean de Concorriggio, Milanois, anatomisa en 1420, & ses oeuvres furent publiées à Venise en 1515 : Vesale en 1514 ; André Vesale, natif de Bruxelles, dont le mérite anatomique excita la jalousie des premiers hommes de son tems, & qui donna à ses ouvrages tant de solidité, qu'ils ont résisté à toutes leurs attaques.

On pourroit distribuer l'histoire générale de l'Anatomie en cinq parties : la premiere comprendroit depuis la création jusqu'à Hippocrate ; la seconde, depuis Hippocrate jusqu'à Hérophile & Erasistrate ; la troisieme, depuis Hérophile & Erasistrate jusqu'à Galien ; la quatrieme, depuis Galien jusqu'à Vesale ; & la cinquieme, depuis Vesale jusqu'à nous.

Vesale découvrit le ligament suspenseur du penis, & rectifia un grand nombre de notions auxquelles on étoit attaché de son tems, & qu'il eut le courage d'attaquer, malgré l'autorité de Galien dont elles étoient appuyées.

Achillinus de Bologne parut en 1521 : on lui attribue la découverte du marteau & de l'enclume, deux petits os de l'oreille interne. Dans la même année, Berenger de Carpi, qui guérit le premier le mal vénérien par les frictions mercurielles, & découvrit l'appendice du coecum, les caroncules des reins, ce qu'il appelloit corps glanduleux, & la ligne blanche, qu'il nomme ligne centrale. En 1524, Jason Desprez : Alexander Benedictus de Vérone, en 1527 : en 1530, Nicolas Massa, qui nous a laissé une description très-exacte de la cloison du scrotum ; & dans la même année, Michel Servet, Espagnol, homme d'un génie peu commun, qui entrevit la circulation du sang, ainsi qu'il paroît par des passages tirés d'ouvrages qui ont été funestes à l'auteur, & dont les titres ne promettent rien de semblable : l'un est de Trinitatis erroribus ; & l'autre, Christianismi restitutio. Volcher Coyter, en 1534 ; il naquit à Groningue, & fit les premieres observations sur l'incubation des oeufs, travail que Parisanus continua long-tems après : en 1536, Guinterus d'Andernach, qui nomma pancreas le corps glanduleux de ce nom, & découvrit la complication de la veine & de l'artere spermatique : en 1537, Louis Bonnaccioli, qui décrivrit les nymphes & le clitoris, comme des parties distinctes : Vassée de Catalogne, en 1540 : Jean Fernel, d'Amiens, en 1542 : Charles Etienne, de la faculté de Paris, & Thomas Vicary, de Londres, en 1545 : en 1548, Arantius, & Thomas Gemini, qui pensa voler à Vesale ses planches anatomiques, dont il n'étoit que le graveur : en 1551, Jacques Sylvius, qui apperçut le premier les valvules placées à l'orifice de la veine azygos, de la jugulaire, de la brachiale, de la crurale ; & au tronc de la veine cave qui part du foie, le muscle de la cuisse appellé le quarré, l'origine du muscle droit, &c. en 1552, André Lacuna : en 1556, Jean Valverda, qui mérite une place parmi les Anatomistes, moins par ses découvertes que par son application à l'Anatomie ; il eut l'honneur de faire passer cet art d'Italie en Espagne ; honneur stérile, car il n'y fructifia pas. Réal Colomb, de Crémone, en 1559 ; en 1661, Ambroise Paré, qui n'eût pas été si grand chirurgien s'il n'eût été grand anatomiste ; & Gabriel Fallope, qui a donné son nom à une des dépendances de la matrice, qu'on prétend avoir été connue d'Herophile & de Rufus d'Ephese.

En 1563, Barthelemi Eustachi, dont les planches anatomiques sont si célebres, qui décrivit le premier avec exactitude le canal torachique, apperçut la valvule placée à l'orifice de la veine coronaire dans le coeur, & découvrit le troisieme os de l'oreille interne, & les glandes appellées renes succincturiati, reins succeinturiaux.

En 1565, Botal, dont le passage du sang dans le foetus de l'oreillette droite dans l'oreillette gauche, porte le nom : en 1573, Jules Jassolin, auteur d'une excellente ostéologie, extrèmement rare. Dans la même année, Constantius Varole, de Bologne, qui fit la découverte de la valvule du colon, divisa le cerveau en trois parties, apperçut des glandes dans le plexus choroïde, & appella de son nom le plexus transversal du cerveau le pont de Varole : en 1574, Jean-Baptiste Carcanus, Milanois, qui donna le nom de trou oval au passage que Botal avoit découvert : en 1578, Jean Banister : Felix Platerus, de Bâle, en 1583. Dans la même année, Salomon Albert, qui disputa à Varole la découverte du colon : en 1586, Archange Piccolhomini, Ferrarois, qui divisa la substance du cerveau en médullaire & en cendrée, & fit d'autres découvertes : en 1588, Caspar Bauhin, de la même ville, qui ne fut pas moins grand anatomiste qu'habile botaniste : en 1593, André du Laurent, & André Caesalpin qui pressentit la circulation du sang, mais d'une maniere si obscure qu'on ne songea à lui faire honneur de cette découverte que quand on en connut toute la certitude & toute l'importance, & qu'il ne fut plus question que de l'ôter à celui qui l'avoit faite : en 1597, Jean Postius, né à Germersheim : en 1600, Fabricius ab Aquapendente, ainsi appellé d'une petite ville du Milanez où il naquit ; il fut disciple de Fallope, à qui il succéda en 1565 dans une chaire d'Anatomie : il remarqua les valvules des veines, parla le premier de l'enveloppe charnue de la vessie, & tenta de réduire en système les phénomenes de la génération.

En 1603, Philippe Ingrassias, Sicilien, qui décrivit exactement l'os ethmoïde, & découvrit l'étrier de l'oreille ; en 1604, Horstius & Cabrole ; en 1605, Graseccius ; en 1607, Riolan, l'habile & jaloux Riolan, qui contesta plus de découvertes encore qu'il n'en fit : il remarqua les appendices graisseuses du colon, nomma les canaux hépatiques & cystiques du foie, & s'apperçut du pli du canal cholédoque.

Parurent en 1611, Vidus Vidius, & Gaspard Bartholin, qui s'arrogea la découverte des vaisseaux lymphatiques ; en 1615, Gaspard Hoffman & Paaw ; en 1617, Gregoire Horstius ; Fabricius Bartholet, en 1619 ; dans la même année, Pierre Lauremberg, Glandorp, grand chirurgien, Jean Remmelin, & Hoffman, qui a travaillé jusqu'en 1667 ; en 1622, Asellius de Crémone, qui découvrit les veines lactées ; Richard Banister, dans la même année ; en 1623, Aemilius Parisanus, qui a fait le second des expériences sur l'incubation des oeufs ; en 1624, Melchior Sebizius ; Adrien Spigelius, en 1626 ; Louis Septale, en 1628 ; dans la même année, Alexander Massarias, qui a travaillé jusqu'en 1634 ; & l'immortel Harvey, qui fit la découverte de la circulation du sang : découverte qui bannit de la Physiologie la chaleur innée, l'esprit vital, l'humide radical, &c.

En 1640, Besler, qui a écrit sur les parties de la génération de la femme ; en 1641, Thomas Bartholin, Vesling ; & Wirsung, qui nous a appris que le pancréas avoit un conduit ; en 1642, Jean Bont ; Sheneider, qui a traité de la fabrique du nez, de la membrane pituitaire, &c. en 1643 : Rubbeck, en 1650, qui partage avec Bartholin l'honneur de la découverte des vaisseaux lymphatiques : en 1651, Highmore & Antoine Deusing ; en 1652, Molinettus ; Dominique de Marchettis ; Warthon, qui découvrit les glandes salivaires inférieures ; & Pecquet, qui découvrit le canal torachique, & annonça le réservoir qui porte son nom : réservoir beaucoup plus remarquable dans les animaux que dans l'homme, où il n'a pas une forme & une capacité bien décidées.

En 1653, Lyser, qui a éclairci la méthode de disséquer ; en 1654, Jean-Christophe Volckhammer, Glisson & Hemsterhuis ; Rolfenck, en 1656 ; Henri Sigismond Schilling, en 1658 ; en 1659, Vigier & Charleton ; Van-Horne, en 1660 ; en 1661, Stenon, qui découvrit les conduits salivaires supérieurs ; en 1664, Willis qui perfectionna l'anatomie des nerfs & celle du cerveau ; en 1665, Jean Theophile Bonnet, qui recueillit ce que la plûpart des anatomistes avoit composé, & rendit un service aux Artistes, en mettant à leur portée des traités qui étoient devenus fort rares ; en 1666, Meibom ; Needham, qui a écrit sur la formation du foetus, en 1667 ; en 1668, Graaf, qui inventa la seringue à injecter, & qui fut l'auteur du système des oeufs dans les femelles vivipares, système engendré par l'analogie, & violemment attaqué par l'expérience.

En 1669, Jean Mayow, Hoboken, qui a bien écrit des enveloppes du foetus ; & Lower, dont on a un excellent traité sur le coeur ; Kerckringius, en 1670 ; en 1672, Drelincourt, Diemerbroeck, & Swammerdam, qui s'est attaché aux parties de la génération ; en 1674, Gerard Blasius, qu'on peut consulter sur l'Anatomie comparée ; en 1675, Briggs, qui décrivit l'oeil & apprit à le disséquer ; en 1680, Borelli, qui tenta d'assujettir en calcul les mouvemens des animaux ; effort qui, s'il n'a pas été fort utile au progrès de la Medecine & de l'Anatomie, a du moins fait beaucoup d'honneur à son auteur, & en général à l'esprit humain. Dans la même année, Verle, & Rivin qui a des prétentions sur la découverte de quelques conduits salivaires.

En 1681, Grew & Dupré ; Stockhammer, en 1682 ; en 1683, Bellini, & Duverney qui exposa la structure de l'oreille dans un traité dont on fait encore aujourd'hui très-grand cas ; Brown, & Shelhammer qui a étudié l'oreille, en 1684 ; en 1685, Brunner, qui a examiné les glandes ; Bidloo & Wieussens, qui a travaillé utilement sur les nerfs ; en 1686, Leal Lealis Jean Bohn, Ent, & Malpighi, non moins grand physicien qu'habile anatomiste, observateur en tout genre, & le premier presque qui eût assez bien vû, pour compter sur ses observations ; Muralto, en 1688 ; Haverds ; dont on a un ouvrage sur la moelle des os, en 1691 ; en 1692, Nuck, qui ayant observé avec plus d'attention que ses prédécesseurs, la structure & la destination des vaisseaux lymphatiques, les compara à des syphons, qui pompent d'un coté le fluide, & le déposent de l'autre dans la masse du sang ; en 1693, Verheyen, qui fit dans sa jeunesse tant d'observations sur la semence.

En 1694, Gibbon & Cowper, qui découvrit les glandes de l'urethre, qui portent son nom ; Dionis & Ridley, qui a bien connu le cerveau, en 1695 ; en 1696, Leuwenhoeck dont on a une infinité d'observations microscopiques ; Posthius, en 1697 ; en 1701, Paschioni, Berger & Fantonus ; Valsalva, en 1704 ; Francus de Franckenau, en 1705 ; en 1706, Morgagni, dont on a des choses nouvelles sur la langue, le pharynx, l'épiglotte, les glandes sebacées, l'utérus, le vagin, les mammelles, &c. en 1707, Drake, Keill & Douglas, qui a fait voir que quoique le conduit de la glande parotide fût coupé, on pouvoit, quand l'extrémité coupée étoit encore assez proche, la ramener dans la bouche & guérir la plaie.

En 1709, Lister, Hovius, qui a écrit sur les humeurs des yeux, en 1710 ; Goelicke, en 1713 ; Lancisi, qui s'est particulierement illustré par la publication des tables d'Eustachi, en 1714 ; en 1719, Heister, chirurgien & medecin si célebre ; en 1721, Ruisch, qui poussa l'art des injections si loin, art dont la perfection a confirmé tant de découvertes anciennes, & occasionné celle de tant de vérités inconnues ; en 1724, Santorini ; en 1726, Bernard Siegfried Albinus, qui a une connoissance si étendue de tout le corps anatomique, & qui s'est fait une si grande réputation par ses tables & par l'édition qu'il a donnée de celles d'Eustachi ; en 1727, Haller, savant en Anatomie & en Physiologie ; le célebre Monro, en 1730 ; Nichols, en 1733 ; Cassebohm, qui a bien connu l'oreille, en 1734 ; enfin Boerhaave, l'Esculape de notre siecle, celui de tous les Medecins, qui a le mieux appliqué l'Anatomie & la Physiologie à la théorie & à la pratique ; & tant d'autres parmi les anciens & les modernes, tels que Casserius, Bourdon, Palfin, Lieutaud, Cant, &c. à qui leurs ouvrages feront plus d'honneur que mes éloges, & qui par cette raison ne devroient point être offensés de mon oubli.

Mais je serois impardonnable, & l'on pourroit m'accuser de manquer à ce que je dois à nos Académies, si je ne faisois mention de notre Winslow, qui vit encore, & dont le traité passe pour le meilleur qu'on ait sur les parties solides ; notre Morand, si connu par ses lumieres & ses opérations ; notre Bertin, qui a si bien expliqué les reins ; notre Senac, à qui le traité sur le coeur, qu'il nous a donné récemment, assûrera dans les siecles à venir la réputation de grand Physicien & de grand Anatomiste ; notre Ferrein, un des hommes qui entend le mieux l'oeconomie animale, & dont les découvertes sur la formation de la voix & des sons n'en sont devenues que plus certaines pour avoir été contestées ; & les auteurs de l'Histoire naturelle, dont le second volume est plein de vûes & de découvertes sur l'Anatomie & la Physiologie.

Voilà les hommes utiles auxquels nous sommes redevables des progrès étonnans de l'Anatomie. Si nous n'ignorons plus quelles sont les voies étroites qu'ont à suivre les liqueurs qui se séparent de nos alimens ; si nous sommes en état d'établir des regles sur la diete ; si nous pouvons rendre raison du retour difficile de la lymphe ; si nous savons comment par des obstructions causées dans les vaisseaux qui les portent, ces vaisseaux sont distendus ou relâchés, & comment il s'ensuit une hydropisie plus ou moins considérable, suivant que ces vaisseaux sont plus ou moins gros ; si nous nous sommes assûrés des propriétés de l'humeur pancréatique, & si nous avons vû disparoître le triumvirat & toutes les visions de Vanhelmont, de Sylvius de le Boë sur la fermentation nécessaire à la digestion ; si nous avons vû cesser les suites fâcheuses des blessures du conduit de la parotide ; si nos humeurs sont débarrassées de ces millions d'animalcules dont elles fourmilloient ; si le réservoir de la semence de la femme nous est enfin connu ; si l'homogénéité de cette semence, de celle de l'homme, & d'une infinité d'extraits de substances animales & végétales, est constatée ; si tant d'imaginations bisarres sur la génération viennent enfin de disparoître, &c. c'est aux découvertes des Anatomistes dont nous venons de parler, que nous en avons l'obligation.

Ces découvertes sont donc de la derniere importance. La moindre en apparence peut avoir des suites surprenantes. C'est ce pressentiment qui occasionna sans doute entre les Anatomistes des contestations si vives sur la ramification d'une veine ou d'une artere, sur l'origine ou l'insertion d'un muscle, & sur d'autres objets dont la recherche ne paroît pas fort essentielle au premier coup d'oeil.

Une conséquence de ce qui précede, c'est qu'il n'y a rien à négliger en Anatomie, & que plus l'art des dissections s'est perfectionné, plus l'art de guérir est devenu lumineux. Par quel penchant au paradoxe semble-t-on cependant mettre en question si les connoissances d'Anatomie subtile & recherchée ne sont pas superflues ? est-ce sincerement qu'on ferme les yeux sur les avantages de la connoissance de la distribution des plus petits canaux des arteres & des veines, & de la communication de ces vaisseaux les uns avec les autres ? n'est-ce pas l'injection qu'on y fait qui a completté la démonstration de la circulation du sang ? Un homme sans étendue d'esprit & sans vûes lit un recueil d'observations microscopiques ; & du haut de son tribunal, il traite l'auteur d'homme inutile, & l'ouvrage de bagatelle. Mais que dira ce juge de nos productions, quand il verra ces observations qu'il a tant méprisées, devenir le fondement d'un édifice immense ? Il changera de ton ; il fera l'éloge du second ouvrage, & il ne s'appercevra seulement pas qu'il est en contradiction, & qu'il éleve aujourd'hui ce qu'il déprimoit hier.

Les palettes & la spirale sont les parties les plus déliées d'une montre, mais n'en sont pas les moins importantes. Assûrons-nous des découvertes : mais gardons-nous de rien prononcer sur leurs suites, si nous ne voulons pas nous exposer à faire un mauvais rôle. Sans la connoissance de l'Anatomie déliée, combien de cures qu'on n'eût osé tenter ! Valsalva raconte qu'une dame se luxa une des cornes de l'os hyoide, & que la suite de cet accident fut de l'empêcher d'avaler. Le grand Anatomiste soupçonna tout d'un coup cette luxation & la réduisit. Il y a donc des occasions où la connoissance des parties les plus petites devient nécessaire. Mais de quelle importance ne seroit-il pas de découvrir, si l'air porté dans le poumon suit cette voie pour se mêler au sang ; si la substance corticale du cerveau n'est que la continuation des vaisseaux qui se distribuent à ce viscere ; si ces vaisseaux portent immédiatement le suc nerveux dans les fibres médullaires ; quelle est la structure & l'usage de la rate ; celle des reins succeinturiaux ; celle du thymus ? &c.

Contestera-t-on à Boerhaave que si nous étions mieux instruits sur les parties solides, & si la nature des humeurs nous étoit bien développée, les lois des Méchaniques nous démontreroient que ces effets inconnus de l'économie animale qui attirent toute notre admiration, peuvent se déduire des principes les plus simples ? Quoi donc, n'est-il pas constant que dans la nature où Dieu ne fait rien en vain, la moindre configuration a sa raison ; que tout tient par des dépendances réciproques, & que nous n'avons rien de mieux à faire que de pousser aussi loin que nous le pourrons l'étude de la chaîne imperceptible qui unit les parties de la machine animale, & qui en forme un tout ; en un mot, que plus nous aurons d'observations, plus nous serons voisins du but que l'Anatomie, la Physiologie, la Medecine & la Chirurgie doivent se proposer conjointement.

Mais puisque l'étude de l'Anatomie, même la plus déliée, a des usages si étendus ; puisqu'elle offre un si grand nombre de découvertes importantes à tenter, comment se fait-il qu'elle soit négligée, & qu'elle languisse, pour ainsi dire ? Je le demande aux maîtres dans l'art de guérir, & je serois bien satisfait d'entendre là-dessus leurs réponses.

Nous avons défini l'Anatomie ; nous en avons démontré l'utilité dans toutes les conditions ; nous avons exposé ses progrès le plus rapidement qu'il nous a été possible, pour ne pas tomber dans des répétitions, en nous étendant ici sur ce qui doit former ailleurs des articles séparés. Nous avons indiqué des découvertes à faire. Nous allons passer aux distributions différentes de l'Anatomie.

On divise l'Anatomie, relativement au sujet dont l'Anatomiste s'occupe, en humaine & en comparée. L'Anatomie humaine, qui est absolument & proprement appellée Anatomie, a pour objet, ou, si l'on aime mieux, pour sujet le corps humain. C'est l'art que plusieurs appellent Anthropologie.

L'Anatomie comparée est cette branche de l'Anatomie qui s'occupe de la recherche & de l'examen des différentes parties des animaux, considérées relativement à leur structure particuliere, & à la forme qui convient le mieux avec leur façon de vivre & de satisfaire à leurs besoins. Par exemple, dans l'Anatomie comparée des estomacs, on observe que les animaux qui ont de fréquentes occasions de se nourrir, ont l'estomac très-petit, en comparaison de certains animaux qui évités par les autres animaux qu'ils dévorent, se trouvent souvent dans la nécessité de jeûner, & à qui il semble que par cette raison la nature ait donné un estomac capable de contenir de la nourriture pour long-tems. Voyez ESTOMAC & RUMINATION.

Dans l'Anatomie comparée, on examine les brutes & même les végétaux, afin de parvenir, par la comparaison de ce qui s'y passe avec ce qui se passe en nous, à une plus parfaite connoissance du corps humain. C'est la méthode qu'Aristote a suivie. On diroit qu'il n'a immolé tant d'animaux que pour en rapporter la structure à celle de l'homme. Mais qu'on se propose ce but ou non, l'examen qu'on fera des parties des brutes par la dissection, s'appellera toûjours Anatomie comparée.

Si l'on fait attention à la multitude infinie d'animaux différens qui couvrent la surface de la terre, & au petit nombre de ceux qu'on a disséqués, on trouvera l'Anatomie comparée bien imparfaite.

Le sujet de l'Anatomie ou le corps, se divise en parties organiques, & en parties non organiques ; en parties similaires, & en parties dissimilaires, spermatiques, &c. Voyez ORGANIQUE, SIMILAIRE, SPERMATIQUE.

La division la plus ordinaire est celle qu'on fait en parties solides, & en parties fluides ; ou en parties qui contiennent, & en parties qui sont contenues. Voyez SOLIDE, FLUIDE.

Les parties solides sont les os, les nerfs, les muscles, les arteres, les veines, les cartilages, les ligamens, les membranes, &c.

Les parties fluides sont le chyle, le sang, le lait, la graisse, la lymphe, &c.

Voyez à leurs articles, OS, NERF, MUSCLE, ARTERE, VEINE, &c. CHYLE, SANG, LAIT, &c.

Quant à l'art d'anatomiser, voyez ANATOMIQUE. Voyez DISSECTION, DISSEQUER.

Il ne nous reste plus pour achever cet article, & offrir en même tems au lecteur un traité d'Anatomie aussi complet qu'il puisse le desirer, que d'ajoûter ici l'explication de nos Planches. Cette explication formant proprement l'Anatomie, seroit trop étendue pour pouvoir être placée vis-à-vis de nos figures ; & nous ne lui trouverons aucun lieu plus convenable que celui-ci. Ces Planches ont été dessinées, les unes d'après nature, les autres d'après les Anatomistes les plus célebres. Elles sont au nombre de vingt, & contiennent plus de deux cens figures.

PLANCHE PREMIERE.

Figure 1. de VESALE, représente le squelete vû en-devant.

a l'os du front, ou le coronal, b la suture coronale. c le pariétal gauche. d la suture écailleuse. e f g l'os temporal. f l'apophyse mastoïde. e l'apophyse zigomatique. h les grandes ailes de l'os sphénoïde, ou l'apophyse temporale. i i les os de la pomette. k la face des grandes ailes qui se voit dans les fosses orbitaires. l l'os planum. m l'os unguis. n l'apophyse montante de l'os maxillaire. o les os du nez. p la cloison du nez. q q les os maxillaires. r r la mâchoire inférieure. s le trou sourcilier. t le trou orbitaire inférieur. u la cinquieme. x la sixieme vertebre du cou. y le trou de leur apophyse transverse. z le trou mentonnier. 1 2 3 le sternum. 1 la piece supérieure qui reste toûjours séparée de celle qui suit. 2 la partie moyenne, qui dans l'adulte n'est composée que d'une seule piece, & de cinq à six dans les jeunes sujets. 3 le cartilage xiphoïde. 4 les clavicules. 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, les vraies côtes. 12, 13, &c. les fausses. 15, 16, 17, 18, les cartilages qui unissent les vraies côtes au sternum. 19 la derniere vertebre du dos. 20, 21, les cinq vertebres des lombes.

, , leurs apophyses transverses. 22 22, l'os sacrum. , les trous de l'os sacrum. 23 l'omoplate. 24 l'os du bras ou l'humerus. 25 le rayon ou radius. 26 l'os du coude ou le cubitus. 27 le carpe. 28 le métacarpe. 29 les doigts qui sont composés chacun de trois os nommés phalanges. 30, 31, 32, les os innominés ou les os des hanches. 30 l'os ileum, 31 l'os pubis. 32 l'os ischium. 33 le trou ovalaire. 34 le fémur. sa tête. son cou. le grand trochanter. le petit trochanter. le condyle interne. le condyle externe. 35 la rotule. 36 le tibia. le condyle externe. le condyle interne. l'empreinte ligamenteuse où s'attache le ligament de la rotule. la cheville ou la malléole interne. 37 le peroné. la malléole externe. 38 le tarse. + l'astragal. le calcaneum. le naviculaire. les trois cunéiformes. 39 le métatarse. 40 les doigts qui sont composés chacun de trois os nommés phalanges.

Figure 2. représente la tête du squelete, vûe dans sa partie inférieure.

A B B a a I I M L l'occipital. A le trou occipital. B, B, les condyles de cet os. a, a, les trous condyloïdiens postérieurs. M l'épine. 1, 1, les tubérosités qui s'observent à côté de cette épine. L la tubérosité occipitale. N N la suture lambdoïde. 22 le pariétal. C D E G c d e f g 33 l'os temporal. C l'apophyse mastoïde. D l'apophyse styloïde. E l'apophyse zigomatique. G l'apophyse transverse. e la rainure mastoïdienne dans laquelle s'attache le digastrique. d le conduit de la carotide. e l'extrémité du rocher. f la fosse articulaire. g le trou auditif externe. 33 une partie de la fosse temporale. O O la suture zigomatique. F P 5 l'os de la pomette. F l'apophyse zigomatique de cet os, qui avec celle de l'os des tempes E forme l'arcade zigomatique. E F P suture formée par l'articulation de l'os de la pomette avec l'os maxillaire. 5 une partie de la fosse zigomatique. h H I K V X 4 l'os sphénoïde. H, I, K, les apophyses ptérigoïdes, V, X, 4, les grandes ailes. H l'aile externe. I l'aile interne. K le petit crochet qui s'observe à l'extrémité de l'aile interne. h la fosse ptérigoïdienne. 4 le trou oval. X le trou épineux. V la fente sphéno-maxillaire. Q R S i k l 77 le palais, ou les fosses palatines. 77 les os du palais. l, l, les os maxillaires. R R articulation de ces os avec les os du palais. S articulation des os du palais entr'eux. Q articulation des os maxillaires entr'eux. i, i, les trous palatins, ou trous gustatifs postérieurs. K le trou incisif, ou trou gustatif antérieur. 8 la partie postérieure des cornets inférieurs du nez. 9 la partie postérieure des cornets inférieurs de l'os ethmoïde. 10 l'os vomer. T articulation de cet os avec l'os sphénoïde. m articulation de cet os avec les os du palais. 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, les dents. 11, 12, 13, 14, 15, les dents molaires. 16 la canine. 17, & 18, les deux incisives.

Les Figures 3, 4, 5, représentent des squeletes de foetus de différens âges.

PLANCHE II.

Figure 1. de VESALE. Elle représente le squelete vû de côté.

a A B le coronal. B la suture coronale. A la tubérosité surciliere. a le trou surcilier. C le pariétal. D l'empreinte musculaire du temporal. E la suture écailleuse. F la portion écailleuse de l'os des tempes. G l'occipital. H le trou mastoïdien postérieur. I l'apophyse mastoïde. K le trou auditif externe. L l'apophyse zygomatique de l'os des tempes. M l'apophyse zygomatique de l'os de la pommette. L M l'arcade zygomatique. N l'os de la pommette. O l'apophyse orbitaire de l'os de la pommette. P la fosse zygomatique. Q la fosse temporale. R l'orbite. S l'apophyse montante de l'os maxillaire. T les os du nez. V la fosse maxillaire. S V l'os maxillaire. X le condyle de la mâchoire inférieure. Y l'apophyse coronoïde. Z le trou mentonnier. b l'entrée des fosses nasales. c le métacarpe. d les doigts. e le second rang des os du carpe. f le troisieme rang des os du carpe. g le cubitus. h le radius. i la tête du radius. k l'olécrane. l l'apophyse coronoïde du cubitus. m le condyle externe de l'humerus. n son condyle interne. o la marque de l'endroit où la tête de l'humerus est séparée de cet os dans le foetus. p la tête de l'humerus. q r s t u x y z l'omoplate. q la fosse sous-épineuse. r la fosse sus-épineuse. s l'acromion. t l'apophyse coracoïde. u l'angle postérieur supérieur. x s l'épine de l'omoplate. y l'angle postérieur inférieur. z le col de l'omoplate. 1 la clavicule. 2, 3, 4, 5, 6, 7, les différentes pieces du sternum dans les jeunes sujets. 8, 9, les deux pieces dont le cartilage xiphoïde est quelquefois composé. 0, 11, 12, 13, 14, 15, 16, & 21, les cartilages des côtes. t t endroits où ces cartilages sont unis avec les côtes. 22, 23, & 33, les côtes. 34 la premiere vertebre du cou. 35, 36, 37, les vertebres du cou. 38 l'apophyse épineuse. 39 les apophyses transverses. 40 intervalle entre deux vertebres pour le passage des nerfs. 41, 41, 41, &c. les cinq vertebres lombaires. 42 les os des îles. 43 une partie de l'os sacrum. 44 le coccyx. 45 le fémur. 46 l'os ischion. 47 l'os pubis. 48 la tête du fémur. 49 son cou. 50 le grand trochanter. 51 le condyle externe du fémur. 52 le condyle interne. + la rotule. 53 54 55 le tibia. 54 la tubérosité où s'attache le ligament de la rotule. 55 la malléole interne. 56 le peroné. 57 la malléole externe. 58 l'astragal. 59 le calcaneum. 60 le cuboïde. 61 le naviculaire. 62 le moyen cunéiforme. 63 le petit cunéiforme. 64 le grand cunéiforme. 65 le métacarpe. 66 les doigts.

Figure 2. représente la base du crane.

a b c c le coronal. a l'épine du coronal coupée. b les sinus frontaux. c, c, les fosses antérieures de la base du crane. e e f f l'os ethmoïde. d l'apophyse crista-galli. e, e, f, f, les trous qui percent de chaque côté la lame. e f g h i k l m n o l'os sphénoïde. g la fosse pituitaire. h, h, les petites ailes de l'os sphénoïde. i les apophyses clinoïdes antérieures. l, l, les apophyses clinoïdes postérieures. m la fente sphénoïdale. n le trou oval. o le trou épineux. m, n, o, les grandes ailes. p q le rocher. p le trou déchiré antérieur. q l'angle postérieur supérieur du rocher. m, n, o, p, q, les fosses moyennes de la base du crane. r le trou auditif. s le trou déchiré postérieur. t, t, t, les sinus latéraux. u la fin du sinus longitudinal. x le grand trou occipital. s, t, u, les fosses postérieures inférieures du coronal.

Figure 3. représente les dents dans leur entier.

1, 2, les incisives. 3 les canines. 4, 5, 6, 7, 8, les molaires. 9 9 9 le collet de la dent. 10 10 la couronne de la dent.

Figure 4. de CLOPTON HAVERS.

A A A A la partie antérieure du genou, séparée des autres. a, a, a, les grandes glandes muqueuses. b b b b la membrane capsulaire. c la rotule.

Figure 5. du même. Un petit sac de moelle qui est composée de petites vésicules.

Figure 6. du même. Glande muqueuse tirée du sinus de la partie inférieure de l'humérus.

PLANCHE III.

Figure 1. de VESALE. Elle représente le squelete vû en arriere.

1, 1, les pariétaux. 2 la suture sagittale. 3 6 le temporal. 3 la fosse temporale. 6 la fosse zygomatique. 4 4 la suture lambdoïde. 5 l'occipital. 7 l'arcade zygomatique. 8 9 10 la mâchoire inférieure. 8 son condyle. 9 l'apophyse coronoïde. 10 le trou mentonnier. + la tubérosité occipitale. 11, 11, 11, & 12, les sept vertebres du cou. 13, 14, &c. 24 les douze vertebres du dos. 25, & 29, les cinq vertebres des lombes. 30, 30, &c. les apophyses transverses. 31, 31, les apophyses épineuses. 32 l'articulation des apophyses transverses des vertebres du dos avec les côtes. 33 34 l'angle des côtes. 35 36 & 39 l'omoplate. 35 la fosse sous-épineuse. 36 & 37 l'épine de l'omoplate. 36 l'apophyse acromion. 38 la fosse sus-épineuse. 39 l'angle antérieur de l'omoplate, qui reçoit dans la cavité glénoïde la tête de l'humérus. 40 41 42 & 44 l'humérus. 40 la tête de l'humérus. 41 empreinte musculaire, ou le deltoïde. 42 le condyle interne. 43 la poulie de cet os qui est reçûe dans la partie supérieure du cubitus. 44 petite fossette postérieure qui reçoit l'extrémité de l'olécrane. 48 49 & 57 l'os des îles. 52 48 51 la crête. 49 l'échancrure sciatique. 50 l'épine postérieure supérieure. 51 l'épine postérieure inférieure. 52 l'épine antérieure supérieure. 53 l'épine antérieure inférieure. 54 la tubérosité de l'ischion. 55 & 61 le fémur. 55 la tête du fémur. 56 le grand trochanter. 57 le petit trochanter. 58 & 59 la ligne âpre. 60 le condyle externe. 61 le condyle interne. 62 le cartilage intermédiaire de l'articulation. 63 64 66 67 le tibia. 63 le condyle externe. 64 le condyle interne. 67 la malléole interne. 65 68 le péroné. 68 la malléole interne. 69 l'astragal. 70 le calcaneum. 71 le cuboïde. 72 le moyen cunéiforme. 73 le petit cunéiforme. 74 le métatharse. 75 les doigts. 76 le scaphoïde. 77 le grand os cunéiforme, &c. comme dans la figure premiere de la planche premiere & seconde.

Figures 2. 3. 4. 5. 6. 7. & 8. représentent différens degrés d'ossification de l'os pariétal, par où l'on voit comment les intervalles entre les fibres osseuses se sont remplis par degrés.

PLANCHE IV.

Figure 1. d'ALBINUS.

a a les muscles frontaux. b une partie de l'aponevrose qui recouvre le muscle temporal. d une partie du muscle occipital gauche. c le muscle supérieur de l'oreille. d le muscle antérieur de l'oreille. e e l'orbiculaire des paupieres. f le tendon de ce muscle. g le muscle surcilier. h h les pyramidaux du nez. i l'oblique descendant du nez. k une partie du myrtiforme. l l le grand incisif. m le petit zygomatique. n le grand zygomatique. o le canin. p p le masseter. q le triangulaire de la levre inférieure. r le quarré de la levre inférieure. s s l'orbiculaire des levres. u u le peaussier. x x le sterno-mastoïdien. y y le clino-mastoïdien. z le sterno-hyoïdien. A le sterno-thyroïdien. B la trachée-artere. C D le trapeze. E le deltoïde. F le grand pectoral. G H I N le biceps. G la courte tête. N la longue. H son aponevrose coupée. I son tendon. K le long extenseur. L le court extenseur. M M le brachial interne. O le coraco brachial. P le long supinateur. Q le rond pronateur. R le radial interne. S le long palmaire. T l'aponevrose palmaire. V V le sublime. X le fléchisseur du pouce. Y les extenseurs du pouce. 1 le thenar. 2 le court palmaire. 3 l'hypothenar. 4 les ligamens qui retiennent les tendons des fléchisseurs des doigts. 5 le sublime ou le perforé. 6 le profond ou le perforant. 7 le meso-thenar. 8 8 le radial externe. 9 9 le long extenseur du pouce. 10 le court. 11 l'extenseur des doigts. 13 le muscle adducteur du pouce. 14 l'interosseux du doigt index. 15 le ligament annulaire externe.

le grand dorsal. 16, 16, 16, les digitations du grand dentelé. 17 17 le muscle droit du bas-ventre qui paroît à-travers l'aponevrose du grand oblique. 18 18 le grand oblique. 19 le ligament de Fallope. + l'anneau. 20 le testicule dans les enveloppes sur lesquelles le muscle cremaster s'étend. 21 l'aponevrose du fascia-lata. 22 le fascia-lata. 23 le couturier. 24 l'iliaque. 25 le psoas. 26 le pectinée. 27 le triceps supérieur. 28 grêle interne. 29 le droit antérieur. le triceps inférieur. 30 le vaste externe. 31 le vaste interne. 32 le tendon du couturier. 33 le tendon du grêle interne. 34 le cartilage inter-articulaire. 35 le ligament de la rotule. 36 le jambier antérieur. 37 l'extenseur commun. 38 le fléchisseur des doigts. 39 le fléchisseur du pouce. 40 le jambier postérieur. 41 ligament qui retient les fléchisseurs du pié. 42 les jumeaux. 43 le solaire. 44, 45, les ligamens qui retiennent les extenseurs du pié & des doigts. 46 le court extenseur des doigts. 47 le thenar.

Figure 2. d'ALBINUS.

A le ligament transversal du carpe. a partie de ce ligament attachée à l'os pisi-forme. b la partie attachée à l'os naviculaire. B canal par lequel passe le tendon du radial interne. c abducteur du petit doigt. d son origine de l'os pisi-forme. e son attache au ligament du carpe. D le court fléchisseur du petit doigt. f son origine du ligament du carpe. g tendon qui lui est commun avec l'abducteur du petit doigt. E E adducteur de l'os du métacarpe du petit doigt qui est ici recouvert par le court fléchisseur E, & par l'abducteur C. F le court abducteur du pouce. h son origine du ligament du carpe. i partie de l'extrémité du tendon insérée au premier os du pouce. k portion tendineuse qui s'unit aux extenseurs & au court fléchisseur du pouce. G l'opposant du pouce. H le tendon du court extenseur coupé. I tendon commun des extenseurs du pouce, qui s'étendent jusqu'au dernier os du pouce. K L le court fléchisseur du pouce. K m sa premiere queue. L n sa seconde queue. l sa troisieme queue. I partie qui naît du ligament du carpe. m extrémité tendineuse de la premiere queue qui s'insere au premier os du pouce ; c'est une partie de celui qui s'insere à l'os sesamoïde, & qui se trouve au-dessous de cette extrémité tendineuse. n o extrémité tendineuse de la derniere portion. n la partie insérée à l'os sesamoïde. o la partie qui s'insere au premier os du pouce. M adducteur du pouce couvert en partie par le court fléchisseur. L, en partie par l'interosseux postérieur. Q du doigt du milieu. p une partie de la portion qui vient de l'os du métacarpe qui soûtient le doigt du milieu. Q l'interosseux postérieur du doigt du milieu, couvert par l'interosseux p & le fléchisseur L. r son tendon par lequel il s'unit au tendon de l'extenseur commun des doigts. R l'interosseux antérieur du doigt du milieu couvert par l'adducteur M. S l'interosseux postérieur du doigt index couvert par l'adducteur M. s son tendon par lequel il s'insere au troisieme os, après s'être uni au tendon de l'extenseur commun du doigt index. T l'interosseux antérieur de l'index couvert par l'adducteur M & l'abducteur N. V abducteur de l'index couvert par l'adducteur M. t l'extrémité de son tendon, par laquelle u il s'insere au premier os du doigt index. W le tendon du premier vermiculaire, qui s'unit avec le tendon commun des extenseurs de l'index, & de-là s'insere au troisieme os. X tendon du second vermiculaire coupé, lequel s'unit au tendon de l'interosseux R avec lequel il forme Y le tendon commun qui se rend au troisieme os, après s'être uni avec le tendon de l'extenseur commun. Z tendon du troisieme vermiculaire coupé, lequel s'unit au tendon de l'interosseux p, d'où r le tendon commun, s'unissant avec le tendon de l'extenseur commun, va s'insérer au troisieme os. tendon du quatrieme vermiculaire coupé, lequel s'unit au tendon de l'interosseux N, d'où

le tendon commun, s'unissant avec le tendon de l'extenseur propre du petit doigt, va s'insérer ensuite au troisieme os. ligament par lequel le tendon des fléchisseurs, c'est-à-dire, le sublime & le profond, sont couverts. son attache à chaque bord du premier os. tendon du profond coupé au commencement de chaque doigt, où il est au-dessous du tendon du sublime. certaine marque de division. l'extrémité du tendon insérée au troisieme os. le tendon du sublime, coupé & couvert par le ligament . les deux portions dans lesquelles le sublime se divise, couvertes par les ligamens & , le ligament par lequel le tendon du profond & l'extrémité du tendon du sublime est couverte jusqu'à la partie moyenne du second doigt. ligament attaché au bord de chaque os.

Figure 3. de DE COURCELLES.

A 1 a 2 la grande aponevrose de la plante du pié. A 1 son principe. A 2, 3 4, ses limites autour de la plante du pié. A 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, ses divisions en portions. B 1 2 3 petite aponevrose de la plante du pié. B 1 son commencement. B 3 son extrémité. C 1, 2, 3, 4, les trous pour le passage des vaisseaux. D queue de la grande aponevrose. E fibres tendineuses courbes. F le tendon d'Achille. G le commencement de l'abducteur du plus petit doigt du pié. H fibres de la petite aponevrose qui recouvrent le tubercule de l'os du métatharse, ou cinquieme doigt. I l'abducteur du pouce couvert en grande partie par la grande aponevrose. K 1 2 3 le ligament latéral interne. K 1 2 la partie ouverte de ce ligament. L les vaisseaux qui passent par ce ligament. M le tendon du long fléchisseur des doigts. N le tendon du jambier postérieur. O le tendon du jambier antérieur. P l'astragal. Q 1 2 3 lambeau de peau. R élévations graisseuses qui recouvrent les extrémités de la grande aponevrose. S 1 2 3 4 5 le pouce & les doigts. T une partie du court fléchisseur du pouce.

PLANCHE V. D'ALBINUS.

Figure 1.

a a les muscles occipitaux. c le releveur de l'oreille. d le frontal. e une partie de l'aponevrose qui recouvre le temporal. f l'orbiculaire des paupieres. F le muscle antérieur de l'oreille. g le zygomatique. h le masseter. i le thyro-mastoïdien. k le splenius. l l l le trapeze. m le petit complexus. n n le deltoïde. o le sous-épineux. p le rhomboïde. q le petit rond. r le grand rond. s le long extenseur. t t le court extenseur. u le brachial externe. x le brachial interne. y le long supinateur. z z le radial externe. 1 l'anconée. 2 3 l'extenseur commun des doigts. 4 4 le long extenseur du pouce. 5 le court extenseur. 6 le cubital interne. 7 l'extenseur du petit doigt. 8 le cubital externe. 9 le ligament annulaire externe. 10 ligament particulier qui retient le tendon de l'extenseur du petit doigt. 11 le tendon de l'extenseur commun. 12 les tendons des interosseux. + l'union des tendons des extenseurs. 13 le grand dorsal. 14 le grand oblique du bas ventre. 15 le moyen fessier recouvert de l'aponevrose du fascia-lata. 16 le grand fessier. 17 le vaste externe recouvert du fascia-lata. 18, 19 le biceps. 18 la longue tête. 19 la courte. 20, 22 le demi-membraneux. 21 le demi-nerveux. 23 le triceps inférieur. 24 le grêle interne. 25 le vaste interne. 26 le plantaire. 27 les deux jumeaux. 28 le solaire. 29 le long fléchisseur du pouce. 30 le court peronier. 31 le peronier antérieur. 32 ligament qui retient les tendons de l'extenseur des doigts. 33 ligamens qui retiennent les tendons des peroniers. 34 le grand parathenar ou l'abducteur du petit doigt.

Figure 2.

A l'interosseux antérieur du petit doigt. a b son origine de l'os du métacarpe du petit doigt. c l'extrémité de son tendon. B l'interosseux postérieur du doigt annulaire couvert en partie par l'interosseux A. d e son origine de l'os du métacarpe du doigt annulaire. f tendon par lequel il s'unit avec le tendon de l'extenseur commun, & va s'insérer au troisieme os. C D l'interosseux postérieur du doigt du milieu. C portion de ce muscle qui vient de l'os du métacarpe du doigt annulaire. D e autre portion qui vient de celui du doigt du milieu. g h son origine de l'os mitoyen du métacarpe. i tendon par lequel il s'unit avec le tendon de l'extenseur commun, & va s'insérer au troisieme os. E F l'interosseux antérieur du doigt du milieu. E une partie qui sort de l'os du métacarpe du doigt du milieu. K l son origine. F partie qui provient de l'os du métacarpe du doigt index. n son extrémité tendineuse. G interosseux antérieur de l'index. n o son origine de l'os du métacarpe du doigt index. p son extrémité tendineuse ; q insérée au premier os du métacarpe. H tendon du second vermiculaire coupé, lequel s'unit au tendon de l'interosseux E F avec lequel il forme L le tendon commun qui s'unit au tendon de l'extenseur propre du petit doigt, & va s'insérer au troisieme os. M tendon du sublime coupé. r quelque marque de division. N, O les deux portions dans lesquelles le tendon du sublime se fend. p une partie qui s'en détache, & par laquelle ils sont unis. Q R extrémités des queues au-de-là de cette partie, par laquelle elles sont unies. S S partie par laquelle elles touchent le tendon du profond qui est à côté. t u l'extrémité de ces queues insérées au second os. 1 l'os pisiforme. 2 le cuboïde. 3 une partie de l'os cuboïde articulée avec le radius, & recouverte d'un cartilage. 4 son bord recouvert d'un cartilage. 5 l'os lunaire. 6 son bord recouvert d'un cartilage. 7 sa face articulée avec le radius, & recouverte d'un cartilage. 8 l'os naviculaire. 9 son bord recouvert d'un cartilage. 10 son extrémité articulée avec le radius, & recouvert d'un cartilage. 11 son bord recouvert d'un cartilage. 12 le trapese. 13 son bord revêtu d'un cartilage. 14 son sinus par lequel passe le tendon du radial externe. 15, 16 ses bords revêtus de cartilages. 17 le trapezoïde. 18 & 19 ses bords revêtus de cartilages. 20 le grand. 21 sa tête revêtue d'une croûte cartilagineuse. 22 son bord revêtu de cartilages. 23 l'os cunéiforme. 24 son bord revêtu de cartilages. 25 l'apophyse ensiforme. 26 26 sa face revêtue d'un cartilage, & articulée avec le cuboïde & le lunaire. 27 son bord revêtu d'un cartilage. 28 l'os du métacarpe du petit doigt. 29, 30, ses bords revêtus de cartilages. 31 sa tête inférieure revêtue de cartilages. 32 petit os sesamoïde qui se trouve quelquefois. 33 l'os du métacarpe du petit doigt. 34, 35, 36, ses bords revêtus de cartilages. 37 la tête inférieure revêtue de cartilages. 38 38 l'os du métacarpe du milieu. 39, 40, 41, ses bords revêtus de cartilages. 42 sa tête inférieure revêtue de cartilages. 43 l'os du métacarpe de l'index. 44, 45, ses bords revêtus de cartilages. 46 46 son extrémité inférieure revêtue de cartilages. 47 l'os sesamoïde qui s'observe dans quelques sujets. 48, 48, les secondes phalanges. 49, 49, leurs bords revêtus de cartilages. 50, 50, &c. leurs éminences inégales. 51, &c. leurs extrémités inférieures revêtues de cartilages & articulées avec les secondes phalanges. 52, 52, les troisiemes phalanges. 53, &c. leurs bords revêtus de cartilages. 54, 54, &c. leurs éminences inégales. 55 leurs extrémités inférieures articulées avec la troisieme phalange, & revêtue de cartilages. 56, 56, &c. les troisiemes phalanges. 57 leurs bords revêtus de cartilages. 58, &c. leurs éminences inégales. 59 leurs extrémités inférieures inégales en-dedans. 60 l'os du métacarpe du pouce. 61 son bord revêtu de cartilages. 62 63 une partie de son extrémité inférieure revêtue de cartilages distingués en deux faces, qui reçoivent les os sesamoïdes. 64 65 les os sesamoïdes. 66 le premier os du pouce. 67 son bord revêtu de cartilages. 68 une partie de l'extrémité inférieure de ce même os revêtue de cartilages, & articulée avec le dernier os. 69 le dernier os du pouce. 70 son bord revêtu de cartilages. 71 son extrémité inégale. 72 l'os sesamoïde qui s'observe rarement.

PLANCHE VI.

Figure 1. d'ALBINUS.

F l'adducteur de l'index. son origine de l'os du métacarpe du pouce. l'interosseux antérieur, couvert en partie par l'abducteur F. son origine de l'os du métacarpe du doigt index.

l'interosseux antérieur du doigt du milieu.

sa tête qui vient de l'os du métacarpe du doigt index. son origine de l'os du métacarpe du doigt index. portion insérée à l'os du métacarpe du doigt du milieu. son origine de l'os du métacarpe du doigt du milieu. l'union des têtes de ce muscle. extrémité commune charnue. le tendon dans lequel il se termine. l'interosseux postérieur du doigt du milieu. sa tête qui vient de l'os du métacarpe du doigt du milieu. son origine de l'os du métacarpe du doigt du milieu. sa tête qui vient de l'os du métacarpe du doigt annulaire. son origine de cet os du métacarpe. union des têtes. extrémité commune charnue. S tendon qui s'unit au tendon de l'extenseur commun, & s'insere au troisieme os. l'interosseux postérieur au doigt annulaire. sa tête qui vient de l'os du métacarpe du doigt annulaire. son origine de l'os du métacarpe du doigt annulaire. tête qui vient de l'os du métacarpe du doigt annulaire. son origine de cet os du métacarpe. union des têtes. extrémité commune charnue. le dernier tendon. abducteur de l'os du méta carpe du quatrieme doigt, lequel s'insere à cet os, & est recouvert par l'abducteur du petit doigt . abducteur du petit doigt de la main. extrémité tendineuse qui s'unit au tendon de l'extenseur propre du petit doigt. a l'interosseux antérieur du petit doigt couvert par l'interosseux . b son tendon qui s'unit au tendon du quatrieme vermiculaire. c l'interosseux antérieur du doigt annulaire couvert par l'interosseux . d son tendon qui s'unit au tendon du troisieme vermiculaire. e l'interosseux postérieur de l'index couvert par l'interosseux

. f son tendon qui s'unit au tendon commun de l'extenseur de l'index, & s'insere au troisieme os. g l'aponevrose de l'abducteur de l'index qui s'unit au tendon commun de l'extenseur de l'index. h le tendon de l'extenseur commun des doigts qui se rend au doigt index. i le tendon coupé de l'indicateur. k le tendon commun de l'indicateur & de l'extenseur commun. l l le tendon de l'extenseur commun qui se rend au doigt du milieu. m n o le tendon de l'extenseur commun qui se rend au troisieme doigt, & qui avant que d'arriver à ce doigt est composé des deux m n. p p le tendon de l'extenseur propre du petit doigt. q, q, q, q, les aponevroses produites par les tendons des extenseurs des doigts qui environnent leur articulation avec les os du métacarpe auxquels ils s'attachent. r l'aponevrose que fournit le premier vermiculaire au tendon commun des extenseurs de l'index. s, s, s, les aponevroses que fournissent les tendons des interosseux e . , celles qui s'unissent aux tendons des extenseurs, & se terminent sur leur dos, & sont continues par la partie supérieure aux aponevroses q, q, q. t, t, les aponevroses semblables, produites par les tendons des interosseux

, , c, a, & des vermiculaires. u tendon du premier vermiculaire, lequel s'unit avec le tendon commun de l'extenseur de l'index. v, v, v, les tendons des interosseux e, , , , , unis avec les tendons des extenseurs k, l, o. w, w, w, les tendons communs des interosseux & des vermiculaires unis avec les tendons des extenseurs. x le tendon commun de l'abducteur du petit doigt & de son petit fléchisseur, uni avec le tendon p. y, y, y, y, extrémités des tendons des extenseurs z, z, z, z, qui se rendent aux secondes phalanges. A le tendon du premier vermiculaire, fortifié par une portion k qu'il reçoit du tendon commun des extenseurs de l'index, & qui se porte au troisieme os. B, B, B, les tendons des interosseux e, , , , , fortifiés par une portion des tendons des extenseurs k, l, o, qui se portent au troisieme doigt. C, C, les tendons des interosseux

, c, a, communs avec les vermiculaires, fortifiés par une portion des tendons des extenseurs, l, o, p, & qui se portent à la troisieme phalange. D le tendon commun de l'abducteur du petit doigt & de son petit fléchisseur, qui reçoit une portion de l'extenseur p, & se porte à la troisieme phalange. E, E, E, E, les extrémités communes formées de l'union des tendons, A B de l'index, C B du doigt du milieu, C B du troisieme doigt, C D du quatrieme, & F F F F inséré aux troisiemes phalanges. G le tendon coupé du petit extenseur du pouce. H le tendon coupé du grand extenseur du pouce. J le tendon commun du grand & du petit extenseur du pouce, K qui se rend à la derniere phalange du pouce. L l'aponevrose qui environne la capsule de l'articulation du pouce avec le métacarpe. M l'aponevrose que le tendon commun des extenseurs de l'index reçoit de la queue postérieure du fléchisseur court du pouce, laquelle est continue à l'aponevrose L. N la queue postérieure du fléchisseur court du pouce, couverte par l'abducteur , & par l'abducteur

. O P l'extrémité de l'abducteur du pouce, couvert par l'abducteur . P son extrémité tendineuse insérée au premier os du pouce. 1 l'os naviculaire. 2 son éminence unie avec le cubitus, & revêtue d'un cartilage mince. 3 l'éminence par laquelle il est articulé avec le trapeze & le trapezoïde, couvert d'une croûte cartilagineuse mince. 4, 5, ses bords revêtus d'une croûte cartilagineuse mince. 6 le lunaire. 7 son éminence reçûe dans l'extrémité du radius, & recouverte d'un cartilage mince. 8, 9, 10, ses bords enduits d'un cartilage. 11 le cuboïde. 12 sa surface articulée avec le radius, & revêtue d'un cartilage poli. 13, 14, ses bords revêtus d'un cartilage poli. 15 sa face par laquelle il est articulé avec le cunéiforme, & laquelle est recouverte d'un cartilage mince. 16 le pisiforme. 17 l'os cunéiforme. 18 sa partie articulée avec le cuboïde & le lunaire, & revêtue d'un cartilage poli. 19, 20 ses bords revêtus d'un cartilage poli. 21 le grand. 22 sa tête recouverte d'un cartilage, & articulée avec le lunaire & le naviculaire. 23, 24, 25, ses bords revêtus de cartilages. 26 le trapezoïde. 27, 28, 29 ses bords revêtus de cartilages. 30 le trapeze. 31, 32 ses bords revêtus de cartilages. 33 l'os du métacarpe du pouce. 34 son bord revêtu de cartilages. 35 le premier os du pouce. 36 la face de sa tête inférieure revêtue de cartilages. 37 le dernier os du pouce. 38 son bord revêtu de cartilages. 39 son extrémité éminente & inégale. 40, 40, 40, les os du métacarpe de la main. 41, 42, &c. 49, leurs bords revêtus de cartilages. 50, 50, &c. les premieres phalanges des doigts. 51, 51, &c. leurs parties articulées avec la seconde phalange, & revêtus d'un cartilage. 52, 52, &c. les secondes phalanges. 53, 53, leurs bords revêtus de cartilages. 54, 54, leur partie articulée avec la troisieme phalange, & revêtue d'un cartilage. 55, &c. les troisiemes phalanges. 56, &c. leurs bords revêtus d'un cartilage. 57, &c. leurs extrémités inégales.

Figure 2. de DE COURCELLES.

A une portion de la petite aponevrose de la plante du pié, qui marque le lieu de son insertion. B l'adducteur du petit doigt en son insertion. C l'abducteur du pouce avec son double tendon. D 1, 2, le fléchisseur court du petit doigt divisé en deux ventres. E 1, 2, l'origine de l'abducteur du petit doigt attaché à l'une & l'autre tubérosité du calcaneum ; on voit le muscle même séparé en B. F l'origine de l'abducteur du pouce. G 1, 2, le tendon du long péronier. H 1, 2, 3, les extrémités des tendons du fléchisseur court des doigts coupé. J le premier tendon coupé. K 1, 2, 3, le reste des autres tendons. L l'extrémité du tendon tibial postérieur attaché au premier os cunéiforme. M 1, 2, 3, 4, 5, les quatre queues du tendon du long fléchisseur des doigts, dont la premiere, 4, 5, est coupée transversalement. M 6 le tendon du fléchisseur long des doigts, plus large dans l'endroit où il se sépare en 4 parties. M 7 le tendon du long fléchisseur des doigts. N une autre tête qui se joint au tendon du perforant. O portion tendineuse remarquable qui vient du tendon du fléchisseur long du pouce, & qui s'étend sur celui du perforant. P portion tendineuse beaucoup plus petite, & qui provient des mêmes tendons. Q portion tendineuse qui vient du tendon du perforant, & qui s'insere dans celui du fléchisseur long du pouce. R petit muscle qui se termine en O. S une partie du transversal du pié, qui paroît entre les queues du perforant. T l'interosseux interne ou inférieur du petit doigt. V l'interosseux externe du troisieme doigt après le pouce. U W les deux ventres extérieurs du fléchisseur court du pouce. X 12, le ventre interne du même muscle. Y une partie de l'adducteur du pouce. Z 1, 2, 3, 4, les quatre muscles lombricaux. a 1 2 la gaine ouverte pour le tendon du fléchisseur long du pouce. b 1 2 la gaine que forme le ligament latéral interne, ouverte pour le passage du tendon du fléchisseur long des doigts : c apophyse dans la base du cinquieme os du métatharse. d tendon du long fléchisseur du pouce.

Figure 3. du même.

A le fléchisseur court du petit doigt séparé de son origine. B l'extrémité du tendon de l'abducteur du pouce. C le tendon du court péronier. D le tendon du long péronier. E l'origine d'un petit muscle. F l'extrémité du tendon du jambier postérieur. G le fléchisseur long du pouce. H rameau considérable qui vient du tendon du fléchisseur long du pouce, & s'unit à celui du perforant. J le petit rameau qui s'unit au tendon, dont nous avons déjà fait mention. K portion du tendon du fléchisseur long des doigts, qui s'unit à celui du pouce. L petit muscle coupé transversalement dans son principe E. M l'autre tête qui s'unit au tendon du fléchisseur long des doigts. N son principe qui s'attache au petit tubercule du calcaneum. O 1 tendon commun du perforant coupé. O 2, 3, 4, 5, 6, les quatre queues dans lesquelles ils se divisent, dont la premiere 2 3 est coupée en-travers. P 1, 2, 3, 4, les quatre muscles lombricaux. Q 1, 2, les dernieres queues du tendon du fléchisseur court des doigts. R le muscle transverse du pié. S 1, jusqu'à 6, le court fléchisseur du pouce. S 1, 2, 3, ses trois ventres, S 4 6 sa double origine. S 5 continuation de la membrane qui forme les gaines des fléchisseurs longs. T 1 jusqu'à quatre, l'adducteur du pouce. T 1, 2, 3, les trois ventres de l'adducteur du pouce. T 4 son origine du calcaneum, & le grand ligament même du calcaneum. V l'interosseux interne ou inférieur du petit doigt. U l'interosseux externe ou supérieur du troisieme doigt après le pouce. W l'interosseux interne ou inférieur du troisieme doigt. X l'interosseux externe ou supérieur du second doigt. Y l'interosseux interne ou inférieur du second doigt. Z l'interosseux externe ou supérieur du premier doigt. a la gaine ouverte & produite par le ligament latéral interne du fléchisseur long des doigts. b la gaine qui vient du même ligament, par laquelle passe le tendon du fléchisseur long du pouce, & qui est aussi ouverte.

Figure 4. du même.

A la grande aponévrose renversée. B 1, 2, 3, les trois portions charnues de la même aponévrose. C la petite aponévrose renversée. D 1 portion charnue antérieure de la petite aponévrose en situation & recouverte par une aponévrose mince, & transparente dans cet endroit. E 1, 2, 3, le fléchisseur court des doigts du pié, qui a trois ventres presque séparés jusqu'à son origine. F 1, 2, 3, les trois tendons du même muscle qui appartiennent aux trois premiers doigts. G une partie de l'abducteur du pouce. H le tendon de l'abducteur du petit doigt. H 1, 2, ses deux ventres divisés jusqu'à leur origine. J 1 2 le fléchisseur court du petit doigt, avec les deux portions dans lesquelles il se divise. K une partie du fléchisseur court du pouce. L extrémité de la grande aponévrose, ou quatrieme portion en corps entier. N l'autre tête qui s'unit au tendon du long fléchisseur des doigts, ou la masse charnue de la plante du pié. O 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, les quatre tendons du long fléchisseur des doigts du pié. P 1, 2, 3, les gaines ou les ligamens qui couvrent les tendons du long & court fléchisseur des doigts. Q la gaine qui recouvre le tendon du perforant & l'extrémité du perforé. R la gaine qui recouvre le tendon du perforé. S 1 2 la même gaine que P 1 2 3 ouverte. T 1 2 la même gaine que Q coupée. V 1 2 la même gaine que R ouverte. U 1 2 3 la gaine du pouce divisée en trois parties, pour recouvrir le tendon du long fléchisseur du pouce. W 1, 2, 3, 4, les quatre muscles lombricaux. X le tendon du fléchisseur long du pouce. Y l'interosseux interne ou inférieur du petit doigt. Z 1 2 l'interosseux externe ou supérieur du troisieme doigt après le pouce. a montre l'endroit du gros tubercule du calcaneum, d'où naît la grande aponévrose plantaire ; & b, celui d'où naît la petite aponévrose.

PLANCHE VII.

Figure premiere D'HALLER ; elle représente le diaphragme.

A le cartilage xiphoïde. B 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, les cartilages des 7 côtes inférieures. C 1, 2, 3, les trois vertebres supérieures des lombes. D le tronc de l'aorte coupé. E l'orifice de l'artere céliaque. F la mésentérique supérieure. G G les arteres rénales. H la veine cave coupée dans son orifice. I l'oesophage. K le muscle psoas. L le quarré des lombes. N N le nerf intercostal. O O le nerf splanchnique, ou le rameau principal du nerf intercostal, lequel forme les ganglions semi-lunaires. P la derniere pair dorsale qui sort au-dessous de la douzieme vertebre du dos. Q Q une partie des veines phréniques. R l'arc intérieur ou la limite de la chair o, à laquelle le péritoine est adhérent ; il se termine par des fibres ligamenteuses ou tendineuses, qui viennent de l'apophyse transverse de la premiere vertebre des lombes ; elle donne passage au psoas. S ligament fort continu aux fibres tendineuses du muscle transverse de l'abdomen ; il vient en s'unissant avec l'arc R de l'apophyse transverse de la premiere vertebre des lombes, se termine à la pointe de la douzieme côte, & il est constant que la partie interne de ce ligament donne passage au quarré. T V X Y Z

tendon du diaphragme. T T T le principal tissu des fibres tendineuses, qui unit les chairs opposées, les appendices avec les fibres qui viennent du sternum, & ces mêmes appendices avec les fibres qui viennent des côtes. V le péritoine est fortifié dans cet endroit par des fibres tendineuses éclatantes, en commençant au ligament S, & on les sépare souvent difficilement des chairs qui viennent du ligament. X fibres tendineuses qui côtoyent les bords de l'aile gauche : elles viennent du trousseau que le ligament R envoye, & elles se terminent à la partie supérieure de l'oesophage dans la principale couche. T V, gros trousseau de fibres creuses en général en forme de lune, dont les cornes se terminent dans les muscles intercostaux ; la partie courbe est couverte par l'oesophage & par la veine cave ; les fibres des chaires moyennes s'élevent sur ce trousseau. Z Z, différens entrelacemens de fibres. fibres transverses. le faisceau antérieur de la veine cave, tendineux, fort, placé devant l'orifice de cette veine presque transverse ; il sort en partie du grand paquet , & en partie de fibres du paquet gauche . faisceau gauche de la veine cave qui sort en partie des chairs moyennes, & en partie des fibres recourbées du faisceau postérieur.

faisceau postérieur de la veine cave, qui s'observe constamment large, continue au tissu principal de l'aile droite, & qui dégénere en partie dans le faisceau ; en partie au-dessus de ce faisceau, en se prolongeant dans les fibres charnues moyennes. faisceau droit de la veine cave. ce trou s'observe souvent pour l'artere phrénique, quand elle perce la couche inférieure du tendon, & se porte en cette couche, & la couche supérieure. a a a, les chairs qui viennent des côtes. b b, les chairs qui viennent du ligament S, qui montent presque droites, & soûtiennent le rein & la capsule rénale. c c les chairs qui proviennent de l'arc intérieur R. d e f g h m le pilier droit du diaphragme. d l'appendice latéral externe. e le second appendice. f une autre portion du second appendice. g le tendon commun des deux portions e & f. h l'appendice intérieure, dont une partie s'unit avec la portion g, & forme le tendon m, & en partie forme la colonne tendineuse k, qui en s'unissant à celle du côté gauche l s'unit au tendon i, & s'insere dans la troisieme vertebre vers . o appendice intérieur. p appendice moyen. q appendice extérieur. r chair qui provient du ligament R, & répond à b. s chair du ligament S, qui répond à b. t u w x croix ou décussation des appendices intérieurs au-dessous de l'oesophage. t la cuisse droite & supérieure qui descend à droite. u la seconde cuisse droite qui s'en va à droite & en bas. w la troisieme cuisse plus grande, qui va de gauche à droite. x x la quatrieme cuisse plus grande, qui va de droite à gauche. y la colonne droite de l'oesophage. z la gauche. l'accroissement des colonnes au-dessous de l'oesophage. la colonne droite antérieure. la gauche postérieure.

Figure 2. de M. DUVERNEY, représente le pharynx vû postérieurement.

A le muscle oesophagien. B le crico-pharyngien. C le thyro-pharyngien. D le cephalo-pharyngien. E portion des condyles de l'occipital. F commencement de la moëlle épiniere. G G une partie de la dure-mere, qui recouvre le cervelet. H la trompe d'Eustachi. I le peristaphylin interne. K le pterigo-pharyngien. L le mylo-pharyngien. M le glosso-pharyngien. N le stylo-pharyngien. O le stylo-hyoïdien. P l'apophyse styloïde. Q le digastrique. R le pterigoïdien interne. S l'oreille. T les os du crane. V la trachée-artere.

Figure 3. de M. DUVERNEY ; elle représente le larynx vû antérieurement.

1 1 2 2 l'os hyoïde. 1 1 la base. 2 2 l'extrémité des grandes cornes. 3 3 ligament qui unit les grandes cornes de l'os hyoïde avec les grandes cornes 4 4 du cartilage thyroïde. 4 4 5 5 le cartilage thyroïde. 4 4 ses grandes cornes. 6 6 ligament qui unit le cartilage thyroïde. avec l'os hyoïde. 7 7 7 7 la glande thyroïde. 88 le cartilage cricoïde. 9, 9, 9, 9, les cartilages de la trachée-artere. 10 le sterno-thyroïdien. 11 l'adeno-thyroïdien. 12 12 le crico-thyroïdien. 13 13 l'hyothyroïdien.

Figure 4. d'EUSTACHI ; elle représente le larynx vû postérieurement.

a la partie concave de l'épiglotte. b b la face interne du cartilage thyroïde. l l les grandes cornes. i i les petites cornes. c c le sommet des cartilages aryténoïdes. d d e le cartilage cricoïde. d d ses deux petites éminences. f f f f l'aryténoïdien transverse. g g l'aryténoïdien oblique gauche. h h l'aryténoïdien oblique droit.

Figure 5. d'EUSTACHI, représente le larynx ouvert, & vû sur le côté.

A B B B la face interne du cartilage thyroïde. A la partie gauche, B B B la droite. C D l'épiglotte. C la face convexe, D la face concave. E portion membraneuse de la partie latérale du larynx. F F le sommet des cartilages aryténoïdes. G G aryténoïdien transverse. H l'aryténoïdien oblique droit a inséré au cartilage aryténoïde gauche. I K l'aryténoïdien oblique gauche a qui vient de l'aryténoïde gauche. K le thyro-aryténoïdien gauche aa, qui vient du cartilage thyroïde b, & s'insere à l'aryténoïde gauche. L le crico-aryténoïdien latéral gauche a a qui vient du cartilage cricoïde, & b s'insere à la base de l'aryténoïde gauche. M partie de la base du cartilage aryténoïde gauche. N le crico-aryténoïdien gauche. a a la premiere origine du cartilage cricoïde, b son insertion à la base de l'aryténoïde gauche. O le cartilage cricoïde. P P Q Q R la trachée-artere, P P P, les trois premiers anneaux cartilagineux, Q Q les espaces mitoyens entre ces anneaux, R la partie postérieure de la trachée-artere, toute membraneuse.

PLANCHE VIII.

Figure premiere de DRAKE.

1 l'aorte ou la grande artere coupée dans son origine, à l'orifice du ventricule gauche du coeur. A les trois valvules demi-circulaires de l'aorte, comme elles paroissent lorsqu'elles empêchent le sang de retourner dans le ventricule gauche pendant sa diastole. 22 le tronc des arteres coronaires du coeur, sortant du commencement de l'aorte. 3 le ligament artériel, qui n'est pas exactement représenté. 4, 4, les arteres soûclavieres sortant de la grande artere, dont les arteres axillaires, & celles des bras 23 23 sont une continuation. 5 5 les deux arteres carotides, dont la droite sort de la soûclaviere, & la gauche de l'aorte. 6 6 les deux arteres vertébrales, sortant de la soûclaviere, elles passent par les apophyses transverses des vertebres du cou, d'où elles entrent dans le crane par le grand trou occipital. 7 7 les arteres qui conduisent le sang dans la partie inférieure de la face, la langue, les muscles adjacens & les glandes. 8 8 les troncs des arteres temporales, sortant des carotides, & donnant des rameaux aux glandes parotides & aux 9 9 muscles voisins, au péricrane & au-devant de la tête. 10 10, troncs qui envoyent le sang dans la cavité du nez, & particulierement aux glandes de sa membrane muqueuse. 11 11 les arteres occipitales, dont les troncs passent sur les apophyses mastoïdes, & se distribuent à la partie postérieure du péricrane où elles s'anastomosent avec les branches des arteres temporales. 12 12 arteres qui portent le sang au pharynx, à la luette & à ses muscles. B B petite portion de la base du crane, percée par l'artere de la dure-mere, qui est ici représentée avec une portion de la dure-mere. 13 13 contour que font les arteres carotides avant que de se rendre au cerveau par la base du crane. 14 14 partie des arteres carotides qui passent de chaque côté de la selle sphénoïde, où elles fournissent plusieurs petits rameaux qui servent à former le rete mirabile, qui est beaucoup plus apparent dans les quadrupedes, que dans l'homme. (Nota. Les arteres du cervelet sont confondues avec celles du prétendu rete mirabile.) C la glande pituitaire hors de la selle sphénoïde, placée entre les 2 troncs tortueux des arteres carotides, 14, 14. D D arteres ophthalmiques sortant des carotides avant qu'elles s'insinuent dans la pie-mere. 15 contours que font les arteres vertébrales en passant par les apophyses transverses de la premiere vertebre du cou, vers le grand trou de l'occipital. On a averti plus d'une fois que les cavités de ces arteres sont beaucoup plus larges dans l'endroit où elles se replient, que leurs troncs inférieurs, ce qui sert à diminuer l'impétuosité du sang conjointement avec leur contour. Dans les quadrupedes, les angles des inflexions ou des contours des arteres du cerveau, sont plus aigus, & servent par conséquent à diminuer davantage l'impétuosité du sang qui s'y porte avec force, à cause de la position horisontale de leurs troncs. 16 les deux troncs de l'artere vertébrale, qui passent sur la moelle allongée. 17 les rameaux par lesquels les arteres carotides cervicales communiquent. 18, 18, les ramifications des arteres au-dedans du crane, dont les troncs les plus grands sont situés entre les lobes du cerveau & dans ses circonvallations. Les veines du cerveau partent des extrémités de ces arteres. Leurs troncs ont une position fort différente de celle des arteres ; car celles-ci pénetrent dans le cerveau par sa base, & se distribuent de la maniere qu'on l'a dit ci-dessus, au lieu que les troncs des veines s'étendent sur la surface du cerveau, & déchargent le sang dans le sinus longitudinal. Ces veines n'accompagnent pas les arteres à leur entrée, de même que dans les autres parties, comme le font les arteres & les veines de la dure-mere, qui passent ensemble par le même trou dans la base du crane B B. E E les arteres du cervelet. 19, 19 les arteres du larynx des glandes thyroïdiennes, des muscles & des parties contiguës qui sortent des arteres soûclavieres. 20, 20, autres arteres qui ont leur origine auprès des premieres 19, 19, & qui conduisent le sang dans les muscles du cou & de l'omoplate. 21, 21, les mammaires qui sortent des arteres soûclavieres, & descendent intérieurement sous les cartilages des vraies côtes, à un demi-pouce environ de distance de chaque côté du sternum ; quelques-uns de leurs rameaux passent par les muscles pectoral & intercostal, & donnent du sang aux mammelles où ils se joignent avec quelques rameaux des arteres intercostales, avec lesquelles ils s'anastomosent. Ces arteres mammaires s'unissent encore avec les grandes branches des épigastriques, 57, 57, ce qui augmente le mouvement du sang dans les tégumens du bas-ventre. Nota. On peut à la faveur de cette anastomose expliquer le rapport qui se trouve entre la matrice & les mammelles, & les affections sympathiques de ces deux parties. Les extrémités des arteres lombaires & intercostales s'anastomosent avec elles, de même que les précédentes. 22, 22, les arteres des muscles du bras, & quelques-unes de ceux de l'omoplate. 23 23 partie du grand tronc de l'artere du bras, que l'on s'expose à blesser en ouvrant la veine basilique, ou la plus interne des trois veines de l'avant-bras. 24 24 division de l'artere brachiale, au-dessous de la courbure du coude. 25 25 branche de communication d'une artere qui sort du tronc de l'artere brachiale au-dessus de sa courbure, dans le repli de l'avant-bras, qui s'anastomose un peu plus bas avec les arteres de l'avant-bras. On trouve dans quelques sujets, au lieu de cette branche, plusieurs autres petits rameaux qui en tiennent lieu, au moyen de ces rameaux qui communiquent de la partie supérieure de l'artere brachiale, avec celle de l'avant-bras : le cours du sang n'est point interrompu, quoique le tronc 23 soit fortement serré ; ce que l'on fait en liant cette artere lorsqu'elle est blessée dans le cas d'un anévrisme : il est nécessaire de lier le tronc de l'artere au-dessus & au-dessous de l'endroit où elle est blessée, de peur que le sang, qui passe dans ce tronc inférieur par les rameaux de communication, ne se fasse un passage par l'ouverture de l'artere en rétrogradant. 26 artere extérieure de l'avant-bras, qui forme le pouls auprès du carpe, artere radiale. 27, 27, arteres des mains & des doigts. 28 28 tronc descendant de la grande artere, ou de l'aorte. 29 artere bronchiale sortant de l'une des arteres intercostales : elle sort quelquefois immédiatement du tronc descendant de l'aorte, & quelquefois de l'artere intercostale supérieure, qui sort de la soûclaviere. Ces arteres bronchiales s'anastomosent avec l'artere pulmonaire. Vid. Ruisch, epist. anastom. 6 figure c. c. c. 30 petite artere sortant de la partie inférieure de l'aorte descendante, pour se rendre à l'oesophage. Ruisch fait mention d'arteres qui sortent de l'intercostale supérieure, & qui aboutissent à l'oesophage. 31, 31, arteres intercostales de chaque côté de l'aorte descendante. 32 tronc de l'artere céliaque, d'où sortent, 33, 33, 33, les arteres hépatiques, &c. 34 l'artere cistique dans la vésicule du fiel. 35 l'artere coronaire stomachique inférieure. 36 la pilorique. 37 l'épiploïque droite, gauche & moyenne, sortant de la coronaire. 38 ramification de l'artere coronaire qui embrasse le fond de l'estomac. 39 artere coronaire supérieure du ventricule. 40, 40, arteres phréniques, ou les deux arteres du diaphragme : celle du côté gauche sort du tronc de la grande artere, & de la droite de la céliaque. 41 le tronc de l'artere splénique sortant de la céliaque, & formant un contour. 42 deux petites arteres qui aboutissent à la partie superieure du duodenum, & du pancréas ; les autres arteres de ce dernier sortent de l'artere splénique à mesure qu'elle passe dans la rate. 43 tronc de l'artere mésenterique supérieure, tourné vers le côté droit. 44, 44, rameaux de l'artere mésenterique supérieure, séparés des petits intestins. On peut observer ici les différentes anastomoses que les rameaux de cette artere forment dans le mésentere avant que de se rendre aux intestins. 45 l'artere mésenterique inférieure, sortant de la grande artere. 46, 46, 46, anastomoses remarquables des arteres mésenteriques. 47, 47, rameaux de l'artere mésenterique inférieure, passant dans l'intestin colon. 48 ceux du rectum. 49, 49, les arteres émulgentes des reins. 50 les arteres vertébrales des lombes. 51, 51, arteres spermatiques qui descendent aux testicules, & qui sont si petites qu'elles échappent à la vûe, à moins qu'on ne les injecte. 52 l'artere sacrée. 53, 53, les arteres iliaques. 54, 54, les rameaux iliaques externes. 55, 55, iliaques internes qui sont beaucoup plus grands dans le foetus, que dans les adultes, à cause de leur union avec les deux arteres ombilicales. 56, 56, les deux arteres ombilicales coupées ; celle du côté droit est telle qu'on la trouve dans le foetus, & celle du côté gauche semblable à celle qu'on découvre dans les adultes. 57 les arteres épigastriques qui montent sous les muscles droits de l'abdomen, & s'anastomosent avec les mammaires, comme on l'a remarqué ci-dessus. 58, 58, rameaux des arteres iliaques externes, qui passent entre les deux muscles obliques du bas ventre. 59, 59, rameaux des arteres iliaques internes, qui conduisent le sang aux muscles extenseurs & obturateurs des cuisses. 60, 60, tronc des arteres qui aboutissent au penis. 61, 61, arteres de la vessie urinaire. 62, 62, arteres internes des parties naturelles, qui forment avec celles du penis, qu'on voit ici représentées, les arteres hypogastriques chez les femmes. Les arteres externes des parties naturelles naissent de la partie supérieure de l'artere crurale, qui est immédiatement audessous des épigastriques. 63 le penis enflé & desséché. 64 le gland du penis. 65 la partie supérieure ou dos du penis, retranchée du corps du penis, afin de pouvoir découvrir les corps caverneux. 66 les corps caverneux du penis, séparés des os pubis, enflés & desséchés. 67 les deux arteres du penis, comme elles paroissent après qu'on les a injectées avec de la cire sur chaque corps caverneux du penis. 68 la cloison qui sépare les corps caverneux. 69 les crurales. 70, 70, les arteres qui passent dans les muscles des cuisses & de la jambe. 71 partie de l'artere crurale qui passe dans le jarret. 72 les trois grands troncs des arteres de la jambe. 73 les arteres du pié avec leurs rameaux, qui communiquent de leur tronc supérieur à leur tronc inférieur, aussi bien que leur communication à l'extrémité de chaque orteil, qui est la même que celle des doigts.

Figure 2. ramifications de la veine-porte dans le foie. Fig. 3, membranes de la trachée-artere séparées les unes des autres. Fig. 4, tronc d'une grosse veine dissequé. Fig. 5, une partie de l'aorte tournée de dedans en-dehors. Fig. 6, vaisseaux lymphatiques. Fig. 7, ramifications de la veine-cave dans le foie. Fig. 8, de Ruisch, parties des arteres distribuées dans le placenta. Fig. 9, l'artere pulmonaire. Fig. 10, tronc de la veine pulmonaire.

Fig. 2, a partie de la veine-porte qui entre dans le foie ; c la veine ombilicale, qui dans l'adulte forme une espece de ligament ; d le canal veineux qui dégénere aussi en ligament ; e l'extrémité des veines capillaires qui se terminent dans le foie ; f l'extrémité des veines qui viennent des intestins & pour former le tronc de la veine-porte. Fig. 3, a a la membrane glanduleuse ; b b la vasculeuse ; c la membrane interne. Fig. 4, a a la membrane externe ou la nerveuse ; b b la vasculeuse ; c c la glanduleuse ; d d la musculaire. Fig. 5, a a la membrane interne ou la nerveuse ; b b la musculaire ; c c la glanduleuse ; d la membrane externe ou la vasculeuse.

PLANCHE X.

Figure premiere, des Transactions philosophiques. Elle représente les troncs de la veine-cave avec leurs branches dissequées dans un corps adulte.

A A l'orifice de la veine-cave, comme elle paroît lorsqu'elle est séparée de l'oreille droite du coeur. a l'orifice de la veine coronaire du coeur. B A le tronc supérieur ou descendant de la veine-cave ; C C A le tronc inférieur ou ascendant, ainsi nommés du mouvement du sang dans ces troncs, qui est contraire à leur position. D D les veines soûclavieres. + la partie de la veine soûclaviere gauche qui reçoit le canal thorachique. b la veine azygos, dont les branches aboutissent aux côtés, &c. c les veines supérieures intercostales. d d, les veines mammaires internes. E, E, les branches iliaques droites & gauches. F F, les veines jugulaires internes. G G, les jugulaires externes. H, H, les veines qui ramenent le sang de la mâchoire inférieure & de ses muscles. I, I, les troncs des jugulaires internes coupés à la base du cerveau. f les veines du thym & du médiastin. g, g, les veines des glandes thyroïdales. h la veine sacrée. i la branche iliaque interne. k l'externe. K, K, les veines occipitales. L la veine droite axillaire. M la céphalique. N la basilique. O la veine médiane. P le tronc des veines du foie. Q la veine phrénique du côté gauche. R la veine phrénique droite. r grande veine de la glande rénale gauche & des parties adjacentes. S la veine émulgente gauche. T la veine émulgente droite, qui est dans ce sujet beaucoup plus basse que la gauche contre l'ordinaire. U, U, les deux veines spermatiques. X, X, deux branches qui communiquent du tronc ascendant de la veine-cave à la veine azygos, par le moyen desquelles le vent passe dans le tronc descendant de la cave, lorsqu'on souffle dans l'ascendante aux points A P C, quoique le tronc aux points A P & C soit fortement attaché au chalumeau. * branche non commune entre le tronc le plus bas de la veine-cave, & la veine émulgente gauche. Y veine qui ramene le sang des muscles du bas-ventre à la branche iliaque externe. Z la veine épigastrique du côté droit. l l la veine saphene. m la veine crurale.

Fig. 2. les troncs de la veine-porte disséqués & développés.

A A A les branches de la veine-porte séparées du foie. a la veine ombilicale. B la branche splénique. C, C, les branches mésentériques continuées depuis les intestins. b le tronc de la veine pancréatique, qui reçoit les branches qui viennent du duodenum. c c la veine gastrique coronaire droite supérieure. D la veine coronaire supérieure de l'estomac du côté gauche. E la veine coronaire inférieure de l'estomac du côté droit, &c. F la même veine coronaire du côté gauche hors leur situation naturelle ; les deux derniers sont une continuation de celles-là. 1 la veine épiploïque supérieure droite, & 2 la gauche, avec 3 sa médiane. G la veine appellée vas breve. d la veine du duodenum. H la veine hémorrhoïdale qui vient du rectum & de l'anus ; elle se décharge dans ce sujet dans la branche mésentérique gauche : mais dans d'autres sujets (sur-tout en préparant ces veines), j'ai trouvé que le tronc des veines hémorrhoïdales aboutissoit au rameau splénique.

Figure 3. d'HUBER, représente la moelle épiniere à gauche.

A la partie antérieure de la premiere vertebre du cou élevée un peu obliquement en-haut. a apophyse oblique supérieure de cette vertebre. b son apophyse transverse. B B une partie de la dure-mere qui enveloppe la moelle épiniere. C C l'intervalle qui reste entre cette moelle & la cavité des vertebres qui la renferme. 1, 2, 3 &c. 30 les nerfs de la moelle épiniere du côté gauche avec leur ganglion. d rameau de la premiere paire. c second rameau de cette premiere paire ; elle représente à droite. A espace occupé par le lobe renversé du cervelet, & par son appendice vermiforme. B figuré en passant. C C portion du rocher & de l'os occipital recouverte de la dure-mere. D une partie de la moelle allongée, à laquelle la moelle épiniere est continue. a ligne blanche médullaire qui s'éleve du sillon du quatrieme ventricule pour se joindre à la septieme paire. b le quatrieme ventricule. c c sa rainure longitudinale continue au calamus scriptorius. d les deux éminences de la moelle épiniere qui la termine. e e ligament de la pie-mere qui s'étend au milieu de la queue de cheval. f le ganglion de la vingtieme paire de nerfs : g ganglion de la trentieme paire. F la dure-mere renversée de dessus la moelle épiniere. G le nerf de la septieme paire. h h la huitieme paire. j j l'accessoire de la huitieme paire. K, K, filets de communication des nerfs cervicaux entr'eux. M les corps pyramidaux postérieurs. N les corps olivaires postérieurs. O l'artere vertébrale. L L le ligament denticulaire, qui sépare les filets qui partent de la partie antérieure de l'épine, de ceux qui partent de la postérieure. m, m, filamens qui partent de la partie antérieure de l'épine pour s'unir avec ceux qui partent de la postérieure. n n l'endroit où les filamens nerveux commencent à concourir & à former la base de la queue de cheval. o endroit où la moelle épiniere ne fournit plus de filets nerveux. p origine des filets nerveux qui forment la queue de cheval. q la queue de cheval. 1 D. jusqu'à 12 D les nerfs dorsaux. 1 L jusqu'à 5 L les nerfs lombaires. 1 S jusqu'à 5 S les nerfs sacrés. 1 C jusqu'à 8 C les nerfs cervicaux.

Figure 4. d'HUBER représente une portion de la moelle épiniere de la partie supérieure du dos, & considérée en-devant.

A ligament de la pie-mere qui sépare la portion droite de la moelle épiniere, de la gauche. B B éminences qui ont la figure d'un ver à soie. C, C, les filets nerveux qui partent de la partie antérieure de la moelle épiniere. D coupe horisontale de la moelle épiniere. E substance blanche qui environne. F la substance cendrée.

PLANCHE X.

Figure 1. de VIEUSSENS.

A le tronc de la cinquieme paire. B la grosse branche antérieure de la cinquieme paire. C la grosse branche postérieure de la cinquieme paire. D le tronc de la sixieme paire. a a le tronc du nerf intercostal. E le tronc de la huitieme paire. b le nerf spinal, l'accessoire de la huitieme paire, qui à sa sortie du crane est environnée avec la huitieme paire par une membrane commune ; d'où il lui paroît uni : mais peu après il s'en sépare en o o o. c la neuvieme paire. d filets de la neuvieme paire qui se jettent dans les glandes de la partie postérieure des mâchoires. e la dixieme paire. f rameau de la cinquieme paire, lequel va à la langue, excepté les rameaux g, g, g, qui se distribuent aux glandes maxillaires. h le filet de la portion dure du nerf auditif, lequel se joint au rameau f de la cinquieme paire, & se distribue avec lui à la langue. i la premiere paire des nerfs cervicaux. k filets de la premiere paire cervicale qui s'unit au rameau f de la cinquieme paire, & se distribue avec lui à la langue. l petit rameau de la premiere paire cervicale, dont un filet m s'insere dans la seconde paire cervicale, & le filet n se jette dans les muscles obliques de la tête. o rameau de communication entre la huitieme paire & la portion dure du nerf auditif. p rameau de la huitieme paire, dont un filet q s'unit au plexus ganglio-forme cervical, supérieur du nerf intercostal, & se jette ensuite dans le muscle long du cou ; le filet r se distribue à quelques muscles du larynx, du pharynx & de l'os hyoïde. s filet du rameau p, un peu plus gros qu'il n'est naturellement, & qui s'unit au nerf recurrent. F F le cartilage thyroïde. G G la trachée artere, coupée transversalement un peu au-dessus des poumons. H le plexus ganglioforme cervical de la neuvieme paire, auquel la premiere paire cervicale jette un filet. t rameau de la huitieme paire, dont les filets coupés u u s'unissent avec la seconde paire cervicale, & se distribuent aux muscles scalene, mastoïdien, coraco-hyoïdien, sterno-thyroïdien, sterno-hyoïdien, &c. I plexus ganglioforme thorachique de la huitieme paire. x nerf recurrent droit. y rameau de la huitieme paire du côté gauche, qui jette le nerf recurrent, & outre cela le rameau z au plexus cardiaque, le filet 2 au coeur & à l'oreillette gauche. 3 filet du nerf 2 qui se distribue antérieurement au coeur du côté gauche. 4 autre filet qui se distribue à l'oreillette gauche. 5 rameau de la huitieme paire du côté droit, qui jette le filet 6 aux membranes de l'aorte. 7, 7, rameaux coupés du nerf 5, qui se distribuent aux lobes du poumon. 8 filet du nerf 5 qui s'unit au plexus cardiaque supérieur. 9 tronc du rameau 5, dont le rameau 10 se jette à la partie droite du péricarde qui recouvre postérieurement le coeur ; le rameau 11 environne en forme d'anneau la veine cave descendante, où elle s'ouvre dans la partie supérieure de l'oreillette droite du coeur, après avoir jetté les rameaux 12, 12, 12, à cette oreillette. 13, 13, rameaux de la huitieme paire, dont les filets qui sont représentés coupés, s'entrelacent ensemble pour former les plexus pulmonaires. 14 filet de la huitieme paire droite qui se distribue à l'oreillette droite. 15, 15, 15 rameaux du nerf gauche de la huitieme paire, qui se distribuent en partie aux membranes de l'oesophage, & en partie au coeur. 16, 16, deux petits plexus ganglioformes, qui s'observent quelquefois dans le nerf gauche de la huitieme paire. 17 division du nerf gauche de la huitieme paire en trois rameaux qui se réunissent ensuite pour former un même tronc. 18, 18, nerfs de la huitieme paire qui s'élevent de la région postérieure du coeur, & communiquent ensemble au moyen du rameau 19. 20, 20, filets de la huitieme paire qui se distribuent à l'orifice supérieur de l'estomac. 21, 21, trois petits rameaux qui communiquent ensemble, & qui après avoir jetté les filets 22, 22, 22, &c. à la partie supérieure & postérieure de l'estomac, autour du pylore, se joignent à quelques filets du plexus ganglioforme semi-lunaire, & forment avec eux le plexus hépatique 60, 60. 23 petit rameau de la huitieme partie, dont les filets se distribuent à la partie supérieure & antérieure de l'estomac, si on en excepte le filet 24 qui se jette en partie au pylore, en partie au pancréas, & en partie aux conduits biliaires. 25 tronc de la huitieme partie du côté gauche, un peu plus petit qu'il n'est naturellement, qui se divise au-dessous du diaphragme en plusieurs rameaux, & s'unissant aux filets 26 qui proviennent du plexus semi-lunaire, forme avec ces filets le plexus stomachique, & se terminent dans le plexus mesentérique. 27 rameau de la huitieme paire gauche, que nous avons appellé rameau intérieur, & qui se distribue à la partie inférieure de l'estomac, si on en excepte les filets 28, 28, qui se distribuent au pylore. K partie antérieure du coeur dépouillée du péricarde & des vaisseaux sanguins. L'oreillette droite. M l'oreillette gauche. N la veine cave descendante coupée le long de l'oreillette droite. O la veine cave ascendante coupée un peu au-dessus du diaphragme. P l'artere pulmonaire coupée vers son origine. Q Q le tronc de l'aorte divisé en deux parties qui sont représentées un peu éloignées l'une de l'autre, pour faire paroître le plexus cardiaque supérieur placé entre l'aorte & la trachée-artere. R rameau droit du tronc de l'aorte ascendante. S origine de la carotide droite coupée. T origine de l'artere vertébrale droite coupée. V artere axillaire droite coupée. X rameau gauche du tronc ascendant de l'aorte, qui se divise d'abord en deux petits rameaux, dont l'intérieur & le plus petit Y, forme la carotide gauche ; l'extérieur plus gros se termine dans l'artere vertébrale gauche Z, & dans l'artere axillaire gauche, &c. + tronc descendant de l'aorte coupé. plexus ganglioforme cervical supérieur du nerf intercostal. filet qui s'éleve du plexus ganglioforme supérieur du nerf intercostal, qui au moyen des deux rameaux 29, 29, communique avec le nerf gauche de la huitieme paire, & qui se portant en-bas se distribue à la partie antérieure du péricarde. 30 filet coupé à la base du coeur. 31, 31, 31, filets du nerf intercostal, qui se jettent dans le muscle long du cou & dans le scalene. 32 rameau du nerf intercostal qui s'insere dans le plexus ganglioforme thorachique. 33 filet du nerf intercostal qui environne la veine jugulaire externe, & se termine dans les membranes voisines. plexus ganglioforme cervical inférieur du nerf intercostal. 34 rameau du plexus ganglioforme cervical inférieur du nerf intercostal droit, qui se porte en-bas, perce le péricarde, & après l'avoir percé & avoir reçu un filet du plexus cardiaque supérieur, jette le filet 35 aux membranes de l'aorte ; enfin après avoir passé par-dessus le tronc de l'artere pulmonaire, il se divise 36, 36, 36, &c. & se distribue à la partie antérieure du coeur. 37 plexus ganglioforme thorachique du nerf intercostal. 38 filet provenant de la partie inférieure du plexus ganglioforme qui s'unit à la huitieme paire du côté droit. 39, 39, deux rameaux provenans de la partie inférieure du plexus ganglioforme thorachique du nerf intercostal gauche, dont le supérieur jette trois filets, dont deux supérieurs 40, 40, coupés, se distribuent à l'oesophage & à la trachée-artere, le troisieme 42 s'unit à la huitieme paire gauche : le rameau inférieur 39 jette à l'oesophage le filet 41 ici coupé ; enfin les deux rameaux 39, 39, après avoir jetté les filets ci-dessus, se portent vers la partie moyenne de la poitrine, & lorsqu'ils sont parvenus vers la partie postérieure de l'aorte, ils se divisent en plusieurs rameaux qui communiquent tous ensemble, & forment en s'unissant à quelques filets de la huitieme paire, le grand plexus 43. 43 plexus cardiaque supérieur, plus considérable que l'inférieur. 44, 44, 44, 44, filets provenans des parties latérales du plexus cardiaque supérieur, qui se distribuent aux parties internes des lobes du poumon, & aux glandes qui sont placées à la partie supérieure de ces lobes derriere la trachée-artere. 45, 45, filets du plexus cardiaque supérieur, qui sont représentés coupés comme les filets 44, 44, &c. & qui se distribuent au péricarde. * petit nerf du côté droit du plexus cardiaque supérieur qui s'unit au rameau 34, & se distribue avec lui à la partie antérieure du coeur. 46 filet provenant du côté gauche du plexus cardiaque supérieur qui s'unit au filet 2 du rameau 4. 47, 47, filets du nerf cardiaque supérieur, qui se distribuent aux membranes de l'aorte. 48, rameaux de la partie inférieure du plexus cardiaque supérieur, qui se distribuent à la partie postérieure du péricarde & du coeur. 49, deux rameaux de la partie inférieure du plexus cardiaque supérieur qui s'unissent ensemble, jettent le filet 50 aux membranes de l'aorte, forment le plexus cardiaque inférieur 51, & enfin lient par leur extrémité 52 l'artere pulmonaire, & se contournent autour d'elle en forme d'anneau. 53 petit rameau du plexus cardiaque qui se distribuent à l'oreillette gauche du coeur, & s'unit au rameau 4 du nerf 2. 54, 54, filets provenans du côté droit du nerf intercostal, & qui se distribuent dans les membranes des vertebres du dos. 55, 55, 55, les filets qui sortent du côté droit du nerf intercostal, & se terminent de part & d'autre dans le plexus ganglioforme semi-lunaire 57. 56, 56, 56, filets du nerf intercostal qui se terminent avec les filets 54, 54, dans les membranes qui tapissent les vertebres du dos. 57 plexus ganglioforme sémi-lunaire du nerf intercostal. 58 petit rameau du plexus ganglioforme sémi-lunaire du nerf intercostal droit, qui s'élevant en-haut se termine en partie dans la substance charnue du diaphragme, & en partie dans le centre nerveux de ce muscle. 59, 59, filets de la partie supérieure du plexus ganglioforme semi-lunaire du nerf intercostal droit, qui se distribuent aux vaisseaux cholidoques, au pylore, à l'intestin duodenum, & au pancréas ; les trois supérieurs s'unissant ensemble, se terminent dans le plexus hépatique. 60 60 plexus hépatique produit par le nerf intercostal droit, & par le nerf de la huitieme paire. 61, 61, filets de la partie inférieure du plexus ganglioforme sémi-lunaire du nerf intercostal droit, qui se terminent dans les plexus mésentériques. 62, 62, filets qui se répandent sur les membranes qui revêtent les vertebres. 63 plexus stomachique formé par quelques fibres du nerf droit de la huitieme paire & par d'autres, qui proviennent du plexus ganglioforme semi-lunaire du nerf intercostal gauche. 64 rameaux du plexus ganglioforme sémi-lunaire du nerf intercostal gauche, qui se réfléchissant en-haut & communiquant ensemble, forment un plexus nerveux lunaire. 65, 65, filets du plexus stomachique, qui se terminent dans les plexus mésentériques. 66, 66, 66, filets qui se terminent dans les membranes couchées sur les vertebres. 67 rameau du côté interne du nerf intercostal, qui forme le plexus rénal droit du côté droit, & se termine du côté gauche dans le plexus sémi-lunaire. 68 filet du rameau droit 67, qui se termine dans les membranes du rein droit. 69 tronc du rameau droit 67, qui s'unissant aux filets inférieurs des nerfs 55, 55, &c. du côté droit, forme avec eux une espece de réseau, & enfin le plexus rénal droit 70 70. 70 70 le plexus rénal droit. 71 filets intérieurs des nerfs 55, 55, &c. du côté droit, qui se terminent dans les membranes du rein droit, excepté les filets 72, 72, qui se terminent avec d'autres rameaux voisins 72, 72, dans les membranes du rein. 73 deux filets du rameau gauche 67, qui se distribuent dans les membranes qui recouvrent le rein droit. 74 74 le plexus rénal gauche, formé par trois rameaux du plexus ganglioforme sémi-lunaire gauche. 75 petit rameau du plexus ganglioforme sémi-lunaire gauche, qui se distribue dans les membranes du rein gauche, excepté les filets 76, 76, 76, qui se terminent avec quelques rameaux voisins dans les membranes du rein gauche. 77, 77 le plexus mésentérique supérieur. 78 78 le plexus mésentérique moyen. 79 79 le plexus mésentérique inférieur. 80, 80, filets supérieurs du plexus mésentérique inférieur, qui se distribuent dans les membranes qui recouvrent les vertebres lombaires inférieures. 81, 81, &c. les filets inférieurs du plexus mésentérique inférieur, qui se terminent dans les membranes des vertebres de l'os sacrum, de l'intestin rectum, de la vessie, dans les ovaires, & à la matrice. 82, 82, &c. plexus ganglioforme orgéiforme du nerf intercostal dans la cavité du bas-ventre. 83, 83, &c. filets du nerf intercostal qui s'unissent aux plexus mésentériques. 84, 84, &c. filets du nerf intercostal qui se distribuent avec les filets 85, 85, &c. & 87, 87, &c. aux ureteres, à l'intestin rectum, aux releveurs de l'anus, aux ovaires, à la matrice, à la vessie, à son sphincter, aux vésicules seminaires, aux prostates, & au sphincter de l'anus. 86 rameau au moyen duquel les nerfs intercostaux communiquent ensemble vers l'extrémité de l'os sacrum. 88, 88, &c. plexus ganglioformes des nerfs vertébraux, qui ne s'observent point dans la premiere, dans la vingt-huitieme, la vingt-neuvieme & la trentieme paire de ces nerfs. 89, 89, &c. rameaux que les nerfs des vertebres fournissent vers les espaces qui sont entre elles au nerf intercostal. 90 nerf coupé. 91, 91, &c. rameaux du nerf intercostal aux nerfs dorsaux droits. 92 gros rameau du nerf intercostal qui s'unit au premier nerf sacré, & se termine avec lui dans le nerf crural postérieur. 93, 93, &c. filets des nerfs vertébraux. 94 nerf diaphragmatique qui vient de la quatrieme paire des nerfs cervicaux. 95 filet du nerf diaphragmatique qui se distribue aux muscles du cou, c'est-à-dire au transverse & à l'épineux. 96 filet de la sixieme paire cervicale qui s'unit au nerf diaphragmatique. 97 filet du nerf diaphragmatique qui s'unit à un filet de la seconde paire dorsale, & ensuite au nerf intercostal. 98 le nerf diaphragmatique coupé. 99 distribution des nerfs brachiaux. 100 nerf coupé composé de deux filets, l'un de la sixieme, l'autre de la septieme paire cervicale. 101 la gaine commune des nerfs brachiaux ouverte. 102 le rein un peu plus élevé du côté gauche que du droit. 103 production considérable de la paire lombaire inférieure qui s'unit à la premiere sacrée, & aide à former le nerf crural postérieur. 104, 104, &c. les cinq nerfs de l'os sacrum. 105 le nerf crural postérieur coupé.

Figure 2. d'EUSTACHI.

A A B B le cerveau vû par la partie inférieure, A A les lobes antérieurs, B B les lobes moyens. C C le cervelet ; D, D, les extrémités des apophyses transverses de l'atlas ; E, E, les bords relevés des cavités de l'atlas, qui recouvrent & soûtiennent les condyles de l'occipital ; F, F, les cuisses ou pedoncules du cervelet, qui s'avancent pour former la protubérance annulaire ; G, G, les corps pyramidaux ; H, H, les corps olivaires ; I I I la protubérance annulaire ; K, K, les cuisses de la moelle allongée ; L sinus entre la protubérance annulaire, les cuisses de la moelle allongée, & les éminences orbiculaires ; M les éminences orbiculaires ; N corps cendré placé dans l'angle postérieur de la continuité des nerfs optiques entre les cuisses de la moelle allongée. C'est dans ce corps que se trouve l'orifice inférieur du 3e ventricule du cerveau, & d'où provient l'entonnoir ; O, O, les procès mammillaires, ou la premiere paire de nerfs ; P, P, les nerfs optiques ; Q leur continuité ; R, R, ces nerfs avant leur union ; S S la troisieme paire de nerfs ou les moteurs, qui viennent de la partie antérieure de la protubérance annulaire ; T T la quatrieme paire de nerfs, nommés les pathétiques ; V V la cinquieme paire de nerfs venant des parties latérales de la protubérance annulaire ; W, X, Y, ses trois branches ; W la premiere, X la seconde, Y la troisieme ; Z la sixieme paire des nerfs, qui vient de la partie antérieure des éminences olivaires & pyramidales ; a a la portion dure de la septieme paire de nerfs, qui sort de la partie antérieure du côté extérieur des corps olivaires ; b b la portion molle qui vient des parties latérales des corps olivaires ; c c paroît être le limaçon dans lequel la portion molle se distribue ; d d la huitieme paire des nerfs, qui vient de la partie latérale & postérieure des corps olivaires ; e e les nerfs recurrens de l'épine, qui se joignent à la 8e paire, ou l'accessoire de Willis ; f f les troncs de la huitieme paire réunis avec les nerfs recurrens ; g g les nerfs recurrens lorsqu'ils ont quitté la huitieme paire ; h un rameau de l'accessoire qui se distribue au muscle clino-mastoïdien & au sterno-mastoïdien ; i un autre rameau qui s'unit avec la troisieme paire cervicale ; k la fin de ce nerf qui se perd dans le trapeze ; l, l, l, les troncs de la huitieme paire de nerfs ; m, m, les rameaux de la huitieme paire qui vont à la langue, sur-tout à sa racine & à la partie voisine du pharynx, &c. n, n, les rameaux de la huitieme paire qui se distribuent à la partie supérieure du larynx, dans lequel ils s'insinuent entre l'os hyoïde & le cartilage thyroïde où le rameau o s'unit avec le recurrent de la huitieme paire ; p le recurrent droit de la huitieme paire, qui vient de deux endroits de la huitieme paire ; q le recurrent droit joint avec le nerf intercostal droit ; r le recurrent gauche qui sort de même de la huitieme paire par deux principes, mais un peu plus bas que le droit ; s le nerf par le moyen duquel le cardiaque gauche est uni avec le recurrent gauche ; t les ramifications des nerfs recurrens dans le larynx, & qui se distribuent à la glande thyroïde, au pharynx, aux crico-aryténoïdiens postérieurs, aux aryténoïdiens, aux thyro-aryténoïdiens ; u w x le nerf cardiaque droit, qui vient w du nerf recurrent droit, & x de la huitieme paire ; y z le nerf cardiaque gauche, qui vient z du nerf gauche de la huitieme paire, & du nerf intercostal gauche, comme il le semble par la figure ; nerf de communication entre les cardiaques ; les ramifications des nerfs cardiaques, qui se distribuent dans le coeur ; les nerfs du poumon qui viennent de la huitieme paire du cerveau ; , , division de la huitieme paire en deux rameaux, qui se réunissent ensuite, & forment ainsi une petite île, dont la droite est plus grande que la gauche ; , , , rameaux au moyen desquels les troncs de la huitieme paire sont unis ensemble devant & derriere l'estomac ;

rameau du tronc gauche de la huitieme paire qui parcourt la partie supérieure de l'estomac jusqu'au pylore ; tronc gauche de la huitieme paire, lequel se distribue à la portion gauche de l'estomac ; rameaux du tronc droit de la huitieme paire, lesquels se distribuent à la partie postérieure de l'estomac ; rameau du tronc droit de la huitieme paire, lequel répond au rameau

du tronc gauche, qui parcourant le même espace ; jette des filets à la partie postérieure de l'estomac ; le tronc droit descendant derriere l'estomac, & qui s'unit ensuite avec le nerf intercostal gauche ; origine du nerf intercostal, où il est uni avec la sixieme paire ; , , les deux rameaux dans lesquels les troncs des nerfs intercostaux se divisent, & qui se réunissent ensuite : d'où il arrive qu'ils forment un intervalle par lequel passe la carotide interne, & qui est renfermé avec cette artere dans le conduit du rocher par lequel cette artere entre dans le crane ; , , les troncs des nerfs intercostaux ; , , les ganglions cervicaux supérieurs des intercostaux ; , , , , , , , les troncs des nerfs intercostaux qui se portent le long de l'épine par le cou, par la poitrine, par le bas-ventre & par le bassin ; , , &c. les ganglions des nerfs intercostaux ; , , , &c. rameaux par lesquels les nerfs intercostaux sont unis avec les nerfs de l'épine ; l'extrémité des nerfs intercostaux, unie avec la premiere & la seconde paire sacrée ; , , , , rameaux des nerfs intercostaux, qui unis ensemble forment des rameaux considérables , , , qui se portent le long du corps des vertebres du dos, passent à-travers le diaphragme, se mêlent & s'unissent ensuite l'un & l'autre avec le nerf droit de la huitieme paire & le droit avec le gauche ;

,

, rameaux des nerfs intercostaux, lesquels s'unissent aux rameaux des troncs , . Les nerfs des reins, des capsules atrabilaires, du foie, de la ratte, de l'estomac, des intestins, proviennent des troncs , des nerfs intercostaux, de la huitieme paire, de leurs rameaux & de leur union ; , , , , rameaux au foie dont la plûpart se distribuent au duodenum ; , nerf gastro-épiploïque droit, qui va à droite le long du fond de l'estomac, où l'épiploon lui est adhérent : il jette des rameaux à l'estomac, à l'épiploon ; nerf au rein droit & à la capsule atrabilaire droite ; paroissent être des rameaux à la ratte ; nerf gastro-épiploïque gauche, qui se jette sur la portion gauche du fond de l'estomac où l'épiploon est attaché, & jette à l'estomac des rameaux , 1, 1 &c. à l'épiploon ; 2, 2, 2, paroissent être des rameaux au rein gauche & à la capsule atrabilaire ; 3, 3, 3, 3, rameaux qui se rendent aux testicules, de compagnie avec les arteres spermatiques ; 4, 4, 4, &c. paroissent être des rameaux qui se jettent dans le mésentere & aux intestins ; 5, 5, 5, &c. rameaux qui s'unissent ensemble çà & là le long des corps des vertebres, des lombes, & de l'os sacrum, & se jettent au fond du bassin, où ils s'unissent 6 avec la 3e paire sacrée, & 7 avec la 4e paire ; 8, 8, 8, &c. rameaux que les rameaux 5, 5, reçoivent des troncs des intercostaux : 9, 9, 9, &c. paroissent être des rameaux au mesocolon, & à la partie gauche du colon ; 10, 10, 10, &c. la neuvieme paire appellée nerfs lingaux, & qui sort de la partie latérale des corps pyramidaux ; 11 rameaux de la neuvieme paire, qui se distribuent au digastrique, à l'hyo-glosse, au génio-glosse, à la langue, &c. 11 12 gros rameau de la neuvieme paire qui se porte le long du cou, & se distribue au sterno-thyroïdien, au coraco-hyoïdien, au sterno-hyoïdien, &c. 13 rameau d'union de la seconde paire cervicale avec le rameau 12 de l'intercostal ; 14, 14, &c. nerfs cervicaux ; 14, 14, les seconds ; 15, 15, les troisiemes ; 16, 16, les quatriemes ; 17, 17, les cinquiemes ; 18, 18, les sixiemes ; 19, 19, les septiemes ; 20, 20, les huitiemes ; 21 rameau d'union entre la seconde & la troisieme paire cervicale ; 22, 22, rameaux d'union entre la troisieme & la quatrieme paire cervicale ; 23 rameau de la quatrieme paire cervicale qui se joint au recurrent de l'épine ; 24 25 24 25 origine des nerfs diaphragmatiques ; 24 de la quatrieme paire cervicale, 25 de la cinquieme paire ; 26, 26, nerfs diaphragmatiques dont le droit descend plus directement, parce qu'il n'en est point empêché par le coeur ; le gauche descend obliquement, à cause de la situation oblique du coeur du côté gauche ; 27, 27, rameaux des nerfs diaphragmatiques dans le diaphragme ; 28 28 union des quatre paires des nerfs cervicaux inférieurs, & de la premiere dorsale, qui forment les nerfs du bras ; 29, 30, 31, 32, 33, 34, & 39, les nerfs dorsaux ; 40 & 44, les nerfs lombaires ; 45 & 48, les nerfs sacrés ; 50, 51, les nerfs 50 50, qui proviennent des dernieres paires lombaires 51 51 de la quatrieme paire, qui unis ensemble se joignent aux premieres paires sacrées 3 du côté droit, 2 du côté gauche, pour former les nerfs sciatiques ; 52, 52, les nerfs sciatiques.

PLANCHE XII.

Figure premiere d'HALLER, représente les arteres de la face.

A le tronc commun de la carotide ; B la veine jugulaire commune ; C la carotide interne ; D la carotide externe ; E l'artere thyroïdienne supérieure ; F l'artere linguale, couverte par les veines & par le cératoglosse ; G l'origine de l'artere labiale pareillement couverte ; r r les rameaux ptérigoïdiens ;

un rameau au dos de la langue ; H le tronc de la carotide externe dans la parotide ; I l'artere occipitale couverte par la parotide & par les muscles ; K l'artere pharyngée cachée ; L rameau superficiel de l'artere labiale ; M l'artere sous-mentonniere ; N les rameaux superficiels de la labiale ; O l'artere musculaire de la levre inférieure ; p anastomose avec la maxillaire interne ; q la maxillaire inférieure couverte par les muscles, & qui sort par un trou ; R les rameaux de cette artere qui se jettent au quarré & à la levre inférieure ; S anastomose avec la sous-mentonniere ; T anastomoses avec la coronaire de la levre inférieure ; V les rameaux de l'artere labiale inférieure anastomosés avec la coronaire labiale inférieure ; Y la coronaire de la levre inférieure ; Z un de ses rameaux au masseter & au buccinateur ; a un rameau à la peau ; b au triangulaire & à l'angle des levres ; c un rameau de la carotide externe à la parotide ; d la transversale de la face qui sort de la temporale ; e rameau à la temporale & à l'orbiculaire de la paupiere ; f rameau alvéolaire qui accompagne le buccinateur, & qui est à peine apparent ; g rameau au zygomatique, à la partie supérieure de la parotide, à l'orbiculaire inférieur, à la peau ; h rameaux au buccinateur ; i à l'angle des levres ; k, k, la coronaire labiale supérieure ; l la nasale latérale qui en part ; m son anastomose avec l'ophthalmique ; n une autre nasale dont deux rameaux ; o une autre à la cloison des narines ; p la coronaire de la levre supérieure du côté droit, & l'anastomose avec la gauche ; q rameau au muscle zygomatique, & vers l'arcade zygomatique ; t le profond, qui s'anastomose d'un côté avec un compagnon du buccinateur, & de l'autre avec le sous-orbitaire ; u cette anastomose ; x la place du tronc sous-orbitaire couvert par les muscles ; y les anastomoses de ce rameau sous-orbitaire avec le rameau temporal ; z anastomose sous-orbitaire avec la coronaire labiale ; 1 rameau qui se jette au fond du nez ; 2 anastomose avec l'ophthalmique ; 3 autre anastomose ; rameau inférieur qui se distribue au releveur commun, & qui communique avec le rameau f ; 4 le rameau descendant de l'ophthalmique du releveur ; 5 un autre aux aîles du nez ; 6 tronc de l'ophthalmique qui sort de l'orbite ; 7 rameau à la paupiere inférieure ; 8 à la supérieure, au corrugateur, &c. 9 à l'espace qui est entre les deux sourcils ; 10 cutanée ; 11 le dorsal du nez ; 12 anastomoses de la coronaire avec les nasales ; l'artere auriculaire postérieure ; 13 rameau de la temporale au masseter & à la parotide ; 14 la temporale la plus profonde ; 15 la temporale ; 16 l'auriculaire antérieure ; 17 la temporale interne ; 18, 19, ses anastomoses avec les rameaux de l'ophthalmique ; 20 les rameaux qui vont au front, aux tempes, au sinciput ; 22 la temporale externe ; 23 l'auriculaire supérieure ; 24 les arteres sincipitales ; 25 anastomoses avec l'occipitale ; 26 la veine faciale ; 27 la veine temporale ; 28 la veine faciale qui monte dans la face ; 29 les veines frontales ; la veine ophthalmique ; 30 le conduit de Stenon ; 31 le conduit de la glande accessoire ; 32 la glande maxillaire ; 33 la glande parotide ; 34 la compagne de la parotide ; 35 le muscle masseter ; 36 le triangulaire ; 37 le quarré ; 38 l'orbiculaire inférieur ; 39 l'orbiculaire supérieur ; 40 la nasale de la levre supérieure ; 41 le buccinateur ; 42 le zygomatique ; 43 le releveur commun des levres ; 44 le releveur commun de la levre supérieure & de l'aîle du nez ; 45 l'orbiculaire de la paupiere ; 46 le frontal ; 47 le temporal ; 48 le mastoïdien ; 49 coupe de la trachée artere ; 50 la moelle épiniere ; 51, 52, le vrai milieu de chaque levre.

Figure 2. d'HALLER représente une partie de la distribution de la carotide externe.

A le bord inférieur du cartilage thyroïde ; B le bord supérieur ; C l'os hyoïde ; D la glande de Warthon, ou la glande maxillaire ; E la glande sublinguale ; F extrémité de la mâchoire inférieure, dont une des branches a été emportée ; G l'aîle externe de l'apophyse ptérigoïde ; H la partie antérieure de l'arcade zygomatique rompue ; I la partie interne ; K le conduit auditif ; L l'apophyse mastoïde ; M le trou par où passe la troisieme branche de la cinquieme paire ; N le trou de l'artere épineuse ; O la place de l'apophyse transverse de la premiere vertebre ; l'apophyse styloïde ; P le muscle sterno-thyroïdien ; Q le caraco-hyoïdien ; R, R, les sterno-hyoïdiens ; S le mylo-hyoïdien indiqué en passant ; T une partie du basio-glosse, dont la plus grande partie a été détruite ; V la partie du pharynx qui descend du crochet de l'apophyse ptérigoïde ; X le muscle stylo-glosse ; Y le stylo-pharyngien ; Z le peristaphylin externe ; a le peristaphylin interne ; b l'oblique supérieur de la tête ; c l'oblique inférieur ; le releveur de l'omoplate ; d le complexus ; e le nerf de la huitieme paire ; f f l'artere vertébrale, qui paroît d'abord à nud entre le grand droit & les obliques, & ensuite entre l'oblique inférieur & le releveur de l'omoplate ; g un rameau qui se distribue aux muscles obliques, au grand droit, au complexus, au petit droit ; h le tronc commun de la carotide ; i i la carotide interne, qui est ici un peu fléchie ; l la carotide externe ; m l'artere thyroïdienne supérieure ; n le rameau qui se distribue aux muscles hyo-thyroïdien, cerato-glosse, sterno-hyoïdien ; o un rameau qui se jette dans les muscles sterno-hyoïdiens ; p rameau qui descend vers le coraco-hyoïdien le long de la peau ; rameau qui va au crico-thyroïdien & à la glande thyroïde ; q rameau de l'artere pharyngée ; r un rameau superficiel à la glande parotide ; s le premier rameau qui va au pharynx, & qui se divise en haut & en bas ; t rameau à la huitieme paire de nerfs, au ganglion intercostal, au scalene, au muscle droit interne, & au long du cou ; u le second rameau qui se distribue au pharynx ; * endroit où on remarque dans différens sujets un rameau qui accompagne la jugulaire ; W rameau qui se jette au droit interne à la partie supérieure du pharynx ; x x rameau qui se jette à la partie postérieure du pharynx & qui descend ; y rameau superficiel de la carotide externe ; z l'artere linguale ; rameau qui se jette au cerato-glosse ; le tronc profond de la linguale ou la ranine ; rameau superficiel ou la sublinguale ; os mylo-hyoïdien ; l'artere labiale ; son rameau palatin ; un grand rameau à la glande maxillaire ;

un rameau aux amygdales ; un rameau ptérigoïdien ;

un rameau à la glande sublinguale & au mylo-hyoïdien, ou l'artere sous-mentonniere : le rameau qui nourrit la mâchoire inférieure ; les rameaux de la palatine qui se jettent aux muscles du palais ; le profond du palais ; le tronc labial qui se jette à la face ; l'artere occipitale ; l'artere stylo-mastoïdienne ; l'auriculaire postérieure ; les rameaux de l'artere splénique qui se distribuent au splenius ; le rameau meningé postérieur ; un rameau au complexus ; le coude de la carotide où elle commence à prendre le nom de maxillaire interne ; l'artere temporale ; l'artere meningée ; la maxillaire inférieure ; la temporale profonde extérieure ; la maxillaire interne qui cotoye la racine de l'apophyse ptérigoïde ; 1 l'artere temporale profonde interne ; 2 l'artere alvéolaire ; 3 la nasale & la palatine descendante, qui sont obscurément apparentes dans la fente sphéno-maxillaire.

Fig. 3 de RUISCH ; le procès ciliaire vû au microscope.

A la partie tendineuse du procès ciliaire ; B la partie musculeuse ; C fibre circulaires du petit cercle plus sensibles qu'elles ne sont naturellement.

Figure 4 du même ; le globe de l'oeil & les nerfs qui s'y rendent.

A les nerfs oculaires ; B B les artérioles dispersées sur la sclérotique ; C la sclérotique ; D l'uvée ; E la pupille.

Figure 5 du même ; la langue vûe dans sa partie inférieure.

A tégument membraneux de la langue ; B B les arteres sublinguales.

Figure 6 du même ; la choroide sans ses vaisseaux.

A les nerfs dont les dernieres ramifications se perdent dans le ligament ciliaire ; B l'iris ou le lien du ligament ciliaire où ces rameaux se terminent ; C la production de ces rameaux vers le ligament ciliaire ; E l'uvée.

Figure 7 de COWPER ; les muscles de l'oeil presque dans leur situation naturelle.

A la sclérotique ; B portion supérieure de la partie osseuse de l'orbite, sur laquelle on observe le petit anneau cartilagineux ; a a le nerf optique ; C portion inférieure de l'angle externe de l'orbite, où s'insere le muscle oblique inférieur ; D le grand oblique ; E le superbe ; F l'abducteur ; G l'abaisseur ; H l'adducteur ; I le petit oblique.

Figure 8 de BIDLOO ; la paupiere supérieure avec ses glandes & ses poils vûe à la loupe.

A A la peau éloignée ; B B la glande supérieure ; C C les petites glandes desquelles elle est composée ; D D les conduits de cette glande ; E E d'autres petites glandes semées sur ces conduits ; F F le tarse ; G G les membranes qui l'environnent ; H H les poils courbés en-haut ; I la glande lacrymale ; K K coupe des os du nez ; L conduit de cette glande vers le nez ; M d'autres conduits de cette glande vers la paupiere.

Figure 9 de RUISCH ; la choroide & ses arteres.

A les arteres ciliaires ; C face antérieure du ligament ciliaire ; D cercle de l'iris, ou face antérieure des procès ciliaires ; E la pupille.

Figure 10 du même.

A portion postérieure de la sclérotique ; B la rétine dont toutes les arteres ne sont pas remplies.

Figure 11 du même représente l'humeur vitrée & la crystalline.

A l'humeur vitrée ; B le crystallin ; C les procès ciliaires couverts d'une humeur noire ; D les artérioles de la membrane de Ruisch ; E portion du nerf optique ; F portion de la sclérotique.

Figure 12 du même.

A la lame extérieure de la sclérotique ; B la lame intérieure ; C enveloppe intérieure qu'on dit provenir de la pie-mere.

Figure 13 du même.

15 les artérioles de l'iris vûes au microscope ; A le grand cercle artériel de l'iris ; B le petit.

Figure 14 d'HEISTER ; la langue vûe dans sa face supérieure.

A A A A la surface supérieure de la langue dans laquelle se voyent par-tout des papilles en forme de tête & d'autres pyramidales ; B un morceau de l'enveloppe extérieure séparé du reste & renversé ; on y voit un grand nombre de papilles nerveuses adhérentes à sa face interne ; C C la seconde enveloppe de la langue ou le corps réticulaire de Malpighi, par les trous duquel les papilles nerveuses passent de la troisieme membrane vers la premiere ; O le corps réticulaire séparé de la troisieme enveloppe de la langue, & renversé pour y faire voir les petits trous disposés en forme de réseau ; E E la membrane, ou le corps papillaire nerveux, dans lequel se voyent les papilles nerveuses ; F F les glandes linguales, & les papilles, qui paroissent bien plus grosses que les antérieures ; G trou qui s'observe quelquefois à la partie postérieure de la langue.

PLANCHE XIII. DE L'OREILLE.

Figure 1. de DUVERNEY ; elle représente la distribution de la portion dure dans les différentes parties de la face.

A le tronc de la portion dure à sa sortie du crane, par le trou situé entre les apophyses styloïde & mastoïde ; B B le gros rameau que cette portion jette à l'oreille externe ; C C le rameau inférieur qui se distribue au menton, aux muscles situés sur la machoire, & aux tégumens ; D le rameau supérieur qui en forme de patte d'oie se divise en plusieurs rameaux. 1, 2, 3, 4, 5, les cinq rameaux de cette branche, qui se distribuent aux muscles des tempes du front & des paupieres ; 6 rameau de cette branche, qui se jette au milieu des joues, & qui en se joignant à une branche de la cinquieme paire 7, devient plus gros ; 8 le dernier rameau de cette division, qui jette des filets au buccinateur.

Figure 2 d'après nature ; elle représente l'os des tempes en situation, & vû à sa partie latérale externe.

A A A partie de cet os qui forme la fosse temporale ; B l'apophyse zigomatique ; C l'apophyse transverse ; D l'apophyse mastoïde ; E l'angle lambdoïde ; F le trou stylo-mastoïdien ; G le trou auditif externe.

Figure 3 d'après nature, représente l'os des tempes, vû dans sa partie inférieure.

A la portion écailleuse qui forme la fosse temporale ; B C D E F G le rocher ; B sa pointe ; B C D son angle antérieur ; D l'orifice de la trompe d'Eustachi ; E l'angle postérieur inférieur ; F la fosse jugulaire ; G le conduit de la carotide ; H l'apophyse styloïde ; I le trou stylo-mastoïdien ; K l'apophyse mastoïde ; L la rainure mastoïdienne ; M l'angle lambdoïde ; N N O la fosse articulaire ; O sa fêlure ; P le trou auditif externe ; Q l'apophyse transverse ; R l'apophyse zygomatique.

Figure 4 d'après nature, représente l'os des tempes, vû par sa face latérale interne.

A A partie de cet os qui forme la suture écailleuse ; B B face interne de la portion écailleuse ; D D E E le rocher ; D sa face supérieure ; E E sa face postérieure ; F le trou auditif interne ; G H son angle postérieur supérieur. H sa pointe ; I I son angle postérieur inférieur ; K la fosse jugulaire ; L L la gouttiere du sinus latéral.

Figure 5 d'après nature, représente les canaux demi-circulaires & le limaçon.

A le limaçon ; B les canaux demi-circulaires ; C la fenêtre ovale ; D la fenêtre ronde.

Figure 6 de VALSALVA ; elle représente les canaux demi-circulaires, le limaçon, les osselets de l'oreille, &c. en situation.

a l'extrémité de l'aqueduc de Fallope ; b portion des parois du sinus mastoïdien ; c muscle de la petite apophyse du marteau ; d muscle de la grande apophyse du marteau ; e le côté antérieur de la trompe d'Eustachi, où s'insere ce muscle ; f f le péristaphylin externe ; g muscle de l'étrier ; 1 le grand canal demi-circulaire ; 2 le moyen canal ; 3 le plus petit ; 4 le vestibule ; 5 le canal du limaçon ; 6 la portion molle du nerf auditif, qui se distribue au limaçon & aux canaux demi-circulaires.

Figure 7 de RUISCH ; elle représente les osselets de l'oüie dans leur état naturel & recouverts de leur périoste.

N°. 1 ces os sont représentés beaucoup plus grands qu'ils ne le sont naturellement.

A le marteau ; B l'enclume ; C l'étrier ; D l'orbiculaire.

N°. 2 représente ces os dans leur grandeur naturelle dans les adultes.

N°. 3 représente ces mêmes os tels qui s'observent dans le foetus.

Figure 8 de VALSALVA, représente la distribution de la portion molle dans les canaux demi-circulaires.

Figure 9 & 10 de BIDLOO, représentent la peau & l'épiderme vûs au microscope.

a a, &c. les papilles ; b b les différentes vésicules situées entre ces papilles ; d d les vaisseaux de la sueur ; e e, &c. les cheveux qui s'élevent des vaisseaux de la sueur.

Figure 10, représente l'épiderme.

a a les pores de la sueur ; b b, &c. les sillons sur lesquels ces trous sont rangés.

Figure 11 & 12 d'après RUISCH, représentent la cloison des narines couverte de la membrane pituitaire, garnie de ses vaisseaux & de ses glandes muqueuses.

A cette cloison couverte de vaisseaux ; B cette cloison garnie de sinus muqueux.

PLANCHE XIV.

Figure premiere d'HALLER.

A la tente du cervelet ; B le sinus longitudinal de la dure-mere, qui se divise en deux parties de son extrémité postérieure ; C le sinus droit divisé en deux parties, dont l'une dégorge dans le sinus latéral droit, & l'autre dans le sinus latéral gauche ; D vestiges de la faulx du cerveau ; E E les grandes veines de la tente ; A F insertion des veines du cerveau dans les sinus latéraux ; G orifice du sinus occipital postérieur ; H H les sinus occipitaux postérieurs, le droit & le gauche ; I I la faulx du cervelet ; K K les grands sinus transverses ; L L les fosses jugulaires ; M M les sinus pétreux inférieurs qui s'ouvrent dans ces fosses ; N N les sinus pétreux supérieurs ; O O veine du cervelet qui débouche dans ces sinus ; P P sinus occipitaux antérieurs inférieurs ; Q Q leur canal de décharge qui sort avec la neuvieme paire ; R R le sinus occipital antérieur & supérieur ; S S la communication avec les sinus caverneux & le circulaire ; T l'orifice du sinus pétreux supérieur, par lequel il s'ouvre dans le sinus caverneux ; V V les sinus caverneux ; X X le sinus transverse de la fosse pituitaire ; Y Y le sinus circulaire de Ridley ; Z Z insertion des veines antérieures du cerveau dans les sinus caverneux ; a a la principale artere de la dure-mere ; b b la veine qui l'accompagne ; c endroit du crane où elle y entre par un trou particulier ; d d les arteres carotides internes dans le sinus caverneux, coupées dans l'endroit où elles entrent dans le cerveau ; e e artériole qu'elle jette dans ce sinus au nerf de la cinquieme paire ; f f endroit où la carotide interne produit l'artere ophthalmique ; g g les apophyses clinoïdes postérieures ; h l'apophyse crista-galli ; i i les sinus frontaux ; k k nerf de la cinquieme paire qui se distribue à la dure-mere ; l troisieme branche de la cinquieme paire ; m la seconde branche ; n la premiere branche ou l'ophthalmique ; o la quatrieme paire de nerfs ; p la troisieme paire ; q cloison qui sépare la cinquieme de la sixieme ; r la sixieme paire ; s origine du nerf intercostal ; t t entrée de la septieme paire dans la dure-mere ; u u premieres racines de la huitieme paire ; x x secondes racines de la huitieme paire ; y y la neuvieme paire ; z trou de la moelle épiniere.

Dans l'oeil droit, la partie supérieure de l'orbite détruite.

1, 1 l'artere ophthalmique ; 2, 2 son rameau extérieur, qui accompagne le nerf du même nom ; 3, 3 rameau intérieur qui se distribue aux narines ; 4, 4 rameaux à la sclérotique, dont quelques-uns se rendent à l'uvée ; 5, 5 vestiges des muscles releveurs de la paupiere & de l'oeil ; 6 l'extrémité du releveur de la paupiere ; 7 la glande lacrymale ; 8 le nerf optique ; 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, comme dans l'oeil du côté opposé.

Dans l'oeil gauche.

9 la poulie ; 10 le muscle grand oblique ; 11 le releveur de l'oeil ; 12 le muscle interne de l'oeil, ou l'adducteur ; 13 l'abducteur coupé ; 14 le rameau supérieur de la troisieme paire, lequel se distribue aux releveurs de l'oeil & de la paupiere ; 15 le reste du tronc ; 16 rameau de ce nerf à l'oblique inférieur ; 17 rameau au droit inférieur de l'oeil ; 18 rameau au droit interne ; 19 rameau au ganglion ophthalmique ; 20 rameau supérieur de la premiere branche de la cinquieme paire ; 21 filet extérieur de ce rameau ; 22 filet intérieur ; 23 rameau extérieur de la premiere branche de la cinquieme paire ; 24 petits rameaux qui se portent à la face par les trous de l'os de la pommette ; 25 rameaux à la glande lacrymale ; 26 rameaux inférieurs de la douzieme branche de la cinquieme paire ; 27 filet de ce rameau au ganglion ; 28 petit rameau aux narines ; 29 petit tronc qui s'éleve en-devant ; 30 le ganglion ophthalmique ; 31 les petits nerfs ciliaires 7, 8, comme dans l'oeil droit.

Figure seconde de RIDLEY.

A A, les lobes antérieurs du cerveau ; B B les lobes postérieurs ; C C le cervelet ; D D, les sinus latéraux ; E E, les arteres vertébrales ; F, les sinus vertébraux ; G G G la dure-mere séparée du côté droit de la moelle épiniere ; 1, 2, 3, 4, &c. les dix paires de nerfs du cerveau, avec sept autres de la moelle épiniere ; a trou qui aboutit à la tige pituitaire ; b b les deux éminences orbiculaires ; c c, les deux troncs de l'artere carotide interne ; d d leur communication avec la vertébrale ; e e, branches de la basilaire, qui forment le plexus choroïde ; f plusieurs petites branches de la carotide interne ; g l'artere basilaire, composée de deux troncs ; h h, des arteres vertébrales ; i i i l'artere épiniere ; k petite branche d'une artere qui traverse la neuvieme paire ; l l, les jambes de la moelle allongée ; m m, la protubérance annulaire, ou pont de Varole ; n, les corps pyramidaux ; o, les corps olivaires ; p la branche antérieure de la carotide interne ; q q, petites branches qui vont au plexus choroïde ; r r r r, branches d'arteres dispersées sur la protubérance annulaire ; s s, partie des pédoncules du cerveau ; * * nerf accessoire.

PLANCHE XV.

Les figures de cette planche sont tirées des Adversaria anatomica de TARIN : elles représentent les cavités du cerveau & du cervelet.

Figure 1. On voit dans cette figure les deux portions antérieure & postérieure de la tête : elle est coupée à six lignes au-dessus des sourcils, de la partie antérieure vers la partie moyenne ; & de la partie postérieure, ou de l'occiput, vers la même partie moyenne ; de maniere cependant que ces deux coupes forment dans l'endroit de leur concours un angle plus ou moins obtus, pour y découvrir en entier les ventricules supérieurs du cerveau, & les sinus postérieurs de ces ventricules.

Voici ce que ces deux portions ont de commun.

A A coupe des tégumens ; B C coupe des os ; B de leur écorce ; C de leur substance spongieuse ; D E F G H coupe de la dure-mere ; D E F G de la faulx, D F du sinus longitudinal supérieur ; J I K L M N O, &c. coupe du cerveau ; J J de la substance corticale ; I I de la substance médullaire, distinguée des autres parties par tous les petits points rouges par lesquels on a voulu représenter les gouttes de sang qui s'écoulent des veines coupées dans cet endroit ; L L coupe du bord postérieur du corps calleux ; M de la cloison transparente ; N de la colonne antérieure de la voûte ; O des parties latérales du bord postérieur du corps calleux, PP des colonnes postérieures de la voute. * extrémité postérieure des cornes de bélier. QQ RR coupe des ventricules antérieurs du cerveau, RR des parois des sinus postérieurs.

Ce qui suit est particulier à la coupe qui représente la face.

SS les CORPS cannelés parsemés de veines. TV COUCHES des nerfs optiques, couvertes en partie du plexus choroïde. VV EMINENCES ovalaires des couches ; ces éminences ne s'observent pas toujours. UU nouveaux FREINS transparens comme de la corne, qui retiennent le tronc des veines qui viennent des corps cannelés & des couches des nerfs optiques, se décharger dans ce tronc situé dans l'angle formé par la rencontre des couches & des corps cannelés : ces freins s'étendent de part & d'autre de la partie anterieure des couches, le long de l'angle dont nous venons de parler, vers leur partie postérieure sous ces couches, jusqu'à la partie antérieure de la fente des sinus antérieurs des ventricules du cerveau, & se terminent de la partie postérieure de ces couches sous ces couches mêmes, par une substance médullaire semblable à celle qui couvre les nerfs optiques : ces freins poussent quelquefois un ou deux rameaux aux éminences ovalaires des couches. X X un de ces rameaux. Z a b c le PLEXUS choroïde dans sa situation naturelle. a les rameaux qui se dégorgent dans les branches b, lesquelles par leur concours forment la VEINE de Galien. c d EMINENCE des sinus postérieurs des ventricules supérieurs du cerveau : ces éminences ne s'observent pas toujours. d e ORIFICE qui conduit dans les sinus dans lesquels s'étendent les piliers postérieurs de la voûte, les cornes de bélier & le plexus choroïde.

Ce qui suit est particulier à la coupe opposée.

f g h i j, &c. face inférieure du corps calleux, ou la paroi supérieure des ventricules latéraux du cerveau & des sinus postérieurs de ces ventricules. f f la partie de ce corps qui couvre les corps cannelés. g g la paroi supérieure des sinus postérieurs. h h les VEINES qui s'étendent le long de la paroi de ces ventricules. i i les CANNELURES formées par la courbure de cette paroi. j j la CLOISON transparente. k la partie inférieure du bord postérieur du corps calleux. l les parties de la voute contiguës postérieurement à la paroi supérieure des ventricules, & antérieurement à la partie postérieure de la cloison transparente. m partie antérieure arrondie des colonnes médullaires qui forment la voûte, & qui sont un peu adhérentes dans cet endroit. n o la partie postérieure de ces colonnes qui va toujours en s'amincissant, & qui est adhérente en n au corps calleux, & se termine en tranchant en o. p ESPACE triangulaire isocele compris entre le bord postérieur du corps calleux & les colonnes postérieures de la voûte, nommé la LYRE, entrecoupée de filets de la partie antérieure à la postérieure, & d'une partie latérale vers l'autre.

Figure 2. Cette figure représente la partie moyenne de la coupe de la figure premiere, qui représente la face ; le plexus choroïde en a été enlevé ; la coupe OP du bord postérieur du corps calleux, &c. a été éloignée pour découvrir la partie supérieure du cervelet.

H partie antérieure & supérieure du cervelet. J COMMISSURE postérieure du cerveau. I la GLANDE pinéale. K les COLONNES médullaires qui lient cette glande aux couches des nerfs optiques, & l'appliquent à la commissure postérieure du cerveau. L les NATES. M coupe de la cloison transparente. NN coupe du pilier antérieur de la voûte. SS les CORPS cannelés. TV les COUCHES des nerfs optiques. V les EMINENCES arrondies des couches. U U nouveaux FREINS dont nous avons parlé dans la figure premiere. X Y Z FENTE qui sépare les couches, & qui conduit dans le troisieme ventricule. X la VULVE. Y l'ANUS. Z la FENTE continue à la vulve & à l'anus ; en ouvrant cette fente on découvre le troisieme ventricule.

Figure 3. Cette figure est presque la même que la précédente, sinon qu'elle représente le troisieme ventricule.

H J I, &c. U comme dans la figure précédente, si ce n'est que les colonnes K paroissent s'étendre le long du bord supérieur & intérieur des couches, & que les éminences VV n'ont point été représentées. a b c d le troisieme VENTRICULE. a la COMMISSURE antérieure du cerveau. b b la partie de ce ventricule nommée l'entonnoir. c c les EMINENCES orbiculaires d'où s'élevent les colonnes NN. d CONDUIT qui du troisieme ventricule s'étend dans le quatrieme. b d FENTE continue à l'entonnoir & à ce conduit. e e ENDROIT où les couches sont quelquefois adhérentes entre elles.

Figure 4. Cette figure fait voir la tête coupée, de maniere qu'on découvre les sinus antérieurs des ventricules latéraux du cerveau & les cornes du belier.

AA coupe des tégumens. B C D E * coupe des os, C des sinus frontaux, D de la cloison de ces sinus, E de l'épine du coronal, * de l'apophyse de l'os ethmoïde. F trous olfactifs. G G fosses antérieures de la base du crane, couvertes de la dure-mere. H H trous optiques. II nerfs optiques qui se rendent à l'oeil par ce trou. J union de ces nerfs. K concours de ces nerfs de la partie postérieure vers l'antérieure. 2 coupe des carotides internes. L L coupe de la dure-mere. M M coupe de la substance corticale du cerveau. N N coupe de la substance médullaire du cerveau. O P coupe des sinus des ventricules du cerveau ; O des sinus antérieurs, P des postérieurs. Q coupe des couches des nerfs optiques, bordée de la substance médullaire, dont ces couches sont couvertes. R une partie & le fond de l'entonnoir. S orifice antérieur du conduit ouvert du troisieme ventricule dans le quatrieme. T la commissure postérieure du cerveau. U les natès. h i k l m n o p comme dans la coupe opposée de la figure premiere, si ce n'est que le corps calleux a été séparé des parties latérales antérieures auxquelles il est continu, & renversé de devant en arriere, pour faire voir que les cornes de bélier V W ne sont pas un prolongement du corps calleux. V extrémité postérieure de ces cornes voisines du bout postérieur du corps calleux. W leur extrémité antérieure cannelée & voisine X X des apophyses clinoïdes postérieures. Y Y filamens médullaires, obliques de devant en-dehors, & de derriere en-devant, unis ensemble pour couvrir les cornes. Z Z prolongement pyramidal des piliers postérieurs de la voûte : ce prolongement borde le bord interne des cornes. a b le PLEXUS choroïde. a partie de ces plexus renversée de devant en arriere, & représentée en z z, (figure premiere). b b partie de ce plexus qui couvre les cornes, représentée dans sa situation naturelle. c c partie latérale externe des sinus antérieurs des ventricules antérieurs du cerveau. d e R comme dans la coupe de la figure premiere. f f bord interne & inférieur du lobe moyen du cerveau. g g FENTE qui se trouve entre ce bord & la moelle allongée, & par laquelle les arteres du plexus choroïde se rendent à ce plexus.

Figure 5. On voit dans cette figure une coupe verticale de la tête, de droite à gauche, le long de la partie postérieure des oreilles, & le cervelet coupé, de maniere qu'on puisse y découvrir le quatrieme ventricule.

Ce qui suit est commun aux deux coupes.

AA coupe des tégumens & des chairs. B C D coupe des os, C de la suture sagittale, D du trou oval. E F G H I coupe de la dure-mere, F G de la faulx, G du sinus longitudinal, H I de la tente, I des sinus latéraux. J K L coupe du cerveau, J de la substance corticale, K de la substance médullaire, L coupe des sinus des ventricules antérieurs du cerveau dans l'espace triangulaire commun à ces sinus. * orifice des sinus postérieurs. M N O coupe du cervelet, M de la substance corticale, N de la substance médullaire, O des parois du quatrieme ventricule. P parties latérales inférieures du cervelet, séparées par la petite faulx de la dure-mere.

Ce qui suit est particulier à la coupe qui représente les oreilles.

Q bord postérieur des cornes de bélier. R plexus choroïde qui couvre la partie postérieure des cornes. S bord postérieur du corps calleux. T les NATES. U les TESTES, V la GLANDE pinéale, dans leur situation naturelle. W colonne médullaire d'où sort X, l'origine de la quatrieme paire de nerfs. Y la face postérieure de la grande valvule du cerveau. a b c d e f g paroi antérieure du quatrieme ventricule ouverte. a la partie inférieure du conduit formé par la grande valvule & les colonnes médullaires du cervelet. b c petite FENTE qui divise cette paroi. d d d d les quatre petites FOSSES. e f portion de la septieme paire de nerfs qui sort du quatrieme ventricule. e sa sortie de ce quatrieme ventricule dans l'angle formé par le concours de la partie inférieure & antérieure du cervelet, & la postérieure de la moelle allongée. g e le BEC de plume à écrire, dont les bords g g sont quelquefois crenelés. h coupe de la moelle épiniere.

Ce qui suit est particulier à la coupe opposée.

i espace triangulaire, qui résulte du concours de la partie inférieure, postérieure & antérieure de la faulx, avec la partie moyenne & antérieure de la tente. j extrémité supérieure de l'éminence vermiculaire, située sur la valvule Y. l parties latérales internes du cervelet, correspondantes à ces extrémités. k extrémité inférieure de l'éminence vermiculaire opposée à la paroi a b c d e f. m la partie postérieure du quatrieme ventricule.

PLANCHE XVI.

Figure premiere d'HALLER ; elle représente les arteres de la partie antérieure & interne de la poitrine.

A le foie représenté en passant. B la portion droite du diaphragme. C quelques parties des muscles de l'abdomen. D le pericarde, à-travers lequel le coeur paroît çà & là. E l'oreillette droite circonscrite par des points. F la pointe du coeur. G la veine cave inférieure. H la veine pulmonaire droite. I la veine cave inférieure. K sa continuation dans la jugulaire droite. L la jugulaire gauche. M une partie de l'aorte. N la ligne dans laquelle le péricarde se termine dans la veine cave. O la ligne par laquelle il est adhérent à l'aorte. P la partie droite du thymus. Q la gauche. R la lame gauche du médiastin unie avec le pericarde. S la trachée artere. T l'oesophage. V la glande thyroïde. X la veine jugulaire interne droite. Y la veine thyroïdienne supérieure. Z le nerf droit de la huitieme paire. a tronc commun de l'artere soûclaviere & de la carotide droite. b la souclaviere droite. c la carotide droite. d la veine mammaire droite. e l'artere mammaire droite. f rameau péricardio-diaphragmatique de la mammaire droite. g rameau qui se distribue au péricarde & aux glandes placées sous la veine cave. h rameau qui accompagne le nerf diaphragmatique. i rameau superficiel qui se distribue aux poumons. k d'autres au péricarde. l rameau de l'artere diaphragmatique droite. n anastomose de l'une & l'autre artériole qui accompagne ce nerf. o rameau de l'artere diaphragmatique au diaphragme. p anastomose de la mammaire avec les rameaux de la diaphragmatique. q l'artere thymique droite. r l'artere péricardine postérieure supérieure. s l'artere thymique gauche postérieure. t la veine thymique droite. u rameau des arteres mammaires, qui sort du thorax. x division de la mammaire interne. y rameau externe, ou l'épigastrique. z rameau qui se distribue aux tégumens extérieurs de la poitrine. 1 rameau abdominal, ou l'épigastrique intérieur. 2 l'extérieure, ou la musculo-phrénique. 3 rameau intérieur de la mammaire, ou la phrénico-péricardine. 4 rameau au médiastin. 5 petit rameau au péricarde. 6 petit tronc qui se porte au diaphragme. 7 les arteres coronaires antérieures figurées en passant. 8 la veine thyroïdienne inférieure droite. 9 la veine thyroïdienne inférieure gauche. 10 rameau qui se distribue à la trachée artere. 11 un autre à l'oesophage. 12 un autre à la corne droite du thymus. 13 la carotide gauche. 14 la soûclaviere gauche. 15 les deux rameaux de la thyroïdienne inférieure. 16 la vertébrale gauche. 17 la mammaire. 18 un de ses rameaux au mediastin, qui accompagne le nerf diaphragmatique. 19 rameau thymique gauche. 20 division de la mammaire gauche. 21 rameau phrénique ou péricardin gauche. 22 rameau épigastrique. 23 la veine soûclaviere gauche. 24 la jugulaire gauche. 25 la mammaire gauche. 26 rameau thymique gauche. 27 rameau superficiel. 28 la veine bronchiale gauche. 29 rameau thymique. 30 rameau médiastin. 31 rameau bronchial. 32 la veine thyroïde moyenne gauche.

Figure 2. d'HALLER, représente l'aorte inclinée sur la gauche, afin qu'on puisse mieux voir les arteres bronchiales du même côté.

A B C le poumon droit. A le lobe inférieur. B le supérieur. C le moyen. D E le poumon gauche. D le lobe inférieur. E le lobe supérieur. F F l'oesophage. G G G l'aorte. H H H les rameaux qu'elle jette en-dedans le bas-ventre figurés en passant. J l'arc de l'aorte. K le tronc de la soûclaviere & de la carotide droite. L la soûclaviere droite. M la carotide droite, N la gauche. O la soûclaviere gauche. P le péricarde recouvert postérieurement de la plevre. Q Q le médiastin postérieur. R la veine cave. S l'azygos. T rameau intercostal supérieur. U U 1 2 3 veines intercostales. X division de l'azygos. Y tronc droit, Z le gauche. la trachée artere. la bronche droite. a veine bronchiale gauche. b tronc qui s'insere au-delà de l'aorte dans les espaces intercostaux. c rameau à l'oesophage, d à la trachée artere, e ensuite à l'oesophage, f au même, g dans les tuniques de l'aorte. h l'artere péricardine postérieure supérieure, qui vient de la soûclaviere gauche, & qui se distribue à l'oesophage & à la trachée artere ; i la même qui vient de la soûclaviere droite, & se distribue au tronc de l'aorte & à la trachée artere. k les arteres broncho-oesophagiennes qui viennent de l'aorte.

l'artere & la veine oesophagienne qui viennent de la bronchiale droite. l l'artere bronchiale droite. m intercostale supérieure, qui en sort & se porte vers l'intervalle de la seconde & de la troisieme côte. nn les bronchiales qui se distribuent aux poumons. o une partie de la bronchiale gauche. p p p les arteres intercostales. q les trois petites arteres oesophagiennes, qui viennent de l'aorte. r l'autre artere oesophagienne. s veine de l'azygos à l'aorte. t veine bronchiale droite de l'azygos. u d'autres petites arteres oesophagiennes. x rameau de l'artere r. y z la plus grande artere oesophagienne. 1 l'artere oesophagienne. 2 une autre veine. 3 une troisieme. 4 une quatrieme.

Figure 3. de NUCK, représente une partie de la mammelle.

A A une partie de la mammelle. B B la peau coupée. C C C la partie glanduleuse de la mammelle. d d d d racines capillaires des tuyaux laiteux. e, e, e, trois de leurs troncs. f f anastomose de ces troncs entr'eux. g la papille percée de plusieurs trous.

Figure 4. de BIDLOO, représente les vésicules d'un rameau bronchial.

A rameau bronchial séparé de son tronc. B B ses petits rameaux. C C les vésicules qui terminent ces rameaux. D vésicules séparées de différentes figures qui sont recouvertes de vaisseaux sanguins, & d'autres vaisseaux qui s'entrelacent les uns avec les autres.

PLANCHE XVII. DE SENAC.

Figure premiere. Cette figure représente la face convexe du coeur, mais il a été forcé par la cire dont il a été rempli ; on ne pouvoit faire voir autrement la figure naturelle des sacs ; l'injection n'a pas conservé la proportion exacte des vaisseaux ; ils ont été diversement forcés.

L'aorte c, par exemple, paroît moins grosse que l'artere pulmonaire. La veine-cave supérieure B a été trop dilatée, les proportions manquent de même dans les arteres coronaires ; à mesure que les ventricules ont été dilatés, ces arteres se sont allongées : à leurs extrémités, de même que dans leur cours, elles sont marquées par des points ; ce sont ces points qui les distinguent des veines. A l'oreillette droite remplie de cire ; il ne paroît aucune dentelure, quoiqu'il y en ait quelque trace dans l'état naturel. B la veine-cave supérieure, qui est continue avec l'appendice à sa partie postérieure. C l'aorte qui vient de derriere l'artere pulmonaire, & se courbe en montant. D l'artere pulmonaire. E l'oreillette gauche qui est plus élevée que la droite. F la veine pulmonaire antérieure. I I les valvules de l'artere pulmonaire qui avoient été poussées dans les sinus par l'injection, & qui paroissoient au-dehors. g branche antérieure de l'artere pulmonaire gauche. h artere coronaire droite. i i veines innominées, qui débouchent dans l'oreillette par leur tronc. k k la veine qui accompagne l'artere. L la branche antérieure de l'artere coronaire qui passe à la partie postérieure par la pointe du coeur. m m m m m m arteres qui rampent sur les oreillettes & les grands vaisseaux. Il n'est pas douteux qu'il n'y ait des variations dans les vaisseaux coronaires, il est peu de sujets où l'on trouve ces vaisseaux exactement les mêmes : mais c'est dans les branches que se présentent les variations. Les troncs en général sont peu différens, les principales divisions sont aussi moins variables ; mais on ne finiroit jamais si l'on vouloit marquer toutes les différences qui sont très-fréquentes dans les vaisseaux. Il faut cependant observer ces différences pour établir ce qui est le plus général ; elles peuvent d'ailleurs nous découvrir quelque usage particulier, ou quelque vûe de la nature.

Figure seconde. Cette figure représente la face applatie du coeur, & les oreillettes remplies ; les ventricules & les vaisseaux coronaires sont aussi remplis ; le sinus de la veine coronaire a été forcé par l'injection.

A oreillette ou sac gauche dont la surface supérieure est toûjours oblique. B le sac droit qui est plus court que le sac gauche. C la veine pulmonaire gauche & postérieure. D D le sinus coronaire qui a été trop dilaté par la cire. E la veine pulmonaire droite, postérieure du sac gauche. F la veine-cave inférieure qui avoit été liée, & dont l'orifice paroît plus petit que dans l'état naturel. G G G adossement des sacs qui sont liés par un plan extérieur des fibres communes à l'un & à l'autre. H embouchure du sinus coronaire dans l'oreillette droite. I veine innominée avec les branches o o o o. L artere coronaire qui vient de l'autre face du coeur. a a a a a a a branches des arteres coronaires sur la surface du coeur. b b b veine qui marche le long de la cloison. c c c seconde veine qui n'a qu'une artere qui l'accompagne. d d deux autres veines. e e e branche où se réunit la veine. f f f f extrémités artérielles qui marchent transversalement. g g branches veineuses sur lesquelles passe une branche artérielle a, en forme d'anneau. h h h h veines qui se répandent sur les sacs. i i i i i i arteres qui rampent sur les sacs. o o o o branches de la veine innominée i. On voit dans cette figure si les arteres coronaires par leurs extrémités se joignent & forment un anneau, comme Ruisch le prétend, & elles sont ici fort éloignées.

Figure troisieme. On a représenté dans cette figure les fibres musculaires du coeur & leurs contours ; pour cela on a durci un coeur par la coction, on a auparavant rempli ses cavités de charpie.

A l'artere pulmonaire qui paroît relevée à la racine, parce que le ventricule droit est rempli. B l'aorte. C la pointe du ventricule gauche, avec ses fibres en tourbillon : mais ce tourbillon ne peut pas être bien représenté ici, à cause de la petitesse de la pointe resserrée par la coction ; c'est une espece d'étoile avec des rayons courbes qui sortent du centre, ou qui s'y rendent. D la pointe du ventricule droit ; elle est en général moins longue que la pointe du ventricule gauche. E le ventricule droit vû par sa face convexe ou supérieure. F le ventricule gauche, vû de même. g g g le sillon qui termine ou unit les deux ventricules : les fibres externes s'élevent ici en petites bosses près du sillon, parce que les ventricules sont remplis, & que la cloison n'a pas prêté autant que les fibres. C'est pour cela qu'on ne voit pas bien la continuité apparente de celles du ventricule droit avec celles du ventricule gauche : mais cette continuité n'est pas douteuse, on n'a qu'à enlever de petites lames, on verra qu'elles partent du bord du ventricule droit pour s'étendre sur le gauche. h h h le côt du ventricule gauche ; c'est sur ce côté que sont les fibres droites, ou approchantes des droites, lorsqu'il y en a dans le coeur ; ces fibres forment une couche si mince, qu'on les emporte facilement en élevant la membrane qui les couvre.

Figure quatrieme. Cette figure représente la face applatie ou inférieure du coeur.

A A les fibres qui sont à la racine des oreillettes. B la cloison des oreillettes. C le ventricule gauche. D le ventricule droit. e la pointe du ventricule gauche. f la pointe du ventricule droit. g g g le sillon qui termine les deux ventricules.

Figure 5. On a représenté dans cette figure l'intérieur du ventricule gauche ; pour cela on a fait une section par l'aorte, & on l'a poussée le long de la cloison ; il n'y a que cette section qui puisse montrer la grande valvule, & laisser les piliers dans leur entier.

A la grande valvule mitrale qui surpasse de beaucoup celle qui est cachée dessous. B scissure qu'on a été obligé de faire pour étendre le ventricule, & l'y montrer. C autre scissure qui a été nécessaire pour la même raison. D troisieme scissure qu'on a faite à la pointe. E espace lisse & poli, qui est sous l'aorte. F g, f G, piliers d'où partent les fibres tendineuses, dont on a représenté l'entrée dans la valvule. a a a bande ou cordon tendineux, auquel la valvule est attachée. b b b filamens tendineux qui rampent dans la valvule, & qui vont joindre ceux qui viennent de la racine de cette valvule. d d d d d racines de piliers, & les colonnes avec leurs aires. On voit au bas des piliers les colonnes, les faisceaux, les filamens, les aires, les fossettes dont le ventricule est couvert ; il n'y a rien sur cette surface qui ne soit représenté d'après nature jusqu'aux parties les plus petites.

Figure 6. On a représenté dans les figures précédentes tout ce qui est sous l'aorte, les valvules sigmoïdes & leurs structures, le cordon auquel sont attachées les valvules auriculaires ; la façon dont se terminent les colonnes à ce cordon ; comme ce coeur avoit été dans l'eau alumineuse, le tissu avoit été resserré.

A A espace lisse & poli, qui est sous l'aorte. B pilier avec ses filets tendineux qui vont au reste de la valvule f, qui a été déchirée. C autre pilier avec quelques filets tendineux qui va à un reste g de la valvule. D D D, ce qui manque ici a été représenté dans la précédente figure. a a a valvules sigmoïdes avec leurs tubercules ; on a omis les sinus. b b b cordon qui est sous ces valvules : il est un peu plus large dans l'état naturel, & plus proche du fond des valvules. c, c, c, c, c, colonnes, faisceaux, filamens & fossettes. d d d d cordon des valvules mitrales. e e e e insertion des fibres des colonnes sous ce cordon. i, h, embouchures des arteres coronaires.

Figure 7. Cette figure représente la structure des valvules sigmoïdes.

a le tubercule. b bosse ou second tubercule, qui est dessous. c, d, les angles que forment les cornes ; toutes les fibres qu'on voit dans cette figure sont musculaires. e, f, arteres coronaires.

Figure 8. Cette figure représente une valvule sigmoïde prise d'un autre sujet.

a tubercule. b, c, les cornes.

PLANCHE XVIII.

Figure 1. d'HALLER. représentant quelque partie du bas-ventre.

A B le lobe droit du foie incliné à droit. le lobe gauche. le lobe de Spigélius. C la vésicule du fiel. D le rein droit. E l'estomac élevé en-haut. F l'oesophage.

une portion de l'épiploon gastro-colique. G le pylore. H la portion descendante du duodenum. J une autre portion transverse du duodenum. K sa partie gauche & l'origine du mésentere. L le rein gauche. M la rate dans sa situation naturelle. N la face antérieure du pancréas. O la face postérieure du pancréas. P l'artere mésentérique qui passe derriere le duodenum & devant le pancréas. Q l'artere colique moyenne. R le tronc de la coeliaque. S l'artere coronaire supérieure. les rameaux mésentériques de la veine-porte. T la veine-porte poussée un peu sur la gauche. U rameau droit de l'artere coeliaque. X son tronc hépatique. Y la duodénale. Z l'artere gastro-épiploïque droite, qui côtoye la grande courbure de l'estomac. a a les deux arteres pyloriques inférieures. b la grande artere pancréatico-duodénale qui côtoye la partie cave de la courbure. c les rameaux qu'elle jette au duodenum, Y au pancréas ; ses anastomoses avec les petites pyloriques. d la pancréatique. e l'insertion de l'artere de la splénique dans la pancréatico-duodénale. c f rameau d'une branche de la mésentérique qui s'ouvre dans cette même artere d. g lieu de l'insertion de la premiere duodénale. h l'artere splénique. i les rameaux pancréatiques. k les rameaux gastriques postérieurs. l, l, l, les rameaux spléniques. m l'artere gastroépiploïque gauche. n ses anastomoses avec la droite. o o les vaisseaux courts.

Figure 2. d'HALLER, représente les reins, &c.

A le rein droit. B le rein gauche. C la capsule droite. D la capsule gauche. E une de ses parties un peu élevée pour voir les vaisseaux postérieurs. F grand sillon de la capsule. G le même dans la capsule droite. H H les appendices du diaphragme. J J le centre tendineux du diaphragme. K K les portions du diaphragme qui sortent des côtes. L ligament suspensoire du foie. M trou de la veine-cave N, & de l'oesophage. O le psoas gauche. P l'uretere du même côté. R l'intestin rectum représenté en passant. Q l'uretere droit. S S une partie de la graisse rénale. T l'aorte. U la veine-cave à sa sortie du foie. X l'artere phrénique. Y rameau droit. Z rameau capsulaire antérieur. a les postérieurs. b rameau au diaphragme. c rameaux des mammaires qui paroissent un peu dans l'étendue du diaphragme. d rameau droit de l'appendice. e anastomose des arteres diaphragmatiques. f rameau gauche de la phrénique. g, g, les capsulaires antérieures de la diaphragmatique. h l'oesophagienne. i, i, rameaux à l'un & à l'autre tendon. k k à l'appendice. rameau qui perce le diaphragme pour aller au thorax.

anastomose ou arc des vaisseaux droit & gauche dans le tendon. l rameau au ligament suspensoire. veine phrénique droite. la gauche. m l'artere céliaque. n la mésentérique supérieure. o l'appendicale droite qui vient de l'aorte. p la premiere capsulaire gauche postérieure. q l'appendicale qui vient de l'aorte. la capsulaire postérieure droite. r la seconde capsulaire postérieure gauche. s sa capsulaire antérieure gauche. t l'artere rénale gauche. u rameau adipeux qui vient du tronc. w l'artere rénale droite. l'artere capsulaire droite antérieure de la rénale. la veine qui l'accompagne. x, x, les arteres aux glandes lombaires. y l'artere adipeuse droite de la rénale. z l'artere spermatique droite. 1 l'adipeuse qui en sort. 2 l'uretérique supérieure de l'aorte. 3 le grand rameau adipeux inférieur. 4 le rameau qui va aux testicules. 5 la spermatique gauche. 6 les adipeuses qui en sortent. 8 rameaux aux testicules. 9 l'adipeuse postérieure qui vient de la capsulaire. 10 l'artere mésentérique inférieure. 11, 11, les iliaques communes. 12, 12, les externes. 13, 13, les internes. 14, 14, les épigastriques. 15 l'artere sacrée. 16 l'uretérique gauche. 17 l'uretérique droite inférieure. 18 la veine sacrée. 19 la veine capsulaire droite. 20 la veine rénale gauche. 21 la capsulaire gauche de la rénale. 22 l'adipeuse de la même. 23 la spermatique de la même. 24 la premiere rénale droite. 25 la seconde. 26 la spermatique qui en sort, 28 & de la veine-cave. 29 le sommet de la vessie. 30 l'ouraque. 31 les arteres ombilicales.

Figure 3. du même, représente les intestins en situation.

A A la partie inférieure du foie élevé en-devant. B B la vésicule du fiel. C la veine ombilicale. D le petit lobe de Spigélius. E E l'estomac. G le pylore. K K l'épiploon gastro-colique. O O limite dans le colon, de laquelle provient l'épiploon gastro-colique & le colique. Q Q le petit épiploon. S S partie du mésocolon. T T différentes parties du colon. U second coude du duodenum presque transverse. X troisieme coude du duodenum qui reçoit le canal cholidoque. Y ligament ou membrane qui va de la vésicule au colon. Z a ligament hépatico-rénal. Z limite gauche de ce ligament. a sa limite droite. b b le rein droit couvert par le péritoine. c l'orifice de Winslow par lequel on souffle le petit épiploon. d d le colon avec les appendices graisseux. e, e, les intestins grêles. f f la partie du pancréas qui s'insinue dans les courbures du duodenum.

PLANCHE XIX.

Figure 1. de KULM.

a b c d 2 le pancréas. a, a, a, a, les grains glanduleux du pancréas. b, b, b, b, les petits conduits qui de ces grains se rendent dans le conduit commun. d 2 f e le commencement du duodenum. e l'orifice commun du conduit pancréatique & du canal cholidoque dans cet intestin. f f l'intestin ouvert pour voir cet orifice. g le pylore. h l'estomac. i l'orifice cardiaque. k le foie. l la vésicule du fiel. m le conduit cistique. n le conduit hépatique. o le canal cholidoque. 1 1 les vaisseaux courts. 2 2 3 la rate. 3 l'artere splénique. 4 l'épiploon. 5 le diaphragme. 6 le rein.

Figure 2. de REVERHOLT, représente la partie concave du foie.

A A, la face interne du foie. B le petit lobe du foie. C la tissure du foie. D la veine ombilicale. E l'artere hépatique. F son rameau qui produit la cistique. G la veine-porte. H les nerfs hépatiques. I la veine-cave. K la vésicule du fiel. L le conduit cistique. m le conduit hépatique. n le canal cholidoque. o glandule cistique. p grosse glande placée sur la veine-porte, ou sur le conduit cistique. q vaisseaux lymphatiques de la vésicule. r, r, r, vaisseaux lymphatiques qui proviennent de la partie concave du foie.

Figure 3. du même, représente la face convexe du foie.

A A A, une partie du sternum avec ses cartilages. B l'appendice xiphoïde. C C le foie. D la vésicule du fiel. E la veine ombilicale. F ligament suspensoir du foie. g g g vaisseaux lymphatiques du côté droit. h h ces vaisseaux coupés, où ils s'unissent en perçant le diaphragme. i i vaisseaux lymphatiques provenans de la partie gauche du foie.

Figure 4. de BIDLOO, représente la rate dépouillée de ses membranes.

A l'artere, B la veine, l'une & l'autre remplies de cire. a b ramifications de l'artere & de la veine. C, C, vestiges de la capsule. D prolongemens & plexus de nerfs. E petites fibres qui partent de la membrane propre de la rate. F vestiges des cellules rompues. G capillaires des vaisseaux lymphatiques.

Figure 5. de RUYSCH, représente une portion de l'intestin jejunum renversé.

A fausses glandes miliaires situées dans les rides, ou environnées de brides. B ces glandes sans être environnées de brides.

Figure 6. de PEYER.

A A l'extrémité de l'iléon ouverte & dilatée de maniere qu'on le voye en-dedans. C C la valvule de Bauhin. D D portion du colon coupée. E, E, e, e, e, glandes solitaires. F F l'intestin coecum entier. G G le même renversé pour voir les glandes.

Figure 7. d'HEISTER, représente les veines lactées.

A A A, une partie de l'intestin jejunum. B B B un grand nombre de racines des veines lactées. C C C C leur distribution dans le mésentere. D D D D les glandes les plus considérables du mésentere.

PLANCHE XX.

Figure 1. de NUCK.

A le rein droit. B l'artere émulgente. C distribution des nerfs dans ce rein. D la veine émulgente. E E les vaisseaux lymphatiques. F l'uretere. G le bassinet dilaté. H retrécissement de l'uretere. I une pierre qui s'est trouvée dans la partie dilatée. G K les vaisseaux sanguins de l'urethre.

Figures 2. & 3. de BERTIN, représentent le rein coupé en deux.

Figure 2.

B B les papilles rénales. C C les glandes situées entre ces papilles.

Figure 3.

A A distribution des arteres dans le rein, lesquelles sont continuées aux tuyaux qui composent B B les papilles.

Figure 4. de RUYSCH, représente la moitié du rein coupée de maniere qu'on y puisse voir la distribution des vaisseaux sanguins.

A, la face extérieure du rein, dans laquelle les vaisseaux se distribuent en serpentant. B la face interne du rein, dans laquelle on voit les vaisseaux sanguins remplis de cire se distribuer de la même maniere que ci-dessus. C les papilles rénales. D le bassinet. E la cavité du bassinet, dans laquelle les papilles séparent l'urine.

Figure 5. de DUVERNEY, Chirurgien.

A la vessie sur laquelle on observe les fibres longitudinales & transverses de sa membrane musculaire. B l'ouraque. C coupe de la vessie. D paroi intérieure de la vessie. E le verumontanum, où on observe les orifices des vésicules séminaires. F les orifices des glandes prostates qui s'observent sur les parties latérales du verumontanum. G les parois intérieures de l'urethre. H les glandes prostates. I origine des corps caverneux. K le muscle ischio-caverneux. M coupe du muscle bulbo-caverneux. N les glandes de Cowper. O le conduit de ces glandes. P l'orifice de ces conduits dans l'urethre. Q coupe du tissu spongieux de l'urethre. R la fosse naviculaire. S coupe du tissu spongieux des corps caverneux. T le gland. V orifice des sinus muqueux de l'urethre. X coupe du tissu spongieux du gland continu au tissu spongieux de l'urethre. Y l'orifice du gland.

PLANCHE XXI.

Figure 1. de RUYSCH, représente la verge dépouillée de la peau, desséchée après l'avoir embaumée, & vûe dans sa partie inférieure.

A superficie du tissu cellulaire dépouillée de l'enveloppe extérieure épaisse & nerveuse ; ce tissu cellulaire prend le nom de membrane adipeuse lorsqu'il est rempli de graisse. B le corps spongieux d'un côté. C le conduit urinaire. D la surface interne de l'enveloppe épaisse & nerveuse, dépouillée du tissu cellulaire. F le gland, sur la superficie duquel on ne voit aucune papille, parce qu'elles ont disparu en séchant. G épaisseur du tissu cellulaire après l'avoir gonflé. H tête du tissu cellulaire. I la cloison qui s'observe entre les deux corps caverneux.

Figure 2. d'HEISTER, représente la verge vûe par sa même face supérieure, dont les veines & la substance caverneuse ont été remplies de mercure.

A le tronc de la veine de la verge, par laquelle le mercure a été introduit après avoir détruit la valvule de cette veine. B B division de cette veine en deux branches principales vers la partie moyenne de la verge. C C la distribution de ces branches en plusieurs rameaux, sur-tout proche la couronne du gland. D D distribution merveilleuse des petits rameaux sur le gland. e e e e certains vaisseaux plus petits, plus grands & très-gros, qui se distribuent dans différens endroits. F la fin de l'urethre par où sort l'urine. G le cordon avec lequel la verge a été liée après qu'on y a eu introduit le mercure. H la partie postérieure de la verge coupée.

Figure 3. d'HEISTER, représente la partie inférieure de la même verge.

A le petit frein de la verge couvert d'une infinité de petits vaisseaux. B B la couronne & le col de la verge rempli d'un grand nombre de vaisseaux. C C toute la partie inférieure du gland couverte, comme la supérieure, de petits vaisseaux très-fins & tortueux. E E les deux corps caverneux de la verge, entre lesquels l'urethre est située & environnée d'un nombre prodigieux de vaisseaux, qui communiquent & s'entrelacent de diverses manieres. F la fin de l'urethre. G cordon avec lequel on a lié la verge. H la partie postérieure de la verge coupée.

Figure 4. de MORGAGNI, représente la verge vûe dans la partie inférieure, & le canal de l'urethre coupé, &c.

A A le corps spongieux de l'urethre coupée dans sa longueur pour voir sa cavité. D le plus grand des petits canaux de l'urethre ouvert & étendu ; on voit aussi tout le long du canal un grand nombre d'orifices de pareils canaux. E ligament suspensoire de la verge. F F la membrane qui recouvre la verge, & qui est continue à ce ligament. g une partie de cette membrane séparée de la surface des corps caverneux & tirée en bas. H partie du prépuce tiré en arriere, où l'on voit I le frein & quelques glandes sur le frein même. K la couronne du gland & ses glandes sébacées.

Figure 5. de GRAAF.

A les vaisseaux spermatiques coupés transversalement. B ces mêmes vaisseaux représentés confusément. C distribution de l'artere spermatique dans le testicule. D D distribution de la veine spermatique sur les parties latérales du testicule. E la tunique albuginée. F une partie de la tunique vaginale emportée. G la plus grosse partie de l'épididyme. H partie moyenne de l'épididyme. I la plus petite partie de l'épididyme. K la fin de l'épididyme, ou le commencement du canal déférent. L ce canal coupé.

Figure 6. du même.

A l'artere spermatique. B division de cette artere en deux rameaux. C C distribution du gros rameau au testicule. D D distribution du petit rameau au testicule. E la plus grosse partie de l'épididyme adhérente au testicule. F l'épididyme renversé pour y découvrir la distribution de l'artere. G la fin de l'épididyme. H une portion du canal déférent.

Figure 7. du même.

Cette figure & la suivante représentent la communication des vésicules séminaires avec le canal déférent, telle qu'on la découvre dans le corps humain.

A A partie épaisse & étroite des canaux déférens. B B partie des canaux déférens moins épaisse & plus large. C C extrémité retrécie des canaux déférens, laquelle s'ouvre par un orifice étroit dans les vésicules. D D col membraneux des vésicules séparé en deux parties, de sorte que la semence de l'une de ces vésicules ne peut passer dans l'autre, que lorsqu'elle est parvenue dans l'urethre. E E les vésicules gonflées d'air pour y découvrir tous leurs contours. F F vaisseaux qui se rendent aux vésicules séminaires. G G membranes qui retiennent les vésicules séminaires & les vaisseaux déférens dans leur situation. H H vaisseaux sanguins qui se distribuent sur les parties latérales des canaux déférens, & qui les embrassent par leurs ramifications.

Figure 8. du même.

A B C D E F G H comme ci-dessus. I le verumontanum. K ouverture des conduits des prostates dans l'urethre. L coupe des prostates. M l'urethre ouverte.

Figure 9. d'HEISTER, représente le testicule.

A la membrane albuginée séparée pour découvrir B B les vaisseaux séminaires du testicule fins comme des cheveux, desquels tout le testicule paroît composé.

PLANCHE XXII.

Figure 1. D'HALLER.

A la matrice. B son épaisseur. C son col ouvert de côté. D éminence formée par son orifice. E les valvules de son col, qui se sont trouvées dans ce cadavre plus confuses qu'elles ne sont d'ordinaire. F les oeufs de Naboth. G le ligament rond. H la trompe du côté droit. I. ses franges. K l'ovaire en situation. L L différens petits oeufs entiers & disséqués. M les vaisseaux des grandes ailes. N l'ovaire gauche couvert de cicatrices. O une portion du péritoine dont les vaisseaux sont des branches des vaisseaux spermatiques. P l'artere spermatique. Q le tronc de la veine. R les petites veines. S le corps pampiniforme. T les vaisseaux qui se distribuent à l'ovaire. V autres vaisseaux qui se distribuent à la matrice. X la trompe gauche vasculeuse. Y le ligament large. Z les franges de la trompe vasculeuse. a a les ureteres. b les branches d'arteres des hypogastriques qui se distribuent à la matrice. c plexus formé par les arteres du vagin, & celles de la matrice. d la vessie renversée. e le vagin. f la partie postérieure, dans laquelle les rides legeres qui s'y remarquent sont presque transverses. g taches qui se remarquent fort souvent dans le vagin. h i troncs des rides du vagin. h tronc antérieur de ces rides. i autre tronc postérieur & plus petit. k partie couverte de papilles très-serrées. l partie formée par les valvules. m rides intermédiaires transverses. n n contours des parties externes de la génération. o embouchure de l'urethre. p les grandes lacunes utérines. q les valvules supérieures. r leurs sinus supérieurs. s leurs sinus inférieurs. t t les grandes lacunes des sinus supérieurs. u u les lacunes des sinus inférieurs. x x les glandes sébacées qui se trouvent-là. y le clitoris. z son prépuce. ligne creuse qui répond au milieu du corps du clitoris. les lacunes qui se remarquent dans cette ligne. les lacunes qui sont sur les côtes de cette ligne. les nymphes. les glandes des nymphes.

Figure 2. d'HALLER.

A A A la matrice ouverte postérieurement. B B les ovaires & les trompes. C C le vagin ouvert par la partie antérieure. sa membrane interne, nerveuse & ridée. sa chair extérieure fibreuse. D le petit cercle de l'hymen disséqué. E l'orifice de la matrice crénelé & rude. F la cloison de la matrice composée de trois sommets. G la colonne antérieure & la plus grande du vagin. H la postérieure. I les petites valvules du col de la matrice. K la partie valvuleuse du vagin voisine de la matrice. L la colonne antérieure & la plus grande du vagin. M la colonne postérieure & la plus petite. N la caroncule intermédiaire. O la partie proche l'hymen, composée de valvules circulaires.

Figure 3. de KULM.

a le trou oval. b le conduit artériel. C la partie de la tête appellée la fontanelle. f le thymus. g g les poumons. h les vaisseaux ombilicaux. i le foie. A le placenta. B les membranes du foetus. m le chorion. n l'amnios. C le cordon ombilical. o o les arteres ombilicales. p la veine ombilicale. q l'ouraque.

Figure 4. d'HUBER ; elle représente l'hymen d'une fille, quelques semaines après la naissance.

A A les grandes levres. B B le clitoris. a l'orifice de l'urethre. b b les deux ventricules du vestibule. c l'hymen rond, & qui environne tout-autour l'orifice du vagin. d d les petits sinus de l'hymen prolongés jusqu'au concours de la lame supérieure avec l'inférieure. e la cavité du vagin toute couverte de rides.

Figure 5. d'HUBER ; elle représente un hymen contre nature, dans lequel s'observe une colonne charnue qui divise l'entrée du vagin en deux segmens inégaux, d'après le cadavre d'une fille âgée de 7 ans.

E l'hymen. c la colonne de l'hymen. C le clitoris. D son prépuce. A A les grandes levres. B B les nymphes. a l'orifice de l'urethre. b les deux ventricules du vestibule. d d les deux lacunes qui conduisent aux prostates de Bartholin.

Figure 6. du même ; elle représente les parties externes de la génération d'une fille de quatorze ans.

A A, B B, C, D, E, comme dans la figure précédente. F concours du bord charnu d d. G la fosse naviculaire. H entrée du vagin renfermée entre l'hymen & l'orifice de l'urethre ; le reste de l'espace compris entre le clitoris, les nymphes & cette entrée, s'appelle le vestibule du vagin. I le périnée. K l'anus. a, b, c, les parties placées dans le vestibule. a l'orifice de l'urethre. b, b, les deux ventricules. c, c, les deux orifices ou lacunes situées dans la partie supérieure du vestibule. d, d, les bords charnus saillans de la fente la plus étroite. (L)


ANATOMIE DES PLANTES(Jardinage.) c'est la recherche de leur structure intérieure. On ne peut mieux faire que de rapporter ici ce qu'en a dit l'auteur de la théorie & de la pratique du Jardinage. III. partie, page 176. édit. 1747.

" Tout ce qui a vie a besoin de respiration ; & l'on ne peut douter que les plantes ne respirent aussi bien que les animaux : elles ont comme eux tous les organes nécessaires à la vie ; des veines, des fibres, dont les unes portent la nourriture dans toutes les parties les plus élevées, tandis que les autres rapportent cette nourriture vers les racines : d'autres enfin, comme des trachées & des poumons respirent l'air sans cesse, & reçoivent les influences du soleil. Cet air est si nécessaire à leur accroissement, qu'en mettant une goutte d'huile à l'extrémité de leurs racines, elle bouche l'entrée de l'air dans les fibres & les canaux, & fait mourir cette partie de racines que l'on a trempée dans l'huile. Par la chaleur qui se trouve dans la terre, le mouvement de la seve est plus ou moins accéléré, l'air est plus ou moins raréfié : ainsi il est poussé facilement jusqu'en haut, il y fait sa fonction, & y montre sa force ".

Y a-t-il rien de plus admirable que le méchanisme des plantes ? on y trouve des creusets & des moules différens pour former l'écorce, le bois, les épines, les poils, la moelle, le coton, les feuilles, les fleurs, les fruits & les graines. Ce sont les sucs de la terre, qui passant & se filtrant à-travers la peau de la graine, y reçoivent les qualités nécessaires au suc nourricier qui entre dans les plantes, & qui s'y diversifie par le moyen des fermens en mille manieres différentes. La chaleur du soleil & la fermentation de la terre perfectionnent ensuite l'ouvrage : enfin, les plantes sont composées de petits canaux séparés & produits dans la terre ; ces petits canaux se ramassent peu à peu en paquets ; ils se rassemblent sous un même cylindre, & forment un tronc qui à l'une de ses extremités produit des racines, & à l'autre pousse des branches ; & petit à petit ayant subdivisé les paquets des plus grands en plus petits, acheve sa figure par l'extension de ses feuilles. (K)

* Cette anatomie n'est pas moins digne de l'étude du Philosophe, & ne montre pas moins la sagesse du Créateur, que l'anatomie des animaux. En effet, combien de merveilles n'offre-t-elle pas dans les ouvrages de Malpighi, du docteur Grew, & dans la statique des végétaux ? Il ne paroît pas que les anciens ayent fait de ce côté quelques progrès considérables ; & il n'en faut pas être étonné : l'organisation d'une plante est un arrangement de filets si déliés, de corpuscules si minces, de vaisseaux si étroits, de pores si serrés, que les modernes n'auroient pas été fort loin sans le secours du microscope. Mais voyez ce que cet instrument & leur refléxion leur ont appris sur l'anatomie des plantes, aux articles PLANTE, ARBRE, ARBRISSEAU, ARBUSTE, HERBE, GRAINE, RACINE, TIGE, BOURGEON, BRANCHE, FEUILLE, FLEUR, FRUIT, &c. Voyez aussi l'article ANIMAL.


ANATOMIQUEadj. de tout genre, tout ce qui appartient à l'anatomie. C'est dans ce sens qu'on dit, observations anatomiques, préparations anatomiques, &c. Voyez ANATOMIE.

Pour conserver les parties préparées, il faut les exposer à l'air jusqu'à ce que toute leur humidité soit dissipée, & alors elles deviendront seches, dures, & ne seront plus exposées à se corrompre ; ou bien il faut les plonger dans quelque liqueur propre à les conserver.

Il faut principalement, lorsque les parties préparées sont grosses & épaisses, & que le tems est chaud, empêcher les mouches d'en approcher & d'y déposer leurs oeufs, qui transformés en vers les détruiroient. Il faut aussi avoir soin qu'elles ne soient point attaquées des souris, des rats, & des autres insectes : pour cela il faut, avant que de mettre la piece sécher, la tremper dans une dissolution de sublimé corrosif, faite avec de l'esprit-de-vin ; & pendant qu'elle seche, il faut la mouiller de tems en tems avec la même liqueur. On peut par ce moyen, & sans craindre aucun inconvénient, faire dessécher, même dans l'été, des cadavres disséqués de sujets assez grands.

Lorsque la préparation est seche, elle est encore exposée à se réduire en poudre, à devenir cassante, à se gerser & à avoir une surface inégale ; c'est pourquoi il est nécessaire de la couvrir par-tout d'un vernis épais, dont on mettra autant de couches qu'il faudra pour qu'elle soit luisante ; & il faut toujours la préserver de la poussiere & de l'humidité.

Les préparations seches sont fort utiles en plusieurs cas : mais il y en a aussi beaucoup d'autres où il est nécessaire que les préparations anatomiques soient flexibles & plus approchantes de l'état naturel que ne le sont ces premieres. La difficulté a été jusqu'à présent de trouver une liqueur qui puisse les conserver dans cet état approchant du naturel : les liqueurs aqueuses n'empêchent pas la pourriture, & elles dissolvent les parties les plus dures du corps : les liqueurs spiritueuses préviennent la corruption, mais elles réduisent les parties en mucilage : les esprits ardens les racornissent, en changeant la couleur, & détruisent la couleur rouge des vaisseaux injectés ; l'esprit de térébenthine, outre qu'il a l'inconvénient des liqueurs spiritueuses, a encore celui de devenir épais & visqueux.

Mais sans s'arrêter plus long-tems sur le défaut des liqueurs qu'on peut employer, celle dont on se trouve le mieux est quelque esprit ardent rectifié, n'importe qu'il soit tiré du vin ou des grains ; qui soit toûjours limpide, qui n'ait aucune couleur jaune, & auquel on ajoûte une petite quantité d'acide minéral, tel que celui de vitriol ou de nitre : l'une & l'autre de ces liqueurs résistent à la pourriture ; & les défauts qu'elles ont chacune séparement, se trouvent corrigés par leur mêlange.

Lorsque ces deux liquides sont mêlés dans la proportion requise, la liqueur qui en résulte ne change rien à la couleur ni à la consistance des parties, excepté celles où il se trouve des liqueurs séreuses ou visqueuses, auxquelles elle donne presqu'autant de consistance qu'en donneroit l'eau bouillante : le cerveau, celui-même des enfans nouveaux-nés, acquiert tant de fermeté dans cette liqueur, qu'on peut le manier avec liberté.

Le crystallin & l'humeur vitrée de l'oeil y acquierent aussi plus de consistance, mais ils en sortent blancs & opaques ; elle coagule l'humeur que filtrent les glandes sebacées, la mucosité & la liqueur spermatique : elle ne produit aucun changement sur les liqueurs aqueuses & lymphatiques, comme l'humeur aqueuse de l'oeil, la sérosité lymphatique du péricarde & de l'amnios : elle augmente la couleur rouge des injections, de maniere que les vaisseaux qui ne paroissent pas d'abord, deviennent très-sensibles lorsque la partie y a été plongée pendant quelque tems.

La quantité de liqueur acide qu'il faut ajoûter à l'esprit ardent, doit varier selon la nature de la partie qu'on veut conserver, & selon l'intention de l'Anatomiste. Si on veut donner de la consistance au cerveau, aux humeurs de l'oeil, &c il faut une plus grande quantité de la liqueur acide : par exemple, il faudra deux gros d'esprit de nitre, pour une livre d'esprit-de-vin rectifié : lorsqu'on veut seulement conserver les parties, il suffira d'y en mettre 40 ou 30 gouttes, ou même moins, sur-tout s'il y a des os dans la partie préparée ; si on en mettoit une trop grande quantité, les os deviendroient d'abord flexibles, & ensuite ils se dissoudroient.

Lorsqu'on a plongé quelque partie dans cette liqueur, il faut avoir une attention particuliere qu'elle en soit toûjours couverte : autrement ce qui se trouve hors du fluide perd sa couleur, & certaines parties se durcissent, tandis que d'autres se dissolvent. Pour prévenir donc, autant qu'il est possible, l'évaporation de la liqueur, & pour empêcher la communication de l'air, qui fait que la liqueur spiritueuse se charge d'une teinture, il faut boucher exactement l'ouverture de la bouteille avec un bouchon de verre ou de liége enduit de cire, mettre par-dessus une feuille de plomb, de la vessie, ou une membrane injectée ; par ce moyen la liqueur se conservera un tems considérable, sans aucune diminution sensible. Quand on a mis assez de liqueur pour atteindre à peu près le haut de la préparation, il faut pour la couvrir entierement ajoûter de l'esprit-de-vin sans acide, de peur que ce dernier ne s'échappe.

Lorsque la liqueur spiritueuse devient trop colorée, il faut la verser, & mettre sur les préparations une nouvelle liqueur moins chargée d'acides que la premiere : on conservera cette ancienne liqueur dans une bouteille bien bouchée, & on s'en servira pour laver les préparations nouvelles, & les dépouiller de leurs sucs naturels ; attention toûjours nécessaire, avant que de mettre quelque partie que ce soit dans la liqueur balsamique ; & toutes les fois qu'on renouvelle cette liqueur, il faut laver les préparations dans une petite quantité de la liqueur spiritueuse limpide, afin d'en enlever tout ce qui pourroit y rester de la liqueur ancienne & colorée ; ou bien il faut faire une nouvelle préparation. Les liqueurs qui ne sont plus propres à servir dans des vaisseaux de verre transparens, peuvent être encore d'usage pour conserver dans des vaisseaux de terre ou de verre commun certaines parties, qu'il faut tirer hors de la liqueur pour les préparer.

Il est bon d'être instruit qu'il faut éviter, autant que cela se peut, de tremper les doigts dans cette liqueur acidule, ou de manier les préparations qui en seront imprégnées, parce qu'elle rend la peau si rude pendant quelque tems, que les doigts en deviennent incapables d'aucune dissection fine : ce qu'il y a de meilleur pour remédier à cette sécheresse de la peau, est de se laver les mains dans de l'eau à laquelle on aura ajoûté quelques gouttes d'huile de tartre par défaillance.

Ceci est tiré d'un essai sur la maniere de préparer, &c. par M. Alexandre Monro, de la Société d'Edimbourg. (L)


ANATOMISERv. a. faire l'anatomie, anatomiser un corps. Voyez ANATOMIE. (L)


ANATOMISTES. m. c'est ainsi qu'on nomme celui qui sait disséquer, & donner de toutes les différentes parties des cadavres, une description telle que les spectateurs puissent se former une idée juste de la figure, de la position, de la communication, de la structure, de l'action, & de l'usage, &c. de ces différentes parties. (L)


ANATORIA(Géog.) petite ville de Grece, anciennement Tanagra. Voyez TANAGRA.


ANATRANS. m. (Chimie.) sel de verre. Le sel de verre est une matiere graveleuse qui s'éleve en écume sur le verre fondu. Ce sel de verre est d'un grand usage dans les essais des mines. Je crois qu'anatran vient par corruption de langage d'ammonitrum, dont parle Pline, qui veut dire sel nitre mêlé de cendres : il dit que c'étoit le sel des plantes brûlées avec lequel on faisoit le verre.

L'anatran artificiel ou plus composé, se fait avec dix parties de nitre, quatre parties de chaux vive, trois parties de sel commun, deux parties d'alun de roche, & deux parties de vitriol.

Quelques-uns ont nommé anatran les concrétions pierreuses & crystallines qui se forment contre les murs & contre les voûtes dans certains lieux soûterrains ; lesquelles concrétions sont nommées stalactites. Voyez STALACTITE. (M)


ANAZARBE* ANAZARBE sur le Pyrame, (Géog. anc. & mod.) ville de Cilicie, anciennement Kyenda, puis Anazarbe ; chez les Géographes modernes, Axar, Acsarai, Acserai, Ainzarba. Elle s’appella aussi Diocésarée, Cæsarée-Auguste, & Justinianopolis. Ce n’est plus aujourd’hui qu’un méchant bourg, qui a eu de grands noms.


ANAZES. m. (Hist. nat.) arbre qui croît à Madagascar. Il diminue en grosseur à mesure qu'il s'éleve, ce qui lui donne la forme d'une pyramide ou d'un cone. Son fruit est rempli d'une moelle blanche qui a la saveur du tartre.


ANAZZou TORRE-D'ANAZZO, (Géog. mod.) ville de la province de Bari au royaume de Naples. On croit que c'est l'ancienne Egnatia ou Gnatia. Quelques modernes la nomment Gnazzi ou Nazzi.


ANBAR(Géog. mod.) ville de la province de Chaldée ou Iraque Arabiquel, sur l'Euphrate. Elle s'est appellée Haschemiah.


ANBLATUM(Hist. nat.) genre de plante à fleur monopétale, anomale, tubulée, & faite en forme de masque. On y voit deux levres, qui pour l'ordinaire ne sont point découpées. Il s'éleve du fond du calice un pistil qui est attaché à la partie postérieure de la fleur comme un clou, & qui devient dans la suite un fruit renfermé le plus souvent dans le calice de la fleur. Ce fruit se sépare en deux parties, & il est rempli de semences ordinairement arrondies. Tournefort, inst. rei herb. corol. Voyez PLANTE. (I)


ANCAou ANCA MEGAREB, nom que les Arabes donnent à un oiseau d'une si prodigieuse grandeur, qu'ils prétendent qu'il pond des oeufs gros comme des montagnes ; qu'il enleve des éléphans, comme l'épervier des moineaux ; que ses ailes, quand il vole, font le fracas d'un torrent impétueux ; qu'il vit mille ans ; qu'il s'accouple à cinq cens ans ; qu'un jour qu'il enlevoit une nouvelle mariée avec ses brasselets & tous ses atours de noces, le prophete Handala le maudit ; & que Dieu ayant égard à l'imprécation du fils de Saphuane, relégua l'épouvantable oiseau ravisseur dans une île inaccessible, où il se nourrit d'éléphans, de rhinoceros, de bufles, de tigres, & d'autres animaux féroces. Combien d'imbécilles hausseront les épaules en lisant cette fable, qui, s'ils descendoient en eux-mêmes, & qu'ils revinssent sur les préjugés dont ils sont imbus, s'appercevroient facilement qu'ils n'ont pas le droit de hausser les épaules !


ANCAMAREou ANTAMARES, (Géog. mod.) peuples de l'Amérique méridionale, qui habitent le long du fleuve Madere, qui se perd dans la riviere des Amazones.


ANCAO(SERA DE), Géog. moderne, chaîne de montagnes dans le Béïra, province de Portugal, qui tient à une autre qu'on appelle Sera d'Estrella. Celle-là tourne à l'Orient, entre les rivieres Moddego & Zezere. Elles paroissent détachées d'une autre qui commence près de Lamego, & s'étend depuis Porto jusqu'à Coïmbre, sans qu'il y ait dans tout cet espace plus de trois lieues ou environ de plaines entr'elles.


ANCARANO(Géog. mod.) petite ville de l'Etat ecclésiastique dans la Marche d'Ancone.


ANCEVoyez ANSE.


ANCENIS(Géog. mod.) ville de France dans la Bretagne sur la Loire. Long. 16. 28. lat. 47. 22.


ANCÊTRESS. m. pl. (Hist. & Gram.) se dit des personnes de qui l'on descend en droite ligne, le pere & la mere non compris. Ce mot dérive du latin antecessor, & par syncope ancessor, qui va devant.

En Droit on distingue ancêtres & prédécesseurs. Le premier de ces deux noms convient à certaines personnes dans l'ordre naturel ; on dit un homme & ses ancêtres : le second a directement rapport à l'ordre politique ou de la société ; nous disons un évêque & ses prédécesseurs. On dit également un prince & ses prédécesseurs, pour signifier les rois qui ont regné avant lui : mais on ne dit un roi & ses ancêtres, que quand il est descendu par le sang de ses prédécesseurs.

Dans l'usage on met cette différence entre les peres & les ancêtres, que ce dernier ne se dit que des peres d'une personne qualifiée. Il seroit ridicule qu'un artisan dît, mes ancêtres ont fait le même métier que moi. (G & H)


ANCETTES DE BOULINESou COBES DE BOULINES ; (Marine.) c’est ainsi que l’on nomme les bouts de corde qui sont attachés à la relingue de la voile, dont le plus long n’excede pas un pié & demi ; leur usage est d’y passer d’autres cordes qu’on appelle pattes de boulines. Voyez Boulines & Ralingues. (Z)


ANCHARIES. f. (Myth.) déesse que le peuple d'Asculum dans la Pouille adoroit.


ANCHES. m. c'est le conduit quarré par lequel la farine passe dans la huche du moulin. Voyez MOULIN A FARINE.


ANCHÉadj. (terme de Blason) courbé : il se dit seulement d'un cimetere courbé.

Tournier S. Victoret à Marseille, de gueules à l'écusson d'or, chargé d'un aigle de sable, l'écusson embrassé de deux sabres badelaires ou braquemars anchés d'or, les poignées vers le chef. (V)


ANCHEDIVou ANGADIVE, (Géog. mod.) petite île de l'Océan Indien, sur la côte du royaume de Décan, non loin de Goa, vers le midi.


ANCHIALEAnchialum, (Théol.) terme célebre parmi les critiques qui ont écrit sur ce qui concerne les Hébreux ou les Juifs. On le trouve dans cette épigramme de Martial, lib. XI. ep. xcv.

Ecce negas, jurasque mihi per templa Tonantis : Non credo ; jura, verpe, per Anchialum.

c'est-à-dire, pour nier ou pour affirmer, tu attestes les temples de Jupiter, je ne t'en crois pas ; jure, circoncis, par Anchiale.

On demande qui est cet Anchiale, si c'est le nom du vrai Dieu ou d'un faux dieu ; & pourquoi l'on demandoit aux Juifs, de la bonne foi desquels on se défioit, de jurer par Anchiale.

Il est certain, dit le P. Calmet, que le jurement le plus ordinaire des Juifs est, vive le Seigneur : ce serment se trouve en plusieurs endroits des Livres saints, comme dans les Juges, viij. 19. dans le livre de Ruth, c. iij. v. 13. Dans le premier livre des Rois, c. xjv. v. 45. Le Seigneur lui-même, quand il fait un serment, n'ayant personne plus grand que lui par qui il puisse jurer, il jure par sa propre vie : vivo ego, dicit Dominus. Or en hébreu ce serment, vive le Seigneur, peut se prononcer ainsi, Hacgaï-Elion ; par la vie du très-haut, ou Ana-chi-eloa : ah que le Seigneur vive, ou simplement Ha-chi-el, par la vie de Dieu, la terminaison latine um, qui est à la fin d'Anchialum, ne faisant rien à la chose non plus que la lettre n, que le poëte y a mise, parce que dans la prononciation, en disant hachiel ou al, il semble qu'on prononce han-chi-al. Suivant cette explication, l'Anchialum de Martial signifieroit qu'il exige de ce Juif, qu'il lui jure par le nom ou la vie du Seigneur.

Quelques-uns ont cru qu'on faisoit jurer les Juifs par une statue de Sardanapale, érigée dans la ville d'Anchiale en Cilicie : mais cette conjecture n'est fondée sur rien.

D'autres tirent anchialum du grec ἀγχίαλος, qui signifie qui est près du rivage, comme si le Juif juroit par le Dieu qu'on adore sur les rivages ; parce qu'en effet les Juifs hors de Jérusalem & de leur pays, alloient pour l'ordinaire faire leurs prieres sur le bord des eaux. Enfin d'autres ont cru que c'est parce qu'il juroit par le temple du Seigneur heicaliah, & l'on sait que les Juifs juroient quelquefois par le temple : mais toutes ces explications paroissent peu naturelles.

Un ancien exemplaire manuscrit, qui appartenoit à M. de Thou, porte : jura, Verpe, per ancharium ; jure, Juif, par l'âne. Or les Payens, & sur-tout les Poëtes, se plaisoient à reprocher aux Juifs qu'ils adoroient un âne, ou la tête d'un âne : voici ce qu'en dit Petrone.

Judaeus licèt & porcinum numen adoret,

Et Cilli summas advocet auriculas.

On peut voir ce qu'en dit Tacite, Histor. lib. V. & les raisons ou le fondement de cette fausse imputation, sous l'article ononyctites. Ce dernier sens est beaucoup plus simple, & est très-relatif aux idées que s'étoient formé les Payens de la religion des Juifs. Diction. de la Bible. (G)


ANCHIFLURES. f. c'est, en Tonnellerie, le trou qu'un ver a fait à une douve de tonneau, à l'endroit où cette douve est couverte par le cerceau. On la découvre par le bruit que le vin fait en s'échappant ; & on y remédie en écartant le cerceau, en perçant un plus grand trou avec la vrille, à l'endroit même de l'anchiflure, & en y poussant un fosset, qu'on coupe à ras de la douve, afin de pouvoir replacer le cerceau.


ANCHOISS. m. (Hist. nat.) encrasicholus, poisson de mer que l'on a mis au nombre des aphyes ; il est de la longueur du doigt, & quelquefois un peu plus long : ce poisson est sans écailles, sa bouche est grande, l'extrémité des machoires est pointue ; elles n'ont aucunes dents, mais elles sont faites en forme de scie ; les oüies sont petites & doubles, le coeur est long & pointu, le foie rouge & tacheté, le ventre est fort mou & se corrompt promptement ; on y trouve une grande quantité d'oeufs rouges. Ce poisson est charnu, & il n'a point d'arêtes, excepté l'épine du dos, qui est fort menue. On sale les anchois, après leur avoir ôté la tête & les entrailles. Rondelet. Voyez POISSON. (I)

* La pêche la plus abondante des anchois se fait en hyver sur les côtes de Catalogne & de Provence, depuis le commencement de Décembre jusqu'à la mi-Mars ; on en prend encore en Mai, Juin, Juillet, tems où ils passent le détroit de Gibraltar pour se retirer dans la Méditerranée. On en trouve aussi à l'oüest d'Angleterre & du pays de Galles. Ils ont cela de commun avec les sardines, qu'ils nagent en troupe, fort serrés, & que la lumiere est un attrait pour eux. Aussi les pêcheurs ne manquent pas de leur présenter cet appât. Ils allument des flambeaux dans leurs nacelles ou chaloupes pendant la nuit : les anchois accourent à l'instant, & se jettent en nombre prodigieux dans les filets qui leur sont tendus. Quand une pêche est finie, on leur coupe la tête, on leur ôte le fiel & les boyaux, on les sale, & on les met en barril.

Les anchois frais peuvent se manger frits ou rôtis : mais ils sont meilleurs & d'un plus grand usage, salés. Comme ils n'ont point d'autres arêtes que l'épine du dos, qui est mince & déliée, elle ne blesse point, & n'empêche pas qu'on ne les mange entiers.

Cette excellente sauce que les Grecs & les Latins nommoient garum, & à laquelle ils donnoient l'épithete de très-précieuse, n'étoit autre chose que des anchois confits, fondus, & liquéfiés dans leur saumure, après en avoir ôté la queue, les nageoires & les arêtes. Cela se faisoit ordinairement en exposant au soleil le vaisseau qui les contenoit ; ou bien quand ils en vouloient avoir plus promptement, ils mettoient dans un plat des anchois sans les laver, avec du vinaigre & du persil, & exposoient ensuite le plat sur la braise bien allumée, remuoient le tout jusqu'à ce que les anchois fussent fondus ; & ils nommoient cette sauce acetogarum. On se servoit du garum & de l'acetogarum pour assaisonner d'autres poissons, & quelquefois même la viande.

La chair des anchois, ou cette sauce que l'on en fait, excite l'appétit, aide la digestion, atténue les humeurs crasses, & fortifie l'estomac. Aldrovande prétend même qu'elle est bonne pour la fievre : mais un savant medecin de notre siecle dit qu'il en faut user sobrement, parce qu'elle échauffe, raréfie les humeurs, & les rend acres & picotantes.


ANCHRE(Marine.) Voyez ANCRE.

ANCHRE, s. f. (Commerce.) est une mesure pour les choses liquides, fort en usage dans la ville d'Amsterdam. L'anchre est le quart de l'aume, & tient deux steckuns, chaque steckun 16 mangles, & la mangle est égale à deux pintes de Paris. Voyez PINTE. (G)


ANCHUES. f. terme en usage dans les manufactures en lainage d'Amiens. C'est ce qu'on appelle dans les autres manufactures la trame. Voyez TRAME.


ANCHYLOPSS. f. (terme de Chirurgie.) abscès ou amas de matiere entre le grand angle de l'oeil & le nez. Quand l'abscès est percé, ce n'est plus un anchylops ; on le nomme alors aegilops. Voyez AEGILOPS.

Cette maladie donne souvent lieu à la fistule lacrymale, parce que la matiere qui s'est formée dans cette tumeur peut perforer le réservoir des larmes, en même tems qu'elle use & ulcere la peau. On peut prévenir cet accident en faisant à propos l'ouverture de la tumeur lorsqu'elle est en maturité, cette maladie ne différant point des abscès ordinaires. Voy. ABSCES. (Y)


ANCHYLOSES. f. (terme de Chirurgie.) on nomme ainsi l'union de deux os articulés & soudés ensemble par le suc osseux, ou une autre matiere, de façon qu'ils ne fassent plus qu'une piece. Cette soudure contre nature empêche le mouvement de la jonction ; la maladie que nous venons de définir se nomme anchylose vraie, pour la distinguer d'une autre que l'on nomme fausse. Cette derniere peut être occasionnée par les tumeurs des jointures, le gonflement des os, celui des ligamens, l'épanchement de la synovie, & autres maladies qui empêchent le mouvement des articulations, & qui souvent dégénerent en vraies anchyloses, lorsque la soudure devient exacte, & qu'il n'y a plus aucun mouvement.

Les fractures dans les articles donnent lieu à cette maladie par l'épanchement des sucs osseux nécessaires pour la formation du cal. L'anchylose survient aux luxations non réduites par l'épaississement de la synovie dans les cavités des articles, & aux fractures, lorsque dans les pansemens on n'a pas soin de donner du mouvement aux parties. Les contusions des os, des cartilages & des ligamens sont des accidens assez communs dans les luxations ; ils occasionnent facilement l'anchylose, lorsqu'on ne remédie pas au gonflement de ces parties par les saignées, le régime convenable, & les fomentations émollientes & résolutives : les entorses peuvent par les mêmes raisons être des causes de l'anchylose.

Le prognostic est différent, suivant les différences de la maladie : une anchylose qui vient d'une luxation non réduite est plus facile à guérir lorsqu'on peut replacer l'os, qu'une autre qui survient après la réduction ; les anchyloses anciennes présentent plus de difficultés que les récentes. Pour réussir dans le traitement de chacune d'elles, il faut bien connoître les causes qui y ont donné lieu. Tout ce qui vient d'être dit a rapport aux anchyloses que nous avons nommées fausses ; car les vraies où il y a impossibilité absolue de mouvoir les os sont incurables ; l'on ne peut y employer qu'un traitement palliatif pour appaiser les accidens qui les accompagnent.

La cure de l'anchylose consiste à donner du mouvement aux parties qui ont de la disposition à se souder ; voici comme on la prévient dans les fractures & luxations : s'il s'agit de l'épaississement de la synovie, les douches d'eau chaude données de fort haut, sont d'un grand secours ; on peut faire fondre dans l'eau du sel ammoniac, du sel fixe de tartre, ou du sel marin pour la rendre plus efficace. On a souvent délayé par ces secours l'amas de synovie qui s'étoit fait dans les articles ; & l'on a ensuite réduit des luxations qui étoient anciennes. Les eaux de Bourbon, de Bareges, &c. sont fort utiles ; elles ramollissent les muscles, & liquéfient l'humeur synoviale, dans les inflammations & gonflemens des cartilages & des ligamens. On prévient l'anchylose par de fréquentes saignées, les cataplasmes & fomentations anodynes, un régime humectant : quand les douleurs sont passées, on associe les résolutifs aux anodyns ; on passe ensuite à l'usage des résolutifs seuls. Lorsque la douleur & le gonflement sont passés, on commence de mouvoir doucement les parties sans rien forcer, pour ne point attirer une nouvelle fluxion qui pourroit être plus facheuse que la premiere. Il faut bien faire attention dans ces tentatives de mouvement, de ne donner que celui que la construction de l'articulation permet : ainsi on ne remuera en rond que les articulations par genou ; on étendra & fléchira seulement les articulations par charniere, se gardant bien de porter ces mouvemens au-delà des bornes prescrites dans l'état naturel.

Si les dispositions à anchyloses dépendoient d'un virus vénérien, scorbutique, &c. qui déprave l'humeur synoviale, il faudroit d'abord détruire la cause en la combattant par les remedes appropriés. L'excellent traité des maladies des os, de M. Petit, donnera des notions plus étendues sur cette matiere. (Y)


ANCIENVIEUX, ANTIQUE, (Gramm.) ils enchérissent tous les uns sur les autres. Une mode est vieille, quand elle cesse d'être en usage ; elle est ancienne, quand il y a long-tems déjà que l'usage en est passé ; elle est antique, quand il y a long-tems qu'elle est ancienne. Récent est opposé à vieux ; nouveau à ancien ; moderne à antique. La vieillesse convient à l'homme ; l'ancienneté à la famille ; l'antiquité aux monumens : la vieillesse est décrépite ; l'ancienneté immémoriale, & l'antiquité reculée. La vieillesse diminue les forces du corps, & augmente la présence d'esprit ; l'ancienneté ôte l'agrément aux étoffes, & donne de l'autorité aux titres ; l'antiquité affoiblit les témoignages, & donne du prix aux monumens. Voyez les Syn. François.

ANCIENS, dans l'histoire des Juifs, c'étoit les personnes les plus respectables par l'âge, l'expérience, & la vertu. On les trouve appellés dans l'Exode tantôt seniores, & tantôt principes synagogae ; ce fut Moyse qui les établit par l'ordre de Dieu pour l'aider dans le gouvernement du peuple d'Israël ; & il est dit que Moyse les fit assembler, & leur exposa ce que le Seigneur lui avoit commandé. Long-tems après, ceux qui tenoient le premier rang dans les synagogues s'appellerent zekenim, anciens, à l'imitation des 70 anciens que Moyse établit pour être juges de Sanhédrin. Voyez SANHEDRIN.

Celui qui présidoit prenoit plus particulierement le nom d’ancien, parce qu’il étoit comme le doyen des anciens, decanus seniorum. Dans les assemblées des premiers Chrétiens, ceux qui tenoient le premier rang prenoient aussi le nom de Presbyteri, qui à la lettre signifie anciens. Ainsi la seconde épître de S. Jean qui dans le Grec commence par ces mots πρεσϐύτερος Ἐλεκτῇ, & la troisieme par ceux-ci πρεσϐύτερος Γαιῷ, sont rendus ainsi par la vulgate. senior Electæ, senior Gaio. Il faut pourtant mettre cette différence entre les anciens des Juifs & ceux des Chrétiens, que les premiers n’avoient qu’une députation extérieure & de police seulement, dépendante du choix du législateur, au lieu que les autres ont toûjours eu en vertu de leur ordination un caractere inhérent, & comme parlent les Scholastiques, indélébile ; ce qu’on prouve par le chap xiv. des Actes des Apôtres, v. 22. où la Vulgate dit : cum constituissent illis per singulas ecclesias presbyteros. Le Grec rend le verbe constituissent par χειροτονήσαντες, c’est-à-dire, cum manuum impositione consecrassent. Voyez EVEQUE & PRETRE.

Le président ou évêque prenoit la qualité d'ancien ; c'est ainsi que S. Pierre dans sa premiere Epitre. ch. v. verset 5. s'adressant aux anciens leur dit, seniores, , qui in vobis sunt obsecro, consenior, : ce qui a donné lieu de confondre la qualité d'évêque avec celle de prêtre à ceux qui ont contesté la supériorité des évêques. Voyez EPISCOPAT.

Par la même raison les assemblées des ministres de l'Eglise, dans les tems de sa naissance, étoient appellés presbyteria ou presbyterium, conseil des anciens. L'Evêque y présidoit en qualité de premier ancien, & étoit assis au milieu des autres anciens : ceux-ci, c'est-à-dire les prêtres, avoient à leurs côtés leurs chaires de juges ; c'est pourquoi ils sont appellés par les Peres assessores episcoporum. Il ne s'exécutoit rien de considérable qui n'eût été auparavant délibéré dans cette assemblée, où l'évêque étoit le chef du corps des prêtres ou anciens, parce qu'alors la jurisdiction épiscopale ne s'exerçoit pas par l'évêque seul, mais par l'évêque assisté des anciens, dont il étoit le président. Voyez EVEQUE.

ANCIEN, est encore un titre fort respecté chez les Protestans. C'est ainsi qu'ils appellent les officiers, qui conjointement avec leurs pasteurs ou ministres, composent leurs consistoires ou assemblées pour veiller à la Religion & à l'observation de la discipline ; on choisit les anciens d'entre le peuple, & on pratique quelques cérémonies à leur réception. Lorsque les Calvinistes étoient tolérés en France, le nombre de ces anciens étoit fixé, & il leur étoit défendu par un édit de Louis XIV. en 1680 de souffrir aucun Catholique Romain dans leurs prêches.

En Ecosse il y a dans chaque paroisse un nombre illimité de ces anciens, qui ne passe pourtant pas ordinairement celui de douze, le gouvernement presbytérien dominant principalement dans ce royaume. Voyez PRESBYTERIEN.

Chamberlayne fait mention d'un ancien régulateur choisi dans chaque paroisse par le consistoire, & dont le choix est ensuite confirmé par les habitans, après une information exacte & scrupuleuse de ses vie & moeurs. Il ajoûte que le ministre l'ordonne, & que ses fonctions sont à vie ; qu'elles consistent à aider le ministre dans l'inspection qu'il a sur les moeurs, dans ses visites, catéchismes, prieres pour les malades, monitions particulieres, & à l'administration de la cene. Tout cela paroît d'autant moins fondé, que toutes ces fonctions sont les mêmes que celles des simples anciens dans les églises presbytériennes : quand aux anciens régulateurs, on n'y connoît rien de semblable, si ce n'est dans les assemblées générales, où ces anciens régulateurs font l'office de députés ou de représentans des églises. Voyez SYNODE, &c. (G)

ANCIENNE ASTRONOMIE, se dit quelquefois de l'Astronomie des anciens qui, suivant le système de Ptolomée, mettoient la terre au centre du monde, & faisoient tourner le soleil autour d'elle ; & quelquefois de l'astronomie de Copernic même, qui en plaçant le soleil au centre de l'orbite terrestre, ou dans quelque autre point au dedans de cette orbite, faisoit décrire aux planetes des cercles autour du soleil, & non des ellipses, qu'elles décrivent en effet. Voyez ASTRONOMIE. Voyez aussi PLANETE, COPERNIC, ORBITE, &c.

ANCIENNE GEOMETRIE peut s'entendre aussi de deux manieres ; ou de la Géométrie des anciens, jusqu'à Descartes, dans laquelle on ne faisoit aucun usage du calcul analytique, ou de la Géométrie depuis Descartes jusqu'à l'invention des calculs différentiel & intégral. Voyez ALGEBRE, DIFFERENTIEL, INTEGRAL, &c. Voyez aussi GEOMETRIE. (O)

ANCILE, subst. m. en Antiquités, espece de boucliers de bronze que les anciens prétendoient avoir été envoyés du ciel à Numa Pompilius ; ils ajoûtoient que l'on avoit entendu en même tems une voix qui promettoit à Rome l'empire du monde, tant qu'elle conserveroit ce présent. Voyez PALLADIUM.

Les auteurs sont partagés sur l'étymologie & sur l'orthographe de ce mot. Camerarius & Muret le prétendent Grec, & le font venir de ἄγκυλος, courbé ; aussi écrivent-ils ancyle, ancylia, toûjours avec un y : nous lisons certainement dans Plutarque ἀγκύλια. Juba dans son histoire, soûtient que ce mot est originairement Grec. Mais on ne peut concilier cette orthographe avec les manuscrits & les médailles, où ce mot se trouve écrit avec un i simple ; Varron le fait venir de ancilia, ab ancisu, & suppose que ce nom fut donné à une espece de boucliers échancrés ou dentelés à la maniere des peltæ de Thrace.

Plutarque même dit que telle étoit la figure de l'ancile ; mais il differe de Varron, en ce qu'il prétend que les petits boucliers des Thraces n'avoient point cette figure, & qu'ils étoient ronds : Ovide paroît en avoir eu la même idée ; suivant ce poëte, la rondeur de ce bouclier le fit nommer ancile ; c'est-à-dire, ancisum, de am, & caedo, également coupé en rond.

Plutarque lui trouve encore d’autres etymologies, par exemple, il dérive ancile de ἀγκὼν, parce que l’on portoit ce bouclier au coude. Quoiqu’il n’en fût tombé qu’un des nues, on en conservoit douze à ce titre ; Numa par l’avis, disoit-on, de la nymphe Egerie, ayant ordonné à Veturius Manurius d’en fabriquer onze autres parfaitement semblables au premier, afin que si quelqu’un entreprenoit de se dérober, il ne pût jamais savoir lequel des douze étoit le véritable ancile. Ces anciles étoient conservés dans le temple de Mars, & la garde en étoit confiée à douze prêtres nommés Saliens, établis pour vaquer à ce ministere. Voyez SALIEN.

On les portoit chaque année dans le mois de Mars en procession autour de Rome ; & le troisieme jour de ce mois, on les remettoit en leur place. (G)


ANCLAM(Géog. mod.) ville d'Allemagne, dans le cercle de haute Saxe & le duché de Poméranie, sur la Pêne. Long. 31. 55. lat. 54.


ANCOBER(Géog. mod.) royaume de la côte d'or de Guinée, en Afrique, proche la riviere de même nom.


ANCOLIES. f. (Hist. nat.) aquilegia, genre de plante à fleur anomale, composée ordinairement de plusieurs feuilles inégales, dont quelques-unes sont plates, & les autres sont faites en forme de capuchon ; elles sont toutes entre-mêlées alternativement : il s'éleve du milieu de la fleur un pistil entouré d'étamines, qui devient dans la suite un fruit composé de plusieurs gaines membraneuses, disposées en maniere de tête, & remplies de semences faites en forme d'oeuf applati. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

ANCOLIE, (Médecine.) aquilegia silvestris, C. B. La semence en est apéritive, vulnéraire, détersive ; elle leve les obstructions du foie, de la rate ; elle excite les mois & l'urine, résiste à la pourriture ; on l'employe en potions & en gargarismes, pour les ulceres de la gorge, pour la corruption des gencives, dans le scorbut : rien ne peut dissiper son odeur, lorsqu'elle s'est attachée aux mortiers où on la pile.

Elle entre dans plusieurs préparations ; on en fait des pilules pour la jaunisse avec le safran de Mars & le tartre vitriolé mêlés ensemble à parties égales, enveloppés dans la confection hamec. La dose de ces pilules est d'un gros. (N)


ANCONἀγκὼν, mot comme on voit, purement Grec, usité en Anatomie, pour signifier la courbure du bras en-dehors, ou la pointe du coude sur laquelle on s'appuie. Voyez CUBITUS. On l'appelle autrement olecrane. Voyez OLECRANE. (L)


ANCONÉadj. pris subst. (Anatomie.) épithete de quatre muscles qui vont s'attacher à l'apophyse ancon, autrement dite l'olecrane. Voyez OLECRANE. Voyez Pl. V. d'Anat. n°. 1.

Trois de ces muscles s'unissent si intimement ensemble, qu'ils forment un vrai muscle triceps.

Le grand anconé ou long extenseur est attaché supérieurement à la partie supérieure de la côte inférieure de l'omoplate, & à son col. De-là il va se terminer en s'unissant intimement avec l'anconé externe & interne, par un tendon large qui s'attache en forme d'aponevrose à l'olecrane.

L'anconé externe, ou court extenseur, prend ses attaches au-dessous de la tête de l'humerus, & se termine en s'attachant tout le long de la partie latérale externe de l'humerus, & en s'unissant intimement avec le grand anconé, à la partie latérale externe de l'olecrane.

L'anconé interne ou brachial externe est attaché supérieurement au dessous du grand rond le long du ligament de la ligne saillante qui répond au condyle interne, le long de la partie moyenne & inférieure du grand anconé, & va se terminer à la partie latérale interne de l'olecrane.

Le petit anconé est attaché à la partie inférieure du condyle externe de l'humerus, & se termine le long de la partie latérale externe postérieure & supérieure du cubitus, à côté de l'olecrane. (L)


ANCRAGou ANCHRAGE, sub. m. (Marine.) C'est un lieu ou espace en mer propre à jetter l'ancre d'un navire, & dans lequel on trouve la quantité de brasses d'eau suffisante, & où on peut mouiller en sûreté. Le meilleur fond pour l'ancrage est de la forte argile, ou du sable ferme ; & le meilleur mouillage est celui où on est le plus à l'abri du vent & de la marée. Voyez MOUILLAGE.

ANCRAGE, droit d'ancrage. (Marine.) C'est un droit que l'on paye en certains ports, soit au roi ou à l'amiral, pour avoir la permission d'y mouiller.

En France, le fonds de tous les ports & havres étant au roi, il n'est pas permis à qui que ce soit de jetter l'ancre dans aucun port, sans payer ce droit à des officiers, qui par lettres patentes ont la commission de le percevoir. (Z)


ANCRES. f. (Marine.) est un instrument de fer A B C D (Voyez Pl. II. fig. 1.) dont on se sert pour arrêter les vaisseaux. On attache cet instrument à un cable dont l'autre extrémité est attachée au vaisseau. On jette l'ancre à la mer, où par son propre poids & par ses pointes B, D, elle s'attache au fond, & retient ainsi le vaisseau.

L'ancre est composée de plusieurs parties.

La partie P e est appellée la verge de l'ancre ; elle est ronde dans les petites, & quarrée dans les grandes.

La partie B C D soudée au bout de la verge s'appelle la croisée ou crosse : B C, moitié de la croisée, est le bras ou la branche.

L'arganeau ou l'organeau est un anneau E A passant par le trou g du haut de la verge. C'est à cet anneau qu'on attache le cable.

Les pattes de l'ancre sont des lames de fer B I K, D G H, de forme triangulaire, qui forment l'extrémité des bras, & qui servent à mordre le fond de la mer.

Les angles des pattes I, K, G, H, sont appellés les oreilles.

Le jas ou jouet de l'ancre est un axe de bois composé de deux morceaux de bois fort épais, dont l'un est A B E F (fig. 3.) dans lesquels il faut remarquer une rainure C D qui doit embrasser la tête de l'ancre ; outre cela on remarque à la tête de l'ancre deux petites éminences appellées tenons, dont l'une est n m (fig. 1.) & l'autre est au côté opposé.

Ces tenons sont exactement renfermés dans l'intérieur du jas, & empêchent qu'il ne puisse monter ni descendre. Les deux morceaux de bois dont nous avons parlé, sont attachés à l'ancre de maniere qu'ils soient perpendiculaires à un plan passant par la verge & par les pattes ; on les fixe de plus ensemble avec des clous ; & étant ainsi joints, ils forment le jas G H I K. Le jas sert à empêcher que la croisée ne soit parallele au fond de la mer, ce qui empêcheroit l'ancre de mordre.

Il y a dans un vaisseau plusieurs ancres : la plus grosse s'appelle la maîtresse ancre : celle qui la suit en grosseur se nomme la seconde : la troisieme s'appelle ancre d'affourche ; on la jette du côté opposé à la maîtresse ancre, & de maniere que les deux cables fassent un angle au-dedans du vaisseau : la quatrieme ou plus petite ancre se nomme ancre de toue ou boüeuse ; on la jette à quelque distance du vaisseau ; on attache un cable par une de ses extrémités à cette ancre, & par l'autre au cabestan, & en tournant le cabestan on amene le vaisseau vers le côté où il est arrêté par l'ancre.

On se sert aussi d'une corde appellée l'orin dont on attache une extrémité à l'ancre, & l'autre à un bout de liége flottant sur l'eau, afin que si l'ancre vient à se détacher du cable, on retrouve, par le moyen de ce liége l'endroit où elle est.

Il y a encore d'autres ancres dont il sera fait mention à la suite de cet article.

Il y a grande apparence que les ancres sont fort anciennes : mais leur premier inventeur est inconnu, ou du moins incertain. Des passages d'Apollonius de Rhodes, & d'Etienne de Bysance, prouvent que les anciens ont eu des ancres de pierre ; & on voit par Athénée qu'ils en ont eu même de bois. Il y a apparence que les premieres ancres de fer dont on se servit n'avoient qu'une dent ; & l'on voit par un passage de Nicolas Witsen, que dans ces derniers tems on en a fait aussi quelques-unes de cette espece.

A l'égard des ancres de fer à deux dents, il paroît par les médailles & par les passages qui nous restent, qu'elles étoient assez semblables à celles dont nous nous servons aujourd'hui. On a quelquefois fait usage d'ancres à trois dents : mais ces ancres, ainsi que celles à quatre dents, sont moins bonnes que celles à deux, parce qu'elles sont sujettes à plus d'inconvéniens. M. le Marquis Poleni en détaille les principaux dans sa piece Latine sur les ancres, imprimée à Paris en 1737, à l'Imprimerie royale, & dont nous avons tiré tout ce que nous avons dit jusqu'à présent.

Cette piece fut composée à l'occasion du prix que l'Académie royale des Sciences de Paris avoit proposé pour cette année 1737.

L'Académie avoit demandé 1°. quelle étoit la meilleure figure des ancres. Le prix de cette partie fut adjugé à M. Jean Bernoulli le fils ; & voici l'extrait de sa piece.

Il cherche d'abord l'angle le plus favorable pour que l'ancre enfonce, c'est-à-dire, celui sous lequel la patte entre le plus profondément & avec le plus de facilité & de force, & il trouve que cet angle est égal à 45 degrés, c'est-à-dire, que le bras doit faire avec le fond de la mer un angle de 45 degrés, en supposant que le fond de la mer soit horisontal, & que le cable le soit aussi ; suppositions qui à la vérité ne sont pas à la rigueur, mais qui peuvent pourtant être prises pour assez exactes.

Il s'applique ensuite à déterminer la figure de l'ancre la plus avantageuse. Il observe d'abord que la résistance des différentes parties du fond de la mer devant être censée la même par-tout, elle peut être regardée comme semblable à l'action d'une infinité de puissances paralleles qui agiroient sur la croisée. Ainsi, en supposant la croisée ou sa surface concave d'une égale largeur par-tout, il en résulte que la figure la plus avantageuse de cette surface concave seroit celle d'une chaînette, c'est-à-dire, de la courbe que prend un fil chargé de poids égaux, & attaché horisontalement par les extrémités ; car il est visible que si l'ancre étoit flexible, elle prendroit cette figure d'elle-même, & la conserveroit après l'avoir prise. C'est donc la figure la moins sujette à changer, lorsque la branche est supposée inflexible. V. CHAINETTE.

Mais on ne doit pas faire la croisée d'une égale largeur par-tout ; car en ce cas, elle ne résisteroit pas également à être cassée dans toute sa longueur. Elle se casseroit plus aisément (par la propriété du levier) vers le sommet de la croisée que vers les extrémités. Ainsi il faut qu'elle soit plus mince vers ses extrémités, que vers son milieu.

M. Jean Bernoulli imagine donc deux courbes, dont l'une termine la surface concave de l'ancre, & représente par ses ordonnées les différentes largeurs de cette surface, & une autre courbe qu'il appelle courbe des épaisseurs, & dont les ordonnées soient perpendiculaires à la surface concave ; & il trouve par le principe de l'égalité de rupture, l'équation qui doit être entre les ordonnées de la courbe des épaisseurs, & celles de la courbe des largeurs. De plus, pour que la branche soit le moins sujette qu'il est possible à se plier ou à changer de figure, il faut une autre équation entre les deux courbes dont nous venons de parler. Le problème sera donc parfaitement résolu si les deux courbes sont telles qu'elles satis fassent à la fois aux deux équations ; condition qu'on peut remplir d'une infinité de manieres. (O)

* 2°. La seconde question proposée par l'Académie avoit pour objet la meilleure maniere de forger les ancres. Cette question, comme on verra par ce qui suit, pouvoit avoir deux branches ; l'une relative à l'ancre, l'autre relative aux machines qu'on employe pour les forger.

Le prix quant à la partie relative à l'ancre, la seule apparemment que l'Académie avoit en vûe dans sa question, fut adjugé à M. Tresaguet : voici l'extrait de la principale partie de son mémoire, qu'on peut consulter, si l'on desire un plus grand détail. On forge des barres plates & pyramidales ; on en arrange plusieurs les unes auprès des autres, ensorte qu'elles aient ensemble plus que le diametre de la piece qu'on veut forger ; & que leur longueur soit moindre, parce qu'elles s'étendent & diminuent d'épaisseur en les forgeant. On donne plus d'épaisseur aux barres les plus éloignées du centre, parce que le feu agit davantage sur elles. On lie toutes ces barres ensemble avec des liens de fer soudés, que l'on fait entrer par le petit bout du paquet, & que l'on chasse ensuite à grands coups. V. Pl. I. premier tableau, figure 1. Un forgeron qui lie, avec des liens soudés, neuf barres de fer ensemble, pour faire une verge d'ancre ; a le paquet de barres de fer ; b, ringal ou barre de fer, prise au centre du paquet, qui sert à le tourner & manier dans la forge & sous le gros marteau ; c c, liens que le forgeron chasse à grands coups de marteau.

On porte en cet état le paquet à la forge d ; on le place au-dessus de la tuyere ; on le couvre de charbon ; on souffle d'abord modérément ; puis on fait un vent fort & continuel. De cette maniere la chaleur passe de la surface au centre ; & comme les barres sont inégales, & que les premieres sont les plus fortes, tout s'échauffe également. Pour savoir si le paquet est assez chaud, on perce la croûte de charbon qui l'enveloppe ; s'il paroît net & blanc, il est prêt à être soudé : à l'aide de la potence i g, & de sa chaîne f qui embrasse le paquet, on le fait aller sans effort sous le martinet, qui, en quatre ou cinq coups, soude toutes les barres. Le paquet est placé sur l'enclume ou tas k e. Deux forgerons (figure 2 & 3) le soûtiennent ; & le marteleur ou (figure 4) le maître ancrier dirige la piece par le moyen du ringal, & fait appliquer les coups de marteau où ils doivent porter. Ce marteau agit dans ce tableau par le moyen de l'eau, & comme celui des grosses forges. Voyez ce détail à l'article GROSSES FORGES. Les figures 5 & 6 du même tableau tirent une corde qui passe sur une poulie, & qui est attachée à la patte d'une ancre ; la verge de cette ancre est fixée à un pieu n ; & ces forgerons se disposent à cintrer les bras.

La longueur d'une ancre de 6000 livres doit être à peu près de quinze piés, & sa grosseur de dix pouces. On proportionne le poids des ancres à la force de l'équipage & à la grandeur du vaisseau.

De la maniere dont une ancre est mouillée, le plus grand effort qu'elle fait est dans le plan qui passe par la verge & les deux bras. Or il est évident qu'une barre qui n'est pas quarrée, est plus difficile à casser sur le côté, que sur le plat. D'où il s'ensuit, selon M. Tresaguet, que l'ancre, pour avoir la force la plus grande, doit être plate dans ce sens. Cependant il ne sera pas mal d'abattre les angles en rond, pour rendre plus doux le frottement contre le cable & les rochers.

Lorsque la verge est forgée ; le trou par où doit passer l'organeau percé ; le ringal coupé ; le quarré & les tenons formés ; le trou qui doit recevoir la croisée, percé ; on forge la croisée & les pattes. M. Tresaguet est encore d'avis, que pour former les pattes, on forge des barres dont on applatisse les extrémités.

Quand toutes ces pieces sont forgées & assemblées, ce qui s'exécute à la forge, au martinet & au marteau, l'ancre est finie. Voyez, second tableau de la même Planche, le détail de ces opérations. La figure 1 est un forgeron qui met du charbon à la forge : a, le foyer ; figure 2. est un marteleur ou maître ancrier, qui tient un levier passé dans le trou de l'organeau, & qui dirige l'ancre sous le martinet i : les figures 3, 4, 5, soûtiennent la verge de l'ancre, soulagent le marteleur, & lui obéissent : g f & c d sont deux chaînes attachées à deux potences mobiles, dont l'une c d soûtient la verge, & l'autre g f porte le bras. L'opération qui se passe ici, est celle de souder la croisée à la verge, ce qui s'appelle encoller l'ancre.

Lorsque l'ancre est encollée, on la réchauffe ; on travaille à souder la balevre ; ce qui ne peut s'exécuter sous le martinet, mais ce qui se fait à bras ; & c'est ce qu'on a représenté dans le même second tableau, où l'on voit (figure 7.) un forgeron, qui, avec une barre de fer qu'il appuie contre la croisée de l'ancre encollée, qui est dirigée par un maître ancrier, 6, contient cette ancre ; tandis qu'un forgeron, 8, avec un marteau à frapper devant, répare la balevre. Ces ouvriers sont aussi soulagés par leur potence p q. On entend par balevre, les inégalités qui restent nécessairement autour de l'endroit où s'est fait l'encollage.

Mais tout le travail précédent suppose qu'on a des eaux à sa portée, & qu'on peut employer un équipage & des roues à l'eau pour mouvoir un martinet ; ce qui n'arrive pas toûjours : alors il faut y suppléer par quelque machine, & faire aller le martinet à force de bras. C'est un attelier de cette derniere espece qu'on voit dans le tableau de la Planche seconde des ancres. Les figures 1, 2, 3, 4, 5, 6, sont six forgerons partagés en deux bandes égales, lesquels tirent des cordes roulées sur des roues larges. Le mouvement de ces roues se communique à un cric, celui du cric au martinet, & le martinet hausse & baisse de la maniere dont nous allons le démontrer en détail ; après avoir fait observer autour de l'enclume b cinq forgerons qui tiennent une ancre sous le marteau, & qui l'encollent, ou soudent la croisée à la verge. b, l'enclume ; d, cremailleres qui servent à soûtenir la piece, à la hausser ou baisser, & à en faciliter le mouvement. Ces cremailleres sont soûtenues sur les bras des potences mobiles e f. f f sont des tirans qui fortifient les bras de la potence, & les empêchent de céder sous la pesanteur des fardeaux.

Passons maintenant à la description de la machine qui meut le martinet, la chose la plus importante de cet attelier. Pour en donner une notion claire & distincte, nous allons parcourir la figure & l'usage de chacune de ses parties en particulier ; puis nous exposerons le jeu du tout.

La figure 11 du bas de la Planche, est une coupe verticale de la machine : G est le martinet ; ce martinet est une masse de 7 à 800 livres, dont la tête Y est acerée ; son autre bout X passe dans l'oeil d'une bascule G H N I, qui lui sert de manche : H est un boulon qui traverse cette bascule & les deux jumelles O O ; car il faut bien se ressouvenir que ceci est une coupe, & qu'on ne voit que la moitié de la machine.

Sur la partie N de la bascule est posé un ressort qu'on en voit séparé, fig. 14. g est le ressort ; h une platine sur laquelle il peut s'appliquer ; i un étressillon qui empêche le ressort de fléchir & de se rompre. On verra dans la suite l'usage de cette piece.

L'extrémité 1 fig 11 de la bascule G H N I, est percée d'un trou, & traversée d'une corde qui passe dans un trou fait à la bascule supérieure M L K, & qui est arrêtée sur cette bascule par un noeud Z. Cette corde unit les deux bascules, & acheve de rendre leur élévation ou abaissement inséparable. M L est un boulon de la bascule supérieure M L K, qui traverse les deux jumelles O O ; à l'extrémité P de la bascule supérieure est un crochet qu'on voit ; il y en a un second sur la face opposée, qu'on ne peut appercevoir dans cette figure, mais qu'on voit fig. 9.

La figure 9 représente l'extrémité de la bascule supérieure avec toute son armure ; V V sont ses deux crochets. Dans ces crochets est placée une espece de T, qu'on voit séparément, fig. 10 ; ce T dont Y (fig. 10) est la tête, a à sa queue Z un oeil, une virole, ou une douille. Ce qu'on voit (fig. 9.) inséré dans cette douille, en X, est une dent de cric ; cette dent de cric est arrêtée dans la douille du T, par une clavette qui la traverse & la douille aussi, comme on voit fig. 12. b est la dent, c est la clavette ; d'où il s'ensuit (fig. 9.) que la dent ne peut baisser, sans tirer avec elle le T, qui sera nécessairement suivi de l'extrémité T de la bascule supérieure.

On voit (fig. 11) le cric placé entre les deux jumelles qui lui servent de coulisse ; ce cric est garni de dents Q Q. R S est une coupe du tambour qui porte la lanterne, qui fait mouvoir le cric Q Q. R partie de la lanterne garnie de fuseaux ; S partie de la lanterne sans fuseaux.

La figure 13. est une vûe du tambour, de la lanterne, & du cric, qu'il faut bien examiner si l'on veut avoir une idée nette du jeu de la machine : d d est un essieu de fer du tambour & de la lanterne : f le tambour ; g les fuseaux de la lanterne ; e le cric. On voit comment les fuseaux de la lanterne, dans le mouvement du tambour qui l'emporte avec lui, commencent & cessent d'engrener dans les dents du cric.

On voit (fig. 15.) la machine entiere : q q q q sont les traverses des côtés qui soûtiennent les paillers sur lesquels les tourillons de l'arbre du tambour se meuvent : r r r r sont des pieces qui forment le chassis de la machine ; leur assemblage n'a rien d'extraordinaire : m m sont de grandes roues larges mobiles, & qui ne portent point à terre ; des cordes font sur ces roues autant de tours qu'on veut : n n est la pareille de m m : k la grande bascule : l la petite bascule ou la supérieure : u le martinet : o courbe assemblée sur la traverse q, de maniere que son extrémité puisse s'appliquer & s'écarter d'une entaille faite au croisillon de la roue m, & par conséquent arrêter ou laisser cette roue libre ainsi que sa pareille : p est une pince qui sert à amener dedans ou à chasser la courbe o de l'entaille du croisillon.

Cela posé & bien entendu, il est évident que si des cordes font sur les roues m n autant de tours qu'il est nécessaire pour une chaude, & que ces cordes soient tirées par des hommes, comme on voit au haut de la Planche, de maniere que le point m (figure 25.) d'en haut descende du côté des hommes ; il est, dis-je, évident que le tambour, & la lanterne qui lui est adhérente, tourneront dans le même sens, & que les fuseaux de la lanterne rencontrant les dents du cric, feront descendre le cric. Mais le cric ne peut descendre que sa dent supérieure, fixée par une clavette dans la douille du T, ne tire ce T en en-bas, & avec ce T la bascule supérieure, dont le bout P (fig. 2.) descendra : mais le bout P de la bascule supérieure ne peut descendre sans appuyer sur le ressort M N, qui résistant à cet effort en vertu de l'étressillon I (fig. 14.) sur-tout lorsqu'il sera tout-à-fait couché sur la platine H, fera baisser le bout I (fig. 11.) de la bascule inférieure. Le bout I de cette bascule ne peut baisser en tournant sur le boulon H, que son extrémité G ne s'éleve ; l'extrémité G ne s'élevera qu'autant que l'extrémité I baissera : mais l'extrémité I cessera de baisser, quand la lanterne aura tourné de toute sa partie garnie de fuseaux. Lorsque le dernier fuseau de la lanterne s'échappera du cric, alors rien ne poussant ni ne retenant en-bas les extrémités P I des bascules supérieure & inférieure, l'extrémité élevée X de l'inférieure, entraînée par son propre poids & par celui du marteau, tombera d'une vîtesse encore accélérée par celle du ressort M N (fig. 11.), relevera en tombant l'extrémité P de la bascule supérieure, & la machine se retrouvera dans son premier état. Mais les ouvriers continuant de tirer, elle n'y demeurera que jusqu'à ce que la lanterne ayant tourné de la quantité de sa partie vuide de fuseaux, celle qui en est garnie se présentant derechef au cric, agira sur ses dents, le fera descendre, &c. & recommencer en conséquence autant de fois le même mouvement que nous venons d'expliquer.

La courbe o (fig. 15.) en s'appliquant au croisillon de la roue m, l'empêche de tourner, & le marteau peut être tenu élevé.

Mais comme les fardeaux qu'on a à remuer sont très-considérables, on fait usage des potences mobiles ; & pour les hausser & baisser, on applique à ces potences des cremailleres. Voyez fig. 16. une de ces cremailleres, dont le méchanisme est si simple qu'il ne demande aucune explication.

La fig. 17. montre des mouffles garnies de cordages, dont on se sert quand les fardeaux sont trop lourds pour les cremailleres.

3°. La troisieme question proposée par l'Académie, étoit la meilleure maniere d'éprouver les ancres : elle ne fut satisfaite d'aucune des pieces qu'on lui envoya ; & elle partagea la troisieme partie du prix entre M. Daniel Bernoulli, & M. le marquis Poleni, dont les pieces contenoient d'ailleurs d'excellentes choses. Nous ne dirons donc rien non plus sur cette troisieme partie ; & nous renvoyons ceux qui voudront s'instruire plus à fond sur cette matiere, au volume qui contient ces différentes pieces, imprimé, comme nous l'avons déjà dit, en 1737, à l'Imprimerie royale.

Ancre à demeure, c'est une grosse ancre qui demeure toûjours dans un port ou dans une rade, pour servir à toüer les vaisseaux.

Ancre à la veille, c'est celle qui est prête à être mouillée.

Ancre du large, c'est ainsi qu'on appelle une ancre qui est mouillée vers la mer, lorsqu'il y en a une autre qui est mouillée vers la terre.

Ancre de terre, c'est celle qui est mouillée près de la terre, & opposée à celle qui est mouillée au large.

Ancre de flot, & ancre de jussant ou jusant, c'est lorsqu'on parle de deux ancres mouillées de telle sorte, que l'une étant opposée à l'autre, elles tiennent le vaisseau contre la force du flux & du reflux de la mer.

Brider l'ancre, c'est envelopper les pattes de l'ancre avec deux planches, lorsqu'étant obligé de mouiller dans un mauvais fond, on veut empêcher que le fer de la patte ne creuse trop & n'élargisse le sable, & que le vaisseau ne chasse. Voyez SOULIER.

Lever l'ancre, c'est la retirer & la mettre dans le vaisseau pour faire route. " Le vent étant favorable, nous levâmes l'ancre, & appareillâmes pour continuer notre route ".

Lever l'ancre par les cheveux, c'est la tirer du fond avec l'orin qui est frappé à la tête de l'ancre.

Va lever l'ancre avec la chaloupe, c'est un commandement d'aller prendre l'ancre par la chaloupe, qui la hale par son orin & la rapporte à bord.

Gouverner sur l'ancre, c'est virer le vaisseau quand on leve l'ancre, & porter le cap sur la boüée, afin que le cable vienne plus droiturier aux écubiers & au cabestan.

Jouer sur son ancre, filer sur les ancres, voyez FILER.

Courir sur son ancre, chasser sur les ancres, c'est lorsque le vaisseau entraîne ses ancres, & s'éloigne du lieu où il a mouillé ; ce qui arrive quand le gros vent ou les coups de mer ont fait quitter prise à l'ancre, à cause de la force avec laquelle le navire l'a tirée : quelques-uns disent improprement filer sur son ancre. On dit aussi simplement chasser : le vaisseau chasse. Voyez ARER ou CHASSER.

Faire venir l'ancre à pic, ou à pique, virer à pic, c'est remettre le cable dans un vaisseau qui se prépare à partir, en sorte qu'il n'en reste que ce qu'il faut pour aller perpendiculairement du navire jusqu'à l'ancre, & qu'en virant encore un demi-tour de cable, elle soit enlevée tout-à-fait hors du fond.

L'ancre a quitté, l'ancre est dérapée, c'est-à-dire, que l'ancre qui étoit au fond de l'eau pour arrêter le navire, ne tient plus à la terre.

L'ancre paroît-elle ? c'est une demande qu'on fait lorsqu'on retire une ancre du fond, pour savoir si elle est à la superficie de l'eau.

Caponner l'ancre, voyez CAPON.

Bosser l'ancre & la mettre en place, voyez BOSSER.

L'ancre est au bossoir ; cela se dit lorsque son grand anneau de fer touche le bossoir.

Estre à l'ancre : lorsqu'une flotte mouille dans un port, ou que l'on mouille dans une rade où il y a déjà beaucoup de vaisseaux, le pilote, & ceux qui ont le commandement, doivent prendre garde à bien mouiller, & que chaque vaisseau soit à une distance raisonnable des autres, ni trop près ou trop loin de terre.

Si le vent commence à forcer, il est à propos que tous les vaisseaux filent du cable également, afin que l'un n'aille pas aborder ou tomber sur l'autre.

L'on est mouillé à une distance raisonnable des autres vaisseaux, lorsqu'il y a assez d'espace entre deux pour ne pas s'aborder en filant tous les cables. Il est bon aussi de buter les vergues, afin que le vent ébranle moins les vaisseaux, & qu'en cas qu'ils vinssent à s'aborder, soit en chassant ou autrement, les vergues des uns ne puissent s'embarrasser dans les vergues & les manoeuvres des autres. La distance la plus raisonnable qui doit être entre deux vaisseaux mouillés, est de deux ou trois cables, c'est-à-dire deux ou trois cent toises. (Z)

ANCRE, en Serrurerie, c'est une barre de fer qui a la forme d'une S, ou d'un Y, ou d'un T, ou toute autre figure coudée & en bâton rompu, qu'on fait passer dans l'oeil d'un tirant, pour empêcher les écartemens des murs, la poussée des voûtes, ou entretenir les tuyaux des cheminées qui s'élevent beaucoup. Voyez Pl. 12. de Serrurerie : A A est une ancre dans l'oeil du tirant H G, chantourné pour que l'oeil soit perpendiculaire à l'ancre. Même Pl. la fig. e e est encore une ancre : elle pourroit être ou droite, ou coudée d'une autre façon ; c'est à l'usage qu'on en veut faire à décider de sa forme : mais quelle qu'elle soit du reste, l'ancre est toûjours destinée à passer dans l'oeil d'un tirant. Voyez TIRANT.

* ANCRE ou ENCRE, (Géog. mod.) petite ville de France en Picardie, sur une petite riviere de même nom. Long. 20. 15. lat. 49. 59.


ANCRÉadj. se dit dans le blason, des croix & des sautoirs qui se divisent en deux ; cela vient de ce qu'ils ressemblent à une ancre par la maniere dont ils sont tournés. Il porte d'or au sautoir ancré d'azur. (V)

* Broglio, originaire de Piémont, d'or au sautoir ancré d'azur. Cette maison s'est établie en France, où ceux de ce nom servent avec honneur dans nos armées, à l'exemple de leur pere, mort au service du Roi, lorsqu'il avoit un brevet de Maréchal de France.


ANCRERjetter l'ancre, mouiller l'ancre, ou simplement mouiller, donner fond, mettre ou avoir le vaisseau sur le fer, laisser tomber l'ancre (Marine.) : tous ces termes signifient la même chose ; c'est-à-dire, arrêter le vaisseau par l'effet de l'ancre. (Z)


ANCRURES. f. défaut du drap, qui naît de ce que le drap n'étant pas bien également tendu partout quand on le tond, il s'y forme quelques plis insensibles, que la force venant à rencontrer, rase de plus près que les autres endroits de l'étoffe ou du drap ; de sorte que dans ces endroits on apperçoit quelquefois le fond ou la corde. Il est donc de la derniere importance que l'étoffe soit bien également tendue sur la table ou sur le coussin à tondre ; car l'ancrure est irréparable : on a beau peigner les places ancrées, on pallie le défaut ; mais c'est encore aux dépens du corps qu'on acheve d'affoiblir, en en détachant des poils qui lui appartiennent, & qui n'étoient pas destinés à couvrir la corde. Voyez l'article DRAPERIE, où toutes les opérations de la fabrique des draps sont expliquées.


ANCUAH(Géog. mod.) ville de la province d'Alovahat ; au septentrion de l'Egypte & de la Thébaïde.


ANCUD(Géog. mod.) l'Archipel d'Ancud ou de Chiloé, partie de la mer pacifique, entre la côte d'Ancud, celle du Chili & l'île de Chiloé. On lui donne le nom d'Archipel, à cause du grand nombre d'îles dont elle est parsemée.

ANCUD est encore une côte de l'Amérique méridionale, dans l'Impériale, province de Chili, entre l'Archipel d'Ancud, au couchant, les Andes à l'orient, le pays d'Osorno au nord, & les terres Magellaniques au sud.


ANCULI* ANCULI & ANCULÆ, (Myth.) dieux & déesses que les esclaves adoroient & invoquoient dans les miseres de la servitude.


ANCY-LE-FRANC(Géog. mod.) petite ville de France dans la Champagne, sur la riviere d'Armançon, proche d'Ancy-le-Savreux.


ANCYREaujourd'hui ANGURI ou ANGOURI, voyez ANGOURI. Il y avoit encore dans la Phrygie Pacatienne une ville de ce nom, que les Grecs nommoient ANGYRA.


ANCYROIDES. f. . Quelques Anatomistes se servent de ce mot pour désigner une éminence de l'omoplate en forme de bec : on l'appelle aussi coracoïde. Voyez CORACOÏDE & OMOPLATE. (L)


ANCZAKRICH(Géog. mod.) fleuve de la Podolie, qui se jette dans la mer Noire proche d'Oczacow.


ANDABATES.m. (Hist. anc.) sorte de gladiateurs qui combattoient les yeux fermés, soit qu’ils les eussent couverts d’un bandeau, soit qu’ils portassent une armure de tête qui se rabattoit sur leur visage. Quelques Auteurs dérivent ce mot du Grec ἀναϐάτης, en Latin ascensor, parce que les gladiateurs dont il s’agit, combattoient à cheval, ou montés sur un char. (G)

* D’autres aiment mieux faire venir ce mot d’ἄντα, contrà, & βαίνω, gradior, je marche.


ANDAGAILASS. m. (Géog. mod.) peuple de l'Amérique méridionale au Pérou, entre le fleuve d'Abançai & celui de Xauxa.


ANDAILLOTSvoyez DAILLOTS.


ANDAIou ONDAIN, s. m. (Agricult.) étendue de pré en longueur sur la largeur de ce qu'un faucheur peut abattre d'herbe d'un coup de faulx. Ainsi on dit, il y a trente andains sur la largeur de ce pré. Les meûniers prétendent avoir le droit de faucher un andain tout le long du biez de leurs moulins.


ANDALOUSIES. f. (Géog. mod.) grande province d'Espagne partagée en deux par le Guadalquivir ; Séville en est la capitale. Long. 11-16. lat. 36-38.

L'Andalousie est la contrée la plus agréable & la plus riche de toute l'Espagne.

* ANDALOUSIE, (LA NOUVELLE) contrée de l'Amérique méridionale en Terre-ferme.


ANDAMAN(ISLE DES) Géog. mod. île de l'Inde, dans le golfe de Bengale.


ANDANAGAR(Géog. mod.) ville de la presqu'île de l'Inde, au-deçà du Gange, dans le royaume de Decan.


ANDANTEadj. pris subst. terme de Musique. Ce mot écrit à la tête d'un air désigne, du lent au vîte ; c'est le second des quatre principaux degrés de mouvement établis dans la Musique Italienne. Andante est un participe Italien qui signifie allant, qui va ; il caractérise un mouvement modéré, qui n'est ni lent ni vîte, & qui répond à peu près à celui que nous exprimons en François par ces mots, sans lenteur. Voyez MOUVEMENT.

Le diminutif andantino indique un peu plus de gaieté dans la mesure ; ce qu'il faut bien remarquer, le diminutif allegretto signifiant tout le contraire. Voyez ALLEGRO. (S)


ANDARGE(Géog. mod.) riviere de France qui a sa source dans les vallées d'Unflan, & se joint près de Verneuil à l'Arron.


ANDATES. f. (Myth.) déesse de la victoire, que les anciens peuples de la grande Bretagne honoroient d'un culte particulier.


ANDELLE(Géog. mod.) riviere de France en Normandie, qui a sa source près de la Ferté-en-Bray, passe par le Vexin-Normand, & se jette dans la Seine à quatre lieues au-dessus de Rouen.

ANDELLE, (BOIS D') Commerce. Ce bois arrive à Paris au port Saint-Nicolas ou du Louvre : il est presque tout charme, & commode pour la chambre, parce qu'il s'allume facilement, & fait un feu clair. Il n'a que deux piés & demi. Voyez ANNEAU.


ANDELY(Géog. mod.) petite ville de France dans la Normandie, coupée en deux par un chemin pavé. L'une des parties de ce lieu s'appelle le grand Andely ; & l'autre, le petit Andely. Celui-ci est sur la Seine ; l'autre sur le ruisseau de Gambon. Long. 19. lat. 49-20. C'est la patrie du fameux Poussin, si célebre dans l'Ecole de Peinture Françoise.


ANDEO(SAINT), Géog. mod. petite ville de France, dans le Vivarès. Long. 22-20. lat. 44. 24.


ANDERNACH(Géog. mod.) ville d'Allemagne, dans le cercle du bas Rhin & dans l'archevêché de Cologne, sur le Rhin. Long. 25. lat. 50-27.


ANDE(CORDELIERE DES), Géog. mod. chaîne de hautes montagnes dans l'Amérique méridionale, qui s'étend du nord au sud dans le Pérou, le Chili, jusqu'au détroit de Magellan. Voyez CORDELIERE.


ANDEVALL(CAMPO D'), Géog. mod. petite contrée d'Espagne dans l'Andalousie, sur les frontieres de Portugal & de l'Estramadoure Espagnole.


ANDIATOROQUE(Géog. mod.) lac du Canada ou nouvelle France, dans l'Amérique septentrionale, du côté de la nouvelle Angleterre.


ANDILLYLA BLANCHE D'ANDILLY, sub. f. (Jardinage.) espece de pêche qui foisonne beaucoup ; elle est grosse, ronde, un peu plate, point rouge au-dedans, & assez agréable au goût, si on ne lui laisse pas le tems de devenir pâteuse, ce qui lui arrive quand elle est trop mûre.


ANDIRou ANGELYN, G. Pison. (Hist. nat. bot.) est un arbre du Bresil dont le bois est dur & propre pour les bâtimens ; son écorce est cendrée, & sa feuille semblable à celle du laurier, mais plus petite. Il pousse des boutons noirâtres d'où sortent beaucoup de fleurs ramassées, odorantes, de belle couleur purpurine & blanche. Son fruit a la figure & la grosseur d'un oeuf ; verd d'abord, mais noircissant peu-à-peu, ayant comme une suture à un de ses côtés, & d'un goût très-amer. Son écorce est dure, & il renferme une amande jaunâtre, d'un mauvais goût, tirant sur l'amer avec quelque astriction.

On pulverise le noyau, & l'on fait prendre de la poudre pour les vers : mais il faut que la dose soit au-dessous d'un scrupule, autrement elle tourneroit en poison.

L'écorce, le bois, & le fruit, sont amers comme de l'aloès ; & c'est en quoi il differe d'un autre andira semblable en tout à celui-ci, excepté par le goût qu'il a insipide. Les bêtes sauvages mangent de son fruit, & elles s'en engraissent. Lemery.


ANDIRA-GUACU(Hist. nat.) chauve-souris de la grosseur de nos pigeons ; elles ont une excroissance sur le nez, ce qui les fait appeller chauve-souris cornues ; des ailes cendrées longues d'un demi-pié, les oreilles larges, les dents blanches, & cinq doigts au pié armés d'ongles crochus. Elles poursuivent les animaux, & les sucent quand elles peuvent les attraper. Il y en a qui se glissent dans les lits, & percent les veines des piés ; la langue & le coeur de l'andira passent pour un poison.


ANDIRINE(Mythol.) surnom de Cybele qui avoit un temple dans la ville d'Andere.


ANDOKANANDEKAN, ANDUGIAN, & FARGANAH, (Géog. mod.) ville de la province de Transoxane de la dépendance de celle de Farganah. Farganah est donc le nom d'une ville ou d'une province. Quelques-uns veulent que Andokan ou Farganah soit aussi Akhsehiker.


ANDONVILLE(Géog. mod.) ville de France, généralité de Paris, élection d'Estampes.


ANDORI(LAC D'), LAGO SALSO, (Géog. mod.) lac du royaume de Naples dans la Capitanate, entre les rivieres Candaloro & Coropello, proche le golfe de Venise & la ville de Manfredonia.


ANDOUILLES. f. c'est, chez les Chaircuitiers, un hachi de fraises de veau, de panne, de chair de porc, entonné dans un boyau avec des épices, de fines herbes, & autres assaisonnemens propres à rendre ces viandes de haut goût.

Andouilles de cochon. Prenez de gros boyaux de cochon, coupez-en le gros bout, faites-les tremper un jour ou deux, lavez-les, faites-les blanchir dans de l'eau où vous aurez mis de l'oignon & du vin blanc, jettez-les dans d'autre eau fraîche, coupez les boyaux de la longueur dont vous voulez les andouilles ; prenez du ventre de cochon, ôtez-en le gras, coupez-en des lisieres de la longueur des boyaux ; fourrez de ces lisieres dans les boyaux le plus que vous pourrez, & vos andouilles seront faites.

Vous les ferez cuire dans un pot bien bouché sur un feu moderé ; quand elles commenceront à rendre leur suc, vous y jetterez un peu d'eau, de l'oignon, du clou de girofle, deux verres de vin blanc, du sel, du poivre, & les laisserez achever de cuire dans cette sauce.

Andouilles de veau. Les andouilles de veau sont plus délicates. On en fait de deux sortes ; de fraise de veau cuite & fourrée dans le boyau de cochon, ou de la même fraise fourrée dans le boyau de mouton. Dans l'un & l'autre cas, on prépare les boyaux comme ci-dessus ; on ajoûte seulement à la fraise de veau tous les ingrédiens capables d'en relever le goût.

* ANDOUILLES de tabac : prenez des feuilles de tabac prêtes à torquer ; choisissez les plus larges & les plus belles ; étendez-les sur une table bien unie ; mettez sur ces feuilles celles qui seront moins grandes ; roulez-les les unes sur les autres, & vous aurez une andouille de tabac. Cette andouille servira d'ame à d'autres feuilles qu'on étendra dessus, si on veut la rendre plus grosse. Quand l'andouille aura pris la grosseur & le poids que vous voudrez qu'elle ait, prenez un linge imbibé d'eau de mer, ou de quelqu'autre liqueur ; que ce linge soit fort & gros ; enveloppez-en fortement l'andouille ; liez ce linge par les deux bouts ; ensuite en commençant par un des bouts liés, & finissant par l'autre, ficellez-le ferme, de maniere que les tours se touchent tous. Laissez l'andouille ficellée jusqu'à ce que vous présumiez que les feuilles s'attachant les unes aux autres, le tout ait pris de la consistance. Alors ôtez la corde & le linge, & coupez l'andouille par les deux bouts pour connoître la qualité du tabac. Les plus fortes andouilles ne pesent pas dix livres, & les plus foibles n'en pesent pas moins de cinq.


ANDOUILLERSS. m. plur. terme de Vénerie ; ce sont les chevilles ou premiers cors qui sortent des perches ou du marrain du cerf, du daim & du chevreuil. Les sur-andouillers sont les seconds cors. Voyez CORS.


ANDOVER(Géog. mod.) ville d'Angleterre dans le Southampton. Long. 16-15. lat. 51-10.


ANDRou ARDRA, (Géog. mod.) fleuve d'Afrique sur la côte de Guinée, à 30 lieues de Benin.


ANDRAGIRou GUDAVIRI, (Géog. mod.) royaume & ville dans l'île de Sumatra en Asie, presque sous la ligne équinoctiale.


ANDRE(Géog. mod.) petite riviere de France en Bretagne, qui se jette à Nantes dans la Loire.


ANDRÉville de Phrygie dans l'Asie mineure.

* ANDRE (SAINT), Géog. mod. petite ville de France dans le bas Languedoc, diocese de Lodeve.

* ANDRE (SAINT), Géog. mod. ville d'Ecosse, capitale de la province de Fise sur la côte orientale de la mer Britannique. Long. 15. 15. lat. 56. 30.

* ANDRE DE BEAULIEU (SAINT), Géog. mod. petite ville de France en Touraine, élection de Loches.

* ANDRE (PORT SAINT), Géog. mod. Espagne, frontiere de Biscaye sur une péninsule. Long. 13. 25. lat. 43. 25.

ANDRE, (Hist. mod.) chevaliers de S. André ou du Chardon. Voyez CHARDON.

Croix de S. André est une espece de coquarde que les Ecossois portent à leur chapeau le jour de la fête de ce saint. Elle est composée de rubans bleus & de blancs qui se traversent en croix ou en sautoir ; ils portent cette coquarde pour honorer la mémoire du crucifiement de S. André, qui est le patron de l'Ecosse. Voyez CROIX & SAUTOIR. (G)


ANDRÉA(SAINT), Géog. mod. ville d'Allemagne dans le cercle d'Autriche, duché de Carinthie, sur la riviere de Lavant. Long. 32. lat. 46. 50.


ANDREJOF(Géog. mod.) ville située proche du Boristhene, entre la Moscovie & la Pologne.


ANDRES(Géog. anc.) ville ancienne de Galatie, située près d'Ancyre.


ANDRIA(Géog. mod.) ville assez considérable d'Italie au royaume de Naples dans la terre de Bari. Long. 34. 3. lat. 41. 15.


ANDRINOPLE(Géog. mod.) ville célebre de la Turquie en Europe dans la Romanie, sur la riviere de Marisa. Long. 44. 15. lat. 41. 45.

Amurat I. empereur des Turcs, prit cette ville sur les empereurs Grecs en 1362 ; & elle fut la capitale de l'empire Ottoman jusqu'à la prise de Constantinople en 1453.


ANDRO(Géog. mod.) île & ville de la Turquie en Europe, l'une des Cyclades dans l'Archipel. Long. 43. lat. 37. 50.


ANDROGENIESS. f. pl. (Myth.) fêtes instituées par les Athéniens en l'honneur d'Androgé, fils de Minos, que le roi d'Athenes allarmé de ses liaisons avec les Pallantides, fit assassiner. Minos vengea la mort de son fils, & contraignit les Atheniens à en rappeller la mémoire par les fêtes appellées Androgénies.


ANDROGYNEShommes de la fable qui avoient les deux sexes, deux têtes, quatre bras, & deux piés. Le terme androgyne est composé des deux mots Grecs ἀνὴρ, au génitif άνδρός, mâle, & de γύνη, femme. Beaucoup de Rabbins prétendent qu'Adam fut créé homme & femme, homme d'un côté, femme de l'autre, & qu'il étoit ainsi composé de deux corps que Dieu ne fit que séparer. Voyez Manass. Ben Israel. Maïmonid. op. Heideg. Hist. Patriarch. tom. I. pag. 128.

Les dieux, dit Platon dans le Banquet, avoient d'abord formé l'homme d'une figure ronde, avec deux corps & deux sexes. Ce tout bizarre étoit d'une force extraordinaire qui le rendit insolent. L'androgyne résolut de faire la guerre aux dieux. Jupiter irrité l'alloit détruire : mais fâché de faire périr en même tems le genre humain, il se contenta d'affoiblir l'androgyne en le séparant en deux moitiés. Il ordonna à Apollon de perfectionner ces deux demi-corps, & d'étendre la peau, afin que toute leur surface en fût couverte. Apollon obéit & la noüa au nombril. Si cette moitié se révolte, elle sera encore sous-divisée par une section qui ne lui laissera qu'une des parties qu'elle a doubles ; & ce quart d'homme sera anéanti, s'il persiste dans sa méchanceté. L'idée de ces androgynes pourroit bien avoir été empruntée du passage de Moyse, où cet historien de la naissance du monde dit qu'Eve étoit l'os des os & la chair de la chair d'Adam. Quoi qu'il en soit, la fable de Platon a été très-ingénieusement employée par un de nos poëtes que ses malheurs ont rendu presque aussi célebre que ses vers. Il attribue avec le philosophe ancien, le penchant qui entraîne un des sexes vers l'autre à l'ardeur naturelle qu'ont les moitiés de l'androgyne pour se rejoindre ; & l'inconstance à la difficulté qu'a chaque moitié de rencontrer sa semblable. Une femme nous paroît-elle aimable, nous la prenons sur le champ pour cette moitié, avec laquelle nous n'eussions fait qu'un tout, sans l'insolence du premier androgyne.

Le coeur nous dit : ah ! la voilà, c'est elle :

Mais à l'épreuve, hélas ce ne l'est point !

* ANDROGYNES, (Géog. anc.) anciens peuples d'Afrique dont Aristote & Pline ont fait mention. Ils avoient, à ce qu'on dit, les deux sexes, la mammelle droite de l'homme, & la mammelle gauche de la femme.

ANDROGYNE, subst. pris adject. Les Astrologues donnent ce nom à celles des planetes qui sont tantôt chaudes & tantôt froides. Mercure, par exemple, est censé sec & chaud proche du Soleil, mais humide & froid proche de la Lune. Voyez ASPECT, voyez aussi INFLUENCE.


ANDROIDES. m. (Méchan.) automate ayant figure humaine & qui, par le moyen de certains ressorts, &c. bien disposés, agit & fait d'autres fonctions extérieurement semblables à celles de l'homme. Voyez AUTOMATE. Ce mot est composé du Grec ἀνὴρ, génitif ἀνδρός, homme, & de εἶδος, forme.

Albert le Grand avoit, dit-on, fait un androïde. Nous en avons vû un à Paris en 1738, dans le Flûteur automate de M. Vaucanson, aujourd'hui de l'académie royale des Sciences.

L'auteur publia cette année 1738, un mémoire approuvé avec éloge par la même Académie : il y fait la description de son Flûteur, que tout Paris a été voir en foule. Nous insérerons ici la plus grande partie de ce mémoire, qui nous a paru digne d'être conservé.

La figure est de cinq piés & demi de hauteur environ, assise sur un bout de roche, placée sur un piéd'estal quarré, de quatre piés & demi de haut sur trois piés & demi de large.

A la face antérieure du pié-d'estal (le panneau étant ouvert) on voit à la droite un mouvement, qui, à la faveur de plusieurs roues, fait tourner en-dessous un axe d'acier de deux piés six pouces de long, coudé en six endroits dans sa longueur par égale distance, mais en sens différens. A chaque coude sont attachés des cordons qui aboutissent à l'extrémité des panneaux supérieurs de six soufflets de deux piés & demi de long sur six pouces de large, rangés dans le fond du pié-d'estal, où leur panneau inférieur est attaché à demeure ; de sorte que l'axe tournant, les six soufflets se haussent & s'abaissent successivement les uns après les autres.

A la face postérieure, au-dessus de chaque soufflet, est une double poulie, dont les diametres sont inégaux ; savoir, l'un de trois pouces, & l'autre d'un pouce & demi ; & cela pour donner plus de levée aux soufflets, parce que les cordons qui y sont attachés vont se rouler sur le plus grand diametre de la poulie, & ceux qui sont attachés à l'axe qui les tire se roulent sur le petit.

Sur le grand diametre de trois de ces poulies du côté droit, se roulent aussi trois cordons, qui par le moyen de plusieurs petites poulies, aboutissent aux panneaux supérieurs de trois soufflets placés sur le haut du bâti, à la face antérieure & supérieure.

La tension qui se fait à chaque cordon, lorsqu'il commence à tirer le panneau du soufflet où il est attaché, fait mouvoir un levier placé au-dessus, entre l'axe & les doubles poulies, dans la région moyenne & inférieure du bâti. Ce levier, par différens renvois, aboutit à la soûpape qui se trouve au-dessous du panneau inférieur de chaque soufflet, & la soûtient levée, afin que l'air y entre sans aucune résistance, tandis que le panneau supérieur en s'élevant en augmente la capacité. Par ce moyen, outre la force que l'on gagne, on évite le bruit que fait ordinairement cette soûpape, causé par le tremblement que l'air occasionne en entrant dans le soufflet : ainsi les neuf soufflets sont mûs sans secousse, sans bruit, & avec peu de force.

Ces neuf soufflets communiquent leur vent dans trois tuyaux différens & séparés. Chaque tuyau reçoit celui de trois soufflets ; les trois qui sont dans le bas du bâti à droite par la face antérieure, communiquent leur vent à un tuyau qui regne en-devant sur le montant du bâti du même côté, & ces trois-là sont chargés d'un poids de quatre livres : les trois qui sont à gauche dans le même rang, donnent leur vent dans un semblable tuyau, qui regne pareillement sur le montant du bâti du même côté, & ne sont chargés chacun que d'un poids de deux livres : les trois qui sont sur la partie supérieure du bâti, donnent aussi leur vent à un tuyau qui regne horisontalement sous eux & en-devant ; ceux-ci ne sont chargés que du poids de leur simple panneau.

Ces tuyaux par différens coudes, aboutissent à trois petits réservoirs placés dans la poitrine de la figure. Là par leur réunion ils en forment un seul, qui montant par le gosier, vient par son élargissement former dans la bouche une cavité, terminée par deux especes de petites levres qui posent sur le trou de la flûte ; ces levres donnent plus ou moins d'ouverture, & ont un mouvement particulier pour s'avancer & se reculer. En-dedans de cette cavité est une petite languette mobile, qui par son jeu peut ouvrir & fermer au vent le passage que lui laissent les levres de la figure.

Voilà par quel moyen le vent a été conduit jusqu'à la flûte. Voici ceux qui ont servi à le modifier.

A la face antérieure du bâti à gauche, est un autre mouvement qui, à la faveur de son roüage, fait tourner un cylindre de deux piés & demi de long sur soixante-quatre pouces de circonférence. Ce cylindre est divisé en quinze parties égales d'un pouce & demi de distance. A la face postérieure & supérieure du bâti est un clavier traînant sur ce cylindre, composé de quinze leviers très-mobiles, dont les extrémités du côté du dedans sont armées d'un petit bec d'acier, qui répond à chaque division du cylindre. A l'autre extrémité de ces leviers sont attachés des fils & chaînes d'acier, qui répondent aux différens réservoirs de vent, aux doigts, aux levres & à la langue de la figure. Ceux qui répondent aux différens réservoirs de vent sont au nombre de trois, & leurs chaînes montent perpendiculairement derriere le dos de la figure jusque dans la poitrine où ils sont placés, & aboutissent à une soûpape particuliere à chaque réservoir : cette soûpape étant ouverte, laisse passer le vent dans le tuyau de communication qui monte, comme on l'a déjà dit, par le gosier dans la bouche. Les leviers qui répondent aux doigts sont au nombre de sept, & leurs chaînes montent aussi perpendiculairement jusqu'aux épaules, & là se coudent pour s'insérer dans l'avant-bras jusqu'au coude, où elles se plient encore pour aller le long du bras jusqu'au poignet ; elles y sont terminées chacune par une charniere qui se joint à un tenon que forme le bout du levier contenu dans la main, imitant l'os que les Anatomistes appellent l'os du métacarpe, & qui, comme lui, forme une charniere avec l'os de la premiere phalange, de façon que la chaîne étant tirée, le doigt puisse se lever. Quatre de ces chaînes s'inserent dans le bras droit, pour faire mouvoir les quatre doigts de cette main, & trois dans le bras gauche pour trois doigts, n'y ayant que trois trous qui répondent à cette main. Chaque bout de doigt est garni de peau, pour imiter la mollesse du doigt naturel, afin de pouvoir boucher le trou exactement. Les leviers du clavier qui répondent au mouvement de la bouche sont au nombre de quatre : les fils d'acier qui y sont attachés forment des renvois, pour parvenir dans le milieu du rocher en-dedans ; & là ils tiennent à des chaînes qui montent perpendiculairement & parallelement à l'épine du dos dans le corps de la figure ; & qui passant par le cou, viennent dans la bouche s'attacher aux parties, qui font faire quatre différens mouvemens aux levres intérieures : l'un fait ouvrir ces levres pour donner une plus grande issue au vent ; l'autre la diminue en les rapprochant ; le troisieme les fait retirer en-arriere ; & le quatrieme les fait avancer sur le bord du trou.

Il ne reste plus sur le clavier qu'un levier, où est pareillement attachée une chaîne qui monte ainsi que les autres, & vient aboutir à la languette qui se trouve dans la cavité de la bouche derriere les levres, pour emboucher le trou, comme on l'a dit ci-dessus.

Ces quinze leviers répondent aux quinze divisions du cylindre par les bouts où sont attachés les becs d'acier, & à un pouce & demi de distance les uns des autres. Le cylindre venant à tourner, les lames de cuivre placées sur ses lignes divisées, rencontrent les becs d'acier & les soûtiennent levés plus ou moins long-tems, suivant que les lames sont plus ou moins longues : & comme l'extrémité de tous ces becs forme entre eux une ligne droite, parallele à l'axe du cylindre, coupant à angle droit toutes les lignes de division, toutes les fois qu'on placera à chaque ligne une lame, & que toutes leurs extrémités formeront entr'elles une ligne également droite, & parallele à celle que forment les becs des leviers, chaque extrémité de lame (le cylindre retournant) touchera & soûlevera dans le même instant chaque bout de levier ; & l'autre extrémité des lames formant également une ligne droite, chacune laissera échapper son levier dans le même tems. On conçoit aisément parlà comment tous les leviers peuvent agir & concourir tous à la fois à une même opération s'il est nécessaire. Quand il n'est besoin de faire agir que quelques leviers, on ne place des lames qu'aux divisions où répondent ceux qu'on veut faire mouvoir : on en détermine même le tems en les plaçant plus ou moins éloignées de la ligne que forment les becs : on fait cesser aussi leur action plûtôt ou plus tard, en les mettant plus ou moins longues.

L'extrémité de l'axe du cylindre du côté droit est terminée par une vis sans fin à simples filets, distans entr'eux d'une ligne & demie, & au nombre de douze, ce qui comprend en tout l'espace d'un pouce & demi de longueur, égal à celui des divisions du cylindre.

Au-dessus de cette vis est une piece de cuivre immobile, solidement attachée au bâti, à laquelle tient un pivot d'acier d'une ligne environ de diametre, qui tombe dans une cannelure de la vis & lui sert d'écrou, de façon que le cylindre est obligé en tournant de suivre la même direction que les filets de la vis, contenus par le pivot d'acier qui est fixe. Ainsi chaque point du cylindre décrira continuellement en tournant une ligne spirale, & fera par conséquent un mouvement progressif de droit à gauche.

C'est par ce moyen que chaque division du cylindre, déterminée d'abord sous chaque bout de levier, changera de point à chaque tour qu'il fera, puisqu'il s'en éloignera d'une ligne & demie, qui est la distance qu'ont les filets de la vis entr'eux.

Les bouts des leviers attachés au clavier restant donc immobiles, & les points du cylindre auxquels ils répondent d'abord, s'éloignant à chaque instant de la perpendiculaire, en formant une ligne spirale, qui par le mouvement progressif du cylindre est toûjours dirigée au même point, c'est-à-dire à chaque bout de levier ; il s'ensuit que chaque bout de levier trouve à chaque instant des points nouveaux sur les lames du cylindre qui ne se répetent jamais, puisqu'elles forment entr'elles des lignes spirales qui forment douze tours sur le cylindre avant que le premier point de division vienne sous un autre levier, que celui sous lequel il a été déterminé en premier lieu.

C'est dans cet espace d'un pouce & demi qu'on place toutes les lames, qui forment elles-mêmes les lignes spirales, pour faire agir le levier sous qui elles doivent toûjours passer pendant les douze tours que fait le cylindre. A mesure qu'une ligne change pour son levier, toutes les autres changent pour le leur : ainsi chaque levier a douze lignes de lames de 64 pouces de diametre qui passent sous lui, & qui font entr'elles une ligne de 768 pouces de long. C'est sur cette ligne que sont placées toutes les lames suffisantes pour l'action du levier durant tout le jeu.

Il ne reste plus qu'à faire voir comment tous ces différens mouvemens ont servi à produire l'effet qu'on s'est proposé dans cet automate, en les comparant avec ceux d'une personne vivante.

Est-il question de lui faire tirer du son de sa flûte, & de former le premier ton, qui est le ré d'en-bas ? On commence d'abord à disposer l'embouchûre ; pour cet effet on place sur le cylindre une lame dessous le levier qui répond aux parties de la bouche, servant à augmenter l'ouverture que font les levres. Secondement, on place une lame sous le levier qui sert à faire reculer ces mêmes levres. Troisiemement, on place une lame sous le levier qui ouvre la soûpape du réservoir du vent qui vient des petits soufflets qui ne sont point chargés. On place en dernier lieu une lame sous le levier qui fait mouvoir la languette pour donner le coup de langue ; de façon que ces lames venant à toucher dans le même tems les quatre leviers qui servent à produire les susdites opérations, la flûte sonnera le ré d'en-bas.

Par l'action du levier qui sert à augmenter l'ouverture des levres, on imite l'action de l'homme vivant, qui est obligé de l'augmenter dans les tons bas. Par le levier qui sert à faire reculer les levres, on imite l'action de l'homme, qui les éloigne du trou de la flûte en la tournant en-dehors. Par le levier qui donne le vent provenant des soufflets qui ne sont chargés que de leur simple panneau, on imite le vent foible, que l'homme donne alors, vent qui n'est pareillement poussé hors de son réservoir que par une legere compression des muscles de la poitrine. Par le levier qui sert à faire mouvoir la languette, en débouchant le trou que forment les levres pour laisser passer le vent, on imite le mouvement que fait aussi la langue de l'homme, en se retirant du trou pour donner passage au vent, & par ce moyen lui faire articuler une telle note. Il résultera donc de ces quatre opérations différentes, qu'en donnant un vent foible, & le faisant passer par une issue large dans toute la grandeur du trou de la flûte, son retour produira des vibrations lentes, qui seront obligées de se continuer dans toutes les particules du corps de la flûte, puisque tous les trous se trouveront bouchés, & par conséquent la flûte donnera un ton bas ; c'est ce qui se trouve confirmé par l'expérience.

Veut-on lui faire donner le ton au-dessus, savoir le mi ? aux quatre premieres opérations pour le ré on en ajoûte une cinquieme ; on place une lame sous le levier, qui fait lever le troisieme doigt de la main droite pour déboucher le sixieme trou de la flûte, & on fait approcher tant-soit-peu les levres du trou de la flûte en baissant un peu la lame du cylindre qui tenoit le levier élevé pour la premiere note, savoir le ré : ainsi donnant plûtôt aux vibrations une issue, en débouchant le premier trou du bout, la flûte doit sonner un ton au-dessus ; ce qui est aussi confirmé par l'expérience.

Toutes ces opérations se continuent à-peu-près les mêmes dans les tons de la premiere octave, où le même vent suffit pour les former tous, c'est la différente ouverture des trous, par la levée des doigts, qui les caractérise : on est seulement obligé de placer sur le cylindre des lames sous les leviers, qui doivent lever les doigts pour former tel ou tel ton.

Pour avoir les tons de la seconde octave, il faut changer l'embouchûre de situation, c'est-à-dire, placer une lame dessous le levier, qui contribue à faire avancer les levres au-delà du diametre du trou de la flûte, & imiter par-là l'action de l'homme vivant, qui en pareil cas tourne la flûte un peu en-dedans. Secondement il faut placer une lame sous le levier, qui, en faisant rapprocher les deux levres, diminue leur ouverture ; opération que fait pareillement l'homme quand il serre les levres pour donner une moindre issue au vent. Troisiemement, il faut placer une lame sous le levier qui fait ouvrir la soûpape du réservoir, qui contient le vent provenant des soufflets chargés du poids de deux livres ; vent qui se trouve poussé avec plus de force, & semblable à celui que l'homme vivant pousse par une plus forte compression des muscles pectoraux. De plus, on place des lames sous les leviers nécessaires pour faire lever les doigts qu'il faut. Il s'ensuivra de toutes ces différentes opérations, qu'un vent envoyé avec plus de force, & passant par une issue plus petite, redoublera de vîtesse & produira par conséquent les vibrations doubles ; & ce sera l'octave.

A mesure qu'on monte dans les tons supérieurs de cette seconde octave, il faut de plus en plus serrer les levres, pour que le vent, dans un même tems, augmente de vîtesse.

Dans les tons de la troisieme octave, les mêmes leviers qui vont à la bouche agissent comme dans ceux de la seconde, avec cette différence que les lames sont un peu plus élevées, ce qui fait que les levres vont tout-à-fait sur le bord du trou de la flûte, & que le trou qu'elles ferment devient extrèmement petit. On ajoûte seulement une lame sous le levier qui fait ouvrir la soûpape, pour donner le vent qui vient des soufflets les plus chargés, savoir du poids de quatre livres ; par conséquent le vent poussé avec une plus forte compression, & trouvant une issue encore plus petite, augmentera de vîtesse en raison triple : on aura donc la triple octave.

Il se trouve des tons dans toutes ces différentes octaves plus difficiles à rendre les uns que les autres ; on est pour lors obligé de les ajuster en plaçant les levres sur une plus grande ou plus petite corde du trou de la flûte, en donnant un vent plus ou moins fort, ce que fait l'homme dans les mêmes tons où il est obligé de ménager son vent & de tourner la flûte plus ou moins en-dedans ou en-dehors.

On conçoit facilement que toutes les lames placées sur le cylindre sont plus ou moins longues, suivant le tems que doit avoir chaque note, & suivant la différente situation où doivent se trouver les doigts pour les former ; ce qu'on ne détaillera point ici pour ne point donner à cet article trop d'étendue. On fera remarquer seulement que dans les enflemens de son il a fallu, pendant le tems de la même note, substituer imperceptiblement un vent foible à un vent fort, & à un plus fort un plus foible, & varier conjointement les mouvemens des levres, c'est-à-dire, les mettre dans leur situation propre pour chaque vent.

Lorsqu'il a fallu faire le doux, c'est-à-dire imiter un écho, on a été obligé de faire avancer les levres sur le bord du trou de la flûte, & envoyer un vent suffisant pour former un tel ton, mais dont le retour par une issue aussi petite qu'est celle de son entrée dans la flûte, ne peut frapper qu'une petite quantité d'air extérieur ; ce qui produit, comme on l'a dit ci-dessus, ce qu'on appelle écho.

Les différens airs de lenteur & de mouvement ont été mesurés sur le cylindre par le moyen d'un levier, dont une extrémité armée d'une pointe pouvoit, lorsqu'on frappoit dessus, marquer ce même cylindre. A l'autre bras du levier étoit un ressort qui faisoit promptement relever la pointe. On lâchoit le mouvement qui faisoit tourner le cylindre avec une vîtesse déterminée pour tous les airs : dans le même tems une personne joüoit sur la flûte l'air qu'on vouloit mesurer ; un autre battoit la mesure sur le bout du levier qui pointoit le cylindre, & la distance qui se trouvoit entre les points étoit la vraie mesure des airs qu'on vouloit noter ; on subdivisoit ensuite les intervalles en autant de parties que la mesure avoit de tems. (O)

* Combien de finesses dans tout ce détail ! Que de délicatesse dans toutes les parties de ce méchanisme ! Si cet article, au lieu d'être l'exposition d'une machine exécutée, étoit le projet d'une machine à faire, combien de gens ne le traiteroient-ils pas de chimere ? Quant à moi, il me semble qu'il faut avoir bien de la pénétration & un grand fonds de méchanique pour concevoir la possibilité du mouvement des levres de l'automate, de la ponctuation du cylindre, & d'une infinité d'autres particularités de cette description. Si quelqu'un nous propose donc jamais une machine moins compliquée, telle que seroit celle d'un harmonometre, ou d'un cylindre divisé par des lignes droites & des cercles dont les intervalles marqueroient les mesures, & percé sur ces intervalles de petits trous dans lesquels on pourroit insérer des pointes mobiles, qui s'appliquant à discrétion sur telles touches d'un clavier que l'on voudroit, exécuteroit telle piece de Musique qu'on desireroit à une ou plusieurs parties ; alors gardons-nous bien d'accuser cette machine d'être impossible, & celui qui la propose d'ignorer la Musique ; nous risquerions de nous tromper lourdement sur l'un & l'autre cas.


ANDROLEPSIES. f. (Hist. anc.) mot formé d', homme, & de , je prens. Lorsqu'un Athénien avoit été tué par le citoyen d'une autre ville, si la ville refusoit de livrer le coupable, il étoit permis de saisir trois de ses citoyens, & de punir en eux le meurtre commis. C'est ce que les Grecs appelloient androlepsie, & les Romains clarigatio. Ce mot signifie aussi dans quelques auteurs des représailles. Voyez REPRESAILLES. (G)


ANDROMEDES. f. (Astron.) constellation boréale qui consiste en vingt-sept étoiles. (O)


ANDROPHONOS(Myth.) nom qui fut donné à Venus après que Laïs eut été tuée dans son temple à coups d'aiguille par la jeunesse Thessalienne.


ANDROSACES. f. androsace, (Hist. nat. bot.) herbe à fleur d'une seule feuille, semblable en quelque maniere à une soûcoupe, & découpée ; le pistil perce le fond de cette fleur, & devient dans la suite un fruit rond & enveloppé en partie par le calice ; ce fruit s'ouvre par le haut, & il est rempli de plusieurs semences attachées au placenta. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)


ANDROSEou ARDROSEN, (Géog. mod.) petite ville d'Ecosse, sur la mer & dans la province de Cunningham.


ANDROTOMIou bien ANDRATOMIE, sub. f. anatomie ou dissection des corps humains. Voy. DISSECTION. On la dénomme ainsi pour la distinguer de la Zootomie, qui est la dissection des animaux. Voyez ZOOTOMIE.

L'Anatomie est le genre, & comprend toutes les sortes de dissections, soit d'hommes, de brutes, ou de plantes. L'Androtomie & la Zootomie en sont des especes. (L)


ANDUXAR(Géog. mod.) ville d'Espagne dans l'Andalousie, sur le Guadalquivir. Long. 14. 17. lat. 37. 45.


ANDUZARDS. m. (Agriculture.) bêche dont on se sert dans le Languedoc pour cultiver les terres où croît le pastel, & dont les reglemens sur le commerce permettent l'usage.


ANDUZE(Géog. mod.) ville de France, dans le bas Languedoc, sur le Gardon. Long. 23. 4. lat. 43. 39.


ANou ASNE, s. m. asinus, (Hist. nat.) animal quadrupede, bien connu par plusieurs défauts & par plusieurs bonnes qualités ; de sorte qu'il n'y a aucun animal qui soit plus dédaigné & plus employé. Il est du genre des solipedes, c'est-à-dire qu'il a la corne du pié d'une seule piece. Il est plus petit que le cheval ; il a les oreilles plus longues & plus larges, les levres plus épaisses, la tête plus grosse à proportion du reste du corps, & la queue plus longue : mais elle n'est garnie de poil qu'à l'extrémité, & sa criniere n'est pas si grande que celle du cheval. Les ânes sont de plusieurs couleurs : la plûpart sont gris de souris ; il y en a de gris argenté, de gris marqué de taches obscures ; il y en a de blancs, de bruns, de roux, &c. Ils ont des bandes noires sur le cou & sur les jambes ; il y a deux autres bandes qui se croisent sur le garrot ; l'une suit la colonne vertébrale dans toute son étendue, & l'autre passe sur les épaules. Il y a des ânes noirs. Les flancs de cet animal sont blancs ; son poil est dur & roide. Il a six dents incisives ; à deux ans & demi il perd les premieres : les canines ne sont guere plus longues que les incisives, & en sont éloignées comme dans les chevaux ; de sorte que les ânes ont aussi des barres. L'âne a le membre plus grand à proportion du corps que tout autre quadrupede ; il a aussi une très-grande ardeur pour l'accouplement : mais il est peu fécond ; on choisit le printems pour faire saillir les ânesses, sur-tout le mois de Mai, & l'été est encore plus favorable à leur fécondation. Comme leur terme arrive dans le douzieme mois, elles mettent bas l'année suivante dans la même saison où elles ont été fécondées : le printems & l'été sont aussi plus favorables pour l'ânon ; car le froid est plus contraire à ces animaux qu'aux autres bêtes de nos climats. Les ânes peuvent s'accoupler à deux ans & demi : mais il y en a bien peu qui soient féconds à cet âge ; il faut qu'ils ayent trois ans pour être bons étalons, & qu'ils n'en ayent pas plus de dix. On croit que les meilleurs sont de couleur grise tirant sur le brun ou le noir ; qu'ils doivent être gros & grands : il faut qu'ils portent bien la tête, qu'ils ayent le cou long, les flancs élevés, la croupe plate, la queue courte, &c. & surtout que les parties essentielles à l'opération à la quelle on les destine soient grosses, charnues & robustes. Si la femelle n'a pas été fécondée avant que de perdre ses dernieres dents, elle est stérile pour toute sa vie, dit Aristote. Il y a des ânesses qui sont en chaleur chaque mois de l'année : mais on a remarqué qu'elles sont moins fécondes que les autres. Aussi-tôt que la femelle a été saillie, on la foüette, & on la fait courir pour empêcher qu'elle ne rende la liqueur séminale qu'elle a reçûe ; elle ne porte ordinairement qu'un petit à la fois, il est très-rare qu'elle ait deux jumeaux. Sept jours après qu'elle a mis bas, elle s'accouple de nouveau avec le mâle ; elle est féconde pendant toute sa vie. On ne doit pas la faire travailler pendant le tems qu'elle porte ; & au contraire, le travail rend les mâles plus propres à l'accouplement. L'âne s'accouple avec la jument, & le cheval avec l'ânesse ; les mulets viennent de ces accouplemens, & surtout de celui de l'âne avec la jument. On choisit pour servir d'étalons les plus grands ânes & les plus vigoureux, ceux qui ont le plus gros membre, comme sont les ânes de Mirebalais ; il y en a eu qui ont valu dans quelques provinces ou royaumes jusqu'à douze & quinze cens livres. Voyez MULET. L'âne s'accouple aussi avec la vache, & l'ânesse avec le taureau, & ils produisent les jumarts. Voyez JUMART.

L'âne est fort aisé à nourrir ; les plus mauvais pâturages sont bons pour cet animal ; il cherche les chardons ; les feuillages des buissons & des saules lui suffiroient. On lui fait manger des brins de sarment. La paille l'engraisse, il mange le chaume. Le foin est un aliment de choix, du son de farine détrempé dans l'eau, est pour l'âne un aliment très-nourrissant ; l'avoine répare ses forces lorsqu'elles sont épuisées ; & on dit que plus il boit d'eau, plus il engraisse. On a remarqué qu'il plonge bien peu les levres dans l'eau lorsqu'il boit, & qu'il supporte long-tems la soif. Il y en a qui sont quelquefois deux jours sans boire. Cet animal a l'oüie fort fine : il prend quelquefois une figure hideuse en relevant ses levres, & en mettant ses dents à découvert ; ce qui lui arrive lorsque quelque chose le blesse dans son harnois, & lorsqu'il leve la tête pour éventer une ânesse qu'il sent de loin, & bien d'autres sois sans que l'on puisse deviner ce qui le détermine à faire cette figure, que l'on donne pour le symbole de l'ironie. La voix de l'âne est effrayante ; elle est extrèmement forte, dure, élevée, & très-desagréable à l'oreille ; & lorsqu'il se met à braire, il continue pendant un tems assez considérable, & il recommence à plusieurs reprises.

Les ânes craignent le froid, aussi y en a-t-il peu, ou point du tout, en Angleterre, en Danemark, en Suede, en Pologne, en Hollande, & dans tous les pays septentrionaux ; & il s'en trouve au contraire beaucoup en Italie, en France, en Allemagne, en Grece, où on a vanté les ânes d'Arcadie comme les meilleurs.

L'âne est un animal stupide, lent & paresseux ; & cependant on convient généralement qu'il est courageux, dur au travail & patient : mais ordinairement on ne le peut faire marcher qu'à force de coups ; sa peau est si dure qu'il n'est sensible qu'au bâton, & souvent on est obligé de le frapper à grands coups redoublés. Cependant l'âne est un des animaux les plus utiles : c'est une bête de somme qui porte de grands fardeaux à proportion de sa grosseur, surtout lorsqu'on le charge sur les reins ; cette partie étant plus forte que le dos. Il sert de monture : son allure est assez douce & assez prompte : mais il est peu docile, & on ne le manie qu'avec peine. C'est aussi une bête de trait, on lui fait traîner des petites charrettes, & il tire la charrue dans les terres qui ne sont pas trop fortes. Que de services on peut tirer d'un animal qui coûte si peu à nourrir ! Aussi est-il la ressource des gens de la campagne, qui ne peuvent pas acheter un cheval & le nourrir. L'âne les soulage dans tous leurs travaux ; il est employé à tout, pour semer, pour recueillir & pour porter les denrées au marché. Le lait d'ânesse a de grandes propriétés dans la Medecine ; on le préfere dans certains cas au lait de chevre & au lait de vache. On doit commencer à faire travailler les ânes à trois ans ; ils sont très-forts jusqu'à dix ou douze, même jusqu'à quatorze & quinze ; ils vivent environ trente ans, & même plus. On croit que la vie de la femelle est plus longue que celle du mâle : mais il est rare que cet animal aille au bout de sa carriere naturelle, la plûpart meurent beaucoup plûtôt, excédés de fatigues & de travaux. La peau sert à faire des cribles, des tambours : celle qui recouvre le dos, peut servir à faire des souliers. Voyez Arist. hist. anim. lib. VI. cap. xxiij. Ald. de quad. solip. lib. I. cap. ij. Voyez QUADRUPEDE.

ASNE SAUVAGE, onager. (Hist. nat.) Les anciens ont fait de l'âne sauvage une espece différente de celle de l'âne domestique, & ils lui ont donné un nom différent. M. Ray dit expressément qu'il n'auroit pas crû qu'il y eût d'autre différence entre l'âne sauvage & l'âne domestique, que celle qui se trouve ordinairement entre deux animaux de la même espece, dont l'un est sauvage & l'autre domestique ; si Belon & Rauwolf qui ont vû l'âne sauvage, n'en avoient fait une espece particuliere. Rauwolf dit que les ânes sauvages sont fréquens en Syrie, que leurs peaux sont très-fortes, & qu'on les prépare de façon que leur surface extérieure est parsemée de petits tubercules à peu près comme une fraise ; on s'en sert pour faire des fourreaux d'épée, des gaines de coûteaux, &c. c'est ce qu'on appelle du chagrin. Synop. method. anim. quad. pag. 62. Voyez CHAGRIN. Les descriptions que nous avons de l'âne sauvage sont si imparfaites, qu'on ne sait pas trop quel est cet animal. Il y a grande apparence qu'on l'a souvent confondu avec le zebre, qui est en effet assez ressemblant à l'âne. Voyez ZEBRE. (I)

ASNE MARIN, asinus marinus. On a donné ce nom au polype de mer. Voyez POLYPE DE MER. (I)

ANE, sub. m. C'est en terme de Tabletier-Cornetier, un outil sur lequel on évuide les dents d'un peigne. Voyez ÉVUIDER. L'âne est une espece de tenailles placées sur un établi posé en forme de prie-dieu, sur un montant qui sert de banc, sur lequel l'ouvrier se met à cheval. A la mâchoire supérieure de l'âne est une corde qui descend jusqu'à la hauteur du pié de l'ouvrier, qui lâche ou serre cette corde avec son pié, selon qu'il en est besoin pour les différentes façons qu'il donne au peigne. L'âne est aussi à l'usage des ouvriers en marqueterie. Voyez Planche de marqueterie, fig. 3. Les échancrures A C du banc A C D N reçoivent les cuisses de l'ouvrier. B est l'extrémité d'une marche sur laquelle l'ouvrier pose son pié. L'action de son pié tend la corde O H. La corde O H tire le levier G H I. Son extrémité I presse la mâchoire mobile K I, & l'ouvrage est serré dans l'étau P. On conçoit que les mâchoires sont plus ou moins écartées, selon que l'ouvrage qu'on a à serrer entr'elles, est plus ou moins gros ; & que par conséquent il falloit avoir la liberté d'approcher ou d'éloigner le levier G H I ; c'est ce qu'on s'est ménagé par le moyen de la cremaillere E G H, dans les crans de laquelle on peut faire passer le levier G H I.


ANÉANTISSEMENTS. m. (Métaph.) l'action de réduire une chose à rien, de détruire absolument son existence. Voyez SUBSTANCE, EXISTENCE.

L'anéantissement est opposé à la création : anéantir est réduire quelque chose au néant ; & créer est du néant faire quelque chose. Tout anéantissement est nécessairement surnaturel & méthaphysique. Les corps n'admettent point naturellement une destruction totale, quoiqu'ils soient susceptibles d'altérations & de changemens. Voyez CORPS, ALTERATION, CORRUPTION.

Quelques Philosophes objectent contre cette notion de l'anéantissement, qu'elle suppose un acte pour l'opérer ; au lieu que l'anéantissement, disent-ils, doit être une conséquence inévitable de la pure inaction de Dieu sur la créature ; c'est-à-dire, de la cessation de l'action par laquelle il l'a créée ; car la conservation d'une chose n'en étant que la pure création continuée, ainsi que tout le monde en convient, il est évident qu'elle doit cesser d'être, dès l'instant que Dieu cesse de la créer. (X)


ANECDOTESS. f. pl. ((Hist. anc. & mod.) nom que les Grecs donnoient aux choses qu’on faisoit connoître pour la premiere fois au public, composé d’α privatif avec un ν pour la douceur de la prononciation, & d’ἔκδοτος qui vient lui-même d’ἐκ & de δίδωμι. Ainsi anecdotes veut dire choses non publiées. Ce mot est en usage dans la Littérature pour signifier des histoires secretes de faits qui se sont passés dans l’intérieur du cabinet ou des cours des Princes, & dans les mysteres de leur politique.

Ciceron dans la xvij. de ses épîtres à Atticus, liv. XIV. s'est servi de ce mot anecdote. Procope a intitulé anecdotes un livre, dans lequel il peint avec des couleurs odieuses l'Empereur Justinien, & Théodore épouse de ce prince. Il paroît que de tous les anciens, cet auteur est le seul qui se soit donné une pareille licence ; au moins n'a-t-on point d'autre écrit en ce genre que le sien. Varillas parmi les modernes a publié de prétendues anecdotes de la maison de Florence ou de Medicis, & a semé dans plusieurs autres de ses ouvrages différens traits d'imagination qu'il a donnés comme anecdotes, & qui n'ont pas peu contribué à décréditer ses livres.

Mais outre ces histoires secrettes prétendues vraies, la plûpart du tems fausses ou du moins suspectes, les critiques donnent le nom d'anecdotes à tout écrit de quelque genre qu'il soit, qui n'a pas encore été publié. C'est dans ce sens que M. Muratori, en faisant imprimer un grand nombre d'écrits trouvés dans les bibliotheques, leur a donné le titre d'anecdotes Greques. Dom Martenne a pareillement publié un thresor d'anecdotes en cinq vol. in-fol. (G)


ANÉou ASNÉE, s. f. (Commerce.) mesure de grains en usage dans quelques provinces de France, particulierement dans le Lyonnois & dans le Mâconnois.

Ce n'est pas néanmoins une mesure effective, telle que peut être à Paris le minot, mais un assemblage d'un certain nombre d'autres mesures.

A Lyon l'ânée est composée de six bichets, qui font un septier & trois boisseaux de Paris. A Mâcon l'ânée est de vingt mesures, qui reviennent à un septier huit boisseaux de Paris.

Une ânée & un bichet rendent à Marseille sept livadieres. Cent ânées font cent trente-une charges un quart, & une ânée y donne une charge un quart un seize. Savary, Dict. du Comm. Voyez aussi dans le même auteur l'évaluation qu'il donne d'un certain nombre de bichets, & autres mesures de différentes villes de Bourgogne avec les ânées de Lyon.

ASNEE se dit encore à Lyon d'une certaine quantité de vin, qui fait la charge qu'un âne peut porter en un seul voyage. Cette ânée est fixée à quatre-vingts pots. Voyez POT. (G)


ANEGADA(Géog. mod.) île de l'Amérique septentrionale, une des Antilles, située dans la mer du nord, à quinze lieues ou environ de Porto-Rico, vers l'orient.


ANEGRASS. m. (Comm.) mesure de grain dont on se sert à Séville & à Cadix. Quatre anegras font un cahis, quatre cahis font le fanega, & 50 fanegas font le last d'Amsterdam. (G)


ANEMABO(Géog. mod.) village d'Afrique sur la côte de Guinée, où les Anglois ont un fort.


ANEMIUS FURNUSdu mot Grec ἄνεμος, vent. On appelle ainsi en Chimie un fourneau à vent, pour fondre les métaux, avec un feu d'une extrème ardeur. Voyez FOURNEAU. (M)


ANEMOMETREs, m. (Physiq.) machine qui sert à estimer la force du vent. Voyez VENT. Ce mot est composé de , vent, & de , mesure. Il y a des anemometres de différentes façons.

On trouve dans les Transactions philosophiques la description d'un anemometre, qui consiste en une plaque mobile sur le limbe gradué d'un quart de cercle. Le vent est supposé souffler perpendiculairement contre cette plaque mobile, & sa force est indiquée par le nombre des degrés qu'il lui fait parcourir.

On trouve dans le cours de Mathématique de M. Wolf, la construction d'un autre anemometre, qui se meut par le moyen des ailes A, B, C, D, Plan. de Pneumat. fig. 17. Ces ailes sont assez ressemblantes à celles d'un moulin à vent. En tournant elles font mouvoir le rayon K M, de sorte que le corps L placé dans une rainure qu'on a pratiquée dans ce rayon s'éloigne de plus en plus du centre du mouvement, & conséquemment agit à chaque instant sur ce rayon ; & par son moyen sur l'axe auquel il est attaché, avec une force qui va toûjours en croissant ; car le bras de levier auquel ce corps est appliqué, s'allonge jusqu'à ce que le mouvement des ailes soit arrêté : alors le poids fait équilibre avec la force du vent ; & cette force est marquée par une aiguille M N fixée sur l'axe, & faisant un angle droit avec le rayon K M, laquelle tourne par son extrémité N sur un quart de cercle divisé en parties égales. La force est d'autant plus grande ou plus petite, que l'aiguille marque un plus grand ou un plus petit nombre de ces parties égales, soit en descendant, soit en montant. Cette machine ne paroît pas fort exacte.

M. d'Ons-en-Bray a donné la description d'un anemometre de son invention, qu'il prétend marquer de lui-même sur un papier, non-seulement les vents différens qui ont soufflé pendant vingt-quatre heures, avec les heures auxquelles ils ont commencé & cessé de régner, mais encore les forces ou vîtesses de ces vents. Voyez Mém. de l'Acad. des Sciences, an. 1734, page 169. Voyez un plus long détail à l'article VENT. (O)


ANEMONES. f. (Hist. nat. bot.) genre de plante dont les fleurs sont composées de plusieurs feuilles disposées en rose : il s'éleve du milieu de la fleur un pistil, qui devient dans la suite un fruit oblong, à l'axe duquel sont attachées plusieurs semences, qui sont enveloppées chacune par une coeffe cotonneuse pour l'ordinaire. Ajoûtez aux caracteres de ce genre, que la tige est entourée de petites feuilles qui sont ordinairement au nombre de trois. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

On distingue des anemones nuancées, de veloutées, de panachées, à peluche, de doubles & de simples. Celles à peluches ont des béquillons, qui sont de petites feuilles pointues qui garnissent le dedans de la fleur. L'anemone demande une terre légere, pareille à celle des tulipes & des jonquilles, peu fumée, à moins que ce ne soit de terreau de feuilles bien consommées ; elle veut être seule, & demande peu d'eau : elle fleurit ordinairement au printems, & on la met en terre en Septembre, avec la précaution de l'en tirer si-tôt que la fleur est passée, & que la fanne jaunit. On la laisse essorer, & on la serre dans des boîtes placées dans des endroits aérés. Sa graine, qui s'appelle bourre, ne peut être semée qu'en la mêlant avec de la terre, pour la mieux détacher.

Son oignon s'appelle patte ou griffe : on détache les oignons avec la main, comme les cayeux, & on les conserve dans des paniers jusqu'au tems propre à les replanter, qui est en Septembre ou en Octobre ; alors on les saupoudre de terreau, & dans les fortes gelées on les couvre de paillassons ou de grande litiere.

L'anemone est plus sûre à élever de cayeux que de graine. (K)

L'ANEMONE (Medecine.) est détersive, apéritive, incisive, vulnéraire, dessicative. Elle entre dans les errhines, ou dans les collyres pour les ulceres aux yeux. On la dit bonne pour les douleurs de tête & les inflammations dans les maladies de l'uterus, pour provoquer les regles & le lait : si on en mâche la racine, elle attire la salive, & maintient les dents saines.


ANÉMOSCOPES. m. (Physiq.) Ce mot composé d', vent, & de , je considere, est quelquefois usité pour désigner une machine qui aide à prédire les changemens du vent. V. VENT & ANEMOMETRE.

On a prétendu que des hygroscopes faits des boyaux d'un chat, &c. se trouvoient en effet de très-bons anémoscopes, pour annoncer d'avance les variations du vent : mais ce fait mériteroit d'être vérifié. Voy. HYGROSCOPE.

L'anémoscope en usage parmi les anciens paroît, suivant la description qu'en donne Vitruve, avoir plus servi à montrer de quel côté venoit le vent, qu'à faire prévoir d'où il viendroit.

Otto de Guericke donne le nom d'anémoscope à une machine de son invention, pour indiquer d'avance les changemens de tems. Voyez TEMS.

C'étoit un petit homme de bois, qui s'élevoit & retomboit dans un tube de verre, selon que l'atmosphere étoit plus ou moins pesante.

M. Lomiers a montré que cet anémoscope n'étoit qu'une application du barometre ordinaire. Voyez BAROMETRE. Voyez aussi Merc. gal. 1683. Act. erud. 1684, p. 26. (O)


ANETS. m. (Hist. nat. bot.) anetum, genre de plante à fleurs en rose, disposées en forme de parasol, & composées de plusieurs feuilles posées sur un calice, qui devient dans la suite un fruit composé de deux semences ovales, plates, cannelées, & entourées d'une bordure. M. Morisson & M. Ray ajoûtent aux caracteres de ce genre, que les feuilles sont semblables à celles du fenouil. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

* On le cultive dans les jardins ; & il arrive souvent que quand on l'a semé une fois, il reparoît tous les ans, par le moyen de sa graine qui retombe.

L'odeur qu'il répand est un peu forte ; cependant elle est agréable & suave.

La graine, les sommités & les feuilles sont d'usage.

Les sommités fleuries donnent dans l'analyse du phlegme limpide, odorant & acide ; une liqueur limpide, encore odorante & acide ; une liqueur roussâtre, soit acide soit salée ; une liqueur brune, urineuse, avec beaucoup de sel volatil urineux ; une huile essentielle, fluide, jaunâtre ou brune, épaisse comme de la graisse.

La masse noire restée dans la cornue, calcinée au feu de reverbere, a donné des cendres dont on a tiré par lixiviation du sel fixe purement alkali.

D'où l'on voit que cette plante a beaucoup de sel ammoniac & d'huile, soit subtile, soit grossiere.

On place l'anet parmi les remedes carminatifs, ou qui divisent & incisent. Il aide la digestion ; il guérit le hoquet ; il excite les urines & les regles ; il augmente le lait aux nourrices : quelques-uns lui attribuent la vertu anodyne.

Les préparations d'anet que l'on conserve dans les boutiques, sont l'eau distillée, l'huile essentielle, & l'huile préparée par infusion.

L'effet de l'huile est d'amollir & de relâcher : on prend la semence, les sommités & les graines d'anet, qu'on employe dans les cataplasmes & les fomentations résolutives : les graines & les fleurs entrent dans les lavemens carminatifs.


ANETIQUE(Medecine.) est synonyme à parégorique ou calmant ; épithete que l'on peut donner aux remedes propres à produire cet effet. (N)


ANEVRYSMES. m. terme de Chirurgie, qui vient du Grec ἀνευρύνω, dilater, d’où l’on a fait ἀνευρυσμὸς, anevrysme. C’est une tumeur contre nature, faite de sang, par la dilatation ou par l’ouverture d’une artere : ces deux causes font distinguer deux especes d’anevrysme, le vrai & le faux.

L'anevrysme vrai est formé par la dilatation de l'artere : les signes qui le caractérisent sont une tumeur circonscrite, sans changement de couleur à la peau, accompagnée d'un battement qui répond ordinairement à celui du pouls du malade : dès qu'on comprime cette tumeur, elle disparoît en totalité ou en partie ; parce que par cette pression on fait couler le sang de la poche anevrysmale dans le corps de l'artere qui lui est continue.

Les causes de l'anevrysme vrai sont internes ou externes : on met au nombre des causes internes la foiblesse des tuniques de l'artere, qui ne peuvent résister à l'effort & à l'impétuosité du sang. Un ulcere qui auroit corrodé en partie les tuniques de l'artere, pourroit donner lieu à un anevrysme dont la base seroit étroite, parce que l'expansion des membranes n'auroit lieu que dans un seul point du tube artériel. On dit que le sang qui se trouve dans cette espece d'anevrysme, rentre avec un sifflement assez sensible, lorsqu'on comprime la tumeur ; ce qui n'arrive point lorsque tout le corps de l'artere participe à la dilatation.

M. Chambers, à l'article dont je traite, cite une observation de M. Littre, rapportée dans l'Histoire de l'Acad. royale des Scienc. an 1712 ; il s'agit d'un anevrysme à l'aorte, dont M. Littre attribue la cause au trop petit diametre des arteres soûclavieres & axillaires.

Les causes externes de l'anevrysme vrai sont les coups, les chûtes, les extensions violentes des membres : la compression que cause une exostose, une luxation ou une fracture, qui n'ont point été réduites, ou la présence d'une tumeur humorale, sont aussi des causes extérieures d'anevrysme ; parce qu'en diminuant le diametre de l'artere, elles l'obligent à se dilater supérieurement. Il ne faut pas croire que toutes ces causes externes produisent un anevrysme, parce qu'elles affoiblissent le ressort de l'artere, & la rendent incapable d'offrir assez de résistance aux impulsions du sang ; car on sait par expérience qu'il y a des tumeurs anevrysmales dont le battement est plus fort que dans le reste de l'artere : cette force pulsative s'accorde peu avec l'affoiblissement du ressort de ce vaisseau dans le point où il est dilaté.

L'anevrysme vrai est plus ou moins dangereux, selon son volume, & suivant la partie où il est situé. Les anevrysmes des gros vaisseaux de toutes les arteres de l'intérieur du corps sont très-fâcheux, parce qu'on ne peut y apporter aucun remede, & qu'ils se terminent presque tous, à moins qu'on ne prenne de grandes précautions, par l'ouverture de la tumeur. Les anevrysmes des extrémités qui attaquent les troncs des vaisseaux sont un peu moins fâcheux, uniquement par leur situation : ceux qui n'affectent que les ramifications des arteres sont curables, parce qu'il n'y a aucun obstacle à la guérison radicale.

L'anevrysme faux se fait par un épanchement de sang, en conséquence de l'ouverture d'une artere. Les causes de cette maladie paroissent devoir être toûjours extérieures, comme un coup d'épée, de lancette, &c. elle peut cependant venir de cause interne, par l'ulcération de l'artere à l'occasion d'un virus vérolique, scorbutique, & autres ; ou par la crevasse d'un anevrysme vrai : ce dernier cas est assez rare, parce qu'on a remarqué que les tuniques de l'artere augmentent en épaisseur à mesure qu'elles se dilatent.

Dans l'anevrysme faux, le sang qui sort de l'artere s'épanche dans le tissu graisseux en le dilacérant : cette effusion s'étend non-seulement sous la peau, mais aussi dans l'interstice des muscles. On a vû le sang d'une artere ouverte au pli du coude, s'insinuer jusque dans la membrane graisseuse qui est sous les muscles grand dorsal & grand pectoral, après avoir tendu excessivement tout le bras.

Les signes de l'anevrysme faux sont une ou plusieurs tumeurs dures, inégales, douloureuses, & qui augmentent de jour en jour : la peau est tendue & marbrée de différentes couleurs, selon que le sang épanché en est plus ou moins près. Les auteurs ajoûtent à ces signes le battement profond de l'artere : mais j'ai vû, reconnu & opéré des anevrysmes faux, sans avoir pû m'appercevoir de cette pulsation.

L'anevrysme faux par effusion ne peut guere se guérir que par la ligature de l'artere ; alors, si la blessure est à un tronc principal, le malade perdra le membre, parce que les parties inférieures privées de nourriture par la ligature du vaisseau qui la leur fournissoient, tomberont en mortification, & il faudra faire l'amputation du membre. Voyez AMPUTATION.

La cure des anevrysmes est différente suivant leur espece : les anevrysmes des capacités ne sont point susceptibles de guérison radicale : pour empêcher leur augmentation, & prévenir leurs crevasses, qui feroient périr les malades, il faut faire observer un régime humectant & adoucissant, défendre les travaux & les exercices peu modérés, & faire saigner de tems en tems, relativement aux forces du malade, pour diminuer la pléthore, & empêcher par-là la colonne du sang de faire effort contre les parois de la poche anevrysmale.

Les anevrysmes des extrémités formés par la dilatation d'une artere, ne peuvent être guéris que par l'opération : on essayeroit en vain la compression de la tumeur, comme un moyen palliatif. On a imaginé des bandages faits sur le modele des brayers pour les hernies, & on fait observer qu'il faut que les pelotes soient creuses, pour s'opposer simplement à l'accroissement de la tumeur, sans oblitérer le vaisseau. Ainsi dans les anevrysmes commençans, les tumeurs qui sont oblongues demanderoient des pelotes creusées en gouttiere ; c'est ce qui a fait donner à ces bandages le nom de ponton. M. l'abbé Bourdelot, premier medecin de M. le Prince, est l'inventeur de ces bandages, à l'occasion d'un anevrysme qui lui survint après avoir été saigné : nous parlerons de cette espece d'anevrysme consécutif. Nous remarquerons ici que l'application d'un bandage ne convient point pour la cure même palliative d'un anevrysme par dilatation ; parce qu'en comprimant la tumeur d'un côté, elle croîtroit de l'autre.

L'opération est l'unique ressource pour les anevrysmes vrais des extrémités : mais elle n'est praticable que dans le cas de la dilatation d'une ramification, & non dans celle d'un tronc. Pour savoir si l'anevrysme affecte une branche ou un tronc, il faut comprimer l'artere immédiatement au-dessus de la poche anevrysmale, après avoir intercepté le cours du sang par la partie dilatée : il faut être attentif à observer si la chaleur & la vie se conservent dans les parties inférieures ; car c'est un signe que le sang passe par des branches collatérales : ainsi en continuant cette compression, les branches de communication se dilateront peu à peu, & deviendront en état de suppléer l'artere principale, dont l'opération abolit l'usage. Si cette compression préparatoire prive les parties inférieures de l'abord du sang nécessaire à leur entretien, il faut la cesser promptement, & se contenter des moyens palliatifs indiqués pour les anevrysmes des capacités ; puisque l'opération n'auroit aucun succès, & qu'elle seroit suivie de la mortification du membre.

Pour opérer l'anevrysme vrai, il faut y avoir préparé le malade par des remedes généraux ; & après avoir disposé l'appareil convenable, qui consiste en aiguilles enfilées de fil ciré, en charpie, compresses & bandes, on fait mettre le malade en situation : il peut être dans son lit, ou assis dans son fauteuil. Il faut faire assujettir le membre par des aides-Chirurgiens : on applique ensuite le tourniquet au-dessus de la tumeur. (Voyez TOURNIQUET.) L'opérateur pince la peau transversalement sur la tumeur avec les pouces & les doigts indexs de chaque main : il fait prendre par un aide le pli de la peau qu'il tenoit avec les doigts de la main droite ; il reçoit de cette main un bistouri droit qu'on lui présente, & avec lequel il incise tout le pli de la peau : il passe une sonde cannelée dans l'angle inférieur de l'incision longitudinale qu'il a faite, & il la continue jusqu'au-de-là de la poche, au moyen du bistouri droit dont la pointe est conduite par la cannelure de cette sonde : on en fait autant à l'angle supérieur de l'incision. Si la tumeur ou poche anevrysmale est recouverte d'une aponevrose, comme au pli du bras par celle du muscle biceps, il faut faire fléchir l'avant-bras pour inciser cette partie, & le débrider supérieurement & inférieurement comme on a fait la peau. Lorsque la maladie est bien découverte, on passe une aiguille enfilée d'un fil ciré sous le corps de l'artere au-dessus de sa dilatation, évitant d'y comprendre le nerf, dont la ligature exciteroit des convulsions, &c. Il y a une aiguille particuliere pour cette opération. (Voyez AIGUILLE A ANEVRYSME.) Au défaut de cette aiguille, on peut se servir du talon d'une aiguille courbe ordinaire. On a observé, lorsqu'on s'est servi de la compression préparatoire dont j'ai parlé, que l'artere contracte adhérence avec les parties subjacentes, & qu'alors il n'est pas possible de se servir d'une aiguille à pointe obtuse. Quelques praticiens dans ce cas embrassent beaucoup de chairs avec une aiguille bien pointue, & tranchante sur les côtés ; & ils mettent par-là le nerf à l'abri des accidens que produit la constriction trop exacte de ce genre de vaisseaux. On pourroit néanmoins se servir d'une aiguille fort courbe & bien tranchante, & passer immédiatement sous l'artere, sans lier le nerf, qui n'y est jamais collé exactement. D'ailleurs, l'observation a démontré que la dilatation de l'artere éloignoit assez le nerf, & lui faisoit faire un angle dans lequel la ligature pouvoit passer : ainsi avec un peu d'attention, on ne risquera pas de le comprendre dans la ligature, ou de le piquer avec l'aiguille pointue & tranchante. On fait une seconde ligature au-dessous de la poche, car le sang des arteres collatérales pourroit rétrograder, parce qu'il trouveroit moins de résistance vers cet endroit. (Voyez ces ligatures, Planche XXII. figure 5.) On ouvre ensuite la poche, on la vuide de tout le sang qui y est contenu, & on retranche avec le bistouri les levres de la plaie de la poche, & de celle des tégumens, si on juge qu'elles puissent embarrasser dans les pansemens, comme cela arrive toûjours, pour peu que la tumeur ait de volume.

L'appareil consiste à remplir la plaie de charpie seche, qu'on contient avec les compresses & quelques tours de bande. Il ne faut pas beaucoup serrer le bandage : mais on peut laisser le tourniquet médiocrement serré, en supposant qu'on se soit servi de celui de M. Petit, afin de modérer l'action du sang contre la ligature supérieure. Les pansemens ne different point de ceux de l'anevrysme faux dont nous allons parler.

L'opération de l'anevrysme faux differe de celle qui convient à l'anevrysme vrai. Il n'est pas possible d'appliquer le tourniquet lorsque le bras est fort gonflé, & que ce gonflement s'étend jusqu'à l'aisselle : souvent il n'est pas nécessaire de s'en servir, quoiqu'on doive toûjours l'avoir prêt au besoin, parce que l'épanchement du sang peut être interrompu par la présence d'un caillot qui se sera formé dans l'ouverture de l'artere. J'ai eu occasion de faire cette opération à une personne qui avoit reçû un coup d'épée, qui avoit pénétré obliquement depuis la partie inférieure de l'avant-bras jusqu'au pli du coude. Après avoir ouvert deux tumeurs dans leurs parties les plus saillantes, & avoir ôté les caillots du mieux qu'il me fut possible, je pansai les plaies avec de la charpie seche, des compresses, & un bandage contentif : je ne pûs découvrir le point de l'artere ouverte que le quatrieme jour, lorsque la suppuration eut entraîné le caillot qui s'opposoit à la sortie du sang. J'appliquai alors le tourniquet, & fis la ligature de l'artere : le malade guérit en peu de tems.

Si l'application du tourniquet est possible, il faut le mettre en place : on incise ensuite les tumeurs dans toute leur étendue : on ôte le plus exactement qu'on peut les caillots de sang qu'elles renferment ; & si l'artere donne du sang, on fait serrer le tourniquet : on essuie bien le fond de la plaie, pour voir positivement le point d'où il sort : on resserre ensuite le tourniquet : on passe alors par-dessous l'artere l'aiguille plate de M. Petit, qui porte deux brins de fil ciré, dont l'un sert à faire la ligature au-dessus de la plaie du vaisseau, & l'autre au-dessous : on fait relâcher le tourniquet ; & si la ligature est bien faite, on panse le malade tout simplement comme il vient d'être dit.

La cure consiste à faire suppurer la plaie, à la mondifier, déterger & cicatriser comme les ulceres. (Voyez ULCERE.) Les ligatures tombent pendant la suppuration, non en se pourrissant, mais en sciant peu-à-peu les parties qui étoient comprises dans l'anse qu'elles formoient.

Lorsqu'on a fait la ligature d'une artere, il faut, s'il y a lieu de craindre que ce ne soit un tronc principal, couvrir tout le membre de compresses, qu'on arrosera souvent d'eau-de-vie ou d'esprit-de-vin camphrés, pour donner du ressort aux vaisseaux, & résoudre le sang coagulé. Il ne faut pas se décider trop légérement pour l'amputation à la vûe d'un gonflement accompagné du froid de la partie ; il faut au contraire faire des saignées, appliquer des cataplasmes, & fomenter le membre avec l'eau-de-vie camphrée & ammoniacée. J'ai vû faire l'opération de l'anevrysme au bras, le pouls fut plus de quinze jours à se faire sentir : on croyoit de jour en jour qu'on seroit obligé de faire l'amputation le lendemain : enfin par des soins méthodiques les choses changerent de face, & le malade guérit parfaitement.

M. Foubert reconnoît une autre espece d'anevrysme faux, que celle dont on vient de parler ; il la nomme anevrysme enkisté ; cette seconde espece d'anevrysme faux présente tous les signes de l'anevrysme vrai, ou par dilatation, quoiqu'elle soit formée par la sortie du sang hors de l'artere. Cet anevrysme est ordinairement la suite d'une saignée au bras, où l'artere a été ouverte. Le Chirurgien ayant reconnu à la couleur du sang & à l'impétuosité avec laquelle il sort, qu'il a ouvert l'artere, doit en laisser sortir une quantité suffisante pour faire une grande & copieuse saignée. Pendant que le sang coule, il doit mâcher du papier, & faire préparer des bandes & plusieurs compresses graduées. Il arrête facilement le sang, en comprimant l'artere au-dessus de la saignée. Il réunit ensuite la plaie en resserrant la peau, afin d'arrêter l'écoulement du sang de la veine, dont la sortie accompagne fort souvent celle du sang artériel. Le Chirurgien pose sur l'ouverture le tampon de papier qu'il a mâché & exprimé ; ce tampon doit être au moins de la grosseur d'une aveline : on pose sur ce papier trois ou quatre compresses graduées, depuis la largeur d'une piece de vingt-quatre sous, jusqu'à celle d'un écu de six livres ; par ce moyen l'ouverture de l'artere se trouve exactement comprimée pendant que les parties voisines ne le sont que légerement. On contient ces compresses graduées avec une bande pareille à celle dont on se sert pour les saignées du pié, c'est-à-dire une fois plus longue que celle dont on se sert ordinairement pour la saignée du bras. Il ne faut serrer ce bandage que médiocrement, de crainte d'occasionner le gonflement de la main & de l'avant-bras : un Chirurgien appuiera ensuite ses doigts sur les compresses pendant quelques heures, en observant que la compression qu'il fait ne porte que sur le point où l'artere a été piquée. Lorsque le Chirurgien cessera de comprimer, il faut substituer à ses doigts un bandage d'acier, dont la pelote bien garnie porte sur l'appareil, & appuie précisément sur le lieu de l'ouverture. (Voyez les figures 2. & 3. Pl. XXII. qui représentent ces especes de bandages.) Ce bandage ne gêne en aucune façon le retour du sang, parce qu'il reçoit son point d'appui de la partie opposée à la pelote, & que tous les autres points de la circonférence du membre sont exempts de compression. On peut lever cet appareil au bout de sept à huit jours, sans craindre la sortie du sang : on examine si la compression immédiate du papier sur la peau n'y a pas produit une contusion qui pourroit être suivie d'ulcération, afin d'y remédier. Si les choses sont en bon état, on remet un nouveau tampon de papier mâché, un peu moins gros qu'à la premiere fois ; on applique des compresses graduées, qu'on assujettit par des tours de bande un peu moins serrés qu'au premier appareil ; si l'on a remarqué quelque contusion, on remettra le bandage d'acier sur le tout, & on fera observer au malade le repos du bras, qu'il aura soin de ne pas tirer de l'écharpe où il sera mis : à huit jours de-là on pourra renouveller l'appareil, qui pourra être serré plus légerement. Ce traitement doit être continué 25 à 30 jours : à chaque levée d'appareil, le Chirurgien examinera avec attention s'il ne s'est point fait de tumeur ; il s'attacheroit alors à faire sa compression sur le point tuméfié : mais on ne doit point être dans cet embarras, si l'on a suivi exactement ce qui vient d'être prescrit.

Si ces moyens sont négligés, ou qu'on ne les ait pas continués assez de tems, il survient une tumeur anevrysmale, parce que l'impulsion du sang chasse le caillot qui bouchoit l'ouverture de l'artere. Il se forme d'abord une petite tumeur qui augmente peu-à-peu, & qui acquiert plus ou moins de volume selon l'ancienneté de sa formation, & la quantité du sang extravasé. Cette tumeur est ronde, circonscrite, sans changement de couleur à la peau ; elle est susceptible d'une diminution presque totale, lorsqu'on la comprime : enfin elle a tous les signes de l'anevrysme vrai, quoiqu'elle soit causée par l'extravasation du sang. Voici comme cela arrive : lorsqu'on a arrêté le sang d'une artere, & qu'on a réuni la plaie sur laquelle on a fait une compression suffisante, la peau, la graisse, l'aponevrose du muscle biceps, & la capsule de l'artere, se cicatrisent parfaitement : mais l'incision du corps de l'artere ne se réunit point. Les fibres qui entrent dans sa structure se retirent en tous sens par leur vertu élastique, & laissent une ouverture ronde dans laquelle il se forme un caillot. Si l'on continuoit assez long-tems la compression, pour procurer une induration parfaite du caillot, on guériroit radicalement le malade : mais si l'on permet l'exercice du bras avant que le caillot ait acquis assez de solidité pour cimenter l'adhérence de la capsule & de l'aponevrose, il s'échappera du trou. Le sang s'insinuera alors dans l'ouverture, les impulsions réitérées décolleront les parties qui avoisinent la circonférence de l'ouverture de l'artere, & ce décollement produit la tumeur anevrysmale, qui rentre lorsqu'on la comprime, parce que le sang fluide repasse dans l'artere. Cette tumeur, en grossissant & devenant plus ancienne, forme des couches sanguines, qui se durcissent considérablement ; raison pour laquelle M. Foubert la nomme anevrysme enkisté, ou capsulaire.

Cette théorie est fondée sur un grand nombre de faits par les opérations d'anevrysme de cette espece, que ce célebre Chirurgien a eu occasion de pratiquer, & par les observations qu'il a faites, en disséquant les bras des personnes mortes, & qui avoient été guéries de semblables accidens par le moyen de la compression. En ouvrant, dans ces dissections, l'artere, postérieurement à l'endroit malade, il a trouvé un trou rond bouché exactement par un caillot de sang fort solide ; & disséquant avec attention la face extérieure de l'artere, il a trouvé à l'endroit du trou un ganglion formé par le caillot, ensorte que l'artere, la capsule & l'aponévrose tenoient ensemble par une cicatrice commune. Dans les opérations qu'il a faites, il a trouvé une poche plus ou moins solide, selon l'ancienneté de la maladie. Cette poche lui a paru formée extérieurement par l'aponévrose, ensuite de plusieurs couches sanguines, dont les extérieures avoient plus de consistance que les internes, sans doute parce que l'étoffe en étoit plus frappée, soûmise depuis plus de tems à l'action impulsive du sang, & à la résistance des parties circonvoisines. Après avoir évacué tout ce qui s'est trouvé de fluide dans ces sortes de poches, M. Foubert a vû que le tube artériel étoit dépouillé dans toute l'étendue de la tumeur, & qu'il y avoit vers le milieu un trou rond par lequel le sang étoit sorti ; ce qu'il a vérifié, en lâchant le tourniquet, pour en laisser sortir un jet de sang.

Il y a environ 13 ou 14 ans que M. Foubert a communiqué à l'académie royale de Chirurgie, les faits qui sont le fondement de la doctrine qu'on vient d'exposer ; les nouvelles observations, confirmatives des premieres, lui ont fourni une méthode curative de cette maladie, qui est relative à ses différens tems. Lorsque la tumeur est petite & nouvelle, il la guérit toûjours par la compression prescrite ci-dessus : mais si la tumeur est ancienne, l'opération est absolument nécessaire pour guérir la maladie. L'opération n'est point urgente comme dans l'anevrysme faux par inondation. On peut attendre sans danger que l'anevrysme enkisté ait acquis un certain volume, l'opération en deviendra plus facile. Avant de se déterminer à l'opération, il faut s'assûrer du succès, en comprimant assez fortement la tumeur, pour intercepter le cours du sang dans l'artere ; car si la compression exacte ôtoit à l'avant-bras le sang nécessaire pour sa nourriture, on doit être persuadé que c'est le trou de l'artere qui a été ouverte, & qu'il n'y a point de branches collatérales capables de distribuer les liqueurs nourricieres à l'avant-bras & à la main ; dans ce cas, M. Foubert ne fait point l'opération. Si au contraire l'avant-bras prend nourriture, & que le principe vital y subsiste malgré la compression de la tumeur, on doit faire l'opération, puisqu'on a toute la certitude de succès qu'on peut avoir.

A l'égard de l'opération, le malade étant assis sur une chaise d'une hauteur convenable, donne son bras que des aides doivent soûtenir : le Chirurgien applique le tourniquet (voyez TOURNIQUET) ; il ouvre les tégumens, selon l'usage ordinaire, & après avoir découvert la tumeur, il l'incise dans toute son étendue, en pénétrant jusqu'au sang fluide, comme s'il ouvroit un abcès : il ôte ce sang & les couches sanguines qui forment le kiste, autant qu'il lui est possible ; & ayant découvert l'artere, & apperçû son ouverture, il passe une aiguille bien courbe, bien pointue & tranchante, de dessous en-dessus, c'est-à-dire que l'aiguille doit pénétrer sous l'artere par le côté de ce vaisseau qui regarde le condile interne de l'humerus, & immédiatement dessous l'artere, ensorte que sa pointe embrasse ensuite une assez bonne portion du kiste & des parties qui l'avoisinent, pour rendre la ligature plus solide. M. Foubert a observé que, par cette méthode de faire la ligature, on évitoit sûrement le nerf, qu'on lieroit si on la faisoit différemment. Une seule ligature posée supérieurement à quelques lignes du trou de l'artere, lui a souvent suffi ; il conseille néanmoins d'en faire une audessous.

Ces deux ligatures arrêtées selon l'usage ordinaire, il remplit la plaie de charpie seche, qu'il soûtient avec des compresses longuettes & un bandage contentif, observant de ne pas trop le serrer, de crainte de porter obstacle à la distribution des liqueurs ; & il observe avec soin ce qui se passe à l'avant-bras, qui doit être couvert de compresses, & qu'on doit fomenter avec de l'eau-de-vie chaude.

Les pansemens consistent à renouveller les compresses & le bandage quarante-huit heures après l'opération ; on attend la chûte de la charpie & des ligatures, qui viennent ordinairement ensemble dix à douze jours après l'opération. Dans tout cet intervalle la matiere coule aisément à côté de la charpie. Lorsque les ligatures sont tombées, M. Foubert remplit la plaie d'un bourdonnet mollet, qui a été roulé dans la colophone en poudre, & il termine ainsi la cure en très-peu de tems.

Le parallele des différentes opinions qu'on a eues sur la formation des anevrysmes, devroit être naturellement une suite de ce que je viens d'écrire sur cette maladie ; ce seroit la matiere de plusieurs réflexions importantes, qui ne sont point de nature à entrer dans un dictionnaire : j'espere qu'on me pardonnera d'avoir transgressé les bornes prescrites, en faveur de l'utilité qui peut en revenir.

M. Foubert à qui j'ai communiqué ce que je viens de dire sur l'anevrysme enkisté, pour ne lui point attribuer des sentimens contraires aux siens, m'a fait part d'une remarque importante sur l'opération de l'anevrysme faux par inondation. Il a observé que les cellules graisseuses engorgées par le sang épanché, causoient fréquemment à la partie un gonflement considérable, accompagné d'oedématie, par la gêne que le sang trouve à son retour en conséquence de la compression des vaisseaux qui y servent. Cette oedématie empêche qu'on ne distingue les tumeurs particulieres qu'on observe quelquefois dans cette maladie. La consistance du sang épanché, dont on est obligé de séparer les caillots avec le tranchant du bistouri, a fait voir à M. Foubert, qu'on pourroit ouvrir l'artere dans un autre point que celui dont la division est la cause de la maladie à laquelle on se propose de remédier. Dans cette vûe, il a la précaution de porter une sonde cannelée dans les caillots, & de n'en soûlever qu'une très-petite surface, afin d'inciser sûrement, en coulant le dos & la pointe du bistouri dans la gouttiere de la sonde. Il observe même dans ces sections successives de les diriger de haut-en-bas, de crainte, en opérant dans un sens contraire, de couper les aisselles de quelques ramifications. On ne peut trop insister sur de telles remarques ; ce sont des conseils précieux, puisqu'ils ont l'observation & l'expérience pour principe ; M. Foubert ayant eu plusieurs occasions de pratiquer cette opération dans l'hôpital de la Charité, où il vient d'exercer la Chirurgie aux yeux du public pendant dix ans, tant en qualité de Chirurgien en chef, que de substitut. (Y)


ANEWOLONDANE(Géog. mod.) petite île de la mer des Indes, sur la côte de celle de Ceylan, au midi de celle de Calpentyn. Mat. Dict. géog.


ANFRACTUOSITÉS. f. venant du latin anfractus, qui a la même signification, se dit d'un chemin inégal, raboteux, tortueux, rempli d'éminence & de cavités. (O)

ANFRACTUOSITE, s. f. en Anatomie, se dit des différentes cavités ou sillons profonds formés par les bourlets du cerveau dans sa surface, & qui ressemblent fort à des circonvolutions d'intestins. La piemere s'insinue dans ces anfractuosités, & en tapisse de part & d'autre les parois. Voyez PIE-MERE. (L)


ANGAMALA(Géog. mod.) ville des Indes orientales, au Malabar, sur la riviere d'Aicota.


ANGARS. m. terme d'Architecture, de l'Allemand hangen, un appentis ; c'est un lieu couvert d'un demi-comble qui est adossé contre un mur, & porté sur des piliers de bois ou de pierre d'espace en espace, pour servir de remise dans une basse-cour, de magasin, d'attelier d'ouvriers, & de bûcher dans les couvens ou hôpitaux. Voyez BUCHER. (P)


ANGASMAYO(Géog. mod.) riviere de l'Amérique méridionale, qui coule dans le Pompejan, aux confins du Pérou.


ANGES. m. (Théol.) substance spirituelle, intelligente, la premiere en dignité entre les créatures. Voyez ESPRIT, SUBSTANCE.

Ce mot est formé du Grec ἄγγελος, qui signifie messager ou envoyé ; & c’est, disent les Théologiens, une dénomination non de nature, mais d’office, prise du ministere qu’exercent les anges, & qui consiste à porter les ordres de Dieu, ou à annoncer aux hommes ses volontés. C’est l’idée qu’en donne Saint Paul, Hebr. ch. j. vers. 14. Nonne omnes angeli sunt administratorii spiritus in ministerium missi propter eos qui hæreditatem capient salutis ? C’est par la même raison que ce nom est quelquefois donné aux hommes dans l’Ecriture ; comme aux prêtres dans le prophete Malachie, ch. xj. & par saint Matthieu à saint Jean-Baptiste, chap. xj. vers. 10. Jesus-Christ lui-même, selon les Septante, est appellé dans Isaïe, ch. ix. vers. 6. l’ange du grand conseil ; nom, dit Tertull. Lib. de carn. Christi, ch. iv. qui déclare son ministere & non pas sa nature. Le mot Hébreu employé dans les Ecritures, pour exprimer ange, signifie à la lettre un ministre, un député, & n’est par conséquent qu’un nom d’office. Cependant l’usage a prévalu d’attacher à ce terme l’idée d’une nature incorporelle, intelligente, supérieure à l’ame de l’homme, mais créée, & inférieure à Dieu.

Toutes les religions ont admis l'existence des anges, quoique la raison naturelle ne la démontre pas. Les Juifs l'admettoient, fondés sur la révélation, si l'on en excepte les Saducéens : cependant tous ceux de cette secte ne l'ont pas niée, témoin les Samaritains & les Caraïtes, comme il paroît par Buzard, auteur d'une version arabe du Pentateuque, & par le commentaire d'Aaron, Juif Caraïte, sur le même livre, ouvrages qui se trouvent dans les manuscrits de la bibliotheque du Roi. Voyez SADUCEENS & CARAITES.

Les Chrétiens ont embrassé la même doctrine : mais les anciens Peres ont été partagés sur la nature des anges ; les uns, tels que Tertullien, Origene, Clement d'Alexandrie, &c. leur ayant donné des corps, quoique très-subtils ; & les autres, comme saint Basile, saint Athanase, saint Cyrille, saint Grégoire de Nysse, saint Chrysostome, &c. les ayant regardés comme des êtres purement spirituels. C'est le sentiment de toute l'Eglise.

Les auteurs ecclésiastiques divisent les anges en trois hiérarchies, & chaque hiérarchie en trois ordres. La premiere hiérarchie est des séraphins, des chérubins & des thrones. La seconde comprend les dominations, les vertus, les puissances ; & la derniere est composée des principautés, des archanges, & des anges. Voyez HIERARCHIE, SERAPHIN, CHERUBIN, &c.

Ange s'entend donc particulierement d'un esprit du neuvieme & dernier ordre du choeur céleste, & est devenu un nom commun à tous ces esprits bienheureux. Les Chrétiens croyent que tous les anges ayant été créés saints & parfaits, plusieurs sont déchus de cet état par leur orgueil ; qu'ils ont été précipités dans l'enfer & condamnés à des peines éternelles, pendant que les autres ont été confirmés en grace, & qu'ils sont bienheureux pour toûjours : on nomme ceux-ci les bons anges, ou simplement les anges ; & l'on sait que Dieu a donné à chacun de nous un ange gardien. Les autres sont appellés les mauvais anges, ou les diables & les démons ; chez les Juifs on les nommoit satans ou ennemis, parce qu'ils tentent les hommes, & les poussent au mal. Voyez GARDIEN, DEMON, DIABLE, SATAN.

Les Théologiens ont agité différentes questions plus curieuses qu'utiles sur le nombre, l'ordre, les facultés & la nature des anges, qui ne peuvent être décidées ni par l'Ecriture ni par la tradition.

Dans l'Apocalypse le titre d'ange est donné aux pasteurs de plusieurs églises ; ainsi l'évêque d'Ephese y est appellé l'ange de l'église d'Ephese ; l'évêque de Smyrne, l'ange de l'église de Smyrne, &c. M. du Cange remarque qu'on a aussi donné autrefois le nom d'ange à quelques papes & à quelques évêques à cause de leur éminente sainteté.

Les Philosophes payens, & entre autres les Platoniciens, & les Poëtes, ont admis des natures spirituelles mitoyennes entre Dieu & l'homme, qui avoient part au gouvernement du monde. Ils les appelloient démons ou génies, & en admettoient de bons & de mauvais. Saint Cyprien en parle au long dans son traité de la Vanité des idoles, & quelques écrivains chrétiens, d'après Lactance, Instit. lib. I. chap. xv. alleguent les énergumenes & les opérations de la magie comme autant de preuves de leur existence. Saint Thomas l'appuie sur d'autres considérations, qu'on peut voir dans son ouvrage contra gentes, lib. II. ch. xlvj. Voyez DEMON, GENIE, ORACLE, MAGIE, ÉNERGUMENE, &c.

L'Alcoran fait souvent mention des bons & des mauvais anges, que les Musulmans divisent en différentes classes, & auxquels ils attribuent divers emplois, tant au ciel que sur la terre. Ils attribuent particulierement un très-grand pouvoir à l'ange Gabriel, comme de descendre du plus haut des cieux en une heure, de fendre & de renverser une montagne du coup d'une seule plume de son aile. Ils disent que l'ange Asrael est préposé à saisir les ames de ceux qui meurent. Ils en représentent un autre qu'ils nomment Etraphill, se tenant toûjours debout avec une trompette qu'il embouche pour annoncer le jour du jugement. Ils débitent encore bien d'autres rêveries sur ceux qu'ils appellent Munkir & Nekir. Voyez MUNKIR & NEKIR. Voyez aussi ALCORAN, MAHOMETISME, &c. (G)

ANGE, s. f. (Hist. nat.) poisson de mer appellé en latin squatina. Il est cartilagineux & plat ; il devient quelquefois aussi grand qu'un homme ; son corps est étroit, sa peau est assez dure & assez rude pour polir le bois & l'ivoire. Le dessus du corps de ce poisson est brun & de couleur cendrée, le dessous est blanc & lisse ; la bouche est grande, les mâchoires sont arrondies par le bout, la langue est pointue & terminée par un tubercule charnu. Ce poisson a les dents petites, fort pointues, & rangées autrement que dans les autres poissons ; elles sont disposées en plusieurs rangs qui sont à quelque distance les uns des autres : dans chaque rang les dents se touchent de si près, qu'on croiroit qu'il n'y en auroit qu'une seule : mais il est aisé de les séparer avec la pointe d'un couteau. Il y a dans l'intérieur de la mâchoire inférieure un endroit dégarni de dents, qui est occupé par la langue ; tout le reste est hérissé de dents, la mâchoire supérieure l'est en entier, sans excepter l'endroit qui se rencontre sur la langue. Toutes ces dents sont recourbées en arriere ; le bout de la mâchoire supérieure n'est pas recouvert de peau ; il y a deux barbillons qui y pendent ; les yeux sont petits, placés sur la tête, & disposés pour voir de côté. Il se trouve derriere les yeux des trous comme dans les raies ; les oüies sont sur les côtés. Ce poisson a deux nageoires de chaque côté ; la premiere est auprès de la tête, & l'autre est à l'endroit où le corps se retrécit ; il y en a deux petites sur la queue qui est terminée par une autre nageoire. Il y a des aiguillons sur le milieu du dos, & d'autres autour des yeux. L'ange fait des petits deux fois l'an, & il en a sept ou huit à chaque fois. Ce poisson se tient caché dans le sable, & se nourrit de petits poissons qu'il attire avec ses barbillons ; sa chair est dure & d'assez mauvais goût. Rondelet. Voyez POISSON. (I)

On employe ses oeufs desséchés pour arrêter le dévoiement ; on prépare avec sa peau un savon ou smegma pour le psora & la gale ; les cendres servent contre l'alopécie & les achores. (N)

ANGE, subst. m. on appelle boulets à l'ange, dans l'Artillerie, des boulets enchaînés. Ce sont deux boulets, ou plûtôt deux demi-boulets attachés ensemble par une chaîne ; leur usage est d'abattre les vergues & les mâts, & de couper les manoeuvres, ou les autres cordages d'un vaisseau. (Q)

* ANGE (SAINT), Géog. mod. ville d'Italie, au royaume de Naples, dans la Capitanate. Long. 33. 38. lat. 41. 43.

Il y a en Italie deux autres villes du même nom ; l'une dans la principauté ultérieure, au royaume de Naples, l'autre dans les terres du Pape & le duché d'Urbin.

Il y a encore deux châteaux appellés Château-Saint-Ange ; l'un à Rome qui n'est pas fort, l'autre à Malte qui passe pour imprenable.


ANGEDIVE(Géog. mod.) petite ville des Indes dans le royaume de Decan.


ANGEIOGRAPHIES. f. (Comm.) d', vase, & de , j'écris. C'est la description des poids, des mesures, des vaisseaux, & des instrumens propres à l'Agriculture.


ANGEIOLOGIES. f. (Anatomie.) , d', vaisseau. C'est la partie de l'Anatomie qui donne la description des arteres & des veines. Voyez ARTERE & VEINE. (L)


ANGELS. m. (Hist. nat.) oiseau dont le bec & les piés sont noirs, & dont les plumes sont d'une couleur brune, noirâtre, & d'un jaune roussâtre ; il ressemble au reste beaucoup à la perdrix, & il est de la même grosseur ; sa chair est fibreuse & fort dure. On ne peut pas le préparer ni le manger, sans en ôter la peau. Les oiseaux de cette espece vont en troupe ; on leur a donné le nom d'angel angelus à Montpellier. Rondelet rapporte cet oiseau à l'aenas des anciens ; & Aldrovande prétend que c'est l'alchata ou le filacotona des Arabes. Ald. Orn. lib. XV. cap. viij. Voyez OISEAU. (I)


ANGELE(LA PUEBLA DE LOS), Géog. mod. ville de l'Amérique septentrionale dans le Mexique. Long. 277. lat. 19. 30.


ANGELIQUEadj. chose qui appartient ou participe à la nature des anges ; ainsi l'on dit d'un homme édifiant, que dans un corps mortel il mene une vie angélique. Saint Thomas d'Aquin est surnommé par excellence le Docteur angélique. Les catholiques romains appellent l'Ave Maria la Salutation angélique, ou simplement le pardon ou l'Angelus. Voyez AVE. (G)

ANGELIQUE (HABIT), c'est ainsi qu'on appelle l'habit de certains moines grecs de l'ordre de Saint Basile. On distingue deux sortes de ces moines : ceux qui font profession d'une vie plus parfaite, sont appellés moines du grand & angélique habit ; les autres qu'on nomme du petit habit, sont d'un rang inférieur, & ne menent pas une vie si parfaite. Léon Allat. de Consens. eccl. orient. & occid. lib. III. cap. viij. (G)

ANGELIQUE (VETEMENT ou HABIT), angelica vestis ; chez les anciens Anglois c'étoit un habit de moines que les laïcs mettoient un peu avant leur mort, afin de participer aux prieres des moines.

On appelloit cet habit angélique, parce qu'on regardoit les moines comme des anges, dont les prieres aidoient au salut de l'ame. De-là vient que dans leurs anciens livres, monachus ad succurrendum, signifie celui qui s'étoit revêtu de l'habit angélique à l'heure de la mort.

Cette coûtume subsiste encore en Espagne & en Italie, où les personnes de qualité sur-tout ont soin, aux approches de la mort, de se faire revêtir de l'habit de quelque ordre religieux, comme de S. Dominique ou de S. François, avec lequel on les expose en public & on les enterre. (G)

ANGELIQUE, s. f. angelica, (Hist. nat. bot.) genre de plante à fleurs en rose, disposées en forme de parasol. Les feuilles de la fleur sont posées sur un calice qui devient dans la suite un fruit composé de deux semences oblongues, un peu plus grosses que celles du persil, convexes & cannelées d'un côté, & plates de l'autre. Ajoûtez aux caracteres de ce genre, que les feuilles sont ailées & divisées en des parties assez larges. Tournefort, Instit. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

ANGELIQUE, (Medecine.) Des quatre especes d'angélique énoncées par Dale, celle de Boheme est la meilleure. C'est l'angelica officin. angelica sativa, C. B. imperatoria sativa, Tourn. Inst. 317. La racine de cette plante est grosse, noirâtre en-dehors, blanche en-dedans ; toute la plante a une odeur aromatique tirant sur le musc : on la cultive aussi dans ce pays-ci. Son nom lui vient des grandes vertus qu'on lui a remarquées : on la choisit grosse, brune, entiere, non vermolue, d'une odeur suave tirant sur l'amer ; son analyse donne une huile exaltée, & beaucoup de sel volatil.

Elle est cordiale, stomacale, céphalique, apéritive, sudorifique, vulnéraire : elle résiste au venin ; on l'employe pour la peste, pour les fievres malignes, pour la morsure d'un chien enragé, pour le scorbut. C'est un grand diaphorétique ; on l'employe dans les maladies de la matrice, aussi-bien que dans les affections hystériques : elle est diurétique, & bonne pour exciter les lochies.

La racine, la tige, les feuilles, & la graine de la plante sont d'usage : mais la racine l'emporte en vertus sur les autres parties.

On fait de l'angélique nombre de préparations & de compositions. La Pharmacopée de Paris employe l'angélique de Boheme de différentes façons ; elle fait une eau distillée des feuilles & des fleurs ; elle en retire aussi des semences & de la racine desséchée : elle fait une conserve & un extrait de sa racine ; elle fait entrer sa racine dans les eaux composées thériacale, anti-épileptique, prophilactique, de mélisse composée, générale, impériale, dans les deux especes d'orviétan dont elle donne la composition dans le baume oppdeltoch, dans celui du Commandeur. Elle employe la racine, les feuilles, & les semences dans l'emplâtre diabotanum, dans l'esprit carminatif de Sylvius ; les feuilles seules ont place dans l'eau de lait alexitaire ; & l'extrait est un des ingrédiens de la thériaque céleste.

L'eau distillée d'angélique est un diaphorétique estimé dans la goutte ; & l'esprit tiré de la racine au moyen de l'esprit-de-vin est chargé des parties huileuses de cette racine ; & pris à la dose d'une demi-once, il est bon contre les catarrhes. L'extrait de cette racine fait avec l'esprit-de-vin tartarisé, se mêle dans les pilules béchiques & dans les eaux spiritueuses ; on en peut donner depuis un scrupule jusqu'à une demi-dragme : il agit comme aromatique, &c.

Le baume d'angélique de Sennert est ainsi prescrit dans la Pharmacopée d'Ausbourg : Prenez d'extrait d'angélique une once, de manne en larme deux gros ; mettez-les sur un petit feu, y ajoûtant une dragme & demie d'huile d'angélique. Ce baume a les vertus cordiales & alexipharmaques qu'on attribue à l'angélique.

Les peuples de l'Islande & de la Laponie se nourrissent des tiges d'angélique, sans en être incommodés, au rapport de Bauhin & de Linnaeus. (N)

* Prenez demi-once d'angélique, autant de canelle, le quart d'une once de girofle, autant de mastic, de coriandre, & d'anis vert, demi-once de bois de cedre ; concassez le tout dans un mortier ; mettez ensuite infuser dans une quantité suffisante d'eau-de-vie, pendant vingt-quatre heures ; distillez au bain-marie ; ayez de l'eau-de-vie nouvelle ; mettez sur cette eau-de-vie l'essence obtenue par la distillation ; ajoûtez de l'ambre, du musc, & de la civette, & vous aurez l'eau d'angélique.

Otez les feuilles, pelez les tiges que vous choisirez fraîches & grosses ; coupez-les d'une longueur convenable ; jettez-les dans l'eau fraîche ; passez-les de cette eau dans une autre que vous ferez bouillir à gros bouillons : c'est ainsi que l'angélique se blanchit ; on s'apperçoit que les cardons sont assez blancs, quand ils s'écrasent entre les doigts. Tirez-les de cette eau ; passez-les à l'eau fraîche ; laissez-les égoutter : mettez-les bien égouttés dans une poesle de sucre clarifié ; qu'ils y prennent plusieurs bouillons : écumez-les pendant qu'ils bouillent ; & quand ils auront assez bouilli, & qu'ils auront été assez écumés, mettez le tout dans une terrine. Le lendemain, séparez ce sirop ; faites-le cuire, puis le répandez sur les cardons : quelques jours après, séparez encore le sirop que les cardons auront déposé ; faites-le cuire à la petite perle, & le répandez derechef sur les cardons. Séparez une troisieme fois le restant du sirop ; faites-le cuire à la grosse perle ; ajoûtez-y du sucre ; déposez-y vos cardons, & faites-les bouillir : cela fait, tirez-les ; étendez-les sur des ardoises ; saupoudrez-les de beaucoup de sucre ; & faites-les sécher à l'étuve.

ANGELIQUE, en Grec Ἀγγελικὴ, (Hist. anc.) c'étoit une danse fort en usage parmi les anciens Grecs dans leurs fêtes. Voyez DANSE. Elle étoit ainsi appellée du Grec ἄγγελος, nuntius, messager, parce que, suivant Pollux, les danseurs étoient vêtus en messagers. (G)

ANGELIQUE, s. f. (terme de Lutherie) sorte de guittare qui a 10 touches, & 17 cordes accordées de suite, selon l'ordre des degrés diatoniques du clavecin. La dix-septieme corde est à l'unisson du huitieme pié, ou du c-sol-ut des basses du clavecin ; & la chanterelle ou premiere est à l'unisson du mi du clavecin qui précede la clé de g-ré-sol. Voyez la table du rapport & de l'étendue des instrumens de Musique. Cet instrument est de la classe de ceux qu'on appelle instrumens à pincer, comme le luth, la guittare, &c. dont il differe peu par sa figure. Voyez GUITTARE, & Planche de Lutherie.

ANGELIQUES, s. m. plur. (Hist. mod.) ancien ordre de chevaliers institués en 1191 par Isaac Ange Flavius Comnene, empereur de Constantinople. Voyez CHEVALIER & ORDRE.

On les divisoit en trois classes, mais toutes sous la direction d'un grand-maître. Les premiers étoient appellés torquati, à cause d'un collier qu'ils portoient ; ils étoient au nombre de 50 : les seconds s'appelloient Champions de Justice, & c'étoient des ecclésiastiques ; le reste étoit appellé Chevaliers servans. (G)


ANGELITESS. m. pl. (Théol.) hérétiques ainsi nommés d'un certain lieu d'Alexandrie, qu'on appelloit Agelius ou Angelius, où ils s'assembloient. Ils suivoient les erreurs de Sabellius. Voyez Nicéphore, liv. XVIII. ch. xljx. & Pratéole, au mot Angelites : mais ces auteurs ne sont pas de fort bons garans. (G)


ANGELOTS. m. (Commerce.) espece de monnoie qui étoit en usage en France vers l'an 1240, & qui valoit un écu d'or fin ; il y en a eu de divers poids & de diverses valeurs. Ces pieces de monnoie portoient l'image de S. Michel, tenant une épée à la main droite, à la gauche l'écusson de France chargé de trois fleurs-de-lis, & ayant à ses piés un serpent ou dragon. On en voyoit du tems de Louis XI. Il y en a eu d'autres avec la figure d'un Ange qui portoit les écus de France & d'Angleterre, & qu'on croit avoir été frappés sous le regne d'Henri VI. roi d'Angleterre, lorsque ce prince étoit maître de Paris. Ces derniers angelots ne valoient que quinze sous : on sent assez que ces pieces de monnoie tiroient leur nom de l'Ange, dont elles portoient l'empreinte. (G)

* L'ANGELOT, monnoie d'or d'Angleterre, est fort rare ici ; son poids est de quatre deniers, & son titre de vingt-trois carats & vingt-cinq trente-deuxiemes ; il vaut quinze livres cinq sous trois deniers.

L'angelot, monnoie d'argent, est au titre de dix deniers vingt-un grains ; il vaut quatorze sous cinq deniers de France.

ANGELOT DE BRAY, sub. m. (Oecon. rust.) petit fromage gras, dressé dans des éclisses en coeur ou quarré, qui lui donnent cette forme. Il s'appelle angelot de Bray, parce qu'il se fait dans le pays de Bray. Voyez FROMAGE.


ANGELUSS. m. (Théolog.) priere que récitent les Catholiques Romains, & sur-tout en France, où l'usage en fut établi par Louis XI. qui ordonna qu'à cet effet on sonneroit une cloche trois fois par jour, le matin, à midi, & le soir, pour avertir de réciter cette priere en l'honneur de la Sainte Vierge.

Elle est composée de trois versets, d'autant d'ave Maria, & d'un oremus. On l'appelle Angelus, parce que le premier verset commence par ces mots : Angelus Domini nuntiavit Mariae, &c. (G)


ANGEMMES. f. (terme de Blason.) fleur imaginaire, qui a six feuilles semblables à celles de la quinte-feuille, si ce n'est qu'elles sont arrondies, & non pas pointues. Plusieurs croyent que ce sont des roses d'ornement, faites de rubans, de broderies, ou de perles. Ce mot vient de l'italien ingemmare, orner de pierreries : on dit aussi angene & angenin. (V)


ANGERBOURG(Géog. mod.) petite ville de Prusse dans le Bartenland, avec un château, sur la riviere d'Angerap.


ANGERMANIE& ANGERMANLAND, (Géog. mod.) province de Suede, & l'une de celles qu'on appelle Nordelles, au midi de la Laponie.


ANGERMANLAND-LAPMARCKcontrée la plus méridionale des dix parties de la Laponie Suédoise.


ANGERMANN-FLODTgrande riviere de Suede, qui a sa source dans la Laponie, traverse l'Angermanie, & se jette dans le golfe de Bothnie.


ANGERMOND(Géog. mod.) petite ville de Brandebourg, sur la Welse. Il y en a une autre de même nom au duché de Curlande, sur la mer Baltique.


ANGERONALES(Myth.) fêtes instituées en honneur d'Angerone, la déesse de la peine & du silence. Elles se célebroient le 21 Décembre.


ANGERONES. f. (Mythol.) divinité que les Romains invoquoient dans la peine : ils l'avoient placée sur l'autel de la déesse du plaisir.


ANGERS(Géog. mod.) ville de France, capitale du duché d'Anjou, un peu au-dessus de l'endroit où la Loire & la Sarte entrent dans la Mayenne. Long. 17d. 6'. 8". lat. 47d. 28'. 8".


ANGHIERA(Géog. mod.) petite ville d'Italie dans le duché de Milan, sur le bord oriental du lac Majeur. Long. 26. 5. lat. 45. 42.


ANGHIVES. m. (Hist. nat.) arbre de l'île de Madagascar, qui produit, dit-on, un fruit rouge, agréable au goût, & bon dans la gravelle & les ardeurs d'urine. Mauvaise description ; car il seroit assez extraordinaire qu'il n'y eût dans toute l'île que l'anghive qui portât un fruit rouge, d'une saveur agréable.


ANGIMI(Géog. mod.) petite ville de la province de Canem, au pays des Negres, proche la Nubie.


ANGINEVoyez ESQUINANCIE.


ANGIOLOGIEVoyez ANGEIOLOGIE.


ANGLES. m. (Géom.) c'est l'ouverture que forment deux lignes ou deux plans, ou trois plans qui se rencontrent : tel est l'angle B A C, tab. de Géom. fig. 91. formé par les lignes A B, A C, qui se rencontrent au point A. Les lignes A B, A C, sont appellées les jambes ou les côtés de l'angle ; & le point d'intersection A en est le sommet. Voyez COTES & SOMMET. Lorsque l'angle est formé par trois plans, on le nomme angle solide.

Les angles se marquent quelquefois par une seule lettre, comme A, que l'on met au sommet ou point angulaire, & quelquefois par trois lettres, dont celle du milieu marque la pointe ou sommet de l'angle, comme B A C.

La mesure d'un angle, par laquelle on exprime sa quantité, est un arc tel que D E, décrit du sommet A entre les côtés A C, A B, avec un rayon pris à volonté. Voyez ARC & MESURE.

D'où il s'ensuit que les angles se distinguent par le rapport de leurs arcs à la circonférence du cercle entier. Voyez CERCLE & CIRCONFERENCE. Ainsi l'on dit qu'un angle est d'autant de degrés qu'en contient l'arc D E, qui le mesure. Voyez DEGRE.

Puisque les arcs semblables A B, D E, figure 87. ont le même rapport à leurs circonférences respectives, & que les circonférences contiennent chacune le même nombre de degrés, il s'ensuit que les arcs A B, D E, qui sont les mesures des deux angles A C B, D C E, contiennent un nombre égal de degrés : c'est pourquoi les angles eux-mêmes sont aussi égaux ; & comme la quantité d'un angle s'estime par le rapport de son arc à la circonférence, il n'importe avec quel rayon cet arc est décrit ; car les mesures d'angles égaux sont toûjours ou des arcs égaux, ou des arcs semblables.

Donc la quantité d'un angle demeure toûjours la même, soit que l'on prolonge ses côtés, soit qu'on les raccourcisse. Ainsi dans des figures semblables, les angles homologues ou correspondans sont égaux. Voyez SEMBLABLE, FIGURE, &c.

L'art de prendre la valeur des Angles est une opération d'un grand usage & d'une grande étendue dans l'Arpentage, la Navigation, la Géographie, l'Astronomie, &c. Voyez HAUTEUR, ARPENTAGE.

Les instrumens qui servent principalement à cette opération, sont les quarts de cercle, les théodolites ou planchettes rondes, les graphometres, &c. V. CERCLE D'ARPENTEUR, PLANCHETTE, GRAPHOMETRE, &c.

Les angles dont il faut déterminer la mesure ou la quantité, sont sur le papier ou sur le terrein. 1°. Quand ils sont sur le papier, il n'y a qu'à appliquer le centre d'un rapporteur sur le sommet de l'angle O, (Table d'Arpent. fig. 29.) de maniere que le rayon O B soit couché sur l'un des côtés de cet angle ; alors le degré que coupera l'autre côté O P sur l'arc du rapporteur, donnera la quantité de l'angle proposé. Voyez RAPPORTEUR. On peut aussi déterminer la grandeur d'un angle par le moyen de la ligne des cordes. Voyez CORDE & COMPAS DE PROPORTION.

2°. Quand il s'agit de prendre des angles sur le terrein, il faut placer un graphometre ou un demi-cercle, (fig. 16.) de telle sorte que le rayon C G de l'instrument réponde bien exactement à l'un des côtés de l'angle, & que le centre C soit verticalement au-dessus du sommet : on parvient à la premiere de ces opérations, en observant par les pinnules E G, quelque objet remarquable, placé à l'extrémité ou sur l'un des points du côté de l'angle ; & à la seconde, en laissant tomber un plomb du centre de l'instrument. Ensuite on fait aller & venir l'alidade jusqu'à ce que l'on apperçoive par ses pinnules quelque marque placée sur l'un des points de l'autre côté de l'angle : & alors le degré que l'alidade coupe sur le limbe de l'instrument, fait connoître la quantité de l'angle que l'on se proposoit de mesurer. Voy. DEMI-CERCLE.

L'on peut voir aux articles CERCLE D'ARPENTEUR, PLANCHETTE, BOUSSOLE, &c. comment l'on prend des angles avec ces instrumens.

Que l'on consulte aussi les articles LEVER UN PLAN & RAPPORTER, pour savoir la maniere de tracer un angle sur le papier quand sa grandeur est donnée.

Pour couper en deux parties égales un angle donné, tel que H I K (Table de Géométrie, figure 92.) du centre I avec un rayon quelconque, décrivez un arc L M I. Des points L, M, & d'une ouverture plus grande que la distance L M, tracez deux arcs qui s'entrecoupent au point N ; si vous tirez alors la ligne droite I N, vous aurez l'angle H I N égal à l'angle N I K.

Pour couper un angle en trois parties égales, voyez le mot TRISECTION.

Les angles sont de différentes especes, & ont différens noms. Quand on les considere par rapport à leurs côtés, on les divise en rectilignes, en curvilignes & mixtes.

L'angle rectiligne est celui dont les côtés sont tous deux des lignes droites ; tel est l'angle B A C, (Table de Géom. fig. 91.) Voyez RECTILIGNE.

L'angle curviligne est celui dont les deux côtés sont des lignes courbes. Voyez COURBE & CURVILIGNE.

L'angle mixte ou mixtiligne est celui dont un des côtés est une ligne droite, & l'autre une courbe.

Par rapport à la grandeur des angles, on les distingue encore en droits, aigus, obtus, & obliques.

L'angle droit est formé par une ligne qui tombe perpendiculairement sur une autre ; ou bien c'est celui qui est mesuré par un arc de 90 degrés : tel est l'angle K L M, (fig. 93.) Voyez PERPENDICULAIRE.

La mesure d'un angle droit est donc un quart de cercle, & par conséquent tous les angles droits sont égaux entr'eux. Voyez CERCLE.

L'angle aigu est plus petit qu'un angle droit, c'est-à-dire qu'il est mesuré par un arc moindre que l'arc de 90 degrés : tel est l'angle A E C, (fig. 86.) Voyez AIGU.

L'angle obtus est plus grand que l'angle droit, c'est-à-dire que sa mesure excede 90 degrés, comme l'angle A E D, (fig. 86.) Voyez OBTUS.

L'angle oblique est un nom commun aux angles obtus & aigus. Voyez OBLIQUE.

Par rapport à la situation des angles l'un à l'égard de l'autre, on les divise en contigus, adjacens, verticaux, alternes, & opposés.

Les angles contigus sont ceux qui ont le même sommet & un côté commun : tels sont les angles F G H, H G I, (fig. 94.) Voyez CONTIGU.

L'angle adjacent, ou autrement l'angle de suite, est celui qui est formé par le prolongement de l'un des côtés d'un autre angle : tel est l'angle A E C, (fig. 86.) formé par le prolongement du côté E D de l'angle A E D jusqu'au point C. Voyez ADJACENT.

Deux angles quelconques adjacens x, y, ou un nombre quelconque d'angles faits au même point E sur la même ligne droite C D, sont, pris ensemble, égaux à deux angles droits, & par conséquent à 180d. Il suit de-là que l'un des deux angles contigus étant donné, l'autre est aussi nécessairement donné, étant le complément du premier à 180d. Voyez COMPLEMENT.

Ainsi on mesurera un angle inaccessible sur le terrein, en déterminant l'angle accessible adjacent ; & soustrayant ce dernier de 180d, le reste est l'angle cherché.

De plus, tous les angles x, y ; o, E, &c. faits autour d'un point E donné, sont, pris ensemble, égaux à quatre angles droits ; ainsi ils font 360d.

Les angles verticaux sont ceux dont les côtés sont des prolongemens l'un de l'autre : tels sont les angles o, x, (fig. 86.) Voyez VERTICAL. Si une ligne droite A B coupe une autre ligne droite C D au point E, les angles verticaux x, o, ainsi que y, E, sont égaux.

Il suit de-là que si l'on propose de déterminer sur le terrein un angle inaccessible x, si son vertical est accessible, on pourra prendre ce dernier en la place de l'autre. Les angles verticaux s'appellent plus communément opposés au sommet.

Pour les angles alternes, voyez le mot ALTERNE, & la figure 36, où les angles x, y, sont alternes.

Les angles alternes y, x, sont égaux.

Pour savoir aussi ce que c'est que les angles opposés, voyez OPPOSE & la figure 36. où les angles u, y, sont opposés, ainsi que les angles z, y.

Les angles extérieurs sont ceux qui sont au-dehors d'une figure rectiligne quelconque, & qui sont formés par le prolongement des côtés de cette figure.

Tous les angles extérieurs d'une figure quelconque, pris ensemble, sont égaux à quatre angles droits, & l'angle extérieur d'un triangle est égal aux deux intérieurs opposés, ainsi qu'il est démontré par Euclide, liv. I. prop. 32.

Les angles intérieurs sont les angles formés par les côtés d'une figure rectiligne quelconque.

La somme de tous les angles intérieurs d'une figure quelconque rectiligne, est égale à deux fois autant d'angles droits que la figure a de côtés, moins quatre angles droits ; ce qui se démontre aisément par la prop. 32 du liv. I. d'Euclide.

On démontre que l'angle externe est égal à l'angle interne opposé, & que les deux angles internes opposés sont égaux à deux droits dans des lignes paralleles.

L'angle à la circonférence est un angle dont le sommet & les côtés se terminent à la circonférence d'un cercle ; tel est l'angle E F G, (fig. 95.) Voyez CIRCONFERENCE.

L'angle dans le segment est le même que l'angle à la circonférence. Voyez SEGMENT.

Il est démontré par Euclide, que tous les angles dans le même segment sont égaux entr'eux, c'est-à-dire qu'un angle quelconque E H G est égal à un autre angle quelconque E F G dans le même segment E F G.

L'angle à la circonférence ou dans le segment, est compris entre deux cordes E F, F D, & il s'appuie sur l'arc E B D. Voyez CORDE, &c.

La mesure d'un angle qui a son sommet au-dehors de la circonférence (fig. 96.), est la différence qu'il y a entre la moitié de l'arc concave I M sur lequel il s'appuie, & la moitié de l'arc convexe N O, intercepté entre les côtés de cet angle.

L'angle dans un demi-cercle est un angle dans un segment de cercle, dont le diametre fait la base. Voyez SEGMENT.

Euclide a démontré que l'angle dans un demi-cercle est droit ; qu'il est plus petit qu'un droit dans un segment plus grand qu'un demi-cercle ; & plus grand qu'un droit dans un segment plus petit qu'un demi-cercle.

En effet, puisqu'un angle dans un demi-cercle s'appuie sur un demi-cercle, sa mesure est un quart de cercle, & il est par conséquent un angle droit.

L'angle au centre est un angle dont le sommet est au centre d'un cercle, & dont les côtés sont terminés à la circonférence : tel est l'angle C A B (figure 95.) Voyez CENTRE.

L'angle au centre est compris entre deux rayons, & sa mesure est l'arc B C. Voyez RAYON, &c.

Euclide démontre que l'angle B A C, au centre est double de l'angle B D C, appuyé sur le même arc B C ; ainsi la moitié de l'arc B C est la mesure de l'angle à la circonférence.

On voit encore que deux ou plusieurs angles H L I, H M I (fig. 97.) appuyés sur le même arc ou sur des arcs égaux, sont égaux.

L'angle hors du centre H K L est celui, dont le sommet K n'est point au centre, mais dont les côtés H K, L K, sont terminés à la circonférence. La mesure de cet angle est la moitié des arcs H L, I M, sur lesquels s'appuient cet angle & son vertical ou opposé au sommet.

L'angle de contact ou de contingence est formé par l'arc d'un cercle & par une tangente : tel est l'angle H L M (fig. 43.) V. CONTACT & CONTINGENCE.

Euclide a prouvé que l'angle de contact, dans un cercle, est plus petit qu'un angle rectiligne quelconque : mais il ne s'ensuit pas pour cela que l'angle de contact n'ait aucune quantité, ainsi que Peletarius, Wallis, & quelques autres l'ont pensé. Voyez l'Alg. de Wallis, pag. 71. 105. M. Isaac Newton démontre que si la courbe A F (fig. 97. n°. 3.) est une parabole cubique, où l'ordonnée D F soit en raison sous-triplée de l'abscisse A D, l'angle de contact B A F formé par la tangente A B, au sommet de la courbe & par la courbe même, est infiniment plus petit que l'angle de contact B A C, formé par la tangente & la circonférence du cercle ; & que si l'on décrit d'autres paraboles d'un plus haut degré, qui ayent le même sommet & le même axe, & dont les abscisses A D sont comme les ordonnées D F 4, D F 5, D F 6, &c. l'on aura une suite d'angles de contingence qui décroîtront à l'infini, dont chacun est infiniment plus petit que celui qui le précede immédiatement. Voyez INFINI & CONTINGENCE.

L'angle du segment est formé par une corde & une tangente au point de contact : tel est l'angle M L H, (fig. 43.) Voyez SEGMENT.

Il est démontré par Euclide que l'angle M L H est égal à un angle quelconque M a L, situé dans le segment alterne M a L.

Quant aux effets, aux propriétés, aux rapports, &c. d'angle, qui résultent de leur combinaison dans différentes figures, voyez TRIANGLE, QUARRE, PARALLELOGRAMME, FIGURE, &c.

Il y a des angles égaux, des angles semblables. Voyez ÉGAL, SEMBLABLE.

On divise encore les angles en angles plans, sphériques, & solides.

Les angles plans sont ceux dont nous avons parlé jusqu'à présent ; on les définit ordinairement par l'inclinaison de deux lignes qui se rencontrent en un point sur un plan. Voyez PLAN.

L'angle sphérique est formé par la rencontre des plans de deux grands cercles de la sphere. Voy. CERCLE & SPHERE.

La mesure d'un angle sphérique est l'arc d'un grand cercle de la sphere, intercepté entre les deux plans, dont la rencontre forme cet angle, & coupant à angles droits ces deux mêmes plans. Pour les propriétés des angles sphériques, voyez SPHERIQUE.

L'angle solide est l'inclinaison mutuelle de plus de deux plans, ou d'angles plans, qui se rencontrent en un point, & qui ne sont pas dans un seul & même plan. Quant à la mesure, aux propriétés, &c. des angles solides, voyez SOLIDE.

On trouve encore chez quelques Géometres d'autres especes d'angles moins usités, tels que l'angle cornu, angulus cornutus, qui est fait par une ligne droite tangente ou sécante, & par la circonférence d'un cercle.

L'angle lunulaire, angulus lunularis, qui est formé par l'intersection de deux lignes courbes ; l'une concave, & l'autre convexe. Voyez LUNULE.

L'angle pélécoïdal, angulus pelecoïdes, a la forme d'une hache. Voyez PELECOÏDE.

Angle, en Trigonométrie. Voyez TRIANGLE & TRIGONOMETRIE. (E)

Quant aux sinus, aux tangentes & aux secantes d'angles, voyez SINUS, TANGENTES & SECANTES.

Il y a, en méchanique, l'angle de direction, qui est compris entre les lignes de direction de deux forces conspirantes. Voyez DIRECTION.

L'angle d'élévation est compris entre la ligne de direction d'un projectile, & une ligne horisontale ; tel est l'angle R A B (Table de méchaniq. fig. 47.) compris entre la ligne de direction du projectile A R & la ligne horisontale A B. Voyez ÉLEVATION & PROJECTILE.

Angle d'incidence. Voyez INCIDENCE.

Angles de réflexion & de refraction. Voyez REFLEXION & REFRACTION.

Dans l'Optique, l'angle visuel ou optique est formé par les deux rayons tirés des deux extrémités d'un objet au centre de la prunelle, comme l'angle A B C, (tab. d'Optiq. fig. 69.) compris entre les rayons A B, B C. Voyez VISUEL.

L'angle d'intervalle ou de distance de deux lieux, est l'angle formé par les deux lignes tirées de l'oeil à ces deux endroits.

En Astronomie, angle de commutation. Voyez COMMUTATION.

L'angle d'élongation ou l'angle à la terre. Voyez ÉLONGATION.

Angle parallactique, que l'on appelle aussi parallaxe, est l'angle fait au centre d'une étoile S par deux lignes droites tirées, l'une du centre de la terre T B, (tab. Astron. fig. 27.) & l'autre de sa surface, E B

Ou, ce qui revient au même, l'angle parallactique, est la différence des angles C E A & B T A, qui déterminent les distances de l'étoile S au zénith de deux observateurs, dont l'un seroit placé en E, & l'autre au centre de la terre. Voyez PARALLAXE.

Les sinus des angles parallactiques A L T & A S T, (tab. Astron. fig. 30.) aux mêmes, ou à d'égales distances du zénith, sont en raison réciproque des distances des étoiles au centre de la terre T L & T S ; & les sinus des angles parallactiques A S T, A M T, de deux étoiles S, M, ou de la même étoile à la même distance du centre T, & à différentes distances du zénith Z, sont entr'eux, comme les sinus des angles Z T S, Z T M, qui marquent la distance de l'étoile au zénith.

Angle de la position du soleil, est l'angle formé par l'intersection du méridien avec un arc d'un azimuth, ou de quelqu'autre grand cercle qui passe par le soleil. Cet angle est donc proprement l'angle formé par le méridien & par le vertical où se trouve le soleil ; & l'on voit aisément que cet angle change à chaque instant, puisque le soleil se trouve à chaque instant dans un nouveau vertical. Voyez AZIMUTH, MERIDIEN & VERTICAL.

Angle du demi-diametre apparent du soleil dans sa moindre distance de la terre. C'est l'angle sous lequel nous voyons le demi-diametre du soleil, lorsque cet astre est le plus près de nous ; & que par conséquent il nous paroît plus grand. M. Bouillaud trouva par deux observations, qu'il étoit de 16 min. 45 sec. Il trouva le demi-diametre de la lune de 16 min. 54 sec. & dans une éclipse de lune, il trouva le demi-diametre de l'ombre de la terre de 44 minutes 9 secondes.

L'angle au soleil est l'angle R S P (tab. d'Astron. fig. 26.) sous lequel on verroit du soleil la distance d'une planete P à l'écliptique P R. Voyez INCLINAISON.

Angle de l'est. Voyez NONAGESIME.

Angle d'obliquité de l'écliptique. Voyez OBLIQUITE & ECLIPTIQUE.

L'angle de l'inclinaison de l'axe de la terre à l'axe de l'écliptique, est de 23d 30', & demeure inaltérablement le même dans tous les points de l'orbite annuel de la terre. Par le moyen de cette inclinaison, les habitans de la terre, qui vivent au-delà du 45d de latitude, reçoivent plus de chaleur du soleil, dans le cours d'une année entiere, & ceux qui vivent en-deçà des 45d, en reçoivent moins, que si la terre faisoit constamment ses révolutions dans le plan de l'équateur. Voyez CHALEUR, &c.

L'angle de longitude est l'angle que fait avec le méridien, au pole de l'écliptique, le cercle de longitude d'une étoile. Voyez LONGITUDE.

L'angle d'ascension droite est celui que fait avec le méridien, au pole du monde, le cercle d'ascension droite d'une étoile. V. l'art. ASCENSION DROITE.

* Les angles, en Astrologie, signifient certaines maisons d'une figure céleste : ainsi l'horoscope de la premiere maison est appellé l'angle de l'orient. Voyez MAISON, HOROSCOPE, &c.

On dit, en navigation, l'angle de rhumb, ou l'angle loxodromique. Voyez RHUMB & LOXODROMIE.

L'angle de muraille ou d'un mur, en Architecture, est la pointe, le coin ou l'encoignure, où les deux côtés ou faces d'un mur viennent se rencontrer. Voyez MURAILLE, COIN, &c. (O)

Les angles d'un bataillon, en terme de Tactique, sont les soldats qui terminent les rangs & les files. Voyez BATAILLON.

On dit que les angles d'un bataillon sont mousses ou émoussés, quand on en ôte les soldats des quatre angles ; de maniere qu'après cela le bataillon quarré a la forme d'un octogone. Cette disposition étoit fort commune chez les anciens ; mais elle n'est plus d'usage aujourd'hui.

En Fortification, on appelle angle du centre du bastion, celui qui est formé par deux demi-gorges, ou, ce qui est la même chose, par le prolongement de deux courtines dans le bastion. Voyez BASTION.

Angle diminué, c'est l'angle formé par le côté du polygone & la face du bastion : tel est l'angle D C H, Pl. I. de l'Art milit. fig. 1. Dans la fortification réguliere cet angle est égal au flanquant intérieur C F E.

Angle de l'épaule, est l'angle formé de la face & du flanc. Voyez EPAULE, BASTION, FACE & FLANC.

Angle du flanc, c'est celui qui est formé de la courtine & du flanc. Cet angle ne doit jamais être aigu, comme le faisoit Errard, ni droit comme le pensoient la plûpart des anciens Ingénieurs, mais un peu obtus. Mallet le fixe à 100 degrés : c'est à-peu-près l'ouverture des angles du flanc du Maréchal de Vauban. Voyez BASTION.

Angle flanquant, est celui qui est formé vis-à-vis la courtine par le concours des deux lignes de défense : tel est l'angle C R H. Pl. I. de l'Art milit. fig. 1.

On nomme quelquefois cet angle, angle flanquant extérieur ; & alors on donne le nom de flanquant intérieur à l'angle C F E, formé de la ligne de défense C F, & de la courtine F E.

On l'appelle encore l'angle de la tenaille, parce qu'il forme le front que faisoit autrefois la tenaille. Voyez TENAILLE.

Angle flanquant intérieur, c'est celui qui est formé par la courtine & la ligne de défense. Voyez ci-dessus.

Angle flanqué, c'est l'angle formé par les deux faces du bastion, lesquelles forment par leur concours la pointe du bastion. Cet angle ne doit jamais être au-dessous de 60 degrés. V. BASTION, TENAILLE.

Angle mort, c'est un angle rentrant, qui n'est point flanqué ou défendu.

L'épaisseur du parapet ne permettant point au soldat de découvrir le pié du mur, ou du revêtement du rempart, il arrive que lorsque deux côtés de l'enceinte forment un angle rentrant, il se trouve un espace vers le sommet de cet angle, qui n'est absolument vû d'aucun endroit de l'enceinte, & qui est d'autant plus grand que le rempart est plus élevé & le parapet plus épais. Les tenailles simples & doubles qu'on construisoit autrefois au-delà du fossé, avoient des angles de cette espece. C'est ce qui les a fait abandonner. On ne les employe aujourd'hui que dans des retranchemens, qui ayant peu d'élévation & un parapet moins épais que celui des places, mettent le soldat à portée par-là d'en flanquer ou défendre toutes les parties.

Angle rentrant, est un angle dont la pointe ou le sommet est vers la place & les côtés en-dehors, ou vers la campagne. Voyez angle mort.

Angle saillant, c'est celui dont la pointe ou le sommet se présente à la campagne, les côtés étant tirés du côté de la ville.

Angle de la tenaille, c'est ainsi qu'on appelle quelquefois, dans la Fortification, l'angle flanquant. Voyez angle flanquant. (Q)

ANGLE en Anatomie, se dit de différentes parties qui forment un angle solide ou linéaire. C'est dans ce sens que l'on distingue dans les os pariétaux qui ont la figure d'un quarré, quatre angles ; dans l'omoplate qui a la figure d'un triangle, trois angles. Dans les yeux, les bords de la paupiere, tant supérieure qu'inférieure, étant considérés comme deux lignes qui se rencontrent, d'un côté aux parties latérales du nez, & de l'autre du côté opposé, on a donné à ces points de rencontre le nom d'angle ou canthus. Voyez PARIETAL, OMOPLATE, &c. (L)

ANGLE, en terme d'Ecriture, est le coin intérieur du bec d'une plume. Il y en a de deux sortes : l'angle du côté des doigts est ordinairement plus petit que celui du côté du pouce, parce qu'il ne produit que des parties délicates, des déliés & des liaisons ; au lieu que l'angle du pouce produit des pleins de plusieurs figures.

* ANGLES CORRESPONDANS DES MONTAGNES, (Hist. natur.) observation fort importante pour la théorie de la terre. M. Bourguet avoit observé que les montagnes ont des directions suivies & correspondantes entr'elles ; ensorte que les angles saillans d'une montagne se trouvent toûjours opposés aux angles rentrans de la montagne voisine qui en est séparée par un vallon ou par une profondeur. M. de Buffon donne une raison palpable de ce fait singulier qui se trouve par-tout, & que l'on peut observer dans tous les pays du monde ; voici comment il l'explique dans le premier volume de l'Hist. nat. & part. avec la descript. du cab. du Roi : On voit, dit-il, en jettant les yeux sur les ruisseaux, sur les rivieres, & toutes les eaux courantes, que les bords qui les contiennent forment toûjours des angles alternativement opposés ; desorte que quand un fleuve fait un coude, l'un des bords du fleuve forme d'un côté une avance, ou un angle rentrant dans les terres, & l'autre bord forme au contraire une pente ou un angle saillant hors des terres, & que dans toutes les sinuosités de leurs cours, cette correspondance des angles alternativement opposés se trouve toûjours. Elle est en effet fondée sur les lois du mouvement des eaux, & l'égalité de l'action des fluides ; & il nous seroit facile de démontrer la cause de cet effet : mais il nous suffit ici qu'il soit général & universellement reconnu, & que tout le monde puisse s'assûrer par ses yeux, que toutes les fois que le bord d'une riviere fait une avance dans les terres, qui se suppose à main gauche, l'autre bord fait au contraire une avance hors des terres à main droite : dès lors les courans de la mer qu'on doit regarder comme de grands fleuves ou des eaux courantes, sujettes aux mêmes lois que les fleuves de la terre, formeront de même dans l'étendue de leur cours plusieurs sinuosités, dont les avances ou les angles seront rentrans d'un côté, & saillans de l'autre côté ; & comme les bords de ces courans sont les collines & les montagnes qui se trouvent au-dessous ou au-dessus de la surface des eaux, ils auront donné à ces éminences cette même forme qu'on remarque au bord des fleuves ; ainsi on ne doit pas s'étonner que nos collines & nos montagnes, qui ont été autrefois couvertes des eaux de la mer, & qui ont été formées par le sédiment des eaux, ayent pris par le mouvement des courans cette figure réguliere, & que tous les angles en soient alternativement opposés : elles ont été les bords des courans ou des fleuves de la mer ; elles ont donc pris nécessairement une figure & des directions semblables à celles des bords des fleuves de la terre ; & par conséquent toutes les fois que le bord à main gauche aura formé un angle rentrant, le bord à main droite aura formé un angle saillant, comme nous l'observons dans toutes les collines opposées.

Au reste tous ces courans ont une largeur déterminée, & qui ne varie point : cette largeur du courant dépend de celle de l'intervalle qui est entre les deux éminences qui lui servent de lit. Les courans coulent dans la mer comme les fleuves coulent sur la terre, & ils y produisent des effets semblables : ils forment leur lit, & donnent aux éminences entre lesquelles ils coulent une figure réguliere, & dont les angles sont correspondans. Ce sont en un mot ces courans qui ont creusé nos vallées, figuré nos montagnes, & donné à la surface de notre terre, lorsqu'elle étoit couverte des eaux de la mer, la forme qu'elle conserve aujourd'hui.

Si quelqu'un doutoit de cette correspondance des angles des montagnes, j'oserois, dit M. de Buffon, en appeller aux yeux de tous les hommes, sur-tout lorsqu'ils auront lû ce qui vient d'être dit. Je demande seulement qu'on examine en voyageant la position des collines opposées, & les avances qu'elles font dans les vallons, on se convaincra par ses yeux que le vallon étoit le lit, & les collines les bords des courans ; car les côtés opposés des collines se correspondent exactement, comme les deux bords d'un fleuve. Dès que les collines à droite du vallon font une avance, les collines à gauche du vallon font une gorge. Ces collines à très-peu près ont aussi la même élévation ; & il est très-rare de voir une grande inégalité de hauteur dans deux collines opposées & séparées par un vallon. Hist. nat. p. 451. & 456. tome I. Voyez VALLON, RIVIERE, COURANT, MER, TERRE, &c. (I)


ANGLÉadj. terme de Blason ; il se dit de la croix & du sautoir, quand il y a des figures longues à pointes, qui sont mouvantes de leurs angles. La croix de Malte des Chevaliers François est anglée de quatre fleurs-de-lis ; celle de la Maison de Lambert en Savoie est anglée de rayons, & celle des Machiavelli de Florence est anglée de quatre clous.

Machiavelli à Florence, d'argent à la croix d'azur anglée de quatre clous de même. (V)


ANGLEN(Géog. mod.) petite contrée du duché de Sleswick, entre la ville de Sleswick, celle de Flensbourg, & la mer Baltique.


ANGLERv. n. en terme d'orfevre en tabatiere ; c'est former exactement les moulures dans les plus petits angles d'un contour, à l'aide du marteau & d'un ciselet gravé en creux de la même maniere que la moulure en relief, ou gravé en relief de la même maniere que la moulure en creux. Voyez CISELET & MOULURE.


ANGLESEY(Géog. mod.) île de la grande Bretagne, annexe de la province de Galles, dans la mer d'Irlande, presque vis-à-vis Dublin. Long. 1213. lat. 53-54.


ANGLETS. m. terme d'Architecture ; c'est une petite cavité fouillée en angle droit, comme sont celles qui séparent les bossages ou pierres de refend : on dit refend coupé en anglet. (P)


ANGLETERREroyaume d'Europe, borné au nord par l'Ecosse, dont il est séparé par les rivieres de Solvay & de Tuwed, environné de tous les autres côtés par la mer. Ses rivieres principales sont la Tamise, le Humberg, la Trente, l'Ouse, le Medway, & la Saverne. Elle se divise en cinquante-deux provinces : Pembrock, Carmarden, Glamorgan, Breknok, Radnor, Cardigan, Montgommery, Merioneth, Carnarvan, Danbigh, Flint, île d'Anglesey, Norfolck, Suffolck, Cambridge, Harfort, Middlesex, Essex, Chester, Darby, Stafford, Warwick, Shrop, Worcester, Hereford, Montmouth, Glocester, Oxford, Buckingham, Bedford, Huntington, Northampton, Rutland, Leicester, Nottingham, Lincoln, Kent, Sussex, Surrey, Southampton, Barck, Wilt, Dorset, Sommerset, Devon, Cornouailles, Northumberland, Cumberland, Westmorland, Durham, Yorck, Lancastre, l'île de Man. Londres est la capitale. Longit. 12-19. latitude 50-56.

Il ne manque à l'Angleterre que l'olive & le raisin : elle a des grains, des pâturages, des fruits ; des métaux, des minéraux, des bestiaux, de très-belles laines, des manufactures au-dedans, des colonies au-dehors, des ports commodes sur ses côtes, de riches comptoirs au loin. Elle n'a commencé à joüir pleinement de tous ces avantages que sous le regne d'Elisabeth, fille de Henri VIII. Ses principales marchandises, y compris celles de l'Ecosse & de l'Irlande, sont les laines & l'étain ; les autres sont la couperose, le fer, le plomb, le charbon, l'alun, le vitriol, les chairs salées, les cuirs verds, l'aquifou, l'amydon, les ardoises, les boeufs, les vaches, les ouvrages en laine & soie ; les verres, des chapeaux, des dentelles, des chevaux, de l'ivoire, de la quincaillerie ; des ouvrages en acier, fer & cuivre ; de la litharge, de la calamine, &c. voilà ce qui est de son cru. Mais que ne lui vient-il pas de ses colonies, & des magasins qu'elle a dans presque toutes les contrées du nord ? On verra ailleurs ce qu'elle tire des Indes orientales. Elle commerce sur la Méditerranée, aux Echelles du levant, & presque partout elle a des compagnies de commerce. Elle abonde en vaisseaux, & presque tous sont sans cesse occupés : qu'on juge donc de la richesse des retours.

* ANGLETERRE (LA NOUVELLE), province de l'Amérique septentrionale, près du Canada & de la mer Septentrionale. Lat. 41-45.

Jean Varazan, Florentin, la découvrit, en prit possession pour François I. en 1524, & les Anglois y porterent des habitans en 1607 & 1608. Cette premiere tentative ne réussit pas ; & ce ne fut qu'en 1621 que cette contrée fut appellée la nouvelle Angleterre, New-England : il en vient des fourrures, castors & orignaux, des matures, des fromens, des farines, du biscuit, des grains, des légumes, des viandes salées, du poisson, de la morue verte & seche, du maquereau salé, du chanvre, du lin, de la poix, du gaudron, & même de l'ambre. Ce sont les Sauvages qui fournissent les pelleteries ; on leur donne en échange du plomb, de la poudre, & des armes à feu.


ANGLICISMES. m. (Gramm.) idiotisme Anglois, c'est-à-dire façon de parler propre à la langue Angloise : par exemple, si l'on disoit en François fouetter dans de bonnes moeurs, whip into good manners, au lieu de dire, fouetter afin de rendre meilleur, ce seroit un anglicisme, c'est-à-dire que la phrase seroit exprimée suivant le tour, le génie & l'usage de la langue Angloise. Ce qu'on dit ici de l'anglicisme, se dit aussi de toute autre langue ; car on dit un gallicisme, un latinisme, un hellenisme, pour dire une phrase exprimée suivant le tour François, Latin & Grec. On dit aussi un arabisme, c'est-à-dire, une façon de parler particuliere à l'Arabe. (F)


ANGLO-SAXONSS. m. pl. (Hist. anc. & Géog.) peuples d'Allemagne qui vinrent s'établir dans l'île Britannique : les naturels s'appelloient Bretons. Après la conquête, le peuple mêlangé prit le nom d'Anglois.


ANGLOIRS. m. outil dont les facteurs de clavecins & autres se servent pour prendre toutes sortes d'angles, & les rapporter sur les pieces de bois qu'ils travaillent. Il est composé d'une regle de bois A B, (fig. 21. Pl. XI. de la Lutherie.) au milieu D de laquelle est articulée à charniere une autre regle D C, au moyen d'une rivure à deux têtes D noyée dans l'épaisseur du bois.

Quelquefois la piece D C est double, en sorte que la regle A B peut entrer dedans comme la lame d'un couteau dans son manche : tel est celui que la fig. 21. représente.


ANGLOIS(L ') terme de Fleuriste, narcisse à godet jaune, & égal partout, avec la fleur plus grande que celle du narcisse de Narbonne, quoique petite. Voyez NARCISSE.


ANGLONA(Géog. anc.) ville ancienne d'Italie dans la Lucanie : il n'en reste plus qu'une église & un château situés dans la Basilicate, au royaume de Naples.


ANGLURE(Géog. mod.) petite ville de France en Champagne, sur l'Aube.


ANGOBERTS. m. (Jardin.) sorte de poirier & de poire qui a la chair douce & ferme, qui est grosse & bonne à cuire, & qui dure fort avant dans l'hyver : elle est longue & colorée d'un côté, assez semblable au beurré. Le bois de l'angobert tire beaucoup aussi sur le bois de l'arbre qui porte le beurré.


ANGOISSES. f. (Medec.) sentiment de suffocation, de palpitation & de tristesse ; accident d'un très-mauvais présage, lorsqu'il arrive au commencement des fievres aiguës. (N)


ANGOLA(Géog. mod.) royaume d'Afrique dans le Congo, entre les rivieres de Dande & de Coanza. Sa côte fournit aux Européens les meilleurs Negres : les Portugais sont puissans dans le continent ; & ils en tirent un si grand nombre d'habitans, qu'on est étonné qu'ils n'ayent pas dépeuplé le pays. Ils donnent en échange pour les negres des draps, des plumes, des étoffes, des toiles, des dentelles, des vins, des eaux-de-vie, des épiceries, des quincailleries, du sucre, des hameçons, des épingles, des aiguilles, &c. Les Portugais ont à Benguela une habitation si mal-saine, qu'ils y releguent leurs criminels. Voyez BENGUELA.


ANGOLAM(Hist. nat. bot.) arbre qui s'éleve à cent piés de haut, qui en prend douze de grosseur, qui naît parmi les rochers, les sables, & dans les montagnes de Mangotti, & autres contrées du Malabar ; qui est toûjours verd, qui a le fruit semblable à la cerise, & qui dure long-tems.

C'est chez les peuples de Malabar le symbole de la royauté ; & cette prérogative lui vient de la disposition de ses fleurs qui forment des diadèmes sur ses branches. On dit que le suc de sa racine tiré par expression, tue les vers, purge les humeurs phlegmatiques & bilieuses, & vuide l'eau des hydropiques. On prétend que sa racine réduite en poudre, est bonne contre la morsure des serpens & des autres animaux venimeux. Hist. plant. Ray.


ANGOT(Géog. mod.) royaume ou province d'Afrique dans l'Abyssinie.


ANGOULEME(Géog. mod.) ville de France, capitale de l'Angoumois, sur le sommet d'une montagne, au pié de laquelle coule la Charante. Long. 17d 48' 47". lat. 45d 39' 3".


ANGOUMOIS(L ') province de France bornée au nord par le Poitou, à l'orient par le Limousin & la Marche, au midi par le Périgord & la Saintonge, & à l'occident par la Saintonge.

L'Angoumois & le Limousin ne forment qu'une même généralité : l'Angoumois donne des blés, des vins & des fruits ; le Limousin au contraire est froid & stérile, sans blé ni vin : le seigle, l'orge & les châtaignes, sont la nourriture & le pain. On fait dans l'une & l'autre contrée beaucoup de papier : on fait à Limoges des reveches ; à Angouleme, des serges & des étamines ; à S. Jean d'Angely, des étamines & des draps ; des draps & des serges à Nerac ; des serges à la Rochefoucault ; des draps à la Santereune ; à Cognac, des étamines & des eaux-de-vie ; de gros draps à S. Léonard ; à Brive & à Tulle, des reveches. Le safran de l'Angoumois ne vaut pas celui du Gâtinois : il s'en débite cependant beaucoup aux peuples du nord. Les Limousins, contraints par la stérilité de leur pays de se répandre dans les autres provinces, y travaillent pendant les belles saisons, & reportent ensuite pendant l'hyver dans le sein de leur famille ce qu'ils ont gagné.


ANGOURE DE LINvoyez CUSCUTE.


ANGOURou ANGORA, (Géog. anc. & mod.) ville d'Asie dans la Natolie, appellée autrefois Ancyre. Long. 50. 25. lat. 39. 30. Ses chevres donnent un poil très-fin, dont on fait de beaux camelots. Ce poil passe à Smyrne, où les Anglois, les Hollandois & les François s'en pourvoyent.

Ces chevres sont peu différentes des chevres ordinaires : mais leur poil est blanc, roussâtre, fin, lustré, & long de plus de dix pouces. Le commerce en est très-considérable.


ANGRA(Géog. mod.) ville maritime, capitale de l'île de Tercere & des autres Açores, dans l'Amérique septentrionale. Long. 356. lat. 39.


ANGRIVARIENSS. m. pl. (Géog. & Hist. anc.) anciens peuples de Germanie, de la nation des Istevons, & voisins des Chamaves. Les uns les placent dans le pays où sont aujourd'hui les évêchés de Munster, de Paderborn & d'Osnabruck ; d'autres dans la Westphalie, ou dans un coin de l'Over-yssel, ou dans les comtés de Bentheim & de Tecklembourg ; ou sur les bords de la Sala, aujourd'hui l'Yssel. On dit qu'ils se mêlerent avec les Francs.


ANGROISS. m. c'est le nom qu'on donne dans plusieurs boutiques d'ouvriers, & même fabriques où l'on use de marteaux, comme dans celles d'ardoise, aux petits coins qui servent à serrer & à affermir le manche d'un marteau avec le marteau même, & qu'on insere pour cet effet, ou dans le bout du manche même, ou entre le manche & les parois de l'oeil du marteau, tant en-dessus qu'en-dessous.


ANGSANA(Hist. nat. bot.) arbre qui croît aux Indes orientales, & qui donne par l'incision qu'on y fait une liqueur qui se condense en larmes rouges, enveloppées d'une peau déliée. On prétend que cette gomme est astringente, & qu'elle est très-bonne pour les aphthes.


ANGUICHURES. f. (Chasse) c'est l'écharpe où est attaché le cor ou la trompe de chasse.


ANGUILLARA(Géog. mod.) petite ville d'Italie, dans le patrimoine de S. Pierre.


ANGUILLEanguilla, (Hist. nat.) poisson fort allongé, en forme de serpent, glissant, sans écailles, revêtu d'une peau dont on le dépouille aisément ; les oüies des anguilles sont petites, & recouvertes d'une peau ; c'est pourquoi elles s'étouffent dans les eaux troubles, & elles peuvent vivre assez long-tems hors de l'eau ; elles se meuvent en contournant leur corps ; car elles ont seulement au lieu de nageoires une sorte de rebord ou de pli dans la peau, qui commence au milieu du dos par-dessus, & par-dessous à l'ouverture par où sortent les excrémens, & qui se continue de part & d'autre jusqu'à l'extrémité du corps. On a cru que les anguilles naissoient de la pourriture : ce qui a donné lieu à cette erreur, c'est que le conduit de la matrice dans les femelles, & de la semence dans les mâles, sont peu apparens & couverts de graisse, de même que les oeufs ; on ne les apperçoit pas aisément. Rondelet avoue qu'il en a vû frayer, quoiqu'il soit encore prévenu pour l'ancien préjugé par rapport à certaines anguilles. Ces poissons vivent dans l'eau douce & claire ; l'eau trouble leur est nuisible, & même mortelle ; ainsi il faut que l'eau des étangs où l'on veut avoir des anguilles soit pure. Ce poisson vit dans l'eau douce & dans l'eau salée ; il faut choisir le tems où l'eau des rivieres est trouble, après les pluies, ou la troubler exprès, pour pêcher l'anguille. Elle ne s'éleve pas au-dessus de l'eau comme les autres poissons. Il y en a dans le Gange qui ont 30 piés de longueur. La chair de l'anguille est visqueuse & fort nourrissante : celles de la mer sont les meilleures. On sale la chair de ce poisson pour la conserver, lorsqu'on en prend beaucoup à la fois, ou pour corriger par le sel la mauvaise qualité qui lui vient de sa viscosité. On donne en Languedoc le nom de margaignon à l'anguille mâle ; elle a la tête plus courte, plus grosse & plus large que la femelle, que l'on appelle anguille fine. Rondelet. Voyez POISSON. (I)

* L'anguille se pêche ou aux hameçons dormans, ou à l'épinette, ou à la foüine, ou à la nasse : à l'hameçon dormant, en attachant de deux piés en deux piés de distance, des ficelles sur une corde fixée par un bout à un pieu au bord d'une riviere : ces ficelles doivent être armées par le bout d'un hameçon long d'un pouce, & l'hameçon amorcé soit avec des achées, soit avec des chantouilles, ou autrement. Pl. de Pêch. fig. 1. A B est la corde, C D, C D, C D, sont les ficelles ; elles ont un pié & demi ou deux piés de long : attachez un plomb à l'autre bout de la corde, & lancez dans la riviere ce plomb, le plus loin que vous pourrez. Choisissez pour cette pêche un endroit où il n'y ait point d'herbes, ni autre chose à quoi votre ligne dormante puisse s'embarrasser.

A l'épinette, en substituant des épines à ces hameçons : ces épines sont liées par le milieu avec la ficelle, & amorcées comme les hameçons.

A la foüine, en se pourvoyant d'un instrument fait comme on voit fig. 2. il est emmanché par une douille A dans une perche forte & legere A B, longue de 15 à 18 piés. Le reste de l'instrument est en trident, dont chaque dent C D, C F, C G, a environ neuf pouces de longueur. Les deux dents de côté C D & C G, sont recourbées ; celle du milieu est pointue ; toutes trois sont dentées, & tenues si serrées par un lien de fer H I, que l'anguille la plus petite ne puisse passer entr'elles. On tient cet instrument, & on le fiche fortement dans les endroits où l'on croit qu'il y a des anguilles : s'il s'en rencontre sous le coup, il ne leur est pas possible de s'échapper ; elles restent dans la foüine.

A la nasse, en faisant à une des vannes d'un moulin à eau un trou, & y appliquant bien exactement le filet appellé nasse. Voyez NASSE.

ANGUILLE DE SABLE, anguilla de arena, poisson de l'Océan septentrional qui est fort fréquent sur les côtes d'Angleterre, où il est connu sous le nom de sandilz ; on l'appelle anguille de sable, parce qu'il est fort allongé, & qu'il se cache sous le sable. Il a la tête mince & ronde, les mâchoires allongées & pointues, la bouche petite ; il n'est pas plus gros que le pouce, & n'a que la longueur d'un palme ; son dos est bleu, & le ventre de couleur argentine ; il a une nageoire sur le milieu du dos, & une autre auprès de la queue ; deux de chaque côté sous le ventre, & une autre au-delà de l'anus. Aldrovande, de piscibus, lib. XI. cap. xljx. Voyez POISSON. (I)

ANGUILLE, s. f. animalcule que l'on ne découvre qu'à l'aide du microscope dans certaines liqueurs, telles que le vinaigre, l'infusion de la poussiere noire du blé gâté par la nielle, &c. dans la colle de farine, &c. On a donné à ces animalcules le nom d'anguille, parce qu'ils ressemblent à cet animal par la forme de leur corps qui paroît fort mince & fort allongé. Les anguilles de la colle de farine sont les plus singulieres ; on a observé qu'elles sont vivipares. M. Sherwood & M. Needham, de la société royale de Londres, ont fait sortir du corps de ces petites anguilles d'autres anguilles vivantes ; la multiplication d'une seule est allée jusqu'à cent six. Nouv. observ. micros. par M. Needham, pag. 180. Voyez MICROSCOPE, MICROSCOPIQUE. (I)

ANGUILLE, s. f. c'est ainsi qu'on appelle les bourrelets ou faux plis qui se font aux draps sous les piles des moulins à foulon, lorsque les foulons ne sont pas assez attentifs à les faire frapper comme il faut. Voyez FOULON, FOULER, & sur-tout l'article DRAPERIE.

* ANGUILLE, (l ') Géog. mod. île de l'Amérique, une des Antilles Angloises.


ANGUILLERESANGUILLES, ANGUILLÉES, Lumieres, Vitonnieres, Bitonnieres, s. f. pl. (Marine.) Ce sont des entailles faites dans les varangues, dont le fond du vaisseau est composé ; elles servent à faire couler l'eau qui est dans le vaisseau depuis la proue jusqu'aux pompes ; ce qui forme une espece d'égoût qu'il faut nettoyer ; & pour le faire, on passe une corde tout du long, que l'on fait aller & venir pour débarrasser & entraîner les ordures qui s'y amassent. (Z)


ANGUINA(Hist. nat. bot.) genre de plante qui ne differe de la pomme de merveille, que parce que ses fleurs sont garnies de filamens très-fins, & que le fruit ne s'ouvre pas de lui-même. Micheli, Nova plant. genera. Voyez POMME DE MERVEILLE. (I)


ANGUINÉEadj. f. terme de Géométrie ; c'est le nom que M. Newton donne dans son énumération des lignes du troisieme ordre, aux hyperboles de cet ordre, qui ayant des points d'inflexion, coupent leur asymptote, & s'étendent vers des côtés opposés. Voyez ASYMPTOTE, INFLEXION. Telle est la courbe D H G A F I C, (fig. 40. Anal. n°. 2.) qui coupe son asymptote D A B en A, & qui ayant en H & en I des points d'inflexion, s'étend vers des côtés opposés ; savoir, à la gauche de A D en enhaut, & à la droite de A B en en-bas.

Cette courbe s'appelle anguinée du mot anguis, serpent, parce qu'elle paroît serpenter autour de son asymptote. Voyez SERPENTEMENT.


ANGULAIREadj. m. (Géom.) se dit de tout ce qui a des angles, ou ce qui a rapport aux angles. Voyez ANGLE.

La distance fait disparoître les angles des polygones ; l'oeil appercevant le corps de l'objet, lorsqu'il n'apperçoit plus les inégalités que les angles faisoient sur sa surface, on croit que cette surface est unie, & le corps de l'objet paroît rond. Voyez VISION.

Mouvement angulaire. C'est le mouvement d'un corps qui décrit un angle, ou qui se meut circulairement autour d'un point. Ainsi les planetes ont un mouvement angulaire autour du soleil. Le mouvement angulaire d'un corps est d'autant plus grand, que ce corps décrit dans un tems donné un plus grand angle. Deux points mobiles A, F, fig. 8. Méchan. dont l'un décrit l'arc A B, & l'autre l'arc F G dans le même tems, ont le même mouvement angulaire, quoique le mouvement réel du point A soit beaucoup plus grand que le mouvement réel du point F ; car l'espace A B est beaucoup plus grand que F G.

Le mouvement angulaire se dit aussi d'une espece de mouvement composé d'un mouvement rectiligne, & d'un mouvement circulaire, &c.

Tel est le mouvement d'une roue de carosse, ou d'une autre voiture. Voyez ROUE D'ARISTOTE. (O)

ANGULAIRE, adj. en Anatomie, se dit de quelques parties relatives à d'autres qui ont la figure d'un angle.

Les quatre apophyses angulaires du coronal, sont ainsi appellées, parce qu'elles répondent aux angles des yeux. Voyez CORONAL & OEIL.

Le muscle angulaire de l'omoplate s'appelle ainsi, parce qu'il s'attache à l'angle postérieur supérieur de l'omoplate : on le nomme aussi le releveur. Voyez OMOPLATE & RELEVEUR.

L'artere angulaire ou maxillaire inférieure répond à l'angle de la mâchoire inférieure. Voyez MAXILLAIRE & MACHOIRE. (L)


ANGUS(Géog. mod.) province de l'Ecosse septentrionale. Forfar en est la capitale.


ANGUSTICLAVES. m. (Hist. anc.) c'étoit une partie ajoûtée à la tunique des chevaliers Romains ; la plûpart des antiquaires disent qu'elle consistoit en une piece de pourpre qu'on inséroit dans la tunique, qu'elle avoit la figure de la tête d'un clou ; & que quand cette piece étoit petite, on l'appelloit angusticlave : mais Rubennius prétend avec raison, contre eux tous, que l'angusticlave n'étoit pas rond comme la tête d'un clou, mais qu'il imitoit le clou même ; & que c'étoit une bande de pourpre oblongue, tissue dans la toge & d'autres vêtemens ; & il ne manque pas d'autorités sur lesquelles il appuye son sentiment. Les senateurs & les plus qualifiés d'entre les chevaliers, portoient le laticlave ; ceux qui étoient d'un état inférieur ou de moindre naissance, prenoient l'angusticlave : on les appelloit angusticlavii ; le pere de Suétone fut angusticlave. Cet historien le dit lui-même à la fin de la vie d'Othon. Voyez Antiq. expl. tom. III.


ANHALT(Géog. mod.) principauté d'Allemagne, dans le cercle de haute-Saxe, bornée au sud par le comté de Mansfeld, à l'occident par la principauté d'Halberstad, à l'orient par le duché de Saxe, & au septentrion par le duché de Magdebourg.


ANHELERv. neut. Dans les Verreries, c'est entretenir le feu dans une chaleur convenable : mais quand la journée est finie, ou que les pots sont vuides, on n'anhele plus ; on laisse mourir le feu, & les marchandises se refroidissent peu-à-peu.


ANHERAGou ANERAGE, s. m. terme de riviere usité dans la Bourgogne, pour signifier le pour boire, ou les arrhes que l'on donne aux ouvriers que l'on employe à la conduite des trains. Cela arrive quelquefois pour les vins.


ANHIMA(Hist. nat.) oiseau aquatique & de proie, on le trouve au Bresil : il est plus grand que le cygne ; il a la tête de la grosseur de celle du coq, le bec noir & recourbé vers le bout ; les yeux de couleur d'or, avec un cercle noir, la prunelle noire ; sur le haut de la tête une corne de la grosseur d'une grosse corde à violon, longue de deux doigts, recourbée par le bout, ronde, blanche comme l'os, & entourée de petites plumes courtes, noires & blanches ; le cou long de sept doigts ; le corps d'un pié & demi ; les ailes grandes & de différentes couleurs ; la queue longue de dix doigts, & large comme celle de l'oie ; les piés à quatre doigts armés d'ongles ; la voix forte, & criant vihu, vihu. Il n'est jamais seul, la femelle l'accompagne toûjours ; & quand l'un des deux meurt, l'autre le suit de près. C'est la femelle qu'on vient de décrire ; le mâle est une fois aussi gros ; il fait son nid avec de la boue, en forme de four, dans les troncs des arbres & à terre.

On attribue à sa corne plusieurs propriétés médicinales : on dit qu'infusée pendant une nuit dans du vin, ce vin sera bon pour les venins, les suffocations de matrice, & provoquera l'accouchement. Lemery, Traité des drogues.


ANHOLT(Géog. mod.) petite ville des Provinces-Unies, dans le comté de Zutphen, près de l'évêché de Munster & du duché de Cleves, sur l'ancien Yssel.


ANI(Géog. mod.) ville d'Arménie, dans le cinquieme climat. Long. 79. lat. sept. 41.


ANIANEou SAINT-BENOIST D'ANIANE, (Géog. mod.) petite ville de France dans le bas-Languedoc, diocese de Montpellier, aux piés des montagnes, près de l'Arre. Long. 21. 22. lat. 43. 45.


ANIENou ANIAN-FU, (Géog. mod.) ville de la Chine, dans la province de Chuquami.


ANIGRIDES(Myth.) nymphes qui habitoient les bords du fleuve Anigrus au Péloponese. Quand on avoit des taches à la peau, on entroit dans la grotte des Anigrides, on les invoquoit ; on faisoit quelques sacrifices ; on frottoit la partie malade ; on passoit l'Anigrus à la nage ; & l'on guérissoit ou l'on ne guérissoit pas, sans que les Anigrides en fussent moins révérées, ni la grotte moins fréquentée.


ANIGRUSou ANIGRE, (Géog. & Myth.) fleuve d'Elide, dans le Péloponese, où les Centaures, blessés par Hercule, allerent laver leurs blessures, ce qui rendit ses eaux ameres & desagréables, de douces qu'elles étoient auparavant.


ANIMACHou ANIMACA, (Géog. mod.) riviere de l'Inde, au royaume de Malabar, qui a sa source dans celui de Calicut, & se décharge dans l'Océan, aux environs de Cranganor.


ANIMADVERSIONS. f. (Littérature.) signifie quelquefois correction, quelquefois des remarques ou des observations faites sur un livre, &c. & quelquefois une sérieuse considération ou réflexion sur quelque sujet que ce soit, par forme de critique.

Ce mot est formé du Latin animadvertere, remarquer, composé d'animus, l'entendement, & adverto, je tourne à ou vers ; parce qu'un observateur ou critique est censé avoir appliqué particulierement ses méditations, & pour ainsi dire, les yeux de son esprit, sur les matieres qu'il examine. Au reste ce terme est plus Latin que François, & purement consacré à la Littérature ou Philologie. Nous avons beaucoup d'ouvrages sous le titre d'animadversiones : mais on les appelle en François, observations, remarques, réflexions, &c.

ANIMADVERSION, s. f. en style de Palais, signifie réprimande ou correction. (H)


ANIMALS. m. (Ordre encyclopédique. Entendement. Raison. Philosophie ou science. Science de la nature. Zoologie. Animal.) Qu'est-ce que l'animal ? Voilà ane de ces questions dont on est d'autant plus embarrassé, qu'on a plus de philosophie & plus de connoissance de l'histoire naturelle. Si l'on parcourt toutes les propriétés connues de l 'animal, on n'en trouvera aucune qui ne manque à quelque être auquel on est forcé de donner le nom d 'animal, ou qui n'appartienne à un autre auquel on ne peut accorder ce nom. D'ailleurs, s'il est vrai, comme on n'en peut guere douter, que l'univers est une seule & unique machine, où tout est lié, & où les êtres s'élevent au-dessus ou s'abaissent au-dessous les uns des autres, par des degrés imperceptibles, ensorte qu'il n'y ait aucun vuide dans la chaîne, & que le ruban coloré du célebre Pere Castel, Jésuite, où de nuance en nuance on passe du blanc au noir sans s'en appercevoir, soit une image véritable des progrès de la nature ; il nous sera bien difficile de fixer les deux limites entre lesquelles l 'animalité, s'il est permis de s'exprimer ainsi, commence & finit. Une définition de l 'animal sera trop générale, ou ne sera pas assez étendue, embrassera des êtres qu'il faudroit peut-être exclure, & en exclura d'autres qu'elle devroit embrasser. Plus on examine la nature, plus on se convainc que pour s'exprimer exactement, il faudroit presqu'autant de dénominations différentes qu'il y a d'individus, & que c'est le besoin seul qui a inventé les noms généraux ; puisque ces noms généraux sont plus ou moins étendus, ont du sens, ou sont vuides de sens, selon qu'on fait plus ou moins de progrès dans l'étude de la nature. Cependant qu'est-ce que l 'animal ? C'est, dit M. de Buffon, Hist. nat. gen. & part. la matiere vivante & organisée qui sent, agit, se meut, se nourrit & se reproduit. Conséquemment, le végétal est la matiere vivante & organisée, qui se nourrit & se reproduit ; mais qui ne sent, n'agit, ni ne se meut. Et le minéral, la matiere morte & brute qui ne sent, n'agit, ni ne se meut, ne se nourrit, ni ne se reproduit. D'où il s'ensuit encore que le sentiment est le principal degré différentiel de l 'animal. Mais est-il bien constant qu'il n'y a point d'animaux, sans ce que nous appellons le sentiment ; ou plûtôt, si nous en croyons les Cartésiens, y a-t-il d'autres animaux que nous qui ayent du sentiment. Les bêtes, disent-ils, en donnent les signes, mais l'homme seul a la chose. D'ailleurs, l'homme lui-même ne perd-il pas quelquefois le sentiment, sans cesser de vivre ou d'être un animal ? Alors le pouls bat, la circulation du sang s'exécute, toutes les fonctions animales se font ; mais l'homme ne sent ni lui-même, ni les autres êtres : qu'est-ce alors que l'homme ? Si dans cet état, il est toûjours un animal ; qui nous a dit qu'il n'y en a pas de cette espece sur le passage du végétal le plus parfait, à l'animal le plus stupide ? Qui nous a dit que ce passage n'étoit pas rempli d'êtres plus ou moins léthargiques, plus ou moins profondément assoupis ; ensorte que la seule différence qu'il y auroit entre cette classe & la classe des autres animaux, tels que nous, est qu'ils dorment & que nous veillons ; que nous sommes des animaux qui sentent, & qu'ils sont des animaux qui ne sentent pas. Qu'est-ce donc que l 'animal ?

Ecoutons M. de Buffon s'expliquer plus au long là-dessus. Le mot animal, dit-il, Hist. nat. tome II. page 260. dans l'acception où nous le prenons ordinairement, représente une idée générale, formée des idées particulieres qu'on s'est faites de quelques animaux particuliers. Toutes les idées générales renferment des idées différentes, qui approchent ou different plus ou moins les unes des autres ; & par conséquent aucune idée générale ne peut être exacte ni précise. L'idée générale que nous nous sommes formée de l'animal sera, si vous voulez, prise principalement de l'idée particuliere du chien, du cheval, & d'autres bêtes qui nous paroissent avoir de l'intelligence & de la volonté, qui semblent se mouvoir & se déterminer suivant cette volonté ; qui sont composées de chair & de sang ; qui cherchent & prennent leur nourriture, & qui ont des sens, des sexes, & la faculté de se reproduire. Nous joignons donc ensemble une grande quantité d'idées particulieres, lorsque nous nous formons l'idée générale que nous exprimons par le mot animal ; & l'on doit observer que dans le grand nombre de ces idées particulieres, il n'y en a pas une qui constitue l'essence de l'idée générale. Car il y a, de l'aveu de tout le monde, des animaux qui paroissent n'avoir aucune intelligence, aucune volonté, aucun mouvement progressif ; il y en a qui n'ont ni chair ni sang, & qui ne paroissent être qu'une glaise congelée ; il y en a qui ne peuvent chercher leur nourriture, & qui ne la reçoivent que de l'élément qu'ils habitent : enfin il y en a qui n'ont point de sens, pas même celui du toucher, au moins à un degré qui nous soit sensible : il y en a qui n'ont point de sexes, d'autres qui les ont tous deux ; & il ne reste de général à l'animal que ce qui lui est commun avec le végétal, c'est-à-dire, la faculté de se reproduire. C'est donc du tout ensemble qu'est composée l'idée générale : & ce tout étant composé de parties différentes, il y a nécessairement entre ces parties des degrés & des nuances. Un insecte, dans ce sens, est quelque chose de moins animal qu'un chien ; une huître est encore moins animal qu'un insecte ; une ortie de mer, ou une polype d'eau douce, l'est encore moins qu'une huître ; & comme la nature va par nuances insensibles, nous devons trouver des animaux qui sont encore moins animaux qu'une ortie de mer ou un polype. Nos idées générales ne sont que des méthodes artificielles, que nous nous sommes formées pour rassembler une grande quantité d'objets dans le même point de vûe ; & elles ont, comme les méthodes artificielles, le défaut de ne pouvoir jamais tout comprendre : elles sont de même opposées à la marche de la nature, qui se fait uniformément, insensiblement & toûjours particulierement ; en sorte que c'est pour vouloir comprendre un trop grand nombre d'idées particulieres dans un seul mot, que nous n'avons plus une idée claire de ce que ce mot signifie ; parce que ce mot étant reçû, on s'imagine que ce mot est une ligne qu'on peut tirer entre les productions de la nature ; que tout ce qui est au-dessus de cette ligne est en effet animal, & que tout ce qui est au-dessous ne peut être que végétal, autre mot aussi général que le premier, qu'on employe de même, comme une ligne de séparation entre les corps organisés & les corps bruts. Mais ces lignes de séparation n'existent point dans la nature : il y a des êtres qui ne sont ni animaux, ni végétaux, ni minéraux, & qu'on tenteroit vainement de rapporter aux uns & aux autres. Par exemple, lorsque M. Trembley, cet auteur célebre de la découverte des animaux qui se multiplient par chacune de leurs parties détachées, coupées, ou séparées, observa pour la premiere fois le polype de la lentille d'eau, combien employa-t-il de tems pour reconnoître si ce polype étoit un animal ou une plante ! & combien n'eut-il pas sur cela de doutes & d'incertitudes ? C'est qu'en effet le polype de la lentille n'est peut-être ni l'un ni l'autre ; & que tout ce qu'on en peut dire, c'est qu'il approche un peu plus de l'animal que du végétal ; & comme on veut absolument que tout être vivant soit un animal ou une plante, on croiroit n'avoir pas bien connu un être organisé, si on ne le rapportoit pas à l'un ou l'autre de ces noms généraux, tandis qu'il doit y avoir, & qu'il y a en effet, une grande quantité d'êtres organisés qui ne sont ni l'un ni l'autre. Les corps mouvans que l'on trouve dans les liqueurs séminales, dans la chair infusée des animaux, dans les graines & les autres parties infusées des plantes, sont de cette espece : on ne peut pas dire que ce soient des animaux ; on ne peut pas dire que ce soient des végétaux, & assûrément on dira encore moins que ce sont des minéraux.

On peut donc assûrer sans crainte de trop avancer, que la grande division des productions de la nature en animaux, végétaux & minéraux, ne contient pas tous les êtres matériels : il existe, comme on vient de le voir, des corps organisés qui ne sont pas compris dans cette division. Nous avons dit que la marche de la nature se fait par des degrés nuancés, & souvent imperceptibles ; aussi passe-t-elle par des nuances insensibles de l'animal au végétal : mais du végétal au minéral le passage est brusque, & cette loi de n'y aller que par nuances paroît se démentir. Cela a fait soupçonner à M. de Buffon, qu'en examinant de près la nature, on viendroit à découvrir des êtres intermédiaires, des corps organisés, qui sans avoir, par exemple, la puissance de se reproduire comme les animaux & les végétaux, auroient cependant une espece de vie & de mouvement : d'autres êtres qui, sans être des animaux ou des végétaux, pourroient bien entrer dans la constitution des uns & des autres ; & enfin d'autres êtres qui ne seroient que le premier assemblage des molécules organiques. Voyez MOLECULES ORGANIQUES.

Mais sans nous arrêter davantage à la définition de l 'animal, qui est, comme on voit dès-à-présent, fort imparfaite, & dont l'imperfection s'appercevra dans la suite des siecles beaucoup davantage, voyons quelles lumieres on peut tirer de la comparaison des animaux & des végétaux. Nous n'aurions presque pas besoin d'avertir qu'à l'exception de quelques réflexions mises en italique, que nous avons osé disperser dans la suite de cet article, il est tout entier de l'Histoire naturelle générale & particuliere : le ton & les choses l'indiqueront assez.

Dans la foule d'objets que nous présente ce vaste globe, (dit M. de Buffon, page 1.) dans le nombre infini des différentes productions, dont sa surface est couverte & peuplée, les animaux tiennent le premier rang, tant par la conformité qu'ils ont avec nous, que par la supériorité que nous leur connoissons sur les êtres végétaux ou inanimés. Les animaux ont par leurs sens, par leur forme, par leur mouvement, beaucoup plus de rapports avec les choses qui les environnent, que n'en ont les végétaux. Mais il ne faut point perdre de vûe que le nombre de ces rapports varie à l'infini, qu'il est moindre dans le polype que dans l'huitre, dans l'huître moindre que dans le singe ; & les végétaux par leur développement, par leur figure, par leur accroissement & par leurs différentes parties, ont aussi un plus grand nombre de rapports avec les objets extérieurs, que n'en ont les minéraux ou les pierres, qui n'ont aucune sorte de vie ou de mouvement. Observez encore que rien n'empêche que ces rapports ne varient aussi, & que le nombre n'en soit plus ou moins grand ; en sorte qu'on peut dire qu'il y a des minéraux moins morts que d'autres. Cependant c'est par ce plus grand nombre de rapports que l'animal est réellement au-dessus du végétal, & le végétal au-dessus du minéral. Nous-mêmes, à ne considérer que la partie matérielle de notre être, nous ne sommes au-dessus des animaux que par quelques rapports de plus, tels que ceux que nous donnent la langue & la main, la langue sur-tout. Une langue suppose une suite de pensées, & c'est par cette raison que les animaux n'ont aucune langue. Quand même on voudroit leur accorder quelque chose de semblable à nos premieres appréhensions & à nos sensations grossieres & les plus machinales, il paroît certain qu'ils sont incapables de former cette association d'idées, qui seule peut produire la réflexion, dans laquelle cependant consiste l'essence de la pensée. C'est, parce qu'ils ne peuvent joindre ensemble aucune idée, qu'ils ne pensent ni ne parlent, c'est par la même raison qu'ils n'inventent & ne perfectionnent rien. S'ils étoient doüés de la puissance de réfléchir, même au plus petit degré, ils seroient capables de quelque espece de progrès ; ils acquerroient plus d'industrie ; les castors d'aujourd'hui bâtiroient avec plus d'art & de solidité que ne bâtissoient les premiers castors ; l'abeille perfectionneroit encore tous les jours la cellule qu'elle habite : car si on suppose que cette cellule est aussi parfaite qu'elle peut l'être, on donne à cet insecte plus d'esprit que nous n'en avons ; on lui accorde une intelligence supérieure à la nôtre, par laquelle il appercevroit tout d'un coup le dernier point de perfection auquel il doit porter son ouvrage, tandis que nous-mêmes nous ne voyons jamais clairement ce point, & qu'il nous faut beaucoup de réflexions, de tems & d'habitude pour perfectionner le moindre de nos arts. Mais d'où peut venir cette uniformité dans tous les ouvrages des animaux ? Pourquoi chaque espece ne fait-elle jamais que la même chose, de la même façon ? pourquoi chaque individu ne la fait-il ni mieux ni plus mal qu'un autre individu ? Y a-t-il de plus forte preuve que leurs opérations ne sont que des résultats méchaniques & purement matériels ? Car s'ils avoient la moindre étincelle de la lumiere qui nous éclaire, on trouveroit au moins de la variété, si l'on ne voyoit pas de la perfection, dans leurs ouvrages ; chaque individu de la même espece feroit quelque chose d'un peu différent de ce qu'auroit fait un autre individu. Mais non, tous travaillent sur le même modele ; l'ordre de leurs actions est tracé dans l'espece entiere, il n'appartient point à l'individu ; & si l'on vouloit attribuer une ame aux animaux, on seroit obligé à n'en faire qu'une pour chaque espece, à laquelle chaque individu participeroit également. Cette ame seroit donc nécessairement divisible, par conséquent elle seroit matérielle & fort différente de la nôtre. Car pourquoi mettons-nous au contraire tant de diversité & de variété dans nos productions & dans nos ouvrages ? Pourquoi l'imitation servile nous coûte-t-elle plus qu'un nouveau dessein ? C'est parce que notre ame est à nous, qu'elle est indépendante de celle d'un autre, & que nous n'avons rien de commun avec notre espece que la matiere de notre corps : mais quelque différence qu'il y ait entre nous & les animaux, on ne peut nier que nous ne leur tenions de fort près par les dernieres de nos facultés.

On peut donc dire que quoique les ouvrages du Créateur soient en eux-mêmes tous également parfaits, l'animal est, selon notre façon d'appercevoir, l'ouvrage le plus complet, & que l'homme en est le chef-d'oeuvre.

En effet, pour commencer par l'animal qui est ici notre objet principal, avant que de passer à l'homme, que de ressorts, que de forces, que de machines & de mouvemens sont renfermés dans cette petite partie de matiere qui compose le corps d'un animal ! Que de rapports, que d'harmonie, que de correspondance entre les parties ! Combien de combinaisons, d'arrangemens, de causes, d'effets, de principes, qui tous concourent au même but, & que nous ne connoissons que par des résultats si difficiles à comprendre, qu'ils n'ont cessé d'être des merveilles que par l'habitude que nous avons prise de n'y point réfléchir !

Cependant quelqu'admirable que cet ouvrage nous paroisse, ce n'est pas dans l'individu qu'est la plus grande merveille ; c'est dans la succession, dans le renouvellement & dans la durée des especes que la nature paroît tout-à-fait inconcevable, ou plûtôt, en remontant plus haut, dans l'ordre institué entre les parties du tout, par une sagesse infinie & par une main toute-puissante ; car cet ordre une fois institué, les effets quelque surprenans qu'ils soient, sont des suites nécessaires & simples des lois du mouvement. La machine est faite, & les heures se marquent sous l'oeil de l'horloger. Mais entre les suites du méchanisme, il faut convenir que cette faculté de produire son semblable qui réside dans les animaux & dans les végétaux, cette espece d'unité toûjours subsistante & qui paroît éternelle ; cette vertu procréatrice qui s'exerce perpétuellement sans se détruire jamais, est pour nous, quand nous la considérons en elle-même, & sans aucun rapport à l'ordre institué par le Tout-puissant, un mystere dont il semble qu'il ne nous est pas permis de sonder la profondeur.

La matiere inanimée, cette pierre, cette argille qui est sous nos piés, a bien quelques propriétés : son existence seule en suppose un très-grand nombre ; & la matiere la moins organisée ne laisse pas que d'avoir, en vertu de son existence, une infinité de rapports avec toutes les autres parties de l'univers. Nous ne dirons pas, avec quelques Philosophes, que la matiere sous quelque forme qu'elle soit, connoît son existence & ses facultés relatives : cette opinion tient à une question de métaphysique, qu'on peut voir discutée à l'article AME. Il nous suffira de faire sentir que, n'ayant pas nous-mêmes la connoissance de tous les rapports que nous pouvons avoir avec tous les objets extérieurs, nous ne devons pas douter que la matiere inanimée n'ait infiniment moins de cette connoissance, & que d'ailleurs nos sensations ne ressemblant en aucune façon aux objets qui les causent, nous devons conclure par analogie, que la matiere inanimée n'a ni sentiment, ni sensation, ni conscience d'existence ; & que lui attribuer quelques-unes de ces facultés, ce seroit lui donner celle de penser, d'agir & de sentir à-peu-près dans le même ordre & de la même façon que nous pensons, agissons & sentons, ce qui répugne autant à la raison qu'à la religion. Mais une considération qui s'accorde avec l'une & l'autre, & qui nous est suggérée par le spectacle de la nature dans les individus, c'est que l'état de cette faculté de penser, d'agir, de sentir, réside dans quelques hommes dans un degré éminent, dans un degré moins éminent en d'autres hommes, va en s'affoiblissant à mesure qu'on suit la chaîne des êtres en descendant, & s'éteint apparemment dans quelque point de la chaîne très-éloigné : placé entre le regne animal & le regne végétal, point dont nous approcherons de plus en plus par les observations, mais qui nous échappera à jamais ; les expériences resteront toûjours en-deçà, & les systèmes iront toûjours au-delà ; l'expérience marchant pié à pié, & l'esprit de système allant toûjours par sauts & par bonds.

Nous dirons donc qu'étant formés de terre, & composés de poussiere, nous avons en effet avec la terre & la poussiere, des rapports communs qui nous lient à la matiere en général ; tels sont l'étendue, l'impénétrabilité, la pesanteur, &c. Mais comme nous n'appercevons pas ces rapports purement matériels ; comme ils ne font aucune impression au-dedans de nous-mêmes ; comme ils subsistent sans notre participation, & qu'après la mort ou avant la vie, ils existent & ne nous affectent point du tout, on ne peut pas dire qu'ils fassent partie de notre être : c'est donc l'organisation, la vie, l'ame, qui fait proprement notre existence. La matiere considérée sous ce point de vûe, en est moins le sujet que l'accessoire ; c'est une enveloppe étrangere dont l'union nous est inconnue & la présence nuisible ; & cet ordre de pensées qui constitue notre être, en est peut-être tout-à-fait indépendant. Il me semble que l'Historien de la nature accorde ici aux Métaphysiciens bien plus qu'ils n'oseroient lui demander. Quelle que soit la maniere dont nous penserons quand notre ame sera débarrassée de son enveloppe, & sortira de l'état de chrysalide ; il est constant que cette coque méprisable dans laquelle elle reste détenue pour un tems, influe prodigieusement sur l'ordre de pensées qui constitue son être ; & malgré les suites quelquefois très-fâcheuses de cette influence, elle n'en montre pas moins évidemment la sagesse de la providence, qui se sert de cet aiguillon pour nous rappeller sans cesse à la conservation de nous-mêmes & de notre espece.

Nous existons donc sans savoir comment, & nous pensons sans savoir pourquoi. Cette proposition me paroît évidente ; mais on peut observer quant à la seconde partie, que l'ame est sujette à une sorte d'inertie, en conséquence de laquelle elle resteroit perpétuellement appliquée à la même pensée, peut-être à la même idée, si elle n'en étoit tirée par quelque chose d'extérieur à elle qui l'avertit, sans toutefois prévaloir sur sa liberté. C'est par cette derniere faculté qu'elle s'arrête ou qu'elle passe legerement d'une contemplation à une autre. Lorsque l'exercice de cette faculté cesse, elle reste fixée sur la même contemplation ; & tel est peut-être l'état de celui qui s'endort, de celui-même qui dort, & de celui qui médite très-profondément. S'il arrive à ce dernier de parcourir successivement différens objets, ce n'est point par un acte de sa volonté que cette succession s'exécute, c'est la liaison des objets même qui l'entraîne ; & je ne connois rien d'aussi machinal que l'homme absorbé dans une méditation profonde, si ce n'est l'homme plongé dans un profond sommeil.

Mais quoi qu'il en soit de notre maniere d'être ou de sentir ; quoi qu'il en soit de la vérité ou de la fausseté, de l'apparence ou de la réalité de nos sensations, les résultats de ces mêmes sensations n'en sont pas moins certains par rapport à nous. Cet ordre d'idées, cette suite de pensées qui existe au-dedans de nous-mêmes, quoique fort différente des objets qui les causent, ne laissent pas d'être l'affection la plus réelle de notre individu, & de nous donner des relations avec les objets extérieurs, que nous pouvons regarder comme des rapports réels, puisqu'ils sont invariables, & toûjours les mêmes relativement à nous. Ainsi nous ne devons pas douter que les différences ou les ressemblances que nous appercevons entre les objets, ne soient des différences & des ressemblances certaines & réelles dans l'ordre de notre existence par rapport à ces mêmes objets. Nous pouvons donc nous donner le premier rang dans la nature. Nous devons ensuite donner la seconde place aux animaux ; la troisieme aux végétaux, & enfin la derniere aux minéraux. Car quoique nous ne distinguions pas bien nettement les qualités que nous avons en vertu de notre animalité seule, de celles que nous avons en vertu de la spiritu alité de notre ame, ou plûtôt de la supériorité de notre entendement sur celui des bêtes, nous ne pouvons guere douter que les animaux étant doüés comme nous des mêmes sens, possédant les mêmes principes de vie & de mouvement, & faisant une infinité d'actions semblables aux nôtres, ils n'ayent avec les objets extérieurs des rapports du même ordre que les nôtres, & que par conséquent nous ne leur ressemblions à bien des égards. Nous différons beaucoup des végétaux, cependant nous leur ressemblons plus qu'ils ne ressemblent aux minéraux ; & cela, parce qu'ils ont une espece de forme vivante, une organisation animée, semblable en quelque façon à la nôtre ; au lieu que les minéraux n'ont aucun organe.

Pour faire donc l'histoire de l'animal, il faut d'abord reconnoître avec exactitude l'ordre général des rapports qui lui sont propres, & distinguer ensuite les rapports qui lui sont communs avec les végétaux & les minéraux. L'animal n'a de commun avec le minéral que les qualités de la matiere prise généralement ; sa substance a les mêmes propriétés virtuelles ; elle est étendue, pesante, impénétrable, comme tout le reste de la matiere : mais son oeconomie est toute différente. Le minéral n'est qu'une matiere brute, insensible, n'agissant que par la contrainte des lois de la méchanique, n'obéissant qu'à la force généralement répandue dans l'univers, sans organisation, sans puissance, dénuée de toutes facultés, même de celle de se reproduire ; substance informe, faite pour être foulée aux piés par les hommes & les animaux, laquelle malgré le nom de métal précieux, n'en est pas moins méprisée par le sage, & ne peut avoir qu'une valeur arbitraire, toûjours subordonnée à la volonté, & toûjours dépendante de la convention des hommes. L'animal réunit toutes les puissances de la nature ; les sources qui l'animent lui sont propres & particulieres ; il veut, il agit, il se détermine, il opere, il communique par ses sens avec les objets les plus éloignés : son individu est un centre où tout se rapporte ; un point où l'univers entier se réfléchit ; un monde en raccourci. Voilà les rapports qui lui sont propres : ceux qui lui sont communs avec les végétaux, sont les facultés de croître, de se développer, de se reproduire, de se multiplier. On conçoit bien que toutes ces vérités s'obscurcissent sur les limites des regnes, & qu'on auroit bien de la peine à les appercevoir distinctement sur le passage du minéral au végétal, & du végétal à l'animal. Il faut donc dans ce qui précede & ce qui suit, instituer la comparaison entre un animal, un végétal, & un minéral bien décidé, si l'on ne veut s'exposer à tourner à l'infini dans un labyrinthe dont on ne sortiroit jamais.

L'observateur est forcé de passer d'un individu à un autre : mais l'historien de la nature est contraint de l'embrasser par grandes masses ; & ces masses il les coupe dans les endroits de la chaîne où les nuances lui paroissent trancher le plus vivement ; & il se garde bien d'imaginer que ces divisions soient l'ouvrage de la nature.

La différence la plus apparente entre les animaux & les végétaux, paroît être cette faculté de se mouvoir & de changer de lieu, dont les animaux sont doüés, & qui n'est pas donnée aux végétaux. Il est vrai que nous ne connoissons aucun végétal qui ait le mouvement progressif ; mais nous voyons plusieurs especes d'animaux, comme les huîtres, les galle-insectes, &c. auxquelles ce mouvement paroît avoir été refusé. Cette différence n'est donc pas générale & nécessaire.

Une différence plus essentielle pourroit se tirer de la faculté de sentir, qu'on ne peut guere refuser aux animaux, & dont il semble que les végétaux soient privés. Mais ce mot sentir renferme un si grand nombre d'idées, qu'on ne doit pas le prononcer avant que d'en avoir fait l'analyse : car si par sentir nous entendons seulement faire une action de mouvement à l'occasion d'un choc ou d'une résistance, nous trouverons que la plante appellée sensitive est capable de cette espece de sentiment comme les animaux. Si au contraire on veut que sentir signifie appercevoir & comparer des perceptions, nous ne sommes pas sûrs que les animaux ayent cette espece de sentiment ; & si nous accordons quelque chose de semblable aux chiens, aux éléphans, &c. dont les actions semblent avoir les mêmes causes que les nôtres, nous le refuserons à une infinité d'especes d'animaux, & surtout à ceux qui nous paroissent être immobiles & sans action. Si on vouloit que les huîtres, par exemple, eussent du sentiment comme les chiens, mais à un degré fort inférieur, pourquoi n'accorderoit-on pas aux végétaux ce même sentiment dans un degré encore audessous ? Cette différence entre les animaux & les végétaux n'est pas générale ; elle n'est pas même bien décidée. Mais n'y a-t-il que ces deux manieres de sentir, ou se mouvoir à l'occasion d'un choc ou d'une résistance, ou appercevoir & comparer des perceptions ? il me semble que ce qui s'appelle en moi sentiment de plaisir, de douleur, &c. sentiment de mon existence, &c. n'est ni mouvement ; ni perception & comparaison de perceptions. Il me semble qu'il en est du sentiment pris dans ce troisieme sens comme de la pensée ; qu'on ne peut comparer à rien, parce qu'elle ne ressemble à rien, & qu'il pourroit bien y avoir quelque chose de ce sentiment dans les animaux.

Une troisieme différence pourroit être dans la maniere de se nourrir. Les animaux par le moyen de quelques organes extérieurs, saisissent les choses qui leur conviennent, vont chercher leur pâture, choisissent leurs alimens : les plantes au contraire paroissent être réduites à recevoir la nourriture que la terre veut bien leur fournir. Il semble que cette nourriture soit toûjours la même ; aucune diversité dans la maniere de se la procurer ; aucun choix dans l'espece ; l'humidité de la terre est leur seul aliment. Cependant si l'on fait attention à l'organisation & à l'action des racines & des feuilles, on reconnoîtra bientôt que ce sont-là les organes extérieurs dont les végétaux se servent pour pomper la nourriture ; on verra que les racines se détournent d'un obstacle ou d'une veine de mauvais terrein pour aller chercher la bonne terre ; que même ces racines se divisent, se multiplient, & vont jusqu'à changer de forme, pour procurer de la nourriture à la plante. La différence entre les animaux & les végétaux ne peut donc pas s'établir sur la maniere dont ils se nourrissent. Cela peut être d'autant plus que cet air de spontanéité qui nous frappe dans les animaux qui se meuvent, soit quand ils cherchent leur proie ou dans d'autres occasions, & que nous ne voyons point dans les végétaux, est peut être un préjugé, une illusion de nos sens trompés par la variété des mouvemens animaux ; mouvemens qui seroient cent fois encore plus variés qu'ils n'en seroient pas pour cela plus libres. Mais pourquoi, me demandera-t-on, ces mouvemens sont-ils si variés dans les animaux, & si uniformes dans les végétaux ? c'est, ce me semble, parce que les végétaux ne sont mûs que par la résistance ou le choc ; au lieu que les animaux ayant des yeux, des oreilles, & tous les organes de la sensation comme nous, & ces organes pouvant être affectés ensemble ou séparément, toute cette combinaison de résistance ou de choc, quand il n'y auroit que cela, & que l'animal seroit purement passif, doit l'agiter d'une infinité de diverses manieres ; ensorte que nous ne pouvons plus remarquer d'uniformité dans son action. De-là il arrive que nous disons que la pierre tombe nécessairement, & que le chien appellé vient librement ; que nous ne nous plaignons point d'une tuile qui nous casse un bras, & que nous nous emportons contre un chien qui nous mord la jambe, quoique toute la difference qu'il y ait peut-être entre la tuile & le chien, c'est que toutes les tuiles tombent de même, & qu'un chien ne se meut pas deux fois dans sa vie précisément de la même maniere. Nous n'avons d'autre idée de la nécessité, que celle qui nous vient de la permanence & de l'uniformité de l'évenement.

Cet examen nous conduit à reconnoître évidemment qu'il n'y a aucune différence absolument essentielle & générale entre les animaux & les végétaux : mais que la nature descend par degrés & par nuances imperceptibles, d'un animal qui nous paroît le plus parfait, à celui qui l'est le moins, & de celui-ci au végétal. Le polype d'eau douce sera, si l'on veut, le dernier des animaux, & la premiere des plantes.

Après avoir examiné les différences, si nous cherchons les ressemblances des animaux & des végétaux, nous en trouverons d'abord une qui est très-générale & très-essentielle ; c'est la faculté commune à tous deux de se reproduire, faculté qui suppose plus d'analogie & de choses semblables que nous ne pouvons l'imaginer, & qui doit nous faire croire que, pour la nature, les animaux & les végétaux sont des êtres à-peu-près de même ordre.

Une seconde ressemblance peut se tirer du développement de leurs parties, propriété qui leur est commune ; car les végétaux ont aussi-bien que les animaux, la faculté de croître, & si la maniere dont ils se développent est différente, elle ne l'est pas totalement ni essentiellement, puisqu'il y a dans les animaux des parties très-considérables, comme les os, les cheveux, les ongles, les cornes, &c. dont le développement est une vraie végétation, & que dans les premiers tems de la formation le foetus végete plûtôt qu'il ne vit.

Une troisieme ressemblance, c'est qu'il y a des animaux qui se reproduisent comme les plantes, & par les mêmes moyens : la multiplication des pucerons, qui se fait sans accouplement, est semblable à celle des plantes par les graines ; & celle des polypes, qui se fait en les coupant, ressemble à la multiplication des arbres par boutures.

On peut donc assûrer avec plus de fondement encore, que les animaux & les végétaux sont des êtres du même ordre, & que la nature semble avoir passé des uns aux autres par des nuances insensibles, puisqu'ils ont entre eux des ressemblances essentielles & générales, & qu'ils n'ont aucune différence qu'on puisse regarder comme telle.

Si nous comparons maintenant les animaux aux végétaux par d'autres faces ; par exemple, par le nombre, par le lieu, par la grandeur, par la forme, &c. nous en tirerons de nouvelles inductions.

Le nombre des especes d'animaux est beaucoup plus grand que celui des especes de plantes ; car dans le seul genre des insectes, il y a peut-être un plus grand nombre d'especes, dont la plûpart échappent à nos yeux, qu'il n'y a d'especes de plantes visibles sur la surface de la terre. Les animaux même se ressemblent en général beaucoup moins que les plantes, & c'est cette ressemblance entre les plantes qui fait la difficulté de les reconnoître & de les ranger ; c'est-là ce qui a donné naissance aux méthodes de Botanique, auxquelles on a par cette raison beaucoup plus travaillé qu'à celles de la Zoologie, parce que les animaux ayant en effet entre eux des différences bien plus sensibles que n'en ont les plantes entr'elles, ils sont plus aisés à reconnoître & à distinguer, plus faciles à nommer & à décrire.

D'ailleurs il y a encore un avantage pour reconnoître les especes d'animaux, & pour les distinguer les unes des autres ; c'est qu'on doit regarder comme la même espece celle qui, au moyen de la copulation, se perpétue & conserve la similitude de cette espece, & comme des especes différentes celles qui, par les mêmes moyens, ne peuvent rien produire ensemble ; de sorte qu'un renard sera une espece différente d'un chien, si en effet, par la copulation d'un mâle & d'une femelle de ces deux especes, il ne résulte rien ; & quand même il résulteroit un animal mi-parti, une espece de mulet, comme ce mulet ne produiroit rien, cela suffiroit pour établir que le renard & le chien ne seroient pas de la même espece, puisque nous avons supposé que pour constituer une espece, il falloit une production continue, perpétuelle, invariable, semblable en un mot à celle des autres animaux. Dans les plantes on n'a pas le même avantage ; car quoiqu'on ait prétendu y reconnoître des sexes, & qu'on ait établi des divisions de genres par les parties de la fécondation, comme cela n'est ni aussi certain, ni aussi apparent que dans les animaux, & que d'ailleurs la production des plantes se fait de plusieurs autres façons où les sexes n'ont aucune part, & où les parties de la fécondation ne sont pas nécessaires ; on n'a pû employer avec succès cette idée, & ce n'est que sur une analogie mal entendue, qu'on a prétendu que cette méthode sexuelle devoit nous faire distinguer toutes les especes différentes de plantes.

Le nombre des especes d'animaux est donc plus grand que celui des especes de plantes : mais il n'en est pas de même du nombre d'individus dans chaque espece : comme dans les plantes le nombre d'individus est beaucoup plus grand dans le petit que dans le grand, l'espece des mouches est peut-être cent millions de fois plus nombreuse que celle de l'éléphant ; de même, il y a en général beaucoup plus d'herbes que d'arbres, plus de chiendent que de chênes. Mais si l'on compare la quantité d'individus des animaux & des plantes, espece à espece, on verra que chaque espece de plante est plus abondante que chaque espece d'animal. Par exemple, les quadrupedes ne produisent qu'un petit nombre de petits, & dans des intervalles assez considérables. Les arbres au contraire produisent tous les ans une grande quantité d'arbres de leur espece.

M. de Buffon s'objecte lui-même que sa comparaison n'est pas exacte, & que pour la rendre telle, il faudroit pouvoir comparer la quantité de graine que produit un arbre, avec la quantité de germes que peut contenir la semence d'un animal ; & que peut-être on trouveroit alors que les animaux sont encore plus abondans en germes que les végétaux. Mais il répond que si l'on fait attention qu'il est possible en ramassant avec soin toutes les graines d'un arbre ; par exemple, d'un orme, & en les semant, d'avoir une centaine de milliers de petits ormes de la production d'une seule année, on avouera nécessairement que, quand on prendroit le même soin pour fournir à un cheval toutes les jumens qu'il pourroit saillir en un an, les résultats seroient fort différens dans la production de l'animal, & dans celle du végétal. Je n'examine donc pas (dit M. de Buffon) la quantité des germes ; premierement parce que dans les animaux nous ne la connoissons pas ; & en second lieu, parce que dans les végétaux il y a peut-être de même des germes séminaux, & que la graine n'est point un germe, mais une production aussi parfaite que l'est le foetus d'un animal, à laquelle, comme à celui-ci, il ne manque qu'un plus grand développement.

M. de Buffon s'objecte encore la prodigieuse multiplication de certaines especes d'insectes, comme celle des abeilles dont chaque femelle produit trente à quarante mille mouches : mais il répond qu'il parle du général des animaux comparé au général des plantes, & que d'ailleurs cet exemple des abeilles, qui peut-être est celui de la plus grande multiplication que nous connoissions dans les animaux, ne fait pas une preuve ; car de trente ou quarante mille mouches que la mere abeille produit, il n'y en a qu'un très-petit nombre de femelles, quinze cens ou deux mille mâles, & tout le reste ne sont que des mulets ou plûtôt des mouches neutres, sans sexe, & incapables de produire.

Il faut avoüer que dans les insectes, les poissons, les coquillages, il y a des especes qui paroissent être extrèmement abondantes : les huîtres, les harengs, les puces, les hannetons, &c. sont peut-être en aussi grand nombre que les mousses & les autres plantes les plus communes : mais, à tout prendre, on remarquera aisément que la plus grande partie des especes d'animaux est moins abondante en individus que les especes de plantes ; & de plus on observera qu'en comparant la multiplication des especes de plantes entre elles, il n'y a pas des différences aussi grandes dans le nombre des individus, que dans les especes d'animaux, dont les uns engendrent un nombre prodigieux de petits, & d'autres n'en produisent qu'un très-petit nombre ; au lieu que dans les plantes le nombre des productions est toûjours fort grand dans toutes les especes.

Il paroît par tout ce qui précede, que les especes les plus viles, les plus abjectes, les plus petites à nos yeux, sont les plus abondantes en individus, tant dans les animaux que dans les plantes. A mesure que les especes d'animaux nous paroissent plus parfaites, nous les voyons réduites à un moindre nombre d'individus. Pourroit-on croire que de certaines formes de corps, comme celles des quadrupedes & des oiseaux, de certains organes pour la perfection du sentiment, coûteroient plus à la nature que la production du vivant & de l'organisé, qui nous paroît si difficile à concevoir ? Non, cela ne se peut croire. Pour satisfaire, s'il est possible, au phénomene proposé, il faut remonter jusqu'à l'ordre primitif des choses, & le supposer tel que la production des grands animaux eût été aussi abondante que celle des insectes. On voit au premier coup-d'oeil que cette espece monstrueuse eût bien-tôt englouti les autres, se fût dévorée elle-même, eût couvert seule la surface de la terre, & que bien-tôt il n'y eût eu sur le continent que des insectes, des oiseaux & des éléphans ; & dans les eaux, que les baleines & les poissons qui, par leur petitesse, auroient échappé à la voracité des baleines ; ordre de choses qui certainement n'eût pas été comparable à celui qui existe. La Providence semble donc ici avoir fait les choses pour le mieux.

Mais passons maintenant, avec M. de Buffon, à la comparaison des animaux & des végétaux pour le lieu, la grandeur, & la forme. La terre est le seul lieu où les végétaux puissent subsister : le plus grand nombre s'éleve au-dessus de la surface du terrein, & y est attaché par des racines qui le pénetrent à une petite profondeur. Quelques-uns, comme les truffes, sont entierement couverts de terre ; quelques autres, en petit nombre, croissent sous les eaux : mais tous ont besoin pour exister, d'être placés à la surface de la terre. Les animaux au contraire sont plus généralement répandus ; les uns habitent la surface ; les autres l'intérieur de la terre : ceux-ci vivent au fond des mers ; ceux-là les parcourent à une hauteur médiocre. Il y en a dans l'air, dans l'intérieur des plantes ; dans le corps de l'homme & des autres animaux ; dans les liqueurs : on en trouve jusque dans les pierres, les dails. Voyez DAILS.

Par l'usage du microscope, on prétend avoir découvert un grand nombre de nouvelles especes d'animaux fort différentes entre elles. Il peut paroître singulier qu'à peine on ait pû reconnoître une ou deux especes de plantes nouvelles par le secours de cet instrument. La petite mousse produite par la moisissure est peut-être la seule plante microscopique dont on ait parlé. On pourroit donc croire que la nature s'est refusée à produire de très-petites plantes ; tandis qu'elle s'est livrée avec profusion à faire naître des animalcules : mais on pourroit se tromper en adoptant cette opinion sans examen ; & l'erreur pourroit bien venir en effet de ce que les plantes se ressemblant beaucoup plus que les animaux, il est plus difficile de les reconnoître & d'en distinguer les especes ; ensorte que cette moisissure, que nous ne prenons que pour une mousse infiniment petite, pourroit être une espece de bois ou de jardin qui seroit peuplé d'un grand nombre de plantes très-différentes, mais dont les différences échappent à nos yeux.

Il est vrai qu'en comparant la grandeur des animaux & des plantes, elle paroîtra assez inégale ; car il y a beaucoup plus loin de la grosseur d'une baleine à celle d'un de ces prétendus animaux microscopiques, que du chêne le plus élevé à la mousse dont nous parlions tout-à-l'heure ; & quoique la grandeur ne soit qu'un attribut purement relatif, il est cependant utile de considérer les termes extrèmes où la nature semble s'être bornée. Le grand paroît être assez égal dans les animaux & dans les plantes ; une grosse baleine & un gros arbre sont d'un volume qui n'est pas fort inégal ; tandis qu'en petit on a crû voir des animaux dont un millier réunis n'égaleroient pas en volume la petite plante de la moisissure.

Au reste, la différence la plus générale & la plus sensible entre les animaux & les végétaux est celle de la forme : celle des animaux, quoique variée à l'infini, ne ressemble point à celle des plantes ; & quoique les polypes, qui se reproduisent comme les plantes, puissent être regardés comme faisant la nuance entre les animaux & les végétaux, non-seulement par la façon de se reproduire, mais encore par la forme extérieure ; on peut cependant dire que la figure de quelque animal que ce soit est assez différente de la forme extérieure d'une plante, pour qu'il soit difficile de s'y tromper. Les animaux peuvent à la vérité faire des ouvrages qui ressemblent à des plantes ou à des fleurs : mais jamais les plantes ne produiront rien de semblable à un animal ; ces insectes admirables qui produisent & travaillent le corail, n'auroient pas été méconnus & pris pour des fleurs, si, par un préjugé mal-fondé, on n'eût pas regardé le corail comme une plante. Ainsi les erreurs où l'on pourroit tomber en comparant la forme des plantes à celle des animaux, ne porteront jamais que sur un petit nombre de sujets qui font la nuance entre les deux ; & plus on fera d'observations, plus on se convaincra qu'entre les animaux & les végétaux, le créateur n'a pas mis de terme fixe ; que ces deux genres d'être organisés ont beaucoup plus de propriétés communes que de différences réelles ; que la production de l'animal ne coûte pas plus, & peut-être moins à la nature, que celle du végétal ; qu'en général la production des êtres organisés ne lui coûte rien ; & qu'enfin le vivant & l'animé, au lieu d'être un degré métaphysique des êtres, est une propriété physique de la matiere.

Après nous être tirés, à l'aide de la profonde métaphysique & des grandes idées de M. de Buffon, de la premiere partie d'un article très-important & très-difficile, nous allons passer à la seconde partie, que nous devons à M. d'Aubenton, son illustre collegue, dans l'ouvrage de l'Histoire naturelle générale & particuliere.

Les animaux, dit M. d'Aubenton, tiennent la premiere place dans la division générale de l'histoire naturelle. On a distribué tous les objets que cette science comprend, en trois classes que l'on appelle regnes : le premier est le regne animal ; nous avons mis les animaux dans ce rang, parce qu'ils ont plus de rapport avec nous que les végétaux, qui sont renfermés dans le second regne ; & les minéraux en ayant encore moins, sont dans le troisieme. Dans plusieurs ouvrages d'histoire naturelle, on trouve cependant le regne minéral le premier, & le regne animal le dernier. Les auteurs ont crû devoir commencer par les objets les plus simples, qui sont les minéraux, & s'élever ensuite comme par degrés en parcourant le regne végétal, pour arriver aux objets les plus composés, qui sont les animaux.

Les anciens ont divisé les animaux en deux classes ; la premiere comprend ceux qui ont du sang, & la seconde ceux qui n'ont point de sang. Cette méthode étoit connue du tems d'Aristote, & peut-être longtems avant ce grand philosophe ; & elle a été adoptée presque généralement jusqu'à présent. On objecte contre cette division, que tous les animaux ont du sang, puisqu'ils ont tous une liqueur qui entretient la vie, en circulant dans tout le corps ; que l'essence du sang ne consiste pas dans sa couleur rouge, &c. ces objections ne prouvent rien contre la méthode dont il s'agit. Que tous les animaux ayent du sang, ou qu'il n'y en ait qu'une partie ; que le nom de sang convienne, ou non, à la liqueur qui circule dans le corps de ceux-ci, il suffit que cette liqueur ne soit pas rouge, pour qu'elle soit différente du sang des autres animaux, au moins par la couleur ; cette différence est donc un moyen de les distinguer les uns des autres, & fait un caractere pour chacune de ces classes : mais il y a une autre objection à laquelle on ne peut répondre. Parmi les animaux que l'on dit n'avoir point de sang, ou au moins n'avoir point de sang rouge, il s'en trouve qui ont du sang, & du sang bien rouge ; ce sont les vers de terre. Voilà un fait qui met la méthode en défaut : cependant elle peut encore être meilleure que bien d'autres.

La premiere classe qui est celle des animaux qui ont du sang, est soûdivisée en deux autres, dont l'une comprend les animaux qui ont un poumon pour organe de la respiration, & l'autre, ceux qui n'ont que des oüies.

Le coeur des animaux qui ont un poumon, a deux ventricules, ou n'a qu'un seul ventricule ; ceux dont le coeur a deux ventricules, sont vivipares, voyez VIVIPARE ou Ovipares, voyez OVIPARE. Les vivipares sont terrestres ou aquatiques ; les premiers sont les quadrupedes vivipares. Voyez QUADRUPEDE. Les aquatiques sont les poissons cétacées. Voy. POISSONS. Les ovipares dont le coeur a deux ventricules, sont les oiseaux.

Les animaux dont le coeur n'a qu'un ventricule, sont les quadrupedes ovipares & les serpens. Voyez QUADRUPEDE, SERPENT.

Les animaux qui ont des oüies, sont tous les poissons, à l'exception des cétacées. Voyez POISSON.

On distingue les animaux qui n'ont point de sang en grands & en petits.

Les grands sont divisés en trois sortes : 1°. les animaux mous qui ont une substance molle à l'extérieur, & une autre substance dure à l'intérieur, comme le polype, la seiche, le calemar. Voyez POLYPE, SEICHE, CALEMAR. 2°. Les crustacées. Voyez CRUSTACEE. 3°. Les testacées. Voyez TESTACEES.

Les petits animaux qui n'ont point de sang, sont les insectes. Voyez INSECTE. Ray. Sinop. anim. quad.

On a fait d'autres distributions des animaux qui sont moins compliquées ; on les a divisés en quadrupedes, oiseaux, poissons, & insectes. Les serpens sont compris avec les quadrupedes, parce qu'on a crû qu'ils n'étoient pas fort différens des lésards, quoiqu'ils n'eussent point de piés. Une des principales objections que l'on ait faites contre cette methode, est qu'on rapporte au même genre des vivipares & des ovipares.

On a aussi divisé les animaux en terrestres, aquatiques, & amphibies : mais on s'est récrié contre cette distribution, parce qu'on met des animaux vivipares dans des classes différentes, & qu'il se trouve des vivipares & des ovipares dans une même classe ; les insectes terrestres étant dans une classe, & les insectes d'eau dans une autre, &c.

On peut s'assûrer par un examen détaillé, qu'il y a quantité d'autres exceptions aux regles établies par ces méthodes : mais après ce que nous avons dit ci-devant, on ne doit pas s'attendre à avoir une méthode arbitraire qui soit parfaitement conforme à la nature ; ainsi il n'est question que de choisir celles qui sont le moins défectueuses, parce qu'elles le sont toutes plus ou moins. Voyez METHODE.

Les animaux prennent de l'accroissement, ont de la vie, & sont doüés de sentiment : par cette définition M. Linnaeus les distingue des végétaux qui croissent & vivent sans avoir de sentiment, & des minéraux qui croissent sans vie ni sentiment. Le même auteur divise les animaux en six classes : la premiere comprend les quadrupedes ; la seconde, les oiseaux ; la troisieme, les amphibies ; la quatrieme, les poissons ; la cinquieme, les insectes ; & la sixieme, les vers. Syst. nat. Voyez QUADRUPEDE, OISEAU, AMPHIBIE, INSECTE, VER. (I)


ANIMALCULEanimalculum, petit animal. On designe le plus souvent par ce mot, des animaux si petits, qu'on ne peut les voir qu'à l'aide du microscope. Depuis l'invention de cet instrument, on a apperçû de petits animaux dont on n'avoit jamais eu aucune connoissance ; on a vû des corps mouvans dans plusieurs liqueurs différentes, & principalement dans les semences des animaux, & dans les infusions des grains & des plantes. Hartsoeker & Leuwenhoek ont été les premiers auteurs de ces découvertes ; & ils ont assûré que ces corps mouvans étoient de vrais animaux : quantité d'autres observateurs ont suivi les mêmes recherches, & ont trouvé de nouveaux corps mouvans. Tous ont crû que c'étoit de vrais animaux ; de-là sont venus différens systèmes sur la génération, les vers spermatiques des mâles, les oeufs des femelles, &c. Enfin M. de Buffon a détruit ce faux préjugé ; il a prouvé par des expériences incontestables, dans le second volume de l'Hist. nat. génér. & part. avec la descript. du cabinet du Roi, que les corps mouvans que l'on découvre avec le microscope dans la semence des mâles, ne sont pas de vrais animaux, mais seulement des molécules organiques, vivantes, & propres à composer un nouveau corps organisé d'une nature semblable à celui dont elles sont extraites. M. de Buffon a trouvé ces corps mouvans dans la semence des femelles comme dans celle des mâles ; & il fait voir que les corps mouvans qu'il a observés au microscope dans les infusions des germes des plantes, comme dans la semence des animaux, sont aussi des molécules organiques des végétaux. Voyez PARTIES ORGANIQUES, GENERATION, SEMENCE.

M. de Buffon avoit communiqué à M. Needham, de la Société royale de Londres, ses découvertes sur la semence des animaux, & sur les infusions des germes des plantes, avant la publication des premiers volumes de l'Hist. génér. & part. &c. J'ai été témoin moi-même, comme M. Needham, des premieres expériences qui furent faites au jardin du Roi par M. de Buffon, avec un microscope que M. Needham avoit apporté de Londres. Ce fut après avoir vû les premieres expériences sur les infusions des germes des plantes, que M. Needham conçut le dessein de suivre ces expériences sur les végétaux : il communiqua ce projet en ma présence à M. de Buffon, comme à l'auteur de la découverte dont il alloit suivre les détails. M. Needham fit en conséquence quantité d'observations, & il s'est beaucoup occupé de la découverte de M. de Buffon. On a déjà vû paroître un ouvrage de M. Needham sur cette matiere, Nouv. Obs. microscopiques, 1750. & l'auteur a promis de donner au public le détail de toutes les observations qu'il a faites sur ce sujet ; M. Needham m'en a communiqué quelques-unes dont j'ai été très-satisfait.

On a vû quantité de ces animalcules ou de ces petits corps mouvans sur différentes matieres ; par exemple, on a apperçû sur de petits grains de sable passés au tamis, un animalcule qui a un grand nombre de piés, & le dos blanc & couvert d'écailles. On a trouvé de petits animaux ressemblans à des tortues dans la liqueur des pustules de la galle. Voyez GALLE. On a vû dans l'eau commune exposée pendant quelque tems à l'air, quantité de petits corps mouvans de différentes grosseurs & de différentes figures, dont la plûpart sont ronds ou ovals. Leuwenhoek estime que mille millions des corps mouvans que l'on découvre dans l'eau commune, ne sont pas si gros qu'un grain de sable ordinaire. Voyez SEMENCE, MICROSCOPE, MICROSCOPIQUE. (I)


ANIMALISTESS. m. pl. secte de Physiciens qui enseignent que les embryons sont non-seulement tout formés, mais déjà très-vivans dans la semence du pere, qui les lance à millions dans la matrice, & que la mere ne fait que donner le logement & la nourriture à celui qui est destiné à être vivifié.

Cette opinion doit sa naissance à Hartsoeker Hollandois, dont les yeux jeunes encore apperçûrent, à l'aide du microscope, cette prétendue graine d'animaux dans la semence des mâles seulement de toutes les especes.

La difficulté qu'il y a d'expliquer comment, si le foetus n'est autre chose que le ver qu'on voit nager dans la semence du mâle, il peut se faire que ce foetus ressemble quelquefois à la femelle : la multitude innombrable de ces vers qui ne paroît pas s'accorder avec l'économie de la nature ; la façon dont on veut qu'ils soient de pere en fils contenus les uns dans les autres à l'infini ; leur figure, leur prétendu ouvrage ; tout est contre eux ; & s'il se trouve des animaux dans la semence, ils y sont comme quantité d'autres que le microscope a fait découvrir dans mille endroits.

M. Joblot a découvert au microscope un nombre prodigieux d'animaux singuliers dans les infusions de foin, de paille, de blé, de sené, de poivre, de sauge, de melon, de fenouil, de framboise, de thé, d'anémone royale.

M. de Malezieu a vû au microscope des animaux vingt-sept millions de fois plus petits qu'une mite.

M. Leuwenhoek dit qu'il en a trouvé dans un chabot plus que la terre ne peut porter d'hommes.

M. Paulin veut dans une Dissertation qui parut en 1703, que tout soit plein de vers imperceptibles, à la simple vûe, & d'oeufs de vers, mais qui n'éclosent point par-tout. (L)

* Il peut y avoir sans doute des animaux dans les liqueurs ; mais ce qu'on prend pour des animaux en est-il toûjours ? Voyez ANIMALCULE.


ANIM(gomme) d'Orient & d'Ethiopie ; (Hist. nat. mat. med.) c'est une résine transparente, en gros morceaux de différentes couleurs, tantôt blancs tantôt roussâtres ou bruns, & semblables en quelque façon à la myrrhe, qui répand une odeur agréable quand on la brûle. Il est rare d'en trouver dans les boutiques : on lui substitue celle d'Occident.

L'animé occidentale, ou la résine de Courbaril, est blanche, tire un peu sur la couleur de l'encens ; est transparente, plus huileuse que la résine copal, moins luisante que l'orientale ; d'une odeur suave : elle vient de la nouvelle Espagne, du Brésil, & des îles de l'Amérique. Elle découle d'un arbre qui s'appelle jetaiba, qu'on met au rang des plus grands de l'Amérique & des plus utiles, parce que son bois est propre à toutes sortes d'ouvrages. Il est dur, solide, rougeâtre ; d'une écorce épaisse, raboteuse, ridée, & de couleur de châtaigne. Ses branches s'étendent de tous côtés au loin & au large ; elles sont partagées en plusieurs rameaux, & garnies d'un très-grand nombre de feuilles, fort semblables à celles du laurier, mais plus solides, plates, au nombre de six, attachées deux à deux à chaque queue, de sorte qu'elle représente fort bien la marque d'un pié de chevre. Elles sont pointues à leur sommet, arrondies à leur base, & un peu courbées du côté qu'elles se regardent : elles sont un peu acerbes au goût, d'un verd gai & un peu foncé ; luisantes & percées d'une infinité de petits trous comme le mille-pertuis, ou plûtôt transparentes, quand on les regarde à la lumiere. Les fleurs sont au sommet des petites branches, en papillon, tirant sur le pourpre, ramassées en pyramide ; leur pistil se change en un fruit ou gousse longue d'environ un pié, large de deux pouces, obtuse aux deux bouts, un peu applatie sur les côtés, & marquée de deux côtes rondes sur le dos. Cette gousse ne s'ouvre point d'elle-même comme les autres, elle reste entiere ; elle est composée d'une écorce épaisse, dure comme la châtaigne, & de même couleur, de sorte qu'elle paroît vernissée, quoiqu'elle soit un peu raboteuse. Sa cavité intérieure est remplie de petites fibres réunies comme par paquets, & parsemées de farine jaunâtre, seche, douce, & agréable au goût. Entre ces fibres sont comprises quatre ou cinq graines semblables aux osselets de pignon, mais quatre fois plus grandes. Elles sont composées d'une petite peau, comme la châtaigne, mince, polie, & d'un brun clair, tenant fortement à la chair.

Cet arbre est commun aux îles de l'Amérique ; les Negres recueillent avec soin son fruit en Mai & en Juin : ils aiment la farine contenue dans les fruits. Il rend une larme que nous avons décrite sous le nom d'animé, mais que les Brasiliens appellent jetaicica.

La meilleure gomme animé (Medecine.) doit être blanche, seche, friable, de bonne odeur, & se consumer facilement quand on la jette sur les charbons allumés ; elle contient beaucoup d'huile & de sel essentiel.

Elle est propre pour discuter, pour amollir, pour résoudre les tumeurs indolentes, pour la migraine, pour fortifier le cerveau ; on en applique dessus la tête, & on en parfume les bonnets : on s'en sert aussi dans les plaies pour déterger & cicatriser.

Elle est bonne dans les affections froides, douloureuses, rhûmatismales, oedémateuses de la tête, des nerfs, & des articulations ; la paralysie, les contractions, les relâchemens, les contusions : elle entre dans les emplâtres & les cérats qui servent dans ces maladies. (N)

ANIME, adj. en Physique & en Méchanique ; on dit qu'un corps est animé par une force accélératrice, lorsqu'il est poussé par cette force, & qu'en vertu de cette impulsion il se meut ou tend à se mouvoir. Voyez ACCELERATRICE, ACTION. (O)


ANIMERANIMER un cheval, (Manége.) c’est le réveiller quand il ralentit ses mouvemens au manége, au moyen du bruit de la langue ou du sifflement de la gaule. (V)


ANIMOVISTESS. m. pl. branche des Ovistes ; ce sont des animalistes réformés, qui, forcés de reconnoître des oeufs, regardent les ovaires comme des hôtelleries, dont chaque oeuf est un appartement où vient en passant du néant à l'être, loger un animal spermatique sans aucune suite, s'il est femelle, mais traînant après lui de pere en fils, s'il est mâle, toute sa postérité. Leuwenhoek est l'auteur de cette réforme. Voyez ANIMALCULE, OEUF. (L)


ANINGA IBA(Hist. nat. bot.) arbre du Bresil qui croît dans l'eau, s'éleve à la hauteur de cinq ou six piés, ne pousse qu'une seule tige fort cassante, divisée par noeuds & cendrée comme celle du coudrier, & porte à son extrémité des feuilles larges, épaisses, lisses, à peu-près semblables à celle du nénuphar ou de la sagittale, & traversées d'une côte saillante d'où partent des fibres transversales ; chaque feuille est soûtenue par un pédicule plein de suc & d'environ un pié de long. D'entre les aisselles des feuilles sort une fleur grande, concave, composée d'une seule feuille d'un jaune pâle, avec un pistil jaune dans le milieu, à laquelle succede un chaton qui se change en un fruit de la figure & de la grosseur d'un oeuf d'autruche, verd & plein d'une pulpe blanche & humide, qui acquiert en mûrissant une saveur farineuse. On s'en nourrit dans les tems fâcheux : mais l'excès en est dangereux, cette pulpe étant presqu'aussi froide & aussi venteuse que le champignon de la mauvaise espece ; elle peut suffoquer. On employe le bois à plusieurs usages ; comme il est leger & compact, les Negres en font des bateaux à trois planches assemblées.

L'autre espece d'aninga croît dans les mêmes endroits & prend la même hauteur que la précédente ; mais sa tige a plusieurs branches, épaisses, lisses, rougeâtres, & semblables à celle du platane ; il en sort des feuilles grandes, oblongues, & parsemées de nervures. Elle ne pousse qu'une seule fleur blanche, qui se change en un fruit singulier, d'abord verd, puis cendré, jaune ensuite, oblong, épais, compact, & grenu. Les naturels du pays le mangent au défaut d'autre nourriture.

Les deux especes ont la racine bulbeuse ; on en tire une huile par expression, qu'on substitue à celle de nénuphar & de caprier. On fait cuire la racine dans de l'urine ; & la décoction employée en fomentation appaise les douleurs de la goutte, récente ou invétérée. Hist. plant. Ray.

* ANINGA-PERI, plante de la nature des précédentes, qui croît dans les bois & porte une fleur blanche, à laquelle succedent de petites grappes semblables aux baies de sureau, mais noirâtres. Ses feuilles sont cotonneuses, ovales, d'un verd sale, agréables à la vûe, douces au toucher, ayant la même odeur que l'ortie, & parsemées de nervures épaisses.

On dit que broyées ou pulvérisées, on peut les employer avec succès contre les ulceres récens ou invétérés. Ray.


ANIRANS. m. c'est, selon la superstition des Mages, l'ange ou le génie qui préside aux noces & à tous les troisiemes jours des mois, qui portent son nom & lui sont consacrés. La fête de l'aniran se célébroit autrefois avec pompe, mais le Mahométisme l'a abolie : il n'y a plus que les fideles adorateurs du feu, que l'on appelle aujourd'hui parsis, qui sanctifient ce jour secrettement & dans quelques endroits seulement.


ANISanisum, (Hist. nat. bot.) plante qui doit être rapportée au genre du persil. Voyez PERSIL. (I)

* Sa racine est menue, annuelle, fibrée, blanche : ses feuilles inférieures sont arrondies, d'un verd gai, longues d'un pouce & plus, partagées en trois, crénelées, lisses ; celles qui sont plus haut sont très-découpées : sa tige est branchue, cannelée, & creuse : ses fleurs sont petites, blanches, en rose, disposées en parasol, & composées de cinq pétales échancrées : le calice se change en un fruit oblong, ovoïde, formé de deux semences menues, convexes, & cannelées, d'un verd grisâtre, d'une odeur & d'une saveur douce, très-suave, & mêlée d'une acrimonie agréable. On seme beaucoup d'anis en France, sur-tout dans la Touraine.

L'analyse de la plante entiere & récente, sans la racine, a donné un flegme limpide & odorant, sans aucune marque d'acide ; une liqueur limpide-acide, qui ne se faisoit pas appercevoir d'abord, mais qui s'est ensuite manifestée, & qui est devenue enfin un fort acide ; très-peu d'huile essentielle : ce qui est resté dans l'alambic desséché & distillé à la cornue, a donné une liqueur soit acide, soit alkaline, remplie de sel nitreux, & une huile soit subtile & essentielle, soit épaisse comme de la graisse.

La masse noire calcinée au feu de reverbere pendant six heures, a donné des cendres noires qui ont laissé par la lixiviation un sel fixe purement alkali.

La semence contient beaucoup plus d'huile essentielle que les autres parties. Cette huile est verdâtre, odorante ; & agréable au goût : on l'obtient par expression & par distillation. Il faut pour l'usage de la Medecine choisir la semence d'anis la plus grosse, la mieux nourrie ; la plus nette, récemment séchée, d'une odeur agréable, & d'un goût doux & un peu piquant : elle contient beaucoup d'huile exaltée & de sel volatil ; elle est cordiale, stomacale, pectorale, carminative, digestive ; elle excite le lait aux nourrices, & appaise les coliques.

On l'appelle anis-verd, pour la distinguer de l'anis-dragée.

La semence d'anis entre dans le rossoli de six graines, l'eau générale, l'esprit carminatif de Sylvius, le sirop composé de vélar, d'armoise, de roses pâles purgatif, dans les clysteres carminatifs, l'électuaire de l'herbe aux puces, la confection hamec, la thériaque, le mithridate, l'électuaire lénitif, le catholicon, dans les poudres diatragacanthe, cordiale & hydragogue, & dans les pilules d'agaric.

L'huile d'anis est un des ingrédiens des tablettes émétiques & du baume de soufre anisé.


ANISÉadj. (Pharm.) vin anisé est un vin artificiel, que l'on fait avec dix pintes de miel, trente pintes de vin d'Ascalon, ville maritime de Syrie, & cinq onces d'anis Oribase.

Ce vin est carminatif, légerement diurétique, antielmentique. On en peut faire un pareil avec le meilleur vin blanc de notre pays. (N)


ANITIS(Myth.) nom sous lequel Plutarque nous apprend que Diane fut honorée à Echatane.


ANJOU(Géog.) province & duché de France, borné au septentrion par le Maine, à l'occident par la Bretagne, au midi par le Poitou, & à l'orient par la Touraine. Nous parlerons de ses carrieres à l'article ARDOISE.

Le commerce de cette province consiste en vins, lins, chanvres, ardoises, mines de fer & de charbon, blanchisseries de cire & de toile, affineries de sucre & de salpetre, forges, verreries ; étamines & droguets. Les vins vont à Nantes par la Loire, ou se brûlent en eaux-de-vie qui passent à Paris par le canal de Briare. Les ardoisieres sont principalement aux environs d'Angers. Voyez ARDOISE. Les mines de fer & de charbon sont sur les paroisses de Courson, de S. Georges, &c. Les forges, fourneaux, fonderies, &c. sont à Château-la-Caillere & à Paonnée : les verreries à Chenu : les raffineries de sucre à Angers & Saumur : le salpetre dans cette derniere ville, de même que les blanchisseries ; il y en a encore ailleurs. Les étamines se font à Angers ; elles sont de laine sur soie. On y fabrique des raz, des camelots, & autres serges ; des droguets & des étamines à Lude ; des croisés à Château-Gontier ; des serges tremieres & des droguets à la Fleche, Etauge, Doue, &c. les toiles particulierement à Château-Gontier, Beaufort & Cholet : les unes viennent à Saint-Malo & passent chez l'étranger : les autres à la Rochelle & à Bordeaux, ou restent dans le Poitou. Les toiles appellées platilles se font à Cholet.


ANJOUAou AMIVAN, (Géog. mod.) île d'Afrique assez petite, dans l'océan Ethiopique ; c'est une de celles de Comorre ou de la Maiotte, entre l'île de Madagascar & la côte de Zanguebar.


ANKERS. m. (Commerce.) mesure des liquides, dont on se sert à Amsterdam. L'anker est la quatrieme partie de l'aem & contient deux stekans : chaque stekan fait seize mingles ou mingelles ; chaque mingle est de deux pintes de Paris ; ensorte que l'anker contient soixante & quatre pintes de cette derniere mesure. (G)


ANNAS. f. (Myth.) déesse qui présidoit aux années, & à laquelle on sacrifioit dans le mois de Mars. C'est, selon quelques-uns, la Lune ; selon d'autres, c'est ou Themis, ou Io, ou une des Atlantides.

* ANNA, (Geog mod.) ville de l'Arabie deserte, sur l'Euphrate ; d'autres disent de Mésopotamie, sur l'une & l'autre rive du même fleuve ; la partie opulente d'Anna est du côté de l'Arabie.

ANNA-BERG, ville d'Allemagne, dans la Misnie, sur la riviere de Schop.


ANNA-PERENNA(Myth) bonne paysanne qui apporta quelques gâteaux au peuple Romain, dans le tems qu'il se retira sur le mont Aventin. La reconnoissance du peuple en fit une déesse, que Varron met au nombre de celles de la campagne, entre Palès & Cerès. Sa fête se célébroit sur les bords du Tibre : pendant cette fête, on se livroit à la joie la plus vive, on buvoit largement, on dansoit, & les jeunes filles chantoient sans conséquence des vers fort libres. On dit de la nouvelle déesse, qu'à sa réception dans le ciel, Mars qui étoit amoureux de Minerve, la pria de le servir dans ses amours ; qu'Anna Perenna, à qui le dieu n'étoit pas indifférent, proposa ses conditions, & se chargea de la commission ; mais que n'ayant pu réussir, & ne voulant pas perdre la récompense qui lui étoit promise, elle feignit à Mars, que Minerve consentoit à l'épouser ; qu'elle se couvrit d'un habit de la déesse, & qu'elle se trouva au rendez-vous inutilement ; Mars reconnut Anna-Perenna sous les habits de Minerve.


ANNACIOUou ANNACIUGI (LES) s. m. pl. (Géog. mod.) peuples de l'Amérique méridionale, dans le Bresil.


ANNAGH(Géog. mod.) ville d'Irlande, dans l'Ultonie & le comté de Cavan. Il y en a une autre du même nom dans le comté de Downe.


ANNAIREannaria lex, (Hist. anc) loi annaire ou annale, que les Romains avoient prise des Athéniens, & qui régloit l'âge requis pour parvenir aux charges de la République ; dix-huit ans ; par exemple, pour être chevalier Romain, & vingt-cinq pour obtenir le consultat. (G)


ANNALESS. f. (Hist. en génér.) rapport historique des affaires d'un état, rédigées par ordre des années. Voyez AN. La différence qui se trouve entre les annales & l'histoire, est un point différemment traité par divers auteurs. Quelques-uns disent que l'histoire est proprement un récit des choses que l'auteur a vûes, ou du moins auxquelles il a lui-même assisté ; ils se fondent pour cela sur l'étymologie du mot histoire qui signifie en Grec, la connoissance des choses présentes ; & dans le vrai, ἱστορεῖν signifie voir : au contraire, disent-ils, les annales rapportent ce que les autres ont fait, & ce que l’écrivain ne vit jamais. Voyez HISTOIRE.

Tacite lui-même paroît avoir été de ce sentiment, puisqu'il intitule annales toute la premiere partie de son histoire des siecles passés ; au lieu que descendant au tems même où il vivoit, il change ce titre, & donne à son livre le nom d'histoire

Aulugelle est d'un autre avis : il soûtient que l'histoire & les annales different comme le genre & l'espece, que l'histoire est le genre, & suppose une narration & récit des choses passées ; que les annales sont l'espece, & sont aussi le récit des choses passées, mais avec cette différence, qu'on les réduit à certaines périodes ou années.

Le même auteur rapporte une autre opinion ; qu'il dit être de Sempronius Asello : suivant cet écrivain, les annales sont une relation toute nue de ce qui se passe chaque année, au lieu que l'histoire nous apprend non-seulement les faits mais encore leurs causes, leurs motifs & leurs sources. L'analyste n'a rien autre chose à faire que l'exposition des évenemens, tels qu'ils sont en eux-mêmes : l'historien au contraire a de plus à raisonner sur ces évenemens & leurs circonstances, à nous en développer les principes, & réflechir avec étendue sur les conséquences. Ciceron paroît avoir été de ce dernier sentiment, lorsqu'il dit des analystes ; unam dicendi laudem putant esse brevitatem, non exornatores rerum, sed tantùm narratores. Il ajoûte qu'originairement l'histoire n'étoit qu'une collection d'annales.

L'objet en fut, dit-il, de conserver la mémoire des évenemens : le souverain Pontife écrivoit chaque année ce qui s'étoit passé l'année précédente, & l'exposoit en un tableau, dans sa maison, où chacun le pouvoit lire à son gré. C'étoit ce qu'ils appelloient annales maximi, & l'usage en fut conservé jusqu'à l'an 620 de la fondation de Rome. Voyez FASTES.

Plusieurs autres écrivains, à l'imitation du Pontife, s'en tinrent à cette maniere simple de raconter les choses sans commentaires, & furent pour cela même appellés analystes. Tels furent Caton, Pison, Fabius Pictor, Antipater, &c.

Les annales de Grotius sont un livre bien écrit, & qui contient de fort bonnes choses. Il a moins de particularités, mais plus de profondeur que Strada ; & d'ailleurs il approche beaucoup plus de Tacite. Patin, Lett. chois. 120

Lucas Holstenius, chanoine de S. Jean de Latran, disoit du ton le plus positif à Naudé, qu'il étoit en état de montrer 8000 faussetés dans les annales de Baronius, & de les prouver par manuscrits contenus dans la bibliotheque du Vatican dont il avoit soin. Patin, Lett. chois. 165 (G)


ANNAN(Géog. mod.) ville, château & riviere de l'Ecosse méridionale, province d'Annandale. Long. 14. lat. 55. 10.


ANNATES. f. (Hist. mod. Théol.) revenu d'un an, ou taxe sur le revenu de la premiere année d'un bénéfice vacant. Il y a eu dès le xije siecle des évêques & des abbés, qui par un privilége ou par une coûtume particuliere recevoient les annates des bénéfices vacans, dépendans de leur diocese ou de leur abbaye. Etienne, abbé de Sainte Génevieve, & depuis évêque de Tournai, se plaint dans une lettre adressée à l'archevêque de Reims, que l'évêque de Soissons s'étoit reservé l'annate d'un bénéfice, dont le titulaire n'avoit pas de quoi vivre. Par ce fait & par plusieurs autres semblables, il paroît que les papes avoient accordé le droit d'annate à différens collateurs, avant que de se l'attribuer à eux-mêmes. L'époque de son origine n'est pas bien certaine. Quelques-uns la rapportent à Boniface IX. d'autres à Jean XXII. & d'autres à Clement V. mais M. de Marca, lib. V. de concord. c. x. & xj. observe que du tems d'Alexandre IV. il s'étoit élevé de grandes disputes au sujet des annates, & par conséquent qu'elles étoient dès-lors en usage.

Clement V. les établit en Angleterre. Jean XXII. se réserva les annates de tous les bénéfices qui vaqueroient durant trois ans dans toute l'étendue de l'Eglise catholique, à la reserve des évêchés & des abbayes. Ses successeurs établirent ce droit pour toûjours, & y obligerent les évêques & les abbés. Platine dit que ce fut Boniface IX. qui pendant le schisme d'Avignon, introduisit cette coûtume, mais qu'il n'imposa pour annate que la moitié de la premiere année du revenu. Thiery de Niem dit que c'étoit un moyen de cacher la simonie, dont Boniface IX. ne se faisoit pas grand scrupule. Le Jurisconsulte Dumoulin & le docteur de Launoy ont soûtenu en conséquence que les annates étoient simoniaques. Cependant Gerson & le cardinal d'Ailly, qu'on n'accusera pas d'être favorables aux papes, ont prouvé qu'il étoit permis de payer les annates, par l'exemple des réserves, des pensions, des décimes, ou autres impositions sur les fruits des bénéfices, qu'on ne regarde point comme des conventions simoniaques. Ce qu'il y a de plus important à remarquer pour la justification des annates, c'est qu'on ne les paye point pour les provisions, qui s'expédient toûjours gratis, mais à titre de subvention, ou, comme parlent les Canonistes, de subsidium charitativum, pour l'entretien du pape & des cardinaux. On peut consulter sur cette matiere Fagnan, qui l'a traitée fort au long.

Il faut avoüer cependant que les François ne se sont soûmis qu'avec peine à cette charge. Le roi Charles VI. en condamnant le prétendu droit de dépouilles, par son édit de 1406, défendit de payer les annates, & les taxes qu'on appelloit de menus services, minuta servitia. Dans le même tems ce prince fit condamner par arrêt du parlement, les exactions de l'anti-pape Benoît de Lune, surtout par rapport aux annates.

Dans le concile de Constance en 1414, il y eut de vives contestations au sujet des annates ; les François demandoient qu'on les abolît, & s'assemblerent pour ce sujet en particulier. Jean de Scribani, Procureur fiscal de la chambre apostolique, appella au pape futur de tout ce qui pourroit être décidé dans cette congrégation particuliere ; les cardinaux se joignirent à lui, & l'affaire demeura indécise ; car Martin V. qui fut élu, ne statua rien sur cet article. Cependant en 1417, Charles VI. renouvella son édit contre les annates : mais les Anglois s'étant rendus maîtres de la France, le duc de Bedfort, régent du royaume pour eux, les fit rétablir. En 1433 le concile de Bâle décida par le decret de la session 12, que le pape ne devoit rien recevoir pour les bulles, les sceaux, les annates, & autres droits qu'on avoit coûtume d'exiger pour la collation & la confirmation des bénéfices. Il ajoûta que les évêques assemblés pourvoiroient d'ailleurs à l'entretien du Pape, des officiers, & des cardinaux, à condition que si cette proposition n'étoit point exécutée, on continueroit de payer la moitié de la taxe ordinaire pour les bénéfices qui étoient sujets au droit d'annates, non point avant la concession des bulles, mais après la premiere année de la joüissance. Dans le decret de la session 21, qui est relatif à celui de la douzieme, le même concile semble abolir les annates : mais il approuve qu'on donne au Pape un secours raisonnable pour soûtenir les charges du gouvernement ecclésiastique, sans toutefois fixer sur quels fonds il le prendra. L'assemblée de Bourges en 1438, à laquelle assista le roi Charles VII. reçut le decret du concile de Bâle contre les annates, & accorda seulement au pape une taxe modérée sur les bénéfices vacans pendant sa vie, & à cause des besoins pressans de la cour de Rome, mais sans tirer à conséquence. Charles VII. avoit confirmé dès 1422 les édits de son prédecesseur. Louis XI. avoit rendu de pareils édits en 1463 & 1464. Les Etats assemblés à Tours en 1493, présenterent à Charles VIII. une requête pour l'abolition des annates ; & il est sûr qu'on ne les paya point en France, tant que la pragmatique-sanction y fut observée. Mais elles furent rétablies par le concordat pour les évêchés & les abbayes, comme le remarque M. de Marca, lib. VI. de concord. cap. xj. n°. 12. car les autres bénéfices sont tous censés au-dessous de la valeur de vingt-quatre ducats, & par conséquent ne sont pas sujets à l'annate. Malgré cette derniere disposition, qui a aujourd'hui force de loi dans le royaume, François I. fit remontrer au pape l'injustice de ces exactions, par les cardinaux de Tournon & de Grammont, ses ambassadeurs extraordinaires en 1532. Henri II. dans les instructions données à ses ambassadeurs envoyés au concile de Trente en 1547, demandoit qu'on supprimât ces impositions ; & enfin Charles IX. en 1561 donna ordre à son ambassadeur auprès du pape, de poursuivre l'abolition des annates, que la Faculté de Théologie de Paris avoit déclarées simoniaques. Ce decret de la Faculté ne condamnoit comme tel que les annates exigées pour les provisions sans le consentement du roi & du clergé, & non pas celles qui se payent maintenant sous le titre de subvention, suivant la disposition du concile de Bâle.

En Angleterre, l'archevêque de Cantorbery joüissoit autrefois des annates de tous les bénéfices de son diocèse, par un privilége du pape, comme rapporte Matthieu Paris dans son histoire d'Angleterre sur l'année 746. Clement V. en 1305 se fit payer les annates de tous les bénéfices quelconques vacans en Angleterre pendant deux ans, comme écrit Matthieu de Westminster : ou pendant trois ans, selon Walsingham. Les annates furent depuis établies dans tout ce royaume, jusqu'à Henri VIII qui les abolit.

Par le concordat fait entre la nation Germanique & le pape Nicolas V, en 1448, on regla que tous les évêchés & les abbayes d'hommes payeroient l'annate ; que les autres bénéfices n'y seroient sujets, que quand le revenu seroit de vingt-quatre florins d'or. Charles V. fit des efforts inutiles pour abolir les annates en Allemagne ; & l'article de l'ordonnance d'Orléans, qui les abrogeoit en France, fut révoqué par l'édit de Chartres en 1562.

Paul II. fit une bulle en 1469, pour ordonner qu'on payeroit les annates de quinze ans en quinze ans pour les bénéfices sujets à ce droit, qui seroient unis à quelque Communauté. Ses successeurs confirmerent ce réglement. Fagnan remarque que quand il arrive plusieurs vacances du même bénéfice dans la même année, on ne paye qu'une seule annate : ce qui prouve, ajoûte-t-il, que ce n'est point pour la collation des bénéfices, mais pour l'entretien du pape & du sacré collége. Voyez ce canoniste, Fevret, le P. Alexandre, M. de Marca, &c. Thomassin, Discipline de l'Egl. part. IV. liv. IV. ch. xxxv. & xxxvj. Fleury, Instit. au Droit ecclés. tom. I. part. XVII. chap. xxjv. pag. 424.


ANNEAUS. m. (Hist. anc. & mod.) petit corps circulaire que l'on met au doigt, soit pour servir d'ornement, soit pour quelque cérémonie.

L'anneau des évêques fait un de leurs ornemens pontificaux : on le regarde comme le gage du mariage spirituel que l'évêque a contracté avec son église.

L'anneau des évêques est d'un usage fort ancien. Le quatrieme concile de Tolede, tenu en 633, ordonne qu'un évêque qui aura été condamné par un concile, & qu'ensuite un second concile aura déclaré innocent, sera rétabli dans sa dignité, en lui rendant l'anneau, le bâton épiscopal ou la crosse, &c.

L'usage de l'anneau a passé des évêques aux cardinaux, qui doivent payer une certaine somme pro jure annuli cardinalitii. Voyez CARDINAL.

Origine des anneaux. Pline, liv. XXXVII. chap. j. observe que l'on ignore entierement qui est celui qui a le premier inventé ou porté l'anneau, & qu'on doit regarder comme une fable l'histoire de Promethée & celle de Midas. Les premiers peuples parmi lesquels nous trouvons l'usage de l'anneau établi, sont les Hébreux, Gen. xxxviij. dans cet endroit il est dit que Judas, fils de Jacob, donna à Thamar son anneau pour gage de sa promesse : mais il y a apparence que l'anneau étoit en usage dans le même tems chez les Egyptiens, puisque nous lisons, Gen. xlj. que le roi Pharaon mit un anneau au doigt de Joseph, comme une marque de l'autorité qu'il lui donnoit. Dans le premier liv. des Rois, ch. xxj. Jezabel scelle de l'anneau du roi l'ordre qu'elle envoye de tuer Naboth.

Les anciens Chaldéens, Babyloniens, Perses, & Grecs, se servoient aussi de l'anneau, comme il paroît par différens passages de l'Ecriture & de Quinte-Curce. Ce dernier auteur dit qu'Alexandre scella de son propre sceau les lettres qu'il écrivit en Europe, & qu'il scella de l'anneau de Darius celles qu'il écrivit en Asie.

Les Persans prétendent que Guiamschild, quatrieme roi de leur premiere race, est le premier qui se soit servi de l'anneau, pour en signer ses lettres & ses autres actes. Les Grecs, selon Pline, ne connoissoient point l'anneau du tems de la guerre de Troie ; la raison qu'il en donne, c'est qu'Homere n'en fait point mention : mais que quand on vouloit envoyer des lettres, on les lioit ensemble avec des cordes que l'on noüoit.

Les Sabins se servoient de l'anneau dès le tems de Romulus : il y a apparence que ces peuples furent les premiers qui reçurent cette pratique des Grecs. Des Sabins elle passa aux Romains, chez qui cependant on en trouve quelques traces un peu de tems auparavant. Pline ne sauroit nous apprendre lequel des rois de Rome l'a adopté le premier ; ce qui est certain, c'est que les statues de Numa & de Servius Tullius étoient les premieres où l'on en trouvoit des marques. Le même auteur ajoûte que les anciens Gaulois & Bretons se servoient aussi de l'anneau. Voyez SCEAU.

Matiere des anneaux. Quelques-uns étoient d'un seul & unique métal ; d'autres étoient de plusieurs métaux mêles, ou de deux métaux distingués : car le fer & l'argent des anneaux étoient souvent dorés, ou au moins l'or étoit renfermé dans le fer, comme il paroît par un passage d'Artemidore, liv. II. ch. v. les Romains se contenterent long-tems d'anneaux de fer ; & Pline assûre que Marius fut le premier qui en porta un d'or, dans son troisieme consulat, l'an de Rome 650. Quelquefois l'anneau étoit de fer, & le sceau d'or ; quelquefois il étoit creux, & quelquefois solide ; quelquefois la pierre en étoit gravée, quelquefois elle étoit unie : dans le premier cas, elle étoit gravée tantôt en relief, tantôt en creux. Les pierres de cette derniere espece étoient appellées gemmae ectypae, & les premieres, gemmae sculpturâ prominente.

La maniere de porter l'anneau étoit fort différente selon les différens peuples : il paroît par le ch. xxij. de Jéremie, que les Hébreux le portoient à la main droite. Chez les Romains, avant que l'on eût commencé à orner les anneaux de pierres précieuses, & lorsque la gravure se faisoit encore sur le métal même, chacun portoit l'anneau à sa fantaisie, au doigt & à la main qu'il lui plaisoit. Quand on commença à enchâsser des pierres dans les anneaux, on ne les porta plus qu'à la main gauche ; & on se rendoit ridicule quand on les mettoit à la main droite.

Pline dit qu'on les porta d'abord au quatrieme doigt de la main, ensuite au second, ou index ; puis au petit doigt ; & enfin à tous les doigts, excepté celui du milieu. Les Grecs porterent toûjours l'anneau au quatrieme doigt de la main gauche, comme nous l'apprend Aulugelle, lib. X. la raison que cet auteur en donne est prise dans l'Anatomie : c'est, selon lui, que ce doigt a un petit nerf qui va droit au coeur, ce qui fait qu'il étoit regardé comme le plus considérable des cinq doigts, à cause de sa communication avec une si noble partie. Pline dit que les anciens Gaulois & les anciens Bretons portoient l'anneau au doigt du milieu.

D'abord on ne porta qu'un seul anneau ; puis un à chaque doigt : Martial, liv. XI. épig. lx. enfin un à chaque jointure de chaque doigt. Voyez Aristophane, in Nub. Peu-à-peu le luxe s'augmenta au point qu'on eut des anneaux pour chaque semaine. Juvenal, sat. vij. parle d'anneaux semestres, annuli semestres : on eut aussi des anneaux d'hyver & des anneaux d'été. Lampride remarque, ch. xxxij. que personne ne porta là-dessus le luxe aussi loin qu'Heliogabale, qui ne mit jamais deux fois le même anneau, non plus que les mêmes souliers.

On a aussi porté les anneaux au nez comme des pendans d'oreilles. Bartholin a fait un traité exprès, de annulis narium, des anneaux des narines. S. Augustin nous apprend que c'étoit l'usage parmi les Maures de les porter ainsi ; & Pietro della Valle fait la même remarque au sujet des Orientaux modernes.

On peut dire qu'il n'y a point de partie du corps où on n'ait porté l'anneau. Différens voyageurs nous assûrent que dans les Indes orientales, les naturels du pays portent des anneaux au nez, aux levres, aux joues, & au menton. Selon Ramnusio, les dames de Narsingua dans le Levant, & selon Diodore, liv. III. les dames d'Ethiopie avoient coûtume d'orner leurs levres d'anneaux de fer.

A l'égard des oreilles, c'est encore une chose ordinaire partout que de voir des hommes & des femmes y porter des anneaux. Voyez PENDANT.

Les Indiens, particulierement les Guzarates, ont porté des anneaux aux piés. Lorsque Pierre Alvarez eut sa premiere audience du roi de Calicut, il le trouva tout couvert de pierres enchâssées dans des anneaux : il avoit à ses deux mains des bracelets, & des anneaux à ses doigts ; il en avoit jusqu'aux piés & aux orteils. Louis Bortome nous parle d'un roi de Pegu, qui portoit à chaque orteil, ou gros doigt du pié, une pierre enchâssée dans un anneau.

Usage des anneaux. Les anciens avoient trois différentes sortes d'anneaux : la premiere servoit à distinguer les conditions & les qualités. Pline assûre que d'abord il n'étoit pas permis aux sénateurs de porter un anneau d'or, à moins qu'ils n'eussent été ambassadeurs dans quelque cour étrangere ; qu'il ne leur étoit pas même permis de porter en public l'anneau d'or, excepté dans les cérémonies publiques ; le reste du tems ils portoient un anneau de fer : ceux qui avoient eu les honneurs du triomphe étoient assujettis à la même loi.

Peu-à-peu les sénateurs & les chevaliers eurent la permission de porter presque toûjours l'anneau d'or : mais Acron, sur la Sat. vij. liv. II. d'Horace, remarque qu'il étoit nécessaire pour cela que l'anneau d'or leur eût été donné par le préteur.

Dans la suite l'anneau d'or devint une marque distinctive des chevaliers : le peuple portoit des anneaux d'argent, & les esclaves des anneaux de fer : cependant l'anneau d'or étoit quelquefois permis au peuple ; & Severe accorda à ses soldats la liberté de le porter. Auguste donna la même permission aux affranchis. Néron fit à la vérité dans la suite un réglement contraire : mais on cessa bien-tôt de l'observer.

Les anneaux de la seconde espece étoient ceux qu'on nommoit annuli sponsalitii, anneaux d'épousailles ou de noces. Quelques auteurs font remonter l'origine de cet usage jusqu'aux Hébreux : ils se fondent sur un passage de l'Exode, xxxv. 22. Léon de Modene cependant soûtient que les anciens Hébreux ne se sont jamais servis d'anneau nuptial. Selden, dans son uxor hebraica, liv. II. ch. xjv. remarque qu'à la vérité ils donnoient un anneau dans la cérémonie de mariage ; mais que cet anneau ne faisoit que tenir lieu d'une piece de monnoie de même valeur qu'ils donnoient auparavant. Les Grecs & les Romains faisoient la même chose ; & c'est d'eux que les Chrétiens ont pris cet usage, qui est fort ancien parmi eux, comme il paroît par Tertullien & par quelques anciennes liturgies, où nous trouvons la maniere de bénir l'anneau nuptial. Voyez MARIAGE.

Les anneaux de la troisieme espece étoient destinés à servir de sceaux : on les appelloit cerographi, ou cirographi, sur lesquels voyez l'article SCEAU.

Richard, évêque de Salisbury, dans ses Constitutions, ann. 1217, défend de mettre au doigt des femmes des anneaux de jonc, ou d'autre matiere semblable, pour venir plus aisément à bout de les débaucher ; & il insinue en même tems la raison de cette défense ; savoir, qu'il y avoit des filles assez simples pour croire que l'anneau ainsi donné par jeu étoit un véritable anneau nuptial.

De Breville, dans ses Antiquités de Paris, dit que c'étoit autrefois une coûtume de se servir d'anneau de jonc dans le mariage, lorsqu'on avoit eu commerce ensemble auparavant. Voyez CONCUBINE.

Les anciens Germains portoient un anneau de fer pour marque d'esclavage, jusqu'à ce qu'ils eussent tué un ennemi de la nation. Et dans le tems que les investitures avoient lieu en Allemagne, l'empereur ou le prince qui confirmoit l'élection des évêques, leur mettoit au doigt l'anneau pastoral. Dans l'église romaine il a été défendu par des conciles aux ecclésiastiques de porter des anneaux, à moins qu'ils ne fussent constitués en dignité, comme évêques ou abbés. (G)

ANNEAU, s. m. terme d'Astronomie : l'anneau de Saturne est un cercle mince & lumineux qui entoure le corps de cette planete, sans cependant y toucher. Voyez SATURNE.

La découverte de cet anneau est dûe à M. Huyghens : cet astronome, après plusieurs observations, apperçut deux points lumineux ou anses, qui paroissoient sortir du corps de Saturne en droite ligne.

Ensuite ayant revû plusieurs fois différemment le même phénomene, il en conclut que Saturne étoit entouré d'un anneau permanent : en conséquence il mit au jour son nouveau système de Saturne en 1659.

Le plan de l'anneau est incliné au plan de l'écliptique, sous un angle de 23d 30'. Il paroît quelquefois oval ; & selon Campani, son grand diametre est double du petit. Voyez PLANETE.

Cet anneau lumineux est par-tout également éloigné de la surface de Saturne, & se soûtient à une assez grande distance comme une voûte, chaque partie pesant vers le centre de la planete. Son diametre est un peu plus du double du diametre de Saturne ; & quoique l'épaisseur de cette bande circulaire soit fort mince, sa largeur ou profondeur est néanmoins si considérable, qu'elle égale à très-peu près la moitié de la distance de la superficie extérieure de l'anneau à la surface de Saturne. Au reste cet anneau se soûtient toûjours de la même maniere, renfermant un grand vuide tout autour, entre sa surface concave & la surface extérieure du globe de Saturne. Le plan de cet anneau ne paroît pas différer bien sensiblement du plan de l'orbite du quatrieme satellite de Saturne. Quant à l'usage dont peut être un anneau si extraordinaire, c'est ce que nous ne savons pas bien précisément ; & même il est probable qu'on l'ignorera encore long-tems ; car nous ne voyons rien de semblable ni d'analogue à ce phénomene, en parcourant tout ce que l'on a observé de plus merveilleux dans la nature. M. de Maupertuis, dans son livre de la figure des Astres, a expliqué d'une maniere ingénieuse la formation de l'anneau de Saturne : il suppose que la matiere de l'anneau étoit originairement fluide, & pesoit à la fois vers deux centres ; savoir, vers le centre de Saturne, & vers un autre placé dans l'intérieur de l'anneau ; & il fait voir que Saturne a dû avoir un anneau en vertu de cette double tendance. (O)

ANNEAU SOLAIRE ou HORAIRE, est une espece de petit cadran portatif, qui consiste en un anneau ou cercle de cuivre d'environ deux pouces de diametre, & d'un tiers de pouce de largeur. Voyez CADRAN.

Dans un endroit du contour de l'anneau il y a un trou, par lequel on fait passer un rayon du soleil, qui fait une petite marque lumineuse à la circonférence concave du demi-cercle opposé ; & le point sur lequel tombe cette petite marque, donne l'heure du jour que l'on cherche.

Mais cet instrument n'est bon que dans le tems de l'équinoxe ; pour qu'il puisse servir tout le long de l'année, il faut que le trou puisse changer de place, & que les lignes du zodiaque ou les jours du mois soient marqués sur la convexité de l'anneau ; au moyen de quoi le cadran peut donner l'heure pour tel jour de l'année qu'on veut.

Pour s'en servir, il ne faut que mettre le trou sur le jour du mois ou sur le degré du zodiaque que le soleil occupe, ensuite suspendre le cadran à l'ordinaire vis-à-vis du soleil ; le rayon qui passera par le trou, marquera l'heure sur le point où il tombera.

ANNEAU ASTRONOMIQUE ou UNIVERSEL, est un anneau solaire, qui sert à trouver l'heure du jour en quelqu'endroit que ce soit de la terre, au lieu que l'usage de celui dont nous venons de parler est borné à une certaine latitude. Sa forme est représentée dans les Planches de Gnomonique, fig. 22. Voyez aussi CADRAN.

Cet instrument se fait de différente grandeur ; il y en a depuis deux pouces de diametre jusqu'à six : il consiste en deux anneaux ou cercles minces, qui sont larges & épais à proportion de la grandeur de l'instrument. L'anneau extérieur. A représente le méridien du lieu où l'on est ; il contient deux divisions de 90d chacune, diamétralement opposées, & qui servent, l'une pour l'hémisphere boréal, l'autre pour l'hémisphere austral. L'anneau intérieur représente l'équateur, & tourne exactement en-dedans du premier par le moyen de deux pivots qui sont dans chaque anneau à l'heure de 12. A travers les deux cercles est une petite regle ou lame mince avec un curseur marqué C, qui peut glisser le long du milieu de la regle. Dans ce curseur est un petit trou pour laisser passer les rayons du soleil.

On regarde l'axe de la regle comme l'axe du monde, & ses extrémités comme les deux poles. D'un côté sont les signes du zodiaque, de l'autre les jours du mois : sur le méridien est une piece qui peut glisser, & à laquelle on attache un petit pendant qui porte un anneau pour tenir l'instrument.

Usage de cet instrument. Mettez la ligne A, marquée sur le milieu du pendant, au degré de latitude du lieu, par exemple, 48d 50' pour Paris ; mettez la ligne qui traverse le trou du curseur au degré du signe, ou au jour du mois ; ouvrez ensuite l'instrument, de sorte que les deux anneaux fassent un angle droit entre eux, & suspendez-le par le pendant H, de maniere que l'axe de la regle qui représente celui de l'instrument puisse être parallele à l'axe du monde ; ensuite tournez le côté plat de la regle vers le soleil, jusqu'à ce que le rayon qui passera par le petit trou tombe exactement sur la ligne circulaire qui est tracée au milieu de la circonférence concave de l'anneau intérieur : le rayon solaire marquera l'heure qu'il est sur cette circonférence concave.

Il faut remarquer que l'heure de 12 ou de midi n'est point donnée par le cadran, par la raison que le cercle extérieur étant dans le plan du méridien, il empêche les rayons du soleil de tomber sur le cercle intérieur : le cadran ne donnera point non plus l'heure quand le soleil sera dans l'équateur, parce qu'alors ses rayons seront paralleles au plan du cercle intérieur.

Il y a encore une autre espece d'anneau astronomique, construit à peu-près sur les mêmes principes que ce dernier, excepté qu'au lieu de deux cercles, il en a trois : il a quelques avantages sur celui-ci, en ce qu'il donne l'heure de midi, & qu'il marque lorsque le soleil est dans l'équateur ; il est même un peu plus juste. Au reste on ne se sert presque plus de ces instrumens, l'usage des montres ayant rendu inutiles tous ces cadrans qui ne donnent pas l'heure avec une certaine justesse.

Anneau astronomique est encore le nom d'un instrument dont on se sert en mer pour prendre la hauteur du soleil : c'est une espece de zone ou de cercle de métal. Voyez la Pl. de navig. fig. 1. Dans cette zone il y a un trou C, qui la traverse parallelement à son plan ; ce trou est éloigné de 45 degrés du suspensoir B ; & il est le centre d'un quart de cercle D E, dont un des rayons terminans C E, est parallele au diametre vertical, & l'autre C D est horisontal & perpendiculaire à ce même diametre B H. Pour diviser l'arc F G de cet anneau en 90d, on décrit sur un plan un cercle F G C égal à la zone intérieure de l'anneau : du point C, pris à 45d du point B, comme centre, & d'un rayon pris à volonté, on décrit un quart de cercle P Q R, dont le rayon terminant P C est perpendiculaire au diametre B D, & l'autre C R lui est parallele ; on divise ensuite ce quart de cercle en degrés, & on tire par le centre C, & par tous les points de division du quart de cercle, des rayons qui coupent la circonférence F D G, en autant de points qui répondront à des degrés de ce quart de cercle. Ces divisions ou degrés pris & transportés respectivement dans l'anneau astronomique depuis F jusqu'en G, le diviseront parfaitement.

Pour observer la hauteur du soleil avec cet instrument ; il le faut suspendre par la boucle B, & le tourner vers le soleil A, de sorte que son rayon passe par le trou C ; il marquera au fond de l'anneau de F en I, les degrés de la hauteur du soleil entre le rayon horisontal C F, & le rayon de l'astre C I ; & la partie I H G marquera sa distance au zénith, déterminée par le rayon C I de l'astre, & le rayon vertical C G.

Les observations faites avec l'anneau astronomique sont plus exactes qu'avec l'astrolabe, parce qu'à proportion de sa grandeur, les degrés de l'anneau sont plus grands. Voyez ASTROLABE. (T)

ANNEAU, en Anatomie, nom que l'on donne à l'écartement des fibres de l'oblique externe vers sa partie inférieure, pour le passage du cordon spermatique dans les hommes, & du ligament rond dans les femmes. Voyez CORDON SPERMATIQUE, &c.

L'intestin & l'épiploon s'engagent quelquefois dans cet anneau, & forment des descentes ou hernies inguinales. Voyez HERNIE, &c. (L)

* ANNEAU, (Agriculture.) c'est un sarment ainsi appellé, de la maniere dont il est contourné ; on le passe sous un sep lorsqu'on le provigne. Voyez SEP.

* ANNEAU, (mesure de bois.) c'est un cercle de fer qui a six piés & demi de circonférence, que l'on nomme aussi moule, & dont le patron ou prototype est à l'hôtel-de-ville. C'est sur ce patron que tous ceux dont on se sert sont étalonnés & marqués aux armes de la ville. Trois moules ou anneaux remplis, plus douze bûches, doivent faire la charge d'une charrette. Le tout fait ordinairement depuis cinquante-deux jusqu'à soixante-deux bûches, qui sont nommées par cette raison bois de compte. Toutes les bûches qui sont au-dessous de dix-sept à dix-huit pouces de grosseur, doivent être rejettées du moule & renvoyées au bois de corde : mais il y a encore tant d'inégalité entre les plus grosses, que souvent ce nombre ne se trouve pas complet. Il y en a quelquefois de si grosses, sur-tout dans le bois qui vient de Montargis, que les quarante-sept ou quarante-huit bûches remplissent les trois anneaux, & font la voie. Voyez VOIE.

Le bois qui vient par la riviere d'Andelle, & qui en porte le nom, n'ayant que deux piés & demi de longueur ; quand il s'en rencontre d'assez gros pour être de moule ou de compte, on en donne quatre anneaux & seize bûches pour la voie. Voyez ANDELLE.

ANNEAU, (Mar.) c'est un cercle de fer ou d'autre matiere solide, dont on se sert pour attacher les vaisseaux. Il y a dans tous les ports & sur tous les quais des anneaux de fer pour attacher les navires & les bateaux. (Z)

ANNEAU, en Serrurerie, c'est un morceau de fer rond ou quarré, disposé circulairement à l'aide de la bigorne de l'enclume ; mais dont les deux extrémités sont soudées ensemble. On s'en sert pour attacher des bateaux, suspendre des rideaux, &c.

Anneau de clé ; on appelle dans une clé l'anneau, la partie de la clé que l'on tient à la main, & qui aide à la mouvoir commodément dans la serrure ; sa forme est communément en coeur ou ovale. On verra à l'article CLE la maniere de forger l'anneau.

On pratique quelquefois dans la capacité de l'anneau différens desseins ; pour cet effet on commence par le forger plein & rond : mais on n'orne ainsi que les clés des serrures de conséquence. Voyez CLE.

ANNEAU, chez les Bourreliers, est un morceau de fer ou de cuivre configuré comme tout ce qui porte le nom d'anneau. Il est au bout du poitrail de chaque côté, & soûtient un trait M, fig. 8. Pl. du Bourrelier, qui va se boucler sous le brancard, au trait de brancard qui tient à l'aissieu.

ANNEAUX. s. m. pl. ce sont dans les manufactures en soie, de très-petits cercles de fer, qu'on appelle encore yeux de perdrix, qu'on passe dans les cordes du rame. Chaque corde du rame a son oeil de perdrix, & chaque oeil de perdrix reçoit une corde du semple. On attache les cordes du semple aux yeux de perdrix qui sont passés dans les cordes du rame, parce qu'on se procure ainsi deux avantages : le premier, de fatiguer moins les cordes du rame & celles du semple, l'oeil de perdrix pouvant glisser sur la corde du rame quand on tire le semple, ce qui n'arriveroit pas si les cordes du semple étoient noüées à celles du rame : le second, de pouvoir séparer plus facilement une corde du semple des autres cordes quand on en a besoin ; cette corde pouvant avancer ou reculer par le moyen de l'oeil de perdrix qui forme une attache, mais qui ne forme pas une attache fixe. Voyez SEMPLE, RAME, METIER DE VELOURS CISELE.

ANNEAUX de vergues, (Marine.) ce sont de petits anneaux de fer que l'on met deux ensemble dans de petites crampes, qu'on enfonce de distance en distance dans la grande vergue & dans celle de mizaine. L'un de ces anneaux sert à tenir les garcettes qui servent à plier les voiles ; & pour arrêter ces mêmes garcettes, on en passe le bout dans l'autre anneau.

Anneaux de chaloupes ; ce sont de grosses boucles de fer sur le plus haut du port, auxquelles on amarre les chaloupes.

Anneaux de sabords ; ce sont de certaines boucles de fer médiocrement grosses, dont on se sert pour fermer, saisir ou amarrer les mantelets des sabords.

Anneaux ou boucles d'écoutilles. Il y a des anneaux de fer sur les tillacs près les écoutilles, pour les amarrer & tenir fermes pendant les gros tems : il y en a aussi pour les canons par-derriere, & ils servent à les mettre aux sabords, ou à les haler en-dedans.

ANNEAUX D'ETAI. Voyez DAILLOTS.

ANNEAUX de corde ; c'est ce qui sert à faire un noeud coulant. (Z)


ANNECY(Géog. mod.) ville du duché de Savoie dans le Génevois, sur la riviere de Sier, au bord du lac d'Annecy. Long. 23. 44. lat. 45. 53.


ANNEDOTSS. m. pl. (Myth.) divinités des Chaldéens, faites à l'imitation des Anges bons & mauvais.


ANNÉES. f. Voyez AN.


ANNELETS. m. terme de Blason, petit anneau tout rond. (V)

ANNELET, en Passementerie, petit anneau d'émail ou de verre d'une ligne ou environ de diametre, qui sert à revêtir les différens trous des navettes & des sabots, pour empêcher les soies & fils d'or & d'argent de s'écorcher lors de leur passage. Voyez NAVETTE & SABOT.

ANNELETS, terme d'Architecture ; ce sont de petits listels ou filets, comme il y en a trois au chapiteau dorique du théatre de Marcellus dans Vignolle. On les nomme aussi armilles du Latin armillae, un brasselet. (P)


ANNEXES. f. c'est, en Droit civil ou canonique, un accessoire, une dépendance, ou appartenance, soit d'un héritage ou d'un bénéfice, en conséquence de l'union qui en a été faite audit bénéfice ou héritage. C'est en ce sens qu'on dit que le prieuré de S. Eloi est une annexe de l'archevêché de Paris ; que les annexes qu'un testateur a faites de son vivant à l'héritage qu'il legue, sont censées comprises dans le legs.

ANNEXE (DROIT D'), est le droit exclusif que prétend le Parlement de Provence d'enregistrer les bulles, brefs, & autres rescrits semblables qui viennent de Rome ou de la légation d'Avignon. (H)


ANNEXÉadj. en Droit, & même dans le langage ordinaire, se dit d'une chose moins considérable, jointe & unie à une plus grande. Ainsi disons-nous, une telle ferme, un tel patronage est annexé à tel fief, tel manoir, &c. Charles VIII. en l'année 1486, annexa la Provence à son royaume. Voyez ANNEXE. (H)


ANNIB(LAC D'), Géog. mod. lac de la grande Tartarie aux piés des montagnes & dans la contrée du même nom au nord de Kitar. Ce lac, ni rien qui lui ressemble, ne se trouve dans la carte de M. Witsen. Mat. géog.


ANNIHILATIONS. f. ou ANÉANTISSEMENT, (Commerce.) est usité dans un sens moral en Angleterre ; & l'on dit : le capital de la mer du Sud est réduit à la moitié ; si l'on n'y prend bien garde, les malversations des facteurs produiront infailliblement bientôt une autre annihilation sur tout le dividende. (G)


ANNILLES. f. c'est proprement un fer de moulin ; & on l'a nommé ainsi, parce qu'on le met comme un anneau autour des moyeux pour les fortifier. Ces annilles étant souvent faites en forme de croix ancrée, on a nommé ces sortes de croix annilles dans le Blason. (V)


ANNION(BENEFICE D') ancien terme de Droit françois, se disoit de Lettres royaux qui accordoient à un débiteur le délai d'une année pour la vente de ses meubles, dans le cas où il étoit à craindre qu'ils ne fussent vendus à vil prix. Voyez REPIT, LETTRES D'ÉTAT, INQUENELLEELLE. (H)


ANNIVERSAIRES. m. (Théol.) mot composé d'annus, année, & de verto, je tourne. C'est proprement le retour annuel de quelque jour digne de remarque, anciennement appellé un jour d'an ou jour de souvenir. Voyez JOUR.

ANNIVERSAIRES. (les) Jours anniversaires, chez nos ancêtres, étoient les jours où les martyres des Saints étoient annuellement célébrés dans l'Eglise, comme aussi les jours où à chaque fin d'année l'usage étoit de prier pour les ames de ses amis trépassés.

Anniversaria dies ideò repetitur defunctis, quoniam nescimus qualiter habeatur eorum causa in aliâ vitâ. C'étoit la raison qu'en donnoit Alcuin dans son livre de officiis divinis. Voyez NATALIS.

Dans ce dernier sens l'anniversaire est le jour où d'année en année on rappelle la mémoire d'un défunt en priant pour le repos de son ame. Quelques auteurs en rapportent la premiere origine au pape Anaclet, & depuis à Felix I. qui instituerent des anniversaires pour honorer avec solennité la mémoire des Martyrs. Dans la suite plusieurs particuliers ordonnerent par leur testament à leurs héritiers de leur faire des anniversaires, & laisserent des fonds tant pour l'entretien des églises que pour le soulagement des pauvres, à qui l'on distribuoit tous les ans ce jour-là de l'argent & des vivres. Le pain & le vin qu'on porte encore aujourd'hui à l'offrande dans ces anniversaires, peuvent être des traces de ces distributions. On nomme encore les anniversaires, obits & services. Voyez OBIT, SERVICE. (G)


ANNOBON(Géog. mod.) île d'Afrique sur la côte de Guinée. Long. 24. lat. mérid. 1. 50.


ANNOMINATIONS. f. figure de Rhétorique ; c'est une allusion qui roule sur les noms, un jeu de mots. Elle est ordinairement froide & puérile : on ne laisse pas que d'en trouver quelques-unes dans Cicéron ; elles n'en sont pas meilleures. Voyez ALLUSION. (G)


ANNONAY(Géog. mod.) petite ville de France dans le haut Vivarez, sur la Deume. Long. 22. 22. lat. 45. 15.


ANNONCIADE(Hist. mod.) nom commun à plusieurs ordres ; les uns Religieux, les autres Militaires, institués avec une vûe, un rapport à l'Annonciation. Voyez ORDRE & ANNONCIATION.

Le premier ordre religieux de cette espece fut établi en 1232, par sept marchands Florentins, & c'est l'ordre des servites ou serviteurs de la Vierge. Voyez SERVITES.

Le second fut fondé à Bourges par Jeanne, reine de France, fille de Louis XI. & femme de Louis XII. qui la répudia de son consentement, & avec dispense du pape Alexandre VI. la regle de ces Religieuses est établie sur douze articles, qui regardent douze vertus de la sainte Vierge, & approuvée par Jules II. & Léon X.

Le troisieme, qu'on appelle des Annonciades célestes, fut fondé vers l'an 1600, par une pieuse veuve de Genes, nommée Marie-Victoire Fornaro, qui mourut en 1617. Cet ordre a été approuvé par le saint Siége, & il y en a quelques maisons en France. Leur regle est beaucoup plus austere que celle des Annonciades fondées par la reine Jeanne. (G)

ANNONCIADE, s. f. (Hist. mod.) société fondée à Rome dans l'église de Notre-Dame de la Minerve, l'an 1460, par le cardinal Jean de Turrecremata, pour marier de pauvres filles. Elle a été depuis érigée en archi-confraternité, & est devenue si riche par les grandes aumônes & legs qu'on y a faits, que tous les ans le 25 de Mars, fête de l'Annonciation de la sainte Vierge, elle donne des dots de 60 écus Romains chacune à plus de 400 filles, une robe de serge blanche, & un florin pour des pantoufles. Les Papes ont fait tant d'estime de cette oeuvre de piété, qu'ils vont en cavalcade, accompagnés des cardinaux & de la noblesse de Rome, distribuer les cédules de ces dots à celles qui doivent les recevoir. Celles qui veulent être religieuses ont le double des autres, & sont distinguées par une couronne de fleurs qu'elles portent sur la tête. L'abbé Piazza, Ritratto di Roma moderna. (G)

ANNONCIADE. s. f. (Hist. mod.) ordre de chevalerie, institué en 1362 par Amedée VI. comte de Savoie, dit le Verd, auquel on dit qu'une dame présenta un brasselet de ses cheveux tressés en lacs d'amour ; ce qui lui donna lieu d'instituer un ordre militaire qu'il appella du lac d'amour, & dont il fit la premiere cérémonie le jour de la fête de S. Maurice, patron de Savoie, le 22 Septembre 1355. D'autres donnent une origine plus sainte à cet ordre, & disent qu'Amedée l'institua en mémoire des quinze mysteres de Jesus-Christ & de la sainte Vierge, & aussi en mémoire des actions glorieuses de son ayeul Amedée V. Il créa quinze chevaliers, & ordonna que les comtes (aujourd'hui ducs) de Savoie seroient les chefs de cet ordre. Le collier étoit composé de roses d'or émaillées de rouge & de blanc, jointes par des lacs d'amour, sur lesquels étoient entrelacées ces quatre lettres FERT, qui signifient selon quelques-uns, fortitudo ejus Rhodum tenuit, c'est-à-dire sa valeur a maintenu Rhodes, pour marquer la belle action d'Amedée-le-Grand, qui fit lever aux Sarrasins le siége de Rhodes en 1310. Selon Guichenon, ces quatre lettres signifient : frappez, entrez, rompez tout. Au bout du collier pendoit une ovale d'or émaillée de rouge & de blanc, au-dedans de laquelle étoit l'image de S. Maurice. Amedée VIII. premier duc de Savoie, qui fut élû Pape au concile de Bâle, & prit le nom de Felix V. voulut en 1434 que cet ordre du lacs d'amour fût dorénavant appellé l'ordre de l'Annonciade, & fit mettre au bout du collier une Vierge, au lieu de S. Maurice, changeant aussi les lacs d'amour en cordelieres. A l'égard du manteau des chevaliers, il éprouva aussi des changemens. Il étoit rouge cramoisi, frangé & bordé de lacs d'amour de fin or sous Charles-le-Bon, vers l'an 1330. Il fut ensuite bleu, doublé de taffetas blanc, sous Emmanuel Philibert, environ l'an 1560, puis de couleur d'amarante, doublé d'une toile d'argent à fond bleu sous Charles Emmanuel en 1627. Le grand collier de l'ordre que les chevaliers portent aux fêtes solemnelles, est du poids de 250 écus d'or ; & dans l'ovale clechée en lacs d'amour, sont les paroles de la salutation Angélique. Le petit collier est comme un hausse-col de deux doigts de large, du poids de cent écus d'or. Suivant l'institution, les chapitres où les assemblées de cet ordre devoient se tenir dans le Bugey : mais cette coûtume, aussi-bien que celle d'y enterrer les chevaliers, a cessé par l'échange de la Bresse & du Bugey pour le marquisat de Saluces. Alors le chapitre fut transféré dans l'église de S. Dominique de Montmélian ; & en 1627, le duc Charles-Emmanuel transféra la chapelle de l'ordre dans l'hermitage de Camaldoli sur la montagne de Turin : depuis son institution en 1362 par Amedée VI. jusqu'au roi de Sardaigne aujourd'hui regnant, cet ordre a eu dix-huit chefs ou grands-maîtres, & un très-grand nombre de chevaliers d'une noblesse très-distinguée. (G)


ANNONCIATIONS. f. (Théol.) est la nouvelle que l'ange Gabriel vint donner à la sainte Vierge, qu'elle concevroit le Fils de Dieu par l'opération du S. Esprit. V. INCARNATION, SALUTATION, AVE.

Ce mot est composé de la préposition Latine ad, & du verbe, nuntiare, annoncer, déclarer une chose à quelqu’un. Les Grecs l’appellent εὐαγγελισμος, bonne nouvelle, & χαιρετίσμος, salutation.

ANNONCIATION est aussi le nom d'une fête qu'on célebre dans l'Eglise Romaine, communément le 25 de Mars, en mémoire de l'Incarnation du Verbe : aussi est-elle appellée la fête de l'Annonciation & de l'Incarnation du Verbe divin, en mémoire de ces deux mysteres qui n'en font proprement qu'un. Le peuple appelle cette fête Notre-Dame de Mars, à cause du mois où elle tombe.

Il paroît que cette fête est de très-ancienne institution dans l'Eglise Latine : parmi les sermons de saint Augustin, qui mourut en 430, nous en avons deux sur l'Annonciation ; savoir, le 17e & le 18e de sanctis. Le sacramentaire du pape Gelase premier montre que cette fête étoit établie à Rome avant l'an 496 ; mais l'Eglise Grecque a des monumens d'un tems encore plus reculé. Proclus qui mourut en 446, S. Jean Chrysostome en 407, & S. Grégoire Thaumaturge en 295, ont dans leurs ouvrages des discours sur le même mystere. Rivet, Perkins, & quelques autres écrivains Protestans, ont à la vérité révoqué en doute l'authenticité de deux homélies de ce dernier Pere sur ce sujet : mais Vossius les admet, & prouve qu'elles sont véritablement de ce saint Docteur.

Ajoûtons que quelques auteurs pensent que cette fête dans son origine fut d'abord célébrée en mémoire de l'Incarnation du Verbe, & que l'usage d'y joindre le nom de la sainte Vierge est d'une date bien moins ancienne.

Il en est de même du 25 de Mars, où elle est fixée. Cet usage a varié ; car plusieurs Eglises d'Orient célebrent cette fête dans un autre tems que celles d'Occident ; & parmi celles-ci, quelques-unes l'ont célébrée dans le mois de Décembre, avant la fête de Noël. Le Xe concile de Tolede tenu en 656, avoit ordonné de la solenniser le 18 de Décembre, à cause que le 25 de Mars tombe assez souvent dans la semaine sainte, qui est plûtôt un tems de pénitence que de joie. On la remit cependant au 25 de Mars, où les Grecs la célebrent maintenant, comme les Latins, à la charge de la remettre après la quinzaine de Pâques, si elle tombe dans la semaine-sainte. On dit que l'église du Puy-en-Vélai a le privilége de la solenniser cette semaine, même le vendredi-saint. L'église de Milan & les églises d'Espagne la mettent au dimanche devant Noël : mais ces dernieres la célebrent encore en Carême. Enfin les Syriens l'appellent Buscaragh, c'est-à-dire, information, perquisition, & la fixent dans leur calendrier au premier jour de Decembre ; & les Arméniens, afin qu'elle n'arrive pas au Carême, la solennisent le 5 de Janvier.

Les Juifs donnent aussi le nom d'Annonciation à une partie de la cérémonie de leur pâque, celle où ils exposent l'origine & l'occasion de cette solennité ; exposition qu'ils appellent xhaygadu, qui signifie annonciation (G)


ANNOT(Géog. mod.) petite ville de France, dans les montagnes de Provence. Long. 24. 30. lat. 44. 4.


ANNOTATIONS. f. (Littérat.) en Latin adnotatio, composé de ad & de nota, commentaire succint, remarque sur un livre, un écrit, afin d'en éclaircir quelque passage, ou d'en tirer des connoissances. Voyez COMMENTAIRE & NOTE.

Il arrive quelquefois que les annotations sont fort étendues sur les endroits clairs d'un texte, & glissent sur les obscurités : de-là tant d'annotations & de commentaires inutiles, ou qu'on pourroit réduire à très-peu de feuilles intéressantes.

Les critiques du dernier siecle ont fait de savantes annotations sur les écritures & les auteurs classiques, &c. (G)

ANNOTATION de biens (termes de Palais.) est une saisie provisoire qui se fait des biens d'un criminel absent, à l'effet de les confisquer au profit du Roi, en cas qu'il persiste jusqu'au bout dans sa contumace. Voyez l'Ordonnance criminelle, titre xvij. (H)

ANNOTATION, se dit en Medecine, du commencement d'un paroxysme fiévreux, lorsque le malade frissonne, bâille, s'étend, & est assoupi, &c. Galien.

Il y en a une autre qui est propre aux fievres hectiques, qui arrive lorsque le malade, une heure ou deux après avoir mangé, sent augmenter la chaleur, & que son pouls devient plus agité qu'auparavant, mais sans frisson & sans aucun des symptomes dont nous avons parlé. On l'appelle episemasia. (N)


ANNOTINEadj. f. Pâque annotine. (Théol.) c'est ainsi qu'on appelloit l'anniversaire du baptême, ou la fête qu'on célebroit tous les ans en mémoire de son baptême ; ou, selon d'autres, le bout-de-l'an dans lequel on avoit été baptisé. Tous ceux qui avoient reçû le baptême dans la même année, s'assembloient, dit-on, au bout de cette année, & célébroient l'anniversaire de leur régénération spirituelle. On est incertain sur le jour de cette cérémonie.


ANNUELadj. (Astronomie) c'est ce qui revient tous les ans, ou ce qui s'acheve avec l'année. Voyez l'article AN.

C'est en ce sens qu'on dit une fête annuelle, & cette épithete prise à la rigueur, pourroit convenir à toutes les fêtes, puisqu'elles reviennent toutes au bout de chaque année : cependant on a donné ce nom aux quatre principales fêtes de l'année, pour les distinguer des autres ; ces quatre fêtes sont Pâques, la Pentecôte, Noël, & l'Assomption.

On dit aussi un office annuel, une commission annuelle, une rente annuelle, un revenu annuel, &c. Voyez ANNIVERSAIRE.

Le mouvement annuel de la terre sera prouvé à l'article TERRE.

L'épithete annuelle se donne aussi quelquefois au revenu ou à l'honoraire d'une charge, d'un poste, d'un bénéfice, &c. Voyez POSTE, BENEFICE, PREBENDE.

Argument annuel de la longitude. Voyez ARGUMENT.

Epactes annuelles. Voyez EPACTE.

Equation annuelle du moyen mouvement du soleil & de la lune, des noeuds, & de l'apogée de la lune, c'est l'angle qu'il faut ajoûter au moyen mouvement du soleil, de la lune, des noeuds, & de l'apogée de la lune, pour avoir le lieu du soleil, des noeuds & de l'apogée. Lorsque le mouvement vrai differe le plus qu'il est possible du mouvement moyen, l'équation annuelle est alors la plus grande qu'il est possible, parce que l'angle qu'il faut ajoûter ou retrancher est le plus grand. Voyez EQUATION, LUNE, &c.

L'équation annuelle du mouvement moyen du soleil dépend de l'excentricité de l'orbite de la terre ; or cette excentricité est de 16 11/12 parties, dont la moyenne distance du soleil & de la terre en contient 1000 : c'est pour cela que l'équation annuelle a été appellée par quelques-uns l'équation du centre. Lorsqu'elle est la plus grande possible, elle est de 1d 56' 20", selon Flamsteed, & selon M. le Monnier, de 1d 55' 25".

La plus grande équation annuelle du moyen mouvement de la lune, est de 11' 40" ; celle de son apogée est de 20' ; & celle de ses noeuds, de 9' 30". Voyez NOEUD, &c.

Ces quatre équations annuelles sont toûjours proportionnelles : lorsque l'une des quatre est la plus grande possible, il en est de même des trois autres, & réciproquement.

D'où il s'ensuit que l'équation annuelle du centre (du soleil) étant donnée, on a les trois autres équations correspondantes : ainsi ayant une table de l'équation du centre du soleil, on aura facilement les équations correspondantes du moyen mouvement des noeuds & de l'apogée de la lune. Voyez LUNE. (O)

ANNUEL, adj. (Droit) terme de finance, est un droit que payent tous les ans au Roi ceux qui tiennent de lui des charges vénales ; au moyen dequoi elles sont conservées & transmises à leurs héritiers après eux. Il n'est point dû de droit annuel pour les charges de la maison du Roi ; mais aussi ne passent-elles point aux héritiers.

Le droit annuel est la même chose que la paulette. Voyez PAULETTE. (H)

ANNUELLE, adj. (Bot.) parmi les plantes bulbeuses ou ligamenteuses, on appelle annuelles celles qui ne durent que l'année, ou que l'on seme tous les ans, ou dont on replante les cayeux. (K)

ANNUELLES, (Offrandes) Théol. ce sont celles que faisoient anciennement les parens des personnes décédées, le jour anniversaire de leur mort. Voyez OFFRANDE, OBIT, INFERIAE, &c.

On appelloit ce jour un jour d'an, &c. & l'on y célébroit la Messe avec une grande solennité. (G)


ANNUITÉS. f. (Comm. & Matth.) se dit d'une rente qui n'est payée que pendant un certain nombre d'années ; desorte qu'au bout de ce tems le débiteur se trouve avoir acquité son emprunt avec les intérêts, en donnant tous les ans une même somme.

Les annuités sont extrèmement avantageuses au commerce dans les pays où elles sont en usage ; le débiteur trouve dans cette maniere d'emprunter, la facilité de s'acquiter insensiblement & sans se gêner, si le créancier a des dettes à payer avant l'échéance des annuités, il s'en sert comme de l'argent en déduisant les intérêts à proportion du tems qu'il y a à attendre jusqu'à l'échéance.

Les annuités sont fort en usage en Angleterre, & l'Etat s'en sert très-avantageusement, lorsqu'il a des emprunts considérables à faire ; peut-être un jour nous en servirons-nous en France. Les coupons de la Loterie royale de 1744 étoient des annuités, dont chaque coupon perdant après le tirage de la Loterie, doit produire 65 livres par an, pendant dix ans ; au bout desquels le billet sera remboursé.

M. de Parcieux, des académies royales des Sciences de Paris & de Berlin, a inséré à la fin de son Essai sur les probabilités de la durée de la vie humaine, imprimé à Paris en 1746, une table fort utile par laquelle on voit la somme que l'on doit prêter pour recevoir 100 livres à la fin de chaque année, de maniere qu'on soit remboursé entierement au bout de tel nombre d'années qu'on voudra jusqu'à cent ans ; c'est-à-dire la valeur des annuités qui rapporteroient 100 livres pendant un certain nombre d'années. Voici une partie de cette table, qui peut être très-commode dans le calcul des annuités.

TABLE des sommes qu'on doit prêter pour recevoir 100 l. à la fin de chaque année, de maniere qu'on soit remboursé entierement au bout de tel nombre d'années qu'on voudra jusqu'à 100 ans.

Si on veut savoir la méthode sur laquelle cette table est formée, la voici. Supposons qu'on emprunte une somme que j'appelle a, & que, les intérêts étant comptés sur le pié du denier 20, ou en général du denier 1/ m, on rende chaque année une somme b, & voyons ce qui en arrivera.

En premier lieu, puisque les intérêts sont comptés sur le pié du denier 1/ m, il s'ensuit que celui qui a emprunté la somme a, devra à la fin de la premiere année cette somme, plus le denier 1/ m a de cette somme, c'est-à-dire qu'il devra a + a/m ou a x ((m + 1)/ m). Or, par la supposition, il rend à la fin de la premiere année la somme b ; donc au commencement de la seconde année il n'emprunte plus réellement que la somme a ((m + 1)/ m) - b.

A la fin de la seconde année il devra donc (a ((m + 1)/ m) - b) x ((m + 1)/ m) ou a ((m + 1)/ m)2 - b ((m + 1)/ m) ; & comme à la fin de cette seconde année il rend encore b, il s'ensuit qu'au commencement de la troisieme année il n'emprunte plus que a ((m + 1)/ m)2 - b ((m + 1)/ m) - b.

A la fin de la troisieme année il devra donc a ((m + 1)/ m)3 - b ((m + 1)/ m)2 - b ((m + 1)/ m), dont il faut encore retrancher b pour savoir ce qu'il emprunte réellement au commencement de la quatrieme année.

Donc ce qu'il doit réellement à la fin de la ne année sera

a ((m + 1)/ m)n - b ((m + 1)/ m)(n - 1) - b ((m + 1)/ m)(n - 2).... - b.

D'où il s'ensuit que si le payement doit se faire en un nombre n d'années, il n'y a qu'à faire la quantité précédente égale à zéro ; puisqu'au bout de ce tems, par la supposition, le débiteur se sera entierement acquité, & qu'ainsi sa dette sera nulle ou zéro à la fin de la ne année.

Or dans cette derniere quantité tous les termes qui sont multipliés par b, forment une progression géométrique, dont ((m + 1)/ m)(n - 1) est le premier terme, ((m + 1)/ m)(n - 2) le second, & 1 le dernier. D'où il s'ensuit (voyez PROGRESSION) que la somme de cette progression est ((m + 1)/ m)(2 n - 2) - ((m + 1)/ m)(n - 2) divisé par ((m + 1)/ m)(n - 1) - ((m + 1)/ m)(n - 2), c'est-à-dire ((m + 1)/ m)(n - 1) divisé par ((m + 1)/ m)- 1.

Ainsi, par cette équation générale,

a - b x = 0, ou a ((m + 1)/ m)(n + 1) - a ((m + 1)/ m)n - b ((m + 1)/ m)n + b = 0, on peut trouver,

1°. La somme a qu'il faut prêter pour recevoir la somme b chaque année, pendant un nombre d'années n, les intérêts étant comptés sur le pié du denier 1/ m ; c'est-à-dire qu'on trouvera a, en supposant que b, n, 1/ m, soient données.

2°. On trouvera de même b, en supposant que a, n, 1/ m, sont données.

3°. Si a, b, n, sont données, on peut trouver 1/ m ; mais le calcul est plus difficile, parce que dans les deux cas précédens l'équation n'étoit que du premier degré, au lieu que dans celui-ci l'équation qu'il faut résoudre est d'un degré d'autant plus élevé que n est plus grand. Voyez EQUATION.

4°. Enfin si a, b, & 1/ m sont données, on peut trouver n. Mais le problème est encore plus difficile, l'inconnue n se trouvant ici en exposant. On peut néanmoins résoudre ce problème par tâtonnement : mais je ne connois point de méthode directe pour y parvenir. Voyez EQUATION, INTERET, &c. M. de Parcieux, dans l'ouvrage que nous venons de citer, donne une table beaucoup plus étendue, & l'applique au calcul de la loterie royale de 1744.

Nous terminerons cet article par la table suivante, qui y a rapport, & qui est encore tirée de M. de Parcieux.

DISTRIBUTION d'un emprunt de 6000000 livres, divisé en 12000 actions ou billets de 500 liv. chacun, pour acquiter intérêts & capital en dix ans, en payant tous les ans la même somme ou à-peu-près, tant pour les intérêts que pour le remboursement d'une partie des actions ou billets.

Voici l'explication & l'usage de cette table.

Supposons qu'une compagnie de négocians, ou si l'on veut, l'état, veuille emprunter 6000000 livres en 12000 actions de 500 livres chacune, dont on paye l'intérêt au denier 20 ; cette compagnie rendra donc 300000 livres chaque année ; savoir 25 livres pour chaque billet. Supposons outre cela que cette compagnie se propose de rembourser chaque année une partie des billets, il est évident qu'elle devra donner chaque année plus de 300000 livres. Supposons enfin qu'elle veuille donner chaque année à-peu-près la même somme, tant pour les intérêts que pour le remboursement d'une partie des billets, ensorte que tout soit remboursé au bout de dix ans ; on demande combien il faudra rembourser de billets par an.

On trouve d'abord, par la premiere table ci-dessus, que si on veut rembourser 6000000 livres en dix ans, en dix payemens égaux sur le pié du denier 20, il faut 777000 livres par an ; ainsi comme les intérêts de 6000000 livres au bout d'un an font 300000 livres, il s'ensuit qu'il reste 477000 livres qui servent à rembourser 954 billets. Le débiteur ne doit donc plus que 11046 billets, dont les intérêts dûs à la fin de la seconde année sont 276150 livres, qui étant ôtées des 777000 liv. que le débiteur paye à la fin de chaque année reste 500850 livres qui fournissent presque dequoi rembourser 1002 billets, &c. Pour les rembourser exactement, il faut 777150 livres, au lieu de 777000.

Par ce moyen on peut faire l'emprunt par classes. La premiere sera de 954 billets remboursables à la fin de la premiere année, le débiteur payant 777000 livres ; 1002 à la fin de la seconde, le débiteur payant 777150 livres ; 1052 pour être remboursés à la fin de la troisieme année, le débiteur payant 777100 livres, &c. ainsi de suite.

Cette sorte d'emprunt pourroit être commode & avantageuse en certaines occasions, tant pour le débiteur que pour le créancier. Voyez l'ouvrage cité, pag. 32 & suiv. (O)


ANNULAIRE(Anatomie.) épithete que l'on donne à plusieurs parties du corps qui ont de la ressemblance avec un anneau. Voyez ANNEAU.

Le cartilage annulaire est le second cartilage du larynx ; il est rond & il entoure le larynx de toutes parts ; on l'appelle aussi cricoïde. Voyez LARYNX & CRICOÏDE.

Le ligament annulaire est un ligament du carpe ou poignet. Voyez LIGAMENT.

Son usage est de restreindre les tendons des différens muscles de la main & des doigts, afin d'empêcher qu'ils ne se dérangent quand ils agissent. Voyez CARPE, MAIN, DOIGT, &c.

Le ligament du tarse est aussi nommé annulaire. Voyez TARSE. Ajoûtez que le sphincter, muscle de l'anus, est aussi nommé annulaire à cause de sa figure. Voyez SPHINCTER. (L)

ANNULAIRE, (protubérance) Voyez PROTUBERANCE. (L)

ANNULAIRE, épithete que l'on donne au quatrieme doigt, parce que c'est celui qu'on orne d'une bague ou d'un anneau. Voyez DOIGT. (L)

ANNULAIRES, (routes) Coupe des pierres ; ce sont celles dont la figure imite les anneaux en tout ou en partie ; telles sont les voûtes sur noyau, & dont le plan est circulaire ou elliptique. La fig. 1. de la Coupe des pierres représente une voûte annulaire en perspective, & dont le plan est circulaire.

On doit considérer ces voûtes comme des voûtes cylindriques dont l'axe seroit courbé circulairement : les joints de lits des claveaux étant prolonges, doivent passer par l'axe, & les joints sont des portions de surfaces coniques. Les joints de tête doivent être perpendiculaires à l'axe, & en liaison entr'eux comme doivent l'être ceux de toute bonne espece de maçonnerie. Voyez LIAISON. (D)


ANNULATIONS. f. terme de Palais, est la même chose que cassation ou rescision.


ANNULLERv. act. (Jurisprudence.) c'est casser, révoquer un statut ou réglement, un acte, procédure, ou autre chose de cette nature. Voyez CASSATION, RESCISION, REVOCATION, &c.

C'est une regle en Angleterre, qu'un acte du parlement ne peut être révoqué dans la même session où il a été arrêté. Voyez PARLEMENT. Un testament ou autre acte ne peut être annullé quant à quelques dispositions, & avoir son exécution quant aux autres. Sur l'opposition à fin d'annuller, voyez OPPOSITION. (H)

ANNULLER, v. act. casser un acte, le rendre de nulle valeur. En fait de Commerce, on annulle un billet, une lettre de change, une vente, un marché, une obligation, &c.

ANNULLER, terme de Teneur de livres. Annuller en fait de parties doubles, signifie rendre un article nul, le mettre en état de n'être compté pour rien.

Pour annuller un article qui a été mal porté, soit sur le journal, soit sur le grand livre, il faut mettre à la marge à côté de l'article un ou plusieurs 0 ; ou bien, comme font quelques uns, le mot vanas, terme corrompu du latin, qui signifie vain ou nul. (G)


ANNUSsub. m. (Hist. nat. bot.) racine péruvienne de la longueur & de la grosseur du pouce, amere au goût. Les Indiens la mangent cuite, & pensent qu'elle rend impuissant ou stérile.


ANOBLISSEMENTS. m. (Jurisprud.) faveur du prince, qui donne à un roturier le titre de noble. Je dis faveur du prince, parce qu'il n'y a que le Roi en France qui ait le pouvoir de faire des nobles ; comme il n'y a que l'Empereur qui le puisse en Allemagne. Or le Roi donne la noblesse, ou en conférant le titre de chevalier, ou par des lettres d'anoblissement, ou par des provisions d'offices qui donnent la noblesse, comme de conseillers au parlement, de secrétaires du roi, & de quelques autres. Voyez NOBLESSE. (H)


ANODYNvoyez CALMANT.


ANOLISS. m. (Hist. nat.) lésard fort commun aux Antilles de l'Amérique ; il a sept ou huit pouces de longueur, y compris la queue qui est beaucoup plus longue que le corps : il n'est pas, à beaucoup près, si gros que le petit doigt ; sa tête est plus longue que celle de nos lésards ordinaires. Sa peau est jaunâtre, & il est marqué de raies bleues, vertes, grises, qui s'étendent depuis le dessus de la tête jusqu'au bout de la queue. Les anolis se cachent dans la terre ; ils restent pendant la nuit dans leurs trous, où ils font un bruit plus aigu & plus incommode que celui des cigales ; pendant le jour on les voit autour des cases ; ils courent continuellement pour chercher leur nourriture. On mange cet animal, & on le trouve fort tendre & fort facile à digérer. Histoire naturelle & morale des Antilles, &c. Nouveaux voyages aux îles de l'Amérique, &c.

Les anolis qui sont décrits par le P. du Tertre, dans son Hist. nat. des Antilles, paroissent différens des précédens, puisqu'ils ont jusqu'à un pié & demi de longueur, & que leur grosseur approche quelquefois de celle du bras ; ils ont le ventre de couleur grise cendrée, le dos tanné tirant sur le roux, le tout rayé de bleu, & la tête marquetée comme les autres lésards ; les mâchoires sont un peu effilées. Ils ne sortent de la terre que pendant la grande chaleur du jour, & alors ils rongent les os & les arêtes des poissons qu'on a jettés hors des maisons, ils se nourrissent aussi quelquefois d'herbes, sur-tout de celles des potagers : si on en tue quelqu'un, les autres le mettent en pieces & le mangent. tome II. pag. 312. (I)


ANOMALadj. terme de Grammaire ; il se dit des verbes qui ne sont pas conjugués conformément au paradigme de leur conjugaison ; par exemple, le paradigme ou modele de la troisieme conjugaison latine, c'est lego : on dit lego, legis, legit ; ainsi on devroit dire, fero, feris, ferit ; cependant on dit fero, fers, fert ; donc fero est un verbe anomal en latin. Ce mot anomal vient du Grec ἀνόμαλος, inégal, irrégulier, qui n’est pas semblable. Ἀνόμαλος est formé d’ὁμαλός, qui veut dire égal, semblable, en ajoûtant l’ privatif & le ν, pour éviter le bâillement.

Au reste il ne faut pas confondre les verbes défectifs avec les anomaux : les défectifs sont ceux qui manquent de quelque tems, de quelque mode ou de quelque personne ; & les anomaux sont seulement ceux qui ne suivent pas la conjugaison commune : ainsi oportet est un verbe défectif plûtôt qu'un verbe anomal ; car il suit la regle dans les tems & dans les modes qu'il a.

Il y a dans toutes les langues des verbes anomaux & des défectifs, aussi bien que des inflexions de mots qui ne suivent pas les regles communes. Les langues se sont formées par un usage conduit par le sentiment, & non par une méthode éclairée & raisonnée. La Grammaire n'est venue qu'après que les langues ont été établies. (F)


ANOMALIEsub. f. terme de Grammaire ; c'est le nom abstrait formé d'anomal. Anomalie signifie irrégularité dans la conjugaison des verbes, comme fero, fers, fert, & en françois, aller, &c. (F)

ANOMALIE, anomalia, s. f. (Astron.) L'anomalie est en Astronomie la distance angulaire du lieu réel ou moyen d'une planete à l'aphélie ou à l'apogée ; c'est-à-dire, c'est l'angle que forme avec la ligne de l'apogée une autre ligne, à l'extrémité de laquelle la planete est réellement, ou est supposée être. Voyez PLANETE, APHELIE, OGEEOGEE.

Ce mot anomalie, qui est purement grec, signifie proprement irrégularité ; aussi sert-il à désigner le mouvement des planetes, qui comme l'on sait n'est pas uniforme. L'anomalie est, pour ainsi dire, la loi des irrégularités de ce mouvement. Kepler distingue trois anomalies ; la moyenne, l'excentrique, & la vraie.

L'anomalie simple ou moyenne, est, dans l'Astronomie ancienne, la distance du lieu moyen d'une planete à l'apogée. Voyez LIEU.

Dans l'Astronomie nouvelle, c'est le tems employé par une planete pour passer de son aphélie A, au point ou lieu I de son orbite. Pl. d'Astron. fig. 1. Or l'aire elliptique A S I étant proportionnelle au tems employé par la planete à parcourir l'arc A I, cette aire peut représenter l'anomalie moyenne ; de même que l'aire S K A, formée par la ligne S K, & la droite L K qui passe par le lieu de la planete, qui est perpendiculaire à la ligne des apsides, & qui est prolongée jusqu'à ce qu'elle coupe le cercle D A ; car cette derniere aire est toûjours proportionnelle à l'aire S I A, comme Grégori l'a démontré, liv. III. élem. d'Astron. Physiq. Matth. & Trans. philos. n°. 447. pag. 218.

L'anomalie excentrique ou du centre est, dans l'Astronomie nouvelle, l'arc du cercle excentrique A K, fig. 1. compris entre l'aphélie A, & une droite K L qui passe par le centre I de la planete, & qui est perpendiculaire à la ligne des apsides A P. On donne aussi le nom d'anomalie excentrique à l'angle A S K. Voyez EXCENTRIQUE.

L'anomalie vraie, ou, comme disent les auteurs latins, anomalia aequata, l'anomalie égalée, est l'angle au centre ou au soleil A S I, sous lequel l'on voit la distance A I d'une planete à l'aphélie, c'est-à-dire, l'angle du sommet de l'aire proportionnelle au tems employé par la planete à passer de l'aphélie A à son lieu. Cet angle est différent de l'anomalie moyenne, n'étant pas proportionnel au secteur A S I.

L'anomalie moyenne, aussi bien que l'anomalie vraie de la planete, se comptent l'une & l'autre depuis l'aphélie : mais si on veut compter depuis le commencement du signe du bélier, alors ce nom d'anomalie se change en celui de mouvement de la planete en longitude, lequel est aussi de deux sortes ; savoir, 1°. le moyen mouvement tel qu'il paroîtroit véritablement, si l'oeil étant au centre d'une orbite circulaire, voyoit décrire à la planete cette même orbite d'un mouvement toûjours égal & uniforme : 2°. le mouvement vrai, qui est celui que l'on observe dans la planete, l'oeil étant placé au foyer de son orbite elliptique ; il est successivement accéléré ou retardé, selon les différentes distances de la planete au soleil.

L'anomalie vraie étant donnée, il est facile de trouver l'anomalie moyenne ; car l'angle au soleil A S I étant donné, c'est un problème assez simple que de déterminer par le calcul la valeur du secteur A S I, qui représente l'anomalie moyenne.

Mais il y a plus de difficulté à trouver l'anomalie vraie, l'anomalie moyenne étant donnée ; c'est-à-dire, à déterminer la valeur de l'angle A S I, quand on connoît le secteur A S I ; ou, ce qui revient au même, à trouver l'angle A S I que parcourt la planete dans un tems donné, depuis l'instant où elle a passé par l'aphélie.

Les méthodes géométriques de Wallis & de Newton, qui ont résolu ce probleme par la cycloïde allongée, ne sont pas commodes pour les calculs : il en est de même de celle par les séries ; elle est trop pénible. L'approximation a donc été dans ce cas l'unique ressource des Astronomes. Ward, dans son Astronomie géométrique, prend l'angle A L I au foyer où le soleil n'est point, pour l'anomalie moyenne ; ce qui en effet en approche beaucoup, lorsque l'orbite de la planete n'est pas fort excentrique : dans ce cas on résout sans peine le problème : mais on ne peut se servir de cette méthode que pour des orbites très-peu excentriques.

Cependant Newton a trouvé un moyen d'appliquer à des orbites assez excentriques l'hypothese de Ward ; & il assûre que sa correction faite, & le problème résolu à sa maniere, l'erreur sera à peine d'une seconde.

Voici cette méthode, qui est expliquée à la fin de la sect. vj. du I. liv. des Principes, & qui a été commentée par les peres le Seur & Jacquier.

Soient A O, O B, O D, (fig. 66. Pl. Astron.) les demi-axes de l'ellipse, L son parametre, & D la différence entre la moitié du petit axe O D, & la moitié 1/2 L du parametre : on cherchera d'abord un angle Y, dont le sinus soit au rayon, comme le rectangle de D par A O + O D, est au quarré de A B ; ensuite on cherchera un angle Z, dont le sinus soit au rayon comme deux fois le rectangle de D & de la distance des foyers S H, est à trois fois le quarré de A O : après cela on prendra un angle T, proportionnel au tems que la planete a employé à décrire l'arc B P ; un angle V qui soit à l'angle Y, comme le sinus de deux fois l'angle T est au rayon ; & un angle X qui soit à l'angle Y comme le cube du sinus de l'angle T est au cube du rayon. On prendra l'angle B H P égal à T + X + V, si l'angle T est moindre qu'un droit ; ou à T + X - V, si l'angle T est plus grand qu'un droit, & moindre que deux droits ; & ayant mené S P qui passe par le foyer S & par le point P où l'ellipse est coupée par la ligne H P, on aura l'aire B S P, à très-peu-près proportionnelle au tems.

Mais une des plus élégantes méthodes qui ayent été données pour résoudre ce problème, est celle que M. Herman a exposée dans le premier volume des Mémoires de l'Académie de Petersbourg, page 146.

Il remarque d'abord avec tous les Géometres & les Astronomes, que la difficulté se réduit à trouver dans le cercle A N D, (Pl. Astron. fig. 67.) l'angle A E B, qui répond au secteur donné A E B : or faisant le secteur C A M égal au secteur A E B, & joignant M E, puis tirant C N parallele à E M, & joignant ensuite E N, il trouve que l'angle A E N est à très-peu-près l'anomalie vraie, & que dans l'orbite de la terre l'erreur ne va pas à quatre quintes. Il donne ensuite un moyen de corriger l'erreur, en prenant l'angle B E N égal à une certaine quantité qu'il détermine ; ce qui donne le lieu B, ou l'angle B E A, qui représente encore plus exactement l'anomalie vraie.


ANOMALISTIQUEadj. m. (Astron.) l'année anomalistique ou l'année périodique, est l'intervalle de tems que la terre employe à parcourir son orbite : on l'appelle aussi année sidéréale. Voyez AN.

L'année anomalistique ou commune est un peu plus longue que l'année tropique, qui est le tems qui s'écoule entre deux équinoxes voisins de printems ou d'automne : cette différence naît de la précession des équinoxes, c'est-à-dire, de ce que les équinoxes reviennent un peu plutôt que l'année révolue. Voyez PRECESSION & AN. (O)


ANOMÉENou DISSEMBLABLES, adj. pris sub. (Théolog.) dans l'histoire ecclésiastique, nom qu'on donna dans le IVe siecle aux purs Ariens, parce qu'ils enseignoient que Dieu le fils étoit dissemblable, , à son pere en essence & dans tout le reste.

Ils eurent encore différens noms, comme d'Aëtiens, d'Eunomiens, &c. qu'on leur donna à cause d'Aëtius & d'Eunomius leurs chefs. Ils étoient opposés aux semi-Ariens, qui nioient à la vérité la consubstantialité du Verbe, c'est-à-dire, l'unité de nature du Verbe avec le Pere, mais non pas toute ressemblance. Voyez ARIEN, SEMI-ARIEN.

Ces variations firent que ces hérétiques ne s'attaquerent pas moins vivement entr'eux qu'ils avoient attaqué les Catholiques ; car les semi-Ariens condamnerent les Anoméens dans le concile de Seleucie, & les Anoméens à leur tour condamnerent les semi-Ariens dans les conciles de Constantinople & d'Antioche, en effaçant le mot de la formule de Rimini & de celle d'Antioche, & protestant que le Verbe avoit non-seulement une différente substance, mais encore une volonté différente de celle du Pere. Voyez HOMOOUCIOS. Socrate, liv. II. Sozomene, liv. IV. Théodoret, liv. IV. (G)


ANONA(Hist. nat.) fruit qu'on trouve à Malaque aux Indes : l'arbre qui le porte est petit, & ne passe pas pour l'ordinaire douze à quinze piés. L'écorce en est blanchâtre en-dehors, rouge en-dedans, & assez raboteuse ; la feuille petite, épaisse, & d'un verd pâle ; la fleur composée de trois feuilles longues, triangulaires & spongieuses, qui fermées forment une pyramide triangulaire. L'odeur en est agréable. Le fruit est conique, fort gros par la base où est attaché le pédicule qui est ligneux, de la grosseur du petit doigt, & de la couleur du bois de l'arbre, se divisant en plusieurs filamens blancs qui traversent la substance du fruit. Lorsque le fruit est mûr, la peau en est rouge, d'une assez belle couleur, lisse & mince, contre l'ordinaire des fruits des Indes, qui l'ont fort épaisse, à cause de la grande chaleur. Le dedans est rempli d'une substance fort molle & fort blanche qu'on tire avec une cuillere ; elle est sucrée & d'un assez bon goût : il y a dans le milieu plusieurs petits grains noirs, semblables à ceux qu'on trouve dans les poires, renfermés dans de longues capsules dont le tissu est fort fin, & qui vont aboutir aux fibres qui sont dans le milieu du fruit de haut en bas. Lorsque le fruit est dans sa derniere maturité, il tombe par morceaux à terre, se détachant de la queue & des longs filamens qui y sont joints, lesquels demeurent à l'arbre.

Cet arbre, ainsi que le goyavier décrit dans l'Hortus Malabaricus, pourroit passer pour un poirier des Indes. Descript. de quelques arbres de Malaque par le P. Beze, de la Compagnie de Jesus. Mém. de l'Acad. tom. IV.


ANONE(Géog. mod.) fort d'Italie au duché de Milan, sur le Tanaro. Long. 26. lat. 44. 40.


ANONYMEadj. terme de Littérature, formé du Grec ἀνώνυμος, qui lui-même est dérivé d’ privatif, & d’ὄνομα ou ὄνυμα, nom. Ainsi anonyme signifie qui n’a point de nom, ou dont le nom n’est pas connu. Voyez NOM.

On donne cette épithete à tous les ouvrages qui paroissent sans nom d'auteur, ou dont les auteurs sont inconnus.

Decker, conseiller de la chambre impériale de Spire, & Placcius de Hambourg, ont donné des catalogues d'ouvrages anonymes. Bure, Goth, Struvius, ont traité des savans qui se sont occupés à déterrer les noms des auteurs dont les ouvrages sont anonymes.

" Parmi les auteurs, dit M. Baillet, les uns suppriment leurs noms, pour éviter la peine ou la confusion d'avoir mal écrit, ou d'avoir mal choisi un sujet ; les autres, pour éviter la récompense ou la loüange qui pourroit leur revenir de leur travail : ceux-ci par la crainte de s'exposer au public, & de faire trop parler d'eux ; ceux-là par un mouvement de pure humilité, pour tâcher de se rendre utiles au public sans en être connus : d'autres enfin par une indifférence & un mépris de cette vaine réputation qu'on acquiert en écrivant, parce qu'ils considerent comme une bassesse & comme une espece de deshonneur (il falloit plûtôt dire comme un sot orgueil) de passer pour auteurs, de même qu'en ont usé quelquefois des princes, en publiant leurs propres ouvrages sous le nom de leurs domestiques ". Jugem. des Savans, tom. I.

Il résulte ordinairement deux préjugés de la précaution que les auteurs prennent de ne pas se nommer : une estime excessive, ou un mépris mal fondé pour des ouvrages sans nom d'auteur ; parce qu'un nom pour certaines gens est un préjugé qui leur fait adopter tout sans examen ; & que pour d'autres, un livre anonyme est toûjours un ouvrage intéressant, quoique réellement il soit foible ou dangereux.

Ce n'est que dans ce dernier cas qu'on peut condamner les auteurs anonymes : tout écrivain qui par timidité, modestie, ou mépris de la gloire, ne s'affiche point à la tête de son ouvrage, ne peut être que loüable. Ce n'étoit pas la vertu favorite de ces philosophes dont Cicéron a dit : Illi ipsi philosophi qui de contemnendâ gloriâ scribunt, etiam libris suis nomen suum inscribunt. Pro Arch. Poet. (G)

ANONYME, adj. M. Boyle a introduit ce terme en Chimie. Trouvant par l'expérience qu'on pouvoit séparer du tartre & de plusieurs bois, un esprit qui differe par un grand nombre de qualités des esprits vineux, acides & urineux ; & n'ayant pû en découvrir tout-à-fait la nature, il l'appella esprit anonyme, & dans d'autres endroits esprit neutre ou adiaphore, de tartre, de bois, &c. (M)


ANONYMOS(Hist. nat. bot.) il y a plusieurs plantes de ce nom : celle qu'on appelle anonymos ribesii foliis, est une espece d'arbrisseau qui nous vient de Virginie & du Canada ; il a la feuille du groseiller, & des fleurs à cinq pétales, blanchâtres, disposées en ombelle à l'extrémité des tiges, & portées sur de petits pédicules oblongs : le calice a cinq feuilles ; le calice est remplacé par deux & quelquefois trois siliques, semblables à celles de la consoude, mais sans semence dans nos climats.

L'anonymos frutex brasilianus, flore keiri, a l'écorce cendrée, les feuilles alternativement opposées, pointues, dentelées par les bords, d'un verd brillant, & traversées de nervures obliques ; la fleur en épi a l'extrémité des branches d'une belle couleur de chair, & jaunissant à mesure qu'elle tend à s'ouvrir : elle a cinq pétales, & chaque pétale est sur une feuille pointue, d'un verd pâle. On lui remarque beaucoup d'étamines, & l'odeur de la violette jaune. Ray.

L'anonymos flore coluth. Clusii, &c. croît en Allemagne. Il y a encore deux sortes d'anonymos brasiliana.


ANORDIES. f. (Marine.) On appelle ainsi des tempêtes de vent de nord qui s'élevent dans certains tems dans le golfe du Mexique, & sur les côtes de la nouvelle Espagne. (Z)


ANOREXIES. f. (Medecine.) aversion pour les alimens, occasionnée ou par un dérangement d'estomac, ou par une surabondance d'humeurs.

Le relâchement des fibres de l'estomac dans les pertes, dans la grossesse commençante, dans la suppression des regles, dans les pâles couleurs, produit l'anorexie & le dégoût ; la tension de l'estomac, sa phlogose dans la fievre ardente, dans l'inflammation de ce viscere, dans l'affection hypocondriaque, occasionnent le même symptome.

La surabondance des humeurs, la salure épaisse & visqueuse, alkaline & empyreumatique, qui s'attache aux parois de ce viscere, sont cause de l'anorexie.

Les remedes de l'anorexie dépendent de sa cause : en la détruisant on parvient à la cure de ce symptome. (N)


ANOTH(Géog. mod.) île d'Angleterre, une de celles que les Anglois appellent de Sully, & que nous appellons les Sorlingues.


ANOUou ANHOLT, île de Danemarck dans le Catégat, aux environs de la Zélande.


ANPADORou ANOPADARI ou ARPADORE, riviere de Candie, que les anciens appelloient Cataractus.


ANSA(Géog. mod.) petite riviere d'Italie dans le Frioul, qui passe à Aquilée, & se jette dans la mer Adriatique ; les Latins l'appelloient Alsa.


ANSES. f. en Géographie, espece de golfe où les vaisseaux sont à couvert des vents & des tempêtes.

Il y a proprement deux sortes d'anse ; on donne ce nom à une baie ou grande plage de mer qui s'avance dans les terres, & dont les rivages sont courbés en arc ; cette sorte d'anse s'appelle sinus latior : l'autre sorte d'anse est un enfoncement de mer qui est entre des promontoires, & qui est plus petite que ce qu'on appelle golfe & baie. Cette seconde espece d'anse se nomme sinus augustior. Quelques Géographes écrivent ance. Voyez BAIE & GOLFE. (O)

ANSE de panier, en coupe des pierres. Voyez BERCEAU & CINTRE.

ANSE, en terme de Vannier, c'est une espece de cercle d'osier que les Vanniers attachent aux bords des paniers, afin qu'on puisse les porter plus commodément.

* ANSE, (Géog. mod.) ancienne ville de France dans le Lyonnois. Long. 22. 20. lat. 45. 55.

* ANSE de sainte Catherine, (Géog. mod.) baie de la nouvelle France au Canada propre, près des monts Notre-Dame, & à l'entrée du fleuve Saint Laurent. Il y a encore dans la nouvelle France, l'ANSE verte, l'ANSE aux lamproies, l'ANSE noire, l'ANSE du diamant, & l'ANSE des salines.

ANSES, s. pl. f. en Astronomie ; ce sont les parties sensiblement éminentes de l'anneau de Saturne, qu'on apperçoit lorsque cet anneau commence à s'ouvrir, c'est-à-dire lorsque sa partie antérieure & sa partie postérieure commencent à se distinguer à la vûe : elles ont la forme de deux anses attachées à cette planete. Voyez SATURNE & ANNEAU. (O)

ANSES DE PANIER, en Serrurerie, ce sont des morceaux d'ornemens en rouleaux qui forment l'anse de panier, & qui en ont pris le nom. Voyez SERRURERIE, Pl. XVI. figure G H, un rouleau double, en avant-corps, composé d'un rouleau I L, & d'une anse de panier L L, ce qui forme le bas d'une console ; & même Pl. fig. M, le rouleau du haut de la console, & fig. N, l'anse de panier qui lui appartient.

ANSES, en terme de Fondeur de cloches, ce sont les parties par lesquelles on suspend la cloche au mouton : elles sont au nombre de six disposées comme les fig. 4 & 5 Pl. de la Fonderie des cloches, les représentent. Elles se réunissent toutes par en-haut au pont qui est l'anse du milieu ou la septieme, & ne font avec la cloche qu'une seule & même piece. Voyez l'article FONTE DES CLOCHES.


ANSÉATIQUESVoyez HANSE.


ANSERv. act. en terme de Boisselier, c'est garnir une piece quelconque d'une verge de fer courbée en cintre, dont les extrémités s'attachent aux bords de l'ouvrage.


ANSETTES. f. en terme de Metteur en oeuvre, est une attache dans laquelle on passe le ruban d'une croix, &c. Cette attache est composée d'une branche d'or ou d'argent, plus ou moins large, pliée quarrément à chacune de ses extrémités, qu'on soude sur la principale piece.


ANSETTESVoyez ANCETTES.


ANSIANACTESS. m. plur. (Géog. mod.) peuples d'Afrique dans l'île de Madagascar, vers l'île de Sainte-Marie.


ANSICO(Géog. mod.) royaume d'Afrique sous la ligne. On lit dans le dictionnaire géographique de M. Vosgien, que les habitans s'y nourrissent de chair humaine ; qu'ils ont des boucheries publiques où l'on voit pendre des membres d'homme ; qu'ils mangent leurs peres, meres, freres & soeurs, aussi-tôt qu'ils sont morts ; & qu'on tue deux cens hommes par jour, pour être servis à la table du grand Macoco, c'est le nom de leur monarque. Plus ces circonstances sont extraordinaires, plus il faudra de témoins pour les faire croire. Y a-t-il sous la ligne un royaume appellé Ansico ? les habitans d'Ansico sont-ils de la barbarie dont on nous les peint, & sert-on deux cens hommes par jour dans le palais du Macoco ? ce sont des faits qui n'ont pas une égale vraisemblance : le témoignage de quelques voyageurs suffit pour le premier ; les autres exigent davantage. Il faut soupçonner en général tout voyageur & tout historien ordinaire d'enfler un peu les choses, à moins qu'on ne veuille s'exposer à croire les fables les plus absurdes. Voici le principe sur lequel je fonde ce soupçon, c'est qu'on ne veut pas avoir pris la plume pour raconter des aventures communes, ni fait des milliers de lieues pour n'avoir vû que ce qu'on voit sans aller si loin ; & sur ce principe j'oserois presque assûrer que le grand Macoco ne mange pas tant d'hommes qu'on dit : à deux cens par jour, ce seroit environ soixante & treize mille par an ; quel mangeur d'hommes ! mais les seigneurs de sa cour apparemment ne s'en passent pas, non plus que les autres sujets. Si toutefois le pays pouvoit suffire à une si horrible anthropophagie, & que le préjugé de la nation fût qu'il y a beaucoup d'honneur à être mangé par son souverain, nous rencontrerions dans l'histoire des faits appuyés sur le préjugé, & assez extraordinaires pour donner quelque vraisemblance à celui dont il s'agit ici. S'il y a des contrées où des femmes se brûlent courageusement sur le bûcher d'un mari qu'elles détestoient ; si le préjugé donne tant de courage à un sexe naturellement foible & timide ; si ce préjugé, tout cruel qu'il est, subsiste malgré les précautions qu'on a pû prendre pour le détruire, pourquoi dans une autre contrée les hommes entêtés du faux honneur d'être servis sur la table de leur monarque, n'iroient-ils pas en foule & gaiment présenter leur gorge à couper dans ses boucheries royales ?


ANSLou CHRISTIANA, (Géog. mod.) ville de Norwege, dans la préfecture d'Aggerhus, sur la baie d'Anslo. Long. 27. 34. lat. 59. 24.


ANSPACou OHNSPACH, (Géog. moderne.) ville & château d'Allemagne dans la Franconie, capitale de la souveraineté d'Anspach, sur la riviere de même nom. Long. 28. lat. 49. 14.


ANSPECTS. m. (Marine.) Les matelots appellent ainsi un levier.


ANSPESSADou LANSPESSADE, s. m. (Art milit.) espece d'officier subalterne de l'infanterie au-dessous des caporaux, & néanmoins au-dessus des simples sentinelles. Voyez CAPORAL, &c.

Ce mot est formé de l'Italien lancia spezzata, lance brisée, parce qu'ils étoient en leur origine des gendarmes congédiés, qui solliciterent, faute de subsistance, un rang de quelque distinction dans l'Infanterie : ils sont ordinairement quatre ou cinq dans chaque compagnie.

Les anspessades sont ceux que les commissaires des revûes nomment d'ordinaire dans leurs registres appointés, à cause qu'ils ont plus de paye que les simples soldats. Voyez APPOINTE. (Q)


ANSTRUTTER(Géog. mod.) deux villes d'Ecosse, séparées par une petite riviere proche les bords de la Forth, dans la contrée de Fife. Long. 15. 10. lat. 12.


ANTAGONISMEdans l'économie animale, c'est l'action d'un muscle dans un sens opposé à celle d'un autre muscle son antagoniste. Voyez ANTAGONISTE.

Les animaux qui marchent la tête baissée, ont le triangulaire du sternum inséré à quelques côtes : il en abaisse les cartilages dont il aide le ressort & l'antagonisme. (L)


ANTAGONISTES. chez les anciens signifioit un ennemi sous les armes & en bataille.

Ce mot vient du Grec ἀνταγωνιστὴς, composé d’ἀντὶ, contre, & d’ἀγωνίζωμαι, je combats.

Aujourd'hui ce terme est moins en usage pour signifier un des tenans dans des combats qui se vuident par les armes, que pour exprimer l'un ou l'autre contendant dans des disputes littéraires ou des jeux d'exercice : il est quelquefois absolu & quelquefois relatif. Ainsi un répondant qui se tient sur la défensive & qui tâche de résoudre les objections qu'on lui propose, a des antagonistes : mais on ne peut pas dire qu'il soit l'antagoniste des personnes qui disputent contre lui. Au contraire, deux partis qui soûtiennent des opinions opposées & qui se proposent l'un à l'autre des difficultés, sont réciproquement antagonistes. Ainsi les Newtoniens sont les antagonistes des Cartésiens, & ceux-ci sont à leur tour les antagonistes des Newtoniens. (G)

ANTAGONISTE, (Anatomie.) épithete des muscles qui ont des fonctions opposées. Voyez MUSCLE. Tels sont en tous membres le fléchisseur & l'extenseur, dont l'un raccourcit le membre & l'autre l'étend. Voyez FLECHISSEUR & EXTENSEUR.

Nous avons quelques muscles solitaires & sans aucun antagoniste, comme le coeur, &c. V. COEUR, &c. (L)


ANTALIUMS. m. (Hist. nat.) coquille marine en forme de tuyau cannelé en-dehors ; on l'appelle dactyle. Voyez DACTYLE.


ANTAMBAS. m. (Hist. nat.) animal féroce qu'on trouve à Madagascar : il habite les montagnes, d'où il ne descend que pour dévorer les hommes & les animaux. Il a la forme du léopard & la grosseur du mâtin.


ANTANACLASEsub. f. figure de Rhétorique, qui consiste à répeter un mot dans une signification différente & quelquefois douteuse, comme, laissez les morts enterrer leurs morts. Voyez REPETITION.

Ce mot vient du Grec ἀντὶ, & ἀνακλασις, repercussio, parce que la même expression frappe deux fois l’oreille. (G)


ANTANAGOGES. f. figure de Rhétorique, qui consiste ou à retorquer une raison contre celui qui s'en sert, ou à se débarrasser d'une accusation, en la faisant retomber sur celui même qui l'a formée, ou en lui imputant quelqu'autre crime ; c'est ce qu'on appelle autrement récrimination. Voyez RECRIMINATION.

Ce mot est formé du Grec ἀντὶ, contre, & ἀναγογὴ, rejaillissement, c’est-à-dire preuve ou accusation qu’on fait rejaillir contre celui qui la propose ou qui l’intente. (G)


ANTANAIREadj. se dit, en Fauconnerie, du pennage d'un faucon, qui, n'ayant pas mué, a celui de l'année précédente ; ce mot vient d'antan, année précédente.


ANTARADE(Géog. mod. & anc.) ville de Phénicie, depuis Tortose, puis Constancie, aujourd'hui Tortose.


ANTARCTIQUEadj. m. (Astronom. & Géog.) Pole antarctique, ou pole méridional, est l'extrémité méridionale de l'axe de la terre, & un des points sur lesquels la terre tourne. Voyez POLE, ARCTIQUE, &c. Ce mot est composé de la préposition , contra, vis-à-vis, & de , ursa, ourse. Voyez l'article OURSE.

Les étoiles voisines du pole antarctique ne paroissent jamais sur notre horison. Ainsi à Paris, dont la latitude est de 48 degrés 50 minutes, on ne voit jamais aucune des étoiles qui sont éloignées du pole antarctique de moins de 48 degrés 50 minutes : car ces étoiles demeurent toûjours au-dessous de l'horison de Paris. Voyez ETOILE, HORISON, &c.

Cercle antarctique, ou cercle polaire antarctique ; c'est un des petits cercles de la sphere ; il est parallele à l'équateur, & éloigné du pole méridional de 23 degrés 30 minutes. Voyez CERCLE.

L'épithete d'antarctique lui vient de son opposition à un autre cercle, qui est aussi parallele à l'équateur & à la distance de 23 degrés 30 minutes du pole septentrional. On l'appelle cercle arctique polaire. Voyez ARCTIQUE. La partie de la surface du globe terrestre, comprise entre le pole antarctique & le cercle polaire antarctique, est appellé zone glacée méridionale. Voyez ZONE. (O)


ANTARESen Astronomie, est le coeur du Scorpion, étoile de la premiere grandeur du nombre de celles qui forment la constellation du Scorpion. Voyez SCORPION. (O)


ANTASTOVAISANTOQUES & ANTATOQUES, s. m. pl. (Géog. mod.) peuples de l'Amérique septentrionale, dans la nouvelle Yorck.


ANTAVARESS. m. pl. (Géog. mod.) peuples de l'île de Madagascar dans la partie méridionale, entre le Matatane au midi, & les Vohits-Menes au septentrion : ils sont arrosés par le Mananzari.


ANTE(Géog. mod.) ville & port d'Afrique dans la Guinée, à trois lieues du cap des trois Pointes, vers Moure.

C'est aussi le nom d'une petite riviere de Normandie, qui a sa source au-dessus de Falaise, & qui se jette dans la Dive.


ANTÉCÉDENTadj. antecedens, qui précede, qui marche devant ; du latin ante, devant, & incedere, marcher.

Ce terme est usité en Théologie, où l'on dit decret antécédent, volonté antécédente.

Decret antécédent est celui qui en précede un autre, ou quelqu'action de la créature, ou la prévision même de cette action. Voyez DECRET.

Les Théologiens sont fort partagés pour savoir, si la prédestination à la gloire est un decret antécedent, ou subséquent à la prévision de la foi & des mérites de ceux qui sont appellés. C'est une opinion qu'on agite librement pour & contre dans les écoles catholiques, & toutes deux sont fondées sur des autorités & des raisons très-fortes.

Volonté antécédente dans un sens général, est celle qui précede quelqu'autre volonté, desir ou prévision.

Dans un sens plus restraint, la volonté antécédente en Dieu est celle qui se propose un objet, par exemple, le salut de tous les hommes, mais prévision faite de leurs mérites ou démérites.

On dispute beaucoup dans les écoles sur la nature de cette volonté : les uns prétendent que ce n'est qu'une volonté de signe, une volonté métaphorique, inefficace, un simple desir qui n'a jamais d'effet. Les autres au contraire soûtiennent que c'est une volonté de bon plaisir, volonté sincere & réelle, qui n'est privée de son effet que par la faute des hommes qui n'usent pas ou qui usent mal des moyens que Dieu leur prépare, leur offre ou leur accorde pour opérer leur salut. Voyez VOLONTE, SALUT.

Il est bon de remarquer que ce terme antécédent n'est appliqué à Dieu que relativement à l'ordre de la nature, & non pas à celui de la succession. En effet Dieu, conséquemment à ses perfections infinies, voit & prévoit en même tems & sans diversité dans la maniere, tant l'objet de sa prévision, que les circonstances inséparables de cet objet. De même il veut en même tems tout ce qu'il veut, sans succession & sans inconstance : ce qui n'empêche pas que Dieu ne puisse vouloir ceci à l'occasion de cela, ou qu'il ne puisse avoir un desir à cause de telle prévision. C'est ce que les Théologiens appellent ordre ou priorité de nature, prioritas naturae, par opposition à l'ordre ou à la priorité du tems, prioritas temporis. (G)

ANTECEDENT, se dit, en Grammaire, du mot qui précede le relatif. Par exemple, Deus quem adoramus est omnipotens ; Deus est l'antécédent, c'est le mot qui précede quem. (F)

ANTECEDENT, en Logique : on appelle antécédent la proposition dont on infere une autre. Voyez ENTHYMEME. Et l'on appelle conséquent la proposition qu'on infere de l'antécédent. (X)

ANTECEDENT d'un rapport, en Mathématique, est le premier des deux termes qui composent ce rapport. Ainsi dans le rapport de 4 à 3, le premier terme 4 est l'antécédent. Voyez RAPPORT & CONSEQUENT. En général, dans le rapport de a à b, a est l'antécédent. (O)


ANTECEDENTIAterme d'Astronomie. On dit en Astronomie qu'une planete se meut in antecedentia, lorsqu'elle paroît aller vers l'occident contre l'ordre des signes, comme du Taureau dans le Bélier. Voyez PLANETE, SIGNE, &c. Au contraire lorsqu'elle se meut du côté de l'orient, en suivant l'ordre des signes, comme du Bélier dans le Taureau, on dit qu'elle se meut in consequentia. (O)


ANTECESSEURSS. m. plur. (Hist. mod.) nom dont on honoroit ceux qui précédoient les autres en quelque science, du mot latin antecedere. Justinien l'appliqua particulierement aux jurisconsultes chargés d'enseigner le Droit ; & dans les universités de France, les professeurs en Droit prennent le titre d'antecessores en latin dans les theses & dans les affiches. (G)


ANTECHRISTS. m. (Théol.) ce terme est formé de la préposition Greque ἀντὶ, contra, & de χριστός, Christus. Il signifie en général un ennemi de Jesus-Christ, un homme qui nie que Jesus-Christ soit venu, & qu'il soit le Messie promis. C'est la notion qu'en donne l'apôtre S. Jean dans sa premiere épître, c. ij. En ce sens on peut dire des Juifs & des infideles que ce sont des antechrists.

Par antechrist on entend plus ordinairement un tyran impie & cruel à l'excès, qui doit régner sur la terre lorsque le monde touchera à sa fin. Les persécutions qu'il exercera contre les élus, seront la derniere & la plus terrible épreuve qu'ils auront à subir. Jesus-Christ même a prédit qu'ils y eussent succombé si le tems n'en eût été abregé en leur faveur. C'est par ce fléau que Dieu annoncera le jugement dernier & la vengeance qu'il doit prendre des méchans.

L'Ecriture & les Peres parlent de l'antechrist, comme d'un seul homme auquel à la vérité ils donnent un grand nombre de précurseurs. Suivant S. Irénée, S. Ambroise, S. Augustin, & presque tous les autres Peres, l'antechrist doit être non un homme engendré par un démon, comme l'a prétendu S. Jerome, ni un démon revêtu d'une chair apparente & phantastique ; moins encore un démon incarné, comme l'ont imaginé d'autres, qui ont pensé que pour perdre les hommes le démon devoit imiter tout ce que Jesus-Christ a fait pour les sauver ; mais un homme de la même nature, & conçu par la même voie que tous les autres, mais qui ne différera d'eux que par une malice & une impiété plus dignes d'un démon que d'un homme. Il en est qui croyent qu'il doit naître d'un Juif & d'une Juive de la tribu de Dan ; qu'il déployera tous ses artifices & sa cruauté contre l'Eglise & l'Evangile ; s'élevera contre Dieu même, se fera bâtir un palais sur la montagne d'Apadno, rétablira la ville & le temple de Jerusalem, & là se fera adorer, publiant qu'il est le vrai Dieu & le Messie attendu des Juifs ; secondé par la puissance du démon, il étonnera & entraînera les peuples dans la séduction par des prestiges capables d'ébranler même les élûs.

Sa naissance sera précédée de signes extraordinaires, tant au ciel que sur la terre. Son regne ne durera que trois ans & demi : mais il sera signalé par des cruautés inoüies. Enoch & Elie viendront le combattre, & ce tyran les fera mettre à mort dans l'endroit même où Jesus-Christ fut crucifié. Leurs corps seront exposés dans les rues de Jérusalem, sans que personne ose en approcher, ni leur donner la sépulture : mais trois jours & demi après, l'esprit de vie envoyé de Dieu entrera dans ces cadavres, Elie & Enoch ressusciteront & seront enlevés au ciel dans une nuée. Enfin le Christ ne pouvant plus souffrir la perversité de son ennemi, le tuera du souffle de sa bouche, & le perdra par l'éclat de sa puissance.

Tel est le tableau que l'Ecriture & les Peres nous ont tracé de l'antechrist. Il suffit d'y jetter les yeux pour sentir combien un grand nombre d'écrivains protestans se sont écartés de la vérité & du bon sens, en appliquant au pape & à l'église romaine tout ce que l'Ecriture, & sur-tout l'Apocalypse, dit de l'antechrist. L'absurdité de cette idée n'a pas empêché que les Protestans du dernier siecle ne l'ayent adoptée comme un article de foi. Dans leur XVII. synode national, tenu à Gap en 1603, ils affecterent même de publier que Clément VIII. qui décéda quelque tems après, étoit mort de chagrin de cette décision : mais ce pontife, aussi-bien que le roi Henri IV. qu'ils avoient déclaré en plein synode race de l'antechrist, n'opposerent à leurs excès que la modération, le mépris, & le silence.

Quoique le savant Grotius & le docteur Hammond se fussent attachés à détruire ces rêveries, on a vû sur la fin du siecle dernier Joseph Mede en Angleterre & le ministre Jurieu en Hollande, les présenter sous une nouvelle forme, qui ne les a pas accréditées davantage. Décriés dans leur propre secte, ces écrivains ont trouvé parmi les Catholiques des adversaires qui ont démontré tout le fanatisme de leurs prophéties & de leurs explications de l'Apocalypse, par lesquelles ils s'efforçoient de montrer que l'antechrist devoit paroître & sortir de l'Eglise Romaine vers l'an 1710. On peut consulter sur cette matiere l'Histoire des Variations, par M. Bossuet, tome II. liv. xiij. depuis l'article 11. jusqu'à la fin du même livre.

Grotius a prétendu que Caligula avoit été l'antechrist : mais ce sentiment ne s'accorde pas avec ce que l'Ecriture & les Peres nous apprennent de la venue de l'antechrist à la fin du monde.

Il seroit inutile de s’arrêter sur les différens noms que divers Auteurs, tant anciens que modernes, ont donnés à l’Antechrist, fondés sur un passage du xiij chap. de l’Apocalypse, où il est dit que les lettres du nom de la bête, c’est-à-dire de l’Antechrist, expriment le nombre de 666 : car les lettres qui expriment ce nombre étant susceptibles d’une multitude de combinaisons différentes, & ces diverses combinaisons formant autant de noms différens, il paroît fort difficile, pour ne pas dire impossible, qu’on ait réussi à trouver la véritable. Quoi qu’il en soit, on peut voir dans la bibliotheque de Sixte de Sienne, liv. II. une partie de ces noms, dont le plus probable paroît être celui qu’ont imaginé S. Irenée & S. Hippolyte ; savoir τεῖταν, mot Grec qui signifie géant, & qui est composé de six lettres dont la valeur numérale équivaut à 666.

On trouve parmi les écrits de Raban-Maur, d'abord abbé de Fulde, puis archevêque de Mayence, auteur fort célebre du neuvieme siecle, un traité sur la vie & les moeurs de l'antechrist. Nous n'en citerons qu'un endroit singulier ; c'est celui où l'auteur, après avoir prouvé par S. Paul que la ruine totale de l'empire romain, qu'il suppose être celui d'Allemagne, précédera la venue de l'antechrist, il conclut de la sorte : " Ce terme fatal pour l'empire romain n'est pas encore arrivé. Il est vrai que nous le voyons aujourd'hui extrèmement diminué, & pour ainsi dire détruit dans sa plus grande étendue : mais il est certain que son éclat ne sera jamais entierement éclipsé ; parce que tandis que les rois de France qui en doivent occuper le throne subsisteront, ils en seront toûjours le ferme appui ". Hoc tempus nondum advenit ; quia licet Romanum imperium videamus ex maximâ parte destructum, tamen quandiu Francorum reges duraverint qui Romanum imperium tenere debent, Romani imperii dignitas ex toto non peribit, quia in regibus suis stabit. Et rapportant ensuite le sentiment de quelques docteurs de bon sens, il ajoûte : " Quelques-uns de nos docteurs assûrent que ce sera un roi de France qui à la fin du monde dominera sur tout l'empire Romain. Ce roi sera le dernier & le plus grand qui ait jamais porté le sceptre. Après le regne le plus brillant & le plus heureux, il ira à Jérusalem déposer son sceptre & sa couronne sur la montagne des Oliviers ; le moment d'après l'empire Romain finira pour toûjours, & soudain s'accomplira l'oracle de l'apôtre sur la venue de l'antechrist ". Quidam doctores nostri dicunt quod unus de regibus Francorum, imperium Romanum ex integro tenebit, qui in novissimo tempore erit, & ipse erit maximus & omnium regum ultimus, qui postquam regnum suum feliciter gubernaverit, ad ultimum Jerosolymam veniet, & in monte Oliveti sceptrum & coronam suam deponet. Hic erit finis & consummatio Romanorum Christianorum. que regnorum ; statimque secundum proedictam sententiam apostoli Pauli antichristum dicunt futurum. Si la derniere prédiction de ces docteurs n'est pas plus exactement accomplie que la premiere de Raban-Maur, elles seront fausses de tout point.

Malvenda, théologien espagnol, a donné un long & savant ouvrage sur l'antechrist. Son traité est divisé en 13 livres. Il expose dans le premier les différentes opinions des Peres touchant l'antechrist. Il détermine dans le second le tems auquel il doit paroître, & prouve que tous ceux qui ont assûré que la venue de l'antechrist étoit proche, ont supposé en même tems que la fin du monde n'étoit pas éloignée. Le troisieme est une dissertation sur l'origine de l'antechrist, & sur la nation dont il doit être. L'auteur prétend qu'il sera Juif & de la tribu de Dan, & il se fonde sur l'autorité des Peres & sur le vers. 17 du ch. xljx. de la Genese, où Jacob mourant dit à ses fils : Dan est un serpent dans le chemin, & un céraste dans le sentier ; & sur le chap. viij. vers. 16. de Jérémie, où il est dit que les armées de Dan dévoreront la terre ; & encore sur le chap. vij. de l'Apocalypse, où S. Jean a omis la tribu de Dan dans l'énumération qu'il fait des autres tribus. Il traite dans le quatrieme & le cinquieme des caracteres de l'antechrist. Il parle dans le sixieme de son regne & de ses guerres ; dans le septieme, de ses vices ; dans le huitieme, de sa doctrine & de ses miracles ; dans le neuvieme, de ses persécutions ; & dans le reste de l'ouvrage, de la venue d'Enoch & d'Elie, de la conversion des Juifs, du regne de Jesus-Christ & de la mort de l'antechrist, qui arrivera après un regne de trois ans & demi. Voyez MILLENAIRES. (G)


ANTECIENS Antoeci, adj. pl. m. du Grec ἀντὶ, contre, & d’οἰκέω, j’habite. On appelle en Géographie Antéciens, les peuples placés sous le même méridien & à la même distance de l'équateur ; les uns vers le nord, & les autres vers le midi. Voyez TERRE. De-là il s'ensuit que les Antéciens ont la même longitude & la même latitude, & qu'il n'y a que la dénomination de latitude septentrionale ou méridionale qui les distingue. Voyez LATITUDE.

Ils sont sous la même demi-circonférence du méridien, mais sur des paralleles placés de différens côtés de l'équateur.

Les habitans du Péloponese sont à peu-près Antéciens aux habitans du cap de Bonne-espérance.

On confond assez fréquemment les Antéciens avec les Antisciens Voyez ANTISCIENS.

Les Antéciens ont la même longueur de jour & de nuit, mais en des saisons différentes : lorsque les uns ont midi du plus long jour d'été, les autres ont midi du plus court jour d'hyver.

D'où il s'en suit que la nuit des uns est toûjours égale au jour des autres. Voyez JOUR, HEURE, SAISON &c.

Il s'ensuit encore que les étoiles qui ne se levent jamais pour les uns, ne se couchent point pour les autres. Voyez ANTIPODES (O)


ANTÉDILUVIENNE(Philosophie.) ou état de la Philosophie avant le déluge. Quelques-uns de ceux qui remontent à l'origine de la Philosophie ne s'arrêtent pas au premier homme, qui fut formé à l'image & ressemblance de Dieu : mais, comme si la terre n'étoit pas un séjour digne de son origine, ils s'élancent dans les cieux, & la vont chercher jusque chez les Anges, où ils nous la montrent toute brillante de clarté. Cette opinion paroît fondée sur ce que nous dit l'Ecriture de la nature & de la sagesse des Anges. Il est naturel de penser qu'étant d'une nature bien supérieure à la nôtre, ils ont eu par conséquent des connoissances plus parfaites des choses, & qu'ils sont de bien meilleurs philosophes que nous autres hommes. Quelques Savans ont poussé les choses plus loin ; car pour nous prouver que les Anges excelloient dans la Physique, ils ont dit que Dieu s'étoit servi de leur ministere pour créer ce monde, & former les différentes créatures qui le remplissent. Cette opinion, comme l'on voit, est une suite des idées qu'ils avoient puisées dans la doctrine de Pythagore & de Platon. Ces deux Philosophes, embarrassés de l'espace infini qui est entre Dieu & les hommes, jugerent à propos de le remplir de génies & de démons : mais, comme dit judicieusement M. de Fontenelle contre Platon, Hist. des Oracles, de quoi remplira-t-on l'espace infini qui sera entre Dieu & ces génies, ou ces démons mêmes ? car de Dieu à quelque créature que ce soit, la distance est infinie. Comme il faut que l'action de Dieu traverse, pour ainsi dire, ce vuide infini pour aller jusqu'aux démons, elle pourra bien aller aussi jusqu'aux hommes ; puisqu'ils ne sont plus éloignés que de quelques degrés, qui n'ont nulle proportion avec ce premier éloignement. Lorsque Dieu traite avec les hommes par le moyen des Anges, ce n'est pas à dire que les Anges soient nécessaires pour cette communication, ainsi que Platon le prétendoit ; Dieu les y employe par des raisons que la Philosophie ne pénétrera jamais, & qui ne peuvent être parfaitement connues que de lui seul. Platon avoit imaginé les démons pour former une échelle par laquelle, de créature plus parfaite en créature plus parfaite, on montât enfin jusqu'à Dieu, desorte que Dieu n'auroit que quelques degrés de perfection par-dessus la premiere des créatures. Mais il est visible que, comme elles sont toutes infiniment imparfaites à son égard, parce qu'elles sont toutes infiniment éloignées de lui, les différences de perfection qui sont entr'elles disparoissent dès qu'on les compare avec Dieu : ce qui les éleve les unes au-dessus des autres, ne les approche guere de lui. Ainsi, à ne consulter que la raison humaine, on n'a besoin de démons, ni pour faire passer l'action de Dieu jusqu'aux hommes, ni pour mettre entre Dieu & nous quelque chose qui approche de lui plus que nous ne pouvons en approcher.

Mais si les bons Anges qui sont les ministres des volontés de Dieu, & ses messagers auprès des hommes, sont ornés de plusieurs connoissances philosophiques ; pourquoi refuseroit-on cette prérogative aux mauvais Anges ? leur réprobation n'a rien changé dans l'excellence de leur nature, ni dans la perfection de leurs connoissances ; on en voit la preuve dans l'Astrologie, les augures, & les aruspices. Ce n'est qu'aux artifices, d'une fine & d'une subtile dialectique, que le démon qui tenta nos premiers parens, doit la victoire qu'il remporta sur eux. Il n'y a pas jusqu'à quelques Peres de l'Eglise, qui imbus des rêveries platoniciennes, ont écrit que les esprits réprouvés ont enseigné aux hommes qu'ils avoient sû charmer, & avec lesquels ils avoient eu commerce, plusieurs secrets de la nature ; comme la métallurgie, la vertu des simples, la puissance des enchantemens, & l'art de lire dans le ciel la destinée des hommes.

Je ne m'amuserai point à prouver ici combien sont pitoyables tous ces raisonnemens par lesquels on prétend démontrer que les Anges & les diables sont des Philosophes, & même de grands Philosophes. Laissons cette philosophie des habitans du ciel & du ténare ; elle est trop au-dessus de nous : parlons de celle qui convient proprement aux hommes, & qui est de notre ressort.

Adam le premier de tous les hommes a-t-il été philosophe ? c'est une chose dont bien des personnes ne doutent nullement. En effet, nous dit Hornius, nous croyons qu'Adam avant sa chûte fut orné non-seulement de toutes les qualités & de toutes les connoissances qui perfectionnent l'esprit, mais même qu'après sa chûte il conserva quelques restes de ses premieres connoissances. Le souvenir de ce qu'il avoit perdu étant toûjours présent à son esprit, alluma dans son coeur un desir violent de rétablir en lui les connoissances que le péché lui avoit enlevées, & de dissiper les ténebres qui les lui voiloient. C'est pour y satisfaire, qu'il s'attacha toute sa vie à interroger la nature, & à s'élever aux connoissances les plus sublimes ; il y a même tout lieu de penser qu'il n'aura pas laissé ignorer à ses enfans la plûpart de ses découvertes, puisqu'il a vêcu si long-tems avec eux. Tels sont à peu-près les raisonnemens du docteur Hornius auquel nous joindrions volontiers les docteurs Juifs, si leurs fables méritoient quelque attention de notre part. Voici encore quelques raisonnemens bien dignes du docteur Hornius, pour prouver qu'Adam a été Philosophe & même Philosophe du premier ordre. S'il n'avoit été Physicien, comment auroit-il pû imposer à tous les animaux qui furent amenés devant lui, des noms qui paroissent à bien des personnes exprimer leur nature ? Eusebe en a tiré une preuve pour la Logique d'Adam. Pour les Mathématiques, il n'est pas possible de douter qu'il ne les ait sûes ; car autrement comment auroit-il pû se faire des habits de peaux de bêtes, se construire une maison, observer le mouvement des astres, & régler l'année sur la course du soleil ? Enfin ce qui met le comble à toutes ces preuves si décisives en faveur de la philosophie d'Adam, c'est qu'il a écrit des livres, & que ces livres contenoient toutes les sublimes connoissances qu'un travail infatigable lui avoit acquises. Il est vrai que les livres qu'on lui attribue sont apocryphes ou perdus ; mais cela n'y fait rien ; on ne les aura supposés à Adam, que parce que la tradition avoit conservé les titres des Livres authentiques dont il étoit le véritable auteur.

Rien de plus aisé que de réfuter toutes ces raisons : 1°. ce que l'on dit de la sagesse d'Adam avant sa chûte, n'a aucune analogie avec la Philosophie dans le sens que nous la prenons ; car elle consistoit cette sagesse dans la connoissance de Dieu, de soi-même, & sur-tout dans la connoissance pratique de tout ce qui pouvoit le conduire à la félicité pour laquelle il étoit né. Il est bien vrai qu'Adam a eu cette sorte de sagesse : mais qu'a-t-elle de commun avec cette philosophie que produisent la curiosité & l'admiration filles de l'ignorance, qui ne s'acquiert que par le pénible travail des réflexions, & qui ne se perfectionne que par le conflit des opinions ? La sagesse avec laquelle Adam fut créé, est cette sagesse divine, qui est le fruit de la grace, & que Dieu verse dans les ames mêmes les plus simples. Cette sagesse est sans doute la véritable Philosophie : mais elle est fort différente de celle que l'esprit enfante, & à l'accroissement de laquelle tous les siecles ont concouru. Si Adam dans l'état d'innocence n'a point eu de philosophie, que devient celle qu'on lui attribue après sa chûte, & qui n'étoit qu'un foible écoulement de la premiere ? Comment veut-on qu'Adam, que son péché suivoit par-tout, qui n'étoit occupé que du soin de fléchir son Dieu, & de repousser les miseres qui l'environnoient, eût l'esprit assez tranquille pour se livrer aux steriles spéculations d'une vaine philosophie ? il a donné des noms aux animaux ; est-ce à dire pour cela qu'il en ait bien connu la nature & les propriétés ?. Il raisonnoit avec Eve notre grand'mere commune, & avec ses enfans ; en conclurez-vous pour cela qu'il sût la Dialectique ? avec ce beau raisonnement on transformeroit tous les hommes en Dialecticiens. Il s'est bâti une misérable cabane ; il a gouverné prudemment sa famille, il l'a instruite de ses devoirs, & lui a enseigné le culte de la religion : sont-ce donc là des raisons à apporter pour prouver qu'Adam a été Architecte, Politique, Théologien ?

Enfin comment peut-on soûtenir qu'Adam a été l'inventeur des lettres, tandis que nous voyons les hommes long-tems même après le déluge se servir encore d'une écriture hiéroglyphique, laquelle est de toutes les écritures la plus imparfaite, & le premier effort que les hommes ont fait pour se communiquer réciproquement leurs conceptions grossieres. On voit par-là combien est sujet à contradiction ce que dit l'ingénieux & savant auteur de l'Histoire critique de la Philosophie touchant son origine & ses commencemens : " Elle est née, si on l'en croit, avec le monde ; & contre l'ordinaire des productions humaines, son berceau n'a rien qui la dépare, ni qui l'avilisse. Au travers des foiblesses & des begayemens de l'enfance, on lui trouve des traits forts & hardis, une sorte de perfection. En effet les hommes ont de tout tems pensé, réfléchi, médité : de tout tems aussi ce spectacle pompeux & magnifique que présente l'univers, spectacle d'autant plus intéressant, qu'il est étudié avec plus de soin, a frappé leur curiosité ".

Mais répondra-t-on, si l'admiration est la mere de la Philosophie, comme nous le dit cet auteur, elle n'est donc pas née avec le monde, puisqu'il a fallu que les hommes, avant que d'avoir la philosophie, ayent commencé par admirer. Or pour cela il falloit du tems, il falloit des expériences & des réflexions : d'ailleurs s'imagine-t-on que les premiers hommes eussent assez de tems pour exercer leur esprit sur des systêmes philosophiques, eux qui trouvoient à peine les moyens de vivre un peu commodément ? On ne pense à satisfaire les besoins de l'esprit, qu'après qu'on a satisfait ceux du corps. Les premiers hommes étoient donc bien éloignés de penser à la Philosophie : " Les miracles de la nature sont exposés à nos yeux long-tems avant que nous ayons assez de raison pour en être éclairés. Si nous arrivons dans ce monde avec cette raison que nous portâmes dans la salle de l'Opéra la premiere fois que nous y entrâmes, & si la toile se levoit brusquement ; frappés de la grandeur, de la magnificence, & du jeu des décorations, nous n'aurions pas la force de nous refuser à la connoissance des grandes vérités qui y sont liées : mais qui s'avise de s'étonner de ce qu'il voit depuis cinquante ans ? Entre les hommes, les uns occupés de leurs besoins n'ont guere eu le tems de se livrer à des spéculations métaphysiques ; le lever de l'astre du jour les appelloit au travail ; la plus belle nuit, la nuit la plus touchante, étoit muette pour eux, ou ne leur disoit autre chose, sinon qu'il étoit l'heure du repos ; les autres moins occupés, ou n'ont jamais eu occasion d'interroger la nature, ou n'ont pas eu l'esprit d'entendre sa réponse. Le génie philosophe dont la sagacité secoüant le joug de l'habitude, s'étonna le premier des prodiges qui l'environnoient, descendit en lui-même, se demanda & se rendit raison de tout ce qu'il voyoit, a dû se faire attendre long-tems, & a pû mourir sans avoir accrédité ses opinions ". Essai sur le mérite & la vertu, page 92.

Si Adam n'a point eu la Philosophie, il n'y a point d'inconvenient à la refuser à ses enfans Abel & Caïn : il n'y a que George Hornius qui puisse voir dans Caïn le fondateur d'une secte de philosophie.

Vous ne croiriez jamais que Caïn ait jetté les premieres semences de l'épicuréisme, & qu'il ait été athée. La raison qu'Hornius en donne est tout-à-fait singuliere. Caïn étoit, selon lui, philosophe, mais philosophe impie & athée, parce qu'il aimoit l'amusement & les plaisirs, & que ses enfans n'avoient que trop bien suivi les leçons de volupté qu'il leur donnoit. Si l'on est philosophe épicurien, parce qu'on écoute la voix de ses plaisirs, & qu'on cherche dans un athéisme pratique l'impunité de ses crimes, les jardins d'Epicure ne suffiroient pas à recevoir tant de philosophes voluptueux. Ce qu'il ajoûte de la ville que bâtit Caïn, & des instrumens qu'il mit en oeuvre pour labourer la terre, ne prouve nullement qu'il fût philosophe ; car ce que la nécessité & l'expérience, ces premieres institutrices des hommes, leur font trouver, n'a pas besoin des préceptes de la Philosophie. D'ailleurs on peut croire que Dieu apprit au premier homme le moyen de cultiver la terre, comme le premier homme en instruisit lui-même ses enfans.

Le jaloux Caïn ayant porté des mains homicides sur son frere Abel, Dieu fit revivre Abel dans la personne de Seth. Ce fut donc dans cette famille que se conserva le sacré dépôt des premieres traditions qui concernoient la religion. Les partisans de la Philosophie antédiluvienne ne regardent pas Seth seulement comme philosophe, mais ils veulent encore qu'il ait été grand Astronome. Josephe faisant l'éloge des connoissances qu'avoient acquis les enfans de Seth avant le déluge, dit qu'ils éleverent deux colonnes pour y inscrire ces connoissances, & les transmettre à la postérité. L'une de ces colonnes étoit de brique, l'autre de pierre ; & on n'avoit rien épargné pour les bâtir solidement, afin qu'elles pussent résister aux inondations & aux incendies dont l'univers étoit menacé ; Josephe ajoûte que celle de brique subsistoit encore de son tems. Je ne sai si l'on doit faire beaucoup de fond sur un tel passage. Les exagérations & les hyperboles ne coûtent guere à Josephe, quand il s'agit d'illustrer sa nation. Cet Historien se proposoit sur-tout de montrer la supériorité des Juifs sur les Gentils, en matiere d'arts & de sciences : c'est-là probablement ce qui a donné lieu à la fiction des deux colonnes élevées par les enfans de Seth. Quelle apparence qu'un pareil monument ait pû subsister après les ravages que fit le déluge ? & puis on ne conçoit pas pourquoi Moyse qui a parlé des arts qui furent trouvés par les enfans de Caïn, comme la Musique, la Métallurgie, l'art de travailler le fer & l'airain, &c. ne dit rien des grandes connoissances que Seth avoit acquises dans l'Astronomie, de l'écriture dont il passe pour être inventeur, des noms qu'il donna aux astres, du partage qu'il fit de l'année en mois & en semaines.

Il ne faut pas s'imaginer que Jubal & Tubalcaïn ayent été de grands philosophes : l'un pour avoir inventé la Musique, & l'autre pour avoir eu le secret de travailler le fer & l'airain : peut-être ces deux hommes ne firent-ils que perfectionner ce qu'on avoit trouvé avant eux. Mais je veux qu'ils ayent été inventeurs de ces arts, qu'en peut-on conclure pour la Philosophie ? Ne sait-on pas que c'est au hasard que nous devons la plûpart des arts utiles à la société ? Ce que fait la Philosophie, c'est de raisonner sur le génie qu'elle y remarque, après qu'ils ont été découverts. Il est heureux pour nous que le hasard ait prévenu nos besoins, & qu'il n'ait presque rien laissé à faire à la Philosophie. On ne rencontre pas plus de Philosophie dans la branche de Seth, que dans celle de Caïn ; on y voit des hommes à la vérité qui conservent la connoissance du vrai Dieu, & le dépôt des traditions primitives, qui s'occupent de choses sérieuses & solides, comme de l'agriculture & de la garde des troupeaux : mais on n'y voit point de philosophes. C'est donc inutilement qu'on cherche l'origine & les commencemens de la Philosophie dans les tems qui ont précédé le déluge. Voyez PHILOSOPHIE.


ANTEDONE(Géog. mod.) petite ville de Grece dans l'Achaïe ou la Livadie, entre Négrepont & Talandi, sur la côte du golphe.


ANTENALES. f. (Hist. nat.) oiseau de mer qu'on trouve vers le cap de Bonne-Espérance. Il a sur les plumes un duvet très-fin ; Vicquefort dit qu'on se sert de ce duvet contre l'indigestion & les foiblesses d'estomac.


ANTENNEantenna, s. f. (Hist. nat.) Plusieurs insectes ont sur la tête des especes de cornes auxquelles on a donné ce nom. Les antennes sont mobiles sur leurs bases, & se plient en différens sens au moyen de plusieurs articulations. Elles sont différentes les unes des autres par la forme, la consistance, la longueur, la grosseur, &c. Il y a de la différence entre les antennes d'un papillon de nuit, & celles d'un papillon de jour. Les antennes du hanneton ne ressemblent pas à celles du capricorne, &c. Ces différences ont fourni des caracteres pour distinguer plusieurs genres d'insectes. Voyez INSECTE. (I)

ANTENNE, s. f. (Marine.) mot des Levantins, pour signifier une vergue. Voyez VERGUE. (Z)


ANTEPAGMENTAS. pl. n. (Architect. anc.) chambranle qui comprend les trois parties de la porte ; savoir, un assemblage de bois qui s'attache sur la pierre.

M. Saumaise croit que antepagmenta & antae, different en ce que les antes étoient de pierre, & antepagmenta étoient de bois. Les interpretes disent que c'est un pié droit, ou un jambage ; mais ces termes ne sont pas assez précis pour expliquer antepagmentum, qui ne signifie pas seulement les deux côtés de la porte, mais même le dessus, comme on le voit quand Vitruve parle d'antepagmentum superius. Ce mot se trouve encore dans le ch. vij. du liv. IV. de Vitruve, & M. Perrault le traduit par les ais, selon l'interprétation de Philander, qui ne croit point qu'antepagmenta doive signifier des chambranles en cet endroit, car il ne s'agit point de portes & de fenêtres ; mais de l'entablement composé de l'architrave, & il y a apparence que Vitruve s'en sert pour signifier, suivant son étymologie, une chose qui est clouée sur une autre.

(Le Chevalier DE JAUCOURT.)


ANTÉPÉNULTIEME(Gramm.) ce mot se prend substantivement ; on sousentend syllabe. Un mot qui est composé de plusieurs syllabes a une derniere syllabe, une pénultieme, pene ultima, c'est-à-dire presque la derniere, & une antépénultieme ; en sorte que comme la pénultieme précede la derniere, l'antépénultieme précede la pénultieme, ante pene ultimam. Ainsi dans amaveram, ram est la derniere, ve la pénultieme, & ma l'antépénultieme.

En grec, on met l’accent aigu sur la derniere syllabe, Θεός, Dieu : sur la pénultieme λόγος, discours ; & sur l’antépénultieme ἄνθρωπος, homme : on ne met jamais d’accent avant l’antépénultieme.

En latin, lorsqu'on marque les accens pour régler la prononciation du lecteur, si la pénultieme syllabe d'un mot doit être prononcée breve, on met l'accent aigu sur l'antépénultieme, quoique cette antépénultieme soit breve, Dominus. (F)


ANTEPREDICAMENSS. m. pl. on appelle ainsi en Logique, certaines questions préliminaires qui éclaircissent & facilitent la doctrine des prédicamens & des catégories. Ces questions concernent l'univocité, l'équivocité des termes, & c. On les appelle antéprédicamens, parce qu'Aristote les a placés avant les prédicamens, pour pouvoir traiter la matiere des prédicamens sans aucune interruption. (X)


ANTEQUERA(Géog. mod.) ville d'Espagne au royaume de Grenade, partagée en haute & basse ville. Long. 13. 40. lat. 36. 51.


ANTEou ENTER un pilot, sur les rivieres, c'est le joindre bout à bout avec un autre qui est trop court. Voyez PILOT.


ANTÉRIEURadj. en Anatomie, se dit de toutes les parties qui sont tournées vers le plan vertical que l'on conçoit passer sur la face, sur la poitrine, le bas-ventre, &c. & perpendiculaire au plan qui divise le corps en deux parties égales & symmétriques. (L)

ANTERIEUR, en style de Palais, se dit en quelques occasions pour plus ancien. Ainsi l'on dit d'un acte, qu'il est antérieur en date à un autre ; d'un créancier, qu'il est antérieur en hypotheque à un autre créancier. (H)


ANTÉRIEUREMENTadv. ANTÉRIORITé, s. f. termes de Palais, que l'explication du mot ci-dessus fait assez comprendre. Voyez ANTERIEUR.


ANTEROou LE CONTRE-AMOUR, s. m. (Myth.) fils de Venus & de Mars. On dit que Venus se plaignant à Themis de ce que l'Amour restoit toûjours enfant, Themis lui répondit : & il restera tel, tant que vous n'aurez point d'autre fils. Sur cette réponse, la déesse galante écouta le dieu de la guerre ; le Contre-amour naquit, & le premier fils de Venus devint grand. Ils ont l'un & l'autre des ailes, un carquois & des fleches. On les a grouppés plusieurs fois : on les voit dans un bas-relief ancien, se disputant une branche de palmier. Pausanias parle d'une statue de l'Anteros, où ce dieu tenoit deux coqs sur son sein, par lesquels il tâchoit de se faire becqueter la tête. Il joüit des honneurs divins : les Athéniens lui éleverent des autels. Cupidon fut le dieu de l'amour ; Anteros, le dieu du retour.


ANTEROSTA* ANTEROSTA & POSTROSTA, s. f. (Myth.) Déesses invoquées par les Romains, l’une pour les choses passées, l’autre pour les choses à venir. C’étoient les conseilleres de la Providence.


ANTERSS. f. du latin ante, terme d'Architecture : c'est, selon Vitruve, les pilastres d'encoignure que les anciens affectoient de mettre aux extrémités de leurs temples, & ce que nos Architectes appellent pilastres. Voyez PILASTRE. (P)


ANTESSou ANTISSA, (Géog. anc. & mod.) ville de l'île de Lesbos, ou même, selon quelques-uns, île séparée de Lesbos par un canal.


ANTESTATURES. f. terme de Génie, petit retranchement fait de palissades ou de sacs de terre, établis à la hâte pour disputer le reste du terrain à l'ennemi. Voyez RETRANCHEMENT. Ce terme n'est plus guere d'usage actuellement. (Q)


ANTHAB(Géogr. anc. & mod.) ville de Caramanie dans l'Asie mineure, qu'on appelle aujourd'hui Antiochetia.


ANTHAKIAvoyez ANTIOCHE.


ANTHELIENSS. m. pl. (Myth.) dieux révérés par les Athéniens. Leurs statues étoient placées aux portes, & exposées à l'air : c'est de-là qu'ils ont été nommés dieux Antheliens.


ANTHELIXen terme d'Anatomie, est le circuit intérieur de l'oreille externe ; ainsi nommé par opposition au circuit extérieur appellé helix. Voyez HELIX, OREILLE, &c. (L)


ANTHELMINTIQUESadj. pl. (Medec.) épithete que l'on donne aux médicamens qui ont la propriété de chasser les vers.


ANTHEMIS(Hist. nat.) genre de plante à fleur radiée, dont le disque est composé de plusieurs fleurons, & la couronne de demi-fleurons qui tiennent à des embryons, & qui sont renfermés dans un calice écailleux. Les embryons deviennent dans la suite des semences attachées au fond du calice, & séparées les unes des autres par de petites feuilles faites en forme de gouttiere. Ajoûtez aux caracteres de ce genre, que ses feuilles sont découpées. Micheli, Nov. plant. gener. Voyez PLANTE. (I)


ANTHEMISE(Géog. mod.) grand pays de Perse dont Eutrope fait mention, & qui n'est pas l'Anthemusie.


ANTHEREmédicament ainsi nommé à cause de sa couleur vive & rougeâtre ; il est composé de myrrhe, de sandarac, d'alun, de racine de souchet, de safran, & de feuilles de roses rouges, dont on faisoit des poudres, des onguens ou des collyres, selon les indications : mais ni le nom, ni les compositions, ne sont plus d'usage. (N)


ANTHESPHORIESS. f. pl. en grec ἀνθεσφορια, terme d'antiquité, fête que l'on célébroit dans la Sicile en l'honneur de Proserpine. Voyez FETE.

Ce mot dérive du grec ἄνθος, fleur, & de φέρω, je porte, à cause que Proserpine cueilloit des fleurs dans les champs, lorsque Pluton l’enleva. Cependant Festus n’attribue point cette fête à Proserpine : mais il dit qu’elle fut ainsi dénommée à cause du blé que l’on apportoit au temple dans ce jour-là.

Anthesphorie semble être la même chose que le florisertum, des Latins, qui a beaucoup de rapport au harvest-home des Anglois, qui signifie le logis de la moisson. (G)


ANTHIAS(Hist. nat.) genre de poisson de mer dont Rondelet distingue quatre especes. La premiere est appellée barbier, voyez BARBIER. La seconde porte le nom de capelan, voyez CAPELAN.

La troisieme espece est celle qu'Oppian appelle anthias, le noir de sang : on ne doit pas rapporter cette couleur au sang de ce poisson ; c'est le corps qui est d'une couleur violette obscure. Cet anthias est allongé ; ses dents sont pointues, & s'engrenent les unes entre les autres ; il a des levres ; ses yeux sont ronds & de couleur rouge mêlée de pourpre ; l'anus est grand ; il en sort un boyau coloré de verd & de rouge ; la queue est grosse. Ce poisson vit dans les rochers : sa chair est tendre, seche, & nourrissante.

La quatrieme espece d'anthias est celle qu'Oppian appelle , parce qu'il a bonne vûe ; ou , parce que ses yeux sont entourés d'un sourcil rond & noir, qui fait paroître les yeux enfoncés dans la tête. Rondelet. Voyez POISSON. (I)


ANTHIRRINUM(Jardinage.) ou MUFFLE DE LION, est une plante de la grande espece, qui pousse plusieurs tiges. Ses feuilles oblongues ressemblent à celles du giroflier jaune ; ses fleurs qui viennent à la sommité de ses tiges, font un épi assez long, en forme de tuyau, de couleur de chair, représentant par un bout le muffle d'un veau ou d'un lion : ses graines sont noires, & très-menues.

On seme le muffle de lion en Septembre & Octobre & on le replante en Avril : cependant étant vorace, il se multiplie aussi de racines. On joüit de sa fleur pendant l'été. Il vient aisément par-tout, même dans les terres sablonneuses. (K)


ANTHISTERIEou ANTHESTERIES, s. f. pl. (Hist. anc. & Myth.) fêtes que les Athéniens célébroient vers le printems du mois appellé anthistérion, du mot Grec ἄνθος, parce qu'alors la terre est couverte de fleurs. Pendant cette fête, que quelques-uns croyent avoir été consacrée à Bacchus, les maîtres faisoient grande chere à leurs esclaves, comme les Romains dans leurs saturnales. On pense aussi que toutes les fêtes de Bacchus, surnommé anthius ou fleurissant, étoient nommées en général anthisteries, quoique diversifiées par d'autres titres particuliers, tels que pithagiae, chytra, &c.

Quelques-uns pensent que ce nom vient du mont Antherion où s'en faisoit la solennité ; que ces fêtes duroient trois jours, le 11, le 12 & le 13 de chaque mois ; & chacune avoit un nom différent, pris des cérémonies ou des occupations qui remplissoient chaque journée. La premiere s'appelloit , c'est-à-dire l'ouverture des vaisseaux, parce qu'on y mettoit le vin en perce & qu'on le goûtoit. Le second jour se nommoit , congii, d'une mesure contenant environ le poids de 20 livres ; on bûvoit ce jour-là le vin préparé la veille. Quant au troisieme, on l'appelloit , chauderons, à cause que ce jour-là on faisoit bouillir toutes sortes de légumes, auxquels il n'étoit pas permis de toucher, parce qu'ils étoient offerts à Mercure. (G)


ANTHIUou FLEURI, (Myth.) surnom qu'on donna à Bacchus dans Athenes & à Patras en Achaïe, parce que ses statues étoient couvertes d'une robe chargée de fleurs.


ANTHOCEROS(Hist. nat.) genre de plante à fleur monopétale, ressemblante à une corne qui s'ouvre jusqu'au centre en deux parties ; il y a dans le milieu un filament ou une étamine chargée de poussiere. Cette fleur est stérile : elle sort d'un calice ou plûtôt d'une gaîne tubulée. Les fruits sont des capsules que l'on trouve tantôt sur des especes qui ont des fleurs, tantôt sur d'autres qui n'en ont point ; elles se partagent en plusieurs rayons à leur ouverture ; chacune de ces capsules contient une, deux, ou trois semences, & quelquefois quatre. Nova plant. gener. &c. par Micheli. Voyez PLANTE. (I)


ANTHOLOGES. m. (Theol.) du Grec ἀνθολόγιον, ce que nous rendrions en latin par florilegium, recueil de fleurs.

C'est un recueil des principaux offices qui sont en usage dans l'église Greque. Il renferme les offices propres des fêtes de Jesus-Christ, de la sainte Vierge, & de quelques Saints ; de plus, des offices communs pour les Prophetes, les Apôtres, les Martyrs, les Confesseurs, les Vierges, &c. Léon Allatius, dans sa premiere dissertation sur les livres ecclésiastiques des Grecs, en parle, mais avec peu d'éloge. Ce n'étoit d'abord qu'un livret, que l'avidité ou la fantaisie de ceux qui l'ont augmenté a beaucoup grossi ; mais qui, à quelques nouveautés près, ne contient rien qui ne se trouve dans les ménées, & dans les autres livres ecclésiastiques des Grecs.

Outre cet anthologe, qui est à l'usage des églises Greques, Antoine Arcadius en a publié un nouveau sous le titre de nouvel anthologe ou florilege, imprimé à Rome en 1598. C'est un abregé du premier, une espece de breviaire raccourci & commode dans les voyages pour les prêtres & les moines Grecs, qui ne peuvent porter le premier attendu son extrème grosseur : mais il est encore moins que celui-ci du goût d'Allatius, qui accuse l'abréviateur de plusieurs altérations & infidélités considérables. Allat. de libr. eccl. Graec. M. Simon, Sup. aux cérém. des Grecs.


ANTHOLOGIES. f. (Litt.) se prend aussi en particulier pour un recueil des épigrammes de divers auteurs Grecs. (G)

Il y a une anthologie imprimée, mais qui n'est pas, à beaucoup près, si complete que l'anthologie manuscrite de Guyet, copiée sur celle de Saumaise, & qui après avoir appartenu à Menage, fait aujourd'hui partie des manuscrits de la bibliotheque du Roi. M. Boivin dans la notice qu'il en a donnée, tom. II. des Mém. de l'Acad. des Belles-Lettres, pag. 264. dit qu'elle contient plus de 700 épigrammes, qui forment environ trois mille vers. Elle est divisée en cinq livres ou parties, dont la premiere & la seconde sont composées d'épigrammes excessivement licentieuses. La troisieme a pour titre ; c'est ainsi qu'on nommoit les épigrammes qui servoient d'inscriptions aux offrandes que l'on faisoit aux dieux. La quatrieme contient des inscriptions de tombeaux, ce que nous appellons épitaphes. La cinquieme comprend des épigrammes sur divers sujets, dont quelques-uns sont inventés à plaisir ; l'auteur du recueil les nomme , épigrammes d'ostentation, où le poëte ne cherche qu'à faire paroître son esprit. Au reste la plûpart de ces épigrammes approchent plus de nos madrigaux ou du style des inscriptions antiques que de la maniere de Martial & de nos épigrammatistes Latins. V. ÉPIGRAMME.

Meleagre, natif de Gadare ville de Syrie, qui vivoit sous Seleucus VI. dernier roi de Syrie, est le premier qui ait fait un recueil d'épigrammes greques qu'il nomma anthologie, à cause qu'ayant choisi ce qu'il trouva de plus brillant & de plus fleuri parmi les épigrammes de quarante-six poëtes anciens, il regarda son recueil comme un bouquet de fleurs, & attribua une fleur à chacun de ces poëtes, le lis à Anytes, la rose à Sapho, &c. Après lui, Philippe de Thessalonique fit du tems de l'empereur Auguste un second recueil tiré seulement de quatorze poëtes. Agathias en fit encore un troisieme environ 500 ans après, sous Justinien. Enfin Planude, moine de Constantinople, qui vivoit en 1380, fit le quatrieme qu'il divisa en sept livres, dans chacun desquels les épigrammes sont rangées par ordre alphabétique. C'est l'anthologie telle que nous l'avons aujourd'hui imprimée, qui contient plusieurs belles épigrammes fort sensées & fort spirituelles : mais elles ne font pas le plus grand nombre. Rollin, hist. anc. tom. XII. (G)


ANTHRACOSES. f. (terme de Chirurg.) Anthrax ou charbon des paupieres, est une tumeur d'un rouge livide, qui cause une tension considérable aux paupieres & aux parties voisines, accompagnée de fievre, de douleur, & de pulsation. Cette tumeur est accompagnée de dureté & d'une si grande chaleur, qu'il s'y forme une croûte noire, une vraie escare, comme si le feu y eût passé. L'érésipele de la face & la tuméfaction des glandes parotides sont souvent des accidens de cette maladie.

On attribue la cause de l'anthrax des paupieres à un sang grossier, brûlé, & dépouillé de son véhicule. Il n'arrive guere qu'en été aux pauvres gens de la campagne, mal nourris & continuellement exposés à des travaux fatiguans & aux injures de la saison. On a observé que cette maladie étoit plus commune quand les secheresses sont très-grandes, & qu'elle affectoit particulierement les personnes qui passent les jours entiers à scier les blés.

La cure de cette maladie ne demande point de délai : dès qu'on s'apperçoit de la formation de la pustule, il faut saigner le malade, lui donner des lavemens rafraîchissans, & lui faire boire des émulsions. On applique dans le commencement sur la partie malade des compresses trempées dans de l'eau de sureau, dans laquelle on fait fondre un peu de nitre.

Si l'inflammation ne s'appaise pas & que l'escare se forme, on l'incise avec une lancette, & on lave avec une lotion faite avec l'onguent égyptiac dissous dans le vin & l'eau-de-vie. Si la tumeur est considérable, on scarifie les parties tuméfiées à la circonférence de l'escare, & l'on applique des cataplasmes émolliens & résolutifs. Ces secours secondés de la saignée, qui est le spécifique de toutes les maladies inflammatoires, bornent les progrès de l'escare dont on prévient la chûte avec des onguens digestifs : on travaille ensuite à mondifier & cicatriser l'ulcere Voy. ULCERE. Il faut avoir soin dans les pansemens de cet ulcere de tenir la peau étendue, pour que la cicatrice ne fronce pas la paupiere & ne cause point de difformité. Le chirurgien doit aussi prendre toutes les mesures convenables pour que l'oeil ne soit point éraillé ; ce qui est assez difficile, lorsque l'escare a été grande & qu'elle s'est formée près du bord de la paupiere. (Y)


ANTHRAou CHARBON. Voyez CHARBON, ULCERE.


ANTHROPOGRAPHIES. f. en Anatomie, c’est la description de l’homme. Ce mot est composé du Grec ἄνθρωπος, homme, & γράφω, j’écris.

Jean Riolan le fils, docteur en Medecine de la faculté de Paris, & très-célebre professeur en Anatomie, nous a donné un grand ouvrage in-fol. sous le titre de Antropographia (& opera omnia.), imprimé à Paris en 1649.

Voici l'éloge que le grand Boerhaave en fait : On peut s'en reposer, dit-il, sur ses descriptions ; il avoit dissequé 150 cadavres avant de donner son ouvrage ; & comme il remarqua que ses disciples avoient beaucoup de peine à retenir les noms des muscles suivant l'ordre de Vesale, il donna à ces muscles des noms tirés de leur fonction & de leur attache : quiconque se propose de professer l'Anatomie, ne doit pas avoir honte de le prendre pour modele ; car son livre renferme toutes les connoissances qui constituent un anatomiste savant, comprenant tout ce qu'on avoit découvert sur ces matieres avant lui.

Kerkring nous a donné un ouvrage in-4 °. sous le même titre, & qui fut imprimé à Amsterdam en 1671.

Cowper a aussi intitulé Anthropography un ouvrage imprimé à Londres en 1697, in-fol. il a été réimprimé à Leyde en 1737. Voyez ANATOMIE. (L)


ANTHROPOLOGIES. f. (Théol.) maniere de s'exprimer, par laquelle les écrivains sacrés attribuent à Dieu des parties, des actions ou des affections qui ne conviennent qu'aux hommes, & cela pour s'accommoder & se proportionner à la foiblesse de notre intelligence : ainsi il est dit dans la Genese, que Dieu appella Adam, qu'il se repentit d'avoir créé l'homme ; dans les Pseaumes l'univers est appellé l'ouvrage des mains de Dieu : il y est encore dit que ses yeux sont ouverts & veillent sur l'indigent.

Par toutes ces expressions & d'autres semblables qui se rencontrent fréquemment dans l'Ecriture, l'Esprit saint a seulement voulu nous faire entendre les choses ou les effets que Dieu opere comme s'il avoit des mains, des yeux, &c. sans que cela préjudicie à la simplicité de son être. Voyez SIMPLICITE. (G)

ANTHROPOLOGIE, dans l’œconomie animale ; c’est un traité de l’homme. Ce mot vient du Grec ἄνθρωπος, homme, & de λόγος, traité.

Teichmeyer nous a donné un traité de l'économie animale, qu'il a intitulé Anthropologia, in-4°. imprimé à Genes en 1739.

Drake nous a aussi laissé une Anthropologie en Anglois, in-8°. 3 vol. imprimée à Londres en 1707 & 1727. Voyez ANTHROPOGRAPHIE. (L)


ANTHROPOMANTIES. f. divination qui se faisoit par l'inspection des entrailles d'hommes ou de femmes qu'on éventroit.

Ce mot est Grec & formé de deux autres ; savoir, ἄνθρωπος, homme, & μαντεία, divination.

L'empereur Eliogabale pratiquoit cette abominable divination. Cedrene & Théodoret racontent de Julien l'Apostat, que dans des sacrifices nocturnes, & dans des opérations de magie, il faisoit périr grand nombre de jeunes enfans pour consulter leurs entrailles ; & ils ajoûtent que lorsqu'il eut pris la route de Perse, dans l'expédition même où il périt, étant à Carres en Mésopotamie, il s'enferma dans le temple de la Lune, & qu'après y avoir fait ce qu'il voulut avec les complices de son impiété, il scella les portes, & y posa une garde qui ne devoit être levée qu'à son retour. Ceux qui entrerent dans le temple, sous le regne de Jovien son successeur, y virent une femme pendue par les cheveux, les mains étendues & le ventre ouvert, Julien ayant voulu chercher dans son foie quel seroit le succès de la guerre. Vie de l'empereur Julien, par M. l'Abbé de la Bletterie, II. part. liv. V. pag. 333 & 334.

Les Scythes avoient aussi cette barbare coûtume que les Tartares ont reçûe d'eux, si l'on en croit Cromer, hist. de Polog. liv. VIII. & Strabon la rapporte aussi des anciens habitans de la Lusitanie, aujourd'hui le Portugal. Delrio regarde comme une branche de l'anthropomantie, le fanatisme des Hébreux qui sacrifioient leurs enfans à Moloch, dans la vallée de Tophet. Disquisit. magic. lib. IV. cap. ij. quaest. 7. sect. j. pag. 554. (G)


ANTHROPOMORPHITES. f. (Théolog.) des mots Grecs ἄνθρωπος, homme, & μορφὴ, forme. Anthropomorphite, en général, est celui qui attribue à Dieu la figure de l’homme. Voyez DIEU, &c.

Les anthropomorphites sont d'anciens hérétiques qui, prenant à la lettre tout ce que Dieu dit de lui-même dans les Ecritures, prétendoient qu'il avoit réellement des piés, des mains, &c. en conséquence ils croyoient que les Patriarches avoient vû Dieu dans sa propre substance divine, avec les yeux du corps.

Ils se fondoient sur ce qu'il est dit dans la Genese, que Dieu fit l'homme à son image & à sa ressemblance. Les orthodoxes disoient au contraire, que Dieu est un être immatériel, & qui n'a aucune forme corporelle. Les anthropomorphites leur avoient donné le nom d'origénistes, par la raison, ajoûtoient-ils, que leurs adversaires tenoient d'Origene la méthode d'allégorier toutes les expressions de l'Ecriture qui ne favorisoient pas leur sentiment.

Saint Epiphane appelle les anthropomorphites, Audiens ou Odiens, d'Audius qu'on croit avoir été le chef de la secte. Audius étoit à-peu-près contemporain d'Arius. Il vêcut dans la Mésopotamie.

Saint Augustin leur donne le nom de Vadiens, Vadiani.

Tertullien semble avoir donné dans l'erreur des anthropomorphites ; on l'en disculpe : mais il n'est pas tout-à-fait aussi facile de le laver du reproche qu'on lui fait d'avoir crû que l'ame avoit une figure corporelle ; erreur dont on attribue l'origine à quelques prophétesses de la secte de Montanus. (G)


ANTHROPOPATHIES. f. (Théol.) d', homme, & , passion ; c'est une figure, une expression, un discours dans lequel on attribue à Dieu quelque passion qui ne convient proprement qu'à l'homme. Voyez DIEU, PASSION, &c.

On confond souvent les termes anthropopathie & anthropologie ; cependant, à parler strictement, l'un doit être considéré comme le genre, & l'autre comme l'espece ; c'est par anthropologie qu'on attribue à Dieu une chose, quelle qu'elle soit, qui ne convient qu'à l'homme ; au lieu qu'anthropopathie ne se dit que dans le cas où l'on prête à Dieu des passions, des sensations, des affections humaines, &c. Voyez ANTHROPOLOGIE. (G)


ANTHROPOPHAGESS. f. (Hist. anc. & mod.) d', homme, & , manger.

Les anthropophages sont des peuples qui vivent de chair humaine. Voyez ANTHROPOPHAGIE.

Les cyclopes, les lestrygons & Scylla sont traités par Homere d'anthropophages ou mangeurs d'hommes. Ce poëte dit aussi que les monstres féminins, Circé & les Syrenes attiroient les hommes par l'image du plaisir, & les faisoient périr. Ces endroits de ses ouvrages, ainsi qu'un grand nombre d'autres, sont fondés sur les moeurs des tems antérieurs au sien. Orphée fait en plusieurs occasions la même peinture des mêmes siecles. C'est dans ces tems, dit-il, que les hommes se dévoroient les uns les autres comme des bêtes féroces, & qu'ils se gorgeoient de leur propre chair.

On apperçoit, long-tems après ces siecles, chez les nations les plus policées, des vestiges de cette barbarie, à laquelle il est vraisemblable qu'il faut rapporter l'origine des sacrifices humains. Voyez SACRIFICE.

Les payens accusoient les premiers chrétiens d'anthropophagie ; ils permettent, disoient-ils, le crime d'Oedipe, & ils renouvellent la scene de Thyeste. Il paroît par les ouvrages de Tatien, par le chapitre huitieme de l'apologie des Chrétiens de Tertullien, & par le IV.e livre de la Providence, par Salvien, que ce fut la célébration secrette de nos mysteres qui donna lieu à ces calomnies. Ils tuent, ajoûtoient les payens, un enfant, & ils en mangent la chair ; accusations qui n'étoient fondées que sur les notions vagues qu'ils avoient prises de l'eucharistie & de la communion, sur les discours de gens mal instruits. Voyez EUCHARISTIE, COMMUNION, AUTEL, &c. (G)


ANTHROPOPHAGIES. f. (Hist. anc. & mod.) c'est l'acte ou l'habitude de manger de la chair humaine. Voyez ANTHROPOPHAGES.

Quelques auteurs font remonter l'origine de cette coûtume barbare jusqu'au déluge : ils prétendent que les géans ont été les premiers anthropophages. Pline parle des Scythes & des Sauromates, Solinus des Ethiopiens, & Juvenal des Egyptiens, comme de peuples accoûtumés à cet horrible mêts. Voy. Pline, hist. nat. liv. IV. c. xij. liv. VI. c. xvij. xxx. liv. VII. c. ij. Solin, Polih. c. xxxiij. Nous lisons dans Tite-Live qu'Annibal faisoit manger à ses soldats de la chair humaine pour les rendre plus féroces. On dit que l'usage de vivre de chair humaine subsiste encore dans quelques parties méridionales de l'Afrique, & dans des contrées sauvages de l'Amérique.

Il me semble que l'anthropophagie n'a point été le vice d'une contrée ou d'une nation, mais celui d'un siecle. Avant que les hommes eussent été adoucis par la naissance des Arts, & civilisés par l'imposition des lois, il paroît que la plûpart des peuples mangeoient de la chair humaine. On dit qu'Orphée est le premier qui fit sentir aux hommes l'inhumanité de cet usage, & qu'il parvint à l'abolir. C'est ce qui a fait imaginer aux Poëtes qu'il avoit eu l'art de dépouiller les tigres & les lions de leur férocité naturelle.

Sylvestres homines, sacer interpresque deorum

Caedibus & foedo victu deterruit Orpheus,

Dictus ab hoc lenire tigres rabidosque leones.

Horat.

Quelques medecins se sont ridiculement imaginés avoir découvert le principe de l'anthropophagie dans une humeur acre, atrabileuse, qui, logée dans les membranes du ventricule, produit par l'irritation qu'elle cause, cette horrible voracité qu'ils assûrent avoir remarquée dans plusieurs malades ; ils se servent de ces observations pour appuyer leur sentiment. Un auteur a mis en question si l'anthropophagie étoit contraire ou conforme à la nature. (G)


ANTHROPOSOMATOLOGIES. f. terme d'Anatomie, qui signifie description du corps humain ou de sa structure.

Ce mot est composé du Grec ἄνθρωπος, homme, σῶμα, corps, & λόγος, traité ; c’est-à-dire, traité du corps de l’homme. Voyez ANATOMIE.

Boerhaave paroît être le premier qui se soit servi de ce terme dans sa Methodus discendi artem medicam, que M. Haller doit faire réimprimer au premier jour avec un commentaire. (L)


ANTHYLLIS(Hist. nat. bot.) Il y a deux especes d'anthyllis ; l'une croît en Candie & en Sicile sur les bords de la mer, a la feuille douce, semblable à celle de la lentille & longue d'un palme ; sa racine petite & mince aime les lieux sablonneux & chauds, a le goût salé, & fleurit en été.

L'autre se trouve dans les pâturages, & fleurit en Mai. Elle a la feuille & les tiges semblables à l'encens de terre, excepté qu'elles sont plus velues, plus courtes & plus rudes au toucher ; sa fleur est purpurine ; elle a l'odeur forte, & sa racine ressemble à celle de la chicorée.

Dioscoride dit que quatre dragmes dix grains de la décoction de celle-ci sont un bon remede contre la rétention d'urine & l'inflammation de la matrice ; il lui attribue encore d'autres propriétés médicinales. Voyez lib. III. ch. cliij.


ANTI(Grammaire.) préposition inséparable qui entre dans la composition de plusieurs mots ; cette préposition vient quelquefois de la préposition latine ante, avant, & alors elle signifie ce qui est avant, comme anti-chambre, anti-cabinet, anticiper ; faire une chose avant le tems ; antidate, date antérieure à la vraie date d'un acte, &c.

Souvent aussi anti vient de la préposition greque , contre, qui marque ordinairement opposition ou alternative ; elle marque opposition dans antipodes, peuples qui marchant sur la surface du globe terrestre ont les piés opposés ; & de même antidote, contre-poison, , contre, & , donner, remede donné contre le poison ; & de même antipathie, antipape, &c.

Quelquefois, quand le mot qui suit commence par une voyelle, il se fait une élision de l'i, ainsi on dit le pole antarctique & non anti-arctique. C'est le pole qui est opposé au pole arctique, qui est vis-à-vis : quelquefois aussi l'i ne s'élide point, exaples, anti-exaples.

Les livres de controverse & ceux de disputes littéraires portent souvent le nom d'anti. M. Ménage a fait un livre intitulé l'anti-Baillet. On a fait aussi un anti-Menagiana. Ciceron, à la priere de Brutus, avoit fait un livre à la loüange de Caton d'Utique ; César écrivit deux livres contre Caton, & les intitula anti-Catones. Ciceron dit que ces livres étoient écrits avec impudence, usus est nimis impudenter Caesar contra Catonem meum. Ad. Treb. Topica, cap. xxv. Il ne faut pas confondre ce livre de Ciceron avec celui qui est intitulé Cato-major. Le livre de Ciceron à la loüange de Caton, & les anti-Catons de César, n'ont point passé à la postérité.

Patin fait mention d'un charlatan de son siecle, qui avoit l'impudence de vendre à Paris des antiécliptiques, & des anti-cométiques, c'est-à-dire des remedes contre les prétendues influences des éclipses, & contre celles des cometes. Lett. chap. cccxljv. (F)


ANTI-ADIAPHORISTESS. m. (Théolog.) c'est-à-dire opposés aux adiaphoristes ou indifférens. Voy. ADIAPHORISTES.

Ce mot est composé du Grec ἀντὶ, contra, contre, & d’ἀδιάφορος, indifférent. C'est le titre qu'on donna dans le xvj. siecle à une secte de Luthériens rigides qui refusoient de reconnoître la jurisdiction des évêques, & improuvoient plusieurs cérémonies de l'Eglise observées par les Luthériens mitigés. Voyez LUTHERIENS. (G)


ANTI-APOPLECTIQUE(Medecine.) épithete que l'on donne à tout remede capable de prévenir ou de guérir l'apoplexie.

Le baume anti-apoplectique est composé des drogues suivantes, qui sont des amers, des aromatiques, & des huiles essentielles. Prenez des huiles distillées de cloux de girofle, de lavande, de citron, de marjolaine, de menthe, de romarin, de sauge, de bois de rose, d'absinthe, de chacune douze gouttes ; d'ambre gris, six grains ; de bitume de Judée, deux gros ; d'huile de muscade par expression, une once ; de baume du Pérou, une quantité suffisante ; pour former du tout un baume d'une consistance molle.

Ce baume échauffe & irrite, appliqué aux narines ou aux tempes ; il opere sur les membres paralysés, en les en frottant ; il a été en grande réputation ; il a fait place à des compositions moins efficaces, que la mode a mises en vogue. On l'ordonne encore dans les affections de tête & des nerfs, dans les stupeurs, dans l'apoplexie, la léthargie, le carus, & autres maladies soporeuses ; on le prend en bol, en électuaire, depuis trois gouttes jusqu'à six. Pharmacop. de Quincy.

Ce remede doit être administré avec sagesse ; il est meilleur que les amuletes & les sachets de nos charlatans, qui servent plûtôt à altérer la bourse, qu'à déranger l'humeur qui produit l'apoplexie. Voyez APOPLEXIE. (N)


ANTI-BACCHIQUEadj. (Littérat.) dans l'ancienne poésie, pié de trois syllabes, dont les deux premieres sont longues, & la troisieme breve ; tels sont les mots cntr, vrtt, : on l'appelle ainsi, parce qu'il est contraire au bacchius, dont la premiere syllabe est breve, & les deux autres longues. Voyez BACCHIUS. Parmi les anciens, ce pié se nommoit aussi palimbacchius & saturnius ; quelques-uns l'appelloient proponticus & thessaleus. Diom. III. p. 475. (G)


ANTI-CABINETS. m. (Architecture.) piece entre le salon & le cabinet, appellée communément salle d'assemblée. Voyez SALLE D'ASSEMBLEE. (P)


ANTI-CAUCASES. m. (Géog. mod.) montagne de Séleucie, dont parle Strabon. L'Anti-caucase est au nord du Pont-Euxin, à l'opposite du Caucase.


ANTI-CHAMBRES. f. (Architect.) appellée par Vitruve antithalamus, est le nom que l'on donne à la seconde piece d'un appartement au rez-de-chaussée, quand il y a un vestibule qui la précede ; dans un hôtel, cette piece donne entrée à une deuxieme antichambre, ou salle d'assemblée où se tiennent les hommes au-dessus du commun, venus de dehors pour parler au maître : les premieres anti-chambres étant destinées pour la livrée, rarement fait-on usage des cheminées dans ces premieres anti-chambres ; on se contente d'y mettre des poeles au-devant, qui garantissent toutes les pieces d'un appartement de l'air froid que donne l'ouverture continuelle des portes destinées pour arriver aux appartemens du maitre. Voyez les anti-chambres marquées B dans le plan de la Planche XI. d'Architecture. Voyez aussi POELE.

Ces pieces doivent être décorées avec simplicité, sans glaces, ni tableaux de prix, à moins que par la nécessité elles ne servent de salle à manger ; auquel cas, à l'heure des repas, les domestiques se retirent dans le vestibule. (P)


ANTI-COEURS. m. Voyez AVANT-COEUR.


ANTI-CONSTITUTIONNAIREVoyez APPELLANT & JANSENISTE.


ANTI-DACTYLES. m. (Belles-Lettres.) nom donné par quelques-uns à une sorte de piés en Poésie, c'est-à-dire à un dactyle renversé, ou à un pié consistant en deux syllabes breves suivies d'une longue. Voyez DACTYLE. (G)


ANTI-DATES. f. (Jurisprud.) est une date fausse antérieure à la vraie date d'un écrit, d'un acte, d'un titre, ou chose semblable. Voyez DATE.

Elle est moins importante, & par cette raison moins punissable dans les actes sous signature privée, qui par eux-mêmes n'ont pas de date certaine, que dans les contrats ou obligations passées pardevant notaires, parce que ces actes-ci emportent hypotheque, ce que ne font pas les simples écrits chirographaires. Voyez CHIROGRAPHE. (H)


ANTI-DATÉadject. daté antérieurement & faussement. Ainsi l'on dit : cette lettre est anti-datée : l'ordre qui est au dos de cette lettre de change a été anti-daté. (G)


ANTI-DATERv. act. (Commerce.) mettre une date antérieure, dater d'un jour qui précede celui qu'on devroit mettre.

Autrefois on étoit dans l'usage de laisser les ordres en blanc au dos des lettres de change, c'est-à-dire qu'on ne mettoit simplement que sa signature, & il étoit facile de les anti-dater, ce qui pouvoit produire de très-grands abus, particulierement de la part de ceux qui faisoient des faillites. En effet, ceux qui tomboient dans ce malheur, & qui avoient des lettres tirées à double usance, ou payables en payement de Lyon, dont l'ordre étoit en blanc, pouvoient les anti-dater, & ainsi les faire recevoir sous des noms empruntés, ou les donner en payement à des créanciers qu'ils vouloient favoriser au préjudice des autres, sans qu'on pût en demander le rapport à la masse ; parce que la date de leurs ordres paroissant fort antérieure à leurs faillites, l'on ne pouvoit alléguer qu'ils les eussent négociées dans le tems qui avoisinoit leur faillite. Voyez FAILLITE.

Le reglement fait pour le Commerce en 1673, a pourvû à ce qu'on ne pût anti-dater si facilement les ordres, en ordonnant, art. 23. du tit. V. que les signatures de lettres de change ne serviront que d'endossement & non d'ordre, si l'ordre n'est daté, & ne contient le nom de celui qui aura payé la valeur en argent, marchandises, ou autrement ; & par l'art. 26. du même titre, que l'on ne pourra anti-dater les ordres à peine de faux. (G)


ANTI-DICOMARIANITES(Théol.) les Antidicomarianites sont d'anciens hérétiques qui ont prétendu que la sainte Vierge n'avoit pas continué de vivre dans l'état de virginité ; mais au contraire qu'elle avoit eu plusieurs enfans de Josephson époux, après la naissance de Jesus-Christ. Voyez VIERGE.

On les appelle anti-dicamorites, anti-dicomarites, anti-diacomarianites, & quelquefois anti-marianites & antimariens. Leur opinion étoit fondée sur des passages de l'Ecriture, où Jesus-Christ fait mention de ses freres & de ses soeurs ; & sur un passage de S. Matthieu, où il est dit que Joseph ne connut point Marie jusqu'à ce qu'elle eut mis au monde notre Sauveur. Voyez FRERE.

Les anti-dicomarianites étoient des sectateurs d'Helvidius & de Jovinien, qui parurent à Rome sur la fin du quatrieme siecle. (G)


ANTI-HECTIQUEANTI-HECTIQUE de la Poterie, est vulgairement appellé anti-hectique de Poterius ou de Potier, (Chimie med.) parce qu’on a confondu Michel Potier, Medecin Allemand, avec Pierre la Poterie, Medecin François, auteur de ce remede, qui est bon sur-tout contre l’éthisie ; c’est ce qui l’a fait nommer anti-hectique.

La Poterie prenoit pour le faire une partie de régule martial & deux d'étain : il prenoit trois parties de nitre pour une de régule jovial, & il se servoit d'eau de pluie pour laver son anti-hectique.

Pour faire le régule jovial, il faut mettre dans un creuset une partie de régule martial d'antimoine ; placer le creuset dans un fourneau, le couvrir, & faire du feu autour. Lorsque le régule sera fondu, on y ajoûtera deux parties d'étain fin ; & l'étain étant fondu, on remuera avec une verge de fer, ensuite on retirera le creuset du feu, & on versera dans un mortier chauffé.

Lorsque ce régule jovial sera refroidi, on le mettra en poudre fine, & on le mêlera avec autant de nitre purifié & bien sec ; ensuite on mettra dans un creuset rougi entre les charbons ardens une petite cuillerée de ce mêlange environ un gros. Il se fera une détonation qu'on laissera passer entierement, attendant que la matiere paroisse fondue dans le creuset, pour y mettre une nouvelle cuillerée du mêlange.

Tout étant employé, on laissera la matiere en fusion pendant environ un quart-d'heure ; ensuite on la retirera du feu, & on la versera dans de l'eau bouillante. On laissera tremper quelques heures, ensuite on agitera le tout, & on versera par inclination l'eau blanche ; ce qu'on réitérera jusqu'à ce que l'eau ne blanchisse plus, & qu'il ne reste que des grumeaux au fond. Enfin on laissera toutes ces lotions sans y toucher ; il se déposera au fond une poudre grise. On versera l'eau claire qui surnage, & on reversera de nouvelle eau sur la poudre pour la dessaler entierement ; ensuite on la fera sécher : ce sera l'anti-hectique de la Poterie.

Il y en a qui ne veulent pas prendre le régule martial pour faire le régule jovial ; cependant on doit le préférer à tout autre pour cela, comme faisoit l'auteur. Il faut seulement avoir soin de choisir le régule martial fort beau ; & il n'en faut mettre qu'une partie avec deux parties d'étain.

On s'attache trop aujourd'hui à une couleur bleue qu'on veut qu'ait l'anti-hectique de la Poterie ; de sorte que souvent, pour conserver cette couleur, on ne décompose pas assez l'étain. Celui que faisoit l'auteur avoit d'abord une couleur grise cendrée ; ensuite il le calcinoit à un feu de réverbere, ce qui lui donnoit une couleur bleuâtre : le feu de réverbere peut tirer des couleurs des chaux métalliques.

Si on ne commençoit pas cette opération par faire le régule jovial, une partie de l'étain tomberoit au fond du creuset.

L'anti-hectique de la Poterie est une espece de diaphorétique minéral ; & il en a aussi les vertus : il est même à préférer au diaphorétique ordinaire, lorsqu'il y a complication d'hémorrhagie ou de foiblesse de poitrine. Voyez DIAPHORETIQUE, MINERAL, ÉTAIN.

La Poterie donnoit son anti-hectique pour la plûpart des maladies qui viennent d'obstruction, pour le scorbut, les écrouelles, & sur-tout pour l'éthisie.

La méthode dont il se servoit pour le faire prendre, étoit d'en donner le premier jour quatre grains ; & il faisoit augmenter chacun des jours suivans d'un ou de deux grains ; de sorte qu'il en faisoit prendre jusqu'à quarante, & quelquefois jusqu'à cinquante grains.

On peut dire en général que, dans les maladies longues, dans lesquelles il est nécessaire de faire un long usage des remedes pour guérir, c'est une très-bonne méthode de les faire prendre d'abord en petite dose, l'augmentant de jour en jour jusqu'à une quantité proportionnée à la force de la maladie & du malade ; & après avoir fait continuer quelques jours cette même quantité, il est bon de diminuer, comme on a augmenté ; & il ne faut pas juger qu'un remede est sans effet, parce qu'il ne guérit pas les maladies dans les premiers jours du régime. Le traitement des maladies doit être différent, selon les différentes maladies : on ne doit pas traiter des maladies longues qu'on appelle chroniques, comme il faut traiter les maladies vives qu'on appelle aiguës. On est longtems à guérir ou à mourir des maladies longues ; & au contraire on guérit ou on meurt promptement des maladies vives. On doit mettre, pour guérir une maladie, un tems proportionné à celui qu'elle a été à se former ; les maladies longues s'étant formées lentement, ne peuvent & ne doivent point être guéries ou traitées promptement. Tout le monde convient que toutes les maladies viennent plus promptement qu'elles ne passent ; & cependant presque tout le monde fait l'injustice aux Medecins de trouver mauvais qu'ils ne guérissent pas les maladies plus promptement qu'elles n'ont été à se former. Les amis des malades, en les plaignant de leur état, négligent presque toûjours de les encourager à faire constamment ce qu'il faut pour guérir ; & ils n'affermissent point leur confiance en la Medecine, au contraire. D'ailleurs, comme les maladies longues se forment d'abord sans qu'on s'en apperçoive, leur guérison est de même insensible ; de sorte que le malade se fatigue de prendre des remedes, ne croyant pas en recevoir de soulagement ; & le medecin s'ennuie de s'entendre dire que tout ce qu'on fait suivant ses conseils, est inutile : le malade & le medecin se dégoûtent l'un de l'autre, & ils se séparent. C'est ainsi qu'il arrive souvent qu'on regarde comme incurables, des maladies que les Medecins guériroient, si le malade n'étoit pas impatient, & le public injuste. Voyez CHIMIE MEDICINALE. (M)


ANTI-LUTHERIENou SACRAMENTAIRES, subst. m. pl. (Théologie.) hérétiques du xvj. siecle, qui ayant rompu de communion avec l'Eglise à l'imitation de Luther, n'ont cependant pas suivi ses opinions, & ont formé d'autres sectes, tels que les Calvinistes, les Zuingliens, &c. Voyez CALVINISTES, ZUINGLIENS, SACRAMENTAIRES. (G)


ANTI-PAPESS. m. pl. (Hist. eccl.) on donne ce nom à ceux qui ont prétendu se faire reconnoître pour souverains Pontifes, au préjudice d'un Pape légitimement élû ; on en compte depuis le troisieme siecle jusqu'aujourd'hui, vingt-huit.


ANTI-PHRASES. f. (Gramm.) contre-vérité ; ce mot vient de , contre, & de , locution, maniere de parler, de , dico. L'anti-phrase est donc une expression ou une maniere de parler, par laquelle en disant une chose on entend tout le contraire ; par exemple, la mer Noire sujette à de fréquens naufrages, & dont les bords étoient habités par des hommes extrèmement féroces, étoit appellée le Pont-Euxin, c'est-à-dire mer favorable à ses hôtes, mer hospitaliere. C'est pour cela qu'Ovide a dit que le nom de cette mer étoit un nom menteur :

Quem tenet Euxini mendax cognomine littus.

Ovid. Trist. lib. I. vers. 13.

& au lib. III. eleg. xiij. au dernier vers il dit, Pontus Euxini falso nomine dictus. Cependant Sanctius, & plusieurs autres grammairiens modernes, ne veulent pas mettre l'anti-phrase au rang des figures, & rapportent ou à l'ironie ou à l'euphémisme, tous les exemples qu'on en donne. Il y a en effet je ne sai quoi d'opposé à l'ordre naturel, de nommer une chose par son contraire, d'appeller lumineux un objet parce qu'il est obscur.

La superstition des anciens leur faisoit éviter jusqu'à la simple prononciation des noms qui réveillent des idées tristes, ou des images funestes ; ils donnoient alors à ces objets des noms flateurs, comme pour se les rendre favorables, & pour se faire un bon augure ; c'est ce qu'on appelle euphémisme, c'est-à-dire discours de bon augure : mais que ce soit par ironie ou par euphémisme que l'on ait parlé, le mot n'en doit pas moins être pris dans un sens contraire à ce que la lettre présente à l'esprit ; & voilà ce que les anciens grammairiens entendoient par anti-phrase. C'est ainsi que l'on dit à Paris de certaines femmes qui parlent toûjours d'un air grondeur, c'est une muette de halles, c'est-à-dire une femme qui chante pouille à tout le monde, une vraie harangere des halles ; muette est dit alors par anti-phrase, ou si vous l'aimez mieux par ironie : le nom ne fait rien à l'affaire ; le mot n'en est pas moins une contre-vérité.

Quant à ce que dit Sanctius, que le terme d'antiphrase suppose une phrase entiere, & ne sauroit être appliqué à un mot seul ; il est fort ordinaire de donner à un mot, ou par extension ou par restriction, une signification plus ou moins étendue que celle qu'il semble qu'il devroit avoir selon son étymologie. On en a un bel exemple dans la dénomination des cas des noms ; car l'accusatif ne sert pas seulement pour accuser, ni le datif pour donner, ni l'ablatif pour ôter. (F)


ANTI-SCORBUSTIQUESadj. (Med.) épithete des médicamens auxquels on attribue la propriété de prévenir ou de guérir le scorbut. V. SCORBUT. (N)


ANTI-SIGMAS. m. (Gramm.) ce mot n’est que de pure curiosité ; aussi est-il oublié dans le lexicon de Martinius, dans l’ample trésor de Faber, & dans le Novitius. Priscien en fait mention dans son I. liv. au chap. de litterarum numero & affinitate. L’empereur Claude, dit-il, voulut qu’au lieu du Ψ des Grecs, on se servît de l’anti-sigma figuré ainsi )( : mais cet Empereur ne put introduire cette lettre. Huic S præponitur P, & loco Ψ Græcæ fungitur, pro quâ Claudius Cæsar anti-sigma )( hâc figurâ scribi voluit : sed nulli ausi sunt antiquam scripturam mutare.

Cette figure de l’anti-sigma nous apprend l’étymologie de ce mot. On sait que le sigma des Grecs, qui est notre s, est représenté de trois manieres différentes, σ, ς, & ; Ϲ c’est cette derniere figure adossée avec une autre tournée du côté opposé, qui fait l’antisigma, comme qui diroit deux sigma adossés, opposés l’un à l’autre. Ainsi ce mot est composé de la préposition ἀντι & de σίγμα.

Isidore, au liv. I. de ses Origines, ch. xx. où il parle des notes ou signes dont les auteurs se sont servis, fait mention de l’anti-sigma, qui, selon lui, n’est qu’un simple Ϲ tourné de l’autre côté Ͻ. On se sert, dit-il, de ce signe pour marquer que l’ordre des vers vis-à-vis desquels on le met, doit être changé, & qu’on le trouve ainsi dans les anciens auteurs. Anti-sigma ponitur ad eos versus quorum ordo permutandus est, sicut & in antiquis auctoribus positum invenitur.

L’anti-sigma, poursuit Isidore, se met aussi à la marge avec un point au milieu Ͽ lorsqu’il y a deux vers qui ont chacun le même sens, & qu’on ne sait lequel des deux est à préférer. Les variantes de la Henriade donneroient souvent lieu à de pareils anti-sigma. (F)


ANTI-SPODES. m. (Chimie.) terme fait par les anciens à l'imitation de spode. Ils entendoient par anti-spode les cendres ou des plantes ou des animaux ; de même que le spode étoit la cendre, ou plûtôt une fleur métallique impure, que l'on ramassoit dans les boutiques où l'on faisoit le cuivre. Voy. Geoffr. Mat. med. tome I.


ANTI-STROPHES. f. (Gramm.) ce mot est composé de la préposition , qui marque opposition ou alternative, & de , conversio, qui vient de , verto. Ainsi strophe signifie stance ou vers que le choeur chantoit en se tournant à droite du côté des spectateurs ; & l'anti-strophe étoit la stance suivante que ce même choeur chantoit en se tournant à gauche. Voyez ANTISTROPHE plus bas.

En Grammaire ou élocution, l'anti-strophe ou épistrophe, signifie conversion. Par ex. si après avoir dit le valet d'un tel maître, on ajoûte, & le maître d'un tel valet, cette derniere phrase est une anti-strophe, une phrase tournée par rapport à la premiere. On rapporte à cette figure ce passage de S. Paul : Haebraei sunt, & ego. Israelitae sunt, & ego. Semen Abrahae sunt, & ego. II. Cor. c. xj. vers. 22. (F)

ANTISTROPHE, (Bell. Lett.) terme de l'ancienne poésie lyrique chez les Grecs. L'anti-strophe étoit une des trois parties de l'ode, dont les deux autres se nommoient strophe & épode. La strophe & l'anti-strophe contenoient toûjours autant de vers l'une que l'autre, tous de même mesure, & pouvoient par conséquent être chantées sur le même air, à la différence de l'épode qui comprenoit des vers d'une autre espece, soit plus longs, soit plus courts. Voyez EPODE.

L'anti-strophe étoit une espece de réponse ou d'écho relatif tant à la strophe qu'à l'épode. Les Grecs nommoient période ces trois couplets réunis ; c'est ce que nous appellerions un couplet à trois stances. Voyez PERIODE. (G)


ANTI-THENARnom que les Anatomistes donnent à plusieurs muscles, autrement appellés adducteurs. Voyez ADDUCTEUR.

Ce mot est Grec ; il est composé de ἀντὶ, contre, & de θέναρ, à cause que ces muscles agissent en antagonistes aux thénars & abducteurs. Voyez THENAR & ABDUCTEUR.

L'anti-thénar ou adducteur du pouce de la main s'attache tout le long de l'os du métacarpe, qui soûtient le doigt du milieu, à celui du doigt index, & s'insere à la partie latérale de la premiere, & à la partie supérieure de la seconde phalange du pouce, en recouvrant l'os sésamoïde interne ; c'est le mésothénar. Winslow, Exp. an.

L'anti-thénar ou adducteur du gros orteil, s'attache à la partie antérieure de la face inférieure du calcaneum, au grand os cunéiforme, & va se terminer à l'os sésamoïde externe. (L)


ANTIADESterme usité par quelques Anatomistes, pour signifier les glandules ou glandes plus ordinairement appellées amygdales. Voyez AMYGDALES. (L)


ANTIBES(Géog. mod.) ancienne ville maritime de France, dans la Provence, à l'opposite de Nice, sur la Méditerranée. Long. 24d. 48'. 33". lat. 43d. 34'. 50".


ANTICHRESES. f. (en Droit.) convention où l'emprunteur engage ou cede ses héritages, ses possessions & ses revenus, pour l'intérêt de l'argent prêté. Ce genre de convention étoit permis chez les Romains, quoique l'usure y fût prohibée ; on l'appelloit en France mort-gage, pour la distinguer d'un simple engagement, où les fruits de la terre n'étoient point aliénés, & que l'on appelloit vif-gage. Voyez GAGE & HYPOTHEQUE. (H)


ANTICHTONESadj. pl. m. (en Géog.) sont des peuples qui habitent des contrées de la terre diamétralement opposées.

Ce mot est composé de , contra, & de , terra. Les auteurs latins appellent quelquefois ces peuples antigenae.

En ce sens, le mot antichtones est synonyme à antipodes, dont on se sert plus ordinairement. Voyez ANTIPODES.

Le mot antichtones désigne encore dans les anciens auteurs des peuples qui habitent différens hémispheres. En ce sens, les antichtones different des antéciens & des antipodes.

Les anciens considéroient la terre comme divisée par l'équateur en deux hémispheres, l'un septentrional, & l'autre méridional. Ceux qui habitoient l'un de ces hémispheres étoient dits antichtones à ceux qui habitoient l'autre. (O)


ANTICIPANTadj. terme de Medecine, attribué au paroxysme d'une maladie qui vient avant le tems auquel a commencé le précédent ; ainsi, si une fievre quotidienne commence un jour à quatre heures, le lendemain à trois, & le jour suivant à deux, on dit que l'accès est anticipant ; cela arrive dans les fievres subintrantes. Voyez FIEVRE, SUBINTRANT. (N)


ANTICIPATIONS. f. l'action de prévenir ou de prendre les devans, soit avec une personne, soit dans une affaire, ou d'agir avant le tems.

Anticiper un payement, est le faire avant son échéance : par exemple on dit, une telle dette n'étoit pas encore échue, il anticipoit le tems du payement.

ANTICIPATION, au Palais, est l'assignation que donne un intimé à l'appellant, à l'effet de faire juger l'appel par lui interjetté quand il néglige de le faire. On prend pour cet effet des lettres à la chancellerie, qui s'appellent lettres d'anticipation. Et dans les procédures qui sont faites en conséquence, l'intimé s'appelle anticipant, & l'appellant anticipé. Voyez APPELLANT & INTIME.

ANTICIPATION, en Philosophie, voyez PRENOTION. (H)


ANTICIPERANTICIPER


ANTICOSTIvoyez ISLE DE L'ASSOMPTION.


ANTICYRE(Géog. anc. & mod.) île où croissoit l'hellebore, drogue qui purge le cerveau, & qui a fait dire aux anciens, de ceux qu'ils accusoient de folie, naviget Anticyram.


ANTIDOTAIRES. m. (Medecine.) livre dans lequel sont décrits les antidotes, ou lieu où l'on les compose ; c'est le même que dispensaire. Telles sont toutes les pharmacopées, où on trouve un grand nombre d'antidotes de tout genre. V. PHARMACOPEE.


ANTIDOTES. m. (Medec.) d', contre, & , donner. Ce nom se donne à tous les remedes propres à chasser le venin des maladies, soit qu'il provienne de la piquûre d'animaux venimeux, de la contagion de l'air, ou de la putréfaction des humeurs. Voyez ALEXIPHARMAQUES, THERIAQUE. (N)


ANTIENNES. f. (Hist. eccl.) en latin antiphona, du grec ἀντὶ, contre, & φωνή, voix, son.

Les antiennes ont été ainsi nommées, parce que dans l'origine on les chantoit à des choeurs, qui se répondoient alternativement ; & l'on comprenoit sous ce titre les hymnes & les pseaumes que l'on chantoit dans l'Eglise. S. Ignace disciple des apôtres, a été, selon Socrate, l'auteur de cette maniere de chanter parmi les Grecs, & S. Ambroise l'a introduite chez les Latins. Théodoret en attribue l'origine à Diodore & à Flavien.

Quoi qu'il en soit, on comprenoit sous ce titre tout ce qui se chantoit dans l'Eglise par deux choeurs alternativement. Aujourd'hui la signification de ce terme est restrainte à certains passages courts tirés de l'Ecriture, qui conviennent au mystere, à la vie, ou à la dignité du Saint dont on célebre la fête, & qui, soit dans le chant, soit dans la récitation de l'office, précedent les pseaumes & les cantiques. Le nombre des antiennes varie suivant la solennité plus ou moins grande des offices. Les matines des grandes fêtes ont neuf antiennes propres ; les laudes & les vêpres, chacune cinq antiennes propres ; chacune des heures canoniales a une des antiennes des laudes, excepté la quatrieme. Les cantiques Benedictus & Magnificat ont aussi leurs antiennes propres, aussi bien que le Nunc dimittis ; & les trois pseaumes de complies n'ont qu'une antienne propre. Dans d'autres offices moins solemnels, comme les semi-doubles, le nombre des antiennes est trois à matines, une pour chaque nocturne, cinq à laudes, & celle du Benedictus ; une prise de celles des laudes pour chacune des heures canoniales ; six à vêpres, y compris celle du Magnificat ; une à complies pour les pseaumes, & une pour le cantique Nunc dimittis. L'intonation de l'antienne doit toûjours régler celle du pseaume. Les premiers mots de l'antienne sont adressés par un choriste à quelque personne du clergé, qui la répete ; c'est ce qui s'appelle imposer, & entonner une antienne. Dans l'office romain, après l'imposition de l'antienne, le choeur poursuit, & la chante toute entiere, avant le pseaume ; & quand le pseaume est fini, le choeur reprend l'antienne. Dans d'autres églises, après l'imposition de l'antienne, le choriste commence le pseaume, & ce n'est qu'après le pseaume que tout le choeur chante l'antienne.

On donne aussi le nom d'antienne à quelques prieres particulieres, que l'église romaine chante en l'honneur de la sainte Vierge, & qui sont suivies d'un verset & d'une oraison, telles que le Salve regina, Regina caeli, &c. Voy. VERSET, ORAISON, OREMUS. (G)


ANTIFELLO(Géog.) ville ancienne de Lycie sur la Méditerranée, aux environs de Patave.


ANTIGOA(Géog. mod.) île de l'Amérique septentrionale, & l'une des Antilles. Voyez ANTILLES.


ANTIGONIE(Géog. anc. & mod.) ville d'Epire, auparavant dans la Chaonie ; c'est aujourd'hui Gustro argiro.

ANTIGONIE, ville de la Propontide, appellée aujourd'hui Isola del principe.

ANTIGONIE ou ANTIGONEE, ville de la Macédoine dans la Mygdonie, sur le golfe de Thessalonique ; c'est la Thermaïque des anciens, Cojogna du tems de Pline, aujourd'hui Antigoca.

ANTIGONIE, île des Portugais dans le golfe Ethiopique ; proche celle de Saint-Thomas. Ils l'appellent Ilha da principe.


ANTIGONIES(Hist. anc. & Myth.) Plutarque qui fait mention de ces fêtes, ne nous apprend ni comment elles se célébroient, ni quel étoit l'Antigonus en l'honneur de qui elles furent instituées.


ANTIGORIUMS. m. nom que les Fayenciers donnent à l'émail dont ils couvrent la terre pour en faire la fayence. Voyez FAYENCE.


ANTILIBANsub. m. (Géog. mod.) chaîne de montagnes de Syrie ou de Phénicie, vis-à-vis du Liban. Il est habité aujourd'hui par des Semi-chrétiens appellés les Druses. Le Jourdain a sa source dans ces montagnes.


ANTILLES(Géog. mod.) îles de l'Amérique disposées en forme d'arc, entre l'Amérique méridionale & l'île de Porto-rico, proche la ligne. Christophe Colomb les découvrit en 1492 ; elles sont au nombre de vingt-huit principales. Les grandes sont Saint-Domingue, Cuba, la Jamaïque, & Porto-rico. Long. 316. 10-319. lat. 11. 40-16. 40.


ANTILOGARITHME(Mathémat.) se dit quelquefois du complément du logarithme d'un sinus, d'une tangente, d'une sécante ; c'est-à-dire, de la différence de ce logarithme à celui du sinus total, c'est-à-dire du sinus de 90 degrés. V. LOGARITHME & COMPLEMENT. (O)


ANTILOGIES. f. (Littérat.) en Grec ἀντιλογία, discours contraire ; contradiction qui se trouve entre deux expressions ou deux passages du même auteur. Voyez CONTRADICTION.

Tirinus a publié un long index des apparentes antilogies de la Bible, c'est-à-dire, des textes qui semblent se contredire mutuellement, mais qu'il explique & concilie dans ses commentaires sur la Bible. Dom Magri, religieux Maltois de l'Oratoire en Italie, a tenté un pareil ouvrage : mais il n'a fait, pour ainsi dire, que répeter ce que l'on trouve dans les principaux commentateurs. Voyez ANTINOMIE. (G)


ANTILOPE(Hist. nat.) animal quadrupede, mieux connu sous le nom de gazelle. V. GAZELLE. (I)


ANTIMACHIES. f. (Hist. anc. & Myth.) fête qu'on célébroit dans l'île de Cos, pendant laquelle le prêtre portoit un habit de femme, & avoit la tête liée d'une mitre, ou d'une bande à la maniere des femmes. Pour rendre raison, & de l'institution de la fête & de l'habillement du prêtre, on dit qu'Hercule revenant en Grece après la prise de Troie, la tempête écarta six navires qu'il avoit ; que celui qui le portoit échoüa à l'île de Cos, où il prit terre sans armes & sans bagage ; qu'il pria un berger nommé Antagoras de lui donner un bélier ; que le berger qui étoit fort & vigoureux, lui proposa de lutter, lui promettant le bélier, s'il demeuroit vainqueur ; qu'Hercule accepta la condition ; que quand ils en furent aux mains, les Méropes se mirent du côté d'Antagoras, & les Grecs qui se trouverent présens, du côté d'Hercule ; qu'il s'ensuivit un combat très-vif ; que Hercule accablé du grand nombre, fut obligé de s'enfuir chez une Thracienne, où il se déguisa en femme pour échapper à ceux qui le poursuivoient ; qu'ayant dans la suite vaincu les Méropes, il épousa Alciope portant au jour des noces une robe ornée de fleurs ; & que c'étoit en mémoire de ce fait, que le prêtre de l'île de Cos, en habit de femme, offroit un sacrifice au lieu du combat, où les fiancés aussi en habit de femme embrassoient leurs fiancées. Voyez Ant. expl. sup. page 10. tom. II.


ANTIMENSES. f. (Hist. eccl.) est une sorte de nappe consacrée, dont on use en certaines occasions dans l'église greque, en des lieux où il ne se trouve point d'autel convenable. Voyez AUTEL.

Le P. Goar observe, qu'eu égard au peu d'églises consacrées qu'avoient les Grecs, & à la difficulté du transport des autels consacrés, l'Eglise a fait durant des siecles entiers usage de certaines étoffes consacrées, ou de linges appellés antimensia, pour suppléer à ces défauts. (G)


ANTIMETATHESES. f. figure de Rhétorique qui consiste à répéter les mêmes mots, mais dans un sens opposé, comme dans cette pensée : non ut edam vivo, sed ut vivam edo ; je ne vis point pour manger, mais je mange pour vivre. On la nomme encore antimétabole & antimétalepse. (G)


ANTIMILO(Géog. mod.) île de l'Archipel, au nord de Milo & à l'entrée du havre.


ANTIMOINES. m. (Hist. nat. & Chim.) c'est un minéral métallique, solide, friable, assez pesant, qu'on trouve enfermé dans une pierre dure, blanchâtre, & brillante, qu'on appelle gangue. On en sépare l'antimoine par la fusion ; après cette premiere préparation, on le nomme antimoine crud. Dans cet état il a une couleur de plomb ; c'est pourquoi les Alchimistes l'ont nommé le plomb des Philosophes, le plomb des sages, parce qu'ils ont prétendu que les sages devoient chercher le remede universel & le secret de faire l'or dans l'antimoine.

Il y a différentes sortes d'antimoine natif ; on en trouve qui a l'apparence du plomb ou du fer poli : mais il est friable, & il est mêlé avec une pierre blanche ou crystalline. On en voit qui est composé de petits filets brillans, disposés régulierement ou mêlés sans ordre ; c'est ce que Pline nomme antimoine mâle ; & il donne le nom d'antimoine femelle à celui qui est composé de lames brillantes. Il y a de l'antimoine natif qui n'est qu'un amas de petits filets de couleur de plomb, tenans à une pierre blanche & tendre : il se fond au feu aussi facilement que du soufre, aussi en contient-il beaucoup ; on en trouve dans le comté de Sainte-Flore proche Massa, ville de la Campagne de Rome. L'antimoine est aussi marqué quelquefois de taches jaunâtres ou rougeâtres ; il y en a de cette sorte dans les mines d'or de Hongrie.

Le plus souvent l'antimoine est en mine, c'est-à-dire, qu'il est mêlé avec des matieres étrangeres ; & on croit que c'est pour cette raison, qu'on lui a donné le nom d'antimoine, comme n'étant presque jamais seul : en effet il est toûjours mêlé avec des matieres métalliques ou avec des métaux. On donne une autre étymologie du mot antimoine : on a prétendu qu'il avoit été funeste à plusieurs moines confreres de Basile Valentin, qui leur en avoit fait prendre comme remede ; & que c'étoit par cette raison qu'on lui avoit donné le nom d'antimoine, comme qui voudroit dire, contraire aux moines.

On trouve presque par-tout des mines d'antimoine ; il y en a en plusieurs endroits d'Allemagne, comme en Hongrie : nous en avons plusieurs en France. Il y en a une bonne mine à Pégu ; une autre près de Langeat & de Brioude ; une autre au village de Pradot, paroisse d'Aly, qui donne un antimoine fort sulphureux ; elle a été ouverte en 1746 & 1747 : un autre filon d'antimoine au village de Montel dans la même paroisse, en Auvergne. On a trouvé d'autres mines de ce même minéral à Manet, près Montbrun en Angoumois. Il y a de l'antimoine dans les mines de pierre couvise ou pierre couverte d'Auriac, de Cascatel, dans le vallon nommé le champ des mines ; & à Malbois, dans le comté d'Alais, en Languedoc ; à Giromagny & au Puy, dans la haute Alsace ; en Poitou & en Bretagne, &c. On ne voit point chez les marchands d'antimoine qui n'ait été séparé de la mine par une premiere fusion. Pour tirer ce minéral de sa mine, on la casse en morceaux, & on la met ensuite dans un vaisseau dont le fond est percé de plusieurs trous ; on couvre le vaisseau, & on lute exactement le couvercle : on met le feu sur ce couvercle ; la chaleur fait fondre l'antimoine, qui coule par les trous dont on vient de parler dans un récipient qui est au-dessous, où il se moule en masse pyramidale. C'est l'antimoine fondu, que l'on doit distinguer de l'antimoine natif, c'est-à-dire, de l'antimoine qui n'a pas passé au feu. Le meilleur antimoine est celui qui est le plus brillant par une quantité de filets luisans comme le fer poli, & en même tems le plus dur & le plus pesant. Il ne faut pas croire que l'antimoine de Hongrie soit meilleur que celui de France pour l'usage de la Medecine. Geoffroy, Mat. med. tom. I.

L'antimoine est composé d'une substance métallique qu'on nomme régule, & d'une partie sulphureuse qui forme environ le tiers de sa masse. Cette partie sulphureuse de l'antimoine est de la nature du soufre minéral ; elle est composée du superflu du principe huileux de l'antimoine & du superflu de son principe salin, qui est vitriolique : ce soufre est différent du principe huileux, qui concourt à la composition de la partie réguline.

Le mercure a de grands rapports avec cette matiere réguline : la terre de l'antimoine est extrèmement legere, comme est celle du mercure. Le soufre s'unit également au mercure & au régule d'antimoine ; de sorte qu'on peut regarder l'antimoine crud comme une espece de cinabre, composé de la partie métallique de l'antimoine, unie au soufre commun ; de même que le cinabre proprement dit est le mercure uni au soufre, avec lequel il forme des aiguilles. L'antimoine a encore ceci de commun avec le mercure, que l'esprit de sel a autant de rapport avec le régule d'antimoine, qu'avec le mercure.

Plusieurs chimistes regardent la partie métallique de l'antimoine comme un mercure fixé par une vapeur arsénicale. Mais peut-on retirer du mercure du régule d'antimoine ? quelques-uns ont dit que ce mercure qui faisoit partie de l'antimoine, étoit la production de l'opération que l'on fait pour l'en tirer ; d'autres ont assûré que ce mercure étoit contenu dans l'intérieur de l'antimoine.

Quoiqu'on tire du mercure du régule d'antimoine, il est difficile de mêler du régule d'antimoine avec du mercure ; il faut observer à cette occasion que l'antimoine crud ne peut que très-difficilement se mêler au régule, qui se joint facilement au soufre.

Quelques chimistes ont pensé que si on pouvoit unir ensemble le mercure & l'antimoine, ce seroit un moyen de découvrir de nouvelles propriétés dans ces deux minéraux.

Plusieurs se vantent d'avoir tiré du mercure de l'antimoine : mais aucun ne dit qu'il les ait joints ensemble ; quoiqu'il y en ait, du nombre desquels est Becker, qui ayent cherché à purifier le mercure par le moyen de l'antimoine.

L'antimoine contient beaucoup de soufre : cependant il est très-difficile de l'unir au mercure, qui se lie si aisément au soufre ; parce que le soufre s'attache encore plûtôt à l'antimoine, qu'au mercure même. On sait que le régule d'antimoine est un des plus forts moyens qu'on puisse employer pour retirer le mercure du cinabre ; & c'est suivant ce principe que pour faire le cinabre d'antimoine, on enleve premierement la partie réguline de l'antimoine, pour que son soufre ait la liberté de se joindre au mercure.

Cependant dans la vûe d'unir ensemble ces deux matieres qui sont d'une si grande importance en Chimie, M. Malouin a fait plusieurs expériences ; & après avoir tenté inutilement différens moyens difficiles & compliqués, il a réussi par d'autres qui sont plus naturels & plus simples, dont il a rendu compte dans un mémoire qu'il donna à l'académie royale des Sciences en l'année 1740. Voyez ETHIOPS ANTIMONIAL.

Si on verse de l'eau-forte sur de l'antimoine en poudre grossiere, & que pendant la dissolution qui résultera de ce mêlange, on y ajoûte de l'eau froide, il surnagera aussi-tôt après la dissolution une matiere grasse qui vient de l'antimoine, & que M. Malouin dit, dans son mémoire sur l'union du mercure & de l'antimoine, avoir détachée de l'antimoine par le moyen du mercure.

On peut tirer par la distillation de l'antimoine, faite par une cornue, une liqueur acide, comme on en peut tirer du soufre de la même façon ; & c'est cette liqueur, qu'on peut tirer aussi de l'antimoine, que quelques chimistes ont nommée vinaigre des Philosophes : il y a d'autres préparations de vinaigre d'antimoine ; le plus recommandé est celui de Basile Valentin.

Il y en a qui appellent mercure d'antimoine, le mercure tiré du cinabre d'antimoine mêlé avec la chaux ou le fer, quoique le mercure ne puisse être dit que mercure revivifié du cinabre d'antimoine.

Au reste on trouve dans bien des livres de Chimie différens procédés pour faire du mercure avec de l'antimoine : mais le succès ne répond pas aux promesses des auteurs ; de sorte que Rolfinckius, & l'auteur incrédule qui a pris le nom d'Udene Udenis, mettent ce mercure tiré de l'antimoine au nombre des non-êtres, c'est-à-dire, des choses qui ne sont point. Cependant Becker & Lancelot ont soûtenu ce fait. Le procédé qu'en donne Lancelot, dans son ouvrage qui a pour titre Epistola ad curiosos, est fidele ; & quiconque voudra le suivre exactement, trouvera l'opération embarrassante, mais vraie, suivant la pharmacopée de Brandebourg.

L'antimoine a causé de grandes contestations en Medecine. La nature de ce minéral n'étant point encore assez connue, la Faculté fit en 1566 un decret pour en défendre l'usage, & le Parlement confirma ce decret. Paumier de Caen, grand chimiste, & célebre medecin de Paris, ne s'étant pas conformé au decret de la faculté & à l'arrêt du parlement, fut dégradé en 1609. Cependant l'antimoine fut depuis inséré dans le livre des médicamens, composé par ordre de la faculté en 1637 ; & enfin en 1666, l'expérience ayant fait connoître les bons effets de l'antimoine dans plusieurs maladies, la faculté en permit l'usage un siecle après l'avoir défendu : le parlement autorisa de même ce decret.

Quoique dans tous les tems plusieurs personnes ayent cherché à rendre l'antimoine suspect de poison, cependant l'efficacité de ses préparations a prévalu contre leurs efforts.

Ces préventions ont sur-tout fait appréhender longtems de le donner crud. Kunkel est un des premiers qui ait osé le faire. L'usage intérieur de l'antimoine crud est cité dans Kunkel, Laborator. chimic. p. 432. Kunkel dit qu'en 1674 il étoit malade d'un violent rhûmatisme : il étoit alors à Wittemberg, & il consulta sur son état Sennert, grand medecin d'Allemagne, qui lui dit qu'à l'occasion d'une douleur violente & opiniâtre comme étoit celle dont Kunkel se plaignoit, un medecin Italien avoit donné avec succès à Vienne, l'antimoine, mais qu'il ne savoit pas la préparation qu'on devoit faire pour corriger l'antimoine de poison. Kunkel, qui étoit plus chimiste que Sennert, pensoit que l'antimoine ne tenoit point du poison ; & il se souvint que Basile Valentin le recommandoit pour engraisser les cochons ; il savoit qu'on le donnoit aux chevaux. Il se détermina à en faire usage, & il le prit pendant sept jours, commençant par cinq grains, & finissant par trente-cinq ; ensuite il se reposa trois jours : cela le fit transpirer & uriner : le dixieme jour, étant dégoûté de la conserve de rose, dans laquelle il prenoit l'antimoine crud porphyrisé, il en fit faire des tablettes avec l'écorce confite de citron & de la canelle ; il entroit dans chaque tablette vingt-cinq grains d'antimoine ; il en prenoit chaque jour une tablette divisée en trois parties, dont il prenoit une le matin, une autre à midi, & la troisieme le soir ; & il se trouva par ce moyen parfaitement guéri au bout d'un mois.

Kunkel dit qu'en 1679, il en prit avec succès pour une fievre quarte. Il le recommande pour les maladies qui sont accompagnées de paralysie ; pour les fievres longues qui viennent de mauvaises humeurs, soit que ces fievres soient intermittentes, soit qu'elles soient continues ; pour les douleurs de goutte ; pour les enfans noüés ; pour les fleurs blanches. Le medecin y joint d'autres remedes, selon les vûes qu'il peut avoir pour la guérison du malade.

L'antimoine crud entre dans la composition de l'antidote de Nicolas Myreptus. Il y a dans la pharmacopée de Brandebourg des tablettes antimoniales, sous le nom de Morsuli restaurantes Kunkelii. Dans chaque gros de ces tablettes il y a cinq grains d'antimoine. Epiphane Ferdinand, hist. 17. dit que l'antimoine crud est le véritable remede des véroles invétérées.

Presque tous les chimistes, & Paracelse lui-même, disent que les vapeurs de l'antimoine sont nuisibles à la santé : pour moi, je pense qu'elles ne sont point empoisonnantes ; j'ai beaucoup travaillé sur l'antimoine, sans jamais en ressentir d'incommodité. On ne doit craindre les vapeurs de l'antimoine, que comme on craint les vapeurs du soufre ; & assûrément on ne doit pas fuir les vapeurs du soufre comme des vapeurs arsénicales. M. Lemery, qui a beaucoup travaillé sur l'antimoine, n'en a jamais été incommodé.

M. Lesmant de Rouen, dit qu'on accuse mal-à-propos l'antimoine de donner des vapeurs nuisibles ; que jamais il n'en a souffert la moindre incommodité, quoiqu'il en ait brûlé une prodigieuse quantité ; que les vapeurs de l'antimoine n'affectent la poitrine, que comme le soufre commun l'affecte ; & il ajoûte qu'un homme incommodé d'asthme venoit continuellement chez lui, pour prendre & manger cette espece de farine blanche qui se forme lorsqu'on prépare le verre d'antimoine, & que cet homme s'en trouvoit bien.

La plûpart des medecins attribuent une vertu arsénicale à l'antimoine ; c'est à cette qualité qu'ils rapportent la propriété qu'a l'antimoine de faire vomir : d'autres, avec M. Mender, nient cette qualité arsénicale dans l'antimoine ; & ils fondent leur sentiment sur ce que le sel de tartre dissout entierement l'arsenic, & ne peut dissoudre le régule d'antimoine. Le diaphorétique minéral n'a rien de corrosif, il n'a rien qu'on puisse soupçonner d'être arsénical : cependant en rétablissant cet antimoine diaphorétique, on lui redonne toutes les qualités de l'antimoine qu'on attribue à sa propriété arsénicale ; propriété qui n'étoit pas dans les matieres qu'on employe pour rétablir l'antimoine.

Mais on peut répondre à cela que si le sel de tartre ne dissout pas le régule d'antimoine, ou du moins sa partie arsénicale, c'est qu'elle est intimement unie & comme enveloppée dans la partie métallique ou réguline propre de l'antimoine, que le sel de tartre ne peut dissoudre.

Pour ce qui est du diaphorétique minéral, il est vrai que la matiere grasse qu'on employe pour le rétablir en régule ne contient point de matiere arsénicale : mais il y a lieu de croire que dans le diaphorétique minéral se trouvent tous les principes de l'antimoine ; que l'antimoine calciné est dans un état à n'être pas vomitif, comme l'antimoine crud n'est pas ordinairement vomitif, quoique l'antimoine crud contienne tout ce qui est extrèmement vomitif dans le régule d'antimoine.

Du tems de Dioscoride, on attribuoit à l'antimoine la vertu de resserrer les conduits du corps, de consumer les excroissances des chairs, de nettoyer les ulceres des yeux ; c'est peut-être pour cette vertu-ci qu'on le nomme platyophthalmon. Enfin on lui attribuoit les mêmes propriétés qu'au plomb brûlé. Dioscoride dit que l'antimoine mis sur les brûlures avec de la graisse fraîche, empêche qu'elles ne s'élevent en vessie ; que l'antimoine mêlé avec de la cire & un peu de céruse, cicatrise les ulcérations qui ont croûté. L'huile glaciale d'antimoine étoit connue du tems de Mathiole, qui en parle ; & il paroît par ce qu'il dit en même tems, qu'il avoit une préparation particuliere d'huile d'antimoine, de laquelle il usoit, dit-il, heureusement pour les ulceres malins & caverneux.

L'émail jaune de la fayence se fait avec de l'antimoine, la suie, le plomb calciné, le sel & le sable. M. Malouin a trouvé que l'antimoine crud fondu avec le verre, donne au verre une couleur de grenat.

La composition pour faire les caracteres de l'Imprimerie, est de deux onces de régule d'antimoine avec une livre de plomb.

Les anciens, pour relever la beauté du visage & donner plus de vivacité au teint, formoient les sourcils en arcs parfaits, & les teignoient en noir : ils ajoûtoient aux paupieres la même teinture, pour donner aux yeux plus de brillant. Cet artifice étoit en usage chez les Hébreux. Jesabel épouse d'Achab, & mere de Joram roi d'Israël, ayant appris l'arrivée de Jehu dans Jezrahel, s'orna les yeux avec l'antimoine. Reg. IX. 30. Cette drogue, dit M. Rollin dans son Histoire ancienne, page 144, retrécissoit les paupieres, & faisoit paroître les yeux plus grands, ce qui étoit regardé pour lors comme une beauté. Plin. liv. XXXIII. chap. vj. De-là vient cette épithete qu'Homere donne si souvent aux déesses mêmes, , Junon aux yeux de boeuf, c'est-à-dire aux grands yeux.

L'alchimiste Philalethe appelle l'antimoine son aimant, l'acier des Philosophes, le serpent qui dévora les compagnons de Cadmus, le centre caché qui abonde en sel. Voyez Currus triumph. Basile Valentin ; Traité sur l'antimoine de Sala, de Lemery & de Mender ; Traité de Chimie de Malouin.

Il faut choisir l'antimoine qui a les plus longues aiguilles & les plus brillantes ; le meilleur antimoine a une couleur bleue tirant sur le rougeâtre, ce qu'on appelle couleur de gorge de pigeon.

L'antimoine est facile à fondre au feu ; & lorsqu'il est en fusion, il est assez fluide. Si on fait un feu moins fort qu'il ne faut pour le fondre, il se calcine ; d'abord le soufre superflu se dissipe, & ce qui reste en poudre étant fondu, donne le régule d'antimoine. Voyez REGULE D'ANTIMOINE. Si on continue de le laisser exposé au feu, le principe huileux de la partie métallique de l'antimoine, qui est son régule, se dissipe aussi, & il reste en une espece de cendre qui fondue fait le verre d'antimoine. Voyez CHAUX D'ANTIMOINE, VERRE D'ANTIMOINE.

On peut séparer la partie réguline de l'antimoine de sa partie sulphureuse, par le moyen de l'eau régale qui en dissout le métallique, & laisse le soufre qui y étoit mêlé.

Quoique la partie métallique de l'antimoine ait naturellement une grande liaison avec le soufre minéral, cependant celle qu'y ont les autres métaux est encore plus grande ; de sorte que si on fond l'antimoine avec quelque métal que ce soit, à l'exception de l'or & de l'argent, le soufre de l'antimoine quittera sa partie réguline pour s'attacher au métal ou aux métaux avec lesquels on l'aura fondu, & la partie réguline restera seule. On se sert ordinairement de ce moyen pour faire le régule d'antimoine ; on l'appelle régule martial, si pour le faire on a employé le fer ; régule jovial, si on a employé l'étain ; régule de Venus, si c'est le cuivre, &c. On peut aussi se servir de sels alkalis, ou qui s'alkalisent dans l'opération, pour absorber le soufre minéral, & en séparer le régule ; c'est ce qu'on nomme régule ordinaire.

Il ne faut pas croire que ces matieres enlevent simplement le soufre minéral qui est dans l'antimoine : elles s'attachent aussi, quoique moins facilement, à la partie métallique ; c'est pourquoi il y a toûjours dans les scories qui se forment dans cette opération, du régule plus ou moins, & le régule prend une partie du métal qu'on a employé pour le séparer du soufre superflu.

Outre ces régules, la chaux & le verre d'antimoine, on prépare communément avec ce minéral l'antimoine diaphorétique ou le diaphorétique minéral, le soufre doré d'antimoine, le kermès minéral, le foie d'antimoine, le safran des métaux, le beurre d'antimoine, le bésoard minéral, la poudre d'algaroth ou le mercure de vie, le cinabre d'antimoine, l'éthiops antimonial, le vin émétique, le tartre émétique.

On voit, par tout ce que nous avons dit, que l'antimoine crud contient beaucoup de soufre de la nature du soufre commun ; c'est vraisemblablement par cette partie sur-tout qu'il est bon dans les maladies de la peau, & dans certaines maladies de poitrine, comme est l'asthme.

Lorsqu'on fait usage de l'antimoine crud, il faut s'abstenir de tout ce qui est aigre, autrement on auroit des nausées & des défaillances. M. Malouin a fait l'expérience que le vin blanc dissout l'antimoine : & quoique l'antimoine, dans son état naturel, soit plûtôt bien-faisant que mal-faisant, cependant il est pernicieux lorsqu'il est dissous : il a cela de commun avec le plomb, qui est ami des chairs tant qu'il est dans son état naturel, & qui est fort mauvais lorsqu'il est dissous. Ayant mis du vin blanc en digestion sur de l'antimoine crud en poudre, ce vin prit un goût cuivreux & de rouille de fer : M. Malouin en ayant goûté, trouva que le peu qu'il en avala l'incommoda fort ; ce qui lui ôta l'espérance qu'il avoit de trouver, pour la guérison de certaines maladies longues, une teinture d'antimoine crud faite par le vin. Il se propose d'éprouver si on ne peut point faire un baume d'antimoine anisé, ou térébenthiné, ou autre, comme on fait un baume de soufre anisé, &c.

Ces observations conduisent à ne pas donner l'antimoine crud à ceux qui ont des aigres dans l'estomac & dans les humeurs, qu'on n'ait auparavant adouci & purgé ces humeurs : souvent il est à-propos de joindre à l'antimoine crud des absorbans, ou des alkalis, comme la nacre de perle, le corail, les yeux d'écrevisses, la craie de Briançon, les coquilles de moules nettoyées & porphyrisées.

Il se trouve des occasions où il est utile de joindre l'antimoine crud au safran de Mars, comme pour les personnes du sexe qui ont le sang gâté, & qui n'ont point leurs regles ; on leur donne, par exemple, huit grains de safran de Mars préparé à la rosée, mêlés avec quatre grains d'antimoine crud réduit en poudre fine : les Medecins varient les doses & les proportions de ces deux remedes, selon les circonstances.

On fait un grand usage de l'antimoine crud dans les tisanes, comme dans celles de Callac, de Vinache, &c. On met ordinairement dans ces tisanes une once d'antimoine pour chaque pinte d'eau ; on le casse auparavant en morceaux, & on le met dans un linge, qu'on lie avec un fil, pour en faire un noüet ; le même noüet sert toûjours pour refaire de la tisane.

Lorsqu'on met de l'antimoine dans les tisanes, il ne faut pas y faire bouillir de vin, comme on fait quelquefois, pour les employer dans des cas de paralysie, à la suite d'apoplexies séreuses. Voyez la Chimie medicinale, chez d'Houry, à Paris. (L)

* ANTIMOINE (verre d') Réduisez en poudre l'antimoine ; mettez-le dans un plat de terre non vernissé sur un feu modéré, mais capable de faire fumer l'antimoine sans le mettre en fusion. Si votre feu est fort, & que vous n'ayez pas soin de remuer sans cesse la poudre d'un & d'autre côté, une partie amollira, s'amassera & se grumelera : si vous vous appercevez que la matiere soit ainsi grumelée, ôtez-la de dessus le feu ; mettez les grumeaux dans un mortier & les réduisez en poudre ; remettez ensuite la poudre sur le feu ; achevez la calcination avec plus de précaution. La calcination sera faite quand la poudre ne fumera plus, qu'elle ne donnera aucune odeur, & qu'elle sera blanchâtre : alors jettez-la dans un creuset entre des charbons ardens ; couvrez le creuset ; faites un feu violent pendant environ une demi-heure, en soufflant, afin que la matiere entre plus promptement dans une parfaite fusion. Pour vous assûrer de la fusion, plongez-y une verge de fer ; si vous ne trouvez aucune résistance vers le fond du creuset, & qu'ayant retiré la verge vous voyiez que la matiere file au bout, & qu'y étant refroidie, elle soit transparente, retirez aussi-tôt le creuset du feu ; versez la matiere fondue sur un marbre chauffé ou dans une bassine plate de cuivre ; laissez-la refroidir, & vous aurez ce qu'on appelle verre d'antimoine.

Ce verre est cassant, sans goût, sans odeur, transparent, d'une couleur jaune tirant sur le rouge, c'est-à-dire de couleur hyacinthe.

Le fer rétablit en régule l'antimoine calciné. Si on remue long-tems avec une verge de fer la chaux d'antimoine fondue, on trouvera au bout de la verge de petites globules de régule.

L'antimoine calciné perce les creusets par le fond ; un creuset ne peut donc servir plusieurs fois faire le verre d'antimoine.

On fait encore du verre d'antimoine avec le régule en le calcinant de la même maniere. M. Stahl dit même que celui de régule est plus pur que celui d'antimoine crud.

Si l'on veut que le verre d'antimoine soit transparent, il faut aussi-tôt que l'antimoine est calciné, le mettre dans un creuset pour le fondre ; il faut même choisir un tems serein, ou quand on le fond y jetter un peu de soufre ou de nitre.

Il y en a qui, quand le verre est obscur, le broyent, le calcinent & le refondent. D'autres en tirent la teinture par l'esprit de verd-de-gris, & après l'avoir fait sécher, le refondent.

Plus le verre d'antimoine est blanc, moins il est émétique. On fait de ce verre des tablettes & des pastilles vomitives & purgatives.

Le moclique ou le remede contre les coliques de Plombier & de Peintre, est fait de verre d'antimoine & de sucre en poudre mêlés, dont on fait une pâte en humectant le mêlange. Voyez REMEDE DE LA CHARITE.

Le verre d'antimoine est plus ou moins émétique, selon qu'il est plus ou moins broyé. On le donne depuis un grain jusqu'à cinq. Voyez CHIMIE MEDICINALE.

* ANTIMOINE (Foie d'). Prenez parties égales d'antimoine crud & de nitre, le tout en poudre & mêlé ensemble. Mettez ce tout dans un mortier chauffé & couvert d'une terrine percée par son fond ; introduisez dans le mortier, par cette ouverture, un charbon ardent, il se fera dans l'instant une grande détonation ; cette détonation passée & les vaisseaux refroidis, retirez la matiere, séparez les scories de la partie luisante & rougeâtre. Cette partie luisante & rougeâtre sera le foie d'antimoine.

Ou mettez parties égales d'antimoine & de nitre en poudre dans un creuset rougi entre des charbons ardens ; couvrez le creuset ; laissez au feu la matiere jusqu'à ce qu'elle soit dans une parfaite fusion ; versez-la ensuite dans un mortier chauffé. Observez que dans cette opération il ne faut pas employer un salpetre raffiné, mais de la premiere cuite.

On obtient encore le foie d'antimoine avec de l'alkali & de l'antimoine crud, qu'on fond ensemble, comme pour le foie de soufre.

On donne le foie d'antimoine depuis un grain jusqu'à six. Plus on met de nitre, quand on le fait, moins il est émétique. Observez en général, quand vous le ferez, de couvrir le vaisseau & de retenir les scories, parce que plus il se formera de scories, plus le foie sera beau. Il est appellé foie à cause de sa couleur.

* ANTIMOINE (Verre d'antimoine ciré). Prenez un gros de cire jaune dans une cuilliere de fer ; faites-la fondre ; ajoûtez-y ensuite une once d'antimoine en poudre fine, le verre se fondra aisément avec la cire ; remuez continuellement jusqu'à ce que le mêlange ait une couleur de tabac ; retirez alors du feu ; ce remede sera bon pour les dyssenteries, dans lesquelles on peut employer l'émétique.

Pour obtenir le safran des métaux, mettez en poudre le foie d'antimoine, laissez-le deux ou trois jours exposé à l'air dans un lieu humide, puis versez de l'eau chaude dessus, remuez ; laissez reposer ; renversez l'eau claire ; lavez ainsi plusieurs fois la poudre qui tombe au fond de l'eau : quand elle sera toute dessalée, laissez-la sécher ; dans cet état ce sera une poussiere jaune safranée, qu'on a nommée, à cause de sa couleur, safran des métaux.

Si vous retirez le sel des eaux dans lesquelles vous avez lavé le safran des métaux, ce sel sera un nitre antimonial, que quelques-uns appellent anodyn minéral, qu'on peut employer dans les fievres ardentes & dans les inflammations.

Outre ce sel, la lessive du safran des métaux contient encore le véritable foie d'antimoine ou foie de soufre d'antimoine, ou la partie sulphureuse de l'antimoine, qui, jointe à la partie du nitre alkalisée, forme un foie de soufre qui tient en dissolution une partie du régule de l'antimoine ; & cette partie réguline de l'antimoine devient dissoluble dans l'eau par le foie de soufre, qui est capable de dissoudre si parfaitement les métaux, l'or même, que par ce moyen ils se fondent dans l'eau, & peuvent ensuite passer avec elle par le filtre.

Ainsi ce que l'eau ne dissout pas lorsqu'on lave le safran des métaux, est une partie de l'antimoine qui n'est dissoute que superficiellement par la partie du nitre alkalisée, qui n'est point alliée au soufre pour faire le foie. Voyez Chim. med.

On tire une espece de kermès minéral de la lessive du safran des minéraux ; pour cet effet versez-y du vinaigre ou de l'esprit de nitre, & il se précipitera une poudre rouge orangée, semblable à ce qu'on nomme soufre doré d'antimoine.

Le safran des métaux est émétique ; Rulland en faisoit son eau-benite, en prenant une once de safran des métaux qu'il faisoit infuser dans une pinte d'eau de chardon-benit & une demi-once d'eau de canelle. Cette liqueur est émétique, sudorifique, & cordiale.

Régule medicinal ; prenez cinq onces de bon antimoine crud, quatre onces de sel commun, une once de tartre, le tout en poudre fine : mêlez ; jettez peu-à-peu ce mêlange par cuillerées dans un creuset rougi entre des charbons ardens ; attendez pour jetter une seconde cuillerée que la précédente soit fondue. Quand tout le mêlange sera fondu, augmentez le feu afin que la fusion soit comme l'eau ; laissez-la un quart d'heure dans cet état ; retirez le creuset du feu & laissez-le refroidir sans y toucher ; cassez le creuset, vous trouverez au fond le régule & les scories dessus : séparez le régule des scories, il sera luisant & noir comme de la poix, & quand il est pulvérisé il est rougeâtre.

Si on fait l'opération dans un vaisseau de terre, le régule au lieu d'être noir, ressemblera parfaitement à la mine rouge d'argent la plus parfaite, & sera plus facile à triturer que s'il avoit été fait au creuset.

Le régule se distingue du foie, en ce qu'il ne s'humecte pas à l'air & que la poudre en est rouge.

* ANTIMOINE (Régule simple d '). Prenez une livre d'antimoine crud, douze onces de tartre, & six onces de nitre, le tout en poudre : mêlez & laissez sécher : prenez-en une cuillerée, que vous jetterez dans un creuset rougi entre des charbons ; couvrez le creuset, il se fera une détonation : la détonation passée, vous ajoûterez une autre cuillerée, & ainsi de suite, après quoi vous augmenterez le feu ; & quand la matiere sera bien fondue, vous la verserez dans un mortier que vous aurez chauffé & graissé en-dedans : vous frapperez avec des pincettes les côtés du mortier pendant que la matiere y refroidira, pour que la partie réguline se débarrasse des scories, & qu'elle tombe au fond. Quand le tout sera refroidi, séparez le régule des scories : vous pulvériserez le régule ; vous le ferez refroidir dans un autre creuset ; vous y jetterez un peu de salpetre : vous renverserez votre matiere fondue dans le mortier ; vous l'y laisserez refroidir, & vous aurez le régule simple d'antimoine.

On fait des gobelets de ce régule, mais il faut pour cela un régule bien pur. On en fait une boule qu'on appelle boule des breques. Il sert aussi à composer des balles qu'on nomme pilules perpétuelles.

On verse le soir un demi-verre de vin dans les gobelets, & on boit ce vin le lendemain matin. On met la boule dans un petit verre de vin, qu'on prend le matin ; ces vins purgent par haut & par bas. Les pilules perpétuelles sont pernicieuses.

* ANTIMOINE (Régule martial d') Mettez quatre onces de petits clous de fer dans un creuset que vous placerez au milieu d'un fourneau à fondre ; couvrez le creuset, & l'entourez de charbon.

Quand les clous seront rouges & commenceront à blanchir, ajoûtez neuf onces d'antimoine concassé ; recouvrez le creuset ; remettez dessus du charbon ; donnez quelques coups de soufflet, afin que l'antimoine & les clous fondent : alors jettez, en trois petites cuillerées, une once de nitre pesée, après l'avoir purifié & séché ; recouvrez le creuset après la projection de chaque cuillerée. Lorsque la matiere sera en une fonte fluide comme l'eau, versez-la dans un mortier ou dans un cone chauffé & graissé ; frappez contre les côtés du cone afin de faciliter la chûte du régule ; laissez refroidir ; séparez les scories du régule ; pulvérisez le régule ; refondez-le ; quand il sera en fusion, ajoûtez un gros de salpetre pur & sec pour chaque once de régule ; réitérez encore deux fois la fusion, séparant toûjours le régule des scories, & le mettant dans une fusion parfaite, sur-tout la derniere fois. Il faut que les scories ne paroissent plus jaunes à la derniere fusion ; c'est une marque que le régule ne contient plus sensiblement de fer.

Les premieres scories du régule martial étant mises en poudre grossiere, exposées à l'air dans un lieu humide & à l'ombre, & réduites ainsi en une poussiere fine, sont lavées dans plusieurs eaux ; si l'on verse ces lessives sur un filtre, le safran restera sur ce filtre, & il faudra le faire sécher : on le mêlera ensuite avec trois fois autant de nitre ; on en fera la projection par cuillerées dans un creuset rougi au feu ; on le lavera pour en ôter toute la salure, & l'on aura le safran de mars antimonial de Stahl.

Le régule martial entre dans la composition du régule des métaux dont on se sert pour faire le lilium.

Zanichelli se servoit aussi du régule martial pour faire ses fleurs d'antimoine argentines. Pour cet effet il mettoit du régule martial dans le fond d'un creuset ; il ajustoit un couvercle qui entroit en partie dans le creuset. Ce couvercle étoit percé au milieu ; il couvroit ce couvercle d'un autre proportionné à l'ouverture du creuset ; il en lutoit les jointures ; il mettoit le régule en fusion par le feu qu'il faisoit autour du creuset ; il s'élevoit par ce moyen des fleurs blanches comme des branches d'arbre.

Mais il est plus facile de prendre une demi-livre d'éthiops antimonial, fait avec un quarteron de mercure & autant d'antimoine crud broyés ensemble ; d'ajoûter à l'éthiops deux onces de limaille de fer ; de mettre le tout dans une cornue de verre lutée, dont les deux tiers restent vuides ; de donner tout-à-coup un feu du second degré sous la cornue, & d'élever & augmenter le feu pendant cinq heures ; au bout de ce tems l'opération sera faite. Si on casse la cornue par le col, on y trouvera des especes de crystaux d'une grande blancheur qui sont la neige d'antimoine. Ce procédé est de M. Malouin ; en cherchant autre chose, il trouva que pour avoir cette neige il ne s'agissoit que de mettre deux parties d'antimoine crud & une partie de limaille de fer dans une cornue à feu nud.

Régule de Vénus. Prenez trois onces de cuivre de rosette en petits morceaux ; mettez-les dans un creuset, que vous placerez dans un fourneau à vent au milieu des charbons ardens ; couvrez ce creuset ; ajoûtez du charbon dans le fourneau jusque par-dessus le creuset : quand le cuivre sera prêt à fondre, ajoûtez trois onces de régule martial d'antimoine cassé en petits morceaux ; recouvrez le creuset ; quand la matiere sera dans une fusion parfaite, écartez les charbons, découvrez le creuset, retirez-le du feu, ensuite versez dans un mortier chauffé & graissé ; vous aurez par ce moyen un régule de couleur purpurine, qu'on nomme régule de Vénus.

Régule jovial. Prenez parties égales d'étain & de régule martial de la premiere fusion, l'étain coupé en limaille & le régule concassé : mettez d'abord le régule dans le creuset ; & quand il sera fondu, ajoûtez-y l'étain, & remuez avec une verge de fer. Quand tout sera en fusion, versez dans le mortier, & laissez refroidir : vous aurez le régule jovial, qui est de couleur d'ardoise.

Régule des métaux. Mêlez ensemble parties égales de régule de Vénus & de régule jovial en poudre : mettez le mêlange dans un creuset entre les charbons ardens ; couvrez le creuset, & ajoûtez-y encore du charbon : quand vous jugerez que la matiere sera fondue, vous découvrirez le creuset & vous la sonderez avec une verge de fer. Si vous la trouvez fondue, versez-la dans un mortier, & vous aurez le régule des métaux.

Si vous prenez parties égales de cuivre, de fer, d'antimoine, & d'étain, vous aurez le régule violet.

Ceux qui disent que le régule des métaux doit être composé de cinq métaux, comptent le zinc pour le cinquieme.

Voyez à l'article LILIUM, cette préparation d'antimoine.

Voyez aussi à l'article KERMES, cette autre préparation d'antimoine.

ANTIMOINE DIAPHORETIQUE, voyez DIAPHORETIQUE MINERAL.

* ANTIMOINE (Teinture d '-). Prenez une partie d'antimoine crud, deux parties d'alkali du tartre, le tout en poudre & mêlé ensemble : mettez le mêlange dans un creuset, que vous placerez dans un fourneau au milieu des charbons ardens : couvrez le creuset, laissez le tout en fonte pendant une heure ; conduisez le feu doucement d'abord ; versez la matiere fondue dans une poesle ou dans un chaudron de fer, chauffés ; quand la matiere commencera à refroidir, cassez-la en petits morceaux plats, que vous mettrez dans un matras ; versez de l'esprit-de-vin dessus à la hauteur d'environ deux doigts : ajustez au matras un vaisseau de rencontre ; vous laisserez en digestion jusqu'à ce que l'esprit-de-vin soit bien teint, ce qui se fait ordinairement en vingt-quatre heures : versez ensuite par inclination la teinture. On peut mettre du nouvel esprit-de-vin sur ce qui reste dans le matras, pour en tirer encore de la teinture : on mêlera ces teintures & on les filtrera.

Pour s'assûrer que la teinture est d'antimoine, il y faut laisser tomber quelques gouttes de vinaigre ; il s'en élevera une mauvaise odeur, & il se précipitera une poudre antimoniale.

La teinture antimoniale purifie les humeurs ; aussi réussit-elle dans les cas de langueur, pour le scorbut, & dans les suites des maladies vénériennes. On la prend depuis trois gouttes jusqu'à douze, dans deux ou trois cuillerées de thé, de bouillon, ou autre liqueur, & on y revient plusieurs fois par jour.

* ANTIMOINE (Soufre doré d '-). Prenez les scories du régule ordinaire d'antimoine, ou faites fondre une partie d'antimoine crud, avec deux parties de l'alkali du tartre ; exposez les à un air humide pendant un jour ou deux : faites bouillir à grande eau pendant une demi-heure les scories, ou l'antimoine divisé par les alkalis, ou le restant de la teinture d'antimoine ; car ce restant peut aussi servir dans cette occasion. Filtrez cette décoction ; laissez-y tomber quelques gouttes de vinaigre en différens endroits ; il se fera un précipité en une espece de caillé. Versez le tout dans un entonnoir garni d'un filtre, & rejettez ce premier précipité. Prenez la liqueur qui aura coulé au-travers du filtre, & versez-y comme la premiere fois du vinaigre ; vous aurez un second précipité que vous séparerez par un nouveau filtre : réitérez cette opération jusqu'à quatre fois : versez plusieurs fois de l'eau sur ce qui restera dans le filtre pour le dessaler : enfin faites sécher cette poudre, & vous aurez ce qu'on appelle le soufre doré d'antimoine.

Le soufre d'antimoine des premieres précipitations est jaune brun ; celui des précipitations suivantes est jaune rouge, il devient enfin doré ; & celui des dernieres est jaune clair.

Il y a, comme on voit, plusieurs soufres dorés d'antimoine : mais ils sont tous en grande réputation ; ils passent pour une panacée, ou un remede universel dans presque toutes les maladies. Mais leur vertu a toûjours paru suspecte à plusieurs medecins, à cause des parties régulines que ces remedes contiennent : car ils font vomir fort souvent ; d'autres fois ils purgent par bas, tandis que dans d'autres cas ils poussent seulement par la peau, ou ne produisent aucune évacuation sensible.

Le soufre doré s'ordonne le plus souvent mêlé avec l'huile d'amandes douces, ou dans quelque conserve, telle que celle de violette, de fleurs de bourache ou d'aunée, en forme de bol. Sans entrer dans le détail empirique de ses vertus, il suffit de savoir qu'elles dépendent de ses facultés : or celles-ci sont les mêmes que celles de l'hepar sulphuris, chargé de quelque substance métallique. Le soufre divisé par les alkalis est apéritif, atténuant, fondant, expectorant, desoppilatif, tonique, & fortifiant. Il peut diviser les humeurs visqueuses, tenaces & glutineuses : & par conséquent il peut lever les obstructions des visceres du bas-ventre, telles que celles du foie, de la rate, de la matrice, & du poumon ; ainsi il sera un excellent remede dans les pâles couleurs & dans la suppression des regles.

Le soufre doré est donc emménagogue, hépatique, mésenterique, béchique, fébrifuge, céphalique, diaphorétique, & alexipharmaque. Mais comme il peut être chargé de quelques parties régulines, il devient émétique, sur-tout si l'estomac se trouve gorgé d'acides ; il peut les évacuer, son action devenant plus énergique : si d'ailleurs il est donné à grande dose, il se developpera davantage ; & les circonstances tirées de sa partie réguline, & des acides nichés dans les premieres voies, ne feront que contribuer à le rendre de plus en plus émétique.

On peut dans cette intention l'ordonner à quatre grains dans une potion huileuse, à dessein de faire vomir dans une fievre violente, dans un engorgement du poumon. On le donne par cuillerée ; & il fait de grands effets. Donné à moindre dose, depuis un grain ou demi-grain jusqu'à deux, & de même en potion & par cuillerée, il est bon pour détacher les humeurs lentes, les diviser, & provoquer les sueurs & la transpiration. C'est pour cela qu'il est si efficace dans les maladies du poumon, dans la suppression des crachats & de la morve, & de-là dans tous les rhûmes de cerveau, de la gorge & de la poitrine.

Aussi la plûpart des grands praticiens, accoûtumés à l'employer dans les cas les plus difficiles & les plus ordinaires, ne se font pas de peine de le regarder comme un remede universel.

Le kermès minéral ou soufre doré, fait par l'ébullition, se donne avec succès dans les maladies qui sont soupçonnées de malignité. C'est ainsi que dans la petite vérole, la rougeole, la fievre miliaire, & autres de cette nature, dans les inflammations des visceres avec malignité, on l'ordonne comme alexipharmaque, en le mêlant avec les autres remedes bésoardiques, les terreux & les absorbans ; comme les yeux d'écrevisse, les coraux, les perles, les coquilles d'oeufs, les confections thériacales & alexitaires.

L'illustre M. Geoffroy s'en est servi avec succès dans les fievres intermittentes des enfans, en l'associant avec le sel fébrifuge de Sylvius, le sel d'absynthe, ou le tartre vitriolé.

Schroder dit qu'il l'a employé avec succès dans l'acrimonie de la sérosité & de la lymphe lacrymale, pour guérir la chassie, les ophthalmies, de même que pour adoucir des douleurs scorbutiques, & arrêter des fluxions sur les poumons, qui mettoient les malades dans un danger éminent.

Hoffman, & de grands praticiens après lui, l'ont employé dans toutes les maladies chroniques des visceres, en le mêlant avec d'autres remedes : c'est ainsi que joint au nitre, il devient un excellent spécifique dans l'hydropisie.

Veut-on guérir l'épilepsie & les maladies spasmodiques ? le soufre doré, joint au cinabre, agit comme un remede calmant.

Veut-on attaquer le scorbut ? on peut marier le soufre doré avec les sels neutres, avec les anti-scorbutiques.

Veut-on arrêter des pertes ou des dévoiemens ? joignez le soufre doré avec les absorbans ; enveloppez le tout dans la confection hyacinthe, & vous aurez un remede assûré dans ces maladies.

Ce médicament convient même dans les maladies inflammatoires de la poitrine & du poumon, & dans tous les cas où le sang épais engorge les vaisseaux ; mais il faut d'abord administrer les remedes généraux.

Juncker le regarde comme un préservatif assûré contre le catarrhe suffoquant, & contre d'autres maladies où la sérosité & la mucosité surabondante tendoient à détruire le ressort des visceres & de la poitrine : aussi son action s'est-elle terminée dans ces cas par des évacuations sensibles, telles que le vomissement, les selles, la sueur, & la transpiration, quoique souvent il ait agi sans exciter aucune évacuation bien marquée.

L'usage indiscret du soufre doré d'antimoine, ou du kermès, cause de grands desordres ; il nuit beaucoup aux pléthoriques, à tous ceux qui ont le sang acre & enflammé ; comme aussi aux phtisiques, aux gens délicats, & attaqués de vieilles obstructions, & à tous ceux qui sont menacés de rupture de vaisseaux, de crachement de sang, & d'autres maladies du poumon. On ne doit point l'employer d'abord dans tous ces cas ; il faut auparavant sonder le terrein, & recourir aux remedes généraux, qui sont la saignée, la purgation réitérée, les lavemens, les tisanes, ou boissons délayantes & adoucissantes, ou antiphlogistiques.

Enfin comme ce remede n'est pas toûjours de même main, que tous ne le travaillent pas comme il faut, c'est au medecin à bien connoître celui qu'il employe, & à savoir ses effets ; par exemple, s'il excite le vomissement ou non, s'il est fort chargé de régule ou non. Tous les remedes antimoniaux demandent à cet égard la même précaution.

D'ailleurs, quelle que fût la préparation, elle seroit toûjours à craindre dans plusieurs cas, ainsi que l'expérience l'apprend tous les jours : de-là vient que de grands praticiens redoutent encore ce remede comme un poison, & ne veulent point l'employer qu'ils ne se soient bien assûrés de l'état du poumon, du pouls, des forces & du tempérament du malade ; & d'ailleurs ils savent recourir aux correctifs de ce remede, lorsqu'il a trop fatigué le malade ; ils ont soin d'employer les huileux, les opiatiques, les adoucissans, & autres remedes capables de brider l'action trop violente de ce stimulant. (N)

* ANTIMOINE (beurre ou huile glaciale d '). Prenez une partie de régule d'antimoine, & deux parties de sublimé corrosif, le tout réduit en poudre & mêlé ensemble ; chargez-en une cornue jusqu'à la moitié ; que cette cornue ait le col large & court ; placez cette cornue dans un bain de sable ; ajustez-y un récipient ; lutez les jointures, & donnez un feu modéré : il distillera une matiere épaisse, qui est le beurre d'antimoine. Il prend ensuite une consistance huileuse, & comme glacée ; ce qui lui a fait donner le nom d'huile glaciale d'antimoine.

Cette huile est quelquefois si épaisse qu'elle ne coule point, & s'amasse dans le col de la cornue : alors il en faut approcher un charbon. Si on laisse le mêlange de sublimé & de régule exposé à l'air avant que de distiller, on aura un beurre plus liquide.

Quand on appercevra des vapeurs rouges, il faudra déluter les jointures du récipient, & augmenter le feu. Il passera des vapeurs qui se congeleront dans l'eau qu'on aura mise dans le second récipient : ce sera du mercure coulant revivifié du sublimé corrosif.

Si on réitere la distillation du beurre d'antimoine, il vient plus clair, & l'on a ce que l'on appelle le beurre d'antimoine rectifié. Plus il est rectifié, plus il est clair.

Il est d'une nature très-ignée & corrosive, au point d'être un poison lorsqu'on l'avale : on s'en sert à l'extérieur comme d'un caustique, afin d'arrêter le progrès des gangrenes, des caries, des cancers, &c. Voyez CAUSTIQUE.

Digéré avec trois fois son poids de très-fine poudre, il fait la teinture de pourpre antimoine, secret infiniment estimé par M. Boyle, comme un souverain vomitif.

Le même beurre se précipite, au moyen de l'eau chaude en poudre blanche, pesante, ou chaux appellée mercurius vitae, & poudre d'algaroth, qui est censé un violent émétique. Voyez ALGAROTH.

Du beurre d'antimoine se prépare aussi le bésoard minéral, en dissolvant le beurre corrigé avec l'esprit de nitre : ensuite séchant la matiere dissoute, appliquant encore de l'esprit de nitre, & le réitérant une troisieme fois, la poudre blanche qui demeure enfin entretenue presque rouge environ demi-heure, est le bezoardicum minéral. Voyez BESOARD.

* ANTIMOINE (Cinabre d ') : prenez trois parties de sublimé corrosif, & deux d'antimoine crud, le tout réduit en poudre & mêlé ; mettez le mêlange dans une cornue dont la moitié reste vuide ; & après y avoir ajusté un récipient, donnez un feu doux d'abord, qui fera distiller le beurre d'antimoine. Quand vous appercevrez les vapeurs rouges, délutez, & changez de récipient : poussez le feu dessus & dessous la cornue, jusqu'à ce qu'elle rougisse, dans l'intervalle de trois heures : laissez ensuite éteindre le feu, & refroidir les vaisseaux. Cela fait, vous trouverez le cinabre d'antimoine sublimé à la partie supérieure de la cornue vers son cou, mettez ce cinabre sur un feu de sable en digestion, il deviendra plus rouge & plus parfait.

Si vous faites fondre du beurre d'antimoine en l'approchant du feu, & que vous le versiez dans l'eau chaude, il s'y dissoudra, l'eau se troublera & blanchira ; ensuite il se précipitera une espece de poussiere blanche : décantez la liqueur, lavez la poussiere qui reste au fond dans plusieurs eaux ; faites-la sécher, & vous aurez la poudre d'algeroth, & selon d'autres, d'algaroth. C'est Victor Algeroth, Medecin de Vérone, qui est l'auteur de cette poudre, qu'on appelle aussi mercure de vie & poudre angélique. Elle purge violemment ; & l'on peut y recourir quand les autres émétiques ont été employés sans effet. Sa dose est depuis un grain jusqu'à huit dans les maladies soporeuses, l'apoplexie, l'épilepsie, &c. Voyez à BESOARD MINERAL cette préparation d'antimoine.

* ANTIMOINE (fleur d ') est un antimoine pulvérisé & sublimé dans un aludel ; ses parties volatiles s'attachent au pot à sublimer. Voyez FLEUR & SUBLIMATION.

C'est de plus un puissant vomitif, d'une singuliere efficacité dans les cas de manie, & le grand remede à quoi plusieurs sont redevables de leur grande réputation.

On fait une autre sorte de fleur de régule d'antimoine avec le sel antimonial sublimé comme devant ; ce qui fait un remede tant soit peu plus doux que le précédent. Van-Helmont nous donne aussi une préparation de fleurs d'antimoine purgatives Voyez DIAPHORETIQUE MINERAL.

ANTIMOINE (Fleurs de régule martial d '). Ces fleurs sont sudorifiques & diaphorétiques ; on en fait usage dans les fievres malignes & éruptoires, & toutes les fois qu'il est besoin de pousser par la peau. On les ordonne aussi dans les fievres intermittentes peu de tems avant l'accès. La dose est de dix grains.

Mais souvent ce remede excite le vomissement ; & n'est pas si sûr qu'on le pense. (N)

ANTIMOINE (Fleurs fixes d '), ou purgatif de Van-Helmont. Prenez dix-huit grains d'antimoine diaphorétique, seize grains de résine de scammonée, sept grains de creme de tartre ; faites du tout une poudre menue.

Cette poudre se prend sans la mêler avec aucun acide ; & si elle faisoit trop d'effet, on modéreroit son action par le moyen d'un acide. On doit la donner avant l'accès des fievres intermittentes, & ménager si bien le tems, que son opération finisse un instant avant le tems que l'accès a coûtume de venir. Elle guérit toûjours la fievre quarte, si l'on en croit Van-Helmont, avant la quatrieme prise, & toutes les fievres intermittentes & continues. Mais ses effets ne sont pas si surprenans que ce Chimiste l'a fait accroire. (N)

* ANTIMOINE (La céruse ou chaux d ') est le régule distillé avec de l'esprit de nitre dans un fourneau de sable : ce qui demeure après que toutes les fumées sont épuisées, est une poudre blanche, qui étant doucement lavée, est la céruse que l'on cherche. Elle est diaphorétique, & plusieurs la mettent sur le même pié que le bésoard minéral.

* ANTIMOINE REVIVIFIE, antimonium ressuscitatum, se prépare avec des fleurs d'antimoine, & le sel ammoniac digéré en vinaigre distillé, ensuite exhalé, & le demeurant adouci par l'ablution : il est émétique, quelquefois sudorifique, & bon dans les cas de manie.

Toutes ces préparations d'antimoine, quelque âpre qu'il soit tout seul, peuvent néanmoins être gouvernées de sorte qu'elles n'operent que peu ou insensiblement. L'effet n'en sera apperçû que quand elles auront passé dans les plus petits vaisseaux ; & c'est alors qu'elles ont la vertu de combattre la goutte, la vérole & les écrouelles, &c. Voyez PURGATIF.

ANTIMOINE (Magistere d '). Le magistere ou précipité d'antimoine fait par l'esprit de nitre, étant bien édulcoré par plusieurs effusions d'eaux bouillantes, purge & fait vomir comme le kermès, à la dose de trois ou quatre grains ; & le même magistere fait avec l'eau régale ordinaire, étant de même bien lavé, purge par les selles à la même dose ; & donné à la dose d'un grain, il agit comme diaphorétique. Ce remede a été donné avec succès dans les hôpitaux à de petits enfans attaqués de maladies d'obstruction & de fievre ; ils en ont été soulagés & guéris en prenant ce remede à la dose d'un grain, & le répétant selon le besoin.

Le kermès minéral est un vrai magistere d'antimoine, ou une précipitation du soufre doré ; & ce kermès bien rectifié, n'est pas différent de l'antimoine dissous par un alkali quelconque, dont on aura eu soin de séparer la partie réguline. Voyez KERMES MINERAL.

ANTIMOINE en poudre & en tablettes. Prenez de l'antimoine de Hongrie marqué de belles aiguilles, & brillant, divisez-le sur le porphyre, lavez-le plusieurs fois & faites-le sécher ensuite dans une étuve ; porphyrisez de nouveau cette poudre, & mêlez-la avec autant de sucre, jusqu'à ce qu'on n'apperçoive plus de brillant.

Cette poudre est vantée depuis long-tems comme un spécifique excellent dans plusieurs maladies du poumon, & sur-tout dans l'asthme : c'est un fondant excellent.

Kunkel s'en est servi avec succès par le conseil de Sennert, comme on l'a dit ci-dessus.

Cette poudre se réduit en tablettes avec le sucre rosat ; & ces tablettes sont connues dans quelques villes d'Allemagne sous le nom de tablettes de Kunkel, sur-tout à Francfort & à Nuremberg.

Ces tablettes sont bonnes pour le rachitis & la nouûre des enfans, pour l'obstruction des glandes & dans les fleurs blanches. On fera bien de les joindre avec des alkalis fixes, & d'interdire aux malades les acides pendant leur usage.

Il y a un grand nombre d'autres préparations d'antimoine dont il sera fait mention à leurs articles particuliers. (N)


ANTIMONARCHIQUEadj. (Hist. & politiq.) ce qui s'oppose ou résiste à la monarchie ou gouvernement royal. Voyez. MONARCHIE.

L'antimonarchique est fréquemment usité dans le même sens que républicain. Voyez REPUBLIQUE. (G)


ANTIMONIAUXen Medecine, préparations d'antimoine, ou médicamens dont l'antimoine est la base ou le principal ingrédient. Voyez ANTIMOINE.

Les antimoniaux sont principalement d'une nature émétique, quoiqu'ils se puissent préparer de sorte qu'ils deviennent, soit cathartiques, soit diaphorétiques, ou même seulement altératifs. Voyez ÉMETIQUE, CATHARTIQUE, ANTIMOINE, &c.

Le Docteur Quincy nous assûre qu'il n'est point dans la Pharmacie de remede qui leur soit comparable dans les affections maniaques ; nul émétique ou cathartique d'aucune autre espece n'étant assez fort pour de telles maladies, si ce n'est en dose outrée, qui pourroit être dangereuse. Voyez MANIE.

On dit qu'une tasse antimoniale faite, soit de verre d'antimoine ou d'antimoine préparé avec du salpetre, quoiqu'elle soit par elle-même une substance difficile à dissoudre, donne une forte qualité cathartique ou émétique à toute liqueur qu'on y verse, sans qu'il en résulte la moindre diminution du poids de la tasse même. (N)


ANTINOÉANTINO, ANTINOPOLIS, (Géog. anc.) ville d'Egypte dans la Thébaïde. Il n'en reste pas même des ruines qu'on rencontreroit sur les bords du Nil. Elle s'est appellée Adrianopolis, Besantinoüs, & même selon quelques-uns Besa.


ANTINOMIES. f. antinomia, du Grec ἀντὶ, contre, & νόμος, loi ; contradiction entre deux lois ou deux articles de la même loi. Voyez LOI.

Antinomie, signifie quelquefois une opposition à toute loi.

C'est en ce sens qu'on a appellé Antinomiens, & quelquefois Anomiens, une secte d'enthousiastes qui prétendoient que la liberté évangélique les dispensoit de se soûmettre aux lois civiles. Tels ont été en Allemagne ces Anabaptistes qui prirent les armes contre les Princes & la Noblesse. V. ANABAPTISTES.

On a aussi donné le même nom à ceux qui ont avancé que la vertu morale étant insuffisante pour le salut, on ne devoit point avoir égard à ses motifs : comme s'ils étoient incompatibles avec ceux de la religion, & que la loi de l'Evangile ne fût pas le complément & la perfection de la loi de nature. (G)


ANTINOUSen Astronomie, est une constellation de l'hémisphere boréal, qui avance aussi en partie dans l'hémisphere austral : elle est contiguë à la constellation de l'aigle, & ne fait proprement avec elle qu'une même constellation. Voyez AIGLE & CONSTELLATION.

Antinoüs est composé de quelques étoiles informes. Voyez ETOILE. (O)


ANTIOCHEou ANTAKIA, (Géog. anc. & mod.) ville ancienne & célebre de Syrie ; il n'en reste presque plus que des ruines. Elle étoit sur l'Oronte, aujourd'hui l'Assi. Long. 55. 10. lat. 36. 20.

ANTIOCHE, ville d'Asie, dans la Pisidie, jadis considérable, aujourd'hui réduite à quelques habitans.

ANTIOCHE, sur le Méandre, ville de Carie, en Asie mineure, aujourd'hui Tachiali.

ANTIOCHE, ville de la Comagene, dans la Syrie : elle porte encore aujourd'hui le même nom.

ANTIOCHE, sur l'Euphrate dans la Syrie ; Etienne de Byzance fait mention de dix villes de ce nom : d'autres auteurs en comptent jusqu'à douze.

ANTIOCHE ou MYGDONIE. Voyez NISIBE.

ANTIOCHE, (Pertuis d ') détroit de la mer de Gascogne, entre la côte septentrionale de l'île d'Oleron, sur la côte méridionale de l'île de Ré.

ANTIOCHIA, ville de l'Amrique meridionale, au royaume de Pompayan.


ANTIOCHETTA(Géog. mod.) ville de la Turquie Asiatique, dans la Caramanie, vis-à-vis l'île de Chypre. Long. 45. 45. lat. 36. 42.


ANTIOCHUS LE GRANDANTIOCHUS LE GRAND se servoit d’une thériaque contre toutes sortes de poisons ; la composition en étoit écrite sur une pierre à l’entrée du temple d’Esculape. Voici la recette : prenez thym, opopanax, millet, de chacun deux gros & cinq grains ; trefle, un gros deux grains & demi ; semence d’anet, de fenouil, d’anis, de poivrette, d’ache, de chacun seize gros & quinze grains ; farine d’ers, douze gros trente grains : pulvérisez ces drogues, passez-les par le tamis, & faites-en des trochisques de demi-gros avec de bon vin ; la dose est d’un demi-gros dans un quart de pinte de vin. Pline, lib. XX. c. 24. (N)


ANTIOPIA(Géog. anc. & mod.) ville ancienne de la Palestine, dans la tribu de Nephtali, vers la frontiere d'Aser, entre Tyr & Bethsaïde. C'étoit la ville principale des Chananéens ; ce n'est aujourd'hui qu'un misérable village.


ANTIPACHSU(Géog. mod.) petite île de la mer de Grece, sur la côte d'Epire, vis-à-vis le golfe de l'Arta, entre Corfou & Céfalonie.


ANTIPARASTASES. f. figure de Rhétorique ; qui consiste en ce que l'accusé apporte des raisons pour prouver qu'il devroit plutôt être loué que blâmé, s'il étoit vrai qu'il eût fait ce qu'on lui oppose. (G)


ANTIPAROS(Géog. anc. & mod.) île de l'Archipel, vis-à-vis l'île de Paros. Voyez CAVERNE.


ANTIPASTES. m. (Littérat.) dans l'ancienne poësie, pié composé d'un iambe & d'un trochée, c'est-à-dire, de deux longues entre deux breves, comme dans ce mot crnr. Voyez PIE & VERS. (G)


ANTIPATHESou CORAIL NOIR. Voyez CORAIL.


ANTIPATHIES. f. (Phys.) des mots grecs ἀντὶ, contre, & πάθος, passion. C’est l’inimitié naturelle, ou l’aversion d’une personne ou d’une chose pour une autre, & dans ce sens l’opposé de la sympathie.

Telle est, dit-on, l'opposition naturelle & réciproque de la salamandre & de la tortue, du crapaud & de la belette, de la brebis & du loup. Telle est l'aversion naturelle & invincible de certaines personnes, pour les chats, les souris, les araignées, &c. aversion qui va quelquefois jusqu'à les faire évanoüir à la vûe de ces animaux.

Porta, (mag. natur. 20. 7.) & Mersenne, (Quaest. comment. in Genes.) en rapportent d'autres exemples, mais fabuleux & absurdes : un tambour, disent-ils, de peau de loup, fera casser un tambour de peau de brebis ; les poules s'envolent au son d'une harpe garnie de cordes faites des boyaux d'un renard, &c. Voyez d'autres exemples plus réels d'antipathie sous les art. MUSIQUE, TARENTULE, &c. M. Boyle parle d'une dame qui avoit une grande aversion pour le miel ; son medecin, prévenu qu'il entroit beaucoup de fantaisie dans cette aversion, mêla un peu de miel dans une emplâtre qu'il fit appliquer au pié de la dame. Il se repentit bientôt de sa curiosité, quand il vit le fâcheux dérangement que l'emplâtre avoit produit, & que l'on ne put faire cesser qu'en ôtant cette emplâtre. Le docteur Mather raconte qu'une demoiselle de la nouvelle Angleterre s'évanoüit en voyant quelqu'un se couper les ongles avec un couteau, quoiqu'elle ne fût nullement émûe en les voyant couper avec une paire de ciseaux. Philos. Transact. n°. 339.

Nous pourrions accumuler ici beaucoup d'autres exemples d'antipathie dont les auteurs sont remplis, & dont nous ne voudrions pas assûrer généralement la vérité. Il nous suffit que l'existence des antipathies soit un fait certain, & reconnu pour tel.

Les Péripatéticiens enseignent que les antipathies proviennent de certaines qualités occultes qui sont inhérentes dans les corps. Voyez OCCULTE, PERIPATETICIEN, &c. Voyez aussi SORTILEGE.

Les philosophes modernes plus sages, avouent qu'ils en ignorent la cause. Quelques-uns ont prétendu l'expliquer, en regardant notre corps comme une espece de clavecin, dont les nerfs sont les cordes. Le degré de tension des nerfs, différent dans chaque homme, occasionne, disent-ils, un ébranlement différent de la part du même objet ; & si cet ébranlement est tel qu'il produise une sensation desagréable, voilà l'antipathie. Mais comment un degré de tension plus ou moins grand, & peut-être quelquefois peu différent, produit-il dans deux hommes des sensations tout opposées ? voilà ce qu'on n'expliquera jamais. Il ne s'agissoit que d'avouer son ignorance un peu plûtôt. (O)

* ANTIPATHIE, haine, aversion, répugnance, s. f. La haine est pour les personnes ; l'aversion & l'antipathie pour tout indistinctement, & la répugnance pour les actions.

La haine est plus volontaire que l'aversion, l'antipathie & la répugnance. Celles-ci ont plus de rapport au tempérament. Les causes de l'antipathie sont plus secrettes que celles de l'aversion. La répugnance est moins durable que l'une & l'autre. Nous haïssons les vicieux ; nous avons de l'aversion pour leurs actions ; nous sentons de l'antipathie pour certaines gens, dès la premiere fois que nous les voyons : il y a des démarches que nous faisons avec répugnance. La haine noircit, l'aversion éloigne des personnes ; l'antipathie fait détester ; la répugnance empêche qu'on imite. Voyez les Synon. franç.

ANTIPATHIE, terme de Peinture. Voyez ENNEMI.


ANTIPATRIDE(Géog. anc.) il y a eu deux villes de ce nom ; l'une en Palestine, du côté de Jafa, vers la mer, maintenant ruinée ; l'autre en Phénicie, sur la côte de la Méditerranée, à seize milles de Jafa.


ANTIPÉRISTALTIQUEadj. de ἀντὶ, contre, & περισταλτικὸς, comprimant, (Anatomie.) c'est dans les intestins un mouvement contraire au mouvement péristaltique. Voyez VERMICULAIRE. Le mouvement péristaltique est une contraction des fibres des intestins du haut en-bas, & le mouvement antipéristaltique en est une contraction du bas en-haut. Voy. INTESTINS. (L)


ANTIPERISTASES. f. dans la Philosophie de l'école, est l'action de deux qualités contraires, dont l'une par son opposition excite & fortifie l'autre. Voyez QUALITE.

Ce mot est Grec, ἀντὶ περίστασις, & se forme de ἀντὶ contra, contre, & περίσταμαι, être autour ; comme qui diroit résistance à quelque chose qui entoure ou assiége.

On définit l'antipéristase l'opposition d'une qualité contraire à une autre, par laquelle est augmentée & fortifiée celle à qui elle résiste ; ou l'action par laquelle un corps auquel un autre résiste, devient plus fort à cause de l'opposition qu'il essuie ; ou l'effet de l'activité d'une qualité augmentée par l'opposition d'une autre qualité.

C'est ainsi, disent les philosophes de l'école, que le froid en bien des occasions augmente le degré de la chaleur, & l'humide celui de la sécheresse. Voyez FROID & CHALEUR. C'est ainsi que de la chaux vive prend feu par la simple effusion de l'eau froide. Ainsi le feu est plus vif en hyver qu'en été, par antipéristase ; & c'est la même cause qui produit le tonnerre & les éclairs dans la moyenne région, où le froid est perpétuel.

Cette antipéristase est, comme l'on voit, d'une grande étendue & d'un grand secours dans la philosophie péripatéticienne : il est nécessaire, disent les partisans de cette philosophie, que le froid & le chaud soient l'un & l'autre doués de la faculté de se donner de la vigueur, afin que chacun d'eux la puisse exercer lorsqu'il est comme assiégé par son contraire, & qu'ils puissent prévenir par ce moyen leur mutuelle destruction ; ainsi en été le froid chassé de la terre & de l'eau par les brûlantes ardeurs du soleil, se retire dans la moyenne région de l'air, & s'y défend contre la chaleur qui est au-dessus, & contre celle qui est au-dessous de lui : de même en été quand l'air qui nous environne est d'une chaleur étouffante, nous trouvons la qualité contraire dans les soûterreins & dans les caves : au contraire en hyver, quand le froid fait geler les lacs & les rivieres, l'air enfermé dans les soûterreins & les caves devient l'asyle de la chaleur ; l'eau fraîchement tirée des puits & des sources profondes en hyver, est non-seulement chaude, mais encore sensiblement fumante. M. Boyle a examiné cette opinion avec beaucoup de soin dans son histoire du froid. Il est certain qu'à priori, & la considérant en elle-même indépendamment des expériences alléguées pour soûtenir l'antipéristase, elle est métaphysiquement absurde ; car enfin il est naturel de penser qu'un contraire n'en fortifie point un autre, mais qu'il le détruit.

Il est vrai que pour soûtenir la prétendue force que la nature a donnée aux corps pour fuir leurs contraires, on allegue ordinairement que des gouttes d'eau se rapprochent en globules sur une table, & se garantissent elles-mêmes ainsi de leur destruction ; mais on explique aisément ce phénomene par d'autres principes plus conformes aux lois de la nature. Voyez ATTRACTION. A l'égard de l'antipéristase du froid & de la chaleur, les Péripatéticiens nous les représentent environnés de leur contraire, comme si chacune de ces qualités avoit une intelligence, & prévoyoit qu'en négligeant de rappeller toutes ses forces, & de s'en faire un rempart contre son ennemi, elle périroit inévitablement : c'est-là transformer des agens physiques en agens moraux. L'expérience aussi bien que la raison est contraire à la supposition d'une antipéristase. Le grand argument que l'on allegue pour sa défense, est la chaleur que contracte la chaux vive lorsqu'on la met dans l'eau froide. Mais qui pourroit voir, sans en être surpris, à quel point les hommes ont été paresseux & crédules, en se laissant si long-tems & si généralement aveugler d'une opinion dont il leur étoit si facile de voir la fausseté ? Car enfin il n'y a qu'à éteindre la chaux avec de l'eau chaude, pour y voir souvent une ébullition bien plus grande que si l'eau étoit froide.

Lorsqu'on fait geler de l'eau dans un bassin avec un mêlange de neige & de sel auprès du feu, l'on prétend que ce feu est l'occasion du degré de froid capable de congeler l'eau : mais il n'est nullement besoin d'une antipéristase pour trouver la raison de cette expérience ; puisque M. Boyle en a fait un essai qui a parfaitement réussi dans un endroit qui étoit sans feu, & où même, selon toute apparence, il ne s'en étoit jamais allumé.

Autre argument des partisans de l'antipéristase. La grêle ne s'engendre qu'en été ; la plus basse région de l'air est, suivant les écoles, le lieu où elle se forme : le froid qui regne dans cette région congele ces gouttes de pluie qui tombent, ce froid étant fort considérable à cause de la chaleur qui regne alors dans l'air voisin de la terre. Voyez à l'article GRELE l'explication de ce phénomene. Quant à la fraîcheur que l'on trouve dans les soûterreins en été, le thermometre prouve que le froid y est moindre dans cette saison qu'en hyver ; ainsi l'on n'en sauroit conclure une antipéristase. Voyez CAVES.

La fumée des eaux qui se tirent des lieux profonds en tems de gelée, ne prouve point qu'elles soient plus chaudes alors que dans la saison où elles ne fument point ; cet effet provient non de la plus grande chaleur de l'eau, mais du plus grand froid qui regne dans l'air. C'est ainsi que l'haleine d'un homme en hyver devient très-visible ; l'air froid qui l'entoure condense tout d'un coup les vapeurs qui sortent des poumons, & qui dans un tems plus chaud se répandent incontinent dans l'air en particules imperceptibles. Voyez les articles EAU, FROID, EMANATIONS, &c. (O)


ANTIPHONIES. f. (Musiq.) ἀντιφωνία, étoit le nom que donnoient les Grecs à cette espece de symphonie qui s’exécutoit à l’octave ou à la double octave, par opposition à celle qui s’exécutoit au simple unisson, & qu’ils appelloient ὁμοφωνία. Voyez SYMPHONIE. Ce mot vient de & , voix, comme qui diroit opposition de voix. (S)


ANTIPODESadj. pl. m. (Géog.) c'est un terme relatif par lequel on entend en Géographie, les peuples qui occupent des contrées diamétralement opposées les unes aux autres. Voyez TERRE & ANTICHTONES.

Ce mot vient du Grec. Il est composé de ἀντὶ, contra, & de πῆς, ποδὸς, pié. Ceux qui sont sur des paralleles à l'équateur également éloignés de ce cercle, les uns du côté du midi, les autres du côté du nord, qui ont le même méridien, & qui sont sous ce méridien à la distance les uns des autres de 180 degrés, ou de la moitié de ce méridien, sont antipodes, c'est-à-dire ont les piés diamétralement opposés.

Les antipodes souffrent à-peu-près le même degré de chaud & de froid ; ils ont les jours & les nuits également longs, mais en des tems opposés. Il est midi pour les uns, quand il est minuit pour les autres ; & lorsque ceux-ci ont le jour le plus long, les autres ont le jour le plus court. Voyez CHALEUR, JOUR, NUIT, &c.

Nous disons que les antipodes souffrent à-peu-près, & non exactement, le même degré de chaud & de froid. Car 1°. il y a bien des circonstances particulieres qui peuvent modifier l'action de la chaleur solaire, & qui font souvent que des peuples situés sous le même climat, ne joüissent pourtant pas de la même température. Ces circonstances sont en général la position des montagnes, le voisinage ou l'éloignement de la mer, les vents, &c. 2°. Le soleil n'est pas durant toute l'année à la même distance de la terre ; il en est sensiblement plus éloign au mois de Juin, qu'au mois de Janvier : d'où il s'ensuit que, toutes choses d'ailleurs égales, notre été en France doit être moins chaud que celui de nos antipodes, & notre hyver moins froid. Aussi trouve-t-on de la glace dans les mers de l'hémisphere méridional à une distance beaucoup moindre de l'équateur, que dans l'hémisphere septentrional.

L'horison d'un lieu étant éloigné du zénith de ce lieu de 90 degrés, il s'ensuit que les antipodes ont le même horison. Voyez HORISON.

Il s'ensuit encore que quand le soleil se leve pour les uns, il se couche pour les autres. Voyez LEVER & COUCHER.

Platon passe pour avoir imaginé le premier la possibilité des antipodes, & pour être l'inventeur de ce nom. Comme ce philosophe concevoit la terre sphérique, il n'avoit plus qu'un pas à faire pour conclure l'existence des antipodes. Voyez TERRE.

La plûpart des anciens ont traité cette opinion avec un souverain mépris ; n'ayant jamais pû parvenir à concevoir comment les hommes & les arbres subsistoient suspendus en l'air les piés en haut ; en un mot, tels qu'ils paroissent devoir être dans l'autre hémisphere.

Ils n'ont pas fait réflexion que ces termes en-haut, en-bas, sont des termes purement relatifs, qui signifient seulement plus loin ou plus près du centre de la terre, centre commun où tendent tous les corps pesans ; & qu'ainsi nos antipodes n'ont pas plus que nous la tête en-bas & les piés en-haut, puisqu'ils ont comme nous les piés plus près du centre de la terre, & la tête plus loin de ce même centre. Avoir la tête en-bas & les piés en-haut, c'est avoir le corps placé de maniere que la direction de la pesanteur se fasse des piés vers la tête : or c'est ce qui n'a point lieu dans les antipodes ; car ils sont poussés comme nous vers le centre de la terre, suivant une direction qui va de la tête aux piés.

Si nous en croyons Aventinus, Boniface archevêque de Mayence & légat du pape Zacharie, dans le huitieme siecle, déclara hérétique un évêque de ce tems, nommé Virgile, pour avoir osé soûtenir qu'il y avoit des antipodes.

Comme quelques personnes employoient ce fait, quoique mal-à-propos, pour prouver que l'Eglise n'étoit pas infaillible, un anonyme a crû pouvoir le révoquer en doute dans les Mémoires de Trévoux.

Le seul monument, dit l'auteur anonyme, sur lequel ce fait soit appuyé, ainsi que la tradition qui nous l'a transmis, est une lettre du pape Zacharie à Boniface : " S'il est prouvé, lui dit le souverain pontife dans cette lettre, que Virgile soûtient qu'il y a un autre monde & d'autres hommes sous cette terre, un autre soleil, & une autre lune ; assemblez un concile ; condamnez-le ; chassez-le de l'Eglise, après l'avoir dépouillé de la prêtrise, &c. ". L'auteur que nous venons de citer, prétend que cet ordre de Zacharie demeura sans effet, que Boniface & Virgile vécurent dans la suite en bonne intelligence, & que Virgile fut même canonisé par le pape. Mémoires de Trévoux, Janv. 1708.

L'anonyme va plus loin : il soûtient que, quand même cette histoire seroit vraie, on ne pourroit encore accuser le pape d'avoir agi contre la vérité & contre la justice ; car, dit-il, les notions qu'on avoit alors des antipodes étoient bien différentes des nôtres. " Les démonstrations des Mathématiciens donnerent lieu aux conjectures des Philosophes : ceux-ci assûroient que la mer formoit autour de la terre deux grands cercles qui la divisoient en quatre parties ; que la vaste étendue de l'Océan & les chaleurs excessives de la zone torride empêchoient toute communication entre ces parties ; ensorte qu'il n'étoit pas possible que les hommes qui les habitoient, fussent de la même espece & provinssent de la même tige que nous. Voilà, dit cet auteur, ce que l'on entendoit alors par antipodes ".

Ainsi parle l'anonyme, pour justifier le pape Zacharie : mais toutes ces raisons ne paroissent pas fort concluantes. Car la lettre du pape Zacharie porte, selon l'anonyme même, ces mots : S'il est prouvé que Virgile soûtient qu'il y a un autre monde & d 'AUTRES HOMMES SOUS cette terre, condamnez-le. Le pape ne reconnoissoit donc point d'antipodes, & regardoit comme une hérésie d'en soûtenir l'existence. Il est vrai qu'il ajoûte ces mots, un autre soleil, une autre lune. Mais 1°. quelqu'un qui soûtient l'existence des antipodes, peut très-bien soûtenir qu'ils ont un autre soleil & une autre lune que nous ; comme nous disons tous les jours, que le soleil d'Ethiopie n'est pas le même que celui de France, c'est-à-dire que l'action du soleil est différente, & agit en différens tems sur ces deux pays ; que la lune de Mars & celle de Septembre sont différentes, &c. Ainsi ces mots un autre soleil, une autre lune, pouvoient bien, & selon Virgile, & dans la lettre du pape même, avoir un sens très-simple & très-vrai. Ces mots, un autre soleil sous notre terre, ne signifient pas plus deux soleils, que ces mots, un autre monde sous notre terre, ne signifient une AUTRE TERRE SOUS NOTRE TERRE.

Enfin il est plus que vraisemblable que c'étoit-là en effet le sens de Virgile, puisqu'en admettant la terre sphérique & l'existence des antipodes, c'est une conséquence nécessaire qu'ils ayent le même soleil que nous, lequel les éclaire pendant nos nuits. Aussi l'anonyme supprimant dans la suite de sa dissertation ces mots sous notre terre, qu'il avoit pourtant rapportés d'abord, prétend que le pape n'a pas nié les antipodes, mais seulement qu'il y eût d'autres hommes, un autre soleil, une autre lune. 2°. Quand même Virgile auroit soûtenu l'existence réelle d'un autre soleil & d'une autre lune pour les antipodes, il n'y auroit eu en cela qu'une erreur physique, à la vérité assez grossiere, mais qui ne mérite pas, ce me semble, le nom d'hérésie ; & en cas que le pape eût voulu la qualifier telle, il devoit encore distinguer cette prétendue hérésie de la vérité que soûtenoit Virgile sur l'existence des antipodes ; & ne pas mêler tout ensemble dans la même phrase, ces mots, d'autres hommes sous notre terre, un autre soleil, & une autre lune.

A l'égard de l'opinion générale où l'apologiste anonyme prétend que l'on étoit alors sur les antipodes, que conclure de-là, sinon que le pape étoit comme tous les autres dans l'erreur sur ce sujet, mais qu'il n'en étoit pas plus en droit de prendre pour article de foi une opinion populaire & fausse, & de vouloir faire condamner Virgile comme hérétique, pour avoir soûtenu la vérité contraire.

Enfin la bonne intelligence vraie ou prétendue, dans laquelle Boniface & Virgile vécurent depuis, ne prouve point que le pape Zacharie ne se soit pas trompé, en voulant faire condamner Virgile sur les antipodes. Si Virgile se retracta, c'est peut-être tant pis pour lui.

Dans toutes ces discussions, je suppose les faits exactement tels que l'anonyme les raconte ; je n'ignore point que l'opinion la plus généralement reçûe est que le pape condamna en effet Virgile pour avoir soûtenu l'existence des antipodes ; & peut-être cette opinion est-elle la plus vraie : mais la question dont il s'agit, est trop peu importante pour être examinée du côté du fait.

Je suis fort étonné que l'anonyme n'ait pas pris un parti beaucoup plus court & plus sage : c'étoit de passer condamnation sur l'article du pape Zacharie, & d'ajoûter que cette erreur physique du pape ne prouve rien contre l'infaillibilité de l'Eglise. Nous soûtenons le mouvement de la terre, quoique les livres saints semblent attribuer le mouvement au soleil ; parce que dans ce qui n'est point de foi, les livres saints se conforment au langage ordinaire. De même, quoique le pape ait pû se tromper sur une question de Cosmologie & de Physique, on ne sauroit en conclure que l'Eglise & les conciles généraux qui la représentent, ne soient pas infaillibles dans les matieres qui regardent la foi. Voyez sur cela les décisions du concile de Constance, & les articles de l'assemblée du clergé 1682. Cette réponse est tranchante, & je ne comprends pas comment elle n'est point venue à l'anonyme.

Pour en venir aux sentimens des premiers chrétiens sur les antipodes, il paroît qu'ils n'étoient point d'accord entre eux sur ce sujet. Les uns, plûtôt que d'admettre les inductions des Philosophes, nioient jusqu'aux démonstrations des Mathématiciens sur la sphéricité de la terre. Ce fut le parti que Lactance prit, comme on peut s'en assûrer par le xxjv. chap. du livre III. de ses Inst. D'autres s'en tinrent à révoquer en doute les conjectures des Philosophes ; c'est ce que fit S. Augustin, comme on voit au chap. jx. du livre XVI. de la Cité de Dieu. Après avoir examiné s'il est vrai qu'il y ait des Cyclopes, des Pygmées & des nations qui ayent la tête en bas & les piés en haut ; il passe à la question des antipodes, & il demande si la partie inférieure de notre terre est habitée. Il commence par avoüer la sphéricité de la terre ; il convient ensuite qu'il y a une partie du globe diamétralement opposée à celle que nous habitons : mais il nie que cette partie soit peuplée ; & les raisons qu'il en apporte, ne sont pas mauvaises pour un tems où on n'avoit point encore découvert le nouveau monde. Premierement, ceux qui admettent des antipodes, dit-il, ne sont fondés sur aucune histoire. 2°. Cette partie inférieure de la terre peut être totalement submergée. 3°. Admettre des antipodes, & conséquemment des hommes d'une tige différente de la nôtre, (car les anciens regardant la communication de leur monde avec celui des antipodes, comme impossible, la premiere supposition entraînoit la seconde) c'est contredire les saintes écritures qui nous apprennent que toute la race humaine descend d'un seul homme. Telle est l'opinion de ce pere de l'Eglise.

On voit par-là que saint Augustin se trompoit en croyant que les antipodes devoient être d'une race différente de la nôtre. Car enfin ces antipodes existent, & il est de foi que tous les hommes viennent d'Adam. A l'égard de la maniere dont ces peuples ont passé dans les terres qu'ils habitent, rien n'est plus facile à expliquer ; on peut employer pour cela un grand nombre de suppositions toutes aussi vraisemblables les unes que les autres. Au reste nous remarquerons ici que S. Augustin condamne à la vérité, comme hérétique, l'opinion qui feroit venir les antipodes d'une autre race que de celle d'Adam ; mais il ne condamne pas comme telle, celle qui se borneroit purement & simplement à l'existence des antipodes. S'il avoit pensé à séparer ces deux opinions, il y a grande apparence qu'il se seroit déclaré pour la seconde.

Quoi qu'il en soit, quand même il se seroit trompé sur ce point peu important de la Géographie, ses écrits n'en seront pas moins respectés dans l'Eglise, sur-tout ce qui concerne les vérités de la foi & de la tradition ; & il n'en sera pas moins l'Oracle des Catholiques contre les Manichéens, les Donatistes, les Pélagiens, Semi-pélagiens, &c.

Nous pouvons ajoûter à cela, que les PP. de l'Eglise n'étoient pas les seuls qui rejettassent la possibilité des antipodes.

Lucrece avoit pris ce parti long-tems avant eux, comme il paroît par la fin du I. livre, vers. 10. 60. &c. Voyez aussi le livre de Plutarque, de Facie in orbe lunae. Pline réfute la même opinion, liv. II. c. lxv.

Ce qu'il y a de plus propre aux antipodes, & en quoi seulement nous les considérons ici, c'est d'être dans des lieux diamétralement opposés entr'eux sur le globe terrestre ; de maniere qu'ayant mené une perpendiculaire ou une verticale à un lieu quelconque, & qui par conséquent passe par le zénith de ce lieu, l'endroit opposé de la surface du globe que cette verticale prolongée ira couper, en soit l'antipode. Tout le reste n'est qu'accessoire à cette idée dans la supposition énoncée ou tacite de la sphéricité de la terre ; car si la terre n'est point une sphere, si c'est une sphéroïde elliptique, applati, ou allongé vers les poles, il n'y a plus d'antipodes réciproques ; c'est-à-dire, par exemple, qu'ayant mené une ligne par le zénith de Paris & par le centre de cette ville, qui est dans l'hémisphere boréal, cette ligne ira couper l'hémisphere austral en un point qui sera l'antipode de Paris, mais dont Paris ne sera pas l'antipode ; ainsi l'égalité réciproque de position, de latitude, de jour & de nuit dans les hémispheres opposés à six mois de différence, & tout ce qu'on a coûtume de renfermer dans l'idée des antipodes, comme inséparable, ne l'est plus, & doit effectivement en être séparé dès que l'on déroge à la sphéricité de la terre. Il ne faut qu'un peu d'attention pour s'en convaincre.

Tout ceci est fondé sur ce que la sphere, ou pour simplifier cette théorie, le cercle, est la seule figure réguliere que tous les diametres passans par son centre coupent à angles droits. Donc en toute figure terminée par une autre courbe, dans l'ellipse par exemple, la perpendiculaire menée à un de ses points ou à sa tangente, excepté les deux axes qui répondent ici à la ligne des poles, ou à un diametre quelconque de l'équateur, ne sauroit passer par son centre, ni aller rencontrer la partie opposée du méridien elliptique à angles droits : donc le nadir de Paris n'est pas le zénith de son antipode, & réciproquement. Si l'on élevoit au milieu de Paris une colonne bien perpendiculaire à la surface de la terre, elle ne seroit pas dans la même ligne que celle qu'on éleveroit pareillement au point antipode de Paris : mais elle en déclineroit par un angle plus ou moins grand, selon que l'ellipse ou le méridien elliptique différeroit plus ou moins du cercle. La latitude de l'un & de l'autre de ces deux points différera donc en même raison, & conséquemment la longueur des jours & des nuits, des mêmes saisons, &c.

Les lieux situés à l'un & l'autre pole, ou sur l'équateur, en sont exceptés ; parce que dans le premier cas, c'est un des axes de l'ellipse qui joint les deux points ; & que dans le second il s'agit toûjours d'un cercle, dont l'autre axe de l'ellipse est le diametre ; le sphéroïde quelconque applati ou allongé étant toûjours imaginé résulter de la révolution du méridien elliptique autour de l'axe du monde. Voyez hist. acad. 1741. (O)


ANTIPTOSES. f. figure de Grammaire par laquelle, dit-on, on met un cas pour un autre, comme lorsque Virgile dit, Æn. V. v. 451. It clamor cælo, au lieu de ad cælum. Ce mot vient de ἀντὶ, pour, & de πτῶσις, cas. On donne encore pour exemple de cette figure, Urbem quam statuo vestra est, Æn. L. l. v. 573, urbem au lieu de urbs. Et Térence au prologue de l’Andrienne dit : Populo ut placerent, quas fecisset fabulas, au lieu de fabulæ. On trouve aussi, Venit in mentem illius diei pour ille dies. Mais Sanctius, liv. IV. & les Grammairiens philosophes, qui à la vérité ne font pas le grand nombre, & même la méthode de P. R. regardent cette prétendue figure comme une chimere & une absurdité qui détruiroit toutes les regles de la Grammaire. En effet les verbes n’auroient plus de régime certain ; & les écoliers qu’on reprendroit pour avoir mis un nom à un cas, autre que celui que la regle demande, n’auroient qu’à répondre qu’ils ont fait une antiptose. Figura hæc, dit Sanctius, liv. IV. c. xiij. latinos canones excedere videtur ; nihil imperitius ; quod figmentum si esset verum, frustra quæreremus quem casum verba regerent.

Nous ne connoissons d'autres figures de construction que celles dont nous parlerons au mot CONSTRUCTION.

Le même fonds de pensée peut souvent être énoncé de différentes manieres : mais chacune de ces manieres doit être conforme à l'analogie de la langue. Ainsi l'on trouve urbs Roma par la raison de l'identité : Urbs est alors considéré adjectivement, Roma quae est urbs ; & l'on trouve aussi urbs Romae, in oppido Antiochiae. Cic. Butroti ascendimus urbem. Virg. Alors urbs est considéré comme le nom de l'espece ; nom qui est ensuite déterminé par le nom de l'individu.

Parmi ces différentes manieres de parler, si nous en rencontrons quelqu'une de celles que les Grammairiens expliquent par l'antiptose, nous devons d'abord examiner s'il n'y a point quelque faute de copiste dans le texte ; ensuite avant que de recourir à une figure aussi déraisonnable, nous devons voir si l'expression est assez autorisée par l'usage, & si nous pouvons en rendre raison par l'analogie de la langue. Enfin entre les différentes manieres de parler autorisées, nous devons donner la préférence à celles qui sont le plus communément reçûes dans l'usage ordinaire des bons auteurs.

Mais expliquons à notre maniere les exemples ci-dessus, dont communément on rend raison par l'antiptose.

A l'égard de it clamor caelo ; caelo est au datif, qui est le cas du rapport & de l'attribution, c'est une façon de parler toute naturelle ; & Virgile ne s'en est servi que parce qu'elle étoit en usage en ce sens, aussi-bien que ad caelum ou in caelum. Ne dit-on pas aussi, mittere epistolam alicui, ou ad aliquem ?

Urbem quam statuo vestra est, est une construction très-élégante & très-réguliere, qu'il faut réduire à la construction simple par l'ellipse ; & pour cela il faut observer que le relatif qui, quae, quod, n'est qu'un simple adjectif métaphysique ; que par conséquent il faut toûjours le construire avec son substantif, dans la proposition incidente où il est : car c'est un grand principe de syntaxe, que les mots ne sont construits que selon les rapports qu'ils ont entr'eux dans la même proposition ; c'est dans cette seule proposition qu'il faut les considérer, & non dans celle qui précede, ou dans celle qui suit : ainsi si l'on vous demande la construction de cet exemple trivial, Deus quem adoramus, demandez à votre tour qu'on en acheve le sens, & qu'on vous dise, par exemple, Deus quem adoramus, est omnipotens ; alors vous ferez d'abord la construction de la proposition principale, Deus est omnipotens ; ensuite vous passerez à la proposition incidente & vous direz, nos adoramus quem Deum.

Ainsi le relatif qui, quae, quod, doit toûjours être considéré comme un adjectif métaphysique, dont le substantif est répété deux fois dans la même période, mais en deux propositions différentes ; & ainsi il n'est pas étonnant que ce nom substantif soit à un certain cas dans une de ces propositions, & à un cas différent dans l'autre proposition, puisque les mots ne se construisent & n'ont de rapport entr'eux que dans la même proposition.

Urbem quam statuo, vestra est. Je vois là deux propositions, puisqu'il y a deux verbes : ainsi construisons à part chacune de ces propositions ; l'une est principale, & l'autre incidente ; vestra est, ou est vestra, ne peut être qu'un attribut. Le sens fait connoître que le sujet ne peut être que urbs : je dirai donc, haec urbs est vestra, quam urbem statuo.

Par la même méthode j'explique le passage de Térence, ut fabulae, quas fabulas fecisset, placerent populo. C'est donc par l'ellipse qu'il faut expliquer ces passages, & non par la prétendue antiptose de Despautere & de la foule des Grammatistes.

Pour ce qui est de venit in mentem illius diei, il y a aussi ellipse ; la construction est memoria, cogitatio, ou recordatio hujus diei venit mentem. (F)


ANTIQUAIRES. m. est une personne qui s'occupe de la recherche & de l'étude des monumens de l'antiquité, comme les anciennes médailles, les livres, les statues, les sculptures, les inscriptions, en un mot ce qui peut lui donner des lumieres à ce sujet. V. ANTIQUITE ; voyez aussi MONUMENT, MEDAILLE, INSCRIPTION, SCULPTURE, STATUE, &c.

Autrefois il y avoit différentes autres especes d'antiquaires : les libraires ou les copistes, c'est-à-dire ceux qui transcrivoient en caracteres beaux & lisibles ce qui avoit auparavant été seulement écrit en notes, s'appelloient antiquaires. Voyez LIBRAIRE. Ils furent aussi dénommés calligraphi. Voyez CALLIGRAPHE. Dans les principales villes de la Grece & de l'Italie, il y avoit d'autres personnes distinguées que l'on appelloit antiquaires, & dont la fonction étoit de montrer les antiquités de la ville aux étrangers, de leur expliquer les inscriptions anciennes, & de les assister de tout leur pouvoir dans ce genre d'érudition.

Un établissement si utile au public & si flatteur pour les curieux, mériteroit bien d’avoir lieu parmi nous. Pautanias appelle ces antiquaires ἐξηγητὰς : les Siciliens leur donnoient le nom de mystagogi. (G)


ANTIQUEadj. en général ancien. Voyez ANCIEN & ANTIQUITE.

ANTIQUE, s. f. est principalement en usage parmi les Architectes, les Sculpteurs & les Peintres : ils l'employent pour exprimer les ouvrages d'Architecture, de Sculpture, de Peinture, &c. qui sont d'un tems où les Arts avoient été portés à leur perfection par les plus beaux génies de la Grece & de Rome ; savoir, depuis le siecle d'Alexandre le grand jusqu'au regne de l'empereur Phocas, vers l'an de Notre-Seigneur 600, que l'Italie fut ravagée par les Goths & les Vandales.

Antique dans ce sens est opposé à moderne. C'est ainsi que nous disons un édifice antique, un buste, un bas-relief, une maniere, une médaille antique ; & d'une statue, qu'elle est dans le goût antique.

Il nous reste plusieurs antiquités de Sculpture, telles que le Laocoon, la Venus de Medicis, l'Apollon, l'Hercule Farnese, &c.

Mais en fait d'antiquités pittoresques, nous n'avons que la noce Aldobrandine, les figurines de la pyramide de Cestius, le nymphée du palais Barberin, la Venus, une figure de Rome qui occupe le Palladium, & qu'on voit dans le même lieu, quelques morceaux de fresque tirés des ruines d'Adriane, des thermes de Tite & d'Héraclée.

Il s'est trouvé des Sculpteurs qui ont contrefait l'antique jusqu'à tromper le jugement du public. On prétend que Michel Ange fit la statue d'un Cupidon, & qu'après en avoir cassé un bras qu'il retint, il enterra le reste de la figure dans un endroit où il savoit qu'on devoit fouiller. Le Cupidon en ayant été tiré, tout le monde le prit pour antique. Mais Michel Ange ayant présenté à son tronc le bras qu'il avoit réservé, chacun fut obligé de convenir de sa méprise. Si ce fait est vrai, il prouve combien dès ce tems-là le préjugé étoit favorable à l'antiquité. Notre siecle n'en a rien rabattu ; & si l'on pouvoit, ainsi que Michel Ange, prouver que les morceaux qu'on admire comme des antiquités, ne sont que des productions modernes, la plûpart de ces antiquités perdroient bien-tôt de l'estime où elles sont, & seroient réduites à leur juste valeur.

Antique est quelquefois distingué d'ancien, qui signifie un moindre degré d'antiquité, un tems où l'art n'étoit pas encore à sa derniere perfection. Ainsi architecture antique n'est souvent autre chose que l'ancienne architecture. Voyez ARCHITECTURE.

Quelques écrivains usent du composé antiquo-moderne, en parlant des vieilles églises gothiques & d'autres bâtimens, qu'ils ne veulent pas confondre avec ceux des Grecs & des Romains. (G-P-R)

ANTIQUE. On employe ce mot, dans le Blason, en parlant des choses qui ne sont pas de l'usage moderne, comme des couronnes à pointes de rayons, des coëffures anciennes, greques & romaines, des vêtemens, des bâtimens, des niches gothiques, &c. Les armoiries de Montpellier sont une image de Notre-Dame sur son siége à l'antique en forme de niche.

L'évêché de Freyssing en Baviere, d'argent au buste de more de sable, couronné d'or à l'antique & vêtu de gueules. (V)


ANTIQUERv. act. c'étoit, en terme d'ancienne reliure, pratiquer avec des fers chauds, sur la tranche dorée ou non dorée d'un livre, des ornemens à ramage ou autres. Cet usage n'a plus lieu ; la tranche de nos livres est unie.


ANTIQUITÉantiquitas, (Hist. anc.) on se sert de ce terme pour désigner les siecles passés. Voyez AGE, TEMS, ANTIQUE, ANCIEN, &c.

Nous disons en ce sens les héros de l'antiquité, les vestiges ou traces de l'antiquité, les monumens de l'antiquité, &c.

On employe le même mot pour désigner les ouvrages qui nous restent des anciens. Voyez MONUMENS, RESTES, RUINES, &c.

On dit en ce sens, un chef-d'oeuvre de l'antiquité, un beau morceau de l'antiquité ; l'Italie, la France & l'Angleterre sont pleines d'antiquité.

Antiquité se prend aussi pour l'ancienneté d'une chose, ou pour le long tems qu'il y a qu'elle subsiste. Voyez AGE, TEMS, &c.

On dit en ce sens l'antiquité d'un royaume, d'une coûtume, ou d'autres choses pareilles. La plûpart des nations se donnent bien plus d'ancienneté qu'elles ne sont en état d'en prouver. On peut dire que le tems présent est l'antiquité du monde, qui, dans les tems qu'on appelle anciens, ne faisoit proprement que de naître, & qui étoit, pour ainsi dire, enfant.

Nous lisons dans Platon, que Solon tenoit d'un prêtre Egyptien que les Athéniens avoient 9000 ans d'ancienneté, & les Saïdes 8000. Pomponius remonte beaucoup plus haut dans les tems, en suivant les traces d'Hérodote. Il compte 330 rois avant Amasis, & il trouve que le monde a plus de 13000 ans. Diodore de Sicile met entre le premier roi d'Egypte & l'expédition d'Alexandre un intervalle de 23000 ans. Diogene Laerce laisse bien loin derriere lui les autres auteurs ; il double ce nombre de 23000. Lorsqu'Alexandre entra dans l'Egypte, les prêtres lui prouverent par leurs histoires sacrées, dans lesquelles il étoit fait mention de l'origine de l'empire des Perses, qu'il venoit de conquérir, & de celui de Macédoine, qu'il possédoit par droit de naissance, qu'ils avoient l'un & l'autre 8000 ans d'ancienneté. Cependant il est démontré par les meilleurs auteurs, tant historiens que chronologistes, que l'empire des Perses n'avoit pas alors plus de 300 ans, & celui des Macédoniens plus de 500. Au reste on ne doit pas s'étonner que les Egyptiens & les Assyriens soient tombés dans des erreurs chronologiques si ridicules ; ceux-ci faisant de 4000 ans la durée des regnes de leurs premiers rois, & ceux-là la supposant de 1200 ans.

Les Chaldéens assûroient au tems d'Alexandre qu'ils avoient 470000 ans d'observations des mouvemens célestes, & qu'ils avoient tiré les horoscopes des enfans nés dans cet énorme intervalle de tems. Mais Callisthene ayant été commis par Aristote à la recherche de ces observations, on trouva qu'elles ne remontoient point au-delà de 1900 ans avant Alexandre. C'est un fait avoüé par Porphyre, dont le dessein n'étoit pas assûrément de donner de l'autorité aux livres de Moyse. (G)

ANTIQUITES, en Architecture, se dit autant des anciens bâtimens qui servent encore à quelqu'usage, comme les temples des Payens dont on a fait des églises, que des fragmens de ceux qui ont été ruinés par le tems ou par les Barbares, comme à Rome les restes du palais Major sur le mont Palatin. Ces antiquités ruinées s'appelloient en latin rudera, à cause de leur difformité qui les rend méconnoissables à ceux qui ont lû leurs descriptions dans les auteurs, ou qui en ont vû les figures. (P)


ANTISCIENSadj. pl. m. (Géog.) du Grec ἀντὶ, contre, σκιά, ombre. On appelle en Géographie Antisciens, les peuples qui habitent de différens côtés de l'équateur, & dont les ombres ont à midi des directions contraires. Voyez OMBRES.

Ainsi les peuples du nord sont antisciens à ceux du midi : les uns ont leurs ombres à midi dirigées vers le pole arctique, & les autres les ont dirigées vers le pole antarctique.

On confond souvent les Antisciens avec les Antéciens, ou ceux qui habitent d'un & d'autre côté de l'équateur, & qui ont la même hauteur de pole. Voy. ANTECIENS.

Les Astrologues donnent quelquefois le nom d'antisciens à deux points du ciel également distans d'un tropique ; c'est dans ce sens qu'ils disent que les signes du lion & du taureau sont antisciens l'un à l'autre. En effet ces deux signes sont également distans du tropique du cancer. (O)


ANTITACTESS. m. pl. (Théolog.) anciens hérétiques ou Gnostiques, ainsi nommés parce qu'en avoüant d'une part que Dieu le créateur de l'univers étoit bon & juste, ils soûtenoient d'un autre côté qu'une de ses créatures avoit semé la zizanie, c'est-à-dire créé le mal moral, & nous avoit engagés à le suivre, pour nous mettre en opposition avec Dieu le créateur ; & de-là est dérivé leur nom d', je m'oppose, je combats. Ils ajoûtoient que les commandemens de la loi avoient été donnés par de mauvais principes ; & loin de se faire scrupule de les transgresser, ils croyoient venger Dieu, & se rendre agréables à ses yeux en les violant. S. Clément d'Al. lib. III. Stromat. Dupin, Biblioth. des Auteurs ecclés. des III. premiers siecles. (G)


ANTITAURUSS. m. (Géog. anc. & mod.) montagne de la petite Arménie, séparée du mont Taurus vers le nord, entre l'Euphrate & l'Arsanias. Les habitans de ces contrées l'appellent Rhoam-Taura.


ANTITHÉESS. m. pl. (Divinat.) mauvais génies qu'invoquoient les magiciens, dont Arnobe, le seul qui en ait parlé, ne nous en apprend pas davantage.


ANTITHESES. f. (Bell. Lett.) figure de Rhétorique, qui consiste à opposer des pensées les unes aux autres, pour leur donner plus de jour. " Les antitheses bien ménagées, dit le pere Bouhours, plaisent infiniment dans les ouvrages d'esprit ; elles y font à-peu-près le même effet que dans la Peinture les ombres & les jours qu'un bon peintre a l'art de dispenser à-propos, ou dans la Musique les voix hautes & les voix basses, qu'un maître habile sait mêler ensemble ". On en rencontre quelquefois dans Cicéron ; par exemple, dans l'oraison pour Cluentius, vicit pudorem libido, timorem audacia, rationem amentia ; & dans celle pour Muréna, odit populus romanus privatam luxuriam, publicam magnificentiam diligit. Telle est encore cette pensée d'Auguste parlant à quelques jeunes séditieux : audite, juvenes, senem quem juvenem senes audiere.

Junon dans Virgile résolue de perdre les Troyens, s'écrie :

Flectere si nequeo superos, acheronta movebo.

Quelque brillante au reste que soit cette figure, les grands orateurs, les excellens poëtes de l'antiquité ne l'ont pas employée sans réserve, ni semée, pour ainsi dire, à pleines mains, comme ont fait Seneque, Pline le jeune ; & parmi les peres de l'église, S. Augustin, Salvien, & quelques autres. Il s'en trouve à la vérité quelquefois de fort belles dans Seneque, telle que celle-ci, curae leves loquuntur, ingentes stupent ; mais pour une de cette espece, combien y rencontre-t-on de misérables pointes & de jeux de mots que lui a arrachés l'affectation de vouloir faire régner par-tout des oppositions de paroles ou de pensées ? Perse frondoit déjà de son tems les déclamateurs qui s'amusoient à peigner & à ajuster des antitheses en traitant les sujets les plus graves :

crimina rasis

Librat in antithetis doctus posuisse figuras.

Parmi nos orateurs, M. Fléchier a fait de l'antithese sa figure favorite, & si fréquente qu'elle lui donne par-tout un air manieré. Il plairoit davantage, s'il en eût été moins prodigue. Certains critiques austeres opinent à la bannir entierement des discours, parce qu'ils la regardent comme un vernis ébloüissant à la faveur duquel on fait passer des pensées fausses, ou qui altere celles qui sont vraies. Peut-être les sujets extrèmement sérieux ne la comportent-ils pas ; mais pourquoi l'exclure du style orné & des discours d'appareil, tels que les complimens académiques, les panégyriques, l'oraison funebre, pourvû qu'on l'y employe sobrement, & d'ailleurs qu'elle ne roule que sur les choses, & jamais sur les mots ? (G)

ANTITHESE, (Gramm.) Quelques grammairiens font aussi de ce mot une figure de diction, qui se fait lorsqu'on substitue une lettre à la place d'une autre ; comme lorsque Virgile a dit olli pour illi, ce qui fait une sorte d'opposition : mais il est plus ordinaire de rapporter cette figure au métaplasme, mot fait de , transformo. (F)


ANTITHÉTAIRES. m. (Droit.) terme qui se présente souvent dans le titre d'un chapitre des lois de Canus, mais non pas dans le chapitre même. Il signifie un homme qui tâche de se décharger d'un délit en récriminant, c'est-à-dire en chargeant du même fait son propre accusateur. Voyez RECRIMINATION. (H)


ANTITHETEadj. antitheton, opposé, contraire, disposé en forme d'antithese. Voyez ANTITHESE.


ANTITRAGUSS. m. dans l'Anatomie, est la partie de l'oreille externe opposée au tragus. Voyez TRAGUS & OREILLE. (L)


ANTITRINITAIRESS. m. pl. (Théol.) Les Antitrinitaires étoient des hérétiques qui nioient la sainte Trinité, & qui prétendoient qu'il n'y avoit point trois personnes en Dieu. Voyez TRINITE & DIEU.

Les Samosaténiens qui n'admettoient aucune distinction de personnes en Dieu ; les Ariens qui nioient la divinité du Verbe ; & les Macédoniens qui contestoient celle du Saint-Esprit, sont, à proprement parler, tous Antitrinitaires. Voyez SAMOSATENIENS, ARIENS, &c.

Par Antitrinitaires on entend aujourd'hui particulierement les Sociniens, qu'on appelle encore Unitaires. Voyez SOCINIENS & UNITAIRES.

Christophe Sandius, fameux Antitrinitaire, a donné dans un ouvrage posthume intitulé, Bibliotheca Antitrinitatoriorum, Bibliotheque des Antitrinitaires, une liste digérée par ordre des tems, de tous les Sociniens ou Antitrinitaires modernes, avec un catalogue de leurs ouvrages & un abregé de leur vie. (G)


ANTITYPES. m. (Théol.) du grec ἀντίτυπος formé de la préposition ἀντὶ, pour, au lieu, & de τύπος, figure, nom qui dans sa propre signification veut dire ce que l’on met à la place d’un type, d’une figure. Voyez TYPE.

On trouve dans le nouveau Testament deux endroits, où le mot ἀντίτυπος est employé, & dont le sens a donné lieu à bien des controverses : 1°. dans l’épitre aux Hébreux, chap. jx. vers. 24. Non in manufacta sancta Jesus introivit, exemplaria (Græcè, ἀντίτυπα) verorum, sed in ipsum cælum, ut appareat nunc vultui Dei pro nobis, Or τύπος signifie le modele sur lequel une autre chose est faite, & Dieu avoit ordonné à Moyse de faire le tabernacle & tout ce qu’il contenoit, conformément au modele qui lui avoit été montré sur la montagne, &c. fac secundum exemplar quod tibi in monte monstratum est, Exod. xxv. vers. 40. d’où il s’ensuit que le tabernacle construit par Moyse, étoit antitype par rapport à celui dont Dieu lui avoit tracé le modele, & type ou figure du ciel, où Jesus-Christ devoit entrer pour intercéder en notre faveur, comme le grand-Prêtre des Juifs n’entroit qu’une seule fois chaque année dans le Saint des Saints, afin d’y prier pour le peuple. Une même chose peut donc être à différens égards, type & antitype ; ce qui pourtant ne conclut rien contre le sacrement de l’Eucharistie, qui est quelquefois appelle antitype par les PP. Grecs, comme on le verra dans l’article suivant.

2°. Dans la premiere épître de S. Pierre, chap. iij. vers. 21. le baptême est comparé à l'arche de Noé, qui préserva du déluge universel ce patriarche & sa famille ; il est appellé dans le grec , ce que la vulgate rend par similis formae. L'arche étoit le type ou la figure, le baptême est l'antitype ou l'accomplissement de la figure. (G)

Antitype, ἀντίτυπος, ἀντίτυπα, mots qui se trouvent fréquemment dans les ouvrages des PP. Grecs, & dans la liturgie de leur église, pour exprimer l’Eucharistie, même après la consécration ; d’où les Protestans ont conclu que ce sacrement n’étoit que la figure du corps de Jesus-Christ.

Il est vrai que ce mot se prend pour figure ou type, & c'est en ce sens que Marc d'Ephese, le patriarche Jérémie, & plusieurs autres Grecs, disent que dans la liturgie de S. Basile, le pain & le vin sont appellés antitypes avant la consécration. Le docteur Smith a remarqué que même après la consécration les Grecs nomment les especes eucharistiques antitypes, & ne croyent point la consécration achevée par les paroles de Jesus-Christ, hoc est corpus meum ; mais après la priere qui les suit, & qu'ils appellent invocation du S. Esprit. M. Simon lui a répondu qu'on voit manifestement par la déclaration des Grecs au concile de Florence, qu'ils reconnoissoient que Jesus-Christ étoit réellement dans l'Eucharistie après la consécration, & que leur différend avec les Latins consistoit seulement à savoir, si après la consécration, les symboles devoient être encore appellés antitypes : mais en revenant à la propre signification du mot antitype, cette difficulté disparoît ; car antitype étant ce qu'on met à la place d'une figure, c'est-à-dire la réalité, il s'ensuit que les symboles, même après la consécration, contiennent cette réalité ; ce que S. Chrysostome insinue clairement par ces paroles : stat sacerdos, typum adimplens & illa verba fundens, virtus autem & gratia Dei est : dicit, hoc est corpus meum. Hoc verbo proposita consecrantur. D'ailleurs S. Jean Damascene, & les diacres Jean & Epiphane, expliquant dans le VII. concile général quelle avoit été sur ce sujet la pensée des anciens liturgistes grecs, disent que ces auteurs, en nommant l'Eucharistie antitype, avoient égard au tems qui avoit précédé, & non à celui qui suivoit la consécration ; ensorte que ces expressions, , que les sacramentaires rendent par celles-ci, proponentes antitypa, qui marquent le tems présent, doivent être rendues par ces mots, nos qui proposuimus antitypa, qui désignent le tems passé, & par conséquent celui qui a précédé la consécration. Simon, hist. critiq. de la créance des nat. du Levant. Tourneli, trait. de l'Eucharist. Wuitasse, trait. de l'Euchar. part. II. quaest. jv. art. 2. (G)


ANTIUM(Géog. anc. & mod.) ville d'Italie, autrefois considérable, aujourd'hui réduite à des ruines. C'est ce que l'on appelle Antio Rovinato & Anzio. Antium étoit située, à ce qu'on croit, où l'on a bâti depuis le bourg di Nettuno.


ANTIVARI(Géog. mod.) ville de la Dalmatie dans la Turquie Européenne, sur le golfe de Venise, à l'opposite de Bari, dans la Pouille. Long. 36. 45. lat. 42.


ANTIVÉNÉRIENSadj. (Med.) épithete par laquelle on désigne les remedes qu'on employe contre les maladies vénériennes. Voyez VENERIEN. (N)


ANTOCO(VOLCAN D '), Géog. mod. montagne des Indes dans l'Amérique méridionale, au royaume de Chili, à l'orient d'Angol, qui vomit du feu.


ANTOLFLE* ANTOLFLE de Girofle, (Commerce.) c’est le nom qu’on donne aux girofles qui sont restés sur les plantes après la récolte : ces fruits oubliés continuent de grossir ; ils prennent à peu près le volume du pouce ; alors ils contiennent une gomme dure & noire, d’une odeur agréable & d’un goût aromatique. Les Hollandois donnent le nom de meres de girofle à ce que nous appellons antolfles de girofle.


ANTOINE(CHEVALIERS DE S.) Hist. mod. ordre établi en 1382 par Albert de Baviere, comte de Hainaut, de Hollande & de Zélande, &c. qui avoit formé le dessein de faire la guerre aux Turcs. Voyez ORDRE & CHEVALIER. Les chevaliers de cet ordre portoient un collier d'or en forme de ceinture d'hermite, à laquelle pendoit une bequille & une clochette, comme on les représente dans les portraits de S. Antoine.

D'autres écrivains font mention d'un ordre de S. Antoine, qui fut institué dans l'Ethiopie en 370.

ANTOINE (le feu S.) Voyez ERESIPELE & FEU.

* ANTOINE, (Saint) Géogr. mod. petite ville de France dans le Dauphiné, diocèse de Vienne, sur le ruisseau de Furan.

* ANTOINE, (Saint) île d'Afrique, la plus septentrionale & la plus occidentale des îles du Cap-Verd.


ANTOITS. m. (Marine.) C'est un instrument de fer courbe dont on se sert dans la construction des navires, pour faire approcher les bordages près des membres, & les uns près des autres.

Au lieu de cet instrument les Hollandois se servent de chevilles à boucles & à goupilles, qu'ils font passer dans les membres qu'ils percent exprès ; & ils font approcher le bordage ou la précinte, du membre où est la cheville, par le moyen des cordes qu'ils y mettent. (Z)


ANTONGIL(BAIE D') Géog. grande baie de l'île de Madagascar en Afrique.


ANTONIA(TOUR D') Hist. anc. le monument le plus magnifique qu'Hérode le Grand ait élevé : c'étoit une tour réguliere & forte, à laquelle il donna le nom d'Antoine son ami : elle fut bâtie sur la montagne de Jérusalem, appellée auparavant Bari. Elle étoit couverte de haut-en-bas de marbre blanc ; l'approche en étoit défendue par un mur de trois coudées de haut ; l'espace depuis ce mur jusqu'à la tour, étoit de quarante : on avoit pratiqué en-dedans, des salles, des appartemens, & des bains : on la pouvoit regarder comme un beau palais rond, accompagné à égale distance, de quatre autres tours, dont trois avoient cinquante coudées de haut ; & la quatrieme qu'occupoit l'angle du midi & de l'orient, en avoit soixante-dix. Il y avoit aux endroits où ces tours joignoient les galeries du temple, des degrés à droit & à gauche, d'où les soldats romains observoient le peuple dans les jours de fêtes, pour l'empêcher de former quelqu'entreprise. Le temple étoit comme la citadelle de la ville ; l'Antonia étoit comme celle du temple. L'adresse de vingt soldats, d'une enseigne, & d'un trompette de l'armée de Tite, exécuta ce que cent mille hommes eussent tenté vainement : ces vingt-deux braves, à la faveur de la nuit, rassemblerent les ruines des murs de la ville, & les éleverent à la hauteur de la tour, dans laquelle ils entrerent par ce moyen, tuerent la garde, & donnerent le signal au reste de l'armée, qui s'approcha de la tour : on employa sept jours à la démolir : avant sa ruine & celle de Jérusalem, on y gardoit les ornemens pontificaux : quand le grand sacrificateur vouloit s'en servir, ce qui n'arrivoit qu'une fois l'an, le dixieme de la lune de Septembre, les Romains les donnoient à condition qu'ils seroient rapportés après la cérémonie. Josephe, Ant. liv. XX.


ANTONI(SAINT), Géog. mod. ville de France, dans le Rouergue, diocese de Rhodez, au bord de l'Aveirou. Long. 18. 25. lat. 44. 10.


ANTONOMASES. f. (Littérat.) trope ou figure de Rhétorique, par laquelle on substitue le nom appellatif au nom propre, ou celui-ci au nom appellatif. Voyez FIGURE & NOM.

Par exemple, Sardanapale étoit un roi voluptueux, Néron un empereur cruel ; on donne à un debauché le nom de Sardanapale ; à un prince barbare le nom de Néron.

Les noms d'orateur, de poëte, de philosophe, d'apôtre, sont des noms communs, & qui se donnent à tous ceux d'une même profession ; cependant on applique ces mots à des particuliers comme s'ils leur étoient propres. Par l'orateur, on entend Ciceron ; par le poëte, Virgile ; par le philosophe, on entendoit autrefois dans les écoles, Aristote ; & en matiere de religion, l'apôtre, sans addition, signifie S. Paul. La liaison que l'habitude a mise entre le nom de Ciceron, & l'idée du prince des orateurs ; entre celui de Virgile, & d'un excellent poëte ; de S. Paul, & d'un grand apôtre, font qu'on ne s'y méprend point, & qu'on ne balance pas sur l'attribution de ces titres à ces personnages, préférablement à d'autres. (G)


ANTRAIM(Géog. mod.) comté le plus septentrional d'Irlande, dans la province d'Ulster. Carig-Fergus en est la capitale.


ANTRAIN(Géog. mod.) ville de France dans la haute Bretagne, sur la riviere de Coësnon. Long. 16. 4. lat. 48. 22.


ANTRAIou ENTRAINS, (Géog. mod.) petite ville de France, dans le Nivernois, diocese d'Auxerre.


ANTRAVIDA(Géog. mod.) petite ville du Belveder en Morée, sur la côte du golfe de Clarence, au nord de Castil-Tornese.


ANTRou BOTHYNOE, sorte de météore. Voyez AURORE BOREALE.

ANTRE de Highmor (L'), Anat. cavité découverte dans le sinus de chaque os de la mâchoire, appellée autrement sinus maxillaire. Voyez MAXILLAIRE.

Les Chirurgiens se trompent quelquefois en la prenant pour une carie de l'os, parce qu'ils y pénetrent profondément avec une sonde. Ruysch, t. III. pag. 204.

L'antre du pylore est une grande cavité dans le fond de l'estomac à droite. Voyez PYLORE. (L)


ANTRON(Géog. anc.) ville de la Phtiotide, sur la côte de Thessalie.


ANTRUSTIONSS. m. pl. (Hist. mod.) volontaires qui chez les Germains suivoient les Princes dans leurs entreprises. Tacite les désigne par le nom de compagnons, la loi Salique par celui d'hommes qui sont sous la foi du Roi, les formules de Marculfe par celui d'antrustions, nos premiers historiens par celui de leudes, & les suivans par celui de vassaux & seigneurs.

On trouve dans les lois Saliques & Ripuaires, un nombre infini de dispositions pour les francs, & quelques-unes seulement pour les antrustions. On y regle partout les biens des francs, & on ne dit rien de ceux des antrustions ; ce qui vient de ce que les biens de ceux-ci se régloient plûtôt par la loi politique que par la loi civile, & qu'ils étoient le sort d'une armée, & non le patrimoine d'une famille. Voyez LEUDES, VASSAUX, &c. L'Esprit des Lois, tom. II. pag. 178.


ANUBIS(Myth.) dieu des Egyptiens ; il étoit représenté avec une tête de chien, & tenant un sistre d'une main & un caducée de l'autre. Voyez dans Moreri les conjectures différentes qu'on a formées sur l'origine & la figure bizarre de ce dieu. Cynopolis fut bâtie en son honneur, & l'on y nourrissoit des chiens appellés les chiens sacrés. Les Chrétiens & les Payens même se sont égayés sur le compte d'Anubis. Apulée & Jamblique ont parlé fort indécemment de la confrairie d'Isis & d'Anubis. Eusebe nomme Anubis, Mercure Anubis, & avec raison ; car il y a bien de l'apparence que le Mercure des Grecs & l'Anubis des Egyptiens ont été le même dieu. Les Romains qui avoient l'excellente politique d'admettre les dieux des peuples qu'ils avoient vaincus, lui souffrirent des prêtres : mais ces prêtres firent une mauvaise fin. Ils se prêterent à la passion qu'un jeune chevalier Romain avoit conçue pour une dame Romaine qu'il avoit attaquée inutilement par des soins & par des présens : Pauline, c'est le nom de la Romaine, avoit malheureusement de la dévotion à Anubis ; les prêtres corrompus par Mundus, c'est le nom du chevalier, lui persuaderent qu'Anubis avoit des desseins sur elle. Pauline en fut très-flattée, & se rendit la nuit dans le temple, où elle trouva mieux qu'un dieu à tête de chien. Mundus ne put se taire ; il rappella dans la suite à Pauline quelques particularités de la nuit du temple, sur lesquelles il ne lui fut pas difficile de conjecturer que Mundus avoit joüé le rôle d'Anubis. Pauline s'en plaignit à son mari, & son mari à l'empereur Tibere, qui prit très-mal cette aventure. Les prêtres furent crucifiés, le temple d'Isis ruiné, & sa statue & celle d'Anubis jettées dans le Tibre. Les empereurs & les grands de Rome se plurent long-tems à se métamorphoser en Anubis ; & Volusius sénateur romain, échappa à la proscription des triumvirs sous ce déguisement.


ANUERANUER des perdrix, terme de Chasse ; c’est choisir, quand les perdrix partent, le moment favorable pour les tirer.


ANUSen Anatomie, la plus basse extrémité de l'intestin rectum, ou l'orifice du fondement. Voyez RECTUM & FONDEMENT.

Les Philistins, en rendant l'arche, envoyerent en présent des anus & des rats d'or, pour guérir d'une maladie qui les affligeoit à l'anus.

Les muscles de l'anus sont les sphincters & les releveurs. Voyez SPHINCTER & RELEVEUR.

ANUS est aussi le nom que l'on a donné à une ouverture du cerveau formée par la rencontre des deux convexités des tubercules antérieurs avec les convexités postérieures des couches des nerfs optiques. Voyez TUBERCULE, &c. (L)


ANVERS(Géog. mod.) ville des Pays-bas, au duché de Brabant, sur l'Escaut. Longit. 21. 50. lat. 51. 12.


ANWEILER(Géog. mod.) petite ville de France dans la basse Alsace, sur la riviere de Queich.


ANXIÉTÉS. f. en Medecine, inquiétude, angoisse. Voyez ANGOISSE. (L)


ANZAR(Géog. mod.) ville du Turquestan fort voisine du Catai ou de la Chine septentrionale ; Tamerlan y mourut.


ANZERMA(Géog. mod.) province de l'Amérique méridionale, dans le Popayan, sur la Coca.


ANZERMou SAINTE-ANNE D'ANZERMA, petite ville de l'Amérique méridionale, au royaume de Popayan, sur le fleuve Cauca, près du cap Corrente, dans la province d'Anzerma. Longit. 30. 5. latit. 4.


ANZUQUIville du Japon, dans la grande île de Nyphon, sur la côte orientale du golfe de Meaco.


ANZUQUIAMAville du royaume de Mino, bâtie par le roi Nobunanga, qui du royaume de Mino passa au royaume du Japon. Les Japonois appelloient le territoire d'Anzuquiama le paradis de Nobunanga. C'étoit en effet une contrée délicieuse, à en juger sur la description du P. de Charleroix, voyez son hist. du Japon : mais à la mort de Nobunanga, son superbe palais fut brûlé, & les immenses richesses qu'il contenoit furent pillées. Les Jésuites perdirent dans cet incendie un magnifique séminaire que Nobunanga leur avoit bâti, & où ils élevoient toute la jeune noblesse Japonoise.


AONIDES(Myth.) surnom des Muses, tiré des montagnes de Béotie, appellées les monts Aoniens, d'où cette province elle-même est souvent nommée Aonie. Le culte particulier qu'on rendoit aux Muses, sur ces montagnes, leur fit donner ce titre d'Aonides. (G)


AONIEsub. f. (Géog. anc.) pays de la Béotie, qui a souvent donné son nom à toute cette province. Il y avoit en Béotie plusieurs montagnes & rivieres qui portoient le nom d'Aonie.


AORASIE* AORASIE des dieux. Le sentiment des Anciens sur l’apparition des dieux étoit qu’ils ne se montroient aux hommes que par derriere, & en se retirant ; d’où il s’ensuivoit, selon eux, que tout être non déguisé qu’on avoit le tems d’envisager, & qu’on pouvoit regarder en face, n’étoit pas un dieu. Neptune prend la figure de Calchas pour parler aux deux Ajax, qui ne le reconnoissent qu’à sa démarche par derriere, quand il s’éloigna d’eux. Venus apparoît à Enée sous les traits d’une chasseuse ; & son fils ne la reconnoît que quand elle se retire, sa tête rayonnante, sa robe abbatue, & sa divinité, pour ainsi dire, étant trahie par la majesté de sa démarche. Aorasie vient de l’ἀ privatif, & d’ὁραω, je vois, & signifie invisibilité.


AORISTEs. m. terme de Grammaire greque & de Grammaire françoise, ἄοριστος, indéfini, indéterminé. Ce mot est composé de l’ἀ privatif & de ὅρος, terme, limite ; ὅριον, finis ; ὁρίζω, je définis, je détermine.

Ἄοριστος, en Grec, est un adjectif masculin, parce qu’on sous-entend χρόνος, tems, qui en Grec est du genre masculin ; c’est pour cela qu’on dit aoristus au lieu qu’on dit præteritum & futurum, parce qu’on sous-entend tempus, qui, en Latin, est du genre neutre.

Ainsi aoriste se dit d'un tems, & sur-tout d'un prétérit indéterminé : j'ai fait est un prétérit déterminé ou plûtôt absolu ; au lieu que je fis est un aoriste, c'est-à-dire un préterit indéfini, indéterminé, ou plûtôt un prétérit relatif ; car on peut dire absolument j'ai fait, j'ai écrit, j'ai donné ; au lieu que quand on dit je fis, j'écrivis, je donnai, &c. il faut ajoûter quelqu'autre mot qui détermine le tems où l'action dont on parle a été faite ; je fis hier, j'écrivis il y a quinze jours, je donnai le mois passé.

On ne se sert de l'aoriste que quand l'action s'est passée dans un tems que l'on considere comme tout-à-fait séparé du tems où l'on parle ; car si l'esprit considere le tems où l'action s'est passée comme ne faisant qu'un avec le tems où l'on parle, alors on se sert du prétérit absolu : ainsi on dit j'ai fait ce matin, & non je fis ce matin ; car ce matin est regardé comme partie du reste du jour où l'on parle : mais on dit fort bien je fis hier, &c. on dit fort bien, depuis le commencement du monde jusqu'aujourd'hui, on A FAIT bien des découvertes, & l'on ne diroit pas l'on fit à l'aoriste, parce que dans cette phrase, le tems depuis le commencement du monde jusqu'aujourd'hui, est regardé comme un tout, comme un même ensemble. (F)


AORNES. m. (Géog. anc.) ville de la Bactriane, qu'Alexandre prit. Rocher des Indes que ce conquérant emporta d'assaut. Fleuve d'Arcadie qui se jettoit dans le lac Phinée. Lac d'Epire dont les vapeurs étoient si contagieuses qu'elles tuoient les oiseaux en passant. Lac en Italie, aux environs duquel on ne voyoit jamais d'oiseaux. Le lac d'Epire & celui d'Italie s'appellerent Averne.


AORTES. f. terme d'Anatomie. Ce mot est formé du grec , qui signifie vaisseau, sac, coffre, &c. c'est une artere qui s'éleve directement du ventricule gauche du coeur, & de-là se partage dans toutes les parties du corps. Voyez Pl. Anat.

L'aorte s'appelle autrement la grande artere, parce qu'elle est le tronc duquel sortent les autres arteres, comme de leur source, & le grand conduit ou canal par où le sang est porté dans tout le corps. Voyez SANG & CIRCULATION.

L'aorte à sa sortie du coeur se fléchit d'abord à droite, puis à gauche & en-arriere, en formant un arc très-aigu.

On divise ordinairement l'aorte en aorte ascendante, & aorte descendante : l'aorte ascendante prend ce nom depuis sa sortie du coeur, jusqu'à la fin de sa grande courbure ; le reste de ce tronc, qui depuis l'arcade s'étend jusqu'à l'os sacrum, s'appelle aorte descendante.

L'aorte descendante se subdivise encore en portion supérieure ; savoir, celle qui est située au-dessus du diaphragme ; & en portion inférieure, & c'est cette portion qui suit depuis le diaphragme jusqu'à l'os sacrum.

Les branches que l'aorte en général produit immédiatement, sont deux arteres coronaires du coeur, deux arteres soûclavieres, deux arteres carotides, les arteres bronchiales, les arteres oesophagiennes, les arteres intercostales, les diaphragmatiques inférieures, une artere céliaque, une artere mesentérique supérieure, deux arteres rénales, ou arteres émulgentes, les arteres spermatiques, une artere mesentérique inférieure, les arteres lombaires, les arteres sacrées, & les deux arteres iliaques. Voyez chacune à son article particulier, SOUCLAVIERE, CAROTIDE, &c.

Les ossifications ou pétrifications des enveloppes de l'aorte à sa sortie du coeur sont si fréquentes, que certains physiciens pensent que la chose est constante. M. Cowper a néanmoins composé un discours fait exprès, pour montrer qu'une telle ossification est une maladie qui n'arrive jamais sans incommoder la partie dans sa fonction naturelle. Il nous en donne plusieurs exemples ; dans l'un elle a produit un pouls intermittent ; dans un autre un froid aux extrémités, avec la gangrene, &c. Philos. Transact. n°. 299.

On trouve dans Paschioni, édit. de Rome 1741, une observation de M. Beggi, sur une ossification totale de l'aorte, ornée d'une Planche. (L)


AOSTou HOSTE, (Géog. anc. & mod.) autrefois ville, maintenant village situé sur la petite riviere de Bievre, à une lieue de l'embouchure du Rhone en Dauphiné.


AOUSTS. m. (Hist. & Astron.) sixieme mois de l'année de Romulus, & le huitieme de celle de Numa & de notre année moderne. Il étoit appellé sextilis, à cause du rang qu'il occupoit dans l'année de Romulus ; & ce nom lui avoit été conservé dans l'année de Numa. Auguste lui donna son nom, Augustus, qu'il conserve encore, & d'où les François ont fait Août par corruption. Ce mois, & celui de Juillet, dont le nom vient de Jules César, sont les deux seuls qui ayent conservé les noms que des Empereurs leur ont donné : le mois d'Avril s'étoit appellé pendant quelque tems Neroneus ; le mois de Mai, Claudius, &c.

Le soleil pendant ce mois parcourt ou paroît parcourir la plus grande partie du signe du zodiaque, appellé le Lion ; & vers la fin de ce mois il entre au signe de la Vierge : mais, à proprement parler, c'est la terre qui parcourt réellement le signe du Verseau, opposé à celui du Lion. Les mois d'Août & de Juillet sont ordinairement les plus chauds de l'année, quoique le soleil commence à s'éloigner dès le 21 Juin. On en trouvera la raison à l'article CHALEUR. (O)

Les Anglois appellent le premier jour d'Août, qui est la fête de S. Pierre ès liens, Lammas-day, comme qui diroit fête à l'agneau ; apparemment à cause d'une coûtume qui s'observoit autrefois dans la province d'York : tous ceux qui tenoient quelque terre de l'église cathédrale, étoient obligés ce jour-là d'amener dans l'église à la grand-messe un agneau vivant pour offrande. (G)


AOUTERv. n. terme de Jardinage, employé en parlant des plantes qui ont passé le mois d'Août. On dit un fruit aoûté, quand il a pris la couleur qui convient à sa maturité ; c'est comme qui diroit mûr. Il s'employe aussi pour des branches d'arbres venues de l'année, qui se sont fortifiées, & qui ne poussent plus. On dit une citrouille, un concombre, un potiron, un melon aoûtés. (K)


AOVARA(Hist. nat. bot.) fruit de la grosseur d'un oeuf de poule, qui croît avec plusieurs autres dans une grande gousse, sur une espece de palmier fort haut & épineux, aux Indes orientales & en Afrique. Lorsque la gousse est mûre, elle creve, & laisse voir la touffe de fruits charnus, jaunes & dorés. Les Indiens en mangent. Son noyau est dur, osseux, de la grosseur de celui de la pêche, & percé de plusieurs trous aux côtés ; il a deux lignes d'épaisseur, & renferme une amande, qui est d'abord agréable au goût, mais qui pique quand on continue de la mâcher, & qui prend la saveur du sassenage. On en tire une espece d'huile de palme. L'amande de l'aovara resserre, & peut arrêter le cours de ventre. Lemery.


AP-THANESc'est un ancien mot Ecossois qui désigne la plus haute noblesse d'Ecosse. Voyez THANE ou ANCIEN NOBLE. (G)


APACHESS. m. pl. (Géog. & Hist.) peuples de l'Amérique septentrionale au nouveau Mexique, où ils occupent un pays très-étendu, sous les noms d'Apaches de Perillo, au midi ; d'Apaches de Xilla, d'Apaches de Navaio, au nord ; & d'Apaches Vaqueros, au levant. Voyez la Conq. du Mexiq.


APAGOGE(Logiq.) , composé d', de, & d', mener ou tirer. Voyez ABDUCTION.


APAGOGIES. f. (Logique.) sorte de démonstration, par laquelle on prouve la vérité d'une proposition, en faisant voir que la proposition contraire est absurde (Voyez DEMONSTRATION) ; d'où vient qu'on l'appelle aussi reductio ad impossibile, ou ad absurdum. Voyez REDUCTION. (O)


APALACHE(Géog. mod.) royaume de l'Amérique septentrionale, dans la Floride.


APAMATUCK(Géog. mod.) riviere de l'Amérique septentrionale dans la Virginie ; elle se décharge dans celle de Powathan. Voyez Mat. Diction. Géogr.


APAMÉEsur l'Oronte, (Géog. anc. & mod.) ville de Syrie, distante d'Antioche environ de vingt lieues. Les modernes la nomment Aman ou Hama. Elle n'a de considérable que sa situation.

* APAMEE, sur le Marse, (Géog. anc. & mod.) ville de Phrygie : elle est aujourd'hui presque ruinée.

* APAMEE ou APAMI, (Géog. anc. & mod.) ville de la Bythinie sur la Propontide, entre Bourse & Cyzique. Les Turcs l'appellent aujourd'hui Myrlea.

* APAMEE, (Géog. anc.) ville de la Médie, vers la contrée des Parthes. On la nomme aussi Miana.

* APAMEE : on place dans la Mésopotamie deux villes de ce nom ; l'une sur l'Euphrate, l'autre sur le Tigre.


APANAGES. m. (Hist. mod.) ou comme on disoit autrefois, APPENNAGE, (Hist. mod.) terres que les souverains donnent à leurs puînés pour leur partage, lesquelles sont reversibles à la couronne, faute d'enfans mâles dans la branche à laquelle ces terres ont été données. Ducange dit que dans la basse latinité on disoit apanare, apanamentum, & apanagium, pour désigner une pension ou un revenu annuel qu'on donne aux cadets, au lieu de la part qu'ils devroient avoir dans une seigneurie, qui ne doit point, suivant les lois & coûtumes, se partager, mais rester indivise à l'aîné. Hoffman & Monet dérivent ce mot du celtique ou allemand, & disent qu'il signifie exclure & forclorre de quelque droit ; ce qui arrive à ceux qui ont des apanages, puisqu'ils sont exclus de la succession paternelle. Antoine Loysel, cité par Ménage, croit que le mot apanager vouloit dire autrefois donner des pennes ou plumes, & des moyens aux jeunes seigneurs qu'on chassoit de la maison de leurs peres, pour aller chercher fortune ailleurs, soit par la guerre, soit par le mariage.

Nicod & Ménage dérivent ce mot du Latin panis, pain, qui souvent comprend aussi tout l'accessoire de la subsistance.

Quelques-uns pensent que les apanages, dans leur premiere institution, ont été seulement des pensions ou des payemens annuels d'une certaine somme d'argent.

Les puînés d'Angleterre n'ont point d'apanage déterminé comme en France, mais seulement ce qu'il plaît au roi de leur donner. Voyez PRINCE, &c.

En France même, sous les rois de la premiere & ceux de la seconde race, le droit de primogéniture ou d'aînesse, & celui d'apanage, étoient inconnus ; les domaines étoient à-peu-près également partagés entre tous les enfans. Voyez PRIMOGENITURE & AINESSE.

Mais comme il en naissoit de grands inconvéniens, on jugea dans la suite qu'il valoit mieux donner aux cadets ou puînés des comtés, des duchés, ou d'autres départemens, à condition de foi & hommage, & de réversion à la couronne à défaut d'héritiers mâles, comme il est arrivé à la premiere & à la seconde branche des ducs de Bourgogne. A présent même les princes apanagistes n'ont plus leurs apanages en souveraineté : ils n'en ont que la jouissance utile & le revenu annuel. Le duché d'Orléans est l'apanage ordinaire des seconds fils de France, à moins qu'il ne soit déjà possédé, comme il l'est actuellement, par un ancien apanagiste.

On ne laisse pas d'appeller aussi improprement apanage, le domaine même de l'héritier présomptif de la couronne ; tel qu'est en France le Dauphiné ; en Angleterre la principauté de Galles ; en Espagne celle des Asturies ; en Portugal celle du Bresil, &c.

On appelle aussi apanage, en quelques coûtumes, la portion qui est donnée à un des enfans, pour lui tenir lieu de tout ce qu'il pourroit prétendre à la succession.

Paul Emile a remarqué que les apanages sont une invention que les rois ont rapportée des voyages d'outre mer. (G-H)


APANAGISTES. m. terme de Droit, est celui qui possede des fiefs ou autres domaines en apanage. Voyez APANAGE. (H)


APANTou APANTE, (Géog. mod.) province de la terre ferme de l'Amérique méridionale, entre le lac de Parimé & la riviere des Amazones, à l'occident de la province de Caropa.


APARAQUA(Hist. nat. bot.) espece de bryone qui croît au Bresil. Ray, Hist. Plant.


APARIA(Géog. mod.) province de l'Amérique méridionale au Pérou, près de la riviere des Amazones, & de l'endroit où elle reçoit le Curavaie au nord des Pacamores.


APATHIES. f. composé d' privatif, & de , passion, signifie, dans un sens moral, insensibilité ou privation de tout sentiment passionné ou trouble d'esprit. Voyez PASSION.

Les Stoïciens affectoient une entiere apathie ; leur sage devoit joüir d'un calme, d'une tranquillité d'esprit que rien ne pût altérer, & n'être accessible à aucun sentiment soit de plaisir ou de peine. Voy. STOÏCIEN, PLAISIR, INEEINE.

Dans les premiers siecles de l'Eglise les Chrétiens adoptoient le terme d'apathie, pour exprimer le mépris de tous les intérêts de ce monde, ou cet état de mortification que prescrit l'Evangile ; d'où vient que nous trouvons ce mot fréquemment employé dans les écrivains les plus pieux.

Clément d'Alexandrie, en particulier, le mit fort en vogue, dans la vûe d'attirer au Christianisme les Philosophes qui aspiroient à un degré de vertu si sublime.

Le Quiétisme n'est qu'une apathie masquée des apparences de la dévotion. Voyez QUIETISME. (X)


APATURIESS. f. (Hist. anc. & Myth.) fête solemnelle célébrée par les Athéniens en l'honneur de Bacchus. Voyez FETE.

Ce mot vient du grec , fraude ; & l'on dit que cette fête fut instituée en mémoire d'une frauduleuse victoire que Mélanthus roi d'Athenes, avoit remportée sur Xanthus roi de Béotie, dans un combat singulier, dont ils étoient convenus pour terminer un débat qui régnoit entr'eux, au sujet des frontieres de leurs pays ; d'où Budée l'appelle festum deceptionis, la fête de la tromperie.

D'autres écrivains lui donnent une différente étymologie : ils disent que les jeunes Athéniens n'étoient point admis dans les tribus, le troisieme jour de l'apaturie, que leurs peres n'eussent juré qu'ils en étoient vraiment les peres ; jusqu'alors tous les enfans étoient réputés en quelque façon sans pere, , circonstance qui donnoit le nom à la fête.

Xenophon, d'ailleurs, nous dit que les parens & les amis s'assembloient à cette occasion, se joignoient aux peres des jeunes gens que l'on devoit recevoir dans les tribus, & que la fête tiroit son nom de cette assemblée ; que dans , l', bien loin d'être privatif, est une conjonction, & signifie même chose que , ensemble. Cette fête duroit quatre jours : le premier, ceux de chaque tribu se divertissoient ensemble dans la leur, & ce jour s'appelloit : le second, qui se nommoit , on sacrifioit à Jupiter & à Minerve : le troisieme, , ceux des jeunes gens de l'un & de l'autre sexe qui avoient l'âge requis, étoient admis dans les tribus : ils appelloient le quatrieme jour .

Quelques auteurs ont mal-à-propos confondu les apaturies avec les saturnales, puisque les fêtes appellées par les Grecs , qui répondent aux saturnales des Romains, arrivoient dans le mois de Décembre, & que les apaturies se célébroient en Novembre. (G)


APEIBAarbre du Bresil qu'on décrit ainsi : arbor pomifera Brasiliensis, fructu hispido, pomi magnitudine, seminibus plurimis minimis ; apeiba Brasiliensibus. Marg.

Le fruit n'est d'aucun usage ; le bois sert à faire des bateaux de pcheurs, & des radeaux. Ray, Histor. plant.


APELLITESS. f. pl. du latin appellitae, (Théol.) hérétiques qui parurent dans le second siecle, & qui tirent ce nom d'Apelles leur chef, disciple de Marcion. Ils soûtenoient que Jesus-Christ n'avoit pas eu seulement l'apparence d'un corps, comme disoit Marcion, ni une véritable chair ; mais qu'en descendant du ciel, il s'étoit fait un corps céleste & aërien, & que dans son ascension ce corps s'étoit résolu en l'air, ensorte que l'esprit seul de J. C. étoit retourné au ciel. Ils nioient encore la résurrection, & professoient la même doctrine que les Marcionites. Voyez ASCENSION & MARCIONITES. (G)


APÉNÉ(Hist. anc.) char attelé de deux ou de quatre mules, mis en usage dans les jeux olympiques par les Eléens, qui s'en dégoûterent ensuite, soit parce qu'il ne produisoit pas un bel effet, soit parce qu'ils avoient en horreur les mules & les mulets, & qu'ils n'en élevoient point chez eux. Pausanias traite cette invention de moderne, par rapport aux jeux olympiques ; car Sophocle dit que Laïus, dans le voyage où il fut tué, montoit un char traîné par deux mules, . (G)


APENNINadj. pris subst. (Géog. anc. & mod.) chaîne de montagnes qui partage l'Italie dans toute sa longueur, depuis les Alpes jusqu'à l'extrémité la plus méridionale du royaume de Naples. Toutes les rivieres d'Italie y prennent leur source.


APENRADou APENRODE, (Géog. mod.) petite ville de Danemarck, dans la préfecture de même nom & le duché de Sleswick, au fond d'un golfe de la mer Baltique. Long. 27. 1. lat. 55. 4.


APEPSIES. f. formé d' privatif, & de , digérer, signifie, en Médecine, crudité, indigestion. Voyez DIGESTION.

L'apepsie peut se définir un défaut d'appétit, qui empêche que l'aliment pris ne fournisse un chyle propre à former le sang & nourrir le corps. Voyez NOURRITURE, ESTOMAC, CHYLE, SANG, NUTRITION, &c. (N)


APERCHERv. act. terme d'Oiseleur ; c'est remarquer l'endroit où un oiseau se retire pour y passer la nuit : on dit j'ai aperché un merle.


APÉRITIFSadj. pl. m. (Medecine.) On donne cette épithete à tous les médicamens, qui, considérés relativement aux parties solides du corps humain, rendent le cours des liqueurs plus libre dans les vaisseaux qui les renferment, en détruisant les obstacles qui s'y opposent. Cet effet peut être produit par tout ce qui entretient la souplesse & la flexibilité des fibres dont les membranes vasculaires sont composées. On doit mettre dans cette classe les émolliens & les relâchans, sur-tout si l'on anime leur action par l'addition de quelque substance saline, active, & pénétrante, & qu'on les employe dans un degré de chaleur qui ne soit pas capable de dissiper leurs parties les plus volatiles. Ces médicamens operent non-seulement sur les vaisseaux, mais encore sur les liqueurs auxquelles ils donnent, en s'y mêlant, un degré de fluidité qui les fait circuler. Les apéritifs conviennent dans tous les cas où l'obstruction est ou la cause ou l'effet de la maladie ; ainsi leur usage est très-salutaire dans la fievre de lait qui survient aux femmes nouvellement accouchées, dans le période inflammatoire de la petite vérole, ou dans le tems de l'éruption : & les évacuans peuvent être compris sous le nom général d'apéritifs, parce qu'ils produisent l'effet de ces derniers, par la façon dont on les administre & le lieu où on les applique. Dans ce sens les diurétiques, les sudorifiques, les diaphorétiques, les emmenagogues, les suppuratifs, les corrosifs, les caustiques, &c. appartiendront à la même classe. On y rangera encore les résolutifs, qui, divisant les humeurs épaisses & les forçant de rentrer dans leurs voies naturelles, font à cet égard l'office d'apéritifs.

On compte cinq grandes racines apéritives. Ces cinq racines sont celles d'ache, de fenouil, de persil, de petit houx, d'asperge ; elles entrent dans le sirop qui en porte le nom ; elles poussent par les urines & par les regles ; elles sont d'un grand usage ; on en fait des conserves, des eaux distillées, & le sirop.

Sirop des cinq racines. Prenez de racines d'ache, de fenouil, de persil, de houx, d'asperge, de chacune quatre onces. Faites-les cuire dans quatorze livres d'eau commune, réduites à huit livres. Passez la décoction, & y ajoûtez sucre cinq livres. Clarifiez & faites cuire le tout en consistance de sirop. On tire de ces racines par la distillation une eau avec laquelle on pourroit faire le sirop. (N)


APETOUou APETUBES, (Géog. & Hist.) peuples de l'Amérique méridionale dans le Bresil, aux environs du gouvernement de Puerto Seguro.


APEX(Hist. anc.) bonnet à l'usage des Flamines & des Saliens. Pour qu'il tînt bien sur leur tête, ils l'attachoient sous le menton avec les deux cordons qu'on lui voit. Antiquit. Pl. VII. fig. 14.

Sulpitius, dit Valere Maxime, fut destitué du sacerdoce, parce que l'apex lui tomba de la tête pendant qu'il sacrifioit. Selon Servius, l'apex étoit une verge couverte de laine qu'on mettoit au sommet du bonnet des Flamines. C'est de-là que le bonnet prit son nom ; & les prêtres mêmes, qu'on appella Flamines, comme qui disoit Filamines, parce que la verge couverte de laine étoit attachée au bonnet avec un fil : il n'est pas besoin d'avertir le lecteur de la futilité de ces sortes d'étymologies.


APHACA(Hist. nat. bot.) genre de plante à fleur papilionacée. Il s'éleve du fond du calice un pistil qui devient dans la suite une gousse remplie de semences arrondies. Ajoûtez aux caracteres de ce genre, que ses feuilles naissent deux à deux à chaque noeud des tiges, & que ces mêmes noeuds produisent chacun une main. Tournefort, Instit. rei herb. Voyez PLANTE. (I)


APHACE(Géog. anc.) lieu dans la Palestine, entre Biblos & Persepolis, où Venus avoit un temple, & étoit adorée sous le nom de Venus aphacite, par toutes sortes de lascivetés auxquelles les peuples s'abandonnoient, en mémoire des caresses que la déesse avoit prodiguées dans cet endroit au bel Adonis.


APHACITE(Mythologie.) surnom de Venus. Voyez APHACE. Ceux qui venoient consulter Venus aphacite jettoient leurs offrandes dans un lac proche Aphace ; si elles étoient agréables à la déesse, elles alloient à fond ; elles surnageoient au contraire, fût-ce de l'or ou de l'argent, si elles étoient rejettées par la déesse. Zozime qui fait mention de cet oracle, dit qu'il fut consulté par les Palmyriens, lorsqu'ils se révolterent contre l'empereur Aurelien, & que leurs présens allerent à fond l'année qui précéda leur ruine, mais qu'ils surnagerent l'année suivante. Zozime auroit bien fait de nous apprendre encore pour l'honneur de l'oracle, de quelle nature étoient les présens dans l'une & l'autre année : mais peut-être étoient-ils nécessairement de plume quand ils devoient surnager, & nécessairement de plomb quand ils devoient descendre au fond du lac, la déesse inspirant à ceux qui venoient la consulter, de lui faire des présens tels qu'il convenoit à la véracité de ses oracles.


APHAEREMA(Géog. anc. & sacr.) contrée & ville située sur les frontieres de la Judée & de la Samarie, dans la partie occidentale de la tribu d'Ephraïm.


APHARA(Hist. anc. & sacr.) ville de la tribu de Benjamin.


APHARSEKIENou ARPHASACHIENS, (Géog. & Hist. sacr.) peuples de Samarie, venus d'une contrée située entre le Tigre & l'Euphrate ; il y eut aussi des peuples de l'Idumée, appellés Apharsiens ou Apharsatéens ; on dit des uns & des autres qu'ils s'opposerent à la réédification du temple, après la captivité de Babylone.


APHEAS. f. (Mythol.) divinité adorée par les Crétois & par les Eginetes ; elle avoit un temple en Crete. Aphea, avant que d'être déesse, fut une Crétoise, appellée Britomartis, que sa passion pour la chasse attacha à Diane. Pour éviter la poursuite de Minos qui en étoit éperdûment amoureux, elle se jetta dans la mer, & fut reçûe dans des filets de pêcheurs. Diane récompensa sa vertu par les honneurs de l'immortalité. Britomartis apparut ensuite aux Eginetes qui l'honorerent sous le nom d'Aphea.


APHEC(Géog. anc. & sacr.) Il y est fait mention de quatre lieux différens en Judée sous ce nom : l'un fut une ville de la tribu d'Aser ; l'autre une tour près d'Antipatride ; le troisieme, une autre ville aussi de la tribu d'Aser ; le quatrieme, une ville de la tribu de Juda.


APHÉLIES. m. C'est, en Astronomie, le point de l'orbite de la terre ou d'une planete, où la distance de cette planete au Soleil est la plus grande qu'il est possible. Voyez ORBITE.

Aphélie est composé de , longè, & de , sol ; ainsi lorsqu'une planete est en A, Planche d'Astron. fig. 1. comme la distance au Soleil S, est alors la plus grande qu'il est possible, on dit qu'elle est à son aphélie. Voyez PLANETE, SOLEIL, &c.

Dans le système de Ptolomée, ou dans la supposition que le Soleil se meut autour de la terre, l'aphélie devient l'apogée. Voyez APOGEE. L'aphélie est le point diamétralement opposé au périhélie. Voyez PERIHELIE. Les aphélies des planetes premieres ne sont point en repos ; car l'action mutuelle qu'elles exercent les unes sur les autres, fait que ces points de leurs orbes sont dans un mouvement continuel, lequel est plus ou moins sensible. Ce mouvement se fait in consequentia, ou selon l'ordre des signes ; & il est selon M. Newton en raison sesquipliquée des distances de ces planetes au Soleil, c'est-à-dire comme les racines quarrées des cubes de ces distances.

Si donc l'aphélie de Mars fait 35 minutes, selon l'ordre des signes, relativement aux étoiles fixes, dans l'espace de 100 ans ; les aphélies de la Terre, de Venus & de Mercure, feront dans le même sens & dans le même intervalle de tems, 18 minutes 36 secondes, 11 minutes 27 secondes, & 4 minutes 29 secondes.

Cependant le mouvement de l'aphélie des planetes étant peu considérable, il n'est pas encore parfaitement bien connu des Astronomes. Par exemple, selon M. Newton, le mouvement de l'aphélie de Mercure est plus grand qu'on ne l'avoit supposé jusqu'à lui. Ce mouvement déduit de la théorie, est de 1d 27' 20" en 100 ans, à raison de 52"1/2 par année.

Les auteurs sont encore bien moins d'accord sur le mouvement de l'aphélie de Saturne. M. Newton a fait d'abord celui de Mars de 1d 58'1/3 en 100 ans, & il l'a ensuite établi de 33' 20". Voyez MARS, SATURNE, VENUS, &c. Instit. Astron. de M. le Monnier.

Le docteur Halley a donné une méthode pour trouver géométriquement l'aphélie des planetes. Transact. Philos. n°. 128.

Kepler place l'aphélie de Saturne pour l'année 1700, aux 28d 3' 44" du Sagittaire : de-la-Hire, au 29d 14' 41".

Celui de Jupiter, au 8d 10' 40" de la Balance : de-la-Hire, au 10d 17' 14".

Celui de Mars, au 0d 51' 29" de la Vierge : de-la-Hire, au 0d 35' 25".

Celui de la Terre, au 8d 25' 30" du Cancer, & celui de Venus, au 3d 24' 27" du Verseau : de-la-Hire place celui-ci au 6d 56' 10".

Celui de Mercure, au 15d 44' 29" du Sagittaire ; & de-la-Hire, au 13d 3' 40".

Le mouvement annuel de l'aphélie de Saturne est, selon Kepler, de 1' 10"; celui de Jupiter, de 47" ; celui de Mars, de 1' 7" ; celui de Venus, de 1' 18" ; & celui de Mercure, de 1' 45".

Selon de-la-Hire, le mouvement annuel de l'aphélie de Saturne est de 1' 22" : celui de Jupiter de 1' 34" : celui de Mars de 1' 7" : celui de Venus de 1' 26", & celui de Mercure de 1' 39". Voyez l'article APOGEE, & l'article APSIDE. (O)


APHERESES. f. (Grammaire.) figure de diction, , retranchement, d', aufero. L'apherese est une figure par laquelle on retranche une lettre ou une syllabe du commencement d'un mot, comme en grec , pour , qui est le mot ordinaire pour signifier fête. C'est ainsi que Virgile a dit :

Discite justitiam moniti, & non temnere divos.

Aeneid. 6. v. 620.

où il a dit temnere pour contemnere.

Cette figure est souvent en usage dans les étymologies. C'est ainsi, dit Nicot, que de gibbosus nous avons fait bossu, en retranchant gib, qui est la premiere syllabe du mot latin.

Au reste, si le retranchement se fait au milieu du mot, c'est une syncope ; s'il se fait à la fin, on l'appelle apocope. (F)


APHÉSIENS(Mythol.) surnom qu'on donnoit quelquefois à Castor & à Pollux, qui présidoient aux barrieres d'où l'on partoit dans les courses publiques.


APHETES(Géog. anc. & mod.) ville de Magnesie, dans la Thessalie, sur le golfe de Pagasa, d'où partit le vaisseau des Argonautes ; c'est aujourd'hui, il golfo de Volo.


APHIOM-KARAHISSART(Géog. mod.) ville de la Natolie, dans la Turquie Asiatique. Long. 48. 30. lat. 38. 25.


APHONIES. f. (Medecine.) privation de la voix. Ce mot est composé de privatif & de , voix. L'aphonie est une incapacité de produire des sons, qui est toûjours accompagnée de la privation de la parole, accident assez commun dans les suffocations hystériques ; ou dans un sens moins étendu, c'est une incapacité de produire des sons articulés, qui naît de quelque défaut dans la langue, & dans les autres organes de la parole.

Mais le mouvement d'une partie quelconque n'est diminué ou anéanti que par la diminution ou la cessation du fluide nerveux dans les nerfs de cette partie ; d'où il s'ensuit que l'aphonie n'a point d'autre cause que la diminution ou la cessation de ce fluide dans les nerfs qui servent aux mouvemens de la langue.

La dissection des cadavres confirme ce sentiment. Un mélancolique dont la tristesse avoit dégéneré en folie, fut frappé d'une aphonie qui dura jusqu'à sa mort ; quand on le disséqua, on lui trouva le cerveau sec, les nerfs qui vont à la langue plus petits qu'à l'ordinaire.

La paralysie de la langue qui précede ou qui suit l'apoplexie ou l'hémiplégie, est toûjours accompagnée d'aphonie. Les vieillards & les personnes d'un tempérament affoibli sont sujets à cet accident. S'il paroît seul, il annonce l'apoplexie ou l'hémiplégie. S'il succede à ces maladies, & qu'il soit accompagné de manque de mémoire & d'embarras dans les fonctions de l'esprit, il annonce le retour de ces maladies. La langue est entierement affectée dans l'apoplexie ; elle ne l'est qu'à moitié dans l'hémiplégie.

L'aphonie pourra se terminer heureusement, si elle a pour cause la stagnation de quelques humeurs séreuses qui compriment les nerfs de la cinquieme paire qui vont à la langue. Elle peut être occasionnée par les suites de la petite vérole, l'interception des sueurs, les catarrhes mal traités, des boutons ou des pustules séreuses rentrées, des efforts violens, des chûtes, des coups ; le trop de sang porté à la langue & à la gorge, la suppression des regles, les maladies hystériques, des vers logés dans l'estomac ou les intestins, l'usage immodéré des liqueurs spiritueuses, les indigestions fréquentes, la frayeur, le refroidissement, l'influence des saisons pluvieuses & des lieux marécageux, &c.

Quant aux prognostics de l'aphonie, ils varient selon la cause. L'aphonie qui a pour cause la présence des vers est facile à guérir ; il en est de même de celle qui accompagne les affections hystériques : mais l'aphonie qui naît de la paralysie de la langue, résiste à tous les efforts du medecin, ou ne cede que pour un tems.

Il suit de ce que nous avons dit plus haut, que pour guérir l'aphonie, il faut s'occuper à lever les obstacles, ou dissiper les sérosités qui compriment les nerfs & le cerveau dans l'espece d'aphonie qui naît d'une paralysie sur la langue. Pour cet effet, il faut recourir aux saignées, aux clysteres émolliens, aux diurétiques, aux sternutatoires, aux balsamiques propres dans l'affection des nerfs ; en un mot, à tous les remedes capables de restituer aux parties affectées leurs fonctions. Pour cet effet, voyez PARALYSIE, HEMIPLEGIE.


APHORISMESen Droit & en Medecine, sont de courtes maximes, dont la vérité est fondée sur l'expérience & sur la réflexion, & qui en peu de mots comprennent beaucoup de sens.


APHOSIATIN(Géog. mod.) port de Romelie, dans la Turquie en Europe, sur la côte de la mer Noire, proche Constantinople, vers le nord.


APHRACTESS. m. pl. navires des anciens à un seul rang de rames : on les appelloit aphractes, parce qu'ils n'étoient point couverts & n'avoient point de pont ; on les distinguoit ainsi des cataphractes qui en avoient. Les aphractes avoient seulement vers la proue & vers la poupe de petits planchers, sur lesquels on se tenoit pour combattre ; mais cette construction n'étoit pas générale. Il y avoit, à ce qu'il paroît, des aphractes qui étoient couverts & avoient un pont, avec une de ces avances à leur proue, qu'on appelloit rostra. Tite-Live dit d'Octave, qu'étant parti de Sicile avec deux cens vaisseaux de charge & trente vaisseaux longs, sa navigation ne fut pas constamment heureuse ; que quand il fut arrivé presqu'à la vûe de l'Afrique, poussé toûjours par un bon vent, d'abord il fut surpris d'une bonasse ; & que le vent ayant ensuite changé, sa navigation fut troublée, & ses navires dispersés d'un & d'autre côté ; & qu'avec ses navires armés d'éperons, il eut bien de la peine à force de rames à se défendre contre les flots & la tempête. Il appelle ici vaisseaux armés d'éperons, les mêmes vaisseaux qu'il avoit auparavant appellés vaisseaux longs. Il dit d'ailleurs qu'il y avoit des vaisseaux ouverts, c'est-à-dire sans ponts, & qui avoient des éperons ; d'où il s'ensuit que la différence des aphractes & des cataphractes consistoit seulement en ce que ces derniers avoient un pont, & que les premiers n'en avoient point ; car pour le rostrum & le couvert, il paroît que les aphractes les avoient quelquefois, ainsi que les cataphractes.


APHRODISÉEaujourd'hui APIDISIA, (Géog. anc. & mod.) ville de Carie, maintenant sous l'empire du Turc, & presque ruinée.

* APHRODISEE, ou CAP DE CREUZ, (Géog. anc. & mod.) cap de la mer Méditerranée, près de Rose en Catalogne : quelques-uns le confondent avec le port de Vendres, ou le portus Veneris des anciens. Voyez CADAGUER.


APHRODISIENNESfêtes instituées en l'honneur de Venus Aphrodite. Voyez APHRODITE. Elles se célébroient dans l'île de Chypre & ailleurs. Pour y être invité on donnoit une piece d'argent à Venus, comme à une fille de mauvaise vie, & on en recevoit du sel & un phalle.


APHRODITES. f. (Myth.) surnom de Venus, composé de , écume ; parce que, selon les Poëtes, Venus naquit de l'écume de la mer.


APHROGÉDAest du lait battu tout-à-fait en écume ; c'étoit une médecine de l'ordonnance de Galien. Je crois que c'est plûtôt aphrogala, mot grec composé de , écume, & , lait, écume de lait, préparation inconnue. Peut-être est-ce la crême, peut-être est-ce l'oxygala des Romains, qu'ils regardoient comme un remede excellent contre les chaleurs excessives d'estomac, & un très-bon aliment. Ils y mêloient de la neige, à ce que dit Galien. Je crois que nous pourrions donner ce nom à nos crêmes ou fromages glacés, que les anciens ne savoient peut-être pas faire aussi parfaitement que nous les faisons à-présent. Ils cherchoient avec le secours de la neige, à donner un degré de fraîcheur plus sensuel à leurs laitages ou à leurs boissons. (N)


APHRON(Hist. nat. bot.) espece de pavot sauvage dont Pline fait mention lib. XX. c. xjx.


APHTHARTODOCETES, (Théol.) Les Aphthartodocetes sont des hérétiques ennemis jurés du concile de Chalcedoine.

Ce nom est composé des mots grecs , incorruptible, & de , je crois, j'imagine. On le leur donna parce qu'ils imaginoient que le corps de Jesus-Christ étoit incorruptible, impassible & immortel. Cette secte est une branche de celle des Eutychiens : elle parut en 535. Voyez EUTYCHIEN. (G)


APHTHESS. m. pl. (Medecine.) petits ulceres ronds & superficiels, qui occupent l'intérieur de la bouche. Le siége principal de cet accident est l'extrémité des vaisseaux excrétoires des glandes salivaires, & de toutes les glandes qui fournissent une humeur semblable à la salive ; ce qui fait que non-seulement les levres, les gencives, le palais, la langue, le gosier, la luette, mais même l'estomac, les intestins grêles, & quelquefois les gros, se trouvent attaqués de cette maladie.

La cause de ces accidens est un suc visqueux & acre qui s'attache aux parois de toutes les parties ci-dessus, & y occasionne par son séjour ces especes d'ulceres.

Ce suc visqueux & acre tire ordinairement son origine des nourritures salines, & de tout ce qui peut produire dans les humeurs une acrimonie alkaline ; ce qui fait que les gens qui habitent les pays chauds & les endroits marécageux, sont très-sujets aux aphthes.

On juge de la malignité des aphthes par leur couleur & leur profondeur. Ceux qui sont superficiels, transparens, blancs, minces, séparés les uns des autres, mous, & qui se détachent facilement sans être remplacés par de nouveaux, sont de l'espece la moins dangereuse. Ceux au contraire qui sont blancs & opaques, jaunes, bruns ou noirs, qui se tiennent ensemble & ont peine à se détacher, & auxquels il en succede d'autres, sont d'une espece maligne.

Les enfans & les vieillards sont sujets aux aphthes, parce que dans les uns & les autres les forces vitales sont languissantes, & les humeurs sujettes à devenir visqueuses.

Les aphthes qui attaquent les adultes, sont ordinairement précédés de fievre continue, accompagnés de diarrhée & de dyssenterie, de nausées, de la perte de l'appétit, de foiblesse, de stupeur & d'assoupissement.

Ettmuller prétend que les aphthes des adultes sont souvent la suite des fievres violentes.

Les remedes appropriés pour la cure de cette maladie, doivent être humectans, & capables d'amollir & d'échauffer légerement, afin d'entretenir les forces du malade, & lui occasionner une moiteur continuelle.

Les gargarismes détersifs & un peu animés d'esprit-de-vin camphré, sont d'un grand secours dans ce cas.

Lorsque l'on est venu à bout de faire tomber les aphthes, on rend ces gargarismes un peu plus émolliens & adoucissans.

Enfin l'on termine le traitement par un purgatif fortifiant, dans lequel Boerhaave recommande la rhubarbe par préférence à tout autre purgatif. (N)


APHYES. f. (Hist. nat. Zoolog.) aphya, apua, petits poissons de mer que les anciens ont ainsi nommés, parce qu'on croyoit qu'ils n'étoient pas engendrés comme les autres poissons, mais qu'ils étoient produits par une terre limoneuse. Rondelet distingue plusieurs sortes d'aphyes.

L'aphya vraie, , ainsi nommée parce qu'on a prétendu qu'elle naissoit de l'écume de la mer, ou parce qu'elle est blanche : on la nomme nonnata sur la côte de Gènes. Ces poissons n'ont pas la longueur du petit doigt ; la plûpart sont blancs ; il y en a de rougeâtres ; ils ont les yeux noirs ; ils se trouvent dans l'écume de la mer, & ils se rassemblent en très-grande quantité, & s'entrelacent si bien les uns avec les autres, qu'il est difficile de les séparer.

L'aphye de goujon, cobites, aussi appellée loche de mer. Voyez LOCHE DE MER.

L'anchois a été mis aussi au nombre des aphyes. Voyez ANCHOIS.

L'aphye phalérique, aussi appellée nadelle ou melette. Voyez NADELLE.

L'aphye des muges, des mendales, des surmulets, sont de petits poissons semblables à ceux dont ils portent le nom. On a crû qu'ils naissoient du limon de la terre, dans les étangs desséchés qui étoient recouvertes de nouveau par les eaux des pluies. Rondelet. Voyez POISSON. (I)


APHYLLANTHES(Hist. nat. botan.) genre de plante à fleur liliacée, composée de six pétales qui sortent d'un calice écailleux & fait en tuyau ; il sort de ce même calice un pistil qui devient dans la suite un fruit en forme de pomme de pin, qui a trois angles, qui s'ouvre en trois parties, & qui est divisé en trois loges, & rempli de semences arrondies. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)


APHYTACOR(Hist. nat. bot.) arbre dont Pline fait mention lib. XXXI. cap. ij. & qu'il dit produire de l'ambre.


APHYTou APHYTIS, (Géog. anc.) ville de Thrace, dans le voisinage de Pallene, où Apollon avoit un temple célebre par ses oracles, & où Jupiter-Ammon étoit particulierement révéré.


APIS. m. petite pomme d'un rouge vif d'un côté, & blanche de l'autre, dont la peau est extrèmement fine, la chair tendre, & l'eau douce & sucrée ; qui n'a point d'odeur, & n'en prend point, soit qu'on la serre, soit qu'on la pochette ; qui dure long-tems, & qui naît sur un arbre qui charge beaucoup, & qui la produit par bouquets : on en garnit le bord des plateaux. Le pommier d'api est moins vigoureux que les autres ; il lui faut une terre grasse sans être humide. Il ne craint point les grands vents ; il donne jusqu'au mois d'Avril. On dit qu'il fut trouvé dans la forêt d'Apie, d'où il a passé dans nos jardins sous le nom d'api.


APIDISIAvoyez APHRODISEE.


APINE(Géog. anc.) ville de la Pouille, qui fut ruinée par Diomede : Trica eut le même sort, & toutes deux donnerent lieu au proverbe, Apinae & Tricae, choses de peu de valeur.


APINEL(Hist. nat. bot.) racine qu'on trouve dans quelques îles de l'Amérique ; les sauvages la nomment yabacani, & les François Apinel, du nom d'un capitaine de cavalerie qui l'apporta le premier en Europe. Si on en présente au bout d'un bâton à un serpent, & qu'il la morde, elle le tue ; si on en mâche, & qu'on s'en frotte les piés & les mains, le serpent fuira, ou pourra être pris sans péril : jamais serpent n'approchera d'une chambre où il y a un morceau d'Apinel. Cette même racine, si utile à la conservation des hommes, seroit, à ce qu'on dit, très-utile encore à leur propagation, si la propagation avoit besoin de ces secours forcés que l'on n'employe guere suivant les vûes de la nature. Hist. de l'acad. royale des Sciences, an. 1714.


APIOLE(Géogr. anc.) ville d'Italie dont Tarquin I. se rendit maître, & dont les ruines servirent à jetter les premiers fondemens du capitole.


APIOS(Hist. nat. bot.) est une espece de tithymale qui pousse plusieurs petites tiges basses, menues, rondes, rougeâtres, s'étendant souvent sur la terre. Ses feuilles sont petites, courtes, ressemblantes à celles de la rue sauvage, mais plus petites : ses fleurs naissent à ses sommités ; elles sont petites, en godet, découpées en plusieurs parties, & de couleur jaune pâle. Quand cette fleur est passée, il se forme en sa place un petit fruit relevé de trois coins, lequel se divise en trois loges, qui renferment chacune une semence oblongue ; sa racine est tubéreuse, & a la figure d'une poire, plus menue en-bas qu'en-haut, noire en-dehors, blanche en-dedans, & contenant beaucoup de lait. On a remarqué que quand cette racine est grosse & bien nourrie, la plante qu'elle pousse est petite ; & que quand la racine est moins grosse, la plante est plus grande. Elle contient beaucoup de sel essentiel & d'huile, mêlés dans une grande quantité de phlegme & de terre.

La racine de l'apios purge avec violence par le vomissement & par les selles. Lemery, des Drog.


APIQUERAPPIQUER, v. n. & quelquefois act. Le cable apique, c'est-à-dire que le vaisseau approche de l'ancre qui est mouillée, & que le cable étant halé dans le navire, il commence à être perpendiculairement ou à pic. Voyez HUTTER. Appiquer la vergue de civadiere. (Z)


APISS. m. (Myth.) divinité célebre des Egyptiens. C'étoit un boeuf qui avoit certaines marques extérieures. C'étoit dans cet animal que l'ame du grand Osiris s'étoit retirée : il lui avoit donné la préférence sur les autres animaux, parce que le boeuf est le symbole de l'agriculture, dont ce prince avoit eu la perfection tant à coeur. Le boeuf Apis devoit avoir une marque blanche & quarrée sur le front, la figure d'un aigle sur le dos, un noeud sous la langue en forme d'escarbot, les poils de la queue doubles, & un croissant blanc sur le flanc droit : il falloit que la genisse qui l'avoit porté, l'eût conçû d'un coup de tonnerre. Comme il eût été assez difficile que la nature eût rassemblé sur un même animal tous ces caracteres, il est à présumer que les prêtres pourvoyoient à ce que l'Egypte ne manquât pas d'Apis, en imprimant secrettement à quelques jeunes veaux les marques requises ; & s'il leur arrivoit de différer beaucoup de montrer aux peuples le dieu Apis, c'étoit apparemment pour leur ôter tout soupçon de supercherie. Mais cette précaution n'étoit pas fort nécessaire ; les peuples ne font-ils pas dans ces occasions tous leurs efforts pour ne rien voir ? Quand on avoit trouvé l'Apis, avant que de le conduire à Memphis on le nourrissoit pendant quarante jours dans la ville du Nil. Des femmes avoient seules l'honneur de le visiter & de le servir : elles se présentoient au divin taureau dans un deshabillé dont les prêtres auroient mieux connu les avantages que le dieu. Après la quarantaine on lui faisoit une niche dorée dans une barque ; on l'y plaçoit, & il descendoit le Nil jusqu'à Memphis : là les prêtres l'alloient recevoir en pompe ; ils étoient suivis d'un peuple nombreux : les enfans assez heureux pour sentir son haleine, en recevoient le don des prédictions. On le conduisoit dans le temple d'Osiris, où il y avoit deux magnifiques étables : l'une étoit l'ouvrage de Psammeticus ; elle étoit soûtenue de statues colossales de douze coudées de hauteur ; il y demeuroit presque toûjours renfermé ; il ne se montroit guere que sur un préau, où les étrangers avoient la liberté de le voir. Si on le promenoit dans la ville, il étoit environné d'officiers qui écartoient la foule, & de jeunes enfans qui chantoient ses loüanges.

Selon les livres sacrés des Egyptiens, le dieu Apis n'avoit qu'un certain tems déterminé à vivre ; quand la fin de ce tems approchoit, les prêtres le conduisoient sur les bords du Nil, & le noyoient avec beaucoup de vénération & de cérémonies. On l'embaumoit ensuite ; on lui faisoit des obseques si dispendieuses, que ceux qui étoient commis à la garde du boeuf embaumé, s'y ruinoient ordinairement. Sous Ptolomée Lagus on emprunta cinquante talens pour célébrer les funérailles du boeuf Apis. Quand le boeuf Apis étoit mort & embaumé, le peuple le pleuroit, comme s'il eût perdu Osiris, & le deuil continuoit jusqu'à ce qu'il plût aux prêtres de montrer son successeur ; alors on se réjoüissoit, comme si le prince fût ressuscité, & la fête duroit sept jours.

Cambise roi de Perse, à son retour d'Ethiopie, trouvant le peuple Egyptien occupé à célébrer l'apparition d'Apis, & croyant qu'on se réjoüissoit du mauvais succès de son expédition, fit amener le prétendu dieu, qu'il frappa d'un coup d'épée dont il mourut : les prêtres furent fustigés, & les soldats eurent ordre de massacrer tous ceux qui célébreroient la fête.

Les Egyptiens consultoient Apis comme un oracle ; s'il prenoit ce qu'on lui présentoit à manger, c'étoit un bon augure ; son refus au contraire étoit un fâcheux présage. Pline, cet auteur si plein de sagesse & d'esprit, observe qu'Apis ne voulut pas manger ce que Germanicus lui offrit, & que ce prince mourut bientôt après ; comme s'il eût imaginé quelque rapport réel entre ces deux évenemens. Il en étoit de même des deux loges qu'on lui avoit bâties : son séjour dans l'une annonçoit le bonheur à l'Egypte ; & son séjour dans l'autre lui étoit un signe de malheur. Ceux qui le venoient consulter approchoient la bouche de son oreille, & mettoient les mains sur les leurs, qu'ils tenoient bouchées jusqu'à ce qu'ils fussent sortis de l'enceinte du temple. Arrivés-là, ils prenoient pour la réponse du dieu la premiere chose qu'ils entendoient.


APLAIGNERest, dans les Manufactures de Draperies, synonyme à lainer ou parer. Voyez LAINER.


APLAIGNEURS. m. ouvrier occupé, dans les Manufactures de draps ou autres étoffes en laine, à en tirer le poil au sortir des mains du Tisserand. Voy. LAINEUR.


APLANIRVoyez REGALER.


APLESTERou APLESTRER, c'est déplier & étendre les voiles, appareiller, les mettre en état de recevoir le vent lorsqu'on est prêt de partir. (Z)


APLIQUES. f. chez les Metteurs-en-oeuvre, c'est une plaque d'or ou d'argent en plein, dans laquelle on a fait plusieurs trous, autour de chacun desquels on sonde une sertissure qui se rabat sur les pierres, pour les retenir dans ces trous. Voyez SERTISSURE.


APLOMES. f. (Lith.) c'est ainsi qu'on appelle une nappe dont on couvre l'autel dans l'église greque.


APLUSTRES. m. (Hist. anc.) nom que les anciens donnoient à un ornement qu'on mettoit au plus haut des poupes. Eustathe interprete d'Homere, dit qu'il étoit fait de planches larges & bien travaillées ; & le pere Montfaucon donne pour exemple d'aplustre, cet instrument de bois que porte sur son épaule un Triton qui joue du cor, & qui orne le milieu de la troisieme poupe, qu'on voit tome IV. page 212. Pl. CXXXIII. On voit un autre aplustre, même tome, Pl. suivante ; celui-ci ne ressemble guere au précédent : d'ailleurs le premier aplustre, celui de la Pl. CXXXIII. n'occupe pas la partie la plus élevée de la poupe. Il y a d'habiles gens qui ont crû que l'aplustre étoit la flamme du vaisseau, ce qui sert à connoître la direction du vent. Je ne sai, dit le P. Montfaucon, si jamais ce mot a été employé dans le dernier sens : mais je suis sûr que plusieurs auteurs anciens l'ont pris dans le premier sens.


APOBATERION(Littérat.) , mot purement grec, & qui signifie un discours d'adieu.

Les anciens par ce terme entendoient tout poëme, compliment, ou discours qu'un personnage prêt à quitter sa patrie ou un pays étranger, adressoit à ses parens, amis, ou autres qui lui avoient fait bon accueil. Tel est l'adieu qu'Enée fait à Hélenus & à Andromaque dans le troisieme livre de l'Enéide.

Au contraire, le premier discours qu'on tenoit en entrant dans un pays ou au retour d'un voyage, se nommoit épibatérion. Voyez EPIBATERION. (G)


APOBOMIES(Myth.) de , dessous, & de , autel ; fêtes chez les Grecs, où l'on ne sacrifioit point sur l'autel, mais à plate-terre & sur le pavé.


APOCALYPSES. m. (Théol.) du grec , révélation ; c'est le nom du dernier livre canonique de l'Ecriture. Voyez CANON & BIBLE.

Il contient en vingt-deux chapitres une prophétie touchant l'état de l'Eglise, depuis l'Ascension de Jesus-Christ au ciel jusqu'au dernier jugement : & c'est comme la conclusion de toutes les saintes Ecritures, afin que les fideles reconnoissant la conformité des révélations de la nouvelle alliance avec les prédictions de l'ancienne, soient plus confirmés dans l'attente du dernier avenement de Jesus-Christ. Ces révélations furent faites à l'apôtre S. Jean durant son exil dans l'île de Pathmos, pendant la persécution de Domitien. Voyez REVELATION.

L'enchaînement d'idées sublimes & prophétiques qui composent l'Apocalypse, a toûjours été un labyrinthe pour les plus grands génies, & un écueil pour la plûpart des commentateurs. On sait par quelles rêveries ont prétendu l'expliquer Drabienis, Joseph Mede, le ministre Jurieu, le grand Newton lui-même. Les secrets qu'elle renferme, & l'explication frivole que tant d'auteurs ont tenté d'en donner, sont bien propres à humilier l'esprit humain.

On a long-tems disputé dans les premiers siecles de l'Eglise sur l'authenticité & la canonicité de ce livre : mais ces deux points sont aujourd'hui pleinement éclaircis. Quant à son authenticité, quelques anciens la nioient : Cérinthe, disoient-ils, avoit donné à l'Apocalypse le nom de saint Jean, pour donner du poids à ses rêveries, & pour établir le regne de Jesus-Christ pendant mille ans sur la terre après le jugement. Voyez MILLENAIRES. Saint Denys d'Alexandrie, cité par Eusebe, l'attribue à un personnage nommé Jean, différent de l'Evangéliste. Il est vrai que les plus anciennes copies greques, tant manuscrites qu'imprimées de l'Apocalypse, portent en tête le nom de Jean le divin. Mais on sait que les Peres grecs donnent par excellence ce surnom à l'apôtre S. Jean, pour le distinguer des autres évangélistes, & parce qu'il avoit traité spécialement de la divinité du Verbe. A cette raison l'on ajoûte, 1°. que dans l'Apocalypse S. Jean est nommément designé par ces termes : A Jean qui a publié la parole de Dieu, & qui a rendu témoignage de tout ce qu'il a vû de Jesus-Christ ; caracteres qui ne conviennent qu'à l'apôtre. 2°. Ce livre est adressé aux sept églises d'Asie, dont S. Jean avoit le gouvernement. 3°. Il est écrit de l'île de Pathmos, où S. Irenée, Eusebe, & tous les anciens conviennent que l'apôtre S. Jean fut relegué en 95, & d'où il revint en 98 : époque qui fixe encore le tems où l'ouvrage fut composé. 4°. Enfin plusieurs auteurs voisins des tems apostoliques, tels que saint Justin, S. Irenée, Origene, Victorin, & après eux une foule de peres & d'auteurs ecclésiastiques, l'attribuent à S. Jean l'Evangéliste. Voyez AUTHENTICITE & AUTHENTIQUE.

Quant à sa canonicité, elle n'a pas été moins contestée. S. Jérôme rapporte que dans l'église greque, même de son tems, on la révoquoit en doute. Eusebe & S. Epiphane en conviennent. Dans les catalogues des livres saints, dressés par le concile de Laodicée, par S. Grégoire de Nazianze, par S. Cyrille de Jérusalem, & par quelques autres auteurs grecs, il n'en est fait aucune mention. Mais on l'a toûjours regardé comme canonique dans l'église latine. C'est le sentiment de S. Justin, de S. Irenée, de Théophile d'Antioche, de Méliton, d'Apollonius, & de Clément Alexandrin. Le troisieme concile de Carthage, tenu en 397, l'inséra dans le canon des Ecritures, & depuis ce tems-là l'église d'orient l'a admis comme celle d'occident.

Les Alogiens, hérétiques du deuxieme siecle, rejettoient l'Apocalypse, dont ils tournoient les révélations en ridicule, surtout celles des sept trompettes, des quatre anges liés sur l'Euphrate, &c. S. Epiphane répondant à leurs invectives, observe que l'Apocalypse n'étant pas une simple histoire, mais une prophétie, il ne doit pas paroître étrange que ce livre soit écrit dans un style figuré, semblable à celui des prophetes de l'ancien Testament.

La difficulté la plus spécieuse qu'ils opposassent à l'authenticité de l'Apocalypse, étoit fondée sur ce qu'on lit au ch. xj. v. 18. Ecrivez à l'ange de l'église de Thyatire. Or, ajoûtoient-ils, du tems de l'apôtre S. Jean il n'y avoit nulle église chrétienne à Thyatire. Le même S. Epiphane convient du fait, & répond que l'apôtre parlant d'une chose future, c'est-à-dire de l'église qui devoit être un jour établie à Thyatire, en parle comme d'une chose présente & accomplie, suivant l'usage des prophetes. Quelques modernes ajoûtent, que du tems de S. Epiphane le catalogue des évêques & les autres actes qui prouvoient qu'il y avoit eu une église à Thyatire dès le tems des apôtres, étoient inconnus à ce pere, & que son aveu ne favorise point les Alogiens. Enfin Grotius remarque qu'encore qu'il n'y eût aucune église de Payens convertis à Thyatire quand S. Jean écrivit son Apocalypse, il y en avoit néanmoins une des Juifs, semblable à celle qui s'étoit établie à Thessalonique avant que S. Paul y prêchât.

Il y a eu plusieurs Apocalypses supposées. S. Clément dans ses hypotyposes parle d'une Apocalypse de S. Pierre ; & Sozomene ajoûte, qu'on la lisoit tous les ans vers Pâques dans les églises de la Palestine. Ce dernier parle encore d'une Apocalypse de S. Paul que les moines estimoient autrefois, & que les Cophtes modernes se vantent de posséder. Eusebe fait aussi mention de l'Apocalypse d'Adam ; S. Epiphane, de celle d'Abraham supposée par les hérétiques Séthiens, & des révélations de Seth & de Narie femme de Noé, par les Gnostiques. Nicéphore parle d'une Apocalypse d'Esdras ; Gratian & Cédrene d'une Apocalypse de Moyse ; d'une autre attribuée à S. Thomas ; d'une troisieme de S. Etienne ; & S. Jérôme d'une quatrieme, dont on faisoit auteur le prophete Elie. Porphyre dans la vie de Plotin, cite les Apocalypses de Zoroastre, de Zostrein, de Nicothée, d'Allogenes, &c. livres dont on ne connoît plus que les titres, & qui vraisemblablement n'étoient que des recueils de fables. Sixt. senens. lib. II. & VII. Dupin, dissert. praelim. tom. III. & bibliot. des aut. ecclésiast. (G)


APOCHYLINNEen Pharmacie, suc végétal épaissi, que l'on appelle dans les boutiques suc épaissi. Voyez SUC EPAISSI.


APOCINOSnom d'une danse ancienne dont il ne nous est resté que le nom.


APOCOPES. f. (Gramm.) figure de diction qui se fait lorsqu'on retranche quelque lettre ou quelque syllabe à la fin d'un mot, comme dans ces quatre impératifs, dic, duc, fac, fer, au lieu de dice, duce, &c. ingenî pour ingenii, negotî pour negotii, &c.

Ce mot vient de , qui est composé de la préposition , & qui répond à l'a ou ab des Latins & de , je coupe, je retranche. (F)


APOCRÉASS. f. (Lithurgie.) c'est la semaine qui répond à celle que nous appellons la septuagésime. Les Grecs l'appellent apocréas, ou privation de chair, parce qu'après le dimanche qui la suit on cesse de manger de la chair, & l'on use de laitage jusqu'au second jour après la quinquagésime, que commence le grand jeûne de carême. Pendant l'apocréas, on ne chante ni triode ni alleluia. Dict. de Trév.


APOCRISIAIRES. m. dans l'Histoire ancienne, c'étoit un officier établi pour porter & faire les messages, intimer les ordres, ou déclarer les réponses d'un prince ou d'un empereur.

Ce mot est formé du grec , responsum, réponse ; d'où vient qu'il s'appelle souvent en latin responsalis, porteur de réponses.

Cet officier devint ensuite chancelier de l'empereur & garda les sceaux. Nous trouvons quelquefois dans un latin barbare asecreta, secrétaire, pour apocrisiarius. Zozime le définit un secrétaire des affaires étrangeres. C'est ce que Vopiscus, dans la vie d'Aurélien, appelle Notarius secretorum. Voyez SECRETAIRE, &c.

Les patriarches donnerent ensuite ce nom aux diacres qu'ils députoient pour les intérêts de leurs églises, & aux ecclésiastiques qui étoient envoyés de Rome pour traiter des affaires du saint siége : car outre les soûdiacres & les défenseurs que les papes envoyoient de tems en tems dans les provinces pour y exécuter leurs ordres, ils avoient quelquefois un nonce ordinaire résident à la cour impériale, que les Grecs appelloient Apocrisiaire, & les Latins Responsalis ; parce que son emploi n'étoit autre que d'exposer au prince les intentions du pape, & au pape les volontés de l'empereur, & les réponses réciproques de l'un & de l'autre sur ce qu'il avoit à négocier : de sorte que ces Apocrisiaires étoient, à proprement parler, ce que sont les ambassadeurs ordinaires des souverains & les nonces du pape auprès des princes. Saint Grégoire le grand avoit exercé cet emploi avant que d'être pape, & plusieurs autres l'ont aussi exercé avant leur pontificat. Les Apocrisiaires n'avoient aucune jurisdiction à Constantinople (non plus que les nonces n'en ont point en France), si ce n'étoit qu'ils fussent aussi délégués du pape pour le jugement de quelques causes d'importance. Quoiqu'ils fussent nonces du pape, ils cédoient néanmoins aux évêques ; comme il parut au concile de Constantinople en 536, où Pélage, Apocrisiaire du pape Agapet, & le premier de ses nonces apostoliques qu'on trouve dans l'histoire, souscrivit après les évêques. Ces Apocrisiaires étoient toûjours des diacres, & jamais des évêques ; car ceux-ci n'étoient employés qu'aux ambassades extraordinaires, ou aux légations. Nous avons remarqué que les patriarches en Orient avoient leur Apocrisiaire. Ainsi dans le synode tenu à Constantinople l'an 439, Dioscore, Apocrifiaire de l'église d'Alexandrie, soûtint la primatie de son prélat contre celui d'Antioche. On trouve aussi des exemples d'Apocrisiaires que les papes ont envoyés aux patriarches d'Orient. On a encore donné le nom d'Apocrisiaire aux chanceliers, que l'on appelloit aussi Référendaires. Ainsi S. Oüen est appellé Apocrisiaire du roi ; & Aimoin dit qu'il étoit Référendaire. Voyez LEGAT. Ducange, Gloss. latinit. Thomass. Discipl. ecclesiast.

Bingham dans ses Antiquités ecclésiastiques, observe que la fonction d'Apocrisiaire des papes peut avoir commencé vers le tems de Constantin, ou peu après la conversion des empereurs, qui dut nécessairement établir des correspondances entre eux & les souverains pontifes : mais on n'en voit guere le nom que vers le regne de Justinien, qui en fait mention dans sa Novelle VI. ch. ij. par laquelle il paroît que tous les évêques avoient de semblables officiers. A leur imitation les monasteres eurent aussi dans la suite des apocrisiaires, qui ne résidoient pourtant pas perpétuellement dans la ville impériale ou à la cour, comme ceux du pape ; mais qu'on déléguoit dans le besoin pour les affaires que le monastere, ou quelqu'un des moines, pouvoit avoir au-dehors ou devant l'évêque. Dans ces cas Justinien, dans sa Novelle LXXIX, veut que les ascetes & les vierges consacrées à Dieu comparoissent & répondent par leurs apocrisiaires. Ils étoient quelquefois clercs, comme il paroît par les actes du V. concile général, où Théonas se nomme prêtre & apocrisiaire du monastere du mont Sinaï. C'étoit à-peu-près ce que sont aujourd'hui les procureurs dans les monasteres, ou même les procureurs généraux des ordres religieux. Suicer ajoûte, que les empereurs de Constantinople ont aussi donné quelquefois à leurs ambassadeurs ou envoyés le titre d'apocrisaire ou apocrisiaire. Bingham, Orig. eccles. lib. III. c. xiij. §. 6.

L'hérésie des Monothélites & celle des Iconoclastes qui la suivit, abrogerent l'usage où la cour de Rome étoit d'avoir un apocrisiaire à Constantinople. (G)


APOCROUSTIQUES(Medecine.) épithete que l'on donne aux remedes dont la vertu est astringente & répercussive. Ce mot est formé de , je réprime.


APOCRYPHE(Théologie.) du grec , terme qui dans son origine & selon son étymologie, signifie caché.

En ce sens on nommoit apocryphe tout écrit gardé secrettement & dérobé à la connoissance du public. Ainsi les livres des Sibylles à Rome, confiés à la garde des Decemvirs, les annales d'Egypte & de Tyr, dont les prêtres seuls de ces royaumes étoient dépositaires, & dont la lecture n'étoit pas permise indifféremment à tout le monde, étoient des livres apocryphes. Parmi les divines Ecritures un livre pouvoit être en même tems, dans ce sens général, un livre sacré & divin, & un livre apocryphe : sacré & divin, parce qu'on en connoissoit l'origine, qu'on savoit qu'il avoit été révélé : apocryphe, parce qu'il étoit déposé dans le temple, & qu'il n'avoit point été communiqué au peuple ; car lorsque les Juifs publioient leurs livres sacrés, ils les appelloient canoniques & divins, & le nom d'apocryphes restoit à ceux qu'ils gardoient dans leurs archives. Toute la différence consistoit en ce qu'on rendoit les uns publics, & qu'on n'en usoit pas de même à l'égard des autres, ce qui n'empêchoit pas qu'ils ne pûssent être sacrés & divins, quoiqu'ils ne fussent pas connus pour tels du public ; ainsi avant la traduction des Septante, les livres de l'ancien Testament pouvoient être appellés apocryphes par rapport aux Gentils ; & par rapport aux Juifs la même qualification convenoit aux livres qui n'étoient pas insérés dans le canon ou le catalogue public des Ecritures. C'est précisément ainsi qu'il faut entendre ce que dit saint Epiphane, que les livres apocryphes ne sont point déposés dans l'arche parmi les autres écrits inspirés.

Dans le Christianisme, on a attaché au mot apocryphe une signification différente, & on l'employe pour exprimer tout livre douteux, dont l'auteur est incertain & sur la foi duquel on ne peut faire fonds ; comme on peut voir dans saint Jérome & dans quelques autres peres Grecs & Latins plus anciens que lui : ainsi l'on dit un livre, un passage, une histoire apocryphe, &c. lorsqu'il y a de fortes raisons de suspecter leur authenticité, & de penser que ces écrits sont supposés. En matiere de doctrine, on nomme apocryphes les livres des hérétiques & des schismatiques, & même des livres qui ne contiennent aucune erreur, mais qui ne sont point reconnus pour divins, c'est-à-dire qui n'ont été compris ni par la synagogue ni par l'Eglise, dans le canon, pour être lûs en public dans les assemblées des Juifs ou des Chrétiens. Voyez CANON, BIBLE.

Dans le doute si un livre est canonique ou apocryphe, s'il doit faire autorité ou non en matiere de religion, on sent la nécessité d'un tribunal supérieur & infaillible pour fixer l'incertitude des esprits ; & ce tribunal est l'Eglise, à qui seule il appartient de donner à un livre le titre de divin, en déclarant que le nom de son auteur peut le faire recevoir comme canonique, ou de le rejetter comme supposé.

Les Catholiques & les Protestans ont eu des disputes très-vives sur l'autorité de quelques livres que ces derniers traitent d'apocryphes, comme Judith, Esdras, les Macchabées : les premiers se sont fondés sur les anciens canons ou catalogues, & sur le témoignage uniforme des peres ; les autres sur la tradition de quelques églises. M. Simon, en particulier, soûtient que les livres rejettés par les Protestans ont été certainement lûs en Grec dans les plus anciennes églises, & même par les apôtres, ce qu'il infere de plusieurs passages de leurs écrits. Il ajoûte que l'Eglise les reçut des Grecs Hellenistes, avec les autres livres de l'Ecriture, & que si l'église de Palestine refusa toûjours de les admettre, c'est seulement parce qu'ils n'étoient pas écrits en hébreu comme les autres livres qu'elle lisoit, non qu'elle les regardât comme apocryphes, c'est-à-dire supposés. A ce raisonnement les Protestans opposent l'autorité des écrivains de tous les siecles, qui distinguent précisément les livres en question, de ceux qui étoient compris dans le canon des Juifs.

Les livres reconnus pour apocryphes par l'église catholique, qui sont véritablement hors du canon de l'ancien Testament, & que nous avons encore aujourd'hui, sont l'oraison de Manassès, qui est à la fin des Bibles ordinaires, le IIIe & le IVe livres d'Esdras, le IIIe & le IVe des Macchabées. A la fin du livre de Job, on trouve une addition dans le grec qui contient une généalogie de Job, avec un discours de la femme de Job ; on voit aussi, dans l'édition greque, un Pseaume qui n'est pas du nombre des CL. & à la fin du livre de la Sagesse, un discours de Salomon tiré du viije chap. du IIIe livre des Rois. Nous n'avons plus le livre d'Enoch, si célebre dans l'antiquité ; & selon saint Augustin, on en supposa un autre plein de fictions que tous les Peres, excepté Tertullien, ont regardé comme apocryphe. Il faut aussi ranger dans la classe des ouvrages apocryphes, le livre de l'assomption de Moyse, & celui de l'assomption ou apocalypse d'Elie. Quelques Juifs ont supposé des livres sous le nom des Patriarches, comme celui des générations éternelles, qu'ils attribuoient à Adam. Les Ebionites avoient pareillement supposé un livre intitulé l'échelle de Jacob, & un autre qui avoit pour titre la généalogie des fils & filles d'Adam ; ouvrages imaginés ou par les Juifs, amateurs des fictions, ou par les hérétiques, qui, par cet artifice, semoient leurs opinions, & en recherchoient l'origine jusque dans une antiquité propre à en imposer à des yeux peu clairvoyans. Voyez ACTES DES APOTRES. (G)


APOCYNapocynum, s. m. (Hist. nat. & bot.) genre de plante à fleurs monopétales, & faites en forme de cloche ; ces fleurs ne sont pas tout-à-fait semblables dans toutes les especes ; il faut décrire séparément les deux principales différences que l'on y remarque.

1°. Il y a des especes d'apocyn dont les fleurs sont des cloches découpées. Il s'éleve du fond du calice un pistil qui tient à la partie postérieure de la fleur comme un clou, & qui devient dans la suite un fruit à deux gaînes, qui s'ouvre dans sa longueur de la base à la pointe, & qui renferme plusieurs semences garnies d'une aigrette, & attachées à un placenta raboteux.

2°. On trouve quelques autres especes d'apocyn dont les fleurs sont des cloches renversées & découpées. Il s'éleve du milieu de ces fleurs un chapiteau fort joli qui est formé par cinq cornets disposés en rond. Ce chapiteau reçoit dans son creux le pistil qui sort du centre du calice. Lorsque la fleur est passée, ce pistil devient un fruit à deux gaînes ; elles s'ouvrent d'un bout à l'autre, & laissent voir un placenta feuilleté sur lequel sont couchées par écailles plusieurs semences chargées d'une aigrette ; ajoûtez aux caracteres de ce genre, que ces especes rendent du lait. Tournefort, Inst. rei herb. Voy. PLANTE. (I)

Harris prétend que l'apocyn est semblable à l'ipécacuana, qu'il purge violemment par haut & par bas, & qu'il est impossible de distinguer l'apocyn en poudre du véritable ipécacuana, quoique ces deux racines entieres different par la couleur des filets qui les traversent. (N)


APODICTIQUEce mot est formé du grec , je démontre, je montre clairement ; c'est en Logique, un argument ou syllogisme clair, une preuve convaincante, ou démonstration d'une chose. V. DEMONSTRATION, ARGUMENT, &c. (X)


APODIOXIS(Belles-Lettres.) figure de rhétorique par laquelle on rejette avec indignation un argument ou une objection comme absurde.


APODIPNES. m. de , après le repas du soir (Lithurg.) ; office de l'église Greque, qui répond à ce qu'on appelle complies dans notre église. Il y a le grand apodipne & le petit ; celui-ci est pour le courant de l'année ; le grand n'est que pour le carême.


APODYTERION(Histoire anc.) piece des anciens Thermes ou de la Palestre, dans laquelle on quittoit ses habits, soit pour le bain, soit pour les exercices de la Gymnastique : à en juger par les Thermes de Dioclétien avant leur démolition, l'apodyterion étoit un grand salon octogone de figure oblongue, dont chaque face formoit un demi-cercle, & dont la voûte étoit soûtenue par plusieurs colonnes d'une hauteur extraordinaire. Mém. de l'Acad. tom. I. (G)


APOGÉES. m. c'est, en Astronomie, le point de l'orbite du soleil ou d'une planete le plus éloigné de la terre. Voyez ORBITE & TERRE.

Ce mot est composé de , ab, & de , ou , terra, terre ; apogée signifie aussi grotte ou voûte soûterraine.

L'apogée est un point dans les cieux, placé à une des extrémités de la ligne des apsides. Lorsque le soleil ou une planete est à ce point, elle se trouve alors à la plus grande distance de la terre où elle puisse être pendant sa révolution entiere. Voyez APSIDE, TERRE, PLANETE, &c.

Le point opposé à l'apogée s'appelle périgée. Voyez PERIGEE.

Les anciens Astronomes qui plaçoient la terre au centre du monde, considéroient particulierement l'apogée & le périgée. Quant aux modernes, qui font occuper au soleil le lieu que les anciens avoient accordé à la terre, il n'est plus question pour eux d'apogée & de périgée, mais d'aphélie & de périhélie. L'apogée du soleil est la même chose que l'aphélie de la terre, & le périgée du soleil est la même chose que le périhélie de la terre. Voyez APHELIE & PERIHELIE ; voyez aussi SYSTEME.

On peut déterminer la quantité du mouvement de l'apogée par deux observations faites en deux tems fort éloignés l'un de l'autre ; on réduira en minutes la différence donnée par les deux observations, & on divisera les minutes par le nombre d'années comprises entre les deux observations : le quotient de cette division sera le mouvement annuel de l'apogée. Ainsi Hipparque ayant observé, 140 ans avant Jesus-Christ, que l'apogée du soleil étoit au 5d 30' des)(; & Riccioli ayant observé en l'an de Jesus-Christ 1646, qu'il étoit au 7d 26' du , il s'ensuit que le mouvement annuel de l'apogée est de 1' 2", puisqu'en divisant la différence 31d 56' 15" réduite en secondes, par l'intervalle 1785 des années écoulées entre les deux observations, il vient pour quotient 1' 2", comme le portent les tables de M. de la Hire.

La seule de toutes les planetes qui ait un apogée & un périgée véritable, est la lune, parce que cette planete tourne véritablement autour de la terre, cet apogée, aussi-bien que le périgée, a un mouvement très-sensible d'occident en orient, selon la suite des signes, de sorte que l'axe ou la ligne des apsides ne se retrouve au même point du ciel qu'après un intervalle d'environ neuf ans.

De plus, le mouvement de l'apogée de la lune est sujet à une inégalité considérable ; car lorsque cet apogée se trouve dans la ligne des syzigies, il paroit se mouvoir de même que le soleil, selon la suite des signes : mais dans les quadratures, il est au contraire rétrograde. Or les mouvemens de l'apogée, soit qu'il s'accélere ou qu'il rétrograde, ne sont pas toûjours égaux : car il doit arriver lorsque la lune est dans l'un ou l'autre quartier, que la ligne de son apogée s'avancera bien plus lentement qu'à l'ordinaire, ou qu'il deviendra rétrograde ; au lieu que si la lune est en conjonction, le mouvement de l'apogée sera le plus rapide qu'on pourra observer. Voyez APSIDE. Inst. Ast. de M. le Monnier. La cause du mouvement de l'apogée de la lune est le sujet d'une grande question qui n'est pas encore décidée au moment que j'écris ceci. Voyez ATTRACTION & LUNE. (O)


APOGRAPHES. m. (Grammaire.) ce mot vient de , préposition greque qui répond à la préposition latine à ou de, qui marque dérivation, & de , scribo ; ainsi apographe est un écrit tiré d'un autre ; c'est la copie d'un original. Apographe est opposé à autographe. (F)


APOINTERv. act. en terme de Tondeur, c'est faire des points d'aiguille à une piece de drap sur le manteau ou côté du chef qui enveloppe la piece, pour l'empêcher de se déplier.


APOLITIQUES. m. (Lith.) c'est dans l'église greque une sorte de refrein qui termine les parties considérables de l'office divin. Ce refrein change selon les tems. Le terme apolitique est composé de & de , je délie, je finis, &c.


APOLLINAIREou APOLLINARISTES, s. m. pl. (Théol.). Les Apollinaires sont d'anciens hérétiques qui ont prétendu que Jesus-Christ n'avoit point pris un corps de chair tel que le nôtre, ni une ame raisonnable telle que la nôtre.

Apollinaire de Laodicée, chef de cette secte, donnoit à Jesus-Christ une espece de corps, dont il soûtenoit que le Verbe avoit été revêtu de toute éternité : il mettoit aussi de la différence entre l'ame de Jesus-Christ & ce que les Grecs appellent , esprit, entendement ; en conséquence de cette distinction, il disoit que le Christ avoit pris une ame, mais sans l'entendement ; défaut, ajoûtoit-il, suppléé par la présence du Verbe. Il y en avoit même entre ses sectateurs qui avançoient positivement que le Christ n'avoit point pris d'ame humaine.

Selon l'évêque Pearson, écrivain Anglois, " la différence entre l'hérésie des Apollinaires, & celle des Ariens, est, que les Apollinaires soûtenoient que Dieu se revêtit en même tems de la nature de la chair & de l'ame de l'homme, au lieu que les Ariens ne lui attribuoient que la nature de la chair. Il y a deux choses à remarquer dans l'hérésie des Apollinaires. 1°. Un sentiment philosophique qui consiste à distinguer trois parties dans l'homme, l'ame, l'entendement, & le corps : 2°. un sentiment théologique, par lequel il paroît qu'ils composoient la nature humaine de Jesus-Christ d'un corps & d'une ame tels que nous les avons, à l'exception que l'ame humaine prise par Jesus-Christ, étoit séparée de notre entendement ". Nous remarquerons que l'évêque Péarson semble s'écarter ici de l'opinion commune des auteurs qui ont travaillé sur l'histoire ecclésiastique, en supposant qu'Apollinaire accordoit à Jesus-Christ un vrai corps tel que le nôtre. Voyez Niceph. hist. ecclés. liv. II. ch. xij. Vincent de Lerins.

Apollinaire prétendoit encore que les ames étoient engendrées par d'autres ames, comme il en est des corps. Théodoret l'accuse d'avoir confondu les personnes en Dieu, & d'être tombé dans l'erreur des Sabelliens. S. Basile lui reproche d'un autre côté d'abandonner le sens littéral de l'Ecriture, & de rendre les Livres saints entierement allégoriques.

L'hérésie d'Apollinaire consistoit, comme on voit, dans des distinctions très-subtiles : c'étoit une question compliquée de Métaphysique, de Grammaire, & de Théologie, à laquelle il n'étoit guere possible que le commun des fideles entendît quelque chose ; cependant l'histoire ecclésiastique nous apprend qu'elle fit des progrès considérables en Orient. La plûpart des églises de cette partie du monde en furent infectées. Elle fut anathématisée dans un concile tenu à Alexandrie sous S. Athanase en 362, & dans ceux d'Antioche en 378, & de Rome en 382.

Cette hérésie eut plusieurs branches, dont la principale fut celle des Democrites. Voyez DEMOCRITES. (G)

APOLLINAIRES, (Jeux) ludi apollinares, (Hist. anc. & Myth.) jeux qui se célébroient tous les ans à Rome en l'honneur d'Apollon, le cinquieme jour de Juillet, dans le grand cirque, & sous la direction du préteur. Une tradition fabuleuse dit qu'à la premiere célébration de ces jeux, le peuple étonné d'une invasion soudaine des ennemis, fut contraint de courir aux armes ; mais qu'une nuée de fleches & de dards tombant sur les aggresseurs, ils furent dispersés, & que les Romains reprirent leurs jeux, après avoir remporté la victoire. (G)


APOLLONS. m. (Myth.) dieu des payens, singulierement revéré par les Grecs & par les Romains, qui le regardoient comme le chef des muses, l'inventeur des beaux arts, & le protecteur de ceux qui les cultivent. Cicéron distingue quatre Apollons : le premier & le plus ancien fut fils de Vulcain : le second naquit de Corybas, dans l'île de Crete : le troisieme & le plus connu, passe pour fils de Jupiter & de Latone, & pour frere de Diane ; il naquit à Délos, ou vint de Scythie à Delphes : le quatrieme naquit parmi les Arcadiens, dont il fut le législateur, & s'appella Nomios. Sur les plaintes des divinités infernales à qui Esculape, fils d'Apollon, ravissoit leur proie, guérissant les malades par ses remedes, & ressuscitant même les morts, Jupiter ayant foudroyé l'habile medecin, on dit qu'Apollon vengea la mort de son fils sur les Cyclopes qui avoient forgé les foudres, & les détruisit à coups de fleches ; & que Jupiter courroucé de cette représaille, le chassa du ciel. Apollon chassé du ciel, s'en alla garder les troupeaux d'Admete, passa du service d'Admete à celui de Laomédon, s'occupa avec Neptune à faire de la brique, & à bâtir les murs de Troye, travail dont les deux dieux ne furent point payés ; & il erra quelque tems sur la terre, cherchant à se consoler de sa disgrace par des aventures galantes avec des mortelles aimables, dont ce dieu du bel esprit n'eut pas toûjours lieu d'être satisfait. Apollon fut dieu de la lumiere au ciel, & dieu de la poésie sur la terre. Tandis qu'il servoit Admette, Mercure, qui n'étoit encore qu'un enfant, le séduisit par le son de sa flûte, & détourna le troupeau qu'Admete lui avoit confié ; Apollon, au sortir de l'enchantement où l'avoient jetté les sons de Mercure, s'appercevant du vol, courut à son arc pour en punir Mercure : mais ne trouvant plus de fleches dans son carquois, il se mit à rire de la finesse du jeune fripon qui les lui avoit encore enlevées.


APOLLONIA(Géog. mod.) cap d'Afrique sur la côte de Guinée, un peu à l'occident ; Maty & Corneille le placent à l'orient du cap des trois Pointes, & proche la riviere de Mauca.


APOLLONIou APOLLONIENSIS, (Géog. anc.) ville de Sicile près de Léontine. Il y a un grand nombre de villes du même nom. On fait mention d'une Apollonie appellée Apollonia Mygdonia, ou de la contrée des Mygdons, dans la Macédoine ; c'est aujourd'hui Ceres, ou Seres, ou Asera, dans la Macédoine moderne, sur la riviere de Teratser : d'une Apollonie sur la côte occidentale de la Macédoine ancienne, ou de notre Albanie, qu'on appelle aujourd'hui Polina : d'une riviere de même nom, à l'embouchure de laquelle elle est située : d'une Apollonie située sur le mont Athos, & nommée dans notre Géographie Erisso : de deux Apollonies en Crete, dont l'une étoit nommée Eleuthera : d'une Apollonie surnommée la grande, Apollonia magna : ou Anthium, située dans une petite île du Pont-Euxin, proche de la Thrace, qui a maintenant nom Sissopoli, & qui est dans la Romanie sur la mer Noire : d'une Apollonie dans la Mysie, en Asie mineure, sur le Rhindans, qu'on soupçonne avoir été notre Lupadie en Anatolie, sur la riviere de Lupadie : d'une Apollonie en Asie mineure, entre Ephese & Thyatire : d'une Apollonie, qui a été aussi nommée Margion & Theodosiana, & qu'on place en Phrygie : d'une Apollonie de la Galatie, dans l'Asie mineure : d'une autre de la Palestine, près Joppé : d'une Apollonie de Syrie, près d'Apamée, au pié du mont Cassius : de celles de la Coelésyrie ou Syrie creuse ; de l'Assyrie, de la Cyrénaïque, de la Libye, qu'on appelle aujourd'hui Bonandraea, & qui est dans la contrée de Barca : du gouvernement appellé Apollopolytes nomus, &c. car il y a beaucoup d'autres Apollonies, outre celles que nous venons de nommer.


APOLLONIENadj. m. On désigne quelquefois l'hyperbole & la parabole ordinaire, par les noms d'hyperbole & de paraboles apolloniennes, ou d'Apollonius, pour les distinguer de quelques autres courbes d'un genre plus élevé, & auxquelles on a aussi donné le nom d'hyperbole & de parabole. Ainsi a x = y y désigne la parabole apollonienne ; a a = x y désigne l'hyperbole apollonienne : mais a a x = y3 désigne une parabole du 3e degré ; a3 = x y y désigne une hyperbole du même degré. Voyez PARABOLE & HYPERBOLE. On appelle la parabole & l'hyperbole ordinaires, parabole & hyperbole d'Apollonius, parce que nous avons de cet ancien géometre un traité des sections coniques fort étendu. Ce mathématicien qu'on appelle Apollonius Pergoeus, parce qu'il étoit de Perge en Pamphilie, vivoit environ 250 ans avant Jesus-Christ. Il ramassa sur les sections coniques, tout ce qu'avoient fait avant lui Aristée, Eudoxe de Cnide, Menoechme, Euclide, Conon, Trasidée, Nicotele : ce fut lui qui donna aux trois sections coniques le nom de parabole, d'ellipse, & d'hyperbole, qui nonseulement les distinguent, mais encore les caractérisent. Voyez leurs articles. Il avoit fait huit livres qui parvinrent entiers jusqu'au tems de Pappus d'Alexandrie, qui vivoit sous Théodose ; on ne put retrouver que les quatre premiers livres, jusqu'en 1658, que le fameux Borelli trouva dans la bibliotheque de Florence un manuscrit arabe qui contenoit, outre ces quatre premiers, les trois suivans : aidé d'un professeur d'arabe, qui ne savoit point de Géométrie, il traduisit ces livres, & les donna au public. Voyez l'éloge de M. Viviani, par M. de Fontenelle, Hist. acad. 1703.

Il faut que le huitieme livre d'Apollonius ait été retrouvé depuis ; car je trouve dans l'éloge de M. Halley, par M. de Mairan (Hist. acad. 1742), que M. Halley donna en 1717 une traduction latine des huit livres d'Apollonius. (O)


APOLLONIES(Mytholog.) fêtes instituées en l'honneur d'Apollon à Egialée, où l'on dit qu'il se retira avec Diane sa soeur après la défaite de Python, & d'où l'on ajoûte qu'ils furent chassés par les habitans. Mais peu de tems après la retraite des deux divinités en Crete, où elles se réfugierent, la peste s'engendra dans Egialée, & y fit de grands ravages. L'oracle consulté sur les moyens d'écarter ce fléau, répondit qu'il falloit députer en Crete sept jeunes filles & sept jeunes garçons, afin d'engager Apollon & Diane à revenir dans la ville ; ce qui fut exécuté : les deux divinités revinrent, & la peste cessa. Ce fut en mémoire de cet évenement que dans les fêtes appellées apollonies, on faisoit sortir de la ville tous les ans le même nombre de filles & de garçons, comme s'ils alloient encore chercher Apollon & Diane.


APOLOGÉTIQUEadj. (Théol.) écrit ou discours fait pour excuser ou justifier une personne ou une action. Voyez APOLOGIE.

L'apologétique de Tertullien est un ouvrage plein de force & d'élévation, digne en un mot du caractere véhément de son auteur. Il y adresse la parole, selon quelques-uns, aux magistrats de Rome, parce que l'empereur Severe, dont la persécution commençoit, étoit alors absent de cette ville ; & selon d'autres, à ceux qui tenoient les premieres places dans l'empire, c'est-à-dire aux gouverneurs des provinces.

Tertullien s'y attache à montrer l'injustice de la persécution contre une religion qu'on vouloit condamner sans la connoître & sans l'entendre ; à réfuter & l'idolatrie & les reproches odieux que les idolatres faisoient aux Chrétiens, d'égorger des enfans dans leurs mysteres, d'y manger de la chair humaine, d'y commettre des incestes, &c. Pour répondre au crime qu'on leur imputoit de manquer d'amour & de fidélité pour la patrie, sous prétexte qu'ils refusoient de faire les sermens accoûtumés & de jurer par les dieux tutélaires de l'Empire, il prouve la soûmission des Chrétiens aux empereurs. Il en expose aussi la doctrine autant qu'il étoit nécessaire pour la disculper, mais sans en dévoiler trop clairement les mysteres, pour ne pas violer la religion du secret, si expressément recommandée dans ces premiers tems. Cet écrit, tout solide qu'il étoit, n'eut point d'effet, & la persécution de Severe n'en fut pas moins violente. (G)


APOLOGIES. f. (Littérat.) apologia, mot originairement grec, , discours ou écrit pour la défense ou la justification d'un accusé : toute apologie suppose une accusation bien ou mal fondée ; & le but de l'apologie est de montrer que l'accusation est fausse ou mal-à-propos intentée.

Les persécutions que l'Eglise eut à essuyer depuis sa naissance & pendant les trois premiers siecles, obligerent souvent les Chrétiens de présenter aux empereurs, au sénat & aux magistrats payens, des apologies pour la religion chrétienne, pour répondre aux fausses imputations par lesquelles on s'efforçoit de les noircir, comme ennemis des dieux, des puissances, & perturbateurs du repos public.

Les principales de ces apologies sont celles de Quadrat & d'Aristide : les deux apologies de S. Justin martyr, celle d'Athenagore, l'apologétique de Tertullien, & le dialogue de Minutius Felix, intitulé Octavius.

Quadrat, qui étoit évêque d'Athenes, composa son apologie pour les Chrétiens vers l'an de Jesus-Christ 124, & la présenta dans le même tems à l'empereur Adrien, qui parcouroit alors les provinces de l'Empire, & entr'autres la Grece. Eusebe nous en a conservé quelques fragmens ; mais il ne nous reste rien de celle qu'Aristide, athénien & philosophe chrétien, écrivit peu après celle de Quadrat.

Des deux apologies qu'écrivit S. Justin martyr, la premiere est de l'an de Jesus-Christ 150, & porte ce titre : " A l'empereur Titus-Elius-Adrien-Antonin, pieux, auguste, César ; & à son fils vérissime philosophe ; & à Lucius philosophe, fils de César, selon la nature, & de l'empereur par adoption, amateur de la science ; & au sacré sénat, & à tout le peuple romain. Pour les personnes de toutes conditions qui sont haïes & maltraitées injustement, Justin, fils de Priscus Bacchius, natif de Flavia, ou de Naples en Palestine, l'un de ces persécutés, présente cette requête ". Après un préambule convenable, ce saint docteur montre l'injustice qu'il y a de condamner les Chrétiens sur le seul nom, & détruit le reproche d'athéisme qu'on leur faisoit, par l'exposition de quelques points de leur doctrine, de leur morale, & de leur culte extérieur. Il répond ensuite aux accusations contre leurs moeurs, & les retorque avec force contre celles des Payens. Enfin il la termine par la copie d'une lettre d'Adrien, où cet empereur défendoit qu'on persécutât les Chrétiens.

Ce Pere composa sa seconde apologie seize ans après, & elle n'a pour but que de détruire les calomnies infamantes dont on chargeoit les Chrétiens. Elle est adressée au sénat de Rome, & n'eut pas plus d'effet que la premiere.

On croit que l'apologie d'Athenagore est aussi de l'an 166, & qu'il l'adressa aux deux empereurs Marc Aurele & Lucius Verus. Il y suit à-peu-près la même méthode que S. Justin, & repousse fortement trois accusations, l'athéisme, le repas de chair humaine, & les incestes.

Quant à l'apologie de Tertullien, nous en avons parlé au mot APOLOGETIQUE.

L'Octavius de Minutius Felix, orateur romain, qui vivoit dans le troisieme siecle, est un dialogue sur la vérité de la religion chrétienne, où par occasion l'auteur répond aux calomnies des Juifs & des Payens. Le caractere de tous ces ouvrages est une noble & solide simplicité jointe à beaucoup de véhémence, sur-tout dans Athenagore & dans Tertullien. (G)


APOLOGUES. m. (Belles-Lettr.) fable morale, ou espece de fiction, dont le but est de corriger les moeurs des hommes.

Jules Scaliger fait venir ce mot d', ou discours qui contient quelque chose de plus que ce qu'il présente d'abord. Telles sont les fables d'Esope : aussi donne-t-on communément l'épithete d'oesopicae aux fables morales.

Le P. de Colonia prétend qu'il est essentiel à la fable morale ou à l'apologue, d'être fondé sur ce qui se passe entre les animaux ; & voici la distinction qu'il met entre l'apologue & la parabole. Ce sont deux fictions, dont l'une peut être vraie, & l'autre est nécessairement fausse ; car les bêtes ne parlent point. Voyez PARABOLE. Cependant presque tous les auteurs ne mettent aucune distinction entre l'apologue & la fable, & plusieurs fables ne sont que des paraboles.

Feu M. de la Barre, de l'académie des Belles-Lettres, a été encore plus loin que le P. de Colonia, en soûtenant que non-seulement il n'y avoit nulle vérité, mais encore nulle vraisemblance dans la plûpart des apologues. " J'entends, dit-il, par apologue, cette sorte de fables où l'on fait parler & agir des animaux, des plantes, &c. Or il est vrai de dire que cet apologue n'a ni possibilité, ni ce qu'on nomme proprement vraisemblance. Je n'ignore pas, ajoûte-t-il, qu'on y demande communément une sorte de vraisemblance : on n'y doit pas supposer que le chêne soit plus petit que l'hyssope, ni le gland plus gros que la citrouille, & l'on se moqueroit avec raison d'un fabuliste qui donneroit au lion la timidité en partage, la douceur au loup, la stupidité au renard, la valeur ou la férocité à l'agneau. Mais ce n'est point assez que les fables ne choquent point la vraisemblance en certaines choses, pour assûrer qu'elles sont vraisemblables ; elles ne le sont pas, puisqu'on donne aux animaux & aux plantes des vertus & des vices, dont ils n'ont pas même toûjours les dehors. Quand on n'y feroit que prêter la parole à des êtres qui ne l'ont pas, c'en seroit assez ; or on ne se contente pas de les faire parler sur ce qu'on suppose qui s'est passé entr'eux ; on les fait agir quelquefois en conséquence des discours qu'ils se sont tenus les uns aux autres. Et ce qu'il y a de remarquable, on est si peu attaché à la premiere sorte de vraisemblance, on l'exige avec si peu de rigueur, que l'on y voit manquer à certain point sans en être touché, comme dans la fable où l'on représente le lion faisant une société de chasse avec trois animaux, qui ne se trouvent jamais volontiers dans sa compagnie, & qui ne sont ni carnaciers ni chasseurs.

Vacca & capella, & patiens ovis injuriae, &c.

De sorte qu'on pourroit dire qu'on n'y demande proprement qu'une autre espece de vraisemblance, qui, par exemple, dans la fable du loup & de l'agneau, consiste en ce qu'on leur fait dire ce que diroient ceux dont ils ne sont que les images. Car il est vrai que celle-ci n'y sauroit jamais manquer, mais il est également vrai qu'elle n'appartient pas à l'apologue consideré seul & dans sa nature : c'est le rapport de la fable avec une chose vraie & possible qui lui donne cette vraisemblance, ou bien, elle est vraisemblable comme image sans l'être en elle-même ". Mém. de l'Acad. tom. IX.

Ces raisons paroissent démonstratives : mais la derniere justifie le plaisir qu'on prend à la lecture des apologues : quoiqu'on les sache dénués de possibilité, & souvent de vraisemblance, ils plaisent au moins comme images & comme imitations. (G)


APOLTRONIEv. act. terme de Fauconnerie, se dit d'un oiseau auquel on a coupé les ongles des pouces ou doigts de derriere, qui sont comme les clés de sa main, & ses armes, de sorte qu'il n'est plus propre pour le gibier.


APOMECOMÉTRIES. f. (Géom.) est l'art ou la maniere de mesurer la distance des objets éloignés. Voyez DISTANCE. Ce mot vient des mots grecs , longueur, & , mesurer. (O)


APOMYUSsurnom que les Eléens donnerent à Jupiter, pour avoir chassé les mouches qui incommodoient Hercule pendant un sacrifice ; à peine Jupiter fut-il invoqué, que les mouches s'envolerent au-de-là de l'Alphée. Ce fut en mémoire de ce prodige, que les Eléens firent tous les ans un sacrifice à Jupiter apomyus, pour être débarrassés de ces insectes.


APONfontaine de Padoue, dont Claudien nous assûre que les eaux rendoient la parole aux muets, & guérissoient bien d'autres maladies.


APONEVROLOGIES. f. c'est la partie de l'Anatomie dans laquelle on donne la description des aponevroses. Voyez APONEVROSE.

Ce mot est composé du grec , de , nerf, & de , traité, c'est-à-dire traité des nerfs, parce que les anciens se servoient du même mot nerf, pour exprimer les tendons, les ligamens, & les nerfs ; on y ajoûtoit des caracteres particuliers. Voyez ANATOMIE & NERF. (L)


APONEVROSES. f. , des mots grecs , & , nerf ; c'est, parmi les Anatomistes, l'extension ou l'expansion d'un tendon à la maniere d'une membrane. Voyez TENDON & MEMBRANE ; parce que les anciens attachoient au mot nerf, l'idée des nerfs, des tendons, & des ligamens, en y ajoûtant des caracteres particuliers. Voyez NERF & LIGAMENT. (L)


APONEVROTIQUEadj. en Anatomie, se dit des membranes, qui ont quelque ressemblance avec l'aponevrose. Voyez APONEVROSE.

C'est dans ce sens que l'on dit membrane aponevrotique. (L)


APOPHLEGMATILAMESou selon quelques auteurs, APOPHLEGMATISMES ; des mots grecs , & , phlegme, terme de Pharmacie, medecine propre à purger le phlegme, ou les humeurs séreuses de la tête & du cerveau. Voyez PHLEGME.


APOPHORETA(Hist. anc.) instrumens ronds & plats, qui ont un manche, avec la forme d'assiettes. On mettoit dessus des fruits ou d'autres viandes ; & ils étoient appellés apophoreta, à ferendo poma. Cette conjecture est du Pere Montfaucon qui ne la donne que pour ce qu'elle vaut ; car il ajoûte tout de suite, que plûtôt que de former des conjectures, il vaut mieux attendre que quelque monument nous instruise du nom & de l'usage des instrumens qu'il a représentés, pag. 146. tom. II. & auxquels il a attribué celui d'apophoreta.


APOPHORETES(Hist. anc.) présens qui se faisoient à Rome, tous les ans, pendant les Saturnales. Ce mot vient de , reporter, parce que ces présens étoient remportés des festins par les conviés. Voyez ETRENNES.


APOPHTHEGMEest une sentence courte, énergique & instructive, prononcée par quelque homme de poids & de considération, ou faite à son imitation. Tels sont les apophthegmes de Plutarque, ou ceux des anciens rassemblés par Lyscosthenes.

Ce mot est dérivé du grec , parler, l'apophthegme étant une parole remarquable. Cependant parmi les apophthegmes qu'on a recueillis des anciens, tous, pour avoir la briéveté des sentences, n'en ont pas toûjours le poids. (G)


APOPHYGESS. f. en Architecture, partie d'une colonne, où elle commence à sortir de sa base, comme d'une source, & à tirer vers le haut. Voyez COLONNE & BASE.

Ce mot dans son origine greque, signifie essor ; d'où vient que les François l'appellent eschape, congé, &c. & quelques Architectes, source de la colonne. L'apophyge n'étoit originairement que l'anneau ou la féraille attachée ci-devant aux extrémités des piliers de bois, pour les empêcher de se fendre, ce que dans la suite on voulut imiter en ouvrage de pierre. Voyez CONGE. (P)


APOPHYSES. f. terme d'Anatomie, composé des mots grecs , de, & , croître. On appelle ainsi l'éminence d'un os, ou la partie éminente qui s'avance au-delà des autres. Voyez OS, ÉMINENCE.

Les apophyses prennent différens noms, par rapport à leur situation, leur usage & leur figure. Ainsi les unes s'appellent coracoïdes, styloïdes, mastoïdes, obliques, transverses ; d'autres trochanter, &c. Voyez CORACOÏDE, STYLOÏDE, &c.

L'usage des apophyses en général est de rendre l'articulation des os plus solide, soit qu'elle soit avec mouvement ou sans mouvement ; de donner attache aux muscles, & d'augmenter leur action en les éloignant du centre du mouvement. (L)


APOPLECTIQUEadj. relatif à l'apoplexie : ainsi nous disons accès apoplectique, eau apoplectique, symptome apoplectique, un malade apoplectique, foiblesse & paralysie apoplectique, disposition apoplectique, amulete & épitheme apoplectique, baume apoplectique. Voyez AMULETE & BAUME. (N)


APOPLEXIES. f. (Medecine.) maladie dans laquelle il se fait subitement une suspension de tous les mouvemens qui dépendent de la volonté & de l'action des sens intérieurs & extérieurs, sans que celle des poumons ni la circulation du sang soient interrompues, la respiration & le battement des arteres étant comme dans l'état naturel, & souvent même plus forts ; d'où l'on peut conclure que les nerfs qui prennent leur origine dans le cerveau sont les seuls affectés, sans que les fonctions de ceux qui partent du cervelet soient altérées dans le commencement ; ce qui donne à cette maladie la ressemblance d'un profond sommeil, qui est cependant accompagné d'un bruit provenant de la poitrine auquel les Medecins ont donné le nom de sterteur.

Les signes avant-coureurs de cette maladie sont, selon Duret, des douleurs de tête vagues, un vertige ténébreux, une lenteur dans la parole, & le froid des extrémités.

Ces signes ne se manifestent pas toûjours ; car le malade est ordinairement frappé avec tant d'impétuosité, qu'il n'a pas occasion de prévoir ni le tems de prévenir une attaque d'apoplexie.

On doit regarder comme causes de cette maladie, tout ce qui peut arrêter ou diminuer le cours des esprits animaux dans les organes des sens & des mouvemens dépendans de la volonté, tels qu'un épaississement du sang & de la lymphe assez considérable pour qu'ils ne puissent circuler dans les vaisseaux du cerveau ; un épanchement de quelque matiere qui comprimant les vaisseaux artériels, nerveux & lymphatiques, arrêtent la circulation du fluide qu'ils contiennent ; enfin tout ce qui peut s'opposer au retour du sang des vaisseaux du cerveau vers le coeur.

Ces causes ne concourent pas toutes ensemble à l'apoplexie, ce qui a donné lieu à la distinction que l'on a faite de cette maladie en séreuse & en sanguine, Boerhaave ajoûte la polypeuse.

On tire le prognostic de l'apoplexie de la respiration du malade : lorsqu'elle est laborieuse, la maladie est mortelle ; quand elle est aisée, ou que les remedes la rendent telle, il reste encore quelque espérance de sauver le malade.

La cure de l'apoplexie est différente, selon les causes qui la produisent.

Les anciens Medecins d'accord avec les modernes sur la nécessité de la saignée dans cette maladie, lorsqu'elle est produite par une cause chaude, ordonnent de la réitérer souvent dans ce cas, avec la précaution de mettre quelques intervalles entr'elles, selon Hippocrate & Celse ; lorsqu'elles ne sont pas avantageuses, elles deviennent très-nuisibles aux malades.

Hollier est d'avis de faire tourmenter beaucoup le malade attaqué d'apoplexie séreuse, de le faire secoüer, & de lui faire frotter toutes les parties du corps ; il prétend que l'on empêche par ce moyen le sang de se congeler, sur-tout si l'on a le soin de frotter le cou du malade à l'endroit où sont les veines jugulaires, & les arteres carotides, ce qu'il regarde comme absolument nécessaire pour passer avec succès à la saignée.

Duret n'admet la méthode de secoüer le malade, que lorsque l'apoplexie est venue peu-à-peu, & que l'on est sûr qu'il n'y a qu'une legere obstruction, prétendant que dans une apoplexie subite, les secousses augmentent l'oppression & accélerent la mort du malade.

Le reste du traitement consiste à procurer par tous les moyens possibles des évacuations : ainsi les émétiques sont les remedes appropriés dans ce cas, tant pour évacuer les matieres amassées dans le ventricule, que pour donner au genre nerveux une secousse capable de rendre aux esprits animaux la facilité de parcourir les filets nerveux qui leur sont destinés.

On joindra à l'usage des émétiques celui des clysteres acres & purgatifs, afin de rappeller le sentiment dans les intestins, par l'irritation qu'ils y occasionnent.

Malgré tous ces secours, l'apoplexie qui ne s'est pas terminée au septieme jour par la mort du malade, dégénere souvent en hémiplégie, c'est-à-dire en paralysie de quelqu'un des membres, ou en paraplégie, qui est une paralysie de tous, maladie ordinairement incurable. Voyez HEMIPLEGIE & PARAPLEGIE. (L)


APOPOMPÉES. f. (Hist. anc.) nom que l'on donnoit à la victime que les Juifs chargeoient de malédictions, & qu'ils chassoient dans le desert à la fête de l'expiation. Voyez EXPIATION.

Ce mot vient du grec , qui signifie renvoyer. Macer, in Hierolexic. (G)


APOROou APORISME, signifie chez quelques anciens Géometres un problème difficile à résoudre, mais dont il n'est pas certain que la solution soit impossible. Voyez PROBLEME.

Ce mot vient du grec , qui signifie quelque chose de très-difficile, & même d'impraticable ; il est formé d' privatif, & de , passage. Tel est le problème de la quadrature du cercle. Voyez QUADRATURE, &c.

Lorsque l'on proposoit une question à quelque philosophe Grec, sur-tout de la secte des Académiciens, s'il n'en pouvoit donner la solution, sa réponse étoit , je ne la conçois pas, je ne suis pas capable de l'éclaircir. (O)


APORRHAXISd', abrumpo, frango ; sorte de jeu en usage chez les anciens, & qui consistoit à jetter obliquement une balle contre terre, de maniere que cette balle rebondissant allât rencontrer d'autres joüeurs qui l'attendoient, & qui la repoussant encore obliquement contre terre, lui donnoient occasion de rebondir une seconde fois vers l'autre côté, d'où elle étoit renvoyée de même, & ainsi de suite, jusqu'à ce que quelqu'un des joüeurs manquât son coup ; & l'on avoit soin de compter les divers bonds de la balle. C'étoit une espece de paume qu'on joüoit à la main. (G)


APORRHOEAdu mot grec , couler, se dit quelquefois, en Physique, des émanations ou exhalaisons sulphureuses qui s'élevent de la terre & des corps soûterrains. Voyez VAPEUR, EXHALAISON, MEPHITIS. (O)


APOSS. m. c'est, selon Jonston, une hirondelle de mer, très-garnie de plumes, qui a la tête large, & le bec court ; qui se nourrit de mouches, & dont le cou est court, les ailes longues, & la queue fourchue. On le nomme apos, parce qu'il a les jambes si courtes qu'on croiroit qu'il n'a point de piés : si l'on ajoûtoit à cette description qu'il a le gosier large, qu'il ne peut se relever quand il est à terre, & qu'il est noir de plumage, on prendroit facilement l'apos pour le martinet.


APOSCEPARNISMOSterme de Chirurgie, est une espece de fracture du crane faite par un instrument tranchant, qui emporte la piece comme si une hache l'avoit coupée.

Ce mot vient du grec , une coignée, une hache. Voyez Bibl. Anat. med. tom. I. p. 559 & 581.

J'ai oüi lire, à l'académie royale de Chirurgie, une observation envoyée par un Chirurgien de régiment, qui assûroit avoir guéri par la simple réunion une plaie à la tête faite par un coup de sabre, qui en dédolant avoit enlevé une piece du crane, de façon que la dure-mere étoit découverte de l'étendue d'une lentille. Cette piece d'os étoit retenue par les tégumens. Le Chirurgien, après avoir lavé la plaie avec du vin tiede, appliqua les parties dans leur situation naturelle, & les y maintint par un appareil & un bandage convenable. Il prévint les accidens par les saignées & le régime, & la conduite qu'il tint eut tout le succès possible.

Cette pratique ne seroit point à imiter si la dure-mere étoit contuse : il faudroit dans ce cas achever d'ôter la piece, & panser ce trépan accidentel, comme celui qu'on fait dans un lieu de nécessité ou d'élection pour les accidens qui requierent cette opération, afin de faire suppurer la contusion de cette membrane. Voyez TREPAN. (Y)


APOSIOPESES. f. (Belles-Lett.) figure de Rhétorique, autrement appellée réticence ou suppression : elle se fait lorsque venant tout-d'un-coup à changer de passion, ou à la quitter entierement, on rompt brusquement le fil du discours qu'on devroit poursuivre, pour en entamer un différent. Elle a lieu dans les mouvemens de colere, d'indignation, dans les menaces, comme dans celle-ci, que Neptune fait aux vents déchaînés contre les vaisseaux d'Enée :

Quos ego... sed motos praestat componere fluctus.

Ce mot vient du grec , je me tais. Voy. RETICENCE. (G)


APOSTASIE, révolte, abandon du parti qu'on suivoit pour en prendre un autre.

Ce mot est formé du grec , ab, contra, & de , être debout, se tenir ferme, c'est-à-dire résister au parti qu'on avoit suivi, embrasser une opinion contraire à celle qu'on avoit tenue ; d'où les Latins ont formé apostatare, mépriser ou violer quelque chose que ce soit. C'est en ce sens qu'on lit dans les lois d'Edouard le confesseur : Qui leges apostatabit terrae suae, reus sit apud regem ; que quiconque viole les lois du royaume est criminel de lese-majesté.

Apostasie se dit plus particulierement de l'abandon qu'une personne fait de la vraie religion pour en embrasser une fausse : telle fut l'action de l'empereur Julien, quand il quitta le Christianisme pour professer l'idolatrie.

Parmi les Catholiques, apostasie s'entend encore de la désertion d'un ordre religieux, dans lequel on a voit fait profession, & qu'on quitte sans une dispense légitime. Voyez ORDRE & DISPENSE.

Les anciens distinguoient trois sortes d'apostasie ; la premiere, à supererogatione, qui se commet par un prêtre ou un religieux qui quitte son état de sa propre autorité, pour retourner à celui des laïcs ; & elle est nommée de surérogation, parce qu'elle ajoûte un nouveau degré de crime à l'une ou l'autre des deux especes dont nous allons parler, & sans l'une ou l'autre desquelles elle n'arrive jamais : la seconde, à mandatis Dei ; c'est celle que commet quiconque viole la loi de Dieu, quoiqu'il persiste en sa croyance : la troisieme, à fide ; c'est la défection totale de celui qui abandonne la foi. Voyez RENEGAT.

Cette derniere est sujette à la vindicte des lois civiles. En France, un Catholique qui abandonne sa religion pour embrasser la religion prétendue réformée, peut être puni par l'amende honorable, le bannissement perpétuel hors du royaume, & la confiscation de ses biens, en vertu de plusieurs édits & déclarations publiées sous le regne de Louis-le-Grand. (G-H)


APOSTATapostata, homme qui abandonne ou renie la vraie foi, la vraie religion. (G)


APOSTÈMES. m. terme de Chirurgie, tumeur contre nature faite de matiere humorale.

Nous remarquerons dans les apostèmes, leurs différences, leurs causes, leurs signes, leurs tems & leurs terminaisons.

Les différences des apostèmes sont essentielles ou accidentelles : celles-là viennent de l'espece de fluide qui produit la tumeur ; celles-ci viennent du desordre ou dérangement que ces mêmes humeurs peuvent produire.

Les apostèmes étant formés par les liqueurs renfermées dans le corps humain, il y a autant de différentes especes d'apostèmes qu'il y a de ces différentes liqueurs ; ces liqueurs sont le chyle, le sang, & celles qui émanent du sang.

1°. Le chyle forme des apostèmes, soit en s'engorgeant dans les glandes du mésentere, dans les vaisseaux lactées ; ou dans le canal thorachique ; soit en s'épanchant dans le ventre ou dans la poitrine.

2°. Le sang produit des apostèmes, par sa partie rouge ou par sa partie blanche. Il y a plusieurs especes d'apostèmes formés par la partie rouge du sang : les uns se font par infiltration, comme le thrumbus, l'échymose, les taches scorbutiques. Voyez INFILTRATION. D'autres par épanchement proprement dit, comme l'empyème de sang. Voyez EMPYEME. Quelquefois le sang est épanché, & en outre infiltré dans le tissu graisseux ; tel est le cas de l'anevrysme faux. Voyez ANEVRYSME. Toutes ces différentes especes d'apostèmes sanguins sont produites par extravasation : il y en a de plus qui sont causés par le sang contenu dans ses vaisseaux, soit par leur dilatation contre nature, comme les anevrysmes vrais, les varices, les hémorrhoïdes ; d'autres sont produits en conséquence de la constriction des vaisseaux, ce qui produit l'inflammation, laquelle est phlogose, érésipele, ou phlegmon. Voyez ces mots à leur ordre.

La partie blanche du sang cause des apostèmes, en s'arrêtant dans ses vaisseaux, ou en s'extravasant. On range sous la premiere classe les skirres, les glandes gonflées & dures, les rhûmatismes, la goutte ; l'oedème & l'hydropisie sont de la seconde : celui-là se fait par infiltration ; celui-ci par épanchement.

3°. Les liqueurs émanées du sang peuvent être des causes d'apostèmes : le suc nourricier, lorsqu'il est vicié ou en trop grande abondance, produit, en s'arrêtant ou en s'épanchant dans quelques parties, les callosités, les calus difformes, les excroissances de chair appellées sarcomes, les poireaux, les verrues, les condylomes, les sarcoceles. Voyez tous ces mots.

La graisse déposée en trop grande quantité dans quelque partie, forme la loupe graisseuse. Voyez LIPOME.

La semence retenue par quelque cause que ce soit dans les canaux qu'elle parcourt, forme des tumeurs qu'on appelle spermatocele, si la liqueur est arrêtée dans l'épidydime ; & tumeur séminale, si la liqueur s'amasse en trop grande quantité dans les vésicules séminales.

La synovie, lorsqu'elle n'est point repompée par les pores resorbans des ligamens articulaires, produit l'ankylose, le gonflement des jointures, & l'hydropisie des articles.

La bile cause une tumeur en s'arrêtant dans les pores biliaires, ou dans les vésicules du fiel, ou dans le canal cholidoque ; ce qui peut être occasionné par une pierre biliaire, ou par l'épaississement de la bile.

L'humeur des amygdales retenue dans ces glandes, cause leur gonflement. La salive retenue dans les glandes, produit les tumeurs nommées parotides ; & retenue dans les canaux excréteurs des glandes maxillaires ou sublinguales, elle produit la grenouillette.

Le mucus du nez produit le polype par l'engorgement des glandes de la membrane pituitaire.

Les larmes par leur mauvaise qualité, ou par leur séjour dans le sac lacrymal, ou dans le conduit nasal, produisent les tumeurs du sac lacrymal, ou l'obstruction du canal nasal.

La chassie retenue dans les canaux excréteurs, forme de petites tumeurs qui surviennent aux paupieres, & qu'on appelle orgelets.

L'humeur sebacée retenue dans ses petits canaux excréteurs, forme les tanes ou taches de rousseur.

L'urine retenue dans les reins, dans les ureteres, dans la vessie ou dans l'urethre, produit des tumeurs urinaires. Voyez RETENTION D'URINE.

L'humeur des prostates cause la rétention d'urine, lorsqu'elle s'arrête dans ces glandes, & qu'elle les gonfle au point d'oblitérer le canal de l'urethre.

Le lait peut obstruer les glandes des mammelles, ou rentrer dans la masse du sang, se déposer ensuite sur quelque partie, & former ce qu'on appelle communément lait répandu.

Le sang menstruel retenu dans le vagin des filles imperforées, cause un apostème. Voyez IMPERFORATION.

Les tumeurs formées par l'air contenu dans nos humeurs, peuvent être regardées comme des apostèmes. Voyez EMPHYSEME & TYMPANITE. Quelques-uns regardent les tumeurs venteuses, sur-tout lorsque cet air vient du dehors, comme formées par un corps étranger. Voyez TUMEUR.

Les différences accidentelles des apostèmes se tirent de leur volume, des accidens qui les accompagnent, des parties qu'ils attaquent, de la maniere dont ils se forment, & des causes qui les produisent.

Par rapport aux parties où les apostèmes se rencontrent, ils reçoivent différens noms : à la conjonctive, l'inflammation s'appelle ophthalmie ; à la gorge, esquinancie ; aux aines, bubons ; à l'extrémité des doigts, panaris.

Les apostèmes se forment par fluxions, c'est-à-dire promptement ; les autres par congestion, c'est-à-dire lentement : ceux qui sont formés par fluxion, sont ordinairement des apostèmes chauds, comme l'érésipele & le phlegmon : on appelle apostème froids, ceux qui se forment par congestion ; par exemple, l'oedeme & le skirrhe.

Quant à leurs causes, les uns sont benins, les autres malins ; les uns critiques, les autres symptomatiques : les uns viennent des causes externes, comme coups, fortes ligatures, contact, piquûre d'insectes, morsure d'animaux venimeux, & mauvais usage des six choses non-naturelles ; lesquelles sont l'air, les alimens, le travail, les veilles & les passions, le sommeil & le repos, les humeurs retenues ou évacuées ; toutes ces causes produisent embarras, engorgement & obstruction, & conséquemment des apostèmes ou tumeurs humorales.

Les causes internes viennent du vice des solides, & de celui des fluides. Le vice des solides consiste dans leur trop grande tension, ou dans leur contraction, dans la perte ou dans l'affoiblissement de leur ressort, & dans leur division.

Le vuide des fluides consiste dans l'excès ou dans le défaut de leur quantité, & dans leur mauvaise qualité. Voyez le Mémoire de M. Quesnay sur le vice des humeurs, dans le premier volume de ceux de l'académie royale de Chirurgie.

Les signes des apostèmes sont particuliers à chaque espece ; on peut les voir à l'article de chaque tumeur.

On remarque aux apostèmes, comme à toutes les maladies, quatre tems ; le commencement, le progrès, l'état, & la fin.

Le commencement est le premier point de l'obstruction qui arrive à une partie ; on le reconnoît à une tumeur contre nature, & à quelques legers symptomes.

Le progrès est l'augmentation de cette même obstruction ; on le reconnoît aux progrès des symptomes.

L'état est celui où l'obstruction est à son plus haut point ; on le reconnoît à la violence des symptomes.

La fin des apostèmes se nomme leur terminaison.

La terminaison des apostèmes se fait par résolution, par suppuration, par délitescence, par induration, & par pourriture ou mortification. Toutes ces terminaisons peuvent être avantageuses ou desavantageuses, relativement à la nature & aux circonstances de la maladie. Voyez les mots qui expriment les cinq terminaisons des apostèmes chacun à son article.

Quelques auteurs prennent le mot apostème, comme signifiant la même chose qu'abcès. Voyez ABCES. (Y)


APOSTILLES. f. (Droit, Comm. Littér.) annotation ou renvoi qu'on fait à la marge d'un écrit pour y ajoûter quelque chose qui manque dans le texte, ou pour l'éclaircir & l'interpréter.

APOSTILLE, en matiere d'arbitrage, signifie un écrit succinct que des arbitres mettent à la marge d'un mémoire ou d'un compte, à côté des articles qui sont en dispute. Les apostilles doivent être écrites de la main des arbitres, & on doit les regarder comme autant de sentences arbitrales, puisqu'elles jugent les contestations qui sont entre les parties.

Celles qui sont faites en marge d'un acte passé pardevant notaires, doivent être paraphées par le notaire & par les parties.


APOSTILLquand on dit qu'un mémoire, qu'un compte est apostillé par des arbitres, c'est-à-dire qu'il a été reglé & jugé par eux. Voyez APOSTILLE.


APOSTILLERmettre des apostilles en marge d'un mémoire, d'un acte, d'un compte, d'un contrat. Voyez APOSTILLE. (G)


APOSTISS. m. (Marine.) on appelle ainsi deux longues pieces de bois de huit pouces en quarré, & tant soit peu abaissées, dont l'une est le long de la bande droite d'une galere, & l'autre le long de la bande gauche, depuis l'épaule jusqu'à la conille, & qui portent chacune toutes les rames de la chiourme par le moyen d'une grosse corde. Voyez GALERE, EPAULE, CONILLE, CHIOURME. (Z)


APOSTOLICITÉS. f. se peut prendre en différens sens ; ou pour la conformité de la doctrine avec celle de l'église apostolique ; ou pour celle des moeurs avec celles des apôtres ; ou pour l'autorité d'un caractere accordé par le saint siége. Ainsi on dit l'apostolicité d'un sentiment, de la vie, d'une mission.


APOSTOLINSS. m. pl. (Hist. ecclés.) religieux dont l'ordre commença au quatorzieme siecle à Milan en Italie. Ils prirent ce nom parce qu'ils faisoient profession d'imiter la vie des apôtres, ou celle des premiers fideles.


APOSTOLIQUEadj. signifie en général ce qui vient des apôtres, ou qui peut convenir à un apôtre. Mais ce terme se dit plus particulierement de ce qui appartient au saint siége, ou qui en émane. C'est en ce sens qu'on dit, un nonce apostolique, un bref apostolique.

Apostolique, (Chambre) est un tribunal où l'on discute les affaires qui regardent le trésor ou le domaine du saint siége & du pape.

Notaire apostolique, voyez NOTAIRE. (H)

APOSTOLIQUE, (Théol.) Le titre d'apostolique est un des caracteres distinctifs de la véritable Eglise. Ce titre qu'on donne aujourd'hui par excellence à l'Eglise Romaine, ne lui a pas toûjours été uniquement affecté. Dans les premiers siecles du Christianisme il étoit commun à toutes les églises qui avoient été fondées par les apôtres, & particulierement aux siéges de Rome, de Jérusalem, d'Antioche, & d'Alexandrie : comme il paroît par divers écrits des Peres & autres monumens de l'Histoire ecclésiastique. Les églises même qui ne pouvoient pas se dire apostoliques, eu égard à leur fondation faite par d'autres que par des apôtres, ne laissoient pas de prendre ce nom, soit à cause de la conformité de leur doctrine avec celle des églises apostoliques par leur fondation ; soit encore parce que tous les évêques se regardoient comme successeurs des apôtres, ou qu'ils agissoient dans leurs dioceses avec l'autorité des apôtres. Voyez EVEQUE.

Il paroît encore par les formules de Marculphe, dressées vers l'an 660, qu'on donnoit aux évêques le nom d'apostoliques. La premiere trace qu'on trouve de cet usage, est une lettre de Clovis aux prélats assemblés en concile à Orléans ; elle commence par ces mots : Le roi Clovis aux SS. évêques & très-dignes du siége apostolique. Le roi Gontran nomme les évêques assemblés au concile de Mâcon, des pontifes apostoliques, apostolici pontifices.

Dans les siecles suivans, les trois patriarchats d'orient étant tombés entre les mains des Sarrasins, le titre d'apostolique fut réservé au seul siége de Rome, comme celui de pape au souverain pontife qui en est évêque. Voyez PAPE. S. Grégoire le grand qui vivoit dans le vj. siecle dit, liv. V. épit. 37. que quoiqu'il y ait eu plusieurs apôtres, néanmoins le siége du prince des apôtres a seul la suprème autorité, & par conséquent le nom d'apostolique, par un titre particulier. L'abbé Rupert remarque, lib. I. de Divin. offic. cap. xxvij. que les successeurs des autres apôtres ont été appellés patriarches ; mais que le successeur de saint Pierre a été nommé par excellence apostolique, à cause de la dignité du prince des apôtres. Enfin le concile de Rheims tenu en 1049, déclara que le souverain pontife de Rome étoit le seul primat apostolique de l'Eglise universelle. De-là ces expressions aujourd'hui si usitées, siége apostolique, nonce apostolique, notaire apostolique, bref apostolique, chambre apostolique, vicaire apostolique, &c. Voyez NONCE, BREF, &c. (G)


APOSTOLIQUESS. m. plur. (Théologie.) nom qu'Hospinien, & Bâle ou Balcé, évêque d'Ossery, donnent à d'anciens moines autrefois répandus dans les îles Britanniques.

Ces deux auteurs prétendent que Pélage si fameux par son hérésie, & qui étoit Anglois de naissance, ayant été témoin dans ses voyages en Orient de la vie monastique, l'introduisit dans sa patrie, & qu'il fut abbé du monastere de Bangor, ayant sous sa conduite jusqu'à deux mille moines. Mais M. Cave dans son histoire Littéraire, tom. I. pag. 291. quoiqu'il avoue que Pélage ait été moine, traite tout le reste de rêveries & de fables avancées sur l'autorité de quelques modernes, tels que Jean de Tinmouth, Nicolas Chanteloup, &c. écrivains fort peu respectables.

Bede dans son histoire d'Angleterre, liv. II. c. ij. fait mention de ce monastere de Bancor ou de Bangor, dans lequel on comptoit plus de 2000 moines : mais il ne dit rien du nom d'apostolique, qui paroît être entierement de l'invention de Bâle & d'Hospinien.

Bingham, de qui nous empruntons cet article, remarque qu'il y avoit en Irlande un monastere de Benchor, fondé vers l'an 520 par Congell, dont saint Gal & saint Colomban furent disciples. Mais ou lui ou son traducteur se sont trompés, en prétendant que S. Colomban avoit fondé le monastere de Lizieux en Normandie : In Normaniâ Lexoviense monasterium. Il falloit dire : Luxoviense monasterium, le monastere de Luxeu ou de Luxeuil ; & tout le monde sait que cette abbaye est située en Franche-Comté. Bingham, orig. ecclesiast. lib. VII. c. ij. §. 13.

APOSTOLIQUES, (Théologie.) nom que deux sectes différentes ont pris, sous prétexte qu'elles imitoient les moeurs & la pratique des apôtres.

Les premiers apostoliques, autrement nommés apotactites & apotactiques, s'éleverent d'entre les Encratites & les Cathares dans le troisieme siecle ; ils professoient l'abstinence du mariage, du vin, de la chair, &c. Voyez APOTACTITES, ENCRATITES, &c.

L'autre branche des apostoliques fut du xij. siecle : ils condamnoient aussi le mariage ; mais ils permettoient le concubinage ; ne vouloient point admettre l'usage du baptême, & imitoient en plusieurs choses les Manichéens. Saint Bernard écrivit contre la secte des apostoliques, & parle contre eux au sermon 66, sur les cantiques. Il paroît par Sanderus & Baronius qu'ils nioient le purgatoire, l'invocation des Saints, la priere pour les morts, & se disoient être le seul & le vrai corps de l'Eglise ; erreurs qui ont beaucoup de rapport à celles des Albigeois qui parurent vers le même tems. Voyez ALBIGEOIS. (G)


APOSTROPHES. f. (Bell. Lett.) figure de Rhétorique dans laquelle l'orateur interrompt le discours qu'il tenoit à l'auditoire, pour s'adresser directement & nommément à quelque personne, soit aux dieux, soit aux hommes, aux vivans ou aux morts, ou à quelqu'être, même aux choses inanimées, ou à des êtres métaphysiques, & qu'on est en usage de personnifier.

De ce dernier genre est ce trait de M. Bossuet dans son oraison funebre de la duchesse d'Orléans : " Hélas, nous ne pouvons arrêter un moment les yeux sur la gloire de la Princesse, sans que la mort s'y mêle aussi-tôt pour tout offusquer de son ombre ! O mort, éloigne-toi de notre pensée, & laisse-nous tromper pour un moment la violence de notre douleur par le souvenir de notre joie ".

Cicéron dans l'oraison pour Milon, s'adresse aux citoyens illustres qui avoient répandu leur sang pour la patrie, & les intéresse à la défense d'un homme qui en avoit tué l'ennemi dans la personne de Clodius. Dans la même piece il apostrophe les tombeaux, les autels, les bois sacrés du mont Albain. Vos Albani tumuli atque luci, &c.

Enée dans un récit remarque, que si on avoit été attentif à un certain évenement, Troie n'auroit pas été prise :

Trojaque nunc stares, Priamique arx alta maneres.

Aeneid. II.

L'apostrophe fait sentir toute la tendresse d'un bon citoyen pour sa patrie.

Celle que Démosthene adresse aux Grecs tués à la bataille de Marathon, est célebre ; le cardinal du Perron a dit qu'elle fit autant d'honneur à cet orateur, que s'il eût ressuscité ces guerriers. On regarde aussi comme un des plus beaux endroits de Cicéron, celle qu'il adresse à Tubéron dans l'oraison pour Ligarius : Quid enim, Tubero, tuus ille districtus in acie Pharsalicâ gladius agebat ? &c. Cette apostrophe est remarquable, & par la vivacité du discours, & par l'émotion qu'elle produisit dans l'ame de César.

Au reste il en est de l'apostrophe comme des autres figures. Pour plaire elle doit n'être pas prodiguée à tout propos. L'auditeur souffriroit impatiemment qu'on le perdît incessamment de vûe, pour ne s'adresser qu'à des êtres qu'il suppose toûjours moins intéressés que lui au discours de l'orateur.

Le mot apostrophe est grec, , aversio, formé d', ab, & de , verto, je tourne ; quia orator ab auditore convertit sermonem ad aliam personam. (G)

APOSTROPHE, s. m. est aussi un terme de Grammaire, & vient d', substantif masculin ; d'où les Latins ont fait apostrophus pour le même usage. R. , averto, je détourne, j'ôte. L'usage de l'apostrophe en grec, en latin & en françois, est de marquer le retranchement d'une voyelle à la fin d'un mot pour la facilité de la prononciation. Le signe de ce retranchement est une petite virgule que l'on met au haut de la consonne, & à la place de la voyelle qui seroit après cette consonne, s'il n'y avoit point d'apostrophe ; ainsi on écrit en latin men' pour mene ? tanton' pour tantò-ne ?

.... Tanton' me crimine dignum ?

Virg. Aeneid. v. 668.

.... Tanton' placuit concurrere motu ?

Virg. Aeneid. XII. v. 503.

viden' pour vides-ne ? ain' pour ais-ne ? dixtin' pour dixisti-ne ? & en françois grand'messe, grand'mere, pas grand'chose, grand'peur, &c.

Ce retranchement est plus ordinaire quand le mot suivant commence par une voyelle.

En françois l'e muet ou féminin est la seule voyelle qui s'élide toûjours devant une autre voyelle, au moins dans la prononciation ; car dans l'écriture on ne marque l'élision par l'apostrophe que dans les monosyllabes je, me, te, se le, ce, que, de, ne, & dans jusque & quoique, quoiqu'il arrive. Ailleurs on écrit l'e muet quoiqu'on ne le prononce pas : ainsi on écrit, une armée en bataille, & l'on prononce un armé en bataille.

L'a ne doit être supprimé que dans l'article & dans le pronom la, l'ame, l'église, je l'entends, pour je la entends. On dit la onzieme, ce qui est peut-être venu de ce que ce nom de nombre s'écrit souvent en chiffre, le XI. roi, la XI. lettre. Les enfans disent m'amie, & le peuple dit aussi m'amour.

L'i ne se perd que dans la conjonction si devant le pronom masculin, tant au singulier qu'au pluriel ; s'il vient, s'ils viennent, mais on dit si elles viennent.

L'u ne s'élide point, il m'a paru étonné. J'avoue que je suis toûjours surpris quand je trouve dans de nouveaux livres, viendra-t'il, dira-t'il : ce n'est pas là le cas de l'apostrophe, il n'y a point là de lettre élidée ; le t en ces occasions n'est qu'une lettre euphonique, pour empêcher le bâillement ou rencontre des deux voyelles ; c'est le cas du tiret ou division : on doit écrire viendra-t-il, dira-t-il. Les Protes ne lisent-ils donc point les grammaires qu'ils impriment ?

Tous nos dictionnaires françois font ce mot du genre féminin ; il devroit pourtant être masculin quand il signifie ce signe qui marque la suppression d'une voyelle finale. Après tout on n'a pas occasion dans la pratique de donner un genre à ce mot en françois : mais c'est une faute à ces dictionnaires quand ils font venir ce mot d', qui est le nom d'une figure de Rhétorique. Les dictionnaires latins sont plus exacts ; Martinius dit, apostrophe. R. , figura Rhetoricae ; & il ajoûte immédiatement, apostrophus : R. , signum rejectae vocalis. Isidore, au liv. I. de ses origines, chapitre xviij. où il parle des figures ou signes dont on se sert en écrivant, dit : apostrophos, pars circuli dextra, & ad summam litteram apposita, fit ita', quâ notâ deesse ostenditur in sermone ultimas vocales (F)


APOSTROPHIEde , détourner, (Myth.) nom que Cadmus donna à Venus Uranie, que les Grecs révéroient, pour en obtenir la pureté de corps & d'esprit. Elle eut un temple à Rome, sous le nom de Verticorda : les femmes débauchées & les jeunes filles lui sacrifioient ; les unes pour se convertir, & les autres pour persister.


APOTACTITEou APOTACTIQUES, s. m. pl. (Théolog.) en grec, , composé d' & , je renonce. C'est le nom d'une secte d'anciens hérétiques, qui affectant de suivre les conseils évangéliques sur la pauvreté & les exemples des apôtres & des premiers chrétiens, renonçoient à tous leurs biens, meubles & immeubles. Voy. APOSTOLIQUES.

Il ne paroît pas qu'ils ayent donné dans aucune erreur, pendant que subsista leur premier état ; quelques écrivains ecclésiastiques nous assûrent qu'ils eurent des martyrs & des vierges dans le quatrieme siecle, durant la persécution de Dioclétien ; mais qu'ensuite ils tomberent dans l'hérésie des Encratites, & qu'ils enseignerent que le renoncement à toutes les richesses étoit non-seulement de conseil & d'avis, mais de précepte & de nécessité. De-là vient que la sixieme loi du code Théodosien joint les apotactiques aux Eunomiens & aux Ariens. Voyez EUNOMIENS & ARIENS.

Selon S. Epiphane, les apotactites se servoient souvent de certains actes apocryphes de S. Thomas & de S. André, dans lesquels il est probable qu'ils avoient puisé leurs opinions. Voyez APOCRYPHE. (G)


APOTHEMES. m. dans la Géométrie élémentaire, est la perpendiculaire menée du centre d'un polygone régulier sur un de ses côtés.

Ce mot vient du grec , ab, de, & , sto, pono, je pose ; apparemment comme qui diroit ligne tirée depuis le centre jusque sur le côté. (O)


APOTHÉOSES. f. (Hist. anc.) ou consécration ; du grec , diviniser ; elle est plus ancienne chez les Romains qu'Auguste, qui l'on en attribue communément l'origine. M. l'abbé Mongault a démontré que du tems de la république, on avoit institué en Grece & dans l'Asie mineure des fêtes & des jeux en l'honneur des proconsuls Romains ; qu'on avoit même établi des sacrificateurs & des sacrifices, érigé des autels & bâti des temples, où on les honoroit comme des divinités. Ainsi les habitans de Catane, en Sicile, avoient consacré leur gymnase à Marcellus ; & ceux de Chalcide associerent Titus Flaminius avec Hercule & Apollon dans la dédicace des deux principaux édifices de leur ville. Cet usage qui avoit commencé par la reconnoissance, dégénéra bien-tôt en flatterie, & les Romains l'adopterent pour leurs empereurs. On éleva des temples à Auguste de son vivant, non dans Rome ni dans l'Italie, mais dans les provinces. Les honneurs de l'apothéose lui furent déférés après sa mort, & cela passa en coûtume pour ses successeurs. Voici les principales cérémonies qu'on y observoit.

Si-tôt que l'empereur étoit mort, toute la ville prenoit le deuil. On ensevelissoit le corps du prince à la maniere ordinaire, cependant avec beaucoup de pompe ; l'on mettoit dans le vestibule du palais sur un lit d'ivoire couvert d'étoffes d'or, une figure de cire, qui représentoit parfaitement le défunt, avec un air pâle, comme s'il étoit encore malade. Le sénat en robe de deuil restoit rangé au côté gauche du lit pendant une grande partie du jour ; & au côté droit étoient les femmes & les filles de qualité avec de grandes robes blanches, sans colliers ni bracelets. On gardoit le même ordre sept jours de suite, pendant lesquels les medecins s'approchoient du lit de tems en tems, & trouvoient toûjours que le malade baissoit, jusqu'à ce qu'enfin ils prononçoient qu'il étoit mort. Alors les chevaliers Romains les plus distingués avec les plus jeunes sénateurs le portoient sur leurs épaules par la rue qu'on nommoit sacrée jusqu'à l'ancien marché, où se trouvoit une estrade de bois peint. Sur cette estrade étoit construit un péristyle enrichi d'ivoire & d'or, sous lequel on avoit préparé un lit d'étoffe fort riches, où l'on plaçoit la figure de cire. Le nouvel empereur, les magistrats s'asseyoient dans la place, & les dames sous des portiques, tandis que deux choeurs de musique chantoient les loüanges du mort ; & après que son successeur en avoit prononcé l'éloge, on transportoit le corps hors de la ville dans le champ de Mars, où se trouvoit un bûcher tout dressé. C'étoit une charpente quarrée en forme de pavillon, de quatre ou cinq étages, qui alloient toûjours en diminuant comme une pyramide. Le dedans étoit rempli de matieres combustibles, & le dehors revêtu de draps d'or, de compartimens d'ivoire, & de riches peintures. Chaque étage formoit un portique soûtenu par des colonnes ; & sur le faîte de l'édifice on plaçoit assez ordinairement une représentation du char doré, dont se servoit l'empereur défunt. Ceux qui portoient le lit de parade le remettoient entre les mains des Pontifes, & ceux-ci le plaçoient sur le second étage du bucher. On faisoit ensuite des courses de chevaux & de chars. Le nouvel empereur, une torche à la main, alloit mettre le feu au bucher, & les principaux magistrats l'y mettant aussi de tous côtés, la flamme pénétroit promptement jusqu'au sommet, & en chassoit un aigle ou un paon, qui s'envolant dans les airs, alloit, selon le peuple, porter au ciel l'ame du feu empereur ou de la feue impératrice, qui dès-lors avoient leur culte & leurs autels comme les autres dieux.

On accorda aussi l'apothéose aux favoris des princes, à leurs maîtresses, &c. mais en général on ne déféroit cet honneur en Grece, que sur la réponse d'un oracle ; & à Rome, que par un decret du Sénat.

Les anciens Grecs déifierent ainsi les princes, les héros, les inventeurs des Arts ; & nous lisons dans Eusebe, Tertullien, & S. Chrysostome, que sur le bruit des miracles de Jesus-Christ, Tibere proposa au sénat de Rome de le mettre au nombre des dieux ; mais que cette proposition fut rejettée, parce qu'il étoit contraire aux lois d'introduire dans Rome le culte des dieux étrangers : c'est ainsi qu'ils nommoient les divinités de tous les peuples, à l'exception de celles des Grecs, qu'ils ne traitoient point de barbares.

Le grand nombre de personnes auxquelles on accordoit les honneurs de l'apothéose avilit cette cérémonie, & même d'assez bonne heure. Dans Juvenal, Atlas fatigué de tant de nouveaux dieux, dont on grossissoit le nombre des anciens, gémit & déclare qu'il est prêt d'être écrasé sous le poids des cieux : & l'empereur Vespasien naturellement railleur, quoiqu'à l'extrémité, dit en plaisantant à ceux qui l'environnoient, je sens que je commence à devenir dieu, faisant allusion à l'apothéose qu'on alloit bien-tôt lui décerner. (G)


APOTHICAIRES. m. celui qui prépare & vend les remedes ordonnés par le Medecin. Les Apothicaires de Paris ne font avec les Marchands épiciers, qu'un seul & même corps de communauté, le second des six corps des Marchands.

On conçoit aisément qu'une bonne police a dû veiller à ce que cette branche de la Medecine, qui consiste à composer les remedes, ne fût confiée qu'à des gens de la capacité & de la probité desquels on s'assûrât par des examens, des expériences, des chef-d'oeuvres, des visites, & les autres moyens que la prudence humaine peut suggérer.

Les statuts de ceux qui exercent cette profession à Paris, contiennent neuf dispositions. La premiere, que l'aspirant apothicaire, avant que de pouvoir être obligé chez aucun maître de cet art, en qualité d'apprentif, sera amené & présenté par le maître au bureau, par-devant les gardes, pour connoître s'il a étudié en Grammaire, & s'il est capable d'apprendre la Pharmacie. Qu'après qu'il aura achevé ses quatre ans d'apprentissage, & servi les maîtres pendant six ans, il en rapportera le brevet & les certificats ; qu'il sera présenté au bureau par un conducteur, & demandera un jour pour subir l'examen ; qu'à cet examen assisteront tous les maîtres, deux docteurs en Medecine de la Faculté de Paris, lecteurs en Pharmacie ; qu'en présence de la compagnie, l'aspirant sera interrogé durant l'espace de trois heures par les gardes, & par neuf autres maîtres que les gardes auront choisis & nommés.

La seconde, qu'après ce premier examen, si l'aspirant est trouvé capable à la pluralité des voix, il lui sera donné jour par les gardes pour subir le second examen, appellé l'acte des herbes, qui sera encore fait en présence des maîtres & des docteurs qui auront assisté au précédent.

La troisieme, que, si après ces examens, l'aspirant est trouvé capable, les gardes lui donneront un chef-d'oeuvre de cinq compositions : que l'aspirant, après avoir disposé ce chef-d'oeuvre, fera la démonstration de toutes les drogues qui doivent entrer dans ces compositions ; que s'il y en a de défectueuses ou de mal choisies, elles seront changées, & qu'il en fera ensuite les préparations & les mêlanges en la présence des maîtres, pour connoître par eux, si toutes choses y seront bien observées.

La quatrieme, que les veuves des maîtres pourront tenir boutique pendant leur viduité, à la charge toutefois qu'elles seront tenues, pour la conduite de leur boutique, confection, vente & débit de leurs marchandises, de prendre un bon serviteur expert & connoissant, qui sera examiné & approuvé par les gardes ; & que les veuves & leurs serviteurs seront tenus de faire serment par-devant le magistrat de police, de bien & fidelement s'employer à la confection, vente & débit de leurs marchandises.

La cinquieme, qu'attendu que de l'art & des marchandises des Epiciers incorporés avec les Apothicaires dépendent les confections, compositions, vente & débit des baumes, emplâtres, onguens, parfums, sirops, huiles, conserves, miels, sucres, cires, & autres drogues & épiceries ; ce qui suppose la connoissance des simples, des métaux, des minéraux, & autres sortes de remedes qui entrent dans le corps humain, ou s'y appliquent & servent à l'entretien & conservation des citoyens ; connoissance qui requiert une longue expérience ; attendu que l'on ne peut être trop circonspect dans cette profession, parce que souvent la premiere faute qui s'y commet n'est pas réparable : il est ordonné qu'il ne sera reçu aucun maître par lettres, quelque favorables ou privilégiées qu'elles soient, sans avoir fait apprentissage, & subi les examens précédens ; & que toutes marchandises d'Epicerie & Droguerie, entrant dans le corps humain, qui seront amenées à Paris, seront descendues au bureau de la communauté, pour être vûes & visitées par les gardes de l'Apothicairerie & Epicerie, avant que d'être transportées ailleurs, quand même elles appartiendroient à d'autres marchands ou bourgeois qui les auroient fait venir pour eux.

La sixieme, que, comme il est très-nécessaire que ceux qui traitent de la vie des hommes, & qui participent à cet objet important, soient expérimentés, & qu'il seroit périlleux que d'autres s'en mêlassent ; il est défendu à toutes sortes de personnes, de quelque qualité & état qu'elles soient, d'entreprendre, composer, vendre & distribuer aucunes medecines, drogues, épiceries, ni aucune autre chose entrant dans le corps humain, simple ou composée, ou destinée à quelque composition que ce soit, de l'art d'Apothicairerie & de Pharmacie, ou marchandise d'Epicerie, s'il n'a été reçu maître, & s'il n'a fait le serment par-devant le magistrat de police, à peine de confiscation, & de cinquante livres parisis d'amende.

La septieme, que les Apothicaires & Epiciers ne pourront employer en la confection de leurs medecines, drogues, confitures, conserves, huiles, sirops, aucunes drogues sophistiquées, éventées ou corrompues, à peine de confiscation, de cinquante livres d'amende, d'être les drogues & marchandises ainsi défectueuses brûlées devant le logis de celui qui s'en trouvera saisi, & de punition exemplaire, si le cas y écheoit.

La huitieme, que les gardes seront au nombre de six, choisis, gens de probité & d'expérience ; qu'il en sera élu deux, chacun an, pour être trois ans en exercice ; & qu'après leur élection, ils feront serment par-devant le magistrat de police, de bien & fidelement exercer leur charge, & de procéder exactement & en leur conscience, aux visites, tant générales que particulieres.

La neuvieme, que les gardes seront tenus de procéder aux visites générales, trois fois du moins par chacun an chez tous les marchands Apothicaires & Epiciers, pour examiner s'il ne s'y passe rien contre les statuts, ordonnances & reglemens. Il est encore défendu aux Apothicaires d'administrer aux malades aucuns médicamens, sans l'ordonnance d'un medecin de la Faculté, ou de quelqu'un qui en soit approuvé.


APOTHICAIRERIES. f. du grec , boutique ou magasin ; c'est, par rapport à l'architecture, une salle dans une maison de communauté, dans un hôpital, ou dans un palais, où l'on tient en ordre & avec décoration les médicamens. Celle de Lorette en Italie, ornée de vases du dessein de Raphaël, est une des plus belles : celle de Dresde est aussi très-fameuse ; on dit qu'il y a 14000 boîtes d'argent toutes pleines de drogues & de remedes fort renommés. (P)


APOTOMES. m. mot employé par quelques auteurs, pour désigner la différence de deux quantités incommensurables. Tel est l'excès de la racine quarrée de 2 sur 1. Voyez INCOMMENSURABLE.

Ce mot est dérivé du verbe grec , abscindo, je retranche : un apotome en Géométrie, est l'excès d'une ligne donnée sur une autre ligne qui lui est incommensurable. Tel est l'excès de la diagonale d'un quarré sur le côté. (O)

APOTOME, en Musique, est aussi ce qui reste d'un ton majeur après qu'on en a ôté un limma, qui est un intervalle moindre d'un comma que le semi-ton majeur ; par conséquent l'apotome est d'un comma plus grand que le semi-ton moyen.

Les Grecs qui savoient bien que le ton majeur ne pouvoit par des divisions harmoniques être partagé en deux parties égales, le divisoient inégalement de plusieurs manieres. (Voyez INTERVALLE.) De l'une de ces divisions inventées par Pythagore, ou plûtôt par Philolaüs son disciple, résultoit le diese ou limma d'un côté, & de l'autre l'apotome, dont la raison est de 2048 à 2187. Voyez LIMMA.

La génération de l'apotome se trouve à la septieme quinte, ut diese, en commençant par ut ; car alors la quantité dont cet ut diese surpasse l'ut naturel, est précisément le rapport que nous venons d'établir. (S)

Les anciens appelloient apotome majeur un petit intervalle formé de deux sons, en raison de 125 à 128, c'est ce que M. Rameau appelle quart de ton enharmonique dans sa Démonstr. du princ. de l'harmonie, Paris 1750.

Ils appelloient apotome mineur l'intervalle de deux sons, en raison de 2025 à 2048, intervalle encore moins sensible à l'oreille que le précédent. (O)


APOTRES. m. (Théologie.) apostolus, du grec , composé d', & de , j'envoie : ce mot a été employé par Hérodote & d'autres auteurs prophanes, pour exprimer diverses sortes de délégués : mais dans le Nouveau Testament il est le nom donné par excellence aux douze disciples de Jesus-Christ, choisis par lui-même pour prêcher son Evangile, & le répandre dans toutes les parties du monde.

Quelques faux prédicateurs contesterent à S. Paul sa qualité d'apôtre, parce qu'à les entendre, on ne pouvoit se dire envoyé de Jesus-Christ sans l'avoir vû, & sans avoir été témoin de ses actions. Pour répondre à ces sophistes qui avoient séduit les églises de Galatie, il commence par ces mots l'épître aux Galates : Paul apôtre non des hommes ni par les hommes, mais par Jesus-Christ & Dieu le Pere ; leur faisant ainsi connoître qu'il avoit sa mission immédiatement de Dieu. Son élection est clairement exprimée dans ces paroles que Dieu dit à Ananie en parlant de Saul converti. Act. chap. jx. vers. 16. Vas electionis est mihi iste, ut portet nomen meum coram gentibus & regibus ; ce qui fait qu'il est appellé par excellence l'apôtre des Gentils, à la conversion desquels il étoit spécialement destiné : mais il est à remarquer que malgré ce témoignage & la vocation expresse du Saint-Esprit, segregate mihi Saulum & Barnabam in opus ad quod assumpsi eos ; il ajoûta encore la mission ordinaire & légitime qui vient de l'Eglise, par la priere & l'imposition des mains des prophetes & des docteurs qui composoient celle d'Antioche. Act. chapit. xiij. vers. 2 & 3.

On représente ordinairement les douze apôtres avec leurs symboles ou leurs attributs spécifiques ; & c'est pour chacun d'eux, à l'exception de S. Jean & de S. Jacques le majeur, la marque de leur dignité, ou l'instrument de leur martyre. Ainsi S. Pierre a les clés pour marque de sa primauté ; S. Paul un glaive ; S. André une croix en sautoir ; S. Jacques le mineur une perche de foulon ; S. Jean une coupe d'où s'envole un serpent aîlé ; S. Barthélemi un couteau ; S. Philippe un long bâton, dont le bout d'en-haut se termine en croix ; S. Thomas une lance ; S. Matthieu une hache d'armes ; S. Jacques le majeur un bourdon de pélerin & une gourde ; S. Simon une scie, & S. Jude une massue.

On sait par les actes des apôtres, par leurs épîtres, par les monumens de l'histoire ecclésiastique, & enfin par des traditions fondées, en quels lieux les apôtres ont prêché l'Evangile. Quelques auteurs ont douté s'ils n'avoient pas pénétré en Amérique ; mais le témoignage constant de ceux qui ont écrit l'histoire de la découverte du nouveau monde, prouve qu'il n'y avoit dans ces vastes contrées nulle trace du Christianisme. Voyez ACTES DES APOTRES.

On donne communément le nom d'apôtre à celui qui le premier a porté la foi dans un pays : c'est ainsi que S. Denys, premier évêque de Paris, qu'on a long-tems confondu avec S. Denys l'aréopagite, est appellé l'apôtre de la France ; le moine S. Augustin, l'apôtre de l'Angleterre ; S. Boniface, l'apôtre de l'Allemagne ; S. François Xavier, l'apôtre des Indes : on donne aussi le même nom aux Missionnaires Jésuites, Dominicains, &c. répandus en Amérique & dans les Indes orientales. Voyez MISSIONNAIRE.

Il y a eu des tems où l'on appelloit spécialement apôtre, le Pape, à cause de sa sur-éminence en qualité de successeur du prince des apôtres. Voyez Sidoine Apollin. liv. VI. épît. 4. Voyez aussi PAPE & APOSTOLIQUE.

APOTRE, étoit encore un nom pour désigner des ministres ordinaires de l'Eglise, qui voyageoient pour ses intérêts. C'est ainsi que S. Paul dit dans son épître aux Romains, ch. xvj. vers. 7. Saluez Andronicus & Junia, mes parens & compagnons de ma captivité, qui sont distingués parmi les apôtres. C'étoit aussi le titre qu'on donnoit à ceux qui étoient envoyés par quelques églises, pour en apporter les collectes & les aumônes des fideles destinées à subvenir aux besoins des pauvres & du clergé de quelques autres églises. C'est pourquoi S. Paul écrivant aux Philippiens leur dit qu'Epaphrodite leur apôtre avoit fourni à ses besoins. chapitre xj. vers. 25. Les Chrétiens avoient emprunté cet usage des synagogues, qui donnoient le même nom à ceux qu'elles chargeoient d'un pareil soin, & celui d'apostolat à l'office charitable qu'ils exerçoient.

Il y avoit chez les anciens Juifs une autre espece d'apôtres : c'étoient des officiers qui avoient en département une certaine étendue de pays, dans lequel on les envoyoit en qualité d'inspecteurs ou de commissaires, afin d'y veiller à l'observation des lois, & percevoir les deniers levés pour la réparation du temple ou autres édifices publics, & pour payer le tribut aux Romains. Le code théodosien, lib. XIV. de Judaeis, nomme apôtres ceux qui ad exigendum aurum atque argentum à patriarchâ certo tempore diriguntur. Les Juifs appellent ces préposés schelihhin, envoyés ou messagers. Julien l'apostat qui vouloit favoriser les Juifs pour s'en servir à la destruction du Christianisme, leur remit l'apostolat, , c'est-à-dire comme il s'explique lui même, le tribut qu'ils avoient coûtume de lui envoyer.

Ces apôtres étoient subordonnés aux officiers des synagogues, qu'on nommoit patriarches, de qui ils recevoient leurs commissions. Quelques auteurs observent que S. Paul avant sa conversion, avoit exercé cet emploi, & qu'il y fait allusion dans l'endroit de l'épître aux Galates, que nous avons cité au commencement de cet article, comme s'il eût dit : Paul qui n'est plus un apôtre de la synagogue, ni son envoyé pour le maintien de la loi de Moyse, mais à présent un apôtre, un envoyé de Jesus-Christ. S. Jerôme admet cette allusion à la fonction d'apôtre de la synagogue, sans insinuer en aucune maniere que S. Paul en eût jamais été chargé.

APOTRE, dans la Liturgie greque, , est un terme particulierement usité pour désigner un livre qui contient principalement les épîtres de S. Paul, selon l'ordre où les Grecs les lisent dans leurs églises pendant le cours de l'année ; car comme ils ont un livre nommé , qui contient les évangiles, ils ont aussi un , & il y a apparence qu'il ne contenoit d'abord que les épîtres de S. Paul ; mais depuis un très-long tems il renferme aussi les actes des apôtres, les épîtres canoniques, & l'apocalypse ; c'est pourquoi on l'appelle aussi , à cause des actes qu'il contient, & que les Grecs nomment . Le nom d'apostolus a été en usage dans l'Eglise Latine dans le même sens, comme nous l'apprennent S. Grégoire le grand, Hincmar, & Isidore de Séville : c'est ce qu'on nomme aujourd'hui épistolier. Voyez EPISTOLIER. (G)

APOTRES, terme de Droit : on appelloit ainsi autrefois des lettres dimissoires, par lesquelles les premiers juges, de la sentence desquels avoit été interjetté appel, renvoyoient la connoissance de l'affaire au juge supérieur & s'en dessaisissoient ; faute de quoi l'appel ne pouvoit pas être poursuivi.

Ces sortes de lettres étoient aussi en usage dans les cours ecclésiastiques.

Mais ces apôtres -là ont été abrogés tant en cour laïque, qu'en cour ecclésiastique.

On appelloit encore apôtres les lettres dimissoires qu'un évêque donnoit à un laïque ou à un clerc, pour être ordonné dans un autre diocèse. Voyez DIMISSOIRE. (H)

APOTRES, (ONGUENT DES) Pharmacie. L'onguent des apôtres, en Pharmacie, est une espece d'onguent qui déterge ou nettoie ; il est composé de douze drogues ; c'est la raison pourquoi il est nommé l'onguent des apôtres. Voyez ONGUENT.

Avicenne en fut l'inventeur. On l'appelle autrement, unguentum Veneris. Les principaux ingrédiens sont la cire, la térébenthine, la résine, la gomme ammoniaque, l'oliban, le bdellium, la myrrhe, le galbanum, l'opopanax, les racines d'aristoloche, le verd-de-gris, la litharge, l'huile d'olive. Voyez DETERGENT, &c.

Cet onguent est un excellent digestif, détersif, & un grand vulnéraire. (N)


APOTROPÉENS(Myth.) dieux qu'on invoquoit, quand on étoit menacé de quelque malheur ; on leur immoloit une jeune brebis. Le mot apotropéens vient de , détourner. Les Grecs appelloient encore ces dieux , qui chassent le mal ; & ils étoient révérés des Latins sous le nom d'averrunci, qui vient d'averruncare, écarter.


APOYOMATLIsub. m. (Hist. nat. bot.) herbe qu'on trouve dans la Floride : elle a la feuille du poireau, seulement un peu plus longue & plus déliée ; le tuyau comme le jonc, & la racine aromatique. Les Espagnols en font une poudre, qu'ils prennent dans du vin pour la gravelle ; elle pousse par les urines, appaise les douleurs de poitrine, & soulage dans les affections hystériques.


APOZEMES. f. (Pharmac.) forte décoction des racines, des feuilles, & des tiges d'une plante ou de plusieurs plantes ensemble. Ce mot est formé du grec , & , ferveo. Les anciens confondoient la décoction avec l'apozeme : cependant l'infusion simple peut seule faire un apozeme, qui n'est autre chose qu'un médicament liquide chargé des vertus & principes d'un ou de plusieurs remedes simples ; & comme l'extrait ou l'action de les tirer d'un mixte ne demande dans certains cas que la simple macération de plusieurs corps qui sont volatils, & dans d'autres cas l'ébullition, il est clair que la décoction n'est pas essentielle à l'apozeme. On divise l'apozeme en altérant & en purgatif. Le premier est celui qui n'est composé que de simples, ou remedes altérans. Le second est celui auquel on ajoûte des purgatifs.

L'altérant est une infusion qui change les humeurs. Le purgatif les évacue.

L'apozeme se compose de simples cuits ou infusés ensemble. L'on met d'abord le bois, les racines, ensuite les écorces, & après les herbes ou feuilles, puis les fruits, & en dernier lieu les semences & les fleurs. L'infusion de ces simples se fait dans l'eau de fontaine ou de riviere ; on ne regle pas la quantité de l'eau, mais on la laisse à la prudence de l'apothicaire.

Les apozemes s'ordonnent ordinairement pour trois ou quatre doses, & à chacune on ajoûte deux gros de sucre ou de sirop, selon que la maladie l'exige.

Chaque dose doit être de quatre ou six onces. On la diminue de moitié pour les enfans.

L'usage des apozemes est de préparer les humeurs à la purgation, de les délayer, détremper & diviser pour les rendre plus fluides, & emporter les obstructions que leur épaississement auroit engendrées dans les petits vaisseaux.

Les apozemes doivent donc varier selon les indications que le Medecin a à remplir : ainsi il en est de tempérans & rafraîchissans, de calmans & adoucissans, d'incrassans & empâtans, d'apéritifs, de diurétiques, d'emménagogues, d'antipleurétiques. C'est ainsi que les anciens ordonnoient des apozemes rafraîchissans pour la bile échauffée, âcre, subtile & brûlée, qui causoit un desordre dans les maladies aiguës & dans les fievres putrides.

Apozeme tempérant. Prenez racines de chicorée, d'oseille & de buglose, de chacune une once ; feuilles de chicorée, de laitue, de pourpier, & de buglose, de chacune une poignée ; raisins mondés, une once ; orge mondé, une pincée ; fleurs de violette & de nimphéa, de chacune une pincée : vous ferez d'abord bouillir les racines dans trois chopines d'eau réduites à pinte, & sur la fin vous ferez infuser les feuilles avec les semences & les fleurs. Cet apozeme est des plus composés ; il est cependant fort tempérant. Pour le rendre plus agréable, on ajoûtera sur chaque dose du sirop de nimphéa & de grenade, de chacune deux gros ; du sel de prunelle, un gros.

Apozeme délayant & humectant. Prenez racines de chien-dent, de caprier, de fraisier & de petit-houx, de chacune une once ; feuilles & racines de chicorée, feuilles d'endive, de capillaire, de pimprenelle & d'aigremoine, une poignée de chacune ; fleurs de chicorée, de bourache, de buglose & de violette, une pincée de chacune : faites du tout un apozeme selon l'art, comme il est marqué ci-dessus, en ajoûtant sur chaque dose deux gros de sirop de guimauve, de limon ou de capillaire, avec six gouttes d'esprit de soufre. Cet apozeme est délayant & tempérant ; il convient dans l'épaississement & l'ardeur du sang & des humeurs.

Apozeme atténuant & détersif. Prenez racines d'ache, de persil & de fenouil, six gros de chacune ; de racine d'aunée & de patience, de chacune demi-once ; feuilles de chamépithys, d'aigremoine, de chamédrys & de capillaire, de chacune deux gros ; fleurs de stoechas & de souci, une pincée de chacune : faites bouillir le tout selon l'art dans de l'eau de fontaine pour quatre doses, & passez la liqueur ; ajoûtez à chaque dose du sirop des cinq racines, deux gros.

Apozeme apéritif, hépatique & emménagogue. Prenez des cinq racines apéritives, de chacune une once ; écorce moyenne de frêne & de tamaris, de chacune demi-once ; feuilles de chicorée, de scolopendre, de capillaire, de cerfeuil, une demi-poignée de chacune : faites du tout un apozeme selon l'art ; ajoûtez à chaque dose, de sel de duobus, un scrupule ; de sirop d'armoise, une once.

Apozeme contre la pleurésie, la péripneumonie & la toux. Prenez feuilles de bourache, de buglose & de capillaire, de chacune une poignée ; de chicorée sauvage, une demi-poignée : lavez ces herbes & coupez-les un peu ; ensuite faites-en un apozeme réduit à une pinte : passez la liqueur, & ajoûtez sirop de guimauve, une once : celui-ci est plus simple & plus agréable. Nous en avons donné de composés pour nous accommoder au goût des Medecins & de leurs malades.

Apozeme anti-scorbutique. Prenez racines de raifort & d'aunée, de chacune une once ; de pyrethre concassée, un demi-gros : prenez ensuite feuilles de cochléaria, de beccabunga, de treffle d'eau, & de cresson de fontaine, de chacune une demi-poignée : pilez le tout ensemble dans un mortier de marbre, & jettez dessus une pinte d'eau bouillante, laissez infuser pendant une heure. On aura soin de bien couvrir le vaisseau, & de ne le découvrir qu'après que la liqueur sera refroidie. Passez le tout, & ajoûtez à la colature, du sirop d'absynthe ou anti-scorbutique, une once. Cet apozeme est bon dans le scorbut. Voyez SCORBUT.

Apozeme pectoral & adoucissant. Prenez orge mondé, une demi-once ; feuilles de bourache de tussilage & de pulmonaire, de chacune une demi-poignée : faites bouillir le tout selon l'art dans trois chopines, à réduction d'une pinte ; ajoûtez ensuite racines de guimauve, deux gros ; fleurs de tussilage, de mauve, de chacune une pincée. Laissez infuser le tout : passez ensuite sans expression ; édulcorez la colature avec sirop de violette ou de capillaire, une once. La dose est d'un bon verre de deux heures en deux heures.

Apozeme laxatif. Prenez racines de chicorée sauvage & de patience sauvage, de polypode de chêne, ratissées & coupées, de chacune une demi-once ; feuilles d'aigremoine, de chicorée sauvage, de chacune une demi-poignée : faites bouillir le tout dans trois chopines d'eau que vous réduirez à une pinte ; retirez la cruche du feu, & faites-y infuser pendant quatre heures sené mondé, une once ; crême de tartre, demi-once ; semence d'anis, un gros ; passez la liqueur par un linge avec legere expression, & ajoûtez à la colature du sirop de fleurs de pêcher, une once & demie ; partagez le tout en six verres à prendre tiedes en deux jours, trois dans chaque matinée, un bouillon entre chaque prise. Cet apozeme s'ordonnera pour purger legerement & à la longue, ceux qu'on ne veut point faire évacuer copieusement, ni fatiguer par un purgatif disgracieux & dégoûtant.

Apozeme apéritif & purgatif contre l'hydropisie. Prenez racines de patience sauvage, de chardon Roland, d'asperge, de chacune demi-once ; d'aunée, deux gros : coupez le tout par morceaux après l'avoir ratissé, & faites-le bouillir dans trois chopines d'eau que vous réduirez à une pinte ; ajoûtez sur la fin feuilles d'aigremoine, de cresson, de chacune une poignée ; passez la liqueur par un linge avec expression ; dissolvez-y arcanum duplicatum, deux gros ; sirop de Nerprun, une once & demie. La dose est d'un verre tiede de quatre en quatre heures, en suspendant les derniers, si l'évacuation est suffisante : on l'ordonne sur-tout dans l'oedeme & la leucophlegmatie.

Apozeme fébrifuge & laxatif. Prenez feuilles de bourache, buglose, chicorée sauvage, de chacune une poignée ; quinquina pulvérisé, une once ; follicules de sené, trois gros ; sel de Glaubert, deux gros : faites bouillir les plantes dans trois chopines d'eau commune, que vous réduirez à une pinte : passez la liqueur avec expression, & ajoûtez-y sirop de fleurs de pêcher, une once & demie. Cet apozeme convient dans les fievres intermittentes ; on le donne de quatre en quatre heures hors les accès, lorsque les urines sont rouges, & qu'elles déposent un sédiment briqueté, lorsque l'éréthisme & la chaleur sont fort abattus.

Nota. 1°. que les apozemes ci-dessus énoncés peuvent être changés en juleps, en potions, ou autres formules plus faciles à exécuter. Voyez JULEP, POTION.

2°. Tous les apozemes peuvent être rendus purgatifs en y dissolvant un sel.

3°. L'usage de ces apozemes demande une grande attention pour le régime ; la diete doit être reglée selon l'état & la force du malade, respectivement à la qualité de l'apozeme. (N)


APPAISERAPPAISER un cheval, (Manége.) c’est adoucir son humeur lorsqu’il a des mouvemens déréglés & trop vifs par colere ; on l’appaise, ou en le caressant, ou en lui donnant un peu d’herbe à manger, ou au moyen d’un sifflement doux que le cavalier fait. (V)


APPARATS. m. est usité en Littérature, pour désigner un titre de plusieurs livres disposés en forme de catalogue, de bibliotheque, de dictionnaire, &c. pour la commodité des études. Voyez DICTIONNAIRE.

L'apparat sur Cicéron, est une espece de concordance ou de recueil de phrases cicéroniennes.

L'apparat sacré de Possevin est un recueil de toutes sortes d'auteurs ecclésiastiques, imprimé en 1611 en trois volumes. Les gloses, les commentaires, &c. ont été aussi fort souvent appellés apparats. Voyez GLOSE, &c. L'apparat poétique du P. Vaniere est un recueil des plus beaux morceaux des Poëtes Latins sur toutes sortes de sujets. (G)

APPARAT, s'employoit autrefois comme synonyme à commentaire, & on s'en est servi singulierement pour désigner la glose d'Accurse sur le digeste & le code. Voyez DIGESTE & CODE. (H)

APPARAT ou ORNEMENT, (Lettres d ') se dit, en Ecriture, de celles qui se mettent au commencement des pages ; elles sont ordinairement plus grosses que les majuscules, & se font plus délicatement avec la plume à traits. On peut les faire plus sûrement avec la plume ordinaire.


APPARATORIUMlieu des préparatifs. (Hist. anc.) M. Fabretti croit que ce lieu des préparatifs étoit celui où l'on tenoit disposé le festin des funérailles, & où l'on gardoit l'eau lustrale.


APPARAUou APARAUX, s. m. pl. (Marine.) Ce mot signifie les voiles, les manoeuvres, les vergues, les poulies, les ancres, les cables, le gouvernail, & l'artillerie du vaisseau ; desorte qu'il désigne plus de choses que le mot d'agreils, & moins que celui d'équipement, qui signifie outre cela les gens de l'équipage & les victuailles. (Z)


APPAREILS. m. signifie proprement une préparation formelle à quelqu'acte public & solemnel. Voyez PREPARATION.

Nous disons l'appareil d'une fête ou d'un couronnement ; qu'un prince a fait son entrée avec beaucoup d'appareil & de magnificence. (G)

APPAREIL, en terme de Chirurgie, est la préparation & la disposition de tout ce qui est nécessaire pour faire une opération, un pansement, &c. L'appareil est différent, suivant le besoin ; les instrumens, les machines, les bandes, lacs, compresses, plumasseaux, bourdonnets, charpie, tentes, sont des pieces d'appareil, de même que les médicamens dont on doit faire usage. Voyez la signification de ces mots.

C'est une regle générale en Chirurgie, qu'il faut avoir préparé l'appareil avant que de commencer l'opération. Cette regle souffre une exception dans les luxations ; car il faut avant toutes choses replacer les os dans leur situation naturelle : on fait ensuite l'appareil.

Le mot d'appareil est aussi d'usage en Chirurgie, pour désigner les opérations de la taille : on dit le haut appareil, le grand & le petit appareil, l'appareil latéral. Voyez LITHOTOMIE. (Y)

APPAREIL, en Architecture : on dit qu'un bâtiment est d'un bel appareil, quand il est conduit avec soin, que les assises sont de hauteur égale, & que les joints sont proprement faits & de peu d'écartement ; tel est celui de l'Observatoire, & la fontaine de Grenelle, fauxbourg saint-Germain, qui peuvent passer pour des chef-d'oeuvres dans ce genre.

On dit aussi qu'une pierre ou assise est de bas appareil, quand elle ne porte que douze ou quinze pouces de hauteur ; & de haut appareil, quand elle en porte vingt-quatre ou trente. (P)

APPAREIL, appareil de pompe, c'est le piston de la pompe.

APPAREIL de mâts & de voiles, voy. MAT & VOILE.

APPAREIL, en cuisine, c'est un composé de plusieurs ingrédiens qui entrent dans un mets : la panne, les épices, la chair, les fines herbes, sont l'appareil d'une andouille.


APPAREILLÉEadj. f. (Marine.) voile appareillée ; c'est une voile mise dehors ou au vent, c'est-à-dire déployée pour prendre le vent : ce qui est le contraire de voile ferlée ou carguée. (Z)


APPAREILLERv. n. (Marine.) c'est disposer toutes choses dans un vaisseau pour mettre à la voile : on dit qu'une voile est appareillée, pour dire qu'elle est déployée, & en état de recevoir le vent. Pour appareiller il faut ordinairement virer l'ancre & la bosser, déferler ce qu'on veut porter de voiles, & mettre toutes les manoeuvres en état, en larguant quelques-unes, & halant sur quelques autres. Voyez BOSSER, DEFERLER, LARGUER, HALER, &c. (Z)

APPAREILLER le corps, les arcades, les semples, &c. dans les Manufactures de soie ; c'est égaliser toutes les parties dont sont composés les corps, les arcades, les semples, &c. de maniere qu'elles soient toutes de niveau, & que l'une ne soit pas plus haute que l'autre. Voyez à l'article VELOURS CISELE, la nécessité de cette attention.

APPAREILLER, terme de Chapelier ; c'est former le mêlange des poils ou des laines qui doivent entrer dans la composition d'un chapeau, selon la qualité qu'on veut lui donner.

APPAREILLER, en terme de Layetier ; c'est joindre ensemble une ou plusieurs planches d'égale grandeur.

APPAREILLER, v. act. (Manége.) se dit de deux, de quatre ou de six chevaux de même poil, qu'on veut mettre à un carrosse. On dit aussi apparier. Appareiller, en terme de haras, signifie faire saillir à un étalon la jument la plus propre pour faire avec lui un beau & bon poulain. (V)

APPAREILLEUR, s. m. (Architect.) est le principal ouvrier chargé de l'appareil des pierres pour la construction d'un bâtiment ; c'est lui qui trace les épures par panneaux ou par écarrissement, qui préside à la pose, au raccordement, &c. Il seroit nécessaire que ces sortes d'ouvriers sûssent dessiner l'architecture ; cette science leur apprendroit l'art de profiler, & de former des courbes élégantes, gracieuses, & sans jarrets : il seroit aussi très-important qu'ils fussent mathématiciens, afin de pouvoir se rendre compte de la poussée des voûtes, du poids, de la charge, & du fruit qu'il convient de donner au mur, selon la diversité des occasions qu'ils ont d'être employés dans les bâtimens ; mais la plûpart de ceux qui se donnent pour tels, n'ont que le métier de leur art, malgré les cours publics qui leur sont offerts à Paris pour s'instruire. (P)


APPARENCEextérieur, dehors, (Gram.) L'extérieur fait partie de la chose ; le dehors l'environne à quelque distance : l'apparence est l'effet que produit sa présence. Les murs sont l'extérieur d'une maison, les avenues en font les dehors : l'apparence résulte du tout.

Dans le sens figuré, extérieur se dit de l'air & de la physionomie ; le dehors, des manieres & de la dépense ; l'apparence, des actions & de la conduite. L'extérieur prévenant n'est pas toûjours accompagné du mérite, dit M. l'abbé Girard, Syn. Franç. Les dehors brillans ne sont pas des preuves certaines de l'opulence. Les pratiques de dévotion ne décident rien sur la vertu.

APPARENCE, s. f. L'apparence est proprement la surface extérieure d'une chose, ou en général ce qui affecte d'abord les sens, l'esprit & l'imagination.

Les Académiciens prétendent que les qualités sensibles des corps ne sont que des apparences. Quelques philosophes modernes ont embrassé ce sentiment. V. ACADEMICIEN & QUALITE. Voyez aussi CORPS.

Nos erreurs viennent presque toutes de ce que nous nous hâtons de juger des choses, & de ce que cette précipitation ne nous permet pas de discerner le vrai de ce qui n'en a que l'apparence. Voyez VOLONTE, LIBERTE, ERREUR, VRAISEMBLANCE.

Apparence en perspective, c'est la représentation ou projection d'une figure, d'un corps, ou d'un autre objet, sur le plan du tableau. Voyez PROJECTION.

L'apparence d'une ligne droite projettée, est toûjours une ligne droite ; car la commune section de deux plans est toûjours une ligne droite : donc la commune section du plan du tableau, & du plan qui passe par l'oeil & par la ligne droite qu'on veut représenter, est une ligne droite : or cette commune section est l'apparence de la ligne qu'on veut projetter. Voyez PERSPECTIVE. L'apparence d'un corps opaque ou lumineux étant donnée, on peut trouver l'apparence de son ombre. Voyez OMBRE.

APPARENCE d'une étoile, d'une planete, &c. Voyez APPARITION. On entend quelquefois par apparences, en Astronomie, ce qu'on appelle autrement phénomenes ou phases. Voyez PHENOMENE & PHASE.

On se sert en Optique du terme d'apparence directe, pour marquer la vûe d'un objet par des rayons directs, c'est-à-dire par des rayons qui viennent de l'objet, sans avoir été ni réfléchis ni rompus. Voyez DIRECT & RAYON. Voyez aussi OPTIQUE & VISION. (O)

APPARENCE, belle apparence, (Manége.) se dit ordinairement d'un cheval qui, quoiqu'il paroisse très-beau, n'a cependant pas beaucoup de vigueur, & quelquefois même point du tout : on dit, voilà un cheval de belle apparence. (V)


APPARENTapparens, adj. m. Cette épithete convient à tout ce qui est visible, à tout ce qui est sensible à l'oeil, ou intelligible à l'esprit. Voyez APPARENCE.

Hauteur apparente, voyez HAUTEUR.

Conjonction apparente. Il y a conjonction apparente de deux planetes, lorsque la ligne droite qu'on suppose tirée par les centres des deux planetes, ne passe point par le centre de la terre, mais par l'oeil du spectateur. La conjonction apparente est distinguée de la conjonction vraie, où le centre de la terre est dans une même ligne droite avec les centres des deux planetes. Voyez CONJONCTION.

Horison apparent ou sensible, c'est le grand cercle qui termine notre vûe, ou celui qui est formé par la rencontre apparente du ciel & de la terre.

Cet horison sépare la partie visible ou supérieure du ciel, d'avec la partie inférieure qui nous est invisible, à cause de la rondeur de la terre. L'horison apparent differe de l'horison rationnel qui lui est parallele, mais qui passe par le centre de la terre. Voyez HORISON. On peut concevoir un cone dont le sommet seroit dans notre oeil, & dont la base seroit le plan circulaire qui termine notre vûe : ce plan est l'horison apparent. Voyez ABAISSEMENT.

L'horison apparent détermine le lever & le coucher apparent du soleil, de la lune, des étoiles, &c. Voyez LEVER, COUCHER, &c.

Grandeur apparente. La grandeur apparente d'un objet est celle sous laquelle il paroît à nos yeux. Voyez GRANDEUR.

L'angle optique est la mesure de la grandeur apparente, du moins c'est ce que les auteurs d'Optique ont soûtenu long-tems. Cependant d'autres opticiens prétendent avec beaucoup de fondement, que la grandeur apparente d'un objet ne dépend pas seulement de l'angle sous lequel il est vû ; & pour le prouver ils disent qu'un géant de six piés vû à six piés de distance, & un nain d'un pié vû à un pié de distance, sont vûs l'un & l'autre sous le même angle, & que cependant le géant paroît beaucoup plus grand : d'où ils concluent que tout le reste étant d'ailleurs égal, la grandeur apparente d'un objet dépend beaucoup de sa distance apparente, c'est-à-dire de l'éloignement auquel il nous paroît être. Voyez ANGLE.

Ainsi quand on dit que l'angle optique est la mesure de la grandeur apparente, on doit restraindre cette proposition aux cas où la distance apparente est supposée la même ; ou bien l'on doit entendre par le mot de grandeur apparente de l'objet, non pas la grandeur sous laquelle il paroît véritablement, mais la grandeur de l'image qu'il forme au fond de l'oeil. Cette image est en effet proportionnelle à l'angle sous lequel on voit l'objet ; & en ce sens on peut dire que la grandeur apparente d'un objet est d'autant de degrés que l'angle optique sous lequel on voit cet objet, en contient. Voyez VISION.

On dit aussi que les grandeurs apparentes des objets éloignés, sont réciproquement comme les distances. Voyez VISION & VISIBLE.

Cependant on peut démontrer en rigueur qu'un même objet A C (Pl. d'Opt. fig. 69.) étant vû à des distances différentes, par exemple en D & en B, ses grandeurs apparentes, c'est-à-dire les angles A D C & A B C, sont en moindre raison que la réciproque des distances D G & B G : il n'y a que le cas où les angles optiques A D C & A B C seroient fort petits, comme d'un ou de deux degrés, dans lequel ces angles ou les grandeurs apparentes seroient à-peu-près en raison réciproque des distances.

La grandeur apparente, ou le diametre apparent du soleil, de la lune ou d'une planete, est la quantité de l'angle sous lequel un observateur placé sur la surface de la terre, apperçoit ce diametre.

Les diametres apparens des corps célestes ne sont pas toûjours les mêmes. Le diametre apparent du soleil n'est jamais plus petit que quand le soleil est dans le cancer, & jamais plus grand que quand il est dans le capricorne. Voyez SOLEIL.

Le diametre apparent de la lune augmente & diminue alternativement, parce que la distance de cette planete à la terre varie continuellement. Voy. LUNE.

Le plus grand diametre apparent du soleil est, selon Cassini, de 32' 10", le plus petit de 31' 38". Selon de la Hire, le plus grand est de 32' 43", & le plus petit de 31' 38".

Le plus grand diametre apparent de la lune est, selon Kepler, de 32' 44", & le plus petit de 30' 60". Selon de la Hire, le plus grand est de 33' 30", & le plus petit de 29' 30". Voyez SOLEIL & LUNE.

Le diametre apparent de l'anneau de Saturne est, selon Huyghens, de 1' 8", lorsqu'il est le plus petit. Voyez SATURNE.

Quant aux diametres apparens des autres planetes, voyez l'article DIAMETRE.

Si les distances de deux objets fort éloignés, par exemple de deux planetes, sont égales, leurs diametres réels seront proportionnels aux diametres apparens ; & si les diametres apparens sont égaux, les diametres réels seront entr'eux comme les distances à l'oeil du spectateur : d'où il s'ensuit que quand il y a inégalité entre les distances & entre les diametres apparens, les diametres réels sont en raison composée de la directe des distances, & de la directe des diametres apparens.

Au reste, quand les objets sont fort éloignés de l'oeil, leurs grandeurs apparentes, c'est-à-dire les grandeurs dont on les voit, sont proportionnelles aux angles sous lesquels ils sont vûs ; ainsi quoique le soleil & la lune soient fort différens l'un de l'autre pour la grandeur réelle, cependant leur grandeur apparente est à-peu-près la même, parce qu'on les voit à-peu-près sous le même angle. La raison de cela est que quand deux corps sont fort éloignés, quelque différence qu'il y ait entre leur distance réelle, cette différence n'est point apperçûe par nos yeux, & nous les jugeons l'un & l'autre à la même distance apparente ; d'où il s'ensuit que la grandeur dont on les voit est alors proportionnelle à l'angle optique ou visuel. Par conséquent si deux objets sont fort éloignés, & que leurs grandeurs réelles soient comme leurs distances réelles, ces objets paroîtront de la même grandeur, parce qu'ils seront vûs sous des angles égaux.

Il y a une différence très-sensible entre les grandeurs apparentes ou diametres apparens du soleil & de la lune à l'horison, & leurs diametres apparens au méridien. Ce phénomene a beaucoup exercé les Philosophes. Le P. Malebranche est celui qui paroît l'avoir expliqué de la maniere la plus vraisemblable, & nous donnerons plus bas son explication ; cependant l'opinion de cet auteur n'est pas encore reçûe par tous les Physiciens. Voyez LUNE.

Distance apparente ou distance apperçûe, est la distance à laquelle paroît un objet. Cette distance est souvent fort différente de la distance réelle ; & lorsque l'objet est fort éloigné, elle est presque toûjours plus petite. Il n'y a personne qui n'en ait fait l'expérience, & qui n'ait remarqué que dans une vaste campagne, des maisons ou autres objets qu'on croyoit assez près de soi, en sont souvent fort éloignés. De même le soleil & la lune, quoiqu'à une distance immense de la terre, nous en paroissent cependant assez proches, si nous nous contentons d'en juger à la vûe simple. La raison de cela est que nous jugeons de la distance d'un objet principalement par le nombre d'objets que nous voyons interposés entre nous & cet objet ; or quand ces objets intermédiaires sont invisibles, ou qu'ils sont trop petits pour être apperçûs, nous jugeons alors l'objet beaucoup plus proche qu'il n'est en effet. C'est par cette raison, selon le pere Malebranche, que le Soleil à midi nous paroît beaucoup plus près qu'il n'est réellement, parce qu'il n'y a que très-peu d'objets remarquables & sensibles entre cet astre & nos yeux ; au contraire, ce même Soleil à l'horison nous paroît beaucoup plus éloigné qu'au méridien ; parce que nous voyons alors entre lui & nous un bien plus grand nombre d'objets terrestres, & une plus grande partie de la voûte céleste. C'est encore par cette raison que la Lune, vûe derriere quelque grand objet comme une muraille, nous paroît immédiatement contiguë à cet objet. Une autre raison pour laquelle nous jugeons souvent la distance d'un objet beaucoup plus petite qu'elle n'est réellement, c'est que pour juger de la distance réelle d'un objet, il faut que les différentes parties de cette distance soient apperçûes ; & comme notre oeil ne peut voir à la fois qu'un assez petit nombre d'objets, il est nécessaire pour qu'il puisse discerner ces différentes parties, qu'elles ne soient pas trop multipliées. Or lorsque la distance est considérable, ces parties sont en trop grand nombre pour être distinguées toutes à la fois, joint à ce que les parties éloignées agissent trop foiblement sur nos yeux pour pouvoir être apperçûes. La distance apparente d'un objet est donc renfermée dans des limites assez étroites ; & c'est pour cela que deux objets fort éloignés sont jugés souvent à la même distance apparente, ou du moins que l'on n'apperçoit point l'inégalité de leurs distances réelles, quoique cette inégalité soit quelquefois immense, comme dans le Soleil & dans la Lune, dont l'un est éloigné de nous de 11000 diametres de la terre, l'autre de 60 seulement.

Mouvement apparent, tems apparent, &c. Voyez MOUVEMENT, TEMS, &c.

Lieu apparent. Le lieu apparent d'un objet, en Optique, est celui où on le voit. Comme la distance apparente d'un objet est souvent fort différente de sa distance réelle, le lieu apparent est souvent fort différent du lieu vrai. Le lieu apparent se dit principalement du lieu où l'on voit un objet, en l'observant à-travers un ou plusieurs verres, ou par le moyen d'un ou plusieurs miroirs. Voyez DIOPTRIQUE, MIROIR, &c.

Nous disons que le lieu apparent est différent du lieu vrai ; car lorsque la réfraction que souffrent à-travers un verre les pinceaux optiques que chaque point d'un objet fort proche envoye à nos yeux, a rendu les rayons moins divergens ; ou lorsque par un effet contraire, les rayons qui viennent d'un objet fort éloigné sont rendus par la réfraction aussi divergens que s'ils venoient d'un objet plus proche ; alors il est nécessaire que l'objet paroisse à l'oeil avoir changé de lieu : or le lieu que l'objet paroît occuper, après ce changement produit par la divergence ou la convergence des rayons, est ce qu'on appelle son lieu apparent. Il en est de même dans les miroirs. Voyez VISION.

Les Opticiens sont fort partagés sur le lieu apparent d'un objet vû par un miroir, ou par un verre. La plûpart avoient crû jusqu'à ces derniers tems que l'objet paroissoit dans le point où le rayon réfléchi ou rompu passant par le centre de l'oeil rencontroit la perpendiculaire menée de l'objet sur la surface du miroir ou du verre. C'est le principe que le pere Taquet a employé dans sa Catoptrique, pour expliquer les phénomenes des miroirs convexes & concaves ; c'est aussi celui dont M. de Mairan s'est servi pour trouver la courbe apparente du fond d'un bassin plein d'eau, dans un Mémoire imprimé parmi ceux de l'académie de 1740. Mais le pere Taquet convient lui-même à la fin de sa Catoptrique, que le principe dont il s'est servi n'est pas général, & qu'il est contredit par l'expérience. A l'égard de M. de Mairan, il paroît donner ce principe comme un principe de Géométrie plûtôt que d'Optique ; & il convient que Newton, Barrow, & les plus célebres auteurs ne l'ont pas entierement admis. Ceux-ci pour déterminer le lieu apparent de l'objet, imaginent d'abord que l'objet envoye sur la surface du verre ou du miroir, deux rayons fort proches l'un de l'autre, lesquels après avoir souffert une ou plusieurs réfractions ou réflexions, entrent dans l'oeil. Ces rayons rompus ou réfléchis, étant prolongés, concourent en un point, & ils entrent par conséquent dans l'oeil comme s'ils venoient de ce point ; d'où il s'ensuit, selon Newton & Barrow, que le lieu apparent de l'objet est au point de concours des rayons rompus ou réfléchis qui entrent dans l'oeil, & ce point est aisé à déterminer par la Géométrie. Voyez l'optique de Newton, & les leçons optiques de Barrow. Ce dernier auteur rapporte même une expérience qui paroît sans replique, & par laquelle il est démontré que l'image apparente d'un fil à plomb enfoncé dans l'eau, est courbe ; d'où il résulte que le lieu apparent d'un objet vû par réfraction n'est point dans l'endroit où le rayon rompu coupe la perpendiculaire menée de l'objet sur la surface rompante. Mais il faut avoüer aussi que Barrow à la fin de ses leçons d'optique fait mention d'une expérience qui paroît contraire à son principe sur le lieu apparent de l'image : il ajoûte que cette expérience est aussi contraire à l'opinion du pere Taquet qu'à la sienne : malgré cela Barrow n'en est pas moins attaché à son principe sur le lieu apparent de l'objet, qui lui paroît évident & très-simple ; & il croit que dans le cas particulier où ce principe semble ne pas avoir lieu, on n'en doit attribuer la cause qu'au peu de lumieres que nous avons sur la vision directe. A l'égard de M. Newton, quoiqu'il suive le principe de Barrow sur le lieu apparent de l'image, il paroît regarder la solution de ce problème comme une des plus difficiles de l'Optique : Puncti illius, dit-il, accurata determinatio problema solutu difficillimum praebebit, nisi hypothesi alicui saltem verisimili, si non accuratè verae, nitatur assertio. Lec. opt. schol. Prop. VIII. pag. 80. Voyez MIROIR & DIOPTRIQUE.

Quoi qu'il en soit, voici des principes dont tous les Opticiens conviennent.

Si un objet est placé à une distance d'un verre convexe, moindre que celle de son foyer, on pourra déterminer son lieu apparent : s'il est placé au foyer, son lieu apparent ne pourra être déterminé ; on le verra seulement dans ce dernier cas extrèmement éloigné, ou plûtôt on le verra très-confusément.

Le lieu apparent ne pourra point encore se déterminer, si l'objet est placé au-delà du foyer d'un verre convexe : cependant si l'objet est plus éloigné du verre convexe que le foyer, & que l'oeil soit placé au-delà de la base distincte, son lieu apparent sera dans la base distincte. On appelle base distincte un plan qui passe par le point de concours des rayons rompus. Voyez LENTILLE.

De même si un objet est placé à une distance d'un miroir concave moindre que celle de son foyer, on peut déterminer son lieu apparent : s'il est placé au foyer, il paroîtra infiniment éloigné, ou plûtôt il paroîtra confusément, son lieu apparent ne pouvant être déterminé.

Si l'objet est plus éloigné du miroir que le foyer, & que l'oeil soit placé au-delà de la base distincte, le lieu apparent sera dans la base distincte. Voyez MIROIR, CONCAVE & CATOPTRIQUE.

On peut toûjours déterminer le lieu apparent de l'objet dans un miroir convexe.

Le lieu apparent d'une étoile, &c. est un point de la surface de la sphere, déterminé par une ligne tirée de l'oeil au centre de l'étoile, &c. Voyez LIEU.

Le lieu vrai ou réel se détermine par une ligne tirée du centre de la terre, au centre de la planete, ou à l'étoile, &c. (O)


APPARITEURS. m. (Hist. anc. & mod.) c'est le nom du bedeau d'une Université, dont la fonction est de porter la masse devant les docteurs des Facultés. Voyez BEDEAU, UNIVERSITE, MASSE.

On appelle aussi appariteurs, ceux qui ont l'emploi de citer quelqu'un devant un tribunal ecclésiastique. Voyez SOMMER, CITATION.

Les appariteurs, chez les Romains, étoient la même chose que les sergens ou les exempts parmi nous ; ou plûtôt c'étoit un nom générique, exprimant tous les ministres qui exécutoient les ordres des juges ou des magistrats ; & de-là leur est venu le nom d'appariteurs, formé d'apparere, être présent.

Sous le nom d'appariteurs, étoient compris, scribae, accensi, interpretes, praecones, viatores, lictores, statores, & même carnifices, les exécuteurs. Voyez SCRIBE, LICTEUR, &c. On les choisissoit ordinairement parmi les affranchis des magistrats : leur état étoit méprisé & odieux, tellement que le sénat imposoit comme une marque d'infamie à une ville qui s'étoit révoltée, le soin de lui fournir des appariteurs. Il y avoit aussi une sorte d'appariteurs des cohortes, appellés cohortales & conditionales, comme étant attachés à une cohorte, & condamnés à cette condition. Les appariteurs des prétoires, apparitores pretoriani, étoient ceux qui servoient les préteurs & les gouverneurs de provinces ; ordinairement le jour de la naissance de leurs maîtres on les changeoit, & on les élevoit à de meilleures places. Les pontifes avoient aussi leurs appariteurs, comme il paroît par une ancienne inscription en marbre, qui est dans la voie Appia :

APPARITORI

PONTIFICUM

PARMULARIO. (G)


APPARITIONvision, (Gram.) la vision se passe au dedans, & n'est qu'un effet de l'imagination : l'apparition suppose un objet au-dehors. S. Joseph, dit M. l'abbé Girard, fut averti par une vision de passer en Egypte : ce fut une apparition qui instruisit la Madeleine de la résurrection de Jesus-Christ. Les cerveaux échauffés & vuides de nourriture sont sujets à des visions. Les esprits timides & crédules prennent tout ce qui se présente pour des apparitions. Synon. Franç.

APPARITION, se dit, en Astronomie, d'un astre ou d'une planete qui devient visible, de caché qu'il étoit auparavant.

Apparition est opposé dans ce sens à occultation. Voyez OCCULTATION.

Le lever du Soleil est plûtôt une apparition qu'un vrai lever. Voyez SOLEIL & LEVER.

Cercle d'apparition perpétuelle. Voyez CERCLE. (O)


APPAROIRen style de Palais, est synonyme à paroître : faire apparoir, c'est montrer, prouver, constater. (H)


APPARONNÉadj. (Comm.) on dit à Bordeaux qu'une barrique, ou qu'un vaisseau a été apparonné, quand il a été jaugé par les officiers commis à cet effet.


APPARTEMENTS. m. (Architect.) Ce mot vient du latin partimentum, fait du verbe partiri, diviser ; aussi entend-t-on par appartement la partie essentielle d'une maison royale, publique ou particuliere, composée, lorsque l'appartement est complet, d'une ou plusieurs antichambres, de salles d'assemblée, chambres à coucher, cabinet, arriere-cabinet, toilette, garde-robe, &c. En général on distingue deux sortes d'appartemens ; l'un que l'on appelle de parade, l'autre de commodité ; ce dernier est à l'usage personnel des maîtres, & est ordinairement exposé au midi ou au nord, selon qu'il doit être habité l'été ou l'hyver : les pieces qu'il compose doivent être d'une médiocre grandeur, & d'une moyenne hauteur ; c'est pourquoi le plus souvent, lorsque l'espace du terrein est resserré, l'on pratique des entresolles au-dessus pour les garde-robes, sur-tout lorsque ces appartemens de commodité sont contigus à de grands appartemens, dont le diametre des pieces exige d'élever les planchers depuis 18 jusqu'à 20 ou 22 piés : ces petits appartemens doivent avoir des communications avec les grands, afin que les maîtres puissent passer de ceux-ci dans les autres pour recevoir leurs visites, sans risquer l'hyver de prendre l'air froid de dehors, ou des vestibules, antichambres, & autres lieux habités par la livrée ; & pour éviter la présence des domestiques ou personnes étrangeres auxquels ces sortes de pieces sont destinées. Il est sur-tout important d'éloigner ces appartemens des basses-cours, & de la vûe des domestiques subalternes, & autant qu'il se peut même de la cour principale, à cause du bruit des voitures qui vont & viennent dans une maison de quelqu'importance. Le nombre des pieces de ces appartemens de commodité n'exige pas l'appareil d'un grand appartement ; le commode & le salubre sont les choses essentielles ; il suffit qu'ils soient composés d'une antichambre, d'une deuxieme antichambre ou cabinet, d'une chambre à coucher, d'un arriere-cabinet, d'une garde-robe, d'un cabinet d'aisance, &c. mais il faut essentiellement que ces garde-robes & antichambres soient dégagées, de maniere que les domestiques puissent faire leur devoir sans troubler la tranquillité du maitre.

Il faut savoir que lorsque ces appartemens sont destinés à l'usage des dames, ils exigent quelques pieces de plus, à cause du nombre de domestiques qui communément sont attachés à leur service ; qu'il faut augmenter le nombre des garde-robes, & y pratiquer quelques cabinets particuliers de toilette, &c.

A l'égard des appartemens de parade, il faut qu'ils soient spacieux & exposés au levant, autant qu'il est possible, aussi-bien que placés du côté des jardins, quand il peut y en avoir : il faut sur-tout que les enfilades regnent d'une extrémité du bâtiment à l'autre, de maniere que l'appartement de la droite & celui de la gauche s'alignent par l'axe de leurs portes & croisées, & s'unissent avec symmétrie avec la piece du milieu, pour ne composer qu'un tout sans interruption, qui annonce d'un seul coup-d'oeil la grandeur intérieure de tout l'édifice. Sous le nom d'appartement de parade, on en distingue ordinairement de deux especes ; l'un qui porte ce nom, l'autre celui de société. Les pieces marquées Y dans le plan de la onzieme Planche, peuvent être considérées comme appartement de société ; c'est-à-dire destiné à recevoir les personnes de dehors, qui l'après-midi viennent faire compagnie au maître & à la maîtresse du logis ; & celles marquées Z composent celui de parade, où le maître pendant la matinée reçoit les personnes qui ont affaire à lui, selon sa dignité : mais en cas de fête ou d'assemblée extraordinaire, ces deux appartemens se réunissent avec le grand sallon du milieu pour recevoir avec plus d'éclat & de magnificence un plus grand nombre d'étrangers invités par cérémonie ou autrement. Ces grands appartemens doivent aussi être munis de garde-robes & de dégagemens nécessaires à l'usage des maîtres, des étrangers & des domestiques. Voyez la destination de chacune de ces pieces, & la maniere dont il les faut décorer, dans les définitions des mots SALLE A MANGER, CHAMBRE A COUCHER, CABINET, &c. (P)

APPARTEMENS d'un vaisseau. Il est défendu aux gardiens de prendre leur logement dans les chambres & principaux appartemens des vaisseaux, mais seulement à la sainte-barbe ou entre les ponts. (Z)


APPARTENANCES. f. (Manége.) se dit de toutes les choses nécessaires pour composer entierement le harnois d'un cheval de selle, de carrosse, de charrette, &c. quand on ne les détaille pas. Par exemple on dit une selle avec toutes ses appartenances, qui sont les sangles, la croupiere, &c. Voyez SELLE. (V)

APPARTENANCE, s. f. (en Droit) est synonyme à dépendance, annexe, &c. Voyez l'un & l'autre.

Ce mot est formé du latin ad, à, & pertinere, appartenir.

Les appartenances peuvent être corporelles, comme les hameaux qui appartiennent à un chef-lieu ; ou incorporelles, telles que les services des vassaux ou censitaires. (H)


APPASS. m. pl. attraits, charmes, (Gram.) outre l'idée générale qui rend ces mots synonymes, il leur est encore commun de n'avoir point de singulier dans le sens où on les prend ici, c'est-à-dire lorsqu'ils sont employés pour marquer le pouvoir qu'ont sur le coeur la beauté, l'agrément ou les graces : quant à leurs différences, les attraits ont quelque chose de plus naturel ; les appas tiennent plus de l'art, & il y a quelque chose de plus fort & de plus extraordinaire dans les charmes. Les attraits se font suivre, les appas engagent, & les charmes entraînent. On ne tient guere contre les attraits d'une jolie femme ; on a bien de la peine à se défendre des appas d'une coquette ; il est presqu'impossible de résister aux charmes de la beauté. On doit les attraits & les charmes à la nature : on prend des appas à sa toilette. Les défauts qu'on remarque diminuent l'effet des attraits ; les appas s'évanoüissent quand l'artifice se montre : on se fait aux charmes avec l'habitude & le tems.

Ces mots ne s'appliquent pas seulement aux avantages extérieurs des femmes ; ils se disent encore en général de tout ce qui affecte agréablement. On dit que la vertu a des attraits qui se font sentir aux vicieux mêmes ; que la richesse a des appas qui font quelquefois succomber la vertu, & que le plaisir a des charmes qui triomphent souvent de la philosophie.

Avec des épithetes, on met de grands attraits, de puissans appas, & d'invincibles charmes. Voyez les Synon. Franç.

APPAS ou APPAST, s. m. sing. c'est le nom générique sous lequel on comprend tous les moyens dont on se sert, soit à la pêche soit à la chasse, pour surprendre les animaux.


APPATERv. act. terme d'Oiseleur, mettre du grain ou quelqu'autre amorce dans un lieu pour y attirer les oiseaux qu'on veut prendre. On doit appâter les perdrix pour les prendre au filet.

On dit aussi, en terme de Pêche, appâter le poisson.


APPAUMÉadj. terme de Blason, il se dit de la main ouverte dont on voit le dedans, que l'on appelle la paume.

Baudry Piencourt en Normandie, de sable à trois mains droites, levées & appaumées d'argent. (V)


APPEAUvieux terme de Palais, qui s'est dit autrefois pour appel : on dit même encore dans quelques jurisdictions, le greffe des appeaux. (H)

APPEAU, s. m. c'est un sifflet d'Oiseleur avec lequel il attrape les oiseaux en contrefaisant le son de leur voix ; l'appeau des perdrix rouges est différent de celui des perdrix grises ; il y en a aussi pour appeller les cerfs, les renards, &c. ce sont des hanches semblables à celles de l'orgue, qui ont différens effets, selon les petites boîtes qui les renferment. On donne aussi le nom d'appeau aux oiseaux qu'on éleve dans une cage, pour appeller les autres oiseaux qui passent, & que l'on nomme plus communément appellans.


APPELen terme de Droit, est un acte judiciaire par lequel une cause jugée par un tribunal inférieur est portée à un supérieur ; ou le recours à un juge supérieur pour réparer les griefs qui résultent d'une sentence qu'un juge inférieur a prononcée. Voyez JUGE & COUR.

Les appels se portent du tribunal qui a rendu le jugement dont est appel, à celui d'où il ressortit nûment & sans moyen : par exemple, d'un bailliage à un présidial, d'un présidial au parlement, lequel juge souverainement & sans appel : mais il n'est pas permis d'appeller, omisso medio, c'est-à-dire d'un premier juge à un juge supérieur d'un tiers tribunal intermédiaire. Il faut parcourir en montant tous les degrés de jurisdictions supérieurs les uns aux autres.

Il faut excepter de cette regle générale les appels en matiere criminelle, lesquels se portent rectà au parlement, omisso medio. Il faut dire la même chose, même en matiere civile, des appels de déni de renvoi & d'incompétence. Voyez DENI.

On a quelquefois appellé d'un tribunal ecclésiastique à un séculier ou à une cour laïque. Le premier exemple que l'on en a, est celui de Paul de Samosate, lequel étant condamné & déposé par le second concile d'Antioche, refusa de livrer la maison épiscopale à Domnus, qui avoit été élû son successeur, & appella à l'empereur.

La même chose se pratique journellement dans les cas où il y a lieu à l'appel comme d'abus. Voyez au mot ABUS.

L'appel a la force de suspendre, toutes les fois qu'il a pour objet de prévenir un mal qu'on ne pourroit réparer s'il étoit une fois fait.

Mais quand l'appel n'a pour objet qu'un jugement préparatoire, de reglement ou d'instruction, il ne suspend pas l'exécution du jugement, lequel est exécutoire provisoirement & nonobstant l'appel.

L'appel périt par le laps de trois ans, c'est-à-dire lorsqu'on a été trois ans depuis le jour qu'il avoit été interjetté & signifié, sans le poursuivre ; l'appellant n'est pas même reçû à interjetter un second appel de la même sentence, laquelle acquiert par la péremption force de chose jugée, & vaut arrêt. Voyez PEREMPTION.

L'appellant qui succombe en son appel, est condamné, outre les dépens, en l'amende de 6 livres dans les présidiaux ; & de 12 dans les cours supérieures.

APPEL comme d'abus. Voyez ABUS.

APPEL simple par opposition à l'appel comme d'abus, est celui qui est porté d'une cour ecclésiastique inférieure à une supérieure ; au lieu que l'appel comme d'abus est porté d'une cour ecclésiastique dans un parlement.

Les appels dans les tribunaux ecclésiastiques sont portés comme dans les cours laïques, du moins en France, par gradation & sans omission de moyen, d'un tribunal à celui qui lui est immédiatement supérieur, comme du tribunal épiscopal à celui de l'archevêque, de celui de l'archevêque à celui du patriarche ou du primat, & de celui-ci au pape. Mais en France lorsque l'appel est porté à Rome, le pape est obligé, en vertu du concordat, tit. de causis, de nommer des commissaires en France pour juger de l'appel. De même si l'appel d'un official françois est dévolu à un archevêché situé hors de France, les parties conviendront de juges résidans dans le royaume ; sinon il leur en sera nommé d'office par le parlement, ainsi qu'il a été reglé par le concordat, ibid.

Le siége vacant, le chapitre connoît des appels dévolus à l'évêque.

On peut appeller du chapitre où a assisté l'évêque comme chanoine, à l'évêque même : secùs s'il y a assisté comme président & en sa qualité de prélat. On ne sauroit appeller de l'official à l'évêque.

Lorsqu'une fois il y a eu trois sentences conformes dans la même cause, il n'y a plus lieu à l'appel, & la décision passe en force de chose jugée.

L'appel est ordinairement dévolutif & suspensif : mais il n'est que dévolutif lorsqu'il s'agit d'une sentence de correction, conforme aux statuts synodaux & aux canons des conciles, laquelle s'exécute provisoirement nonobstant l'appel, ne detur occasio licentiùs delinquendi. Voyez DEVOLUTIF & SUSPENSIF. (H)

On distingue en général deux sortes d'appel, l'appel simple & l'appel qualifié ; savoir, appel comme de juge incompétent, appel comme de déni de renvoi, appel comme de déni de justice, & appel comme d'abus. Il n'y a en France que l'appel simple qui soit entierement de la jurisdiction ecclésiastique ; & on prétend qu'elle ne peut prononcer que par bien ou mal jugé. Les appels qualifiés se relevent contre ceux qui jugent, & au nom du Roi comme protecteur des canons & de la justice. L'appel comme d'abus est une plainte contre le juge ecclésiastique, lorsqu'on prétend qu'il a excédé son pouvoir & entrepris en quelque maniere que ce soit contre la jurisdiction séculiere, ou en général contre les libertés de l'église gallicane. Cette procédure est particuliere à la France.

On appelle quelquefois des jugemens des papes au futur concile, & nous avons dans notre histoire différens exemples de ces appels. Le dernier exemple qu'on en ait, est l'appel interjetté au futur concile de la bulle Unigenitus, par les évêques de Mirepoix, de Senez, de Montpellier, & de Boulogne, auquel accéderent le cardinal de Noailles, & l'Université de Paris, qui l'a retracté en 1739 sous le rectorat de M. l'abbé de Ventadour, aujourd'hui cardinal de Soubise & évêque de Strasbourg. (G)

APPEL, s. f. (Escrime.) est une attaque qui se fait d'un simple battement du pié droit dans la même place. Voyez ATTAQUE.

APPEL, s. f. en terme de Chasse, est une maniere de sonner du cor pour animer les chiens.


APPELLANTen termes de Palais, est une des parties collitigantes, qui se prétendant lésée par un jugement, en interjette appel devant des juges supérieurs. (H)

APPELLANT ; nom qu'on a donné au commencement de ce siecle aux évêques & autres ecclésiastiques, &c. qui avoient interjetté appel au futur concile de la bulle Unigenitus, donnée par le pape Clément XI. & portant condamnation du livre du pere Quesnel, intitulé Réflexions morales sur le nouveau Testament. (G)

APPELLANT, s. m. (Chasse.) est un oiseau dont on se sert quand on va à la chasse des oiseaux, pour en appeller d'autres & les faire venir dans les filets.


APPELLATIFadj. (Grammaire.) du latin appellativus, qui vient d'appellare, appeller, nommer. Le nom appellatif est opposé au nom propre. Il n'y a en ce monde que des êtres particuliers, le soleil, la lune, cette pierre, ce diamant, ce cheval, ce chien. On a observé que ces êtres particuliers se ressembloient entr'eux par rapport à certaines qualités ; on leur a donné un nom commun à cause de ces qualités communes entr'eux. Ces êtres qui végetent, c'est-à-dire qui prennent nourriture & accroissement par leurs racines, qui ont un tronc, qui poussent des branches & des feuilles, & qui portent des fruits ; chacun de ces êtres, dis-je, est appellé d'un nom commun arbre, ainsi arbre est un nom appellatif.

Mais un tel arbre, cet arbre qui est devant mes fenêtres, est un individu d'arbre, c'est-à-dire un arbre particulier.

Ainsi le nom d'arbre est un nom appellatif, parce qu'il convient à chaque individu particulier d'arbre ; je puis dire de chacun qu'il est arbre.

Par conséquent le nom appellatif est une sorte de nom adjectif, puisqu'il sert à qualifier un être particulier.

Observez qu'il y a deux sortes de noms appellatifs : les uns qui conviennent à tous les individus ou êtres particuliers de différentes especes ; par exemple, arbre convient à tous les noyers, à tous les orangers, à tous les oliviers, &c. alors on dit que ces sortes de noms appellatifs sont des noms de genre.

La seconde sorte de noms appellatifs ne convient qu'aux individus d'une espece ; tels sont noyer, olivier, oranger.

Ainsi animal est un nom de genre, parce qu'il convient à tous les individus de différentes especes ; car je puis dire, ce chien est un animal bien caressant, cet éléphant est un gros animal, &c. chien, éléphant, lion, cheval, &c. sont des noms d'especes.

Les noms de genre peuvent devenir noms d'especes, si on les renferme sous des noms plus étendus, par exemple, si je dis que l'arbre est un être ou une substance, que l'animal est une substance : de même le nom d'espece peut devenir nom de genre, s'il peut être dit de diverses sortes d'individus subordonnés à ce nom ; par exemple, chien sera un nom d'espece par rapport à animal ; mais chien deviendra un nom de genre par rapport aux différentes especes de chiens ; car il y a des chiens qu'on appelle dogues, d'autres limiers, d'autres épagneuls, d'autres braques, d'autres mâtins, d'autres barbets, &c. ce sont là autant d'especes différentes de chiens. Ainsi chien, qui comprend toutes ces especes est alors un nom de genre, par rapport à ces especes particulieres, quoiqu'il puisse être en même tems nom d'espece, s'il est considéré relativement à un nom plus étendu, tel qu'animal ou substance ; ce qui fait voir que ces mots genre, espece, sont des termes métaphysiques qui ne se tirent que de la maniere dont on les considere. (F)


APPELLATIONS. f. terme de Palais, qui au fond est tout-à-fait synonyme à appel ; cependant il y a des phrases auxquelles le premier est spécialement consacré : par exemple, au parlement, pour éviter de prononcer expressément sur le bien ou le mal jugé d'une sentence qu'on infirme, on dit la cour a mis l'appellation au néant ; on ne dit jamais a mis l'appel au néant. On dit appellation verbale d'un appel interjetté sur une sentence rendue à l'audience ; on ne dit pas appel verbal. D'ailleurs le mot appellation a encore ceci de particulier, qu'il se peut dire au plurier & non pas appel. (H)


APPELLES. f. (Marine.) c'est une sorte de manoeuvre, voyez MANOEUVRE. Une manoeuvre qui appelle de loin ou de près, est celle qui est attachée loin ou près du lieu où elle doit servir. (Z)


APPELLERnommer. (Grammaire.) On nomme pour distinguer dans le discours ; on appelle pour faire venir. Le Seigneur appella tous les animaux & les nomma devant Adam. Il ne faut pas toûjours nommer les choses par leurs noms, ni appeller toutes sortes de gens à son secours. Synon. François.

APPELLER un cheval de la langue, (Manége.) c'est frapper la langue contre le palais, ce qui fait un son qui imite le tac. On accoûtume les chevaux à cet avertissement en l'accompagnant d'abord de quelqu'autre aide (voyez AIDES), afin que par la suite il réveille son attention pour son exercice, en entendant ce son tout seul. (V)


APPENDICES. f. (Littérature.) du latin appendix ; chapitre accessoire ou dépendant d'un traité. Voyez ACCESSOIRE.

On employe ce terme principalement en matiere de littérature pour exprimer une addition placée à la fin d'un ouvrage ou d'un écrit, & nécessaire pour l'éclaircissement de ce qui n'a pas été suffisamment expliqué, ou pour en tirer des conclusions ; en ce sens ce mot revient à ce qu'on appelle supplément. Voyez SUPPLEMENT.

Le P. Jouvenci, à la suite de ses notes & commentaires sur quelques poëtes latins, a donné un petit traité de Mythologie intitulé Appendix de diis & heroibus. (G)

APPENDICE, s. f. en terme d'Anatomie, c'est une partie détachée en quelque sorte d'une autre partie, a laquelle cependant elle est adhérente ou continue.

Il y a des appendices membraneuses de différentes figures dans la plûpart des parties intérieures du corps.

Sur l'appendice vermiculaire de l'intestin caecum. Voyez CAECUM.

Appendice xyphoïde, voyez XYPHOÏDE. (L)


APPENS(Guet -) s. m. pl. est un assassinat concerté & prémédité. Appens ne se dit plus que dans cette seule expression. (H)


APPENSEL(Géog. mod.) petite ville ou gros bourg de Suisse, dans le canton d'Appensel, le treizieme & dernier des cantons. Longitude 27. 6. lat. 47. 31.


APPENTISS. m. terme d'Architecture, du latin appendix, dépendance, qui n'a qu'un égoût, voyez ANGARD.


APPER(IL) terme usité au Palais, dans le Commerce & dans le style de Chancellerie, pour signifier il est manifeste, avéré ou constant ; c'est un impersonnel qui rend le mot latin apparet, il apparoît (H)

Les Négocians se servent souvent de ce terme dans la tenue de leurs livres. Par exemple : M. Roger, secrétaire du Roi, doit donner premier Juin, pour marchandises, suivant sa promesse payable dans trois mois, appert au journal de vente, fol. 2. l. 40-10. (G)


APPESANTIRv. act. rendre plus pesant, moins propre pour le mouvement, pour l'action : l'âge, la vieillesse, l'oisiveté, &c. appesantissent le corps. (L)


APPESANTISSEMENTS. m. l'état d'une personne appesantie, soit de corps, soit d'esprit, par l'âge, par la maladie, par le sommeil, &c. Il est dans un grand appesantissement (L)


APPÉTERv. act. desirer par instinct, par inclination naturelle, indépendamment de la raison. L'estomac appete les viandes, la femelle appete le mâle. Pourquoi appete-t-on des alimens solides & des liqueurs rafraîchissantes, lorsqu'on est fort échauffé, & excédé de faim & de fatigue ?


APPÉTITS. m. (Morale.) ce mot, pris dans le sens le plus général, désigne la pente de l'ame vers un objet qu'elle se représente comme un bien ; car cette représentation du bien est la raison suffisante qui détermine notre appétit, & l'expérience le prouve continuellement. Quel que soit l'objet que nous appétons, eût-il tous les défauts imaginables, dès-là que notre ame se porte vers lui, il faut qu'elle s'y représente quelque sorte de bien, sans quoi elle ne sortiroit pas de l'état d'indifférence.

Les scholastiques ont distingué un double appétit, concupiscible & irascible ; le premier, c'est l'appétit proprement dit, la détermination vers un objet en tant qu'elle procede des sens ; l'appétit irascible, c'est l'aversion ou l'éloignement.

A cette distinction des écoles, nous en substituerons une autre plus utile entre l'appétit sensitif & l'appétit raisonnable. L'appétit sensitif est la partie inférieure de la faculté appétitive de l'ame ; cet appétit naît de l'idée confuse que l'ame acquiert par la voie des sens. Je bois du vin que mon goût trouve bon ; & le retour de cette idée que mon goût m'a donné, me fait naître l'envie d'en boire de nouveau. C'est à ce genre d'appétit que se bornent la plûpart des hommes, parce qu'il y en a peu qui s'élevent audessus de la région des idées confuses. De cette source féconde naissent toutes les passions.

L'appétit raisonnable est la partie supérieure de la faculté appétitive de l'ame, & elle constitue la volonté proprement dite. Cet appétit est l'inclination de l'ame vers un objet à cause du bien qu'elle reconnoît distinctement y être. Je feuillette un livre, & j'y apperçois plusieurs choses excellentes, & dont je puis me démontrer à moi-même l'utilité ; là-dessus je forme le dessein d'acheter ce livre ; cet acte est un acte de volonté, c'est-à-dire d'appétit raisonnable. Le motif ou la raison suffisante de cet appétit est donc la représentation distincte du bien attaché à un objet. Le livre en question enrichira mon ame de telles connoissances, il la délivrera de telles erreurs ; l'énumération distincte de ces idées est ce qui me détermine à vouloir l'acheter ; ainsi la loi générale de l'appétit, tant sensitif que raisonnable, est la même. Quidquid nobis repraesentamus tanquam bonum quoad nos, id appetimus. Lisez la Psychol. de M. Wolf, part. II. sect. I. ch. ij. (X)


APPIADESS. f. cinq divinités ainsi nommées, parce que leurs temples étoient à Rome aux environs des fontaines d'Appius, dans la grande place de César ; c'étoient Venus, Pallas, Vesta, la Concorde & la Paix.


APPIENN(LA VOIE) grand chemin de Rome, pavé, qu'Appius Claudius, censeur du peuple Romain, fit construire l'an 444 de Rome ; il commençoit au sortir de la porte Capene, aujourd'hui porte de saint Sebastien, passant sur la montagne qu'on appelle de sancti Angeli, traversoit la pleine Valdrane, agri Valdrani, les Palus Pontines, & finissoit à Capoue. Il avoit ving-cinq piés de largeur avec des rebords en pierres qui servoient à contenir celles dont le chemin étoit fait, de douze en douze piés. On y avoit ménagé, d'espace en espace, des especes de bornes pour aider les cavaliers à monter à cheval, ou pour servir comme de siéges sur lesquels ceux qui étoient à pié pussent se reposer. Caius Gracchus y fit placer de petites colonnes qui marquoient les milles.


APPIÉTRIRv. pas. terme de Commerce. On dit qu'une marchandise s'appiétrit, lorsque sa bonté, sa qualité sa valeur diminue, soit à cause qu'elle se corrompt ou se gâte, soit parce que le débit ou la mode en est passée, & qu'il s'en fait de mauvais restes. Savary, dict. du Comm. tom. I. pag. 681.

Ce terme paroît un composé du mot pietre, qui signifie mauvais, vil, méprisable. Voilà de pietre marchandise, pour dire une mauvaise marchandise. (G)


APPIU(MARCHE D ') (Hist. anc.) Il ne faut pas entendre seulement par le marché d'Appius une place de Rome, mais plûtôt un petit bourg distant de cette ville d'environ trois mille. Nos Géographes prétendent que le petit bourg de Saint-Donate est le forum Appii des anciens.


APPLANIRv. act. c'est dans un grand nombre d'arts, enlever les inégalités d'une surface ; ainsi on applanit un terrein, en agriculture, en unissant & mettant de niveau toute sa surface.


APPLATIadj. m. sphéroïde applati, est celui dont l'axe est plus petit que le diametre de l'équateur. Voyez ALLONGE, SPHEROÏDE, RREERRE. (O)


APPLATIRv. act. c'est altérer la forme d'un corps, selon quelqu'une de ses dimensions, de maniere que la dimension du corps selon laquelle se sera faite l'altération de sa forme en soit rendue moindre : exemple ; si l'on applatit un globe par un de ses poles, la ligne qui passera par ce pole, & qui se terminera à l'autre pole, sera plus courte après l'applatissement qu'elle ne l'étoit auparavant.

Ce qui rend le mot applatir difficile à définir exactement, c'est qu'il faut que la définition convienne à tous les corps, de quelque nature & de quelque figure qu'ils soient, avant & après l'applatissement, réguliers ou irréguliers, terminés par des surfaces planes ou par des surfaces convexes capables de condensation ou non.

Pour cet effet, concevez une puissance appliquée au corps qu'on applatit ; imaginez une ligne tirée à-travers ce corps dans la direction de cette puissance ; si de cette ligne indéfinie qui marque la direction de la puissance, la partie interceptée dans la solidité du corps, se trouve moindre après l'action de la puissance qu'elle ne l'étoit auparavant, le corps est applati dans cette direction.

Il est évident que cette notion de l'applatissement convient à chaque point de la surface d'un corps applati pris séparément, & qu'elle est par conséquent générale, quoiqu'elle semble d'abord souffrir une exception.

APPLATIR. Voyez PRESSER, en terme de Cornetier.


APPLATISSOIRESS. f. pl. c'est dans les usines où l'on travaille le fer, le nom que l'on donne à des parties de moulins qui servent à applatir & étendre les barres de fer, pour être fondues de la même chaude dans les grandes fonderies, ou d'une autre chaude dans les petites fonderies. Voyez les articles FORGES, FONDRE, FONDERIES petites & grandes. Ces parties qu'on appelle applatissoires, ne sont autre chose que des cylindres de fer qu'on tient approchés ou éloignés à discrétion, & entre lesquels la barre de fer entraînée par le mouvement que font ces cylindres sur eux-mêmes & dans le même sens, est allongée & étendue. Voyez la Planche 12. des forges : les parties C, D, des figures 1, 2, 3, sont des applatissoires : l'usage des applatissoires s'entendra beaucoup mieux à l'article FORGES, où nous expliquerons le méchanisme entier des machines dont les applatissoires ne sont que des parties.


APPLAUDISSEMENTS. m. (Hist. anc.) les applaudissemens chez les Romains accompagnoient les acclamations, & il y en avoit de trois sortes : la premiere qu'on appelloit bombi, parce qu'ils imitoient le bourdonnement des abeilles : la seconde étoit appellée imbrices, parce qu'elle rendoit un son semblable au bruit que fait la pluie en tombant sur des tuiles ; & la troisieme se nommoit testae, parce qu'elle imitoit le son des coquilles ou castagnettes : tous ces applaudissemens, comme les acclamations, se donnoient en cadence ; mais cette harmonie étoit quelquefois troublée par les gens de la campagne qui venoient aux spectacles, & qui étoient mal instruits. Il y avoit encore d'autres manieres d'applaudir ; comme de se lever, de porter les deux mains à la bouche, & de les avancer vers ceux à qui on vouloit faire honneur ; ce qu'on appelloit adorare, ou basia jactare ; de lever les deux mains jointes en croisant les pouces ; & enfin de faire voltiger un pan de sa toge. Mais comme cela étoit embarrassant, l'empereur Aurélien s'avisa de faire distribuer au peuple des bandes d'étoffe pour servir à cet usage. Mém. de l'Acad. des Belles-Lettres. (G)


APPLEBY(Géog. mod.) ville d'Angleterre, cap. de Westmorland, sur l'Eden. Long. 14. 50. lat. 54. 40.


APPLEDORE(Géog. mod.) petite ville du comté de Kent, en Angleterre, sur la riviere de Photen, à deux lieues au nord du château de Rey.


APPLICATIONS. f. action par laquelle on applique une chose sur une autre ; l'application d'un remede sur une partie malade.

Il se dit aussi de l'adaptation des particules nourricieres en place de celles qui se sont perdues. Voyez NUTRITION. (L)

APPLICATION, c'est l'action d'appliquer une chose à une autre, en les approchant, ou en les mettant l'une auprès de l'autre.

On définit le mouvement, l'application successive d'un corps aux différentes parties de l'espace. Voyez MOUVEMENT.

On entend quelquefois en Géométrie par application, ce que nous appellons en Arithmétique division. Ce mot est plus d'usage en latin qu'en françois : applicare 6 ad 3, est la même chose que diviser 6 par 3. Voyez DIVISION.

Application, se dit encore de l'action de poser ou d'appliquer l'une sur l'autre deux figures planes égales ou inégales.

C'est par l'application ou superposition qu'on démontre plusieurs propositions fondamentales de la Géométrie élémentaire ; par exemple, que deux triangles qui ont une même base & les mêmes angles à la base, sont égaux en tout ; que le diametre d'un cercle le divise en deux parties parfaitement égales ; qu'un quarré est partagé par sa diagonale en deux triangles égaux & semblables, &c. Voyez SUPERPOSITION.

APPLICATION d'une science à une autre, en général, se dit de l'usage qu'on fait des principes & des vérités qui appartiennent à l'une pour perfectionner & augmenter l'autre.

En général, il n'est point de science ou d'art qui ne tiennent en partie à quelqu'autre. Le Discours préliminaire qui est à la tête de cet Ouvrage, & les grands articles de ce Dictionnaire, en fournissent par-tout la preuve.

APPLICATION de l'Algebre ou de l'Analyse à la Géométrie. L'Algebre étant, comme nous l'avons dit à son article, le calcul des grandeurs en général, & l'Analyse l'usage de l'Algebre pour découvrir les quantités inconnues ; il étoit naturel qu'après avoir découvert l'Algebre & l'Analyse, on songeât à appliquer ces deux sciences à la Géométrie, puisque les lignes, les surfaces, & les solides dont la Géométrie s'occupe, sont des grandeurs mesurables & comparables entr'elles, & dont on peut par conséquent assigner les rapports. Voyez ARITHMETIQUE UNIVERSELLE. Cependant jusqu'à M. Descartes, personne n'y avoit pensé, quoique l'Algebre eût déjà fait d'assez grands progrès, sur-tout entre les mains de Viete. Voyez ALGEBRE. C'est dans la Géométrie de M. Descartes que l'on trouve pour la premiere fois l'application de l'Algebre à la Géométrie, ainsi que des méthodes excellentes pour perfectionner l'Algebre même : ce grand génie a rendu par là un service immortel aux Mathématiques, & a donné la clé des plus grandes découvertes qu'on pût espérer de faire dans cette science.

Il a le premier appris à exprimer par des équations la nature des courbes, à résoudre par le secours de ces mêmes courbes, les problèmes de Géométrie ; enfin à demontrer souvent les théorèmes de Géométrie par le secours du calcul algébrique, lorsqu'il seroit trop pénible de les démontrer autrement en se servant des méthodes ordinaires. On verra aux articles CONSTRUCTION, EQUATION, COURBE, en quoi consiste cette application de l'Algebre à la Géométrie. Nous ignorons si les anciens avoient quelque secours semblable dans leurs recherches : s'ils n'en ont pas eu, on ne peut que les admirer d'avoir été si loin sans ce secours. Nous avons le traité d'Archimede sur les spirales, & ses propres démonstrations ; il est difficile de savoir si ces démonstrations exposent précisément la méthode par laquelle il est parvenu à découvrir les propriétés des spirales ; ou si après avoir trouvé ces propriétés par quelque méthode particuliere, il a eu dessein de cacher cette méthode par des démonstrations embarrassées. Mais s'il n'a point en effet suivi d'autre méthode que celle qui est contenue dans ces démonstrations mêmes, il est étonnant qu'il ne se soit pas égaré ; & on ne peut donner une plus grande preuve de la profondeur & de l'étendue de son génie : car Bouillaud avoue qu'il n'a pas entendu les démonstrations d'Archimede, & Viete les a injustement accusées de parallogisme.

Quoi qu'il en soit, ces mêmes démonstrations qui ont coûté tant de peine à Bouillaud & à Viete, & peut-être tant à Archimede, peuvent aujourd'hui être extrèmement facilitées par l'application de l'Algebre à la Géométrie. On en peut dire autant de tous les ouvrages géométriques des anciens, que presque personne ne lit, par la facilité que donne l'Algebre de réduire leurs démonstrations à quelques lignes de calcul.

Cependant M. Newton, qui connoissoit mieux qu'un autre tous les avantages de l'Analyse dans la Géométrie, se plaint en plusieurs endroits de ses ouvrages, de ce que la lecture des anciens Géometres est abandonnée.

En effet, on regarde communément la méthode dont les anciens se sont servis dans leurs livres de Géométrie, comme plus rigoureuse que celle de l'Analyse ; & c'est principalement sur cela que sont fondées les plaintes de M. Newton, qui craignoit que par l'usage trop fréquent de l'Analyse, la Géométrie ne perdît cette rigueur qui caractérise ses démonstrations. On ne peut nier que ce grand homme ne fût fondé, au moins en partie, à recommander jusqu'à un certain point, la lecture des anciens Géometres. Leurs démonstrations étant plus difficiles, exercent davantage l'esprit, l'accoûtument à une application plus grande, lui donnent plus d'étendue, & le forment à la patience & à l'opiniâtreté, si nécessaires pour les découvertes. Mais il ne faut rien outrer ; & si on s'en tenoit à la seule méthode des anciens, il n'y a pas d'apparence que, même avec le plus grand génie, on pût faire dans la Géométrie de grandes découvertes, ou du moins en aussi grand nombre qu'avec le secours de l'Analyse. A l'égard de l'avantage qu'on veut donner aux démonstrations faites à la maniere des anciens, d'être plus rigoureuses que les démonstrations analytiques ; je doute que cette prétention soit bien fondée. J'ouvre les Principes de Newton : je vois que tout y est démontré à la maniere des anciens ; mais en même tems je vois clairement que Newton a trouvé ses théoremes par une autre méthode que celle par laquelle il les démontre, & que ses démonstrations ne sont proprement que des calculs analytiques qu'il a traduits, & déguisés en substituant le nom des lignes à leur valeur algébrique. Si on prétend que les démonstrations de Newton sont rigoureuses, ce qui est vrai ; pourquoi les traductions de ces démonstrations en langage algébrique, ne seroient-elles pas rigoureuses aussi ? Que j'appelle une ligne A B, ou que je la désigne par l'expression algébrique a, quelle différence en peut-il résulter pour la certitude de la démonstration ? A la vérité la derniere dénomination a cela de particulier, que quand j'aurai désigné toutes les lignes par des caracteres algébriques, je pourrai faire sur ces caracteres beaucoup d'opérations, sans songer aux lignes ni à la figure ; mais cela même est un avantage ; l'esprit est soulagé, il n'a pas trop de toutes ses forces pour résoudre certains problèmes, & l'Analyse les épargne autant qu'il est possible. Il suffit de savoir que les principes du calcul sont certains ; la main calcule en toute sûreté, & arrive presque machinalement à un résultat qui donne le théorème ou le probleme que l'on cherchoit, & auquel sans cela l'on ne seroit point parvenu, ou l'on ne seroit arrivé qu'avec beaucoup de peine. Il ne tiendra qu'à l'Analyste de donner à sa démonstration ou à sa solution la rigueur prétendue qu'on croit lui manquer ; il lui suffira pour cela de traduire la démonstration dans le langage des anciens, comme Newton a fait les siennes. Qu'on se contente donc de dire que l'usage trop fréquent & trop facile de l'Analyse peut rendre l'esprit paresseux, & on aura raison, pourvû que l'on convienne en même tems de la nécessité absolue de l'Analyse pour un grand nombre de recherches ; mais je doute fort que cet usage rende les démonstrations mathématiques moins rigoureuses. On peut regarder la méthode des anciens comme une route difficile, tortueuse, embarrassée, dans laquelle le Géometre guide ses lecteurs : l'Analyste placé à un point de vûe plus élevé, voit, pour ainsi dire, cette route d'un coup-d'oeil ; il ne tient qu'à lui d'en parcourir tous les sentiers, d'y conduire les autres, & de les y arrêter aussi long-tems qu'il le veut.

Au reste il y a des cas où l'usage de l'Analyse, loin d'abréger les démonstrations, les rendroit au contraire plus embarrassées. De ce nombre sont entr'autres plusieurs problèmes ou théorèmes, où il s'agit de comparer des angles entr'eux. Ces angles ne sont exprimables analytiquement que par leurs sinus, & l'expression des sinus des angles est souvent compliquée ; ce qui rend les constructions & les démonstrations difficiles en se servant de l'Analyse. Au reste, c'est aux grands Géometres à savoir quand ils doivent faire usage de la méthode des anciens, ou lui préférer l'Analyse. Il seroit difficile de donner sur cela des regles exactes & générales.

APPLICATION de la Géométrie à l'Algebre. Quoiqu'il soit beaucoup plus ordinaire & plus commode d'appliquer l'Algebre à la Géométrie, que la Géométrie à l'Algebre, cependant cette derniere application a lieu en certains cas. Comme on représente les lignes géométriques par des lettres, on peut quelquefois représenter par des lignes les grandeurs numériques que des lettres expriment, & il peut même dans quelques occasions en résulter plus de facilité pour la démonstration de certains théorèmes, ou la résolution de certains problèmes. Pour en donner un exemple simple, je suppose que je veuille prendre le quarré de a + b ; je puis par le calcul algébrique démontrer que ce quarré contient le quarré de a, plus celui de b, plus deux fois le produit de a par b. Mais je puis aussi démontrer cette proposition en me servant de la Géométrie. Pour cela je n'ai qu'à faire un quarré, dont je partagerai la base & la hauteur chacune en deux parties, dont j'appellerai l'une a, & l'autre b ; ensuite tirant par les points de division des lignes paralleles aux côtés du quarré, je diviserai ce quarré en quatre surfaces, dont on verra au premier coup-d'oeil que l'une sera le quarré de a, une autre celui de b, & les deux autres seront chacune un rectangle formé de a & de b ; d'où il s'ensuit que le quarré du binome a + b contient le quarré de chacune des deux parties, plus deux fois le produit de la premiere par la seconde. Cet exemple, très-simple & à la portée de tout le monde, peut servir à faire voir comment on applique la Géométrie à l'Algebre, c'est-à-dire comment on peut se servir quelquefois de la Géométrie pour démontrer les théorèmes d'Algebre.

Au reste, l'application de la Géométrie à l'Algebre n'est pas si nécessaire dans l'exemple que nous venons de rapporter, que dans plusieurs autres, trop compliqués pour que nous en fassions ici une énumération fort étendue. Nous nous contenterons de dire que la considération, par exemple, des courbes de genre parabolique, & du cours de ces courbes par rapport à leur axe, est souvent utile pour démontrer aisément plusieurs théorèmes sur les équations & sur leurs racines. Voyez entr'autres l'usage que M. l'abbé de Gua a fait de ces sortes de courbes, mém. acad. 1741, pour démontrer la fameuse regle de Descartes sur le nombre des racines des équations. Voy. PARABOLIQUE, CONSTRUCTION, &c.

On peut même quelquefois appliquer la Géométrie à l'Arithmétique, c'est-à-dire se servir de la Géométrie pour démontrer plus aisément sans Analyse & d'une maniere générale, certains théorèmes d'Arithmétique ; par exemple, que la suite des nombres impairs 1, 3, 5, 7, 9, &c. ajoûtés successivement, donne la suite des quarrés 1, 4, 9, 16, 25, &c.

Pour cela, faites un triangle rectangle A B E (fig. 65. Méchan.) dont un côté soit horisontal & l'autre vertical (je les désigne par horisontal & vertical, pour fixer l'imagination) : divisez le côté vertical A B en tant de parties égales que vous voudrez, & par les points de division 1, 2, 3, 4, &c. menez les paralleles 1 f, 2 g, &c. à B E, vous aurez d'abord le petit triangle A 1 f, ensuite le trapeze 1 f g 2, qui vaudra trois fois ce triangle ; puis un troisieme trapeze 2 g h 3, qui vaudra cinq fois le triangle : desorte que les espaces terminés par ces paralleles 1 f, 2 g, &c. seront représentés par les nombres suivans, 1, 3, 5, 7, &c. en commençant par le triangle A 1 f, & désignant ce triangle par 1, 5.

Or les sommes de ces espaces seront les triangles A 1 f, A 2 g, A 3 h, &c. qui sont comme les quarrés des côtés A 1, A 2, A 3, c'est-à-dire comme 1, 4, 9, &c. donc la somme des nombres impairs donne la somme des nombres quarrés. On peut sans doute démontrer cette proposition algébriquement ; mais la démonstration précédente peut satisfaire ceux qui ignorent l'Algebre. Voyez ACCELERATION.

APPLICATION de la Géométrie & de l'Algebre à la Méchanique. Elle est fondée sur les mêmes principes que l'application de l'Algebre à la Géométrie. Elle consiste principalement à représenter par des équations les courbes que décrivent les corps dans leur mouvement, à déterminer l'équation entre les espaces que les corps décrivent (lorsqu'ils sont animés par des forces quelconques), & le tems qu'ils employent à parcourir ces espaces, &c. On ne peut à la vérité comparer ensemble deux choses d'une nature différente, telles que l'espace & le tems ; mais on peut comparer le rapport des parties du tems avec celui des parties de l'espace parcouru. Le tems par sa nature coule uniformément, & la méchanique suppose cette uniformité. Du reste, sans connoître le tems en lui-même, & sans en avoir de mesure précise, nous ne pouvons représenter plus clairement le rapport de ses parties, que par celui des parties d'une ligne droite indéfinie. Or l'analogie qu'il y a entre le rapport des parties d'une telle ligne, & celui des parties de l'espace parcouru par un corps qui se meut d'une maniere quelconque, peut toûjours être exprimé par une équation. On peut donc imaginer une courbe dont les abscisses représentent les portions du tems écoulé depuis le commencement du mouvement ; les ordonnées correspondantes désignant les espaces parcourus durant ces portions de tems. L'équation de cette courbe exprimera, non le rapport des tems aux espaces, mais, si on peut parler ainsi, le rapport du rapport que les parties de tems ont à leur unité, à celui que les parties de l'espace parcouru ont à la leur ; car l'équation d'une courbe peut être considérée ou comme exprimant le rapport des ordonnées aux abscisses, ou comme l'équation entre le rapport que les ordonnées ont à leur unité, & celui que les abscisses correspondantes ont à la leur.

Il est donc évident que par l'application seule de la Géométrie & du calcul, on peut, sans le secours d'aucun autre principe, trouver les propriétés générales du mouvement, varié suivant une loi quelconque. On peut voir à l'article ACCELERATION, un exemple de l'application de la Géométrie à la Méchanique ; les tems de la descente d'un corps pesant y sont représentés par l'abscisse d'un triangle, les vîtesses par les ordonnées (voyez ABSCISSE & ORDONNEE), & les espaces parcourus par l'aire des parties du triangle. Voyez TRAJECTOIRE, MOUVEMENT, TEMS, &c.

APPLICATION de la Méchanique à la Géométrie. Elle consiste principalement dans l'usage qu'on fait quelquefois du centre de gravité des figures, pour déterminer les solides qu'elles forment. Voyez CENTRE DE GRAVITE.

APPLICATION de la Géométrie & de l'Astronomie à la Géographie. Elle consiste en trois choses. 1° A déterminer par les opérations géométriques & astronomiques la figure du globe que nous habitons. Voyez FIGURE DE LA TERRE, DEGRE, &c. 2°. A trouver par l'observation des longitudes & des latitudes la position des lieux. V. LONGITUDE & LATITUDE. 3°. A déterminer par des opérations géométriques la position des lieux peu éloignés l'un de l'autre. Voyez CARTE.

L'Astronomie & la Géométrie sont aussi d'un grand usage dans la navigation. V. NAVIGATION, &c.

APPLICATION de la Géométrie & de l'Analyse à la Physique. C'est à M. Newton qu'on la doit, comme on doit à M. Descartes l'application de l'Algebre à la Géométrie. Elle est fondée sur les mêmes principes que l'application de l'Algebre à la Géométrie. La plûpart des propriétés des corps ont entr'elles des rapports plus ou moins marqués que nous pouvons comparer, & c'est à quoi nous parvenons par la Géométrie, & par l'Analyse ou Algebre. C'est sur cette application que sont fondées toutes les sciences physico-mathématiques. Une seule observation ou expérience donne souvent toute une science. Supposez, comme on le sait par l'expérience, que les rayons de lumiere se réfléchissent en faisant l'angle d'incidence égal à l'angle de réflexion, vous aurez toute la Catoptrique. V. CATOPTRIQUE. Cette expérience une fois admise, la Catoptrique devient une science purement géométrique, puisqu'elle se réduit à comparer des angles & des lignes données de position. Il en est de même d'une infinité d'autres. En général, c'est par le secours de la Géométrie & de l'Analyse que l'on parvient à déterminer la quantité d'un effet qui dépend d'un autre effet mieux connu. Donc cette science nous est presque toûjours nécessaire dans la comparaison & l'examen des faits que l'expérience nous découvre. Il faut avoüer cependant que les différens sujets de Physique ne sont pas également susceptibles de l'application de la Géométrie. Plusieurs expériences, telles que celles de l'aimant, de l'électricité, & une infinité d'autres, ne donnent aucune prise au calcul ; en ce cas il faut s'abstenir de l'y appliquer. Les Géometres tombent quelquefois dans ce défaut, en substituant des hypothèses aux expériences, & calculant en conséquence ; mais ces calculs ne doivent avoir de force qu'autant que les hypothèses sur lesquelles ils sont appuyés, sont conformes à la nature, & il faut pour cela que les observations les confirment, ce qui par malheur n'arrive pas toûjours. D'ailleurs quand les hypothèses seroient vraies, elles ne sont pas toûjours suffisantes. S'il y a dans un effet un grand nombre de circonstances dûes à plusieurs causes qui agissent à-la-fois, & qu'on se contente de considérer quelques-unes de ces causes, parce qu'étant plus simples, leur effet peut être calculé plus aisément : on pourra bien par cette méthode avoir l'effet partiel de ces causes ; mais cet effet sera fort différent de l'effet total, qui résulte de la réunion de toutes les causes.

APPLICATION de la Méthode géométrique à la Métaphysique. On a quelquefois abusé de la Géométrie dans la Physique, en appliquant le calcul des propriétés des corps à des hypothèses arbitraires. Dans les Sciences qui ne peuvent par leur nature être soûmises à aucun calcul, on a abusé de la méthode des Géometres, parce qu'on ne pouvoit abuser que de la méthode. Plusieurs ouvrages méthaphysiques, qui ne contiennent souvent rien moins que des vérités certaines, ont été exécutés à la maniere des Géometres ; & on y voit à toutes les pages les grands mots d'axiome, de théorème, de corollaire, &c.

Les auteurs de ces ouvrages se sont apparemment imaginés que de tels mots faisoient par quelque vertu secrette l'essence d'une démonstration, & qu'en écrivant à la fin d'une proposition, ce qu'il falloit démontrer, ils rendroient démontré ce qui ne l'étoit pas. Mais ce n'est point à cette méthode que la Géométrie doit sa certitude, c'est à l'évidence & à la simplicité de son objet ; & comme un livre de Géométrie pourroit être très-bon en s'écartant de la forme ordinaire, un livre de Métaphysique ou de Morale peut souvent être mauvais en suivant la méthode des Géometres. Il faut même se défier de ces sortes d'ouvrages ; car la plûpart des prétendues démonstrations n'y sont fondées que sur l'abus des mots. Ceux qui ont réfléchi sur cette matiere, savent combien l'abus des mots est facile & ordinaire, sur-tout dans les matieres métaphysiques. C'est en quoi on peut dire que les Scholastiques ont excellé, & on ne sauroit trop regretter qu'ils n'ayent pas fait de leur sagacité un meilleur usage.

APPLICATION de la Métaphysique à la Géométrie. On abuse quelquefois de la Métaphysique en Géométrie, comme on abuse de la méthode des Géometres en Métaphysique. Ce n'est pas que la Géométrie n'ait, comme toutes les autres Sciences, une métaphysique qui lui est propre ; cette métaphysique est même certaine & incontestable, puisque les propositions géométriques qui en résultent, sont d'une évidence à laquelle on ne sauroit se refuser. Mais comme la certitude des Mathématiques vient de la simplicité de son objet, la métaphysique n'en sauroit être trop simple & trop lumineuse : elle doit toûjours se réduire à des notions claires, précises & sans aucune obscurité. En effet, comment les conséquences pourroient-elles être certaines & évidentes, si les principes ne l'étoient pas ? Cependant quelques auteurs ont crû pouvoir introduire dans la Géométrie une métaphysique souvent assez obscure, & qui pis est, démontrer par cette métaphysique des vérités dont on étoit déjà certain par d'autres principes. C'étoit le moyen de rendre ces vérités douteuses, si elles avoient pû le devenir. La Géométrie nouvelle a principalement donné occasion à cette mauvaise méthode. On a cru que les infiniment petits qu'elle considere étoient des quantités réelles ; on a voulu admettre des infinis plus grands les uns que les autres ; on a reconnu des infiniment petits de différens ordres, en regardant tout cela comme des réalités ; au lieu de chercher à réduire ces suppositions & ces calculs à des notions simples. Voyez DIFFERENTIEL, INFINI & INFINIMENT PETIT.

Un autre abus de la Métaphysique en Géométrie, consiste à vouloir se borner dans certains cas à la Métaphysique pour des démonstrations géométriques. En supposant même que les principes métaphysiques dont on part soient certains & évidens, il n'y a guere de propositions géométriques qu'on puisse démontrer rigoureusement avec ce seul secours ; presque toutes demandent, pour ainsi dire, la toise & le calcul. Cette maniere de démontrer est bien matérielle, si l'on veut : mais enfin c'est presque toûjours la seule qui soit sûre, c'est la plume à la main, & non pas avec des raisonnemens métaphysiques, qu'on peut faire des combinaisons & des calculs exacts.

Au reste, cette derniere métaphysique dont nous parlons, est bonne jusqu'à un certain point, pourvû qu'on ne s'y borne pas : elle fait entrevoir les principes des découvertes ; elle nous fournit des vûes ; elle nous met dans le chemin : mais nous ne sommes bien sûrs d'y être, si on peut s'exprimer de la sorte, qu'après nous être aidés du bâton du calcul, pour connoître les objets que nous n'entrevoyons auparavant que confusément.

Il semble que les grands Géometres devroient être toûjours excellens Métaphysiciens, au moins sur les objets de leur science : cela n'est pourtant pas toûjours. Quelques Géometres ressemblent à des personnes qui auroient le sens de la vûe contraire à celui du toucher : mais cela ne prouve que mieux combien le calcul est nécessaire pour les vérités géométriques. Au reste je crois qu'on peut du moins assûrer qu'un Géometre qui est mauvais Métaphysicien sur les objets dont il s'occupe, sera à coup sûr Métaphysicien détestable sur le reste. Ainsi la Géométrie qui mesure les corps, peut servir en certains cas à mesurer les esprits même.

APPLICATION d'une chose à une autre, en général se dit, en matiere de Science ou d'Art, pour désigner l'usage dont la premiere est, pour connoître ou perfectionner la seconde. Ainsi l'application de la cycloïde aux pendules, signifie l'usage qu'on a fait de la cycloïde pour perfectionner les pendules. Voyez PENDULE, CYCLOÏDE, &c. & ainsi d'une infinité d'autres exemples. (O)

APPLICATION, se dit particulierement, en Theologie, de l'action par laquelle notre Sauveur nous transfere ce qu'il a mérité par sa vie & par sa mort. Voyez IMPUTATION.

C'est par cette application des mérites de Jesus-Christ que nous devons être justifiés, & que nous pouvons prétendre à la grace & à la gloire éternelle. Les Sacremens sont les voies ou les instrumens ordinaires par lesquels se fait cette application, pourvû qu'on les reçoive avec les dispositions qu'exige le saint concile de Trente dans la vj. session. (G)


APPLIQUÉES. f. en Geométrie, c'est en général une ligne droite terminée par une courbe dont elle coupe le diametre ; ou en général c'est une ligne droite qui se termine par une de ses extrémités à une courbe, & par qui l'autre extrémité se termine encore à la courbe même, ou à une ligne droite tracée sur le plan de cette courbe. Ainsi (fig. 26. Sect. con.) E M, M M, sont des appliquées à la courbe M A M. Voyez COURBE, DIAMETRE, &c.

Le terme appliquée est synonyme à ordonnée. V. ORDONNEE. (O)


APPLIQUERsignifie, en Mathématique, transporter une ligne donnée, soit dans un cercle, soit dans une autre figure curviligne ou rectiligne, ensorte que les deux extrémités de cette ligne soient dans le périmetre de la figure.

Appliquer signifie aussi diviser, sur-tout dans les Auteurs Latins. Ils ont accoûtumé de dire duc A B in C D, menez A B sur C D, pour, multipliez A B par C D ; ou faites un parallélogramme rectangle de ces deux lignes ; & applica A B ad C D, appliquez A B à C D, pour, divisez A B par C D, ce qu'on exprime ainsi (A B)/(C D). On entend encore par appliquer, tracer l'une sur l'autre des figures différentes, mais dont les aires sont égales. (E)


APPOINou APOINT, terme de Banque ; c'est une somme qui fait la solde d'un compte ou le mon tant de quelques articles que l'on tire juste. On dit, j'ai un appoint de telle somme à tirer sur un tel lieu.

Voyez sur ce mot Samuel Ricard dans son traité général du Commerce, imprimé à Amsterdam en 1700, pag. 509 ; & le dict. du Commerce de Savary, tom. I. pag. 681.

Appoint signifie aussi la même chose que passe dans les payemens qui se font comptant en especes, c'est-à dire ce qui se paye en argent si le payement se fait en or, ou en petite monnoie, s'il se fait en argent, pour parfaire la somme qu'on paye & la rendre complete . Savary, dict. du Comm. tom. I. p. 682. (G)


APPOINTÉadj. m. (Art. mil.) un fantassin appointé, c'est celui qui reçoit une paye plus forte que les autres soldats, en considération de son courage, ou du tems qu'il a servi. Voyez ANSPESSADE. (Q)

APPOINTE ou MORTE PAYE, (Marine.) c'est un homme qui étant à bord ne fait rien s'il veut, quoique sa dépense & ses mois de gages soient employés sur l'état d'armement ; en quoi il differe du volontaire qui ne reçoit aucune paye. (Z)

APPOINTE, en terme de Blason, se dit des choses qui se touchent par leurs pointes : ainsi deux chevrons peuvent être appointés : trois épées mises en pairle, peuvent être appointées en coeur ; trois fleches de même, &c.

Armes en Nivernois, de gueules à deux épées d'argent, appointées en pile vers la pointe de l'écu, les gardes en bande & en barre, à une rose d'or en chef entre les gardes, & une engrêlure de meme autour de l'écu. (V)

APPOINTE & joint. Voyez ci-dessous APPOINTEMENT.


APPOINTEMENTS. m. en termes de Palais, est un reglement ou jugement préparatoire qui fixe & détermine les points de la contestation, les qualités des parties, & la maniere dont le procès sera instruit, lorsqu'il n'est pas de nature à être jugé à l'audience, soit parce que sa décision dépend de quelque question qui mérite un examen sérieux, ou parce qu'il contient des détails trop longs, ou parce que les parties de concert demandent qu'il soit appointé, c'est-à-dire instruit par écritures & jugé sur rapport. V. ECRITURES & RAPPORT.

Les appointemens des instances appointées de droit, ne sont point prononcés à l'audience, on les leve au greffe : telles sont les instances sur des comptes, sur des taxes de dépens où il y a plus de trois croix ; les appels de jugemens intervenus dans des procès déjà appointés en premiere instance ; les causes mises sur le rôle pour être plaidées, qui n'ont pû être appellées dans l'année, &c. Voyez ROLE, DEPENS.

Il y a plusieurs sortes d'appointemens : l'appointement en droit, qui est celui qui se prononce en premiere instance : l'appointement à mettre, lequel a lieu ès matieres sommaires, & ne s'instruit pas autrement qu'en remettant les pieces du procès à un rapporteur que le même jugement a dû nommer : l'appointement à écrire & produire, & donner causes d'appel, comme quand on appointe une cause sur le rôle de la Grand-Chambre : l'appointement en faits contraires, qui est un délai pour vérifier des faits sur lesquels les parties ne sont pas d'accord : l'appointement à oüir droit, qui a lieu en matiere criminelle, lorsqu'après le recolement & la confrontation le procès ne se trouve pas suffisamment instruit : l'appointement en droit & joint, est celui par lequel on a joint une demande incidente avec la demande principale, pour être jugées l'une & l'autre par un seul & même jugement.

Appointement de conclusion, est un arrêt de reglement sur l'appel d'une sentence rendue en procès par écrit. Voyez CONCLUSION. (H)

APPOINTEMENS, pension ou salaire accordé par les grands aux personnes de mérite ou aux gens à talens, à dessein de les attacher ou de les retenir à leur service. Voyez HONORAIRE.

On se sert communément en France du mot d'appointemens ; par exemple, on dit le Roi donne de grands appointemens aux officiers attachés à son service.

Les appointemens sont différens des gages, en ce que les gages sont fixes & payés par les thrésoriers ordinaires, au lieu que les appointemens sont des gratifications annuelles accordées par brevet, pour un tems indéterminé, & assignées sur des fonds particuliers. (G)


APPOINTERterme de Corroyeur, c'est donner la derniere foule aux cuirs pour les préparer à recevoir le suif ; il est tems d'appointer ce cuir de vache.


APPOINTEURS. m. se dit dans un sens odieux de juges peu assidus aux audiences, & qui n'y viennent guere que quand il est besoin de leur voix pour faire appointer le procès d'une partie qu'ils veulent favoriser.

Ce terme se dit aussi de toutes personnes qui s'ingerent à concilier des différends & accommoder des procès. (H)


APPONDURES. f. terme de riviere ; mot dont on se sert dans la composition d'un train ; c'est une portion de perche employée pour fortifier le chantier lorsqu'il est trop menu.


APPORT du saou des pieces ; c'est la remise faite au greffe d'une cour supérieure, en conséquence de son ordonnance, des titres & pieces d'un procès instruit par des juges inférieurs dont la jurisdiction ressortit à cette cour ; & l'acte qu'en délivre le greffier s'appelle acte d'apport.

On appelle de même celui que donne un notaire à un particulier qui vient déposer une piece, ou un écrit sous seing-privé dans son étude, à l'effet de lui donner une date certaine.

Apport se dit aussi, dans la coûtume de Reims, de tout ce qu'une femme a apporté en mariage, & de ce qui lui est échû depuis, même des dons de nôces que son mari lui a faits.

Apport, dans quelques autres coûtumes, se prend aussi pour rentes & redevances, mais considérées du côté de celui qui les doit. (H)


APPORTAGES. m. terme de riviere, qui désigne & la peine & le salaire de celui qui apporte quelque fardeau.


APPOSITIONS. f. terme de Grammaire, figure de construction qu'on appelle en Latin epexegesis, du Grec , composé d', préposition qui a divers usages, & vient d', sequor ; & d', enarratio.

On dit communément que l'apposition consiste à mettre deux ou plusieurs substantifs de suite au même cas sans les joindre par aucun terme copulatif, c'est-à-dire, ni par une conjonction ni par une préposition : mais selon cette définition, quand on dit la foi, l'espérance, la charité, sont trois vertus théologales ; saint Pierre, saint Matthieu, saint Jean, &c. étoient apôtres : ces façons de parler qui ne sont que des dénombremens, seroient donc des appositions. J'aime donc mieux dire que l'apposition consiste à mettre ensemble sans conjonction deux noms dont l'un est un nom propre, & l'autre un nom appellatif, ensorte que ce dernier est pris adjectivement, & est le qualificatif de l'autre, comme on le voit par les exemples : ardebat Alexim, delicias Domini ; urbs Roma, c'est-à-dire, Roma quoe est urbs : Flandre, théatre sanglant, &c. c'est-à-dire qui est le théatre sanglant, &c. ainsi le rapport d'identité est la raison de l'apposition. (F)

APPOSITION, s. f. c'est l'action de joindre ou d'appliquer une chose à une autre.

Apposition se dit en Physique, en parlant des corps qui prennent leur accroissement par leur jonction avec les corps environnans. Selon plusieurs Physiciens, la plûpart des corps du regne fossile ou minéral se forment par juxta-position, ou par l'apposition de parties qui viennent se joindre ou s'attacher les unes aux autres. Voyez JUXTA-POSITION. (O)


APPRÉCIATEURterme de Commerce, celui qui met le prix légitime aux choses, aux marchandises. On a ordonné que telles marchandises seroient estimées & mises à prix par des appréciateurs & des experts.

APPRECIATEURS ; l'on nomme ainsi à Bordeaux ceux des commis du bureau du convoi & de la comptablie, qui font les appréciations & estimations des marchandises qui y entrent ou qui en sortent, pour régler le pié sur lequel les droits d'entrée & de sortie en doivent être payés. On peut voir le détail de leurs fonctions dans le Dictionn. du Comm. tom. I. p. 684.


APPRÉCIATIONS. f. estimation faite par experts de quelque chose, lorsqu'ils en déclarent le véritable prix. On ne le dit ordinairement que des grains, denrées ou choses mobiliaires. On condamne les débiteurs à payer les choses dûes en especes, sinon la juste valeur, selon l'appréciation qui en sera faite par expert.


APPRÉCIERv. act. estimer & mettre un prix à une chose qu'on ne peut payer ou représenter en espece. (G)


APPRÉHENSION(Ordre encyclopédique. Entendement. Raison. Philosophie ou science. Science de l'homme. Art de penser. Appréhension.) est une opération de l'esprit qui lui fait appercevoir une chose ; elle est la même chose que la perception. L'ame, selon le P. Malebranche, peut appercevoir les choses en trois manieres ; par l'entendement pur, par l'imagination, par les sens. Elle apperçoit par l'entendement pur, les choses spirituelles, les universelles, les notions communes, l'idée de la perfection, & généralement toutes ses pensées, lorsqu'elle les connoît par la réflexion qu'elle fait sur elle-même. Elle apperçoit même par l'entendement pur, les choses matérielles, l'étendue avec ses propriétés ; car il n'y a que l'entendement pur qui puisse appercevoir un cercle & un quarré parfait, une figure de mille côtés & choses semblables ; ces sortes de perceptions s'appellent pures intellections ou pures perceptions, parce qu'il n'est point nécessaire que l'esprit forme des images corporelles dans le cerveau, pour se représenter toutes ces choses. Par l'imagination l'ame n'apperçoit que les êtres matériels, lorsqu'étant absens elle se les rend présens en s'en formant, pour ainsi dire, des images dans le cerveau : c'est de cette maniere qu'on imagine toutes sortes de figures. Ces sortes de perceptions se peuvent appeller imaginations, parce que l'ame se représente ces objets en s'en formant des images dans le cerveau ; & parce qu'on ne peut pas se former des images des choses spirituelles, il s'ensuit que l'ame ne peut pas les imaginer. Enfin l'ame n'apperçoit par les sens que les objets sensibles & grossiers, lorsqu'étant présens ils font impression sur les organes extérieurs de son corps, & que cette impression se communique au cerveau : ces sortes de perceptions s'appellent sentimens ou sensations.

Quand le P. Malebranche prononce que les choses corporelles nous sont représentées par notre imagination, & les spirituelles par notre pure intelligence, s'entend-il bien lui-même ? De côté & d'autre n'est-ce pas également une pensée de notre esprit, & agit-il moins en pensant à une montagne, qui est corporelle, qu'en pensant à une intelligence, qui est spirituelle ? L'opération de l'esprit, dira-t-on, qui agit en vertu des traces de notre cerveau par les objets corporels, est l'imagination ; & l'opération de l'esprit indépendante de ces traces, est la pure intelligence. Quand les Cartésiens nous parlent de ces traces du cerveau, disent-ils une chose sérieuse ? Avec quelle espece de microscope ont-ils apperçû ces traces qui forment l'imagination ? & quand ils les auroient apperçûes, peuvent-ils jamais savoir que l'esprit n'en a pas besoin pour toutes ses opérations, même les plus spirituelles ?

Pour parler plus juste, disons que la faculté de penser est toûjours la même, toûjours également spirituelle, sur quelqu'objet qu'elle s'occupe. On ne prouve nullement sa spiritualité, plûtôt par un objet que par un autre ; ni plûtôt par ce qu'on appelle pure intellection, que par ce qui s'appelle imagination. Les anges ne pensent-ils pas à des objets corporels & à des objets spirituels ? nous avisons-nous pour cela de distinguer en eux l'imagination d'avec la pure intelligence ? ont-ils besoin des traces du cerveau d'un côté plûtôt que de l'autre ? Il en est ainsi de nous ; dès que notre esprit pense, il pense absolument par une spiritualité aussi véritable que les purs esprits, soit qu'il s'appelle imagination ou pure intelligence.

Mais quand un corps se présente à notre esprit, ne dit-on pas qu'il s'y forme un fantôme ? Le mot fantôme, admis par d'anciens philosophes, ne signifie rien dans le sujet présent, ou signifie seulement l'objet intérieur de notre esprit, en tant qu'il pense à un corps. Or cet objet intérieur est également spirituel, soit en pensant aux corps, soit en pensant aux esprits ; bien que dans l'un & l'autre cas il ait besoin du secours des sens. Je conclus que la différence essentielle qu'ont voulu établir quelques-uns entre l'imagination & la pure intelligence, n'est qu'une pure imagination. (X)

APPREHENSION, s. f. en terme de Droit, signifie la prise de corps d'un criminel ou d'un débiteur. (H)


APPRENDREétudier, s'instruire, (Gramm.) Etudier, c'est travailler à devenir savant. Apprendre, c'est réussir. On étudie pour apprendre, & l'on apprend à force d'étudier. On ne peut étudier qu'une chose à-la-fois, mais on peut, dit M. l'abbé Girard, en apprendre plusieurs ; ce qui métaphysiquement pris n'est pas vrai : plus on apprend, plus on sait ; plus on étudie, plus on se fatigue. C'est avoir bien étudié que d'avoir appris à douter. Il y a des choses qu'on apprend sans les étudier, & d'autres qu'on étudie sans les apprendre. Les plus savans ne sont pas ceux qui ont le plus étudié, mais ceux qui ont le plus appris. Synon Franç.

On apprend d'un maître ; on s'instruit par soi-même. On apprend quelquefois ce qu'on ne voudroit pas savoir ; mais on veut toûjours savoir les choses dont on s'instruit. On apprend les nouvelles publiques ; on s'instruit de ce qui se passe dans le cabinet. On apprend en écoutant ; on s'instruit en interrogeant.


APPRENTIou APPRENTI, s. m. (Commerce.) jeune garçon qu'on met & qu'on oblige chez un marchand ou chez un maître artisan dans quelqu'art ou métier, pour un certain tems, pour apprendre le commerce, la marchandise & ce qui en dépend, ou tel ou tel art, tel ou tel métier, afin de le mettre en état de devenir un jour marchand lui-même, ou maître dans tel ou tel art.

Les apprentifs marchands sont tenus d'accomplir le tems porté par les statuts ; néanmoins les enfans des marchands sont réputés avoir fait leur apprentissage, lorsqu'ils ont demeuré actuellement en la maison de leur pere ou de leur mere, faisant profession de la même marchandise, jusqu'à dix-sept ans accomplis, selon la disposition de l'ordonnance de 1673.

Par les statuts des six corps des marchands de Paris, le tems du service des apprentifs chez les maîtres, est différemment réglé. Chez les Drapiers-chaussetiers il doit être de trois ans ; chez les Epiciers-ciriers, droguistes & confiseurs, de trois ans ; & chez les Apothicaires, qui ne font qu'un corps avec eux, de quatre ans ; chez les Merciers-jouailliers, de trois ans ; chez les Pelletiers-haubanniers-foureurs, de quatre ans ; chez les Bonnetiers-aulmulciers-mitonniers, de cinq ans ; & chez les Orfévres-jouailliers, de huit ans.

Les apprentifs doivent être obligés pardevant notaires, & un marchand n'en peut prendre qu'un seul à-la-fois.

Outre les apprentifs de ces six corps, il y a encore des apprentifs dans toutes les communautés des arts & métiers de la ville & fauxbourgs de Paris ; ils doivent tous, aussi-bien que les premiers, être obligés pardevant notaires, & sont tenus après leur apprentissage de servir encore chez les maîtres pendant quelque tems en qualité de compagnons. Les années de leur apprentissage, aussi-bien que de ce second service, sont différentes, suivant les différens statuts des communautés.

Le nombre des apprentifs que les maîtres peuvent avoir à-la-fois, n'est pas non plus uniforme.

Aucun apprentif ne peut être reçû à la maîtrise, s'il n'a demandé & fait son chef-d'oeuvre.

La veuve d'un maître peut bien continuer l'apprentif commencé par son mari, mais non pas en faire un nouveau. La veuve qui épouse un apprentif, l'affranchit dans plusieurs communautés.

Les apprentifs des villes où il y a jurandes, peuvent être reçûs à la maîtrise de Paris, en faisant chef-d'oeuvre après avoir été quelque tems compagnons chez les maîtres, plus ou moins, suivant les communautés. (G)


APPRENTISSAGES. m. (Comm.) se dit du tems que les apprentifs doivent être chez les marchands ou maîtres des arts & métiers. Les brevets d'apprentissage doivent être enregistrés dans les registres des corps & communautés, & leur tems ne commence à courir que du jour de leur enregistrement. Aucun ne peut être reçû marchand qu'il ne rapporte son brevet & ses certificats d'apprentissage. Art. 3. du tit. 1. de l'ordonn. de 1673. (G)


APPRENTISSES. f. (Commerce.) fille ou femme qui s'engage chez une maîtresse pour un certain tems par un brevet pardevant notaires, afin d'apprendre son art & son commerce, de la même maniere à-peu-près que les garçons apprentifs. Voyez APPRENTIF. (G)


APPRÊTAPPRÊT des étoffes de soie. Toutes les étoffes légeres de soie sont apprêtées, principalement les satins, qui prennent, par cette façon qu’on leur donne, du lustre & de la consistance.

Pour apprêter un satin, on fait dissoudre de la gomme arabique dans une certaine quantité d'eau ; après quoi on passe l'étoffe enroulée sur une ensuple, au-dessus d'un grand brasier ; & à mesure qu'elle passe, on l'enroule sur une autre ensuple éloignée de la premiere de 12 piés environ. L'étoffe est placée sur ces ensuples, de maniere que l'endroit est tourné du côté du brasier : c'est entre ces deux ensuples que le brasier est posé ; & à mesure que l'ouvrier roule d'un côté la piece d'étoffe bien tendue, un autre ouvrier passe sur la partie de l'envers de l'étoffe, qui est entre les deux ensuples, l'eau gommée avec des éponges humectées pour cette opération. La chaleur du brasier doit être si violente, que l'eau gommée ne puisse transpirer au-travers de l'étoffe, qui en seroit tachée ; de façon qu'il faut que cette eau seche à mesure que la piece en est humectée. Voilà la façon d'apprêter les petits satins.

Les Hollandois apprêtent les petits velours de la même façon, avec cette différence, que l'étoffe est accrochée par la lisiere sur deux traverses de bois, de distance en distance d'un pouce, pour lui conserver sa largeur au moyen de vis & écroues qui l'empêchent de se rétrécir. On ne décroche l'étoffe apprêtée que quand la gomme est seche, ce qui rend l'apprêt plus long à faire que pour une étoffe mince. On suit une pareille méthode pour les étoffes fortes qui n'ont pas la qualité qu'elles exigeroient, ce qui est une espece de fraude. On appelle donneurs d'eau ces apprêteurs.

APPRET, s. m. en Draperie. On comprend sous ce mot toutes les opérations qui suivent la foule, telles que le garnissage ou le tirage au chardon, la tonte, la presse, &c. Voyez l'article DRAPERIE.

APPRET, terme de Chapelier ; ce sont les gommes & les colles fondues dans de l'eau, dont les Chapeliers se servent pour gommer les chapeaux & leur donner du corps, afin que les bords se soûtiennent d'eux-mêmes, & que leurs formes conservent toûjours leurs figures. L'apprêt est une des dernieres façons que les ouvriers donnent aux chapeaux, & une des plus difficiles ; car pour que l'apprêt soit bon, il ne doit point du tout paroître en-dehors. Voyez CHAPEAU & CHAPELIER.

APPRET, chez les Pelletiers. Les peaux qu'on destine à faire des fourrures, & qui sont garnies de leur poil, doivent, avant que d'être employées par le Pelletier, recevoir quelques façons pour les adoucir. Cette préparation consiste à les passer en huile, si ce sont des peaux dont le poil tienne beaucoup ; mais si le poil s'enleve aisément, on les prépare à l'alun, comme nous l'allons expliquer.

Les principales peaux dont on se sert pour les fourrures, sont les martres de toute espece, les hermines, le castor, le loutre, le tigre, le petit-gris, la fouine, l'ours, le loup de plusieurs sortes, le putois, le chien, le chat, le renard, le lievre, le lapin, l'agneau, & autres semblables.

Maniere de passer en huile les peaux destinées à faire les fourrures. Si-tôt que les peaux sont arrivées chez l'ouvrier, on les coud ensemble, de maniere que le poil ne puisse pas se gâter ; ensuite on les enduit d'huile de navette, qui est la seule qui soit propre à cet usage ; après quoi on les foule aux piés, pour y faire pénétrer l'huile & les rendre plus maniables. Si elles ne sont pas suffisamment adoucies, on réitere la même opération, & on y remet de nouvelle huile, jusqu'à ce qu'elles soient arrivées au point de pouvoir être maniées comme une étoffe. Cela fait, on les met sur le chevalet pour y être écharnées ; & lorsqu'elles sont bien nettoyées du côté de la chair, & qu'il n'y reste plus rien, on les découd, & on les dégraisse de la maniere suivante. On étale les peaux sur la terre, le côté de la chair en-dessous, & on les poudre du côté du poil avec du plâtre bien fin & passé au tamis ; ensuite on bat les peaux avec des baguettes, pour en faire tomber le plâtre. Il faut recommencer cette opération jusqu'à ce qu'elles soient totalement dégraissées, & en état d'être employées.

Mais comme il se trouve souvent des peaux dont le poil ne tient pas beaucoup, ces peaux perdroient leur poil si on les passoit en huile ; ainsi au lieu d'huile on les apprête de la maniere suivante.

On prend de l'alun, du sel marin, & de la farine de seigle ; on délaye le tout ensemble dans de l'eau, & on en forme une pâte liquide comme de la bouillie ; ensuite on en enduit les peaux du côté de la chair : cette opération resserre la peau & empêche le poil de tomber. Cette façon se réitere jusqu'à ce que les peaux soient tout-à-fait devenues souples & maniables ; après quoi on les porte chez le Pelletier pour y être employées en fourrures.

APPRET, (Peinture d ') c'est ainsi qu'on appelle la peinture qui se fait sur le verre avec des couleurs particulieres. On se sert du verre blanc. Les couleurs appliquées sur ce verre, se fondent & s'incorporent. Cette peinture étoit fort d'usage autrefois, principalement pour les grands vitraux d'église, où l'on employoit, dit M. de la Hire (Mém. de l'académie, tome IX.) pour des couleurs vives & fortes, des verres colorés dans le fourneau, sur lesquels on mettoit des ombres pour leur donner le relief ; ce qui ne s'entend guere. Mais voyez à l'article PEINTURE le détail de la maniere de peindre d'apprêt, ou sur le verre.


APPRÊTERv. act. chez les Fondeurs de caracteres d'Imprimerie, c'est donner aux caracteres la derniere façon, qui consiste à polir avec un couteau fait exprès les deux côtés des lettres qui forment le corps, pour fixer & arrêter ce corps suivant les modeles qu'on aura donné à suivre, ou suivant la proportion qui lui est propre ; ce qui se fait à deux, trois, ou quatre cens lettres à la fois, qui sont arrangées les unes à côté des autres, sur un morceau de bois long qu'on appelle composteur. Etant ainsi arrangées, on les ratisse avec le couteau, plus ou moins, jusqu'à ce qu'elles soient polies & arrivées au degré précis d'épaisseur qu'elles doivent avoir. Voyez COMPOSTEUR, FONDERIE, RACTERESERES.

APPRETER l'étain. Toutes les gouttes étant reverchées (voyez REVERCHER), on les apprête, ainsi que les endroits des jets qu'on a épilés. Voyez EPILER. Apprêter, c'est écouaner, ou raper, ou limer la piece, pour la rendre unie & facile à tourner. On dit écouaner, parce qu'on se sert d'une écoüanne ou écoine, ou d'une rape, outil de fer, dont les dents sont plus grosses que celles des limes. Pour apprêter aisément, il faut avoir devant soi une selle de bois à quatre piés, de trois piés de long sur environ un pié de large, de la hauteur du genou, au milieu de laquelle il y ait une planche en-travers d'environ 18 pouces de long & de 10 ou 12 de large ; on arrête cette selle, que l'on appelle établi ou apprêtoir, avec une perche ou morceau de bois posé sur le milieu, & portant roide contre le plancher, pour tenir l'apprêtoir en arrêt. En tenant sa piece du genou gauche, si c'est de la poterie, & appuyant contre l'apprêtoir, on a les deux mains libres, & avec l'écoüanne on rape les gouttes en faisant aller cet outil à deux mains. Si c'est de la vaisselle, on tient plusieurs pieces ensemble l'une sur l'autre, sur ses genoux, en les appuyant à l'apprêtoir, soit pour raper les jets, soit pour raper les gouttes. L'écoüanne ou la rape doit être courbe lorsqu'il faut aller sur les endroits plats, comme les fonds ; puis on rape les bavures d'autour du bord avec une rape plus petite que l'écoüanne, ou un grattoir sous bras ; & si les gouttes sont un peu grosses par dedans, on les unit avec le grattoir ou un ciseau.

On dit encore apprêter pour tourner, de ce qui se tourne avant de souder, comme les bouches des pots-à-vin, les bas des pots-à-l'eau, &c.

On peut encore dire apprêter pour tourner de ce qui se repare à la main avant de tourner la piece, comme les oreilles d'écuelle, les cocardes ou becs d'aiguiere, &c. Voyez REPARER.

APPRETER, en terme de Vergettier, c'est mettre ensemble les plumes & les soies de même grosseur, de même grandeur, & de même qualité.

APPRETER au fourneau, (en terme de Vergettier.) c'est passer le bois d'une raquette au feu pour le rendre plus pliant, & lui faire prendre la forme qu'il doit avoir, & qu'il ne pourroit acquérir sans cette précaution.


APPRÊTEURS. m. c'est le nom qu'on donne aux peintres sur verre. Voyez APPRET & PEINTURE SUR VERRE.


APPROBAMUSterme de Droit canonique : ce mot est purement latin ; mais les canonistes l'ont introduit en françois, pour signifier le visa que donne l'ordinaire à un mandat ou rescrit in formâ dignum. L'ordinaire à qui la commission est adressée pour le visa, ne doit pas prendre connoissance de la validité du titre, ni différer à raison de ce de donner son approbamus. (H)


APPROBATEURen Librairie. Voyez CENSEUR.


APPROBATIONS. f. en Librairie, est un acte par lequel un censeur nommé pour l'examen d'un livre, déclare l'avoir lû & n'avoir rien trouvé qui puisse ou doive en empêcher l'impression. C'est sur cet acte signé du censeur, qu'est accordée la permission d'imprimer ; & il doit être placé à la tête ou à la fin du livre pour lequel il est donné.

Il est vraisemblable que lors de la naissance des Lettres, les livres n'étoient pas sujets, comme ils le sont à présent, à la formalité d'une approbation ; & ce qui nous autorise à le croire, c'est que le bienheureux Autpert, écrivain du VIIIe siecle, pour se mettre à couvert des critiques jaloux qui le persécutoient, pria le pape Etienne III. d'accorder à son commentaire sur l'apocalypse une approbation authentique : ce que, dit-il, aucun interprete n'a fait avant lui, & qui ne doit préjudicier en rien à la liberté où l'on est de faire usage de son talent pour écrire.

Mais l'art admirable de l'Imprimerie ayant considérablement multiplié les livres, il a été de la sagesse des différens gouvernemens d'arrêter, par la formalité des approbations, la licence dangereuse des écrivains, & le cours des livres contraires à la religion, aux bonnes moeurs, à la tranquillité publique, &c. A cet effet il a été établi des censeurs chargés du soin d'examiner les livres. Voyez CENSEUR.


APPROCHES. f. (en Géométrie.) La courbe aux approches égales, accessus aequabilis, demandée aux Géometres par M. Leibnitz, est fameuse par la difficulté qu'ils eurent à en trouver l'équation. Voici la question.

Trouver une courbe le long de laquelle un corps descendant par l'action seule de la pesanteur, approche également de l'horison en des tems égaux, c'est-à-dire trouver la courbe A M P (fig. 40. Anal.), qui soit telle que si un corps pesant se meut le long de la concavité A M P de cette courbe, & qu'on tire à volonté les lignes horisontales Q M, R N, S O, T P, &c. également distantes l'une de l'autre, il parcoure en tems égaux les arcs M N, N O, O P, &c. terminés par ces lignes.

MM. Bernoulli, Varignon & d'autres, ont trouvé que c'étoit la seconde parabole cubique, placée de maniere que son sommet A fût sa partie supérieure. On doit de plus remarquer que le corps qui la doit décrire, pour s'approcher également de l'horison en tems égaux, ne peut pas la décrire dès le commencement de sa chûte. Il faut qu'il tombe d'abord en ligne droite d'une certaine hauteur V A, que la nature de cette parabole détermine ; & ce n'est qu'avec la vîtesse acquise par cette chûte qu'il peut commencer à s'approcher également de l'horison en tems égaux.

M. Varignon a généralisé la question à son ordinaire, en cherchant la courbe qu'un corps doit décrire dans le vuide pour s'approcher également du point donné en tems égaux, la loi de la pesanteur étant supposée quelconque.

M. de Maupertuis a aussi résolu le même problème, pour le cas où le corps se mouvroit dans un milieu résistant comme le quarré de la vîtesse, ce qui rend la question beaucoup plus difficile que dans le cas où l'on suppose que le corps se meuve dans le vuide. Voyez Hist. acad. royale des Scienc. an. 1699. pag. 82. & an. 1730, pag. 129. Mém. p. 333. Voyez aussi DESCENTE, ACCELERATION. (O)

APPROCHE, greffer en approche. Voyez GREFFE.

APPROCHE, terme de Fondeur de caracteres d'Imprimerie, par lequel on entend la distance que doivent avoir les lettres d'Imprimerie, à côté les unes des autres : un a, un b, &c. qui dans un mot seroient trop distans des autres lettres, seroient trop gros & mal approchés.

On appelle un caractere approché, quand toutes les lettres sont fort pressées les unes contre les autres ; les Imprimeurs font quelquefois faire des caracteres de cette façon, pour qu'il tienne plus de mots dans une ligne & dans une page, qu'il n'en auroit tenu sans cela. Les lettres ainsi approchées ménagent le papier, mais ne font jamais des impressions élégantes. Voyez IMPRIMERIE.

APPROCHE, s. f. terme d'Imprimerie : on entend par approche, ou l'union de deux mots qui sont joints, quoiqu'ils doivent être espacés ; ou la desunion d'un mot dont les syllabes sont espacées, quand elles doivent être jointes. Ces deux défauts viennent de la négligence ou de l'inadvertance du compositeur.

APPROCHES, s. f. terme de Fortification, qui signifie les différens travaux que font les assiégeans pour s'avancer & aborder une forteresse ou une place assiégée. Voyez les Pl. de l'Art milit. Voyez aussi TRAVAUX & FORTIFICATIONS. Les principaux travaux des approches sont les tranchées, les mines, la serpe, les logemens, les batteries, les galeries, les épaulemens, &c. Voyez ces articles.

Les approches ou lignes d'approches se font ordinairement par tranchées ou chemins creusés dans la terre. Voyez TRANCHEES.

Les approches doivent être liées ensemble par des paralleles ou lignes de communication. Voy. COMMUNICATION.

Les assiégés font ordinairement des contre-approches, pour interrompre & détruire les approches des ennemis. Voyez CONTRE-APPROCHES. (Q)


APPROCHER(Marine.) s'approcher du vent. Voyez ALLER AU PLUS PRES. (Z)

APPROCHER, (en Monnoyage.) c'est ôter du flanc son poids fort en le limant, pour le rendre du poids prescrit par les ordonnances. Voyez REBAISSER.

APPROCHER carreaux, terme d'ancien Monnoyage ; c'étoit achever d'arrondir les carreaux, & approcher du poids que le flanc devoit avoir.

APPROCHER à la pointe, à la double pointe, au ciseau : ce sont en Sculpture diverses manieres de travailler le marbre, lorsqu'on fait quelques figures. Voyez POINTE.

APPROCHER le gras des jambes, les talons ou les éperons, (Manége.) c'est avertir un cheval qui ralentit son mouvement, ou qui n'obéit pas, en serrant les jambes plus ou moins fort vers le flanc. (V)

APPROCHER conserve sa signification dans la chasse aux oiseaux marécageux.

Voici une machine plus facile & de moindre dépense que les peaux de vaches préparées pour tirer aux canards.

C'est un habit de toile couleur de vache ou de cheval, depuis la tête jusqu'aux piés, avec un bonnet qui doit être fait comme la tête d'une vache ou d'un cheval, ayant des cornes ou des oreilles, des yeux, deux pieces de la même toile pour attacher autour du cou & tenir le bonnet. Il faut laisser pendre deux morceaux de la même toile au bout des manches pour imiter les deux jambes de devant du cheval ou de la vache. Il faut marcher en se courbant, & présentant toûjours le bout du fusil : vous approcherez ainsi peu-à-peu pour tirer les oiseaux à bas ; & s'ils se levent, rien ne vous empêchera de les tirer en volant. La meilleure heure pour cette chasse est le matin.


APPROPRIANCEterme de Droit coûtumier, usité dans quelques coûtumes, pour signifier prise de possession. Dans la coûtume de Bretagne, ce terme est synonyme à decret. Voyez DECRET. (H)

APPROPRIATION, s. f. terme de Jurisprudence canonique, est l'application d'un bénéfice ecclésiastique, qui de sa propre nature est de droit divin, & non point un patrimoine personnel, à l'usage propre & perpétuel de quelque prélat ou communauté religieuse, afin qu'elle en jouisse pour toûjours. Voyez APPROPRIE.

Il y a appropriation, quand le titre & les revenus d'une cure sont donnés à un évêché, à une maison religieuse, à un collége, &c. & à leurs successeurs, & que quelqu'un des membres de ce corps fait l'office divin, en qualité de vicaire. Voyez CURE & VICARIAT.

Pour faire une appropriation, après en avoir obtenu la permission du roi en chancellerie, il est nécessaire d'avoir le consentement de l'évêque du diocèse, du patron, & du bénéficier, si l'église ou le bénéfice est rempli ; s'il ne l'est pas, l'évêque du diocèse & le patron peuvent le faire avec la permission du roi.

Pour dissoudre une appropriation, il suffit de présenter un clerc à l'évêque, & qu'il l'institue & le mette en possession ; car cela une fois fait, le bénéfice revient à sa premiere nature. Cet acte s'appelle une desappropriation.

L'appropriation est la même chose que ce qu'on appelle autrement en droit canonique, union. Voyez UNION. (H)

APPROPRIE, adj. en terme de Droit canonique, se dit d'une église ou d'un bénéfice, dont le revenu est annexé à quelque dignité ecclésiastique ou communauté religieuse, qui nomme un vicaire pour desservir la cure. En Angleterre, le mot approprié est synonyme à inféodé. Voyez INFEODE. On y compte 3845 églises appropriées. Voyez APPROPRIATION. (H)

APPROVISIONNEMENT des places, s. m. c'est dans l'Art militaire, tout ce qui concerne la fourniture des choses nécessaires à la subsistance des troupes renfermées dans une place.

Cet objet demande la plus grande attention. M. le maréchal de Vauban a donné des tables à ce sujet, qu'on trouve dans plusieurs livres, & notamment dans la défense des places par M. le Blond ; mais elles ont le défaut de n'être point raisonnées. Elles sont proportionnées au nombre des bastions de chaque place, depuis quatre bastions jusqu'à dix-huit. Il faudroit des regles plus générales & plus particulieres à ce sujet, qui pussent servir de principes dans cette matiere. Il y a un grand état de M. de S. Ferrier dressé en 1732, pour l'approvisionnement des places de Flandre. On le dit fait avec bien de l'intelligence ; & c'est une piece manuscrite à laquelle il seroit à-propos de donner plus de publicité. (Q)

APPROUVER un livre, c'est déclarer par écrit qu'après l'avoir lû avec attention, on n'y a rien trouvé qui puisse ou doive en empêcher l'impression. Voyez APPROBATION, CENSEUR.


APPROXIMATIONapproximatio, s. f. (en Mathématique.) est une opération par laquelle on approche toûjours de plus en plus de la valeur d'une quantité cherchée, sans cependant en trouver jamais la valeur exacte. Voyez RACINE.

Wallis, Raphson, Halley, & d'autres, nous ont donné différentes méthodes d'approximation : toutes ces méthodes consistent à trouver des séries convergentes, à l'aide desquelles on approche si près qu'on veut de la valeur exacte d'une quantité cherchée ; & cela plus ou moins rapidement, selon la nature de la série. Voyez CONVERGENT & SERIE.

Si un nombre n'est point un quarré parfait, il ne faut pas s'attendre d'en pouvoir tirer la racine exacte en nombres rationnels, entiers, ou rompus ; dans ces cas il faut avoir recours aux méthodes d'approximation, & se contenter d'une valeur qui ne differe que d'une très-petite quantité de la valeur exacte de la racine cherchée. Il en est de même de la racine cubique d'un nombre qui n'est pas un cube parfait, & ainsi des autres puissances, comme on peut voir dans les Transact. philos. n°. 215.

La méthode la plus simple & la plus facile d'approcher de la racine d'un nombre, est celle-ci : je suppose, par exemple, qu'on veuille tirer la racine quarrée de 2 ; au lieu de 2, j'écris la fraction 20000/10000, qui lui est égale, ayant soin que le dénominateur 10000 soit un nombre quarré, c'est-à-dire, renferme un nombre pair de zéros ; ensuite je tire la racine quarrée du numérateur 20000 ; cette racine, que je peux avoir à une unité près, étant divisée par 100, qui est la racine du dénominateur, j'aurai à 1/100 près la racine de 20000/10000, c'est-à-dire de 2.

Si on vouloit avoir la racine plus approchée, il faudroit écrire 2000000/1000000, & on auroit la racine à 1/1000 près, &c. de même pour avoir la racine cubique de 2, il faudroit écrire 2000000/1000000, 1000000 étant un nombre cubique, & on auroit la racine à 1/100 près, & ainsi à l'infini.

Soit a a + b un nombre quelconque qui ne soit pas un quarré parfait, & a3 + b un nombre quelconque qui ne soit pas un cube parfait. Soit a a le plus grand quarré parfait, contenu dans le premier de ces nombres. Soit a 3 le plus grand cube parfait contenu dans le second de ces nombres, on aura

(a a + b) = a + (b /2 a) - (3 b b)/(8 a3) &c. & (a3 + b) = a + (b /(3 a2)) - (b b)/(9 a5), &c. Voyez BINOME. A l'aide de ces équations, on aura facilement des expressions fort approchées des racines quarrées & cubiques que l'on cherchera.

Soit proposé d'avoir la racine d'une équation par APPROXIMATION, 1°. d'une équation du second degré. Soit l'équation donnée du second degré dont il faut avoir la racine par approximation, x2 - 5 x - 31 = 0, on suppose que l'on sache déjà que la racine est à-peu-près 8 ; ce que l'on peut trouver aisément par différentes méthodes, dont plusieurs sont exposées dans le VI. livre de l'analyse démontrée du P. Reyneau.

Soit 8 + y la racine de l'équation proposée, ensorte que y soit une fraction égale à la quantité, dont 8 est plus grand ou plus petit que la racine cherchée, on aura donc

Or comme une fraction devient d'autant plus petite que la puissance à laquelle elle se trouve élevée est grande, & que nous ne nous proposons que d'avoir une valeur approchée de la racine de l'équation, nous négligerons le terme y2 ; & la derniere équation se réduira à

Réduisant les fractions au même dénominateur, on aura l'équation suivante :

Soit maintenant cette équation du troisieme degré, dont il faut chercher la racine par approximation, x3 + 2 x2 - 23 x - 70 = 0, & dont on suppose que l'on sache à-peu-près la valeur de la racine, par exemple 5.

Soit donc la racine de cette équation 5 + y. Comme on peut négliger les termes où y se trouve au second & au troisieme degré, il n'est pas nécessaire de les exprimer dans la transformation. On aura donc seulement

Donc x = 5.1 + 0.0348 = 5.1340, & ainsi de suite à l'infini. Il est évident que plus on réitérera l'opération, plus la valeur de x approchera de la valeur exacte de la racine de l'équation proposée.

Cette méthode pour approcher des racines des équations numériques, est dûe à M. Newton. Dans les mém. de l'acad. de 1744, on trouve un mémoire de M. le marquis de Courtivron, où il perfectionne & simplifie cette méthode. Dans les mêmes mémoires, M. Nicole donne aussi une méthode pour approcher des racines des équations du troisieme degré dans le cas irréductible ; & M. Clairaut, dans ses élémens d'Algebre, enseigne aussi une maniere d'approcher de la racine d'une équation du troisieme degré dans ce même cas. Voyez CAS IRREDUCTIBLE du troisieme degré. (O)


APPUIsoutien, support : l'appui fortifie, le soûtien porte, le support aide ; l'appui est à côté, le soûtien dessous, l'aide à l'un des bouts : une muraille est appuyée, une voûte est soûtenue, un toît est supporté : ce qui est violemment poussé a besoin d'appui ; ce qui est trop chargé a besoin de soûtien ; ce qui est très-long a besoin de support.

Au figuré, l'appui a plus de rapport à la force & à l'autorité ; le soûtien, au crédit & à l'habileté ; & le support, à l'affection & à l'amitié.

Il faut appuyer nos amis dans leurs prétentions, les soûtenir dans l'adversité, & les supporter dans leurs momens d'humeur.

APPUI ou POINT D'APPUI d'un levier, est le point fixe autour duquel le poids & la puissance sont en équilibre dans un levier ; ainsi dans une balance ordinaire le point de milieu par lequel on suspend la balance, est le point d'appui. Le point d'appui d'un levier, lorsque la puissance & les poids ont des directions paralleles, est toûjours chargé d'une quantité égale à la somme de la puissance & du poids. Ainsi dans une balance ordinaire à bras égaux, la charge du point d'appui est égale à la somme des poids qui sont dans les plats de la balance, c'est-à-dire au double d'un de ces poids. On voit aussi par cette raison, que l'appui est moins chargé dans la balance appellée romaine ou peson, que dans la balance ordinaire ; car pour peser, par exemple, un poids de six livres avec la balance ordinaire, il faut de l'autre côté un poids de six livres, & la charge de l'appui est de douze livres ; au lieu qu'en se servant du peson, on peut peser le poids de six livres avec un poids d'une livre, & la charge de l'appui n'est alors que sept livres. Voyez PESON, ROMAINE, &c. (O)

APPUI, s. m. terme de Tourneur ; c'est ainsi qu'ils appellent une longue piece de bois qui porte des deux bouts sur les bras des deux poupées, & que l'ouvrier a devant lui pour soûtenir & affermir son outil. On lui donne aussi le nom de barre ou de support du tour. Voyez SUPPORT & TOUR.

APPUI, en Architecture, du latin podium, selon Vitruve ; c'est une balustrade entre deux colonnes ou entre les deux tableaux ou piés droits d'une croisée, dont la hauteur intérieure doit être proportionnée à la grandeur humaine, pour s'y appuyer, c'est-à-dire de deux piés un quart au moins, & de trois piés un quart au plus. Voyez BALUSTRADE.

On appelle aussi appui, un petit mur qui sépare deux cours ou un jardin, sur lequel on peut s'appuyer : on appelle appui continu, la retraite qui tient lieu de pié-d'estal à un ordre d'Architecture, & qui dans l'intervalle des entre-colonnemens ou entre-pilastres, sert d'appui aux croisées d'une façade de bâtimens.

On dit appui allegé, lorsque l'appui d'une croisée est diminué de l'épaisseur de l'ébrasement, autant pour regarder par-dehors plus facilement, que pour soulager le lintot de celle de dessous.

On appelle appui évidé, non seulement les balustrades, mais aussi ceux ornés d'entrelacs percés à jour, tels qu'il s'en voit un modele au peristyle du Louvre, du côté de S. Germain l'Auxerrois.

On appelle appui rampant, celui qui suit la rampe d'un escalier, soit qu'il soit de pierre, de bois ou de fer. Voyez RAMPE. (P)

APPUI, c'est, en Charpenterie, le nom qu'on donne aux pieces de bois que l'on met le long des galeries des escaliers & aux croisées. Voyez la fig. 17. n°. 34. & la fig. 13. n°. 3. L'usage des appuis est d'empêcher les passans de tomber.

APPUI, en terme de Manége, est le sentiment réciproque entre la main du cavalier & la bouche du cheval, par le moyen de la bride ; ou bien c'est le sentiment de l'action de la bride dans la main du cavalier. Voyez MAIN, FREIN, MORS, BRIDE, &c.

Un appui fin se dit d'un cheval qui a la bouche délicate à la bride ; de maniere qu'intimidé par la sensibilité & la délicatesse de sa bouche, il n'ose trop appuyer sur son mors, ni battre à la main pour résister.

On dit qu'un cheval a un appui sourd, obtus, quand il a une bonne bouche, mais la langue si épaisse que le mors ne peut agir ni porter sur les barres, cette partie n'étant pas assez sensible pour les barres ; quoique cet effet provienne quelquefois de l'épaisseur des levres.

Un cheval n'a point d'appui, quand il craint l'embouchure, qu'il appréhende trop la main, & qu'il ne peut porter la bride ; & il en a trop, quand il s'abandonne sur le mors. La rêne de dedans du caveçon attachée courte au pommeau, est un excellent moyen pour donner un appui au cheval, le rendre ferme à la main & l'assûrer : cela est encore utile pour lui assouplir les épaules ; ce qui donne de l'appui où il en manque, & en ôte où il y en a trop.

Si l'on veut donner de l'appui à un cheval, & le mettre dans sa main, il faut le galoper, & le faire souvent reculer. Le galop étendu est aussi très-propre à donner de l'appui à un cheval, parce qu'en galopant il donne lieu au cavalier de le tenir dans la main.

Appui à pleine main, c'est-à-dire appui ferme, sans toutefois peser à la main, & sans battre à la main. Les chevaux pour l'armée doivent avoir l'appui à pleine main.

Appui au-delà de la pleine main ou plus qu'à pleine main, c'est-à-dire qui ne force pas la main, mais qui pese pourtant un peu à la main : cet appui est bon pour ceux qui, faute de cuisses, se tiennent à la bride. (V)

APPUI-MAIN, subst. m. baguette que les Peintres tiennent par le bout avec le petit doigt de la main gauche, & sur laquelle ils posent celle dont ils travaillent. Il y a ordinairement une petite boule de bois ou de linge revêtue de peau au bout, qui pose sur le tableau pour ne le pas écorcher. (R)


APPULSES. en terme d'Astronomie, se dit du mouvement d'une planete qui approche de sa conjonction avec le soleil ou une étoile. Voyez CONJONCTION. Ainsi on dit l'appulse de la lune à une étoile fixe, lorsque la lune approche de cette étoile, & est prête de nous la cacher. Voyez OCCULTATION. (O)


APPUREMENTAPPUREMENT d’un compte, terme de Finances & de Droit, est la transaction ou le jugement qui en termine les débats, & le payement du reliquat ; au moyen de quoi le comptable demeure quite & déchargé. Voyez COMPTE.

APPUREMENT d'un compte, est l'approbation des articles qui y sont portés, contenant décharge pour le comptable.

Les Anglois appellent cette décharge un quietus est, parce qu'elle se termine chez eux par la formule latine, abinde recessit quietus. Voyez COMPTE. (H)


APPURER l'oroulu, terme de Doreur sur métal, c'est, après que l'or en chaux a été amalgamé au feu avec le vif-argent, le laver dans plusieurs eaux pour en ôter la crasse & les scories.


APPUYÉadj. m. on dit, en terme de Géométrie, que les angles dont le sommet est dans la circonférence de quelque segment de cercle, s'appuyent ou sont posés sur l'arc de l'autre segment de dessous. Ainsi (fig. 78. Géomét.) l'angle A B C, dont le sommet est dans la circonférence du segment A B C, est dit appuyé sur l'autre segment A D C. Voyez SEGMENT. (E)


APPUYERAPPUYER des deux, (Manége.) c’est frapper & enfoncer les deux éperons dans le flanc du cheval. Appuyer ouvertement des deux, c’est donner le coup des deux éperons de toute sa force. Appuyer le poinçon, c’est faire sentir la pointe du poinçon sur la croupe du cheval de manége pour le faire sauter. Voyez POINÇONPoinçon. (V)

APPUYER les chiens, en Vénerie, c'est suivre toutes leurs opérations, & les diriger, les animer de la trompe & de la voix.


APPUYOIRS. m. pour presser les feuilles de fer-blanc que le Ferblantier veut souder ensemble, il se sert d'un morceau de bois plat de forme triangulaire, qu'on appelle appuyoir. Voyez la figure 24. Pl. du Ferblantier.


APRACKBANIou ABRUCKBANIA, (Géog.) ville de Transylvanie sur la riviere d'Ompas, audessus d'Albe-Julie.


APREterme de Grammaire greque. Il y a en grec deux signes qu'on appelle esprits ; l'un appellé esprit doux, & se marque sur la lettre comme une petite virgule, , moi, je.

L'autre est celui qu'on appelle esprit âpre ou rude ; il se marque comme un petit c sur la lettre, , ensemble. Son usage est d'indiquer qu'il faut prononcer la lettre avec une forte aspiration.

prend toûjours l'esprit rude, , aqua ; les autres voyelles & les diphtongues ont le plus souvent l'esprit doux.

Il y a des mots qui ont un esprit & un accent, comme le relatif , , , qui, quae, quod.

Il y a quatre consonnes qui prennent un esprit rude, , , , : mais on ne marque plus l'esprit rude sur les trois premieres, parce qu'on a inventé des caracteres exprès, pour marquer que ces lettres sont aspirées ; ainsi au lieu d'écrire , , , on écrit , ,

: mais on écrit au commencement des mots : , Rhétorique ; , Rhétoricien ; , force. Quand le est redoublé, on met un esprit doux sur le premier, & un âpre sur le second ; , longe, loin. (F)


APREMONT(Géogr. mod.) petite ville de France dans le Poitou, généralité de Poitiers. Long. 15. 52. lat. 46. 45.


APRèSpréposition qui marque postériorité de tems, ou de lieu, ou d'ordre.

Après les fureurs de la guerre,

Goûtons les douceurs de la paix.

Après se dit aussi adverbialement : partez, nous irons après, c'est-à-dire ensuite.

Après est aussi une préposition inséparable qui entre dans la composition de certains mots, tels que après-demain, après-dîné, l'après-dînée, après-midi, après soupé, l'après-soupée.

C'est sous cette vûe de préposition inséparable, qui forme un sens avec un autre mot, que l'on doit regarder ce mot dans ces façons de parler ; ce portrait est fait d'après nature ; comme on dit en Peinture & en Sculpture, dessiner d'après l'antique ; modeler d'après l'antique ; ce portrait est fait d'après nature ; ce tableau est fait d'après Raphaël, &c. c'est-à-dire que Raphaël avoit fait l'original auparavant. (F)


APRETÉS. f. se dit de l'inégalité & de la rudesse de la surface d'un corps, par laquelle quelques-unes de ses parties s'élevent tellement au-dessus du reste, qu'elles empêchent de passer la main dessus avec aisance & liberté. Voyez PARTICULE.

L'âpreté ou la rudesse est opposée à la douceur, à l'égalité, à ce qui est uni ou poli, &c. le frottement des surfaces contiguës vient de leur âpreté. Voyez SURFACE & FROTTEMENT.

L'âpreté plus ou moins grande des surfaces des corps, est une chose purement relative. Les corps qui nous paroissent avoir la surface la plus unie, étant vûs au microscope, ne sont plus qu'un tissu de rugosités & d'inégalités.

Suivant ce que M. Boyle rapporte de Vermausen, aveugle très-fameux par la délicatesse & la finesse de son toucher, avec lequel il distinguoit les couleurs, il paroîtroit que chaque couleur a son degré ou son espece particuliere d'âpreté. Le noir paroît être la plus rude, de même qu'il est la plus obscure des couleurs ; mais les autres ne sont pas plus douces à proportion qu'elles sont plus éclatantes ; c'est-à-dire que la plus rude n'est pas toûjours celle qui réfléchit le moins de lumiere : car le jaune est plus rude que le bleu ; & le verd, qui est la couleur moyenne, est plus rude que l'une & l'autre. Voyez COULEUR, LUMIERE. (O)


APRIO(Géog. anc. & mod.) ville de la Romanie, que les anciens nommoient apros & apri. Elle porta aussi le nom de Theodosiapolis, parce que Théodose le Grand en aimoit le séjour.


APRISEvieux terme de Palais, synonyme à estimation, prisée. Il est fait d'aprisia, qu'on trouve en ce sens dans d'anciens arrêts, & qui vient du verbe appretiare, priser. (H)


APRONasper, (Hist. nat. Zoolog.) poisson de riviere assez ressemblant au goujon ; cependant sa tête est plus large ; elle est terminée en pointe : sa bouche est de moyenne grandeur ; les mâchoires au lieu d'être garnies de dents, sont raboteuses ; il a des trous devant les yeux. Ce poisson est de couleur rousse, & marqué de larges taches noires qui traversent le ventre & le dos obliquement : il a deux nageoires auprès des oüies & sous le ventre, deux autres sur le dos assez éloignées l'une de l'autre. On le trouve dans le Rhône, sur-tout entre Lyon & Vienne : on a crû qu'il vivoit d'or, parce qu'il avale avec le gravier les paillettes d'or qui s'y rencontrent ; sa chair est plus dure que celle du goujon. Rondelet. Voyez POISSON. (I)


APROSITEou l'île inaccessible. Pline la place dans l'Océan atlantique : quelques géographes modernes prétendent que c'est l'île que nous appellons Porto-Santo ; d'autres, que c'est Ombris ou Saint-Blandan ; ou par corruption, la isla de San-Borondon ; ou l'encubierta, la couverte, ou la non trovada, la difficile à trouver. C'est une des Canaries du côté d'occident.


APSIDES. f. se dit en Astronomie de deux points de l'orbite des planetes, où ces corps se trouvent, soit à la plus grande, soit à la plus petite distance possible ou de la terre ou du soleil. Voyez ORBITE, PLANETE, DISTANCE, GNEIGNE.

A la plus grande distance l'apside s'appelle la grande abside, summa apsis ; à la plus petite distance l'apside s'appelle la petite abside, infima ou ima apsis.

Les deux apsides ensemble s'appellent auges. Voyez AUGES.

La grande apside se nomme plus communément l'aphélie ou l'apogée ; & la petite apside, le périhélie ou le périgée. Voyez APOGEE & PERIGEE.

La droite qui passe par le centre de l'orbite de la planete, & qui joint ces deux points, s'appelle la ligne des apsides de la planete. Dans l'Astronomie nouvelle la ligne des apsides est le grand axe d'un orbite elliptique ; telle est la ligne A P, Planche d'Astronomie, fig. 1. tirée de l'aphélie A, au périhélie P. Voyez ORBITE & PLANETE.

On estime l'excentricité sur la ligne des apsides ; car c'est la distance du centre C de l'orbite de la planete au foyer S de l'orbite. Voyez FOYER & ELLIPSE. Cette excentricité est différente dans chacune des orbites des planetes. Voyez EXCENTRICITE.

Quelques philosophes méchaniciens considerent le mouvement d'une planete d'une apside à l'autre ; par exemple, le mouvement de la Lune du périgée à l'apogée, & de l'apogée au périgée, comme des oscillations d'un pendule ; & ils appliquent à ce mouvement les lois de l'oscillation d'un pendule : d'où ils inferent que l'équilibre venant un jour à se rétablir, ces oscillations des corps célestes cesseront. Voyez Horreb. Clar. Astron. c. xx. Voyez OSCILLATION & PENDULE.

D'autres croyent appercevoir dans ce mouvement quelque chose qui n'est point méchanique, & ils demandent : pourquoi l'équilibre s'est-il rompu & les oscillations de ces corps ont-elles commencé ? pourquoi l'équilibre ne renaît-il pas ? quelle est la cause qui continue de le rompre ? Voyez Mém. de Trév. Avril 1730, pag. 709 & suivantes. Ils regardent toutes ces questions comme insolubles ; ce qui prouve que la philosophie newtonienne leur est inconnue. Voyez Newt. princip. mathem. lib. I. sect. 9. Herman. Phoron. lib. I. c. jv. Voyez encore GRAVITATION, PLANETE, ORBITE, DISTANCE, PERIODE, LUNE, &c.

Parmi les auteurs qui ont comparé ces oscillations à celle d'un pendule, un des plus célebres est M. Jean Bernoulli, professeur de Mathématique à Bâle, dans une piece intitulée, Nouvelles pensées sur le système de Descartes, avec la maniere d'en déduire les orbites & les aphélies des planetes ; piece qui remporta en 1730 le prix proposé par l'académie royale des Sciences de Paris. Il tâche d'y expliquer comment il peut arriver que dans le système des tourbillons une planete ne soit pas toûjours à la même distance du Soleil, mais qu'elle s'en approche & s'en éloigne alternativement. Mais en Physique il ne suffit pas de donner une explication plausible d'un phénomene particulier, il faut encore que l'hypothese d'où l'on part pour expliquer ce phénomene, puisse s'accorder avec tous les autres qui l'accompagnent, ou qui en dépendent. Or si on examine l'explication donnée par M. Bernoulli, nous croyons qu'il seroit difficile de faire voir comment dans cette explication la planete pourroit décrire une ellipse autour du Soleil, de maniere que cet astre en occupât le foyer, & que les aires décrites autour de cet astre fussent proportionnelles aux tems, ainsi que les observations l'apprennent. Voyez sur ce sujet un mém. de M. Bouguer, mém. acad. 1731, sur le mouvement curviligne des corps dans des milieux qui se meuvent.

Si la ligne de la plus grande distance d'une planete, & celle de la plus petite distance, ne sont pas situées précisément en ligne droite, mais qu'elles fassent un angle plus grand ou plus petit que 180 degrés, la différence de cet angle à 180 degrés est appellée le mouvement de la ligne des apsides, ou le mouvement des apsides ; & si l'angle est plus petit que 180 degrés, on dit que le mouvement des apsides est contre l'ordre des signes : au contraire si l'angle est plus grand, on dit que le mouvement des apsides est suivant l'ordre des signes.

A l'égard de la méthode pour déterminer la position des apsides mêmes, on s'est servi pour y parvenir de différens moyens. Les anciens qui croyoient que les planetes décrivoient des cercles parfaits dont le Soleil n'occupoit pas le centre, ont employé pour déterminer les apsides, une méthode expliquée par Keill dans ses Institutions astronomiques. Depuis, comme on s'est apperçû que les planetes décrivoient des ellipses dont le Soleil occupoit le foyer, on a été obligé de chercher d'autres moyens pour déterminer le lieu des apsides dans les orbites. M. Halley a donné pour cela une méthode qui ne suppose de connu que le tems de la révolution de la planete. Sethus Wardus en a aussi donné une, qui suppose qu'on ait trois observations différentes d'une planete en trois endroits quelconques de son orbite ; mais la méthode qu'il donne pour cela, est fondée sur une hypothese qui n'est pas exactement vraie, & le célebre M. Euler en a donné une beaucoup plus exacte dans le tome VII. des mém. de l'acad. de Petersbourg. On peut voir ces différentes méthodes, excepté la derniere, dans l'Astronomie de Keill, ou plûtôt dans les Institutions astronomiques de M. le Monnier.

M. Newton a donné dans son livre des Principes, une très-belle méthode pour déterminer le mouvement des apsides, en supposant que l'orbite décrite par la planete soit peu différente d'un cercle, comme le sont presque toutes les orbites planétaires. Ce grand philosophe a fait voir que si le Soleil étoit immobile, & que toutes les planetes pesassent vers lui en raison inverse du quarré de leurs distances, le mouvement des apsides seroit nul, c'est-à-dire que la ligne de la plus grande distance & la ligne de la plus petite distance, seroient éloignées de 180 degrés l'une de l'autre, & ne formeroient qu'une seule ligne droite. Ce qui fait donc que les deux points des apsides ne sont pas toûjours exactement en ligne droite avec le Soleil, c'est que par la tendance mutuelle des planetes les unes vers les autres, leur gravitation vers le Soleil n'est pas précisément en raison inverse du quarré de la distance. M. Newton donne une méthode très-élégante pour déterminer le mouvement des apsides, en supposant qu'on connoisse la force qui est ajoûtée à la gravitation de la planete vers le Soleil, & que cette force ajoûtée ait toûjours sa direction vers le Soleil.

Cependant quelque belle que soit cette méthode, il faut avoüer qu'elle a besoin d'être perfectionnée ; parce que dans toutes les planetes, tant premieres que secondaires, la force ajoûtée à la gravitation vers le foyer de l'orbite, n'a presque jamais sa direction vers ce foyer : aussi M. Newton ne s'en est-il point servi, du moins d'une maniere bien nette, pour déterminer le mouvement des apsides de l'orbite lunaire ; la théorie exacte de ce mouvement est très-difficile. Voyez APOGEE & LUNE. (O)


APSILESS. m. (Géog. anc.) peuples qui habitoient les environs du Pont-Euxin, & le pays de Lazes.


APSIou ABSIS, mot usité dans les auteurs ecclésiastiques pour signifier la partie intérieure des anciennes églises où le clergé étoit assis, & où l'autel étoit placé. Voyez EGLISE.

On croit que cette partie de l'église s'appelloit ainsi, parce qu'elle étoit bâtie en arcade ou en voûte, appellée par les Grecs , & par les Latins absis. M. Fleury tire ce nom de l'arcade qui en faisoit l'ouverture. Isidore dit avec beaucoup moins de vraisemblance, qu'on avoit ainsi nommé cette partie de l'église, parce qu'elle étoit la plus éclairée, du mot grec , éclairer.

Dans ce sens le mot absis se prend aussi pour concha, camera, presbyterium, par opposition à nef, ou à la partie de l'église où se tenoit le peuple ; ce qui revient à ce que nous appellons choeur & sanctuaire. Voyez NEF, CHOEUR, &c.

L'apsis étoit bâti en figure hémisphérique, & consistoit en deux parties, l'autel & le presbytere, ou sanctuaire. Dans cette derniere partie étoient contenues les stalles ou places du clergé, & entr'autres le throne de l'évêque, qui étoit placé au milieu ou dans la partie la plus éloignée de l'autel. Peut-être, dit M. Fleury, les Chrétiens avoient-ils voulu d'abord imiter la séance du sanhedrin des Juifs, où les juges étoient assis en demi-cercle, le président au milieu : l'évêque tenoit la même place dans le presbytere. L'autel étoit à l'autre extrémité vers la nef, dont il étoit séparé par une grille ou balustrade à jour. Il étoit élevé sur une estrade, & sur l'autel étoit le ciboire ou la coupe, sous une espece de pavillon ou de dais. Voyez Cordemoy, mém. de Trév. Juillet 1710, pag. 1268 & suiv. Fleury, moeurs des Chrét. tit. XXXV.

On faisoit plusieurs cérémonies à l'entrée ou sous l'arcade de l'apsis, comme d'imposer les mains, de revêtir de sacs & de cilices les pénitens publics. Il est aussi souvent fait mention dans les anciens monumens, des corps des saints qui étoient dans l'apsis. C'étoient les corps des saints évêques, ou d'autres saints, qu'on y transportoit avec grande solennité. Synod. 32. Carth. can. 32. Spelman.

Le throne de l'évêque s'appelloit anciennement apsis, d'où quelques-uns ont crû qu'il avoit donné ce nom à la partie de la basilique dans laquelle il étoit situé ; mais, selon d'autres, il l'avoit emprunté de ce même lieu. On l'appelloit encore apsis gradata, parce qu'il étoit élevé de quelques degrés au-dessus des siéges des prêtres ; ensuite on le nomma exhedra, puis throne & tribune. Voyez TRIBUNE.

Apsis étoit aussi le nom d'un reliquaire ou d'une chasse, où l'on renfermoit anciennement les reliques des Saints, & qu'on nommoit ainsi, parce que les reliquaires étoient faits en arcade ou en voûte ; peut-être aussi à cause de l'apsis où ils étoient placés, d'où les Latins ont formé capsa, pour exprimer la même chose. Ces reliquaires étoient de bois, quelquefois d'or, d'argent, ou d'autre matiere précieuse, avec des reliefs, & d'autres ornemens ; on les plaçoit sur l'autel, qui, comme nous l'avons dit, faisoit partie de l'apsis, qu'on a aussi nommé quelquefois le chevet de l'église, & dont le fond, pour l'ordinaire, étoit tourné à l'orient. Voyez du Cange, Descript. S. Sophiae. Spelman. Fleury, loc. cit. (G)


APT(Géog. anc. & mod.) autrefois Apta Julia, ville de France en Provence, sur la riviere de Calaran. Long. 23. 6. lat. 43. 50.


APTEREde , sans aile, (Myth.) épithete que les Athéniens donnoient à la victoire qu'ils avoient représentée sans ailes, afin qu'elle restât toûjours parmi eux.

* APTERE, (Géog. anc. & mod.) ville de l'île de Crete : c'est aujourd'hui Atteria ou Paleocastro. On dit qu'Aptere fut ainsi nommée de , sans aile ; parce que ce fut là que les Sirenes tomberent, lorsqu'elles perdirent leurs ailes, après qu'elles eurent été vaincues par les Muses, qu'elles avoient défiées à chanter.


APTITUDEen terme de Jurisprudence, est synonyme à capacité & habileté. Voyez l'un & l'autre. (H)


APTOTEce mot est grec, & signifie indéclinable. Sunt quaedam, quae declinationem non admittunt, & in quibusdam casibus tantum inveniuntur, & dicuntur aptota. Sosipater, liv. I. pag. 23. comme fas, nefas, &c. , c'est-à-dire sans cas, formé de , cas, & d' privatif. (F)


APUAville de Ligurie. Voy. PONTREMOLLE.


APUIESS. m. pl. (Géog. & Hist.) peuples de l'Amérique méridionale, dans le Bresil. Ils habitent à la source du Ganabara ou du Rio-Janeiro, & près du gouvernement de ce dernier nom.


APURIMou APORIMAC, riviere de l'Amérique dans le Pérou, la plus rapide de ce royaume, à 12 lieues de la riviere d'Abançac.


APURWACou PIRAGUE, (Géog. mod.) riviere de l'Amérique méridionale, dans la Guiane ; c'est une des plus considérables du pays.


APUSen Astronomie, l'oiseau du paradis ; c'est l'une des constellations de l'hémisphere méridional, qui ne sont pas visibles dans notre latitude ; parce qu'étant trop proches du pole méridional, elles sont toûjours sous notre horison. Voy. CONSTELLATION. (O)


APYREXIES. f. d' privatif, & de , fievre, absence de fievre ; c'est, en Medecine, cet intervalle de tems qui se trouve entre deux accès de fievre intermittente, ou c'est la cessation entiere de la fievre. Voyez FIEVRE. (N)


AQUAprovince d'Afrique, sur la côte d'or de Guinée.


AQUA-DOLCou GLECINIRO, (Géog. anc. & mod.) riviere de Thrace, qui se jette dans la Propontide, vers Selivrée.


AQUA-NEGRApetite place d'Italie dans le Mantoüan, sur la Chiese, un peu au-delà de la jonction de cette riviere avec l'Oglio. Long. 27. 55. lat. 45. 10.


AQUA-PENDENTEvoyez ACQUA-PENDENTE.


AQUA-SPARTApetite ville d'Italie, dans la province d'Ombrie, sur un mont, entre Amelia & Spolete.


AQUAE-CALIDAE(Géog. anc.) ville ainsi nommée de ses bains chauds. C'est la même qu'on appelle aujourd'hui Bath, dans le comté de Sommerset en Angleterre ; Antonin l'appelle aussi Aquae solis.


AQUARIENS(Théol.) espece d'hérétiques qui parurent dans le 3e siecle ; ils substituoient l'eau au vin dans le sacrement de l'Eucharistie. V. EUCHARISTIE.

On dit que la persécution qu'on exerçoit alors avec fureur contre le Christianisme, donna lieu à cette hérésie. Les Chrétiens, obligés de célébrer pendant la nuit la cene eucharistique, jugerent à-propos de n'y employer que de l'eau, dans la crainte que l'odeur du vin ne les décelât aux payens. Dans la suite, ils pousserent les choses plus loin ; ils bannirent le vin de ce sacrement, lors même qu'ils pouvoient en faire usage en sûreté. S. Epiphane dit que ces hérétiques étoient sectateurs de Tatien, & qu'on leur donna le nom d'Aquariens, parce qu'ils s'abstenoient absolument de vin, jusque-là même qu'ils n'en usoient pas dans le sacrement de l'Eucharistie. Voyez ABSTEME, ABSTINENCE. (G)


AQUARIUSest le nom latin du Verseau. Voyez VERSEAU. (O)


AQUATACCIOou AQUA D'ACIO, ou RIO D'APPIO, (Géog. anc. & mod.) petite riviere dans la campagne de Rome en Italie, qui se jette dans le Tibre à un mille de Rome. On ne connoît cette riviere, que parce qu'autrefois on y lavoit les choses sacrifiées à Cybele.


AQUATIQUEadj. se dit des animaux & des végétaux qui se plaisent dans l'eau, tels que l'aulne, l'osier, les saules, le peuplier, le marsaut & autres. (K)


AQUATULCOvoyez AGUATULCO.


AQUEou ACQUE, s. f. (Marine.) c'est une espece de bâtiment qui amene des vins du Rhin en Hollande : il est plat par le fond, large par le bas, haut de bords, & se retrécissant par le haut ; son étrave est large de même que son étambord. (Z)


AQUEDUCS. m. bâtiment de pierre, fait dans un terrein inégal, pour conserver le niveau de l'eau, & la conduire d'un lieu dans un autre. Ce mot est formé d'aqua, eau, & de ductus, conduit.

On en distingue de deux sortes, d'apparens & de soûterrains. Les apparens sont construits à-travers les vallées & les fondrieres, & composés de tremeaux & d'arcades : tels sont ceux d'Arcueil, de Marly, & de Bucq près Versailles. Les soûterrains sont percés à-travers les montagnes, conduits au-dessous de la superficie de la terre, bâtis de pierre de taille & de moilons, & couverts en-dessus de voûtes ou de pierres plates, qu'on appelle dalles : ces dalles mettent l'eau à l'abri du soleil ; tels sont ceux de Roquencourt, de Belleville, & du Pré S. Gervais.

On distribue encore les aqueducs en doubles ou triples, c'est-à-dire portés sur deux ou trois rangs d'arcades : tel est celui du Pont-du-Gard en Languedoc, & celui qui fournit de l'eau à Constantinople ; auxquels on peut ajoûter l'aqueduc que Procope dit avoir été construit par Cosroës roi de Perse, pour la ville de Petra en Mingrelie ; il avoit trois conduits sur une même ligne, les uns élevés au-dessus des autres.

Souvent les aqueducs sont pavés ; quelquefois l'eau roule sur un lit de ciment fait avec art, ou sur un lit naturel de glaise : ordinairement elle passe dans des cuvettes de plomb, ou des auges de pierre de taille, auxquelles on donne une pente imperceptible pour faciliter son mouvement ; aux côtés de ces cuvettes sont ménagés deux petits sentiers où l'on peut marcher au besoin. Les aqueducs, les pierriers, les tranchées, &c. amenent les eaux dans un réservoir ; mais ne les élevent point. Pour devenir jaillissantes, il faut qu'elles soient resserrées dans des tuyaux. (K)

* Les aqueducs de toute espece étoient jadis une des merveilles de Rome : la grande quantité qu'il y en avoit ; les frais immenses employés à faire venir des eaux d'endroits éloignés de trente, quarante, soixante, & même cent milles sur des arcades, ou continuées ou suppléées par d'autres travaux, comme des montagnes coupées & des roches percées ; tout cela doit surprendre : on n'entreprend rien de semblable aujourd'hui ; on n'oseroit même penser à acheter si cherement la commodité publique. On voit encore en divers endroits de la campagne de Rome de grands restes de ces aqueducs, des arcs continués dans un long espace, au-dessus desquels étoient les canaux qui portoient l'eau à la ville : ces arcs sont quelquefois bas, quelquefois d'une grande hauteur, selon les inégalités du terrein. Il y en a à deux arcades l'une sur l'autre ; & cela de crainte que la trop grande hauteur d'une seule arcade ne rendît la structure moins solide : ils sont communément de brique si bien cimentées, qu'on a peine à en détacher des morceaux. Quand l'élévation du terrein étoit énorme, on recouroit aux aqueducs soûterrains ; ces aqueducs portoient les eaux à ceux qu'on avoit élevés sur terre, dans les fonds & les pentes des montagnes. Si l'eau ne pouvoit avoir de la pente qu'en passant au-travers d'une roche, on la perçoit à la hauteur de l'aqueduc supérieur : on en voit un semblable au-dessus de Tivoli, & au lieu nommé Vicovaro. Le canal qui formoit la suite de l'aqueduc, est coupé dans la roche vive l'espace de plus d'un mille, sur environ cinq piés de haut & quatre de large.

Une chose digne de remarque, c'est que ces aqueducs qu'on pouvoit conduire en droite ligne à la ville, n'y parvenoient que par des sinuosités fréquentes. Les uns ont dit qu'on avoit suivi ces obliquités, pour éviter les frais d'arcades d'une hauteur extraordinaire : d'autres, qu'on s'étoit proposé de rompre la trop grande impétuosité de l'eau qui, coulant en ligne droite par un espace immense, auroit toûjours augmenté de vîtesse, endommagé les canaux, & donné une boisson peu nette & mal-saine. Mais on demande pourquoi y ayant une si grande pente de la cascade de Tivoli à Rome, on est allé prendre l'eau de la même riviere à vingt milles & davantage plus haut ; que dis-je vingt milles, à plus de trente, en y comptant les détours d'un pays plein de montagnes. On répond que la raison d'avoir des eaux meilleures & plus pures suffisoit aux Romains pour croire leurs travaux nécessaires & leurs dépenses justifiées ; & si l'on considere d'ailleurs que l'eau du Teveron est chargée de parties minérales, & n'est pas saine, on sera content de cette réponse.

Si l'on jette les yeux sur la planche 128 du IV. volume des Antiquités du P. Montfaucon, on verra avec quels soins ces immenses ouvrages étoient construits. On y laissoit d'espace en espace des soûpiraux ; afin que si l'eau venoit à être arrêtée par quelque accident, elle pût se dégorger jusqu'à ce qu'on eût dégagé son passage. Il y avoit encore dans le canal même de l'aqueduc des puits où l'eau se jettoit, se reposoit & déchargeoit son limon, & des piscines où elle s'étendoit & se purifioit.

L'aqueduc de l'Aqua-Marcia a l'arc de seize piés d'ouverture : le tout est composé de trois différentes sortes de pierres ; l'une rougeâtre, l'autre brune, & l'autre de couleur de terre. On voit en haut deux canaux, dont le plus élevé étoit de l'eau nouvelle du Teveron, & celui de dessous étoit de l'eau appellée Claudienne ; l'édifice entier a soixante & dix piés romains de hauteur.

A côté de cet aqueduc, on a dans le P. Montfaucon la coupe d'un autre à trois canaux ; le supérieur est d'eau Julia, celui du milieu d'eau Tepula, & l'inférieur d'eau Marcia.

L'arc de l'aqueduc d'eau Claudienne est de très-belle pierre de taille ; celui de l'aqueduc d'eau Néronnienne est de brique ; ils ont l'un & l'autre soixante-douze piés romains de hauteur.

Le canal de l'aqueduc qu'on appelloit Aqua-Appia mérite bien que nous en fassions mention par une singularité qu'on y remarque ; c'est de n'être pas uni comme les autres, d'aller comme par degrés, ensorte qu'il est beaucoup plus étroit en-bas qu'en-haut.

Le consul Frontin, qui avoit la direction des aqueducs sous l'empereur Nerva, parle de neuf aqueducs qui avoient 13594 tuyaux d'un pouce de diametre. Vigerus observe que dans l'espace de 24 heures, Rome recevoit 500000 muids d'eau.

Nous pourrions encore faire mention de l'aqueduc de Drusus & de celui de Rimini : mais nous nous contenterons d'observer ici qu'Auguste fit réparer tous les aqueducs ; & nous passerons ensuite à d'autres monumens dans le même genre, & plus importans encore, de la magnificence romaine.

Un de ces monumens est l'aqueduc de Metz, dont il reste encore aujourd'hui un grand nombre d'arcades ; ces arcades traversoient la Moselle, riviere grande & large en cet endroit. Les sources abondantes de Gorze fournissoient l'eau à la Naumachie ; ces eaux s'assembloient dans un réservoir ; de-là elles étoient conduites par des canaux soûterrains faits de pierre de taille, & si spacieux qu'un homme y pouvoit marcher droit : elles passoient la Moselle sur ces hautes & superbes arcades qu'on voit encore à deux lieues de Metz, si bien maçonnées & si bien cimentées, qu'excepté la partie du milieu, que les glaces ont emportées, elles ont résisté & résistent aux injures les plus violentes des saisons. De ces arcades, d'autres aqueducs conduisoient les eaux aux bains & au lieu de la Naumachie.

Si l'on en croit Colmenarès, l'aqueduc de Ségovie peut être comparé aux plus beaux ouvrages de l'antiquité. Il en reste cent cinquante-neuf arcades, toutes de grandes pierres sans ciment. Ces arcades avec le reste de l'édifice ont cent deux piés de haut ; il y a deux rangs d'arcades l'un sur l'autre ; l'aqueduc traverse la ville & passe par-dessus la plus grande partie des maisons qui sont dans le fond.

Après ces énormes édifices, on peut parler de l'aqueduc que Louis XIV. a fait bâtir proche Maintenon, pour porter les eaux de la riviere de Bucq à Versailles ; c'est peut-être le plus grand aqueduc qui soit à présent dans l'univers ; il est de 7000 brasses de long sur 2560 de haut, & a 242 arcades.

Les cloaques de Rome, ou ses aqueducs soûterrains, étoient aussi comptés parmi ses merveilles ; ils s'étendoient sous toute la ville, & se subdivisoient en plusieurs branches qui se déchargeoient dans la riviere : c'étoient de grandes & hautes voûtes bâties solidement, sous lesquelles on alloit en bateau ; ce qui faisoit dire à Pline que la ville étoit suspendue en l'air, & qu'on navigeoit sous les maisons ; c'est ce qu'il appelle le plus grand ouvrage qu'on ait jamais entrepris. Il y avoit sous ces voûtes des endroits où des charretes chargées de foin pouvoient passer ; ces voûtes soûtenoient le pavé des rues. Il y avoit d'espace en espace des trous où les immondices de la ville étoient précipitées dans les cloaques. La quantité incroyable d'eau que les aqueducs apportoient à Rome y étoit aussi déchargée. On y avoit encore détourné des ruisseaux, d'où il arrivoit que la ville étoit toûjours nette, & que les ordures ne séjournoient point dans les cloaques, & étoient promptement rejettées, dans la riviere.

Ces édifices sont capables de frapper de l'admiration la plus forte : mais ce seroit avoir la vûe bien courte que de ne pas la porter au-delà, & que de n'être pas tenté de remonter aux causes de la grandeur & de la décadence du peuple qui les a construits. Cela n'est point de notre objet. Mais le lecteur peut consulter là-dessus les Considérations de M. le président de Montesquieu, & celles de M. l'abbé de Mably, il verra dans ces ouvrages, que les édifices ont toûjours été & seront toûjours comme les hommes, excepté peut-être à Sparte, où l'on trouvoit de grands hommes dans des maisons petites & chétives : mais cet exemple est trop singulier pour tirer à conséquence.

AQUEDUC, s. m. les Anatomistes s'en servent pour désigner certains conduits qu'ils ont trouvé avoir du rapport avec les aqueducs.

L'aqueduc de Fallope est un trou situé entre les apophyses styloïde & mastoïde ; on a aussi nommé ce trou stylo-mastoïdien. Voyez STYLOÏDE & MASTOÏDE.

L'aqueduc de Sylvius est un petit canal du cerveau dont l'anus est l'orifice postérieur ; & la fente qui va à l'infundibulum, est l'intérieur, Voyez CERVEAU, ANUS, FUNDIBULUMULUM.


AQUERECYaquerecy, haut, il a passé ici, terme dont on se sert à la chasse du lievre, lorsqu'il est à quelque belle passée.


AQUEUXaquosus, adj. qui participe ou qui est de la nature de l'eau, ou bien ce en quoi l'eau abonde ou domine. Voyez EAU.

Ainsi l'on dit que le lait consiste en parties aqueuses ou séreuses, & en parties butyreuses. Voyez LAIT.

C'est par la distillation que les Chimistes séparent la partie aqueuse ou le phlegme de tous les corps. Voyez PHLEGME.

Conduits ou canaux AQUEUX. Voyez l'article LYMPHATIQUE.

Humeur AQUEUSE ; c'est la premiere ou l'antérieure des trois humeurs de l'oeil. Voyez HUMEUR & OEIL.

Elle occupe la chambre antérieure & la postérieure ; elle laisse par l'évaporation un sel lixiviel, & au goût elle est un peu salée ; elle s'évapore promptement, & toûjours après la mort. Il est très constant qu'elle se régénere, & qu'il y a par conséquent quelque source d'où elle coule sans cesse. Est-ce dans les vaisseaux secréteurs qu'Hovius croit avoir vûs à l'extrémité de l'uvée, ainsi que la Charriere ? Albinus a vû ses injections transsuder par les extrémités des vaisseaux de l'iris ; mais on n'est pas décidé à le croire, & l'analogie des liqueurs exhalantes qui viennent toutes des arteres, persuade autre chose.

L'humeur aqueuse est repompée par des veines absorbantes ; autrement, comme elle abonde sans cesse par les arteres, elle s'accumuleroit, & l'oeil deviendroit hydropique : d'ailleurs on sait par expérience que le sang épanché dans l'humeur aqueuse a été repompé ; elle circule donc. Mais, encore une fois, quels en sont les conduits ? Nuck croit avoir découvert ces conduits. Ruysch en parle dans deux endroits. Santorini, dans un aveugle, a quelquefois vû des canaux pleins d'une liqueur rougeâtre. Hovius a crû découvrir de nouvelles sources ; mais il les regarde comme artérielles, & il a nié qu'elles fussent des conduits particuliers. Mais comment d'une artere visible, dans un canal également sensible à l'oeil, une autre liqueur que le sang pourroit-elle passer ? Il n'y a aucun exemple de ce fait dans le corps humain, qui empêche le sang même d'entrer dans un vaisseau d'un aussi grand diametre. En voilà assez pour détruire ces sources particulieres de l'humeur aqueuse. Haller, Comment. Boerh. (L)

AQUEUX. Les remedes aqueux sont tous ceux où l'eau domine ; telles sont les plantes fraîches & nouvelles, & entr'elles toutes celles qui se résolvent aisément en eau, soit par la distillation, soit par la coction, soit par la macération. Les laitues, les laitrons, les patiences, les oseilles, les poirées, les chicorées & autres, sont sur-tout dans cette classe : le pourpier, le cotyledon, le sedum, en sont aussi.

Entre les légumes, sont les pois verds, les haricots nouveaux, les asperges, toutes les herbes potageres.

Entre les fruits, sont les raisins, les poires, les pommes douces, les cerises douces ; les prunes, les abricots, les pêches, & autres.

Les alimens aqueux tirés du regne végétal & animal, conviennent à ceux qui ont les humeurs acres, les fibres trop roides, & les fluides ou le sang aduste ; ainsi dans l'été on doit ordonner aux malades beaucoup d'aqueux & de délayans, pour calmer les douleurs que produisent l'ébullition & l'effervescence des humeurs. (N)


AQUI & AQUITAville & province du Japon, dans la contrée nommée Niphon. La province d'Aquita est aux environs de Chançuque, vers le détroit de Sangaar.


AQUIGIRESS. m. pl. (Hist. & Géog.) peuples de l'Amérique méridionale, dans le Brésil, vers la préfecture du Saint-Esprit.


AQUILA(Géog. mod.) ville d'Italie au royaume de Naples, dans l'Abruzze ultérieure, sur le Pescara. Long. 31. 10. lat. 42. 20.


AQUILEGESS. m. pl. (Hist. anc.) c'est le nom que les Romains donnerent sous Auguste à ceux qui étoient chargés du soin d'entretenir les tuyaux & les conduits des eaux.


AQUILIE(Géog. anc. & mod.) ville d'Italie dans le Frioul, jadis considérable. Long. 31. 5. lat. 45. 55.


AQUILONS. m. est pris par Vitruve pour le vent de nord-est, ou pour ce vent qui souffle à 45 degrés du nord, entre le nord & l'est. Voyez VENT, NORD & POINT.

Les Poëtes donnent le nom d'aquilon à tous les vents orageux que les nautonniers redoutent. (O)


AQUILONDA(Géog. mod.) grand lac d'Afrique en Ethiopie, aux piés des montagnes du Soleil, sur les confins du Congo & d'Angola.


AQUIMINARIUou AMULA, (Hist. anc.) vaisseau rempli d'eau lustrale ; il étoit placé à l'entrée des temples, & le peuple s'arrosoit de cette eau benite.


AQUINO(Géog. anc. & mod.) ville d'Italie au royaume de Naples, dans la terre de Labour. Long. 31. 23. lat. 41. 32.


AQUITAINES. f. (Géog. & Hist. anc. & mod.) une des trois parties de l'ancienne Gaule. César dit qu'elle étoit séparée au nord de la Gaule celtique, par la Garonne. Il y a sur ses autres bornes des contestations entre les savans ; on en peut voir le détail dans le Dictionnaire de Moreri.

Selon le parti qu'on prendra, l'Aquitaine sera plus ou moins resserrée. Lorsque César divisa les Gaules en quatre grands gouvernemens, il fit entrer dans l'Aquitaine les Bourdelois, les Angoumois, les Auvergnats, ceux du Vélai, du Gévaudan, du Roüergue, du Quercy, les Agénois, les Berruyets, les Limosins, les Périgordins, les Poitevins, les Saintongeois, les Elviens ou ceux du Vivarais, à la place desquels un empereur, qu'on soupçonne être Galba, mit ceux d'Albi. Sous Julien l'Aquitaine étoit partagée en deux provinces : ces deux provinces s'appellerent sous Valentinien, premiere & seconde Aquitaine, dont Bordeaux fut la métropole. Dans la suite on voit Bourges métropole de la premiere Aquitaine, composée de sept autres cités ; savoir, celles d'Auvergne, de Rhodes, d'Albi, de Cahors, de Limoges, de la cité de Gévaudan & de celle de Vélai ; & Bordeaux métropole de la seconde Aquitaine, & sous elle Agen, Angoulême, Saintes, Poitiers & Périgueux. Cette contrée fut appellée Aquitaine, de l'abondance de ses eaux ; on l'appelloit anciennement Armorique, de armor, qui en langue gauloise signifioit pays maritime. Il faut ajoûter à la premiere & seconde Aquitaine, la Novempopulanie, composée des douze cités suivantes ; Eause métropole, Acqs, Leitoure, Comminges, Conserans ; la cité des Boiates ou de Busch, celle de Béarn, Aire, Bazas, Tarbes, Oléron & Ausch ; & ces trois provinces formerent l'Aquitaine entiere. L'Aquitaine, après avoir éprouvé plusieurs révolutions, fut érigée en royaume en 778 par Charlemagne, & supprimé par Charles-le-Chauve, qui y mit des ducs.

L'Aquitaine, qu'on peut appeller moderne, est renfermée entre la Loire, l'Océan & les Pyrenées. Il y en a qui ne comprennent sous ce nom que la Guienne & la Gascogne. D'autres divisent l'Aquitaine en trois parties ; la premiere comprend le Berry & le Bourbonnois, la haute & basse Auvergne, le Vélai & le Gévaudan, le Roüergue & l'Albigeois, le Querci, le haut & bas Limosin, la haute & basse Marche ; la seconde, le Bourdelois, le Médoc, la Saintonge, l'Aunis, l'Angoumois, le Périgord, l'Agénois & le Condomois ; la troisieme, l'Armagnac & le Bigorre, Comminges, Conserans, le Béarn, la basse Navarre, les Basques, les Landes, le Bazadois, & la petite Gascogne.


AQUITECTEURSS. m. pl. (Hist. anc.) nom que les Romains donnerent à ceux qui étoient chargés de l'entretien des aqueducs & de tous les bâtimens destinés ou à distribuer les eaux dans la ville, ou à en expulser les immondices.


AR(Géogr. anc. & sacr.) ville des Moabites. Voyez AROER.


ARAest le nom latin de la constellation appellée autel. Voyez AUTEL. (O)


ARou HARA, (Géogr. anc. & sainte.) ville d'Assyrie où les tribus qui étoient au-delà du Jourdain, savoir de Ruben, de Gad, & la moitié de celle de Manassés, furent menées en captivité par les rois Phul & Theglathphalasar. S. Jérome croit que cette ville est la même que Ragès, dont il est parlé dans Tobie, ch. j.

* ARA, (Cap d') Géog. anc. & mod. autrefois Neptunium promontorium, est le cap le plus méridional de l'Arabie heureuse ; il forme avec la côte d'Ajan en Afrique, le détroit de Babelmandel.


ARAB(Géogr. anc. & sainte.) ville de la tribu de Juda.


ARABA(Géog. anc. & mod.) ville de Perse dans le Sigistan, entre la ville de ce nom & le Cendahar. On pense communément que c'est l'ancienne ville d'Ariaspe, capitale de la Drangiane, à moins que ce ne soit Gobinam, ville de la même province, au midi de celle de Sigistan.


ARABEadj. On appelle arabe & arabique tout ce qui a rapport à l'Arabie ou aux Arabes ; arabique langue ou langue arabe, c'est une dialecte de l'hébreu.

Le P. Ange de S. Joseph exalte beaucoup la richesse & l'abondance de l'arabe. Il assûre qu'il y a dans cette langue plus de mille mots qui signifient une épée, cinq cens qui signifient un lion, deux cens pour dire un serpent, & huit qui signifient du miel.

Caracteres arabes ou figures arabiques, ce font les chiffres dont on se sert ordinairement dans les calculs d'arithmétique. Voyez FIGURE, NOMBRE. Les caracteres arabes sont différens de ceux des Romains. Voyez CARACTERE.

On croit communément que les Sarrasins nous ont donné les caracteres arabes, qu'ils avoient appris eux-mêmes des Indiens. Scaliger étoit si persuadé de leur nouveauté, qu'il assûra qu'un médaillon d'argent sur lequel il fut consulté, étoit moderne, parce que les caracteres 234 & 235 étoient gravés dessus.

On croit que Planude, qui vivoit sur la fin du treizieme siecle, a été le premier d'entre les Chrétiens qui ait fait usage de ces chiffres. Le P. Mabillon assûre dans son traité de Re diplomaticâ, que l'on ne s'en est pas servi avant le quatorzieme siecle. Le docteur Wallis soûtient qu'ils étoient en usage long-tems auparavant, du moins en Angleterre, & fixe cette époque au tems d'Hermannus-Contractus, qui vivoit environ l'an 1050. Ces chiffres, selon lui, étoient d'usage, sinon dans les comptes ordinaires, du moins dans les Mathématiques, & sur-tout pour les tables astronomiques. Voyez Wallis, algeb. ch. jv.

Pour prouver l'antiquité des chiffres arabes, le même auteur se fonde sur une inscription en bas relief qui étoit sur un manteau de la cheminée de maison presbytérale de Helindon dans la province de Northampton, où on lisoit ces caracteres, n°. 133, avec la date de l'année 1133. Transact. Philosoph. n°. 174.

M. Tuffkin fournit une preuve plus sûre de l'antiquité de l'usage de ces chiffres. C'est une croisée d'une maison faite à la romaine, & située dans la place du marché de Colchester, sur laquelle entre deux lions ciselés est un écusson contenant cette marque, 1390. Transact. Philosoph. n°. 255.

M. Huet pense que ces caracteres n'ont point été empruntés des Arabes, mais des Grecs ; & que les chiffres arabes ne sont autre chose que les lettres greques que l'on sait que ces peuples employoient pour nombrer & chiffrer. Voyez NOMBRE.

On dit que l'on nourrit les chevaux arabes avec du lait de chameau, & on rapporte des choses étonnantes de ces animaux. Le duc de Neucastle assûre que le prix ordinaire d'un cheval arabe, est de 1000, 2000, & jusqu'à 3000 livres ; & que les Arabes sont aussi soigneux de conserver la généalogie de leurs chevaux, que les princes sont curieux de celle de leurs familles : les écuyers ont soin d'écrire le nom des peres & meres de ces animaux, & on en trouve dont la noblesse en ce genre remonte fort haut. On assûre qu'il y a eu tels chevaux pour lesquels on a frappé des médailles.

Le bien que les Arabes donnent à leurs enfans, quand ils sont arrivés à l'âge d'homme, consiste en deux habits, deux cimeteres, & un cheval qui les accompagne toûjours. Les chevaux arabes que l'on a amenés en Angleterre, n'ont jamais rien montré qui fût extraordinaire. Voyez CHEVAL.

Année des ARABES, voyez AN.

ARABES. Etat de la Philosophie chez les anciens Arabes. Après les Chaldéens, les Perses & les Indiens, vient la nation des Arabes, que les anciens historiens nous représentent comme fort attachée à la Philosophie, & comme s'étant distinguée dans tous les tems par la subtilité de son esprit ; mais tout ce qu'ils nous en disent paroît fort incertain. Je ne nie pas que depuis Islamime l'érudition & l'étude de la Philosophie n'ayent été extrèmement en honneur chez ces peuples ; mais cela n'a lieu & n'entre que dans l'histoire de la Philosophie du moyen âge : aussi nous proposons-nous d'en traiter au long, quand nous y serons parvenus. Maintenant nous n'avons à parler que de la philosophie des anciens habitans de l'Arabie heureuse.

Il y a des savans qui veulent que ces peuples se soient livrés aux spéculations philosophiques ; & pour prouver leur opinion ils imaginent des systèmes qu'ils leur attribuent, & font venir à leur secours la religion des Zabiens, qu'ils prétendent être le fruit de la Philosophie. Tout ce qu'ils disent n'a pour appui que des raisonnemens & des conjectures : mais que prouve-t-on par des raisonnemens & des conjectures, quand il faut des témoignages ? Ceux qui sont dans cette persuasion que la Philosophie a été cultivée par les anciens Arabes, sont obligés de convenir eux-mêmes, que les Grecs n'avoient aucune connoissance de ce fait. Que dis-je ? Ils les regardoient comme des peuples barbares & ignorans, & qui n'avoient aucune teinture des lettres. Les écrivains Arabes, si l'on en croit Abulfarage, disent eux-mêmes qu'avant Islamime, ils étoient plongés dans la plus profonde ignorance. Mais ces raisons ne sont pas assez fortes pour leur faire changer de sentiment sur cette Philosophie qu'ils attribuent aux anciens Arabes. Le mépris des Grecs pour cette nation, disent-ils, ne prouve que leur orgueil & non la barbarie des Arabes. Mais enfin quels mémoires peuvent-ils nous produire, & quels auteurs peuvent-ils nous citer en faveur de l'érudition & de la philosophie des premiers Arabes ? Ils conviennent avec Abulfarage qu'ils n'en ont point. C'est donc bien gratuitement qu'ils en font des gens lettrés & adonnés à la Philosophie. Celui qui s'est le plus signalé dans cette dispute, & qui a eu plus à coeur la gloire des anciens Arabes, c'est Joseph Pierre Ludewig. D'abord il commence par nous opposer Pythagore, qui, au rapport de Porphyre, dans le voyage littéraire qu'il avoit entrepris, fit l'honneur aux Arabes de passer chez eux, de s'y arrêter quelque tems, & d'apprendre de leurs philosophes la divination par le vol & par le chant des oiseaux, espece de divination où les Arabes excelloient. Moyse lui-même, cet homme instruit dans toute la sagesse des Egyptiens, quand il fut obligé de quitter ce royaume, ne choisit-il pas pour le lieu de son exil l'Arabie, préférablement aux autres pays ? Or qui pourra s'imaginer que ce législateur des Hébreux se fût retiré chez les Arabes, si ce peuple avoit été grossier, stupide, ignorant ? Leur origine d'ailleurs ne laisse aucun doute sur la culture de leur esprit. Ils se glorifient de descendre d'Abraham, à qui l'on ne peut refuser la gloire d'avoir été un grand philosophe. Par quelle étrange fatalité auroient-ils laissé éteindre dans la suite des tems ces premieres étincelles de l'esprit philosophique, qu'ils avoient hérité d'Abraham leur pere commun ? Mais ce qui paroît plus fort que tout cela, c'est que les livres saints pour relever la sagesse de Salomon, mettent en opposition avec elle la sagesse des Orientaux : or ces Orientaux n'étoient autres que les Arabes. C'est de cette même Arabie que la reine de Saba vint pour admirer la sagesse de ce philosophe couronné ; c'est l'opinion constante de tous les savans. On pourroit prouver aussi par d'excellentes raisons, que les Mages venus d'Orient pour adorer le Messie, étoient Arabes. Enfin Abulfarage est obligé de convenir qu'avant Islamime même, à qui l'on doit dans ce pays la renaissance des lettres, ils entendoient parfaitement leur langue, qu'ils en connoissoient la valeur & toutes les propriétés, qu'ils étoient bons poëtes, excellens orateurs, habiles astronomes. N'en est-ce pas assez pour mériter le nom de philosophes ? Non, vous dira quelqu'un. Il se peut que les Arabes ayent poli leur langue, qu'ils ayent été habiles à deviner & à interpréter les songes, qu'ils ayent réussi dans la composition & dans la solution des énigmes, qu'ils ayent même eu quelque connoissance du cours des astres, sans que pour cela on puisse les regarder comme des philosophes ; car tous ces Arts, si cependant ils en méritent le nom, tendent plus à nourrir & à fomenter la superstition, qu'à faire connoître la vérité, & qu'à purger l'ame des passions qui sont ses tyrans. Pour ce qui regarde Pythagore, rien n'est moins certain que son voyage dans l'Orient ; & quand même nous en conviendrions, qu'en résulteroit-il, sinon que cet imposteur apprit des Arabes toutes ces niaiseries, ouvrage de la superstition, & dont il étoit fort amoureux ? Il est inutile de citer ici Moyse. Si ce saint homme passa dans l'Arabie, & s'il s'y établit en épousant une des filles de Jétro, ce n'étoit pas assûrément dans le dessein de méditer chez les Arabes, & de nourrir leur folle curiosité de systèmes philosophiques. La Providence n'avoit permis cette retraite de Moyse chez les Arabes, que pour y porter la connoissance du vrai Dieu & de sa religion. La philosophie d'Abraham, dont ils se glorifient de descendre, ne prouve pas mieux qu'ils ayent cultivé cette science. Abraham pourroit avoir été un grand philosophe & avoir été leur pere, sans que cela tirât à conséquence pour leur philosophie. S'ils ont laissé perdre le fil des vérités les plus précieuses, qu'ils avoient apprises d'Abraham ; si leur religion a dégénéré en une grossiere idolatrie, pourquoi leurs connoissances philosophiques, supposé qu'Abraham leur en eût communique quelques-unes, ne se seroient-elles pas aussi perdues dans la suite des tems ? Au reste, il n'est pas trop sûr que ces peuples descendent d'Abraham. C'est une histoire qui paroît avoir pris naissance avec le Mahométisme. Les Arabes ainsi que les Mahométans, pour donner plus d'autorité à leurs erreurs, en font remonter l'origine jusqu'au pere des croyans. Une chose encore qui renverse la supposition de Ludewig, c'est que la philosophie d'Abraham n'est qu'une pure imagination des Juifs, qui veulent à toute force trouver chez eux l'origine & les commencemens des Arts & des Sciences. Ce que l'on nous oppose de cette reine du midi, qui vint trouver Salomon sur la grande réputation de sa sagesse, & des Mages qui partirent de l'orient pour se rendre à Jérusalem, ne tiendra pas davantage. Nous voulons que cette reine soit née en Arabie : mais est-il bien décidé qu'elle fût de la secte des Zabiens ? On ne peut nier sans doute, qu'elle n'ait été parmi les femmes d'orient une des plus instruites, des plus ingénieuses, qu'elle n'ait souvent exercé l'esprit des rois de l'orient par les énigmes qu'elle leur envoyoit ; c'est-là l'idée que nous en donne l'historien sacré. Mais quel rapport cela a-t-il avec la philosophie des Arabes ? Nous accordons aussi volontiers que les Mages venus d'orient étoient des Arabes, qu'ils avoient quelque connoissance du cours des astres ; nous ne refusons point absolument cette science aux Arabes ; nous voulons même qu'ils ayent assez bien parlé leur langue, qu'ils ayent réussi dans les choses d'imagination, comme l'Eloquence & la Poésie : mais on n'en conclurra jamais, qu'ils ayent été pour cela des philosophes, & qu'ils ayent fort cultivé cette partie de la Littérature.

La seconde raison, qu'on fait valoir en faveur de la philosophie des anciens Arabes, c'est l'histoire du Zabianisme, qui passe pour avoir pris naissance chez eux, & qui suppose nécessairement des connoissances philosophiques. Mais quand même tout ce que l'on en raconte seroit vrai, on n'en pourroit rien conclure pour la philosophie des Arabes ; puisque le Zabianisme, étant de lui-même une idolatrie honteuse & une superstition ridicule, est plûtôt l'extinction de toute raison qu'une vraie philosophie. D'ailleurs, il n'est pas bien décidé dans quel tems cette secte a pris naissance ; car les hommes les plus habiles, qui ont travaillé pour éclaircir ce point d'histoire, comme Hottinger, Pocock, Hyde, & surtout le docte Spencer, avouent que ni les Grecs, ni les Latins ne font aucune mention de cette secte. Il ne faut pas confondre cette secte de Zabiens Arabes avec ces autres Zabiens dont il est parlé dans les annales de l'ancienne église orientale, lesquels étoient moitié Juifs & moitié Chrétiens, qui se vantoient d'être les disciples de Jean-Baptiste, & qui se trouvent encore aujourd'hui en grand nombre dans la ville de Bassore, près des bords du Tigre, & dans le voisinage de la mer de Perse. Le fameux Moyse Maimonides a tiré des auteurs Arabes tout ce qu'il a dit de cette secte ; & c'est en examinant d'un oeil curieux & attentif toutes les cérémonies extravagantes & superstitieuses, qu'il justifie très-ingénieusement la plûpart des lois de Moyse, qui blesseroient au premier coup d'oeil notre délicatesse, si la sagesse de ces lois n'étoit marquée par leur opposition avec les lois des Zabiens, pour lesquelles Dieu vouloit inspirer aux Juifs une grande aversion. On ne pouvoit mettre entre les Juifs & les Zabiens qui étoient leurs voisins une plus forte barriere. On peut lire sur cela l'ouvrage de Spencer sur l'économie Mosayque. On n'est pas moins partagé sur le nom de cette secte que sur son âge. Pocock prétend que les Zabiens ont été ainsi nommés de , qui, en hébreu, signifie les astres ou l'armée céleste ; parce que la religion des Zabiens consistoit principalement dans l'adoration des astres. Mais Scaliger pense que c'est originairement le nom des Chaldéens ainsi appellés, parce qu'ils étoient orientaux. Il a été suivi en cela par plusieurs savans, & entr'autres par Spencer. Cette signification du nom de Zabiens est d'autant plus plausible, que les Zabiens rapportent leur origine aux Chaldéens, & qu'ils font auteur de leur secte Sabius fils de Seth. Pour nous, nous ne croyons pas devoir prendre parti sur une chose, qui déjà par elle-même est assez peu intéressante. Si par les Zabiens on entend tous ceux, qui parmi les peuples de l'orient adoroient les astres, sentiment qui paroît être celui de quelques Arabes & de quelques auteurs Chrétiens, ce nom ne seroit plus alors le nom d'une secte particuliere, mais celui de l'idolatrie universelle. Mais il paroît qu'on a toûjours regardé ce nom comme étant propre à une secte particuliere. Nous ne voyons point qu'on le donnât à tous les peuples, qui à l'adoration des astres joignoient le culte du feu. Si pourtant au milieu des ténebres, où est enveloppée toute l'histoire des Zabiens, on peut à force de conjectures en tirer quelques rayons de lumiere, il nous paroît probable que la secte des Zabiens n'est qu'un mêlange du Judaïsme & du Paganisme ; qu'elle a été chez les Arabes une religion particuliere & distinguée de toutes les autres ; que pour s'élever au dessus de toutes celles qui fleurissoient de son tems, elle avoit non-seulement affecté de se dire très-ancienne, mais même qu'elle rapportoit son origine jusqu'à Sabius, fils de Seth : en quoi elle croyoit l'emporter pour l'antiquité sur les Juifs mêmes, qui ne peuvent remonter au-delà d'Abraham. On ne se persuadera jamais que le nom de Zabiens leur ait été donné, parce qu'ils étoient orientaux, puisqu'on n'a jamais appellé de ce nom les Mages & les Mahométans, qui habitent les provinces de l'Asie situées à l'orient. Quoi qu'il en soit de l'origine des Zabiens, il est certain qu'elle n'est pas aussi ancienne que le prétendent les Arabes. Ils sont même sur cela partagés de sentimens ; car si les uns veulent la faire remonter jusqu'à Seth, d'autres se contentent de la fixer à Noé, & même à Abraham. Eutychius, auteur Arabe, s'appuyant sur les traditions de son pays, trouve l'auteur de cette secte dans Zoroastre, lequel étoit né en Perse, si vous n'aimez mieux en Chaldée. Cependant Eutychius observe qu'il y en avoit quelques-uns de son tems qui en faisoient honneur à Juvan ; il a voulu sans doute dire Javan ; que les Grecs avoient embrassé avidement ce sentiment, parce qu'il flatoit leur orgueil, Javan ayant été un de leurs rois ; & que pour donner cours à cette opinion, ils avoient composé plusieurs livres sur la science des astres & sur le mouvement des corps célestes. Il y en a même qui croyent que celui qui fonda la secte des Zabiens étoit un de ceux qui travaillerent à la construction de la tour de Babel. Mais sur quoi tout cela est-il appuyé ? Si la secte des Zabiens étoit aussi ancienne qu'elle s'en vante, pourquoi les anciens auteurs Grecs n'en ont-ils point parlé ? Pourquoi ne lisons-nous rien dans l'Ecriture qui nous en donne la moindre idée ? Pour répondre à cette difficulté, Spencer croit qu'il suffit que le Zabaïsme, pris matériellement, c'est-à-dire pour une religion dans laquelle on rend un culte au soleil & aux astres, ait tiré son origine des anciens Chaldéens & des Babyloniens, & qu'il ait précédé de plusieurs années le tems où a vécu Abraham. C'est ce qu'il prouve par les témoignages des Arabes, qui s'accordent tous à dire que la religion des Zabiens est très-ancienne, & par la ressemblance de doctrine qui se trouve entre les Zabiens & les Chaldéens. Mais il n'est pas question de savoir si le culte des étoiles & des planetes est très-ancien. C'est ce qu'on ne peut contester ; & c'est ce que nous montrerons nous-mêmes à l'article des CHALDEENS. Toute la difficulté consiste donc à savoir si les Zabiens ont tellement reçû ce culte des Chaldéens & des Babyloniens, qu'on puisse assûrer à juste titre que c'est chez ces peuples que le Zabaïsme a pris naissance. Si l'on fait attention que le Zabaïsme ne se bornoit pas seulement à adorer le soleil, les étoiles & les planetes, mais qu'il s'étoit fait à lui-même un plan de cérémonies qui lui étoient particulieres, & qui le distinguoient de toute autre forme de religion, on m'avouera qu'un tel sentiment ne peut se soûtenir. Spencer lui-même, tout subtil qu'il est, a été forcé de convenir que le Zabaïsme considéré formellement, c'est-à-dire autant qu'il fait une religion à part & distinguée par la forme de son culte, est beaucoup plus récent que les anciens Chaldéens & les anciens Babyloniens. C'est pourtant cela même qu'il auroit dû prouver dans ses principes ; car si le Zabaïsme pris formellement n'a pas cette grande antiquité qui pourroit le faire remonter au-delà d'Abraham, comment prouvera-t-il que plusieurs lois de Moyse n'ont été divinement établies, que pour faire un contraste parfait avec les cérémonies superstitieuses du Zabaïsme ? Tout nous porte à croire que le Zabaïsme est assez récent, qu'il n'est pas même antérieur au Mahométisme. En effet, nous ne voyons dans aucun auteur, soit Grec, soit Latin, la moindre trace de cette secte ; elle ne commence à lever la tête que depuis la naissance du Mahométisme, &c. Nous croyons cependant qu'elle est un peu plus ancienne, puisque l'alcoran parle des Zabiens comme étant déjà connus sous ce nom.

Il n'y a point de secte sans livres ; elle en a besoin pour appuyer les dogmes qui lui sont particuliers. Aussi voyons-nous que les Zabiens en avoient, que quelques-uns attribuoient à Hermès & à Aristote, & d'autres à Seth & à Abraham. Ces livres, au rapport de Maimonides, contenoient sur les anciens patriarches, Adam, Seth, Noé, Abraham, des histoires ridicules, & pour tout dire, comparables aux fables de l'alcoran. On y traitoit au long des démons, des idoles, des étoiles & des planetes ; de la maniere de cultiver la vigne & d'ensemencer les champs ; en un mot on n'y omettoit rien de tout ce qui concernoit le culte qu'on rendoit au soleil, au feu, aux étoiles, & aux planetes. Si l'on est curieux d'apprendre toutes ces belles choses, on peut consulter Maimonides. Ce seroit abuser de la patience du lecteur, que de lui présenter ici les fables dont fourmillent ces livres. Je ne veux que cette seule raison pour les décrier comme des livres apocryphes & indignes de toute créance. Je crois que ces livres ont été composés vers la naissance de Mahomet, & encore par des auteurs qui n'étoient point guéris, ni de l'idolatrie, ni des folies du Platonisme moderne. Il nous suffira, pour faire connoître le génie des Zabiens, de rapporter ici quelques-uns de leurs dogmes. Ils croyoient que les étoiles étoient autant de dieux, & que le soleil tenoit parmi elles le premier rang. Ils les honoroient d'un double culte, savoir d'un culte qui étoit de tous les jours, & d'un autre qui ne se renouvelloit que tous les mois. Ils adoroient les démons sous la forme de boucs ; ils se nourrissoient du sang des victimes, qu'ils avoient cependant en abomination ; ils croyoient par-là s'unir plus intimement avec les démons. Ils rendoient leurs hommages au soleil levant, & ils observoient scrupuleusement toutes les cérémonies, dont nous voyons le contraste frappant dans la plûpart des lois de Moyse ; car Dieu, selon plusieurs savans, n'a affecté de donner aux Juifs des lois qui se trouvoient en opposition avec celles des Zabiens, que pour détourner les premiers de la superstition extravagante des autres. Si nous lisons Pocock, Hyde, Prideaux, & les auteurs arabes, nous trouverons que tout leur système de religion se réduit à ces différens articles que nous allons détailler. 1°. Il y avoit deux sectes de Zabiens ; le fondement de la croyance de l'une & de l'autre étoit, que les hommes ont besoin de médiateurs qui soient placés entr'eux & la Divinité ; que ces médiateurs sont des substances pures, spirituelles & invisibles ; que ces substances, par cela même qu'elles ne peuvent être vûes, ne peuvent se communiquer aux hommes, si l'on ne suppose entr'elles & les hommes d'autres médiateurs qui soient visibles ; que ces médiateurs visibles étoient pour les uns des chapelles, & pour les autres des simulachres ; que les chapelles étoient pour ceux qui adoroient les sept planetes, lesquelles étoient animées par autant d'intelligences, qui gouvernoient tous leurs mouvemens, à-peu-près comme notre corps est animé par une ame qui on conduit & gouverne tous les ressorts ; que ces astres étoient des dieux, & qu'ils présidoient au destin des hommes, mais qu'ils étoient soûmis eux-mêmes à l'Etre suprème ; qu'il falloit observer le lever & le coucher des planetes, leurs différentes conjonctions, ce qui formoit autant de positions plus ou moins régulieres ; qu'il falloit assigner à ces planetes leurs jours, leurs nuits, leurs heures pour diviser le tems de leur révolution, leurs formes, leurs personnes, & les régions où elles roulent ; que moyennant toutes ces observations on pouvoit faire des talismans, des enchantemens, des évocations qui réussissoient toûjours ; qu'à l'égard de ceux qui se portoient pour adorateurs des simulachres, ces simulachres leur étoient nécessaires, d'autant plus qu'ils avoient besoin d'un médiateur toûjours visible, ce qu'ils ne pouvoient trouver dans les astres, dont le lever & le coucher qui se succedent régulierement, les dérobent aux regards des mortels ; qu'il falloit donc leur substituer des simulachres, moyennant lesquels ils pussent s'élever jusqu'aux corps des planetes, des planetes aux intelligences qui les animent, & de ces intelligences jusqu'au Dieu suprème ; que ces simulachres devoient être faits du métal qui est consacré à chaque planete, & avoir chacun la figure de l'astre qu'ils représentent ; mais qu'il falloit sur-tout observer avec attention les jours, les heures, les degrés, les minutes, & les autres circonstances propres à attirer de bénignes influences, & se servir des évocations, des enchantemens, & des talismans qui étoient agréables à la planete ; que ces simulachres tenoient la place de ces dieux célestes, & qu'ils étoient entre eux & nous autant de médiateurs. Leurs pratiques n'étoient pas moins ridicules que leur croyance. Abulfeda rapporte qu'ils avoient coûtume de prier la face tournée vers le pole arctique, trois fois par jour ; avant le lever du soleil, à midi, & au soir ; qu'ils avoient trois jeûnes, l'un de trente jours, l'autre de neuf, & l'autre de sept ; qu'ils s'abstenoient de manger des féves & de l'ail ; qu'ils faisoient brûler entierement les victimes, & qu'ils ne s'en réservoient rien pour manger.

Voilà tout ce que les Arabes nous ont appris du système de religion des Zabiens. Plusieurs traces de l'Astrologie chaldaïque, telle que nous la donnerons à l'article CHALDEENS, s'y laissent appercevoir. C'est elle sans doute qui aura été la premiere pierre de l'édifice de religion que les Zabiens ont bâti. On y voit encore quelques autres traits de ressemblance, comme cette ame du monde qui se distribue dans toutes ses différentes parties, & qui anime les corps célestes, sur-tout les planetes, dont l'influence sur les choses d'ici-bas est si marquée & si incontestable dans tous les vieux systèmes des religions orientales. Mais ce qui y domine sur-tout, c'est la doctrine d'un médiateur ; doctrine qu'ils auront dérobée, soit aux Juifs, soit aux Chrétiens ; la doctrine des génies médiateurs, laquelle a eu un si grand cours dans tout l'Orient, d'où elle a passé chez les cabalistes & les philosophes d'Alexandrie, pour revivre chez quelques Chrétiens hérétiques, qui en prirent occasion d'imaginer divers ordres d'aeones. Il est aisé de voir par-là que le Zabaïsme n'est qu'un composé monstrueux & un mêlange embarrassant de tout ce que l'idolatrie, la superstition & l'hérésie ont pû imaginer dans tous les tems de plus ridicule & de plus extravagant. Voilà pourquoi, comme le remarque fort bien Spencer, il n'y a rien de suivi ni de lié dans les différentes parties qui composent le Zabaïsme. On y retrouve quelque chose de toutes les religions, malgré la diversité qui les sépare les unes des autres. Cette seule remarque suffit pour faire voir que le Zabaïsme n'est pas aussi ancien qu'on le croit ordinairement ; & combien s'abusent ceux qui en donnent le nom à cette idolatrie universellement répandue des premiers siecles, laquelle adoroit le soleil & les astres. Le culte religieux que les Zabiens rendoient aux astres, les jetta, par cet enchaînement fatal que les erreurs ont entr'elles, dans l'Astrologie, science vaine & ridicule, mais qui flatte les deux passions favorites de l'homme ; sa crédulité, en lui promettant qu'il percera dans l'avenir ; & son orgueil, en lui insinuant que sa destinée est écrite dans le ciel. Ceux qui d'entr'eux s'y sont le plus distingués, sont Thebet Ibn Korra, Albategnius, &c.


ARABESQUEou MORESQUE, s. m. ouvrage de Peinture ou de Sculpture, qu'on nomme ainsi des Arabes & des Mores, qui employoient ces sortes d'ornemens au défaut de représentations humaines & d'animaux que leur religion défendoit d'employer. On fait encore usage de ces ornemens, que l'on exécute en Peinture seulement & non en Sculpture ; tels qu'on en voit au château de Meudon, à celui de Sceaux, de Chantilly, à la Ménagerie, à Trianon, &c. peints par Audran avec beaucoup d'art, de feu, & d'invention. Berin, Gillot, & Vateau ont aussi excellé dans ce genre d'ornement, dont on s'est servi pour fabriquer aux Gobelins & à la Savonnerie quelques tapisseries des appartemens du Roi, des portieres, des paravens, & autres meubles de cette espece, auxquels ces sortes d'ornemens sont propres, & non ailleurs ; aussi nos meilleurs architectes n'en font-ils usage que là, ou tout au plus dans de petits appartemens, comme chambre & salle des bains, cabinets de toilette, garde-robes, &c. & méprisent le mauvais goût de ces sculpteurs qui prodiguent ces ornemens chimériques & imaginaires dans les appartemens qui demandent de la gravité ; au lieu de leur préférer ce que la nature nous offre de plus beau dans ses productions. (P)


ARABIle golfe de Gli-Arabi, (Géog. anc. & mod.) autrefois Gysis ou Zygis, petit golfe de la mer de Barbarie, entre les côtes de Barca & de l'Egypte.

* ARABI, la torre de Gli-Arabi ; tour & village d'Egypte, situés dans le petit golfe qu'on nomme le golfe des Arabes. Voyez l'article précédent.


ARABIE(Géog. anc. & mod.) pays considérable de l'Asie ; presqu'île bornée à l'occident par la mer Rouge, l'isthme du Suez, la Terre-sainte, & la Syrie ; au nord par l'Euphrate & le golfe Persique ; à l'orient par l'Océan ; au midi par le détroit de Babel-Mandel. On divise l'Arabie en pétrée, deserte, & heureuse. La pétrée, la plus petite des trois, est montagneuse & peu habitée dans sa partie septentrionale : mais elle est peuplée & assez fertile dans sa partie méridionale. Elle a été appellée pétrée de Petra, son ancienne capitale ; Herac l'est aujourd'hui. L'Arabie deserte ainsi nommée de son terrein, est entrecoupée de montagnes & de sables stériles ; Ana en est la capitale. L'heureuse, en arabe Yemen, doit cette épithete à sa fertilité ; Sanaa en est la capitale. Les Arabes sont Mahométans ; ils sont gouvernés par des émirs ou cheics, indépendans les uns des autres, mais tributaires du grand-seigneur. Les Arabes sont voleurs & belliqueux. Long. 52. 77. lat. 12. 34.

Quant au commerce, l'Arabie heureuse est presque la seule où il y en ait. Les villes de cette contrée où il s'en fait le plus, sont Mocha, Hidedan, Chichiri, Zibet, Ziden sur la mer Rouge ; Aden, Fartack sur l'Océan arabique ; Bahr, Barrhem, & El-catif dans le golfe de Bassora ; enfin Bassora. On peut ajoûter la Meque & Médine, où la dévotion amene tant de pélerins, & l'intérêt tant de marchands. Le commerce s'entretient dans ces deux villes par Ziden, qui est proprement le port de la Meque, & par Mocha, qui en est comme l'entrepôt.

Mocha est à l'entrée de la mer Rouge ; on y voit arriver des vaisseaux de l'Europe, de l'Asie, & de l'Afrique ; outre le commerce maritime, il s'en fait encore un par terre par le moyen des caravanes d'Alep & de Suez, qui y apportent des velours, des satins, des armoisins, toutes sortes d'étoffes riches, du safran, du mercure, du vermillon, des merceries, &c.

On en remporte partie des productions naturelles du pays ; partie des ouvrages des manufactures ; partie des marchandises étrangeres qui ont été apportées des Indes, de l'Afrique & de l'Europe. Les manufactures donnent quelques toiles de coton ; le pays produit des parfums, de l'encens, de la myrrhe, de l'ambre-gris, des pierreries, de l'aloès, du baume, de la canelle, de la casse, du sang de dragon, de la gomme arabique, du corail, & sur-tout du caffé.

Aden joüissoit autrefois de tout le commerce qui se fait à Mocha. Les vaisseaux des Indes, de Perse, d'Ethiopie, des îles de Comorre, de Madagascar, & de Mélinde, sont ceux dont on voit le plus à Chichiri.


ARABIQUE(GOMME) Mat. méd. est un suc en grumeaux, de la grosseur d'une aveline ou d'une noix, & même plus gros, en petites boules ; quelquefois longs, cylindriques ou vermiculaires ; d'autres fois tortillés, & comme des chenilles repliées sur elles-mêmes ; transparens, d'un jaune pâle ou tout-à-fait jaunes, ou brillans ; ridés à la surface ; fragiles, luisans en-dedans comme du verre, s'amollissant dans la bouche, s'attachant aux dents ; sans goût, & donnant à l'eau dans laquelle on les dissout une viscosité gluante.

La gomme arabique vient d'Egypte, d'Arabie, & des côtes d'Afrique. Celle qui est blanche ou d'un jaune pâle, transparente, brillante, seche, & sans ordure, est la plus estimée. On en apporte aussi en grands morceaux roussâtres & salés, qu'on vend aux artisans qui en employent.

Il est constant, dit M. Geoffroy, que la gomme thébaïque ou égyptiaque des Grecs & l'arabique de Serapion, est un suc gommeux qui découle de l'acacia : mais on doute si celle de nos boutiques est la même que celle des Grecs. M. Geoffroy prouve que ce doute est mal fondé. Voyez la Matiere méd. L'acacia qui donne la gomme arabique est, selon lui, un grand arbre fort branchu, dont les racines se distribuent & s'étendent en rameaux, & dont le tronc a souvent un pié d'épaisseur ; qui égale, ou même surpasse en hauteur les autres acacia ; qui est ferme & armé de fortes épines ; qui a la feuille menue, conjuguée & rangée par paires sur une côte de deux pouces de long, d'un verd obscur, longue de trois lignes & large à peine d'une ligne, & dont les fleurs viennent aux aisselles des côtes qui portent les feuilles, sont ramassées en un bouton sphérique porté sur un pédicule d'un pouce de long, & sont de couleur d'or & sans odeur, d'une seule piece, en tuyau renflé à son extrémité supérieure, & divisé en cinq segmens ; garnies d'un grand nombre d'étamines, & d'un pistil qui dégénere en une gousse semblable en quelque chose à celle du lupin, longue de cinq pouces ou environ, brune ou roussâtre, applatie, épaisse d'une ligne dans son milieu, plus mince sur les bords, large inégalement, si fort étranglée par intervalles, qu'elle représente quatre, cinq, six, huit, dix, & même un plus grand nombre de pastilles applaties, unies ensemble par un fil d'un demi-pouce dans leur plus grande largeur, d'une ligne à peine à l'endroit étranglé ; pleines chacune d'une semence ovalaire, applatie, dure, mais moins que celle du caroubier ; de la couleur de la châtaigne ; marquée tout autour d'une ligne telle qu'on la voit aux graines de tamarins, & enveloppée d'une espece de mucilage gommeux, astringent, acide, & roussâtre. Cet acacia, si l'on en croit Augustin Lippi, est commun en Egypte, auprès du grand Caire.

On pile les gousses quand elles sont encore vertes, & l'on en exprime un suc que l'on fait épaissir, & que l'on appelle suc d'acacia ; mais il découle des fentes de l'écorce, du tronc, & des rameaux une humeur visqueuse qui se durcit avec le tems, & qu'on appelle gomme vermiculaire.

La gomme arabique donne dans l'analyse du flegme limpide, sans goût & sans odeur, un acide roussâtre, une liqueur alkaline, & de l'huile.

La masse noire restée dans la cornue, calcinée au feu de reverbere pendant trente heures, laisse des cendres grises, dont on retire par lixivation du sel fixe alkali.

La gomme arabique n'a ni goût ni odeur. Elle se dissout dans l'eau, mais non dans l'esprit-de-vin ou l'huile ; elle se met en charbon dans le feu ; elle ne s'y enflamme pas ; d'où il s'ensuit qu'elle est composée d'un sel salé, uni avec une huile grossiere & une portion assez considérable de terre ; elle entre dans un grand nombre de médicamens ; on la donne même comme ingrédient principal.

Elle peut, par ses parties mucilagineuses, adoucir la lymphe acre, épaissir celle qui est ténue, & appaiser les mouvemens trop violens des humeurs. On s'en sert dans la toux, l'enrouement, les catarrhes salés, le crachement de sang, la strangurie, & les ardeurs d'urine. Voyez Mat. méd. de M. Geoffroy.

ARABIQUES, adj. pris subst. (Théol.) secte d'hérétiques qui s'éleverent en Arabie vers l'an de J. C. 207. Ils enseignoient que l'ame naissoit & mouroit avec le corps, mais aussi qu'elle ressusciteroit en même tems que le corps. Eusebe (l. VI. c. xxxviij.) rapporte qu'on tint en Arabie même, dans le III. siecle, un concile auquel assista Origene, qui convainquit si clairement ces hérétiques de leurs erreurs, qu'ils les abjurerent & se réunirent à l'Eglise. Voyez THNELOPSYCHITES. (G)


ARABOUTENS. m. (Hist. nat. bot.) grand arbre du Bresil qui donne le bois de Bresil si connu par sa bonne odeur, & dont il seroit à souhaiter qu'on eût une meilleure description. Cette observation est même commune pour tous les arbres étrangers dont on nous apporte des bois ; il n'y en a presqu'aucun qui soit bien connu.


ARAC-GELARAN(Géog.) petit pays du Chusistan, province du royaume de Perse. Baudrand.


ARACA(Géog. anc. & mod.) ville de Chaldée dans la terre de Sennaar ; une des plus anciennes du monde, puisqu'elle fut (dit-on) bâtie par Nemrod. On croit que c'est l'ancienne Edesse & l'Orpha d'aujourd'hui.


ARACA-MIRI(Hist. nat. bot.) arbrisseau commun au Brésil. Son fruit mûrit en Mars & en Septembre ; il tient de la saveur du musc & de l'arboisier. Il se garde confit. Il est astringent & rafraîchissant.

On fait des feuilles & des boutons de l'araca-miri, un bain salutaire pour toutes les affections du corps, où l'on peut employer l'astringence. Sa racine est bonne pour la dyssenterie ; elle est sur-tout diurétique. Ray, Hist. Plant.


ARACAN(Géog. mod.) royaume maritime des Indes, proche l'embouchure du Gange, borné au midi par le golfe de Bengale, à l'orient & au septentrion par le royaume d'Ava, à l'occident par le royaume de Bengale. La ville d'Aracan, située sur la riviere du même nom, est la capitale de tout le royaume. Long. 110-30. lat. 20-30.

Le commerce d'Aracan n'est pas fort considérable. Pour celui de Pégu il vaut mieux : on y porte des toiles, des mouchoirs, du poivre, de la canelle, de la muscade, des bois odoriférans, & on en tire du gingembre, de l'or, de l'argent, des pierreries & des perles. La maniere dont on y commerçoit dans les commencemens étoit assez singuliere. Les marchés se faisoient sans mot dire : l'acheteur & le vendeur se donnoient la main couverte d'un mouchoir, & ils convenoient de prix par le mouvement des doigts. Voilà un excellent moyen pour prévenir les encheres.


ARACENA(Géog.) bourg d'Espagne dans l'Andalousie, à la source de la riviere de Tino.


ARACHIDNAS. m. (Hist. nat. bot.) genre de plante à fleur papilionacée. Le pistil devient dans la suite un fruit membraneux oblong, qui mûrit dans la terre, & que l'on nomme par cette raison pistache de terre. Ce fruit est composé d'une seule capsule qui renferme une ou deux semences tendres & oblongues. Plumier, Nova plantarum genera. Voyez PLANTE. (I)


ARACHNOIDES. f. en terme d'Anatomie, c'est une membrane fine, mince, transparente, qui regne entre la dure-mere & la pie-mere, & que l'on croit envelopper toute la substance du cerveau, la moelle allongée, la moelle de l'épine. Voyez MENINGE & CERVEAU.

Ce mot est dérivé du grec , une araignée, une toile d'araignée, & de , forme ; eu égard à la finesse de la partie que l'on croit ressembler à une toile d'araignée. Elle fut décrite pour la premiere fois par Varole.

Plusieurs Anatomistes nient l'existence de cette troisieme méninge ou membrane, & ils prétendent que l'on doit plûtôt la regarder comme la lame externe de la pie-mere, dont la lame interne s'insinue entre la circonvolution du cerveau. Voy. PIE-MERE.

Arachnoïde se prend pareillement pour une tunique fine & déliée qui enveloppe l'humeur crystalline. Voyez CRYSTALLIN.

Cette tunique est appellée par d'autres crystalloïde ou capsule du crystallin. Plusieurs ont même douté de son existence ; ce qui est d'autant plus extraordinaire que Galien en parle, & la compare à une pellicule d'oignon. Vésale la compare à de la corne fine & transparente. Il est aisé de la trouver dans les quadrupedes, particulierement dans le mouton, le boeuf, le cheval ; & quoiqu'il soit un peu plus difficile de la découvrir dans l'homme, néanmoins une personne qui l'a vûe une seule fois, pourra la trouver assez vîte.

Ce qu'il y a de surprenant, c'est que Briggs n'en dit pas un mot ; & qu'un aussi habile Anatomiste que Ruysch en a douté fort long-tems : ce ne fut qu'au moyen d'injections qu'il la découvrit, quoiqu'elle soit très-aisée à discerner dans un mouton, comme je l'ai déjà dit.

L'arachnoïde est adhérente par sa partie postérieure à la tunique vitrée. Dans l'homme elle est deux fois aussi épaisse qu'une toile d'araignée, au moins par sa partie antérieure. Dans un boeuf elle est encore aussi épaisse que dans l'homme ; & dans un cheval elle est plus épaisse que dans un boeuf.

Cette tunique a trois usages : 1°. de retenir le crystallin dans le chaton de l'humeur vitrée, & d'empêcher qu'il ne change de situation ; 2°. de séparer le crystallin de l'humeur aqueuse, & d'empêcher qu'il n'en soit continuellement humecté ; 3°. les vaisseaux lymphatiques fournissent une liqueur qu'ils déposent dans sa cavité, par le moyen de laquelle le crystallin est continuellement rafraîchi, & tenu en bon état ; de sorte que quand cette liqueur manque, le crystallin se seche bien-tôt, devient dur & opaque, & peut même être réduit en poudre. Voyez Petit, Mém. de l'Acad. Roy. des Scienc. an. 1730. p. 622. & suiv. Voyez CILIAIRE & TUNIQUE. (L)


ARACKS. m. (Comm.) espece d'eau-de-vie que font les Tartares-Tungutes, sujets du Czar ou grand duc de Moscovie.

Cette eau-de-vie se fait avec du lait de cavale qu'on laisse aigrir, & qu'ensuite on distille à deux ou trois reprises entre deux pots de terre bien bouchés, d'où la liqueur sort par un petit tuyau de bois. Cette eau-de-vie est très-forte & enivre plus que celle de vin. (G)


ARACLEA(Géog.) Voyez HERACLEE.


ARACOUou ARACHOVA, bourg de Grece dans la Livadie, proche le golfe de Lépante. On croit que c'est l'ancienne Ambrisse.


ARACUIEou ARACUITES, s. m. pl. (Géog.) peuples de l'Amérique méridionale dans le Brésil, dans le voisinage de la préfecture des Pernambuco.


ARACYNAPPIL(Hist. nat. bot.) malo aurantio parvis fructibus similis, est la seule plante dont Ray ait fait mention, sans lui assigner ni propriété ni usage.


ARAD(Géog. anc. & sainte.) ville des Amorrhéens au midi, de la tribu de Juda, vers le desert de Cadès.

* ARAD, (Géog.) ville de la haute Hongrie sur la rive droite de la Marisch.


ARADUS(Géog. anc. & mod.) île & ville de la Phénicie sur la côte de la mer de Syrie, proche de Tortose, qui se nommoit Antaradus & Orthosias. Les anciens ont cru que ce fut près d'Aradus qu'Andromede fut exposée au monstre marin.


ARAFAT(Géog. & Hist. mod.) montagne peu éloignée de la Meque, remarquable par la cérémonie qu'y pratiquent les pélerins Turcs. Après avoir fait sept fois le tour du temple de la Meque, & avoir été arrosés de l'eau du puits nommé Zemzem, ils s'en vont sur le soir au mot Arafat, où ils passent la nuit & le jour suivant en dévotion & en priere. Le lendemain ils égorgent quantité de moutons dans la vallée de Mina au pié de cette montagne ; & après en avoir envoyé quelque partie par présent à leurs amis, ils distribuent le reste aux pauvres ; ce qu'ils appellent faire le corban, c'est-à-dire l'oblation : ce qu'ils exécutent en mémoire du sacrifice qu'Abraham voulut faire de son fils Isaac sur cette même montagne, selon eux. Au haut de cette montagne il n'y a qu'une mosquée & une chaire pour le prédicateur, mais point d'autel. On n'y brûle aucun des moutons égorgés ; c'est pourquoi ce corban n'est point un sacrifice proprement dit, & encore moins un holocauste, comme l'ont avancé quelques historiens. Ricaut, de l'emp. Ottom. (G)


ARAGON(Géog.) royaume & province considérable d'Espagne, bornée au septentrion par les Pyrénées qui la séparent de la France ; à l'occident par la Navarre & les deux Castilles ; au midi par le royaume de Valence ; & à l'orient par une partie du royaume de Valence & par la Catalogne. Saragosse en est la capitale, & l'Ebre la riviere la plus considérable. Ce royaume prend son nom de l'Aragon, petite riviere qui y coule.

* ARAGON-SUBORDANT, petite riviere d'Espagne dans le royaume d'Aragon, qui a sa source dans les Pyrénées, passe à Jaccasa, Senguessa, &c. se joint à l'Agra, & se jette dans l'Ebre.


ARAIGNou ARAIGNÉE, s. f. poisson de mer mieux appellé du nom de vive. Voyez VIVE (I)


ARAIGNÉES. f. (Hist. nat. Zoolog.) genre d'insecte dont il y a plusieurs especes fort différentes les unes des autres : on reconnoît aisément dans le corps d'une araignée la tête, la poitrine, le ventre & les pattes ; la tête & la poitrine composent la partie antérieure du corps ; les pattes sont attachées à la poitrine ; & le ventre, qui est la partie postérieure, y tient par un étranglement ou par un anneau fort petit : la tête & la poitrine sont couvertes d'une croûte dure & écailleuse dans la plûpart des araignées, & le ventre est toûjours enveloppé d'une peau souple ; les pattes sont dures comme la partie antérieure du corps ; le corps est couvert de poils. Toutes les especes d'araignée ont plusieurs yeux bien marqués, qui sont tous sans paupiere, & couverts d'une croûte dure, polie & transparente. Voyez INSECTE. Dans les différentes especes d'araignées, ces yeux varient pour la grosseur, le nombre & la situation ; elles ont sur le front une espece de serre ou de tenaille, composée de deux branches un peu plattes, couvertes d'une croûte dure, garnies de pointes sur les bords intérieurs ; les branches sont mobiles sur le front, mais elles ne peuvent pas s'approcher au point de faire toucher les deux extrémités l'une contre l'autre ; le petit intervalle qui reste peut être fermé par deux ongles crochus & fort durs, qui sont articulés aux extrémités des branches de la serre : c'est au moyen de cette serre que les araignées saisissent leur proie, qui se trouve alors fort près de la bouche qui est derriere cette serre. Elles ont toutes huit jambes, articulées comme celles des écrevisses. Voyez ECREVISSES. Il y a au bout de chaque jambe deux ongles crochus, mobiles, & garnis de dents comme une scie : il y a un troisieme ongle crochu, plus petit que les deux premiers, & posé à leur origine ; celui-ci n'est pas garni de dents. On trouve entre les deux grands ongles un paquet que l'on peut comparer à une éponge, qui contient une liqueur visqueuse ; cette sorte de glu retient les araignées contre les corps polis sur lesquels les crochets des pattes n'ont point de prise : cette liqueur tarit avec l'âge. On a observé que les vieilles araignées ne peuvent pas monter contre les corps polis. Outre les huit jambes dont on vient de parler, il y a de plus auprès de la tête deux autres jambes, ou plûtôt deux bras ; car elles ne s'en servent pas pour marcher, mais seulement pour manier la proie qu'elles tiennent dans leurs serres.

On voit autour de l'anus de toutes les araignées quatre petits mamelons musculeux, pointus à leur extrémité, & mobiles dans tous les sens : il sort de l'endroit qui est entre ces mamelons, comme d'une espece de filiere, une liqueur gluante dont est formé le fil de leur toile & de leurs nids ; la filiere a un sphincter qui l'ouvre & qui la resserre plus ou moins ; ainsi le fil peut être plus gros ou plus fin. Lorsque l'araignée est suspendue à son fil, elle peut l'allonger, & descendre par son propre poids en ouvrant la filiere, & en la fermant elle s'arrête à l'instant.

Les araignées mâles sont plus petites que les araignées femelles ; il faut quelquefois cinq ou six mâles des araignées de jardin, pour faire le poids d'une seule femelle de la même espece. Toutes les especes d'araignées sont ovipares : mais elles ne font pas toutes une égale quantité d'oeufs ; elles les pondent sur une portion de leur toile ; ensuite elles tiennent les oeufs en un peloton, & elles les portent dans leurs nids pour les couver. Si on les force alors de sortir du nid, elles les emportent avec elles entre leurs serres. Dès que les petits sont éclos, ils commencent à filer, & ils grossissent presqu'à vûe d'oeil. Si ces petites araignées peuvent attraper un moucheron, elles le mangent : mais quelquefois elles passent un jour ou deux, & même plus, sans qu'on les voye prendre de nourriture : cependant elles grossissent toûjours également, & leur accroissement est si prompt, qu'il va chaque jour à plus du double de leur grandeur.

M. Homberg a distingué six principales especes d'araignées, ou plûtôt six genres ; car il prétend que toutes les autres especes qu'il connoissoit pouvoient s'y rapporter. Ces six genres sont l'araignée domestique, l'araignée des jardins, l'araignée noire des caves ou des vieux murs, l'araignée vagabonde, l'araignée des champs qu'on appelle communément le faucheur parce qu'elle a les jambes fort longues, & l'araignée enragée que l'on connoît sous le nom de tarentule. Voyez TARENTULE. Le caractere distinctif que donne M. Homberg, n'est pas facile à reconnoître, puisqu'il s'agit de la différente position de leurs yeux, qui sont fort petits : à ce caractere il en ajoûte d'autres qui sont plus sensibles, & par conséquent plus commodes : mais ils ne sont pas si constans.

Les araignées domestiques ont huit petits yeux, à-peu-près de la même grandeur, placés en ovale sur le front : leurs bras sont plus courts que les jambes, mais au reste ils leur ressemblent parfaitement ; elles ne les posent jamais à terre. Ces araignées sont les seules de toutes les autres araignées qui quittent leur peau, même celle des jambes, chaque année, comme les écrevisses. Il leur vient une maladie dans les pays chauds, qui les couvre d'insectes & de poux. L'araignée domestique vit assez long-tems. M. Homberg en a vû une qui a vêcu quatre ans : son corps ne grossissoit pas, mais ses jambes s'allongeoient. Cette espece d'araignée fait de grandes & larges toiles dans les coins des chambres & contre les murs : lorsqu'elle veut commencer une toile, elle écarte ses mamelons, & elle applique à l'endroit où elle se trouve une très-petite goutte de liqueur gluante qui sort de sa filiere : cette liqueur se colle ; voilà le fil attaché : en s'éloignant elle l'allonge, parce que sa filiere est ouverte, & fournit sans interruption au prolongement de ce fil. Lorsque l'araignée est arrivée à l'endroit où elle veut que sa toile aboutisse, elle y colle son fil, & ensuite elle s'éloigne de l'espace d'environ une demi-ligne du fil qui est tendu, & elle applique à cette distance le second fil qu'elle prolonge pareillement au premier, en revenant, pour ainsi dire, sur ses pas ; & lorsqu'elle est arrivée au premier point, elle l'attache, & elle continue ainsi de suite sur toute la largeur qu'elle veut donner à sa toile. Tous ces fils paralleles sont, pour ainsi dire, la chaîne de la toile : reste à faire la trame. Pour cela, l'araignée tire des fils qui traversent les premiers, & elle les attache par un bout à quelque chose d'étranger, & par l'autre au premier fil qui a été tendu ; de sorte qu'il y a trois côtés de la toile qui sont attachés : le quatrieme est libre ; il est terminé par le premier fil qui a été tiré ; & ce fil, qui est le premier du premier rang, c'est-à-dire de la chaîne, sert d'attache à tous ceux qui traversent en croix les fils du premier rang, & qui forment la trame. Tous ces fils étant nouvellement filés, sont encore glutineux, & se collent les uns aux autres dans tous les endroits où ils se croisent, ce qui rend la toile assez ferme. D'ailleurs, à mesure que l'araignée passe un fil sur un autre, elle les serre tous deux avec ses mamelons, pour les coller ensemble : de plus, elle triple & quadruple les fils qui bordent la toile, pour la rendre plus forte dans cet endroit, qui est le plus exposé à se déchirer.

Une araignée ne peut faire que deux ou trois toiles dans sa vie, supposé même que la premiere n'ait pas été trop grande ; après cela elle ne peut plus fournir de matiere glutineuse. Alors si elle manque de toile pour arrêter sa proie, elle meurt de faim : dans ce cas il faut qu'elle s'empare par force de la toile d'une autre araignée, ou qu'elle en trouve une qui soit vacante ; ce qui arrive, car les jeunes araignées abandonnent leurs premieres toiles pour en faire de nouvelles.

Les araignées de la seconde espece sont celles des jardins ; elles ont quatre grands yeux placés en quarré au milieu du front, & deux plus petits sur chaque côté de la tête. La plûpart de ces araignées sont de couleur de feuille morte ; il y en a de tachetées de blanc & de gris ; d'autres qui sont toutes blanches ; d'autres enfin de différentes teintes de verd : celles-ci sont plus petites que les blanches ; les grises sont les plus grosses de toutes : en général, les femelles de cette espece ont le ventre plus gros que celles des autres especes, & les mâles sont fort menus. Ces araignées sont à l'épreuve de l'esprit-de-vin, de l'eau-forte, & de l'huile de vitriol ; mais l'huile de terebenthine les tue dans un instant : on peut s'en servir pour détruire leur nichée, où il s'en trouve quelquefois une centaine.

Il est plus difficile aux araignées des jardins de faire leur toile, qu'aux araignées domestiques : celles-ci vont aisément dans tous les endroits où elles veulent l'attacher ; les autres travaillant, pour ainsi dire, en l'air, trouvent plus difficilement des points d'appuis, & elles sont obligées de prendre bien des précautions, & d'employer beaucoup d'industrie pour y arriver. Elles choisissent un tems calme, & elles se posent dans un lieu avancé : là elles se tiennent sur six pattes seulement, & avec les deux pattes de derriere elles tirent peu-à-peu de leur filiere un fil de la longueur de deux ou trois aulnes, ou plus, qu'elles laissent conduire au hasard. Dès que ce fil touche à quelque chose, il s'y colle ; l'araignée le tire de tems en tems, pour savoir s'il est attaché quelque part ; & lorsqu'elle sent qu'il résiste, elle applique sur l'endroit où elle est l'extrémité du fil qui tient à son corps ; ensuite elle va le long de ce premier fil jusqu'à l'autre bout qui s'est attaché par hasard, & elle le double dans toute sa longueur par un second fil ; elle le triple & même elle le quadruple, s'il est fort long, afin de le rendre plus fort ; ensuite elle s'arrête à-peu-près au milieu de ce premier fil, & de-là elle tire de son corps, comme la premiere fois, un nouveau fil qu'elle laisse flotter au hasard ; il s'attache par le bout quelque part, comme le premier ; l'araignée colle l'autre bout au milieu du premier fil ; elle triple ou quadruple ce second fil, après quoi elle revient se placer à l'endroit où il est attaché au premier : c'est à-peu-près un centre, auquel aboutissent déjà trois rayons : elle continue de jetter d'autres fils, jusqu'à ce qu'il y en ait un assez grand nombre pour que leurs extrémités ne se trouvent pas fort loin les unes des autres ; alors elle tend des fils de travers qui forment la circonférence, & auxquels elle attache encore de nouveaux rayons qu'elle tire du centre : enfin tous les rayons étant tendus, elle revient au centre, & y attache un nouveau fil qu'elle conduit en spirale sur tous les rayons, depuis le centre jusqu'à la circonférence. L'ouvrage étant fini, elle se niche au centre de la toile, dans une petite cellule où elle tient sa tête en-bas & le ventre en-haut, peut-être parce que cette partie, qui est fort grosse, incommoderoit l'araignée dans une autre situation ; peut-être aussi cache-t-elle ses yeux, qui sont sans paupiere, pour éviter la trop grande lumiere qui pourroit les blesser. Pendant la nuit, & lorsqu'il arrive des pluies & de grands vents, elle se retire dans une petite loge qu'elle a eu soin de faire au-dessus de sa toile sous un petit abri. On pourroit croire que ce petit asyle est ordinairement à l'endroit le plus haut, parce que la plûpart des araignées montent plus aisément qu'elles ne descendent.

Les araignées attendent patiemment que des mouches viennent s'embarrasser dans leurs toiles ; dès qu'il en arrive, elles saisissent la proie, & l'emportent dans leur nid pour la manger. Lorsque les mouches sont assez grosses pour résister à l'araignée, elle les enveloppe d'une grande quantité de fils qu'elle tire de sa filiere, pour lier les ailes & les pattes de la mouche. Quelquefois il s'en trouve de si fortes, qu'au lieu de s'en saisir l'araignée la délivre elle-même en détachant les fils qui l'arrêtent, ou en déchirant sa toile. Dès que la mouche est dehors, l'araignée raccommode promptement l'endroit qui est déchiré, ou bien elle fait une nouvelle toile.

La troisieme espece d'araignée comprend celles des caves, & celles qui font leurs nids dans les vieux murs : elles ne paroissent avoir que six yeux à-peu-près de la même grandeur, deux au milieu du front, & deux de chaque côté de la tête ; elles sont noires & fort velues ; leurs jambes sont courtes. Ces araignées sont plus fortes & vivent plus long-tems que la plûpart des autres ; elles sont les seules qui mordent lorsqu'on les attaque, aussi ne prennent-elles pas tant de précautions que les autres pour s'assûrer de leur proie ; au lieu de toile elles tendent seulement des fils de sept à huit pouces de longueur, depuis leur nid jusqu'au mur le plus prochain. Dès qu'un insecte heurte contre un de ces fils en marchant sur le mur, l'araignée est avertie par l'ébranlement du fil, & sort aussi-tôt de son trou pour s'emparer de l'insecte : elles emportent les guêpes mêmes, que les autres araignées évitent à cause de leur aiguillon ; celles-ci ne les craignent pas, peut-être parce que la partie antérieure de leur corps & leurs jambes sont couvertes d'une écaille extrèmement dure, & que leur ventre est revêtu d'un cuir fort épais : d'ailleurs leurs serres sont assez fortes pour briser le corcelet des guêpes.

Les araignées de la quatrieme espece, qui sont les vagabondes, ont huit yeux ; deux grands au milieu du front, un plus petit sur la même ligne que les grands de chaque côté, deux autres pareils sur le derriere de la tête, & enfin deux très-petits entre le front & le derriere de la tête. Ces araignées sont de différentes grandeurs & de couleurs différentes ; il y en a de blanches, de noires, de rouges, de grises, & de tachetées : leurs bras ne sont pas terminés par des crochets, comme ceux des autres araignées, mais par un bouquet de plume qui est quelquefois aussi gros que leur tête ; elles s'en servent pour envelopper les mouches qu'elles saisissent, n'ayant point de toile ni de fils pour les lier. Ces araignées vont chercher leur proie au loin, & la surprennent avec beaucoup de ruse & de finesse.

Les araignées de campagne, appellées les faucheurs, qui sont celles de la cinquieme espece, ont huit yeux, disposés bien différemment de ceux des autres especes ; il y en a deux noirs au milieu du front, si petits, & placés si près l'un de l'autre, qu'on pourroit les confondre. Sur chaque côté du front il se trouve trois autres yeux plus gros, & arrangés en forme de treffle sur une bosse ; leur cornée est fort convexe & transparente, & le fond de l'oeil est noir. La tête & la poitrine de ces araignées sont applaties, & ont quelque transparence ; l'écaille qui les recouvre est fort fine, lisse & transparente ; il y a une grande tache sur la tête : les jambes font fort menues, velues, & beaucoup plus grandes à proportion que celles des autres araignées : les bras sont extrèmement courts & fort charnus ; ils sont fort différens des jambes. Voy. les mémoires de M. Homberg, dans les mémoires de l'académie royale des Sciences, année 1707.

Il y a en Amérique une très-grosse espece d'araignées, qui occupent un espace d'environ sept pouces de diametre, lorsque les pattes sont fort étendues (Pl. XII. Hist. nat. fig. 1. A). Ces araignées sont couvertes d'un poil roux, & quelquefois noir, assez long ; les jambes sont terminées par une petite pince de substance de corne noire fort dure. Cet insecte a sur le devant de la tête deux crochets de la même substance que les pinces, fort pointus, & d'un noir luisant. On croit que ces crochets guérissent du mal de dents, si on s'en sert comme de curedents : on croit aussi, mais peut-être avec plus de fondement, que cette araignée est autant venimeuse que la vipere : on dit qu'elle darde son venin fort loin ; que si on la touche, on ressent une démangeaison comme celle qui est causée par des orties ; & que si on comprime cet insecte, on éprouve la piquûre d'un petit aiguillon très-venimeux. Les oeufs sont dans une coque fort grosse, formée par une pellicule assez semblable au canepin : il y a au-dedans de la soie qui enveloppe les oeufs. Ces araignées portent cette coque attachée sous le ventre : on dit que leurs toiles sont si fortes qu'elles arrêtent les petits oiseaux. Il y a des especes de colibris (fig. 1. B.) qui sont beaucoup plus petits que ces araignées, & qui n'ont pas assez de force ou de courage pour les empêcher de manger leurs oeufs (fig. 1. C.), dont elles sont fort avides. Voyez COLIBRI.

On a donné à certaines araignées le nom de phalange, phalangium. Il y a différentes opinions sur la vraie signification de ce nom ; les uns ont crû qu'il n'appartenoit qu'aux araignées qui n'ont que trois phalanges, c'est-à-dire trois articulations dans les pattes, comme nous n'en avons que trois dans les doigts ; d'autres ont prétendu que le nom de phalange ne convenoit qu'aux araignées venimeuses, aranei noxii, telles que la tarentule, la grosse araignée d'Amérique, &c. Voyez PHALANGE.

En général les araignées vivent d'insectes, & elles sont si voraces qu'elles se mangent les unes les autres.

On détruit les araignées autant qu'on peut, parce qu'elles rendent les maisons mal-propres en y faisant des toiles. Outre ce motif, la plûpart des gens ont une aversion naturelle de cet insecte, & lui trouvent un aspect hideux : enfin on l'évite & on le craint, parce qu'on le croit venimeux. On a soupçonné que sa morsure ou sa piquûre étoient venimeuses ; & on a prétendu que si quelqu'un avaloit une araignée, il éprouvoit des symptomes qui dénotoient le venin de cet insecte. Je ne sai si la chaleur du climat peut rendre les araignées venimeuses, ou si cette mauvaise propriété est particuliere à quelques especes, comme à la tarentule. Ce qui me paroît certain, c'est qu'on ne ressent aucun mal réel pour avoir avalé des araignées de ce pays-ci : combien de gens en avalent sans le savoir, & même de ces araignées de cave, noires & velues, pour lesquelles on a tant d'horreur ? Je crois que le seul risque qu'ils courent, est de prendre du dégoût & de l'inquiétude, s'ils s'en appercevoient ; mais qu'ils n'en ressentiroient pas plus de mauvais effet qu'en ressentent tous les oiseaux qui mangent ces insectes avec beaucoup d'avidité. On n'a pas encore fait voir bien clairement en quelle partie de l'araignée réside son prétendu venin. Les uns ont crû que c'étoit dans les serres ; on a pris ces serres pour des dents : d'autres les ont comparées à l'aiguillon de la queue du scorpion ; mais la plûpart ont crû que l'araignée répandoit du venin par ces organes. Enfin on a observé que l'araignée a une petite trompe blanche qui sort de sa bouche, & on croit que c'est par le moyen de cette trompe qu'elle répand du venin. On rapporte quantité de faits qui, s'ils étoient bien avérés, ne laisseroient aucun doute sur le venin des araignées, & sur ses funestes effets ; mais je ne crois pas qu'il soit bien prouvé que celles de ce pays ayent un venin qui puisse être mortel : il est seulement très-probable qu'elles répandent, comme bien d'autres animaux, une liqueur assez acre & assez corrosive pour causer des inflammations à la peau, & peut-être pour irriter l'estomac. Je crois qu'il y a du risque à voir de près une araignée qui creve au feu d'une chandelle, & dont il peut jaillir jusque dans les yeux une liqueur mal-saine ou au moins très-mal-propre, qui est capable de causer une inflammation. Ces effets, quelque legers qu'ils soient, peuvent devenir plus dangereux, si on travaille à les aggraver en se livrant à son imagination.

M. Bon, premier président de la chambre des comptes de Montpellier, & associé honoraire de la société royale des Sciences de la même ville, a cherché le moyen de rendre utiles les araignées, qu'on n'avoit regardées que comme très-nuisibles. Il en a tiré une soie, & il est parvenu à faire avec cette soie d'araignées différens ouvrages, comme des bas & des mitaines, aussi forts & presqu'aussi beaux que les ouvrages faits avec la soie ordinaire. Voyez SOIE D'ARAIGNEE, INSECTE. (I)

* Il paroît par ce qui suit, que le medecin traite le poison & la piquûre de l'araignée un peu plus sérieusement que le naturaliste. Voici ce qu'il dit de ses effets & de sa cure.

Les symptomes que cause la piquûre de l'araignée, sont un engourdissement dans la partie affectée, un sentiment de froid par tout le corps, qui est bientôt suivi de l'enflure du bas-ventre, de la pâleur du visage, du larmoyement, d'une envie continuelle d'uriner, de convulsions, de sueurs froides.

On parvient à la cure par les alexipharmaques ordinaires. On doit laver la partie aussi-tôt après la piquûre, avec de l'eau salée, ou avec une éponge trempée dans le vinaigre chaud, ou dans une décoction de mauve, d'origan, & de thym.

Celse veut qu'on applique un cataplasme de rhue, d'ail, pilés, & d'huile, sur une piquûre d'araignée ou de scorpion.

Lorsque l'on a avalé une araignée, s'il survient des convulsions & contractions de l'estomac, elles sont plûtôt occasionnées par les petits poils de l'araignée, qui s'attachent à la membrane interne, que par le poison de cet insecte.

On prétend que la toile de l'araignée est spécifique contre les fievres intermittentes : on l'applique aux poignets, ou bien on la suspend au cou dans une coquille de noix ou de noisette. L'expérience dément souvent cette prétendue vertu.

On se sert de la toile d'araignée pour arrêter le sang dans les coupures legeres. (N)

ARAIGNEE, en terme de Fortification, signifie une branche, un retour, ou une galerie d'une mine, &c. Voyez RAMEAU DE MINE. (Q)

ARAIGNEE, ARAIGNEES, MARTINET, MOQUES DE TRELINGAGE, (Marine.) ce sont des poulies particulieres où viennent passer les cordages appellés martinets ou marticles. Ce nom d'araignée leur a été donné à cause que les martinets forment plusieurs branches qui se viennent terminer à ces poulies, à-peu-près de la même façon que les filets d'une toile d'araignée viennent aboutir par de petits rayons à une espece de centre.

Le mot d'araignée se prend quelquefois pour le martinet ou les marticles ; comme le martinet se prend aussi pour les araignées. Voyez MARTINET, MOQUES DE TRELINGAGE, TRELINGAGE. (Z)

ARAIGNEE, terme de Chasse, sorte de filet qu'on tend le long des bois ou des buissons pour prendre les oiseaux de proie avec le duc : on s'en sert aussi pour prendre les merles & les grives, pourvû que ce filet soit bien fait, & d'une couleur qui ne soit pas trop visible.


ARALIA(Hist. nat. bot.) genre de plante dont les fleurs sont composées de plusieurs feuilles disposées en rose, & soûtenues par le calice qui devient, lorsque cette fleur est passée, un fruit mou ou une baie presque ronde qui est pleine de suc, & qui renferme des semences ordinairement oblongues. Tournefort, Instit. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

* On compte quatre especes d'aralia. Voyez les Transact. philos. abreg. vol. V. La premiere appellée aralia, caule aphyllo, radice repente, a dans le Canada où elle est commune, quelque propriété médicinale. M. Sarrazin écrit de ce pays avoir guéri un malade d'une anasarque par une seule boisson faite des racines de cette plante. Il ajoûte que les racines de la seconde espece, ou de l'aralia, caule folioso, loevi, bien bouillies & appliquées en cataplasme, sont excellentes pour les ulceres invétérés, & que la décoction ne s'en employe pas avec moins de succès sur les plaies qu'il en faut baigner & étuver. Le même auteur ne doute presque pas que la troisieme espece appellée aralia, caule folioso & hispido, n'ait toutes les vertus de la seconde. La quatrieme espece est appellée aralia arborescens spinosa.


ARALIASTRUM(Hist. nat. bot.) espece de plante hermaphrodite, dont la fleur est réguliere & posée sur un ovaire surmonté d'un calice découpé en plusieurs endroits. Ce calice se change en un fruit qui contient deux ou trois semences plates & faites en coeur. Sa tige se termine en une ombelle, dont chaque pointe ne porte qu'une fleur. On y remarque plusieurs pédicules, comme sur l'anémone. De leurs extrémités partent comme en rayons plusieurs feuilles. On distingue trois especes d'araliastrum dont nous ne ferons point mention, parce qu'on ne leur attribue aucune propriété.


ARAM(Géog. sainte.) ville de la Mésopotamie de Syrie, patrie de Balaam.


ARAMA(Géog. sainte.) ville de Palestine de la tribu de Nephtali.

* ARAMA, (Géog. sainte.) ville de Palestine de la tribu de Siméon, mais sur les confins de celle de Juda. On croit que cette ville & Jérimoth sont la même ville.


ARAMBERv. n. (Marine.) c'est accrocher un bâtiment pour venir à l'abordage, soit qu'on employe le grapin, soit d'une autre sorte. (Z)


ARAMONT(Géog.) petite ville de France, dans le Languedoc, diocese d'Uzès, sur le Rhone. Long. 22. 22. lat. 43. 54.


ARAN(Géog.) vallée des Pyrénées, à la source de la Garonne, avant que d'entrer dans le pays de Comminges.

* ARAN (îles d'), deux îles d'Irlande dans le golfe de Gallwai, province de Connaught.


ARANATAS. m. (Hist. nat. Zoolog.) animal indien de la grandeur du chien, dont le cri est horrible, & qui grimpe aux arbres avec légéreté. Il manque à cette description beaucoup de choses pour être bonne ; & l'aranata est encore un de ces animaux dont nous pourrions ne faire aucune mention, sans que les lecteurs sensés trouvassent notre Dictionnaire plus pauvre.


ARANDA DE DUEROsub. f. (Géog.) ville d'Espagne, dans la vieille Castille, sur le Duero. Long. 14. 33. lat. 41. 40. Il y a aussi une Aranda au royaume d'Aragon.


ARANDORou ARRANDARI, fort de l'île de Ceylan, à cinq lieues du pic d'Adam.


ARANIE(ILES D'). Voyez ARAN.


ARANIOSriviere de Transylvanie, qui a sa source près de Clausembourg, & se joint à la Marisch ou Merisch.


ARANJUEZ(Géog.) maison de plaisance du roi d'Espagne sur le Tage, dans la nouvelle Castille. Long. 14. 30. lat. 40.


ARANTELLESsub. f. pl. ce terme se dit, en Vénerie, des filandres qui sont au pié du cerf, & qui ont quelque ressemblance avec les fils de la toile de l'araignée.


ARAPABACA(Hist. nat. bot.) genre de plante dont la fleur est en forme d'entonnoir & découpée. Il sort du calice un pistil qui est attaché à la partie inférieure de la fleur comme un clou, & qui devient dans la suite un fruit composé de deux capsules, & rempli de semences pour l'ordinaire très-petites. Plumier, nova plant. gener. Voyez PLANTE. (I)


ARAQUIou HUERTA-ARAQUIL, (Géog. anc. & mod.) petite ville de Navarre à sept lieues de Pampelune, vers les confins de l'Alava & du Guipuscoa. On croit que c'est l'ancienne Aracillum ou Arocellis.


ARARA DE CLUSIUS* ARARA DE CLUSIUS, (Hist. nat. bot.) c’est un fruit de l’Amérique, long, couvert d’une écorce dure & noire, attaché à une longue queue, & contenant une noix noire & de la grosseur d’une olive sauvage. Il ne s’agit plus que de savoir quelle est la plante qui porte ce fruit. On dit que sa décoction nettoye & guérit les ulceres invétérés. Il faudroit aussi s’assûrer si le fruit a cette propriété.


ARARATH(Géog. & Hist.) haute montagne d'Asie en Arménie, sur laquelle l'arche de Noé se reposa, suivant la vulgate. Voyez ARCHE DE NOE.


ARARIriviere de l'Amérique méridionale dans le Brésil : elle se jette dans la mer du nord dans la préfecture de Tamaraca.


ARAou ARAXE, (Géog.) riviere d'Asie, qui prend sa source aux frontieres de la Turquie asiatique, du côté d'Assancalé, traverse l'Arménie, une partie de la Perse, & se jette dans le Kur.


ARASES. f. terme d'Architecture ; c'est ainsi qu'on nomme un rang de pierres plus basses ou plus hautes que celles de dessous, sur lesquelles elles sont assises successivement, pour parvenir à hauteur nécessaire.


ARASEMENTS. m. dans l'Art de bâtir, c'est la derniere assise d'un mur arrivé à sa hauteur.


ARASERv. n. terme d'Architecture, c'est conduire de même hauteur & de niveau une assise de maçonnerie, soit de pierre, soit de moilon, pour arriver à une hauteur déterminée. (P)

ARASER, terme de Menuiserie, qui signifie couper à une certaine épaisseur avec une scie faite pour cet usage, le bas des planches où l'on veut mettre des emboitures, & conserver du bois suffisamment pour faire les tenons.


ARASH(Géog.) ville de la province d'Asgar, ou royaume de Fez, en Afrique, sur la côte occidentale, dans l'endroit où la riviere de Luque entre dans l'Océan.


ARASSI(Géog.) ville maritime d'Italie, dans l'état de Genes. Long. 25. 50. lat. 44. 3.


ARATES. m. (Commerce.) poids de Portugal, qui est aussi en usage à Goa & dans le Bresil ; on le nomme assez souvent arobe, qui est le nom qu'il a en Espagne.

L'arate ou arobe Portugaise est de beaucoup plus forte que l'arobe Espagnole, celle-ci ne pesant que vingt-cinq livres, & celle-là trente-deux ; ce qui revient poids de Paris, à près de vingt-neuf livres de Lisbonne, & celle de Madrid seulement à vingt-trois un quart. Voyez AROBE. (G)


ARATÉES(Myth.) fêtes qu'on célebroit dans la Grece, en honneur d'Aratus capitaine célebre, qui mérita des monumens, par la constance avec laquelle il combattit pour la liberté de sa patrie.


ARATICUS. m. (Hist. nat. bot.) Ray fait mention de trois arbres différens sous ce nom. Le premier a le tronc, les branches, & l'écorce de l'oranger ; mais son fruit, sa fleur, & ses feuilles sont très-différens. Sa feuille grillée sur le feu, trempée dans de l'huile, & appliquée sur un abcès, le fait mûrir, percer, & cicatriser.

On n'attribue aucune vertu aux deux autres especes, ce qui feroit presque croire que le premier a celles qu'on lui donne.


ARATICUPANAS. m. (Hist. nat. bot.) arbre du Bresil, de la grandeur de l'oranger, & portant un fruit odorant, agréable au goût, mais dont il ne faut pas manger souvent : description insuffisante & mauvaise ; il y a cent arbres au Bresil à qui ces caracteres peuvent convenir.


ARAUCO(Géog.) forteresse de l'Amérique méridionale, dans le Chili, à la source de la riviere de Tucapel. Long. 309. lat. 42. 30.


ARAVA(Géog.) forteresse de la haute Hongrie, dans le comté & sur la riviere de même nom. Long. 37. 30. lat. 49. 20.


ARAW(Géog.) ville de Suisse dans l'Argow, sur l'Aar. Long. 25. 30. lat. 47. 25.


ARAXEautrefois ARAXES, aujourd'hui Arais, Arass, Achlar & Casacz. Voyez ARAS.

* ARAXE, fleuve de Perside, qui couloit près des murs de l'ancienne Persepolis.

On donnoit le même nom au Pénée, fleuve de Thessalie.


ARAYAcap célebre de l'Amérique méridionale, à 11 deg. 22 min. de latitude septentrionale.


ARBou ARBÉ, (Géog. anc. & mod.) ville de Palestine, appellée autrefois Hébron, Mamré, Cariath, aujourd'hui Calil.


ARBALESTRIERSsub. m. (Charpente.) ce sont deux pieces de bois dans un cintre de pont, qui portent en décharge sur l'entrait.


ARBALESTRILLEsub. f. est un instrument qui sert à prendre en mer les hauteurs du soleil & des astres.

Cet instrument forme une espece de croix ; il est composé de deux parties, la fleche & le marteau, voyez Planch. Navig. figure 12 ; la fleche A B est un bâton quarré, uni, de même grosseur dans toute sa longueur, d'un bois dur, comme d'ébene, ou autre, ayant environ trois piés de long & six à sept lignes de grosseur. Le marteau C D est un morceau de bois bien uni, applani d'un côté, & percé parfaitement au centre d'un trou quarré de la grosseur de la fleche ; au moyen de ce trou, il s'ajuste sur la fleche où il peut glisser en-avant ou en-arriere ; il est beaucoup plus épais vers le trou, afin qu'il soit ferme sur la fleche, & qu'il lui soit toûjours perpendiculaire. On pourroit en cas de nécessité, se contenter d'un seul marteau : mais, comme on verra plus bas, il est bon d'en avoir plusieurs ; ils sont au nombre de quatre. Voici la maniere d'observer. On fait entrer le marteau sur la fleche, de façon que le côté uni regarde sa partie A où l'on pose l'oeil ; l'oeil étant au point A, on regarde ensuite l'astre par l'extrémité supérieure du marteau ; & par l'extrémité inférieure D, l'horison : si l'on ne peut les voir tous les deux à la fois, on fait avancer ou reculer le marteau jusqu'à ce qu'on en vienne à bout. Ceci une fois fait, l'observation sera achevée, & les deux rayons visuels qui vont de l'oeil à l'astre & à l'horison, formeront un angle égal à la hauteur de l'astre. On observe de la même maniere l'angle que font deux astres entre eux, en pointant à l'un par l'extrémité du marteau C, & à l'autre par l'extrémité D ; en conséquence de cette façon d'observer, on divise la fleche de la maniere suivante. On la place sur un plan, figure 13 ; & par l'extrémité A, qui est celle où on applique l'oeil, on éleve une perpendiculaire A P égale à la moitié du marteau : du point P, comme centre, & du rayon A P, on décrit un quart de cercle, que l'on divise en demi-degrés, & on tire depuis le 45d jusqu'au 90d, par tous les points de division, des rayons, du centre P à la fleche A F ; les points où ces rayons la couperont, seront autant de degrés. On marquera les 90d à une distance du point A égale à la moitié C E du marteau ; les autres angles se trouveront successivement, en marquant sur la fleche le nombre de degrés d'un angle double du complément de l'angle E P A ; alors le marteau se trouvant sur un de ces degrés indiquera la hauteur de l'astre : car si on le suppose en E, & que du point A, & par les points C & D, on tire des rayons visuels qu'on suppose dirigés vers l'astre & à l'horison, il est clair que l'angle C A D sera double de l'angle C A E : mais cet angle C A E est égal à l'angle P E A ; puisque les triangles P A E, A C E sont égaux & semblables, les angles P A E, A E C étant droits, le côté A E commun, & les côtés A P, C E égaux ; ainsi l'angle C A D sera double de l'angle P E A : mais cet angle P E A est le complément de l'angle A P E ; par conséquent l'angle marqué sur la fleche sera toûjours égal à l'angle formé par les rayons visuels. De plus, on voit qu'il falloit diviser le demi-cercle en demi-degrés, puisque chaque angle formé par les rayons visuels est double du complément de l'angle E P A ; il est clair par cette façon de diviser la fleche, qu'en approchant des 90d, les degrés deviennent plus petits ; & qu'au contraire, en s'en éloignant ils deviennent plus grands, conséquemment qu'il faut donner au marteau une certaine longueur, pour que les degrés vers E soient distincts : mais si le marteau est grand, cela donnera une trop grande longueur à la fleche ; c'est pourquoi au lieu d'un seul marteau, on en a quatre, comme on a dit plus haut, autant que de faces : & ces marteaux étant plus grands les uns que les autres, servent à observer les différe ns angles. Par exemple, le plus grand sert pour les angles au-dessus de 40d ; celui d'ensuite pour ceux au-dessus de 20 ; le troisieme pour ceux au-dessus de 10 ; & enfin le quatrieme, pour les plus petits angles. Il est inutile de dire que chaque marteau a sa face particuliere, & qu'elle est divisée comme nous venons de l'expliquer. Il y a encore une autre façon d'observer avec cet instrument, qui est plus sûre & plus exacte, parce que l'on n'est obligé que de regarder un seul objet à la fois ; cela se fait de la maniere suivante. On ajuste le plat du grand marteau dans le bout de la fleche A (figure 14.), de sorte que le tout soit à l'uni ; ensuite on passe dans la fleche le plus petit des marteaux qui a une petite traverse M d'ivoire, son côté plat étant tourné aussi vers le bout A ; & l'on ajoûté une visiere au bout d'en-bas D du marteau C, c'est-à-dire une petite piece de cuivre, ou autre métal, qui ait une petite fente.

L'arbalestrille ainsi préparée comme le montre la figure, on tourne le dos à l'astre, & on regarde l'horison sensible par la visiere D, & par-dessous la traverse M du petit marteau : en regardant ainsi par le rayon visuel D M, on approchera ou on reculera le petit marteau jusqu'à ce que l'ombre du bout C du grand se termine sur la traverse M, à l'endroit qui répond au milieu de la grosseur de la fleche. Alors le petit marteau marquera sur la fleche les degrés de hauteur du soleil, ce qui est sensible ; puisque l'angle formé par l'ombre qui tombe sur le petit marteau, & par le rayon visuel D M, est égal à l'angle que l'on auroit si observant par-devant, l'oeil étant en A, le grand marteau se trouvoit au point M.

Tel est l'instrument dont on s'est servi long-tems en mer malgré tous ses défauts. Car, 1°. sans les détailler tous, il est sûr que quelque attention que l'on apporte dans la division de l'instrument, elle est toûjours fort imparfaite. 2°. Etant de bois & d'une certaine longueur, il est toûjours à craindre qu'il ne travaille & ne se déjette ; & enfin il est fort difficile de s'en servir avec précision : on compte même généralement qu'il ne vaut rien pour les angles au-dessus de 60d. Ainsi on doit absolument l'abandonner, surtout depuis l'instrument de M. Hadley, si supérieur à tous ceux qui l'ont précédé. Voyez INSTRUMENT de M. Hadley.

L'arbalestrille a eu différens noms, comme radiometre, rayon astronomique, bâton de Jacob, & verge d'or ; mais arbalestrille est aujourd'hui le plus en usage.

Comme les observations qui se font sur un vaisseau donnent la hauteur du soleil tantôt trop grande, tantôt trop petite, selon qu'elles se font par-devant ou par-derriere, & cela à cause de l'élevation de l'observateur au-dessus de l'horison, on est obligé de retrancher plusieurs minutes de l'angle trouvé par l'observation, ou au contraire d'en ajoûter à cet angle. Voyez là-dessus l'article QUARTIER ANGLOIS à la fin. (T)


ARBALÊTES. f. (Art militaire.) espece d'arme qui n'est point à feu. Elle consiste en un arc d'acier, qui traverse un morceau de bois, garni d'une corde & d'un enreyoir : on bande cette arme par le secours d'un fer propre à cet usage ; elle peut servir à jetter des grandes fleches, des dards, &c.

Les anciens avoient de grandes machines, avec lesquelles ils jettoient des fleches, qu'ils appelloient arbalêtes ou balistes. Voyez BALISTE. Le mot arbalête vient d'arbalista ou arcu-ballista. (Q)

Les marins ont aussi un instrument appellé arbalête ou arbalestrille, qui leur sert à prendre hauteur. Voyez RAYON ASTRONOMIQUE, FLECHE, ARBALESTRILLE, &c. (T)

ARBALETE, s. f. (Chasse.) espece de piége dont on se sert pour prendre les loirs. Pour faire une arbalête, ayez une piece de bois A B C D (voyez les Planches de Chasse.) longue de deux piés & demi, large de six pouces, & épaisse d'un bon demi-pouce ; pratiquez dans son épaisseur une coulisse E F G H, dans laquelle puisse se mouvoir très-librement la piece de bois I K, plus longue que l'entaille de trois ou quatre pouces. Fixez en K une forte verge de houx L M N, qui fasse l'arc ; passez la corde I M N de cet arc, par un trou pratiqué à l'extrémité I de la piece I K. Bandez cet arc en repoussant la piece I K vers I, & en plaçant en K O un petit bâton, qui empêche la piece I K de revenir. Voilà l'arbalête tendue. Fixez en P un fil de fer P Q, perpendiculaire au plan A B C D. Attachez à l'extrémité Q de ce fil de fer, une noix, une pomme, &c. & l'arbalête sera amorcée. Examinez l'endroit ou le trou par lequel passent le loir, le rat, en un mot tous les animaux de cette espece qui ravagent vos fruits. Placez vis-à-vis de ce trou l'ouverture K O. L'animal se présentant pour entrer & atteindre l'amorce placée en Q, ne le pourra, sans déplacer le bâton K O, dont l'extrémité O sera tout sur le bord inférieur de l'entaille E F G H : mais le bâton K O étant déplacé, la piece I K que rien n'arrêtera plus, sera repoussée subitement vers O par la force de l'arc L M N, & l'animal sera pris par le milieu du corps dans l'ouverture K O. On peut, en donnant à toutes les parties de ce piége une plus grande force, le rendre aux animaux les plus vigoureux.

ARBALETE, (Manége.) ou cheval en arbalête ; c'est un cheval attaché seul à une voiture devant les deux chevaux du timon. (V)

ARBALETE, s. f. dans les Manufactures en soie, on distingue trois sortes d'arbalêtes. L'arbalête du battant, qui n'est autre chose qu'une corde doublée au-haut des deux lances du battant, & tordue avec une cheville à laquelle on donne le nom de valet. Cette corde sert à tenir la poignée du battant solide, & à l'empêcher de remonter ou de badiner sur le peigne. Voyez VALET & BATTANT.

Arbalête des étrivieres ; c'est une corde passée à chaque bout des lisserons de rabat, à laquelle on attache les étrivieres pour faire baisser les lisses. Voyez LISSES, LISSERONS & ÉTRIVIERES.

Arbalête de la gavassiniere ; c'est une grosse corde à laquelle la gavassiniere est attachée. Voyez GAVASSINIERE.

ARBALETE, instrument à l'usage des Serruriers, des Taillandiers, d'autres ouvriers en métaux, & même de ceux qui travaillent aux glaces dont on fait des miroirs. L'arbalête des Taillandiers est composée de deux lames d'acier élastiques, courbées en arc, allant toutes deux en diminuant, appliquées le gros bout de l'inférieure contre l'extrémité mince de la supérieure, & retenues l'une sur l'autre dans cet état par deux especes de viroles quarrées, & de la même figure que les lames : l'une de ces lames est scellée fixement à un endroit du plancher qui correspond perpendiculairement un peu en-deçà des mâchoires de l'étau ; l'autre lame s'applique sur une encoche ou inégalité d'une lime à deux manches, qu'elle presse plus ou moins fortement à la discrétion de l'ouvrier contre la surface de l'ouvrage à polir. L'ouvrier prend la lime à deux manches, & n'a presque que la peine de la faire aller ; car pour la faire venir, c'est l'arbalête qui produit ce mouvement par son élasticité. L'arbalête le soulage encore de la pression qu'il seroit obligé de faire lui-même avec la lime contre l'ouvrage, pour le polir. Voyez TAILLAND. vignette, fig. 7. Pl. IV. un ouvrier qui polit à l'ARBALETE. 1, 2, est l'arbalête ; voyez Planche V. l'arbalête séparée. 1 est l'ouvrage à polir ; 2, 3, les manches de la lime ; 4, 5, les deux lames ou parties de l'arbalête ; 6, 7, les deux viroles qui retiennent les lames appliquées, & qui empêchent la lame inférieure de remonter, en glissant contre la supérieure.


ARBALÊTRIERES. f. (Marine.) c'est le poste où combattent les soldats le long des apostis & des courtois, ordinairement derriere une passevande. Voyez APOSTIS, COURTOIS & PASSEVANDE. (Z)


ARBATA(Géog. sainte.) ville de la tribu d'Issachar, qui fut détruite par Simon Macchabée.


ARBE(Géog. mod.) ville de la république de Venise, dans l'île de même nom, près des côtes de Dalmatie. Long. 32. 54. lat. 44. 55.


ARBELLE(Géog. anc.) ville de Sicile, dont les habitans étoient si sorts & si stupides, qu'on disoit de ceux qui en faisoient le voyage, quid non fies Arbelas profectus ? Ce qui peut s'entendre de deux façons : que vous serez sot, ou que vous serez riche à votre retour ! sot, pour avoir vécu si long-tems avec des sots ; riche, parce qu'il est facile de faire fortune avec des gens aussi peu fins.

* ARBELLE, (Géog. sainte.) ville de la haute Galilée, dans la tribu de Nephtali, à l'occident du lac Semachon, où l'on rencontroit des cavernes affreuses, la retraite des voleurs ou des Juifs persécutés. Hérode le grand en fit boucher quelques-unes, & mettre le feu aux autres : on lit dans Josephe, Antiq. lib. XII. c. xviij. que l'accès en étoit rendu si difficile par des rochers & des précipices, qu'on n'en pouvoit presque aborder quand on étoit au pié, ni descendre, quand on avoit atteint le sommet. Il ajoûte qu'Hérode y fit descendre dans des coffres attachés à des chaînes de fer, des soldats armés de halebardes qui accrochoient & tuoient ceux qui faisoient résistance.

* ARBELLES, bourg d'Assyrie, sur le fleuve Lycus, célebre par la seconde victoire qu'Alexandre le grand remporta sur Darius roi de Perse.


ARBENGIANpetite ville de la campagne ou de la vallée, qu'on appelle Sogde de Samarcand ; c'est proprement le territoire de cette ville.


ARBENNE(Hist. nat. Ornithol.) Lagopus avis. Ald. Cet oiseau est de la grandeur & de la figure du pigeon domestique, ou peut-être un peu plus grand. Il pese quatorze onces ; il a environ un pié trois pouces de longueur depuis la pointe du bec jusqu'à l'extrémité de la queue ou des pattes ; l'envergure est d'un pié dix pouces ; le bec est court, noir, & semblable à celui d'une poule, mais un peu plus petit ; la partie supérieure est plus longue, & déborde un peu la partie inférieure ; les narines sont couvertes par de petites plumes ; il y a au-dessus des yeux en place de sourcils, une petite caroncule dégarnie de plumes, faite en forme de croissant, & de couleur de vermillon. On distingue le mâle de la femelle par un trait noir qui commence à la partie supérieure du bec des mâles, qui passe au-delà des yeux, & qui finit vers les oreilles, tout le reste du corps est d'une couleur très-blanche, à l'exception de la queue ; il y a vingt-quatre grandes plumes dans chaque aile, dont la premiere ou l'extérieure est plus courte que la seconde ; la seconde est aussi plus courte que la troisieme ; les six plumes extérieures ont le tuyau noir : la queue a plus d'un palme de longueur ; elle est composée de seize plumes ; les deux du milieu sont blanches, de même que les barbes extérieures de la derniere plume de chaque côté ; toutes les autres plumes sont de couleur cendrée noirâtre, à l'exception de la pointe qui est blanche ; les plumes qui sont sur la queue, sont aussi grandes que la queue même. Les pattes sont couvertes en entier jusqu'au bout des doigts de petites plumes molles posées fort près les unes des autres ; ce qui a fait donner à cet oiseau le nom de Lagopus. Les ongles sont très-longs, & ressemblans à ceux de quelques quadrupedes, tels que le lievre ; ces ongles sont de couleur de corne obscure, ou de couleur de plomb ; le doigt de derriere est petit, mais son ongle est grand & recourbé ; le doigt extérieur & le doigt intérieur de devant tiennent au doigt du milieu par une membrane ; l'ongle du doigt du milieu est très-long & un peu creux ; ses bords sont tranchans ; il y a des poils longs & touffus sous les doigts.

On trouve ces oiseaux sur les Alpes qui sont couvertes de neige pendant la plus grande partie de l'année, & sur d'autres montagnes très-élevées. On a donné à cet oiseau le nom de perdrix blanche, sans doute parce que sa chair a quelque rapport à celle de la perdrix pour le goût ; car l'arbenne est un oiseau différent de la perdrix, quoiqu'il lui ressemble pour la figure & pour la grandeur. Cependant le nom de perdrix blanche a fait croire que l'oiseau dont il s'agit, étoit vraiment une perdrix : c'est pour éviter cette équivoque, que je le rapporte sous le nom d'arbenne, qu'on lui a donné en Savoie, comme celui de perdrix blanche. Il seroit à souhaiter que l'on pût ainsi prévenir les erreurs qui viennent des noms. Willugby ; Aldrovande, Ornit. liv. XIII. pag. 145. Voyez OISEAU. (I)


ARBERG(Géog.) ville de Suisse, dans le canton de Berne, dans une espece d'île sur l'Aar. Long. 24. 45. lat. 47.


ARBIpetit pays de l'Amérique méridionale, près des Andes, entre le Popayan & la nouvelle Grenade.


ARBIApetite riviere d'Italie, qui a sa source dans le territoire de Florence, passe sur celui de Sienne, & se jette dans l'Ombrone.


ARBITRAGES. m. en Droit, est le jugement d'un tiers, qui n'est établi ni par la loi ni par le magistrat, pour terminer un différend ; mais que les parties ont choisi elles-mêmes. Voyez ARBITRE. (H)

ARBITRAGE, en matiere de Change, veut dire une combinaison ou assemblage que l'on fait de plusieurs changes pour connoître quelle place est plus avantageuse pour tirer & remettre. De la Porte, Science des Négocians. Voyez CHANGE & PLACE.

Samuel Ricard dans son traité général de Commerce, dit que les arbitrages ne sont autres qu'un pressentiment d'un avantage considérable qu'un commettant doit recevoir d'une remise ou d'une traite faite pour un lieu préférablement à un autre.

M. de Montodegni définit l'arbitrage de change un troc que deux banquiers se font mutuellement de leurs lettres-de-change sur différentes villes, au prix & cours du change conditionné.

Suivant M. J. P. Ricard, qui a donné une nouvelle édition du traité des arbitrages, l'arbitrage est une négociation d'une somme en échange, à laquelle un banquier ne se détermine qu'après avoir examiné par plusieurs regles de quelle maniere elle lui tournera mieux à compte. M. Savari pense que ces deux dernieres définitions sont les mêmes pour le fond ; & quant aux regles ou opérations qu'on suit pour l'arbitrage, il en rapporte un exemple qu'on peut voir dans son ouvrage. Tome I. pag. 693. (G)


ARBITRAIREadj. pris dans un sens général, ce qui n'est pas défini ni limité par aucune loi ou constitution expresse, mais qu'on laisse uniquement au jugement & à la discrétion des particuliers. La punition d'un tel crime est arbitraire. Ce mot vient du latin arbitrium, volonté. Les lois ou les mesures par lesquelles le Créateur agit, sont arbitraires ; au moins toutes les lois physiques. Voyez PHYSIQUE, POUVOIR ARBITRAIRE, DESPOTISME, MONARCHIE, &c. (H)


ARBITRALterme de Droit, se dit des décisions, sentences, ou jugemens émanés des arbitres. Voyez ARBITRE & COMPROMIS. Les sentences arbitrales doivent être homologuées en justice, pour acquérir l'autorité d'un jugement judiciaire, & pour pouvoir emporter hypotheque sur les biens du condamné ; & lorsqu'elles le sont, elles sont exécutoires, non-obstant oppositions ou appellations quelconques.

S'il y a quelques difficultés pour l'interprétation d'une sentence arbitrale, c'est aux arbitres qu'il faut s'adresser pour l'interprétation, s'ils sont encore vivans ; sinon il faudra s'en rapporter au juge ordinaire. (H)


ARBITRATEURS. m. terme de Droit, est une espece d'arbitre. Voyez ARBITRE.

En Angleterre, les parties en litige choisissent ordinairement deux arbitrateurs ; & en cas qu'ils ne puissent pas s'accorder, on y en ajoûte un troisieme, que l'on appelle arbitre, à la décision duquel les deux parties sont obligées d'acquiescer.

Les jurisconsultes mettent une différence entre arbitre & arbitrateur ; en ce que quoique le pouvoir de l'un & l'autre soit fondé sur le compromis des parties, néanmoins leur liberté est différente ; car un arbitre est tenu de procéder & de juger suivant les formes de la loi ; au lieu que l'on s'en remet totalement à la propre discrétion d'un arbitrateur : sans être obligé à aucune procédure solemnelle, ou à suivre le cours des jugemens ordinaires, il peut accommoder à son gré l'affaire qui a été remise à son jugement, pourvû que ce soit juxta arbitrium boni viri. (H)

ARBITRATEUR, sub. pris adj. (Myth.) nom que les payens donnoient à Jupiter : il y avoit à Rome un portique à cinq colonnes consacré à Jupiter arbitrateur.


ARBITRATIONS. f. terme de Palais, est une estimation ou évaluation faite en gros, & sans entrer en détail : ainsi l'on dit en ce sens qu'on a arbitré les dépens ou les dommages & intérêts, à telle somme. (H)


ARBITRES. m. en terme de Droit, est un juge nommé par le magistrat, ou convenu par deux parties, auquel elles donnent pouvoir par un compromis de juger leur différend suivant la loi. Voyez JUGE & COMPROMIS.

Les Romains se soûmettoient quelquefois à un seul arbitre : mais ordinairement ils en choisissoient plusieurs qu'ils prenoient en nombre impair. Voyez ARBITRAGE.

Dans les matieres qui regardoient le public, telles que les crimes, les mariages, les affaires d'état, &c. il n'étoit pas permis d'avoir recours aux arbitres. On ne pouvoit pas non plus appeller d'une sentence ou d'un jugement par arbitre ; l'effet d'un appel étoit de suspendre l'autorité d'une jurisdiction, & non pas d'un pacte, d'une convention ou d'un contrat. Voyez APPEL. Chez les modernes il y a ordinairement différentes sortes d'arbitres ; quelques-uns sont obligés de procéder suivant la rigueur de la loi, & d'autres sont autorisés par les parties mêmes à s'en relâcher, & suivre l'équité naturelle. Ils sont appellés proprement arbitrateurs. Voyez ARBITRATEUR.

Les uns & les autres sont choisis par les parties : mais il y en a une troisieme sorte qui sont des arbitres nommés par les juges, lesquels sont toûjours tenus de juger suivant la rigueur du droit.

Justinien (L. ult. c. de recept.) défend absolument de prendre une femme pour arbitre, comme jugeant qu'une pareille fonction n'est pas bienséante au sexe : néanmoins le pape Alexandre III. confirma une sentence arbitrale, donnée par une reine de France. Le cardinal Wolsey fut envoyé par Henri VIII. à François premier, avec un plein pouvoir de négocier, de faire & de conclure tout ce qu'il jugeroit convenable à ses intérêts ; & François premier lui donna le même pouvoir de son côté : de sorte qu'il fut constitué le seul arbitre de leurs affaires réciproques.

Les arbitres compromissionnaires doivent juger à la rigueur aussi bien que les juges, & sont obligés de rendre leur jugement dans le tems qui leur est limité, sans pouvoir excéder les bornes du pouvoir qui leur est prescrit par le compromis : cependant si les parties les ont autorisés à prononcer selon la bonne foi & suivant l'équité naturelle, sans les astreindre à la rigueur de la loi, alors ils ont la liberté de retrancher quelque chose du bon droit de l'une des parties pour l'accorder à l'autre, & de prendre un milieu entre la bonne foi & l'extrème rigueur de la loi. De Launay, traité des Descentes.

Les actes de société doivent contenir la clause de se soûmettre aux arbitres pour les contestations qui peuvent survenir entre associés ; & si cette clause étoit omise, un des associés en peut nommer ; ce que les autres sont tenus pareillement de faire, autrement il en doit être nommé par le juge pour ceux qui en font refus.

En cas de décès ou d'une longue absence d'un des arbitres, les associés en peuvent nommer d'autres, sinon il doit y être pourvû par le juge pour les refusans.

Quand les arbitres sont partagés en opinions, ils peuvent convenir de sur-arbitres sans le consentement des parties ; & s'ils n'en conviennent, il en est nommé par le juge. Pour parvenir à faire nommer d'office un sur-arbitre, il faut présenter requête au juge, en lui exposant la nécessité d'un sur-arbitre, attendu le partage d'opinions des arbitres ; & l'ordonnance du juge sur ce point doit être signifiée à la diligence d'une des parties aux arbitres, en les priant de vouloir procéder au jugement de leur différend. Les arbitres peuvent juger sur les pieces & mémoires qui leur sont remis sans aucune formalité de justice, & nonobstant l'absence de quelqu'une des parties.

Tout ce qui vient d'être dit a lieu à l'égard des veuves, héritiers & ayans cause des associés, & est conforme aux articles 9, 10, 11, 12, 13, & 14 du titre jv. de l'ordonnance de 1673.

Dans les contrats ou polices d'assûrance, il doit y avoir une clause par laquelle les parties se soûmettent aux arbitres en cas de contestation. Article 3. du titre vj. du liv. III. de l'ordonnance de la Marine, du mois d'Août 1681.

On peut appeller de la sentence des arbitres, quand même il auroit été convenu, lors du compromis, qu'on n'appelleroit pas. (H)


ARBITRERv. act. c'est liquider, estimer une chose en gros, sans entrer dans le détail ; ainsi l'on dit : des amis communs ont arbitré à une telle somme le dépérissement de ces marchandises. (G)


ARBOGEou ARBO, (Géog.) ville de Suede, dans la province de Westmanie, sur la riviere de même nom.


ARBOIS(Géog.) petite ville de la Franche-Comté, entre Salins & Poligny. Long. 23. 30. lat. 46. 55.


ARBOLADES. f. c'est, en terme de Cuisine, le nom d'un flanc fait avec le beurre, la crême, les jaunes d'oeufs, le jus de poiré, le sucre & le sel. Voyez le Cuisinier François.


ARBON(Géog. anc. & mod.) ville de Suisse, sur le bord méridional du lac de Constance, dans le Turgow. Long. 27. 30. lat. 47. 38.


ARBORERun mât, (Marine.) c'est mâter ou dresser un mât sur le vaisseau. Le mât de hune est arboré sur le grand mât. On se sert dans la manoeuvre des galeres du mot d'arborer & desarborer, pour dire qu'une galere leve son mestre & le brinquet pour appareiller, ou qu'elle démâte & qu'elle abat ses mâts. Voyez MAST, MESTRE, BRINQUET, GALERE.

Arborer le pavillon, c'est le hisser & le déployer. Voyez HISSER. (Z)


ARBORIBONZESS. m. pl. (Hist. mod.) prêtres du Japon, errans, vagabonds, & ne vivant que d'aumônes. Ils habitent des cavernes ; ils se couvrent la tête de bonnets faits d'écorce d'arbres terminés en pointes, & garnis par le bout d'une touffe de crin de cheval ou de poil de chevre. Ils sont ceints d'une lisiere d'étoffe grossiere, qui fait deux tours sur leurs reins ; ils portent deux robes l'une sur l'autre ; celle de dessus est de coton, fort courte, avec des demi-manches ; celle de dessous est de peaux de bouc, & de quatre à cinq doigts plus longue ; ils tiennent en marchant, d'une main, un gobelet qui pend d'une corde attachée à leur ceinture, & de l'autre une branche d'un arbre sauvage qu'on nomme soutan, & dont le fruit est semblable à notre neffle ; ils ont pour chaussure des sandales attachées aux piés avec des courroies, & garnies de quatre fers qui ne sont guere moins bruyans que ceux des chevaux ; ils ont la barbe & les cheveux si mal peignés, qu'ils sont horribles à voir. Ils se mêlent de conjurer les démons : mais ils ne commencent ce métier qu'à 30 ans. Ambassad. part. I. p. 89. & 90.


ARBORICHESS. m. pl. (Hist.) peuples que quelques-uns croyent être les habitans de la Zélande ; d'autres, d'anciens habitans du territoire voisin de celui de Mastricht : selon Bécan, les Arboriches occupoient le pays qui est entre Anvers & la Meuse.


ARBORIQUES. m. (Hist. mod.) nom de peuples que quelques auteurs prétendent être les mêmes que les Armoriques ou Armoricains. Les Arboriques dont le P. Daniel fait mention, habitoient entre Tournai & le Vahal, étoient Chrétiens sous Clovis comme la plûpart des autres Gaulois, & fort attachés à leur religion. Voyez ARMORIQUES.


ARBOURG(Géog.) ville de Suisse dans le canton de Berne, dans l'Argow, au bord de l'Aar. Long. 25. 25. lat. 47. 10.


ARBOUSESS. f. fruit de l'arbousier. Les arbouses ressemblent aux fraises, sont rouges étant mûres, d'un goût âpre, & difficiles à digérer. L'arbrisseau qui les porte croît dans les lieux montagneux, & entre dans plusieurs remedes. Voyez l'article suivant. (K)


ARBOUSIERarbutus, arbre dont la fleur est d'une seule piece en forme de cloche ou de grelot : le pistil sort du calice ; il est attaché à la partie postérieure de la fleur comme un clou, & il devient dans la suite un fruit arrondi, charnu, ressemblant à celui du fraisier, partagé en cinq loges, & rempli de semences qui tiennent à un placenta. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

Arbutus folio serrato, C. B. Pit. Tournefort. La feuille, l'écorce & le fruit de cet arbre sont astringens, propres pour arrêter les cours de ventre étant pris en décoction ; on peut aussi s'en servir pour les gargarismes. La fleur résiste à la malignité des humeurs. (N)


ARBRES. m. (Hist. nat. bot.) Les arbres sont les plus élevés, les plus gros, & par conséquent les plus apparens de tous les végétaux. Ce sont des plantes ligneuses & durables ; elles n'ont qu'un seul & principal tronc qui s'éleve, se divise & s'étend par quantité de branches & de rameaux, dont le volume & l'apparence varient en raison de l'âge, du climat, du terrein, de la culture, & principalement de la nature de chaque arbre. En comparant la hauteur & la consistance de toutes les plantes, on va par des nuances insensibles depuis l'hyssope jusqu'au cedre du Liban ; je veux dire, depuis la plante la plus basse jusqu'à l'arbre le plus élevé ; depuis l'herbe la plus tendre, jusqu'au bois le plus dur. Ainsi quoique les herbes soient les plus petites des plantes, on auroit pû confondre certaines especes d'herbes avec les arbres, si on n'étoit convenu de donner les noms d'arbrisseaux & de sous-arbrisseaux (Voyez ARBRISSEAU & SOUS-ARBRISSEAU.) aux plantes de grandeur & de consistance moyenne entre les herbes & les arbres : cependant il est encore assez difficile de distinguer les arbres des arbrisseaux. Quelle différence y a-t-il entre le plus petit des arbres & le plus grand des arbrisseaux ? Il n'est pas possible de la déterminer précisément : mais on peut dire en général qu'un arbre doit s'élever à plus de dix ou douze piés. Cette hauteur est bien éloignée de celle des chênes ou des sapins, dont le sommet s'éleve à plus de cent piés ; c'est pourquoi on peut diviser les arbres en grands, en moyens & en petits arbres ; le chêne, le sapin, le marronnier d'Inde, &c. sont du premier rang ; l'aune, le chêne verd, le prunier, &c. peuvent être du second ; le pêcher, le laurier, le nefflier, &c. sont du nombre des petits arbres.

Les Botanistes ont rapporté les différentes especes d'arbres à différens genres qu'ils ont caractérisés comme toutes les autres plantes, par le nombre, la figure & la position de certaines parties, principalement des fleurs & des fruits ; & dans cet arrangement la plûpart ont confondu les herbes avec les arbres. On a mis sous le même ordre ou dans la même section, la capucine avec l'érable, la filipendule avec le poirier, le pourpier avec le tilleul, &c. Ces méthodes pourroient donner une fausse idée de certains arbres lorsqu'on les voit sous le même genre, c'est-à-dire, sous un nom commun avec des plantes qui ne sont que des sous-arbrisseaux : par exemple, le chêne & le saule sont deux grands arbres ; cependant, selon les méthodes de Botanique, il y a des chênes & des saules nains. Les méthodistes qui se font si peu de scrupule de changer les noms des plantes les plus usités, & qui leur en substituent de nouveaux à leur gré, devroient bien plûtôt donner à certains arbrisseaux des noms différens de ceux que portent de grands arbres ; par ce moyen on ôteroit toute équivoque dans la signification du mot arbre, autrement on ne s'entend pas : car on a nécessairement l'idée d'un arbre lorsqu'il s'agit d'un chêne ou d'un saule ; cependant pour se prêter aux conventions des méthodistes, & pour se faire à leur langage, il faut prendre de petits arbrisseaux pour des chênes & pour des saules, & donner le nom d'arbre à des plantes que l'on ne doit regarder que comme des sous-arbrisseaux. Toute méthode arbitraire nous induit nécessairement en erreur ; celle que M. de Tournefort a donnée pour la distribution des plantes, est une des meilleures que nous ayons sur cette matiere ; il a senti le ridicule des méthodistes, qui mêlent indifféremment les herbes & les arbres, & il a tâché de l'éviter en rangeant les arbres & les arbrisseaux dans des classes particulieres : cependant comme sa méthode est arbitraire, il a été obligé, pour la suivre, de s'éloigner quelquefois de l'ordre naturel : par exemple, en réunissant sous le même genre l'yeble avec le sureau, l'althaea frutex avec la guimauve, &c. La nature se refusera toûjours à nos conventions ; elle ne s'y soûmettra jamais, pas même à la meilleure des méthodes arbitraires. Voyez METHODE.

Les Jardiniers & tous ceux qui ont cultivé des arbres, n'ont donné aucune attention aux calices & aux pétales, ni aux pistils & aux étamines des fleurs : mais ils ont observé soigneusement la nature des différens arbres, pour savoir la façon de les cultiver ; ils se sont efforcés de multiplier ceux qui méritoient de l'être par la qualité du bois, la bonté des fruits, la beauté des fleurs & du feuillage. Aussi ont-ils distingué les arbres en arbres robustes & en arbres délicats ; arbres qui quittent leurs feuilles ; arbres toûjours verds ; arbres cultivés ; arbres de forêt ; arbres fruitiers ; arbres d'avenues, de bosquets, de palissades ; arbres fleurissans, &c.

Tous les arbres ne peuvent pas vivre dans le même climat : nous voyons que pour les arbres étrangers, le climat est en France le plus grand obstacle à leur multiplication ; il y a peu de ces arbres qui se refusent au terrein, mais la plûpart ne peuvent pas résister au froid. La serre & l'étuve sont une foible ressource pour suppléer à la température du climat ; les arbres délicats n'y végetent que languissamment.

Les arbres qui quittent leurs feuilles sont bien plus nombreux que ceux qui sont toûjours verds ; les premiers croissent plus promptement, & se multiplient plus aisément que les autres, parmi lesquels d'ailleurs il ne s'en trouve qu'un très-petit nombre dont le fruit soit bon à manger.

On ne seme pas toûjours les arbres pour les multiplier ; il y a plusieurs autres façons qui sont préférables dans certains cas. La greffe perfectionne la fleur & le fruit : mais c'est aux dépens de la hauteur & de l'état naturel de l'arbre. La bouture est une voie facile, qui réussit plus communément pour les arbrisseaux que pour les arbres. Le rejetton est un moyen simple & prompt ; mais il n'y a que de petits arbres, & les plus communs, qui en produisent. Enfin la branche couchée, la marcotte ou le provin, est un autre expédient que l'on employe pour la multiplication ; c'est celui qui convient le moins pour les grands arbres. Ceux qu'on multiplie de cette façon, pechent ordinairement par les racines qui sont trop foibles, en petite quantité, & placées le plus souvent d'un seul côté. On ne parle pas ici de la multiplication par les racines & par les feuilles, qui est plus curieuse qu'utile. Tous les arbres cependant ne se prêtent pas à toutes ces façons de les multiplier ; il y en a qui ne réussissent que par un seul de ces moyens, & ce n'est pas toûjours celui de la graine : beaucoup d'arbres n'en produisent point dans les climats qui leur sont étrangers.

Les arbres des forêts ne sont pas les mêmes partout, le chêne domine plus généralement dans les climats tempérés & dans les terreins plats ; on le trouve aussi dans les côteaux avec le hêtre, si le terrein est cretacée ; avec le châtaignier, s'il est sablonneux & humide ; avec le charme, par-tout où la terre est ferme & le terrein pierreux : par-tout où il y a des sources, le frêne vient bien. Les arbres aquatiques, tels que le peuplier, l'aune, le saule, &c. se trouvent dans les terreins marécageux ; au contraire les arbres résineux, comme sont les pins, le sapin, le melese, &c. sont sur les plus hautes montagnes, &c.

On distingue en général les arbres fruitiers qui portent des fruits à noyau, de ceux dont les fruits n'ont que des pepins. On s'efforce continuellement de les multiplier les uns & les autres ; mais c'est moins par la semence, qui donne cependant de nouvelles especes, que par la greffe qui perfectionne le fruit. C'est par le moyen de la taille, l'opération la plus difficile du jardinage, que l'on donne aux arbres fruitiers de la durée, de l'abondance & de la propreté. Les arbres d'ornement servent à former des avenues & des allées, auxquelles on employe plus ordinairement l'orme, le tilleul, le châtaignier, le peuplier, l'épicéas, le platane, qui est le plus beau & le plus convenable de tous les arbres pour cet objet. On employe d'autres arbres à faire des plantations, à garnir des bosquets, à former des portiques, des berceaux, des palissades, & à orner des plates-bandes, des amphithéatres, des terrasses, &c. Dans tous ces cas la variété du feuillage, des fleurs & des formes que l'on donne aux arbres, plaît aux yeux & produit un beau spectacle, si tout y est disposé avec goût. Voyez PLANTE. (I)

* Le Jardinier s'occupe de l'arbre de cinq manieres principales : 1°. du choix des arbres : 2°. de la préparation qu'il est à propos de leur donner avant que de les planter : 3°. de leur plantation : 4°. de leur multiplication : 5°. de leur entretien. Nous allons parcourir les regles générales que l'on doit observer dans la plûpart de ces occasions ; & nous finirons cet article par quelques observations plus curieuses qu'importantes, qu'on a faites sur les arbres.

1°. Du choix des arbres. Prenez plus de poiriers d'automne que d'été, & plus d'hyver que d'automne : appliquez la même regle aux pommiers & aux autres arbres, mutatis mutandis ; ceux qui donnent leur fruit tard, relativement aux autres de la même espece, sont préférables. Gardez-vous de prendre les poiriers qui auront été greffés sur de vieux amandiers, de quatre à cinq pouces : rejettez ceux qui auront plus d'un an de greffe. Les premiers, pour être bons, doivent avoir trois ou quatre pouces. Les arbres greffés sur coignassier, sont les meilleurs pour des arbres nains : prenez les jeunes arbres avant trois ans ; trop jeunes, ils seroient trop long-tems à se mettre en buisson ; trop vieux, on n'en obtiendroit que des productions chétives : rejettez les arbres moussus, noüeux, gommés, rabougris & chancreux. Que ceux que vous préférerez ayent les racines saines & belles ; que la greffe en ait bien recouvert le jet ; qu'ils soient bien fournis de branches par le bas ; qu'ils soient de belle venue. Les pêchers & les abricotiers doivent avoir été greffés d'un an seulement. Il suffira que les pommiers greffés sur paradis, ayent un pouce d'épaisseur. Pour les arbres de tige, ils n'en seront que meilleurs s'ils ont quatre à cinq pouces d'épaisseur sur sept à huit piés de haut. Prenez, si vous êtes dans le cas de les choisir sur pié, ceux qui auront poussé vigoureusement dans l'année, qui vous paroîtront sains, tant à la feuille qu'à l'extrémité du jet, & qui auront l'écorce unie & luisante. Les pêchers qui ont plus d'un an de greffe, & qui n'ont point été recépés en bas, sont mauvais. Il en est de même de ceux qui par bas ont plus de trois pouces, ou moins de deux de grosseur, & de ceux qui sont greffés sur des arbres de quatre à cinq pouces. Que les nains ou arbres d'espaliers soient droits, d'un seul brin & d'une seule greffe ; qu'ils soient sans aucune branche par bas, qu'on y apperçoive seulement de bons yeux. Que si l'on ne choisit pas les arbres sur pié, mais arrachés ; outre toutes les observations précédentes, il faut encore veiller à ce qu'ils n'ayent point été arrachés depuis trop longtems ; ce qui se reconnoîtra à la sécheresse du bois & aux rides de l'écorce : s'ils ont l'écorce bien écorchée, l'endroit de la greffe étranglé de filasse, la greffe trop basse, laissez-les, si sur-tout ce sont des pêchers. Examinez particulierement les racines ; que le nombre & la grosseur en soient proportionnés à l'âge & à la force de l'arbre ; qu'il y en ait une au moins à-peu-près de la grosseur de la tige ; les racines foibles & chevelues marquent un arbre foible ; qu'elles ne soient ni seches, ni dures, ni pourries, ni écorchées, ni éclatées, ni rongées : distinguez bien les jeunes racines des vieilles, & exigez scrupuleusement que les jeunes ayent les conditions requises pour être bonnes : les jeunes racines sont les plus voisines de la surface de la terre, & rougeâtres & unies aux poiriers, pruniers, sauvageons, &c. blanchâtres aux amandiers, jaunâtres aux mûriers, & rougeâtres aux cerisiers.

2°. De la préparation des arbres à planter. Il y a deux choses à préparer, la tête & le pié. Pour la tête, que l'arbre soit de tige, qu'il soit nain ; comme on l'a fort affoibli en l'arrachant, il faut 1°. lui ôter de sa tête à proportion des forces qu'il a perdues. Il y en a qui different jusqu'au mois de Mars à décharger un arbre de sa tête ; d'autres font cette opération dès l'automne, & tout en plantant l'arbre, observant de mastiquer le haut des branches coupées, afin qu'elles ne souffrent pas des rigueurs du froid. 2°. Il faut lui ôter de sa tête, selon l'usage auquel on le destine. Si l'on veut que l'arbre fasse son effet par bas, comme on le requiert des buissons & des espaliers il faut les couper courts ; au contraire, si l'on veut qu'ils gagnent en hauteur. Voyez à l'article TAILLE, toutes les modifications que doit comporter cette opération. Mais on ne travaille guere à la tête des arbres, qu'on n'ait opéré sur les racines & au pié.

Quant aux racines, séparez-en tout le chevelu le plus près que vous pourrez, à moins que vous ne plantiez votre arbre immédiatement après qu'il a été arraché. L'action de l'air flétrit très-promptement ces filets blancs, qu'il importe de conserver sains, mais qu'il n'importe pas moins d'enlever & de détacher, pour peu qu'ils soient malades. La soustraction de ce chevelu met les racines à découvert, & expose les bonnes & les mauvaises. Voyez sur le caractere des racines, ce que nous avons dit à la fin de l'article précédent ; séparez les mauvaises, & donnez aux bonnes leur juste longueur. La plus longue racine d'un arbre nain n'aura pas plus de huit à neuf pouces ; celle d'un arbre de tige n'aura pas plus d'un pié. Laissez, si vous voulez, un peu plus de longueur à celles du mûrier & de l'amandier ; en général aux racines de tout arbre qui les aura ou fort molles ou fort seches. Deux, trois ou quatre pouces de longueur suffiront aux racines moins importantes que les racines maîtresses. C'est assez d'un seul étage de racines, sur-tout si elles sont bien placées. Des racines sont bien placées, quand elles se distribuent du pié circulairement, & laissant entr'elles à-peu-près des intervalles égaux, ensorte que les arbres se tiendroient droits sans être plantés, sur-tout pour ceux qui sont destinés au plein vent ; cette condition n'est pas nécessaire pour les autres. Ce que nous venons de dire du choix & de la préparation, se réduit à un petit nombre de regles si simples, que celui qui les aura mises en pratique quelquefois sera aussi avancé que le jardinier le plus expérimenté.

3°. De la maniere de planter les arbres. Commencez par préparer la terre : faites-y des trous plus ou moins grands, selon qu'elle est plus ou moins seche. Ils ont ordinairement six piés en quarré dans les meilleurs fonds ; deux piés de profondeur suffisent pour les poiriers. Séparez la mauvaise terre de la bonne, & ne laissez que celle-ci. Il est très-avantageux de laisser le trou ouvert pendant plusieurs mois. Labourez le fond du trou : remettez-y d'excellente terre à la hauteur d'un pié, & par-dessus cette terre une couche d'un demi-pié de fumier bien pourri : mêlez la terre & le fumier par deux autres labours : remettez ensuite un second lit de bonne terre, un second lit de fumier, & continuez ainsi, observant à chaque fois de mêler la terre & le fumier par des labours.

Si la terre est humide & n'a pas grand fond, on n'y fera point de trou ; c'est assez de l'engraisser & de la labourer. Après cette façon on y placera les arbres sans les enfoncer, & l'on recouvrira les racines à la hauteur d'un pié & demi, & à la distance de quatre à cinq en tous sens, avec de la terre de gason bien hachée : enfoncez votre arbre plus avant, si votre sol est sec & sablonneux. Si vous appliquez un espalier à un mur, que votre trou soit de huit piés de large sur trois de profondeur, & à un demi-pié du mur. Retenez bien encore les regles suivantes. Le tems de planter est, comme l'on sait, depuis la fin d'Octobre jusqu'à la mi-Mars. Dans cet intervalle, choisissez un jour sec & doux : plantez volontiers dès la saint Martin, dans les terres seches & legeres, attendez Février, & ne plantez que sur la fin de ce mois, si vos terres sont froides & humides : laissez entre vos arbres, soit espaliers, soit buissons, soit arbres de tige, la distance convenable : reglez à chaque espece son canton, & dans ce canton la place à chacun en particulier : disposez vos trous au cordeau : faites porter chaque arbre près de son trou ; plantez d'abord ceux des angles, afin qu'ils vous servent d'alignement ; passez ensuite à ceux d'une même rangée ; qu'un ouvrier s'occupe à couvrir les racines à mesure que vous planterez ; plantez haut & droit ; n'oubliez pas de tourner les racines vers la bonne terre ; si vous plantez au bord d'une allée, que vos principales racines regardent le côté opposé. Quand vos arbres seront plantés, faites mettre deux ou trois pouces de fumier sur chaque pié ; recouvrez ce lit d'un peu de terre. Au défaut de fumier, servez-vous de méchantes herbes arrachées. Si la saison est seche pendant les premiers mois d'Avril, de Mai & Juin, on donnera tous les quinze jours une cruchée d'eau à chaque pié ; & afin que le pié profite de cette eau, on pratiquera à l'entour un sillon qui la retienne. Vous aurez l'attention de faire trépigner la terre de vos petits arbres ; vos espaliers auront la tête penchée vers la muraille : quant à la distance, c'est à la qualité de la terre à la déterminer ; on laisse depuis cinq à six piés jusqu'à dix, onze, douze entre les espaliers ; depuis huit à neuf jusqu'à douze entre les buissons, & depuis quatre toises jusqu'à sept à huit entre les grands arbres. Il faut dans les bonnes terres laisser plus d'espace entre les arbres que dans les mauvaises, parce que les têtes prennent plus d'étendue. Les arbres qui jettent plus de bois, comme les pêchers, les poiriers & les abricotiers, demandent aussi plus d'espace. Si on cultive la terre qui est entre les arbres, on éloignera les arbres les uns des autres de huit à dix toises, sur-tout si ce sont des poiriers ou des pommiers ; si on ne la cultive pas, quatre à cinq toises en tous sens suffiront à chaque arbre. Laissez trois toises ou environ entre les fruitiers à noyau, soit en tige, soit en buisson, sur-tout si ce sont des cerisiers & des bigarotiers plantés sur merisiers ; s'ils ont été greffés sur d'autres cerisiers de racine, ne les espacez qu'à douze ou quinze piés. Les poiriers sur coignassiers plantés en buisson, se disposent de douze en douze piés, à moins que les terres ne soient très-humides ; dans ce cas on les éloigne de quinze en quinze piés. Il faut donner dix-huit piés aux poiriers & pommiers entés sut le franc, & plantés dans des terres légeres & sablonneuses ; vous leur en donnerez vingt-quatre dans les terres grasses & humides : c'est assez de neuf piés pour les pommiers entés sur paradis, si l'on en fait un plan de plusieurs allées ; c'est trop si on n'en a qu'une seule rangée : il ne leur faut alors que six piés. Donnez aux pêchers, abricotiers & pruniers en espalier, quinze piés dans les terres légeres, dix-huit piés dans les terres fortes ; aux poiriers en espalier huit ou dix piés, selon la terre Ne mettez jamais en contre-espaliers, ni bergamottes, ni bons-chrétiens, ni petit muscat. On peut mêler des pêchers de quatre piés de tige, ou environ de quinze en quinze piés, aux muscats mis en espalier ; mais que les pêchers que vous entremêlerez ainsi, soient plantés sur d'autres pêchers : on peut se servir en même cas de poiriers greffés sur coignassiers, pourvû qu'ils ayent quatre piés de tige. Les châtaigniers, les noyers, les pommiers & les poiriers mis en avenues, en allées & en routes, demandent une distance de quatre, cinq ou six toises, selon la terre ; les ormes & les tilleuls deux ou trois toises ; les chênes & les hêtres neuf à dix piés ; les pins & les sapins quatre à cinq toises. Quant aux expositions, nous observerons en général que la plus favorable dans notre climat est le midi, & la plus mauvaise le nord ; que dans les terres chaudes le levant n'est guere moins bon que le midi ; enfin que le couchant n'est pas mauvais pour les pêches, les prunes, les poires, &c. mais qu'il ne vaut rien pour les muscats, les chasselats & la vigne.

4°. De la multiplication des arbres, & de leur taille. Nous renvoyons le détail de ces deux articles, l'un à l'article TAILLE, l'autre aux articles PLANTE, VEGETATION, VEGETAL, & même à l'article ANIMAL, où l'on trouvera quelques observations relatives à ce sujet. Voyez aussi les articles GREFFE, MARCOTTE, BOURGEON, PINCER, PINCEMENT, &c.

5°. De l'entretien des arbres. Otez aux vieux arbres les vieilles écorces jusqu'au vif, avec la serpe ou une bêche bien tranchante ; déchargez-les du trop de bois vers le milieu de Février ; coupez-leur la tête à un pié au-dessus des fourches pour les rajeunir ; faites-en autant à vos espaliers, contre-espaliers, & buissons sur coignassier & sur franc. Quand ils sont vieux ou malades, ce que vous reconnoîtrez à la couleur jaune de la feuille, faites-leur un cataplasme de forte terre, de crotin de cheval ou de bouse de vache, bien liés ensemble. Quand on coupe des branches, il faut toûjours les couper près du corps de l'arbre. Pour cet effet ayez un fermoir, voyez FERMOIR. Il y en a qui sur les greffes en fentes & sur les plaies des arbres, aiment mieux appliquer un mêlange d'un tiers de cire, d'un tiers de poix résine, d'un tiers de suif, le tout fondu ensemble. S'il est nécessaire de fumer les grands arbres greffés sur franc, faites-les déchausser au mois de Novembre d'un demi-pié de profondeur sur quatre à cinq piés de tour, selon leur grosseur ; répandez sur cet espace un demi-pié de haut de fumier bien gras & bien pourri : mais à la distance d'un pié de la tige, & un mois après rejettez la terre sur le fumier en mettant le gason en-dessous. Il y en a qui se contentent de les déchausser en Décembre ou Novembre, & de les rechausser en Mars, ne leur procurant d'autre engrais que celui de la saison. N'oubliez pas de nettoyer la mousse des arbres quand il aura plû : cette mousse est une galle qui les dévore.

Si le Naturaliste a ses distributions d'arbres, le Jardinier a aussi les siennes. Il partage les arbres en sauvages qui ne sont point cultivés, & en domestiques qui le sont ; cette distribution est relative à l'avantage que nous en tirons pour la nourriture. En voici une autre qui est tirée de l'origine des arbres. Il appelle arbre de brin, celui qui vient d'une graine & où le coeur du bois est entier ; & arbre de sciage, celui qui n'est qu'une piece d'arbre refendu, où il n'y a qu'une partie du coeur, où l'on n'apperçoit même cette partie qu'à un angle. Il donne le nom de crossette à celui qui vient de marcotte ; de taillis à celui qui croît sur souche ; s'il considere les arbres par rapport à leur grandeur, il appelle les plus élevés, arbres de haute futaie ; ceux qui le sont moins, arbres de moyenne futaie ; ceux qui sont au-dessous de ceux-ci, arbres taillis. Joint-il dans son examen l'utilité à la grandeur, il aura des arbres fruitiers de haute tige & de basse tige ou nains, & des arbres fruitiers en buissons ; des arbrisseaux ou frutex ; & des arbustes ou sous-arbrisseaux, suffrutex. S'attache-t-il seulement à certaines propriétés particulieres, il dit que les pêchers se mettent en espaliers ; que les poiriers forment des vergers ; que les pommiers donnent des pommeraies ; que les abricotiers sont en plein-vent ; que les châtaigniers font les châtaigneraies ; les cerisiers, les cerisaies ; les saules, les saussaies ; les osiers, les oseraies ; les ormes, les charmes, les tilleuls, les maronniers, les hêtres, les allées ; les charmilles & les érables, les palissades ; les chênes & tous les autres arbres, les bois. Quelle foule de dénominations ne verra-t-on pas naître, si on vient à considérer les arbres coupés & employés dans la vie civile ! Mais l'arbre coupé change de nom ; il s'appelle alors bois. Voyez BOIS.

Des arbres en palissades. Les espaliers se palissent à la mi-Mai. On les palisse encore en Juillet, pour exposer davantage les fruits au soleil. Voyez PALISSER & PALISSADES.

Des arbres à haute-tige. Il faut les placer à l'abri des vents du midi, parce qu'au mois de Septembre, ces vents les dépouillent de leurs fruits. Pour faire un plant de ces arbres, il faut choisir un terrein qui ne soit point battu des vents, ni mouillé d'eaux croupissantes, & chercher la quantité d'arbres nécessaires pour l'étendue du terrein, ce qu'on obtiendra par les premieres regles de l'Arpentage & de la Géométrie ; vous diviserez ensuite votre terrein ; vous marquerez l'endroit & l'étendue des trous, & vous acheverez votre plant, comme nous l'avons dit ci-dessus : mais comme les arbres passent ordinairement de la pépiniere dans le plant, il y a quelques observations à faire sur la maniere de déplanter les arbres.

Marquez dans votre pépiniere avec une coutile ronde les arbres que vous voulez faire déplanter ; marquez-les tous du côté du midi, afin de les orienter de la même façon, car on prétend que cette précaution est utile ; marquez sur du parchemin la qualité de l'arbre & du fruit ; attachez-y cette étiquette, & faites arracher. Pour procéder à cette opération, levez prudemment & sans offenser les racines, la premiere terre ; prenez ensuite une fourche ; émouvez avec cette fourche la terre plus profonde : vuidez cette terre émue avec la pelle ferrée ; ménagez toûjours les racines. Cernez autant que vous le pourrez ; plus votre cerne sera ample, moins vous risquerez. Quand vous aurez bien découvert les racines, vous les séparerez de celles qui appartiennent aux arbres voisins ; vous vous associerez ensuite deux autres ouvriers ; vous agiterez tous ensemble l'arbre & l'arracherez. S'il y a quelques racines qui résistent, vous les couperez avec un fermoir bien tranchant. C'est dans cette opération que l'on sent combien il est important d'avoir laissé entre ces arbres une juste distance.

Arbre de haut ou de plein vent, arbre de tige ou en plein air. Toutes ces expressions sont synonymes, & désignent un arbre qui s'éleve naturellement fort haut & qu'on ne rabaisse point. Il y a des fruits qui sont meilleurs en plein vent qu'en buisson ou en espalier.

Arbre nain ou en buisson : c'est celui qu'on tient bas auquel on ne laisse que demi-pié de tige. On l'étage en-dedans, afin que la séve se jettant en-dehors, ses branches s'étendent de côté, & forment une boule ou buisson arrondi.

Arbre en espalier : c'est celui dont les branches sont étendues & attachées contre des murailles, & qu'on a taillé à main ouverte ou à plat ; il y a aussi des espaliers en plein air : ils sont cependant taillés à plat, & prennent l'air sur deux faces ; mais leurs branches sont soûtenues par des échalas disposés en raquette.

Arbre sur franc : ce sont ceux qui ont été greffés sur des sauvageons venus de pepins, ou venus de boutures dans le voisinage d'autres sauvageons ; ainsi on dit, un poirier greffé sur franc, &c.

Arbres en contre-espalier ou haies d'appui : ce sont des arbres plantés sur une ligne parallele à des espaliers.

Observations particulieres sur les arbres. 1°. La racine des arbres, même de toute plante en général, en est comme l'estomac ; c'est-là que se fait la premiere & principale préparation du suc. De-là il passe, du moins pour la plus grande partie, dans les vaisseaux de l'écorce, & y reçoit une nouvelle digestion. Les arbres creusés & cariés, à qui il ne reste de bois dans leurs troncs que ce qu'il en faut précisément pour soûtenir l'écorce, & qui cependant vivent & produisent, prouvent assez combien l'écorce est plus importante que la partie ligneuse.

2°. Les arbres dont les chenilles ont rongé les feuilles, n'ont point de fruit cette année, quoiqu'ils ayent porté des fleurs, ou du moins n'ont que des avortons : donc les feuilles contribuent à la perfection du suc nourricier. Hist. de l'Acad. pag. 51. an. 1707.

Les deux propositions précédentes sont de M. de Réaumur : mais la premiere paroît contredite par deux observations rapportées. Hist. de l'Acad. 1709. pag. 51. En Languedoc, dit M. Magnol, on ente les oliviers en écusson, au mois de Mai, quand ils commencent d'être en séve, au tronc ou aux grosses branches. Alors on coupe l'écorce d'environ trois ou quatre doigts tout autour du tronc ou des branches, un peu au-dessus de l'ente ; de sorte que le bois ou corps ligneux est découvert, & que l'arbre ne peut recevoir de nourriture par l'écorce. Il ne perd pourtant pas encore ses feuilles ; elles sont nourries par le suc qui est déjà monté. Ce qu'il y a de remarquable, c'est que l'arbre porte dans cette année des fleurs & des fruits au double de ce qu'il avoit coûtume d'en porter. Ensuite les branches au-dessus de l'ente, étant privées du suc qui doit monter par l'écorce, meurent, & les rejettons qui sortent de l'ente, font un nouvel arbre : il paroît de-là que le suc qui monte par l'écorce n'est pas celui qui fait les fleurs & les fruits ; que c'est donc celui qui a passé par la moelle & qui y a été préparé ; que la quantité du suc qui devoit naturellement passer par la moelle a été augmentée de celui qui ne pouvoit plus passer par l'écorce, & que c'est-là ce qui a causé la multiplication des fleurs & des fruits. En effet, ajoûte M. Magnol, la moelle des plantes est, comme celle des animaux, un amas de vesicules qui paroissent destinées à filtrer & à travailler un suc plus finement qu'il ne seroit nécessaire pour la seule nourriture du bois ; & les plantes qui ont beaucoup de moelle, comme le rosier, le troësne, le lilas, ont aussi beaucoup de fleurs & de graines : dans les plantes férulacées, la moelle monte de la tige jusqu'à la semence ; & les longues semences du myrrhis odorata, n'étant pas encore mûres, ne sont visiblement que de la moelle.

Un orme des Tuileries, qui à l'entrée du printems de 1708 étoit entierement dépouillé de son écorce depuis le pié jusqu'aux branches, ne laissa pas de pousser la séve dans toutes ses parties, & d'entretenir ses feuilles pendant tout l'été suivant, cependant avec moins de vigueur que les autres ormes. Le premier Jardinier le fit arracher en automne, persuadé qu'il ne pouvoit plus subsister à l'avenir. C'est dommage, dit M. de Fontenelle, qu'on ne l'ait pas laissé vivre autant qu'il auroit pû : mais les intérêts de la Physique & ceux de la beauté du jardin se sont trouvés différens. M. Parent a montré à l'Académie une attestation de M. Dupuis (c'étoit le premier Jardinier) qui méritoit en effet d'être bien certifiée ; car on a cru jusqu'à présent l'écorce beaucoup plus nécessaire à la vie des plantes. L'Académie avoit donc alors changé d'avis, & ne pensoit pas sur ce point en 1709, comme en 1707.

3°. Un arbre abandonné à lui-même, pousse à une certaine hauteur un certain nombre de branches plus ou moins grand : par exemple 2, 3, 4, 5, selon l'espece, le sol, l'exposition & les autres circonstances. Si ce même arbre est cultivé par l'amendement de la terre, par le labour au pié de l'arbre, & par l'arrosement durant les secheresses, il poussera peut-être un plus grand nombre de branches & de rameaux ; mais la culture par le retranchement d'une partie de ses branches, contribue plus qu'aucune autre industrie à la multiplication : de sorte qu'on peut dire que plus on retranche de cette sorte de corps vivans jusqu'à un certain point, plus on les multiplie.

Cela montre déjà combien sont abondantes les ressources de cette sorte d'êtres vivans ; car on peut dire que depuis l'extrémité des branches jusqu'au pié de l'arbre, il n'y a presque point d'endroit, si petit qu'on le puisse désigner, où il n'y ait une espece d'embryon de multiplication prêt à paroître, dès que l'occasion mettra l'arbre dans la nécessité de mettre au jour ce qu'il tenoit en réserve.

Si on n'avoit jamais vû d'arbre ébranché jusqu'à sa racine, on croiroit qu'un arbre en est estropié sans ressource & n'est plus bon qu'à être abattu, pour être débité en charpente ou mis au feu. Cependant si un orme, ou un chêne, ou un peuplier, en un mot, un arbre dont la tige s'étend assez droite du pié à la cime, est ébranché de bas en haut, il poussera depuis le collet des branches retranchées jusqu'à la cime de la tige, de toutes parts, un nombre infini de bourgeons, qui poussant des jets de tous côtés feront d'un tronc haut de trente à quarante piés, comme un gros bouquet de feuilles si touffu, qu'à peine verra-t-on le corps de l'arbre.

Si on n'avoit jamais vû d'arbre étêté par un tourbillon de vent, ou par le retranchement exprès de son tronc au collet des branches, il n'y a personne qui ne regardât durant six mois, un arbre mis en cet état, comme un tronc mort & inhabile à toute génération ; cependant cet arbre étêté repoussera du tronc au-dessous de l'endroit où il avoit poussé ses branches, un grand nombre de jets, ou au couronnement, ou vers le couronnement.

On en peut dire autant des arbres coupés à rase terre ; car il repoussent autant & plus qu'à toute hauteur : c'est ce qui fait les arbres nains, en buisson ou en espalier, entre les fruitiers ; & le taillis entre les sauvageons. Voyez Mém. de l'Acad. an. 1700. page 140. Je rappelle ces faits, afin qu'on se détermine à réflechir un peu plus sur cette reproduction, & à en tirer plus d'avantages encore qu'on n'a fait jusqu'à présent, soit pour l'ornement des jardins, soit pour l'utilité du Jardinier.

4°. Comme il est nécessaire que les bois ayent une certaine courbure pour la bonne & facile construction des vaisseaux, il y a long-tems que l'on a proposé de les plier jeunes dans les forêts : mais il ne paroît pas que jusqu'à présent on ait suivi cette idée ; seroit-ce qu'elle est d'exécution difficile ?

5°. Dans les environs de Paris, M. Vaillant comptoit en 1700, jusqu'à 137 especes de mousses ou plantes parasites, qui sont dans le regne végétal, ce que les insectes sont dans le regne animal. Toutes ces plantes sucent la séve des arbres par une infinité de petites racines ; & c'est une sorte de maladie pédiculaire dont il seroit très-important de les guérir. Pour cet effet, l'expédient le plus simple qui se présente, seroit de la racler, sur-tout dans un tems de pluie, comme nous l'avons prescrit plus haut : mais outre que cette opération seroit longue dans bien des cas, elle seroit dans tous très-imparfaite ; c'est-là ce qui détermina M. de Ressons à proposer à l'Académie en 1716, un moyen qu'on dit être plus court & plus sûr : c'est de faire avec la pointe d'une serpette une incision en ligne droite, qui pénetre au bois, depuis les premieres branches jusqu'à fleur de terre ; cette longue plaie se referme au bout d'un certain tems, après quoi l'écorce est toûjours nette & il n'y vient plus de mousse. Le tems de cette opération est depuis Mars jusqu'à la fin d'Avril. En Mai, l'écorce auroit trop de séve & s'entrouvriroit trop. Ce remede a été suggéré à M. de Ressons d'une maniere singuliere ; il s'apperçut que les noyers auxquels c'est la coûtume en Bourgogne de faire des incisions, n'avoient point de lepre, & il conjectura qu'ils en étoient garantis par cette opération. Voyez dans les Mémoires de l'Académie, année 1716. pag. 31. de l'Histoire, le rapport qu'il y a entre le remede & le mal.

6°. Pour peu qu'on ait fait attention à l'état des arbres qui forment les forêts, on aura remarqué que ceux qui sont plus près des bords sont considérablement plus gros que ceux qui sont plus proches du milieu, quoiqu'ils soient de même âge ; d'où il s'ensuit, dit M. de Réaumur, dans un mémoire sur l'amélioration de nos forêts, que quand on n'a pas une grande quantité de terrein où l'on puisse élever des arbres en futaie, il est plus avantageux de les laisser élever sur des lisieres longues & étroites, que de laisser élever la même quantité d'arbres sur un terrein plus large & moins long. Voyez Mém. de l'Acad. an. 17210 pag. 291.

7°. Le rigoureux hyver de 1709, dont la mémoire durera long-tems, fit mourir par toute la France un nombre prodigieux d'arbres : mais on remarqua, dit M. de Fontenelle, Hist. de l'Acad. 1710. p. 59. que cette mortalité ne s'étendoit pas sur tous indifféremment : ceux qu'on auroit jugé en devoir être les plus exempts par leur force, y surent les plus sujets. Les arbres les plus durs, & qui conservent leurs feuilles pendant l'hyver, comme les lauriers, les cyprès, les chênes verds, &c. & entre ceux qui sont plus tendres, comme les oliviers, les châtaigniers, les noyers, &c. ceux qui étoient plus vieux & plus forts moururent presque tous. On chercha dans l'Académie la cause de cette bisarrerie apparente (cela suppose qu'on s'étoit bien assûré de sa réalité) ; & M. Cassini le fils en donna une fort simple à l'égard des vieux arbres. Il dit avoir remarqué que le grand froid avoit détaché leur écorce d'avec le bois, de quelque maniere que cela fût arrivé. En effet, il est bien naturel que l'écorce soit plus adhérente au bois dans les jeunes arbres que dans les vieux, beaucoup plus remplis de sucs, & de sucs huileux. M. Chomel en imagina une autre raison. M. Homberg tenta aussi d'expliquer le même phénomene. Voyez leurs conjectures dans les Mémoires de l'Académie.

Quoi qu'il en soit, il est constant que plusieurs arbres qui sembloient avoir échappé à ce cruel hyver, parce qu'ils repousserent des branches & des feuilles à la séve du printems, ne purent profiter de celle de l'automne, & périrent tout-à-fait. Quand on les coupoit, on les trouvoit plus noirs & plus brûlés dans le coeur, que vers l'aubier & vers l'écorce ; le coeur, qui est plus dur, avoit été plus endommagé que l'aubier ; & il étoit déjà mort, que l'aubier conservoit encore un petit reste de vie.

8°. Dans plusieurs arbres fruitiers, comme les pommiers, les poiriers, les châtaigniers, & généralement dans ceux qui en imitent le port, tels que sont les noyers, les chênes, les hêtres, la base de la touffe affecte toûjours d'être parallele au plan d'où sortent les tiges, soit que ce plan soit horisontal ou qu'il ne le soit pas, soit que les tiges elles-mêmes soient perpendiculaires ou inclinées sur ce plan ; & cette affectation est si constante, que si un arbre sort d'un endroit où le plan soit d'un côté horisontal, & de l'autre incliné à l'horison, la base de la touffe se tient d'un côté horisontale, & de l'autre s'incline à l'horison autant que le plan. C'est M. Dodart qui s'est le premier apperçû de ce phénomene extraordinaire, & qui en a recherché la cause.

Nous ne rapporterons point ici les conjectures de M. Dodart, parce que nous ne desespérons pas qu'on n'en forme quelque jour de plus vraisemblables & de plus heureuses ; & que ce seroit détourner les esprits de cette recherche, que donner quelque satisfaction à la curiosité. Quand la solution d'une difficulté est éloignée, notre paresse nous dispose à prendre pour bonne la premiere qui nous est présentée : il suffit donc d'avoir appris le phénomene à ceux qui l'ignoroient.

9°. Tout le monde connoît ces cercles peu réguliers d'aubier & de bois parfait, qui se voyent toûjours dans le tronc d'un arbre coupé horisontalement, & qui marquent les accroissemens en grosseur qu'il a pris successivement ; par-là on compte son âge assez sûrement. Le dernier cercle d'aubier qui est immédiatement enveloppé par l'écorce, & la derniere production du tronc en grosseur, est d'une substance plus rare & moins compacte, est bois moins parfait que le cercle qu'il enveloppe lui-même immédiatement, & qui a été la production de l'année précédente ; & ainsi de suite jusqu'au coeur de l'arbre : mais on s'apperçoit qu'à mesure que les cercles concentriques sont plus petits, la différence des couleurs qui est entr'eux disparoît.

On croit assez communément que ces cercles sont plus serrés entr'eux du côté du nord que du côté du midi ; & on en conclut qu'il seroit possible de s'orienter dans une forêt en coupant un arbre. En effet, il paroît assez naturel que les arbres croissent plus en grosseur du côté qu'ils sont plus exposés aux rayons du soleil : cependant ce sentiment n'est pas général ; on soûtient que c'est du côté du midi que les cercles sont plus serrés ; & on en donne la raison physique, bonne ou mauvaise : quelques-uns même sont pour le levant, & d'autres pour le couchant.

On a trouvé par un grand nombre d'expériences que ces faits opposés sont vrais. L'arbre a de grosses racines qui se jettent les unes d'un côté les autres de l'autre : s'il en avoit quatre à-peu-près égales, qui tendissent vers les quatre points cardinaux de l'horison, elles fourniroient à tout le tronc une nourriture égale, & les différens cercles auroient chaque année un même accroissement, une même augmentation de largeur ou d'épaisseur, sauf les inégalités qui peuvent survenir d'ailleurs : mais si une des quatre racines manque, celles du nord, par exemple, ce côté-là du tronc sera moins nourri, & les cercles par conséquent seront moins larges ou plus serrés du côté du nord : mais une grosse branche qui part du tronc d'un certain côté, fait le même effet qu'une grosse racine ; la nourriture qui a dû se porter à cette branche en plus grande abondance, a rendu les cercles plus larges de ce côté-là ; & de-là le reste s'ensuit. Mais on voit que tout cela suppose une direction réguliere dans le mouvement des sucs de l'arbre : or si une parfaite régularité n'est pas dans la nature ; il faut y calculer des à-peu-près, réitérer des expériences, & reconnoître une cause générale à-travers les petites altérations qu'on remarque dans ses effets.

D'où il s'ensuit que plus les grosses racines sont également distribuées autour du pié de l'arbre, & les grosses branches autour du tronc, plus la nourriture sera également distribuée dans toute la substance de l'arbre ; de sorte qu'on aura un signe extérieur d'une de ses principales qualités, relativement à l'usage des bois.

L'aubier se convertit peu-à-peu en bois parfait ; qu'on appelle coeur : il lui arrive par le mouvement, soit direct, soit latéral de la séve, des particules qui s'arrêtent dans les interstices de sa substance lâche, & la rendent plus ferme & plus dure. Avec le tems l'aubier n'est plus aubier ; c'est une couche ligneuse : le dernier aubier est à la circonférence extérieure du tronc ; & il n'y en a plus quand l'arbre cesse de croître.

Un arbre est d'autant plus propre au service, qu'il a moins d'aubier & plus de coeur ; & MM. Duhamel & de Buffon, dont nous tirons ces remarques, ont trouvé, par des expériences réitérées, que les bons terreins ont toûjours fourni les arbres qui avoient le moins d'aubier ; & que plus les couches d'aubier ont d'étendue, plus le nombre en est petit. En effet, c'est l'abondance de nourriture qui leur donne une plus grande étendue ; & cette même abondance fait qu'elles se convertissent plus promptement en bois, & ne sont plus au nombre des couches d'aubier.

L'aubier n'étant pas compté pour bois de service, deux arbres de même âge & de même espece peuvent être tels par la seule différence des terreins, que celui qui aura crû dans le bon, aura deux fois plus de bois de service que l'autre, parce qu'il aura deux fois moins d'aubier. Il faut pour cela que les arbres soient d'un certain âge.

On croit communément qu'en plantant les jeunes arbres qu'on tire de la pépiniere, il faut les orienter comme ils l'étoient dans la pépiniere ; c'est une erreur : vingt-cinq jeunes arbres de même espece, plantés dans un même champ, alternativement orientés & non orientés comme dans la pépiniere, ont tous également réussi.

Le froid par lui-même diminue le mouvement de la séve, & par conséquent il peut être au point de l'arrêter tout-à-fait, & l'arbre périra : mais le cas est rare, & communément le froid a besoin d'être aidé pour nuire beaucoup. L'eau & toute liqueur aqueuse se raréfie, en se gelant ; s'il y en a qui soit contenue dans les pores intérieurs de l'arbre, elle s'étendra donc par un certain degré de froid, & mettra nécessairement les petites parties les plus délicates dans une distension forcée & très-considérable ; car on sait que la force de l'extension de l'eau qui se gele est presque prodigieuse ; que le soleil survienne, il fondra brusquement tous ces petits glaçons, qui reprendront leur volume naturel : mais les parties de l'arbre qu'ils avoient distendues violemment pourront ne pas reprendre de même leur premiere extension ; & si elle leur étoit nécessaire pour les fonctions qu'elles doivent exercer, tout l'intérieur de l'arbre étant altéré, la végétation sera troublée ou même détruite, du moins en quelque partie. Il auroit fallu que l'arbre eût été dégelé doucement & par degrés, comme on dégele des parties gelées d'animaux vivans. Ce système est très-applicable à l'effet du grand froid de 1709, dont nous avons parlé plus haut.

Les plantes résineuses seront moins sujettes à la gelée, ou en seront moins endommagées que les autres. L'huile ne s'étend pas par le froid comme l'eau ; au contraire, elle se resserre.

Un grand froid agit par lui-même sur les arbres qui contiendront le moins de ces petits glaçons intérieurs, ou qui n'en contiendront point du tout, si l'on veut ; sur les arbres les plus exposés au soleil & sur les parties les plus fortes, comme le tronc. On voit par-là quelles sont les circonstances dont un froid médiocre a besoin pour être nuisible : il y en a sur-tout deux fort à craindre ; l'une, que les arbres ayent été imbibés d'eau ou d'humidité quand le froid est venu, & qu'ensuite le dégel soit brusque ; l'autre, que cela arrive dans un tems où les parties les plus tendres & les plus précieuses de l'arbre, les rejettons, les bourgeons, les fruits commencent à se former.

L'hyver de 1709 rassembla les circonstances les plus fâcheuses ; aussi est-on bien sûr qu'un pareil hyver ne peut être que rare. Le froid fut par lui-même fort vif : mais la combinaison des gelées & des dégels fut singulierement funeste ; après de grandes pluies, & immédiatement après, vint une gelée très-forte dès son premier commencement ; ensuite un dégel d'un jour ou deux, très-subit & très-court ; & aussitôt une seconde gelée longue & forte.

MM. de Buffon & Duhamel ont vû beaucoup d'arbres qui se sentoient de l'hyver de 1709, & qui en avoient contracté des maladies ou des défauts sans remede. Un des plus remarquables est ce qu'ils ont appellé le faux aubier : on voit sous l'écorce de l'arbre le véritable aubier, ensuite une couche de bois parfait qui ne s'étend pas comme elle devroit jusqu'au centre du tronc, en devenant toûjours plus parfaite, mais qui est suivie par une nouvelle couche de bois imparfait ou de faux aubier ; après quoi revient le bois parfait qui va jusqu'au centre. On est sûr par les indices de l'âge de l'arbre & de leurs différentes couches, que le faux aubier est de 1709. Ce qui cette année-là étoit le véritable aubier ne put se convertir en bon bois, parce qu'il fut trop altéré par l'excès du froid ; la végétation ordinaire fut comme arrêtée-là : mais elle reprit son cours dans les années suivantes, & passa par-dessus ce mauvais pas ; de sorte que le nouvel aubier qui environna ce faux aubier, se convertit en bois de son tems, & qu'il resta à la circonférence du tronc celui qui devoit toûjours y être naturellement.

Le faux aubier est donc un bois plus mal conditionné & plus imparfait que l'aubier ; c'est ce que la différence de pesanteur & la facilité à rompre ont en effet prouvé. Un arbre qui auroit un faux aubier seroit fort défectueux pour les grands ouvrages, & d'autant plus que ce vice est plus caché, & qu'on s'avise moins de le soupçonner.

Les gelées comme celle de 1709, & qui sont proprement des gelées d'hyver, ont rarement les conditions nécessaires pour faire tant de ravages, ou des ravages si marqués en grand : mais les gelées du printems, moins fortes en elles-mêmes, sont assez fréquentes, & assez souvent en état, par les circonstances, de faire beaucoup de mal. La théorie qui précede en rend raison : mais elle fournit en même tems dans la pratique de l'agriculture des regles pour y obvier, dont nous nous contenterons d'apporter quelques exemples.

Puisqu'il est si dangereux que les plantes soient attaquées par une gelée du printems, lorsqu'elles sont fort remplies d'humidité, il faut avoir attention, sur-tout pour les plantes délicates & précieuses, telles que la vigne, à ne les pas mettre dans un terrein naturellement humide, comme un fond, ni à l'abri d'un vent de nord qui auroit dissipé leur humidité, ni dans le voisinage d'autres plantes qui leur en auroient fourni de nouvelles par leur transpiration, ou des terres labourées nouvellement, qui feroient le même effet.

Les grands arbres mêmes, dès qu'ils sont tendres à la gelée, comme les chênes, doivent être compris dans cette regle : mais voyez dans le Mémoire même de MM. Duhamel & Buffon, année 1737, le détail des avantages qu'on peut retirer de leurs observations, & concluez avec l'historien de l'Académie, 1°. que si la nécessité des expériences pouvoit être douteuse, rien ne la prouveroit mieux que les grands effets que de petites attentions peuvent avoir dans l'agriculture & dans le jardinage. On apperçoit à chaque moment des différences très-sensibles, dans des cas où il ne paroît pas qu'il dût s'en trouver aucune ; d'où naissent-elles ? de quelques principes qui échappent par leur peu d'importance apparente : 2°. que si l'agriculture qui occupe la plus grande partie des hommes pendant toute leur vie, & pour leurs besoins les plus essentiels, n'a pourtant fait que des progrès fort lents, c'est que ceux qui exercent par état cet art important, n'ont presque jamais un certain esprit de recherche & de curiosité ; ou que quand ils l'ont, le loisir leur manque ; ou que si le loisir ne leur manque pas, ils ne sont pas en état de rien hasarder pour des épreuves. Ces gens ne voyent donc que ce qu'ils sont forcés de voir, & n'apprennent que ce qu'ils ne peuvent, pour ainsi dire, éviter d'apprendre. Les Académies modernes ont enfin senti combien il étoit utile de tourner ses vûes d'un côté si intéressant, quoique peut-être dépourvû d'un certain éclat : mais tout prend de l'étendue, de l'élevation & de la dignité dans certaines mains ; le caractere de l'esprit de l'homme passe nécessairement dans la maniere dont il exécute sa tâche, & dans la maniere dont il l'expose. Il est des gens qui ne savent dire que de petites choses sur de grands sujets ; il en est d'autres à qui les plus petits sujets en suggerent de grandes.

10. Des arbres dépouillés de leur écorce dans toute leur tige, & laissés sur pié en cet état jusqu'à ce qu'ils meurent ; ce qui ne va qu'à trois ou quatre ans au plus, fournissent un bois plus pesant, plus serré, & plus uniformément serré que ne feroient d'autres arbres de même espece, de même âge, de même grosseur, semblables en tout, mais qui n'auroient pas été dépouillés de leur écorce, & qui n'auroient pas été traités de même : outre cela ils fournissent plus de bois bon à employer ; car des autres arbres il en faut retrancher l'aubier, qui est trop tendre & trop différent du coeur ; au lieu que dans ceux-ci tout est coeur ; ou leur aubier, ou ce qui en tient la place, est aussi dur ou même plus dur que le coeur des autres. On trouvera dans les remarques précédentes dequoi expliquer ce phénomene ; on n'a qu'à voir comment l'aubier devient bois parfait à la longue, & l'on verra comment il doit se durcir tout en se formant, quand l'arbre est sans écorce.

La différence de poids entre deux morceaux de chêne, qui ne different que de ce que l'un vient d'un arbre écorcé, & que l'autre vient d'un arbre non écorcé ; & par conséquent la différence de solidité est d'un cinquieme, ce qui n'est pas peu considérable.

Malgré cet avantage de l'écorcement des arbres, les ordonnances le défendent séverement dans le royaume ; & les deux Académiciens, à qui nous avons obligation de ces expériences utiles, ont eu besoin de permission pour oser les faire. Cette maniere de consolider les bois n'étoit entierement inconnue ni aux anciens ni aux modernes : Vitruve avoit dit que les arbres entaillés par le pié en acquéroient plus de qualité pour les bâtimens ; & un auteur moderne Anglois, cité par M. Buffon, avoit rapporté cette pratique comme usitée dans une province d'Angleterre.

Le tan nécessaire pour les cuirs se fait avec l'écorce de chêne ; & on l'enlevoit dans le tems de la seve, parce qu'alors elle étoit plus aisée à enlever, & que l'opération coûtoit moins : mais ces arbres écorcés ayant été abattus leurs souches repoussoient moins, parce que les racines s'étoient trop épuisées de sucs. On croyoit d'ailleurs que ces souches ne repoussoient plus du collet, comme il le faut pour faire de nouveau bois ; ce qui n'est vrai que des vieux arbres, ainsi que M. Buffon s'en est assûré.

Un arbre écorcé produit encore au moins pendant une année des feuilles, des bourgeons, des fleurs, & des fruits ; par conséquent il est monté des racines dans tout son bois, & dans celui-même qui étoit le mieux formé, une quantité de séve suffisante pour ces nouvelles productions. La seule séve propre à nourrir le bois, a formé aussi tout le reste : donc il n'est pas vrai, comme quelques-uns le croyent, que la séve de l'écorce, celle de l'aubier, & celle du bois, nourrissent & forment chacune une certaine partie à l'exclusion des autres.

Pour comparer la transpiration des arbres écorcés & non écorcés, M. Duhamel fit passer dans de gros tuyaux de verre des tiges de jeunes arbres, toutes semblables ; il les mastiqua bien haut & bas, & il observa que pendant le cours d'une journée d'été tous les tuyaux se remplissoient d'une espece de vapeur, de brouillard, qui se condensoit le soir en liqueur, & couloit en-bas ; c'étoit-là sans doute la matiere de la transpiration ; elle étoit sensiblement plus abondante dans les arbres écorcés : de plus on voyoit sortir des pores de leur bois une séve épaisse & comme gommeuse.

De-là M. Duhamel conclut que l'écorce empêche l'excès de la transpiration, & la réduit à n'être que telle qu'il le faut pour la végétation de la plante ; que puisqu'il s'échappe beaucoup plus de sucs des arbres écorcés, leurs couches extérieures doivent se dessécher plus aisément & plus promptement ; que ce desséchement doit gagner les couches inférieures, &c. Ce raisonnement de M. Duhamel explique peut-être le durcissement prompt des couches extérieures : mais il ne s'accorde pas, ce me semble, aussi facilement avec l'accroissement de poids qui survient dans le bois des arbres écorcés.

Si l'écorcement d'un arbre continue à le faire mourir, M. Duhamel conjecture que quelque enduit pourroit lui prolonger la vie, sans qu'il prît un nouvel accroissement : mais il ne pourroit vivre sans s'accroître, qu'il ne devînt plus dur & plus compact ; & par conséquent plus propre encore aux usages qu'on en pourroit tirer : la conjecture de M. Duhamel mérite donc beaucoup d'attention.

Mais nous ne finirons point cet article sans faire mention de quelques autres vûes de l'habile académicien que nous venons de citer, & qui sont entierement de notre sujet.

La maniere de multiplier les arbres par bouture & par marcotte, est extrèmement ancienne & connue de tous ceux qui se sont mêlés d'agriculture. Une branche piquée en terre devient un arbre de la même espece que l'arbre dont elle a été séparée. Cette maniere de multiplier les arbres est beaucoup plus prompte que la voie de semence ; & d'ailleurs elle est unique pour les arbres étrangers transportés dans ce pays-ci, & qui n'y produisent point de graine. C'est aussi ce qui a engagé M. Duhamel à examiner cette méthode avec plus de soin.

Faire des marcottes ou des boutures, c'est faire ensorte qu'une branche qui n'a point de racines s'en garnisse ; avec cette différence que si la branche est séparée de l'arbre qui l'a produite, c'est une bouture ; & que si elle y tient pendant le cours de l'opération, c'est une marcotte. Voyez BOUTURE & MARCOTTE. Il étoit donc nécessaire d'examiner avec attention comment se faisoit le développement des racines, si on vouloit parvenir à le faciliter.

Sans vouloir établir dans les arbres une circulation de séve analogue à la circulation du sang qui se fait dans le corps animal, M. Duhamel admet une séve montante qui sert à nourrir les branches, les feuilles & les bourgeons ; & une descendante qui se porte vers les racines. L'existence de ces deux especes de séve est démontrée par plusieurs expériences : celle-ci sur-tout la prouve avec la derniere évidence. Si on interrompt par un anneau circulaire enlevé à l'écorce, ou par une forte ligature le cours de la séve, il se forme aux extrémités de l'écorce coupée deux bourrelets : mais le plus haut, celui qui est au-bas de l'écorce supérieur, est beaucoup plus fort que l'inférieur, que celui qui couronne la partie la plus basse de l'écorce. La même chose arrive à l'insertion des greffes ; il s'y forme de même une grosseur ; & si cette grosseur est à portée de la terre, elle ne manque pas de pousser des racines : alors si le sujet est plus foible que l'arbre qu'on a greffé dessus, il périt, & la greffe devient une véritable bouture.

L'analogie de ces bourrelets & de ces grosseurs dont nous venons de parler, a conduit M. Duhamel à penser que ceux-ci pourroient de même donner des racines ; il les a enveloppés de terre ou de mousse humectée d'eau, & il a vû qu'en effet ils en produisoient en abondance.

Voilà donc déjà un moyen d'assûrer le succès des boutures. Ordinairement elles ne périssent que parce qu'il faut qu'elles vivent de la séve qu'elles contiennent, & de ce qu'elles peuvent tirer de l'air par leurs bourgeons, jusqu'à ce qu'elles ayent formé des racines par le moyen que nous venons d'indiquer. En faisant sur la branche, encore attachée à l'arbre, la plus grande partie de ce qui se passeroit en terre, on les préservera de la pourriture & du desséchement, qui sont ce qu'elles ont le plus à craindre.

M. Duhamel ne s'est pas contenté de cette expérience, il a voulu connoître la cause qui faisoit descendre la séve en si grande abondance. On pouvoit soupçonner que c'étoit la pesanteur. Pour s'en éclaircir, après avoir fait des entailles & des ligatures à des branches, il les a pliées de façon qu'elles eussent la tête en-bas : cette situation n'a point troublé l'opération de la nature, & les bourrelets se sont formés, comme si la branche eût été dans sa situation naturelle. Mais voici quelque chose de plus surprenant. M. Duhamel a planté des arbres dans une situation absolument renversée, les branches dans la terre & les racines en l'air ; ils ont repris dans cette étrange position ; les branches ont produit des racines, & les racines des feuilles. Il est vrai qu'ils ont d'abord poussé plus foiblement que ceux qui étoient plantés à l'ordinaire : mais enfin ils ont poussé ; & dans quelques-uns de ces sujets, la différence au bout de quelques années ne s'appercevoit plus.

Il en a fait arracher plusieurs, & il a vû que les racines portoient toutes des grosseurs qui se trouvoient à l'insertion des bourgeons ; il a jugé en conséquence que ces grosseurs analogues aux loupes des greffes & aux bourrelets causés par les ligatures, étoient indifférentes à produire des bourgeons ou des racines. Pour s'en assûrer il a fait élever à trois piés de haut une futaille, qu'il a remplie de terre ; après en avoir percé le fond de plusieurs trous, il a passé par ces trous des boutures, dont le bout entroit dans le terrein au-dessous de la futaille. Les unes étoient placées le gros bout en haut, & les autres au contraire. Toutes ont poussé des racines dans la partie qui entroit dans le terrein, des bourgeons & des feuilles entre le terrein & la futaille, des racines dans la futaille & des feuilles au-dessus.

Les germes qui existent dans les arbres sont donc également propres à produire des bourgeons ou des racines : le seul concours des circonstances les détermine à l'un ou à l'autre ; il n'en faut cependant rien conclure contre les causes finales : ce n'est pas un seul phénomene qui peut ébranler un dogme conforme à la raison, à la saine Théologie, & confirmé par une multitude d'effets enchaînés les uns aux autres avec tant de sagesse.

M. Duhamel appuie l'expérience précédente par un grand nombre d'autres, & donne le manuel de l'opération nécessaire pour élever des boutures avec autant de sûreté & de facilité qu'il est possible. Voici l'extrait de ce manuel.

Le vrai tems pour couper les boutures est vers le commencement du mois de Mars. Miller veut qu'on attende l'automne pour les boutures d'arbres verds : & peut-être a-t-il raison. Il faut choisir une branche dont le bois soit bien formé, & dont les boutons paroissent bien conditionnés. On fera former un bourrelet, si on en a le tems & la commodité : dans ce cas si la branche est menue, on n'entaillera pas l'écorce ; il suffira d'une ligature ferme de laiton ou de ficelle cirée : si elle a plus d'un pouce de diametre, on pourra enlever un petit anneau d'écorce de la largeur d'une ligne, & recouvrir le bois de plusieurs tours de fil ciré : si la branche ne périt pas, le bourrelet en sera plus gros & plus disposé à produire des racines ; on recouvrira aussitôt l'endroit où se doit former le bourrelet avec de la terre & de la mousse qu'on retiendra avec un réseau de ficelle : on fera bien de garantir cet endroit du soleil, & de le tenir un peu humide. Le mois de Mars suivant, si en défaisant l'appareil on trouve au-dessus de la ligature un gros bourrelet, on aura tout lieu d'espérer du succès : si le bourrelet est chargé de mamelons ou de racines, le succès est certain ; on pourra en assûrance couper les boutures audessous du bourrelet & les mettre en terre, comme on va dire.

Si on n'a pas le tems ou la commodité de laisser former des bourrelets, on enlevera du moins avec les boutures la grosseur qui se trouve à l'insertion des branches. Si dans la portion des boutures qui doit être en terre il y a quelques branches à retrancher, on ne les abattra pas au ras de la branche : mais pour ménager la grosseur dont on vient de parler, on conservera sur les boutures une petite éminence qui ait seulement deux lignes d'épaisseur.

Si à la portion des boutures qui doit être en terre il y avoit des boutons, on les arracheroit, en ménageant seulement les petites éminences qui les supportent, puisqu'on a reconnu qu'elles sont disposées à fournir des racines. Malpighi recommande de faire de petites entailles à l'écorce ; & je crois que cette précaution peut être avantageuse.

Voilà les boutures choisies & taillées : il faut faire ensorte qu'elles ne se dessechent pas, qu'elles ne pourrissent pas, & qu'elles poussent promptement des racines. Voyez, dans le Mémoire de M. Duhamel, ce qu'on peut pratiquer pour remplir ces intentions.

Quant aux marcottes, quand on veut en avoir beaucoup d'un même arbre, on fait ce que les jardiniers appellent des meres, c'est-à-dire qu'on abat un gros arbre presqu'à ras de terre ; le tronc coupé pousse au printems quantité de bourgeons ; l'automne suivante on bute la souche, c'est-à-dire qu'on la couvre d'un bon demi-pié d'épaisseur de terre, ayant soin que les bourgeons sortent en-dehors : deux ans après on trouve tous ces bourgeons garnis de bonnes racines, & en état d'être mis en pépiniere ; & comme la souche, à mesure qu'on la décharge de bourgeons qui ont pris racine, en fournit de nouveaux, une mere bien ménagée fournit tous les deux ans du plant enraciné en abondance, & cela pendant des 12 à 15 années.

La tige pousse d'autant plus de bourgeons qu'elle est plus grosse, & qu'on n'auroit qu'un très-petit nombre de boutures d'une tige qui n'auroit que deux à trois pouces de diametre. En ce cas, on coupe la tige à un pié ou deux piés de terre : elle produit quantité de bourgeons dans toute cette longueur ; l'automne on fait une décomble tout autour & une tranchée, dans le milieu de laquelle on couche cette tige, & on étend de côté & d'autre tous les bourgeons. On couvre de terre la tige couchée & l'insertion des bourgeons ; & on peut être assûré que la seconde année, toutes ces marcottes seront bien garnies de racines.

Mais il y a des branches qui seront dix à douze ans en terre, sans y produire la moindre racine ; tel est le catalpa : alors il faut arrêter la séve descendante, & occasionner la formation d'un bourrelet par incision ou par ligature.

On fera l'incision ou la ligature à la partie basse. Si on laisse les bourgeons dans la situation qu'ils ont prise naturellement, on fera la ligature le plus près qu'on pourra de la souche ou de la branche dont on sort la marcotte. Si on est obligé de courber la marcotte, on placera la ligature à la partie la plus basse au-dessous d'un bouton de l'éruption d'une branche, &c.

Enfin comme les racines poussent aux endroits où les tumeurs sont environnées d'une terre convenablement humectée, on entretiendra la terre fraîche & humide ; ce sera pour les marcottes qu'on fait en pleine terre, en couvrant la terre de litiere, & en l'arrosant. Quant aux marcottes qu'on passe dans des manequins, pots ou caisses, voyez, dans le mémoire de M. Duhamel, les précautions qu'il faut prendre.

Il suit de tout ce qui précede, que plus on étudie la nature, plus on est étonné de trouver dans les sujets les plus vils en apparence des phénomenes dignes de toute l'attention & de toute la curiosité du philosophe. Ce n'est pas assez de la suivre dans son cours ordinaire & reglé, il faut quelquefois essayer de la dérouter, pour connoître toute sa fécondité & toutes ses ressources. Le peuple rira du philosophe quand il le verra occupé dans ses jardins à déraciner des arbres pour leur mettre la cime en terre & les racines en l'air : mais ce peuple s'émerveillera quand il verra les branches prendre racine, & les racines se couvrir de feuilles. Tous les jours le sage joue le rôle de Démocrite, & ceux qui l'environnent celui des Abdéritains. Cette avanture est des premiers âges de la philosophie & d'aujourd'hui.

ARBRE DE JUDEE ou ARBRE DE JUDAS, voyez GAINIER. (I)

ARBRE, (Hist. nat. bot.) qui porte des savonnettes, arbor sapinda ; genre de plante observé par le P. Plumier. Ses fleurs sont composées ordinairement de quatre pétales disposés en rose ; le pistil sort d'un calice composé de quatre feuilles, & devient dans la suite un fruit sphérique qui renferme une petite noix aussi sphérique, dans laquelle il y a une amande de même figure. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

* Cet arbre est désigné dans les Botanistes par arbor saponaria americana. Il croît à la Jamaïque & dans d'autres contrées des Indes occidentales. Son fruit est mûr en Octobre. Lorsqu'il est sec, il est sphérique, d'une couleur rougeâtre, plus petit qu'une noix de galle, amer au goût, mais sans odeur.

On le recommande dans les pâles couleurs. Le fruit passe pour un spécifique contre cette maladie ; il la guérit infailliblement, sur-tout quand on a fait usage des eaux ferrugineuses. On en croit la teinture, l'extrait & l'esprit plus énergiques encore.

ARBRE DE VIE, thuya, (Hist. nat. bot.) arbrisseau dont les embryons écailleux deviennent des fruits oblongs. On trouve entre les écailles des semences bordées d'un feuillet délié. Ajoûtez aux caracteres de ce genre la structure singuliere de ses feuilles, qui sont formées par de petites écailles posées les unes sur les autres. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

On apporta cet arbre de Canada en France au roi François I. Ses feuilles sont résolutives, dessiccatives, carminatives, sudorifiques ; son bois est détersif, sudorifique, propre pour résister aux venins, aux maux des yeux ou des oreilles, étant pris en poudre ou en infusion.

Il est ainsi nommé parce qu'il est toûjours verd, & qu'il rend une odeur douce & agréable. On l'appelle encore cedre américain, ou arbre toûjours verd. Il est chaud & apéritif ; il provoque les regles, guérit les pâles couleurs, dissout les tumeurs : son huile appliquée sur la goutte, la soulage. Son action est analogue à celle du feu ; elle irrite & elle dissout ; elle purge les lits de puces & de poux. Boerh. Inst. (N)

ARBRE DE VIE, (Théolog.) c'étoit un arbre planté au milieu du paradis, dont le fruit auroit eu la vertu de conserver la vie à Adam, s'il avoit obéi aux ordres de Dieu ; mais cet arbre de vie fut pour lui un arbre de mort, à cause de son infidélité & de sa desobéissance.

ARBRE de la science du bien & du mal ; c'étoit un arbre que Dieu avoit planté au milieu du paradis. Il avoit défendu à Adam d'y toucher, sous peine de la vie : quo enim die comederis ex eo, morte morieris. On dispute si l'arbre de vie & l'arbre de la science du bien & du mal étoient un même arbre. Les sentimens sont partagés sur cela. Voici les raisons qu'on apporte pour & contre le sentiment qui tient que c'étoient deux arbres différens. Moyse dit que Dieu ayant planté le jardin d'Eden, y mit toutes sortes de bons arbres, & en particulier l'arbre de vie au milieu du paradis ; comme aussi l'arbre de la science du bien & du mal. Et lorsqu'il eut mis l'homme dans le paradis, il lui dit : mangez de tous les fruits du jardin, mais ne mangez pas du fruit de la science du bien & du mal ; car au moment que vous en aurez mangé, vous mourrez. Et lorsque le serpent tenta Eve, il lui dit : pourquoi Dieu vous a-t-il défendu de manger de tous les fruits du jardin ? Eve répondit, Dieu nous a permis de manger des fruits du paradis, mais il nous a défendu d'user du fruit qui est au milieu du jardin, de peur que nous ne mourrions. Le serpent répliqua : vous ne mourrez point ; mais Dieu sait qu'aussi-tôt que vous en aurez mangé, vos yeux seront ouverts, & vous serez comme des dieux, sachant le bien & le mal. Et après qu'Adam & Eve eurent violé le commandement du Seigneur, Dieu les chassa du paradis, & leur dit : voilà Adam qui est devenu comme l'un de nous, sachant le bien & le mal ; mais à-présent de peur qu'il ne prenne encore du fruit de vie, qu'il n'en mange, & ne vive éternellement, il le mit hors du paradis. Genes. ij. 9. ibid. v. 17. Genes. iij. 1. 2. 3. & v. 22.

De tous ces passages on peut inférer en faveur du sentiment qui n'admet qu'un arbre dont Dieu ait défendu l'usage à Adam. 1°. Qu'il n'est pas nécessaire d'en reconnoître deux ; le même fruit qui devoit conférer la vie à Adam, pouvant aussi donner la science. 2°. Le texte de Moyse peut fort bien s'entendre d'un seul arbre : Dieu planta l'arbre de la vie ou l'arbre de la science. Souvent dans l'hébreu la conjonction & est équivalente à la disjonctive ou ; & de la même maniere, de peur qu'il ne prenne aussi le fruit de vie, & ne vive éternellement, se peut expliquer en ce sens : de peur que comme il en a pris, croyant y trouver la science, il n'y retourne aussi pour y trouver la vie. 3°. Enfin le démon attribue véritablement au même arbre le fruit de la vie & le fruit de la science : vous ne mourrez point ; mais Dieu sait qu'aussi-tôt que vous aurez mangé de ce fruit, vous saurez le bien & le mal. Il les rassûre contre la peur de la mort, & leur promet la science en leur offrant le fruit défendu.

Mais l'opinion contraire paroît mieux fondée dans la lettre du texte. Moyse distingue manifestement ces deux arbres, l'arbre de la vie, & l'arbre de la science : pourquoi les vouloir confondre sans nécessité ? La vie & la science sont deux effets tout différens ; pourquoi vouloir qu'ils soient produits par le même fruit ? Est-ce trop que de défendre à Adam l'usage de deux arbres ? Le discours que Dieu tient à Adam après son péché, paroît bien exprès pour distinguer ici deux arbres : de peur qu'il ne prenne aussi du fruit de vie, & ne vive éternellement ; comme s'il disoit, il a déjà goûté du fruit de la science, il faut l'éloigner du fruit de vie, de peur qu'il n'en prenne aussi. Le démon à la vérité rassûre Eve & Adam contre la crainte de la mort ; mais il ne leur offre que le fruit de la science, en leur disant que dès qu'ils en auront goûté, ils seront aussi éclairés que des dieux : d'où vient qu'après leur péché il est dit que leurs yeux furent ouverts. Ces raisons nous font préférer ce dernier sentiment au premier. Voyez S. Augustin, lib. VI. de l'ouvrage imparfait contre Julien, cap. xxx. p. 1359 & suiv.

On demande quelle étoit la nature du fruit défendu. Quelques-uns ont crû que c'étoit le froment, d'autres que c'étoit la vigne, d'autres le figuier, d'autres le cerisier, d'autres le pommier : ce dernier sentiment a prévalu, quoiqu'il ne soit guere mieux fondé que les autres. On cite pour le prouver le passage du Cantique des cantiques : je vous ai éveillée sous un pommier, c'est-là que votre mere a perdu son innocence ; comme si Salomon avoit voulu parler en cet endroit de la chûte de la premiere femme. Rabb. in Sanhedrin, fol. 70. Theodos. apud Theodor. quaest. xxviij. in Gent. Indor. Pelus. liv. I. épitr. ij. canticor. viij. 5.

Plusieurs anciens ont pris tout le récit de Moyse dans un sens figuré, & ont crû qu'on ne pouvoit expliquer ce récit que comme une allégorie.

S. Augustin a crû que la vertu de l'arbre de vie & de l'arbre de la science du bien & du mal, étoit surnaturelle & miraculeuse ; d'autres croyent que cette vertu lui étoit naturelle. Selon Philon, l'arbre de vie marquoit la piété, & l'arbre de la science la prudence. Dieu est l'auteur de ces vertus. Les Rabbins racontent des choses incroyables & ridicules de l'arbre de vie. Il étoit d'une grandeur prodigieuse, toutes les eaux de la terre sortoient de son pié ; quand on auroit marché cinq cens ans, on en auroit à peine fait le tour. Peut-être que tout cela n'est qu'une allégorie ; mais la chose ne mérite pas qu'on se fatigue à en chercher le sens caché. August. de Genes. ad Litter. lib. VIII. & lib. II. de peccat. Merit. c. xxj. Josephe, Antiq. lib. I. Bonavent. Hugo Victor. &c. Philo. de Opificio mundi, pag. 35. Basnage, Hist. des Juifs, liv. VI. cap. xij. art. 18. Calmet, dict. de la Bib. tom. I. lett. A. p. 205. (G)

ARBRE de Diane ou ARBRE philosophique, (Chim.) végétation métallique artificielle, dans laquelle on voit un arbre se former & croître peu-à-peu du fond d'une bouteille pleine d'eau.

Cette opération se fait par le mêlange de l'argent, du mercure & de l'esprit de nitre, qui se crystallisent ensemble en forme d'un petit arbre.

Furetiere dit qu'on a vû à Paris végéter les métaux, l'or, l'argent, le fer & le cuivre, préparés avec l'eau-forte ; & qu'il s'éleve dans cette eau une espece d'arbre qui croît à vûe d'oeil, & se divise en plusieurs branches dans toute la hauteur de l'eau, tant qu'il y a de la matiere. On appelle cette eau, eau de caillou ; & le secret en a été donné par Rhodès Carasses, chimiste grec, dont parle le Journal des Savans de 1677.

Il y a deux manieres différentes de faire cette expérience amusante. La premiere est d'une longueur à faire languir un curieux : voici comment la décrit Lemery. Prenez une once d'argent ; faites la dissolution dans trois onces d'esprit de nitre ; jettez votre dissolution dans un matras où vous aurez mis dixhuit ou vingt onces d'eau & deux onces de vif-argent : il faut que le matras soit rempli jusqu'au cou ; laissez-le en repos sur un petit rondeau de paille en quelque lieu sûr durant quarante jours : vous verrez pendant ce tems-là se former un arbre avec des branches, & des petites boules au bout qui représentent des fruits.

La seconde maniere de faire l'arbre de Diane est plus prompte, mais elle est moins parfaite ; elle est dûe à M. Homberg, & elle se fait en un quart-d'heure. Pour la faire, prenez quatre gros d'argent fin en limaille ; faites-en un amalgame à froid avec deux gros de mercure ; dissolvez cet amalgame en quatre onces d'eau-forte ; versez cette dissolution dans trois demi-septiers d'eau commune ; battez-les un peu ensemble pour les mêler, & gardez le tout dans une bouteille bien bouchée.

Quand vous voudrez vous en servir pour faire un arbre métallique, prenez-en une once ou environ, & mettez dans la même bouteille la grosseur d'un petit pois d'amalgame ordinaire d'or ou d'argent, qui soit maniable comme du beurre ; ensuite laissez la bouteille en repos deux ou trois minutes de tems,

Aussi-tôt après vous verrez sortir de petits filamens perpendiculaires de la boule d'amalgame qui s'augmenteront à vûe d'oeil, en jettant des branches en forme d'arbrisseau.

La petite boule d'amalgame se durcira, & deviendra d'un blanc terne ; mais le petit arbrisseau aura une véritable couleur d'argent poli. M. Homberg explique parfaitement la formation de cet arbre artificiel. Le P. Kirker avoit à Rome dans son cabinet un pareil arbre métallique, dont on peut trouver une belle description dans son Musoeum colleg. Rom. s. 4. p. 46. Cet article est en partie de M. Formey.

ARBRE de Mars, (Chimie.) c'est une invention moderne : on en est redevable à M. Lemery le jeune.

Il la découvrit de la maniere suivante. Sur une dissolution de limaille de fer dans l'esprit de nitre renfermé dans un verre, il versa de la liqueur alkaline de tartre. La liqueur s'échauffa bientôt très-considérablement, quoiqu'avec une fort petite fermentation ; elle ne fut pas plûtôt en repos, qu'il s'y éleva une sorte de branches adhérentes à la surface du verre, lesquelles continuant à croître, le couvrirent enfin tout entier.

La forme des branches étoit si parfaite, que l'on pouvoir même y découvrir des especes de feuilles & de fleurs ; de maniere que cette végétation peut être appellée l'arbre de Mars à aussi juste titre que l'on appelle la précédente l'arbre de Diane. Voyez l'Hist. de l'acad. royale des Sciences de 1706. (M)

ARBRE de porphyre, en Logique, s'appelle autrement échelle des prédicamens, scala praedicamentalis. Voyez PREDICAMENT.

* ARBRE, (Mythol.) Il y avoit chez les Payens des arbres consacrés à certaines divinités. Exemple : le pin à Cybele, le hêtre à Jupiter, le chêne à Rhea ; l'olivier à Minerve, le laurier à Apollon, le lotus & le myrte à Apollon & à Venus, le cyprès à Pluton ; le narcisse, l'adiante ou capillaire à Proserpine ; le frêne & le chien-dent à Mars, le pourpier à Mercure, le pavot à Cérès & à Lucine, la vigne & le pampre à Bacchus, le peuplier à Hercule, l'ail aux dieux Penates ; l'aune, le cedre, le narcisse & le genevrier aux Eumenides ; le palmier aux Muses, le platane aux Génies. Voyez aux articles de ces divinités, les raisons de la plûpart de ces consécrations ; mais observez combien elles devoient embellir la poësie des anciens : un poëte ne pouvoit presque parler d'un brin d'herbe, qu'il ne pût en même tems en relever la dignité, en lui associant le nom d'un dieu ou d'une déesse.

ARBRE, s. m. en Marine ; c'est le nom que les Levantins donnent à un mât. Arbre de mestre, c'est le grand mât. Voyez MAST. (Z).

ARBRE se dit figurément, en Méchanique, pour la partie principale d'une machine qui sert à soûtenir tout le reste. On s'en sert aussi pour désigner le fuseau ou l'axe sur lequel une machine tourne. (O)

Dans l'art de bâtir & dans la Charpenterie, l'arbre est la partie la plus forte des machines qui servent à élever les pierres ; celle du milieu qu'on voit posée à plomb, & sur laquelle tournent les autres pieces qu'elle porte, comme l'arbre d'une grue, d'un gruau, ou engin. Voyez GRUE, GRUAU, ENGIN.

Chez les Cardeurs, c'est une partie du roüet à laquelle est suspendue la roue, par le moyen d'une cheville de fer qui y entre dans un trou assez large pour qu'elle puisse tourner aisément. Voyez ROUET.

Chez les Cartonniers, c'est une des principales pieces du moulin dont ils se servent pour broyer & délayer leur pâte. Il confiste en un cylindre tournant sur un pivot par en-bas, & sur une crapaudine placée dans le fond de la cuve ou pierre, & par en-haut dans une solive. La partie d'en-bas de ce cylindre qui entre dans la cuve ou pierre, est armée de couteaux : à la hauteur d'environ six piés, est une piece de bois de quatre ou cinq piés de longueur, qui traverse par un bout l'axe de l'arbre, & qui de l'autre a deux mortoises à environ deux ou trois piés de distance, dans lesquelles sont assujetties deux barres de bois de trois piés de longueur, qui descendent & forment une espece de brancart ; on conduit ce brancart à bras, ou par le moyen d'un cheval, qui, en tournant autour de la cuve, donne le mouvement à l'arbre, & par conséquent facilite l'action des couteaux. Voyez les figures 1. & 4. Planche du Cartonnier.

Chez les Friseurs d'étoffes, c'est une piece A B qui est couchée le long de la machine à friser, sur laquelle est montée la plus grande partie de la machine. Voyez A B, fig. 1. de la machine à friser, Pl. X. de la Draperie. L'ensuple est aussi montée sur un arbre de couche. Voyez ENSUPLE.

Chez les Fileurs d'or, c'est un bouton de fer qui, traversant le sabot & la grande roue, donne en les faisant tourner le mouvement à toutes les autres, par le moyen de la manivelle qu'on emmanche à une de ses extrémités. Voyez MOULIN A FILER L'OR.

Chez les Horlogers ; c'est une piece ronde ou quarrée, qui a des pivots, & sur laquelle est ordinairement adaptée une roue. Les arbres sont en général d'acier ; quelquefois la roue tourne sur l'arbre, comme le barillet sur le sien ; mais le plus communément ils ne font l'un & l'autre qu'un seul corps. Lorsqu'il devient fort petit, il prend le nom de tige. Voyez ESSIEU, AXE, TIGE, BARILLET, FUSEE, &c. (T)

Chez les mêmes ouvriers, c'est un essieu qui est au milieu du barillet d'une montre ou d'une pendule. Voyez la figure 49. Planche X. d'Horlogerie. Cet arbre a sur sa circonférence un petit crochet auquel l'oeil du ressort s'arrêtant, il se trouve comme attaché à cet arbre par une de ses extrémités : c'est autour de cet essieu que le ressort s'enveloppe lorsqu'on le bande en montant la montre. Voyez BARILLET, RESSORT, CROCHET, &c.

C'est encore chez les Horlogers, un outil qui sert à monter des roues & autres pieces, pour pouvoir les tourner entre deux pointes.

Il est ordinairement composé d'une espece de poulie A, qu'on appelle cuivrot. Voyez la figure 26. Planc. XIII. de l'Horlogerie, & d'un morceau d'acier trempé & revenu bleu, quarré dans sa partie B, & rond dans l'autre C, ayant deux pointes à ses deux extrémités B & C. La perfection de cet outil dépend de la justesse avec laquelle on a tourné rond toute la partie C, pour que les pieces que l'on tourne dessus le soient aussi ; & de sa dureté, qui doit être telle qu'il ne cede & ne se fausse point par les différens efforts que l'on fait en tournant les pieces qui sont montées dessus.

Les Horlogers se servent de différentes sortes d'arbres, comme d'arbres à cire, à vis, &c. Ces arbres représentés, figures 18. & 20. de la même Planche, servent à tourner différentes choses, comme des platines, des fausses plaques, & d'autres pieces dont le trou a peu d'épaisseur, & qui ne pourroient que difficilement être fixées sur un arbre, & y rester droites. Pour se servir de l'arbre à vis (figure 20.), on fait entrer la piece à tourner sur le pivot A fort juste ; & par le moyen de l'écroue 21, on la serre fortement contre l'assiette C C ; par ce moyen on remédie aux inconvéniens dont nous avons parlé.

Les Horlogers se servent encore d'un arbre qu'ils appellent un excentrique. Voyez la figure 64. Planche XVI. de l'Horlogerie. Il est composé de deux pieces, l'une A Q, & l'autre C D. La premiere s'ajuste dans la seconde ; & au moyen des vis V V V qui pressent la plaque Q, elles font corps ensemble, mais de maniere cependant qu'en frappant sur la partie Q, on la fait mouvoir ; ensorte que le même point de cette piece ne répond plus au centre du cuivrot A. On se sert de cet outil pour tourner les pieces qui n'ayant qu'une seule pointe, ne peuvent pas se mettre sur le tour : par exemple, une fusée qui n'a point de pointe à l'extrémité de son quarré, & qu'on veut tourner, on en fait entrer le quarré dans l'espece de pince P, & au moyen de la vis S on l'y assûre ; ensuite ayant mis le tout dans un tour, supposé que la fusée ne tourne pas rond, on frappe sur l'une des extrémités Q de la piece Q A, qui par-là changeant de situation par rapport à la pointe E, fait tourner la fusée plus ou moins rond, selon que son axe prolongé passe plus ou moins près de l'extrémité de la pointe E. On réitere cette opération jusqu'à ce que la piece tourne parfaitement rond.

On appelle encore arbre, un outil (figure 73.) qui a un crochet C, & qui sert à mettre les ressorts dans les barillets & à les en ôter ; il se met dans une tenaille à vis par sa partie A, qui est quarrée. (T)

Chez les Imprimeurs, on nomme arbre de presse, la piece d'entre la vis & le pivot : ces trois parties distinctes par leur dénomination seulement, ne font essentiellement qu'une même piece de serrurerie travaillée de trois formes différentes. La partie supérieure est une vis ; le milieu ou l'arbre, de figure quarrée, quelquefois sphérique, est celle où passe la tête du barreau ; son extrémité est un pivot, qui eu égard à la construction générale & aux proportions de la presse, a toute la force qui est convenable à sa destination & aux pieces dont il fait la troisieme & derniere partie ; laquelle trois ou quatre doigts au-dessus de son extrémité, est percée & reçoit une double clavette qui soûtient la boîte dans laquelle passe la plus grande partie de l'arbre, dimension prise depuis l'entrée du barreau jusqu'à la clavette qui soûtient la boîte. Voyez VIS, PIVOT, BARREAU, BOITE, Planche IV. figure 2. B E, F, est le pivot qui après avoir traversé la boîte, va s'appuyer sur la crapaudine de la platine.

ARBRE du rouleau, chez les mêmes ; voyez BROCHE du rouleau.

Dans les Papeteries, arbre est un long cylindre de bois qui sert d'axe à la roue du moulin ; il est armé des deux côtés de tourillons de fer qui portent sur deux piliers ou montans, sur lesquelles il tourne par l'action de l'eau. Cet arbre est garni d'espace en espace de morceaux de bois plats, qui ressortent d'environ quatre pouces, & qui en tournant rencontrent l'extrémité des pilons ou maillets qu'ils élevent, & laissent ensuite retomber. Les arbres des moulins à papier sont plus ou moins longs, selon la disposition du terrein & la quantité de maillets qu'ils doivent faire joüer. J'ai vû un moulin à papier dont l'arbre donnoit le mouvement à vingt-quatre maillets distribués en six piles. Voyez MOULIN A PAPIER.

Chez les Potiers-d'étain, c'est la principale des pieces qui composent leur tour ; elle consiste en un morceau de fer ordinairement rond ou à huit pans, dont la longueur & la grosseur n'ont point de regle que celle de l'idée du forgeron. Cependant on peut fixer l'une à-peu-près à six pouces de circonférence, & l'autre à environ dix-huit pouces de long. On introduit dans le milieu une poulie de bois sur laquelle passe la corde que la roue fait tourner : aux deux côtés de la poulie, à environ deux pouces d'éloignement, il y a deux moulures à l'arbre qu'on nomme les oignons ; ils sont enfermés chacun dans un collet d'étain posé vers le haut des poupées du tour : ces oignons doivent être bien tournés par l'ouvrier qui a fait l'arbre, & c'est sur ces oignons que l'arbre se meut. L'arbre est ordinairement creux par le bout en-dedans du tour, pour y introduire le mandrin. Voyez MANDRIN. L'autre bout qu'on appelle celui de derriere, doit être préparé à recevoir quelquefois une manivelle qu'on appelle ginguette. Voyez TOURNER A LA GINGUETTE.

Il y a des arbres de tour qui ne sont point creux, & dont le mandrin & l'arbre sont tout d'une piece : mais ils sont anciens & moins commodes que les creux. Voyez TOUR DE POTIER D'ÉTAIN.

Chez les Rubaniers, c'est une piece de bois de figure octogone, longue de quatre piés & demi avec ses mortoises percées d'outre en outre pour recevoir les 12 traverses qui portent les ailes du moulin de l'ourdissoir ; cet arbre porte au centre de son extrémité d'en-haut une broche ou bouton de fer, long de 8 à 9 pouces, qui lui sert d'axe ; l'extrémité d'en bas porte une grande poulie sur laquelle passe la corde de la selle à ourdir. Voyez SELLE A OURDIR. Il y a encore au centre de l'extrémité d'en bas un pivot de fer qui entre dans une petite crapaudine placée au centre des traverses d'en bas. C'est sur ce pivot que l'arbre tourne pendant le travail. Voyez OURDISSOIR.

Chez les Tourneurs, c'est un mandrin fait de plusieurs pieces de cuivre, de fer, & de bois, dont on se sert pour tourner en l'air, pour faire des vis aux ouvrages de tour, & pour tourner en ovale & en d'autres figures irrégulieres. Voyez TOUR.

On voit par les exemples qui précédent, qu'il y a autant d'arbres différens de nom, qu'il y a de machines différentes où cette piece se rencontre ; mais qu'elle a presque par-tout la même fonction : aussi les différentes sortes d'arbres dont nous avons fait mention, suffiront pour faire connoître cette fonction.


ARBRISSEAUfrutex, s. m. (Hist. nat. bot.) plante ligneuse ou tronc de laquelle s'élevent plusieurs tiges branchues qui forment naturellement un buisson. Il n'est pas possible de déterminer précisément ce qui distingue un arbrisseau d'un arbre ; il est sûr qu'un arbrisseau est moins élevé qu'un arbre, mais quelle différence y aura-t-il entre la mesure d'un grand arbrisseau & d'un petit arbre ? L'arbrisseau sera quelquefois plus grand que l'arbre. Cependant on peut estimer en général la hauteur d'un arbrisseau depuis environ six jusqu'à dix ou douze piés ; tels sont l'aubépin, le grenadier, le filaria, &c. Voyez ARBRE. (I)

SOUS-ARBRISSEAU, s. m. suffrutex, plante ligneuse qui produit d'un seul tronc plusieurs menues branches qui forment un petit buisson. Les sous-arbrisseaux sont plus petits que les arbrisseaux, comme leur nom le désigne. On peut regarder comme sous-arbrisseaux, toutes les plantes ligneuses que l'on voit sous sa main, lorsqu'on est debout, comme les groseliers, les bruyeres, &c. Voyez ARBRISSEAU. (I)


ARBROTS. m. terme d'Oiseleur, c'est un petit arbre garni de gluaux. On dit prendre les oiseaux à l'arbrot.


ARBUSTEsub. m. (Hist. nat. bot.) très-petite plante ligneuse, telle qu'un sous-arbrisseau. Voyez SOUS-ARBRISSEAU. (I)


ARCarme offensive propre à combattre de loin, faite de bois, de corne ou d'une autre matiere élastique, & que l'on bande fortement par le moyen d'une corde attachée aux deux extrémités, ensorte que la machine retournant à son état naturel, ou du moins se redressant avec violence, décoche une fleche. Voy. FLECHE, TIRER DE L'ARC.

L'arc est l'arme la plus ancienne & la plus universelle. Les Grecs, les Romains, mais sur-tout les Parthes, s'en servoient fort avantageusement. Elle est encore en usage en Asie, en Afrique, & dans le Nouveau monde. Les anciens en attribuoient l'invention à Apollon.

Avant que l'usage des armes-à-feu fût introduit en Europe, une partie de l'infanterie étoit armée d'arcs, & l'on nommoit archers les soldats qui s'en servoient. Les habitans des villes étoient même obligés de s'exercer à tirer de l'arc ; c'est l'origine des compagnies bourgeoises, des compagnies de l'arc, qui subsistent encore dans plusieurs villes de France. Louis XI. abolit en 1481 l'usage de l'arc & de la fleche, & leur substitua les armes des Suisses, la halebarde, la pique, & le sabre.

En Angleterre on fait grand usage de l'arc, & il y a eu même des lois & des réglemens pour encourager les peuples à se perfectionner dans l'art d'en tirer. Sous le regne de Henri VIII. le parlement se plaignit que les peuples négligeoient un exercice qui avoit rendu les troupes Angloises redoutables à leurs ennemis ; & en effet, elles dûrent en partie à leurs archers le gain des batailles de Créci, de Poitiers, & d'Azincour. Par un réglement d'Henri VIII. chaque tireur d'arc de Londres est obligé d'en faire un d'if & deux d'orme, de coudrier, de frêne, ou d'autre bois : ordre aux tireurs de la campagne d'en faire trois. Par le huitieme réglement d'Elisabeth, chap. x. les uns & les autres furent obligés d'avoir toûjours chez eux cinquante arcs d'orme, de coudrier, ou de frêne, bien conditionnés. Par le douzieme réglement d'Edouard, chap. ij. il est ordonné de multiplier les arcs, & défendu de les vendre trop cher. Les meilleurs ne pouvoient pas valoir plus de six sous huit deniers. Chaque commerçant qui trafique à Venise ou aux autres endroits d'où l'on tire les bâtons propres à faire des arcs, doit en apporter quatre pour chaque tonneau de marchandise, sous peine de six sous huit deniers d'amende pour chaque bâton manquant ; & par le premier réglement de Richard III. chap. xj. il leur est ordonné d'apporter dix bâtons à faire des arcs, pour chaque botte ou tonneau de malvoisie, à peine de treize sous quatre deniers d'amende. L'arc n'est plus guere en usage dans la Grande-Bretagne, que parmi les montagnards d'Ecosse & les sauvages des îles Orcades : quelques corps de troupes Turques ou Russiennes en font aussi usage. (G)

ARC, sub. m. en Géométrie, c'est une portion de courbe, par exemple, d'un cercle, d'une ellipse, ou d'une autre courbe. Voyez COURBE.

Arc de cercle, est une portion de circonférence, moindre que la circonférence entiere du cercle. Tel est A E B, Planche de Géom. fig. 6. Voyez CERCLE & CIRCONFERENCE. La droite A B qui joint les extrémités d'un arc s'appelle corde ; & la perpendiculaire D E tirée sur le milieu de la corde, s'appelle fleche. Voyez CORDE, FLECHE. Tous les angles sont mesurés par des arcs. Pour avoir la valeur d'un angle, on décrit un arc de cercle, dont le centre soit au sommet de l'angle. Voyez ANGLE. Tout cercle est supposé divisé en 360d. Un arc est plus ou moins grand, selon qu'il contient un plus grand ou un plus petit nombre de ces degrés. Ainsi l'on dit un arc de 30, de 80, de 100d. Voyez DEGRE. La mesure des angles par les arcs de cercle est fondée sur ce que la courbure du cercle est uniforme. Les arcs d'une autre courbe ne pourroient y servir.

Arcs concentriques, sont ceux qui ont le même centre : ainsi dans la figure 80. les arcs b H, e K, sont des arcs concentriques. Voyez CONCENTRIQUE.

Arcs égaux, ce sont ceux qui contiennent le même nombre de degrés d'un même cercle ou de cercles égaux ; d'où il s'ensuit que dans le même cercle ou que dans des cercles égaux, les cordes égales soûtiennent des arcs égaux. Un rayon C E (fig. 6.) qui coupe en deux parties égales en D une corde A B, coupe aussi en E l'arc A E B en deux parties égales, & est perpendiculaire à la corde, & vice versâ. Le problème de couper un arc en deux parties égales sera donc résolu, en tirant une ligne C E perpendiculaire sur le milieu D de la corde.

Arcs semblables, ce sont ceux qui contiennent le même nombre de degrés de cercles inégaux. Tels sont les arcs A B & D E, figure 87. Si deux rayons partent du centre de deux cercles concentriques, les arcs compris entre les deux rayons ont le même rapport à leurs circonférences entieres ; & les deux secteurs, le même rapport à la surface entiere de leurs cercles.

La distance du centre de gravité d'un arc de cercle au centre du cercle, est une troisieme proportionnelle à cet arc, à sa corde, & au rayon. Voyez CENTRE de gravité. Quant aux sinus, tangentes, sécantes, &c. des arcs, voyez SINUS, TANGENTE, & ARC en Astronomie. L'arc diurne du Soleil est la portion d'un cercle parallele à l'équateur, décrite par le Soleil dans son mouvement apparent d'orient en occident depuis son lever jusqu'à son coucher. Voyez DIURNE, JOUR, &c.

L'arc nocturne est la même chose, excepté qu'il est décrit depuis le coucher jusqu'au lever. Voyez NUIT, LEVER, &c. Voyez aussi NOCTURNE.

La latitude & l'élévation du pole sont mesurées par un arc du méridien. La longitude est mesurée par un arc de l'équateur. Voyez ELEVATION, LATITUDE, LONGITUDE, &c.

L'arc de progression ou de direction, est un arc de l'écliptique qu'une planete semble parcourir, en suivant l'ordre des signes. Voyez DIRECTION.

L'arc de rétrogradation est un arc de l'écliptique qu'une planete semble décrire, en se mouvant contre l'ordre des signes. Voyez RETROGRADATION.

Arc de station. Voyez STATION & STATIONNAIRE.

L'arc entre les centres dans les éclipses, est un arc tel que A I (Planc. d'Astr. fig. 35.), qui va du centre de la terre A perpendiculairement à l'orbite lunaire O B. Voyez ECLIPSE.

Si la somme de l'arc entre les centres A I & du demi-diametre apparent de la lune, est égale au demi-diametre de l'ombre, l'éclipse sera totale sans aucune durée ; si cette somme est moindre, elle sera totale avec quelque durée ; & si elle est plus grande, & toutefois moindre que la somme des demi-diametres de la lune & de l'ombre, elle sera partiale.

L'arc de vision est celui qui mesure la distance à laquelle le soleil est au-dessus de l'horison, lorsqu'une étoile que ses rayons déroboient, commence à reparoître. Voyez LEVER. (O)

ARC se dit, en Architecture, d'une structure concave qui a la forme de l'arc d'une courbe, & qui sert comme de support intérieur à tout ce qui pose dessus. M. Henri Wotton dit qu'un arc n'est rien autre chose qu'une voûte étroite ou resserrée, & qu'une voûte n'est qu'un arc dilaté. Voyez VOUTE.

On se sert d'arcs dans les grandes intercolumnations des vastes bâtimens, dans les portiques, au-dedans comme au-dehors des temples, dans les salles publiques, dans les cours des palais, dans les cloîtres, aux théatres & amphithéatres. Voyez PORTIQUE, THEATRE, LAMBRIS, &c. On s'en sert aussi comme d'éperons & de contreforts pour soûtenir de fortes murailles qui s'enfoncent profondément en terre, de même que pour les fondations des ponts, des aqueducs, des arcs de triomphe, des portes, des fenêtres. Voyez ÉPERON, ARC-BOUTANT, &c.

Les arcs sont aussi soûtenus par des piliers ou piés droits, des impostes, &c. Voy. PILIER ou PIE DROIT, IMPOSTE, &c.

Il y a des arcs circulaires, elliptiques, droits.

Les arcs circulaires sont de trois especes ; à savoir, les arcs demi-circulaires, qui sont exactement un demi-cercle, & qui ont leur centre au milieu de la corde de l'arc ; les Architectes François les appellent aussi des arcs parfaits ou des arcs en plein cintre.

Les arcs diminués ou bombés sont plus petits qu'un demi-cercle, & par conséquent ces arcs sont plus plats : quelques-uns contiennent 90 degrés, d'autres 70, & d'autres seulement 60 : on les appelle aussi arcs imparfaits.

Les arcs en tiers & quart-point, comme s'expriment quelques ouvriers d'Angleterre, quoique les Italiens les appellent di terzo & quarto acuto, parce qu'à leur sommet ils font toûjours un angle aigu, sont deux arcs de cercle qui se rencontrent en formant un angle par le haut, & qui se tirent de la division de la corde en trois ou quatre parties à volonté. Il y a un grand nombre d'arcs de cette espece dans les anciens bâtimens gothiques : mais M. Henri Wotton veut qu'on ne s'en serve jamais dans la construction des édifices, tant à cause de leur foiblesse, que du mauvais effet qu'ils produisent aux yeux.

Les arcs elliptiques consistent en une demi-ellipse ; ils étoient autrefois fort usités au lieu des manteaux de cheminée ; ils ont communément une clé de voûte & des impostes.

Les arcs droits sont ceux dont les côtés supérieurs & inférieurs sont droits, comme ils sont courbes dans les autres ; & ces deux côtés sont aussi paralleles, les extrémités & les jointures toutes dirigées ou tendantes à un centre. On en fait principalement usage au-dessus des fenêtres, des portes, &c.

La doctrine & l'usage des arcs sont très-bien exposés par M. Henri Wotton, dans les théorèmes suivans.

1°. Supposons différentes matieres solides, telles que les briques, les pierres, qui ayent une forme rectangulaire : si on en dispose plusieurs les unes à côté des autres, dans un même rang & de niveau, & que celles qui sont aux extrémités soient soûtenues entre deux supports ; il arrivera nécessairement que celles du milieu s'affaisseront, même par leur propre pesanteur, mais beaucoup plus si quelque poids pose dessus ; c'est pourquoi, afin de leur donner plus de solidité, il faut changer leur figure ou leur position.

2°. Si l'on donne une forme de coin aux pierres ou autres matériaux, qu'ils soient plus larges en-dessus qu'en-dessous, & disposés dans un même rang de niveau avec leurs extrémités, soûtenues comme dans le précédent théorème ; il n'y en a aucun qui puisse s'affaisser, à moins que les supports ne s'écartent ou s'inclinent ; parce que dans cette situation il n'y a pas lieu à une descente perpendiculaire : mais ce n'est qu'une construction foible, attendu que les supports sont sujets à une trop grande impulsion, particulierement quand la ligne est longue : ainsi l'on fait rarement usage des arcs droits, excepté au-dessus des portes & des fenêtres où la ligne est courte : c'est pourquoi, afin de rendre l'ouvrage plus solide, il faut non-seulement changer la figure des matériaux, mais encore leur position.

3°. Si les matériaux sont taillés en forme de coin, disposés en arc circulaire, & dirigés au même centre, en ce cas aucune des pieces de l'arc ne pourra s'affaisser, puisqu'elles n'ont aucun moyen de descendre perpendiculairement, & que les supports n'ont pas à soûtenir un aussi grand effort que dans le cas de la forme précédente ; car la convexité fera toûjours que le poids qui pese dessus, portera plûtôt sur les supports qu'il ne les poussera en-dehors ; ainsi l'on peut tirer de-là ce corollaire, que le plus avantageux de tous les arcs dont on vient de parler, est l'arc demi-circulaire, & que de toutes les voûtes l'hémisphérique est préférable.

4°. Comme les voûtes faites d'un demi-cercle entier sont les plus fortes & les plus solides, de même celles-là sont les plus agréables, qui s'élevant à la même hauteur, sont néanmoins allongées d'une quatorzieme partie du diametre : cette augmentation de largeur contribuera beaucoup à leur beauté, sans aucune diminution considérable de leur force. On doit néanmoins observer que suivant la rigueur géométrique, les arcs qui sont des portions de cercle ne sont pas absolument les plus forts ; les arcs qui ont cette propriété appartiennent à une autre courbe appellée chaînette, dont la nature est telle, qu'un nombre de spheres dont les centres sont disposés suivant cette courbe, se soûtiendront les unes les autres, & formeront un arc. Voyez CHAINETTE.

M. Grégory fait voir même que les arcs qui ont une autre forme que cette courbe, ne se soûtiennent qu'en vertu de la chaînette qui est dans leur épaisseur ; de sorte que s'ils étoient infiniment minces, ils tomberoient d'eux-mêmes, ou naturellement ; au lieu que la chaînette, quoiqu'infiniment mince, peut se soûtenir, parce qu'aucun de ses points ne tend en bas plus que l'autre. Transact. philos. n°. 231. Voyez une plus ample théorie des arc à l'article VOUTE. (P)

ARC, ou ligne courbe de l'éperon, (Marine.) c'est en longueur la distance qu'il y a du bout de l'éperon à l'avant du vaisseau par-dessus l'éperon ; cette courbe est formée principalement par les aiguilles, ou plûtôt par l'aiguille inférieure & la gorgere. On donne aujourd'hui beaucoup d'arc à l'éperon. Voyez la figure de l'éperon, tom. I. Marine, Pl. IV. (Z)

ARC, s. m. partie de la ferrure d'un carrosse. Ce sont les Maréchaux grossiers qui forgent les arcs. Voici la maniere de forger l'arc, & son emploi dans le carrosse. On a une barre de fer que l'on étire toûjours un peu en diminuant, dont on arrondit le milieu, qu'on équarrit par les deux bouts, & qu'on coude par le plus gros bout équarri : après cette premiere façon de forge, la barre a la figure qu'on lui voit, Pl. du Maréch. gross. fig. 2. On prépare ensuite trois viroles, telles qu'on les voit figures 3. & 4. les deux viroles, telles que celles de la fig. 3. & dont on en voit une appliquée sur l'arc ébauché, fig. 2. servent à faire les poires de l'arc ; & la virole de la figure 4. sert à faire la pomme. On applique la virole destinée à faire la pomme sur l'arc ébauché, entre les viroles destinées à faire les poires ; on soude ces parties avec le corps de l'arc ; on les modele ; on perce ensuite les parties B & A de plusieurs trous ; & l'on a par cette seconde façon l'arc tel qu'on le voit figure 5. la partie A s'appelle le patin ; la partie B la queue ; C la pomme ; D D les poires : cambrez l'arc de maniere que sa courbure soit dans le plan des trous pratiqués aux extrémités, & perpendiculaire au patin, & qu'il ait la forme de la fig. 1. alors il sera forge, & prêt à recevoir les façons de lime ; elles consistent à enlever les gros traits de forge. Quant à l'usage de l'arc, le voici : le patin A s'encastre dans le lissoire de devant & dans les fourchettes de dessus ; la queue B s'encastre dans la fleche qui passe sous le corps du carrosse : cette piece est retenue par des chevilles qui passent dans les trous du patin & de la queue de l'arc, & du bois où ces parties sont encastrées ; le patin est tourné extérieurement. Au reste on ne se sert plus guere d'arcs aujourd'hui.

* ARC, riviere de Savoie qui a sa source à la partie septentrionale du grand mont-Cenis, aux confins du duché d'Aoste, traverse le comté de Maurienne, & va se jetter dans l'Isere.

* ARC EN BARROIS, (Géog.) petite ville de France en Bourgogne, sur la riviere d'Anjou. Long. 22. 37. lat. 47. 55.

ARC-BOUTANT, & mieux ARC-BUTANT, en Architecture, est un arc ou portion d'un arc rampant qui bute contre un mur ou contre les reins d'une voûte, pour en empêcher l'écartement & la poussée, comme on le voit aux églises gothiques. Ce mot est françois, & est formé d'arc & de buter.

On appelle aussi assez mal-à-propos arc-butant, tout pilier ou masse de maçonnerie qui servent à contretenir un mur, ou de terrasse, ou autre. Voy. PILIER-BATTANT, CONTREFORT, ERONERON. Ce mot d'arc-butant ne convient qu'à un corps qui s'éleve & s'incline en portion de cercle contre le corps qu'il soûtient. (D)

ARCS-BOUTANS, en Marine, ce sont des pieces de bois entaillées sur les baux ou barots, & servant à soûtenir les barotins. Voyez les fig. Marine, Pl. IV. fig. 1. le n°. 73. marque les arcs boutans & leur situation. On peut les voir encore dans la Planche V. fig. 1. sous le n°. 73. Voyez BAUX, BAROTS, ROTINSTINS.

Arcs-boutans se dit encore d'une espece de petit mât de 25 à 30 piés de long, ferré par un bout avec un fer à trois pointes de 6 à huit pouces de longueur, dont l'usage est de tenir les écoutes des bonnettes en état, & de repousser un autre vaisseau s'il venoit à l'abordage. Voyez ECOUTES, BONNETTES. (Z)

ARCS-BOUTANS, ou étais des jumelles, ce sont, dans un grand nombre de machines, des pieces de bois E E (figure 1. & 6. Pl. de l'Imprimerie en taille douce.) qui assemblent & soûtiennent les jumelles C D sur les piés des patins A B. Voyez PRESSE d'Imprimerie en taille douce.

ARC-BUTER, v. act. en Architecture, c'est contretenir la poussée d'une voûte ou d'une plate-bande avec un arc-butant : mais contre-buter, c'est contretenir avec un pilier butant ou un étai. Voyez CONTREBUTER. (P)

ARC-EN-CIEL, iris, s. m. (Physiq.) météore en forme d'arc de diverses couleurs, qui paroît lorsque le tems est pluvieux, dans une partie du ciel opposée au soleil, & qui est formé par la réfraction des rayons de cet astre, au-travers des gouttes sphériques d'eau dont l'air est alors rempli. Voyez METEORE, PLUIE, FRACTIONTION.

On voit pour l'ordinaire un second arc-en-ciel qui entoure le premier à une certaine distance. Ce second arc-en-ciel s'appelle arc-en-ciel extérieur, pour le distinguer de celui qu'il renferme, & qu'on nomme arc-en-ciel intérieur. L'arc intérieur a les plus vives couleurs, & s'appelle pour cela l'arc principal. Les couleurs de l'arc extérieur sont plus foibles, & de-là vient qu'il porte le nom de second arc. S'il paroît un troisieme arc, ce qui arrive fort rarement, ses couleurs sont encore moins vives que les précédentes. Les couleurs sont renversées dans les deux arcs ; celles de l'arc principal sont dans l'ordre suivant à compter du dedans en-dehors, violet, indigo, bleu, verd, jaune, orangé, rouge : elles sont arrangées au contraire dans le second arc en cet ordre, rouge, orangé, jaune, verd, bleu, indigo, violet : ce sont les mêmes couleurs que l'on voit dans les rayons du soleil qui traversent un prisme de verre. Voyez PRISME. Les Physiciens font aussi mention d'un arc-en-ciel lunaire & d'un arc-enciel marin, dont nous parlerons plus bas.

L'arc-en-ciel, comme l'observe M. Newton, ne paroît jamais que dans les endroits où il pleut & où le soleil luit en même tems ; & l'on peut le former par art en tournant le dos au soleil & en faisant jaillir de l'eau, qui poussée en l'air & dispersée en gouttes, vienne tomber en forme de pluie ; car le soleil donnant sur ces gouttes, fait voir un arc-enciel à tout spectateur qui se trouve dans une juste position à l'égard de cette pluie & du soleil, sur-tout si l'on met un corps noir derriere les gouttes d'eau.

Antoine de Dominis montre dans son livre de radius visus & lucis, imprimé à Venise en 1611, que l'arc-en-ciel est produit dans des gouttes rondes de pluie par deux réfractions de la lumiere solaire, & une réflexion entre deux ; & il confirme cette explication par des expériences qu'il a faites avec une phiole & des boules de verre pleines d'eau, exposées au soleil. Il faut cependant reconnoître que quelques anciens avoient avancé antérieurement à Antoine de Dominis, que l'arc-en-ciel étoit formé par la réfraction des rayons du soleil dans des gouttes d'eau. Kepler avoit eu la même pensée, comme on le voit par les lettres qu'il écrivit à Brenger en 1605, & Harriot en 1606. Descartes qui a suivi dans ses météores l'explication d'Antoine de Dominis, a corrigé celle de l'arc extérieur. Mais comme ces deux savans hommes n'entendoient point la véritable origine des couleurs, l'explication qu'ils ont donnée de ce météore est défectueuse à quelques égards ; car Antoine de Dominis a crû que l'arc-en-ciel extérieur étoit formé par les rayons qui rasoient les extrémités des gouttes de pluie, & qui venoient à l'oeil après deux réfractions & une réflexion. Or on trouve par le calcul, que ces rayons dans leur seconde réfraction doivent faire un angle beaucoup plus petit avec le rayon du soleil qui passe par l'oeil, que l'angle sous lequel on voit l'arc-en-ciel intérieur ; & cependant l'angle sous lequel on voit l'arc-en-ciel extérieur, est beaucoup plus grand que celui sous lequel on voit l'arc-en-ciel intérieur : de plus, les rayons qui tombent fort obliquement sur une goutte d'eau, ne font point de couleurs sensibles dans leur seconde réfraction ; comme on le verra aisément par ce que nous dirons dans la suite. A l'égard de M. Descartes, qui a le premier expliqué l'arc-enciel extérieur par deux réflexions & deux réfractions, il n'a pas remarqué que les rayons extrèmes qui font le rouge, ont leur réfraction beaucoup moindre que selon la proportion de 3 à 4, & que ceux qui font le violet, l'ont beaucoup plus grande : de plus, il s'est contenté de dire qu'il venoit plus de lumiere à l'oeil sous les angles de 41 & de 42d, que sous les autres angles, sans prouver que cette lumiere doit être colorée ; & ainsi il n'a pas suffisamment démontré d'où vient qu'il paroît des couleurs sous un angle d'environ 42d, & qu'il n'en paroît point sous ceux qui sont au-dessous de 40d, & au-dessus de 44 dans l'arc-enciel intérieur. Ce célebre auteur n'a donc pas suffisamment expliqué l'arc-en-ciel, quoiqu'il ait fort avancé cette explication. Newton l'a achevée par le moyen de sa doctrine des couleurs.

Théorie de l'arc-en-ciel. Pour concevoir l'origine de l'arc-en-ciel, examinons d'abord ce qui arrive lorsqu'un rayon de lumiere qui vient d'un corps éloigné, tel que le soleil, tombe sur une goutte d'eau sphérique, comme sont celles de la pluie. Soit donc une goutte d'eau A D K N, (Tab. Opt. fig. 45. n°. 2.) & les lignes E F, B A, &c. des rayons lumineux qui partent du centre du soleil, & que nous pouvons concevoir comme paralleles entre eux à cause de l'éloignement immense de cet astre, le rayon B A étant le seul qui tombe perpendiculairement sur la surface de l'eau, & tous les autres étant obliques, il est aisé de concevoir que tous ceux-ci souffriront une réfraction & s'approcheront de la perpendiculaire ; c'est-à-dire que le rayon E F, par exemple, au lieu de continuer son chemin suivant F G, se rompra au point F, & s'approchera de la ligne H F I perpendiculaire à la goutte en F, pour prendre le chemin F K. Il en est de même de tous les autres rayons proches du rayon E F, lesquels se détourneront d'F vers K, où il y en aura vraisemblablement quelques-uns qui s'échapperont dans l'air, tandis que les autres se réfléchiront sur la ligne K N, pour faire des angles d'incidence & de réflexion égaux entre eux. Voyez REFLEXION.

De plus, comme le rayon K N & ceux qui le suivent, tombent obliquement sur la surface de ce globule, ils ne peuvent repasser dans l'air sans se rompre de nouveau & s'éloigner de la perpendiculaire M N L ; de sorte qu'ils ne peuvent aller directement vers Y, & sont obligés de se détourner vers P. Il faut encore observer ici que quelques-uns des rayons, après qu'ils sont arrivés en N, ne passent point dans l'air, mais se refléchissent de nouveau vers Q, où souffrant une réfraction comme tous les autres, ils ne vont point en droite ligne vers Z, mais vers R, en s'éloignant de la perpendiculaire T V : mais comme on ne doit avoir égard ici qu'aux rayons qui peuvent affecter l'oeil que nous supposons placé un peu au-dessous de la goutte, au point P par exemple, nous laissons ceux qui se refléchissent de N vers Q comme inutiles, à cause qu'ils ne parviennent jamais à l'oeil du spectateur. Cependant il faut observer qu'il y a d'autres rayons, comme 2, 3, qui se rompant de 3 vers 4, de-là se refléchissant vers 5, & de 5 vers 6, puis se rompant suivant 6, 7, peuvent enfin arriver à l'oeil qui est placé au-dessous de la goutte.

Ce que l'on a dit jusqu'ici est très-évident : mais pour déterminer précisément les degrés de réfraction de chaque rayon de lumiere, il faut recourir à un calcul par lequel il paroît que les rayons qui tombent sur le quart cercle A D, continuent leur chemin suivant les lignes que l'on voit tirées dans la goutte A D K N, où il y a trois choses extrèmement importantes à observer. En premier lieu, les deux réfractions des rayons à leur entrée & à leur sortie sont telles, que la plûpart des rayons qui étoient entrés paralleles sur la surface A F, sortent divergens, c'est-à-dire s'écartent les uns des autres, & n'arrivent point jusqu'à l'oeil ; en second lieu, du faisceau de rayons paralleles qui tombent sur la partie A D de la goutte, il y en a une petite partie qui ayant été rompus par la goutte, viennent se réunir au fond de la goutte dans le même point, & qui étant refléchis de ce point, sortent de la goutte paralleles entre eux comme ils y étoient entrés. Comme ces rayons sont proches les uns des autres, ils peuvent agir avec force sur l'oeil en cas qu'ils puissent y entrer, & c'est pour cela qu'on les a nommés rayons efficaces ; au lieu que les autres s'écartent trop pour produire un effet sensible, ou du moins pour produire des couleurs aussi vives que celles de l'arc-en-ciel. En troisieme lieu, le rayon N P a une ombre ou obscurité sous lui ; car puisqu'il ne sort aucun rayon de la surface N 4, c'est la même chose que si cette partie étoit couverte d'un corps opaque. On peut ajoûter à ce que l'on vient de dire, que le même rayon N P a de l'ombre au-dessus de l'oeil, puisque les rayons qui sont dans cet endroit n'ont pas plus d'effet que s'ils n'existoient point du tout.

De-là il s'ensuit que pour trouver les rayons efficaces, il faut trouver les rayons qui ont le même point de réflexion, c'est-à-dire, qu'il faut trouver quels sont les rayons paralleles & contigus, qui après la réfraction se rencontrent dans le même point de la circonférence de la goutte, & se refléchissent de là vers l'oeil.

Or supposons que N P soit le rayon efficace, & que E F soit le rayon incident qui correspond à N P, c'est-à-dire que F soit le point où il tombe un petit faisceau de rayons paralleles, qui après s'être rompus viennent se réunir en K pour se refléchir de là en N, & sortir suivant N P, & nous trouverons par le calcul que l'angle O N P, compris entre le rayon N P & la ligne O N tirée du centre du soleil, est de 41d 30'. On enseignera ci-après la méthode de le déterminer.

Mais comme outre les rayons qui viennent du centre du soleil à la goutte d'eau, il en part une infinité d'autres des différens points de sa surface, il nous reste à examiner plusieurs autres rayons efficaces, sur-tout ceux qui partent de la partie supérieure & de la partie inférieure de son disque.

Le diametre apparent du soleil étant d'environ 32', il s'ensuit que si le rayon E F passe par le centre du soleil, un rayon efficace qui partira de la partie supérieure du soleil, tombera plus haut que le rayon E F de 16', c'est-à-dire fera avec ce rayon E F un angle d'environ 16'. C'est ce que fait le rayon G H (fig. 46.) qui souffrant la même réfraction que E F, se détourne vers I & de-là vers L, jusqu'à ce que sortant avec la même réfraction que N P, il parvienne en M pour former un angle de 41d 14' avec la ligne O N.

De même le rayon Q R qui part de la partie inférieure du soleil, tombe sur le point R 16' plus bas, c'est-à-dire fait un angle de 16' en-dessous avec le rayon E F ; & souffrant une réfraction, il se détourne vers S, & de-là vers T, où passant dans l'air il parvient jusqu'à V ; de sorte que la ligne T V & le rayon O T forment un angle de 41d 46'.

A l'égard des rayons qui viennent à l'oeil après deux réflexions & deux réfractions, on doit regarder comme efficaces ceux qui, après ces deux reflexions & ces deux réfractions, sortent de la goutte paralleles entre eux.

Supputant donc les réflexions des rayons qui viennent, comme 23, (fig. 45. n°. 2.) du centre du soleil, & qui pénétrant dans la partie inférieure de la goutte, souffrent, ainsi que nous l'avons supposé, deux réflexions & deux réfractions, & entrent dans l'oeil par des lignes pareilles à celle qui est marquée par 67, (fig. 47.) nous trouvons que les rayons que l'on peut regarder comme efficaces, par exemple 67, forment avec la ligne 86 tirée du centre du soleil, un angle 867 d'environ 52d : d'où il s'ensuit que le rayon efficace qui part de la partie la plus élevée du soleil, fait avec la même ligne 86 un angle moindre de 16' ; & celui qui vient de la partie inférieure, un angle plus grand de 16'.

Imaginons donc que A B C D E F soit la route du rayon efficace depuis la partie la plus élevée du soleil jusqu'à l'oeil F, l'angle 86 F sera d'environ 51d & 44'. De même, si G H I K L M est la route d'un rayon efficace qui part de la partie inférieure du soleil & aboutit à l'oeil, l'angle 86 M approche de 52d & 16'.

Comme il y a plusieurs rayons efficaces outre ceux qui partent du centre du soleil, ce que nous avons dit de l'ombre souffre quelque exception ; car des trois rayons qui sont tracés (fig. 45. n°. 2. & 46.) il n'y a que les deux extrèmes qui ayent de l'ombre à leur côté extérieur.

A l'égard de la quantité de lumiere, c'est-à-dire du faisceau de rayons qui se réunissent dans un certain point, par exemple, dans le point de réflexion des rayons efficaces, on peut le regarder comme un corps lumineux terminé par l'ombre. Au reste il faut remarquer que jusqu'ici nous avons supposé que tous les rayons de lumiere se rompoient également ; ce qui nous a fait trouver les angles de 41d 30' & de 52'. Mais les différens rayons qui parviennent ainsi jusqu'à l'oeil, sont de diverses couleurs, c'est-à-dire propres à exciter en nous l'idée de différentes couleurs ; & par conséquent ces rayons sont différemment rompus de l'eau dans l'air, quoiqu'ils tombent de la même maniere sur une surface refrangible : car on sait que les rayons rouges, par exemple, souffrent moins de réfraction que les rayons jaunes, ceux-ci moins que les bleus, les bleus moins que les violets, & ainsi des autres. Voyez COULEUR.

Il suit de ce qu'on vient de dire, que les rayons différens ou hétérogenes se séparent les uns des autres & prennent différentes routes, & que ceux qui sont homogenes se réunissent & aboutissent au même endroit. Les angles de 41d 30' & de 52d, ne sont que pour les rayons d'une moyenne refrangibilité, c'est-à-dire qui en se rompant s'approchent de la perpendiculaire plus que les rayons rouges, mais moins que les rayons violets : & de-là vient que le point lumineux de la goutte où se fait la réfraction, paroît bordé de différentes couleurs, c'est-à-dire que le rouge, le verd & le bleu, naissent des différens rayons rouges, verds & bleus du soleil, que les différentes gouttes transmettent à l'oeil, comme il arrive lorsqu'on regarde des objets éclairés à-travers un prisme. Voy. PRISME.

Telles sont les couleurs qu'un seul globule de pluie doit représenter à l'oeil : d'où il s'ensuit qu'un grand nombre de ces petits globules venant à se répandre dans l'air, y fera appercevoir différentes couleurs, pourvû qu'ils soient tellement disposés que les rayons efficaces puissent affecter l'oeil ; car ces rayons ainsi disposés, formeront un arc-en-ciel.

Pour déterminer maintenant quelle doit être cette disposition, supposons une ligne droite tirée du centre du soleil à l'oeil du spectateur, telle que V X (fig. 46.) que nous appellerons ligne d'aspect : comme elle part d'un point extrèmement éloigné, on peut la supposer parallele aux autres lignes tirées du même point ; or on sait qu'une ligne droite qui coupe deux paralleles, forme des angles alternes égaux. Voyez ALTERNE.

Imaginons donc un nombre indéfini de lignes tirées de l'oeil du spectateur à l'endroit opposé au soleil où sont des gouttes de pluie, lesquelles forment différens angles avec la ligne d'aspect, égaux aux angles de réfraction des différens rayons refrangibles, par exemple, des angles de 41d 46', & de 41d 30', & de 41d 40', ces lignes tombant sur des gouttes de pluie éclairées du soleil, formeront des angles de même grandeur avec les rayons tirés du centre du soleil aux mêmes gouttes ; de sorte que les lignes ainsi tirées de l'oeil représenteront les rayons qui occasionnent la sensation de différentes couleurs.

Celle, par exemple, qui forme un angle de 41d 46', représentera les rayons les moins refrangibles ou rouges, des différentes gouttes ; & celle de 41d 40', les rayons violets qui sont les moins refrangibles. On trouvera les couleurs intermédiaires & leurs refrangibilités dans l'espace intermédiaire. Voyez ROUGE.

On sait que l'oeil étant placé au sommet d'un cone, voit les objets sur sa surface comme s'ils étoient dans un cercle, au moins lorsque ces objets sont assez éloignés de lui : car quand différens objets sont à une distance assez considérable de l'oeil, ils paroissent être à la même distance. Nous en avons donné la raison dans l'article APPARENT ; d'où il s'ensuit qu'un grand nombre d'objets ainsi disposés, paroîtront rangés dans un cercle sur la surface du cone. Or l'oeil de notre spectateur est ici au sommet commun de plusieurs cones formés par les différentes especes de rayons efficaces & la ligne d'aspect. Sur la surface de celui dont l'angle au sommet est le plus grand, & qui contient tous les autres, sont ces gouttes ou parties de gouttes qui paroissent rouges ; les gouttes de couleur de pourpre sont sur la superficie du cone qui forme le plus petit angle à son sommet ; & le bleu, le verd, &c. sont dans les cones intermédiaires. Il s'ensuit donc que les différentes especes de gouttes doivent paroître comme si elles étoient disposées dans autant de bandes ou arcs colorés, comme on le voit dans l'arc-enciel.

M. Newton explique cela d'une maniere plus scientifique, & donne aux angles des valeurs un peu différentes. Supposons, dit-il, que O (fig. 48.) soit l'oeil du spectateur, & O P une ligne parallele aux rayons du soleil ; & soient P O E, P O F des angles de 46d 17', de 42d 2', que l'on suppose tourner autour de leur côté commun O P : ils décriront par les extrémités E, F, de leurs autres côtés O E & O F, les bords de l'arc-en-ciel.

Car si E, F sont des gouttes placées en quelque endroit que ce soit des surfaces coniques décrites par O E, O F, & qu'elles soient éclairées par les rayons du soleil S E, S F ; comme l'angle S E O est égal à l'angle P O E qui est de 40d 17', ce sera le plus grand angle qui puisse être fait par la ligne S E & par les rayons les plus refrangibles qui sont rompus vers l'oeil après une seule réflexion ; & par conséquent toutes les gouttes qui se trouvent sur la ligne O E, enverront à l'oeil dans la plus grande abondance possible les rayons les plus refrangibles, & par ce moyen feront sentir le violet le plus foncé vers la région où elles sont placées.

De même l'angle S F O étant égal à l'angle P O F qui est de 42d 2', sera le plus grand angle selon lequel les rayons les moins refrangibles puissent sortir des gouttes après une seule réflexion ; & par conséquent ces rayons seront envoyés à l'oeil dans la plus grande quantité possible par les gouttes qui se trouvent sur la ligne O F, & qui produiront la sensation du rouge le plus foncé en cet endroit.

Par la même raison les rayons qui ont des degrés intermédiaires de réfrangibilité, viendront dans la plus grande abondance possible des gouttes placées entre E & F, & feront sentir les couleurs intermédiaires dans l'ordre qu'exigent leurs degrés de réfrangibilité, c'est-à-dire en avançant de E en F, on de la partie intérieure de l'arc à l'extérieure dans cet ordre, le violet, l'indigo, le bleu, le verd, le jaune, l'orangé & le rouge : mais le violet étant mêlé avec la lumiere blanche des nuées, ce mêlange le fera paroître foible, & tirant sur le pourpre.

Comme les lignes O E, O F peuvent être situées indifféremment dans tout autre endroit des surfaces coniques dont nous avons parlé ci-dessus, ce que l'on a dit des gouttes & des couleurs placées dans ces lignes, doit s'entendre des gouttes & des couleurs distribuées en tout autre endroit de ces surfaces ; par conséquent le violet sera répandu dans tout le cercle décrit par l'extrémité E du rayon O E autour de O P ; le rouge dans tout le cercle décrit par F, & les autres couleurs dans les cercles décrits par les points qui sont entre E & F. Voilà quelle est la maniere dont se forme l'arc-en-ciel intérieur.

Arc-en-ciel extérieur. Quant au second arc-en-ciel qui entoure ordinairement le premier, en assignant les gouttes qui doivent paroître colorées, nous excluons celles qui partant de l'oeil, font des angles un peu au-dessous de 42d 2', mais non pas celles qui en font de plus grands.

Car si l'on tire de l'oeil du spectateur une infinité de pareilles lignes, dont quelques-unes fassent des angles de 50d 57' avec la ligne d'aspect, par exemple O G ; d'autres des angles de 54d 7', par exemple O H, il faut de toute nécessité que les gouttes sur lesquelles tomberont ces lignes, fassent voir des couleurs, sur-tout celles qui forment l'angle de 50d 57'.

Par exemple, la goutte G paroîtra rouge, la ligne G O étant la même qu'un rayon efficace, qui après deux réflexions & deux réfractions, donne le rouge ; de même les gouttes sur lesquelles tombent les lignes qui font avec O P des angles de 54d 7', par exemple la goutte H paroîtra couleur de pourpre ; la ligne O H étant la même qu'un rayon efficace, qui après deux réflexions & deux réfractions donne la couleur pourpre.

Or s'il y a un nombre suffisant de ces gouttes, & que la lumiere du soleil soit assez forte pour n'être point trop affoiblie par deux réflexions & réfractions consécutives, il est évident que ces gouttes doivent former un second arc semblable au premier. Dans les rayons les moins réfrangibles, le moindre angle sous lequel une goutte peut envoyer des rayons efficaces après deux réflexions, a été trouvé par le calcul, de 50d 57', & dans les plus réfrangibles, de 54d 7'.

Supposons l'oeil placé au point O, comme ci-devant, & que P O G, P O H soient des angles de 50d 57', & de 54d 7' : si ces angles tournent autour de leur côté commun O P, avec leurs autres côtés O G, O H, ils décriront les bords de l'arc-enciel C H D G, qu'il faut imaginer, non pas dans le même plan que la ligne O P, ainsi que la figure le présente, mais dans un plan perpendiculaire à cette ligne.

Car si G O sont des gouttes placées en quelques endroits que ce soit des surfaces coniques décrites par O G, O H, & qu'elles soient éclairées par les rayons du soleil ; comme l'angle S G O est égal à l'angle P O G de 50d 57', ce sera le plus petit angle qui puisse être fait par les rayons les moins réfrangibles après deux réflexions ; & par conséquent toutes les gouttes qui se trouvent sur la ligne O G, enverront à l'oeil dans la plus grande abondance possible, les rayons les moins réfrangibles, & feront sentir par ce moyen le rouge le plus foncé vers la région où elles sont placées.

De même l'angle S H O étant égal à l'angle P O H, qui est de 54d 7', sera le plus petit angle sous lequel les rayons les plus réfrangibles puissent sortir des gouttes après deux réflexions ; & par conséquent ces rayons seront envoyés à l'oeil dans la plus grande quantité qu'il soit possible par les gouttes qui sont placées dans la ligne O H, & produiront la sensation du violet le plus foncé dans cet endroit.

Par la même raison les rayons qui ont des degrés intermédiaires de réfrangibilité, viendront dans la plus grande abondance possible des gouttes entre G & H, & feront sentir les couleurs intermédiaires dans l'ordre qu'exigent leurs degrés de réfrangibilité, c'est-à-dire en avançant de G en H, ou de la partie intérieure de l'arc à l'extérieure, dans cet ordre, le rouge, l'orangé, le jaune, le verd, le bleu, l'indigo, & le violet.

Et comme les lignes O G, O H peuvent être situées indifféremment en quelqu'endroit que ce soit des surfaces coniques, ce qui vient d'être dit des gouttes & des couleurs qui sont sur ces lignes, doit être appliqué aux gouttes & aux couleurs qui sont en tout autre endroit de ces surfaces.

C'est ainsi que seront formés deux arcs colorés ; l'un intérieur, & composé de couleurs plus vives par une seule réflexion ; & l'autre extérieur, & composé de couleurs plus foibles par deux réflexions.

Les couleurs de ces deux arcs seront dans un ordre opposé l'une à l'égard de l'autre ; le premier ayant le rouge en-dedans & le pourpre au-dehors ; & le second le pourpre en-dehors & le rouge en-dedans, & ainsi du reste.

Arc-en-ciel artificiel. Cette explication de l'arc-enciel est confirmée par une expérience facile : elle consiste à suspendre une boule de verre pleine d'eau en quelqu'endroit où elle soit exposée au soleil, & d'y jetter les yeux, en se plaçant de telle maniere que les rayons qui viennent de la boule à l'oeil, puissent faire avec les rayons du soleil un angle de 42 ou de 50d ; car si l'angle est d'environ 42 ou 43d, le spectateur (supposé en O) verra un rouge fort vif sur le côté de la boule opposé au soleil, comme en F ; & si cet angle devient plus petit, comme il arrivera en faisant descendre la boule jusqu'en E, d'autres couleurs paroîtront successivement sur le même côté de la boule, savoir, le jaune, le verd, & le bleu.

Mais si l'on fait l'angle d'environ 50d, en haussant la boule jusqu'en G, il paroîtra du rouge sur le côté de la boule qui est vers le soleil, quoiqu'un peu foible ; & si l'on fait l'angle encore plus grand, en haussant la boule jusqu'en H, le rouge se changera successivement en d'autres couleurs, en jaune, verd & bleu. On observe la même chose lorsque sans faire changer de place à la boule, on hausse ou on baisse l'oeil pour donner à l'angle une grandeur convenable.

On produit encore, comme nous l'avons dit, un arc-en-ciel artificiel, en se tournant le dos au soleil, & en jettant en haut de l'eau dont on aura rempli sa bouche ; car on verra dans cette eau les couleurs de l'arc-en-ciel, pourvû que les gouttes soient poussées assez haut pour que les rayons tirés de ces gouttes à l'oeil du spectateur, fassent des angles de plus de 41d avec le rayon O P.

Dimension de l'arc-en-ciel. Descartes a le premier déterminé son diametre par une méthode indirecte, avançant que sa grandeur dépend du degré de réfraction du fluide, & que le sinus d'incidence est à celui de réfraction dans l'eau, comme 250 à 187. Voyez REFRACTION.

M. Halley a depuis donné, dans les Transactions philosophiques, une méthode simple & directe de déterminer le diametre de l'arc-en-ciel, en supposant donné le degré de réfraction du fluide, ou réciproquement de déterminer la réfraction du fluide par la connoissance que l'on a du diametre de l'arc-en-ciel. Voici en quoi consiste sa méthode. 1°. Le rapport de la réfraction, c'est-à-dire des sinus d'incidence & de réfraction, étant connu, il cherche les angles d'incidence & de réfraction d'un rayon, qu'on suppose devenir efficace après un nombre déterminé de réflexions ; c'est-à-dire il cherche les angles d'incidence & de réfraction d'un faisceau de rayons infiniment proches, qui tombant paralleles sur la goutte, sortent paralleles après avoir souffert au-dedans de la goutte un certain nombre de réflexions déterminé. Voici la regle qu'il donne pour cela. Soit une ligne donnée A C (Pl. d'Opt. fig. 49.) on la divisera en D, ensorte que D C soit à A C en raison du sinus de réfraction au sinus d'incidence ; ensuite on la divisera de nouveau en E, ensorte que A C soit à A E comme le nombre donné de réflexions augmenté de l'unité est à cette même unité ; on décrira après cela sur le diametre A E le demi-cercle A B E ; puis du centre C & du rayon C D on tracera un arc D B, qui coupe le demi-cercle au point B : on menera les lignes A B, C B ; A B C, ou son complément à deux droits, sera l'angle d'incidence, & C A B l'angle de réfraction qu'on demande.

2°. Le rapport de la réfraction & l'angle d'incidence étant donné, on trouvera ainsi l'angle qu'un rayon de lumiere qui sort d'une boule après un nombre donné de réflexions, fait avec la ligne d'aspect, & par conséquent la hauteur & la largeur de l'arc-enciel. L'angle d'incidence & le rapport de réfraction étant donnés, l'angle de réfraction l'est aussi. Or si on multiplie ce dernier par le double du nombre des réflexions augmenté de 2, & qu'on retranche du produit le double de l'angle d'incidence, l'angle restant sera celui que l'on cherche.

Supposons avec M. Newton, que le rapport de la réfraction soit comme 108 à 81 pour les rayons rouges, comme 109 à 81 pour les bleus, &c. le problème précédent donnera les angles sous lesquels on voit les couleurs.

Si l'on demande l'angle formé par un rayon après trois ou quatre réflexions, & par conséquent la hauteur à laquelle on devroit appercevoir le troisieme & le quatrieme arc-en-ciel, qui sont très-rarement & très-peu sensibles, à cause de la diminution que souffrent les rayons par tant de réflexions réitérées, on aura

Il est aisé sur ce principe de trouver la largeur de l'arc-en-ciel ; car le plus grand demi-diametre du premier arc-en-ciel, c'est-à-dire de sa partie extérieure, étant de 42d 11', & le moindre, savoir, de la partie intérieure, de 40d 16', la largeur de la bande mesurée du rouge au violet sera de 1d 55' ; & le plus grand diametre du second arc étant de 54d 9', & le moindre de 50d 58', la largeur de la bande sera de 3d 11', & la distance entre les deux arcs-en-ciel de 8d 47'.

On regarde dans ces mesures le soleil comme un point ; c'est pourquoi comme son diametre est d'environ 30', & qu'on a pris jusqu'ici les rayons qui passent par le centre du soleil, on doit ajoûter ces 30' à la largeur de chaque bande ou arc du rouge ou violet ; savoir, 15' en-dessous au violet à l'arc intérieur, & 15' en-dessus au rouge dans le même arc ; & pour l'arc-en-ciel extérieur, 15' en-dessus au violet, & 15' en-dessous au rouge ; & il faudra retrancher 30' de la distance qui est entre les deux arcs.

La largeur de l'arc-en-ciel intérieur sera donc de 2d 25', & celle du second de 3d 41', & leur distance de 8d 17'. Ce sont-là les dimensions de l'arc-en-ciel, & elles sont conformes à très-peu près à celles qu'on trouve en mesurant un arc-en-ciel avec des instrumens.

Phénomenes particuliers de l'arc-en-ciel Il est aisé de déduire de cette théorie tous les phénomenes particuliers de l'arc-en-ciel : 1°. par exemple, pourquoi l'arc-en-ciel est toûjours de même largeur : c'est parce que les degrés de réfrangibilité des rayons rouges & violets qui forment ses couleurs extrèmes, sont toûjours les mêmes.

2°. Pourquoi on voit quelquefois les jambes de l'arc-en-ciel contiguës à la surface de la terre, & pourquoi d'autres fois ces jambes ne viennent pas jusqu'à terre : c'est parce qu'on ne voit l'arc-en-ciel que dans les endroits où il pleut : or si la pluie est assez étendue pour occuper un espace plus grand que la portion visible du cercle que décrit le point E, on verra un arc-en-ciel qui ira jusqu'à terre, sinon on ne verra d'arc-en-ciel que dans la partie du cercle occupée par la pluie.

3°. Pourquoi l'arc-en-ciel change de situation à mesure que l'oeil en change ; & pourquoi, pour parler comme le vulgaire, il fuit ceux qui le suivent, & suit ceux qui le fuient : c'est que les gouttes colorées sont disposées sous un certain angle autour de la ligne d'aspect, qui varie à mesure qu'on change de place. De-là vient aussi que chaque spectateur voit un arc-en-ciel différent.

Au reste ce changement de l'arc-en-ciel pour chaque spectateur, n'est vrai que rigoureusement parlant ; car les rayons du soleil étant censés paralleles, deux spectateurs voisins l'un de l'autre ont assez sensiblement le même arc-en-ciel.

4°. D'où vient que l'arc-en-ciel forme une portion de cercle tantôt plus grande & tantôt plus petite : c'est que sa grandeur dépend du plus ou moins d'étendue de la partie de la superficie conique qui est au-dessus de la surface de la terre dans le tems qu'il paroît ; & cette partie est plus grande ou plus petite, suivant que la ligne d'aspect est plus inclinée ou oblique à la surface de la terre ? cette obliquité augmentant à proportion que le soleil est plus élevé, ce qui fait que l'arc-en-ciel diminue à proportion que le soleil s'éleve.

5°. Pourquoi l'arc-en-ciel ne paroît jamais lorsque le soleil est élevé d'une certaine hauteur : c'est que la surface conique sur laquelle il doit paroître, est cachée sous terre lorsque le soleil est élevé de plus de 42d ; car alors la ligne O P, parallele aux rayons du soleil, fait avec l'horison en-dessous un angle de plus de 42d, & par conséquent la ligne O E, qui doit faire un angle de 42d avec O P, est au-dessous de l'horison, de sorte que le rayon E O rencontre la surface de la terre, & ne sauroit arriver à l'oeil. On voit aussi que si le soleil est plus élevé que 42d, mais moins que 54, on verra l'arc-en-ciel extérieur, sans l'arc-enciel intérieur.

6°. Pourquoi l'arc-en-ciel ne paroît jamais plus grand qu'un demi-cercle : le soleil n'est jamais visible au-dessous de l'horison, & le centre de l'arc-en-ciel est toûjours dans la ligne d'aspect ; or dans le cas où le soleil est à l'horison, cette ligne rase la terre : donc elle ne s'éleve jamais au-dessus de la surface de la terre.

Mais si le spectateur est placé sur une éminence considérable, & que le soleil soit dans ou sous l'horison, alors la ligne d'aspect dans laquelle est le centre de l'arc-en-ciel, sera considérablement élevée audessus de l'horison, & l'arc-en-ciel fera pour lors plus d'un demi-cercle ; & même si le lieu est extrèmement élevé, & que la pluie soit proche du spectateur, il peut arriver que l'arc-en-ciel forme un cercle entier.

7°. Comment l'arc-en-ciel peut paroître interrompu & tronqué à sa partie supérieure : rien n'est plus simple à expliquer. Il ne faut pour cela qu'un nuage qui intercepte les rayons, & les empêche de venir de la partie supérieure de l'arc à l'oeil du spectateur ; car dans ce cas n'y ayant que la partie inférieure qui soit vûe, l'arc-en-ciel paroîtra tronqué à sa partie supérieure. Il peut encore arriver qu'on ne voye que les deux jambes de l'arc-en-ciel, parce qu'il ne pleut point à l'endroit où devroit paroître la partie supérieure de l'arc-en-ciel.

8°. Par quelle raison l'arc-en-ciel peut paroître quelquefois renversé : si le soleil étant élevé de 41d 46', ses rayons tombent sur la surface de quelque lac spacieux dans le milieu duquel le spectateur soit placé, & qu'en même tems il pleuve, les rayons venant à se réfléchir dans les gouttes de pluie, produiront le même effet que si le soleil étoit sous l'horison, & que les rayons vinssent de bas en-haut ; ainsi la surface du cone sur laquelle les gouttes colorées doivent être placées, sera tout-à-fait au-dessus de la surface de la terre. Or dans ce cas si sa partie supérieure est couverte par des nuages, & qu'il n'y ait que sa partie inférieure sur laquelle les gouttes de pluie tombent, l'arc sera renversé.

9°. Pourquoi l'arc-en-ciel ne paroît pas toûjours exactement rond, & qu'il est quelquefois incliné : c'est que la rondeur exacte de l'arc-en-ciel dépend de son éloignement, qui nous empêche d'en juger : or si la pluie qui le forme est près de nous, on appercevra ses irrégularités ; & si le vent chasse la pluie, ensorte que sa partie supérieure soit plus sensiblement éloignée de l'oeil que l'inférieure, l'arc paroîtra incliné ; en ce cas l'arc-en-ciel pourra paroître oval, comme le paroît un cercle incliné vû d'assez loin.

10°. Pourquoi les jambes de l'arc-en-ciel paroissent quelquefois inégalement éloignées : si la pluie se termine du côté du spectateur dans un plan tellement incliné à la ligne d'aspect, que le plan de la pluie forme avec cette ligne un angle aigu du côté du spectateur, & un angle obtus de l'autre côté, la surface du cone sur laquelle sont placées les gouttes qui doivent faire paroître l'arc-en-ciel, sera tellement disposée, que la partie de cet arc qui sera du côté gauche, paroîtra plus proche de l'oeil que celle du côté droit.

C'est un phénomene fort rare de voir en même tems trois arcs-en-ciel ; les rayons colorés du troisieme sont toûjours fort foibles, à cause de leurs triples réflexions : aussi ne peut-on jamais voir un troisieme arc-en-ciel, à moins que l'air ne soit entierement noir pardevant & fort clair par-derriere.

M. Halley a vû en 1698 à Chester trois arcs-en-ciel en même tems, dont deux étoient les mêmes que l'arc-en-ciel intérieur & l'extérieur qui paroissoit ordinairement. Le troisieme étoit presqu'aussi vif que le second, & ses couleurs étoient arrangées comme celles du premier arc-en-ciel ; ses deux jambes reposoient à terre au même endroit où reposoient celles du premier arc-en-ciel, & il coupoit en-haut le second arc-en-ciel, divisant à-peu-près cet arc en trois parties égales. D'abord on ne voyoit pas la partie de cet arc qui étoit à gauche ; mais elle parut ensuite fort éclatante : les points où cet arc coupoit l'arc extérieur parurent ensuite se rapprocher, & bientôt la partie supérieure du troisieme arc-en-ciel se confondit avec l'arc-en-ciel extérieur. Alors l'arc-en-ciel extérieur perdit sa couleur en cet endroit, comme cela arrive lorsque les couleurs se confondent & tombent les unes sur les autres ; mais aux endroits où les deux couleurs rouges tomberent l'une sur l'autre en se coupant, la couleur rouge parut avec plus d'éclat que celle du premier arc-en-ciel. M. Senguerd a vû en 1685 un phénomene semblable, dont il fait mention dans sa Physique. M. Halley faisant attention à la maniere dont le soleil luisoit, & à la position du terrein qui recevoit ses rayons, croit que ce troisieme arc-en-ciel étoit causé par la réflexion des rayons du soleil qui tomboient sur la riviere Dée qui passe à Chester.

M. Celsius a observé en Dalécarlie, province de Suede, très-coupée de lacs & de rivieres, un phénomene à-peu-près semblable, le 8 Août 1743, vers les 6 à 7 heures du soir, le soleil étant à 11d 30' de hauteur ; & le premier qui en ait observé de pareils, a été M. Etienne, chanoine de Chartres, le 10 Août 1665. Voyez le Journ. des Sav. & les Transact. phil. de 1666, & l'Hist. acad. des Sc. an. 1743.

Vitellion dit avoir vû à Padoue quatre arcs-en-ciel en même tems ; ce qui peut fort bien arriver, quoique Vicomercatus soûtienne le contraire.

M. Langwith a vû en Angleterre un arc-en-ciel solaire avec ses couleurs ordinaires ; & sous ce premier arc-en-ciel on en voyoit un autre dans lequel il y avoit tant de verd, qu'on ne pouvoit distinguer ni le jaune ni le bleu. Dans un autre tems il parut encore un arc-en-ciel avec ses couleurs ordinaires, au-dessus duquel on remarquoit un arc bleu, d'un jaune clair en-haut, & d'un verd foncé en-bas. On voyoit de tems en tems au-dessous deux arcs de pourpre rouge, & deux de pourpre verd. Le plus bas de tous ces arcs étoit de couleur de pourpre, mais fort foible, & il paroissoit & disparoissoit à diverses reprises. M. Musschenbroeck explique ces différentes apparences par les observations de M. Newton sur la lumiere. Voyez l'Essai de Phys. de cet auteur, art. 1611.

Arc-en-ciel lunaire. La lune forme aussi quelquefois un arc-en-ciel par la réfraction que souffrent ses rayons dans les gouttes de pluie qui tombent la nuit. Voyez LUNE. Aristote dit qu'on ne l'avoit point remarqué avant lui, & qu'on ne l'apperçoit qu'à la pleine lune. Sa lumiere dans d'autres tems est trop foible pour frapper la vûe après deux réfractions & une réflexion.

Ce philosophe nous apprend qu'on vit paroître de son tems un arc-en-ciel lunaire dont les couleurs étoient blanches. Gemma Frisius dit aussi qu'il en a vû un coloré ; ce qui est encore confirmé par M. Verdries, & par Dan ; Sennert, qui en a observé un semblable en 1599. Snellius dit en avoir vû deux en deux ans de tems, & R. Plot en a remarqué un en 1675. En 1711 il en parut un dans la province de Darbyshire en Angleterre.

L'arc-en-ciel lunaire a toutes les mêmes couleurs que le solaire, excepté qu'elles sont presque toûjours plus foibles, tant à cause de la différente intensité des rayons, qu'à cause de la différente disposition du milieu. M. Thoresby, qui a donné la description d'un arc-en-ciel lunaire dans les Trans. phil. n°. 331. dit que cet arc étoit admirable par la beauté & l'éclat de ses couleurs ; il dura environ dix minutes, après quoi un nuage en déroba la vûe.

M. Weidler a vû en 1719 un arc-en-ciel lunaire lorsque la lune étoit à demi-pleine, dans un tems calme, & où il pleuvoit un peu ; mais à peine put-il reconnoître les couleurs ; les supérieures étoient un peu plus distinctes que les inférieures : l'arc disparut aussitôt que la pluie vint à cesser. M. Musschenbroeck dit en avoir observé un le premier d'Octobre 1729, vers les 10 heures du soir : il pleuvoit très-fort à l'endroit où il voyoit l'arc-en-ciel, mais il ne put distinguer aucune couleur, quoique la lune eût alors beaucoup d'éclat. Le même auteur rapporte que le 27 Août 1736, à la même heure, on vit à Ysselstein un arc-enciel lunaire fort grand, fort éclatant ; mais cet arc-enciel n'étoit par-tout que de couleur jaune.

Arc-en-ciel-marin. L'arc-en-ciel-marin est un phénomene qui paroît quelquefois lorsque la mer est extrèmement tourmentée, & que le vent agitant la superficie des vagues, fait que les rayons du soleil qui tombent dessus, s'y rompent, & y peignent les mêmes couleurs que dans les gouttes de pluie ordinaires. M. Bowrzes observe dans les Transactions philosophiques, que les couleurs de l'arc-en-ciel-marin sont moins vives, moins distinctes, & de moindre durée que celles de l'arc-en-ciel ordinaire, & qu'on y distingue à peine plus de deux couleurs ; savoir du jaune du côté du soleil, & un verd pâle du côté opposé.

Mais ces arcs sont plus nombreux, car on en voit souvent 20 ou 30 à-la-fois ; ils paroissent à midi, & dans une position contraire à celle de l'arc-en-ciel, c'est-à-dire renversés ; ce qui est une suite nécessaire de ce que nous avons dit en expliquant les phénomenes de l'arc-en-ciel solaire.

On peut encore rapporter à cette classe une espece d'arc-en-ciel blanc que Mentzelius & d'autres disent avoir observé à l'heure de midi. M. Mariotte, dans son essai de Physique, dit que ces arcs-en-ciel sans couleur se forment dans les brouillards, comme les autres se font dans la pluie ; & il assûre en avoir vû à trois diverses fois, tant le matin après le lever du soleil, que la nuit à la clarté de la lune.

Le jour qu'il vit le premier, il avoit fait un grand brouillard au lever du soleil ; une heure après le brouillard se sépara par intervalle. Un vent qui venoit du levant ayant poussé un de ces brouillards séparés à deux ou trois cens pas de l'observateur, & le soleil dardant ses rayons dessus, il parut un arc-en-ciel semblable pour la figure, la grandeur & la situation, à l'arc-en-ciel ordinaire. Il étoit tout blanc, hors un peu d'obscurité qui le terminoit à l'extérieur ; la blancheur du milieu étoit très-éclatante, & surpassoit de beaucoup celle qui paroissoit sur le reste du brouillard : l'arc n'avoit qu'environ un degré & demi de largeur. Un autre brouillard ayant été poussé de même, l'observateur vit un autre arc-en-ciel semblable au premier. Ces brouillards étoient si épais, qu'il ne voyoit rien au-delà.

Il attribue ce défaut de couleurs à la petitesse des vapeurs imperceptibles qui composent les brouillards : d'autres croyent plûtôt qu'il vient de la ténuité excessive des petites vésicules de la vapeur, qui n'étant en effet que de petites pellicules aqueuses remplies d'air, ne rompent point assez les rayons de lumiere, outre qu'elles sont trop petites pour séparer les différens rayons colorés. De-là vient qu'elles réfléchissent les rayons aussi composés qu'elles les ont reçûs, c'est-à-dire blancs.

Rohault parle d'un arc-en-ciel qui se forme dans les prairies par la réfraction des rayons du soleil dans les gouttes de rosée. Traité de Physique.

Nous ne nous arrêterons pas ici à rapporter les sentimens ridicules des anciens philosophes sur l'arc en ciel. Pline & Plutarque rapportent que les prêtres dans leurs offrandes se servoient par préférence du bois sur lequel l'arc-en-ciel avoit reposé, & qui en avoit été mouillé, parce qu'ils s'imaginoient, on ne sait pourquoi, que ce bois rendoit une odeur bien plus agréable que les autres. Voyez l'essai de Phys. de Mussch. d'où nous avons tiré une partie de cet article. Voyez aussi le traité des Météores de Descartes, l'optique de Newton, les lectiones opticae de Barrow, & le quatrieme volume des oeuvres de M. Bernoulli, imprimées à Geneve, 1743. On trouve dans ces différens ouvrages, & dans plusieurs autres, la théorie de l'arc-en-ciel.

Finissons cet article par une réflexion philosophique. On ne sait pas pourquoi une pierre tombe, & on sait la cause des couleurs de l'arc-en-ciel, quoique ce dernier phénomene soit beaucoup plus surprenant que le premier pour la multitude. Il semble que l'étude de la nature soit propre à nous enorgueillir d'une part, & à nous humilier de l'autre. (O)

ARC DE CLOITRE, (Architect. & Coupe des pierres.) On appelle ainsi une voûte composée de deux, trois, quatre, ou plusieurs portions de berceaux qui se rencontrent en angle rentrant dans leur concavité, comme les portions A B C, fig. 3. Coupe des pierres, ensorte que leurs côtés forment le contour de la voûte en polygone. Si les berceaux cylindriques se rencontroient au contraire en angle saillant sur la concavité, la voûte changeroit de nom, elle s'appelleroit voûte d'arête. Voyez ARETE. (D)

ARC-DOUBLAU, c'est une arcade en saillie sur la douille d'une voûte.

ARC-DROIT, (Coupe des pierres.) c'est la section d'une voûte cylindrique perpendiculairement à son axe.

ARC-RAMPANT, (Coupe des pierres.) c'est celui dont les impostes ne sont pas de niveau. Voyez la fig. 2. Coupe des pierres.

* ARCS DE TRIOMPHE, (Hist. anc. & mod.) grands portiques ou édifices élevés à l'entrée des villes ou sur des passages publics, en l'honneur d'un vainqueur à qui l'on avoit accordé le triomphe, ou en mémoire de quelqu'évenement important. On élevoit aussi des arcs de triomphe aux dieux. Une inscription conservée dans les registres de l'hôtel-de-ville de Langres, montre que dans ces monumens on associoit même quelquefois les hommes aux dieux. Voici cette inscription :

Quintus Sedulius fils aîné d'un autre Sedulius, à dédié aux dieux de la mer & à Auguste l'arc de triomphe & les statues.

Ces édifices étoient ordinairement décorés de statues & de bas-reliefs, relatifs à la gloire des dieux & des heros, & à la nature de l'évenement qui en avoit occasionné la construction. Plusieurs arcs de triomphe des anciens sont encore sur pié : celui d'Orange, qui fait une des portes de cette ville, fut érigé, à ce qu'on croit, à l'occasion de la victoire de Caius Marius & de Catullus sur les Teutons, les Cimbres & les Ambrons. On en peut voir dans les antiquités du savant pere Montfaucon, un dessein fort exact. Cet arc a environ onze toises de long sur dix toises en sa plus grande hauteur. Il est composé de trois arcades embellies en-dedans de compartimens, de feuillages, de fleurons & de fruits, & filetées avec soin. Sur l'arcade du milieu est une longue table d'attente, & la représentation d'une bataille de gens de pié & de cheval, les uns armés & couverts, les autres nuds. Sur les petites portes des côtés des quatre avenues sont des amas de boucliers, de dagues, coutelas, pieux, thrombes, heaumes & habits, avec quelques signes militaires relevés en bosse. On y voit aussi d'autres tables d'attente, avec des trophées d'actions navales, des rostres, des acrostyles, des ancres, des proues, des aplustes, des rames & des tridens. Sur les trophées du côté du levant est un soleil rayonnant dans un petit arc semé d'étoiles ; au haut de l'arc, sur la petite porte gauche du septentrion, sont des instrumens de sacrifices ; à la même hauteur, du côté du midi, est une demi-figure de vieille femme, entourée d'un grand voile comme l'éternité. Les frises principales sont parsemées de soldats combattans à pié. Il résulte de cette description, que cet arc triomphal a été construit à l'occasion de deux victoires, l'une sur mer & l'autre sur terre, & qu'il y a tout lieu de douter que ce soit celui de Caïus Marius & de Catullus.

Il y a à Cavaillon les ruines d'un arc de triomphe ; à Carpentras les vestiges d'un autre ; à Rome celui de Tite est le plus ancien & le moins grand de ceux qui subsistent dans cette ville. Celui qu'on appelloit de Portugal, arco di Portogallo, a excité de grandes contestations entre les antiquaires ; les uns prétendant que c'étoit l'arc de Domitien, d'autres celui de Marc-Aurele : mais Alexandre VII. se proposant d'embellir la rue qu'on appelle il corso, fit examiner cet arc qui la coupoit en deux. On reconnut que la structure en étoit irréguliere dans toutes ses parties ; que les ornemens n'en avoient entr'eux aucun rapport, & que le plan & le terrein sur lequel il étoit construit ne s'accordoient point avec les anciens ; d'où l'on conclut que cet édifice étoit moderne, qu'on l'avoit formé de bas-reliefs, de marbres antiques, & d'autres morceaux rassemblés au hasard ; & il fut détruit.

Il y a deux arcs de Severe, le grand & le petit : le grand est au-bas du capitole. Le Serlio a prétendu que c'étoit aussi un amas de ruines différentes rapportées : mais la conjecture de cet architecte est hasardée. Voyez cet arc & ses ruines fig. 3. & 4. Pl. III. de nos Antiquit. Il est à trois arcades. Dans les bas-reliefs qui sont au-dessus des petites arcades de côté, on voit Rome assise, tenant en sa main un globe, & relevant un Parthe suppliant. Viennent des soldats, dont les uns menent un captif & les autres une captive, les mains liées. Sur le milieu est une femme assise, qu'on prendroit aisément pour une province. Suivent des chariots chargés de dépouilles, les uns tirés par des chevaux, les autres par des boeufs. Ce bas-relief sert, pour ainsi dire, de base à un autre, où l'on voit Septime Severe triomphant & accueilli du peuple, avec les acclamations & les cérémonies ordinaires.

Le petit arc de Severe qui est auprès de S. George in velabro, à Rome, a quelques morceaux d'architecture remarquables. On voit sur un des petits côtés Severe qui sacrifie en versant sa patere sur le foyer d'un trépié : ce prince est voilé. On croit que la femme voilée qui est à ses côtés, est ou sa femme Julia, ou la paix avec son caducée. Il y avoit derriere une troisieme figure qui a été enlevée au ciseau : c'étoit Geta, spectateur du sacrifice. Après que Caracalla son frere l'eut tué, il fit ôter sa figure & son nom des monumens publics. Au-dessous de ce sacrifice sont des instrumens sacrés, comme le bâton augural, le préféricule, l'albogalerus, &c. Plus bas encore est l'immolation du taureau ; deux victimaires le tiennent, un autre le frappe. Le tibicen joue des deux flûtes. Camille tient un petit coffre. Vient ensuite le sacrificateur voilé avec une patere ; ce sacrificateur sans barbe pourroit bien être Caracalla. Le grand morceau qui suit est entre deux pilastres d'ordre composite. Sur la corniche entre les chapiteaux il y a deux hommes, dont l'un verse de son vase dans le vase de l'autre. Deux autres plus près des chapiteaux tiennent, l'un un préféricule, & l'autre un acerre. Plus bas sont deux captifs les mains liées derriere le dos, & conduits par deux soldats. Au dessous sont des trophées d'armes ; & plus bas un homme qui chasse des boeufs C'est tout ce qu'on apperçoit dans la planche du P. de Montfaucon.

L'arc de Galien se ressent un peu des malheurs du tems de cet empereur. L'empire étoit en combustion. Les finances étoient épuisées. Les particuliers avoient enterré leurs richesses. Marc-Aurele Victor fit élever ce monument en l'honneur de Galien & de Salonine sa femme. L'inscription est, cujus invicta virtus sola pietate superata est ; ce qui ne convient guere à Galien, qui vit avec joie Valerien son pere tomber entre les mains des Parthes. Les chapiteaux sont d'ordre corinthien d'un goût fort médiocre. On s'apperçoit-là que les arts tomboient, & suivoient le sort de l'empire.

L'arc de Constantin est un des plus considérables ; on y voit les batailles de Constantin, & il est orné de monumens transportés du forum Trajani ; c'est celui de notre Pl. III. d'Antiq. fig. 1. & 2. Les têtes & les mains qui manquent aux statues posées sur le haut de l'arc, ont été enlevées furtivement.

L'arc de Saint-Remi en Provence n'a qu'une porte large, au-dessus de laquelle & sur chaque côté, on a placé une victoire. Il y a à côté de la porte, entre deux colonnes cannelées, deux figures d'hommes maltraitées par le tems.

Outre ces arcs de triomphe anciens, les médaillons en offrent un grand nombre d'autres. Ceux qui seront curieux d'en savoir davantage, n'auront qu'à parcourir le quatrieme volume d'Antiq. expliquée.

Mais les modernes ont aussi leurs arcs de triomphe ; car on ne peut donner un autre nom à la porte de Peyro à Montpellier, aux portes de saint Denys, de saint Martin, & de saint Antoine à Paris. Outre les arcs de triomphe en pierre, il y a des arcs de triomphe d'eau ; tel est celui de Versailles, du dessein de M. le Nautre. Ce morceau d'architecture est un portique de fer ou de bronze à jour, où les nuds des pilastres, des faces & des autres parties renfermées entre des ornemens, sont garnis par des nappes d'eau.


ARCACHO(golfe d') ou d 'ARCASSON, petit golfe de la mer de Gascogne, entre l'embouchure de la Garonne & celle de l'Adour. Il y a dans le voisinage un cap de même nom.


ARCADES. f. en Architecture, se dit de toute ouverture dans un mur formée par le haut en plein cintre ou demi-cercle parfait. Voyez ARC & VOUTE, en latin fornix.

ARCADE feinte, est une fausse porte ou fenêtre cintrée, pratiquée dans un mur d'une certaine profondeur, pour répondre à une arcade percée, qui lui est opposée ou parallele, ou seulement pour la décoration d'un mur. (P)

ARCADE, en Jardinage, se dit d'une palissade formant une grande ouverture cintrée par le haut, qui peut être percée jusqu'en bas, ou être arrêtée sur une banquette de charmille.

Les arcades se plantent de charmilles, d'ifs, d'ormilles, de tilleuls, & même de grands arbres rapprochés. Le terrein frais & marécageux leur est absolument nécessaire, ou du moins une terre extrèmement forte.

On donne à ces arcades pour juste proportion de leur hauteur, deux fois ou deux fois & demie leur largeur. Les tremeaux auront trois ou quatre piés de large ; au-dessus on éleve une corniche ou bande plate de deux ou trois piés de haut, taillée en chanfrain, & échappée de la même charmille, avec des boules ou aigrettes fendues en forme de vases sur chaque tremeau ; s'il y a quelque corps saillant, tel qu'un socle, un claveau, ce ne doit être au plus que de deux ou trois pouces.

Il est nécessaire de tondre quatre fois l'année ces sortes de palissades, pour leur conserver plus exactement la forme contrainte où on les tient. (K)

ARCADE, c'est, dans les Manufactures de Soierie, une ficelle de la longueur de cinq piés pliée en deux, bouclée par le haut, ou du moins arrêtée par un noeud en boucle ; c'est dans cette boucle qu'on passe la corde de rame : quant aux deux bouts, ils se rendent dans des planches percées qu'ils traversent, & servent à tenir les mailles de corps qui leur sont attachées ; c'est par le moyen de l'arcade que le dessein est répété dans l'étoffe ; elle se passe de deux façons, à pointe & à aile ou à chemin. L'arcade se passe à pointe pour les desseins à symmétrie & à deux parties également semblables, placées l'une à droite & l'autre à gauche ; elle est à aile ou à chemin, lorsque le dessein ne peut se partager en deux parties égales & symmétriques sur sa longueur. Il faut observer que dans les desseins qui demandent des arcades à pointe, l'extrémité d'une fleur se pouvant trouver composée d'une seule corde qui tireroit les deux mailles jointes ensemble, elle formeroit un quarré ou une découpure trop large, proportionnellement aux autres mailles qui sont séparées, & qui contiennent neuf à dix fils chacune. Pour éviter ce petit inconvénient, on a la précaution de ne mettre dans chacune des deux mailles qui se joignent à la pointe, que la moitié des fils dont les autres sont composées, afin que le volume des deux ne fasse que celui d'une ; ce qui s'appelle en terme de l'art, corrompre le course. Voy. VELOURS CISELE.

ARCADE, en Passementerie, est un morceau de fer plat, haut de trois à quatre lignes, allant en augmentant depuis les extrémités jusqu'au centre, où il a à-peu-près le tiers de largeur de plus, & où il est percé de trois trous ronds qui donnent passage aux guipures qui servent à la livrée du roi & autres qui portent comme celle-ci de pareilles guipures ; les deux extrémités sont terminées en rond pour servir à l'usage que l'on expliquera en son lieu ; ce morceau de fer est encore arrondi en demi-cercle sur le dedans, & au centre de cet arrondissement est attachée une autre petite piece de fer d'égale hauteur que le centre : cette piece est percée en son milieu d'un seul trou dont on dira l'usage ; les extrémités terminées en rond portent elles-mêmes deux petites éminences de fer rivées sur leurs faces ; ces éminences rondes servent à entrer dans les deux trous du canon à grands bords, & en élargissant un peu ladite arcade, qui obéit assez pour cet effet. Ce canon est percé dans toute sa longueur d'un trou rond, tant pour être propre à être mis dans la broche du roüet, que pour être chargé des trois brins de guipure dont on le remplit ; ce trou sert encore à recevoir dans ses deux extrémités les petites éminences dont on a aussi parlé. Ces trois brins passent tous d'abord dans le seul trou de la petite piece, ensuite chacun d'eux passe dans chacun des trois trous du devant. Voici à présent la maniere de charger le canon appellé à grands bords : ce canon étant à la broche du roüet à faire de la trame, il faut tenir les trois brins de guipure les uns à côté des autres entre le pouce & le doigt index de la main gauche, pendant que la droite fait tourner le roüet ; on conduit ainsi également cette guipure le long de ce canon le plus uniment qu'il est possible pour éviter les lâches qui nuiroient à l'emploi : voici à présent son usage ; cette arcade sert comme la navette à introduire ce qu'elle contient à-travers la levée de la chaîne, & y arrêter par ce moyen les guipures qui forment différens entrelacemens, qui comme il a été dit en commençant, ornent la livrée du roi & autres : il faut toûjours deux arcades dont l'une fait la répétition de l'autre, mais chacune de son côté.

ARCADE, en Passementerie, est encore une espece d'anneau de gros fil d'archal, qu'on a attaché au milieu & sur l'épaisseur du retour, en faisant entrer ses deux bouts dans le bâton du retour. Voyez RETOUR.

ARCADE, en Serrurerie, est dans les balcons ou rampes d'escalier, la partie qui forme un fer à cheval, & qui fait donner à ces rampes & balcons le nom de rampes en arcade ou balcons en arcade.


ARCADI(L ') ou ARCADIE, (Géog.) ville de la Morée proche le golfe de même nom, dans la province de Belvedere. Long. 39. 30. lat. 37. 27.


ARCADIE(Géog. anc. & mod.) province du Péloponese qui avoit l'Argolide ou pays d'Argos au levant, l'Elide au couchant, l'Achaïe propre au septentrion, & la Messinie au midi. Elle étoit divisée en haute & basse Arcadie. Tout ce pays est connu aujourd'hui sous le nom de Tzaconie.


ARCADIou ARCHADIE, ville autrefois assez renommée dans l'île de Crete ou de Candie. Le golfe d'Arcadie est le Cyparissus sinus des anciens.


ARCADIENSS. m. plur. (Hist. littér.) nom d'une société de savans qui s'est formée à Rome en 1690, & dont le but est la conservation des Lettres & la perfection de la Poésie italienne. Le nom d'Arcadiens leur vient de la forme de leur gouvernement, & de ce qu'en entrant dans cette Académie, chacun prend le nom d'un berger de l'ancienne Arcadie. Ils s'élisent tous les quatre ans un président, qu'ils appellent le gardien, & ils lui donnent tous les ans douze nouveaux assesseurs : c'est ce tribunal qui décide de toutes les affaires de la société. Elle eut pour fondateurs quatorze savans, que la conformité de sentimens, de goût & d'étude rassembloit chez la reine Christine de Suede, qu'ils se nommerent pour protectrice. Après sa mort, leurs lois au nombre de dix, furent rédigées en 1696, dans la langue & le style des douze tables, par M. Gravina ; on les voit exposées sur deux beaux morceaux de marbre dans le Serbatojo, salle qui sert d'archives à l'Académie ; elles sont accompagnées des portraits des Académiciens les plus célebres, à la tête desquels on a mis le pape Clément XI. avec son nom pastoral, Alnano Melleo. La société a pour armes une flûte couronnée de pin & de laurier ; elle est consacrée à Jesus-Christ naissant ; & ses branches se sont répandues sous différens noms dans les principales villes d'Italie : celles d'Aretio & de Macerata s'appellent la Forzata ; celles de Bologne, de Venise & de Ferrare, l'Animosa ; celle de Sienne, la Physica-critica ; celle de Pise, l'Alphaja ; celle de Ravenne, dont tous les membres sont ecclésiastiques, la Camaldulensis, &c. Elles ont chacune leur vice-gardien ; elles s'assemblent sept fois par an, ou dans un bois, ou dans un jardin, ou dans une prairie, comme il convient ; les premieres séances se tinrent sur le mont Palatin ; elles se tiennent aujourd'hui dans le jardin du prince Salviati. Dans les six premieres on fait la lecture des Arcadiens de Rome. Les Arcadiennes de cette ville font lire leurs ouvrages par des Arcadiens. La septieme est accordée à la lecture des Arcadiens associés étrangers. Tout postulant doit être connu par ses talens, & avoir, comme disent les Arcadiens, la noblesse de mérite ou celle d'extraction, & vingt-quatre ans accomplis. Le talent de la Poésie est le seul qui puisse ouvrir la porte de l'Académie à une dame. On est reçû, ou par l'acclamation, ou par l'enrôlement, ou par la représentation, ou par la surrogation, ou par la destination : l'acclamation est la réunion des suffrages sans aucune délibération ; elle est reservée aux Cardinaux, aux Princes, & aux Ambassadeurs ; l'enrôlement est des dames & des étrangers : la représentation, des éleves de ces colléges où l'on instruit la noblesse : la surrogation, de tout homme de Lettres qui remplace un Académicien après sa mort : la destination, de quiconque a mérité d'obtenir un nom arcadien, avec l'engagement solemnel de l'Académie, de succéder à la premiere place vacante. Les Arcadiens comptent par olympiades ; ils les célebrent tous les quatre ans par des jeux d'esprit. On écrit la vie des Arcadiens. Notre des Yvetaux auroit bien été digne de cette société ; il faisoit passablement des vers ; il s'étoit réduit dans les dernieres années de sa vie à la condition de berger, & il mourut au son de la musette de sa bergere. L'Académie auroit de la peine à citer quelque exemple d'une vie plus arcadienne & d'une fin plus pastorale. Voyez ACADEMIE.


ARCALU(PRINCIPAUTE D') petit état des Tartares Monguls, sur la riviere d'Hoamko, où commence la grande muraille de la Chine, sous le 122e degré de longitude & le 42e de latitude septentrionale.


ARCANES. m. (Chimie.) On se sert ordinairement de ce mot pour designer un remede secret, un remede dont la composition n'est pas connue ; ce qui rend ce remede mystérieux & plus estimable pour le vulgaire, ou pour ceux qui pechent par l'éducation ou par l'esprit. On diroit que ces personnes veulent être trompées, & se plaisent à être les dupes de ces fanfarons en Medecine, qu'on nomme charlatans.

Les hommes agités par leurs passions, détruisent la santé dont ils joüissent ; & aveuglés par de dangereux préjugés, ils s'en imposent encore sur les moyens de recouvrer cette santé précieuse, lorsqu'ils l'ont perdue. Ils blâment injustement la Medecine, comme une science extraordinairement obscure ; cependant en ont-ils besoin, ils n'ont pas recours à ceux qui par leur étude & leur application continuelle pourroient en avoir dissipé les prétendues ténebres ; & dans leurs maladies ils s'en rapportent à des ignorans.

Tout le monde est medecin, c'est-à-dire tous les hommes jugent sur la Medecine décisivement, comme s'ils étoient certains de ce qu'ils disent ; & en même tems ils prétendent que les Medecins ne peuvent qu'y conjecturer.

On ne doit avancer que la Medecine est conjecturale, que parce qu'on peut dire que toutes les connoissances humaines le sont ; mais si on veut examiner sincerement la chose, & juger sans préjugé, on trouvera la Medecine plus certaine que la plupart des autres sciences.

En effet, si une science doit passer pour certaine lorsqu'on en voit les regles plus constamment suivies, les Medecins sont plus en droit de réclamer ce témoignage en leur faveur, que les autres Savans. Quel contraste de maximes dans l'Eloquence, la Politique & la Philosophie ! Socrate a fait oublier Pythagore ; la doctrine de Socrate a de même été changée par Platon son éleve ; Aristote formé dans l'école de Platon, semble n'avoir écrit que pour le contredire.

Et pour se rapprocher de nos jours, nos peres ont vû Descartes fonder son empire sur les ruines de l'ancienne Philosophie : les succès ont été si éclatans, qu'il sembloit avoir fait disparoître devant lui tous les Philosophes ; & cependant moins d'un siecle a suffi pour changer presque toute sa doctrine : celle de Newton y a succédé, & plusieurs philosophes censurent aujourd'hui celle-ci.

Au milieu des ruines des écoles de Pythagore, de Socrate, de Platon, d'Aristote, de Descartes & de Newton, Hippocrate qui vivoit avant Platon, se soûtient, & joüit à-présent de la même estime que ses contemporains lui ont accordée ; sa doctrine subsiste, au lieu que celles des autres savans ses contemporains sont oubliées ou décriées.

Cependant Hippocrate n'étoit pas un plus grand homme que Socrate ou que Platon. Si la doctrine de ce medecin a été plus durable que celle de ces savans, c'est que la Medecine dont Hippocrate a traité, a quelque chose de plus constant que n'ont les sciences que ces grands philosophes cultivoient.

Cette foule d'opinions littéraires ou philosophiques qui tour-à-tour ont amusé le monde, est ensevelie depuis long-tems ; & l'art qui a pour objet la santé des hommes, est encore aujourd'hui à-peu-près le même qu'il étoit du tems d'Hippocrate, malgré l'immense intervalle des tems, malgré les changemens nécessaires qu'ont introduits en Medecine la variété des climats, la différence des moeurs, les maladies inoüies aux siecles passés. Toutes les découvertes faites par Galien, par Avicenne, par Rasis, par Fernel & par Boerhaave, n'ont servi qu'à confirmer les anciennes.

Pour juger la Philosophie, on ouvre les ouvrages des premiers philosophes. S'agit-il de la Medecine, on laisse là Hippocrate & Boerhaave, & l'on va chercher des armes contr'elle dans les livres & la conduite des gens qui n'ont que le nom de medecin ; on lui objecte toutes les rêveries des Alchimistes, entre lesquelles les arcanes ne sont pas oubliés.

Il est du devoir d'un citoyen de faire tous ses efforts pour arracher les hommes à une prévention qui expose souvent leur vie, tant en les écartant des vrais secours que la science & le travail pourroient leur donner, qu'en les jettant entre les mains des prétendus possesseurs de secrets, qui achevent de leur ôter ce qui leur reste de santé. Combien d'hommes ont été dans tous les tems & sont encore tous les jours les victimes de cette conduite ! C'est pourquoi les magistrats attentifs à la conservation de la vie des citoyens, se sont toûjours fait le plus essentiel devoir de leurs charges de protéger la Medecine, & ont donné une attention particuliere à cette partie du gouvernement, sur-tout en réprimant l'impudence de ces imposteurs, qui pour tenter & exciter la confiance du peuple qu'ils trompent, ont des secrets pour tout, & promettent toûjours de guérir.

ARCANE-CORALLIN, (Chim. med.) c'est le précipité rouge adouci par l'esprit-de-vin. Arcane veut dire secret ; & corallin veut dire ici, de couleur de corail. En disant arcane-corallin, on dit une composition ou un remede secret qui est rouge comme du corail. Paracelse a quelquefois nommé l'arcane-corallin, diacelta teston.

Pour faire l'arcane-corallin, il faut commencer par faire le précipité rouge ; & pour faire le précipité rouge, on met dans un matras ou dans une phiole de verre, parties égales de mercure & d'esprit-de-nitre. Lorsque la dissolution est faite, on la met dans une petite cornue que l'on place dans du sable sur le feu ; on ajoûte un récipient à cette cornue, & on en lute les jointures.

Ensuite on distille jusqu'à sec, & on reverse dans la cornue ce qui a distillé dans le récipient. On fait redistiller, & on remet dans la cornue ce qui est passé dans le récipient. On réitere ainsi cette opération jusqu'à cinq fois ; on a par ce moyen un beau précipité rouge qui est en feuillets, comme du talc. Il faut à la derniere distillation augmenter le feu jusqu'à faire rougir la cornue.

Il y en a qui au lieu de faire le précipité rouge par la distillation, comme on vient de le dire, le font par l'évaporation : ils mettent dans une phiole ou dans un matras à cou court, parties égales de mercure & d'esprit-de-nitre ; ensuite ils mettent le vaisseau sur le sable à une chaleur douce. Lorsque la dissolution du mercure est achevée, ils augmentent doucement le feu, pour dissiper ce qui reste d'esprit-de-nitre & toute l'humidité ; ce qui donne un précipité blanc, qui devient jaune en augmentant le feu dessous. Ensuite on met ce précipité dans un creuset qu'on place au milieu des charbons ardens : le précipité devient rouge par la force du feu, cependant il n'est jamais aussi rouge que celui dont on a donné auparavant la préparation ; & lorsque pour tâcher de le rendre aussi rouge on employe plus de feu, il devient moins fort, parce que le feu dissipe de l'acide ; & même on rétablit par-là en mercure coulant, une partie du précipité. On trouve des globules de mercure au couvercle du creuset.

Le précipité rouge fait par la distillation, est d'autant plus fort qu'il devient plus rouge, parce qu'il ne devient plus rouge que par la cohobation qui y concentre plus d'acide.

Il y a des fripons qui vendent du minium pour du précipité rouge. Un des moyens de distinguer l'un de l'autre, c'est de verser dessus de l'esprit-de-nitre ; mais le plus sûr moyen d'éprouver le précipité, c'est d'en mêler trois parties avec deux de tartre crud, & une de salpetre, qu'on fond ensemble dans un creuset. Si c'est du minium, ou s'il y en a avec le précipité, on trouve après cette opération du plomb dans le fond du creuset. Voyez PRECIPITE.

On ne doit point employer intérieurement le précipité rouge, qu'on n'en ait fait l'arcane-corallin.

Cette opération se fait en versant sur le précipité rouge fait par cohobation de l'esprit-de-vin, jusqu'à ce qu'il en soit couvert. Il faut employer un esprit-de-vin bien rectifié, & y mettre le feu ; ensuite on fait sécher, & on réitere quatre fois ; & même, selon quelques chimistes, on y brûle aussi de l'esprit-de-vin jusqu'à sept fois.

L'arcane-corallin est par ce moyen fort différent du précipité rouge ; l'esprit-de-vin y apporte un grand changement. Il y a autant de différence entre l'arcane-corallin & le précipité rouge, qu'il y en a entre l'esprit-de-nitre, qui est une eau-forte, & l'esprit-de-nitre dulcifié, qui est une liqueur agréable.

On fait peu d'usage de l'arcane-corallin, cependant il est fort efficace en Medecine, & il seroit bon de s'en servir dans des cas de maladies opiniâtres qui résistent aux remedes ordinaires.

Il est très-bon de simplifier la pratique de la Medecine, c'est-à-dire, il est à-propos de ne pas donner plus de remedes qu'il n'en est nécessaire, & il faut les donner les plus faciles & les plus simples qu'il est possible. Mais il est des maladies qui exigent plus de remedes, & des remedes plus forts, sans lesquels ces maladies restent incurables ; & ce que fait un medecin qui a traité par les remedes simples & ordinaires, ne sert souvent que de préparation pour un remede plus efficace ; le malade ennuyé de ne pas guérir, reçoit quelquefois ce remede d'un charlatan qui le donne sans connoissance, au lieu que le medecin pourroit le donner méthodiquement. Si le medecin se conduisoit ainsi, il ne feroit que suivre le conseil d'Hippocrate, qui dit : melius est anceps adhibere remedium, quàm nullum.

On peut regarder l'arcane-corallin comme un des plus grands fondans des humeurs froides ou véroliques, qui sont des tumeurs ou des ulceres cancereux. Il produit aussi de bons effets dans certaines hydropisies & dans de vieilles maladies de la peau, comme sont certaines dartres.

L'arcane-corallin est un bon remede pour les vieilles véroles dont le dépôt est dans les parties solides du corps, comme dans les os. Il ne réussit pas si bien pour les véroles qui ne sont sensibles que dans les humeurs, sur-tout si elles sont nouvelles ; pour celles-là le mercure crud pris en friction ou autrement, vaut mieux.

On fait prendre l'arcane-corallin ou comme évacuant, ou comme purifiant. Lorsqu'on le donne comme évacuant, on le fait prendre à la dose de trois grains ; aux personnes délicates on n'en donne qu'un grain, & aux personnes robustes on en fait prendre jusqu'à cinq ; & même dans des cas extraordinaires, jusqu'à six grains tout-d'un-coup : il purge par bas, & quelquefois par le vomissement.

Lorsqu'on veut fondre les humeurs & les purifier, on en fait prendre matin & soir une prise d'un demi-grain ou d'un grain.

Pour purifier & vuider en même tems les humeurs, M. Malouin en fait prendre trois prises le matin à une heure de distance l'une de l'autre, d'un demi-grain ou d'un grain chaque prise.

On prend une tasse d'eau tiede ou de tisane une demi-heure après chaque prise, & un bouillon une heure après la derniere prise.

On peut aussi se servir extérieurement de l'arcane-corallin ; on l'allie avec de la pommade ou avec du cérat de Galien, pour en frotter de vieilles dartres après avoir purgé suffisamment.

ARCANE DE TARTRE, (Chim. med.) c'est une matiere saline composée de l'acide du vinaigre & de l'alkali du tartre. Elle se fait lorsqu'on précipite le soufre doré d'antimoine avec le vinaigre ; on fait évaporer la liqueur où s'est faite cette précipitation, & on en tire l'arcane de tartre, qui est une espece de terre ou de tartre folié. (M)

* ARCANE, (Géogr. anc. & mod.) petite ville de la Turquie Asiatique dans la Natolie propre, sur la côte de la mer Noire, entre la ville de Seriape ou Sinape, & le cap Pisello. Quelques géographes prétendent que c'est l'Abonitrichos des anciens. Voyez CRAIE.


ARCANI(Géogr. anc. & mod.) ville de Mingrelie, à l'embouchure de la riviere du même nom. On croit que c'est l'ancienne Apsarum, Apsarus, Apsarrus, &c. de la Colchide.


ARCANNÉES. f. nom qu'on donne à une craie rouge minérale, qui sert dans plusieurs professions à tracer des lignes sur le bois, la pierre, &c.


ARCANUMARCANUM

ARCANUM JOVIS, (Chimie med.) est un amalgame fait de parties égales d'étain & de mercure pulvérisé & digéré avec du bon esprit-de-nitre. Après en avoir tiré de l'esprit dans une retorte, on laisse sécher la masse ; & l'ayant pulvérisée de nouveau, on la digere avec de l'esprit-de-vin, jusqu'à ce que la poudre devienne insipide. (M)

* Cet arcane est fort vanté dans la pharmacopée de Bath : on le donne là comme un puissant sudorifique, & l'on fixe sa dose entre trois grains & huit grains. Mais l'usage intérieur de toutes les préparations d'étain est dangereux.


ARCAS(Géog. anc. & mod.) petit bourg d'Espagne dans la Castille : c'est l'Arcabrica des anciens.


ARCASSES. f. terme de Marine, par lequel on entend toute la partie extérieure de la poupe d'un navire, qui dans les vaisseaux de guerre est assez ornée. Il faut que toutes les pieces qui composent l'arcasse, soient bien liées les unes avec les autres, pour s'opposer aux coups de mer qui quelquefois enfoncent cette arcasse.

Sa hauteur est déterminée par l'étambord & le trépot, & sa largeur par la lisse de hourdi ou grande barre d'arcasse. Voyez ETAMBORD, TREPOT, LISSE DE HOURDI. Voyez aux figures de la Marine, Pl. V. figure 1. qui représente l'arcasse ou la poupe d'un vaisseau, avec les noms des principales pieces qui la composent.

ARCASSE, s. f. en Marine, est aussi le corps de la poulie qui renferme le roüet. (Z)


ARCÉ(Géog. anc.) ville de Phénicie, c'est la même que Césarée de Philippe.


ARCEAUS. m. en Architecture, est la courbure du cintre parfait d'une voûte, d'une croisée ou d'une porte ; laquelle courbure ne comprend qu'une partie du demi-cercle, un quart de cercle au plus, & au-dessous. Voyez CROISEE BOMBEE & VOUTE BOMBEE.

On appelle aussi de ce nom des ornemens de sculpture en maniere de treffle. (P)

ARCEAU, sur les rivieres, c'est la voûte ou la petite arche d'un ponceau.

ARCEAU, en Chirurgie, demi-caisse de tambour dont on fait un logement à la jambe ou au pié dans les fractures ou autres maladies, afin que le membre soit à l'abri de la pesanteur du drap & des couvertures du lit. Voyez Pl. X. de Chirurgie, fig. 2.


ARCÉE(Géog.) Voyez PETRA.


ARCHAGETESS. m. plur. (Littérat. grecq.) les Spartiates appelloient ainsi leurs rois d'un nom différent de celui que prenoient les autres rois de la Grece, comme pour leur montrer qu'ils n'étoient que les premiers magistrats de la république, semblables aux deux consuls de Rome : car un des deux rois servoit de contrepoids à la puissance de l'autre, & les éphores balançoient l'autorité de tous les deux.

(Le Chevalier DE JAUCOURT.)


ARCHANGES. m. (Théol.) substance intellectuelle ou ange du second ordre de la hiérarchie céleste. Voyez ANGE & HIERARCHIE. On appelle ces esprits archanges, parce qu'ils sont au-dessus des anges du dernier ordre ; du grec , principauté, & d', ange. Saint Michel est considéré comme le prince des anges, & on l'appelle ordinairement l'archange S. Michel. (G)


ARCHANGEL(Géog.) ville de la Russie septentrionale, capitale de la province de Dowina, sur la Dowina. Long. 57. 20. lat. 54. 26.

Le commerce d'Archangel comprend celui d'une partie de la Moscovie. Les Anglois & les Hollandois s'en sont presqu'entierement emparés. Cependant les François, les Suédois, les Danois, & ceux de Hambourg & de Breme, ont des correspondans à Archangel.

La foire s'ouvre le 20 Août & dure dix jours : mais le commerce peut commencer une quinzaine plûtôt. Il se fait ou en échange, & c'est le plus ordinaire, ou partie en échange & partie au comptant, ou tout au comptant. Il faut y envoyer de France les vins de Bordeaux & d'Anjou ; des toiles, des futaines, des draps, des lainages, des rubans, des chapeaux, quelques riches étoffes, des bagues, des bijoux, des ustensiles de ménage, des outils d'artisans, du papier, des épices, &c. on en tire des pelleteries, des cuirs, des cires, des martes, &c.


ARCHEen Architecture, est l'espace qui est entre les deux piles d'un pont, & fermé par le haut d'une partie de cercle. On appelle maîtresse arche celle qui est au milieu d'un pont, parce qu'elle est plus large & plus haute que les autres pour la facilité de la navigation, & aussi pour élever le milieu du pont, & former une pente à chaque bout pour l'écoulement des eaux de pluie sur le pavé. Les arches reçoivent différentes expressions, par rapport à la forme du cercle ou de l'arc qui les ferme par le haut. Voyez ARC.

Arche d'assemblage, est un cintre de charpente bombé & tracé d'une portion de cercle pour faire un pont d'une seule arche, comme il s'en voit dans Palladio, & comme il avoit été proposé d'en faire un à Seve près Paris, par M. Perrault. Voyez M. Blondel, cours d'Architecture, part. V. liv. I. &c. (P)

ARCHE EXTRADOSSEE, est celle dont les voussoirs sont égaux en longueur, paralleles à leurs doüelles, & qui ne font aucune liaison entr'eux, ni avec les assises des reins. Voyez celle de Notre-Dame.

ARCHE, s. f. en Marine, c'est la boîte de menuiserie qui couvre la pompe, pour qu'elle ne soit point endommagée. On se sert aussi pour le même effet des cordes dont la pompe est surliée. (Z)

ARCHE, s. f. en Verrerie, c'est une partie du four. Il y en a six, quatre grandes & deux petites ; elles sont faites de brique, & forment l'extérieur du four, à l'intérieur duquel elles communiquent chacune par une lunette d'environ un pié de diametre. C'est dans ces arches que l'on met recuire les matieres propres à faire le verre, avant que de les mettre dans les pots ; elles servent aussi à attremper les pots, avant que de passer pour la premiere fois dans l'intérieur du four. Les arches sont échauffées par la chaleur du four qui s'y porte par les lunettes. Voyez FOUR, LUNETTES, TREMPERMPER.

ARCHE D'ALLIANCE, (Théol.) dans l'Ecriture-sainte signifie une sorte de coffre, dans lequel étoient renfermées les deux tables de pierre sur lesquelles étoient gravés les dix commandemens de la loi donnée à Moyse sur le mont Sinaï, ainsi que l'avoit ordonné Dieu lui-même. Exod. c. xxv. vers. 16.

Cette arche étoit en singuliere vénération parmi les Hébreux, qui l'avoient placée dans la partie la plus sainte du tabernacle. On la portoit dans les expéditions militaires, comme un gage sensible de la protection divine : mais Dieu irrité contre son peuple, permit qu'elle fût prise par les Philistins, au pouvoir desquels elle demeura vingt ans, selon quelques-uns, & selon d'autres quarante. Les fléaux dont à leur tour les Philistins furent frappés, les obligerent de restituer l'arche aux Israëlites, qui la déposerent à Cariathiarim dans la maison d'un lévite nommé Abinadab, chez lequel elle demeura encore vingt ans. David fit transporter l'arche avec beaucoup de solennité à Jérusalem, & la plaça sous un tabernacle qu'il avoit fait construire ; & enfin Salomon la fit mettre dans le temple. Quoique l'Ecriture semble dire en plusieurs endroits, qu'il n'y avoit dans l'arche que les deux tables de pierre ; elle marque expressément ailleurs, qu'elle renfermoit une urne pleine de la manne qu'avoient mangé les Israëlites dans le desert, & la verge ou baguette d'Aaron qui avoit fleuri. Hébr. jx. vers. 4.

On peut voir dans l'Ecriture la description de l'arche. Voici celle qu'en donne Josephe. L'arche, dit-il, avoit cinq palmes de longueur, trois de largeur, & autant de hauteur. Le bois de l'un & de l'autre côté étoit revêtu de lames d'or, & attaché avec des clous dorés ; à quoi il faut ajoûter qu'elle avoit à ses deux plus longs côtés de gros anneaux d'or, qui traversoient le bois, dans lesquels on mettoit de gros bâtons dorés pour la porter selon le besoin, ce que faisoient les sacrificateurs (& les lévites). La couverture de l'arche s'appelloit le propitiatoire, sur lequel étoient placées deux figures appellées chérubins, selon la forme qu'en avoit prescrit Moyse, qui les avoit vûs devant le throne de Dieu. Voyez CHERUBIN. Quelques critiques prennent ce mot chérubé, , pour une transposition de celui-ci , réchub, qui signifie chariot, & prétendent que par les chérubins qui étoient placés sur l'arche d'alliance, on doit entendre que l'arche étoit comme une sorte de char sur lequel on supposoit que Dieu étoit assis. Voyez PROPITIATOIRE & CHERUBIN.

Les Juifs modernes ont une espece d'arche dans leurs synagogues, c'est un coffre ou une armoire dans laquelle ils mettent leurs livres sacrés, & qu'ils regardent comme une figure de l'arche d'alliance construite sur les desseins de Moyse. Ils la nomment aron. Les Juifs, dit Léon de Modene dans le détail qu'il a donné des coûtumes & des cérémonies de ceux de sa nation, ont au côté oriental de leurs synagogues une armoire qui représente l'arche d'alliance, dans laquelle ils conservent le Pentateuque écrit sur du vélin avec une encre particuliere. Cet usage n'est pas nouveau, puisque Tertullien appelle cette arche armarium Judaïcum ; d'où est venue cette façon de parler, être dans l'armoire de la synagogue, pour dire être au nombre des écrits canoniques. Voyez CANONIQUE & APOCRYPHE.

Quant à l'arche d'alliance qui étoit dans le temple, on lit dans le second livre des Macchabées, chap. ij. que peu de tems avant la prise de Jérusalem Jérémie ayant fait cacher le feu sacré, l'autel des parfums, & l'arche, dans un soûterrain par les prêtres & les le vites, l'en retira après le départ des Chaldéens, & les fit porter à sa suite jusqu'au-delà du Jourdain, à la montagne de Nebo, fameuse par la mort & par la sépulture de Moyse ; & qu'ayant fait retirer tous ceux qui l'accompagnoient, Dieu lui découvrit une caverne profonde, où il plaça l'arche & l'autel des parfums, & en ferma si bien l'entrée, que sans une révélation particuliere, il n'étoit pas possible de la connoître : que ses compagnons s'en étant approchés dans ce dessein, le prophete leur déclara que l'autel & l'arche demeureroient en dépôt dans cette caverne inconnue, jusqu'à ce qu'il plût au Seigneur de rassembler son peuple de tous les pays où ils étoient dispersés : qu'alors il leur rendroit l'un & l'autre avec une grande magnificence, & qu'on verroit alors se renouveller les merveilles opérées du tems de Moyse & de Salomon. Cet oracle n'étant point encore accompli, les interpretes pensent qu'il ne le sera qu'à l'entiere réunion des Juifs, qui doit précéder le jugement dernier. (G)

ARCHE DE NOE signifie, selon le langage de l'Ecriture, une sorte de bateau ou de vaste bâtiment flottant qui fut construit par Noé, afin de préserver du déluge les diverses especes d'animaux que Dieu avoit ordonné à ce patriarche d'y faire entrer. Voyez DELUGE.

Les Naturalistes & les Critiques ont fait diverses recherches & imaginé différens systèmes sur l'arche de Noé, sur sa forme, sa grandeur, sa capacité, sur les matériaux employés à sa construction, sur le tems qu'il a fallu pour la bâtir, & sur le lieu où elle s'arrêta quand les eaux du déluge se retirerent. Nous parcourons tous ces points avec l'étendue que comportent les bornes de cet ouvrage.

1°. On croit que Noé employa cent ans à bâtir l'arche ; savoir, depuis l'an du monde 1555 jusqu'en 1656 qu'arriva le déluge. C'est l'opinion d'Origene, lib. IV. contra Cels. de S. Augustin, de civit. Dei, lib. XV. cap. xxvij. & cont. Faust. lib. XII. cap. xviij. & dans ses quest. 5. & 23. sur la Genese ; & de Rupert, lib. IV. sur la Genese, chap. xxij. en quoi ils ont été suivis par Salien, Sponde, le Pelletier, &c. D'autres interpretes prolongent ce terme jusqu'à six vingts ans. Berose assûre que Noé ne commença à bâtir l'arche que 78 ans avant le déluge : Tanchuma n'en compte que cinquante-deux ; & les Mahométans ne donnent à ce patriarche que deux ans pour la construire. Il est certain d'un côté par le texte de la Genese, que le déluge arriva l'an six cens de Noé ; & d'un autre, que Noé étoit âgé de cinq cens ans, lorsqu'il eut Sem, Cham, & Japhet ; d'où il s'ensuit que l'opinion de Berose paroît la plus probable ; car selon le P. Fournier dans son Hydrographie, qui suit en cela le sentiment des peres, Noé fut aidé dans son ouvrage par ses trois fils ; & le même auteur ajoûte que ces quatre personnes suffirent pour le finir ; ce qu'il prouve par l'exemple d'Archias le Corinthien, qui avec le secours de trois cens ouvriers, construisit en un an le grand vaisseau d'Hieron roi de Syracuse. Quand on supposeroit l'arche beaucoup plus grande, & bâtie en 78 ans, il faudroit faire attention aux forces des hommes des premiers tems, qu'on a toûjours regardées comme de beaucoup supérieures à celles des hommes qui vivoient long-tems après. Par ces considérations, on peut répondre aux objections de ceux qui prétendent que l'aîné des enfans de Noé ne naquit qu'environ dans le tems où l'arche fut commencée, & que le plus jeune ne vint au monde qu'après que l'ouvrage eut été mis en train ; ensorte qu'il se passa un tems considérable avant qu'ils fussent en état de rendre service à leur pere. On détruit également ce que d'autres objectent, qu'il est impossible que trois ou quatre hommes ayent pû suffire à construire un bâtiment où il falloit employer une prodigieuse quantité d'arbres qui demandoient un nombre infini d'ouvriers pour les exploiter.

2°. Le bois qui servit à bâtir l'arche, est appellé dans l'Ecriture , & se gopher, bois de gopher, que les Septante traduisent par , bois équarri. Onkelos & Jonathan & quelques autres ont estimé que ce bois étoit le cedre. S. Jerôme dans la vulgate employe le mot ligna levigata, bois taillé ou poli ; & ailleurs ligna bituminata, bois enduit de bitume ou gaudronné. Kimki dit que c'étoit du bois propre à aller sur l'eau : Vatable l'entend d'un bois leger, qui demeure dans l'eau sans se corrompre, ce qui n'explique pas de quelle espece étoit ce bois. Junius Tremellius & Buxtorf prétendent que c'étoit une espece de cedre, appellé par les Grecs . M. Pelletier de Rouen panche pour cette opinion, & en donne pour raison l'incorruptibilité de ce bois, & la grande quantité de son espece en Asie ; puisque selon Herodote & Aristophane, les rois d'Egypte & de Syrie employoient le cedre, au lieu de sapin, à la construction de leurs flottes ; & que c'est une tradition reçûe dans tout l'Orient, que l'arche s'est conservée toute entiere jusqu'à présent sur le mont Ararath. Bochart au contraire soûtient que gopher signifie le cyprès, parce que dans l'Arménie & dans l'Assyrie où l'on suppose avec raison que l'arche fut construite, il n'y a que le cyprès propre à faire un long vaisseau tel qu'étoit l'arche ; ce qu'on prouve par l'autorité d'Arrien, liv. VII. & de Strabon, liv. XVI. qui racontent qu'Alexandre étant dans la Babylonie, & voulant faire construire une flotte, fut obligé de faire venir des cyprès d'Assyrie. Ce dernier sentiment paroît d'autant plus fondé, qu'il n'est pas vraisemblable que Noé avec l'aide de ses seuls enfans, & le peu de tems qu'il eut pour bâtir un vaisseau aussi vaste, dût encore tirer de loin les bois de construction. Enfin quelques auteurs croyent que l'hébreu gopher signifie en général des bois gras & résineux, comme le pin, le sapin, le terebinthe. Les Mahométans disent que c'étoit le sag ou le platane des Indes, que Dieu indiqua à Noé, qui le planta de sa main, & le vit croître si prodigieusement en vingt ans, qu'il en tira toute la charpente & les autres bois nécessaires à la construction de l'arche.

3°. Ce bâtiment, selon Moyse, avoit trois cens coudées de longueur, cinquante de largeur, & trente de hauteur, ce qui paroît d'abord insuffisant pour contenir toutes les choses dont l'arche a dû nécessairement être remplie ; & c'est cette proportion inégale qui a fait révoquer en doute à quelques-uns l'autorité de cette relation de Moyse. Celse, entr'autres, s'en est moqué, & l'a nommée , l'arche d'absurdité. Pour résoudre cette difficulté, les SS. Peres & les critiques modernes se sont efforcés de déterminer l'espece de coudée dont Moyse a voulu parler. Origene, S. Augustin, & d'autres, ont pensé que par ces coudées il falloit entendre les coudées géométriques des Egyptiens, qui contenoient, selon eux, six coudées vulgaires ou neuf piés. Mais où trouve-t-on que ces coudées géométriques des Egyptiens fussent en usage parmi les Hébreux ? D'ailleurs dans cette supposition, l'arche auroit eu 2700 piés de longueur ; ce qui, joint aux autres dimensions, lui eût donné une capacité énorme & tout-à-fait superflue, tant pour les especes d'animaux qui devoient y être renfermées, que pour les provisions destinées à leur nourriture. D'autres disent que les hommes étant plus grands dans le premier âge qu'ils ne sont maintenant, la coudée qui est une mesure humaine, devoit être proportionnément plus grande : mais cette raison est foible ; car les animaux devoient être aussi plus grands & occuper plus de place. D'autres enfin supposent que Moyse parle de la coudée sacrée, qui étoit de la largeur de la main plus grande que la coudée ordinaire, opinion qui n'est pas encore solidement appuyée ; car il ne paroit pas qu'on ait jamais employé cette mesure, si ce n'est dans les édifices sacrés, comme le temple & le tabernacle. Cette difficulté a été mieux résolue par Buteo & par Kircher, qui en supposant la coudée de la longueur d'un pié & demi, prouvent géométriquement que l'arche étoit très-suffisante pour contenir tous les animaux. On est encore moins gêné à cet égard dans le système de ceux qui, comme Messieurs le Pelletier, Graves, Cumberland & Newton, donnent à l'ancienne coudée hébraïque la même longueur qu'à l'ancienne coudée de Memphis, c'est-à-dire vingt pouces & demi environ mesure de Paris. Les dimensions de l'arche, prises suivant cette mesure, donnent une capacité suffisante pour loger commodément non-seulement les hommes & les animaux, mais aussi les provisions nécessaires, & l'eau douce pour les entretenir pendant un an & plus, comme on le verra ci-dessous par l'exposition des systèmes de M. le Pelletier & du P. Buteo.

Snellius a prétendu que l'arche avoit plus d'un arpent & demi : Cuneus, Budée, & d'autres ont aussi calculé la capacité de l'arche. Le docteur Arbuthnot compte qu'elle avoit quarante fois 81062 piés cubiques. Le P. Lami dit qu'elle étoit de cent dix piés plus longue que l'église de S. Mery à Paris, & de soixante-quatre piés plus étroite ; à quoi son traducteur Anglois ajoûte qu'elle étoit plus longue que l'église de S. Paul à Londres ne l'est de l'est à l'ouest, & qu'elle avoit soixante-quatre piés de haut selon la mesure Angloise.

4°. L'arche contenoit, outre les huit personnes qui composoient la famille de Noé, une paire de chaque espece d'animaux impurs, & sept d'animaux purs, avec leur provision d'alimens pour un an ; ce qui du premier coup d'oeil paroît impossible : mais si l'on descend au calcul, on trouve que le nombre des animaux n'est pas si grand qu'on se l'étoit d'abord imaginé. Nous ne connoissons guere qu'environ cent, ou tout au plus cent trente especes de quadrupedes, environ autant des oiseaux, & quarante especes de ceux qui vivent dans l'eau. Les Zoologistes comptent ordinairement cent soixante & dix especes d'oiseaux en tout. Wilkins évêque de Chester, prétend qu'il n'y avoit que soixante & douze especes de quadrupedes qui fussent nécessairement dans l'arche.

5°. Selon la description que Moyse fait de l'arche, il semble qu'elle étoit divisée en trois étages, qui avoient chacun dix coudées ou quinze piés de hauteur. On ajoûte que l'étage le plus bas étoit occupé par les quadrupedes & les reptiles ; que celui du milieu renfermoit les provisions, que celui d'en-haut contenoit les oiseaux avec Noé & sa famille ; enfin que chaque étage étoit subdivisé en plusieurs loges. Mais Joseph, Philon, & d'autres commentateurs imaginent encore une espece de quatrieme étage qui étoit sous les autres, & qu'ils regardent comme le fond de cale du vaisseau, lequel contenoit le lest & les excrémens des animaux. Drexelius croit que l'arche contenoit trois cens loges ou appartemens ; le P. Fournier en compte trois cens trente-trois ; l'auteur anonyme des questions sur la Genese, en met jusqu'à quatre cens. Budée, Temporarius, Arias Montanus, Wilkins, le P. Lami, & quelques autres supposent autant de loges qu'il y avoit d'especes d'animaux. M. le Pelletier & le P. Buteo en mettent beaucoup moins, comme on le verra : la raison qu'ils en apportent est que si l'on suppose un grand nombre de loges, comme trois cens trente-trois ou quatre cens, chacune des huit personnes qui étoient dans l'arche, auroient eu 37, ou 41, ou 50 loges à pourvoir & à nettoyer par jour, ce qui est impossible. Peut-être y a-t-il autant de difficulté à diminuer le nombre des loges, à moins qu'on ne diminue le nombre des animaux ; car il seroit peut-être plus difficile de prendre soin de 300 animaux en 72 loges, que s'ils occupoient chacun la leur. Budée a calculé que tous les animaux qui étoient contenus dans l'arche, ne devoient pas tenir plus de place que cinq cens chevaux, ce qu'il réduit à la dimension de cinquante-six paires de boeufs. Le P. Lami augmente ce nombre jusqu'à soixante-quatre paires ou cent vingt-huit boeufs ; de sorte qu'en supposant que deux chevaux tiennent autant de place qu'un boeuf, si l'arche a eu de l'espace pour deux cens cinquante-six chevaux, elle a pu contenir tous les animaux ; & le même auteur démontre qu'un seul étage pouvoit contenir cinq cens chevaux, en comptant neuf piés quarrés pour un cheval.

Pour ce qui regarde les alimens contenus dans le second étage, Budée a observé que 30 ou 40 livres de foin suffisent ordinairement à un boeuf pour sa nourriture journaliere, & qu'une coudée solide de foin pressée comme elle l'est dans les greniers ou magasins, pese environ 40 livres. De sorte qu'une coudée quarrée de foin est plus que suffisante pour la nourriture journaliere d'un boeuf : or il paroît que le second étage avoit 150000 coudées solides. Si on les divise entre 206 boeufs, il y aura deux tiers de foin plus qu'ils n'en pourront manger dans un an.

L'évêque Wilkins calcule tous les animaux carnaciers équivalens tant par rapport à leur volume, que par rapport à leur nourriture, à 27 loups, & tous les autres à 208 boeufs. Pour l'équivalent de la nourriture des premiers, il met celle de 1825 brebis, & pour celle des seconds 109500 coudées de foin : or les deux premiers étages étoient plus que suffisans pour contenir ces choses. Quant au troisieme étage, il n'y a point de difficulté ; tout le monde convient qu'il y avoit plus de place qu'il n'en falloit pour les oiseaux, pour Noé & pour sa famille.

Ensuite le savant évêque observe qu'il est infiniment plus difficile d'évaluer en nombre la capacité de l'arche, que de trouver une place suffisante pour les différentes especes d'animaux connus. Il attribue cette différence à l'imperfection de nos listes d'animaux, sur-tout des animaux des parties du monde que nous n'avons pas encore fréquentées : il ajoûte du reste que le plus habile mathématicien de nos jours ne détermineroit pas mieux les dimensions d'un vaisseau, tel que celui dont il s'agit ici, qu'elles ne le sont dans l'Ecriture, relativement à l'usage auquel il étoit destiné. D'où il conclut que l'arche dont on a prétendu faire une objection contre la vérité des écritures divines, en devient une preuve ; puisqu'il est à présumer que dans des premiers âges du monde, les hommes moins versés dans les Sciences & dans les Arts, devoient être infiniment plus sujets à des erreurs, que nous ne le serions aujourd'hui : que cependant si l'on avoit aujourd'hui à proportionner la capacité d'un vaisseau à la masse des animaux & de leur nourriture, on ne s'en acquiteroit pas mieux ; & que par conséquent l'arche ne peut être une invention humaine ; car l'esprit humain étant exposé en pareil cas à se grossir prodigieusement les objets, il seroit arrivé indubitablement dans les dimensions de l'arche de Noé, ce qui arrive dans l'estimation du nombre des étoiles par la seule vûe ; c'est que de même qu'on en juge le nombre infini, on eût poussé les dimensions de l'arche à des grandeurs démesurées, & qu'on eût ainsi engendré un bâtiment infiniment plus grand qu'il ne le falloit ; & péchant plus par son excès de capacité dans l'historien, que ceux qui attaquent l'histoire ne prétendent qu'il peche par défaut.

Mais pour donner au lecteur une idée plus juste des dimensions de l'arche, de sa capacité, de sa distribution intérieure, & autres proportions, nous allons lui faire part de l'extrait des systèmes de M. le Pelletier de Rouen & du P. Buteo, sur cette matiere, tel qu'il se trouve dans la dissertation du P. Calmet sur l'arche de Noé.

M. le Pelletier suppose que l'arche étoit un bâtiment de la figure d'un parallelépipede rectangle, dont on peut diviser la hauteur par dedans en quatre étages, donnant trois coudées & demie au premier, sept au second, huit au troisieme, & six & demie au quatrieme, & laisser les cinq coudées restantes des trente de la hauteur, pour les épaisseurs du fond, du comble & des trois ponts ou planchers des trois derniers étages.

Le premier de ces étages auroit été le fond, ou ce que l'on appelle carene dans les navires : le second pouvoit servir de grenier ou de magasin : le troisieme pouvoit contenir les étables ; & le quatrieme les volieres : mais la carene ne se comptant point pour un étage, & ne servant que de réservoir d'eau douce, l'arche n'en avoit proprement que trois, & l'écriture n'en met pas un plus grand nombre, bien que les interpretes y en ayent mis quatre, en y ajoûtant la carene.

Il ne suppose que 36 étables pour les animaux de terre, & autant pour les oiseaux ; chaque étable pouvoit être de quinze coudées 4/9 de long, de dix-sept de large, & de huit de haut ; par conséquent elle avoit environ vingt-six piés & demi de long, plus de vingt-neuf de large, & plus de treize & demi de haut de notre mesure ; car il faut se souvenir que M. le Pelletier donne à sa coudée vingt pouces & demi, ou environ, mesure de Paris. Les trente-six volieres étoient de même étendue que les étables.

Pour charger l'arche également, Noé pouvoit remplir ces étables & ces volieres, en commençant par celles du milieu, des plus gros animaux & des plus gros oiseaux. Cet auteur fait voir par un calcul exact, que l'eau qui étoit dans la carene pouvoit être de plus de 31174 muids, ce qui est plus que suffisant pour abreuver pendant un an quatre fois autant d'hommes & d'animaux qu'il y en avoit dans l'arche ; il montre ensuite que le grenier pouvoit contenir plus de nourriture qu'il n'en falloit à tous les animaux en un an.

Dans le troisieme étage Noé a pu construire 36 loges pour serrer les ustensiles de ménage, les instrumens du labourage, les étoffes, les grains, les semences ; il s'y pouvoit ménager une cuisine, une salle, quatre chambres, & un espace de 48 coudées pour se promener.

M. le Pelletier place la porte, non au côté de la longueur, mais à l'un des bouts de l'arche, persuadé qu'à l'un des côtés de la longueur elle auroit gâté la symmétrie de l'arche, & en auroit ôté l'équilibre.

Quelques-uns ont crû qu'il n'étoit pas nécessaire de faire provision d'eau douce dans l'arche, parce que l'eau de la mer ayant été mêlée avec les eaux du déluge, pouvoit être assez dessalée pour être rendue potable, & qu'on en pouvoit tirer par la fenêtre de l'arche pour abreuver les animaux : mais cette prétention est insoûtenable ; l'eau de la mer est en bien plus grande quantité que l'eau qui tomba du ciel pour inonder la terre : or l'expérience fait voir qu'un tiers d'eau salée mêlée avec deux tiers d'eau douce, fait une potion qui n'est point bonne à boire ; & l'arche ayant cessé de flotter sur les eaux dès le vingt-septieme jour du septieme mois, elle demeura à sec sur les montagnes d'Arménie pendant presque sept mois, pendant lesquels on n'auroit pu puiser de l'eau de dehors. Tel est le système de M. le Pelletier de Rouen.

Le pere Jean Buteo, natif de Dauphiné, & religieux de l'ordre de S. Antoine de Viennois, dans son traité de l'arche de Noé, de sa forme & de sa capacité, suppose que la coudée de Moyse n'étoit que de 18 pouces comme la nôtre ; & cependant il ne laisse pas de trouver dans les dimensions marquées par Moyse, tout l'espace convenable pour loger dans l'arche les hommes, les animaux, & les provisions nécessaires. Il croit que l'arche étoit composée de plusieurs sortes de bois gras & résineux, qu'elle étoit enduite de bitume, qu'elle avoit la forme d'un parallelépipede, avec les dimensions qu'en marque l'écriture, mesurées à notre coudée.

Il divise le dedans en quatre étages, donnant au premier quatre coudées de hauteur, huit au second, dix au troisieme, & huit au dernier. Il place la sentine dans le premier, les étables dans le second, les provisions dans le troisieme, les hommes, les oiseaux, & les ustensiles de ménage dans le dernier. Il met la porte à 20 coudées près du bout d'un des côtés du second étage, & la fait ouvrir & fermer en pont-levis. Il dispose la fenêtre au haut de l'appartement des hommes, prétendant que les animaux n'avoient pas besoin de lumiere. Il ferme cette fenêtre d'un double chassis à carreaux de crystal, de verre ou de pierre transparente, parce qu'il la croyoit très-grande. Il éleve le milieu du comble d'une coudée de hauteur sur toute la longueur, prenant pour cette hauteur la coudée que les interpretes expliquent de la hauteur de la fenêtre.

Ayant dans le second étage tiré du côté de la porte une allée de six coudées de large & de 300 coudées de long, & construit deux escaliers aux deux bouts pour monter aux troisieme & quatrieme étages, il prend sur le milieu du reste de la largeur une autre allée de douze coudées de large, tombant perpendiculairement ou à angles droits sur le milieu de la premiere, & de côté & d'autre de cette derniere ; il divise un espace de 15 coudées de large & de 44 de long, en trois parties égales sur la largeur, & en douze parties sur la longueur, pour trouver par cette division 36 cellules ou étables de chaque côté, dont six étant prises pour deux allées traversantes, il en reste 30 de chaque côté qui forment trois rectangles, deux qui en contiennent chacun neuf, & celui du milieu douze ; & ces étables ou cellules ont 15 coudées de long & 3 2/3 de large. Il prend encore sur le reste de cet étage de côté & d'autre un espace de 15 coudées de largeur, & de 44 coudées de longueur, dont il retranche quatre coudées de côté & d'autre sur la largeur pour faire deux allées ; & il lui reste un rectangle de sept coudées de largeur & de quarante-quatre coudées de longueur, dont il divise la largeur en deux, ensorte qu'une moitié ait trois coudées de large & l'autre quatre ; & la longueur en vingt parties égales : & ces divisions lui donnent quarante petites étables ou cellules en deux rangs, dont vingt ont chacune trois coudées, & les vingt autres quatre de long, & les unes & les autres deux coudées & demie de large ; & par ce moyen il se trouve 60 grandes étables, 40 moyennes & 40 petites, & outre cela encore deux espaces de côté & d'autre de 114 coudées de long, & de 44 coudées de large.

Or en reduisant tous les animaux qui entrent dans l'arche à la grandeur du boeuf, du loup & du mouton, il trouve qu'ils étoient égaux à 120 boeufs, 80 loups, & 80 moutons ; de sorte qu'ayant disposé 60 grandes étables, 40 moyennes & 40 petites, il prétend qu'elles pouvoient contenir 60 paires de boeufs, 40 paires de loups, & 40 paires de moutons. Mais comme il pense qu'on devoit nourrir de chair les bêtes carnacieres, il en conclut qu'on devoit avoir mis dans l'arche 3650 moutons pour la subsistance de 40 paires de ces animaux, qu'il estimoit de la grandeur du loup, pour leur en donner dix par jour, ou un à quatre.

Il perce toutes les étables par le bas, afin que les excrémens des animaux tombent dans le premier étage ou sentine, qu'il dispose aussi pour le lest : mais de peur que l'infection des fumiers n'incommode, il construit en plusieurs endroits de cet étage des soûpiraux, qu'il fait monter jusqu'au dernier, pour y donner de l'air.

Il divise le troisieme étage en plusieurs séparations, pour mettre à part le foin, les feuilles, les fruits & les grains : il prétend même qu'on pouvoit construire un réservoir pour y nourrir du poisson pour les animaux & les oiseaux amphibies qui en vivent, & un reservoir pour l'eau douce. De plus, il veut que toutes les cellules ou étables qui étoient immédiatement sous cet étage, ayent été percées par enhaut, pour distribuer par ces ouvertures la nourriture dont les animaux auroient besoin ; & au moyen de certains canaux qui alloient dans chaque étable, on auroit pû leur donner de l'eau pour plusieurs jours.

Il croit qu'au milieu du quatrieme étage il devoit se trouver pour l'appartement des hommes une grande chambre éclairée par la fenêtre de l'arche, une dépense, une cuisine dans laquelle il y auroit eu un moulin à bras & un four, des chambres particulieres pour les hommes & pour les femmes, enfin des lieux pour le bois, pour le charbon, pour les meubles & ustensiles du ménage & du labourage, & pour les autres choses qu'on vouloit garantir des eaux, & que sur le reste de cet étage on avoit construit de côté & d'autre des cages ou volieres pour renfermer les oiseaux, & des loges pour en serrer les provisions.

Ayant accordé pour nourriture dix moutons chaque jour aux animaux carnaciers, estimés à 80 loups, il en auroit fallu 3650 pour un an : mais ce nombre diminuant de dix par jour, ne devoit être compté que comme un nombre fixe de 1820 : or ayant estimé les animaux qui vivent d'herbes, de graines, ou de fruits, égaux à 120 boeufs & à 80 moutons, ajoûtant 80 à 1820, on reconnoît qu'il auroit eu 1900 moutons à nourrir, & 120 boeufs. Il trouve que sept moutons mangent autant de fourrage qu'un boeuf ; d'où il conclut qu'il falloit autant de nourriture à tous ces animaux qu'à 400 boeufs ; & parce qu'il estime que 40 livres ou une coudée cube parisienne de foin, pourroient nourrir un boeuf en un jour, il en résulte qu'il en auroit fallu 146000 coudées pour un an. Le troisieme étage étoit de la capacité de 150000 coudées cubes. Le foin est la nourriture qui occupe le plus de place : mais 146000 coudées cubes de foin suffisoient pour nourrir les animaux pendant un an ; ainsi, suivant cet auteur, il y auroit eu suffisamment de place dans cet étage pour serrer autant de nourriture qu'il en falloit pour nourrir les animaux pendant un an. Toute la capacité de l'arche, en prenant la coudée à 18 pouces, étoit de 450000 coudées ou 675000 piés : elle avoit 450 piés de long, 75 piés de large, & 45 de haut. Tel est le système du P. Buteo, qui vivoit dans le XVIe siecle.

Quelque ingénieuses que paroissent ses idées, & quelque exact que soit son calcul, son opinion souffre pourtant de grandes difficultés. Les principales qu'y remarque M. le Pelletier, sont 1°. que la coudée dont parle Moyse étoit celle de Memphis, différente de celle de Paris, & plus courte d'une septieme partie : 2°. qu'un bâtiment plat & quarré, plus long & plus large que haut, n'a nul besoin de lest pour l'empêcher de tourner, de quelque maniere qu'on le charge : 3°. qu'il est ridicule de placer des animaux entre des fumiers & des provisions pour les étouffer, & de les mettre sous l'eau pour les priver de la lumiere ; au lieu qu'on prévient tous ces inconvéniens en les mettant au troisieme étage : 4°. que la pesanteur du corps des animaux qui entrerent dans l'arche ne pouvant aller à soixante-dix milliers, & les provisions qu'on y enferma & qui étoient au-dessus des animaux, pouvant aller à plus de dix millions, il n'y auroit pas de bon sens de mettre dix millions de charge dans un étage placé au-dessus d'un autre qui n'en auroit contenu que soixante-dix milliers : 5°. qu'en plaçant la porte de l'arche à un des côtés pour laisser une allée vuide de trois cens coudées de long sur six de large, on auroit rendu cette arche plus pesante d'un côté que d'un autre, & incommode en gâtant la symmétrie des étables & des autres appartemens. Mais, ajoûte D. Calmet, il y a peu d'auteurs qui ayent traité cette matiere, qui ne soient tombés dans quelques inconvéniens. Les uns ont fait l'arche trop grande, les autres trop petite ; d'autres trop peu solide : la plûpart n'ont apperçû d'autres difficultés dans l'histoire du déluge, que celle qui regarde la capacité de l'arche, sans faire attention à une infinité d'autres inconvéniens qui résultent de sa forme, de la distribution des appartemens, des étages, des logemens des animaux, de leur distribution, de la maniere dont on pouvoit leur donner à boire & à manger, leur procurer du jour & de l'air ; les nettoyer & faire couler le fumier & les immondices hors de l'arche ou dans la sentine. On peut voir toutes ces difficultés éclaircies par M. le Pelletier de Rouen, dans le chap. xxv. de sa Dissertation sur l'arche de Noé.

Nous terminerons cet article par quelques observations sur le lieu où s'arrêta l'arche après le déluge. Quelques-uns ont crû que c'étoit près d'Apamée, ville de Phrygie, sur le fleuve Marsyas, parce que cette ville prenoit le surnom d'arche, & portoit la figure d'une arche dans ses médailles, comme il paroît par une piece frappée en l'honneur d'Adrien, où l'on voit la figure d'un homme qui représente le fleuve Marsyas, avec ces mots. , c'est-à-dire médaille d'Apamée, l'arche, le fleuve Marsyas. Et dans les vers Sibyllins, on lit que le mont Ararat, où s'arrêta l'arche, est sur les confins de la Phrygie, aux sources du fleuve Marsyas : mais ce sentiment n'est pas soûtenable ; le plus suivi, appuyé sur une tradition constante des Orientaux & sur la narration de Moyse, est que l'arche s'arrêta sur le mont Ararat ; ce que saint Jérôme traduit par les montagnes d'Arménie. Josephe l'historien parlant d'Izates, fils du roi de l'Adiabene, dit que son pere lui donna un canton dans l'Arménie, nommé Kaeron, où l'on voyoit des restes de l'arche de Noé, & il cite encore Berose le Chaldéen, qui dit que de son tems on voyoit des restes de l'arche sur les montagnes d'Arménie. Antiquit. Liv. I. ch. v. Lib. XX. cap. ij.

Nicolas de Damas, Théophile d'Antioche, Isidore de Séville, racontent la même chose ; Jean Struys, dans ses voyages, dit qu'en 1670 il monta sur la montagne d'Ararat, & y trouva un hermite Italien, qui l'assûra que l'arche étoit encore toute entiere sur cette montagne ; qu'il étoit entré dans ce bâtiment, & lui montra une croix faite du bois qu'il en avoit lui-même arrachée : mais M. de Tournefort qui a été sur les lieux, assûre que la montagne d'Ararat est inaccessible, & que depuis le milieu jusqu'au sommet elle est perpétuellement couverte de neiges qui ne fondent jamais, & au-travers desquelles on ne peut s'ouvrir aucun passage. Les Arméniens eux-mêmes tiennent par tradition, qu'à cause de cet obstacle, personne, depuis Noé, n'a pû monter sur cette montagne, ni par conséquent donner des nouvelles bien certaines de l'état de l'arche ; c'est donc sans aucune preuve solide, que quelques voyageurs ont avancé qu'on en voyoit encore des débris. Calmet, Dissert. sur l'arche de Noé, & Dict. de la Bible, tom. I. lettre A, aux mots APAMEE, ARARAT, & ARCHE. (G)

ARCHE (la cour des arches) en Angleterre est une cour épiscopale à laquelle ressortissent les appels en fait de matieres ecclésiastiques de toutes les parties de la province de Cantorberi. Voy. COUR, APPEL, CHEVEQUEEQUE. Cette cour est ainsi appellée de l'église & de la tour voûtée de sainte Marie, où elle se tenoit ordinairement. Les officiers de cette cour sont le juge, le secrétaire de synode, les greffiers, les avocats, les procureurs ou députés de l'assemblée du clergé, &c.

Le juge de la cour des arches est appellé le doyen des arches ou l'official de la cour des arches, &c. On joint ordinairement à cette officialité une jurisdiction particuliere sur treize paroisses de Londres : cette jurisdiction s'appelle un doyenné ; elle n'est point subordonnée à l'autorité de l'évêque de Londres, & elle appartient à l'archevêque de Cantorbéri.

D'autres pensent que le nom & les fonctions du doyen de la cour des arches viennent de ce que l'official de l'archevêque ou le doyen, étant souvent employé dans les ambassades étrangeres, le doyen des arches étoit son substitut dans cette cour. Ce juge sur quelque appel que l'on fasse à sa cour, sur le champ & sans aucun examen ultérieur de la cause, envoye son ajournement à l'accusé, & sa défense au juge dont est appel. Les avocats qui plaident ou qui peuvent plaider à la cour des arches, doivent être docteurs en droit civil dans quelqu'une des universités d'Angleterre. (H)


ARCHou ARCHI, (Gramm.) terme qui par lui-même & pris seul n'a aucune signification déterminée, mais qui en acquiert une très-forte lorsqu'il en précede quelqu'autre simple qu'il éleve au degré superlatif, dont il a pour lors l'énergie ; ainsi l'on dit archi-fou, archi-coquin, &c. pour exprimer le plus haut degré de folie & de fourberie ; on dit aussi pour marquer une sur-éminence d'ordre ou de dignité, archange, archevêque, archi-diacre, archi-thrésorier, archi-maréchal, &c.

Ce mot est formé du grec , primauté, commandement, autorité ; d'où il est dérivé , princeps, summus, prince ou chef.

En Angleterre on supprime ordinairement l'i final du mot archi, ce qui rend durs à l'oreille les termes dans la composition desquels il entre ; défaut qu'on a évité dans presque toutes les autres langues, soit mortes, soit vivantes. V. ANOMAL ou IRREGULIER. (G)


ARCHÉES. m. (Physiologie.) ce mot signifie ancien dans sa propre étymologie. Basile Valentin & autres Chimistes abuserent de ce mot qu'ils convertirent en den natur-knaben, appellant ainsi le principe qui détermine chaque végétation en son espece. Paracelse admit l'archée, & Vanhelmont voulut exprimer par-là un être qui ne fût ni l'esprit pensant, ni un corps grossier & vulgaire ; mais quelque être moyen qui dirigeât toutes les fonctions du corps sain, guérît les maladies dans lesquelles il erre, ou même entre quelquefois en délire, &c. Ce qui a engagé ces Philosophes à se forger ces hypotheses, c'est qu'ils ont vû que le corps humain étoit construit avec un art si merveilleux, & suivant les lois d'une méchanique si déliée, qu'ils ont crû en conséquence qu'un aussi grand nombre de fonctions, si subtilement enchaînées entr'elles, ne pouvoient jamais se faire sans le secours de quelque intelligence qui présidât à tout : mais ils ne voulurent point accorder ce ministere à l'ame, parce qu'il leur sembloit qu'il s'ensuivroit de-là que nous eussions dû savoir ce qui se passe au-dedans de nous-mêmes, & pouvoir commander à toutes nos fonctions, sans excepter celles qu'on nomme vitales. Cette opinion ne mérite pas d'être réfutée ; je ne crois pas que Vanhelmont ait été assez insensé pour croire vrai tout ce qu'il a écrit sur son archée ; & lorsqu'il dit que l'archée a faim ou soif, digere, choisit, expulse, &c. il n'a sans doute voulu dire autre chose, sinon que c'est une puissance inconnue qui fait tout cela dans l'homme ; car qu'importe qu'on avoue ignorer la cause de quelqu'action, ou qu'on la mette dans un être imaginé dont on ne connoît ni l'existence, ni la nature, ni les affections, ni la façon d'agir ? Mais pour nous, nous connoissons plusieurs causes méchaniques des fonctions du corps : nous savons qu'elles dépendent toutes d'une infinité de causes physiques connues, tellement rassemblées en un tout, qu'elles forment la vie & la santé, la conservent, & la rétablissent. Comment. Boerh. Voy. VIE & SANTE. (L)


ARCHEGETES(Myth.) nom sous lequel Apollon avoit un autel & un culte dans l'île de Naxos. Sur des monnoies de la même île, on voyoit la tête d'Apollon avec ce surnom. On donnoit à Hercule le même titre dans l'île de Malte, où son culte avoit été apporté de Tyr. Ce mot signifie chef, prince, conducteur, du grec .


ARCHELETS. m. c'est, en terme de Pêcheur, une branche de saule pliée en rond, qui s'attache avec de la lignette autour du verveux pour le tenir ouvert. Voyez VERVEUX. C'est encore le nom de deux bâtons d'orme courbés & se traversant en forme de croix, à l'extrémité desquels sont attachés les quatre coins du filet à prendre le goujon, qu'on appelle échiquier. Voyez ECHIQUIER.


ARCHELOGIES. f. nom d'un traité des premiers élémens de la Medecine, fondés sur la raison & l'expérience, & considérés par abstraction. (L)


ARCHERSS. m. (Art militaire.) sorte de milice ou de soldats armés d'arcs & de fleches. Voyez ARMES, FLECHE. Ce mot vient du latin arcus, arc ; d'où on a formé arcuarius & arquis, & arquites, termes de la basse latinité. On se servoit beaucoup d'archers anciennement : mais présentement ils ne sont plus d'usage qu'en Turquie & chez les Asiatiques, qui ont encore des compagnies d'archers dans leurs armées, desquels on fit une terrible boucherie à la bataille de Lépante. Le nom d'archers est cependant resté chez les peuples mêmes, qui ne s'en servent plus : par exemple, les officiers exécuteurs des ordres des lieutenans de police & des prevôts, &c. dont l'emploi est de saisir, faire des captures, arrêter, &c. sont appellés archers, quoiqu'ils ayent pour armes des halebardes & des fusils ; c'est dans ce sens que l'on dit les archers du grand prevôt de l'hôtel, du prevôt des marchands, les archers de ville, les archers du guet ou de nuit. Il y a aussi des archers que l'on appelle la maréchaussée, qui sont continuellement sur les grands chemins pour les rendre sûrs contre les voleurs. La diligence de Lyon est toûjours escortée par la maréchaussée. Ces archers ou cette maréchaussée est cause que l'on peut voyager dans toutes les parties de la France sans courir de risque ; de sorte qu'il arrive moins de vols dans le royaume de France pendant un an, qu'auprès de Londres pendant une semaine.

Il y a aussi les archers des pauvres, dont l'office est de saisir les mendians qui errent dans les rues, & de les mettre à l'hôpital.

Il y a eu autrefois en France un corps d'infanterie créé par Charles VII. sous le nom de francs-archers ; ce corps étoit formé par les différentes paroisses du royaume ; chacune fournissoit un homme armé : le privilége que ce prince accorda à ceux qui étoient choisis, fut cause qu'il y eut de l'empressement pour l'être, car il les affranchit presque de tous subsides ; & c'est de cet affranchissement, dit le P. Daniel, qu'on les appella francs-archers ou francs-taupins, nom qui leur fut donné sans doute, parce qu'on le donnoit alors aux paysans à cause des taupinieres dont les clos des gens de campagne sont ordinairement remplis.

Cette milice n'a subsisté que jusque vers la fin du regne de Louis XI. Il cassa les francs-archers pour décharger les bourgs & villages qui étoient tenus de leur entretien : mais pour suppléer à cette infanterie, il leva six mille suisses & dix mille hommes d'infanterie Françoise à sa solde. Histoire de la milice Françoise, par le P. Daniel. (Q)


ARCHETS. m. en Lutherie, petite machine qui sert à faire résonner la plûpart des instrumens de Musique à corde. Il est composé d'une baguette de bois dur A C, fig. 8. Pl. II. un peu courbée en A, pour éloigner les crins de la baguette, & d'un faisceau de crins de cheval, composé de 80 ou cent brins, tous également tendus. Le faisceau de crins qui est lié avec de la soie, est retenu dans la mortoise du bec A, par le moyen d'un petit coin de bois qui ne laisse point sortir la ligature. Il est de même attaché au bas de la baguette C, après avoir passé sur la piece de bois B, qu'on appelle la hausse. Cette hausse communique, par le moyen d'un tenon taraudé qui passe dans une mortoise, à la vis, dont la piece d'ivoire D est la tête. Cette vis entre de trois ou quatre ou cinq pouces dans la tige ou fût de l'archet. On s'en sert pour tendre ou d'étendre les crins de l'archet, en faisant marcher la hausse vers A ou vers D. Voyez VIOLON ou VIOLE, pour les regles du coup d'archet.

Afin que l'archet touche plus vivement les cordes, on en frotte les crins de colophane, sorte de poix. Voyez COLOPHANE.

ARCHET, outil d'Arquebusier, est un morceau de lame d'épée ou de fleuret, emmanché dans une poignée faite comme celle d'une lime, mais percée tout proche du manche d'un trou, dans lequel on passe une grosse corde à boyau qui y est retenue à demeure par un noeud. Le haut de cette lame est dentelé comme une crémaillée, & l'autre bout de la corde à boyau est noué en boucle, & peut s'arrêter par cette boucle dans chaque dent ; les Arquebusiers se servent de l'archet pour faire tourner la boîte à foret. Pour cet effet, ils font faire un tour à la corde à boyau autour de la boîte, & l'accrochent par la boucle ou rosette à une des dents de la crémaillée de la lame ; de maniere que le tour de corde fait sur la boîte soit bien serré, en vertu de l'élasticité de la lame. On conçoit que si la corde n'étoit pas serrée sur la boîte, l'archet en allant & venant ne feroit pas tourner la boîte, ni par conséquent percer le foret ; si sur-tout la matiere à percer opposoit quelque résistance au mouvement du foret & de la boîte.

Cet archet est aussi à l'usage du Doreur. Voyez Pl. du Doreur, fig. 43. Celui des Horlogers n'est presque pas différent ; ils substituent quelquefois à la lame d'épée un morceau de baleine ou de canne. Si vous comparez cette description avec celle qui suit, vous verrez que l'archet du Serrurier est aussi très-semblable à celui de l'Arquebusier.

ARCHET, chez les Serruriers, est un outil qui sert à faire marcher le foret. Cet outil est fait d'une lame d'épée ou de fleuret, ou d'un morceau d'acier étiré sous cette forme. A son extrémité faite en crochet est attachée la laniere de cuir ou la corde à boyau qu'on roule sur la boîte du foret. Cette laniere se rend au manche de l'archet & y est attachée, en passant dans un oeil ou un piton ; l'oeil est percé dans la lame, ou le piton est rivé dessus. On cloue la laniere, après avoir traversé le piton ou l'oeil sur le manche : on a des archets de toute grandeur, selon la force des ouvrages à foret.

ARCHET, chez les Fondeurs de caracteres d'Imprimerie, est un instrument faisant partie du moule qui sert à fondre les caracteres de l'Imprimerie. C'est un bout de fil de fer long de douze à quatorze pouces géométriques, plié en cercle oblong. Des deux bouts qui se rejoignent, l'un est arrêté dans le bois inférieur du moule, & l'autre reste mobile faisant un ressort que l'on met sur le talon de la matrice, pour l'arrêter au moule à chaque lettre que l'on fond. Voyez Planche II. du Fondeur de caracteres, figure premiere D C E.

ARCHET, chez les Tourneurs, est un nom que ces ouvriers donnent à une perche attachée au plancher, suspendue au-dessus de leur tête, & à laquelle ils attachent la corde qui fait tourner leur ouvrage. Voyez TOURNEUR.


ARCHETYPES. m. (à la Monnoie.) est l'étalon primitif & général, sur lequel on étalonne les étalons particuliers. Voyez ÉTALON.


ARCHEVÊCHÉS. m. (Gram. & Jurisp. ecclés.) terme qui se prend en différens sens : 1°. pour le diocese d'un archevêque, c'est-à-dire toute l'étendue de pays soûmise à la jurisdiction, mais qui ne compose qu'un seul diocese ; on dit en ce sens que tel évêché a été érigé en archevêché ; que tel archevêché contient tel nombre de paroisses : 2°. pour une province ecclésiastique, composée d'un siége métropolitain & de plusieurs évêques suffragans ; ainsi l'archevêché de Sens, ou l'église métropolitaine & primatiale de Sens a pour suffragans les évêchés d'Auxerre, de Troies, de Nevers, & l'évêché titulaire de Bethléem : 3°. pour le palais archiépiscopal, ou pour la cour ecclésiastique d'un archevêque ; ainsi l'on dit qu'un tel ecclésiastique a été mandé à l'archevêché, qu'on a agité telle ou telle matiere à l'archevêché : 4°. pour les revenus temporels de l'archevêché ; ainsi l'archevêché de Tolede passe pour le plus riche du monde. (G)

Il y a en France maintenant dix-huit archevêchés. Celui de Paris est le plus distingué par le lieu de son siége qui est la capitale du royaume : mais quelques autres le sont encore plus par une prééminence affectée à leur siége.

Il n'y a que deux archevêchés en Angleterre, celui de Cantorbéri & celui d'York, dont les prélats sont appellés primats & métropolitains ; avec cette unique différence, que le premier est appellé primat de toute l'Angleterre, & l'autre simplement primat d'Angleterre. Voyez PRIMAT & METROPOLITAIN.

L'archevêque de Cantorbéri avoit autrefois jurisdiction sur l'Irlande, aussi-bien que sur l'Angleterre : il étoit qualifié de patriarche, & quelquefois alterius orbis papa, & orbis Britannici pontifex.

Les actes qui avoient rapport à son autorité se faisoient & s'enregistroient en son nom, de cette maniere, anno pontificatus nostri primo, &c. Il étoit aussi légat né, &c. Voyez LEGAT. Il joüissoit même de quelques marques particulieres de royauté, comme d'être patron d'un évêché, ainsi qu'il le fut de celui de Rochester ; de créer des chevaliers, & de faire battre monnoie, &c. Il est encore le premier pair d'Angleterre, & immédiatement après la famille royale, ayant la préséance sur tous les ducs & tous les grands officiers de la couronne, &c. Suivant le droit de la nation, la vérification des testamens ressortit à son autorité ; il a le pouvoir d'accorder des lettres d'administration, &c. Il a aussi un pouvoir d'accorder des licences ou priviléges, & des dispenses dans tous les cas où elles étoient autrefois poursuivies en cour de Rome, & qui ne sont point contraires à la loi de Dieu. Voyez DISPENSE. Il tient aussi plusieurs cours de judicatures, telles que la cour des arches, la cour d'audience, la cour de la prérogative, la cour des paroisses privilégiées. Voyez ARCHE, AUDIENCE, &c.

L'archevêque d'York a les mêmes droits dans sa province que l'archevêque de Cantorbéri ; il a la préséance sur tous les ducs qui ne sont pas du sang royal, & sur tous les ministres d'état, excepté le grand chancelier du royaume. Il a les droits d'un comte Palatin sur Hexamshire.

Le nom d'archevêché n'a guere été connu en occident avant le regne de Charlemagne : & si l'on s'en est servi auparavant, ce n'étoit alors qu'un terme de distinction qu'on donnoit aux grands siéges, mais qui ne leur attribuoit aucune sorte de jurisdiction ; au lieu qu'à présent ce titre emporte le droit de présider au concile de la province. C'est aussi à son officialité que sont portés les appels simples des causes jugées par les officiaux de ses suffragans. Voyez APPEL, SUFFRAGANT, CHEVEQUEEQUE. (H)


ARCHEVÊQUES. m. (Théol.) en latin archiepiscopus, composé du grec , princeps, & d', vigil ; c'est-à-dire chef ou premier des évêques dans une certaine étendue de pays. C'est ce qu'on nomme aujourd'hui métropolitain, qui a plusieurs évêques suffragans ; mais cette notion reçûe maintenant ne seroit pas exacte pour tous les siecles de l'Eglise, puisqu'il y a eu autrefois des métropolitains sans suffragans, & des archevêques qui n'étoient pas métropolitains. Voyez METROPOLITAIN. Voyez aussi le P. Thomassin, discipline de l'Eglise, part. I. liv. I.

Le nom d'archevêque fut absolument inconnu dans les premiers siecles de l'Eglise : il l'étoit encore du tems du premier concile général de Nicée, & même de ceux d'Antioche & de Sardique, où il n'en est fait nulle mention dans les canons qui concernent les priviléges des premiers siéges & les appels ecclésiastiques ; ce titre d'honneur & de jurisdiction n'eût pas été oublié, s'il eût alors existé. Il paroît seulement par le trente-troisieme canon attribué aux Apôtres, que lorsqu'on vouloit marquer le prélat qu'on a depuis nommé archevêque, on disoit seulement le premier évêque d'une nation. C'est ainsi qu'Eusebe, Hist. ecclés. liv. V. dit qu'Irenée, évêque de Lyon, étoit évêque des églises des Gaules, sur lesquelles il avoit l'intendance.

On croit que S. Athanase introduisit le premier ce terme dans l'Eglise vers le milieu du quatrieme siecle, en donnant par occasion ce titre à l'évêque d'Alexandrie. Mais ce nom dans son origine n'étoit qu'un terme de vénération & de respect, & ne fut d'abord employé en orient qu'à l'égard des évêques les plus illustres par leur doctrine & par leur sainteté. C'est en ce sens que S. Grégoire de Nazianze qualifie d'archevêque S. Athanase lui-même. Ensuite ce titre fut donné par déférence aux évêques des villes les plus distinguées, mais sans y attacher aucun rapport aux priviléges qui pouvoient être attachés à leurs siéges. Tout l'orient assemblé dans le troisieme concile général d'Ephese, le donna au pape S. Célestin & à S. Cyrille, sans prétendre égaler les prérogatives du siége d'Alexandrie à celles du siége de Rome. Dans le concile général de Chalcédoine, les Peres le donnerent aussi au pape S. Léon ; & S. Epiphane en usa ainsi non-seulement à l'égard de S. Alexandre & de S. Pierre martyr, mais même de Melece, auteur du schisme qui désola l'orient. Ce ne fut qu'après que l'évêque d'Alexandrie se fut attribué le nom d'archevêque, qu'il l'eut fait valoir contre les évêques de sa province, qui lui suscitoient des contestations injustes, qu'on le regarda comme un titre de prééminence & de jurisdiction. Alors on le restraignit particulierement aux métropolitains qui avoient des suffragans, au lieu qu'on l'avoit donné jusque-là à de simples évêques qui n'en avoient aucun. C'est donc à l'évêque d'Alexandrie qu'on doit proprement rapporter l'origine du nom d'archevêque dans le sens où l'on le prend aujourd'hui.

Mais quelqu'autorisée que fût l'église Greque à distinguer ainsi ses métropolitains, l'église Latine fut long-tems sans suivre son exemple. Celle d'Afrique sur-tout s'en éloigna jusqu'à proscrire dans le troisieme concile de Carthage, auquel assista S. Augustin, le titre d'archevêque, comme plein de faste & d'orgueil. Vetuit synodus ut primae sedis episcopus non appelletur princeps sacerdotum aut summus sacerdos, sed tantùm primae sedis episcopus. Cependant elle admettoit les titres d'archi-prêtre, d'archi-diacre, de primat ; il est vrai qu'en Afrique la primatie n'étoit attachée à aucun siége épiscopal en particulier, mais à la personne du plus ancien évêque, à dater du tems de sa promotion à l'épiscopat. Voyez PRIMAT & PRIMATIE.

Si les autres églises d'occident firent moins d'éclat que celle d'Afrique, il est certain que les principales, telles que celles de France & d'Espagne, n'avoient pas encore adopté ce titre dans le septieme siecle, comme il paroît par S. Isidore de Seville, qui vivoit en 625, & qui est le premier auteur Latin qui fasse mention des archevêques ; & d'un grand nombre d'évêques qui souscrivirent au concile d'Orléans, tenu en 621, nul ne prend ce titre, quoique plusieurs prennent celui de métropolitain.

Ce que ce terme sembloit avoir d'odieux ayant disparu avec le tems, toute l'église d'occident l'a adopté aussi-bien que celle d'orient, comme un terme énergique & propre à exprimer le degré d'honneur & de jurisdiction dans l'épiscopat, qu'ont les métropolitains sur les évêques leurs suffragans. On ne distingue plus aujourd'hui la dignité de métropolitain d'avec celle d'archevêque. L'archevêque a droit de convoquer le concile de sa province & d'y présider, de juger par appel des causes des sujets de ses suffragans, de visiter même sa province, selon le concile de Trente, mais pour des raisons approuvées dans le concile provincial. Il joüit encore de plusieurs autres prérogatives dont on peut voir les fondemens & les preuves dans le P. Thomassin. Disciplin. de l'Eglise, liv. I. part. I. (G)


ARCHI-ECHANSOou GRAND-ECHANSON, s. m. (Hist. mod.) dignité de l'Empire. Le roi de Boheme, en qualité d'électeur, en est revêtu, & sa fonction consiste, dans le festin qui suit l'élection d'un empereur, à lui présenter la premiere coupe de vin ; mais il n'est point obligé d'avoir en cette occasion la couronne sur la tête. Il a pour vicaire ou sous-échanson le prince héréditaire de Limbourg. Heiss. hist. de l'Empire. (G)


ARCHIACOLYTES. m. (Hist. ecclés.) nom d'une dignité qui étoit au-dessus de l'acolyte dans les églises cathédrales, lesquelles étoient divisées en quatre ordres de chanoines ; savoir, les prêtres, les diacres, les soûdiacres, & les acolytes : ils avoient chacun leur chefs, & celui de ces derniers s'appelloit archiacolyte : ils n'assistoient point au choeur, ils n'avoient point de voix au chapitre, non plus que les acolytes. Cette dignité est présentement éteinte. Du Cange, Glossarium latinitatis. (G)


ARCHICAMERIEou ARCHICHAMBELLAN, s. m. (Hist. mod.) officier de l'empire d'Allemagne, qui n'a pas les mêmes fonctions que le grand-chambellan en France, & dont la dignité n'est, à proprement parler, qu'un titre d'honneur.

L'électeur de Brandebourg est archi-chambellan de l'empire, comme il est porté par la bulle d'or, & en cette qualité il porte le sceptre devant l'empereur & marche à la gauche de l'électeur de Saxe. Dans le festin qui suit l'élection de l'empereur, il est à cheval comme les autres électeurs, porte un bassin & une aiguiere d'argent avec une serviette sur le bras, pour donner à laver à ce prince : ce n'est guere qu'en cette occasion qu'il exerce les fonctions de sa charge, & même il peut être suppléé par un vice-gérent, qui est le prince d'Hoenzollern, aussi de la maison de Brandebourg. Heiss. Hist. de l'Emp.


ARCHICHANCELIERS. m. (Hist. mod.) grand chancelier ; c'étoit anciennement le chef des notaires, c'est-à-dire des secrétaires d'état. Voy. CHANCELIER.

On trouve cet office établi en France sous les rois de la premiere & de la seconde race, & ensuite sous les empereurs. Comme ils avoient trois différens gouvernemens ; savoir, l'Allemagne, l'Italie, & le royaume d'Arles, ils avoient trois archichanceliers ; ce qui subsiste encore en Allemagne ; l'archevêque de Mayence est archichancelier d'Allemagne, celui de Cologne l'est d'Italie, & celui de Treves a le titre d'archichancelier d'Arles.

Bern. de Mallincrot, dans son traité de Archicancellariis Imp. rom. montre que ces trois archevêques furent archichanceliers avant que d'être électeurs. On trouve aussi dans l'histoire des archichanceliers de Bourgogne, que ce titre fut donné par l'empereur Fréderic I. à l'archevêque de Vienne.

Des trois électeurs archichanceliers de l'Empire, celui de Treves & celui de Cologne n'ont aucune fonction ; l'électeur de Mayence seul en fait les fonctions, ce qui rend sa dignité très-considérable ; car en cette qualité il est le doyen perpétuel des électeurs & le garde de la matricule de l'Empire. Il a inspection sur le conseil aulique, sur la chambre impériale de Spire ; & en cas de vacance du siége impérial, le droit de convoquer les dietes d'élection. Non-seulement il a en sa possession les archives de l'Empire, pour ce qui concerne l'Allemagne, mais encore tous les diplomes, titres & papiers des affaires d'Italie. Il a à la cour impériale un vice-chancelier qui garde ces archives, & en délivre des expéditions. L'abbé de Fulde a aussi le titre d'archichancelier de l'impératrice, qui lui fut confirmé par l'empereur Charles IV. en 1368. Heiss. hist. de l'Emp. (G)


ARCHICHANTRES. m. (Hist. eccl.) principal chantre ou le premier des chantres d'une église. Cette dignité est encore en usage dans quelques chapitres. Voyez CHANTRE. (H)


ARCHICHAPELAINS. m. (Hist. mod. eccl.) Sous la seconde race des rois de France le titre d'archichapelain étoit consacré à signifier celui qui avoit la conduite de la chapelle du palais. Son autorité étoit fort grande sur tout ce qui pouvoit concerner les affaires ecclésiastiques. Il étoit dans le conseil comme le médiateur entre le roi & les évêques. Souvent il décidoit les contestations, & ne rapportoit au roi que les plus considérables. Il paroît aussi par les monumens de ce tems-là, qu'on le nommoit grand chapelain, souverain chapelain, quelquefois simplement chapelain & garde ou primicier du palais. Les papes lui donnoient aussi quelquefois le titre & les fonctions d'apocrisiaire auprès de nos rois. Voyez APOCRISIAIRE.

Cette fonction fut d'abord exercée par des abbés, particulierement par Fulrad abbé de S. Denys, sous le regne de Pepin, & ensuite par des évêques. L'archichapelain étoit alors en même tems assez souvent chancelier, ou, comme on disoit alors, notaire du roi. Sous la troisieme race il n'est plus fait mention d'archichapelain, mais de chapelain, de confesseur, d'aumônier, & enfin de grand aumônier. Voyez GRAND AUMONIER. Thomassin, Disciplin. ecclés. part. III. liv. I. ch. ljv. & part. IV. liv. I. ch. lxxvij.


ARCHIDANA(Géog.) petite ville d'Espagne dans l'Andalousie, sur le Xenil.

* ARCHIDANA, petite ville de l'Amérique méridionale, dans le Pérou, & la province de la Canelle.


ARCHIDAPIFERsub. m. (Hist. mod.) grand maître d'hôtel : c'est le nom d'un des grands officiers de l'Empire. L'électeur de Baviere est revêtu de cette charge, qui lui a été contestée par les électeurs Palatins, ceux-ci prétendant qu'elle étoit annexée au Palatinat ; mais ils se sont désistés de cette prétention. Voyez PALATIN. Il faut distinguer cette charge de celle de grand maître d'hôtel de la maison de l'empereur, qui est la premiere de sa cour. Sous celui-ci sont les contrôleurs, les thrésoriers, les argentiers, les officiers de la bouche, les maîtres & autres officiers de cuisine, d'échansonnerie, de sommellerie, de paneterie, de fruiterie, les pourvoyeurs, & les marchands qui en dépendent. Heiss. hist. de l'Emp. (G)


ARCHIDIACONATS. m. (Hist. ecclés.) dignité d'archidiacre. Voyez ci-dessous ARCHIDIACRE.


ARCHIDIACONÉest la portion d'un diocèse sujette à la visite d'un archidiacre.


ARCHIDIACRES. m. (Hist. eccl.) nom que l'on donnoit anciennement au premier des diacres, ou à celui qui étoit leur chef. S. Augustin attribue ce titre à S. Etienne, parce que S. Luc le nomme le premier des sept diacres. Il n'y avoit d'abord que les diacres qui pussent être élevés à cette dignité ; & si celui qui en étoit revêtu recevoit l'ordre de prêtrise, il ne pouvoit plus exercer la fonction d'archidiacre ; mais dans la suite on donna aussi ce titre à des prêtres, comme on le voit dans Hincmar, l'an 877.

L'archidiacre, dit M. Fleury dans son Institution au Droit ecclésiastique, tome I. partie I. ch. xjx. p. 168 & suiv. étoit dès les premiers tems le principal ministre de l'évêque pour toutes les fonctions extérieures, particulierement pour l'administration du temporel : au-dedans même il avoit soin de l'ordre & de la décence des offices divins. C'étoit lui qui présentoit les clercs à l'ordination, comme il fait encore, qui marquoit à chacun son rang & ses fonctions, qui annonçoit au peuple les jours de jeûne ou de fête, qui pourvoyoit à l'ornement de l'église & aux réparations. Il avoit l'intendance des oblations & des revenus de l'église, si ce n'étoit dans celles où il y avoit des économes particuliers. Il faisoit distribuer aux clercs ce qui étoit réglé pour leur subsistance, & avoit toute la direction des pauvres, avant qu'il y eût des hôpitaux. Il étoit le censeur de tout le bas clergé & de tout le peuple, veillant à la correction des moeurs. Il devoit prévenir ou appaiser les querelles, avertir l'évêque des desordres, & être comme le promoteur pour en poursuivre la réparation : aussi l'appelloit-on la main & l'oeil de l'évêque. Ces pouvoirs, continue M. Fleury, attachés aux choses sensibles & à ce qui peut intéresser les hommes, mirent bientôt l'archidiacre au-dessus des prêtres, qui n'avoient que des fonctions purement spirituelles, jusque-là qu'ils en vinrent à mépriser les prêtres ; vanité contre laquelle S. Jérome s'éleva vivement. L'archidiacre n'avoit toutefois aucune jurisdiction sur eux jusqu'au VIe siecle ; mais enfin il leur fut supérieur, & même aux archiprêtres : ainsi il devint la premiere personne après l'évêque, exerçant sa jurisdiction & faisant ses visites, soit comme déléguée, soit à cause de son absence, ou pendant la vacance du siége. Ces commissions devinrent enfin si fréquentes, qu'elles tournerent en droit commun ; ensorte qu'après l'an 1000 les archidiacres furent regardés comme juges ordinaires, ayant jurisdiction de leur chef, avec pouvoir de déléguer eux-mêmes d'autres juges. Il est vrai que leur jurisdiction étoit plus ou moins étendue, selon les différentes coûtumes des églises, & selon que les uns avoient plus empiété que les autres ; elle étoit aussi bornée par leur territoire, qui n'étoit qu'une partie du diocèse : car depuis qu'ils devinrent si puissans, on les multiplia, sur-tout en Allemagne, & dans les autres pays où les diocèses sont d'une étendue excessive ; celui qui demeura dans la ville prit le titre de grand archidiacre. Dès le IXe siecle il se trouve des archidiacres prêtres, & toutefois il y en a eu 200 ans après qui n'étoient pas même diacres ; tant l'ordre étoit dès-lors peu considéré en comparaison de l'office. On les a obligés à être au moins diacres ; & ceux qui ont charge d'ames, à être prêtres. C'est la disposition du concile de Trente, Sess. XXIV. de Reform. c. xij.

Les évêques se trouvant ainsi presque dépouillés de leur jurisdiction, travaillerent après l'an 1200 à diminuer celle des archidiacres, leur défendant de connoître des causes des mariages, & des autres les plus importantes, & d'avoir des officiaux qui jugeassent en leur place. L'assemblée du clergé tenue à Melun en 1579, restraint à cet égard les droits auxquels prétendoient les archidiacres ; & divers arrêts, soit du conseil, soit du parlement, ont limité leur jurisdiction contentieuse. Thomassin, Discipline de l'Eglise, part. I. liv. I. ch. xxv. & xxxj. part. II. liv. I. chap. xiij. part. III. liv. I. ch. xij. & part. IV. liv. I. ch. xxv.

L'archidiacre est obligé de faire des visites dans son district, qu'on nomme archidiaconé. Il y connoît des matieres provisionnelles & qui se doivent juger sur le champ, mais pour la plûpart de peu de conséquence. Il y a quelquefois plusieurs archidiacres dans une même cathédrale, qui ont chacun leur district, sur-tout dans les grands diocèses, & dans quelques-unes ils ont des places distinguées au choeur. En quelques diocèses, comme dans celui de Cahors, les archidiacres tiennent le premier rang après l'évêque & devant les doyens, ce qui s'observoit autrefois en Angleterre. Il y avoit anciennement un archidiacre de l'église romaine, & le pape Gelase II. avoit exercé cette dignité avant que d'être élevé au souverain pontificat. Panvinus dit que Gregoire VII. supprima cet office, & établit en sa place celui de camérier, pour garder le thrésor de l'église romaine. On lit néanmoins dans l'histoire qu'il y a eu depuis des archidiacres sous Urbain II. Innocent II. & Clement III. A l'égard des archidiacres cardinaux, ils ont été ainsi appellés, non qu'ils eussent le titre de cardinal de l'église romaine, mais du nom cardinalis, qui signifie principal. Dans l'église de Constantinople le grand archidiacre est du nombre des officiers, comme on peut le voir dans le catalogue des officiers de cette église, que le P. Goar a fait imprimer ; & c'est à lui à lire l'évangile lorsque le patriarche célebre la liturgie, ou il y commet un autre pour le lire en sa place. Du Cange, Glossar. latinit.

Le P. Morin observe que le titre d'archidiacre est devenu aujourd'hui un titre assez inutile en quelques églises où l'on pourroit s'en passer. Leur principale fonction, dit-il, est d'examiner la dépense du revenu des églises, d'avoir l'oeil sur leur temporel, de faire rendre les comptes aux marguilliers des paroisses, & de voir s'il ne s'y commet point d'abus ; ce que peuvent faire, ajoûte cet auteur, les évêques ou les grands vicaires dans le cours de leurs visites.

L'auteur des supplémens au dictionnaire de Moreri, traite assez au long & prouve par des faits la prétention que forment en quelques diocèses les archidiacres, du droit de dépouille ou de funérailles. Ils prétendent, dit-il, que lorsqu'un curé de leur archidiaconé est mort, ils ont droit d'avoir son lit, son breviaire, son surplis, son bonnet quarré, & une année du revenu de la cure, qu'ils appellent l'année du déport. Dans d'autres endroits ils prennent aussi le cheval du défunt. M. Thiers, ajoûte-t-il dans son traité de la dépouille des curés, soûtient que ce droit est une pure exaction, & qu'il est contraire aux canons des conciles, aux decrets des papes, aux libertés de l'église gallicane, aux ordonnances de nos rois, aux lois & aux coûtumes générales du royaume, & aux arrêts du parlement. Ce droit de déport étoit accordé aux archevêques ou évêques par des priviléges particuliers du pape, comme il paroît par un bref de 1246, accordé à l'archevêque de Cantorberi ; & par la suite dans d'autres églises les archidiacres le partagerent avec les évêques, à la charge de faire desservir le bénéfice pendant l'année du déport. Il subsiste encore en Normandie, où l'on tâcha inutilement de l'abolir dans le concile de Roüen en 1522. Voyez DEPORT. Thomass. Discip. de l'Egl. part. IV. liv. IV. ch. xxxij. Supplément au dictionn. de Moreri, tom. I. lett. A. au mot ARCHIDIACRE.

Bingham remarque qu'anciennement l'archidiacre étoit choisi par l'évêque, auquel souvent il succédoit ; que ses principaux offices étoient de servir l'évêque à l'autel, & au commencement de la communion de crier à haute voix au peuple, nemo contra aliquem, nemo in simulatione accedat ; d'administrer sous l'évêque les revenus de l'église ; de le soulager dans le ministere de la parole ; d'assister aux ordinations des moindres clercs, & de leur présenter les instrumens de leur ordre ; d'infliger des peines canoniques aux diacres & autres clercs inférieurs. Il ajoûte qu'on donnoit à l'archidiacre les noms de corévêque & d', c'est-à-dire inspecteur ou visiteur. Quelques-uns croyent que l'archidiacre avoit inspection sur tout le diocèse, & d'autres sur quelque partie seulement. Habert regarde la dignité d'archidiacre comme d'institution apostolique ; d'autres en fixent l'origine vers le milieu du troisieme siecle : & Saumaise a même prétendu, mais faussement, qu'elle étoit inconnue du tems de saint Jérome. Bingham, orig. ecclésiast. lib. II. cap. xxj. §. 1. 2. 34. & seq. (G)


ARCHIDRUIDES. m. (Hist. anc.) chef ou pontife des Druides, qui étoient les sages ou les prêtres des anciens Gaulois. Voyez DRUIDES. (G)


ARCHIDUCS. m. (Hist. mod.) est un duc revêtu d'une autorité, d'une prééminence sur les autres ducs. Voyez DUC.

L'archiduc d'Autriche est celui dont les titres sont les plus anciens. Il y a eu aussi des archiducs de Lorraine & de Brabant.

L'Autriche fut érigée en marquisat par Othon ou Henri I. & en duché par Fréderic I. en 1156 ; mais on ne sait pas le tems où le nom d'archiduché lui a été donné. Les uns croyent que ce fut Fréderic IV. qui prit le premier le nom d'archiduc : d'autres, que ce nom fut accordé par Maximilien I. en 1459, & qu'il annexa à cette qualité de très-grands priviléges : les principaux sont, que l'archiduc exerce toute justice dans son domaine, sans appel ; qu'il est censé recevoir l'investiture de ses états, après en avoir fait la demande par trois fois ; qu'il ne peut être dépouillé de son état, même par l'empereur & les états de l'Empire ; que l'on ne peut conclure aucune affaire qui concerne l'empire, sans sa participation ; qu'il a le pouvoir de créer des comtes, des barons, & d'annoblir dans tous les états de l'Empire, priviléges que n'ont point les autres ducs. Outre cela, dans les dietes de l'Empire l'archiduc d'Autriche tient le directoire des princes, c'est-à-dire qu'il préside à leur collége alternativement avec l'archevêque de Salzbourg. Cette alternative ne se fait pas à chaque séance, mais à chaque changement de matiere ; sans pourtant que l'un & l'autre quittent leur place pendant qu'on agite les propositions & qu'on est aux opinions : mais l'archiduc fait toûjours l'ouverture de la diete. Heiss. hist. de l'Empire. (G)


ARCHIÉPISCOPALadj. se dit de ce qui a rapport à la dignité ou à la personne d'archevêque ; ainsi on dit palais archiépiscopal, croix archiépiscopale, cour archiépiscopale, jurisdiction archiépiscopale. Le pallium est un ornement archiépiscopal. Voyez CROIX, JURISDICTION, PALLIUM.


ARCHIÉPISCOPATS. m. (Hist. ecclésiast.) se dit de la dignité d'un archevêque. L'archiépiscopat, quant à l'ordre, n'est dans le fond que la même chose que l'épiscopat. Le premier lui est supérieur par la jurisdiction. Archiépiscopat se prend aussi pour la durée du tems qu'un archevêque a occupé le siége archiépiscopal. M. le cardinal de Noailles mourut après trente-quatre ans d'archiépiscopat. (G)


ARCHIEUNUQUES. m. (Hist. anc.) le chef des eunuques. Voyez EUNUQUE.

Sous les empereurs grecs l'archieunuque étoit un des principaux officiers à Constantinople.


ARCHIGALLE(Hist. anc.) chef des Galles ou des sacrificateurs de Cybele, grand-prêtre de Cybele. On le tiroit ordinairement d'une famille distinguée. Il étoit vêtu en femme, avec une tunique & un manteau qui lui descendoient jusqu'aux talons. Il portoit un collier qui lui descendoit sur la poitrine, & d'où pendoient deux têtes d'Atys, sans barbe, avec le bonnet phrygien. (G)


ARCHIGRELINterme de Corderie ; c'est un cordage commis trois fois, & composé de plusieurs grelins. Le plus simple de ces cordages aura vingt-sept torons ; & si l'on vouloit faire les cordons à six torons, les grelins de même à six cordons, & l'archigrelin aussi à six grelins, on auroit une corde qui seroit composée de deux cens seize torons. Mais cette corde en seroit-elle meilleure ? j'en doute. Il ne seroit guere possible de multiplier ainsi les opérations, sans augmenter le tortillement ; & sûrement on perdroit plus par cette augmentation du tortillement, qu'on ne gagneroit par la multiplication des torons : ces cordes deviendroient si roides, qu'on ne pourroit pas les manier, sur-tout quand elles seroient mouillées ; d'ailleurs elles seroient fort difficiles à fabriquer, & par conséquent très-sujettes à avoir des défauts. Voyez CORDE.


ARCHILEVITES. m. voyez ARCHIDIACRE.


ARCHILUTHS. m. (Luth. & Musiq.) sorte de grand luth ayant ses cordes étendues comme celles du théorbe, & étant à deux jeux : les Italiens s'en servent pour l'accompagnement. Bross. p. 10. Voyez THEORBE & LUTH, & la table du rapport de l'étendue des instrumens de musique, où les nombres 1, 2, 3, 4, &c. marquent par les notes vis-à-vis lesquelles ils sont placés, quels sons rendent ces cordes à vuide.


ARCHIMANDRITES. m. (Hist. mod. ecclés.) Ce nom signifioit anciennement le supérieur d'un monastere, & revient à ce qu'on appelle présentement un abbé régulier. Voyez ABBE, SUPERIEUR, &c.

Covarruvias observe que ce mot signifie littéralement le chef ou le guide d'un troupeau, & dans ce sens il peut convenir à un supérieur ecclésiastique : aussi trouve-t-on dans l'histoire ce nom quelquefois donné aux archevêques ; mais dans l'église greque il étoit & est encore particulierement affecté au supérieur d'une abbaye ou monastere d'hommes.

M. Simon assûre que ce mot est originairement syriaque, au moins sa derniere partie, mandrite, qui dans un sens éloigné signifie un solitaire ou un moine : la premiere est greque, , empire, autorité.

Les abbés des monasteres en Moscovie, où l'on suit le rit grec, se nomment archimandrites, & les supérieurs des caloyers, ou d'autres moines répandus tant dans la Grece moderne que dans les îles de l'Archipel, portent aussi le même titre.


ARCHIMARÉCHALS. m. (Hist. mod.) On nomme ainsi le grand maréchal de l'Empire. Voy. MARECHAL. L'électeur de Saxe est archimaréchal de l'Empire, & en cette qualité il précede immédiatement l'empereur dans les cérémonies, & porte devant lui l'épée nuë. Avant le dîner qui suit le couronnement de l'empereur, l'archimaréchal accompagné de ses officiers, monte à cheval, & le pousse à toute bride dans un grand monceau d'avoine amassée dans la place publique ; il en emplit une grande mesure d'argent qu'il tient d'une main, & qu'il racle de l'autre avec un racloir aussi d'argent : ensuite de quoi il donne cette mesure au vice-maréchal ou maréchal héréditaire de l'Empire, qui la rapporte à la maison-de-ville. Cette derniere charge est depuis long-tems dans la maison de Pappenheim. Heiss. hist. de l'Emp.


ARCHIMIMES. m. (Hist. anc.) c'est la même chose qu'archibouffon ou bâteleur. Les archimimes, chez les Romains, étoient des gens qui imitoient les manieres, la contenance & le parler des personnes vivantes, même des morts. Voy. MIME. On s'en servit d'abord pour le théatre, ensuite on les employa dans les fêtes, & à la fin dans les funérailles. Ils marchoient après le corps, en contrefaisant les gestes & les manieres de la personne morte, comme si elle étoit encore vivante. Voyez FUNERAILLES.


ARCHIMINISTRES. m. (Hist. mod.) le premier ministre d'un prince ou d'un état. Charles-le-Chauve ayant déclaré Boson son viceroi en Italie, le fit aussi son premier ministre, sous le titre d'archiministre. Ce mot est formé du grec , & du latin minister. Chorier. (G)


ARCHIPEou ARCHIPELAGE, quoique cette derniere dénomination ne soit que peu en usage, subst. m. (Géogr.) terme de Géographie qui signifie une mer entrecoupée d'un grand nombre d'îles. Voy. MER.

Ce mot est formé par corruption, selon quelques-uns, d'Aegeo pelagus, mer égée, formé d', mer égée, nom que les Grecs donnoient à une partie de la Méditerranée qui renferme beaucoup d'îles. D'autres font venir ce mot de , principe, & , mer ; apparemment parce que cette mer est regardée comme la portion la plus remarquable de la Méditerranée, à cause des îles qu'elle contient. Le plus célebre Archipel, & celui à qui ce nom est donné plus particulierement, est situé entre la Grece, la Macédoine & l'Asie. Il renferme les îles de la mer égée, laquelle est appellée aussi mer Blanche, pour la distinguer du Pont-Euxin, qui se nomme mer Noire. Les géographes modernes font mention d'autres Archipels, comme celui de S. Lazare proche les côtes de Malabar ; l'Archipel du Mexique ; celui des îles Caraibes, qui contient un grand nombre d'îles ; ainsi que celui des Philippines, que l'on appelle le grand Archipel ; celui des Moluques, &c. (O)


ARCHIPHERACITES. m. (Hist. anc.) c'est le nom des ministres des synagogues des Juifs, qui sont chargés de lire & d'interpréter le Perakim, ou les titres & les chapitres de la loi, & les prophetes. L'archipheracite n'est pas la même chose que l'archisynagogus, comme Grotius & d'autres auteurs l'ont crû ; mais c'est plûtôt le chef ou le premier de ceux qui sont chargés de lire, d'expliquer & d'enseigner la loi dans leurs écoles, comme le nom le fait voir ; lequel est formé du grec , chef ; & de l'hébreu ou chaldéen pherak, division, chapitre. (G)


ARCHIPOMPES. f. ou puits. On appelle ainsi, en Marine, une enceinte ou retranchement de planches dans le fond de cale, pour recevoir les eaux qui se déchargent vers l'endroit où elle est située ; les pompes sont élevées au milieu d'une archipompe.

Le matelot qui va visiter l'archipompe, & qui trouve que l'eau ne franchit pas, y jette une ligne chargée d'un plomb, pour sonder & mesurer la profondeur de l'eau : on y met quelquefois les boulets de canon. Voyez aux figures, Marine, Planche IV. figure premiere, n°. 58. la situation de la grande archipompe ; & au n°. 49. l'archipompe ou lanterne d'artimon. (Z)


ARCHIPRÊTRES. m. (Hist. ecclés.) titre d'une dignité ecclésiastique que l'on donnoit autrefois au premier des prêtres dans une église épiscopale. Sa fonction étoit de veiller sur la conduite des prêtres & des clercs, de célébrer la messe en l'absence de l'évêque, d'avoir soin des veuves, des orphelins & des pauvres passans, aussi-bien que l'archidiacre. La dignité d'archiprêtre encore à-présent, est la premiere après celle de l'évêque, dans quelques églises cathédrales, comme à Vérone, à Perouse, &c. Depuis on a donné le titre d'archiprêtre au premier curé d'un diocèse, ou au doyen des curés. On les distingue en archiprêtres de la ville & en archiprêtres de la campagne, ou doyens ruraux. Il en est parlé dans le deuxieme concile de Tours en 567, & dans les capitulaires de Charles-le-Chauve, qui mourut l'an 877. Il y a encore à-présent deux archiprêtres dans la ville de Paris, qui sont les curés de la Magdeleine & de S. Severin. M. Simon remarque que comme les curés étoient autrefois tirés du clergé de l'évêque, & qu'il y avoit entr'eux de la subordination, celui qui étoit le premier se nommoit archiprêtre, & avoit en effet une prééminence au-dessus des autres prêtres ou curés. Il ajoûte que l'archiprêtre se nomme protopapas chez les Grecs, c'est-à-dire premier papas ou prêtre ; & que dans le catalogue des officiers de l'église de Constantinople, il est remarqué qu'il donne la communion au patriarche, & que le patriarche la lui donne ; & qu'il tient le premier rang dans l'église, remplissant la place du patriarche en son absence. Le P. Goar, dans ses remarques sur ce catalogue, dit que l'archiprêtre chez les Grecs a succédé en quelque maniere aux anciens chorévêques ; & que dans les îles qui sont de la dépendance des Vénitiens, il ordonne les lecteurs & juge des causes ecclésiastiques. Il y a des euchologes où l'on trouve la forme de conférer la dignité d'archiprêtre, & le P. Goar l'a rapportée d'un euchologe manuscrit qui appartenoit à Allatius. L'évêque lui impose les mains, comme on fait dans les ordinations, & ce sont les prêtres qui le présentent à l'évêque. Du Cange, Gloss. latinit.


ARCHIPRIEURS. m. (Hist. ecclés.) On donnoit quelquefois ce nom au maître de l'ordre des Templiers. Voyez TEMPLIERS & MAITRE. (G)


ARCHISTRATEGUSvoyez GENERALISSIME.


ARCHISYNAGOGUSS. m. (Hist. anc.) chef de la synagogue ; c'étoit un titre d'office chez les Juifs. Ordinairement il y avoit plusieurs notables qui présidoient aux synagogues & aux assemblées qui s'y tenoient. Leur nombre n'étoit pas fixé ni égal dans toutes les villes, cela dépendoit de la grandeur des lieux, & du plus ou du moins grand nombre de gens qui venoient aux synagogues. Il y avoit telle synagogue où soixante-dix anciens présidoient ; d'autres en avoient dix, d'autres neuf, d'autres seulement quatre ou cinq, ou même un seul chef ou archisynagogus. On leur donne quelquefois le nom d'ange de la synagogue ou de prince de la synagogue. Les Juifs leur donnent aussi le nom de chachamim ou sage. Ils présidoient aux assemblées de religion, invitoient à parler ceux qui s'en trouvoient capables, jugeoient des affaires pécuniaires, des larcins & autres choses de cette nature. Ils avoient droit de faire foüetter ceux qui étoient convaincus de quelques contraventions à la loi. Ils pouvoient aussi excommunier & chasser de la synagogue ceux qui avoient mérité cette peine. Voyez Basnage, hist. des Juifs, liv. VII. c. vij. & Vitringua, de synagog. (G)


ARCHITECTEsubst. masc. des mots grecs , & de , principal ouvrier. On entend par ce nom un homme dont la capacité, l'expérience & la probité méritent la confiance des personnes qui font bâtir. De tous les tems les architectes ont été utiles à la société, quand ils ont sû réunir ces différentes qualités. Les Grecs & les Romains ont montré dans plus d'une occasion le cas qu'ils ont fait des architectes, par les éloges qu'ils nous ont laissés de la plûpart des leurs. Mais sans remonter si haut, la protection que Louis XIV. a accordée à ceux de son tems, nous fait assez connoître qu'un bon architecte n'est point un homme ordinaire, puisque sans compter les connoissances générales qu'il est obligé d'acquérir, telles que les Belles-Lettres, l'Histoire, &c. il doit faire son capital du Dessein, comme l'ame de toutes ses productions ; des Mathématiques, comme le seul moyen de régler l'esprit, & de conduire la main dans ses différentes opérations ; de la Coupe des pierres, comme la base de toute la main-d'oeuvre d'un bâtiment ; de la Perspective, pour acquérir les connoissances des différens points d'Optique, & les plus-valeurs qu'il est obligé de donner aux hauteurs de la décoration, qui ne peuvent être apperçûes d'enbas. Il doit joindre à ces talens les dispositions naturelles, l'intelligence, le goût, le feu & l'invention ; parties qui lui sont non-seulement nécessaires, mais qui doivent accompagner toutes ses études. C'est sans contredit par le secours de ces connoissances diverses que des Brosses, le Mercier, Dorbets, Perrault, & sur-tout les Mansards, ont mis le sceau de l'immortalité sur leurs ouvrages, dans la construction des bâtimens des Invalides, du Val-de-grace, du château de Versailles, de ceux de Clagny, de Maisons, des quatre Nations, du Luxembourg, du péristyle du Louvre, &c. monumens éternels de la magnificence du monarque qui les a fait ériger, & du savoir de ces grands architectes. C'est aussi par ces talens réunis que nous voyons encore de nos jours MM. Boffrand, Cartault, & plusieurs autres qui sont au nombre des hommes illustres de notre siecle, se distinguer avec éclat dans leur profession, & avoir place dans l'académie royale d'Architecture, qui a été fondée par Louis XIV. en 1671, & est composée de vingt-six architectes, entre lesquels je nommerai M. Gabriel, premier architecte du Roi, & MM. de Côte, d'Isle, l'Assurence, Bilaudel, controleurs des bâtimens du Roi, &c. qui ont pour chef & directeur général M. le Normand de Tournehem, sur-intendant des bâtimens.

Indépendamment des architectes de l'académie, dont plusieurs se sont distingués dans la construction, distribution & décoration de leurs édifices, Paris en possede encore quelques-uns d'un mérite distingué, à la tête desquels on peut mettre MM. Franque & le Carpentier, dont la capacité & la probité véritablement reconnues, leur ont attiré l'estime & la confiance des personnes du premier ordre. On verra quelques-unes de leurs productions dans cet Ouvrage. Je les ai engagés de trouver bon qu'elles y parussent ; j'ai compté par-là rendre un véritable service au public. Ces morceaux d'architecture seront de différens genres, & d'autant plus estimables qu'ils sont éloignés du déréglement dont la plûpart des architectes usent aujourd'hui en France dans leurs bâtimens. J'oserois presqu'avancer que plusieurs de ces derniers n'ont d'architecte que le nom, & joignent à une suffisance mesurée à leur ignorance, une mauvaise foi & une arrogance insupportable.

Peut-être trouvera-t-on ma sincérité hasardée ; mais comme j'écris ici plus en qualité de citoyen qu'en qualité d'artiste, je me suis crû permise la liberté d'en user ainsi, tant par l'amour que je porte au progrès des beaux arts, que dans l'intention de ramener la plûpart de ceux qui font leur capital de l'architecture, des vices trop marqués de la jalousie, de la cabale, & des mauvais procédés dont plusieurs d'entr'eux font profession ouvertement, sans respect pour le prince, l'état & la patrie.

L'on trouvera aussi plusieurs desseins de ma composition dans le nombre des Planches qui feront partie de celles d'architecture, dans lesquelles j'ai tâché de donner une idée de la façon dont je pense sur la simplicité, la proportion, & l'accord auxquels je voudrois que l'architecture fût réduite ; de maniere que l'on trouvera dans la diversité de ces exemples une variété de préceptes, de formes, & de compositions qui, je crois, fera plaisir aux amateurs. Heureux si je puis trouver par-là l'occasion de prouver aux hommes du métier, qu'il n'est point de vice plus honteux que la jalousie, ni qui dégrade tant l'humanité : du moins me saura-t-on quelque gré, malgré les bontés dont le public a honoré mes ouvrages jusqu'à présent, de m'être fait honneur de partager le bien d'être utile au public, avec les deux habiles architectes que je viens de nommer, qui méritent à toute sorte d'égards l'estime des citoyens & l'attention du ministre. (P)


ARCHITECTONIQUEadj. (Physiq.) est ce qui donne à quelque chose une forme réguliere, convenable à la nature de cette chose, & à l'objet auquel elle est destinée : ainsi la puissance plastique qui, selon quelques philosophes, change les oeufs des femelles en créatures vivantes de la même espece, est appellée par ces philosophes esprit architectonique. Sur le système des puissances & natures plastiques, voyez l'article PLASTIQUE. (O)


ARCHITECTURES. f. est en général l'art de bâtir.

On en distingue ordinairement de trois especes ; savoir, la civile qu'on appelle architecture tout court, la militaire, & la navale.

L'ordre encyclopédique de chacune est différent. Voyez l 'ARBRE qui est à la suite du Discours préliminaire.

On entend par architecture civile, l'art de composer & de construire les bâtimens pour la commodité & les différens usages de la vie, tels que sont les édifices sacrés, les palais des rois, & les maisons des particuliers ; aussi-bien que les ponts, places publiques, théatres, arcs de triomphes, &c. On entend par architecture militaire, l'art de fortifier les places, en les garantissant par de solides constructions de l'insulte des ennemis, de l'effort de la bombe, du boulet, &c. & c'est ce genre de construction qu'on appelle Fortification. Voyez l'article FORTIFICATION. On entend par architecture navale, celle qui a pour objet la construction des vaisseaux, des galeres, & généralement de tous les bâtimens flottans, aussi bien que celle des ports, moles, jettées, corderies, magasins, &c. érigés sur le rivage de la mer, ou sur ses bords. Voyez l'article MARINE.

Pour parler de l'architecture civile qui est notre objet, nous dirons en général que son origine est aussi ancienne que le monde ; que la nécessité enseigna aux premiers hommes à se bâtir eux-mêmes des huttes, des tentes, & des cabanes ; que par la suite des tems se trouvant contraints de vendre & d'acheter, ils se réunirent ensemble, où vivant sous des lois communes, ils parvinrent à rendre leurs demeures plus régulieres.

Les anciens auteurs donnent aux Egyptiens l'avantage d'avoir élevé les premiers des bâtimens symmétriques & proportionnés ; ce qui fit, disent-ils, que Salomon eut recours à eux pour bâtir le temple de Jérusalem, quoique Vilapandre nous assûre qu'il ne fit venir de Tyr que les ouvriers en or, en argent, & en cuivre, & que ce fut Dieu lui-même qui inspira à ce roi les préceptes de l'architecture ; ce qui seroit, selon cet auteur, un trait bien honorable pour cet art. Mais sans entrer dans cette discussion, nous regardons la Grece comme le berceau de la bonne architecture, soit que les regles des Egyptiens ne soient pas parvenues jusqu'à nous, soit que ce qui nous reste de leurs édifices ne nous montrant qu'une architecture solide & colossale (tels que ces fameuses pyramides qui ont triomphé du tems depuis tant de siecles) ne nous affecte pas comme les restes des monumens que nous avons de l'ancienne Grece. Ce qui nous porte à croire que nous sommes redevables aux Grecs des proportions de l'architecture, ce sont les trois ordres, dorique, ionique & corinthien, que nous tenons d'eux, les Romains ne nous ayant produit que les deux autres qui en sont une imitation assez imparfaite, quoique nous en fassions un usage utile dans nos bâtimens ; exprimant parfaitement chacun à part le genre d'architecture rustique, solide, moyen, délicat & composé, connus sous le nom de toscan, dorique, ionique, corinthien, & composite, qui ensemble comprennent ce que l'architecture a de plus exquis ; puisque nous n'avons pû en France, malgré les occasions célebres que nous avons eues de bâtir depuis un siecle, composer d'ordres qui ayent pû approcher de ceux des Grecs & des Romains : je dis approcher ; car plusieurs habiles hommes l'ont tenté, tels que Bruant, le Brun, le Clerc, &c. sans être approuvés ni imités par leurs contemporains ni leurs successeurs ; ce qui nous montre assez combien l'architecture, ainsi que les autres arts, ont leurs limites. Mais sans parler ici des ouvrages des Grecs, qui sont trop éloignés de nous, & dont plusieurs auteurs célebres ont donné des descriptions, passons à un tems moins reculé, & disons que l'architecture dans Rome parvint à son plus haut degré de perfection sous le regne d'Auguste ; qu'elle commença à être négligée sous celui de Tibere son successeur ; que Néron même, qui avoit une passion extraordinaire pour les arts, malgré tous les vices dont il étoit possédé, ne se servit du goût qu'il avoit pour l'architecture, que pour étaler avec plus de prodigalité son luxe & sa vanité, & non sa magnificence. Trajan témoigna aussi beaucoup d'affection pour les arts ; & malgré l'affoiblissement de l'architecture, ce fut sous son regne qu'Apollodore éleva cette fameuse colonne qui porte encore aujourd'hui dans Rome le nom de cet empereur. Ensuite Alexandre Severe soûtint encore par son amour pour les arts l'architecture : mais il ne put empêcher qu'elle ne fût entraînée dans la chûte de l'empire d'Occident, & qu'elle ne tombât dans un oubli dont elle ne put se relever de plusieurs siecles, pendant l'espace desquels les Visigots détruisirent les plus beaux monumens de l'antiquité, & où l'architecture se trouva réduite à une telle barbarie, que ceux qui la professoient négligerent entierement la justesse des proportions, la convenance & la correction du dessein, dans lesquels consiste tout le mérite de cet art.

De cet abus se forma une nouvelle maniere de bâtir que l'on nomma gothique, & qui a subsisté jusqu'à ce que Charlemagne entreprit de rétablir l'ancienne. Alors la France s'y appliqua avec quelque succès, encouragée par Hugues Capet, qui avoit aussi beaucoup de goût pour cette science. Robert son fils, qui lui succéda, eut les mêmes inclinations ; de sorte que par degrés l'architecture, en changeant de face, donna dans un excès opposé en devenant trop legere ; les architectes de ces tems-là faisant consister les beautés de leur architecture dans une délicatesse & une profusion d'ornemens jusqu'alors inconnus : excès dans lequel ils tomberent sans doute par opposition à la gothique qui les avoit précédés, ou par le goût qu'ils reçurent des Arabes & des Maures, qui apporterent ce genre en France des pays méridionaux ; comme les Vandales & les Goths avoient apporté du pays du nord le goût pesant & gothique.

Ce n'est guere que dans les deux derniers siecles que les architectes de France & d'Italie s'appliquerent à retrouver la premiere simplicité, la beauté & la proportion de l'ancienne architecture ; aussi n'est-ce que depuis ce tems que nos édifices ont été exécutés à l'imitation & suivant les préceptes de l'architecture antique. Nous remarquerons à cette occasion que l'architecture civile qui se distingue, eu égard à ces différentes époques & à ses variations, en antique, ancienne, gothique, & moderne, peut encore se distinguer selon ses différentes proportions & ses usages, selon les différens caracteres des ordres dont nous avons parlé. Voyez TOSCAN, DORIQUE, IONIQUE, CORINTHIEN, MPOSITESITE.

Pour avoir des notions de l'architecture, & des principes élémentaires concernant la matiere, la forme, la proportion, la situation, la distribution & la décoration ; voyez la définition de ces différentes expressions, aussi bien que celles des arts qui dépendent de l'architecture, tels que la SCULPTURE, PEINTURE, DORURE, MAÇONNERIE, CHARPENTERIE, MENUISERIE, &c. Voyez ces articles.

De tous les architectes grecs qui ont écrit sur l'architecture, tels qu'Agatarque l'athénien, Démocrite, Théophraste, &c. aucun de leurs traités n'est parvenu jusqu'à nous, non plus que ceux des auteurs latins, tels que furent Fussitius, Terentius Varro, Publius Septimius, Epaproditus, &c. de sorte que Vitruve peut être regardé comme le seul architecte ancien dont nous ayons des préceptes par écrit, quoique Vegece rapporte qu'il y avoit à Rome près de sept cens architectes contemporains. Cet architecte vivoit sous le regne d'Auguste, dont il étoit l'ingénieur, & composa dix livres d'architecture, qu'il dédia à ce prince : mais le peu d'ordre, l'obscurité & le mêlange de latin & de grec qui se trouve répandu dans son ouvrage, a donné occasion à plusieurs architectes, du nombre desquels sont Philander, Barbaro, &c. d'y ajoûter des notes : mais de toutes celles qui ont été faites sur cet auteur, celles de Perrault, homme de Lettres & savant architecte, sont celles qui font le plus d'honneur aux commentateurs de Vitruve. Ceux qui ont écrit sur l'architecture depuis cet auteur, sont Léon Baptiste Alberti, qui publia dix livres d'architecture, à l'imitation de Vitruve, mais où la doctrine des ordres est peu exacte ; Sebastien Serlio en donna aussi un, & suivit de plus près les préceptes de Vitruve ; Palladio, Philibert de Lorme & Barrozzio de Vignole, en donnerent aussi ; Daviler a fait des notes fort utiles sur ce dernier. On peut encore ranger au nombre des ouvrages célebres sur l'architecture, l'idée universelle de cet art, par Vincent Scamozzi ; le parallele de l'ancienne architecture avec la moderne, par M. de Cambray ; le cours d'architecture de François Blondel, professeur & directeur de l'académie royale d'architecture, qui peut être regardé comme une collection de ce que les meilleurs auteurs ont écrit sur les cinq ordres ; l'architecture de Goldman, qui a montré combien il étoit aisé d'arriver au degré de perfection dans l'art de bâtir, par le secours de certains instrumens dont il est l'inventeur ; celle de Wotton réduite en démonstration par Wolfius, à qui nous avons l'obligation, ainsi qu'à François Blondel, d'avoir appliqué à l'architecture les démonstrations mathématiques.

Depuis les auteurs dont nous venons de parler, plusieurs de nos architectes françois ont aussi traité de l'architecture, tels que M. Perrault, qui nous a donné les cinq ordres avec des additions sur Vitruve, & des observations fort intéressantes ; le P. Dairan, qui nous a donné un excellent traité de la Coupe des pierres, que la Rue, architecte du roi, a commenté, éclairci & rendu utile à la pratique ; M. Fraizier, qui a donné la théorie de cet art, presqu'inconnue avant lui ; M. Boffrand, qui nous a donné ses oeuvres, dans lesquels cet habile homme a montré son érudition & son expérience dans l'art d'architecture ; M. Brizeux nous a aussi donné un traité de la distribution & de la décoration des maisons de campagne ; & Daviler, qui non-seulement a commenté Vignole, mais nous a donné un traité d'architecture fort estimé, augmenté par le Blond (dont nous avons un excellent traité du jardinage) & depuis par Jacques-François Blondel, professeur d'architecture, dont nous avons aussi un traité de la distribution & de la décoration des édifices ; sans oublier Bullet, le Muet, Bosse, &c. qui nous ont aussi donné quelques ouvrages sur l'architecture.

Le terme d'architecture reçoit encore plusieurs significations, selon la maniere dont on le met en usage, c'est-à-dire qu'on appelle architecture en perspective celle dont les parties sont de différentes proportions, & diminuées à raison de leurs distances pour en faire paroître l'ordonnance en général plus grande ou plus éloignée qu'elle ne l'est réellement, tel qu'on voit exécuté le fameux escalier du Vatican, bâti sous le pontificat d'Alexandre VII. sur les desseins du cavalier Bernin. On appelle architecture feinte celle qui a pour objet de représenter tous les plans, saillies & reliefs d'une architecture réelle par le seul secours du coloris, tel qu'on en voit dans quelques frontispices de l'Italie, & aux douze pavillons du château de Marly ; ou bien celle qui concerne les décorations des théatres ou des arcs de triomphe peintes sur toile ou sur bois, géométralement ou en perspective, à l'occasion des entrées ou fêtes publiques, ou bien pour les pompes funebres, feux d'artifice, &c. (P)


ARCHITHRÉSORIERsub. m. (Hist. mod.) ou grand thrésorier de l'Empire, dignité dont est revêtu l'électeur Palatin. Cette dignité fut créée avec le huitieme électorat en faveur du prince Palatin du Rhin : mais Fréderic V. ayant été dépossédé de son électorat par l'empereur Ferdinand II. après la bataille de Prague, sa charge fut donnée à l'électeur de Baviere : mais elle a été rendue à la maison Palatine lorsqu'elle est rentrée en possession d'une partie de ses états par le traité de Westphalie. Au commencement de ce siecle, l'empereur Joseph ayant mis l'électeur de Baviere au ban de l'Empire, le priva de son électorat & de sa charge de grand-maître d'hôtel, qu'il donna à l'électeur Palatin, revêtit de celle de grand thrésorier l'électeur d'Hanovre, qui fonde d'ailleurs son droit à cette charge sur ce qu'il descend de Frederic V. Mais la maison de Baviere ayant été rétablie dans ses états & dans ses droits, le Palatin conteste à l'électeur d'Hanovre le titre de grand thrésorier, d'autant plus que celui-ci ne le tient qu'en vertu d'une disposition particuliere de l'empereur Joseph, qui n'est point confirmée par la décision du corps germanique. Quoi qu'il en soit de ces droits, une des principales fonctions de l'archi-thrésorier de l'Empire, le jour du couronnement de l'empereur, est de monter à cheval & de répandre des pieces d'or & d'argent au peuple dans la place publique. Heiss. hist. de l'Empire. (G)


ARCHITIS(Myth.) on adoroit Venus au mont Liban sous ce nom ; elle y étoit représentée dans l'affliction que lui cause la nouvelle de la blessure d'Adonis, la tête appuyée sur la main gauche, & couverte d'un voile, de dessous lequel on croyoit voir couler ses larmes.


ARCHITRAVEsub. f. (Architecture.) du grec , principal, & du latin trabs, une poutre ; on le nomme aussi épistyle, du latin epistylium, fait du grec , sur, & , colonne. Sous ce nom on entend la principale poutre ou poitrail qui porte horisontalement sur des colonnes, & qui fait une des trois parties d'un entablement. Voyez ENTABLEMENT. Comme les anciens donnoient peu d'espace à leur entre-colonne, leur architrave étoit d'une seule piece qu'ils nommoient sommier. Nos architectes modernes, qui ont mis en usage les colonnes accouplées, ont donné plus d'espace à leurs grands entre-colonemens, & ont fait leur architrave de plusieurs claveaux, tels qu'on le remarque aux grand & petit entre-colonement du péristyle du Louvre, au Val-de-Grace, aux Invalides, &c.

Les architraves sont ornées de moulures nommées plates-bandes, parce qu'elles ont peu de saillie les unes sur les autres. Ces plates-bandes doivent être en plus ou moins grande quantité, selon que ces architraves appartiennent à des ordres rustique, solide, moyen ou délicat. Voyez ORDRE.

Il est des architraves mutilées, c'est-à-dire dont les moulures sont arasées ou retranchées pour recevoir une inscription, tel qu'on le remarque au péristyle de la Sorbonne du côté de la cour. Cette licence est vicieuse, ces inscriptions pouvant être mises dans la frise, qui doit toûjours être lice. Voyez FRISE.

Il est aussi des architraves qu'on nomme coupées, parce qu'elles sont interrompues dans l'espace de quelqu'entre-pilastre (voyez PILASTRE), afin de laisser monter les croisées jusque dans la frise, tel qu'on peut le remarquer à la façade des Tuileries, dans les ailes qui sont décorées de pilastres d'ordre composite. Mais cette pratique est tout-à-fait contraire au principe de la bonne Architecture, & ne doit être suivie par aucun architecte, malgré le nombre prodigieux d'exemples qu'on remarque de cette licence dans la plûpart de nos édifices. (P)

ARCHITRAVE, s. f. épistyle ; c'est, en Marine, une piece de bois mise sur des colonnes au lieu d'arcades, qui est la premiere & la principale, & qui soûtient les autres. Au-dessous de la plus basse frise de l'arcasse qui sert de base aux termes, il y a une architrave qui, dans un vaisseau de 134 piés de longueur de l'étrave à l'étambord, doit avoir deux piés de largeur & quatre pouces & demi d'épaisseur. Voyez aux figures, Marine, Pl. V. fig. 1. l'architrave marquée G. G. (Z)


ARCHIVESS. f. (Hist. mod.) se dit d'anciens titres ou chartres qui contiennent les droits, prétentions, priviléges & prérogatives d'une maison, d'une ville, d'un royaume : il se dit aussi d'un lieu où l'on garde ces titres ou chartres. Ce mot vient du latin arca, coffre, ou du grec , dont Suidas se sert pour signifier la même chose : on trouve dans quelques auteurs latins archarium. On dit les archives d'un collége, d'un monastere. Les archives des Romains étoient conservées dans le temple de Saturne, & celles de France le sont dans la chambre des comptes. Dans le Code on trouve qu'archivum publicum vel armarium, étoit le lieu ubi acta & libri exponebantur. Cod. de fid. instrum. auth. ad haec XXX. quaest. j. (H)


ARCHIVIOLES. f. (Luth. & Musiq.) espece de clavecin qui n'est presque d'aucun usage, auquel on a adapté un jeu de vielle qu'on accorde avec le clavecin, & qu'on fait aller par le moyen d'une roue & d'une manivelle.


ARCHIVISTES. m. garde des archives. Voyez ARCHIVES.


ARCHIVOLEURS. m. (Hist. anc.) chef ou capitaine de filous. Si l'on en croit Diodore de Sicile, les voleurs égyptiens observoient cette coûtume : ils se faisoient inscrire par le chef de leur bande, en promettant de lui apporter sur le champ & avec la plus exacte fidélité ce qu'ils auroient dérobé, afin que quiconque auroit perdu quelque chose, pût en écrire à ce capitaine, en lui marquant le lieu, l'heure & le jour auquel il avoit perdu ce qu'il cherchoit, qui lui étoit restitué à condition d'abandonner au voleur, pour sa peine, la quatrieme partie de la chose qu'on redemandoit. (G)


ARCHIVOLTES. m. du latin arcus volutus, arc contourné. Sous ce nom l'on entend le bandeau ou chambranle (voyez CHAMBRANLE) qui regne autour d'une arcade plein cintre, & qui vient se terminer sur les impostes. Voyez IMPOSTE. Les moulures de ces archivoltes imitent celles des architraves, & doivent être ornées à raison de la richesse ou de la simplicité des ordres. On appelle archivolte retourné, celui qui retourne horisontalement sur l'imposte, comme au château de Clagny, & à celui de Val proche Saint-Germain-en-Laye ; mais cette maniere est pesante, & ne doit convenir que dans une ordonnance d'architecture rustique. On appelle archivolte rustique, celui dont les moulures sont fort simples, & sont interrompues par des bossages unis ou vermiculés. Voyez BOSSAGE.


ARCHO(LES) Géograph. trois petites îles de l'Archipel, au sud sud-est de Patmos, & au sud sud-ouest de Samos.


ARCHONTESS. m. pl. (Hist. anc.) magistrats, préteurs ou gouverneurs de l'ancienne Athenes. Ce nom vient du grec , au plurier , commandans ou princes. Ils étoient au nombre de neuf, dont le premier étoit l'archonte, qui donnoit son nom à l'année de son administration ; le second se nommoit le roi ; le troisieme, le polemarque ou généralissime, avec six thesmothetes. Ces magistrats élûs par le scrutin des feves, étoient obligés de faire preuve devant leur tribu, comme ils étoient issus du côté paternel & maternel de trois ascendans citoyens d'Athenes. Ils devoient prouver de même leur attachement au culte d'Apollon protecteur de la patrie, & qu'ils avoient dans leur maison un autel consacré à Jupiter ; & par leur respect pour leurs parens, faire espérer qu'ils en auroient pour leur patrie. Il falloit aussi qu'ils eussent rempli le tems du service que chaque citoyen devoit à la république ; ce qui donnoit des officiers bien préparés, puisqu'on n'étoit licentié qu'à 40 ans : leur fortune même, dont ils devoient instruire ceux qui étoient préposés à cette enquête, servoit de garant de leur fidélité. Après que les commissaires nommés pour cet examen, en avoient fait leur rapport, les archontes prêtoient serment de maintenir les lois, & s'engageoient, en cas de contravention de leur part, à envoyer à Delphes une statue du poids de leur corps. Suivant une loi de Solon, si l'archonte se trouvoit pris de vin, il étoit condamné à une forte amende, & même puni de mort. De tels officiers méritoient d'être respectés : aussi étoit-ce un crime d'état que de les insulter. L'information pour le second officier de ce tribunal, qui étoit nommé le roi, devoit porter qu'il avoit épousé une vierge, & fille d'un citoyen, parce que, dit Démosthenes, ces deux qualités étoient nécessaires pour rendre agréables aux dieux les sacrifices que ce magistrat & son épouse étoient obligés d'offrir au nom de toute la république. L'examen de la vie privée des archontes étoit très-sévere, & d'autant plus nécessaire qu'au sortir de leur exercice, & après avoir rendu compte de leur administration, ils entroient de droit dans l'Aréopage.

Ceci regarde principalement les archontes décennaux, car cette sorte de magistrature eut ses révolutions. D'abord dans Athenes les archontes succéderent aux rois, & furent perpétuels. Medon fut le premier, l'an du monde 2936, & eut douze successeurs de sa race, auxquels on substitua les archontes décennaux, qui ne durerent que 70 ans, & qui furent remplacés par des archontes annuels. Le premier de ces magistrats se nommoit proprement archonte ; on y ajoûtoit l'épithete d'éponyme, parce que dans l'année de son administration toutes les affaires importantes se passoient en son nom. Il avoit soin des choses sacrées, présidoit à une espece de chambre ecclésiastique où l'on décidoit de tous les démêlés des époux, des peres & des enfans, & les contestations formées sur les testamens, les legs, les dots, les successions. Il étoit charge particulierement des mineurs, tuteurs, curateurs ; en général, toutes les affaires civiles étoient portées en premiere instance à son tribunal. Le deuxieme archonte avoit le surnom de roi ; le reste du culte public & des cérémonies, lui étoit confié. Sa fonction principale étoit de présider à la célébration des fêtes, de terminer les querelles des prêtres & des familles sacrées, de punir les impiétés & les profanations des mysteres. On instruisoit encore devant lui quelques affaires criminelles & civiles, qu'il décidoit ou renvoyoit à d'autres cours. Le polemarque veilloit aussi à quelques pratiques de religion ; mais son vrai département étoit le militaire, comme le porte son nom, dérivé de , guerre, & d', commander. Il étoit tout-puissant en tems de guerre, & joüissoit pendant la paix de la même jurisdiction sur l'étranger, que le premier archonte sur le citoyen d'Athenes. Les six autres qui portoient le nom commun de thesmothetes, qui vient de , loi, & de , établir, formoient un tribunal qui jugeoit des séductions, des calomnies, de toute fausse accusation ; les différends entre l'étranger & le citoyen, les faits de marchandises & de commerce, étoient encore de son ressort. Les thesmothetes avoient sur-tout l'oeil à l'observation des lois, & le pouvoir de s'opposer à tout établissement qui leur paroissoit contraire aux intérêts de la société, en faisant une barriere élevée entre les autres magistrats & le peuple. Tel étoit le district de chaque archonte en particulier. Le corps seul avoit droit de vie & de mort. En récompense de leurs services ces juges étoient exempts des impôts qu'on levoit pour l'entretien des armées, & cette immunité leur étoit particuliere. La succession des archontes fut réguliere ; & quelles que furent les révolutions que l'état souffrit par les factions ou par les usurpateurs, on en revint toûjours à cette forme de gouvernement, qui dura dans Athenes tant qu'il y eut un reste de liberté & de vie.

Sous les empereurs romains plusieurs autres villes greques eurent pour premiers magistrats deux archontes, qui avoient les mêmes fonctions que les duumvirs dans les colonies & les villes municipales. Quelques auteurs du bas empire donnent le nom d'archontes à divers officiers, soit laïques, soit ecclésiastiques ; quelquefois aux évêques, & plus souvent aux seigneurs de la cour des empereurs de Constantinople. Ainsi archonte des archontes ou grand archonte, signifie la premiere personne de l'état après l'empereur ; archonte des églises, archonte de l'évangile, un archevêque, un évêque ; archonte das murailles, le surintendant des fortifications, & ainsi des autres. Voy. AREOPAGE.


ARCHONTIQUESadj. (Théol.) mot formé du grec , au plurier , principautés ou hiérarchies d'anges. On donna ce nom à une secte d'hérétiques qui parurent sur la fin du IIe siecle, parce qu'ils attribuoient la création du monde, non pas à Dieu, mais à diverses puissances ou principautés, c'est-à-dire à des substances intellectuelles subordonnées à Dieu, & qu'ils appelloient archontes. Ils rejettoient le baptême & les saints mysteres, dont ils faisoient auteur Sabahot, qui étoit, selon eux, une des principautés inférieures. A les entendre, la femme étoit l'ouvrage de satan, & l'ame devoit ressusciter avec le corps. On les regarde comme une branche de la secte des Valentiniens. Voyez VALENTINIENS & GNOSTIQUES. (G)


ARCHURES. f. (Charp.) nom de plusieurs pieces de charpente ou de menuiserie placées devant les meules d'un moulin.


ARCILLIERESS. f. terme de Riviere, pieces de bois cintrées & tournantes, servant à la construction d'un bateau foncet.


ARCIS-SUR-AUBE(Géog.) ville de France en Champagne, sur l'Aube. Long. 21. 45. lat. 48. 30.


ARCITENENSnom latin de la constellation du Sagittaire. Voyez SAGITTAIRE. (O)


ARCKlac d'Ecosse dans la province de Loquebar, près de celle de Murrai.


ARCKEL(TERRE D ') contrée du Brabant-Espagnol, dont la ville de Liere ou Lire est le lieu principal.


ARCLou ARECLO, ville d'Irlande dans la Lagénie, à l'embouchure de la riviere de Doro.


ARCO(L ') s. m. terme de Fonderie ; ce sont des parties de cuivre répandues dans les cendres d'une fonderie, & qu'on retire en criblant ces cendres, & en les faisant passer successivement par différens tamis. Voyez l'article CALAMINE.


ARÇONS. m. (Manége.) est une espece d'arc composé de deux pieces de bois qui soûtiennent une selle de cheval, & lui donnent sa forme. Il y a un arçon de devant & un arçon de derriere.

Les parties de l'arçon sont le pommeau, qui est une petite poignée de cuivre élevée au-devant de la selle ; le garrot, petite arcade un peu élevée au-dessus du garrot du cheval ; les mammelles, qui sont l'endroit où aboutit le garrot ; & les pointes qui forment le bas de l'arçon. On y ajoûtoit autrefois des morceaux de liége, sur lesquelles on chaussoit les battes. Voyez GARROT, MAMMELLES, POINTE, BATTE, &c.

Il y a des arçons mobiles pour les selles à tous chevaux, qui changent l'ouverture de la selle. L'arçon de derriere porte sur le troussequin. Voyez TROUSSEQUIN. Les arçons sont nervés, c'est-à-dire couverts de nerfs de boeuf battus & réduits en filasse, puis collés tout-autour des arçons pour les rendre plus forts. On les bande ensuite avec des bandes de fer qui les tiennent en état. Au-dessous des arçons on cloue les contre-sanglots, pour tenir les sangles en état. Voyez CONTRE-SANGLOT, SANGLE, &c.

Les pistolets d'arçon sont ceux qu'on porte ordinairement à l'arçon de la selle. Perdre les arçons, vuider les arçons, ferme sur les arçons.

Arçons à corps, servoient autrefois aux gendarmes. Le troussequin leur alloit jusqu'au milieu du corps. (V)

ARÇON, outil de Chapelier, avec lequel ils divisent & séparent le poil ou la laine dont les chapeaux doivent être fabriqués. Cet outil ressemble assez à un archet de violon, mais la maniere de s'en servir est fort différente. Voyez ARÇONNER.

L'arçon représenté figure 6. Pl. du Chapelier, est composé de plusieurs parties. La piece A B est un bâton cylindrique de 7 à 8 piés de longueur, qu'on appelle perche. Près de l'extrémité B est fixée à tenon & mortoise une petite planche de bois chantournée, comme on voit dans la figure, qu'on appelle bec de corbin. Cette piece a sur son épaisseur en C, une petite rainure dans laquelle se loge la corde de boyau c C, qui après avoir passé dans une fente pratiquée à l'extrémité B de la perche, va s'entortiller & se fixer à des chevilles de bois qui sont placées au côté de la perche diamétralement opposé au bec de corbin. A l'autre extrémité A de la perche est de même fixée à tenon & mortoise une planche de bois D, qu'on appelle panneau. Cette planche est évidée, afin qu'elle soit plus légere, & elle doit être dans le même plan que le bec de corbin C. Elle est aussi plus épaisse par ses extrémités que dans son milieu : l'épaisseur du côté de la perche fait qu'elle s'y applique plus fermement ; l'épaisseur pratiquée de l'autre côté, est pour recevoir le cuiret C C, qui est un morceau de peau de castor que l'on tend sur l'extrémité E du panneau, au moyen des cordes de boyau c 2 c 2 attachées à ces extrémités. Ces cordes font le tour de la perche, & sont tendues par les petits tarauts a a qui les tordent ensemble deux à deux, de la même maniere que les Menuisiers bandent la lame d'une scie. Voyez SCIE. Toutes les choses ainsi disposées, on attache la corde à boyau au moyen d'un noeud coulant à l'extrémité A de la perche. Après qu'elle y est fixée, on la fait passer dessus le cuiret, & on la conduit dans la rainure du bec de corbin, d'où elle passe par la fente pratiquée à l'extrémité B de la perche aux chevilles i i i où elle doit être fixée & suffisamment tendue.

On met ensuite une petite piece de bois b d'une ligne ou environ d'épaisseur, qu'on appelle chanterelle. L'usage de cette piece est d'éloigner le cuiret du panneau ; ce qui laisse un vuide entre deux, & fait rendre à la corde un son qui est d'autant plus fort que la corde est plus tendue : l'arçon a sur le milieu de la perche une poignée o, qui est une courroie de cuir ou de toile, qui entoure en-dessus la main gauche de l'arçonneur. Cette courroie empêche que le poids du panneau & du bec de corbin ne fassent tomber la corde de boyau sur la claie, & aide l'arçonneur à soûtenir l'arçon dans sa situation horisontale.


ARÇONNERv. neut. terme de Chapelier. C'est se servir de l'arçon décrit à l'article précédent : cette opération est représentée (figure premiere, Planche de Chapellerie.) L L L L sont deux treteaux sur lesquels est posée une claie d'osier W qui en a deux autres H K, H K, à ses extrémités qui sont courbées en-dedans, & qu'on appelle dossiers. Elles servent à retenir les matieres que l'on arçonne sur la premiere, dont le côté antérieur doit être appliqué contre le mur qui a été supprimé dans la figure, parce qu'il l'auroit caché entierement. Ces mêmes matieres sont aussi retenues du côté de l'ouvrier par deux pieces de peau M M, qui ferment les angles que la claie & les dossiers laissent entr'eux.

L'arçonneur A tient de la main gauche, & le bras étendu, la perche de l'arçon qui est suspendu horisontalement par la corde D E qui tient au plancher ; ensorte que la corde de boyau de l'arçon soit presque dans le même plan horisontal que la perche. De la main droite il tient la coche F représentée séparément (figure 10, Planche du Chapelier.) avec le bouton de laquelle il tire à lui la corde de boyau qui échappe en glissant sur la rondeur du bouton, & va frapper avec la force élastique que la tension lui donne, sur le poil ou la laine précédemment cardée, placée en G ; ce qui la divise & la fait passer par petites parties de la gauche de l'ouvrier à sa droite ; ce qu'on appelle faire voguer. On répete cette opération jusqu'à ce que le poil ou la laine soient suffisamment arçonnés ; pour cela on la rassemble sur la claie avec le clayon. Voyez CLAYON, & la figure 7 qui le représente. On conçoit bien comment la corde de boyau venant à échapper du bouton de la coche, doit pousser l'étoffe que l'on veut arçonner de droite à gauche : mais on n'entend pas de même pourquoi au contraire elle passe de la gauche à la droite de l'ouvrier : c'est ce qu'on va expliquer. Soit la ligne droite A B (Pl. I. de Chapel.) la corde dans son état naturel, c'est-à-dire en repos, D la coche, C le poil ou laine qu'il faut arçonner ; si on conçoit que la corde tirée par la coche au point b parvient en D, où elle cesse d'être retenue par le bouton de la coche, elle retournera contrainte par la force élastique au point de repos b, où elle ne s'arrêtera pas ; la vîtesse acquise la fera aller au-delà comme en C, où elle frappera contre l'étoffe C, qui est en quantité considérable de ce côté ; elle s'y enfoncera jusqu'à ce que sa vîtesse soit anéantie ; elle reviendra ensuite de C en b avec la même vîtesse que celle qui la fait aller de b en C ; elle entraînera à son retour la petite quantité de poil ou de laine m, que le mouvement communiqué à la masse totale de poils par le premier choc, a fait élever sur son passage. Ainsi ces poils passeront de la gauche à la droite de l'ouvrier, ainsi qu'on l'observe.


ARÇONNEURS. m. est un ouvrier qui se sert de l'arçon, ou qui par son moyen fait voler sur une claie la laine ou le poil, qui auparavant ont été bien cardés, pour être employés à la Chapellerie. Voyez ARÇON & ARÇONNER.


ARCOS(Géog.) ville d'Espagne, dans l'Andalousie, sur un roc, au pié duquel coule la riviere de Guadalete. Long. 12. 20. lat. 36. 40.

Il y a encore une ville de même nom dans la Castille vieille, sur la riviere de Xalon.


ARCTIQUEadj. c'est, en Astronomie, une épithete qu'on a donnée au pole septentrional, ou au pole qui s'éleve sur notre horison. Voyez NORD, SEPTENTRION, POLE.

Le pole septentrional a été appellé pole arctique, du mot grec , qui signifie ourse ; d'où l'on a fait le terme arctique, épithete qu'on a donnée au pole septentrional, parce que la derniere étoile située dans la queue de la petite Ourse, en est très-voisine. Voyez OURSE.

Le cercle polaire arctique est un petit cercle de la sphere parallele à l'équateur, & éloigné du pole arctique de 23d 30'. C'est de ce pole qu'il prend le nom d'arctique. Voyez CERCLE, SPHERE.

Ce cercle & le cercle polaire antarctique son opposé, sont ce qu'on nomme les cercles polaires. On peut les concevoir décrits par le mouvement des poles de l'écliptique autour des poles de l'équateur ou du monde. Depuis le cercle jusqu'au pole arctique, est comprise la partie de la terre appellée zone froide septentrionale. Les observations faites en 1736 & 1737 par l'académie des Sciences pour déterminer la figure de la terre, ont été faites sous le cercle polaire arctique. Voyez POLE & POLAIRE. (O)


ARCTOPHYLAXterme d'Astronomie, nom d'une constellation qu'on appelle autrement Bootes ou Bouvier. Arctophylax signifie gardien de l'Ours : il est dérivé des deux mots grecs , ourse, & , je garde. La constellation du bouvier est ainsi appellée, parce qu'elle se trouve proche de la grande & de la petite Ourse. (O)


ARCTURUSen grec dérivé d', ourse, & de , queue ; c'est, en Astronomie, une étoile fixe de la premiere grandeur, située dans la constellation du Bouvier, très-voisine de la queue de l'Ourse. Voyez BOUVIER. Voyez aussi OURSE & CONSTELLATION.

Cette étoile a été fort connue des anciens, comme on le voit par ce vers de Virgile :

Arcturum, pluviasque Hyadas, geminosque Triones.

Il en est aussi parlé dans l'Ecriture en plusieurs endroits, comme on le voit par ces passages : Qui fecit arcturum & oriona & hyadas, & interiora austri. Job, c. jx. v. 9. &c. xxxviij. v. 31. Nunquid conjungere valebis micantes stellas pleiadas, aut gyrum arcturi poteris dissipare ? (O)


ARCTUS, sub. m. (Astronomie.) c'est le nom que les Grecs ont donné à deux constellations de l'hémisphere septentrional, que les Latins ont appellées ursa major & minor, & que nous appellons la petite Ourse & la grande Ourse. Voyez OURSE grande & petite. (O)


ARCUATIONS. f. terme dont quelques chirurgiens se servent pour exprimer la courbure des os, comme il arrive aux enfans qui se noüent, &c. Voyez RACHITIS. (Y)


ARCUDIA(Géog. anc. & mod.) ville d'Afrique dans la Barbarie, au royaume de Tripoli, vers la frontiere de celui de Barca, sur le golfe de Sidra. Quelques-uns croient que c'est l'ancien vicus Philaenorum ou Philaenorum arae ; d'autres que c'est l'ancienne Automala.


ARCULAE AVES(Myth.) nom que les Romains donnoient à certains oiseaux qui étoient de mauvais présage, soit par leur vol, soit par leur maniere de prendre la mangeaille. Ils empêchoient, disoit-on, qu'on ne formât aucune entreprise ; arculae aves, quia arcebant ne quid fieret. (G)


ARCULUSS. m. (Myth.) nom du dieu qui présidoit aux coffres & aux cassettes, du nom latin arca, un coffre, & du diminutif arcula, cassette. Quelques-uns dérivent ce nom d'arx, citadelle, forteresse, & font d'arculus le dieu tutélaire des citadelles. (G)


ARCYgros village de France, en Bourgogne, dans l'Auxerrois. Quoique nous ayons borné notre Géographie aux villes, on nous permettra bien de sortir ici de ces limites, en faveur des grottes fameuses voisines du village d'Arcy. Voici la description qui en a été faite sur les lieux, par les ordres de M. Colbert : Non loin d'Arcy, on apperçoit des rochers escarpés d'une grande hauteur, au pié desquels paroissent comme des cavernes ; je dis paroissent, parce que les cavités ne pénetrent pas assez avant pour mériter le nom de cavernes. On voit en un endroit, au pié de l'un de ces rochers, une partie des eaux d'une riviere qui se perdent, & qui, après avoir coulé sous terre plus de deux lieues, trouvent une issue par laquelle elles sortent avec impétuosité, & font moudre un moulin. Un peu plus avant, en descendant le long du cours de la riviere, on trouve quelques bois sur les bords ; ils y forment un ombrage assez agréable ; & les rochers forment de tous côtés des échos, dont quelques-uns repetent un vers en entier. Assez proche du village est un gué appellé le gué des entonnoirs, au sortir duquel, du côté du couchant, on entre dans un petit sentier fort étroit, qui montant le long d'un côteau tout couvert de bois, conduit à l'entrée des grottes. En suivant ce sentier on voit en plusieurs endroits dans les rochers de grandes cavités, où l'on se mettroit commodément à couvert des injures du tems. Ce sentier conduit à une grande voûte, large de trente pas & haute de vingt piés à son entrée, qui semble former le portail du lieu. A huit ou dix pas de-là, elle s'étrécit & se termine en une petite porte haute de quatre piés. La figure de cette porte étoit autrefois ovale : mais depuis quelques années on l'a fermée en partie d'une porte de pierre de taille, dont le seigneur garde la clé. L'entrée de cette porte artificielle est si basse, qu'on ne peut y passer que courbé, & le dessus de la premiere salle est une voûte d'une figure plate & toute unie. La descente est fort escarpée, & l'on y rencontre d'abord des quartiers de pierre d'une grosseur prodigieuse.

De cette salle on passe dans une autre beaucoup plus spacieuse, dont la voûte est élevée de neuf à dix piés. Dans un endroit de la voûte on voit une ouverture large d'un pié & demi, longue de neuf piés, & qui paroît avoir deux piés de profondeur, dans laquelle on voit quantité de figures pyramidales. Cette salle est admirable par sa grandeur, ayant quatre-vingts piés de long : elle est remplie de gros quartiers de pierre, entassés confusément en quelques endroits, & épars dans d'autres, ce qui la rend incommode au marcher. A main droite il y a une espece de lac qui peut avoir cent ou cent vingt piés de diametre, dont les eaux sont claires & bonnes à boire.

A main gauche de cette salle, on entre dans une troisieme, large de quinze pas & longue de deux cens cinquante. La voûte est d'une figure un peu plus ronde que les précédentes, & peut avoir dix-huit piés d'élévation. Ce qui paroit le plus extraordinaire, c'est qu'il y a trois voûtes l'une sur l'autre, la plus haute étant supportée par les deux plus basses. Environ le milieu de cette salle on voit quantité de petites pyramides renversées, de la grosseur du doigt, qui soûtiennent la voûte la plus basse, & qui paroissent avoir été rapportées de dessein pour orner cet endroit. Cette salle se termine en s'étrécissant, & sur les extrémités d'un & d'autre côté on voit encore un nombre infini de petites pyramides, qu'on croiroit être de marbre blanc. Le dessus de cette voûte est tout rempli de mammelles de différentes grosseurs, mais qui toutes distillent quelques gouttes d'eau par le bout. A main droite il y a une espece de petite grotte, qui peut avoir deux piés en quarré, & qui est enfoncée de trois ou quatre piés, remplie d'un si grand nombre de petites pyramides, qu'il est impossible de les compter. Au bout de cette salle, à main droite, on trouve une petite voûte de deux piés & demi de haut & de douze piés de longueur, dont l'un des côtés est soûtenu par un rocher : elle est aussi garnie d'un si grand nombre de pyramides, de mammelles, & d'autres figures, qu'il est impossible d'en faire une description : on y apperçoit même des coquilles de différentes figures & grandeurs.

Cette petite voûte conduit à une autre un peu plus élevée, remplie d'un nombre infini de figures de toutes manieres. A main gauche on voit des thermes de perspective, soûtenus par des piliers de différentes grosseurs & de différentes figures, parmi lesquels il y a une infinité de petites perspectives, des piliers, des pyramides, & d'autres figures qu'il est impossible de décrire. Un peu plus avant, du même côté, on découvre une petite grotte dans laquelle on ne peut entrer ; elle est fort enfoncée & admirable par la quantité de petits piliers, de pyramides droites & renversées dont elle est pleine. C'est dans cet endroit que ceux qui visitent ces lieux ont accoûtumé de rompre quelques-unes de ces petites figures pour les emporter & satisfaire leur curiosité : mais il semble que la nature prenne soin de réparer les dommages que l'on y fait.

A main droite, il y a une entrée qui conduit dans une autre grande salle qui est séparée de la précédente par quelques piliers, qui ne montent pas jusqu'au-dessus de la voûte. L'entrée de cette salle est fort basse, parce que du haut de la voûte naissent quantité de pyramides, dont la base est attachée au sommet de la voûte. Cette salle est remplie de quantité de rochers de même qualité que les pyramides. On y voit des enfonçures & des rehaussemens ; & l'on a autant de perspectives différentes, qu'il y a d'endroits où l'on peut jetter la vûe.

Un grand rocher termine cette salle, & laisse à droite & à gauche deux entrées, qui toutes deux conduisent dans une autre salle fort spatieuse. A gauche en entrant, on voit d'abord une figure grande comme nature, qui de loin paroît être une Vierge tenant entre ses bras l'enfant Jesus. Du même côté on voit une petite forteresse quarrée, composée de quatre tours, & une autre tour plus avancée pour défendre la porte. Quantité de petites figures paroissent dedans & autour, qui semblent être des soldats qui défendent cette place. Cette salle est partagée par le milieu par quantité de petits rochers, dont quelques-uns s'élevent jusqu'au-dessus de la voûte, d'autres ne vont qu'à moitié. Le côté gauche de cette salle est borné par un grand rocher, & il y a un écho admirable & beaucoup plus fidele que dans toutes les autres.

On trouve deux entrées au sortir de cette salle, qui conduisent en descendant dans une autre fort longue & fort spacieuse, où le nombre des pyramides est moindre, où la nature a fait beaucoup moins d'ouvrages, mais où ce qu'on rencontre est beaucoup plus grand. En entrant à main gauche, on y rencontre un grand dome qui n'est soûtenu que d'un seul côté. La concavité de ce dome paroît être à fond d'or avec de grandes fleurs noires : mais lorsqu'on y touche, on efface la beauté de l'ouvrage, qui n'est pas solide comme les autres ; ce n'est que de l'humidité. La voûte de cette salle est toute unie : elle a vingt piés de hauteur, trente pas de largeur, & plus de trois cens pas de longueur. Au milieu de la voûte on voit un nombre infini de chauve-souris, dont quelques-unes se détachent pour venir voltiger autour des flambeaux.

Sous l'endroit où elles sont est une petite hauteur ; si l'on y frappe du pié, on entend résonner comme s'il y avoit une voûte en-dessous : on croit que c'est-là que passe une partie de la riviere de Cure qui se perd au pié du rocher, & dont on a parlé d'abord.

Cette salle, sur ses extrémités, a deux piliers joints ensemble, de deux piés de diametre, & plusieurs pyramides qui s'élevent presque jusqu'au-dessus ; & elle se termine enfin par trois rochers pointus, du milieu desquels sort un pilastre qui s'éleve jusqu'à la voûte.

Des deux côtés il y a deux petits chemins qui conduisent derriere ces rochers, où l'on apperçoit d'abord un dome garni de pyramides & de quelques gros rochers qui montent jusqu'au-dessus de la voûte ; elle se termine en s'étrécissant, & laisse un passage si étroit & si bas, qu'on n'y peut passer qu'à genoux. Ce passage conduit à une autre salle, dont la voûte toute unie peut avoir quinze piés d'élévation. Cette salle a quarante piés de large & près de quatre cens pas de long ; & au bout elle a quatre rochers & une pyramide haute de huit piés, dont la base a cinq piés de diametre. On passe de celle-là dans une autre admirable par les rochers & les pyramides qu'on y voit ; mais sur-tout il y en a une de vingt piés de haut & d'un pié & demi de diametre. La voûte de cette salle a d'élévation vingt-deux piés dans les endroits les plus élevés : elle a quarante pas de large & plus de six cens pas de long : elle est ornée de deux côtés de quantité de figures, de rochers, & de perspectives ; & si dans son commencement on trouve le chemin incommode à cause des gros quartiers de pierres qu'on y rencontre, la fin en est très-agréable, & il semble que les figures qu'on y voit, soient les compartimens d'un parterre. Cette derniere salle se termine en s'étrécissant, & finit la beauté de ces lieux.

Tout ce qu'on admire dans ces grottes, disent les Mém. de Littérat. du P. Desmolets, ces figures, ces pyramides, ne sont que des congelations, qui néanmoins ont la beauté du marbre & la dureté de la pierre ; & qui exposées à l'air, ne perdent rien de ces qualités. On remarque que dans toutes ces figures, il y a dans le milieu un petit tuyau de la grosseur d'une aiguille, par où il dégoutte continuellement de l'eau, qui venant à se congeler, produit dans ces lieux tout ce qu'on y admire ; & ceux qui vont souvent les visiter reconnoissent que la nature répare tous les desordres qu'on y commet, & remplace toutes les pieces qu'on détache. On remarque encore une chose assez particuliere, c'est que l'air y est extrèmement tempéré ; & contre l'ordinaire de tous les lieux soûterrains, celui qu'on y respire dans les plus grandes chaleurs, est aussi doux que l'air d'une chambre, quoiqu'il n'y ait aucune autre ouverture que la porte par laquelle on entre, & qu'on ne puisse visiter ces cavernes qu'à la lueur des flambeaux.

J'ajoûterai qu'il faudroit avoir visité ces lieux par soi-même, en avoir vû de près les merveilles, y avoir suivi les opérations de la nature, & peut-être même y avoir tenté un grand nombre d'expériences, pour expliquer les phénomenes précédens. Mais on peut, sans avoir pris ces précautions, assûrer : 1°. que ce nombre de pyramides droites & renversées ont toutes été produites par les molécules que les eaux qui se filtrent à-travers les rochers qui forment les voûtes, en détachent continuellement. Si le rocher est d'un tissu spongieux, & que l'eau coule facilement, les molécules pierreuses tombent à terre, & forment les pyramides droites ; si au contraire leur écoulement est laborieux ; si elles passent difficilement à travers les rochers, elles ont le tems de laisser agglutiner les parties pierreuses ; il s'en forme des couches les unes sur les autres, & les pyramides ont la base renversée. 2°. Que la nature réparant tout dans les cavernes d'Arcy, il est à présumer qu'elles se consolideront un jour, & que les eaux qui se filtrent perpétuellement, augmenteront le nombre des petites colonnes au point que le tout ne formera plus qu'un grand rocher. 3°. Que par-tout où il y aura des cavernes & des rochers spongieux, on pourra produire les mêmes phénomenes, en faisant séjourner des eaux à leur sommet. 4°. Que peut-être on pourroit modifier ces pétrifications, ces excroissances pierreuses ; leur donner une forme déterminée ; employer la nature à faire des colonnes d'une hauteur prodigieuse, & peut-être un grand nombre d'autres ouvrages ; effets qu'on regarde comme impossibles à présent qu'on ne les a pas tentés ; mais qui ne surprendroient plus s'ils avoient lieu, comme je conjecture qu'il arriveroit. Je ne connois qu'un obstacle au succès ; mais il est grand : c'est la dépense qu'on ne fera pas, & le tems qu'on ne veut jamais se donner. On voudroit enfanter des prodiges à peu de frais, & dans un moment ; ce qui ne se peut guere.


ARDACH(Géog.) ville épiscopale d'Irlande, au comté de Longfort. Long. 9. 48. lat. 55. 37.


ARDALIDESsurnom des Muses, pris d'Ardalus fils de Vulcain, qui honoroit fort ces déesses.


ARDASTAou ARDISTAN, ville de la province appellée Gebal ou Iraque Persique.


ARDEBIL(Géog.) ville d'Asie, dans la Perse, dans l'Adirbeizan. Long. 65. lat. 37. 55.


ARDÉE(Géog. anc. & Mythol.) ville capitale des Rutules. Les soldats d'Enée y ayant mis le feu, on publia, dit Ovide, qu'elle avoit été changée en héron, oiseau que les Latins nommoient ardea ; c'est tout le fondement de cette métamorphose. Peut-être Ardée avoit-elle été ainsi nommée du grand nombre de hérons qu'on trouve dans cette contrée.


ARDEMEANACHcontrée d'Ecosse, dans la province de Ross ; elle est pleine de hautes montagnes toûjours couvertes de neige.


ARDENBOURGville des Pays-Bas, dans la Flandre Hollandoise. Long. 21. lat. 51. 16.


ARDENNES. f. (Géog.) grande forêt sur la Meuse, qui s'étend fort loin de l'occident à l'orient, & qui passe entre Charlemont au nord, & Rocroi au sud.


ARDENSadj. pl. (Hist. mod.) est le nom qu'on a donné à une espece de maladie pestilentielle, qui fit autrefois beaucoup de ravage à Paris, & dans le royaume de France ; & c'est de-là qu'est venu le nom de sainte Genevieve des ardens ; parce que cette maladie fut, dit-on, guérie par l'intercession de cette sainte.

Il y avoit à Paris proche l'église métropolitaine, une petite paroisse sous le titre de sainte Genevieve des ardens, érigée en mémoire de ce miracle, & qu'on vient de détruire pour aggrandir l'hôpital des Enfans-trouvés. (G)


ARDEN(miroir) ; c'est un miroir concave, dont la surface est fort polie, & par lequel les rayons du soleil sont réfléchis & ramassés en un seul point, ou plûtôt en un espace fort petit : par ce moyen leur force est extrèmement augmentée, de sorte qu'ils brûlent les corps sur lesquels ils tombent après cette réunion.

Verre ardent, est un verre convexe, appellé en latin lens caustica. Ce verre a la propriété de transmettre les rayons de lumiere, & dans leur passage il les réfracte ou les incline vers son axe ; & ces rayons ainsi rompus & rapprochés de l'axe, se réunissent en un point ou à peu près en un point, & ont assez de force en cet état pour brûler les corps qui leur sont présentés. Ainsi il y a cette différence entre les miroirs & les verres ardens, que les premiers réunissent les rayons en les réfléchissant, & les autres en les brisant ou en les réfractant. Les rayons tombent sur la surface des miroirs ardens, & en sont renvoyés, au lieu qu'ils pénetrent la substance des verres ardens. Le point de réunion des rayons dans les miroirs & les verres ardens, s'appelle le foyer. On appelle cependant quelquefois du nom général de miroir ardent les miroirs & les verres ardens. Voyez LENTILLE & REFRACTION.

Les miroirs ardens dont on se sert sont concaves ; ils sont ordinairement de métal : ils réfléchissent les rayons de lumiere, & par cette réflexion il les inclinent vers un point de leur axe. Voyez MIROIR, REFLEXION. Quelques auteurs croyent que les verres convexes étoient inconnus aux anciens : mais on a crû qu'ils connoissoient les miroirs concaves. Les historiens nous disent que ce fut par le moyen d'un miroir concave qu'Archimede brûla toute une flotte ; & quoique le fait ait été fort contesté, on en peut toûjours tirer cette conclusion, que les anciens avoient connoissance de cette sorte de miroirs. On ne doute nullement que ces miroirs ne fussent concaves & métalliques, & on est persuadé qu'ils avoient leur foyer par réflexion. A l'égard des verres brûlans, M. de la Hire fait mention d'une comédie d'Aristophane appellée les Nuées, dans laquelle Strepsiade fait part à Socrate d'un expédient qu'il a trouvé pour ne point payer ses dettes, qui est de se servir d'une pierre transparente & ronde, & d'exposer cette pierre au soleil, afin de fondre l'assignation, qui dans ces tems s'écrivoit sur de la cire. M. de la Hire prétend que la pierre ou le verre dont il est parlé dans cet endroit, qui servoit à allumer du feu & à fondre la cire, ne peut avoir été concave, parce qu'un foyer de réflexion venant de bas en-haut, n'auroit pas été propre, selon lui, pour l'effet dont on a parlé ici, car l'usage en auroit été trop incommode ; au lieu qu'avec un foyer de réfraction venant de haut enbas, on pouvoit aisément brûler l'assignation. Voyez Hist. acad. 1708. Ce sentiment est confirmé par le scholiaste d'Aristophane. Pline fait mention de certains globes de verre & de crystal, qui, exposés au soleil, brûloient les habits, & même le dos de ceux sur qui tomboient les rayons. Et Lactance ajoûte qu'un verre sphérique plein d'eau & exposé au soleil, allume du feu, même dans le plus grand hyver, ce qui paroît prouver que les effets des verres convexes étoient connus des anciens.

Cependant il est difficile de concevoir comment les anciens, qui avoient connoissance de ces sortes de verres ardens, ne se sont pas apperçûs en même tems que ces verres grossissent les objets. Car tout le monde convient que ce ne fut que vers la fin du treizieme siecle que les lunettes furent inventées. M. de la Hire remarque que les passages de Plaute qui semblent insinuer que les anciens avoient connoissance des lunettes, ne prouvent rien de semblable : & il donne la solution de ces passages, en prouvant que les verres ardens des anciens étant des spheres, ou solides, ou pleines d'eau, le foyer n'étoit pas plus loin qu'à un quart de leur diametre. Si donc on suppose que leur diametre étoit d'un demi-pié, qui est, selon M. de la Hire, la plus grande étendue qu'on puisse donner ; il auroit fallu que l'objet fût à un pouce & demi d'éloignement pour qu'il parût grossi ; car les objets qui seront plus éloignés ne paroîtront pas plus grands, mais on les verra plus confusément à travers le verre, qu'avec les yeux. C'est pourquoi il n'est pas surprenant que la propriété qu'ont les verres convexes de grossir les objets ait échappé aux anciens, quoiqu'ils connussent peut-être la proprieté que ces mêmes verres avoient de brûler : il est bien plus extraordinaire qu'il y ait eu 300 ans d'intervalle entre l'invention des lunettes à lire & celle des télescopes. Voyez TELESCOPE.

Tout verre ou miroir concave rassemble les rayons qui sont tombés sur sa surface ; & après les avoir rapprochés, soit par réfraction, soit par réflexion, il les réunit dans un point ou foyer ; & par ce moyen, il devient verre ou miroir ardent ; ainsi le foyer étant l'endroit où les rayons sont le plus rassemblés, il s'ensuit que si le verre ou le miroir est un segment d'une grande sphere, sa largeur ne doit pas contenir un arc de plus de dix-huit degrés ; & si le verre ou le miroir est un segment d'une plus petite sphere, sa largeur ne doit pas être de plus de trente ; parce que le foyer contiendroit un espace trop grand, si le miroir étoit plus étendu : ce qui est vérifié par l'expérience.

La surface d'un miroir, qui est un segment d'une plus grande sphere, reçoit plus de rayons que la surface d'un plus petit : donc si la largeur de chacun contient un arc de dix-huit degrés, ou même plus ou moins, pourvû que le nombre de degrés soit égal, les effets du plus grand miroir seront plus grands que ceux du plus petit ; & comme le foyer est vers la quatrieme partie du diametre, les miroirs qui sont des segmens de plus grandes spheres, brûlent à une plus grande distance que ceux qui sont des segmens d'une plus petite sphere : ainsi puisque l'action de brûler dépend de l'union des rayons, & que les rayons sont réunis, étant réfléchis par une surface concave sphérique quelle qu'elle puisse être, il n'est pas étonnant que même les miroirs de bois doré, ou ceux qui sont faits d'autres matieres, puissent brûler. Zahn rapporte dans son livre intitulé Oculus artificialis, que l'an 1699 un certain Neumann fit à Vienne un miroir ardent de carton, & que ce miroir avoit tant de force qu'il liquéfioit tous les métaux.

Les miroirs ardens d'Archimede & de Proclus sont célebres parmi les anciens. Par leur moyen Archimede, dit-on, brûla la flotte des Romains qui assiégeoient Syracuse, sous la conduite de Marcellus, selon le rapport de Zonare, de Galien, d'Eustathe, &c. & Proclus fit la même chose à la flotte de Vitalien qui assiégeoit Bysance, selon le rapport du même Zonare. Cependant quelque attestés que soient ces faits, ils ne laissent pas d'être sujets à de fort grandes difficultés. Car la distance du foyer d'un miroir concave est au quart de son diametre : or le pere Kircher passant à Syracuse, & ayant examiné la distance à laquelle pouvoient être les vaisseaux des Romains, trouva que le foyer du miroir d'Archimede étoit au moins à 30 pas ; d'où il s'ensuit que le rayon du miroir devoit être fort grand. De plus, le foyer de ce miroir devoit avoir peu de largeur. Ainsi il paroît difficile, selon plusieurs auteurs, que les miroirs d'Archimede & ceux de Proclus pussent avoir l'effet qu'on leur attribue.

L'histoire d'Archimede deviendra encore plus difficile à croire, si on s'en rapporte au récit pur & simple que nous en ont donné les anciens. Car, selon Diodore, ce grand géometre brûloit les vaisseaux des Romains à la distance de trois stades ; & selon d'autres, à la distance de 3000 pas. Le pere Cavalieri, pour soûtenir la vérité de cette histoire, dit, que si des rayons réunis par la surface d'un miroir concave sphérique, tombent sur la concavité d'un conoïde parabolique tronqué, dont le foyer soit le même que celui du miroir sphérique, ces rayons réfléchis parallelement à l'axe de la parabole, formeront une espece de foyer linéaire ou cylindrique M. Dufay ayant voulu tenter cette expérience, y trouva de grandes difficultés ; le petit miroir parabolique s'échauffe en un moment, & il est presque impossible de le placer où il doit être. D'ailleurs l'éclat de ces rayons réunis qui tombent sur le miroir parabolique, incommode extrèmement la vûe.

M. Descartes a attaqué dans sa Dioptrique l'histoire d'Archimede : il y dit positivement, que si l'éloignement du foyer est à la largeur du verre ou du miroir, comme la distance de la terre au soleil est au diametre du soleil (c'est-à-dire environ comme 100 est à 1), quand ce miroir seroit travaillé par la main des anges, la chaleur n'en seroit pas plus sensible que celle des rayons du soleil qui traverseroient un verre plan. Le pere Niceron soûtient la même opinion. Voici sa preuve. Il convient que les rayons qui partent d'une portion du disque du soleil égale au verre ou au miroir qu'on y expose, seront exactement réunis à son foyer, s'il est elleptique ou parabolique : mais les rayons qui partent de tous les autres points du disque du soleil ne peuvent être réunis dans le même point, & forment autour de ce point une image du disque du soleil, proportionnée à la longueur du foyer du verre. Lorsque ce foyer est très-court, c'est-à-dire fort près du verre, l'image du soleil est fort petite, presque tous les rayons passent si proche du foyer qu'ils semblent ne faire qu'un point lumineux : mais à mesure que le foyer s'éloignera, l'image s'aggrandira par la dispersion de tous ses rayons qui ne partent pas du centre du soleil, que je suppose répondre directement au foyer du miroir ; & par conséquent cet amas de rayons, qui étant réunis dans un très-petit espace faisoient un effet considérable, n'en fera pas plus que les rayons directs du soleil, lorsque l'éloignement du foyer sera tel qu'ils seront aussi écartés les uns des autres, qu'ils l'étoient avant que de rencontrer le verre. Ainsi parle le pere Niceron.

Cela peut être vrai, dit M. Dufay ; mais est-il sûr que les rayons qui viennent d'une portion du disque du soleil égale à la surface du verre, étant réunis au foyer, ne suffisent pas pour brûler indépendamment des autres ? M. Dufay reçut sur un miroir plan d'un pié en quarré l'image du soleil, & la dirigea de façon qu'elle allât tomber sur un miroir sphérique concave assez éloigné, qui réunissoit à son foyer tous les rayons qu'il recevoit paralleles ou presque paralleles ; & ces rayons devoient allumer quelque matiere combustible ; le miroir sphérique a été porté à la distance de 600 piés, & son foyer a encore été brûlant. Cependant le miroir plan qui recevoit le premier les rayons du soleil ; étoit assez petit pour ne recevoir de rayons paralleles que d'une petite partie de sa surface ou de son disque ; les inégalités inévitables de la surface du miroir faisoient perdre beaucoup de rayons ; ceux qui portoient l'image du soleil du miroir plan sur le miroir concave étoient si divergens, que cette image étoit peut-être dix fois plus grande & plus foible sur le concave que sur le plan ; & par conséquent ces rayons étoient fort éloignés du parallélisme ; enfin ils étoient affoiblis par deux réflexions consécutives. Il paroît par-là que les rayons du soleil, tels qu'ils sont répandus dans l'air, conservent une grande force, malgré un grand nombre de circonstances desavantageuses ; & peut-être, ajoûte M. Dufay, seroit-il permis d'appeller du jugement que Descartes a porté contre l'histoire d'Archimede. Il est vrai qu'afin qu'un miroir fût capable de brûler à une grande distance, il faudroit, s'il étoit parabolique, que la parabole fût d'une grandeur énorme & impraticable, puisque le parametre de cette parabole devroit être quadruple de cette distance ; & si le miroir étoit sphérique, son rayon devroit être double de cette distance ; & de plus, son foyer auroit beaucoup d'étendue. Mais l'expérience de M. Dufay prouve qu'on peut porter avec un miroir plan à une assez grande distance l'image du soleil, dont les rayons seront peu affoiblis ; & si plusieurs miroirs plans étoient posés ou tournés de façon qu'ils portassent cette image vers un même point, il se pourroit faire en ce point une espece de foyer artificiel qui auroit de la force. Ce fut ainsi, au rapport de Tzetzes, poëte Grec, mais fort postérieur à Archimede, que ce célebre Mathématicien brûla les vaisseaux des Romains. Ce poëte fait une description fort détaillée de la maniere dont Archimede s'y prit pour cela. Il dit que ce grand Géometre disposa les uns auprès des autres plusieurs miroirs plans, dont il forma une espece de miroir polygone à plusieurs faces ; & que par le moyen des charnieres qui unissoient ces miroirs, il pouvoit leur faire faire tels angles qu'il vouloit ; qu'il les disposa donc de maniere qu'ils renvoyassent tous vers un même lieu l'image du soleil, & que ce fut ainsi qu'il brûla les vaisseaux des Romains. Tzetzes vivoit dans le douzieme siecle ; & il pourroit se faire que Proclus qui vivoit dans le cinquieme, eût employé une méthode semblable pour détruire la flotte de Vitalien. M. de Buffon, de l'académie royale des Sciences de Paris, vient d'exécuter ce que Tzetzes n'avoit fait que raconter ; ou plûtôt, comme il n'en avoit aucune connoissance, il l'a exécuté d'une maniere différente. Il a formé un grand miroir composé de plusieurs miroirs plans d'environ un demi-pié en quarré ; chacun de ces miroirs est garni par derriere de trois vis, par le moyen desquelles on peut en moins d'un quart-d'heure les disposer tous de maniere qu'ils renvoyent vers un seul endroit l'image du soleil. M. de Buffon par le moyen de ce miroir composé, a déjà brûlé à 200 piés de distance ; & par cette belle expérience, a donné un nouveau degré de vraisemblance à l'histoire d'Archimede, dont la plûpart des Mathématiciens doutoient depuis le jugement de Descartes. M. de Buffon pourra, selon toutes les apparences, brûler encore plus loin avec des glaces plus polies ; & nous savons qu'il travaille à perfectionner de plus en plus une invention si curieuse, si utile même, & à laquelle les Physiciens ne sauroient trop s'intéresser. Voyez les Mémoires de l'Acad. 1747.

Les plus célebres miroirs ardens parmi les modernes, sont ceux de Septala, de Villette, de Tschirnhausen. Le miroir ardent de Manfredus Septala chanoine de Milan, étoit un miroir parabolique qui, selon Schot, mettoit le feu à des morceaux de bois, à distance de 15 ou 16 pas. Le miroir ardent de Tschirnhausen égale au moins le miroir de Septala pour la grandeur & pour l'effet. Voici ce qu'on trouve sur ce sujet dans les Acta eruditorum de Leipsic.

Ce miroir allume du bois vert en un moment, ensorte qu'on ne peut éteindre le feu en soufflant violemment dessus.

2°. Il fait bouillir l'eau, ensorte qu'on peut très-promptement y faire cuire des oeufs ; & si on laisse cette eau un peu de tems au foyer, elle s'évapore.

3°. Il fait fondre en un moment un mêlange d'étain & de plomb de trois pouces d'épais : ces métaux commencent à fondre goutte à goutte, ensuite ils coulent continuement, & en deux ou trois minutes la masse est entierement percée. Il fait aussi rougir promptement des morceaux de fer ou d'acier, & peu après il s'y forme des trous par la force du feu. Une lame de ces métaux fut percée de trois trous en six minutes. Le cuivre, l'argent, &c. se liquéfient aussi quand on les approche du foyer.

4°. Il fait aussi rougir comme le fer les matieres qui ne peuvent fondre, comme la pierre, la brique, &c.

5°. Il blanchit l'ardoise en un moment, & ensuite il la rend comme un verre noir assez beau ; & si on tire avec une tenaille une partie de l'ardoise lorsqu'elle est blanchie, elle se change en filets de verre.

6°. Il change les tuiles en verre jaune, & les écailles en verre d'un jaune noirâtre.

7°. Il fond en verre blanc une pierre ponce, tirée d'un volcan.

8°. Il vitrifie en 8 minutes un morceau de creuset.

9°. Il change promptement des os en un verre opaque, & de la terre en verre noir.

Ce miroir avoit près de trois aunes de Leipsic de large ; son foyer étoit à deux aunes de distance de lui : il étoit de cuivre, & sa substance n'avoit pas plus d'épaisseur que deux fois le dos d'un canif.

Un ouvrier de Dresde, appellé Gaertner, a fait, à l'imitation du miroir de Tschirnhausen, de grands miroirs ardens de bois, qui, au grand étonnement de tout le monde, produisoient les mêmes effets.

Villette, ouvrier François, de Lyon, a fait un grand miroir que Tavernier emporta & présenta au roi de Perse ; il en fit un second pour le roi de Danemarc ; un troisieme, que le roi de France donna à l'Académie royale des Sciences ; & un quatrieme, qui a été exposé publiquement en Angleterre. Les effets de ce dernier, selon le rapport des docteurs Harris & Desaguliers, sont de fondre une piece de six sous d'argent en sept minutes ; de fondre l'étain en trois minutes, le fer en seize, l'ardoise en trois ; de calciner une écaille fossile en sept. Ce miroir a vitrifié un morceau de la colonne alexandrine de Pompée en parties noires, dans l'espace de 50 minutes, & en parties blanches dans l'espace de 54 : il fond le cuivre en 8 minutes ; il calcine les os en 4, & les vitrifie en 33 ; il fond & change une émeraude en une substance semblable à celle d'une turquoise : il vitrifie des corps extrèmement durs, si on les tient assez long-tems au foyer ; entr'autres l'asbeste, sorte de pierre qui résiste à l'action du feu terrestre : mais quand ces corps sont une fois vitrifiés, le miroir n'a plus d'effet sur eux. Ce miroir a 47 pouces de large, & il fait portion d'une sphere de 76 pouces de rayon ; de sorte que son foyer est à environ 38 pouces du sommet. Sa substance est une composition d'étain, de cuivre, & de vif-argent. Wolf. Catopt.

Voici les effets du miroir ardent de l'Académie, rapportés dans le Journal des Savans de 1679, au mois de Décemb. pag. 322. Le bois vert y prend feu dans l'instant ; une piece de 15 sous est trouée en 24 secondes, & un petit morceau de laiton en 6/10 de seconde ; un morceau de carreau d'une chambre s'y vitrifie en 45 secondes ; l'acier est troué en 9/10 de seconde ; la pierre à fusil s'y vitrifie en une minute ; & un morceau de ciment en 52 secondes.

Ce miroir a environ 36 pouces de largeur ; son foyer occupe un espace rond, dont le diametre est à-peu-près égal à celui d'un demi-loüis, & il est éloigné du centre d'environ un pié & demi. Ibid.

Toute lentille convexe ou plane-convexe, rassemble par réfraction en un point les rayons du soleil dispersés sur sa convexité, & par conséquent ces sortes de lentilles sont des verres ardens. Le verre le plus considérable de cette sorte, étoit celui de M. Tschirnhausen : la largeur de la lentille étoit de 3 à 4 piés ; le foyer étoit éloigné de 12 piés, & il avoit un pouce & demi de diametre : de plus, afin de rendre le foyer plus vif, on rassembloit les rayons une seconde fois par une seconde lentille parallele à la premiere, qui étoit placée dans l'endroit où le diametre du cone des rayons formés par la premiere lentille étoit égal à la largeur de la seconde ; de sorte qu'elle les recevoit tous : le foyer qui étoit d'un pouce & demi, étoit resserré par ce moyen dans l'espace de 8 lignes ; & par conséquent sa force étoit augmentée dans la même proportion.

Parmi plusieurs de ses effets qui sont rapportés dans les Acta eruditorum de Leipsic, se trouvent ceux-ci.

1°. Il allume dans un instant du bois dur, même trempé dans l'eau.

2°. Il fait bouillir promptement de l'eau mise dans un petit vaisseau ; il fond toutes sortes de métaux ; il vitrifie la brique, la pierre-ponce, la fayence ; il fait fondre dans l'eau le soufre, la poix, &c. il vitrifie les cendres des végétaux, les bois, & les autres matieres ; en un mot il fait fondre ou change en fumée, ou calcine tout ce qu'on présente à son foyer ; & il change les couleurs de tous les corps, à l'exception des métaux. On remarque que son effet est plus vif si on met la matiere sur laquelle on veut l'essayer sur un gros charbon bien brûlé. Ibid.

Quoique la force des rayons du soleil fasse de si grands effets dans le verre ardent, cependant les rayons de la pleine lune ramassés par le même verre ou par un miroir concave, ne donnent pas le moindre degré de chaleur.

Comme les effets du verre ardent dépendent entierement de sa convexité, il n'est pas étonnant que même des lentilles faites avec de l'eau glacée produisent du feu, &c.

On peut aisément préparer une lentille de cette sorte, en mettant un morceau de glace dans une petite écuelle ou dans le segment creux d'une sphere, & en le faisant fondre sur le feu jusqu'à ce qu'il prenne de lui-même la forme d'un segment.

M. Mariotte fit bouillir pendant une demi-heure environ de l'eau nette, pour en faire sortir l'air, puis l'ayant fait glacer, & lui ayant fait prendre la forme convexe, il en fit un verre ardent qui alluma de la poudre fine.

Ceux qui ignorent la Dioptrique, ne doivent pas être moins surpris de voir le feu, & les autres effets qui sont produits par le moyen de la réfraction de la lumiere dans une bouteille de verre remplie d'eau. Voyez LENTILLE.

Un phénomene assez singulier du miroir ardent de M. Tschirnhausen, & probablement de tous les miroirs ardents, c'est que ce miroir ardent a moins d'efficace dans les grandes chaleurs que dans les chaleurs ordinaires. Il n'avoit presque aucune force dans le chaud extrème de 1705, & quelquefois à peine a-t-il huit jours pleinement favorables dans tout un été. Peut-être les exhalaisons qui s'élevent abondamment de la terre dans les grandes chaleurs, & qui causent dans l'air & dans la lumiere ce tremblement & ces especes d'ondulations qu'on y remarque de tems en tems, interceptent une grande partie des rayons, & les empêchent de tomber sur le miroir, enveloppent les rayons qui traversent le miroir, vont se réunir dans le foyer, & leur ôtent leur extrème subtilité nécessaire pour pénétrer un corps dur. Cet excès d'affoiblissement surpasse l'excès de force qui peut venir des grandes chaleurs. Cette conjecture est confirmée par deux observations de M. Homberg. Dans des chaleurs même ordinaires, lorsque le tems a été serein plusieurs jours de suite, l'effet du miroir n'est pas si grand que quand le soleil se découvre immédiatement après une grande pluie. Pourquoi ? c'est que la pluie précipite les exhalaisons. Ainsi mettez entre le miroir & le foyer un réchaut plein de charbon allumé, sous les rayons qui vont du miroir au foyer, & vous verrez que l'efficace des rayons sera considérablement affoiblie. Où s'affoiblit-elle, sinon en traversant les exhalaisons qui s'élevent du charbon ? Nous avons tiré cette derniere remarque de M. Formey.

Traberus a enseigné comment on faisoit un miroir ardent avec des feuilles d'or ; savoir, en faisant tourner un miroir de bois concave, & enduisant également les côtés intérieurs avec de la poix, on couvre ensuite la surface concave du miroir avec des feuilles d'or taillées en quarré de deux ou trois doigts de large. Il ajoûte qu'on peut faire de très-grands miroirs avec 30, 40, ou un plus grand nombre de morceaux quarrés de verre, qui seront joints & arrangés les uns auprès des autres dans une écuelle de bois. Les effets de ces miroirs, selon cet auteur, seront aussi grands que si la surface étoit parfaitement sphérique. Ibid. Voyez MIROIR.

On sait la propriété qu'a la parabole de réfléchir à son foyer tous les rayons qui tombent sur sa concavité, parallélement à son axe ; d'où il s'ensuit que si d'un solide parabolique creux on retranche la portion qui contient le foyer, les rayons du soleil tombant sur ce solide parabolique, parallélement à l'axe, se réuniront à son foyer : ce qui donne un moyen facile d'avoir un miroir brûlant dont le foyer soit derriere lui à une distance donnée. Voyez PARABOLE.

De plus, comme tous les rayons qui partent du foyer d'une parabole, se réfléchissent parallélement à l'axe, & que ce parallélisme s'étend à l'infini, il s'ensuit que si on plaçoit une seconde parabole à une distance infinie de la premiere, de maniere seulement que leur axe fût le même, les rayons réfléchis par la premiere parallélement à l'axe, iroient, après avoir frappé la seconde, s'assembler tous à son foyer ; de sorte qu'étant partis d'un point, ils se réuniroient dans un autre point infiniment éloigné.

Donc si le foyer de la premiere parabole étoit occupé par un corps bien chaud, comme par un charbon enflammé, toute sa chaleur se feroit sentir au foyer de la seconde parabole, quoiqu'infiniment distant. Voilà le pur géométrique ; mais il est certain que le physique doit en rabattre beaucoup, & même infiniment, & que des rayons ne s'étendroient pas à l'infini dans l'air, ni même dans aucun milieu, sans perdre absolument leur force & leur chaleur. On n'aura donc un effet sensible qu'en plaçant les paraboles à quelque distance ; & M. Dufay a trouvé que l'expérience réussissoit en plaçant ainsi deux miroirs paraboliques à 18 piés de distance.

Il substitua aux miroirs paraboliques deux miroirs sphériques, l'un de 20 pouces de diametre, l'autre de 17, & trouva qu'ils brûloient éloignés l'un de l'autre de 50 piés, c'est-à-dire trois fois plus que les paraboliques.

On peut conjecturer que cette grande supériorité des miroirs sphériques sur les paraboliques, vient d'un endroit qui paroît desavantageux pour les sphériques. Ces derniers n'ont pas, comme les paraboliques, un foyer exact qui ne soit qu'un point ; mais aussi le charbon qu'on met au foyer, n'est pas un point. Si ce foyer est celui du miroir parabolique, tous les rayons qui ne sons pas partis du seul point du charbon placé au foyer, ne se réfléchissent point parallélement à l'axe, ne tombent point sous cette direction sur l'autre miroir, & par conséquent n'étant pas bien réunis à son foyer, ils brûlent peu ; ou, ce qui revient au même, les deux miroirs ont besoin pour brûler d'être peu éloignés. Mais si le foyer où est le charbon, est celui d'un miroir sphérique, l'espace qu'occupe le charbon peut être en grande partie le même que le foyer du miroir : or tout ce qui part de ce foyer se réfléchit exactement parallele.

Les miroirs paraboliques ayant fait un certain effet à une distance de 18 piés, M. Dufay a trouvé que si on interposoit ensuite une glace plane des deux côtés, il falloit les rapprocher de dix piés ; ce qui marque une grande perte ou un grand affoiblissement de rayons causé par la glace : son épaisseur augmente très-peu cet effet ; & par conséquent il vient beaucoup plus de rayons réflechis à la rencontre de la glace, que de leur affoiblissement par le passage à-travers son épaisseur.

De la paille allumée entre les deux miroirs, en diminue considérablement l'action ; ce qui revient à l'observation de M. Homberg sur le grand miroir ardent du Palais Royal, qui agissoit beaucoup moins pendant de grandes chaleurs, que quand l'air venoit d'être rafraîchi par la pluie. Une partie des rayons réunis par le miroir ardent, étoient peut-être absorbés ou détournés de leur direction par les soufres répandus dans l'air pendant les grandes chaleurs ; & les soufres allumés qui font la flamme de la paille, produisoient apparemment, dans le cas dont il s'agit, un effet semblable.

Le vent même violent ne diminue point sensiblement l'action des miroirs, soit que sa direction soit précisément contraire à celle des rayons qui vont d'un miroir à l'autre, soit qu'il la coupe à angles droits.

Un charbon ayant été placé au foyer d'un verre convexe des deux côtés, d'où les rayons qui l'ont traversé en s'y rompant, sortoient paralleles, M. Dufay a reçû ces rayons sur la surface d'un miroir concave qui les réunissoit à son foyer : mais ces rayons n'ont pû brûler que quand le verre & le miroir n'ont été éloignés que de quatre piés, tant les rayons se sont affoiblis en passant au-travers du verre. Et il faut bien remarquer que ces rayons sont ceux d'un charbon ; car ceux du soleil, ou ne s'affoiblissent pas ainsi, ou s'affoiblissent beaucoup moins : d'où M. Dufay conclut qu'il doit y avoir une grande différence entre le feu du soleil & nos feux ordinaires, dont les parties doivent être beaucoup plus massives, & plus sujettes à s'embarrasser dans des passages étroits.

Le P. Taquet a observé que si on place une chandelle au foyer d'un miroir parabolique, l'image de cette chandelle reçûe loin du miroir, ne paroît pas ronde, comme elle le seroit en effet si tous les rayons réfléchis étoient paralleles à l'axe ; mais cette image a une figure semblable à celle de la chandelle, parce que la chandelle n'étant pas un point, les rayons qu'elle envoye ne se réfléchissent pas parallélement à l'axe du miroir parabolique.

On sait que la courbe nommée ellipse a cette propriété, que des rayons qui partiroient d'un de ses foyers, & qui tomberoient sur la concavité de cette courbe, se réuniroient tous à l'autre foyer. Cependant M. Dufay ayant mis un charbon au foyer d'un miroir elliptique travaillé avec tout le soin possible, & n'ayant pas eu égard à la grosseur de ce charbon, les rayons ne se sont jamais réunis en assez grand nombre à l'autre foyer, pour pouvoir brûler ; mais lorsqu'au lieu d'un charbon il y mettoit une bougie allumée, les rayons se réunissoient exactement à l'autre foyer, & y causoient une chaleur sensible, mais n'avoient pas la force de brûler ; ce qui arrive de même avec les miroirs paraboliques, sans doute parce que les parties de la flamme sont trop déliées pour conserver long-tems leur mouvement dans l'air.

Si on met au foyer d'un miroir parabolique ou sphérique un charbon ardent, les rayons qui, après avoir rencontré le miroir, sont réfléchis parallélement à l'axe, ou à-peu-près, forment une espece de cylindre, dans l'espace duquel on sent une chaleur à-peu-près égale à celle d'un poële, & qui est sensible jusqu'à 20 ou 30 piés ; de façon qu'avec quelques charbons on pourroit échauffer une serre pour des plantes, ou quelqu'autre endroit d'une largeur médiocre : on pourroit aussi donner aux contre-coeurs des cheminées une forme sphérique ou parabolique, ce qui les rendroit beaucoup plus propres à renvoyer la chaleur, que les plaques ordinaires. Voyez l'hist. & les mém. de l'acad. 1726. (O)

ARDENT se dit quelquefois d'un météore ignée qui ressemble à une lampe allumée. Voyez METEORE. Voyez aussi FEU-FOLET. (O)

ARDENT se dit aussi, en Medecine, & de l'habitude du corps dans certaines maladies, & de la maladie même.

Fievre ardente, c'est une fievre violente & brûlante, que l'on appelle autrement causus. V. FIEVRE. (N)

ARDENT se dit, en Marine, d'un vaisseau qui se comporte à la mer de façon qu'il approche aisément au plus près du vent. (Z)

ARDENT, (Manége.) poil ardent, est celui qui tire sur la couleur de feu. On dit, ce cheval est poil ardent. (V)

ARDENT, terme de Blason ; il se dit d'un charbon allumé.

Carbonnieres en Auvergne, d'azur à quatre bandes d'argent, chargées de charbons de sable ardens de gueules. (V)


ARDEou ARDRA, petit royaume d'Afrique dans la Guinée proprement dite, au fond du golfe de Saint-Thomas : Ardre ou Assem en est la capitale. On lit dans le Dictionnaire géographique de M. de Vosgien, que le peuple y est fort débauché ; qu'une femme y passe pour adultere si elle accouche de deux jumeaux ; qu'il n'y a ni temple ni assemblées publiques de religion, & qu'on n'y croit ni résurrection ni autre vie après celle-ci.


ARDESespece de péninsule sur le lac Coin en Irlande, dans l'Ultonie & le comté de Downe.

* ARDES, (Géogr.) ville de France dans la basse Auvergne, chef-lieu du duché de Mercoeur. Long. 20. 40. lat. 45. 22.


ARDESCHEriviere de France dans le Vivarès : elle vient de Mirebel, passe à Aubenas, reçoit d'autres rivieres, & se jette dans le Rhone à une lieue au-dessus du Pont-Saint-Esprit.


ARDEUR D'URINEvoyez DYSURIE.
ARDEUR, s. f. (Manége.) cheval d'ardeur ou qui a de l'ardeur ; c'est un cheval toûjours inquiet sous le cavalier, & dont l'envie d'avancer augmente à mesure qu'il est retenu : c'est un défaut bien fatiguant. (V)


ARDFEARou ARTFEART, ville d'Irlande au comté de Kerry, près de la mer, à l'occident. Long. 7. 53. lat. 52. 14.


ARDILAriviere d'Espagne qui a sa source dans l'Andalousie, & se joint à l'Anas ou Guadiana audessus d'Olivança.


ARDOINNou ARDUINNA, (Mythol.) nom que les Gaulois & les Sabins donnoient à Diane protectrice des chasseurs. Ils la représentoient armée d'une espece de cuirasse, un arc débandé à la main, avec un chien à son côté.


ARDOISES. f. (Hist. nat. Minéral.) lapis fissilis, ardesia, ardosia ; espece de schist, matiere de la nature de l'argile, de couleur bleue ou grise, ou même rousse, qui se divise en lames minces, plates & unies, qu'on employe pour couvrir les maisons. Cette espece de couverture n'étoit pas connue des anciens ; le nom d'ardoise est nouveau, mais cette matiere a servi dans les tems passés de moilon pour la construction des murs. On en fait encore aujourd'hui le même usage dans les pays où il s'en trouve des carrieres. On dit que la plûpart des murs d'Angers sont bâtis de blocs d'ardoise, dont la couleur rend cette ville d'un triste aspect. L'ardoise est tendre au sortir de la terre ; mais exposé à l'air, elle acquiert assez de dureté pour soûtenir le poids d'un bâtiment : c'est par cette raison apparemment qu'on lui a donné le nom de pierre. Cependant ce n'est qu'une terre plus dure qu'une autre ; c'est un schist, un argile, comme nous l'avons dit, mais qui se trouve à une grande profondeur dans la terre. A mesure qu'on creuse davantage, on trouve cette terre plus dure & plus seche ; elle est disposée par bans, dans lesquels il y a des fentes qui se trouvent si près les unes des autres, que les lames qu'elles forment ont très-peu d'épaisseur. C'est par ces fentes qu'on les divise, lorsqu'on les prépare à servir de couverture aux bâtimens.

Nos plus fameuses carrieres d'ardoise sont aux environs d'Angers : aussi est-ce dans la province d'Anjou que se fait le plus grand commerce d'ardoise pour ce royaume & pour les pays étrangers. La plus belle vient de Trélaze & des Ayraux, paroisses distantes d'une lieue de la ville d'Angers ; mais on trouve de l'ardoise de différentes qualités en d'autres lieux de l'Anjou. Il y en a dans les paroisses de l'Hôtellerie, de Fle, de la Jaille, de Magné près d'Aon, & dans l'élection de Château-Gontier. Celle de Mezieres est plus tendre que les autres. On a trouvé à quelques lieues de Charleville de l'ardoise aussi bonne & aussi belle que celle d'Anjou, quoiqu'elle ne soit pas d'une couleur aussi bleue ou aussi noire. Il y en a plusieurs carrieres à Murat & à Prunet en Auvergne. On en voit auprès de la petite ville de Fumai en Flandre, sur la Meuse, au-dessus de Givet. On en tire de la côte de Genes qui est très-dure. Il y a en Angleterre de l'ardoise bleue & de l'ardoise grise. Celle-ci est connue sous le nom de pierre de Horsham, du nom d'une ville de la contrée de Sussex, où elle est très-commune. Pour faire des tables & des carreaux, on donne la préférence aux ardoises les plus dures. On a remarqué sur des morceaux de pierre d'ardoise, mais plus fréquemment sur le schist, des représentations de poissons & de plantes. Voyez SCHIST.

Après cet historique de l'ardoise, nous allons passer à une considération plus voisine de ses carrieres & de sa fabrication. C'est avec de grands risques qu'on entreprend d'ouvrir & de travailler une carriere d'ardoise. On n'a point de sûreté que la roche découverte dédommagera dans la suite des frais considérables. Il ne faut pas trop compter sur le jugement que les ouvriers ne manquent jamais d'en porter à la premiere inspection de la cosse. On entend par cosse, la premiere surface que présente le rocher immédiatement au-dessous de la terre. La cosse peut promettre une bonne ardoise, & le fond de la carriere n'offrir que des feuilletis & des chats : deux défauts qui rendent l'ardoise mauvaise, & dont nous parlerons dans la suite. On travaille donc long-tems en aveugles : si la carriere se trouve bonne, on fait sa fortune ; sinon on est ruiné.

On commence par enlever les terres de l'endroit où l'on veut ouvrir la carriere. Il n'y a rien de fixe sur la profondeur de ces terres ; elle est tantôt grande, tantôt petite. Quelquefois le sommet de la roche est à la surface de la terre, d'autres fois il en est à quelque distance. Aussi-tôt qu'on a découvert la cosse, on fait sur le plan de cette cosse, dans son milieu, une ouverture d'environ neuf piés de profondeur ; c'est à l'étendue du rocher à déterminer ses autres dimensions. Cette ouverture s'appelle premiere foncée. Ainsi (Pl. I. d'ardoise) en supposant que q soit la superficie de la terre, & que q, 1 représente le commencement de la cosse, 1, 2 sera la premiere foncée. La foncée n'a pas par-tout exactement la même profondeur ; on lui donne un peu de pente de l'un à l'autre bout du banc qu'elle forme. Cette pente sur toute la longueur du banc, peut aller à un pié ; ensorte qu'à l'extrémité du banc la foncée peut avoir dix piés de profondeur. On pratique cette pente pour déterminer les eaux des sources qu'on peut rencontrer, à la suivre & à descendre.

Le moins de largeur qu'on puisse donner à la foncée, est celle qui est nécessaire pour qu'un ouvrier qui y est descendu, puisse travailler sans être gêné. Lorsque la premiere foncée est faite, on a, comme on le voit en 1, par le moyen de cette opération & de celle qui a précédé, savoir la coupe ou le percement de la cosse, un banc 1 tout formé.

Lorsque le banc 1 est formé, il arrive ou que la pierre ou ardoise est tendre & parsemée de veines, ce qu'on appelle être en feuilletis ; & alors elle n'est pas assez faite ; elle n'a pas assez de consistance pour se diviser exactement par lames, & pour que ces lames ayent la dureté requise ; ou elle est excessivement dure & cassante ; défaut opposé au précédent, mais qui ne permet pas de tirer de l'ardoise un meilleur parti ; on donne à l'ardoise de cette derniere qualité le nom de chat : ou elle a la fermeté convenable, & les ouvriers sont, comme ils disent, en bonne chambrée. Dans les deux premiers cas, on ne retire aucun fruit de son travail ; avec cette différence, que l'ardoise devenant plus dure & plus consistante mesure que la carriere prend plus de profondeur, il peut arriver qu'on trouve de la bonne ardoise après les feuilletis ; mais qu'il est à présumer par la même raison, que la carriere qui commence par donner seulement des chats, ira toûjours en devenant plus dure, & n'en sera que plus mauvaise.

D'une premiere foncée on passe au travail d'une seconde ; du travail d'une seconde à celui d'une troisieme, & ainsi de suite, formant toûjours un banc à chaque foncée. Ces bancs formés par les foncées, ressemblent par leur figure & leur disposition à de grands & longs degrés d'un escalier, par lequel on descendroit du haut de la carriere au fond, s'ils avoient moins de hauteur. On continue les foncées & les bancs, jusqu'à ce qu'on soit parvenu à une bonne qualité d'ardoise ; alors les ouvriers prennent un instrument tel qu'on le voit en B, b ; chacun le choisit gros ou petit, selon sa force ; il est de fer, aigu par un bout & quarré par l'autre : on l'appelle pointe. A l'aide de cet instrument, on pratique un petit enfoncement sur la nife d'un des bancs, à 4, 5, 6 pouces plus ou moins de son bord ; ce petit enfoncement pratiqué tout le long du banc s'appelle chemin, & l'opération faire le chemin. On entend par la nife, la surface supérieure d'un banc ; ainsi la même Planche & la même figure marquent en K K le chemin, & en 1, 2, 3, 4, 5, &c. les nifes des bancs.

Quand le chemin est fait, on plante dans cette espece de rainure une espece de coin fourchu, comme on en voit un même Planche, figure K 2 ; ce coin s'appelle fer : il y a deux sortes de fers, qui ne different que par la grosseur : on appelle l'un fer moyen, & l'autre grand fer. Après qu'on a planté des fers moyens dans la rainure, selon toute sa longueur, à un pié ou environ de distance les uns des autres, les ouvriers tous rangés sur une même ligne, & tous armés de masses, frappent tous en même tems sur les fers : quoiqu'ils soient en grand nombre, on n'entend qu'un seul coup ; par ce moyen les fers enfoncent tous également & en même tems ; le morceau du banc s'ébranle également dans toute sa longueur, & se sépare de la roche en des parties plus grandes ; c'est précisément comme s'il n'y avoit qu'un seul ouvrier, & que son coup tombât sur un grand tranchant qui occuperoit toute la longueur du chemin : on voit en K, K, des fers plantés dans le chemin. Selon que la roche est plus ou moins dure, & les foncées plus ou moins profondes, on se sert pour faire le chemin de pointes plus ou moins fortes ; & pour enfoncer les fers moyens, de masses plus ou moins pesantes.

Quand les fers moyens sont enfoncés, on leur en fait succéder de plus gros, qu'on appelle grands fers : on enfonce ceux-ci comme on a enfoncé les précédens. Après les grands fers on employe les quilles, qui ne sont à proprement parler que de plus grands fers encore, puisqu'ils n'en different que par le volume & l'extrémité qui n'est pas fourchue. Les ouvriers font entrer les quilles comme les autres fers ; ce sont elles qui séparent du banc la piece d'ardoise. Voyez fig. K 3, une quille.

Quoique la chambrée soit bonne, il ne faut pas s'imaginer que la piece d'ardoise se sépare entiere & sans fraction ; il se rencontre des veines dans la carriere ; ces veines sont blanches : on les appelle chauves quand leur direction verticale suit celle du chemin, & finnes quand au contraire cette direction est oblique & fait angle avec celle du chemin. Il est évident que dans ce dernier cas la piece ne peut manquer de se fracasser. Les finnes gâtent l'ardoise ; les chauves, dont les ouvriers ne manquent pas de profiter, hâtent & facilitent la séparation ; les feuilletis ne leur coûtent guere à séparer, puisqu'ils sont d'ardoise trop tendre, mais ils ne servent à rien. Quand les ouvriers sont tombés dans les feuilletis, ils ont perdu leur tems. Ils disent qu'ils ont fait une enferrure, ou qu'ils ont enferré une piece, quand ils ont achevé l'opération que nous venons de décrire.

Quand les quilles ont été conduites dans le rocher jusqu'à leur tête à coup de masses, si l'on en est aux premieres foncées, & à coups de pics si l'on en est aux dernieres ; quand la piece est bien séparée de son banc, on la jette dans la derniere foncée faite, soit avec des cables, soit d'une autre maniere ; là on travaille à la diviser : pour cet effet on pratique dans son épaisseur une trace ou chemin avec la pointe ; on place dans ce chemin un instrument de fer ou une espece de coin, tel que celui qu'on voit même Planche & fig. K 1, & qu'on appelle un alignouet. On frappe sur l'alignouet avec un pic moyen ; & après quelques coups la séparation se fait continue & dans un même plan de toute l'épaisseur de la piece, s'il ne s'y rencontre ni finne, ni feuilletis, ni chats, ni même de chauves, dont on n'a point profité faute de les avoir apperçûs.

Avant que la séparation se fasse, les ouvriers sont quelquefois obligés de se servir du gros pic. Les morceaux qui viennent de cette premiere division, sont soûdivisés à l'aide du pic moyen ou du gros pic, en d'autres morceaux d'une grosseur à pouvoir être portés par une seule personne : on les appelle crenons.

Tandis que les ouvriers sont occupés à mettre en morceaux les pieces d'ardoise & les morceaux en crenons, d'autres sont occupés à sortir les crenons de la foncée, & à enlever les petits restes qui sont demeurés attachés au banc, & qui ne sont pas venus avec la piece ; ce qu'ils exécutent avec les fers moyens sur lesquels on frappe, soit avec les mains, soit avec des pics, selon qu'ils sont plus ou moins adhérens. Ils mettent ces petits morceaux, qu'on appelle escots, dedans un seau qui est enlevé du fond de la foncée avec beaucoup de promptitude, par une machine appellée le trait. V. même Pl. fig. 10, le trait. La partie du trait S T, à l'extrémité de laquelle S est attachée la corde qui enleve le seau, s'appelle verne ; la partie R q s'appelle le gland ; le gland tourne sur le support P q ; le seau est enlevé en vertu de la pesanteur de la partie T de la verne, & il est conduit où le desire l'ouvrier de la figure 9, qui en poussant l'extrémité T de la verne, fait mouvoir en sens contraire l'extrémité S ; c'est aussi à l'aide de cette machine qu'on peut tirer de la foncée les crenons ; elle serviroit même, si l'on vouloit, à en enlever de très-grosses pieces d'ardoise ; & l'on est bien forcé d'y avoir recours lorsque la foncée est trop étroite, & qu'on ne peut y manier une grosse piece d'ardoise commodément : alors on la perce d'un trou, comme on voit Pl. II. fig. 20 ; on passe dans ce trou un crochet qu'on nomme havet ; ce crochet tient à une corde, à l'aide de laquelle la piece est enlevée.

Lorsque l'ardoise est en crenons, si ces crenons sont éloignés du bout de la foncée auquel correspond l'engin ou machine, on les y porte avec des hottes ; là d'autres ouvriers en chargent un bassicot attaché au cable de l'engin. On voit Planche II. ce bassicot, fig. 22. il est lié de bandes de fer u, u ; ces bandes s'élevent au-dessus du bassicot d'environ six à sept pouces, & sont terminées par une boucle à laquelle sont attachées des cordes qu'on appelle bertos. Les bertos sont passés dans un crochet de fer qui tient le bassicot suspendu ; ce crochet est traversé d'une goupille qui empêche les bertos de s'en échapper ; z z est une planche de bois qui est placée au bout du bassicot, où elle est fixée par les deux tenons qu'on voit : cette planche s'appelle le lucet. Aussi-tôt que le bassicot est au haut de la carriere, on ôte le lucet & on nettoye le bassicot de toutes les ordures qui y sont.

Le bassicot est enlevé hors de la carriere par la machine ou l'engin. On voit Planche II. premiere vignette, cette machine. La partie A X qu'on nomme saillie, avance sur la carriere environ de douze piés ; elle y est soûtenue par le chef de la carriere. Elle a sa parallele à l'autre bout, dont elle est éloignée de quinze piés & davantage. La piece B, qui s'appelle un surbadier, est fixée d'un bout dans le chef, & emmortoise de l'autre dans la saillie. La piece parallele à la saillie est une espece de gardefou ; elle est élevée sur la saillie d'environ trois piés : elle a aussi sa parallele de l'autre côté. Les pieces H E sont des poteaux fixés perpendiculairement sur les saillies. Les pieces K K sont des traverses ; elles portent celles sur lesquelles se meuvent les tourillons des poulies P P. Les traverses I I sont soûtenues par des aisseliers. Les pieces H L se nomment filieres. La piece L L sur laquelle l'extrémité des filieres est soûtenue, s'appelle chapeau du bâtis M M L L, qui n'est autre chose qu'un chevalet à deux pieces de bois perpendiculaires. La figure 20 est une fusée dont l'extrémité R se meut dans le chapeau L L, & son extrémité O porte sur une crapaudine ou couette de fer, emboîtée dans une piece de bois enterrée. La piece à laquelle le cheval est attaché se nomme queue ; elle est emmortoisée dans la piece qui sert d'axe à la fusée. Tandis que le cheval marche vers O, le cable R s'enveloppe sur le cylindre, & le cable S se développe ; c'est-à-dire que le bassicot attaché au premier de ces cables monte, & que celui qui est attaché au second descend. L'homme qui conduit le cheval s'appelle le toucheur. Ceux qui sont au fond de la carriere l'avertissent, & ils ont un crochet avec lequel ils atteignent le bassicot vuide, qu'ils conduisent ainsi dans l'endroit de la foncée où ils en ont besoin.

Mais avant que de sortir de la carriere, il est à propos de remarquer, 1°. que quand on est parvenu à une certaine quantité de foncées, l'eau abonde de tous côtés ; elle descend du rocher par des veines : nous avons déjà indiqué le moyen que l'on prend pour la déterminer à couler vers un bout de la foncée. Elle y est conduite par un petit chemin, & elle y est reçûe dans un endroit qu'on y a creusé, & qu'on nomme cuvette ; cette eau est renvoyée de la cuvette dans une cuve profonde, qui est au pié du chef de la carriere opposé à celui où l'engin est placé. Ce renvoi se fait avec un seau & la machine appellée trait : mais on n'use guere du trait pour cela, que dans les carrieres où l'eau est en si grande quantité, qu'à peine la foncée est-elle faite qu'elle est pleine d'eau. Dans les autres carrieres la corde de la machine destinée à vuider les eaux, se rend directement au réservoir qu'on leur a pratiqué à l'autre bout de la foncée, & les enleve, comme nous allons l'expliquer.

On se sert pour vuider l'eau, de la machine représentée dans la vignette de la Planche II. cette machine se nomme engin. Sa position sur le chef de la carriere est à peu près la même que celle de la machine à enlever l'ardoise ou le bassicot : mais sa construction est fort différente. Au lieu d'une saillie à chaque côté, l'engin en a trois & trois surbadiers, dont les extrémités inférieures b, b, b sont ou dans le chef de la carriere, ou dans un mur dont ce chef est revêtu ; les extrémités supérieures sont emmortoisées dans les saillies ; ces saillies avancent sur l'ouverture de la carriere environ de quinze piés : on a été forcé d'en employer ici trois de chaque côté, parce qu'on a fait sur elles un bâtis ou pont sur lequel on est continuellement placé pour recevoir tout ce qui vient de la carriere ; au lieu que dans la machine on est toûjours sur le solide, c'est-à-dire sur le chef de la carriere. Si l'on examine de près la machine ou bassicot, l'on verra que quand le cable R est arrivé entre les deux saillies ou à la lumiere, on peut facilement l'attirer à soi & exposer le bassicot sur le chef de la carriere ; mais que dans l'engin que nous décrivons on n'a pas cette commodité. Aux deux extrémités h, f, de la fusée, sont des tourillons de fer qui roulent sur des couettes de fonte. On appelle la piece comprise entre f & g & montée sur l'arbre g, un tabouret ; l'arbre f h s'appelle le farfus de la fusée. Les pieces qui contiennent entr'elles les fuseaux du tabouret s'appellent tourtelles. La piece C C s'appelle le rouet. On voit à sa circonférence des alluchons posés verticalement ; ils sont en talus ; ils s'engrenent dans les fuseaux du tabouret, qui tourne & entraîne avec lui la fusée, dont la corde i monte tandis que la corde l descend. Le cheval qui met en mouvement le rouet se fait si bien à cet exercice, qu'après s'être mû de droite à gauche, il revient de lui-même de gauche à droite aussi-tôt qu'il est à propos, c'est-à-dire lorsqu'un des seaux étant monté & l'autre descendu, il faut faire descendre celui-là & monter celui-ci.

Mais on n'entendroit que très-imparfaitement l'effet de l'engin, si l'on ne connoissoit un peu la construction des seaux. Voyez -en un par pieces assemblées & détaillées, Planche II. le cerceau de fer 7 en est le chapeau ; il est tout semblable à celui qu'on voit en 6, 6, 6 sur le seau ; 10 est une oreille ; 11 un aileron ; 12 l'ance. Voyez toutes ces pieces assemblées sur le seau & dans la fig. 9, 9 ; 8, 8, qu'il est facile d'imaginer en place ; 4, 4, est un cercle de fer qui entoure le seau un peu au-dessus de son bouge. L'anse tient à ce cercle par deux gros boulons qui font partie du cercle même, & sur lesquels l'anse peut se mouvoir ; 5, 5, sont des pieces qu'on appelle bride ; elles soûtiennent le fond qui est ordinairement double. Il n'est pas difficile de concevoir que si deux crochets s'engagent sur le cercle de fer qui est en 6, 6, 6, sur le seau, à son approche du bassin, ils arrêteront sa partie supérieure qui baissera nécessairement, tandis que la fusée marchant toûjours, la partie inférieure du seau montera, ou le fond sera renversé, & l'eau tombera dans le bassin. Ce méchanisme est fort simple, & produit bien l'effet qu'on en attend.

Remarquez 1°. qu'il y a toujours dans la carriere une personne qui conduit la coupe du rocher le plus perpendiculairement qu'il lui est possible ; c'est ce qu'on appelle couper en chef. On voit combien il importe au service des machines qui sont établies sur le chef de la carriere, que cette conduite se fasse bien ; aussi, dit-on, au lieu de couper en chef, mener le soûtien des machines : de ces machines l'une correspond à l'extrémité de la foncée, & l'autre correspond à l'autre extrémité.

Remarquez 2°. que le bassicot ne remonte pas tout. Il y a des enfans qui montent & descendent par des échelles placées de banc en banc, & qui sortent les vuidanges les plus legeres.

Remarquez 3°. que chaque foncée donne toûjours deux bancs, l'un à droite & l'autre à gauche : pour cela, il ne faut que jetter l'oeil sur la premiere vignette de la Planche premiere ; quand on a épuisé l'un, ce qui se fait toûjours par les enferrures, on passe à l'autre banc. Du côté de la figure 11. tous les bancs sont épuisés : mais pour faire une nouvelle foncée, on n'attend pas que tous les bancs soient épuisés, parce que les ouvriers qui fabriquent l'ardoise manqueroient de matiere ; les travaux du fond de la carriere, & ceux du dessus, doivent marcher de concert.

Nous voilà sortis de la carriere. Voyons maintenant ce que deviendront les morceaux d'ardoise que le bassicot a enlevés sous le nom de crenons, après avoir été détachés de la piece enferrée, avec un instrument qu'on voit Planche premiere en V, & qu'on appelle ciseau d'en-bas, parce qu'on ne s'en sert qu'au fond de la carriere.

Quand on a déchargé les crenons, en ôtant le lucet du bassicot, il y a des ouvriers tout prêts avec des hottes qu'on appelle hottes à quartier, pour les distinguer de celles dont on se sert dans la carriere, & qu'on appelle hottes à vuidanges. Voyez Planche I. vig. I. La fig. A est une hotte à vuidange, & Pl. II. figure 1. vig. I. hotte à quartier ; d'autres ouvriers prennent le crenon chacun par un bout, & le posent sur la hotte ; les hottiers chargés vont déposer leurs fardeaux autour des ouvriers qui fabriquent l'ardoise : c'est ce que fait la fig. 1. de la II. vig. de la Planche I. la fig. F E, f e, représente assez bien les crenons, quand déposés autour des ouvriers, ils travaillent à les repartir. Voyez Planche I.

Pour repartir, les ouvriers se servent du ciseau CI, qu'on voit Planche I. & qu'ils appellent ciseau à crener ; ils l'inserent dans le crenon, comme on le voit dans la fig. F E, f e, même Planche, ou comme on le voit faire à la fig. 2. vig. II. Planc. I. Les morceaux g qui sont autour de cette fig. 2. sont des divisions du crenon, & ces divisions s'appellent repartons. Le morceau qu'on voit entre ses jambes est une portion de crenon qu'il faut achever de débiter en repartons. Les repartons passent à un ouvrier, qu'on voit fig. 4. qui avec le ciseau C 2, appellé ciseau moyen, même Planche, pousse la division des repartons en contrefendis. Quand l'ardoise est en contrefendis, les mêmes ouvriers prennent le passe-partout ou ciseau C 3, ou ceux de la même espece C 4, C 4, & mettent le contrefendis en fendis ou ardoise brute. Toutes les divisions du reparton en crenons, en contrefendis & en fendis ou ardoise brute, se font d'épaisseur seulement ; les fendis passent entre les mains des ouvriers 3 & 5 ; ces ouvriers sont assis à terre derriere des paillassons soûtenus par des fourches, qui les garantissent de la chaleur & du mauvais tems ; on les appelle tue-vents ; ils ont les jambes couvertes des guêtres qu'on voit Planche I. fig. A B, &c. & entr'elles une sorte de billot cylindrique O P Q, dont on a enlevé une portion ; ce billot ou espece d'établi s'appelle le chaput : c'est sur le chaput que l'ouvrier pose le fendis, & c'est la surface verticale de la section qui dirige le mouvement du doleau ou de l'instrument tranchant dont il se sert pour terminer l'ardoise, & lui donner la forme qu'il desire. Selon la forme que l'on donne au chaput, on a la commodité de façonner diversement l'ardoise : quant au doleau, vous en avez la représentation en T & en V, même Planche I. il a une surface plate comme celle d'un ciseau à deux branches, & son autre surface est arrondie.

Le fendis, au sortir des mains de ceux qui se servent du doleau, est ardoise, mais d'une qualité telle que le permet le morceau de fendis, tant par la nature de la pierre dont il est venu, que par la figure qu'on lui a donnée sur le chaput : comme toutes les couches de l'ardoise ne sont pas exactement paralleles, les petits angles qu'elles forment entr'elles font perdre beaucoup de matiere ; une portion d'ardoise ou un contrefendis dont on espere deux fendis, se divisera souvent obliquement, & au lieu de deux ardoises, on n'en aura qu'une avec un morceau ou fragment dont on ne fera qu'une qualité d'ouvrage subalterne : mais ce n'est pas seulement en passant de l'état de contrefendis à celui de fendis que l'ouvrage se détériore ; toutes les divisions de la pierre ont leurs inconvéniens.

Exemple : soit, Planche I. fig. F E, f e, un morceau de pierre que l'ouvrier d'en-bas a mis en crenon avec l'alignouet & le pic moyen, que le ciseau C y ait été inséré pour en tirer les repartons E F, f E, il peut arriver que son épaisseur totale soit traversée de chauve ou de finne, ou qu'il s'y rencontre de petits chats qui empêcheront une exacte division ; ces chats & la finne s'apperçoivent à merveille dans le fendis, fig. M, même Planche : si, même Planche I. il y a une finne dans la direction Z Z, il n'en viendra qu'une ardoise, & &. Ces finnes ne s'apperçoivent que par l'effet, quand on travaille la pierre au haut. On insere son ciseau dans un crenon F E f E ; on en espere quatre contrefendis, & il arrive qu'on n'en tire qu'un entier, la finne arrêtant toûjours la division.

Les ouvriers d'en-bas ne sont pas si surpris des finnes ; aussi-tôt qu'ils ont entamé un banc, elles se montrent distinctement, s'il y en a : alors ils songent à en tirer parti pour avoir des morceaux de pierre plus petits, ce qu'ils font en appliquant deux ou trois coups de pic moyen sur la finne. Ces coups donnent lieu à une division qui se continue dans une même direction que la finne, sur la surface de la pierre où la finne se rencontre, au lieu que sans elle ils auroient été obligés de recourir à l'enferrure, qui est un moyen qui demande plus de peine & de précision.

A mesure que les ouvriers fabriquent leur ardoise, il y a un ouvrier qu'on appelle le conteur, qui prend l'ardoise dans une espece de broüette, la transporte dans un endroit où il la range, & sépare chaque qualité ; c'est ce que fait la fig. 6. Planche I. vig. II. les ardoises élevées marquent les cens. L'endroit où l'ardoise est séparée par qualité & rangée par cent, s'appelle magasin.

Le conteur met l'ouvrage de chaque ouvrier à part, avec le nom & la quantité sur la derniere ardoise. On voit au bas de la Planche, des piles séparées par cent.

De toutes les qualités de l'ardoise, la plus belle & la plus estimée est la quarrée ; elle est faite du coeur de la pierre ; elle a la figure rectangulaire, qu'on lui voit Planche I. fig. 2. elle porte environ huit pouces de large sur onze pouces de long, & doit être sans rousseur. La seconde qualité est celle du gros noir : le gros noir n'a ni tache ni rousseur, non plus que l'ardoise quarrée ; la seule différence qu'il y ait entre ces deux sortes d'ardoise, c'est que le gros noir n'a pas été tiré d'un morceau de pierre qui pût fournir les dimensions requises dans l'ardoise quarrée. La troisieme est le poil noir, qui a la même qualité & la même figure que le gros noir, mais qui est plus mince & plus legere. La quatrieme est le poil taché, qui a les mêmes dimensions que le gros noir, mais qui n'a pas la même netteté ; on lui remarque des endroits roux. La cinquieme est le poil roux ; cette ardoise est en effet toute rousse ; ce sont les premieres foncées qui la donnent, & ce n'est proprement que de la cosse. Il n'en est pas de même du poil taché, il se trouve partout ; il n'y a guere de foncées où il ne s'en rencontre. La sixieme est la carte, qui a la même figure & la même qualité que la quarrée, mais qui est plus petite d'aire & plus mince. La septieme est l'héridelle, ardoise étroite & longue, dont les côtés seulement ont été taillés, mais dont on a laissé les deux autres extrémités brutes. Il y a des ardoises de quelques autres qualités, mais dont on ne fabrique guere : entre ces ardoises, on peut compter la fine, qui est assez propre à couvrir des domes, parce qu'elle a une convexité qui lui vient, non de l'ouvrier, mais de la pierre dont les couches sont convexes.

Comme la grandeur de la quarrée est déterminée, on seroit tenté de croire que les ouvriers prennent quelque précaution pour la couper : cependant il n'en est rien ; ils ont une si grande habitude à donner à l'ardoise, de chaque espece ou sorte, les dimensions qui lui conviennent, qu'ils s'en acquitent très-exactement sans la moindre attention.

Les monceaux 6, 6, 6, sont les déchets des ouvriers qui fabriquent l'ardoise. Les ouvriers 8, 8, 8, &c. transportent ces déchets dans des hottes.

La maison E, autour de laquelle on travaille, vignette II. Planche I. est celle du clerc de la carriere. Ce clerc gouverne l'ouvrage, tient les livres, rend compte aux intéressés, &c. Celle qui lui est voisine est une forge où des forgerons sont continuellement occupés à la réparation des outils qui se gâtent dans la carriere.

On voit, fig. 18. une ardoise taillée en écaille, & fig. 20. & 19. les outils dont le Couvreur se sert pour la tailler, avec la maniere dont il la dispose, en 22, 22, 21, 21.

Les ardoises peuvent encore être considérées selon leurs échantillons. La grande quarrée forte fait le premier échantillon ; on dit que le millier couvre environ cinq toises d'ouvrage : la grande quarrée fine fournit par millier cinq toises & demie, & fait le second échantillon : la petite fine environ trois toises par millier, & est du troisieme échantillon : la quatrieme, qu'on appelle quartelette, fait le quatrieme échantillon, & donne deux toises & demie de couverture. Nous finissons ici cet article des ardoises, où nous avons suivi l'ardoise du fond de la carriere jusque sur les toits.

ARDOISES ; elles servent aux Passementiers pour les liantes lisses, au lieu de platines. Voyez PLATINE.


ARDONA(Géog.) ville autrefois, maintenant village de la Capitanate, province du royaume de Naples.


ARDRAANDRA, ou ORDA, (Géog.) ville d'Afrique dans la Guinée. Il y a aussi un royaume de ce nom en Guinée, entre la riviere de Volta & le lac de Duranto. Ardra en est la capitale.


ARDRES(Géog.) ville de France dans la basse Picardie, au milieu des marais. Long. 19. 30. lat. 50. 35.


ARDSTIou STINCHARD, (Géog.) petite riviere d'Ecosse qui se décharge dans le golfe de Cluyd, vis-à-vis de la pointe de la presque île de Cantyr.


AREB(Comm.) monnoie de compte dont on se sert dans les états du grand Mogol, & sur-tout à Amadabath.

L'areb vaut 25 lacs, ou le quart d'un crou, ou 2500000 rouptes. Voyez CROU, LACS, ROUPTE.


AREKCA(Géog.) port de la mer Rouge, à 22 lieues de Suaquem.


AREMBERG(Géog.) petite ville d'Allemagne dans le cercle de Westphalie, sur la riviere d'Ahr, capitale du comté de même nom, incorporé au cercle du bas Rhin, & érigé en principauté par l'empereur Maximilien II. Long. 24. 33. lat. 50. 27.


ARENEarena, (Hist. nat. foss.) amas de particules de pierres, formé du débris des matieres lapidifiques calcinables. L'arene, le gravier, & le sable calcinable, sont de la même substance, & ne different que par la grosseur des grains. Le cours des eaux, l'action de la gelée, l'impression de l'air, &c. réduisent peu-à-peu les pierres en petites parties plus ou moins fines : les plus petites forment le sable calcinable ; les plus grosses sont du gravier ; & on a donné le nom d'arene à celles qui sont plus grosses que le sable, & plus petites que le gravier. On a aussi divisé l'arene en fossile, fluviatile, & marine : mais quelle différence y a-t-il entre l'arene qui se trouve dans les terres, ou celle qui est sur les côtes de la mer ou dans les lits des rivieres ? Leur origine & leur nature ne sont-elles pas les mêmes ? & à quoi servent en Histoire naturelle toutes ces divisions arbitraires ? Vid. Terrae Musaei reg. Dresdensis aut. Gott-lieb. Sudwig. pag. 75. Voyez PIERRE. (I)

ARENE, (Hist. anc.) partie de l'amphithéatre des Romains. C'étoit une vaste place sablée où combattoient les gladiateurs ; d'où est venue l'expression in arenam descendere, pour signifier se présenter au combat. Le sable dont l'arene étoit couverte, outre qu'il amortissoit les chûtes, servoit encore aux athletes à se frotter, pour donner moins de prise à leurs adversaires. D'autres prétendent qu'on avoit pris la précaution de sabler l'amphithéatre, pour dérober aux spectateurs la vûe du sang qui couloit des blessures des combattans. On dit que Néron porta l'extravagance jusqu'à faire couvrir l'arene de sable d'or : cette partie du cirque étoit pour les gladiateurs ce que le champ de bataille étoit pour les soldats ; & de-là leur vint le nom d'arenarii. Voyez GLADIATEUR. (G)


ARENERv. pass. terme d'Architect. se dit d'un bâtiment qui s'est affaissé, qui a baissé, n'étant pas bâti sur un fonds solide. On dit : ce bâtiment est aréné. (P)


ARENSBERG(Géog.) ville d'Allemagne dans le cercle de Westphalie, sur la Roer. Long. 25. 50. lat. 51. 25.


ARENSBOURG(Géog.) ville maritime de Suede dans la Livonie, dans l'île d'Osel, sur la mer Baltique. Long. 40. 20. lat. 58. 15.


ARENSWALDE(Géog.) ville d'Allemagne dans la nouvelle Marche de Brandebourg, sur le lac Slavin, frontiere de la Poméranie. Long. 32. 22. lat. 53. 13.


AREOLES. f. est un diminutif d'aire, & signifie petite surface. Voyez AIRE & SURFACE. (E)

AREOLE, en Anatomie, est ce cercle coloré qui entoure le mamelon. Voyez MAMMELLE, MAMELON, &c.

Ce cercle est d'un rouge agréable dans les filles, un peu plus obscur ou d'un rouge pâle dans les jeunes femmes, & tout-à-fait livide dans les vieilles.

On remarque sur les aréoles, tant des hommes que des femmes, des tubercules dont la situation n'est pas constante. Bidloo a observé qu'il s'écouloit de ces tubercules, lorsqu'on les comprime, une humeur limpide. Morgagni, adv. Anat. I. p. 11. ajoûte qu'il s'en écoule quelquefois une humeur fort semblable au petit-lait, & qu'il a même fait sortir de ces tubercules quelques gouttes de lait, dans les hommes comme dans les femmes : il dit même avoir vû des conduits laiteux dans trois femmes, tels que sont ceux de la papille qui y aboutissent, desquels il a fait sortir à plusieurs reprises des gouttes de lait. (L)


ARÉOMETRES. m. mot dérivé d', tenuis, & de , mensura. On appelle aréometre un instrument qui sert à mesurer la densité ou la pesanteur des fluides. Voyez FLUIDE, GRAVITE, PESANTEUR, NSITESITE.

L'aréometre ordinairement est de verre ; il consiste en un globe rond & creux, qui se termine en un tube long, cylindrique, & petit ; on ferme ce tube hermétiquement, après avoir fait entrer dans le globe autant de mercure qu'il en faut pour fixer le tube dans une position verticale, lorsque l'instrument est plongé dans l'eau. On divise ce tube en degrés, comme on voit Pl. de Pneumat. fig. 18. & l'on estime la pesanteur d'un fluide, par le plus ou le moins de profondeur à laquelle le globe descend ; ensorte que le fluide dans lequel il descend le moins bas est le plus pesant ; & celui dans lequel il descend le plus bas, le plus leger.

En effet, c'est une loi générale, qu'un corps pesant s'enfonce dans un fluide, jusqu'à ce qu'il occupe dans ce fluide la place d'un volume qui lui soit égal en pesanteur : de-là il s'ensuit que plus un fluide est dense, c'est-à-dire, plus il est pesant, plus la partie du fluide, qui sera égale en poids à l'aréometre, sera d'un petit volume, & par conséquent le volume de fluide que l'aréometre doit déplacer sera aussi d'autant plus petit, que le fluide est plus pesant : ainsi plus le fluide est pesant, moins l'aréometre doit s'y enfoncer. Il doit donc s'enfoncer moins dans l'eau que dans le vin, moins dans le vin que dans l'eau-de-vie, &c. comme il arrive en effet.

Il y a un autre aréometre de l'invention de M. Homberg : on en trouve la description suivante dans les Transact. philos. n°. 262. A, fig. 19. est une bouteille de verre ou matras dont le col C B est si étroit, qu'une goutte d'eau y occupe cinq ou six lignes ; à côté de ce col est un petit tube capillaire D de la longueur de six pouces, & parallele au col C B. Pour remplir ce vaisseau, on verse la liqueur par l'orifice B, dans lequel on peut mettre un petit entonnoir : on versera jusqu'à ce qu'on voye sortir la liqueur par l'orifice D, c'est-à-dire, jusqu'à ce qu'elle soit dans le col C B, à la hauteur C ; par ce moyen on aura toûjours le même volume ou la même quantité de liqueur ; & conséquemment on pourra trouver par le moyen d'une balance, quelle est, parmi les différentes liqueurs dont on aura rempli cet aréometre, celle dont la pesanteur absolue est la plus grande, ou qui pese le plus.

Il faut avoir quelqu'égard à la saison de l'année, & au degré de chaleur ou de froid qui regne dans l'air ; car il y a des liqueurs que la chaleur raréfie, & que le froid condense beaucoup plus que d'autres, & qui occupent plus ou moins d'espace, selon qu'il fait plus ou moins chaud ou froid. Voyez PESANTEUR SPECIFIQUE, RAREFACTION, &c.

A l'aide de cet instrument, son savant auteur a construit la table suivante, qui montre, tant pour l'été que pour l'hyver, les différentes pesanteurs spécifiques des fluides, dont l'usage est le plus ordinaire en Chimie.

L'instrument vuide pesoit une dragme vingt-huit grains.

Une autre méthode pour connoître le degré de pesanteur d'un fluide, est de suspendre une masse de verre massif & de figure ronde à un crin de cheval, que l'on attache au-dessous d'un petit plat : cette masse ainsi suspendue dans l'air à une balance bien juste, demeure en équilibre avec un poids fait en forme de bassin, & suspendu à l'autre bras de la balance ; on plonge ensuite le corps de verre dans la liqueur dont on veut examiner la pesanteur, & sur le champ l'autre bras de la balance s'éleve & devient plus leger, parce que le corps de verre a perdu dans la liqueur une partie de son poids : on met ensuite sur le petit plat auquel le crin de cheval est attaché, autant de poids qu'il en faut pour que l'équilibre soit rétabli ; & ces poids ajoûtés indiquent ce que la masse de verre a perdu de son poids dans la liqueur : or le poids que ce corps a perdu est égal au poids d'un pareil volume de la liqueur ; donc on connoît par-là ce que pese un volume de la liqueur égal à celui du petit corps de verre.

M. Musschenbroeck paroît préférer cette derniere méthode à toutes les autres qu'on a imaginées pour poser les liqueurs. Il prétend que la méthode de M. Homberg en particulier a ses inconvéniens, parce que la vertu attractive du tuyau étroit fait que la liqueur y monte plus haut que dans le col large ; & comme les liqueurs ont une vertu attractive différente, il devra y avoir aussi une grande différence entre leurs hauteurs dans le col large, lorsqu'elles se seront élevées jusqu'à l'orifice du tuyau étroit.

Si au haut de la tige de l'aréometre on met quelque petite lame de métal, &c. il s'enfonce plus avant, quoique dans la même liqueur. En effet, la partie plongée de l'aréometre soûleve autant de liqueur qu'il en faut, pour faire équilibre à l'instrument entier. S'il pese une once, par exemple, il soûleve moins d'eau que de vin, quant au volume, parce qu'il faut plus de vin que d'eau pour le poids d'une once ; & comme il ne fait monter la liqueur qu'en s'enfonçant, il doit donc plonger plus avant dans celle qui est la plus legere. Si l'on augmente le poids de l'aréometre par l'addition de quelque lame de métal, ou autrement, il s'enfonce plus avant, quoique dans la même liqueur ; parce qu'alors il en faut une plus grande quantité pour lui faire équilibre. M. Formey.

Cela sert à expliquer divers faits. Si tous les corps qui flottent, s'enfoncent plus ou moins, suivant la densité du fluide, une barque chargée en mer aura donc moins de parties hors de l'eau, si elle vient à remonter une riviere ; car l'eau salée pese plus que l'eau douce, & les nageurs assûrent qu'ils en sentent bien la différence. On doit donc avoir égard à cet effet, & ne pas rendre la charge aussi grande qu'elle pourroit l'être, si l'on prévoit qu'on doive passer par une eau moins chargée de sel, que celle où l'on s'embarque. On a vû quelquefois des îles flottantes, c'est-à-dire, des portions de terre assez considérables qui se détachent du continent, & se trouvant moins pesantes que l'eau, se soûtiennent à la surface, & flottent au gré des vents. L'eau mine peu-à-peu certains terreins, qui sont plus propres que d'autres à se dissoudre : ces sortes d'excavations s'augmentent avec le tems, & s'étendent au loin ; le dessus demeure lié par les racines des plantes & des arbres, & le sol n'est ordinairement qu'une terre bitumineuse, fort legere ; de sorte que cette espece de croûte est moins pesante que le volume d'eau sur lequel elle est reçûe, quand un accident quelconque vient à la détacher de la terre ferme, & à la mettre à flot. L'exemple de l'aréometre fait voir encore qu'il n'est pas besoin pour surnager que le corps flottant soit d'une matiere plus legere que l'eau. Car cet instrument ne se soûtient point en vertu du verre ou du mercure, dont il est fait, mais seulement parce qu'il a, avec peu de solidité, un volume considérable qui répond à une quantité d'eau plus pesante. Ainsi l'on pourroit faire des barques de plomb, ou de tout autre métal, qui ne s'enfonceroient pas. Et en effet, les chariots d'artillerie portent souvent à la suite des armées des gondoles de cuivre, qui servent à établir des ponts pour le passage des troupes. M. Formey.

Il faut apporter diverses précautions dans la construction & l'usage de cet instrument. 1°. Il faut que les liqueurs dans lesquelles on plonge l'aréometre, soient exactement au même degré de chaleur ou de froid, afin qu'on puisse être sûr que leur différence de densité ne vient point de l'une de ces deux causes, & que le volume de l'aréometre même n'en a reçû aucun changement.

2°. Que le col de l'instrument, sur lequel sont marquées les gradations, soit par tout d'une grosseur égale ; car s'il est d'une forme irréguliere, les degrés marqués à égales distances ne mesureront pas des volumes de liqueurs semblables en se plongeant ; il sera plus sûr & plus facile de graduer cette échelle relativement à la forme du col, en chargeant successivement l'instrument de plusieurs petits poids bien égaux, dont chacun produira l'enfoncement d'un degré.

3°. On doit avoir soin que l'immersion se fasse bien perpendiculairement à la surface de la liqueur, sans quoi l'obliquité empêcheroit de compter avec justesse le degré d'enfoncement.

4°. Comme l'usage de cet instrument est borné à des liqueurs qui different peu de pesanteur entre elles, on doit bien prendre garde que la partie qui surnage ne se charge de quelque vapeur ou saleté, qui occasionneroit un mécompte, dans une estimation, où il s'agit de différences peu considérables. Et lorsque l'aréometre passe d'une liqueur à l'autre, on doit avoir soin que sa surface ne porte aucun enduit, qui empêche que la liqueur où il entre ne s'applique exactement contre cette surface.

5°. Enfin malgré toutes ces précautions, il reste encore la difficulté de bien juger le degré d'enfoncement, parce que certaines liqueurs s'appliquent mieux que d'autres au verre ; & qu'il y en a beaucoup qui, lorsqu'elles le touchent, s'élevent plus ou moins audessus de leur niveau. Quand on se sert de l'aréometre que nous avons décrit, il faut le plonger d'abord dans la liqueur la moins pesante, & remarquer à quelle graduation se rencontre sa surface : ensuite il faut le rapporter dans la plus dense, & charger le haut de la tige, ou du col, de poids connus, jusqu'à ce que le degré d'enfoncement soit égal au premier. La somme des poids qu'on aura ajoûtés, pour rendre cette seconde immersion égale à la premiere, sera la différence des pesanteurs spécifiques entre les deux liqueurs. Nous devons ces remarques à M. Formey, qui les a tirées de M. l'abbé Nollet, Lect. Phys. (O)


ARÉOPAGES. m. (Hist. anc.) sénat d'Athènes ainsi nommé d'une colline voisine de la citadelle de cette ville consacrée à Mars, des deux mots Grecs , bourg, place, & , le Dieu Mars ; parce que, selon la fable, Mars accusé du meurtre d'un fils de Neptune, en fut absous dans ce lieu par les juges d'Athènes. La Grece n'a point eu de tribunal plus renommé. Ses membres étoient pris entre les citoyens distingués par le mérite & l'intégrité, la naissance & la fortune ; & leur équité étoit si généralement reconnue, que tous les états de la Grece en appelloient à l'aréopage leurs démêlés, & s'en tenoient à ses décisions. Cette cour est la premiere qui ait eu droit de vie & de mort. Il paroît que dans sa premiere institution, elle ne connoissoit que des assassinats : sa jurisdiction s'étendit dans la suite aux incendiaires, aux conspirateurs, aux transfuges ; enfin à tous les crimes capitaux. Ce corps acquit une autorité sans bornes, sur la bonne opinion qu'on avoit dans l'Etat de la gravité & de l'intégrité de ses membres. Solon leur confia le maniement des deniers publics, & l'inspection sur l'éducation de la jeunesse ; soin qui entraîne celui de punir la débauche & la fainéantise, & de récompenser l'industrie & la sobriété. Les Aréopagites connoissoient encore des matieres de religion : c'étoit à eux à arrêter le cours de l'impiété, & à venger les dieux du blasphème, & la religion du mépris. Ils délibéroient sur la consécration des nouvelles divinités, sur l'érection des temples & des autels, & sur toute innovation dans le culte divin ; c'étoit même leur fonction principale. Ils n'entroient dans l'administration des autres affaires, que quand l'état allarmé de la grandeur des dangers qui le menaçoient, appelloit à son secours la sagesse de l'aréopage, comme son dernier refuge. Ils conserverent cette autorité jusqu'à Periclès, qui ne pouvant être aréopagite, parce qu'il n'avoit point été archonte, employa toute sa puissance & toute son adresse à l'avilissement de ce corps. Les vices & les excès qui corrompoient alors Athènes, s'étant glissés dans cette cour, elle perdit par degrés l'estime dont elle avoit joüi, & le pouvoir dont elle avoit été revêtue. Les auteurs ne s'accordent pas sur le nombre des juges qui composoient l'aréopage. Quelques-uns le fixent à trente-un ; d'autres à cinquante-un, & quelques autres le font monter jusqu'à cinq cens. Cette derniere opinion ne peut avoir lieu que pour les tems où ce tribunal tombé en discrédit, admettoit indifféremment les Grecs & les étrangers ; car, au rapport de Ciceron, les Romains s'y faisoient recevoir : ou bien elle confond les aréopagites avec les prytanes.

Il est prouvé par les marbres d'Arondel, que l'aréopage subsistoit 941 ans avant Solon : mais comme ce tribunal avoit été humilié par Dracon, & que Solon lui rendit sa premiere splendeur ; cela a donné lieu à la méprise de quelques auteurs, qui ont regardé Solon comme l'instituteur de l'aréopage.

Les aréopagites tenoient leur audience en plein air, & ne jugeoient que la nuit ; dans la vûe, dit Lucien, de n'être occupés que des raisons, & point du tout de la figure de ceux qui parloient.

L'éloquence des avocats passoit auprès d'eux pour un talent dangereux. Cependant leur sévérité sur ce point se relâcha dans la suite : mais ils furent constans à bannir des plaidoyers, tout ce qui tendoit à émouvoir les passions, ou ce qui s'écartoit du fond de la question. Dans ces deux cas, un héraut imposoit silence aux avocats. Ils donnoient leur suffrage en silence, en jettant une espece de petit caillou noir ou blanc dans des urnes, dont l'une étoit d'airain, & se nommoit l'urne de la mort, ; l'autre étoit de bois, & s'appelloit l'urne de la miséricorde, . On comptoit ensuite les suffrages ; & selon que le nombre des jettons noirs prévaloit ou étoit inférieur à celui des blancs, les juges traçoient avec l'ongle une ligne plus ou moins courte sur une espece de tablette enduite de cire. La plus courte signifioit que l'accusé étoit renvoyé absous ; la plus longue exprimoit sa condamnation.


ARÉOPAGITEjuge de l'aréopage. Voici le portrait qu'Isocrate nous a tracé de ces hommes merveilleux, & du bon ordre qu'ils établirent dans Athènes. " Les juges de l'aréopage, dit cet auteur, n'étoient point occupés de la maniere dont ils puniroient les crimes, mais uniquement d'en inspirer une telle horreur, que personne ne pût se résoudre à en commettre aucun : les ennemis, selon leur façon de penser, étoient faits pour punir les crimes, mais eux pour corriger les moeurs. Ils donnoient à tous les citoyens des soins généreux, mais ils avoient une attention spéciale aux jeunes gens. Ils n'ignoroient pas que la fougue des passions naissantes donne à cet âge tendre les plus violentes secousses, qu'il faut à ces jeunes coeurs une éducation dont l'âpreté soit adoucie par certaine mesure de plaisir ; & qu'au fonds il n'y a que les exercices où se trouve cet heureux mêlange de travail & d'agrément, dont la pratique constante puisse plaire à ceux qui ont été bien élevés. Les fortunes étoient trop inégales pour qu'ils pussent prescrire à tous indifféremment les mêmes choses & au même degré ; ils en proportionnoient la qualité & l'usage aux facultés de chaque famille. Les moins riches étoient appliqués à l'agriculture & au négoce, sur ce principe que la paresse produit l'indigence, & l'indigence les plus grands crimes : ayant ainsi arraché les racines des plus grands maux, ils croyoient n'en avoir plus rien à craindre. Les exercices du corps, le cheval, la chasse, l'étude de la philosophie, étoient le partage de ceux à qui une meilleure fortune donnoit de plus grands secours : dans une distribution si sage, leur but étoit de sauver les grands crimes aux pauvres, & de faciliter aux riches l'acquisition des vertus. Peu contens d'avoir établi des lois si utiles, ils étoient d'une extrème attention à les faire observer : dans cet esprit, ils avoient distribué la ville en quartiers, & la campagne en cantons différens. Tout se passoit ainsi comme sous leurs yeux. Rien ne leur échappoit des conduites particulieres. Ceux qui s'écartoient de la regle étoient cités devant les magistrats, qui assortissoient les avis ou les peines à la qualité des fautes dont les coupables étoient convaincus. Les mêmes aréopagites engageoient les riches à soulager les pauvres ; ils réprimoient l'intempérance de la jeunesse par une discipline austere. L'avarice des magistrats effrayée par des supplices toûjours prêts à la punir, n'osoit paroître ; & les vieillards à la vûe des emplois & des respects des jeunes gens, se tiroient de la léthargie, dans laquelle ce grand âge a coûtume de les plonger ". Aussi ces juges si respectables n'avoient-ils en vûe que de rendre leurs citoyens meilleurs, & la république plus florissante. Ils étoient si desintéressés qu'ils ne recevoient rien ou presque rien, pour leur droit de présence aux jugemens qu'ils prononçoient ; & si integres qu'ils rendoient compte de l'exercice de leur pouvoir à des censeurs publics, qui placés entre eux & le peuple, empêchoient que l'aristocratie ne devînt trop puissante. Quelque courbés qu'ils fussent sous le poids des années, ils se rendoient sur la colline où se tenoient leurs assemblées, exposés à l'injure de l'air. Leurs décisions étoient marquées au coin de la plus exacte justice : les plus intéressantes par leurs objets, sont celles qu'ils rendirent en faveur de Mars ; d'Oreste qui y fut absous du meurtre de sa mere par la protection de Minerve qui le sauva, ajoûtant son suffrage à ceux qui lui étoient favorables, & qui se trouvoient en parfaite égalité avec les suffrages qui le condamnoient. Cephale pour le meurtre de sa femme Procris, & Dedale pour avoir assassiné le fils de sa soeur, furent condamnés par ce tribunal. Quelques anciens auteurs prétendent que S. Denys premier évêque d'Athenes avoit été aréopagite, & qu'il fut converti par la prédication que fit S. Paul devant ces juges. Un plus grand nombre ont confondu ce Denys l'aréopagite avec S. Denys premier évêque de Paris. Voyez dans le recueil de l'acad. des belles-Lettres, tom. VII. deux excellens mémoires sur l'aréopage, par M. l'abbé de Canaye, qui sait allier à un degré fort rare l'esprit & la philosophie à l'érudition. (G)


ARÉOSTYLES. m. dans l'ancienne Architecture, c'est une des cinq sortes d'intercolonnations, dans laquelle les colonnes étoient placées à la distance de huit, ou comme disent quelques-uns, de dix modules l'un de l'autre. Voyez INTERCOLONATION. Ce mot vient d', rare, & , colonne ; parce qu'il n'y avoit point d'ordre d'architecture où les colonnes fussent aussi éloignées les unes des autres que dans l'aréostyle.

On fait principalement usage de l'aréostyle dans l'ordre toscan, aux portes des grandes villes & des forteresses. Voyez TOSCAN, &c. Vitruve. (P)


ARÉOTECTONIQUEadj. est cette partie de fortification & d'architecture militaire, qui concerne l'art d'attaquer & de combattre. (Q)


ARÉOTIQUES(en Medecine.) se dit de ces remedes qui tendent à ouvrir les pores de la peau, à les rendre assez dilatés, pour que les matieres morbifiques puissent être poussées dehors par le moyen de la sueur ou de l'insensible transpiration. Voy. PORE, SUEUR, TRANSPIRATION, &c. Les diaphorétiques, les sudorifiques, &c. appartiennent à la classe des aréotiques. Voyez DIAPHORETIQUES, SUDORIFIQUES, &c. (N)


ARÉQUEareca, sive faufel, (Hist. nat. bot.) c'est le fruit d'une espece de palmier qui croît aux Indes orientales. Il est ovalaire & ressemble assez à la datte ; il est seulement plus serré par les deux bouts. Son écorce est épaisse, lisse & membraneuse ; & sa pulpe d'un brun rougeâtre. Elle devient en séchant fibreuse & jaunâtre. La moelle, ou plûtôt le noyau qu'elle environne, est blanchâtre, en forme de poire, & de la grosseur d'une muscade. Les Indiens le mâchent continuellement ; qu'il soit dur ou qu'il soit mou, il n'importe ; ils le mêlent avec le lycyon ou le kaath, la feuille de betel, & un peu de chaux. Ils avalent leur salive teinte par ces ingrédiens, & rejettent le reste. Geoff. & dict. de med.


ARÉQUIPou AREQUIPA, (Géog.) ville de l'Amérique méridion. dans le Pérou, sur une riviere, dans un terrein fertile. Long. 308. lat. mérid. 16. 40.


AREou chasser sur ses ancres, (Marine.) se dit, lorsque l'ancre étant mouillée dans un mauvais fond, elle lâche prise, & se traîne en labourant le sable. Voyez CHASSER. (Z)


ARÈS(Myth.) nom que les Grecs donnoient à Mars. Ils signifie dommage ; d'autres le dérivent du phénicien arits, qui veut dire fort, terrible.


ARESGOLancienne ville du royaume d'Alger, dont il ne reste que les ruines ; elle étoit auparavant la capitale de la province & de tout le royaume de Tremecen, qui fait aujourd'hui une partie de celui d'Alger.


ARESIBO(Géog.) petite ville d'Amérique, sur une riviere de même nom, à trois lieues de saint Juan de Porto-rico, dans l'île de ce nom, qui est une des grandes antilles.


ARESTEspina, (Hist. anc.) partie du corps de la plûpart des poissons ; on entend communément par ce mot toutes les parties dures & piquantes, qui se trouvent dans les poissons : mais dans ce sens on doit distinguer plusieurs sortes d'arêtes ; car il y a des parties dures dans les poissons, qui sont analogues aux os des serpens, des oiseaux, & des quadrupedes ; tels sont les os de la tête des poissons, leurs vertebres, & leurs côtes. La plûpart ont de plus des piquans dans les nageoires, dans la queue, & sur d'autres parties de leur corps. Il y a aussi dans la chair de plusieurs poissons, des filets solides, pointus, plus ou moins longs, & de différente grosseur, dont les uns sont simples & les autres fourchus. On ne peut donner à ces parties que le nom d'arête. Voyez POISSON. (I)

ARETE, (Coupe des pierres.) c'est l'angle ou le tranchant que font deux surfaces droites ou courbes d'une pierre quelconque : lorsque les surfaces concaves d'une voûte composée de plusieurs portions de berceaux, se rencontrent en angle saillant, on l'appelle voûte. La figure 4. Planche de la Coupe des pierres, représente une portion de berceaux qui se croisent à angle droit. (D)

* Lorsque l'angle d'une pierre est bien taillée, & sans aucune cassure, on dit qu'elle est à vive-arrête.

Sur la mesure des voûtes d'arêtes, voyez VOUTE.

ARETE, s. f. se dit, chez les Chapeliers, de l'extrémité par où on arrondit un chapeau, & où l'on coud ce qu'on appelle un bord de chapeau. Pour arrondir l'arête, on met une ficelle autour du lien, ou bas de la forme ; on tourne cette ficelle tout autour sur la circonférence du bord extérieur ; & avec un morceau de craie qui est au bout, on marque ce qu'il y a à enlever du bord du chapeau, qui par ce moyen se trouve parfaitement rond. Voyez CHAPEAU.

ARETE, chez les Diamantaires, se dit proprement des angles de toutes les faces que peut recevoir un diamant ; c'est pourquoi il ne faut pas confondre l'arête avec le pan. Voyez PAN.

ARETE, en terme de Planeur, c'est une carne ou angle, qui sépare dans tout le contour de la boîte le bouge d'avec la marlie. On dit pincer l'arête. Voyez PINCER.

ARETES, s. f. pl. (Manége & Maréchallerie.) maladies du cheval, galles qui viennent aux jambes.

Les arêtes ou queues de rat ne sont autre chose qu'une infirmité qui vient le long du nerf de la jambe, au-dessous du jarret, qui s'étend jusqu'au boulet, fait tomber le poil, & découvre des calus & des grosseurs très-rudes.

Le remede est de couper ces grosseurs ou cals avec le feu, & d'appliquer dessus l'emmiellure blanche, que nous décrirons à sa place ; il tombera une escare qu'on desséchera avec les poudres pour les plaies.

Si les arêtes sont humides, & qu'il n'y ait ni cal ni enflûre, il faut appliquer dessus l'onguent verd pour la galle.

Ce mal est vilain, en ce qu'il fait tomber le poil de la partie : mais il ne porte aucun préjudice notable au cheval. (V)


ARESTIERS. m. en Charpenterie, est une principale piece de bois d'un comble, qui en forme l'arête ou angle saillant. (P)


ARESTIERESS. f. en Architecture, sont les cueillies de plâtre que les Couvreurs mettent aux angles saillans d'un comble couvert en tuile. (P)


ARESTINGAîle sur la mer des Indes vers le Kerman & la ville de Dulcinde. On croit que c'est la Liba de Ptolomée.


ARETHUSES. f. (Myth.) fontaine de la presqu'île d'Ortygie. On dit qu'Arethuse, avant que d'être fontaine, étoit une des compagnes de Diane ; qu'un jour qu'elle se baignoit dans un ruisseau, elle fut apperçûe par Alphée ; que se sentant vivement poursuivie par le fleuve amoureux, elle implora le secours de Diane, qui la métamorphosa en fontaine ; mais qu'Alphée ayant reconnu son amante sous ce déguisement, ne s'en unit que plus intimement avec elle, en mêlant son ondes aux siennes. On lit dans Ciceron, que l'Arethuse eût été de son tems entierement couverte des flots de la mer, sans une digue & une levée de pierre qui l'en séparoit. Pline & plusieurs des anciens paroissent avoir crû que l'Alphée continuant son cours sous la mer, venoit reparoître en Sicile ; & que ce qu'on jettoit dans ce fleuve en Arcadie, se retrouvoit dans la riviere d'Ortygie : mais Strabon ne donne pas dans cette tradition ridicule ; il traite de mensonge la coupe perdue dans l'Alphée, & retrouvée dans la Sicile, & ne balance pas à dire que l'Alphée se perd dans la mer comme les autres fleuves. Pline débitoit encore une autre fable sur les eaux de l'Arethuse ; c'est qu'elles avoient une odeur de fumier dans le tems des jeux olympiques qui se célébroient en Grece, sous les murs d'Olympe où passoit l'Alphée, dans lequel on jettoit le fumier des victimes, & celui des chevaux qui servoient dans les courses.

* ARETHUSE, ville de Syrie, entre Emese & Epiphanie. On dit que c'est aujourd'hui Fornacusa.

ARETHUSE, ville de Macédoine, que quelques-uns appellent Tadino, & d'autres Rendina. Elle est sur le bord du golfe que nous appellons di Comtessa, & que les anciens nommoient Strymonium.

ARETHUSE, lac dans l'Arménie majeure, près de la source du Tigre, non loin des monts Gordiens, que quelques-uns appellent Gibel-Noé.


ARETOLOGIES. f. (Morale.) c'est le nom de la partie de la Philosophie morale, qui traite de la vertu, de sa nature, & des moyens d'y parvenir. Voyez VERTU, MORALE. (X)


ARÉTOPOTèS(Hist. anc.) ou le grand bûveur de vin ; nom sous lequel on honoroit à Munichia, comme un homme doüé de vertus héroïques, celui qui savoit bien boire.


AREUS(Myth.) fils ou enfant de Mars ; épithete que les Poëtes donnoient à ceux qui s'étoient illustrés dans les combats. Voyez ARES.


AREVALOpetite ville d'Espagne dans la vieille Castille, près du royaume de Léon.


AREZZO(Géog.) ancienne ville d'Italie dans la Toscane & le territoire de Florence. Long. 29. 32. lat. 43. 27.


ARG(Géog. anc. & mod.) riviere d'Allemagne dans la Soüabe : c'est l'Argus des Latins ; elle passe à Wangen, & se jette dans le lac de Constance.


ARGAriviere d'Espagne, qui a sa source dans les Pyrénées, aux frontieres de la basse Navarre, traverse la haute, baigne Pampelune, & se joint à l'Aragon, vis-à-vis de Villa-Franca.


ARGANville d'Espagne dans la nouvelle Castille, & le diocèse de Tolede.


ARGANEAou ORGANEAU d'un ancre, est un anneau placé à l'extrémité de l'ancre, auquel on attache le cable. Voyez ANCRE. (O)


ARGATA(CHEVALIERS DE L ') Hist. mod. ou Chevaliers du Devidoir ; compagnie de quelques gentilshommes du quartier de la porte neuve à Naples, qui s'unirent en 1388 pour défendre le port de cette ville en faveur de Louis d'Anjou, contre les vaisseaux & les galeres de la reine Marguerite. Ils portoient sur le bras, ou sur le côté gauche, un devidoir d'or en champ de gueules. Cette espece d'ordre finit avec le regne de Louis d'Anjou. On n'a que des conjectures futiles sur le choix qu'ils avoient fait du devidoir pour la marque de leur union ; & peut-être ce choix n'en mérite-t-il pas d'autres.


ARGÉENou ARGIENS, adj. plur. pris subst. (Hist. anc.) c'étoit anciennement des représentations d'hommes faites avec du jonc, que les vestales jettoient tous les ans dans le Tibre le jour des Ides de Mai. Voyez VESTALES.

Cette cérémonie est rapportée par Festus & Varron ; Festus cependant dit, qu'elle étoit faite par les prêtres, à sacerdotibus ; nous supposons que c'étoient les prêtresses. Il ajoûte que le nombre de ces figures étoit de trente. Plutarque dans ses questions sur les Romains, recherche pourquoi on appelloit ces figures argea, & il en donne deux raisons : la premiere est que les nations barbares qui habiterent les premieres ces cantons, jettoient tous les Grecs qu'ils pouvoient attraper dans le Tibre ; car argéens ou argiens étoit le nom que l'on donnoit à tous les Grecs, mais qu'Hercule leur persuada de quitter une coûtume si inhumaine, & de se purger d'un crime pareil en instituant cette solennité. La seconde, qu'Evandre l'arcadien, cruel ennemi des Grecs, pour transmettre sa haine à sa postérité, ordonna que l'on fît des représentations d'argiens, que l'on jetteroit dans la riviere. Les fêtes dans lesquelles ces Grecs d'osier étoient précipités dans le Tibre, s'appellerent argées. (G)


ARGÉESadj. (Hist. anc.) nom qui fut aussi donné, selon quelques-uns, aux sept collines sur lesquelles Rome fut assise, en mémoire d'Argeus, un des compagnons d'Hercule qu'Evandre reçut chez lui ; selon d'autres, aux seuls endroits de la ville de Rome, où étoient les tombeaux des Argiens, compagnons d'Hercule. Voyez ARGEENS.


ARGEIPHONTèS(Myth.) surnom qu'on donna à Mercure après qu'il eut tué Argus.


ARGEMou ARGEMON, s. m. (Chirurgie.) est un ulcere du globe de l'oeil, dont le siége est en partie sur la conjonctive ou blanc de l'oeil, & en partie sur la cornée transparente. Il paroît rougeâtre sur la premiere membrane, & blanc sur la cornée. L'inflammation, les pustules, les abcès, ou les plaies des yeux, peuvent donner lieu à ces ulceres.

En général, les ulceres des membranes de l'oeil sont des maladies fâcheuses, parce qu'ils donnent souvent beaucoup de difficulté à guérir, & qu'ils peuvent être accompagnés d'excroissances de chair, de fistules, d'inflammations, de la sortie & de la rupture de l'uvée qui fait flétrir l'oeil ; enfin parce que leur guérison laisse des cicatrices qui empêchent la vûe, lorsqu'elles occupent la cornée transparente. Les ulceres superficiels sont moins fâcheux & plus faciles à guérir que les profonds.

Pour la cure, il faut autant qu'on le peut détruire la cause par l'usage des remedes convenables. Si elle vient de cause interne par le vice & la surabondance des humeurs, les saignées, les lavemens, les purgatifs, le régime, les vésicatoires, les cauteres, serviront à diminuer & à détourner les sucs vitiés ou superflus. S'il y a inflammation, il faudra employer les topiques émolliens & anodyns. Ensuite on tâchera de cicatriser les ulceres. Le collyre suivant est fort recommandé : dix grains de camfre, autant de vitriol blanc, & un scrupule de sucre candi ; faites dissoudre dans trois onces des eaux distillées de rose, de plantain ou d'euphraise, dans lesquelles on ait fait fondre auparavant dix grains de gomme arabique en poudre, pour les rendre mucilagineuses. On en fait couler quelques gouttes tiedes dans l'oeil malade dix à douze fois par jour ; & pardessus l'oeil on applique une compresse trempée dans un collyre rafraîchissant fait avec un blanc d'oeuf & les eaux de rose & de plantain, battus ensemble. (Y)


ARGEMONou pavot épineux, s. f. (Hist. nat. bot.) genre de plante dont les fleurs sont composées de plusieurs feuilles disposées en rose. Il s'éleve du milieu de la fleur un pistil qui devient dans la suite un fruit ou une coque ordinairement ovale, qui n'a qu'une seule capsule & qui est ouverte. Il y a des especes de côtes qui s'étendent depuis la base jusqu'au sommet ; & les intervalles qui restent entre elles, sont remplis par des panneaux qui s'écartent dans le haut & laissent un vuide entre les côtes ; chacune soûtient un placenta chargé de semences arrondies pour l'ordinaire. Tournefort, Elem. Bot. Voy. PLANTE. (I)

On la seme en Septembre & en Octobre sur une couche bien ameublie, couverte d'un peu de terreau, & on la transporte en Avril dans les plates-bandes. (K)


ARGENCES(Géog.) bourg de France en basse Normandie sur la Méance. Long. 17. 20. lat. 49. 15.


ARGENDALpetite ville d'Allemagne dans le Palatinat du Rhin, entre Simmeren & Bacharach.

* ARGENDAL, riviere de France en Provence, qui a trois sources ; l'une à Seillons, l'autre vers Saint-Martin-de-Varages, l'autre du côté de Barjols, & se jette dans la mer près de Fréjus, après avoir reçû plusieurs rivieres.


ARGEN(L '), riviere de France en Provence, qui prend sa source au marais d'Olieres, & se jette dans la Méditerranée près Fréjus.


ARGENTS. m. (Ordre encyc. Entend. Raison. Philosophie ou Science , Science de la nature, Chimie, Métallurgie, Argent.) c'est un des métaux que les Chimistes appellent parfaits, précieux & nobles. Il est blanc quand il est travaillé ; fin, pur, ductile ; se fixe au feu comme l'or, & n'en differe que par le poids & la couleur.

On trouve quelquefois de l'argent pur formé naturellement dans les mines : mais ce métal, ainsi que tous les autres métaux, est pour l'ordinaire mêlé avec des matieres étrangeres. L'argent pur des mines est le plus souvent dans les fentes des rochers ; il est adhérent à la pierre, & on est obligé de l'en détacher : mais quelquefois le courant des rivieres, la chûte des pierres, l'impétuosité des vents, entraînent des morceaux d'argent au pié des rochers, où il est mêlé avec les sables & les terres. Ces morceaux d'argent n'ont pas toûjours la même forme ; les uns sont en grains de différentes grosseurs ; il y en a de petits qui sont posés les uns sur les autres ; il y en a de très-gros ; par exemple, celui que Worm disoit avoir été tiré des mines de Norvege, & peser 130 marcs.

L'argent en cheveux est par filamens si déliés & si fins, qu'on ne peut mieux le comparer qu'à des cheveux, à des fils de soie, ou à un flocon de laine qui seroit parsemé de points brillans. L'argent en filets est en effet composé de fils si bien formés, qu'on croiroit qu'ils auroient été passés à la filiere. L'argent en végétation ressemble en quelque sorte à un arbrisseau : on y remarque une tige qui jette de part & d'autre des branches ; & ces branches ont des rameaux : mais il ne faut pas imaginer que les proportions soient bien observées dans ces sortes de végétations. Les rameaux sont aussi gros que les branches, & la tige n'est pas marquée comme devroit l'être un tronc principal. L'argent en feuilles est assez ressemblant à des feuilles de fougere ; on y voit une côte qui jette de part & d'autre des branches, dont chacune a aussi de petites branches latérales. L'argent en lames est aisé à reconnoître ; il est étendu en petites plaques simples, unies & sans aucune forme de feuillage.

Les mines d'argent les plus ordinaires sont celles où l'argent est renfermé dans la pierre : les particules métalliques sont dispensées dans le bloc, & la richesse de la mine dépend de la quantité relative & de la grosseur de ces particules au volume du bloc. Dans ces sortes de mines, l'argent est de sa couleur naturelle : mais dans d'autres il paroît de différentes couleurs, qui dépendent des matieres avec lesquelles il est mêlangé. Il est ici noir, roux ; ailleurs d'un beau rouge, d'une substance transparente, & d'une forme approchante de celle des crystallisations des pierres précieuses ; de sorte qu'à la premiere vûe on le prendroit plûtôt pour du rubis que pour de la mine d'argent. On l'appelle mine d'argent rouge.

Il y a des mines d'argent dans les quatre parties du monde : l'Europe n'en manque pas, & la France n'en est pas tout-à-fait privée, quoiqu'il y ait des contrées plus riches en cela qu'elle ne l'est. Au reste on peut juger de ce qu'elle possede en mines d'argent par l'état suivant.

Dans la généralité de Paris & île de France, en plusieurs endroits & au milieu des masses de sable jaune & rougeâtre, il y a des veines horisontales de mine de fer imparfaite, qui tiennent or & argent : on en trouve à Géroncourt, Marine, Grizy, Berval, & autres villages au-delà de Pontoise, route de Beauvais, qui donnent aux essais depuis 450 jusqu'à 1000 grains de fin, dont moitié & davantage est en or, & le reste en argent : mais il est difficile d'en séparer ces deux métaux dans la fonte en grand. A Geninville, demi-lieue ou environ par-delà Magny, route de Rouen ; à deux lieues de Notre-Dame-la-Desirée ; près Saint-Martin-la-Garenne, & à quatre lieues de Meulan, il y a plusieurs indices de mine d'argent. On y fit faire en 1729 un puits de 15 piés de profondeur & d'autant de large, à 20 piés de la route du moulin de ce lieu. Suivant la tradition du pays, la mine n'est pas à plus de 15 piés de profondeur. Ce puits est actuellement rempli d'eau. En Hainault, on dit qu'il y a une mine d'argent à Chimai. En Lorraine il y a plusieurs mines d'argent : celle de Lubine dans la Lorraine-Allemande, donne de l'argent & du cuivre. Le filon a plus de 2 piés d'épaisseur. La mine de la Croix a des filons qui donnent du plomb, du cuivre, & de l'argent. Les mines de Sainte-Marie au village de Sainte-Croix, & à celui de Lusse dans la prevôté de Saint-Diez, sont de cuivre tenant argent. Nous donnerons à l'article CUIVRE les procédés par lesquels on travaille ces mines, & on obtient ces métaux séparés. Il y a au Val-de-Lievre plusieurs mines d'argent, de cuivre, & d'autres métaux. A Chipaul, des mines d'argent, de fer, & d'autres métaux. Au Val-de-Sainte-Marie : 1°. une mine d'argent naturel qui se trouve immédiatement au-dessus de la pyrite, ce qui est très-rare : 2°. une mine d'argent rouge, mêlée avec la mine de cuivre, ce qui est aussi fort rare. A Sainte-Marie-aux-Mines, plusieurs mines de cuivre tenant argent ; d'autres mines de plomb tenant argent ; quelques filons de mine d'argent rouge, de mine d'argent vitrée, éparpillée dans un beau quartz.

En Alsace, à Giromagny, & au Puy, dans la haute Alsace, il y a une mine d'argent & une mine de cuivre dont on a tiré 1600 marcs pesant en argent, & 24 milliers en cuivre : mais la dépense égalant presque le profit, elles ont été abandonnées. Voyez à l'article ACIER ce qu'il faut penser des mines d'Alsace & de leur exploitation. Il y a actuellement dans un canton appellé vulgairement Phenigtorne, & dans un autre appellé le canton de Saint-Pierre, deux mines d'argent qui s'exploitent. Celle de Theitz-gran, considérable en 1733, & fort riche, s'est enfoncée & remplie d'eau. Il y a mine d'argent à Haunette-le-haut, appellée Guefchaff : elle contenoit aussi du cuivre ; les guerres l'ont fait abandonner. Au village de Stembach proche Sernay, dans le Val-de-Saint-Amand-de-Thurn, & à Saint-Nicolas près Rougemont, il y a deux mines de cuivre tenant argent, & de plomb tenant argent, aussi abandonnées à cause des guerres. On a repris depuis quelques années le travail de celles de Stembach qui sont de plomb.

En Franche-Comté, selon Dunod, Histoire du comté de Bourgogne, tome II. pag. 434. il y a trois mines d'argent ouvertes dans ce comté ; savoir, deux de Charquemont dans le Mont-Jura : mais elles sont abandonnées depuis quelques années ; une mine d'argent près la Ville de Lons-le-Saunier, qu'on dit abondante. En Dauphiné, haut & bas Briançonois, depuis Valence à deux lieues de Tournon, on voit le long des rivages du Rhone un bon nombre de paysans occupés à séparer les paillettes d'or & d'argent : ils y gagnent 30 ou 40 sous par jour. On n'en trouve ordinairement que depuis Valence jusqu'à Lyon. A l'Hermitage, au-dessus de Tain & vis-à-vis Tournon, il y a une mine d'or & argent ; Chambon dit, p. 77 de sa Physique, qu'il en a tiré par ses essais ; que la mine est heureusement située, & qu'elle mérite attention. A la Gardette, lieu dépendant de la communauté de Villar-Edmont, une mine dont les essais ont donné or & argent.

En Provence, au territoire d'Yeres, une mine de cuivre tenant argent & un peu d'or. A Barjoux, une mine d'or & une mine d'argent. Au territoire du Luc, diocese de Fréjus, une mine d'argent. A Verdaches, près de la ville de Digne, une mine de cuivre tenant or & argent. Dans le Vélai, le Vivarais, le Gévaudan, & les Cevennes, à la montagne d'Esquieres près le village d'O en Vélai, une mine d'argent. Près de Tournon, six mines de plomb tenant argent. A Lodeve près des Cevennes & au pié des montagnes, une mine de cuivre qui tient argent. A une lieue de Mende, paroisse de Bahours, mine de plomb tenant argent. Le filon du puits de Saint-Louis rend à l'essai trente-deux livres & demie de plomb & sept onces & un denier d'argent. Le filon du puits Saint-Pierre pris au hasard, ne donne que cinq livres douze onces de plomb, & trois gros deux deniers huit grains d'argent. Le filon qui est au côté de la fontaine du village, donne en plomb treize livres & demie, & en argent une once sept gros un denier. Le filon du puits Saint-François donne en plomb trente-neuf livres, & en argent neuf onces cinq gros un denier. A Espagnac, une mine qui donne trente-trois en plomb, & huit onces d'argent par quintal de plomb. A Montmirat, à trois lieues de Florac, mine de plomb qui donne quatre-vingts pour cent, & tient un peu d'argent. A l'Escombet, à quatre lieues de Mende, mine de plomb qui donne trente-trois par cent ; ce plomb tient deux onces d'argent par quintal.

En Languedoc & en Rouergue ; la mine d'argent de la Canette, sur la montagne noire, près de cette vallée. A Lanet dans le même canton, en 1660, le filon qui étoit à fleur de terre avoit plus d'un pié ; sept quintaux de son minéral donnoient un quintal de cuivre & quatre marcs d'argent. On a trouvé à Avéjan des roignons de mine de plomb qu'on a nommés extrafilons, couverts de terre fort humide. Dans une ancienne ouverture, il y avoit deux filons qui se réunissoient dans le roc jusqu'à quatre toises de profondeur ; cette mine donne par quintal dix onces d'argent : on en fit tirer deux cens quintaux, qui rendirent deux cens cinquante marcs d'argent. A Meux-des-Barres, petite ville de la vallée de Cambellon, une mine d'argent. On trouve dans le mas de Cabardes, sous la montagne noire, des marcassites qu'on a dit autrefois tenir beaucoup d'argent. Dans le diocese de Beziers, anciens travaux des Romains découverts en 1746 & 1747, aux lieux de Ceilhes, Avenès, Dié, Lunas & Boussagues, il y a des mines de plomb & de cuivre riches en argent. Près de la Vaouste, comté d'Alais, une mine de plomb tenant argent.

Dans le Roussillon, au territoire de Pratz-de-Mouilhou, une mine de cuivre nommée les billots, ou de Sainte-Marie, tenant argent. A deux cens pas de la précédente, un autre filon dit le minier de Saint-Loüis, tenant argent. Au même territoire, le lieu appellé Saint-Salvador, à une lieue & demie de distance, autres filons semblables aux précédens. Près de la Vaill, mine de cuivre tenant argent, en deux filons voisins. Dans la viguerie de Conflent, au territoire de Balleistin, col de la Galline, mine d'argent & de cuivre, filon de quatre piés. Au Puich-des-Mores, même terroir, filon de cuivre tenant argent. Au terroir de Saint Colgat, mine d'argent, filon d'un travers de doigt dans une roche bleuâtre. Dans la même paroisse d'Escarro, mine d'argent & cuivre, au lieu nommé Lopla-de-Gaute. Un filon de cuivre & argent à la gauche des étangs. A la Cama, mine de cuivre & argent, filon de trois piés. Au territoire d'Estouere, derriere le col de la Galline, mine de cuivre & argent. Dans la Cerdagne françoise, vallée de Carol, au lieu nommé Pedreforte, une mine d'argent. Au village de Mezours, à quelques lieues de Perpignan, filons riches en argent, cuivre & plomb. Dans le ventre de la montagne, entre l'est & le sud, il y a des morceaux de ce minéral cuivreux, qui donnent à l'essai depuis quatre jusqu'à neuf onces d'argent.

Dans le comté de Foix, de Couserans ; les mines de S. Pau, où les Espagnols venoient en 1600 fouiller furtivement, & emportoient de la mine d'argent très-riche : on s'en plaignit à Henri IV. qui y mit ordre.

A Alsen, mine d'argent. A Cabanes, trois mines d'argent. A Cardazet, une mine d'argent. Les minieres de l'Aspic sont des mines de plomb tenant argent. A Cousson, mine d'argent qui tient or. A Desastie, mine d'argent. Dans la montagne de Montroustand, une mine d'argent. A Lourdat ou Londat, une mine d'argent. Plusieurs mines dans la vallée d'Uston, environnées de montagnes, dont les principales sont celles de Byros, de Peyrenere, de Carbonere, d'Argentere, de Balougne, de l'Arpaint, de la Fonta, de Martera, de Peyrepetuse, toutes riches en argent. La montagne de Riviere-nord est riche en mine de cuivre tenant or & argent. Dans la montagne d'Argentere, mines d'argent en abondance. Dans la montagne de Montarisse, reste des anciens travaux des Romains, on trouve une mine d'argent abondante. Dans la montagne de Gerus, une mine de plomb tenant argent & or, dont le filon est gros comme la cuisse Près la bastide de Seron, les mines d'argent & cuivre de Meras & de Montegale découvertes en 1749.

Comminges, à cinq lieues d'Aspech & hors de Portet, dans la montagne de Chichois, mine d'argent tenant or. Dans l'Asperges, montagne de la vallée d'Arboust, mine de plomb tenant argent. Dans la vallée de Luchon, voisine de celle d'Ayron, entre les montagnes de Lys, de Gouveilh, & de Barousse, une mine de plomb tenant argent. Dans la petite ville de Lege, une mine de plomb tenant argent. Dans la montagne de Souquette, mine de plomb & d'argent tenant or. Goveiran, montagne voisine du comté de Comminges, remplie de mines d'argent. A Goveilh, entre les vallées de Loron, de l'Arboust & de Barouges, auprès d'un château royal de Henri IV. deux riches mines de plomb tenant argent. La vallée de l'Esquiere est abondante en mines de plomb tenant argent ; un seul homme peut en tirer deux quintaux par jour. Dans la montagne du Lys, plusieurs mines de plomb tenant argent.

Dans le Béarn, la mine de cuivre de Bielle, à cinq lieues de Laruns, vallée d'Osseau, tient un peu d'argent. Dans là basse-Navarre, dans la montagne d'Agella, plusieurs mines de plomb tenant argent. Dans la montagne d'Avadet, une mine de plomb tenant argent.

Dans les Pyrénées ; dans la montagne de Machicot, mine de cuivre tenant un peu d'argent ; le filon paroît couper la montagne. Dans la montagne de Malpestre, plusieurs filons de mines de cuivre tenant argent. Dans la montagne de Ludens, une mine de plomb tenant argent. Dans les montagnes de Portuson, mines de plomb & d'argent. Dans celles de Baraava, du côté de l'Espagne, mine de plomb, d'argent, & d'azur de roche. Dans celle de Varan ou Varen, au pié de laquelle est la petite contrée nommée Zazan, mine de plomb tenant un trentieme d'argent. Dans la montagne de la Coumade, mine de plomb tenant argent. Dans la montagne de Bouris, plusieurs mines de cuivre, de plomb, d'argent & d'azur. Dans la montagne Saint-Bertrand, deux mines de cuivre tenant argent. A Pladeres, montagne du côté de l'Espagne, mines de plomb abondantes & tenant argent. A une lieue de Lordes, aux Pyrénées, une mine d'argent. En Auvergne, à Rouripe, près de la montagne du Pui, une mine d'argent. Dans l'Angoumois, à Manet près Montbrun, une mine d'antimoine où il se trouve de l'argent. Dans le Nivernois, une mine d'argent fort riche, au village de Chitri sur Yonne ; en un an elle a rendu onze cens marc d'argent, & environ cent milliers de plomb : elle fut trouvée en fouillant les fondemens d'une grange. En Touraine, auprès de l'abbaye de Noyers, une mine de cuivre tenant argent. Dans le Berry il y a quelques mines d'argent, mais elles sont négligées. En Bretagne dans la petite forêt nommée le buisson de la Roche-Marest, une mine d'argent. Près de la petite ville de Lavion, une autre mine d'argent. Ce détail est tiré de M. Hélot, tom I. de la fonte des mines & des fonderies, traduit de l'Allemand de Schlutter.

La mine d'argent de Salfeberyt en Suede, est ouverte par trois larges bouches, semblables à des puits dont on ne voit point le fond. La moitié d'un tonneau soûtenu d'un cable, sert d'escalier pour descendre dans ces abysmes, au moyen d'une machine que l'eau fait mouvoir. La grandeur du péril se conçoit aisément : on est à moitié dans un tonneau, où l'on ne porte que sur une jambe. On a pour compagnon un satellite noir comme nos forgerons, qui entonne tristement une chanson lugubre, & qui tient un flambeau à la main. Quand on est au milieu de la descente, on commence à sentir un grand froid. On entend les torrens qui tombent de toutes parts ; enfin après une demi-heure, on arrive au fond du gouffre ; alors la crainte se dissipe ; on n'apperçoit plus rien d'affreux, au contraire tout brille dans ces régions soûterraines. On entre dans un salon soûtenu par des colonnes d'argent ; quatre galeries spatieuses y viennent aboutir. Les feux qui servent à éclairer les travailleurs, se répetent sur l'argent des voûtes & sur un clair ruisseau qui coule au milieu de la mine. On voit là des gens de toutes les nations ; les uns tirent des chariots ; les autres roulent des pierres, arrachent des blocs ; tout le monde a son emploi : c'est une ville soûterraine. Il y a des cabarets, des maisons, des écuries, des chevaux ; mais ce qu'il y a de plus singulier, c'est un moulin-à-vent qui va continuellement dans cette caverne, & qui sert à élever les eaux.

Les mines d'argent les plus riches & les plus abondantes sont en Amérique, sur-tout dans le Potosi qui est une des provinces du Pérou. Les filons de la mine étoient d'abord à une très-petite profondeur dans la montagne du Potosi. Peu-à-peu on a été obligé de descendre dans les entrailles de la montagne ; pour suivre les filons ; à présent les profondeurs sont si grandes, qu'il faut plus de quatre cens marches pour atteindre le fond de la mine. Les filons se trouvent à cette profondeur de la même qualité qu'ils étoient autrefois à la surface ; la mine est aussi riche ; elle paroît être inépuisable ; mais le travail en devient de jour en jour plus difficile ; il est même funeste à la plûpart des ouvriers par les exhalaisons qui sortent du fond de la mine, & qui se répandent même au-dehors ; il n'y en a aucun qui puisse supporter un air si pernicieux plus d'un jour de suite ; il fait impression sur les animaux qui paissent aux environs. Souvent on rencontre des veines métalliques qui rendent des vapeurs si pernicieuses, qu'elles tuent sur le champ ; on est obligé de les refermer aussi-tôt, & de les abandonner : presque tous les ouvriers sont perclus, quand ils ont travaillé pendant un certain tems de leur vie. On seroit étonné si l'on savoit à combien d'Indiens il en a coûté la vie, depuis que l'on travaille dans ces mines, & combien il en périt encore tous les jours. La mine d'argent, quoique dans le même filon, n'est pas toûjours de la même couleur & de la même qualité : on lui donne au Pérou le noms de minerai ; s'il est blanc ou gris, mêlé de taches rouges ou blanchâtres, on l'appelle plata-blancha ; c'est le plus riche & le plus facile à exploiter. On trouve du minerai noir comme du mâchefer que l'on nomme plomo-ronco. Il y a une autre sorte de minerai noir, auquel on a donné le nom de bossicler, parce qu'il devient rouge lorsqu'on le frotte contre du fer, après l'avoir mouillé. Le minerai appellé zoroche, brille comme du talc, quoiqu'il semble argenté, on en retire peu d'argent : le paco est d'un rouge jaunâtre, en petits morceaux fort mous ; il est peu riche ; le minerai verd appellé cobrisso, est presque friable ; on y découvre à l'oeil des particules d'argent : mais il est très-difficile de les en retirer. Enfin il y a dans la mine de Catamito au Potosi, un minerai appellé arannea, composé de fils d'argent pur ; c'est ce que nous avons appellé mine d'argent en filets. Les filons sont toûjours plus riches dans leur milieu que sur leurs bords : mais l'endroit le plus abondant est celui où deux filons se croisent & se traversent. Les deux premieres mines du Potosi furent ouvertes en 1545 ; on appella l'une Rica, & l'autre Diego centeno. La premiere étoit élevée au-dessus de la terre, en forme de crête de coq, de la hauteur d'une lance, ayant trois cens piés de longueur & 13 de largeur. Cette mine étoit si riche, qu'il y avoit presque la moitié d'argent pur jusqu'à 50 ou 60 brasses de profondeur, où elle commença un peu à changer. Au reste on regarde comme un grand accroissement à la richesse des mines, d'être placées proche des rivieres, à cause de l'avantage des moulins propres à broyer la mine. A Lipes & au Potosi même, il faut bien abandonner dix marcs par chaque quintal, pour acquiter la dépense ; au lieu qu'au Tanara, il n'en coûte pas plus de cinq. On ne trouve les mines d'argent les plus riches, que dans les endroits froids de l'Amérique. La température du Potosi est si froide, qu'autrefois les femmes Espagnoles ne pouvoient y accoucher ; elles étoient obligées d'aller à 20 ou 30 lieues au-delà, pour avoir un climat plus doux : mais aujourd'hui elles accouchent aussi aisément au Potosi, que les Indiennes naturelles du pays. Au pié de la montagne du Potosi est la ville du même nom, qui est devenue fameuse par les grandes richesses que l'on a tirées de la montagne ; il y a dans cette ville plus de soixante mille Indiens, & dix mille Espagnoles. On oblige les paroisses des environs de fournir tous les ans un certain nombre d'Indiens pour travailler aux mines ; c'est ce qu'on appelle la mita : la plûpart menent avec eux leurs femmes & leurs enfans, & tous partent avec la plus grande répugnance. Cette servitude ne dure qu'une année, après laquelle ils sont libres de retourner à leurs habitations ; il y en a plusieurs qui les oublient, & qui s'habituent au Potosi, qui devient ainsi tous les jours plus peuplé. Les mines du Potosi sont les moins dangereuses ; cependant sans l'herbe du Paraguai que les mineurs prennent en infusion comme nous prenons le thé, ou qu'ils mâchent comme du tabac, il faudroit bien-tôt les abandonner. Les mines du Potosi & de Lipes conservent toûjours leur réputation ; cependant on en a découvert d'autres depuis quelques années qui passent pour plus riches : telles sont celles d'Oruvo à 8 lieues d'Arica, & celles d'Ollacha, près de Cusco, qu'on a découvertes en 1712.

Pour rentrer encore un moment dans notre continent, il y a, à ce qu'on dit, en Saxe & dans le pays d'Hanovre, beaucoup de mines d'argent : on trouva à Hartz un morceau d'argent si considérable, qu'étant battu, on en fit une table où pouvoient s'asseoir vingt-quatre personnes.

Les mines les plus riches, après la mine naturelle, sont les mines d'argent corné ; elles cedent sous le marteau comme fait le plomb, & elles se laissent couper comme de la corne ; elles contiennent de l'arsenic. La couleur de ces mines est noirâtre ; & plus elles sont noirâtres, plus elles sont riches : il y en a de si riches qu'elles donnent cent quatre-vingts marcs d'argent par quintal ; c'est-à-dire par cent livres de mine ; de sorte qu'il n'y a que dix livres de déchet, sur chaque quintal de mine. Il y en a qui n'est ni si facile à couper ni si noire, & elle donne cent soixante marcs d'argent par quintal : ces mines sont fort aisées à fondre, pourvû qu'on les ait séparées des pierres qui y sont souvent jointes, & pourvû qu'elles ne soient pas mêlées de cobalth, qui est ordinairement ferrugineux. Les mines d'argent noires sont rarement seules ; elles se trouvent presque toûjours avec la blende & avec le misprekel, qui est une espece de cobalth ou mine arsénicale. On a beaucoup de peine à les séparer ; ce qui rend la mine difficile à fondre : ces mines noires d'argent se trouvent quelquefois mêlées avec les mines de plomb à gros grains : mais les unes & les autres sont fort traitables.

La mine d'argent rouge est la plus riche, après la mine cornée. Il y a de plusieurs sortes de mines d'argent rouge ; il y en a qui sont en grappes de raisin ; il y en a de transparentes, d'autres qui ne le sont pas ; il y en a de noires avec des taches rouges ; il y en a de dures, compactes, & rouges comme du cinabre ; ce sont de toutes les mines rouges d'argent les plus riches ; elles donnent depuis 90 jusqu'à 100 marcs d'argent par quintal. Celles qui sont comme de la suie, tachetées de rouge, donnent vingt marcs par quintal. Cette mine se trouve ordinairement dans les montagnes arides. Les mines rouges se trouvent quelquefois dans des pierres dures, qui paroissent à la vûe peintes de couleur de sang. Ces pierres sont ou de quartz, ou de la pierre à fusil, que les mineurs appellent pierre cornée, à cause de sa ressemblance avec la corne de cheval coupée.

Les mines blanches & grises donnent jusqu'à 20 marcs d'argent par quintal. On trouve dans des soûterreins de ces mines blanches qui ne donnent qu'un marc par quintal ; c'est ce qu'on nomme fausse apparence.

Pour retirer l'argent du minerai qui le contient, on commence par le casser en morceaux assez petits, pour être moulus & broyés sous des pilons de fer qui pesent jusqu'à deux cens livres, & qui pour l'ordinaire sont mis en mouvement par le moyen de l'eau. On passe le minerai réduit en poudre par un crible de fer ou de cuivre, & on le pétrit avec de l'eau pour en faire une pâte qu'on laisse un peu dessécher ; puis on la pétrit de rechef avec du sel marin ; enfin on y jette du mercure, & on la pétrit une troisieme fois pour incorporer le mercure avec l'argent ; c'est-là ce qu'on appelle amalgame. Huit ou dix jours suffisent pour la faire dans les lieux tempérés : mais dans les pays froids il faut quelquefois un mois ou six semaines. On jette la pâte dans des lavoirs pour en séparer la terre : ces lavoirs consistent en trois bassins qui sont sur le courant d'un ruisseau qui entraîne la terre, lorsqu'elle a été délayée dans chaque bassin. Pour faciliter l'opération, on agite continuellement la pâte avec les piés, afin que quand l'eau sort claire des bassins, il ne reste au fond que de l'argent & du mercure amalgamés ensemble ; c'est ce qu'on appelle pigne. On tâche de tirer le mercure qui n'est pas uni à l'argent, en pressant la pigne, en la battant fortement, ou en la foulant dans une presse ou moule. Il y a des pignes de différentes grosseurs & de différentes pesanteurs ; ordinairement elles contiennent de l'argent pour le tiers de leur poids ; le mercure fait les deux autres tiers. On pose la pigne sur un trépié, au-dessous duquel est un vase rempli d'eau ; on couvre le tout avec de la terre en forme de chapiteau, que l'on environne de charbons ardens. L'action du feu fait sortir le mercure de la pigne ; il se sublime, & ensuite il retombe dans l'eau où il se condense. Les intervalles que le mercure occupoit dans la pigne restent vuides ; ce n'est plus qu'une masse d'argent poreuse & legere, en comparaison de son volume.

On peut encore tirer l'argent de la mine de la maniere suivante : on commence par la casser, & quelquefois on la lave pour en séparer la partie pierreuse qui s'est réduite en poussiere ; on la calcine ensuite pour en chasser le soufre & l'arsenic ; c'est ce qu'on appelle rotir la mine ; puis on la relave pour en ôter la poudre calcinée. La mine étant ainsi préparée, on la fait fondre avec du plomb ou avec de la litharge, ou avec des têtes de coupelles qui ont servi : on employe à cet effet le plomb granulé, quand le travail est petit. Plus la mine est difficile à fondre, plus on y met de plomb ; on met jusqu'à seize ou vingt parties de plomb pour une partie de mine. Cette opération se nomme scorifier. Les scories sont composées du plomb qui se vitrifie avec la pierre, & avec ce qui n'est point or ou argent dans la mine ; & ce qui est métal tombe dessous en régule. Si ce régule paroît bien métallique, on le passe à la coupelle ; s'il est encore mêlé de scories, s'il est noir, on le fait refondre avec un peu de verre de plomb.

Pour séparer l'argent du mercure avec lequel il est amalgamé, on a un fourneau qui a une ouverture au sommet ; on couvre cette ouverture d'une espece de chapiteau de terre de forme cylindrique, qu'on peut laisser ou enlever à discrétion. Quand on a mis dans le fourneau la masse d'argent & le mercure, & qu'on a appliqué le couvercle & allumé le feu, le vif- argent s'éleve en forme de vapeurs, & s'attache au chapiteau, d'où on le retire pour le faire servir une seconde fois.

Lorsque l'argent est bien purifié, qu'on en a ôté, autant qu'il est possible, toute la matiere étrangere, soit métallique ou autre, qui pourroit y être mêlée, on dit qu'il est de douze deniers ; c'est-là l'expression dont on se sert pour désigner le titre de l'argent le plus pur, & sans aucun mêlange ni alliage : mais s'il s'y en trouve, on déduit le poids du mêlange du poids principal, & le reste marque le titre de l'argent. Le denier est de 24 grains ; ainsi lorsque sur le poids de douze deniers il y a douze grains de mêlange, le titre de l'argent est onze deniers douze grains, & ainsi des autres exemples.

Pour monter le titre de l'argent en le raffinant, on s'y prend de la maniere suivante. On met une coupelle ou une tête à rougir au feu, ensuite on y met le plomb. Quand le plomb est fondu & bien clair, on y ajoûte une quantité d'argent proportionnée ; savoir, une livre de plomb pour quatre à cinq onces d'argent. On met quelquefois davantage de plomb, lorsque l'argent a beaucoup d'alliage. A mesure que ces deux métaux se fondent ensemble, le cuivre, qui auparavant étoit mêlé avec l'argent, s'en va en fumée, ou sort avec l'écume & la litharge. Le plomb s'évapore de même, & il ne reste dans la coupelle que l'argent, qui est au degré de finesse qui lui convient. Voyez LITHARGE, AFFINAGE, COUPELLE, COUPELET.

Indépendamment de la maniere de raffiner l'argent avec le plomb, il y en a une autre qui se fait avec le salpetre. Voyez RAFFINER & AFFINAGE. Mais toutes ces méthodes sont incommodes & ennuyeuses ; ce qui a donné lieu à M. Homberg de chercher à abreger cette opération, & il y a réussi. Sa méthode consiste à calciner l'argent avec moitié de sa pesanteur ordinaire ; & après avoir fondu le tout ensemble, d'y jetter à différentes fois une certaine quantité de limaille d'acier. Par cette opération le soufre abandonne l'argent pour se joindre au fer, & l'un & l'autre se convertissent en écume qui nage sur l'argent ; & on trouve au fond du creuset le métal purifié.

L'argent, en Chimie, s'appelle luna, lune : on en fait differentes préparations, principalement une teinture. Pour avoir la teinture d'argent, dissolvez des plaques d'argent minces dans l'esprit-de-nitre, & jettez cette dissolution dans un autre vase plein d'eau de sel ; par ce moyen l'argent se précipite aussi-tôt en une poudre blanche qu'on lave plusieurs fois dans l'eau de fontaine. On met cette poudre dans un matras, & on jette par-dessus de l'esprit-de-vin rectifié & du sel volatil d'urine : on laisse digérer le tout sur un feu modéré pendant quinze jours ; durant ce tems l'esprit-de-vin contracte une belle couleur bleu-céleste. Cette couleur lui vient du cuivre ; car il y a environ deux gros de cuivre pour l'alliage sur chaque marc d'argent, & l'argent monnoyé en a plus que celui de vaisselle. Ceux qui ignorent la Chimie jettent le reste ; & ceux qui font usage de cette teinture de lune, l'employent contre l'épilepsie, l'apoplexie, la paralysie, & la plûpart des maladies de la tête, comme l'hydropisie de cerveau. Mais toutes les préparations d'argent en général sont suspectes, sans en excepter les pilules de Boyle, composées de sels de l'argent & du nitre : quoiqu'on les adoucisse avec trois fois autant de sucre, elles ne laissent pas d'être corrosives & d'affoiblir l'estomac ; elles ne conviennent qu'à l'extérieur, pour ronger & guérir les parties attaquées d'ulceres invétérés.

On peut convertir l'argent en crystal par le moyen de l'esprit-de-nitre, & c'est ce qu'on appelle improprement vitriol d'argent. Voyez CRYSTAL.

La pierre infernale d'argent n'est rien autre chose que le crystal d'argent fondu dans un creuset à une chaleur modérée, & ensuite jettée dans des moules de fer.

Lorsqu'on verse dans une dissolution d'argent faite par l'eau-forte de l'esprit-de-sel, ou du sel commun fondu dans de l'eau, l'argent se précipite en une poudre qu'on nomme chaux d'argent. Cette chaux d'argent se fond aisément au feu ; elle s'y dissipe si le feu est fort : & si au contraire le feu est médiocre, & qu'on ne l'y laisse pas long-tems, la chaux d'argent se change en une masse qui est un peu transparente, & qu'on peut couper comme de la corne : dans cet état on la nomme lune cornée. Voyez LUNE CORNEE.

On peut conjecturer sur ce qui précede, que la maniere de séparer l'argent d'avec la terre de mine, est la même que celle dont on sépare l'or de la mine, c'est-à-dire par le moyen du vif-argent ; avec cette différence que pour l'argent on ajoûte sur 50000 liv. pesant de mine, mille livres de sel de roche ou de quelqu'autre sel naturel. Voyez la description au long de cette curieuse opération, à l'article OR.

L'argent est après l'or le métal le plus fixe. Kunckel ayant laissé pendant un mois de l'argent bien pur en fonte dans un feu de verrerie, trouva après ce tems qu'il n'avoit diminué que d'une soixante-quatrieme partie. Haston de Claves exposa de même de l'argent dans un fourneau de verrerie ; & l'ayant laissé deux mois dans cet état, il le trouva diminué d'un douzieme, & couvert d'un verre couleur de citron. On ne peut douter que cette diminution ne provînt de la matiere qui s'étoit séparée & vitrifiée à la surface de l'argent ; & on peut assûrer que ce verre n'est point un argent dont les principes ayent été détruits par le feu : c'est plûtôt un composé de cuivre, de plomb, & d'autres matieres étrangeres qui se trouvent presque toûjours dans l'argent.

L'argent est moins ductile que l'or, il l'est plus qu'aucun des autres métaux. Voyez DUCTILITE. Le pouce cube d'argent pese six onces cinq gros & vingt-six grains. Nous venons de considérer l'argent comme métal ou comme production de la nature, nous allons maintenant le considérer comme monnoie.

ARGENT est dans notre langue un terme générique sous lequel sont comprises toutes les especes de signes de la richesse courans dans le commerce ; or, argent monnoyé, monnoies, billets de toute nature, &c. pourvû que ces signes soient autorisés par les lois de l'état. L'argent, comme métal, a une valeur, comme toutes les autres marchandises ; mais il en a encore une autre, comme signe de ces marchandises. Considéré comme signe, le prince peut fixer sa valeur dans quelques rapports, & non dans d'autres ; il peut établir une proportion entre une quantité de ce métal, comme métal, & la même quantité comme signe ; fixer celle qui est entre divers métaux employés à la monnoie ; établir le poids & le titre de chaque piece, & donner à la piece de monnoie la valeur idéale, qu'il faut bien distinguer de la valeur réelle, parce que l'une est intrinseque, l'autre d'institution ; l'une de la nature, l'autre de la loi. Une grande quantité d'or & d'argent est toûjours favorable, lorsqu'on regarde ces métaux comme marchandise ; mais il n'en est pas de même lorsqu'on les regarde comme signes, parce que leur abondance nuit à leur qualité de signe, qui est fondée sur la rareté. L'argent est une richesse de fiction ; plus cette opulence fictice se multiplie, plus elle perd de son prix, parce qu'elle représente moins : c'est ce que les Espagnols ne comprirent pas lors de la conquête du Mexique & du Pérou.

L'or & l'argent étoient alors très-rares en Europe. L'Espagne, maîtresse tout-d'un-coup d'une très-grande quantité de ces métaux, conçut des espérances qu'elle n'avoit jamais eues. Les richesses représentatives doublerent bientôt en Europe, ce qui parut en ce que le prix de tout ce qui s'acheta fut environ du double ; mais l'argent ne put doubler en Europe, que le profit de l'exploitation des mines, considéré en lui-même, & sans égard aux pertes que cette exploitation entraîne, ne diminuât du double pour les Espagnols, qui n'avoient chaque année que la même quantité d'un métal qui étoit devenu la moitié moins précieux. Dans le double de tems l'argent doubla encore, & le profit diminua encore de la moitié ; il diminua même dans une progression plus forte : en voici la preuve que donne l'auteur de l'Esprit des Lois, tom. II. pag. 48. Pour tirer l'or des mines, pour lui donner les préparations requises & le transporter en Europe, il falloit une dépense quelconque. Soit cette dépense comme 1 est à 64. Quand l'argent fut une fois doublé, & par conséquent la moitié moins précieux, la dépense fut comme 2 à 64, cela est évident ; ainsi les flottes qui apporterent en Espagne la même quantité d'or, apporterent une chose qui réellement valoit la moitié moins, & coûtoit la moitié plus. Si on suit la même progression, on aura celle de la cause de l'impuissance des richesses de l'Espagne. Il y a environ deux cens ans que l'on travaille les mines des Indes. Soit la quantité d'argent qui est à-présent dans le monde qui commerce, à la quantité qui y étoit avant la découverte, comme 32 à 1, c'est-à-dire qu'elle ait doublé cinq fois, dans deux cens ans encore la même quantité sera à celle qui étoit avant la découverte, comme 64 à 1, c'est-à-dire qu'elle doublera encore. Or à-présent cinquante quintaux de minerai pour l'or, donnent quatre, cinq & six onces d'or ; & quand il n'y en a que deux, le mineur ne retire que ses frais. Dans deux cens ans, lorsqu'il n'y en aura que quatre, le mineur ne tirera aussi que ses frais : il y aura donc peu de profit à tirer sur l'or. Même raisonnement sur l'argent, excepté que le travail des mines d'argent est un peu plus avantageux que celui des mines d'or. Si l'on découvre des mines si abondantes qu'elles donnent plus de profit, plus elles seront abondantes, plûtôt le profit finira. Si les Portugais ont en effet trouvé dans le Brésil des mines d'or & d'argent très-riches, il faudra nécessairement que le profit des Espagnols diminue considérablement, & le leur aussi. J'ai oüi déplorer plusieurs fois, dit l'auteur que nous venons de citer, l'aveuglement du conseil de François premier, qui rebuta Christophe Colomb qui lui proposoit les Indes. En vérité, continue le même auteur, on fit peut-être par imprudence une chose bien sage. En suivant le calcul qui précede sur la multiplication de l'argent en Europe, il est facile de trouver le tems où cette richesse représentative sera si commune qu'elle ne servira plus de rien ; mais quand cette valeur sera réduite à rien, qu'arrivera-t-il ? précisément ce qui étoit arrivé chez les Lacédémoniens lorsque l'argent ayant été précipité dans la mer, & le fer substitué à sa place, il en falloit une charretée pour conclure un très-petit marché. Ce malheur sera-t-il donc si grand ? & croit-on que quand ce signe métallique sera devenu, par son volume, très-incommode pour le commerce, les hommes n'ayent pas l'industrie d'en imaginer un autre ? Cet inconvénient est de tous ceux qui peuvent arriver, le plus facile à réparer. Si l'argent est également commun par-tout, dans tous les royaumes ; si tous les peuples se trouvent à-la-fois obligés de renoncer à ce signe, il n'y a point de mal : il y a même un bien, en ce que les particuliers les moins opulens pourront se procurer des vaisselles propres, saines & solides. C'est apparemment d'après ces principes, bons ou mauvais, que les Espagnols ont raisonné, lorsqu'ils ont défendu d'employer l'or & l'argent en dorure & autres superfluités ; on diroit qu'ils ont craint que ces signes de la richesse ne tardassent trop long-tems à s'anéantir à force de devenir communs.

Il s'ensuit de tout ce qui précede, que l'or & l'argent se détruisant peu par eux-mêmes, étant des signes très-durables, il n'est presque d'aucune importance que leur quantité absolue n'augmente pas, & que cette augmentation peut à la longue les réduire à l'état des choses communes qui n'ont du prix qu'autant qu'elles sont utiles aux usages de la vie, & par conséquent les dépouiller de leur qualité représentative, ce qui ne seroit peut-être pas un grand malheur pour les petites républiques ; mais pour les grands états c'est autre chose, car on conçoit bien que ce que j'ai dit plus haut est moins mon sentiment, qu'une maniere frappante de faire sentir l'absurdité de l'ordonnance des Espagnols sur l'emploi de l'or & de l'argent en meubles & étoffes de luxe. Mais si l'ordonnance des Espagnols est mal raisonnée, c'est qu'étant possesseurs des mines, on conçoit combien il étoit de leur intérêt que la matiere qu'ils en tiroient s'anéantît & devînt peu commune, afin qu'elle en fût d'autant plus précieuse ; & non précisément par le danger qu'il y avoit que ce signe de la richesse fût jamais réduit à rien à force de se multiplier : c'est ce dont on se convaincra facilement par le calcul qui suit. Si l'état de l'Europe restoit durant encore deux mille ans exactement tel qu'il est aujourd'hui, sans aucune vicissitude sensible ; que les mines du Pérou ne s'épuisassent point & pussent toûjours se travailler, & que par leur produit l'augmentation de l'argent en Europe suivît la proportion des deux cens premieres années, celle de 32 à 1, il est évident que dans dix-sept à dix-huit cens ans d'ici l'argent ne seroit pas encore assez commun pour ne pouvoir être employé à représenter la richesse, car si l'argent étoit deux cens quatre-vingts-huit fois plus commun, un signe équivalent à notre piece de vingt-quatre sous, devroit être deux cens quatre-vingts-huit fois plus grand, ou notre piece de vingt-quatre sous n'équivaudroit alors qu'un signe de deux cens quatre-vingts-huit fois plus petit. Mais il y a deux cens quatre-vingts-huit deniers dans notre piece de vingt-quatre sous ; donc notre piece de vingt-quatre sous ne représenteroit alors que le denier ; représentation qui seroit à la vérité fort incommode, mais qui n'anéantiroit pas encore tout-à-fait dans ce métal la qualité représentative. Or dans combien de tems pense-t-on que l'argent devienne deux cens quatre-vingts-huit fois plus commun, en suivant le rapport d'accroissement de 32 à 1 par deux cens ans ? dans 1800 ans, à compter depuis le moment où l'on a commencé à travailler les mines, ou dans 1600 ans, à compter d'aujourd'hui ; car 32 est neuf fois dans 288, c'est-à-dire que dans neuf fois deux cens ans la quantité d'argent en Europe sera à celle qui y étoit quand on a commencé à travailler les mines, comme 288 à 1. Mais nous avons supposé que dans ce long intervalle de tems, les mines donneroient toûjours également ; qu'on pourroit toûjours les travailler ; que l'argent ne souffroit aucun déchet par l'usage, & que l'état de l'Europe dureroit tel qu'il est sans aucune vicissitude ; suppositions dont quelques-unes sont fausses, & dont les autres ne sont pas vraisemblables. Les mines s'épuisent ou deviennent impossibles à exploiter par leur profondeur. L'argent décheoit par l'usage, & ce déchet est beaucoup plus considérable qu'on ne le pense ; & il surviendra nécessairement dans un intervalle de 2000 ans, à compter d'aujourd'hui, quelques-unes de ces grandes révolutions dans lesquelles toutes les richesses d'une nation disparoissent presqu'entierement, sans qu'on sache bien ce qu'elles deviennent : elles sont, ou fondues dans les embrasemens, ou enfoncées dans le sein de la terre. En un mot, qu'avons-nous aujourd'hui des thrésors des peuples anciens ? presque rien. Il ne faut pas remonter bien haut dans notre histoire, pour y trouver l'argent entierement rare, & les plus grands édifices bâtis pour des sommes si modiques, que nous en sommes aujourd'hui tout étonnés. Tout ce qui subsiste d'anciennes monnoies dispersées dans les cabinets des antiquaires, rempliroit à peine quelques urnes : qu'est devenu le reste ? il est anéanti ou répandu dans les entrailles de la terre, d'où les socs de nos charrues font sortir de tems en tems un Antonin, un Othon, ou l'effigie précieuse de quelqu'autre empereur. On trouvera ce que l'on peut desirer de plus sur cette matiere à l'article MONNOIE. Nous ajoûterons seulement ici que nos Rois ont défendu, sous des punitions corporelles & confiscations, à quelques personnes que ce fût, d'acheter de l'argent monnoyé, soit au coin de France ou autre, pour le déformer, altérer, refondre ou recharger, & que l'argent monnoyé ne paye point de droit d'entrée, mais qu'on ne peut le faire sortir sans passeport.

Argent blanc, se dit de toute monnoie fabriquée de ce métal. Tout notre argent blanc est aujourd'hui écus de six francs, écus de trois livres, pieces de vingt-quatre sous, pieces de douze, & pieces de six.

Argent fin, se dit de l'argent à douze deniers, ou au titre le plus haut auquel il puisse être porté.

Argent bas ou bas argent, se dit de celui qui est plus de six deniers au-dessous du titre de l'argent monnoyé.

Argent faux, se dit de tout ce qui est fait de cuivre rouge, qu'on a couvert à plusieurs fois par le feu, de feuilles d'argent.

Argent tenant or, se dit de l'or qui a perdu son nom & sa qualité pour être allié sur le blanc, & au-dessous de dix-sept karats.

Argent de cendrée ; c'est ainsi qu'on appelle une poudre de ce métal, qui est attachée aux plaques de cuivre mises dans de l'eau-forte, qui a servi à l'affinage de l'or, après avoir été mêlée d'une portion d'eau de fontaine ; cet argent est estimé à douze deniers.

Argent-le-roi ; c'est celui qui est au titre auquel les ordonnances l'ont fixé pour les ouvrages d'Orfévres & de Monnoyeurs. Par l'article 3 de l'édit de Henri II. roi de France, il fut défendu de travailler de l'argent qui ne fût à onze deniers douze grains de fin au remede de deux grains ; aujourd'hui on appelle argent-le-roi celui qui passe à la monnoie & dans le commerce, à cinquante livres un sou onze deniers, & qui est au titre de onze deniers dix-huit grains de fin.

Argent en pâte, se dit de l'argent prêt à être mis en fonte dans le creuset. V. le commencement de cet article.

Argent en bain, se dit de celui qui est en fusion actuelle.

Argent de coupelle ; c'est celui qui est à onze deniers vingt-trois grains.

Argent en lame ; c'est l'argent trait, applati entre deux rouleaux, & disposé à être appliqué sur la soie par le moyen du moulin, ou à être employé tout plat dans les ornemens qu'on fait à plusieurs ouvrages brodés, brochés, &c. Voyez FLEUR D'OR.

Argent trait ; c'est celui qu'on a réduit à n'avoir que l'épaisseur d'un cheveu, en le faisant passer successivement par les trois trous d'une filiere.

Argent filé ou fil d'argent ; c'est l'argent en lame employé, & appliqué sur la soie par le moyen du moulin.

Argent en feuille ou battu ; c'est celui que les Batteurs d'or on réduit en feuilles très-minces, à l'usage des Argenteurs & Doreurs. Voyez BATTEUR D'OR, BATTRE, OR.

Argent en coquille, se dit des rognures même de l'argent en feuilles ou battu ; il est employé par les Peintres & les Argenteurs.

Argent fin fumé, se dit de l'argent fin, soit trait, soit en lame, soit filé, soit battu, auquel on a tâché de donner la couleur de l'or en l'exposant à la fumée ; cette fraude est défendue sous peine de confiscation entiere & deux mille livres d'amende, voyez pour l'intelligence de tous ces articles, TIRER, BATTRE, FILER L'OR.

Argent à la grosse ; c'est la même chose qu'argent mis à la grosse aventure.

Argent de permission ; c'est ainsi qu'on nomme l'argent de change dans la plûpart des Pays-Bas François ou Autrichiens : cet argent est différent de l'argent courant. Les cent florins de permission valent huit cens florins & un tiers courant ; c'est à cette mesure que se réduisent toutes les remises qu'on fait en pays étrangers.

Argent, en Droit, s'entend toûjours de l'argent monnoyé.

Argent, se dit, en Blason, de la couleur blanche dans toute armoirie. Les barons & nobles l'appellent en Angleterre blanche perle ; les princes, lune ; & les héraults disent que sans or & sans argent, il n'y a point de bonnes armoiries. L'argent s'exprime, en Gravure d'armoiries, en laissant le fond tel qu'il est, tout uni & sans hachûre.


ARGENTAC(Géog.) ville de France, dans le Limousin, sur la Dordogne. Long. 19. 33. latit. 45. 5.


ARGENTAN(Géog.) ville de France, dans la basse Normandie, au diocese de Séez, sur les bords de l'Orne. Long. 17. 35. lat. 48. 54.


ARGENTÉadj. (Manége.) gris argenté, nom d'un poil de cheval. Voyez GRIS. (V)


ARGENTERv. act. c'est appliquer & fixer des feuilles d'argent sur des ouvrages en fer, en cuivre, ou d'autres métaux, en bois, en pierre, en écaille, sur la toile, sur le papier, &c. pour faire paroître ces ouvrages en tout ou en partie, comme s'ils étoient d'argent.

L'argenture sur les métaux differe totalement de l'argenture sur les autres matieres. Pour la premiere on fait usage du feu ; au lieu qu'aux autres manieres d'argenter, on se sert seulement de quelques matieres glutineuses qui prennent sur les feuilles d'argent & sur les pieces qu'on veut argenter.

Pour argenter sur fer ou sur cuivre, il y a plusieurs opérations que nous allons décrire dans l'ordre qu'elles doivent se faire.

La premiere, c'est d'émorfiler ; émorfiler un ouvrage, c'est, quand il a été fait au tour, en enlever le morfil ou les vives arêtes ; ce qui s'exécute avec des pierres à polir, & par les apprentifs.

La seconde, c'est de recuire. Quand les pieces sont bien émorfilées, les recuire, c'est les faire rougir dans le feu, pour les plonger, après qu'elles sont un peu refroidies, dans de l'eau seconde, où on les laisse séjourner un peu de tems.

La troisieme, c'est de les poncer ; les poncer, c'est après qu'elles ont été recuites, les éclaircir en les frottant à l'eau avec une pierre ponce.

La quatrieme consiste à faire rechauffer médiocrement la piece éclaircie, & à la replonger dans l'eau seconde. Elle sera chaude au degré suffisant pour être plongée, si l'ébullition qu'elle causera dans l'eau, en y entrant, est accompagnée d'un peu de bruit. Le but de cette quatrieme opération est de disposer la piece, en lui donnant de petites inégalités insensibles, à prendre plus fermement les feuilles d'argent qui doivent la couvrir.

Lorsqu'on veut que l'argenture soit solide & durable, on fait succéder l'opération dont je vais parler, à celle qui précede. Cette opération qui sera la cinquieme consistera à hacher les pieces, c'est-à-dire à y pratiquer un nombre prodigieux de traits en tout sens. Ces traits s'appellent des hachures ; & ils se font avec le tranchant d'un couteau d'acier, dont la forme & la grandeur sont proportionnées aux différentes parties de l'ouvrage à hacher. Les Fig. 11, 12, 14, de la Planche de l'Argenteur, représentent trois sortes de couteaux à hacher, & la figure premiere de la même Planche est celle d'une femme qui tient une piece d'ouvrage de la main gauche, & qui la hache de la main droite.

La sixieme opération consiste à bleuir les pieces hachées. Pour cet effet on les fait rechauffer, pour ne plus les laisser refroidir qu'elles ne soient achevées. Cette opération s'appelle bleuir, parce que le degré de chaleur qu'il convient de donner, est celui qui change en bleu la surface de la piece qui étoit auparavant d'une belle couleur jaune, si c'étoit du cuivre.

Mais comme les pieces doivent être chaudes dans tout le reste du travail, on est obligé de les monter sur des tiges ou sur des chassis de fer, qu'on appelle mandrins. Il y a des mandrins d'une infinité de formes & de grandeurs différentes, selon le besoin & les différentes sortes d'ouvrages qu'il faut argenter. S'il s'agit, par exemple, d'argenter une piece plate, telle qu'une assiette, on la montera sur le mandrin à chassis ou à coulisse, qu'on voit fig. 15. Si c'est au contraire un pié de chandelier, ou autre piece semblable percée d'un trou, on y fait passer une broche de fer, terminée par une vis, sur laquelle broche on fixe l'ouvrage par le moyen d'un écrou. Cette broche qui se peut mettre dans un étau, quand il en est besoin, s'appelle aussi un mandrin. Il n'y a guere de ressemblance entre la forme de ce mandrin & celle du mandrin précédent : mais l'usage tant absolument le même, on n'a pas fait deux noms, & l'on a eu raison. On distingue seulement ces outils par ceux des pieces auxquelles ils doivent servir ; ainsi on dit : mandrin à aiguierre, mandrin à assiette, mandrin à plat, mandrin à chandelier, &c.

Les feuilles d'argent dont on se sert ici pour argenter, ont cinq pouces en quarré. Quarante-cinq de ces feuilles pesent un gros : on commence par en appliquer deux à la fois sur les pieces chaudes que l'on veut argenter. Cette opération est la septieme ; elle consiste proprement à argenter, mais elle s'appelle charger : on prend les feuilles d'argent de la main gauche, avec les pinces que l'on voit fig. 13. & qu'on appelle bruxelles : on tient de l'autre main un brunissoir d'acier représenté séparément fig. 8. & 9. Ce brunissoir s'appelle brunissoir à ravaler : l'action de ravaler consiste à presser avec cet instrument les feuilles appliquées contre la piece en les frottant. Cette opération est représentée fig. 2.

On a des brunissoirs à ravaler de différentes formes & grandeurs, pour servir aux différentes parties des ouvrages, ils sont les uns droits, les autres courbes ; mais tous d'un bon acier bien trempé, très-polis, & parfaitement arrondis par leurs angles, de maniere qu'ils puissent aller & venir sur l'ouvrage sans y faire des raies : ils sont aussi emmanchés de bois ; ce manche de bois est un bâton cylindrique, de longueur & grosseur convenable, garni d'une frette de cuivre par le bout, & percé dans toute sa longueur d'un trou dans lequel est cimentée la tige du brunissoir : la frette empêche le manche de fendre, ou en contient les parties quand il est fendu.

S'il arrivoit que la piece eût été trop frappée de feu dans quelques endroits, on la grattebosseroit : grattebosser une piece, c'est en emporter avec un instrument de laiton appellé grattebosse, une poussiere noire qui s'est formée à sa surface : cela fait, on continue d'appliquer des feuilles ou de charger comme auparavant.

Il est à-propos de savoir qu'on travaille deux pieces à la fois, & que tandis que l'une chauffe, on opere sur l'autre, soit quand on charge, soit quand on brunit. On entend, comme on voit, par charger, la même chose que par appliquer.

Après que la piece est chargée de deux feuilles d'argent, on la fait rechauffer à-peu-près au même degré de chaleur qu'elle avoit auparavant ; puis on la reprend, & on lui applique quatre feuilles d'argent à la fois ; ces quatre feuilles deviennent adhérentes entre elles & aux deux premieres ; & pour égaliser partout cette adhérence, on passe sur cette seconde application ou charge un brunissoir à brunir. Les brunissoirs à brunir sont d'acier ; il y en a de différentes grandeurs & figures ; ils ne different de ceux à ravaler, que par la longueur de leur manche. Voyez en deux différentes formes, fig. 6. & 7.

Cette premiere brunissure ne se donne point à fond. comme celle qui doit terminer l'ouvrage, & que nous expliquerons plus bas. On continue de charger quatre à quatre feuilles, ou six à six, jusqu'à ce qu'on en ait mis les unes sur les autres, jusqu'à trente, quarante, cinquante, soixante, selon que l'on veut donner à la piece une argenture plus durable & plus belle.

Lorsque les pieces sont autant chargées qu'on le veut, on les brunit à fond ; c'est la derniere opération. Le travail de l'argenture se finit avec les brunissoirs représentés fig. 6. & 7. & par l'opération à laquelle on voit la fig. 3. occupée : c'est un ouvrier qui tient le brunissoir de la main droite par le manche ; & de la main gauche, près du fer, la droite tend à élever le manche, la gauche à baisser le fer ; d'où il arrive que celle-ci fait point d'appui, & que l'autre extrémité du brunissoir est fortement appuyée contre la piece. L'ouvrier fait aller & venir cette extrémité sur toute l'argenture, & l'ouvrage est achevé.

Nous renvoyons à l'article DORURE, l'argenture des métaux, sur bois, sur toile, &c. parce qu'elle se fait de la même maniere que leur dorure.

On desargente en faisant chauffer la piece argentée, & la trempant dans l'eau seconde ; la faisant chauffer, & la trempant de rechef, jusqu'à ce que l'eau ait pris toute l'argenture ; on pratique cette opération quand il s'agit de fondre des pieces, ou de les réargenter ; dans le cas où il s'agit de les réargenter, il ne faut pas laisser séjourner pendant long-tems la piece dans l'eau seconde, sur la fin sur-tout de l'opération ; car l'eau seconde prendroit infailliblement sur le corps de la piece, & y formeroit des inégalités quand on la réargenteroit ; ce qui donneroit à sa surface un air raboteux & désagréable.


ARGENTEURS. m. ouvrier dont l'art est d'appliquer de l'argent en feuilles sur quelques ouvrages ou en bois ou en fer, ou en d'autres métaux, ou sur le papier. Les Argenteurs font un corps assez considérable à Paris. Leurs statuts sont de Charles IX. ils ont pour fête la Sainte-Eloy, & leur chapelle est aux grands-Augustins.


ARGENTIERS. m. (Commerce.) dans les anciennes Ordonnances, est le nom qu'on donnoit à ceux qui se mêloient du commerce de l'argent, comme les Banquiers, les Changeurs.

ARGENTIER, (Hist. mod.) signifioit aussi autrefois en France le surintendant des finances du roi. Le fameux Jacques Coeur étoit argentier du roi Charles VII. (G)


ARGENTIERE(L ') petite ville de France en Languedoc, dans le Vivarais. Long. 21. 55. lat. 44. 30.

* ARGENTIERE, (l ') Géog. petite île de l'Archipel, proche celle de Milo. Elle a été ainsi nommée de ses mines d'argent auxquelles on ne travaille point. Long. 42. 40. lat. 36. 50.


ARGENTINEplante qui doit être rapportée au genre des pentaphylloïdes. Voyez PENTAPHYLLOÏDES. (I)

* Sa racine est noirâtre, astringente, tantôt simple, tantôt fibreuse. Ses feuilles sont conjuguées, semblables à celles de l'aigremoine, composées de plusieurs grands lobes, obtus & dentelés profondément vers les bords, entremêlés d'autres lobes plus petits. Ses feuilles sont vertes par-dessus, & garnies par-dessous de petits poils blancs argentins. Ses fleurs naissent seule à seule de l'aisselle des feuilles qui embrassent les petites tiges par leurs appendices ; elles sont portées sur de longs pédicules velus, & composées de cinq pétales jaunes. Leur calice est d'une seule piece divisée en cinq parties pointues, entre lesquelles il y en a cinq autres plus petites ; elles renferment plusieurs étamines garnies de leurs sommets de même couleur. Le pistil se change en une tête sphérique de trois lignes de diametre, couverte de plusieurs petites graines arrondies, jaunâtres, & semblables à celles du pavot. Elle est commune dans les lieux humides, le long des chemins, sur le bord des rivieres ; elle trace par des jets comme le fraisier. Sa racine, ses feuilles, & sa graine, sont d'usage en Medecine.

Distillée fraîche au bain-marie, elle donne un flegme limpide, insipide & sans odeur ; une liqueur limpide, obscurément acide, puis manifestement acide, enfin fort acide. Ce qui est resté dans l'alembic, distillé à la cornue, a donné une liqueur roussâtre, soit acide, soit austere, soit alkaline urineuse ; une liqueur rousse empyreumatique, urineuse, remplie de beaucoup de sel volatil urineux ; du sel volatil urineux concret, & de l'huile de la consistance du beurre. La masse noire restée dans la cornue, a donné, après une calcination de treize heures au feu de reverbere, des cendres noirâtres, dont on a tiré par la lixiviation du sel fixe alkali.

Toute la plante a un goût d'herbe un peu salé & styptique. Son suc rougit le papier bleu ; d'où il est clair qu'elle est composée d'un sel ammoniacal & un peu alumineux & vitriolique, uni avec une huile épaisse. Elle passe pour rafraîchissante, astringente, dessicative, repercussive, & fortifiante. On la met au rang des plantes vulnéraires, astringentes ; & en effet elle arrête toute sorte d'hémorrhagies. On la prescrit utilement dans le crachement de sang, dans les pertes de sang, & dans les hémorrhoïdes. On lui attribue encore la vertu de soulager dans la diarrhée & les flux de sang. Geoff. mat. méd.


ARGENTINUSS. m. (Mythol.) dieu de l'argent, fils de la déesse Pecunia.


ARGENTO(Géog.) riviere de la Turquie en Europe ; elle coule dans l'Albanie & se jette dans le golfe de Venise.


ARGENTON(Géog.) ville & contrée de France, dans le duché de Berri, divisée en deux par la Creuse ; l'une de ces parties est appellée la haute ville, & l'autre la ville basse. Long. 19. 10. lat. 40. 30.


ARGENTON-LE-CHATEAUpetite ville de France en Poitou, généralité de Poitiers.


ARGENTORriviere de France dans l'Angoumois, formée de deux ruisseaux, l'un nommé argent, l'autre or ; elle se jette dans la Charente, au village de Porsac.


ARGENTURES. f. se prend en deux sens différens ; ou pour l'art d'appliquer des feuilles d'argent sur quelque corps, ou pour les feuilles mêmes appliquées. Voyez l'art de l'argenture à l'article ARGENTER. Quant à l'argenture prise dans le second sens, il faut qu'elle soit forte, fortement appliquée, égale par-tout, bien unie. Le but de cette façon est de donner l'apparence de l'argent à ce qui n'en est pas ; si donc on apperçoit à l'oeil, dans la piece argentée, quelque différence d'avec une pareille piece qui seroit d'argent, l'argenture est mal faite ; elle est mauvaise si elle est inégale, mal adhérente, legere, & raboteuse, & si l'argent est mauvais.


ARGIAou ARREGIAN, ville du Chulistan, province de Perse ; elle est sur la riviere de Sirt, proche du golfe de Balsora.


ARGIENNou ARGOLIQUE, (Myth.) surnom de Junon. Voyez CANATHO.


ARGILEvoyez ARGYLE.


ARGILLEargilla, s. f. (Hist. nat. foss.) terre pesante, compacte, grasse, & glissante. L'argille a de la ténacité & de la ductilité lorsqu'elle est humide, mais elle devient dure en séchant, & ce changement de consistance n'en desunit point les parties ; c'est pourquoi cette terre est propre à différens usages. On en fait des vases de toute espece, des tuiles, des briques, des carreaux, des modeles de sculpture, &c. car on peut lui donner toutes sortes de formes lorsqu'elle est molle, & elle les conserve après avoir été durcie au feu. Dans cet état elle résiste à l'humidité ; & si on pousse le feu à un certain point, on la vitrifie. Il y auroit pour ainsi dire une infinité d'especes d'argille, si on vouloit les distinguer par les couleurs ; il y a des argilles blanches, jaunes, grises, rousses, bleues, noires, &c. on en voit qui sont veinées comme les marbres. L'argille se trouve partout, mais à différentes profondeurs ; elle sert de base à la plûpart des rochers. C'est une matiere des plus abondantes & des plus utiles que nous connoissions.

M. de Buffon a prouvé que l'argille forme une des principales bouches du globe terrestre ; & il a traité cette matiere dans toute son étendue. C'est en réfléchissant sur la nature de cette terre, qu'il en découvre l'origine, & qu'il fait voir que sa situation dans le globe est une preuve de l'explication qu'il donne de la formation du globe. Comme cette explication fait partie de la Théorie de la terre, que M. de Buffon nous a donnée dans le premier volume de l'Hist. nat. géner. & part. avec la descrip. du cabinet du Roi, il faudroit pour la bien entendre avoir une idée suivie de l'ensemble de cet ouvrage. Nous ne pouvons rapporter ici que ce qui a un rapport immédiat avec l'argille.

Les sables, dit M. de Buffon, dont les parties constituantes s'unissent par le moyen du feu, s'assimilent & deviennent un corps dur, très-dense, & d'autant plus transparent que le sable est plus homogene ; exposés au contraire long-tems à l'air, ils se décomposent par la desunion & l'exfoliation des petites lames dont ils sont formés, ils commencent à devenir terre, & c'est ainsi qu'ils ont pû former les terres & les argilles. Cette poussiere, tantôt d'un jaune brillant, tantôt semblable à des paillettes d'argent, dont on se sert pour sécher l'écriture, n'est autre chose qu'un sable très-pur, en quelque façon pourri, presque réduit en ses principes, & qui tend à une décomposition parfaite ; avec le tems les paillettes se seroient atténuées & divisées au point qu'elles n'auroient plus eu assez d'épaisseur & de surface pour réfléchir la lumiere, & elles auroient acquis toutes les propriétés des glaises. Qu'on regarde au grand jour un morceau d'argille, on y appercevra une grande quantité de ces paillettes talqueuses qui n'ont pas encore entierement perdu leur forme. Le sable peut donc avec le tems produire l'argille ; & celle-ci en se divisant, acquiert de même les propriétés d'un véritable limon, matiere vitrifiable comme l'argille, & qui est du même genre.

Cette théorie est conforme à ce qui se passe tous les jours sous nos yeux. Qu'on lave du sable sortant de sa miniere, l'eau se chargera d'une assez grande quantité de terre noire, ductile, grasse, de véritable argille. Dans les villes où les rues sont pavées de grès, les boues sont toûjours noires & très-grasses ; & desséchées, elles forment une terre de la même nature, que l'argille. Qu'on détrempe & qu'on lave de même l'argille prise dans un terrein où il n'y a ni grès ni caillous, il se précipitera toûjours au fond de l'eau une assez grande quantité de sable vitrifiable.

Mais ce qui prouve parfaitement que le sable, & même le caillou & le verre existent dans l'argille, & n'y sont que déguisés, c'est que le feu en réunissant les parties de celui-ci, que l'action de l'air & des autres élémens avoit peut-être divisées, lui rend sa premiere forme. Qu'on mette de l'argille dans un fourneau de reverbere échauffé au degré de la calcination, elle se couvrira au dehors d'un émail très-dur ; si à l'intérieur elle n'est pas encore vitrifiée, elle aura cependant acquis une très-grande dureté, elle résistera à la lime & au burin ; elle étincellera sous le marteau ; elle aura toutes les propriétés du caillou. Un degré de chaleur de plus la fera couler, & la convertira en un véritable verre.

L'argille & le sable sont donc des matieres parfaitement analogues & du même genre. Si l'argille en se condensant peut devenir du caillou, du verre, pourquoi le sable en se divisant ne pourroit-il pas devenir de l'argille. Le verre paroît être la véritable terre élémentaire, & tous les mixtes un verre déguisé. Les métaux, les minéraux, les sels, &c. ne sont qu'une terre vitrescible. La pierre ordinaire, les autres matieres qui lui sont analogues, & les coquilles des testacées, des crustacées, &c. sont les seules substances qu'aucun agent connu n'a pû jusqu'à présent vitrifier, & les seules qui semblent faire une classe à part. Le feu en réunissant les parties divisées des premieres, en fait une matiere homogene, dure & transparente à un certain degré, sans aucune diminution de pesanteur, & à laquelle il n'est plus capable de causer aucune altération. Celles-ci au contraire, dans lesquelles il entre une plus grande quantité de principes actifs & volatils, & qui se calcinent, perdent au feu plus du tiers de leur poids, & reprennent simplement la forme de terre, sans aucune altération que la desunion de leurs principes. Ces matieres exceptées, qui ne sont pas en bien en grand nombre, & dont les combinaisons ne produisent pas de grandes variétés dans la nature ; toutes les autres substances, & particulierement l'argille, peuvent être converties en verre, & ne sont essentiellement par conséquent qu'un verre décomposé. Si le feu fait changer promptement de forme à ces substances en les vitrifiant, le verre lui même, soit qu'il ait sa nature de verre, ou bien celle de sable & de caillou, se change naturellement en argille, mais par un progrès lent & insensible.

Dans les terreins où le caillou ordinaire est la pierre dominante, les campagnes en sont ordinairement jonchées ; & si le lieu est inculte, & que ces caillous ayent été long-tems exposés à l'air, sans avoir été remués, leur superficie supérieure est toûjours très-blanche, tandis que le côté opposé qui touche immédiatement la terre, est très-brun, & conserve sa couleur naturelle. Si on casse plusieurs de ces caillous, on reconnoîtra que la blancheur n'est pas seulement en-dehors ; mais qu'elle pénetre dans l'intérieur plus ou moins profondément, & y forme une espece de bande qui n'a dans de certains caillous que très-peu d'épaisseur, mais qui dans d'autres occupe presque toute celle du caillou ; cette partie blanche est un peu grenue, entierement opaque, aussi tendre que la pierre ; & elle s'attache à la langue comme les bols, tandis que le reste du caillou est lisse & poli, qu'il n'a ni fil ni grain, & qu'il a conservé sa couleur naturelle, sa transparence, & sa même dureté. Si on met dans un fourneau ce même caillou à moitié décomposé, sa partie blanche deviendra d'un rouge couleur de tuile, & sa partie brune d'un très-beau blanc. Qu'on ne dise pas avec un de nos plus célebres naturalistes, que ces pierres sont des caillous imparfaits de différens âges, qui n'ont pas encore acquis leur perfection. Car pourquoi seroient-ils tous imparfaits ? pourquoi le seroient-ils tous du même côté ? pourquoi tous du côté exposé à l'air ? Il me semble qu'il est aisé de se convaincre que ce sont au contraire des caillous altérés, décomposés, qui tendent à reprendre la forme & les propriétés de l'argille & du bol dont ils ont été formés. Si c'est conjecturer que de raisonner ainsi, qu'on expose en plein air le caillou le plus caillou (comme parle ce fameux naturaliste), le plus dur & le plus noir, en moins d'une année il changera de couleur à la surface ; & si on a la patience de suivre cette expérience, on lui verra perdre insensiblement & par degré sa dureté, sa transparence, & ses autres caracteres spécifiques, & approcher de plus en plus chaque jour de la nature de l'argille.

Ce qui arrive au caillou, arrive au sable. Chaque grain de sable peut être considéré comme un petit caillou, & chaque caillou comme un amas de grains de sable extrèmement fins & exactement engrenés. L'exemple du premier degré de décomposition du sable se trouve dans cette poudre brillante, mais opaque, mica, dont nous venons de parler, & dont l'argille & l'ardoise sont toûjours parsemées : les caillous entierement transparens, les quartz, produisent en se décomposant des sables gras & doux au toucher ; aussi pétrissables & ductiles que la glaise, & vitrifiables comme elle, tels que ceux de Venise & de Moscovie ; & il me paroît que le talc est un terme moyen entre le verre ou le caillou transparent & l'argille ; au lieu que le caillou grossier & impur en se décomposant passe à l'argille sans intermede.

Notre verre factice éprouve aussi la même altération ; il se décompose à l'air, & se nourrit en quelque façon en séjournant dans les terres. D'abord la superficie s'irise, s'écaille, s'exfolie, & en le maniant on s'apperçoit qu'il s'en détache des paillettes brillantes : mais lorsque sa décomposition est plus avancée, il s'écrase entre les doigts, & se réduit en poudre talqueuse très-blanche & très-fine. L'art a même imité la nature par la décomposition du verre & du caillou. Est etiam certa methodus solius aquae communis ope, silices & arenam in liquorem viscosum, eumdemque in sal viride convertendi ; & hoc in oleum rubicundum, &c. solius ignis & aquae ope speciali experimento durissimos quosque lapides in mucorem resolvo, qui distillatus subtilem spiritum exhibet, & oleum nullis laudibus praedicabile. Bech. Physic. subterr.

Les différentes couches qui couvrent le globe terrestre, étant encore actuellement ou de matieres que nous pourrons considérer comme vitrifiables, ou de matieres analogues au verre, qui en ont les propriétés les plus essentielles, & qui toutes sont vitrescibles ; & comme il est évident d'ailleurs que de la décomposition du caillou & du verre, qui se fait chaque jour sous nos yeux, il résulte une véritable terre argilleuse ; ce n'est donc pas une supposition précaire ou gratuite, que d'avancer, que les glaises, les argilles & les sables ont été formés par des scories & des écumes vitrifiées du globe terrestre, surtout quand on y joint les preuves à priori, qu'il a été dans un état de liquéfaction causée par le feu. Voyez Hist. nat. tom. I. pag. 259. (I)


ARGINUSES(Géog.) petite ville de Grece, à la vûe de laquelle les Athéniens conduits par Conon, vainquirent les Lacédémoniens, commandés par Callicratidas, qui périt dans cette action.


ARGIPPÉENSS. m. pl. (Hist.) anciens peuples de la Sarmatie, qui, si l'on en croit Herodote, naissoient chauves, avoient le menton large, peu de nez, & le son de la voix différent de celui des autres hommes, ne vivoient que de fruits, & ne faisoient jamais la guerre à leurs voisins, qui touchés de respect pour eux, les prenoient souvent pour arbitres de leurs différends.


ARGOS. m. (Myth.) nom du vaisseau célebre dans les Poëtes, qui transporta en Colchide l'élite de la jeunesse Greque, pour la conquête de la toison d'or. Voyez ARGONAUTES.

Les Critiques sont partagés sur l'origine de ce nom, que les uns tirent d'un certain Argus, qui donna le dessein de ce navire & le construisit ; d'autres de sa vîtesse & de sa legereté par antiphrase du grec , qui signifie lent & paresseux ; ou de sa figure longue, & du mot arco, dont les Phéniciens se servoient pour nommer leurs vaisseaux longs. Quelques-uns l'ont fait venir de la ville d'Argos où il fut bâti ; & d'autres enfin des Argiens qui le monterent, selon ce distique rapporté par Cicéron, I. Tuscul.

Argo, quia Argivi in eâ delecti viri

Vecti, petebant pellem inauratam arietis.

Ovide appelle ce navire sacram Argum, parce que, selon lui, ce fut Minerve qui en donna le plan & qui présida à sa construction ; peut-être encore parce que sa proue étoit formée d'un morceau de bois coupé dans la forêt de Dodone, & qui rendoit des oracles, ce qui lui fit aussi donner le nom de loquax. Voyez ORACLE & DODONE. Jason ayant heureusement achevé son entreprise, consacra à son retour le navire Argo à Neptune, ou selon d'autres à Minerve dans l'isthme de Corinthe, où il ne fut pas long-tems sans être placé au ciel & changé en constellation. Tous les auteurs s'accordent à dire que ce vaisseau étoit de forme longue comme nos galeres, & qu'il avoit vingt-cinq à trente rames de chaque côté. Le scholiaste d'Appollonius remarque que ce fut le premier bâtiment de cette forme. Ce qu'atteste aussi Pline après Philostephane. Longâ nave Jasonem primum navigasse Philostephanus auctor est. Hist. nat. lib. VII. cap. xxxvj. Une circonstance prouve qu'il ne pouvoit pas être d'un volume bien vaste, c'est que les Argonautes le porterent sur leurs épaules, depuis le Danube jusqu'à la mer Adriatique. Mais pour diminuer le merveilleux de cette aventure, il est bon de se ressouvenir de la force prodigieuse que les Poëtes attribuent aux hommes des tems héroïques.

Quant aux oracles qu'on prétend que rendoit le navire Argo, M. Pluche dans son histoire du ciel explique ainsi la chose. Quand les Colques ou habitans de la Colchide avoient ramassé de l'or dans le Phase, " il falloit rappeller le peuple à un travail plus nécessaire, tel qu'étoit celui de filer le lin & de fabriquer les toiles. On changeoit d'affiche : l'Isis qui annonçoit l'ouverture du travail des toiles, prenoit dans sa main une navette, & prenoit le nom d'argonioth, le travail de navettes. Quand les Grecs qui alloient faire emplette de cordes ou de toiles dans la Colchide vouloient prononcer ce nom, ils disoient argonaus, qui dans leur langue signifioit le navire Argo. S'ils demandoient aux Colques ce que c'étoit que cette barque dans la main d'Isis (car en effet la navette des Tisserands a la figure aussi-bien que le nom d'une barque) les Colques répondoient apparemment que cette barque servoit à régler le peuple ; que chacun la consultoit, & qu'elle apprenoit ce qu'il falloit faire. Voilà, ajoûte-t-il, le premier fondement de la fable du vaisseau Argo, qui rendoit des réponses à tous ceux qui venoient le consulter ". Hist. du ciel, tom. I. pag. 327. (G)

ARGO, le navire Argo ou le vaisseau des Argonautes, sub. m. C'est ainsi que les Astronomes appellent une constellation ou un assemblage d'étoiles fixes dans l'hémisphere méridional. Ces étoiles sont dans le catalogue de Ptolomée au nombre de huit, dans celui de Tycho au nombre de onze ; dans le catalogue Britannique au nombre de vingt-cinq, avec leurs longitudes, latitudes, grandeurs, &c, (O)


ARGONAUTESS. m. pl. (Mythol.) c'est ainsi qu'on appella les princes Grecs, qui entreprirent de concert d'aller en Colchide conqurir la toison d'or, & qui s'embarquerent pour cet effet sur le navire Argo, d'où ils tirerent leur nom. On croit qu'ils étoient au nombre de cinquante-deux ou de cinquante-quatre, non compris les gens qui les accompagnoient. Jason étoit leur chef, & l'on compte parmi les principaux, Hercule, Castor & Pollux, Laerte pere d'Ulysse, Oïlée pere d'Ajax, Pelée pere d'Achille, Thesée & son ami Pirithoüs. Ils s'embarquerent au Cap de Magnesie en Thessalie ; ils allerent d'abord à Lemnos, de-là en Samothrace ; ils entrerent ensuite dans l'Hellespont, & côtoyant l'Asie mineure, ils parvinrent par le Pont-Euxin jusqu'à Aea capitale de la Colchide ; d'où, après avoir enlevé la toison d'or, ils revinrent dans leur patrie après avoir surmonté mille dangers. Cette expédition précéda de trente-cinq-ans la guerre de Troie, selon quelques-uns, & selon d'autres de quatre-vingts-dix ans. A l'égard de l'objet qui attira les Argonautes dans la Colchide, les sentimens sont partagés. Diodore de Sicile croit que cette toison d'or tant prônée, n'étoit que la peau d'un mouton que Phrixus avoit immolé, & qu'on gardoit très-soigneusement, à cause qu'un oracle avoit prédit que le roi seroit tué par celui qui l'enleveroit. Strabon & Justin pensoient que la fable de cette toison étoit fondée sur ce qu'il y avoit dans la Colchide des torrens qui rouloient un sable d'or, qu'on ramassoit avec des peaux de mouton, ce qui se pratique encore aujourd'hui vers le Fort-Louis, où la poudre d'or se recueille avec de semblables toisons, lesquelles quand elles en sont bien remplies peuvent être regardées comme des toisons d'or. Varron & Pline prétendent que cette fable tire son origine des belles laines de ce pays, & que le voyage qu'avoient fait quelques marchands Grecs pour en acheter avoit donné lieu à la fiction. On pourroit ajoûter que comme les Colques faisoient un grand commerce de peaux de marte & d'autres pelleteries précieuses, ce fut peut-être là le motif du voyage des Argonautes. Palephate a imaginé, on ne sait sur quel fondement, que sous l'emblème de la toison d'or on avoit voulu parler d'une belle statue d'or que la mere de Pelops avoit fait faire, & que Phrixus avoit emportée avec lui dans la Colchide. Enfin Suidas croit que cette toison étoit un livre en parchemin, qui contenoit le secret de faire de l'or, digne objet de l'ambition, ou plûtôt de la cupidité non-seulement des Grecs, mais de toute la terre ; & cette opinion que Tollius a voulu faire revivre, est embrassée par tous les Alchimistes. Hist. des Argon. par M. l'abbé Banier. Mém. de l'académie des Belles-Lettres, tom. XII. (G)


ARGONN(L '), Géog. contrée de France, entre la Meuse, la Marne, & l'Aine. Sainte-Menehould en est la capitale.


ARGOREUou DIEU DU MARCHé, (Myth.) surnom de Mercure, sous lequel il avoit une statue à Pharès en Achaïe. Cette statue, dit Pausanias, rendoit des oracles ; elle étoit de marbre, de médiocre grandeur, de figure quarrée, debout à terre, sans pié d'estal.


ARGOSTOLI(Géog.) port de l'île de Céphalonie, vis-à-vis de l'Albanie, le meilleur de l'île.


ARGOTS. f. (Jardinage.) se dit de l'extrémité d'une branche morte, qui étant desagréable à la vûe, demande à être coupée près de la tige. On en voit beaucoup dans les pépinieres sur les arbres greffés en écusson. (K)


ARGOUDANS. m. sorte de coton qui se recueille en différens endroits de la Chine, & dont les habitans de Canton font trafic avec ceux de l'île de Haynan.


ARGOUSINS. m. (Marine.) c'est un bas officier de galere, qui a soin d'ôter ou de remettre les chaînes aux forçats, & qui veille sur eux pour empêcher qu'ils ne s'échappent. (Z)


ARGOW(L ') pays de Suisse sur l'Aar, dont il tire son nom.


ARGUES. f. machine à l'usage des Tireurs d'or ; lorsque le lingot qu'on destine aux Fileurs d'or a été fondu, examiné pour le titre, & divisé par le forgeur en trois parties égales, aussi rondes qu'il est possible de le faire sur l'enclume ; chacune de ces parties va au laboratoire pour être passée à l'argue. L'effet de l'argue est de les étirer en un fil plus rond & plus menu, par le moyen d'une filiere, jusqu'à ce qu'elles soient réduites en une grosseur convenable, & telle que deux hommes puissent après cela les degrossir. Voyez à l'article TIRER L'OR, ce que c'est que degrossir ; & Planche I. vignette premiere du Tireur d'or, l'argue représentée, avec des ouvriers qui y travaillent. 1, 2, est une solive qui soûtient la partie supérieure du moulinet ou de l'arbre de l'argue, par le moyen d'un cercle de fer à pattes & à clavettes, 3, 4, qui est fixé sur cette solive, d'où partent deux tenons qui traversent les pattes du cercle, & qui sont traversés par les clavettes. 5 partie inférieure du moulinet, dont le tourillon se meut dans la piece de bois 6, 7, 8, 9 ; 8, 9 ; 8, 9 ; 8, 9 bras du moulinet auxquels sont appliqués des ouvriers. Ces ouvriers, en faisant tourner l'arbre du moulinet, forcent la corde à s'enrouler sur cet arbre ; mais la corde fixée par un de ses bouts en a, & passant sur la poulie ou moufle b, ne peut s'enrouler sur l'arbre, sans entraîner sur la piece de bois c, d, du côté de l'arbre, la poulie ou moufle b, qui ne peut s'approcher de l'arbre ou du moulinet, sans être suivie de la tenaille e, f à laquelle elle est accrochée par l'anneau de fer f h, qui passe dans un des croisillons de la poulie en h, & dans lequel passent les branches crochues de la tenaille en f. La tenaille suit l'anneau : mais la tenaille tient par sa partie dentée g le fil d'argent l, qui y est d'autant plus serré, que les branches de la tenaille sont plus tirées : mais les branches de la tenaille sont d'autant plus tirées, que le fil a plus de peine à passer dans les trous de la filiere I K placée dans une des échancrures de la piece de bois m n o p, qu'on appelle la tête de l'argue. Telle est la machine & le jeu par lequel on fait passer successivement le fil d'argent par des trous plus petits & plus petits de la filiere qu'on voit même Planche, fig. 13. jusqu'à ce qu'il soit en état d'être dégrossi.


ARGUE ROYAL(L '), c'est un lieu ou bureau public, où les Orfévres & les Tireurs d'or vont faire tirer & dégrossir leurs lingots d'or & d'argent. Ce bureau a été établi pour conserver les droits de marque ; & c'est à même fin qu'il a été défendu aux Orfévres & Tireurs d'or d'avoir dans leurs maisons ou boutiques, ni argue ni autre machine capable de produire le même effet.


ARGUENON(Géog.) petite riviere de France, en Bretagne, qui a sa source près du bourg de Jugon, & se décharge dans la mer de Bretagne, à trois lieues de Saint-Malo.


ARGUERv. act. c'est, en terme de Tireur d'or, passer l'or & l'argent à l'argue pour le dégrossir. Voyez ARGUE & TIREUR D'OR.


ARGUIN(Géog.) île d'Afrique, sur la côte occidentale de la Négritie. Long. 1. lat. 20. 20.


ARGUMENTS. m. en Rhétorique. Ciceron le définit une raison probable qu'on propose pour se faire croire. Ratio probabilis & idonea ad faciendam fidem. Voyez PROBABILITE, SENTIMENT. Les Logiciens le définissent plus scientifiquement : un milieu, qui, par sa connexion avec les deux extrèmes, établit la liaison que ces deux extrèmes ont entr'eux. Voyez MILIEU & EXTREME. On distingue les argumens par rapport à la source d'où ils sont tirés, en argumens tirés de la raison, & argumens tirés de l'autorité. Et par rapport à leur forme, les Rhéteurs aussi-bien que les Logiciens, les divisent en syllogismes, enthymèmes, inductions ou sorites, & dilemmes. Voyez ces mots à leur place.

Un argument en forme est un syllogisme formé selon les regles de la Logique, à laquelle cette espece d'argumentation est principalement affectée. Tous les Rhéteurs, après Aristote, disent que l'enthymème est l'argument de la Rhétorique, parce que c'est la forme de raisonnement la plus familiere aux Orateurs. La Rhétorique n'étant, selon leur définition, que l'art de trouver en chaque sujet des argumens propres à persuader, ils distinguent deux especes principales d'argumens par rapport aux sources qui peuvent les fournir : les uns intrinseques ou artificiels, les autres extrinseques ou naturels. Les argumens intrinseques ou artificiels appellés par les Grecs , & par les Latins insita, sont ceux qui dépendent de l'industrie de l'orateur, & qu'il tire ou de sa propre personne, ou de celle de ses auditeurs, ou du fond même du sujet qu'il traite. L'orateur persuade à l'occasion de sa personne & de ses moeurs, lorsque son discours donne à ses auditeurs une grande idée de sa vertu & de sa probité, parce qu'on ajoûte volontiers foi aux paroles d'un homme prudent, éclairé, & vertueux, sur-tout en matiere douteuse & problématique ; c'est pourquoi Caton regardoit la probité comme la premiere base de l'éloquence : orator vir bonus dicendi peritus. Les argumens qui se tirent de la part de l'auditeur, ont pour but de le porter à quelque passion qui incline son jugement pour ou contre. C'est par-là que l'orateur exerce un empire absolu sur ceux qui l'écoutent, & qu'il peut déterminer le jugement qu'il en sollicite. Cette partie demande une connoissance approfondie des moeurs & des passions. Voyez MOEURS & PASSION.

Enfin les argumens qui naissent du sujet consistent à le faire envisager par son propre fond, sa nature, ses circonstances, ses suites, sa conformité ou son opposition avec d'autres, & de-là ces ressources qu'on nomme lieux communs.

Les argumens naturels ou extrinseques, , que Ciceron appelle assumpta, c'est-à-dire moyens extérieurs, sont ceux qui ne dépendent point de l'orateur, & qu'il trouve, pour ainsi dire, tous faits, comme les arrêts & jugemens, les lois, les preuves par écrit, les registres publics, la déposition des témoins, les procès-verbaux, &c. qui lui fournissent des autorités d'où il tire des conséquences.

Un auteur moderne distingue encore les lieux communs ou chefs d'argumens, par rapport aux trois genres de Rhétorique : 1°. en ceux qui servent à persuader ou à dissuader, & qui sont ordinairement fondés sur des motifs de profit, d'honneur & d'équité : 2°. ceux qui ont pour but la loüange ou le blâme (Voyez PANEGYRIQUE) ; & 3°. ceux qu'on employe pour accuser ou pour défendre. Voyez REFUTATION, ACCUSATION, CONFIRMATION, &c.

ARGUMENT, terme usité pour signifier l'abrégé, le sommaire d'un livre, d'une histoire, d'une piece de théatre. Voyez SOMMAIRE. On a presque perdu l'usage des prologues, qui contenoient pour l'ordinaire l'argument d'une tragédie ou d'une comédie. Les prologues d'un grand nombre de nos opéras sont même totalement étrangers à la piece. (G)

ARGUMENT DIALECTIQUE, en Logique, c'est le nom qu'on donne à des raisonnemens qui sont uniquement probables ; c'est-à-dire qui ne convainquent pas l'esprit, ou qui ne le déterminent pas absolument à l'affirmative ou à la négative d'une question. Voyez DIALECTIQUE & PROBABILITE. (X)

ARGUMENT, argumentum, s. m. terme d'Astronomie ; l'argument de la latitude d'une planete quelconque est l'angle qui mesure la distance de son lieu vrai à son noeud, c'est-à-dire, la distance du point qu'elle occupe dans son orbite, au point où cette orbite coupe l'orbite terrestre. Les degrés de cet angle se comptent suivant l'ordre des signes ; & le noeud dont on prend la distance au lieu vrai, est le noeud ascendant. L'argument de la latitude s'appelle encore argument de l'inclinaison. Voyez INCLINAISON.

Argument menstruel de la latitude de la lune est la distance du vrai lieu de la lune, au vrai lieu du soleil. Voyez LIEU. C'est par l'argument menstruel de la latitude, qu'on trouve la grandeur d'une éclipse, c'est-à-dire, combien il y aura de doigts d'éclipsés de la lune ou du soleil. Voyez ECLIPSE.

Argument de la longitude menstruelle de la lune, ou argument menstruel de la longitude, dans l'Astronomie ancienne, est un arc de son excentrique L P (Planche Astr. fig. 32.) intercepté entre son vrai lieu L, déterminé par une premiere équation, & une ligne droite P Q, tirée par le centre de l'excentrique B parallélement à la ligne menstruelle des apsides. L'argument annuel de la longitude est représenté par l'angle D A H. L'un & l'autre ne sont plus d'usage.

Argument annuel de l'apogée de la lune, ou simplement argument annuel, dans la nouvelle Astronomie, est la distance du lieu du soleil ou lieu de l'apogée de la lune ; c'est-à-dire, l'arc de l'écliptique compris entre ces deux lieux. (O)


ARGUN(Géog.) ville de Russie, sur la riviere de même nom, dans la Tartarie orientale, frontiere de l'empire Russien & de l'empire Chinois. Long. 236. 20. lat. 49. 30.


ARGYLE(Géog.) province de l'Ecosse occidentale, avec titre de duché ; la capitale est Innérata.


ARGYNNIS(Myth.) surnom de Vénus, sous lequel Agamemnon lui fit bâtir un temple.


ARGYRASPIDESS. m. pl. (Hist. anc.) soldats Macédoniens signalés par leurs victoires, & qu'Alexandre distingua en leur donnant des boucliers d'argent ; ainsi nommés du Grec , argent, & , bouclier. Selon Quinte-Curce, liv. IV. n°. 13. & 27. les Argyraspides faisoient le second corps de l'armée d'Alexandre, la phalange Macédonienne étant le premier. Autant qu'on peut conjecturer des paroles de cet historien, les Argyraspides n'auroient été que des troupes legeres. Mais il est difficile de concilier ce sentiment avec ce que rapporte Justin, liv. XII. ch. vij. qu'Alexandre ayant pénétré dans les Indes, & poussé ses conquêtes jusqu'à l'Océan, voulut pour monument de sa gloire, que les armes de ses soldats & les housses de leurs chevaux, fussent garnies de lames ou de plaques d'argent, & que de-là elles fussent appellées argyraspides ; ce qui semble insinuer que toutes les troupes d'Alexandre auroient porté ce nom. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'après la mort d'Alexandre, ses capitaines qui partagerent entre eux ses conquêtes, tâcherent à l'envi d'engager dans leur parti les Argyraspides, qui les méprisant ou les trahissant tour-à-tour, faisoient passer la victoire du côté du prince auquel ils s'attachoient. Ce fait seul prouve que les Argyraspides étoient l'élite de l'armée d'Alexandre. (G)


ARGYROCOMEadj. est le nom que certains auteurs donnent à une comete de couleur argentine, qui differe très-peu de l'héliocomete, sinon qu'elle est d'une couleur plus brillante, & qu'elle jette assez d'éclat pour ébloüir les yeux de ceux qui la regardent. Ce mot est formé du Grec , argent, & du mot Latin, coma, chevelure. Voyez HELIOCOMETE. (O)


ARGYROPÉES. m. terme d'Alchimie, dérivé des mots Grecs, , argent, & , je fais. Ainsi l'argyropée est l'art de faire de l'argent avec un métal d'un prix inférieur. Voyez ALCHIMIE & ARGENT. L'objet de l'argyropée & de la chrysopée est de faire de l'or & de l'argent. Voyez TRANSMUTATION, PIERRE PHILOSOPHALE. (M)


ARGYRUNTUou ARGYRUTUM, (Géog. anc. & mod.) ville de Dalmatie, que quelques Géographes disent être le Novigrad d'aujourd'hui, & d'autres notre Obrovazza, qui n'est pas loin de Novigrad.


ARHUou ARHUSEN, ville de Danemarck dans le nord Jutland, capitale du diocèse d'Arhus, au bord de la mer Baltique, à l'embouchure de la riviere de Gude qui la traverse. Long. 27. 30. lat. 56. 10.


ARIAalni effigie, folio laniato major. Jons. (Hist. nat. bot.) Cette plante croît dans les bois, sur les montagnes, entre les rochers. Elle fleurit en Avril. On lui attribue la vertu d'appaiser la toux, & de faciliter l'expectoration. Dale.


ARIADNÉES(Myt.) fêtes instituées en l'honneur d'Ariadne, fille de Minos.


ARIANISMES. m. (Théol. Hist. ecclés.) hérésie d'Arius & de ses sectateurs. L'arianisme est une hérésie ancienne dans l'Eglise. Arius, prêtre de l'Eglise d'Alexandrie, en fut l'auteur au commencement du IV. siecle. Il nioit la consubstantialité, c'est-à-dire, l'égalité de substance du Fils avec le Pere dans la sainte Trinité, & prétendoit que le Fils étoit une créature tirée du néant & produite dans le tems. Voyez ANTI-TRINITAIRES & CONSUBSTANTIEL.

Les Ariens convenoient que le Fils étoit le Verbe : mais ils soûtenoient que le Verbe n'étoit point éternel. Ils lui accordoient seulement une priorité d'existence sur les autres êtres créés. Ils avançoient encore que le Christ n'avoit rien de l'homme en lui que le corps, dans lequel le Verbe s'étoit renfermé, y opérant tout ce que l'ame fait en nous. Arius après avoir soûtenu de vive voix ces erreurs à Alexandrie, les répandit dans tout l'Orient par ses écrits, & sur-tout par celui qu'il intitula Thalie. Voyez APOLLINAIRES, TRINITE, FILS, PERE, &c.

Cette hérésie fut anathématisée dans le premier concile de Nicée, tenu en 325. On dit même qu'il y eut un ordre de Constantin qui condamnoit à mort quiconque ne brûleroit pas tous les ouvrages d'Arius qui lui tomberoient entre les mains. Mais les foudres lancées alors contre elle, ne l'anéantirent pas ; elle prit au contraire de nouvelles forces, & fit en Orient des progrès aussi étendus que rapides : ses ravages ne furent pas si terribles en Occident. Un grand nombre d'évêques d'Orient étoit déja tombé dans cette erreur ; ceux d'Occident étoient inclinés par l'autorité de l'empereur Constance, & séduits par les propositions artificieuses des deux évêques Ariens, Valens & Ursace, qui leur firent entendre que pour rendre la paix à l'Eglise, il n'étoit question que de sacrifier les termes amphibologiques inventés par les Peres du concile de Nicée, , termes nouveaux, ajoûtoient-ils, qu'on ne trouvoit point dans l'Ecriture, & qui scandalisoient & jettoient en perplexité les esprits foibles ; quelques Occidentaux eurent donc la foiblesse de souscrire à une formule Arienne, tandis que les Ariens assemblés à Seleucie, & dans un conciliabule qu'ils tinrent à Nicée, firent la même chose. Par cette supercherie, le monde, dit S. Jérome, fut étonné de se trouver tout-à-coup Arien. Une paix fondée sur un mal-entendu, ne pouvoit être durable. La plûpart de ceux qui avoient signé la formule de Rimini, reconnurent leur faute & la réparerent. L'Eglise ne manqua de défenseurs ni en Orient, ni en Occident ; & les Ariens malgré leur nombre & leurs intrigues, virent la plus grande & la plus saine partie des évêques soûtenir généreusement la foi de Nicée. Les termes & furent rétablis dans leurs premiers droits, & les expressions ambiguës sous lesquelles l'erreur se cachoit, proscrites. On disputa un peu plus long-tems sur le mot : mais dans un concile tenu à Alexandrie en 362, S. Athanase accorda le différend qui étoit à cet égard entre les Catholiques.

Il paroît que du tems de S. Grégoire de Nazianze, les Ariens dominoient à la cour & dans la capitale, où ils reprochoient aux Orthodoxes leur petit nombre ; & c'est ce qui donna lieu apparemment à ce pere de commencer son vingt-cinquieme discours contre les Ariens par ces mots : Où sont ceux qui nous reprochent notre pauvreté ; qui prétendent que la multitude du peuple fait l'Eglise ; qui méprisent le petit troupeau ? &c. exagération visible de la part des Ariens, puisque tous les monumens de ce tems-là font foi qu'ils avoient très-peu de partisans en Occident, & que les Catholiques les égaloient au moins en nombre dans l'Orient.

L'arianisme y fut enfin abattu sous le grand Théodose ; ensorte qu'à la fin du IV. siecle, les Ariens se trouverent réduits par les lois des empereurs à n'avoir plus ni églises, ni évêques dans toute l'étendue de l'empire Romain. Les Vandales porterent cette hérésie en Afrique, & les Visigots en Espagne : c'est où elle a subsisté le plus long-tems sous la protection des rois qui l'avoient embrassée ; mais ceux-ci l'ayant enfin abjurée, elle s'y éteignit aussi vers l'an de Jesus-Christ 660.

Il y avoit près de 900 ans qu'elle étoit ensevelie sous ses ruines, lorsqu'au commencement du XVI. siecle Erasme, dans son commentaire sur le nouveau Testament, parut avoir dessein de l'en tirer. Ses ennemis ne manquerent pas de l'accuser d'avoir semé dans cet ouvrage des interprétations & des gloses Ariennes, avec d'autres principes favorables à la même hérésie. La seule réponse qu'il fit à ces imputations, c'est qu'il n'y avoit point d'hérésie si parfaitement détruite que l'arianisme, nulla haeresis magis extincta quam Arianorum : ce n'étoit point assûrer qu'elle ne renaîtroit pas, ni qu'on eût nulle envie de la ressusciter. En effet, en 1531 Michel Servet, Espagnol, publia un petit traité contre le mystere de la Trinité. Après avoir dogmatisé en Allemagne & en Pologne, il vint à Geneve, où Calvin le fit brûler. Servet se montra plûtôt Photinien qu'Arien. La seule chose qu'il avoit de commun avec les Ariens, c'est qu'il se servoit des mêmes armes qu'eux pour combattre la divinité de Jesus-Christ ; je veux dire des mêmes passages de l'Ecriture, & des mêmes raisonnemens : mais le but & le fonds de son systême étoient différens. Voyez SERVETISTES.

On ne peut pas dire proprement que Servet eût des sectateurs : mais il est vrai qu'après sa mort on vit paroître à Geneve un nouveau système d'arianisme, élevé sur ses principes, mais avec plus d'art & de finesse que le sien. Ces nouveaux Ariens donnerent beaucoup d'occupations à Calvin, parce qu'il leur avoit lui-même enseigné la voie de prendre son esprit particulier pour interprete & juge du véritable sens des Ecritures. Cette secte passa de Geneve en Pologne, où elle fit des progrès considérables : à la longue elle dégénéra en socinianisme. Voyez SOCINIENS.

On accuse le savant Grotius d'avoir favorisé l'arianisme dans ses notes sur le nouveau Testament. Il est certain qu'il y éleve tellement le Pere au-dessus du Fils, qu'on seroit tenté de croire qu'il le regardoit comme le seul Dieu tout-puissant, & qu'en cette qualité il lui accordoit une grande supériorité sur le Verbe. Cela supposé, il auroit plus penché vers l'hérésie des Semi-ariens que vers celle des Ariens. Voyez ARIENS & SEMI-ARIENS.

L'arianisme moderne étant une secte anti-chrétienne, n'est toléré ni à Geneve, ni dans les cantons Suisses, ni dans le Nord, ni en Angleterre, à plus forte raison dans les pays Catholiques. On le professe ouvertement en Turquie, parce que les Mahométans ne croyent pas la divinité de Jesus-Christ. Au reste si nulle hérésie ne s'enveloppe & ne se défend avec plus de subtilité, on peut dire qu'aucune n'a été ni mieux démêlée, ni combattue avec plus d'avantage par les Théologiens, tant protestans que catholiques. (G)


ARIANO(Géog.) ville d'Italie au royaume de Naples dans la principauté ultérieure. Long. 32. 49. lat. 41. 8.

* ARIANO, (Géog.) bourg d'Italie dans le Ferrarois sur un bras du Pô. Il donne son nom à une petite contrée. Long. 29. 38. lat. 45.


ARICAport & ville de l'Amérique méridionale. Long. 317. 15. lat. mérid. 18. 26.

Le commerce d'Arica est considérable : les magasins sont pendant quinze jours le dépôt de toutes les richesses du Potosi. Les marchandises qui passent de Lima & des autres ports du Pérou à Arica, sont des draps & des serges ; Quito y envoye ses lainages ; les étoffes riches y viennent d'Espagne par les galions ; il y passe aussi de Quito du froment, de la farine, du mays, de l'acicoca, des huiles, des olives, du sel, du beurre, du fromage, du sucre, du mercure, des sirops, des confitures, &c. des quincailleries, des outils, des ustenciles de ménage, &c. Ces dernieres marchandises viennent d'Europe à Quito.


ARICINA(Myth.) surnom sous lequel on honoroit Diane dans la forêt appellée Aricine, d'Aricie, princesse du sang royal d'Athenes, & reste de la famille des Pallantides, sur qui Thesée usurpa le royaume. Virgile dit qu'Hippolyte épousa Aricie, & qu'il en eut un fils après avoir été ressuscité par Esculape. On ajoûte qu'Aricie donna son nom à une petite ville d'Italie dans le Latium, & à une forêt où Diane cacha Hippolyte après sa résurrection ; & qu'en mémoire de ce bienfait, Hippolyte éleva un temple à Diane, & y établit un prêtre & des fêtes. Le prêtre étoit un esclave fugitif qui devoit avoir tué de sa main son prédécesseur ; & qui pour prévenir celui qui auroit été tenté de lui succéder, portoit toûjours une épée nue. La fête qui se célébroit aux ides d'Août consistoit à s'abstenir ce jour de la chasse, à couronner les bons chiens, & à allumer des flambeaux.


ARICOURI(Géog.) peuple de l'Amérique méridionale dans la Guiane, vers la riviere des Amazones. De Laet dit que les Aricouris ne donnent presqu'aucun signe de religion.


ARIEG(L '), riviere de France qui a sa source dans les Pyrénées, passe à Foix & à Pamiers, & se jette dans la Garonne. Elle roule avec son sable des pailles d'or.


ARIENSS. m. pl. (Théol. hist. ecclés.) hérétiques sectateurs d'Arius, prêtre de l'église d'Alexandrie, qui vivoit dans le vje siecle, & mourut en 336. Cet hérésiarque convenoit de la divinité de Jesus-Christ : mais il prétendoit que comme Dieu il étoit inférieur à son pere ; que le pere & le fils différoient en essence : qu'il n'y avoit point entre eux d'égalité, & qu'ils n'étoient point coéternels ; mais que le fils avoit été créé de rien, & qu'il étoit du nombre des créatures : à quoi il ajoûtoit que le saint-Esprit n'étoit pas Dieu, mais un être créé par le fils, quoiqu'il n'enseignât pas ces deux dernieres erreurs d'une maniere aussi ouverte que les Macédoniens & les Sociniens. Voyez MACEDONIENS & SOCINIENS. Les Ariens furent d'abord condamnés par un concile tenu à Alexandrie, sous Alexandre évêque de cette ville, & ensuite par le concile général de Nicée, où assisterent trois cens dix-huit évêques. Depuis cette condamnation, la secte se divisa en différentes branches : les purs Ariens ou Anoméens suivoient l'hérésie d'Arius telle qu'elle étoit dans sa naissance ; on les nomma Acaciens & Eudoxiens, d'Acace évêque de Césarée & d'Eudoxe patriarche d'Antioche, deux de leurs principaux chefs : Anoméens, parce qu'ils soûtenoient que le fils de Dieu étoit dissemblable à son pere, ; Ursaciens, d'Ursace évêque de Tyr, selon quelques-uns, & de Sigedun selon d'autres ; & Aétiens & Eunomiens, d'Aétius & d'Eunomius.

Les semi-Ariens qui vouloient conserver une partie des dogmes d'Arius, & cependant rejetter les expressions consacrées par les orthodoxes pour exprimer la consubstantialité, au lieu d', consubstantiel, avoient imaginé le terme , semblable en substance. Ils avoient pour chefs Basile évêque d'Ancyre, George de Laodicée, Eustathius de Sebaste, &c. dont les uns tenoient que le verbe avoit commencé d'être, mais avant tous les siecles ; les autres qu'il avoit été de toute éternité ; quoiqu'ils soûtinssent opiniâtrement qu'il n'étoit pas de la même substance que le pere. Rien ne fut moins constant que les professions de foi des Ariens : ils changeoient, ajoûtoient, retranchoient, pour ainsi dire à chaque instant, des expressions. Au concile d'Antioche tenu en 341, ils en dresserent quatre, où condamnant Arius en apparence, ils combattoient réellement la foi du concile de Nicée : celle de Rimini n'étoit pas moins captieuse : celle de Sirmich approchoit assez du sens catholique ; mais ils en altérerent ces mots en toutes choses, qui emportoient implicitement l'unité de substance entre le pere & le fils, se réservant par-là la ressource de n'admettre qu'une similitude de nature : tant de variations ne devoient pas être prises pour des caracteres de vérité. (G)

* ARIENS, s. m. pl. (Hist. & Géog.) peuples d'Allemagne, dont Tacite fait mention, & que quelques-uns prennent pour les habitans de l'île d'Arren ou d'Arrée.


ARIESest la même chose que la constellation du Bélier. Voyez BELIER. (O)


ARIETTEsub. f. (Musique.) diminutif venu de l'Italien, signifie un petit air ; mais le sens de ce mot est changé en France, & l'on entend aujourd'hui parlà un grand morceau de musique, d'un mouvement pour l'ordinaire assez gai & marqué, qui se chante avec des accompagnemens de symphonie : les ariettes sont communément en rondeau. Voyez AIR. (S)


ARIGNANO(Géog. anc. & mod.) ville autrefois, maintenant village d'Italie, dans la Toscane, sur la riviere d'Arno, au territoire de Florence.


ARIM(le détroit d '), il est dans l'Océan oriental, entre la petite île de Nangayauma & celle de Ximo : il est ainsi nommé d'Arima, ville qui n'en est pas éloignée.

* ARIMA, (Géog. mod.) ville & royaume du Japon, dans l'île de Ximo.


ARIMAN(Géog. sainte.) ville de Galaad, dans la partie méridionale de la tribu de Manassé, au-delà du Jourdain.


ARIMASPESS. m. pl. (Hist. anc.) peuples de Scythie, ou plûtôt de la Sarmatie en Europe, où ils habitoient l'Ingrie ou l'Ingermanland, le duché de Novogorod, & celui de Pleskow d'aujourd'hui.


ARIMATHIE(Géog. anc. & sainte.) ville de la Judée & de la tribu d'Ephraïm, à dix lieues de Jérusalem ; on l'appelloit autrefois Ramat hiam sophim, & elle s'appelle aujourd'hui Rama, Remle, & Ramola.


ARIMOA(Géog.) île de l'Asie, près de la nouvelle Guinée, à côté de la terre des Papous, entre celle de Moa & de Schouten.


ARINDRATOS. m. arbre dont le bois pourri rend une odeur fort agréable quand il est mis au feu : on le trouve dans l'île de Madagascar ; c'est tout ce qu'on nous en apprend : ce n'en est pas assez pour le connoître.


ARINGIANville de la province de Transoxane, appartenante à la sogde ou vallée de Samarcand.


ARIPO(Géog.) fort en Asie, sur la côte occidentale de l'île de Ceylan, à l'embouchure de la riviere de Ceronda ; il appartient aux Hollandois ; on y pêche des perles. Long. 97. 55. lat. 8. 42.


ARISARUM(Hist. nat. bot.) genre de plante qui ne differe du pié-de-veau & de la serpentaire, que parce que ses fleurs sont en forme de capuchon. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PIE-DE-VEAU, SERPENTAIRE. (I)


ARISHS. m. (Commer.) longue mesure de Perse, qui contient 3197 piés d'Angleterre. Arbuth. p. 32.


ARISTARQUES. m. (Hist. & Littérat.) dans sa signification littérale, signifie un bon prince, ce mot étant composé du grec , & : mais on le prend ordinairement pour un critique éclairé & severe, parce qu'un grammairien nommé Aristarque fit une critique solide & sensée des meilleurs poëtes, sans en excepter Homere. Un Aristarque signifie donc un censeur ; & cette expression étoit déjà passée en proverbe du tems d'Horace.

Arguet ambigue dictum, mutanda notabit

Fiet ARISTARCHUS, &c. Art poët.

Ainsi dans une épigramme Boileau appelle les Journalistes de Trévoux

Grands Aristarques de Trévoux.

De ce nom viennent encore les titres de quelques livres de critique & d'observations sur d'autres ouvrages, comme Aristarchus sacer, qui sont des notes d'Heinsius sur le Nouveau Testament, Aristarchus anti-Bentlheïanus. Il faut encore observer que le nom d'Aristarque seul ne se prend point en mauvaise part comme celui de Zoïle. Voyez ZOÏLE. (G)


ARISTOCRATIES. f. (Politique.) sorte de gouvernement politique administré par un petit nombre de gens nobles & sages ; d', Mars, ou puissant, ou d', très-bon, très-fort ; & de , force, puissance, puissance des grands. Les auteurs qui ont écrit sur la politique préferent l'aristocratie à toutes les autres formes de gouvernement. La république de Venise & celle de Genes sont gouvernées par des nobles à l'exclusion du peuple. Il me semble que l'aristocratie & l'oligarchie ayent beaucoup de rapport ensemble ; cependant l'oligarchie n'est qu'un gouvernement aristocratique vicié, puisque dans l'oligarchie l'administration confiée à un petit nombre de personnes, se trouve comme concentrée dans une ou deux qui dominent sur toutes les autres. Voyez OLIGARCHIE. (G)

* Quant aux lois relatives à l'aristocratie, on peut consulter l'excellent ouvrage de M. de Montesquieu. Voici les principales.

1. Dans une aristocratie le corps des nobles donnant les suffrages, ces suffrages ne peuvent être trop secrets.

2. Le suffrage ne doit point se donner par sort ; on n'en auroit que les inconvéniens. En effet lorsque les distinctions qui élevent quelques citoyens au-dessus des autres sont une fois établies, quand on seroit choisi par le sort, on n'en seroit pas moins odieux : ce n'est pas le magistrat, c'est le noble qu'on envie.

3. Quand les nobles sont en grand nombre, il faut un sénat qui regle les affaires que le corps des nobles ne sauroit décider, & qui prépare celles dont il décide ; dans ce cas on peut dire que l'aristocratie est en quelque sorte dans le sénat, la démocratie dans le corps des nobles, & que le peuple n'est rien.

4. Ce sera une chose très-heureuse dans l'aristocratie, si par quelque voie indirecte on fait sortir le peuple de son anéantissement. Ainsi à Genes la banque de S. Georges, qui est dirigée par le peuple, lui donne une certaine influence dans le gouvernement qui en fait toute la prospérité.

5. Les sénateurs ne doivent point avoir le droit de remplacer ceux qui manquent dans le sénat ; c'est à des censeurs à nommer les nouveaux sénateurs, si l'on ne veut perpétuer les abus.

6. La meilleure aristocratie est celle où la partie du peuple qui n'a point de part à la puissance est si petite & si pauvre, que la partie dominante n'a aucun intérêt à l'opprimer.

7. La plus imparfaite est celle où la partie du peuple qui obéit est dans l'esclavage civil de celle qui commande.

8. Si dans l'aristocratie le peuple est vertueux, on y joüira à-peu-près du bonheur du gouvernement populaire, & l'état deviendra puissant.

9. L'esprit de modération est ce qu'on appelle la vertu dans l'aristocratie ; il y tient la place de l'égalité dans l'état populaire.

10. La modestie & la simplicité des manieres font la force des nobles aristocratiques.

11. Si les nobles avoient quelques prérogatives personnelles & particulieres, distinctes de leur corps, l'aristocratie s'écarteroit de sa nature & de son principe pour prendre ceux de la monarchie.

12. Il y a deux sources principales de desordres dans les états aristocratiques : l'inégalité excessive entre ceux qui gouvernent & ceux qui sont gouvernés, & l'inégalité entre ceux qui gouvernent.

13. Il y aura la premiere de ces inégalités, si les priviléges des principaux ne sont honorables que parce qu'ils sont honteux au peuple, & si la condition relative aux subsides est différente entre les citoyens.

14. Le commerce est la profession des gens égaux : les nobles ne doivent donc pas commercer dans une aristocratie.

15. Les lois doivent être telles que les nobles soient contraints de rendre justice au peuple.

16. Elles doivent mortifier en tout l'orgueil de la domination.

17. Il faut qu'il y ait, ou pour un tems ou pour toûjours, une autorité qui fasse trembler les nobles.

18. Pauvreté extrème des nobles, richesses exorbitantes des nobles, pernicieuses dans l'aristocratie.

19. Il ne doit point y avoir de droit d'aînesse entre les nobles, afin que le partage des fortunes tienne toûjours les membres de cet ordre dans une égalité approchée.

20. Il faut que les contestations qui surviennent entre les nobles ne puissent durer long-tems.

21. Les lois doivent tendre à abolir la distinction que la vanité met entre les familles nobles.

22. Si elles sont bonnes, elles feront plus sentir aux nobles les incommodités du commandement que ses avantages.

23. L'aristocratie se corrompra, quand le pouvoir des nobles devenant arbitraire, il n'y aura plus de vertu dans ceux qui gouvernent ni dans ceux qui sont gouvernés. Voyez l'Esprit des lois, p. 1. & suiv. 13. & suiv. 114. & suiv. où ces maximes sont appuyées d'exemples anciens & modernes, qui ne permettent guere d'en contester la vérité.


ARISTOLOCHEaristolochia, s. f. (Hist. nat. bot.) genre de plante à fleur monopétale irréguliere, tubulée, terminée en forme de langue, & crochue pour l'ordinaire ; le calice devient un fruit membraneux, le plus souvent arrondi, ovale ou cylindrique, divisé en six loges, & rempli de semences applaties & posées les unes sur les autres. Tournefort, Instit. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

Il y a quatre sortes d'aristoloche employées en Medecine. La premiere est l'aristoloche ronde, & nommée aristolochia rotunda, Matth. sa racine est ronde, assez grosse, charnue, garnie de fibres, grise en-dehors, jaunâtre en-dedans, d'une odeur desagréable, d'un goût très-amer. La seconde espece est longue, & nommée aristolochia longa vera ; C. B. Pit. Tourn. sa racine est longue d'environ un pié, grosse comme le poignet. La troisieme est l'aristoloche clématite, c'est l'aristolochia clematitis recta ; C. B. La quatrieme est la petite ou aristolochia tenuis pistolochia ; les racines de cette aristoloche sont plus menues & plus déliées.

On nous apporte toutes les racines d'aristoloche seches du Languedoc & de la Provence ; la longue & la ronde doivent être choisies grosses & bien nourries, nouvellement séchées, pesantes, grises en-dehors, jaunes en-dedans, d'un goût extrèmement amer. La petite doit être bien nourrie, touffue, comme la racine d'ellebore noir, récemment séchée, de couleur jaunâtre, d'une odeur aromatique, d'un goût amer : on la préfere à toutes les autres pour la thériaque.

Toutes les aristoloches contiennent une huile exaltée, du sel essentiel, & peu de phlegme ; elles sont détersives, vulnéraires, atténuantes, apéritives, elles résistent à la malignité des humeurs. L'aristoloche clématite est la plus foible de toutes. Dioscoride regarde toutes ces plantes comme propres à faire sortir les vuidanges ; de-là leur vient le nom d'aristolochia, de , optimus, & , purgamenta quae post partum egrediuntur. (N)


ARISTOTÉLISMEsub. m. Aristote fils de Nicomachus & de Phaestiade, naquit à Stagire, petite ville de Macédoine. Son pere étoit Medecin & ami d'Amintas pere de Philippe. La mort prématurée de Nicomachus fit tomber Aristote entre les mains d'un certain Proxenus, qui se chargea de son éducation, & qui lui donna les principes de tous les Arts & de toutes les Sciences. Aristote en fut si reconnoissant, qu'il lui éleva des statues après sa mort, & qu'il en usa envers son fils Nicanor, qu'il instruisoit dans tous les arts libéraux, ainsi que son tuteur en avoit usé envers lui. On ne sait pas trop de quelle maniere il passa les premieres années de sa jeunesse. Si l'on en croit Epicure, Athénée & Elien, il avoit reçu de la part de son tuteur une très-mauvaise éducation ; & pour le confirmer, ils disent qu'abandonné à lui-même, il dissipa tout son patrimoine, & embrassa par libertinage le parti des armes ; ce qui ne lui ayant pas réussi, il fut obligé dans la suite, pour pouvoir vivre, de faire un petit trafic de poudres de senteur, & de vendre des remedes : mais il y en a qui récusent le témoignage de ces trois philosophes, connus d'ailleurs par leur animosité & par les traits satyriques qu'ils lançoient contre tous ceux dont le mérite les blessoit ; & ils en appellent à Ammonius, lequel rapporte cet oracle d'Apollon qui lui fut adressé : Allez à Athenes, & étudiez persévéramment la Philosophie ; vous aurez plus besoin d'être retenu que d'être poussé. Il falloit que les oracles fussent alors bien oisifs, pour répondre à de pareilles interrogations.

La grande réputation que Platon s'étoit acquise, engageoit tous les étrangers à se mettre sous sa discipline. Aristote vint donc à l'académie ; mais dès les premiers jours il y parut moins en disciple qu'en génie supérieur. Il devança tous ceux qui étudioient avec lui ; on ne l'appelloit que l'esprit ou l'intelligence. Il joignoit à ses talens naturels une ardeur insatiable de tout savoir, une lecture immense, qui lui faisoit parcourir tous les livres des anciens. Sa passion pour les livres alla si loin, qu'il acheta jusqu'à trois talens les livres de Speusippe. Strabon dit de lui qu'il pensa le premier à se faire une bibliotheque. Sa vaste littérature paroît assez dans les ouvrages qui nous restent de lui. Combien d'opinions des anciens a-t-il arrachées à l'oubli dans lequel elles seroient aujourd'hui ensevelies, s'il ne les en avoit retirées, & s'il ne les avoit exposées dans ses livres avec autant de jugement que de variété ? Il seroit à souhaiter que sa bonne-foi dans leur exposition, égalât sa grande érudition. Si nous nous en rapportons à Ammonius, il demeura pendant vingt ans sous la discipline de Platon, dont il honora la mémoire par un autel qu'il lui érigea, & sur lequel il fit graver ces deux vers :

Gratus Aristoteles struit hoc altare Platoni,

Quem turbae injustae vel celebrare nefas.

Il y a bien d'autres preuves de son amour envers son maître, témoin l'oraison funebre qu'il composa pour lui, & mille épigrammes dans lesquelles il a rendu justice à ses grands talens. Mais il y en a qui prétendent que tous ces témoignages de l'attachement d'Aristote sont démentis par la brouillerie qui s'éleva entre lui & Platon. En effet, le maître se faisoit souvent un plaisir de mortifier son disciple ; il lui reprochoit entr'autres choses trop d'affectation dans ses discours, & trop de magnificence dans ses habits. Aristote de son côté ne cessoit de railler son maître, & de le piquer dans toutes les occasions qui se présentoient. Ces mesintelligences allerent si loin, que Platon lui préféra Xénocrate, Speusippe, Amiclas, & d'autres qu'il affecta de mieux recevoir que lui, & pour lesquels il n'eut rien de secret. On rapporte même qu'Aristote prit le tems où Xénocrate étoit allé faire un voyage dans son pays, pour rendre visite à Platon, étant escorté d'un grand nombre de disciples ; qu'il profita de l'absence de Speusippe, qui étoit alors malade, pour provoquer à la dispute Platon, à qui son grand âge avoit ôté la mémoire ; qu'il lui fit mille questions sophistiques plus embarrassantes les unes que les autres ; qu'il l'enveloppa adroitement dans les piéges séduisans de sa subtile dialectique, & qu'il l'obligea à lui abandonner le champ de bataille. On ajoûte que Xénocrate étant revenu trois mois après de son voyage, fut fort surpris de trouver Aristote à la place de son maître ; qu'il en demanda la raison ; & sur ce qu'on lui répondit que Platon avoit été forcé de céder le lieu de la promenade ; qu'il étoit allé trouver Aristote ; qu'il l'avoit vû environné d'un grand nombre de gens fort estimés, avec lesquels il s'entretenoit paisiblement de questions philosophiques ; qu'il l'avoit salué très-respectueusement, sans lui donner aucune marque de son étonnement : mais qu'ayant assemblé ses compagnons d'étude, il avoit fait à Speusippe de grands reproches d'avoir ainsi laissé Aristote maître du champ de bataille ; qu'il avoit attaqué Aristote, & qu'il l'avoit obligé de céder à son tour une place dont Platon étoit plus digne que lui.

D'autres disent que Platon fut vivement piqué que de son vivant Aristote se fût fait chef de parti, & qu'il eût érigé dans le Lycée une secte entierement opposée à la sienne. Il le comparoit à ces enfans vigoureux, qui battent leurs nourrices après s'être nourris de leur lait. L'auteur de tous ces bruits si desavantageux à la réputation d'Aristote, est un certain Aristoxene, que l'esprit de vengeance anima contre lui, selon le rapport de Suidas, parce qu'il lui avoit préféré Théophraste, qu'il avoit désigné pour être son successeur. Il n'est point vraisemblable, comme le remarque fort bien Ammonius, qu'Aristote ait osé chasser Platon du lieu où il enseignoit, pour s'en rendre le maître, & qu'il ait formé de son vivant une secte contraire à la sienne. Le grand crédit de Chabrias & de Timothée, qui tous deux avoient été à la tête des armées, & qui étoient parens de Platon, auroit arrêté une entreprise si audacieuse. Bien loin qu'Aristote ait été un rebelle qui ait osé combattre la doctrine de Platon pendant qu'il vivoit, nous voyons que même depuis sa mort il a toûjours parlé de lui en termes qui marquoient combien il l'estimoit. Il est vrai que la secte péripatéticienne est bien opposée à la secte académique ; mais on ne prouvera jamais qu'elle soit née avant la mort de Platon : & si Aristote a abandonné Platon, il n'a fait que joüir du droit des philosophes ; il a fait céder l'amitié qu'il devoit à son maître, à l'amour qu'on doit encore plus à la vérité. Il peut se faire pourtant que dans l'ardeur de la dispute il n'ait pas assez ménagé son maître ; mais on le peut pardonner au feu de sa jeunesse, & à cette grande vivacité d'esprit qui l'emportoit au-dela des bornes d'une dispute modérée.

Platon en mourant laissa le gouvernement de l'académie à Speusippe son neveu. Choqué de cette préférence, Aristote prit le parti de voyager, & il parcourut les principales villes de la Grece, se familiarisant avec tous ceux de qui il pouvoit tirer quelque instruction ; ne dédaignant pas même cette sorte de gens qui font de la volupté toute leur occupation, & plaisent du moins, s'ils n'instruisent.

Durant le cours de ses voyages, Philippe roi de Macédoine, & juste appréciateur du mérite des hommes, lui manda que son dessein étoit de le charger de l'éducation de son fils. " Je rends moins graces aux dieux, lui écrivoit-il, de me l'avoir donné, que de l'avoir fait naître pendant votre vie ; je compte que par vos conseils il deviendra digne de vous & de moi ". Aul. Gell. lib. IX. Quel honneur pour un philosophe, que de voir son nom lié avec celui d'un héros tel que celui d'Alexandre le Grand ! & quelle récompense plus flatteuse de ses soins, que d'entendre ce jeune héros répeter souvent ! " Je dois le jour à mon pere, mais je dois à mon précepteur l'art de me conduire ; si je regne avec quelque gloire, je lui en ai toute l'obligation ".

Il y a apparence qu'Aristote demeura à la cour d'Alexandre, & y joüit de toutes les prérogatives qui lui étoient dûes, jusqu'à ce que ce prince, destiné à conquérir la plus belle partie du monde, porta la guerre en Asie. Le philosophe se sentant inutile, reprit alors le chemin d'Athenes. L il fut reçû avec une grande distinction, & on lui donna le Lycée pour y fonder une nouvelle école de philosophie. Quoique le soin de ses études l'occupât extrèmement, il ne laissoit pas d'entrer dans tous les mouvemens & dans toutes les querelles qui agitoient alors les divers états de la Grece. On le soupçonne même de n'avoir point ignoré la malheureuse conspiration d'Antipater, qui fit empoisonner Alexandre à la fleur de son âge, & au milieu des plus justes espérances de s'assujettir le monde entier.

Cependant Xénocrate qui avoit succédé à Speusippe, enseignoit dans l'académie la doctrine de Platon. Aristote qui avoit été son disciple pendant qu'il vivoit, en devint le rival après sa mort. Cet esprit d'émulation le porta à prendre une route différente vers la renommée, en s'emparant d'un district que personne encore n'avoit occupé. Quoiqu'il n'ait point prétendu au caractere de législateur, il écrivit cependant des livres de lois & de politique, par pure opposition à son maître. Il observa à la vérité l'ancienne méthode de la double doctrine, qui étoit si fort en vogue dans l'académie, mais avec moins de réserve & de discrétion que ceux qui l'avoient précédé. Les Pythagoriciens & les Platoniciens faisoient de cette méthode même un secret de leurs écoles ; mais il semble qu'Aristote ait eu envie de la faire connoître à tout le monde, en indiquant publiquement la distinction que l'on doit faire de ces deux genres de doctrines : aussi s'explique-t-il sans détour & de la maniere la plus dogmatique contre les peines & les récompenses d'une autre vie. La mort, dit-il dans son traité de la Morale, est de toutes les choses la plus terrible ; c'est la fin de notre existence, & après elle l'homme n'a ni bien à espérer ni mal à craindre.

Dans sa vieillesse Aristote fut attaqué par un prêtre de Cerès, qui l'accusa d'impiété & le traduisit devant les juges. Comme cette accusation pouvoit avoir des suites fâcheuses, le philosophe jugea à propos de se retirer secrettement à Chalcis. Envain ses amis voulurent-ils l'arrêter : Empêchons, leur cria-t-il en partant, empêchons qu'on ne fasse une seconde injure à la Philosophie. La premiere sans doute étoit le supplice de Socrate, qui pourroit être regardé comme un martyr de l'unité de Dieu dans la loi de nature, s'il n'avoit pas eu la foiblesse, pour complaire à ses concitoyens, d'ordonner en mourant qu'on sacrifiât un coq à Esculape. On raconte diversement la mort d'Aristote. Les uns disent que desespéré de ne pouvoir deviner la cause du flux & reflux qui se fait sentir dans l'Euripe, il s'y précipita à la fin, en disant ces mots : puisqu'Aristote n'a jamais pû comprendre l'Euripe, que l'Euripe le comprenne donc lui-même. D'autres rapportent qu'après avoir quelque tems soûtenu son infortune, & lutté, pour ainsi dire, contre la calomnie, il s'empoisonna pour finir comme Socrate avoit fini. D'autres enfin veulent qu'il soit mort de sa mort naturelle, exténué par les trop grandes veilles, & consumé par un travail trop opiniâtre : tel est le sentiment d'Apollodore, de Denys d'Halicarnasse, de Censorin, de Laërce. Ce dernier, pour prouver son infatigable activité dans le travail, rapporte que lorsqu'il se mettoit en devoir de reposer, il tenoit dans la main une sphere d'airain appuyée sur les bords d'un bassin, afin que le bruit qu'elle feroit en tombant dans le bassin, pût le réveiller. Il rendit l'ame en invoquant la cause universelle, l'être suprème à qui il alloit se rejoindre. Les Stagiriens devoient trop à Aristote, pour ne pas rendre à sa mémoire de grands honneurs. Ils transporterent son corps à Stagire, & sur son tombeau ils éleverent un autel, & une espece de temple qu'ils appellerent de son nom, afin qu'il fût un monument éternel de la liberté & des autres priviléges qu'Aristote leur avoit obtenus, soit de Philippe, soit d'Alexandre. Si l'on en croit Origene, lib. I. contra Cels. Aristote avoit donné lieu aux reproches d'impiété qui lui firent abandonner Athenes pour s'exiler à Chalcis. Dans les conversations particulieres il ne se ménageoit pas assez : il osoit soûtenir que les offrandes & les sacrifices sont tout-à-fait inutiles ; que les dieux font peu d'attention à la pompe extérieure qui brille dans leurs temples. C'étoit une suite de l'opinion où il étoit, que la providence ne s'étend point jusqu'aux choses sublunaires. Le principe sur lequel il s'appuyoit pour soûtenir un système si favorable à l'impiété, revient à ceci : Dieu ne voit & ne connoît que ce qu'il a toûjours vû & connu : les choses contingentes ne sont donc pas de son ressort : la terre est le pays des changemens, de la génération & de la corruption ; Dieu n'y a donc aucun pouvoir : il se borne au pays de l'immortalité, à ce qui est de sa nature incorruptible. Aristote, pour assûrer la liberté de l'homme, croyoit ne pouvoir mieux faire que de nier la providence : en falloit-il davantage pour armer contre lui les prêtres intéressés du Paganisme ? Ils pardonnoient rarement, & sur-tout à ceux qui vouloient diminuer de leurs droits & de leurs prérogatives.

Quoique la vie d'Aristote ait toûjours été fort tumultueuse, soit au Lycée, soit à la cour de Philippe, le nombre de ses ouvrages est cependant prodigieux : on en peut voir les titres dans Diogene Laërce, & plus correctement encore dans Jérome Gémusaeus, medecin & professeur en philosophie à Bâle, qui a composé un traité intitulé, de vita Aristotelis, & ejus operum censura ; encore ne sommes-nous pas sûrs de les avoir tous : il est même probable que nous en avons perdu plusieurs, puisque Cicéron cite dans ses entretiens des passages qui ne se trouvent point aujourd'hui dans les ouvrages qui nous restent de lui. On auroit tort d'en conclure, comme quelques-uns l'ont fait, que dans cette foule de livres qui portent le nom d'Aristote, & qui passent communément pour être de lui, il n'y en a peut-être aucun dont la supposition ne paroisse vraisemblable. En effet, il seroit aisé de prouver, si l'on vouloit s'en donner la peine, l'authenticité des ouvrages d'Aristote, par l'autorité des auteurs profanes, en descendant de siecle en siecle depuis Ciceron jusqu'au nôtre : contentons-nous de celle des auteurs ecclésiastiques. On ne niera pas sans doute que les ouvrages d'Aristote n'existassent du tems de Cicéron, puisque cet auteur parle de plusieurs de ces ouvrages, en nomme dans d'autres livres que ceux qu'il a écrits sur la nature des dieux, quelques-uns qui nous restent encore, ou du moins que nous prétendons qui nous restent. Le Christianisme a commencé peu de tems après la mort de Cicéron. Suivons donc tous les Peres depuis Origene & Tertullien : consultons les auteurs ecclésiastiques les plus illustres dans tous les siecles, & voyons si les ouvrages d'Aristote leur ont été connus. Les écrits de ces deux premiers auteurs ecclésiastiques sont remplis de passages, de citations d'Aristote, soit pour les réfuter, soit pour les opposer à ceux de quelques autres philosophes. Ces passages se trouvent aujourd'hui, excepté quelques-uns, dans les ouvrages d'Aristote. N'est-il pas naturel d'en conclure que ceux que nous n'y trouvons pas ont été pris dans quelques écrits qui ne sont pas parvenus jusqu'à nous ? Pourquoi, si les ouvrages d'Aristote étoient supposés, y verroit-on les uns & point les autres ? Y auroit-on mis les premiers, pour empêcher qu'on ne connût la supposition ? Cette même raison y eût dû faire mettre les autres. Il est visible que c'est ce manque & ce défaut de certains passages, qui prouve que les ouvrages d'Aristote sont véritablement de lui. Si parmi le grand nombre de passages d'Aristote qu'ont rapporté les premiers Peres, quelques-uns ont été extraits de quelques ouvrages qui sont perdus, quelle impossibilité y a-t-il que ceux que Cicéron a placés dans ses entretiens sur la nature des dieux, ayent été pris dans les mêmes ouvrages ? Il seroit impossible d'avoir la moindre preuve du contraire, puisque Cicéron n'a point cité les livres d'où il les tiroit. Saint Justin a écrit un ouvrage considérable sur la physique d'Aristote : on y retrouve exactement, non-seulement les principales opinions, mais même un nombre infini d'endroits des huit livres de ce philosophe. Dans presque tous les autres ouvrages de saint Justin, il est fait mention d'Aristote. Saint Ambroise & saint Augustin nous assûrent dans vingt endroits de leurs ouvrages, qu'ils ont lû les livres d'Aristote ; ils les réfutent ; ils en rapportent des morceaux, & nous voyons que ces morceaux se trouvent dans les écrits qui nous restent, & que ces réfutations conviennent parfaitement aux opinions qu'ils contiennent. Allons maintenant plus avant, & passons au sixieme siecle : Boëce, qui vivoit au commencement, parle souvent des livres qui nous restent d'Aristote, & fait mention de ses principales opinions. Cassiodore, qui fut contemporain de Boëce, mais qui mourut beaucoup plus tard, ayant vécu jusque vers le septieme siecle, est encore un témoin irréprochable des ouvrages d'Aristote. Il nous fait connoître qu'il avoit écrit d'amples commentaires sur le livre d'Aristote de l'Interprétation, & composé un livre de la division, qu'on explique en Logique après la définition, & que son ami le Patrice Boëce, qu'il appelle homme magnifique, ce qui étoit un titre d'honneur en ce tems, avoit traduit l'introduction de Porphyre, les catégories d'Aristote, son livre de l'interprétation, & les huit livres des topiques. Si du septieme siecle, je passe au huitieme & au neuvieme, j'y trouve Photius, patriarche de Constantinople, dont tous les savans anciens & modernes ont fait l'éloge à l'envi les uns des autres : cet homme dont l'érudition étoit profonde, & la connoissance de l'antiquité aussi vaste que sûre, ratifie le témoignage de saint Justin, & nous apprend que les livres qu'il avoit écrits sur la physique d'Aristote, existoient encore ; que ceux du philosophe s'étoient aussi conservés, & il nous en dit mot à mot le précis. On sait que saint Bernard, dans le douzieme siecle, s'éleva si fort contre la philosophie d'Aristote, qu'il fit condamner sa métaphysique par un concile : cependant, peu de tems aprés, elle reprit le dessus ; & Pierre Lombard, Albert le Grand, saint Thomas, la cultiverent avec soin, comme nous l'allons voir dans la suite de cet article. On la retrouve presque en entier dans leurs ouvrages. Mais quels sont ceux à qui la supposition des ouvrages d'Aristote a paru vraisemblable ? Une foule de demi-savans hardis à décider de ce qu'ils n'entendent point, & qui ne sont connus que de ceux qui sont obligés par leur genre de travail, de parler des bons ainsi que des mauvais écrivains. L'auteur le plus considérable qui ait voulu rendre suspects quelques livres qui nous restent d'Aristote, c'est Jamblique qui a prétendu rejetter les catégories : mais les auteurs, ses contemporains, & les plus habiles critiques modernes, se sont moqués de lui. Un certain Andronicus, Rhodien, qui étoit apparemment l'Hardoüin de son siecle, avoit aussi rejetté, comme supposés, les livres de l'Interprétation : voilà quels sont ces savans sur l'autorité desquels on regarde comme apocryphes les livres d'Aristote. Mais un savant qui vaut mieux qu'eux tous, & qui est un juge bien compétent dans cette matiere, c'est M. Leibnitz ; on voudra bien me permettre de le leur proposer. Voici comme il parle dans le second tome de ses Epîtres, pag. 115. de l'édition de Leipsic, 1738 : " Il est tems de retourner aux erreurs de Nizolius : cet homme a prétendu que nous n'avions pas aujourd'hui les véritables ouvrages d'Aristote : mais je trouve pitoyable l'objection qu'il fonde sur les passages de Cicéron, & elle ne sauroit faire la moindre impression sur mon esprit. Est-il bien surprenant qu'un homme accablé de soins, chargé des affaires publiques, tel qu'étoit Cicéron, n'ait pas bien compris le véritable sens de certaines opinions d'un philosophe très-subtil, & qu'il ait pû se tromper en les parcourant très-legerement ? Quel est l'homme qui puisse se figurer qu'Aristote ait appellé Dieu l'ardeur du ciel ? Si l'on croit qu'Aristote a dit une pareille absurdité, on doit conclure nécessairement qu'il étoit insensé : cependant nous voyons par les ouvrages qui nous restent, qu'Aristote étoit un grand génie ; pourquoi donc veut-on substituer par force, & contre toute raison, un Aristote fou, à l'Aristote sage ? C'est un genre de critique bien nouveau, & bien singulier, que celui de juger de la supposition des écrits d'un auteur généralement regardé de tous les grands hommes comme un génie supérieur, par quelques absurdités qui ne s'y trouvent point ; ensorte que pour que les ouvrages d'un philosophe aussi subtil que profond, ne passent point pour supposés, il faudra desormais qu'on y trouve toutes les fautes & toutes les impertinences qu'on lui aura prêtées, soit par inadvertance, soit par malice. Il est bon d'ailleurs de remarquer que Cicéron a été le seul que nous connoissons avoir attribué ces sentimens à Aristote : quant à moi, je suis très-persuadé que tous les ouvrages que nous avons d'Aristote, sont constamment de lui ; & quoique quelques-uns ayent été regardés comme supposés, ou du moins comme suspects, par Jean-François Pic, par Pierre Ramus, par Patricius & par Naudé, je n'en suis pas moins convaincu que ces livres sont véritablement d'Aristote. Je trouve dans tous une parfaite liaison, & une harmonie qui les unit : j'y découvre la même hypothese toûjours bien suivie, & toûjours bien soûtenue : j'y vois enfin la même méthode, la même sagacité & la même habileté ". Il n'est guere surprenant que dans le nombre de quatorze ou quinze mille commentateurs qui ont travaillé sur les ouvrages d'Aristote, il ne s'en soit trouvé quelques-uns qui, pour se donner un grand air de critique, & montrer qu'ils avoient le goût plus fin que les autres, ayent crû devoir regarder comme supposé quelque livre particulier parmi ceux de ce philosophe Grec : mais que peuvent dix ou douze personnes qui auront ainsi pensé, contre plus de quatorze mille dont le sentiment sur les ouvrages d'Aristote est bien différent ? Au reste, aucun d'eux n'a jamais soûtenu qu'ils fussent tous supposés ; chacun, selon son caprice & sa fantaisie, a adopté les uns, & rejetté les autres ; preuve bien sensible que la seule fantaisie a dicté leur décision.

A la tête des ouvrages d'Aristote, sont ceux qui roulent sur l'art oratoire & sur la poétique : il y a apparence que ce sont les premiers ouvrages qu'il ait composés ; il les destina à l'éducation du prince qui lui avoit été confiée ; on y trouve des choses excellentes, & on les regarde encore aujourd'hui comme des chef-d'oeuvres de goût & de Philosophie. Une lecture assidue des ouvrages d'Homere lui avoit formé le jugement, & donné un goût exquis de la belle Littérature : jamais personne n'a pénétré plus avant dans le coeur humain, ni mieux connu les ressorts invisibles qui le font mouvoir : il s'étoit ouvert, par la force de son génie, une route sûre jusqu'aux sources du vrai beau ; & si aujourd'hui l'on veut dire quelque chose de bon sur la Rhétorique & sur la Poëtique, on se voit obligé de le répéter. Nous ne craignons point de dire que ces deux ouvrages sont ceux qui font le plus d'honneur à sa mémoire ; voyez-en un jugement plus détaillé aux deux articles qui portent leur nom. Ses traités de morale viennent ensuite ; l'auteur y garde un caractere d'honnête-homme qui plaît infiniment : mais par malheur il attiédit au lieu d'échauffer ; on ne lui donne qu'une admiration stérile ; on ne revient point à ce qu'on a lû. La morale est seche & infructueuse quand elle n'offre que des vûes générales & des propositions métaphysiques, plus propres à orner l'esprit & à charger la mémoire, qu'à toucher le coeur & à changer la volonté. Tel est en général l'esprit qui regne dans les livres de morale de ce philosophe. Voici quelques-uns de ses préceptes, avec le tour qu'il leur donne.

1°. Le bonheur de l'homme ne consiste ni dans les plaisirs, ni dans les richesses, ni dans les honneurs, ni dans la puissance, ni dans la noblesse, ni dans les spéculations de la philosophie ; mais bien plûtôt dans les habitudes de l'ame, qui la rendent plus ou moins parfaite. 2°. La vertu est pleine de charmes & d'attraits ; ainsi une vie où les vertus s'enchaînent les unes avec les autres, ne sauroit être que très-heureuse. 3°. Quoique la vertu se suffise à elle-même, on ne peut nier cependant qu'elle ne trouve un puissant appui dans la faveur, les richesses, les honneurs, la noblesse du sang, la beauté du corps, & que toutes ces choses ne contribuent à lui faire prendre un plus grand essor, & n'augmentent par-là le bonheur de l'homme. 4°. Toute vertu se trouve placée dans le milieu entre un acte mauvais par excès & entre un acte mauvais par défaut : ainsi le courage tient le milieu entre la crainte & l'audace ; la libéralité, entre l'avarice & la prodigalité ; la modestie, entre l'ambition & le mépris superbe des honneurs ; la magnificence, entre le faste trop recherché & l'épargne sordide ; la douceur, entre la colere & l'insensibilité ; la popularité, entre la misantropie & la basse flaterie, &c. d'où l'on peut conclure que le nombre des vices est double de celui des vertus, puisque toute vertu est toûjours voisine de deux vices qui lui sont contraires. 5°. Il distingue deux sortes de justice ; l'une universelle, & l'autre particuliere : la justice universelle tend à conserver la société civile par le respect qu'elle inspire pour toutes les lois : la justice particuliere, qui consiste à rendre à chacun ce qui lui est dû, est de deux sortes ; la distributive & la commutative : la justice distributive dispense les charges & les récompenses, selon le mérite de chaque citoyen ; & elle a pour regle la proportion géométrique : la justice commutative, qui consiste dans un échange de choses, donne à chacun ce qui lui est dû, & garde en tout une proportion arithmétique. 6°. On se lie d'amitié avec quelqu'un ou pour le plaisir qu'on retire de son commerce, ou pour l'utilité qui en revient, ou pour son mérite fondé sur la vertu ou d'excellentes qualités. La derniere est une amitié parfaite : la bienveillance n'est pas, à proprement parler, l'amitié ; mais elle y conduit, & en quelque façon elle l'ébauche.

Aristote a beaucoup mieux réussi dans sa logique que dans sa morale. Il y découvre les principales sources de l'art de raisonner ; il perce dans le fond inépuisable des pensées de l'homme ; il démêle ses pensées, fait voir la liaison qu'elles ont entr'elles, les suit dans leurs écarts & dans leurs contrariétés, les ramene enfin à un point fixe. On peut assûrer que si l'on pouvoit atteindre le terme de l'esprit, Aristote l'auroit atteint. N'est-ce pas une chose admirable, que par différentes combinaisons qu'il a faites de toutes les formes que l'esprit peut prendre en raisonnant, il l'ait tellement enchaîné par les regles qu'il lui a tracées, qu'il ne puisse s'en écarter, qu'il ne raisonne inconséquemment ? Mais sa méthode, quoique loüée par tous les philosophes, n'est point exempte de défauts. 1°. Il s'étend trop, & par-là il rebute : on pourroit rappeller à peu de pages tout son Livre des catégories, & celui de l'interprétation ; le sens y est noyé dans une trop grande abondance de paroles. 2°. Il est obscur & embarrassé ; il veut qu'on le devine, & que son lecteur produise avec lui ses pensées. Quelque habile que l'on soit, on ne peut guere se flater de l'avoir totalement entendu ; témoin ses analytiques, où tout l'art du syllogisme est enseigné. Tous les membres qui composent sa Logique se trouvent dispersés dans les différens articles de ce Dictionnaire ; c'est pourquoi, pour ne pas ennuyer le lecteur par une répétition inutile des mêmes choses, on a jugé à propos de l'y renvoyer afin qu'il les consulte.

Passons maintenant à la physique d'Aristote ; & dans l'examen que nous en allons faire, prenons pour guide le célebre Louis Visès, qui a disposé dans l'ordre le plus méthodique les différens ouvrages où elle est répandue. Il commence d'abord par les huit livres des principes naturels, qui paroissent plûtôt une compilation de différens mémoires, qu'un ouvrage arrangé sur un même plan ; ces huit livres traitent en général du corps étendu, ce qui fait l'objet de la Physique, & en particulier des principes, & de tout ce qui est lié à ces principes, comme le mouvement, le lieu, le tems, &c. Rien n'est plus embrouillé que tout ce long détail ; les définitions rendent moins intelligibles des choses qui par elles-mêmes auroient paru plus claires, plus évidentes. Aristote blâme d'abord les philosophes qui l'ont précédé, & cela d'une maniere assez dure ; les uns d'avoir admis trop de principes, les autres de n'en avoir admis qu'un seul : pour lui, il en établit trois, qui sont la matiere, la forme, la privation. La matiere est, selon lui, le sujet général sur lequel la nature travaille ; sujet éternel en même tems, & qui ne cessera jamais d'exister ; c'est la mere de toutes choses, qui soupire après le mouvement, & qui souhaite avec ardeur que la forme vienne s'unir à elle. On ne sait pas trop ce qu'Aristote a entendu par cette matiere premiere qu'il définit, ce qui n'est, ni qui, ni combien grand, ni quel, ni rien de ce par quoi l'être est déterminé. N'a-t-il parlé ainsi de la matiere que parce qu'il étoit accoûtumé à mettre un certain ordre dans ses pensées, & qu'il commençoit par envisager les choses d'une vûe générale, avant de descendre au particulier ? S'il n'a voulu dire que cela, c'est-à-dire si dans son esprit la matiere premiere n'avoit d'autre fondement que cette méthode d'arranger des idées ou de concevoir les choses, il n'a rien dit qu'on ne puisse lui accorder : mais aussi cette matiere n'est plus qu'un être d'imagination ; une idée purement abstraite ; elle n'existe pas plus que la fleur en général, que l'homme en général, &c. Ce n'est pourtant pas qu'on ne voye des philosophes aujourd'hui, qui, tenant d'Aristote la maniere de considérer les choses en général avant que de venir à leurs especes, & de passer de leurs especes à leurs individus, ne soûtiennent de sens froid, & même avec une espece d'opiniâtreté, que l'universel est dans chaque objet particulier : que la fleur en général, par exemple, est une réalité vraiment existante dans chaque jonquille & dans chaque violette. Il paroît à d'autres que, par matiere premiere, Aristote n'a pas entendu seulement le corps en général, mais une pâte uniforme dont tout devoit être construit ; une cire obéissante qu'il regardoit comme le fond commun des corps, comme le dernier terme où revenoit chaque corps en se détruisant ; c'étoit le magnifique bloc du Statuaire de la Fontaine :

Un bloc de marbre étoit si beau,

Qu'un Statuaire en fit l'emplette :

Qu'en fera, dit-il, mon ciseau ?

Sera-t-il dieu, table ou cuvette ?

Brisez ce dieu de marbre, que vous reste-t-il en main ? des morceaux de marbre. Cassez la table ou la cuvette, c'est encore du marbre ; c'est le même fond par-tout ; ces choses ne different que par une forme extérieure. Il en est de même de tous les corps ; leur masse est essentiellement la même ; ils ne different que par la figure, par la quantité, par le repos ; ou par le mouvement, qui sont toutes choses accidentelles. Cette idée qu'on doit à Aristote, a paru si spécieuse à tous les Philosophes, tant anciens que modernes, qu'ils l'ont généralement adoptée : mais cette idée d'une matiere générale dans laquelle s'en retournent tous les corps en derniere décomposition, est démentie par l'expérience : si elle étoit vraie, voici ce qui en devroit arriver. Comme le mouvement fait sortir de cette cire un animal, un morceau de bois, une masse d'or ; le mouvement, en leur ôtant une forme passagere, devroit les ramener à leur cire primordiale. Empedocle, Platon, Aristote & les Scholastiques le disent : mais la chose n'arrive point. Le corps organisé se dissout en différentes masses de peaux, de poils, de chairs, d'os, & d'autres corps mêlangés. Le corps mixte se résout en eau, en sable, en sel, en terre : mais avec les dissolvans les plus forts, avec le feu le plus vif, vous n'obtiendrez point de ces corps simples de se changer. Le sable reste sable, le fer demeure fer, l'or épuré ne change plus ; la terre morte sera toûjours terre ; & après toutes les épreuves & tous les tourmens imaginables, vous les retrouverez encore les mêmes. L'expérience ne va pas plus loin : les élémens sont chacun à part des ouvrages admirables qui ne peuvent changer, afin que le monde, qui en est composé, puisse recevoir des changemens par leurs mêlanges, & soit cependant durable comme les principes qui en sont la base. Voyez l'article CHIMIE.

Pour la forme, qui est le second principe d'Aristote, il la regarde comme une substance, un principe actif qui constitue les corps, & assujettit pour ainsi dire la matiere. Il suit de-là qu'il doit y avoir autant de formes naturelles qui naissent & meurent tour-à-tour, qu'il y a de corps primitifs & élémentaires. Pour la privation, dit Aristote, elle n'est point une substance ; elle est même, à quelques égards, une sorte de néant. En effet tout corps qui reçoit une telle forme, ne doit pas l'avoir auparavant ; il doit même en avoir une qui soit absolument contraire. Ainsi les morts se font des vivans, & les vivans des morts.

Ces trois principes étant établis, Aristote passe à l'explication des causes, qu'il traite d'une maniere assez distincte, mais presque sans parler de la premiere cause qui est Dieu. Quelques-uns ont pris occasion, tant de la définition qu'il donne de la nature, que du pouvoir illimité qu'il lui attribue, de dire qu'il méconnoît cette premiere cause : mais nous le justifierons d'athéisme dans la suite de cet article. Selon lui la nature est un principe effectif, une cause pléniere, qui rend tous les corps où elle réside capables par eux-mêmes de mouvement & de repos ; ce qui ne peut point se dire des corps où elle ne réside que par accident, & qui appartiennent à l'art : ceux-là n'ont rien que par emprunt, & si j'ose ainsi parler, que de la seconde main. Continuons : tous les corps ayant en eux cette force, qui dans un sens ne peut être anéantie, & cette tendance au mouvement qui est toûjours égale, sont des substances véritablement dignes de ce nom : la nature par conséquent est un autre principe d'Aristote ; c'est elle qui produit les formes, ou plûtôt qui se divise & se subdivise en une infinité de formes, suivant que les besoins de la matiere le demandent. Ceci mérite une attention particuliere, & donne lieu à ce Philosophe d'expliquer tous les changemens qui arrivent aux corps. Il n'y en a aucun qui soit parfaitement en repos, parce qu'il n'y en a aucun qui ne fasse effort pour se mouvoir. Il conclut de-là que la nature inspire je ne sai quelle nécessité à la matiere. Effectivement il ne dépend point d'elle de recevoir telle ou telle forme : elle est assujettie à recevoir toutes celles qui se présentent & qui se succedent dans un certain ordre, & dans une certaine proportion. C'est-là cette fameuse entéléchie qui a tant embarrassé les commentateurs, & qui a fait dire tant d'extravagances aux Scholastiques.

Après avoir expliqué quelle est la cause efficiente, quel est le principe de toute la force qui se trouve répandue dans l'univers, Aristote entre plus avant dans sa matiere, & tâche de développer ce que c'est que le mouvement. On voit bien qu'il fait-là de grands efforts de génie : mais ses efforts aboutissent à une définition très-obscure, & devenue même fameuse par son obscurité. Plus Aristote s'avance, plus il embrasse de terrein : le fini & l'infini, le vuide & les atomes, l'espace & le tems, le lieu & les corps qui y sont contenus ; tout se présente devant ses yeux : il ne confond rien, une proposition le mene à l'autre ; & quoique ce soit d'une façon très-rapide, on y sent toûjours une sorte de liaison.

La doctrine qui est comprise dans les deux livres de la génération & de la corruption, tient nécessairement à ce que nous avons déjà développé de ses principes. Avant Socrate on croyoit que nul être ne périssoit, & qu'il ne s'en reproduisoit aucun ; que tous les changemens qui arrivent aux corps ne sont que de nouveaux arrangemens, qu'une distribution différente des parties de matiere qui composent ces mêmes corps ; on n'admettoit dans l'univers que des accroissemens & des diminutions, des réunions & des divisions, des mêlanges & des séparations. Aristote rejetta toutes ces idées, quoique simples, & par-là assez vraisemblables ; & il établit une génération & une corruption proprement dites. Il reconnut qu'il se formoit de nouveaux êtres dans le sein de la nature, & que ces êtres périssoient à leur tour. Deux choses le conduisirent à cette pensée : l'une qu'il s'imagina que dans tous les corps le sujet ou la matiere est quelque chose d'égal & de constant ; & que ces corps, comme nous l'avons déjà observé, ne different que par la forme, qu'il regardoit comme leur essence : l'autre, qu'il prétendoit que les contraires naissent tous de leurs contraires, comme le blanc du noir ; d'où il suit que la forme du blanc doit être anéantie avant que celle du noir s'établisse. Pour achever d'éclaircir ce système, j'y ajoûterai encore deux remarques. La premiere, c'est que la génération & la corruption n'ont aucun rapport avec les autres modifications des corps, comme l'accroissement & le décroissement, la transparence, la dureté, la liquidité, &c. dans toutes ces modifications, la premiere forme ne s'éteint point, quoiqu'elle puisse se diversifier à l'infini. L'autre remarque suit de celle-là ; comme tout le jeu de la nature consiste dans la génération & dans la corruption, il n'y a que les corps simples & primitifs qui y soient sujets ; eux seuls reçoivent de nouvelles formes, & passent par des métamorphoses sans nombre ; tous les autres corps ne sont que des mêlanges, & pour ainsi dire des entrelacemens de ces premiers. Quoique rien ne soit plus chimérique que ce côté du système d'Aristote, c'est cependant ce qui a le plus frappé les Scholastiques, & ce qui a donné lieu à leurs expressions barbares & inintelligibles : de-là ont pris naissance les formes substantielles, les entités, les modalités, les intentions reflexes, &c. tous termes qui ne réveillant aucune idée, perpétuent vainement les disputes & l'envie de disputer.

Aristote ne se renferme pas dans une théorie générale : mais il descend à un très-grand nombre d'explications de physique particuliere ; & l'on peut dire qu'il s'y ménage, qu'il s'y observe plus que dans tout le reste ; qu'il ne donne point tout l'essor à son imagination. Dans les quatre livres sur les météores il a, selon la réflexion judicieuse du pere Rapin, plus éclairci d'effets de la nature que tous les Philosophes modernes joints ensemble. Cette abondance lui doit tenir lieu de quelque mérite, & certainement d'excuse. En effet, au-travers de toutes les erreurs qui lui sont échappées faute d'expérience, & de quelques-unes des découvertes que le hasard a présentées aux modernes, on s'apperçoit qu'il suit assez le fil de la nature, & qu'il devine des choses qui certainement lui devoient être inconnues. Par exemple, il détaille avec beaucoup d'adresse tout ce qui regarde les météores aqueux, comme la pluie, la neige, la grêle, la rosée, &c. il donne une explication très-ingénieuse de l'arc-en-ciel, & qui au fond ne s'éloigne pas trop de celle de Descartes ; il définit le vent un courant d'air, & il fait voir que sa direction dépend d'une infinité de causes étrangeres & peu connues ; ce qui empêche, dit-il, d'en donner un système général.

On peut rapporter à la physique particuliere ce que ce philosophe a publié sur l'histoire des animaux. Voici le jugement avantageux qu'en a porté M. de Buffon dans son premier discours de l'Histoire naturelle : " L'histoire des animaux d'Aristote est peut-être encore aujourd'hui ce que nous avons de mieux fait en ce genre ; & il seroit à desirer qu'il nous eût laissé quelque chose d'aussi complet sur les végétaux & sur les minéraux : mais les deux livres de plantes que quelques-uns lui attribuent, ne ressemblent point à cet ouvrage, & ne sont pas en effet de lui. Voy. le comment. de Scaliger. Il est vrai que la Botanique n'étoit pas fort en honneur de son tems : les Grecs & les Romains mêmes ne la regardoient pas comme une science qui dût exister par elle-même, & qui dût faire un objet à part ; ils ne la considéroient que relativement à l'Agriculture, au Jardinage, à la Medecine & aux Arts. Et quoique Théophraste, disciple d'Aristote, connût plus de cinq cens genres de plantes, & que Pline en cite plus de mille, ils n'en parlent que pour nous en apprendre la culture, ou pour nous dire que les unes entrent dans la composition des drogues ; que les autres sont d'usage pour les Arts ; que d'autres servent à orner nos jardins, &c. en un mot ils ne les considerent que par l'utilité qu'on en peut tirer, & ils ne se sont pas attachés à les décrire exactement.

L'histoire des animaux leur étoit mieux connue que celle des plantes. Alexandre donna des ordres, & fit des dépenses très-considérables pour rassembler des animaux & en faire venir de tous les pays, & il mit Aristote en état de les bien observer. Il paroît par son ouvrage, qu'il les connoissoit peut-être mieux, & sous des vûes plus générales, qu'on ne les connoît aujourd'hui. Enfin, quoique les modernes ayent ajoûté leurs découvertes à celles des anciens, je ne vois pas que nous ayons sur l'histoire naturelle beaucoup d'ouvrages modernes qu'on puisse mettre au-dessus de ceux d'Aristote & de Pline. Mais comme la prévention naturelle qu'on a pour son siecle, pourroit persuader que ce que je viens de dire est avancé témérairement, je vais faire en peu de mots l'exposition du plan de l'ouvrage d'Aristote.

Aristote commence son histoire des animaux par établir des différences & des ressemblances générales entre les différens genres d'animaux, au lieu de les diviser par de petits caracteres particuliers, comme l'ont fait les modernes. Il rapporte historiquement tous les faits & toutes les observations qui portent sur des rapports généraux, & sur des caracteres sensibles. Il tire ces caracteres de la forme, de la couleur, de la grandeur, & de toutes les qualités extérieures de l'animal entier, & aussi du nombre & de la position de ses parties, de la grandeur, du mouvement, de la forme de ses membres ; des rapports semblables ou différens qui se trouvent dans ces mêmes parties comparées ; & il donne par-tout des exemples pour se faire mieux entendre. Il considere aussi les différences des animaux par leur façon de vivre, leurs actions, leurs moeurs, leurs habitations, &c. il parle des parties qui sont communes & essentielles aux animaux, & de celles qui peuvent manquer & qui manquent en effet à plusieurs especes d'animaux. Le sens du toucher, dit-il, est la seule chose qu'on doive regarder comme nécessaire, & qui ne doit manquer à aucun animal : & comme ce sens est commun à tous les animaux, il n'est pas possible de donner un nom à la partie de leur corps, dans laquelle réside la faculté de sentir. Les parties les plus essentielles sont celles par lesquelles l'animal prend sa nourriture ; celles qui reçoivent & digerent cette nourriture, & celles par où il rend le superflu. Il examine ensuite les variétés de la génération des animaux ; celles de leurs membres, & des différentes parties qui servent à leurs fonctions naturelles. Ces observations générales & préliminaires font un tableau dont toutes les parties sont intéressantes : & ce grand philosophe dit aussi, qu'il les a présentées sous cet aspect, pour donner un avant-goût de ce qui doit suivre, & faire naître l'attention qu'exige l'histoire particuliere de chaque animal, ou plûtôt de chaque chose.

Il commence par l'homme, & il le décrit le premier, plûtôt parce qu'il est l'animal le mieux connu, que parce qu'il est le plus parfait ; & pour rendre sa description moins seche & plus piquante, il tâche de tirer des connoissances morales en parcourant les rapports physiques du corps humain, & il indique les caracteres des hommes par les traits de leur visage. Se bien connoître en physionomie, seroit en effet une science bien utile à celui qui l'auroit acquise : mais peut-on la tirer de l'histoire naturelle ? Il décrit donc l'homme par toutes les parties extérieures & intérieures ; & cette description est la seule qui soit entiere : au lieu de décrire chaque animal en particulier, il les fait connoître tous par les rapports que toutes les parties de leur corps ont avec celles du corps de l'homme. Lorsqu'il décrit, par exemple, la tête humaine, il compare avec elle la tête de toutes les especes d'animaux. Il en est de même de toutes les autres parties. A la description du poumon de l'homme, il rapporte historiquement tout ce qu'on savoit des poumons des animaux ; & il fait l'histoire de ceux qui en manquent. A l'occasion des parties de la génération, il rapporte toutes les variétés des animaux dans la maniere de s'accoupler, d'engendrer, de porter, & d'accoucher. A l'occasion du sang, il fait l'histoire des animaux qui en sont privés ; & suivant ainsi ce plan de comparaison dans lequel, comme l'on voit, l'homme sert de modele, & ne donnant que les différences qu'il y a des animaux à l'homme, & de chaque partie des animaux à chaque partie de l'homme, il retranche à dessein toute description particuliere ; il évite par-là toute répétition ; il accumule les faits, & il n'écrit pas un mot qui soit inutile : aussi a-t-il compris dans un petit volume un nombre infini de différens faits ; & je ne crois pas qu'il soit possible de réduire à de moindres termes tout ce qu'il avoit à dire sur cette matiere, qui paroît si peu susceptible de cette précision, qu'il falloit un génie comme le sien pour y conserver en même tems de l'ordre & de la netteté. Cet ouvrage d'Aristote s'est présenté à mes yeux comme une table de matieres qu'on auroit extraites avec le plus grand soin de plusieurs milliers de volumes remplis de descriptions & d'observations de toute espece : c'est l'abrégé le plus savant qui ait jamais été fait, si la science est en effet l'histoire des faits ; & quand même on supposeroit qu'Aristote auroit tiré de tous les livres de son tems ce qu'il a mis dans le sien, le plan de l'ouvrage, sa distribution, le choix des exemples, la justesse des comparaisons, une certaine tournure dans les idées, que j'appellerois volontiers le caractere philosophique, ne laissent pas douter un instant qu'il ne fût lui-même beaucoup plus riche que ceux dont il auroit emprunté ".

Voici de nouveaux dogmes. Nous avons vû que la matiere qui compose tous les corps est foncierement la même, selon Aristote, & qu'elle ne doit toutes les formes qu'elle prend successivement, qu'à la différente combinaison de ses parties. Il s'est contenté d'en tirer quatre élémens, le feu, l'air, l'eau & la terre, quoiqu'il lui fût libre d'en tirer bien davantage. Il a crû apparemment qu'ils suffisoient pour former ce que nous voyons. La beauté des cieux lui fit pourtant soupçonner qu'ils pouvoient bien être composés de quelque chose de plus beau. Il en forma une quintessence pour en construire les cieux : c'est de tout tems que les Philosophes sont en possession de croire que quand ils ont inventé un nouveau mot, ils ont découvert une nouvelle chose, & que ce qu'ils arrangent nettement dans leur pensée, doit tout de suite se trouver tel dans la nature ; mais ni l'autorité d'Aristote & des autres philosophes, ni la netteté de leurs idées, ni la prétendue évidence de leurs raisonnemens, ne nous garantissent rien de réel. La nature peut être toute différente. Quoi qu'il en soit de cette réflexion, Aristote croyoit qu'il n'y avoit dans cet univers que cinq especes de corps : les premiers qui sont la matiere qui forment tous les corps célestes, se meuvent circulairement ; & les quatre autres dont sont composés tous les corps sublunaires, ont un mouvement en ligne droite. La cinquieme essence n'a ni legereté, ni pesanteur ; elle est incorruptible & éternelle ; elle suit toûjours un mouvement égal & uniforme : au lieu que des quatre élémens les deux premiers sont pesans, & les deux autres legers. Les deux premiers descendent en-bas, & sont poussés vers le centre ; les deux autres tendent en-haut, & vont se ranger à la circonférence. Quoique leurs places soient ainsi précises & marquées de droit, ils peuvent cependant en changer, & en changent effectivement ; ce qui vient de l'extrème facilité qu'ils ont de se transformer les uns dans les autres, & de se communiquer leurs mouvemens.

Cela supposé, Aristote assûre que tout l'univers n'est point également gouverné par Dieu, quoiqu'il soit la cause générale de tout. Les corps célestes, ce qui est composé de la cinquieme essence, méritent ses soins & son attention : mais il ne se mêle point de ce qui est au-dessous de la lune, de ce qui a rapport aux quatre élémens. Toute la terre échappe à sa providence. Aristote, dit Diogene Laerce, croyoit que la puissance divine régloit les choses célestes, & que celles de la terre se gouvernoient par une espece de sympathie avec le ciel. En suivant le même raisonnement, on prouve d'après Aristote que l'ame est mortelle. En effet, Dieu n'étant point témoin de sa conduite, ne peut ni la punir, ni la récompenser ; s'il le faisoit, ce seroit par caprice & sans aucune connoissance. D'ailleurs Dieu ne veut point se mêler des actions des hommes ; s'il s'en mêloit, il les prévoiroit : l'homme ne seroit point libre ; si l'homme n'étoit point libre, tout seroit bien arrangé sur la terre. Or tout ce qui se fait ici-bas est plein de changemens & de variations, de desastres & de maux ; donc l'homme se détermine par lui-même, & Dieu n'a aucun pouvoir sur lui. Une autre raison qui faisoit nier à Aristote l'immortalité de l'ame, c'est l'opinion où il étoit avec tous les autres Philosophes, que notre ame étoit une portion de la divinité dont elle avoit été détachée ; & qu'après un certain nombre de révolutions dans différens corps, elle alloit s'y rejoindre & s'y abysmer, ainsi qu'une goutte d'eau va se réunir à l'Océan, quand le vase qui la contenoit vient à se briser. Cette éternité qu'ils attribuoient à l'ame, étoit précisément ce qui détruisoit son immortalité. Voyez l'article AME, où nous avons développé plus au long cette idée des anciens philosophes grecs.

Les fausses idées qu'Aristote s'étoit faites sur le mouvement, l'avoient conduit à croire l'éternité du monde. Le mouvement, disoit-il, doit être éternel, ainsi le ciel ou le monde dans lequel est le mouvement, doit être éternel. En voici la preuve. S'il y a eu un prémier mouvement, comme tout mouvement suppose un mobile, il faut absolument que ce mobile soit engendré ou éternel, mais pourtant en repos, à cause de quelque empêchement. Or de quelque façon que cela soit, il s'ensuit une absurdité ; car si ce premier mobile est engendré, il l'est donc par le mouvement, lequel par conséquent sera antérieur au premier ; & s'il a été en repos éternellement, l'obstacle n'a pû être ôté sans le mouvement, lequel derechef aura été antérieur au premier. A cette raison Aristote en ajoûte plusieurs autres pour prouver l'éternité du monde. Il soûtenoit que Dieu & la nature ne seroient pas toûjours ce qu'il y a de meilleur, si l'univers n'étoit éternel, puisque Dieu ayant jugé de tout tems que l'arrangement du monde étoit un bien, il auroit différé de le produire pendant toute l'éternité antérieure. Voici encore un de ses argumens sur le même sujet : si le monde a été créé, il peut être détruit ; car tout ce qui a eu un commencement doit avoir une fin. Le monde est incorruptible & inaltérable ; donc il est éternel. Voici la preuve que le monde est incorruptible : si le monde peut être détruit, ce doit être naturellement par celui qui l'a créé : mais il n'en a point le pouvoir ; ce qu'Aristote prouve ainsi. Si l'on suppose que Dieu a la puissance de détruire le monde, il faut savoir alors si le monde étoit parfait ; s'il ne l'étoit pas, Dieu n'avoit pû le créer, puisqu'une cause parfaite ne peut rien produire d'imparfait, & qu'il faudroit pour cela que Dieu fût défectueux ; ce qui est absurde : si le monde au contraire est parfait, Dieu ne peut le détruire ; parce que la méchanceté est contraire à son essence, & que c'est le propre de celle d'un être mauvais de vouloir nuire aux bonnes choses.

On peut juger maintenant de la doctrine d'Aristote sur la divinité ; c'est à tort que quelques-uns l'ont accusé d'athéisme, pour avoir cru le monde éternel : car autrement il faudroit faire le même reproche à presque tous les anciens philosophes, qui étoient infectés de la même erreur. Aristote étoit si éloigné de l'athéisme, qu'il nous représente Dieu comme un être intelligent & immatériel ; le premier moteur de toutes choses, qui ne peut être mû lui-même. Il décide même en termes formels, que si dans l'univers, il n'y avoit que de la matiere, le monde se trouveroit sans cause premiere & originale, & que par conséquent il faudroit admettre un progrès de causes à l'infini ; absurdité qu'il réfute lui-même. Si l'on me demande ce que je pense de la création d'Aristote, je répondrai qu'il en a admis une, même par rapport à la matiere, qu'il croyoit avoir été produite. Il différoit de Platon son maître, en ce qu'il croyoit le monde une émanation naturelle & impétueuse de la divinité, à-peu-près comme la lumiere est une émanation du soleil : au lieu que, selon Platon, le monde étoit une émanation éternelle & nécessaire, mais volontaire & réfléchie d'une cause toute sage & toute puissante. L'une & l'autre création, comme on voit, emporte avec soi l'éternité du monde, & est bien différente de celle de Moyse, où Dieu est si libre par rapport à la production du monde, qu'il auroit pû le laisser éternellement dans le néant.

Mais si Aristote n'est pas athée en ce sens qu'il attaque directement & comme de front la divinité, & qu'il n'en reconnoisse point d'autre que cet univers, on peut dire qu'il l'est dans un sens plus étendu, parce que les idées qu'il se forme de la divinité, tendent indirectement à la renverser & à la détruire. En effet Aristote nous représente Dieu comme le premier moteur de toutes choses : mais il veut en même tems que le mouvement que Dieu imprime à la matiere, ne soit pas l'effet de sa volonté, mais qu'il coule de la nécessité de sa nature ; doctrine monstrueuse qui ôte à Dieu la liberté, & au monde sa dépendance par rapport à son créateur. Car si Dieu est lié & enchaîné dans ses opérations, il ne peut donc faire que ce qu'il fait, & de la maniere dont il le fait ; le monde est donc aussi éternel & aussi nécessaire que lui. D'un autre côté, le Dieu d'Aristote ne peut être immense ni présent par-tout, parce qu'il est comme cloüé au ciel le plus élevé, où commence le mouvement, pour se communiquer de-là aux cieux inférieurs. Abysmé de toute éternité dans la contemplation de ses divines perfections, il ne daigne pas s'informer de ce qui se passe dans l'univers, il le laisse rouler au gré du hasard. Il ne pense pas même aux autres intelligences qui sont occupées, comme lui, à faire tourner les spheres auxquelles elles se sont attachées. Il est dans l'univers ce qu'un premier mobile est dans une machine : il donne le mouvement à tout, & il le donne nécessairement. Un Dieu si éloigné des hommes, ne peut être honoré par leurs prieres, ni appaisé par leurs sacrifices, ni punir le vice, ni récompenser la vertu. De quoi serviroit-il aux hommes d'honorer un Dieu qui ne les connoît pas, qui ne sait pas même s'ils existent, dont la providence est bornée à faire mouvoir le premier ciel où il est attaché ? Il en est de même des autres intelligences, qui contribuent au mouvement de l'univers, ainsi que les différentes parties d'une machine, où plusieurs ressorts sont subordonnés à un premier qui leur imprime ce mouvement. Ajoûtez à cela qu'il croyoit nos ames mortelles, & qu'il rejettoit le dogme des peines & des récompenses éternelles ; ce qui étoit une suite, comme nous l'avons ci-dessus observé, de l'opinion monstrueuse qui faisoit de nos ames autant de portions de la Divinité. Jugez après cela si Aristote pouvoit être fort dévot envers les dieux. N'est-il pas plaisant de voir que même dans les plus beaux siecles de l'Eglise, il y ait eu des hommes assez prévenus, & non moins impies qu'insensés, les uns pour élever les livres d'Aristote à la dignité de texte divin, les autres pour faire un regard de son portrait & de celui de J. C ? Dans les siecles suivans & même depuis la naissance des lettres en Italie, on n'a point hésité à mettre ce philosophe au nombre des bienheureux. Nous avons deux ouvrages exprès sur cette matiere, l'un attribué aux théologiens de Cologne, & intitulé du salut d'Aristote : l'autre composé par Lambert Dumont professeur en Philosophie, & publié sous ce titre : Ce qu'on peut avancer de plus probable touchant le salut d'Aristote, tant par des preuves tirées de l'Ecriture sainte, que par des témoignages empruntés de la plus saine partie des Théologiens : tandis qu'il est constant par l'exposition de son système, qu'il n'a point eu d'idée saine de la divinité, & qu'il n'a nullement connu la nature de l'ame, ni son immortalité, ni la fin pour laquelle elle est née. On suppose dans ces deux ouvrages comme un principe clair & évident, qu'il a eu une connoissance anticipée de tous les mysteres du Christianisme, & qu'il a été rempli d'une force naturelle. A combien d'excès l'envie opiniâtre de christianiser les anciens philosophes, n'a-t-elle point donné naissance ? Ceux qui auroient l'esprit tourné de ce côté-là, ne feroient pas mal de lire l'excellent traité de Jean-Baptiste Crispus Italien, qui fleurissoit au commencement du xvj. siecle. Ce traité est plein d'une critique fine & délicate, & où le discernement de l'auteur brille à chaque page : il est intitulé, Des précautions qu'il faut prendre en étudiant les Philosophes payens.

Si Aristote a eu des temples, il s'est trouvé bien des infideles qui se sont moqués de sa divinité : les uns l'ont regardé comme le génie de la nature, & presque comme un dieu ; mais les autres ont daigné à peine lui donner le titre de physicien. Ni les panégyristes, ni les critiques, n'en ont parlé comme ils devoient, les premiers ayant trop exagéré le mérite de ce philosophe, & les autres l'ayant blâmé sans aucun ménagement. Le mépris qu'on a eu pour lui dans ces derniers siecles, vient de ce qu'au lieu des originaux, que personne ne lisoit, parce qu'ils étoient en grec, on consultoit les commentateurs arabes & scholastiques, entre les mains desquels on ne peut douter que ce philosophe n'ait beaucoup perdu de ses traits. En effet ils lui ont prêté les idées les plus monstrueuses, & lui ont fait parler un langage inintelligible. Mais quelque tort que lui ayent fait tous ces écarts & toutes ces chimeres, au fond il n'en est point responsable. Un maître doit-il souffrir de l'extravagance de ses disciples ? Ceux qui ont lû ses ouvrages dans l'original, lui ont rendu plus de justice. Ils ont admiré en lui un esprit élevé, des connoissances variées, approfondies, & des vûes générales ; & si sur la Physique il n'a pas poussé les recherches aussi loin qu'on l'a fait aujourd'hui, c'est que cette science ne peut se perfectionner que par le secours des expériences, ce qui dépend, comme l'on voit, du tems. J'avouerai cependant d'après le fameux chancelier Bacon,que le défaut essentiel de la philosophie d'Aristote, c'est qu'elle accoûtume peu-à-peu à se passer de l'évidence, & à mettre les mots à la place des choses. On peut lui reprocher encore cette obscurité qu'il affecte partout, & dont il enveloppe ses matieres. Je ne puis mieux finir, ni faire connoître ce qu'on doit penser du mérite d'Aristote, qu'en rapportant ici l'ingénieux parallele que le P. Rapin en fait avec Platon, qu'on a toûjours regardé comme un des plus grands philosophes. Voici à-peu-près comme il s'exprime : les qualités de l'esprit étoient extraordinaires dans l'un & dans l'autre : ils avoient le génie élevé & propre aux grandes choses. Il est vrai que l'esprit de Platon est plus poli ; & celui d'Aristote est plus vaste & plus profond. Platon a l'imagination vive, abondante, fertile en inventions, en idées, en expressions, en figures, donnant mille tours différens, mille couleurs nouvelles, & toutes agréables à chaque chose. Mais, après tout, ce n'est souvent que de l'imagination. Aristote est dur & sec en tout ce qu'il dit : mais ce sont des raisons que ce qu'il dit, quoiqu'il le dise sechement : sa diction toute pure qu'elle est, a je ne sai quoi d'austere ; & ses obscurités naturelles ou affectées, dégoûtent & fatiguent les lecteurs. Platon est délicat dans tout ce qu'il pense, & dans tout ce qu'il dit : Aristote ne l'est point du tout, pour être plus naturel ; son style est simple & uni, mais serré & nerveux. Celui de Platon est grand & élevé, mais lâche & diffus : celui-ci dit toûjours plus qu'il n'en faut dire ; celui-là n'en dit jamais assez, & laisse à penser toûjours plus qu'il n'en dit : l'un surprend l'esprit, & l'ébloüit par un caractere éclatant & fleuri ; l'autre l'éclaire & l'instruit par une méthode juste & solide ; & comme les raisonnemens de celui-ci sont plus droits & plus simples, les raisonnemens de l'autre sont plus ingénieux & plus embarrassés. Platon donne de l'esprit par la fécondité du sien, & Aristote donne du jugement & de la raison par l'impression du bon sens qui paroît dans tout ce qu'il dit. Enfin Platon ne pense le plus souvent qu'à bien dire, & Aristote ne pense qu'à bien penser, à creuser les matieres, à en rechercher les principes, & des principes tirer des conséquences infaillibles ; au lieu que Platon, en se donnant plus de liberté, embellit son discours & plaît davantage : mais par la trop grande envie qu'il a de plaire, il se laisse trop emporter à son éloquence ; il est figuré en tout ce qu'il dit. Aristote se possede toûjours ; il appelle les choses tout simplement par leur nom : comme il ne s'éleve point, & qu'il ne s'égare jamais, il est aussi moins sujet à tomber dans l'erreur que Platon, qui y fait tomber tous ceux qui s'attachent à lui ; car il séduit par sa maniere d'instruire qui est trop agréable. Mais quoique Platon ait excellé dans toutes les parties de l'éloquence, qu'il ait été un orateur parfait au sentiment de Longin, & qu'Aristote ne soit nullement éloquent, ce dernier donne pour l'ordinaire du fond & du corps au discours, pendant que l'autre n'y donne que la couleur & la grace.

Lorsque les injustes persécutions des prêtres de Cérès contraignirent Aristote de se retirer à Chalcis, il nomma Théophraste pour son successeur, & lui légua tous ses manuscrits. Ce philosophe joüit toute sa vie d'une très-grande réputation : on comparoit la douceur de son éloquence à celle du vin de Lesbos, qui étoit sa patrie. Né doux & obligeant, il parloit avantageusement de tout le monde ; & les gens de lettres, sur-tout, trouvoient dans sa générosité un appui aussi sûr que prévenant. Il savoit faire valoir leur mérite lors même qu'ils l'oublioient, ou plûtot qu'ils sembloient l'ignorer par un excès de modestie. Pendant que Théophraste se distinguoit ainsi à Athènes, Sophocle fils d'Amphictide porta une loi, par laquelle il étoit défendu à tous les philosophes d'enseigner publiquement sans une permission expresse du sénat & du peuple. La peine de mort étoit même décernée contre tous ceux qui n'obéiroient point à ce reglement. Les philosophes indignés d'un procédé si violent, se retirerent tous à Athènes, & laisserent le champ libre à leurs rivaux & à leurs ennemis, je veux dire aux rhéteurs & aux autres savans d'imagination. Tandis que ces derniers joüissoient de leur triomphe, un certain Philon qui avoit été ami d'Aristote, & qui faisoit profession d'ignorer les beaux arts, composa une apologie en faveur des philosophes retirés. Cette apologie fut attaquée par Démochares, homme accrédité, & fils d'une soeur de Démosthene. L'amere critique n'étoit point épargnée dans sa réfutation, & il faisoit sur-tout un portrait odieux de tous les philosophes qui vivoient alors ; & d'autant plus odieux, qu'il étoit moins ressemblant. Ce qu'il croyoit devoir servir à sa cause, la gâta, & la perdit sans ressource : le peuple revenu de sa premiere chaleur, abolit l'indécente loi de Sophocle, & le condamna lui-même à une amende de cinq talens. Les jours tranquilles revinrent à Athènes, & avec eux la raison ; les philosophes recommencerent leurs exercices.

Le Lycée perdit beaucoup par la mort de Théophraste : mais quoique déchu de son ancienne splendeur, on continua toûjours d'y enseigner. Les professeurs furent Démétrius de Phalere, Straton surnommé le Physicien, Lycon, Ariston de l'île de Cea, Critolaüs, & Diodore qui vécut sur la fin de la cent soixantieme olympiade. Mais de tous ces professeurs, il n'y eut que Straton qui donna quelque chose de nouveau, & qui attira sur lui les regards des autres philosophes ; car pour ceux que je viens de nommer, on ne sait d'eux que leur nom, l'époque de leur naissance, celle de leur mort, & qu'ils ont été dans le Lycée les successeurs d'Aristote.

Straton ne se piqua point de suivre le pur péripatéticisme. Il y fit des innovations : il renversa le dogme de l'existence de Dieu. Il ne reconnut d'autre puissance divine que celle de la nature, & sans trop éclaircir ce que ce pouvoit être au fond que cette nature, il la regardoit comme une force répandue par-tout & essentielle à la matiere, une espece de sympathie qui lie tous les corps & les tient dans l'équilibre ; comme une puissance, qui sans se décomposer elle-même, a le secret merveilleux de varier les êtres à l'infini ; comme un principe d'ordre & de régularité, qui produit éminemment tout ce qui peut se produire dans l'univers. Mais y a-t-il rien de plus ridicule que de dire qu'une nature qui ne sent rien, qui ne connoît rien, se conforme parfaitement à des lois éternelles ; qu'elle a une activité qui ne s'écarte jamais des routes qu'il faut tenir ; & que dans la multitude des facultés dont elle est doüée, il n'y en a point qui ne fasse ses fonctions avec la derniere régularité ? Conçoit-on des lois qui n'ont pas été établies par une cause intelligente ? en conçoit-on qui puissent être exécutées régulierement par une cause qui ne les connoît point, & qui ne sait pas même qu'elle soit au monde ? c'est-là métaphysiquement parlant, l'endroit le plus foible du Stratonisme. C'est une objection insoluble, un écueil dont il ne peut se tirer. Tous les athées qui sont venus après Straton, ébloüis par des discours dont le détail est séduisant, quoique frivole, ont embrassé son système. C'est ce système sur-tout que Spinosa a renouvellé de nos jours, & auquel il a donné l'apparence d'une forme géométrique, pour en imposer plus facilement à ceux qui ont l'imprudence de se laisser prendre dans les piéges qu'il leur prépare. Entre ces deux systèmes, je ne vois d'autre différence, sinon que Spinosa ne faisoit de tout l'univers qu'une seule substance, dogme qu'il avoit emprunté de Zenophanes, de Melissus, & de Parmenides ; au lieu que Straton reconnoissoit autant de substances qu'il y avoit de molécules dans la matiere. A cela près, ils pensoient précisément la même chose. Voyez l'article SPINOSISME & celui d'HYLOZOISME, où le système de Straton est plus développé.

Des restaurateurs de la philosophie d'Aristote. Jamais on n'a tant cultivé la philosophie que sous les empereurs Romains : on la voyoit sur le throne comme dans les chairs des sophistes. Ce goût semble d'abord annoncer des progrès rapides : mais en lisant l'histoire de ce tems-là, on est bien-tôt détrompé. Sa décadence suivit celle de l'empire Romain, & les barbares ne porterent pas moins le dernier coup à celle-là qu'à celui-ci. Les peuples croupirent long-tems dans l'ignorance la plus crasse ; une dialectique dont la finesse consistoit dans l'équivoque des mots & dans des distinctions qui ne signifioient rien, étoit alors seule en honneur. Le vrai génie perce ; & les bons esprits, dès qu'ils se replient sur eux-mêmes, apperçoivent bien-tôt si on les a mis dans le vrai chemin qui conduit à la vérité. A la renaissance des lettres, quelques savans instruits de la langue greque, & connoissant la force du latin, entreprirent de donner une version exacte & correcte des ouvrages d'Aristote, dont ses disciples même disoient beaucoup de mal, n'ayant entre les mains que des traductions barbares, & qui représentoient plûtôt l'esprit tudesque des traducteurs, que le beau génie de ce philosophe. Cela ne suffisoit point pourtant pour remédier entierement au mal. Il falloit rendre communs les ouvrages d'Aristote ; c'étoit le devoir des princes, puisqu'il ne s'agissoit plus que de faire certaines dépenses. Leur empressement répondit à l'utilité : ils firent venir à grands frais de l'orient plusieurs manuscrits, & les mirent entre les mains de ceux qui étoient versés dans la langue greque pour les traduire. Paul V. s'acquit par-là beaucoup de gloire. Personne n'ignore combien les lettres doivent à ce pontife : il aimoit les savans, & la philosophie d'Aristote sur-tout avoit beaucoup d'attraits pour lui. Les savans se multiplierent, & avec eux les versions : on recouroit aux interpretes sur les endroits difficiles à entendre. Jusque-là on n'avoit consulté qu'Averroès ; c'étoit-là qu'alloient se briser toutes les disputes des savans. On le trouva dans la suite barbare ; & le goût étant devenu plus pur, les gens d'esprit chercherent un interprete plus poli & plus élégant. Ils choisirent donc Alexandre, qui passoit dans le Lycée pour l'interprete le plus pur & le plus exact. Averroès & lui étoient sans difficulté les deux chefs du Péripatéticisme, & ils avoient contribué à jetter un grand éclat sur cette secte : mais leurs dogmes sur la nature de l'ame n'étoient pas orthodoxes ; car Alexandre la croyoit mortelle ; Averroès l'avoüoit à la vérité immortelle, mais il n'entendoit parler que d'une ame universelle, & à laquelle tous les hommes participent. Ces opinions étoient fort répandues du tems de S. Thomas, qui les réfuta avec force. La secte d'Averroès prit le dessus en Italie. Léon X. souverain pontife crut devoir arrêter le cours de ces deux opinions si contraires aux dogmes du Christianisme. Il fit condamner comme impie la doctrine d'Averroès dans le concile de Latran qu'il avoit assemblé. " Comme de nos jours, dit ce souverain pontife, ceux qui sement l'ivraie dans le champ du Seigneur, ont répandu beaucoup d'erreurs, & en particulier sur la nature de l'ame raisonnable ; disant qu'elle est mortelle, ou qu'une seule & même ame anime les corps de tous les hommes ; ou que d'autres, retenus un peu par l'Evangile, ont osé avancer qu'on pouvoit défendre ces sentimens dans la Philosophie seulement, croyant pouvoir faire un partage entre la foi & la raison : Nous avons cru qu'il étoit de notre vigilance pastorale d'arrêter le progrès de ces erreurs. Nous les condamnons, le saint concile approuvant notre censure, & nous définissons que l'ame raisonnable est immortelle ; & que chaque homme est animé par une ame qui lui est propre, distinguée individuellement des autres ; & comme la vérité ne sauroit être opposée à elle-même, nous défendons d'enseigner quelque chose de contraire aux vérités de l'Evangile ". Les docteurs crurent que les foudres de l'Eglise ne suffisoient pas pour faire abandonner aux savans ces opinions dangereuses. Ils leur opposerent donc la philosophie de Platon, comme très-propre à remédier au mal ; d'autres pour qui la philosophie d'Aristote avoit beaucoup d'attraits, & qui pourtant respectoient l'Evangile, voulurent la concilier avec celle de Platon. D'autres enfin adoucissoient les paroles d'Aristote, & les plioient aux dogmes de la religion. Je crois qu'on ne sera pas fâché de trouver ici ceux qui se distinguerent le plus dans ces sortes de disputes.

Parmi les Grecs qui abandonnerent leur patrie, & qui vinrent, pour ainsi dire, transplanter les lettres en Italie, Theodore Gaza fut un des plus célebres ; il étoit instruit de tous les sentimens des différentes sectes de philosophie ; il étoit grand Medecin, profond Théologien, & sur tout très-versé dans les Belles-Lettres. Il étoit de Thessalonique : les armes victorieuses d'Amurat qui ravageoit tout l'orient, le firent refugier en Italie. Le cardinal Bessarion le reçut avec amitié, & l'ordonna prêtre. Il traduisit l'histoire des animaux d'Aristote, & les problèmes de Theophraste sur les plantes. Ses traductions lui plaisoient tant, qu'il prétendoit avoir rendu en aussi beau latin Aristote, que ce philosophe avoit écrit lui-même en grec. Quoiqu'il passe pour un des meilleurs traducteurs, il faut avoüer avec Erasme, qu'on remarque dans son latin un tour grec, & qu'il se montre un peu trop imbu des opinions de son siecle. Cosme de Médicis se joignit au cardinal Bessarion, pour lui faire du bien. Comblé de leurs bienfaits, il auroit pû mener une vie agréable & commode : mais l'oeconomie ne fut jamais son défaut ; l'avidité de certains petits Grecs & des Brutiens ne lui laissa jamais de quoi parer aux coups de la fortune. Il fut réduit à une extrème pauvreté ; & ce fut alors que pour soulager sa misere, il traduisit l'histoire des animaux, dont j'ai déjà parlé. Il la dédia à Sixte IV. Toutes les espérances de sa fortune étoient fondées sur cette dédicace : mais il fut bien trompé ; car il n'en eut qu'un présent d'environ cent pistoles. Il en conçut une si grande indignation, & fut si outré que de si pénibles & si utiles travaux fussent aussi mal payés, qu'il en jetta l'argent dans le Tibre. Il se retira chez les Brutiens, où il seroit mort de faim, si le duc de Ferrare ne lui avoit pas donné quelque secours. Il mourut peu de tems après dévoré par le chagrin, laissant un exemple mémorable des revers de la fortune.

George de Trebizonde s'adonna, ainsi que Gaza, à la philosophie des Péripatéticiens. Il étoit Crétois de naissance, & ne se disoit de Trebisonde que parce que c'étoit la patrie de ses ancêtres paternels. Il passa en Italie pendant le tenue du concile de Florence, & lorsqu'on traitoit de la réunion des Grecs avec les Latins. Il fut d'abord à Venise, d'où il passa à Rome, & y enseigna la Rhétorique & la Philosophie. Ce fut un des plus zélés défenseurs de la philosophie Péripatéticienne ; il ne pouvoit souffrir tout ce qui y donnoit la moindre atteinte. Il écrivit avec beaucoup d'aigreur & de fiel contre ceux de son tems qui suivoient la philosophie de Platon. Il s'attira par-là beaucoup d'ennemis. Nicolas V. son protecteur, desapprouva sa conduite, malgré la pente qu'il avoit pour la philosophie d'Aristote. Son plus redoutable adversaire fut le cardinal Bessarion, qui prit la plume contre lui, & le réfuta sous le nom de Calomniateur de Platon. Il eut pourtant une ennemie encore plus à craindre que le cardinal Bessarion ; ce fut la misere & la pauvreté : cette dispute, malheureusement pour lui, coupa tous les canaux par où lui venoient les vivres. La plume d'un savant, si elle ne doit point être dirigée par les gens riches, doit au moins ne pas leur être desagréable : il faut d'abord assûrer sa vie avant de philosopher ; semblables en cela aux Astronomes, qui quand ils doivent extrèmement lever la tête pour observer les astres, assûrent auparavant leurs piés. Il mourut ainsi martyr du Péripatéticisme. La postérité lui pardonne plus aisément ses injures contre les Platoniciens de son tems, que son peu d'exactitude dans ses traductions. En effet, l'attention, l'érudition, & qui plus est, la bonne foi, manque dans ses traductions des lois de Platon, & de l'histoire des animaux d'Aristote. Il prenoit même souvent la liberté d'ajoûter au texte, de le changer, ou d'omettre quelque chose d'intéressant, comme on peut s'en convaincre par la traduction qu'il nous a donnée d'Eusebe.

On a pû voir jusqu'ici que les savans étoient partagés à la renaissance des lettres entre Platon & Aristote. Les deux partis se firent une cruelle guerre. Les sectateurs de Platon ne purent souffrir que leur maître, le divin Platon, trouvât un rival dans Aristote : ils pensoient que la seule barbarie avoit pû donner l'empire à sa philosophie, & que depuis qu'un nouveau jour luisoit sur le monde savant, le Péripatéticisme devoit disparoître. Les Péripatéticiens de leur côté ne défendoient pas leur maître avec moins de zele : on fit des volumes de part & d'autre, où vous trouverez plus aisément des injures que de bonnes raisons ; ensorte que si dans certains vous changiez le nom des personnes, au lieu d'être contre Aristote, vous les trouveriez contre Platon ; & cela parce que les injures sont communes à toutes les sectes, & que les défenseurs & les aggresseurs ne peuvent différer entr'eux, que lorsqu'ils donnent des raisons.

Des Philosophes récens Aristotelico-scholastiques. Les disputes de ces savans atrabilaires, dont nous venons de parler, n'apprenoient rien au monde : elles paroissoient au contraire devoir le replonger dans la barbarie d'où il étoit sorti depuis quelque tems. Plusieurs savans firent tous leurs efforts pour détourner ceux qui s'adonnoient à ces misérables subtilités scholastiques, qui consistent plus dans les mots que dans les choses. Ils développerent avec beaucoup d'art la vanité de cette méthode ; leurs leçons en corrigerent quelques-uns, mais il restoit un certain levain qui se fit sentir pendant long-tems. Quelques théologiens même gâterent leurs livres, en y mêlant de ces sortes de subtilités à de bons raisonnemens, qui font d'ailleurs connoître la solidité de leur esprit. Il arriva ce qui arrive toûjours : on passe d'une extrémité à une autre. On voulut se corriger de ne dire que des mots, & on voulut ne dire que des choses, comme si les choses pouvoient se dire clairement sans suivre une certaine méthode. C'est l'extrémité où donna Luther ; il voulut bannir toute scholastique de la Théologie. Jérome Angeste, docteur de Paris, s'éleva contre lui, & lui démontra que ce n'étoit pas les syllogismes qui par eux-mêmes étoient mauvais, mais l'usage qu'on en faisoit. Quelqu'un dira-t-il en effet que la méthode géométrique est vicieuse, & qu'il faut la bannir du monde, parce que Spinosa s'en est servi pour attaquer l'existence du Dieu que la raison avoue ? Faut-il, parce que quelques théologiens ont abusé de la scholastique, la bannir ? L'expérience, depuis Luther, nous a appris qu'on pouvoit s'en servir utilement : il pouvoit lui-même s'en convaincre en lisant saint Thomas. La définition de l'Eglise a mis d'ailleurs cette question hors de dispute. Selon Bruker, cette définition de l'Eglise pour maintenir la Théologie scholastique, fit du tort à la bonne Philosophie ; il se trouva par-là que tandis que dans toutes les universités qui n'obéissoient plus à la cour de Rome, on dictoit une philosophie raisonnable, dans celles au contraire qui n'avoient osé secouer le joug, la barbarie y regnoit toûjours. Mais il faut être bien aveuglé par les préjugés pour penser pareille chose. Je crois que l'université de Paris a été la premiere à dicter la bonne philosophie ; & pour remonter à la source, n'est-ce pas notre Descartes qui le premier a marqué la route qui conduit à la bonne Philosophie ? Quel changement fit donc Luther dans la Philosophie ? il n'écrivit que sur des points de Théologie. Suffit-il d'être hérétique pour être bon philosophe ? Ne trouvons-nous pas une bonne philosophie dans les mémoires de l'Académie ? il n'y a pourtant rien que l'Eglise romaine ne puisse avoüer. En un mot, les grands philosophes peuvent être très-bons catholiques. Descartes, Gassendi, Varignon, Malbranche, Arnaud, & le célebre Pascal, prouvent cette vérité mieux que toutes nos raisons. Si Luther & les Protestans n'en veulent précisément qu'à la Théologie scholastique, on va voir par ceux dont nous allons parler, si leur opinion a le moindre fondement.

A la tête des scholastiques nous devrions mettre sans doute S. Thomas & Pierre Lombard ; mais nous parlons d'un tems beaucoup plus récent : nous parlons ici des scholastiques qui vivoient vers le tems de la célébration du concile de Trente.

Dominique Soto fut un des plus célebres, il naquit en Espagne de parens pauvres ; sa pauvreté re tarda le progrès de ses études ; il fut étudier à Alcala de Naris ; il eut pour maître le célebre Thomas de Villa-Nova : de-là il vint à Paris, où il prit le bonnet de docteur ; il repassa en Espagne, & prit l'habit de saint Dominique à Burgos. Peu de tems après il succéda à Thomas de S. Victor dans une chaire de professeur à Salamanque. Il s'acquit une si grande réputation, que Charles V. le députa au concile de Trente, pour y assister en qualité de théologien. La cour & la vûe des grands le fatiguerent ; la chaire de professeur avoit beaucoup plus d'attraits pour lui : aussi revint-il en faire les fonctions, & il mourut peu de tems après. Outre les livres de Théologie qui le rendirent si fameux, il donna des commentaires sur Aristote & sur Porphyre. Il donna aussi en sept livres un traité du Droit & de la Justice, où on trouve d'excellentes choses, & des raisonnemens qui marquent un esprit très-fin. Il eut pour disciple François Folet, dont nous parlerons dans la suite.

François de S. Victor vivoit à-peu-près vers le tems de Dominique Soto ; il naquit au pays des Cantabres ; il fit ses études à Paris, où il prit aussi l'habit de saint Dominique. On l'envoya professer la Théologie à Salamanque, où il se rendit très-célebre ; il y composa entr'autres ouvrages, ses livres sur la puissance civile & ecclésiastique. Plusieurs assûrent qu'ils ont beaucoup servi à Grotius pour faire son droit de la guerre & de la paix ; le vengeur de Grotius paroît lui-même en convenir. On trouve en effet beaucoup de vûes dans ce traité, & beaucoup d'idées qui sont si analogues à certaines de Grotius, qu'il seroit difficile qu'elles ne les eussent point occasionnées.

Bannés fut encore un des plus célebres théologiens de l'université de Salamanque ; il étoit subtil, & ne trouvoit pour l'ordinaire dans les Peres de l'Eglise que ce qu'il avoit pensé auparavant ; de sorte que tout paroissoit se plier à ses sentimens. Il soûtenoit de nouvelles opinions, croyant n'avoir d'autre mérite que de les avoir découvertes dans les Peres. Presque tout le monde le regarde comme le premier inventeur de la prémotion physique, excepté l'école de S. Thomas, qui l'attribue à S. Thomas même ; mais en vérité je voudrois bien savoir pourquoi les Dominiquains s'obstinent à refuser à Bannés le mérite de les exercer depuis long-tems. Si saint Thomas est le premier inventeur de la prémotion physique, elle n'en acquerra pas plus de certitude que si c'étoit Bannés : ce ne sont pas les hommes qui rendent les opinions bonnes, mais les raisons dont ils les défendent : & quoi qu'en disent toutes les différentes écoles, les opinions qu'elles défendent ne doivent leur origine ni à la tradition écrite ni à la tradition orale. Il n'y en a pas une qui ne porte le nom de son auteur, & par conséquent le caractere de nouveauté ; tous pourtant vont chercher des preuves dans l'Ecriture & dans les Peres, qui n'ont jamais eu la premiere idée de leurs sentimens. Ce n'est pas que je trouve mauvais qu'on parle de l'Ecriture dans ces questions théologiques ; mais je voudrois seulement qu'on s'attachât à faire voir que ce qui est dans l'Ecriture & dans les Peres, ne s'oppose nullement à la nouvelle opinion qu'on veut défendre. Il est juste que ce qu'on défend ne contredise point l'Ecriture & les Peres ; & quand je dis les Peres, je parle d'eux entant qu'ils constatent la tradition, & non quant à leurs opinions particulieres, parce qu'enfin je ne suis pas obligé d'être platonicien avec les premiers Peres de l'Eglise. Toutes les écoles doivent dire : voici une nouvelle opinion qui peut être défendue, parce qu'elle ne contredit point l'Ecriture & les Peres, & non perdre le tems à faire dire aux passages ce qu'ils ne peuvent pas dire. Il seroit trop long de nommer ici tous les théologiens que l'ordre de saint Dominique a produits ; tout le monde sait que de tout tems cet ordre a fait de la Théologie sa principale étude, & en cela ils suivent l'esprit de leur institution : car il est certain que saint Dominique leur fondateur étoit plus prédicateur controversiste que prédicateur de morale, & il ne s'associa des compagnons que dans cette vûe. L'ordre de S. François a eu des scholastiques fort célebres ; le premier de tous est le fameux Scot, surnommé le docteur subtil. Il faisoit consister son mérite à contredire en tout S. Thomas ; on ne trouve chez lui que de vaines subtilités, & une métaphysique que tout homme de bon sens rejette : il est pourtant à la tête de l'école de S. François, Scot chez les Cordeliers est une autorité respectable. Il y a plus : il n'est pas permis de penser autrement que lui ; & j'ose dire qu'un homme qui sauroit parfaitement tout ce qu'il a fait, ne sauroit rien. Qu'il me soit permis de faire quelque réflexion ici sur cette manie qu'ont les différens ordres de défendre les systèmes que quelqu'un de leur ordre a trouvés. Il faut être Thomiste chez les Jacobins, Scotiste dans l'ordre de S. François, Moliniste chez les Jésuites. Il est d'abord évident que non-seulement cela retarde les progrès de la Théologie, mais même les arrête ; il n'est pas possible de penser mieux que Molina chez les Jésuites, puisqu'il faut penser comme lui. Quoi ! des gens qui se moquent aujourd'hui de ce respect qu'on avoit autrefois pour les raisonnemens d'Aristote, n'osent pas parler autrement que Scot chez les uns, & que Molina chez les autres ? Mais homme pour homme, philosophe pour philosophe, Aristote les valoit bien. Des gens qui se piquent un peu de raisonner, ne devroient respecter que la foi & ce que l'Eglise ordonne de respecter, & du reste se livrer à leur génie. Croit-on que si chez les Jésuites on n'avoit point été gêné, quelqu'un n'eût pas trouvé un sentiment plus aisé à défendre que les sentimens de Molina ? Si les chefs des vieilles sectes de Philosophie dont on rit aujourd'hui, avoient été de quelqu'ordre, nous verrions encore leurs sentimens défendus. Graces à Dieu, ce qui regarde l'Hydrostatique, l'Hydraulique & les autres Sciences, n'a point été livré à l'esprit de corps & de société ; car on attribueroit encore les effets de l'air à l'horreur du vuide. Il est bien singulier que depuis cent cinquante ans il soit défendu dans des corps très-nombreux de penser, & qu'il ne soit permis que de savoir les pensées d'un seul homme ? Est-il possible que Scot ait assez pensé pour meubler la tête de tous les Franciscains qui existeront à jamais ? Je suis bien éloigné de ce sentiment, moi qui crois que Scot n'a point pensé du tout : Scot gâta donc l'esprit de tous ceux de son ordre. Jean Ponsius professa le Théologie à Paris selon les sentimens de son maître Scot. Il est inutile de peindre ceux qui se sont distingués parmi les Franciscains, parce qu'ils sont tous jettés au même moule ; ce sont tous des Scotistes.

L'ordre de Cîteaux a eu aussi ses théologiens : Manriqués est le plus illustre que je leur connoisse ; ce qui le distingue de la plûpart des théologiens purement scholastiques, c'est qu'il avoit beaucoup d'esprit, une éloquence qui charmoit tous ceux qui l'entendoient. Philippe IV. l'appella auprès de lui ; il fit beaucoup d'honneur à l'universit de Salamanque dont il étoit membre, aussi l'en nommoit-on l'Atlas : c'est de lui que sont les annales de Cîteaux, & plusieurs ouvrages de Philosophie & de Scholastique.

L'ordre de Cîteaux a produit aussi Jean Caramuel Lobkowitz, un des esprits les plus singuliers qui ayent jamais paru. Il naquit à Madrid en 1607. Dans sa plus tendre jeunesse son esprit se trahit ; on découvrit ce qu'il étoit, & on put juger dès-lors ce que Caramuel seroit un jour. Dans un âge où rien ne peut nous fixer, il s'adonna entierement aux Mathématiques : les problèmes les plus difficiles ne le rebutoient point ; & lorsque ses camarades étoient occupés à joüer, il méditoit, il étudioit une planete pour calculer ses révolutions. Ce qu'on dit de lui est presqu'incroyable. Après sa théologie il quitta l'Espagne, & passa dans les Pays-Bas ; il y étonna tout le monde par son savoir. Son esprit actif s'occupoit toûjours, & toûjours de choses nouvelles ; car la nouveauté avoit beaucoup de charmes pour lui. Son rare mérite le fit entrer dans le conseil aulique ; mais l'éclat de la cour ne l'ébloüit pas. Il aimoit l'étude, non précisément pour s'avancer, mais pour le plaisir de savoir : aussi abandonna-t-il la cour ; il se retira à Bruges, & fit bientôt après ses voeux dans l'ordre de Cîteaux. Il alla ensuite à Louvain, où il passa maître-ès-arts ; & en 1630 il y prit le bonnet de docteur. Les études ordinaires ne suffisoient pas à un homme comme Caramuel ; il apprit les langues orientales, & sur-tout celle des Chinois ; son desir de savoir s'étendoit beaucoup plus que tout ce qu'on peut apprendre ; en un mot, il avoit résolu de devenir une encyclopédie vivante. Il donna un ouvrage qui avoit pour titre, la Théologie douteuse ; il y mit toutes les objections des athées & des impies. Ce livre rendit sa foi suspecte ; il alla à Rome pour se justifier. Il parla si éloquemment, & fit paroître une si vaste érudition devant le pape & tout le sacré collége, que tout le monde en fut comme interdit. Il auroit peut-être été honoré du chapeau de cardinal, s'il n'avoit pas parlé un peu trop librement des vices qui régnoient à la cour de Rome : on le fit pourtant évêque. Son desir immodéré de savoir fit tort à son jugement ; & comme sur toutes les Sciences il vouloit se frayer de nouvelles routes, il donna dans beaucoup de travers ; son imagination forte l'égaroit souvent. Il a écrit sur toutes sortes de matieres ; & ce qui arrive ordinairement, nous n'avons pas un seul bon ouvrage de lui : que ne faisoit-il deux petits volumes, & sa réputation auroit été plus assûrée !

La société des Jésuites s'est extrèmement distinguée sur la Théologie scholastique ; elle peut se vanter d'avoir eu les plus grands théologiens. Nous ne nous arrêterons pas long-tems sur eux, parce que s'ils ont eu de grands hommes, il y en a parmi eux qui ont été occupés à les loüer. Cette société étend ses vûes sur tout, & jamais Jésuite de mérite n'a demeuré inconnu.

Vasqués est un des plus subtils qu'ils ayent jamais eu, à l'âge de vingt-cinq ans il enseigna la Philosophie & la Théologie. Il se fit admirer à Rome & partout où il fit connoître la facilité de son esprit ; les grands talens dont la nature l'avoit doüé paroissoient malgré lui. Sa modestie naturelle & celle de son état n'empêcherent point qu'on ne le reconnût pour un grand homme : sa réputation étoit telle, qu'il n'osoit point se nommer, de peur qu'on ne lui rendît trop d'honneurs ; & on ne connoissoit jamais son nom & son mérite, que par le frere qui l'accompagnoit partout.

Suarez a mérité à juste titre la réputation du plus grand scholastique qui ait jamais écrit. On trouve dans ses ouvrages une grande pénétration, beaucoup de justesse, un profond savoir : quel dommage que ce génie ait été captivé par le système adopté par la société ! Il a voulu en faire un, parce que son esprit ne demandoit qu'à créer ; mais ne pouvant s'éloigner du Molinisme, il n'a fait pour ainsi dire que donner un tour ingénieux à l'ancien système.

Arriaga, plus estimé de son tems qu'il ne méritoit de l'être, fut successivement professeur & chancelier de l'université de Prague. Il fut député trois fois vers Urbain VIII. & Innocent X. Il avoit plûtôt l'esprit de chicane que de métaphysique ; on ne trouve chez lui que des vétilles, presque toutes difficiles parce qu'on ne les entend point ; peu de difficultés réelles. Il a gâté beaucoup de jeunes gens auxquels il a donné cet esprit minutieux : plusieurs perdent leur tems à le lire. On ne peut pas dire de lui ce qu'on dit de beaucoup d'ouvrages, qu'on n'a rien appris en les lisant ; vous apprenez quelque chose dans Arriaga, qui seroit capable de rendre gauche l'esprit le mieux fait, & qui paroît avoir le plus de justesse.

La Théologie scholastique est si liée avec la Philosophie, qu'on croit d'ordinaire qu'elle a beaucoup contribué aux progrès de la Métaphysique : surtout la bonne Morale a paru dans un nouveau jour. Nos livres les plus communs sur la Morale, valent mieux que ceux du divin Platon ; & Bayle a eu raison de reprocher aux Protestans, de ce qu'ils blâmoient tant la Théologie scholastique. L'apologie de Bayle en faveur de la Théologie scholastique, est le meilleur trait qu'on puisse lancer contre les hérétiques qui l'attaquent. Bayle, dira-t-on, a parlé ailleurs contre cette méthode, & il a ri de la barbarie qui regne dans les écoles des Catholiques. On se trompe : il est permis de se moquer de la barbarie de certains scholastiques, sans blâmer pour cela la Scholastique en général. Je n'estime point Arriaga, je ne le lirai pas ; & je lirai Suarez avec plaisir dans certains endroits, & avec fruit presque par-tout. On ne doit pas faire retomber sur la méthode, ce qui ne doit être dit que de quelques particuliers qui s'en sont servis.

Des Philosophes qui ont suivi la véritable philosophie d'Aristote. On a déjà vû le Péripatétisme avoir un rival dans le Platonisme ; il étoit même vraisemblable que l'école de Platon grossiroit tous les jours des deserteurs de celle d'Aristote, parce que les sentimens du premier s'accordent beaucoup mieux avec le Christianisme. Il y avoit encore quelque chose de plus en sa faveur, c'est que presque tous les Peres sont Platoniciens. Cette raison n'est pas bonne aujourd'hui, & je sai qu'en Philosophie les Peres ne doivent avoir aucune autorité : mais dans un tems où l'on traitoit la Philosophie comme la Théologie, c'est-à-dire dans un tems où toutes les disputes se vuidoient par une autorité, il est certain que les Peres auroient dû beaucoup influer sur le choix qu'il y avoit à faire entre Platon & Aristote. Ce dernier prévalut pourtant, & dans le siecle où Descartes parut on avoit une si grande vénération pour les sentimens d'Aristote, que l'évidence de toutes les raisons de Descartes eurent beaucoup de peine à lui faire des partisans. Par la méthode qu'on suivoit alors, il étoit impossible qu'on sortît de la barbarie ; on ne raisonnoit pas pour découvrir de nouvelles vérités, on se contentoit de savoir ce qu'Aristote avoit pensé. On recherchoit le sens de ses livres aussi scrupuleusement que les Chrétiens cherchent à connoître le sens des Ecritures. Les Catholiques ne furent pas les seuls qui suivirent Aristote, il eut beaucoup de partisans parmi les Protestans, malgré les déclamations de Luther ; c'est qu'on aimoit mieux suivre les sentimens d'Aristote, que de n'en avoir aucun. Si Luther, au lieu de déclamer contre Aristote, avoit donné une bonne philosophie, & qu'il eût ouvert une nouvelle route, comme Descartes, il auroit réussi à faire abandonner Aristote, parce qu'on ne sauroit détruire une opinion sans lui en substituer une autre : l'esprit ne veut rien perdre.

Pierre Pomponace fut un des plus célebres Péripatéticiens du XVIe siecle ; Mantoue étoit sa patrie. Il étoit si petit, qu'il tenoit plus du nain que d'un homme ordinaire. Il fit ses études à Padoue ; ses progrès dans la Philosophie furent si grands, qu'en peu de tems il se trouva en état de l'enseigner aux autres. Il ouvrit donc une école à Padoue ; il expliquoit aux jeunes gens la véritable philosophie d'Aristote, & la comparoit avec celle d'Averroès. Il s'acquit une grande réputation, qui lui devint à charge par les ennemis qu'elle lui attira. Achillinus, professeur alors à Padoue, ne put tenir contre tant d'éloges ; sa bile savante & orgueilleuse s'alluma : il attaqua Pomponace, mais en pédant, & celui-ci lui répondit en homme poli. La douceur de son caractere rangea tout le monde de son parti, car on ne marche pas volontiers sous les drapeaux d'un pédant : la victoire lui resta donc, & Achillinus n'en remporta que la honte d'avoir voulu étouffer de grands talens dans leur naissance. Il faut avoüer pourtant que quoique les écrits de Pomponace fussent élégans, eu égard aux écrits d'Achillinus, ils se ressentent pourtant de la barbarie où l'on étoit encore. La guerre le força de quitter Padoue & de se retirer à Bologne. Comme il professoit précisément la même doctrine qu'Aristote, & que ce philosophe paroît s'éloigner en quelques endroits de ce que la foi nous apprend, il s'attira la haine des zélés de son tems. Tous les frélons froqués chercherent à le piquoter, dit un auteur contemporain ; mais il se mit à l'abri de leur aiguillon, en protestant qu'il se soûmettoit au jugement de l'Eglise, & qu'il n'entendoit parler de la philosophie d'Aristote que comme d'une chose problématique. Il devint fort riche ; les uns disent par un triple mariage qu'il fit, & les autres par son seul savoir. Il mourut d'une rétention d'urine, âgé de soixante-trois ans. Pomponace fut un vrai Pyrrhonien, & on peut dire qu'il n'eut d'autre dieu qu'Aristote ; il rioit de tout ce qu'il voyoit dans l'Evangile & dans les écrivains sacrés : il tâchoit de répandre une certaine obscurité sur tous les dogmes de la religion chrétienne. Selon lui, l'homme n'est pas libre, ou Dieu ne connoît point les choses futures, & n'entre en rien dans le cours des évenemens ; c'est-à-dire que, selon lui, la Providence détruit la liberté ; ou que si l'on veut conserver la liberté, il faut nier la Providence. Je ne comprens pas comment ses apologistes ont prétendu qu'il ne soûtenoit cela qu'en philosophe, & qu'en qualité de Chrétien il croyoit tous les dogmes de notre religion. Qui ne voit la frivolité d'une pareille distinction ? On sent dans tous ses écrits le libertinage de son esprit ; il n'y a presque point de vérité dans notre religion qu'il n'ait attaquée. L'opinion des Stoïciens sur un destin aveugle, lui paroît plus philosophique que la Providence des Chrétiens : en un mot son impiété se montre par-tout. Il oppose les Stoïciens aux Chrétiens, & il s'en faut bien qu'il fasse raisonner ces derniers aussi fortement que les premiers. Il n'admettoit pas, comme les Stoïciens, une nécessité intrinseque ; ce n'est pas, selon lui, par notre nature que nous sommes nécessités, mais par un certain arrangement des choses qui nous est totalement étranger : il est difficile pourtant de savoir précisément son opinion là-dessus. Il trouve dans le sentiment des Péripatéticiens, des Stoïciens, & des Chrétiens sur la prédestination, des difficultés insurmontables : il conclut pourtant à nier la Providence. On trouve toutes ces impiétés dans son livre sur le destin. Il n'est ni plus sage ni plus raisonnable dans son livre sur les enchantemens. L'amour extravagant qu'il avoit pour la philosophie d'Aristote, le faisoit donner dans des travers extraordinaires. Dans ce livre on trouve des rêveries qui ne marquent pas une tête bien assûrée ; nous allons en faire un extrait assez détaillé. Cet ouvrage est très-rare, & peut-être ne sera-t-on pas fâché de trouver ici sous ses yeux ce qu'on ne pourroit se procurer que très-difficilement. Voici donc les propositions de ce philosophe.

1°. Les démons ne connoissent les choses ni par leur essence, ni par celle des choses connues, ni par rien qui soit distingué des démons.

2°. Il n'y a que les sots qui attribuent à Dieu ou aux démons, les effets dont ils ne connoissent pas les causes.

3°. L'homme tient le milieu entre les choses éternelles & les choses créées & corruptibles, d'où vient que les vertus & les vices ne se trouvent point dans notre nature ; il s'y trouve seulement la semence des vertus & des vices.

4°. L'ame humaine est toutes choses, puisqu'elle renferme & la sensation & la perception.

5°. Quoique le sentiment & ce qui est sensible soient par l'acte même dans l'ame seulement, selon leur être spirituel, & non selon leur être réel, rien n'empêche pourtant que les especes spirituelles ne produisent elles-mêmes réellement les choses dont elles sont les especes, si l'agent en est capable, & si le patient est bien disposé. Pomponace traite cet article fort au long, parce qu'il prétend démontrer parlà que la force de l'imagination est telle, qu'on peut lui attribuer les effets extraordinaires qu'on raconte. Tous les mouvemens des corps qui produisent des phénomenes extraordinaires, il les attribue à l'imagination ; il en donne pour exemple les illusions, & ce qui arrive aux femmes enceintes.

6°. Quoique par les especes qui sont reçûes dans l'ame & par les passions, il arrive des effets surprenans, rien n'empêche qu'il n'arrive des effets semblables dans des corps étrangers ; car il est certain qu'un patient étant disposé au-dehors comme intérieurement, l'agent a assez d'empire sur lui pour produire les mêmes effets.

7°. Les démons meuvent immédiatement les corps d'un mouvement local, mais ils ne peuvent causer immédiatement une altération dans les corps ; car l'altération se fait par les corps naturels qui sont appliqués par les démons aux corps qu'ils veulent altérer, & cela en secret ou ouvertement. Avec ces seuls principes Pomponace fait sa démonstration.

8°. Il suit de-là qu'il est arrivé beaucoup de choses selon le cours ordinaire, par des causes inconnues, & qu'on a regardées comme miracles ou comme les oeuvres des démons, tandis qu'il n'en étoit rien.

9°. Il suit de-là encore que s'il est vrai, comme disent des gens dignes de foi, qu'il y a des herbes, des pierres ou autres choses propres à éloigner la grêle, la pluie & les vents, & qu'on puisse s'en servir, comme les hommes peuvent trouver cela naturellement, puisque cela est dans la nature, ils pourront donc faire cesser la grêle, arrêter la pluie sans miracle.

10°. De-là il conclut que plusieurs personnes ont passé pour magiciennes & pour avoir un commerce avec le diable, tandis qu'elles croyoient, peut-être avec Aristote, qu'il n'y avoit pas de démons ; & que par la même raison plusieurs ont passé pour saints, à cause des choses qu'ils opéroient, & n'étoient pourtant que des scélérats. Que si l'on objecte qu'il y en a qui font des signes saints par eux-mêmes, comme le signe de la croix, & que d'autres font le contraire ; il répond que c'est pour amuser le peuple, ne pouvant croire que des personnes savantes ayent tant étudié pour augmenter le mal qui se trouve dans le monde. Avec de tels principes ce philosophe incrédule renverse aisément tous les miracles, même ceux de Jesus-Christ. Mais pour ne pas paroître sans religion, & éviter par-là les poursuites dangereuses (car il étoit en Italie), il dit que s'il se trouve dans l'ancien ou dans le nouveau Testament des miracles de Jesus-Christ ou de Moyse qu'on puisse attribuer à des causes naturelles, mais qu'il y soit dit que ce sont des miracles, il faut le croire, à cause de l'autorité de l'Eglise. Il s'objecte qu'il y a plusieurs effets qu'on ne sauroit attribuer à des causes naturelles, comme la résurrection des morts, la vûe rendue aux aveugles ; mais il répond que les histoires des payens nous apprennent que les démons ont fait des choses semblables, & qu'ils ont fait sortir des morts de l'enfer & les ont reproduits sur la terre, & qu'on a guéri des aveugles par la vertu de certaines herbes. Il veut détruire en chrétien ces réponses, mais il le fait d'une maniere à faire connoître davantage son incrédulité ; car il dit que ces réponses sont mauvaises, parce que les Théologiens l'assûrent, & dans la suite il marque un grand mépris pour les Théologiens.

Il est surprenant, dit Pomponace, qu'un aussi grand philosophe qu'Aristote n'eût pas reconnu l'opération de Dieu ou des démons dans les faits qu'on cite, si cela avoit été réel. Cela jette un doute sur cette question ; on sent que Pomponace grossit la difficulté le plus qu'il peut : il en fait un monstre, & sa réponse ne sert qu'à confirmer de plus en plus l'impiété de ce philosophe. Il apporte la raison pourquoi Aristote a nié l'existence des démons ; parce que, dit-il, on ne trouve aucune preuve de ces folies dans les choses sensibles, & que d'ailleurs elles sont opposées aux choses naturelles. Et comme on allegue une infinité d'exemples de choses opérées par les démons, après avoir protesté que ce n'est que selon le sentiment d'Aristote qu'il va parler, & non selon le sien, il dit premierement que Dieu est la cause universelle des choses matérielles & immatérielles, non-seulement efficiente, mais encore finale, exemplaire & formelle, en un mot l'archetype du monde. 2°. De toutes les choses corporelles créées & corruptibles, l'homme est la plus noble. 3°. Dans la nature il y a des hommes qui dépendent les uns des autres, afin de s'aider. 4°. Cela se pratique différemment, selon le degré de dépendance. 5°. Quoique Dieu soit la cause de tout, selon Aristote, il ne peut pourtant rien opérer sur la terre & sur ce qui l'environne, que par la médiation des corps célestes, ils sont ses instrumens nécessaires ; d'où Pomponace conclut qu'on peut trouver dans le ciel l'explication de tout ce qui arrive sur la terre. Il y a des hommes qui connoissent mieux ces choses que d'autres, soit par l'étude, soit par l'expérience ; & ces hommes-là son regardés par le vulgaire, ou comme des saints, ou comme des magiciens. Avec cela Pomponace entreprend de répondre à tout ce qu'on lui oppose de surnaturel. Cette suite de propositions fait assez connoître que ce n'est pas sans fondement que Pomponace est accusé de l'impiété des Péripatéticiens. Voici encore comme il s'explique dans les propositions suivantes.

Dieu connoît toutes choses soi-même dans son essence, & les créatures dans sa toute-puissance.

Dieu & les esprits ne peuvent agir sur les corps, parce qu'un nouveau mouvement ne sauroit provenir d'une cause immobile, que par la médiation de l'ancien mouvement.

Dieu & les esprits meuvent donc l'entendement & la volonté, comme premiers moteurs, mais non sans l'intervention des corps célestes.

La volonté est en partie matérielle, parce qu'elle ne peut agir sans les corps ; & en partie immatérielle, parce qu'elle produit quelque chose qui est au-dessus des corps : car elle peut choisir, elle est libre.

Les prophetes sont disposés par leur nature & les principes de leur génération, quoique d'une façon éloignée, à recevoir les impressions de l'esprit divin ; mais la cause formelle de la connoissance des choses futures leur vient des corps célestes. Tels furent Elisée, Daniel, Joseph, & tous les devins des Gentils.

Dieu est la cause de tout, voilà pourquoi il est la source des prophéties ; mais il s'accommode à la disposition de celui qu'il inspire, & à l'arrangement des corps célestes : or l'ordre des cieux varie perpétuellement.

La santé rendue à un malade miraculeusement, vient de l'imagination du malade ; c'est pourquoi si des os réputés être d'un saint, étoient ceux d'un chien, le malade n'en seroit pas moins guéri : il arrive même souvent que les reliques qui operent le plus de prodiges, ne sont que les tristes débris d'un homme dont l'ame brûle en enfer. La guérison vient aussi quelquefois d'une disposition particuliere du malade.

Les prieres faites avec ardeur pour demander la pluie, ont eu souvent leur effet, par la force de l'imagination de ceux qui la demandoient ; car les vents & les élémens ont une certaine analogie, une certaine sympathie avec un tel degré d'imagination, & ils lui obéissent. Voilà pourquoi les prieres n'operent point qu'elles ne partent du fond du coeur, & qu'elles ne soient ferventes.

Suivant ce sentiment, il n'est pas incroyable qu'un homme né sous une telle constellation, puisse commander aux vents & à la mer, chasser les démons, & opérer en un mot toutes sortes de prodiges.

Nier que Dieu & les esprits soient cause de tous les maux physiques qui arrivent, c'est renverser l'ordre qui consiste dans la diversité.

Comme Dieu ni les corps célestes ne peuvent forcer la volonté à se porter vers un objet ; aussi ne peuvent-ils pas être la cause du mal moral.

Certaines dispositions des corps influent pourtant sur le mal moral : mais alors il cesse d'être mal moral, & devient vice de nature.

Les Astrologues disent toûjours des choses conformes à la raison & au bon sens : l'homme par la force de ce qu'il renferme, peut être changé en loup, en pourceau, prendre en un mot toutes sortes de formes.

Tout ce qui commence doit avoir une fin ; il n'est donc pas surprenant que les oracles ayent cessé.

L'ancienne loi, selon l'ordre, demandoit des oracles : la nouvelle n'en veut point, parce que c'est un autre arrangement ; il falloit faire contracter d'autres habitudes.

Comme il est fort difficile de quitter une ancienne habitude pour en prendre une nouvelle, il s'ensuit que les miracles étoient nécessaires pour faire adopter la nouvelle loi, & abandonner l'ancienne.

Lorsque l'ordre des cieux commencera à changer, tout changera ici-bas : nous voyons que les miracles furent d'abord foibles, & la religion aussi ; les miracles devinrent plus surprenans, la religion s'accrut ; les miracles ont cessé, la religion diminue : tel est l'ordre des cieux ; il varie & il variera si fort, que cette religion cessera de convenir aux hommes.

Moyse a fait des miracles, les payens aussi, avec eux Mahomet & Jesus-Christ. Cela est nécessaire, parce qu'il ne sauroit y avoir de changement considérable dans le monde, sans le secours des miracles.

La nature du miracle ne consiste pas en ce qu'il est hors de la sphere des choses ordinaires, mais en ce que c'est un effet rare, dont on ne connoît pas la cause, quoiqu'elle se trouve réellement dans la nature.

Voilà l'impiété de Pomponace dans son entier ; il croit l'adoucir, en disant que Jesus-Christ doit être préféré à Aristote & à Platon. " Et quoique, dit-il, tous les miracles qui sont arrivés puissent s'expliquer naturellement, il faut pourtant croire qu'ils ont été faits surnaturellement en faveur de la religion, parce que l'Eglise veut qu'on le croye ". Il avoit pour maxime de parler comme le vulgaire, & de penser comme un philosophe ; c'est-à-dire, qu'il étoit chrétien de bouche, & impie dans le coeur. " Je parle, dit-il en un endroit, pour des philosophes qui sont les seuls hommes qui soient sur la terre ; car pour les autres, je les regarde comme de simples figures propres à remplir les vuides qui se trouvent dans l'univers ". Qu'est-il besoin de réfuter ce qu'on vient de lire ? ne suffit-il point de l'avoir mis sous les yeux ? Pomponace eut plusieurs disciples, parmi lesquels se trouve Hercule de Gonzague, qui fut cardinal dans la suite, & qui eut tant d'estime pour son maître, qu'il le fit inhumer dans le tombeau de ses ancêtres. Il paroît par une lettre de Jules Scaliger, qu'il a été disciple de Pomponace.

Augustin Niphus fut l'adversaire le plus redoutable de Pomponace : ce fut un des plus célebres Péripatéticiens de son siecle. Il naquit dans la Calabre, quoique plusieurs l'ayent cru Suisse. Il est vrai que Niphus lui-même donne occasion à cette erreur ; car il se disoit Suisse, parce qu'il avoit vécu long-tems dans ce pays-là, & qu'il s'y étoit marié. Son pere se remaria après avoir perdu la mere de Niphus : sa marâtre étoit cruelle & injuste ; elle poussa sa haine si loin, que Niphus, quoique fort jeune, fut obligé d'abandonner la maison de son pere. Il s'enfuit à Naples, où il eut le bonheur de rencontrer un Suisse à qui il plut : il le regarda comme un de ses enfans, & lui donna la même éducation. On l'envoya faire ses études à Padoue ; il y étudia la Philosophie des Péripatéticiens, & s'adonna à la Medecine. Selon la coûtume de ce tems-là dans l'Italie, ceux qui n'embrassoient pas l'état ecclésiastique, joignoient l'étude de la Medecine à l'étude de la Philosophie : c'est pourquoi Niphus fut dans son siecle aussi bon medecin que célebre philosophe. Il avoit eu pour maître un Péripatéticien fort attaché aux opinions d'Averroès, sur-tout à celle de l'existence d'une seule ame : il avoit apporté tant d'argumens pour prouver ce sentiment, que le peuple & les petits philosophes l'adopterent avec lui ; de sorte que cette opinion se répandit dans toute l'Italie. Il avoit encore enchéri sur Averroès ; il soûtenoit entr'autres choses, qu'il n'y avoit d'autres substances immatérielles que celles qui faisoient mouvoir les spheres célestes. Niphus n'examina point dans la suite si ce que son maître lui avoit appris étoit bien fondé ; il ne chercha que les moyens les plus propres à bien défendre les opinions de ce maître. Il écrivit dans ce dessein son livre de l'entendement & des démons. Cet ouvrage fit beaucoup de bruit : les moines se récrierent hautement sur les erreurs qu'il contenoit : ils exciterent contre lui une si violente tempête, qu'il eut toutes les peines du monde à ne pas faire naufrage. Cela le rendit plus sage & plus prudent dans la suite. Il enseigna la Philosophie dans les plus célebres académies de l'Italie, & où Achillinus & Pomponace étoient en grande réputation ; comme à Pise, Bologne, Salerne, Padoue, & enfin à Rome, dans le collége de la Sapience. Niphus nous assûre que la ville de Bologne & celle de Venise lui avoient offert mille écus d'or par an pour professer la Philosophie dans leur ville. La maison de Medicis le protégea beaucoup, & en particulier Léon X. qui le combla de biens & d'honneurs. Il lui ordonna de réfuter le livre de Pomponace sur l'immortalité de l'ame, & de lui prouver que l'immortalité de l'ame n'étoit pas contraire aux sentimens d'Aristote ; ce que Pomponace prétendoit. C'est ainsi que la barbarie du siecle rendoit mauvaises les meilleures causes. Par la façon ridicule de réfuter Pomponace, ce philosophe se trouvoit avoir raison : car il est certain qu'Aristote ne croyoit pas l'immortalité de l'ame. Si Niphus s'étoit attaché à prouver que l'ame étoit immortelle, il auroit fait voir que Pomponace avoit tort, avec Aristote, son maître & son guide. Niphus eut beaucoup d'adversaires, parce que Pomponace avoit beaucoup de disciples. Tous ces écrits contre lui n'empêcherent pas qu'il ne fût fort agréable à Charles V. & même aux femmes de sa cour ; car ce philosophe, quoiqu'assez laid, savoit pourtant si bien dépouiller la rudesse philosophique, & prendre les airs de la cour, qu'il étoit regardé comme un des hommes les plus aimables. Il contoit agréablement, & avoit une imagination qui le servoit bien dans la conversation. Sa voix étoit sonore ; il aimoit les femmes, & beaucoup plus qu'il ne convenoit à un philosophe : il poussa quelquefois les aventures si loin, qu'il s'en fit mépriser, & risqua quelque chose de plus. Bayle, comme on sent bien, s'étend beaucoup sur cet article ; il le suit dans toutes ses aventures, où nous croyons devoir le laisser. Nous ne saurions trop nous élever contre ses moeurs, & contre sa fureur de railler indistinctement tout le monde, sur quelque matiere que ce fût. Il y a beaucoup de traits obscenes dans ses ouvrages. Le public se venge ordinairement ; il y a fort peu de personnes sur qui on fasse des contes aussi plaisans que sur Niphus. Dans certains écrits on lit qu'il devint fou : mais nous ne devons pas faire plus de cas de ces historiettes que des siennes. On peut assûrer seulement que c'étoit un homme de beaucoup d'esprit ; on le voit aisément dans ses ouvrages. Il a fait des commentaires sur presque tous les livres d'Aristote qui regardent la Philosophie : c'est même ce qu'il a fait de mieux ; car ce qu'il a écrit sur la Morale n'est pas, à beaucoup près, si bon. Son grand défaut étoit la diffusion ; lorsqu'il a une idée, il ne la quitte pas qu'il ne vous l'ait présentée de toutes les façons.

Parmi les derniers philosophes qui ont suivi le pur Péripatétisme, Jacques Zaborella a été un des plus fameux. Il naquit à Padoue en 1533, d'une famille illustre. L'esprit de ceux qui doivent faire un jour du bruit se développe de bonne heure. Au milieu des fautes & des mauvaises choses que fait un jeune homme, on découvre quelques traits de génie, s'il est destiné un jour à éclairer le monde. Tel fut Zaborella : il joignoit à une grande facilité un desir insatiable de savoir. Il auroit voulu posséder toutes les sciences, & les épuiser toutes. Il s'escrima de bonne heure dans le Péripatétisme ; car c'étoit alors le nec plus ultra des philosophes. Il s'appliqua sur-tout aux Mathématiques & à l'Astrologie, dans laquelle il fit de grands progrès. Le sénat de Venise l'estima si fort, qu'il le fit succéder à Bernard Tomitanus. Sa réputation ne fut point concentrée dans l'Italie seulement. Sigismond, alors roi de Pologne, lui offrit des avantages si considérables pour aller professer en Pologne, qu'il se détermina à quitter sa patrie, & à satisfaire aux desirs de Sigismond. Il a écrit plusieurs ouvrages qui lui donneroient une grande réputation, si nous étions encore dans la barbarie de ce tems-là : mais le nouveau jour qui luit sur le monde littéraire, obscurcit l'éclat que jettoient alors ces sortes de livres.

Les Piccolominis ne doivent point être oubliés ici. Cette maison est aussi illustre par les savans qu'elle a produits, que par son ancienneté. Les parens d'Alexandre Piccolomini ayant hérité de leurs ancêtres l'amour des sciences, voulurent le transmettre à leur fils : pour cela ils lui donnerent toute sorte de maîtres, & les plus habiles. Ils ne pensoient pas comme on pense aujourd'hui : la vanité fait donner des précepteurs & des gouverneurs aux enfans ; il suffit qu'on en ait un, on ne s'embarrasse guere s'il est propre à donner l'éducation convenable ; on ne demande point s'il sait ce qu'il doit apprendre à son éleve ; on veut seulement qu'il ne soit pas cher. Je suis persuadé que cette façon de penser a causé la chûte de plusieurs grandes maisons. Un jeune homme mal élevé donne dans toute sorte de travers, & se ruine ; & s'il ne donne pas dans des travers, il ne fait pas pour s'avancer ce qu'il auroit pû faire s'il avoit eu une meilleure éducation. On dit que les inclinations du duc de Bourgogne n'étoient pas tournées naturellement au bien : que ne fit donc pas l'éducation que lui donna le grand Fenelon, puisqu'il en fit un prince que la France pleurera toûjours ? Pour revenir à Alexandre Piccolomini, il fit avec de tels maîtres des progrès extraordinaires. Je crois que ce qu'on dit de lui tient un peu de l'exagération, & que la flatterie y a eu un peu de part : il est pourtant vrai qu'il fut un des plus habiles hommes de son tems : la douceur de ses moeurs, & son urbanité digne du tems d'Auguste, lui firent autant d'amis, que son savoir lui avoit attiré d'admirateurs. Il n'eut pas seulement le mérite philosophique, on lui trouva le mérite épiscopal ; il fut élevé à cette dignité, & fut ensuite fait co-adjuteur de l'archevêque de Sienne. Il vieillit estimé & respecté de tout le monde. Il mourut en 1578, regretté de tous les savans & de tous ses diocésains, dont il avoit été le pere. On ne sauroit comprendre l'amour qu'il avoit pour les ouvrages d'Aristote ; il les lisoit nuit & jour, & y trouvoit toûjours un nouveau plaisir. On a raison de dire qu'il faut que la passion & le préjugé s'en mêlent ; car il est certain que dans quelques ouvrages d'Aristote, les plaisirs qu'un homme d'esprit peut goûter sont bientôt épuisés. Alexandre Piccolomini a été le premier qui ait écrit la Philosophie en langue vulgaire : cela lui attira les reproches de plusieurs savans, qui crurent la philosophie d'Aristote prophanée. A peine ces superstitieux osoient ils l'écrire en Latin ; à les entendre, le Grec seul étoit digne de renfermer de si grandes beautés. Que diroient-ils aujourd'hui s'ils revenoient ? notre philosophie les surprendroit bien ; ils verroient que les plus petits écoliers se moquent des opinions qu'ils ont tant respectées. Comment se peut-il faire que des hommes, qui aiment naturellement l'indépendance, ayent fléchi le genou si long-tems devant Aristote ? c'est un problême qui mériteroit la plume d'un homme d'esprit pour le résoudre : cela me surprend d'autant plus, qu'on écrivoit déja contre la religion. La révélation gênoit ; on ne vouloit pas captiver son esprit sous les prophetes, sous les évangélistes, sous saint Paul : ses épitres pourtant contiennent une meilleure philosophie que celle d'Aristote. Je ne suis pas surpris de voir aujourd'hui des incrédules : Descartes a appris à n'admettre rien qui ne soit prouvé très-clairement. Ce philosophe qui connoissoit le prix de la soûmission, la refusa à tous les philosophes anciens. L'intérêt ne le guidoit pas ; car, par ses principes, on a cru ne devoir le suivre que lorsque ses raisons étoient bonnes. Je conçois comment on a étendu cet examen à toutes choses, même jusqu'à la religion : mais que dans un tems où tout en Philosophie se jugeoit par autorité, on examinât la religion, voilà ce qui est extraordinaire.

François Piccolomini fut encore un de ceux qui firent honneur à la Philosophie péripatéticienne. Il semble que son esprit vouloit sortir des entraves où il étoit. L'autorité d'Aristote ne lui suffisoit pas : il osa aussi penser comme Platon ; ce qui lui attira sur les bras le fougueux Zaborella. Leur dispute fut singuliere ; ce n'étoit point sur les principes de la Morale qu'ils disputoient, mais sur la façon de la traiter. Piccolomini vouloit qu'on la traitât synthétiquement ; c'est-à-dire, qu'on partît des principes pour arriver aux conclusions. Zaborella disoit qu'à la vérité dans l'ordre de la nature on procédoit ainsi, mais qu'il n'en étoit pas de même de nos connoissances ; qu'il falloit commencer par les effets pour arriver aux causes ; & toute son attention étoit à démontrer qu'Aristote avoit pensé ainsi ; croyant bien avoir terminé la dispute s'il venoit à bout de le démontrer : mais il se trompoit. Lorsque Piccolomini étoit battu par Aristote, il se réfugioit chez Platon. Zaborella ne daignoit pas même l'y attaquer ; il auroit crû manquer au respect dû à son maître, en lui donnant un rival. Piccolomini voulut accorder ces deux philosophes ensemble ; il croyoit que leurs principes étoient les mêmes, & que par conséquent ils devoient s'accorder dans les conclusions. Les zélateurs d'Aristote improuverent cette conduite ; ils vouloient que leur maître fût le seul de l'antiquité qui eût bien pensé. Il mourut âgé de quatre-vingts-quatre ans. Les larmes qui furent versées à sa sépulture, sont l'oraison funebre la plus éloquente qu'on puisse faire de lui ; car les hommes n'en aiment pas un autre précisément pour ses talens ; si le coeur lui manque, ils se bornent à estimer l'esprit. François Piccolomini mérita l'estime & l'amitié de tous ses citoyens. Nous avons de lui un commentaire sur les livres d'Aristote qui traitent du ciel, & sur ceux qui traitent de l'origine & de la mort de l'ame ; un système de Philosophie naturelle & morale, qui parut sous ce titre : la Science parfaite & philosophique de toute la Nature, distribuée en cinq parties.

Les grands étudioient alors la Philosophie, quoiqu'elle ne fût pas à beaucoup près si agréable qu'aujourd'hui. Cyriaque Strozzi fut du nombre : il étoit de l'illustre maison de ce nom chez les Florentins. Après une éducation digne de sa haute naissance, il crut nécessaire pour sa perfection, de voyager dans les différentes parties de l'Europe. Il ne le fit point en homme qui voyage précisément pour s'amuser. Toute l'Europe devint un cabinet pour lui, où il travailloit autant & avec plus de fruit que certains savans qui croiroient perdre leur tems s'ils voyoient quelquefois le jour. De retour dans sa patrie, on le nomma professeur ; car les grands ne se croyoient pas alors des honorés en prouvant qu'ils en savoient plus que les autres. Il fut ensuite professeur à Bologne, d'où il fut transféré à Pise ; par-tout il soûtint sa réputation qui étoit fort grande. Il entreprit de donner au public le neuvieme & le dixieme livre de la politique d'Aristote, qui sont perdus. Ils ne sont peut-être pas de la force de ceux qui sont sortis de la plume d'Aristote : mais on peut dire qu'il y a de la finesse dans ses réflexions, de la profondeur dans ses vûes, & de l'esprit semé dans tout son livre. Or dans ce tems-là l'esprit étoit beaucoup plus rare que le savoir ; & je suis persuadé que tels qui brilloient alors, ne pourroient pas écrire deux lignes aujourd'hui ; il faut allier la science avec l'esprit.

André Caesalpin & César Crémonin se rendirent fort illustres dans leur siecle. Il est aisé de fixer les yeux de tout le monde sur soi-même, en écrivant contre la religion, & sur-tout lorsqu'on écrit avec esprit ; on voit que tout le monde s'empresse à acheter ces livres ; on diroit que les hommes veulent se venger de la gêne où les tient la religion, & qu'on est bien-aise de voir attaquer des préceptes qui sont les ennemis de toutes les passions de l'homme. Caesalpin passa pour impie, & non sans raison : jamais personne n'a fait moins de cas des vérités révélées. Après les études ordinaires, il prit la résolution de devenir habile dans la Medecine & dans la philosophie d'Aristote. Son génie perçant & facile lui fit faire des progrès rapides dans ces deux sciences. Sa vaste érudition couvrit un peu la tache d'impiété dont il étoit accusé ; car le pape Clément VIII. le fit son premier Medecin, & lui donna une chaire de Medecine au collége de Sapience : ce fut là qu'il fit connoître toute sa sagacité. Il se fit un grand nom par les différens ouvrages qu'il donna, & sur-tout par la découverte de la circulation du sang ; car il paroît en cela avoir prévenu Harvei. La justice demande que nous rapportions sur quoi l'on se fonde pour disputer à Harvei la gloire de cette découverte. Voici comme parle Caesalpin : Idcirco pulmo per venam arteriis similem ex dextro cordis ventriculo fervidum hauriens sanguinem, eumque per anastomosim arteriae venali reddens quae in sinistrum cordis ventriculum tendit, transmisso interim aere frigido per asperae arteriae canales, qui juxta arteriam venalem protenduntur, non tamen osculis communicantes, ut putavit Galenus, solo tactu temperat. Huic sanguinis circulationi ex dextro cordis ventriculo per pulmones in sinistrum ejusdem ventriculum, optime respondent ea quae in dissectione apparent : nam duo sunt vasa in dextrum ventriculum desinentia, duo etiam in sinistrum ; duorum autem unum intromittit tantùm, alterum educit, membranis eo ingenio constitutis. Je laisse aux Medecins à juger si ces paroles ne prouvent pas que Caesalpin a connu la circulation du sang. La philosophie est ce qui nous intéresse le plus dans la personne de Caesalpin ; puisque c'est ici de la philosophie seulement qu'il s'agit. Il s'étoit proposé de suivre Aristote à la rigueur ; aucun commentateur n'étoit une autorité suffisante pour lui. Heureux s'il avoit pû secoüer celle d'Aristote même ! mais il étoit donné à la France de produire ce génie, qui devoit tirer d'esclavage tous les esprits du monde. Lorsqu'il trouvoit quelque chose dans Aristote qui lui paroissoit contraire aux dogmes de la religion Chrétienne, cela ne l'arrêtoit point : il poursuivoit toûjours son chemin, & laissoit aux Théologiens à se tirer de ce mauvais pas. Il paroît même qu'il a prévenu Spinosa dans plusieurs de ses principes impies ; c'est ce qu'on peut voir dans ses questions péripatéticiennes sur les premiers principes de la Philosophie naturelle. Non-seulement il a suivi les impiétés d'Aristote ; mais on peut dire de plus qu'il a beaucoup enchéri sur ce philosophe. Voilà pourquoi plusieurs personnes distinguées dans leur siecle par leur mérite, l'ont accusé d'athéisme. Nous allons dire en peu de mots ce qui doit être repris dans Caesalpin. Il faut auparavant se rappeller ce que nous avons dit sur le système de la physiologie d'Aristote ; car sans cela il seroit difficile de nous suivre. Pour mieux faire avaler le poison, il prenoit un passage d'Aristote, & l'interprétoit à sa façon, lui faisant dire ce qu'il vouloit ; de sorte qu'il prêtoit souvent à ce philosophe ce qu'il n'avoit jamais pensé. On ne peut lire sans horreur ce qu'il dit de Dieu & de l'ame humaine ; car il a surpassé en cela les impiétés & les folies d'Averroès. Selon Caesalpin il n'y a qu'une ame dans le monde, qui anime tous les corps & Dieu même ; il paroît même qu'il n'admettoit qu'une seule substance : cette ame, selon lui, est le Dieu que nous adorons ; & si on lui demande ce que sont les hommes, il vous dira qu'ils entrent dans la composition de cette ame. Comme Dieu est un & simple (car tout cela se trouve réuni dans cette doctrine) il ne se comprend que lui-même ; il n'a aucune relation avec les choses extérieures, & par conséquent point de Providence. Voilà les fruits de la philosophie d'Aristote, en partie, il est vrai, mal entendue, & en partie non corrigée. Car Aristote ayant enseigné que toutes choses partoient de la matiere, Caesalpin en conclut qu'il n'y avoit qu'une substance spirituelle. Et comme il voyoit qu'il y avoit plusieurs corps animés, il prétendit que c'étoit une partie de cette ame qui animoit chaque corps en particulier. Il se servoit de cet axiome d'Aristote, quod in se optimum, id seipsum intelligere, pour nier la providence. Dans la physique il est encore rempli d'erreurs. Selon lui, il n'y a aucune différence entre la modification & la substance : & ce qu'il y a de singulier, il veut qu'on définisse la matiere & les différens corps, par les différens accidens & les qualités qui les affectent. Il est sans doute dans tout cela plein de contradictions : mais on ne sauroit lui refuser d'avoir défendu quelques-unes de ses propositions avec beaucoup de subtilité & fort ingénieusement. On ne sauroit trop déplorer qu'un tel génie se soit occupé toute sa vie à des choses si inutiles. S'il avoit entrevû le vrai, quels progrès n'auroit-il point fait ? Presque tous les savans, comme j'ai déjà remarqué, reprochent le Spinosisme à Caesalpin. Il faut pourtant avoüer qu'il y a quelque différence essentielle entre lui & ce célebre impie. La substance unique dans les principes de Caesalpin, ne regardoit que l'ame ; & dans les principes de Spinosa elle comprend aussi la matiere : mais qu'importe ? l'opinion de Caesalpin ne détruit pas moins la nature de Dieu, que celle de Spinosa. Selon Caesalpin, Dieu est la substance du monde, c'est lui qui le constitue, & il n'est pas dans le monde. Quelle absurdité ! il considéroit Dieu par rapport au monde, comme une poule qui couve des oeufs. Il n'y a pas plus d'action du côté de Dieu pour faire aller le monde, qu'il y en a du côté de cette poule pour faire éclorre ces oeufs : comme il est impossible, dit-il ailleurs, qu'une puissance soit sans sujet, aussi est-il impossible de trouver un esprit sans corps. Il est rempli de pareilles absurdités qu'il seroit superflu de rapporter.

Crémonin fut un impie dans le goût de Caesalpin ; leur impiété étoit formée sur le même modele, c'est-à-dire sur Aristote. Ces especes de philosophes ne pouvoient pas s'imaginer qu'il fût possible qu'Aristote se fût trompé en quelque chose ; tout ce que ce philosophe leur maître avoit prononcé leur paroissoit irréfragable : voilà pourquoi tous ceux qui faisoient profession de le suivre à la rigueur, nioient l'immortalité de l'ame & la Providence ; ils ne croyoient pas devoir profiter des lumieres que la Religion chrétienne avoit répandues sur ces deux points. Aristote ne l'avoit point pensé ; pouvoit-on mieux penser après lui ? S'ils avoient un peu refléchi sur leur conduite, ils se seroient apperçûs qu'Aristote n'étoit point leur maître, mais leur dieu ; car il n'est pas d'un homme de découvrir tout ce qu'on peut savoir, & de ne se tromper jamais. Avec une telle vénération pour Aristote, on doit s'imaginer aisément avec quelle fureur ils dévoroient ses ouvrages. Crémonin a été un de ceux qui les ont le mieux entendus. Il se fit une grande réputation qui lui attira l'amitié & l'estime des princes ; & voilà ce que je ne comprens pas : car cette espece de philosophie n'avoit rien d'attrayant. Je ne serois pas surpris si les philosophes de ce tems-là avoient été tous renvoyés dans leur école ; car je sens qu'ils devoient être fort ennuyeux : mais qu'aujourd'hui ce qu'on appelle un grand philosophe ne soit pas bien accueilli chez les rois, qu'ils n'en fassent pas leurs amis, voilà ce qui me surprend ; car qui dit un grand philosophe aujourd'hui, dit un homme rempli d'une infinité de connoissances utiles & agréables, un homme qui est rempli de grandes vûes. On nous dira que ces philosophes n'entendent rien à la politique : ne sait-on point que le train des affaires est une espece de routine, & qu'il faut nécessairement y être entré pour les entendre ? Mais croit-on qu'un homme qui par ses ouvrages est reconnu pour avoir un génie vaste & étendu, pour avoir une pénétration surprenante, croit-on, dis-je, qu'un tel homme ne seroit pas un grand ministre si on l'employoit ? Un grand esprit est toûjours actif & se porte toûjours vers quelque objet ; il feroit donc quelque chose ; nous verrions certains systèmes redressés, certaines coûtumes abolies, parce qu'elles sont mauvaises ; on verroit de nouvelles idées éclorre & rendre meilleure la condition des citoyens ; la société en un mot se perfectionneroit, comme la Philosophie se perfectionne tous les jours. Dans certains états on est aujourd'hui, eu égard au système du bien général de la société, comme étoient ces philosophes dont je parle, par rapport aux idées d'Aristote ; il faut espérer que la nature donnera à la société ce qu'elle a déjà donné à la Philosophie ; la société aura son Descartes qui renversera une infinité de préjugés, & fera rire nos derniers neveux de toutes les sottises que nous avons adoptées. Pour revenir à Crémonin, le fond de son système est le même que celui de Caesalpin. Tous ces philosophes sentoient leur impiété, parce qu'il ne faut avoir que des yeux pour voir que ce qu'ils soûtenoient est contraire aux dogmes du Christianisme : mais ils croyoient rendre un hommage suffisant à la religion, en lui donnant la foi, & réservant la raison pour Aristote, partage très-desavantageux : comment ne sentoient-ils point que ce qui est contraire à la raison, ce que la raison prouve faux, ne sauroit être vrai dans la religion ? La vérité est la même dans Dieu que dans les hommes ; c'est la même source. Je ne suis plus surpris qu'ils ne rencontrassent pas la vérité ; ils ne savoient ce que c'étoit : manquant par les premiers principes, il étoit bien difficile qu'ils sortissent de l'erreur qui les subjuguoit.

Les philosophes dont j'ai parlé jusqu'ici sont sortis du sein de l'église Romaine : il y en a eu beaucoup d'autres, sans doute : mais nous avons crû devoir nous arrêter seulement à ceux qui se sont le plus distingués. Les Protestans ont eu les leurs ainsi que les Catholiques. Il sembloit que Luther eût porté dans ce parti le dernier coup à la philosophie péripatéticienne, en l'enveloppant dans les malédictions qu'il donnoit à la Théologie scholastique : mais Luther lui-même sentit qu'il avoit été trop loin. La secte des Anabaptistes lui fit connoître qu'il avoit ouvert la porte aux enthousiastes & aux illuminés. Les armes pour les réfuter manquoient aux Luthériens, & il fallut qu'ils empruntassent celles qu'ils maudissoient dans la main des Catholiques. Mélancthon fut un de ceux qui contribua le plus au rétablissement de la Philosophie parmi les Protestans. On ne savoit être dans ce tems-là que Péripatéticien. Mélancthon étoit trop éclairé pour donner dans les erreurs grossieres de cette secte ; il crut donc devoir réformer la Philosophie dans quelques-unes de ses parties, & en conserver le fond qu'il jugea nécessaire pour repousser les traits que lançoient les Catholiques, & en même tems pour arrêter les progrès de certaines sectes qui alloient beaucoup plus loin que les Protestans. Cet homme célebre naquit à Schwarzerd, d'une famille honnête ; il reçut une fort bonne éducation. Dès ses premieres années on découvrit en lui un desir insatiable d'apprendre ; les plaisirs ordinaires ne l'amusoient point ; son application continuelle le rendoit grave & sérieux : mais cela n'altéra jamais la douceur de son caractere. A l'âge de douze ans, il alla continuer ses études à Heidelberg ; il s'attira bientôt l'estime & l'amitié de tout le monde ; le comte Louis de Lowenstein le choisit pour être précepteur de ses enfans. C'est avec raison que Baillet l'a mis au nombre des enfans qui se sont distingués dans un âge peu avancé, où l'on possede rarement ce qui est nécessaire pour être savant. Mélancthon étoit naturellement éloquent, comme on le voit par ses écrits ; il cultiva avec grand soin les talens naturels qu'il avoit en ce genre. Il étudia la Philosophie comme les autres, car on n'étoit rien si on ne savoit Aristote. Il se distingua beaucoup dans les solutions qu'il donna aux difficultés sur les propositions modales. Il parut un aigle sur les universaux. On sera sans doute surpris de voir que je loue Mélancthon par ces endroits ; on s'en moque aujourd'hui, & avec raison : mais on doit louer un homme d'avoir été plus loin que tout son siecle. C'étoient alors les questions à la mode, on ne pouvoit donc se dispenser de les étudier ; & lorsqu'on excelloit par-dessus les autres, on ne pouvoit manquer d'avoir beaucoup d'esprit ; car les premiers hommes de tous les siecles sont toûjours de grands hommes, quelques absurdités qu'ils ayent dites. Il faut voir, dit M. de Fontenelle, d'où ils sont partis : un homme qui grimpe sur une montagne escarpée pourra bien être aussi leger qu'un homme qui dans la plaine fera six fois plus de chemin que lui. Mélancthon avoit pourtant trop d'esprit pour ne pas sentir que la philosophie d'Aristote étendoit trop loin ses droits ; il desapprouva ces questions épineuses, difficiles & inutiles, dont tout le monde se tourmentoit l'esprit ; il s'apperçut qu'une infinité de folies étoient cachées sous de grands mots, & qu'il n'y avoit que leur habit philosophique qui pût les faire respecter. Il est très-évident qu'à force de mettre des mots dans la tête, on en chasse toutes les idées ; on se trouve fort savant, & on ne sait rien ; on croit avoir la tête pleine, & on n'y a rien. Ce fut un moine qui acheva de le convaincre du mauvais goût qui tyrannisoit tous les hommes : ce moine un jour ne sachant pas un sermon qu'il devoit prêcher, ou ne l'ayant pas fait, pour y suppléer imagina d'expliquer quelques questions de la morale d'Aristote ; il se servoit de tous les termes de l'art : on sent aisément combien cette exhortation fut utile, & quelle onction il y mit. Mélancthon fut indigné de voir que la barbarie alloit jusque-là : heureux si dans la suite, il n'avoit pas fait un crime à l'Eglise entiere de la folie d'un particulier, qu'elle a desavoüée dans tous les tems, comme elle desavoue tous les jours les extravagances que font des zélés ! Il finit ses études à l'âge de dix-sept ans, & se mit à expliquer, en particulier aux enfans, Térence & Virgile : quelque tems après on le chargea d'une harangue, ce qui lui fit lire attentivement Cicéron & Tite-Live ; il s'en acquitta en homme de beaucoup d'esprit, & qui s'étoit nourri des meilleurs auteurs. Mais ce qui surprit le plus Mélancthon, qui étoit, comme je l'ai déjà dit, d'un caractere fort doux, c'est lorsqu'il vit pour la premiere fois les disputes des différentes sectes ; alors celles des Nominaux & des Réels fermentoient beaucoup : après plusieurs mauvaises raisons de part & d'autre, & cela parce qu'on n'en sauroit avoir de bonnes là-dessus, les meilleurs poignets restoient victorieux ; tous d'un commun accord dépouilloient la gravité philosophique, & se battoient indécemment : heureux si dans le tumulte quelque coup bien appliqué avoit pû faire un changement dans leur tête ; car si, comme le remarque un homme d'esprit, un coup de doigt d'une nourrice pouvoit faire de Pascal un sot, pourquoi un sot trépané ne pourroit-il pas devenir un homme d'esprit ? Les Accoucheurs de ce tems-là n'étoient pas sans doute si habiles qu'à présent, & je crois que le long triomphe d'Aristote leur est dû. Mélancthon fut appellé par l'électeur de Saxe, pour être professeur en Grec. L'erreur de Luther faisoit alors beaucoup de progrès ; Mélancthon connut ce dangereux hérésiarque ; & comme il cherchoit quelque chose de nouveau, parce qu'il sentoit bien que ce qu'on lui avoit appris n'étoit pas ce qu'il falloit savoir, il avala le poison que lui présenta Luther ; il s'égara. C'est avec raison qu'il cherchoit quelque chose de nouveau : mais ce ne devoit être qu'en Philosophie ; ce n'étoit pas la religion qui demandoit un changement ; on ne fait point une nouvelle religion comme on fait un nouveau système. Il ne peut même y avoir une réforme sur la religion ; elle présente des choses si extraordinaires à croire, que si Luther avoit eu droit de la réformer, je la réformerois encore, parce que je me persuaderois aisément qu'il a oublié bien des choses : ce n'est que parce que je sai qu'on ne peut y toucher, que je m'en tiens à ce qu'on me propose. Mélancthon, depuis sa connoissance avec Luther, devint sectaire & un sectaire ardent, & par conséquent son esprit fut enveloppé du voile de l'erreur ; ses vûes ne pûrent plus s'étendre comme elles auroient fait s'il ne s'étoit pas livré à un parti : il prêchoit, il catéchisoit, il s'intriguoit, & enfin il n'abandonna Aristote en quelque chose, que pour suivre Luther, qui lui étoit d'autant moins préférable qu'il attaquoit plus formellement la religion. Luther répandit quelques nuages sur l'esprit de Mélancthon, à l'occasion d'Aristote ; car il ne rougit pas après les leçons de Luther, d'appeller Aristote un vain sophiste : mais il se réconcilia bientôt ; & malgré les apologies qu'il fit du sentiment de Luther, il contribua beaucoup à rétablir la Philosophie parmi les Protestans. Il s'apperçut que Luther condamnoit plûtôt la Scholastique que la Philosophie ; ce n'étoit pas en effet aux Philosophes que cet hérésiarque avoit à faire, mais aux Théologiens ; & il faut avoüer qu'il s'y étoit bien pris en commençant par rendre leurs armes odieuses & méprisables. Mélancthon détestoit toutes les autres sectes des philosophes, le seul Péripatétisme lui paroissoit soûtenable ; il rejettoit également le Stoïcisme, le Scepticisme & l'Epicuréisme. Il recommandoit à tout le monde la lecture de Platon, à cause de l'abondance qui s'y trouve, à cause de ce qu'il dit sur la nature de Dieu, & de sa belle diction : mais il préféroit Aristote pour l'ordre & pour la méthode. Il écrivit la vie de Platon & celle d'Aristote ; on pourra voir aisément son sentiment en les lisant : je crois qu'on ne sera pas fâché que je transcrive ici quelques traits tirés de ses harangues, elles sont rares ; & d'ailleurs on verra de quelle façon s'exprimoit cet homme si fameux, & dont les discours ont fait tant d'impression : Cum eam, dit-il, quam toties Plato praedicat methodum, non saepè adhibeat, & evagetur aliquando liberius in disputando, quaedam etiam figuris involvat, ac volens occultet, denique cum rarò pronuntiet quid sit sentiendum ; assentior adolescentibus potius proponendum esse Aristotelem, qui artes, quas tradit, explicat integras, & methodum simpliciorem, seu filum ad regendum lectorem adhibet, & quid sit sentiendum plerumque pronuntiat : haec in docentibus ut requirantur multae causae graves sunt ; ut enim satis dentibus draconis à Cadmo seges exorta est armatorum, qui inter se ipsi dimicarunt ; ita, si quis serat ambiguas opiniones, exoriuntur inde variae ac perniciosae dissensiones. Et un peu après, il dit qu'en se servant de la méthode d'Aristote, il est facile de réduire ce qui dans Platon seroit extrêmement long. Aristote, nous dit-il ailleurs, a d'autres avantages sur Platon ; il nous a donné un cours entier ; ce qu'il commence, il l'acheve. Il reprend les choses d'aussi haut qu'on puisse aller, & vous mene fort loin. Aimons, conclut-il, Platon & Aristote ; le premier à cause de ce qu'il dit sur la politique, & à cause de son élégance ; le second, à cause de sa méthode : il faut pourtant les lire tous les deux avec précaution, & bien distinguer ce qui est contraire à la doctrine que nous lisons dans l'Evangile. Nous ne saurions nous passer d'Aristote dans l'Eglise, dit encore Mélancthon, parce que c'est le seul qui nous apprenne à définir, à diviser, & à juger ; lui seul nous apprend même à raisonner ; or dans l'Eglise tout cela n'est-il pas nécessaire ? pour les choses de la vie, n'avons-nous pas besoin de bien des choses que la Physique seule nous apprend ? Platon en parle, à la vérité : mais on diroit que c'est un prophete qui annonce l'avenir, & non un maître qui veut instruire ; au lieu que dans Aristote, vous trouvez les principes, & il en tire lui-même les conséquences. Je demande seulement, dit Mélancthon, qu'on s'attache aux choses que dit Aristote, & non aux mots, qu'on abandonne ces vaines subtilités, & qu'on ne se serve de distinctions que lorsqu'elles seront nécessaires pour faire sentir que la difficulté ne regarde point ce que vous défendez ; au lieu que communément on distingue afin de vous faire perdre de vûe ce qu'on soûtient : est-ce le moyen d'éclaircir les matieres ? Nous en avons, je crois, assez dit pour démontrer que ce n'est pas sans raison que nous avons compris Mélancthon au nombre de ceux qui ont rétabli la philosophie d'Aristote. Nous n'avons pas prétendu donner sa vie ; elle renferme beaucoup plus de circonstances intéressantes que celles que nous avons rapportées : c'est un grand homme, & qui a joüé un très-grand rôle dans le monde : mais sa vie est très-connue, & ce n'étoit pas ici le lieu de l'écrire.

Nicolas Taureill a été un des plus célebres philosophes parmi les Protestans ; il naquit de parens dont la fortune ne faisoit pas espérer à Taureill une éducation telle que son esprit la demandoit : mais la facilité & la pénétration qu'on apperçût en lui, fit qu'on engagea le duc de Virtemberg à fournir aux frais. Il fit des progrès extraordinaires, & jamais personne n'a moins trompé ses bienfaiteurs que lui. Les différends des Catholiques avec les Protestans l'empêcherent d'embrasser l'état ecclésiastique. Il se fit Medecin, & c'est ce qui arrêta sa fortune à la cour de Virtemberg. Le duc de Virtemberg desiroit l'avoir auprès de lui, pour lui faire défendre le parti de la réforme qu'il avoit embrassé, & c'est en partie pour cela qu'il avoit fourni aux frais de son éducation : mais on le soupçonna de pencher pour la confession d'Ausbourg ; peut-être n'étoit-il pour aucun parti : de quelque religion qu'il fût, cela ne fait rien à la Philosophie. Voilà pourquoi nous ne discutons pas cet article exactement. Après avoir professé longtems la Medecine à Bâle, il passa à Strasbourg ; & de cette ville, il revint à Bâle pour y être professeur de Morale. De-là il repassa en Allemagne où il s'acquit une grande réputation : son école étoit remplie de barons & de comtes, qui venoient l'entendre. Il étoit si desintéressé, qu'avec toute cette réputation & ce concours pour l'écouter, il ne devint pas riche. Il mourut de la peste, âgé de cinquante-neuf ans. Ce fut un des premiers hommes de son tems ; car il osa penser seul, & il ne se laissa jamais gouverner par l'autorité : on découvre par tous ses écrits une certaine hardiesse dans ses pensées & dans ses opinions. Jamais personne n'a mieux saisi une difficulté, & ne s'en est mieux servi contre ses adversaires, qui communément ne pouvoient pas tenir contre lui. Il fut grand ennemi de la philosophie de Caesalpin : on découvre dans tous ses écrits qu'il étoit fort content de ce qu'il faisoit ; l'amour propre s'y montre un peu trop à découvert, & on y apperçoit quelquefois une présomption insupportable. Il regardoit du haut de son esprit tous les philosophes qui l'avoient précédé, si on en excepte Aristote & quelques anciens. Il examina la philosophie d'Aristote, & il y apperçut plusieurs erreurs ; il eut le courage de les rejetter, & assez d'esprit pour le faire avec succès. Il est beau de lui entendre dire dans la préface de la méthode de la Medecine de prédiction, car tel est le titre du livre : " Je m'attache à venger la doctrine de Jesus-Christ, & je n'accorde à Aristote rien de ce que Jesus-Christ paroît lui refuser : je n'examine pas même ce qui est contraire à l'évangile, parce qu'avant tout examen, je suis assûré que cela est faux ". Tous les philosophes devroient avoir dans l'esprit que leur philosophie ne doit point être opposée à la religion ; toute leur raison doit s'y briser, parce que c'est un édifice appuyé sur l'immuable vérité. Il faut avoüer qu'il est difficile de saisir son système philosophique. Je sai seulement qu'il méprisoit beaucoup tous les commentateurs d'Aristote, & qu'il avoue que la philosophie péripatéticienne lui plaisoit beaucoup, mais corrigée & rendue conforme à l'évangile ; c'est pourquoi je ne crois pas qu'on doive l'effacer du catalogue des Péripatéticiens, quoiqu'il l'ait réformée en plusieurs endroits. Un esprit aussi hardi que le sien ne pouvoit manquer de laisser échapper quelques paradoxes : ses adversaires s'en sont servis pour prouver qu'il étoit athée : mais en vérité, le respect qu'il témoigne partout à la religion, & qui certainement n'étoit point simulé, doit le mettre à l'abri d'une pareille accusation. Il ne prévoyoit pas qu'on pût tirer de pareilles conséquences des principes qu'il avançoit ; car je suis persuadé qu'il les auroit retractés, ou les auroit expliqués de façon à satisfaire tout le monde. Je crois qu'on doit être fort reservé sur l'accusation d'athéïsme ; & on ne doit jamais conclure sur quelques propositions hasardées, qu'un homme est athée : il faut consulter tous ses ouvrages ; & l'on peut assûrer que s'il l'est réellement, son impiété se fera sentir partout.

Michel Picart brilloit vers le tems de Nicolas Taureill ; il professa de bonne heure la Logique, & s'y distingua beaucoup ; il suivit le torrent, & fut péripatéticien. On lui confia après ses premiers essais la chaire de Métaphysique & de Poësie, cela paroît assez disparat, & je n'augure guere bien d'un tems où on donne une chaire pour la Poësie à un Péripatéticien : mais enfin il étoit peut-être le meilleur dans ce tems-là, & il n'y a rien à dire, lorsqu'on vaut mieux que tous ceux de son tems. Je ne comprends pas comment dans un siecle où on payoit si bien les savans, Picart fût si pauvre ; car il luta toute sa vie contre la pauvreté ; & il fit bien connoître par sa conduite que la philosophie de son coeur & de son esprit valoit mieux que celle qu'il dictoit dans les écoles. Il fit un grand nombre d'ouvrages, & tous fort estimés de son vivant. Nous avons de lui cinquante & une dissertations, où il fait connoître qu'il possédoit Aristote supérieurement. Il fit aussi le manuel de la philosophie d'Aristote, qui eut beaucoup de cours : la réputation de Picart subsiste encore ; &, ce qui ne peut guere se dire des ouvrages de ce tems-là, on trouve à profiter dans les siens.

Corneille Martini naquit à Anvers ; il y fit ses études, & avec tant de distinction, qu'on l'attira immédiatement après à Amsterdam, pour y professer la Philosophie. Il étoit subtil, capable d'embarrasser un homme d'esprit, & se tiroit aisément de tout en bon Péripatéticien. Le duc de Brunswic jetta les yeux sur lui, pour l'envoyer au colloque de Ratisbonne. Gretzer qui étoit aussi député à ce colloque pour le parti des Protestans, trouva mauvais qu'on lui associât un professeur de Philosophie, dans une dispute où on ne devoit agiter que des questions de Théologie ; c'est ce qui lui fit dire lorsqu'il vit Martini dans l'assemblée, quid Saül inter prophetas quaerit ? A quoi Martini répondit, asinam patris sui. Dans la suite Martini fit bien connoître que Gretzer avoit eu tort de se plaindre d'un tel second. Il fut très-zélé pour la philosophie d'Aristote ; il travailla toute sa vie à la défendre contre les assauts qu'on commençoit déjà à lui livrer. C'est ce qui lui fit prendre les armes contre les partisans de Ramus ; & on peut dire que ce n'est que par des efforts redoublés que le Péripatétisme se soûtint. Il étoit prêt à disputer contre tout le monde : jamais de sa vie il n'a refusé un cartel philosophique. Il mourut âgé de cinquante-quatre ans, un peu martyr du Péripatétisme ; car il avoit altéré sa santé, soit par le travail opiniâtre pour défendre son cher maître, soit par ses disputes de vive voix, qui infailliblement userent sa poitrine. Nous avons de lui l'analyse logique, & le commentaire logique contre les Ramistes, un système de Philosophie morale & de Métaphysique. Je ne fais point ici mention de ses différens écrits sur la Théologie, parce que je ne parle que de ce qui regarde la Philosophie.

Hermannus Corringius est un des plus savans hommes que l'Allemagne ait produits. On pourroit le loüer par plusieurs endroits : mais je m'en tiendrai à ce qui regarde la Philosophie ; il s'y distingua si fort, qu'on ne peut se dispenser d'en faire mention avec éloge dans cette histoire. Le duc Ulric de Brunswic le fit professeur dans son université ; il vint dans un mauvais tems, les guerres désoloient toute l'Europe : ce fléau affligeoit toutes les différentes nations ; il est difficile avec de tels troubles de donner à l'étude le tems qui est nécessaire pour devenir savant. Il trouva pourtant le moyen de devenir un des plus savans hommes qui ayent jamais paru. Le plus grand éloge que j'en puisse faire, c'est de dire qu'il fut écrit par M. Colbert sur le catalogue des savans que Louis-le-Grand récompensa. Ce grand roi lui témoigna par ses largesses au fond de l'Allemagne le cas qu'il faisoit de son mérite. Il fut Péripatéticien, & se plaint lui-même que le respect qu'il avoit pour ce que ses maîtres lui avoient appris, alloit un peu trop loin. Ce n'est pas qu'il n'osât examiner les opinions d'Aristote : mais le préjugé se mettant toûjours de la partie, ces sortes d'examens ne le conduisoient pas à de nouvelles découvertes. Il pensoit sur Aristote, & sur la façon dont il falloit l'étudier, comme Mélancthon. Voici comme il parle des ouvrages d'Aristote : " Il manque beaucoup de choses dans la Philosophie morale d'Aristote que je desirerois ; par exemple, tout ce qui regarde le droit naturel, & que je crois devoir être traité dans la Morale, puisque c'est sur le droit naturel que toute la Morale est appuyée. Sa méthode me paroît mauvaise, & ses argumens foibles ". Il étoit difficile en effet qu'il pût donner une bonne morale, puisqu'il nioit la Providence, l'immortalité de l'ame, & par conséquent un état à venir où on punit le vice, & où on récompense la vertu. Quelles vertus veut-on admettre en niant les premieres vérités ? Pourquoi donc ne chercherois-je pas à être heureux dans ce monde-ci, puisqu'il n'y a rien à espérer pour moi dans l'autre ? Dans les principes d'Aristote, un homme qui se sacrifie pour la patrie, est fou. L'amour de soi-même est avant l'amour de la patrie ; & on ne place ordinairement l'amour de la patrie avant l'amour de soi-même, que parce qu'on est persuadé que la préférence qu'on donne à l'intérêt de la patrie sur le sien est récompensée. Si je meurs pour la patrie, & que tout meure avec moi, n'est-ce pas la plus grande de toutes les folies ? Quiconque pensera autrement, fera plus attention aux grands mots de patrie, qu'à la réalité des choses. Corringius s'éleva pourtant un peu trop contre Descartes : il ne voyoit rien dans sa Physique de raisonnable, & celle d'Aristote le satisfaisoit. Que ne peut pas le préjugé sur l'esprit ? Il n'approuvoit Descartes qu'en ce qu'il rejettoit les formes substantielles. Les Allemands ne pouvoient pas encore s'accoûtumer aux nouvelles idées de Descartes ; ils ressembloient à des gens qui ont eu les yeux bandés pendant long-tems, & auxquels on ôte le bandeau : leurs premieres démarches sont timides ; ils refusent de s'appuyer sur la terre qu'ils découvrent ; & tel aveugle qui dans une heure traverse tout Paris, seroit peut-être plus d'un jour à faire le même chemin, si on lui rendoit la vûe tout d'un coup. Corringius mourut, & le Péripatétisme expira presque avec lui. Depuis il ne fit que languir ; parce que ceux qui vinrent après & qui le défendirent, ne pouvoient être de grands hommes : il y avoit alors trop de lumiere pour qu'un homme d'esprit pût s'égarer. Voilà à-peu-près le commencement, les progrès & la fin du Péripatétisme. Je ne pense pas qu'on s'imagine que j'aye prétendu nommer tous ceux qui se sont distingués dans cette secte : il faudroit des volumes immenses pour cela ; parce qu'autrefois, pour être un homme distingué dans son siecle, il falloit se signaler dans quelque secte de Philosophie ; & tout le monde sait que le Péripatétisme a long-tems dominé. Si un homme passoit pour avoir du mérite, on commençoit par lui proposer quelqu'argument, in barocho très-souvent, afin de juger si sa réputation étoit bien fondée. Si Racine & Corneille étoient venus dans ce tems-là, comme on n'auroit trouvé aucun ergo dans leurs tragédies, ils auroient passé pour des ignorans, & par conséquent pour des hommes de peu d'esprit. Heureux notre siecle de penser autrement !


ARITHMANCIou ARITHMOMANCIE, s. f. divination ou maniere de connoître & de prédire l'avenir par le moyen des nombres. Ce mot est formé du grec , nombre, & de , divination. Delrio en distingue de deux sortes ; l'une en usage chez les Grecs, qui considéroient le nombre & la valeur des lettres dans les noms des deux combattans, par exemple, & en auguroient que celui dont le nom renfermoit un plus grand nombre de lettres, & d'une plus grande valeur que celles qui composoient le nom de son adversaire, remporteroit la victoire ; c'est pour cela, disoient-ils, qu'Hector devoit être vaincu par Achille. L'autre espece étoit connue des Chaldéens, qui partageoient leur alphabet en trois décades, en répétant quelques lettres, changeoient en lettres numérales les lettres des noms de ceux qui les consultoient, & rapportoient chaque nombre à quelque planete, de laquelle ils tiroient des présages.

La cabale des Juifs modernes est une espece d'arithmancie ; au moins la divisent-ils en deux parties, qu'ils appellent théomancie & arithmancie.

L'évangéliste S. Jean, dans le chap. xiij. de l'Apocalypse, marque le nom de l'Antechrist par le nombre 666, passage dont l'intelligence a beaucoup exercé les commentateurs. C'est une prophétie enveloppée sous des nombres mystérieux, qui n'autorise nullement l'espece de divination dont il s'agit dans cet article. Les Platoniciens & les Pythagoriciens étoient fort adonnés à l'arithmancie. Delrio, Disquisit. Magicar. lib. IV. cap. ij. quaest. 7. sect. 4. pag. 565. & 566. (G)


ARITHMÉTICIENS. m. se dit en général d'une personne qui sait l'Arithmétique, & plus communément d'une personne qui l'enseigne. Voyez ARITHMETIQUE. Il y a des experts jurés écrivains arithméticiens. Voyez EXPERT, JURE, &c. (E)


ARITHMÉTIQUES. f. (Ordre encycl. Entend. Raison, Philos. ou Science, Science de la Nat. ou des êtres, de leurs qualités abstraites, de la quantité, ou Mathémat. Matth. pures, Arithmétique.) Ce mot vient du grec , nombre. C'est l'art de démontrer, ou cette partie des Mathématiques qui considere les propriétés des nombres. On y apprend à calculer exactement, facilement, promptement. Voyez NOMBRE, MATHEMATIQUES, CALCUL.

Quelques auteurs définissent l'Arithmétique, la science de la quantité discrette. Voyez DISCRET & QUANTITE.

Les quatre grandes regles ou opérations, appellées l'addition, la soustraction, la multiplication, & la division, composent proprement toute l'Arithmétique. Voyez ADDITION, &c.

Il est vrai que pour faciliter & expédier rapidement des calculs de commerce, des calculs astronomiques, &c. on a inventé d'autres regles fort utiles, telles que les regles de proportion, d'alliage, de fausse position, de compagnie, d'extraction de racines, de progression, de change, de troc, d'excompte, de réduction ou de rabais, &c. mais en faisant usage de ces regles, on s'apperçoit que ce sont seulement différentes applications des quatre regles principales. Voyez REGLE. Voy. aussi PROPORTION, ALLIAGE, &c.

Nous n'avons rien de bien certain sur l'origine & l'invention de l'Arithmétique : mais ce n'est pas trop risquer que de l'attribuer à la premiere société qui a eu lieu parmi les hommes, quoique l'histoire n'en fixe ni l'auteur ni le tems. On conçoit clairement qu'il a fallu s'appliquer à l'art de compter, dès que l'on a été nécessité à faire des partages, & à les combiner de mille différentes manieres. Ainsi comme les Tyriens passent pour être les premiers commerçans de tous les peuples anciens, plusieurs auteurs croyent qu'on doit l'Arithmétique à cette nation. Voyez COMMERCE.

Josephe assûre que par le moyen d'Abraham l'Arithmétique passa d'Asie en Egypte, où elle fut extrèmement cultivée & perfectionnée ; d'autant plus que la Philosophie & la Théologie des Egyptiens rouloient entierement sur les nombres. C'est de-là que nous viennent toutes ces merveilles qu'ils nous rapportent de l'unité, du nombre trois ; des nombres quatre, sept, dix. Voyez UNITE, &c.

En effet, Kircher fait voir, dans son Oedip. Aegypt. tom. II. p. 2. que les Egyptiens expliquoient tout par des nombres. Pythagore lui-même assûre que la nature des nombres est répandue dans tout l'univers, & que la connoissance des nombres conduit à celle de la divinité, & n'en est presque pas différente.

La science des nombres passa de l'Egypte dans la Grece ; d'où après avoir reçû de nouveaux degrés de perfection par les Astronomes de ce pays, elle fut connue des Romains, & de-là est enfin venue jusqu'à nous.

Cependant l'ancienne Arithmétique n'étoit pas, à beaucoup près, aussi parfaite que la moderne : il paroît qu'alors elle ne servoit guere qu'à considérer les différentes divisions des nombres : on peut s'en convaincre en lisant les traités de Nicomaque, écrits ou composés dans le troisieme siecle depuis la fondation de Rome, & celui de Boëce, qui existent encore aujourd'hui. En 1556, Xylander publia en latin un abregé de l'ancienne Arithmétique, écrite en grec par Psellus. Jordanus composa ou publia, dans le douzieme siecle, un ouvrage beaucoup plus ample de la même espece, que Faber Stapulensis donna en 1480, avec un commentaire.

L'Arithmétique, telle qu'elle est aujourd'hui, se divise en différentes especes, comme théorique, pratique, instrumentale, logarithmique, numérale, spécieuse, décimale, tétractique, duodécimale, sexagésimale, &c.

L'Arithmétique théorique est la science des propriétés & des rapports des nombres abstraits, avec les raisons & les démonstrations des différentes regles. Voyez NOMBRE.

On trouve une Arithmétique théorique dans les septieme, huitieme, neuvieme livres d'Euclide. Le moine Barlaam a aussi donné une théorie des opérations ordinaires, tant en entiers qu'en fractions, dans un livre de sa composition intitulé Logistica, & publié en latin par Jean Chambers Anglois, l'an 1600. On peut y ajoûter l'ouvrage Italien de Lucas de Burgo, mis au jour en 1523 : cet auteur y a donné les différentes divisions de nombres de Nicomaque & leurs propriétés, conformément à la doctrine d'Euclide, avec le calcul des entiers & des fractions, des extractions de racines, &c.

L'Arithmétique pratique est l'art de nombrer ou de calculer, c'est-à-dire l'art de trouver des nombres par le moyen de certains nombres donnés, dont la relation aux premiers est connue ; comme si l'on demandoit, par exemple, de déterminer le nombre égal aux deux nombres donnés, 6, 8.

Le premier corps complet d'Arithmétique pratique nous a été donné en 1556, par Tartaglia, Vénitien : il consiste en deux livres ; le premier contient l'application de l'Arithmétique aux usages de la vie civile ; & le second, les fondemens ou les principes de l'Algebre. Avant Tartaglia, Stifelius avoit donné quelque chose sur cette matiere en 1544 : on y trouve différentes méthodes & remarques sur les irrationels, &c.

Nous supprimons une infinité d'autres auteurs de pure pratique qui sont venus depuis, tels que Gemma Frisius, Metius, Clavius, Ramus, &c.

Maurolicus, dans ses Opuscula mathematica de l'année 1577, a joint la théorie à la pratique de l'Arithmétique, il l'a même perfectionnée à plusieurs égards : Heneschius a fait la même chose dans son Arithmetica perfecta de l'année 1609, où il a réduit toutes les démonstrations en forme de syllogisme ; ainsi que Taquet, dans sa theoria & praxis Arithmetices de l'année 1704. (E)

Les ouvrages sur l'Arithmétique sont si communs parmi nous, qu'il seroit inutile d'en faire le dénombrement. Les regles principales de cette science sont exposées fort clairement dans le premier volume du cours de Mathématique de M. Camus, dans les institutions de Géométrie de M. de la Chapelle, dans l'Arithmétique de l'officier par M. le Blond. (O)

L'Arithmétique instrumentale est celle où les regles communes s'exécutent par le moyen d'instrumens imaginés pour calculer avec facilité & promptitude : comme les bâtons de Neper (Voyez NEPER.) ; l'instrument de M. Sam. Moreland, qui en a publié lui-même la description en 1666 ; celui de M. Leibnitz, décrit dans les Miscellan. Berolin. la machine arithmétique de M. Pascal, dont on donnera la description plus bas, &c.

L'Arithmétique logarithmique, qui s'exécute par les tables des logarithmes. Voyez LOGARITHME. Ce qu'il y a de meilleur là-dessus est l'Arithmetica logarithmica de Hen. Brigg, publiée en 1624.

On ne doit pas oublier les tables arithmétiques universelles de Prostapharese, publiées en 1610 par Herwart, moyennant lesquelles la multiplication se fait aisément & exactement par l'addition, & la division par la soustraction.

Les Chinois ne se servent guere de regles dans leurs calculs ; au lieu de cela, ils font usage d'un instrument qui consiste en une petite lame longue d'un pié & demi, traversée de dix ou douze fils de fer, où sont enfilées de petites boules rondes : en les tirant ensemble, & les plaçant ensuite l'un après l'autre, suivant certaines conditions & conventions, ils calculent à-peu-près comme nous faisons avec des jettons, mais avec tant de facilité & de promptitude, qu'ils peuvent suivre une personne qui lit un livre de compte, avec quelque rapidité qu'elle aille ; & à la fin l'opération se trouve faite : ils ont aussi leurs méthodes de la prouver. Voyez le P. le Comte. Les Indiens calculent à-peu-près de même avec des cordes chargées de noeuds.

L'Arithmétique numérale est celle qui enseigne le calcul des nombres ou des quantités abstraites désignées par des chiffres : on en fait les opérations avec des chiffres ordinaires ou arabes. Voy. CARACTERE & ARABE.

L'Arithmétique spécieuse est celle qui enseigne le calcul des quantités désignées par les lettres de l'alphabet. Voyez SPECIEUSE. Cette Arithmétique est ce que l'on appelle ordinairement l'Algebre ou Arithmétique littérale. Voyez ALGEBRE.

Wallis a joint le calcul numérique à l'algébrique, & démontré par ce moyen les regles des fractions, des proportions, des extractions de racines, &c.

Wels en a donné un abregé sous le titre de Elementa arithmeticae, en 1698.

L'Arithmétique décimale s'exécute par une suite de dix caracteres, de maniere que la progression va de dix en dix. Telle est notre Arithmétique, où nous faisons usage des dix caracteres Arabes, 0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 : après quoi nous recommençons 10, 11, 12, &c.

Cette méthode de calculer n'est pas fort ancienne, elle étoit totalement inconnue aux Grecs & aux Romains. Gerbert, qui devint pape dans la suite sous le nom de Silvestre II. l'introduisit en Europe, après l'avoir reçûe des Maures d'Espagne. Il est fort vraisemblable que cette progression a pris son origine des dix doigts des mains, dont on faisoit usage dans les calculs avant que l'on eût réduit l'Arithmétique en art.

Les Missionnaires de l'Orient nous assûrent qu'aujourd'hui même les Indiens sont très-experts à calculer par leurs doigts, sans se servir de plume ni d'encre. Voyez les lett. édif. & curieuses. Ajoûtez à cela que les naturels du Pérou, qui font tous leurs calculs par le différent arrangement des grains de maïz, l'emportent beaucoup, tant par la justesse que par la célérité de leurs comptes, sur quelque Européen que ce soit avec toutes ses regles.

L'Arithmétique binaire est celle où l'on n'employe uniquement que deux figures, l'unité ou 1 & le 0. Voyez BINAIRE.

M. Dangicourt nous a donné dans les Miscell. Berol. tom. I. un long mémoire sur cette Arithmétique binaire ; il y fait voir qu'il est plus aisé de découvrir par ce moyen les lois des progressions, qu'en se servant de toute autre méthode où l'on feroit usage d'un plus grand nombre de caracteres.

L'Arithmétique tétractique est celle où l'on n'employe que les figures 1, 2, 3, & 0. Erhard Weigel nous a donné un traité de cette Arithmétique ; mais la binaire & la tétractique ne sont guere que de curiosité, relativement à la pratique, puisque l'on peut exprimer les nombres d'une maniere beaucoup plus abregée par l'Arithmétique décimale.

L'Arithmétique vulgaire roule sur les entiers & les fractions. Voyez ENTIER & FRACTION.

L'Arithmétique sexagésimale est celle qui procede par soixantaines, ou bien c'est la doctrine des fractions sexagésimales. Voyez SEXAGESIMAL. Sam. Reyher a inventé une espece de baguettes sexagénales, à l'imitation des bâtons de Neper, par le moyen desquelles on fait avec facilité toutes les opérations de l'Arithmétique sexagésimale.

L'Arithmétique des infinis est la méthode de trouver la somme d'une suite de nombres dont les termes sont infinis, ou d'en déterminer les rapports. Voyez INFINI, SUITE ou SERIE, &c.

M. Wallis est le premier qui ait traité à fond de cette méthode, ainsi qu'il paroît par ses Opera mathematica, où il en fait voir l'usage en Géométrie pour déterminer l'aire des surfaces & la solidité des corps, ainsi que leurs rapports ; mais la méthode des fluxions, qui est l'Arithmétique universelle des infinis, exécute tout cela d'une maniere beaucoup plus prompte & plus commode, indépendamment d'une infinité d'autres choses auxquelles la premiere ne sauroit atteindre. Voyez FLUXIONS, CALCUL, &c.

Sur l'Arithmétique des incommensurables ou irrationels, voy. INCOMMENSURABLE, IRRATIONEL, &c.

Jean de Sacrobosco ou Halifax composa en 1232, selon Wossius, un traité d'Arithmétique ; mais ce traité a toûjours resté manuscrit : & selon M. l'abbé de Gua, Paciolo qui a donné le premier livre d'Algebre, est aussi le premier auteur d'Arithmétique qui ait été imprimé. Voyez ALGEBRE. (E)

Jusqu'ici nous nous sommes contentés d'exposer en abregé ce que l'on trouve à-peu-près dans la plûpart des ouvrages mathématiques sur la science des nombres, & nous n'avons guere fait que traduire l'article Arithmétique tel qu'il se trouve dans l'Encyclopédie angloise : tâchons présentement d'entrer davantage dans les principes de cette science, & d'en donner une idée plus précise.

Nous remarquerons d'abord que tout nombre, suivant la définition de M. Newton, n'est proprement qu'un rapport. Pour entendre ceci, il faut remarquer que toute grandeur qu'on compare à une autre, est ou plus petite, ou plus grande, ou égale ; qu'ainsi toute grandeur a un certain rapport avec une autre à laquelle on la compare, c'est-à-dire qu'elle y est contenue ou la contient d'une certaine maniere. Ce rapport ou cette maniere de contenir ou d'être contenu, est ce qu'on appelle nombre ; ainsi le nombre 3 exprime le rapport d'une grandeur à une autre plus petite, que l'on prend pour l'unité, & que la plus grande contient trois fois : au contraire la fraction 1/3 exprime le rapport d'une certaine grandeur à une plus grande, que l'on prend pour l'unité, & qui est contenue trois fois dans cette plus grande. Tout cela sera exposé plus en détail aux articles NOMBRE, FRACTION, &c.

Les nombres étant des rapports apperçûs par l'esprit & distingués par des signes particuliers, l'Arithmétique, qui est la science des nombres, est donc l'art de combiner entr'eux ces rapports, en se servant pour faire cette combinaison des signes mêmes qui les distinguent. De-là les quatre principales regles de l'Arithmétique, car les différentes combinaisons qu'on peut faire des rapports, se réduisent ou à examiner l'excès des uns sur les autres, ou la maniere dont ils se contiennent. L'addition & la soustraction ont le premier objet, puisqu'il ne s'agit que d'y ajoûter ou d'y soustraire des rapports ; le second objet est celui de la multiplication & de la division, puisqu'on y détermine de quelle maniere un rapport en contient un autre. Tout cela sera expliqué plus en détail aux articles MULTIPLICATION & DIVISION.

Il y a, comme l'on sait, deux sortes de rapports, l'arithmétique & le géométrique. Voyez RAPPORT. Les nombres ne sont proprement que des rapports géométriques ; mais il semble que dans les deux premieres regles de l'Arithmétique on considere arithmétiquement ces rapports, & que dans les deux autres on les considere géométriquement. Dans l'addition de deux nombres (car toute addition se réduit proprement à celle de deux nombres), l'un des deux nombres représente l'excès de la somme sur l'autre nombre. Dans la multiplication l'un des deux nombres est le rapport géométrique du produit à l'autre nombre. Voyez SOMME, PRODUIT.

A l'égard du détail des opérations particulieres de l'Arithmétique, il dépend de la forme & de l'institution des signes par lesquels on désigne les nombres. Notre Arithmétique, qui n'a que dix chiffres, seroit fort différente si elle en avoit plus ou moins ; & les Romains qui avoient des chiffres différens de ceux dont nous nous servons, devoient aussi avoir des regles d'Arithmétique toutes différentes des nôtres. Mais toute Arithmétique se réduira toûjours aux quatre regles dont nous parlons, parce que de quelque maniere qu'on désigne ou qu'on écrive les rapports, on ne peut jamais les combiner que de quatre façons, & même, à proprement parler, de deux manieres seulement, dont chacune peut être envisagée sous deux faces différentes.

On pourroit dire encore que toutes les regles de l'Arithmétique se réduisent ou à former un tout par la réunion de différentes parties, comme dans l'addition & la multiplication, ou à résoudre un tout en différentes parties, ce qui s'exécute par la soustraction & la division. En effet, la multiplication n'est qu'une addition repétée, & la division n'est aussi qu'une soustraction repétée. D'où il s'ensuit encore que les regles primitives de l'Arithmétique peuvent à la rigueur se réduire à l'addition & à la soustraction. La multiplication & la division ne sont proprement que des manieres abregées de faire l'addition d'un même nombre plusieurs fois à lui-même, ou de soustraire plusieurs fois un même nombre d'un autre : aussi M. Newton appelle-t-il les regles de l'Arithmétique, compositio & resolutio arithmetica, c'est-à-dire composition & résolution des nombres.

ARITHMETIQUE UNIVERSELLE ; c'est ainsi que M. Newton appelle l'Algebre ou calcul des grandeurs en général : & ce n'est pas sans raison que cette dénomination lui a été donnée par ce grand homme, dont le génie également lumineux & profond paroît avoir remonté dans toutes les sciences à leurs vrais principes métaphysiques. En effet, dans l'Arithmétique ordinaire on peut remarquer deux especes de principes ; les premiers sont des regles générales, indépendantes des signes particuliers par lesquels on exprime les nombres ; les autres sont des regles dépendantes de ces mêmes signes, & ce sont celles qu'on appelle plus particulierement regles de l'Arithmétique. Mais les premiers principes ne sont autre chose que des propriétés générales des rapports, qui ont lieu de quelque maniere que ces rapports soient désignés : telles sont, par exemple, ces regles ; si on ôte un nombre d'un autre, cet autre nombre joint avec le reste, doit rendre le premier nombre ; si on divise une grandeur par une autre, le quotient multiplié par le diviseur, doit rendre le dividende ; si on multiplie la somme de plusieurs nombres par la somme de plusieurs autres, le produit est égal à la somme des produits de chaque partie par toutes les autres, &c.

De-là il s'ensuit d'abord qu'en désignant les nombres par des expressions générales, c'est-à-dire qui ne désignent pas plus un nombre qu'un autre, on pourra former certaines regles relatives aux opérations qu'on peut faire sur les nombres ainsi désignés. Ces regles se réduisent à représenter de la maniere la plus simple qu'il est possible, le résultat d'une ou de plusieurs opérations qu'on peut faire sur les nombres exprimés d'une maniere générale ; & ce résultat ainsi exprimé, ne sera proprement qu'une opération arithmétique indiquée, opération qui variera selon qu'on donnera différentes valeurs arithmétiques aux quantités qui, dans le résultat dont il s'agit, représentent des nombres.

Pour mieux faire entendre cette notion que nous donnons de l'Algebre, parcourons-en les quatre regles ordinaires, & commençons par l'addition. Elle consiste, comme nous l'avons vû dans l'article ADDITION, à ajoûter ensemble avec leurs signes, sans aucune autre opération, les quantités dissemblables, & à ajoûter les coefficiens des quantités semblables : par exemple, si j'ai à ajoûter ensemble les deux grandeurs dissemblables a, b, j'écrirai simplement a + b ; ce résultat n'est autre chose qu'une maniere d'indiquer que si on désigne a par quelque nombre, & b par un autre, il faudra ajoûter ensemble ces deux nombres ; ainsi a + b n'est que l'indication d'une addition arithmétique, dont le résultat sera différent, selon les valeurs numériques qu'on assignera à a & à b. Je suppose présentement qu'on me propose d'ajoûter 5 a avec 3 a, je pourrois écrire 5 a + 3 a, & l'opération arithmétique seroit indiquée comme ci-dessus ; mais en examinant 5 a & 3 a, je vois que cette opération peut être indiquée d'une maniere plus simple : car quelque nombre que a représente, il est évident que ce nombre pris 5 fois, plus ce même nombre pris 3 fois, est égal au même nombre pris 8 fois ; ainsi je vois qu'au lieu de 5 a + 3 a, je puis écrire 8 a, qui est l'expression abregée, & qui m'indique une opération arithmétique plus simple que ne me l'indique l'expression 5 a + 3 a.

C'est là-dessus qu'est fondée la regle générale de l'addition algébrique, d'ajoûter les grandeurs semblables en ajoûtant leurs coefficiens numériques, & écrivant ensuite la partie littérale une fois.

On voit donc que l'addition algébrique se réduit à exprimer de la maniere la plus simple la somme ou le résultat de plusieurs nombres exprimés généralement, & à ne laisser, pour ainsi dire, à l'Arithméticien que le moins de travail à faire qu'il est possible. Il en est de même de la soustraction algébrique. Si je veux retrancher b de a, j'écris simplement a - b, parce que je ne peux pas représenter cela d'une maniere plus simple ; mais si j'ai à retrancher 3 a de 5 a, je n'écrirai point 5 a - 3 a, parce que cela me donneroit plusieurs opérations arithmétiques à faire : en cas que je voulusse donner à a une valeur numérique, j'écrirai simplement 2 a ; expression plus simple & plus commode pour le calcul arithmétique. Voyez SOUSTRACTION.

J'en dis autant de la multiplication & de la division. Si je veux multiplier a + b par c + d, je puis écrire indifféremment (a + b) x (c + d), ou a c + b c + a d + b d ; & souvent même je préférerai la premiere expression à la seconde, parce qu'elle semble demander moins d'opérations arithmétiques : car il ne faut que deux additions & une multiplication pour la premiere, & pour la seconde il faut trois additions & quatre multiplications. Mais si j'ai à multiplier 5 a par 3 a, j'écrirai 15 a a au lieu de 5 a x 3 a, parce que dans le premier cas j'aurois trois opérations arithmétiques à faire, & que dans le second je n'en ai que deux ; une pour trouver a a, & l'autre pour multiplier a a par 15. De même si j'ai a + b à multiplier par a - b, j'écrirai a a - b b, parce que ce résultat sera souvent plus commode que l'autre pour les calculs arithmétiques, & que d'ailleurs j'en tire un théorème, savoir que le produit de la somme de deux nombres par la différence de ces deux nombres, est égal à la différence des quarrés de ces deux nombres. C'est ainsi qu'on a trouvé que le produit de a + b par a + b, c'est-à-dire le quarré de a + b, étoit a a + 2 a b + b b, & qu'il contenoit par conséquent le quarré des deux parties, plus deux fois le produit de l'une par l'autre ; ce qui sert à extraire la racine quarrée des nombres. Voyez QUARRE & RACINE QUARREE.

Dans la division, au lieu d'écrire (20 a b)/(5 b), j'écrirai simplement 4 a ; au lieu d'écrire (a a - x a)/(a + x), j'écrirai a - x : mais si j'ai à diviser b c par h d, j'écrirai (b c)/(h d), ne pouvant trouver une expression plus simple.

On voit donc par-là que M. Newton a eu raison d'appeller l'Algebre Arithmétique universelle, puisque les regles de cette science ne consistent qu'à extraire, pour ainsi dire, ce qu'il y auroit de général & de commun dans toutes les Arithmétiques particulieres qui se feroient avec plus ou moins ou autant de chiffres que la nôtre, & à présenter sous la forme la plus simple & la plus abregée, ces opérations arithmétiques indiquées.

Mais, dira-t-on, à quoi bon tout cet échafaudage ? Dans toutes les questions que l'on peut se proposer sur les nombres, chaque nombre est désigné & énoncé. Quelle utilité y a-t-il de donner à ce nombre une valeur littérale dont il semble qu'on peut se passer ? Voici l'avantage de cette dénomination.

Toutes les questions qu'on peut proposer sur les nombres, ne sont pas aussi simples que celles d'ajoûter un nombre donné à un autre, ou de l'en soustraire ; de les multiplier ou de les diviser l'un par l'autre. Il est des questions beaucoup plus compliquées, & pour la solution desquelles on est obligé de faire des combinaisons dans lesquelles le nombre ou les nombres que l'on cherche doivent entrer. Il faut donc avoir un art de faire ces combinaisons sans connoître les nombres que l'on cherche, & pour cela il faut exprimer ces nombres par des caracteres différens des caracteres numériques, parce qu'il y auroit un très-grand inconvénient à exprimer un nombre inconnu par un caractere numérique qui ne pourroit lui convenir que par un très-grand hasard. Pour rendre cela plus sensible par un exemple, je suppose qu'on cherche deux nombres dont la somme soit 100, & la différence 40. Je vois d'abord qu'en désignant les deux nombres inconnus par des caracteres numériques à volonté, par exemple l'un par 25 & l'autre par 50, je leur donnerois une expression très-fausse, puisque 25 & 60 ne satisfont point aux conditions de la question. Il en seroit de même d'une infinité d'autres dénominations numériques. Pour éviter cet inconvénient, j'appelle le plus grand de mes nombres x, & le plus petit y ; & j'ai par cette dénomination algébrique les deux conditions ainsi exprimées : x plus y est égal à 100, & x moins y est égal à 60 ; ou en caracteres algébriques :

x + y = 100.

x - y = 60. Voyez CARACTERE.

Puisque x + y est égal à 100, & x - y égal à 60, je vois que 100, joint avec 60, doit être égal à x + y, joint à x - y. Or pour ajoûter x + y à x - y, il faut suivant les regles de l'addition algébrique écrire 2 x ; je vois donc que 2 x est égal à 160, c'est-à-dire que 160 est le double du plus grand nombre cherché ; donc ce nombre est la moitié de 160, c'est-à-dire 80 : d'où il est facile de trouver l'autre qui est y : car puisque x + y est égal à 100, & que x est égal à 80, donc 80 plus y est égal à 100 ; donc y est égal à 100 dont on a retranché 80, c'est-à-dire 20 ; donc les deux nombres cherchés sont 80 & 20 : en effet leur somme est 100, & leur différence est 40.

Au reste je ne prétends pas faire voir par cet article la nécessité de l'Algebre, car elle ne seroit encore guere nécessaire, si on ne proposoit pas des questions plus compliquées que celles-là : j'ai voulu seulement faire voir par cet exemple très-simple, & à la portée de tout le monde, comment par le secours de l'Algebre on parvient à trouver les nombres inconnus.

L'expression algébrique d'une question n'est autre chose, comme l'a fort bien remarqué M. Newton, que la traduction de cette même question en caracteres algébriques ; traduction qui a cela de commode & d'essentiel, qu'elle se réduit à ce qu'il y a d'absolument nécessaire dans la question, & que les conditions superflues en sont bannies. Nous allons en donner d'après M. Newton l'exemple suivant.

Ainsi la question se réduit à trouver les trois inconnues x, y, z, par les trois équations x z = y y, x + y + z = 20, x x + y y + z z = 140. Il ne reste plus qu'à tirer de ces trois équations la valeur de chacune des inconnues.

On voit donc qu'il y a dans l'Arithmétique universelle deux parties à distinguer.

La premiere est celle qui apprend à faire les combinaisons & le calcul des quantités représentées par des signes plus universels que les nombres ; de maniere que les quantités inconnues, c'est-à-dire dont on ignore la valeur numérique, puissent être combinées avec la même facilité que les quantités connues, c'est-à-dire auxquelles on peut assigner des valeurs numériques. Ces opérations ne supposent que les propriétés générales de la quantité, c'est-à-dire qu'on y envisage la quantité simplement comme quantité, & non comme représentée & fixée par telle ou telle expression particuliere.

La seconde partie de l'Arithmétique universelle consiste à savoir faire usage de la méthode générale de calculer les quantités, pour découvrir les quantités qu'on cherche par le moyen des quantités qu'on connoît. Pour cela il faut 1°. représenter de la maniere la plus simple & la plus commode, la loi du rapport qu'il doit y avoir entre les quantités connues & les inconnues. Cette loi de rapport est ce qu'on nomme équation ; ainsi le premier pas à faire lorsqu'on a un problème à résoudre, est de reduire d'abord le problème à l'équation la plus simple.

Ensuite il faut tirer de cette équation la valeur ou les différentes valeurs que doit avoir l'inconnue qu'on cherche ; c'est ce qu'on appelle résoudre l'équation. Voyez l'article EQUATION, où vous trouverez là-dessus un plus long détail, auquel nous renvoyons, ayant dû nous borner dans cet article à donner une idée générale de l'Arithmétique universelle, pour en détailler les regles dans les articles particuliers. Voyez aussi PROBLEME, RACINE, &c.

La premiere partie de l'Arithmétique universelle s'appelle proprement Algebre, ou science du calcul des grandeurs en général ; la seconde s'appelle proprement Analyse : mais ces deux noms s'employent assez souvent l'un pour l'autre. V. ALGEBRE & ANALYSE.

Nous ignorons si les anciens ont connu cette science : il y a pourtant bien de l'apparence qu'ils avoient quelque moyen semblable pour résoudre au moins les questions numériques ; par exemple, les questions qui ont été appellées questions de Diophante. Voyez DIOPHANTE, voyez aussi APPLICATION de l'Analyse à la Géométrie.

Selon M. l'abbé de Gua, dans son excellente histoire de l'Algebre, dont on trouve la plus grande partie à l'art. ALGEBRE de ce Dictionnaire, Théon paroît avoir cru que Platon est l'inventeur de l'Analyse ; & Pappus nous apprend que Diophante & d'autres auteurs anciens s'y étoient principalement appliqués, comme Euclide, Apollonius, Aristée, Eratosthene, & Pappus lui-même. Mais nous ignorons en quoi consistoit précisément leur Analyse, & en quoi elle pouvoit différer de la nôtre ou lui ressembler. M. de Malezieu, dans ses élémens de Géométrie, prétend qu'il est moralement impossible qu'Archimede soit arrivé à la plûpart de ses belles découvertes géométriques, sans le secours de quelque chose d'équivalent à notre Analyse : mais tout cela n'est qu'une conjecture ; & il seroit bien singulier qu'il n'en restât pas au moins quelque vestige dans quelqu'un des ouvrages des anciens géometres. M. de l'Hopital, ou plûtôt M. de Fontenelle, qui est l'auteur de la préface des infiniment petits, observe qu'il y a apparence que M. Pascal est arrivé à force de tête & sans Analyse, aux belles découvertes qui composent son traité de la roulette, imprimé sous le nom d'Etonville. Pourquoi n'en seroit-il pas de même d'Archimede & des anciens ?

Nous n'avons encore parlé que de l'usage de l'Algebre pour la résolution des questions numériques : mais ce que nous venons de dire de l'Analyse des anciens, nous conduit naturellement à parler de l'usage de l'Algebre dans la Géométrie : cet usage consiste principalement à résoudre les problèmes géométriques par l'Algebre, comme on résout les problèmes numériques, c'est-à-dire à donner des noms algébriques aux lignes connues & inconnues ; & après avoir énoncé la question algébriquement, à calculer de la même maniere que si on résolvoit un problème numérique. Ce qu'on appelle en Algebre équation d'une courbe, n'est qu'un problème géométrique indéterminé, dont tous les points de la courbe donnent la solution ; & ainsi du reste. Dans l'application de l'Algebre à la Géométrie, les lignes connues ou données sont représentées par des lettres de l'alphabet, comme les nombres connus ou donnés dans les questions numériques : mais il faut observer que les lettres qui représentent des lignes dans la solution d'un problème géométrique, ne pourroient pas toûjours être exprimées par des nombres. Je suppose, par exemple, que dans la solution d'un problème de Géométrie, on ait deux lignes connues, dont l'une que j'appellerai a soit le côté d'un quarré, & l'autre que je nommerai b soit la diagonale de ce même quarré ; je dis que si on assigne une valeur numérique à a, il sera impossible d'assigner une valeur numérique à b, parce que la diagonale d'un quarré & son côté sont incommensurables. Voy. INCOMMENSURABLE, DIAGONALE, HYPOTENUSE, &c. Ainsi les calculs algébriques appliqués à la Géométrie ont un avantage, en ce que les caracteres qui expriment les lignes données peuvent marquer des quantités commensurables ou incommensurables ; au lieu que dans les problèmes numériques, les caracteres qui représentent les nombres donnés ne peuvent représenter que des nombres commensurables. Il est vrai que le nombre inconnu qu'on cherche, peut être représenté par une expression algébrique qui désigne un incommensurable : mais alors c'est une marque que ce nombre inconnu & cherché n'existe point, que la question ne peut être résolue qu'à peu près, & non exactement ; au lieu que dans l'application de l'Algebre à la Géométrie, on peut toûjours assigner par une construction géométrique la grandeur exacte de la ligne inconnue, quand même l'expression qui désigne cette ligne seroit incommensurable. On peut même souvent assigner la valeur de cette ligne, quoiqu'on ne puisse pas en donner l'expression algébrique, soit commensurable, soit incommensurable : c'est ce qui arrive dans le cas irréductible du troisieme degré. Voyez CAS IRREDUCTIBLE.

Un des plus grands avantages qu'on a tirés de l'application de l'Algebre à la Géométrie, est le calcul différentiel ; on en trouvera l'idée au mot DIFFERENTIEL, avec une notion exacte de la nature de ce calcul. Le calcul différentiel a produit l'intégral. Voyez CALCUL & INTEGRAL.

Il n'y a point de Géometre tant soit peu habile, qui ne connoisse aujourd'hui plus ou moins l'usage infini de ces deux calculs dans la Géométrie transcendante.

M. Newton nous a donné sur l'Algebre un excellent ouvrage, qu'il a intitulé Arithmetica universalis. Il y traite des regles de cette science, & de son application à la Géométrie. Il y donne plusieurs méthodes nouvelles, qui ont été commentées pour la plûpart par M. s'Gravesande dans un petit ouvrage très-utile aux commençans, intitulé Elementa algebrae, & par M. Clairaut dans ses élémens d'Algebre. Voyez à l'article ALGEBRE les noms de plusieurs autres auteurs qui ont traité de cette science. Nous croyons que l'ouvrage de M. s'Gravesande, celui du P. Lamy, la Science du calcul du P. Reyneau, l'Analyse démontrée du même auteur, & l'Algebre de Saunderson publiée en anglois, sont en ce genre les ouvrages dont les jeunes gens peuvent le plus profiter ; quoique dans plusieurs de ces traités, & peut-être dans tous, il reste bien des choses à desirer. Sur la maniere d'appliquer l'Algebre à la Géométrie, c'est-à-dire de réduire en équation les questions géométriques ; nous ne connoissons rien de meilleur ni de plus lumineux que les regles données par M. Newton, p. 82. & suiv. de son Arithmétique universelle, édition de Leyde 1732, jusqu'à la page 96. elles sont trop précieuses pour être abregées, & trop longues pour être insérées ici dans leur entier ; ainsi nous y renvoyons nos lecteurs : nous dirons seulement qu'elles peuvent se réduire à ces deux regles.

Premiere regle. Un problème géométrique étant proposé (& on pourroit en dire autant d'un problème numérique) comparez ensemble les quantités connues & inconnues que renferme ce problème ; & sans distinguer les connues d'avec les inconnues, examinez comment toutes ces quantités dépendent les unes des autres ; & quelles sont celles qui étant connues feroient connoître les autres, en procédant par une méthode synthétique.

Seconde regle. Parmi ces quantités qui feroient connoître les autres, & que je nomme pour cette raison synthétique, cherchez celles qui feroient connoître les autres le plus facilement, & qui pourroient être trouvées le plus difficilement, si on ne les supposoit point connues ; & regardez ces quantités comme celles que vous devez traiter de connues.

C'est là-dessus qu'est fondée la regle des Géometres, qui disent que pour résoudre un problème géométrique algébriquement, il faut le supposer résolu : en effet, pour résoudre ce problème il faut se représenter toutes les lignes, tant connues qu'inconnues, comme des quantités qu'on a devant les yeux, & qui dépendent toutes les unes des autres, ensorte que les connues & les inconnues puissent réciproquement & à leur tour être traitées, si l'on veut, d'inconnues & de connues. Mais en voilà assez sur cette matiere, dans un Ouvrage où l'on ne doit en exposer que les principes généraux. Voyez APPLICATION. (O)

* ARITHMETIQUE POLITIQUE, c'est celle dont les opérations ont pour but des recherches utiles à l'art de gouverner les peuples, telles que celles du nombre des hommes qui habitent un pays ; de la quantité de nourriture qu'ils doivent consommer ; du travail qu'ils peuvent faire ; du tems qu'ils ont à vivre ; de la fertilité des terres ; de la fréquence des naufrages, &c. On conçoit aisément que ces découvertes & beaucoup d'autres de la même nature, étant acquises par des calculs fondés sur quelques expériences bien constatées, un ministre habile en tireroit une foule de conséquences pour la perfection de l'agriculture, pour le commerce tant intérieur qu'extérieur, pour les colonies, pour le cours & l'emploi de l'argent, &c. Mais souvent les ministres (je n'ai garde de parler sans exception) croyent n'avoir pas besoin de passer par des combinaisons & des suites d'opérations arithmétiques : plusieurs s'imaginent être doüés d'un grand génie naturel, qui les dispense d'une marche si lente & si pénible, sans compter que la nature des affaires ne permet ni ne demande presque jamais la précision géométrique. Cependant si la nature des affaires la demandoit & la permettoit, je ne doute point qu'on ne parvînt à se convaincre que le monde politique, aussi bien que le monde physique, peut se régler à beaucoup d'égards par poids, nombre, & mesure.

Le chevalier Petty, Anglois, est le premier qui ait publié des essais sous ce titre. Le premier est sur la multiplication du genre humain ; sur l'accroissement de la ville de Londres, ses degrés, ses périodes, ses causes & ses suites. Le second, sur les maisons, les habitans, les morts & les naissances de la ville de Dublin. Le troisieme est une comparaison de la ville de Londres & de la ville de Paris ; le chevalier Petty s'efforce de prouver que la capitale de l'Angleterre l'emporte sur celle de la France par tous ces côtés. M. Auzout a attaqué cet essai par plusieurs objections, auxquelles M. le chevalier Petty a fait des réponses. Le quatrieme tend à faire voir qu'il meurt à l'Hôtel-Dieu de Paris environ trois mille malades par an, par mauvaise administration. Le cinquieme est divisé en cinq parties : la premiere est en réponse à M. Auzout ; la seconde contient la comparaison de Londres & de Paris sur plusieurs points ; la troisieme évalue le nombre des paroissiens des 134 paroisses de Londres à 696 mille ; la quatrieme est une recherche sur les habitans de Londres, de Paris, d'Amsterdam, de Venise, de Rome, de Dublin, de Bristol, & de Rouen ; la cinquieme a le même objet, mais relativement à la Hollande & au reste des Provinces-Unies. Le sixieme embrasse l'étendue & le prix des terres, les peuples, les maisons, l'industrie, l'économie, les manufactures, le commerce, la pêche, les artisans, les marins ou gens de mer, les troupes de terre, les revenus publics, les intérêts, les taxes, le lucre, les banques, les compagnies, le prix des hommes, l'accroissement de la marine & des troupes ; les habitations, les lieux, les constructions de vaisseaux, les forces de mer, &c. relativement à tout pays en général, mais particulierement à l'Angleterre, la Hollande, la Zéelande, & le France. Cet essai est adressé au Roi ; c'est presque dire que les résultats en sont favorables à la nation Angloise. C'est le plus important de tous les essais du chevalier Petty ; cependant il est très-court, si on le compare à la multitude & à la complication des objets. Le chevalier Petty prétend avoir démontré dans environ une centaine de petites pages in-douze, gros caractere : 1°. Qu'une petite contrée avec un petit nombre d'habitans peut équivaloir par sa situation, son commerce & sa police, à un grand pays & à un peuple nombreux, soit qu'on les compare par la force ou par la richesse ; & qu'il n'y a rien qui tende plus efficacement à établir cette égalité que la marine & le commerce maritime. 2°. Que toutes sortes d'impôts & de taxes publiques tendent plûtôt à augmenter qu'à affoiblir la société & le bien public. 3°. Qu'il y a des empêchemens naturels & durables à jamais, à ce que la France devienne plus puissante sur mer que l'Angleterre ou la Hollande : nos François ne porteront pas un jugement favorable des calculs du chevalier Petty sur cette proposition, & je crois qu'ils auront raison. 4°. Que par son fonds & son produit naturels, le peuple & le territoire de l'Angleterre sont à-peu-près égaux en richesse & en force au peuple & au territoire de France. 5°. Que les obstacles qui s'opposent à la grandeur de l'Angleterre, ne sont que contingens & amovibles. 6°. Que depuis quarante ans, la puissance & la richesse de l'Angleterre se sont fort accrues. 7°. Que la dixieme partie de toute la dépense des sujets du Roi suffiroit pour entretenir cent mille hommes d'infanterie, trente mille hommes de cavalerie, quarante mille hommes de mer ; & pour acquiter toutes les autres charges de l'état, ordinaires & extraordinaires, dans la seule supposition que cette dixieme partie seroit bien imposée, bien perçue, & bien employée. 8°. Qu'il y a plus de sujets sans emploi, qu'il n'en faudroit pour procurer à la nation deux millions par an, s'ils étoient convenablement occupés ; & que ces occupations sont toutes prêtes, & n'attendent que des ouvriers. 9°. Que la nation a assez d'argent pour faire aller son commerce. 10°. Enfin que la nation a tout autant de ressources qu'il lui en faut pour embrasser tout le commerce de l'univers, de quelque nature qu'il soit.

Voilà comme on voit des prétentions bien excessives : mais quelles qu'elles soient, le lecteur fera bien d'examiner dans l'ouvrage du chevalier Petty, les raisonnemens & les expériences sur lesquels il s'appuie : dans cet examen, il ne faudra pas oublier qu'il arrive des révolutions, soit en bien, soit en mal, qui changent en un moment la face des états, & qui modifient & même anéantissent les suppositions ; & que les calculs & leurs résultats ne sont pas moins variables que les évenemens. L'ouvrage du chevalier Petty fut composé avant 1699. Selon cet auteur, quoique la Hollande & la Zéelande ne contiennent pas plus de 1000000 d'arpens de terre, & que la France en contienne au moins 8000000, cependant ce premier pays a presque un tiers de la richesse & de la force de ce dernier. Les rentes des terres en Hollande sont à-proportion de celles de France, comme de 7 ou 8 à 1. (Observez qu'il est question ici de l'état de l'Europe en 1699 ; & c'est à cette année que se rapportent tous les calculs du chevalier Petty, bons ou mauvais). Les habitans d'Amsterdam sont 2/3 de ceux de Paris ou de Londres ; & la différence entre ces deux dernieres villes n'est, selon le même auteur, que d'environ une vingtieme partie. Le port de tous les vaisseaux appartenans à l'Europe, se montent à environ deux millions de tonneaux, dont les Anglois ont 500000, les Hollandois 900000, les François 100000, les Hambourgois, Danois, Suédois, & les habitans de Dantzic 250000 ; l'Espagne, le Portugal, l'Italie, &c à-peu-près autant. La valeur des marchandises qui sortent annuellement de la France, pour l'usage de différens pays, se monte en tout à environ 5000000 livres sterlin ; c'est-à-dire quatre fois autant qu'il en entroit dans l'Angleterre seule. Les marchandises qu'on fait sortir de la Hollande pour l'Angleterre valent 300000 livres sterlin ; & ce qui sort de-là pour être répandu par tout le reste du monde, vaut 18000000 livres sterlin. L'argent que le Roi de France leve annuellement en tems de paix fait environ 6 1/2 millions sterlin. Les sommes levées en Hollande & Zéelande font autour de 2100000 liv. sterlin ; & celles provenantes de toutes les Provinces-unies font ensemble environ 3000000 livres sterlin. Les habitans d'Angleterre sont à-peu-près au nombre de 6000000 ; & leurs dépenses à raison de 7 livres sterlin par an, pour chacun d'eux, font 42000000 livres sterlin ou 80000 livres sterlin par semaine. La rente des terres en Angleterre est d'environ 8 millions sterlin ; & les intérêts & profits des biens propres à-peu-près autant. La rente des maisons en Angleterre 4000000 livres sterlin. Le profit du travail de tous les habitans se monte à 26000000 livres sterlin par an. Les habitans d'Irlande sont au nombre de 1200000. Le blé consommé annuellement en Angleterre, comptant le froment à 5 schelins le boisseau, & l'orge à 2 1/2 schelins, se monte à dix millions sterlin. La marine d'Angleterre avoit besoin en 1699, c'est-à-dire du tems du chevalier Petty, ou à la fin du dernier siecle, de 36000 hommes pour les vaisseaux de guerre ; & 48000 pour les vaisseaux marchands & autres : & il ne falloit pour toute la marine de France que 15000 hommes. Il y a en France environ treize millions & demi d'ames ; & en Angleterre, Ecosse & Irlande, environ neuf millions & demi. Dans les trois royaumes d'Angleterre, d'Ecosse & d'Irlande, il y a environ 20000 ecclésiastiques ; & en France, il y en a plus de 270000. Le royaume d'Angleterre a plus de 40000 matelots, & la France n'en a pas plus de 10000. Il y avoit pour lors en Angleterre, en Ecosse, en Irlande, & dans les pays qui en dépendent, des vaisseaux dont le port se montoit environ à 60000 tonneaux, ce qui vaut à-peu-près quatre millions & demi de livres sterlin. La ligne marine autour de l'Angleterre, de l'Ecosse, de l'Irlande, & des îles adjacentes, est d'environ 3800 mille. Il y a dans le monde entier environ 300 millions d'ames, dont il n'y a qu'environ 80 millions, avec lesquels les Anglois & les Hollandois soient en commerce. La valeur de tous les effets de commerce ne passe pas 45 millions sterlin. Les manufactures d'Angleterre qu'on fait sortir du royaume se montent annuellement à environ 5 millions sterlin. Le plomb, le fer-blanc & le charbon, à 500000 livres sterlin par an. La valeur des marchandises de France qui entre en Angleterre, ne passe pas 1200000 livres sterlin par an. Enfin il y a en Angleterre environ six millions sterlin d'especes monnoyées. Tous ces calculs, comme nous l'avons dit, sont relatifs à l'année 1699, & ont dû sans doute bien changer depuis.

M. Davenant, autre auteur d'arithmétique politique, prouve qu'il ne faut pas compter absolument sur plusieurs des calculs du chevalier Petty : il en donne d'autres qu'il a faits lui-même, & qui se trouvent fondés sur les observations de M. King. En voici quelques-uns.

L'Angleterre contient, dit-il, 39 millions d'arpens de terre. Les habitans, selon son calcul, sont à-peu-près au nombre de 5545000 ames, & ce nombre augmente tous les ans d'environ 9000, déduction faite de ceux qui peuvent périr par les pestes, les maladies, les guerres, la marine, &c. & de ceux qui vont dans les colonies. Il compte 530000 habitans dans la ville de Londres ; dans les autres villes & bourgs d'Angleterre 870000, & dans les villages & hameaux 4100000. Il estime la rente annuelle des terres à 10 millions sterlin ; celle des maisons & des bâtimens à deux millions par an ; le produit de toutes sortes de grains, dans une année passablement abondante, à 9075000 liv. sterlin ; la rente annuelle des terres en blé à deux millions, & leur produit net au-dessus de 9 millions sterlin ; la rente des pâturages, des prairies, des bois, des forêts, des dunes, &c. à 7 millions sterl. le produit annuel des bestiaux en beurre, fromage & lait, peut monter, selon lui, à environ 2 1/2 millions sterl. Il estime la valeur de la laine tondue annuellement à environ deux millions sterl. celle des chevaux qu'on éleve tous les ans à environ 250000 liv. sterlin ; la consommation annuelle de viande pour nourriture, à environ 3350000 liv. sterl. celle du suif & des cuirs environ 600000 livres sterlin : celle du foin pour la nourriture annuelle des chevaux, environ 1300000 livres sterlin, & pour celle des autres bestiaux, un million sterlin : le bois de bâtiment coupé annuellement, 500000 liv. sterl. Le bois à brûler, &c. environ 500000 liv. sterl. Si toutes les terres d'Angleterre étoient également distribuées parmi tous les habitans, chacun auroit pour sa part environ 7 1/4 arpens. La valeur du froment, du seigle, & de l'orge nécessaire pour la subsistance de l'Angleterre, se monte au moins à 6 millions sterl. par an. La valeur des manufactures de laine travaillées en Angleterre, est d'environ 8 millions par an ; & toutes les marchandises de laine qui sortent annuellement de l'Angleterre, passent la valeur de 2 millions sterlin. Le revenu annuel de l'Angleterre, sur quoi tous les habitans se nourrissent & s'entretiennent, & payent tous les impôts & taxes, se monte, selon lui, à environ 43 millions : celui de la France à 81 millions, & celui de la Hollande à 18250000 livres sterlin.

Le major Grant, dans ses observations sur les listes mortuaires, compte qu'il y a en Angleterre 39000 milles quarrés de terre : qu'il y a en Angleterre & dans la principauté de Galles, 4600000 ames : que les habitans de la ville de Londres sont à-peu-près au nombre de 640000 ; c'est-à-dire la quatorzieme partie de tous les habitans de l'Angleterre : qu'il y a en Angleterre & dans le pays de Galles, environ 10000 paroisses : qu'il y a 25 millions d'arpens de terre en Angleterre & dans le pays de Galles, c'est-à-dire environ 4 arpens pour chaque habitant : que de 100 enfans qui naissent, il n'y en a que 64 qui atteignent l'âge de 6 ans ; que dans 100, il n'en reste que 40 en vie au bout de 16 ans ; que dans 100, il n'y en a que 25 qui passent l'âge de 26 ans ; que 16 qui vivent 36 ans accomplis, & 10 seulement dans 100 vivent jusqu'à la fin de leur 46e année ; & dans le même nombre, qu'il n'y en a que 6 qui aillent à 56 ans accomplis ; que 3 dans 100 qui atteignent la fin de 66 ans ; & que dans 100, il n'y en a qu'un qui soit en vie au bout de 76 ans : & que les habitans de la ville de Londres sont changés deux fois dans le cours d'environ 64 ans. Voyez VIE, &c. MM. de Moivre, Bernoulli, de Montmort, & de Parcieux, se sont exercés sur des sujets relatifs à l'Arithmétique politique : ont peut consulter la doctrine des hasards, de M. de Moivre ; l'art de conjecturer, de M. Bernoulli ; l'analyse des jeux de hasard, de M. de Montmort ; l'ouvrage sur les rentes viageres & les tontines, &c. de M. de Parcieux ; & quelques mémoires de M. Halley, répandus dans les Transactions philosophiques, avec les articles de notre Dictionnaire, HASARD, JEU, PROBABILITE, COMBINAISON, ABSENT, VIE, MORT, NAISSANCE, ANNUITE, RENTE, TONTINE, &c.

ARITHMETIQUE, pris adjectivement, se dit de tout ce qui a rapport aux nombres, ou à la science des nombres, ou qui s'exécute par le moyen des nombres. On dit opération arithmétique, de toute opération sur les nombres.

TRIANGLE arithmétique. Voyez TRIANGLE.

ECHELLES ARITHMETIQUES, est le nom que donne M. de Buffon (Mém. Acad. 1741.) aux différentes progressions de nombres, suivant lesquelles l'Arithmétique auroit pû être formée. Pour entendre ceci, il faut observer que notre Arithmétique ordinaire s'exécute par le moyen de dix chiffres, & qu'elle a par conséquent pour base la progression arithmétique décuple ou dénaire, 0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, voyez PROGRESSION, &c. Il est vraisemblable, comme nous l'avons remarqué plus haut, que cette progression doit son origine au nombre des doigts des deux mains, par lesquels on a dû naturellement commencer à compter : mais il est visible aussi que cette progression en elle-même est arbitraire, & qu'au lieu de prendre dix caracteres pour exprimer tous les nombres possibles, on auroit pû en prendre moins ou plus de dix. Supposons, par exemple, qu'on en eût pris cinq seulement, 0, 1, 2, 3, 4 ; en ce cas tout nombre passé cinq, auroit eu plus d'un chiffre, & cinq auroit été exprimé par 10 ; car 1 dans la seconde place, qui dans la progression ordinaire, vaut dix fois plus qu'à la premiere place, ne vaudroit dans la progression quintuple, que cinq fois plus. De même 11 auroit représenté 6 ; 25 auroit été représenté par 100, & tout nombre au-dessus de 25, auroit eu trois chiffres ou davantage. Au contraire si on prenoit vingt chiffres ou caracteres pour représenter les nombres, tout nombre au-dessous de 20, n'auroit qu'un chiffre ; tout nombre au-dessous de 400, n'en auroit que deux, &c.

La progression la plus courte dont on puisse se servir pour exprimer les nombres, est celle qui est composée de deux chiffres seulement 0, 1, & c'est ce que M. Leibnitz a nommé Arithmétique binaire. Voyez BINAIRE. Cette Arithmétique auroit l'inconvénient d'employer un trop grand nombre de chiffres pour exprimer des nombres assez petits, & il est évident que cet inconvénient aura d'autant plus lieu, que la progression qui servira de base à l'Arithmétique, aura moins de chiffres. D'un autre côté si on employoit un trop grand nombre de chiffres pour l'Arithmétique, par exemple, vingt ou trente chiffres au lieu de six, les opérations sur les nombres deviendroient trop difficiles ; je n'en veux pour exemple que l'addition. Il y a donc un milieu à garder ici ; & la progression décuple, outre son origine qui est assez naturelle, paroît tenir ce milieu : cependant il ne faut pas croire que l'inconvénient fût fort grand, si on avoit pris neuf ou douze chiffres au lieu de dix. V. CHIFFRE & NOMBRE.

M. de Buffon, dans le mémoire que nous avons cité, donne une méthode fort simple & fort abrégée pour trouver tout d'un coup la maniere d'écrire un nombre donné dans une échelle arithmétique quelconque, c'est-à-dire en supposant qu'on se serve d'un nombre quelconque de chiffres pour exprimer les nombres. Voyez BINAIRE. (O)

* ARITHMETIQUE, (machine.) c'est un assemblage ou système de roues & d'autres pieces, à l'aide desquelles des chiffres ou imprimés ou gravés se meuvent ; & exécutent dans leur mouvement les principales regles de l'Arithmétique.

La premiere machine arithmétique qui ait paru, est de Blaise Pascal, né à Clermont en Auvergne le 19 Juin 1623 ; il l'inventa à l'âge de dix-neuf ans. On en a fait quelques autres depuis qui, au jugement même de MM. de l'Académie des Sciences, paroissent avoir sur celle de Pascal des avantages dans la pratique : mais celle de Pascal est la plus ancienne ; elle a pû servir de modele à toutes les autres : c'est pourquoi nous l'avons préférée.

Cette machine n'est pas extrèmement compliquée ; mais entre ses pieces il y en a une surtout qu'on nomme le sautoir, qui se trouve chargée d'un si grand nombre de fonctions, que le reste de la machine en devient très-difficile à expliquer. Pour se convaincre de cette difficulté, le lecteur n'a qu'à jetter les yeux sur les figures du recueil des machines approuvées par l'academie, & sur le discours qui a rapport à ces figures & à la machine de Pascal : je suis sûr qu'il lui paroîtra, comme à nous, presque aussi difficile d'entendre la machine de Pascal, avec ce qui en est dit dans l'ouvrage que nous venons de citer, que d'imaginer une autre machine arithmétique. Nous allons faire ensorte qu'on ne puisse pas porter le même jugement de notre article, sans toutefois nous engager à exposer le méchanisme de la machine de Pascal d'une maniere si claire, qu'on n'ait besoin d'aucune contension d'esprit pour le saisir. Au reste, cet endroit de notre Dictionnaire ressemblera à beaucoup d'autres, qui ne sont destinés qu'à ceux qui ont quelque habitude de s'appliquer.

Les parties de la machine arithmétique se ressemblant presque toutes par leur figure, leur disposition & leur jeu, nous avons crû qu'il étoit inutile de représenter la machine entiere : la portion qu'on en voit Pl. II. d'Arithmétique, suffira pour en donner une juste idée. N O P R. fig. 1. est une plaque de cuivre qui forme la surface supérieure de la machine. On voit à la partie inférieure de cette plaque, une rangée N O de cercles Q, Q, Q, &c. tous mobiles, autour de leurs centres Q. Le premier à la droite a douze dents ; le second en allant de droite à gauche, en a vingt ; & tous les autres en ont dix. Les pieces qu'on apperçoit en S, S, S, &c. & qui s'avancent sur les disques des cercles mobiles R, R, R, &c. sont des étochios ou arrêts qu'on appelle potences. Ces étochios sont fixes & immobiles ; ils ne posent point sur les cercles qui se peuvent mouvoir librement sous leurs pointes ; ils ne servent qu'à arrêter un stylet, qu'on appelle directeur, qu'on tient à la main, & dont on place la pointe entre les dents des cercles mobiles Q, Q, Q, &c. pour les faire tourner dans la direction 6, 5, 4, 3, &c. quand on se sert de la machine.

Il est évident par le nombre des dents des cercles mobiles Q, Q, Q, &c. que le premier à droite marque les deniers ; le second en allant de droite à gauche, les sous ; le troisieme, les unités de livres ; le quatrieme, les dixaines ; le cinquieme, les centaines ; le sixieme, les mille ; le septieme, les dixaines de mille ; le huitieme, les centaines de mille : & quoiqu'il n'y en ait que huit, on auroit pû, en aggrandissant la machine, pousser plus loin le nombre de ses cercles.

La ligne Y Z est une rangée de trous, à-travers lesquels on apperçoit des chiffres. Les chiffres apperçûs ici sont 46309 l. 15 s. 10 d. mais on verra par la suite qu'on en peut faire paroître d'autres à discrétion par les mêmes ouvertures.

La bande P R est mobile de bas en haut ; on peut en la prenant par ses extrémités R P, la faire descendre sur la rangée des ouvertures 46309 l. 15 s. 10 d. qu'elle couvriroit : mais alors on appercevroit une autre rangée parallele de chiffres à-travers des trous placés directement au-dessus des premiers.

La même bande P R porte des petites roues gravées de plusieurs chiffres, toutes avec une aiguille au centre, à laquelle la petite roue sert de cadran : chacune de ces roues porte autant de chiffres que les cercles mobiles Q, Q, Q, &c. auxquels elles correspondent perpendiculairement. Ainsi V 1 porte douze chiffres, ou plûtôt a douze divisions ; V 2 en a vingt ; V 3 en a dix ; V 4 dix, & ainsi de suite.

A B C D, fig. 2. est une tranche verticale de la machine, faite selon une des lignes ponctuées m x, m x, m x, &c. de la figure 1. n'importe laquelle ; car chacune de ces tranches, comprise entre deux paralleles m x, m x, contient toutes les parties de la fig. 2. outre quelques autres dont nous ferons mention dans la suite. 1 Q 2 représente un des cercles mobiles Q de la fig. 1. ce cercle entraîne par son axe Q 3, la roue à chevilles 4, 5. Les chevilles de la roue 4, 5, font mouvoir la roue 6, 7, la roue 8, 9, & la roue 10, 11, qui sont toutes fixées sur un même axe. Les chevilles de la roue 10, 11, engrenent dans la roue 12, 13, & la font mouvoir, & avec elle le barillet 14, 15.

Sur le barillet 14, 15, même fig. 2. soient tracées l'une au-dessus de l'autre, deux rangées de chiffres de la maniere qu'on va dire. Si l'on suppose que ce barillet soit celui de la tranche des deniers, soient tracées les deux rangées :

Si le barillet 14, 15, est celui de la tranche des sous, soient tracées les deux rangées :

Si le barillet 14, 15 est celui de la tranche des unités de livres, soient tracées les deux rangées ;

Il est évident 1°. que c'est de la rangée inférieure des chiffres tracés sur les barillets, que quelques-uns paroissent à-travers les ouvertures de la ligne X Z, & que ceux qui paroîtroient à-travers les ouvertures couvertes de la bande mobile P R, sont de la rangée supérieure. 2°. Qu'en tournant, fig. 1. le cercle mobile Q, on arrêtera sous une des ouvertures de la ligne X Z, tel chiffre que l'on voudra ; & que le chiffre retranché de 11 sur le barillet des deniers, donnera celui qui lui correspond dans la rangée supérieure des deniers ; retranché de 19 sur le barillet des sous, il donnera celui qui lui correspond dans la rangée supérieure des sous ; retranché de 9 sur le barillet des unités de livres, il donnera celui qui lui correspond dans la rangée supérieure des unités de livres, & ainsi de suite. 3°. Que pareillement celui de la bande supérieure du barillet des deniers, retranché de 11, donnera celui qui lui correspond dans la rangée inférieure, &c.

La piece a b c d e f g h i k l, qu'on entrevoit, même fig. 2. est celle qu'on appelle le sautoir. Il est important d'en bien considérer la figure, la position, & le jeu ; car sans une connoissance très-exacte de ces trois choses, il ne faut pas espérer d'avoir une idée précise de la machine : aussi avons-nous répété cette piece en trois figures différentes. a b c d e f g h i k l, fig. 2. est le sautoir, comme nous venons d'en avertir : 1 2 3 4 5 6 7 x y T z v, l'est aussi, fig. 3. & 1 2 3 4 5 6 7 8 9 l'est encore, fig. 4.

Le sautoir, fig. 2. a deux anneaux ou portions de douilles, dans lesquelles passe la portion f k & g l de l'axe de la roue à chevilles 8 9 ; il est mobile sur cette partie d'axe. Le sautoir, fig. 3. a une concavité ou partie échancrée 3, 4, 5 ; un coude 7, 8, 9, pratiqué pour laisser passer les chevilles de la roue 8, 9 ; deux anneaux dont on voit un en 9, l'autre est couvert par une portion de la roue 6, 7, à la partie inférieure de l'échancrure 3, 4, 5 ; en 2, une espece de coulisse, dans laquelle le cliquet 1 est suspendu par le tenon 2, & pressé par un ressort entre les chevilles de la roue 8, 9. Pour qu'on apperçût ce ressort & son effet, on a rompu, fig. 3. un des côtés de la coulisse en x, y ; 12 est le cliquet ; 2 le tenon qui le tient suspendu ; & Z v le ressort qui appuie sur son talon, & pousse son extrémité entre les chevilles de la roue 8, 9.

Ce qui précede bien entendu, nous pouvons passer au jeu de la machine. Soit figure 2. le cercle mobile 1 Q 2, mû dans la direction 1 Q 2, la roue à chevilles 4, 5, sera mûe, & la roue à chevilles 6, 7 ; & fig. 3. la roue VIII ; IX ; car c'est la même que la roue 8, 9, de la figure 2. Cette roue VIII, IX, sera mûe dans la direction VIII, VIII, IX, IX. La premiere de ses deux chevilles r, s, entrera dans l'échancrure du sautoir ; le sautoir continuera d'être élevé, à l'aide de la seconde cheville R S. Dans ce mouvement l'extrémité 1 du cliquet sera entraînée ; & se trouvant à la hauteur de l'entre-deux de deux chevilles immédiatement supérieur à celui où elle étoit, elle y sera poussée par le ressort. Mais la machine est construite de maniere que ce premier échappement n'est pas plûtôt fait, qu'il s'en fait un autre, celui de la seconde cheville R S de dessous la partie 3, 4, du sautoir : ce second échappement laisse le sautoir abandonné à lui-même ; le poids de sa partie 4 5 6 7 8 9, fait agir l'extrémité 1 du cliquet contre la cheville de la roue 8, 7, sur laquelle elle vient de s'appuyer par le premier échappement ; fait tourner la roue 8, 9, dans le sens 8, 8, 9, 9, & par conséquent aussi dans le même sens la roue 10, 11, 11, & la roue 12, 13, en sens contraire, ou dans la direction 13, 13, 12 ; & dans le même sens que la roue 12, 13, le barillet 14, 15. Mais telle est encore la construction de la machine que, quand par le second échappement, celui de la cheville R S de dessous la partie 3, 4, du sautoir, ce sautoir se trouve abandonné à lui-même, il ne peut descendre & entraîner la roue 8, 9, que d'une certaine quantité déterminée. Quand il est descendu de cette quantité, la partie T fig. 2. de la coulisse rencontre l'étochio r qui l'arrête.

Maintenant si l'on suppose 1°. que la roue VIII, IX, a douze chevilles, la roue X, XI autant, & la roue XII, XIII autant encore : 2° que la roue 8, 9 a vingt chevilles, la roue 10, 11, vingt, & la roue 12, 13 autant : 3°. que l'extrémité T du sautoir, figure 3. rencontre l'étochio r précisément quand la roue 8, 9, fig. 4. a tourné d'une vingtieme partie, il s'ensuivra évidemment que le barillet XIV, XV, fera un tour sur lui-même, tandis que le barillet 14, 15 ne tournera sur lui-même que de sa vingtieme partie.

Si l'on suppose 2°. que la roue VIII, IX a vingt chevilles, la roue X, XI autant, & la roue XII, XIII autant : 2°. que la roue 8, 9 ait dix chevilles, la roue 10, 11 autant, & la roue 12, 13 autant : 3°. que l'extrémité T du sautoir ne soit arrêtée, figure 3. par l'étochio r, que quand la roue 8, 9, figure 4. a tourné d'une dixieme partie, il s'ensuivra évidemment que le barillet XIV, XV fera un tour entier sur lui-même, tandis que le barillet 14, 15 ne tournera sur lui-même que de sa dixieme partie.

Si l'on suppose 3°. que la roue VIII, IX ait dix chevilles, la roue X, XI autant, & la roue XII, XIII autant : 2°. que la roue 8, 9 ait pareillement dix chevilles, la roue 10, 11 autant, & la roue 12, 13 autant aussi : 3°. que l'extrémité T du sautoir, fig. 3. ne soit arrêtée par l'étochio r, que quand la roue 8, 9, fig. 4. aura tourné d'un dixieme, il s'ensuivra évidemment que le barillet XIV, XV fera un tour entier sur lui-même, tandis que le barillet 14, 15 ne tournera sur lui-même que d'un dixieme.

On peut donc en général établir tel rapport qu'on voudra entre un tour entier du barillet XIV, XV, & la partie dont le barillet 14, 15 tournera dans le même tems.

Donc, si l'on écrit sur le barillet XIV, XV les deux rangées de nombre suivantes, l'une au-dessus de l'autre, comme on le voit,

& sur le barillet 14, 15, les deux rangées suivantes, comme on les voit,

& que les zéros des deux rangées inférieures des barillets correspondent exactement aux intervalles A, B, il est clair qu'au bout d'une révolution du barillet XIV, XV, le zero correspondra encore à l'intervalle B : mais que ce sera le chiffre I du barillet 14, 15, qui correspondra dans le même tems à l'intervalle A.

Donc, si l'on écrit sur le barillet XIV, XV les deux rangées suivantes, comme on les voit,

& sur le barillet 14, 15, les deux rangées suivantes, comme on les voit,

& que les zéros des deux rangées inférieures des barillets correspondent en même tems aux intervalles A, B, il est clair que dans ce cas, de même que dans le premier, lorsque le zéro du barillet XIV, XV correspondra, après avoir fait un tour, à l'intervalle B, le barillet 14, 15 présentera à l'ouverture ou espace A, le chiffre 1.

Il en sera toujours ainsi, quelles que soient les rangées de chiffres que l'on trace sur le barillet XIV, XV, & sur le barillet 14, 15 : dans le premier cas le barillet XIV, XV tournera sur lui-même, & présentera les douze caracteres à l'intervalle B, quand le barillet 14, 15, n'ayant tourné que d'un vingtieme, présentera à l'intervalle A, le chiffre 1. Dans le second cas, le barillet XIV, XV tournera sur lui-même, & présentera ses vingts caracteres à l'ouverture ou intervalle B, pendant que le barillet 14, 15, n'ayant tourné que d'un dixieme, présentera à l'ouverture ou intervalle A, le chiffre 1. Dans le troisieme cas, le barillet XIV, XV tournera sur lui-même, & aura présenté ses dix caracteres à l'ouverture B, quand le barillet 14, 15, n'ayant tourné que d'un dixieme, présentera à l'ouverture ou intervalle A, le chiffre 1.

Mais au lieu de faire toutes ces suppositions sur deux barillets, je peux les faire sur un grand nombre de barillets, tous assemblés les uns avec les autres, comme on voit ceux de la fig. 4. Rien n'empêche de supposer à côté du barillet 14, 15 un autre barillet placé par rapport à lui, comme il est placé par rapport au barillet XIV, XV, avec les mêmes roues, un sautoir, & tout le reste de l'assemblage. Rien n'empêche que je ne puisse supposer douze chevilles à la roue VIII, IX & les deux rangées 0, 11, 10, 9, &c.

11, 0, 1, 2, &c.

tracées sur le barillet XIV, XV, vingt chevilles à la roue 8, 9, & les deux rangées 0, 19, 18, 17,

16, 15, &c. tracées sur le barillet 14, 15 ; dix chevilles

19, 0, 1, 2, 3, 4, &c.

à la premiere, pareille à la roue 8, 9, & les deux rangées 0, 9, 8, 7, 6, &c. sur le troisieme barillet ;

9, 0, 1, 2, 3, &c.

dix chevilles à la seconde pareille de 8, 9, & les deux rangées 0, 9, 8, 7, 6, &c. sur le quatrieme

9, 0, 1, 2, 3, &c.

barillet ; dix chevilles à la troisieme pareille de 8, 9, & les deux rangées 0, 9, 8, 7, 6, &c. sur

9, 0, 1, 2, 3, &c.

le cinquieme barillet, & ainsi de suite.

Rien n'empêche non plus de supposer que tandis que le premier barillet présentera ses douze chiffres à son ouverture, le second ne présentera plus que le chiffre 1 à la sienne ; que tandis que le second barillet présentera ses vingt chiffres à son ouverture ou intervalle, le troisieme ne présentera que le chiffre 1 ; que tandis que le troisieme barillet présentera ses dix caracteres à son ouverture, le quatrieme n'y présentera que le chiffre 1 ; que tandis que le quatrieme barillet présentera ses dix caracteres à son ouverture, le cinquieme barillet ne présentera à la sienne que le chiffre 1, & ainsi de suite.

D'où il s'ensuivra 1°. qu'il n'y aura aucun nombre qu'on ne puisse écrire avec ces barillets ; car après les deux échappemens, chaque équipage de barillet demeure isolé, est indépendant de celui qui le précede du côté de la droite, peut tourner sur lui-même tant qu'on voudra dans la direction VIII, VIII, IX, IX, & par conséquent offrir à son ouverture celui des chiffres de sa rangée inférieure qu'on jugera à propos : mais les intervalles A, B, sont aux cylindres nuds XIV, XV, 14, 15, ce que leur sont les ouvertures de la ligne Y, X, figure 1. quand ils sont couverts de la plaque N O R P.

2°. Que le premier barillet marquera des deniers, le second des sous, le troisieme des unités de livres, le quatrieme des dixaines, le cinquieme des centaines, &c.

3°. Qu'il faut un tour du premier barillet, pour un vingtieme du second ; un tour du second, pour un dixieme du troisieme ; un tour du troisieme, pour un dixieme du quatrieme ; & que par conséquent les barillets suivent entre leurs mouvemens la proportion qui regne entre les chiffres de l'Arithmétique quand ils expriment des nombres ; que la proportion des chiffres est toûjours gardée dans les mouvemens des barillets, quelle que soit la quantité de tours qu'on fasse faire au premier, ou au second, ou au troisieme, & que par conséquent de même qu'on fait les opérations de l'Arithmétique avec des chiffres, on peut la faire avec les barillets & les rangées de chiffres qu'ils ont.

4°. Que pour cet effet, il faut commencer par mettre tous les barillets de maniere que les zéros de leur rangée inférieure correspondent en même tems aux ouvertures de la bande Y Z, & de la plaque N O R P ; car si tandis que le premier barillet, par exemple, présente O à son ouverture, le second présente 4 à la sienne, il est à présumer que le premier barillet a fait déjà quatre tours ; ce qui n'est pas vrai.

5°. Qu'il est assez indifférent de faire tourner les barillets dans la direction VIII, VIII, IX ; que ce mouvement ne dérange rien à l'effet de la machine ; mais qu'il ne faut pas qu'ils ayent la liberté de rétrograder ; & c'est aussi la fonction du cliquet supérieur C de la leur ôter.

Il permet, comme on voit, aux roues de tourner dans le sens VIII, VIII, IX : mais il les empêche de tourner dans le sens contraire.

6°. Que les roues ne pouvant tourner que dans la direction VIII, VIII, IX, c'est de la ligne ou rangée de chiffres inférieure des barillets qu'il faut se servir pour écrire un nombre ; par conséquent pour faire l'addition ; par conséquent encore pour faire la multiplication ; & que comme les chiffres des rangées sont dans un ordre renversé, la soustraction se doit faire sur la rangée supérieure, & par conséquent aussi la division.

Mais tous ces corollaires s'éclairciront davantage par l'usage de la machine, & la maniere de faire les opérations.

Mais avant que de passer aux opérations, nous ferons observer encore une fois que chaque roue 6, 7, fig. 4. a sa correspondance 4, 5, fig. 2. & chaque roue, 4, 5, son cercle mobile Q ; que chaque roue 8, 9, a son cliquet supérieur, & son cliquet inférieur ; que ces deux cliquets ont une de leurs fonctions commune ; c'est d'empêcher les roues VIII, IX, 8, 9, &c. de retrograder ; enfin, que le talon 1, pratiqué au cliquet inférieur, lui est essentiel.

Usages de la machine arithmétique pour l'addition. Commencez par couvrir de la bande P R, la rangée supérieure d'ouvertures, en sorte que cette bande soit dans l'état où vous la voyez fig. 1. mettez ensuite toutes les roues de la bande inférieure ou rangée à zero ; & soient les sommes à ajoûter.

Prenez le conducteur ; portez sa pointe dans la huitieme denture du cercle Q, le plus à la droite ; faites tourner ce cercle jusqu'à ce que l'arrêt ou la potence S vous empêche d'avancer.

Passez à la roue des sous, ou au cercle Q qui suit immédiatement celui sur lequel vous avez opéré, en allant de la droite à la gauche ; portez la pointe du conducteur dans la septieme denture, à compter depuis la potence ; faites tourner ce cercle jusqu'à ce que la potence S vous arrête ; passez aux livres, aux dixaines, & faites la même opération sur leurs cercles Q.

En vous y prenant ainsi, votre premiere somme sera évidemment écrite : opérez sur la seconde, précisément comme vous avez fait sur la premiere, sans vous embarrasser des chiffres qui se présentent aux ouvertures ; puis sur la troisieme. Après votre troisieme opération, remarquez les chiffres qui paroîtront aux ouvertures de la ligne Y Z, ils marqueront la somme totale de vos trois sommes partielles.

Démonstration. Il est évident que si vous faites tourner le cercle Q des deniers de huit parties, vous aurez 8 à l'ouverture correspondante à ce cercle : il est encore évident que si vous faites tourner le même cercle de six autres parties, comme il est divisé en douze, c'est la même chose que si vous l'aviez fait tourner de douze parties, plus 2 : mais en le faisant tourner de douze, vous auriez remis à zéro le barillet des deniers correspondant à ce cercle des deniers, puisqu'il eût fait un tour exact sur lui-même : mais il n'a pû faire un tour sur lui-même, que le second barillet, ou celui des sous, n'ait tourné d'un vingtieme ; & par conséquent mis le chiffre 1 à l'ouverture des sous. Mais le chiffre des deniers n'a pû résister à 0 ; car ce n'est pas seulement de douze parties que vous l'avez fait tourner, mais de douze parties plus deux. Vous avez donc fait en sus comme si le barillet des deniers étant à zéro, & celui des sous à 1, vous eussiez fait tourner le cercle Q des deniers de deux dentures : mais en faisant tourner le cercle Q des deniers de deux dentures, on met le barillet des deniers à 2, où ce barillet présente 2 à son ouverture. Donc le barillet des deniers offrira 2 à son ouverture, & celui des sous 1 : mais 8 deniers & 6 deniers font 14 deniers, ou un sou, plus 2 deniers ; ce qu'il falloit en effet ajoûter, & ce que la machine a donné. La démonstration sera la même pour tout le reste de l'opération.

Exemple de soustraction. Commencez par baisser la bande P R sur la ligne X Y d'ouvertures inférieures ; écrivez la plus grande somme sur les ouvertures de la ligne supérieure, comme nous l'avons prescrit pour l'addition, par le moyen du conducteur ; faites l'addition de la somme à soustraire, ou de la plus petite avec la plus grande, comme nous l'avons prescrit à l'exemple de l'addition : cette addition faite, la soustraction le sera aussi. Les chiffres qui paroîtront aux ouvertures, marqueront la différence des deux sommes, ou l'excès de la grande sur la petite ; ce que l'on cherchoit.

Si vous exécutez ce que nous vous avons prescrit, vous trouverez aux ouvertures 131 9 3.

Démonstration. Quand j'écris le nombre 9121 liv. 9 s. 2 d. pour faire paroître 2 à l'ouverture des deniers, je suis obligé de faire passer avec le directeur, onze dentures du cercle Q des deniers ; car il y a à la rangée supérieure du barillet des deniers onze termes depuis 0 jusqu'à 2 : si à ce 2 j'ajoûte encore 11, je tomberai sur 3 ; car il faut encore que je fasse faire onze dentures aux cercles Q : or comptant 11 depuis 2, on tombe sur 3. La démonstration est la même pour le reste. Mais remarquez que le barillet des deniers n'a pû tourner de 22, sans que le barillet des sous n'ait tourné d'un vingtieme ou de douze deniers. Mais comme à la rangée d'en-haut les chiffres vont en rétrogradant dans le sens que les barillets tournent ; à chaque tour du barillet des deniers, les chiffres du barillet des sous diminuent d'une unité ; c'est-à-dire que l'emprunt que l'on fait pour un barillet est acquité sur l'autre, ou que la soustraction s'exécute comme à l'ordinaire.

Exemple de multiplication. Revenez aux ouvertures inférieures ; faites remonter la bande P R sur les ouvertures supérieures ; mettez toutes les roues à zéro ; par le moyen du conducteur, comme nous avons dit plus haut. Ou le multiplicateur n'a qu'un caractere, ou il en a plusieurs ; s'il n'a qu'un caractere, on écrit, comme pour l'addition, autant de fois le multiplicande qu'il y a d'unités dans ce chiffre du multiplicateur : ainsi la somme 1245 étant à multiplier par 3, j'écris ou pose trois fois cette somme à l'aide de mes roues & des cercles Q ; après la derniere fois, il paroît aux ouvertures 3735, qui est en effet le produit de 1245 par 3.

Si le multiplicateur a plusieurs caracteres, il faut multiplier tous les chiffres du multiplicande par chacun de ceux du multiplicateur, les écrire de la même maniere que pour l'addition : mais il faut observer au second multiplicateur de prendre pour premiere roue celle des dixaines.

La multiplication n'étant qu'une espece d'addition, & cette regle se faisant évidemment ici par voie d'addition, l'opération n'a pas besoin de démonstration.

Exemple de division. Pour faire la division, il faut se servir des ouvertures supérieures ; faites donc descendre la bande P R sur les inférieures ; mettez à zéro toutes les roues fixées sur cette bande, & qu'on appelle roues de quotient ; faites paroître aux ouvertures votre nombre à diviser, & opérez comme nous allons dire.

Soit la somme 65 à diviser par cinq ; vous dites, en six, cinq y est, & vous ferez tourner votre roue comme si vous vouliez additionner 5 & 6 ; cela fait, les chiffres des roues supérieures allant toûjours en rétrogradant, il est évident qu'il ne paroîtra plus que 1 à l'ouverture où il paroissoit 6 ; car dans 0, 9, 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1 ; 1 est le cinquieme terme après 6.

Mais le diviseur 5 n'est plus dans 1, marquez donc 1 sur la roue des quotiens, qui répond à l'ouverture des dixaines ; passez ensuite à l'ouverture des unités, ôtez-en 5 autant de fois qu'il sera possible, en ajoûtant 5 au caractere qui paroît à-travers cette ouverture, jusqu'à ce qu'il vienne à cette ouverture ou zéro, ou un nombre plus petit que cinq, & qu'il n'y ait que des zéros aux ouvertures qui précedent : à chaque addition faites passer l'aiguille de la roue des quotiens qui est au-dessous de l'ouverture des unités, du chiffre 1 sur le chiffre 2, sur le chiffre 3, en un mot sur un chiffre qui ait autant d'unités que vous ferez de soustractions : ici après avoir ôté trois fois 5 du chiffre qui paroissoit à l'ouverture des unités, il est venu zéro ; donc 5 est 13 fois en 65.

Il faut observer qu'en ôtant ici une fois 5 du chiffre qui paroît aux unités, il vient tout de suite 0 à cette ouverture ; mais que pour cela l'opération n'est pas achevée, parce qu'il reste une unité à l'ouverture des dixaines, qui fait avec le zéro qui suit 10, qu'il faut épuiser ; or il est évident que 5 ôté deux fois de 10, il ne restera plus rien ; c'est-à-dire que pour exhaustion totale, ou que pour avoir zéro à toutes les ouvertures, il faut encore soustraire 5 deux fois.

Il ne faut pas oublier que la soustraction se fait exactement comme l'addition, & que la seule différence qu'il y ait, c'est que l'une se fait sur les nombres d'en bas, & l'autre sur les nombres d'en-haut.

Mais si le diviseur a plusieurs caracteres, voici comment on opérera : soit 9989 à diviser par 124, on ôtera 1 de 9, chiffre qui paroît à l'ouverture des mille ; 2 du chiffre qui paroîtra à l'ouverture des centaines ; 4 du chiffre qui paroîtra à l'ouverture des dixaines, & l'on mettra l'aiguille des cercles de quotient, qui répond à l'ouverture des dixaines, sur le chiffre 1. Si le diviseur 124 peut s'ôter encore une fois de ce qui paroîtra, après la premiere soustraction, aux ouvertures des mille, des centaines, & des dixaines, on l'ôtera & on tournera l'aiguille du même cercle de quotient sur 2, & on continuera jusqu'à l'exhaustion la plus complete qu'il sera possible ; pour cet effet il faudra réitérer ici la soustraction huit fois sur les trois mêmes ouvertures ; l'aiguille du cercle du quotient qui répond aux dixaines, sera donc sur 8, & il ne se trouvera plus aux ouvertures que 69, qui ne peut plus se diviser par 124 ; on mettra donc l'aiguille du cercle de quotient, qui répond à l'ouverture des unités, sur 0, ce qui marquera que 124 ôté 80 fois de 9989, il reste ensuite 69.

Maniere de réduire les livres en sous, & les sous en deniers. Réduire les livres en sous, c'est multiplier par 20 les livres données ; & réduire les sous en deniers, c'est multiplier par douze. Voy. MULTIPLICATION.

Convertir les sous en livres & les deniers en sous, c'est diviser dans le premier cas par 20, & dans le second par douze. Voyez DIVISION.

Convertir les deniers en livres, c'est diviser par 240. Voyez DIVISION.

Il parut en 1725 une autre machine arithmétique, d'une composition plus simple que celle de M. Pascal, & que celles qu'on avoit déjà faites à l'imitation ; elle est de M. de l'Epine ; & l'Académie a jugé qu'elle contenoit plusieurs choses nouvelles & ingénieusement pensées. On la trouvera dans le recueil des machines : on y en verra encore une autre de M. de Boitissendeau, dont l'Académie fait aussi l'éloge. Le principe de ces machines une fois connu, il y a peu de mérite à les varier : mais il falloit trouver ce principe ; s'il falloit s'appercevoir que si l'on fait tourner verticalement de droite à gauche un barillet chargé de deux suites de nombres placées l'une au-dessus de l'autre, en cette sorte, 0, 9, 8, 7, 6 &c.

9, 0, 1, 2, 3 &c.

l'addition se faisoit sur la rangée supérieure, & la soustraction sur l'inférieure, précisément de la même maniere.


ARIZA(Géog. anc. & mod.) bourg d'Espagne dans l'Aragon, sur les frontieres de la vieille Castille, & sur la riviere de Xalon. Les Géographes prétendent que cette Ariza est la ville qu'on nommoit anciennement Arsi ou Arci.


ARJONApetite ville d'Espagne, dans l'Andalousie, sur la riviere de Frio, entre Jaën & Anduxar.


ARKI(Géog.) ville de la Turquie en Europe, située dans la Bosnie, à l'embouchure de la Bosna, dans la Save.


ARLANZApetite riviere d'Espagne, qui a sa source à Lara, baigne Lerma, & se rend dans l'Arlanzon.


ARLANZONriviere d'Espagne dans la vieille Castille, qui baigne Burgos, reçoit l'Arlanza, & se jette dans le Pizuerga sur les frontieres du royaume de Léon.


ARLEQUINS. m. (Littér.) personnage qui dans la Comédie italienne fait le rôle de bouffon, pour divertir le peuple par ses plaisanteries. Nous l'avons introduit sur nos théatres, & il y joue un des principaux rôles dans les pieces que l'on représente sur le théatre italien.

Quelques-uns prétendent que ce nom doit son origine à un fameux comédien italien qui vint à Paris sous le regne d'Henri III. & que comme il fréquentoit familierement dans la maison du président de Harlai qui lui avoit accordé ses bonnes graces, ses camarades l'appelloient par dérision ou par envie harlequino, le petit de Harlai ; mais cette histoire a tout l'air d'une fable, quand on fait attention au caractere d'Achilles de Harlai, qui, aussi-bien que les autres magistrats de ce tems-là, ne s'avilissoit point à recevoir chez lui des baladins. Voyez COMEDIE. (G)


ARLES(Géogr. anc. & mod.) ville de France dans le gouvernement de Provence ; elle est sur le Rhone. Long. 22. 18. lat. 43. 40. 33.

* ARLES, (Géog.) petite ville de France dans le Roussillon, à six lieues de Perpignan.


ARLESHEMville de Suisse dans l'évêché de Bâle.


ARLEUXpetite & ancienne ville des Pays-Bas dans le Cambresis, sur les confins de la Flandre & du Hainaut. Long. 20. 46. lat. 50. 17.


ARLONancienne ville des Pays-Bas, autrefois considérable & peuplée, dans le comté de Chini, annexe du duché de Luxembourg. Long. 23. 20. lat. 49. 45.


ARMADES. f. (Hist. mod.) ou le régiment de l'armade ; c'est celui qui a droit de garder la principale porte du palais du roi de Portugal, & de loger dans la ville.


ARMADILLEanimal quadrupede, mieux connu sous le nom de tatou. Voyez TATOU. (I)

ARMADILLE, s. f. (Marine.) On appelle ainsi un certain nombre de vaisseaux de guerre, comme six ou huit, depuis vingt-quatre jusqu'à cinquante pieces de canon, qui forment une petite flotte que le roi d'Espagne entretient dans la nouvelle Espagne pour garder la côte, & empêcher que les étrangers n'aillent négocier avec les Espagnols & les Indiens. Cette flotte a le pouvoir de prendre même tous les vaisseaux espagnols qu'elle rencontre à la côte sans permission du roi.

La mer du Sud a son armadille, de même que celle du Nord ; celle-ci réside ordinairement à Carthagene, & l'autre à Callao, qui est le port de Lima.

ARMADILLES : c'est aussi une espece de petits vaisseaux de guerre dont les Espagnols se servent dans l'Amérique. (Z)


ARMAGHville d'Irlande dans la province d'Ultonie & dans le comté d'Armagh ; elle est sur la riviere de Kalin. Long. 10. 46. lat. 54.


ARMAGNACprovince de France, avec titre de comté, d'environ 22 lieues de long sur 16 de large, dans le gouvernement de Guienne, bornée à l'orient par la Garonne, au fond de la Bigorre & le Béarn, à l'occident par la Gascogne particuliere, au septentrion par le Condomois & l'Agénois : Auch en est la capitale. Il y a le haut & le bas Armagnac.


ARMANDterme usité parmi les Maréchaux, est une espece de bouillie qu'on fait prendre à un cheval dégoûté & malade, pour lui donner de l'appétit & des forces : en voici la composition.

Prenez plein un plat de mie de pain blanc émiées bien menu ; mouillez-la avec du verjus, y mettant trois ou quatre pincées de sel (au défaut de verjus le vinaigre pourra servir), & suffisante quantité de miel rosat ou violat, ou à leur défaut, du miel commun : faites cuire cette pâte à petit feu pendant un quart-d'heure pour en ôter l'humidité superflue, & ajoûtez-y de la canelle en poudre le poids de deux écus, une douzaine & demie de clous de girofle battus, une muscade rapée, & demi-livre de cassonnade : remettrez le tout sur un petit feu, & laissez cuire à feu lent un demi-quart d'heure, remuant de tems en tems avec une spatule de bois, pour bien mêler le tout, & faire incorporer les aromates avec le pain & le miel ; mais il faut peu de feu, parce que la vertu des drogues s'exhale promptement par le moindre excès de chaleur.

Il faut avoir un nerf de boeuf, & mettre tremper le gros bout dans l'eau pendant quatre ou cinq heures ; & après qu'il sera ramolli de la sorte, le faire ronger au cheval, qui l'applatira peu-à-peu : ou bien vous l'applatirez avec un marteau, & y mettrez ensuite gros comme une noix de l'armand : vous ouvrirez d'une main la bouche du cheval, lui faisant tenir la langue par quelqu'un avec la main, & la tête aussi, de peur qu'il ne la remue ; & vous introduirez votre nerf ainsi chargé, le plus avant qu'il sera possible. Dès qu'il aura pénétré assez avant dans la bouche, il faut lui lâcher la langue, & lui laisser mâcher le nerf de boeuf & l'armand tout ensemble l'espace d'un pater ; vous lui en remettrez ensuite jusqu'à cinq ou six fois, & le laisserez manger au bout de trois heures, pour lui redonner l'armand ; & continuerez de la sorte de trois en trois heures.

L'armand est utile à tous les chevaux dégoûtés & malades, pourvû qu'ils n'ayent point de fievre. Il nourrit & fait revenir l'appétit, & ne manque jamais, lorsqu'on fourre tout doucement le nerf jusqu'au fond du gosier, de faire jetter au-dehors quantité de flegmes ameres & bilieuses qui causent le dégoût. Il faut à chaque fois qu'on retire le nerf du gosier, le nettoyer & l'essuyer avec du foin. Soleysel, Parfait Maréchal.

L'armand est bon pour déboucher le gosier d'un cheval qui auroit avalé une plume ou telle autre ordure semblable, enfonçant par plusieurs fois le nerf chargé d'armand jusqu'au fond. On éprouvera que l'usage de ce remede ne fait aucune violence au cheval, & qu'il le nourrit & le remet en appétit ; mais si le maréchal a la main rude, & que le nerf ne soit pas amolli, il peut crever le gosier du cheval, & le faire mourir par la suite : mais cela arrive fort rarement. Ibid.

Autre armand pour un cheval dégoûté. Prenez une livre de miel, & le faites un peu chauffer ; un demi-verre de vinaigre, & un peu de farine de froment cuite au four : faites cuire doucement le tout dans un pot devant le feu : ajoûtez-y une canelle rapée, & pour deux liards de girofle battu. Quand le tout sera cuit, vous le ferez prendre au cheval le mieux que vous pourrez.

Comme un cheval peut être dégoûté parce qu'il est malade, & que si on laissoit agir la nature il seroit en danger de se laisser atténuer faute de nourriture, on prend du gruau ou de l'orge mondé qu'on fait bouillir dans un pot sans beurre, puis on le donne tiede au cheval ; ce qui suffit pour le soûtenir dans son mal, & empêcher qu'il ne meure de faim. (V)


ARMANOTH(Géogr.) province de l'Ecosse septentrionale, qui fait partie de la province de Ross, entre celles de Locquabir & de Murrai.


ARMANSOou ARMENSON, riviere de France en Bourgogne, qui a sa source au-dessus de Semur où elle passe, reçoit la Brenne, arrose Tonnerre, & se jette dans l'Yonne à la gorge d'Armanson, près d'Auxerre.


ARMARINTES. f. cachrys, (Hist. nat. bot.) genre de plante à fleurs en rose, soûtenues par des rayons en forme de parasol, composées de plusieurs pétales disposés en rond sur un calice qui devient dans la suite un fruit composé de deux pieces faites en demi-ovale, d'une matiere spongieuse, lisse dans quelques especes, cannelées & raboteuses dans quelques autres : ces deux pieces renferment chacune une semence semblable à un grain d'orge. Tournef. Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)


ARMATA(Myth.) surnom sous lequel les Lacédémoniens honoroient Vénus, qu'ils représentoient armée.


ARMATEUou CAPRE, (Marine.) on appelle ainsi le commandant d'un vaisseau qui est armé pour croiser sur les bâtimens du parti contraire ; & c'est aussi le nom spécieux que prennent les pirates, pour adoucir celui de corsaire.

On appelle aussi armateurs les marchands qui afretent ou équipent un vaisseau, soit pour la course, soit pour le commerce. (Z)


ARMATURES. f. (Fonderie.) Les Fondeurs en statues équestres & en grands ouvrages de bronze, appellent ainsi un assemblage de différens morceaux de fer, pour porter le noyau & le moule de potée d'un ouvrage de bronze. Ceux d'une forme pyramidale n'ont pas besoin d'une forte armature, parce que la base soûtient les parties d'au-dessus qui diminuent de grosseur ; & il suffit d'y mettre quelques barres de fer, dans lesquelles on passe d'autres fers plus menus qu'on appelle lardons, pour lier le noyau avec le moule de potée. Voyez FONDERIE, NOYAU, LARDON, &c.

Quelques fers de l'armature sont faits pour rester toûjours enfermés dans le bronze, parce qu'ils servent à donner plus de solidité aux parties qui portent le fardeau ; les autres sont faits de maniere qu'on peut les retirer lorsque l'ouvrage est fondu : & de-là vient qu'on les fait de plusieurs pieces attachées les unes aux autres avec des vis, des boulons & des clavettes, afin de pouvoir les tourner dans le vuide du bronze lorsqu'on en ôte le noyau. Il faut observer en forgeant les fers de l'armature, de leur donner un contour fort coulant, pour ne pas corrompre les corpuscules du fer, ce qui lui ôteroit toute sa force.

Pour mettre en leur place tous les fers de l'armature, on commence par démolir la grille & le massif qui portoit dessus, de façon qu'on puisse assembler & river les principaux fers sur la base de l'armature. Voyez les Planches des figures en bronze.

ARMATURE, (en Architect.) nom générique sous lequel on comprend toutes les barres, boulons, clés, étriers & autres liens de fer qui servent à contenir un assemblage de charpente.


ARMEARMURE, (Gram.) Arme se dit de tout. ce qui sert au soldat dans le combat, soit pour attaquer, soit pour se défendre : armure ne s'entend que de ce qui sert à le défendre. On dit une armure de tête, de cuisse, &c. Dom Quichotte prend un bassin à barbe pour une armure de tête, & fait tomber sur des moulins à vent l'effort de ses armes. La mode des armures s'est passée, mais celle des armes ne passera point. Voyez les Synon. franç.

ARME ou SCIE A MAIN, (Luth. Menuis. Marq.) outil dont se servent les Facteurs de clavecin, les ébénistes, les Menuisiers, &c. est un feuillet de scie A C, très-mince & fort large, denté dans toute sa longueur. Cette lame entre par la plus large de ses extrémités dans la fente d'une poignée A B, plate, & percée d'un trou a, où elle est retenue par deux chevilles de fer. Le trou a sert à passer les doigts pendant que la palme de la main appuie sur la partie B ; ensorte que pour tenir cet instrument il faut empoigner la partie a B. Voyez la figure de cette scie qui sert à séparer les touches & à plusieurs autres usages, Pl. XVII. de Lutherie, fig. 22.

ARME les avirons, (Marine.) c'est un commandement de mettre les avirons sur le bord de la chaloupe, tout prêts à servir. (Z)

ARMES, s. f. (Art militaire.) se dit en général de tout ce qui peut servir à se garantir ou couvrir des attaques de l'ennemi & à le combattre. Nicod fait venir ce mot d'une phrase latine, quòd operiant armos, parce qu'elles couvrent les épaules ou les flancs ; mais il paroît qu'il vient plûtôt du latin arma, que Varron dérive ab arcendo eò quòd arceant hostes. On croit que les premieres armes étoient de bois, & qu'elles servoient uniquement contre les bêtes ; que Nembroth, le premier tyran, les employa contre les hommes, & que son fils Belus fut le premier qui fit la guerre ; d'où, selon quelques-uns, il a été appellé Bellum. Diodore de Sicile croit que Belus est le même que Mars, qui dressa le premier des soldats. Selon Josephe, ce fut Moyse qui commença à armer les troupes avec du fer, on se servoit auparavant d'armes d'airain. Les armes sont offensives ou défensives ; les premieres servent à attaquer l'ennemi, les autres à se couvrir de ses coups. Les armes chez les Romains étoient défensives ou offensives ; les offensives étoient principalement le trait : il y en eut de bien des especes, selon les différens ordres des soldats. Les soldats armés à la légere s'appelloient en général ferentarii. Les Vélites qui furent créés en 542, cesserent quand on donna le droit de bourgeoisie à toute l'Italie : on leur substitua les frondeurs, funditores, & les archers, jaculatores. Les armes des Vélites étoient premierement le sabre d'Espagne, commun à tous les soldats ; ce sabre avoit une excellente pointe, & coupoit des deux côtés, ensorte que les soldats pouvoient se servir du bout & des deux tranchans : du tems de Polybe ils le portoient à la cuisse droite. Ils avoient en second lieu sept javelots ou demi-piques qui avoient environ trois piés de longueur, avec une pointe de neuf doigts. Cette pointe étoit si fine, qu'on ne pouvoit renvoyer le javelot quand il avoit été lancé, parce que cette pointe s'émoussoit en tombant. Ils portoient un petit bouclier de bois d'un demi-pié de large, couvert de cuir. Leur casque étoit une espece de chaperon de peau, appellé galea ou galerus, qu'il faut bien distinguer des casques ordinaires, qui étoient de métal, & qu'on appelloit cassis : cette sorte de casque étoit assez connue chez les anciens. Les armes des piquiers & des autres soldats étoient premierement un bouclier, qu'ils appelloient scutum, différent de celui qu'ils nommoient clypeus ; celui-ci étoit rond, & l'autre oval. La largeur du bouclier étoit de deux piés & demi, & sa longueur étoit de près de quatre piés ; de façon qu'un homme, en se courbant un peu, pouvoit facilement s'en couvrir, parce qu'il étoit fait en forme de tuile creuse, imbricata. On faisoit ces boucliers de bois léger & pliant, qu'on couvroit de peau ou de toile peinte. C'est de cette coûtume de peindre les armes que sont venues dans la suite les armoiries. Le bout de ce bouclier étoit garni de fer, afin qu'il pût résister plus facilement, & que le bois ne se pourrît point quand on le posoit à terre, comme on le faisoit quelquefois. Au milieu du bouclier il y avoit une bosse de fer pour le porter ; on y attachoit une courroie. Outre le bouclier, ils avoient des javelots qu'ils nommoient pila ; c'étoit l'arme propre des Romains : les uns étoient ronds & d'une grosseur à emplir la main : les autres étoient quarrés, ayant quatre doigts de tour, & le bois quatre coudées de longueur. Au bout de ce bois étoit un fer à crochet qui faisoit qu'on ne retiroit ce bois que très-difficilement : ce fer avoit à-peu-près la même longueur que le bois. Il étoit attaché de maniere que la moitié tenoit au bois, & que l'autre servoit de pointe ; ensorte que ce javelot avoit en tout cinq coudées & demie de longueur ; l'épaisseur du fer qui étoit attaché au bois, étoit d'un doigt & demi : ce qui prouve qu'il devoit être fort pesant, & devoit percer tout ce qu'il atteignoit. On se servoit encore d'autres traits plus legers qui ressembloient à-peu-près à des pieux.

Ils portoient aussi un casque d'airain ou d'un autre métal, qui laissoit le visage découvert ; d'où vient le mot de César à la bataille de Pharsale : Soldats, frappez au visage. On voyoit flotter sur ce casque une aigrette de plumes rouges & blanches, ou de crin de cheval. Les citoyens de la premiere classe étoient couverts d'une cuirasse qui étoit faite de petites mailles ou chaînons, & qu'on appelloit samata : on en faisoit aussi d'écailles ou de lames de fer : celles-ci étoient pour les citoyens les plus distingués ; elles pouvoient couvrir tout le corps. Héliodore, Aethiop. liv. IX. en fait, vers le milieu de son ouvrage, une description fort exacte. Cependant la plûpart portoient des cuirasses de lames d'airain de 12 doigts de largeur, qui couvroient seulement la poitrine.

Le bouclier, le casque & la cuirasse étoient enrichis d'or & d'argent, avec différentes figures qu'on gravoit dessus ; c'est pourquoi on les portoit toûjours couvertes, excepté dans le combat & dans différentes cérémonies. Les Romains portoient aussi des bottines, mais quelquefois une seule à une des deux jambes. Les soldats sur-tout portoient de petites bottines garnies de clous tout autour, qu'on appelloit caligae, d'où est venu le mot de Caligula, que l'on donna à l'empereur Caïus, parce qu'il avoit été élevé parmi les simples soldats dans le camp de Germanicus son pere.

Dans les premiers tems les cavaliers, chez les Romains, n'avoient qu'une espece de veste, afin de monter plus facilement à cheval. Ils n'avoient ni étriers ni selle, mais seulement une couverture qui leur en servoit. Ils avoient aussi des piques très-legeres & un bouclier de cuir : mais dans la suite ils emprunterent leurs armes des Grecs, qui consistoient en une grande épée, une pique longue, une cuirasse, un casque, & un bouclier. Ils portoient aussi quelquefois des javelots. Nieupoort, coûtumes des Romains.

Les armes des François, lorsque Clovis fit la conquête des Gaules, étoient la hache, le javelot, le bouclier, & l'épée. Procope, secrétaire du fameux Belisaire, parlant de l'expédition que les François firent en Italie sous Théodoric I. roi de la France Austrasienne, dit que ce roi, parmi les cent mille hommes qu'il conduisoit en Italie, avoit fort peu de cavaliers, qui étoient tous autour de sa personne. Ces cavaliers seuls portoient des javelots, qui soli hastas ferebant ; tout le reste étoit infanterie. Ces piétons n'avoient ni arc ni javelot ; non arcu, non hastâ armati ; toutes leurs armes étoient une épée, une hache, & un bouclier. Le fer de la hache étoit à deux tranchans ; le manche étoit de bois, & fort court. Au moment qu'ils entendoient le signal, ils s'avançoient, & au premier assaut, dès qu'ils étoient à portée, ils lançoient leur hache contre le bouclier de l'ennemi, le cassoient, & puis sautant l'épée à la main sur leur ennemi, le tuoient.

Les casques & les cuirasses n'étoient guere en usage parmi les François du tems de nos premiers rois : mais cet usage fut introduit peu-à-peu. Ces cuirasses, dans les premiers tems, étoient des cottes de mailles, qui couvroient le corps depuis la gorge jusqu'aux cuisses ; on y ajoûta depuis des manches & des chaussures de même. Comme une partie de l'adresse des combattans, soit dans les batailles, soit dans les combats particuliers, étoit de trouver le défaut de la cuirasse, c'est-à-dire les endroits où elle se joignoit aux autres pieces de l'armure, afin de percer par-là l'ennemi ; nos anciens chevaliers s'appliquoient à remédier à cet inconvénient.

Guillaume le Breton, & Rigord, tous deux historiens de Philippe Auguste, remarquent que ce fut de leur tems, ou un peu auparavant, que les chevaliers réussirent à se rendre presqu'invulnérables, par l'expédient qu'ils imaginerent de joindre tellement toutes les pieces de leur armure, que ni la lance, ni l'épée, ni le poignard, ne pussent guere pénétrer jusqu'à leur corps, & de les rendre si fortes, qu'elles ne pussent être percées. Voici ce que dit Rigord là-dessus. " Le chevalier Pierre de Mauvoisin, à la bataille de Bovines, saisit par la bride le cheval de l'empereur Othon, & ne pouvant le tirer du milieu de ses gens qui l'entraînoient, un autre chevalier porta à ce prince un coup de poignard dans la poitrine : mais il ne put le blesser, tant les chevaliers de notre tems, dit-il, sont impénétrablement couverts ". Et en parlant de la prise de Renaud de Dammartin, comte de Bologne, qui étoit dans la même bataille du parti d'Othon. " Ce comte, dit-il, étant abattu & pris sous son cheval.... un fort garçon, appellé Commote, lui ôta son casque, & le blessa au visage.... Il voulut lui enfoncer le poignard dans le ventre : mais les bottes du comte étoient tellement attachées & unies aux pans de la cuirasse, qu'il lui fut impossible de trouver un endroit pour le percer ". Guillaume le Breton décrivant la même bataille, dit la même chose encore plus expressément, & qui marque distinctement que cette maniere de s'armer avec tant de précaution étoit nouvelle ; que c'étoit pour cela que dans les batailles on songeoit à tuer les chevaux. pour renverser les cavaliers, & ensuite les assommer ou les prendre, parce qu'on ne pouvoit venir à bout de percer leurs armures.

.... Equorum viscera rumpunt,

Demissis gladiis dominorum corpora quando

Non patitur ferro contingi ferrea vestis,

Labuntur vecti, lapsis victoribus ; & sic,

Vincibiles magis existunt in pulvere strati :

Sed nec tunc acies valet illos tangere ferro,

Ni prius armorum careat munimine corpus.

Tot ferri sua membra plicis, tot quisque patenis

Pectora, tot coriis, tot gambusonibus armant.

Sic magis attenti sunt se munire moderni,

Quam fuerint olim veteres....

Et il fait la réflexion que c'étoit pour cela que dans le tems passé, où l'on ne prenoit pas tant de précaution, il périssoit tant de gens dans les batailles.

.... ubi millia mille

Unâ soepe die legimus cecidisse virorum ;

Nam mala dum crescunt, crescit cautela malorum ;

Munimenque novum contra nova tela repertum est.

De sorte que dans le tems dont il parle, pourvû que le cheval ne fût point renversé, que le cavalier se tînt bien ferme sur les étriers, lorsque l'ennemi venoit fondre sur lui avec sa lance, il étoit invulnérable, excepté par la visiere du casque. Il falloit être bien adroit pour y donner ; & c'étoit à acquérir cette adresse que servoient divers exercices en usage, comme les tournois, & autres divertissemens militaires de ces tems-là. On y acquéroit cette justesse de bien diriger la lance dans la course de la bague, & dans quelques autres exercices. Les blessures que les chevaliers remportoient alors des combats, n'étoient d'ordinaire que des contusions, causées, ou par les coups de massue qu'on leur déchargeoit, ou par de violens coups de sabre qui faussoient quelquefois l'armure ; & rarement étoient-ils blessés jusqu'au sang : ainsi ceux qui étoient les plus robustes & les plus forts pour porter leurs armes très-pesantes, ou pour assener, ou pour soûtenir mieux un coup, avoient l'avantage ; de sorte qu'alors la force du corps entroit beaucoup plus dans les qualités du héros, qu'aujourd'hui.

" Quant aux hommes de cheval, dit Fauchet, ils chaussoient des chausses de mailles, des éperons à molettes, aussi larges que la paume de la main ; car c'est un vieux mot que le chevalier commence à s'armer par les chausses ; puis on donnoit un gobisson.... c'étoit un vêtement long jusque sur les cuisses, & contrepointé : dessus ce gobisson ils avoient une chemise de mailles, longue jusqu'audessous des genoux, appellée auber, ou hauber, du mot albus, pource que les mailles de fer bien polies, forbies, & reluisantes, en sembloient plus blanches. A ces chemises étoient cousues les chausses, ce disent les annales de France, en parlant de Renaud, comte de Dammartin, combattant à la bataille de Bovines. Un capuchon ou coeffe, aussi de mailles, y tenoit, pour mettre aussi la tête dedans ; lequel capuchon se rejettoit derriere, après que le chevalier s'étoit ôté le heaulme, & quand ils vouloient se rafraîchir sans ôter tout leur harnois ; ainsi que l'on voit dans plusieurs sépultures, le hauber ou brugne, ceint d'une ceinture en large courroie.... & pour derniere arme défensive un elme ou heaulme, fait de plusieurs pieces de fer élevées en pointe, & lequel couvroit la tête, le visage, & le chinon du cou, avec la visiere & ventaille, qui ont pris leur nom de vûe, & de vent, lesquels pouvoient s'élever & s'abaisser pour prendre vent & haleine ; ce néanmoins fort poisant, & si malaisé, que quelquefois un coup bien assené au nasal, ventaille, ou visiere, tournoit le devant derriere, comme il avint en ladite bataille de Bovines à un chevalier François.... Depuis, quand les heaulmes ont mieux représenté la tête d'un homme, ils furent nommés bourguignotes, possible à cause des Bourguignons inventeurs ; par les Italiens serlades, ou celates armets.... Leur cheval étoit volontiers houssé, c'est-à-dire couvert, & caparaçonné de soie, aux armes & blason du chevalier, & pour la guerre, de cuir bouilli, ou de bandes de fer ".

Cette maniere de s'armer tout de fer a duré longtems en France ; & elle étoit encore en usage sous Louis XIII. parce qu'il y avoit peu de tems qu'on avoit cessé de se servir de la lance dans les armées. Or c'étoit une nécessité de s'armer de la sorte contre cette espece d'arme, dont on ne pouvoit se parer que par la résistance d'une forte armure. Sur la fin du regne de Louis XIII. notre cavalerie étoit encore armée de même pour la plûpart ; car voici comme en parle un officier de ce tems-là, qui imprima un livre des principes de l'art militaire en 1641.

" Ils sont si bien armés, dit-il, (nos gens de cheval) qu'il n'est pas besoin de parler d'autres armes ; car ils ont la cuirasse à l'épreuve de l'arquebuse, & les tassettes, genouillieres, haussecols, brassarts, gantelets, avec la salade, dont la visiere s'éleve enhaut, & fait une belle montre.... qu'il les faut armer à cru & sans casaques ; car cela a bien plus belle montre, & pourvû que la cuirasse soit bonne, il n'importe du reste. Il seroit bon que seulement la premiere brigade qui seroit au premier rang, eût des lames avec des pistolets ; car cela feroit un grand effort, soit aux hommes, soit aux chevaux des ennemis : mais il faudroit que ces lanciers-là fussent bien adroits ; autrement ils nuisent plus qu'ils ne servent ". Or il n'y en avoit plus guere qui fussent alors fort adroits dans l'exercice de la lance.

Les chevaux avoient aussi dans les anciens tems leurs armes défensives. On les couvroit d'abord de cuir ; on se contenta ensuite de les couvrir de lames de fer sur la tête ; & le poitrail seulement, & les flancs, de cuir bouilli. Ces armes défensives du cheval s'appelloient des bardes, & un cheval ainsi armé s'appelloit un cheval bardé. On voit des figures de ces chevaux ainsi armés & bardés, dans les anciennes tapisseries, & en plusieurs autres monumens. Cette couverture, dit le président Fauchet, étoit de cuir ou de fer. Mais la chronique de Cesinar, sous l'an 1298, parlant des chevaux de bataille, dit que ces couvertures étoient comme les haubers, faites de mailles de fer. Hi equi cooperti fuerunt cooperturis ferreis, id est, veste & ferreis circulis contextâ ; mais cela n'étoit pas général. Par une lettre de Philippe-le-Bel datée du 20 Janvier 1303, au bailli d'Orléans, il est ordonné que ceux qui avoient cinq cens livres de revenu dans ce royaume, en terres, aideroient d'un gentilhomme bien armé, & bien monté d'un cheval de cinquante livres tournois, & couvert de couverture de fer, ou couverture de pourpointe. Et le roi Jean dans ses lettres du mois d'Août 1353, écrit aux bourgeois & aux habitans de Nevers, de Chaumont-en-Bassigni, & autres villes, qu'ils eussent à envoyer à Compiegne, à la quinzaine de Pâque, le plus grand nombre d'hommes & de chevaux couverts de mailles qu'ils pourroient, pour marcher contre le roi d'Angleterre. Depuis on se contenta de leur couvrir la tête & le poitrail de lames de fer, & les flancs du cuir bouilli.

Il est fait encore mention de cette armure dans une ordonnance de Henri II. " Ledit homme d'armes sera tenu de porter arme petit & grand, garde-bras, cuirasse ; cuissots, devant de greves, avec une grosse & forte lance ; & entretiendra quatre chevaux, & les deux de service pour la guerre, dont l'un aura le devant garni de bardes, avec le chamfrain & les flancois ; & si bon lui semble aura un pistolet à l'arçon de la selle ". C'étoient ces flancois, c'est-à-dire ce qui couvroit les flancs du cheval, qui étoient de cuir bouilli. Les seigneurs armoient souvent ces flancois de leurs écussons ; nos rois les semoient souvent de fleurs-de-lis, & quelquefois de quelques pieces des armoiries d'un pays conquis.

Le chamfrain qui étoit de métal ou de cuir bouilli, servoit encore d'arme défensive au cheval ; il lui couvroit la tête par devant, & c'étoit comme une espece de masque qu'on y ajustoit. Il y en a un de cuir bouilli au magasin d'armes de l'Arsenal de Paris. Il y a dans le milieu un fer rond & large, & qui se termine en pointe assez longue ; c'étoit pour percer tout ce qui se présenteroit, & tout ce que la tête du cheval choqueroit. L'usage de cette armure du cheval étoit contre la lance, & depuis contre le pistolet. Les seigneurs François se piquoient fort de magnificence sur cet article. Il est rapporté dans l'histoire de Charles VII. que le comte de S. Pol au siége de Harfleur, l'an 1449, avoit un chamfrain à son cheval d'armes, c'est-à-dire à son cheval de bataille, prisé trente mille écus. Il falloit qu'il fût non-seulement d'or, mais encore merveilleusement travaillé. Il est encore marqué dans l'histoire du même roi, qu'après la prise de Bayonne par l'armée de ce prince, le comte de Foix en entrant dans la place, avoit la tête de son cheval couverte d'un chamfrain d'acier garni d'or & de pierreries, que l'on prisoit quinze mille écus d'or : mais communément ces chamfrains n'étoient que de cuivre doré pour la plûpart, ou de cuir bouilli, ainsi qu'on le voit par un compte de l'an 1316, à la chambre des comptes de Paris, où il est dit entr'autres choses : item, deux chamfrains dorés & un de cuir. On trouve dans le traité de la cavalerie Françoise de M. de Mongommeri, qu'on donnoit encore de son tems des chamfrains aux chevaux, c'est-à-dire, du tems d'Henri IV. La principale raison de cette armure des chevaux n'étoit pas seulement de les conserver, & d'épargner la dépense d'en acheter d'autres, mais c'est qu'il y alloit souvent de la vie & de la liberté du gendarme même. Car comme les gendarmes étoient très-pesamment armés, s'ils tomboient sous leur cheval tué ou blessé, ils étoient eux-mêmes tués ou pris, parce qu'il leur étoit presqu'impossible de se tirer de dessous le cheval. Ces armes défensives, comme on l'a vû plus haut, étoient nécessaires pour les hommes comme pour les chevaux, pour les garantir des coups de lance. Ainsi depuis qu'on ne s'est plus servi de cette arme offensive, & peu de tems après, on a abandonné non-seulement les chamfrains, mais encore tous ces harnois dont on a parlé, à cause de leur pesanteur, de l'embarras, & de la dépense qu'ils causoient.

Pour les armes défensives de l'infanterie, on en trouve la description dans une ordonnance de Jean V. duc de Bretagne, publiée en l'an 1525.

" Jean par la grace de Dieu.... voulons.... & ordonnons que des gens de commun de notre pays & duché, en outre les nobles, se mettent en appareil promptement & sans délai ; savoir est, de chaque paroisse trois ou quatre, cinq ou six, ou plus, selon le grand ou qualité de la paroisse, lesquels ainsi choisis & élûs, soient garnis d'armes, & habillemens qui ensuivent.... savoir est, ceux qui sauront tirer de l'arc, qu'ils ayent arc, trousse, capeline, coustille, hache, ou mail de plomb, & soient armés de forts jacques garnis de laisches, chaînes, ou mailles pour couvrir le bras ; qu'ils soient armés de jacques, capelines, haches, ou bouges, avec ce, ayant panier de tremble, ou autre bois plus convenable qu'ils pourront trouver, & soient les paniers assez longs pour couvrir haut & bas ". Les armes défensives qu'on donne ici aux piétons, sont la capeline, le jacques, & le panier. La capeline étoit une espece de casque de fer ; le jacques étoit une espece de juste-au-corps ; les piétons portoient cet habillement garni de laisches, c'est-à-dire, de minces lames ou plaques de fer, entre la doublure & l'étoffe, ou bien de mailles. Ces paniers de tremble dont il est parlé dans l'ordonnance, étoient les boucliers des piétons ; on les appelle paniers, parce qu'en-dedans ils étoient creux & faits d'osier. L'osier étoit couvert de bois de tremble ou de peuplier noir, qui est un bois blanc & fort léger. Ils étoient assez longs pour couvrir tout le corps du piéton ; c'étoit des especes de targes.

Du tems de François I. les piétons avoient les uns des corcelets de lames de fer, qu'on appelloit hallecrets ; les autres une veste de maille, comme nous l'apprenons du livre attribué à Guillaume du Belay, seigneur de Lerngei. " La façon du tems présent, dit-il, est d'armer l'homme de pié d'un hallecret complet, ou d'une chemise ou gollette de mailles & cabasset ; ce qui me semble, ajoûte-t-il, suffisant pour la défense de la personne, & le trouve meilleur que la cuirasse des anciens n'étoit ". L'armure des francs-archers doit avoir été à peu près la même que celle du reste de l'infanterie Françoise. Nous avons vû de notre tems donner encore aux piquiers des cuirasses de fer, contre les coups de pistolets des cavaliers qui les attaquoient en caracolant, pour faire breche au bataillon, & ensuite l'enfoncer. M. de Puysegur, dans ses mémoires, dit qu'en 1387 les piquiers des régimens des Gardes & de tous les vieux corps, avoient des corcelets, & qu'ils en porterent jusqu'à la bataille de Sedan, qui fut donnée en 1641. Les piquiers du régiment des Gardes-Suisses en ont porté jusqu'au retranchement des piques, sous le précédent regne. Hist. de la milice Franç. par le P. Daniel.

Les armes défensives de la cavalerie sont aujourd'hui des plastrons à l'épreuve au moins du pistolet : les officiers doivent avoir des cuirasses de même. A l'égard des armes offensives, elles consistent dans un mousqueton, deux pistolets & un sabre. Les dragons ont un mousqueton & un sabre comme les cavaliers ; mais ils n'ont qu'un pistolet à l'arçon de la selle ; à la place du second pistolet, ils portent une bêche, serpe, hache, ou autre instrument propre à ouvrir des passages. Ils ne sont point plastronnés, attendu qu'ils combattent quelquefois à pié comme l'infanterie. V. DRAGON. Ils ont de plus une bayonnette. Les armes de l'infanterie sont le fusil, la bayonnette & l'épée. Cette derniere arme est entierement inutile aujourd'hui, attendu que l'infanterie ne combat que la bayonnette au bout du fusil : ce qui fait que plusieurs habiles officiers pensent qu'on devroit la supprimer, de même que le sabre. Car, dit M. le maréchal de Puysegur, comme on les porte en travers, dès que les soldats touchent à ceux qui sont à leur droite & à leur gauche, en se remuant & en se tournant, ils s'accrochent toûjours. Un homme seul même ne peut aller un peu vîte, qu'il ne porte la main à la poignée de son épée, de peur qu'elle ne passe dans ses jambes, & ne le fasse tomber ; à plus forte raison dans les combats, sur-tout dans des bois, hayes ou retranchemens, les soldats pour tirer étant obligés de tenir leurs fusils des deux mains.

Cet illustre maréchal prétend que les couteaux de chasse devroient être substitués aux épées, & qu'ils seroient beaucoup plus utiles dans les combats. " J'ai observé, dit-il, que quand on se joint dans l'action, le soldat allonge avec le fusil son coup de bayonnette, & qu'en le poussant il releve ses armes ; en sorte que souvent la bayonnette se rompt ou tombe. De plus, quand on est joint, il arrive ordinairement que la longueur des armes fait que l'on ne peut plus s'en servir ; aussi le soldat en pareil cas ôte-t-il sa bayonnette du fusil, quand elle y est encore, & s'en sert de la main, ce qu'il ne peut plus faire quand elle est rompue ou tombée. S'il avoit un couteau de chasse, cela remédieroit à tout, & il ne seroit pas obligé d'ôter sa bayonnette du bout de son fusil ; de sorte qu'il auroit en même tems une arme longue & une courte ; ressource qu'il n'a pas avec l'épée, vû sa longueur ". Art de la Guerre, par M. le maréchal de Puysegur.

A l'égard des armes des officiers de l'infanterie, il est enjoint par une ordonnance du premier Décembre 1710, aux colonels, lieutenans-colonels & capitaines de ce corps, d'avoir des espontons de sept à huit piés de longueur, & aux officiers subalternes d'avoir des fusils garnis de bayonnettes. Pour les sergens, ils sont armés de halebardes de six piés & demi environ de longueur, y compris le fer.

Selon M. de Puysegur, les sergens & les officiers devroient être armés de la même maniere que les soldats. Il prétend qu'il n'y a aucune bonne raison pour les armer différemment, dès qu'il est prouvé que l'armement du fusil avec la bayonnette à douille est l'arme la meilleure & la plus utile pour toutes sortes d'actions. Aussi voit-on plusieurs officiers qui dans les combats se servent de fusils au lieu d'espontons ; & parmi ceux qui sont détachés pour aller en parti à la guerre, aucun ne se charge de cette longue arme, mais d'un bon fusil avec sa bayonnette.

Par les anciennes lois d'Angleterre, chaque personne étoit obligée de porter les armes, excepté les juges & les ecclésiastiques. Sous Henri VIII. il fut expressément ordonné à toutes personnes d'être instruits dès leur jeunesse aux armes dont on se servoit alors, qui étoient l'arc & la fleche. XXXIII. h. viij. Voyez ARC.

ARMES, selon leur signification en Droit, s'entendent de tout ce qu'un homme prend dans sa main, étant en colere, pour jetter à quelqu'un ou pour le frapper. Car armorum appellatio non ubique scuta & gladios, & galeas significat, sed & fustes & lapides.

ARMES DE PARADE, c'étoient celles dont on se servoit dans les joûtes & dans les tournois. Voyez JOUTE & TOURNOI. C'étoit ordinairement des lances qui n'étoient pas ferrées, des épées sans pointe, & souvent des épées de bois, ou des cannes de roseau.

Passe d'armes, c'étoit une sorte de combat en usage parmi les anciens chevaliers. Voyez FLEURET.

ARMES, signifie aussi les armes naturelles, ou les défenses des bêtes, comme les griffes, les dents & les défenses d'éléphans, & les becs des oiseaux. Voy. DENT, ONGLE, BEC, &c. Il y a des animaux qui sont suffisamment en garde contre tous les dangers ordinaires, par leur couverture naturelle, ou leur armure d'écaille, comme les tortues. Voyez ECAILLE, TORTUE. D'autres qui n'ont pas ces avantages, sont armés de cornes, d'autres, de pointes aiguës, comme le porc-épic & le hérisson ; d'autres sont armés d'aiguillon. Voyez AIGUILLON, CORNE, &c.

ARMES, se disent aussi au figuré pour la profession de soldat. C'est dans ce sens que l'on dit être élevé aux armes. Voyez SOLDAT.

FRATERNITE D'ARMES, voyez FRATERNITE.

LOIS D'ARMES, voyez LOI.

SUSPENSION D'ARMES, voyez SUSPENSION.

Nous avons crû qu'il ne seroit pas hors de propos, après avoir parlé de l'usage des armes dans la guerre, d'ajoûter quelques articles des ordonnances de nos Rois, sur le port des armes pendant la paix.

Article III. de l'ordonnance du Roi, du mois d'Août 1669. Interdisons à toutes personnes, sans distinction de qualité, de tems ni de lieu, l'usage des armes à feu brisées par la crosse ou par le canon, & de cannes ou bâtons creusés, même d'en porter sous quelque prétexte que ce soit ou que ce puisse être ; & à tous ouvriers d'en fabriquer & façonner, à peine contre les particuliers de 100 livres d'amende, outre la confiscation pour la premiere fois, & de punition corporelle pour la seconde ; & contre les ouvriers, de punition corporelle pour la premiere fois.

Article IV. même ordonnance. Faisons aussi défenses à toutes personnes de chasser à feu, & d'entrer ou demeurer de nuit dans nos forêts, bois & buissons en dépendans, ni même dans les bois des particuliers, avec armes à feu, à peine de 100 livres, & de punition corporelle, s'il y échet.

Article V. même ordonnance. Pourront néanmoins nos sujets de la qualité requise par les édits & ordonnances, passant par les grands chemins des forêts & bois, porter des pistolets & autres armes non prohibées, pour la défense & conservation de leur personne.

Article V. de l'ordonnance du Roi, du mois d'Avril 1669. Défenses à tous paysans, laboureurs, & autres habitans domiciliés en l'étendue de nos capitaineries, d'avoir dans leurs maisons ni ailleurs, aucuns fusils ni arquebuses simples ni brisées, mousquetons ni pistolets, porter ni tirer d'iceux, sous prétexte de s'exercer au blanc, ni aller tirer au prix, s'ils ne sont établis par permission du Roi, dûement enregistrée en ladite capitainerie, ou sous autre prétexte que ce puisse être, à peine de confiscation & amende ; à eux enjoint de porter lesdites armes à feu ès châteaux & maisons seigneuriales des lieux où ils résident, ès mains desdits seigneurs ou leurs concierges, qui en donneront le rôle au greffe de ladite capitainerie, & demeureront responsables desdites armes à eux déposées.

Article VI. même ordonnance. Permis néanmoins auxdits habitans domiciliés qui auront besoin d'armes pour la sûreté de leurs maisons, d'avoir des mousquets à meche pour la garde d'icelles.

Article XV. de la déclaration du Roi, du 18 Décembre 1660. Et ne pourront les gentilshommes se servir d'arquebuses ou fusils pour la chasse, sinon à l'égard de ceux qui ont justice & droit de chasse, pour s'en servir & en tirer sur leurs terres, & autres sur lesquelles ils ont droit de chasser ; & à l'égard de ceux qui n'ont ledit droit, pourront s'en exercer seulement dans l'enclos de leurs maisons.

Extrait de la déclaration du Roi, du 4 Décembre 1679. Enjoignons pareillement à tous nos autres sujets, tant pour lesdits couteaux & bayonnettes, que pistolets de poche, que nous voulons être rompus, à peine de confiscation, & de 80 livres parisis d'amende contre chacun contrevenant.

Extrait de l'ordonnance du Roi, du 9 Septembre 1700. Sa Majesté permet néanmoins par les mêmes déclarations à tous ses sujets, lorsqu'ils feront quelque voyage, de porter une simple épée, à la charge de la quitter lorsqu'ils seront arrivés dans les lieux où ils iront.

ARMES A L'EPREUVE, est une cuirasse de fer poli, consistant en un devant à l'épreuve du mousquet, le derriere à l'épreuve du pistolet, & un pot-en-tête aussi à l'épreuve du mousquet ou du fusil. Il y a aussi des calottes de chapeaux de fer de la même qualité.

ARMES DES PIECES DE CANON ; ce sont tous les instrumens nécessaires à son service, comme la lanterne, qui sert à porter la poudre dans l'ame de la piece ; le refouloir, qui est la boîte, ou masse de bois montée sur une hampe, avec laquelle on foule le forage mis sur la poudre, & ensuite sur le boulet ; l'écouvillon, qui est une autre boîte montée sur une hampe, & couverte d'une peau de mouton, qui sert à nettoyer & rafraîchir la piece ; le dégorgeoir, qui sert à nettoyer la lumiere, &c. Voyez ces différens instrumens dans la 6e fig. de la Pl. VI. de l'Art milit. Voy. encore CHARGE & CANON. Le mortier a aussi ses armes. Voyez MORTIER.

ARMES A OUTRANCE ; c'étoit une espece de duel de six contre six, quelquefois de plus ou de moins, presque jamais de seul à seul. Ce duel étoit fait sans permission, avec des armes offensives & défensives, entre gens de parti contraire ou de différente nation, sans querelle qui eût précédé, mais seulement pour faire parade de ses forces & de son adresse. Un héraut d'armes en alloit porter le cartel, dans lequel étoit marqué le jour & le lieu du rendez-vous, combien de coups on devoit donner, & de quelles armes on devoit se servir. Le défi accepté, les parties convenoient des juges : on ne pouvoit remporter la victoire qu'en frappant son ennemi dans le ventre ou dans la poitrine ; qui frappoit aux bras ou aux cuisses, perdoit ses armes & son cheval, & étoit blâmé par ses juges ; le prix de la victoire étoit la lance, la cotte d'arme & l'épée du vaincu. Ce duel se faisoit en paix & en guerre. A la guerre, avant une action, c'en étoit comme le prélude : on en voit quantité d'exemples, tant dans l'histoire de S. Louis, que dans celle de ses successeurs, jusqu'au regne d'Henri II.

ARMES BOUCANIERES ; on appelle ainsi les fusils dont se servent les chasseurs des îles, & principalement ceux de Saint-Domingue. Le canon est long de quatre piés & demi, & toute la longueur du fusil est d'environ cinq piés huit pouces. La batterie est forte, comme elle doit être à des armes de fatigue, & le calibre est d'une once de balle, c'est-à-dire de 16 à la livre. La longueur de cette arme donne tant de force au coup, que les boucaniers prétendent que leurs fusils portent aussi loin que les canons ; quoique cette expression ne soit pas exacte, il est néanmoins certain que ces fusils portent beaucoup plus loin que les fusils ordinaires. En effet les boucaniers se tiennent assûrés de tuer à trois cens pas, & de percer un boeuf à deux cens. Voyez BOUCANIER.

L'auteur anonyme de la maniere de fortifier, tirée des méthodes du chevalier de Ville, du comte de Pagan, & de M. de Vauban, voudroit que les arsenaux fussent fournis de sept à huit cens fusils boucaniers, & même davantage selon la grandeur de la place, afin d'en armer les soldats placés dans les ouvrages les moins avancés. Les mousquets biscayens y seroient aussi également utiles. Voyez MOUSQUET, BISCAYEN.

ARMES COURTOISES, se disoit autrefois des armes qu'on employoit dans les tournois : c'étoient ordinairement des lances sans fer, & des épées sans taillans & sans pointe.

ARMES A FEU, sont celles que l'on charge avec de la poudre & des balles : comme les canons, les mortiers, & les autres pieces d'artillerie ; les mousquets, les carabines, les pistolets, & même les bombes, les grenades, les carcasses, &c. Voyez CANON, MORTIER, ARTILLERIE, &c.

Pour le rebond ou ressaut des armes à feu, voyez REBOND, voyez aussi POUDRE A CANON, BOULET, CANON, &c.

On trouve dans les Mémoires de l'Académie royale de l'année 1707, le détail de quelques expériences faites par M. Cassini avec des armes à feu différemment chargées. Il observe entr'autres choses, qu'en chargeant la piece avec une balle plus petite que son calibre, avec de la poudre dessus & dessous, il se fait un bruit violent, sans que la balle reçoive la moindre impulsion de la part de la poudre. Il prétend que c'est en cela que consiste le secret de ceux qui se disent invulnérables ou à l'épreuve des armes à feu. (Q)

* ARMES (exercice des), Hist. anc. partie de la Gymnastique ; les Romains l'inventerent pour perfectionner l'art militaire. Le soldat se couvroit de ses armes, & se battoit contre un autre soldat, ou contre un poteau : les membres devenoient ainsi souples & vigoureux ; le soldat en acquéroit de la légereté & l'habitude au travail. Nos exercices ont le même but & les mêmes avantages.

ARMES, (Hist. mod.) arma dare, donner les armes, signifie dans quelques anciennes chartres armer quelqu'un chevalier.

Arma deponere, mettre bas les armes ; c'étoit une peine que l'on imposoit autrefois à un militaire qui avoit commis quelque crime ou faute considérable. Les lois d'Henri I. le condamnoient à cette peine, qui est encore en usage parmi nous dans la dégradation de noblesse, où l'on brise les armes du coupable.

Arma mutare, échanger les armes, étoit une cérémonie en usage pour confirmer une alliance ou amitié ; on en voit des traces dans l'antiquité, dans l'Iliade, lorsque Diomede & Glaucus, après avoir combattu l'un contre l'autre, se jurent amitié, & changent de cuirasse ; Diomede donne la sienne qui n'étoit que d'airain à Glaucus, qui lui rend en échange une cuirasse d'or ; d'où est venu le proverbe, échange de Diomede, pour signifier un marché dans lequel une des parties a infiniment plus d'avantage que l'autre.

Arma moluta, étoient des armes blanches fort pointues ; Fleta les appelle arma emolita.

Arma reversata, armes renversées, étoit une cérémonie en usage, lorsqu'un homme étoit convaincu de trahison ou de félonie. Voyez DEGRADATION. (G)

ARMES assomptives, en terme de Blason, sont celles qu'un homme a droit de prendre en vertu de quelque belle action. En Angleterre un homme qui n'est pas gentilhomme de naissance, & qui n'a point d'armoirie, si dans une guerre légitime il peut faire prisonnier un gentilhomme, un pair, ou un prince, acquiert le droit de porter les armes de son prisonnier, & de les transmettre à sa postérité : ce qui est fondé sur ce principe des lois militaires, que le domaine des choses prises en guerre légitime passe au vainqueur. (V)

ARMES, ce terme s'employe, en Escrime, de la maniere suivante : on dit, tirer dans les armes, c'est allonger un coup d'épée entre les bras de l'ennemi, ou, ce qui est la même chose, du côté gauche de son épée. Tirer hors les armes, c'est allonger un coup d'épée hors des bras de l'ennemi, ou, ce qui est le même, du côté droit de son épée. Tirer sur les armes, c'est porter un coup d'estocade à l'ennemi, dehors ou dans les armes, en faisant passer la lame de l'épée par-dessus son bras. Tirer sous les armes, c'est porter une estocade à l'ennemi dehors ou dans les armes, en faisant passer la lame de l'épée par-dessous son bras.

ARMES qu'on applique en or sur les livres ; ces armes doivent être gravées sur un morceau de cuivre fondu, taillé en ovale ou en rond ; il doit y avoir par derriere deux queues courtes, d'une force proportionnée à la grandeur du morceau, lesquelles queues servent à tenir le carton avec lequel on les monte. Voyez Pl. II. de la Reliûre, fig. S. On applique ces armes des deux côtés du volume sur le milieu, par le moyen d'une presse. Planche II. fig. 1.

ARME, adj. terme de Blason ; il se dit des ongles des lions, des griffons, des aigles, &c. comme aussi des fleches, dont les pointes sont d'autre couleur que le fût. Il se dit encore d'un soldat & d'un cavalier : comme celui des armes de Lithuanie.

Bertrand de la Perouse & Chamosset, dont il y a eu plusieurs présidens au sénat de Chambery, d'or au lion de sable, armé, lampassé, & couronné de gueules.

ARME en guerre, (Marine.) c'est-à-dire équipé & armé pour attaquer les vaisseaux ennemis.

Un vaisseau armé moitié en guerre & moitié en marchandise, est celui qui outre l'équipage nécessaire pour le conduire, a encore des officiers, des soldats, des armes & des munitions propres pour l'attaque & la défense. La plûpart des vaisseaux marchands qui font des voyages de long cours sont ainsi armés, ce qui diminue beaucoup le profit.

On ne peut armer un vaisseau en guerre sans commission de l'amiral : celui qui l'a obtenue est obligé de la faire enregistrer au greffe de l'amirauté du lieu où il fait son armement, & de donner caution de la somme de 15000 livres, laquelle est reçûe par le lieutenant de l'amirauté, en présence du procureur du Roi. Articles j. & ij. du tit. 9. du liv. III. de l'ordonnance de la Marine, du mois d'Août 1681.

ARME en cours ou en course. Voyez COURSE. (Z)


ARMÉES. f. (Art milit.) est un nombre considérable de troupes d'infanterie & de cavalerie jointes ensemble pour agir contre l'ennemi. Cette définition regarde les armées de terre. On peut définir celles de mer, qu'on appelle armées navales, la réunion ou l'assemblage d'un grand nombre de vaisseaux de guerre qui portent des troupes destinées à agir contre les vaisseaux ennemis. Voyez FLOTTE, VAISSEAU, &c.

On comprend dans ce qui compose l'armée, l'artillerie, c'est-à-dire le canon & les autres machines de guerre en usage dans l'attaque & la défense.

" Toutes les troupes d'une armée étant divisées en escadrons & en bataillons, ces différens corps de cavalerie & d'infanterie peuvent être considérés comme les élémens de l'armée, de même que les hommes le sont de tous les corps dont elle est composée. Ainsi la formation de l'armée ne dépend que de l'arrangement des bataillons & des escadrons : comme l'action la plus considérable qu'elle puisse faire, est celle de livrer bataille, on appelle ordre de bataille celui qui s'observe dans la position des bataillons & des escadrons de l'armée.

On place les bataillons & les escadrons à côté les uns des autres, par les mêmes motifs qui font placer les hommes de cette maniere dans les différentes troupes : mais ces troupes ainsi placées dans l'ordre de bataille, ne sont point appellées troupes en rang, mais troupes en ligne ou en bataille ; & l'on ne dit point non plus un rang de troupes, mais une ligne de troupes.

On met les troupes les unes derriere les autres, par les mêmes raisons qui font placer ainsi les hommes dont elles sont composées : mais on ne se sert pas du terme de file par rapport à cet arrangement. Si celles qui sont postées les unes derriere les autres sont destinées à se suivre, & qu'elles soient en grand nombre, on les appelle troupes en colonne, l'on dit colonne de troupes, & non pas file de troupes. Si les troupes placées les unes derriere les autres ne sont pas destinées à se suivre, on ne les considere point par rapport à l'arrangement précédent, mais seulement par rapport aux autres troupes avec lesquelles elles sont en ligne. Ce dernier cas est beaucoup plus commun dans l'ordre de bataille que le premier.

Le nombre des lignes qu'on doit donner à l'armée n'est pas fixé, non plus que le reste de l'ordre de bataille : la différence des pays & des terreins où l'on doit combattre, & la disposition des ennemis, peuvent y occasionner des changemens considérables. Ainsi il paroît qu'on doit définir l'ordre de bataille : l'ordre & l'arrangement des bataillons & des escadrons d'une armée par rapport au terrein & aux desseins du général, & par rapport à l'arrangement que les ennemis ont pris ou qu'ils peuvent prendre.

On n'entreprend point ici de donner tous les différens ordres de bataille ou exécutés ou possibles : on se contentera pour en donner une idée, d'en supposer un qui soit le plus conforme aux maximes en usage, & qu'on regardoit encore dans la guerre de 1701, comme des regles dont on ne devoit point s'écarter. On est fondé à en user ainsi sur ce qui se pratique réellement lorsqu'on assemble une armée. On suppose d'abord un ordre à peu-près tel qu'on va le décrire, pour assigner & pour apprendre à chaque troupe le poste où elle doit être : on en fait un état dont on distribue des copies aux officiers principaux. Cet ordre n'est pas pour cela regardé comme quelque chose de fixe, & le général y fait dans la suite les changemens qu'il juge à propos.

Voici les maximes qui dans les dernieres guerres servoient de base à l'ordre de bataille. "

Principes ou maximes qui servent de fondement à l'ordre de bataille. Premiere maxime. " Former l'armée sur deux lignes de troupes.

La ligne la plus proche des ennemis est appellée la premiere ligne ; celle qui suit immédiatement, la seconde ; celle qui suit la seconde, la troisieme ; & ainsi de suite si l'on a un plus grand nombre de lignes : ce qui arrive lorsque le terrein ne permet pas que l'armée soit seulement sur deux lignes. "

II. maxime. " Garder quelques troupes outre celles qui composent les deux lignes, pour s'en servir au besoin, à porter du secours dans les endroits où il est nécessaire. Le corps composé de ces troupes, ou de bataillons & d'escadrons, est appellé réserve dans l'ordre de bataille. On en a vû jusqu'à trois dans les grandes armées. Le poste le plus naturel des réserves est derriere la seconde ligne. "

III. maxime. " Mettre toute l'infanterie au milieu de l'armée. L'espace qu'elle occupe ainsi placée se nomme le centre. "

IV. maxime. " Placer la cavalerie également sur les deux flancs de l'infanterie. Cette cavalerie de chaque ligne se nomme alors aîles de cavalerie. "

V. maxime. " Laisser entre les bataillons un intervalle égal à leur front, & observer la même chose entre les escadrons ; ensorte que par cette disposition les lignes ayent autant de vuide que de plein : ce qui fait que les bataillons & les escadrons peuvent se mouvoir facilement, & exécuter les différens mouvemens qui leur sont ordonnés par le général, sans que pour cela ils s'embarrassent les uns les autres. "

VI. maxime. " Placer les bataillons & les escadrons de la seconde ligne vis-à-vis les intervalles de ceux de la premiere, afin qu'en cas de besoin les troupes de la seconde ligne puissent secourir aisément celles de la premiere ; & que si les troupes de cette premiere ligne sont battues & mises en desordre, elles trouvent les intervalles de la seconde, par où elles peuvent se retirer sans causer de desordre à cette ligne, & qu'enfin elles puissent se rallier ou reformer derriere. "

VII. maxime. " Placer la seconde ligne environ à trois cens pas, ou cent cinquante toises de la premiere, afin que le feu des ennemis ne parvienne pas jusqu'à l'endroit qu'elle occupe. Dans le moment du combat, la seconde ligne s'approche davantage de la premiere ; mais à cent toises elle perd du monde, & elle en perd beaucoup plus à cinquante toises & à vingt-cinq. "

Observations sur les maximes précédentes. " Suivant ces maximes une armée doit avoir une très-grande étendue de la droite à la gauche, & très-peu de profondeur de la tête à la queue.

Pour connoître cette étendue, il faut savoir le nombre des bataillons & des escadrons dont la premiere ligne doit être composée, & quel doit être l'intervalle qui les sépare. Comme on connoît l'espace qu'occupe un bataillon & un escadron, il ne s'agit plus que d'une simple multiplication pour savoir l'étendue du terrein de cette premiere ligne, & par conséquent celui du front de l'armée.

Si l'on objecte à cela que les bataillons & les escadrons peuvent être fort différens les uns des autres, & qu'ainsi le calcul qu'on vient d'indiquer ne peut être exact, on répondra à cette objection, que si ces troupes different considérablement entr'elles, c'est aux officiers à qui il importe particulierement de connoître le terrein que l'armée doit occuper, de s'instruire de ces différences pour y avoir égard dans le calcul. Si ces différences ne sont pas considérables, ou si elles ne viennent que du nombre complet des troupes, on peut sans erreur sensible ajoûter la moitié de la différence des plus fortes troupes aux plus petites, & regarder ensuite comme égales celles de la même espece : autrement il faut calculer l'étendue de chaque troupe en particulier, & les additionner ensemble avec les intervalles convenables. Ce calcul est un peu plus long que le précédent : mais il faut convenir aussi qu'il n'a rien de difficile.

M. le maréchal de Puysegur propose dans son excellent livre de l'art de la guerre, pour déterminer exactement le terrein nécessaire à une armée, de régler au commencement de la campagne le nombre de rangs que les bataillons & les escadrons doivent avoir. Pour cela il faut examiner la force ou le nombre des hommes de chacune de ses troupes, & fixer ce qu'il peut y en avoir à chaque rang par le plus grand nombre des bataillons & des escadrons. S'il s'en trouve quelques-uns qui ayent un front beaucoup plus grand que les autres, cet illustre général prétend qu'il faut leur donner un rang de plus, & en donner un de moins à ceux qui auront trop peu de front. De cette façon on pourroit regarder les bataillons & les escadrons, comme occupant toûjours le même front, & faire le calcul du terrein que toute l'armée doit occuper avec une très-grande facilité.

A l'égard de la profondeur du terrein occupé par l'armée, elle ne contient que celle de deux bataillons ou de deux escadrons, avec la distance de deux lignes, qu'on peut régler de 150 toises ; ainsi cette profondeur n'auroit guere que 160 toises. On n'a point parlé des réserves dans ce calcul, parce qu'elles n'ont point de poste fixe & déterminé.

Il est difficile de ne pas convenir qu'une étendue de 4592 toises, ou de deux lieues communes de France, telle qu'est celle du front de l'armée qu'on vient de supposer, est exorbitante par rapport à la profondeur de cette même armée. Aussi d'habiles généraux pensent-ils qu'il seroit à propos de diminuer ce front en retranchant quelque chose de la grandeur des intervalles.

M. le maréchal de Puysegur est non-seulement de l'avis de ceux qui croyent que les grands intervalles sont préjudiciables & qu'il faut les diminuer : mais il pense encore qu'il seroit à-propos de faire combattre les troupes à lignes pleines, c'est-à-dire sans intervalle.

Il suppose, pour en démontrer l'avantage, 20 bataillons de 120 hommes de front sur six de hauteur, rangés à côté les uns des autres sans aucun intervalle, & que chaque bataillon occupe un espace de 40 toises de front : il suppose aussi 10 bataillons de pareille force, qui leur soient opposés & rangés à l'ordinaire avec des intervalles égaux à leur front : cela posé, il paroit évident que les 20 bataillons battront sans difficulté les 10 opposés, & même 15 qui occuperoient un pareil front ; car lorsque deux troupes combattent l'une contre l'autre, l'avantage doit être du côté de celle qui a le plus de combattans qui agissent ensemble dans le même lieu. Il est arrivé cependant quelquefois que des lignes pleines ont été battues par des lignes tant pleines que vuides : mais l'évenement en doit être attribué aux troupes de la ligne pleine, qui n'ont pas su entrer dans les intervalles de l'autre ligne, & attaquer le flanc des bataillons de cette ligne.

M. de Puysegur examine encore, si une armée rangée sur une seule ligne pleine sera placée plus avantageusement qu'une autre armée de pareil nombre de bataillons & d'escadrons rangée sur deux lignes tant pleines que vuides. Il est clair qu'alors les deux armées occuperont le même front : mais il ne l'est pas moins que si des deux troupes qui ont à combattre, l'une joint tout son monde & l'autre le sépare, celle qui attaque avec tout le sien a incontestablement un avantage considérable sur la partie qu'elle attaque, & qu'elle doit battre en détail toutes celles de la troupe dont le monde est séparé.

S'il est difficile de ne pas penser là-dessus comme l'illustre maréchal qui fait cette observation, on peut lui objecter, & il ne se le dissimule pas, que si la premiere ligne est rompue, la seconde vient à son secours pour en rétablir le désordre, & que la premiere peut alors se rallier derriere la seconde ; au lieu qu'en combattant à ligne pleine, si l'effort de cette ligne ne réussit pas, l'armée se trouve obligée de plier sans pouvoir se réformer derriere aucun autre corps qui la couvre & qui la protege. A cela M. le maréchal de Puysegur, d'accord avec le savant marquis de Santa-Crux, prétend que tout le succès d'une bataille dépend de l'attaque de la premiere ligne, & que si elle est rompue, la seconde ne peut guere rétablir le combat avec avantage. Ajoûtez à cela, que cette seconde ligne s'avançant avec la même foiblesse dans son ordre de bataille que la premiere, elle sera battue avec la même facilité par la ligne pleine, qui a presque le même avantage sur cette ligne que sur la premiere ; on dit presque, parce qu'il n'est pas possible à la ligne pleine, de battre celle qui lui est opposée, sans déranger un peu son ordre, & que la seconde ligne arrivant dans ce moment, est en état d'attaquer la ligne pleine avec plus d'avantage que la premiere ne le pourroit faire. Il faut voir plus en détail dans l'ouvrage de M. le maréchal de Puysegur, tous les raisonnemens par lesquels il démontre en quelque façon ce qu'il dit à l'avantage des lignes pleines. Ce détail n'est point de la nature de ce traité, & nous n'en avons dit un mot, que pour exciter les militaires à ne pas négliger l'étude d'un livre aussi utile pour l'intelligence de leur métier, & dont ils peuvent tirer les plus grands avantages, pour en posséder parfaitement les principes. "

Des divisions de l'armée, appellées brigades. " S'il n'y avoit point de division dans l'armée que celle des bataillons & des escadrons, c'est-à-dire si elle étoit seulement partagée en plusieurs parties par ces différentes troupes, ou bien en partie du centre & en aîles, on pourroit dire que la premiere de ces divisions donneroit de trop petites parties, & la seconde de trop grandes. Mais comme on a vû par la formation des troupes en particulier qu'il ne convient pas de les composer, ni d'un trop petit nombre d'hommes, ni d'un trop grand ; il s'ensuit que les divisions de l'armée doivent être proportionnées de même d'un nombre de bataillons ou d'escadrons assez considérable pour produire de grands effets dans le combat, mais trop petit pour donner de l'embarras dans le mouvement de l'armée. Ce qu'on appelle division dans l'armée n'étant autre chose que l'union ou la liaison de plusieurs corps de troupes destinés à agir ensemble ; l'union de plusieurs bataillons ou escadrons peut donc être considérée comme une division de l'armée.

Chaque régiment peut aussi être considéré comme une division : mais comme les régimens sont très-différens en France les uns des autres par le nombre d'hommes dont ils sont composés, la division de l'ordre de bataille par régimens ne conviendroit pas ; c'est pour cela qu'on en joint plusieurs ensemble, qu'on met sous les ordres d'un même chef appellé brigadier ; & cette union de régimens, ou plûtôt des bataillons ou des escadrons qu'ils composent, se nomme brigade d'armée ou simplement brigade. Voyez BRIGADIER. Il suit de-là qu'on doit définir la brigade un certain nombre de bataillons ou d'escadrons destinés à combattre & à faire le service militaire ensemble sous les ordres d'un chef appellé brigadier.

Les troupes d'une même brigade sont sur la même ligne dans l'ordre de bataille, & placées immédiatement à côté les unes des autres : elles ne sont point de différente espece, mais seulement ou d'infanterie ou de cavalerie.

Toute l'armée est divisée par brigades : mais le nombre des bataillons ou des escadrons de chaque brigade n'est pas fixé. On regarde cependant le nombre de six bataillons ou celui de huit escadrons comme le plus convenable pour former les brigades : mais il y en a de plus fortes & de plus foibles.

Il y a encore quelques autres regles usitées dans la formation de l'ordre de bataille, par rapport au rang que les régimens ont entr'eux : mais on renvoye pour ce détail aux ordonnances militaires, qui fixent le rang de chaque régiment, & l'on se restraint à ce qu'il y a de plus essentiel & de plus général dans l'ordre de bataille.

Les brigades suivent entr'elles le rang du premier régiment qu'elles contiennent : les autres régimens sont regardés comme joints avec ce premier, & ne faisant en quelque façon que le même corps. Conformément au rang de ce régiment, on donne aux brigades les postes d'honneur qui lui conviennent ". Voyez POSTE D'HONNEUR. Essai sur la Castramétation par M. le Blond.

On a expérimenté en Europe, qu'un prince qui a un million de sujets, ne peut pas lever une armée de plus de dix mille hommes sans se ruiner. Dans les anciennes républiques cela étoit différent ; on levoit les soldats à proportion du reste du peuple, ce qui étoit environ le huitieme, & présentement on ne leve que le centieme. La raison pourquoi on en levoit anciennement davantage, semble venir de l'égal partage des terres que les fondateurs des républiques avoient fait à leurs sujets ; ce qui faisoit que chaque homme avoit une propriété considérable à défendre, & avoit les moyens de le faire. Mais présentement les terres & les biens d'une nation étant entre les mains d'un petit nombre de personnes, & les autres ne pouvant subsister que par le commerce ou les arts, &c. n'ont pas de propriétés à défendre, ni les moyens d'aller à la guerre sans écraser leurs familles ; car la plus grande partie du peuple est composée d'artisans ou de domestiques, qui ne sont que les ministres de la mollesse & du luxe. Tant que l'égalité des terres subsista, Rome, quoique bornée à un petit état, & dénuée du secours que les Latins devoient lui fournir après la prise de leur ville, sous le consulat de Camille, leverent cependant dix légions dans la seule enceinte de leur ville : ce qui, dit Tite-Live, étoit plus qu'ils ne peuvent faire à présent, quoiqu'ils soient les maîtres d'une grande partie du monde ; & la raison de cela, ajoûte cet historien, c'est qu'à proportion que nous sommes devenus plus puissans, le luxe & la mollesse se sont augmentés. Voyez Tite-Live, Dec. I. liv. VII. consid. sur les caus. de la grand. des Rom. ch. iij. p. 24.

Anciennement nos armées étoient une sorte de milice composée des vassaux & des tenans des seigneurs. Voyez VASSAL, TENANT, SEIGNEUR, SERVICE, MILICE. Quand une compagnie avoit servi le nombre de tems qui lui étoit enjoint par son tenement ou par la coûtume du fief qu'elle tenoit, elle étoit licentiée. Voyez TENEMENT, FIEF, &c.

Les armées de l'Empire consistent en différens corps de troupes fournies par les différens cercles d'Allemagne. Voyez EMPIRE, CERCLE. La principale partie de l'armée Françoise, sous la premiere race, consistoit en infanterie. Sous Pepin & Charlemagne elles étoient composées également d'infanterie & de cavalerie : mais depuis le défaut de la ligne Carlovingienne, les fiefs étant devenus héréditaires, les armées nationales, dit le Gendre, sont ordinairement composées de cavalerie.

Les armées du grand-seigneur sont composées de janissaires, de spahis, & de timariots.

ARMEE D'OBSERVATION, est une armée qui en protege une autre qui fait un siége, & qui est destinée à observer les mouvemens de l'ennemi pour s'y opposer.

Suivant M. le maréchal de Vauban, lorsqu'on fait un siége, il faut toûjours avoir une armée d'observation : mais elle doit être placée de maniere qu'en cas d'attaque elle puisse tirer du secours de l'armée assiégeante, avec laquelle elle doit toûjours conserver des communications.

ARMEE ROYALE, est une armée qui marche avec du gros canon, & qui est en état d'assiéger une place forte & bien défendue. On pend ordinairement le gouverneur d'une petite place, quand il a osé tenir devant une armée royale.

ARMEE A DEUX FRONTS, c'est une armée rangée en bataille sur plusieurs lignes, dont les troupes font face à la tête & à la queue, ensorte que les soldats des premieres & des dernieres se trouvent dos à dos. Cette position se prend lorsqu'on est attaqué par la tête & par la queue. (Q)

ARMEE NAVALE : on appelle ainsi un nombre un peu considérable de vaisseaux de guerre réunis & joints ensemble : lorsque ce nombre ne passe pas douze ou quinze vaisseaux, on dit une escadre.

Quelques-uns se servent du mot de flotte, pour exprimer une escadre ou une armée navale peu considérable : mais cette expression n'est pas exacte ; on la réserve pour parler de vaisseaux marchands qui sont réunis pour naviger ensemble. Voyez FLOTTE.

Une armée navale est plus ou moins forte, suivant le nombre & la force des vaisseaux dont elle est composée. La France en a eu de considérables à la fin du siecle dernier, & au commencement de celui-ci. En 1690, l'armée navale commandée par M. le comte de Tourville, vice-amiral de France, étoit de 116 voiles ; savoir 70 vaisseaux de ligne, depuis 100 canons jusqu'à 40 canons ; 20 brûlots, 6 frégates, & 20 bâtimens de charge.

En 1704, l'armée navale commandée par M. le comte de Toulouse étoit de 50 vaisseaux de ligne, depuis 104 canons jusqu'à 54 canons ; de quelques frégates, brûlots, & bâtimens de charge, avec 24 galeres.

Nous divisons nos armées navales en trois corps principaux, ou trois escadres, qu'on distingue par un pavillon qu'ils portent au mât d'avant ; l'une s'appelle l'escadre bleue, l'autre l'escadre blanche, & la troisieme l'escadre bleue & blanche. L'escadre blanche est toûjours celle du commandant de l'armée. Ces trois escadres forment une avant-garde, un corps de bataille, & une arriere-garde ; chaque vaisseau porte des flammes de la couleur de son escadre.

L'avant-garde est l'escadre la plus au vent, & l'arriere-garde, celle qui est sous le vent. Lors du combat ces trois escadres se rangent sur une même ligne, autant qu'il est possible ; de sorte que le commandant se trouve au milieu de la ligne. (Z)


ARMEMENTS. m. (Art milit.) grand corps de troupes abondamment fourni de toutes sortes de provisions, soit pour le service de terre, soit pour le service de mer. Voyez ARMEE. On dit qu'un prince fait un armement, lorsqu'il augmente le nombre de ses troupes, & qu'il fait de grands amas de munitions de guerre & de bouche. (Q)

ARMEMENT, s. m. (Marine.) c'est l'équipement, soit d'un vaisseau de guerre, soit de plusieurs, & la distribution ou embarquement des troupes qui doivent monter chaque vaisseau. Il se prend aussi quelquefois pour les gens de l'équipage.

On appelle état d'armement, la liste que la cour envoye, dans laquelle sont marqués les vaisseaux, les officiers, & le nombre des matelots qu'on destine pour armer. On dit encore état d'armement, pour signifier le nombre, la qualité, & les proportions des agreils, apparaux, & munitions qui doivent être employés aux vaisseaux qu'on doit armer.

Armement ; tems d'un armement. On dit : l'armement ne durera que quatre mois. (Z)


ARMÉNIES. f. (Géog. & Hist. anc. & mod.) grand pays d'Asie, borné à l'occident par l'Euphrate ; au midi par Diarbeck, le Curdistan & l'Aderbijan ; à l'orient par le Chirvan ; & au septentrion par la Géorgie. Il est arrosé par plusieurs grands fleuves. Le paradis terrestre y étoit situé.

* ARMENIE (PIERRE D'), Hist. nat. foss. elle est opaque ; elle a des taches vertes, bleues, & brunes ; elle est polie, parsemée de petits points dorés, comme la pierre d'azur, dont elle differe en ce qu'elle se met aisément en poudre. On les trouve dans la même terre ; c'est pourquoi on les employe indistinctement. Elles ont les mêmes propriétés.

La pierre d'Arménie purge seulement plus fortement que celle d'azur ; on les recommande dans les mêmes maladies : la dose en est depuis six grains jusqu'à un scrupule. Elle déterge à l'extérieur, avec un peu d'acrimonie & d'astriction : mais on s'en sert rarement en Medecine.

Les Peintres en tirent un beau bleu tirant sur le verd. Geoff. Alexandre de Trulles préfere la pierre d'Arménie à l'ellébore blanc, en qualité de purgatif, dans les affections mélancholiques.


ARMÉNIENSS. m. pl. (Théol. Hist. ecclés.) considérés par rapport à leur religion, c'est une secte des Chrétiens d'Orient ainsi appellés, parce qu'ils habitoient autrefois l'Arménie. Voyez SECTE.

On croit que la foi fut portée dans leur pays par l'apôtre S. Barthelemy : ce qu'il y a de certain, c'est qu'au commencement du jv. siecle l'église d'Arménie étoit très-florissante, & que l'arianisme y fit peu de ravages. Ils étoient du ressort du patriarche de Constantinople : mais ils s'en séparerent avant le tems de Photius, aussi-bien que l'église Greque, & composerent ainsi une église nationale, en partie unie avec l'Eglise Romaine, & en partie séparée d'elle. Car on en distingue de deux sortes ; les francs Arméniens, & les schismatiques. Les francs Arméniens sont catholiques, & soûmis à l'Eglise Romaine. Ils ont un patriarche à Naksivan, ville d'Arménie, sous la domination du roi de Perse, & un autre à Kaminiek, en Pologne. Les Arméniens schismatiques ont aussi deux patriarches ; l'un résidant au couvent d'Elchemiazin, c'est-à-dire, les trois églises proche d'Erivan, & l'autre à Eti en Cilicie.

Depuis la conquête de leur pays par Scha-Abbas, roi de Perse, ils n'ont presque point eu de pays ou d'habitation fixe : mais ils se sont dispersés dans quelques parties de la Perse, de la Turquie, de la Tartarie, & même en plusieurs parties de l'Europe, particulierement en Pologne. Leur principale occupation est le commerce, qu'ils entendent très-bien. Le cardinal de Richelieu, qui vouloit le rétablir en France, projetta d'y attirer grand nombre d'Arméniens ; & le chancelier Seguier leur accorda une Imprimerie à Marseille, pour multiplier à moins de frais leurs livres de religion, qui avant cela étoient fort rares & fort chers.

Le Christianisme s'est conservé parmi eux, mais avec beaucoup d'altération, sur-tout parmi les Arméniens schismatiques. Le Pere Galanus rapporte que Jean Hernac, Arménien catholique, assûre qu'ils suivent l'hérésie d'Eutychès, touchant l'unité de nature en Jesus-Christ ; qu'ils croyent que le Saint-Esprit ne procede que du Pere ; que les ames des justes n'entrent point dans le paradis, ni celles des damnés en enfer, avant le jugement dernier ; qu'ils nient le purgatoire ; retranchent du nombre des sacremens la confirmation & l'extrème-onction ; accordent au peuple la communion sous les deux especes ; la donnent aux enfans avant qu'ils ayent atteint l'âge de raison ; & pensent enfin que tout prêtre peut absoudre indifféremment de toutes sortes de péchés ; ensorte qu'il n'est point de cas réservés, soit aux évêques, soit au pape. Michel Fevre, dans son théatre de la Turquie, dit que les Arméniens sont Monophysites, c'est-à-dire, qu'ils n'admettent en Jesus-Christ qu'une nature composée de la nature divine & de la nature humaine, sans neanmoins aucun mêlange. Voyez MONOPHYSITES.

Le même auteur ajoûte que les Arméniens, en rejettant le purgatoire, ne laissent pas que de prier & de célébrer des messes pour les morts, dont ils croyent que les ames attendent le jour du jugement dans un lieu où les justes éprouvent des sentimens de joie dans l'espérance de la béatitude, & les méchans des impressions de douleur, dans l'attente des supplices qu'ils savent avoir mérités, quoique d'autres s'imaginent qu'il n'y a plus d'enfer depuis que Jesus-Christ l'a détruit en descendant aux limbes, & que la privation de Dieu sera le supplice des réprouvés ; qu'ils ne donnent plus l'extrême-onction depuis environ deux cens ans, parce que le peuple croyant que ce sacrement avoit la vertu de remettre par lui-même tous les péchés, en avoit pris occasion de négliger tellement la confession, qu'insensiblement elle auroit été tout-à-fait abolie : que quoiqu'ils ne reconnoissent pas la primauté du pape, ils l'appellent néanmoins dans leurs livres le pasteur universel, & vicaire de J. C. Ils s'accordent avec les Grecs sur l'article de l'eucharistie, excepté qu'ils ne mêlent point d'eau avec le vin dans le sacrifice de la messe, & qu'ils s'y servent de pain sans levain pour la consécration, comme les Catholiques. Voyez AZYME.

C'est sans fondement que Brerewood les a accusés de favoriser les opinions des sacramentaires, & de ne point manger des animaux qui sont estimés immondes dans la loi de Moyse, n'ayant pas pris garde que c'est la coûtume de toutes les sociétés chrétiennes d'Orient de ne manger ni sang ni viandes étouffées ; en quoi, selon l'esprit de la primitive Eglise, il n'y a point de superstition. Ils sont grands jeûneurs ; & à les entendre, l'essentiel de la religion consiste à jeûner.

On compte parmi eux plusieurs monasteres de l'ordre de S. Basile, dont les schismatiques observent la regle : mais ceux qui se sont réunis à l'Eglise Romaine ont embrassé celle de S. Dominique, depuis que les Dominicains envoyés en Arménie par Jean XXII. eurent beaucoup contribué à les réunir au saint siége. Cette union a été renouvellée & rompue plusieurs fois, surtout au concile de Florence, sous Eugene IV.

Les Arméniens font l'office ecclésiastique en l'ancienne langue Arménienne, différente de celle d'aujourd'hui, & que le peuple n'entend pas. Ils ont aussi dans la même langue toute la bible, traduite d'après la version des Septante. Ceux qui sont soûmis au pape font aussi l'office en cette langue, & tiennent la même créance que l'Eglise catholique, sans aucun mêlange des erreurs que professent les schismatiques.

Nous remarquerons encore que le titre de vertabied, ou docteur, est plus respecté que celui d'évêque ; qu'ils le conferent avec les mêmes cérémonies qu'on donne les ordres sacrés ; parce que, selon eux, cette dignité représente celle de Jesus-Christ, qui s'appelloit rabbi, ou docteur. Ces vertabieds ont droit de prêcher assis, & de porter une crosse semblable à celle du patriarche, tandis que les évêques n'en ont qu'une moins distinguée, & prêchent debout, l'ignorance de leurs évêques ayant acquis ces honneurs & cette préférence aux docteurs. Galanus, conciliat. de l'Egl. Armén. avec l'Egl. Rom. Simon, hist. des Relig. du Levant. (G)


ARMENNA(Géog. anc.) ruines d'une ville appellée autrefois Medobriga : on les voit dans l'Alentéjo, près de l'Estramadure d'Espagne, & du bourg de Marvaon.


ARMENTIERES(Géog.) ville des Pays-bas, dans le comté de Flandre, au territoire d'Ypres, capitale du quartier de la Wepe sur la Lys. Long. 20. 27. lat. 50. 40.


ARME (S ') en terme de Manége, se dit d'un cheval qui baisse sa tête, & courbe son encolure jusqu'à appuyer les branches de la bride contre son poitrail, pour résister au mors, & défendre ses barres & sa bouche.

On dit encore qu'un cheval s'arme des levres, quand il couvre ses barres avec ses levres, afin de rendre l'appui du mors plus sourd. Les chevaux qui ont de grosses levres sont sujets à s'armer ainsi. Le remede à cela est de lui donner un mors plus large, & qui soit mieux arrêté sur les barres.

Pour le premier cas, le remede est de lui attacher sous la bouche une boule de bois entourée d'étoffe entre les os de la mâchoire inférieure, qui l'empêche de porter sa bouche si près de son poitrail. (V)

ARMER un vaisseau, c'est l'équiper de vivres, munitions, soldats, matelots, & autres choses nécessaires pour faire voyage & pour combattre. (Z)

ARMER, terme de Fauconnerie. On dit armer les cures de l'oiseau. Voyez CURE. On dit aussi armer l'oiseau ; c'est lui attacher des sonnettes au pié.

ARMER un Métier, terme de Fabrique des étoffes de soie ; c'est par rapport à la chaîne, quand elle est passée au-travers du remisse, qu'elle est tirante, & qu'il s'agit de la faire mouvoir, pour former le corps de l'étoffe ; attacher des ficelles de moyenne grosseur aux lisserons par de longues boucles, enfiler les marches & les ajuster, pour faire lever ou baisser les lisses & partager la chaîne, de façon que l'ouvrier puisse mouvoir sa navette.

L'armure est très-peu de chose, pour ce qui concerne la chaîne : mais elle est de conséquence pour les lisses de poil : quant à cette opération, voyez l'article ARMURE.


ARMIER(Géog.) ville de France, dans le Dauphiné, au Valentinois.


ARMIERES(Géog.) petite ville du Hainaut, sur la Sambre. Long. 25. 3. lat. 52. 4.


ARMIGERS. m. (Hist. mod.) mot Latin composé d'arma gerere, porter les armes. C'étoit chez nos anciens, ceux qui accompagnoient les héros au combat, & étoient leurs porteurs d'armes. Dans les écrivains modernes, armiger est un titre de dignité, un degré de noblesse, que nous exprimons en François par écuyer. Voyez ECUYER. (G)


ARMILLAIREadj. en Astronomie ; c'est ainsi que l'on appelle une sphere artificielle, composée de plusieurs cercles de métal ou de bois, qui représentent les différens cercles de la sphere du monde, mis ensemble dans leur ordre naturel. Voyez SPHERE & CERCLE. Ce mot armillaire est formé d'armilla, qui veut dire un bracelet. La sphere armillaire sert à aider l'imagination pour concevoir l'arrangement des cieux, & le mouvement des corps célestes. Voyez CIEL, SOLEIL, PLANETE.

On en voit la représentation dans la Planche Astronomiq. fig. 21. P & Q représentent les poles du monde ; A D, l'équateur ; E L, l'écliptique, ou le zodiaque ; P A Q D, le méridien, ou le colure des solstices ; T, la terre ; E G, le tropique du cancer ; H L, le tropique du capricorne ; M N, le cercle arctique ; O V, le cercle antarctique ; N & O, les poles de l'écliptique ; & R S, l'horison. Il y a cette différence entre le globe & la sphere armillaire, que la sphere est à jour, & ne contient précisément que les principaux cercles ; au lieu que le globe est entierement solide, & que les cercles y sont simplement tracés. Outre la sphere armillaire, qui représente les différens cercles qu'on imagine sur le globe terrestre ou céleste, il y a d'autres spheres armillaires, qui représentent les orbites ou les cercles que décrivent les planetes dans les différens systemes. Ainsi il y a la sphere armillaire de Ptolomée, celle de Copernic, celle de Tycho : ces différentes spheres représentent les différens arrangemens des planetes, suivant ces Astronomes. (O)


ARMILLEen Architecture. Voyez ANNELETS.


ARMILUSTRIEsub. f. (Hist. anc.) fête des Romains, dans laquelle on faisoit une revûe générale des troupes dans le champ de Mars, au mois d'Octobre. Les chevaliers, les centurions & tous les soldats étoient couronnés, & l'on y faisoit un sacrifice au son des trompettes. Ce nom vient du Latin arma lustrare, faire la revûe des armes. Varron donne à cette fête une autre origine : il prétend que cette fête étoit regardée comme un , expiation ou bénédiction des armes, dérivant armilustrium de arma luere, ou lustrare, qui en termes consacrés à la religion payenne, signifioient une expiation, pour la prospérité des armes des Romains. (G)


ARMINACHA(Géog. anc. & mod.) petite ville de la Natolie, dans l'Aladulie, au pié du mont Taurus ; on prétend que c'est l'ancienne Cybistra.


ARMINIANISMEsubst. m. (Theol. Hist. ecclés.) doctrine d'Arminius, célebre ministre d'Amsterdam, & depuis professeur en Théologie dans l'Académie de Leyde & des Arminiens ses sectateurs. Voyez ARMINIENS. Ce qui distingue principalement les Arminiens des autres réformés ; c'est que persuadés, que Calvin, Beze, Zanchius, &c. qu'on regardoit comme les colonnes du calvinisme, avoient établi des dogmes trop séveres, sur le libre arbitre, la prédestination, la justification, la persévérance & la grace ; ils ont pris sur tous ces points des sentimens plus modérés, & approchans à quelques égards de ceux de l'Eglise Romaine. Gomar professeur en Théologie dans l'Académie de Groningue, & Calviniste rigide, s'éleva contre la doctrine d'Arminius. Après bien des disputes commencées dès 1609, & qui menaçoient les Provinces-unies d'une guerre civile ; la matiere fut discutée & décidée en faveur des Gomaristes par le synode de Dordrect, tenu en 1618 & 1619 ; & composé outre les théologiens d'Hollande, de députés de toutes les églises réformées, excepté des François, qui en furent empêchés par des raisons d'état. C'est par l'exposition de l'arminianisme faite dans ce synode, qu'on en pourra juger sainement. La dispute entre les deux partis toit réduite à cinq chefs : le premier regardoit la prédestination ; le second, l'universalité de la rédemption ; le troisieme & le quatrieme, qu'on traitoit toûjours ensemble, regardoient la corruption de l'homme & la conversion ; le cinquieme concernoit la persévérance.

Sur la prédestination, les Arminiens disoient " qu'il ne falloit reconnoître en Dieu aucun decret absolu, par lequel il eût résolu de donner Jesus-Christ aux seuls élûs, ni de leur donner non plus à eux seuls par une vocation efficace, la foi, la justification, la persévérance, & la gloire ; mais qu'il avoit donné Jesus-Christ pour rédempteur commun à tout le monde, & résolu par ce decret, de justifier & de sauver tous ceux qui croiroient en lui, & en même tems de leur donner à tous les moyens suffisans pour être sauvés ; que personne ne périssoit pour n'avoir point ces moyens, mais pour en avoir abusé ; que l'élection absolue & précise des particuliers se faisoit en vûe de leur foi & de leur persévérance future, & qu'il n'y avoit d'élection que conditionnelle ; & que la réprobation se faisoit de même, en vûe de l'infidélité & de la persévérance dans un si grand mal ". Ce qui étoit directement opposé au système de Calvin, qui admet un decret absolu & positif de prédestination pour quelques-uns, & de réprobation pour tous les autres, avant toute prévision de leurs mérites ou démérites futurs. Voyez PREDESTINATION, DECRET, MERITE, DEMERITE, REPROBATION, PREVISION, &c. Sur l'universalité de la rédemption, les Arminiens enseignoient, " que le prix payé par le Fils de Dieu, n'étoit pas seulement suffisant à tous, mais actuellement offert pour tous & un chacun des hommes ; qu'aucun n'étoit exclus du fruit de la rédemption par un decret absolu, ni autrement que par sa faute " ; doctrine toute différente de celle de Calvin & des Gomaristes, qui posoient pour dogme indubitable, que Jesus-Christ n'étoit mort en aucune sorte que pour les prédestinés, & nullement pour les réprouvés. Sur le troisieme & quatrieme chef, après avoir dit que la grace est nécessaire à tout bien, non-seulement pour l'achever, mais encore pour le commencer, ils ajoûtoient que la grace n'étoit pas irrésistible ; c'est-à-dire qu'on peut y résister, & soûtenoient " qu'encore que la grace fût donnée inégalement, Dieu en donnoit ou en offroit une suffisante à tous ceux à qui l'Evangile étoit annoncé, même à ceux qui ne se convertissoient pas ; & l'offroit avec un desir sincere & sérieux de les sauver tous, sans qu'il fît deux personnages, faisant semblant de vouloir sauver, & au fond ne le voulant pas, & poussant secrettement les hommes aux péchés qu'il défendoit publiquement " ; deux opinions monstrueuses qu'avoient introduites les premiers réformateurs. Sur le cinquieme, c'est-à-dire, la persévérance, ils décidoient " que Dieu donnoit aux vrais fideles, régénérés par sa grace, des moyens pour se conserver dans cet état ; qu'ils pouvoient perdre la vraie foi justifiante, & tomber dans des péchés incompatibles avec la justification, même dans des crimes atroces ; y persévérer, y mourir même, s'en relever par la pénitence, sans néanmoins que la grace les contraignît à la faire " ; & par ce sentiment, ils détruisoient celui des Calvinistes rigides ; savoir que l'homme une fois justifié, ne pouvoit plus perdre la grace, ni totalement ni finalement ; c'est-à-dire, ni tout-à-fait pour un certain tems, ni à jamais & sans retour. Synod. Dordac. sess. 31. & 34. Boss. Hist. des variat. liv. XIV. n°. 23. 24. 25. 26. & 27. Voyez GOMARISTES.


ARMINIENSsectateurs d'Arminius, parti ou secte qui s'éleva en Hollande au commencement du dix-septieme siecle, & qui se sépara des Calvinistes. Voyez ARMINIANISME. Les Arminiens sont aussi appellés Remontrans, par rapport à une requête ou remontrance qu'ils adresserent aux Etats Généraux des Provinces-unies en 1611, & dans laquelle ils exposerent les principaux articles de leur croyance. Voy. REMONTRANS. Les derniers Arminiens ont poussé les choses beaucoup plus loin que n'avoit fait Arminius lui-même, & se sont fort approchés du Socinianisme, sur-tout lorsqu'ils avoient pour chef Simon Episcopius. Quand les Calvinistes les accusoient de renouveller une ancienne hérésie déjà condamnée dans les Pélagiens & les sémi-Pélagiens, ils répliquoient que la simple autorité des hommes ne pouvoit passer pour une preuve légitime que dans l'Eglise Romaine ; que les Calvinistes eux-mêmes avoient introduit dans la religion une toute autre maniere d'en décider les différends ; & enfin qu'il ne suffisoit pas de faire voir qu'une opinion avoit été condamnée, mais qu'il falloit montrer en même tems qu'elle avoit été condamnée à juste titre. Nec satis est damnatam olim sententiam esse, nisi damnandam eam, aut jure aut ritè damnatam esse constet. Sur ce principe que les Calvinistes ne sont pas trop en état de réfuter, les Arminiens retranchent un assez grand nombre d'articles de religion que les premiers appellent fondamentaux, parce qu'on ne les trouve point assez clairement expliqués dans l'Ecriture. Ils rejettent avec mépris les catéchismes & les confessions de foi, auxquels les Calvinistes veulent qu'ils ayent à s'en tenir. C'est pourquoi ceux-ci dans le synode de Dordrect, s'attacherent beaucoup à établir la nécessité de décider les différends de religion par voie d'autorité, & y condamnerent les Arminiens, qui furent d'abord proscrits en Hollande, où on les tolere cependant aujourd'hui.

Ils ont abandonné la doctrine de leur premier maître sur la prédestination & l'élection faites de toute éternité, en conséquence de la prévision des mérites ; Episcopius ayant imaginé que Dieu n'élit les fideles que dans le tems, & lorsqu'ils croyent actuellement. Ils pensent que la doctrine de la Trinité n'est point nécessaire au salut, & qu'il n'y a dans l'Ecriture aucun précepte qui nous commande d'adorer le S. Esprit. Enfin leur grand principe est qu'on doit tolérer toutes les sectes chrétiennes, parce que, disent-ils, il n'a point été décidé jusqu'ici qui sont ceux d'entre les chrétiens qui ont embrassé la religion la plus véritable & la plus conforme à la parole de Dieu.

On a distingué les Arminiens en deux branches ; par rapport au gouvernement, & par rapport à la religion. Les premiers ont été nommés Arminiens politiques ; & l'on a compris sous ce titre tous les Hollandois qui se sont opposés en quelque chose aux desseins des princes d'Orange, tels que Messieurs Barneveld & de Witt, & plusieurs autres réformés qui ont été victimes de leur zele pour leur patrie. Les Arminiens ecclésiastiques, c'est-à-dire ceux qui professant les sentimens des Remontrans touchant la religion, n'ont cependant point de part dans l'administration de l'état, ont été d'abord vivement persécutés par le prince Maurice ; mais on les a ensuite laissés en paix, sans toutefois les admettre au ministere ni aux chaires de Théologie, à moins qu'ils n'ayent accepté les actes du synode de Dordrect. Outre Simon Episcopius, les plus célebres entre ces derniers ont été Etienne de Courcelles & Philippe de Limborch, qui ont beaucoup écrit pour exposer & soûtenir les sentimens de leur parti. (G)


ARMIRO(Géog.) ville de la Turquie Européenne, dans la Macédoine, sur le golfe de Vole, & les côtes de l'Archipel, vis-à-vis l'île de Négrepont. Long. 41. 10. lat. 38. 34.

Il y a encore en Candie une riviere de ce nom ; elle coule près le Castel-Malvesi, & se décharge dans la Méditerranée, près de Paleo-Castro. On dit que c'est l'Oaxès des Anciens.

On croit que l'Armiro, montagne de Portugal, aux confins de l'Alentéjo, près Portalegre, est l'Herminius ou Eminius mons des anciens.


ARMISTICES. m. (Art milit.) treve fort courte, ou suspension d'armes pour un petit espace de tems. Voyez TREVE, &c.


ARMOApetite riviere d'Arcadie, qui se jette dans l'Alphée ; on croit que c'est l'Amarynchus des anciens.


ARMOGANS. m. (Marine.) on a laissé passer l'armogan. Les pilotes se servent de ce mot pour dire le beau tems, qui est propre pour naviger. Il n'est en usage que dans la mer Méditerranée. (Z)


ARMOIRIESS. m. pl. (Blason.) marques de noblesse & de dignité, composées régulierement de certaines figures & d'émaux, données ou autorisées par les souverains, pour la distinction des personnes & des maisons. On les nomme armoiries, parce qu'on les portoit principalement sur le bouclier, sur la cuirasse, & sur les bannieres, & qu'elles ont pris leur origine des armes. Les plus belles armoiries, selon l'art, & les plus belles à voir, sont les moins chargées, & celles dont les figures sont faites de simples traits, comme les partitions, & les pieces honorables. Il n'y a que quatre couleurs & deux émaux qui entrent dans les armoiries. Ce mot vient d'armure, à cause qu'on peignoit autrefois sur les écus, les casques, & les cottes d'armes des chevaliers, les marques qu'ils avoient prises pour se distinguer les uns des autres, tant à la guerre que dans les tournois. Voyez TOURNOIS.

Les savans ne sont point d'accord sur l'origine des armoiries. Favyn prétend qu'elles ont été dès le commencement du monde ; Segoin, du tems des enfans de Noé ; d'autres, du tems d'Osiris, ce qui est appuyé par quelques passages de Diodore de Sicile ; d'autres, du tems des Hébreux, parce qu'on a donné des armes à Moyse, à Josué, aux douzes tribus, à Esther, à David, à Judith, &c. & d'autres, dès les tems héroïques, & sous l'empire des Assyriens, des Medes, & des Perses, s'appuyant sur Philostrate, Xenophon & Quinte-Curce. Quelques-uns prétendent qu'Alexandre régla les armoiries & l'usage du Blason. Le P. Monet veut qu'elles ayent commencé sous l'empire d'Auguste ; d'autres pendant les inondations des Goths ; & d'autres, sous l'empire de Charlemagne. Chorier, dans son Hist. du Dauphiné. tom. I. pag. 97. remarque que les titres étoient les boucliers des Gaulois, qui les couvroient entierement ; que chaque soldat y faisoit peindre quelque marque qui lui étoit propre, & par la vûe de laquelle il pouvoit être reconnu entre ses compagnons : il cite sur cela Pausanias, qui le dit en effet ; & c'est-là, selon Chorier, l'origine des armes des familles nobles. Il dit ailleurs qu'il y auroit de l'ignorance à croire que les Romains ayent entierement manqué d'armoiries ; mais qu'il n'y en auroit guere moins à soûtenir qu'ils en ayent eu des propres à chaque famille. Spelman dit que ce sont les Saxons, les Danois & les Normands qui les ont apportées du Nord en Angleterre, & de-là en France. Il est certain que de tems immémorial, il y a eu parmi les hommes des marques symboliques pour se distinguer dans les armées, & qu'on en a fait des ornemens de boucliers & d'enseignes : mais ces marques ont été prises indifféremment pour devises, emblèmes, hyéroglyphes, &c. & ce n'étoient point des armoiries comme les nôtres, qui sont des marques héréditaires de la noblesse d'une maison, réglées selon l'art du Blason, & accordées ou approuvées par les souverains. Ainsi avant Marius, l'aigle n'étoit point l'enseigne perpétuelle du général des Romains ; ils portoient indifféremment dans leur étendarts, ou un loup, ou un léopard, ou une aigle, selon le choix de celui qui commandoit. On remarque la même diversité à l'égard des François ; ce qui fait que les auteurs sont partagés lorsqu'ils parlent des armoiries de France.

Il n'y avoit originairement que les seules nobles qui eussent le droit d'avoir des armoiries : mais Charles V. par sa charte de l'an 1371, ayant annobli les Parisiens, il leur permit de porter des armoiries ; & sur cet exemple, les bourgeois les plus notables des autres villes en prirent aussi. (V)


ARMOISES. f. artemisia, (Hist. nat. bot.) genre de plante, dont les fleurs sont de petits bouquets à fleurons découpés, portés sur un embryon, & soûtenus par un calice écailleux : on trouve parmi ces fleurons quelques embryons découverts & surmontés d'un filet fourchu. Tous ces embryons deviennent des semences semblables à celles de l'absinthe. L'armoise ne differe de l'absinthe que par son port extérieur, car la différence des fleurs n'est presque pas sensible. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

L'Artemisia vulgaris major, C. B. & Pit. Tournef. donne du sel essentiel, de l'huile à demi exaltée, peu de flegme, & assez de terre ; son odeur est forte & pénétrante.

Elle est détersive, vulnéraire, apéritive, hystérique, fortifiante ; elle excite les mois aux femmes, provoque la sortie du foetus & de l'arrierefaix ; elle nettoye & fortifie la matrice ; elle abat les vapeurs : enfin employée à l'intérieur, elle met les humeurs en mouvement, les divise extérieurement ; elle est résolutive, tonique & fortifiante ; elle entre dans les compositions hystériques ou emménagogues.

Pour faire du sirop d'armoise, prenez feuilles d'armoise nouvellement cueillies quatre poignées : coupez-les & les pilez, puis laissez-les infuser pendant douze heures dans deux pintes d'eau distillée d'armoise : après cela faites-les bouillir jusqu'à consomption du quart : passez le tout avec une forte expression, ajoûtez sucre deux livres : clarifiez ensuite la colature, & la faites cuire à consistance de sirop : mettez sur la fin de la cuite un noüet dans lequel on enfermera, de sel d'armoise, demi-once ; canelle concassée, trois gros ; spicnard haché, castoreum, de chaque un gros. La nouvelle Pharmacopée le fait plus simplement ; ce sirop a toutes les vertus de l'armoise. (N)


ARMOISINS. m. (manufacture de soie.) c'est le nom d'un taffetas extrèmement mince, qui se fabrique en Italie, mais sur-tout à Florence. Voyez pour la fabrication des taffetas, l'article TAFFETAS.


ARMONS. m. (terme de Charron & de Carrossier-Sellier.) c'est le nom que ces ouvriers donnent aux deux pieces de bois qui aboutissent au timon d'un carrosse, & qui soûtiennent la cheville.


ARMONIACsel plus ordinairement nommé sel ammoniac. Voyez AMMONIAC. (I)


ARMORIQUEadj. (Hist. & Géog.) c'est ainsi que les anciens désignoient la petite Bretagne. Ce mot signifie maritime : il faut comprendre sous ce nom, outre la petite Bretagne, quelque portion de la Normandie ; selon Sanson, il convenoit à tous les peuples qui formoient la province Lyonnoise seconde, qui fut ensuite divisée en seconde & troisieme, où sont maintenant les archevêchés de Roüen & de Tours.


ARMOT(ISLE D ') (Géog.) petite île de la mer de Gascogne, sur la côte de Saintonge.


ARMURES. f. (Hist. anc. & mod.) habit de défense, qui sert à mettre le corps à couvert des coups des ennemis. Voyez ARMES. Dans les anciens écrits, l'armure est souvent nommée harnois. Voyez HARNOIS. Tels sont le bouclier, la cuirasse, le heaume, la cotte de maille, le gantelet, &c. Voyez BOUCLIER, CUIRASSE, &c.

L'ancienne armure complete étoit composée d'un casque ou heaume, d'une gorgerette ou haussecol, de la cuirasse, des gantelets, des tassettes, des brassarts, des cuissarts, & de l'armure des jambes auxquelles étoient attachés les éperons : c'est ce qu'on nommoit l'armure de pié-en-cap ; & c'étoit l'habillement des cavaliers & des hommes d'armes : l'infanterie ne portoit qu'une partie de l'armure, savoir, le pot-en-tête, la cuirasse & les tassettes, mais plus legers que ceux des cavaliers. Enfin les chevaux avoient aussi leur armure, qui leur couvroit la tête & le poitrail. De toute cette armure, on ne se sert à présent que de la cuirasse ; car le haussecol que portent les officiers, est plûtôt un habillement d'honneur que de défense ; cependant il est pour l'infanterie comme une marque de gorgerin ou gorgerette, qui faisoit partie de l'ancienne armure. Les François pousserent si loin la coûtume d'aller au combat à découvert & sans aucune armure défensive, que Louis XIV. fut obligé de faire publier souvent des ordonnances pour obliger les officiers à se servir d'armure : en conséquence de quoi les officiers généraux & les officiers de cavalerie furent obligés de reprendre la cuirasse. La cavalerie de la maison du Roi porte aussi la cuirasse, & sur le chapeau une calotte de fer pour parer les coups de tranchant, ou une calotte de meche en-dedans du chapeau : le reste de la cavalerie porte des plastrons de fer, qui s'attachent derriere le dos avec deux fortes courroies passées en sautoir. Les dragons ne portent point de cuirasse. Voyez ARMES. (G)

ARMURE d'un aimant, (Physiq.) n'est autre chose que plusieurs plaques de fer qu'on attache à une pierre d'aimant, & par le moyen desquelles on augmente prodigieusement sa force. Voyez AIMANT. (O)

ARMURE, s. f. dans les Manufactures de soie ; c'est, après que le métier est monté, l'ordre dans lequel on fait mouvoir les lisses tant de chaîne que de poil, pour la fabrication de l'étoffe : cet ordre suppose une certaine correspondance déterminée par le genre de l'étoffe, entre les lisses & les marches ; d'où il s'ensuit qu'il doit y avoir un grand nombre d'armures différentes. Nous donnerons ces armures aux articles des ouvrages auxquels elles appartiennent.

Ainsi à l'article SATIN, ou trouvera l'armure d'un satin à cinq lisses ; l'armure d'un satin à huit lisses, dont une prise & deux laissées ; celle d'un satin façonné courant, pour le satin & le liage de 5 le 6 ; celle d'un satin façonné broché, pour le satin & le liage de 9 le 10.

A l'article LUSTRINE, l'armure d'une lustrine courante, à une seule navette ; l'armure d'une lustrine courante, à deux navettes seulement, c'est-à-dire rebordée & liserée ; l'armure d'une lustrine rebordée ou liserée, & brochée ; celle d'une lustrine à poil.

A l'article LUQUOISE ou VALOISE, l'armure d'un double fond courant, à une navette pour le poil seulement.

A l'article DAMAS, l'armure du damas courant, ordinaire ; l'armure du damas ordinaire broché seulement ; celle du damas liseré & broché.

A l'article SERGE, l'armure d'une serge à six lisses.

A l'article RAS, les armures des ras de S. Maur, de S. Cyr, & de Sicile.

A l'article TAFFETAS, les armures d'un taffetas.

A l'article GROS-DE-TOURS, l'armure d'un gros-de-Tours broché ordinaire.

A l'article CANNELE, l'armure d'un cannelé.

A l'article CARRELE, l'armure d'un carrelé.

A l'article BROCARD, l'armure d'un fond d'or à huit lisses de satin & à quatre de poil ; l'armure d'un fond d'or à cinq lisses de fond & cinq lisses de poil ; l'armure d'un fond d'or à cinq lisses de satin & quatre de poil ; celle d'un brocard dont la dorure est relevée, sans liage ou liée par la corde ; celle d'un brocard dont la dorure est relevée, & tous les lacs liés, excepté celui de la dorure relevée qui ne l'est jamais.

A l'article VELOURS, l'armure d'un tissu de couleur, l'endroit dessus, celle du velours à six lisses.

A l'article TOILE, l'armure de la toile d'or. Voilà vingt-huit armures ; ces vingt-huit armures suffisent pour fixer la nature de toutes les étoffes de soie, de quelque nature qu'elles puissent être ; il n'y en a aucune dont l'armure ne puisse être rapportée à quelqu'une des précédentes.

Pour expliquer plus clairement cette matiere, qui est par elle-même très-importante & très-difficile, nous avons pris le parti de représenter les lisses par des lignes horisontales, & les marches par des lignes verticales ou perpendiculaires à ces horisontales ; & nous avons ensuite placé des zéros ou des étoiles aux intersections.

ARMURE, s. f. en Serrurerie : on donne généralement ce nom à toute la ferrure d'une poutre, d'une machine, &c. nécessaire soit à sa conservation, soit à ses usages. Ainsi on dit une poutre armée, un aimant armé, &c.

ARMURE, ce sont, chez les Passementiers & autres ouvriers en soie, de petites pieces de fer que l'on met aux deux bouts de la navette, en faisant de petites échancrures dans le bois de ladite navette, de façon que ces petites pieces ne la desafleurent pas. L'usage de l'armure est de préserver les bouts anguleux de la navette, lors de ses chûtes. Voyez NAVETTE.


ARMURIERS. m. celui qui faisoit autrefois les armes défensives dont les gens de guerre se couvroient, telles que le heaume ou le casque, le gorgeron, la cuirasse, les brossards, les cuissarts, le morion, le haussecol, &c. On confond aujourd'hui l'armurier avec l'arquebusier ; il est cependant évident que l'armurerie & l'arquebuserie sont deux professions fort différentes ; & que l'une subsistoit dans toute sa vigueur, que l'autre n'étoit pas encore établie. Les armuriers s'appelloient aussi heaumiers, du heaume ou casque. Leur communauté étoit nombreuse. Leurs premiers statuts sont de 1409, sous le regne de Charles VI ; ils furent renouvellés en 1562, sous Charles IX. En voici les principaux articles.

1. Ils auront quatre jurés, dont deux seront élûs chaque année : ces jurés veilleront à l'exécution des réglemens & à la conservation des priviléges. 2. Chaque maître ne fera qu'un apprenti à la fois, qui sera obligé pardevant notaire & reçû par les jurés. 3. L'apprentissage sera de cinq ans ; les fils de maître n'en seront pas exempts ; ils auront seulement le droit de faire apprentissage chez leur pere ; & les peres, celui d'avoir un autre apprenti avec leur fils. 4. Le chef-d'oeuvre sera donné par les jurés ; les fils de maître en seront exempts. 5. Les veuves, restant en viduité, joüiront des priviléges de leur mari, excepté de celui de faire des apprentis. 6. Les ouvrages & marchandises des forains seront visitées par les jurés. 7. Les matieres destinées à la fabrication des armures, fer, acier, fer-blanc, cuivre, &c. seront aussi visitées. 8. Chaque maître n'aura qu'une boutique. 9. Toute piece de harnois sera marquée d'un poinçon donné par les jurés, & dont l'empreinte en plomb sera dans la chambre du procureur du Roi. 10. Les apprentis de Paris, en concurrence de boutique avec les compagnons étrangers, leur seront préférés. 11. Les armuriers feront tous harnois pour homme, comme corcelets, cuirasses, haussecols, &c.

Les armuriers avoient S. Georges pour patron, & leur confrairie étoit à S. Jacques de la Boucherie : mais les armures ayant passé de mode, la communauté des armuriers est tombée. La fabrique des corps de cuirasse dont on se sert encore dans quelques régimens de cavalerie françoise, est à Besançon.


ARMYDEN(Géog.) ville des Provinces-Unies des Pays-Bas, dans l'île de Valcheren. Long. 21. 10. lat. 51. 30.


ARNALDISTEou ARNAUDISTES, s. m. pl. (Théol. Hist. ecclés.) hérétiques, ainsi nommés d'Arnaud de Bresse leur chef. Ils parurent dans le XIIe siecle ; & à l'exemple de leur maître, ils invectiverent hautement contre les possessions légitimes des biens appartenans aux églises & aux ecclésiastiques, qu'ils traitoient d'usurpation. Ils enseignerent enfin des erreurs contre le baptême & contre l'eucharistie, & furent condamnés au concile de Latran sous Innocent II. en 1139. Arnaud, après avoir excité de dangereux troubles à Bresse & à Rome, fut pendu & brûlé dans cette derniere ville en 1155, & ses cendres furent jettées dans le Tibre. Quelques-uns de ses disciples, qu'on nommoit aussi Publicains ou Poplicains, étant passés de France en Angleterre vers l'an 1160, y furent arrêtés & dissipés. Cette secte devint ensuite une branche de l'hérésie des Albigeois. Voyez ALBIGEOIS. (G)


ARNALTS. m. (Hist. nat. bot.) c'est un arbre qui croît, à ce qu'on dit, aux Indes orientales, & qui a l'odeur du citron & la feuille du saule. On ajoûte qu'il ne porte point de fruit : mais cela ne suffit pas pour le caractériser.


ARNAUTESS. m. pl. peuples d'Albanie, sur la côte orientale du golfe de Venise : ils sont errans & vagabonds. On donne aussi le nom d'Arnautes aux Albanois qui se sont fixés dans l'île de Nio, une de celles de l'Archipel.


ARNAY-LE-DUC(Géog.) ville de France au duché de Bourgogne, dans l'Auxois, proche la riviere d'Arroux. Long. 21. 56. lat. 47. 7.


ARNEAFS. m. oiseau, mieux connu sous le nom de pie-griêche. Voyez PIE-GRIECHE. (I)


ARNEBERG(Géog.) ville d'Allemagne, dans la vieille marche de Brandebourg, sur l'Elbe, entre Angermonde & Werben. Elle appartient au roi de Prusse.


ARNEDO(Géog.) ville du Pérou, à une demi-lieue de la mer du Sud, où elle a un port, à 10 lieues au nord de Lima.


ARNHEIMville des Pays-Bas dans la province de Gueldre, capitale du Véluwe, sur la droite du Rhin. Long. 23. 25. lat. 52.

Les Hollandois ont donné le même nom à la partie de la terre australe qu'ils ont découverte au midi de la nouvelle Guinée.


ARNHUSENpetite ville d'Allemagne, près de la riviere de Rega, sur les confins de la marche de Brandebourg.


ARNO(Géog.) fleuve d'Italie dans la Toscane ; il a sa source dans l'Apennin, passe à Florence & à Pise, & se jette dans la mer un peu au-dessous.


ARNODESS. m. pl. (Littér.) nom que l'on donnoit à ceux qui parmi les Grecs, dans les festins ou d'autres assemblées, récitoient des vers d'Homere, une branche de laurier à la main. On les nommoit ainsi, parce qu'on leur donnoit pour récompense un agneau, qu'on appelle en grec ; on les appelloit aussi rhapsodes. Voyez RHAPSODES. (G)


ARNON(Géog. sainte.) fleuve qui avoit sa source dans les montagnes d'Arabie, traversoit le desert, entroit dans le lac Alphaltite, & divisoit les Moabites, des Amorrhéens.


ARNOULDpetite ville de France dans la Beauce, dans la forêt d'Yveline.


ARNSBOURGvoyez ARENSBOURG.


ARNSHEIMpetite ville d'Allemagne, dans le Palatinat du Rhin, bailliage d'Altzey.


ARNSTADpetite ville d'Allemagne, dans le Thuringe, sur la riviere de Gera. Long. 28. 33. lat. 50. 54.


AROBou ARROBE, s. m. (Commerce.) en espagnol arobas, en péruvien, aroue, poids dont on se sert en Espagne, en Portugal, à Goa, & dans toute l'Amérique espagnole. Les Portugais s'en servent aussi au Bresil, où aussi bien qu'à Goa on l'appelle arate : tous ces arobes n'ont guere que le nom de commun ; & ils sont d'ailleurs assez différens pour leur pesanteur & pour leur évaluation au poids de France. L'arobe de Madrid & du reste de presque toute l'Espagne, à la réserve de Séville & de Cadix, est de vingt-cinq livres espagnoles, qui n'en font pas tout-à-fait vingt-trois & un quart de Paris ; ensorte que le quintal commun qui est de quatre arobes, ne fait que quatre-vingt-treize de nos livres. L'arobe de Séville & de Cadix est aussi de vingt-cinq livres, mais qui en font vingt-six & demie poids de Paris, d'Amsterdam, de Strasbourg, & de Besançon, où la livre est égale. Quatre arobes font le quintal ordinaire, c'est-à-dire cent livres ; mais pour le quintal macho il faut six arobes, qu'on peut réduire en livres de Paris, sur le pié de la réduction qu'on a faite ci-dessus de l'arobe de ces deux villes. Voyez QUINTAL.

L'arobe de Portugal est de 32 livres de Lisbonne, qui reviennent à vingt-neuf livres de Paris. Voyez ARATE. (G)


AROÉ(Géog. anc. & mod.) ville d'Achaie : c'est aujourd'hui Patras.


AROER(Géog. sainte.) ville de la Judée en Asie, au-delà du Jourdain, de la tribu de Gad, proche la riviere d'Arpon, sur les confins de la tribu de Ruben, & du pays des Ammonites.


AROMATESS. m. pl. (Hist. nat. & Mat. méd.) on comprend sous ce nom générique tous les végétaux pourvûs d'une huile & d'un sel acre, qui par leur union forment une substance savonneuse, qui est le principe de l'odeur & du goût acre, stimulant & échauffant qu'on y découvre. Tels sont le cardamome, le clou de girofle, la canelle, le poivre, le gingembre, le macis, &c. Si dans le cas où la bile a perdu sa force & son énergie, & où les fibres de l'estomac sont relâchées, les aromates sont d'un grand secours ; ils sont aussi très-nuisibles dans les dispositions contraires, par l'impétuosité de mouvement qu'ils occasionnent dans les humeurs qui sont déjà trop agitées. L'absinthe qui facilite l'écoulement des eaux, en relevant le ton & le ressort des vaisseaux affoiblis, & divisant & incisant les humeurs muqueuses, est un excellent remede dans l'hydropisie : mais dans les fievres inflammatoires, elle feroit certainement beaucoup de mal, en produisant les mêmes effets que dans l'hydropisie.


AROMATIQUEadj. Voyez ODORANT.


AROMATITES. f. (Hist. nat. foss.) pierre précieuse d'une substance bitumineuse, & fort ressemblante par sa couleur & son odeur à la myrrhe, qui lui donne son nom. On la trouve en Egypte & en Arabie.


ARONCHESpetite ville de Portugal dans l'Alentéjo, sur les confins de l'Estramadure espagnole : elle est sur la riviere de Care, qui coule proche l'Alegrette, & joint la Guadiana un peu au-dessus de Badajoz. Long. 11. 14. lat. 39.


ARONDEterme de Fortification, voyez QUEUE D'ARONDE. C'est ainsi qu'on appelle les aîles ou les branches d'un ouvrage à corne ou à couronne, lorsqu'elles vont en se rapprochant vers la place, ensorte que la gorge se trouve moins étendue que le front. (Q)


ARONDELvoyez ARUNDEL.


ARONDELIERES. f. nom de plante, synonyme avec celui de chélidoine. Voyez CHELIDOINE. (I)


ARONDELLESS. f. (Marine.) arondelles de mer, c'est ainsi qu'on appelle, en terme de Marine, les brigantins, les pinasses, & autres vaisseaux médiocres & legers. (Z)


ARONou ARONA, (Géog.) ville d'Italie dans le territoire d'Anghiéra, au duché de Milan. Long. 26. 5. lat. 45. 41.


AROOL(Géog.) ville de l'empire Russien dans l'Uckraine, sur la riviere d'Occa, à 80 lieues nord de Moscow. Long. 55. 50. lat. 51. 48.


AROSBAYville des Indes dans la contrée septentrionale de la côte occidentale de l'île de Madura, proche celle de Java. Long. 132. lat. mérid. 9. 30.


AROSEou WESTERAS, petite ville de Suede, capitale de la Westimanie, sur le lac Meler.


AROT & MAROTS. m. (Théol. & Hist.) sont les noms de deux anges que l'imposteur Mahomet disoit avoir été envoyés de Dieu pour enseigner les hommes, & pour leur ordonner de s'abstenir du meurtre, des faux jugemens, & de toutes sortes d'excès. Ce faux prophete ajoûte qu'une très-belle femme ayant invité ces deux anges à manger chez elle, elle leur fit boire du vin, dont étant échauffés, ils la solliciterent à l'amour ; qu'elle feignit de consentir à leur passion, à condition qu'ils lui apprendroient auparavant les paroles par le moyen desquelles ils disoient que l'on pouvoit aisément monter au ciel ; qu'après avoir sû d'eux ce qu'elle leur avoit demandé, elle ne voulut plus tenir sa promesse, & qu'alors elle fut enlevée au ciel, où ayant fait à Dieu le récit de ce qui s'étoit passé, elle fut changée en l'étoile du matin qu'on appelle lucifer ou aurore, & que les deux anges furent séverement punis. C'est de-là, selon Mahomet, que Dieu prit occasion de défendre l'usage du vin aux hommes. Voyez ALCORAN.


AROTESS. m. pl. (Hist. anc.) nom que les Syracusains donnoient aux hommes de condition libre qui par le malheur de leur fortune étoient obligés de servir pour subsister. (G)


AROou AAROW, (Géogr.) ville du canton de Berne au pays d'Argow, sur l'Aar, qui lui a donné son nom : elle est bâtie sur les ruines de l'ancienne forteresse de Rora.


AROUCA(Géog. anc & mod.) village de Portugal dans la province de Beira, entre Viseu & Porto, sur la riviere de Paira. On croit que c'est l'ancienne Araducta.


AROUEsubst. f. (Commerce.) poids dont on se sert dans le Pérou, le Chily, & autres provinces & royaumes de l'Amérique qui sont de la domination espagnole. L'aroue, qui n'est rien autre chose que l'arobe d'Espagne, pese vingt-cinq livres poids de France. Voyez AROBE. Dictionn. du Comm. tom. I. pag. 726.


AROUENS(ILE DES) l'une des îles qui sont proche de l'embouchure de la riviere des Amazones, dans l'Amérique méridionale.


AROUGHEUN(Hist. nat. Zoolog.) animal qu'on trouve en Virginie, & qui est tout semblable au castor, à l'exception qu'il vit sur les arbres, comme les écureuils.

La peau de cet animal forme une partie du commerce que les Anglois font avec les sauvages voisins de la Virginie ; elle compose une sorte de fourrure fort estimée en Angleterre.


AROURES. f. (Hist. anc.) nom d'une mesure en usage chez les Grecs ; elle contenoit cinquante piés, si l'on en croit Suidas. Ce mot signifioit plus fréquemment une mesure quarrée qui faisoit la moitié du plethron. Voyez PLETHRON.

L'aroure égyptien étoit le quarré de cent coudées, selon le calcul du docteur Arbuthnot, tab. 9. (G)


AROVAQUESS. m. pl. peuples de la Caribane dans l'Amérique septentrionale, proche les bords de l'Essekebe & les frontieres du Paria.


AROY(Géog.) riviere de l'Amérique méridionale ; elle sort du lac Cassipe dans la province de Paria, & se jette dans la riviere de ce nom.


ARPA EMINIS. m. (Hist. mod.) officier du grand-seigneur ; c'est le pourvoyeur des écuries : il est du corps des mutaferacas ou gentilshommes ordinaires de sa hautesse. A la ville il reçoit l'orge, le foin, la paille & les autres fourrages d'imposition ; à l'armée ils lui sont fournis par le deflerdard ou grand thrésorier qui a soin des magasins. L'arpa emini en fait la distribution aux écuries du sultan & à ceux qui en ont d'étape ; ses commis les délivrent & lui rendent compte du bénéfice, qui est quelquefois si considérable, qu'en trois ans d'exercice de cette charge il se voit en état de devenir bacha par les voies qui conduisent ordinairement à ce grade, c'est-à-dire par les riches présens faits aux sultanes & aux ministres. Guer. Moeurs des Turcs, tom. II. (G)


ARPAGES. m. (Hist. anc.) ou plûtôt HARPAGE, comme on le trouve écrit dans les anciennes inscriptions, signifie un enfant qui meurt au berceau, ou du moins dans sa plus tendre jeunesse. Ce mot est formé du grec , rapio, je ravis : on le trouve rarement dans les auteurs latins. Gruter l'employe, p. 682. inscript. jx. dans l'épitaphe de Marc-Aurele, qui mourut à l'âge de 9 ans 2 mois & 13 jours ; mais cette inscription fut trouvée dans les Gaules, où l'on parloit le grec corrompu.

Les Romains ne faisoient ni funérailles ni épitaphes aux harpages ; on ne brûloit point leur corps ; on ne leur érigeoit ni tombeaux ni monumens, ce qui fait qu'on trouve dans Juvenal :

Terra clauditur infans,

Et minor igne rogi.

Dans la suite on introduisit la coûtume de brûler les corps des enfans qui avoient vêcu 40 jours, & à qui il avoit poussé des dents : on appelloit aussi ceux-là , rapti. Cet usage semble avoir été emprunté des Grecs, qui, selon Eustachius, ne brûloient les enfans ni la nuit ni en plein jour, mais dès le matin ; & ils n'appelloient pas leur décès mort, mais d'un nom plus doux, , disant que ces enfans étoient ravis par l'aurore, qui joüissoit ou qui se privoit de leurs embrassemens. (G)


ARPAIA(Géog. anc. & mod.) village de la principauté ultérieure au royaume de Naples, sur les confins de la terre de Labour, entre Capoue & Bénévent. On croit que c'est l'ancien Caudium, & que notre stretto d'arpaja sont les fourches Caudines, furcae Caudinae, des anciens.


ARPAILLEURS. m. nom que l'on donne à ceux qui s'occupent à remuer les sables des rivieres qui roulent des paillettes d'or, afin de les en séparer. Ces ouvriers n'ont aucun emploi dans les mines.


ARPAJONville de France dans le Roüergue, avec titre de duché.

ARPAJON, voyez CHATRES.


ARPEGGIOARPÉGE ou ARPÉGEMENT, s. m. en Musique, est la maniere de faire entendre successivement & rapidement les divers sons d'un accord, au lieu de les frapper tous à-la-fois.

Il y a des instrumens sur lesquels on ne peut former un accord plein qu'en arpégeant ; tels sont le violon, le violoncelle, la viole, & tous ceux dont on joue avec l'archet, car l'archet ne peut appuyer sur toutes les cordes à-la-fois. Pour former donc des accords sur ces instrumens, on est contraint d'arpéger ; & comme on ne peut tirer qu'autant de sons qu'il y a de cordes, l'arpége du violon & du violoncelle ne sauroit être composé de plus de quatre sons. Il faut pour arpéger que les doigts soient arrangés en même tems chacun sur sa corde, & que l'arpége se tire d'un seul & grand coup d'archet, qui commence sur la plus grosse corde, & vienne finir en tournant sur la chanterelle. Si les doigts ne s'arrangeoient sur les cordes que successivement, ou qu'on donnât plusieurs coups d'archet, ce ne seroit plus un arpége, ce seroit passer très-vîte plusieurs notes de suite.

Ce qu'on fait sur le violon par nécessité, on le pratique par goût sur le clavecin. Comme on ne peut tirer de cet instrument que des sons secs qui ne tiennent pas, on est obligé de les refrapper sur des notes de longue durée. Pour faire donc durer un accord plus long-tems, on le frappe en arpégeant, en commençant par les sons bas, & en observant que les doigts qui ont frappé les premiers ne doivent point quitter leur touche que tout l'arpége ne soit fini, afin qu'on puisse entendre à-la-fois tous les sons de l'accord. Voyez ACCOMPAGNEMENT.

Arpeggio est un mot italien que nous avons francisé par celui d'arpége ; il vient du mot arpa, à cause que c'est du jeu de la harpe qu'on a tiré l'idée de l'arpégement. (S)


ARPENTS. m. (Agriculture.) c'est une certaine étendue de terre qui contient cent perches quarrées, c'est-à-dire dix perches de long sur dix perches de large, la perche étant évaluée sur le pié de trois toises ou dix-huit piés. Les métairies, les fermes, les bois, &c. s'estiment ordinairement en arpens. On dit qu'une prairie, qu'un jardin, qu'un champ contient tant d'arpens. En Angleterre, ainsi qu'en Normandie, on compte les terreins par acres. Voyez ACRE. (E)


ARPENTAGou GÉODESIE, s. m. c'est proprement l'art ou l'action de mesurer les terreins, c'est-à-dire de prendre les dimensions de quelques portions de terre, de les décrire ou de les tracer sur une carte, & d'en trouver l'aire. Voy. MESURE & CARTE, &c.

L'Arpentage est un art très-ancien : on croit même que c'est lui qui a donné naissance à la Géométrie. Voyez GEOMETRIE.

L'Arpentage a trois parties ; la premiere consiste à prendre les mesures & à faire les observations nécessaires sur le terrein même ; la seconde, à mettre sur le papier ces mesures & ces observations ; la troisieme, a trouver l'aire du terrein.

La premiere partie est proprement ce que l'on appelle l'Arpentage ; la seconde est l'art de lever ou de faire un plan ; & la troisieme est le calcul du toisé.

De plus, la premiere se divise en deux parties, qui consistent à faire les observations des angles, & à prendre les mesures des distances. On fait les observations des angles avec quelqu'un des instrumens suivans ; le graphometre, le demi-cercle, la planchette, la boussole, &c. On peut voir la description & la maniere de faire usage de ces instrumens, aux articles GRAPHOMETRE, PLANCHETTE, BOUSSOLE, CERCLE d'Arpenteur, &c.

On mesure les distances avec la chaîne ou l'odometre. Voyez la description & la maniere d'appliquer ces instrumens, aux articles CHAINE & ODOMETRE ou COMPTE-PAS.

La seconde partie de l'Arpentage s'exécute par le moyen du rapporteur & de l'échelle d'arpenteur. Voyez -en les usages aux articles RAPPORTEUR, ECHELLE, &c. Voyez aussi CARTE.

La troisieme partie de l'Arpentage se fait en réduisant les différentes divisions, les différens enclos, &c. en triangles, en quarrés, en parallélogrammes, en trapeses, &c. mais principalement en triangles ; après quoi l'on détermine l'aire ou la surface de ces différentes figures, suivant les regles exposées aux articles AIRE, TRIANGLE, QUARRE, &c.

La croix d'Arpentage ou le bâton d'Arpenteur, est un instrument peu connu, & encore moins usité en Angleterre, quoiqu'en France, &c. l'on s'en serve au lieu de graphometre ou de quelqu'autre instrument semblable. Il est composé d'un cercle de cuivre, ou plûtôt d'un limbe circulaire gradué, & de plus divisé en quatre parties égales par deux lignes droites qui se coupent au centre à angles droits ; à chacune des quatre extrémités de ces lignes & au centre sont attachées deux pinnules ou des visieres, & le tout est monté sur un bâton. Voyez BATON. (E)


ARPENTERv. act. & neut. (Géom.) c'est l'action de mesurer un terrein, c'est-à-dire de l'évaluer en arpens. Voyez ARPENT & ARPENTAGE.


ARPENTEURS. m. (Géom.) On appelle ainsi celui qui mesure, ou dont l'office est de mesurer les terreins, c'est-à-dire de les évaluer en arpens ou en toute autre mesure convenue dans le pays où se fait l'arpentage. Voyez ARPENTAGE. Il faut qu'un arpenteur sache bien l'Arithmétique & la Géométrie pratiques ; on ne devroit même jamais en recevoir à moins qu'ils ne fussent instruits de la théorie de leur art. Celui qui ne sait que la pratique, est l'esclave de ses regles ; si la mémoire lui manque, ou s'il se présente quelque circonstance imprévûe, son art l'abandonne, ou il s'expose à commettre de très-grandes erreurs : mais quand on est muni d'une bonne théorie, c'est-à-dire quand on est bien rempli des raisons & des principes de son art, on trouve alors des ressources ; on voit toûjours clairement si la nouvelle route que l'on va suivre conduit droit au but, ou jusqu'à quel point elle peut en écarter. (E)


ARPENTRAS(Géog. anc. & mod.) anciennement ville sur le lac Leman, maintenant village appellé Vidi, au-dessous de Lausanne.


ARPHASACÉENSS. m. pl. (Hist. anc.) peuples de Samarie qui s'opposerent au rétablissement du temple. Voyez Esd. xljx. 23.


ARPHYEpoisson de mer, mieux connu sous le nom d'aiguille. Voyez AIGUILLE.


ARPINO(Géog. anc. & mod.) ville d'Italie au royaume de Naples, dans la terre de Labour ; c'est l'Arpinum des Romains & la patrie de Cicéron. Long. 31. 20. lat. 41. 45.


ARQUAou ARQVA, ville d'Italie dans le Padoüan & l'état de Venise. Long. 29. 17. lat. 45. 43.


ARQUEadj. (Marine.) quille arquée, c'est celle dont les deux bouts tombent plus que le milieu ; navire arqué, c'est celui dont la quille est courbée en arc, soit que ce vaisseau ait touché sur un terrein inégal, ou qu'il soit vieux. (Z)

ARQUE, adj. (Man.) se dit des jambes du cheval. Arqué est celui dont les tendons des jambes de devant se sont retirés par fatigue, de façon que les genoux avancent trop, parce que la jambe est à moitié pliée en-dessous. Les chevaux brassicourts ont aussi les genoux courbés en arc, mais cette difformité leur est naturelle. (V)


ARQUEBUSES. f. (Art milit.) arme à feu de la longueur d'un fusil ou d'un mousquet : c'est la plus ancienne des armes à feu, montée sur un fût ou long bâton. Ce mot vient de l'italien acrobusio ou arco abuso ; arco signifie arc, & busio, trou. L'ouverture par où le feu se communique à la poudre dans les arquebuses, qui ont succédé aux arcs des anciens, a donné lieu à cette dénomination.

L'arquebuse, selon Hanzelet, doit avoir quarante calibres de long, & porter une balle d'une once & sept huitiemes, avec autant de poudre. Le P. Daniel prétend que cette arme commença au plûtôt à être en usage sur la fin du regne de Louis XII. parce que Fabrice Colonne, dans les dialogues de Machiavel sur l'art de la guerre, ouvrage écrit à-peu-près dans le même tems, en parle comme d'une invention toute nouvelle. L'arquebuse, dit-il, qui est un bâton inventé de nouveau, comme vous savez, est bien nécessaire pour le tems qui court. L'auteur de la discipline militaire, attribuée au seigneur de Langis, en parle de même : la harquebuse, dit-il, trouvée de peu d'ans en çà, est très-bonne. Il écrivoit sous le regne de François I. Cette arme avoit beaucoup de rapport à nos mousquetons d'aujourd'hui pour le fût & le canon, mais elle étoit à roüet.

Des arquebuses vinrent les pistolets ou pistolets à roüet, dont le canon n'avoit qu'un pié de long : c'étoient les arquebuses en petit.

Les arquebuses & les pistolets à roüet sont aujourd'hui des armes fort inconnues ; l'on n'en trouve guere que dans les arsenaux & dans les cabinets d'armes, où l'on en a conservé par curiosité.

Le roüet qui donnoit le mouvement à tous les ressorts de ces armes, étoit une petite roue solide d'acier qu'on appliquoit contre la platine de l'arquebuse ou du pistolet : elle avoit un essieu qui la perçoit dans son centre. Au bout intérieur de l'essieu qui entroit dans la platine, étoit attachée une chaînette qui s'entortilloit autour de cet essieu quand on la faisoit tourner, & bandoit le ressort auquel elle tenoit. Pour bander le ressort on se servoit d'une clé, où l'on inséroit le bout extérieur de l'essieu. En tournant cette clé de gauche à droite on faisoit tourner le roüet, & par ce mouvement une petite coulisse de cuivre qui couvroit le bassinet de l'amorce, se retiroit de dessus le bassinet : par le même mouvement, le chien armé d'une pierre de mine, comme le chien du fusil l'est d'une pierre à fusil, étoit en état d'être lâché dès que l'on tireroit avec le doigt la détente comme dans les pistolets ordinaires ; alors le chien tombant sur le roüet d'acier, faisoit feu & le donnoit à l'amorce. On voit par cet exposé, que nos pistolets d'aujourd'hui sont beaucoup plus simples, & d'un usage plus aisé que les pistolets à roüet. Hist. de la Milice Franç. par le P. Daniel.

Lorsque l'arquebuse étoit en usage, on appelloit arquebusiers les soldats qui en étoient armés. Il y avoit des arquebusiers à pié & à cheval. On tire encore en plusieurs villes de France le prix de l'arquebuse pour le plaisir & l'amusement des bourgeois. On l'appelle ainsi, parce que l'établissement de ces prix avoit eu pour objet d'exercer les bourgeois des villes à se servir de cette arme avec adresse dans des tems où la garde de la plûpart des villes leur étoit confiée. Ces prix subsistent encore dans plusieurs villes ; & quoique l'on s'y serve de fusils, ils retiennent leur ancien nom de prix de l'arquebuse. (Q)

ARQUEBUSE à croc, est une arme que l'on trouve encore dans la plûpart des vieux châteaux : elle ressemble assez à un canon de fusil, & elle est soûtenue par un croc de fer qui tient à son canon, lequel est soûtenu par une espece de pié qu'on nomme chevalet. On s'en servoit beaucoup autrefois pour garnir les creneaux & les meurtrieres. On dit que la premiere fois qu'on ait vû de ces arquebuses, ce fut dans l'armée impériale de Bourbon, qui chassa Bonnivet de l'état de Milan. Elles étoient si massives & si pesantes, qu'il falloit deux hommes pour les porter. On ne s'en sert guere aujourd'hui, si ce n'est dans quelques vieilles forteresses, & en France dans quelques garnisons. Le calibre de l'arquebuse à croc est plus gros que celui du fusil, & bien moindre que celui du canon. On charge cette arme de la même maniere que le canon, & l'on y met le feu avec une meche. Sa portée est plus grande que celle du fusil. (Q)

ARQUEBUSE ou FUSIL à vent, (Physiq.) machine servant à pousser des balles avec une grande violence en n'employant que la force de l'air. Cette espece d'arme chargée d'air, a un effet qui ne le cede guere à celui des fusils ordinaires : mais en la déchargeant elle rend beaucoup moins de bruit. C'est apparemment ce qui a donné occasion aux histoires ou à la fable de la poudre blanche. Voyez POUDRE A CANON.

En effet, si ces histoires ont quelque réalité, on doit sans doute les entendre dans le sens figuré du fusil à vent, qui est capable de porter un coup assez meurtrier sans faire un bruit considérable : car comme le bruit d'un fusil ne vient point de la couleur de la poudre, mais qu'il est une suite nécessaire de l'explosion subite dont elle est capable, on doit croire que toute matiere qui se dilatera avec la même vîtesse, qu'elle soit noire ou blanche, éclatera de même.

Voici la description de l'arquebuse ou fusil à vent, donnée par M. Musschenbroeck. On a conçu ce fusil comme partagé par le milieu, tant pour être plus clair, que pour mieux indiquer les parties qui le composent. A K, (figure 14. Pneum.) représente le canon, dans lequel il y a une balle proche de K ; ce canon est entouré d'un autre canon ou conduit C D R E, de plus gros calibre que le précédent, & dans lequel l'air est pressé & gardé. M N est une pompe, dans laquelle coule le piston S ; la pompe est située dans la couche ou crosse du fusil : c'est avec cette pompe qu'on presse l'air dans le canon extérieur E C D R ; l'air y est introduit par la soûpape P près de la base de la pompe ; mais l'air, quand il est condensé, la tient fermée. Proche de L se trouve une autre soûpape, laquelle ouvre & ferme le trou ou la lumiere qui est au fond du canon S, & qui est de même diametre que le calibre du canon. Cette soûpape est toûjours poussée en-bas par un ressort spiral. La queue de cette soûpape traverse une petite boîte garnie de cuir gras, qui ne donne aucun passage à l'air ; & après s'être recourbée, elle se jette en-dehors du fusil proche de O dans une cannelure ; de sorte qu'on peut la mouvoir en-dedans & en-arriere par le moyen de la clé du fusil, à laquelle elle est attachée. Lorsqu'on tire la queue en-arriere, la soûpape s'ouvre & laisse échapper l'air, qui sort alors par la lumiere située au fond du gros canon, & va frapper la balle, qui n'en reçoit guere moins de vîtesse que si elle étoit poussée par la poudre dont on charge un fusil ordinaire. Comme la clé ouvre & ferme la soûpape L fort brusquement, il ne s'échappe du canon que peu d'air à la fois ; de sorte que lorsque le fusil se trouve bien chargé d'air, on peut tirer plusieurs fois à l'aide de ce même air, avant qu'on soit obligé de recharger le fusil.

Lorsque l'extrémité de l'arquebuse n'a point la forme d'une crosse de fusil, alors la machine a plûtôt la forme d'une canne que d'un fusil, & on l'appelle en ce cas canne à vent.

La soûpape ne demeurant ouverte qu'un instant, il ne s'échappe à chaque fois, comme on vient de le dire, qu'autant d'air qu'il en faut pour faire partir une balle. On place les autres dans un petit canal ou réservoir que l'on tourne par le moyen d'un robinet, pour les placer successivement dans la direction du petit canon, ou pour les déplacer si on ne veut pas tirer. Au reste il faut remarquer que les dernieres balles sont poussées plus foiblement, parce que le ressort de l'air diminue à mesure que ce qu'il en sort lui laisse plus de place pour s'étendre : néanmoins communément le huitieme coup perce encore une planche de chêne épaisse de 6 lignes, & placée à la distance de 20 à 25 pas. De plus, l'air & la balle en sortant font peu de bruit, sur-tout si le lieu où l'on est n'est point fermé : ce n'est qu'un souffle violent qu'on entend à peine à 30 ou 40 pas. La raison de cela est, que ni la balle, ni l'air qui la pousse, ne frappent jamais l'air extérieur avec autant de violence & de promptitude qu'une charge de poudre enflammée, dont l'explosion se fait toûjours avec une vîtesse extrème. Le fusil à vent se fait pourtant plus entendre dans un lieu fermé que dans un endroit decouvert, parce qu'alors la masse d'air qui est frappée, étant appuyée & contenue par des murailles ou autrement, fait une plus grande résistance. Au reste ces instrumens sont plus curieux qu'utiles. La difficulté de les construire, celle de les entretenir long-tems en bon état, les rend nécessairement plus chers, & d'un service moins commode & moins sûr que les fusils ordinaires. Le seul avantage qu'on y pourroit trouver, c'est-à-dire celui de frapper sans être entendu, pourroit devenir dangereux dans la société ; & c'est une précaution fort sage de restraindre le plus qu'il est possible l'usage de ces sortes d'instrumens. De plus, ils n'ont point la même force que les armes à feu, & c'est une chose fort rare que les soûpapes retiennent l'air assez constamment pour garder long-tems l'arquebuse chargée. Voyez leç. de physiq. exp. de M. l'abbé Nollet. (O)

On trouve la construction de cette espece d'arme, dans les élémens d'Artillerie de David Rivaut précepteur du roi Louis XIII : elle a éte inventée par un nommé Marin bourgeois de Lisieux, & présentée au roi Henri IV. ce qu'il est à propos de remarquer, dit M. Blondel dans son livre de l'art de jetter les bombes, afin de desabuser ceux qui ont crû qu'on en devoit le secret à des ouvriers d'Hollande, qui en ont débité depuis. On peut encore observer qu'on en trouve la description dans la plûpart des traités de Physique, entr'autres dans les leçons de Physique de M. l'abbé Nollet, p. 233. tom. III. (Q)


ARQUEBUSERIEsub. f. art de fabriquer toutes sortes d'armes à feu, qui se montent sur des fûts, comme sont les arquebuses, les fusils, les mousquets, les carabines, les mousquetons, les pistolets. Il se dit aussi du commerce qui se fait de ces armes. L'arquebuserie, que quelques-uns mettent au rang de la quincaille, fait partie du négoce des marchands Merciers.


ARQUEBUSIERS. m. qu'on nommoit autrefois artillier, artisan qui fabrique les petites armes à feu, telles que sont les arquebuses, dont ils ont pris leur nouveau nom, les fusils, les mousquets, les pistolets, & qui en forgent les canons ; qui en font les platines, & qui les montent sur des fûts de bois. Toutes les armes que fabriquent les arquebusiers consistent en quatre principales pieces, qui sont le canon, la platine, le fût, & la baguette.

Les meilleurs canons se forgent à Paris, par des maîtres de la communauté, qui ne s'appliquent qu'à cette partie du métier, & qui en fournissent les autres. Il en vient néanmoins quantité de Sedan, de Charleville, d'Abbeville, de Forès, de Franche-Comté, &c. Les canons des belles armes s'ornent vers la culasse d'ouvrages de ciselure & de damasquinure d'or ou d'argent, suivant le génie de l'ouvrier, & le goût de celui qui les commande. Voyez DAMASQUINURE. C'est aussi à Paris qu'on travaille les plus excellentes platines ; chaque maître faisant ordinairement celles des ouvrages qu'il monte. Plusieurs se servent néanmoins de platines foraines pour les armes communes, & les tirent des mêmes lieux que les canons. Voyez CANON, PLATINE.

Les fûts qu'on employe pour l'arquebuserie sont de bois de noyer, de frêne, ou d'érable, suivant la qualité ou la beauté des armes qu'on veut monter dessus. Ce sont les marchands de bois qui vendent les pieces en gros ; les menuisiers qui les débitent suivant les calibres au modele qu'on leur fournit, & les arquebusiers qui les dégrossissent & les achevent. On embellit quelquefois ces fûts de divers ornemens d'or, d'argent, de cuivre ou d'acier, gravés & ciselés ; les statuts de la communauté permettent aux maîtres de travailler & d'appliquer ces ouvrages de gravure & de ciselure, de quelque métal qu'ils veuillent les faire. Voyez FUT.

Les baguettes sont de chêne, de noyer, ou de baleine ; il s'en fait aux environ de Paris : mais la plus grande quantité & les meilleures viennent de Normandie & de Ligourne : elles se vendent au paquet & au quart de paquet. Le paquet est ordinairement de cent baguettes, néanmoins le nombre n'en est pas reglé. Ce sont les arquebusiers qui les ferrent & qui les achevent : ils font aussi les baguettes ou verges de fer, qui servent à charger certaines armes, particulierement celles dont les canons sont rayés en dedans.

C'est aussi aux maîtres arquebusiers à faire tout ce qui sert à charger, décharger, monter, démonter, & nettoyer toutes les sortes d'armes qu'ils fabriquent.

Les outils & instrumens dont se servent les maîtres arquebusiers, sont la forge, comme celle des serruriers, l'enclume, la grande bigorne, divers marteaux, gros, moyens & petits ; plusieurs limes, les compas communs, les compas à pointes courbées, les compas à lunette, & les compas à tête ; les calibres d'acier doubles & simples pour roder la noix & les vis ; d'autres calibres de bois pour servir de modele à tailler les fûts ; diverses filieres, les unes communes, les autres simples, & les autres doubles ; des pinces ou pincettes, des étaux à main, des rifloirs, des ciselets, des matoirs, des gouges, & des ciseaux en bois & en fer ; des rabots ; la plane ou couteau à deux manches ; la broche à huit pans pour arrondir les trous ; celle à quatre pour les aggrandir & équarrir ; les tenailles ordinaires, les tenailles à chanfraindre ; la potence, l'équierre, les fraises, le tour avec ses poupées & son archet ; le poinçon à piquer, pour ouvrir les trous ; le bec d'âne pour travailler le fer ; des écoüennes & écoüenettes de diverses sortes ; des portes-tarieres ; des portes-broches ; un chevalet à fraiser avec son arçon : enfin plusieurs scies à main & à refendre, & quelques autres outils que chaque ouvrier invente, suivant son génie & son besoin, & qui ont rapport à plusieurs de ceux qu'on vient de nommer.

Les arquebusiers, nommés improprement armuriers, parce que ce nom ne convient qu'aux heaumiers qui font des armes défensives, composent une des plus nombreuses communautés de Paris, quoique leur érection en corps de jurande ne soit pas d'une grande antiquité. Les réglemens des arquebusiers sont composés de 28 articles : les jurés sont fixés au nombre de quatre, dont deux s'élisent chaque année. Les jurés sont chargés de la passation & enregistrement des brevets d'apprentissage, des réceptions à maîtrise pour lesquelles ils donnent le chef-d'oeuvre ; des visites, tant ordinaires qu'extraordinaires, soit des ouvrages des maîtres, soit des marchandises foraines ; enfin, de tout ce qui regarde l'exécution des statuts & la police de la communauté. Nul ne peut tenir boutique qu'il n'ait été reçu maître ; & aucun ne peur être reçû maître, & qu'il n'ait été apprenti & compagnon du métier d'arquebuserie. Il n'est permis aux maîtres d'ouvrir sur rue qu'une seule boutique. Tout maître doit avoir son poinçon pour marquer ses ouvrages, dont l'empreinte doit rester sur une table de cuivre, déposée au châtelet dans la chambre du procureur du roi. L'apprentissage doit être de quatre années consécutives, & le service chez les maitres en qualité de compagnon, avant d'aspirer à la maîtrise, de quatre autres années. Chaque maître ne peut avoir qu'un seul apprenti à la fois, sauf néanmoins à ceux qui le veulent, d'en prendre un second après la troisieme année du premier achevée. Il est défendu à tout apprenti d'être plus de trois mois hors de chez son maître, s'il n'a cause légitime, à peine d'être renvoyé & être déchû de tout droit à la maîtrise. Les maîtres ne peuvent débaucher ni les apprentis, ni les compagnons, non plus que ceux-ci quitter leurs maîtres pour aller chez d'autres, avant que leurs ouvrages ou leur tems soient achevés. Tout aspirant à la maîtrise doit chef-d'oeuvre, à l'exception des fils de maîtres, qui ne doivent qu'expérience.

Les fils de maîtres, soit qu'ils travaillent dans la maison de leur pere, soit qu'ils apprennent le métier dehors, sont obligés à l'apprentissage de quatre ans ; tenant lieu d'apprentis aux autres maîtres, mais non pas à leurs peres. Nul apprenti ne peut racheter son tems. Les compagnons qui ont fait apprentissage à Paris doivent être préférés pour l'ouvrage chez les maîtres, aux compagnons étrangers, à moins que les premiers ne voulussent pas travailler au même prix que les derniers. Les veuves restant en viduité joüissent des priviléges de leurs maris, sans néanmoins pouvoir faire d'apprentis ; & elles & les filles de maîtres affranchissent les compagnons qui les épousent. Toute marchandise foraine du métier d'arquebuserie, arrivant à Paris, pour y être vendue, soit par les marchands forains mêmes, soit par ceux de la ville, ne peut être exposée en vente, qu'elle n'ait été visitée & marquée du poinçon de la communauté, étant au surplus défendu aux maîtres d'aller au-devant desdits forains, ni d'acheter d'eux aucune marchandise avant ladite visite faite.

Enfin il est défendu aux maîtres de la communauté & aux forains, de brasser, ni d'exposer en vente aucuns canons brasés ; avec faculté aux jurés, qui en font la visite, de les mettre au feu, pour découvrir ladite brasure, & les autres défauts desdits canons ; à la charge néanmoins par lesdits jurés de les remettre, s'ils se trouvent de bonne qualité, au même état qu'ils étoient auparavant qu'ils les eussent mis au feu.

Il a été permis aux maîtres arquebusiers d'établir à Paris un jeu d'arquebuse, tel qu'on le voit dans les fossés de la porte S. Antoine, pour y exercer la jeune noblesse & ceux qui font profession des armes. Les maîtres arquebusiers peuvent faire toutes sortes d'arbaletes d'acier, garnies de leurs bandages, arquebuses, pistolets, piques, lances & fustels ; monter lesdites arquebuses, pistolets, halebardes & bâtons à deux bouts, & les ferrer & vendre.

Il leur est pareillement permis de fabriquer & vendre dans leurs boutiques tous autres bâtons ouvragés en rond & au rabot, privativement à tous autres métiers. Aucun maître ne peut tenir plus de deux compagnons, que les autres maîtres n'en ayent autant, si bon leur semble, à peine d'amende. Les fils de maîtres doivent être reçus maîtres audit métier, en faisant l'expérience accoûtumée. Les compagnons épousant les filles de maîtres, sont obligés à pareille expérience. Aucun maître ne peut être élû juré, qu'il n'ait été auparavant maître de confrairie, à peine de nullité de l'élection, & de demi-écu d'amende contre chacun des maîtres qui auront donné voix à celui qui n'aura point été maître de confrairie.

ARQUER, s'arquer, v. act. (Marine.) se dit de la quille, lorsque mettant le vaisseau à l'eau, ou que faisant voile, & venant à toucher par l'avant ou par l'arriere, pour être inégalement chargé, la quille se dément par cet effort, devient arquée, & perd de son trait & de sa figure ordinaire. Lorsqu'on lance un vaisseau de dessus le chantier pour le mettre à l'eau, la quille peut s'arquer ; on ne court point ce risque en bâtissant les vaisseaux dans une forme. (Z)


ARQUERAGEsubst. m. terme d'ancien droit coûtumier, signifiant une sorte de servitude, en vertu de laquelle un vassal étoit obligé de fournir un soldat à son seigneur. On a aussi dit archarage & archairage. Il semble que ce mot soit dérivé de celui d'archer. (H)


ARQUES(Géog.) petite ville de France, en Normandie, au pays de Caux, sur la petite riviere d'Arques. Long. 18. 50. lat. 49. 54.


ARQUETS. m. petit fil de fer attaché le long de la brochette ou du pointicelle qui retient les tuyaux dans les navettes ou espolins, où il forme une espece de ressort. Voyez BROCHETTE, POINTICELLE, NAVETTE & ESPOLINS.


ARQUIANpetite ville de France, dans le Gatinois, élection de Gien.


ARRou ARRAS, s. m. (Hist. nat. Ornit.) nom que l'on a donné en Amérique, à une des plus grandes & des plus belles especes de perroquets. Voyez PERROQUET. (I)


ARRACHÉadj. terme de Blason ; il se dit des arbres & autres plantes dont les racines paroissent aussi-bien que des têtes & membres d'animaux, qui n'étant pas coupés net, ont divers lambeaux encore sanglans ou non sanglans ; ce qui fait connoître qu'on à arraché ces membres par force.

De Launay en Bretagne, d'argent à un arbre de sinople arraché. (V)


ARRACHEMENTS. m. en Bâtiment, s'entend des pierres qu'on arrache & de celles qu'on laisse alternativement pour faire liaison avec un mur qu'on veut joindre à un autre : arrachemens sont aussi les premieres retombées d'une voûte enclavée dans le mur. (P)


ARRACHERv. act. (Jardinage.) ce terme s'employe à exprimer l'action de tirer de terre avec force quelque plante qui y est morte. (K)

ARRACHER le jarre, terme de Chapelier, qui signifie éplucher une peau de castor, ou en arracher avec des pinces les poils longs & luisans qui s'y rencontrent. Voyez JARRE.


ARRACHEUSESS. f. pl. nom que les Chapeliers donnent à des ouvrieres qu'ils employent à ôter avec des pinces le jarre de dessus les peaux de castor. Voy. JARRE.


ARRACHISS. m. terme de Droit, usité en matiere d'eaux & forêts, qui signifie l'enlevement frauduleux du plan des arbres. (H)


ARRACIFES(Géog.) une des îles des Larrons, dans la mer Pacifique, vers les terres Australes & les îles Philippines.

ARRACIFES (Cap des), il est sur la côte des Cafres, en Afrique, à 60 lieues de celui de Bonne-Espérance.


ARRADESville d'Afrique, au royaume de Tunis, sur le chemin de la Goulette à Tunis.


ARRAMERv. act. c'est étendre, ou plûtôt c'est distendre sur des rouleaux, la serge & le drap. Cette manoeuvre est défendue aux fabriquans & aux foulons.


ARRAou ARREN, (Géog.) île considérable d'Ecosse, & l'une des Hébrides ; sa plus haute montagne est Capra. Long. 12. lat. 56.


ARRASgrande & forte ville des Pays-bas, capitale du comté d'Artois. Elle est divisée en deux villes ; l'une qu'on nomme la cité, qui est l'ancienne ; & l'autre la ville, qui est la nouvelle. Elle est sur la Scarpe. Long. 20. 26. 12. lat. 50. 17. 30.


ARRASSADEVoyez SOURD, SALAMANDRE.


ARREGE(CONTRAT D '). Voyez GAZAILLE.


ARRENTEMENTS. m. terme de Droit coûtumier, bail d'héritages à rente. On appelle aussi arrentement, l'héritage même donné à rente. (G)


ARRÉPHORIES. f. (Mythologie.) c'étoit parmi les Athéniens une fête instituée en l'honneur de Minerve, & de Herse fille de Cécrops. Ce mot est grec & composé d', mystere, & , je porte ; parce que l'on portoit de certaines choses mystérieuses en procession dans cette solennité. Les garçons, ou, comme d'autres disent, les filles qui avoient l'âge de sept à huit ans, étoient les ministres de cette fête, & on les appelloit Cette fête fut aussi nommée Hersiphoria, , de Herse fille de Cécrops, au tems de laquelle elle fut instituée. (G)


ARRÉRAGESS. m. pl. terme de Pratique, se dit des payemens d'une rente ou redevance annuelle, pour raison desquels le débiteur est en retard. On ne peut pas demander au-delà de 29 années d'arrérages d'une rente fonciere, ni plus de cinq d'une rente constituée. Tous les arrérages échûs antérieurement aux 29 années ou aux cinq, sont prescrits par le laps de tems ; à moins que la prescription n'en ait été interrompue par des commandemens ou demandes judiciaires. Voyez RENTE, INTERET, &c. (H)

Toute rente peut être regardée comme le denier d'une certaine somme prêtée ; soit donc a la somme prêtée, & m le denier, c'est-à-dire la fraction qui désigne la partie de la somme qu'on doit payer pour la rente : si l'intérêt est simple, la somme dûe au bout d'un nombre d'années q pour les arrérages sera a m q ; c'est-à-dire l'intérêt dû à la fin de chaque année, multiplié par le nombre des années : & si l'intérêt est composé, la somme dûe au bout de ce tems sera a (1 + m)q - a , c'est-à-dire la somme totale dûe à la fin du nombre d'années exprimé par q ; de laquelle somme il faut retrancher le principal.

Pour avoir l'expression arithmétique de a (1 + m)q - a , supposons que la somme prêtée ou le principal soit 1000000 liv. que le nombre des années soit 10, & que le denier soit 20 ; il faudra chercher une fraction qui soit égale à 21/20 multiplié par lui-même 10 fois moins une, c'est-à-dire 9 fois ; ce qu'on peut trouver aisément par le secours des logarithmes (Voyez LOGARITHME) ; & cette fraction étant diminuée de l'unité & multipliée par 1000000, donnera la somme cherchée.

Ceux de nos lecteurs qui sont un peu algébristes, verront aisément sur quoi ces deux formules sont fondées. Les autres en trouveront la raison à l'article INTERET, avec beaucoup d'autres remarques importantes sur cette matiere.

On pourroit au reste se proposer ici une difficulté. Dans le cas où l'intérêt est simple, ce qui dépend de la convention entre le débiteur & le créancier, le débiteur ne doit en tout à la fin d'un nombre d'années q, que la somme totale a + a m q, composée du principal a, & du denier a m répété autant de fois qu'il y a d'années : ainsi retranchant de la somme totale qui est dûe, le principal a, il ne reste que a m q d'arrérages à payer en argent comptant. Mais dans le cas où l'intérêt est composé, l'intérêt joint au principal devient chaque année un nouveau principal ; ainsi à la fin de la q - 1e année, ou ce qui revient au même, au commencement de la qe année, le débiteur est dans le même cas que s'il recevoit du créancier la somme a (1 + m)(q - 1) de principal. Cette somme travaillant pendant l'année, le débiteur doit à la fin de cette année la somme totale a (1 + m)q, d'où retranchant le principal a (1 + m)(q - 1) qui est censé prêté à la fin de l'année précédente, il s'ensuit, ou il paroît s'ensuivre, que le débiteur à la fin de la qe année doit payer au créancier en argent comptant la somme a (1 + m)q - a (1 + m)(q - 1) & non pas a (1 + m)q - a. Pour rendre cette difficulté plus sensible, examinons en quoi consiste proprement le payement d'une rente. Un particulier prête une somme à un autre ; au bout de l'année le débiteur doit la somme totale a + a m, tant pour le principal que pour l'intérêt ; de cette somme totale il ne paye que la partie a m ; ainsi il reste débiteur de la partie a comme au commencement de la premiere année : donc le débiteur qui paye exactement sa rente est dans le même cas que si chaque année il rendoit au créancier la somme a + a m, & qu'en même tems le créancier lui reprêtât la somme a : donc tout ce que le débiteur ne rend point au créancier est censé au commencement de chaque année former un nouveau principal dont il doit à la fin de l'année les intérêts en argent comptant. Ainsi à la fin de la q - 1e année le débiteur est censé recevoir a (1 + m)(q - 1) de principal : donc à la fin de l'année suivante il doit payer a (1 + m)q - a (1 + m)(q - 1) d'argent comptant, par la même raison que s'il recevoit b en argent comptant, il devroit payer à la fin de l'année b (1 + m) - b.

La réponse à cette difficulté est que la quantité d'argent que le débiteur doit payer, dépend absolument de la convention qu'il fera avec le créancier, & que d'une maniere ou d'une autre le créancier n'est nullement lésé ; car si le débiteur paye à la fin de la qe année la somme a (1 + m)q - a, il ne devra donc plus au créancier au commencement de l'année suivante que la somme a ; il se retrouvera dans le même cas où il étoit avant le tems où il a cessé de payer, & à la fin de l'année q + 1e il ne devra au créancier que la somme a m. Mais si le débiteur ne paye que la somme a (1 + m)q - a (1 + m)(q - 1), laquelle est moindre que a (m + 1)q - a, toutes les fois que q est plus grand que 1, comme on le suppose ici ; alors le débiteur au commencement de la q + 1e année se trouvera redevable d'une somme plus grande que a ; & s'il veut en faire la rente annuelle, il devra payer a (1 + m)q x m d'intérêt chaque année en argent comptant. Ainsi le créancier recevra une somme moindre ou plus grande dans les années qui suivront celle du payement des arrérages, selon que le débiteur aura donné pour le payement de ces arrérages une somme plus ou moins grande. Il n'est donc lésé ni dans l'un ni dans l'autre cas, & tout dépend de la convention qu'il voudra faire avec le débiteur.

Autre question qu'on peut faire sur les arrérages dans le cas d'intérêt composé. Nous avons vû que le débiteur au commencement de la qe année doit la somme totale a (1 + m)(q - 1) ; supposons qu'il veuille s'acquiter au milieu de l'année suivante, & non pas à la fin, que doit-il payer pour les arrérages ? Il est visible que pour résoudre cette question il faut d'abord savoir ce que le débiteur doit au milieu de la qe année. En premier lieu, le principal ou somme totale a (1 + m)(q - 1) étant multiplié par 1 + m, doit donner la somme qui sera dûe à la fin de la qe année, savoir a (1 + m)q, ou, ce qui revient au même, le débiteur devra à la fin de cette année a (1 + m)(q - 1) plus l'intérêt de cette somme, c'est-à-dire a (1 + m)(q - 1) x m. Dans le cours de l'année, il doit d'abord a (1 + m)(q - 1) qui est le principal ; il doit de plus une portion de ce principal pour l'intérêt qui court depuis le commencement de l'année : cette portion doit certainement être moindre que a (1 + m)(q - 1) x m, qui est l'intérêt dû à la fin de l'année : mais quelle doit-elle être ? Bien des gens s'imaginent que pour l'intérêt de la demi-année il faut prendre la moitié de l'intérêt de l'année, c'est-à-dire a (1 + m)(q - 1) x m/2, le tiers de l'intérêt pour le tiers de l'année, & ainsi du reste : mais ils sont dans l'erreur. En effet, qu'arrive-t-il dans le cas de l'intérêt composé ? c'est que les sommes dûes au bout de chaque année sont en progression géométrique, comme il est aisé de le voir. Or pourquoi cette loi n'auroit-elle pas lieu aussi pour les portions d'années, comme pour les années entieres ? J'avoue que je ne vois point quelle en pourroit être la raison. La somme dûe à la fin de la q - 1e année est a (1 + m)(q - 1), celle qui est dûe à la fin de la qe année est a (1 + m)q, celle qui seroit dûe à la fin de la q + 1e seroit a (1 + m)(q + 1) ; & ces trois sommes sont dans une proportion géométrique continue. Donc la somme dûe au milieu de la qe année doit être moyenne proportionnelle géométrique entre les deux sommes dûes au commencement & à la fin de cette année, c'est-à-dire entre a (1 + m)(q - 1) & a (1 + m)q ; donc cette somme sera a (1 + m)(q - 1/2) = a (1 + m)(q - 1) x (1 + m) 1/2. Or cette somme est moindre que a (1 + m)(q - 1) + a (1 + m)(q - 1) x m /2 qui seroit dûe suivant l'hypothese que nous combattons.

De même s'il est question de ce qui est dû au bout du tiers de la qe année, on trouvera que la somme cherchée est la premiere de deux moyennes proportionnelles géométriques entre a (1 + m)(q - 1) & a (1 + m)q, c'est-à-dire a (1 + m)(q - 2/3) ; & en général k étant un nombre quelconque d'années entier, rompu, ou en partie entier, & en partie fractionnaire, on aura a (1 + m)k pour la somme dûe à la fin de ce nombre d'années.

Dans l'hypothese que nous combattons, on suppose que l'intérêt est regardé comme composé d'une année à l'autre, mais que dans le cours d'une seule & unique année il est traité comme intérêt simple ; supposition bizarre, qui ne peut être admise que dans le cas d'une convention formelle entre le créancier & le débiteur. En effet, dans cette supposition le débiteur payeroit plus qu'il ne doit réellement payer, comme nous l'avons vû tout-à-l'heure. Nous traiterons cette matiere plus à fond à l'article INTERET, & nous espérons la mettre dans tout son jour, & y joindre plusieurs autres remarques curieuses. Mais comme l'observation précédente peut être utile, & est assez peu connue, nous avons cru devoir la placer d'avance dans cet article.

Soit donc 1/ r la portion d'année écoulée ; il est visible, par ce que nous venons de dire, que le créancier doit au bout de cette portion la somme totale a (1 + m)(q - 1) + 1/ r ; & pour avoir les arrérages, il faudra retrancher de cette somme ou le principal a, ou le principal a (1 + m)(q - 1) ; ce qui dépend, comme nous l'avons observé, de la convention mutuelle du débiteur & du créancier.

On peut proposer une autre question dans le cas de l'intérêt simple. Dans ce cas il y a cette convention, du moins tacite, entre le créancier & le débiteur, que le principal seul, touché par le débiteur, & prêté par le créancier, produit chaque année a m d'intérêt, & que l'intérêt (non payé chaque année) est un argent mort, ou un principal qui ne produit point d'intérêt ; ainsi dans le cas où cette convention tacite seroit sans restriction, la somme totale dûe à la fin de la qe année seroit a + a m q, & les arrérages seroient a m q. Mais si la convention entre le débiteur & le créancier étoit, par exemple, que le débiteur payât tous les cinq ans l'intérêt simple 5 a m, & que le débiteur fût quinze ans sans payer, alors la somme a + 5 a m dûe à la fin de la cinquieme année, est regardée comme un nouveau principal sur le payement & les intérêts duquel le créancier peut faire au débiteur telles conditions qu'il lui plaît. Supposons, par exemple, que par leur convention il doive porter intérêt simple durant cinq ans, en ce cas, au bout des cinq années qui suivent les cinq premieres, la somme totale dûe par le débiteur sera a + 5 a m + a m + 25 a m m ; & à la fin des cinq années suivantes, c'est-à-dire au bout des quinze années révolues, la somme dûe sera a + 5 a m + 5 a m + 25 a m m + 5 a m + 25 a m m + 25 a m m + 125 a m3 = a + 15 a m + 75 a m m + 125 a m3. Voyez INTERET, ANNUITE, RENTE, TONTINE, &c. (O)


ARRÊTsub. m. terme de Palais, est le jugement d'une cour souveraine. On n'appelloit autrefois arrêts que les jugemens rendus à l'audience sur les plaidoyers respectifs des parties ; & simplement jugemens ceux qui étoient expédiés dans des procès par écrit. Ils se rendoient ainsi que la plûpart des jugemens, ou du moins s'expédioient en latin, jusqu'à ce que François I. par son ordonnance de 1539, ordonna qu'à l'avenir ils seroient tous prononcés & rédigés en françois.

Arrêts en robes rouges, étoient des arrêts que les chambres assemblées avec solennité & dans leurs habits de cérémonie, prononçoient sur des questions de droit dépouillées de circonstances, pour fixer la jurisprudence sur ces questions.

Les arrêts de réglemens sont ceux qui établissent des regles & des maximes en matiere de procédure : il est d'usage de les signifier à la communauté des avocats & procureurs.

Arrêt de défense, est un arrêt qui reçoit appellant d'une sentence celui qui l'obtient, & fait défense de mettre la sentence à exécution ; ce qu'un simple appel ou relief d'appel obtenu en chancellerie n'opere pas, quand la sentence est exécutoire nonobstant l'appel.

Arrêt du conseil du Roi, est un arrêt que le Roi, séant en son conseil, prononce sur les requêtes qui lui sont présentées, ou sur les remontrances qui lui sont faites par ses sujets, pour faire quelqu'établissement, ou pour réformer quelqu'abus.

Arrêt & brandon, terme de Pratique, est une saisie des fruits pendans par les racines. (H)

ARRET de vaisseaux & fermetures des ports : c'est l'action de retenir dans les ports, par l'ordre des souverains, tous les vaisseaux qui y sont, & qu'on empêche d'en sortir, pour que l'on puisse s'en servir pour le service & les besoins de l'état. On dit arrêter les vaisseaux & fermer les ports. (Z)

ARRET, en terme de Manége, est la pause que le cheval fait en cheminant Former l'arrêt du cheval, c'est l'arrêter sur ses hanches. Pour former l'arrêt du cheval, il faut en le commençant approcher d'abord le gras des jambes pour l'animer, mettre le corps en-arriere, lever la main de la bride sans lever le coude, étendre ensuite vigoureusement les jarrets, & appuyer sur les étriers pour lui faire former les tems de son arrêt, en falquant avec les hanches trois ou quatre fois. Voyez FALCADE.

Un cheval qui ne plie point sur les hanches, qui se traverse, & qui bat à la main, forme un arrêt de mauvaise grace. Après avoit marqué l'arrêt, ce cheval a fait au bout une ou deux pesades. Voyez PESADE.

Former des arrêts d'un cheval courts & précipités, c'est se mettre en danger de ruiner les jarrets & la bouche.

Après l'arrêt d'un cheval, il faut faire ensorte qu'il fournisse deux ou trois courbettes. Le contraire de l'arrêt est le partir. On disoit autrefois le parer & la parade d'un cheval, pour dire son arrêt. Voyez PARADE & PARER.

Demi-arrêt, c'est un arrêt qui n'est pas achevé, quand le cheval reprend & continue son galop sans faire ni pesades ni courbettes. Les chevaux qui n'ont qu'autant de force qu'il leur en faut pour endurer l'arrêt, sont les plus propres pour le manége & pour la guerre. (V)

ARRET, terme de Chasse, désigne l'action du chien couchant qui s'arrête quand il voit ou sent le gibier, & qu'il en est proche : on dit, le chien est à l'arrêt ; & d'un excellent chien, on dit qu'il arrête ferme poil & plume.

ARRET, se dit, sur les rivieres, d'une file de pieux traversée de pieces de bois nommées chanlattes, pour arrêter le bois qu'on met à flot, ensuite le tirer, le triquer, & en faire des piles.

ARRET. On donne ce nom, en Serrurerie, à un étochio qui sert à arrêter un pêne, un ressort, &c. ou autre piece d'ouvrage. L'arrêt se rive sur le palatre ou la platine sur laquelle font montées les pieces qu'il arrête.

ARRETE-BOEUF, anonis, (Hist. nat. bot.) genre de plante à fleur papilionacée : il s'éleve du calice un pistil qui devient dans la suite une gousse renflée, plus longue dans quelques especes, plus courte dans d'autres. Elle est composée de deux cosses qui renferment quelques semences ordinairement de la figure d'un petit rein. Ajoûtez aux caracteres de ce genre que chaque pédicule porte trois feuilles ; cependant on en trouve quelques-uns qui n'en portent qu'une. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

* Cette plante donne dans l'analyse chimique beaucoup d'huile, de sel acide, & de terre ; une quantité médiocre de sel fixe, & très-peu d'esprit urineux. Ces principes sont enveloppés par un suc visqueux, qui se détruit par le feu. Le suc de la bugrande ou arrête-boeuf, rougit un peu le papier bleu. Ses feuilles ont une saveur de légume, sont fétides & gluantes : c'est ce qui a fait dire à M. Tournefort, que cette plante est composée d'un sel presque semblable au tartre vitriolé, enveloppé dans du phlegme, & dans beaucoup de terre & de soufre.

On compte communément sa racine parmi les cinq racines apéritives. En effet, elle résout puissamment les humeurs épaisses, elle est salutaire dans les obstructions rebelles du foie & de la jaunisse, elle soulage dans la néphrétique & les suppressions d'urine. S. Pauli la regarde comme un excellent remede au calcul des reins & de la vessie. Mathiole la recommande pour les excroissances charnues ; Ettmuller la croit utile pour le sarcocele. Voyez Mat. méd. de Geoffroy, le reste du détail de ses propriétés, & les compositions qu'on en tire.


ARRÊTÉS. m. terme de Palais, signifie une résolution ou détermination prise par une cour de judicature, en conséquence d'une délibération, & qu'elle n'a pas encore rendu notoire par un arrêt ou jugement. Voyez ci-dessus ARRET. (H)

ARRETE d'un compte, en Commerce, c'est l'acte ou écrit qu'on met au bas d'un compte, par lequel comparant ensemble le produit de la recette & de la dépense, on déclare laquelle des deux excede l'autre ; ce qui rend le comptable débiteur, si l'excédent est du côté de la recette ; au contraire l'oyant compte, si c'est du côté de la dépense que l'excédent se trouve. On l'appelle aussi finito de compte. Voyez FINITO.

ARRETE, se dit encore dans les sociétés de marchands & dans les compagnies de commerce, des résolutions prises par les associés ou directeurs à la pluralité des voix. (G)

ARRETE, adj. terme de Blason, se dit d'un animal qui est sur ses quatre piés, sans que l'un avance devant l'autre ; ce qui est la posture ordinaire des animaux qu'on appelle passans.

Baglione marquis de Morcone à Florence, & Baillon comte de la Sale à Lyon, dont il y a eu un évêque de Poitiers, d'azur au lion léopardé d'or arrêté & appuyé de la patte droite de devant sur un tronc de même, trois fleurs de lis d'or rangées en chef, surmontées d'un lambel de quatre pieces de même. (V)


ARRÊTERv. act. en Bâtiment, est assûrer une pierre à demeure, maçonner les solives, &c. C'est aussi sceller en plâtre, en ciment, en plomb, &c. (P)

ARRETER l'artillerie, terme de Marine, dont on se sert pour signifier attacher un coin avec des clous, sur le pont, immédiatement derriere l'affut de grands canons, pour les tenir fermement attachés aux côtés du vaisseau, afin qu'ils ne vacillent pas quand le vaisseau balance, & que par ce moyen ils ne courent pas risque d'endommager les bords du vaisseau. (Z)

ARRETER, en Jardinage, se dit de l'action d'empêcher un arbre ou une palissade de monter haut : on les coupe à une certaine hauteur, pour ne pas les laisser emporter ni s'échapper. On le dit aussi des melons & des concombres, dont on abat des bras ou des branches trop longues. (K)

ARRETER, se dit, en Peinture, d'une esquisse, d'un dessein fini, pour les distinguer des croquis ou esquisses légeres. Un dessein arrêté, une esquisse arrêtée.

On dit encore des parties bien arrêtées, lorsqu'elles sont bien terminées, bien recherchées. (R)

ARRETER, en terme de Metteur en oeuvre, n'est autre chose que fixer la pierre en rabattant les sertissures d'espace en espace, afin d'achever de la sortir plus commodément & avec moins de risque.

ARRETER un compte, (Comm.) c'est après l'avoir examiné & vérifié sur les pieces justificatives, & en avoir calculé les différens chapitres de recette & de dépense, en faire la balance, déclarer au pié par un écrit signé, lequel des uns ou des autres sont les plus forts. On dit aussi solder un compte. Voyez COMPTE & SOLDER.

Arrêter un mémoire, arrêter des parties, c'est régler le prix des marchandises qui y sont contenues, en apostiller les articles, & mettre au bas le total à quoi ils montent, avec promesse de les payer & acquiter dans les tems convenus.

Arrêter signifie aussi convenir d'une chose, la conclure, en tomber d'accord avec ses associés. Il a été arrêté de faire un emprunt de cent mille écus au nom de la société. Voyez SOCIETE.


ARRHABONAIRESS. m. pl. (Théol. Hist. eccl.) nom qu'on donna aux Sacramentaires dans le xvje siecle, parce qu'ils disoient que l'eucharistie leur étoit donné comme le gage du corps de Jesus-Christ, & comme l'investiture de l'hérédité promise. Stancarus enseigna cette doctrine en Transylvanie. Pratéole, au mot Arrahab.

Ce mot est dérivé du latin arrha ou arrhabo, arrhe, gage, nantissement. Les Catholiques conviennent que l'eucharistie est un gage de l'immortalité bienheureuse : mais que c'est-là un de ses effets, & non pas son essence, comme le soûtenoient les hérétiques dont il est ici question. (G)


ARRHEMENou ENHARREMENT, subst. m. en Commerce, c'est une convention que l'on fait pour l'achat de quelque marchandise, sur le prix de laquelle on paye quelque chose par avance. Voyez ARRHES. Savary, Dictionnaire du Comm. tome I. pag. 733.


ARRHEou ENARRHER, (Commerce.) c'est donner des arrhes. Voyez ARRHES.

Ce verbe est usité dans quelques ordonnances, pour aller au-devant des marchands, & acheter les denrées avant qu'elles soient arrivées aux ports ou marchés.

Les ordonnances de police défendent à tous marchands, regrattiers, &c. d'aller au-devant des laboureurs & marchands forains pour arrher les grains ou les marchandises, & les acheter avant que d'être arrivées sur les ports ou aux marchés ; comme aussi d'enarrher ou d'acheter tous les blés en verd. Il y a aussi différentes communautés ou corps de métiers de Paris, entr'autres celle des Bonnetiers, par les statuts desquelles il est défendu d'arrher par les chemins les marchandises destinées pour Paris, comme d'arrher dans Paris aucun ouvrage de Bonneterie qui n'ait été vû & visité par les maîtres & gardes de ce corps. (G)


ARRHESS. f. plur. en Droit, est un gage en argent que l'acheteur donne au vendeur, pour sûreté du marché qu'il fait avec lui. Si le marché est consommé par la suite, les arrhes sont autant d'acquité sur le payement ; & si l'acheteur rompt, les arrhes restent au vendeur par forme de dommages & intérêts ; c'est la condition sous laquelle les arrhes ont été données. Voyez DENIER-A-DIEU. (H)

* Les arrhes ont quelquefois un effet plus rigoureux ; celui qui les donne est obligé d'exécuter exactement le marché qu'il a fait ; & dans le cas où il refuse de l'exécuter, la perte des arrhes qu'il a données ne suffit pas toûjours pour sa décharge ; on peut le poursuivre pour le payement du prix entier du marché arrêté.


ARRIERES. m. ou poupe, (Marine.) c'est la partie du vaisseau qui en fait l'arriere, & qui est soûtenue par l'étambord, le trépot & la lisse de hourdi ou barre d'arcasse. On comprend ordinairement sous le nom d'arriere & de poupe, cette partie du vaisseau comprise entre l'artimon & le gouvernail, où l'on trouve la dunette, la galerie, la chambre du capitaine, &c. Voyez ARCASSE.

Faire vent arriere, c'est prendre le vent en poupe : on dit aussi, venir vent arriere, porter vent arriere, & aller vent arriere. Le vaisseau qui porte vent arriere, ne va pas si vîte que quand il fait vent largue, & qu'il porte de vent de quartier ; supposant que dans l'une & l'autre navigation, le vent soit d'une égale force : car ayant vent largue, toutes les voiles servent & prennent le vent de biais ; au lieu que lorsque le vent est en poupe, & qu'il porte également entre deux écoutes, la voile d'artimon dévole une partie du vent à la grande voile, & celle-ci à la misene, les dernieres faisant toûjours obstacle à celles qui les précedent. Voyez LARGUE.

Passer à l'arriere d'un vaisseau ; c'est aller se mettre à l'arriere d'un vaisseau, ou le laisser passer devant & se mettre à sa suite.

Demeurer de l'arriere ; se trouver de l'arriere à l'atterrage suivant l'estime de ses routes. Voyez NAVIGATION & NAVIGER SUR LA TERRE.

Mettre un vaisseau de l'arriere ; c'est le dépasser & le laisser derriere soi. (Z)

ARRIERE, terme que l'on joint avec un autre mot, pour faire signifier à ce mot quelque chose de postérieur, qui est derriere, opposé à avant ou devant. Voyez AVANT.

ARRIERE, en terme Militaire, signifie la partie postérieure d'une armée ; c'est l'opposé de front ou face. Voyez FRONT.

ARRIERE-GARDE ; c'est la partie d'une armée qui marche la derniere immédiatement après le corps de l'armée, pour empêcher les deserteurs. Voy. GARDE.

ARRIERE-DEMI-FILE ; ce sont les trois derniers rangs d'un bataillon qui est rangé sur six hommes de profondeur. Voyez FILE.

ARRIERE-LIGNE ; c'est la seconde ligne d'une armée campée, qui est éloignée de trois ou quatre cens pas de la premiere ligne ou du front. Voyez LIGNE.

ARRIERE-RANG ; c'est le dernier rang d'un bataillon ou escadron, quand il est campé. Voyez RANG.

Toutes ces applications du terme d'arriere ne s'employent guere à-présent, si ce n'est pour signifier la partie de l'armée qui marche la derniere, c'est-à-dire l'arriere-garde : car on dit, seconde ligne d'une armée, & non arriere-ligne, & dernier rang d'un bataillon, &c. (Q)

ARRIERE-GARDE, (Marine.) L'arriere-garde d'une armée navale, c'est la division qui fait la queue de l'armée, & c'est aussi celle qui est sous le vent. (Z)


ARRIERÉadject. dans le Commerce, se dit d'un marchand lorsqu'il ne paye pas régulierement ses lettres de change, billets, promesses, obligations, & autres dettes, & que pour ainsi dire, il les laisse en arriere. (G)


ARRIERE-BANS. m. (Hist. mod.) terme de Milice ; c'est la convocation que le prince ou le souverain fait de toute la noblesse de ses états pour marcher en guerre contre l'ennemi. Cette coûtume étoit autrefois fort commune en France, où tous ceux qui tenoient des fiefs & arriere-fiefs, étoient obligés sur la sommation du prince de se trouver à l'armée, & d'y mener selon leur qualité, un certain nombre d'hommes d'armes ou d'archers. Mais depuis qu'on a introduit l'usage des compagnies d'ordonnance & les troupes reglées, l'arriere-ban n'a été convoqué que dans les plus pressantes extrémités. On trouve pourtant que sous le feu Roi l'arriere-ban a été convoqué pendant la guerre qui commença en 1688, & fut terminée par la paix de Rysvik. Dans ces occasions la noblesse de chaque province forme un corps séparé, commandé par un des plus anciens nobles de cette province. Il y a des familles qui sont en possession de cet honneur. En Pologne, sur les universaux du roi ou de la diete, les gentilshommes sont obligés de monter à cheval pour la défense de l'état, & l'on nomme ce corps de cavalerie Pospolite. Voyez POSPOLITE.

Quelques-uns disent que le ban est la premiere convocation, & l'arriere-ban la seconde ; comme une convocation réitérée pour ceux qui sont demeurés arriere, ou qui ne se sont pas rendus à tems à l'armée. D'autres font venir ce nom d'heri bannum, proclamation du maître ou du souverain pour appeller ses sujets au service militaire, sous les peines portées par les lois. Voyez BAN. (G)


ARRIERE-BECARRIERE-BEC d’une pile, en terme de riviere ; c’est la partie de la pile qui est sous le pont du côté d’aval.


ARRIERE-BOUTIQUEen Architecture ; voyez MAGASIN DE MARCHAND. (P)


ARRIERE-CHANGEest la même chose que l'intérêt des intérêts. Voyez INTERET.


ARRIERE-CHOEURvoyez CHOEUR.


ARRIERE-CORPSen Serrurerie ; ce sont tous les morceaux ajoûtés au nud d'un ouvrage, de maniere qu'ils en soient excédés ; ensorte qu'on pourroit dire que si l'avant-corps fait relief sur le nud, le nud au contraire fait relief sur l'arriere-corps. Les rinceaux & autres ornemens de cette nature ne font jamais arriere-corps. Des moulures formées sur les arêtes de barres de fer ou d'ornement, formeroient sur le nud des barres dont elles porteroient le quarré, arriere-corps. Les avant & arriere-corps devroient être pris dans le corps de la piece ; & si on les rapporte, & s'ils sont des pieces détachées, c'est seulement pour la facilité du travail & éviter la dépense. Voy. AVANT-CORPS.


ARRIERE-COURen Architecture, est une petite cour qui dans un corps de bâtiment sert à éclairer les moindres appartemens, garde-robes, escaliers de dégagement, &c. Vitruve les appelle mesaulae. (P)


ARRIERE-FAIXest, en Anatom. la membrane ou tunique, dans laquelle étoit enveloppé l’enfant dans l’utérus. Voyez FŒTUS.

On l'appelle ainsi, parce qu'il ne sort qu'après l'enfant, comme par un second accouchement ; c'est aussi ce qui lui a fait donner le nom de délivre. Voyez DELIVRE.

Les Medecins l'appellent aussi secondine, encore par la même raison. Il contient le placenta & les vaisseaux ombilicaux. (L)

Il a quelques usages en Medecine : on doit le choisir nouvellement sorti d'une femme saine & vigoureuse, entier, beau ; il contient beaucoup de sel volatil & d'huile. On l'applique tout chaud, sortant de la matrice, sur le visage, pour en effacer les lentilles. On en fait distiller de l'eau au bain-marie pour les taches du visage ; on s'en sert aussi à l'intérieur, mis en poudre, pour l'épilepsie, pour hâter l'accouchement, pour appaiser les tranchées : la dose en est depuis un demi-scrupule jusqu'à deux scrupules. (N)


ARRIERE-FERMIERterme synonyme à sous-fermier. (H)


ARRIERE-FIEF(Jurisp.) c'est un fief qui dépend d'un autre fief. Voyez FIEF. Les arriere-fiefs commencerent au tems où les comtes & les ducs rendirent leurs gouvernemens héréditaires. Ils distribuerent alors à leurs officiers certaines parties du domaine royal, qui étoient dans leurs provinces, & ils leur permirent d'en gratifier de quelque portion les soldats qui avoient servi sous eux. Voyez COMTE, DUC. (H)


ARRIERE-FLEURterme de Chamoiseur ; c'est un reste de fleur que l'on a oublié d'enlever de dessus les peaux en les effleurant. Voyez EFFLEURER, FLEUR.


ARRIERE-FONCIERE(RENTE) terme de Coûtumes, synonyme à sur-fonciere. Voyez ce dernier. (H)


ARRIERE-GARDEterme de Droit coûtumier, est une sorte de garde qui a lieu quelquefois dans les coûtumes où la garde appartient au roi ou au seigneur, comme en Normandie ; dans le cas où il échet une garde seigneuriale à un mineur, qui lui-même, à cause de son bas âge, est en la garde de son seigneur : car alors la garde de l'arriere-vassal tourne au profit du seigneur suzerain, & c'est ce qu'on appelle arriere-garde ; & cela en conséquence d'une maxime de droit, que celui qui est sous la puissance d'autrui ne peut pas exercer la même puissance sur un autre. C'est par la même raison qu'un fils de famille en pays de droit écrit, n'a pas ses enfans sous sa puissance ; qu'un esclave ne peut pas posséder des esclaves, ni un mineur exercer une tutele. Voyez GARDE, FILS DE FAMILLE, TUTELE, &c. (H)


ARRIERE-MAIN(Maréchall. & Manége.) c'est tout le train de derriere du cheval. (V)

ARRIERE-MAIN, terme de Paumier ; prendre une balle d'arriere-main, c'est la prendre à sa gauche. Pour cela il faut avoir le bras plié, & l'étendre en la chassant.


ARRIERE-NEVEou ARRIERE-PETIT-NEVEU, terme de Généalogie & de Droit, est le petit-fils du neveu, ou fils du petit-neveu. Il est distant de la souche commune ou de son bisayeul au cinquieme degré. Voyez DEGRE. (H)


ARRIERE-PANAGEterme de Droit, usité en matiere d'eaux & forêts, qui signifie le tems auquel on laisse les bestiaux paître dans la forêt après que le panage est fini. Voyez PANAGE. (H)


ARRIERE-PETIT-FILou ARRIERE-PETITE-FILLE, c'est le fils ou la fille du petit-fils ou de la petite-fille, descendans en droite ligne du bisayeul ou de la bisayeule dont ils sont distans de trois degrés. Voyez DEGRE. (H)


ARRIERE-POINTS. m. maniere de coudre que les Couturieres employent aux poignets des chemises, aux surplis, & sur tous les ouvrages en linge où il s'agit de tracer des façons ou des desseins. Pour former l'arriere-point on commence par séparer avec la pointe de l'aiguille un des fils de la toile, qu'on arrache sur toute la longueur où l'on veut former des arriere-points. Quand ce fil est arraché, on apperçoit les fils de la chaîne seuls, si c'est un fil de trame qu'on a arraché ; & les fils de la trame seuls, si c'est un fil de chaîne : on passe l'aiguille en-dessus ; on embrasse en-dessous trois fils de chaîne ou de trame ; on revient repasser ensuite son aiguille en-dessus dans le même endroit, & l'on embrasse en-dessous les trois premiers fils & les trois suivans ; on repasse son aiguille en-dessus, entre le troisieme & le quatrieme de ces six fils ; l'on continue d'embrasser en-dessous les trois derniers fils avec les trois suivans, & de repasser son aiguille en-dessus, entre le troisieme & le quatrieme des six derniers fils embrassés ; & à chaque fois on forme ce qu'on appelle un arriere-point. Si l'on n'eût embrassé d'abord que deux fils, on eût fait des arriere-points de deux en deux fils, mais l'opération eût été la même. Si l'on veut que les arriere-points aillent en zig-zag, on n'arrache point de fil : mais on compte ceux de la trame ou de la chaîne, car cela dépend du sens dans lequel on travaille la toile ; & l'on opere comme dans le cas où le fil est arraché, laissant à droite ou à gauche autant de fils que le demande le dessein qu'on exécute, & embrassant avec son aiguille autant de fils perpendiculaires aux fils laissés, qu'on veut donner d'étendue à ses arriere-points. Mais il faut observer dans le cas où les arriere-points sont en ligne droite & où l'on arrache un fil, d'arracher un fil de chaîne ou un fil parallele à la lisiere, préférablement à un fil de trame, les points en seront plus étroits & plus serrés : ce qui n'est pas difficile à concevoir ; car la trame paroissant toûjours moins que la chaîne, la matiere qu'on y employe est moins belle & plus grosse ; d'où il arrive que l'espace que laisse un fil de cette matiere, arraché, est plus grand & plus large.


ARRIERE-VASSALterme de Jurisprudence féodale, est le vassal d'un autre vassal. Voyez VASSAL & ARRIERE-FIEF. (H)


ARRIERE-VOUSSURECoupe de pierres ; c'est une sorte de petite voûte dont le nom exprime la position, parce qu'elle ne se met que derriere l'ouverture d'une baie de porte ou de fenêtre, dans l'épaisseur du mur, au-dedans de la feuillure du tableau des pié-droits. Son usage est de former une fermeture en plate-bande, ou seulement bombée ou en plein cintre. Celles qui sont en plate-bande à la feuillure du linteau, & en demi-cercle par derriere, s'appellent arriere-voussure-saint-Antoine, parce qu'elle est exécutée à la porte Saint-Antoine à Paris. La fig. 5. Pl. de la Coupe des pierres, la représente en perspective. Celles au contraire qui sont en plein cintre à la feuillure & en plate-bande par derriere, s'appellent arriere-voussure de Montpellier. La fig. 6. la représente en perspective. (D)


ARRIMAGES. m. (Marine.) c'est la disposition, l'ordre, & l'arrangement de la cargaison du vaisseau : c'est aussi l'action de ranger les marchandises dans le fond de cale, dont les plus pesantes se mettent auprès du lest. (Z)


ARRIMERv. act. (Marine.) c'est placer & arranger d'une maniere convenable la cargaison d'un vaisseau. Un vaisseau mal arrimé, est celui dont la charge est mal arrangée, de façon qu'il est trop sur l'avant ou sur le cul, ce qui l'empêche de gouverner : cela s'appelle sur les mers du Levant, être mal mis en estive. C'est aussi un mauvais arrimage, lorsque les futailles se déplacent & roulent hors de leur place ; de sorte qu'elles se heurtent, se défoncent, & causent de grands coulages. Par l'ordonnance de 1672, il est défendu de défoncer les futailles vuides, & de les mettre en fagot, & ordonné qu'elles seront remplies d'eau salée pour servir à l'arrimage des vaisseaux.


ARRIMEURS. m. Voyez ARRUMEUR.


ARRISERamener, abaisser, mettre bas, v. act. (Marine.) on dit qu'un vaisseau a arrisé ses huniers, ses perroquets, pour dire qu'il a baissé ces sortes de voiles.

ARRISER les vergues, (Marine.) c'est les baisser pour les attacher sur les deux bords du vibord. (Z)


ARRIVAGES. m. terme de Police, qui signifie l'abord des marchandises au port. (H)


ARRIVEou obéir au vent, terme de Marine. Pour arriver, on pousse la barre du gouvernail sous le vent, & on manoeuvre comme si on vouloit prendre le vent en poupe, lorsqu'on ne veut plus tenir le vent : ainsi on fait arriver le vaisseau pour aller à bord d'un autre qui est sous le vent, ou pour éviter quelque banc.

Arrive ; cela se dit par commandement au timonier, pour lui faire pousser le gouvernail, afin que le vaisseau obéisse au vent, & qu'il mette vent en poupe.

Arrive sous le vent à lui, n'arrive pas ; c'est un commandement au timonier, pour qu'il gouverne le vaisseau plus vers le vent, ou qu'il tienne plus le vent.

Arrive tout ; terme de commandement que l'officier prononce, pour obliger le timonier à pousser la barre sous le vent, comme s'il vouloit faire vent arriere.

ARRIVER sur un vaisseau, c'est aller à lui en obéissant au vent, ou en mettant vent en poupe.

ARRIVER à bon port, c'est-à-dire heureusement. (Z)


ARROCHEatriplex, genre de plante à fleur composée de plusieurs étamines sans pétales. Les étamines sortent d'un calice à cinq feuilles. Le pistil devient dans la suite une semence plate & ronde, enveloppée par le calice ou par une capsule. On trouve sur le même pié d'arroche une autre sorte de fruit qui n'est précédé par aucunes fleurs ; il commence par un embryon, qui devient ensuite un fruit beaucoup plus étendu, composé de deux feuilles échancrées en forme de coeur, & plates ; elles renferment une semence arrondie & applatie. Tournef. Inst. rei herb. Voyez PLANTE.

* On en distingue trois especes, la blanche, la rouge, & la puante. La blanche & la rouge ne different que par la couleur : on les cultive dans les potagers, elles sont annuelles ; mais quand une fois on les a semées, elles se renouvellent d'elles-mêmes par la chûte de leurs graines. On les fait cuire, & on les mange comme les autres herbes potageres ; mais elles sont plus d'usage dans la Medecine que dans les cuisines : on en employe les feuilles & les graines. La blanche donne dans l'analyse une liqueur d'abord limpide, puis trouble, enfin jaunâtre, d'une odeur & d'une saveur un peu salée, lixivieuse, qui indique un sel salé & alkali ; une liqueur jaunâtre, soit salée, soit alkaline urineuse ; une liqueur brune imprégnée de sel volatil urineux, & de l'huile. La masse noire restée dans la cornue, calcinée au feu de reverbere, a laisse des cendres dont la lessive a donné du sel fixe purement alkali. Ainsi l'arroche blanche contient un sel essentiel, salé, ammoniacal & nitreux, tel que celui qui résulteroit du mêlange de l'esprit-de-nitre & du sel volatil urineux, mêlés avec une grande portion d'huile, & délayés dans un peu de terre & dans beaucoup de flegme.

L'arroche, soit blanche, soit rouge, nourrit peu, nuit à l'estomac, à moins qu'on ne la corrige par des aromates, du sel & du vinaigre ; elles sont utiles dans les bouillons par lesquels on se propose de lâcher le ventre ; elles sont rafraîchissantes & humectantes : on les met au nombre des émollientes. Elles conviennent fort aux hypocondriaques ; elles temperent les humeurs acres & bilieuses qui bouillonnent dans les premieres voies : on les fait entrer dans les lavemens émolliens & anodyns, & dans les cataplasmes, pour arrêter les inflammations, appaiser les douleurs, amollir les tumeurs, relâcher les parties tendues, &c.

Les graines fraîches d'arroche blanche lâchent doucement le ventre & font vomir. Serapion raconte que Rhasès avoit vû un homme qui ayant pris de la graine d'arroche, fut violemment tourmenté de diarrhée & de vomissement. Quelques-uns les recommandent dans la jaunisse & le rachitis.

L'arroche puante analysée donne une liqueur limpide d'abord, puis jaunâtre, d'une odeur & d'une saveur salée lixivieuse, & qui marque la présence d'un sel alkali urineux ; une liqueur d'abord jaunâtre, ensuite roussâtre, salée, soit alkaline urineuse, soit un peu acide ; une liqueur brune empyreumatique, imprégnée de sel volatil urineux ; du sel volatil urineux concret, & de l'huile en consistance de graisse. La masse restée dans la cornue, calcinée au feu de reverbere, a laissé des cendres dont on a tiré par lixiviation du sel fixe purement alkali. Toute la plante a une odeur puante, ammoniacale & urineuse ; elle est composée d'un sel essentiel ammoniacal, presque développé, & mêlé de beaucoup d'huile grossiere. Elle passe pour anti-hystérique : elle chasse les accès hystériques par son odeur ; c'est-là sur-tout la propriété de l'infusion chaude de ses feuilles. On peut recommander ses feuilles fraîches, pilées & mises en confiture avec le sucre, aux femmes tourmentées de ces affections. On peut, selon M. Tournefort, employer au même usage la teinture des feuilles dans de l'esprit-de-vin, & les lavemens de leur décoction.


ARROÉ(Géog.) petite îles de Danemarck dans la mer Baltique, au nord de l'île de Dulfen, entre l'île de Fionie & le Sud-jutland. Long. 27. 20. lat. 55. 20.


ARROJO DE SAINT-SERRANpetite ville d’Espagne dans l’Estramadure. Longit. 12. 10. latit. 38. 40.


ARRONDIadj terme de Blason : il se dit des boules & autres choses qui sont rondes naturellement, & qui paroissent derechef par le moyen de certains traits en armoiries, qui en font voir l'arrondissement. (V)

* Medicis, grands ducs de Florence, d'or à cinq boules de gueules en orle, en chef un tourteau d'azur chargé de trois fleurs de lis d'or.

Je nomme boules les pieces de gueules de ces armoiries, parce que dans tous les anciens monumens de Florence & de Rome, on les voit arrondies en boules.


ARRONDIRARRONDIR

ARRONDIR, v. act. terme de Peinture. On arrondit les objets en fondant leurs extrémités avec le fond, ou en distribuant des lumieres & des ombres vives sur les parties saillantes qui leur donnent du relief & qui font fuir les autres. (R)

ARRONDIR, parmi les Horlogers, en général c'est mettre en rond les extrémités des dents d'une roue ou d'un pignon ; mais il signifie plus particulierement leur donner la courbure qu'elles doivent avoir. On dit qu'une roue est bien arrondie, lorsque les dents ayant la courbure convenable, elles se ressemblent toutes parfaitement, & que leurs pointes sont précisément dans leurs axes. Quelquefois cependant on est obligé de s'écarter de cette derniere condition qui n'est point essentielle, & qui n'est que d'agrément, parce qu'en général dans les horloges les roues tournant toûjours dans le même sens, les dents n'ont besoin d'être arrondies que du seul côté où elles menent le pignon. On les arrondit des deux côtés, pour pouvoir seulement dans différens cas faire tourner les roues dans un sens contraire à celui où elles vont lorsque l'horloge marche. Voy. DENT, AIRE, ROUE, PIGNON, ENGRENAGE, &c.

Il y a en Angleterre des machines qui servent à arrondir les roues, au moyen de quoi leurs dents sont plus régulieres, & cela diminue la peine de l'horloger. Il est étonnant qu'on n'ait pas encore tâché de les imiter dans ce pays-ci. Il est vrai que cette machine peut être difficile pour la construction & l'exécution ; mais le succès de celle des Anglois doit encourager. (T)

ARRONDIR, chez les Chapeliers, c'est couper avec des ciseaux l'arrête du bord d'un chapeau, après y avoir tracé avec de la craie un cercle, au moyen d'une ficelle qu'on tourne autour du noeud du chapeau. Voyez CHAPEAU.


ARRONDISSEURsub. m. en terme de Tabletier-Cornetier, est une espece de couteau dont la lame se termine quarrément, ayant un petit biseau au bout, & au tranchant qui est immédiatement au-dessous. Il sert à arrondir les dents. Voyez fig. 1. de la Pl. du Tabl.


ARROSAGES. m. fabrique de la poudre à canon : c'est ainsi qu'on nomme dans les moulins à poudre, l'action de verser de l'eau dans les mortiers, pour y faire le liage du salpetre, du soufre & du charbon sous les pilons. On fait un arrosage de cinq en cinq heures : pour cet effet on arrête les batteries ou le mouvement des pilons. Voyez POUDRE A CANON.


ARROSEMENTS. m. (Jardinage.) est l'action d'arroser. Voyez ARROSER.


ARROSERv. act. (Jardinage.) Rien n'est plus utile que d'arroser les végétaux, c'est le seul remede contre les grandes chaleurs de l'été & les grands hâles du printems. L'heure la plus convenable aux arrosemens, est le matin ou le soir, afin de conserver la fraîcheur pendant la nuit. Si le jardinier solitaire avance, contre le sentiment & l'usage de tout le monde, que le danger est très-grand d'arroser le soir, on soûtiendra au contraire qu'il ne faut point arroser durant le jour ; les plantes risqueroient d'en être endommagées, parce que l'eau trop échauffée par le soleil pourroit occasionner dans la terre un feu qui, pénétrant jusqu'aux racines, dessécheroit ensuite la plante. Il faut encore que l'arrosement ne soit pas trop abondant, parce qu'il desuniroit trop les principes actifs de la végétation, & causeroit de la pourriture : une eau modérée, telle que deux seaux à chaque arbre, & souvent réitérée, est plus utile.

Les arrosemens, quand ils sont équivalens aux pluies, servent à dissoudre les sels de la terre, qui sans cela resteroient en masse ; ils mêlent l'eau avec l'air, & procurent une nourriture convenable aux tendres parties des jeunes plantes. Si l'on a eu soin de mettre du fumier sur la superficie d'un arbre nouvellement planté, l'eau passant à-travers ce fumier, comme par un crible, ne fera point de mortier, & tombera goutte à goutte sur la racine de l'arbre. Les arrosemens que l'on donne à des plantes délicates, telles que les fleurs, ne doivent pas tomber en pluie & sur la cime des fleurs, ce qui les détruiroit ; il suffit de jetter l'eau au pié avec un arrosoir à goulot. Le buis nouvellement planté demande un peu d'eau la premiere & la seconde année. On arrose les orangers, grenadiers & autres arbres de fleurs avec beaucoup de ménagement, quand ils entrent dans la serre & qu'ils en sortent ; lorsqu'ils sont exposés à l'air, ils demandent plus d'eau, sur-tout dans la fleuraison : ordinairement il suffit de les mouiller une fois la semaine, lorsqu'on voit leurs feuilles mollasses & recoquillées, ou que les terres se fendent. Il y a des plantes qu'il faut arroser plus souvent que les autres, telles que les fleurs, les légumes ; d'autres qu'on n'arrose point du tout. Plusieurs prétendent qu'il vaut mieux n'y point jetter d'eau, que d'en jetter par intervalles. La charmille, par exemple, est un des plans qui aiment le plus l'eau ; ou il la faut arroser continuellement, c'est-à-dire de deux jours l'un, ou n'y pas jetter une goutte d'eau. Il y a encore des arrosemens en forme de pluie, pour mouiller les branches & les feuilles des arbres en buissons, tant orangers que fruitiers, quand on les voit se fanner : ceux qui seront trop hauts, seront arrosés avec des seringues ou des pompes à bras. (K)

ARROSER les capades, le feutre & le chapeau, termes de Chapellerie ; c'est jetter de l'eau avec un goupillon sur l'ouvrage à mesure qu'il avance, & qu'il acquiert ces différens noms. Les Chapeliers arrosent leurs bassins quand ils marchent l'etoffe à chaud ; & le lambeau ou la feutriere, quand ils la marchent à froid. Voyez CHAPEAU.


ARROSOIRS. m. c'est un vaisseau à l'usage du jardinier, ou de fer-blanc ou de cuivre rouge, en forme de cruche, tenant environ un seau d'eau, avec un manche, une anse & un goulot, ou une tête ou pomme de la même matiere ; ainsi on voit qu'il y a des arrosoirs de deux sortes : l'un appellé arrosoir à pomme ou tête, est percé de plusieurs trous ; l'eau en sort comme une gerbe, & se répand assez loin : l'autre appellé arrosoir à goulot, ne forme qu'un seul jet, & répand plus d'eau à-la-fois dans un même endroit. On s'en sert pour arroser les fleurs, parce qu'il ne mouille que le pié & épargne leurs feuilles, qui par leur délicatesse seroient exposées à se fanner dans les chaleurs, si elles étoient mouillées ; cependant l'arrosoir à pomme est le plus d'usage. Voyez Pl. II. du Jardinage, fig. 23. ces deux sortes d'arrosoirs. (K)


ARRUMEURS. m. (Comm.) nom d'une sorte de bas officiers établis sur quelques ports de mer, & singulierement dans ceux de la Guienne, dont la fonction est de ranger les marchandises dans le vaisseau, & auxquels les marchands à qui elles appartiennent, payent un droit pour cet effet. (H)


ARSS. m. (Maréchall. & Manége.) On appelle ainsi les veines situées au bas de chaque épaule du cheval, aux membres de derriere, au plat des cuisses. Saigner un cheval des quatre ars, c'est le saigner des quatre membres. Quelques-uns les appellent ers ou aire ; mais ars est le seul terme usité chez les bons auteurs. (V)


ARSA(Géog.) riviere d'Istrie qui sépare l'Italie de l'Illyrie ; elle se jette dans la mer Adriatique audessous de Pola.


ARSAMASville de Russie au pays des Morduates, sur la riviere de Mokscha-Reca.


ARSCHINS. m. (Comm.) mesure étendue dont on se sert à la Chine pour mesurer les étoffes : elle est de même longueur que l'aune de Hollande, qui contient 2 piés 11 lignes de roi, ce qui revient à 4/7 d'aune de France ; en sorte que sept arschins de la Chine font quatre aunes de France. Savary. Diction. du Comm. tom. I. pag. 756. (G)


ARSENS. m. (Comm.) nom que l'on donne à Caffa, principale échelle de la mer Noire, au pié ou à la mesure d'étendue qui sert à mesurer les draperies & les soieries. Voyez ECHELLE & PIE. Savary, Dictionn. du Comm. tom. I. pag. 737. (G)


ARSENALS. m. (Art milit.) magasin royal & public, ou lieu destiné à la fabrique & à la garde des armes nécessaires pour attaquer ou pour se défendre. Voyez ARMES & MAGASIN d'armes. Ce mot, selon quelques-uns, vient d'arx, forteresse ; selon d'autres, d'ars, qu'ils expliquent par machine, parce que l'arsenal est le lieu où les machines de guerre sont conservées. Il y a des auteurs qui disent qu'il est composé d'arx & de senatus, comme étant la défense du sénat ; d'autres qu'il vient de l'italien arsenale : mais l'opinion la plus probable est qu'il vient de l'arabe darsenaa, qui signifie arsenal.

L'arsenal de Venise est le lieu où on bâtit & où l'on garde les galeres. L'arsénal de Paris est la place où on fond le canon & où on fait les armes à feu. Cette inscription est sur la porte d'entrée :

Aetna haec Henrico vulcania tela ministrat,

Tela giganteos debellatura furores.

Il y a d'autres arsenaux ou magasins pour les fournitures navales & les équipages de mer. Marseille a un arsenal pour les galeres ; & Toulon, Rochefort & Brest, pour les gens de guerre. Voyez VAISSEAU, VERGUE, ANTENNE, &c. Voyez dans les mémoires de S. Remy, la maniere d'arranger ou placer toutes les différentes choses qui se trouvent dans un arsenal. (Q)

ARSENAL, (Marine.) est un grand bâtiment près d'un port, où le Roi entretient les officiers de marine, ses vaisseaux, & les choses nécessaires pour les armer.

C'est aussi l'espace ou l'enclos particulier qui sert à la construction des vaisseaux & à la fabrique des armes. Il renferme une très-grande quantité de bâtimens civils, destinés tant pour les atteliers des différentes sortes d'ouvriers employés dans la fabrique des vaisseaux, que pour les magasins des armemens & desarmemens. Pour s'en faire une idée juste, il faut voir le plan d'un arsenal de marine, aux figures de Marine, Pl. VII. (Z)


ARSENICS. m. (Hist. nat. & chim.) Ce mot est dérivé d' ou , homme, ou plûtôt mâle ; & de , je vaincs, je tue, faisant allusion à sa qualité vénéneuse. Dans l'histoire naturelle c'est une substance minérale, pesante, volatile, & qui ne s'enflamme pas ; qui donne une blancheur aux métaux qui sont en fusion : elle est extrèmement caustique & corrosive aux animaux, de sorte qu'elle est pour eux un poison violent. Voyez FOSSILE, CORROSIF, &c.

On met l'arsenic dans la classe des soufres. Voyez SOUFRE. Il y a différentes especes d'arsenic, savoir le jaune, le rouge, & le crystallin ou le blanc.

Il y a de l'arsenic rouge naturel ; il y a aussi de l'arsenic jaune naturel, qu'on appelle orpiment. L'arsenic jaune peut avoir différentes teintes, comme un jaune d'or, un jaune rougeâtre, un jaune verd, &c.

Le soufre & l'arsenic ont entr'eux beaucoup de sympathie, & le soufre donne de la couleur à l'arsenic, en quelque petite quantité qu'il y soit joint.

Quelques-uns croyent que l'orpiment contient quelque portion d'or, mais en si petite quantité que ce n'est pas la peine de l'en séparer. Voy. ORPIMENT & SANDARAQUE.

On peut tirer du cobalt l'arsenic blanc & jaune ; M. Krieg, dans les Transactions philosoph. n°. 293. nous en a donné la méthode ainsi qu'on la pratique en Hongrie. Le cobalt étant mis en poudre, la partie sablonneuse & légere étant ôtée par le moyen d'un courant d'eau, on met ce qui reste dans le fourneau, dont la flamme passant par-dessus la poudre, emporte avec elle la partie arsenicale en forme de fumée ; laquelle étant reçûe par une cheminée, & de-là portée dans un canal de brique étroit, s'attache dans sa route aux côtés, & on l'en ratisse sous la forme d'une poudre blanchâtre ou jaunâtre : de ce qui reste du cobalt, on en fait le bleu d'émail. Voyez BLEU D'EMAIL.

La plus petite quantité d'arsenic crystallin mêlée avec quelque métal, le rend friable, & détruit absolument sa malléabilité ; c'est pourquoi les Raffineurs ne craignent rien tant que l'arsenic dans leurs métaux : & il n'y auroit rien de si avantageux pour eux, en cas que l'on pût l'obtenir, qu'un menstrue qui absorberoit l'arsenic, ou qui agiroit uniquement sur lui ; car alors leurs métaux seroient aisément purifiés sans perdre aucune de leurs parties, sans s'évaporer. On a trouvé ce moyen-là en France ; il consiste à ajoûter un peu de fer auquel s'attache l'arsenic, qui quitte alors les métaux parfaits. C'est à M. Grosse qu'on doit cette découverte.

L'arsenic, même en petite quantité, change le cuivre en un argent beau en apparence. Plusieurs personnes ont tâché de perfectionner cette invention, ou de renchérir sur cette idée, dans le dessein de faire de l'argent, mais inutilement, parce que l'on ne pouvoit jamais l'amener au point de soûtenir le marteau ou d'être malléable : il ne reste pas sur la coupelle, & il verdit. Il y a eu des personnes pendues pour avoir monnoyé des pieces de ce faux argent, & elles l'ont bien mérité. Le cuivre est plus difficile à blanchir que le fer par l'arsenic.

Les Chimistes nous donnent plusieurs préparations d'arsenic ; elles tendent toutes à émousser ou détruire à force d'ablutions & de sublimations, les sels corrosifs dont il abonde, & à transformer l'arsenic en une medecine sûre, ainsi qu'on le fait à l'égard du sublimé ; tels sont le rubis d'arsenic, &c. mais cela n'en vaut pas la peine ; & quelque chose que l'on puisse faire, on ne pourroit jamais en faire usage intérieurement sous aucune forme, il conserve toûjours sa propriété de poison mortel. Quand la fumée de l'arsenic entre dans les poumons, elle tue subitement ; & plus il est sublimé, dit Boerhaave, plus il devient aigre.

Le beurre & le lait de vache pris en grande quantité, sont de bons antidotes contre l'arsenic.

Le régule d'arsenic est la partie la plus fixe & la plus compacte de ce minéral ; on le prépare en le mêlant avec des cendres à savon & du savon, laissant fondre le tout que l'on jette dans un mortier : alors la partie la plus pesante tombe au fond, & c'est le régule d'arsenic, c'est-à-dire l'arsenic, auquel on a donné le principe huileux qui lui manquoit pour être en forme métallique. Voyez REGULE.

L'huile caustique d'arsenic est une liqueur butyreuse, semblable au beurre d'antimoine ; c'est une préparation d'arsenic & de sublimé corrosif. Elle sert à ronger les chairs spongieuses, à nettoyer ou exfolier les os cariés, &c. (M)


ARSENOTHELESS. m. pl. ou hermaphrodites. Aristote donne ce nom aux animaux qu'il conjecture avoir les deux sexes. Voyez HERMAPHRODITE.


ARSINOÉ(Géog. anc. & Myth.) ville d'Egypte située près du lac Moeris, où l'on avoit un grand respect pour les crocodiles. On les nourrissoit avec soin ; on les embaumoit après leur mort, & on les enterroit dans les lieux soûterrains du labyrinthe.


ARSISS. f. terme de Grammaire ou plûtôt de Prosodie ; c'est l'élevation de la voix quand on commence à lire un vers. Ce mot vient du grec , tollo, j'éleve. Cette élevation est suivie de l'abaissement de la voix, & c'est ce qui s'appelle thesis, , depositio, remissio. Par exemple, en déclamant cet hémistiche du premier vers de l'Enéïde de Virgile, Arma virumque cano, on sent qu'on éleve d'abord la voix, & qu'on l'abaisse ensuite.

Par arsis & thesis on entend communément la division proportionnelle d'un pié métrique, faite par la main ou le pié de celui qui bat la mesure.

En mesurant la quantité dans la déclamation des mots, d'abord on hausse la main, ensuite on l'abaisse. Le tems que l'on employe à hausser la main est appellé arsis, & la partie du tems qui est mesuré en baissant la main, est appellée thesis. Ces mesures étaient fort connues & fort en usage chez les anciens. Voyez Terentianus Maurus ; Diomede, lib. III. Mar. Victorinus, lib. I. art. gramm. & Mart. Capella, lib. IX, pag. 328. (F)

On dit en Musique qu'un chant, un contre-point, une figure, sont per thesin, quand les notes descendent de l'aigu au grave ; & per arsin, quand les notes montent du grave à l'aigu. Fugue per arsin & thesin, est celle que nous appellons aujourd'hui fugue renversée ou contre-fugue, lorsque la réponse se fait en sens contraire, c'est-à-dire en descendant si la guide a monté, ou en montant si elle a descendu. Voyez CONTRE-FUGUE, GUIDE. (S)


ARTS. m. (Ordre encyclopéd. Entendement. Mémoire. Histoire de la nature. Histoire de la nature employée. Art.) terme abstrait & métaphysique. On a commencé par faire des observations sur la nature, le service, l'emploi, les qualités des êtres & de leurs symboles ; puis on a donné le nom de science ou d'art ou de discipline en général, au centre ou point de réunion auquel on a rapporté les observations qu'on avoit faites, pour en former un système ou de regles ou d'instrumens, & de regles tendant à un même but ; car voilà ce que c'est que discipline en général. Exemple. On a réflechi sur l'usage & l'emploi des mots, & l'on a inventé ensuite le mot Grammaire. Grammaire est le nom d'un système d'instrumens & de regles relatifs à un objet déterminé ; & cet objet est le son articulé, les signes de la parole, l'expression de la pensée, & tout ce qui y a rapport : il en est de même des autres Sciences ou Arts. Voyez ABSTRACTION.

Origine des Sciences & des Arts. C'est l'industrie de l'homme appliquée aux productions de la nature ou par ses besoins, ou par son luxe, ou par son amusement, ou par sa curiosité, &c. qui a donné naissance aux Sciences & aux Arts ; & ces points de réunion de nos différentes réflexions ont reçû les dénominations de Science & d'Art, selon la nature de leurs objets formels, comme disent les Logiciens. Voyez OBJET. Si l'objet s'exécute, la collection & la disposition technique des regles selon lesquelles il s'exécute, s'appellent Art. Si l'objet est contemplé seulement sous différentes faces, la collection & la disposition technique des observations relatives à cet objet, s'appellent Science ; ainsi la Métaphysique est une science, & la Morale est un art. Il en est de même de la Théologie & de la Pyrotechnie.

Spéculation & pratique d'un Art. Il est évident par ce qui précede, que tout art a sa spéculation & sa pratique ; sa spéculation, qui n'est autre chose que la connoissance inopérative des regles de l'art, sa pratique, qui n'est que l'usage habituel & non réfléchi des mêmes regles. Il est difficile, pour ne pas dire impossible, de pousser loin la pratique sans la spéculation, & réciproquement de bien posséder la spéculation sans la pratique. Il y a dans tout art un grand nombre de circonstances relatives à la matiere, aux instrumens & à la manoeuvre, que l'usage seul apprend. C'est à la pratique à présenter les difficultés & à donner les phénomenes, & c'est à la spéculation à expliquer les phénomenes & à lever les difficultés : d'où il s'ensuit qu'il n'y a guere qu'un Artiste sachant raisonner, qui puisse bien parler de son art.

Distribution des Arts en libéraux & en méchaniques. En examinant les productions des arts on s'est apperçû que les unes étoient plus l'ouvrage de l'esprit que de la main, & qu'au contraire d'autres étoient plus l'ouvrage de la main que de l'esprit. Telle est en partie l'origine de la prééminence que l'on a accordée à certains arts sur d'autres, & de la distribution qu'on a faite des arts en arts libéraux & en arts méchaniques. Cette distinction, quoique bien fondée, a produit un mauvais effet, en avilissant des gens très-estimables & très-utiles, & en fortifiant en nous je ne sai quelle paresse naturelle, qui ne nous portoit déjà que trop à croire que donner une application constante & suivie à des expériences & à des objets particuliers, sensibles & matériels, c'étoit déroger à la dignité de l'esprit humain ; & que de pratiquer ou même d'étudier les arts méchaniques, c'étoit s'abaisser à des choses dont la recherche est laborieuse, la méditation ignoble, l'exposition difficile, le commerce deshonorant, le nombre inépuisable, & la valeur minutielle : Minui majestatem mentis humanae, si in experimentis & rebus particularibus, &c. Bac. nov. org. Préjugé qui tendoit à remplir les villes d'orgueilleux raisonneurs & de contemplateurs inutiles, & les campagnes de petits tyrans ignorans, oisifs & dédaigneux. Ce n'est pas ainsi qu'ont pensé Bacon,un des premiers génies de l'Angleterre ; Colbert, un des plus grands ministres de la France ; enfin les bons esprits & les hommes sages de tous les tems. Bacon regardoit l'histoire des arts méchaniques comme la branche la plus importante de la vraie Philosophie ; il n'avoit donc garde d'en mépriser la pratique. Colbert regardoit l'industrie des peuples & l'établissement des manufactures, comme la richesse la plus sûre d'un royaume. Au jugement de ceux qui ont aujourd'hui des idées saines de la valeur des choses, celui qui peupla la France de Graveurs, de Peintres, de Sculpteurs & d'Artistes en tout genre ; qui surprit aux Anglois la machine à faire des bas, le velours aux Génois, les glaces aux Vénitiens, ne fit guere moins pour l'état que ceux qui battirent ses ennemis & leur enleverent leurs places fortes ; & aux yeux du philosophe il y a peut-être plus de mérite réel à avoir fait naître les le Bruns, les le Sueurs & les Audrans ; peindre & graver les batailles d'Alexandre, & exécuter en tapisserie les victoires de nos généraux, qu'il n'y en a à les avoir remportées. Mettez dans un des côtés de la balance les avantages réels des sciences les plus sublimes & des arts les plus honorés, & dans l'autre côté ceux des arts méchaniques, & vous trouverez que l'estime qu'on a faite des uns & celle qu'on a faite des autres, n'ont pas été distribuées dans le juste rapport de ces avantages, & qu'on a bien plus loüé les hommes occupés à faire croire que nous étions heureux, que les hommes occupés à faire que nous le fussions en effet. Quelle bisarrerie dans nos jugemens ! nous exigeons qu'on s'occupe utilement, & nous méprisons les hommes utiles.

But des Arts en général. L'homme n'est que le ministre ou l'interprete de la nature ; il n'entend & ne fait qu'autant qu'il a de connoissance ou expérimentale ou réfléchie des êtres qui l'environnent. Sa main nue, quelque robuste, infatigable & souple qu'elle soit, ne peut suffire qu'à un petit nombre d'effets ; elle n'acheve de grandes choses qu'à l'aide des instrumens & des regles : il en faut dire autant de l'entendement. Les instrumens & les regles sont comme des muscles surajoûtés aux bras, & des ressorts accessoires à ceux de l'esprit. Le but de tout art en général, ou de tout système d'instrumens & de regles conspirant à une même fin, est d'imprimer certaines formes déterminées sur une base donnée par la nature ; & cette base est ou la matiere, ou l'esprit, ou quelque fonction de l'ame, ou quelque production de la nature. Dans les arts méchaniques, auxquels je m'attacherai d'autant plus ici, que les auteurs en ont moins parlé, le pouvoir de l'homme se réduit à rapprocher ou à éloigner les corps naturels. L'homme peut tout ou ne peut rien, selon que ce rapprochement ou cet éloignement est ou n'est pas possible. (Voyez nov. org.)

Projet d'un traité général des Arts méchaniques. Souvent l'on ignore l'origine d'un art méchanique, ou l'on n'a que des connoissances vagues sur ses progrès : voilà les suites naturelles du mépris qu'on a eu dans tous les tems & chez toutes les nations savantes & belliqueuses, pour ceux qui s'y sont livrés. Dans ces occasions il faut recourir à des suppositions philosophiques, partir de quelqu'hypothese vraisemblable, de quelqu'événement premier & fortuit, & s'avancer de-là jusqu'où l'art a été poussé. Je m'explique par un exemple que j'emprunterai plus volontiers des arts méchaniques, qui sont moins connus, que des arts libéraux, qu'on a présentés sous mille formes différentes. Si l'on ignoroit l'origine & les progrès de la Verrerie ou de la Papeterie, que feroit un philosophe qui se proposeroit d'écrire l'histoire de ces arts ? Il supposeroit qu'un morceau de linge est tombé par hasard dans un vaisseau plein d'eau, qu'il y a séjourné assez long-tems pour s'y dissoudre ; & qu'au lieu de trouver au fond du vaisseau, quand il a été vuidé, un morceau de linge, on n'a plus apperçû qu'une espece de sédiment, dont on auroit eu bien de la peine à reconnoître la nature sans quelques filamens qui restoient, & qui indiquoient que la matiere premiere de ce sédiment avoit été auparavant sous la forme de linge. Quant à la Verrerie, il supposeroit que les premieres habitations solides que les hommes se soient construites, étoient de terre cuite ou de brique : or il est impossible de faire cuire de la brique à grand feu, qu'il ne s'en vitrifie quelque partie ; c'est sous cette forme que le verre s'est présenté la premiere fois. Mais quelle distance immense de cette écaille sale & verdâtre, jusqu'à la matiere transparente & pure des glaces ? &c. Voilà cependant l'expérience fortuite, ou quelqu'autre semblable, de laquelle le philosophe partira pour arriver jusqu'où l'Art de la Verrerie est maintenant parvenu.

Avantages de cette méthode. En s'y prenant ainsi, les progrès d'un Art seroient exposés d'une maniere plus instructive & plus claire, que par son histoire véritable, quand on la sauroit. Les obstacles qu'on auroit eu à surmonter pour le perfectionner se présenteroient dans un ordre entierement naturel, & l'explication synthétique des démarches successives de l'Art en faciliteroit l'intelligence aux esprits les plus ordinaires, & mettroit les Artistes sur la voie qu'ils auroient à suivre pour approcher davantage de la perfection.

Ordre qu'il faudroit suivre dans un pareil traité. Quant à l'ordre qu'il faudroit suivre dans un pareil traité, je crois que le plus avantageux seroit de rappeller les Arts aux productions de la nature. Une énumération exacte de ces productions donneroit naissance à bien des Arts inconnus. Un grand nombre d'autres naîtroient d'un examen circonstancié des différentes faces sous lesquelles la même production peut être considérée. La premiere de ces conditions demande une connoissance très-étendue de l'histoire de la nature ; & la seconde, une très-grande dialectique. Un traité des Arts, tel que je le conçois, n'est donc pas l'ouvrage d'un homme ordinaire. Qu'on n'aille pas s'imaginer que ce sont ici des idées vaines que je propose, & que je promets aux hommes des découvertes chimériques. Après avoir remarqué avec un philosophe que je ne me lasse point de loüer, parce que je ne me suis jamais lassé de le lire, que l'histoire de la nature est incomplete sans celle des Arts : & après avoir invité les naturalistes à couronner leur travail sur les regnes des végétaux, des minéraux, des animaux, &c. par les expériences des Arts méchaniques, dont la connoissance importe beaucoup plus à la vraie philosophie ; j'oserai ajoûter à son exemple : Ergo rem quam ago, non opinionem, sed opus esse ; eamque non sectae alicujus, aut placiti, sed utilitatis esse & amplitudinis immensae fundamenta. Ce n'est point ici un système : ce ne sont point les fantaisies d'un homme ; ce sont les décisions de l'expérience & de la raison, & les fondemens d'un édifice immense ; & quiconque pensera différemment, cherchera à rétrécir la sphere de nos connoissances, & à décourager les esprits. Nous devons au hasard un grand nombre de connoissances ; il nous en a présenté de fort importantes que nous ne cherchions pas : est-il à présumer que nous ne trouverons rien, quand nous ajoûterons nos efforts à son caprice, & que nous mettrons de l'ordre & de la méthode dans nos recherches ? Si nous possédons à présent des secrets qu'on n'espéroit point auparavant ; & s'il nous est permis de tirer des conjectures du passé, pourquoi l'avenir ne nous réserveroit-il pas des richesses sur lesquelles nous ne comptons guere aujourd'hui ? Si l'on eût dit, il y a quelques siecles, à ces gens qui mesurent la possibilité des choses sur la portée de leur génie, & qui n'imaginent rien au-delà de ce qu'ils connoissent, qu'il est une poussiere qui brise les rochers, qui renverse les murailles les plus épaisses à des distances étonnantes, qui renfermée au poids de quelques livres dans les entrailles profondes de la terre, les secoüe, se fait jour à travers les masses énormes qui la couvrent, & peut ouvrir un gouffre dans lequel une ville entiere disparoîtroit ; ils n'auroient pas manqué de comparer ces effets à l'action des roues, des poulies, des leviers, des contrepoids, & des autres machines connues, & de prononcer qu'une pareille poussiere est chimérique ; & qu'il n'y a que la foudre ou la cause qui produit les tremblemens de terre, & dont le méchanisme est inimitable, qui soit capable de ces prodiges effrayans. C'est ainsi que le grand philosophe parloit à son siecle, & à tous les siecles à venir. Combien (ajoûterons-nous à son exemple) le projet de la machine à élever l'eau par le feu, telle qu'on l'exécuta la premiere fois à Londres, n'auroit-il pas occasionné de mauvais raisonnemens, sur-tout si l'auteur de la machine avoit eu la modestie de se donner pour un homme peu versé dans les méchaniques ? S'il n'y avoit au monde que de pareils estimateurs des inventions, il ne se feroit ni grandes ni petites choses. Que ceux donc qui se hâtent de prononcer sur des ouvrages qui n'impliquent aucune contradiction, qui ne sont quelquefois que des additions très-legeres à des machines connues, & qui ne demandent tout au plus qu'un habile ouvrier ; que ceux, dis-je, qui sont assez bornés pour juger que ces ouvrages sont impossibles, sachent qu'eux-mêmes ne sont pas assez instruits pour faire des souhaits convenables. C'est le chancelier Bacon qui le leur dit : qui sumptâ, ou ce qui est encore moins pardonnable, qui neglectâ ex his quae praesto sunt conjecturâ, ea aut impossibilia, aut minus verisimilia, putet ; eum scire debere se non satis doctum, ne ad optandum quidem commode & apposite esse.

Autre motif de recherche. Mais ce qui doit encore nous encourager dans nos recherches, & nous déterminer à regarder avec attention autour de nous, ce sont les siecles qui se sont écoulés sans que les hommes se soient apperçûs des choses importantes qu'ils avoient, pour ainsi dire, sous les yeux. Tel est l'Art d'imprimer, celui de graver. Que la condition de l'esprit humain est bizarre ! S'agit-il de découvrir, il se défie de sa force, il s'embarrasse dans les difficultés qu'il se fait ; les choses lui paroissent impossibles à trouver : sont-elles trouvées ? il ne conçoit plus comment il a fallu les chercher si long-tems, & il a pitié de lui-même.

Différence singuliere entre les machines. Après avoir proposé mes idées sur un traité philosophique des Arts en général, je vais passer à quelques observations utiles sur la maniere de traiter certains Arts méchaniques en particulier. On employe quelquefois une machine très-composée pour produire un effet assez simple en apparence ; & d'autres fois une machine très-simple en effet suffit pour produire une action fort composée : dans le premier cas, l'effet à produire étant conçu facilement, & la connoissance qu'on en aura n'embarrassant point l'esprit, & ne chargeant point la mémoire, on commencera par l'annoncer, & l'on passera ensuite à la description de la machine : dans le second cas au contraire, il est plus à propos de descendre de la description de la machine à la connoissance de l'effet. L'effet d'une horloge est de diviser le tems en parties égales, à l'aide d'une aiguille qui se meut uniformément & très-lentement sur un plan ponctué. Si donc je montre une horloge à quelqu'un à qui cette machine étoit inconnue, je l'instruirai d'abord de son effet, & j'en viendrai ensuite au méchanisme. Je me garderai bien de suivre la même voie avec celui qui me demandera ce que c'est qu'une maille de bas, ce que c'est que du drap, du droguet, du velours, du satin. Je commencerai ici par le détail de métiers qui servent à ces ouvrages. Le développement de la machine, quand il est clair, en fait sentir l'effet tout-d'un-coup ; ce qui seroit peut-être impossible sans ce préliminaire. Pour se convaincre de la vérité de ces observations, qu'on tâche de définir exactement ce que c'est que de la gaze, sans supposer aucune notion de la machine du Gazier.

De la Geométrie des Arts. On m'accordera sans peine qu'il y a peu d'Artistes à qui les élémens des Mathématiques ne soient nécessaires : mais un paradoxe dont la vérité ne se présentera pas d'abord, c'est que ces élémens leur seroient nuisibles en plusieurs occasions, si une multitude de connoissances physiques n'en corrigeoient les préceptes dans la pratique ; connoissances des lieux, des positions, des figures irrégulieres, des matieres, de leurs qualités, de l'élasticité, de la roideur, des frottemens, de la consistance, de la durée, des effets de l'air, de l'eau, du froid, de la chaleur, de la secheresse, &c. il est évident que les élémens de la Géométrie de l'Académie ne sont que les plus simples & les moins composés d'entre ceux de la Géométrie des boutiques. Il n'y a pas un levier dans la nature, tel que celui que Varignon suppose dans ses propositions ; il n'y a pas un levier dans la nature dont toutes les conditions puissent entrer en calcul. Entre ces conditions il y en a, & en grand nombre, & de très-essentielles dans l'usage, qu'on ne peut même soûmettre à cette partie du calcul qui s'étend jusqu'aux différences les plus insensibles des quantités, quand elles sont apprétiables ; d'où il arrive que celui qui n'a que la Géométrie intellectuelle, est ordinairement un homme assez mal-adroit ; & qu'un Artiste qui n'a que la Géométrie expérimentale, est un ouvrier très-borné. Mais il est, ce me semble, d'expérience qu'un Artiste se passe plus facilement de la Géométrie intellectuelle, qu'un homme, quel qu'il soit, d'une certaine Géométrie expérimentale. Toute la matiere des frottemens est restée malgré les calculs, une affaire de Mathématique expérimentale & manouvriere. Cependant jusqu'où cette connoissance seule ne s'étend-elle pas ? Combien de mauvaises machines ne nous sont-elles pas proposées tous les jours par des gens qui se sont imaginés que les leviers, les roues, les poulies, les cables, agissent dans une machine comme sur un papier ; & qui faute d'avoir mis la main à l'oeuvre, n'ont jamais sû la différence des effets d'une machine même, ou de son profil ? Une seconde observation que nous ajoûterons ici, puisqu'elle est amenée par le sujet, c'est qu'il y a des machines qui réussissent en petit, & qui ne réussissent point en grand, & réciproquement d'autres qui réussissent en grand, & qui ne réussiroient pas en petit. Il faut, je crois, mettre du nombre de ces derniers toutes celles dont l'effet dépend principalement d'une pesanteur considérable des parties mêmes qui les composent, ou de la violence de la réaction d'un fluide, ou de quelque volume considérable de matiere élastique à laquelle ces machines doivent être appliquées : exécutez-les en petit, le poids des parties se réduit à rien ; la réaction du fluide n'a presque plus de lieu ; les puissances sur lesquelles on avoit compté disparoissent, & la machine manque son effet. Mais s'il y a, relativement aux dimensions des machines, un point, s'il est permis de parler ainsi, un terme où elle ne produit plus d'effet, il y en a un autre en-delà ou en-deçà duquel elle ne produit pas le plus grand effet dont son méchanisme étoit capable. Toute machine a, selon la maniere de dire des Géometres, un maximum de dimensions ; de même que dans sa construction, chaque partie considérée par rapport au plus parfait méchanisme de cette partie, est d'une dimension déterminée par les autres parties ; la matiere entiere est d'une dimension déterminée, relativement à son méchanisme le plus parfait, par la matiere dont elle est composée, l'usage qu'on en veut tirer, & une infinité d'autres causes. Mais quel est, demandera-t-on, ce terme dans les dimensions d'une machine, au-delà ou en-deçà duquel elle est ou trop grande ou trop petite ? Quelle est la dimension véritable & absolue d'une montre excellente, d'un moulin parfait, du vaisseau construit le mieux qu'il est possible ? C'est à la Géométrie expérimentale & manouvriere de plusieurs siecles, aidée de la Géométrie intellectuelle la plus déliée, à donner une solution approchée de ces problèmes ; & je suis convaincu qu'il est impossible d'obtenir quelque chose de satisfaisant là-dessus de ces Géométries séparées, & très-difficile, de ces Géométries réunies.

De la langue des Arts. J'ai trouvé la langue des Arts très-imparfaite par deux causes ; la disette des mots propres, & l'abondance des synonymes. Il y a des outils qui ont plusieurs noms différens ; d'autres n'ont au contraire que le nom générique, engin, machine, sans aucune addition qui les spécifie : quelquefois la moindre petite différence suffit aux Artistes pour abandonner le nom générique & inventer des noms particuliers ; d'autres fois, un outil singulier par sa forme & son usage, ou n'a point de nom, ou porte le nom d'un autre outil avec lequel il n'a rien de commun. Il seroit à souhaiter qu'on eût plus d'égard à l'analogie des formes & des usages. Les Géometres n'ont pas autant de noms qu'ils ont de figures : mais dans la langue des Arts, un marteau, une tenaille, une auge, une pelle, &c. ont presque autant de dénominations qu'il y a d'Arts. La langue change en grande partie d'une manufacture à une autre. Cependant je suis convaincu que les manoeuvres les plus singulieres, & les machines les plus composées, s'expliqueroient avec un assez petit nombre de termes familiers & connus, si on prenoit le parti de n'employer des termes d'Art, que quand ils offriroient des idées particulieres. Ne doit-on pas être convaincu de ce que j'avance, quand on considere que les machines composées ne sont que des combinaisons des machines simples ; que les machines simples sont en petit nombre ; & que dans l'exposition d'une manoeuvre quelconque, tous les mouvemens sont réductibles sans aucune erreur considérable, au mouvement rectiligne & au mouvement circulaire ? Il seroit donc à souhaiter qu'un bon Logicien à qui les Arts seroient familiers, entreprît des élémens de la grammaire des Arts. Le premier pas qu'il auroit à faire, ce seroit de fixer la valeur des correlatifs, grand, gros, moyen, mince, épais, foible, petit, leger, pesant, &c. Pour cet effet il faudroit chercher une mesure constante dans la nature, ou évaluer la grandeur, la grosseur & la force moyenne de l'homme, & y rapporter toutes les expressions indéterminées de quantité, ou du moins former des tables auxquelles on inviteroit les Artistes à conformer leurs langues. Le second pas, ce seroit de déterminer sur la différence & sur la ressemblance des formes & des usages d'un instrument & d'un autre instrument, d'une manoeuvre & d'une autre manoeuvre, quand il faudroit leur laisser un même nom & leur donner des noms différens. Je ne doute point que celui qui entreprendra cet ouvrage, ne trouve moins de termes nouveaux à introduire, que de synonymes à bannir ; & plus de difficulté à bien définir des choses communes, telles que grace en Peinture, noeud en Passementerie, creux en plusieurs Arts, qu'à expliquer les machines les plus compliquées. C'est le défaut de définitions exactes, & la multitude, & non la diversité des mouvemens dans les manoeuvres, qui rendent les choses des Arts difficiles à dire clairement. Il n'y a de remede au second inconvénient, que de se familiariser avec les objets : ils en valent bien la peine, soit qu'on les considere par les avantages qu'on en tire, ou par l'honneur qu'ils font à l'esprit humain. Dans quel système de Physique ou de Métaphysique remarque-t-on plus d'intelligence, de sagacité, de conséquence, que dans les machines à filer l'or, faire des bas, & dans les métiers de Passementiers, de Gaziers, de Drapiers ou d'ouvriers en soie ? Quelle démonstration de Mathématique est plus compliquée que le méchanisme de certaines horloges, ou que les différentes opérations par lesquelles on fait passer ou l'écorce du chanvre, ou la coque du ver, avant que d'en obtenir un fil qu'on puisse employer à l'ouvrage ? Quelle projection plus belle, plus délicate & plus singuliere que celle d'un dessein sur les cordes d'un sample, & des cordes du sample sur les fils d'une chaîne ? qu'a-t-on imaginé en quelque genre que ce soit, qui montre plus de subtilité que le chiner des velours ? Je n'aurois jamais fait si je m'imposois la tâche de parcourir toutes les merveilles qui frapperont dans les manufactures ceux qui n'y porteront pas des yeux prévenus ou des yeux stupides.

Je m'arrêterai avec le philosophe Anglois à trois inventions, dont les anciens n'ont point eu connoissance, & dont à la honte de l'histoire & de la poésie modernes, les noms des inventeurs sont presqu'ignorés : je veux parler de l'Art d'imprimer, de la découverte de la poudre à canon, & de la propriété de l'aiguille aimantée. Quelle révolution ces découvertes n'ont-elles pas occasionnée dans la république des Lettres, dans l'Art militaire, & dans la Marine ? L'aiguille aimantée a conduit nos vaisseaux jusqu'aux régions les plus ignorées ; les caracteres typographiques ont établi une correspondance de lumieres entre les savans de tous les lieux & de tous les tems à venir ; & la poudre à canon a fait naître tous ces chefs-d'oeuvres d'architecture, qui défendent nos frontieres & celles de nos ennemis : ces trois Arts ont presque changé la face de la terre.

Rendons enfin aux Artistes la justice qui leur est dûe. Les Arts libéraux se sont assez chantés eux-mêmes ; ils pourroient employer maintenant ce qu'ils ont de voix à célébrer les Arts méchaniques. C'est aux Arts libéraux à tirer les Arts méchaniques de l'avilissement où le préjugé les a tenus si long-tems ; c'est à la protection des rois à les garantir d'une indigence où ils languissent encore. Les Artisans se sont crus méprisables, parce qu'on les a méprisés ; apprenons-leur à mieux penser d'eux-mêmes : c'est le seul moyen d'en obtenir des productions plus parfaites. Qu'il sorte du sein des Académies quelqu'homme qui descende dans les atteliers, qui y recueille les phénomenes des Arts, & qui nous les expose dans un ouvrage qui détermine les Artistes à lire, les Philosophes à penser utilement, & les grands à faire enfin un usage utile de leur autorité & de leurs récompenses.

Un avis que nous oserons donner aux savans, c'est de pratiquer ce qu'ils nous enseignent eux-mêmes, qu'on ne doit pas juger des autres avec trop de précipitation, ni proscrire une invention comme inutile, parce qu'elle n'aura pas dans son origine tous les avantages qu'on pourroit en exiger. Montagne, cet homme d'ailleurs si philosophe, ne rougiroit-il pas s'il revenoit parmi nous, d'avoir écrit que les armes à feu sont de si peu d'effet, sauf l'étonnement des oreilles, à quoi chacun est désormais apprivoisé, qu'il espere qu'on en quittera l'usage. N'auroit-il pas montré plus de sagesse à encourager les arquebusiers de son tems à substituer à la meche & au roüet quelque machine qui répondît à l'activité de la poudre, & plus de sagacité à prédire que cette machine s'inventeroit un jour ? Mettez Bacon à la place de Montagne, & vous verrez ce premier considérer en philosophe la nature de l'agent, & prophétiser, s'il m'est permis de le dire, les grenades, les mines, les canons, les bombes, & tout l'appareil de la Pyrothecnie militaire. Mais Montagne n'est pas le seul philosophe qui ait porté sur la possibilité ou l'impossibilité des machines, un jugement précipité. Descartes, ce génie extraordinaire né pour égarer & pour conduire, & d'autres qui valoient bien l'auteur des Essais, n'ont-ils pas prononcé que le miroir d'Archimede étoit une fable ? cependant ce miroir est exposé à la vûe de tous les savans au Jardin du Roi ; & les effets qu'il y opere entre les mains de M. de Buffon qui l'a retrouvé, ne nous permettent plus de douter de ceux qu'il opéroit sur les murs de Syracuse entre les mains d'Archimede. De si grands exemples suffisent pour nous rendre circonspects.

Nous invitons les Artistes à prendre de leur côté conseil des savans, & à ne pas laisser périr avec eux les découvertes qu'ils feront. Qu'ils sachent que c'est se rendre coupable d'un larcin envers la société, que de renfermer un secret utile ; & qu'il n'est pas moins vil de préférer en ces occasions l'intérêt d'un seul à l'intérêt de tous, qu'en cent autres où ils ne balanceroient pas eux-mêmes à prononcer. S'ils se rendent communicatifs, on les débarrassera de plusieurs préjugés, & sur-tout de celui où ils sont presque tous, que leur Art a acquis le dernier degré de perfection. Leur peu de lumieres les expose souvent à rejetter sur la nature des choses, un défaut qui n'est qu'en eux-mêmes. Les obstacles leur paroissent invincibles dès qu'ils ignorent les moyens de les vaincre. Qu'ils fassent des expériences ; que dans ces expériences chacun y mette du sien ; que l'Artiste y soit pour la main-d'oeuvre ; l'Académicien pour les lumieres & les conseils, & l'homme opulent pour le prix des matieres, des peines & du tems ; & bien-tôt nos Arts & nos manufactures auront sur celles des étrangers toute la supériorité que nous desirons.

De la supériorité d'une manufacture sur une autre. Mais ce qui donnera la supériorité à une manufacture sur une autre, ce sera sur-tout la bonté des matieres qu'on y employera, jointe à la célérité du travail & à la perfection de l'ouvrage. Quant à la bonté des matieres, c'est une affaire d'inspection. Pour la célérité du travail & la perfection de l'ouvrage, elles dépendent entierement de la multitude des ouvriers rassemblés. Lorsqu'une manufacture est nombreuse, chaque opération occupe un homme différent. Tel ouvrier ne fait & ne fera de sa vie qu'une seule & unique chose ; tel autre, une autre chose : d'où il arrive que chacune s'exécute bien & promptement, & que l'ouvrage le mieux fait est encore celui qu'on a à meilleur marché. D'ailleurs le goût & la façon se perfectionnent nécessairement entre un grand nombre d'ouvriers, parce qu'il est difficile qu'il ne s'en rencontre quelques-uns capables de refléchir, de combiner, & de trouver enfin le seul moyen qui puisse les mettre audessus de leurs semblables ; le moyen ou d'épargner la matiere, ou d'allonger le tems, ou de surfaire l'industrie, soit par une machine nouvelle, soit par une manoeuvre plus commode. Si les manufactures étrangeres ne l'emportent pas sur nos manufactures de Lyon, ce n'est pas qu'on ignore ailleurs comment on travaille-là ; on a par-tout les mêmes métiers, les mêmes soies, & à-peu-près les mêmes pratiques : mais ce n'est qu'à Lyon qu'il y a 30000 ouvriers rassemblés & s'occupant tous de l'emploi de la même matiere. Nous pourrions encore allonger cet article : mais ce que nous venons de dire, joint à ce qu'on trouvera dans notre Discours préliminaire, suffira pour ceux qui savent penser, & nous n'en aurions jamais assez dit pour les autres. On y rencontrera peut-être des endroits d'une métaphysique un peu forte : mais il étoit impossible que cela fût autrement. Nous avions à parler de ce qui concerne l'Art en général ; nos propositions devoient donc être générales : mais le bon sens dit qu'une proposition est d'autant plus abstraite, qu'elle est plus générale, l'abstraction consistant à étendre une vérité en écartant de son énonciation les termes qui la particularisent. Si nous avions pû épargner ces épines au lecteur, nous nous serions épargné bien du travail à nous-mêmes.

ART DES ESPRITS, ou ART ANGELIQUE, moyen superstitieux pour acquérir la connoissance de tout ce qu'on veut savoir avec le secours de son ange gardien, ou de quelqu'autre bon ange. On distingue deux sortes d'art angélique ; l'un obscur, qui s'exerce par la voie d'élévation ou d'extase ; l'autre clair & distinct, lequel se pratique par le ministere des anges qui apparoissent aux hommes sous des formes corporelles, & qui s'entretiennent avec eux. Ce fut peut-être cet art dont se servit le pere du célebre Cardan, lorsqu'il disputa contre les trois esprits qui soûtenoient la doctrine d'Averroès, recevant les lumieres d'un génie qu'il eut avec lui pendant trente-trois ans. Quoi qu'il en soit, il est certain que cet art est superstitieux, puisqu'il n'est autorisé ni de Dieu ni de l'Eglise ; & que les anges, par le ministere desquels on suppose qu'il s'exerce, ne sont autres que des esprits de ténebres & des anges de satan. D'ailleurs, les cérémonies dont on se sert ne sont que des conjurations par lesquelles on oblige les démons, en vertu de quelque pacte, de dire ce qu'ils savent, & rendre les services qu'on espere d'eux. Voyez ART NOTOIRE. Cardan, lib. XVI. de rer. variet. Thiers, Traité des superstitions. (G)

ART NOTOIRE, moyen superstitieux par lequel on promet l'acquisition des sciences par infusion & sans peine, en pratiquant quelques jeûnes, & en faisant certaines cérémonies inventées à ce dessein. Ceux qui font profession de cet art, assûrent que Salomon en est l'auteur, & que ce fut par ce moyen qu'il acquit en une nuit cette grande sagesse qui l'a rendu si célebre dans le monde. Ils ajoûtent qu'il a renfermé les préceptes & la méthode dans un petit livre qu'ils prennent pour modele. Voici la maniere par laquelle ils prétendent acquérir les sciences, selon le témoignage du pere Delrio : ils ordonnent à leurs aspirans de fréquenter les sacremens, de jeûner tous les vendredis au pain & à l'eau, & de faire plusieurs prieres pendant sept semaines ; ensuite ils leur prescrivent d'autres prieres, & leur font adorer certaines images, les sept premiers jours de la nouvelle lune, au lever du soleil, durant trois mois : ils leur font encore choisir un jour où ils se sentent plus pieux qu'à l'ordinaire, & plus disposés à recevoir les inspirations divines ; ces jours-là ils les font mettre à genoux dans une église ou oratoire, ou en plaine campagne, & leur font dire trois fois le premier verset de l'hymne Veni creator Spiritus, &c. les assûrant qu'ils seront après cela remplis de science comme Salomon, les prophetes & les apôtres. S. Thomas d'Aquin montre la vanité de cet art. S. Antonin, archevêque de Florence, Denys le Chartreux, Gerson, & le cardinal Cajetan, prouvent que c'est une curiosité criminelle par laquelle on tente Dieu, & un pacte tacite avec le démon : aussi cet art fut-il condamné comme superstitieux par la faculté de Théologie de Paris l'an 1320. Delrio, disq. Magic. part. II. Thiers, Traité des superstitions.

ART DE S. ANSELME, moyen de guérir les plaies les plus dangereuses, en touchant seulement aux linges qui ont été appliqués sur les blessures. Quelques soldats Italiens, qui font encore ce métier, en attribuent l'invention à S. Anselme : mais Delrio assûre que c'est une superstition inventée par Anselme de Parme, fameux magicien ; & remarque que ceux qui sont ainsi guéris, si toutefois ils en guérissent, retombent ensuite dans de plus grands maux, & finissent malheureusement leur vie. Delrio, disq. Magic. lib. II.

ART DE S. PAUL, sorte d'art notoire que quelques superstitieux disent avoir été enseigné par S. Paul, après qu'il eut été ravi jusqu'au troisieme ciel : on ne sait pas bien les cérémonies que pratiquent ceux qui prétendent acquérir les sciences par ce moyen, sans aucune étude, & par inspiration : mais on ne peut douter que cet art ne soit illicite ; & il est constant que S. Paul n'a jamais révélé ce qu'il oüit dans son ravissement, puisqu'il dit lui-même qu'il entendit des paroles ineffables, qu'il n'est pas permis à un homme de raconter. Voyez ART NOTOIRE. Thiers, Traité des superstitions. (G)

ART MNEMONIQUE. On appelle art mnemonique, la science des moyens qui peuvent servir pour perfectionner la mémoire. On admet ordinairement quatre de ces sortes de moyen : car on peut y employer ou des remedes physiques, que l'on croit propres à fortifier la masse du cerveau ; ou de certaines figures & schématismes, qui font qu'une chose se grave mieux dans la mémoire ; ou des mots techniques, qui rappellent facilement ce qu'on a appris ; ou enfin un certain arrangement logique des idées, en les plaçant chacune de façon qu'elles se suivent dans un ordre naturel. Pour ce qui regarde les remedes physiques, il est indubitable qu'un régime de vie bien observé peut contribuer beaucoup à la conservation de la mémoire ; de même que les excès dans le vin, dans la nourriture, dans les plaisirs, l'affoiblissent. Mais il n'en est pas de même des autres remedes que certains auteurs ont recommandés, des poudres, du tabac, des cataplasmes qu'il faut appliquer aux tempes, des boissons, des purgations, des huiles, des bains, des odeurs fortes qu'on peut voir dans l'art mnemonique de Marius d'Assigni, auteur Anglois. Tous ces remedes sont très-sujets à caution. On a trouvé par l'expérience que leur usage étoit plus souvent funeste que salutaire, comme cela est arrivé à Daniel Heinsius & à d'autres, qui loin de tirer quelqu'avantage de ces remedes, trouvoient à la fin leur mémoire si affoiblie, qu'ils ne pouvoient plus se rappeller ni leurs noms, ni ceux de leurs domestiques. D'autres ont eu recours aux schématismes. On sait que nous retenons une chose plus facilement quand elle fait sur notre esprit, par le moyen des sens extérieurs, une impression vive. C'est par cette raison qu'on a tâché de soulager la mémoire dans ses fonctions, en représentant les idées sous de certaines figures qui les expriment en quelque façon. C'est de cette maniere qu'on apprend aux enfans, non-seulement à connoître les lettres, mais encore à se rendre familiers les principaux évenemens de l'histoire sainte & profane. Il y a même des auteurs qui, par une prédilection singuliere pour les figures, ont appliqué ces schématismes à des sciences philosophiques. C'est ainsi qu'un certain Allemand, nommé Winckelmann, a donné toute la logique d'Aristote en figures. Voici le titre de son livre : Logica memorativa, cujus beneficio compendium logicae Peripateticae brevissimi temporis spatio memoriae mandari potest. Voici aussi comme il définit la Logique. Aristote est représenté assis, dans une profonde méditation ; ce qui doit signifier que la Logique est un talent de l'esprit, & non pas du corps : dans la main droite il tient une clé ; c'est-à-dire que la Logique n'est pas une science, mais une clé pour les sciences : dans la main gauche il tient un marteau ; cela veut dire que la Logique est une habitude instrumentale ; & enfin devant lui est un étau sur lequel se trouve un morceau d'or fin, & un morceau d'or faux, pour indiquer que la fin de la Logique est de distinguer le vrai d'avec le faux.

Puisqu'il est certain que notre imagination est d'un grand secours pour la mémoire, on ne peut pas absolument rejetter la méthode des schématismes, pourvû que les images n'ayent rien d'extravagant ni de puérile, & qu'on ne les applique pas à des choses qui n'en sont point du tout susceptibles. Mais c'est en cela qu'on a manqué en plusieurs façons : car les uns ont voulu désigner par des figures toutes sortes de choses morales & métaphysiques ; ce qui est absurde, parce que ces choses ont besoin de tant d'explications, que le travail de la mémoire en est doublé. Les autres ont donné des images si absurdes & si ridicules, que loin de rendre la science agréable, elles l'ont rendu dégoûtante. Les personnes qui commencent à se servir de leur raison, doivent s'abstenir de cette méthode, & tâcher d'aider la mémoire par le moyen du jugement. Il faut dire la même chose de la mémoire qu'on appelle technique. Quelques-uns ont proposé de s'imaginer une maison ou bien une ville, & de s'y représenter différens endroits dans lesquels on placeroit les choses ou les idées qu'on voudroit se rappeller. D'autres, au lieu d'une maison ou d'une ville, ont choisi certains animaux dont les lettres initiales font un alphabet latin. Ils partagent chaque membre de chacune de ces bêtes en cinq parties, sur lesquelles ils affichent des idées ; ce qui leur fournit 150 places bien marquées, pour autant d'idées qu'ils s'y imaginent affichées. Il y en a d'autres qui ont eu recours à certains mots, vers, & autres choses semblables : par exemple, pour retenir les mots d'Alexandre, Romulus, Mercure, Orphée, ils prennent les lettres initiales qui forment le mot armo ; mot qui doit leur servir à se rappeller les quatre autres. Tout ce que nous pouvons dire là-dessus, c'est que tous ces mots & ces vers techniques paroissent plus difficiles à retenir, que les choses mêmes dont ils doivent faciliter l'étude.

Les moyens les plus sûrs pour perfectionner la mémoire, sont ceux que nous fournit la Logique ; plus l'idée que nous avons d'une chose est claire & distincte, plus nous aurons de facilité à la retenir & à la rappeller quand nous en aurons besoin. S'il y a plusieurs idées, on les arrange dans leur ordre naturel, de sorte que l'idée principale soit suivie des idées accessoires, comme d'autant de conséquences ; avec cela on peut pratiquer certains artifices qui ne sont pas sans utilité : par exemple, si l'on compose quelque chose, pour l'apprendre ensuite par coeur, on doit avoir soin d'écrire distinctement, de marquer les différentes parties par de certaines séparations, de se servir des lettres initiales au commencement d'un sens ; c'est ce qu'on appelle la mémoire locale. Pour apprendre par coeur, on recommande ensuite de se retirer dans un endroit tranquille. Il y a des gens qui choisissent la nuit, & même se mettent au lit. Voyez là-dessus la Pratique de la mémoire artificielle, par le P. Buffier.

Les anciens Grecs & Romains parlent en plusieurs endroits de l'art mnemonique. Ciceron dit, dans le liv. II. de Orat. c. lxxxvj. que Simonide l'a inventé. Ce philosophe étant en Thessalie, fut invité par un nommé Scopas ; lorsqu'il fut à table, deux jeunes gens le firent appeller pour lui parler dans la cour. A peine Simonide fut-il sorti, que la chambre où les autres étoient restés, tomba & les écrasa tous. Lorsqu'on voulut les enterrer, on ne put les reconnoître, tant ils étoient défigurés. Alors Simonide se rappellant la place où chacun avoit été assis, les nomma l'un après l'autre ; ce qui fit connoître, dit Ciceron, que l'ordre étoit la principale chose pour aider la mémoire. (X)

ART POETIQUE. Voyez POESIE & POETIQUE.

ART MILITAIRE. Voyez MILITAIRE.


ART-ET-PART(Hist. mod.) auteur & complice ; c'est une expression usitée dans l'extrémité septentrionale de l'Angleterre & en Ecosse. Quand quelqu'un est accusé d'un crime, on dit : il est art-&-part dans cette action ; c'est-à-dire que non-seulement il l'a conseillée & approuvée, mais encore qu'il a contribué personnellement à son exécution. Voyez AUTEUR & COMPLICE. (G)


ARTA(L') Géog. ville de la Turquie Européenne, dans la basse Albanie, proche la mer, sur la riviere d'Afdhas. Long. 39. lat. 39. 28.


ARTABES. m. (Hist. anc.) sorte de mesure dont se servoient les Babyloniens, & dont il est fait mention dans Daniel, c. xjv. v. 2. où il est dit que les prêtres de Bel, dont ce prophete découvrit l'imposture, offroient tous les jours à ce dieu douze artabes de vin. L'artabe contenoit soixante-douze septiers, selon S. Epiphane, de ponderib. & mens. & Isidore de Séville, lib. XVI. orig. Diction. de la Bib. tom. I. p. 227. (G)


ARTAMENES. m. terme de Fleuriste ; c'est un oeillet brun, sur un fin blanc gagné de l'orfeline. Il vient petit : mais sa plante est robuste, & sa marcotte vigoureuse. Traité des fleurs.


ARTAXATou ARDACHAT, (Géog. anc. & Hist.) capitale ancienne de l'Arménie, sur l'Araxe, appellé dans la suite Neronée. Il n'y en a plus aujourd'hui que quelques ruines, qui consistent en une façade de bâtiment, à quatre rangs de colonnes de marbre noir, & quelques autres morceaux du même édifice. Les habitans du pays appellent cet amas de matériaux tacterdat, ou le throne de Tiridat.


ARTEMIS(Myth.) surnom sous lequel Diane étoit adorée en plusieurs endroits de l'Asie mineure & de la Grece.


ARTEMISIES(Myth.) fêtes instituées en l'honneur de Diane, surnommée Artemis.


ARTERES. f. , dérivé des mots grecs, , air, & , je conserve ; en Anatomie, c'est un canal membraneux, élastique, qui a la figure d'un cone allongé, intérieurement lisse & poli, sans valvules, si ce n'est dans le coeur, qui décroît à mesure qu'il se divise en un plus grand nombre de rameaux, & qui est destiné à recevoir le sang du coeur pour le distribuer dans le poumon & dans toutes les parties du corps. Voyez COEUR, POUMON, &c. On donna d'abord ce nom à ce que nous appellons la trachée artere, aspera, &c.

Les arteres dont il est question, s'appelloient veines saillantes ou internes, veines qui battent, par opposition aux veines externes non saillantes. Elles eurent principalement cette dénomination, parce que suivant la théorie d'Erasistrate, on pensoit que les tuyaux qui partent du coeur, n'étoient pleins que d'air, qui en entrant dans leurs cavités, les dilatoit, & les faisoit se contracter lorsqu'il en sortoit. Voilà la cause de la diastole & de la systole, suivant les anciens.

L'artere par excellence, , est l'aorte. Voyez AORTE.

Toutes les arteres du corps sont des branches de deux gros troncs, dont l'un vient du ventricule droit du coeur, & porte tout le sang du poumon, d'où on le nomme artere pulmonaire ; l'autre part du ventricule gauche du coeur, & distribue le sang de toutes les parties du corps. On l'appelle aorte. Voyez PULMONAIRE.

Les auteurs sont fort partagés sur la structure des arteres : les uns ont multiplié les membranes, d'autres en ont diminué le nombre ; il y en a qui en admettent jusqu'à six, savoir la nerveuse, la cellulaire, la vasculeuse, la glanduleuse, la musculeuse, & la tendineuse. Voyez NERVEUX, CELLULAIRE, &c.

Le docteur Haller dont nous embrassons la doctrine, n'en admet que deux, l'interne, & la charnue ; la cellulaire n'est que leur accessoire, & il ne regarde pas l'extérieure comme constante.

Les arteres ont la figure de cones allongés, & vont en décroissant à mesure qu'elles se divisent en un plus grand nombre de rameaux ; & lorsqu'elles parcourent quelque espace sans en jetter, elles paroissent cylindriques. Tous ces vaisseaux étant remplis, dans quelqu'endroit qu'on les conçoive coupés par un plan perpendiculaire à l'axe de leur direction, l'ouverture qu'ils présenteront sera toûjours circulaire ; ces vaisseaux coniques ont leur base commune dans les deux ventricules du coeur, puisqu'ils sont tous produits par l'aorte & par l'artere pulmonaire, & leur sommer aboutit à l'origine des veines ou à la partie de l'artere qui est ou paroît cylindrique.

La membrane externe des arteres n'est pas une membrane propre à toutes, & qui s'observe dans tous leurs trajets : par exemple, quelques-unes sont recouvertes par la plevre dans la poitrine, par le péritoine dans le bas-ventre ; d'autres, comme les arteres du cou, sont environnées extérieurement d'un tissu cellulaire plus épais ; le péricarde embrasse de tous côtés l'aorte, mais il se termine bientôt en changeant de texture dans la membrane cellulaire ; la dure-mere fournit une gaîne à la carotide au passage de cette artere dans le crane. La premiere membrane de toutes les arteres est donc la membrane cellulaire, qui est plus lâche dans sa superficie externe, colorée d'une infinité de petites artérioles & de veines, & traversée de nerfs assez sensibles.

La macération fait voir que ce qu'on appelle la membrane tendineuse de l'artere, ne differe en aucune façon de la cellulaire, puisque les couches intérieures mêmes de cette tunique deviennent cellulaires.

La partie de l'artere la plus intérieure & la plus proche de sa cavité, paroît composée en général de fibres circulaires. Ces fibres dans les grands vaisseaux sont composés de plusieurs couches assez sensibles par leur couleur rougeâtre & leur solidité ; plus les vaisseaux deviennent petits, & plus elles sont difficiles à découvrir. Sous cette membrane on en remarque une autre cellulaire fort difficile à démontrer, dans laquelle se répandent les concrétions plâtreuses lorsque l'artere s'ossifie.

La membrane la plus interne de l'artere est unie & polie par le courant du sang ; elle forme une couche continue dans toute l'étendue de ses cavités ; elle revêt par-tout les fibres charnues, qui d'elles-mêmes ne sont pas assez continues pour former un plan uni, & empêche que le sang ne s'insinue dans les espaces qu'elles laissent entr'elles ; elle est même par-tout sans valvules.

Il est facile de concevoir par ce que nous venons de dire, pourquoi certains auteurs ont attribué cinq membranes aux arteres, pendant que d'autres n'en ont reconnu que trois.

Toutes les arteres battent. En effet, quoiqu'on sente avec le doigt le mouvement de systole & de diastole dans les grandes arteres, & qu'il n'en soit pas de même dans les plus petites, on sent néanmoins de fortes pulsations dans les plus petites, lorsque le mouvement du sang est un peu augmenté, comme cela arrive dans l'inflammation. Les arteres ont assez de force : mais le tissu épais & dur de la membrane cellulaire externe, refusant de se prêter à la force qui les distend, elles se rompent facilement & presque plus facilement que les membranes de la veine ; c'est-là une des causes de l'anevrysme. D'ailleurs les membranes des grosses arteres sont, proportion gardée, plus foibles que celles des petites, & par cette raison le sang produit un plus grand effet sur les grandes que sur les petites ; c'est-là pourquoi les anevrysmes sont plus ordinaires aux environs du coeur.

La nature a mis par-tout les arteres à couvert, parce que leur blessure ne pouvoit être sans danger dans les plus petites, & sans la perte de la vie dans les plus grandes. Les plus petites artérioles se distribuent en grand nombre à la peau, & les plus grands troncs sont recouverts par la peau & par les muscles, & rampent sur les os. Il part de chaque tronc artériel des rameaux qui se divisent & se subdivisent en d'autres plus petits, dont on a peine à découvrir la fin ; les orifices des deux rameaux produits par un tronc pris ensemble, sont toûjours plus grands que celui du tronc, dans la raison de 2 à 1, à-peu-près, ou un peu moins. Tous les troncs s'élargissent au-dessus de leur division. Les angles sous lesquels les rameaux sortent de leurs troncs, sont presque toûjours aigus, demi-droits ou approchant ; angle sous lequel il est démontré dans les méchaniques, que les fluides doivent être poussés le plus loin. Nous avons cependant des exemples dans lesquels les rameaux partent de leurs troncs sous des angles droits ou approchant, comme on le remarque dans les arteres lombaires & dans les intercostales. Nous avons aussi des rameaux rétrogrades dans les arteres coronaires du coeur, & dans les arteres spinales produites par les vertébrales.

Les arteres communiquent toutes fréquemment les unes avec les autres, de sorte qu'il n'y a aucune partie du corps dans laquelle les troncs artériels voisins ne communiquent par des rameaux intermédiaires. Les extrémités des arteres sont cylindriques ou très-approchantes de cette figure, & se terminent de différentes façons, soit en se continuant jusque dans la plus petite veine, soit dans les visceres où elles forment des pinceaux, des arbrisseaux, des zig-zags, des franges, & différentes figures, suivant la différente fonction de ces parties ; soit dans des conduits excréteurs semblables aux veines ; soit dans des vaisseaux d'un genre plus petit, qui sont quelquefois continus aux arteres, & qui sont de véritables troncs par rapport aux rameaux qu'ils produisent (telles sont les arteres lymphatiques) ; soit dans un canal exhalant : c'est ainsi qu'elles finissent très-fréquemment par tout le corps.

Les veines ressemblent aux arteres en plusieurs points : mais elles different en bien des choses. Voyez VEINE.

La nature élastique des arteres fait voir qu'elles se contractent effectivement, & que cette contraction sert à faire avancer le sang. Voyez SANG & CIRCULATION. Voyez, dans nos Planches d'Anatomie, la distribution des arteres ; & à l'article ANATOMIE, l'explication des figures relatives à cette distribution. (L)


ARTÉRIAQUESadj. pl. On donne, en Medecine, ce nom aux remedes qu'on employe contre l'atonie, ou les maladies qui proviennent de la trop grande aridité de la trachée-artere & du larynx. On peut mettre de ce nombre, 1°. les huiles tirées par expression, ou les émulsions préparées avec les amandes douces ; les semences de pavot blanc, les quatre semences froides, &c. ou les loochs & les sirops faits de ces substances : 2°. les vapeurs qui s'élevent des décoctions de plantes émollientes ou farineuses, qu'on dirige vers la partie affectée : 3°. les opiates.


ARTÉRIELadj. en Anatomie, ce qui a rapport ou ce qui appartient aux arteres. Voyez ARTERE. On pense que le sang artériel est plus chaud, plus vermeil, plus spiritueux, que le sang véneux. Voyez SANG.

Le conduit artériel dans le foetus, est un canal de communication entre l'aorte & l'artere pulmonaire, par lequel le sang passe de l'artere pulmonaire dans l'aorte, tant que l'enfant n'a pas respiré : lorsque le sang trouve une issue par les poumons au moyen de la respiration, ce conduit se ferme, les parois se rapprochent & forment le ligament artériel. Voyez RESPIRATION, FOETUS, &c. (L)


ARTÈRIEUXEUSE, adj. qui tient de la nature de l'artere ; Veine artérieuse ; c'est un nom que l'on donne à l'artere pulmonaire, ou à un vaisseau par lequel le sang est porté du ventricule droit du coeur aux poumons. Voyez PULMONAIRE.


ARTÉRIO-PITUITEUXadject. en Anatomie. Ruysch a fait connoître dans les narines, des vaisseaux singuliers, qu'il nomme artério-pituiteux, qui rampent suivant la longueur des narines, & font de longues aréoles réticulaires. (L)


ARTÉRIOTOMIE, d', & de , je coupe, en terme de Chirurgie, l'opération d'ouvrir une artere, ou de tirer du sang en ouvrant une artere avec la lancette, ce que l'on pratique en quelques cas extraordinaires. Voyez ARTERE, PHLEBOTOMIE, &c. Voyez aussi ANEVRYSME.

L'artériotomie est une opération qui ne se pratique qu'au front, aux tempes & derriere les oreilles, à cause du crane qui sert de point d'appui aux arteres ; par-tout ailleurs l'ouverture de l'artere est ordinairement mortelle : on a un très-grand nombre d'exemples de personnes qui sont mortes de la saignée, parce qu'une artere a été prise pour une veine.

Fernel (2. 18.) Severinus (Effic. med. part. II.) Tulpius (obs. 1. 48.) & Catherwood, ont fait tous leurs efforts pour introduire l'artériotomie dans les cas d'apoplexie, comme étant préférable à la saignée qui se fait par les veines ; mais ils n'ont pas été fort suivis. Voyez APOPLEXIE.

Pour ouvrir l'artere temporale, qui est celle qu'on préfere pour l'artériotomie, on n'applique point de ligature ; on tâte avec le doigt index une de ses branches, qu'on fixe avec le pouce de la main gauche ; on l'ouvre de la même façon que la veine dans la phlébotomie : quelques-uns préferent l'usage du bistouri. Le sang qui vient de l'artere est vermeil, & sort par secousses qui répondent à l'action des tuniques des arteres, lorsqu'on a tiré la quantité de sang suffisante, on rapproche les levres de la plaie, & on la couvre de trois ou quatre compresses graduées, dont la premiere aura un pouce en quarré, & les autres plus grandes à proportion, afin que la compression soit ferme. On contiendra ces compresses avec le bandage appellé solaire. Voici comme il se fait. Il faut prendre une bande de quatre aunes de long & trois doigts de large ; on la roule à deux globes, dont on tient un de chaque main. On applique le milieu de la bande sur les compresses, pour aller autour de la tête sur l'autre tempe, y engager les deux chefs en changeant les globes de main : on les ramene sur les compresses, où on les croise en changeant de main ; de sorte que si c'est du côté droit, on fasse passer le globe postérieur dessous l'antérieur, c'est-à-dire celui qui a passé sur le front, & qui dans l'exemple proposé est tenu de la main droite. Dès qu'on les a changés de main, on en dirige un sur le sommet de la tête, & l'autre par-dessous le menton ; on continue pour aller les croiser à la tempe opposée au mal, pour de-là revenir en changeant de main autour de la tête former un deuxieme noeud d'emballeur au-dessus des compresses ; on continue en faisant des circulaires assez serrés autour de la tête pour employer ce qui reste de la bande. Voyez fig. 3. chir. Pl. XXVII. Un bandage circulaire bien fait, produit le même effet sans tant d'embarras. (Y)

* C'est de la blessure des arteres que procedent les hémorrhagies dangereuses. Nous parlerons à l'article HEMORRHAGIE, des différens moyens inventés par l'Art pour l'arrêter. On ne peut disconvenir que la ligature ne soit le plus sûr de tous ; mais il y a des cas où elle a de grands inconvéniens, comme dans celui de l'anevrysme au bras, où le chirurgien n'étant jamais certain de ne pas lier le tronc de l'artere, le malade est en risque de perdre le bras par l'effet de la ligature, s'il n'y a pas d'autre ressource pour la circulation du sang, que celle de l'artere liée. C'est donc un grand remede que celui qui étant appliqué sur la plaie de l'artere découverte par une incision, arrête le sang & dispense de la ligature. Le Roi vient de l'acheter (Mai 1751.) du sieur Brossart, chirurgien de la Châtre en Berry, après plusieurs expériences sur des amputations faites à l'hôtel royal des Invalides & à l'hôpital de la Charité, mais notamment après un anevrysme guéri par ce moyen, & opéré par l'illustre M. Morand, de l'académie royale des Sciences. Ce célebre chirurgien, dont l'amour pour le bien public égale les talens & le savoir si généralement reconnus, a bien voulu nous communiquer le remede dont il s'agit.

Il consiste dans la substance fongueuse de la plante nommée agaricus pedis equini facie. Inst. rei herb. 562. Fungus in caudicibus nascens unguis equini figurâ. C. B. Pin. 372. Fungi igniarii. Trag. 943. parce qu'on en fait l'amadou.

On coupe l'écorce ligneuse de cet agaric ; on sépare la partie fongueuse du reste de la plante ; elle est déjà souple comme une peau de chamois, on l'amollit encore en la battant avec un marteau. Un morceau de cette espece d'amadou appliqué sur la plaie de l'artere, & plus large que ladite plaie, soûtenu d'un second morceau un peu plus large, & de l'appareil convenable, arrête le sang.


ARTHRITIQUE(AFFECTIONS) On donne, en Medecine, ce nom à toutes les maladies qui attaquent les jointures, & qui tiennent de la nature de la goutte, & à tous les médicamens qu'on employe pour les guérir. Voyez GOUTTE.


ARTHRODIES. f. mot formé du grec , articulation, & de , je reçois ; c'est, en Anatomie, une espece d'articulation dans laquelle la tête plate d'un os est reçûe dans une concavité peu profonde d'un autre os. Voyez OS & ARTICULATION.

Telle est l'articulation des os du métacarpe avec les premieres phalanges des doigts, des apophyses obliques des vertebres entr'elles, &c. (L)


ARTICHAUTS. m. cinara, (Hist. nat. botan.) genre de plante qui porte des fleurs à fleurons découpés, portés chacun sur un embryon, & renfermés dans un calice écailleux & ordinairement épineux. L'embryon devient dans la suite une semence garnie d'aigrettes. Ajoûtez aux caracteres de ce genre le port de l'artichaut, qui se fait distinguer si aisément des chardons. Tourn. Inst. rei herb. Voy. PLANTE. (I)

On distingue trois sortes d'artichauts, les rouges, les blancs, & les violets.

Les rouges sont les plus petits, & ne sont bons qu'à manger à la poivrade ; les blancs sont les plus ordinaires ; & les violets qui viennent les derniers, sont les meilleurs, les plus gros, & ceux que l'on fait sécher pour l'hyver.

On en fait des oeilletons qu'on détache du pié, & qu'on replante tous les trois ans à neuf ou dix pouces de distance. Ils demandent à être souvent fumés, arrosés, & couverts pendant la gelée : on les bute seulement dans les terres légeres. Pour les faire avancer plusieurs jardiniers y répandent des cendres de bois brûlé. (K)

* Dans l'analyse chimique de culs d'artichauts tendres & frais, dépouillés des écailles & des semences, distillés à la cornue, il est sorti une liqueur limpide, d'une odeur & d'une saveur d'herbe, insipide & obscurément acide ; une liqueur d'abord limpide, manifestement acide, fort acide sur la fin, austere, roussâtre, empyreumatique ; une liqueur empyreumatique rousse, d'abord fort acide, ensuite un peu salée, & imprégnée de beaucoup de sel alkali urineux ; une huile épaisse comme du sirop.

La masse noire calcinée pendant dix heures, a laissé des cendres dont on a tiré par lixiviation un sel fixe purement alkali. Cette substance charnue a une saveur douçâtre, austere, & noircit la dissolution du vitriol : elle contient donc un sel essentiel tartareux, uni avec beaucoup de terre astringente & d'huile douçâtre.

On mange les artichauts à la poivrade, on les frit, on les fricasse & on les confit.

Pour les mettre à la poivrade, prenez-les tendres ; coupez-les par quartiers ; ôtez-en le foin & les petites feuilles ; pelez le dessus ; jettez-les dans l'eau fraîche, & les y laissez, de peur qu'ils ne se noircissent & ne deviennent amers, jusqu'à ce que vous les vouliez servir : alors mettez-les dans un plat ou sur une assiete, arrosés d'eau, & servez en même tems du poivre & du sel mêlés.

Pour les frire, prenez-en les culs ; coupez-les par quartiers ; ôtez le foin ; rognez la pointe des feuilles ; saupoudrez-les ensuite de farine détrempée avec du beurre, des jaunes d'oeufs, du sel, &c. & jettez-les dans la friture chaude.

On met encore les artichauts à la sauce blanche & à plusieurs autres. Voyez là-dessus les traités de cuisine.

Pour les confire, pelez les culs ; n'y laissez ni feuilles ni foin ; jettez-les dans l'eau fraîche ; faites-les passer dans une autre eau ; faites-leur jetter un bouillon : prenez un pot ; mettez-y de l'eau bien salée qui surnage de trois doigts ; ajoûtez-y une partie d'eau & une autre de vinaigre ; l'épaisseur de deux doigts de bonne huile ou de beurre qui ne soit pas trop chaud ; & laissez les artichauts dans cet état.

L'artichaut à la poivrade est ami de l'estomac, & fait trouver le vin bon. On en conserve les culs pour l'hyver, en les faisant sécher au soleil ou à la fumée, & en les tenant dans un lieu sec ; mais de quelque maniere qu'on les prépare ils nourrissent peu, & fournissent un suc grossier & venteux : les côtes des feuilles, & les tiges tendres & blanches se digerent facilement. Les racines excitent fortement les urines ; on les peut employer dans les décoctions & les bouillons diurétiques. Quelques-uns prescrivent la décoction en lavement pour provoquer les urines.


ARTICLES. m. (Gramm.) en latin articulus, diminutif de artus, membre, parce que dans le sens propre on entend par article les jointures des os du corps des animaux, unies de différentes manieres & selon les divers mouvemens qui leur sont propres : de-là par métaphore & par extension on a donné divers sens à ce mot.

Les Grammairiens ont appellé articles certains petits mots qui ne signifient rien de physique, qui sont identifiés avec ceux devant lesquels on les place, & les font prendre dans une acception particuliere : par exemple, le roi aime le peuple ; le premier le ne présente qu'une même idée avec roi ; mais il m'indique un roi particulier que les circonstances du pays où je suis ou du pays dont on parle, me font entendre : l'autre le qui précede peuple, fait aussi le même effet à l'égard de peuple ; & de plus le peuple étant placé après aime, cette position fait connoître que le peuple est le terme ou l'objet du sentiment que l'on attribue au roi.

Les articles ne signifient point des choses ni des qualités seulement, ils indiquent à l'esprit le mot qu'ils précedent, & le font considérer comme un objet tel, que sans l'article cet objet seroit regardé sous un autre point de vûe ; ce qui s'entendra mieux dans la suite, sur-tout par les exemples.

Les mots que les Grammairiens appellent articles, n'ont pas toûjours dans les autres langues des équivalens qui y ayent le même usage. Les Grecs mettent souvent leurs articles devant les noms propres, tels que Philippe, Alexandre, César, &c. nous ne mettons point l'article devant ces mots-là. Enfin il y a des langues qui ont des articles, & d'autres qui n'en ont point.

En hébreu, en chaldéen & en syriaque les noms sont indéclinables, c'est-à-dire qu'ils ne varient point leur désinence ou dernieres syllabes, si ce n'est comme en françois du singulier au pluriel ; mais les vûes de l'esprit ou relations que les Grecs & les Latins font connoître par les terminaisons des noms, sont indiquées en hébreu par des prépositifs qu'on appelle préfixes, & qui sont liés aux noms à la maniere des prépositions inséparables, ensorte qu'ils forment le même mot.

Comme ces prépositifs ne se mettent point au nominatif, & que l'usage qu'on en fait n'est pas trop uniforme, les Hébraïsans les regardent plûtôt comme des prépositions que comme des articles. Nomina hebraica propriè loquendo sunt indeclinabilia. Quo ergo in casu accipienda sint & efferenda, non terminatione dignoscitur, sed praecipuè constructione & praepositionibus quibusdam, seu litteris praepositionum vices gerentibus, quoe ipsis à fronte adjiciuntur. Masclef. Gramm. hebr. c. ij. n. 7.

A l'égard des Grecs, quoique leurs noms se déclinent, c'est-à-dire qu'ils changent de terminaison selon les divers rapports ou vûes de l'esprit qu'on a à marquer, ils ont encore un article ὁ, ἡ, τό, τοῦ, τῆς, τοῦ, &c. dont ils font un grand usage ; ce mot est en Grec une partie spéciale d'oraison. Les Grecs l'appellerent ἄρθρον, du verbe ἄρω, apto, adapto, disposer, apprêter ; parce qu'en effet l'article dispose l'esprit à considérer le mot qui le suit sous un point de vûe particulier ; ce que nous développerons plus en détail dans la suite.

Pour ce qui est des Latins, Quintilien dit expressément qu'ils n'ont point d'articles, & qu'ils n'en ont pas besoin, noster sermo articulos non desiderat. (Quint. lib. I. c. jv.) Ces adjectifs is, hic, ille, iste, qui sont souvent des pronoms de la troisieme personne, sont aussi des adjectifs démonstratifs & métaphysiques, c'est-à-dire qui ne marquent point dans les objets des qualités réelles indépendantes de notre maniere de penser. Ces adjectifs répondent plûtôt à notre ce qu'à notre le. Les Latins s'en servent pour plus d'énergie & d'emphase : Catonem illum sapientem (Cic.) ce sage Caton ; ille alter, (Ter.) cet autre ; illa seges, (Virg. Georg. I. v. 47.) cette moisson ; illa rerum domina fortuna, (Cic. pro Marc. n. 2.) la fortune elle-même, cette maîtresse des évenemens.

Uxorem ille tuus pulcher amator habet.

Propert. lib. II. eleg. xvj. v. 4. Ce bel amant que vous avez, a une femme.

Ces adjectifs latins qui ne servent qu'à déterminer l'objet avec plus de force, sont si différens de l'article grec & de l'article françois, que Vossius prétend (de Anal. lib. I. c. j. p. 375.) que les maîtres qui, en faisant apprendre les déclinaisons latines, font dire haec musa, induisent leurs disciples en erreur ; & que pour rendre littéralement la valeur de ces deux mots latins selon le génie de la langue greque, il faudroit traduire haec musa, , c'est-à-dire cette la muse.

Les Latins faisoient un usage si fréquent de leur adjectif démonstratif ille, illa, illud, qu'il y a lieu de croire que c'est de ces mots que viennent notre le & notre la ; ille ego, mulier illa : Vae homini illi per quem tradetur. (Luc, c. xxij. v. 22.) bonum erat ei si natus non fuisset homo ille. (Matt. c. xxvj. v. 24.) Hîc illa parva Petilia Philoctetae. (Virg. Aen. lib. III. v. 401.) C'est-là que la petite ville de Petilie fut bâtie par Philoctete. Ausoniae pars illa procul quam pandit Apollo. Ib. v. 479. Haec illa Charybdis. Ib. v. 558. Pétrone faisant parler un guerrier qui se plaignoit de ce que son bras étoit devenu paralytique, lui fait dire : funerata est pars illa corporis mei quâ quondam Achilles eram ; il est mort ce bras par lequel j'étois autrefois un Achille. Ille Deûm pater, Ovide. Quisquis fuit ille Deorum. Ovide, Metam. lib. I. v. 32.

Il y a un grand nombre d'exemples de cet usage que les Latins faisoient de leur ille, illa, illud, surtout dans les comiques, dans Phedre & dans les auteurs de la basse latinité. C'est de la derniere syllabe de ce mot ille, quand il n'est pas employé comme pronom, & qu'il n'est qu'un simple adjectif indicatif, que vient notre article le : à l'égard de notre la, il vient du féminin illa, La premiere syllabe du masculin ille a donné lieu à notre pronom il, dont nous faisons usage avec les verbes, ille affirmat, (Phaed. lib. III. fab. iij. v. 4.) il assûre. Ille fecit, (Id. lib. III. fab. v. vers 8.) il a fait ou il fit. Ingenio vires ille dat, ille rapit, (Ov. Her. ep. xv. v. 206.) A l'égard de elle, il vient de illa, illa veretur, (Virg. eclog. iij. v. 4.) elle craint.

Dans presque toutes les langues vulgaires, les peuples, soit à l'exemple des Grecs, soit plûtôt par une pareille disposition d'esprit, se sont fait de ces prépositifs qu'on appelle articles. Nous nous arrêterons principalement à l'article françois.

Tout prépositif n'est pas appellé article. Ce, cet, cette, certain, quelque, tout, chaque, nul, aucun, mon, ma, mes, &c. ne sont que des adjectifs métaphysiques ; ils précedent toûjours leurs substantifs ; & puisqu'ils ne servent qu'à leur donner une qualification métaphysique, je ne sai pourquoi on les met dans la classe des pronoms. Quoi qu'il en soit, on ne donne pas le nom d'article à ces adjectifs ; ce sont spécialement ces trois mots, le, la, les, que nos Grammairiens nomment articles, peut-être parce que ces mots sont d'un usage plus fréquent. Avant que d'en parler plus en détail, observons que

1°. Nous nous servons de le devant les noms masculins au singulier, le roi, le jour. 2°. Nous employons la devant les noms féminins au singulier, la reine, la nuit. 3°. La lettre s qui, selon l'analogie de la langue, marque le pluriel quand elle est ajoûtée au singulier, a formé les du singulier le ; les sert également pour les deux genres, les rois, les reines, les jours, les nuits. 4°. Le, la, les, sont les trois articles simples : mais ils entrent aussi en composition avec la préposition à, & avec la préposition de, & alors ils forment les quatre articles composés, au, aux, du, des.

Au est composé de la préposition à, & de l'article le, ensorte que au est autant que à le. Nos peres disoient al, al tems Innocent III. c'est-à-dire au tems d'Innocent III. L'apostoile manda al prodome, &c. le pape envoya au prud'homme : Ville-Hardouin, lib. I. pag. 1. mainte lerme i fu plorée de pitié al départir, ib. id. page 16. Vigenere traduit maintes larmes furent plorées à leur partement, & au prendre congé. C'est le son obscur de l'e muet de l'article simple le, & le changement assez commun en notre langue de l en u, comme mal, maux, cheval, chevaux ; altus, haut, alnus, aulne (arbre) alna, aune (mesure) alter, autre, qui ont fait dire au au lieu de à le, ou de al. Ce n'est que quand les noms masculins commencent par une consonne ou une voyelle aspirée, que l'on se sert de au au lieu de à le ; car si le nom masculin commence par une voyelle, alors on ne fait point de contraction, la préposition à & l'article le demeurent chacun dans leur entier : ainsi quoiqu'on dise le coeur, au coeur, on dit l'esprit, à l'esprit, le pere, au pere ; & on dit l'enfant, à l'enfant ; on dit le plomb, au plomb ; & on dit l'or, à l'or, l'argent, à l'argent, car quand le substantif commence par une voyelle, l'e muet de le s'élide avec cette voyelle, ainsi la raison qui a donné lieu à la contraction au, ne subsiste plus ; & d'ailleurs, il se feroit un bâillement desagréable si l'on disoit au esprit, au argent, au enfant, &c. Si le nom est féminin, n'y ayant point d'e muet dans l'article la, on ne peut plus en faire au ; ainsi l'on conserve alors la préposition & l'article, la raison, à la raison, la vertu, à la vertu. 2°. Aux sert au pluriel pour les deux genres ; c'est une contraction pour à les, aux hommes, aux femmes, aux rois, aux reines, pour à les hommes, à les femmes, &c. 3°. Du est encore une contraction pour de le ; c'est le son obscur des deux e muets de suite, de le, qui a amené la contraction du : autrefois on disoit del ; la fins del conseil si fu tels, &c. l'arrêté du conseil fut, &c. Ville-Hardouin, lib. VII. p. 107. Gervaise del Chastel, id. ib. Gervais du Castel. Vigenere. On dit donc du bien & du mal, pour de le bien, de le mal, & ainsi de tous les noms masculins qui commencent par une consonne ; car si le nom commence par une voyelle, ou qu'il soit du genre féminin, alors on revient à la simplicité de la préposition, & à celle de l'article qui convient au genre du nom ; ainsi on dit de l'esprit, de la vertu, de la peine ; par-là on évite le bâillement : c'est la même raison que l'on a marquée sur au. 4°. Enfin des sert pour les deux genres au pluriel, & se dit pour de les, des rois, des reines.

Nos enfans qui commencent à parler, s'énoncent d'abord sans contraction ; ils disent de le pain, de le vin. Tel est encore l'usage dans presque toutes nos provinces limitrophes, sur-tout parmi le peuple : c'est peut-être ce qui a donné lieu aux premieres observations que nos Grammairiens ont faites de ces contractions.

Les Italiens ont un plus grand nombre de prépositions qui se contractent avec leurs articles.

Mais les Anglois qui ont comme nous des prépositions & des articles, ne font pas ces contractions ; ainsi ils disent of the, de le, où nous disons du ; the king, le roi ; of the king, de le roi, & en françois du roi ; of the queen, de la reine ; to the king, à le roi, au roi ; to the queen, à la reine. Cette remarque n'est pas de simple curiosité ; il est important, pour rendre raison de la construction, de séparer la préposition de l'article, quand ils sont l'un & l'autre en composition : par exemple, si je veux rendre raison de cette façon de parler, du pain suffit, je commence par dire de le pain ; alors la préposition de, qui est ici une préposition extractive, & qui comme toutes les autres prépositions doit être entre deux termes, cette préposition, dis-je, me fait connoître qu'il y a ici une ellipse.

Phedre, dans la fable de la vipere & de la lime, pour dire que cette vipere cherchoit dequoi manger, dit : haec quùm tentaret si qua res esset cibi, l. IV. fab. vij. v. 4. où vous voyez que aliqua res cibi fait connoître par analogie que du pain, c'est aliqua res panis ; paululum panis, quelque chose, une partie, une portion du pain : c'est ainsi que les Anglois, pour dire donnez-moi du pain, disent give me some bread, donnez-moi quelque pain ; & pour dire j'ai vû des hommes, ils disent I have seen some men ; mot à mot, j'ai vû quelques hommes ; à des Medecins, to some physicians, à quelques medecins.

L'usage de sous-entendre ainsi quelque nom générique devant de, du, des, qui commencent une phrase, n'étoit pas inconnu aux Latins : Lentulus écrit à Cicéron de s'intéresser à sa gloire ; de faire valoir dans le sénat & ailleurs tout ce qui pourroit lui faire honneur : de nostra dignitate velim tibi ut semper curae sit. Cicéron, ép. livre XII. ép. xjv. Il est évident que de nostra dignitate ne peut être le nominatif de curae sit ; cependant ce verbe sit étant à un mode fini, doit avoir un nominatif : ainsi Lentulus avoit dans l'esprit ratio ou sermo de nostra dignitate, l'intérêt de ma gloire ; & quand même on ne trouveroit pas en ces occasions de mot convenable à suppléer, l'esprit n'en seroit pas moins occupé d'une idée que les mots énoncés dans la phrase réveillent, mais qu'ils n'expriment point : telle est l'analogie, tel est l'ordre de l'analyse de l'énonciation. Ainsi nos Grammairiens manquent d'exactitude, quand ils disent que la préposition dont nous parlons sert à marquer le nominatif, lorsqu'on ne veut que designer une partie de la chose, Gramm. de Regnier, page 170 ; Restaut, pag. 75. & 418. Ils ne prennent pas garde que les prépositions ne sauroient entrer dans le discours, sans marquer un rapport ou relation entre deux termes, entre un mot & un mot : par exemple, la préposition pour marque un motif, une fin, une raison : mais ensuite il faut énoncer l'objet qui est le terme de ce motif, & c'est ce qu'on appelle le complément de la préposition. Par exemple, il travaille pour la patrie, la patrie est le complément de pour, c'est le mot qui détermine pour ; ces deux mots pour la patrie font un sens particulier qui a rapport à travaille, & ce dernier au sujet de la préposition, le roi travaille pour la patrie. Il en est de même des prépositions de & à. Le livre de Pierre est beau ; Pierre est le complément de de, & ces deux mots de Pierre se rapportent à livre, qu'ils déterminent, c'est-à-dire, qu'ils donnent à ce mot le sens particulier qu'il a dans l'esprit, & qui dans l'énonciation le rend sujet de l'attribut qui le suit : c'est de ce livre que je dis qu'il est beau.

A est aussi une préposition qui, entre autres usages, marque un rapport d'attribution : donner son coeur à Dieu, parler à quelqu'un, dire sa pensée à son ami.

Cependant communément nos Grammairiens ne regardent ces deux mots que comme des particules qui servent, disent-ils, à décliner nos noms ; l'une est, dit-on, la marque du génitif ; & l'autre, celle du datif. Mais n'est-il pas plus simple & plus analogue au procédé des langues, dont les noms ne changent point leur derniere syllabe, de n'y admettre ni eas ni déclinaison, & d'observer seulement comment ces langues énoncent les mêmes vûes de l'esprit, que les Latins font connoître par la différence des terminaisons ? tout cela se fait, ou par la place du mot, ou par le secours des prépositions.

Les Latins n'ont que six cas, cependant il y a bien plus de rapports à marquer ; ce plus, ils l'énoncent par le secours de leurs prépositions. Hé bien, quand la place du mot ne peut pas nous servir à faire connoître le rapport que nous avons à marquer, nous faisons alors ce que les Latins faisoient au défaut d'une désinence ou terminaison particuliere : comme nous n'avons point de terminaison destinée à marquer le génitif, nous avons recours à une préposition ; il en est de même du rapport d'attribution, nous le marquons par la proposition à, ou par la préposition pour, & même par quelques autres, & les Latins marquoient ce rapport par une terminaison particuliere qui faisoit dire que le mot étoit alors au datif.

Nos Grammairiens ne nous donnent que six cas, sans doute parce que les Latins n'en ont que six. Notre accusatif, dit-on, est toûjours semblable au nominatif : hé, y a-t-il autre chose qui les distingue, sinon la place ? L'un se met devant, & l'autre après le verbe ; dans l'une & dans l'autre occasion le nom n'est qu'une simple dénomination. Le génitif, selon nos Grammaires, est aussi toûjours semblable à l'ablatif ; le datif a le privilége d'être seul avec le prétendu article à : mais de & à ont toujours un complément comme les autres prépositions, & ont également des rapports particuliers à marquer ; par conséquent si de & à font des cas, sur, par, pour, sous, dans, avec, & les autres prépositions, devroient en faire aussi ; il n'y a que le nombre déterminé des six cas latins qui s'y oppose : ce que je veux dire est encore plus sensible en italien.

Les Grammaires italiennes ne comptent que six cas aussi, par la seule raison que les Latins n'en ont que six. Il ne sera pas inutile de décliner ici au moins le singulier de nos Italiens, tels qu'ils sont déclinés dans la grammaire de Buommatei, celle qui avec raison a le plus de réputation.

1. Il re, c'est-à-dire le roi ; 2. del re, 3. al re, 4. il re, 5. o re, 6. dal re. 1. Lo abbate, l'abbé ; 2. dello abbate, 3. allo abbate, 4. lo abbate, 5. o abbate, 6. dallo abbate. 1. La donna, la dame ; 2. della donna, 3. alla donna, 4. la donna, 5. o donna, 6. dalla donna. On voit aisément, & les Grammairiens en conviennent, que del, dello & dalla, sont composés de l'article, & de di, qui en composition se change en de ; que al, allo & alla, sont aussi composés de l'article & de a, & qu'enfin dal, dallo & dalla, sont formés de l'article & de da, qui signifie par, che, de.

Buommatei appelle ces trois mots di, a, da, des segnacasi, c'est-à-dire des signes des cas. Mais ce ne sont pas ces seules prépositions qui s'unissent avec l'article : en voici encore d'autres qui ont le même privilége.

Con, co, avec ; col tempo, avec le tems ; colla liberta, avec la liberté.

In, en, dans, qui en composition se change en ne, nello specchio, dans le miroir ; nel giardino, dans le jardin ; nelle strade, dans les rues.

Per, pour, par rapport à, perd l'r ; p'el giardino, pour le jardin.

Sopra, sur, se change en su, su'l prato, sur le pré, sulla tavola, sur la table. Infra ou intra se change en tra : on dit tra'l pour tra, il entre là.

La conjonction & s'unit aussi avec l'article, la terra e'l cielo, la terre & le ciel. Faut-il pour cela l'ôter du nombre des conjonctions ? Puisqu'on ne dit pas que toutes ces prépositions qui entrent en composition avec l'article, forment autant de nouveaux cas qu'elles marquent de rapports différens ; pourquoi dit-on que di, a, da, ont ce privilége ? C'est qu'il suffisoit d'égaler dans la langue vulgaire le nombre des six cas de la Grammaire latine, à quoi on étoit accoûtumé dès l'enfance. Cette correspondance étant une fois trouvée, le surabondant n'a pas mérité d'attention particuliere.

Buommatei a senti cette difficulté ; sa bonne foi est remarquable ; je ne saurois condamner, dit-il, ceux qui veulent que in, per, con, soient aussi bien signes de cas, que le sont di, a, da : mais il ne me plaît pas à-présent de les mettre au nombre des signes de cas ; il me paroît plus utile de les laisser au traité des prépositions : io non danno in loro ragioni, che certò non si posson dannare ; ma non mi piace per ora mettere gli ultimi nel numero de segnacasi ; parendo à me piu utile lasciar gli al trattato delle propositioni. Buommatei, della ling. Toscana. Del Segn. c. tr. 42. Cependant une raison égale doit faire tirer une conséquence pareille : per ratio, paria jura desiderat : co, ne, pe, &c. n'en sont pas moins prépositions, quoiqu'elles entrent en composition avec l'article, ainsi di, a, da, n'en doivent pas moins être prépositions pour être unies à l'article. Les unes & les autres de ces prépositions n'entrent dans le discours que pour marquer le rapport particulier qu'elles doivent indiquer chacune selon la destination que l'usage leur a donnée, sauf aux Latins à marquer un certain nombre de ces rapports par des terminaisons particulieres.

Encore un mot, pour faire voir que notre de & notre a ne sont que des prépositions, c'est qu'elles viennent, l'une de la préposition latin de, & l'autre de ad ou de a.

Les Latins ont fait de leur proposition de le même usage que nous faisons de notre de ; or si en latin de est toûjours préposition, le de françois doit l'être aussi toûjours.

1°. Le premier usage de cette préposition est de marquer l'extraction, c'est-à-dire d'où une chose est tirée, d'où elle vient, d'où elle a pris son nom ; ainsi nous disons un temple de marbre, un pont de pierre, un homme du peuple, les femmes de notre siecle.

2°. Et par extension cette préposition sert à marquer la propriété : le livre de Pierre, c'est-à-dire le livre tiré d'entre les choses qui appartiennent à Pierre.

C'est selon ces acceptions que les Latins ont dit, templum de marmore ponam, Virg. Georg. liv. III. vers 13. je ferai bâtir un temple de marbre : fuit in tectis de marmore templum, Virg. Aen. IV. v. 457. Il y avoit dans son palais un temple de marbre, tota de marmore, Virg. Ecl. VII. v. 31. toute de marbre :

.... solido de marmore templa

Instituam, festosque dies de nomine Phaebi.

Virg. Aen. VI. v. 70. Je ferai bâtir des temples de marbre, & j'établirai des fêtes du nom de Phoebus, en l'honneur de Phoebus.

Les Latins, au lieu de l'adjectif, se sont souvent servis de la préposition de suivie du nom, ainsi de marmore est équivalent à marmoreum. C'est ainsi qu'Ovide, I. mét. v. 127. au lieu de dire aetas ferrea, a dit : de duro est ultima ferro, le dernier âge est l'âge de fer. Remarquez qu'il venoit de dire, aurea prima sata est aetas ; ensuite subiit argentea proles.

Tertia post illas successit Ahnea proles :

& enfin il dit dans le même sens, de duro est ultima ferro.

Il est évident que dans la phrase d'Ovide, aetas de ferro, de ferro n'est point au génitif ; pourquoi donc dans la phrase françoise, l'âge de fer, de fer seroit-il au génitif ? Dans cet exemple la préposition de n'étant point accompagnée de l'article, ne sert avec fer, qu'à donner à âge une qualification adjective :

Ne partis expers esset de nostris bonis,

Ter. Heaut. IV. 1. 39. afin qu'il ne fût pas privé d'une partie de nos biens : non hoc de nihilo est, Ter. Hec. V. 1. 1. ce n'est pas là une affaire de rien.

Reliquum de ratiuncula, Ter. Phorm. I. 1. 2. un reste de compte.

Portenta de genere hoc. Lucret. liv. V. v. 38. les monstres de cette espece.

Caetera de genere hoc adfingere, imaginer des phantômes de cette sorte, id. ibid. v. 165. & Horace, I. sat. 1. v. 13. s'est exprimé de la même maniere, caetera de genere hoc adeo sunt multa.

De plebe Deo, Ovid. un dieu du commun.

Nec de plebe deo, sed qui vaga fulmina mitto. Ovid. Mét. I. v. 595. Je ne suis pas un dieu du commun, dit Jupiter à Io, je suis le dieu puissant qui lance la foudre. Homo de schola, Cic. de orat. ij. 7. un homme de l'école. Declamator de ludo, Cic. orat. c. xv. déclamateur du lieu d'exercice. Rabula de foro, un criailleur, un braillard du Palais, Cic. ibid. Primus de plebe, Tit. Liv. lib. VII. c. xvij. le premier du peuple Nous avons des élégies d'Ovide, qui sont intitulées de Ponto, c'est-à-dire envoyées du Pont. Mulieres de nostro seculo quae spontè peccant, les femmes de notre siecle. Ausone, dans l'épître qui est à la tête de l'idylle VII.

Cette couronne, que les soldats de Pilate mirent sur la tête de Jesus-Christ, S. Marc (ch. xv. v. 17.) l'appelle spineam coronam, & S. Matth. (ch. xv. v. 29.) aussi bien que S. Jean (ch. xjx. v. 2.) la nomment coronam de spinis, une couronne d'épines.

Unus de circumstantibus, Marc, ch. xjv. vers. 47. un de ceux qui étoient là, l'un des assistans. Nous disons que les Romains ont été ainsi appellés de Romulus ; & n'est-ce pas dans le même sens que Virgile a dit : Romulus excipiet gentem, Romanosque suo de nomine dicet. I. Aeneid. v. 281. & au vers 471. du même livre, il dit que Didon acheta un terrein qui fut appellé byrsa, du nom d'un certain fait ; facti de nomine byrsam ; & encore au vers 18. du III. liv. Enée dit : Aeneadasque meo nomen de nomine fingo. Ducis de nomine, ibid. vers. 166. &c. de nihilo irasci ; Plaut. se fâcher d'une bagatelle, de rien, pour rien ; quercus de caelo tactas, Virg. des chênes frappés de la foudre ; de more, Virg. selon l'usage ; de medio potare die, Horace, dès midi ; de tenero ungui, Horace, dès l'enfance ; de industriâ, Teren. de dessein prémédité ; filius de summo loco, Plaute, un enfant de bonne maison ; de meo, de tuo, Plaute, de mon bien, à mes dépens ; j'ai acheté une maison de Crassus, domum emi de Crasso ; Cic. fam. liv. V. Ep. vj. & pro Flacco, c. xx. fundum mercatus & de pupillo ; il est de la troupe, de grege illo est ; Ter. Adelp. III. iij. 38. je le tiens de lui, de Davo audivi ; diminuer de l'amitié, aliquid de nostra conjunctione imminutum ; Cic. V. liv. epist. v.

3. De se prend aussi en latin & en françois pour pendant ; de die, de nocte ; de jour, de nuit.

4. De pour touchant, au regard de ; si res de amore meo secundae essent ; si les affaires de mon amour alloient bien. Ter.

Legati de pace, César, de Bello Gall. 2. 3. des envoyés touchant la paix, pour parler de paix ; de argento somnium, Ter. Adelp. II. j. 50. à l'égard de l'argent, néant ; de captivis commutandis, pour l'échange des prisonniers.

5. De, à cause de, pour, nos amas de fidicinâ isthac, Ter. Eun. III. iij. 4. vous m'aimez à cause de cette musicienne ; laetus est de amicâ, il est gai à cause de sa maîtresse ; rapto de fratre dolentis, Horace, I. ep. xjv. 7. inconsolable de la mort de son frere ; accusare, arguere de ; accuser, reprendre de.

6. Enfin cette préposition sert à former des façons de parler adverbiales ; de integro, de nouveau. Cic. Virg. de industria, Teren. de propos délibéré, à dessein.

Si nous passions aux auteurs de la basse latinité, nous trouverions encore un plus grand nombre d'exemples : de caelis Deus, Dieu des cieux ; pannus de lanâ, un drap, une étoffe de laine.

Ainsi l'usage que les Latins ont fait de cette préposition a donné lieu à celui que nous en faisons. Les autorités que je viens de rapporter doivent suffire, ce me semble, pour détruire le préjugé répandu dans toutes nos grammaires, que notre de est la marque du génitif : mais encore un coup, puisqu'en latin templum de marmore, pannus de lana, de n'est qu'une préposition avec son complément à l'ablatif, pourquoi ce même de passant dans la langue françoise avec un pareil complément, se trouveroit-il transformé en particule, & pourquoi ce complément, qui est à l'ablatif en latin, se trouveroit-il au génitif en françois.

Il n'y est ni au génitif ni à l'ablatif ; nous n'avons point de cas proprement dit en françois ; nous ne faisons que nommer : & à l'égard des rapports ou vûes différentes sous lesquels nous considérons les mots, nous marquons ces vûes, ou par la place du mot, ou par le secours de quelque préposition.

La préposition de est employée le plus souvent à la qualification & à la détermination ; c'est-à-dire qu'elle sert à mettre en rapport le mot qui qualifie, avec celui qui est qualifié : un palais de roi, un courage de héros.

Lorsqu'il n'y a que la simple préposition de, sans l'article, la préposition & son complément sont pris adjectivement ; un palais de roi, est équivalent à un palais royal ; une valeur de héros, équivaut à une valeur héroïque ; c'est un sens spécifique, ou de sorte : mais quand il y a un sens individuel ou personnel, soit universel, soit singulier, c'est-à-dire quand on veut parler de tous les rois personnellement, comme si l'on disoit l'intérêt des rois, ou de quelque roi particulier, la gloire du roi, la valeur du héros que j'aime, alors on ajoûte l'article à la préposition ; car des rois, c'est de les rois ; & du héros, c'est de le héros.

A l'égard de notre à, il vient le plus souvent de la préposition latine ad, dont les Italiens se servent encore aujourd'hui devant une voyelle : ad uomo d'intellecto, à un homme d'esprit ; ad uno ad uno, un à un ; (S. Luc, ch. jx. v. 13.) pour dire que Jesus-Christ dit à ses disciples, &c. se sert de la préposition ad, ait ad illos. Les Latins disoient également loqui alicui, & loqui ad aliquem, parler à quelqu'un ; afferre aliquid alicui, ou ad aliquem, apporter quelque chose à quelqu'un, &c. Si de ces deux manieres de s'exprimer nous avons choisi celle qui s'énonce par la préposition, c'est que nous n'avons point de datif.

1°. Les Latins disoient aussi pertinere ad ; nous disons de même avec la préposition appartenir à.

2°. Notre préposition à vient ainsi quelquefois de la préposition latine à ou ab ; auferre aliquid alicui ou ab aliquo, ôter quelque chose à quelqu'un : on dit aussi, eripere aliquid alicui ou ab aliquo ; petere veniam à Deo, demander pardon à Dieu.

Tout ce que dit M. l'abbé Regnier pour faire voir que nous avons des datifs, me paroît bien mal assorti avec tant d'observations judicieuses qui sont répandues dans sa Grammaire. Selon ce célebre académicien (pag. 238.) quand on dit voilà un chien qui s'est donné à moi, à moi est au datif : mais si l'on dit un chien qui s'est adonné à moi, cet à moi, ne sera plus alors un datif ; c'est, dit-il, la préposition latine ad. J'avoue que je ne saurois reconnoitre la préposition latine dans adonné à, sans la voir aussi dans donné à, & que dans l'une & dans l'autre de ces phrases les deux à me paroissent de même espece, & avoir la même origine. En un mot, puisque ad aliquem ou ab aliquo ne sont point des datifs en latin, je ne vois pas pourquoi à quelqu'un pourroit être un datif en françois.

Je regarde donc de & à comme de simples prépositions, aussi bien que par, pour, avec, &c. les unes & les autres servent à faire connoître en françois les rapports particuliers que l'usage les a chargés de marquer, sauf à la langue latine à exprimer autrement ces mêmes rapports.

A l'égard de le, la, les, je n'en fais pas une classe particuliere des mots sous le nom d'article ; je les place avec les adjectifs prépositifs, qui ne se mettent jamais que devant leurs substantifs, & qui ont chacun un service qui leur est propre. On pourroit les appeller prénoms.

Comme la société civile ne sauroit employer trop de moyens pour faire naître dans le coeur des hommes des sentimens, qui d'une part les portent à éviter le mal qui est contraire à cette société, & de l'autre les engagent à pratiquer le bien, qui sert à la maintenir & à la rendre florissante ; de même l'art de la parole ne sauroit nous donner trop de secours pour nous faire éviter l'obscurité & l'amphibologie, ni inventer un assez grand nombre de mots, pour énoncer non-seulement les diverses idées que nous avons dans l'esprit, mais encore pour exprimer les différentes faces sous lesquelles nous considerons les objets de ces idées.

Telle est la destination des prénoms ou adjectifs métaphysiques, qui marquent, non des qualités physiques des objets, mais seulement des points de vûe de l'esprit, ou des faces différentes sous lesquelles l'esprit considere le même mot ; tels sont tout, chaque, nul, aucun, quelque, certain, dans le sens de quidam, un, ce, cet, cette, ces, le, la, les, auxquels on peut joindre encore les adjectifs possessifs tirés des pronoms personnels ; tels sont mon, ma, mes, & les noms de nombre cardinal, un, deux, trois, &c.

Ainsi je mets le, la, les, au rang de ces pronoms ou adjectifs métaphysiques. Pourquoi les ôter de la classe de ces autres adjectifs ?

Ils sont adjectifs puisqu'ils modifient leur substantifs, & qu'ils le font prendre dans une acception particuliere, individuelle, & personnelle. Ce sont des adjectifs métaphysiques, puisqu'ils marquent, non des qualités physiques, mais une simple vûe particuliere de l'esprit.

Presque tous nos Grammairiens (Regnier, p. 141. Restaut, p. 64.) nous disent que le, la, les, servent à faire connoître le genre des noms, comme si c'étoit là une propriété qui fût particuliere à ces petits mots. Quand on a un adjectif à joindre à un nom, on donne à cet adjectif, ou la terminaison masculine, ou la féminine. Selon ce que l'usage nous en a appris, si nous disons le soleil plûtôt que la soleil, comme les Allemands, c'est que nous savons qu'en françois soleil est du genre masculin, c'est-à-dire qu'il est dans la classe des noms des choses inanimées auxquels l'usage a consacré la terminaison des adjectifs déjà destinée aux noms des mâles, quand il s'agit des animaux. Ainsi lorsque nous parlons du soleil, nous disons le soleil, plûtôt que la, par la même raison que nous dirions beau soleil, brillant soleil, plûtôt que belle ou brillante.

Au reste, quelques Grammairiens mettent le, la, les, au rang des pronoms : mais si le pronom est un mot qui se mette à la place du nom dont il rappelle l'idée, le, la, les, ne seront pronoms que lorsqu'ils feront cette fonction : alors ces mots vont tous seuls & ne se trouvent point avec le nom qu'ils représentent. La vertu est aimable ; aimez-la. Le premier la est adjectif métaphysique ; ou comme on dit article, il précede son substantif vertu ; il personnifie la vertu ; il la fait regarder comme un individu métaphysique : mais le second la qui est après aimez, rappelle la vertu, & c'est pour cela qu'il est pronom, & qu'il va tout seul ; alors la vient de illam, elle.

C'est la différence du service ou emploi des mots, & non la différence matérielle du son, qui les fait placer en différentes classes : c'est ainsi que l'infinitif des verbes est souvent nom, le boire, le manger.

Mais sans quitter nos mots, ce même son la n'est-il pas aussi quelquefois un adverbe qui répond aux adverbes latins, ibi, hâc, istâc, illâc, il demeure là, il va là ? &c. N'est il pas encore un nom substantif quand il signifie une note de musique ? Enfin n'est-il pas aussi une particule explétive qui sert à l'énergie ? ce jeune homme-là, cette femme-là, &c.

A l'égard de un, une, dans le sens de quelque ou certain, en latin quidam, c'est encore un adjectif prépositif qui désigne un individu particulier, tiré d'une espece, mais sans déterminer singulierement quel est cet individu, si c'est Pierre ou Paul. Ce mot nous vient aussi du latin, quis est is homo, unus ne amator ? (Plaut. Truc. I. ij. 32.) quel est cet homme, est-ce là un amoureux ? hic est unus servus violentissimus, (Plaut. ibid. II. 1. 39.) c'est un esclave emporté ; sicut unus paterfamilias, (Cic. de orat. 1. 29.) comme un pere de famille. Qui variare cupit rem prodigialiter unam, (Hor. art. poet. v. 29.) celui qui croit embellir un sujet, unam rem, en y faisant entrer du merveilleux. Forte unam adspicio adolescentulam, (Ter. And. act. 1. sc. I. v. 91.) j'apperçois par hasard une jeune fille. Donat qui a commenté Térence dans le tems que la langue latine étoit encore une langue vivante, dit sur ce passage que Térence a parlé selon l'usage, & que s'il a dit unam, une, au lieu de quamdam, certaine, c'est que telle étoit, dit-il, & que telle est encore la maniere de parler. Ex consuetudine dicit unam, ut dicimus, unus est adolescens : unam ergo dixit, vel unam pro quamdam. Ainsi ce mot n'est en françois que ce qu'il étoit en latin.

La Grammaire générale de P. R. pag. 53. dit que un est article indéfini. Ce mot ne me paroît pas plus article indéfini que tout, article universel, ou ce, cette, ces, articles définis. L'auteur ajoûte, qu'on croit d'ordinaire que un n'a point de plurier ; qu'il est vrai qu'il n'en a point qui soit formé de lui-même : (on dit pourtant, les uns, quelques- uns ; & les Latins ont dit au pluriel, uni, unae, &c. Ex unis geminas mihi conficiet nuptias. (Ter. And. act. IV. sc. 1. v. 51.) Aderit una in unis aedibus. (Ter. Eun. act. II. sc. iij. v. 75. & selon Mde Dacier, act. II. sc. jv. v. 74.) Mais revenons à la Grammaire générale. Je dis, poursuit l'auteur, que un a un pluriel pris d'un autre mot, qui est des, avant les substantifs, des animaux ; & de, quand l'adjectif précéde, de beaux lits. De un pluriel ! cela est nouveau.

Nous avons déjà observé que des est pour de les, & que de est une préposition, qui par conséquent suppose un mot exprimé ou sousentendu, avec lequel elle puisse mettre son complément en rapport : qu'ainsi il y a ellipse dans ces façons de parler ; & l'analogie s'oppose à ce que des ou de soient le nominatif pluriel d'un ou d'une.

L'auteur de cette Grammaire générale me paroît bien au-dessous de sa réputation quand il parle de ce mot des à la page 55 : il dit que cette particule est quelquefois nominatif ; quelquefois accusatif, ou génitif, ou datif, ou enfin ablatif de l'article un. Il ne lui manque donc que de marquer le vocatif pour être la particule de tous les cas. N'est-ce pas là indiquer bien nettement l'usage que l'on doit faire de cette préposition ?

Ce qu'il y a de plus surprenant encore, c'est que cet auteur soûtient, page 55, que comme on dit au datif singulier à un, & au datif pluriel à des, on devroit dire au génitif pluriel de des ; puisque des est, dit-il, le pluriel d'un : que si on ne l'a pas fait, c'est, poursuit-il, par une raison qui fait la plûpart des irrégularités des langues, qui est la cacophonie ; ainsi, dit-il, selon la parole d'un ancien, impetratum est à ratione ut peccare suavitatis causâ liceret ; & cette remarque a été adoptée par M. Restaut, pag. 73. & 75.

Au reste, Cicéron dit, (Orator, n. XLVII.) que impetratum est à consuetudine, & non à ratione, ut peccare suavitatis causâ liceret : mais soit qu'on lise à consuetudine, avec Cicéron, ou à ratione, selon la Grammaire générale, il ne faut pas croire que les pieux solitaires de P. R. ayent voulu étendre cette permission au-delà de la Grammaire.

Mais revenons à notre sujet. Si l'on veut bien faire attention que des est pour de les ; que quand on dit à des hommes, c'est à de les hommes ; que de ne sauroit alors déterminer à, qu'ainsi il y a ellipse à des hommes, c'est-à-dire à quelques-uns de les hommes, quibusdam ex hominibus : qu'au contraire, quand on dit le Sauveur des hommes, la construction est toute simple ; on dit au singulier, le Sauveur de l'homme, & au pluriel le Sauveur de les hommes ; il n'y a de différence que de le à les, & non à la préposition. Il seroit inutile & ridicule de la répéter ; il en est de des comme de aux, l'un est de les, & l'autre à les : or comme lorsque le sens n'est pas partitif, on dit aux hommes sans ellipse, on dit aussi des hommes ; dans le même sens général, l'ignorance des hommes, la vanité des hommes.

Ainsi regardons 1°. le, la, les, comme de simples adjectifs indicatifs & métaphysiques, aussi-bien que ce, cet, cette, un, quelque, certain, &c.

2°. Considérons de comme une préposition, qui, ainsi que par, pour, en, avec, sans, &c. sert à tourner l'esprit vers deux objets, & à faire appercevoir le rapport que l'on veut indiquer entre l'un & l'autre.

3°. Enfin décomposons au, aux, du, des, faisant attention à la destination & à la nature de chacun des mots décomposés, & tout se trouvera applani.

Mais avant que de passer à un plus grand détail touchant l'emploi & l'usage de ces adjectifs, je crois qu'il ne sera pas inutile de nous arrêter un moment aux réflexions suivantes : elles paroîtront d'abord étrangeres à notre sujet ; mais j'ose me flater qu'on reconnoîtra dans la suite qu'elles étoient nécessaires.

Il n'y a en ce monde que des êtres réels, que nous ne connoissons que par les impressions qu'ils font sur les organes de nos sens, ou par des réflexions qui supposent toûjours des impressions sensibles.

Ceux de ces êtres qui sont séparés des autres, font chacun un ensemble, un tout particulier par la liaison, la continuité, le rapport, & la dépendance de leurs parties.

Quand une fois les impressions que ces divers objets ont faites sur nos sens, ont été portées jusqu'au cerveau, & qu'elles y ont laissé des traces, nous pouvons alors nous rappeller l'image ou l'idée de ces objets particuliers, même de ceux qui sont éloignés de nous ; & nous pouvons par le moyen de leurs noms, s'ils en ont un, faire connoître aux autres hommes, que c'est à tel objet que nous pensons plûtôt qu'à tel autre.

Il paroît donc que chaque être singulier devroit avoir son nom propre, comme dans chaque famille chaque personne a le sien : mais cela n'a pas été possible à cause de la multitude innombrable de ces êtres particuliers, de leurs propriétés & de leurs rapports. D'ailleurs, comment apprendre & retenir tant de noms ?

Qu'a-t-on donc fait pour y suppléer ? Je l'ai appris en me rappellant ce qui s'est passé à ce sujet par rapport à moi.

Dans les premieres années de ma vie, avant que les organes de mon cerveau eussent acquis un certain degré de consistance, & que j'eusse fait une certaine provision de connoissances particulieres, les noms que j'entendois donner aux objets qui se présentoient à moi, je les prenois comme j'ai pris dans la suite les noms propres.

Cet animal à quatre pattes qui venoit badiner avec moi, je l'entendois appeller chien. Je croyois par sentiment & sans autre examen, car alors je n'en étois pas capable, que chien étoit le nom qui servoit à le distinguer des autres objets que j'entendois nommer autrement.

Bientôt un animal fait comme ce chien vint dans la maison, & je l'entendis aussi appeller chien ; c'est, me dit-on, le chien de notre voisin. Après cela j'en vis encore bien d'autres pareils, auxquels on donnoit aussi le même nom, à cause qu'ils étoient faits à peu près de la même maniere ; & j'observai qu'outre le nom de chien qu'on leur donnoit à tous, on les appelloit encore chacun d'un nom particulier : celui de notre maison s'appelloit médor ; celui de notre voisin, marquis ; un autre, diamant, &c.

Ce que j'avois remarqué à l'égard des chiens, je l'observai aussi peu à peu à l'égard d'un grand nombre d'autres êtres. Je vis un moineau, ensuite d'autres moineaux ; un cheval, puis d'autres chevaux ; une table, puis d'autres tables ; un livre, ensuite des livres, &c.

Les idées que ces différens noms excitoient dans mon cerveau, étant une fois déterminées, je vis bien que je pouvois donner à médor & à marquis le nom de chien ; mais que je ne pouvois pas leur donner le nom de cheval, ni celui de moineau, ni celui de table, ou quelqu'autre : en effet, le nom de chien réveilloit dans mon esprit l'image de chien, qui est différente de celle de cheval, de celle de moineau, &c.

Médor avoit donc déjà deux noms, celui de médor qui le distinguoit de tous les autres chiens, & celui de chien qui le mettoit dans une classe particuliere, différente de celle de cheval, de moineau, de table, &c.

Mais un jour on dit devant moi que médor étoit un joli animal ; que le cheval d'un de nos amis étoit un bel animal ; que mon moineau étoit un petit animal bien privé & bien aimable : & ce mot d'animal je ne l'ai jamais oüi dire d'une table, ni d'un arbre, ni d'une pierre, ni enfin de tout ce qui ne marche pas, ne sent pas, & qui n'a point les qualités communes & particulieres à tout ce qu'on appelle animal.

Médor eut donc alors trois noms, médor, chien, animal.

On m'apprit dans la suite la différence qu'il y a entre ces trois sortes de noms ; ce qu'il est important d'observer & de bien comprendre, par rapport au sujet principal dont nous avons à parler.

1°. Le nom propre, c'est le nom qui n'est dit que d'un être particulier, du moins dans la sphere où cet être se trouve ; ainsi Louis, Marie, sont des noms propres, qui, dans les lieux où l'on en connoît la destination, ne désignent que telle ou telle personne, & non une sorte ou espece de personnes.

Les objets particuliers auxquels on donne ces sortes de noms sont appellés des individus, c'est-à-dire que chacun d'eux ne sauroit être divisé en un autre lui-même sans cesser d'être ce qu'il est ; ce diamant, si vous le divisez, ne sera plus ce diamant ; l'idée qui le représente ne vous offre que lui & n'en renferme pas d'autres qui lui soient subordonnés, de la même maniere que médor est subordonné à chien, & chien à animal.

2°. Les noms d'espece, ce sont des noms qui conviennent à tous les individus qui ont entr'eux certaines qualités communes ; ainsi chien est un nom d'espece, parce qu'il convient à tous les chiens particuliers, dont chacun est un individu, semblable en certains points essentiels à tous les autres individus, qui, à cause de cette ressemblance, sont dits être de même espece & ont entr'eux un nom commun, chien.

3°. Il y a une troisieme sorte de noms qu'il a plû aux maîtres de l'art d'appeller noms de genre, c'est-à-dire noms plus généraux, plus étendus encore que les simples noms d'espece ; ce sont ceux qui sont communs à chaque individu de toutes les especes subordonnées à ce genre ; par exemple, animal se dit du chien, du cheval, du lion, du cerf, & de tous les individus particuliers qui vivent, qui peuvent se transporter par eux-mêmes d'un lieu en un autre, qui ont des organes, dont la liaison & les rapports forment un ensemble. Ainsi l'on dit ce chien est un animal bien attaché à son maître, ce lion est un animal féroce, &c. Animal est donc un nom de genre, puisqu'il est commun à chaque individu de toutes les différentes especes d'animaux.

Mais ne pourrois-je pas dire que l'animal est un être, une substance, c'est-à-dire une chose qui existe ? Oui sans doute, tout animal est un être. Et que deviendra alors le nom d'animal, sera-t-il encore un nom de genre ? Il sera toûjours un nom de genre par rapport aux différentes especes d'animaux, puisque chaque individu de chacune de ces especes n'en sera pas moins appellé animal. Mais en même tems animal sera un nom d'espece subordonné à être, qui est le genre suprème ; car dans l'ordre métaphysique, (& il ne s'agit ici que de cet ordre-là) être se dit de tout ce qui existe & de tout ce que l'on peut considérer comme existant, & n'est subordonné à aucune classe supérieure. Ainsi on dira fort bien qu'il y a différentes especes d'êtres corporels : premierement les animaux, & voilà animal devenu nom d'espece : en second lieu il y a les corps insensibles & inanimés, & voilà une autre espece de l'être.

Remarquez que les especes subordonnées à leur genre, sont distinguées les unes des autres par quelque propriété essentielle ; ainsi l'espece humaine est distinguée de l'espece des brutes par la raison & par la conformation ; les plumes & les ailes distinguent les oiseaux des autres animaux, &c.

Chaque espece a donc un caractere propre qui la distingue d'une autre espece, comme chaque individu a son suppôt particulier incommunicable à tout autre.

Ce caractere distinctif, ce motif, cette raison qui nous a donné lieu de nous former ces divers noms d'espece ; est ce qu'on appelle la différence.

On peut remonter de l'individu jusqu'au genre suprème, médor, chien, animal, être ; c'est la méthode par laquelle la nature nous instruit ; car elle ne nous montre d'abord que des êtres particuliers.

Mais lorsque par l'usage de la vie on a acquis une suffisante provision d'idées particulieres, & que ces idées nous ont donné lieu d'en former d'abstraites & de générales, alors comme l'on s'entend soi-même, on peut se faire un ordre selon lequel on descend du plus général au moins général, suivant les différences que l'on observe dans les divers individus compris dans les idées générales. Ainsi en commençant par l'idée générale de l'être ou de la substance, j'observe que je puis dire de chaque être particulier qu'il existe : ensuite les différentes manieres d'exister de ces êtres, leurs différentes propriétés, me donnent lieu de placer au-dessous de l'être autant de classes ou especes différentes que j'observe de propriétés communes seulement entre certains objets, & qui ne se trouvent point dans les autres : par exemple, entre les êtres j'en vois qui vivent, qui ont des sensations, &c. j'en fais une classe particuliere que je place d'un côté sous être & que j'appelle animaux ; & de l'autre côté je place les êtres inanimés ; ensorte que ce mot être ou substance est comme le chef d'un arbre généalogique dont animaux & êtres inanimés sont comme les descendans placés au-dessous, les uns à droite & les autres à gauche.

Ensuite sous animaux je fais autant de classes particulieres, que j'ai observé de différences entre les animaux ; les uns marchent, les autres volent, d'autres rampent ; les uns vivent sur la terre & mourroient dans l'eau ; les autres au contraire vivent dans l'eau & mourroient sur la terre.

J'en fais autant à l'égard des êtres inanimés ; je fais une classe des végétaux, une autre des minéraux ; chacune de ces classes en a d'autres sous elle, on les appelle les especes inférieures, dont enfin les dernieres ne comprennent plus que leurs individus, & n'ont point d'autres especes sous elles.

Mais remarquez bien que tous ces noms, genre, espece, différence, ne sont que des termes métaphysiques, tels que les noms abstraits humanité, bonté, & une infinité d'autres qui ne marquent que des considérations particulieres de notre esprit, sans qu'il y ait hors de nous d'objet réel qui soit ou espece, ou genre, ou humanité, &c.

L'usage où nous sommes tous les jours de donner des noms aux objets des idées qui nous représentent des êtres réels, nous a porté à en donner aussi par imitation aux objets métaphysiques des idées abstraites dont nous avons connoissance : ainsi nous en parlons comme nous faisons des objets réels ; ensorte que l'ordre métaphysique a aussi ses noms d'especes & ses noms d'individus : cette vérité, cette vertu, ce vice, voilà des mots pris par imitation dans un sens individuel.

L'imagination, l'idée, le vice, la vertu, la vie, la mort, la maladie, la santé, la fievre, la peur, le courage, la force, l'être, le néant, la privation, &c. ce sont-là encore des noms d'individus métaphysiques, c'est-à-dire qu'il n'y a point hors de notre esprit un objet réel qui soit le vice, la mort, la maladie, la santé, la peur, &c. cependant nous en parlons par imitation & par analogie, comme nous parlons des individus physiques.

C'est le besoin de faire connoître aux autres les objets singuliers de nos idées, & certaines vûes ou manieres particulieres de considérer ces objets, soit réels, soit abstraits ou métaphysiques ; c'est ce besoin, dis-je, qui, au défaut des noms propres pour chaque idée particuliere, nous a donné lieu d'inventer, d'un côté les noms d'espece, & de l'autre les adjectifs prépositifs, qui en font des applications individuelles. Les objets particuliers dont nous voulons parler, & qui n'ont pas de noms propres, se trouvent confondus avec tous les autres individus de leur espece. Le nom de cette espece leur convient également à tous : chacun de ces êtres innombrables qui nage dans la vaste mer, est également appellé poisson : ainsi le nom d'espece tout seul, & par lui-même, n'a qu'une valeur indéfinie, c'est-à-dire une valeur applicable qui n'est adoptée à aucun objet particulier ; comme quand on dit vrai, bon, beau, sans joindre ces adjectifs à quelque être réel ou à quelque être métaphysique. Ce sont les prénoms qui, de concert avec les autres mots de la phrase, tirent l'objet particulier dont on parle, de l'indétermination du nom d'espece, & en font ainsi une sorte de nom propre. Par exemple, si l'astre qui nous éclaire n'avoit pas son nom propre soleil, & que nous eussions à en parler, nous prendrions d'abord le nom d'espece astre ; ensuite nous nous servirions du prépositif qui conviendroit pour faire connoître que nous ne voulons parler que d'un individu de l'espece d'astre ; ainsi nous dirons cet astre, ou l'astre, après quoi nous aurions recours aux mots qui nous paroîtroient les plus propres à déterminer singulierement cet individu d'astre ; nous dirons donc cet astre qui nous éclaire ; l'astre pere du jour ; l'ame de la nature, &c. Autre exemple : livre est un nom d'espece dont la valeur n'est point appliquée : mais si je dis, mon livre, ce livre, le livre que je viens d'acheter, liber ille, on conçoit d'abord par les prénoms ou prépositifs, mon, ce, le, & ensuite par les adjoints ou mots ajoûtés, que je parle d'un tel livre, d'un tel individu de l'espece de livre. Observez que lorsque nous avons à appliquer quelque qualification à des individus d'une espece ; ou nous voulons faire cette application, 1°. à tous les individus de cette espece ; 2°. ou seulement à quelques-uns que nous ne voulons, ou que nous ne pouvons pas déterminer ; 3°. ou enfin à un seul que nous voulons faire connoître singulierement. Ce sont ces trois sortes de vûes de l'esprit que les Logiciens appellent l'étendue de la préposition.

Tout discours est composé de divers sens particuliers énoncés par des assemblages de mots qui forment des propositions, & les propositions font des périodes : or toute proposition a, 1°. ou une étendue universelle ; c'est le premier cas dont nous avons parlé : 2°. ou une étendue particuliere ; c'est le second cas : 3°. ou enfin une étendue singuliere ; c'est le dernier cas. 1°. Si celui qui parle donne un sens universel au sujet de sa proposition, c'est-à-dire s'il applique quelque qualificatif à tous les individus d'une espece, alors l'étendue de la proposition est universelle, ou, ce qui est la même chose, la proposition est universelle : 2°. Si l'individu dont on parle, n'est pas déterminé expressément, alors on dit que la proposition est particuliere ; elle n'a qu'une étendue particuliere, c'est-à-dire que ce qu'on dit, n'est dit que d'un sujet qui n'est pas désigné expressément : 3°. enfin les propositions sont singulieres lorsque le sujet, c'est-à-dire la personne ou la chose dont on parle, dont on juge, est un individu singulier déterminé ; alors l'attribut de la proposition, c'est-à-dire ce qu'on juge du sujet n'a qu'une étendue singuliere, ou, ce qui est la même chose, ne doit s'entendre que de ce sujet : Louis XV. a triomphé de ses ennemis ; le soleil est levé.

Dans chacun de ces trois cas, notre langue nous fournit un prénom destiné à chacune de ces vûes particulieres de notre esprit : voyons donc l'effet propre ou le service particulier de ces prénoms.

1°. Tout homme est animal ; chaque homme est animal : voilà chaque individu de l'espece humaine qualifié par animal, qui alors se prend adjectivement ; car tout homme est animal, c'est-à-dire tout homme végete, est vivant, se meut, a des sensations, en un mot tout homme a les qualités qui distinguent l'animal de l'être insensible ; ainsi tout étant le prépositif d'un nom appellatif, donne à ce nom une extension universelle, c'est-à-dire que ce que l'on dit alors du nom, par exemple d'homme, est censé dit de chaque individu de l'espece, ainsi la proposition est universelle. Nous comptons parmi les individus d'une espece tous les objets qui nous paroissent conformes à l'idée exemplaire que nous avons acquise de l'espece par l'usage de la vie : cette idée exemplaire n'est qu'une affection intérieure que notre cerveau a reçûe par l'impression qu'un objet extérieur a faite en nous la premiere fois qu'il a été apperçû, & dont il est resté des traces dans le cerveau. Lorsque dans la suite de la vie, nous venons à appercevoir d'autres objets, si nous sentons que l'un de ces nouveaux objets nous affecte de la même maniere dont nous nous ressouvenons qu'un autre nous a affectés, nous disons que cet objet nouveau est de même espece que tel ancien : s'il nous affecte différemment, nous le rapportons à l'espece à laquelle il nous paroît convenir, c'est-à-dire que notre imagination le place dans la classe de ses semblables ; ce n'est donc que le souvenir d'un sentiment pareil qui nous fait rapporter tel objet à telle espece : le nom d'une espece est le nom du point de réunion auquel nous rapportons les divers objets particuliers qui ont excité en nous une affection ou sensation pareille. L'animal que je viens de voir à la foire a rappellé en moi les impressions qu'un lion y fit l'année passée ; ainsi je dis que cet animal est un lion ; si c'étoit pour la premiere fois que je visse un lion, mon cerveau s'enrichiroit d'une nouvelle idée exemplaire : en un mot, quand je dis tout homme est mortel, c'est autant que si je disois Alexandre étoit mortel ; César étoit mortel ; Philippe est mortel, & ainsi de chaque individu passé, présent & à venir, & même possible de l'espece humaine ; & voilà le véritable fondement du syllogisme : mais ne nous écartons point de notre sujet.

Remarquez ces trois façons de parler, tout homme est ignorant, tous les hommes sont ignorans, tout homme n'est que foiblesse ; tout homme, c'est-à-dire chaque individu de l'espece humaine, quelque individu que ce puisse être de l'espece humaine ; alors tout est un pur adjectif. Tous les hommes sont ignorans, c'est encore le même sens ; ces deux propositions ne sont différente que par la forme : dans la premiere, tout veut dire chaque ; elle présente la totalité distributivement, c'est-à-dire qu'elle prend en quelque sorte les individus l'un après l'autre, au lieu que tous les hommes les présentes collectivement tous ensemble, alors tous est un prépositif destiné à marquer l'universalité de les hommes ; tous a ici une sorte de signification adverbiale avec la forme adjective, c'est ainsi que le participe tient du verbe & du nom ; tous, c'est-à-dire universellement sans exception, ce qui est si vrai, qu'on peut séparer tous de sont substantif, & le joindre au verbe. Quinault, parlant des oiseaux, dit :

En amour ils sont tous

Moins bêtes que nous.

Et voilà pourquoi, en ces phrases, l'article les ne quitte point son substantif, & ne se met pas avant tous : tout l'homme, c'est-à-dire l'homme en entier, l'homme entierement, l'homme considéré comme un individu spécifique. Nul, aucun, donnent aussi une extension universelle à leur substantif, mais dans un sens génitif : nul homme, aucun homme n'est immortel, je nie l'immortalité de chaque individu de l'espece humaine ; la proposition est universelle, mais négative ; au lieu qu'avec tous, sans négation, la proposition est universelle affirmative. Dans les propositions dont nous parlons, nul & aucun étant adjectifs du sujet, doivent être accompagnés d'une négation : nul homme n'est exemt de la nécessité de mourir. Aucun philosophe de l'antiquité n'a eu autant de connoissance de Physique qu'on en a aujourd'hui.

II°. Tout, chaque, nul, aucun, sont donc la marque de la généralité ou universalité des propositions : mais souvent ces mots ne sont pas exprimés, comme quand on dit : les François sont polis, les Italiens sont politiques ; alors ces propositions ne sont que moralement universelles, de more, ut sunt mores, c'est-à-dire selon ce qu'on voit communément parmi les hommes ; ces propositions sont aussi appellées indéfinies, parce que d'un côté, on ne peut pas assûrer qu'elles comprennent généralement, & sans exception, tous les individus dont on parle ; & d'un autre côté, on ne peut pas dire non plus qu'elles excluent tel ou tel individu ; ainsi comme les individus compris & les individus exclus ne sont pas précisément déterminés, & que ces propositions ne doivent être entendues que du plus grand nombre, on dit qu'elles sont indéfinies.

III°. Quelque, un, marquent aussi un individu de l'espece dont on parle : mais ces prénoms ne désignent pas singulierement cet individu ; quelque homme est riche, un savant m'est venu voir : je parle d'un individu de l'espece humaine ; mais je ne détermine pas si cet individu est Pierre ou Paul ; c'est ainsi qu'on dit une certaine personne, un particulier ; & alors particulier est opposé à général & à singulier : il marque à la vérité un individu, mais un individu qui n'est pas déterminé singulierement ; ces propositions sont appellées particulieres.

Aucun sans négation, a aussi un sens particulier dans les vieux livres, & signifie quelqu'un, quispiam, non nullus, non nemo. Ce mot est encore en usage en ce sens parmi le peuple & dans le style du Palais : aucuns soûtiennent, &c. quidam affirmant, &c. ainsi aucune fois dans le vieux style, veut dire quelquefois, de tems en tems, plerumque, interdum, non nunquam. On sert aussi aux propositions particulieres : on m'a dit, c'est-à-dire quelqu'un m'a dit, un homme m'a dit ; car on vient de homme ; & c'est par cette raison que pour éviter le bâillement ou rencontre de deux voyelles, on dit souvent l'on, comme on dit l'homme, si l'on. Dans plusieurs autres langues, le mot qui signifie homme, se prend aussi en un sens indéfini comme notre on. De, des, qui sont des prépositions extractives, servent aussi à faire des prépositions particulieres ; des philosophes, ou d'anciens philosophes ont crû qu'il y avoit des antipodes, c'est-à-dire quelques-uns des philosophes, ou un certain nombre d'anciens philosophes, ou en vieux style, aucuns philosophes.

IV°. Ce marque un individu déterminé, qu'il présente à l'imagination, ce livre, cet homme, cette femme, cet enfant, &c.

V°. Le, la, les, indiquent que l'on parle, 1°. ou d'un tel individu réel que l'on tire de son espece, comme quand on dit le roi, la reine, le soleil, la lune ; 2°. ou d'un individu métaphysique & par imitation ou analogie ; la vérité, le mensonge ; l'esprit, c'est-à-dire le génie ; le coeur, c'est-à-dire la sensibilité ; l'entendement, la volonté, la vie, la mort, la nature, le mouvement, le repos, l'être en général, la substance, le néant, &c.

C'est ainsi que l'on parle de l'espece tirée du genre auquel elle est subordonnée, lorsqu'on la considere par abstraction, & pour ainsi dire en elle-même sous la forme d'un tout individuel & métaphysique ; par exemple, quand on dit que parmi les animaux, l'homme seul est raisonnable, l'homme est là un individu spécifique.

C'est encore ainsi, que sans parler d'aucun objet réel en particulier, on dit par abstraction, l'or est le plus précieux des métaux ; le fer se fond & se forge ; le marbre sert d'ornement aux édifices ; le verre n'est point malléable ; la pierre est utile ; l'animal est mortel ; l'homme est ignorant ; le cercle est rond ; le quarré est une figure qui a quatre angles droits & quatre côtés égaux, &c. Tous ces mots, l'or, le fer, le marbre, &c. sont pris dans un sens individuel, mais métaphysique & spécifique, c'est-à-dire que sous un nom singulier ils comprennent tous les individus d'une espece ; ensorte que ces mots ne sont proprement que les noms de l'idée exemplaire du point de réunion ou concept que nous avons dans l'esprit, de chacune de ces especes d'êtres. Ce sont ces individus métaphysiques qui sont l'objet des Mathématiques, le point, la ligne, le cercle, le triangle, &c.

C'est par une pareille opération de l'esprit que l'on personnifie si souvent la nature & l'art.

Ces noms d'individus spécifiques sont fort en usage dans l'apologue, le loup & l'agneau, l'homme & le cheval, &c. on ne fait parler ni aucun loup ni aucun agneau particulier ; c'est un individu spécifique & métaphysique qui parle avec un autre individu.

Quelques Fabulistes ont même personnifié des êtres abstraits ; nous avons une fable connue où l'auteur fait parler le jugement avec l'imagination. Il y a autant de fiction à introduire de pareils interlocuteurs, que dans le reste de la fable. Ajoûtons ici quelques observations à l'occasion de ces noms spécifiques.

1°. Quand un nom d'espece est pris adjectivement, il n'a pas besoin d'article ; tout homme est animal ; homme est pris substantivement ; c'est un individu spécifique qui a son prépositif tout ; mais animal est pris adjectivement, comme nous l'avons déjà observé. Ainsi il n'a pas plus de prépositif que tout autre adjectif n'en auroit ; & l'on dit ici animal, comme l'on diroit mortel, ignorant, &c.

C'est ainsi que l'Ecriture dit que toute chair est foin, omnis caro fanum, Isaïe, ch. xl. v. 6. c'est-à-dire peu durable, périssable, corruptible, &c. & c'est ainsi que nous disons d'un homme sans esprit, qu'il est bête.

2°. Le nom d'espece n'admet pas l'article lorsqu'il est pris selon sa valeur indéfinie sans aucune extension ni restitution, ou application individuelle, c'est-à-dire qu'alors le nom est considéré indéfiniment comme sorte, comme espece, & non comme un individu spécifique ; c'est ce qui arrive sur-tout lorsque le nom d'espece précédé d'une préposition, forme un sens adverbial avec cette préposition, comme quand on dit par jalousie, avec prudence, en présence, &c.

Les oiseaux vivent sans contrainte,

S'aiment sans feinte.

C'est dans ce même sens indéfini que l'on dit avoir peur, avoir honte, faire pitié, &c. Ainsi on dira sans article : cheval, est un nom d'espece, homme, est un nom d'espece ; & l'on ne dira pas le cheval est un nom d'espece, l'homme est un nom d'espece, parce que le prénom le marqueroit que l'on voudroit parler d'un individu, ou d'un nom considéré individuellement.

3°. C'est par la même raison que le nom d'espece n'a point de prépositif, lorsqu'avec le secours de la préposition de il ne fait que l'office de simple qualificatif d'espece, c'est-à-dire lorsqu'il ne sert qu'à désigner qu'un tel individu est de telle espece : une montre d'or ; une épée d'argent ; une table de marbre ; un homme de robe ; un marchand de vin ; un joüeur de violon, de luth, de harpe, &c. une action de clémence ; une femme de vertu, &c.

4°. Mais quand on personnifie l'espece, qu'on en parle comme d'un individu spécifique, ou qu'il ne s'agit que d'un individu particulier tiré de la généralité de cette même espece, alors le nom d'espece étant considéré individuellement, est précédé d'un prénom : la peur trouble la raison : la peur que j'ai de mal faire ; la crainte de vous importuner ; l'envie de bien faire ; l'animal est plus parfait que l'être insensible : joüer du violon, du luth, de la harpe ; on regarde alors le violon, le luth, la harpe, &c. comme tel instrument particulier, & on n'a point d'individu à qualifier adjectivement.

Ainsi on dira dans le sens qualificatif adjectif, un rayon d'espérance, un rayon de gloire, un sentiment d'amour ; au lieu que si on personnifie la gloire, l'amour, &c. on dira avec un prépositif :

Un héros que la gloire éleve

N'est qu'à demi récompensé ;

Et c'est peu, si l'amour n'acheve

Ce que la gloire a commencé. Quinault.

Et de même on dira, j'ai acheté une tabatiere d'or, & j'ai fait faire une tabatiere d'un or ou de l'or qui m'est venu d'Espagne. Dans le premier exemple, d'or est qualificatif indéfini, ou plûtôt c'est un qualificatif pris adjectivement ; au lieu que dans le second, de l'or ou d'un or, il s'agit d'un tel or : c'est un qualificatif individuel, c'est un individu de l'espece de l'or.

On dit d'un prince ou d'un ministre qu'il a l'esprit de gouvernement : de gouvernement est un qualificatif pris adjectivement ; on veut dire que ce ministre gouverneroit bien, dans quelque pays que ce puisse être où il seroit employé : au lieu que si l'on disoit de ce ministre qu'il a l'esprit du gouvernement, du gouvernement seroit un qualificatif individuel de l'esprit de ce ministre ; on le regarderoit comme propre singulierement à la conduite des affaires du pays particulier où on le met en oeuvre.

Il faut donc bien distinguer le qualificatif spécifique adjectif, du qualificatif individuel ; une tabatiere d'or, voilà un qualificatif adjectif ; une tabatiere de l'or que, &c. ou d'un or que, c'est un qualificatif individuel, c'est un individu de l'espece de l'or. Mon esprit est occupé de deux substantifs ; 1. de la tabatiere ; 2. de l'or particulier dont elle a été faite.

Observez qu'il y a aussi des individus collectifs, ou plûtôt des noms collectifs dont on parle comme si c'étoit autant d'individus particuliers : c'est ainsi que l'on dit le peuple, l'armée, la nation, le parlement, &c.

On considere ces mots-là comme noms d'un tout, d'un ensemble ; l'esprit les regarde par imitation comme autant de noms d'individus réels qui ont plusieurs parties ; & c'est par cette raison que lorsque quelqu'un de ces mots est le sujet d'une proposition, les Logiciens disent que la proposition est singuliere.

On voit donc que le annonce toûjours un objet considéré individuellement par celui qui parle, soit au singulier, la maison de mon voisin ; soit au pluriel, les maisons d'une telle ville sont bâties de brique.

Ce ajoûte à l'idée de le, en ce qu'il montre pour ainsi dire l'objet à l'imagination, & suppose que cet objet est déjà connu, ou qu'on en a parlé auparavant. C'est ainsi que Cicéron a dit : quid est enim hoc ipsum diù ? (Orat. pro Marcello.) qu'est-ce en effet que ce long-tems ?

Dans le style didactique, ceux qui écrivent en latin, lorsqu'ils veulent faire remarquer un mot, entant qu'il est un tel mot, se servent, les uns de l'article grec , les autres de ly : adhuc est adverbium compositum (Perisonius, in sanct. Min. p. 576.) : ce mot adhuc est un adverbe composé.

Et l'auteur d'une Logique, après avoir dit que l'homme seul est raisonnable, homo tantùm rationalis, ajoûte que ly tantùm reliqua entia excludit : ce mot tantùm exclut tous les autres êtres. (Philos. ration. auct. P. Franc. Caro è som.) Venet. 1665.

Ce fut Pierre Lombard dans le onzieme siecle, & S. Thomas dans le douzieme, qui introduisirent l'usage de ce ly : leurs disciples les ont imités. Ce ly n'est autre chose que l'article françois li, qui étoit en usage dans ces tems-là : Ainsi fut li chatiaus de Galathas pris : li baron & li dux de Venise : li Vénitiens par mer, & li François par terre. Ville-Hardouin, lib. III. p. 53. On sait que Pierre Lombard & S. Thomas ont fait leurs études & se sont acquis une grande réputation dans l'université de Paris.

Ville-Hardouin & ses contemporains écrivoient li, & quelquefois lj, d'où on a fait ly, soit pour remplir la lettre, soit pour donner à ce mot un air scientifique, & l'élever au-dessus du langage vulgaire de ces tems-là.

Les Italiens ont conservé cet article au pluriel, & en ont fait aussi un adverbe qui signifie là ; ensorte que ly tantùm, c'est comme si l'on disoit ce mot-là tantùm.

Notre ce & notre le ont le même office indicatif que & que ly, mais ce avec plus d'énergie que le.

5°. Mon, ma, mes ; ton, ta, tes ; son, sa, ses, &c. ne sont que de simples adjectifs tirés des pronoms personnels ; ils marquent que leur substantif a un rapport de propriété avec la premiere, la seconde ou la troisieme personne : mais de plus, comme ils sont eux-mêmes adjectifs prépositifs, & qu'ils indiquent leurs substantifs, ils n'ont pas besoin d'être accompagnés de l'article le ; que si l'on dit le mien, le tien, c'est que ces mots sont alors des pronoms substantifs. On dit proverbialement que le mien & le tien sont peres de la discorde.

6°. Les noms de nombre cardinal un, deux, &c. font aussi l'office de prénoms ou adjectifs prépositifs : dix soldats, cent écus.

Mais si l'adjectif numérique & son substantif font ensemble un tout, une sorte d'individu collectif, & que l'on veuille marquer que l'on considere ce tout sous quelque vûe de l'esprit autre encore que celle de nombre, alors le nom de nombre est précédé de l'article ou prénom qui indique ce nouveau rapport. Le jour de la multiplication des pains les Apôtres dirent à Jesus-Christ : Nous n'avons que cinq pains & deux poissons (Luc, ch. jx. v. 13.) voilà cinq pains & deux poissons dans un sens numérique absolu ; mais ensuite l'évangéliste ajoûte que J. C. prenant les cinq pains & les deux poissons, les bénit, &c. Voilà les cinq pains & les deux poissons dans un sens relatif à ce qui précede, ce sont les cinq pains & les deux poissons dont on avoit parlé d'abord. Cet exemple doit bien faire sentir que le, la, les ; ce, cet, cette, ces, ne sont que des adjectifs qui marquent le mouvement de l'esprit, qui se tourne vers l'objet particulier de son idée.

Les prépositifs désignent donc des individus déterminés dans l'esprit de celui qui parle ; mais lorsque cette premiere détermination n'est pas aisée à appercevoir par celui qui lit ou qui écoute, ce sont les circonstances ou les mots qui suivent, qui ajoûtent ce que l'article ne sauroit faire entendre : par exemple, si je dis je viens de Versailles, j'y ai vû le Roi, les circonstances font connoître que je parle de notre auguste Monarque ; mais si je voulois faire entendre que j'y ai vû le roi de Pologne, je serois obligé d'ajoûter de Pologne à le roi ; & de même si en lisant l'histoire de quelque monarchie ancienne ou étrangere, je voyois qu'en un tel tems le roi fit telle chose, je comprendrois bien que ce seroit le roi du royaume dont il s'agiroit.

Des noms propres. Les noms propres n'étant pas des noms d'especes, nos peres n'ont pas crû avoir besoin de recourir à l'article pour en faire des noms d'individus, puisque par eux-mêmes ils ne sont que cela.

Il en est de même des êtres inanimés auxquels on adresse la parole : on les voit ces êtres, puisqu'on leur parle ; ils sont présens, au moins à l'imagination : on n'a donc pas besoin d'article pour les tirer de la généralité de leur espece, & en faire des individus.

Coulez, ruisseau, coulez, fuyez-nous.

Hélas, petits moutons, que vous êtes heureux !

Fille des plaisirs, triste goutte ! Deshoulieres.

Cependant quand on veut appeller un homme ou une femme du peuple qui passe, on dit communément l'homme, la femme : écoutez, la belle fille, la belle enfant, &c. Je crois qu'alors il y a ellipse : écoutez, vous qui êtes la belle fille, &c. vous qui êtes l'homme à qui je veux parler, &c. C'est ainsi qu'en latin un adjectif qui paroît devoir se rapporter à un vocatif, est pourtant quelquefois au nominatif. Nous disons fort bien en latin, dit Sanctius, deffende me, amice mi, & deffende me, amicus meus, en sousentendant tu qui es amicus meus (Sanct. Min. l. II. c. vj.) Térence, (Phorm. act. II. sc. 1.) dit, ô vir fortis, atque amicus ! c'est-à-dire, ô quàm tu es vir fortis, atque amicus ! ce que Donat trouve plus énergique que si Térence avoit dit amice. M. Dacier traduit, ô le brave homme, & le bon ami ! on sousentend que tu es. Mais revenons aux vrais noms propres.

Les Grecs mettent souvent l'article devant les noms propres, sur-tout dans les cas obliques, & quand le nom ne commence pas la phrase ; ce qu'on peut remarquer dans l'énumération des ancêtres de J. C. au premier chapitre de S. Matthieu. Cet usage des Grecs fait bien voir que l'article leur servoit à marquer l'action de l'esprit qui se tourne vers un objet. N'importe que cet objet soit un nom propre ou un nom appellatif ; pour nous, nous ne mettons pas l'article, surtout devant les noms propres personnels : Pierre, Marie, Alexandre, César, &c. Voici quelques remarques à ce sujet,

I. Si par figure on donne à un nom propre une signification de nom d'espece, & qu'on applique ensuite cette signification, alors on aura besoin de l'article. Par exemple, si vous donnez au nom d'Alexandre la signification de conquérant ou de héros, vous direz que Charles XII. a été l'Alexandre de notre siecle : c'est ainsi qu'on dit les Cicérons, les Démosthenes, c'est-à-dire les grands orateurs, tels que Cicéron & Démosthene ; les Virgiles, c'est-à-dire les grands poëtes.

M. l'abbé Gedoyn observe (dissertation des anciens & des modernes, p. 94.) que ce fut environ vers le septieme siecle de Rome que les Romains virent fleurir leurs premiers poëtes, Névius, Accius, Pacuve & Lucilius, qui peuvent, dit-il, être comparés, les uns à nos Desportes, à nos Ronsards & à nos Regniers ; les autres à nos Tristans & à nos Rotrous ; où vous voyez que tous ces noms propres prennent en ces occasions une s à la fin, parce qu'ils deviennent alors comme autant de noms appellatifs.

Au reste, ces Desportes, ces Tristans & ces Rotrous, qui on précédé nos Corneilles, nos Racines, &c. font bien voir que les arts & les sciences ont, comme les plantes & les animaux, un premier âge, un tems d'accroissement : un tems de consistance, qui n'est suivi que trop souvent de la vieillesse & de la décrépitude, avant-coureurs de la mort. Voyez l'état où sont aujourd'hui les arts chez les Egyptiens & chez les Grecs. Les pyramides d'Egypte & tant d'autres monumens admirables que l'on trouve dans les pays les plus barbares, sont une preuve bien sensible de ces révolutions & de ces vicissitudes.

Dieu est le nom du souverain être ; mais si par rapport à ses divers attributs on en fait une sorte de nom d'espece, on dira le Dieu de miséricorde, &c. le Dieu des Chrétiens, &c.

II. Il y a un très-grand nombre de noms propres qui dans leur origine n'étoient que des noms appellatifs. Par exemple, Ferté, qui vient par syncope de fermeté, signifioit autrefois citadelle ; ainsi quand on vouloit parler d'une citadelle particuliere, on disoit la Ferté d'un tel endroit, & c'est de-là que nous viennent la Ferté-Imbaut, la Ferté-Milon, &c.

Mesnil est aussi un vieux mot qui signifioit maison de campagne, village, du latin manile, & mansile dans la basse latinité. C'est de-là que nous viennent les noms de tant de petits bourgs appellés le Mesnil. Il en est de même de le Mans, le Perche, &c. le Catelet, c'est-à-dire le petit Château, le Quesnoi, c'étoit un lieu planté de chênes ; le Ché prononcé par Ké, à la maniere de Picardie, & des pays circonvoisins.

Il y a aussi plusieurs qualificatifs qui sont devenus noms propres d'hommes, tels que le blanc, le noir, le brun, le beau, le bel, le blond, &c. & ces noms conservent leurs prénoms quand on parle de la femme ; madame le Blanc, c'est-à-dire femme de M. le Blanc.

III. Quand on parle de certaines femmes, on se sert du prénom la, parce qu'il y a un nom d'espece sous-entendu ; la le Maire, c'est-à-dire l'actrice le Maire.

IV. C'est peut-être par la même raison qu'on dit le Tasse, l'Arioste, le Dante ; en sous-entendant le poëte ; & qu'on dit le Titien, le Carrache, en sous-entendant le peintre : ce qui nous vient des Italiens.

Qu'il me soit permis d'observer ici que les noms propres de famille ne doivent être précédés de la préposition de, que lorsqu'ils sont tirés de noms de terre. Nous avons en France de grandes maisons qui ne sont connues que par le nom de la principale terre que le chef de la maison possédoit avant que les noms propres de famille fussent en usage. Alors le nom est précédé de la préposition de, parce qu'on sous-entend sire, seigneur, duc, marquis, &c. ou sieur d'un tel fief. Telle est la maison de France, dont la branche d'aîné en aîné n'a d'autre nom que France.

Nous avons aussi des maisons très-illustres & très-anciennes dont le nom n'est point précédé de la préposition de, parce que ce nom n'a pas éte tiré d'un nom de terre : c'est un nom de famille ou maison.

Il y a de la petitesse à certains gentilshommes d'ajoûter le de à leur nom de famille ; rien ne décele tant l'homme nouveau & peu instruit.

Quelquefois les noms propres sont accompagnés d'adjectifs, sur quoi il y a quelques observations à faire.

I. Si l'adjectif est un nom de nombre ordinal, tel que premier, second, &c. & qu'il suive immédiatement son substantif, comme ne faisant ensemble qu'un même tout, alors on ne fait aucun usage de l'article : ainsi on dit François premier, Charles second, Henri quatre, pour quatrieme.

II. Quand on se sert de l'adjectif pour marquer une simple qualité du substantif qu'il précede, alors l'article est mis avant l'adjectif, le savant Scaliger, le galant Ovide, &c.

III. De même si l'adjectif n'est ajoûté que pour distinguer le substantif des autres qui portent le même nom, alors l'adjectif suit le substantif, & cet adjectif est précédé de l'article : Henri le grand, Louis le juste, &c. où vous voyez que le tire Henri & Louis du nombre des autres Henris & des autres Louis, & en fait des individus particuliers, distingués par une qualité spéciale.

IV. On dit aussi avec le comparatif & avec le superlatif relatif, Homere le meilleur poëte de l'antiquité, Varron le plus savant des Romains.

Il paroît par les observations ci-dessus, que lorsqu'à la simple idée du nom propre on joint quelqu'autre idée, ou que le nom dans sa premiere origine a été tiré d'un nom d'espece, ou d'un qualificatif qui été adapté à un objet particulier par le changement de quelques lettres, alors on a recours au prépositif par une suite de la premiere origine : c'est ainsi que nous disons le paradis, mot qui à la lettre signifie un jardin planté d'arbres qui portent toute sorte d'excellens fruits, & par extension un lieu de délices.

L'enfer, c'est un lieu bas, d'inferus ; via infera, la rue d'enfer, rue inférieure par rapport à une autre qui est au-dessus. L'univers, universus orbis ; l'être universel, l'assemblage de tous les êtres.

Le monde, du Latin, mundus, adjectif, qui signifie propre, élégant, ajusté, paré, & qui est pris ici substantivement : & encore lorsqu'on dit mundus muliebris, la toilette des dames où sont tous les petits meubles dont elles se servent pour se rendre plus propres, plus ajustées & plus séduisantes : le mot Grec , qui signifie ordre, ornement, beauté, répond au mundus des Latins.

Selon Platon, le monde fut fait d'après l'idée la plus parfaite que Dieu en conçut. Les Payens frappés de l'éclat des astres & de l'ordre qui leur paroissoit régner dans l'univers, lui donnerent un nom tiré de cette beauté & de cet ordre. Les Grecs, dit Pline, l'ont appellé d'un nom qui signifie ornement, & nous d'un nom qui veut dire, élégance parfaite. (Quem Graeci, nomine ornamenti appellaverunt, eum & nos à perfectâ absolutâque elegantiâ mundum. Pline 11. 4.) Et Cicéron dit, qu'il n'y a rien de plus beau que le monde, ni rien qui soit au-dessus de l'architecte qui en est l'auteur. (Neque mundo quidquam pulchrius, neque ejus aedificatore praestantius. Cic. de univ. cap. ij.) Cum continuisset Deus bonis omnibus explere mundum.... sic ratus est opus illud effectum esse pulcherrimum. (ib. iij.) Hanc igitur habuit rationem effector mundi molitorque Deus, ut unum opus totum atque perfectum ex omnibus totis atque perfectis absolveretur. (ib. v.) Formam autem & maximè sibi cognatam & decoram dedit. (ib. vj.) Animum igitur cum ille procreator mundi Deus, ex suâ mente & divinitate genuisset, &c. (ib. viij.) Ut hunc hâc varietate distinctum benè Graeci , non lucentem mundum nominaremus. (ib. x.)

Ainsi quand les Payens de la Zone tempérée septentrionale, regardoient l'universalité des êtres du beau côté, ils lui donnoient un nom qui répond à cette idée brillante, & l'appelloient le monde, c'est-à-dire l'être bien ordonné, bien ajusté, sortant des mains de son créateur, comme une belle dame sort de sa toilette. Et nous, quoiqu'instruits des maux que le péché originel a introduits dans le monde, comme nous avons trouvé ce nom tout établi, nous l'avons conservé, quoiqu'il ne réveille pas aujourd'hui parmi nous la même idée de perfection, d'ordre & d'élégance.

Le soleil, de solus, selon Cicéron, parce que c'est le seul astre qui nous paroisse aussi grand ; & que lorsqu'il est levé, tous les autres disparoissent à nos yeux.

La lune, à lucendo, c'est-à-dire la planete qui nous éclaire, sur-tout en certains tems pendant la nuit. (Sol vel quia solus ex omnibus sideribus est tantus, vel quia cum est exortus, obscuratis omnibus solus apparet ; luna à lucendo nominata, eadem est enim lucina. (Cic. de nat. deor. lib. II. c. xxvij.)

La mer, c'est-à-dire l'eau amere, proprie autem mare appellatur, eo quod aquae ejus amarae sint. (Isidor. l. XIII. c. xiv.)

La terre, c'est-à-dire l'élément sec, du Grec , sécher, & au futur second, . Aussi voyons-nous qu'elle est appellée arida dans la Génese, ch. j. v. 9. & en S. Matthieu, ch. xxiij. v. 15. circuitis mare & aridam. Cette étymologie me paroît plus naturelle que celle que Varron en donne : terra dicta eo quod teritur. Varr. de ling. lat. iv. 4.

Elément est donc le nom générique de quatre especes, qui sont le feu, l'air, l'eau, la terre : la terre se prend aussi pour le globe terrestre.

Des noms de pays. Les noms de pays, de royaumes, de provinces, de montagnes, de rivieres, entrent souvent dans le discours sans article comme noms qualificatifs, le royaume de France, d'Espagne, &c. En d'autres occasions ils prennent l'article, soit qu'on sous-entende alors terre, qui est exprimé dans Angleterre, ou région, pays, montagnes, fleuve, riviere, vaisseau, &c. Ils prennent sur-tout l'article quand ils sont personnifiés ; l'intérêt de la France, la politesse de la France, &c.

Quoi qu'il en soit, j'ai crû qu'on seroit bien aise de trouver dans les exemples suivans, quel est aujourd'hui l'usage à l'égard de ces mots, sauf au lecteur à s'en tenir simplement à cet usage, ou à chercher à faire l'application des principes que nous avons établis, s'il trouve qu'il y ait lieu.

On dit par opposition le mont-Parnasse, le mont-Valérien, &c. & on dit la montagne de Tarare : on dit le fleuve Don, & la riviere de Seine ; ainsi de quelques autres, sur quoi nous renvoyons à l'usage.

Remarques sur ces phrases, 1°. il a de l'argent, il a bien de l'argent, &c. 2°. Il a beaucoup d'argent, il n'a point d'argent, &c.

I. L'or, l'argent, l'esprit, &c. peuvent être considérés, ainsi que nous l'avons observé, comme des individus spécifiques ; alors chacun de ces individus est regardé comme un tout, dont on peut tirer une portion : ainsi il a de l'argent, c'est il a une portion de ce tout qu'on appelle argent, esprit, &c. La préposition de est alors extractive d'un individu, comme la préposition latine ex ou de. Il a bien de l'argent, de l'esprit, &c. c'est la même analogie que il a de l'argent, &c.

C'est ainsi que Plaute a dit credo ego illic inesse auri & argenti largiter. (Rud. act. IV. sc. iv. v. 144.) en sous-entendant , rem, auri, je crois qu'il y a là de l'or & de l'argent en abondance. Bien est autant adverbe que largiter, la valeur de l'adverbe tombe sur le verbe inesse largiter, il a bien. Les adverbes modifient le verbe & n'ont jamais de complément, ou comme on dit de régime : ainsi nous disons il a bien, comme nous dirions il a véritablement ; nos peres disoient il a merveilleusement de l'esprit.

II. A l'égard de il a beaucoup d'argent, d'esprit, &c. il n'a point d'argent, d'esprit, &c. il faut observer que ces mots beaucoup, peu, pas, point, rien, sorte, espece, tant, moins, plus, que, lorsqu'il vient de quantùm, comme dans ces vers :

Que de mépris vous avez l'un pour l'autre,

Et que vous avez de raison !

ces mots, dis-je, ne sont point des adverbes, ils sont de véritables noms, du moins dans leur origine, & c'est pour cela qu'ils sont modifiés par un simple qualificatif indéfini, qui n'étant point pris individuellement, n'a pas besoin d'article, il ne lui faut que la simple préposition pour le mettre en rapport avec beaucoup, peu, rien, pas, point, sorte, &c. Beaucoup vient, selon Nicot, de bella, id est, bona & magna copia, une belle abondance, comme on dit une belle récolte, &c. Ainsi d'argent, d'esprit, sont les qualificatifs de coup en tant qu'il vient de copia, il a abondance d'argent, d'esprit, &c.

M. Ménage dit que ce mot est formé de l'adjectif beau, & du substantif coup ; ainsi quelque étymologie qu'on lui donne, on voit que ce n'est que par abus qu'il est considéré comme un adverbe : on dit : il est meilleur de beaucoup, c'est-à-dire selon un beaucoup, où vous voyez que la préposition décele le substantif.

Peu signifie petite quantité ; on dit, le peu, un peu, de peu, à peu, quelque peu : tous les analogistes soûtiennent qu'en Latin avec parum on sous-entend ad ou per, & qu'on dit parum-per, comme on dit te-cum, en mettant la préposition après le nom ; ainsi nous disons un peu de vin, comme les Latins disoient parum vini, ensorte que comme vini qualifie parum substantif, notre de vin qualifie peu par le moyen de la préposition de.

Rien vient de rem accusatif de res : les langues qui se sont formées du Latin, ont souvent pris des cas obliques pour en faire des dénominations directes ; ce qui est fort ordinaire en Italien. Nos peres disoient sur toutes riens, Mehun ; & dans Nicot, elle le hait sur tout rien, c'est-à-dire, sur toutes choses. Aujourd'hui rien veut dire aucune chose ; on sous-entend la négation, & on l'exprime même ordinairement ; ne dites rien, ne faites rien : on dit le rien vaut mieux que le mauvais ; ainsi rien de bon ni de beau, c'est aucune chose de bon, &c. aliquid boni.

De bon ou de beau sont donc des qualificatifs de rien, & alors de bon ou de beau étant pris dans un sens qualificatif de sorte ou d'espece, ils n'ont point l'article ; au lieu que si l'on prenoit bon ou beau individuellement, ils seroient précédés d'un prénom, le beau vous touche, j'aime le vrai, &c. Nos peres pour exprimer le sens négatif, se servirent d'abord comme en Latin de la simple négative ne, sachiez nos ne venismes por vos mal faire ; Ville-Hardouin, p. 48. Vigenere traduit, sachez que nous ne sommes pas venus pour vous mal faire. Dans la suite nos peres, pour donner plus de force & plus d'énergie à la négation, y ajoûterent quelqu'un des mots qui ne marquent que de petits objets, tels que grain, goutte, mie, brin, pas, point : quia res est minuta, sermoni vernaculo additur ad majorem negationem ; Nicot, au mot goutte. Il y a toûjours quelque mot de sous-entendu en ces occasions : je n'en ai grain ne goutte ; Nicot, au mot goutte. Je n'en ai pour la valeur ou la grosseur d'un grain. Ainsi quoique ces mots servent à la négation, ils n'en sont pas moins de vrais substantifs. Je ne veux pas ou point, c'est-à-dire, je ne veux cela même de la longueur d'un pas ni de la grosseur d'un point. Je n'irai point, non ibo ; c'est comme si l'on disoit, je ne ferai un pas pour y aller, je ne m'avancerai d'un point ; quasi dicas, dit Nicot, ne punctum quidem progrediar, ut eam illò. C'est ainsi que mie, dans le sens de miette de pain, s'employoit autrefois avec la particule négative : il ne l'aura mie ; il n'est mie un homme de bien, ne probitatis quidem mica in eo est, Nicot ; & cette façon de parler est encore en usage en Flandre.

Le substantif brin, qui se dit au propre des menus jets des herbes, sert souvent par figure à faire une négation comme pas & point, & si l'usage de ce mot étoit aussi fréquent parmi les honnêtes-gens qu'il l'est parmi le peuple, il seroit regardé aussi bien que pas & point comme une particule négative : a-t-il de l'esprit ? il n'en a brin ; je ne l'ai vû qu'un petit brin, &c.

On doit regarder ne pas, ne point, comme le nihil des Latins. Nihil est composé de deux mots, 1°. de la négation ne, & de hilum qui signifie la petite marque noire que l'on voit au bout d'une féve ; les Latins disoient hoc nos neque pertinet hilum, Lucret. liv. III. v. 843. & dans Cicéron Tusc. I. n°. 3. un ancien poëte parlant des vains efforts que fait Sisyphe dans les enfers pour élever une grosse pierre sur le haut d'une montagne, dit :

Sisyphus versat

Saxum sudans nitendo, neque proficit hilum.

Il y a une préposition sous-entendue devant hilum, ne quidem, , hilum ; cela ne nous intéresse en rien, pas même de la valeur de la petite marque noire d'une féve.

Sisyphe après bien des efforts, ne se trouve pas, avancé de la grosseur de la petite marque noire d'une féve.

Les Latins disoient aussi : ne faire pas plus de cas de quelqu'un ou de quelque chose, qu'on en fait de ces petits flocons de laine ou de soie que le vent emporte, flocci facere, c'est-à-dire, facere rem flocci ; nous disons un fétu. Il en est de même de notre pas, & de notre point ; je ne le veux pas ou point, c'est-à-dire, je ne veux cela même de la longueur d'un pas ou de la grosseur d'un point.

Or comme dans la suite le hilum des Latins s'unit si fort avec la négation ne, que ces deux mots n'en firent plus qu'un seul nihilum, nihil, nil, & que nihil se prend souvent pour le simple non, nihil circuitione usus es. (Ter. And. I. ij. v. 31.) vous ne vous êtes pas servi de circonlocution. De même notre pas & notre point ne sont plus regardés dans l'usage que comme des particules négatives qui accompagnent la négation ne, mais qui ne laissent pas de conserver toûjours des marques de leur origine.

Or comme en Latin nihil est souvent suivi d'un qualificatif, nihil falsi dixi, mi senex ; Terent. And. act. IV. sc. iv. ou v. selon M. Dacier, v. 49. je n'ai rien dit de faux ; nihil incommodi, nihil gratiae, nihil lucri, nihil sancti, &c. de même le pas & le point étant pris pour une très-petite quantité, pou un rien, sont suivis en François d'un qualificatif, il n'a pas de pain, d'argent, d'esprit, &c. ces noms pain, argent, esprit, étant alors des qualificatifs indéfinis, ils ne doivent point avoir de prépositif.

La Grammaire générale dit pag. 82. que dans le sens affirmatif on dit avec l'article, il a de l'argent, du coeur, de la charité, de l'ambition ; au lieu qu'on dit négativement sans article, il n'a point d'argent, de coeur, de charité, d'ambition ; parce que, dit-on, le propre de la négation est de tout ôter. (ibid.)

Je conviens que selon le sens, la négation ôte le tout de la chose : mais je ne vois pas pourquoi dans l'expression elle nous ôteroit l'article sans nous ôter la préposition ; d'ailleurs ne dit-on pas dans le sens affirmatif sans article, il a encore un peu d'argent, & dans le sens négatif avec l'article, il n'a pas le sou, il n'a plus un sou de l'argent qu'il avoit ; les langues ne sont point des sciences, on ne coupe point des mots inséparables, dit fort bien un de nos plus habiles critiques (M. l'abbé d'Olivet) ; ainsi je crois que la véritable raison de la différence de ces façons de parler doit se tirer du sens individuel & défini, qui seul admet l'article, & du sens spécifique indéfini & qualificatif, qui n'est jamais précédé de l'article.

Les éclaircissemens que l'on vient de donner pourront servir à résoudre les principales difficultés que l'on pourroit avoir au sujet des articles : cependant on croit devoir encore ajoûter ici des exemples qui ne seront points in utiles dans les cas pareils.

Noms construits sans prénom ni préposition à la suite d'un verbe, dont ils sont le complément. Souvent un nom est mis sans prénom ni préposition après un verbe qu'il détermine ; ce qui arrive en deux occasions : 1°. parce que le nom est pris alors dans un sens indéfini, comme quand on dit, il aime à faire plaisir, à rendre service ; car il ne s'agit pas alors d'un tel plaisir ni d'un tel service particulier ; en ce cas on diroit faites-moi ce ou le plaisir, rendez-moi ce service, ou le service, ou un service, qui, &c. 2°. Cela se fait aussi souvent pour abréger, par ellipse, ou dans des façons de parler familieres & proverbiales ; ou enfin parce que les deux mots ne font qu'une sorte de mot composé, ce qui sera facile à démêler dans les exemples suivans.

Avoir faim, soif, dessein, honte, coûtume, pitié, compassion, froid, chaud, mal, besoin, part au gâteau, envie.

Chercher fortune, malheur.

Courir fortune, risque.

Demander raison, vengeance.

L'amour en courroux

Demande vengeance. Quinault.

grace, pardon, justice.

Dire vrai, faux, matines, vêpres, &c.

Donner prise à ses ennemis, part d'une nouvelle, jour, parole, avis, caution, quittance, leçon, atteinte à un acte, à un privilége, valeur, cours, courage, rendez-vous aux Tuileries, &c. congé, secours, beau jeu, prise, audience.

Echapper, il l'a échappé belle, c'est-à-dire peu s'en est fallu qu'il ne lui soit arrivé quelque malheur.

Entendre raison, raillerie, malice, vêpres, &c.

Faire vie qui dure, bonne chere, envie, il vaut mieux faire envie que pitié, corps neuf par le rétablissement de la santé, réflexion, honte, honneur, peur, plaisir, choix, bonne mine & mauvais jeu, cas de quelqu'un, alliance, marché, argent de tout, provision, semblant, route, banqueroute, front, face, difficulté, je ne fais pas difficulté. Gedoyn.

Gagner pays, gros.

Mettre ordre, fin.

Parler vrai, raison, bon sens, latin, françois, &c.

Porter envie, témoignage, coup, bonheur, malheur, compassion.

Prendre garde, patience, séance, medecine, congé, part à ce qui arrive à quelqu'un, conseil, terre, langue, jour, leçon.

Rendre service, amour pour amour, visite, bord, terme de Marine, arriver, gorge.

Savoir lire, vivre, chanter.

Tenir parole, prison faute de payement, bon, ferme, adjectifs pris adverbialement.

Noms construits avec une préposition sans article. Les noms d'especes qui sont pris selon leur simple signification spécifique, se construisent avec une préposition sans articles.

Changez ces pierres en pains ; l'éducation que le pere d'Horace donna à son fils est digne d'être prise pour modele ; à Rome, à Athenes, à bras ouverts ; il est arrivé à bon port, à minuit ; il est à jeun ; à Dimanche, à vêpres ; & tout ce que l'Espagne a nourri de vaillans ; vivre sans pain, une livre de pain ; il n'a pas de pain ; un peu de pain ; beaucoup de pain, une grande quantité de pain.

J'ai un coquin de frere, c'est-à-dire qui est de l'espece de frere, comme on dit, quelle espece d'homme êtes-vous ? Térence a dit : quid hominis ? Eun. III. jv. viij. & jx. & encore, act. V. sc. j. vers 17. Quid monstri ? Ter. Eun. IV. sc. iij. x. & xjv.

Remarquez que dans ces exemples le qui ne se rapporte point au nom spécifique, mais au nom individuel qui précede : c'est un bon homme de pere qui ; le qui se rapporte au bon homme.

Se conduire par sentiment ; parler avec esprit, avec grace, avec facilité ; agir par dépit, par colere, par amour, par foiblesse.

En fait de Physique, on donne souvent des mots pour des choses ; Physique est pris dans un sens spécifique qualificatif de fait.

A l'égard de on donne des mots, c'est le sens individuel partitif, il y a ellipse ; le régime ou complément immédiat du verbe donner est ici sous-entendu ; ce que l'on entendra mieux par les exemples suivans.

Noms construits avec l'article ou prénom sans préposition. Ce que j'aime le mieux c'est le pain (individu spécifique), apportez le pain ; voilà le pain, qui est le complément immédiat ou régime naturel du verbe : ce qui fait voir que quand on dit apportez ou donnez-moi du pain, alors il y a ellipse ; donnez-moi une portion, quelque chose du pain, c'est le sens individuel partitif.

Tous les pains du marché, ou collectivement, tout le pain du marché ne suffiroit pas pour, &c.

Donnez-moi un pain ; emportons quelques pains pour le voyage.

Noms construits avec la préposition & l'article. Donnez-moi du pain, c'est-à-dire de le pain : encore un coup il y a ellipse dans les phrases pareilles, car la chose donnée se joint au verbe donner sans le secours d'une préposition ; ainsi donnez-moi du pain, c'est donnez-moi quelque chose de le pain, de ce tout spécifique individuel qu'on appelle pain ; le nombre des pains que vous avez apportés n'est pas suffisant.

Voilà bien des pains, de les pains, individuellement, c'est-à-dire considérés comme faisant chacun un être à part.

Remarques sur l'usage de l'article, quand l'adjectif précede le substantif, ou quand il est après le substantif. Si un nom substantif est employé dans le discours avec un adjectif, il arrive ou que l'adjectif précede le substantif, ou qu'il le suit.

L'adjectif n'est séparé de son substantif que lorsque le substantif est le sujet de la préposition, & que l'adjectif en est affirmé dans l'attribut. Dieu est toutpuissant ; Dieu est le sujet : tout-puissant, qui est dans l'attribut, en est séparé par le verbe est, qui, selon notre maniere d'expliquer la proposition, fait partie de l'attribut ; car ce n'est pas seulement tout-puissant que je juge de Dieu, j'en juge qu'il est, qu'il existe tel.

Lorsqu'une phrase commence par un adjectif seul, par exemple, savant en l'art de régner, ce Prince se fit aimer de ses sujets & craindre de ses voisins ; il est évident qu'alors on sous-entend ce Prince qui étoit savant, &c. ainsi savant en l'art de régner, est une proposition incidente, implicite, je veux dire dont tous les mots ne sont pas exprimés ; en réduisant ces prépositions à la construction simple, on voit qu'il n'y a rien contre les regles ; & que si dans la construction usuelle on préfere la façon de parler elliptique, c'est que l'expression en est plus serrée & plus vive.

Quand le substantif & l'adjectif font ensemble le sujet de la proposition, ils forment un tout inséparable ; alors les prépositifs se mettent avant celui des deux qui commence la phrase : ainsi on dit,

1°. Dans les propositions universelles, tout homme, chaque homme, tous les hommes, nul homme, aucun homme.

2°. Dans les propositions indéfinies, les Turcs, les Persans, les hommes savans, les savans philosophes.

3°. Dans les propositions particulieres, quelques hommes, certaines personnes soûtiennent, &c. un savant m'a dit, &c. on m'a dit, des savans m'ont dit, en sousentendant quelques-uns, aucuns, ou des savans philosophes, en sous-entendant un certain nombre, ou quelqu'autre mot.

4°. Dans les propositions singulieres, le soleil est levé, la lune est dans son plein, cet homme, cette femme, ce livre.

Ce que nous venons de dire des noms qui sont sujets d'une proposition, se doit aussi entendre de ceux qui sont le complément immédiat de quelque verbe ou de quelque préposition : détestons tous les vices, pratiquons toutes les vertus, &c. dans le ciel, sur la terre, &c.

J'ai dit le complément immédiat ; j'entens par-là tout substantif qui fait un sens avec un verbe ou une préposition, sans qu'il y ait aucun mot sous-entendu entre l'un & l'autre ; car quand on dit, vous aimez des ingrats, des ingrats n'est pas le complément immédiat de aimez ; la construction entiere est, vous aimez certaines personnes qui sont du nombre des ingrats, ou quelques-uns des ingrats, de les ingrats, quosdam ex, ou de ingratis : ainsi des ingrats énonce une partition : c'est un sens partitif, nous en avons souvent parlé.

Mais dans l'une ou dans l'autre de ces deux occasions, c'est-à-dire, 1°. quand l'adjectif & le substantif sont le sujet de la proposition ; 2° ou qu'ils sont le complément d'un verbe ou de quelque préposition : en quelles occasions faut-il n'employer que cette simple préposition, & en quelles occasions faut-il y joindre l'article & dire du ou de le & des, c'est-à-dire de les ?

La Grammaire générale dit (pag. 54.) qu'avant les substantifs on dit des, des animaux, & qu'on dit de quand l'adjectif précede, de beaux lits : mais cette regle n'est pas générale, car dans le sens qualificatif indéfini on se sert de la simple préposition de, même devant le substantif, sur-tout quand le nom qualifié est précédé du prépositif un, & on se sert de des ou de les, quand le mot qui qualifie est pris dans un sens individuel, les lumieres des philosophes anciens, ou des anciens philosophes.

Voici une liste d'exemples dont le lecteur judicieux pourra faire usage, & juger des principes que nous avons établis.

Remarque. Lorsque le substantif précede, comme il signifie par lui-même, ou un être réel, ou un être métaphysique considéré par imitation, à la maniere des êtres réels, il présente d'abord à l'esprit une idée d'individualité d'être séparé existant par lui-même ; au lieu que lorsque l'adjectif précede, il offre à l'esprit une idée de qualification, une idée de sorte, un sens adjectif. Ainsi l'article doit précéder le substantif, au lieu qu'il suffit que la préposition précede l'adjectif, à moins que l'adjectif ne serve lui-même avec le substantif à donner l'idée individuelle, comme quand on dit : les savans hommes de l'antiquité : le sentiment des grands philosophes de l'antiquité, des plus savans philosophes : on fait la description des beaux lits qu'on envoye en Portugal.

Réflexions sur cette regle de M. Vaugelas, qu'on ne doit point mettre de relatif après un nom sans article. L'auteur de la Grammaire générale a examiné cette regle (II. partie, chap. x.). Cet auteur paroît la restraindre à l'usage présent de notre langue ; cependant de la maniere que je la conçois, je la crois de toutes les langues & de tous les tems.

En toute langue & en toute construction, il y a une justesse à observer dans l'emploi que l'on fait des signes destinés par l'usage pour marquer non-seulement les objets de nos idées, mais encore les différentes vûes sous lesquelles l'esprit considere ces objets. L'article, les prépositions, les conjonctions, les verbes avec leurs différentes inflexions, enfin tous les mots qui ne marquent point des choses, n'ont d'autre destination que de faire connoître ces différentes vûes de l'esprit.

D'ailleurs, c'est une regle des plus communes du raisonnement, que, lorsqu'au commencement du discours on a donné à un mot une certaine signification, on ne doit pas lui en donner une autre dans la suite du même discours. Il en est de même par rapport au sens grammatical ; je veux dire que dans la même période, un mot qui est au singulier dans le premier membre de cette période, ne doit pas avoir dans l'autre membre un correlatif ou adjectif qui le suppose au pluriel : en voici un exemple tiré de la prin cesse de Cleves, tom. II. pag. 119. M. de Nemours ne laissoit échapper aucune occasion de voir madame de Cleves, sans laisser paroître néanmoins qu'il les cherchât. Ce les du second membre étant au pluriel, ne devoit pas être destiné à rappeller occasion, qui est au singulier dans le premier membre de la période. Par la même raison, si dans le premier membre de la phrase, vous m'avez d'abord présenté le mot dans un sens spécifique, c'est-à-dire comme nous l'avons dit, dans un sens qualificatif adjectif, vous ne devez pas, dans le membre qui suit, donner à ce mot un relatif, parce que le relatif rappelle toûjours l'idée d'une personne ou d'une chose, d'un individu réel ou métaphysique, & jamais celle d'un simple qualificatif qui n'a aucune existence, & qui n'est que mode ; c'est uniquement à un substantif considéré substantivement, & non comme mode, que le qui peut se rapporter : l'antécédent de qui doit être pris dans le même sens aussi-bien dans toute l'étendue de la période, que dans toute la suite du syllogisme.

Ainsi, quand on dit, il a été reçû avec politesse, ces deux mots, avec politesse, sont une expression adverbiale, modificative, adjective, qui ne présente aucun être réel ni métaphysique. Ces mots, avec politesse, ne marquent point une telle politesse individuelle : si vous voulez marquer une telle politesse, vous avez besoin d'un prépositif qui donne à politesse un sens individuel réel, soit universel, soit particulier, soit singulier, alors le qui fera son office.

Encore un coup, avec politesse est une expression adverbiale, c'est l'adverbe poliment décomposé.

Or ces sortes d'adverbes sont absolus, c'est-à-dire qu'ils n'ont ni suite ni complément ; & quand on veut les rendre relatifs, il faut ajoûter quelque mot qui marque la correlation ; il a été reçû si poliment que, &c. il a été reçû avec tant de politesse, que, &c. ou bien avec une politesse qui, &c.

En latin même ces termes correlatifs sont souvent marqués, is qui, ea quae, id quod, &c.

Non enim is es, Catilina, dit Ciceron, ut ou qui, ou quem, selon ce qui suit ; voilà deux correlatifs is, ut, ou is, quem, & chacun de ces relatifs est construit dans sa proportion particuliere : il a d'abord un sens individuel particulier dans la premiere proposition, ensuite ce sens est déterminé singulierement dans la seconde : mais dans agere cum aliquo, inimicè, ou indulgenter, ou atrociter, ou violenter, chacun de ces adverbes présente un sens absolu spécifique qu'on ne peut plus rendre sens relatif singulier, à moins qu'on ne repete & qu'on n'ajoûte les mots destinés à marquer cette relation & cette singularité : on dira alors ita atrociter ut, &c. ou en décomposant l'adverbe, cum eâ atrocitate ut ou quae, &c. Comme la langue latine est presque toute elliptique, il arrive souvent que ces correlatifs ne sont pas exprimés en latin : mais le sens & les adjoints les font aisément suppléer. On dit fort bien en latin, sunt qui putent, Cic. le correlatif de qui est philosophi ou quidam sunt ; mitte cui dem litteras, Cic. envoyez-moi quelqu'un à qui je puisse donner mes lettres ; où vous voyez que le correlatif est mitte servum, ou puerum, ou aliquem. Il n'en est pas de même dans la langue françoise ; ainsi je crois que le sens de la regle de Vaugelas est que lorsqu'en un premier membre de période un mot est pris dans un sens absolu, adjectivement ou adverbialement, ce qui est ordinairement marqué en françois par la suppression de l'article & par les circonstances, on ne doit pas dans le membre suivant ajoûter un relatif, ni même quelqu'autre mot qui supposeroit que la premiere expression auroit été prise dans un sens fini & individuel, soit universel, soit particulier ou singulier ; ce seroit tomber dans le sophisme que les Logiciens appellent passer de l'espece à l'individu, passer du général au particulier.

Ainsi je ne puis pas dire l'homme est animal qui raisonne, parce que animal, dans le premier membre étant sans article, est un nom d'espece pris adjectivement & dans un sens qualificatif ; or qui raisonne ne peut se dire que d'un individu réel qui est ou déterminé ou indéterminé, c'est-à-dire pris dans le sens particulier dont nous avons parlé ; ainsi je dois dire l'homme est le seul animal, ou un animal qui raisonne.

Par la même raison, on dira fort bien, il n'a point de livre qu'il n'ait lû ; cette proposition est équivalente à celle-ci : il n'a pas un seul livre qu'il n'ait lû ; chaque livre qu'il a, il l'a lû. Il n'y a point d'injustice qu'il ne commette ; c'est-à-dire chaque sorte d'injustice particuliere, il la commet. Est-il ville dans le royaume qui soit plus obéissante ? c'est-à-dire est-il dans le royaume quelqu'autre ville, une ville qui soit plus obéissante que, &c. Il n'y a homme qui sache cela ; aucun homme ne sait cela.

Ainsi, c'est le sens individuel qui autorise le relatif, & c'est le sens qualificatif adjectif ou adverbial qui fait supprimer l'article ; la négation n'y fait rien, quoi qu'en dise l'auteur de la Grammaire générale. Si l'on dit de quelqu'un qu'il agit en roi, en pere, en ami, & qu'on prenne roi, pere, ami, dans le sens spécifique, & selon toute la valeur que ces mots peuvent avoir, on ne doit point ajoûter de qui : mais si les circonstances font connoître qu'en disant roi, pere, ami, on a dans l'esprit l'idée particuliere de tel roi, de tel pere, de tel ami, & que l'expression ne soit pas consacrée par l'usage au seul sens spécifique ou adverbial, alors on peut ajoûter le qui ; il se conduit en pere tendre qui ; car c'est autant que si l'on disoit comme un pere tendre ; c'est le sens particulier qui peut recevoir ensuite une détermination singuliere.

Il est accablé de maux ; c'est-à-dire de maux particuliers ou de dettes particulieres qui, &c. Une sorte de fruits qui, &c. une sorte tire ce mot fruits de la généralité du nom fruit ; une sorte est un individu spécifique, ou un individu collectif.

Ainsi, je crois que la vivacité, le feu, l'enthousiasme, que le style poétique demande, ont pû autoriser Racine à dire (Esther, act. II. sc. viij.) nulle paix pour l'impie ; il la cherche, elle fuit : mais cette expression ne seroit pas réguliere en prose, parce que la premiere proposition étant universelle négative, & où nulle emporte toute paix pour l'impie, les pronoms la & elle des propositions qui suivent ne doivent pas rappeller dans un sens affirmatif & individuel un mot qui a d'abord été pris dans un sens négatif universel. Peut-être pourroit-on dire nulle paix qui soit durable n'est donnée aux hommes : mais on feroit encore mieux de dire une paix durable n'est point donnée aux hommes.

Telle est la justesse d'esprit, & la précision que nous demandons dans ceux qui veulent écrire en notre langue, & même dans ceux qui la parlent. Ainsi on dit absolument dans un sens indéfini, se donner en spectacle, avoir peur, avoir pitié, un esprit de parti, un esprit d'erreur. On ne doit donc point ajoûter ensuite à ces substantifs, pris dans un sens général, des adjectifs qui les supposeroient dans un sens fini, & en feroient des individus métaphysiques. On ne doit donc point dire se donner en spectacle funeste, ni un esprit d'erreur fatale, de sécurité téméraire, ni avoir peur terrible : on dit pourtant avoir grand'peur, parce qu'alors cet adjectif grand, qui précede son substantif, & qui perd même ici sa terminaison féminine, ne fait qu'un même mot avec peur, comme dans grand'messe, grand'mere. Par le même principe, je crois qu'un de nos auteurs n'a pas parlé exactement quand il a dit (le P. Sanadon, vie d'Horace, pag. 47.) Octavien déclare en plein senat, qu'il veut lui remettre le gouvernement de la république ; en plein senat est une circonstance de lieu, c'est une sorte d'expression adverbiale, où senat ne se présente pas sous l'idée d'un être personnifié ; c'est cependant cette idée que suppose lui remettre ; il falloit dire, Octavien déclare au senat assemblé qu'il veut lui remettre, &c. ou prendre quelqu'autre tour.

Si les langues qui ont des articles, ont un avantage sur celles qui n'en ont point.

La perfection des langues consiste principalement en deux points. 1°. A avoir une assez grande abondance de mots pour suffire à énoncer les différens objets des idées que nous avons dans l'esprit : par exemple, en latin regnum signifie royaume, c'est le pays dans lequel un souverain exerce son autorité : mais les Latins n'ont point de nom particulier pour exprimer la durée de l'autorité du souverain, alors ils ont recours à la périphrase ; ainsi pour dire sous le regne d'Auguste, ils disent imperante Caesare Augusto, dans le tems qu'Auguste regnoit, au lieu qu'en françois nous avons royaume, & de plus regne. La langue françoise n'a pas toûjours de pareils avantages sur la latine. 2°. Une langue est plus parfaite lorsqu'elle a plus de moyens pour exprimer les divers points de vûe sous lesquels notre esprit peut considérer le même objet : le roi aime le peuple, & le peuple aime le roi : dans chacune de ces phrases, le roi & le peuple sont considérés sous un rapport différent. Dans la premiere, c'est le roi qui aime ; dans la seconde, c'est le roi qui est aimé : la place ou position dans laquelle on met roi & peuple, fait connoître l'un & l'autre de ces points de vûe.

Les prépositifs & les prépositions servent aussi à de pareils usages en françois.

Selon ces principes, il paroît qu'une langue qui a une sorte de mots de plus qu'une autre, doit avoir un moyen de plus pour exprimer quelque vûe fine de l'esprit ; qu'ainsi les langues qui ont des articles ou prépositifs, doivent s'énoncer avec plus de justesse & de précision que celles qui n'en ont point. L'article le tire un nom de la généralité du nom d'espece, & en fait un nom d'individu, le roi ; ou d'individus, les rois ; le nom sans article ou prépositif, est un nom d'espece ; c'est un adjectif. Les Latins qui n'avoient point d'articles, avoient souvent recours aux adjectifs démonstratifs. Dic ut lapides isti panes fiant (Matt. jv. 3.) dites que ces pierres deviennent pains. Quand ces adjectifs manquent, les adjoints ne suffisent pas toûjours pour mettre la phrase dans toute la clarté qu'elle doit avoir. Si filius Dei es (Matt. jv. 6.), on peut traduire si vous êtes fils de Dieu, & voilà fils nom d'espece ; au lieu qu'en traduisant si vous êtes le fils de Dieu, le fils est un individu.

Nous mettons la différence entre ces quatres expressions, 1. fils de roi, 2. fils d'un roi, 3. fils du roi, 4. le fils du roi. En fils de roi, roi est un nom d'espece, qui avec la préposition, n'est qu'un qualificatif, 2. fils d'un roi, d'un roi est pris dans le sens particulier dont nous avons parlé ; c'est le fils de quelque roi ; 3. fils du roi, fils est un nom d'espece ou appellatif, & roi est un nom d'individu, fils de le roi ; 4. le fils du roi, le fils marque un individu : filius regis ne fait pas sentir ces différences.

Etes-vous roi ? êtes-vous le roi ? dans la premiere phrase, roi est un nom appellatif ; dans la seconde, roi est pris individuellement : rex es tu ? ne distingue pas ces diverses acceptions : nemo satis gratiam regi refert. Ter. Phorm. II. ij. 24. où regi peut signifier au roi ou à un roi.

Un palais de prince, est un beau palais qu'un prince habite, ou qu'un prince pourroit habiter décemment ; mais le palais du prince (de le prince) est le palais déterminé qu'un tel prince habite. Ces différentes vûes ne sont pas distinguées en latin d'une maniere aussi simple. Si, en se mettant à table, on demande le pain, c'est une totalité qu'on demande ; le latin dira da ou affer panem. Si, étant à table, on demande du pain, c'est une portion de le pain ; cependant le latin dira également panem.

Il est dit au second chapitre de S. Matthieu, que les mages s'étant mis en chemin au sortir du palais d'Hérode, videntes stellam, gavisi sunt ; & intrantes domum, invenerunt puerum : voilà étoile, maison, enfant, sans aucun adjectif déterminatif ; je conviens que ce qui précede fait entendre que cette étoile est celle qui avoit guidé les mages depuis l'orient ; que cette maison est la maison que l'étoile leur indiquoit ; & que cet enfant est celui qu'ils venoient adorer : mais le latin n'a rien qui présente ces mots avec leur détermination particuliere ; il faut que l'esprit supplée à tout : ces mots ne seroient pas énoncés autrement, quand ils seroient noms d'especes. N'est-ce pas un avantage de la langue françoise, de ne pouvoir employer ces trois mots qu'avec un prépositif qui fasse connoître qu'ils sont pris dans un sens individuel déterminé par les circonstances ? ils virent l'étoile, ils entrerent dans la maison, & trouverent l'enfant.

Je pourrois rapporter plusieurs exemples, qui feroient voir que lorsqu'on veut s'exprimer en latin d'une maniere qui distingue le sens individuel du sens adjectif ou indéfini, ou bien le sens partitif du sens total, on est obligé d'avoir recours à quelqu'adjectif démonstratif, ou à quelqu'autre adjoint. On ne doit donc pas nous reprocher que nos articles rendent nos expressions moins fortes & moins serrées que celles de la langue latine ; le défaut de force & de précision est le défaut de l'écrivain, & non celui de la langue.

Je conviens que quand l'article ne sert point à rendre l'expression plus claire & plus précise, on devroit être autorisé à le supprimer : j'aimerois mieux dire, comme nos peres, pauvreté n'est pas vice, que de dire, la pauvreté n'est pas un vice : il y a plus de vivacité & d'énergie dans la phrase ancienne : mais cette vivacité & cette énergie ne sont loüables, que lorsque la suppression de l'article ne fait rien perdre de la précision de l'idée, & ne donne aucun lieu à l'indétermination du sens.

L'habitude de parler avec précision, de distinguer le sens individuel du sens spécifique adjectif & indéfini, nous fait quelquefois mettre l'article où nous pouvions le supprimer : mais nous aimons mieux que notre style soit alors moins serré, que de nous exposer à être obscurs ; car en général il est certain que l'article mis ou supprimé devant un nom, (Gram. de Regnier, pag. 152.) fait quelquefois une si grande différence de sens, qu'on ne peut douter que les langues qui admettent l 'article, n'ayent un grand avantage sur la langue latine, pour exprimer nettement & clairement certains rapports ou vûes de l'esprit, que l 'article seul peut designer, sans quoi le lecteur est exposé à se méprendre.

Je me contenterai de ce seul exemple. Ovide faisant la description des enchantemens qu'il imagine que Médée fit pour rajeunir Eson, dit que Médée, Mét. liv. VII. v. 184.

Tectis, nuda pedem, egreditur.

Et quelques vers plus bas (v. 189.) il ajoûte

Crinem irroravit aquis.

Les traducteurs instruits que les poëtes employent souvent un singulier pour un pluriel, figure dont ils avoient un exemple devant les yeux en crinem irroravit, elle arrosa ses cheveux ; ces traducteurs, disje, ont crû qu'en nuda pedem, pedem étoit aussi un singulier pour un pluriel ; & tous, hors M. l'abbé Banier, ont traduit nuda pedem, par ayant les piés nuds : ils devoient mettre, comme l'abbé Banier, ayant un pié nud ; car c'étoit une pratique superstitieuse de ces magiciennes, dans leurs vains & ridicules prestiges, d'avoir un pié chaussé & l'autre nud. Nuda pedem peut donc signifier ayant un pié nud, ou ayant les piés nuds ; & alors la langue, faute d'articles, manque de précision, & donne lieu aux méprises. Il est vrai que par le secours des adjectifs déterminatifs, le latin peut suppléer au défaut des articles ; & c'est ce que Virgile a fait en une occasion pareille à celle dont parle Ovide : mais alors le latin perd le prétendu avantage d'être plus serré & plus concis que le françois.

Lorsque Didon eut eu recours aux enchantemens, elle avoit un pié nud, dit Virgile,... Unum exuta pedem vinclis.... (IV. Aeneid. v. 518.) & ce pié étoit le gauche, selon les commentateurs.

Je conviens qu'Ovide s'est énoncé d'une maniere plus serrée, nuda pedem : mais il a donné lieu à une méprise. Virgile a parlé, comme il auroit fait s'il avoit écrit en françois ; unum exuta pedem, ayant un pié nud ; il a évité l'équivoque par le secours de l'adjectif indicatif unum ; & ainsi il s'est exprimé avec plus de justesse qu'Ovide.

En un mot, la netteté & la précision sont les premieres qualités que le discours doit avoir : on ne parle que pour exciter dans l'esprit des autres une pensée précisément telle qu'on la conçoit ; or les langues qui ont des articles, ont un instrument de plus pour arriver à cette fin ; & j'ose assûrer qu'il y a dans les livres latins bien des passages obscurs, qui ne sont tels que par le défaut d'articles ; défaut qui a souvent induit les auteurs à négliger les autres adjectifs démonstratifs, à cause de l'habitude où étoient ces auteurs d'énoncer les mots sans articles, & de laisser au lecteur à suppléer.

Je finis par une réflexion judicieuse du P. Buffier. (Gramm. n. 340.) Nous avons tiré nos éclaircissemens d'une Métaphysique, peut-être un peu subtile, mais très-réelle.... C'est ainsi que les sciences se prêtent mutuellement leurs secours : si la Métaphysique contribue à démêler nettement des points essentiels à la Grammaire, celle-ci bien apprise, ne contribueroit peut-être pas moins à éclaircir les discours les plus métaphysiques. Voyez ADJECTIF, ADVERBE, &c. (F)

ARTICLE, s. m. en terme de Commerce, signifie une petite partie ou division d'un compte, d'un mémoire, d'une facture, d'un inventaire, d'un livre journal, &c.

Un bon teneur de livres doit être exact à porter sur le grand livre au compte de chacun, soit en débit, soit en crédit, tous les articles qui sont écrits sur le livre journal, & ainsi du reste.

Article se dit aussi des clauses, conditions & conventions portées dans les sociétés, dans les marchés, dans les traités, & des choses jugées par des arbitres.

Article se prend aussi pour les différens chefs portés par les ordonnances, les réglemens, les statuts des communautés, &c. particulierement quand on les cite. Ainsi l'on dit : cela est conforme à tel article de l'ordonnance de 1673 ; à tel article du réglement des Teinturiers, &c. Savary, Dict. du Comm. tom. I. pag. 738. (G)

ARTICLE, en Peinture, est un très-petit contour qu'on nomme aussi tems. On dit : ces articles ne sont pas assez prononcés. Outre ces contours, il y a un article ou un tems, &c.

Article signifie aussi, en Peinture comme en Anatomie, les jointures ou articulations des os du corps, comme les jointures des doigts, &c. (R)

ARTICLES, en terme de Palais, sont les circonstances & particularités sur lesquelles une partie se propose d'en faire interroger une autre en justice : dans ce sens, on ne dit guere articles qu'avec faits ; comme interroger quelqu'un sur faits & articles ; donner copie des faits & articles, &c.

On appelle les articles tout simplement, les clauses & conventions qu'on est convenu de stipuler dans un contrat de mariage par les deux futurs conjoints, ou leurs parens ou tuteurs stipulans pour eux. (H)


ARTICULAIREadj. en Anatomie, se dit des parties relatives aux articulations. Voyez ARTICULATION.

L'apophyse articulaire est une éminence qui sert de base à l'apophyse zygomatique de l'os des tempes. Voyez TEMPORAL.

La cavité articulaire est une cavité située entre les apophyses styloïde & articulaire de l'os des tempes, qui reçoit le condyle de la mâchoire inférieure Voy : MACHOIRE.

Facettes articulaires, sont des parties des os qui servent à leur articulation avec d'autres. Voyez FACETTES & OS.

Nerf articulaire. Voyez AXILLAIRE. (L)

ARTICULAIRE, terme de Medecine ; c'est une épithete qu'on donne à une maladie qui afflige plus immédiatement les articulations ou les jointures.

La maladie articulaire, morbus articularis, est ce que les Grecs appellent , & nous goutte. Voyez GOUTTE. (N)


ARTICULATIONS. f. en Anatomie, c'est une jointure ou une connexion de deux os. Voyez OS.

Il y a différentes formes & différentes especes d'articulation qui correspondent aux différentes sortes de mouvemens & d'actions. L'articulation qui a un mouvement notable & manifeste est appellée diarthrose. Voyez DIARTHROSE. Celle-ci se subdivise en énarthrose, arthrodie, & ginglyme. Voyez ENARTHROSE, ARTHRODIE, NGLYMELYME.

L'articulation qui ne permet point de mouvement, est appellée synarthrose. Voyez SYNARTHROSE. Elle se subdivise en suture, harmonie, & gomphose. Voyez SUTURE, HARMONIE, &c. (L)


ARTICULÉadjectif & participe du verbe articuler.

Article, en terme d'Anatomie, signifie la jointure des os des animaux ; articulation, en général, signifie la jonction de deux corps, qui étant liés l'un à l'autre, peuvent être pliés sans se détacher. Ainsi les sons de la voix humaine sont des sons différens, variés, mais liés entr'eux de telle sorte qu'ils forment des mots. On dit d'un homme qu'il articule bien, c'est-à-dire, qu'il marque distinctement les syllabes & les mots. Les animaux n'articulent pas comme nous le son de leur voix. Il y a quelques oiseaux auxquels on apprend à articuler certains mots : tels sont le perroquet, la pie, le moineau, & quelques autres. Voyez ARTICLE. (F)


ARTICULERv. act. en style de Palais, signifie avancer formellement, mettre en fait. (H)

ARTICULER, v. act. On dit en Peinture & en Sculpture, que les parties d'une figure, d'un animal, &c. sont bien articulées lorsqu'elles sont bien prononcées, c'est-à-dire que tout y est certain, & non exprimé d'une maniere équivoque. Il faut articuler ces parties ; cette figure articule bien. (R)


ARTIFICES. m. Ce mot se dit des feux qui se font avec art, soit pour le divertissement, soit pour la guerre. Voyez PYROTECHNIE.

Pour travailler aux artifices, il faut avoir certaines commodités, qu'on ne trouve pas indifféremment dans toutes les maisons. Premierement le grand bruit qu'on est obligé de faire pour charger les fusées volantes à grands coups de maillet, réitérés pendant long-tems, demande une petite chambre sur terre ferme qui en amortisse le retentissement : par la même raison, à-peu-près, qu'on place ainsi les enclumes des forgerons, auxquels on peut comparer les billots de bois, sur lesquels on pose les moules ou culots de fusées pour les charger. Le même billot doit aussi servir de base aux mortiers de fonte destinés à piler les matieres dures.

Il faut de plus avoir en lieu sec une chambre séparée de celle qu'on habite, pour y faire les ouvrages moins bruyans ; comme broyer, tamiser & mêler les matieres, faire les cartouches, les étrangler, faire les étoupilles & les petits artifices. Il convient d'avoir dans celle-ci un poele à l'allemande, auquel on met le feu par une chambre voisine, sur-tout si l'on est obligé de travailler l'hyver, ou de coller & faire sécher les cartouches pendant les tems humides.

On doit ménager dans cet attelier un petit coin bien fermé, pour y mettre la poudre & les matieres combustibles, qu'il faut conserver dans des barrils & des coffres bien fermés, ou si l'on veut dans des pots de terre vernissés, couverts d'un linge, & par-dessus d'un couvercle de bois, qui en le pressant, bouche le passage de l'air extérieur qui ne doit pas y entrer, si l'on veut les conserver long-tems sans altération.

Malgré ces précautions, on doit éviter d'y travailler de nuit à la chandelle, crainte d'incendie.

Le principal meuble de cet attelier est une table de bois dur de deux ou trois piés en quarré, garnie d'une tringle arrondie débordant d'un pouce au-dessus, pour y broyer la poudre & le charbon, sans que la poussiere se répande par les bords. Pour cet effet on se sert d'une mollette ou paumette de bois dur, faite à peu-près comme une mollette à broyer les couleurs.

Pour ramasser ces matieres plus aisément, il convient que les angles de cette table soient émoussés par des pans coupés, & qu'on y fasse une ouverture au milieu avec une petite trappe qui s'y loge dans une feuillure, de sorte qu'on puisse la lever lorsqu'on veut pour y faire passer la matiere broyée : d'autres se contentent de laisser un des côtés sans bordure ; mais il semble que pour éviter les incommodités de chacune de ces manieres, il faut mettre la piece mobile sur le milieu d'un des côtés, en la faisant d'un grand segment de cercle qui ne puisse être chassé en dehors, & conique par son profil, pour ne s'enfoncer dans la table qu'à la profondeur nécessaire pour la fleurer par dessus ; au moyen de quoi ayant levé cette piece, on tient la sebille en-devant, & on y fait tomber le poussier avec une aîle d'oiseau, ou une brosse de poil de sanglier.

Cette table n'est propre que pour broyer la poudre & le charbon ; les autres matieres dures, comme le salpetre en roche, le soufre, les résines, & autres, doivent être pilées dans un mortier de fonte avec un pilon de même métal ou de bois, supposé que l'on craigne que les métaux ne s'échauffent trop par le broyement.

On doit ensuite être pourvû de quatre ou cinq tamis ; les uns de toile de crin, pour y passer les matieres qui ne doivent pas être finement broyées ; les autres de toile plus serrée, pour celles qui doivent l'être davantage ; & enfin les autres de gase de soie, pour les plus fines poussieres : telle doit être ordinairement celle de la poudre.

Afin d'empêcher l'évaporation de celles-ci en les agitant pour les faire passer, il faut que le tamis soit logé dans un tambour pareil à celui dont se servent les Parfumeurs pour passer la poudre à poudrer. Cette précaution est encore plus nécessaire pour le charbon, qui s'exhale facilement, noircit tout ce qui est dans une chambre, & s'insinue dans les narines, de maniere qu'on en est incommodé, & qu'on mouche noir pendant plus d'un jour.

On sait aussi que la poussiere mêlée de soufre & de salpetre, gâte & noircit toutes les dorures.

Ce qui reste de la poudre dans le tamis après que le fin est passé, s'appelle chez les Artificiers le relien, peut-être du mot latin reliquiae ; au lieu de le repiler, on s'en sert pour les chasses des artifices.

On éprouve en tamisant le salpetre, qu'il ne passe facilement qu'autant qu'il est bien sec ; ainsi on doit s'y préparer en le faisant sécher au four s'il est nécessaire.

Quant à la limaille de fer & d'acier, on sait qu'il en faut de différentes grosseurs, suivant les usages : la plus fine est celle qui foisonne le plus, mais qui fait des étincelles moins apparentes. Pour que l'une & l'autre produisent tout l'effet dont elles sont capables, il faut qu'elles soient nouvellement limées, ou du moins sans aucune rouille ; c'est pourquoi si on la garde quelque tems, il faut la tamiser à plusieurs reprises pour en ôter toute la rouille. Un moyen de la conserver, c'est de la pendre dans une vessie à une cheminée où l'on fait journellement du feu.

Le reste des instrumens dont on se sert, comme maillet, battoir & autres, seront décrits aux mots qui leur conviennent, avec les proportions qui conviennent aux usages auxquels on les destine.

On se sert aussi de différens poinçons, dont le plus nécessaire est celui qu'on appelle à-arrêt, c'est-à-dire dont la pointe ne peut percer que suivant une profondeur déterminée, comme est celle d'un cartouche, sans entamer la matiere qu'il renferme. Pour n'être pas obligé d'en faire faire exprès pour chaque épaisseur, il faut que le côté du poinçon près du manche, soit à vis avec un écrou qu'on fait avancer ou reculer d'un pas de vis ou deux, suivant le besoin qu'on en a, pour ne le point enfoncer plus avant qu'on ne veut.

Des artifices pour brûler sur l'eau & dans l'eau. La rareté des choses, ou l'impossibilité apparente de les faire, en fait ordinairement le mérite. L'opposition de deux élémens aussi contraires que le feu & l'eau, semble les rendre incompatibles, & l'on ne peut s'empêcher d'être surpris de voir le feu subsister quelque tems sur l'eau & dans l'eau. Cette surprise cause un plaisir qui donne un grand relief aux artifices aquatiques, quoique dans le fond ils n'ayent rien de plus merveilleux que les autres, comme on le verra ci-après.

Premierement, l'expérience fait voir qu'une grande partie des autres artifices étant bien allumés & jettés dans l'eau, ne s'y éteignent pas lorsque la dose de salpetre & de soufre ou de quelque bitume, domine sur les autres matieres. J'entends sous le nom de bitume, plusieurs huiles & matieres résineuses, parmi lesquelles le camphre tient le premier rang. Il y a deux manieres d'unir ces matieres pour donner de l'activité à leur feu : l'une est de les réduire en pâte en les pétrissant avec de l'huile, qui empêche l'eau de s'insinuer dans les matieres sur lesquelles elle peut agir pour empêcher l'action du feu : l'autre est de renfermer ces matieres réduites en poudre seche dans des cartouches goudronnés par dehors, ou enduits de cire, de suif, d'huile ou de matieres résineuses, de maniere que l'eau ne puisse s'y insinuer.

Voici un recueil de différentes compositions des anciens artificiers Semionowitz & Hanzelet, lesquelles quoique différentes, sont bonnes & éprouvées pour brûler sur l'eau.

Différentes doses de composition pour les artifices qui doivent brûler sur l'eau & dans l'eau. 1. Sur trois parties de poudre, deux de salpetre & une de soufre.

2. Deux parties de salpetre, une de poudre & une de soufre.

3. Sur une livre de poudre, cinq livres de sciure de bois, trois livres de soufre, & six livres de salpetre.

4. Sur huit livres de salpetre, deux de soufre, deux de sciure de bois bouillie dans de l'eau de salpetre & puis séchée, un quart de livre de poudre, deux onces de râpure d'ivoire.

5. Une livre de soufre, trois de salpetre, une once & demie de camphre, une once de vif-argent pilé avec le camphre & le soufre.

6. Sur trois livres de salpetre, deux livres & demie de soufre, demi-livre de poulverin, une livre de limaille de fer, un quart de livre de poix greque.

De Hanzelet. 7. Sur deux livres & demie de poudre, trois livres & demie de salpetre, une livre de poix blanche, une livre de soufre, un quarteron d'ambre jaune râpé, demi-livre de verre grossierement pilé, & demi-livre de camphre.

8. Une livre de sciure de bois, quatre livres de salpetre & une de soufre.

Compositions qui s'allument avec de l'eau, de Hanzelet. Prenez trois livres d'huile de lin, une livre d'huile de brique, autant d'huile de jaune d'oeuf, huit livres de chaux vive récente ; mêlez ces matieres, jettez dessus un peu d'eau, & elles s'enflammeront.

Du même. Pierre qui s'allume avec de l'eau. Prenez de la chaux vive récente, de la tuthie non préparée, du salpetre en roche, de chacun une partie ; réduisez le tout en poudre pour le mettre dans un sachet rond de toile neuve ; placez-le entre deux creusets parmi de la chaux vive en poudre ; les creusets étant bien liés avec du fil de fer recuit, il faut encore les luter & les mettre au four à chaux ; cette mixtion s'y convertit en une pierre qui s'allume lorsqu'on l'humecte avec de l'eau ou de la salive.

Maniere de tenir les artifices plongés à fleur d'eau. La plûpart des artifices pour l'eau doivent y être enfoncés jusqu'à leur orifice sans être submergés, afin que leur gorge soit hors de l'eau, & que le reste y soit caché sans couler à fond.

Comme les matieres combustibles dont on remplit un cartouche, sont plus legeres qu'un égal volume d'eau, les artifices qu'on y jette flottent ordinairement trop au-dessus ; c'est pourquoi il faut leur ajoûter un poids qui augmente leur pesanteur au point de la rendre presque égale à celle de l'eau. La pesanteur de ce poids peut être trouvée en tâtonnant, c'est-à-dire en essayant dans un seau ou dans un tonneau plein d'eau, à quelle profondeur un poids, pris au hasard, peut le faire enfoncer, pour y en ajoûter un nouveau, si le premier ne pese pas assez. Rien n'est plus commode pour cet essai, qu'un petit sac à mettre du sable, où l'on en ajoûte & l'on en retranche autant & si peu que l'on veut. Ce moyen est le plus propre pour les artifices dont le contrepoids est ajoûté extérieurement : mais si l'on vouloit le mettre intérieurement au fond du cartouche, avant que de le remplir des matieres combustibles, il faudroit s'y prendre autrement.

Après avoir enduit le cartouche, il faut le remplir d'un poids égal à celui des matieres qui doivent y entrer, & le plonger dans un pot ou seau d'eau plein au ras de ses bords, posé dans un grand bassin propre à recevoir l'eau qui en tombera lorsqu'on y plongera l'artifice jusqu'à la gorge ou à l'orifice de l'amorce. Cette immersion fera sortir du pot une certaine quantité d'eau qui retombera dans le bassin préparé pour la recevoir, laquelle sera égale au volume de l'artifice.

On pesera cette eau : la différence de son poids avec celle du cartouche & des matieres qu'il doit contenir, donnera le poids qu'il faut y ajoûter pour le tenir enfoncé à fleur d'eau, de maniere qu'il reste à flot sans s'enfoncer davantage. On pesera autant de sable qu'on mettra au fond du cartouche avant de commencer à le remplir de matieres combustibles, qui doivent achever la pesanteur requise.

Artifices fixes qui servent de fanaux ou d'illuminations sur l'eau. Toutes les matieres des artifices destinés pour brûler dans l'air à sec, peuvent être employées de même sur l'eau par le moyen des enduits dont on couvre les cartouches aquatiques pour les rendre impénétrables à l'eau. On peut donc y faire une illumination de lances à feu, & de tous les autres artifices qu'on employe sur les théatres, en les assujettissant quelque arrangement par des tringles ou fils de fer cachés dans l'eau ; on fait cependant des artifices exprès pour l'eau, qui different entr'eux, suivant l'effet qu'on veut qu'ils produisent. Les premiers sont ces especes de fanaux que Semionowitz appelle globes aquatiques, parce qu'il les faisoit en forme de globes, quoique cette figure soit assez arbitraire, & qu'elle n'ait d'autre avantage sur la cylindrique, qui est la plus ordinaire, que celui de flotter plus facilement & de ne pouvoir se renverser ; mais aussi la figure de leurs cartouches est plus difficile à construire, & leur feu n'est pas si égal du commencement à la fin : d'ailleurs les cylindriques étant bien lestés, peuvent aussi balancer sans se renverser. Voici la construction de ces globes aquatiques à l'ancienne mode.

On fait faire par un Tourneur une boule creuse, dont l'épaisseur extérieure est la neuvieme partie de son diametre extérieur ; pour couvrir le trou qui a servi pour vuider le globe, on fait une piece en forme d'écuelle, propre à s'adapter au reste, laquelle est percée au milieu d'un trou, auquel on donne aussi un neuvieme du grand diametre pour l'ouverture de la gorge. On remplit le cartouche par la grande ouverture, d'une de ces compositions faites pour brûler dans l'eau ; & après l'avoir bien foulée, on le couvre de la piece où est le trou de la gorge par où on acheve de remplir le globe, après l'avoir bien collée & cloüée sur la premiere ; & enfin on l'amorce avec un peu de poudre comme tous les artifices. Il ne reste plus qu'à couvrir le tout de l'enduit nécessaire, pour empêcher que l'eau n'y pénetre, & à lui ajoûter le contrepoids de flottage, pour le faire enfoncer jusqu'à l'amorce.

Un globe fait ainsi, ne produit qu'un feu fixe ; mais si l'on veut lui faire jetter des serpenteaux ou des saucissons à mesure qu'il brûle, il faut qu'il soit d'un bois plus épais qu'on ne l'a dit, pour pratiquer dans son épaisseur des trous de la grandeur nécessaire pour y faire entrer les gorges de ces artifices postiches qu'on y veut ajoûter, comme on voit en S s, fig. 81. Planche IV. artific. dont un côté est le profil du pot. Ces trous ne doivent être poussés que jusqu'à environ un demi-pouce près de la surface intérieure, où l'on en fait un fort petit, qui pénetre jusqu'au-dedans du globe pour servir de porte-feu de communication du dedans au-dehors, comme on voit en F f.

Si l'on veut faire tirer des coups, on y met des saucissons bien couverts de toile enduite de cire ou de goudron, comme on voit au côté droit qui représente le dehors d'une moitié. Il est visible que la variation de position de ces trous peut produire des effets différens, & varier l'artifice.

Artifice hydraulique qui rend un son de gasouillement. On fait creuser un cylindre de bois, dont la hauteur est d'un tiers plus grande que son diametre, laissant un fond d'une épaisseur convenable.

On remplit ce cartouche d'une de ces compositions faites pour brûler dans l'eau ; on le couvre d'un couvercle qu'on y attache avec des clous, & dont on goudronne la jonction pour empêcher l'eau d'y entrer. Le milieu de ce couvercle est percé d'un trou conique, dont la largeur inférieure est d'une neuvieme partie de la hauteur du cartouche, & la supérieure moitié plus que celle-ci, pour resserrer la flamme à son dégorgement.

On ajoûte à cet artifice le poids nécessaire pour le faire enfoncer jusqu'à fleur d'eau, sans qu'il coule à fond, après l'avoir enveloppé d'une toile goudronnée ou trempée dans de la poix pour la garantir de l'eau. L'artifice étant dans cet état, on lui ajoûte par dehors une poire à feu ou un éolipile, ou boule de cuivre mince E, faite de deux hémispheres bien soudés, à laquelle sont aussi soudés deux tuyaux Cr, Co presque capillaires, c'est-à-dire, percés d'un trou presqu'aussi petit qu'on le peut, & repliés en forme de cornes, comme on le voit à la figure 82, pour qu'ils viennent s'emboîter dans deux autres canaux de plomb N, ou ajustés & attachés aux côtés du cartouche de l'artifice.

L'éolipile étant préparé comme il faut, on le met au feu sous des charbons ardens dont on le couvre pour le chauffer au point qu'il commence à rougir ; alors on plonge dans l'eau ses branches ou cornes par où l'eau s'efforce d'entrer par la compression de la colonne d'air dont elle est chargée ; parce que l'air enfermé dans l'éolipile étant extrèmement raréfié par le feu, & venant à se condenser par le froid, laisseroit un vuide, si l'eau ne venoit occuper l'espace que l'air remplissoit pendant sa dilatation. Sans cette précaution, il seroit impossible d'introduire de l'eau dans l'éolipile par ses embouchures. On connoît qu'il ne peut plus y entrer d'eau, lorsque le métal est entierement refroidi. Voyez EOLIPILE.

Pour faire usage de cet éolipile, il faut l'attacher fortement à côté de l'embouchure du pot avec des clous passés au travers d'une anse qui a dû être soudée au-dessous de l'éolipile, & faire entrer les bouts de ses deux cornes ou tuyaux dans les canaux de plomb r N, ou qui doivent aussi être cloués sur le cartouche du pot par le moyen des petites bandes de plomb qui les embrassent en haut & en bas. Tout l'artifice étant ainsi disposé, lorsqu'on veut en faire usage pour en voir l'effet, on met le feu à l'amorce de la gorge ; & lorsqu'il a pénétré jusqu'à la matiere intérieure, ce que l'on connoît par un bruit de sifflement, on jette le tout dans l'eau, où l'éolipile surnage étant posé sur le pot qui doit flotter ; là le feu de la gorge qui frappe contre l'éolipile échauffe aussitôt le métal qui est mince, & par conséquent l'eau qu'il renferme, laquelle venant à s'échauffer, & ne pouvant se dilater, est forcée de sortir avec tant d'impétuosité, qu'elle se résout en vapeur humide semblable à un vent impétueux, lequel s'engorge dans les tuyaux de plomb trempés dans l'eau extérieure, qu'il agite avec tant de force, qu'il en résulte un gasouillement semblable à celui des oiseaux.

De la structure des théatres d'artifices. Avant que de former le dessein d'un feu d'artifice, on doit en fixer la dépense, & se régler sur la somme qu'on y destine, tant pour la grandeur du théatre, & de ses décorations, que pour la quantité d'artifices nécessaires pour le garnir convenablement, sans mesquinerie & sans confusion ; observant que ces deux parties sont relatives, savoir que le théatre doit être fait pour les artifices, & réciproquement les artifices pour le théatre ; & qu'ayant un objet de dépense déterminée, ce que l'on prend pour les décorations est autant de diminué sur le nombre & la quantité des artifices.

Supposant un dessein de théatre arrêté, tant pour l'invention du sujet que pour la décoration, il faut faire des plans, des profils, & des élévations de la carcasse de charpente qui doit porter le genre d'édifice qu'on veut imiter par des décorations postiches, comme peuvent être un arc de triomphe, un temple, un palais, un obélisque, une fontaine, & même un rocher ou une montagne ; car toutes ces choses sont mises en oeuvre pour nos théatres.

Il convient encore de faire en relief des modeles de ces édifices, lorsqu'ils sont un peu composés, pour mieux prévoir l'arrangement des artifices dans la situation convenable, les moyens de les placer & d'y communiquer pour les faire joüer à propos, & prévenir les inconvéniens qui pourroient arriver, si l'on manquoit de ces commodités de communication pour aller & venir où il est nécessaire.

Les plans, les profils, & les élévations des théatres étant arrêtés, on choisit des ouvriers capables, actifs, & en grand nombre, pour qu'ils fassent l'ouvrage en peu de tems, si le sujet de la réjoüissance n'a pû être prévû de loin ; car la diligence dans l'exécution est nécessaire pour contenter le public, ordinairement impatient de voir la fête promise, surtout lorsqu'il s'agit d'un sujet de victoire, de prise de ville, ou de levée de siége, parce que la joie semble se ralentir & s'user en vieillissant.

Quoique la charpente qui compose la carcasse des théatres soit un ouvrage destiné à durer peu de jours, on ne doit pas négliger la solidité de son assemblage, parce qu'étant recouverte de toile ou de planches qui en forment les décorations & donnent prise au vent, elle pourroit être culbutée par une bouffée imprévûe. On fait ces ouvrages dans des lieux particuliers enfermés, pour y diriger l'assemblage ; & lorsque toutes les pieces sont bien faites, présentées, & numérotées, on les démonte pour les apporter sur la place où le spectacle doit se donner, où on les rassemble en très-peu de tems. Les revêtemens de la carcasse de charpente se font ordinairement de toile peinte à la détrempe. On en termine les bords par des chassis de planches contournées comme le dessein l'exige, en arcades, en festons, en consoles, en trophées, en vases, &c.

Les colonnes de relief isolées se font de plusieurs manieres à leur superficie ; car le noyau est toûjours nécessairement une piece de bois debout. Lorsqu'elles sont d'un petit diametre, comme de 12 à 15 pouces, on peut revêtir ce noyau avec quatre ou cinq dosses, c'est-à-dire, de ces croûtes de planches convexes que laisse le premier trait de la scie, lesquelles on donne à bon marché. Si au contraire la colonne est d'un grand diametre, comme de 4 piés, on peut les revêtir de différentes matieres ; premierement de planches arrondies en portion convexe, en diminuant un peu de leur épaisseur vers les bords, suivant l'exigence de l'arc de cercle que leur largeur occupe, dont la fleche n'est alors que de quelques lignes, parce que cet arc n'est que de 20 ou 30 degrés. Secondement, de planches minces resciées, appellées voliches, lesquelles se peuvent plier, en les cloüant sur des cintres circulaires posés d'espace en espace horisontalement le long de la hauteur de la colonne, & prendre ainsi la convexité qui leur convient. Troisiemement, on peut les revêtir de toile cloüée, en rapprochant un peu les cintres qui embrassent le noyau de la colonne. Quatriemement, on peut les revêtir de plâtre, ou de torchis, si l'on est en un lieu où le plâtre soit rare : lorsque les revêtemens sont de planches ou de voliches, il convient, pour en cacher les joints, d'y peindre des cannelures à cones ou à vives arêtes, suivant la nature de l'ordre de la colonne, ou même des rudentures. On peut aussi y peindre des bandes de bossage, s'il s'agit de couvrir des joints horisontaux. Il est visible que les colonnes de relief coûtent beaucoup plus que celles en platte peinture, qu'on employe ordinairement aux décorations des théatres : mais aussi l'effet en est incomparablement plus beau, & imite plus parfaitement un somptueux édifice.

De la distribution des artifices sur les théatres, & de l'ordonnance des feux. La premiere attention que doit avoir un artificier avant que d'arranger ses pieces d'artifice sur un théatre, est de prévenir les accidens d'incendie ; je ne parle pas seulement pour la ville où se donne le spectacle, c'est l'affaire de la police, mais de ces incendies prématurés qui mettent de la confusion dans le jeu des artifices, & troublent l'ordre & la beauté du spectacle.

Pour prévenir ces accidens on doit couvrir les planchers qui forment les plates-formes, galeries, corridors & autres parties dont la situation est de niveau, d'une couche de terre grasse recouverte d'un peu de sable répandu, pour pouvoir marcher dessus sans glisser, comme il arriveroit si elle étoit humide, & bien remplir les gerçures, si elle est seche ; au moyen de quoi les artifices qui peuvent tomber avant que d'être consumés, & s'arrêter sur ces lieux plats, ne peuvent y mettre le feu.

Outre ces précautions, on doit toûjours avoir sur le théatre des baquets pleins d'eau, & des gens actifs pour les cas où il faudroit s'en servir ; & pour qu'ils ne craignent pas de brûler leurs habits, il faut qu'ils soient vêtus de peau, & toûjours prêts à éteindre le feu, en cas qu'il vînt à s'attacher à quelques endroits du théatre.

Pour les mettre en sûreté on doit leur ménager une retraite à couvert dans quelque partie de l'architecture, comme dans une attique ; ou sous une pyramide, s'il y en a une, pour l'amortissement du milieu ; ou enfin dans les soûbassemens ou pié-d'estaux des statues & grouppes, pour qu'ils puissent s'y retirer pendant le jeu de certains artifices dont les feux sortent en grand nombre, & y être enfermés de maniere que les artifices qui se détachent ne puissent y entrer. Il faut de plus que ces retraites communiquent aux escaliers ou échelles par où on y monte.

Ce n'est pas assez de se munir de toutes ces précautions, il est encore de la prudence d'éloigner du théatre les caisses de gerbes qui contiennent beaucoup de moyennes fusées qu'on fait partir ensemble, ou des fusées volantes de gros calibre, qui jettent de grosses colonnes de feu : c'est pour cette raison qu'on ne tire point de dessus les théatres celles qu'on appelle fusées d'honneur, par lesquelles on commence ordinairement le spectacle ; mais on les apporte à l'entrée de la nuit à quelques cinq ou six toises de-là à platte terre, où on les suspend sur de petits chevalets faits exprès pour en contenir un certain nombre, comme de deux jusqu'à douze, qu'on fait partir ensemble. On les place ordinairement derriere le milieu du théatre, eu égard à la face qui est exposée à la vûe de la personne la plus distingué parmi les spectateurs, afin qu'elles lui paroissent sortir du milieu du théatre ou à quelque distance de ce milieu, lorsqu'on les fait partir en symmétrie par paires de chevalets placés de part & d'autre.

La figure des chevalets peut varier suivant l'usage qu'on se propose ; si l'on en veut faire partir une douzaine en même tems, il faut qu'il porte un cercle posé de niveau par le haut, & un autre par le bas ; l'un pour les suspendre, l'autre pour tenir leurs baguettes en situation d'à-plomb, par des anneaux ou des têtes de clous. Si l'on veut qu'elles partent à quelque distance les unes des autres, on doit faire la tête du chevalet en triangle à-plomb par le haut, & mettre une tringle avec des anneaux ou des clous par le bas, pour y faire passer les queues des baguettes, comme on le voit à la figure 75. Pl. III.

Lorsqu'on veut les tirer successivement sans beaucoup d'intervalle, il faut que les chevalets soient plus étendus : alors un poteau montant ne suffit pas, il en faut au moins deux, trois ou quatre plantés en terre, pour y attacher des traverses, l'une à la hauteur de six ou neuf piés, & l'autre à un pié de terre, auxquelles on plante des clous espacés à un pié de distance les uns des autres, plus ou moins, suivant la grosseur des fusées.

Ces clous, pour plus de commodité, doivent être plantés par paires, saillans d'un pouce. Ceux d'enhaut servent à soûtenir la gorge de la fusée ; & ceux de la traverse d'embas, pour faire passer entre-deux le bout de la baguette : c'est pourquoi ceux-ci doivent être posés à-plomb sous les autres, & n'être éloignés que de l'épaisseur de la baguette, pour y faire la fonction d'un anneau dans lequel on l'engage pour la tenir à-plomb sous la fusée ; au moyen de quoi on tire les fusées successivement, & pendant aussi long tems qu'on en a pour remplacer celles qui ont parti : sur quoi il y a une précaution à prendre pour prévenir la confusion & le desordre ; c'est d'écarter un peu du chevalet, & de couvrir soigneusement les caisses où l'on va prendre les fusées pour les y suspendre & les faire partir. On doit user de pareilles précautions pour ces grouppes de fusées de caisses qu'on fait partir ensemble pour former de grandes gerbes. Lorsque les fusées sont petites, du nombre de celles qu'on appelle de caisse, qui n'ont que neuf lignes de diametre, & que la caisse n'en contient que trois ou quatre douzaines, on peut les placer sur les angles saillans des théatres, & les faire partir seulement à la fin, après que les autres artifices ont joü ; mais lorsqu'elles sont plus grosses & en plus grand nombre, il faut écarter les caisses du théatre, parce qu'il en sort une si prodigieuse colonne de flamme, qu'elle est capable d'embraser tout ce qui est aux environs.

La seconde attention que doit avoir un artificier dans l'exécution d'un feu, est de bien arranger les pieces d'artifices dont il a fait provision, pour qu'elles offrent aux yeux une belle symmétrie de feux actuels & de feux successifs. On a coûtume de border de lances à feu les parties saillantes des entablemens, particulierement les corniches, en les posant près à près de huit à dix pouces, pour en tracer le contour par des filets de lumiere qui éclairent les faces d'un feu brillant : on en borde aussi bes balustrades & les angles saillans des parties d'architecture.

Pour empêcher que le feu qui sort des lances ne s'attache au théatre, on les met quelquefois sur des bras de bois saillans & dans des bobeches de fer blanc, comme si c'étoient des chandelles ou des bougies, auxquelles elles ressemblent beaucoup par la figure & la couleur de leur cartouche. Si l'on veut épargner cette dépense, on se contente de les attacher par le moyen d'un pié de bois, qui n'est autre chose qu'une espece de cheville qu'on introduit un peu à force dans le bout du cartouche, de la longueur d'un pouce, qu'on laisse vuide pour le recevoir ; & l'on plante cette cheville dans des trous pratiqués dans les pieces de bois qui doivent les porter ; ou bien on applatit l'autre bout de cette cheville, & l'on y fait un trou pour la clouer sur la piece de bois où elle doit être attachée.

Comme toutes ces lances à feu doivent faire une illumination subite, quand on veut les allumer il fau faire passer une étoupille bien assûrée sur leurs gorges, qu'on arrête avec deux épingles enfoncées dans le cartouche, & on leur donne le feu par le milieu de chaque face. Les appuis des balustrades des galeries qui doivent régner autour du théatre, pour la commodité de la communication, sont ordinairement destinés à être garnis de pots à feu à saucissons & à aigrettes. Ceux-ci conviennent particulierement aux angles, tant pour la beauté de leur figure que pour éloigner le feu : on peut aussi y mettre des pots d'escopetterie.

Nous avons dit qu'il convenoit de mettre dans les angles & les places isolées des caisses de fusées volantes, qui doivent partir ensemble pour former des gerbes de feu. Ces caisses peuvent être déguisées sous les figures de gaines de termes portant des vases d'escopetterie, ou des bases de termes pleins d'artifices, qui communiquent le feu aux caisses en finissant.

Les places les plus convenables aux girandoles faites pour tourner verticalement, sont les milieux des faces, lorsqu'on n'en veut faire paroître qu'une à chacune. A l'égard du soleil brillant, qui doit imiter le vrai soleil qui nous éclaire, & qui est unique dans son espece, il doit aussi, pour la justesse de l'imitation, paroître seul dans l'endroit le plus apparent & le plus éminent du théatre. Les courantins qu'on destine ordinairement à porter le feu depuis la maison où est placée la personne la plus distinguée, doivent pour la commodité être placés à une fenêtre sur leur corde, & aboutir à l'endroit du théatre où répondent les étoupilles destinées à former la premiere illumination des lances à feu. Les trompes peuvent être placées au-devant des balustrades sur les saillies de la corniche, en les inclinant un peu en-dehors d'environ douze ou quinze degrés, pour qu'elles jettent leurs garnitures un peu loin du théatre. Cette position est aussi convenable pour la commodité de l'artificier, qui a par ce moyen la liberté de les aller décoeffer pour y mettre le feu quand il juge à propos, parce que leur sommet est à la portée de sa main, & un peu écarté des artifices dont l'appui de la balustrade a été bordé ; & c'est par la raison de cette proximité qu'on a dû les couvrir d'un chaperon ou étui de carton, qui empêche que les feux dont la trompe est environnée, n'y puissent pénétrer avant qu'on ôte ce couvercle, ce qu'on appelle décoeffer.

Lorsqu'on a plusieurs trompes sur une face, on peut les faire joüer par couple à distances égales du milieu ; & afin de les faire partir en même tems, on les allume par le moyen des bouts de lances à feu ajoûtées au-dessus du chapiteau, dont la longueur égale ou inégale, comme on le juge à propos, fait qu'elles partent en même tems ou successivement, suivant la durée de ces bouts de lances, qui ont dû être mesurés pour cet effet. C'est un moyen sûr & commode pour allumer toutes sortes d'artifices à point nommé, y ajoûtant la communication du feu par des étoupilles qui le portent subitement à la gorge des lances à feu. On conçoit bien que les étoupilles de communication ne peuvent être mises à découvert que pour les premiers feux, & qu'il faut les enfermer soigneusement dans des cartouches ou des communications, s'il s'agit d'une seconde scene de différens feux.

La symmétrie des jeux des artifices qui doivent paroître en même tems, est principalement nécessaire pour ceux qui sont fixes & s'élevent beaucoup, comme les aigrettes & les fontaines, parce qu'on a le tems de les comparer : c'est pourquoi il faut qu'elles commencent & finissent en même tems.

La troisieme attention que doit avoir un bon artificier, & celle qui lui fait le plus d'honneur, parce qu'elle fait connoître son génie, est de disposer ses artifices sur le théatre de maniere que leurs effets produisent une grande variété de spectacle, & tout au moins trois scenes différentes ; car quelques beaux que soient les objets, on s'ennuie de les voir toûjours se répéter, ou trop long-tems dans le même état.

De l'exécution ou de l'ordre qu'on doit garder pour faire joüer un feu d'artifice. Supposé qu'on fasse précéder le feu d'un bûcher avant celui des artifices, on commence le spectacle dès avant la fin du jour par allumer le bûcher à une distance convenable du théatre : pendant que les voiles de la nuit tombent & que les spectateurs s'assemblent, on les divertit par une symphonie de ces instrumens qui se font entendre de loin, comme trompettes, timbales, cornets, fifres, haut-bois, cromornes, bassons, &c. auxquels on peut cependant mêler par intervalle & dans le calme, ceux dont l'harmonie est plus douce, comme les flutes à bec & traversieres, violons, basses, musettes, &c. Par ces accords des sons on dispose l'esprit à une autre sorte de plaisir, qui est celui de la vûe, du brillant & des merveilleuses modifications du feu. Lorsque la nuit est assez obscure pour qu'on ait besoin de lumiere, on allume des fanaux & des lampions arrangés où on les juge nécessaires pour éclairer, ce qui doit se faire subitement par le moyen des étoupilles ; & lorsque la nuit est assez noire pour que les feux paroissent dans toute leur beauté, on donne le signal du spectacle par une salve de boîtes ou de canons, après quoi l'on commence le spectacle par des fusées volantes qu'on tire à quelque distance du théatre des artifices, ou successivement ou par couple, & même quelquefois par douzaine, mêlant alternativement celles dont les garnitures sont différentes, comme en étoiles, serpenteaux, pluies de feu, &c. allant par gradation des moyennes aux plus grosses, qu'on appelle fusées d'honneur. Voyez FUSEE, GERBE, &c.

Après ces préludes on fait ordinairement porter le feu au théatre par un courantin ou vol de corde masqué de la figure de quelqu'animal, lequel partant de la fenêtre où est la personne la plus distinguée, qui y met le feu quand il en est tems, va tout-d'un-coup allumer toutes les lances à feu qui bordent le théatre, pour l'éclairer & commencer le spectacle.


ARTIFICIELOn appelle en Géométrie lignes artificielles, des lignes tracées sur un compas de proportion ou une échelle quelconque, lesquelles représentent les logarithmiques des sinus & des tangentes, & peuvent servir, avec la ligne des nombres, à résoudre assez exactement tous les problèmes de trigonométrie, de navigation, &c. Les nombres artificiels sont les sécantes, les sinus & les tangentes. V. SECANTE, SINUS & TANGENTE. Voyez aussi LOGARITHME. (E)


ARTIFICIERS. m. On appelle ainsi celui qui fait des feux d'artifice, & qui charge les bombes, les grenades & leurs fusées. Les artificiers sont subordonnés aux capitaines des bombardiers ; ils reçoivent les ordres de ces derniers, & veillent à leur exécution de la part des bombardiers.


ARTILLERIES. f. gros équipage de guerre, qui comprend toutes sortes de grandes armes-à-feu, comme canons, mortiers, bombes, pétards, mousquets, carabines, &c. Voyez CANON, MORTIER, FUSIL, PETARD, &c. On n'a pû attaquer cette place, parce que l'on manquoit de grosse artillerie. Figueroa nous apprend dans son Ambassade, qu'en 1518 les Persans ne vouloient jamais se servir ni d'artillerie ni d'infanterie, par la raison que cela pouvoit empêcher de charger l'ennemi ou de faire retraite avec autant d'agilité, en quoi ils faisoient consister principalement leur adresse dans les combats & leur gloire militaire.

Le mot artillerie s'applique aussi quelquefois aux anciennes machines de guerre, comme aux catapultes, aux béliers, &c. Voyez BELIER, MACHINE, CATAPULTE, &c.

L'ARTILLERIE se prend aussi pour ce que l'on appelle autrement pyrotechnie, ou l'art des feux d'artifice, avec tous les instrumens & l'appareil qui lui sont propres. V. PYROTECHNIE. Ceux qui ont écrit sur l'artillerie, sont Casimir, Semionowitz, Polonois, Buchnerus, Braunius, Mieth ; & Saint-Remi, dans ses mémoires d'artillerie, qui contiennent une exacte description de toutes les machines & instrumens de guerre dont on fait usage présentement, avec tout ce qui y a rapport ; le chevalier de Saint-Julien, qui a donné en 1710 la forge de Vulcain ou l'appareil des machines de guerre ; M. Belidor, auteur du Bombardier François ; M. Dulacq, officier d'artillerie du roi de Sardaigne, qui a donné un livre intitulé Théorie nouvelle sur le méchanisme de l'artillerie, imprimé à Paris chez Jombert en 1741 ; M. le Blond, professeur de Mathématique des pages de la grande écurie du Roi, qui a donné en 1743 un traité de l'Artillerie, ou des armes & machines en usage à la guerre depuis l'invention de la poudre. C'est un précis des connoissances les plus utiles aux officiers sur tout ce qui concerne l'artillerie & ses usages.


ARTILLEURS. m. c'est un officier quelconque, attaché au corps de l'artillerie. Ce terme n'est pas absolument établi, quoiqu'on le trouve employé dans plusieurs auteurs. On le donne aussi aux auteurs qui ont écrit sur l'artillerie. (Q)


ARTIMONS. m. (Mar.) mât d'artimon, de fougue ou de foule ; mât d'arriere : c'est le mât du navire placé le plus près de la poupe. Voyez MAST.

Voile d'artimon, c'est une voile latine ou en tiers point, à la différence des autres qui sont quarrées ; elle a la figure d'un triangle scalene.

La vergue d'artimon est toûjours couchée de biais sur le mât, sans le traverser, quarrément ou à angles droits ; ce qui est la situation des vergues qui sont aux autres mâts. Voyez la fig. Marine, Pl. I. au mât d'artimon, où la vergue d'artimon est cotée 1 & 1. Voyez VERGUE.

La voile d'artimon est d'un grand service pendant la tempête, parce qu'elle contribue le plus à faire porter à route, & qu'on la peut aisément manoeuvrer. Il est constant que ce sont toutes les manoeuvres de l'arriere qui servent à gouverner le vaisseau. Mais lorsqu'on a le vent en poupe, on la met le plus souvent de travers par la longueur du navire, pour qu'elle ne dérobe pas le vent aux autres, qui font filer le vaisseau plus vîte. Cette voile sert à faire approcher le vaisseau du vent, & la civadiere à faire abattre.

Change l'artimon, se dit dans le tems qu'on vire de bord. (Z)


ARTIMPASAnom sous lequel Hérodote dit que les Scythes adoroient la Vénus céleste.


ARTISANS. m. nom par lequel on désigne les ouvriers qui professent ceux d'entre les arts méchaniques qui supposent le moins d'intelligence. On dit d'un bon cordonnier, que c'est un bon artisan ; & d'un habile horloger, que c'est un grand artiste.


ARTISONARTUSON, ARTOISON, ou ARTE, noms que l'on donne à différentes sortes d'insectes qui rongent les étoffes & les pelleteries. Comme la signification de ces noms n'est pas bien déterminée, on l'a étendue aux insectes qui percent le papier & à ceux qui pénetrent dans le bois, comme les cossons & les poux de bois. Mais je crois que les noms dont il s'agit doivent se rapporter principalement aux teignes qui se trouvent dans les étoffes (voyez TEIGNE), & peut-être aussi aux vers des scarabées disséqueurs qui sont dans les pelleteries & les peaux d'oiseaux desséchées, & en général dans toutes les chairs gardées & corrompues. Voyez VER, SCARABEE. (I)


ARTISTES. m. nom que l'on donne aux ouvriers qui excellent dans ceux d'entre les arts méchaniques qui supposent l'intelligence ; & même à ceux qui, dans certaines sciences moitié pratiques, moitié spéculatives, en entendent très-bien la partie pratique : ainsi on dit d'un chimiste qui fait exécuter adroitement les procédés que d'autres ont inventés, que c'est un bon artiste ; avec cette différence que le mot artiste est toujours un éloge dans le premier cas, & que dans le second c'est presqu'un reproche de ne posséder que la partie subalterne de sa profession.


ARTOCREAS(Hist. anc.) mets des Romains, dont Perse le satyrique a fait mention. On ne sait pas exactement ce que c'étoit ; les uns prétendent que c'étoit une sorte de pâté assez semblable aux nôtres ; d'autres au contraire disent que ce n'étoit que de la chair hachée avec du pain ou de la pâte, ce qui reviendroit mieux à ce que nous appellons des andouillettes.


ARTOIS(Géog.) province de France dans les Pays-bas, avec titre de comté ; bornée par la Flandre au septentrion, & en partie à l'orient ; & par le Hainaut, le Cambresis & la Picardie, au sud & à l'occident : Arras en est la capitale.


ARTOMAGAou AROMAGA, une île des Larrons dans la mer Pacifique : c'est celle qui occupe le milieu.


ARTONNEville de France dans la basse Auvergne, sur la riviere de Morges.


ARTOTYRITES(Théol. Hist. eccl.) secte d'hérétiques qui formoient une branche des anciens Montanistes qui parurent dans le second siecle, & infecterent toute la Galatie. Voyez MONTANISTES.

Ils corrompoient le sens des Ecritures, communiquoient la prêtrise aux femmes, auxquelles ils permettoient de parler & de faire les prophétesses dans leurs assemblées. Dans le sacrement de l'Eucharistie ils se servoient de pain & de fromage, ou peut-être de pain dans lequel on avoit fait cuire du fromage ; alléguant pour raison que les premiers hommes offroient à Dieu non-seulement les fruits de la terre, mais encore les prémices du produit de leurs troupeaux : c'est pourquoi S. Augustin dit qu'on leur donna le nom d'Artotyrites, formé du grec , pain, & , fromage. (G)


ARTREoiseau mieux connu sous le nom de martin-pêcheur. Voyez MARTIN-PECHEUR. (I)


ARU(TERRE D ') Géog. ville & royaume dans l'île de Sumatra. La ville est sur le détroit de Malaca.

ARU, île d'Asie, entre les Moluques & la nouvelle Guinée, à 25 lieues de la terre des Papous ou Noirs.


ARUMvoyez PIE-DE-VEAU.


ARUNpetite riviere du comté de Sussex en Angleterre ; elle baigne la ville d'Arundel, & se jette ensuite dans la mer de Bretagne.


ARUNDEou ARONDEL, ville d'Angleterre dans le Sussex, sur l'Arun. Long. 17. 5. lat. 50. 50.


ARUSPICESS. m. (Myth.) c'étoit chez les Romains des ministres de la religion, chargés spécialement d'examiner les entrailles des victimes pour en tirer des présages. Les Etruriens étoient de tous les peuples d'Italie, ceux qui possédoient le mieux la science des aruspices. C'étoit de leur pays que les Romains faisoient venir ceux dont ils se servoient ; ils envoyoient même tous les ans en Etrurie un certain nombre de jeunes gens pour être instruits dans les connoissances des aruspices. De peur que cette science ne vînt à s'avilir par la quantité des personnes qui l'exerçoient, on choisissoit ces jeunes gens parmi les meilleures familles de Rome. Les aruspices examinoient principalement le foie, le coeur, la rate, les reins & la langue de la victime ; ils observoient soigneusement s'il n'y paroissoit point quelques flétrissures, & si chacune de ces parties étoit en bon état. On assûre que le jour que César fut assassiné, on ne trouva point de coeur dans deux victimes qu'on avoit immolées. Voyez AUGURES.


ARUSPICINES. f. c'est l'art de connoître l'avenir par l'inspection des entrailles des bêtes. Voyez ARUSPICES.


ARVou AROUVA, ville de Hongrie, capitale du comté de même nom dans la haute Hongrie, aux frontieres de Pologne, sur la riviere de Vag.


ARVALES(FRERES)Hist. anc. c'étoient des prêtres dans l'ancienne Rome, qui assistoient ou qui servoient aux sacrifices des ambarvales, que l'on offroit tous les ans à Cérès & à Bacchus pour la prospérité des fruits de la terre, c'est-à-dire du blé & de la vigne. Voyez AMBARVALES, &c.

Ce mot est originairement latin, & il est formé d'arvum, champ, à cause que dans leurs cérémonies ils alloient en procession autour des champs ; ou, selon Aulugelle, à cause qu'ils offroient des sacrifices pour la fertilité des champs. D'autres disent que c'étoit parce qu'ils étoient nommés arbitres de tous les différends qui avoient rapport aux limites des champs & aux bornes des terreins.

Ils furent institués par Romulus au nombre de douze ; ils étoient tous des personnes de la premiere distinction, le fondateur lui-même ayant été de ce corps ; ils composoient un collége appellé collegium fratrum arvalium. Voyez COLLEGE.

La marque de leur dignité étoit une guirlande composée d'épis de blé, attachée avec un ruban blanc, que Pline dit avoir été la premiere couronne qui fut en usage à Rome. Voyez COURONNE.

Selon Fulgentius, Acca Laurentia, nourrice de Romulus, fut la premiere fondatrice de cet ordre de prêtres. Il paroît qu'elle eut douze fils, qui avoient coûtume de marcher devant elle en procession au sacrifice, l'un desquels étant mort, Romulus, en faveur de sa nourrice, promit d'en prendre la place ; & c'est de-là, dit-il, que vient ce sacrifice, le nombre de douze & le nom de freres. Pline, liv. XVII. c. 2. semble faire entendre la même chose, quand il dit que Romulus institua les prêtres des champs, suivant l'exemple d'Acca Laurentia sa nourrice.


ARVE(Géog.) riviere de Fossigny en Savoie ; elle sort de la montagne maudite, & se perd un peu au-dessus de Geneve, au lieu appellé la queue d'Arve.


ARVERT & ARDVERDîle de France, en Saintonge, au midi de l’embouchure de la Seudre, & à l’orient de Marenne.


ARVISIUMpromontoire de l'île de Chio.


ARWou ARVA, voyez ARAVA.


ARWANGENpetite ville de Suisse dans le canton de Berne, sur l'Aar, entre Araw & Soleure.


ARY-ARYTÉNOIDIENadj. nom d'un muscle qui quelquefois est situé transversalement entre les deux cartilages aryténoïdes, auxquels il s'attache. On y observe des fibres qui se croisent en X, ce qui a donné lieu à la distinction qu'on en a faite en grand & en petit aryténoïdien, ou en aryténoïdien croisé & en transversal. (L)


ARYESS. m. pl. peuple de l'Amérique méridionale au Bresil, aux environs de la Capitanie, ou du gouvernement de Porto Seguro.


ARYTENO-EPIGLOTTIQUEadj. en Anatomie, nom d'une paire de muscles de l'épiglotte qui viennent de la tête des cartilages aryténoïdes, & s'inserent antérieurement aux bords de l'épiglotte.


ARYTÉNOIDEadj. en Anatomie, nom de deux cartilages du larynx, situés à la partie postérieure & supérieure du cartilage cricoïde. Voyez LARYNX. Ce mot est composé d', aiguiere, & d', figure.


ARYTÉNOIDIENadj. nom de trois muscles du larynx, dont deux sont appellés aryténoïdiens croisés, & le troisieme aryténoïdien transversal. Voyez ARY-ARYTENOIDIEN. (L)


ARYTHMEterme de Medecine. Quelques-uns font usage de ce mot pour marquer une défaillance du pouls telle qu'il n'est plus sensible ; mais ce mot signifie plus proprement une irrégularité ou un défaut de regle & de mouvement convenable dans le pouls. Voyez POULS. Ce mot est formé d' privatif, & de , modulus, module ou mesure. (N)


ARZELadj. (Manége & Maréchall.) se dit d'un cheval qui a une balzane ou marque blanche au pié de derriere hors du montoir. Les chevaux arzels passent chez les personnes superstitieuses pour être infortunés dans les combats. Voyez BALZANE, MONTOIR, &c. (V)


ARZENZou CHERVESTA, (Géog.) riviere de la Turquie en Europe, qui coule dans l'Albanie, & se décharge dans le golfe de Venise entre Durazzo & Pirgo.


ARZILE(Géog.) ville d'Afrique dans le royaume de Fez. Long. 12. 10. lat. 35. 30.


ARZINGHAou ARZENGHAN, ville d'Asie dans la Natolie, sur l'Euphrate.


ASS. m. chez les Antiquaires, signifie quelquefois un poids particulier, auquel cas l'as romain est la même chose que la livre romaine, libra. Voyez POIDS, LIVRE, &c.

Quelques-uns dérivent ce mot du grec , qui est usité dans la dialecte dorique pour , un, c'est-à-dire une chose totale ou entiere ; quoique d'autres prétendent qu'il est ainsi nommé as, comme qui diroit aes, airain, à cause qu'il est fait d'airain Budé a écrit neuf livres de asse & ejus partibus, de l'as & de ses parties.

L'as avoit différentes divisions : les principales étoient l'once, uncia, qui étoit la douzieme partie de l'as ; le sextant, sextans, la sixieme partie de l'as ou deux onces ; le quadrant, quadrans, la quatrieme partie de l'as ou trois onces ; le trient, triens, la troisieme partie de l'as ou quatre onces ; le quinconce, quincunx, ou cinq onces ; le semis ou demi- as, moitié de l'as, qui est six onces ; le septunx, sept onces ; le bes, les deux tiers de l'as ou huit onces ; le dodrans, les trois quarts de l'as ou neuf onces ; le dextans, ou dix onces ; & le deunx, c'est-à-dire onze onces. Voyez ONCE, QUINCUNX, &c.

L'as étoit aussi le nom d'une monnoie romaine composée de différentes matieres, & qui fut de différent poids dans les différens tems de la république. Voyez MONNOIE, & la suite de cet article.

Sous Numa Pompilius, selon Eusebe, la monnoie romaine étoit de bois, de cuir ou de coquilles ; du tems de Tullus Hostilius elle étoit de cuivre ou d'airain, & on l'appelloit as, libra, libella, ou pondo, à cause qu'elle pesoit actuellement une livre ou douze onces.

Quatre cens vingt ans après, le thrésor public ayant été épuisé par la premiere guerre Punique, l'as fut réduit à deux onces. Dans la seconde guerre Punique Annibal opprimant les Romains, les as furent encore réduits à une once la piece. Enfin par la loi papyrienne on ôta encore à l'as la moitié d'une once, ce qui le réduisit à la valeur d'une seule demi-once ; & l'on croit généralement que l'as conserva cette valeur durant tout le tems de la république, & même jusqu'au regne de Vespasien. Ce dernier fut appellé l'as papyrien, à cause de la loi dont nous venons de parler, qui fut passée l'an de Rome 563 par Caius Papyrius Carbo, alors tribun du peuple ; ainsi il y eut quatre as différens durant le tems de la république. La figure marquée sur l'as étoit d'abord un mouton, un boeuf ou une truie. Plutarq. Poplic. Plin. XVIII. iij. Du tems des rois cette marque étoit un Janus à deux faces, & d'un côté & de l'autre ou sur le revers étoit un rostrum ou la proue d'un vaisseau.

Le trient, triens, & le quadrant, quadrans, de cuivre, avoient sur le revers la figure d'un petit vaisseau appellé rates : ainsi Pline dit, nota aeris, c'est-à-dire assis, fuit ex altera parte Janus geminus, ex altera rostrum navis ; in triente verò & quadrante rates. Hist. nat. liv. XXXIII. c. iij. d'où ces pieces furent appellées quelquefois ratiti.

On se sert aussi du mot as, pour désigner une chose entiere ou un tout, d'où est venu le mot Anglois ace, & sans doute le mot françois as, au jeu de cartes. Ainsi as signifie un héritage entier, d'où est venue cette phrase, haeres ex esse ou legatarius ex esse, l'hériter de tout le bien. Ainsi le jugerum ou l'acre de terre romaine, quand on la prenoit en entier, étoit appellée as, & divisée pareillement en douze onces Voyez JUGERUM ou ACRE.

Voici l'as, ses parties ou ses divisions.

AS, s. m. (Commerce.) c'est à Amsterdam une des divisions de la livre poids de marc : 32 as font un angel, 10 angels font un loot, & 32 loots font la livre. Voyez LIVRE. (G)

AS, au jeu de Trictrac, se dit du seul point qui est marqué sur une des faces du dez que l'on joue ; & au jeu de cartes, de celles qui n'ont qu'une seule figure placée dans le milieu. L'as vaut aux cartes un, ou dix, ou même onze, selon le jeu qu'on joue.


AS-SETE-IRMANSîles d'Afrique, dans l'Océan éthiopique, découvertes par les Portugais, au nombre de sept, & appellées par les François les Sept-Freres.


ASou ARA, (Géog. anc.) ville de la tribu d'Ephraïm.


ASAD-ABAou ASED-ABAD, ville d'Asie en Perse, dans l'Irac-Agemi. Long. 66. 5. lat. 36. 20.


ASAMINTHES. m. (Myth.) c'étoit une espece de siége ou de chaise à l'usage du prêtre du temple de Minerve Cranea. Ce temple étoit bâti sur une montagne escarpée ; il y avoit des portiques où l'on voyoit des cellules pour loger ceux qui étoient destinés au service de la déesse, & sur-tout le prêtre qui exerçoit les fonctions sacrées : c'étoit un jeune garçon sans barbe ; il servoit cinq ans en cette qualité : ceux qui l'élisoient avoient soin de le prendre si jeune, qu'au bout de cinq ans qu'il devoit abdiquer, il n'eût point encore de poil follet. Pendant son quinquennium il ne quittoit point le service de la déesse, & il étoit obligé de se baigner dans des asaminthes à la maniere des plus anciens tems.

L'asaminthe se prend aussi quelquefois pour un gobelet.


ASAN(Géog. anc.) ville de la tribu de Juda, qui appartient aussi à celle de Siméon, & qui fut enfin donnée aux Lévites.


ASAPH(SAINT) ville d'Angleterre au pays de Galles, un peu au-dessous du confluent de l'Elwy & de la Cluyd.


ASAPPESS. m. pl. (Hist. mod.) ce sont des troupes auxiliaires que les Turcs levent sur les Chrétiens de leur obéissance, & qu'ils exposent au premier choc de l'ennemi.


ASARAMEL(Hist. & Géog. anc.) lieu de la Palestine, où les Hébreux assemblés accorderent à Simon & à ses fils le privilége de l'indépendance en reconnoissance de ses services.


ASARINES. f. (Hist. nat. bot.) asarina, genre de plante à fleur d'une seule piece irréguliere, en forme de tuyau & de masque, ressemblante à la fleur du muffle de veau. Il s'éleve du calice un pistil qui est attaché à la partie postérieure de la fleur comme un clou, & qui devient dans la suite un fruit ou une coque arrondie, divisée en deux loges par une cloison mitoyenne, & remplie de semences attachées à un placenta. Ces loges s'ouvrent de différentes manieres, comme le fruit de la linaire : ainsi on peut caractériser l'asarine, en disant que c'est un genre de plante qui ressemble au muffle de veau par la fleur, & à la linaire par le fruit. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)


ASASON-THAMAR(Géog. anc.) autrement ENGADDI, ville de Palestine de la tribu de Juda, sur le bord de la mer Morte, vers l'occident.


ASBAMÉEfontaine de Cappadoce au voisinage de Tyane, dont Philostrate dit dans la vie d'Apollonius, que les eaux sont froides au sortir de la source, mais ensuite bouillantes, & qu'elles paroissent belles, tranquilles & agréables aux gens de bien & esclaves de leurs sermens : mais qu'elles sont un poison pour les méchans & les parjures.


ASBANIKEI(Géog.) ville d'Asie dans la Mawaralnaher, Trans-Oxiane, ou Zagatai.


ASBESTEasbestos, (Hist. nat.) matiere minérale, que l'on connoît mieux sous le nom d'amiante, Voyez AMIANTE. (I)


ASBISIpetit royaume d'Afrique en Guinée, sur la côte d'Or.


ASCALON(Géog. anc.) une des cinq villes des Philistins, sur la côte de la Méditerranée, prise par la tribu de Juda, & reprise par les Philistins, qui y transporterent d'Azot, l'arche dont ils s'étoient emparés. Elle subsiste encore, mais dans un état de ruine ; elle en est réduite à un petit nombre de familles Maures.


ASCARIDESS. m. pl. ascarides. (Hist. nat. zool.) petits vers qui se trouvent dans l'homme & dans quelques animaux ; lumbrici minuti. Ils sont ronds & courts ; ce qui les fait distinguer des strongles, lumbrici teretes, qui sont ronds & longs, & du ver solitaire, qui est très-long & plat, & que l'on nomme taenia, lumbricus latus vel fasciatus. Ces petits vers se meuvent continuellement : c'est pourquoi on leur a donné le nom d'ascarides : ils sont blancs & pointus par les deux bouts ; ils ressemblent à des aiguilles, pour la grosseur & pour la longueur ; ils sont ordinairement dans l'extrémité du rectum, près de l'anus, en très-grand nombre, & collés les uns aux autres par une matiere visqueuse. Les enfans sont plus sujets à en avoir que les adultes. Il s'en trouve quelquefois dans les parties naturelles des femmes en certaines maladies, comme les pâles couleurs. Il y en a aussi dans les animaux, tels que les bêtes de somme.

On prétend que ces vers sont produits, comme tous les autres vers qui se trouvent dans le corps humain & dans celui des animaux, par des oeufs qui y entrent avec les alimens ou avec l'air. On croit même que ces oeufs étant entrés dans le corps d'un animal, s'il sert de pâture à un autre animal, les mêmes oeufs passent dans le corps de celui-ci avec la chair du premier, & y éclosent. Ces opinions ne sont pas fondées sur des preuves suffisantes ; car on n'a jamais prouvé d'une maniere incontestable qu'il fallût toûjours une semence prolifique, un germe ou un oeuf, pour produire un ver ou tout autre animal. Voyez GENERATION, VER. (I)

* Pour les chasser, il faut les attaquer plûtôt par bas que par haut. Un suppositoire de coton trempé dans du fiel de boeuf, ou de l'aloès dissous, est un des meilleurs remedes. Si on se met dans le fondement un petit morceau de lard lié avec un bout de fil, & qu'on l'y laisse quelque tems, on le retirera plein de vers. Les clysteres de décoction de gentiane produiront aussi un très-bon effet. On peut joindre à la gentiane l'aristoloche, la chicorée, la tanaise, la persicaire, l'arroche, & en faire une décoction avec de l'eau ou du vin blanc, à laquelle on ajoûtera un peu de confection d'hiera.

On donnera aux enfans le clystere suivant : feuilles de mauve & de violette, de chaque une poignée ; de chou, une ou deux poignées ; de graine de coriandre & de fenouil, de chaque deux dragmes ; de fleurs de camomille & de petite centaurée, de chaque une petite poignée : faites une décoction du tout avec le lait : mettez fondre dans la colature une once de miel ou deux dragmes de confection d'hiera.

Hippocrate conseille de broyer la graine de l'agnus-castus avec un peu de fiel de boeuf, d'ajoûter un peu d'huile de cedre, & d'en faire un suppositoire avec de la laine grasse.


ASCENDANTadj. m. est sur-tout en usage dans l'Astronomie & dans l'Astrologie. C'est de l'ascendant qu'en Astrologie l'on tire l'horoscope, c'est-à-dire du degré de l'écliptique qui se leve sur l'horison au moment de la naissance de quelqu'un. Voyez HOROSCOPE. Les Astrologues prétendent que ce degré a une influence considérable sur la vie & sur la fortune du nouveau né, en lui donnant du penchant pour une chose plûtôt que pour une autre ; mais on ne croit plus à ces chimeres.

L'ascendant s'appelle encore, dans le theme céleste de quelqu'un, la premiere maison, l'angle de l'orient, ou l'angle oriental, ou le significator vitae. Voyez MAISON, THEME, &c. On dit : telle planete dominoit à son ascendant ; Jupiter étoit à son ascendant, &c.

On prend ce terme dans un sens moral, pour marquer une certaine supériorité qu'un homme a quelquefois sur un autre, & par laquelle il le domine & le gouverne, sans qu'on puisse quelquefois en apporter de raison. Ainsi on dit un tel homme a un grand ascendant sur l'esprit d'un autre, pour dire, qu'il tourne cet esprit à son gré, & le détermine à ce qu'il veut.

Ascendant se dit, en Astronomie, des étoiles ou des degrés des cieux, &c. qui s'élevent sur l'horison dans quelque parallele à l'équateur. Voyez LEVER & HORISON.

Latitude ascendante, c'est la latitude d'une planete, lorsqu'elle est du côté du pole septentrional. Voyez LATITUDE,

Noeud ascendant, c'est le point de l'orbite d'une planete, où cette planete se trouve lorsqu'elle traverse l'écliptique pour s'avancer vers le nord. Voyez ORBITE, PLANETE, &c.

On l'appelle aussi noeud septentrional, & on le distingue par ce caractere . Voyez NOEUD, &c.

Signes ascendans, en Astronomie, ce sont ceux qui s'avancent vers le pole septentrional, & qui sont compris entre le point du ciel le plus bas, qui est le nadir, & le point du ciel le plus haut, qui est le zénith. Ces signes sont le Capricorne, le Verseau, les Poissons, le Bélier, le Taureau, les Gemeaux, &c. qui sont les signes que le soleil décrit en s'approchant de nous. Ils ne sont ascendans que pour notre hémisphere, & descendans pour l'autre. Si on entend par les signes ascendans ceux qui sont les plus proches du pole septentrional, alors ces signes seront le Bélier, le Taureau, les Gemeaux, le Cancer, le Lion, & la Vierge. Voyez SIGNE, ZENITH, NADIR, &c. (O)

ASCENDANT, adj. n. en Anatomie, se dit des parties qui sont supposées prendre naissance dans une partie, & se terminer dans une autre, en s'approchant du plan horisontal du corps. Voyez CORPS.

L'aorte ascendante, c'est le tronc supérieur de l'artere qui fournit le sang à la tête. Voyez AORTE & ARTERE.

La veine cave ascendante est une grosse veine formée par la rencontre & la réunion des deux iliaques. Voyez VEINE-CAVE.

Plusieurs des anciens Anatomistes l'ont appellée veine-cave descendante, parce qu'ils s'imaginoient que le sang descendoit du foie par cette veine, pour fournir du sang aux parties qui sont au-dessous du diaphragme : mais les modernes ont démontré qu'elle avoit un usage tout-à-fait contraire, & qu'elle servoit à porter le sang des parties inférieures au coeur ; d'où lui est venu son nom d'ascendante. (L)

ASCENDANS, adj. pl. pris sub. terme de Droit, sont les parens que nous comptons en remontant vers la souche commune, comme pere & mere, ayeuls, bisayeuls, &c.

Les premiers sont seuls héritiers naturels de leurs enfans ou petits-enfans qui n'ont point d'enfans.

Ils ont même, dans le pays de droit écrit, une légitime : mais ils n'en ont pas en pays coûtumier. Voyez LEGITIME. Ils partagent par têtes, & non par souches.

Les coûtumes sont fort différentes par rapport à la succession des ascendans. La plus grande partie néanmoins leur donnent les meubles & acquêts, & les freres & les soeurs n'y sont point appellés avec les ascendans : elles leur adjugent même les propres.

1°. Quand ils sont de l'estoc & ligne dont sont échus les héritages.

2°. Même sans être de l'estoc & ligne, mais simplement en qualité de plus proches parens, lorsque les parens de la ligne manquent.

3°. Dans le cas où un ascendant est donateur par contrat de mariage de l'héritage que le donataire a transmis à des enfans qui sont tous morts : car si le donataire étoit mort sans enfans, l'autre conjoint, quoique donateur, ne joüiroit pas du retour. Voyez AYEUL & RETOUR.

Dans quelques coûtumes, comme en particulier celle de Paris, les peres & meres succedent aussi à leurs enfans, en usufruit seulement, aux immeubles acquis pendant la communauté du pere & de la mere, & avenus par le décès de l'un d'eux aux enfans, pourvû que l'enfant décédé n'ait laissé aucuns descendans, ni frere ou soeur du côté dont lesdits immeubles lui sont échûs. Cette succession s'étend aussi dans la coûtume de Paris aux ayeuls & ayeules.

Il n'y a aucune prérogative d'aînesse en faveur des mâles dans la succession des ascendans.

En pays de droit écrit, ils excluent les freres utérins & consanguins, & même les neveux qui sont conjoints des deux côtés : mais ils n'excluent pas les freres germains du défunt, lesquels succedent avec eux ; & en ce cas la succession est divisée en autant de portions qu'il y a de têtes ; chaque frere prend une part, & les ascendans prennent le surplus & le divisent entr'eux en deux parts, l'une pour les paternels, & l'autre pour les maternels, qui chacun entr'eux partagent la portion qui est échûe à leur ligne. Par exemple, s'il y a trois freres, un ayeul & une ayeule du côté paternel, chaque frere aura un sixieme, l'ayeul & l'ayeule paternel un sixieme & demi à eux deux ; & l'ayeul maternel autant à lui seul que les deux autres. Voyez AYEUL.

Lorsqu'il y a des freres germains, les neveux conjoints des deux côtés dont le pere est décédé viennent à la succession du défunt, avec les freres & les ascendans : mais ils n'y viennent que par la représentation de leur pere, & par conséquent ils partagent par souches & non par têtes.

Par rapport à la part que prend une mere dans la succession de ses enfans, voyez à l'article MERE la teneur de l'édit des meres.

Dans les pays de droit écrit, les peres & les meres qui ont donné quelque chose entre-vifs à leurs enfans, succedent aux choses par eux données, lorsque les enfans donataires décedent sans enfans, non pas par droit de succession, mais par un autre droit qu'on appelle droit de retour. Voyez RETOUR. (H)


ASCENSIONS. f. est proprement une élévation ou un mouvement en-haut. Voyez ELEVATION.

C'est dans ce sens qu'on dit l'ascension des liqueurs dans les pompes, dans les tuyaux capillaires. Voyez POMPE, TUYAUX CAPILLAIRES. (O)

ASCENSION de la séve, (Jardinage.) Dans le nouveau système de l'opération de la séve, on ne parle plus de sa circulation ; la séve, suivant M. Halles, descend dans les soirées fraîches & dans les tems de rosée, par les tuyaux longitudinaux du tronc de l'arbre, après qu'elle a monté jusqu'au faîte. Des expériences ont en partie établi ce système : on peut les consulter dans son livre de la Statique des végétaux, traduit de l'anglois par M. de Buffon.

Le trop de séve transpire & s'évapore par les vaisseaux capillaires des feuilles. Voyez SEVE. (K)

ASCENSION, en Astronomie, est droite ou oblique. L'ascension droite du soleil ou d'une étoile, est le degré de l'équateur qui se leve avec le soleil ou avec l'étoile dans la sphere droite, à compter depuis le commencement d'Aries. Voyez SPHERE. Ou c'est le degré & la minute de l'équateur, à compter depuis le commencement d'Aries, qui passe par le méridien avec le soleil, une étoile ou quelqu'autre point du ciel. Voyez SOLEIL, ETOILE.

On rapporte l'ascension droite au méridien, parce qu'il fait toûjours angle droit avec l'équinoctial, au lieu qu'il n'en est ainsi de l'horison que dans la sphere droite.

L'ascension droite est le contraire de la descension droite. Voyez DESCENSION. Deux étoiles fixes qui ont la même ascension droite, c'est-à-dire qui sont à la même distance du premier degré d'Aries, ou, ce qui revient au même, qui sont dans le même méridien, se levent en même tems dans la sphere droite, c'est-à-dire pour les peuples qui habitent l'équateur. Si elles ne sont pas dans le même méridien, l'intervalle de tems qui s'écoule entre leur lever, est la différence précise de leur ascension droite. Dans la sphere oblique où l'horison coupe tous les méridiens obliquement, différens points du méridien ne se levent ni ne se couchent jamais en même tems : ainsi deux étoiles qui sont sous le même méridien, ne se levent ni ne se couchent jamais en même tems pour ceux qui ont la sphere oblique, c'est-à-dire qui habitent entre l'équateur & le pole ; & plus la sphere est oblique, c'est-à-dire plus on est près du pole, plus l'intervalle de tems qui est entre leur lever & leur coucher est grand. Voyez LEVER, COUCHER, &c.

L'arc de l'ascension droite d'une étoile est la portion de l'équateur, comprise entre le commencement d'Aries & le point de l'équateur qui passe au méridien.

Les Astronomes appellent aujourd'hui l'arc de l'ascension droite, ascension droite tout court ; & c'est ainsi que nous l'appellerons dans la suite de cet article.

Pour avoir l'ascension droite du soleil, d'une étoile, &c. faites la proportion suivante : comme le rayon est au co-sinus de la déclinaison de l'astre, ainsi la tangente de la distance de Aries ou de Libra est à la tangente de l'ascension droite. Pour trouver la même chose méchaniquement par le globe, voyez GLOBE.

L'ascension oblique est un arc de l'équateur, compris entre le premier point d'Aries & le point de l'équateur, qui se leve en même tems que l'astre, dans la sphere oblique. Voyez SPHERE.

L'ascension oblique se prend d'occident en orient, & elle est plus ou moins grande, selon la différente obliquité de la sphere.

La différence entre l'ascension droite & l'ascension oblique, s'appelle différence ascensionelle.

Pour trouver par la trigonométrie ou par le globe l'ascension oblique du soleil, voyez ASCENSIONEL & GLOBE.

L'arc d'ascension oblique est une portion de l'horison comprise entre le commencement d'Aries & le point de l'équateur, qui se leve en même tems qu'une planete ou une étoile, &c. dans la sphere oblique. L'ascension oblique varie selon la latitude des lieux.

Réfraction d'ascension & descension. Voyez REFRACTION.

M. le Monnier, dans sa théorie des cometes & ses institutions astronomiques, a donné la table suivante de l'ascension droite des principales étoiles. (O)

ASCENSION, se dit proprement de l'élévation miraculeuse de J. C. quand il monta au ciel en corps & en ame, en présence & à la vûe de ses apôtres.

Tertullien fait une énumération succincte des différentes erreurs & hérésies que l'on a avancées sur l'Ascension du Sauveur. Ut & illi erubescant qui adfirmant carnem in caelis vacuam sensu ut vaginam, exempto Christo, sedere ; aut qui carnem & animam tantumdem, aut tantummodo animam, carnem vero non jam.

Les Apellites pensoient que J. C. laissa son corps dans les airs (S. Augustin dit qu'ils prétendoient que ce fut sur la terre), & qu'il monta sans corps au ciel : comme J. C. n'avoit point apporté de corps du ciel, mais qu'il l'avoit reçu des élémens du monde, ils soûtenoient qu'en retournant au ciel il l'avoit restitué à ces élémens.

Les Seleuciens & les Hermiens croyoient que le corps de J. C. ne monta pas plus haut que le soleil, & qu'il y resta en dépôt : ils se fondoient sur ce passage des pseaumes ; il a placé son tabernacle dans le soleil. S. Grégoire de Nazianze attribue la même opinion aux Manichéens.

Le jour de l'Ascension est une fête célébrée par l'Eglise dix jours avant la Pentecôte, en mémoire de l'Ascension de Notre-Seigneur. (G)

* ASCENSION (ISLE DE L'), dans l'Océan, entre l'Afrique & le Bresil, découverte en 1508 par Tristan d'Acugna le jour de l'Ascension. Le manque de bonne eau a empêché qu'on ne s'y établît. On l'appelle le Bureau de la Poste. Lorsque les vaisseaux qui viennent des Indes orientales s'y rafraîchissent, ils y laissent une lettre dans une bouteille bouchée, s'ils ont quelque chose à faire savoir à ceux qui viendront après eux : ceux-ci cassent la bouteille, & laissent leur réponse dans une autre bouteille. Long. 5. lat. mér. 8.

Il y a une autre île de même nom dans l'Amérique méridionale, vis-à-vis les côtes du Bresil.


ASCENSIONELadj. différence ascensionelle, terme d'Astr. La différence ascensionelle est la différence entre l'ascension oblique & l'ascension droite d'un même point de la surface de la sphere. Voyez ASCENSION.

Ainsi de 27d 54' qui est l'ascension droite du premier degré de , ôtant 14d 24' qui est l'ascension oblique du même degré sur l'horison de Paris, le reste 13d 30' en est la différence ascensionelle. Si on réduit en heures & minutes d'heure les degrés & minutes de la différence ascensionelle, on connoît de combien les jours de l'année auxquels elle répond, different du jour de l'équinoxe : car ajoûtant le double du tems de cette différence ascensionelle aux 12 heures du jour de l'équinoxe, on a la durée des longs jours, le soleil parcourant la moitié de l'écliptique, qui est du côté du pole apparent ; & si l'on ôte ce même tems de 12 heures, on aura la longueur des petits jours, qui arrivent quand le soleil parcourt la moitié de l'écliptique, qui est du côté du pole invisible. Ainsi le double de 13d 30' est 27d ; lesquels réduits en tems, à raison de 4' d'heure pour chaque degré, on aura une heure & 48' : ce qui fait connoître que le soleil étant le 20 Avril au premier degré de , le jour est de 13 heures 48' sur l'horison de Paris, & ainsi des autres ; ensuite dequoi l'on connoît facilement l'heure du lever & du coucher du soleil. Dans les signes septentrionaux, les ascensions droites des degrés de l'écliptique sont plus grandes que leurs ascensions obliques ; mais au contraire aux signes méridionaux, les ascensions droites des degrés de la même écliptique sont plus petites que leurs ascensions obliques. M. Formey.

Pour avoir la différence ascensionelle, la latitude du lieu & la déclinaison du soleil étant données, faites la proportion trigonométrique : comme le rayon à la tangente de la latitude, ainsi la tangente de la déclinaison du soleil au sinus de la différence ascensionelle. Si le soleil est dans un des signes septentrionaux, & qu'on ôte la différence ascensionelle de l'ascension droite, le reste sera l'ascension oblique. Si le soleil est dans un des signes méridionaux, il faudra ajoûter la différence ascensionelle à l'ascension droite, & la somme sera l'ascension oblique. On pourroit en s'y prenant ainsi, construire des tables d'ascensions obliques pour les différens degrés de l'écliptique, sous différentes élévations du pole. (O)


ASCETESS. m. pl. (Théologie.) du grec ; mot qui signifie à la lettre une personne qui s'exerce, qui travaille, & qu'on a appliqué en général à tous ceux qui embrassoient un genre de vie plus austere, & par-là s'exerçoient plus à la vertu, ou travailloient plus fortement à l'acquérir que le commun des hommes. En ce sens, les Esseniens chez les Juifs, les Pythagoriciens entre les Philosophes, pouvoient être appellés Ascetes. Parmi les Chrétiens dans les premiers tems, on donnoit le même titre à tous ceux qui se distinguoient des autres par l'austérité de leurs moeurs, qui s'abstenoient, par exemple, de vin & de viande. Depuis, la vie monastique ayant été mise en honneur dans l'Orient, & regardée comme plus parfaite que la vie commune, le nom d'Ascetes est demeuré aux moines, & particulierement à ceux qui se retirant dans les deserts, n'avoient d'autre occupation que de s'exercer à la méditation, à la lecture, aux jeûnes, & aux autres mortifications. On l'a aussi donné à des religieuses. En conséquence on a appellé Asceteria, les monasteres, mais sur-tout certaines maisons dans lesquelles il y avoit des moniales & des acolythes, dont l'office étoit d'ensevelir les morts. Les Grecs donnent généralement le nom d'Ascetes à tous les moines, soit Anachoretes & Solitaires, soit Cénobites. Voyez ANACHORETE, CENOBITE.

M. de Valois dans ses notes sur Eusebe, & le pere Pagi, remarquent que dans les premiers tems le nom d'Ascetes & celui de moines n'étoient pas synonymes. Il y a toûjours eu des Ascetes dans l'Eglise, & la vie monastique n'a commencé à y être en honneur que dans le jv. siecle. Bingham observe plusieurs différences entre les moines anciens & les Ascetes ; par exemple, que ceux-ci vivoient dans les villes ; qu'il y en avoit de toute condition, même des clercs, & qu'ils ne suivoient point d'autres regles particulieres que les lois de l'Eglise, au lieu que les moines vivoient dans la solitude, étoient tous laïques, du moins dans les commencemens, & assujettis aux regles ou constitutions de leurs instituteurs. Bingham, orig. eccles. lib. VII. cap. j. §. 5.


ASCÉTIQUEadj. qui concerne les Ascetes. On a donné ce titre à plusieurs livres de piété qui renferment des exercices spirituels, tels que les ascétiques ou traité de dévotion de S. Basile, évêque de Césarée en Cappadoce. Dans les bibliotheques on range sous le titre d'ascétiques tous les écrits de théologie mystique : on dit aussi la vie ascétique, pour exprimer les exercices d'oraison & de mortification que doit pratiquer un religieux. Voyez MYSTIQUE.

La vie ascétique des anciens fideles consistoit, selon M. Fleury, à pratiquer volontairement tous les exercices de la pénitence. Les Ascetes s'enfermoient d'ordinaire dans des maisons, où ils vivoient en grande retraite, gardant la continence, & ajoûtant à la frugalité chrétienne des abstinences & des jeûnes extraordinaires. Ils pratiquoient la xérophagie ou nourriture seche, & les jeûnes renforcés de deux ou trois jours de suite, ou plus longs encore. Ils s'exerçoient à porter le cilice, à marcher nuds piés, à dormir sur la terre, à veiller une grande partie de la nuit, lire assiduement l'Ecriture-sainte, & prier le plus continuellement qu'il étoit possible. Telle étoit la vie ascétique : de grands évêques & de fameux docteurs, entr'autres Origene, l'avoient menée. On nommoit par excellence ceux qui la pratiquoient, les élûs entre les élûs, . Clément Alexandrin, Eusebe, hist. lib. VI. cap. iij. Fleury, moeurs des Chrétiens, II. part. n°. 26. Bingham, orig. eccles. lib. VII. c. j. §. 6. (G)


ASCHAFFENBOURGville d'Allemagne dans la Franconie, aux frontieres du bas Rhin, sur la rive droite du Mein, & le penchant d'une colonie. Longit. 26. 35. lat. 50.


ASCHARIOUNou ASCHARIENS, (Histoire mod.) disciples d'Aschari, un des plus célebres docteurs d'entre les Musulmans. On lit dans l'Alcoran : " Dieu vous fera rendre compte de tout ce que vous manifesterez en-dehors, & de tout ce que vous retiendrez en vous-même ; car Dieu pardonne à qui il lui plaît, & il châtie ceux qu'il lui plaît ; car il est le tout-puissant, & il dispose de tout selon son plaisir ". A la publication de ce verset, les Musulmans effrayés, s'adresserent à Aboubekre & Omar, pour qu'ils en allassent demander l'explication au S. Prophete. " Si Dieu nous demande compte des pensées mêmes dont nous ne sommes pas maîtres, lui dirent les députés, comment nous sauverons-nous " ? Mahomet esquiva la difficulté par une de ces réponses, dont tous les chefs de secte sont bien pourvûs, qui n'éclairent point l'esprit, mais qui ferment la bouche. Cependant pour calmer les consciences, bientôt après il publia le verset suivant : " Dieu ne charge l'homme que de ce qu'il peut, & ne lui impute que ce qu'il mérite par obéissance ou par rebellion ". Quelques Musulmans prétendirent dans la suite que cette derniere sentence abrogeoit la premiere. Les Aschariens, au contraire, se servirent de l'une & de l'autre pour établir leur systeme sur la liberté & le mérite des oeuvres, système directement opposé à celui des Montazales. Voyez MONTAZALES.

Les Aschariens regardent Dieu comme un agent universel, auteur & créateur de toutes les actions des hommes, libre toutefois d'élire celles qu'il leur plaît. Ainsi les hommes répondent à Dieu d'une chose qui ne dépend aucunement d'eux, quant à la production, mais qui en dépend entierement quant au choix. Il y a dans ce systême deux choses assez bien distinguées : la voix de la conscience, ou la voix de Dieu ; la voix de la concupiscence, ou la voix du demon, ou de Dieu parlant sous un autre nom. Dieu nous appelle également par ces deux voix, & nous suivons celle qui nous plaît. Mais les Aschariens sont, je pense, fort embarrassés, quand on leur fait voir que cette action par laquelle nous suivons l'une ou l'autre voix, ou plûtôt cette détermination à l'une ou à l'autre voix, étant une action, c'est Dieu qui la produit, selon eux ; d'où il s'ensuit qu'il n'y a rien qui nous appartienne ni en bien ni en mal dans les actions. Au reste, j'observerai que le concours de Dieu, sa providence, sa prescience, la prédestination, la liberté, occasionnent des disputes & des hérésies par-tout où il en est question ; & que les Chrétiens feroient bien, dit M. d'Herbelot dans sa bibliotheque orientale, dans ces questions difficiles, de chercher paisiblement à s'instruire, s'il est possible, & de se supporter charitablement dans les occasions où ils sont de sentimens différens. En effet, que savons-nous là-dessus ? Quis consiliarius ejus fuit ?


ASCHAW(Géog. anc. & mod.) ville d'Allemagne dans la haute Autriche, sur le Danube, à l'embouchure de l'Ascha ; quelques-uns prétendent que c'est l'ancienne Joviacum de la Norique, que d'autres placent à Starnberg, & d'autres à Frankennemarck.


ASCHBARATville du Turquestan, la plus avancée dans le pays de Gotha ou des Getes, audelà du fleuve Sihon.


ASCHBOURKAou ASCHFOURKAN, ville de la province de Chorasan. Long. 100. & latit. 36. 45.


ASCHERLEBENville d'Allemagne sur l'Eine, dans la principauté d'Anhalt.


ASCHERou ASCHENTEN, ville d'Irlande, dans la province de Moun ou de Mounster, & le comté de Limerik, sur la riviere d'Aschern.


ASCHMOUNville d'Egypte, près Damiette. Il y a entre cette derniere & Manssurah, un canal de même nom.


ASCHMOUNIN(Géog. anc.) ville de la Thébaïde, où il y a encore des ruines qui font admirer la magnificence des anciens rois d'Egypte.


ASCHOURnom d'une des rivieres qui passent par la ville de Kasch en Turquestan, vers le nord.


ASCHOURAîle de la mer des Indes, des plus reculées & des desertes, proche Melai, & loin de Shamel.


ASCHTIKHANville de la province de Transoxane, dans la Sogde. Long. 88. lat. sept. 39. 55.


ASCI(Hist. nat.) plante qui croît en Amérique ; elle s'éleve à la hauteur de cinq ou six palmes, & même davantage. Elle est fort branchue ; sa fleur est blanche, petite & sans odeur ; son fruit a le goût du poivre. Les Américains en assaisonnent leurs mets ; les Européens en font aussi usage. Il pousse des especes de gousses rouges, creuses, longues comme le doigt ; ces gousses contiennent les semences.


ASCIENSS. m. mot composé d' & de , ombre ; il signifie en Géographie ces habitans du globe terrestre, qui, en certains tems de l'année, n'ont point d'ombre. Tels sont les habitans de la zone torride, parce que le soleil leur est quelquefois vertical ou directement au-dessus de leur tête. Voyez ZONE TORRIDE. Tous ces habitans, excepté ceux qui sont précisément sous les deux tropiques, sont asciens deux fois l'année, parce que le soleil passe deux fois l'année sur leur tête. Pour trouver en quels jours les peuples d'un parallele sont sans ombre, V. GLOBE. (O)


ASCITE, d', bouteille, en termes de Medecine, s. f. c'est une espece d'hydropisie qui affecte principalement l'abdomen ou le bas-ventre. Voyez ABDOMEN. L'ascite est l'hydropisie d'eau ordinaire. Voyez HYDROPISIE. L'hydropisie ascite exige quelquefois une opération de Chirurgie, qui procure l'écoulement des eaux qui sont épanchées dans la cavité du bas-ventre. Voyez PARACENTHESE. (N)


ASCITESS. m. pl. (Théol.) mot dérivé du grec , outre ou sac ; c'est le nom d'anciens hérétiques de la secte des Montanistes, qui parurent dans le second siecle. Voyez MONTANISTES. On les appelloit Ascites, parce que dans leurs assemblée ils introduisirent une espece de bacchanales, où ils disoient autour d'une peau enflée en forme d'outre, en disant qu'ils étoient ces vases remplis de vin nouveau, dont Jesus-Christ fait mention, Matth. ix. 17. On les appelle quelquefois Ascodrogistes. (G)


ASCLEPIADEadj. (Belles-Lett.) dans la poésie greque & latine, vers composé de quatre piés, savoir, d'un spondée, de deux choriambes, & d'un pyrrhique, tel que celui-ci :

Mc | ns tvs | dt r | gbs.

On le scande plus ordinairement ainsi,

Mc | ns t | vs | dt | rgbs,

& alors on le regarde comme composé d'un spondée, d'un dactyle, une césure longue, & deux dactyles. Il tire son nom d'Asclepiade, poëte grec, qui en fut l'inventeur. (G)


ASCLEPIES(Hist. anc. & Myth.) fêtes qu'on célébroit, en l'honneur de Bacchus, dans toute la Grece, mais sur-tout à Epidaure, où se faisoient les grandes asclépies. Megalasclepia.


ASCODRUTEou ASCODRUPITES, s. m. pl. (Théol.) hérétiques du ij. siecle, qui rejettoient l'usage des sacremens, se fondant sur ce principe, que des choses incorporelles ne pouvoient être communiquées par des choses corporelles, ni les mysteres divins par des élémens visibles, qui étant, disoient-ils, l'effet de l'ignorance & de la passion, étoient détruits par la connoissance. Ils faisoient consister la rédemption parfaite dans ce qu'ils appelloient la connoissance, c'est-à-dire l'intelligence des mysteres interprétés à leur fantaisie, & rejettoient le baptême. Les Ascodrutes avoient adopté une partie des rêveries des Valentiniens & des Marcosiens. Voyez MARCOSIENS & VALENTINIENS. (G)


ASCOLIville d'Italie, dans l'état de l'Eglise, & la Marche d'Ancone, sur une montagne, au bas de laquelle coule le Fronto. Long. 31. 23. latit. 42. 47.

ASCOLI DE SATRIANO, ville d'Italie, au royaume de Naples. Long. 33. 15. lat. 41. 8.


ASCOLIESS. f. pl. (Hist. anc.) fêtes que les paysans de l'Attique célébroient en l'honneur de Bacchus, à qui ils sacrifioient un bouc, parce que cet animal, en broutant, endommage les vignes. Après avoir écorché cet animal, ils faisoient de sa peau un outre ou ballon sur lequel ils sautoient, tenant un pié en l'air : cérémonie que Virgile a ainsi décrite au livre II. des Géorgiques :

Non aliam ob culpam Baccho caper omnibus aris

Caeditur, & veteres ineunt proscenia ludi,

Praemiaque ingentes pagos & compita circum

Thereïdae posuere : atque inter pocula laeti

Mollibus in pratis cunctos saliere per utres,

Ce mot vient du grec qui signifie un outre, une peau de bouc enflée. Potter prétend que de la peau du bouc immolé, les Athéniens faisoient un outre qu'ils remplissoient d'huile ou de vin, & qu'ils l'enduisoient encore en dehors de matieres onctueuses, ce qui le rendant également mobile & glissant, exposoit à de fréquentes chûtes les jeunes gens qui venoient sauter dessus, & divertissoit les spectateurs. (G)


ASCYRU(Hist. nat. bot.) genre de plante dont les fleurs sont composées de plusieurs pétales disposés en rose. Il sort du calice qui est aussi composé de plusieurs feuilles, un pistil qui devient dans la suite un fruit pyramidal, divisé en cinq loges remplies de semences, le plus souvent assez menues & oblongues. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)


ASEKIou comme l'écrivent quelques historiens assekai (Hist. mod.) nom que les Turcs donnent aux sultanes favorites, qui ont mis au monde un fils. Lorsqu'une des sultantes du grand Seigneur est parvenue par-là au rang d'aseki, elle joüit de plusieurs distinctions, comme d'avoir un appartement séparé de l'appartement des autres sultanes, orné de vergers, de jardins, de fontaines, d'offices, de bains & même d'une mosquée : elle y est servie par des eunuques & d'autres domestiques. Le sultan lui met une couronne sur la tête, comme une marque de la liberté qu'il lui accorde, d'entrer sans être mandée dans l'appartement impérial aussi souvent qu'il lui plaira ; il lui assigne un homme de confiance pour chef de sa maison, & une nombreuse troupe de baltagis destinés à exécuter ses ordres : enfin elle accompagne l'empereur lorsqu'il sort de Constantinople en partie de promenade ou de chasse, & qu'il veut bien lui accorder ce divertissement. Le sultan regle à sa volonté la pension des asekis : mais elle ne peut être moindre de cinq cens bourses par an. On la nomme paschmaklik ou pasmalk, qui signifie sandale, comme si elle étoit destinée à fournir aux sandales de la sultane, à peu près comme nous disons pour les épingles, pour les gants, &c. Les Turcs ne prennent point de villes qu'ils ne réservent une rue pour le paschmaklik. Les asekis peuvent être regardées comme autant d'impératrices, & leurs dépenses ne sont guere moindres que celles d'une épouse légitime. La premiere de toutes qui donne un enfant mâle à l'empereur est reputée telle, quoiqu'elle n'en porte point le nom, & qu'on ne lui donne que celui de premiere ou grande favorite, buyuk aseki. Son crédit dépend de son esprit, de son enjouement, & de ses intrigues pour captiver les bonnes graces du grand-seigneur ; car depuis Bajazet I. par une loi publique, les sultans n'épousent jamais de femmes. Soliman II. la viola pourtant en faveur de Roxelane. Le sultan peut honorer de la couronne & entretenir jusqu'à cinq asekis à la fois : mais cette dépense énorme n'est pas toujours de son goût, & d'ailleurs les besoins de l'état exigent quelquefois qu'on la retranche. Les asekis ont eu souvent part au gouvernement & aux révolutions de l'empire Turc. Guer, Moeurs & usages des Turcs, tom. II. (G)


ASE(Géog. sainte.) ville frontiere de la tribu de Juda & de Siméon, dans la Terre-promise.

* ASEM, royaume de l'Inde, au-delà du Gange, vers le lac de Chiamaï. Il y a dans ce pays des mines d'or, d'argent, de fer, de plomb, des soies, de la laque excellente, &c. Il s'y fait aussi un commerce considérable de bracelets, & de carquans d'écaille de tortue ou de coquillage.


ASEMONou HASSEMON, ville de la Terre-promise, sur les confins de la tribu de Juda, du côté de l'Idumée.


ASEN(Géog. sainte.) ville de la Terre-promise, dans la tribu de Juda, entre Sarea & Zanoe.


ASER-GADDAville de Palestine, dans la tribu de Juda, entre Molada & Hassemon.


ASGARprovince du royaume de Fez en Afrique, vers la côte occidentale, entre la province de Fez & de Habat.


ASIARQUESS. m. pl. (Hist. anc.) c'est ainsi qu'on appelloit dans certaines villes d'Asie, des hommes revêtus pour cinq ans de la souveraine prêtrise ; dignité qui donnoit beaucoup d'autorité, & qui se trouve souvent mentionnée dans les médailles & dans les inscriptions. Les Asiarques étoient souverains prêtres de plusieurs villes à la fois. Ils faisoient célébrer à leurs dépens des jeux solemnels & publics. Ceux de la ville d'éphese empêcherent S. Paul, qu'ils estimoient, de se présenter au théatre pendant la sédition de l'orfévre Démétrius.


ASIATIQUESPhilosophie des Asiatiques en général. Tous les habitans de l'Asie sont ou Mahométans, ou Payens, ou Chrétiens. La secte de Mahomet est sans contredit la plus nombreuse : une partie des peuples qui composent cette partie du monde a conservé le culte des idoles ; & le peu de Chrétiens qu'on y trouve sont schismatiques, & ne sont que les restes des anciennes sectes, & sur-tout de celle de Nestorius. Ce qui paroîtra d'abord surprenant, c'est que ces derniers sont les plus ignorans de tous les peuples de l'Asie, & peut-être les plus dominés par la superstition. Pour les Mahométans, on sait qu'ils sont partagés en deux sectes. La premiere est celle d'Aboubecre, & la seconde est celle d'Ali. Elles se haïssent mutuellement, quoique la différence qu'il y a entre elles, consiste plûtôt dans des cérémonies & dans des dogmes accessoires, que dans le fond de la doctrine. Parmi les Mahométans, on en trouve qui ont conservé quelques dogmes des anciennes sectes philosophiques, & sur-tout de l'ancienne Philosophie orientale. Le célebre Bernier qui a vécu long-tems parmi ces peuples, & qui étoit lui-même très versé dans la Philosophie, ne nous permet pas d'en douter. Il dit que les Soufis Persans, qu'il appelle cabalistes, " prétendent que Dieu, ou cet être souverain, qu'ils appellent achar, immobile, immuable, a non-seulement produit, ou tiré les ames de sa propre substance ; mais généralement encore tout ce qu'il y a de matériel & de corporel dans l'univers, & que cette production ne s'est pas faite simplement à la façon des causes efficientes, mais à la façon d'une araignée, qui produit une toile qu'elle tire de son nombril, & qu'elle répand quand elle veut. La création n'est donc autre chose, suivant ces docteurs, qu'une extraction & extension que Dieu fait de sa propre substance, de ces rets qu'il tire comme de ses entrailles, de même que la destruction n'est autre chose qu'une simple reprise qu'il fait de cette divine substance, de ces divins rets dans lui-même ; ensorte que le dernier jour du monde qu'ils appellent maperlé ou pralea, dans lequel ils croyent que tout doit être détruit, ne sera autre chose qu'une reprise générale de tous ces rets, que Dieu avoit ainsi tirés de lui-même. Il n'y a donc rien, disent-ils, de réel & d'effectif dans tout ce que nous croyons voir, entendre, flairer, goûter, & toucher : l'univers n'est qu'une espece de songe & une pure illusion, en tant que toute cette multiplicité & diversité de choses qui nous frappent, ne sont qu'une seule, unique & même chose, qui est Dieu même ; comme tous les nombres divers que nous connoissons, dix, vingt, cent, & ainsi des autres, ne sont enfin qu'une même unité repétée plusieurs fois ". Mais si vous leur demandez quelque raison de ce sentiment, ou qu'ils vous expliquent comment se fait cette sortie, & cette reprise de substance, cette extension, cette diversité apparente, ou comment il se peut faire que Dieu n'étant pas corporel, mais simple, comme ils l'avouent, & incorruptible, il soit néanmoins divisé en tant de portions de corps & d'ames, ils ne vous payeront jamais que de belles comparaisons ; que Dieu est comme un océan immense, dans lequel se mouvroient plusieurs fioles pleines d'eau ; que les fioles, quelque part qu'elles pussent aller, se trouveroient toûjours dans le même océan, dans la même eau ; & que venant à se rompre, l'eau qu'elles contenoient se trouveroit en même tems unie à son tout, à cet océan dont elles étoient des portions : ou bien ils vous diront qu'il en est de Dieu comme de la lumiere, qui est la même par-tout l'univers, & qui ne laisse pas de paroître de cent façons différentes, selon la diversité des objets où elle tombe, ou selon les diverses couleurs & figures des verres par où elle passe. Ils ne vous payeront, dis-je, que de ces sortes de comparaisons, qui n'ont aucun rapport avec Dieu, & qui ne sont bonnes que pour jetter de la poudre aux yeux d'un peuple ignorant ; & il ne faut pas espérer qu'ils répliquent solidement, si on leur dit que ces fioles se trouveroient véritablement dans une eau semblable, mais non pas dans la même ; & qu'il y a bien dans le monde une lumiere semblable, & non pas la même ; & ainsi de tant d'autres objections qu'on leur fait. Ils reviennent toûjours aux mêmes comparaisons, aux belles paroles, ou, comme les Soufis, aux belles poésies de leur Goult-hen-raz.

Voilà la doctrine des Pendets, gentils des Indes ; & c'est cette même doctrine qui fait encore à-présent la cabale des Soufis & de la plûpart des gens de lettres persans, & qui se trouve expliquée en vers persiens, si relevés & si emphatiques dans leur Goult-hen-raz, ou parterre des mysteres. C'étoit la doctrine de Fludd, que le célebre Gassendi a si doctement réfutée ; or pour peu qu'on connoisse la doctrine de Zoroastre & la Philosophie orientale, on verra clairement qu'elles ont donné naissance à celle dont nous venons de parler.

Après les Perses viennent les Tartares, dont l'empire est le plus étendu dans l'Asie ; car ils occupent toute l'étendue du pays qui est entre le mont Caucase & la Chine. Les relations des voyageurs sur ces peuples sont si incertaines, qu'il est extrèmement difficile de savoir s'ils ont jamais eu quelque teinture de philosophie ; on sait seulement qu'ils croupissent dans la plus grossiere superstition, & qu'ils sont ou mahométans ou idolatres. Mais comme on trouve parmi eux de nombreuses communautés de prêtres qu'on appelle lamas, on peut demander avec raison s'ils sont aussi ignorans dans les sciences que les peuples grossiers qu'ils sont chargés d'instruire : on ne trouve pas de grands éclaircissemens sur ce sujet dans les auteurs qui en ont parlé. Le culte que ces lamas rendent aux idoles, est fondé sur ce qu'ils croyent qu'elles sont les images des émanations divines, & que les ames, qui sont aussi émanées de Dieu, habitent dans elles. Tous ces lamas ont au-dessus d'eux un grand-prêtre appellé le grand-lama, qui fait sa demeure ordinaire sur le sommet d'une montagne. On ne sauroit imaginer le profond respect que les Tartares idolatres ont pour lui ; ils le regardent comme immortel, & les prêtres subalternes entretiennent cette erreur par leurs supercheries. Enfin tous les voyageurs conviennent que les Tartares sont de tous les peuples de l'Asie les plus grossiers, les plus ignorans & les plus superstitieux ; la loi naturelle y est presqu'éteinte : il ne faut donc pas s'étonner s'ils ont fait si peu de progrès dans la Philosophie.

Si de la Tartarie on passe dans les Indes, on n'y trouvera guere moins d'ignorance & de superstition ; jusques-là que quelques auteurs ont crû que les Indiens n'avoient aucune connoissance de Dieu. Ce sentiment ne nous paroît pas fondé. En effet, Abraham Rogers raconte que les Bramins reconnoissent un seul & suprème Dieu, qu'ils nomment Vistnou ; que la premiere & la plus ancienne production de ce Dieu, étoit une divinité inférieure appellée Brama, qu'il forma d'une fleur qui flottoit sur le grand abysme avant la création du monde ; que la vertu, la fidélité & la reconnoissance de Brama avoient été si grandes, que Vistnou l'avoit doüé du pouvoir de créer l'univers. Le détail de leur doctrine est rapporté par différens auteurs avec une variété fort embarrassante pour ceux qui cherchent à démêler la vérité ; variété qui vient en partie de ce que les Bramins sont fort réservés avec les étrangers, mais principalement de ce que les voyageurs sont peu versés dans la langue de ceux dont ils se mêlent de rapporter les opinions : mais du moins il est constant par les relations de tous les modernes, que les Indiens reconnoissent une ou plusieurs divinités.

Nous ne devons point oublier de parler ici de Budda ou Xekia, si célebre parmi les Indiens, auxquels il enseigna le culte qu'on doit rendre à la Divinité, & que ces peuples regardent comme le plus grand philosophe qui ait jamais existé. Son histoire se trouve si remplie de fables & de contradictions, qu'il seroit impossible de les concilier. Tout ce que l'on peut conclure de la diversité des sentimens que les auteurs ont eus à son sujet, c'est que Xekia parut dans la partie méridionale des Indes, & qu'il se montra d'abord aux peuples qui habitoient sur les rivages de l'Océan ; que de-là il envoya ses disciples dans toutes les Indes, où ils répandirent sa doctrine.

Les Indiens & les Chinois attestent unanimement que cet imposteur avoit deux sortes de doctrines ; l'une faite pour le peuple ; l'autre secrette, qu'il ne révéla qu'à quelques-uns de ses disciples. Le Comte, la Loubere, Bernier, & sur-tout Kempfer, nous ont suffisamment instruits de la premiere qu'on nomme exotérique. En voici les principaux dogmes.

1°. Il y a une différence réelle entre le bien & le mal.

2°. Les ames des hommes & des animaux sont immortelles, & ne different entr'elles qu'à raison des sujets où elles se trouvent.

3°. Les ames des hommes séparées de leurs corps, reçoivent ou la récompense de leurs bonnes actions dans un séjour de délices, ou la punition de leurs crimes dans un séjour de douleurs.

4°. Le séjour des bienheureux est un lieu où ils goûteront un bonheur qui ne finira point, & ce lieu s'appelle pour cela gokurakf.

5°. Les dieux different entr'eux par leur nature, & les ames des hommes par leurs mérites ; par conséquent le degré de bonheur dont elles joüiront dans ces champs élysées, répondra au degré de leurs mérites : cependant la mesure du bonheur que chacune d'entr'elles aura en partage sera si grande, qu'elles ne souhaiteront point d'en avoir une plus grande.

6°. Amida est le gouverneur de ces lieux heureux, & le protecteur des ames humaines, sur-tout de celles qui sont destinées à joüir d'une vie éternellement heureuse : c'est le seul médiateur qui puisse faire obtenir aux hommes la rémission de leurs péchés & la vie éternelle. (Plusieurs Indiens & quelques Chinois rapportent cela à Xekia lui-même.)

7°. Amida n'accordera ce bonheur qu'à ceux qui auront suivi la loi de Xekia, & qui auront mené une vie vertueuse.

8°. Or la loi de Xekia renferme cinq préceptes géneraux, de la pratique desquels dépend le salut éternel : le premier, qu'il ne faut rien tuer de ce qui est animé : 2°. qu'il ne faut rien voler : 3°. qu'il faut éviter l'inceste : 4°. qu'il faut s'abstenir du mensonge : 5°. & sur-tout des liqueurs fortes. Ces cinq préceptes sont fort célebres dans toute l'Asie méridionale & orientale. Plusieurs lettrés les ont commentés, & par conséquent obscurcis ; car on les a divisés en dix conseils pour pouvoir acquérir la perfection de la vertu. Chaque conseil a été subdivisé en cinq go fiakkai ou instructions particulieres, qui ont rendu la doctrine de Xekia extrèmement subtile.

9°. Tous les hommes, tant séculiers qu'ecclésiastiques, qui se seront rendus indignes du bonheur éternel par l'iniquité de leur vie, seront envoyés après leur mort dans un lieu horrible appellé dsigokf, où ils souffriront des tourmens qui ne seront pas éternels, mais qui dureront un certain tems indéterminé. Ces tourmens répondront à la grandeur des crimes, & seront plus grands à mesure qu'on aura trouvé plus d'occasions de pratiquer la vertu, & qu'on les aura négligées.

10°. Jemma O est le gouverneur & le juge de ces prisons affreuses ; il examinera toutes les actions des hommes, & les punira par des tourmens différens.

11°. Les ames des damnés peuvent recevoir quelque soulagement de la vertu de leurs parens & de leurs amis ; & il n'y a rien qui puisse leur être plus utile que les prieres & les sacrifices pour les morts, faits par les prêtres & adressés au grand pere des miséricordes, Amida.

12°. L'intercession d'Amida fait que l'inexorable juge des enfers tempere la rigueur de ses arrêts, & rend les supplices des damnés plus supportables, en sauvant pourtant sa justice, & qu'il les renvoye dans le monde le plûtôt qu'il est possible.

13°. Lorsque les ames auront ainsi été purifiées, elles seront renvoyées dans le monde pour animer encore des corps, non pas des corps humains, mais les corps des animaux immondes, dont la nature répondra aux vices qui avoient infecté les damnés pendant leur vie.

14°. Les ames passeront successivement des corps vils dans des corps plus nobles, jusqu'à ce qu'elles méritent d'animer encore un corps humain, dans lequel elles puissent mériter le bonheur éternel par une vie irréprochable. Si au contraire elles commettent encore des crimes, elles subiront les mêmes peines, la même transmigration qu'auparavant.

Voilà la doctrine que Xekia donna aux Indiens, & qu'il écrivit de sa main sur des feuilles d'arbre. Mais sa doctrine exotérique ou intérieure est bien différente. Les auteurs indiens assûrent que Xekia se voyant à son heure derniere, appella ses disciples, & leur découvrit les dogmes qu'il avoit tenu secrets pendant sa vie. Les voici tels qu'on les a tirés des livres de ses successeurs.

1°. Le vuide est le principe & la fin de toutes choses.

2°. C'est de-là que tous les hommes ont tiré leur origine, & c'est-là qu'ils retourneront après leur mort.

3°. Tout ce qui existe vient de ce principe, & y retourne après la mort. C'est ce principe qui constitue notre ame & tous les élémens ; par conséquent toutes les choses qui vivent, pensent & sentent, quelque différentes qu'elles soient par l'usage ou par la figure, ne different pas en elles-mêmes, & ne sont point distinguées de leur principe.

4°. Ce principe est universel, admirable, pur, limpide, subtil, infini ; il ne peut ni naître, ni mourir, ni être dissous.

5°. Ce principe n'a ni vertu, ni entendement, ni puissance, ni autre attribut semblable.

6°. Son essence est de ne rien faire, de ne rien penser, de ne rien desirer.

7°. Celui qui souhaite de mener une vie innocente & heureuse, doit faire tous ses efforts pour se rendre semblable à son principe, c'est-à-dire qu'il doit dompter, ou plûtôt éteindre toutes ses passions, afin qu'il ne soit troublé ou inquiété par aucune chose.

8°. Celui qui aura atteint ce point de perfection, sera absorbé dans des contemplations sublimes, sans aucun usage de son entendement, & il joüira de ce repos divin qui fait le comble du bonheur.

9°. Quand on est parvenu à la connoissance de cette doctrine sublime, il faut laisser au peuple la doctrine exotérique, ou du moins ne s'y prêter qu'à l'extérieur.

Il est fort vraisemblable que ce système a donné naissance à une secte fameuse parmi les Japonois, laquelle enseigne qu'il n'y a qu'un principe de toutes choses ; que ce principe est clair, lumineux, incapable d'augmentation ni de diminution, sans figure, souverainement parfait, sage, mais destitué de raison ou d'intelligence, étant dans une parfaite inaction & souverainement tranquille, comme un homme dont l'attention est fortement fixée sur une chose sans penser à aucune autre. Ils disent encore que ce principe est dans tous les êtres particuliers, & leur communique son essence en telle maniere qu'elles sont la même chose avec lui, & qu'elles se résolvent en lui quand elles sont détruites.

Cette opinion est différente du Spinosisme, en ce qu'elle suppose que le monde a été autrefois dans un état fort différent de celui où il est à-présent. Un sectateur de Confucius a réfuté les absurdités de cette secte par la maxime ordinaire, que rien ne peut venir de rien ; en quoi il paroît avoir supposé qu'ils enseignoient que rien est le premier principe de toutes choses, & par conséquent que le monde a eu un commencement, sans matiere ni cause efficiente ; mais il est plus vraisemblable que par le mot de vuide ils entendoient seulement ce qui n'a pas les propriétés sensibles de la matiere ; & qu'ils prétendoient désigner par-là ce que les modernes expriment par le terme d'espace, qui est un être très-distinct du corps, & dont l'étendue indivisible, impalpable, pénétrable, immobile & infinie, est quelque chose de réel. Il est de la derniere évidence qu'un pareil être ne sauroit être le premier principe, s'il étoit incapable d'agir, comme le prétendoit Xekia. Spinosa n'a pas porté l'absurdité si loin ; l'idée abstraite qu'il donne du premier principe, n'est, à proprement parler, que l'idée de l'espace qu'il a revêtu de mouvement, afin d'y joindre ensuite les autres propriétés de la matiere.

La doctrine de Xekia n'a pas été inconnue aux Juifs modernes ; leurs cabalistes expliquent l'origine des choses par des émanations d'une cause premiere, & par conséquent préexistente, quoique peut-être sous un autre forme. Ils parlent aussi du retour des choses dans le premier être, par leur restitution dans leur premier état, comme s'ils croyoient que leur en-soph ou premier être infini contenoit toutes choses, & qu'il y a toûjours eu la même quantité d'êtres, soit dans l'état incréé, soit dans celui de création. Quand l'être est dans son état incréé, Dieu est simplement toutes choses ; mais quand l'être devient monde, il n'augmente pas pour cela en quantité, mais Dieu se développe & se répand par des émanations. C'est pour cela qu'ils parlent souvent de grands & de petits vaisseaux, comme destinés à recevoir ces émanations de rayons qui sortent de Dieu, & de canaux par lesquels ces rayons sont transmis : en un mot, quand Dieu retire ces rayons, le monde extérieur périt, & toutes choses redeviennent Dieu.

L'exposé que nous venons de donner de la doctrine de Xekia, pourra nous servir à découvrir sa véritable origine. D'abord il nous paroît très-probable que les Indes ne furent point sa patrie, non-seulement parce que sa doctrine parut nouvelle dans ce pays-là lorsqu'il l'y apporta, mais encore parce qu'il n'y a point de nation Indienne qui se vante de lui avoir donné la naissance ; & il ne faut point nous opposer ici l'autorité de la Croze, qui assûre que tous les Indiens s'accordent à dire que Xekia naquit d'un roi Indien ; car Kempfer a très-bien remarqué, que tous les peuples situés à l'orient de l'Asie, donnent le nom d'Indes à toutes les terres australes. Ce concert unanime des Indiens ne prouve donc autre chose, sinon que Xekia tiroit son origine de quelque terre méridionale. Kempfer conjecture que ce chef de secte étoit Africain, qu'il avoit été élevé dans la Philosophie & dans les mysteres des Egyptiens ; que la guerre qui désoloit l'Egypte l'ayant obligé d'en sortir, il se retira avec ses compagnons chez les Indiens ; qu'il se donna pour un autre Hermès & pour un nouveau législateur, & qu'il enseigna à ces peuples non-seulement la doctrine hiéroglyphique des Egyptiens, mais encore leur doctrine mystérieuse.

Voici les raisons sur lesquelles il appuie son sentiment.

1°. La religion que les Indiens reçûrent de ce législateur, a de très-grands rapports avec celle des anciens Egyptiens ; car tous ces peuples représentoient leurs dieux sous des figures d'animaux & d'hommes monstrueux.

2°. Les deux principaux dogmes de la religion des Egyptiens, étoient la transmigration des ames, & le culte de Sérapis, qu'ils représentoient sous la figure d'un boeuf ou d'une vache. Or il est certain que ces deux dogmes sont aussi le fondement de la religion des nations Asiatiques. Personne n'ignore le respect aveugle que ces peuples ont pour les animaux, même les plus nuisibles, dans la persuasion où ils sont que les ames humaines sont logées dans leurs corps. Tout le monde sait aussi qu'ils rendent aux vaches des honneurs superstitieux, & qu'ils en placent les figures dans leurs temples. Ce qu'il y a de remarquable, c'est que plus les nations barbares approchent de l'Egypte, plus on leur trouve d'attachement à ces deux dogmes.

3°. On trouve chez tous les peuples de l'Asie orientale la plûpart des divinités Egyptiennes, quoique sous d'autres noms.

4°. Ce qui confirme sur-tout la conjecture de Kempfer, c'est que 536 ans avant J. C. Cambyse roi des Perses, fit une irruption dans l'Egypte, tua Apis, qui étoit le palladium de ce royaume, & chassa tous les prêtres du pays. Or si on examine l'époque ecclésiastique des Siamois, qu'ils font commencer à la mort de Xekia, on verra qu'elle tombe précisément au tems de l'expédition de Cambyse ; de-là il s'ensuit qu'il est très-probable que Xekia se retira chez les Indiens, auxquels il enseigna la doctrine de l'Egypte.

5°. Enfin l'idole de Xekia le représente avec un visage Ethiopien, & les cheveux crêpus : or il est certain qu'il n'y a que les Africains qui soient ainsi faits. Toutes ces raisons bien pesées, semblent ne laisser aucun lieu de douter, que Xekia ne fût Africain, & qu'il n'ait enseigné aux Indiens les dogmes qu'il avoit lui-même puisés en Egypte.


ASIBEville de Mésopotamie, appellée par les habitans Antiochia.

Il y a encore une ville de l'Asie mineure, du même nom, dans la Cappadoce, vers l'Euphrate & les monts Moschiques.


ASIEl'une des quatre grandes parties de la terre, & la seconde en ordre, quoique la premiere habitée. Elle est séparée de l'Europe par la mer Méditerranée, l'Archipel, la mer Noire, les Palus Méotides, le Don & la Dwina ; de l'Afrique par la mer Rouge & l'isthme de Suez. Elle est des autres côtés entourée de l'Océan ; elle ne communique point avec l'Amérique ; ses parties principales sont l'Arabie, la Turquie Asiatique, la Perse, l'Inde, la Tartarie, la Moscovie Asiatique, la Chine, le Japon, le royaume d'Ava, celui de Siam, l'île de Ceylan, & les îles de la Sonde, dont les principales sont Sumatra, Borneo, Java, l'île des Célebes, les Moluques, les Philippines, les Maldives : elle peut avoir d'occident en orient environ 1750 lieues, & du midi au septentrion 1550.

Les peuples de ce vaste continent, ceux sur-tout qui en occupent le milieu, & qui habitent les côtes de l'Océan septentrional, nous sont peu connus : excepté les Moscovites qui en possedent quelque portion, & dont les caravanes en traversent tous les ans quelques endroits, pour se rendre à la Chine, on peut dire que les Européens n'y font pas grand négoce. S'il y a quelque chose d'important à observer sur le commerce d'Asie, cela ne concerne que les côtes méridionales & orientales : le lecteur trouvera aux différens articles des noms des lieux, les détails généraux auxquels nous nous sommes bornés sur cet objet.


ASILLEasillus, insecte que quelques auteurs ont confondu avec le taon ; cependant on a observé des différences marquées entre l'un & l'autre, quoiqu'ils se ressemblent à quelques égards. L'asille tourmente beaucoup les boeufs, & les pique vivement ; on dit que son bourdonnement les fait fuir dans les forêts, & que s'ils ne peuvent pas l'éviter, ils se mettent dans l'eau jusqu'au ventre, & qu'ils se jettent de l'eau par-dessus le corps avec leur queue, pour faire fuir les asilles. C'est pour cette raison qu'on a appellé ces insectes muscae boariae vel buculariae. Mouffet leur donne le nom grec : mais il convient que ce même nom appartient aussi à d'autres insectes. M. Linnaeus distingue l'asille, l'aestrus : & le taon, en trois genres dépendans d'une même classe ; & il rapporte treize especes au genre de l'asille. Fauna Suecica, pag. 308. Voyez INSECTE. (I)


ASINAIRESadj. pris subst. (Hist. anc.) fêtes que les Syracusains célébroient en mémoire de l'avantage qu'ils remporterent sur Nicias & Demosthenes, généraux des Athéniens, auprès du fleuve Asinarius, aujourd'hui Falconara, riviere de Sicile. (G)


ASINARApetite île d'Italie, près de la côte occidentale de la Sardaigne, Long. 26. lat. 41.


ASINE(bête) synonyme dont on se sert au palais pour éviter le mot âne, qui a quelque chose de trivial. (H)


ASION-GABERville d'Idumée, sur le bord de la mer Rouge.


ASIOUTou SOIOUTH, ville de la haute Egypte.


ASISIAville d'Illyrie, dans un lieu qu'on appelle aujourd'hui Béribir ou Bergame, & où l'on trouve encore des ruines.


ASKEM-KALESIville ruinée d'Asie, avec un port, non loin de Milet. On prétend que c'étoit l'ancienne Halicarnasse ; on y trouve encore aujourd'hui des marbres & des monumens anciens, & Jacques Spon a conjecturé que ce sont les ruines de Jasi ou Jassi ; on y voit le reste d'un théatre de marbre.


ASKER-MORKEMville de la contrée d'Abouaz dans la Chaldée, qu'on nomme aussi l'Iraque Arabique. Cette ville s'appelle aussi Sermenraï, sur la rive orientale du Tigre. Long. 72. 20. lat. sept. 34. On dit qu'elle s'appelloit autrefois Semirah.


ASKRIGpetite ville d'Angleterre, dans la province d'Yorck.


ASLANI(Commerce.) monnoie d'argent de Hollande, & que l'on fabrique aussi à Inspruck ; c'est le daller même : cette espece a tant pour effigie que pour écusson un lion ; & cet animal en Turc s'appellant aslani, c'est en conséquence que les Turcs ont nommé le daller aslani. Les Arabes qui prirent le lion de l'empreinte pour un chien (& ils n'eurent pas absolument tort, car jamais il n'y a eu d'empreinte plus équivoque) appellerent la même piece abukesb. Voyez ABUKEBS & DALLER.


ASMIRÉESmontagne d'Asie, dans le pays des Seres, qu'habitent les Asmiréens, peuples répandus aussi dans le canton de Cataja, qui est fort étendu, & qui fait partie de la Tartarie prise en général.


ASMODAou ASMODÉE, (Théologie.) est le nom que les Juifs donnent au prince des démons, comme on peut voir dans la paraphrase Chaldaïque sur l'Ecclésiaste, cap. j. Rabbi Elias dans son dictionnaire intitulé Thisbi, dit qu'Asmodai est le même que Samaël, qui tire son nom du verbe hébreu samad, c'est-à-dire détruire, & ainsi Asmodai signifie un démon destructeur. Voyez SAMAEL. (G)


ASNA(Géog. anc. & mod.) ville de l'Egypte, sur le Nil ; on prétend que c'est l'ancienne Syenne. Long. 49. 10. lat. 38. 15.


ASOLAville d'Italie, dans la Lombardie, au Bressen, dans l'état de la république de Venise. Long. 27. 48. lat. 45. 15.


ASOLOville d'Italie, dans le Trévisan, à la source de la riviere de Mouson. Long. 29. 30. lat. 45. 49.


ASOPAvoyez ANAPLYSTE.


ASOPEfleuve d'Asie dans la Béotie, aujourd'hui la Morée ; c'étoit un bras du Céphyse, qui descendoit du mont Cythéron, arrosoit le pays des Thébains, passoit par Thebes, Platée, & Tanagra, & se déchargeoit dans la mer entre Orope & Cynosure. C'est aujourd'hui l'Asopo, qui se rend dans le détroit de Négrepont, vis-à-vis d'Orops.

Il y avoit dans la Thessalie un autre fleuve du même nom, aux environs des Thermopyles ; on l'appelle Asopo aujourd'hui : il est en Livadie ; il sort du mont Bunina, & se rend dans le golfe de Zeiton.

L'Asope, fleuve de Macedoine, arrosoit Héraclée.


ASOPou AZACH, (Géog. anc. & mod.) ville de la petite Tartarie à l'embouchure du Don qui la traverse, y forme un port, & se jette dans la mer des Zabaques, qu'on appelloit autrefois les Palus Méotides. Les anciens l'appelloient Tanaïs de l'ancien nom de la riviere, & la mettoient dans la Sarmatie Européenne. Les Italiens l'appellent encore la Tana : on y a joint depuis une nouvelle ville appellée Saint Pierre.

C'est d'Asoph que vient une partie du caviar qui se débite à Constantinople, & cet objet est considérable. Il en vient aussi des esturgeons & des mouronnes. Les Turcs & les Grecs y font un grand trafic en esclaves Russiotes, Mingreliens, Moscovites, & autres.


ASOR(Géog.) Il y a eu plusieurs villes de ce nom ; une qui fut capitale du royaume de Jabin, que Josué réduisit en cendre ; elle appartint à la tribu de Nephtali : une autre qui appartint à la tribu de Juda : une troisieme de la tribu de Benjamin. Asor fut encore le nom d'un pays étendu de l'Arabie deserte.


ASPALATHaspalathus, (Hist. nat. bot.) cette plante, que quelques-uns appellent erysisceptum, est un gros buisson ligneux & épineux, qui croît le long du Danube, à Nisaro & à Rhodes. Les Parfumeurs s'en servent pour épaissir leurs parfums. Le bon est pesant, rougeâtre ou pourpre sous l'écorce, rend une odeur agréable, & est amer au goût. Il y en a une espece blanche, ligneuse & sans odeur : il est échauffant & astringent : on en ordonne la décoction en gargarisme pour les aphthes, pour les ulceres, &c. M. Herman & d'autres pensent que l'aspalath n'est autre chose que le bord du cytise : il nous vient de la Morée ; il est résineux & fleurit à-peu-près comme la rose. On en fait cas à la Chine. On en tire une huile essentielle, d'une odeur si semblable à celle de rose, qu'on peut donner l'une pour l'autre ; on ne les reconnoîtra qu'au plus ou moins de force dans l'odeur : l'huile essentielle de rose est la plus forte. Les anciens l'appelloient Rhodium lignum : mais on ne sait s'ils ont voulu dire qu'il venoit de Rhodes, ou qu'il avoit l'odeur de la rose.


ASPEvallée du Béarn, entre le haut des Pyrénées & la ville d'Oléron. La riviere d'Oléron passe dans cet endroit, & s'appelle le gave d'Aspe.


ASPECTS. m. aspectus, en Astronomie, se dit de la situation des étoiles ou des planetes, les unes par rapport aux autres ; ou bien c'est une certaine configuration ou relation mutuelle entre les planetes, qui vient de leurs situations dans le zodiaque, en vertu desquelles les Astrologues croyent que leurs puissances ou leurs forces croissent ou diminuent, selon que leurs qualités actives ou passives se conviennent ou se contrarient. Voyez PLANETE, &c.

Quoique ces configurations puissent être variées & combinées de mille manieres, néanmoins on n'en considere qu'un petit nombre ; c'est pourquoi on définit plus exactement l'aspect la rencontre ou l'angle des rayons lumineux qui viennent de deux planetes à la terre. Voyez RAYON & ANGLE.

La doctrine des aspects a été introduite par les Astrologues, comme le fondement de leurs prédictions. Ainsi Kepler définit l'aspect, un angle formé par des rayons, qui partant de deux planetes, viennent à se rencontrer sur la terre, & qui ont la propriété de produire quelque influence naturelle. Quoique toutes ces opinions soient des chimeres, nous allons les rapporter ici en peu de mots.

Les anciens comptoient cinq aspects, à savoir, la conjonction marquée par le caractere , l'opposition par , l'aspect trine par , l'aspect quadrat par , & l'aspect sextile par *. La conjonction & l'opposition sont les deux aspects extrèmes, le premier étant le moindre de tous, & le second le plus grand ou le dernier. Voy. CONJONCTION & OPPOSITION.

L'aspect trigone ou trine est la troisieme partie d'un cercle, ou l'angle mesuré par l'arc A B. Tab. astron. fig. 3.

L'aspect tétragone ou quadrat est la quatrieme partie d'un cercle, ou l'angle mesuré par le quart de cercle A D : l'aspect sextile, qui est la sixieme partie d'un cercle ou d'un angle, est mesuré par le sextant A G. Voyez TRIGONE, TETRAGONE, QUADRAT, XTILETILE.

Par rapport aux influences qu'on suppose aux aspects, on les divise en benins, malins, & indifférens.

L'aspect quadrat & l'opposition sont réputés malins ou mal-faisant ; le trine & le sextile benins ou propices ; & la conjonction un aspect indifférent.

Aux cinq aspects des anciens les modernes en ont ajoûté beaucoup d'autres, comme le décile qui contient la dixieme partie d'un cercle ; le tridecile, qui en contient trois dixiemes ; & le biquintile, qui en contient quatre dixiemes ou deux cinquiemes. Kepler en ajoûte d'autres, qu'il dit avoir reconnu efficaces par des observations météorologiques, tel que le demi-sextile, qui contient la douzieme partie d'un cercle, & le quincunce, qui en contient cinq douziemes. Enfin nous sommes redevables aux Medecins astrologues d'un aspect octile, contenant un huitieme de cercle, & d'un aspect trioctile, qui en contient les trois huitiemes. Quelques Medecins y ont encore mis l'aspect quintile, contenant un cinquieme du cercle, & l'aspect biquintile, qui, comme on a déjà dit, en contient les deux cinquiemes.

L'angle intercepté entre deux planetes dans l'aspect de la conjonction est = 0 ; dans l'aspect semi-sextile, il contient 30° ; dans le decile 36° ; dans l'octile 45° ; dans le sextile 60° ; dans le quintile 72° ; dans le quartile 90° ; dans le tridecile 108° ; dans le trine 120° ; dans le trioctile 135° ; dans le biquintile 144° ; dans le quincunce 150° ; dans l'opposition 180°.

Ces angles ou intervalles se comptent par les degrés de longitude des planetes, tellement que les aspects sont censés les mêmes, soit qu'une planete se trouve dans l'écliptique, ou qu'elle soit hors de ce cercle.

On divise ordinairement les aspects en partiles & platiques. Les aspects partiles ont lieu quand les planetes sont distantes les unes des autres d'autant de degrés précisément qu'en contient quelqu'une des divisions précédentes. Il n'y a que ceux-là qui soient proprement des aspects. Les aspects platiques arrivent quand les planetes ne sont pas les unes par rapport aux autres précisément dans quelqu'une des divisions dont nous venons de parler. Voyez INFLUENCE. (O)

ASPECT, s. m. On dit ce bâtiment présente un bel aspect, c'est-à-dire qu'il paroît d'une belle ordonnance à ceux qui le regardent, & qu'il jette dans une admiration telle que celle qu'on éprouveroit à la vûe du péristyle & des façades intérieures du Louvre, si le pié du péristyle étoit dégagé de tous les bâtimens subalternes qui l'environnent ; & si ceux qu'on vient d'ériger dans la grande cour de ce palais, n'offusquoient & ne masquoient point l'aspect de la décoration intérieure des façades, dont l'ordonnance fait autant d'honneur au dernier siecle, que les bâtimens dont nous parlons deshonorent celui où nous vivons.

On dit aussi que tel ou tel palais, maison ou château est situé dans un bel aspect, lorsque du pié du bâtiment on découvre une vûe riante & fertile, telle que celles du château neuf de S. Germain en Laye, de Meudon, de Marly, &c. (P)

ASPECT ou SOLAGE, c'est la même chose qu'exposition : il y en a quatre différentes ; celle du couchant, du levant, du nord, & du midi. L'exposition du levant voit le soleil depuis le matin jusqu'à midi, celle du couchant a le soleil depuis midi jusqu'au soir. L'exposition du midi est la plus riche de toutes, elle commence à neuf heures du matin jusqu'à quatre heures du soir ; & celle du nord ou du septentrion est la plus mauvaise, sur-tout dans les terres froides & humides, n'ayant de soleil qu'environ deux heures le matin & autant le soir ; mais aussi elle n'est pas si sujette à la gelée.

Quand on veut joüir de deux expositions en même tems, on construit des murs obliques où le soleil glisse, & y demeure suffisamment pour que les arbres se trouvent exposés au midi & au levant.

Rien ne contribue tant à la bonne santé qu'une bonne exposition, & les végétaux, par la vigueur de leur pousse, nous montrent assez combien elle leur est nécessaire. Ceux de tous les végétaux qui ont le plus besoin d'une bonne exposition, sont les orangers, les myrtes & autres arbres à fleurs ; s'ils étoient trop exposés aux vents, sur-tout à ceux du nord, ils seroient bientôt ruinés.

Les arbres fruitiers demandent aussi différentes expositions ; les pêchers veulent le midi & le levant, les poiriers le levant & le couchant ; les pommiers & les abricotiers peuvent venir à toutes sortes d'expositions & en plein vent ; les pruniers viennent fort bien au nord & au couchant ; les figuiers réussissent mieux au levant & au midi que par-tout ailleurs. (K)


ASPENDUou ASPENDUM, (Géog. anc.) ville ruinée dans la premiere Pamphilie & dans l'exarchat d'Asie ; elle étoit située sur l'Eurymedon.


ASPER(Hist. nat.) petit poisson de riviere qu'on trouve ordinairement dans le Rhone. Il est nommé asper, de la rudesse de ses mâchoires & de ses écailles. Il a la tête assez large & pointue, & la gueule médiocre : il n'a point de dents, mais ses mâchoires sont âpres au toucher : il est rougeâtre & parsemé de taches noires. On le mange, & sa chair passe pour apéritive. Il passe pour avoir la vertu d'attirer le poisson. On donne à ceux qui demandent de son huile, celle d'orfraye ou de bouis, ou quelqu'autre huile fétide.


ASPERENville ou bourg des Provinces-unies dans la Hollande, aux confins de la Gueldre, sur la riviere de Linge, entre Gorcum & Culembourg.


ASPERGEasparagus, genre de plante dont les fleurs sont composées ordinairement de six feuilles disposées en roses. Il sort du milieu de sa fleur un pistil qui devient dans la suite un fruit mou ou une baie presque ronde, & remplie de semences dures pour l'ordinaire. On peut ajoûter aux caracteres de ce genre, que les feuilles sont fort menues. Tournef. Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

Les asperges communes sont connues de tout le monde. Celles de Pologne sont très-grosses ; elles demandent peu d'eau, mais elles veulent être souvent labourées & sarclées.

Avec un plant enraciné il faut trois ans au moins pour avoir de grosses asperges : il en faut bien davantage avec la graine qui se seme à la fin de Mars, & est deux ans à être en état d'être levée & plantée en échiquier dans des planches creusées d'un pié, larges de trois à quatre piés, & également éloignées les unes des autres.

Observez que dans les terres humides on tient les planches hautes de terre, bien loin de les creuser, afin de corriger l'humidité du fond, qui pourriroit le plant.

Il y a entre chaque planche des ados de la terre qui est sortie de la fouille des planches, & dont on rechausse tous les ans les asperges. On les fume tous les deux ans, & on coupe les montans à la S. Martin. Pour les regarnir on les seme, ou l'on prend du plant enraciné. Les asperges bien entretenues peuvent durer quinze années sans être renouvellées.

Pour hâter les asperges, si l'on a aisément du grand fumier, on les réchauffe en creusant de deux piés les espaces entre deux planches, & les remplissant de fumier de cheval : on peut même couvrir entierement les planches, ce qui les avancera encore plus. (K)

* On prépare les asperges de différentes façons : on les met en ragoût, en petits pois, au jus, & on les confit.

Pour les confire, coupez-les par tranches ; ôtez le dur ; saupoudrez le reste avec du sel & du clou de girofle ; couchez-les dans un pot de terre plombé, entre deux lits de sel, l'un au fond du pot, & l'autre au-dessus ; remplissez de bon vinaigre, & tenez votre pot fermé : servez-vous pour les tirer, d'une cuilliere de bois ou d'argent.

Si vous mettez vos asperges en morceaux, que vous les passiez à la casserole avec lard fondu ; persil & cerfeuil hachés menus ; que vous assaisonniez de sel & de muscade, & que vous laissiez cuire à petit feu ; qu'ensuite vous dégraissiez & substituyez du jus de mouton & suffisamment de citron, vous aurez des asperges au jus.

Coupez les pointes de vos asperges en petits morceaux ; faites-les blanchir dans l'eau bouillante ; passez à la casserole avec du beurre ; ajoûtez du lait & de la creme ; assaisonnez de sel, poivre & fines herbes : quand le tout sera cuit, délayez des jaunes d'oeufs avec de la creme de lait ; jettez-y vos asperges ; faites lier la sauce, & servez : vous aurez des asperges en petits pois.

Les asperges en ragoût se mettent cuire dans l'eau, après quoi on les fait égoutter : on les saupoudre de sel menu ; on leur prépare une sauce au beurre, vinaigre, sel & muscade, & on les arrange dans cette sauce.

Les asperges à l'huile demandent encore moins de façon ; on les fait cuire à l'eau, on les égoutte, & on les met sur un plat : on a dans une sauciere du vinaigre, de l'huile & du sel dont chacun se sert.

L'asperge ordinaire, asparagus sativa, C. B. contient beaucoup d'huile & de sel essentiel ; on se sert en Medecine de sa semence & de sa racine.

La racine est apéritive, propre à chasser la pierre & le gravier des reins, pour lever les obstructions du mesentere, de la rate, de la matrice & des reins. C'est un apéritif des plus chauds : on la met au nombre des cinq racines apéritives majeures.

Les baies rouges, seches & en poudre, sont utiles dans la dyssenterie & le crachement de sang.

L'asperge sauvage est odorante, & contient nu suc glutineux qui donne une couleur rouge au papier bleu. Son suc approche du tartre vitriolé, dissous dans beaucoup de phlegme. La racine est tempérante & apéritive. (N)


ASPERGILLUSgenre de plante qui ne differe du botrytis & du byssus, que par l'arrangement de ses semences ; car nous les avons toûjours vûes arrondies ou ovales. Elles sont attachées à de longs filamens qui sont droits & noüeux, & qui tiennent dans de certaines plantes à un placenta rond ou arrondi ; sur d'autres especes ils sont attachés au sommet de la tige ou aux rameaux, sans aucun placenta, & ils ressemblent aux épis de l'espece de gramen, qu'on nomme vulgairement pié-de-poule. Ces filamens tombent d'eux-mêmes quand ils sont mûrs, & alors les semences se séparent les unes des autres. Nova plantarum genera, par M. Micheli. Voy. PLANTE. (I)


ASPERIEJO(Géog. anc. & mod.) ville ruinée d'Espagne au royaume de Valence. Il y a au même royaume un bourg appellé Aspe, bâti des ruines de l'ancienne Aspe. La riviere d'Elerda coule entre Aspe & Asperiejo.


ASPERITÉS. f. en terme de Physique, est la même chose qu'âpreté. Voyez APRETE. (O)


ASPEROSAville de la Turquie en Europe, dans la Romanie, sur la côte de l'Archipel. Long. 42. 50. lat. 40. 58.


ASPERSIONS. f. (Théolog.) du latin aspergere, formé de ad & de spargo, je répands.

C'est l'action d'asperger, d'arroser, ou de jetter çà & là avec un goupillon ou une branche de quelqu'arbrisseau, de l'eau ou quelqu'autre fluide. Voyez GOUPILLON.

Ce terme est principalement consacré aux cérémonies de la religion, pour exprimer l'action du prêtre lorsque dans l'église il répand de l'eau benite sur les assistans ou sur les sépultures des fideles. La plûpart des bénédictions se terminent par une ou plusieurs aspersions. Dans les paroisses l'aspersion de l'eau benite précede tous les dimanches la grand'messe.

Quelques-uns ont soûtenu qu'on devoit donner le baptême par aspersion ; d'autres prétendoient que ce devoit être par immersion, & cette derniere coûtume a été assez long-tems en usage dans l'Eglise. On ne voit pas que la premiere y ait été pratiquée. Voyez BAPTEME, IMMERSION & ASPERSOIR. (G)


ASPERSOIRS. m. (Hist. anc. & mod.) instrument composé d'un manche garni de crins de cheval chez les anciens, & de soie de porc parmi nous, dont ils se servoient pour s'arroser d'eau lustrale, & dont nous nous servons pour nous arroser d'eau benite. Voyez Antiq. Pl. VIII. fig. 13. un aspersoir. Les Payens avoient leurs aspersions, auxquelles ils attribuoient la vertu d'expier & de purifier. Les prêtres & les sacrificateurs se préparoient aux sacrifices ; l'ablution étoit une des préparations requises, c'est pourquoi il y avoit à l'entrée des temples, & quelquefois dans les lieux soûterrains, des réservoirs d'eau où ils se lavoient. Cette ablution étoit pour les dieux du ciel ; car pour ceux des enfers ils se contentoient de l'aspersion. Voyez SACRIFICES.


ASPERUGOrapette, genre de plante à fleur monopétale faite en forme d'entonnoir, & découpée. Le calice est en forme de godet ; il s'applatit de lui-même quand la fleur est tombée : il en sort un pistil qui est attaché à la partie postérieure de la fleur, comme un clou, & qui est entourée de quatre embryons. Ces embryons deviennent dans la suite des semences oblongues pour l'ordinaire ; elles mûrissent dans le calice, qui devient beaucoup plus grand qu'il n'étoit lorsqu'il soûtenoit la fleur, & qui est alors si fort applati, que ses parois se touchent & sont adhérentes. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)


ASPHALION(Myth.) nom sous lequel les Rhodiens bâtirent un temple à Neptune dans une île qui parut sur la mer, & dont ils se mirent en possession. Il signifie ferme, stable, & répond au stabilitor des Romains ; & Neptune fut révéré dans plusieurs endroits de la Grece sous le nom d'Asphalion. Comme on lui attribuoit le pouvoir d'ébranler la terre, on lui accordoit aussi celui de l'affermir.


ASPHALITEterme d'Anatomie, qui se dit de la cinquieme vertebre des lombes. Voyez VERTEBRE.

On l'appelle ainsi à cause qu'on la conçoit comme le support de toute l'épine. Ce mot est formé de la particule privative & , je supplante. (L)


ASPHALTEasphaltus, tum. On a donné ce nom au bitume de Judée, parce qu'on le tire du lac Asphaltide ; & en général tout bitume solide porte le nom d'asphalte : par exemple, le bitume que l'on a trouvé en Suisse au commencement de ce siecle, &c.

L'asphalte des Grecs est le bitume des Latins.

Le bitume de Judée est solide & pesant, mais facile à rompre. Sa couleur est brune, & même noire ; il est luisant, & d'une couleur résineuse très-forte, sur-tout lorsqu'on l'a échauffé : il s'enflamme aisément, & il se liquéfie au feu. On trouve ce bitume en plusieurs endroits ; mais le plus estimé est celui qui vient de la mer Morte, autrement appellé lac asphaltique, dans la Judée.

C'est dans ce lieu qu'étoient autrefois Sodome & Gomorre, & les autres villes sur lesquelles Dieu fit tomber une pluie de soufre & de feu pour punir leurs habitans. Il n'est pas dit dans l'Ecriture-sainte que cet endroit ait été alors couvert d'un lac bitumineux ; on lit seulement aux 27. & 28. versets du xjx. chap. de la Genese, que le lendemain de cet incendie Abraham regardant Sodome & Gomorre, & tout le pays d'alentour, vit des cendres enflammées qui s'élevoient de la terre comme la fumée d'une fournaise. On voit au xjv. chap. de la Gen. que les rois de Sodome, de Gomorre & des trois villes voisines, sortirent de chez eux pour aller à la rencontre du roi Chodorlahomor & des trois autres rois ses alliés ; pour les combattre, & qu'ils se rencontrerent tous dans la vallée des Bois, où il y avoit beaucoup de puits de bitume. Voyez aussi Tac. Hist. liv. V. c. vj.

Il est à croire qu'il sort une grande quantité de bitume du fond du lac Asphaltique, il s'éleve au-dessus & y surnage. Il est d'abord liquide, & si visqueux qu'à peine peut-on l'en tirer ; mais il s'épaissit peu-à-peu, & il devient aussi dur que la poix seche. On dit que l'odeur puante & pénétrante que rend ce bitume est fort contraire aux habitans du pays, & qu'elle abrege leurs jours ; que tous les oiseaux qui passent pardessus ce lac y tombent morts, & qu'il n'y a aucun poisson dans ces eaux. Les Arabes ramassent ce bitume, lorsqu'il est encore liquide, pour goudronner leurs vaisseaux.

Ils lui ont donné le nom de karabé de Sodome ; souvent le mot karabé signifie la même chose que bitume dans leur langue. On a aussi donné au bitume du lac Asphaltique le nom de gomme de funérailles & de mumie ; parce que chez les Egyptiens, le peuple employoit ce bitume, & le pissasphalte, pour embaumer les corps morts. Dioscoride dit que le vrai bitume de Judée doit être d'une couleur de pourpre brillante, & qu'on doit rejetter celui qui est noir & mêlé de matieres étrangeres : cependant tout ce que nous en avons aujourd'hui est noir : mais si on le casse en petits morceaux, & si on regarde à-travers les parcelles, on apperçoit une petite teinte d'un jaune couleur de safran : c'est peut-être là ce que Dioscoride a voulu dire. Souvent on nous donne du pissasphalte durci au feu dans des chaudieres de cuivre ou de fer, pour le vrai bitume de Judée. On pourroit aussi confondre ce bitume avec la poix noire de Stockholm, parce qu'elle est d'un noir fort luisant : mais elle n'est pas si dure que le bitume de Judée, & elle a, ainsi que le pissasphalte, une odeur puante qui les fait aisément reconnoître.

Après avoir fait connoître le bitume de Judée, il ne nous reste plus qu'à parler de cette sorte de bitume en général, & des asphaltes de nos contrées : c'est ce qu'on trouvera exposé fort au long dans un mémoire fait en 1750, sur les mines d'asphalte en général, & notamment sur celle dite de la Sablonniere, sise dans le ban de Lampersloch, bailliage de Warth, en basse Alsace, entre Haguenau & Weissenbourg, pour rendre compte à M. de Buffon, intendant du jardin du Roi, de cette nouvelle découverte, & de la qualité des marchandises qui se fabriquent à ladite mine, pour servir à l'histoire naturelle, générale & particuliere, &c.

La premiere mine d'asphalte qui ait été connue en Europe sous ce nom-là, est celle de Neufchâtel, en Suisse, dans le val Travers : c'est à M. de la Sablonniere, ancien thrésorier des Ligues Suisses, que l'on a obligation de cette découverte. Monseigneur le duc d'Orléans, régent du royaume, après l'analyse faite des bitumes sortant de cette mine, fit délivrer audit sieur de la Sablonniere, un arrêt du conseil d'état du Roi, par lequel il lui étoit permis de faire entrer dans le royaume toutes les marchandises provenantes de cette mine, sans payer aucuns droits ; cet arrêt est tout au long dans le dictionnaire du Commerce, au mot asphalte. Les bitumes qui sortent de cette mine sont de même nature que ceux qui se trouvent à celle de la Sablonniere ; avec cette différence que ceux de la mine de Neufchâtel ont filtré dans des rochers de pierres propres à faire de la chaux, & que ceux d'Alsace coulent dans un banc de sable fort profond en terre, où il se trouve entre deux lits de terre glaise : le lit supérieur de ces mines est recouvert d'un chapeau ou banc de pierre noire, d'un à deux piés d'épaisseur, qui se sépare par feuilles de l'épaisseur de l'ardoise. La premiere glaise qui touche à ce banc de pierre est aussi par feuilles : mais elle durcit promptement à l'air, & ressemble assez à la serpentine. La mine de Neufchâtel, en Suisse, n'a point été approfondie ; on s'est contenté de casser le rocher apparent & hors de terre. Ce rocher se fond au feu ; & en y joignant une dixieme partie de poix, on forme un ciment ou mastic qui dure éternellement dans l'eau, & qui y est impénétrable : mais il ne faut pas qu'il soit exposé à sec à l'ardeur du soleil, parce qu'il mollit au chaud & durcit au froid. Ces deux mouvemens alternes le détachent à la fin de la pierre, & la soudure du joint ne tient plus l'eau. C'est de ce ciment que le principal bassin du jardin du Roi a été réparé en 1743. (depuis ce tems jusqu'aujourd'hui, il ne s'est point dégradé.) C'est aussi la base de la composition avec laquelle sont réunis les marbres & les bronzes d'un beau vase que M. de la Sablonniere a eu l'honneur de présenter au Roi en 1740 : c'est pareillement de ce ciment ou mastic que l'on a réparé les bassins de Versailles, Latone, l'arc de Triomphe & les autres, même le beau vase de marbre blanc qui est dans le parterre du nord à Versailles, sur lequel est en relief le sacrifice d'Iphigénie.

En séparant ces huiles ou bitumes de la pierre à chaux, elles se trouvent pareilles à celles que l'on fabrique actuellement en Alsace : mais la séparation en est beaucoup plus difficile, parce que les petites parties de la pierre à chaux sont si fines, qu'on ne peut tirer l'huile pure que par l'alembic ; au lieu que celles d'Alsace, qui ont filtré dans un banc de sable, quittent facilement le sable dont les parties sont lourdes ; ce sablé détaché par l'eau bouillante, se précipite au fond de la chaudiere où il reste blanc, & l'huile qu'il contenoit surnage & se sépare sans peine de l'eau, avec le séparatoire. Pour dire tout ce que l'on sait de la mine d'asphalte de Neufchâtel, c'est de celle-là que M. de la Sablonniere a fait le pissasphalte avec lequel il a caréné, en 1740, le Mars & la Renommée, vaisseaux de la compagnie des Indes, qui sont partis de l'Orient, le premier pour Pondichery, & le second pour Bengale. Il est vrai que ces deux vaisseaux ont perdu une partie de leur carene dans le voyage, mais ils sont revenus à l'Orient bien moins piqués de vers que les autres vaisseaux qui avoient eu la carene ordinaire. Il n'est pas nécessaire d'en dire davantage sur la mine de Neufchâtel ; revenons à celle d'Alsace.

Elle a été découverte par sa fontaine minérale, nommée en allemand backelbroun, ou fontaine de poix. Il y a plusieurs auteurs anciens qui ont écrit sur les qualités & propriétés des eaux de cette fontaine, dont le fameux docteur Jacques Théodore de Saverne, medecin de la ville de Worms, fait un éloge infini ; son livre est en allemand, imprimé à Francfort en 1588 ; il traite des bains & eaux minérales, & dit des choses admirables de la fontaine nommée backelbroun. Il est vrai que les eaux de cette fontaine ont de grandes propriétés, & que tous les jours elles font des guérisons surprenantes, les gens du pays la bûvant avec confiance quand ils sont malades. Si cette fontaine s'étoit trouvée à portée de la ville de Londres, quand les eaux de goudron y ont eu une si grande vogue, ses eaux seules auroient fait un revenu considérable. Il est constant que c'est une eau de goudron naturel, qui ne porte avec elle que des parties balsamiques, elle sent peu le goudron ; elle est claire comme l'eau de roche, & n'a presque pas de sédiment : cependant elle réchauffe l'estomac, tient le ventre libre, & donne de l'appétit en en bûvant trois ou quatre verres le matin à jeun ; il y a des gens qui n'en boivent jamais d'autre, & se portent à merveille. Les bains de cette eau sont très-bons pour la galle & les maladies de la peau.

C'est donc cette fontaine qui a indiqué la mine d'asphalte où M. de la Sablonniere travaille actuellement : elle charrie dans ses canaux soûterrains, un bitume noir, & une huile rouge, qu'elle pousse de tems en tems sur la superficie des eaux de son bassin ; on les voit monter à tous momens & former un bouillon ; ces huiles & bitumes s'étendent sur l'eau, & on en peut ramasser tous les jours dix à douze livres, plus cependant en été qu'en hyver. Quand il y en a peu, & que le soleil donne sur la fontaine, ces huiles ont toutes les couleurs de l'arc-en-ciel ou du prisme ; elles se nuancent & ont des veines & des contours dans le goût de celles de l'albâtre, ce qui fait croire que si elles se répandoient sur des tufs durs & propres à se pétrifier, elles les veineroient comme des marbres. Le bassin de cette fontaine a douze piés de diametre d'un sens sur quinze de l'autre ; c'est une espece de puisard qui est revêtu entierement de bois de charpente ; il a quarante-cinq piés de profondeur : la tradition du pays dit qu'il a été creusé dans l'espérance d'y trouver une mine de cuivre & d'argent ; on en trouve effectivement des indices par les marcassites qui sont au fond de cette fontaine : M. de la Sablonniere l'a fait vuider ; l'ouvrage en bois étoit si ancien & si pourri, qu'une partie a croulé avant que la fontaine ait été remplie de nouveau ; elle coule cependant à l'ordinaire, & jette son bitume comme auparavant.

A cent soixante toises de cette fontaine, au nord, M. de la Sablonniere a fait creuser un puisart de quarante-cinq piés de profondeur, qu'il a fait revêtir en bois de chêne ; il s'y est rencontré plusieurs veines d'asphalte ou bitume, mais peu riches ; celle qui s'est trouvée à quarante-cinq piés est fort grasse ; elle est en plature, mais cependant ondée dans sa partie supérieure, c'est-à-dire qu'elle a quelquefois six piés d'épaisseur, & quelquefois elle se réduit à moins d'un pié, puis elle augmente de nouveau ; sa base est toûjours sur une ligne droite horisontale de l'est à l'ouest, & qui plonge du midi au nord ; à sa partie supérieure est une espece de roc plat d'un pié d'épaisseur, qui est par feuilles comme l'ardoise ; il tient par-dessus à une terre glaise qui ressemble assez à la serpentine.

A sa partie inférieure se trouve un sable rougeâtre qui ne contient qu'une huile moins noire que celle de la mine, plus pure & plus fluide, qui a cependant toutes les mêmes qualités ; ce sable rouge sert à faire l'huile de Pétrole, de même que le rocher qui se trouve hors de terre, & qui a la même couleur.

Pour donner une idée de cette mine, il est nécessaire de dire qu'elle est d'une étendue immense, puisqu'elle se découvre à près de six lieues à la ronde : depuis l'année 1740, que M. de la Sablonniere y fait travailler, on n'en a pas vuidé la huitieme partie d'un arpent à un seul lit, qui est actuellement soixante piés environ plus bas que la superficie de la terre, & l'on n'a pas touché aux trois lits ou bancs qui sont supérieurs à celui où l'on travaille actuellement ; ce lit est de plus de soixante piés plus élevé que celui que l'on a découvert au fond de la fontaine dite backelbroun, & il s'en trouve deux lits entre l'un & l'autre : mais il y a grande apparence qu'à plus de cent piés au-dessous de ce dernier lit, il y a encore plusieurs bancs infiniment plus riches & plus gras ; on en juge par ce qu'on a découvert avec la sonde, & par l'huile que cette fontaine charrie au fond de sa source ; les marcassites y sont les mêmes ; elles sont chargées de soufre, de bitume, & de petites paillettes de cuivre. On y trouve aussi quelques morceaux de charbon de terre, qui font soupçonner qu'on en découvrira de grandes veines à mesure que l'on s'enfoncera.

Si on continue ce travail, comme on le projette, & qu'on parvienne au rocher qui est beaucoup plus bas, on espere d'y trouver une mine de cuivre & argent fort riche ; car les marcassites sont les mêmes que celles de Sainte-Marie-aux-Mines.

On observe dans ces mines, que le bitume se renouvelle & continue de couler dans les anciennes galeries que l'on a vuidées de mine & remplies de sable & autres décombres ; ce bitume pousse en montant & non en descendant, ce qui fait juger que c'est une vapeur de soufre que la chaleur centrale pousse en en-haut ; il pénetre plus facilement dans le sable que dans la glaise, & coule avec l'eau par-tout où elle peut passer, ce qui fait que plus la mine est riche, & plus on est incommodé par les sources. Pour remédier à cet inconvénient, qui est coûteux, M. de la Sablonniere vient de prendre le parti de suivre une route opposée dans son travail ; ses galeries ont été conduites jusqu'à présent du midi au nord, il fait faire des paralleles du nord au midi ; il aura par ce moyen beaucoup moins de frais ; sa mine plongeant au nord, en suivant la ligne méridionale, les eaux couleront naturellement dans les puisards.

Toutes les galeries que l'on a faites jusqu'à présent, ont quatre piés de large, six piés d'élévation, & un canal sous les piés d'environ trois piés de profondeur pour l'écoulement des eaux. Ces galeries sont toutes revêtues de jeune bois de chêne de huit à dix pouces de diametre, & planchéyées sur le canal pour que les ouvriers y conduisent facilement les broüettes. On y travaille jour & nuit. Le barometre y est par-tout au même degré que dans les caves de l'Observatoire. L'air y a manqué quelquefois ; on y a suppléé par le moyen d'un grand soufflet & d'un tuyau de fer blanc de deux cens piés, avec lequel on conduisoit de l'air extérieur jusqu'au fond des galeries. Depuis trois mois on acheve un puisard au nord, qui fait circuler l'air dans toutes les galeries.

Pour tirer de cette mine une sorte d'oing noir dont on se sert pour graisser tous les rouages, il n'y a d'autre manoeuvre que de faire bouillir le sable de la mine pendant une heure dans l'eau ; cette graisse monte, & le sable reste blanc au fond de la chaudiere. On met cette graisse sans eau dans une grande chaudiere de cuivre, pour s'y affiner & évaporer l'eau qui peut y être restée dans la premiere opération.

On tire du rocher & de sa terre rouge une huile noire, liquide, & coulante, qui est de l'huile de pétrole : cette opération se fait par le moyen d'un feu de dix à douze heures. La mine ou le rocher se mettent dans un grand fourneau de fer bien luté, & coule par descensum ; on peut faire de ces huiles en grande quantité. C'est cette huile préparée que M. de la Sablonniere prétend employer pour les conserves des vaisseaux.

L'huile rouge & l'huile blanche sont tirées per ascensum, & sont très-utiles en Medecine, & sur-tout en Chirurgie, pour guérir les ulceres & toutes les maladies de la peau. Voyez BITUME & PISSASPHALTE.


ASPHALTIDElac de Judée, ainsi nommé du bitume qui en sortoit à gros bouillons. Les villes de Sodome, de Gomorre, Adama, Seboim & Segor, étoient situées dans ces environs. Le lac Asphaltide porte aussi le nom de Mer-Morte, tant à cause de l'immobilité de ses eaux, que parce que les poissons n'y peuvent vivre, & qu'on n'apperçoit sur ses bords aucun oiseau aquatique. Les habitans du pays l'appellent Sorbanet ; d'autres le nomment la mer de Lot, & croyent que c'est le lieu où ce patriarche fut délivré des flammes de Sodome. On dit que rien ne tomboit au fond de ses eaux. Cette propriété passe pour fabuleuse, quoiqu'elle soit assûrée par le témoignage de plusieurs voyageurs, par celui de Joseph, & dit-on, par l'expérience de Vespasien qui y fit jetter des hommes qui ne savoient point nager, qui avoient les mains liées, & qui furent toûjours repoussés à la surface. Il reçoit les torrens d'Arnon, de Debbon & de Zored, & les eaux du Jourdain. Il est long de cent mille pas, & large de vingt ou vingt-cinq mille. Voyez MER-MORTE, ASPHALTE.


ASPHODELEasphodelus, (Hist. nat. bot.) genre de plante à fleur en lis, composée d'une seule piece, découpée en six parties. Il sort du milieu de la fleur un pistil, qui devient dans la suite un fruit presque rond, charnu & triangulaire. Ce fruit s'ouvre par la pointe ; il est divisé intérieurement en trois loges remplies de semences triangulaires. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

Asphodelus major flore albo ramosus, J. B. Sa racine est nourrissante ; on en fait du pain dans les tems de famine : elle est détersive, incisive, apéritive, diurétique, emménagogue : elle résiste aux venins, déterge les vieux ulceres, & résout les tumeurs. (N)


ASPHUXIES. f. (Med.) diminution du pouls, telle que les forces paroissent résolues, la chaleur naturelle presqu'éteinte, le coeur si peu mû qu'un homme est comme mort. La mort ne differe de l'asphuxie quant aux symptomes, que par la durée. L'idée d'une chose horrible, la grossesse, les passions violentes, le spasme, une évacuation forte, l'avortement & autres causes semblables, peuvent produire l'asphuxie.


ASPICS. m. aspis, (Hist. nat. Zoolog.) serpent très-connu des anciens, & dont ils ont beaucoup parlé : mais il est difficile à présent de reconnoître l'espece de serpent à laquelle ils donnoient ce nom. On prétend qu'il appartenoit à plusieurs especes, & que les Egyptiens en distinguoient jusqu'à seize : aussi dit-on que les aspics étoient fort communs sur les bords du Nil. On rapporte qu'il y en avoit aussi beaucoup en Afrique. On a crû qu'il y avoit des aspics de terre & des aspics d'eau. On a dit que ces serpens étoient de plusieurs couleurs ; les uns noirs, les autres cendrés, jaunâtres, verdâtres, &c. Ceux qui n'ont reconnu qu'une espece d'aspic, ont réuni toutes ces couleurs sur le même individu. Les aspics étoient plus ou moins grands ; les uns n'avoient qu'un pié, d'autres avoient une brasse ; & si on en croit plusieurs auteurs, il s'en trouvoit qui avoient jusqu'à cinq coudées. Les descriptions de cet animal qui sont dans les anciens auteurs, different beaucoup les unes des autres. Selon ces descriptions, l'aspic est un petit serpent plus allongé que la vipere ; ses dents sont longues & sortent de sa bouche comme les dents d'un sanglier. Pline dit qu'il a des dents creuses qui distillent du venin comme la queue d'un scorpion. Agricola rapporte que l'aspic a une odeur très-mauvaise, & qu'il a la même longueur & la même grosseur qu'une anguille médiocre. Elien prétend que ce serpent marche lentement ; que ses écailles sont rouges ; qu'il a sur le front deux caroncules qui ressemblent à deux callosités ; que son cou est gonflé, & qu'il répand son venin par la bouche. D'autres assûrent que ses écailles sont fort brillantes, sur-tout lorsqu'il est exposé au soleil ; que ses yeux étincellent comme du feu ; qu'il a quatre dents revêtues de membranes qui renferment du venin ; que les dents percent ces membranes lorsque l'animal mord, & qu'alors le venin en découle, &c. Si ce fait est vrai, c'est une conformation de l'aspic qui lui est commune avec la vipere & d'autres serpens venimeux. Voyez VIPERE.

On a indiqué plusieurs étymologies du mot aspic. Nous les rapporterons ici, parce qu'elles sont fondées sur des faits qui ont rapport à l'histoire de ces serpens. Les uns disent qu'ils ont été ainsi appellés parce qu'ils répandent du venin en mordant, aspis ab aspergendo. D'autres prétendent que c'est parce que leur peau est rude, aspis ab asperitate cutis ; ou parce que la grande lumiere les fait mourir, aspis ab aspiciendo ; ou parce que dès que l'aspic entend du bruit il se contourne & forme plusieurs spirales, du milieu desquelles il éleve sa tête, & que dans cette situation il ressemble à un bouclier, aspis ab aspide clypeo ; enfin parce que le sifflement de ce serpent est fort aigu, ou parce qu'il ne siffle jamais. On a trouvé le moyen de dériver le mot Grec de l'un & l'autre de ces faits, quoique contraires. Il nous seroit intéressant de savoir lequel est le vrai, plûtôt pour l'histoire de ce serpent que pour l'étymologie de son nom : mais ce que l'on sait de ce reptile paroît fort incertain, & en partie fabuleux. Aldrovande, Serpentum hist. lib. I. Ray, de Serpente anim. quad. synop.

On a donné le nom d'aspic à un serpent de ce pays-ci, assez commun aux environs de Paris. Il paroît plus effilé & un peu plus court que la vipere. Il a la tête moins applatie ; il n'a point de dents mobiles comme la vipere. Voyez VIPERE. Son cou est assez mince. Ce serpent est marqué de taches noirâtres sur un fonds de couleur roussâtre, & dans certain tems les taches disparoissent. Notre aspic mord & déchire la peau par sa morsure : mais on a éprouvé qu'elle n'est point venimeuse, au moins on n'a ressenti aucun symptome de venin après s'être fait mordre par un de ces serpens, au point de rendre du sang par la plaie. Cette expérience a été faite & répétée plusieurs fois sur d'autres serpens de ce pays ; tels que la couleuvre ordinaire, la couleuvre à collier, & l'orvet, qui n'ont donné aucune marque de venin. Il seroit à souhaiter que ces expériences fussent bien connues de tout le monde ; on ne craindroit plus ces serpens, & leur morsure ne donneroit pas plus d'inquiétude qu'elle ne cause de mal. Voyez SERPENT. (I)

Cependant, selon plusieurs auteurs, le meilleur remede contre cette piquûre est l'amputation de la partie affectée ; sinon on scarifie les chairs qui sont aux environs de la piquûre jusqu'à l'os, afin que le venin ne se communique point aux parties voisines, & l'on doit appliquer des cauteres sur les autres ; car le venin de l'aspic, disent-ils, aussi-bien que le sang du taureau, fige les humeurs dans les arteres. P. Aeginete, liv. V. ch. xviij. On peut, selon d'autres, guérir la piquûre de l'aspic, aussi-bien que celle de la vipere, en oignant la partie affectée avec de l'huile d'olive chaude : mais le meilleur remede est de n'avoir point de peur. (N)

ASPIC, (Art milit.) On a donné autrefois ce nom à une piece de canon de douze livres de balle, qui pesoit 4250 livres. (Q)


ASPIRANTadj. m. en Hydraulique : on appelle un tuyau aspirant, celui dont on se sert dans une pompe pour élever l'eau à une certaine hauteur. Il doit être d'un plomb moulé bien épais & reforgé, de crainte des soufflures qui empêcheroient l'eau de monter. (K)

ASPIRANT, adj. pris subst. est celui qui aspire à quelque chose, qui veut y parvenir : il se dit particulierement des apprentis qui veulent devenir maîtres, soit dans les six corps des Marchands de Paris, soit dans les communautés des Arts & Métiers.

Aspirant à la maîtrise dans les six corps des Marchands de Paris, est celui qui ayant l'âge requis, fait son tems d'apprentissage, & servi chez les maîtres, aspire à se faire recevoir maître lui-même.

Personne ne peut aspirer à être reçû Marchand, qu'il n'ait vingt ans accomplis, & ne rapporte le brevet & les certificats de son apprentissage, & du service qu'il a fait depuis chez les maîtres. Si le contenu aux certificats ne se trouvoit pas véritable, l'aspirant seroit déchû de la maîtrise ; le maître d'apprentissage qui auroit donné son certificat, condamné en 500 livres d'amende, & les autres certificateurs chacun en 300 livres.

L'aspirant à la maîtrise doit être interrogé sur les livres & registres à parties doubles & à parties simples ; sur les lettres & billets de change ; sur les regles de l'arithmétique ; sur les parties de l'aune, sur la livre & poids de marc ; sur les mesures & les poids, & sur les qualités des marchandises autant qu'il doit convenir pour le commerce dont il entend se mêler.

Il est défendu aux particuliers & aux communautés de prendre ni recevoir des aspirans aucuns présens pour leur réception, ni autres droits que ceux qui sont portés par les statuts, sous quelque prétexte que ce puisse être, à peine d'amende, qui ne peut être moindre de 100 livres. Il est aussi défendu à l'aspirant de faire aucun festin, à peine de nullité de sa réception.

Outre ces réglemens généraux, portés par les articles 3, 4 & 5 du tit. I. de l'ord. de 1673, chacun des six corps de Marchands en a de particuliers, soit pour le tems d'apprentissage, soit pour celui du service chez les maîtres, soit pour le chef-d'oeuvre : les voici.

Dans le corps des Drapiers-Chaussetiers, qui est le premier des six corps, les aspirans à la maîtrise ne sont point tenus de faire chef-d'oeuvre ; il suffit qu'ils ayent servi les Marchands Drapiers trois ans en qualité d'apprentis, & deux ans depuis la fin de leur apprentissage.

Quoique les Apothicaires, Epiciers, Droguistes, Confiseurs & Ciriers, ne fassent qu'un & même corps, qui est le deuxieme des six corps de Marchands ; néanmoins les aspirans sont tenus de différentes choses, selon l'état qu'ils veulent embrasser dans le corps.

Ceux qui aspirent à la Pharmacie ou Apothicairerie, doivent avoir fait quatre ans d'apprentissage & six années de service chez les maîtres : outre cela ils doivent être examinés & faire chef-d'oeuvre.

Dans le corps des Marchands Merciers-Grossiers-Joüailliers, qui est le troisieme des six corps, les aspirans ne sont assujettis à aucun chef-d'oeuvre ; il suffit pour être admis à maîtrise, qu'ils ayent été au service des Marchands Merciers trois ans en qualité d'apprentis, & trois autres après leur apprentissage en qualité de garçons.

Dans le corps des Marchands Pelletiers-Haubanniers-Foureurs, qui est le quatrieme des six corps, les aspirans à la maîtrise doivent justifier de leur apprentissage & du service chez les maîtres ; savoir, quatre ans d'apprentissage & quatre ans de service, & ils sont obligés à chef-d'oeuvre.

Ceux qui aspirent à être reçûs dans le corps des Marchands Bonnetiers-Almulciers-Mitonniers, qui est le cinquieme des six corps, sont aussi tenus de faire chef-d'oeuvre, & doivent avoir fait leur apprentissage de cinq ans, & le service des maîtres pendant cinq autres années.

Enfin ceux qui aspirent à se faire recevoir dans le sixieme & dernier corps des Marchands, qui est celui de l'Orfévrerie, doivent justifier de huit ans d'apprentissage & de deux ans de service chez les maîtres : outre cela ils sont encore obligés de faire chef-d'oeuvre, & de donner caution de la somme de 1000 livres.

Les aspirans à la maîtrise dans les communautés des Arts & métiers, ont aussi leurs réglemens, leur tems d'apprentissage, celui du service chez les maîtres, & leur chef-d'oeuvre : mais presque tous different suivant la diversité des professions & des ouvrages qu'on y fait. On trouvera dans ce Dictionnaire les détails les plus importans à cet égard sous les noms de différens Arts & Métiers. (G)


ASPIRATIONS. f. (Gramm.) Ce mot signifie proprement l'action de celui qui tire l'air extérieur en-dedans ; & l'expiration, est l'action par laquelle on repousse ce même air en-dehors. En Grammaire, par aspiration, on entend une certaine prononciation forte que l'on donne à une lettre, & qui se fait par aspiration & respiration. Les Grecs la marquoient par leur esprit rude, les Latins par h, en quoi nous les avons suivis. Mais notre h est très-souvent muette, & ne marque pas toûjours l'aspiration : elle est muette dans homme, honnête, héroïne, &c. elle est aspirée en haut, hauteur, héros, &c. Voyez H (F)

ASPIRATION, s. f. est la même chose, en Hydraulique, qu'ascension. L'eau dans les pompes ne peut guere être aspirée qu'à 25 ou 26 piés de haut, quoique l'on puisse la pousser, suivant les regles, jusqu'à 32 piés, pourvû que l'air extérieur comprime la surface de l'eau du puits ou de la riviere dans laquelle trempe le tuyau de l'aspiration ; alors la colonne d'eau fait équilibre avec la colonne d'air. Si on n'aspire l'eau qu'à 20 ou 26 piés de haut, c'est afin que le piston ait plus de vivacité & plus de force pour tirer l'eau. Voyez AIR, POMPE. (K)


ASPIRAUXS. m. pl. se dit dans la plûpart des laboratoires où l'on employe des fourneaux, d'un trou pratiqué devant un fourneau, & recouvert d'une grille. Ce trou sert à descendre ou à pénétrer dans le fourneau pour en tirer la cendre, & à pomper l'air pour animer le feu & chasser les fumées dans la cheminée : c'est pour cela qu'il n'est couvert que d'une grille, quoique cela soit moins commode aux ouvriers qui travaillent autour des chaudieres. Voyez FOURNEAU. Ordinairement dans les laboratoires où l'on raffine le sucre, deux aspiraux suffisent pour un fourneau de trois chaudieres.


ASPIRÉEadj. f. terme de Grammaire ; lettre aspirée. La méthode Greque de P. R. dit aussi aspirante.

, sont les tenues,

Et pour moyennes sont reçûes :

Ces trois, ,

Aspirantes .

Autrefois ce signe h étoit la marque de l'aspiration, comme il l'est encore en Latin, & dans plusieurs mots de notre langue. On partagea ce signe en deux parties qu'on arrondit ; l'une servit pour l'esprit doux, & l'autre pour l'esprit rude ou âpre. Notre h aspirée n'est qu'un esprit âpre, qui marque que la voyelle qui la suit, ou la consonne qui la précede, doit être accompagnée d'une aspiration. Rhetorica, &c.

En chaque nation les organes de la parole suivent un mouvement particulier dans la prononciation des mots ; je veux dire, que le même mot est prononcé en chaque pays par une combinaison particuliere des organes de la parole : les uns prononcent du gosier, les autres du haut du palais, d'autres du bout des levres, &c.

De plus, il faut observer que quand nous voulons prononcer un mot d'une autre langue que la nôtre, nous forçons les organes de la parole, pour tâcher d'imiter la prononciation originale de ce mot ; & cet effort ne sert souvent qu'à nous écarter de la véritable prononciation.

De-là il est arrivé que les étrangers voulant faire sentir la force de l'esprit Grec, le méchanisme de leurs organes leur a fait prononcer cet esprit, ou avec trop de force, ou avec trop peu : ainsi au lieu de , sex, prononcé avec l'esprit âpre & l'accent grave, les Latins ont fait sex ; de , ils ont fait septem ; d', septimus. Ainsi d' est venu vesta ; d', vestales ; d', ils ont fait vesperus ; d', super ; d', sal ; ainsi de plusieurs autres, où l'on sent que le méchanisme de la parole a amené au lieu de l'esprit un s, ou un v, ou un f : c'est ainsi que de on a fait vinum, donnant à l'v consonne un peu du son de l'u voyelle, qu'ils prononçoient ou. (F)


ASPIRERv. act. Les Doreurs disent que l'or couleur aspire l'or ; ils entendent qu'il le retient.


ASPLES. m. On donne ce nom dans les manufactures en soie, & chez les ouvriers qui conduisent les moulins à tordre le fil ou la soie, à un tambour, semblable à celui d'un devidoir, sur lequel le fil ou la soie forment des échevaux, en se devidant de dessus les bobines sur ce tambour. Ce tambour a quinze pouces ou environ de circonférence, & il est construit de maniere que les tringles longitudinales qui forment sa circonférence peuvent s'écarter ou s'approcher de l'axe du mouvement, ou de l'arbre de l'asple ; par ce moyen, les échevaux sont plus ou moins grands à discrétion. Ce méchanisme est surtout essentiel dans les moulins à tordre la soie. Il est certain que l'asple dans ces machines, dont il est partie, faisant tous ses tours en tems égaux, moins il aura de diametre, moins la quantité de fil ou de soie devidée dans un tour de l'asple de dessus les bobines sur la circonférence de l'asple, sera grande ; & plus par conséquent elle sera torse : & au contraire, plus le diametre de l'asple sera grand, plus la quantité de soie qui passera dans un tour de l'asple des bobines sur la circonférence de l'asple sera grande, & moins elle sera torse. Mais il y a un inconvénient singulier à tous les asples, & qui rend le tors du fil & de la soie variable ; c'est qu'à mesure que l'écheveau se forme sur l'asple, l'épaisseur de cet écheveau s'ajoûte au diametre de l'asple ; & à mesure que cette épaisseur augmente, en même proportion il y a dans un tour de l'asple plus de soie devidée de dessus les bobines sur la circonférence de l'asple sur la fin, qu'au commencement de la formation de l'écheveau : d'où il s'ensuit que la soie est moins torse à la fin qu'au commencement, & dans tout le tems de la formation de l'écheveau. Les Piémontois, & en général tous les mouliniers en soie, ont bien senti cet inconvénient ; & ils n'ont jusqu'à présent rien imaginé de mieux, que de faire des écheveaux extrèmement legers.

En effet, ce qu'ils appellent un matteau de soie pese environ deux onces, & le matteau contient huit écheveaux. Il est constant que moins l'écheveau pesera, moins il aura d'épaisseur sur l'asple, & plus le tors approchera de l'égalité : mais le tors ne sera pourtant jamais parfaitement égal ; car l'écheveau aura toûjours quelqu'épaisseur.

C'est ce que M. de Vaucanson a bien senti, & ce que j'avois remarqué comme lui. Je ne sai point encore comment ce savant méchanicien a remédié à cet inconvénient : quant à moi j'avois pensé plus d'un an avant qu'il lût son mémoire à l'Académie, qu'outre la précaution des Piémontois de faire des écheveaux très-légers, il falloit encore donner un mouvement de va-&-vient horisontal à la tringle à travers laquelle passent les fils au sortir de dessus les bobines, & qui les conduit sur l'asple ; par ce moyen les fils se trouvant répandus sur une plus grande lisiere ou zone de l'asple, l'épaisseur des écheveaux seroit encore moindre, & le tors plus égal. Quant à l'autre défaut du moulin, qui naît de l'irrégularité du mouvement des fuseaux, j'avois pensé, il y a plus de quinze mois, à y remédier avec des pignons à dents, & une chaîne ; & M. Goussier en avoit dessiné la figure selon mes idées. J'ai montré cette figure depuis à quelques personnes qui ont entendu la lecture du mémoire de M. de Vaucanson, & à d'autres qui ont vû sa machine ; & les unes & les autres m'ont assûré que nous nous étions rencontrés exactement dans le même méchanisme ; avec cette différence que mes fuseaux sont ajustés de maniere qu'on peut les placer & les déplacer sur le champ sans aucun inconvénient, & avec toute la promptitude qu'on peut desirer : mais en revanche, je n'avois pas imaginé, ainsi que l'a fait M. de Vaucanson, de faire avertir par une sonnerie appliquée à chaque bobine celui qui est au moulin, que la bobine est finie, & qu'il en faut mettre une autre.

Tome I. page 762. 2. col. vers le bas, supprimez l'article ASPLE tout entier, & substituez ce qui suit :


ASPLou mieux ASPE, s. m. on donne ce nom dans les Manufactures en soie de Piémont, indifféremment au dévidoir sur lequel on tire les soies des cocons, & à celui qui dans les moulins se charge de la soie organcinée : le premier s'appelle aspe de filature, & le second aspe de tors. Mais dans nos manufactures on a conservé à celui-là le nom d'aspe ou d'asple, comme disent les ouvriers, & l'on a nommé guindre celui-ci. Le réglement de Piémont ordonne l'aspe de tors de 9 onces de tour pour les organcins, & de 9 1/2 pour les trames ; & l'aspe de filature de 48 onces au plus, & de 40 au moins. Ces aspes sont l'un & l'autre des parallélépipèdes, dont la base est un quarré, & dont les angles sont formés par quatre lames dont une ou deux sont mobiles, pour avoir la facilité d'enlever les écheveaux. Si on donne à la base de l'aspe de tors 14 de nos pouces de diagonale, on lui en trouvera 40 de tour ; il faudra que 40 de nos pouces équivalent à neuf onces de Piémont, & que l'aspe de filature en ait 213 1/2 de tour, ou environ 75 de diagonale ; dimension beaucoup plus grande que celle qu'il a réellement. Trompé par cette contradiction du réglement, nous n'avions donné qu'environ quinze de nos pouces de circonférence à l'aspe de tors, tandis que sa base en a vraiment quatorze de diagonale, ainsi que M. de Vaucanson a eu la bonté de nous en avertir ; nous faisant remarquer en même tems qu'il y avoit faute dans le réglement, & qu'au lieu de neuf onces de tour qu'on y assignoit à l'aspe de tors, c'étoit 29 qu'il devoit y avoir.

L'aspe de tors dans les moulins achevant tous ses tours en tems égaux, moins il aura de diametre, moins sera grande la quantité de fil ou de soie dévidée dans un de ses tours de dessus les bobines sur sa circonférence, & plus par conséquent elle sera torse : au contraire, plus son diametre sera grand, plus sera grande la quantité de soie qui passera dans un de ses tours de dessus les bobines sur sa circonférence, moins elle sera torse. Mais il y a deux inconvéniens qui rendent le tors variable : le premier, c'est qu'à mesure que l'écheveau se forme sur l'aspe, l'épaisseur de cet écheveau s'ajoûtant au diametre de l'aspe, il y a plus de soie portée de dessus les bobines sur sa circonférence dans un instant, que dans un autre instant égal ; d'où il s'ensuit que la soie est moins torse à la fin qu'au commencement, & dans tout le tems de la formation de l'écheveau : le second, c'est que les bobines mûes sur elles-mêmes par le frottement n'ayant aucun mouvement régulier, tordent irrégulierement.

Pour remédier au premier inconvénient, les Piémontois font des écheveaux très-legers : en effet, ce qu'ils appellent un matteau de soie, pese environ huit onces, & le matteau contient huit écheveaux : quant au second, peut-être ne l'avoient-ils pas même soupçonné.

Le célebre M. Vaucanson, fait pour imaginer & perfectionner les machines les plus délicates, outre la précaution de faire des écheveaux legers, a trouvé le moyen d'en répandre encore les fils sur une zone de l'aspe plus large, & il a anéanti l'irrégularité du mouvement des bobines, en armant de pignons les fuseaux, & en substituant au frottement d'une courroie l'engrenage de ces pignons dans les pas d'une chaîne. Quand les aspes ont achevé 2400 révolutions, & que chaque écheveau se trouve avoir 2400 tours, une détente alors, sans qu'on touche au moulin, recule subitement les tringles où sont attachés les guides ; tous les fils de soie changent de place sur l'aspe, & forment un nouvel écheveau à côté du premier, & ainsi de suite. Après chaque 2400 révolutions, & lorsque tous les aspes sont couverts d'écheveaux, incontinent après le dernier tour du dernier écheveau, le moulin s'arrête de lui-même, & avertit l'ouvrier par une sonnette de lever les aspes qui sont pleins, & d'en remettre de vuides. Mais M. Vaucanson n'a point appliqué cette sonnette à chaque bobine de son moulin, pour avertir quand elles sont vuides, comme on l'a dit dans ce même article de notre premier volume.

Telles sont en partie les découvertes de M. Vaucanson : elles sont trop bien à lui, pour que qui que ce soit ose y donner atteinte ; & c'est autant pour desavoüer ce qui pourroit en avoir l'air dans l'article ASPE, tel que nous l'avons d'abord publié, que pour en réformer les inexactitudes, que nous le restituons tel que le voici.


ASPOREUSmontagne d'Asie, proche de Pergame. Il y avoit un temple bâti à l'honneur de la mere des dieux, appellé du nom de la montagne Asporenum ; & la déesse en fut aussi nommée Asporena.


ASPRA(Géog. anc. & mod.) ville d'Italie dans l'état de l'Eglise, sur la riviere d'Aja, entre Tivoli & Terni. Elle étoit autrefois du territoire des Sabins, & s'appelloit Casperia, & Casperula.


ASPRES. f. (Commerce.) petite monnoie de Turquie qui valoit autrefois huit deniers de notre monnoie. Lorsqu'elle étoit de bon argent, selon la taxe, il en falloit quatre-vingts pour un écu : mais dans les provinces éloignées les Bachas en font fabriquer une si grande quantité de fausses & de bas aloi, qu'à présent on en donne jusqu'à cent vingt pour une rixdale, ou un écu. L'aspre vaut aujourd'hui environ six deniers, ou deux liards monnoie de France. Guer. moeurs & usages des Turcs, tom. II. (G)


ASPRESpetite ville de France au haut Dauphiné, dans le Gapençois, à sept lieues de Sisteron.


ASPRESLES. f. (Hist. nat. bot.) plante aquatique, d'un verd foncé, à feuille longue & mince, & à tiges rondes, divisées par noeuds, & si rudes, qu'on s'en sert pour polir le bois, & même le fer. Pour cet effet, on emmanche des fils de fer de trois ou quatre pouces de long dans un morceau de bois ; on casse l'aspresle au-dessus des noeuds, & l'on insere un des fils de fer dans la cavité de la tige ; & ainsi des autres fils de fer. Ces fils de fer soûtiennent l'écorce dont ils sont revêtus, & l'appliquent fortement contre les pieces d'ouvrages à polir, sans qu'elle se brise.


ASPROPITou CHALEOS, petite ville de la Turquie en Europe. Elle est dans la Livadie, partie de la Grece, sur le golfe de Lepante.


ASPROPOTAMOriviere de la Grece dans la partie méridionale, & au Despotat. Elle a sa source au mont Mezzovo, coule vers le midi, & se jette dans la mer Ionienne vis-à-vis les îles Coursolaires.


ASSAS. f. (Mat. méd.) Il y a sous le nom d'assa deux especes de suc concret. L'assa dulcis, & c'est le benjoin. Voyez BENJOIN. L'assa foetida, ainsi appellée à cause de sa grande puanteur. Celle-ci est une espece de gomme compacte, molle comme la cire, composée de grumeaux brillans, en partie blanchâtres ou jaunâtres, en partie roussâtres, de couleur de chair ou de violette ; en gros morceaux, d'une odeur puante, & qui tient de celle de l'ail, mais qui est plus forte, amere, acre & mordicante au goût. On en a dans les boutiques de l'impure, qui est brune & sale ; & de la pure, qui est rougeâtre, transparente, & parsemée de belles larmes blanches. Il faut la prendre récente, pénétrante, foetide, pas trop grasse, & chargée de grumeaux brillans & nets. La vieille, grasse, noire, opaque, & mêlée de sable, d'écorce, & d'autres matieres étrangeres, est à laisser. Les anciens ont connu ce suc ; ils en faisoient usage dans leurs cuisines. Ils avoient le Cyrénaïque, & le Persan ou Mede. Le premier étoit de la Cyrénaïque, & le meilleur ; l'autre venoit de Médie ou de Perse.

Le Cyrénaïque répandoit une odeur forte de myrrhe, d'ail & de poireau, & on l'appelloit par cette raison scordolasarum. Il n'y en avoit déjà plus au tems de Pline. On ne trouva sous Néron, dans toute la province Cyrénaïque, qu'une seule plante de laserpitium, qu'on envoya à ce prince.

On a long-tems disputé pour savoir si l'assa foetida étoit ou non le silphium, le laser, & le suc Cyrénaïque des anciens. Mais puisqu'on est d'accord que la Perse est le lieu natal du laser & de l'assa foetida ; que l'usage que les anciens en font aujourd'hui est le même que celui que les anciens faisoient du laser ; qu'on estime également l'un & l'autre ; que l'assa foetida se prépare exactement comme on préparoit jadis le suc du silphium Cyrénaïque, & qu'ils avoient à peu près la même puanteur ; il faut convenir de plus que le silphium, le laser, & l'assa foetida des boutiques ne sont pas des sucs différens.

Le silphium des Grecs & le laserpitium des Latins avoit, selon Théophraste & Dioscoride, la racine grosse, la tige semblable à celle de la férule, la feuille comme l'ache, & la graine large & feuillée. Ceux qui ont écrit dans la suite sur cette plante n'ont rien éclairci, si l'on excepte Kempfer.

Kempfer s'assûra dans son voyage de Perse que la plante s'appelle dans ce pays hingiseh, & la larme hiing. Cet auteur dit que la racine de la plante dure plusieurs années ; qu'elle est grande, pesante, nue, noire en-dehors, lisse, quand elle est dans une terre limoneuse, raboteuse & comme ridée, quand elle est dans le sable ; simple le plus souvent comme celle du panais ordinairement partagée en deux, on en un plus grand nombre de branches, un peu au-dessous de son collet qui sort de terre, & est garni de fibrilles droites semblables à des crins, roides, & d'un roux brun, d'une écorce charnue, pleine de suc, lisse & humide en-dedans, & se séparant facilement de la racine quand on la tire de terre ; solide, blanche, & pleine d'un suc puant comme le poireau ; poussant des feuilles de son sommet sur la fin de l'automne, au nombre de six, sept, plus ou moins, qui se sechent vers le milieu du printems ; sont branchues, plates, longues d'une coudée ; de la même substance & couleur, & aussi lisses que celles de la livêche ; de la même odeur que le suc, mais plus foible ; ameres au goût ; acres, aromatiques & puantes ; composées d'une queue & d'une côte, d'une queue longue d'un empan & plus, menue comme le doigt, cannelée, garnie de nervures, verte, creusée en gouttiere, près de la base, du reste cylindrique ; d'une côte portant cinq lobes inégalement opposés, rarement sept, longs d'une palme & davantage, obliques, les inférieurs plus longs que les supérieurs ; divisés chacun de chaque côté en lobules dont le nombre n'est pas constant ; inégaux, oblongs, ovalaires, plus longs & plus étroits dans quelques plantes ; séparés jusqu'à la côte, fort écartés, & par cette raison paroissant en petit nombre ; solitaires, & comme autant de feuilles : dans d'autres plantes, larges, plus courts, moins divisés, & plus rassemblés ; à sinuosités ou découpures ovalaires ; s'élevant obliquement ; partant en-dessous des bords de la côte par un principe court ; verds de mer, lisses, sans suc, roides, cassans, un peu concaves en-dessous, garnis d'une seule nervure qui naît de la côte, s'étend dans toute leur longueur, & a rarement des nervures latérales ; de grandeur variable : ils ont 3 pouces de long, sur un pouce plus ou moins de largeur.

Avant que la racine meure, ce qui arrive souvent quand elle est vieille, il en sort un faisceau de feuilles d'une tige, simple, droite, cylindrique, cannelée, lisse, verte, de la longueur d'une brasse & demie & plus, de la grosseur de sept à huit pouces par le bas, diminuant insensiblement, & se terminant en un petit nombre de rameaux qui sortent des fleurs en parasol, comme les plantes férulacées. Cette tige est revêtue des bases des feuilles, placées alternativement à des intervalles d'une palme. Ces bases sont larges, membraneuses & renflées, & elles embrassent la tige inégalement & comme en sautoir : lorsqu'elles sont tombées, elles laissent des vestiges que l'on prendroit pour des noeuds. Cette tige est remplie de moelle qui n'est pas entre-coupée par des noeuds ; elle est très-abondante, blanche, fongueuse, entre-mêlée d'un petit nombre de fibres courtes, vagues, & étendues dans toute leur longueur.

Les parasols sont portés sur des pédicules grêles, longs d'un pié, d'un empan, & même plus courts, se partageant en 10, 15, 20 brins, écartés circulairement, dont chacun soûtient à son extrémité un petit parasol formé par cinq ou six filets de deux pouces de longueur, chargés de semences nues & droites ; ces semences sont applaties, feuillues, d'un roux brun, ovalaires, semblables à celles du panais de jardin ; mais plus grandes, plus nourries, comme garnies de poils ou rudes, marquées de trois cannelures, dont l'une est entre les deux autres, & suit toute la longueur de la semence, les deux autres s'étendent en se courbant vers les bords ; elles ont une odeur légere de poireau ; la saveur amere & desagréable ; la substance intérieure, qui est vraiment la semence, est noire, applatie, pointue, ovalaire. Kempfer n'a pas vû les fleurs : mais on lui a dit qu'elles sont petites, pâles, & blanchâtres, & il leur soupçonne cinq pétales.

On ne trouve cette plante que dans les environs de Heraat, & les provinces de Corasan & de Caar, sur le sommet des montagnes, depuis le fleuve de Caar jusqu'à la ville de Congo, le long du golfe Persique, loin du rivage de deux ou trois parasanges. D'ailleurs, elle ne donne pas du suc partout ; elle aime les terres arides, sabloneuses & pierreuses. Toute l'assa faetida vient des incisions que l'on fait à sa racine. Si la racine a moins de quatre ans, elle en donne peu ; plus elle est vieille, plus elle abonde en lait ; elle est composée de deux parties, l'une ferme & fibreuse, l'autre spongieuse & molle. Celle-ci se dissipe à mesure que la plante seche, l'autre se change en une moelle qui est comme de l'étoupe. L'écorce ridée perd un peu de sa grandeur : le suc qui coule de ses vésicules est blanc, liquide, gras comme de la crême de lait, non gluant, quand il est récent ; exposé à l'air, il devient brun & visqueux.

Voici comment on fait la récolte de l'assa, selon Kempfer. 1°. On se rend en troupe sur les montagnes à la mi-Avril, tems auquel les feuilles des plantes deviennent pâles, perdent de leur vigueur, & sont prêtes à sécher ; on s'écarte les uns des autres, & l'on s'empare d'un terrein. Une société de quatre ou cinq hommes peut se charger d'environ deux mille piés de cette plante : cela fait, on creuse la terre qui environne la racine, la découvrant un peu avec un hoyau. 2°. On arrache de la racine les queues des feuilles, & on nettoye le collet des fibres qui ressemblent à une coeffure hérissée ; après cette opération, la racine paroît comme un crane ridé. 3°. On la recouvre de terre, avec la main ou le hoyau ; on fait des feuilles & d'autres herbes arrachées de petits fagots qu'on fixe sur la racine, en les chargeant d'une pierre. Cette précaution garantit la racine de l'ardeur du soleil, parce qu'elle pourrit en un jour, quand elle en est frappée. Voilà le premier travail, il s'acheve ordinairement en trois jours.

Trente ou quarante jours après, on revient chacun dans son canton, avec une serpe ou un bon couteau, une spatule de fer & un petit vase, ou une coupe à la ceinture, & deux corbeilles. On partage son canton en deux quartiers, & l'on travaille aux racines d'un quartier de deux jours l'un, alternativement ; parce qu'après avoir tiré le suc d'une racine, il lui faut un jour, soit pour en fournir de nouveau, soit au suc fourni pour s'épaissir. On commence par découvrir les racines ; on en coupe transversalement le sommet ; la liqueur suinte & couvre le disque de cette section, sans se répandre ; on la recueille deux jours après, puis on remet la racine à couvert des ardeurs du soleil, observant que le fagot ne pose pas sur le disque ; c'est pourquoi ils en font un dôme en écartant les parties. Tandis que le suc se dispose à la récolte sur le disque, on coupe dans un autre quartier, & l'on acheve l'opération comme ci-dessus. Le troisieme jour, on revient aux premieres racines coupées & couvertes en dôme par les fagots : on enleve avec la spatule le suc formé ; on le met dans la coupe attachée à la ceinture, & de cette coupe dans une des corbeilles ou sur des feuilles exposées au soleil ; puis on écarte la terre des environs de la racine, un peu plus profondément que la premiere fois, & on enleve une nouvelle tranche horisontale à la racine ; cette tranche se coupe la plus mince qu'on peut ; elle est à peine de l'épaisseur d'une paille d'avoine ; car il ne s'agit que de déboucher les pores & faciliter l'issue au suc.

Le suc en durcissant sur les feuilles prend de la couleur. On recouvre la racine ; & le quatrieme jour, on revient au quartier qu'on avoit quitté, & de celui-là au premier, coupant les racines trois fois, & recueillant deux fois du suc. Après la seconde récolte, on laisse les racines couvertes huit ou dix jours sans y toucher. Dans les deux premieres récoltes, chaque société de quatre à cinq hommes remporte à la maison environ cinquante livres de suc. Ce premier suc n'est pas le bon. C'est ainsi que finit le second travail.

Le troisieme commence au bout de huit à dix jours, on fait une nouvelle récolte. On commence par les racines du premier quartier, car il faut se souvenir que chaque canton a été divisé en deux quartiers. On les découvre : on écarte la terre : on recueille le suc : on coupe la surface, & on recouvre. On passe le lendemain aux racines du second quartier, & ainsi alternativement trois fois de suite ; puis on les couvre de nouveau, on les laisse, & le troisieme travail est fini.

Trois jours après, on reprend les racines, & on les coupe trois fois alternativement, passant du premier quartier au second, puis on ne les coupe plus : on les laisse exposées à l'air & au soleil, ce qui les fait bien-tôt mourir. Si les racines sont grandes, on ne les quitte pas si-tôt ; on continue de les couper, jusqu'à ce qu'elles soient épuisées.

L'assa faetida donne dans l'analyse chimique un phlegme laiteux, acide, & de l'odeur de l'ail ; un phlegme roussâtre, soit acide, soit urineux ; de l'huile fétide, jaunâtre, fluide, limpide, & une huile rousse & d'une consistance épaisse. La masse noire restée dans la cornue, calcinée au creuset pendant trente heures, a laissé des cendres grises dont on a retiré du sel fixe salé. Ainsi l'assa foetida est composée de beaucoup de soufre fétide, soit subtil, soit grossier ; d'une assez grande portion de sel acide, d'une petite quantité de sel volatil urineux, & d'un peu de terre ; d'où il résulte un tout salin sulphureux, dont une grande portion se dissout dans de l'esprit-de-vin, & la plus grande partie dans de l'eau chaude.

Les anciens ont fort vanté l'assa foetida ; nous ne l'employons que dans les coliques venteuses, soit extérieurement, soit intérieurement. Nous lui attribuons quelque vertu pour expulser l'arriere-faix & les regles, exciter la transpiration & les sueurs, pousser les humeurs malignes à la circonférence ; dans les fievres, la petite vérole & la rougeole, & pour remédier aux maladies des nerfs & à la paralysie : nous la recommandons dans l'asthme & pour la résolution des tumeurs : nous en préparons une teinture antihystérique ; elle entre dans la poudre hystérique de Charas, les trochisques de myrrhe, le baume utérin, & l'emplâtre pour la matrice.


ASSAFidole des Arabes Coraischites. Chaque autre tribu avoit son idole, mais on ne nous apprend rien de plus là-dessus.

Il y a dans la contrée de Naharuan qui fait partie de la Chaldée, une petite ville appellée Assaf.


ASSAILLANTS. m. est une personne qui attaque ou qui donne brusquement sur une autre. Voyez ASSAUT, ATTAQUE, &c.

C'est aussi quelquefois dans un siége l'assiégeant, auquel on donne le nom d'assaillant. (Q)


ASSAISONNEMENTS. m. en terme de Cuisine, est un mêlange de plusieurs ingrédiens, qui rendent un mets exquis. L'art du Cuisinier n'est presque que celui d'assaisonner les mets ; il est commun à toutes les nations policées : les Hébreux le nommoient mathamim, les Grecs , les Latins condimenta. Le mot assaisonnement vient selon toute apparence de assatio : la plûpart des assaisonnemens sont nuisibles à la santé, & méritent ce qu'en a dit un savant Medecin : condimenta, gulae irritamenta ; c'est l'art de procurer des indigestions. Il faut pourtant convenir qu'il n'y a guere que les sauvages qui puissent se trouver bien des productions de la nature, prises sans assaisonnement, & telles que la nature même les offre. Mais il y a un milieu entre cette grossiereté & les raffinemens de nos cuisines. Hippocrate conseilloit les assaisonnemens simples. Il vouloit qu'on cherchât à rendre les mets sains, en les disposant à la digestion par la maniere de les préparer. Nous sommes bien loin de-là, & l'on peut bien assûrer que rien n'est plus rare, sur-tout sur nos tables les mieux servies, qu'un aliment salubre. La diete & l'exercice étoient les principaux assaisonnemens des anciens. Ils disoient que l'exercice du matin étoit un assaisonnement admirable pour le dîner, & que la sobriété dans ce repas étoit de toutes les préparations la meilleure pour souper avec appétit. Pendant long-tems le sel, le miel & la crême furent les seuls ingrédiens dont on assaisonnât les mets ; mais les Asiatiques ne s'en tinrent pas à cela. Bien-tôt ils employerent dans la préparation de leurs alimens toutes les productions de leur climat. Cette branche de la luxure se fût étendue dans la Grece, si les plus sages de cette nation ne s'y étoient opposés. Les Romains devenus riches & puissans secoüerent le joug de leurs anciennes lois ; & je ne sais si nous avons encore atteint le point de corruption où ils avoient poussé les choses. Apicius réduisit en art, la maniere de rendre les mets délicieux. Cet art se répandit dans les Gaules : nos premiers rois en connurent les conséquences, les arrêterent ; & ce ne fut que sous le regne de Henri second, que les habiles cuisiniers commencerent à devenir des hommes importans. C'est une des obligations que nous avons à cette foule d'Italiens voluptueux qui suivirent à la cour Catherine de Medicis. Les choses depuis ce tems n'ont fait qu'empirer ; & l'on pourroit presqu'assûrer qu'il subsiste dans la société deux sortes d'hommes, dont les uns, qui sont nos chimistes domestiques, travaillent sans cesse à nous empoisonner ; & les autres, qui sont nos Medecins, à nous guérir ; avec cette différence, que les premiers sont bien plus sûrs de leur fait que les seconds.


ASSANCALÉville d'Arménie, sur l'Aras & sur le chemin d'Erzeron. Long. 59. lat. 39. 46.


ASSANCHIFville d'Asie dans le Diarbeck, sur le Tigre. Long. 58. 20. lat. 36. 40.


ASSAPANIC(Hist. nat.) espece d'écureuil de la Virginie, qui n'a point d'ailes ; & qui peut cependant voler, à ce qu'on dit, l'espace d'un demi-mille, en élargissant ses jambes, & distendant sa peau. Cet animal mériteroit bien une meilleure description, ne fût-ce qu'en considération du méchanisme singulier qu'il employe pour voler.


ASSAROou GOMOR, étoit chez les Hébreux une mesure de continence. C'étoit la dixieme partie de l'épha, comme le dénote le nom même d'assaron, qui signifie dixieme. L'assaron contenoit à très-peu de chose près, trois pintes mesure de Paris. (G)


ASSASSINS. m. (Jurisprudence.) homme qui en tue un autre avec avantage, soit par l'inégalité des armes, soit par la situation du lieu, ou en trahison. Voyez MEURTRIER, DUEL, &c.

Quelques-uns disent que le mot assassin vient du Levant, où il prit son origine d'un certain prince de la famille des Arsacides, appellés vulgairement assassins, habitant entre Antioche & Damas, dans un château où il élevoit un grand nombre de jeunes gens à obéir aveuglement à tous ses ordres ; il les employoit à assassiner les princes ses ennemis. Le Juif Benjamin, dans son Itinéraire, place ces assassins vers le mont Liban, & les appelle en hébreu imité de l'arabe, el asisin ; ce qui fait voir que ce nom ne vient point d'Arsacide, mais de l'arabe asis, insidiator, une personne qui se met en embuscade. Les assassins dont nous venons de parler, possédoient huit ou douze villes autour de Tyr : ils se choisissoient eux-mêmes un roi, qu'ils appelloient le vieux de la montagne. En 1213 ils assassinerent Louis de Baviere. Ils étoient Mahométans, mais ils payoient quelque tribut aux chevaliers du temple. Les protecteurs des assassins furent condamnés par le concile de Lyon, sous Innocent IV. en 1231. Ils furent vaincus par les Tartares, qui leur tuerent le vieux de la montagne en 1257 ; après quoi la faction des assassins s'éteignit.

Il y avoit un certain droit des gens, une opinion établie dans toutes les républiques de Grece & d'Italie, qui faisoit regarder comme un homme vertueux l'assassin de celui qui avoit usurpé la souveraine puissance. A Rome, sur-tout depuis l'expulsion des rois, la loi étoit précise & solemnelle, & les exemples reçûs ; la république armoit le bras de chaque citoyen, le faisoit magistrat pour ce moment. Considérat. sur les caus. de la grand. Rom. c. xj. p. 121. (H)


ASSASSINATS. m. est le meurtre commis par un assassin. Voyez ASSASSIN & MEURTRE. (H)


ASSATIONdu mot latin assare, rôtir, se dit en Pharmacie & en Chimie, de la préparation des médicamens ou alimens dans leur propre suc, par une chaleur extérieure, sans addition d'aucune humidité étrangere.

Le mot assation, par rapport aux opérations de cuisine, se rend plus fréquemment par rôtir ; & en Pharmacie par ustion & torréfaction. Voyez ACCOMMODER, TORREFACTION, &c. (N)


ASSAUTS. m. dans l'Art de la guerre, c'est l'attaque d'un camp, d'une place forte, d'un poste, dans le dessein de l'emporter ou d'en devenir le maître. Voyez ATTAQUE, FORTERESSE, &c.

Un assaut est proprement une attaque générale & furieuse, dans laquelle les assaillans ne se couvrent d'aucun ouvrage. On dit donner, ordonner, soûtenir, repousser un assaut, emporter d'assaut, &c.

Le feu des batteries cesse pendant l'assaut ; & lorsque les deux partis sont dans la mêlée, on ne fait point usage du canon de part ni d'autre ; on s'exposeroit par-là à détruire ses propres troupes.

Un gouverneur est obligé de soûtenir trois assauts avant que de rendre une place. Il est difficile d'empêcher le pillage des villes que l'on emporte d'assaut. Les enfans perdus montent les premiers à l'assaut. Voyez ENFANS PERDUS.

Il y a peu de places à présent qui soûtiennent un assaut ; M. de Feuquieres n'en compte que trois de son tems. Le premier a été celui de Neuhausel en 1683, soûtenu par un bacha Turc : cette ville fut emportée, ainsi que la plûpart des autres doivent l'être, parce que la colonne d'infanterie qui attaquoit, marchoit à la breche sur plus de rangs que celle de l'infanterie qui défendoit la place. La seconde place emportée d'assaut est Bude, & le bacha qui commandoit fut tué dans l'attaque : il y avoit encore quelques ouvrages flanquans, dont les feux n'avoient pas été entierement détruits par l'artillerie des assiégeans. Le troisieme assaut a été au château de Namur, défendu par M. de Boufflers, qui ne fut pas emporté, par la raison que la colonne d'infanterie qui attaqua la breche partoit de trop loin & à découvert. Ajoûtez qu'il est presqu'impossible d'emporter une place d'assaut, quand la breche peut être défendue par le feu des ouvrages qui ne sont pas encore détruits. En effet, pour être forcée, elle ne devoit être défendue par d'autres feux que ceux qu'elle peut opposer de front, ou par la breche même. Feuq. Mém.

Cette grande opiniâtreté dans la défense des places, jusqu'à la derniere extrémité, ne se trouve plus que chez les Turcs, auxquels un article essentiel de leur religion défend de rendre par capitulation aux Chrétiens une place où ils ont une mosquée, quoique dans ces derniers tems ils ayent en quelques occasion manqué à ce point de leur loi. Voyez le même endroit cité. En 1747 les François ont pris d'assaut la célebre place de Berg-op-zoom. (Q)

ASSAUT, subst. m. (Escrime.) est un exercice qui s'exécute avec des fleurets, & qui représente un véritable combat.

Il y a deux façons de faire assaut, qu'on appelle jeun ; & ces jeuns ont des noms différens, suivant la position des épées de ceux qui s'escriment V. JEUN.

Avant de commencer un assaut, on fait le salut. Voyez SALUT ; & aussi-tôt que les escrimeurs ont mis le chapeau sur la tête, le signal du combat est donné, & ils peuvent s'attaquer réciproquement.

L'adresse d'un escrimeur consiste à savoir prendre le défaut des mouvemens de son ennemi. Voyez DEFAUT. Ces mouvemens se terminent toûjours à parer & à pousser. Il n'y a absolument que cinq façons de les terminer tous ; car toutes les estocades qui se peuvent porter sont nécessairement, ou dans les armes, ou hors les armes, sur les armes, sous les armes, ou en flanconade ; d'où il suit qu'il ne peut y avoir que cinq façons de parer, qui sont la quarte, la tierce, la quarte-basse, la seconde, & la flanconade.

On n'est pas toûjours prêt à prendre le défaut du premier mouvement que fait l'ennemi, parce qu'on ne sait pas ce qu'il va faire : mais ce premier mouvement vous avertit de la nature du second, qui sera nécessairement le contraire du premier.

Exemple. Lorsqu'un escrimeur a levé le bras pour frapper l'épée de son ennemi ou pour tout autre dessein, le mouvement qui suit est de le baisser, nonseulement parce que ce mouvement de baisser est naturel, mais parce qu'il est à présumer qu'il se pressera de venir au secours de la partie du corps qui se trouve alors découverte. De cet exemple, on peut tirer cette maxime générale, que toutes les fois qu'un escrimeur fait un mouvement, il lui en fera sur le champ succéder un contraire ; d'où il suit que le premier mouvement vous avertit pour prendre le défaut du second. Voyez DEFAUT.


ASSAZOÉsubst. f. (Hist. nat. bot.) plante de l'Abyssinie, qui passe pour un préservatif admirable contre les serpens : son ombre seule les engourdit : ils tombent morts s'ils en sont touchés. On conjecture que les Psylles, ancienne nation qui ne craignoit point la morsure des serpens, avoient la connoissance de cette herbe. Une observation que nous ferons sur l'assazoé & sur beaucoup d'autres substances naturelles, auxquelles on attribue des propriétés merveilleuses, c'est que plus ces propriétés sont merveilleuses & en grand nombre, plus les descriptions qu'on fait des substances sont mauvaises ; ce qui doit donner de grands soupçons contre l'existence réelle des substances, ou celle des propriétés qu'on leur attribue.


ASSECHERv. neut. (Marine.) terre qui asseche. On dit qu'une terre ou une roche asseche, lorsqu'on peut la voir après que la mer s'est retirée. On se sert du terme découvrir, pour signifier la même chose. On dit une roche qui découvre de basse mer. (Z)


ASSÉCUTIONS. f. terme de Jurisprudence canonique, synonyme à obtention ; c'est en ce sens qu'on dit qu'un premier bénéfice vaque par l'assécution du second. Voyez INCOMPATIBILITE. (H)


ASSEDIMville de la Palestine dans la tribu de Nephtali.


ASSÉEURsub. m. terme usité à la cour des Aydes, pour signifier un habitant d'un bourg ou d'un village, commis par sa communauté pour asseoir les tailles & autres impositions sur chacun des habitans, c'est-à-dire pour régler & déterminer ce que chacun d'eux en supportera, & en faire ensuite le recouvrement. (H)


ASSEFSS. m. pl. (Hist. mod.) sont en Perse des gouverneurs que le prince a mis dans quelques provinces à la place des chams, dont le grand nombre d'officiers épuisoient les peuples.


ASSEMBLAGEdans l'Architecture, s'entend de l'art de réunir les parties avec le tout, tant par rapport à la décoration intérieure qu'extérieure : on dit aussi par rapport à la main d'oeuvre, assembler à angle droit, en fausse coupe, à clé, à queue d'aronde, &c. Voyez MENUISERIE, CHARPENTERIE, &c.

ASSEMBLAGE, c'est, en Menuiserie, Charpenterie, Marqueterie, &c. la réunion de plusieurs pieces auxquelles on a donné des formes, telles que jointes, attachées, rapprochées, &c. elles puissent former un tout, dont les parties ne se séparent point d'elles-mêmes. Voyez, fig. 17. & Pl. du Charpentier, des assemblages. Il y en a un grand nombre de différens : mais comme ils ont chacun leurs noms, nous en ferons différens articles.

ASSEMBLAGE, s. m. nom que l'on donne, en Librairie, à un nombre plus ou moins grand de formes imprimées, que l'on range sur une table longue, suivant l'ordre des lettres de l'alphabet, de gauche à droite. L'assemblage est ordinairement de huit ou dix formes. Voyez FORME. Ces formes sont une quantité déterminée, comme 500, 1000, &c. d'une même feuille imprimée, au bas de laquelle est une des lettres de l'alphabet appellée signature. Voyez SIGNATURE.

L'assemblage se fait en levant une feuille sur chacune de ces formes ainsi rangées, au moyen de quoi la feuille marquée A se trouve sur la feuille marquée B, ces deux-ci sur la feuille marquée C, & ainsi de suite. On recommence la même opération jusqu'à ce que toutes les feuilles soient levées. A mesure qu'il y a une poignée à-peu-près de feuilles ainsi levées, on la dresse, on la bat par les bords, afin de faire rentrer les feuilles qui sortent de leur rang ; ensuite on met ces diverses poignées les unes sur les autres. Cet amas de feuilles assemblées porte le nom de pile. Voyez PILE. Pour réunir sous un même point de vûe tout le travail des livres en feuilles, nous donnerons dans cet article les différentes opérations suivant leur ordre.

Quand l'assemblage est fait de la maniere dont nous l'avons décrit, on prend une partie de la pile, & à l'aide d'une aiguille, ou de la pointe d'un canif, on leve par le coin où est la signature, chaque feuille l'une après l'autre, pour voir s'il n'y en a pas de double, ou s'il n'en manque pas, ce à quoi l'on remédie sur le champ, soit en ôtant la feuille qui se trouve double, soit en restituant celle qui manque ; cela s'appelle collationner. Voyez COLLATIONNER.

Si l'assemblage a été de huit formes, on voit qu'il doit y avoir huit feuilles différentes de suite ; que s'il a été de neuf ou de dix formes, il doit y avoir de suite neuf ou dix feuilles différentes. En collationnant, on sépare chacune de ces huitaines ou de ces dixaines ; & quand il y en a une certaine quantité de séparées de la sorte, on les prend les unes après les autres & on les plie : alors elles portent le nom de parties. Voyez PARTIES. On remet ces parties ainsi pliées les unes sur les autres, & on en forme encore une pile.

Quand toutes les feuilles que contient un volume ont été assemblées, collationnées, pliées, & qu'enfin elles ont pris le nom de parties, on assemble ces parties comme on a assemblé les feuilles, de gauche à droite, en commençant par les premieres ; & cela s'appelle mettre les parties en corps : alors le volume est entier. Si le livre a plusieurs volumes, on assemble ces volumes ainsi formés, en mettant le premier sur le second, le second sur le troisieme, &c. & l'exemplaire est complet ; il ne lui manque plus que d'être vendu.


ASSEMBLÉES. f. (Hist. & Jurisprud.) jonction qui se fait de personnes en un même lieu & pour le même dessein. Ce mot est formé du latin adsimulare, qui est composé de ad & simul, ensemble. Les assemblées du clergé sont appellées synodes, conciles, & en Angleterre convocations, quoique l'assemblée de l'église d'Ecosse, qui se fait tous les ans, retienne le nom d'assemblée générale. Voy. CONVOCATION, SYNODE, CONCILE, &c. Les assemblées des juges, &c. sont appellées cours, &c. Voyez COUR. On appelloit comitia, comices, les assemblées du peuple romain. Voyez COMITIA, COMICE, &c. L'assemblée d'un prédicateur est son auditoire ; les académies ont leurs assemblées ou leurs jours d'assemblée. Voyez ACADEMIE, &c. Les assemblées des presbytériens en Angleterre, s'appellent assez souvent, par maniere de reproche, des conventicules. Voyez CONVENTICULE.

Sous les gouvernemens gothiques, le pouvoir suprème de faire des lois résidoit dans une assemblée des états du royaume, que l'on tenoit tous les ans pour la même fin que se tient le parlement d'Angleterre. Il subsiste encore aujourd'hui quelques foibles restes de cet usage dans les assemblées annuelles des états de Languedoc, de Bretagne, & d'un petit nombre d'autres provinces de France : mais ce ne sont plus que les ombres des anciennes assemblées. Il n'y a qu'en Angleterre, en Suede, & en Pologne, que ces assemblées ont conservé leurs anciens pouvoirs & priviléges.

Assemblées du champ de Mars. Voyez CHAMP DE MARS, &c.

ASSEMBLEE, est un mot usité particulierement dans le monde, pour exprimer une réunion ou compagnie de plusieurs personnes de l'un & de l'autre sexe, pour joüir du plaisir de la conversation, des nouvelles, du jeu, &c.

Quartier ou place d'assemblée dans un camp, &c. V. QUARTIER D'ASSEMBLEE. On se sert aussi du mot assemblée dans l'art militaire, pour désigner l'action de battre une seconde fois la caisse ou le tambour, avant que l'on se mette en marche. Voyez TAMBOUR.

Quand les soldats entendent cet appel, ils abbattent leurs tentes, ils les roulent, & vont se mettre sous les armes. Le troisieme appel du tambour est appellé la marche, de même que le premier s'appelle la générale. Voyez GENERALE. (H)

On dit aussi une assemblée de créanciers, une assemblée de négocians. Les assemblées générales des six corps des Marchands de la ville de Paris, se tiennent dans le bureau du corps de la Draperie, qui en est le premier. (G)

ASSEMBLEES, adj. f. pl. en Anatomie, épithete de glandes qui sont voisines les unes des autres. Voyez ATTROUPEES & GLANDE. (L)

ASSEMBLEE, en terme de Chasse, c'est le lieu ou le rendez-vous où tous les chasseurs se trouvent.


ASSEMBLERdans plusieurs Arts, c'est mettre toutes les pieces à leur place, après qu'elles sont taillées.

ASSEMBLER un cheval, (Manége.) c'est lui tenir la main en serrant les cuisses, de façon qu'il se racourcisse pour ainsi dire, en rapprochant le train de derriere de celui de devant ; ce qui lui releve les épaules & la tête. (V)

ASSEMBLER en Librairie, c'est réunir ensemble ou plusieurs feuilles, ou plusieurs parties, ou plusieurs volumes d'un même livre, ainsi qu'il a été dit & détaillé plus au long au mot ASSEMBLAGE.


ASSENpetite ville de Hollande, dans la seigneurie d'Ower-Yssel.


ASSENSEville maritime de Danemark, dans l'île de Fionie. Long. 28. lat. 55. 15.


ASSEOIRASSEOIR une cuve, c’est chez les Teinturiers, la préparer, y mettre les drogues & ingrédiens nécessaires, pour qu’on puisse y laisser les étoffes, laines, soies, &c. en bain ; le chef-d’œuvre des aspirans en maîtrise, est d’asseoir une cuve d’inde effleurée, & de la bien user & tirer, jusqu’à ce que le chef-d’œuvre soit accompli. Voyez l’article 92. des Teinturiers, & l’art. Teinture de notre Dictionnaire. Le reglement de 1669 défend de réchauffer plus de deux fois, une cuve assise de guesde, d’indigo, & de pastel, pour les draps qu’on veut teindre en noir.

ASSEOIR, v. act. en Architecture & Maçonnerie ; c'est poser de niveau & à demeure les premieres pierres des fondations, le carreau, le pavé, &c. (P)

ASSEOIR un cheval sur les hanches, (Manége.) c'est le dresser à exécuter ses airs de manége, ou à galoper avec la croupe plus basse que les épaules. Asseoir le fer, c'est le faire porter. Voyez PORTER. (V)


ASSERS. m. (Hist. anc.) espece de bélier des anciens, que Vegece décrit de la maniere suivante. L'asser est une poutre longue, de moyenne grosseur, pendue au mât, de même que la vergue, & ferrée par les deux bouts. Lorsque les vaisseaux ennemis venoient à l'abordage, soit à droite, soit à gauche, on se servoit de cette poutre : poussée avec violence, elle renversoit & écrasoit les soldats & les matelots, & faisoit aussi des trous au navire.


ASSERAville de la Turquie, en Europe, dans la Macédoine, sur la riviere de Vera, proche Salonichi.


ASSESS. m. pl. peuples de la Guinée, en Afrique, sur la côte d'Or, fort avant dans les terres, au couchant de Rio de Volta.


ASSESSEURS. m. (Hist. mod. & Jurisprud.) est un adjoint, dont un maire de ville ou autre magistrat en chef d'une ville ou cité, se fait assister dans le jugement des procès, pour lui servir de conseil. Il y en a en titre d'office dans plusieurs jurisdictions. Voyez MAIRE. Il faut que l'assesseur soit homme gradué.

Quand il n'y a qu'un juge dans une ville, où il n'y a point de maire, on l'appelle aussi en quelques endroits assesseur.

On appelle aussi assesseurs les conseillers de la chambre impériale.

Il y a deux especes d'assesseurs dans cette chambre impériale, l'ordinaire & l'extraordinaire. Les assesseurs ordinaires sont à présent au nombre de quarante-un, dont cinq sont élûs par l'empereur, savoir trois comtes ou barons, & deux jurisconsultes, ou deux avocats en droit civil : les électeurs en nomment dix, les six cercles dix-huit, &c. Ils agissent en qualité de conseillers de la chambre, & ils ont les appointemens qui y sont attachés. Voyez IMPERIAL & CHAMBRE. (H)


ASSETTvoyez ESSETTE.


ASSEZSUFFISAMMENT, (Gramm.) ces deux mots sont tous deux relatifs à la quantité : mais assez a plus de rapport à la quantité qu'on veut avoir, & suffisamment en a plus à celle qu'on veut employer. L'avare n'en a jamais assez ; le prodigue jamais suffisamment. On dit, c'est assez, quand on n'en veut pas davantage ; & cela suffit, quand on a ce qu'il faut. A l'égard des doses, quand il y a assez ; ce qu'on ajoûteroit seroit de trop, & pourroit nuire ; & quand il y a suffisamment, ce qui s'ajoûteroit de plus, mettroit l'abondance & non l'excès. On dit d'un petit bénéfice, qu'il rend suffisamment : mais on ne dit pas qu'on ait assez de son revenu. Assez paroît plus général que suffisamment. Voyez Synon. franç.


ASSIDARIUSour ESSEDARIUS, sub. m. (Hist. anc.) gladiateur qui combattoit assis sur un char. Essedum, char ou chariot, dit M. Ducange, est quasi assedum ab assidendo. Le changement de quelques lettres, assez ordinaire dans les inscriptions, a formé le mot assidarius de essedarius. On voit dans Suétone qu'un gladiateur nommé Posius, combattoit ainsi sur un char, & excita la jalousie de l'empereur Caligula, qui sortit du spectacle, en se plaignant que le peuple donnoit plus d'applaudissemens à ce Posius, qu'à lui-même, Posio essedario. Cette maniere de combattre à Rome sur des chars dans les spectacles, s'étoit introduite à l'imitation des Gaulois, & des habitans de la grande Bretagne, dont une partie de la cavalerie étoit montée sur des chars. Barbari, dit César dans ses commentaires, praemisso equitatu ex essedario, quo plerumque genere in praeliis uti consueverunt, &c. (G)


ASSIDÉENSS. m. plur. (Théol.) secte des Juifs, ainsi nommés du mot hébreu hhasidim, justes. Les Assidéens croyoient les oeuvres de surérogation nécessaires au salut ; ils furent les prédécesseurs des Pharisiens, de qui sortirent les Esseniens, qui enseignoient conjointement que leurs traditions étoient plus parfaites que la loi de Moyse.

Serarius & Drusus Jésuites, ont écrit l'un contre l'autre touchant les Assidéens, à l'occasion d'un passage de Joseph, fils de Gorion. Le premier a soûtenu que par le nom d'Assidéens, Joseph entend les Esseniens, & le second a prétendu qu'il entend les Pharisiens. Il seroit facile de concilier ces deux sentimens, en observant avec quelques critiques, que le nom d'Assidéens a été un nom générique donné à toutes les sectes des Juifs, qui aspiroient à une perfection plus haute que celle qui étoit prescrite par la loi : tels que les Cinéens, les Rechabites, les Esseniens, les Pharisiens, &c. A peu-près comme nous comprenons aujourd'hui sous le nom de religieux & de cénobites, tous les ordres & les instituts religieux. On croit cependant que les Pharisiens étoient très-différens des Assidéens. Voyez PHARISIENS, CINEENS, RECHABITES. (G)


ASSIENNE(PIERRE) ou ASSO, (PIERRE D ') assius lapis, (Hist. nat.) Il est fait mention de cette pierre dans Dioscoride, dans Pline, & dans Galien. Celui-ci dit qu'elle a été ainsi nommée d'Assos, ville de la Troade, dans l'Asie mineure ; qu'elle est d'une substance spongieuse, legere & friable ; qu'elle est couverte d'une poudre farineuse, qu'on appelle fleur de pierre d'asso ; que les molécules de cette fleur sont très-pénétrantes ; qu'elles consument les chairs ; que la pierre a la même vertu, mais dans un moindre degré ; que la fleur ou farine est encore digestive & préservative comme le sel ; qu'elle en a même le goût, & qu'elle pourroit bien être formée des vapeurs qui s'élevent de la mer, & qui déposées dans les rochers, s'y condensent & dessechent. Voyez Gal. de sympt. med. fac. lib. jx. Dioscoride ajoûte qu'elle est de la couleur de la pierre ponce ; qu'elle est parsemée de veines jaunes ; que sa farine est jaunâtre ou blanche ; que mêlée de la résine de terebenthine ou de goudron, elle résout les tubercules. Voyez lib. V. cap. cxlij. les autres propriétés que cet auteur lui attribue. Pline répete à-peu-près les mêmes choses ; on l'appelle, selon lui, sarcophage, de , chair, & de , je mange ; parce qu'elle consume, dit-il, les substances animales en quarante jours, excepté les dents.


ASSIENTou ASSIENTO, (Comm.) ce terme est espagnol, & signifie une ferme.

En France, ce mot s'est introduit depuis le commencement de la guerre pour la succession d'Espagne en 1701. On l'entend d'une compagnie de commerce établie pout la fourniture des Negres dans les états du roi d'Espagne en Amérique, particulierement à Buenos-ayres.

Ce fut l'ancienne compagnie françoise de Guinée, qui après avoir fait son traité pour cette fourniture avec les ministres Espagnols, prit le nom de compagnie de l'assiente, à cause du droit qu'elle s'engagea de payer aux fermes du roi d'Espagne, pour chaque Negre, piece d'inde, qu'elle passeroit dans l'Amérique espagnole.

Ce traité de la compagnie françoise, qui consistoit en trente-quatre articles, fut signé le premier septembre 1702, pour durer pendant dix années, & finir à pareil jour de l'année 1712 ; accordant néanmoins aux assientistes deux autres années pour l'exécution entiere de la fourniture, si elle n'étoit pas finie à l'expiration du traité.

Les deux principaux de ces trente-quatre articles regardoient, l'un la quantité des Negres que la compagnie devoit fournir aux Espagnols ; l'autre le droit qu'elle devoit payer au roi d'Espagne pendant le tems de la ferme ou assiento.

A l'égard des Negres, il fut fixé à trente-huit mille tant que la guerre, qui avoit commencé l'année d'auparavant, dureroit ; & à quarante-huit mille, en cas de paix. Pour ce qui est du droit du roi d'Espagne, il fut réglé à trente-trois piastres un tiers pour chaque Negre, piece d'Inde, dont la compagnie paya par avance la plus grande partie.

A la paix d'Utrecht un des articles du traité entre la France & l'Angleterre ayant été la cession de l'assiente ou ferme des Negres en faveur de cette derniere, les Espagnols traiterent avec les Anglois pour la fourniture des Negres.

Ce traité, semblable en plusieurs articles à celui de la compagnie françoise, mais de beaucoup plus avantageux par plusieurs autres aux assientistes anglois, devoit commencer au premier Mai 1713, pour durer trente ans, c'est-à-dire jusqu'à pareil jour de l'année 1743.

La compagnie du Sud établie en Angleterre depuis le commencement de cette même guerre, mais qui ne subsistoit qu'à peine, fut celle qui se chargea de l'assiento des Negres pour l'Amérique espagnole. La fourniture qu'elle devoit faire étoit de quatre mille huit cens Negres par an, pour lesquels elle devoit payer par tête le droit sur le pié réglé par les François, n'étant néanmoins obligée qu'à la moitié du droit pendant les vingt-cinq premieres années, pour tous les Negres qu'elle pourroit fournir au-delà du nombre de quatre mille huit cens stipulés par le traité. Le quarante-deuxieme article de ce traité, qui est aussi le dernier, & peut-être le plus considérable de tous, n'étoit point dans le traité fait avec les François. Cet article accorde aux assientistes anglois la permission d'envoyer dans les ports de l'Amérique espagnole, chaque année des trente que doit durer le traité, un vaisseau de cinq cens tonneaux, chargé des mêmes marchandises que les Espagnols ont coûtume d'y porter, avec liberté de les vendre & débiter concurremment avec eux aux foires de Porto-Belo & de la Vera-Cruz.

On peut dire que la fourniture même des Negres, qui fait le fonds du traité, non plus que quantité d'autres articles qui accordent quantité de priviléges à la nouvelle compagnie angloise, ne lui apportent peut-être point tous ensemble autant de profit que cette seule faculté d'envoyer un vaisseau, donnée aux Anglois, contre l'ancienne politique des Espagnols, & leur jalousie ordinaire à l'égard de leur commerce en Amérique.

L'on a depuis ajoûté cinq nouveaux articles à ce traité de l'assiente angloise, pour expliquer quelques-uns des anciens. Le premier porte que l'exécution du traité ne seroit censée commencer qu'en 1714 : le second, qu'il seroit permis aux Anglois d'envoyer leur vaisseau marchand chaque année, bien que la flotte ou les galions espagnols ne vinssent point à l'Amérique : le troisieme, que les dix premieres années ce vaisseau pourroit être du port de six cens cinquante tonneaux : enfin les deux derniers, que les marchandises qui resteroient de la traite des Negres, seroient renvoyées en Europe, après que les Negres auroient été débarqués à Buenos-ayres ; & que si leur destination étoit pour Porto-Belo, Vera-Cruz, Carthagene & autres ports de l'Amérique espagnole, les marchandises seroient portées dans les îles Antilles angloises, sans qu'il fût permis d'en envoyer à la mer du Sud.

La maniere d'évaluer & de payer le droit d'assiente pour chaque Negre, piece d'inde, lorsqu'il arrive sur les terres du roi d'Espagne en Amérique, est la même avec les assientistes anglois qui se pratiquoit avec les assientistes françois ; c'est-à-dire que lorsque ces Negres sont débarqués, les officiers espagnols, de concert avec les commis de l'assiente, en font quatre classes.

Premierement ils mettent ensemble tous les Negres de l'un & de l'autre sexe qui sont en bonne santé, & qui ont depuis quinze ans jusqu'à trente : ensuite ils séparent les vieillards, les vieilles femmes & les malades, dont ils font un second lot ; après suivent les enfans des deux sexes, de dix ans & au-dessus jusqu'à quinze ; & enfin ceux depuis cinq jusqu'à dix.

Ce partage étant fait, on vient à l'évaluation ; c'est-à-dire qu'on compte les Negres de la premiere classe qui sont sains, chacun sur le pié d'une piece d'inde ; les vieux & les malades, qui sont la seconde classe, chacun sur le pié de trois quarts de piece d'inde ; les grands enfans de la troisieme classe, trois pour deux pieces ; & les petits de la quatrieme, deux pour une piece ; & sur cette réduction on paye le droit du roi : ainsi d'une cargaison de cinq cens soixante-cinq têtes de Negres, dont il y en a deux cens cinquante de sains, soixante malades ou vieux, cent cinquante enfans de dix ans & au-dessus, & cent cinquante depuis cinq jusqu'à dix, le roi ne reçoit son droit que de quatre cens quarante. (G)

* La guerre commencée entre l'Espagne & l'Angleterre en 1739, avoit rompu le traité de l'assiente : les quatre ans qui restoient ont été rendus par la paix de 1748.


ASSIENTISTEcelui qui a part, qui a des actions dans la compagnie de l'assiente. Voy. ASSIENTE. (G)


ASSIETTEterme de Collecte, est la fonction de l'asséeur. Voyez ASSEEUR.

ASSIETTE, c'est, en fait de bois, l'étendue des bois désignée pour être vendue. L'assiette se fait en présence des officiers des eaux & forêts par l'arpenteur : elle s'exécute par le mesurage, & le mesurage s'assûre par des tranchées, des layes, & la marque des marteaux du roi, du grand-maître & de l'arpenteur, aux piés corniers, & aux arbres des lisieres & parois. Voyez MARTELAGE.

On dit que le roi donne une terre en assiette, lorsqu'il assigne des rentes sur cette terre.

ASSIETTE, (Lettres d ') sont des lettres qui s'obtiennent en chancellerie pour faire la répartition d'une condamnation de dépens sur toute une communauté d'habitans. Par ces lettres il est enjoint aux thrésoriers de France d'imposer la somme portée par la condamnation, sur tous ceux de la communauté qui sont cottisés à la taille, sans que cette imposition puisse nuire ni préjudicier aux tailles & autres droits royaux.

Ces lettres s'expédient au petit sceau jusqu'à la somme de cent cinquante livres, & même jusqu'à celle de trois cens livres, quand la condamnation est portée par un arrêt ; mais quand la somme excede celle de cent cinquante livres, ou qu'il y a condamnation par arrêt, portée au-delà de trois cens livres, il faut obtenir des lettres de la grande chancellerie. (H)

ASSIETTE du vaisseau, ou vaisseau en assiette. (Mar.) Voyez ESTIVE. Un vaisseau en assiette est celui qui est dans la situation convenable pour mieux filer. Mettre un vaisseau dans son assiette. (Z)

ASSIETTE, (Manége.) L'assiette du cavalier est la façon dont il est posé sur la selle. Il y a donc une bonne & une mauvaise assiette. On dit qu'un cavalier ne perd point l'assiette, pour dire qu'il est ferme sur les étriers. L'assiette est si importante, que c'est la seule chose qui fasse bien aller un cheval. (V)

ASSIETTE, nom que donnent les Horlogers à une petite piece de laiton qui est adaptée sur la tige d'un pignon ; c'est sur cette piece qu'on rive la roue. Voyez PIGNON, ROUE, RIVURE, RIVER, &c. (T)

ASSIETTE, en termes de Doreur, est une composition qu'on couche sur le bois pour le dorer. Elle se fait de bol d'Arménie, de sanguine, de mine de plomb broyés ensemble avec d'autres drogues, sur lesquelles on verse de la colle de parchemin qu'on passe au-travers d'un linge, en le remuant bien avec les drogues, jusqu'à ce qu'elles soient bien détrempées.

ASSIETTE, terme de Paveurs ; c'est le nom par lequel ces ouvriers désignent la surface qui doit être placée dans le sable. L'assiette est toûjours opposée à la surface sur laquelle on marche.

* ASSIETTE, terme de Teinture ; c'est l'état d'une cuve préparée d'ingrédiens, & disposée à recevoir en bain les étoffes, fils, soie, laine, &c. Voyez ASSEOIR.


ASSIGNATS. m. terme de Jurisprudence usité singulierement en pays de Droit écrit, est l'affectation spéciale d'un héritage à une rente qu'on hypotheque & assied dessus. Quelquefois même le créancier, pour donner plus de sûreté à l'assignat, stipule qu'il percevra lui-même les arrérages de la rente par les mains du fermier de l'héritage sur lequel elle est assignée. Voyez AFFECTATION & HYPOTHEQUE.

L'assignat est un limitatif ou démonstratif : dans le premier cas il ne donne qu'une action réelle : dans l'autre il la donne personnelle. Voyez DEMONSTRATIF & LIMITATIF.


ASSIGNATIONS. f. terme de Pratique, qui signifie un exploit par lequel une partie est appellée en justice à certain jour, heure & lieu, pour répondre aux fins de l'exploit. Voyez ADJOURNEMENT, qui est à-peu-près la même chose.

Tout ajournement porte assignation, sed non vice versâ ; car l'assignation en conséquence d'une saisie, pour venir affirmer sur icelle, & l'assignation à venir déposer en qualité de témoin, n'emportent pas ajournement. L'assignation n'est censée ajournement que quand celui qu'on assigne est obligé à satisfaire aux fins de l'exploit par une convention expresse ou tacite ; en tout autre cas l'assignation n'est point ajournement, ce n'est qu'une sommation ou commandement fait par autorité de justice. (H)

ASSIGNATION, dans le Commerce, c'est une ordonnance, mandement ou rescription, pour faire payer une dette sur un certain fonds, dans un certain tems, par certaines personnes.

Lorsque des gens de qualité, ou autres, donnent des assignations à prendre sur leurs fermiers ou autres, à des marchands, il est à propos que ces marchands les fassent accepter par ceux sur qui elles sont données, pour éviter les contestations. Quand une fois on a accepté une assignation, on se rend le débiteur de celui à qui elle a été donnée.

Comme ces sortes d'assignations peuvent être négociées par ceux à qui elles appartiennent, il est bon de remarquer qu'il ne faut point s'en charger sans faire mettre dessus l'aval de celui qui l'a négociée, parce qu'on le rend par-là garant du payement, & que d'ailleurs on a trois débiteurs pour un ; savoir, celui qui a donné l'assignation en premier lieu, celui qui l'a acceptée, & celui qui y a mis son aval.

On ne peut revenir sur ce dernier, non plus que sur celui qui a donné l'assignation, sans rapporter des diligences en bonne forme, qui justifient l'impossibilité qu'on a eue de s'en faire payer par celui sur lequel elle a été donnée.


ASSIGNERsignifie donner une ordonnance, un mandement ou une rescription à quelqu'un, pour charger quelqu'autre du payement d'une somme. (G)


ASSIMILATIONS. f. composé des mots latins ad & similis, semblable ; se dit de l'action par laquelle des choses sont rendues semblables, ou ce qui fait qu'une chose devient semblable à une autre. Voyez SIMILITUDE.

ASSIMILATION, en Physique, se dit proprement d'un mouvement par lequel des corps transforment d'autres corps qui ont une disposition convenable, en une nature semblable ou homogene à leur propre nature. Voyez MOUVEMENT, CORPS, &c.

Quelques philosophes lui donnent le nom de mouvement de multiplication, dans l'opinion où ils sont que les corps y sont multipliés, non pas en nombre, mais en masse ; ce qui s'exprime plus proprement par le mouvement d'augmentation ou d'accroissement. Voyez ACCROISSEMENT.

Nous avons des exemples de cette assimilation dans la flamme qui convertit l'huile & les particules des corps qui servent à nourrir le feu, en matiere ardente & lumineuse. La même chose se fait aussi remarquer dans l'air, la fumée & les esprits de toute espece. Voyez FLAMME, FEU, &c.

On voit la même chose dans les végétaux, où la terre imbibée de sucs aqueux, étant préparée & digérée dans les vaisseaux de la plante, devient d'une nature végétale, & en fait accroître le bois, les feuilles, le fruit, &c. Voyez VEGETAL, VEGETATION, SEVE, BOIS, FRUIT, &c.

Ainsi dans les corps animaux nous voyons que les alimens deviennent semblables ou se transforment en substance animale par la digestion, la chylification, & les autres opérations nécessaires à la nutrition. Voyez ALIMENT, DIGESTION, CHYLIFICATION, NUTRITION, ANIMAL, &c. (L)


ASSIMSHIRou SKIRASSIN, province de l'Ecosse septentrionale, ou plus proprement partie de la province de Ross, le long de la mer, où sont les Hébrides.


ASSINIBOULS(LAC D ') lac du Canada dans l'Amérique septentrionale : on dit qu'il se décharge dans la baie d'Hudson.


ASSINIEroyaume de la Zone-torride, sur la côte d'Or.


ASSINOYou CONIS, s. m. pl. sauvages qui habitent entre le Mexique & la Louisiane, vers le 32d degré de latitude septentrionale.


ASSISadj. se dit, en Manege, du cheval & du cavalier. Celui-ci est bien ou mal assis dans la selle ; & le cheval est bien assis sur les hanches, lorsque dans ses airs au manege, & même au galop ordinaire, sa croupe est plus basse que les épaules.

ASSIS, en termes de Blason, se dit de tous les animaux domestiques qui sont sur leur cul, comme les chiens, les chats, écureuils & autres.

Brachet à Orléans, de gueules au chien braqué, assis d'argent. (V)


ASSISEterme de Droit, formé du latin assideo, s'asseoir auprès ; c'est une séance de juges assemblés pour entendre & juger des causes. Voyez JUGE ou JUSTICE, &c.

Assise se prenoit anciennement pour une séance extraordinaire que des juges supérieurs tenoient dans des siéges inférieurs & dépendans de leur jurisdiction, pour voir si les officiers subalternes s'acquittoient de leur devoir, pour recevoir les plaintes qu'on faisoit contr'eux, & pour prendre connoissance des appels que l'on faisoit de ces jurisdictions subalternes. Voyez APPEL, &c. En ce sens assise ne se dit qu'au plurier : il se tient encore dans quelques jurisdictions par les juges supérieurs des séances qui sont un reste de cet ancien usage.

Assise étoit aussi une cour ou assemblée de seigneurs qui tenoient un rang considérable dans l'état : elle se tenoit pour l'ordinaire dans le palais du prince, pour juger en dernier ressort des affaires de conséquence. L'autorité de ces assises a été transportée à nos parlemens. Voyez COUR, PARLEMENT.

Les écrivains appellent ordinairement ces assises, placita, malla publica, ou curiae generales ; cependant il y a quelque différence entre assise & placita. Les vicomtes qui n'étoient originairement que lieutenans des comtes, & qui rendoient justice en leur place, tenoient deux especes de cour ; l'une ordinaire qui se tenoit tous les jours, & qu'on appelloit placitum ; l'autre extraordinaire appellée assise ou placitum generale, à laquelle le comte assistoit en personne pour l'expédition des affaires les plus importantes. Voyez COMTE, VICOMTE.

De-là le mot d'assise s'étendit à tous les grands jours de judicature, où il devoit y avoir des jugemens & des causes solemnelles & extraordinaires.

La constitution des assises d'Angleterre est assez différente de celles dont on vient de parler. On peut les définir une cour, un endroit, un tems où des juges & des jurés examinent, décident, expédient des ordres.

Il y a en Angleterre deux especes d'assises, des générales & des particulieres. Les assises générales sont celles que les juges tiennent deux fois par an dans les différentes tournées de leur département.

Mylord Bacon a expliqué ou développé la nature de ces assises. Il observe que toutes les comtés du royaume sont divisées en six départemens ou circuits ; deux jurisconsultes nommés par le roi, dont ils ont une commission, sont obligés d'aller deux fois l'année par toute l'étendue de chacun de ces départemens : on appelle ces jurisconsultes juges d'assise ; ils ont différentes commissions, suivant lesquelles ils tiennent leurs séances.

1°. Une commission d'entendre & de juger, qui leur est adressée, & à plusieurs autres dont on fait le plus de cas dans leurs départemens respectifs. Cette commission leur donne le pouvoir de traiter ou de connoître de trahisons, de meurtres, de félonies, & d'autres crimes ou malversations. Voyez TRAHISON, FELONIE, &c.

Leur seconde commission consiste dans le pouvoir de vuider les prisons, en exécutant les coupables & élargissant les innocens : par cette commission ils peuvent disposer de tout prisonnier pour quelqu'offense que ce soit.

La troisieme commission leur est adressée, pour prendre ou recevoir des titres de possession, appellées aussi assises ; & pour faire là-dessus droit & justice.

Ils ont droit d'obliger les juges de paix qui sont sur les lieux, à assister aux assises, à peine d'amende.

Cet établissement de juges ambulans dans les départemens, commença au tems d'Henri II. quoiqu'un peu différent de ce qu'il est à présent.

L'assise particuliere est une commission spéciale, accordée à certaines personnes, pour connoître de quelques causes, une ou deux ; comme des cas où il s'agit de l'usurpation des biens, ou de quelqu'autre chose semblable : cela étoit pratiqué fréquemment par les anciens Anglois. Bracton, liv. III. c. xij.

ASSISE, s. f. c'est, en Architecture, un rang de pierre de même hauteur, soit de niveau, soit rampant, soit continu, soit interrompu par les ouvertures des portes & des croisées.

Assise de pierre dure, est celle qui se met sur les fondations d'un mur de maçonnerie, où il n'en faut qu'une, deux ou trois, jusqu'à hauteur de retraite.

Assise de parpain, est celle dont les pierres traversent l'épaisseur d'un mur, comme les assises qu'on met sur les murs d'échiffre, les cloisons, &c. (P)

ASSISE, c'est, chez les marchands Bonnetiers & les Fabriquans de bas au métier, la soie qu'on étend sur les aiguilles, & qui forme dans le travail les mailles du bas. L'art. 2 du reglement du mois de Février 1672, permit aux maîtres Bonnetiers de faire des bas à quatre brins de trame pour l'assise : mais les abus qui s'en ensuivirent, donnerent lieu à la réformation de cet article ; & l'article 4 de l'arrêt du conseil du 30 Mars 1700, ordonna que les soies préparées pour les ouvrages de bonneterie, ne pourront avoir moins de huit brins. Voyez l'article SOIE & MOULINAGE DE SOIES.


ASSISTANTadj. pris subst. (Hist. mod.) personne nommée pour aider un officier principal dans l'exercice de ses fonctions. Ainsi en Angleterre, un évêque ou prêtre a sept ou huit assistans.

Assistant, se dit principalement d'une espece de conseillers qui sont immédiatement au-dessous des généraux ou supérieurs des monasteres, & qui prennent soin des affaires de la communauté. Dans la congrégation de saint Lazare, chaque maison particuliere a un supérieur & un assistant. Le général des Jésuites a cinq assistans, qui doivent être des gens d'une expérience consommée, choisis dans toutes les provinces de l'ordre ; ils prennent leur nom des royaumes ou pays qui sont de leur ressort ; savoir, l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne, la France, & le Portugal. Voyez GENERAL, JESUITES.

Plusieurs compagnies de négocians en Angleterre ont aussi leurs assistans.

On appelle encore assistans ceux qui sont condamnés à assister à l'exécution d'un criminel. Voyez ABSOLUTION. (G)

ASSISTANS, adj. pris subst. s'est dit au Palais des deux anciens avocats qui étoient obligés de se trouver à l'audience, pour assister leur confrere, demandeur en requête civile, au nom de sa partie. Cet usage a été abrogé par l'ordonnance de 1667, qui veut seulement qu'aux lettres de requête civile soit attachée la consultation de deux anciens avocats & de celui qui aura fait le rapport ; qu'elle contienne sommairement les ouvertures de requête civile, & que les noms des avocats & les ouvertures soient inserés dans les lettres. (H)


ASSISTERaider, secourir ; (Gramm.) On secourt dans le danger ; on aide dans la peine ; on assiste dans le besoin. Le secours est de la générosité ; l'aide, de l'humanité ; l'assistance, de la commisération. On secourt dans un combat ; on aide à porter un fardeau ; on assiste les pauvres. Synon. Franç.


ASSOpetite ville de la Mingrelie, que quelques-uns prennent pour l'ancienne ville de Colchide, qu'on appelloit Surium, Surum, & Archeapolis.


ASSOCIATIONS. f. est l'action d'associer ou de former une société ou compagnie. Voyez ASSOCIE, SOCIETE, COMPAGNIE, &c.

ASSOCIATION, est proprement un contrat ou traité, par lequel deux ou plusieurs personnes s'unissent ensemble, soit pour s'assister mutuellement, soit pour suivre mieux une affaire, soit enfin pour vivre plus commodément. La plus stable de toutes les associations est celle qui se fait par le mariage.

ASSOCIATION d'idées, c'est quand deux ou plusieurs idées se suivent & s'accompagnent constamment & immédiatement dans l'esprit, de maniere que l'une fasse naître infailliblement l'autre, soit qu'il y ait entr'elles une relation naturelle ou non. Voyez IDEE, DIFFORMITE.

Quand il y a entre les idées une connexion & une relation naturelle, c'est la marque d'un esprit excellent que de savoir les recueillir, les comparer & les ranger dans l'ordre qui leur convient pour s'éclairer dans ses recherches : mais quand il n'y a point de liaison entr'elles, ni de motif pour les joindre, & qu'on ne les unit que par accident ou par habitude ; cette association non naturelle est un grand défaut, & elle est, généralement parlant, une source d'erreurs & de mauvais raisonnemens. Voyez ERREUR.

Ainsi l'idée des revenans & des esprits n'a pas réellement plus de rapport à l'idée des ténébres que celle de la lumiere : cependant il est si ordinaire de joindre les idées de revenans & de ténébres dans l'esprit des enfans, qu'il leur est quelquefois impossible de séparer ces idées tout le reste de leur vie, & que la nuit & l'obscurité leur inspirent presque toûjours des idées effrayantes. De même, on accoûtume les enfans à joindre à l'idée de Dieu une idée de forme & de figure, & par-là on donne naissance à toutes les absurdités qu'ils mêlent à l'idée de la divinité.

Ces fausses combinaisons d'idées sont la cause, selon M. Locke, de l'opposition irréconciliable qui est entre les différentes sectes de philosophie & de religion ; car on ne peut raisonnablement supposer, que tant de gens qui soûtiennent des opinions différentes, & quelquefois contradictoires les unes aux autres, s'en imposent à eux-mêmes volontairement & de gaieté de coeur, & se refusent à la vérité : mais l'éducation, la coûtume, & l'esprit de parti, ont tellement joint ensemble dans leur esprit des idées disparates, que ces idées leur paroissent étroitement unies ; & que n'étant pas maîtres de les séparer, ils n'en sont pour ainsi dire qu'une seule idée. Cette prévention est cause qu'ils attachent du sens à un jargon, qu'ils prennent des absurdités pour des démonstrations ; enfin elle est la source des plus grandes & presque de toutes les erreurs dont le monde est infecté. (X)

ASSOCIATION, terme de droit Anglois, est une patente que le roi envoie, soit de son propre mouvement, soit à la requête d'un complaignant, aux juges d'une assise, pour leur associer d'autres personnes dans le jugement d'un procès. Voyez ASSISE.

A la patente d'association, le roi joint un écrit qu'il adresse aux juges de l'assise par lequel il leur ordonne d'admettre ceux qu'il leur indique.

ASSOCIATION, en Droit commun, est l'aggrégation de plusieurs personnes en une même societé, sous la condition expresse d'en partager les charges & les avantages. Chacun des membres de la société s'appelle associé. Voyez ASSOCIE & SOCIETE. (H)


ASSOCIATIOou PORTUGA, île de l'Amérique septentrionale, à quatorze milles de la Marguerite, vers l'occident.


ASSOCIadjoint, qui fait membre ou partie de quelque chose. Voyez ADJOINT, ASSOCIATION.

Ce mot est composé des mots latins ad & socius, membre, compagnon : ainsi on dit les associés du docteur Bray, pour la conversion des Négres, &c.

ASSOCIE, en terme de Commerce, est celui qui fait une partie des fonds avec les autres commerçans, & qui partage avec eux le gain, ou souffre la perte au prorata de ce qu'il a mis dans la société. (G)


ASSOLER(Agriculture.) signifie partager les terres labourables d'une métairie pour les semer diversement, ou les laisser reposer, quand on en veut faire une raisonnable exploitation : en la plûpart des lieux on partage les terres en trois sols ; l'un se seme en froment, l'autre en menus grains, & le troisieme reste en jachere. (H)


ASSOMPTIONsubst. f. (Théologie.) du latin assumptio, dérivé d'assumere, prendre, enlever. Ce mot signifioit autrefois en général le jour de la mort d'un saint, quia ejus anima in coelum assumitur. Voyez ANNIVERSAIRE.

Assomption, se dit aujourd'hui particulierement dans l'Eglise Romaine, d'une fête solemnelle qu'on y célebre tous les ans le 15 d'Août, pour honorer la mort, la résurrection, & l'entrée triomphante de la sainte Vierge dans le ciel. Elle est encore particulierement remarquable en France depuis l'année 1638, que le roi Louis XIII. choisit ce jour pour mettre sa personne & son royaume sous la protection de la S. Vierge ; voeu qui a été renouvellé en 1738 par le roi Louis XV. actuellement régnant.

Cette fête se célebre avec beaucoup de solennité dans les églises d'Orient, aussi-bien que dans celles d'Occident : cependant l'assomption corporelle de la Vierge n'est point un article de foi, puisque l'Eglise ne l'a pas décidé, & que plusieurs anciens & modernes en ont douté. Il est sûr que les Peres des quatre premiers siecles n'ont rien écrit de précis sur cette matiere. Usuard, qui vivoit dans le neuvieme siecle, dit dans son martyrologe, que le corps de la sainte Vierge ne se trouvant point sur la terre, l'Eglise, qui est sage en ses jugemens, a mieux aimé ignorer avec piété ce que la divine Providence en a fait, que d'avancer rien d'apocryphe ou de mal fondé sur ce sujet : plus elegit sobrietas Ecclesiae cum pietate nescire, quam aliquid frivolum & apocryphum inde tenendo docere ; paroles qui se trouvent encore dans le martyrologe d'Adon, & dans plusieurs autres qui n'appellent point cette fête l'assomption de la sainte Vierge, mais seulement son sommeil, dormitio, c'est-à-dire la fête de sa mort ; nom que lui ont aussi donné les Grecs, qui l'ont désignée tantôt par , trépas ou passage, & tantôt par , sommeil ou repos.

Néanmoins, la créance commune de l'Eglise est que la sainte Vierge est ressuscitée, & qu'elle est dans le ciel en corps & en ame. La plûpart des Peres Grecs & Latins qui ont écrit depuis le IVe siecle sont de ce sentiment ; & le cardinal Baronius dit qu'on ne pourroit sans témérité assûrer le contraire. C'est aussi le sentiment de la Faculté de Théologie de Paris, qui en condamnant le livre de Marie d'Agreda en 1697, déclara entr'autres choses, qu'elle croyoit que la sainte Vierge avoit été enlevée dans le ciel en corps & en ame. Ce qu'on peut recueillir de plus certain de la tradition depuis le IXe siecle, c'est que parmi les ornemens des églises de Rome sous le pape Paschal, qui mourut en 824, il est fait mention de deux, où étoit représentée l'assomption de la sainte Vierge en son corps ; ce qui montre qu'on la croyoit dès-lors à Rome. Il est parlé de cette fête dans les capitulaires de Charlemagne & dans les decrets du concile de Mayence tenu en 813. Le pape Léon IV. qui mourut en 855, institua l'octave de l'assomption de la sainte Vierge, qui ne se célebroit point encore à Rome. En Grece cette fête a commencé beaucoup plûtôt, sous l'empire de Justinien, selon quelques-uns ; & selon d'autres, sous celui de Maurice, contemporain du pape S. Grégoire le grand. André de Crete sur la fin du VIIe siecle, témoigne pourtant qu'elle n'étoit établie qu'en peu d'endroits : mais au XIIe elle le fut dans tout l'empire, par une loi de l'empereur Manuel Comnene. Elle l'étoit alors également en Occident, comme il paroît par l'épître 174 de S. Bernard aux chanoines de Lyon ; & par la créance commune des églises qui suivoient l'opinion de l'assomption corporelle, comme un sentiment pieux, quoiqu'il n'eût pas été décidé par l'Eglise universelle. Martyrol. ancien. Tillemont, hist. ecclésiast. Fleury, hist. ecclés. tom. VII. Baillet, vies des Saints. (G)

* ASSOMPTION (ISLE DE L '), île de l'Amérique septentrionale dans le golfe de S. Laurent, & l'embouchure du grand fleuve du même nom. Long. 316. lat. 49. 30.

ASSOMPTION, ville de l'Amérique méridionale, dans le Paraguai propre, sur la riviere de Paraguai. Long. 323. 40. lat. mérid. 25. 30.


ASSON(Géog. anc.) ville de l'éolide, province de l'Asie mineure ; c'est maintenant Asso. On l'appelloit aussi jadis Apollonie.


ASSONAou ASSONA, s. m. (Hist. mod.) c'est le livre des Turcs qui contient leurs traditions. Ce mot est arabe ; il signifie parmi les Mahométans, ce que signifie misna parmi les Juifs. Sonna veut dire une seconde loi, & as est l'article de ce mot. L'alcoran est l'écriture des Mahométans, & la sonna ou l'assona contient leurs traditions. Nos auteurs appellent ordinairement ce livre-là Zuse ou Sonne. Ricault, de l'empire Ottoman. Voyez SONNA. (G)


ASSONANCES. f. terme usité en Rhétorique & dans la Poétique, pour signifier la propriété qu'ont certains mots de se terminer par le même son, sans néanmoins faire ce que nous appellons proprement rime. Voyez RIME.

L'assonance, qui est ordinairement un défaut dans la langue angloise, & que les bons écrivains françois ont soin d'éviter en prose, formoit une espece d'agrément & d'élégance dans la langue latine, comme dans ces membres de phrase, militem comparavit, exercitum ordinavit, aciem lustravit.

Les Latins appelloient ces sortes de chûtes similiter desinentia, & leurs rhéteurs en ont fait une figure de mots. Les Grecs ont aussi connu & employé les assonances sous le titre d'. Voyez HOMOIOTELEUTON. (G)


ASSORTIMENTS. m. terme de Peinture, qui désigne proportion & convenance entre les parties. Un bel assortiment. Ces choses sont bien assorties.

On dit encore assortiment de couleur, pour peindre, & l'on ne s'en sert même guere que dans ce cas. L'assortiment est composé de toutes les couleurs qu'on employe en peinture. (R)


ASSORTIRen terme de Plumassier, c'est choisir les plumes de même grandeur, & les assembler avec des couleurs convenables.

ASSORTIR, en terme de Haras, c'est donner à un étalon la jument qui lui convient le mieux, tant par rapport à la figure que par rapport aux qualités. On assortit la jument à l'étalon bien ou mal. (V)


ASSORUS(Géog. anc. & mod.) ville de Sicile, entre Enna & Argyrium. Ce n'est aujourd'hui qu'un petit bourg appellé Asaro ; il est baigné par le Chrysas.

Il y avoit encore en Macédoine, proche la riviere d'Echédore, une ville de même nom.


ASSOS(Géog. anc.) ville maritime de Lycie, sur un promontoire fort élevé. Autre ville de même nom dans l'Eolide. Il y en avoit une troisieme en Misnie. C'est de la premiere dont on a dit, Asson eas, ut citius ad exitii terminos eas.


ASSOUPISSEMENTS. m. (Med.) état de l'animal, dans lequel les actions volontaires de son corps & de son ame paroissent éteintes, & ne sont que suspendues. Il faut en distinguer particulierement de deux especes : l'un qui est naturel & qui ne provient d'aucune indisposition, & qu'on peut regarder comme le commencement du sommeil ; il est occasionné par la fatigue, le grand chaud, la pesanteur de l'atmosphere, & autres causes semblables : l'autre qui naît de quelque dérangement ou vice de la machine, & qu'il faut attribuer à toutes les causes qui empêchent les esprits de fluer & refluer librement, & en assez grande quantité, de la moelle du cerveau par les nerfs aux organes des sens ; & des muscles qui obéissent à la volonté de ces organes, à l'origine de ces nerfs dans la moelle du cerveau. Ces causes son en grand nombre ; mais on peut les rapporter 1°. à la pléthore. Le sang des pléthoriques se raréfie en été. Il étend les vaisseaux déjà fort tendus par eux-mêmes ; tout le corps résiste à cet effort, excepté le cerveau & le cervelet, où toute l'action est employée à le comprimer ; d'où il s'ensuit assoupissement & apoplexie ; 2°. à l'obstruction ; 3°. à l'effusion des humeurs ; 4°. à la compression ; 5°. à l'inflammation ; 6°. à la suppuration ; 7°. à la gangrene ; 8°. à l'inaction des vaisseaux ; 9°. à leur affaissement produit par l'inanition ; 10°. à l'usage de l'opium & des narcotiques. L'opium produit son effet lorsqu'il est encore dans l'estomac ; un chien à qui on en avoit fait avaler, fut disséqué, & on le lui trouva dans l'estomac : il n'a donc pas besoin pour agir, d'avoir passé par les veines lactées ; 11°. à l'usage des aromates. Les Droguistes disent qu'ils tombent dans l'assoupissement, quand ils ouvrent les caisses qu'on leur envoye des Indes, pleines d'aromates ; 12°. aux matieres spiritueuses, fermentées, & trop appliquées aux narines : celui qui flairera long-tems du vin violent, s'enivrera & s'assoupira ; 13°. aux mêmes matieres intérieurement prises ; 14°. à des alimens durs, gras, pris avec excès, & qui s'arrêtent long-tems dans l'estomac. On trouvera aux différens articles des maladies où l'assoupissement a lieu, les remedes qui conviennent.

On lit dans les mémoires de l'académie des Sciences, l'histoire d'un assoupissement extraordinaire. Un homme de 45 ans, d'un tempérament sec & robuste, à la nouvelle de la mort inopinée d'un homme avec lequel il s'étoit querellé, se prosterna le visage contre terre, & perdit le sentiment peu-à-peu. Le 26 Avril 1715 on le porta à la Charité, où il demeura l'espace de quatre mois entiers. Les deux premiers mois il ne donna aucune marque de mouvement ni de sentiment volontaire. Ses veux furent fermés nuit & jour : il remuoit seulement les paupieres. Il avoit la respiration libre & aisée ; le pouls petit & lent, mais égal. Ses bras restoient dans la situation où on les mettoit. Il n'en étoit pas de même du reste du corps, il falloit le soutenir pour faire avaler à cet homme quelques cueillerées de vin pur ; ce fut pendant ces quatre mois sa seule nourriture : aussi devint-il maigre, sec & décharné. On fit tous les remedes imaginables pour dissiper cette léthargie ; saignées, émétiques, purgatifs, vésicatoires, sangsues, &c. & l'on n'en obtint d'autre effet que celui de le réveiller pour un jour, au bout duquel il retomba dans son état. Pendant les deux premiers mois il donna quelques signes de vie. Quand on avoit différé à le purger, il se plaignoit, & serroit les mains de sa femme. Dès ce tems il commença à ne se plus gâter ; il avoit l'attention machinale de s'avancer au bord du lit, où l'on avoit placé une toile cirée. Il buvoit, mangeoit, prenoit des bouillons, du potage, de la viande, & sur-tout du vin, qu'il ne cessa pas d'aimer pendant sa maladie, comme il faisoit en santé. Jamais il ne découvrit ses besoins par aucun signe. Aux heures de ses repas on lui passoit le doigt sur les levres ; il ouvroit la bouche sans ouvrir les yeux, avaloit ce qu'on lui présentoit, se remettoit & attendoit patiemment un nouveau signe. On le rasoit régulierement ; pendant cette opération il restoit immobile comme un mort. Le levoit-on après dîner, on le trouvoit dans sa chaise les yeux fermés, comme on l'y avoit mis. Huit jours avant sa sortie de la Charité, on s'avisa de le jetter brusquement dans un bain d'eau froide ; ce remede le surprit en effet, il ouvrit les yeux, regarda fixement, ne parla point. Dans cet état sa femme le fit transporter chez elle, où il est présentement, dit l'auteur du mémoire. On ne lui fait point de remede ; il parle d'assez bon sens, & il revient de jour en jour. Ce fait est extraordinaire : le suivant ne l'est pas moins.

M. Homberg lut en 1707 à l'Académie l'extrait d'une lettre hollandoise imprimée à Geneve, qui contenoit l'histoire d'un assoupissement causé par le chagrin, & précédé d'une affection mélancolique de trois mois. Le dormeur hollandois l'emporte sur celui de Paris ; il dormit six mois de suite sans donner aucune marque de sentiment ni de mouvement volontaire. Au bout de six mois il se réveilla, s'entretint avec tout le monde pendant vingt-quatre heures, & se rendormit : peut-être dort-il encore.


ASSOUPLIRASSOUPLIR un cheval (en Manege) c’est lui faire plier le cou, les épaules, les côtés & autres parties du corps à force de le manier, de le faire troter & galoper. Cheval assoupli, ou rendu souple. La rêne de dedans du caveçon attachée courte au pommeau, est très-utile pour assouplir les épaules au cheval. Il faut aider de la rêne du dehors pour assouplir les épaules. On dit, ce pli assouplit extraordinairement le cou à ce cheval. Assouplir & rendre léger est le fondement du manége. Quand un cheval a le cou & les épaules roides, & n’a point de mouvement à la jambe, il faut essayer de l’assouplir avec un caveçon à la Neucastle, le troter & le galoper de telle sorte, qu’on le mette souvent du trot au galop. (V)


ASSUJETTIRASSUJETTIR un mât ou quelqu’autre piece de bois, c’est l’arrêter de façon qu’elle n’ait plus aucun mouvement. (Z)

ASSUJETTIR la croupe d'un cheval, & lui élargir le devant. Avec la rene de dedans & la jambe de dehors on assujettit la croupe ; & mettre la jambe intérieure de derriere à l'extérieure de derriere, étrecit le cheval & l'élargit par-devant. Assujettir le derriere du cheval.


ASSUR(Géog. anc. & mod.) ville d'Asie, sur la côte de la mer de Syrie ; elle est presqu'entierement ruinée. Voyez ANTIPATRIDE.


ASSURANCEASSURANCE

ASSURANCE, en Droit commun, est la sûreté que donne un emprunteur à celui qui lui a prêté une somme d'argent, pour lui répondre du recouvrement d'icelle, comme gage, hypotheque ou caution.

ASSURANCE, ou police d'assûrance, terme de Commerce de mer ; c'est un contrat de convention par lequel un particulier, que l'on appelle assûreur, se charge des risques d'une négociation maritime, en s'obligeant aux pertes & dommages qui peuvent arriver sur mer à un vaisseau ou aux marchandises de son chargement pendant son voyage, soit par tempêtes, naufrages, échouement, abordage, changement de route, de voyage ou de vaisseau ; jet en mer, feu, prise, pillage, arrêt de prince, déclaration de guerre, représailles, & généralement toutes sortes de fortunes de mer, moyennant une certaine somme de sept, huit, dix pour cent, plus ou moins, selon le risque qu'il y a à courir ; laquelle somme doit être payée comptant à l'assûreur par les assûrés, en signant la police d'assûrance.

Cette somme s'appelle ordinairement prime ou coût d'assûrance. Voyez PRIME.

Les polices d'assûrance sont ordinairement dressées par le commis du greffe de la chambre des assûrances, dans les lieux où il y en a d'établies ; & dans ceux où il n'y en a point, on peut les faire pardevant notaires ou sous signature privée. Dans les échelles du Levant les polices d'assûrance peuvent être passées en la chancellerie du consulat, en présence de deux témoins.

Ces polices doivent contenir le nom & le domicile de celui qui se fait assûrer, sa qualité, soit de propriétaire, soit de commissionnaire, & les effets sur lesquels l'assûrance doit être faite ; de plus les noms du navire & du maître, ceux du lieu où les marchandises auront été ou devront être chargées, du havre ou port d'où le vaisseau devra partir ou sera parti, des ports où il devra charger & décharger, & de tous ceux où il devra entrer.

Enfin il faut y remarquer le tems auquel les risques commenceront & finiront, les sommes que l'on entend assûrer, la prime ou coût d'assûrance, la soûmission des parties aux arbitres, en cas de contestation, & généralement toutes les autres clauses dont elles seront convenues, suivant les us & coûtumes de la mer. Ordonnance de la Marine du mois d'Août 1681.

Il y a des assûrances qu'on appelle secrettes ou anonymes, qui se font par correspondance chez les étrangers, même en tems de guerre. On met dans les polices de ces sortes d'assûrances, qu'elles sont pour compte d'ami, tel qu'il puisse être, sans nommer personne.

Il y a encore une autre espece d'assûrance, qui est celle pour les marchandises qui se voiturent & se transportent par terre. Cette sorte d'assûrance se fait entre l'assûreur & l'assûré par convention verbale, & quelquefois, mais très-rarement sous signature privée.

L'origine des assûrances vient des Juifs ; ils en furent les inventeurs lorsqu'ils furent chassés de France en l'année 1182, sous le regne de Philippe-Auguste. Ils s'en servirent alors pour faciliter le transport de leurs effets. Ils en renouvellerent l'usage en 1321, sous Philippe-le-Long, qu'ils furent encore chassés du royaume. Voyez le détail dans lequel entre sur ce mot M. Savary, Dictionnaire du Commerce, tom. I. p. 753. &c.

L'assûrance ne s'étend pas jusqu'au profit des marchandises ; l'assûreur n'en garantit que la valeur intrinseque, & n'est pas garant des dommages qui arriveroient par la faute du maître ou des matelots, ni des pertes occasionnées par le vice propre de la chose.

L'assûrance n'a point de tems limité, elle comprend tout celui de la course. Une assûrance par mois seroit un pacte usuraire. Voyez USURE. (G H)

ASSURANCE, s. f. (Marine.) coup d'assûrance ; c'est un coup de canon que l'on tire lorsqu'on a arboré son pavillon, pour assûrer le vaisseau ou le port devant lequel on se présente, que l'on est véritablement de la nation dont on porte le pavillon. Un vaisseau peut arborer successivement les pavillons de nations différentes, pour ne se pas faire connoître ; mais il ne peut pas les assûrer : un vaisseau ne doit jamais tirer sous un autre pavillon que le sien. (Z)

ASSURANCE se dit, en Fauconnerie, d'un oiseau qui est hors de filiere, c'est-à-dire qui n'est plus attaché par le pié. Il y a deux sortes d'assûrances, savoir à la chambre & au jardin. On assûre l'oiseau au jardin, afin de le porter aux champs.

ASSURANCE, fermeté. On dit, en terme de Chasse, aller d'assûrance. Le cerf va d'assûrance, il ne court point ; il va le pié serré & sans crainte.


ASSURES. f. terme de Fabrique de tapisserie de haute-lisse ; c'est le fil d'or, d'argent, de soie ou de laine dont on couvre la chaîne de la tapisserie ; ce qu'on appelle treme ou trame dans les manufactures d'étoffes & de toiles. Voyez HAUTE-LISSE.


ASSURÉsûr, certain, (Gramm.) Certain a rapport à la spéculation ; les premiers principes sont certains : sûr, à la pratique ; les regles de notre morale sont sûres : assûré, aux évenemens ; dans un bon gouvernement les fortunes sont assûrées. On est certain d'un point de science, sûr d'une maxime de morale, assûré d'un fait. L'esprit juste ne pose que des principes certains. L'honnête homme ne se conduit que par des regles sûres. L'homme prudent ne regarde pas la faveur des grands comme un bien assûré. Il faut douter de tout ce qui n'est pas certain ; se méfier de tout ce qui n'est pas sûr ; rejetter tout fait qui n'est pas bien assûré. Syn. franç.

ASSURE, adj. terme de Commerce de mer : il signifie le propriétaire d'un vaisseau ou des marchandises qui sont chargées dessus, du risque desquelles les assûreurs se sont chargés envers lui, moyennant le prix de la prime d'assûrance convenue entre eux. On dit en ce sens, un tel vaisseau est assûré, pour faire entendre que celui qui en est le propriétaire l'a fait assûrer ; ou un tel marchand est assûré, pour dire qu'il a fait assûrer ses marchandises.

L'assûré court toûjours risque du dixieme des marchandises qu'il a chargées, à moins que dans la police il n'y ait déclaration expresse qu'il entend faire assûrer le total. Mais malgré cette derniere précaution, il ne laisse pas que de courir le risque du dixieme lorsqu'il est lui-même dans le vaisseau, ou qu'il en est le propriétaire. Ordonn. de la Marine du mois d'Août 1681. (G)

ASSURE DES PIES, (Manége.) les mulets sont si assûrés des piés, que c'est la meilleure monture qu'on puisse avoir dans les chemins pierreux & raboteux. (V)


ASSURERaffirmer, confirmer, (Grammaire.) On assûre par le ton dont on dit les choses ; on les affirme par le serment ; on les confirme par des preuves. Assûrer tout, donne l'air dogmatique ; tout affirmer, inspire de la méfiance ; tout confirmer, rend ennuyeux. Le peuple qui ne sait pas douter, assûre toûjours ; les menteurs pensent se faire plus aisément croire en affirmant ; les gens qui aiment à parler, embrassent toutes les occasions de confirmer. Un honnête homme qui assûre, mérite d'être crû ; il perdroit son caractere, s'il affirmoit à l'aventure ; il n'avance rien d'extraordinaire, sans le confirmer par de bonnes raisons.

ASSURER, terme de Commerce de mer ; il se dit du trafic qui se fait entre marchands & négocians, dont les uns moyennant une certaine somme d'argent, qu'on nomme prime d'assûrance, répondent en leur nom des vaisseaux, marchandises & effets que les autres exposent sur la mer. On peut faire assûrer la liberté des personnes, mais non pas leur vie. Il est néanmoins permis à ceux qui rachettent des captifs, de faire assûrer sur les personnes qu'ils tirent de l'esclavage le prix du rachat, que les assûreurs sont tenus de payer, si le racheté faisant son retour est pris, ou s'il périt par autre voie que par sa mort naturelle. Les propriétaires des navires, ni les maîtres, ne peuvent faire assûrer le fret à faire de leurs bâtimens, ni les marchands le profit espéré de leurs marchandises, non plus que les gens de mer leur loyer. Ordon. de la Marine du mois d'Août 1681. (G)

ASSURER son pavillon, (Marine.) c'est tirer un coup de canon en arborant le pavillon de sa nation. Voyez ASSURANCE, COUP D'ASSURANCE. (Z)

ASSURER la bouche d'un cheval, (Manége.) c'est accoûtumer celui que la bride incommode à en souffrir l'effet, sans aucun mouvement d'impatience. Assûrer les épaules d'un cheval, c'est l'empêcher de les porter de côté. (V)

ASSURER un oiseau de proie, c'est l'apprivoiser & empêcher qu'il ne s'effraye.

ASSURER une couleur, (Teintur.) c'est la rendre plus tenace & plus durable. On assûre l'indigo par le pastel. Pour cet effet, on n'en met pas au-delà de six livres sur chaque grosse balle de pastel : mais ce n'est pas seulement en rendant les couleurs plus fines, & en prenant des précautions dans le mêlange des ingrédiens colorans, qu'on assûre les couleurs ; il faut encore les employer avec intelligence. Par exemple, la couleur est moins assûrée dans les étoffes teintes après la fabrication, que dans les étoffes fabriquées avec des matieres déjà teintes. Il n'est pas nécessaire de rendre raison de cette différence ; elle est claire.

ASSURER le grain, terme de Courroyeur ; c'est donner au cuir la derniere préparation qui forme entierement ce grain, qu'on remarque du côté de la fleur dans tous les cuirs courroyés, soit qu'ils soient en couleur ou non. Quand le grain est assûré, il ne reste plus d'autre façon à donner au cuir que le dernier lustre. Voyez COURROYER.


ASSURETTES. f. terme de Commerce de mer, usité dans le Levant ; il signifie la même chose qu'assûrance. Voyez ci-dessus ASSURANCE. (G)


ASSUREURS. m. terme de Commerce de mer ; il signifie celui qui assûre un vaisseau ou les marchandises de son chargement, & qui s'oblige moyennant la prime qui lui est payée comptant par l'assûré, en signant la police d'assûrance, de réparer les pertes & dommages qui peuvent arriver au bâtiment & aux marchandises, suivant qu'il est porté par la police. On dit en ce sens, un tel marchand est l'assûreur d'un tel vaisseau & de telles marchandises. Les assûreurs ne sont point tenus de porter les pertes & dommages arrivés aux marchandises par la faute des maîtres & mariniers, si par la police ils ne sont pas chargés de la baratterie de patron ; ni les déchets, diminutions & pertes qui arrivent par le vice propre de la chose ; non plus que les pilotages, rouage, lamanage, droits de congé, visites, rapports, ancrage, & tous autres imposés sur les navires & marchandises. Ordonn. de la Marine de 1681. (G)


ASTA(Géog. anc. & mod.) ville du royaume d'Astracan, entre Visapour & Dabul. Riviere des Asturies, formée de celle de Ove & de Dova ; elle se décharge dans la mer de Biscaye à Villa-Viciosa. Quelques Géographes prétendent que c'est la Sura des anciens ; d'autres disent que la Sura est la Tuerta du royaume de Léon. Ruines de l'ancienne ville des Turdestans, dans l'Andalousie, sur la riviere de Guadalete : ces ruines sont considérables.


ASTABATville d'Asie dans l'Arménie. Long. 64. lat. 39.


ASTACESfleuve ancien du royaume de Pont, dans l'Asie mineure. Pline dit que les vaches qui paissoient sur ses bords avoient le lait noir, & que ce lait n'en étoit pas moins bon.


ASTACHARville de Perse, que les anciens appelloient Astacara, près du Bendimir & des ruines de Persepolis.


ASTAFFORou ESTERAC, contrée de France dans le bas Armagnac.


ASTAGOAville du Monoémugi, en Afrique, sur les confins de Zanguebar & les rivieres des bons Signes.


ASTAMARACTAMAR, ou ABAUNAS, grand lac du pays des Indes, dans la Turcomanie. Il reçoit plusieurs rivieres, & ne se décharge par aucune. On l'appelle aussi lac de Vastan, & lac de Van, lieux situés sur ses bords.


ASTARAou ESTARAC, petit pays de France en Gascogne, entre l'Armagnac, le Bigorre, & la Gascogne.


ASTAROTH(Hist. anc. & Théolog.) idole des Philistins que les Juifs abattirent par le commandement de Samuel. C'étoit aussi le nom d'un faux dieu des Sidoniens, que Salomon adora pendant son idolatrie. Ce mot signifie troupeau de brebis & richesses. Quelques-uns disent que comme on adoroit Jupiter-Ammon, ou le Soleil, sous la figure d'un bélier, on adoroit aussi Junon-Ammonienne, ou la Lune, sous la figure d'une brebis, & qu'il y a apparence qu'Astaroth étoit l'idole de la Lune, parce que les auteurs hébreux le représentent sous la forme d'une brebis, & que son nom signifie un troupeau de brebis. D'autres croyent que c'étoit un roi d'Assyrie à qui l'on rendit des honneurs divins après sa mort, & qui fut ainsi nommé à cause de ses richesses. Mais cette idée n'a aucun fondement ; il y a beaucoup plus d'apparence qu'Astaroth est la Lune, que les peuples d'Orient adoroient sous différens noms. Elle étoit connue chez les Hébreux sous le nom de la reine du ciel ; chez les Egyptiens, sous le nom d'Isis ; chez les Arabes, sous celui d'Alitta ; les Assyriens la nommoient Mylitta ; les Perses Metra, & les Grecs Diane. Baal & Astaroth sont presque toûjours joints dans l'Ecriture, comme étant les divinités des Sidoniens. Thom. Godwin, de ritibus Hebroeor. Aelien, Tertul. in Apologetic. Cic. de natur. deor. lib. III. Strab. Hesyc. (G)


ASTAROTHITESS. m. pl. (Hist. anc.) secte de Juifs qui adoroient Astaroth & le vrai Dieu, joignant ces deux cultes ensemble. On dit qu'il y eut de ces idolatres depuis Moyse jusqu'à la captivité de Babylone.


ASTATHIENSS. m. pl. (Théol.) hérétiques du neuvieme siecle, & sectateurs d'un certain Sergius qui avoit renouvellé les erreurs des Manichéens. Ce mot est dérivé du grec, & formé d' privatif, sans, & d', sto, je me tiens ferme ; comme qui diroit variable, inconstant ; soit parce qu'ils ne s'en tenoient pas à la foi de l'Eglise, soit parce qu'ils varioient dans leur propre créance. Ces hérétiques s'étoient fortifiés sous l'empereur Nicéphore, qui les favorisoit : mais son successeur Michel Curopalate les réprima par des édits extrèmement severes. On conjecture qu'ils étoient les mêmes que ceux que Théophane & Cedrene appellent Anthiganiens, parce que Nicephore & Curopalate tinrent chacun à l'égard de ceux-ci la conduite dont nous venons de parler. Le P Goar dans ses Notes sur Théophane à l'an 803, prétend que ces troupes de vagabonds, connus en France sous le nom de Bohémiens ou d'Egyptiens, étoient des restes des Astathiens. Son opinion ne s'accorde pas avec le portrait que Constantin Porphyrogenete & Cedrene nous ont fait de cette secte, qui née en Phrygie, y domina, & s'étendit peu dans le reste de l'Empire ; & qui joignant l'usage du baptême à la pratique de toutes les cérémonies de la loi de Moyse, étoit un mêlange absurde du Judaïsme & du Christianisme. (G)


ASTECAou ASCHIKAN, ville d'Asie dans la contrée de Mawralnaher, & la province de Al-Sogde.


ASTER ATTICUou OCULUS CHRISTI, (Jardinage.) plante vivace de la grande espece, à plusieurs tiges rougeâtres, garnies de feuilles oblongues d'un verd clair. La fleur est radiée, agréable à la vûe, de couleur bleue ou violette, quelquefois blanche & jaune dans le milieu ; les sommets sont oblongs, garnis chacun d'une aigrette. Il y en a deux différentes par rapport aux feuilles ; elles croissent dans des lieux incultes, & se multiplient de racines éclatées. On les voit en fleur dans l'automne ; on les place dans les parterres, dans les boulingrins, & entre les arbres isolés & le long des murs de terrasses & des allées rampantes. (K)


ASTERABAou ASTRABAT, ville d'Asie dans la Perse, au pays, sur la riviere, & proche le golfe de même nom, vers la mer Caspienne. Long. 72. 5. lat. 36. 50.


ASTERION(Myth.) fleuve du pays d'Argos, dans les eaux duquel croissoit une plante dont on faisoit des couronnes à Junon l'Argienne. Le fleuve Asterion fut pere de deux filles nommées Eubora Porcymnae & Acrona, qui servirent, à ce qu'on dit, de nourrices à Junon.


ASTERIPHOLEen latin asteripholis, est un genre de plante qui produit de petites têtes écailleuses où sont des fleurs, dont les fleurons sont au milieu du disque, & les demi-fleurons rangés sur la couronne : cette plante porte des semences en aigrettes qui sont séparées les unes des autres sur le fond du calice par des écailles. Pontederoe Dissert. 10. Voyez HERBE, PLANTE, BOTANIQUE. (I)


ASTÉRIQUES. m. terme de Grammaire & d'Imprimerie ; c'est un signe qui est ordinairement en forme d'étoile, que l'on met au-dessus ou auprès d'un mot, pour indiquer au lecteur qu'on le renvoye à un signe pareil, après lequel il trouvera quelque remarque ou explication. Une suite de petites étoiles indiquent qu'il y a quelques mots qui manquent. Ce mot étoit en usage dans le même sens chez les anciens ; c'est un diminutif de , étoile. Isidore en fait mention au premier livre de ses origines. : stella enim , graeco sermone dicitur, à quo asteriscus, stellula, est derivatus ; & quelques lignes plus bas il ajoûte qu'Aristarque se servoit d'astérique allongé par une petite ligne * - pour marquer les vers d'Homere que les copistes avoient déplacés : asteriscus cum obelo ; hâc propriè Aristarchus utebatur in iis versibus qui non suo loco positi erant. Isid. ibid.

Quelquefois on se sert de l'astérique pour faire remarquer un mot ou une pensée : mais il est plus ordinaire que pour cet usage on employe cette marque N B, qui signifie nota bene, remarquez bien. (F)

* L'astérique est un corps de lettre qui entre dans l'assortiment général d'une fonte. Son oeil a la figure qu'on a dit ci-dessus.


ASTÉRISMEasterismus, s. m. signifie en Astronomie la même chose que constellation. Voyez CONSTELLATION. Ce mot vient du grec , stella, étoile. Voyez ETOILE. (O)


ASTERISQUEasteriscus, genre de plante à fleur radiée, dont le disque est composé de plusieurs fleurons, & dont la couronne est formée par des demi-fleurons qui sont posés sur des embryons, & qui sont soûtenus par un calice étoilé qui s'éleve au-dessus de la fleur. Les embryons deviennent dans la suite des semences plates & bordées pour l'ordinaire. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)


ASTEROIDESgenre de plante à fleur radiée, c'est-à-dire dont le disque est composé de plusieurs fleurons, & la couronne de demi-fleurons qui tiennent à des embrions, & qui sont placés sur un calice écailleux. Les embryons deviennent dans la suite des semences ordinairement oblongues. Tournefort, Corol. inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)


ASTETLANprovince du nouveau royaume de Mexique, dans l'Amérique septentrionale, proche de la province de Cinaloa, vers cette mer rouge que les Espagnols ont nommée mar Vermejo.


ASTÉZAou COMTé D'AST, pays d'Italie au Piémont, qui le borne au couchant ; il est du reste enclavé dans le Montferrat.


ASTHMES. m. (Med.) difficulté de respirer, maladie de poitrine, accompagnée d'une espece de sifflement. On lui a aussi donné les noms de dyspnée & d'orthopnée, mots tirés du grec, & que l'on doit rendre en françois par ceux de respiration difficile, ou respiration debout ; situation favorable au malade, lorsqu'il est dans un accès d'asthme.

Les causes générales de l'asthme, sont toutes les maladies qui ont affecté ou affectent quelques parties contenues dans la poitrine, & ont occasionné quelque délabrement dans les organes de la respiration ; tels sont l'érésipele du poumon, ou l'inflammation de cette partie ou de quelqu'autre, dont la fonction est nécessaire à la respiration, sur-tout lorsque cette inflammation a dégénéré en suppuration, & qu'il se rencontre quelque adhérence à la pleure ou au diaphragme. On peut encore mettre au nombre de ces causes le vice de conformation de la poitrine, tant dans les parties intérieures que dans les extérieures.

1°. Les causes prochaines ou particulieres de l'asthme, sont la trop grande abondance de sang provenant des causes de la pléthore universelle, comme la suppression des pertes de sang ordinaires, le changement subit d'un air chaud en un froid, l'usage immodéré d'alimens succulens ; & alors cette espece d'asthme s'appelle sec, & selon Willis convulsif. 2°. La surabondance d'humeurs séreuses, qui refluant du côté des poumons, abreuvent le tissu de leurs fibres, & le rendent trop lâche & peu propre à recevoir & chasser l'air qui y est apporté, & par le moyen duquel s'exécute la respiration : c'est particulierement à cette espece d'asthme que sont sujets les vieillards ; on l'appelle asthme humide ou humoral.

Il suffit pour expliquer le retour périodique de cette maladie, de faire attention à ce que je viens de dire sur sa cause ; dès qu'il se rencontrera quelque révolution qui la déterminera, elle occasionnera un accès d'asthme ; les changemens de tems, de saison, le moindre excès dans l'usage des choses non-naturelles, sont autant de causes déterminantes d'un accès d'asthme.

Cette maladie est ordinairement de longue durée, & aussi dangereuse qu'elle est fâcheuse ; en effet, un malade sujet à l'asthme, croit à chaque accès dont il est attaqué, que ce sera le dernier de sa vie ; rien n'étant plus nécessaire pour la conservation que la respiration, la crainte qu'il a de ne pouvoir plus respirer est certainement bien légitime.

La suite ordinaire de l'asthme, sur-tout de celui que nous avons nommé humide, est l'hydropisie de poitrine ; il est donc question de faire tous ses efforts pour prévenir cette funeste fin dans ceux qui en sont menacés : pour cet effet, on usera de remedes qui pourront diminuer la trop grande quantité de sérosités, & en même tems donner du ressort aux fibres des poumons, & les mettre en état de résister à cette affluence de liqueurs nuisibles. La saignée est un remede très-indiqué dans l'asthme sec ou convulsif, qui est ordinairement accompagné d'ardeur & de fievre ; les délayans, la diete, & tout ce qui peut diminuer la quantité & l'effervescence du sang, sont aussi d'un très-grand secours. (N)


ASTHMÉadj. terme de Fauconnerie, se dit d'un oiseau qui a le poumon enflé & qui respire difficilement ; on dit : ce tiercelet est asthmé, il faut s'en défaire.


ASTIville d'Italie, dans le Montferrat, sur le Tanaro. Long. 25. 50. lat. 44. 50.


ASTICS. m. est un os de jambe de mulet ou de cheval, qui sert à lisser les semelles ; on met de la graisse dans le trou du milieu pour graisser les alênes. Voyez la figure 9, Planche du Cordonnier-Bottier.

L'astic de bois est à-peu-près semblable à celui d'os. Voyez la figure 8.


ASTINGESS. m. plur. (Hist. anc.) peuples inconnus qui vinrent dans la Dace offrir du secours aux Romains, à condition qu'on leur accorderoit des terres ; ils furent alors refusés : mais Marc-Aurele accepta leurs offres l'an 170 de J. C. & ils se battirent contre les ennemis de l'empire.


ASTOMESS. m. pl. peuples fabuleux qui n'avoient point de bouches ; Pline les place dans l'Inde ; d'autres les transportent bien avant dans l'Afrique : ce nom vient de l' privatif, & de , bouche. On prétend que cette fable a été occasionnée par l'aversion que certains Africains qui habitent sur les bords du Sénéga, branche du Niger, ont de montrer leur visage.


ASTORGAville d'Espagne, au royaume de Léon, sur la riviere de Tuerta. Long. 12. lat. 42. 10.


ASTRACANville de la Moscovie Asiatique, dans la Tartarie, capitale du royaume de même nom. Comme il n'y pleut point, on n'y seme aucun grain ; le Volga s'y déborde : depuis Astracan jusqu'à Terxi, il y a de longue bruyeres le long de la mer Caspienne, qui donnent du sel en grande quantité ; elle est située dans une île que forme le Volga. Long. 67. lat. 46. 22.


ASTRAGALE, en Anatomie, est un os du tarse, qui a une éminence convexe, articulée par ginglyme avec le tibia. L'astragale est le plus supérieur de tous les os du tarse. Voyez TARSE.

Quelques-uns appliquent le nom d'astragale aux vertebres du cou. Homere, dans son Odyssée, employe ce terme dans ce sens. Voyez VERTEBRE. On peut distinguer dans l'astragale cinq faces, qui sont presque toutes articulaires & revêtues d'un cartilage.

La face supérieure est convexe, & un peu concave dans sa longueur, & est articulée avec le tibia ; l'inférieure est concave, comme divisée en deux facettes articulaires, séparées par une gouttiere, & s'articule avec le calcaneum ; l'antérieure est arrondie & articulée avec le scaphoïde ou naviculaire. Des deux latérales qui sont les moins considérables, la latérale externe qui est la plus grande, est articulée avec la malléole externe, & la latérale interne avec la malléole interne. Voyez MALLEOLE, &c.

ASTRAGALE, s. m. est un membre d'Architecture, composé de deux moulures ; l'une ronde, faite d'un demi-cercle, l'autre d'un filet. Presque tous les auteurs, les Architectes, & les ouvriers, donnent ce nom à la moulure demi-ronde ; & par-tout ailleurs ils se servent du mot baguette. Mais le nom d'astragale doit s'entendre de ces deux moulures prises ensemble & non séparément : tous les fûts supérieurs des colonnes sont terminées par un astragale qui leur appartient, & non au chapiteau, à l'exception de l'ordre toscan & dorique ; quelquefois à l'ordre ionique, la baguette appartient au chapiteau, dans la crainte que cette moulure appartenant à la colonne, ne rendît son chapiteau trop bas & trop écrasé. Il faut remarquer que cette derniere observation n'a lieu que dans le cas où les fûts d'une colonne sont d'une matiere ; & les chapiteaux de l'autre ; savoir les premiers de marbre, les derniers de bronze, ou bien les fûts de marbre noir, & les chapiteaux de marbre blanc. Car lorsque ces deux parties de l'ordre sont de pierre, alors l'identité de la matiere empêche cette remarque : mais il n'en est pas moins vrai qu'il faut observer par rapport à la construction que l'astragale, ou au moins le filet de ce membre d'architecture, appartient au fût de la colonne ou pilastre ; en voici la raison.

L'usage veut que l'on unisse le fût des colonnes à l'astragale par un congé. Or ce congé n'est autre chose qu'un quart de cercle concave, qui ne peut terminer seul le fût supérieur ou inférieur d'une colonne ; il faut qu'il soit accompagné d'un membre quarré, qui par ses angles droits assûre la solidité, le transport, & la pose du chapiteau & de la colonne ; ce qui ne se pourroit, de quelque matiere que l'on voulut faire choix, sans que ce congé fût sujet à se casser ou s'engrener. (P)

Ce petit membre d'architecture se voit aussi sur les pieces d'artillerie ; il leur sert d'ornement comme il feroit à une colonne. Il y en a ordinairement trois sur une piece, savoir l'astragale de lumiere, celui de ceinture, & celui de volée. Voyez CANON. (Q)

ASTRAGALE, s. m. astragalus, (Hist. nat. bot.) genre de plante à fleurs papilionacées ; il sort du calice un pistil enveloppé d'une graine ; ce pistil devient dans la suite une gousse divisée en deux loges remplies de semences qui ont la figure d'un rein : ajoûtez aux caracteres de ce genre, que les feuilles naissent par paires le long d'une côte terminée par une seule feuille. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE.


ASTRAGALOIDEgenre de plante à fleurs papilionacées ; il s'éleve du calice un pistil qui devient dans la suite une silique à-peu-près de la figure d'un bateau, & remplie de semences semblables à de petits reins. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)


ASTRAGALOMANCIES. f. divination ou espece de sort, qui se pratiquoit avec des osselets ou des especes de dés marqués des lettres de l'alphabet qu'on jettoit au hasard ; & des lettres qui résultoient du coup, on formoit la réponse à ce qu'on cherchoit. C'est ainsi qu'on consultoit Hercule dans un temple qu'il avoit en Achaïe, & que se rendoient les oracles de Gerion à la fontaine d'Apone, proche de Padoue. Hist. de l'acad. des Inscript. tom. I. pag. 122. Ce mot est formé d', osselet, ou petit os qui est fréquent dans les animaux, & de , divination. Quand on y employoit de véritables dés, , on la nommoit , cubomantie. Delrio remarque qu'Auguste & Tibere étoient fort adonnés à cette espece de divination, & il cite en preuve Suétone ; mais cet historien ne dit rien autre chose, sinon que ces princes aimoient fort le jeu des dés, & cela par pur divertissement ; ce qui n'a nul rapport à la divination. (G)


ASTRAce mot vient du latin astrum, qui lui-même vient du mot grec , étoile. Il est peu en usage : mais on s'en sert quelquefois pour signifier ce qui a rapport aux étoiles, ou qui dépend des étoiles & des astres. Voyez ETOILE.

Année astrale ou sidéréale, c'est le tems que la terre employe à faire sa révolution autour du soleil ; c'est-à-dire, à revenir d'un point de son orbite au même point. Elle est opposée à l'année tropique, qui est le tems qui s'écoule entre deux équinoxes de printems ou d'automne ; & cette année est plus courte que l'année sidéréale, qu'on appelle autrement année anomalistique ou périodique. Voyez SIDEREAL & ANNEE. (O)


ASTRANTIAsanicle de montagnes, (Hist. nat. bot.) genre de plante à fleurs en rose, disposées en forme de parasol ; la pointe des pétales est ordinairement repliée : ces pétales sont posés sur un calice qui devient un fruit composé de deux semences, dont chacune est enveloppée dans une coeffe cannelée & frisée. Les fleurs sont rassemblées en un bouquet soûtenu par une couronne de feuilles. Il y a aussi des fleurs stériles qui sont sur leur calice. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)


ASTREastrum, s. m. est un mot général qui s'applique aux étoiles, tant fixes qu'errantes ; c'est-à-dire aux étoiles proprement dites, aux planetes, & aux cometes. Voyez ETOILE, PLANETE, &c.

Astre se dit pourtant le plus ordinairement des corps célestes lumineux par eux-mêmes, comme les étoiles fixes & le soleil. Voyez SOLEIL. (O)

* ASTRES : (Mythol.) Les Payens ont adoré les astres ; ils les croyoient immortels & animés, parce qu'ils les voyoient se mouvoir d'un mouvement continuel, & briller sans aucune altération. Les influences que le soleil a évidemment sur toutes les productions de notre globe, les conduisirent à en attribuer de pareilles à la lune ; & en généralisant cette idée, à tous les autres corps célestes. Il est singulier que la superstition se soit rencontrée ici avec l'Astrologie physique.

ASTRE, s. m. aster, (Hist. nat. bot.) genre de plante à fleur radiée, dont le disque est composé de fleurons, & dont la couronne est formée par des demi-fleurons qui sont posés sur des embryons, & soûtenus par un calice écailleux ; les embryons deviennent dans la suite des semences garnies d'aigrettes, & attachées au fond du calice. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)


ASTRÉE(Myth.) fille d'Astréus & de Thémis, & mere de l'équité naturelle, de cette équité avec laquelle nous naissons, & dont la notion n'est point dûe à la crainte des lois humaines. Elle habita sur la terre tant que dura l'âge d'or : mais quand les hommes cesserent entierement d'entendre sa voix, & se furent souillés de crimes, elle s'envola au ciel, où elle se plaça, disent les Poëtes, dans le signe de la Vierge. Il paroît que ce ne fut pas sans regret qu'elle quitta la terre, & qu'elle y seroit encore, si la méchanceté ne l'eût poursuivie par-tout. Exilée des villes, elle se retira dans les campagnes & parmi les laboureurs, & elle n'abandonna cet asyle que quand le vice s'en fut encore emparé. On la peint, dit Aulugelle, sous la figure d'une vierge qui a le regard formidable. Elle a l'air triste : mais sa tristesse n'ôte rien à sa dignité : elle tient une balance d'une main, & une épée de l'autre. Il paroît qu'on la confond souvent avec Thémis, à qui l'on a donné les mêmes attributs.


ASTRINGENTadj. (Med.) nom que l'on donne à certains remedes. Ce mot vient du latin astringere, resserrer, parce que la propriété de ces remedes est de resserrer ; c'est-à-dire, lorsque les déjections d'un malade sont trop liquides, d'en corriger la trop grande fluidité, & de leur donner la consistance qui leur est nécessaire, & qui prouve la bonne disposition des organes de la digestion.

On doit compter de deux sortes d'astringens ; savoir, ceux qui mêlés avec les liqueurs de l'estomac & des intestins, en absorbent, moyennant leur partie terrestre, une certaine quantité ; d'autres qui picotent & irritent les fibres circulaires des glandes intestinales, & les obligent par cette contraction à ne pas fournir avec tant d'abondance la lymphe qu'elles contiennent.

L'administration de ces remedes est très-dangereuse, & demande toute la prudence possible. Les accidens qui arrivent journellement de l'usage de ces remedes pris à contre-tems, c'est-à-dire sans avoir évacué auparavant les humeurs nuisibles, prouvent avec quelle circonspection on doit les employer.

L'usage extérieur des astringens a rapport au mot styptique. Voyez STYPTIQUE. (N)


ASTROCHYNOLOGIEastrocynologia, mot composé du grec , astre, , chien, & , discours, traité. C'est le nom d'un traité sur les jours caniculaires, dont il est fait mention dans les astres de Leipsic, ann. 1702. mois de Déc. page 514. Voyez CANICULAIRE.


ASTROITES. f. astroïtes, (Hist. nat.) On a confondu sous ce nom deux choses de nature très-différente ; savoir, une prétendue plante marine que M. de Tournefort a rapportée au genre des madrepores, voyez MADREPORE ; & une pétrification. Il ne sera question ici que de la premiere ; & on fera mention de l'autre au mot stellite. Voyez STELLITE. L'astroïte dont il s'agit est un corps pierreux, plus ou moins gros, organisé régulierement, de couleur blanche, qui brunit par différens accidens. L'astroïte se trouve dans la mer ; il y a sur sa partie supérieure des figures exprimées, partie en creux, partie en relief, qui sont plus ou moins grandes. On a prétendu que ces figures représentent de petits astres ; d'où vient le nom d'astroïte. On a crû y voir des figures d'étoiles ; c'est pourquoi on a aussi donné le nom de pierre étoilée à l'astroïte, lorsqu'on croyoit que c'étoit une pierre ; alors on la mettoit au nombre des pierres figurées : ensuite on l'a tirée de la classe des pierres pour la mettre au rang des plantes marines pierreuses ; & enfin l'astroïte a passé dans le regne animal, avec d'autres prétendues plantes marines, lorsque M. Peyssonnel a eu découvert des insectes au lieu de fleurs dans ces corps marins, comme il sera expliqué au mot plante marine. Voyez PLANTE MARINE. Il y a plusieurs especes d'astroïte, qui different par la grandeur des figures dont elles sont parsemées : les plus petites ont environ une ligne de diametre, & les plus grandes ont quatre à cinq lignes. Planche XXIII. figure 3. Ces figures sont rondes, & terminées par un bord circulaire plus ou moins saillant. Il y a dans l'aire de chacun de ces cercles, des feuillets perpendiculaires qui s'étendent en forme de rayons depuis le centre jusqu'à la circonférence. Ces feuillets sont séparés les uns des autres par un espace vuide, & ils traversent l'astroïte du dessus au dessous ; ce qui forme autant de cylindres qu'il y a de cercles sur la surface supérieure. Ces cylindres ont un axe qui est composé dans les plus gros, de plusieurs tuyaux concentriques. Il y a une sorte d'astroïte qui est figurée bien différemment Planche XXIII. fig. 2. Sa surface supérieure est creusée par des sillons ondoyans, qui forment des contours irréguliers que l'on a comparés aux anfractuosités du cerveau : c'est à cause de cette ressemblance que l'on a donné à l'espece d'astroïte dont il s'agit, le nom de cerveau de mer. Cette astroïte est composée de feuillets perpendiculaires, posés à une petite distance l'un de l'autre, qui s'étendent depuis la crête jusqu'au fond du sillon, & qui pénetrent jusqu'à la surface inférieure de l'astroite, comme dans les autres especes.

On trouve assez communément des astroïtes fossiles & des astroïtes pétrifiées. M. le comte de Tressan vient d'envoyer au cabinet d'histoire naturelle plusieurs especes de ces astroïtes pétrifiées, avec une grande quantité d'autres belles pétrifications qu'il a trouvées dans le Toulois, le Barrois, & d'autres provinces voisines qui sont sous son commandement. Tous ceux qui, comme M. de Tressan, sauront recueillir des pétrifications avec le choix d'un homme de goût & les lumieres d'un naturaliste, trouveront presque par-tout des corps marins, tels que l'astroïte, fossiles ou pétrifiés : il est plus rare de les trouver pétrifiés en marbre & en pierre fine, surtout en substance d'agate. Les astroïtes qui sont pétrifiées en agate, reçoivent un très-beau poli, & les figures qu'on y voit font un assez joli effet : on les employe pour faire des boîtes & autres bijoux. Il y en a beaucoup en Angleterre, c'est pourquoi nos Lapidaires les ont nommées cailloux d'Angleterre, mais improprement. Voyez CAILLOU D'ANGLETERRE. Il se trouve aussi à Touque en Normandie, de ces astroïtes pétrifiées en agate. Voyez PETRIFICATION, FOSSILE.


ASTROLABES. m. (Astron.) signifioit anciennement un système ou assemblage de différens cercles de la sphere, disposés entr'eux dans l'ordre & dans la situation convenable. Voyez CERCLE & SPHERE.

Il y a apparence que les anciens astrolabes avoient beaucoup de rapport à nos spheres armillaires d'aujourd'hui. Voyez ARMILLAIRE.

Le premier & le plus célebre de ce genre, étoit celui d'Hipparque, que cet astronome avoit fait à Alexandrie, & placé dans un lieu sûr & commode, pour s'en servir dans différentes observations astronomiques.

Ptolomée en fit le même usage ; mais comme cet instrument avoit différens inconvéniens, il prit le parti d'en changer la figure, quoiqu'elle fût parfaitement conforme à la théorie de la sphere ; & il réduisit l'astrolabe à une surface plane, à laquelle il donna le nom de planisphere. Voyez PLANISPHERE.

Cette réduction n'est possible qu'en supposant qu'un oeil, qui n'est pris que pour un point, voit tous les cercles de la sphere, & les rapporte à un plan ; alors il se fait une représentation ou projection de la sphere, applatie & pour ainsi dire écrasée sur ce plan, qu'on appelle plan de projection.

Un tableau n'est qu'un plan de projection placé entre l'oeil & l'objet, de maniere qu'il contient toutes les traces que laisseroient imprimées sur la superficie tous les rayons tirés de l'objet à l'oeil ; mais en fait de planispheres ou d'astrolabes, le plan de projection est placé au-delà de l'objet, qui est toûjours la sphere. Il en est de même des cadrans, qui sont aussi des projections de la sphere, faites par rapport au soleil. Il est naturel & presqu'indispensable de prendre pour plan de projection de l'astrolabe quelqu'un des cercles de la sphere, ou au moins un plan qui lui soit parallele ; après quoi reste à fixer la position de l'oeil par rapport à ce plan. Entre le nombre infini de planispheres que pouvoient donner les différens plans de projection & les différentes positions de l'oeil, Ptolomée s'arrêta à celui dont le plan de projection seroit parallele à l'équateur, & où l'oeil seroit placé à l'un des poles de l'équateur ou du monde. Cette projection de la sphere est possible, & on l'appelle l'astrolabe polaire ou de Ptolomée. Tous les méridiens qui passent par le point où est l'oeil, & sont perpendiculaires au plan de projection, deviennent des lignes droites, ce qui est commode pour la description des planispheres ; mais il faut remarquer que leurs degrés qui sont égaux dans la figure circulaire, deviennent fort inégaux quand le cercle s'est changé en ligne droite : ce que l'on peut voir facilement en tirant de l'extrémité d'un diametre par tous les arcs égaux d'un demi-cercle, des lignes droites qui aillent se terminer à une autre droite qui touchera ce demi-cercle à l'autre extrémité du même diametre ; car le demi-cercle se change par la projection en cette tangente, & elle sera divisée de maniere que ses parties seront plus grandes à mesure qu'elles s'éloigneront davantage du point touchant. Ainsi dans l'astrolabe de Ptolomée les degrés des méridiens sont fort grands vers les bords de l'instrument, & fort petits vers le centre, ce qui cause deux inconvéniens ; l'un qu'on ne peut faire aucune opération exacte sur les degrés proches du centre, parce qu'ils sont trop petits pour être aisément divisés en minutes, & moins encore en secondes ; l'autre que les figures célestes, telles que les constellations, deviennent difformes & presque méconnoissables, en tant qu'elles se rapportent aux méridiens, & que leur description dépend de ces cercles. Quant aux autres cercles de la sphere, grands ou petits, paralleles ou inclinés à l'équateur, ils demeurent cercles dans l'astrolabe de Ptolomée. Comme l'horison & tous les cercles qui en dépendent, c'est-à-dire les paralleles & les cercles verticaux, sont différens pour chaque lieu, on décrit à part sur une planche qu'on place au-dedans de l'instrument, l'horison & tous les autres cercles qui y ont rapport, tels qu'ils doivent être pour le lieu ou pour le parallele où l'on veut se servir de l'astrolabe de Ptolomée ; & par cette raison il ne passe que pour être particulier, c'est-à-dire d'un usage borné à des lieux d'une certaine latitude ; & si l'on veut s'en servir en d'autres lieux, il faut changer la planche & y décrire un autre horison. M. Formey. Voyez PLANISPHERE.

C'est de-là que les modernes ont donné le nom d'astrolabe à un planisphere ou à la projection stéréographique des cercles de la sphere sur le plan d'un de ses grands cercles. Voyez PROJECTION STEREOGRAPHIQUE.

Les plans ordinaires de projection sont 1°. celui de l'équinoctial ou équateur, l'oeil étant supposé à l'un des poles du monde : 2°. celui du méridien, l'oeil étant supposé au point d'intersection de l'équateur & de l'horison : 3°. enfin celui de l'horison. Stoffler, Gemma-Frisius & Clavius ont traité fort au long de l'astrolabe.

Voici la construction de l'astrolabe de Gemma-Frisius ou Frison. Le plan de projection est le coulure ou méridien des solstices, & l'oeil est placé à l'endroit où se coupent l'équateur & le zodiaque, & qui est le pole de ce méridien ; ainsi dans cet astrolabe l'équateur, qui devient une ligne droite, est divisé fort inégalement, & a ses parties beaucoup plus serrées vers le centre de l'instrument que vers les bords, par la même raison que dans l'astrolabe de Ptolomée ce sont les méridiens qui sont défigurés de cette sorte : en un mot c'est l'astrolabe de Ptolomée renversé. Seulement pour ce qui regarde l'horison il suffit de faire une certaine opération, au lieu de mettre une planche séparée ; & cela a fait donner à cet astrolabe le nom d'universel. Jean de Royas a imaginé aussi un astrolabe dont le plan de projection est un méridien, & il place l'oeil sur l'axe de ce méridien à une distance infinie. L'avantage qu'il tire de cette position de l'oeil, est que toutes les lignes qui en partent sont paralleles entr'elles, & perpendiculaires au plan de projection ; par conséquent non-seulement l'équateur est une ligne droite, comme dans l'astrolabe de Gemma-Frison, mais tous les paralleles à l'équateur en sont aussi, puisqu'en vertu de la distance infinie de l'oeil, ils sont tous dans le même cas que si leur plan passoit par l'oeil : par la même raison l'horison & ses paralleles sont des lignes droites ; mais au lieu que dans les deux astrolabes les degrés des cercles devenus lignes droites sont fort petits vers le centre & fort grands vers les bords, ici ils sont fort petits vers les bords & fort grands vers le centre ; ce qui se voit facilement en tirant sur la tangente d'un quart de cercle des paralleles au diametre par toutes ses divisions égales. Les figures ne sont donc pas moins altérées que dans les deux autres ; de plus la plûpart des cercles dégénerent ici en ellipses qui sont difficiles à décrire. Cet astrolabe est appellé universel, comme celui de Gemma-Frison, & pour la même raison.

Nous venons de décrire les trois seules especes d'astrolabes qui eussent encore paru avant M. de la Hire. Leurs défauts communs étoient d'altérer tellement les figures des constellations, qu'elles n'étoient pas faciles à comparer avec le ciel, & d'avoir en quelques endroits des degrés si serrés, qu'ils ne laissoient pas d'espace aux opérations. Comme ces deux défauts ont le même principe, M. de la Hire y remédia en même tems, en trouvant une position de l'oeil d'où les divisions des cercles projettés fussent très-sensiblement égales dans toute l'étendue de l'instrument. Les deux premiers astrolabes plaçoient l'oeil au pole du cercle ou du plan de projection, le troisieme à distance infinie, & ils rendoient les divisions inégales dans un ordre contraire. M. de la Hire a découvert un point moyen, d'où elles sont suffisamment égales. Il prend pour son point de projection celui d'un méridien, & par conséquent fait un astrolabe universel ; & il place l'oeil sur l'axe de ce méridien prolongé de la valeur de son sinus de 45 degrés ; c'est-à-dire que si le diametre ou axe du méridien est supposé de 200 parties, il le faut prolonger de 70 à-peu-près. De ce point où l'oeil est placé, une ligne tirée au milieu du quart de cercle, passe précisément par le milieu du rayon qui lui répond ; cela est démontré géométriquement : & puisque de cette maniere les deux moitiés égales du quart de cercle répondent si juste aux deux moitiés égales du rayon, il n'est pas possible que les autres parties égales du quart de cercle répondent à des parties fort inégales du rayon.

L'expérience & la pratique ont confirmé cette pensée, & M. de la Hire a fait exécuter par cette méthode des planispheres ou des astrolabes très-commodes & très-exacts. Mais comme il n'étoit pas absolument démontré que le point de vûe d'où les divisions de la moitié du quart de cercle & de la moitié du rayon sont égales, fût celui d'où les autres divisions sont les plus égales qu'il se puisse, M. Parent chercha en général quel étoit ce point, & s'il n'y en a pas quelqu'un d'où les divisions des autres parties soient moins inégales, quoique celles des moitiés ne soient pas égales. En se servant donc du secours de la géométrie des infiniment petits, M. Parent détermina le point d'où un diametre étant divisé, les inégalités ou différences de toutes ces parties prises ensemble font la moindre quantité qu'il se puisse ; mais il seroit encore à desirer que la démonstration s'étendît à prouver que cette somme d'inégalités, la moindre de toutes, est distribuée entre toutes les parties dont elle résulte, le plus également qu'il se puisse : car ce n'est précisément que cette condition qui rend les parties les plus égales entr'elles qu'elles puissent l'être ; & il seroit possible que des grandeurs dont la somme des différences seroit moindre, seroient plus inégales, parce que cette somme totale seroit répandue plus inégalement. M. Parent trouva aussi le point où doit être placé l'oeil pour voir les zones égales d'un hémisphere les plus égales qu'il se puisse, par exemple les zones d'un hémisphere de la terre partagé de 10 en 10 degrés. Ce point est à l'extrémité d'un diametre de 200 parties, qui est l'axe des zones prolongé de 110 1/2. Voyez l'hist. de l'acad, des Sc. 1701, pag. 122. & 1702, p. 92. M. Formey. (O)

ASTROLABE ou ASTROLABE DE MER, signifie plus particulierement un instrument dont on se sert en mer pour prendre la hauteur du pole ou celle du soleil, d'une étoile, &c. Voyez HAUTEUR.

Ce mot est formé des mots grecs , étoile, & , capio, je prends. Les Arabes donnent à cet instrument le nom d'astarlab, qui est formé par corruption du grec ; cependant quelques auteurs prétendent que le mot astrolabe est arabe d'origine : mais les savans conviennent assez généralement que les Arabes ont emprunté des Grecs le nom & l'usage de cet instrument. Nassireddin Thousi a fait un traité en langue persane, qui est intitulé Bait Babhfil astarlab, dans lequel il explique la structure & l'usage de l'astrolabe.

L'astrolabe ordinaire se voit à la fig. 2. Pl. Navig. Il consiste en un large anneau de cuivre d'environ 15 pouces de diametre, dont le limbe entier, ou au moins une partie convenable, est divisé en degrés & en minutes. Sur ce limbe est un index mobile qui peut tourner autour du centre, & qui porte deux pinnules. Au zénith de l'instrument est un anneau par lequel on tient l'astrolabe quand on veut faire quelqu'observation. Pour faire usage de cet instrument on le tourne vers le soleil, de maniere que les rayons passent par les deux pinnules F & G ; & alors le tranchant de l'index marque sur le limbe divisé la hauteur qu'on cherche.

Quoique l'astrolabe ne soit presque plus d'usage aujourd'hui, cependant cet instrument est au moins aussi bon qu'aucun de ceux dont on se sert pour prendre hauteur en mer, sur-tout entre les tropiques, où le soleil à midi est plus près du zénith. On employe l'astrolabe à beaucoup d'autres usages, sur lesquels Clavius, Henrion. &c. ont fait des volumes. (T)


ASTROLOGIES. f. Astrologia. Ce mot est composé de , étoile, & de , discours ; ainsi l'Astrologie seroit, en suivant le sens littéral de ce terme, la connoissance du ciel & des astres, & c'est aussi ce qu'il signifioit dans son origine. C'est la connoissance du ciel & des astres, qui faisoit l'Astrologie ancienne ; mais la signification de ce terme a changé, & nous appellons maintenant Astronomie ce que les anciens nommoient Astrologie. Voyez ASTRONOMIE.

L'Astrologie est l'art de prédire les évenemens futurs par les aspects, les positions & les influences des corps célestes. Voyez ASPECT, INFLUENCE, &c.

On divise l'Astrologie en deux branches ; l'Astrologie naturelle, & l'Astrologie judiciaire.

L'Astrologie naturelle est l'art de prédire les effets naturels, tels que les changemens de tems, les vents, les tempêtes, les orages, les tonnerres, les inondations, les tremblemens de terres, &c. Voyez NATUREL ; voyez aussi TEMS, VENT, PLUIE, OURAGAN, TONNERRE, TREMBLEMENT DE TERRE, &c.

C'est à cette branche que s'en est tenu Goad, auteur Anglois, dans l'ouvrage en deux volumes, qu'il a intitulé l'Astrologie. Il prétend que la contemplation des astres peut conduire à la connoissance des inondations, & d'une infinité d'autres phénomenes. En conséquence de cette idée, il tâche d'expliquer la diversité des saisons par les différentes situations & les mouvemens des planetes, par leurs rétrogradations, par le nombre des étoiles qui composent une constellation, &c.

L'Astrologie naturelle est elle-même, à proprement parler, une branche de la Physique ou Philosophie naturelle ; & l'art de prédire les effets naturels, n'est qu'une suite à posteriori, des observations & des phénomenes.

Si l'on est curieux de savoir quels sont les vrais fondemens de l'Astrologie naturelle, & quel cas l'on peut faire de ses prédictions, on n'a qu'à parcourir les articles AIR, ATMOSPHERE, TEMS, BAROMETRE, ECLIPSE, COMETE, PLANETE, HYGROMETRE, ECOULEMENT, EMISSION. &c.

M. Boyle a eu raison quand il a fait l'apologie de cette Astrologie dans son histoire de l'Air. La génération & la corruption étant, selon lui, les termes extrèmes du mouvement ; & la raréfaction & la condensation, les termes moyens, il démontre conséquemment à ce principe, que les émanations des corps célestes contribuant immédiatement à la production des deux derniers effets, elles ne peuvent manquer de contribuer à la production des deux premiers, & d'affecter tous les corps physiques. Voyez GENERATION, CORRUPTION, RAREFACTION, CONDENSATION, &c.

Il est constant que l'humidité, la chaleur, le froid, &c. (qualités que la nature employe à la production de deux effets considérables, la condensation & la raréfaction) dépendent presqu'entierement de la révolution des mouvemens, de la situation, &c. des corps célestes. Il n'est pas moins certain que chaque planete doit avoir une lumiere qui lui est propre ; lumiere distincte de celle de tout autre corps ; lumiere qui n'est pas seulement une qualité visible en elle, mais en vertu de laquelle elle est doüée d'un pouvoir spécifique. Le soleil, comme nous le savons, éclaire non-seulement toutes les planetes, mais il les échauffe encore par sa chaleur primordiale, les ranime, les met en mouvement, & leur communique des propriétés qui leur sont particulieres à chacune. Mais ce n'est pas tout : ses rayons prennent sur ce corps une espece de teinture ; ils s'y modifient ; & ainsi modifiés, ils sont refléchis sur les autres parties du monde, & sur-tout sur les parties circonvoisines du monde planétaire. Ainsi selon l'aspect plus ou moins grand que les planetes ont avec cet astre, selon le degré dont elle en sont éclairées, le plus ou moins d'obliquité sous laquelle elles reçoivent ses rayons, le plus ou moins de distance à laquelle elles en sont placées, les situations différentes qu'elles ont à son égard ; ses rayons en ressentent plus ou moins la vertu ; ils en partagent plus ou moins les effets ; ils en prennent, si on peut parler ainsi, une teinture plus ou moins forte : & cette vertu, ces effets, cette teinture, sont ensuite plus ou moins énergiques sur les êtres sublunaires. Voyez Mead, de imperio solis & lunae, &c.

L'Astrologie judiciaire à laquelle on donne proprement le nom d'Astrologie, est l'art prétendu d'annoncer les évenemens moraux avant qu'ils arrivent. J'entends par évenemens moraux, ceux qui dépendent de la volonté & des actions libres de l'homme ; comme si les astres avoient quelque autorité sur lui, & qu'il en fût dirigé. Voyez VOLONTE, ACTION, &c.

Ceux qui professent cet Art prétendent que " le ciel est un grand livre où Dieu a écrit de sa main l'histoire du monde, & où tout homme peut lire sa destinée. Notre Art, disent-ils, a eu le même berceau que l'Astronomie. Les anciens Assyriens qui joüissoient d'un ciel dont la beauté & la sérénité favorisoient les observations astronomiques, s'occuperent des mouvemens & des révolutions périodiques des corps célestes : ils remarquerent une analogie constante entre ces corps & les corps terrestres ; & ils en conclurrent que les astres étoient réellement ces parques & ce destin dont il étoit tant parlé, qu'ils présidoient à notre naissance, & qu'ils disposoient de notre état futur ". V. HOROSCOPE, NAISSANCE, MAISON, PARQUE, DESTINEE, &c. Voilà comment les Astrologues défendoient jadis leur Art. Quant à présent, l'occupation principale de ceux à qui nous donnons ce titre, est de faire des almanachs & des calendriers. Voyez CALENDRIER & ALMANACH.

L'Astrologie judiciaire passe pour avoir pris naissance dans la Chaldée, d'où elle pénétra en Egypte, en Grece, & en Italie. Il y a des auteurs qui la font Egyptienne d'origine, & qui en attribuent l'invention à Cham : quant à nous, c'est des Arabes que nous le tenons. Le peuple Romain en fut tellement infatué, que les Astrologues ou Mathématiciens, car c'est ainsi qu'on les appelloit, se soûtinrent dans Rome malgré les édits des empereurs qui les en bannissoient. Voyez GENETHLIAQUES.

Quant aux autres contrées ; les Brames ou Bramines qui avoient introduit cet art prétendu dans l'Inde, & qui l'y pratiquoient, s'étant donnés pour les dispensateurs des biens & des maux à venir, exercerent sur les peuples une autorité prodigieuse. On les consultoit comme des oracles, & on n'en obtenoit des réponses qu'à grands frais : ce n'étoit qu'à très-haut prix qu'ils vendoient leurs mensonges. Voyez BRACHMANE.

Les anciens ont donné le nom d'Astrologie apotelesmatique ou sphere barbarique, à cette science pleine de superstition, qui concerne les effets & les influences des astres. Les anciens Juifs, malgré leur religion, sont tombés dans cette superstition, dont les Chrétiens eux-mêmes n'ont pas été exempts. Les Grecs modernes l'ont portée jusqu'à l'excès, & à peine se trouve-t-il un de leurs auteurs, qui, en toute occasion, ne parle de prédictions par les astres, d'horoscopes, de talismans ; ensorte qu'à peine, si on veut les en croire, il y avoit une seule colonne, statue ou édifice dans Constantinople & dans toute la Grece, qui ne fût élevée suivant les regles de l'Astrologie apotelesmatique ; car c'est de ce mot , qu'a été formé celui de talisman.

Nous avons été infectés de la même superstition dans ces derniers siecles. Les historiens François observent que l'Astrologie judiciaire étoit tellement en vogue sous la reine Catherine de Medicis, qu'on n'osoit rien entreprendre d'important sans avoir auparavant consulté les astres : & sous le regne de Henri III. & de Henri IV. il n'est question dans les entretiens de la cour de France, que des prédictions des Astrologues.

Barclay a fait dans le second livre de son Argenis, une satyre ingénieuse du préjugé singulier qu'on avoit pris dans cette cour. Un Astrologue qui s'étoit chargé de prédire au roi Henri l'évenement d'une guerre dont il étoit menacé par la faction des Guises, donna occasion à la satyre de Barclay.

" Vous dites, devin prétendu, dit Barclay, que c'est de l'influence des astres qui ont présidé à notre naissance, que dépendent les différentes circonstances heureuses ou malheureuses de notre vie & de notre mort ; vous avoüez d'un autre côté que les cieux ont un cours si rapide, qu'un seul instant suffit pour changer la disposition des astres : comment concilier ces deux choses ? & puisque ce mouvement si prompt qu'on ne peut le concevoir, entraîne avec lui tous les corps célestes ; les promesses ou les menaces qui y sont attachées, ne doivent-elles pas aussi changer selon leurs différentes situations ? pour lors comment fixer les destinées ? Vous ne pouvez savoir (connoissance pourtant, selon vous, nécessaire) sous quel astre une personne sera née ; vous croyez peut-être que le premier soin des sages-femmes est de consulter à la naissance d'un enfant toutes les horloges, de marquer exactement les minutes, & de conserver à celui qui vient de naître ses étoiles comme son patrimoine : mais souvent le péril des meres ne laisse pas lieu à cette attention. Quand on le pourroit ; combien y en a-t-il qui négligent de le faire, étant au-dessus de pareilles superstitions ? En supposant même qu'on ait étudié ce moment, l'enfant peut ne pas paroître dans l'instant ; certaines circonstances peuvent laisser un long intervalle : d'ailleurs les cadrans sont ils toûjours justes & exacts ? les horloges, quelque bonnes qu'elles soient, ne se démentent-elles pas souvent par un tems ou trop sec ou trop humide ? qui peut donc assûrer que l'instant auquel des personnes attentives auront placé la naissance d'un enfant, soit le véritable moment qui réponde à son étoile ?

Je suppose encore avec vous qu'on ait trouvé ce point juste, l'étoile qui a présidé, sa situation, sa force ; pourquoi considérer entre les étoiles celles qui dominoient pendant que le fruit s'animoit dans le ventre de la mere, plûtôt que celles qui paroissoient pendant que le corps encore tendre & l'ame ignorante d'elle-même apprenoit dans sa prison à supporter patiemment la vie ?

Mais laissant toutes ces difficultés, je vous accorde que l'état du ciel étoit bien connu au moment de la naissance : pourquoi faire émaner des astres un pouvoir absolu, je ne dis pas seulement sur les corps, mais aussi sur les volontés ? il faut donc que ce soit d'eux que j'attende mon bonheur ; que ma vie & ma mort en dépendent. Ceux qui s'engagent dans le parti des armes, & qui périssent dans une même bataille, sont-ils nés sous la même constellation ? & peut-on dire qu'un vaisseau qui doit échoüer ne recevra que ceux que leurs mauvaises étoiles auront condamnés en naissant à faire naufrage ? L'expérience nous fait voir tous les jours que des personnes nées dans des tems bien différens, se livrent au combat, ou montent un vaisseau où ils périssent, n'ayant de commun que l'instant de la mort. Tous ceux qui viennent au monde sous la même disposition du ciel, ont-ils pour cela une même destinée pour la vie & pour la mort ? Vous voyez ici le roi ; croyez-vous que ceux qui sont nés sous la même étoile, possedent des royaumes, ou pour le moins des richesses, qui prouvent l'heureuse & favorable influence des astres dans leur naissance ? croyez-vous même qu'ils ayent vécu jusqu'à présent ? Voilà M. de Villeroy ; ceux qui sont nés sous la même planete, ont-ils sa sagesse en partage ? sont-ils comme lui honorés de la faveur du prince ? Et ceux qui sont nés dans le même instant que vous, sont-ils tous Astrologues, pour ne rien dire de pis ? Que si quelqu'un périt par la main d'un voleur, son sort, dites-vous exigeoit qu'il fût tué par la main de ce misérable. Quoi donc ces mêmes astres qui avoient destiné le voyageur dans le moment de sa naissance, à être un jour exposé au fer d'un assassin, ont aussi donné à l'assassin, peut-être long-tems avant la naissance du voyageur, l'intention & la force pour vouloir & pouvoir exécuter son mauvais dessein ? car les astres, à ce que vous prétendez, concourent également à la cruauté de celui qui tue, & au malheur de celui qui est tué. Quelqu'un est accablé sous les ruines d'un bâtiment ; est-ce donc parce qu'il est condamné par sa destinée à être enseveli dans sa propre maison, que les murs en sont tombés ? On doit raisonner de même à l'occasion des dignités où l'on n'est élevé que par suffrages. La planete ou les astres qui ont présidé à la naissance d'une personne, & qui dans vos principes lui ont destiné des grandeurs, ont-ils pû aussi étendre leur pouvoir jusque sur d'autres hommes qui n'étoient pas encore nés, de qui dépendoient toutefois tous les effets de ces heureuses influences ?

Ce qu'il pourroit y avoir de vrai, en supposant la réalité des influences des corps célestes, c'est que comme le soleil produit des effets différens sur les choses différentes de la terre, quoique ce soit toûjours les mêmes rayons & la même lumiere, qu'il échauffe & entretient quelques semences, qu'il en fait mourir d'autres ; qu'il desseche de petites herbes, tandis que d'autres qui ont plus de suc résistent davantage ; de même aussi plusieurs enfans qui naissent en même tems ressemblent à un champ préparé de différentes manieres, selon la différence du naturel, du tempérament & des habitudes de ceux à qui ils doivent le jour. Cette puissance des astres qui est une pour tous ces enfans, ne doit point dans tous produire les mêmes effets. Si le naturel de l'enfant a quelque rapport avec cette puissance, elle y dominera : s'il est opposé, je doute même qu'elle le corrige. De façon que pour juger sainement quel doit être le caractere d'un enfant, il ne faut pas s'arrêter seulement à considérer les astres, il faut encore remonter aux parens, faire attention à la condition de la mere pendant qu'elle étoit enceinte, & à beaucoup d'autres choses qui sont inconnues.

Enfin, je vous demande, Chaldéen, si cette influence que vous regardez comme la cause du bonheur ou du malheur, demeurera toûjours au ciel jusqu'au tems marqué, pour descendre ensuite sur terre, & y faire agir des instrumens propres à ce que les astres avoient arrêté ; ou si renfermée dans l'enfant, entretenue & croissant avec lui, elle doit en certaines occasions se faire jour pour accomplir les decrets irrévocables des astres ? Si vous prétendez qu'elle demeure au ciel, il y a dans vos principes une contradiction manifeste ; car puisque le bonheur ou le malheur de celui qui vient au monde, dépend de la maniere dont les astres étoient joints dans le moment de sa naissance, le cours de ces mêmes astres semble avoir détruit cette premiere forme, & en avoir donné une autre peut-être entierement opposée. Dans quelle partie du ciel se sera conservée cette premiere puissance, qui ne doit paroître & joüer, pour ainsi dire, son rôle que plusieurs années après, comme lorsque l'enfant aura quarante ans ? De croire d'un autre côté que le destin, qui ne doit avoir son effet, que quand cet enfant sera parvenu à un âge plus avancé, lui soit attaché dès son enfance, c'est une impertinente rêverie. Quoi donc, ce sera lui, qui, dans un naufrage où il doit périr, sera cause que les vents s'éleveront, ou que le pilote, s'oubliant lui-même, ira échoüer contre des bancs ? Le laboureur, dans la campagne, aura été l'auteur de la guerre qui l'appauvrit, ou d'un tems favorable qui doit lui donner une moisson abondante ?

Il est vrai que quelques-uns parmi vous publient hautement des oracles, que l'évenement a justifiés : mais ces évenemens justifiés par l'expérience, sont en si petit nombre, relativement à la multitude des faux oracles que vous avez prononcés vous & vos semblables, qu'ils démontrent eux-mêmes le peu de cas qu'on en doit faire. Vous faites passer un million de mensonges malheureux, à la faveur de sept ou huit autres qui vous ont réussi. En supposant que vous agissez au hasard, vous avez conjecturé tant de fois, que s'il y avoit à s'étonner de quelque chose, ce seroit peut-être de ce que vous n'avez pas rencontré plus souvent. En un mot, vous qui prévoyez tout ce qui doit arriver à la Sicile, comment n'avez-vous pas prévû ce qui vous arrive à vous-même aujourd'hui ? Ignoriez-vous que je devois vous traverser dans votre dessein ? Ne deviez-vous pas, pour faire valoir votre art, prévenir le roi que telle personne, qui seroit présente, chercheroit à vous troubler ? Puisqu'enfin votre science vous découvre si le roi doit triompher de ses ennemis, dites-nous auparavant s'il ajoûtera foi à vos oracles ".

Quoique l'Astrologie judiciaire ait été solidement combattue, tant par Barclay que par d'autres auteurs célebres, qui en ont démontré la vanité ; on ne peut pas dire qu'ils ayent entierement déraciné cette ridicule prévention ; elle regne encore, & particulierement en Italie. On a vû sur la fin du siecle dernier un Italien envoyer au pape Innocent XI. une prédiction en maniere d'horoscope sur Vienne, alors assiégée par les Turcs, & qui fut très-bien reçûe. De nos jours le comte de Boulainviliers, homme d'ailleurs de beaucoup d'esprit, étoit infatué de l'Astrologie judiciaire, sur laquelle il a écrit très-sérieusement. (G)

Tacite, au VI. liv. de ses Annales, ch. xxj. rapporte que Tibere, dans le tems qu'il étoit exilé à Rhodes, sous le regne d'Auguste, se plaisoit à consulter les devins sur le haut d'un rocher fort élevé au bord de la mer ; & que si les réponses du devin donnoient lieu à ce prince de le soupçonner d'ignorance ou de fourberie, il le faisoit à l'instant précipiter dans la mer par un esclave. Un jour ayant consulté dans ce même lieu un certain Thrasyllus fort habile dans cet art, & ce devin lui ayant promis l'empire & toutes sortes de prospérités : Puisque tu es si habile, lui dit Tibere, pourrois-tu me dire combien il te reste de tems à vivre ? Thrasyllus, qui se douta apparemment du motif de cette question, examina ou fit semblant d'examiner, sans s'émouvoir, l'aspect & la position des astres au moment de sa naissance : bien-tôt après il laissa voir au prince une surprise qui ne tarda pas à être suivie de frayeur ; & il s'écria, qu'autant qu'il en pouvoit juger, il étoit à cette heure même menacé d'un grand péril. Tibere, charmé de cette réponse, l'embrassa, le rassûra, le regarda dans la suite comme un oracle, & le mit au nombre de ses amis.

On trouve dans ce même historien, l'un des plus grands génies qui furent jamais, deux passages qui font voir que quand un préjugé est général, les meilleurs esprits ne peuvent s'empêcher de lui sacrifier, mais ne le font pourtant qu'avec plus ou moins de restriction, &, pour ainsi dire, avec une sorte de répugnance. Le premier de ces passages se lit dans le liv. VI. chap. xxij. où après avoir fait des réflexions sur les différens sentimens des Philosophes au sujet de l'Astrologie, il ajoûte ces paroles : Caeterum plerisque mortalium nom eximitur, quin primo cujusque ortu ventura destinentur : sed quaedam secus quàm dicta sint cadere, fallaciis ignara dicentium ; ita corrumpi fidem artis, cujus praeclara documenta, & antiqua aetas & nostra tulerit. Ce qu'on peut traduire ainsi : " Il ne paroît pas douteux que tout ce qui doit nous arriver ne soit marqué des le premier moment de notre naissance : mais l'ignorance des devins les induit quelquefois en erreur dans les prédictions qu'ils nous font ; & par-là elle décrédite en quelque maniere un art, dont la réalité est clairement prouvée par l'expérience de notre siecle, & par celle des siecles précédens ".

L'autre passage se trouve dans le IV. liv. des Annal. ch. lviij. " Tibere étant sorti de Rome, dit Tacite, les Astrologues prédirent qu'il n'y reviendroit jamais. Cette prédiction occasionna la perte de plusieurs citoyens, qui en conclurent que ce prince n'avoit plus que peu de tems à vivre, & qui furent assez imprudens pour le publier. Car ils ne pouvoient se douter qu'en effet Tibere vivroit encore onze ans sans rentrer dans Rome, & dans une espece d'exil volontaire. Mais au bout de ce tems, ajoûte l'historien, on apperçut les limites étroites, qui dans la science des devins séparoient l'art de la chimere, & combien de nuages y obscurcissoient la vérité : car la prédiction qu'ils firent que Tibere ne reviendroit point à Rome, n'étoit pas faite au hasard & sans fondement, puisque l'évenement la vérifia : mais tout le reste leur fut caché ; & ils ne pûrent prévoir que ce prince parviendroit à une extrème vieillesse sans rentrer dans la ville, quoiqu'il dût souvent s'en approcher de fort près ". Mox patuit breve confinium artis & falsi ; veraque quàm obscuris tegerentur. Nam in urbem non venturum, haud forte dictum : caeterorum nescii egere, cum propinquo rure aut littore, & saepe maenia urbis adsidens, extremam senectam compleverit. Il me semble voir dans ce passage un grand génie qui lutte contre le préjugé de son tems, & qui pourtant ne sauroit totalement s'en défaire. (O)


ASTROLOGIQUEadj. se dit de tout ce qui a rapport à l'Astrologie. Voyez ASTROLOGIE.


ASTROLOGUEadj. pris subst. se dit d'une personne adonnée à l'Astrologie, ou à la divination par le moyen des astres. Les Astrologues étoient autrefois fort communs ; les plus grands hommes même paroissent avoir crû à l'Astrologie, tels que M. de Thou & plusieurs autres. Aujourd'hui le nom d'Astrologue est devenu si ridicule, qu'à peine le plus bas peuple ajoûte-t-il quelque foi aux prédictions de nos almanachs. Voyez ASTROLOGIE. (O)


ASTRONOMEadj. pris subst. se dit d'une personne versée dans l'Astronomie. Le peuple confond quelquefois Astrologue avec Astronome : mais le premier s'occupe d'une science chimérique, & le second d'une science très-belle & très-utile. Dans le tems que l'Astrologie judiciaire étoit à la mode, il n'y avoit presque point d'Astronome qui ne fût Astrologue. Aujourd'hui il n'y a plus que des Astronomes, & point d'Astrologues, ou plûtôt les Astrologues font très-méprisés. Voyez les plus célebres Astronomes à l'article ASTRONOMIE.


ASTRONOMIEAstronomia, sub. f. composé de ἀστὴρ, étoile, & de νόμος, regle, loi. L'Astronomie est la connoissance du ciel & des phénomenes célestes. (Voyez CIEL.) L'Astronomie est, à proprement parler, une partie des Mathématiques mixtes, qui nous apprend à connoître les corps célestes, leurs grandeurs, mouvemens, distances, périodes, éclipses, &c. Voyez MATHEMATIQUES.

Il y en a qui prennent le terme Astronomie dans un sens beaucoup plus étendu : ils entendent par-là la connoissance de l'univers & des lois primitives de la nature. Selon cette acception, l'Astronomie seroit plûtôt une branche de la Physique, que des Mathématiques. Voyez PHYSIQUE, SYSTEME, NATURE.

Les auteurs varient sur l'invention de l'Astronomie : on l'attribue à différentes personnes ; différentes nations s'en font honneur, & on la place dans différens siecles. A s'en rapporter aux anciens historiens, il paroît que des rois inventerent & cultiverent les premiers cette science : Belus roi d'Assyrie, Atlas roi de Mauritanie, & Uranus, qui regnoit sur les peuples qui habitoient les bords de l'océan Atlantique, passent pour avoir donné aux hommes les premieres notions de l'Astronomie.

Si on croit Diodore de Sicile, Uranus, pere d'Atlas, forma l'année sur le cours du soleil & sur celui de la lune. Atlas inventa la sphere ; ce qui donna lieu à la fable qu'il portoit le ciel sur ses épaules. Le même auteur ajoûte qu'il enseigna cette science à Hercule, qui la porta en Grece : ce ne sauroit être Hercule fils d'Alcmene, puisqu'Atlas, selon le témoignage de Suidas, vivoit onze âges avant la guerre de Troie ; ce qui remonte jusqu'au tems de Noé & de ses fils. En descendant plus bas, on trouve des traces plus marquées de l'étude que l'on faisoit de l'Astronomie dans les tems fabuleux. Newton a remarqué que les noms des constellations sont tous tirés des choses que les Poëtes disent s'être passées dans le tems de la guerre de Troie, & lors de l'expédition des Argonautes : aussi les fables parlent-elles de personnes savantes dans l'Astronomie ; elles font mention de Chiron, d'Ancée, de Nausicaë, &c. qui tous paroissent avoir contribué au progrès de cette science.

Ce dont on ne peut douter, c'est que plusieurs nations ne se soient appliquées à l'étude du ciel longtems avant les Grecs : Platon convient même que ce fut un Barbare qui observa le premier les mouvemens célestes ; occupation à laquelle il fut déterminé par la beauté du ciel pendant l'été, soit en Egypte, soit en Syrie, où l'on voit toûjours les étoiles ; les nuées & les pluies ne les dérobant jamais à la vûe. Ce philosophe prétend que si les Grecs se sont appliqués fort tard à l'Astronomie, c'est au défaut seul d'une atmosphere, telle que celle des Egyptiens & des Syriens, qu'il faut s'en prendre.

Aussi quelque audace qu'ayent eu les Grecs pour s'attribuer les premiers commencemens des Sciences & des Beaux Arts, elle n'a cependant jamais été assez grande pour qu'ils se soient donné l'honneur d'avoir jetté les fondemens de l'Astronomie. Il est vrai qu'on apprend par un passage de Diodore de Sicile, que les Rhodiens prétendoient avoir porté cette science en Egypte : mais ce récit est mêlé de tant de fables, qu'il se détruit de lui-même ; & tout ce qu'on en peut tirer de vraisemblable, c'est que comme les Rhodiens étoient de grands navigateurs, ils pouvoient avoir surpassé les autres Grecs par rapport aux observations astronomiques qui regardent la Marine ; tout le reste doit être regardé comme fabuleux. Quelques auteurs, il est vrai, ont donné les premieres observations célestes à Orphée (comme Diogene Laerce sur l'autorité d'Eudemus, dans son Histoire Astrologique, qui a été suivie par Théon & par Lucien), à Palamede, à Atrée, & à quelques autres, ce qu'Achilles Statius tâche de prouver par des passages d'Eschyle & de Sophocle, dans son commentaire sur les phénomenes d'Aratus : mais il est certain que le plus grand nombre des auteurs Grecs & Latins est d'un avis contraire, presque tous les attribuant aux Chaldéens ou Babyloniens.

L'Astronomie & l'Astrologie prirent donc naissance dans la Chaldée, au jugement du grand nombre des auteurs : aussi le nom de Chaldéen est-il souvent synonyme à celui d'Astronome dans les anciens écrivains. Il y en a qui sur l'autorité de Josephe aiment mieux attribuer l'invention de ces sciences aux anciens Hébreux, & même aux premiers hommes.

Quelques Juifs & quelques Chrétiens s'accordent avec les Musulmans pour en faire honneur à Enoch : quant aux autres Orientaux, ils regardent Caïn comme le premier Astronome : mais toutes ces opinions paroissent destituées de vraisemblance à ceux qui sont versés dans la langue de ces premiers peuples de la terre ; ils ne rencontrent dans l'Hébreu pas un terme d'Astronomie ; le Chaldéen au contraire en est plein. Cependant il faut convenir qu'on trouve dans Job & dans les livres de Salomon quelque trace legere de ces sciences.

Quelques-uns ont donné une parfaite connoissance de l'Astronomie à Adam ; & l'on a fait, comme nous venons de le dire, le même honneur aux descendans de Seth, mais tout cela gratuitement. Il ne faut pas cependant douter que l'on n'eût quelque connoissance de l'Astronomie avant le déluge : nous apprenons par le journal de ce terrible évenement, que l'année étoit de 360 jours, & qu'elle étoit formée de douze mois ; arrangement qui suppose quelque notion du cours des astres. Voyez ANTE-DILUVIENNE.

M. l'abbé Renaudot paroît incliner pour l'opinion qui attribue l'invention de l'Astronomie aux anciens patriarches ; & il se fonde pour cela sur plusieurs raisons.

1°. Sur ce que les Grecs & les Latins ont compris les Juifs sous le nom de Chaldéens ; 2°. sur ce que la distinction des mois & des années, qui ne se pouvoit connoître sans l'observation du cours de la lune & celui du soleil, est plus ancienne que le déluge, comme on le voit par différens passages de la Genese ; 3°. sur ce qu'Abraham étoit sorti de Chaldée, de Ur Chaldaeorum, & que des témoignages de Berose & d'Eupolemus, cités par Eusebe, liv. IX. de la Préparation évangélique, prouvent qu'il étoit , savant dans les choses célestes, & qu'il avoit inventé l'Astronomie & l'Astrologie judiciaire ; ; 4°. sur ce qu'on trouve dans la sainte Ecriture plusieurs noms de planetes & de constellations.

D'un autre côté, M. Basnage prétend que tout ce qu'on débite sur ce sujet a fort l'air d'un conte. Philon nous apprend que l'on instruisit Moyse dans la science des astres ; il ne faut pas douter que ce législateur n'en eût quelque connoissance : mais l'on ne sauroit croire que l'on eût fait venir des Grecs pour l'instruire, comme le dit cet auteur Juif. Du tems de Moyse il n'y avoit point de philosophes dans la Grece ; & c'est de l'Egypte ou de la Phénicie que les Grecs ont tiré leurs premieres connoissances philosophiques. A l'égard de Job, ceux qui le qualifient astronome, se fondent sur quelques passages où l'on croit qu'il nomme les endroits les plus remarquables du ciel, & des principales constellations. Mais outre que les interpretes ne sont point d'accord sur le sens des termes employés dans ces textes, la connoissance des noms de certaines constellations ne seroit point une preuve que Job fût astronome.

Quoi qu'il en soit, il ne paroît pas qu'on puisse douter que l'Astronomie n'ait commencé dans la Chaldée ; au moins c'est le jugement qu'on doit en porter d'après toutes les preuves historiques qui nous restent ; & M. l'abbé Renaudot en rapporte un fort grand nombre dans son mémoire sur l'origine de la sphere, imprimé dans le premier volume du Recueil de l'Académie royale des Sciences & des Belles-Lettres.

Nous trouvons dans l'Ecriture sainte divers passages qui marquent l'attachement des Chaldéens à l'étude des astres. Nous apprenons de Pline que l'inventeur de cette science chez les Chaldéens fut Jupiter Belus, lequel fut mis ensuite au rang des dieux : mais on est fort embarrassé à déterminer qui est ce Belus, & quand il a vécu. Parmi les plus anciens astronomes Chaldéens, on compte Zoroastre : mais les mêmes difficultés ont lieu sur le tems de son existence, aussi bien que sur celle de Belesis & de Berose.

Ne seroit-ce point s'exposer à partager avec Rudbeck le ridicule de son opinion, que de la rapporter ? Il prétend que les Suédois ont été les premiers inventeurs de l'Astronomie ; & il se fonde sur ce que la grande diversité dans la longueur des jours en Suede, a dû conduire naturellement ses habitans à conclure que la terre étoit ronde, & qu'ils étoient voisins de l'une de ses extrémités ; deux propositions dont la vérité étoit, dit-il, moins sensible pour les Chaldéens, & pour ceux qui habitoient les régions moyennes du globe. De-là, continue notre auteur, les Suédois engagés dans l'examen & dans la recherche des causes de la grande différence des saisons, n'auront pas manqué de découvrir que le progrès du soleil dans les cieux est renfermé dans un certain espace, &c. mais tous ces raisonnemens ne sont point appuyés sur le témoignage de l'histoire, ni soûtenus d'aucun fait connu.

Si l'on en croit Porphyre, la connoissance de l'Astronomie est fort ancienne dans l'Orient. Si l'on en croit cet auteur, après la prise de Babylone par Alexandre, on apporta de cette ville des observations célestes depuis 1903 ans, & dont les premiers étoient par conséquent de l'an 115 du déluge, c'est-à-dire, qu'elles avoient été commencées 15 ans après l'érection de la tour de Babel. Pline nous apprend qu'Epigene assûroit que les Babyloniens avoient des observations de 720 ans gravées sur des briques. Achilles Tatius attribue l'invention de l'Astronomie aux Egyptiens ; & il ajoûte que les connoissances qu'ils avoient de l'état du ciel, se transmettoient à leur postérité sur des colonnes sur lesquelles elles étoient gravées.

Les payens eux-mêmes se sont moqués, comme a fait entr'autres Cicéron, de ces prétendues observations célestes que les Babyloniens disoient avoir été faites parmi eux depuis 470000 ans, ainsi que de celles des Egyptiens : on peut en dire autant de la tradition confuse & embrouillée de la plûpart des Orientaux, que les premiers Européens qui entrerent dans la Chine y trouverent établie, & de celle des Persans touchant leur roi Cayumarath, qui régna 1000 ans, & qui fut suivi de quelques autres rois dont le regne duroit des siecles. Ces opinions, toutes ridicules qu'elles sont, ont été conservées par un assez grand nombres d'auteurs, qui les avoient prises de quelques livres grecs, où cette prodigieuse antiquité des Assyriens & des Babyloniens étoit établie comme la base de l'histoire.

Diodore dit que lors de la prise de Babylone par Alexandre, ils avoient des observations depuis 43000 ans. Quelques-uns prennent ces années pour des mois, & les réduisent à 3476 ans solaires ; ce qui remonteroit encore jusque bien près de la création du monde, puisque la ruine de l'empire des Perses tombe à l'an du monde 3620. Mais laissant les fables, tenons-nous-en à ce que dit Simplicius : il rapporte d'après Porphyre, que Callisthene disciple & parent d'Aristote, trouva à Babylone, lorsqu'Alexandre s'en rendit maître, des observations depuis 1903 ans ; les premieres avoient donc été faites l'an du monde 1717, peu après le déluge.

Les auteurs qui n'ont pas confondu la fable avec l'histoire, ont donc réduit les observations des Babyloniens à 1900 années ; nombre moins considérable de beaucoup, & qui cependant peut paroître excessif. Ce qu'il y a pourtant de singulier, c'est qu'en comptant ces 1900 ans depuis Alexandre, on remonte jusqu'au tems de la dispersion des nations & de la tour de Babylone, au-delà duquel on ne trouve que des fables. Peut-être la prétendue histoire des observations de 1900 ans signifie-t-elle seulement que les Babyloniens s'étoient appliqués à l'Astronomie depuis le commencement de leur empire. On croit avec fondement que la tour de Babel élevée dans la plaine de Sennaar, fut construite dans le même lieu où Babylone fut ensuite bâtie. Cette plaine étoit fort étendue, & la vûe n'y étoit bornée par aucune montagne ; ce qui a pû donner promptement naissance aux observations astronomiques.

Les Chaldéens n'étoient pas versés dans la Géométrie, & ils manquoient des instrumens nécessaires pour faire des observations justes : leur grande étude étoit l'Astrologie judiciaire ; science dont on reconnoît bien aujourd'hui le ridicule. Leur observatoire étoit le fameux temple de Jupiter Belus, à Babylone.

Les longues navigations des Phéniciens n'ont pû se faire sans quelque connoissance des astres : aussi voyons-nous que Pline, Strabon, & quelques autres, rendent témoignage à leur habileté dans cette science : mais nous ne savons rien de certain sur les découvertes qu'ils peuvent avoir faites. Plusieurs historiens rendent aux Egyptiens le témoignage d'avoir cultivé l'Astronomie avant les Chaldéens. Diodore de Sicile avance que les colonies égyptiennes porterent la connoissance des astres dans les environs de l'Euphrate. Lucien prétend que comme les autres peuples ont tiré leurs connoissances des Egyptiens, ceux-ci les tiennent des Ethiopiens, dont ils sont une colonie. Les moins favorables aux Egyptiens, les joignent pour l'invention de l'Astronomie aux Chaldéens. Il n'est pas aisé de découvrir qui fut l'inventeur de l'Astronomie chez les Egyptiens. Diodore en fait honneur à Mercure ; Socrate, à Thaul ; Diogene Laerce l'attribue à Ninus, fils de Vulcain ; & Isocrate à Busiris. Les connoissances astronomiques des Egyptiens les avoient conduits à pouvoir déterminer le cours du soleil & de la lune, & à former l'année : ils observoient le mouvement des planetes ; & ce fut à l'aide de certaines hypotheses, & par le secours de l'Arithmétique & de la Géométrie, qu'ils entreprirent de déterminer quel en étoit le cours. Ils inventerent aussi diverses périodes des mouvemens des cieux ; enfin ils s'adonnerent à l'Astrologie. Tout cela est appuyé sur le témoignage d'Hérodote & de Diodore, &c. Nous apprenons de Strabon, que les prêtres égyptiens, qui étoient les astronomes du pays, avoient renoncé de son tems à cette étude, & qu'elle n'étoit plus cultivée parmi eux. Les Egyptiens, qui prétendoient être le plus ancien peuple de l'univers, regardoient leur pays comme le berceau des sciences, & par conséquent de l'Astronomie.

L'opinion commune est que l'Astronomie passa de l'Egypte dans la Grece : mais la connoissance qu'on en eut, fut d'abord extrèmement grossiere, & on peut en juger par ce que l'on en trouve dans Homere & dans Hésiode ; elle se bornoit à connoître certains astres qui servoient de guides, soit pour le travail de la terre, soit pour les voyages sur mer ; c'est ce que Platon a fort bien remarqué ; ils ne faisoient aucunes observations exactes, & ils ignoroient l'Arithmétique & la Géométrie nécessaires pour les diriger.

Laerce dit que Thalès fit le premier le voyage d'Egypte dans le dessein d'étudier cette science, & qu'Eudoxe & Pythagore l'imiterent en cela. Thalès vivoit vers la quatre-vingt-dixieme olympiade ; il a le premier observé les astres, les éclipses de soleil, les solstices, & les avoit prédits ; c'est ce qu'assûrent Diogene Laerce, d'après l'Histoire Astrologique d'Eudemus ; Pline, liv. II. chap. xij. & Eusebe dans sa Chronique. Il naquit environ 640 ans avant Jesus-Christ. On peut voir dans Stanley (Hist. philosoph.) un détail circonstancié de ses connoissances philosophiques. Anaximandre son disciple cultiva les connoissances qu'il avoit reçûes de son maître ; il plaça la terre au centre de l'univers ; il jugea que la lune empruntoit sa lumiere du soleil, & que ce dernier étoit plus grand que la terre, & une masse d'un feu pur. Il traça un cadran solaire, & construisit une sphere. Anaximene de Milet né 530 ans avant Jesus-Christ, regardoit les étoiles fixes comme autant de soleils, autour desquelles des planetes faisoient leurs révolutions, sans que nous puissions découvrir ces planetes, à cause de leur grand éloignement. Trente ans après naquit Anaxagoras de Clazomene. Il enseignoit que le soleil étoit une masse de fer enflammée plus grande que la Péloponnèse ; que la lune étoit un corps opaque éclairé par le soleil, & qu'elle étoit habitée comme la terre. Il eut pour disciples le fameux Periclès & Archelaüs, qui fut le dernier de la secte Ionique. Pythagore ayant passé sept ans dans le séminaire, & dans une étroite fréquentation des prêtres égyptiens, fut profondément initié dans les mysteres de leur religion, & éclairé sur le vrai système du monde ; il répandit les connoissances qu'il avoit acquises, dans la Grece & dans l'Italie. Il avança que la terre & les planetes tournoient autour du soleil immobile au centre du monde ; que le mouvement diurne du soleil & des étoiles fixes n'étoit qu'apparent, & que le mouvement de la terre autour de son axe étoit la vraie cause de cette apparence. Plutarque donne à Pythagore l'honneur d'avoir observé le premier l'obliquité de l'écliptique, de Placitis Philosoph. liv. II. chap. xij. On lui attribue aussi les premieres observations pour regler l'année à 365 jours, plus la 59e partie de 22 jours. Ce qu'il y avoit de plus singulier dans son système d'Astronomie, c'est l'imagination qu'il eut que les planetes formoient dans leurs mouvemens un concert harmonieux ; mais que la nature des sons qui n'étoient pas proportionnés à notre oreille, empêchoit que nous ne puissions l'entendre. Empedocle, disciple de Pythagore, ne débita que des rêveries. Il imaginoit, par exemple, que chaque hémisphere a son soleil ; que les astres étoient de crystal, & qu'ils ne paroissoient lumineux que par la réflexion des rayons de lumiere venans du feu qui environne la terre. Philolaüs de Crotone florissoit vers l'an 450 avant Jesus-Christ. Il crut aussi que le soleil étoit de crystal, & il ajoûta que la terre se mouvoit autour de cet astre. Eudoxe de Cnide qui vivoit 370 ans avant Jesus-Christ, fut au jugement de Ciceron & de Sextus Empiricus, un des plus habiles Astronomes de l'antiquité. Il voyagea en Asie, en Afrique, en Sicile, & en Italie, pour faire des observations astronomiques. Nous apprenons de Pline, qu'il trouva que la révolution annuelle du soleil étoit de 365 jours six heures ; il détermina aussi le tems de la révolution des planetes, & fit d'autres découvertes importantes. Aelien fait mention d'Oenopide de Chio, lequel étoit aussi de l'école de Pythagore. Stobée lui attribue l'invention de l'obliquité de l'écliptique ; il exhortoit ses disciples à étudier l'Astronomie, non par simple curiosité, mais pour faciliter aux hommes les voyages, la navigation, &c.

Meton vers la quatre-vingt-septieme olympiade, publia le cycle de 19 ans, appellé Ennéadécatéride. Dans la cent vingt-septieme olympiade, Aratus composa ses Phénomenes par ordre d'Antigonus Gonathas, fils de Démetrius Poliorcetes, & suivant les observations astronomiques d'Eudoxe, disciple d'Archytas de Tarente & de Platon, qui avoit été quelque tems en Egypte pour s'instruire à fond de l'Astronomie.

Cependant Vitruve expose l'établissement de l'Astronomie en Grece d'une maniere un peu différente. Il prétend que Berose Babylonien l'apporta dans cette contrée immédiatement de Babylone, & qu'il ouvrit une école d'Astronomie dans l'île de Cos. Pline ajoûte, liv. VII. chap. xxxvij. qu'en considération de ses prédictions surprenantes, les Athéniens lui éleverent une statue dans le Gymnasium, avec une langue dorée. Si ce Berose est le même que l'auteur de l'histoire chaldéenne, il doit avoir existé avant Alexandre.

Après la mort de Pythagore, l'étude de l'Astronomie fut négligée ; la plûpart des observations célestes qu'on avoit apportées de Babylone se perdirent, & Ptolomée qui en fit la recherche, n'en put recouvrer de son tems qu'une très-petite partie. Cependant quelques disciples de Pythagore continuerent de cultiver l'Astronomie : entre ces disciples on peut compter Aristarque de Samos.

Ce dernier eut une haute réputation vers la cent quarantieme olympiade, & il suivit l'hypothèse de Pythagore & de Philolaüs, touchant l'immobilité du soleil. Il reste quelques fragmens de lui, sur les grandeurs & les distances du soleil & de la lune.

Archimede vivoit dans le même tems, & il ne se rendit pas moins célebre par ses observations, touchant les solstices & les mouvemens des planetes, que par l'ouvrage merveilleux qu'il fit, dans lequel ces mouvemens étoient représentés.

Démocrite & les Eléatiques ne firent pas de grands progrès. Metrodore croyoit la pluralité des mondes, & s'imaginoit que la voie lactée avoit été autrefois la route du soleil : Xenophanes disoit que le soleil étoit une nuée enflammée, & qu'il y en avoit plusieurs, pour éclairer les différentes parties de notre terre.

Leucippe enfin prétendoit que la violence du mouvement des étoiles fixes les faisoit enflammer, qu'elles allumoient le soleil, & que la lune participoit peu-à-peu à cette inflammation.

Chrysippe chef de la secte des Stoïciens qui se forma 400 ans avant Jesus-Christ, croyoit que les étoiles, tant fixes qu'errantes, étoient animées par quelque divinité.

Platon recommande l'étude de l'Astronomie en divers endroits de ses ouvrages : mais il ne paroît pas qu'il ait fait aucunes découvertes dans cette science : il croyoit que le monde entier étoit un animal intelligent.

Aristote composa un livre sur l'Astronomie, qui n'est pas parvenu jusqu'à nous. Il croyoit comme Platon que l'univers & chacune de ses parties étoient animées par des intelligences. Il a observé Mars éclipsé par la lune, & une comete. Les écoles de Platon & d'Aristote ont produit divers astronomes distingués. Tel étoit entr'autres Helicon de Cyzique, qui poussa l'étude de l'Astronomie, jusqu'à prédire une éclipse de soleil à Denys de Siracuse.

Numa second roi de Rome, qui vivoit 736 ans avant Jesus-Christ, réforma l'année de son prédécesseur sur le cours du soleil & de la lune en même tems. Tous les deux ans il plaçoit un mois de vingt-deux jours, après celui de Février, afin de regagner les onze jours que la révolution annuelle du soleil avoit de plus que douze révolutions lunaires.

Les savans sont fort partagés sur le tems auquel Pytheas de Marseille a vécu : sans entrer dans cette dispute, remarquons seulement que c'est lui qui le premier prit la hauteur du soleil à midi dans le tems du solstice, & qui par ce moyen trouva l'obliquité de l'écliptique ; ce qui est une des plus importantes observations de l'Astronomie. Enfin les Ptolemées, ces rois d'Egypte & ces protecteurs des sciences, fonderent dans Alexandrie une école d'Astronomie.

Les premiers Astronomes de cette écoles furent Timochares & Aristyllus, qui faisoient leurs observations de concert. Ptolomée nous en a conservé une partie.

Vers l'an 270 avant Jesus-Christ, florissoit Aratus dont nous avons déjà parlé, lequel composa son poëme sur l'Astronomie. Les anciens en ont fait tant de cas, qu'il a eu un grand nombre de commentateurs. Il s'écarte de l'opinion, qui étoit généralement reçûe alors, que le lever & le coucher des astres étoient la cause du changement de l'air.

Dans le même tems qu'Aristarque, vivoit le fameux Euclide. Outre ses ouvrages de Géométrie, on a encore de lui, un livre des principes de l'Astronomie, où il traite de la sphere & du premier mobile. Sous le regne de Ptolemée Philadelphe parut Phanethon, dont il nous reste un ouvrage que Jacques Gronovius fit imprimer à Leyde en 1698. Eratosthene fut appellé d'Athenes à Alexandrie par Ptolemée Evergete. Il s'appliqua beaucoup à l'Astronomie, relativement à la Géographie. Il fixa la distance de la terre au soleil & à la lune ; détermina la longitude d'Alexandrie & de Syene, qu'il jugeoit être sous le même méridien ; & ayant calculé la distance d'une de ces deux villes à l'autre, il osa mesurer la circonférence de la terre, qu'il fixa entre 250000 & 252000 stades.

Conon qui vivoit sous les Ptolemées Philadelphe & Evergete, fit plusieurs observations sur les éclipses de soleil & de lune, & il découvrit une constellation qu'il nomma chevelure de Bérénice : Callimaque en fit un poëme, duquel nous avons la traduction par Catulle. Mais à la tête de tous ces astronomes on doit placer Hipparque, qui entreprit, pour me servir des expressions de Pline, un ouvrage si grand, qu'il eût été glorieux pour un dieu de l'avoir achevé, rem etiam deo improbam : c'étoit de nombrer les étoiles, & de laisser, pour ainsi dire, le ciel à la postérité comme un héritage. Il calcula les éclipses de lune & de soleil pour six cens ans, & ce fut sur ses observations que Ptolemée établit son fameux traité intitulé . Hipparque commença à paroître dans la cent cinquante-quatrieme olympiade ; il commença les phénomenes d'Aratus, & il a montré en quoi cet auteur s'étoit trompé.

Les plus illustres astronomes qui sont venus ensuite, ont été Géminus de Rhode, dans l'olympiade 178 ; Théodore Tripolitain ; Sosigenes, dont César se servit pour la réformation du calendrier ; Andromaque de Crete : Agrippa Bithynien dont parle Ptolemée, lib. VII. chap. iij. Ménelaüs sous Trajan ; Théon de Smyrne ; & enfin Claude Ptolomée qui vivoit sous Marc-Aurele, & dont les ouvrages ont été jusqu'aux derniers siecles le fondement de toute l'Astronomie, non-seulement parmi les Grecs, mais encore parmi les Latins, les Syriens, les Arabes & les Persans. Il naquit à Peluse en Egypte, & fit la plus grande partie de ses observations à Alexandrie. Profitant de celles d'Hipparque & des autres anciens astronomes, il forma un système d'Astronomie qui a été suivi pendant plusieurs siecles. Sextus Empiricus, originaire de Cheronée & neveu du fameux Plutarque, qui vivoit dans le même siecle, & qui dans les ouvrages qui nous restent de lui, se moque de toutes les Sciences, n'a cependant osé s'attaquer à l'Astronomie. Bien plus, le cas qu'il en fait le porte à réfuter solidement les Chaldéens, qui abusant de l'Astronomie, la rendoient méprisable. Nous trouvons encore au deuxieme siecle Hypsicles d'Alexandrie, auteur d'un livre d'Astronomie qui nous reste.

On ne trouve pas que dans un assez long espace de tems il y ait eu parmi les anciens Romains de grands astronomes. Les défauts de l'année de Numa, & le peu d'ordre qu'il y eut dans le calendrier jusqu'à la réformation de Jules César, doivent être regardés plûtôt comme un effet de l'incapacité des pontifes, que comme une marque de leur négligence. L'an 580 de Rome, Sulpicius Gallus, dans la guerre contre les Perses, voyant les soldats troublés par une éclipse de lune, les rassûra en leur en expliquant les causes. Jules César cultiva l'Astronomie ; Macrobe & Pline assûrent même qu'il composa quelque chose sur cette science. Elle fut aussi du goût de Cicéron, puisqu'il fit la version du poëme d'Aratus sur l'Astronomie. Terentius Varron, cet homme universel, fut aussi astronome. Il y en eut même qui firent leur unique étude de cette science. Tel fut P. Rigodius, qui donna dans l'Astrologie judiciaire, & qui, à ce qu'on prétend, prédit l'empire à Auguste le jour même de sa naissance. Manilius qui florissoit sous cet empereur, fit un poëme sur cette science. Nous avons aussi l'ouvrage de Caius Julius Hyginus, affranchi d'Auguste. Cependant le nombre des astronomes fut fort petit chez les Romains, dans des tems où les arts & les sciences paroissoient faire les délices de ce peuple. La véritable cause de cette négligence à cultiver l'Astronomie, est le mépris qu'ils en faisoient. Les Chaldéens, qui l'enseignoient à Rome, donnoient dans l'Astrologie : en falloit-il davantage pour dégoûter des gens de bon sens ? aussi les magistrats chasserent-ils diverses fois ces fourbes.

Seneque avoit du goût pour l'Astrologie, comme il paroît par quelques endroits de ses ouvrages. Pline le Naturaliste, dans son important ouvrage, paroît n'avoir pas ignoré l'Astronomie ; il a même beaucoup contribué aux progrès de cette science, en ce qu'il nous a conservé un grand nombre de fragmens des anciens astronomes. Sous le regne de Domitien, Agrippa fit diverses observations astronomiques en Bithynie. L'on trouve dans les écrits de Plutarque divers passages qui marquent qu'il n'étoit pas ignorant dans cette science. Ménelaüs étoit astronome de profession ; il fit ses observations à Rome ; Ptolomée en faisoit grand cas. Il composa trois livres des figures sphériques, que le P. Mersenne a publiés. Enfin il faut encore placer dans ce siecle Théon de Smyrne, déjà nommé ; il écrivit sur les diverses parties des Mathématiques, du nombre desquelles est l'Astronomie. Les Astrologues, nommés d'abord Chaldéens, & ensuite Mathématiciens, étoient fort en vogue dans ce siecle à Rome, les Empereurs & les grands en faisoient beaucoup de cas.

Censorin, qui vivoit sous les Gordiens, vers l'an 238 de J. C. a renfermé dans son petit traité de Die natali, un grand nombre d'observations qui ne se trouvent point ailleurs.

Anatolius, qui fut évêque de Laodicée, composa un traité de la Pâque, où il fait voir son habileté dans ce genre. Septime Severe favorisa au commencement du troisieme siecle les Mathématiciens ou Astrologues ; mais sur la fin de ce siecle Dioclétien & Maximien leur défendirent la pratique de leur art.

Macrobe, Marcianus Capella & quelques autres, n'ont parlé qu'en passant de l'Astronomie.

Nous avons de Firmicus huit livres sur l'Astronomie ; mais comme il donnoit beaucoup dans les rêveries des Chaldéens, son ouvrage n'est pas fort instructif. Théon le jeune, d'Alexandrie, fit diverses observations, & composa un commentaire sur un ouvrage de Ptolomée, dont les savans font cas encore aujourd'hui. Hypatia se distingua dans la même science, mais il ne nous reste rien d'elle. Paul d'Alexandrie s'appliqua à la science des horoscopes, & nous avons son introduction à cette science prétendue.

Pappus est connu par divers fragmens qui font regretter la perte de ses écrits. On place aussi dans le quatrieme siecle Théodore Manlius, consul romain, qui, au rapport de Claudien, fit un ouvrage, qui s'est perdu, sur la nature des choses & des astres ; & Achilles Tatius, dont nous avons un commentaire sur les phénomenes d'Aratus.

Synésius, évêque de Ptolémaïde, fut disciple de la célebre Hypatia. Il nous reste de lui un discours à Poeonius, où il fait la description de son astrolabe ; c'étoit une espece de globe céleste. Rufus Festus Avienus fit une paraphrase en vers hexametres des phénomenes d'Aratus, qui est parvenue jusqu'à nous. Le commentaire de Macrobe sur le songe de Scipion, fait voir qu'il n'étoit pas ignorant dans l'Astronomie. Capella, qui fut proconsul, écrivit sur cette science l'ouvrage que nous connoissons sous le nom de Satyricon. Proclus Lycius, cet ennemi du Christianisme, étoit savant dans l'Astronomie, comme plusieurs ouvrages qui nous restent de lui en font foi.

Parmi les astronomes du sixieme siecle il faut placer Boëce, car ses écrits prouvent qu'il s'étoit appliqué à cette science. Thius fit des observations à Athenes au commencement du même siecle ; elles ont été imprimées pour la premiere fois à Paris en 1645, sur un manuscrit de la bibliotheque du Roi. Les progrès de Denys le Petit à cet égard sont connus. Laurentius de Philadelphie composa quelques ouvrages d'Astronomie qui ne subsistent plus. Ce que Cassiodore a écrit est trop peu de chose pour lui donner rang parmi les Astronomes. Il en faut dire autant de Simplicius ; son commentaire sur le livre d'Aristote, de Caelo, montre pourtant une teinture de cette science.

Dans les siecles VII. & VIII. nous trouvons Isidore de Séville, à qui l'Astronomie ne doit aucune découverte. Léontius, habile dans la méchanique, construisit une sphere en faveur d'un de ses amis, & composa un petit traité pour lui en faciliter l'usage. L'on trouve dans les ouvrages du vénérable Bede diverses choses relatives à l'Astronomie. Alcuin son disciple cultiva aussi cette science, & porta Charlemagne, dont il avoit été précepteur, à favoriser les savans.

Les auteurs qui ont écrit depuis Constantin jusqu'au tems de Charlemagne, & depuis, réduisoient toute leur étude à ce qui avoit rapport au calendrier & au comput ecclésiastique. Charlemagne, suivant le témoignage d'Eginhard & de la plûpart des historiens, étoit savant dans l'Astronomie ; il donna aux mois & aux vents les noms allemands qui leur restent encore, avec peu de changement. L'ambassade que lui envoya Aaron Rechild est fameuse dans l'histoire, à cause des présens rares dont elle étoit accompagnée, parmi lesquels on marque une horloge, ou, selon d'autres, un planisphere.

L'auteur anonyme de la chronique des rois francs, Pepin, Charlemagne & Louis, cultiva l'Astronomie. Il a inséré plusieurs de ses observations dans sa chronique. Une preuve de son habileté & de ses progrès, c'est qu'il prédit une éclipse de Jupiter par la lune, & qu'il l'observa. Sur la fin du dixieme siecle on trouve le moine Gerbert, qui fut évêque & ensuite pape sous le nom de Sylvestre II. Il étoit savant dans l'Astronomie & dans la méchanique, ce qui lui attira le soupçon de magie. Il fit une horloge d'une construction merveilleuse, & un globe céleste. Il faut placer dans le onzieme siecle Jean Campanus de Novare ; Michel Psellus, sénateur de Constantinople ; Hermannus Contractus, moine de Reichenau, & Guillaume, abbé de S. Jacques de Wurtzbourg. Ils ont tous écrit sur l'Astronomie. Dans le douzieme siecle Sigebert de Gemblours s'attacha à marquer les tems selon le cours du soleil & de la lune. Athélard, moine anglois, fit un traité de l'astrolabe ; & Robert, évêque de Lincoln, un autre de la sphere. Jean de Séville traduisit l'Alfragan de l'arabe en latin.

Une des principales causes du peu de progrès que l'Astronomie a fait pendant plusieurs siecles, fut l'ordre que donna Omar III. calife des Sarrasins, de brûler tous les livres qui se trouvoient en Orient vers le milieu du septieme siecle. Le nombre de ceux qui se trouvoient à Alexandrie étoit immense ; cependant comme il fallut employer plus de six mois pour exécuter l'ordre du calife, qui achevoit pour lors la conquête de la Perse, les ordres qu'il avoit envoyés ne furent pas si rigoureusement exécutés en Egypte, qu'il n'échappât quelques manuscrits. Enfin la persécution que les différentes sectes qui s'étoient élevées parmi les Mahométans, avoient fait naître tant en Afrique qu'en Asie, ayant cessé presqu'entierement, les mêmes Arabes ou Sarrasins recueillirent bientôt après un grand nombre d'écrits que les premiers califes Abbassides firent traduire d'après les versions syriaques, & ensuite du grec en leur langue, laquelle est devenue depuis ce tems la langue savante de tout l'Orient.

On sait qu'en général les Arabes ont fort cultivé les Sciences ; c'est par leur moyen qu'elles ont passé aux Européens. Lorsqu'ils se rendirent maîtres de l'Espagne, ils avoient traduit en leur langue les meilleurs ouvrages des Grecs. C'est sur ces traductions que les Occidentaux se formerent d'abord quelqu'idée des sciences des Grecs. Ils s'en tinrent à ces traductions jusqu'à ce qu'ils eussent les originaux. L'Astronomie n'étoit pas la science la moins cultivée parmi ces peuples. Ils ont écrit un grand nombre de livres sur ce sujet ; la seule bibliotheque d'Oxfort en contient plus de 400, dont la plûpart sont inconnus aux savans modernes. L'on n'en sera pas surpris, si l'on fait attention que les califes eux-mêmes s'appliquoient à l'Astronomie, & récompensoient en princes magnifiques ceux qui se distinguoient dans cette science. Le plus illustre parmi les princes mahométans qui ont contribué à perfectionner l'Astronomie, non-seulement par la traduction des livres grecs, mais encore par des observations astronomiques faites avec autant d'exactitude que de dépense, a été le calife Almamoun, septieme de la famille des Abbassides, qui commença son empire en 813. Il étoit fils de cet Aaron Rechild dont nous avons parlé à l'occasion de Charlemagne. On dressa sur les observations qu'il fit faire, les tables astronomiques qui portent son nom. Il en fit faire d'autres pour la mesure de la terre, dans les plaines de Sinjar ou Sennaar, par trois freres très-habiles astronomes, appellés les enfans de Mussa. Le détail de ces observations est rapporté par différens auteurs cités par Golius dans ses savantes notes sur l'Alfragan. Il ramassa de tous côtés les meilleurs ouvrages des Grecs, qu'il fit traduire en arabe ; il les étudioit avec soin, il les communiquoit aux savans de son empire : il eut sur-tout un grand soin de faire traduire les ouvrages de Ptolomée. Sous son regne fleurirent plusieurs savans astronomes ; & ceux qui sont curieux de connoître leurs ouvrages & ce que l'Astronomie leur doit, trouveront dequoi se satisfaire dans Abulfarage, d'Herbelot, Hottinger, &c. qui sont entrés sur ce sujet dans un assez grand détail.

Quelques savans se sont appliqués à traduire quelques-uns de leurs ouvrages, ce qui a répandu beaucoup de jour sur l'Astronomie. Il seroit à souhaiter que l'on prît le même soin de ceux qui n'ont pas encore été traduits. Depuis ce tems les Arabes ont cultivé l'Astronomie avec grand soin. Alfragan, Abumassar, Albategni, Geber, &c. ont été connus par nos auteurs, qui les ont traduits & commentés sur des traductions hébraïques faites par des Juifs ; car jusqu'aux derniers siecles presque aucune traduction n'avoit été faite sur l'arabe. Il y en a encore un grand nombre d'autres qui ne le cedent point à ceux que nous connoissons. De plus, à l'exemple d'Almamoun, divers princes ont fait renouveller les observations astronomiques pour fixer le tems, ainsi que fit Melikschah, le plus puissant des sultans Seljukides, lorsqu'il établit l'époque gélaléenne, ainsi appellée à cause que Gelaleddin étoit son surnom. Les califes Almanzor & Almamoun étant souverains de la Perse, inspirerent aux Persans du goût pour cette science. Depuis eux il y a eu dans cette nation de tems en tems des astronomes célebres. Quelques-uns des monarques persans ont pris des soins très-loüables pour la réformation du calendrier. Aujourd'hui même ces princes font de grandes dépenses pour le progrès de cette science, mais avec fort peu de succès : la raison est qu'au lieu de s'appliquer à l'Astronomie, ils n'étudient les astres que pour prédire l'avenir. On trouve dans les voyages de Chardin, un long passage tout-à-fait curieux, qui donne une juste idée de l'état de cette science chez les Persans modernes.

Les Tartares descendans de Ginghischan & de Tamerlan, eurent la même passion pour l'Astronomie. Nassireddin, natif de Tus dans le Corasan, auteur d'un commentaire sur Euclide, qui a été imprimé à Rome, a dressé des tables astronomiques fort estimées : il vivoit en 1261. Le prince Olugbeg qui étoit de la même maison, fit bâtir à Samarcande un collége & un observatoire, pour lequel il fit faire de très-grands instrumens ; il se joignit à ses astronomes pour faire des observations. Les Turcs disent qu'il fit faire un quart de cercle, dont le rayon avoit plus de 180 piés : ce qui est plus sûr, c'est qu'à l'aide de ses astronomes il fit des tables pour le méridien de Samarcande, dressa un catalogue des étoiles fixes visibles dans cette ville, & composa divers ouvrages, dont quelques-uns sont traduits en latin, & les autres sont encore dans la langue dans laquelle ils ont été composés. Il y a tout lieu de croire que les observations astronomiques, trouvées dans le siecle dernier entre les mains des Chinois, y avoient passé de Tartarie : car il y a des preuves certaines que Ginghischan entra dans la Chine, & que ses descendans furent maîtres d'une grande partie de ce vaste empire, où ils porterent vraisemblablement les observations & les tables qui avoient été faites par les astronomes de Corasan. Au reste, l'Astronomie a été cultivée presque de tems im mémorial à la Chine. Les missionnaires Jésuites se sont fort appliqués à déchiffrer les anciennes observations. L'on en peut voir l'histoire dans les observations du P. Souciet. Environ 400 ans avant J. C. les Sciences furent négligées chez les Chinois. Cette négligence alla en croissant jusqu'à l'empereur Tsin-Chi-Hoang. Celui-ci fit brûler, 246 avant J. C. tous les livres qui traitoient des Sciences, à l'exception de ceux de Medecine, d'Astrologie, & d'Agriculture : c'est par-là que périrent toutes les observations antérieures à ce tems : 400 ans après, Licou-Pang rétablit les Sciences dans son empire, & érigea un nouveau tribunal de Mathématiques. L'on fit quelques instrumens pour observer les astres, & l'on régla le calendrier. Depuis ce tems-là l'Astronomie n'a point été négligée chez ce peuple. Il semble que les observations faites depuis tant de siecles, sous les auspices & par les ordres de puissans monarques, auroient dû fort enrichir l'Astronomie.

Cependant les missionnaires qui pénétrerent dans cet empire sur la fin du xvj. siecle, trouverent que l'état où étoit cette science parmi les Chinois, ne répondoit point à la longue durée de leurs observations. Ceux d'entre les missionnaires Jésuites qui entendoient les Mathématiques, s'insinuerent par ce moyen dans l'esprit du monarque. Les plus habiles devinrent présidens du tribunal de Mathématiques, & travaillerent à mettre l'Astronomie sur un meilleur pié qu'elle n'avoit été auparavant. Ils firent des instrumens plus exacts que ceux dont on s'étoit servi jusqu'alors, rendirent les observations plus justes, & profiterent des connoissances des Occidentaux. Voyez les relations du P. Verbiest, & des autres missionnaires, ou bien la description de la Chine, par le P. Duhalde.

A l'égard des Juifs, quoiqu'ils ayent composé un assez grand nombre d'ouvrages sur la sphere, dont quelques-uns ont été imprimés par Munster en hébreu & en latin, il y a peu de choses néanmoins où ils puissent être considérés comme originaux. Cependant comme la plûpart d'entr'eux savoient l'Arabe, & que ceux qui ne le savoient pas trouvoient des traductions hébraïques de tous les anciens astronomes Grecs, ils pouvoient aisément avec ce secours faire valoir leur capacité parmi les Chrétiens. Depuis la naissance de J. C. quelques-uns de leurs docteurs ont étudié l'Astronomie, pour régler seulement le calendrier, & pour s'en servir à l'Astrologie, à laquelle ils sont fort adonnés. Celui qui paroît avoir fait le plus de progrès dans cette science, c'est R. Abraham Zachut. Il vivoit sur la fin du xv. siecle, & fut professeur en Astronomie à Carthage en Afrique, & ensuite à Salamanque : on a de lui divers ouvrages sur cette science.

Les Sarrasins avoient pris en conquérant l'Egypte, une teinture d'Astronomie, qu'ils porterent avec eux d'Afrique en Espagne ; & ce fut-là le circuit par lequel cette science rentra dans l'Europe après un long exil. Voici les plus fameux astronomes qui se soient distingués en Europe depuis le xij. siecle. Clément de Langhton, prêtre & chanoine Anglois, écrivit vers la fin du xij. siecle sur l'Astronomie. Le xiij. siecle offre d'abord Jordanus Vemoracius, & ensuite l'empereur Fréderic II. qui fit traduire de l'arabe en latin les meilleurs ouvrages de Philosophie, de Medecine & d'Astronomie. Il avoit beaucoup de goût pour cette derniere science, jusque-là qu'il disoit un jour à l'abbé de Saint-gall, qu'il n'avoit rien de plus cher au monde que son fils Conrad, & une sphere qui marquoit le mouvement des planetes. Jean de SacroBosco vivoit dans le même tems ; il étoit Anglois de naissance, & professeur en Philosophie à Paris, où il composa son livre de la sphere, qui fut si estimé, que les professeurs en Astronomie l'expliquoient dans leurs leçons. Albert le grand, évêque de Ratisbonne, s'acquit aussi une grande réputation : il composa un traité d'Astronomie, & se distingua dans la Méchanique par l'invention de plusieurs machines surprenantes pour ce tems-là. Depuis ce siecle l'Astronomie a fait des progrès considérables : elle a été cultivée par les premiers génies, & protégée par les plus grands princes. Alphonse, roi de Castille, l'enrichit même des tables qui portent toûjours son nom. Ces tables furent dressées en 1270 ; & ce furent des Juifs qui y eurent la plus grande part. V. TABLE. Roger Bacon,moine Anglois vivoit dans le même tems. Guido Bonatus, Italien, de Frioul, en 1284. En 1320, Pretus Aponensis, qui fut suivi de quelques autres moins considérables en comparaison de Pierre d'Ailly, cardinal & évêque de Cambrai, & du cardinal Nicolas du Cusa, Allemand, en 1440 ; Dominique Maria, Bolonois, précepteur de Copernic ; George Purbachius, ainsi appellé du bourg de Burbach sur les frontieres d'Autriche & de Baviere, qui enseigna publiquement la Philosophie à Vienne, est un de ceux qui ont le plus contribué au rétablissement de l'Astronomie. Il fit connoissance avec le cardinal Bessarion pendant sa légation vers l'empereur. Par le conseil de Bessarion, Purbachius alla en Italie pour apprendre la langue greque, & aussi-tôt il s'appliqua à la lecture de l'Almageste de Ptolomée, qu'on n'avoit lû depuis plusieurs siecles que dans ces traductions imparfaites, dont il a été parlé ci-dessus, faites sur les hébraïques, qui avoient été faites sur les Arabes, & celles-ci sur les Syriaques. Il avoit commencé un abregé de l'Almageste sur l'original grec : mais il ne put aller qu'au sixieme livre, étant mort en 1461, âgé seulement de 39 ans. Son principal disciple fut George Muller, appellé communément Regiomontanus, parce qu'il étoit natif de Konisberg en Prusse. Il fut le premier qui composa des éphémerides pour plusieurs années, & divers autres ouvrages très-estimés, entr'autres les Théoriques des planetes. Après la mort de Purbachius il passa en Italie avec le cardinal Bessarion ; après avoir visité les principales académies d'Italie, il revint à Vienne, d'où le roi de Hongrie l'appella à Bude : mais la guerre allumée dans ce pays inquiétant Régiomontanus, il se retira à Nuremberg en 1471, & s'y lia d'amitié avec un riche bourgeois nommé Bernard Walther, qui avoit beaucoup de goût pour l'Astronomie. Cet homme fit la dépense d'une Imprimerie & de plusieurs instrumens astronomiques, avec lesquels ils firent diverses observations. Sixte IV. appella Régiomontanus à Rome pour la réforme du calendrier : il partit au mois de Juillet 1475, après avoir été créé évêque de Ratisbonne : il ne fit pas long séjour à Rome, y étant mort au bout d'un an. Régiomontanus avoit donné du goût pour l'Astronomie à plusieurs personnes, tant à Vienne qu'à Nuremberg : ce qui fit que cette science fut cultivée avec soin dans ces deux villes après sa mort. Divers astronomes y parurent avec éclat dans le xvij. siecle.

Jean Bianchini, Ferrarois, travailla presque en même tems avec réputation à des tables des mouvemens célestes. Les Florentins cultiverent aussi en ce tems-là l'Astronomie, mais ils ne firent aucun ouvrage comparable à ces premiers ; & Marsile Ficin, Jovianus Pontanus, Joannes Abiosus, & plusieurs autres, s'adonnerent un peu trop à l'Astrologie.

Le Juif Abraham Zachut, astrologue du roi de Portugal D. Emmanuel, & dont nous avons déjà parlé, composa un calendrier perpétuel, qui fut imprimé en 1500, & qui lui acquit une grande réputation : mais il n'y mit rien de lui-même que l'ordre & la disposition, le reste étant tiré des anciennes tables que plusieurs autres Juifs avoient faites quelque tems auparavant, & qui se trouvent encore dans les bibliotheques.

Enfin Nicolas Copernic parut. Il naquit à Thorn au commencement de l'an 1472. Son inclination pour les Mathématiques se manifesta dès l'enfance. Il fit d'abord quelques progrès à Cracovie ; & à 23 ans il entreprit le voyage d'Italie. Il alla d'abord à Bologne, où il fit diverses observations avec Dominicus Maria. De-là il passa à Rome, où sa réputation égala bien-tôt celle de Régiomontanus. De retour dans sa patrie, Luc Wazelrodius, son oncle maternel, évêque de Warmie, lui donna un canonicat dans sa cathédrale. Ce fut alors qu'il se proposa de réformer le système reçu sur le mouvement des planetes. Il examina avec soin les opinions des anciens, prit ce qu'il y avoit de bon dans chaque système, & en forma un nouveau, qui porte encore aujourd'hui son nom. Il fut enterré à Warmie en Mai 1543. Son système établit l'immobilité du soleil & le mouvement de la terre autour de cet astre, à quoi il ajoûta le mouvement de la terre sur son axe, qui étoit l'hypothese d'Heraclide de Pont & d'Ecphantus Pythagoricien.

Il ne faut pas oublier Jérome Cardan, né à Pavie en 1508. Il s'appliqua à la Medecine & aux Mathématiques. Comme il étoit fort entêté de l'Astrologie, il voulut remettre cette prétendue science en honneur, en faisant voir la liaison qu'elle avoit avec la véritable Astronomie. Il composa divers ouvrages sur cette idée, & mourut à Milan en 1575. Guillaume IV. Landgrave de Hesse mérite aussi de tenir sa place parmi les astronomes célebres du même siecle. Il fit de grandes dépenses à Cassel, pour faciliter les observations. Il avoit à ses gages Juste Byrgius, Suisse très-habile dans la Méchanique, qui lui fit quantité d'instrumens astronomiques ; & Christophe Rothman savant astronome, de la principauté d'Anhalt, aidoit le Landgrave dans ses observations.

Vers le même tems, Tycho-Brahé contribua aussi beaucoup à perfectionner l'Astronomie, non-seulement par ses écrits, mais par l'invention de plusieurs instrumens qu'il mit dans son château d'Uranibourg, auquel il donna ce nom à cause de l'observatoire qu'il y fit construire. Il publia, d'après ses propres observations, un catalogue de 770 étoiles fixes. Tycho-Brahé étoit d'une famille illustre de Danemarck. Une éclipse de soleil qu'il vit à Copenhague en 1560, lorsqu'il n'étoit encore âgé que de 14 ans, lui donna un tel goût pour l'Astronomie, que dès ce moment il tourna ses études de ce côté-là. Ses parens vouloient le faire étudier en Droit : mais il s'appliquoit à sa science favorite, & consacroit à l'achat des livres qui y étoient relatifs l'argent destiné à ses plaisirs. Il fit ainsi de grands progrès à l'aide de son propre génie ; & dès qu'il ne fut plus gêné, il visita les principales universités d'Allemagne, & les lieux où il savoit qu'il y avoit de savans astronomes. Après ce voyage il revint en Danemarck en 1571, où il se procura toutes les commodités qu'un particulier peut avoir pour faire de bonnes observations. Quatre ans après il fit un nouveau voyage en Allemagne & en Italie. Il vit les instrumens dont se servoit le Landgrave de Hesse, & il en admira la justesse & l'utilité. Il pensoit à se fixer à Bâle : mais le roi Fréderic II. l'arrêta en lui donnant l'île d'Ween, où il lui bâtit un observatoire & lui fournit tous les secours nécessaires à ses vûes. Il y resta jusqu'en 1597, que le roi étant mort, la cour ne voulut plus subvenir à cette dépense. L'empereur Rodolphe l'appella à Prague l'année suivante, & il y mourut en 1601, âgé de 55 ans. On sait qu'il inventa un nouveau système d'Astronomie, qui est une espece de conciliation de ceux de Ptolomée & de Copernic. Il n'a pas été adopté par les astronomes : mais il sera toûjours une preuve des profondes connoissances de son auteur. Le travail de Tycho conduisit, pour ainsi dire, Kepler à la découverte de la vraie théorie de l'Univers & des véritables lois que les corps célestes suivent dans leurs mouvemens. Il naquit en 1571. Après avoir fait de grands progrès dans l'Astronomie, il se rendit en 1600 auprès de Tycho-Brahé, qui l'attira en lui faisant des avantages. Il eut la douleur de perdre ce maître dès l'année suivante : mais l'empereur Rodolphe le retint à son service, & il fut continué sur le même pié par Matthias & Ferdinand. Sa vie ne laissa pas d'être assez traversée : il mourut en 1636. Il avoit une habileté peu commune dans l'Astronomie & dans l'Optique. Descartes le reconnoît pour son maître dans cette derniere science, & l'on prétend qu'il a été aussi le précurseur de Descartes dans l'hypothese des tourbillons. On sait que ses deux lois ou analogies sur les révolutions des planetes ont guidé Newton dans son système. V. PLANETE, PERIODE, GRAVITATION.

Galilée introduisit le premier l'usage des telescopes dans l'Astronomie. A l'aide de cet instrument, les satellites de Jupiter furent découverts par lui-même, de même que les montagnes dans la lune, les taches du soleil, & sa révolution autour de son axe. Voyez TELESCOPE, SATELLITE, LUNE, TACHES, &c. Les opinions de Galilée lui attirerent les censures de l'inquisition de Rome : mais ces censures n'ont pas empêché qu'on ne l'ait regardé comme un des plus grands génies qui ait paru depuis long-tems. Ce grand homme étoit fils naturel d'un praticien de Florence, & il naquit dans cette ville en 1564. Ayant oüi parler de l'invention du telescope en Hollande (voyez TELESCOPE) sans savoir encore comment l'on s'y prenoit, il s'appliqua à en faire un lui-même ; il y réussit & s'en servit le premier & très-avantageusement pour observer les astres. A l'aide de ce secours, il découvrit dans les cieux, des choses qui avoient été inconnues à tous les anciens astronomes. Il prétendoit trouver les longitudes par l'observation des éclipses des satellites de Jupiter : mais il mourut en 1642 avant que de parvenir à son but. On peut voir une exposition de ses vûes & de ses découvertes, que M. l'abbé Pluche met dans la bouche de Galilée même, tome IV. de son spectacle de la nature.

Hevelius parut ensuite ; il donna d'après ses propres observations un catalogue des étoiles fixes beaucoup plus complet que celui de Tycho. Gassendi, Horrox, Bouillaud, Ward, contribuerent aussi de leur côté à l'avancement de l'Astronomie. Voy. SATURNE, ANNEAU, ECLIPTIQUE, MICROMETRE.

L'Italie possédoit alors J. B. Riccioli & Fr. Ma. Grimaldi, tous deux de la compagnie de Jesus, & associés dans leurs observations. Le premier, à l'imitation de Ptolomée, composa un nouvel Almageste, dans lequel il rassembla toutes les découvertes astronomiques, tant anciennes que modernes. Les Hollandois qui ont tant d'intérêt à cultiver cette science à cause de la navigation, eurent aussi dans ce XVIIe siecle d'habiles astronomes. Le plus illustre est Huyghens, c'est à lui qu'on doit la découverte de l'anneau de Saturne, d'un de ses satellites, & l'invention des horloges à pendule. Il fit un livre sur la pluralité des mondes, accompagné de conjectures sur leurs habitans. Il mourut en 1695, âgé de 76 ans.

Newton, d'immortelle mémoire, démontra le premier, par des principes physiques, la loi selon laquelle se font tous les mouvemens célestes ; il détermina les orbites des planetes, & les causes de leurs plus grands ainsi que de leurs plus petits éloignemens du soleil. Il apprit le premier aux savans d'où naît cette proportion constante & réguliere observée, tant par les planetes du premier ordre, que par les secondaires, dans leur révolution autour de leurs corps centraux, & dans leurs distances comparées avec leurs révolutions périodiques. Il donna une nouvelle théorie de la lune, qui répond à ses inégalités, & qui en rend raison par les lois de la gravité & par des principes de méchanique. Voyez ATTRACTION, LUNE, FLUX & REFLUX, &c.

Nous avons l'obligation à M. Halley de l'Astronomie des cometes, & nous lui devons aussi un catalogue des étoiles de l'hémisphere méridional. L'Astronomie s'est fort enrichie par ses travaux. Voyez COMETE, TABLE, &c.

M. Flamsteed a observé pendant quarante ans les mouvemens des étoiles, & il nous a donné des observations très-importantes sur le soleil, la lune, & les planetes, outre un catalogue de 3000 étoiles fixes, nombre double de celui du catalogue d'Hevelius. Il paroît qu'il ne manquoit plus à la perfection de l'Astronomie, qu'une théorie générale & complete des phénomenes célestes expliqués par les vrais mouvemens des corps & par les causes physiques, tant de ces mouvemens que des phénomenes ; Gregori a rempli cet objet. Voyez CENTRIPETE, CENTRIFUGE, &c.

Charles II. roi d'Angleterre, ayant formé en 1660 la Société royale des Sciences de Londres, fit construire six ans après une observatoire à Greenwich. Flamsteed, qui commença à y faire des observations en 1676, est mort en 1719. Il a eu pour successeur l'illustre Edmond Halley, mort en 1742, & remplacé par M. Bradley, célebre par sa découverte sur l'aberration des étoiles fixes.

L'Académie royale des Sciences de Paris, protégée par Louis XIV. & par Louis XV. a produit aussi d'excellens astronomes, qui ont fort enrichi cette science par leurs observations & par leurs écrits. M. Cassini, que Louis XIV. fit venir de Bologne, s'est distingué par plusieurs découvertes astronomiques. M. Picard mesura la terre plus exactement que l'on ne l'avoit fait jusqu'alors ; & M. de la Hire publia en 1702 des tables astronomiques. Depuis ce tems les membres de cette compagnie n'ont point cessé de cultiver l'Astronomie en même tems que les autres sciences qui font son objet. Aidés des instrumens dont l'observatoire de Paris est abondamment fourni, ils ont fait prendre une nouvelle face à l'Astronomie. Ils ont fait des tables exactes des satellites de Jupiter ; ils ont déterminé la parallaxe de Mars, d'où l'on peut tirer celle du soleil ; ils ont corrigé la doctrine des réfractions des astres ; enfin ils ont fait & font tous les jours un grand nombre d'observations sur les planetes, les étoiles fixes, les cometes, &c. L'Italie n'est pas demeurée en-arriere ; & pour le prouver il suffit de nommer MM. Gulielmini, Bianchini, Marsigli, Manfredi, Ghisleri, Capelli, &c. Le Nord a aussi eu de savans astronomes. M. Picard ayant amené Olaüs Roemer, de Copenhague à Paris, il ne tarda pas à se faire connoître avantageusement aux académiciens. Il construisit diverses machines qui imitoient exactement le mouvement des planetes. Son mérite le fit rappeller dans sa patrie, où il continua à fournir glorieusement la même carriere. Le roi de Suede, Charles XI. observa lui-même le soleil à Torneo, dans la Bothnie, sous le cercle polaire arctique. L'on sait avec quels soins & quelles dépenses on cultive depuis quelque tems l'Astronomie à Petersbourg, & le grand nombre de savans que la libéralité du souverain y a attirés. Enfin les voyages faits au Nord & au Sud pour déterminer la figure de la Terre avec la plus grande précision, immortaliseront à jamais le regne de Louis XV. par les ordres & les bienfaits de qui ils ont été entrepris & terminés avec succès.

Outre les observatoires dont nous avons déjà parlé, plusieurs princes & plusieurs villes en ont fait bâtir de très-beaux, & fort bien pourvûs de tous les instrumens nécessaires. La ville de Nuremberg fit bâtir un observatoire en 1678, qui a servi successivement à MM. Eimmart, Muller, & Doppelmayer. Les curateurs de l'académie de Leyde en firent un en 1690 ; l'on y remarque la sphere armillaire de Copernic.

Fréderic I. roi de Prusse, ayant fondé au commencement de ce siecle une Société royale à Berlin, fit construire en même tems un observatoire ; M. Kirch s'y est distingué jusqu'à sa mort, arrivée en 1740. Le comte de Marsigli engagea en 1712 le sénat de Bologne à fonder une académie & à bâtir un observatoire. Voyez INSTITUT. L'année suivante l'académie d'Altorf fit aussi la dépense d'un pareil édifice. Le Landgrave de Hesse suivit cet exemple en 1714 ; le roi de Portugal en 1722, & la ville d'Utrecht en 1726 ; enfin en 1739 & l'année suivante le P. d'Evora en a fait construire un à Rome ; le roi de Suede un à Upsal ; l'on en a fait un troisieme dans l'académie de Giesse.

Nous trouverons quelques dames qui ont marché sur les traces de la célebre Hypatia ; telle a été Marie Cunitz, fille d'un medecin de Silésie, laquelle fit imprimer en 1650 des tables astronomiques suivant les hypotheses de Kepler. Maria Clara, fille du savant Eimmart & femme de Muller, tous deux habiles astronomes, fut d'un grand secours à son pere & à son mari, tant dans les observations que dans les calculs. Jeanne du Mée fit imprimer à Paris, en 1680, des entretiens sur l'opinion de Copernic touchant la mobilité de la terre, où elle se propose d'en démontrer la vérité. Mademoiselle Winkelman, épouse de M. Godefroi Kirch, partageant le goût de l'Astronomie avec son mari, se mit à l'étudier, & y fit d'assez grands progrès pour aider M. Kirch dans ses travaux. Elle donna au public en 1712 un ouvrage d'Astronomie.

Il paroît par les lettres de missionnaires Danois, que les Brachmanes qui habitent la côte de Malabar ont quelque connoissance de l'Astronomie : il y en a qui savent prédire les éclipses. Leur calendrier approche du calendrier Julien : mais ces connoissances sont obscurcies par quantité d'erreurs grossieres, & en particulier par un attachement superstitieux à l'Astrologie judiciaire : ils abusent étrangement le peuple par ces artifices. Il en faut dire autant des habitans de l'île de Madagascar, où les prêtres sont tous astrologues. Les Siamois donnent aussi dans ces superstitions. M. de Laloubere, à son retour de Siam en France, apporta leurs tables astronomiques sur les mouvemens du soleil & de la lune. M. Cassini trouva la méthode suivant laquelle ils les avoient dressées, assez ingénieuse, & après quelques changemens, assez utile. Il conjectura que ces peuples les avoient reçûes des Chinois.

Les peuples de l'Amérique ne sont pas destitués de toutes connoissances astronomiques. Ceux du Pérou régloient leur année sur le cours du soleil ; ils avoient bâti des observatoires, & ils connoissoient plusieurs constellations.

Quoique cet article soit un peu long, on a cru qu'il feroit plaisir aux lecteurs ; il est tiré des deux extraits qu'un habile journaliste a donnés de l'histoire de l'Astronomie, publiée en latin par M. Weidler, Wittemb. in-4°. 1740. Ces extraits se trouvent dans la nouvelle Biblioth. mois de Mars & d'Avril 1742 ; & ils nous ont été communiqués par M. Formey, historiographe & secrétaire de l'académie royale des Sciences & Belles-Lettres de Prusse, à qui par conséquent nous avons obligation de presque tout cet article.

Ceux qui voudront une histoire plus détaillée de l'origine & des progrès de l'Astronomie, peuvent consulter différens ouvrages, entr'autres ceux d'Ismaël Bouillaud, & de Flamsteed ; Jean Gerard Vossius, dans son volume de quatuor Artibus popularibus ; Horrius, dans son Histoire philosophique, imprimée à Leyde en 1655 in-4 °. Jonsius, de Scriptoribus historiae philosophicae, imprimé à Francfort, in-4 °. 1659. On peut encore consulter les vies de Regiomontanus, de Copernic & de Tycho, publiées par Gassendi. Feu M. Cassini a composé aussi un Traité de l'origine & du progrès de l'Astronomie, qu'il a fait imprimer à la tête du recueil des voyages de l'Académie, qui parut en 1693.

M. l'abbé Renaudot nous a laissé sur l'origine de la sphere un Mémoire que nous avons déjà cité, & dont nous avons fait beaucoup d'usage dans cet article : on peut encore consulter, si l'on veut, les préfaces des nouvelles éditions faites en Angleterre, de Manilius & d'Hésiode. Parmi les anciens écrivains, Diogene Laerce & Plutarque, sont ceux qu'il est le plus à propos de lire sur ce même sujet.

On distribue quelquefois l'Astronomie, relativement à ses différens états, en Astronomie nouvelle, & Astronomie ancienne.

L'Astronomie ancienne, c'est l'état de cette science sous Ptolomée & ses successeurs ; c'est l'Astronomie avec tout l'appareil des orbes solides, des épicycles, des excentriques, des déférents, des trépidations, &c. Voyez CIEL, EPICYCLE, &c.

Claud. Ptolomée a exposé l'ancienne Astronomie dans un ouvrage que nous avons de lui, & qu'il a intitulé . Cet ouvrage, dont nous avons déjà parlé, a été traduit en arabe en 827 ; & Trapezuntius l'a donné en latin.

Purbachius & son disciple Regiomontanus, publierent en 1550 un abregé du , à l'usage des commençans. Cet abregé contient toute la doctrine des mouvemens célestes, les grandeurs des corps, les éclipses, &c. L'arabe Albategni compila aussi un autre ouvrage sur la connoissance des étoiles ; cet ouvrage parut en latin en 1575.

L'Astronomie nouvelle, c'est l'état de cette science depuis Copernic, qui anéantit tous ces orbes, épicycles & fictices, & réduisit la constitution des cieux à des principes plus simples, plus naturels, & plus certains. Voyez COPERNIC ; voyez aussi SYSTEME, SOLEIL, TERRE, PLANETE, ORBITE, &c. Voyez de plus SPHERE, GLOBE, &c.

L'Astronomie nouvelle est contenue, 1°. dans les six livres des révolutions célestes publiées par Copernic l'an de J. C. 1566. C'est dans cet ouvrage que corrigeant le système de Pythagore & de Philolaüs sur le mouvement de la terre, il pose les fondemens d'un système plus exact.

2°. Dans les commentaires de Kepler sur les mouvemens de Mars, publiés en 1609 : c'est dans cet ouvrage qu'il substitue aux orbites circulaires qu'on avoit admis jusqu'alors, des orbites elliptiques qui donnerent lieu à une théorie nouvelle, qu'il étendit à toutes les planetes dans son abregé de l'Astronomie de Copernic, qu'il publia en 1635.

3°. Dans l'Astronomie Philolaïque de Bouillaud, qui parut en 1645 ; il s'y propose de corriger la théorie de Kepler, & de rendre le calcul plus exact & plus géométrique. Seth Ward fit remarquer dans son examen des fondemens de l'Astronomie Philolaïque, quelques erreurs commises par l'auteur, qu'il se donna la peine de corriger lui-même dans un ouvrage qu'il publia en 1657, sous le titre d'exposition plus claire des fondemens de l'Astronomie Philolaïque.

4°. Dans l'Astronomie géométrique de Ward, publiée en 1656, où cet auteur propose une méthode de calculer les mouvemens des planetes avec assez d'exactitude, sans s'assujettir toutefois aux vraies lois de leurs mouvemens, établies par Kepler. Le comte de Pagan donna la même chose l'année suivante. Il paroît que Kepler même avoit entrevû cette méthode, mais qu'il l'avoit abandonnée, parce qu'il ne la trouvoit pas assez conforme à la nature.

5°. Dans l'Astronomie Britannique publiée en 1657, & dans l'Astronomie Caroline de Stret, publiée en 1661 ; ces deux ouvrages sont fondés sur l'hypothese de Ward.

6°. Dans l'Astronomie Britannique de Wings, publiée en 1669, l'auteur donne d'après les principes de Bouillaud, des exemples fort bien choisis de toutes les opérations de l'Astronomie pratique, & ces exemples sont mis à la portée des commençans.

Riccioli nous a donné dans son Almageste nouveau, publié en 1651, les différentes hypotheses de tous les Astronomes, tant anciens que modernes ; & nous avons dans les élémens de l'Astronomie physique & géométrique de Gregori, publiés en 1702, tout le système moderne d'Astronomie, fondé sur les découvertes de Copernic, de Kepler, & de Newton.

Taquet a écrit un ouvrage intitulé, la Moelle de l'Astronomie ancienne. Whiston a donné ses Prélections astronomiques, publiées en 1707. Au reste les ouvrages les plus proportionnés à la capacité des commençans, sont les Instructions astronomiques de Mercator, publiées en 1606 : elles contiennent toute la doctrine du ciel, tant ancienne que moderne ; & l'Introduction à la vraie Astronomie de Keill, publiée en 1718, où il n'est question que de l'Astronomie moderne. Ces deux ouvrages sont également bien faits l'un & l'autre, & également propres au but de leurs auteurs. Le dernier de ces traités a été donné en françois par M. le Monnier en 1746, avec plusieurs augmentations très-considérables, relatives aux nouvelles découvertes qui ont été faites dans l'Astronomie ; il a enrichi cet ouvrage de nouvelles tables du soleil & de la lune, & des satellites, qui seront d'une grande utilité pour les Astronomes. Enfin il a mis à la tête un essai en forme de préface, sur l'histoire de l'Astronomie moderne, où il traite du mouvement de la terre, de la précession des équinoxes, de l'obliquité de l'écliptique, & du moyen mouvement de Saturne. M. Cassini, aujourd'hui pensionnaire vétéran de l'Académie royale des Sciences, a aussi publié des Elémens d'Astronomie en deux volumes in-4 °. qui répondent à l'étendue de ses connoissances, & à la réputation qu'il a parmi les savans.

Le ciel pouvant être considéré de deux manieres, ou tel qu'il paroît à la vûe simple, ou tel qu'il est conçû par l'esprit, l'Astronomie peut se diviser en deux parties, la sphérique & la théorique ; l'Astronomie sphérique est celle qui considere le ciel tel qu'il se montre à nos yeux ; on y traite des observations communes d'Astronomie, des cercles de la sphere, des mouvemens des planetes, des lieux des fixes, des parallaxes, &c.

L'Astronomie théorique est cette partie de l'Astronomie qui considere la véritable structure & disposition des cieux & des corps célestes, & qui rend raison de leurs différens phénomenes.

On peut distinguer l'Astronomie théorique en deux parties : l'une est pour ainsi dire purement astronomique, & rend raison des différentes apparences ou phénomenes qu'on observe dans le mouvement des corps célestes ; c'est elle qui enseigne à calculer les éclipses, à expliquer les stations, directions, rétrogradations des planetes, les mouvemens apparens des planetes tant premieres que secondaires, la théorie des cometes, &c.

L'autre se propose un objet plus élevé & plus étendu ; elle rend la raison physique des mouvemens des corps célestes, détermine les causes qui les font mouvoir dans leurs orbites, & l'action qu'elles exercent mutuellement les unes sur les autres. Descartes est le premier qui ait tenté d'expliquer ces différentes choses avec quelque vraisemblance. Newton qui est venu depuis, a fait voir que le système de Descartes ne pouvoit s'accorder avec la plûpart des phénomenes, & y en a substitué un autre, dont on peut voir l'idée au mot PHILOSOPHIE NEWTONIENNE. On peut appeller cette seconde partie de l'Astronomie théorique, Astronomie physique, pour la distinguer de l'autre partie qui est purement géométrique. David Gregori a publié un ouvrage en deux volumes in -4°. qui a pour titre : Elémens d'Astronomie physique & géométrique, Astronomiae physicae & geometricae elementa. Voyez les différentes parties de l'Astronomie théorique, sous les mots SYSTEME, SOLEIL, ETOILES, PLANETE, TERRE, LUNE, SATELLITE, COMETE, &c.

On peut encore diviser l'Astronomie en terrestre & en nautique : la premiere a pour objet le ciel, en tant qu'il est considéré dans une observatoire fixe & immobile sur la terre ferme : la seconde a pour objet le ciel vû d'un observatoire mobile ; par exemple, dans un vaisseau qui se meut en pleine mer. M. de Maupertuis, aujourd'hui président perpétuel de l'Académie des Sciences de Berlin, a publié à Paris en 1743 un excellent ouvrage, qui a pour titre, Astronomie nautique, ou Elémens d'Astronomie, tant pour un observatoire fixe, que pour un observatoire mobile.

L'Astronomie tire beaucoup de secours de la Géométrie, pour mesurer les distances & les mouvemens tant vrais qu'apparens des corps célestes ; de l'Algebre pour résoudre ces mêmes problèmes, lorsqu'ils sont trop compliqués ; de la Méchanique & de l'Algebre, pour déterminer les causes des mouvemens des corps célestes ; enfin des arts méchaniques, pour la construction des instrumens avec lesquels on observe. V. TRIGONOMETRIE, GRAVITATION, SECTEUR, QUART DE CERCLE, &c. & plusieurs autres articles, qui seront la preuve de ce que l'on avance ici. (O)


ASTRONOMIQUEadj. astronomicus ; on entend par ce mot tout ce qui a rapport à l'Astronomie. Voyez ASTRONOMIE.

Calendrier astronomique. Voyez CALENDRIER.

Heures astronomiques. Voyez HEURE.

Observations astronomiques. Voyez OBSERVATIONS CELESTES.

Ptolomée nous a conservé, dans son Almageste, les observations astronomiques des anciens, entre lesquelles celles d'Hipparque tiennent le premier rang. Voyez ALMAGESTE.

La plûpart des ouvrages ou traités d'Astronomie, qui ont été publiés sous les regnes de François I. & de ses successeurs, n'étoient que des extraits de l'Almageste de Ptolomée, traduit de l'arabe, ou sur les manuscrits grecs ; ceux-ci furent recueillis, & les passages restitués dans la belle édition de Bâle de 1538. Cet ouvrage renferme non-seulement les hypothèses, les méthodes pratiques, & les théories des anciens, mais encore plusieurs observations astronomiques faites en Orient & à Alexandrie, depuis la 27e année de Nabonassar, qui est le tems de la plus ancienne éclipse qu'on sache avoir été observée à Babylone, jusque vers l'année 887, qui répond, selon nos chronologistes, à l'année 140 de l'ere chrétienne. Cet ouvrage avoit été publié sous l'empire d'Antonin, & il ne restoit guere que ce livre d'Astronomie qui eût échappé à la fureur des barbares ; les autres livres qui s'étoient sans doute bien moins multipliés, avoient été détruits pendant les ravages presque continuels qui se firent durant cinq cens ans dans toutes les provinces romaines.

L'empire romain ayant fini, comme l'on sait, en Occident l'an 476 de l'ere chrétienne, & les nations gothiques qui en avoient conquis les provinces, s'y étant pour lors établies, une longue barbarie succéda tout d'un coup aux siecles éclairés de Rome ; & cette grande ville, de même que celles de la Gaule, des Espagnes & de l'Afrique, ayant été plusieurs fois prise & saccagée, les manuscrits furent détruits & dissipés, & l'univers resta long-tems dans la plus profonde ignorance. Inst. astr. de M. le Monnier.

En 880 le Sarrasin Albategni se mit à observer. En 1457, Regiomontanus se livra à la même occupation à Nuremberg ; J. Wernerus & Ber. Waltherus ses éleves, continuerent depuis 1475 jusqu'en 1504 : leurs observations réunies parurent en 1544. Copernic leur succéda ; & à Copernic le landgrave de Hesse, secondé de Rothman & de Byrgius. Tycho vint ensuite, & fit à Uranibourg des observations depuis 1582 jusqu'en 1601 : toutes celles qu'on avoit jusqu'alors, avec la description des instrumens de Tycho, sont contenues dans l'histoire du ciel, publiée en 1672, par les ordres de l'empereur Ferdinand. Peu de tems après, Hevelius commença une suite d'observations, avec des instrumens mieux imaginés & mieux faits que ceux qu'on avoit eus jusqu'alors : on peut voir la description de ces instrumens dans l'ouvrage qu'il a donné sous le titre de Machina caelestis. On objecte à Hevelius d'avoir observé à la vûe simple, & de n'avoir point sû ou voulu profiter des avantages du télescope. Le docteur Hook donna à ce sujet, en 1674, des observations sur les instrumens d'Hevelius ; & il paroît en faire très-peu de cas, prétendant qu'on n'en peut attendre que peu d'exactitude. A la sollicitation de la Société royale, M. Halley fit en 1679 le voyage de Dantzik, examina les instrumens d'Hevelius, les approuva, & convint que les observations auxquelles ils avoient servi, pouvoient être exactes.

Jer. Horrox & Guill. Crabtrée, deux astronomes anglois, se sont fait connoître par leurs observations qu'ils ont poussées depuis 1635 jusqu'en 1645. Flamsteed, Cassini, Halley, de la Hire, Roemer & Kirch leur succéderent.

M. le Monnier fils, de l'académie royale des Sciences, & des Sociétés royales de Londres & de Berlin, a publié en 1741 un excellent recueil des meilleures observations astronomiques, faites par l'acad. royale des Sciences de Paris, depuis son établissement. On n'en a encore qu'un volume qui doit être suivi de plusieurs autres : l'ouvrage a pour titre, Histoire céleste ; il est dédié au roi, & orné d'une préface très-savante.

Lieu astronomique d'une étoile ou d'une planete ; c'est sa longitude ou le point de l'écliptique auquel elle répond, en comptant depuis la section du Bélier in consequentia ; c'est-à-dire en suivant l'ordre naturel des signes. Voyez LIEU, LONGITUDE.

ASTRONOMIQUES, nom que quelques auteurs ont donné aux fractions sexagésimales, à cause de l'usage qu'ils en ont fait dans les calculs astronomiques. Voyez SEXAGESIMAL.

Tables astronomiques. Voyez TABLES.

Théologie astronomique, c'est le titre d'un ouvrage de M. Derham, chanoine de Windsor, & de la Société royale de Londres, dans lequel l'auteur se propose de démontrer l'existence de Dieu par les phénomenes admirables des corps célestes. Voyez THEOLOGIE. (O)


ASTRUNOmontagne d'Italie, au royaume de Naples, près de Puzzol. Il y a dans cette montagne des bains appellés bagni di astruno, que quelques géographes prennent pour la fontaine minérale que les anciens nommoient Oraxus ; ces bains sont fournis par les eaux d'un petit lac.


ASTURIEprovince d'Espagne, qui a environ 48 lieues de long, sur 18 de large, bornée à l'orient par la Biscaye, au midi par la vieille Castille & le royaume de Léon, à l'occident par la Galice, au nord par l'Océan ; elle se divise en deux parties, l'Asturie d'Orviedo, & l'Asturie de Santillanne : c'est l'apanage des fils aînés d'Espagne.


ASTYNOMESS. m. pl. (Hist. anc.) nom que les Athéniens donnoient à dix hommes préposés pour avoir l'oeil sur les chanteuses & sur les joüeurs de flûte : quelques-uns ajoûtent qu'ils avoient aussi l'intendance des grands chemins. Ce nom est grec, & dérivé de , ville, & de , loi, ou , diviser. (G)


ASTYPALAEUSsurnom d'Apollon, à qui cette épithete est venue d'Astipalie, une des Ciclades, où il avoit un temple.


ASTYRENA(Myth.) Diane fut ainsi surnommée d'un lieu nommé Astyra dans la Mésie, où cette déesse avoit un bois sacré.


ASUAN(Géog. anc. & mod.) ville d'Egypte, dans la partie méridionale, sur la rive droite du Nil. Les Turcs l'appellent Sahid, & les Arabes Usuan ; quelques géographes croyent que c'est l'ancienne Metacompso, Tacompson, ou Tachempso ; d'autres la prennent pour Syene même.


ASUGAville d'Afrique, au royaume d'Ambiam en Abyssinie, sur la riviere de Zaflan.


ASUNGENpetit lac de Suede, dans la Vestrogothie, vers les provinces de Smallande & de Hallande.


ASYLES. m. (Hist. anc. & mod.) sanctuaire, ou lieu de réfuge, qui met à l'abri un criminel qui s'y retire, & empêche qu'il ne puisse être arrêté par aucun officier de justice. Voyez REFUGE, PRIVILEGE.

Ce mot vient du grec , qui est composé de privatif, & de , je prends ou je heurte ; parce qu'on ne pouvoit autrefois, sans sacrilége, arrêter une personne réfugiée dans un asyle. Voyez SACRILEGE.

Le premier asyle fut établi à Athenes par les descendans d'Hercule, pour se mettre à couvert de la fureur de leurs ennemis. Voyez HERACLIDES.

Les temples, les autels, les statues, & les tombeaux des héros, étoient autrefois la retraite ordinaire de ceux qui étoient accablés par la rigueur des lois, ou opprimés par la violence des tyrans : mais de tous ces asyles, les temples étoient les plus sûrs & les plus inviolables. On supposoit que les dieux se chargeoient eux-mêmes de la punition d'un criminel qui venoit se mettre ainsi sous leur dépendance immédiate ; & on regardoit comme une grande impiété d'ôter la vengeance aux immortels. Voyez AUTEL, TEMPLE, TOMBEAU, STATUE, &c.

Les Israélites avoient des villes de réfuge, que Dieu lui-même leur avoit indiquées : elles étoient l'asyle de ceux qui avoient commis quelques crimes, pourvû que ce ne fût point de propos délibéré.

A l'égard des Payens, ils accordoient le réfuge & l'impunité, même aux criminels les plus coupables & les plus dignes de châtiment, les uns par superstition, les autres pour peupler leurs villes ; & ce fut en effet par ce moyen que Thebes, Athenes & Rome se remplirent d'abord d'habitans. Nous lisons aussi que les villes de Vienne & Lyon étoient autrefois un asyle chez les anciens Gaulois : & il y a encore quelques villes d'Allemagne, qui ont conservé leur droit d'asyle.

C'est pour cette raison que sur les médailles de différentes villes, principalement de Syrie, on trouve l'inscription , à laquelle on ajoûte IEPAI, par exemple, .

La qualité d'asyle étoit donnée à ces villes, selon Spanheim, à cause de leurs temples, & des dieux qui y étoient révérés.

La même qualité étoit aussi quelquefois donnée aux dieux mêmes. Ainsi la Diane d'Ephese étoit appellée . On peut ajoûter que le camp formé par Remus & Romulus, qui fut appellé asyle, & qui devint ensuite une ville, étoit un temple élevé au dieu Asylaeus, .

Les empereurs Honorius & Théodose ayant accordé de semblables priviléges aux églises, les évêques & les moines eurent soin de marquer une certaine étendue de terrain, qui fixoit les bornes de la jurisdiction séculiere ; & ils surent si bien conserver leurs priviléges, qu'en peu de tems les couvens furent des especes de forteresses où les criminels les plus avérés se mettoient à l'abri du châtiment, & bravoient les magistrats. Voyez SANCTUAIRE.

Ces priviléges furent ensuite étendus, non-seulement aux églises & aux cimetieres, mais aussi aux maisons des évêques ; un criminel qui s'y étoit retiré ne pouvoit en sortir que sous promesse de la vie, & de l'entiere rémission de son crime. La raison pour laquelle on étendit ce privilége aux maisons des évêques, fut qu'il n'étoit pas possible qu'un criminel passât sa vie dans une église, où il ne pouvoit faire décemment plusieurs des fonctions animales.

Mais enfin ces asyles ou sanctuaires furent dépouillés de plusieurs de leurs immunités, parce qu'ils ne servoient qu'à augmenter le brigandage, & à enhardir le crime.

En Angleterre, dans la charte ou patente des priviléges ou immunités, qui ont été confirmées à l'église de S. Pierre d'York, l'an 5. H. VII ; on entend par asyle, cathedra quietudinis & pacis. Quod si aliquis vesano spiritu agitatus diabolico ausu quemquam capere praesumpserit in cathedrâ lapideâ juxta altare, quod Anglici vocant freedstool, id est, cathedra quietudinis vel pacis ; hujus tam flagitiosi sacrilegii emendatio sub nullo judicio erat, sub nullo pecuniae numero claudebatur, sed apud Anglos Botales, hoc est, sine emendâ vocabatur. Monast. t. 3. p. 135.

Il y avoit plusieurs de ces asyles ou sanctuaires en Angleterre ; mais le plus fameux étoit à Beverly, avec cette inscription : Haec sedes lapidea freedstool dicitur, id est, pacis cathedra, ad quam reus fugiendo perveniens, omnimodam habet securitatem. Cambden.

Les asyles ressemblent beaucoup aux franchises accordées en Italie aux églises (voyez FRANCHISE) ; mais ils ont tous été abolis. (G)

* En France, l'église de S. Martin de Tours a été long-tems un asyle inviolable.

Charlemagne avoit donné aux asyles une premiere atteinte en 779, par la défense qu'il fit, qu'on portât à manger aux criminels qui se retireroient dans les églises. Nos rois ont achevé ce que Charlemagne avoit commencé.


ASYMMÉTRIES. f. composé de privatif, de , avec, & de , mesure, c'est-à-dire sans mesure. On entend par ce mot un défaut de proportion ou de correspondance entre les parties d'une chose. Voyez SYMMETRIE.

Ce mot désigne en Mathématique, ce qu'on entend plus ordinairement par incommensurabilité. Il y a incommensurabilité entre deux quantités, lorsqu'elles n'ont aucune commune mesure ; tels sont le côté du quarré & sa diagonale ; en nombres les racines sourdes, comme 2, &c. sont aussi incommensurables aux nombres rationnels. Voyez INCOMMENSURABLE, SOURD, QUARRE, &c. (E)


ASYMPTOTES. f. asymptotus, terme de Géométrie. Quelques auteurs définissent l'asymptote une ligne indéfiniment prolongée, qui va en s'approchant de plus en plus d'une autre ligne qu'elle ne rencontrera jamais. Voyez LIGNE.

Mais cette définition générale de l'asymptote n'est pas exacte, car elle peut être appliquée à des lignes qui ne sont pas des asymptotes. Soit (fig. 20. n°. 2. sect. con.) l'hyperbole K S L ; son axe C M ; son axe conjugué A B. On sait que si du centre C, on mene les droites indéfinies C D, C E, paralleles aux lignes B S, A S, tirées du sommet S de l'hyperbole, aux extrémités de son axe conjugué : ces lignes CD, CE, seront les asymptotes de l'hyperbole K S L.

Soient tirées les paralleles f g, h i, &c. à l'asymptote C D ; il est évident que ces paralleles indéfiniment prolongées, vont en s'approchant continuellement de l'hyperbole qu'elles ne rencontreront jamais. La définition précédente de l'asymptote convient donc à ces lignes ; elle n'est donc pas exacte.

Qu'est-ce donc qu'une asymptote en général ? C'est une ligne, qui étant indéfiniment prolongée, s'approche continuellement d'une autre ligne aussi indéfiniment prolongée, de maniere que sa distance à cette ligne ne devient jamais zéro absolu, mais peut toûjours être trouvée plus petite qu'aucune grandeur donnée.

Soit tirée la ligne N o p q perpendiculairement à l'asymptote C D, & à ses paralleles f g, h i, &c. il est évident que l'asymptote C D peut approcher de l'hyperbole plus près que d'aucune grandeur donnée ; car la propriété de l'asymptote C D consiste en ce que le produit de C p par p q est toûjours constant ; d'où il s'ensuit que C p augmentant à l'infini, p q diminue aussi à l'infini : mais la distance des paralleles f g, h i, à cette courbe sera toûjours au moins de n p, de o p, &c. & par conséquent ne sera pas plus petite qu'aucune grandeur donnée. Voyez HYPERBOLE.

Le mot asymptote est composé de privatif, de , avec, & de , je tombe, c'est-à-dire qui n'est pas co-incident, ou qui ne rencontre point. Quelques auteurs latins ont nommé les asymptotes, lineae intactae.

Certains géometres distinguent plusieurs especes d'asymptotes ; il y en a, selon ces auteurs, de droites, de courbes, &c. Ils distribuent les courbes en concaves, convexes, &c. & ils proposent un instrument pour les tracer toutes : le mot d'asymptote tout court ne désigne qu'une asymptote droite.

L'asymptote se définit encore plus exactement une ligne droite, qui étant indéfiniment prolongée, s'approche continuellement d'une courbe ou d'une portion de courbe aussi prolongée indéfiniment, de maniere que sa distance à cette courbe ou portion de courbe ne devient jamais zéro absolu, mais peut toûjours être trouvée plus petite qu'aucune grandeur donnée.

Je dis, 1°. d'une courbe ou d'une portion de courbe, afin que la définition convienne, tant aux courbes serpentantes qu'aux autres.

Car la ligne f g h (figure 20. n. 3.) ne peut être considérée comme l'asymptote de la courbe serpentante m n o p r s, que quand cette courbe a pris un cours réglé relativement à elle, c'est-à-dire un cours par lequel elle a été toûjours en s'en approchant.

Je dis, 2°. que la distance de l'asymptote à la courbe peut toûjours être trouvée moindre qu'aucune grandeur donnée ; car sans cette condition, la définition conviendroit à l'asymptote & à ses paralleles. Or une définition ne doit convenir qu'à la chose définie.

On dit quelquefois que deux courbes sont asymptotes l'une à l'autre, lorsqu'indéfiniment prolongées elles vont en s'approchant continuellement, sans pouvoir jamais se rencontrer. Ainsi deux paraboles de même parametre, qui ont pour axe une même ligne droite, sont asymptotes l'une à l'autre.

Entre les courbes du second degré, c'est-à-dire entre les sections coniques, il n'y a que l'hyperbole qui ait des asymptotes.

Toutes les courbes du troisieme ordre ont toûjours quelques branches infinies, mais ces branches infinies n'ont pas toûjours des asymptotes ; témoins les paraboles cubiques, & celles que M. Newton a nommées paraboles divergentes du troisieme ordre. Quant aux courbes du quatrieme, il y en a une infinité, qui non seulement n'ont pas quatre asymptotes, mais qui n'en ont point du tout, & qui n'ont pas même de branches infinies, comme l'ellipse de M. Cassini. Voyez COURBE, BRANCHE, ELLIPSE, &c.

La conchoïde, la cissoïde, & la logarithmique, qu'on ne met point au nombre des courbes géométriques, ont chacune une asymptote. Voyez COURBE.

L'asymptote de la conchoïde est très-propre pour donner des notions claires de la nature des asymptotes en général. Soit (Planche de l'Analyse, figure 1.) M M A M une portion de conchoïde, C le pole de cette courbe, & B R une ligne droite au-delà de laquelle les parties Q M, E A, Q M, &c. des droites tirées du pole C, sont toutes égales entr'elles. Cela posé, la droite B R sera l'asymptote de la courbe. Car la perpendiculaire M I étant plus courte que M O, & M R plus courte que M Q, &c. il s'ensuit que la droite B D va en s'approchant continuellement de la courbe M M A M ; de sorte que la distance M R va toûjours en diminuant, & peut être aussi petite qu'on voudra, sans cependant être jamais absolument nulle. Voyez DIVISIBILITE, INFINI, &c. Voyez aussi CONCHOIDE.

On trace de la maniere suivante les asymptotes de l'hyperbole. Soit (Planche des sect. coniq. fig. 20.) une droite D E tirée par le sommet A de l'hyperbole, parallele aux ordonnées M m, & égale à l'axe conjugué d e ; en sorte que la partie AE soit égale à la moitié de cet axe, & l'autre partie DA égale à l'autre moitié. Les deux lignes tirées du centre C de l'hyperbole par les points D & E, savoir CF & CG, seront les asymptotes de cette courbe.

Il résulte de tout ce que nous avons dit jusqu'ici, qu'une courbe peut avoir dans certains cas pour asymptote une droite, & dans d'autres cas une courbe. Toutes les courbes qui ont des branches infinies, ont toûjours l'une ou l'autre de ces asymptotes, & quelquefois toutes les deux ; l'asymptote est droite, quand la branche infinie est hyperbolique ; l'asymptote est courbe, lorsque la branche infinie est parabolique, & alors l'asymptote courbe est une parabole d'un degré plus ou moins élevé. Ainsi la théorie des asymptotes des courbes dépend de celle de leurs branches infinies. Voyez BRANCHE.

Une courbe géométrique ne peut avoir plus d'asymptotes droites qu'il n'y a d'unités dans l'exposant de son ordre. Voyez Stirling, Enum. lin. 3. ord. prop. vj. cor. 7. & l'Introduction à l'analyse des lignes courbes, par M. Cramer, page 344. art. 147. Ce dernier ouvrage contient une excellente théorie des asymptotes des courbes géométriques & de leurs branches, chap. viij.

Si l'hyperbole G M R, fig. 12. est une des courbes dont la nature exprimée par l'équation aux asymptotes soit renfermée dans l'équation générale xm yn = a(m + n) ; tirez la droite P M, par-tout où vous voudrez, parallele à l'asymptote C S ; achevez le parallélogramme PCOM. Ce parallélogramme sera à l'espace hyperbolique PMGB, terminé par la ligne P M, par l'hyperbole indéfiniment continuée vers G, & par la partie P B de l'asymptote indéfiniment prolongée du même côté, comme m - n est à n. Ainsi lorsque m sera plus grand que n, l'espace hyperbolique sera quarrable. Si m = n, comme dans l'hyperbole ordinaire, le parallélogramme PCOM sera à l'espace hyperbolique comme zéro est à 1, c'est-à-dire que cet espace sera infini relativement au parallélogramme, & par conséquent non quarrable. Enfin si m est moindre que n, le parallélogramme sera à l'espace hyperbolique comme un nombre négatif à un nombre positif, l'espace PMGB sera infini, & l'espace MPCE sera quarrable. Voyez la fin du cinquieme livre des sections coniques de M. le marquis de l'Hôpital. Voy. aussi un mémoire de M. Varignon imprimé en 1705, parmi ceux de l'académie royale des Sciences, & qui a pour titre Réflexions sur les espaces plus qu'infinis de M. Wallis. Ce dernier géometre prétendoit que l'espace MPGB, étant au parallélogramme comme un nombre positif à un nombre négatif, l'espace MPGB étoit plus qu'infini. M. Varignon censure cette expression, qui n'est pas sans doute trop exacte. Ce qu'on peut assûrer avec certitude, c'est que l'espace PMGB est un espace plus grand qu'aucun espace fini, & par conséquent qu'il est infini.

Pour le prouver, & pour rendre la démonstration plus simple, faisons a = 1, & nous aurons l'équation xm yn = 1 ou y = x- m/n. (Voyez EXPOSANT). Donc y d x, élément de l'aire PMGB = x- m/n d x, dont l'intégrale (voyez INTEGRAL) est ; pour compléter cette intégrale, il faut qu'elle soit = 0 lorsque x = 0 ; d'où il s'ensuit que l'intégrale complete est - + . Donc, 1°. Si m < n,on a 1 - m/n égal à une quantité positive. Ainsi l'intégrale se réduit à qui représente l'espace ECPM ; d'où l'on voit que cet espace est fini tant que x est fini, & que quand x devient infini, l'espace devient infini aussi. Donc l'espace total renfermé par la courbe & ses deux asymptotes, est infini ; & comme l'espace ECPM est fini, il s'ensuit que l'espace restant PMGB est infini.

Il n'y a que l'hyperbole ordinaire où les espaces P M G B, E C P M, soient tous deux infinis ; dans toutes les autres hyperboles l'un des espaces est infini, & l'autre fini ; l'espace infini est PMGB dans le cas de m < n,& dans le cas de m > n c'est PMCE. Mais il faut observer de plus que dans le cas de m < n,l'espace infini P M G B est plus grand en quelque maniere que celui de l'hyperbole ordinaire, quoique l'un & l'autre espaces soient tous deux infinis ; c'est-là sans doute ce qui a donné lieu au terme plus qu'infini de M. Wallis. Pour éclaircir cette question, supposons CP = 1 & PM = 1, & imaginons par le point M une hyperbole équilatere entre les deux asymptotes CB, CE, que je suppose faire ici un angle droit ; ensuite par le même point M décrivons une hyperbole, dont l'équation soit xm yn = 1, m étant < n, il est visible que dans l'hyperbole ordinaire y = x- 1, & que dans celle-ci y = x- m/n ; d'où l'on voit que x étant plus grand que 1, c'est-à-dire que C P, l'ordonnée correspondante de l'hyperbole ordinaire, sera plus petite que celle de l'autre hyperbole. En effet, si x est plus grand que 1, & que m/n soit < 1, il s'ensuit que x- m/n sera > x- 1, puisque m étant < n, on a xn > xm, lorsque x est plus grand que 1. D'où il s'ensuit que x > x m/n & 1/ x ou x-1 < 1/ x m/n ou x- m/n. Donc l'espace P M G B de l'hyperbole représentée par xm yn = 1, renfermera l'espace de l'hyperbole ordinaire représentée par l'équation x y = 1, & ayant la même ordonnée P M. Ainsi, quoique ce dernier espace soit infini, on peut dire que l'autre, qui est infini à plus forte raison, est en quelque maniere un infini plus grand. Voyez à l'article INFINI, la notion claire & nette que l'on doit se former de ces prétendus infinis plus grands que d'autres.

Soit M S, fig. 33. une logarithmique, P R son asymptote, P T sa soûtangente, & P M une de ses ordonnées. L'espace indéterminé R P M S sera égal à P M x P T ; & le solide engendré par la révolution de la courbe autour de son asymptote V P, sera égal à la moitié du cylindre, qui auroit pour hauteur une ligne égale à la soûtangente, & pour demi-diametre de sa base une ligne égale à l'ordonnée Q V. Voyez LOGARITHMIQUE.


ASYMPTOTIQUEasymptoticus, adj. m. espace asymptotique, est l'espace renfermé entre un hyperbole & son asymptote, ou en général entre une courbe & son asymptote ; cet espace est quelquefois fini, & quelquefois infini. Voyez ASYMPTOTE. (O)


ASYNDETONmot composé d' privatif & de , colligo, j'unis ; c'est une figure de Grammaire, qui consiste à supprimer les liaisons ou particules qui devroient être entre les mots d'une phrase, & donne au discours plus d'énergie. Voyez CONJONCTION ou LIAISON.

On la trouve dans cette phrase attribuée à César, veni, vidi, vici ; où la particule copulative & est omise : & dans cette autre de Ciceron contre Catilina, abiit, excessit, evasit, erupit ; & dans ce vers de Virgile,

Ferte citi flammas, date tela, scandite muros.

L'asyndeton est opposée à la figure appellée polisyntheton, qui consiste à multiplier la particule copulative. Voyez POLISYNTHETON. (G)


ATABALES. m. (Hist. mod. & Musiq.) espece de tambour, dont il est fait mention dans les voyageurs, qu'on dit être en usage parmi les Maures, mais dont on ne nous donne aucune description.


ATABEKS. m. (Hist. mod.) nom de dignité qui signifie en Turc pere du prince, & qu'ont porté plusieurs seigneurs, instituteurs des princes de la maison des Selgiucides ; les Persans les appellent atabekian. La faveur ou la foiblesse de leurs maîtres les rendit si puissans, qu'ils établirent en Asie quatre branches, qu'on nomme dynasties : il y eut les atabeks de l'Iraque qui firent la premiere dynastie ; ils commencerent en 1127 de J. C. & finirent en 631 de l'hégire, après avoir régné sur la Chaldée, la Mésopotamie, toute la Syrie, jusqu'en Egypte : les atabeks de la Médie, ou de l'Adherbigian, qui firent la seconde dynastie ; ils commencerent en 555 de l'hégire, & finirent en 622 : les atabeks de Perse ou Salgariens ; ils ont duré depuis 543 jusqu'en 663 de l'hégire : les atabeks Laristans, ainsi appellés de la province de Lar, dont ils se rendirent maîtres, finirent en Modhafferedin Afrasiab, quelque tems après l'an de l'hégire 740.


ATABULES. m. vent fâcheux qui regne dans la Pouille, & qui incommode, dit-on, les arbres & les vignes ; il faudroit encore savoir de quel point du ciel il souffle.


ATABYRIUS(Myth.) surnom que Jupiter avoit chez les Rhodiens, dont il étoit la plus ancienne divinité : Rhodes s'appelloit anciennement Atabyria.


ATACAMA(Géog. mod.) port de mer, dans l'Amérique méridionale, au Pérou, proche le tropique du Capricorne ; il y a un desert & des montagnes du même nom. Les montagnes séparent le Pérou du Chili ; il y fait si froid, que quelquefois on y meurt gelé. Le port est à 309 d. 10'. de long. & 20 d. 30'. de lat. mérid.


ATAD(Géog. sainte.) contrée au-delà du Jourdain, appellée la plaine d'Egypte, où les Israélites célébrerent les obseques de Jacob.


ATALAVApetite ville de Portugal dans l'Estramadure, proche le Tage. Long. 10. 5. lat. 39. 25.


ATANAIREterme de Fauconnerie, se disoit d'un oiseau qui avoit encore le pennage d'antan, ou de l'année passée.


ATARAXIES. f. (Morale.) terme qui étoit fort en usage parmi les Sceptiques & les Stoïciens, pour signifier le calme & la tranquillité de l'esprit, & cette fermeté de jugement qui le garantit de toutes les agitations & les mouvemens qui viennent de l'opinion qu'on a de soi-même, & de la science qu'on croit posséder. Voyez STOÏCIENS.

Ce mot est purement grec ; il est composé de privatif & de , je trouble, j'émeus, je fais peur. C'est dans l'ataraxie que consistoit, suivant ces philosophes, le souverain bien, & le plus grand bonheur de la vie. Voyez SOUVERAIN BIEN. (X)


ATAROTH(Géog. sainte.) il y eut une ville de ce nom en Palestine, dans la tribu de Gad, au-delà du Jourdain ; une autre sur les confins de la tribu d'Ephraïm, du côté du Jourdain ; & une troisieme appellée Atharothaddar, dans la tribu d'Ephraïm même, du côté de la tribu de Manassé.


ATAVILLESS. m. pl. (Géog.) peuples du Pérou, dans l'Amérique méridionale, à la source du Xanxa, à quelque distance de la mer Pacifique & de Lima.


ATAXIES. f. terme de Medecine, composé de privatif & de , ordre, c'est-à-dire défaut d'ordre, irrégularité, trouble, confusion.

Il signifie dans un sens particulier, un dérangement & une irrégularité dans les crises & les paroxysmes des fievres. Hippoc. liv. I. & 3. ép. On dit que la fievre est dans l'ataxie, ou est irréguliere, lorsqu'elle ne garde aucun ordre, aucune égalité, aucune regle dans son caractere, & dans le retour de ses accès. Ainsi ce mot signifie le renversement d'ordre qui arrive dans les accidens ordinaires des maladies, surtout lorsque la malignité s'y mêle ; il se dit aussi du pouls, lorsqu'il ne garde aucun ordre dans le tems, ou le ton de ses battemens. (N)


ATCHÉmonnoie d'argent billon, la plus petite & celle de moindre valeur entre toutes les especes qui ayent cours dans les états du grand-seigneur, où il n'y a aucune monnoie de cuivre, excepté dans la province de Babylone. Elle a pour empreinte des caracteres arabes ; l'atché vaut quatre deniers un neuvieme de France.


ATÉS. f. (Myth.) déesse malfaisante, dont on n'arrêtoit ou dont on ne prévenoit la colere, que par le secours des Lites, filles de Jupiter : Até vient de mal, injustice, & lites vient de , prieres. Jupiter la prit un jour par les cheveux, & la précipita du ciel en terre : ne pouvant plus brouiller les dieux, entre lesquels Jupiter avoit fait serment qu'elle ne reparoîtroit plus, elle se mêla malheureusement des affaires des hommes ; elle parcourut la terre avec une vîtesse incroyable, & les Prieres boiteuses la suivirent de loin, tâchant de réparer les maux qu'elle laissoit après elle. Cette fable allégorique est d'Homere, & elle est bien digne de ce grand poëte ; ce seroit s'exposer à la gâter que de l'expliquer.


ATELLA(Géog. anc. & mod.) ancienne ville de la Campanie, en Italie ; c'est aujourd'hui Sant-Arpino, dans la terre de Labour, entre Naples & Capoue. Il y avoit autrefois un amphithéatre où l'on joüoit des comédies satyriques & bouffonnes, qu'on appelloit atellanes. Il ne reste rien de l'amphithéatre, ni des atellanes. Voyez ATTELLANES.


ATELLANESadj. pris sub. (Littérat.) pieces de théatre en usage chez les Romains, & qui ressembloient fort aux pieces satyriques des Grecs, non-seulement pour le choix des sujets, mais encore par les caracteres des acteurs, des danses & de la musique.

On les appelloit ainsi d'Atella, ville du pays des Osques, ancien peuple du Latium, où elles avoient pris naissance, & d'où elles passerent bientôt à Rome ; c'est pourquoi on les trouve nommées dans Ciceron Osis ludi, & dans Tacite Oseum ludicrum.

Ces pieces étoient ordinairement comiques, mais non pas absolument ni exclusivement à tout sujet noble ou sérieux qu'on pût y faire entrer : c'étoit quelquefois des pastorales héroïques, telle que celle dont parle Suétone dans la vie de Domitien ; elle rouloit sur les amours de Paris & d'Oenone : quelquefois c'étoit un mêlange bizarre de tragique & de comique ; elles étoient jouées par des pantomimes qu'on appelloit atellans, atellani, ou exodiaires, exodiarii ; parce que, dit un ancien scholiaste de Juvénal, cet acteur n'entroit qu'à la fin des jeux, afin que toutes les larmes & la tristesse que causoient les passions dans les tragédies fussent effacées par les ris & la joie qu'inspiroient les atellanes. On pourroit donc, dit Vossius, les appeller des comédies satyriques ; car elles étoient pleines de plaisanteries & de bons mots, comme les comédies greques : mais elles n'étoient pas, comme celles-ci, représentées par des acteurs habillés en satyres. Le même auteur distingue les atellanes des mimes, en ce que les mimes étoient des farces obscenes, & que les atellanes respiroient une certaine décence ; de maniere que ceux qui les représentoient n'étoient pas traités avec le même mépris que les autres acteurs. Voyez ACTEUR. On ne pouvoit pas même les obliger de se démasquer quand ils remplissoient mal leurs rôles. Cependant ces atellanes ne se continrent pas toûjours dans les bornes de la bienséance qui y avoit d'abord régné ; elles devinrent si licentieuses & si impudentes, que le sénat fut obligé de les supprimer. Voss. Instit. poet. lib. II. (G)


ATELLARou ATELLARA, (Géog. anc. & mod.) riviere de Sicile, qui coule dans la vallée appellée di-Noto, passe à Noto, & se jette dans la mer près des ruines de l'ancienne Elore. On prétend que l'Atellara est l'Elore d'autrefois.


ATENA(Géog.) petite ville d'Italie au royaume de Naples, proche le Negro. Long. 33. 8. lat. 40. 28.


ATERGATISdéesse des Syriens ; on croit que c'est la mere de Sémiramis ; elle étoit représentée avec le visage & la tête d'une femme, & le reste du corps d'un poisson. Atergatis, dit Vossius, signifie sans poisson ; & il conjecture que ceux qui honoroient cette déesse s'abstenoient de poisson.


ATERMOYEMENTterme de Palais, qui signifie un contrat entre des créanciers, & un débiteur qui a fait faillite, ou qui est dans le cas de ne pouvoir s'empêcher de la faire, portant terme ou délai pour le payement des sommes qu'il leur doit, & quelquefois même remise absolue d'une partie d'icelles.

Le débiteur qui a une fois obtenu un atermoyement de ses créanciers, n'est plus reçu par la suite à faire cession.

L'atermoyement peut être volontaire ou forcé : dans le premier cas il s'opere par un simple contrat entre les créanciers & le débiteur ; dans le second, il faut que le débiteur obtienne en petite chancellerie des lettres d'atermoyement, & qu'il les fasse enthériner en justice, après y avoir appellé tous ses créanciers : mais il ne peut pas forcer ses créanciers hypothécaires à accéder à l'atermoyement. On a fait d'atermoyement, atermoyer, atermoyé. (H)


ATH(Géog.) ville des Pays-bas dans le comté d'Hainaut, sur la Denre. Long. 21. 30. lat. 50. 35.


ATHACH(Géog. sainte.) ville de Palestine dans la tribu de Juda. Voyez I. Reg. xxx. 40.


ATHAMANIE(Géog. anc.) pays de l'Epire, entre l'Acarnanie, l'Etolie, & la Thessalie.


ATHAMAS(Géog. anc.) riviere d'Etolie dont les eaux, dit Ovide, allumoient une torche, si on l'y trempoit au dernier quartier de la lune. La montagne d'où cette riviere couloit, avoit le même nom.


ATHANATESadj. pris sub. (Hist. anc.) nom d'un corps de soldats chez les anciens Perses. Ce mot est originairement grec, & signifie immortel ; il est composé d' privatif & de , mort.

Les athanates composoient un corps de cavalerie de dix mille hommes ; & ce corps étoit toûjours complet, parce qu'un soldat qui mouroit étoit aussi-tôt remplacé par un autre : c'étoit pour cette raison que les Grecs les appelloient athanates, & les Latins immortales.

On conjecture que ce corps commença par les dix mille soldats que Cyrus fit venir de Perse pour sa garde : ils étoient distingués de tous les autres par leur armure superbe, & plus encore par leur courage. (G)


ATHANORS. m. terme de Chimie, grand fourneau immobile fait de terre ou de brique, sur lequel s'éleve une tour dans laquelle on met le charbon, qui descend dans le foyer du fourneau, à mesure qu'il s'en consume, selon que la tour peut contenir plus ou moins de charbon. Le feu s'y conserve plus ou moins long-tems allumé, sans qu'on soit obligé d'y mettre de tems en tems du charbon, comme on fait dans les autres fourneaux. L'athanor communique sa chaleur par des ouvertures qui sont aux côtés du foyer où l'on peut placer plusieurs vaisseaux, pour faire plusieurs opérations en même tems. Voyez FOURNEAUX, CHALEUR, &c.

Ce mot est emprunté des Arabes, qui donnent le nom de tanneron à un four, à l'imitation des Hébreux qui l'appellent tannour ; d'autres le dérivent du grec , immortel, par rapport à la longue durée du feu que l'on y a mis.

La chaleur de l'athanor s'augmente ou se diminue à mesure que l'on ouvre ou que l'on ferme le registre. Voyez REGISTRE.

L'athanor s'appelle aussi piger Henricus, parce qu'on s'en sert ordinairement dans les opérations les plus lentes, & qu'étant une fois rempli de charbon, il ne cesse de brûler, sans qu'on soit obligé de renouveller le feu ; c'est pourquoi les Grecs l'appellent , c'est-à-dire qui ne donne aucun soin.

On le nomme aussi le fourneau philosophique, le fourneau des arcanes ; uterus chimicus, ou spagyricus ; & furnus turritus, fourneau à tour.

On voit, Chim. Pl. IV. fig. 32, un fourneau athanor, ou de Henri le paresseux : a, le cendrier ; b, le foyer ; c, c, les ouvertures pour la communication de la chaleur au bain de sable ou au bain marie ; d, d, vuide de la tour dans lequel on met le charbon ; e, e, solides, ou murs de la tour ; f, dome ou couvercle du fourneau ; g, h, deux trous par où s'échappe la fumée. Le fourneau athanor est composé, comme nous l'avons dit, d'un bain de sable ; 1 le cendrier ; 2 le foyer ; 3 le bain de sable ; 4 un matras dans le sable ; 5 une écuelle qui est aussi dans le sable ; 6 trou au registre ; 7 l'entrée de la chaleur dans le bain de sable ; 8, 8, la platine sur laquelle est le sable. Le fourneau athanor a encore un bain marie : 1 le cendrier ; 2 le foyer ; 3, 3, le chaudron où l'eau du bain marie est contenue ; 4 un rond de paille sur lequel la cucurbite est posée ; 5 la cucurbite coeffée de son chapiteau ; 6, 6, les registres ; 7 escabelle qui porte le récipient ; 8 le récipient. (M)


ATHDORA(Géog.) ville d'Irlande à neuf milles de Limerick, dans la Mommonie.


ATHÉESS. m. pl. (Métaph.) On appelle athées, ceux qui nient l'existence d'un Dieu auteur du monde. On peut les diviser en trois classes : les uns nient qu'il y ait un Dieu : les autres affectent de passer pour incrédules ou sceptiques sur cet article : les autres enfin, peu différens des premiers, nient les principaux attributs de la nature divine, & supposent que Dieu est un être sans intelligence, qui agit purement par nécessité ; c'est-à-dire un être qui, à parler proprement, n'agit point du tout, mais qui est toujours passif. L'erreur des athées vient nécessairement de quelqu'une de ces trois sources.

Elle vient 1°. de l'ignorance & de la stupidité. Il y a plusieurs personnes qui n'ont jamais rien examiné avec attention, qui n'ont jamais fait un bon usage de leurs lumieres naturelles, non pas même pour acquérir la connoissance des vérités les plus claires & les plus faciles à trouver : elles passent leur vie dans une oisiveté d'esprit qui les abaisse & les avilit à la condition des bêtes. Quelques personnes croyent qu'il y a eu des peuples assez grossiers & assez sauvages, pour n'avoir aucune teinture de religion. Strabon rapporte qu'il y avoit des nations en Espagne & en Afrique qui vivoient sans dieux, & chez lesquels on ne découvroit aucune trace de religion. Si cela étoit, il en faudroit conclure qu'ils avoient toûjours été athées ; car il ne paroît nullement possible qu'un peuple entier passe de la religion à l'athéisme. La religion est une chose qui étant une fois établie dans un pays, y doit durer éternellement : on s'y attache par des motifs d'intérêt, par l'espérance d'une félicité temporelle, ou d'une félicité éternelle. On attend des dieux la fertilité de la terre, le bon succès des entreprises : on craint qu'ils n'envoyent la stérilité, la peste, les tempêtes, & plusieurs autres calamités ; & par conséquent on observe les cultes publics de religion, tant par crainte que par espérance. L'on est fort soigneux de commencer par cet endroit-là l'éducation des enfans ; on leur recommande la religion comme une chose de la derniere importance, & comme la source du bonheur & du malheur, selon qu'on sera diligent ou négligent à rendre aux dieux les honneurs qui leur appartiennent : de tels sentimens qu'on suce avec le lait, ne s'effacent point de l'esprit d'une nation ; ils peuvent se modifier en plusieurs manieres ; je veux dire que l'on peut changer de cérémonies ou de dogmes, soit par vénération pour un nouveau docteur, soit par les menaces d'un conquérant : mais ils ne sauroient disparoître tout-à-fait ; d'ailleurs les personnes qui veulent contraindre les peuples en matiere de religion, ne le font jamais pour les porter à l'athéisme : tout se réduit à substituer aux formulaires de culte & de créance qui leur déplaisent, d'autres formulaires. L'observation que nous venons de faire a paru si vraie à quelques auteurs, qu'ils n'ont pas hésité de regarder l'idée d'un Dieu comme une idée innée & naturelle à l'homme : & de-là ils concluent qu'il n'y a eu jamais aucune nation, quelque féroce & quelque sauvage qu'on la suppose, qui n'ait reconnu un Dieu. Ainsi, selon eux, Strabon ne mérite aucune créance ; & les relations de quelques voyageurs modernes, qui rapportent qu'il y a dans le nouveau monde des nations qui n'ont aucune teinture de religion, doivent être tenues pour suspectes, & même pour fausses. En effet, les voyageurs touchent en passant une côte, ils y trouvent des peuples inconnus : s'ils leur voyent faire quelques cérémonies, ils leur donnent une interprétation arbitraire ; & si au contraire ils ne voyent aucune cérémonie, ils concluent qu'ils n'ont point de religion. Mais comment peut-on savoir les sentimens de gens dont on ne voit pas la pratique, & dont on n'entend point la langue ? Si l'on en croit les voyageurs, les peuples de la Floride ne reconnoissoient point de Dieu, & vivoient sans religion ; cependant un auteur anglois qui a vécu dix ans parmi eux, assûre qu'il n'y a que la religion révélée qui ait effacé la beauté de leurs principes ; que les Socrates & les Platons rougiroient de se voir surpasser par des peuples d'ailleurs si ignorans. Il est vrai qu'ils n'ont ni idoles, ni temples, ni aucun culte extérieur ; mais ils sont vivement persuadés d'une vie à venir, d'un bonheur futur pour récompenser la vertu, & de souffrances éternelles pour punir le crime. Que savons-nous, ajoûte-t-il, si les Hottentots & tels autres peuples qu'on nous représente comme athées, sont tels qu'ils nous paroissent ? S'il n'est pas certain que ces derniers reconnoissent un Dieu, du moins est-il sûr par leur conduite qu'ils reconnoissent une équité, & qu'ils en sont pénétrés. La description du cap de Bonne-Espérance par M Kolbe, prouve bien que les Hottentots les plus barbares n'agissent pas sans raison, & qu'ils savent le droit des gens & de la nature. Ainsi pour juger s'il y a eu des nations sauvages, sans aucune teinture de divinité & de religion, attendons à en être mieux informés que par les relations de quelques voyageurs.

La seconde source d'athéisme, c'est la débauche & la corruption des moeurs. On trouve des gens qui, à force de vices & de déréglemens, ont presqu'éteint leurs lumieres naturelles & corrompu leur raison : au lieu de s'appliquer à la recherche de la vérité d'une maniere impartiale, & de s'informer avec soin des regles ou des devoirs que la nature prescrit, ils s'accoûtument à enfanter des objections contre la religion, à leur prêter plus de force qu'elles n'en ont, & à les soûtenir opiniatrément. Ils ne sont pas persuadés qu'il n'y a point de Dieu, mais ils vivent comme s'ils l'étoient, & tâchent d'effacer de leur esprit toutes les notions qui tendent à leur prouver une divinité. L'existence d'un Dieu les incommode dans la joüissance de leurs plaisirs criminels ; c'est pourquoi ils voudroient croire qu'il n'y a point de Dieu, & ils s'efforcent d'y parvenir. En effet il peut arriver quelquefois qu'ils réussissent à s'étourdir & à endormir leur conscience ; mais elle se réveille de tems en tems, & ils ne peuvent arracher entierement le trait qui les déchire.

Il y a divers degrés d'athéisme pratique, & il faut être extrèmement circonspect sur ce sujet. Tout homme qui commet des crimes contraires à l'idée d'un Dieu, & qui persévere même quelque tems, ne sauroit être déclaré aussi-tôt athée de pratique. David, par exemple, en joignant le meurtre à l'adultere, sembla oublier Dieu ; mais on ne sauroit pour cela le ranger au nombre des athées de pratique, ce caractere ne convient qu'à ceux qui vivent dans l'habitude du crime, & dont toute la conduite ne paroît tendre qu'à nier l'existence de Dieu.

L'athéisme du coeur a conduit le plus souvent à celui de l'esprit. A force de desirer qu'une chose soit vraie, on vient enfin à se persuader qu'elle est telle ; l'esprit devient la dupe du coeur, les vérités les plus évidentes ont toûjours un côté obscur & ténébreux par où l'on peut les attaquer. Il suffit qu'une vérité nous incommode & qu'elle contrarie nos passions ; l'esprit agissant alors de concert avec le coeur, découvrira bientôt des endroits foibles auxquels il s'attache : on s'accoûtume insensiblement à regarder comme faux ce qui avant la dépravation du coeur brilloit à l'esprit de la plus vive lumiere : il ne faut pas moins que la violence des passions pour étouffer une notion aussi évidente que celle de la divinité. Le monde, la cour & les armées fourmillent de ces sortes d'athées. Quand ils auroient renversé Dieu de dessus son throne, ils ne se donneroient pas plus de licence & de hardiesse. Les uns ne cherchant qu'à se distinguer par les excès de leurs débauches, y mettent le comble en se moquant de la religion ; ils veulent faire parler d'eux, & leur vanité ne seroit pas satisfaite s'ils ne joüissoient hautement & sans bornes de la réputation d'impies : cette réputation dangereuse est le but de leurs souhaits, & ils feroient mécontens de leurs expressions, si elles n'étoient extraordinairement odieuses. Les railleries, les profanations & les blasphèmes de cette sorte d'impies, ne sont point une marque qu'en effet ils croyent qu'il n'y a point de divinité ; ils ne parlent de la sorte que pour faire dire qu'ils enchérissent sur les débauches ordinaires : leur athéisme n'est rien moins que raisonné, il n'est pas même la cause de leurs débauches, il en est plûtôt le fruit & l'effet, & pour ainsi dire le plus haut degré. Les autres, tels que les grands, qui sont le plus soupçonnés d'athéisme, trop paresseux pour décider en leur esprit que Dieu n'est pas, se reposent mollement dans le sein des délices. " Leur indolence, dit la Bruyere, va jusqu'à les rendre froids & indifférens sur cet article si capital, comme sur la nature de leur ame & sur les conséquences d'une vraie religion ; ils ne nient ces choses ni ne les accordent, ils n'y pensent point ". Cette espece d'athéisme est la plus commune, & elle est aussi connue parmi les Turcs que parmi les Chrétiens. M. Ricaut, secrétaire de M. le comte de Winchelsey, ambassadeur d'Angleterre à Constantinople, rapporte que les athées ont formé une secte nombreuse en Turquie, qui est composée pour la plûpart de cadis & de personnes savantes dans les livres arabes, & de Chrétiens renégats, qui pour éviter les remords qu'ils sentent de leur apostasie, s'efforcent de se persuader qu'il n'y a rien à craindre ni à espérer après la mort. Il ajoûte que cette doctrine contagieuse s'est insinuée jusque dans le sérail, & qu'elle a infecté l'appartement des femmes & des eunuques ; qu'elle s'est aussi introduite chez les bachas ; & qu'après les avoir empoisonnés, elle a répandu son venin sur toute la cour ; que le sultan Amurat favorisoit fort cette opinion dans sa cour & dans son armée.

Il y a enfin des athées de spéculation & de raisonne ment, qui se fondant sur des principes de Philosophie, soûtiennent que les argumens contre l'existence & les attributs de Dieu, leur paroissent plus forts & plus concluans que ceux qu'on employe pour établir ces grandes vérités. Ces sortes d'athées s'appellent des athées théoriques. Parmi les anciens on compte Protagoras, Démocrite, Diagoras, Théodore, Nicanor, Hippon, Evhemere, Epicure & ses sectateurs, Lucrece, Pline le jeune, &c. & parmi les modernes, Averroès, Calderinus, Politien, Pomponace, Pierre Bembus, Cardan, Caesalpin, Taurellus, Crémonin, Bérigord, Viviani, Thomas Hobbe, Benoît Spinosa, &c. Je ne pense pas qu'on doive leur associer ces hommes qui n'ont ni principes ni système, qui n'ont point examiné la question, & qui ne savent qu'imparfaitement le peu de difficulté qu'ils débitent. Ils se font une sotte gloire de passer pour esprits forts ; ils en affectent le style pour se distinguer de la foule, tout prêts à prendre le parti de la religion, si tout le monde se déclaroit impie & libertin : la singularité leur plaît.

Ici se présente naturellement la célebre question, savoir si les lettrés de la Chine sont véritablement athées. Les sentimens sur cela sont fort partagés. Le P. le Comte, Jésuite, a avancé que le peuple de la Chine a conservé près de 2000 ans la connoissance du véritable Dieu ; qu'ils n'ont été accusés publiquement d'athéisme par les autres peuples, que parce qu'ils n'avoient ni temples ni sacrifices ; qu'ils étoient les moins crédules & les moins superstitieux de tous les habitans de l'Asie. Le P. le Gobien, aussi Jésuite, avoue que la Chine n'est devenue idolatre que cinq ou six ans avant la naissance de J. C. D'autres prétendent que l'athéisme a regné dans la Chine jusqu'à Confucius, & que ce grand Philosophe même en fut infecté. Quoi qu'il en soit de ces tems si reculés, sur lesquels nous n'osons rien décider, le zele de l'apostolat d'un côté, & de l'autre l'avidité insatiable des négocians européens, nous ont procuré la connoissance de la religion de ce peuple subtil, savant & ingénieux. Il y a trois principales sectes dans l'empire de la Chine. La premiere fondée par Li-laokium, adore un Dieu souverain, mais corporel, & ayant sous sa dépendance beaucoup de divinités subalternes, sur lesquelles il exerce un empire absolu. La seconde, infectée de pratiques folles & absurdes, met toute sa confiance en une idole nommée Fo ou Foë. Ce Fo ou Foë mourut à l'âge de 79 ans ; & pour mettre le comble à son impiété, après avoir établi l'idolatrie durant sa vie, il tâcha d'inspirer l'athéisme à sa mort. Pour lors il déclara à ses disciples qu'il n'avoit parlé dans tous ses discours que par énigme, & que l'on s'abusoit si l'on cherchoit hors du néant le premier principe des choses. C'est de ce néant, dit-il, que tout est sorti, & c'est dans le néant que tout doit retomber : voilà l'abysme où aboutissent nos espérances. Cela donna naissance parmi les Bonzes à une secte particuliere d'athées, fondée sur ces dernieres paroles de leur maître. Les autres, qui eurent de la peine à se défaire de leurs préjugés, s'en tinrent aux premieres erreurs. D'autres enfin tâcherent de les accorder ensemble, en faisant un corps de doctrine où ils enseignerent une double loi, qu'ils nommerent la loi extérieure & la loi intérieure. La troisieme enfin plus répandue que les deux autres, & même la seule autorisée par les lois de l'état, tient lieu de politique, de religion, & sur-tout de philosophie. Cette derniere secte que professent tous les nobles & tous les savans, ne reconnoît d'autre divinité que la matiere, ou plûtôt la nature ; & sous ce nom, source de beaucoup d'erreurs & d'équivoques, elle entend je ne sai quelle ame invisible du monde, je ne sai quelle force ou vertu surnaturelle qui produit, qui arrange, qui conserve les parties de l'univers. C'est, disent-ils, un principe très-pur, très-parfait, qui n'a ni commencement ni fin ; c'est la source de toutes choses, l'essence de chaque être, & ce qui en fait la véritable différence. Ils se servent de ces magnifiques expressions, pour ne pas abandonner en apparence l'ancienne doctrine ; mais au fond ils s'en font une nouvelle. Quand on l'examine de près, ce n'est plus ce souverain maître du ciel, juste, toutpuissant, le premier des esprits, & l'arbitre de toutes les créatures : on ne voit chez eux qu'un athéisme raffiné, & un éloignement de tout culte religieux. Ce qui le prouve, c'est que cette nature à laquelle ils donnent des attributs si magnifiques, qu'il semble qu'ils l'affranchissent des imperfections de la matiere, en la séparant de tout ce qui est sensible & corporel ; est néanmoins aveugle dans ses actions les plus réglées, qui n'ont d'autre fin que celle que nous leur donnons, & qui par conséquent ne sont utiles qu'autant que nous savons en faire un bon usage. Quand on leur objecte que le bel ordre qui regne dans l'univers n'a pû être l'effet du hasard, que tout ce qui existe doit avoir été créé par une premiere cause, qui est Dieu : donc, répliquent-ils d'abord, Dieu est l'auteur du mal moral & du mal physique. On a beau leur dire que Dieu étant infiniment bon, ne peut être l'auteur du mal : donc, ajoûtent-ils, Dieu n'est pas l'auteur de tout ce qui existe. Et puis, continuent-ils d'un air triomphant, doit-on croire qu'un être plein de bonté ait créé le monde, & que le pouvant remplir de toutes sortes de perfections, il ait précisément fait le contraire ? Quoiqu'ils regardent toutes choses comme l'effet de la nécessité, ils enseignent cependant que le monde a eu un commencement, & qu'il aura une fin. Pour ce qui est de l'homme, ils conviennent tous qu'il a été formé par le concours de la matiere terrestre & de la matiere subtile, à-peu-près comme les plantes naissent dans les îles nouvellement formées, où le laboureur n'a point semé, & où la terre seule est devenue féconde par sa nature. Au reste notre ame, disent-ils, qui en est la portion la plus épurée, finit avec le corps, quand ses parties sont dérangées, & renaît aussi avec lui, quand le hasard remet ces mêmes parties dans leur premier état.

Ceux qui voudroient absolument purger d'athéisme les Chinois, disent qu'il ne faut pas faire un trop grand fond sur le témoignage des missionnaires ; & que la seule difficulté d'apprendre leur langue & de lire leurs livres, est une grande raison de suspendre son jugement. D'ailleurs en accusant les Jésuites, sans doute à tort, de souffrir les superstitions des Chinois. on a sans y penser détruit l'accusation de leur athéisme, puisque l'on ne rend pas un culte à un être qu'on ne regarde pas comme Dieu. On dit qu'ils ne reconnoissent que le ciel matériel pour l'être suprème : mais ils pourroient reconnoître le ciel matériel (si tant est qu'ils ayent un mot dans leur langue qui réponde au mot de matériel), & croire néanmoins qu'il y a quelqu'intelligence qui l'habite, puisqu'ils lui demandent de la pluie & du beau tems, la fertilité de la terre, &c. Il se peut faire aisément qu'ils confondent l'intelligence avec la matiere, & qu'ils n'ayent que des idées confuses de ces deux êtres, sans nier qu'il y ait une intelligence qui préside dans le ciel. Epicure & ses disciples ont crû que tout étoit corporel, puisqu'ils ont dit qu'il n'y avoit rien qui ne fût composé d'atomes ; & néanmoins ils ne nioient pas que les ames des hommes ne fussent des êtres intelligens. On sait aussi qu'avant Descartes on ne distinguoit pas trop bien dans les écoles l'esprit & le corps ; & l'on ne peut pas dire néanmoins que dans les écoles on niât que l'ame humaine fût une nature intelligente. Qui sait si les Chinois n'ont pas quelqu'opinion semblable du ciel ? ainsi leur athéisme n'est rien moins que décidé.

Vous demanderez peut-être comment plusieurs philosophes anciens & modernes ont pû tomber dans l'athéisme : le voici. Pour commencer par les philosophes payens, ce qui les jetta dans cette énorme erreur, ce furent apparemment les fausses idées de la divinité qui régnoient alors ; idées qu'ils surent détruire, sans savoir édifier sur leur ruine celle du vrai Dieu. Et quant aux modernes, ils ont été trompés par des sophismes captieux, qu'ils avoient l'esprit d'imaginer sans avoir assez de sagacité ou de justesse pour en découvrir le foible. Il ne sauroit assûrément y avoir d'athée convaincu de son système, car il faudroit qu'il eût pour cela une démonstration de la non-existence de Dieu, ce qui est impossible ; mais la conviction & la persuasion sont deux choses différentes. Il n'y a que la derniere qui convienne à l'athée. Il se persuade ce qui n'est point : mais rien n'empêché qu'il ne le croye aussi fermement en vertu de ses sophismes, que le théiste croit l'existence de Dieu en vertu des démonstrations qu'il en a. Il ne faut pour cela que convertir en objections les preuves de l'existence de Dieu, & les objections en preuves. Il n'est pas indifférent de commencer par un bout plûtôt que par l'autre, la discussion de ce qu'on regarde comme un problème : car si vous commencez par l'affirmative, vous la rendrez plus facilement victorieuse ; au lieu que si vous commencez par la négative, vous rendrez toûjours douteux le succès de l'affirmative. Les mêmes raisonnemens font plus ou moins d'impression selon qu'ils sont proposés ou comme des preuves, ou comme des objections. Si donc un philosophe débutoit d'abord par la these, il n'y a point de Dieu, & qu'il rangeât en forme de preuves ce que les orthodoxes ne font venir sur les rangs que comme de simples difficultés, il s'exposeroit à l'égarement ; il se trouveroit satisfait de ses preuves, & n'en voudroit point démordre, quoiqu'il ne sût comment se débarrasser des objections ; car, diroit-il, si j'affirmois le contraire, je me verrois obligé de me sauver dans l'asyle de l'incompréhensibilité. Il choisit donc malheureusement les incompréhensibilités, qui ne devoient venir qu'après.

Jettez les yeux sur les principales controverses des Catholiques & des Protestans, vous verrez que ce qui passe dans l'esprit des uns pour une preuve démonstrative de fausseté, ne passe dans l'esprit des autres que pour un sophisme, ou tout au plus pour une objection spécieuse, qui fait voir qu'il y a quelques nuages même autour des vérités révélées. Les uns & les autres portent le même jugement des objections des Sociniens : mais ceux-ci les ayant toûjours considérées comme leurs preuves, les prennent pour des raisons convaincantes : d'où ils concluent que les objections de leurs adversaires peuvent bien être difficiles à résoudre, mais qu'elles ne sont pas solides. En général, dès qu'on ne regarde une chose que comme l'endroit difficile d'une these qu'on a adoptée, on en fait très-peu de cas : on étouffe tous les doutes qui pourroient s'élever, & on ne se permet pas d'y faire attention ; ou si on les examine, c'est en ne les considérant que comme de simples difficultés ; & c'est par-là qu'on leur ôte la force de faire impression sur l'esprit. Il n'est donc point surprenant qu'il y ait eu & qu'il y ait encore des athées de théorie, c'est-à-dire, des athées qui par la voie du raisonnement soient parvenus à se persuader qu'il n'y a point de Dieu. Ce qui le prouve encore, c'est qu'il s'est trouvé des athées que le coeur n'avoit pas séduits, & qui n'avoient aucun intérêt à s'affranchir d'un joug qui les incommodoit. Qu'un professeur d'athéisme, par exemple, étale fastueusement toutes les preuves par lesquelles il prétend appuyer son système impie, elles saisiront ceux qui auront l'imprudence de l'écouter, & les disposeront à ne point se rebuter des objections qui suivent. Les premieres impressions seront comme une digue qu'ils opposeront aux objections ; & pour peu qu'ils ayent de penchant au libertinage, ne craignez pas qu'ils se laissent entraîner à la force de ces objections.

Quoique l'expérience nous force à croire que plusieurs philosophes anciens & modernes ont vécu & sont morts dans la profession d'athéisme, il ne faut pourtant pas s'imaginer qu'ils soient en si grand nombre que le supposent certaines personnes, ou trop zélées pour la religion, ou mal intentionnées contre elle. Le pere Mersenne vouloit qu'il n'y eût pas moins que 50 mille athées dans Paris ; il est visible que cela est outré à l'excès. On attache souvent cette note injurieuse à des personnes qui ne la méritent point. On n'ignore pas qu'il y a certains esprits qui se piquent de raisonnement, & qui ont beaucoup de force dans la dispute. Ils abusent de leur talent, & se plaisent à s'en servir pour embarrasser un homme qui leur paroît convaincu de l'existence de Dieu. Ils lui font des objections sur la religion ; ils attaquent ses réponses & ne veulent pas avoir le dernier ; ils crient & s'échauffent, c'est leur coûtume. Leur adversaire sort mal satisfait, & les prend pour des athées, quelques-uns des assistans prennent le même scandale, & portent le même jugement ; ce sont souvent des jugemens téméraires. Ceux qui aiment la dispute & qui s'y sentent très-forts, soûtiennent en mille rencontres le contraire de ce qu'ils croyent bien fermement. Il suffira quelquefois, pour rendre quelqu'un suspect d'athéisme, qu'il ait disputé avec chaleur sur l'insuffisance d'une preuve de l'existence de Dieu ; il court risque, quelque orthodoxe qu'il soit, de se voir bien-tôt décrié comme un athée ; car, dira-t-on, il ne s'échaufferoit pas tant s'il ne l'étoit : quel intérêt sans cela pourroit-il prendre dans cette dispute ? La belle demande ! n'y est-il pas intéressé pour l'honneur de son discernement ? Voudroit-on qu'il laissât croire qu'il prend une mauvaise preuve pour un argument démonstratif ?

Le parallele de l'athéisme & du paganisme se présente ici fort naturellement. On se partage beaucoup sur ce problème, si l'irreligion est pire que la superstition : on convient que ce sont les deux extrémités vicieuses au milieu desquelles la vérité est située : mais il y a des personnes qui pensent avec Plutarque, que la superstition est un plus grand mal que l'athéisme : il y en a d'autres qui n'osent décider, & plusieurs enfin qui déclarent que l'athéisme est pire que la superstition. Juste Lipse prend ce dernier parti : mais en même tems il avoue que la superstition est plus ordinaire que l'irreligion ; qu'elle s'insinue sous le masque de la piété ; & que n'étant qu'une image de la religion, elle séduit de telle sorte l'esprit de l'homme qu'elle le rend son joüet. Personne n'ignore combien ce sujet a occupé Bayle, & comment il s'est tourné de tous côtés, & a employé toutes les subtilités du raisonnement pour soûtenir ce qu'il avoit une fois avancé. Il s'est appliqué à pénétrer jusque dans les replis les plus cachés de la nature humaine : aussi remarquable par la force & la clarté du raisonnement, que par l'enjouement, la vivacité & la délicatesse de l'esprit, il ne s'est égaré que par l'envie demesurée des paradoxes. Quoique familiarisé avec la plus saine philosophie, son esprit toûjours actif & extrèmement vigoureux n'a pû se renfermer dans la carriere ordinaire ; il en a franchi les bornes. Il s'est plû à jetter des doutes sur les choses qui sont les plus généralement reçûes, & à trouver des raisons de probabilité pour celles qui sont les plus généralement rejettées. Les paradoxes, entre les mains d'un auteur de ce caractere, produisent toûjours quelque chose d'utile & de curieux ; & on en a la preuve dans la question présente : car l'on trouve dans les pensées diverses de M. Bayle, un grand nombre d'excellentes observations sur la nature & le génie de l'ancien polithéisme. Comme il ne s'est proposé d'autre méthode que d'écrire selon que les choses se présenteroient à sa pensée, ses argumens se trouvent confusément épars dans son ouvrage. Il est nécessaire de les analyser & de les rapprocher. On les exposera dans un ordre où ils viendront à l'appui les uns des autres ; & loin de les affoiblir, on tâchera de leur prêter toute la force dont ils peuvent être susceptibles.

Dans ses pensées diverses, M. Bayle posa sa these de cette maniere générale, que l'athéisme n'est pas un plus grand mal que l'idolatrie. C'est l'argument d'un de ses articles. Dans l'article même il dit que l'idolatrie est pour le moins aussi abominable que l'athéisme. C'est ainsi qu'il s'explique d'abord : mais les contradictions qu'il essuya lui firent proposer sa these avec les restrictions suivantes. " L'idolatrie des anciens payens n'est pas un mal plus affreux que l'ignorance de Dieu dans laquelle on tomberoit, ou par stupidité, ou par défaut d'attention, sans une malice préméditée, fondée sur le dessein de ne sentir nuls remords, en s'adonnant à toutes sortes de crimes ". Enfin dans sa continuation des pensées diverses, il changea encore la question. Il supposa deux anciens philosophes, qui s'étant mis en tête d'examiner l'ancienne religion de leur pays, eussent observé dans cet examen les lois les plus rigoureuses de la recherche de la vérité. " Ni l'un ni l'autre de ces deux examinateurs ne se proposent de se procurer un système favorable à leurs intérêts ; ils mettent à part leurs passions, les commodités de la vie, toute la morale ; en un mot ils ne cherchent qu'à éclairer leur esprit. L'un deux ayant comparé autant qu'il a pû & sans aucun préjugé les preuves & les objections, les réponses, les répliques, conclut que la nature divine n'est autre chose que la vertu qui meut tous les corps par des lois nécessaires & immuables ; qu'elle n'a pas plus d'égard à l'homme qu'aux autres parties de l'univers ; qu'elle n'entend point nos prieres ; que nous ne pouvons lui faire ni plaisir ni chagrin ", c'est-à-dire, en un mot que le premier philosophe deviendroit athée. Le second philosophe, après le même examen, tombe dans les erreurs les plus grossieres du paganisme. M. Bayle soûtient que le péché du premier ne seroit pas plus énorme que le péché du dernier, & que même ce dernier auroit l'esprit plus faux que le premier. On voit par ces échantillons combien M. Bayle s'est plû à embarrasser cette question : divers savans l'ont réfuté, & sur-tout M. Bernard, dans différens endroits de ses nouvelles de la république des lettres, & M. Warburton, dans ses dissertations sur l'union de la religion, de la morale & de la politique. C'est une chose tout-à-fait indifférente à la vraie Religion, de savoir lequel de l'athéisme ou de l'idolatrie est un plus grand mal. Les intérêts du Christianisme sont tellement séparés de ceux de l'idolatrie payenne, qu'il n'a rien à perdre ni à gagner, soit qu'elle passe pour moins mauvaise ou pour plus mauvaise que l'irreligion. Mais quand on examine le parallele de l'athéisme & du polythéisme par rapport à la société, ce n'est plus un problème indifférent. Il paroît que le but de M. Bayle étoit de prouver que l'athéisme ne tend pas à la destruction de la société ; & c'est-là le point qu'il importe de bien développer : mais avant de toucher à cette partie de son système, examinons la premiere ; & pour le faire avec ordre, n'oublions pas la distinction qu'on fait des athées de théorie & des athées de pratique. Cette distinction une fois établie, on peut dire que l'athéisme pratique renferme un degré de malice, qui ne se trouve pas dans le polithéisme : on en peut donner plusieurs raisons.

La premiere est qu'un payen qui ôtoit à Dieu la sainteté & la justice, lui laissoit non-seulement l'existence, mais aussi la connoissance & la puissance ; au lieu qu'un athée pratique lui ôte tout. Les payens pouvoient être regardés comme des calomniateurs qui flétrissoient la gloire de Dieu ; les athées pratiques l'outragent & l'assassinent à la fois. Ils ressemblent à ces peuples qui maudissoient le soleil, dont la chaleur les incommodoit, & qui l'eussent détruit, si cela eût été possible. Ils étouffent, autant qu'il est en eux, la persuasion de l'existence de Dieu ; & ils ne se portent à cet excès de malice, qu'afin de se délivrer des remords de leur conscience.

La seconde est que la malice est le caractere de l'athéisme pratique, mais que l'idolatrie payenne étoit un péché d'ignorance ; d'où l'on conclut que Dieu est plus offensé par les athées pratiques que par les payens, & que leurs crimes de lese-majesté divine sont plus injurieux au vrai Dieu que ceux des payens. En effet ils attaquent malicieusement la notion de Dieu qu'ils trouvent dans leur coeur & dans leur esprit ; ils s'efforcent de l'étouffer ; ils agissent en cela contre leur conscience, & seulement par le motif de se délivrer d'un joug qui les empêche de s'abandonner à toutes sortes de crimes. Ils font donc directement la guerre à Dieu ; & ainsi l'injure qu'ils font au souverain être est plus offensante que l'injure qu'il recevroit des adorateurs des idoles. Du moins ceux-ci étoient bien intentionnés pour la divinité en général, ils la cherchoient dans le dessein de la servir & de l'adorer ; & croyant l'avoir trouvée dans des objets qui n'étoient pas Dieu, ils l'honoroient selon leurs faux préjugés, autant qu'il leur étoit possible. Il faut déplorer leur ignorance ; mais en même tems il faut reconnoître que la plûpart n'ont point sû qu'ils erroient. Il est vrai que leur conscience étoit erronée : mais du moins ils s'y conformoient, parce qu'ils la croyoient bonne.

Pour l'athéisme spéculatif, il est moins injurieux à Dieu, & par conséquent un moindre mal que le polythéisme. Je pourrois alléguer grand nombre de passages d'auteurs, tant anciens que modernes, qui reconnoissent tous unanimement qu'il y a plus d'extravagance, plus de brutalité, plus de fureur, plus d'aveuglement dans l'opinion d'un homme qui admet tous les dieux des Grecs & des Romains, que dans l'opinion de celui qui n'en admet point du tout. " Quoi, dit Plutarque, (Traité de la Superst.) celui qui ne croit point qu'il y ait des dieux, est impie ; & celui qui croit qu'ils sont tels que les superstitieux se les figurent, ne le sera pas ? Pour moi, j'aimerois mieux que tous les hommes du monde dissent que Plutarque n'a jamais été, que s'ils disoient, Plutarque est un homme inconstant, leger, colere, qui se venge des moindres offenses ". M. Bossuet ayant donné le précis de la théologie que Wiclef a débitée dans son trialogue, ajoûte ceci : " Voilà un extrait fidele de ses blasphèmes : ils se réduisent en deux chefs ; à faire un dieu dominé par la nécessité ; & ce qui en est une suite, un dieu auteur & approbateur de tous les crimes, c'est-à-dire un dieu que les athées auroient raison de nier : de sorte que la religion d'un si grand réformateur est pire que l'athéisme ". Un des beaux endroits de M. de la Bruyere est celui-ci : " Si ma religion étoit fausse, je l'avoue, voilà le piége le mieux dressé qu'il soit possible d'imaginer : il étoit inévitable de ne pas donner tout au-travers, & de n'y être pas pris. Quelle majesté ! quel éclat des mysteres ! quelle suite & quel enchaînement de toute la doctrine ! quelle raison éminente ! quelle candeur ! quelle innocence de moeurs ! quelle force invincible & accablante de témoignages rendus successivement & pendant trois siecles entiers par des millions de personnes les plus sages, les plus modérées qui fussent alors sur la terre ! Dieu même pouvoit-il jamais mieux rencontrer pour me séduire ? par où échapper, où aller, où me jetter, je ne dis pas pour trouver rien de meilleur, mais quelque chose qui en approche ? S'il faut périr, c'est par-là que je veux périr ; il m'est plus doux de nier Dieu, que de l'accorder avec une tromperie si spécieuse & si entiere ". Voyez la continuation des pensées diverses de M. Bayle.

La comparaison de Richeome nous fera mieux sentir que tous les raisonnemens du monde, que c'est un sentiment moins outrageant pour la divinité, de ne la point croire du tout, que de croire ce qu'elle n'est pas, & ce qu'elle ne doit pas être. Voilà deux portiers à l'entrée d'une maison : on leur demande, peut-on parler à votre maître ? Il n'y est pas, répond l'un : il y est, répond l'autre, mais fort occupé à faire de la fausse monnoie, de faux contrats, des poignards, & des poisons, pour perdre ceux qui ont exécuté ses desseins : l'athée ressemble au premier de ces portiers, le payen à l'autre. Il est donc visible que le payen offense plus grievement la divinité que ne fait l'athée. On ne peut comprendre que des gens qui auroient été attentifs à cette comparaison, eussent balancé à dire que la superstition payenne valoit moins que l'irreligion.

S'il est vrai, 1°. que l'on offense beaucoup plus celui que l'on nomme fripon, scélérat, infame, que celui auquel on ne songe pas, ou de qui on ne dit ni bien, ni mal : 2°. qu'il n'y a point d'honnête femme, qui n'aimât mieux qu'on la fît passer pour morte, que pour prostituée : 3°. qu'il n'y a point de mari jaloux qui n'aime mieux que sa femme fasse voeu de continence, ou en général qu'elle ne veuille plus entendre parler de commerce avec un homme, que si elle se prostituoit à tout venant : 4°. qu'un roi chassé de son throne s'estime plus offensé, lorsque ses sujets rébelles sont ensuite très-fideles à un autre roi, que s'ils n'en mettoient aucun à sa place : 5°. qu'un roi qui a une forte guerre sur les bras, est plus irrité contre ceux qui embrassent avec chaleur le parti de ses ennemis, que contre ceux qui se tiennent neutres. Si, dis-je, ces cinq propositions sont vraies, il faut de toute nécessité, que l'offense que les Payens faisoient à Dieu, soit plus atroce que celle que lui font les athées spéculatifs, s'il y en a : ils ne songent point à Dieu ; ils n'en disent ni bien ni mal ; & s'ils nient son existence, c'est qu'ils la regardent non pas comme une chose réelle, mais comme une fiction de l'entendement humain. C'est un grand crime, je l'avoue : mais s'ils attribuoient à Dieu tous les crimes les plus infames, comme les Payens les attribuoient à leur Jupiter & à leur Vénus ; si après l'avoir chassé de son throne, ils lui substituoient une infinité de faux dieux, leur offense ne seroit-elle pas beaucoup plus grande ? Ou toutes les idées que nous avons des divers degrés de péchés sont fausses, ou ce sentiment est véritable. La perfection qui est la plus chere à Dieu, est la sainteté ; par conséquent le crime qui l'offense le plus, est de le faire méchant : ne point croire son existence, ne lui point rendre de culte, c'est le dégrader ; mais de rendre le culte qui lui est dû à une infinité d'autres êtres, c'est tout-à-la-fois le dégrader & se déclarer pour le démon dans la guerre qu'il fait à Dieu. L'Ecriture nous apprend que c'est au diable que se terminoit l'honneur rendu aux idoles, dii gentium daemonia. Si au jugement des personnes les plus raisonnables & les plus justes, un attentat à l'honneur est une injure plus atroce qu'un attentat à la vie ; si tout ce qu'il y a d'honnêtes gens conviennent qu'un meurtrier fait moins de tort qu'un calomniateur qui flétrit la réputation, ou qu'un juge corrompu qui déclare infame un innocent ; en un mot, si tous les hommes qui ont du sentiment, regardent comme une action très-criminelle de préférer la vie à l'honneur, l'infamie à la mort : que devons-nous penser de Dieu, qui verse lui-même dans les ames ces sentimens nobles & généreux ? Ne devons-nous pas croire que la sainteté, la probité, la justice, sont ses attributs les plus essentiels, & dont il est le plus jaloux : donc la calomnie des Payens, qui le chargeant de toutes sortes de crimes détruit ses perfections les plus précieuses, lui est une offense plus injurieuse que l'impiété des athées, qui lui ôte la connoissance & la direction des évenemens.

C'est un grand défaut d'esprit de n'avoir pas reconnu dans les ouvrages de la nature un Dieu souverainement parfait ; mais c'est un plus grand défaut d'esprit encore, de croire qu'une nature sujette aux passions les plus injustes & les plus sales, soit un Dieu, & mérite nos adorations : le premier défaut est celui des athées, & le second celui des Payens.

C'est une injure sans doute bien grande d'effacer de nos coeurs l'image de la Divinité qui s'y trouve naturellement empreinte : mais cette injure devient beaucoup plus atroce, lorsqu'on défigure cette image, & qu'on l'expose au mépris de tout le monde. Les athées ont effacé l'image de Dieu, & les Payens l'ont rendue méconnoissable ; jugez de quel côté l'offense a été plus grande.

Le grand crime des athées parmi les Payens, est de n'avoir pas mis le véritable Dieu sur le throne, après en avoir si justement & si raisonnablement précipité tous les faux dieux : mais ce crime, quelque criant qu'il puisse être, est-il une injure aussi sanglante pour le vrai Dieu que celle qu'il a reçûe des Idolatres, qui, après l'avoir déthroné, ont mis sur son throne les plus infames divinités qu'il fût possible d'imaginer ? Si la reine Elisabeth chassée de ses états, avoit appris que ses sujets révoltés lui eussent fait succéder la plus infame prostituée qu'ils eussent pû déterrer dans Londres, elle eût été plus indignée de leur conduite, que s'ils eussent pris une autre forme de gouvernement, ou que pour le moins ils eussent donné la couronne à une illustre princesse. Non-seulement la personne de la reine Elisabeth eût été tout de nouveau insultée par le choix qu'on auroit fait d'une infame courtisanne, mais aussi le caractere royal eût été deshonoré, profané : voilà l'image de la conduite des Payens à l'égard de Dieu. Ils se sont révoltés contre lui ; & après l'avoir chassé du ciel, ils ont substitué à sa place une infinité de dieux chargés de crimes, & ils leur ont donné pour chef un Jupiter, fils d'un usurpateur, & usurpateur lui-même. N'étoit-ce pas flétrir & deshonorer le caractere divin, exposer au dernier mépris la nature & la majesté divine ?

A toutes ces raisons, M. Bayle en ajoûte une autre, qui est que rien n'éloigne davantage les hommes de se convertir à la vraie religion, que l'idolatrie : en effet, parlez à un Cartésien ou à un Péripatéticien, d'une proposition qui ne s'accorde pas avec les principes dont il est préoccupé, vous trouvez qu'il songe bien moins à pénétrer ce que vous lui dites, qu'à imaginer des raisons pour le combattre : parlez-en à un homme qui ne soit d'aucune secte, vous le trouvez docile, & prêt à se rendre sans chicaner. La raison en est, qu'il est bien plus mal-aisé d'introduire quelque habitude dans une ame qui a déjà contracté l'habitude contraire, que dans une ame qui est encore toute nue. Qui ne sait, par exemple, qu'il est plus difficile de rendre libéral un homme qui a été avare toute sa vie, qu'un enfant qui n'est encore ni avare ni libéral ? De même, il est beaucoup plus aisé de plier d'un certain sens un corps qui n'a jamais été plié, qu'un autre qui a été plié d'un sens contraire. Il est donc très-raisonnable de penser que les apôtres eussent converti plus de gens à J. C. s'ils l'eussent prêché à des peuples sans religion, qu'ils n'en ont converti, annonçant l'Evangile à des nations engagées par un zele aveugle & entêté aux cultes superstitieux du Paganisme. On m'avouera, que si Julien l'apostat eût été athée, du caractere dont il étoit d'ailleurs, il eût laissé en paix les Chrétiens ; au lieu qu'il leur faisoit des injures continuelles, infatué qu'il étoit des superstitions du Paganisme, & tellement infatué, qu'un historien de sa religion n'a pû s'empêcher d'en faire une espece de raillerie ; disant que s'il fût retourné victorieux de son expédition contre les Perses, il eût dépeuplé la terre de boeufs à force de sacrifices. Tant il est vrai, qu'un homme entêté d'une fausse religion, résiste plus aux lumieres de la véritable, qu'un homme qui ne tient à rien de semblable. Toutes ces raisons, dira-t-on à M. Bayle, ne sont tout au plus concluantes que pour un athée négatif, c'est-à-dire pour un homme qui n'a jamais pensé à Dieu, qui n'a pris aucun parti sur cela. L'ame de cet homme est comme uu tableau nud, tout prêt à recevoir telles couleurs qu'on voudra lui appliquer : mais peut-on dire la même chose d'un athée positif, c'est-à-dire d'un homme qui, après avoir examiné les preuves sur lesquelles on établit l'existence de Dieu, finit par conclure qu'il n'y en a aucune qui soit solide, & capable de faire impression sur un esprit vraiment philosophique ? Un tel homme est assûrément plus éloigné de la vraie religion, qu'un homme qui admet une divinité, quoiqu'il n'en ait pas les idées les plus saines. Celle-ci se conserve le tronc sur lequel on pourra enter la foi véritable : mais celui-là a mis la hache à la racine de l'arbre, & s'est ôté toute espérance de se relever. Mais en accordant que le payen peut être guéri plus facilement que l'athée, je n'ai garde de conclure qu'il soit moins coupable que ce dernier. Ne sait-on pas que les maladies les plus honteuses, les plus sales, les plus infames, sont celles dont la guérison est la plus facile ?

Nous voici enfin parvenus à la seconde partie du parallele de l'athéisme & du polithéisme. M. Bayle va plus loin ; il tâche encore de prouver que l'athéisme ne tend pas à la destruction de la société. Pour nous, quoique nous soyons persuadés que les crimes de lese-majesté divine sont plus énormes dans le système de la superstition, que dans celui de l'irreligion, nous croyons cependant que ce dernier est plus pernicieux au genre humain, que le premier. Voici sur quoi nous nous fondons.

On a généralement pensé qu'une des preuves que l'athéisme est pernicieux à la société, consistoit en ce qu'il exclut la connoissance du bien & du mal moral, cette connoissance étant postérieure à celle de Dieu. C'est pourquoi le premier argument dont M. Bayle fait usage pour justifier l'athéisme, c'est que les athées peuvent conserver les idées, par lesquelles on découvre la différence du bien & du mal moral ; parce qu'ils comprennent, aussi-bien que les déistes ou théistes, les premiers principes de la Morale & de la Métaphysique ; & que les Epicuriens qui nioient la Providence, & les Stratoniciens qui nioient l'existence de Dieu, ont eu ces idées.

Pour connoître ce qu'il peut y avoir de vrai ou de faux dans ces argumens, il faut remonter jusqu'aux premiers principes de la Morale ; matiere en elle-même claire & facile à comprendre, mais que les disputes & les subtilités ont jettée dans une extrème confusion. Tout l'édifice de la Morale-pratique est fondé sur ces trois principes réunis, savoir le sentiment moral, la différence spécifique des actions humaines, & la volonté de Dieu. J'appelle sentiment moral cette approbation du bien, cette horreur pour le mal, dont l'instinct ou la nature nous prévient antérieurement à toutes réflexions sur leur caractere & sur leurs conséquences. C'est-là la premiere ouverture, le premier principe qui nous conduit à la connoissance parfaite de la Morale, & il est commun aux athées aussi-bien qu'aux théistes. L'instinct ayant conduit l'homme jusque-là, la faculté de raisonner qui lui est naturelle, le fait réfléchir sur les fondemens de cette approbation & de cette horreur. Il découvre que ni l'une ni l'autre ne sont arbitraires, mais qu'elles sont fondées sur la différence qu'il y a essentiellement dans les actions des hommes. Tout cela n'imposant point encore une obligation assez forte pour pratiquer le bien & pour éviter le mal, il faut nécessairement ajoûter la volonté supérieure d'un législateur, qui non-seulement nous ordonne ce que nous sentons & reconnoissons pour bon, mais qui propose en même tems des récompenses pour ceux qui s'y conforment, & des châtimens pour ceux qui lui désobéissent. C'est le dernier principe des préceptes de Morale ; c'est ce qui leur donne le vrai caractere de devoir : c'est donc sur ces trois principes que porte tout l'édifice de la Morale. Chacun d'eux est soûtenu par un motif propre & particulier. Lorsqu'on se conforme au sentiment moral, on éprouve une sensation agréable : lorsqu'on agit conformément à la différence essentielle des choses, on concourt à l'ordre & à l'harmonie de l'univers ; & lorsqu'on se soûmet à la volonté de Dieu, on s'assûre des récompenses, & l'on évite des peines.

De tout cela, il résulte évidemment ces deux conséquences : 1°. qu'un athée ne sauroit avoir une connoissance exacte & complete de la moralité des actions humaines proprement nommée : 2°. que le sentiment moral & la connoissance des différences essentielles qui spécifient les actions humaines, deux principes dont on connoît qu'un athée est capable, ne concluent néanmoins rien en faveur de l'argument de M. Bayle ; parce que ces deux choses, même unies, ne suffisent pas pour porter l'athée à la pratique de la vertu, comme il est nécessaire pour le bien de la société, ce qui est le point dont il s'agit.

Voyons d'abord comment M. Bayle a prétendu prouver la moralité des actions humaines, suivant les principes d'un stratonicien. Il le fait raisonner de la maniere suivante : " La beauté, la symmétrie, la régularité, l'ordre que l'on voit dans l'univers, sont l'ouvrage d'une nature qui n'a point de connoissance ; & encore que cette nature n'ait point suivi des idées, elle a néanmoins produit une infinité d'especes, dont chacune a ses attributs essentiels. Ce n'est point en conséquence de nos opinions que le feu & l'eau different d'espece, & qu'il y a une pareille différence entre l'amour & la haine, & entre l'affirmation & la négation. Cette différence spécifique est fondée dans la nature même des choses : mais comment la connoissons-nous ? N'est-ce pas en comparant les propriétés essentielles de l'un de ces êtres avec les propriétés essentielles de l'autre ? Or nous connoissons par la même voie, qu'il y a une différence spécifique entre le mensonge & la vérité, entre l'ingratitude & la gratitude, &c. Nous devons donc être assûrés que le vice & la vertu different spécifiquement par leur nature, & indépendamment de nos opinions ". M. Bayle en conclut, que les Stratoniciens ont pû connoître que le vice & la vertu étoient deux especes de qualité, qui étoient naturellement séparées l'une de l'autre. On le lui accorde. " Voyons, continue-t-il, comment ils ont pû savoir qu'elles étoient outre cela séparées moralement. Ils attribuoient à la même nécessité de la nature, l'établissement des rapports que l'on voit entre les choses, & celui des regles par lesquelles nous distinguons ces rapports. Il y a des regles de raisonnement, indépendantes de la volonté de l'homme ; ce n'est point à cause qu'il a plu aux hommes d'établir les regles du syllogisme, qu'elles sont justes & véritables ; elles le sont en elles-mêmes, & toute entreprise de l'esprit humain contre leur essence & leurs attributs seroit vaine & ridicule ". On accorde tout cela à M. Bayle. Il ajoûte : " S'il y a des regles certaines & immuables pour les opérations de l'entendement, il y en a aussi pour les actes de la volonté ". Voilà ce qu'on lui nie, & ce qu'il tâche de prouver de cette maniere. " Les regles de ces actes-là ne sont pas toutes arbitraires ; il y en a qui émanent de la nécessité de la nature, & qui imposent une obligation indispensable.... La plus générale de ces regles-ci, c'est qu'il faut que l'homme veuille ce qui est conforme à la droite raison. Il n'y a pas de vérité plus évidente que de dire qu'il est digne de la créature raisonnable de se conformer à la raison, & qu'il est indigne de la créature raisonnable de ne se pas conformer à la raison ".

Le passage de M. Bayle fournit une distinction à laquelle on doit faire beaucoup d'attention, pour se former des idées nettes de morale. Cet auteur a distingué avec soin la différence par laquelle les qualités des choses ou des actions sont naturellement séparées les unes des autres, & celle par laquelle ces qualités sont moralement séparées ; d'où il naît deux sortes de différences, l'une naturelle, l'autre morale. De la différence naturelle & spécifique des choses il suit qu'il est raisonnable de s'y conformer ou de s'en abstenir ; & de la différence morale il suit qu'on est obligé de s'y conformer ou de s'en abstenir. De ces deux différences l'une est spéculative ; elle fait voir le rapport ou défaut de rapport qui se trouve entre les choses ; l'autre est pratique. Outre le rapport des choses, elle établit une obligation dans l'agent ; ensorte que différence morale & obligation de s'y conformer, sont deux idées inséparables : car c'est-là uniquement ce que peuvent signifier les termes de différence naturelle & de différence morale ; autrement ils ne signifieroient que la même chose, ou ne signifieroient rien du tout.

Or si l'on prouve que de ces deux différences l'une n'est pas nécessairement une suite de l'autre, l'argument de M. Bayle tombe de lui-même : c'est ce qu'il est aisé de faire voir. L'idée d'obligation suppose nécessairement un être qui oblige, & qui doit être différent de celui qui est obligé. Supposer que celui qui oblige & celui qui est obligé sont une seule & même personne, c'est supposer qu'un homme peut faire un contrat avec lui-même ; ce qui est la chose du monde la plus absurde en matiere d'obligation : car c'est une maxime incontestable, que celui qui acquiert un droit sur quelque chose par l'obligation dans laquelle un autre entre avec lui, peut céder ce droit. Si donc celui qui oblige & celui qui est obligé sont la même personne, toute obligation devient nulle par cela même ; ou, pour parler plus exactement, il n'y a jamais eu d'obligation. C'est-là néanmoins l'absurdité où tombe l'athée stratonicien, lorsqu'il parle de différence morale, ou autrement d'obligations ; car quel être peut lui imposer des obligations ? dira-t-il que c'est la droite raison ? Mais c'est-là précisément l'absurdité dont nous venons de parler ; car la raison n'est qu'un attribut de la personne obligée, & ne sauroit par conséquent être le principe de l'obligation : son office est d'examiner & de juger des obligations qui lui sont imposées par quelqu'autre principe. Dira-t-on que par la raison on n'entend pas la raison de chaque homme en particulier, mais la raison en général ? Mais cette raison générale n'est qu'une notion arbitraire, qui n'a point d'existence réelle ; & comment ce qui n'existe pas peut-il obliger ce qui existe ? c'est ce qu'on ne comprend pas.

Tel est le caractere de toute obligation en général, elle suppose une loi qui commande & qui défende ; mais une loi ne peut être imposée que par un être intelligent & supérieur, qui ait le pouvoir d'exiger qu'on s'y conforme. Un être aveugle & sans intelligence n'est ni ne sauroit être législateur ; & ce qui procede nécessairement d'un pareil être, ne sauroit être considéré sous l'idée de loi proprement nommée. Il est vrai que dans le langage ordinaire on parle de loi de raison & de loi de nécessité ; mais ce ne sont que des expressions figurées. Par la premiere on entend la regle que le législateur de la nature nous a donnée pour juger de sa volonté ; & la seconde signifie seulement que la nécessité a en quelque maniere une des propriétés de la loi, celle de forcer ou de contraindre. Mais on ne conçoit pas que quelque chose puisse obliger un être dépendant & doüé de volonté, si ce n'est une loi prise dans le sens philosophique. Ce qui a trompé M. Bayle, c'est qu'ayant apperçû que la différence essentielle des choses est un objet propre pour l'entendement, il en a conclu avec précipitation que cette différence devoit également être le motif de la détermination de la volonté ; mais il y a cette disparité, que l'entendement est nécessité dans ses perceptions, & que la volonté n'est point nécessitée dans ses déterminations. Les différences essentielles des choses n'étant donc pas l'objet de la volonté, il faut que loi d'un supérieur intervienne pour former l'obligation du choix ou la moralité des actions.

Hobbes, quoiqu'accusé d'athéisme, semble avoir pénétré plus avant dans cette matiere que le stratonicien de Bayle. Il paroît qu'il a senti que l'idée de morale renfermoit nécessairement celle d'obligation, l'idée d'obligation celle de loi, & l'idée de loi celle de législateur ; c'est pourquoi après avoir en quelque sorte banni le législateur de l'univers, il a jugé à propos, afin que la moralité des actions ne restât pas sans fondement, de faire intervenir son grand monstre, qu'il appelle le léviathan, & d'en faire le créateur & le soûtien du bien & du mal moral. C'est donc en vain qu'on prétendroit qu'il y auroit un bien moral à agir conformément à la relation des choses, parce que par-là on contribueroit au bonheur de ceux de son espece. Cette raison ne peut établir qu'un bien ou un mal naturel, & non pas un bien ou un mal moral. Dans ce système, la vertu seroit au même niveau que les productions de la terre & que la bénignité des saisons, le vice seroit au même rang que la peste & les tempêtes, puisque ces différentes choses ont le caractere commun de contribuer au bonheur ou au malheur des hommes. La moralité ne sauroit résulter simplement de la nature d'une action ni de celle de son effet ; car qu'une chose soit raisonnable ou ne le soit pas, il s'ensuit seulement qu'il est convenable ou absurde de la faire ou de ne la point faire ; & si le bien ou le mal qui résulte d'une action, rendoit cette action morale, les brutes dont les actions produisent ces deux effets, auroient le caractere d'agens moraux.

Ce qui vient d'être exposé fait voir que l'athée ne sauroit parvenir à la connoissance de la moralité des actions proprement nommées. Mais quand on accorderoit à un athée le sentiment moral & la connoissance de la différence essentielle qu'il y a dans les qualités des actions humaines, cependant ce sentiment & cette connoissance ne feroient rien en faveur de l'argument de M. Bayle, parce que ces deux choses unies ne suffisent point pour porter la multitude à pratiquer la vertu, ainsi qu'il est nécessaire pour le maintien de la société. Pour discuter cette question à fond, il faut examiner jusqu'à quel point le sentiment moral seul peut influer sur la conduite des hommes pour les porter à la vertu : en second lieu, quelle nouvelle force il acquiert lorsqu'il agit conjointement avec la connoissance de la différence essentielle des choses ; distinction d'autant plus nécessaire à observer, qu'encore que nous ayons reconnu qu'un athée peut parvenir à cette connoissance, il est néanmoins un genre d'athées qui en sont entierement incapables, & sur lesquels il n'y a par conséquent que le sentiment moral seul qui puisse agir : ce sont les athées épicuriens, qui prétendent que tout en ce monde n'est que l'effet du hasard.

En posant que le sentiment moral est dans l'homme un instinct, le nom de la chose ne doit pas nous tromper, & nous faire imaginer que les impressions de l'instinct moral sont aussi fortes que celles de l'instinct animal dans les brutes : le cas est différent. Dans la brute l'instinct étant le seul principe d'action, a une force invincible ; mais dans l'homme ce n'est, à proprement parler, qu'un pressentiment officieux, dont l'utilité est de concilier la raison avec les passions, qui toutes à leur tour déterminent la volonté. Il doit donc être d'autant plus foible, qu'il partage avec plusieurs autres principes le pouvoir de nous faire agir : la chose même ne pouvoit être autrement, sans détruire la liberté du choix. Le sentiment moral est si délicat, & tellement entrelacé dans la constitution de la nature humaine ; il est d'ailleurs si aisément & si fréquemment effacé, que quelques personnes n'en pouvant point découvrir les traces dans quelques-unes des actions les plus communes, en ont nié l'existence. Il demeure presque sans force & sans vertu, à moins que toutes les passions ne soient bien tempérées, & en quelque maniere en équilibre. De-là on doit conclure que ce principe seul est trop foible pour avoir une grande influence sur la pratique.

Lorsque le sentiment moral est joint à la connoissance de la différence essentielle des choses, il est certain qu'il acquiert beaucoup de force ; car d'un côté cette connoissance sert à distinguer le sentiment moral d'avec les passions déréglées & vicieuses ; & d'un autre côté le sentiment moral empêche qu'en raisonnant sur la différence essentielle des choses, l'entendement ne s'égare & ne substitue des chimeres à des réalités. Mais la question est de savoir si ces deux principes, indépendamment de la volonté & du commandement d'un supérieur, & par conséquent de l'attente des récompenses & des peines, auront assez d'influence sur le plus grand nombre des hommes, pour les déterminer à la pratique de la vertu. Tous ceux qui ont étudié avec quelqu'attention, & qui ont tant-soit-peu approfondi la nature de l'homme, ont tous trouvé qu'il ne suffit pas de reconnoître que la vertu est le souverain bien, pour être porté à la pratiquer : il faut qu'on s'en fasse une application personnelle, & qu'on la considere comme un bien faisant partie de notre propre bonheur. Le plaisir de satisfaire une passion qui nous tyrannise avec force & avec vivacité, & qui a l'amour-propre dans ses intérêts, est communément ce que nous regardons comme le plus capable de contribuer à notre satisfaction & à notre bonheur. Les passions étant très-souvent opposées à la vertu & incompatibles avec elle, il faut pour contre-balancer leur effet, mettre un nouveau poids dans la balance de la vertu ; & ce poids ne peut être que les récompenses ou les peines que la religion propose.

L'intérêt personnel, qui est le principal ressort de toutes les actions des hommes, en excitant en eux des motifs de crainte & d'espérance, a produit tous les desordres qui ont obligé d'avoir recours à la société. Le même intérêt personnel a suggéré les mêmes motifs pour remédier à ces desordres, autant que la nature de la société pouvoit le permettre. Une passion aussi universelle que celle de l'intérêt personnel, ne pouvant être combattue que par l'opposition de quelqu'autre passion aussi forte & aussi active, le seul expédient dont on ait pû se servir, a été de la tourner contre elle-même, en l'employant pour une fin contraire. La société, incapable de remédier par sa propre force aux desordres qu'elle devoit corriger, a été obligée d'appeller la religion à son secours, & & n'a pû déployer sa force qu'en conséquence des mêmes principes de crainte & d'espérance. Mais comme des trois principes qui servent de base à la morale, ce dernier, qui est fondé sur la volonté de Dieu, & qui manque à un athée, est le seul qui présente ces puissans motifs ; il s'ensuit évidemment que la religion, à qui seule on en est redevable, est absolument nécessaire pour le maintien de la société ; ou, ce qui revient au même, que le sentiment moral & la connoissance de la différence essentielle des choses, réunis ensemble, ne sauroient avoir assez d'influence sur la plûpart des hommes, pour les déterminer à la pratique de la vertu.

M. Bayle a très-bien compris que l'espérance & la crainte sont les plus puissans ressorts de la conduite des hommes. Quoiqu'après avoir distingué la différence naturelle des choses & leur différence morale, il les avoit ensuite confondues pour en tirer un motif qui pût obliger les hommes à la pratique de la veru ; il a apparemment senti l'inefficacité de ce motif, puisqu'il en a appellé un autre à son secours, en supposant que le desir de la gloire & la crainte de l'infamie suffiroient pour régler la conduite des athées ; & c'est-là le second argument dont il se sert pour défendre son paradoxe. " Un homme, dit-il, destitué de foi, peut être fort sensible à l'honneur du monde, fort avide de loüange & d'encens. S'il se trouve dans un pays où l'ingratitude & la fourberie exposent les hommes au mépris, & où la générosité & la vertu seront admirées, ne doutez point qu'il ne fasse profession d'être homme d'honneur, & qu'il ne soit capable de restituer un dépôt, quand même on ne pourroit l'y contraindre par les voies de la justice. La crainte de passer dans le monde pour un traître & pour un coquin, l'emportera sur l'amour de l'argent ; & comme il y a des personnes qui s'exposent à mille peines & à mille périls pour se venger d'une offense qui leur a été faite devant très-peu de témoins, & qu'ils pardonneroient de bon coeur, s'ils ne craignoient d'encourir quelque infamie dans leur voisinage ; je crois de même que malgré les oppositions de son avarice, un homme qui n'a point de religion est capable de restituer un dépôt qu'on ne pourroit le convaincre de retenir injustement, lorsqu'il voit que sa bonne foi lui attirera les éloges de toute une ville, & qu'on pourroit un jour lui faire des reproches de son infidélité, ou le soupçonner à tout le moins d'une chose qui l'empêcheroit de passer pour un honnête homme dans l'esprit des autres : car c'est à l'estime intérieure des autres que nous aspirons sur-tout. Les gestes & les paroles qui marquent cette estime, ne nous plaisent qu'autant que nous nous imaginons que ce sont des signes de ce qui se passe dans l'esprit. Une machine qui viendroit nous faire la révérence & qui formeroit des paroles flateuses, ne seroit guere propre à nous donner bonne opinion de nous-mêmes, parce que nous saurions que ce ne seroient pas des signes de la bonne opinion qu'un autre auroit de notre mérite ; c'est pourquoi celui dont je parle pourroit sacrifier son avarice à sa vanité, s'il croyoit seulement qu'on le soupçonneroit d'avoir violé les lois sacrées du dépôt : & s'il se croyoit à l'abri de tout soupçon, encore pourroit-il bien se résoudre à lâcher sa prise, par la crainte de tomber dans l'inconvénient qui est arrivé à quelques-uns, de publier eux-mêmes leurs crimes pendant qu'ils dormoient, ou pendant les transports d'une fievre chaude. Lucrece se sert de ce motif pour porter à la vertu des hommes sans religion ".

On conviendra avec M. Bayle, que le desir de l'honneur & la crainte de l'infamie sont deux puissans motifs pour engager les hommes à se conformer aux maximes adoptées par ceux avec qui ils conversent, & que les maximes reçûes parmi les nations civilisées (non toutes les maximes, mais la plûpart), s'accordent avec les regles invariables du juste, nonobstant tout ce que Sextus Empiricus & Montagne ont pû dire de contraire, appuyés de quelques exemples dont ils ont voulu tirer une conséquence trop générale. La vertu contribuant évidemment au bien du genre humain, & le vice y mettant obstacle, il n'est point surprenant qu'on ait cherché à encourager par l'estime de la réputation, ce que chacun en particulier trouvoit tendre à son avantage ; & que l'on ait tâché de décourager par le mépris & l'infamie, ce qui pouvoit produire un effet opposé. Mais comme il est certain qu'on peut acquérir la réputation d'honnête homme, presqu'aussi sûrement & beaucoup plus aisément & plus promptement, par une hypocrisie bien concertée & bien soûtenue, que par une pratique sincere de la vertu ; un athée qui n'est retenu par aucun principe de conscience, choisira sans doute la premiere voie, qui ne l'empêchera pas de satisfaire en secret toutes ses passions. Content de paroître vertueux, il agira en scélérat lorsqu'il ne craindra pas d'être découvert, & ne consultera que ses inclinations vicieuses, son avarice, sa cupidité, la passion criminelle dont il se trouvera le plus violemment dominé. Il est évident que ce sera là en général le plan de toute personne qui n'aura d'autre motif pour se conduire en honnête homme, que le desir d'une réputation populaire. En effet, dès-là que j'ai banni de mon coeur tout sentiment de religion, je n'ai point de motif qui m'engage à sacrifier à la vertu mes penchans favoris, mes passions les plus impérieuses, toute ma fortune, ma réputation même. Une vertu détachée de la religion n'est guere propre à me dédommager des plaisirs véritables & des avantages réels auxquels je renonce pour elle. Les athées diront-ils qu'ils aiment la vertu pour elle-même, parce qu'elle a une beauté essentielle, qui la rend digne de l'amour de tous ceux qui ont assez de lumieres pour la reconnoître ? Il est assez étonnant, pour le dire en passant, que les personnes qui outrent le plus la piété ou l'irreligion, s'accordent néanmoins dans leurs prétentions touchant l'amour pur de la vertu : mais que veut dire dans la bouche d'un athée, que la vertu a une beauté essentielle ? n'est-ce pas là une expression vuide de sens ? Comment prouveront-ils que la vertu est belle, & que supposé qu'elle ait une beauté essentielle, il faut l'aimer, lors même qu'elle nous est inutile, & qu'elle n'influe pas sur notre félicité ? Si la vertu est belle essentiellement, elle ne l'est que parce qu'elle entretient l'ordre & le bonheur dans la société humaine ; la vertu ne doit paroître belle, par conséquent, qu'à ceux qui par un principe de religion se croyent indispensablement obligés d'aimer les autres hommes, & non pas à des gens qui ne sauroient raisonnablement admettre aucune loi naturelle, sinon l'amour le plus grossier. Le seul égard auquel la vertu peut avoir une beauté essentielle pour un incrédule, c'est lorsqu'elle est possédée & exercée par les autres hommes, & que par-là elle sert pour ainsi dire d'asyle aux vices du libertin : ainsi, pour s'exprimer intelligiblement, les incrédules devroient soûtenir qu'à tout prendre, la vertu est pour chaque individu humain, plus utile que le vice, & plus propre à nous conduire vers le néant d'une maniere commode & agréable. Mais c'est ce qu'ils ne prouveront jamais. De la maniere dont les hommes sont faits, il leur en coûte beaucoup plus pour suivre scrupuleusement la vertu, que pour se laisser aller au cours impétueux de leurs penchans. La vertu dans ce monde est obligée de lutter sans cesse contre mille obstacles qui à chaque pas l'arrêtent ; elle est traversée par un tempérament indocile, & par des passions fougueuses ; mille objets séducteurs détournent son attention ; tantôt victorieuse & tantôt vaincue, elle ne trouve & dans ses défaites & dans ses victoires, que des sources de nouvelles guerres, dont elle ne prévoit pas la fin. Une telle situation n'est pas seulement triste & mortifiante ; il me semble même qu'elle doit être insupportable, à moins qu'elle ne soit soûtenue par des motifs de la derniere force ; en un mot, par des motifs aussi puissans que ceux qu'on tire de la religion.

Par conséquent, quand même un athée ne douteroit pas qu'une vertu qui joüit tranquillement du fruit de ses combats, ne soit plus aimable & plus utile que le vice, il seroit presqu'impossible qu'il y pût jamais parvenir. Plaçons un tel homme dans l'âge où d'ordinaire le coeur prend son parti, & commence à former son caractere ; donnons-lui, comme à un autre homme, un tempérament, des passions, un certain degré de lumiere. Il délibere avec lui-même s'il s'abandonnera au vice, ou s'il s'attachera à la vertu. Dans cette situation il me semble qu'il doit raisonner à peu près de cette maniere. " Je n'ai qu'une idée confuse que la vertu tranquillement possédée, pourroit bien être préférable aux agrémens du vice : mais je sens que le vice est aimable, utile, fécond en sensations délicieuses ; je vois pourtant que dans plusieurs occasions il expose à de fâcheux inconvéniens : mais la vertu me paroît sujette en mille rencontres à des inconvéniens du moins aussi terribles. D'un autre côté je comprens parfaitement bien que la route de la vertu est escarpée, & qu'on n'y avance qu'en se gênant, qu'en se contraignant ; il me faudra des années entieres, avant que de voir le chemin s'applanir sous mes pas, & avant que je puisse joüir des effets d'un si rude travail. Ma premiere jeunesse, cet âge où l'on goûte toutes sortes de plaisirs avec le plus de vivacité & de ravissement, ne sera employé qu'à des efforts aussi rudes que continuels. Quel est donc le grand motif qui doit me porter à tant de peine & à de si cruels embarras ? seront-ce les délices qui sortent du fond de la vertu ? mais je n'ai de ces délices qu'une très-foible idée. D'ailleurs je n'ai qu'une espece d'existence d'emprunt. Si je pouvois me promettre de joüir pendant un grand nombre de siecles de la félicité attachée à la vertu, j'aurois raison de ramasser toutes les forces de mon ame, pour m'assûrer un bonheur si digne de mes recherches : mais je ne suis sûr de mon être que durant un seul instant ; peut-être que le premier pas que je ferai dans le chemin de la vertu, me précipitera dans le tombeau. Quoi qu'il en soit, le néant m'attend dans un petit nombre d'années ; la mort me saisira peut-être, lorsque je commencerai à goûter les charmes de la vertu. Cependant toute ma vie se sera écoulée dans le travail & dans le desagrément : ne seroit-il pas ridicule que pour une félicité peut-être chimérique, & qui, si elle est réelle, n'existera peut-être jamais pour moi, je renonçasse à des plaisirs présens, vers lesquels mes passions m'entraînent, & qui sont de si facile accès, que je dois employer toutes les forces de ma raison pour m'en éloigner ? Non : le moment où j'existe est le seul dont la possession me soit assûrée ; il est raisonnable que j'y saisisse tous les agrémens que je puis y rassembler ".

Il me semble qu'il seroit difficile de trouver dans ce raisonnement d'un jeune esprit fort, un défaut de prudence, ou un manque de justesse d'esprit. Le vice conduit avec un peu de prudence, l'emporte infiniment sur une vertu exacte qui n'est point soûtenue de la consolante idée d'un être suprème. Un athée sage économe du vice, peut joüir de tous les avantages qu'il est possible de puiser dans la vertu considérée en elle-même ; & en même tems il peut éviter tous les inconveniens attachés au vice imprudent & à la rigide vertu. Epicurien circonspect, il ne refusera rien à ses desirs. Aime-t-il la bonne chere ? il contentera cette passion autant que sa fortune & sa santé le lui permettront ; & il se fera une étude de se conserver toûjours en état de goûter les mêmes plaisirs, avec le même ménagement. La gaieté que le vin répand dans l'ame a-t-elle de grands charmes pour lui ? il essayera les forces de son tempérament, & il observera jusqu'à quel degré il peut soûtenir les délicieuses vapeurs d'un commencement d'ivresse. En un mot il se formera un système de tempérance voluptueuse, qui puisse étendre sur tous les jours de sa vie, des plaisirs non interrompus. Son penchant favori le porte-t-il aux délices de l'amour ? il employera toutes sortes de voies pour surprendre la simplicité & pour séduire l'innocence. Quelle raison aura-t-il sur-tout de respecter le sacré lien du mariage ? Se fera-t-il un scrupule de dérober à un mari le coeur de son épouse, dont un contrat autorisé par les lois l'a mis seul en possession ? Nullement : son intérêt veut qu'il se regle plûtôt sur les lois de ses desirs, & que profitant des agrémens du mariage, il en laisse le fardeau au malheureux époux.

Il est aisé de voir par ce que je viens de dire, qu'une conduite prudente, mais facile, suffit pour se procurer sans risque mille plaisirs, en manquant à propos de candeur, de justice, d'équité, de générosité, d'humanité, de reconnoissance, & de tout ce qu'on respecte sous l'idée de vertu. Qu'avec tout cet enchaînement de commodités & de plaisirs, dont le vice artificieusement conduit est une source intarissable, on mette en parallele tous les avantages qu'on peut se promettre d'une vertu qui se trouve bornée aux espérances de la vie présente ; il est évident que le vice aura sur elle de grands avantages, & qu'il influera beaucoup plus qu'elle sur le bonheur de chaque homme en particulier. En effet, quoique la prudente joüissance des plaisirs des sens puisse s'allier jusqu'à un certain degré avec la vertu même, combien de sources de ces plaisirs n'est-elle pas obligée de fermer ? Combien d'occasions de les goûter ne se contraint-elle pas de négliger & d'écarter de son chemin ? Si elle se trouve dans la prospérité & dans l'abondance, j'avoue qu'elle y est assez à son aise. Il est certain pourtant que dans les mêmes circonstances, le vice habilement mis en oeuvre a encore des libertés infiniment plus grandes : mais l'appui des biens de la fortune manque-t-il à la vertu ? rien n'est plus destitué de ressources que cette triste sagesse. Il est vrai que si la masse générale des hommes étoit beaucoup plus éclairée & dévoüée à la sagesse, une conduite réguliere & vertueuse seroit un moyen de parvenir à une vie douce & commode : mais il n'en est pas ainsi des hommes ; le vice & l'ignorance l'emportent, dans la société humaine, sur les lumieres & sur la sagesse. C'est-là ce qui ferme le chemin de la fortune aux gens de bien, & qui l'élargit pour une espece de sages vicieux. Un athée se sent un amour bizarre pour la vertu, il s'aime pourtant : la bassesse, la pauvreté, le mépris, lui paroissent des maux véritables ; le crédit, l'autorité, les richesses, s'offrent à ses desirs comme des biens dignes de ses recherches. Supposons qu'en achetant pour une somme modique la protection d'un grand seigneur, un homme puisse obtenir malgré les lois une charge propre à lui donner un rang dans le monde, à le faire vivre dans l'opulence, à établir & à soûtenir sa famille. Mais peut-il se résoudre à employer un si coupable moyen de s'assûrer un destin brillant & commode ? Non : il est forcé de négliger un avantage si considérable, qui sera saisi avec avidité par un homme qui détache la religion de la vertu ; ou par un autre qui agissant par principes, secoue en même tems le joug de la religion.

Je ne donnerai point ici un détail étendu de semblables situations, dans lesquelles la vertu est obligée de rejetter des biens très-réels, que le vice adroitement ménagé s'approprieroit sans peine & sans danger : mais qu'il me soit permis de demander à un athée vertueux, par quel motif il se résoud à des sacrifices si tristes. Qu'est-ce que la nature de sa vertu lui peut fournir, qui suffise pour le dédommager de tant de pertes considérables ? Est-ce la certitude qu'il fait son devoir ? Mais je crois avoir démontré, que son devoir ne consiste qu'à bien ménager ses véritables intérêts pendant une vie de peu de durée. Il sert donc une maîtresse bien pauvre & bien ingrate, qui ne paye ses services les plus pénibles, d'aucun véritable avantage, & qui pour prix du dévoüement le plus parfait, lui arrache les plus flatteuses occasions d'étendre sur toute sa vie les plus doux plaisirs & les plus vifs agrémens.

Si l'athée vertueux ne trouve pas dans la nature de la vertu l'équivalent de tout ce qu'il sacrifie à ce qu'il considere comme son devoir, du moins il le trouvera, direz-vous, dans l'ombre de la vertu, dans la réputation qui lui est si légitimement dûe. Quoiqu'à plusieurs égards la réputation soit un bien réel, & que l'amour qu'on a pour elle, soit raisonnable ; j'avouerai cependant que c'est un bien foible avantage, quand c'est l'unique récompense qu'on attend d'une stérile vertu. Otez les plaisirs que la vanité tire de la réputation, tout l'avantage qu'un athée en peut espérer, n'aboutit qu'à l'amitié, qu'aux caresses, & qu'aux services de ceux qui ont formé de son mérite des idées avantageuses. Mais qu'il ne s'y trompe point : ces douceurs de la vie ne trouvent pas une source abondante dans la réputation qu'on s'attire par la pratique d'une exacte vertu. Dans le monde fait comme il est, la réputation la plus brillante, la plus étendue, & la plus utile, s'accorde moins à la vraie sagesse, qu'aux richesses & qu'aux dignités, qu'aux grands talens, qu'à la supériorité d'esprit, qu'à la profonde érudition. Que dis-je ? un homme de bien se procure-t-il une estime aussi vaste & aussi avantageuse, qu'un homme poli, complaisant, badin, qu'un fin railleur, qu'un aimable étourdi, qu'un agréable débauché ? Quelle utile réputation, par exemple, la plus parfaite vertu s'attire-t-elle, lorsqu'elle a pour compagne la pauvreté & la bassesse ? Quand par une espece de miracle, elle perce les ténebres épaisses qui l'accablent, sa lumiere frappe-t-elle les yeux de la multitude ? Echauffe-t-elle les coeurs des hommes, & les attire-t-elle vers un mérite si digne d'admiration ? Nullement. Ce pauvre est un homme de bien ; on se contente de lui rendre cette justice en très-peu de mots, & on le laisse joüir tranquillement des avantages foibles & peu enviés qu'il peut tirer de son foible & stérile mérite. Il est vrai que ceux qui ont quelque vertu, préserveront un tel homme de l'affreuse indigence ; ils le soûtiendront par de modiques bienfaits : mais lui donneront-ils des marques éclatantes de leur estime ? se lieront-ils avec lui par les noeuds d'une amitié que la vertu peut rendre féconde en plaisirs purs & solides ? Ce sont-là des phénomenes qui ne frappent guere nos yeux. Virtus laudatur & alget. On accorde à la vertu quelques loüanges vagues ; & presque toûjours on la laisse croupir dans la misere. Si dans les tristes circonstances où elle se trouve, elle cherche du secours dans son propre sein ; il faut que par des noeuds indissolubles elle se lie à la religion, qui seule peut lui ouvrir une source inépuisable de satisfactions vives & pures.

Je vais plus loin. Je veux bien supposer les hommes assez sages pour accorder l'estime la plus utile à ce qui s'offre à leur esprit sous l'idée de la vertu. Mais cette idée est-elle juste & claire chez la plûpart des hommes ? Le contraire n'est que trop certain. Le grand nombre dont les suffrages décident d'une représentation, ne voit les objets qu'à-travers ses passions & ses préjugés. Mille fois le vice usurpe chez lui les droits de la vertu ; mille fois la vertu la plus pure s'offrant à son esprit sous le faux jour de la prévention, prend une forme desagréable & triste.

La véritable vertu est resserrée dans des bornes extrèmement étroites. Rien de plus déterminé & de plus fixé qu'elle par les regles que la raison lui prescrit. A droite & à gauche de sa route ainsi limitée, se découvre le vice. Par-là elle est forcée de négliger mille moyens de briller & de plaire, & de s'exposer à paroître souvent odieuse & méprisable. Elle met au nombre de ses devoirs la douceur, la politesse, la complaisance ; mais ces moyens assûrés de gagner les coeurs des hommes, sont subordonnés à la justice ; ils deviennent vicieux dès qu'ils s'échappent de l'empire de cette vertu souveraine, qui seule est en droit de mettre à nos actions & à nos sentimens le sceau de l'honnête.

Il n'en est pas ainsi d'une fausse vertu : faite exprès pour la parade & pour servir le vice ingénieux, qui trouve son intérêt à se cacher sous ce voile imposteur, elle peut s'arroger une liberté infiniment plus étendue, aucune regle inaltérable ne la gêne. Elle est la maîtresse de varier ses maximes & sa conduite selon ses intérêts, & de tendre toûjours sans la moindre contrainte vers les récompenses que la gloire lui montre. Il ne s'agit pas pour elle de mériter la réputation, mais de la gagner de quelque maniere que ce soit. Rien ne l'empêche de se prêter aux foiblesses de l'esprit humain. Tout lui est bon, pourvû qu'elle aille à ses fins. Est-il nécessaire pour y parvenir, de respecter les erreurs populaires, de plier sa raison aux opinions favorites de la mode, de changer avec elle de parti, de se prêter aux circonstances & aux préventions publiques ? ces efforts ne lui coûtent rien, elle veut être admirée ; & pourvû qu'elle réussisse, tous les moyens lui sont égaux.

Mais combien ces vérités deviennent-elles plus sensibles, lorsqu'on fait attention que les richesses & les dignités procurent plus universellement l'estime populaire, que la vertu même ! Il n'y a point d'infamie qu'elles n'effacent & qu'elles ne couvrent. Leur éclat tentera toûjours fortement un homme que l'on suppose sans autre principe que celui de la vanité, en lui présentant l'appât flateur de pouvoir s'enrichir aisément par ses injustices secrettes ; appât si attrayant, qu'en lui donnant les moyens de gagner l'estime extérieure du public, il lui procure en même tems la facilité de satisfaire ses autres passions, & légitime pour ainsi dire les manoeuvres secrettes, dont la découverte incertaine ne peut jamais produire qu'un effet passager, promptement oublié, & toûjours réparé par l'éclat des richesses. Car qui ne sait que le commun des hommes (& c'est ce dont il est uniquement question dans cette controverse) se laisse tyranniser par l'opinion ou l'estime populaire ? & qui ignore que l'estime populaire est inséparablement attachée aux richesses & au pouvoir ? Il est vrai qu'une classe peu nombreuse de personnes que leurs vertus & leurs lumieres tirent de la foule, oseront lui marquer tout le mépris dont il est digne ; mais il suit noblement ses principes, l'idée qu'elles auront de son caractere ne troublera ni son repos ni ses plaisirs : ce sont de petits génies, indignes de son attention. D'ailleurs le mépris de ce petit nombre de sages & de vertueux peuvent-ils balancer les respects & les soûmissions dont il sera environné, les marques extérieures d'une estime véritable que la multitude lui prodiguera ? Il arrivera même qu'un usage un peu généreux qu'il fera de ses thrésors mal acquis, les lui fera adjuger par le vulgaire, & surtout par ceux avec qui il partagera le revenu de ses fourberies.

Après bien des détours, M. Bayle est comme forcé de convenir que l'athéisme tend par sa nature à la destruction de la société ; mais à chaque pas qu'il cede, il se fait un nouveau retranchement. Il prétend donc qu'encore que les principes de l'athéisme puissent tendre au bouleversement de la société, ils ne la ruineroient cependant pas, parce que les hommes n'agissent pas conséquemment à leurs principes, & ne reglent pas leur vie sur leurs opinions. Il avoue que la chose est étrange ; mais il soûtient qu'elle n'en est pas moins vraie, & il en appelle pour le fait aux observations du genre humain. " Si cela n'étoit pas, dit-il, comment seroit-il possible que les Chrétiens, qui connoissent si clairement par une révélation soûtenue de tant de miracles, qu'il faut renoncer au vice pour être éternellement heureux & pour n'être pas éternellement malheureux ; qui ont tant d'excellens prédicateurs, tant de directeurs de conscience, tant de livres de dévotion ; comment seroit-il possible parmi tout cela que les Chrétiens vécussent, comme ils font, dans les plus énormes déréglemens du vice " ? Dans un autre endroit, en parlant de ce contraste, voici ce qu'il dit : " Cicéron l'a remarqué à l'égard de plusieurs Epicuriens qui étoient bons amis, honnêtes gens, & d'une conduite accommodée, non pas aux desirs de la volupté, mais aux regles de la raison ". Ils vivent mieux, dit-il, qu'ils ne parlent ; au lieu que les autres parlent mieux qu'ils ne vivent. On a fait une semblable remarque sur la conduite des Stoïciens : leurs principes étoient que toutes choses arrivent par une fatalité si inévitable, que Dieu lui-même ne peut ni n'a jamais pû l'éviter. " Naturellement cela devoit les conduire à ne s'exciter à rien, à n'user jamais ni d'exhortations, ni de menaces, ni de censures, ni de promesses ; cependant il n'y a jamais eu de philosophes qui se soient servis de tout cela plus qu'eux, & toute leur conduite faisoit voir qu'ils se croyoient entierement les maîtres de leur destinée ". De ces différens exemples M. Bayle conclut que la religion n'est point aussi utile pour réprimer le vice qu'on le prétend, & que l'athéisme ne cause point le mal que l'on s'imagine, par l'encouragement qu'il donne à la pratique du vice, puisque de part & d'autre on agit d'une maniere contraire aux principes que l'on fait profession de croire. Il seroit infini, ajoûte-t-il, de parcourir toutes les bisarreries de l'homme ; c'est un monstre plus monstrueux que les centaures & la chimere de la fable.

A entendre M. Bayle, l'on seroit tenté de supposer avec lui quelqu'obscurité mystérieuse dans une conduite si extraordinaire, & de croire qu'il y auroit dans l'homme quelque principe bizarre qui le disposeroit, sans savoir comment, à agir contre ses opinions, quelles qu'elles fussent. C'est ce qu'il doit nécessairement supposer, ou ce qu'il dit ne prouve rien de ce qu'il veut prouver. Mais si ce principe, quel qu'il soit, loin de porter l'homme à agir constamment d'une maniere contraire à sa créance, le pousse quelquefois avec violence à agir conformément à ses opinions ; ce principe ne favorise en rien l'argument de M. Bayle. Si, même après y avoir pensé, l'on trouve que ce principe si mystérieux & si bizarre n'est autre chose que les passions irrégulieres & les desirs dépravés de l'homme, alors bien loin de favoriser l'argument de M. Bayle, il est directement opposé à ce qu'il soûtient : or c'est-là le cas, & heureusement M. Bayle ne sauroit s'empêcher d'en faire l'aveu ; car quoiqu'il affecte communément de donner à la perversité de la conduite des hommes en ce point, un air d'incompréhensibilité, pour cacher le sophisme de son argument, cependant lorsqu'il n'est plus sur ses gardes il avoue & déclare naturellement les raisons d'une conduite si extraordinaire. " L'idée générale, dit-il, veut qu'un homme qui croit un Dieu, un paradis & un enfer, fasse tout ce qu'il connoît être agréable à Dieu, & ne fasse rien de ce qu'il sait lui être desagréable. Mais la vie de cet homme nous montre qu'il fait tout le contraire. Voulez-vous savoir la cause de cette incongruité ? la voici. C'est que l'homme ne se détermine pas à une certaine action plûtôt qu'à une autre, par les connoissances générales qu'il a de ce qu'il doit faire, mais par le jugement particulier qu'il porte de chaque chose, lorsqu'il est sur le point d'agir. Or ce jugement particulier peut bien être conforme aux idées générales que l'on a de ce qu'on doit faire, mais le plus souvent il ne l'est pas. Il s'accommode presque toûjours à la passion dominante du coeur, à la pente du tempérament, à la force des habitudes contractées, & au goût ou à la sensibilité qu'on a pour de certains objets. " Si c'est-là le cas, comme ce l'est en effet, on doit nécessairement tirer de ce principe une conséquence directement contraire à celle qu'en tire M. Bayle ; que si les hommes n'agissent pas conformément à leurs opinions, & que l'irrégularité des passions & des desirs soit la cause de cette perversité, il s'ensuivra à la vérité qu'un théiste religieux agira souvent contre ses principes, mais qu'un athée agira conformément aux siens, parce qu'un athée & un théiste satisfont leurs passions vicieuses, le premier en suivant ses principes, & le second en agissant d'une maniere qui y est opposée. Ce n'est donc que par accident que les hommes agissent contre leurs principes, seulement lorsque leurs principes se trouvent en opposition avec leurs passions. On voit par-là toute la foiblesse de l'argument de M. Bayle, lorsqu'il est dépouillé de la pompe de l'éloquence & de l'obscurité qu'y jettent l'abondance de ses discours, le faux éclat de ses raisonnemens captieux, & la malignité de ses réflexions.

Il est encore d'autres cas que ceux des principes combattus par les passions, où l'homme agit contre ses opinions ; & c'est lorsque ses opinions choquent les sentimens communs du genre humain, comme le fatalisme des Stoïciens, & la prédestination de quelques sectes chrétiennes : mais l'on ne peut tirer de ces exemples aucun argument pour soûtenir & justifier la doctrine de M. Bayle. Ce subtil controversiste en fait néanmoins usage, en insinuant qu'un athée qui nie l'existence de Dieu, agira aussi peu conformément à son principe, que le fataliste qui nie la liberté, & qui agit toûjours comme s'il la croyoit. Le cas est différent. Que l'on applique aux fatalistes la raison que M. Bayle assigne lui-même pour la contrariété qu'on observe entre les opinions & les actions des hommes, on reconnoîtra qu'un fataliste qui croit en Dieu, ne sauroit se servir de ses principes pour autoriser ses passions ; car quoiqu'en niant la liberté il en doive naturellement résulter que les actions n'ont aucun mérite, néanmoins le fataliste reconnoissant un Dieu qui récompense & qui punit les hommes, comme s'il y avoit du mérite dans les actions, il agit aussi comme s'il y en avoit réellement. Otez au fataliste la créance d'un Dieu, rien alors ne l'empêchera d'agir conformément à son opinion ; ensorte que bien loin de conclure de son exemple que la conduite d'un athée démentira ses opinions, il est au contraire évident que l'athéisme joint au fatalisme, réalisera dans la pratique les spéculations que l'idée seule du fatalisme n'a jamais pû faire passer jusque dans la conduite de ceux qui en ont soûtenu le dogme.

Si l'argument de M. Bayle est vrai en quelque point, ce n'est qu'autant que son athée s'écarteroit des notions superficielles & légeres que cet auteur lui donne sur la nature de la vertu & des devoirs moraux. En ce point l'on convient que l'athée est encore plus porté que le théiste à agir contre ses opinions. Le théiste ne s'écarte de la vertu, qui, suivant ses principes, est le plus grand de tous les biens, que parce que ses passions l'empêchent, dans le moment de l'action, de considérer ce bien comme partie necessaire de son bonheur. Le conflit perpétuel qu'il y a entre sa raison & ses passions, produit celui qui se trouve entre sa conduite & ses principes. Ce conflit n'a point lieu chez l'athée ; ses principes le conduisent à conclure que les plaisirs sensuels sont le plus grand de tous les biens ; & ses passions, de concert avec des principes qu'elles chérissent, ne peuvent manquer de lui faire regarder ce bien comme partie nécessaire de son bonheur : motif dont la vérité ou l'illusion détermine nos actions. Si quelque chose est capable de s'opposer ce desordre, & de nous faire regarder la vertu comme partie nécessaire de notre bonheur, sera-ce l'idée innée de sa beauté ? sera-ce la contemplation encore plus abstraite de sa différence essentielle d'avec le vice ? réflexions qui sont les seules dont un athée puisse faire usage : ou ne sera-ce pas plûtôt l'opinion que la pratique de la vertu, telle que la religion l'enseigne, est accompagnée d'une récompense infinie, & que celle du vice est accompagnée d'un châtiment également infini ? On peut observer ici que M. Bayle tombe en contradiction avec lui-même : là il voudroit faire accroire que le sentiment moral & la différence essentielle des choses suffisent pour rendre les hommes vertueux ; & ici il prétend que ces deux motifs réunis, & soûtenus de celui d'une providence qui récompense & qui punit, ne sont presque d'aucune efficacité.

Mais, dira M. Bayle, l'on ne doit pas s'imaginer qu'un athée, précisément parce qu'il est athée, & qu'il nie la providence, tournera en ridicule ce que les autres appellent vertu & honnêteté ; qu'il fera de faux sermens pour la moindre chose ; qu'il se plongera dans toutes sortes de desordres ; que s'il se trouve dans un poste qui le mette au-dessus des lois humaines, aussi-bien qu'il s'est déjà mis au-dessus des remords de sa conscience, il n'y a point de crime qu'on ne doive attendre de lui ; qu'étant inaccessible à toutes les considérations qui retiennent un théiste, il deviendra nécessairement le plus grand & le plus incorrigible scélérat de l'univers. Si cela étoit vrai, il ne le seroit que quand on regarde les choses dans leur idée, & qu'on fait des abstractions métaphysiques. Mais un tel raisonnement ne se trouve jamais conforme à l'expérience. L'athée n'agit pas autrement que le théiste, malgré la diversité de ses principes. Oubliant donc dans l'usage de la vie & dans le train de leur conduite, les conséquences de leur hypothese, ils vont tous deux aux objets de leur inclination ; ils suivent leur goût, & ils se conforment aux idées qui peuvent flater l'amour-propre : ils étudient, s'ils aiment la science ; ils préferent le sincérité à la fourberie, s'ils sentent plus de plaisir après avoir fait un acte de bonne-foi qu'après avoir dit un mensonge ; ils pratiquent la vertu, s'ils sont sensibles à la réputation d'honnête homme : mais si leur tempérament les pousse tous deux vers la débauche, & s'ils aiment mieux la volupté que l'approbation du public, ils s'abandonneront tous deux à leur penchant, le théiste comme l'athée. Si vous en doutez, jettez les yeux sur les nations qui ont différentes religions, & sur celles qui n'en ont pas, vous trouverez par-tout les mêmes passions : l'ambition, l'avarice, l'envie, le desir de se venger, l'impudicité & tous les crimes qui peuvent satisfaire les passions, sont de tous les pays & de tous les siecles. Le Juif & le Mahométan, le Turc & le More, le Chrétien & l'Infidele, l'Indien & le Tartare, l'habitant de terre-ferme & l'habitant des îles, le noble & le roturier ; toutes ces sortes de gens qui sur la vertu ne conviennent, pour ainsi dire, que dans la notion générale du mot, sont si semblables à l'égard de leurs passions, que l'on diroit qu'ils se copient les uns les autres. D'où vient tout cela, sinon que le principe pratique des actions de l'homme n'est autre chose que le tempérament, l'inclination naturelle pour le plaisir, le goût que l'on contracte pour certains objets, le desir de plaire à quelqu'un, une habitude qu'on s'est formée dans le commerce de ses amis, ou quelqu'autre disposition qui résulte du fond de la nature en quelque pays que l'on naisse, & de quelques connoissances que l'on nous remplisse l'esprit ? Les maximes que l'on a dans l'esprit laissent les sentimens du coeur dans une parfaite indépendance : la seule cause qui donne la forme à la différente conduite des hommes, sont les différens degrés d'un tempérament heureux ou malheureux, qui naît avec nous, & qui est l'effet physique de la constitution de nos corps. Conformément à cette vérité d'expérience, il peut se faire qu'un athée vienne au monde avec une inclination naturelle pour la justice & pour l'équité, tandis qu'un théiste entrera dans la société humaine accompagné de la dureté, de la malice & de la fourberie. D'ailleurs, presque tous les hommes naissent avec plus ou moins de respect pour les vertus qui lient la société : n'importe d'où puisse venir cette utile disposition du coeur humain ; elle lui est essentielle : un certain degré d'amour pour les autres hommes nous est naturel, tout comme l'amour souverain que nous avons chacun pour nous-mêmes : de-là vient que quand même un athée, pour se conformer à ses principes, tenteroit de pousser la scélératesse jusqu'aux derniers excès, il trouveroit dans le fond de sa nature quelques semences de vertu, & les cris d'une conscience qui l'effrayeroit, qui l'arrêteroit, & qui feroit échoüer ses pernicieux desseins.

Pour répondre à cette objection qui tire un air ébloüissant de la maniere dont M. Bayle l'a proposée en divers endroits de ses ouvrages, j'avoüerai d'abord que le tempérament de l'homme est pour lui une féconde source de motifs, & qu'il a une influence très-étendue sur toute sa conduite. Mais ce tempérament forme-t-il seul notre caractere ? détermine-t-il tous les actes de notre volonté ? sommes-nous absolument inflexibles à tous les motifs qui nous viennent de dehors ? nos opinions vraies ou fausses, sont-elles incapables de rien gagner sur nos penchans naturels ? Rien au monde n'est plus évidemment faux ; & pour le soûtenir il faut n'avoir jamais démêlé les ressorts de sa propre conduite. Nous sentons tous les jours que la réflexion sur un intérêt considérable nous fait agir directement contre les motifs qui sortent du fond de notre nature. Une sage éducation ne fait pas toûjours tout l'effet qu'on pourroit s'en promettre : mais il est rare qu'elle soit absolument infructueuse. Supposons dans deux hommes le même degré d'un certain tempérament & de génie : il est sûr que le même caractere éclatera dans toute leur conduite ? L'un n'aura eu d'autre guide que son naturel ; son esprit assoupi dans l'inaction, n'aura jamais opposé la moindre réflexion à la violence de ses penchans ; toutes les habitudes vicieuses dérivées de son tempérament, auront le loisir de se former ; elles auront asservi sa raison pour jamais. L'autre, au contraire, aura appris dès l'âge le plus tendre à cultiver son bon sens naturel ; on lui aura rendu familiers des principes de vertu & d'honneur ; on aura fortifié dans son ame la sensibilité pour le prochain, de laquelle les semences y ont été placées par la nature ; on l'aura formé à l'habitude de refléchir sur lui-même, & de résister à ses penchans impérieux : ces deux personnes seront-elles nécessairement les mêmes ? Cette idée peut-elle entrer dans l'esprit d'un homme judicieux ? Il est vrai qu'un trop grand nombre d'hommes ne démentent que trop souvent dans leur conduite le sentiment légitime de leurs principes, pour s'asservir à la tyrannie de leurs passions : mais ces mêmes hommes n'ont pas dans toutes les occasions une conduite également inconséquente ; leur tempérament n'est pas toûjours excité avec la même violence. Si un tel degré de passion détourne leur attention de la lumiere de leurs principes, cette passion moins animée, moins fougueuse, peut céder à la force de la réflexion, quand elle offre un intérêt plus grand que celui qui nous est promis par nos penchans. Notre tempérament a sa force, & nos principes ont la leur ; selon que ces forces sont plus ou moins grandes de côté & d'autre, notre conduite varie. Un homme qui n'a point de principes opposés à ses penchans, ou qui n'en a que de très-foibles, tel que l'athée, suivra toûjours indubitablement ce que lui dicte son naturel ; & un homme dont le tempérament est combattu par les lumieres fausses ou véritables de son esprit, doit être souvent en état de prendre le parti de ses idées contre les intérêts de ses penchans. Les récompenses & les peines d'une autre vie sont un contrepoids salutaire, sans lequel bien des gens auroient été entraînés dans l'habitude du vice par un tempérament qui se seroit fortifié tous les jours. Souvent la religion fait plier sous elle le naturel le plus impérieux, & conduit peu à peu son heureux prosélyte à l'habitude de la vertu.

Les législateurs étoient si persuadés de l'influence de la religion sur les bonnes moeurs, qu'ils ont tous mis à la tête des lois qu'ils ont faites, les dogmes de la providence & d'un état futur. M. Bayle, le coryphée des incrédules, en convient en termes exprès. " Toutes les religions du monde, dit-il, tant la vraie que les fausses, roulent sur ce grand pivot ; qu'il y a un juge invisible qui punit & qui récompense après cette vie les actions de l'homme, tant intérieures qu'extérieures : c'est de-là qu'on suppose que découle la principale utilité de la religion ". M. Bayle croit que l'utilité de ce dogme est si grande, que dans l'hypothese où la religion eût été une invention politique, c'eût été, selon lui, le principal motif qui eût animé ceux qui l'auroient inventée.

Les poëtes grecs les plus anciens, Musée, Orphée, Homere, Hesiode, &c. qui ont donné des systèmes de théologie & de religion conformes aux idées & aux opinions populaires de leur tems, ont tous établi le dogme des peines & des récompenses futures comme un article fondamental. Tous leurs successeurs ont suivi le même plan ; tous ont rendu témoignage à ce dogme important : on en peut voir la preuve dans les ouvrages d'Eschyle, de Sophocle, d'Euripide & d'Aristophane, dont la profession étoit de peindre les moeurs de toutes les nations policées, greques ou barbares ; & cette preuve se trouve perpétuée dans les écrits de tous les historiens & de tous les philosophes.

Plutarque, remarquable par l'étendue de ses connoissances, a sur ce sujet un passage digne d'être rapporté. " Jettez les yeux, dit-il dans son traité contre l'épicurien Colotès, " sur toute la face de la terre ; vous y pourrez trouver des villes sans fortification, sans lettres, sans magistrats réguliers, sans habitations distinctes, sans professions fixes, sans propriété, sans l'usage des monnoies, & dans l'ignorance universelle des beaux arts : mais vous ne trouverez nulle part une ville sans la connoissance d'un dieu ou d'une religion, sans l'usage des voeux, des sermens, des oracles, sans sacrifices pour se procurer des biens, ou sans rits déprécatoires pour détourner les maux ". Dans sa consolation à Apollonius, il déclare que l'opinion que les hommes vertueux seront récompensés après leur mort, est si ancienne, qu'il n'a jamais pû en découvrir ni l'auteur, ni l'origine. Ciceron & Seneque avoient déclaré la même chose avant lui. Sextus Empiricus voulant détruire la démonstration de l'existence de Dieu, fondée sur le consentement universel de tous les hommes, observe que ce genre d'argument prouveroit trop, parce qu'il prouveroit également la vérité de l'enfer fabuleux des poëtes.

Quelque diversité qu'il y eût dans les opinions des Philosophes, quels que fussent les principes de politique que suivît un historien, quelque système qu'un philosophe eût adopté ; la nécessité de ce dogme général, je veux dire des peines & des récompenses d'une autre vie, étoit un principe fixe & constant, qu'on ne s'avisoit point de révoquer en doute. Le partisan du pouvoir arbitraire regardoit cette opinion comme le lien le plus fort d'une obéissance aveugle ; le défenseur de la liberté civile l'envisageoit comme une source féconde de vertus & un encouragement à l'amour de la patrie ; & quoique son utilité eût dû être une preuve invincible de la divinité de son origine, le philosophe athée en concluoit au contraire qu'elle étoit une invention de la politique ; comme si le vrai & l'utile n'avoient pas nécessairement un point de réunion, & que le vrai ne produisît pas l'utile, comme l'utile produit le vrai. Quand je dis l'utile, j'entends l'utilité générale & j'exclus l'utilité particuliere toutes les fois qu'elle se trouve en opposition avec l'utilité générale. C'est pour n'avoir pas fait cette distinction juste & nécessaire, que les sages de l'antiquité payenne, philosophes, ou législateurs, sont tombés dans l'erreur de mettre en opposition l'utile & le vrai : & il en résulte que le philosophe négligeant l'utile pour ne chercher que le vrai, a souvent manqué le vrai ; & que le législateur au contraire négligeant le vrai pour n'aller qu'à l'utile, a souvent manqué l'utile.

Mais pour revenir à l'utilité du dogme des peines & des récompenses d'une autre vie, & pour faire voir combien l'antiquité a été unanime sur ce point, je vais transcrire quelques passages qui confirment ce que j'avance. Le premier est de Timée le Locrien, un des plus anciens disciples de Pythagore, homme d'état, & qui suivant l'opinion de Platon, étoit consommé dans les connoissances de la Philosophie. Timée après avoir fait voir de quel usage est la science de la Morale pour conduire au bonheur un esprit naturellement bien disposé, en lui faisant connoître quelle est la mesure du juste & de l'injuste, ajoûte que la société fut inventée pour retenir dans l'ordre des esprits moins raisonnables, par la crainte des lois & de la religion. " C'est à l'égard de ceux-ci, dit-il, qu'il faut faire usage de la crainte des châtimens, soit ceux qu'infligent les lois civiles, ou ceux que fulminent les terreurs de la religion du haut du ciel & du fond des enfers ; châtimens sans fin, reservés aux ombres des malheureux ; tourmens dont la tradition a perpétué l'idée, afin de purifier l'esprit de tout vice ".

Polybe nous fournira le second passage. Ce sage historien extrèmement versé dans la connoissance du genre humain, & dans celle de la nature des sociétés civiles ; qui fut chargé de l'auguste emploi de composer des lois pour la Grece, après qu'elle eut été réduite sous la puissance des Romains, s'exprime ainsi en parlant de Rome. " L'excellence supérieure de cette république éclate particulierement dans les idées qui y regnent sur la providence des dieux. La superstition, qui en d'autres endroits ne produit que des abus & des desordres, y soûtient au contraire & y anime toutes les branches du gouvernement, & rien ne peut surmonter la force avec laquelle elle agit sur les particulieres & sur le public. Il me semble que ce puissant motif a été expressément imaginé pour le bien des états. S'il falloit à la vérité former le plan d'une société civile qui fût entierement composée d'hommes sages, ce genre d'institution ne seroit peut-être pas nécessaire : mais puisqu'en tous lieux la multitude est volage, capricieuse, sujette à des passions irrégulieres, & à des ressentimens violens & déraisonnables ; il n'y a pas d'autre moyen de la retenir dans l'ordre, que la terreur des châtimens futurs, & l'appareil pompeux qui accompagne cette sorte de fiction. C'est pourquoi les anciens me paroissent avoir agi avec beaucoup de jugement & de pénétration dans le choix des idées qu'ils ont inspirées au peuple concernant les dieux & un état futur ; & le siecle présent montre beaucoup d'indiscrétion & un grand manque de sens, lorsqu'il tâche d'effacer ces idées, qu'il encourage le peuple à les mépriser, & qu'il lui ôte le frein de la crainte. Qu'en résulte-t-il ? En Grece, par exemple, pour ne parler que d'une seule nation, rien n'est capable d'engager ceux qui ont le maniement des deniers publics, à être fideles à leurs engagemens. Parmi les Romains au contraire, la seule religion rend la foi du serment un garant sûr de l'honneur & de la probité de ceux à qui l'on confie les sommes les plus considérables, soit dans l'administration publique des affaires, soit dans les ambassades étrangeres ; & tandis qu'il est rare en d'autres pays de trouver un homme integre & desintéressé qui puisse s'abstenir de piller le public, chez les Romains rien n'est plus rare que de trouver quelqu'un coupable de ce crime ". Ce passage mérite l'attention la plus sérieuse. Polybe étoit grec ; & comme homme de bien, il aimoit tendrement sa patrie, dont l'ancienne gloire & la vertu étoient alors sur leur déclin, dans le tems que la prospérité de la république romaine étoit à son comble. Pénétré du triste état de son pays, & observant les effets de l'influence de la religion sur l'esprit des Romains, il profite de cette occasion pour donner une leçon à ses compatriotes, & les instruire de ce qu'il regardoit comme la cause principale de la ruine dont ils étoient menacés. Un certain libertinage d'esprit avoit infecté les premiers hommes de l'état, & leur faisoit penser & débiter, que les craintes qu'inspire la religion ne sont que des visions & des superstitions ; ils croyoient sans doute faire paroître par-là plus de pénétration que leurs ancêtres, & se tirer du niveau du commun du peuple. Polybe les avertit qu'ils ne doivent pas chercher la cause de la décadence de la Grece dans la mutabilité inévitable des choses humaines, mais qu'ils doivent l'attribuer à la corruption des moeurs introduite par le libertinage de l'esprit. Ce fut cette corruption qui affoiblit & qui énerva la Grece, & qui l'avoit, pour ainsi dire conquise ; ensorte que les Romains n'eurent qu'à en prendre possession.

Mais si Polybe eût vécu dans le siecle suivant, il auroit pû adresser la même leçon aux Romains. L'esprit de libertinage, funeste avant-coureur de la chûte des états, fit parmi eux de grands progrès en peu de tems. La religion y dégénéra au point que César osa déclarer en plein sénat, avec une licence dont toute l'antiquité ne fournit point d'exemple, que l'opinion des peines & des récompenses d'une autre vie étoit une notion sans fondement. C'étoit-là un terrible pronostic de la ruine prochaine de la république.

L'esprit d'irreligion fait tous les jours des progrès ; il avance à pas de géant & gagne insensiblement tous les états & toutes les conditions. Les philosophes modernes, les esprits forts me permettront-ils de leur demander quel est le fruit qu'ils prétendent retirer de leur conduite ? Un d'eux, le célebre comte de Shaftsbury, aussi fameux par son irreligion que par sa réputation de citoyen zélé, & dont l'idée étoit de substituer dans le gouvernement du monde la bienveillance à la créance d'un état futur, s'exprime ainsi dans son style extraordinaire. " La conscience même, j'entens, dit-il, celle qui est l'effet d'une discipline religieuse, ne sera sans la bienveillance qu'une misérable figure : elle pourra peut-être faire des prodiges parmi le vulgaire. Le diable & l'enfer peuvent faire effet sur des esprits de cet ordre, lorsque la prison & la potence ne peuvent rien : mais le caractere de ceux qui sont polis & bienveillans, est fort différent ; ils sont si éloignés de cette simplicité puérile, qu'au lieu de régler leur conduite dans la société par l'idée des peines & des récompenses futures, ils font voir évidemment par tout le cours de leur vie, qu'ils ne regardent ces notions pieuses que comme des contes propres à amuser les enfans & le vulgaire ". Je ne demanderai point où étoit la religion de ce citoyen zélé lorsqu'il parloit de la sorte, mais où étoient sa prudence & sa politique ; car s'il est vrai, comme il le dit, que le diable & l'enfer ont tant d'effet, lors même que la prison & la potence sont inefficaces, pourquoi donc cet homme qui aimoit sa patrie, vouloit-il ôter un frein si nécessaire pour retenir la multitude, & en restraindre les excès ? si ce n'étoit pas son dessein, pourquoi donc tourner la religion en ridicule ? Si son intention étoit de rendre tous les Anglois polis & bienveillans, il pouvoit aussi-bien se proposer de les faire tous mylords.

Strabon dit qu'il est impossible de gouverner le commun du peuple par les principes de la Philosophie ; qu'on ne peut faire d'impression sur lui que par le moyen de la superstition, dont les fictions & les prodiges sont la base & le soûtien ; que c'est pour cela que les législateurs ont fait usage de ce qu'enseigne la fable sur le tonnerre de Jupiter, l'égide de Minerve, le trident de Neptune, le thyrse de Bacchus, les serpens & les torches des Furies, & de tout le reste des fictions de l'ancienne théologie, comme d'un épouvantail propre à frapper de terreur les imaginations puériles de la multitude.

Pline le naturaliste reconnoît qu'il est nécessaire pour le soûtien de la société, que les hommes croyent que les dieux interviennent dans les affaires du genre humain ; & que les châtimens dont ils punissent les coupables, quoique lents à cause de la diversité des soins qu'exige le gouvernement d'un si vaste univers, sont néanmoins certains, & qu'on ne peut s'y soustraire.

Pour ne point trop multiplier les citations, je finirai par rapporter le préambule des lois du philosophe Romain : comme il fait profession d'imiter Platon, qu'il en adopte les sentimens & souvent les expressions, nous connoîtrons par-là ce que pensoit ce philosophe sur l'influence de la religion par rapport à la société. " Les peuples avant tout doivent être fermement persuadés de la puissance & du gouvernement des dieux, qu'ils sont les souverains & les maîtres de l'univers, que tout est dirigé par leur pouvoir, leur volonté & leur providence, & que le genre humain leur a des obligations infinies. Ils doivent être persuadés que les dieux connoissent l'intérieur de chacun, ce qu'il fait, ce qu'il pense, avec quels sentimens, avec quelle piété il remplit les actes de religion, & qu'ils distinguent l'homme de bien d'avec le méchant. Si l'esprit est bien imbu de ces idées, il ne s'écartera jamais du vrai ni de l'utile. L'on ne sauroit nier le bien qui résulte de ces opinions, si l'on fait réflexion à la stabilité que les sermens mettent dans les affaires de la vie, & aux effets salutaires qui résultent de la nature sacrée des traités & des alliances. Combien de personnes ont été détournées du crime par la crainte des châtimens divins ! & combien pure & saine doit être la vertu qui regne dans une société, où les dieux immortels interviennent eux-mêmes comme juges & témoins " ! Voilà le préambule de la loi ; car c'est ainsi que Platon l'appelle. Ensuite viennent les lois dont la premiere est conçue en ces termes : " Que ceux qui s'approchent des dieux soient purs & chastes ; qu'ils soient remplis de piété & exempts de l'ostentation des richesses. Quiconque fait autrement, Dieu lui-même s'en fera vengeance. Qu'un saint culte soit rendu aux dieux, à ceux qui ont été regardés comme habitans du ciel, & aux héros que leur mérite y a placés, comme Hercule, Bacchus, Esculape, Castor, Pollux, & Romulus. Que des temples soient édifiés en l'honneur des qualités qui ont élevé des mortels à ce degré de gloire, en l'honneur de la raison, de la vertu, de la piété & de la bonne foi ". A tous ces différens traits on reconnoît le génie de l'antiquité, & particulierement celui des législateurs, dont le soin étoit d'inspirer au peuple les sentimens de religion pour le bien de l'état même. L'établissement des mysteres en est un autre exemple remarquable. Ce sujet important & curieux est amplement développé dans les dissertations sur l'union de la religion, de la morale, & de la politique, tirés par M. Silhouette d'un ouvrage de M. Warburton.

Enfin M. Bayle abandonne le raisonnement, qui est son fort : sa derniere ressource est d'avoir recours à l'expérience ; & c'est par-là qu'il prétend soûtenir sa these, en faisant voir qu'il y a eu des athées qui ont vécu moralement bien, & que même il y a eu des peuples entiers qui se sont maintenus sans croire l'existence de Dieu. Suivant lui, la vie de plusieurs athées de l'antiquité prouve pleinement que leur principe n'entraîne pas nécessairement la corruption des moeurs ; il en allegue pour exemple Diagoras, Théodore, Evhemere, Nicanor & Hippon, philosophes, dont la vertu a paru si admirable à S. Clément d'Alexandrie, qu'il a voulu en décorer la religion & en faire autant de théistes, quoique l'antiquité les reconnoisse pour des athées décidés. Il descend ensuite à Epicure & à ses sectateurs, dont la conduite, de l'aveu de leurs ennemis, étoit irreprochable. Il cite Atticus, Cassius, & Pline le naturaliste. Enfin il finit cet illustre catalogue par l'éloge de la vertu de Vanini & de Spinosa. Ce n'est pas tout ; il cite des nations entieres d'athées, que des voyageurs modernes ont découvertes dans le continent & dans les îles d'Afrique & de l'Amérique, & qui pour les moeurs l'emportent sur la plûpart des idolâtres qui les environnent. Il est vrai que ces athées sont des sauvages, sans lois, sans magistrats, sans police civile : mais de ces circonstances il en tire des raisons d'autant plus fortes en faveur de son sentiment ; car s'ils vivent paisiblement hors de la société civile, à plus forte raison le feroient-ils dans une société, où des lois générales empêcheroient les particuliers de commettre des injustices.

L'exemple des Philosophes qui, quoique athées, ont vécu moralement bien, ne prouve rien par rapport à l'influence que l'athéisme pent avoir sur les moeurs des hommes en général ; & c'est-là néanmoins le point dont il est question. En examinant les motifs différens qui engageoient ces philosophes à être vertueux, l'on verra que ces motif qui étoient particuliers à leur caractere, à leurs circonstances, à leur dessein, ne peuvent agir sur la totalité d'un peuple qui seroit infecté de leurs principes. Les uns étoient portés à la vertu par le sentiment moral & la différence essentielle des choses, capables de faire un certain effet sur un petit nombre d'hommes studieux, contemplatifs, & qui joignent à un heureux naturel, un esprit délicat & subtil : mais ces motifs sont trop foibles pour déterminer le commun des hommes. Les autres agissoient par passion pour la gloire & la réputation : mais quoique tous les hommes ressentent cette passion dans un même degré de force, ils ne l'ont pas tous dans un même degré de délicatesse : la plûpart s'embarrassent peu de la puiser dans des sources pures : plus sensibles aux marques extérieures de respect & de déférence qui l'accompagnent, qu'au plaisir intérieur de la mériter, ils marcheront par la voie la plus aisée & qui gênera le moins leurs autres passions, & cette voie n'est point celle de la vertu. Le nombre de ceux sur qui ces motifs sont capables d'agir est donc très-petit, comme Pomponace lui-même, qui étoit athée, en fait l'aveu. " Il y a, dit-il, quelques personnes d'un naturel si heureux, que la seule dignité de la vertu suffit pour les engager à la pratiquer, & la seule difformité du vice suffit pour le leur faire éviter. Que ces dispositions sont heureuses, mais qu'elles sont rares ! Il y a d'autres personnes dont l'esprit est moins héroïque, qui ne sont point insensibles à la dignité de la vertu ni à la bassesse du vice ; mais que ce motif seul, sans le secours des loüanges & des honneurs, du mépris & de l'infamie, ne pourroit point entretenir dans la pratique de la vertu & dans l'éloignement du vice. Ceux-ci forment une seconde classe ; d'autres ne sont retenus dans l'ordre que par l'espérance de quelque bien réel ou par la crainte de quelque punition corporelle. Le législateur pour les engager à la pratique de la vertu, leur a présenté l'appât des richesses, des dignités, ou de quelqu'autre chose semblable ; & d'un autre côté il leur a montré des punitions, soit en leur personne, en leur bien, ou en leur honneur, pour les détourner du vice. Quelques autres d'un caractere plus féroce, plus vicieux, plus intraitable, ne peuvent être retenus par aucuns de ces motifs. A l'égard de ces derniers, le législateur a inventé le dogme d'une autre vie, où la vertu doit recevoir des récompenses éternelles, & où le vice doit subir des châtimens qui n'auront point de fin ; deux motifs dont le dernier a beaucoup plus de force sur l'esprit des hommes, que le premier. Plus instruit par l'expérience de la nature des maux que de celle des biens, on est plûtôt déterminé par la crainte que par l'espérance. Le législateur prudent & attentif au bien public, ayant observé d'une part le penchant de l'homme vers le mal, & de l'autre côté, combien l'idée d'une autre vie peut être utile à tous les hommes, de quelque condition qu'ils soient, a établi le dogme de l'immortalité de l'ame, moins occupé du vrai que de l'utile, & de ce qui pouvoit conduire les hommes à la pratique de la vertu : & l'on ne doit pas le blâmer de cette politique ; car de même qu'un medecin trompe un malade afin de lui rendre la santé, de même l'homme d'état inventa des apologues ou des fictions utiles pour servir à la correction des moeurs. Si tous les hommes à la vérité étoient de la premiere classe, quoiqu'ils crussent leur ame mortelle, ils rempliroient tous leurs devoirs : mais comme il n'y en a presque pas de ce caractere, il a été nécessaire d'avoir recours à quelqu'autre expédient ".

Les autres motifs étoient bornés à leur secte ; c'étoit l'envie d'en soûtenir l'honneur & le crédit, & de tâcher de l'annoblir par ce faux lustre. Il est étonnant jusqu'à quel point ils étoient préoccupés & possédés de ce desir. L'histoire de la conversation de Pompée & de Possidonius le stoïque, qui est rapportée dans les Tusculanes de Cicéron, en est un exemple bien remarquable : ô douleur, disoit ce philosophe malade & souffrant ! tes efforts sont vains ; tu peux être incommode, jamais je n'avouerai que tu sois un mal. Si la crainte de se rendre ridicule en desavoüant ses principes, peut engager des hommes à se faire une si grande violence, la crainte de se rendre généralement odieux n'a pas été un motif moins puissant pour les engager à la pratique de la vertu. Cardan lui-même reconnoît que l'athéisme tend malheureusement à rendre ceux qui en sont les partisans, l'objet de l'exécration publique. De plus le soin de leur propre conservation les y engageoit ; le magistrat avoit beaucoup d'indulgence pour les spéculations philosophiques : mais l'athéisme étant en général regardé comme tendant à renverser la société, souvent il déployoit toute sa vigueur contre ceux qui vouloient l'établir ; en sorte qu'ils n'avoient d'autre moyen de désarmer sa vengeance, que de persuader par une vie exemplaire, que ce principe n'avoit point en lui-même une influence si funeste. Mais ces motifs étant particuliers aux sectes des philosophes, qu'ont ils de commun avec le reste des hommes ?

A l'égard des nations de sauvages athées, qui vivent dans l'état de la nature sans société civile, avec plus de vertu que les idolatres qui les environnent ; sans vouloir révoquer ce fait en doute, il suffira d'observer la nature d'une telle société, pour démasquer le sophisme de cet argument.

Il est certain que dans l'état de la société, les hommes sont constamment portés à enfraindre les lois. Pour y remédier, la société est constamment occupée à soûtenir & à augmenter la force & la vigueur de ses ordonnances. Si l'on cherche la cause de cette perversité, on trouvera qu'il n'y en a point d'autre que le nombre & la violence des desirs qui naissent de nos besoins réels & imaginaires. Nos besoins réels sont nécessairement & invariablement les mêmes, extrèmement bornés en nombre, extrèmement aisés à satisfaire. Nos besoins imaginaires sont infinis, sans mesure, sans regle, augmentant exactement dans la même proportion qu'augmentent les différens arts. Or ces différens arts doivent leur origine à la société civile : plus la police y est parfaite, plus ces arts sont cultivés & perfectionnés, plus on a de nouveaux besoins & d'ardens desirs ; & la violence de ces desirs qui ont pour objet de satisfaire des besoins imaginaires, est beaucoup plus forte que celle des desirs fondés sur les besoins réels, non-seulement parce que les premiers sont en plus grand nombre, ce qui fournit aux passions un exercice continuel ; non-seulement parce qu'ils sont plus déraisonnables, ce qui en rend la satisfaction plus difficile, & que n'étant point naturels, ils sont sans mesure : mais principalement parce qu'une coûtume vicieuse a attaché à la satisfaction de ses besoins, une espece d'honneur & de réputation, qui n'est point attachée à la satisfaction des besoins réels. C'est en conséquence de ces principes que nous disons que toutes les précautions dont la prévoyance humaine est capable, ne sont point suffisantes par elles-mêmes pour maintenir l'état de la société, & qu'il a été nécessaire d'avoir recours à quelqu'autre moyen. Mais dans l'état de nature où l'on ignore les arts ordinaires, les besoins des hommes réels sont en petit nombre, & il est aisé de les satisfaire : la nourriture & l'habillement sont tout ce qui est nécessaire au soûtien de la vie ; & la Providence a abondamment pourvû à ces besoins ; ensorte qu'il ne doit y avoir guere de dispute, puisqu'il se trouve presque toûjours une abondance plus que suffisante pour satisfaire tout le monde.

Par-là on peut voir clairement comment il est possible que cette canaille d'athées, s'il est permis de se servir de cette expression, vive paisiblement dans l'état de nature ; & pourquoi la force des lois humaines ne pourroit pas retenir dans l'ordre & le devoir une société civile d'athées. Le sophisme de M. Bayle se découvre de lui-même. Il n'a pas soûtenu ni n'auroit voulu soûtenir que ces athées, qui vivent paisiblement dans leur état présent, sans le frein des lois humaines, vivroient de même sans le secours des lois, après qu'il auroient appris les différens arts, qui sont en usage parmi les nations civilisées ; il ne nieroit pas sans doute que dans la société civile, qui est cultivée par les arts, le frein des lois est absolument nécessaire. Or voici les questions qu'il est naturel de lui faire. Si un peuple peut vivre paisiblement hors de la société civile sans le frein des lois, mais ne sauroit sans ce frein vivre paisiblement dans l'état de société : quelle raison avez-vous de prétendre que, quoiqu'il puisse vivre paisiblement hors de la société sans le frein de la religion, ce frein ne devienne pas nécessaire dans l'état de société ? La réponse à cette question entraîne nécessairement l'examen de la force du frein qu'il faut imposer à l'homme qui vit en société : or nous avons prouvé qu'outre le frein des lois humaines, il falloit encore celui de la religion.

On peut observer qu'il regne un artifice uniforme dans tous les sophismes dont M. Bayle fait usage pour soûtenir son paradoxe. Sa these étoit de prouver que l'athéisme n'est pas pernicieux à la société ; & pour le prouver, il cite des exemples. Mais quels exemples ? De sophistes, ou de sauvages, d'un petit nombre d'hommes spéculatifs fort au-dessous de ceux qui dans un état forment le corps des citoyens, ou d'une troupe de barbares & de sauvages infiniment au-dessous d'eux, dont les besoins bornés ne réveillent point les passions ; des exemples, en un mot, dont on ne peut rien conclure, par rapport au commun des hommes, & à ceux d'entr'eux qui vivent en société. Voyez les dissertations de l'union de la religion, de la morale & de la politique de M. Warbuton, d'où sont extraits la plûpart des raisonnemens qu'on fait contre ce paradoxe de M. Bayle. Lisez l'article du POLYTHEISME, où l'on examine quelques difficultés de cet auteur. (X)


ATHÉISMES. m. (Métaphysiq.) c'est l'opinion de ceux qui nient l'existence d'un Dieu auteur du monde. Ainsi la simple ignorance de Dieu ne feroit pas l'athéisme. Pour être chargé du titre odieux d'athéisme, il faut avoir la notion de Dieu, & la rejetter. L'état de doute n'est pas non plus l'athéisme formel : mais il s'en approche ou s'en éloigne, à proportion du nombre des doutes, ou de la maniere de les envisager. On n'est donc fondé à traiter d'athées que ceux qui déclarent ouvertement qu'ils ont pris parti sur le dogme de l'existence de Dieu, & qu'ils soûtiennent la négative. Cette remarque est très-importante, parce que quantité de grands hommes, tant anciens que modernes, ont fort legerement été taxés d'athéisme, soit pour avoir attaqué les faux dieux, soit pour avoir rejetté certains argumens foibles, qui ne concluent point pour l'existence du vrai Dieu. D'ailleurs il y a peu de gens qui pensent toûjours conséquemment, sur-tout quand il s'agit d'un sujet aussi abstrait & aussi composé que l'est l'idée de la cause de toutes choses, ou le gouvernement du monde. On ne peut regarder comme véritable athée que celui qui rejette l'idée d'une intelligence qui gouverne avec un certain dessein. Quelque idée qu'il se fasse de cette intelligence ; la supposât-il matérielle, limitée à certains égards, &c. tout cela n'est point encore l'athéisme. L'athéisme ne se borne pas à défigurer l'idée de Dieu, mais il la détruit entierement.

J'ai ajoûté ces mots, auteur du monde, parce qu'il ne suffit pas d'adopter dans son système le mot de Dieu, pour n'être pas athée. Les Epicuriens parloient des dieux, ils en reconnoissoient un grand nombre ; & cependant ils étoient vraiement athées, parce qu'ils ne donnoient à ces dieux aucune part à l'origine & à la conservation du monde, & qu'ils les reléguoient dans une mollesse de vie oisive & indolente. Il en est de même du Spinosisme, dans lequel l'usage du mot de Dieu n'empêche point que ce système n'en exclue la notion.

L'athéisme est fort ancien ; selon les apparences, il y a eu des athées avant Démocrite & Leucippe, puisque Platon (de Legib. pag. 888. edit. Serr.) dit en parlant aux athées de son tems. " Ce n'est pas vous seul, mon fils, ni vos amis (Démocrite, Leucippe & Protagore) qui avez eu les premiers ces sentimens touchant les dieux : mais il y a toûjours eu plus ou moins de gens attaqués de cette maladie ". Aristote dans sa Métaphysique assûre que plusieurs de ceux qui ont les premiers philosophé, n'ont reconnu que la matiere pour la premier cause de l'univers, sans aucune cause efficiente & intelligente. La raison qu'ils en avoient, comme ce philosophe le remarque (lib. I. c. iij.), c'est qu'ils assûroient qu'il n'y a aucune substance que la matiere, & que tout le reste n'en est que des accidens, qui sont engendrés & corruptibles ; au lieu que la matiere qui est toûjours la même, n'est ni engendrée, ni sujette à être détruite, mais éternelle. Les Matérialistes étoient de véritables athées, non pas tant parce qu'ils n'établissoient que des corps, que parce qu'ils ne reconnoissoient aucune intelligence qui les mût & les gouvernât. Car d'autres philosophes, comme Héraclite, Zenon, &c. en croyant que tout est matériel, n'ont pas laissé d'admettre une intelligence naturellement attachée à la matiere, & qui animoit tout l'univers, ce qui leur faisoit dire que c'est un animal : ceux-ci ne peuvent être regardés comme athées.

L'on trouve diverses especes d'athéisme chez les anciens. Les principales sont l'éternité du monde, l'atomisme ou le concours fortuit, l'hylopathianisme, & l'hylozoïsme, qu'il faut chercher sous leurs titres particuliers dans ce Dictionnaire. Il faut remarquer que l'éternité du monde n'est une espece d'athéisme que dans le sens auquel Aristote & ses sectateurs l'établissoient ; car ce n'est pas être athée que de croire le monde co-éternel à Dieu, & de le regarder comme un effet inséparable de sa cause. Pour l'éternité de la matiere, je n'ai garde de la ranger parmi les systèmes des athées. Ils l'ont tous soûtenue à la vérité, mais des philosophes théistes l'ont pareillement admise, & l'époque du dogme de la création n'est pas bien assûrée. Voyez CREATION. Parmi les modernes, il n'y a d'athéisme systématique que celui de Spinosa, dont nous faisons aussi un article séparé. Nous nous bornons ici aux remarques générales suivantes.

1°. C'est à l'athée à prouver que la notion de Dieu est contradictoire, & qu'il est impossible qu'un tel être existe ; quand même nous ne pourrions pas démontrer la possibilité de l'être souverainement parfait, nous serions en droit de demander à l'athée les preuves du contraire ; car étant persuadés avec raison que cette idée ne renferme point de contradiction, c'est à lui à nous montrer le contraire ; c'est le devoir de celui qui nie d'alléguer ses raisons. Ainsi tout le poids du travail retombe sur l'athée ; & celui qui admet un Dieu, peut tranquillement y acquiescer, laissant à son antagoniste le soin d'en démontrer la contradiction. Or, ajoûtons-nous, c'est ce dont il ne viendra jamais à bout. En effet, l'assemblage de toutes les réalités, de toutes les perfections dans un seul être, ne renferme point de contradiction, il est donc possible ; & dès-là qu'il est possible, cet être doit nécessairement exister, l'existence étant comprise parmi ces réalités : mais il faut renvoyer à l'article DIEU le détail des preuves de son existence.

2°. Bien loin d'éviter les difficultés, en rejettant la notion d'un Dieu, l'athée s'engage dans des hypotheses mille fois plus difficiles à recevoir. Voici en peu de mots ce que l'athée est obligé d'admettre. Suivant son hypothese, le monde existe par lui-même, il est indépendant de tout autre être, & il n'y a rien dans ce monde visible qui ait sa raison hors du monde. Les parties de ce tout & le tout lui-même renferment la raison de leur existence dans leur essence ; ce sont des êtres absolument nécessaires, & il impliqueroit contradiction qu'ils n'existassent pas. Le monde n'a point eu de commencement, il n'aura point de fin ; il est éternel, & suffisant à lui-même pour sa conservation. Les miracles sont impossibles, & l'ordre de la nature est inaltérable. Les lois du mouvement, les évenemens naturels, l'enchaînement des choses, sont autant d'effets d'une nécessité absolue ; l'ame n'a point de liberté. L'univers est sans bornes ; une fatalité absolue tient lieu de Providence. (Voyez Wolf, Théolog. nat. tom. II. sect. 2. chap. ij.) C'est-là, & non dans le système des théistes, qu'il faut chercher les contradictions ; tout en fourmille. Peut-on dire que le monde, considéré en lui-même, ait des caracteres d'éternité qui ne se puissent pas trouver dans un être intelligent ? Peut-on soûtenir qu'il est plus facile de comprendre que la matiere se meut d'elle-même, & qu'elle a formé par hasard & sans dessein le monde tel qu'il est, que de concevoir qu'une intelligence a imprimé le mouvement à la matiere, & en a tout fait dans certaines vûes ? Pourroit-on dire que l'on comprend comment tout ce qui existe a été formé par un mouvement purement méchanique & nécessaire de la matiere, sans projet & sans dessein d'aucune intelligence qui l'ait conduite ; & qu'on ne comprend pas comment une intelligence l'auroit pû faire ? Il n'y a assûrément personne qui, s'il veut au moins parler avec sincérité, n'avoue que le second est infiniment plus facile à comprendre que le premier. Il s'ensuit de-là que les athées ont des hypotheses beaucoup plus difficiles à concevoir que celles qu'ils rejettent ; & qu'ils s'éloignent des sentimens communs plûtôt pour se distinguer, que parce que les difficultés leur font de la peine ; autrement ils n'embrasseroient pas des systèmes tout-à-fait incompréhensibles, sous prétexte qu'ils n'entendent pas les opinions généralement reçûes.

3°. L'athée ne sauroit éviter les absurdités du progrès de l'infini. Il y a un progrès qu'on appelle rectiligne, & un progrès qu'on appelle circulaire. Suivant le premier, en remontant de l'effet à la cause, & de cette cause à une autre, comme de l'oeuf à la poule, & de la poule à l'oeuf, on ne trouve jamais le bout ; & cette chaîne d'êtres visiblement contingens, forme un tout nécessaire, éternel, infini. L'impossibilité d'une telle supposition est si manifeste, que les philosophes payens l'avoient abandonnée, pour se retrancher dans le progrès circulaire. Celui-ci consiste dans certaines révolutions périodiques extrèmement longues, au bout desquelles les mêmes choses se retrouvent à la même place ; & l'état de l'univers est précisément tel qu'il étoit au même moment de la période précédente. J'ai déjà écrit une infinité de fois ce que j'écris à présent, & je l'écrirai encore une infinité de fois dans la suite des révolutions éternelles de l'univers. Mais la même absurdité qui détruit le progrès rectiligne, revient ici contre le progrès circulaire. Comme dans le premier cas on cherche inutilement, tantôt dans l'oeuf, tantôt dans la poule, sans jamais s'arrêter, la raison suffisante de cette chaîne d'êtres ; de même dans celui-ci une révolution est liée à l'autre : mais on ne voit point comment une révolution produit l'autre, & quel est le principe de cette succession infinie. Que l'on mette des millions d'années pour les révolutions universelles, ou des jours, des heures, des minutes, pour l'existence de petits insectes éphémeres, dont l'un produit l'autre sans fin, c'est la même chose ; ce sont toûjours des effets enchaînés les uns aux autres, sans qu'on puisse assigner une cause, un principe, une raison suffisante qui les explique.

4°. On peut aussi attaquer l'athéisme par ses conséquences, qui, en sappant la religion, renversent du même coup les fondemens de la morale & de la politique. En effet l'athéisme avilit & dégrade la nature humaine, en niant qu'il y ait en elle les moindres principes de morale, de politique, d'équité & d'humanité : toute la charité des hommes, suivant cet absurde système, toute leur bienveillance, ne viennent que de leur crainte, de leur foiblesse, & du besoin qu'ils ont les uns des autres. L'utilité & le desir de parvenir, l'envie des plaisirs, des honneurs, des richesses, sont les uniques regles de ce qui est bon. La justice & le gouvernement civil ne sont des choses ni bonnes, ni desirables par elles-mêmes ; car elles ne servent qu'à tenir dans les fers la liberté de l'homme : mais on les a établies comme un moindre mal, & pour obvier à l'état de guerre dans lequel nous naissons. Ainsi les hommes ne sont justes que malgré eux ; car ils voudroient bien qu'il fût possible de n'obéir à aucunes lois. Enfin (car ce n'est ici qu'un échantillon des principes moraux & politiques de l'athéisme) enfin les souverains ont une autorité proportionnée à leurs forces, & si elles sont illimitées, ils ont un droit illimité de commander ; ensorte que la volonté de celui qui commande tienne lieu de justice aux sujets, & les oblige d'obéir, de quelque nature que soient les ordres.

Je conviens que les idées de l'honnête & du deshonnête subsistent avec l'athéisme. Ces idées étant dans le fonds & dans l'essence de la nature humaine, l'athée ne sauroit les rejetter. Il ne peut méconnoître la différence morale des actions ; parce que quand même il n'y auroit point de divinité, les actions qui tendent à détériorer notre corps & notre ame seroient toûjours également contraires aux obligations naturelles. La vertu purement philosophique, qu'on ne sauroit lui refuser, en tant qu'il peut se conformer aux obligations naturelles, dont il trouve l'empreinte dans sa nature ; cette vertu, dis-je, a très-peu de force, & ne sauroit guere tenir contre les motifs de la crainte, de l'intérêt & des passions. Pour résister, sur-tout lorsqu'il en coûte d'être vertueux, il faut être rempli de l'idée d'un Dieu, qui voit tout, & qui conduit tout. L'athéisme ne fournit rien, & se trouve sans ressource ; dès que la vertu est malheureuse, il est réduit à l'exclamation de Brutus : Vertu, stérile vertu, de quoi m'as-tu servi ? Au contraire, celui qui croit fortement qu'il y a un Dieu, que ce Dieu est bon, que tout ce qu'il a fait & qu'il permet, aboutira enfin au bien de ses créatures ; un tel homme peut conserver sa vertu & son intégrité même dans la condition la plus dure. Il est vrai qu'il faut pour cet effet admettre l'idée des récompenses & des peines à venir.

Il résulte de-là que l'athéisme publiquement professé est punissable suivant le droit naturel. On ne peut que desapprouver hautement quantité de procédures barbares & d'exécutions inhumaines, que le simple soupçon ou le prétexte d'athéisme ont occasionnées. Mais d'un autre côté l'homme le plus tolérant ne disconviendra pas, que le magistrat n'ait droit de réprimer ceux qui osent professer l'athéisme, & de les faire périr même, s'il ne peut autrement en délivrer la société. Personne ne révoque en doute, que le magistrat ne soit pleinement autorisé à punir ce qui est mauvais & vicieux, & à récompenser ce qui est bon & vertueux. S'il peut punir ceux qui font du tort à une seule personne, il a sans doute autant de droit de punir ceux qui en font à toute une société, en niant qu'il y ait un Dieu, ou qu'il se mêle de la conduite du genre humain, pour récompenser ceux qui travaillent au bien commun, & pour châtier ceux qui l'attaquent. On peut regarder un homme de cette sorte comme l'ennemi de tous les autres, puisqu'il renverse tous les fondemens sur lesquels leur conservation & leur félicité sont principalement établies. Un tel homme pourroit être puni par chacun dans le droit de nature. Par conséquent le magistrat doit avoir droit de punir, non-seulement ceux qui nient l'existence d'une divinité, mais encore ceux qui rendent cette existence inutile, en niant sa providence, ou en prêchant contre son culte, ou qui sont coupables de blasphèmes formels, de profanations, de parjures, ou de juremens prononcés légerement. La religion est si nécessaire pour le soûtien de la société humaine, qu'il est impossible, comme les Payens l'ont reconnu aussi bien que les Chrétiens, que la société subsiste si l'on n'admet une puissance invisible, qui gouverne les affaires du genre humain. Voyez-en la preuve à l'article des athées. La crainte & le respect que l'on a pour cet être, produit plus d'effet dans les hommes, pour leur faire observer les devoirs dans lesquels leur félicité consiste sur la terre, que tous les supplices dont les magistrats les puissent menacer. Les athées mêmes n'osent le nier ; & c'est pourquoi ils supposent que la religion est une invention des politiques, pour tenir plus facilement la société en regle. Mais quand cela seroit, les politiques ont le droit de maintenir leurs établissemens, & de traiter en ennemis ceux qui voudroient les détruire. Il n'y a point de politiques moins sensés que ceux qui prêtent l'oreille aux insinuations de l'athéisme, & qui ont l'imprudence de faire profession ouverte d'irreligion. Les athées, en flatant les souverains, & en les provenant contre toute religion, leur font autant de tort qu'à la religion même, puisqu'ils leur ôtent tout droit, excepté la force, & qu'ils dégagent leurs sujets de toute obligation & du serment de fidélité qu'ils leur ont fait. Un droit qui n'est établi d'une part que sur la force, & de l'autre que sur la crainte, tôt ou tard se détruit & se renverse. Si les souverains pouvoient détruire toute conscience & toute religion dans les esprits de tous les hommes, dans la pensée d'agir ensuite avec une entiere liberté, ils se verroient bien-tôt ensevelis eux-mêmes sous les ruines de la religion. La conscience & la religion engagent tous les sujets : 1°. à exécuter les ordres légitimes de leurs souverains, ou de la puissance législative à laquelle ils sont soûmis, lors même qu'ils sont opposés à leurs intérêts particuliers : 2°. à ne pas résister à cette même puissance par la force, comme S. Paul l'ordonne. Rom. ch. xij. vers. 12. La religion est plus encore le soûtien des Rois, que le glaive qui leur a été remis. Cet article est tiré des papiers de M. Formey, secrétaire de l'académie royale de Prusse. (X)


ATHELINGS. m. (Hist. mod.) étoit chez les anciens Saxons, ancêtres des Anglois, un titre d'honneur qui appartenoit en propre à l'héritier présomptif de la couronne.

Ce mot vient du mot Saxon aedeling, qui est dérivé de aedel, noble. On l'écrit aussi quelquefois adeling, edling, ethling & etheling.

Le roi Edouard le confesseur, étant sans enfans, & voulant faire son héritier Edgar, dont il étoit le grand oncle maternel, lui donna le premier le nom d'atheling ; les antiquaires remarquent qu'il étoit ordinaire aux Saxons de joindre le mot de ling ou ing, à un nom chrétien, pour marquer le fils ou le plus jeune, comme Edmonding, pour le fils d'Edmond ; Edgaring, pour le fils d'Edgar : c'est pour cela que quelques-uns ont crû que le mot atheling devoit signifier originairement le fils d'un noble ou d'un prince. Cependant il y a apparence que le mot atheling, quand il est appliqué à l'héritier de la couronne, signifie plutôt un homme doüé de plusieurs belles qualités, que le fils d'un noble ; & ce terme paroît répondre au nobiliss. Caesar qui étoit en usage chez les Romains. Voyez CESAR & NOBILISSIME. (G)


ATHEMADOULETS. m. (Hist. mod.) c'est le premier ou le principal ministre de l'empire des Perses. Ce mot, selon Kempfer, s'écrit en Persan athemaad daulet ; selon Tavernier, athematdoulet ; selon Sanson, etmadoulet. On le regarde comme originairement Arabe, & composé de itimade & daulet, c'est-à-dire la confiance en la majesté ; ou selon Tavernier, le support des riches ; & selon Kempfer, l'appui & le réfuge de la cour.

L'autorité de l'athemadoulet ressemble beaucoup à celle du grand visir de Turquie, excepté qu'il n'a point le commandement de l'armée, comme le grand visir. Voyez VISIR.

L'athemadoulet est grand chancelier du royaume, président du conseil, surintendant des finances ; & il est chargé de toutes les affaires étrangeres : c'est un véritable viceroi ou gouverneur du royaume ; il intitule ainsi les ordonnances & édits du roi : Bende derga ali il alia etmadaulet ; c'est-à-dire moi qui suis le soûtien de la puissance, la créature de cette cour, la plus puissante de toutes les cours, &c. (G)


ATHENÉEsubst. m. (Hist. anc.) c'étoit un lieu public à Rome, bâti l'an 135 de Jesus-Christ, par l'empereur Adrien, pour servir d'auditoire aux savans, & à ceux qui, selon la coûtume, voudroient lire ou déclamer leurs ouvrages en présence d'une nombreuse assemblée. Il servoit aussi de collége, & l'on y faisoit des leçons publiques. On conjecture qu'Adrien nomma ainsi cet édifice du grec , Minerve, déesse des sciences, ou de la ville d'Athenes, qui avoit été le séjour & comme la mere des beaux arts. Un semblable athenée construit à Lyon par l'empereur Caligula, fut célebre par les grands hommes qui y enseignerent, & par les prix qu'y fonda ce prince. On a étendu ce titre d'athenée aux colléges, aux académies, aux bibliotheques, aux cabinets des savans. (G)


ATHENÉESadj. pris subst. (Hist. anc.) fête que les Athéniens célébroient en l'honneur de Minerve. Erichtonius troisieme roi d'Athenes l'avoit instituée ; lorsque Thésée eut rassemblé les douze bourgades de l'Attique pour en former une ville, la fête célébrée par tous les peuples réunis prit le nom de Panathénées. Voyez PANATHENEES. (G)


ATHENES(Géog. anc. & mod.) ville de Grece, célebre par son ancienneté, par les savans hommes & les grands capitaines qu'elle a produits. C'est aujourd'hui peu de chose en comparaison de ce qu'elle étoit : il y a quinze à seize mille habitans, dont le langage est un grec corrompu ; elle appartient aux Turcs ; elle est sur le golfe d'Engia ; c'est la capitale de la Livadie. Long. 41. 55. lat. 38. 5.

On l'appelle vulgairement Setines ; il y a une citadelle ; c'étoit l'acropole des anciens : cette citadelle est entre deux éminences ; l'une étoit le Musaeum, & l'autre le mont Anchesmus. Il y a quelques antiquités ; celles du château sont les mieux conservées. Ce château est sur une colline ; il renferme un temple en marbre blanc & à colonnes de porphyre & marbre noir, qu'on dit magnifique & spacieux. On voit au frontispice des figures de cavaliers armés ; dans le pourtour, d'autres figures moins grandes ; des bas reliefs, &c. Au bas du château, il reste dix-sept colonnes de marbre blanc, de trois cens qui formoient anciennement le palais de Thésée : ces colonnes ont dix-huit piés de tour au moins, & sont hautes à proportion ; on lit sur une porte qui est entiere, au-dehors : Cette ville d'Athenes est assûrément la ville de Thésée ; & en-dedans : Cette ville d'Athenes est la ville d'Adrien, & non pas de Thésée. On voit encore le fanari ou la lanterne de Démosthene ; on dit que c'est-là que ce grand orateur s'enfermoit pour étudier son art. C'est une petite tour de marbre, environnée de six colonnes cannelées, & couverte d'un dome, au-dessus duquel il y a une lampe à trois becs en ornement d'architecture ; la frise est chargée d'un bas relief où l'on distingue quatorze grouppes de deux figures chacun ; ce sont des Grecs qui combattent ou qui sacrifient. Il y a encore quelques ruines de l'aréopage, d'un temple de la Victoire, l'arsenal de Licurgue, un temple de Minerve, la tour des Vents dont Vitruve a parlé, & quelques autres monumens.


ATHENREYville d'Irlande, dans le comté de Gallowai. Long. 8. 40. lat. 53. 13.


ATHÉREMES. m. (Méd.) maladie qui a son siége dans les ampoules des poils, ou huileuses ou sébacées ; ces ampoules ne déchargeant point leurs sucs, lorsqu'il arrive, par quelque cause que ce soit, que leurs orifices sont bouchés, il en vient toûjours de nouveaux par les arteres, & elles se gonflent d'une façon énorme. Voyez Inst. de Boerhaave, tom. IV. traduites par M. de la Métrie.


ATHÉROME, en Chirurgie, est une tumeur dont la matiere est d'une consistance de bouillie, sans qu'il y ait de douleur ni changement de couleur à la peau. Voyez TUMEUR ENKISTEE.

L'athérome est enfermé dans un kist ou sac membraneux ; il ne cede point quand on le touche avec le doigt, & il n'y reste aucune impression. Voy. KIST & ENKISTE.

L'athérome est ainsi nommé du grec , sorte de bouillie ou de pulpe, à quoi ressemble la matiere de cette tumeur. Il n'est pas fort différent du mélicéris & du stéatome, & il se guérit de même par l'amputation. Voyez MELICERIS & STEATOME. (Y)


ATHERSATAS. m. (Hist. anc.) nom d'office ou de charge chez les Chaldéens. Il est attribué à Néhémie dans Esdras, & il signifie lieutenant de roi, ou gouverneur de province.


ATHIESville de France dans le Vermandois, en Picardie, sur l'Armignon.


ATHLETESS. m. plur. (Hist. anc. Gymnastique.) c'est-à-dire combattans, du grec , qui vient d', combattre ; nom qu'on donnoit proprement à ceux qui dans les jeux publics combattoient à la lutte ou à coups de poings, & qui a été ensuite commun à tous ceux qui disputoient le prix de la course, du saut, & du disque ou palet. Les Latins les distinguoient par ces cinq noms particuliers ; luctatores, lutteurs ; pugiles, combattans à coups de poings, cursores, coureurs ; saltatores, sauteurs ; & discoboli, jetteurs de disque ou joüeurs de palet, auxquels répondent ces cinq noms grecs , & . Voyez GYMNASTIQUE.

Les exercices des athletes furent d'abord institués pour exercer & former les jeunes gens aux travaux & aux fatigues de la guerre : mais ils dégénererent bien-tôt en spectacles, & ceux qui s'y adonnoient, en hommes publics. Ils menoient une vie dure : & quoique quelques-uns d'eux ayent été fameux par leur voracité, & ayent fait dire à Plaute comme un proverbe pugilicè & athletice vivere, pour marquer un homme qui mange beaucoup ; il est certain qu'en général ils pratiquoient un régime très-austere, bêchant la terre un mois avant le combat pour se rendre les membres souples, & s'abstenant des boissons fortes & du commerce des femmes : ce qu'Horace nous apprend par ces vers :

Qui studet optatam cursu contingere metam,

Multa tulit fecitque puer, sudavit, & alsit,

Abstinuit venere & vino. Art. poët.

Epictete & S. Paul leur rendent le même témoignage : qui in agone contendit, ab omnibus se abstinet. Ils invoquoient les dieux avant que de combattre, & leur sacrifioient sur six autels. Quand ils avoient remporté la victoire, ils étoient honorés d'une couronne aux acclamations du peuple, chantés par les poëtes, & reçûs dans leur patrie comme des vainqueurs, puisqu'ils y entroient par une breche faite aux murs de la ville ; leurs noms étoient écrits dans les archives, les inscriptions, & autres monumens publics ; enfin les cérémonies de leur triomphe se terminoient par des festins publics & particuliers. Ils étoient toute leur vie révérés de leurs concitoyens, prenoient la premiere place aux jeux publics ; & les Grecs, selon Horace, les regardoient comme des especes de dieux.

Palmaque nobilis,

Terrarum dominos evehit ad deos. Od. lib. I.

Un autre privilége des athletes moins brillant, mais plus utile, c'étoit celui d'être nourris le reste de leurs jours aux dépens du public ; privilége que leur confirmerent les empereurs : & l'on ajoûtoit à cet avantage l'exemption de toute charge & de toute fonction civile ; mais il falloit pour l'obtenir avoir été couronné au moins trois fois aux jeux sacrés ; les Romains y ajoûterent même dans la suite cette condition, qu'une des couronnes eût été remportée à Rome ou en Grece. On leur érigea des statues ; on alla même jusqu'à leur rendre les honneurs divins. Tous les exercices des athletes étoient compris sous le nom générique de , pentathle ; & ceux qui réunissoient tous ces cinq talens, étoient appellés par les Grecs , & par les Latins quinquertiones. (G)


ATHLÉTIQUEadj. (Hist. anc.) branche de la Gymnastique, comprenant tout ce qui concernoit les athletes & leurs exercices. V. GYMNASTIQUE. (G)


ATHLONE(Géog.) ville d'Irlande, au comté de Roscommon, sur le Shanon. Longit. 9. 30. lat. 53. 20.


ATHLOTHETES. m. (Hist. anc.) nom de celui qui présidoit aux combats des athletes. Voyez AGONOTHETE. (G)


ATHMATA(Géog. sainte.) ville de la Palestine, dans la tribu de Juda, située entre Aphera & Cariath-Arbe.


ATHOL(Géog.) province de l'Ecosse septentrionale, pleine de lacs ; Blar en est la capitale.


ATHOS(Géog. anc. & mod.) ou AGIOS OROS, ou MONTE-SANTO, haute montagne de Grece, en Macédoine, dans la presqu'île du Sud, au golfe de Contesse. On dit qu'un peu avant le coucher du soleil, l'ombre de l'Athos s'étend jusqu'à Stalimene ou Lemnos.


ATHYR(Hist. anc.) c'étoit le nom que les Egyptiens donnoient au mois que nous appellons Novembre.


ATHYTESadj. pl. pris subst. (Hist. anc.) sacrifices qui se faisoient anciennement sans victimes, & qui étoient proprement les sacrifices des pauvres qui n'avoient pas le moyen d'acheter des animaux pour être immolés aux dieux. Ce nom est grec, , d' privatif, & , j'immole. (G)


ATIBARS. m. (Commerce.) nom que les habitans de Gogo en Afrique, donnent à la poudre d'or, & dont les Européens ont fait celui de Tibir, qui a la même signification.


ATLANTESS. m. pl. terme d'Architecture, est un nom que l'on donne à des figures ou demi-figures humaines, qu'on employe en guise de colonnes ou de pilastres, pour soûtenir un morceau d'architecture, comme un balcon ou autre chose semblable. Voyez COLONNE, &c. On les appelle aussi telamones. (P)


ATLANTIQUEadj. m. (Géog.) Océan atlantique ; c'est ainsi qu'on appelloit autrefois & qu'on nomme quelquefois aujourd'hui, cette partie de l'Océan qui est entre l'Afrique & l'Amérique, & qu'on désigne plus ordinairement par le nom de mer du nord. Voyez OCEAN. (O)

ATLANTIQUE ou ISLE ATLANTIQUE, (Géog.) île célebre dans l'antiquité, dont Platon & d'autres écrivains ont parlé, & dont ils ont dit des choses extraordinaires. Cette île est fameuse aujourd'hui par la dispute qu'il y a entre les modernes sur son existence & sur le lieu où elle étoit située.

L'île Atlantique prit son nom d'Atlas, fils aîné de Neptune, qui succéda à son pere dans le gouvernement de cette île.

Platon est de tous les anciens auteurs qui nous restent, celui qui a parlé le plus clairement de cette île. Voici en substance ce qu'on lit dans son Tymée & dans son Critias.

L'Atlantique étoit une grande île dans l'Océan occidental, située vis-à-vis du détroit de Gades. De cette île on pouvoit aisément en gagner d'autres, qui étoient proche un grand continent plus vaste que l'Europe & l'Asie. Neptune regnoit dans l'Atlantique, qu'il distribua à ses dix enfans. Le plus jeune eut en partage l'extrémité de cette île appellée Gades, qui en langue du pays signifie fertile ou abondant en moutons. Les descendans de Neptune y régnerent de pere en fils durant l'espace de 9000 ans. Ils possédoient aussi différentes autres îles ; & ayant passé en Europe & en Afrique, ils subjuguerent toute la Lybie & l'Egypte, & toute l'Europe jusqu'à l'Asie mineure. Enfin l'île Atlantique fut engloutie sous les eaux ; & long-tems après la mer étoit encore pleine de bas-fonds & de bancs de sable à l'endroit où cette île avoit été.

Le savant Rudbeck, professeur en l'université d'Upsal, dans un traité qu'il a intitulé Atlantica sive manheim, soûtient que l'Atlantique de Platon étoit la Suede & la Norvege, & attribue à ce pays tout ce que les anciens ont dit de leur île Atlantique. Mais après le passage que nous venons de citer de Platon, on est surpris sans doute qu'on ait pû prendre la Suede pour l'île Atlantique ; & quoique le livre de Rudbeck soit plein d'une érudition peu commune, on ne sauroit s'empêcher de le regarder comme un visionnaire en ce point.

D'autres prétendent que l'Amérique étoit l'île Atlantique, & concluent de-là que le nouveau monde étoit connu des anciens. Mais le discours de Platon ne paroît point s'accorder avec cette idée : il sembleroit plûtôt que l'Amérique seroit ce vaste continent qui étoit par-delà l'île Atlantique, & les autres îles dont Platon fait mention.

Kircher dans son Mundus subterraneus, & Becman dans son Histoire des îles, chap. v. avancent une opinion beaucoup plus probable que celle de Rudbeck. L'Atlantique, selon ces auteurs, étoit une grande île qui s'étendoit depuis les Canaries jusqu'aux Açores ; & ces îles en sont les restes qui n'ont point été engloutis sous les eaux. (G)


ATLASS. m. en Anatomie, est le nom de la premiere vertebre du cou qui soûtient la tête. Elle est ainsi appellée par allusion au fameux mont Atlas en Afrique, qui est si haut qu'il semble soûtenir le ciel ; & à la fable où il est dit qu'un roi de ce pays là nommé Atlas, portoit le ciel sur ses épaules.

L'atlas n'a point d'apophyse épineuse, parce que le mouvement de la tête ne se fait pas sur cette vertebre, mais sur la seconde. Comme elle est obligée de tourner toutes les fois que la tête se meut circulairement, si elle avoit eu une apophyse épineuse, elle auroit gêné le mouvement des muscles dans l'extension de la tête. Elle est d'ailleurs d'un tissu plus fin & plus ferme que les autres vertebres, & elle en differe encore en ce que les autres reçoivent d'un côté & sont reçûes de l'autre, au lieu que la premiere vertebre reçoit des deux côtés ; car les deux condyles de l'occipital sont reçus dans ses deux cavités supérieures, ce qui forme son articulation avec la tête ; & en même tems deux éminences de la seconde vertebre, sont reçûes dans ses deux cavités inférieures, ce qui fait son articulation avec la seconde vertebre. (L)

ATLAS, (Géog.) On a donné ce nom à des recueils de cartes géographiques de toutes les parties connues du monde ; soit parce qu'on voit sur une carte les parties de la terre, comme si on les considéroit du sommet du mont Atlas, que les anciens qui en ont tant dit de choses, regardoient comme le plus élevé qu'il y eût sur le globe ; soit plûtôt par la raison que les cartes portent, pour ainsi dire, le monde, comme la fable a supposé qu'il étoit porté par Atlas.

Il y a apparence que cette fable du ciel porté par Atlas, vient de la hauteur du mont Atlas, qui semble se perdre dans les nues. C'est une chaîne de hautes montagnes d'Afrique qui séparent la Barbarie du Biledulgérid, & qui s'étend de l'est à l'ouest. La rigueur du froid, qui est très-grande sur les autres montagnes, rend celle-ci inhabitable en quelques endroits : il y en a d'autres plus tempérées, où l'on conduit les troupeaux. La neige couvre le haut de cette montagne pendant toute l'année, ce qui n'est pas extraordinaire. Revenons à nos Atlas géographiques.

Outre les atlas généraux de toutes les parties connues de la terre, il y a des atlas des parties prises séparément. Tel est l'atlas de la mer, &c.

Le grand atlas de Blaew est le premier ouvrage qui ait paru sous ce titre. Depuis ce tems nous en avons plusieurs de MM. Sanson, Delisle, &c. V. CARTE. (O)


ATLES. m. (Hist. nat. bot.) nom que les Egyptiens donnent au tamaris.


ATMOSPHERES. f. (Phys.) est le nom qu'on donne à l'air qui environne la terre, c'est-à-dire à ce fluide rare & élastique dont la terre est couverte partout à une hauteur considérable, qui gravite vers le centre de la terre & pese sur sa surface, qui est emporté avec la terre autour du soleil, & qui en partage le mouvement tant annuel que diurne. Voy. TERRE.

On entend proprement par atmosphere, l'air considéré avec les vapeurs dont il est rempli. Voyez AIR. Ce mot est formé des mots grecs , vapeur, & , sphere ; ainsi on ne doit point écrire athmosphere par une h, mais atmosphere sans h, le mot grec , d'où il vient, étant écrit par un & non par un .

Par atmosphere on entend ordinairement la masse entiere de l'air qui environne la terre : cependant quelques écrivains ne donnent le nom d'atmosphere qu'à la partie de l'air proche de la terre qui reçoit les vapeurs & les exhalaisons, & qui rompt sensiblement les rayons de lumiere. Voyez REFRACTION.

L'espace qui est au-dessus de cet air grossier, quoiqu'il ne soit peut-être pas entierement vuide d'air, est supposé rempli par une matiere plus subtile qu'on appelle éther, & est appellé pour cette raison, région éthérée ou espace éthérée. Voyez ETHER, CIEL, &c.

Un auteur moderne regarde l'atmosphere comme un grand vaisseau chimique, dans lequel la matiere de toutes les especes de corps sublunaires flotte en grande quantité. Ce vaisseau est, dit-il, comme un grand fourneau, continuellement exposé à l'action du soleil ; d'où il résulte une quantité innombrable d'opérations, de sublimations, de séparations, de compositions, de digestions, de fermentations, de putréfactions, &c. Sur la nature, la constitution, les propriétés, les usages, les différens états de l'atmosphere, voyez l'article AIR.

On a inventé un grand nombre d'instrumens pour faire connoître & pour mesurer les différens changemens & altérations de l'atmosphere ; comme barometres, thermometres, hygrometres, manometres, anemometres, &c. Voyez les articles BAROMETRE, THERMOMETRE, &c. L'atmosphere s'insinue dans tous les vuides des corps, & devient par ce moyen une des principales causes des changemens qui leur arrivent ; comme générations, corruptions, dissolutions, &c. Voyez GENERATION, &c.

Une des grandes découvertes de la Philosophie moderne, est que tous les effets que les anciens attribuoient à l'horreur du vuide, sont uniquement dûs à la pression de l'atmosphere. C'est aussi cette pression qui est cause en partie de l'adhérence des corps. Voy. HORREUR DU VUIDE, POMPE, PRESSION, &c.

Poids de l'atmosphere. Les corps organisés sont particulierement affectés par la pression de l'atmosphere : c'est à elle que les plantes doivent leur végétation ; que les animaux doivent la respiration, la circulation, la nutrition, &c. Voyez PLANTE, ANIMAL, VEGETATION, CIRCULATION, &c.

Elle est aussi la cause de plusieurs altérations considérables dans l'économie animale, & qui ont rapport à la santé, à la vie, aux maladies, &c. Voyez AIR, &c. Par conséquent c'est une chose digne d'attention que de calculer la quantité précise de la pression de l'atmosphere. Pour en venir à bout, il faut observer que notre corps est également pressé par l'atmosphere dans tous les points de sa surface, & que le poids qu'il contient est égal à celui d'un cylindre d'air, dont la base seroit égale à la surface de notre corps, & dont la hauteur seroit la même que celle de l'atmosphere. Or le poids d'un cylindre d'air de la même hauteur que l'atmosphere, est égal au poids d'un cylindre d'eau de même base & de 32 piés de hauteur environ, ou au poids d'un cylindre de mercure de même base & de 29 pouces de hauteur ; ce qui se prouve tant par l'expérience de Torricelli, que par la hauteur à laquelle l'eau s'éleve dans les pompes, dans les siphons, &c. Voyez TUBE DE TORRICELLI ; voyez aussi POMPE, SIPHON, &c.

De-là il s'ensuit que chaque pié quarré de la surface de notre corps est pressé par le poids de 32 piés cubes d'eau : or on trouve par l'expérience, qu'un pié cube d'eau pese environ 70 livres. Ainsi chaque pié quarré de la surface de notre corps soûtient un poids de 2240 livres ; car 32 x 70 = 2240 : par conséquent la surface entiere de notre corps porte un poids égal à autant de fois 2240 livres, que cette surface a de piés quarrés. Donc si on suppose que la surface du corps de l'homme contient 15 piés quarrés, ce qui n'est pas fort éloigné de la vérité, on trouvera que cette surface soûtient un poids de 33600 livres ; car 2240 x 15 = 33600.

La différence entre le poids de l'air que notre corps soûtient dans différens tems, est aussi fort grande.

En effet, la différence dans le poids de l'air en différens tems, est mesurée par la hauteur du mercure dans le barometre ; & comme la plus grande variation dans la hauteur du mercure est de trois pouces, il s'ensuit que la plus grande différence entre la pression de l'air sur notre corps, sera égale au poids d'un cylindre de mercure de trois pouces de hauteur, qui auroit une base égale à la surface de notre corps. Or un pié cube de mercure étant supposé de 1064 livres, c'est-à-dire de 102144 dragmes, on dira, comme 102144 dragmes sont à un pié cube, ou à 1728 pouces cubes, ainsi 59 192/1728 dragmes sont à un pouce cube. Un pouce cube de mercure pese donc environ 59 dragmes ; & comme il y a 144 pouces quarrés dans un pié quarré, un cylindre de mercure d'un pié quarré de base, & de trois pouces de hauteur, doit contenir 432 pouces cubes de mercure, & par conséquent pese 432 x 59 ou 25488 dragmes. Répétant donc 15 fois ce même poids, on aura 15 x 25488 dragmes = 382230 = 47790 onces = 3890 1/2 livres, pour le poids que la surface de notre corps soûtient en certain tems plus qu'en d'autres.

Il n'est donc pas surprenant que le changement de température dans l'air, affecte si sensiblement nos corps, & puisse déranger notre santé : mais on doit plûtôt s'étonner qu'il ne fasse pas sur nous plus d'effet. Car quand on considere que nous soûtenons dans certains tems près de 4000 livres de plus que dans d'autres, & que cette variation est quelquefois très-soudaine ; il y a lieu d'être surpris qu'un tel changement ne brise pas entierement le tissu des parties de notre corps.

Nos vaisseaux doivent être si resserrés par cette augmentation de poids, que le sang devroit rester stagnant, & la circulation cesser entierement, si la nature n'avoit sagement pourvû à cet inconvénient, en rendant la force contractive du coeur d'autant plus grande que la résistance qu'il a à surmonter de la part des vaisseaux est plus forte. En effet, dès que le poids de l'air augmente, les lobes du poumon se dilatent avec plus de force ; & par conséquent le sang y est plus parfaitement divisé : de sorte qu'il devient plus propre pour les secrétions les plus subtiles, par exemple pour celles du fluide nerveux, dont l'action doit par conséquent contracter le coeur avec plus de force. De plus, le mouvement du sang étant retardé vers la surface de notre corps, il doit passer en plus grande abondance au cerveau, sur lequel la pression de l'air est moindre qu'ailleurs, étant soutenue par le crane : par conséquent la secrétion & la génération des esprits se fera dans le cerveau avec plus d'abondance, & conséquemment le coeur en aura plus de force pour porter le sang dans tous les vaisseaux où il pourra passer, tandis que ceux qui sont proche de la surface seront bouchés, Voyez COEUR, CIRCULATION, &c.

Le changement le plus considérable que la pression de l'air plus ou moins grande produise dans le sang, est de le rendre plus ou moins épais, & de faire qu'il se resserre dans un plus petit espace, ou qu'il en occupe un plus grand dans les vaisseaux où il entre. Car l'air qui est renfermé dans notre sang, conserve toûjours l'équilibre avec l'air extérieur qui passe la surface de notre corps ; & son effort pour se dilater est toûjours égal à l'effort que l'air extérieur fait pour le comprimer, de maniere que si la pression de l'air extérieur diminue tant soit peu, l'air intérieur se dilate à proportion, & fait par conséquent occuper au sang un plus grand espace qu'auparavant. Voy. SANG, CHALEUR, FROID, &c.

Borelli explique de la maniere suivante, la raison pour laquelle nous ne sentons point cette pression. De mot. not. à grav. fac. prop. 29. &c.

Après avoir dit que du sable bien foulé dans un vaisseau dur, ne peut être pénétré ni divisé par aucun moyen, pas même par l'effort d'un coin ; & que de même l'eau contenue dans une vessie qu'on comprime également en tous sens, ne peut ni s'échapper ni être pénétrée par aucun endroit : il ajoûte : " De même, il y a dans le corps d'un animal, un grand nombre de parties différentes, dont les unes, comme les os, sont dures ; d'autres sont molles comme les muscles, les nerfs, les membranes ; d'autres sont fluides, comme le sang, la lymphe, &c. Or il n'est pas possible que les os soient rompus ou déplacés dans le corps, à moins que la pression ne devienne plus grande sur un os que sur l'autre, comme nous voyons qu'il arrive quelquefois aux porte-faix. Si la pression se partage de maniere qu'elle agisse également en bas, en haut & en tout sens, & qu'enfin toutes les parties de la peau en soient également affectées ; il est évidemment impossible qu'elle puisse occasionner aucune fracture ou luxation : on peut dire la même chose des muscles & des nerfs, qui sont à la vérité des parties molles, mais composées de parties solides, par le moyen desquelles ils se soûtiennent mutuellement, & résistent à la pression. Enfin la même chose a lieu pour le sang, & les autres liqueurs : car comme l'eau n'est susceptible d'aucune condensation sensible, de même les liqueurs animales contenues dans les vaisseaux peuvent bien recevoir une attrition par la force qui agit sur tel ou tel endroit des vaisseaux, mais elles ne peuvent être forcées à en sortir par une pression générale ; d'où il s'ensuit, que puisqu'aucune des parties ne doit souffrir ni séparation, ni luxation, ni contusion, ni enfin aucune sorte de changement par la pression de l'air ; il est impossible que cette pression puisse produire en nous de la douleur, qui est toûjours l'effet de quelque solution de continuité ". Cela se confirme par ce que nous voyons arriver aux plongeurs. Voyez PLONGER.

La même vérité est appuyée par une expérience de Boyle. Ce physicien mit un têtard dans un vase à moitié plein d'eau, & introduisit dans le vase une quantité d'air telle, que l'eau soûtenoit un poids d'air huit fois plus grand qu'auparavant ; le petit animal, quoiqu'il eût la peau fort tendre, ne parut rien ressentir d'un si grand changement.

Sur les effets qui résultent de la diminution considérable, ou de la suppression presque totale du poids de l'atmosphere, voyez MACHINE PNEUMATIQUE. Sur les causes des variations du poids & de la pression de l'atmosphere, voyez BAROMETRE.

Hauteur de l'atmosphere. Les philosophes modernes se sont donné beaucoup de peine pour déterminer la hauteur de l'atmosphere. Si l'air n'avoit point de force élastique, mais qu'il fût par-tout de la même densité, depuis la surface de la terre jusqu'au bout de l'atmosphere, comme l'eau, qui est également dense, à quelque profondeur que ce soit, il suffiroit pour déterminer la hauteur de l'atmosphere, de trouver par une expérience facile, le rapport de la densité du mercure, par exemple, à celle de l'air que nous respirons ici bas ; & la hauteur de l'air seroit à celle du mercure dans le barometre, comme la densité du mercure est à celle de l'air. En effet une colonne d'air d'un pouce de haut, étant à une colonne de mercure de même hauteur, comme 1 à 10800 ; il est évident que 10800 fois une colonne d'air d'un pouce de haut, c'est-à-dire une colonne d'air de 900 piés, seroit égale en poids à une colonne de mercure d'un pouce : donc une colonne de 30 pouces de mercure dans le barometre seroit soûtenue par une colonne d'air de 27000 piés de haut, si l'air étoit dans toute l'atmosphere de la même densité qu'ici-bas : sur ce pié la hauteur de l'atmosphere seroit d'environ 27000 piés, ou de 27/12 de lieue ; c'est-à-dire de deux lieues 1/4, en prenant 2000 toises à la lieue. Mais l'air par son élasticité a la vertu de se comprimer & de se dilater : on a trouvé par différentes expériences fréquemment répétées en France, en Angleterre & en Italie, que les différens espaces qu'il occupe, lorsqu'il est comprimé par différens poids, sont réciproquement proportionnels à ces poids : c'est-à-dire que l'air occupe moins d'espace en même raison qu'il est plus pressé ; d'où il s'ensuit, que dans la partie supérieure de l'atmosphere, où l'air est beaucoup moins comprimé, il doit être beaucoup plus raréfié qu'il ne l'est proche la surface de la terre ; & que par conséquent la hauteur de l'atmosphere doit être beaucoup plus grande que celle que nous venons de trouver. Voici une idée de la méthode que quelques auteurs ont suivie pour la déterminer.

Si nous supposons que la hauteur de l'atmosphere soit divisée en une infinité de parties égales, la densité de l'air dans chacune de ces parties est comme sa masse ; & le poids de l'atmosphere, à un endroit quelconque, est aussi comme la masse totale de l'air au-dessus de cet endroit ; d'où il s'ensuit que la densité ou la masse de l'air dans chacune des parties de la hauteur, est proportionnelle à la masse ou au poids de l'air supérieur ; & que par conséquent cette masse ou ce poids de l'air supérieur est proportionnelle à la différence entre les masses de deux parties d'air contiguës prises depuis la surface de l'atmosphere ; or nous savons par un théoreme de Géométrie, que lorsque des grandeurs sont proportionnelles à leurs différences, ces grandeurs sont en proportion géométrique continue ; donc dans la supposition que les parties de la hauteur de l'air forment une progression arithmétique, la densité, ou ce qui revient au même, le poids de ces parties, doit former proportion géométrique continue.

Par le moyen de cette série, il est facile de trouver la raréfaction de l'air à une hauteur quelconque, ou la hauteur de l'air correspondante à un degré donné de raréfaction, en observant, par deux ou trois hauteurs de barometre, la raréfaction de l'air à deux ou trois hauteurs différentes ; d'où l'on conclura la hauteur de l'atmosphere, en supposant que l'on sache le dernier degré de raréfaction, au-delà duquel l'air peut aller. Voyez les articles BAROMETRE, SERIE, PROGRESSION, &c. Voyez aussi Gregory. Astronom. Phys. & Géom. liv. V. prop. 3. & Halley dans les transact. Phil. n°. 181.

Il faut avoüer cependant que si on s'en rapporte à quelques observations faites par M. Cassini, on sera tenté de croire que cette méthode de trouver la hauteur de l'atmosphere est fort incertaine. Cet astronome, dans les opérations qu'il fit pour prolonger la méridienne de l'Observatoire de Paris, mesura avec beaucoup d'exactitude les hauteurs des différentes montagnes, qui se rencontrerent dans sa route : & ayant observé la hauteur du barometre sur le sommet de chacune de ces montagnes, il trouva que cette hauteur comparée à la hauteur des montagnes, ne suivoit point du tout la proportion indiquée ci-dessus ; mais que la raréfaction de l'air à des hauteurs considérables au-dessus de la surface de la terre, étoit beaucoup plus grande qu'elle ne devroit être, suivant la regle précédente.

L'Académie royale des Sciences ayant donc quelque lieu de révoquer en doute l'exactitude des expériences ; elle en fit un grand nombre d'autres sur des dilatations de l'air très-considérables, & beaucoup plus grandes que celles de l'air sur le sommet des montagnes ; & elle trouva toûjours que ces dilatations suivoient la raison inverse des poids dont l'air étoit chargé ; d'où quelques physiciens ont conclu, que l'air qui est sur le sommet des montagnes est d'une nature différente de l'air que nous respirons ici-bas, & suit apparemment d'autres lois dans sa dilatation & sa compression.

La raison de cette différence doit être attribuée à la quantité de vapeurs & d'exhalaisons grossieres, dont l'air est chargé, & qui est bien plus considérable dans la partie inférieure de l'atmosphere qu'au-dessus. Ces vapeurs étant moins élastiques, & moins capables par conséquent de raréfaction que l'air pur, il faut nécessairement que les raréfactions de l'air pur augmentent en plus grande raison que le poids ne diminue.

Cependant M. de Fontenelle explique autrement ce phénomene, d'après quelques expériences de M. de la Hire ; il prétend que la force élastique de l'air s'augmente par l'humidité ; & qu'ainsi l'air qui est proche le sommet des montagnes, étant plus humide que l'air inférieur, est par-là plus élastique, & capable d'occuper un plus grand espace qu'il ne devroit occuper naturellement, s'il étoit plus sec.

Mais M. Jurin soûtient que les expériences dont on se sert pour appuyer cette explication, ne sont point du tout concluantes. Append. ad Varen. Géograph.

M. Daniel Bernoulli donne dans son Hydrodynamique une autre méthode pour déterminer la hauteur de l'atmosphere : dans cette méthode, qui est trop géométrique pour pouvoir être exposée ici, & mise à la portée du commun des lecteurs, il fait entrer la chaleur de l'air parmi les causes de la dilatation.

La regle des compressions en raisons des poids ne peut donner la hauteur de l'atmosphere ; car il faudroit que cette hauteur fût infinie, & que la densité de l'air fût nulle à sa surface supérieure. Il seroit plus naturel de supposer la densité de l'air proportionnelle, non au poids comprimant, mais à ce même poids augmenté d'un poids constant ; alors la hauteur de l'atmosphere seroit finie, & ne seroit pas plus difficile à trouver que dans la premiere hypothese, comme il est démontré dans le Traité des fluides, imprimé chez David 1744.

Quoi qu'il en soit, il est constant que les raréfactions de l'air à différentes hauteurs, ne suivent point la proportion des poids dont l'air est chargé ; par conséquent les expériences du barometre, faites au pié & sur le sommet des montagnes, ne peuvent nous donner la hauteur de l'atmosphere ; puisque ces expériences ne sont faites que dans la partie la plus inférieure de l'air. L'atmosphere s'étend bien au-delà ; & ses réfractions s'éloignent d'autant plus de la loi précédente, qu'il est plus éloigné de la terre. C'est ce qui a engagé M. de la Hire, après Kepler, à se servir d'une méthode plus ancienne, plus simple & plus sûre pour trouver la hauteur de l'atmosphere : cette méthode est fondée sur l'observation des crépuscules.

Tous les Astronomes conviennent que quand le soleil est à dix-huit degrés au-dessous de l'horison, il envoye un rayon qui touche la surface de la terre, & qui ayant sa direction de bas en-haut, va frapper la surface supérieure de l'atmosphere ; d'où il est renvoyé jusqu'à la terre, qu'il touche de nouveau dans une direction horisontale. Si donc il n'y avoit point d'atmosphere, il n'y auroit pas de crépuscule : par conséquent si l'atmosphere n'étoit pas aussi haute qu'elle est, le crépuscule commenceroit & finiroit quand le soleil seroit à moins de 18 degrés au-dessous de l'horison, & au contraire : d'où on peut conclure que la grandeur de l'arc dont le soleil est abaissé audessous de l'horison, au commencement & à la fin du crépuscule, détermine la hauteur de l'atmosphere. Il faut cependant remarquer qu'on doit soustraire 32' de l'arc de 18d, à cause de la réfraction qui éleve alors le soleil plus haut de 32' qu'il ne devroit être ; & qu'il faut encore ôter 16 minutes pour la distance du limbe supérieur du soleil (qui est supposé envoyer le rayon) au centre de ce même astre, qui est le point qu'on suppose à 18d moins 32' : l'arc restant sera par conséquent de 17d 12' ; & c'est de cet arc que l'on doit se servir pour déterminer la hauteur de l'atmosphere.

Les deux rayons, l'un direct l'autre réfléchi, qui sont tous deux tangens de la surface de la terre, doivent nécessairement se couper dans l'atmosphere, de maniere qu'ils fassent entr'eux un angle de 17d 12', & que l'arc de la terre compris entre les points touchans soit aussi de 17d 12' : donc par la nature du cercle, une ligne qui partiroit du centre, & qui couperoit cet arc en deux parties égales, rencontreroit les deux rayons à leur point de concours. Or il est facile de trouver l'excès de cette ligne sur le rayon de la terre ; & cet excès sera la hauteur de l'atmosphere. M. de la Hire a trouvé par cette méthode la hauteur de l'atmosphere de 37223 toises, ou d'environ dix-sept lieues de France. La même méthode avoit été employée par Kepler : mais cet astronome l'avoit rejettée par cette seule raison qu'elle donnoit la hauteur de l'atmosphere 20 fois plus grande qu'il ne la croyoit.

Au reste, il faut observer que dans tout ce calcul l'on regarde les rayons direct & réflechi comme des lignes droites ; au lieu que ces rayons sont en effet des lignes courbes, formées par la réfraction continuelle des rayons dans leur passage par les couches différemment denses de l'atmosphere. Si donc on regarde ces rayons comme deux couches semblables, ou plûtôt comme une seule & unique courbe, dont une des extrémités est tangente de la terre, le sommet de cette courbe, également distant des deux extrémités, donnera la hauteur de l'atmosphere : par conséquent on doit trouver cette hauteur un peu moindre que dans le cas où on supposoit que les deux rayons étoient des lignes droites ; car le point de concours de ces deux rayons qui touchent la courbe à ses extrémités, doit être plus haut que le sommet de la courbe, qui tourne sa concavité vers la terre. M. de la Hire diminue donc la hauteur de l'atmosphere d'après ce principe, & ne lui donne que 36362 toises, ou 16 lieues. Hist. de l'acad. roy. des Sciences, an. 1713, pag. 61. Voyez les articles REFRACTION & CREPUSCULE, &c.

Sur l'atmosphere de la lune & des planetes, voyez les articles LUNE & PLANETE.

Sur l'atmosphere des cometes & du soleil, voyez COMETE & SOLEIL ; voyez aussi TACHES, AURORE BOREALE, & LUMIERE ZODIACALE.

Atmosphere des corps solides ou durs, est une espece de sphere formée par les petits corpuscules qui s'échappent de ces corps. Voyez SPHERE & EMANATION.

M. Boyle prétend que tous les corps, même les plus solides & les plus durs, comme les diamans, ont leur atmosphere. Voyez DIAMANT, PIERRE PRECIEUSE. Voyez aussi AIMANT, MAGNETISME, &c. (O)


ATOCou ATTOCK, capitale de la province de même nom, au Mogol en Asie, au confluent du Nilao & de l'Inde. Long. 90. 40. lat. 32. 20.


ATOLLOou ATTOLLON, sub. m. (Géog.) amas de petites îles qui se touchent presque. Les Maldives sont distribuées en treize atollons.


ATOME(Hist. nat.) animal microscopique, le plus petit, à ce qu'on prétend, de tous ceux qu'on a découverts avec les meilleurs microscopes. On dit qu'il paroît au microscope, tel qu'un grain de sable fort fin paroît à la vûe, & qu'on lui remarque plusieurs piés, le dos blanc, & des écailles.

ATOMES, s. m. petits corpuscules indivisibles ; qui, selon quelques anciens philosophes, étoient des élémens ou parties primitives des corps naturels. Ce mot vient d' privatif, & de , je coupe. Voyez ATOMISME.

Atomes se dit aussi de ces petits grains de poussiere qu'on voit voltiger dans une chambre fermée, dans laquelle entre un rayon de soleil.


ATOMISMEPhysique corpusculaire très-ancienne. Strabon, en parlant de l'érudition des Phéniciens, dit (lib. XVI. p. 521. édit. Genev. Voyez aussi Sextus Emp. adv. Matth. pag. 367. édit. Gen.) " S'il en faut croire Possidonius, le dogme des atomes est ancien, & vient d'un Sidonien nommé Moschus, qui a vécu avant la guerre de Troie ". Pythagore paroît avoir appris cette doctrine en Orient ; & Ecphantus, célebre pythagoricien, a témoigné (apud Stobaeum) que les unités dont Pythagore disoit que tout est composé, n'étoient que des atomes ; ce qu'Aristote assûre aussi en divers endroits. Empedocle, pythagoricien, disoit de même que la nature de tous les corps ne venoit que du mélange & de la séparation des particules ; & quoiqu'il admît les quatre élémens, il prétendoit que ces élémens étoient eux-mêmes composés d'atomes ou de corpuscules. Ce n'est donc pas sans raison que Lucrece loue si fort Empedocle, puisque sa physique est, à plusieurs égards, la même que celle d'Epicure. Pour Anaxagore, quoiqu'il fût aussi atomiste, il avoit un sentiment particulier, qui est que chaque chose étoit composée des atomes de son espece ; les os, d'atomes d'os ; les corps rouges, d'atomes rouges, &c.

La doctrine des atomes n'a été proprement réduite en système que par Leucippe & Démocrite ; avant ces deux philosophes elle n'avoit passé que pour une partie du système philosophique qui servoit à expliquer les phénomenes des corps. Ils allerent plus loin, & firent de ce dogme le fondement d'un système entier de philosophie. C'est ce qui a fait que Diogene Laerce & plusieurs autres auteurs les en ont regardés comme les inventeurs. On associe ordinairement ensemble les noms de ces deux philosophes. " Leucippe, dit Aristote dans sa métaphysique. Leucippe & son compagnon Démocrite disent que les principes de toutes choses sont le plein & le vuide (le corps & l'espace), dont l'un est quelque chose, & l'autre n'est rien ; & que les causes de la variété des autres êtres sont ces trois choses, la figure, la disposition, & la situation ". Il n'y a point de meilleur moyen pour se faire une idée complete de l'atomisme, que de lire le fameux poëme de Lucrece. Voici en peu de mots le fond de ce système, tel que nous le trouvons dans ce poëte latin, & dans divers endroits de Cicéron où il en est parlé.

Le monde est nouveau, & tout est plein des preuves de sa nouveauté ; mais la matiere dont il est composé est éternelle. Il y a toûjours eu une quantité immense & réellement infinie d'atomes ou corpuscules durs, crochus, quarrés, oblongs, & de toutes figures ; tous indivisibles, tous en mouvement & faisant effort pour avancer ; tous descendant & traversant le vuide : s'ils avoient toûjours continué leur route de la sorte, il n'y auroit jamais eu d'assemblages, & le monde ne seroit pas ; mais quelques-uns allant un peu de côté, cette légere déclinaison en serra & accrocha plusieurs ensemble : de-là se sont formées diverses masses ; un ciel, un soleil, une terre, un homme, une intelligence, & une sorte de liberté. Rien n'a été fait avec dessein : il faut bien se garder de croire que les jambes de l'homme ayent été faites dans l'intention de porter le corps d'une place à une autre ; que les doigts ayent été pourvûs d'articulations pour mieux saisir ce qui nous seroit nécessaire ; que la bouche ait été garnie de dents pour broyer les alimens ; ni que les yeux ayent été adroitement suspendus sur des muscles souples & mobiles, pour pouvoir se tourner avec agilité, & pour voir de toutes parts en un instant. Non, ce n'est point une intelligence qui a disposé ces parties afin qu'elles pussent nous servir ; mais nous faisons usage de ce que nous trouvons capable de nous rendre service :

Neve putes oculorum clara, creata

Ut videant ; sed quod natum est, id procreat usum.

Le tout s'est fait par hasard, le tout se continue, & les especes se perpétuent les mêmes par hasard : le tout se dissoudra un jour par hasard : tout le système se réduit là. (Hist. du ciel, tom. II. pag. 211. 212.) Il seroit superflu de s'arrêter à la réfutation de cet amas d'absurdités ; ou s'il étoit nécessaire de les combattre, on peut consulter l'anti-Lucrece du cardinal de Polignac.

L'ancien atomisme étoit un pur athéisme ; mais on auroit tort de faire rejaillir cette accusation sur la philosophie corpusculaire en général. L'exemple de Démocrite, de Leucippe & d'Epicure, tous trois aussi grands athées qu'atomistes, a fait croire à bien des gens que dès que l'on admettoit les corpuscules, on rejettoit la doctrine qui établit des êtres immatériels, comme la divinité & les ames humaines. Néanmoins, non-seulement la Pneumatologie n'est pas incompatible avec la doctrine des atomes, mais même elles ont beaucoup de liaison ensemble : aussi les mêmes principes de Philosophie qui avoient conduit les anciens reconnoître les atomes, les conduisirent aussi à croire qu'il y a des choses immatérielles ; & les mêmes maximes qui leur persuaderent que les formes corporelles ne sont pas des entités distinctes de la substance des corps, leur persuaderent aussi que les ames ne sont ni engendrées avec le corps, ni anéanties avec sa mort. Ceux qui souhaitent des preuves plus détaillées là-dessus, les trouveront dans le système intellectuel de Cudworth, & dans l'extrait de M. le Clerc. Bibl. chois. tom. I. art. 3. Voyez aussi CORPUSCULAIRE. Cet article est tiré de M. Formey. (X)


ATONIES. f. (Med.) d' privatif, & de , étendre ; foiblesse, relâchement, défaut de ton ou de tension dans les solides du corps humain.

Ce mot étoit fort en usage parmi les medecins de la secte méthodique, qui attribuoient les causes des maladies au relâchement, à la tension, ou à un mêlange de ces deux.

L'atonie est cause de maladie dans la débilité des fibres, dans les tempéramens humides, & dans ce qu'on appelle l'intempérie froide & pituiteuse : elle est symptomatique dans les pertes abondantes, à la suite des grandes évacuations dans les maladies longues, lors de la convalescence, & enfin après de grands travaux, comme aussi après de grandes douleurs.

L'atonie, comme cause de maladie & comme maladie, se traite par les astringens, les apéritifs, les amers, les hydragogues, & les alimens de bon suc pris en petite quantité ; les frictions, la promenade, l'exercice, y sont sur-tout utiles. Lorsqu'elle est de naissance, & qu'elle fait le tempérament, comme il arrive dans les gens humides & sujets aux bouffissures, il faut la corriger, autant qu'il est possible, par un régime exact, par les boissons altérantes, légerement sudorifiques : les cordiaux employés une fois par semaine, tels que l'elixir de Garus, la confection alkermes, &c. peuvent empêcher ses mauvaises suites.

L'atonie, comme symptome & suite des évacuations immodérées, des longues maladies, de la fatigue, de la convalescence, se traite par le repos & la diete restaurante. Voyez CONVALESCENCE & FOIBLESSE. (N)


ATRA(Geog. anc.) ville de Mésopotamie située sur la pointe d'une montagne, & fameuse par les siéges qu'elle a soûtenus.


ATRABILAIREadj. se dit de celui qu'une bile noire & aduste rend triste & chagrin : visage atrabilaire, humeur atrabilaire. Il est aussi substantif : c'est un atrabilaire. Voyez BILE. (L)

ATRABILAIRES, capsules atrabilaires, ou reins succenturiaux. Voyez REINS SUCCENTURIAUX.


ATRES. m. (Architect.) est la partie d'une cheminée où l'on fait le feu entre les jambages, le contre-coeur & le foyer, Elle se carrele de grand ou petit carreau de terre cuite, ou quelquefois de plaque de fonte ou fer fondu, aussi-bien que toute la hauteur de la cheminée jusque vers la tablette du chambranle. Les angles en doivent être arrondis, pour renvoyer la chaleur dans l'intérieur de la piece. Il faut faire les atres de dix-huit pouces au moins de profondeur, & de deux piés un quart au plus ; trop profonds, la chaleur se dissipe dans le tuyau de la cheminée ; & à moins de dix-huit pouces les cheminées sont sujettes à la fumée. Voyez CHEMINEE. (P)

ATRE, en Verrerie, est une pierre de grès de douze à quinze pouces d'épaisseur, qui couvre la surface du fond du four, pour recevoir & conserver les matieres vitrifiées qui tombent des pots lorsqu'ils se cassent, ou qu'on les a trop remplis.


ATRIville d'Italie au royaume de Naples, dans l'Abruzze ultérieure. Longit. 31. 38. latit. 42. 35.


ATRIBUNIE(Géog. mod.) riviere de Saint-Domingue ; elle coule dans la partie occidentale de l'île, & se jette dans la mer.


ATRIUM(Hist. anc.) c'étoit un lieu particulier des maisons, des temples & palais des anciens. Il n'est pas facile de déterminer la position & l'usage de ce lieu, non plus que des autres. Martial semble confondre le vestibule avec l'atrium, lorsqu'il dit que l'endroit où l'on voyoit de son tems le grand colosse, & les pegmata ou machines de théatre & d'amphithéatre, étoit l'atrium de la maison dorée de Néron. Il s'est servi pour désigner cet endroit, de l'expression atria regis. Or Suétone place les mêmes choses dans le vestibule du palais de Néron : vestibulum ejus fuit in quo colossus, &c. Le poëte est moins à croire ici que l'historien ; car il est constant que le vestibule étoit devant la maison, & l'atrium au-dedans. Plusieurs ont pris avec Martial l'atrium pour le vestibule ; mais Aulugelle les réfute. Il y en a qui ont crû que l'atrium & l'impluvium étoit un seul & même endroit ; mais il paroît qu'ils se sont aussi trompés. L'atrium étoit distingué du vestibule en ce qu'il faisoit partie de la maison ; & de l'impluvium ou cour de dedans, en ce qu'il étoit couvert. On mangeoit dans l'atrium. On y gardoit les images de cire des ancêtres. Verrius Flaccus enseignoit la Grammaire aux petits enfans dans l'atrium de Catilina. On prend communément l'atrium pour la salle d'entrée. Les habits étoient gardés dans l'atrium. L'atrium libertatis étoit une cour ménagée dans un des temples que les Romains éleverent à la liberté : ce fut-là, dit Tite-Live, qu'on déposa les ôtages des Tarentins. Il y avoit des archives ; on y gardoit les tables & les actes des censeurs, & les lois contre les vestales incestueuses : ce fut-là qu'on tira au sort dans laquelle des quatre tribus les affranchis entreroient. Le temple de Vesta avoit aussi une cour appellée atrium.


ATROPATENE(Géog. anc. & mod.) contrée de la Médie la plus septentrionale, où elle étoit bornée par l'Albanie, à l'orient par la mer Caspie, à l'occident par la grande Arménie, & au midi par la Parthie. C'est aujourd'hui le Kilan.


ATROPHIEvoyez CONSOMPTION.


ATROPOSune des parques : c'étoit la plus âgée, & sa fonction, celle de couper le fil de la vie. Voyez PARQUES.


ATTACHES. f. se dit en général & de la chose qui sert à empêcher qu'une autre ne s'en sépare ou ne s'en éloigne, & de l'endroit où l'on retient quelque chose. Dans le premier cas on dit attacher une tapisserie à un mur ; & dans le second, mettre un cheval à l'attache.


ATTACHEMENTattache, dévouement, (Gram.) Tous marquent une disposition habituelle de l'ame pour un objet qui nous est cher, & que nous craignons de perdre. On a de l'attachement pour ses amis & pour ses devoirs, on a de l'attache à la vie & pour sa maîtresse, & l'on est dévoüé à son prince & pour sa patrie : d'où l'on voit qu'attache se prend ordinairement en mauvaise part, & qu'attachement & dévouement se prennent ordinairement en bonne. On dit de l'attachement, qu'il est sincere ; de l'attache, qu'elle est forte ; & du dévouement, qu'il est sans réserve.


ATTACHERlier, (Art méchanique.) On lie pour empêcher deux objets de se séparer ; on attache quand on en veut arrêter un ; on lie les piés & les mains ; on attache à un poteau ; on lie avec une corde ; on attache avec un clou. Au figuré, un homme est lié quand il n'a pas la liberté d'agir ; il est attaché quand il ne peut changer. L'autorité lie, l'inclination attache ; on est lié à sa femme & attaché à sa maîtresse.

ATTACHER, v. act. se dit, dans les Manufactures de soie, des semples, du corps, des arcades & des aiguilles : c'est les mettre en état de travailler. Voyez VELOURS CISELE.

ATTACHER les rames de Rubanerie, c'est l'action de fixer les rames à l'arcade du bâton de retour. Voici comme cela s'exécute. On prend deux longueurs séparées de ficelles à rames, de quatre aulnes environ chacune ; lesquelles longueurs se plient en deux sans les couper. A l'endroit de ce pli il se forme une bouclette pareille à celle que l'on fait pour attacher les anneaux à des rideaux ; ensuite les quatre bouts de ces longueurs se passent dans l'arcade du bâton de retour : après quoi il se forme une double bouclette au moyen de la premiere, en passant les longueurs à-travers cette même premiere ; d'où il arrive que le tout se trouve doublement arrêté à ladite arcade. On voit aisément que voilà quatre rames attachées ensemble d'une seule opération ; ce qui doit se faire quarante fois sur chaque retour, puisque l'ordinaire est d'y en mettre 160, ainsi qu'il sera dit à l'article rame. Voyez RAME.

ATTACHER le mineur à un ouvrage, c'est, dans l'attaque des places ou la guerre des siéges, faire entrer le mineur dans le solide de l'ouvrage, pour y faire une breche par le moyen de la mine. Voyez MINE.

L'attachement du mineur se fait au milieu des faces, ou bien au tiers, à le prendre du côté des angles flanqués des bastions, demi-lunes, ou autres ouvrages équivalens. Il vaudroit mieux que ce fût en approchant des épaules, parce que l'effet de la mine couperoit une partie des retranchemens, s'il y en avoit : mais on s'attache pour l'ordinaire à la partie la plus en état & la plus commode. Cet attachement doit toûjours être précédé de l'occupation du chemin couvert, & de l'établissement des parties nécessaires sur le même chemin couvert ; de la rupture des flancs qui peuvent avoir vûe sur le logement du mineur ; & de la descente & passage du fossé, auquel il faut ajoûter un logement capable de contenir 20 ou 30 hommes devant le fossé, pour la garde du mineur.

Après cela on fait entrer sous les mandriers le mineur, qui commence aussi-tôt à percer dans l'épaulement, & à s'enfoncer dans le corps du mur du mieux qu'il peut.

Il faut avoüer que cette méthode est dure, longue & très-dangereuse, & qu'elle a fait périr une infinité de mineurs ; car ils sont long-tems exposés, 1°. au canon des flancs, dont l'ennemi dérobe toûjours quelques coups de tems en tems, même quoiqu'il soit démonté & en grand desordre, parce qu'il y remet de nouvelles pieces, avec lesquelles il tire quand il peut, & ne manque guere le logement du mineur ; 2°. au mousquet des tenailles & des flancs haut & bas, s'il y en a qui soient un peu en état ; 3°. aux pierres, bombes, grenades & feux d'artifice que l'ennemi tâche de pousser du haut en bas des parapets ; 4°. aux surprises des sorties dérobées qu'on ne manque pas de faire fort fréquemment ; & par-dessus cela, à toutes les ruses & contradictions des contre-mines : de sorte que la condition d'un mineur, en cet état, est extrèmement dangereuse, & recherchée de peu de gens ; & ce n'est pas sans raison qu'on dit que ce métier est le plus périlleux de la guerre.

Quand cet attachement est favorisé du canon en batteries sur les chemins couverts, c'est tout autre chose ; le péril n'en est pas à beaucoup près si grand. On enfonce un trou de 4 ou 5 piés de profondeur au pié du mur, où il se loge & se met à couvert en fort peu de tems du canon & du mousquet des flancs, des bombes & grenades, & feux d'artifice, qui ne peuvent plus lui rien faire. Peu de tems après son attachement il n'a plus que les sorties & les contre-mines à craindre.

Ajoûtons à cela que si après avoir décombré & vuidé son trou de ce qu'il aura trouvé d'ébranlé par le canon, il en ressort pour un peu de tems, & qu'on recommence à y faire tirer 50 ou 60 coups de canon bien ensemble, cela contribuera beaucoup à l'aggrandir & à l'enfoncer.

Ce même canon lui rend encore un bon office, quand il y a des galeries ou contre-mines dans l'épaisseur du mur, parce qu'il les peut enfoncer à droite & à gauche à quelque distance du mineur, & par ce moyen en interdire l'usage à l'ennemi ; il sert même à disposer la prochaine chûte du revêtement, & à la faciliter. Attaq. des places, par M. de Vauban. (Q)

ATTACHER haut, (Manége.) c'est attacher la longe du licou aux barreaux du ratelier, pour empêcher que le cheval ne mange sa litiere. (V)

S'ATTACHER à l'éperon, (Manége.) c'est la même chose que se jetter sur l'éperon. V. SE JETTER. (V)


ATTACHEUSES. f. nom que l'on donne dans les manufactures de soie, à des filles dont la fonction est d'attacher les cordages qui servent dans les métiers. Voyez METIER A VELOURS.


ATTALIE(Géog. anc. & mod.) ville maritime de l'Asie mineure dans la Pamphylie ; on la nomme aujourd'hui Satalie.

Il y a eu une autre ville de même nom dans l'Eolie.


ATTANITES(Hist. anc.) sorte de gâteaux que faisoient les anciens, & dont il ne nous reste que le nom.


ATTAQUEen Médecine, se dit d'un accès ou d'un paroxysme.

Ainsi on dit ordinairement attaque de goutte, attaque d'apoplexie. Cette attaque a été violente. Voyez ACCES, PAROXYSME, &c.

ATTAQUE, s. f. (Art milit.) effort ou tentative qu'on fait contre une personne ou contre un ouvrage pour parvenir à s'en rendre maître. Voyez l'article SIEGE. (Q)

ATTAQUE brusquée ou d'emblée, est une attaque que l'on fait sans observer toutes les précautions & les formalités qui s'observent ordinairement dans un siége réglé.

Pour prendre le parti de brusquer le siége d'une place, il faut être assûré de la foiblesse de la garnison, ou que la place ne soit défendue que par les habitans, & que les défenses soient en mauvais état.

L'objet de ces sortes d'attaques est de s'emparer d'abord des dehors de la place, de s'y bien établir, & de faire ensuite des tranchées ou des couverts pour mettre les troupes à l'abri du feu des remparts, & continuer ensuite le progrès des attaques pour s'emparer du corps de la place.

Lorsque cette attaque réussit, elle donne le moyen d'abréger beaucoup le siége ; mais pour y parvenir il faut nécessairement surprendre la place, attaquer vigoureusement l'ennemi dans son chemin couvert & ses autres dehors, & ne pas lui donner le tems de se reconnoître. En un mot il faut brusquer les attaques, c'est-à-dire s'y porter avec la plus grande vivacité.

Il y a plusieurs circonstances où cette sorte d'attaque peut se tenter, comme lorsque la saison ne permet pas de faire un siége dans les formes ; qu'on est informé que l'ennemi est à portée de venir en peu de tems au secours de la place, & qu'on n'est pas en état de lui résister ; enfin lorsqu'il est essentiel de s'en rendre maître très-promptement, & que la nature des fortifications & des troupes qui les défendent, ne permet pas de penser qu'elles soient en état de résister à une attaque vive & soûtenue.

ATTAQUE D'EMBLEE, voyez ci-dessus ATTAQUE BRUSQUEE.

ATTAQUE DE BASTIONS ; c'est, dans la guerre des siéges, toutes les dispositions qu'on fait pour en chasser immédiatement l'ennemi & pénétrer dans la ville. Cette attaque est la principale du siége, & elle en est aussi ordinairement la derniere : on s'y prépare dans le même tems qu'on travaille à se rendre maître de la demi-lune.

" Lorsqu'on est maître du chemin couvert, on établit des batteries sur ses branches, pour battre en breche les faces des bastions du front de l'attaque & celles de la demi-lune. Les breches se pratiquent vers le milieu des faces, pour pénétrer plus aisément dans le bastion. On fait une descente de fossé vis-à-vis chaque face des bastions attaqués ; ou bien, & c'est l'usage le plus commun, on en fait seulement vis-à-vis les faces du front de l'attaque. On y procede comme dans la descente du fossé de la demi-lune, & l'on se conduit aussi de la même maniere pour le passage du fossé, soit qu'il soit sec ou plein d'eau ; c'est-à-dire que s'il est sec, on conduit une sappe dans le fossé depuis l'ouverture de la descente jusqu'au pié de la breche, & qu'on l'épaule fortement du côté du flanc auquel elle est opposée. Si le fossé est plein d'eau, on le passe sur un pont de fascines, que l'on construit aussi comme pour le passage du fossé de la demi-lune.

Les batteries établies sur le haut du glacis pour battre en breche les faces des bastions, tirent sur la partie des faces où doit être la breche, & elles tirent toutes ensemble & en sappe, comme on le pratique dans l'attaque de la demi-lune : & lorsqu'elles ont fait une breche suffisante pour qu'on puisse monter à l'assaut sur un grand front, on conserve une partie des pieces pour battre le haut de la breche, & on en recule quelques-unes sur le derriere de la plate-forme, qu'on dispose de maniere qu'elles puissent battre l'ennemi lorsqu'il se présente vers le haut de la breche. Tout cela se fait pendant le travail des descentes du fossé & de son passage. On se sert aussi des mines pour augmenter la breche, même quelquefois pour la faire, & pour cet effet on y attache le mineur.

Pour attacher le mineur lorsque le fossé est sec, il faut qu'il y ait un logement d'établi proche l'ouverture de la descente, pour le soûtenir en cas que l'assiégé fasse quelque sortie sur le mineur. On lui fait une entrée dans le revêtement avec le canon, le plus près que l'on peut du fond du fossé, afin d'avoir le dessous du terrein que l'ennemi occupe, & des galeries qu'il peut avoir pratiquées dans l'intérieur des terres du bastion. On peut avec le canon faire un enfoncement de 5 ou 6 piés, pour que le mineur y soit bientôt à couvert. Il s'occupe d'abord à tirer les décombres du trou, pour pouvoir y placer un ou deux de ses camarades, qui doivent lui aider à déblayer les terres de la galerie.

Lorsque le fossé est sec, & que le terrein le permet, le mineur le passe quelquefois par une galerie soûterraine qui le conduit au pié du revêtement ; lorsque le fossé est plein d'eau, on n'attend pas toûjours que le passage du fossé soit entierement achevé pour attacher le mineur à la face du bastion. On lui fait un enfoncement avec le canon, ainsi qu'on vient de le dire, mais un peu au-dessus de la superficie de l'eau du fossé, afin qu'il n'en soit pas incommodé dans sa galerie, & on le fait passer avec un petit bateau dans cet enfoncement. L'ennemi ne néglige rien pour l'étouffer dans sa galerie. Lorsque le fossé est sec, il jette une quantité de différentes compositions d'artifice vis-à-vis l'oeil de la mine ; cet artifice est ordinairement accompagné d'une grêle de pierres, de bombes, de grenades, &c. qui empêche qu'on n'aille au secours du mineur. M. de Vauban dans son traité de la conduite des siéges, propose de se servir de pompes pour éteindre ce feu. On en a aujourd'hui de plus parfaites & de plus aisées à servir que de son tems, pour jetter de l'eau dans l'endroit que l'on veut ; mais il ne paroît pas que l'on puisse toûjours avoir assez d'eau dans les fossés secs pour faire joüer des pompes, & que d'ailleurs il soit aisé de s'en servir sans trop se découvrir à l'ennemi. Quoi qu'il en soit, lorsque le canon a fait au mineur tout l'enfoncement dont il est capable, il n'a guere à redouter les feux qu'on peut jetter à l'entrée de son ouverture, & il peut s'avancer dans les terres du rempart, & travailler diligemment à sa galerie. Outre le bon office que lui rend le canon pour lui donner d'abord une espece de couvert dans les terres du rempart, il peut encore, si l'ennemi y a construit des galeries proche le revêtement, les ébranler & même les crever ; ce qui produit encore plus de sûreté au mineur pour avancer son travail. Les mineurs se relayent de deux heures en deux heures, & ils travaillent avec la plus grande diligence pour parvenir à mettre la mine dans l'état de perfection qu'elle doit avoir, c'est-à-dire pour la charger & la fermer. Pendant ce travail ils éprouvent souvent bien des chicanes de la part de l'ennemi.

Le mineur ayant percé le revêtement, il fait derriere de part & d'autre deux petites galeries de 12 à 14 piés, au bout desquelles il pratique de part & d'autre deux fourneaux ; savoir, l'un dans l'épaisseur du revêtement, & l'autre enfoncé de 15 piés dans les terres du rempart. On donne un foyer commun à ces quatre fourneaux, lesquels prennent feu ensemble, & font une breche très-large & très-spacieuse.

Lorsqu'il y a des contre-mines pratiquées dans les terres du rempart & le long de son revêtement, on fait ensorte de s'en emparer & d'en chasser les mineurs. M. Goulon propose pour cela de faire sauter deux fougaces dans les environs, pour tâcher de la crever ; après quoi, si l'on y est parvenu, il veut qu'on y entre avec dix ou douze grenadiers, & autant de soldats commandés par deux sergens ; qu'une partie de ces grenadiers ayent chacun 4 grenades, & que les autres soient chargés de 4 ou 5 bombes, dont il n'y en ait que 3 de chargées, les deux autres ayant néanmoins la fusée chargée comme les trois premieres. Les deux sergens se doivent jetter les premiers l'épée ou le pistolet à la main dans la contre-mine, & être suivis des grenadiers. Si les assiégés n'y paroissent pas pour défendre leur contre-mine, on y fait promptement un logement avec des sacs à terre. Ce logement ne consiste qu'en une bonne traverse qui bouche entierement la galerie de la contre-mine du côté que l'ennemi y peut venir. Si l'ennemi vient pour s'opposer à ce travail, les grenadiers doivent lui jetter leurs trois bombes chargées & se retirer promptement, de même que leurs camarades, pour n'être point incommodés de l'effet de ces bombes. La fumée qu'elles font en crevant, & leur éclat, ne peuvent manquer d'obliger l'ennemi d'abandonner la galerie pour quelque tems ; mais dès qu'elles ont fait tout leur effet, les deux sergens & les grenadiers, avec les soldats dont ils sont accompagnés, rentrent promptement dans la galerie, & ils travaillent avec diligence à leur traverse pour boucher la galerie. Si l'ennemi veut encore interrompre leur ouvrage, ils lui jettent les deux bombes non chargées, qui l'obligent de se retirer bien promptement ; & comme l'effet n'en est point à craindre, ce que l'ennemi ignore, on continue de travailler à perfectionner la traverse : on y pratique même des ouvertures ou creneaux pour tirer sur l'ennemi, en cas qu-il paroisse dans la partie de la galerie opposée à la traverse.

Lorsqu'il n'y a point de galerie ou de contre-mine derriere le revêtement du rempart, ou lorsqu'il y en a une, & qu'on ne peut y parvenir aisément, le mineur ne doit rien négliger pour tâcher de la découvrir ; & il doit en même tems veiller avec beaucoup d'attention, pour ne se point laisser surprendre par les mineurs ennemis, qui viennent au-devant de lui pour l'étouffer dans sa galerie, la boucher, & détruire entierement son travail. Il faut beaucoup d'intelligence, d'adresse & de subtilité dans les mineurs pour se parer des piéges qu'ils se tendent réciproquement. Le mineur, dit M. de Vauban dans ses mémoires, doit écouter souvent s'il n'entend point travailler sous lui. Il doit sonder du côté qu'il entend du bruit : souvent on entend d'un côté pendant qu'on travaille de l'autre. Si le mineur ennemi s'approche de trop près, on le prévient par une fougace qui l'étouffe dans sa galerie ; pour cet effet on pratique un trou dans les terres de la galerie du côté que l'on entend l'ennemi, de cinq à six pouces de diametre, & de six à sept pouces de profondeur ; on y introduit une gargouche de même diametre, qui contient environ dix à douze livres de poudre. On bouche exactement le trou ou son ouverture vers la galerie, par un fort tampon que l'on applique immédiatement à la gargouche, & que l'on soûtient par des étersillons ou des pieces de bois posées horisontalement en travers de la galerie, que l'on serre contre les deux côtés de la galerie, en faisant entrer des coins à force entre l'extrémité de ces pieces & les côtés de la galerie. On met le feu à cette fougace par une fusée, qui passe par un trou fait dans le tampon, & qui communique avec la poudre de la gargouche. Si la galerie du mineur ennemi n'est qu'à quatre ou cinq piés de la tête de cette fougace, elle en sera indubitablement enfoncée, & le mineur qui se trouvera dedans, écrasé ou étouffé par la fumée. On peut aussi chasser le mineur ennemi & rompre sa galerie, en faisant, comme nous l'avons déjà dit, sauter successivement plusieurs petits fourneaux, qui ne peuvent manquer d'ébranler les terres, de les meurtrir, c'est-à-dire de les crevasser, & de les remplir d'une odeur si puante que personne ne puisse la supporter ; ce qui met les mineurs ennemis absolument hors d'état de travailler dans ces terres. On en est moins incommodé du côté de l'assiégeant, parce que les galeries étant beaucoup plus petites & moins enfoncées que celles des assiégés, l'air y circule plus aisément, & il dissipe plus promptement la mauvaise odeur.

On peut aussi crever la galerie de l'ennemi, lorsque l'on n'en est pas fort éloigné, avec plusieurs bombes que l'on introduit dans les terres du mineur ennemi, & que l'on arrange de maniere qu'elles fassent leur effet vers son côté. Les mineurs, en travaillant de part & d'autre pour aller à la découverte & se prévenir réciproquement, ont de grandes sondes avec lesquelles ils sondent l'épaisseur des terres, pour juger de la distance à laquelle ils peuvent se trouver les uns des autres. Il faut être alerte là-dessus ; & lorsque le bout de la sonde paroît, se disposer à remplir le trou qu'elle aura fait, aussi-tôt qu'elle sera retirée, par le bout d'un pistolet, qui étant introduit bien directement dans ce trou, & tiré par un homme assûré, dit M. de Vauban, ne peut guere manquer de tuer le mineur ennemi. On doit faire suivre le premier coup de pistolet de trois ou quatre autres ; & ensuite nettoyer le trou avec la sonde, pour empêcher que le mineur ennemi ne le bouche de son côté. Il est important de l'en empêcher, pour qu'il ne puisse pas continuer son travail dans cet endroit, & qu'il soit totalement obligé de l'abandonner.

Toutes ces chicanes, & plusieurs autres qu'on peut voir dans les mémoires de M. de Vauban, font connoître que l'emploi de mineur demande nonseulement de l'adresse & de l'intelligence, mais aussi beaucoup de courage pour parer & remédier à tous les obstacles qu'il rencontre dans la conduite des travaux dont il est chargé : il s'en pare assez aisément quand il est maître du dessous ; mais quand il ne l'est point, sa condition est des plus fâcheuses.

Pour s'assûrer si l'on travaille dans la galerie, le mineur se sert ordinairement d'un tambour sur lequel on met quelque chose ; l'ébranlement de la terre y cause un certain trémoussement qui avertit du travail qu'on fait dessous : il prête aussi l'oreille attentivement sur la terre, mais le trémoussement du tambour est plus sûr. C'est un des avantages des plus considérables des assiégés de pouvoir être maîtres du dessous de leur terrein. Ils peuvent arrêter par-là les mineurs des assiégeans à chaque pas, & leur faire payer cherement le terrein, qu'ils se trouvent à la fin obligés de leur abandonner. Je dis de leur abandonner, parce que les assiégeans qui ont beaucoup plus de monde que les assiégés, beaucoup plus de poudre, & qui sont en état de pouvoir réparer les pertes qu'ils font, soit en hommes, soit en munitions, doivent à la fin forcer les assiégés, qui n'ont pas les mêmes avantages, de se rendre, faute de pouvoir, pour ainsi dire, se renouveller de la même maniere.

Pendant que le mineur travaille à la construction de sa galerie, on agit pour ruiner entierement toutes les défenses de l'ennemi, & pour le mettre hors d'état de défendre sa breche & de la réparer. Pour cela on fait un feu continuel sur les breches, qui empêche l'ennemi de s'y montrer, & de pouvoir s'avancer pour regarder les travaux qui peuvent se faire dans le fossé ou au pié des breches. S'il y a une tenaille, on place des batteries dans les places d'armes rentrantes du chemin couvert de la demi-lune, qui couvrent la courtine du front attaqué, qui puissent plonger dans la tenaille, & empêcher que l'ennemi ne s'en serve pour incommoder le passage du fossé. On peut aussi, pour lui imposer, établir une batterie de pierriers dans le logement le plus avancé de la gorge de la demi-lune ; cette batterie étant bien servie, rend le séjour de la tenaille trop dangereux & trop incommode pour que l'ennemi y reste tranquillement, & qu'il y donne toute l'attention nécessaire pour incommoder le passage du fossé.

Quelquefois l'ennemi pratique des embrasures biaisées dans la courtine, d'où il peut aussi tirer du canon sur les logemens du chemin couvert, ce qui incommode & ces logemens & le commencement de la descente du fossé. Les assiégés, au dernier siége de Philisbourg, en avoient pratiqué de semblables dans les deux courtines de l'attaque ; ce qui auroit fait perdre bien du monde, s'il avoit fallu établir des batteries sur leur contrescarpe, & faire le passage du fossé de la place.

Le moyen d'empêcher l'effet de ces batteries, est de tâcher de les ruiner avec les bombes, & de faire ensorte, lorsque le terrein le permet, d'enfiler la courtine par le ricochet. On peut aussi placer une batterie de quatre ou cinq pieces de canon sur le haut de l'angle flanqué de la demi-lune : dans cette position elle peut tirer directement sur la courtine, & plonger vers la tenaille & la poterne de communication par où l'ennemi communique dans le fossé lorsqu'il est sec. Enfin on se sert de tous les expédiens & de tous les moyens que l'intelligence, l'expérience & le génie peuvent donner, pour se rendre supérieur à tout le feu de l'ennemi, pour le faire taire, ou du moins pour que l'ennemi ne puisse se montrer à aucune de ses défenses, sans y être exposé au feu des batteries & des logemens.

Nous n'avons point parlé jusqu'ici des flancs concaves & à orillons ; on sait que l'avantage de ces flancs est principalement de conserver un canon proche le revers de l'orillon, qui ne pouvant être vû du chemin couvert opposé, ne peut être démonté par les batteries qui y sont placées. Si on pouvoit garantir ce canon des bombes, il est certain qu'il produiroit un très-grand avantage aux assiégés ; mais il n'est pas possible de le présumer, ainsi son avantage devient aujourd'hui moins considérable qu'il ne l'étoit lorsque M. de Vauban s'en est servi : alors on ne faisoit pas dans les siéges une aussi grande consommation de bombes qu'on en fait à-présent. Le flanc concave à orillon ne changeroit rien aujourd'hui dans la disposition de l'attaque ; on auroit seulement attention de faire tomber plusieurs bombes sur l'orillon, & sur la partie du flanc qui y joint immédiatement, & ces bombes ruineroient indubitablement l'embrasure cachée & protégée de l'orillon. Un avantage dont il faut cependant convenir, qu'ont encore aujourd'hui les flancs concaves, c'est de ne pouvoir pas être enfilés par le ricochet. Les flancs droits le peuvent être des batteries placées dans les places d'armes rentrantes du chemin couvert, vis-à-vis les faces des bastions ; mais les flancs concaves par leur disposition, en sont à l'abri.

Supposons présentement que les passages des fossés soient dans l'état de perfection nécessaire pour qu'on puisse passer dessus ; que le canon ou les mines ayent donné aux breches toute la largeur qu'elles doivent avoir, pour qu'on puisse y déboucher sur un grand front ; que les rampes soient adoucies, & qu'on puisse y monter facilement pour parvenir au haut de la breche. On peut s'y établir en suivant l'un des deux moyens dont on parlera dans l'article de la demi-lune ; savoir, en y faisant monter quelques sappeurs, qui à la faveur du feu des batteries & des logemens du chemin couvert, commencent l'établissement du logement ; ou en y montant en corps de troupes, pour s'y établir de vive force ; ou, ce qui est la même chose, en donnant l'assaut au bastion.

Si l'ennemi n'a point pratiqué de retranchement dans l'intérieur du bastion, il ne prendra guere le parti de soûtenir un assaut qui l'exposeroit à être emporté de vive force, à être pris prisonnier de guerre, & qui exposeroit aussi la ville au pillage du soldat.

Tout étant prêt pour lui donner l'assaut, il battra la chamade, c'est-à-dire qu'il demandera à se rendre à de certaines conditions ; mais si les assiégeans présument qu'ils se rendront maîtres de la place par un assaut sans une grande perte, ils ne voudront accorder que des conditions assez dures. Plus les assiégés sont en état de se défendre, & plus ils obtiennent des conditions avantageuses, mais moins honorables pour eux. Le devoir des officiers renfermés dans une place, est de la défendre autant qu'il est possible, & de ne songer à se rendre que lorsqu'il est absolument démontré qu'il y a impossibilité de résister plus long-tems sans exposer la place & la garnison à la discrétion de l'assiégeant. Une défense vigoureuse se fait respecter d'un ennemi généreux, & elle l'engage souvent à accorder au gouverneur les honneurs de la guerre, dûs à sa bravoure & à son intelligence.

Nous supposons ici que de bons retranchemens pratiqués long-tems avant le siége, ou du moins dès son commencement, dans le centre ou à la gorge des bastions, mettent l'assiégé en état de soûtenir un assaut au corps de sa place, & qu'il se réserve de capituler derriere ses retranchemens. Il faut dans ce cas se résoudre d'emporter la breche de vive force, & d'y faire un logement sur le haut, après en avoir chassé l'ennemi.

Lorsqu'on se propose de donner l'assaut aux bastions, on fait pendant le tems qu'on construit & qu'on charge les mines, un amas considérable de matériaux dans les logemens les plus prochains des breches, pour qu'on puisse de main en main les faire passer promptement pour la construction du logement, aussi-tôt qu'on aura chassé l'ennemi.

Lorsqu'on est préparé pour mettre le feu aux mines, on commande tous les grenadiers de l'armée pour monter l'assaut ; on les fait soûtenir de détachemens & de bataillons en assez grand nombre pour que l'ennemi ne puisse pas résister à leur attaque. Ces troupes étant en état de donner, on fait joüer les mines ; & lorsque la poussiere est un peu tombée, les grenadiers commandés pour marcher & pour monter les premiers, s'ébranlent pour gagner le pié de la breche, où étant parvenus, ils y montent la bayonnette au bout du fusil, suivis de toutes les troupes qui doivent les soûtenir. L'ennemi qui peut avoir conservé des fourneaux, ne manquera pas de les faire sauter. Il fera aussi tomber sur les assaillans tous les feux d'artifice qu'il pourra imaginer, & il leur fera payer le plus cher qu'il pourra, le terrein qu'il leur abandonnera sur le haut de la breche : mais enfin il faudra qu'il le leur abandonne ; la supériorité des assiégeans doit vaincre à la fin tous les obstacles des assiégés. S'ils sont assez heureux pour résister à un premier assaut, ils ne le seront pas pour résister à un second ou à un troisieme : ainsi il faudra qu'ils prennent le parti de se retirer dans leurs retranchemens. Aussi-tôt qu'ils auront été repoussés & qu'ils auront abandonné le haut de la breche, on fera travailler en diligence au logement. Il consistera d'abord en une espece d'arc de cercle, dont la convexité sera tournée vers l'ennemi, s'il y a une breche aux deux faces des deux bastions ; autrement on s'établira simplement au haut de la breche. On donne l'assaut à toutes les breches ensemble ; par-là on partage la résistance de l'ennemi, & on la rend moins considérable. Pendant toute la durée de cette action les batteries & les logemens font le plus grand feu sur toutes les défenses de l'ennemi, & dans tous les lieux où il est placé, & sur lesquels on ne peut tirer sans incommoder les troupes qui donnent sur les breches.

Le logement sur la breche étant bien établi, on poussera des sappes à droite & à gauche vers le centre du bastion. On fera monter du canon sur la breche, pour battre le retranchement intérieur ; on passera son fossé & on s'établira sur sa breche, en pratiquant tout ce qu'on vient de dire pour les bastions. Si ce premier retranchement étoit suivi d'un second, l'ennemi, après avoir été forcé de l'abandonner, se retireroit dans celui-ci pour capituler. On l'attaqueroit encore comme dans le premier, & enfin on le forceroit de se rendre. Il est assez rare de voir des défenses poussées aussi loin que nous avons supposé celle-ci ; mais ce long détail étoit nécessaire pour donner une idée de ce qu'il y auroit à faire, si l'ennemi vouloit pousser la résistance jusqu'à la derniere extrémité.

Dans l'attaque des retranchemens intérieurs, outre le canon il faut y employer les bombes & les pierriers. Les bombes y causent de grands ravages, parce que les assiégés sont obligés de se tenir en gros corps dans ces retranchemens, qui sont toûjours assez petits ; & par cette raison les pierriers y sont d'un usage excellent par la grêle de pierres qu'ils font tomber dans ces ouvrages, qui tuent & estropient beaucoup de monde ". Attaque des places, par M. le Blond.

ATTAQUE d'une citadelle. Les attaques des citadelles n'ont rien de différent de celles des villes : on s'y conduit absolument de la même maniere. Lorsqu'on est obligé de commencer le siége d'une place où il y a une citadelle, par la place même, on est dans le cas de faire deux siéges au lieu d'un : mais il arrive souvent que cet inconvénient est moins grand que de s'exposer à l'attaque d'une citadelle, qui peut tirer de la ville de quoi prolonger sa défense. Il est aisé d'en disputer le terrein pié à pié, & de faire encore un grand & fort retranchement sur l'esplanade, qui arrête l'ennemi. Si l'on avoit d'abord attaqué la ville de Turin au lieu de la citadelle, ce siége n'auroit pas eu le triste évenement que tout le monde sait : c'est le sentiment de M. de Feuquieres. Voyez le IV. vol. de ses Mémoires, pag. 154.

ATTAQUE DE FLANC ; c'est, dans l'Art militaire, l'attaque d'une armée ou d'une troupe sur le flanc ou le côté. Cette attaque est fort dangereuse : c'est pourquoi on a soin de couvrir autant qu'on le peut les flancs d'une armée ou d'une troupe par des villages, des rivieres, ou fortifications naturelles, qui empêchent l'ennemi de pouvoir former ou diriger son attaque sur les flancs de la troupe qu'il veut combattre. Voyez FLANC & AILE.

ATTAQUE DE FRONT ; c'est, dans l'Art militaire, l'attaque qui se fait sur le devant ou la tête d'une troupe.

ATTAQUE DES LIGNES DE CIRCONVALLATION, c'est l'effort que l'ennemi fait pour y pénétrer, & en chasser ceux qui les défendent.

Le plus difficile & le plus dangereux de cette attaque, c'est le comblement du fossé. On se sert pour cet effet de fascines ; chaque soldat en porte une devant lui ; ce qui sauve bien des coups de fusil avant qu'on arrive, sur-tout quand elles sont bien faites & composées de menu bois. Lorsqu'on est arrivé sur le bord du fossé, les soldats se les donnent de main en main pendant qu'on les passe par les armes. Il faut avoüer que cette méthode est fort incommode, & fort meurtriere. M. le chevalier de Folard, qui fait cette observation, propose, pour conserver les troupes dans cette action, de faire plusieurs chassis de sept à huit piés de large, sur dix à douze de longueur, suivant la largeur du fossé. Ces chassis doivent être composés de trois ou quatre soliveaux de brin de sapin, de quatre pouces de largeur sur cinq d'épaisseur, pour avoir plus de force pour soûtenir le poids des soldats qui passeront dessus, avec des travers bien emmortoisés. On cloue dessus des planches de sapin. Pour mieux assûrer ces ponts, on peut pratiquer aux extrémités des grapins, qui s'enfoncent sur la berme ou sur le fascinage des lignes.

Lorsqu'on veut se servir de ces ponts, il faut les faire monter dans le camp & les voiturer sur des chariots derriere les colonnes, à une certaine distance des retranchemens, après quoi on les fait porter par des soldats commandés à cet effet, qui les jettent sur le fossé lorsque les troupes sont arrivées, observant de les poser & placer à côté les uns des autres, de maniere qu'ils puissent se toucher. Vingt ponts construits de la sorte suffisent pour le passage d'une colonne, & laisseront encore des espaces suffisans pour celui des grenadiers.

On peut encore se servir pour le comblement du fossé des lignes, d'un autre expédient qui exige moins de préparatifs. Il faut faire faire de grands sacs de grosse toile, de huit piés de long, qu'on remplira des deux côtés de paille, de feuilles d'arbres, ou de fumier, qui est encore meilleur à cause du feu. On roulera sur trois rangs paralleles un nombre de ces ballots, à la tête & sur tout le front des colonnes, qu'on jettera dans le fossé, d'abord le premier rang, ensuite le second, & ainsi des autres, s'il en faut plusieurs. Deux ou trois de ces ballots suffiront de reste pour combler le fossé, si on leur donne cinq piés de diametre. Comme il peut rester quelque vuide entre ces ballots à cause de leur rondeur, on jettera quelques fascines dessus, que les soldats des premiers rangs des colonnes doivent porter. Cette méthode de combler un fossé a cet avantage, que les soldats qui roulent ces ballots devant eux, arrivent à couvert jusqu'au bord du fossé. On peut se servir également de ballots de fascines. Folard, Comment. sur Polybe.

ATTAQUES d'une place ; ce sont en général toutes les actions & tous les différens travaux qu'on fait pour s'en emparer. Voyez TRANCHEE, SAPPE, PARALLELE ou PLACE D'ARMES, LOGEMENT, &c.

Régler les attaques d'une place ; c'est déterminer le nombre qu'on en veut faire, & les côtés ou les fronts par lesquels on veut l'attaquer ; c'est aussi fixer la forme & la figure des tranchées. Avoir les attaques d'une place, c'est avoir un plan sur lequel les tranchées, les logemens, les batteries, &c. sont tracées.

Maximes ou principes qu'on doit observer dans l'attaque des places. I. Il faut s'approcher de la place sans en être découvert, directement ou obliquement, ou par le flanc.

Si l'on faisoit les tranchées en allant directement à la place par le plus court chemin, l'on y seroit en bute aux corps des ennemis postés sur les pieces de la fortification où la tranchée aboutiroit ; & si l'on y alloit obliquement, pour sortir de la direction du feu de l'endroit où l'on veut aller, & que la tranchée fût vûe dans toute sa longueur par quelqu'autre piece de la fortification de la place, les soldats placés sur cette piece de fortification verroient le flanc de ceux de la tranchée, laquelle se trouvant ainsi enfilée par l'ennemi, ne garantiroit nullement du feu de la place les soldats qui seroient dedans.

Or comme l'objet des tranchées est de les en garantir, il faut donc qu'elles soient dirigées de maniere qu'elles ne soient ni en vûe, ni enfilées par l'ennemi d'aucun endroit.

II. Il faut éviter de faire plus d'ouvrage qu'il n'en est besoin pour s'approcher de la place sans être vû, c'est-à-dire qu'il faut s'en approcher par le chemin le plus court qu'il est possible de tenir, en se couvrant ou détournant des coups de l'ennemi.

III. Que toutes les parties des tranchées se soûtiennent réciproquement, & que celles qui sont les plus avancées ne soient éloignées de celles qui doivent les défendre, que de 120 ou 130 toises, c'est-à-dire de la portée du fusil.

IV. Que les paralleles ou places d'armes les plus éloignées de la place ayent plus d'étendue que celles qui en sont plus proches, afin de prendre l'assiégé par le flanc, s'il vouloit attaquer ces dernieres paralleles.

V. Que la tranchée soit ouverte ou commencée le plus près de la place qu'il est possible, sans trop s'exposer, afin d'accélérer & diminuer les travaux du siége.

VI. Observer de bien lier les attaques, c'est-à-dire d'avoir soin qu'elles ayent des communications pour pouvoir se donner du secours réciproquement.

VII. Ne jamais avancer un ouvrage en avant, sans qu'il soit bien soûtenu ; & pour cette raison, dans l'intervalle de la seconde & de la troisieme place d'armes, faire de part & d'autre de la tranchée des retours de 40 ou 50 toises paralleles aux places d'armes, & construits de la même maniere, qui servent à placer des soldats pour protéger les travaux que l'on fait pour parvenir à la troisieme place d'armes. Ces sortes de retours, dont l'usage est le même que celui des places d'armes, se nomment demi-places d'armes.

VIII. Observer de placer les batteries de canon sur le prolongement des pieces attaquées, afin qu'elles en arrêtent le feu, & que les travaux en étant protégés, avancent plus aisément & plus promptement.

IX. Embrasser par cette raison toûjours le front des attaques, afin d'avoir toute l'étendue nécessaire pour placer les batteries sur le prolongement des faces des pieces attaquées.

X. Eviter avec soin d'attaquer par des lieux serrés, comme aussi par des angles rentrans, qui donneroient lieu à l'ennemi de croiser ses feux sur les attaques.

On attaque ordinairement les places du côté le plus foible : mais il n'est pas toûjours aisé de le remarquer. On a beau reconnoître une place de jour & de nuit, on ne voit pas ce qu'elle renferme : il faut donc tâcher d'en être instruit par quelqu'un à qui elle soit parfaitement connue. Il ne faut rien négliger pour prendre à cet égard tous les éclaircissemens possibles.

Il n'y a point de place qui n'ait son fort & son foible, à moins qu'elle ne soit réguliere & située au milieu d'une plaine, qui n'avantage en rien une partie plus que l'autre ; telle qu'est le Neuf-Brisach. En ce cas il n'est plus question d'en résoudre les attaques que par rapport aux commodités, c'est-à-dire par le côté le plus à portée du quartier du roi, du parc d'artillerie, & des lieux les plus propres à tirer des fascines, des gabions, &c. Comme il se trouve peu de places fortifiées régulierement, la diversité de leur fortification & du terrein sur lequel elles sont situées demande autant de différentes observations particulieres pour leur attaque.

Si la fortification d'une place a quelque côté sur un rocher de 25, 30, 40, 50 ou 60 piés de haut, que ce rocher soit sain & bien escarpé, nous la dirons inaccessible par ce côté ; si ce rocher bat auprès d'une riviere d'eau courante ou dormante, ce sera encore pis : si quelque côté en plein terrein est bordé par une riviere qui ne soit pas guéable, & qui ne puisse être détourné ; que cette riviere soit bordée du côté de la place d'une bonne fortification capable d'en défendre le passage, on pourra la dire inattaquable par ce côté : si son cours est accompagné de prairies basses & marécageuses en tout tems, elle le sera encore davantage.

Si la place est environnée en partie d'eau & de marais, qui ne se puissent dessécher, & en partie accessible par des terreins secs qui bordent ces marais ; que ces avenues soient bien fortifiées, & qu'il y ait des pieces dans le marais qui ne soient pas abordables, & qui puissent voir de revers les attaques du terrein ferme qui les joint ; ce ne doit pas être un lieu avantageux aux attaques, à cause de ces pieces inaccessibles, parce qu'il faut pouvoir embrasser ce que l'on attaque. Si la place est toute environnée de terres basses & de marais, comme il s'en trouve aux Pays bas, & qu'elle ne soit abordable que par des chaussées ; il faut 1°. considérer si on ne peut point dessécher les marais, s'il n'y a point de tems dans l'année où ils se dessechent d'eux-mêmes, & en quelle saison ; en un mot, si on ne peut pas les faire écouler & les mettre à sec.

2°. Si les chaussées sont droites ou tortues, enfilées en tout ou en partie de la place, & de quelle étendue est la partie qui ne l'est pas, & à quelle distance de la place ; quelle en est la largeur, & si l'on peut y tournoyer une tranchée en la défilant.

3°. Si on peut asseoir des batteries au-dessus ou à côté sur quelque terrein moins bas que les autres, qui puissent croiser sur les parties attaquées de la place.

4°. Voir si les chaussées sont si fort enfilées, qu'il n'y ait point de transversales un peu considérables, qui fassent front à la place d'assez près ; & s'il n'y a point quelqu'endroit qui puisse faire un couvert considérable contre elle, en relevant une partie de leur épaisseur sur l'autre, & à quelle distance de la place elles se trouvent.

5°. Si des chaussées voisines l'une de l'autre aboutissent à la place, se joignent, & en quel endroit ; & si étant occupées par les attaques, elles se peuvent entre-secourir par des vûes de canon croisés, ou de revers sur les pieces attaquées.

6°. De quelle nature est le rempart de la place, & de ses dehors ; si elle a des chemins couverts, si les chaussées qui les abordent y sont jointes ; & s'il n'y a point quelqu'avant-fossé plein d'eau courante ou dormante qui les sépare : où cela se rencontre, nous concluons qu'il ne faut jamais attaquer par-là, pour peu qu'il y ait d'apparence d'approcher de la place par ailleurs, parce qu'on est presque toûjours enfilé & continuellement écharpé du canon, sans moyen de s'en pouvoir défendre, ni de s'en rendre maître, ni embrasser les parties attaquées de la place.

A l'égard de la plaine, il faut 1°. examiner par où on peut embrasser les fronts de l'attaque ; parce que ceux-là sont toûjours à préférer aux autres.

2°. La quantité de pieces à prendre avant de pouvoir attirer au corps de la place, leur qualité & celle du terrein sur lequel elles sont situées.

3°. Si la place est bastionnée & revêtue.

4°. Si la fortification est réguliere, ou à-peu-près équivalente.

5°. Si elle est couverte par quantité de dehors, quels & combien ; parce qu'il faut s'attendre à autant d'affaires qu'il y aura de pieces à prendre.

6°. Si les chemins couverts sont bien faits, contreminés & palissadés ; si les glacis en sont roides, & non commandés des pieces supérieures de la place.

7°. S'il y a des avant fossés, & de quelle nature.

8°. Si les fossés sont revêtus ou profonds, secs ou pleins d'eau, & de quelle profondeur ; si elle est dormante ou courante, & s'il y a des écluses, & la pente qu'il y peut avoir de l'entrée de l'eau à leur sortie.

9°. S'ils sont secs, & quelle en est la profondeur ; & si les bords en sont bas & non revêtus : au reste on doit compter que les plus mauvais de tous sont les fossés pleins d'eau quand elle est dormante.

Les fossés qui sont secs, profonds & revêtus, sont bons : mais les meilleurs sont ceux qui étant secs, peuvent être inondés, quand on le veut, d'une grosse eau courante ou dormante ; parce qu'on peut les défendre secs, & ensuite les inonder, & y exciter des torrens qui en rendent le trajet impossible. Tels sont les fossés de Valenciennes du côté du Quesnoy, qui sont secs, mais dans lesquels on peut mettre telle quantité d'eau dormante ou courante qu'on voudra, sans qu'on le puisse empêcher. Tels sont encore les fossés de Landau, place moderne, dont le mérite n'est pas encore bien connu.

Les places qui ont de tels fossés, avec des réservoirs d'eau qu'on ne peut ôter, sont très-difficiles à forcer, quand ceux qui les défendent savent en faire usage.

Les fossés revêtus, dès qu'ils ont 10, 12, 15, 20, & 25 piés de profondeur, sont aussi fort bons ; parce que les bombes ni le canon ne peuvent rien contre ces revêtemens, & que l'on n'y peut entrer que par les descentes, c'est-à-dire en défilant un à un, ou deux à deux au plus ; ce qui est sujet à bien des inconvéniens : car on vous chicane par différentes sorties sur votre passage & vos logemens de mineurs ; ce qui cause beaucoup de retardement & de perte ; outre que quand il s'agit d'une attaque, on ne la peut soûtenir que foiblement, parce qu'il faut que tout passe par un trou ou deux, & toûjours en défilant avec beaucoup d'incommodité.

Il faut encore examiner si les fossés sont taillés dans le roc, si ce roc est continué & dur ; car s'il est dur & mal-aisé à miner, vous serez obligé de combler ces fossés jusqu'au rez du chemin couvert pour faire votre passage ; ce qui est un long travail & difficile, sur-tout si le fossé est profond : car ces manoeuvres demandent beaucoup d'ordre & de tems, pendant lequel quel l'ennemi qui songe à se défendre, vous fait beaucoup souffrir par ses chicanes. Il détourne les matériaux, arrache les fascines, y met le feu, vous inquiete par ses sorties, & par le feu de son canon, de ses bombes & de sa mousqueterie, contre lequel vous êtes obligé de prendre de grandes précautions ; parce qu'un grand feu de près est fort dangereux : c'est pourquoi il faut de nécessité l'éteindre par un plus grand, & bien disposé.

Après s'être instruit de la qualité des fortifications de la place que l'on doit attaquer, il faut examiner les accès, & voir si quelque rideau, chemin creux, ou inégalité du terrein, peut favoriser vos approches & vous épargner quelque bout de tranchée ; s'il n'y a point de commandement qui puisse vous servir ; si le terrein par où se doivent conduire les attaques est doux & aisé à renverser ; s'il est dur & mêlé de pierres, cailloux & roquailles, ou de roches pelées, dans lequel on ne puisse que peu ou point s'enfoncer.

Toutes ces différences sont considérables ; car si c'est un terrein aisé à manier, il sera facile d'y faire de bonnes tranchées en peu de tems, & on y court bien moins de risque. S'il est mêlé de pierres & de cailloux, il sera beaucoup plus difficile, & les éclats de canon y seront dangereux.

Si c'est un roc dur & pelé, dans lequel on ne puisse s'enfoncer, il faut compter d'y apporter toutes les terres & matériaux dont on aura besoin ; de faire les trois quarts de la tranchée de fascines & de gabions, même de ballots de bourre & de laine, ce qui produit un long & mauvais travail, qui n'est jamais à l'épreuve du canon, & rarement du mousquet, & dont on ne vient à bout qu'avec du tems, du péril & beaucoup de dépense ; c'est pourquoi il faut éviter tant que l'on peut d'attaquer par de telles avenues.

Choix d'un front de place en terrein égal le plus favorable pour l'attaque. Il faut examiner & compter le nombre des pieces à prendre ; car celui qui en aura le moins ou de plus mauvaises, doit être considéré comme le plus foible, si la qualité des fossés ne s'y oppose point.

Il y a beaucoup de places situées sur des rivieres qui n'en occupent que l'un des côtés, ou si elles occupent l'autre, ce n'est que par des petits forts, ou des dehors peu considérables, avec lesquels on communique par un pont, ou par des bateaux au défaut de pont. Tel étoit autrefois Stenay, & tels sont encore Sedan, Mézieres, Charlemont, & Namur, sur la Meuse ; Mets & Thionville, sur la Moselle ; Huningue, Strasbourg & Philisbourg, sur le Rhin ; & plusieurs autres.

Où cela se rencontre, il est plus avantageux d'attaquer le long des rivieres, au-dessus ou au-dessous, appuyant la droite ou la gauche sur un de leurs bords, & poussant une autre tranchée vis-à-vis, le long de l'autre bord, tendant à se rendre maître de ce dehors ; ou bien on peut occuper une situation propre à placer des batteries de revers, sur le côté opposé aux grandes attaques.

Comme les batteries de cette petite attaque peuvent aussi voir le pont servant de communication de place à ce dehors, les grandes attaques de leur côté en pourroient faire autant ; moyennant quoi il seroit difficile que la place y pût communiquer longtems ; d'où s'ensuivroit que pour peu que ce dehors fût pressé, l'ennemi l'abandonneroit, ou n'y feroit pas grande résistance, principalement s'il est petit, & peu contenant : mais ce ne seroit pas la même chose, si c'étoit une partie de la ville, ou quelque grand dehors, à-peu-près de la capacité de Wick, qui fait partie de la ville de Mastrick. Tout cela mérite bien d'être démêlé, & qu'on y fasse de bonnes & sérieuses réflexions ; car il est certain qu'on en peut tirer de grands avantages.

Après cela il faut encore avoir égard aux rivieres & ruisseaux qui traversent la ville, & aux marais & prairies qui accompagnent leurs cours ; car quand les terreins propres aux attaques aboutissent contre, ou les avoisinent de près, soit par la droite ou par la gauche, cela donne moyen, en prolongeant les places d'armes jusque sur les bords, de barrer les sorties de ce côté-là, & de mettre toute la cavalerie ensemble sur le côté des attaques qui n'est point favorisé de cet avantage ; ce qui est un avantage considérable, parce que la cavalerie se trouvant en état de se pouvoir porter tout ensemble à l'action, elle doit produire un plus grand effet que quand elle est séparée en deux parties l'une de l'autre.

Outre ce que l'on vient de dire, il est bon encore de commander journellement un piquet de cavalerie & de dragons, dans les quartiers plus voisins des attaques, pour les pousser de ce côté-là, s'il arrivoit quelque sortie extraordinaire qui bouleversât la tranchée.

Pour conclusion, on doit toûjours chercher le foible des places, & les attaquer par-là par préférence aux autres endroits, à moins que quelque considération extraordinaire n'oblige d'en user autrement. Quand on a bien reconnu la place, on doit faire un petit recueil de ces remarques avec un plan, & le proposer au général & à celui qui commande l'artillerie, avec qui on doit agir de concert, & convenir après cela du nombre des attaques qu'on peut faire : cela dépend de la force de l'armée & de l'abondance des munitions.

Je ne crois pas qu'il soit avantageux de faire de fausses attaques, parce que l'ennemi s'appercevant de la fausseté dès le troisieme ou quatrieme tour de la tranchée, il n'en fait plus de cas, & les méprise ; ainsi c'est de la fatigue & de la dépense inutile.

L'on ne doit point faire non plus d'attaques séparées, à moins que la garnison ne soit très-foible, ou l'armée très-forte, parce qu'elles vous obligent à monter aussi fort à une seule qu'à toutes les deux, & que la séparation les rend plus foibles & plus difficiles à servir.

Mais les attaques les meilleures & les plus faciles, sont les attaques doubles qui sont liées, parce qu'elles peuvent s'entre-secourir : elles sont plus aisées à servir, se concertent mieux & plus facilement pour tout ce qu'elles entreprennent, & ne laissent pas de faire diversion des forces de la garnison.

Il n'y a donc que dans certains cas extraordinaires & nécessités, pour lesquels je pourrois être d'avis de n'en faire qu'une, qui sont quand les fronts attaqués sont si étroits, qu'il n'y a pas assez d'espace pour pouvoir développer deux attaques.

Il faut encore faire entrer dans la reconnoissance des places, celle des couverts pour l'établissement du petit parc, d'un petit hôpital, & d'un champ de bataille pour l'assemblée des troupes qui doivent monter à la tranchée, & des endroits les plus propres à placer les gardes de cavalerie.

Le petit parc se place en quelque lieu couvert, à la queue des tranchées de chaque attaque : il doit être garni d'une certaine quantité de poudre, de balles, grenades, meches, pierres à fusil, serpes, haches, blindes, martelets, outils, &c. pour les cas survenans & pressans, afin qu'on n'ait pas la peine de les aller chercher au grand parc quand on en a besoin.

Près de lui se range le petit hôpital, c'est-à-dire les Chirurgiens & Aumôniers avec des tentes, paillasses, matelats, & des remedes pour les premiers appareils des blessures. Outre cela, chaque bataillon mene avec soi ses Aumôniers, Chirurgiens majors, les Fraters, qui ne doivent point quitter la queue de leur troupe.

A l'égard du champ de bataille pour l'assemblée des gardes de tranchée qui doivent monter, comme il leur faut beaucoup de terrein, on les assemble pour l'ordinaire hors de la portée du canon de la place, & les gardes de la cavalerie de même : celles-ci sont placées ensuite sur la droite & la gauche des attaques, le plus à couvert que l'on peut du canon ; & quand il ne s'y trouve point de couvert, on leur fait des épaulemens à quatre ou cinq cens toises de la place, pour les gardes avancées, pendant que le plus gros se tient plus reculé, & hors la portée du canon.

Quand il se trouve quelque ruisseau ou fontaine près de la queue des tranchées, ou sur le chemin, ce sont de grands secours pour les soldats de garde ; c'est pourquoi il faut les garder, pour empêcher qu'on ne les gâte ; & quand il seroit nécessaire d'en assûrer le chemin par un bout de tranchée fait exprès, on n'y doit pas hésiter.

On doit aussi examiner le chemin des troupes aux attaques, qu'il faut toûjours accommoder & régler par les endroits les plus secs & les plus couverts du canon.

Quand le quartier du Roi se trouve à portée des attaques, elles en sont plus commodes : mais cela ne doit point faire une sujétion considérable.

Il est bien plus important que le parc d'artillerie en soit le plus près qu'il est possible.

C'est encore une espece de nécessité de loger les ingénieurs, mineurs & sappeurs, le plus près des attaques que l'on peut, afin d'éviter les incommodités des éloignemens.

Les attaques étant donc résolues, on regle les gardes de la tranchée ; savoir, l'infanterie sur le pié d'être du moins aussi forte que les trois quarts de la garnison, & la cavalerie d'un tiers plus nombreuse que celle de la place ; de sorte que si la garnison étoit de quatre mille hommes d'infanterie, la garde de la tranchée doit être au moins de trois mille ; & si la cavalerie de la place étoit de 400 chevaux, il faudroit que celle de la tranchée fût de 600.

Autrefois nos auteurs croyoient que pour bien faire le siége d'une place, il falloit que l'armée assiégeante fût dix fois plus forte que la garnison ; c'est-à-dire que si celle-ci étoit de 1000 hommes, l'armée devoit être de 10000 ; que si elle étoit de 2000, l'assiégeante devoit être de 20000 ; & si elle étoit de 3000, il falloit que l'armée, à peu de chose près, fût de 30000 hommes, selon leur estimation : en quoi ils n'avoient pas grand tort ; & si l'on examine bien toutes les manoeuvres à quoi les troupes sont obligées pendant un siége, on n'en seroit pas surpris : car il faut tous les jours monter & descendre la tranchée, fournir aux travailleurs de jour & de nuit, à la garde des lignes, à celle des camps particuliers & des généraux, à l'escorte des convois & des fourrages ; faire des fascines ; aller au commandement, au pain, à la guerre, &c. de sorte que les troupes sont toûjours en mouvement, quelque grosse que soit une armée : ce qui étoit bien plus fatiguant autrefois qu'à présent, parce que les siéges duroient le double & le triple de ce qu'ils durent aujourd'hui, & qu'on y faisoit de bien plus grandes pertes. On n'y regarde plus de si près ; & on n'hésite pas d'attaquer une place à six ou sept contre un ; parce que les attaques d'aujourd'hui sont bien plus savantes qu'elles n'étoient autrefois. Attaques des places, par M. le maréchal de Vauban.

Comme les fortifications particulieres & les différens accès des places en font varier le fort & le foible de plusieurs manieres, il faudroit autant de regles qu'il y a de places, si on vouloit entrer dans le détail de toutes les attaques des places : on se contentera donc de parler des situations les plus générales ; telles sont les villes entourées de marais, sur les bords des rivieres, sur une hauteur, &c.

Attaque d'une place entourée de marais. Une place entourée de marais de tous côtés, & qui n'est accessible que par des chaussées pratiquées dans des marais, est dans un terrein très-peu favorable pour en former le siége.

Ce que l'on peut faire d'abord, est de travailler à dessécher le marais, si l'on peut y trouver quelqu'écoulement ; & de faire ensorte de détourner les eaux qui y entrent : c'est ce que l'on peut faire assez aisément dans un pays plat ou uni : s'il s'y trouve de l'impossibilité, il faut prendre le parti d'aborder la place par les chaussées, en les élargissant autant qu'il est possible, & en pratiquant des espaces pour l'emplacement des batteries.

Si la situation d'un tel terrein ne permet pas d'y construire des paralleles ou places d'armes à l'ordinaire, ces ouvrages y sont aussi moins utiles que dans un terrein d'un accès facile & praticable, parce que l'ennemi ne peut sortir de sa place en force pour tomber sur les travailleurs.

Les chaussées qui abordent la place peuvent être fort peu élevées, & seulement au-dessus du niveau des eaux du marais, ou bien elles peuvent avoir une élévation de deux ou de trois piés au-dessus : si elles sont de la premiere espece, elles ne donneront point la terre nécessaire à la construction de la tranchée ; & dans ce cas on est dans la nécessité de la faire de fascines, de sacs à laine, à terre, &c. Si elles sont de la seconde espece, elles pourront fournir assez de terre pour la tranchée, en observant de la faire un peu plus large, afin d'avoir plus de terre pour en former le parapet, sans être obligé de creuser jusqu'au niveau de l'eau.

Il y a une chose qui mérite grande attention dans ces chaussées ; c'est d'observer si elles sont enfilées de la place, auquel cas il est très-difficile de s'établir dessus, & de faire aucun retour ou zig-zag, parce qu'ils se trouveroient tous enfilés. Il est bien difficile de remédier à un aussi grand inconvénient. Ajoûtons à cela, que s'il ne se rencontre dans ces chaussées aucun endroit où l'on puisse placer des batteries à ricochet, le siége sera très-difficile à former.

" S'il falloit cependant se faire un passage dans un terrein de cette espece, on pourroit faire un fondement de claies & de fascines dans les lieux les plus favorables du marais, ou le long des chaussées, & se couvrir de part & d'autre par de grands gabions, sacs à terre, &c. & même une tranchée directe en le traversant fort souvent, c'est-à-dire formant successivement des traverses qui laissent des passages vers la droite, & ensuite vers la gauche. Cette sorte de tranchée fut employée au siége de Bois-le-Duc en 1629 : mais alors la défense des places n'étoit point aussi savante qu'elle l'est aujourd'hui, où un pareil travail auroit bien de la peine à être soûtenu ; cependant il est des circonstances où l'impossibilité de faire mieux doit engager à se servir de toutes sortes de moyens pour parvenir à ses fins. C'est dans un terrein de cette nature qu'un ingénieur trouve dequoi exercer toute sa sagacité & sa capacité. Si les chaussées ont six ou sept toises de largeur, & si elles ont quatre ou cinq piés de haut au-dessus des eaux du marais ; si elles ne sont point enfilées de la place, & si on y remarque de distance en distance des endroits propres à établir des batteries à ricochet ; on pourra, quoiqu'un peu plus mal-aisément que dans un autre terrein, parvenir à se rendre maître de la place. Mais si toutes ces circonstances ne se trouvent point réunies ensemble, il y aura une espece d'impossibilité : dans ces sortes de situations, on doit employer le blocus pour se rendre maître des places. Il peut être fort long lorsque les villes sont bien munies : mais enfin c'est presque le seul moyen qu'on puisse employer utilement pour les réduire.

Si les marais impraticables rendent, pour ainsi dire, les places qui en sont entourées hors des atteintes d'un siége, il faut convenir aussi que de telles places sont dans une fort mauvaise situation pour la santé de la garnison & celle des habitans. Mais il y a très-peu de places qui soient totalement entourées de marais : il y a presque toûjours quelque côté qui offre un terrein plus favorable aux approches ; & alors quand on en forme le siége, on évite autant que l'on peut l'attaque du côte des marais. Quoique les autres fronts soient ordinairement plus forts, on ne laisse pas de prendre le parti d'attaquer la place de leur côté, parce que la facilité des approches dédommage amplement de l'augmentation des ouvrages qu'il faut prendre pour s'en rendre le maître. Lorsque les marais sont véritablement impraticables, la place n'a pas besoin d'être aussi exactement fortifiée de leur côté que des autres qui sont plus accessibles : mais il arrive quelquefois que des marais crûs impraticables, ne le sont pas véritablement ; & alors si on en étoit instruit bien exactement, on profiteroit de la sécurité de l'ennemi à leur égard, pour attaquer la place par leur côté, & s'en rendre maître avec bien moins de tems & de perte. C'est à ceux qui sont chargés de ces sortes d'entreprises, de bien faire reconnoître les lieux avant que de se déterminer sur le choix des attaques. Il y a d'ailleurs des marais qui sont impraticables dans un tems, & qui ne le sont pas dans un autre, sur-tout après une grande sécheresse. Il peut se trouver des paysans des environs de la place qui en soient instruits ; on ne doit rien négliger pour être exactement informé du sol & de la nature de ces marais. On sent bien que le tems le plus propre & le plus favorable pour former des siéges en terrein marécageux, est au commencement de l'automne, lorsque les chaleurs de l'été l'ont en partie desséché ".

De l'attaque d'une place située le long d'une grande riviere. " Les places qui sont situées le long des grandes rivieres, sont d'une prise moins difficile que celles qui sont entourées de marais.

On conduit leurs attaques à l'ordinaire du côté qui paroît le plus favorable, & on les dispose de maniere qu'on puisse placer des batteries de l'autre côté de la riviere, ou dans les îles qu'elle peut former vis-à-vis la place, qui protegent l'avancement des tranchées, & qui même quelquefois peuvent battre en breche le front auquel on dirige les attaques. C'est ainsi que M. le maréchal de Vauban en usa au siége du vieux Brisack en 1703. Une batterie qu'il établit dans une des îles que le Rhin fait vis-à-vis de cette ville, nommée l'île des Cadets, d'où l'on découvroit un bastion qui étoit le long du Rhin, & que l'on pouvoit battre en breche par le pié, accéléra beaucoup la prise de cette place, qui se rendit le quatorzieme jour de l'ouverture de la tranchée.

Au siége de Kell, en 1733, on plaça aussi des batteries dans les îles du Rhin, qui firent breche à l'ouvrage à corne de l'attaque, & à la face du bastion de ce fort placé derriere l'ouvrage à corne. Ces batteries battoient à ricochet la face & le chemin couvert de ce bastion, dont la branche de l'ouvrage à corne du côté du Rhin tiroit sa défense ; ce qui aida beaucoup à avancer la tranchée entre cette branche & le Rhin, & accéléra la capitulation de ce fort.

Au siége de Philisbourg, en 1734, on s'empara d'abord de l'ouvrage qui étoit vis-à-vis de la ville, de l'autre côté du Rhin, & l'on y établit des batteries à ricochet, qui enfilant les défenses du front vers lequel on dirigeoit les attaques, ne permettoient pas à l'ennemi de faire sur les tranchées tout le feu qu'il auroit pû faire sans ces batteries, qui plongeoient le long de ses défenses.

Lorsqu'il y a un pont sur la riviere vis-à-vis de la ville, il est ordinairement couvert ou par un ouvrage à corne, ou par une demi-lune, &c. & comme il est important de s'emparer de cet ouvrage, on peut pour y parvenir aisément, placer des batteries vers le bord de la riviere, qui puissent ruiner le pont ou le couper ; au moyen de quoi la communication de l'ouvrage dont il s'agit ne pouvant plus se faire que difficilement avec la ville, l'ennemi se trouve dans la nécessité de l'abandonner.

Une observation très-importante dans le siége des villes placées le long des rivieres, c'est de savoir à-peu-près le tems où elles sont sujettes à se déborder, & quelle est l'étendue de l'inondation la plus grande, afin de mettre non-seulement les tranchées à l'abri de tout accident à cet égard, mais encore de placer le parc d'artillerie en lieu sûr, & où l'inondation ne puisse pas s'étendre, & gâter les munitions de guerre destinées pour le siége ".

De l'attaque des places situées sur des hauteurs. " Une place située sur une hauteur dont le front se trouve fort élevé & opposé à un terrein serré, qui ne fournit aucun endroit propre à l'établissement des batteries à ricochet, est assez difficile à prendre.

Dans des situations pareilles, on voit s'il n'y a pas quelque hauteur dans les environs dont on puisse se servir pour y établir des batteries à ricochet. S'il n'est pas possible d'en trouver, il faut battre les défenses par des batteries directes, & faire ensorte d'en chasser l'ennemi par les bombes qu'il faut jetter continuellement dans les ouvrages. A l'égard de la disposition des tranchées & des paralleles, elle doit suivre la figure du terrein, & l'on doit les arranger du mieux qu'il est possible, pour qu'elles produisent les effets auxquels elles sont destinées dans les terreins unis.

Il faut observer ici que les lieux fort élevés, quine peuvent être battus que par des batteries construites dans des lieux bas, sont pour ainsi dire à l'abri du ricochet, parce que le ricochet ne peut porter le boulet que jusqu'à une certaine hauteur, comme de 12 ou 15 toises. Dans de plus grandes élévations il faut pointer le canon si haut que l'affut ne le peut soûtenir ; & si pour le moins fatiguer on diminue la charge, il en arrive que le boulet n'a pas assez de force pour aller jusqu'au lieu où il est destiné.

Il faut encore observer que lorsque l'on a des tranchées à faire dans des terreins élevés, il faut (autant qu'il est possible gagner d'abord le haut du terrein pour y conduire la tranchée, parce qu'autrement la supériorité du lieu donneroit non-seulement beaucoup d'avantage à l'ennemi pour faire des sorties sur les tranchées construites dans le bas du terrein, mais encore pour plonger dans ces tranchées ; ce qui en rendroit le séjour très-dangereux.

Les places situées sur des hauteurs sont quelquefois entourées d'un terrein sur la superficie duquel il n'y a presque point de terre. Les tranchées y sont extraordinairement difficiles, & il faut nécessairement les construire de sacs à laine, de sacs à terre, & autres choses qu'on apporte pour suppléer à la terre que le terrein ne fournit point. Il se trouve aussi que la plûpart de ces places sont construites sur le roc, & alors l'établissement du mineur y est bien long & bien difficile. On examine dans ce cas s'il n'y a pas de veines dans le roc par lesquelles il puisse être percé plus facilement.

Il faut dans ces situations s'armer de patience, & vaincre par la continuité du travail tout ce que le terrein oppose de difficultés & d'obstacles. M. Goulon, dans ses mémoires, propose pour la descente du fossé pratiqué dans le roc, de s'enfoncer au bord le plus profondément qu'on peut. Il suppose un fossé creusé de 30 piés, & que les mineurs étant relevés souvent, puissent parvenir à s'enfoncer de 6 ou 7 piés en 7 ou 8 jours ; après quoi il fait faire un fourneau à droite & un à gauche de cette espece de puits, disposés de maniere que l'effet s'en fasse dans le fossé. Avant que d'y mettre le feu, on doit jetter dans le fossé un amas de sacs à terre, de fascines, &c. pour commencer à le combler. Les fourneaux sautant après cela, les décombres qu'ils enlevent couvrent ces fascines & sacs à terre, & ils comblent une partie du fossé ; en continuant ainsi d'en faire sauter, on parvient à faire une descente aisée dans le fossé.

Pour faire breche dans un rempart taillé dans le roc ; le même M. Goulon propose de mettre sur le bord du fossé 7 ou 8 pieces de canon en batterie, pour battre en breche depuis le haut du rocher jusqu'au haut du revêtement qui peut être construit dessus, afin que les débris de ce revêtement & de la terre qui est derriere, fassent un pente assez douce pour que l'on puisse monter à l'assaut. Si l'on veut rendre la breche plus large & plus praticable, on peut faire entrer le mineur dans les débris faits par le canon, & le faire travailler à la construction de plusieurs fourneaux, qui en sautant augmenteront l'ouverture de la breche ".

De l'attaque des villes maritimes. " Les villes maritimes qui ont un port, tombent assez dans le cas des autres villes, lorsque l'on peut bloquer leur port, & qu'on est maître de la mer, & en état d'empêcher que la place n'en soit secourue. Si la mer est libre, ou si l'on peut furtivement & à la dérobée faire entrer quelques vaisseaux dans le port, la place étant continuellement ravitaillée, sera en état de supporter un très-long siége. Ostende assiégée par les Espagnols, soûtint un siége de plus de trois ans ; les secours qu'elle recevoit continuellement du côté de la mer, lui procurerent les moyens de faire cette longue résistance.

Ainsi on ne doit faire le siége de ces sortes de places, que lorsqu'on est en état d'empêcher que la mer n'apporte aucun secours à la ville.

Ce n'est pas assez pour y réussir d'avoir une nombreuse flotte devant le port, parce que pendant la nuit l'ennemi peut trouver le moyen de faire passer entre les vaisseaux de la flotte de petites barques pleines de munitions. Le moyen le plus efficace d'empêcher ces sortes de petits secours, seroit de faire, si la situation le permettoit, une digue ou estocade, comme le cardinal de Richelieu en fit faire une pour boucher entierement le port de la Rochelle. Mais outre qu'il y a peu de situations qui permettent de faire un pareil ouvrage, l'exécution en est si longue & si difficile, qu'on ne peut pas proposer ce moyen comme pouvant être pratiqué dans l'attaque de toutes les villes maritimes. Ce qu'on peut faire au lieu de ce grand & pénible ouvrage, c'est de veiller avec soin sur les vaisseaux, pour empêcher autant qu'il est possible qu'il n'entre aucune barque ou vaisseau dans le port de la ville ; ce qui étant bien observé, toutes les attaques se font sur terre comme à l'ordinaire, le voisinage de la mer n'y fait aucun changement : au contraire on peut de dessus les vaisseaux, canoner différens ouvrages de la ville, & favoriser l'avancement & le progrès des attaques.

On bombarde quelquefois les villes maritimes, sans avoir le dessein d'en faire le siége, qui pourroit souffrir trop de difficultés. On en use ainsi pour punir des villes dont on a lieu de se plaindre ; c'est ainsi que le feu roi en usa à l'égard d'Alger, Tripoly, Genes, &c.

Ces bombardemens se font avec des galiotes construites exprès pour placer les mortiers, & que pour cet effet on appelle galiotes à bombes. M. le chevalier Renau les imagina en 1680, pour bombarder Alger. Jusqu'à lui, dit M. de Fontenelle dans son éloge, il n'étoit tombé dans l'esprit de personne que des mortiers pussent n'être pas placés à terre, & se passer d'une assiette solide. Cependant M. Renau proposa les galiotes, & elles eurent tout le succès qu'il s'étoit proposé ; les bombes qu'on tira de dessus ces galiotes, firent de si grands ravages dans la ville, qu'elles obligerent les Algériens de demander la paix. Attaque des places, par M. le Blond ".

ATTAQUES des petites villes & châteaux. Ces sortes d'attaques se rencontrent assez souvent dans le cours de la guerre ; elles ne méritent pas ordinairement toutes les attentions du siége royal ; ce sont des postes dont on veut s'emparer, soit pour la sûreté des communications, ou pour éloigner les partis de l'ennemi.

" La plûpart de ces petites villes & châteaux ne sont enfermés que de simples murailles non terrassées ; il y a au plus quelques méchans fossés assez faciles à passer, ou bien quelques petits ouvrages de terre fraisée & palissadée vis-à-vis les portes, pour les couvrir & les mettre à l'abri d'une premiere insulte.

Quelque foibles que soient les murailles de ces endroits, ce seroit s'exposer à une perte évidente que d'aller en plein jour se présenter devant, & chercher à les franchir pour pénétrer dans la ville ou dans le château.

Si ceux qui sont dedans sont gens de résolution & de courage, ils sentiront bien toute la difficulté qu'il y a d'ouvrir leurs murailles & de passer dessus, ou de rompre leurs portes pour se procurer une entrée dans la place.

Il faut donc pour attaquer ces petits endroits, être en état de faire breche aux murailles ; & pour cet effet il faut faire mener avec soi quelques petites pieces de canon d'un transport facile, de même que deux mortiers de 7 ou 8 pouces de diametre, & s'arranger pour arriver à la fin du jour auprès des lieux qu'on veut attaquer, & y faire pendant la nuit une espece d'épaulement pour couvrir les troupes & faire servir le canon à couvert, & les mortiers ; en faire usage dès la pointe du jour sur l'ennemi : c'est le moyen de les réduire promptement & sans grande perte.

Mais si l'on n'est pas à portée d'avoir du canon, le parti qui paroît le plus sûr & le plus facile, supposant qu'on connoisse bien le lieu qu'on veut attaquer, c'est de s'en emparer par l'escalade. On peut faire semblant d'attaquer d'un côté, pour y attirer l'attention des troupes, & appliquer des échelles de l'autre, pour franchir la muraille & pénétrer dans la ville. Supposant que l'escalade ait réussi, ceux qui sont entrés dans la ville doivent d'abord aller aux portes pour les ouvrir & faire entrer le reste des troupes ; après quoi il faut aller charger par derriere les soldats de la ville qui se défendent contre la fausse attaque ; se rendre maître de tout ce qui peut assûrer la prise du lieu, & forcer ainsi ceux qui le défendent à se rendre.

On peut dans ces sortes d'attaques se servir utilement de pétard : il est encore d'un usage excellent pour rompre les portes, & donner le moyen de pénétrer dans les lieux dont on veut s'emparer. Il faut autant qu'il est possible user de surprise dans ces attaques, pour les faire heureusement & avec peu de perte. On trouve dans les mémoires de M. de Feuquieres différens exemples de postes semblables à ceux dont il s'agit ici, qu'il a forcés ; on peut se servir de la méthode qu'il a observée, pour en user de même dans les cas semblables. Nous ne les rapportons pas ici, parce qu'il est bon que les jeunes officiers lisent ces mémoires, qui partent d'un homme consommé dans toutes les parties de la guerre, & qui avoit bien mis à profit les leçons des excellens généraux sous lesquels il avoit servi.

Il y a un moyen sûr de chasser l'ennemi des petits postes qu'il ne veut pas abandonner, & où il est difficile de le forcer ; c'est d'y mettre le feu. Ce moyen est un peu violent : mais la guerre le permet ; & on le doit employer lorsqu'on y trouve la conservation des troupes que l'on a sous ses ordres. Quelle que soit la nature des petits lieux que l'on attaque, si l'on ne peut pas s'en emparer par surprise, & que l'on soit obligé de les attaquer de vive force, il faut disposer des fusiliers pour tirer continuellement sur les lieux où l'ennemi est placé, & aux crénaux qu'il peut avoir pratiqués dans ses murailles ; faire rompre les portes par le pétard, ou à coups de hache ; & pour la sûreté de ceux qui font cette dangereuse opération, faire le plus grand feu par tout où l'ennemi peut se montrer. La porte étant rompue, s'il y a des barricades derriere, il faut les forcer, en les attaquant brusquement, & sans donner le tems à l'ennemi de se reconnoître, & le prendre prisonnier de guerre, lorsqu'il s'est défendu jusqu'à la derniere extrémité, & qu'il ne lui est plus possible de prolonger sa défense. Attaque des places, par M. le Blond ".

ATTAQUE de la demi-lune ; c'est, dans l'Art militaire, l'action par laquelle on tâche de s'emparer de cet ouvrage.

" Pour cela, le passage du fossé étant fait de part & d'autre des faces de la demi-lune, & la breche ayant une étendue de 15 ou 16 toises vers le milieu des faces, on se prépare à monter à l'assaut. On fait à cet effet un grand amas de matériaux dans tous les logemens des environs : on travaille à rendre la breche praticable, en adoucissant son talud ; on y tire du canon pour faire tomber les parties du revêtement qui se soûtiennent encore. On peut aussi se servir utilement de bombes tirées de but-en-blanc ; elles s'enterrent aisément dans les terres de la breche, déjà labourées & ébranlées par le canon ; & en crevant dans ces terres, elles y font, pour ainsi dire, l'effet de petits fourneaux ou fougaces : par ce moyen le soldat monte plus facilement à la breche.

Pour donner encore plus de facilité à monter sur la breche & la rendre plus praticable, on y fait aller quelques mineurs, ou un sergent & quelques grenadiers, qui, avec des crocs, applanissent la breche. Le feu des logemens & des batteries empêche l'ennemi de se montrer sur ses défenses pour tirer sur les travailleurs ; ou du moins si l'ennemi tire, il ne peut le faire qu'avec beaucoup de circonspection, ce qui rend son feu bien moins dangereux.

Si l'ennemi a pratiqué des galeries le long de la face de la demi-lune, & vis-à-vis les breches, les mineurs peuvent aller à leur découverte pour les boucher, ou couper, ou en chasser l'ennemi ; s'ils ne les trouvent point, ils peuvent faire sauter différens petits fourneaux, qui étant répétés plusieurs fois, ne manqueront pas de causer du desordre dans les galeries de l'ennemi & dans ses fourneaux. Tout étant prêt pour travailler au logement de la demi-lune, c'est-à-dire pour s'établir sur la breche, les matériaux à portée d'y être transportés aisément & promptement, les batteries & les logemens du chemin couvert en état de faire grand feu ; on convient d'un signal avec les commandans des batteries & ceux des logemens, pour les avertir de faire feu, & pour les avertir de le faire cesser quand il en est besoin. C'est ordinairement un drapeau qu'on éleve dans le premier cas, & qu'on abbaisse dans le second. Tout cela arrangé, & la breche rendue praticable, comme nous l'avons dit, on fait avancer deux ou trois sappeurs vers le commencement de la rupture d'une des faces du côté de la gorge de la demi-lune, & vers le haut de la breche. Il se trouve ordinairement des especes de petits couverts ou enfoncemens dans ces endroits, où les sappeurs commencent à travailler, à se loger, & à préparer un logement pour quelques autres sappeurs. Lorsqu'il y a de la place pour les recevoir, on les y fait monter, & ils étendent insensiblement le logement sur tout le haut de la breche, où ils font vers la pointe un logement qu'on appelle assez ordinairement un nid de pie. Pendant qu'ils travaillent, le feu de la batterie & des logemens demeure tranquille ; mais quand l'ennemi vient sur ces sappeurs pour détruire leurs logemens, ils se retirent avec promptitude ; & alors le drapeau étant élevé, on fait feu sur l'ennemi avec la plus grande vivacité, pour lui faire abandonner le haut de la breche. Lorsqu'il en est chassé, on baisse le drapeau, le feu cesse, & les sappeurs vont rétablir tout le desordre qui a été fait dans leur logement, & travaillent à le rendre plus solide & plus étendu. Si l'ennemi revient pour les chasser, ils se retirent, & l'on fait joüer les batteries & le feu des logemens, qui l'obligent à quitter la breche ; après quoi on le fait cesser, & les sappeurs retournent à leur travail.

On continue la même manoeuvre jusqu'à ce que le logement soit en état de défense, c'est-à-dire de contenir des troupes en état d'en imposer à l'ennemi, & de résister aux attaques qu'il peut faire au logement. L'ennemi, avant que de quitter totalement la demi-lune, fait sauter les fourneaux qu'il y a préparés. Après qu'ils ont fait leur effet, on se loge dans leur excavation, ou du moins on y pratique de petits couverts pour y tenir quelques sappeurs, & l'on se sert de ces couverts pour avancer les logemens de l'intérieur de l'ouvrage.

Le logement de la pointe se fait en espece de petit arc, dont la concavité est tournée du côté de la place. De chacune de ses extrémités part un logement qui regne le long des faces de la demi-lune sur le terre-plein de son rempart, au pié de son parapet. Ce logement est très-enfoncé dans les terres du rempart, afin que les soldats y soient plus à couvert du feu de la place ; on y fait aussi pour le garantir de l'enfilade, des traverses, comme dans le logement du haut du glacis. On fait encore dans l'intérieur de la demi-lune, des logemens qui en traversent toute la largeur. Ils servent à découvrir la communication de la tenaille à la place, & par conséquent à la rendre plus difficile, & à contenir des troupes en nombre suffisant pour résister à l'ennemi, s'il avoit dessein de revenir dans la demi-lune, & de la reprendre.

Si la demi-lune n'étoit point revêtue, & qu'elle fût simplement fraisée & palissadée, on en feroit l'attaque de la même maniere que si elle l'étoit ; c'est-à-dire qu'on disposeroit des batteries comme on vient de l'enseigner ; & pour ce qui concerne la breche, il ne s'agiroit que de ruiner la fraise, les palissades & la haie vive de la berme, s'il y en a une vis-à-vis l'endroit par lequel on veut entrer dans la demi-lune ; s'y introduire ensuite, & faire les logemens tout comme dans les demi-lunes revêtues.

Tout ce que l'on vient de marquer pour la prise de la demi-lune, ne se fait que lorsqu'on veut s'en emparer par la sappe, & avec la pelle & la pioche : mais on s'y prend quelquefois d'une maniere plus vive & plus prompte ; & pour cela, dès que la breche est préparée, & qu'on l'a mise en état de pouvoir la franchir pour entrer dans la demi-lune, on y monte à l'assaut brusquement, à peu-près comme dans les attaques de vive force du chemin couvert, & l'on tâche de joindre l'ennemi, & de le chasser entierement de l'ouvrage. Cette attaque est assez périlleuse, & elle peut coûter bien du monde, lorsqu'on a affaire à une garnison courageuse, & qui ne cede pas aisément son terrein. Mais il y a souvent des cas où l'on croit devoir prendre ce parti, pour accélérer de quelques jours la prise de la demi-lune.

Si-tôt que l'on est maître du haut de la breche, on y fait un logement fort à la hâte, avec des gabions & des fascines ; & pendant qu'on le fait, & même pendant qu'on charge l'ennemi, & qu'on l'oblige d'abandonner le haut de la breche, on détache quelques soldats pour tâcher de découvrir les mines que l'ennemi doit avoir faites dans l'intérieur du rempart de la demi-lune, & en arracher ou couper le saucisson. Si l'on ne peut pas réussir à les trouver, il ne faut s'avancer qu'avec circonspection, & ne pas se tenir tous ensemble, pour que la mine fasse un effet moins considérable. Souvent l'ennemi laisse travailler au logement sans trop s'y opposer, parce qu'il ne se fait qu'avec une très-grande perte de monde, les travailleurs & les troupes étant pendant le tems de sa construction absolument en bute à tout le feu de la place, qui est bien servi, & que la proximité rend très-dangereux : mais lorsque le logement commence à prendre forme, l'ennemi fait sauter ses mines, & il revient ensuite dans la demi-lune, pour essayer de la reprendre à la faveur du desordre que les mines ne peuvent manquer d'avoir causé parmi les troupes qui y étoient établies. Alors il faut revenir sur lui avec des troupes qui doivent être à portée de donner du secours à celles de la demi-lune, & s'établir dans les excavations des mines ; & enfin rendre le logement solide, le garnir d'un assez grand nombre de soldats, pour être en état de résister à tous les nouveaux efforts de l'ennemi.

Cet ouvrage ne peut guere être ainsi disputé que lorsque la demi-lune a un réduit, parce que le réduit donne une retraite aux soldats de la place qui défendent la demi-lune, & qu'il met à portée de tomber aisément dans la demi-lune : car s'il n'y en a point & que l'ennemi soit chassé de la demi-lune, il ne peut plus guere tenter d'y revenir, sur-tout si la communication de la place avec la demi-lune est vûe des batteries & des logemens du chemin couvert : car si le fossé est plein d'eau, cette communication ne pourra se faire qu'avec des bateaux, qu'on peut voir aisément du chemin couvert, & qu'on peut renverser avec le canon des batteries ; & si le fossé est sec, & qu'il y ait une caponniere, la communication, quoique plus sûre, n'est pourtant pas sans danger, à cause du feu qu'on y peut plonger des logemens du chemin couvert, ensorte qu'il est assez difficile que l'ennemi y puisse faire passer assez brusquement un corps de troupes suffisant pour rentrer dans la demi-lune & s'en emparer ; il lui manque d'ailleurs de la place pour s'assembler & tomber tout d'un coup avec un gros corps sur les logemens de la demi-lune.

Il y auroit seulement un cas où il pourroit le faire ; savoir, lorsqu'on a pratiqué dans l'angle de la gorge de la demi-lune un espace à peu-près de la grandeur des places d'armes du chemin couvert ; cet espace ne peut être vû du chemin couvert, ni de ses logemens, & il y a ordinairement des degrés pour monter du fond du fossé dans la demi-lune, l'ennemi pourroit en profiter pour essayer d'y venir : mais si l'on se tient bien sur ses gardes, & qu'on ne se laisse point surprendre, il sera toûjours aisé de le repousser même avec perte de sa part ; parce qu'alors on a contre lui l'avantage de la situation, & qu'il est obligé d'attaquer à découvert, pendant que l'on se défend favorisé du logement.

Le tems le plus favorable pour l'attaque de la demi-lune, de vive force, est la nuit ; le feu de l'ennemi en est bien moins sûr qu'il ne le seroit le jour ". Attaque des places par M. le Blond.

ATTAQUE du chemin couvert ; c'est, dans l'Art militaire, les moyens qu'on employe pour en chasser l'ennemi, & pour s'y établir ensuite. Cette attaque se fait de deux manieres, ou par la sappe, ou de vive force. On va donner une idée de chacune de ces attaques.

Lorsque la troisieme parallele, ou place d'armes, est solidement établie au pié du glacis, & qu'on veut s'emparer du chemin couvert par la sappe, on s'avance en zig-zag par une sappe sur les arêtes des angles saillans du chemin couvert attaqué ; & comme il est alors fort difficile de se parer de l'enfilade, on s'enfonce le plus profondément qu'on peut, ou bien l'on fait de fréquentes traverses. On arrive aussi quelquefois à l'angle saillant du glacis par une tranchée directe qui se construit ainsi.

Deux sappeurs poussent devant eux, le long de l'arrête du glacis, un gabion farci ou un mantelet. Ils font une sappe de chaque côté de cette arrête. Ils en font le fossé beaucoup plus profond qu'à l'ordinaire, pour s'y couvrir plus sûrement du feu de la place. Cette sappe qui chemine ainsi des deux côtés en même tems, se nomme double sappe. Elle a un parapet de chaque côté, & des traverses dans le milieu, de distance en distance. Voyez TRANCHEE DIRECTE. Lorsqu'elle est parvenue à la moitié, ou aux deux tiers du glacis, on construit des cavaliers de tranchée pour commander & enfiler les branches du chemin couvert. Voyez CAVALIER DE TRANCHEE.

Ces cavaliers bien établis, il est aisé de pousser la tranchée directe jusqu'à l'angle saillant du chemin couvert, & d'établir à la pointe de cet angle & sur le haut du glacis, un petit logement en arc de cercle, dont le feu peut obliger l'ennemi d'abandonner la place d'armes qui est en cet endroit. On étend ensuite ce logement de part & d'autre des branches du chemin couvert, en s'enfonçant dans la partie supérieure ou la crête du glacis, à la distance de trois toises du côté intérieur du chemin couvert, afin que cette épaisseur lui serve de parapet à l'épreuve du canon.

L'opération que l'on vient de décrire pour parvenir de la troisieme parallele à l'angle saillant du chemin couvert, se fait en même tems sur tous les angles saillans du front attaqué. Ainsi l'ennemi se trouve obligé de les abandonner à peu-près dans le même tems. Le logement se continue ensuite de part & d'autre de ces angles vers les places d'armes rentrantes du chemin couvert.

On oblige l'ennemi d'abandonner ces places d'armes par des batteries de pierriers qu'on construit vis-à-vis, & qui joignent les logemens des deux branches du chemin couvert, qui forment les angles rentrans. Ces batteries étant construites, elles font pleuvoir une grêle de cailloux dans les places d'armes, qui ne permettent pas à l'ennemi de s'y soûtenir. On avance toûjours pendant ce tems-là le logement des branches vers la place d'armes ; & lorsque l'ennemi l'a abandonné, on continue le logement du glacis tout autour des faces de la place d'armes. On fait un autre logement dans la place d'armes qui communique avec celui de ses faces. Il s'étend à peu-près circulairement le long des demi-gorges des places d'armes.

Ce logement bien établi & dans son état de perfection, empêche l'ennemi de revenir dans le chemin couvert pour essayer de le reprendre.

Tous ces logemens se font avec des gabions & des fascines. On remplit les gabions de terre ; on met des fascines dessus, & l'on recouvre le tout de terre.

" Dans tout ce détail nous n'avons point fait usage de mines, afin de simplifier autant qu'il est possible la description des travaux que l'on fait depuis la troisieme parallele, pour se rendre maître du chemin couvert. Nous allons suppléer actuellement à cette omission, en parlant des principales difficultés que donnent les mines, pour parvenir à chasser l'ennemi du chemin couvert.

Sans les mines il seroit bien difficile à l'ennemi de retarder les travaux dont nous venons de donner le détail ; parce que les ricochets le désolent entierement, & qu'ils labourent toutes ses défenses, ensorte qu'il n'a aucun lieu où il puisse s'en mettre à l'abri : mais il peut s'en dédommager dans les travaux soûterreins, où ses mineurs peuvent aller, pour ainsi dire, en sûreté, tandis que ceux de l'assiégeant, qui n'ont pas la même connoissance du terrein, ne peuvent aller qu'à tâtons, & que c'est une espece de hasard, s'ils peuvent parvenir à trouver les galeries de l'ennemi, & les ruiner. Si l'on est instruit que le glacis de la place soit contreminé, on ne doit pas douter que l'ennemi ne profite de ces contremines, pour pousser des rameaux en avant dans la campagne ; & alors pour éviter autant que faire se peut, le mal qu'il peut faire avec ses fourneaux, on creuse des puits dans la troisieme parallele, auxquels on donne, si le terrein le permet, 18 ou 20 piés de profondeur, afin de gagner le dessous des galeries de l'assiégé ; & du fond de ces puits on mene des galeries, que l'on dirige vers le chemin couvert pour chercher celles de l'ennemi. On sonde les terres avec une longue aiguille de fer, pour tâcher de trouver ces galeries. Si l'on se trouve dessus, on y fera une ouverture, par laquelle on jettera quelques bombes dedans qui en feront deserter l'ennemi, & qui ruineront sa galerie. Si au contraire on se trouve dessous, on la fera sauter avec un petit fourneau : mais si on ne peut parvenir à découvrir aucunes galeries de l'ennemi, en ce cas il faut prendre le parti de faire de petits rameaux à droite & à gauche, au bout desquels on fera de petits fourneaux qui ébranleront les terres des environs, & qui ne pourront guere manquer de ruiner les galeries & les fourneaux de l'assiégé.

Quelque attention que l'on puisse avoir en pareil cas, on ne peut présumer d'empêcher totalement l'ennemi de se servir des fourneaux qu'il a placés sous le glacis : mais à mesure qu'il les fait sauter, on fait passer des travailleurs, qui font promptement un logement dans l'entonnoir de la mine, & qui s'y établissent solidement. On peut dans de certaines situations de terrein, gâter les mines des assiégés, en faisant couler quelque ruisseau dans ses galeries ; il ne s'agit pour cela que de creuser des puits dans les environs, & y faire couler le ruisseau. On se servit de cet expédient au siége de Turin, en 1706, & on rendit inutile parlà un grand nombre de mines des assiégés.

L'ennemi doit avoir disposé des fourneaux pour empêcher le logement du haut du glacis ; ils doivent être placés à quatre ou cinq toises de la palissade du chemin couvert, afin qu'en sautant, ils ne causent point de dommage à cette palissade, & qu'ils se trouvent à-peu-près sous le logement que l'assiégeant fait sur le haut du glacis. Lorsqu'il y a mis le feu, on s'établit dans leur entonnoir ; l'assiégeant fait aussi sauter des fourneaux de son côté, pour enlever & détruire la palissade. Enfin on ne néglige rien de part & d'autre pour se détruire réciproquement. L'assiégé fait ensorte de n'abandonner aucune partie de son terrein, sans l'avoir bien disputé ; & l'assiégeant employe de son côté toute son industrie, pour obliger l'ennemi de le lui céder au meilleur compte, c'est-à-dire avec peu de perte, de tems, & de monde.

On ne peut donner que des principes généraux sur ces sortes de chicanes. Elles dépendent du terrein plus ou moins favorable, & ensuite de la capacité & de l'intelligence de ceux qui attaquent, & de ceux qui défendent la place.

Nous avons supposé avant que de parler des mines, en traitant du logement sur le haut du glacis, que le feu des cavaliers de tranchée, celui des batteries de canon & de bombes à ricochet, avoit obligé l'ennemi de quitter le chemin couvert : mais si malgré tous ces feux il s'obstine à demeurer dans les places d'armes, & derriere les traverses, voici comment on pourra parvenir à l'en chasser totalement, & à faire sur le haut du glacis le logement dont nous avons déjà parlé.

Soit que l'ennemi ait fait sauter un fourneau vers l'angle saillant de son chemin couvert, ou que l'assiégé ait fait sauter vers ces endroits une partie des palissades ; si-tôt que le fourneau aura joué, on fera passer des travailleurs dans son entonnoir, qui s'y couvriront promptement, & qui ensuite étendront le logement dans le chemin couvert de part & d'autre des côtés de son angle saillant.

On communiquera la tranchée double, ou la double sappe de l'arrête du glacis avec ce logement, pour être plus en état de le soûtenir, s'il en est besoin, & pour pouvoir communiquer plus sûrement avec lui. Une des grandes attentions qu'il faut avoir dans ce logement, c'est d'en bien couvrir les extrémités, c'est-à-dire de s'y bien traverser pour se couvrir des feux des autres parties du chemin couvert, où l'ennemi se tient encore.

Lorsque ce logement sera parvenu auprès des premieres traverses du chemin couvert, si l'ennemi est encore derriere, comme il ne peut y être qu'en très-petit nombre, eu égard à l'espace qu'il y a, on l'en fera chasser par une compagnie de grenadiers, qui tomberont brusquement sur lui ; après quoi on fera chercher dans la partie qu'ils auront abandonnée, l'ouverture ou le saucisson de la mine ; & si on la trouve, comme il y a apparence, on l'arrachera, & on rendra par-là la mine inutile. On pourra aussi faire passer quelques travailleurs dans le passage de la traverse : ils y feront un logement qui sera un des plus sûrs de ceux que l'on peut faire dans cette proximité de l'ennemi. On percera ensuite une entrée dans le chemin couvert vis-à-vis ces traverses ; on la prolongera jusque vers le bord du fossé, en se couvrant de la traverse ; après quoi on fera partir une sappe de chacune des extrémités de ce passage, c'est-à-dire environ du bord de la contrescarpe, lesquels suivront à-peu-près l'arrondissement de cette contrescarpe, vers le milieu de laquelle elles se rencontreront. On enfoncera beaucoup ce logement, afin qu'il ne cause point d'obstacle à celui du haut du glacis ; & l'on fera ensorte de laisser devant lui jusqu'au bord du fossé, une épaisseur de terre suffisante pour résister au canon des flancs & de la courtine. On blinde ce logement pour y être à couvert des grenades. Il est d'une grande utilité pour donner des découvertes dans le fossé.

On continuera pendant le tems qu'on travaillera à ce logement dans l'intérieur du chemin couvert, le logement du haut du glacis, jusqu'aux places d'armes rentrantes, d'où l'on pourra chasser l'ennemi de vive force, par une attaque de quelques compagnies de grenadiers, supposé qu'il se soit obstiné à y demeurer malgré le feu des ricochets, des bombes, & des pierriers. L'ennemi les ayant totalement abandonnées, on y fera un logement en portion de cercle dans l'intérieur, ainsi qu'on l'a déjà dit précédemment. "

De l'attaque de vive force du chemin couvert. " Il y a une autre maniere de chasser l'ennemi du chemin couvert plus prompte, mais aussi beaucoup plus meurtriere, plus incertaine, & infiniment moins savante. Elle consiste à faire une attaque subite de tout le chemin couvert du front de l'attaque, à en chasser l'ennemi à force ouverte, & à s'y établir immédiatement après par un bon logement.

Il se trouve des circonstances qui obligent de prendre quelquefois le parti d'attaquer aussi le chemin couvert : comme lorsque l'on ne peut pas établir des batteries à ricochets pour battre ses branches, de même que les faces des pieces de fortification du front de l'attaque, ou qu'on présume que l'ennemi n'est pas en état de résister à une attaque de la sorte ; ou enfin qu'on croit ne devoir rien négliger pour s'emparer quelques jours plûtôt du chemin couvert : en ce cas on prend le parti de faire cette attaque. Voici en peu de mots comment on s'y conduit.

Lorsqu'on a pris le parti d'attaquer le chemin couvert de vive force, on fait ensorte que la troisieme parallele avance ou empiete sur le glacis : plus elle sera avancée, & plus l'attaque se fera avantageusement. On fait des banquettes tout le long de cette parallele en forme de degrés jusqu'au haut de son parapet, afin que le soldat puisse passer aisément par-dessus, pour aller à l'attaque du chemin couvert.

On fait un amas considérable de matériaux sur le revers de cette ligne, & dans la ligne même, comme d'outils, de gabions, de fascines, de sacs à terre, &c. afin que rien ne manque pour faire promptement le logement, après avoir chassé l'ennemi du chemin couvert. On commande un plus grand nombre de compagnies de grenadiers qu'à l'ordinaire, on les place le long de la troisieme parallele, sur quatre ou six de hauteur ; & les travailleurs sont derriere eux, sur les revers de cette parallele, munis de leurs outils, de gabions, fascines, &c. On a soin que tous les autres postes de la tranchée soient plus garnis de troupes qu'à l'ordinaire, afin de fournir du secours à la tête, s'il en est besoin, & qu'ils fassent feu sur les défenses de l'ennemi, qu'ils peuvent découvrir : les grenadiers sont aussi armés de haches pour rompre les palissades du chemin couvert.

On donne ordre aux batteries de canon, de mortiers, & de pierriers, de se tenir en état de seconder l'attaque de tout leur feu ; on convient d'un signal pour que toutes les troupes qui doivent commencer l'attaque, s'ébranlent en même tems, & tombent toutes ensemble sur l'ennemi.

Ce signal consiste en une certaine quantité de coups de canon, ou un certain nombre de bombes, qu'on doit tirer de suite ; & l'on doit se mettre en mouvement au dernier coup, ou à la derniere bombe.

Le signal étant donné, toutes les troupes de la troisieme parallele s'ébranlent en même tems, & elles passent brusquement par-dessus son parapet ; elles vont à grands pas au chemin couvert, & elles entrent dedans, soit par ses barrieres, soit par les ouvertures que les grenadiers y font en rompant les palissades à coups de hache. Lorsqu'elles y ont pénétré, elles chargent l'ennemi avec beaucoup de vivacité ; dès qu'elles sont parvenues à lui en faire abandonner quelques-uns des angles, les ingénieurs y conduisent promptement les travailleurs, & y tracent un logement sur la partie supérieure du glacis, vis-à-vis de la partie du chemin couvert abandonné, & à trois toises de son côté intérieur. Ce logement, comme on l'a déjà dit, se fait avec des gabions que les travailleurs posent sur le glacis, à côté les uns des autres. Les joints en sont couverts par des sacs à terre, ou par des fagots de sappe. On remplit aussi ces gabions de terre, on les couvre de fascines, & on jette sur le tout la terre que l'on tire du glacis, en creusant & en élargissant le logement ; on s'en fait un parapet pour se mettre à couvert du feu direct de la place, le plus promptement qu'il est possible, & on se garantit de l'enfilade par des traverses.

Pendant cette opération, toutes les batteries de la tranchée ne cessent de tirer aux défenses de la place, pour y tenir l'ennemi en inquiétude ; & diminuer autant que l'on peut l'activité de son feu sur les travailleurs & sur le logement.

Lorsque les troupes qui ont fait l'attaque, sont parvenues à chasser l'ennemi de son chemin couvert, ou de quelqu'une de ses places d'armes (car souvent on ne peut dans une premiere attaque y établir qu'un ou deux logemens aux angles saillans), elles se retirent derriere le logement, où elles restent le genou en terre, jusqu'à ce qu'il soit en état de les couvrir. Quelquefois l'ennemi que l'on croyoit avoir chassé du chemin couvert, revient à la charge, & il oblige de recommencer l'attaque & le logement qu'il culbute, en tombant inopinément dessus. Cette attaque se peut recommencer plusieurs fois, & être fort disputée, lorsque l'on a affaire à une forte garnison ; en ce cas il faut payer de bravoure, & se roidir contre les difficultés de l'ennemi.

Lorsqu'il est prêt d'abandonner la partie, il faut mettre le feu à ses mines ; on s'établit aussi-tôt qu'elles ont joüé, dans les entonnoirs, comme nous l'avons déjà dit, en parlant de cette attaque par la sappe : enfin on s'oppose à toutes ses chicanes, autant que l'on peut, & si l'on est repoussé dans une premiere attaque, on s'arrange pour la recommencer le lendemain ou le sur-lendemain, & l'on tâche de prendre encore plus de précautions que la premiere fois pour réussir dans l'entreprise.

Avant de commencer cette attaque, on canonne pendant plusieurs heures avec vivacité le chemin couvert, pour tâcher d'en rompre les palissades & labourer la partie supérieure de son glacis, afin d'avoir plus de facilité à y pénétrer & à faire le logement. On laisse après cela, le tems nécessaire aux pieces pour qu'elles refroidissent, c'est-à-dire environ une heure, & l'on commence l'attaque comme nous l'avons dit, pendant laquelle l'artillerie agit continuellement.

Il faut convenir que cette sorte d'attaque est extrèmement meurtriere. Les assiégeans sont obligés d'aller pendant presque toute la largeur du glacis à découvert, exposés à tout le feu de la place. Ils sont obligés d'attaquer des gens cachés derriere des palissades, qu'il faut rompre à coups de hache pour parvenir jusqu'à eux. Il faut combattre long-tems avec un desavantage évident ; & lorsqu'à force de valeur on a chassé l'ennemi, on se trouve exposé à tout le feu des remparts, qui est servi alors avec la plus grande vivacité. On est aussi exposé aux mines que l'ennemi fait sauter pour déranger le logement, mettre du desordre & de la confusion parmi les troupes ; ce qui leur donne la facilité de revenir sur elles, & de les harceler encore de nouveau. Il s'en faut beaucoup que la premiere méthode dont nous avons parlé, soit aussi incertaine & aussi meurtriere que celle-ci. Suivant M. le maréchal de Vauban, on doit toûjours la préférer lorsqu'on en est le maître, & ne se servir seulement de cette derniere, que lorsqu'on y est obligé par quelques raisons essentielles.

Le tems le plus favorable pour cette attaque, est la nuit ; on est moins vû de la place, & par conséquent son feu est moins dangereux : cependant il y a des généraux qui la font faire de jour. Il n'y a rien de réglé là-dessus ; ils sont les maîtres de prendre le parti qu'ils croyent le meilleur, suivant les circonstances des tems & des lieux ". Attaque des places, par M. le Blond. (Q)

ATTAQUE, en Escrime, est un ou plusieurs mouvemens que l'on fait pour ébranler l'ennemi, afin de le frapper pendant son desordre.


ATTAQUERATTAQUER un cheval, (Manége.) c’est le piquer vigoureusement avec les éperons. (V)


ATTEINDREterme de Marine, pour dire joindre un vaisseau. Atteindre un vaisseau en chassant sur lui. (Z)


ATTEINTadj. terme de Palais en matiere criminelle, se dit d'une personne qui a été trouvée coupable de quelque crime ou délit. On ne le dit guere sans y ajoûter le terme de convaincu, qui y ajoûte plus de force ; car un accusé atteint, est seulement celui contre lequel il y a de forts indices : mais il n'est convaincu que quand son crime est parfaitement constaté : aussi une sentence ou arrêt de mort porte toûjours que l'accusé a été atteint & convaincu. Voyez CONVICTION. (H)


ATTEINTEen Medecine, se prend pour une attaque legere de maladie. On dit : il sentit dès sa jeunesse les premieres atteintes de la goutte.

ATTEINTE, s. f. (Manége.) c'est dans les courses de bague le coup dans lequel la lance touche la bague sans l'emporter. On dit : il a eu trois dedans & deux atteintes ; ou dans une course, il a touché deux fois la bague, & il l'a emportée trois.

ATTEINTE, (Manége.) mal qui arrive au derriere du pié d'un cheval quand il s'y blesse, ou qu'il y est blessé par le pié d'un autre cheval. Atteinte encornée, est celle qui pénetre jusque dessous la corne. Atteinte sourde, est celle qui ne forme qu'une contusion sans blessure apparente.

Un cheval se donne une atteinte, lorsqu'avec la pince du fer de derriere il se donne un coup sur le talon du pié de devant : mais plus communément les atteintes proviennent de ce qu'un cheval qui en suit un autre, lui donne un coup, soit au pié de devant, soit au pié de derriere, en marchant trop près de lui. L'atteinte ou le coup qui sera donné sur le talon auprès du quartier, de l'une ou de l'autre de ces deux façons, fera meurtrissure ; ce qui s'appelle une atteinte sourde, ou bien une plaie, ou un trou en emportant la piece ; & si ce trou pénetre jusqu'au cartilage du pié, & que ce cartilage se corrompe, alors le mal est considérable, & s'appelle une atteinte encornée, qui devient aussi dangereuse qu'un javart encorné. Une atteinte encornée peut provenir aussi de ce qu'un cheval se sera blessé sur la couronne avec le crampon de l'autre pié : elle devient de même encornée, lorsqu'on la néglige dans les commencemens, quoiqu'elle ne soit pas considérable d'abord, & que le cheval n'en boite guere : car si l'on continue à le travailler, sans songer à son atteinte, la partie fatiguée sera plus sujette à se corrompre, & à venir en matiere.

Les chevaux, dans les tems de gelée, quand on leur met des crampons fort longs, & des clous à glace, se donnent des atteintes plus dangereuses.

On connoît l'atteinte par la plaie : on voit dans l'endroit où le cheval a été attrapé, soit au-dessous de la couronne, ou même dans le paturon, le sang qui sort, & un trou, ou bien la piece emportée. A l'égard de l'atteinte sourde, je veux dire, celle où il ne paroît rien, on la reconnoît en ce que le cheval boite, & qu'on sent la partie frappée plus chaude que le reste du pié.

Quand la partie qui est au-dessus de l'atteinte enfle, que la corne se resserre, & que le pié s'étrécit au-dessous, il est bien à craindre que le cartilage du pié ne se corrompe, & que l'atteinte ne devienne encornée.

Un cheval aura souvent eu une atteinte qui aura pénétré jusqu'au cartilage : on pourra la guérir en apparence ; le trou se bouche, & la plaie, s'il y en a, se consolidera facilement ; le cheval ne boitera plus, & on le croira guéri : mais comme le cartilage est touché, & qu'il est insensible, quoiqu'il ne fasse plus boiter, la matiere s'assemble dans cette partie, & en fait peu-à-peu une sorte atteinte encornée, qui est quelquefois six mois à paroître, sur-tout lorsque la matiere qui corrompt ce cartilage n'a point de malignité par elle-même.

Quand on néglige une atteinte simple, elle peut devenir encornée, & par conséquent très-dangereuse.

Dès le moment qu'on s'apperçoit de l'atteinte, c'est-à-dire aussi-tôt qu'elle a été donnée, on met du poivre dessus, ce qui la guérit pour l'ordinaire : mais si on ne la traite pas dans le moment qu'elle vient d'être donnée, après avoir coupé la chair détachée, on commencera par laver la plaie avec du vin chaud & du sel ; on pilera ensuite un jaune d'oeuf dur, & on l'appliquera dessus en forme d'onguent ; s'il y a un trou, on employera la térébenthine & le poivre, ou bien de la poudre à canon délayée avec de la salive ; on en remplit le trou de l'atteinte, & on y met le feu : si le trou est sur la couronne, & profond, il faut passer dessus le fer ardent ; & pour empêcher que l'air n'y entre, on fera fondre l'emplâtre divin avec l'huile rosat ; & après l'avoir mis sur du coton, on l'appliquera sur la plaie.

Si l'atteinte est considérable, on commencera par saigner le cheval.

Lorsque l'atteinte devient encornée, c'est qu'elle a été négligée, ou que la blessure se trouvant auprès du cartilage, la chair meurtrie se convertit en une matiere qui corrompt le cartilage ; ou bien l'atteinte même parvient jusqu'au cartilage, & le noircit : cette circonstance est très-dangereuse.

Il faut suivre, pour guérir une atteinte encornée, la même méthode que pour le javart encornée ; car elle est sujette au même accident, & la cure en est précisément la même.

Au reste, il faut empêcher que l'atteinte ne se mouille, & que le cheval ne la lêche ; car il ne sauroit guérir tant qu'il se lêchera. (V)


ATTELAGEse dit d'un nombre de chevaux destinés à tirer une voiture.


ATTELERc'est joindre des chevaux à une voiture pour la tirer.


ATTELIERboutique, magasin, chantier. L'attelier, le chantier, & la boutique, sont l'un & l'autre des lieux où l'on travaille ensemble & séparément : mais l'attelier se dit des peintres, des sculpteurs, des fondeurs, & de quelques autres ; le chantier, des charpentiers, marchands de bois, constructeurs de vaisseaux ; & la boutique, de presque tous les autres arts méchaniques. Le chantier est ordinairement plus grand que l'attelier, & l'attelier plus grand que la boutique : l'attelier & la boutique sont couverts ; le chantier ne l'est pas toûjours, ni presque jamais en entier : l'attelier & le chantier sont des bâtimens séparés ; la boutique & le magasin sont des lieux particuliers d'un bâtiment ; le premier a communément une ouverture sur la rue. Les ouvrages se font dans l'attelier & dans la boutique, se renferment dans le magasin, & restent au contraire sur le chantier jusqu'à ce qu'ils soient employés ou vendus.

L'attelier des terrassiers est un endroit d'un jardin où ces ouvriers déposent leurs outils, & se disposent au travail : la berge sur laquelle on forme les branches & les coupons d'un train, s'appelle l'attelier des faiseurs de trains. Voyez TRAIN. Le cirier a proprement quatre atteliers ; la fonderie, l'attelier des meches, celui de l'apprêt, & celui de l'achevement. Voy. CIRE. Dans la manufacture des glaces, il y a deux sortes d'atteliers ; ceux de l'adouci, & ceux du poli : on dégrossit les glaces dans les premiers ; on les acheve dans les autres. Voyez GLACE.

Les atteliers de vers à soie sont une espece d'édifice leger, construit de perches, & séparé en cabanes par des branches ou rameaux de divers bois, & dont le plancher est fait de claies d'osiers secs & pelés : c'est là qu'on nourrit & qu'on entretient les vers à soie ; c'est là qu'ils font leurs oeufs & leurs cocons.

ATTELIER, s. m. (Hist. mod.) se dit encore d'un lieu où l'on enferme les pauvres, les vagabonds & les fainéans, pour les y faire travailler, moyennant la nourriture & l'habillement, &c.

Tels sont à Londres Bridwell, & plusieurs autres lieux dans les faubourgs, sur-tout dans la rue de Bishopsgate, où l'on retire les pauvres enfans de la ville qui n'ont aucun établissement ; & celui qui est dans la paroisse de sainte Marguerite à Westminster, appellé the-Grey-Coat-hospital. Voyez HOPITAL.

Il y a à Amsterdam un fameux attelier ou maison de correction, appellée Rasphuyse, qui, par un privilége obtenu en 1702, a seule le droit de scier & de couper les bois qui servent pour la teinture, comme le bresil, le santal, le campeche, le sassafras, &c.

Chaque personne est obligée de donner 250 livres de bois rapé par jour, & ceux qui sont moins robustes, une certaine quantité de coupeaux. (G)


ATTELLES. f. Il y a chez les Potiers de terre deux instrumens de ce nom : l'un est un petit morceau de bois qu'ils mettent entre leurs doigts, & qu'ils appliquent aux bords de l'ouvrage pour l'enlever de dessus la roue ; l'autre est de fer, a la forme d'une plaque mince, & de trois ou quatre pouces en quarré, est percé d'un trou dans le milieu pour pouvoir être tenu ferme, est tranchant par une de ses faces, & sert au potier à diminuer d'épaisseur son ouvrage.

ATTELLES ou ATTELLOIRES, terme de Bourrelier ; ce sont deux especes de planches chantournées, beaucoup plus larges par en-haut que par en-bas, que les bourreliers attachent au-devant des colliers qui doivent servir aux chevaux de charrettes & de charrues. Les attelles sont ordinairement faites de bois de chêne, & on les peint quelquefois.

Les bourreliers sont dans l'usage d'attacher au-devant de leurs boutiques, ou d'y faire peindre des attelles, pour leur servir de montre & d'enseigne. Voyez les fig. A A, Pl. du Bourrelier, fig. 6. qui représentent les deux attelles montées autour d'un collier de limon.

ATTELLES, terme de Plombier ; ce sont des bois creux, qui étant réunis & joints l'un contre l'autre, forment une poignée dont ces ouvriers se servent pour tenir leur fer à souder : on appelle aussi ces poignées des moufflettes. Voy. MOUFFLETTES & FER A SOUDER, & les fig. 4. 4. Pl. III. du Plombier.

ATTELLES sont aussi un nombre des outils du fontainier. Voyez ce que c'est au mot FONTAINIER (K)


ATTENDORN(Géog.) ville d'Allemagne, dans le duché de Westphalie, aux confins du comté de la Marck, proche d'Arensberg, vers le midi.


ATTENDREATTENDRE un cheval, (Manége.) c’est ne s’en point servir, ou le ménager jusqu’à ce que l’âge ou la force lui soit venue. (V)


ATTENTATS. m. en terme de Palais, se dit de toute procédure qui donne atteinte aux droits ou priviléges d'une jurisdiction supérieure, ou à l'autorité du prince, ou à celle des lois.


ATTENTATOIREest un adjectif formé du terme précédent, & qui a le même usage & la même signification. (H)


ATTENTE(Architecture.) Voyez PIERRE D'ATTENTE & TABLE D'ATTENTE.


ATTENTIONexactitude, vigilance, (Gramm.) tous marquent différentes manieres dont l'ame s'occupe d'un objet : rien n'échappe à l'attention ; l'exactitude n'omet rien ; la vigilance fait la sûreté. Si l'ame s'occupe d'un objet, pour le connoître elle donne de l'attention ; pour l'exécuter elle apporte de l'exactitude ; pour le conserver elle employe la vigilance. L'attention suppose la présence d'esprit ; l'exactitude, la mémoire ; la vigilance, la crainte & la méfiance.

Le magistrat doit être attentif, l'ambassadeur exact, le capitaine vigilant. Les discours des autres demandent de l'attention ; le maniment des affaires de l'exactitude ; l'approche du danger de la vigilance. Il faut écouter avec attention ; satisfaire à sa promesse avec exactitude, & veiller à ce qui nous est confié.

ATTENTION, s. f. (Logiq.) c'est une opération de notre ame, qui s'attachant à une partie d'un objet composé, la considere de maniere à en acquérir une idée plus distincte que des autres parties. Ainsi dans un spectacle nous donnons une attention toute particuliere aux scenes vives & intéressantes. La connoissance que fait naître en nous l'attention est si vive, qu'elle absorbe, pour ainsi dire, toutes les autres, & qu'elle semble seule occuper l'ame & la remplir toute entiere.

Il est certain que plus nous apporterons de contention d'esprit à l'examen d'une chose qui est hors de nous, plus nous pourrons acquérir un grand nombre des idées particulieres, qui sont contenues dans l'idée complexe de ce que nous examinons. La même chose a lieu par rapport à ce dont nous avons une perception immédiate, soit qu'il s'agisse de ce qui se passe dans notre ame, soit que nous comparions des idées déjà acquises. A l'égard de ces dernieres, il est clair que si nous considérons pendant long-tems & avec attention deux idées composées, nous découvrirons un plus grand nombre de relations entre les idées particulieres qui les composent. L'attention est, pour ainsi dire, une espece de microscope qui grossit les objets, & qui nous y fait appercevoir mille propriétés qui échappent à une vûe distraite.

Pour augmenter l'attention, il faut avant tout écarter ce qui pourroit la troubler ; ensuite il faut chercher des secours pour l'aider.

1°. Les sensations sont un obstacle à l'attention que nous voulons donner aux objets qui occupent notre imagination ; & le meilleur moyen de conserver cette attention, c'est d'écarter tous les objets qui pourroient agir sur nos sens, & de bannir de notre imagination tout ce qui la remue trop vivement. Les sensations obscurcissent, effacent, & font éclipser les actes de l'imagination, comme le prouve l'expérience. Vous avez vû hier un tableau dont vous vous rappellez actuellement l'idée : mais au même moment un autre tableau frappe votre vûe, & chasse par son impression l'image qui vous occupoit intérieurement. Un prédicateur suit de mémoire le fil de son discours ; un objet singulier s'offre à ses regards, son attention s'y livre, il s'égare, & cherche inutilement la suite de ses idées. Il est donc essentiel de préserver ses sens des impressions extérieures, lorsqu'on veut soûtenir son attention. De-là ces orateurs qui récitent les yeux fermés ou dirigés vers quelque point fixe & immobile. Delà les soins d'un homme de lettres, pour placer son cabinet dans quelqu'endroit retiré & tranquille. De-là le succès des études de la nuit, puisqu'il regne alors un grand calme par-tout.

Le tumulte de l'imagination n'est pas moins nuisible à l'attention que celui des sens. A l'issue d'un spectacle il vous est difficile de reprendre vos études ; vous êtes dans le même cas le lendemain d'une grande partie de divertissement, dont les idées se renouvellent avec vivacité ; & en général toutes les fois que nous sommes fortement occupés de plusieurs objets brillans, sonores, ou propres à faire quelqu'autre impression sur nos sens.

Les modifications de l'ame ont trois causes, les sens, l'imagination, & les passions. Tous ceux qui veulent s'appliquer soigneusement à la recherche de la vérité, doivent avoir un grand soin d'éviter, autant que cela se peut, toutes les sensations trop fortes, comme le grand bruit, la lumiere trop vive, le plaisir, la douleur, &c. Ils doivent veiller sans cesse à la pureté de leur imagination, & empêcher qu'il ne se trace dans leur cerveau de ces vestiges profonds qui inquietent & qui dissipent continuellement l'esprit. Enfin ils doivent sur-tout arrêter les mouvemens des passions, qui font dans le corps & dans l'ame des impressions si puissantes, qu'il est d'ordinaire comme impossible que l'esprit pense à d'autres choses qu'aux objets qui les excitent. Néanmoins on peut faire usage des passions & des sens pour conserver l'attention de l'esprit.

Les passions dont il est utile de se servir, dit le P. Malbranche, pour s'exciter la recherche de la vérité, sont celles qui donnent la force & le courage de surmonter la peine que l'on trouve à se rendre attentif. Il y en a de bonnes & de mauvaises ; de bonnes, comme le desir de trouver la vérité, d'acquérir assez de lumiere pour se conduire, de se rendre utile au prochain, & quelques autres semblables ; de mauvaises ou de dangereuses, comme le desir d'acquérir de la réputation, de se faire quelqu'établissement, de s'élever au-dessus de ses semblables, & quelques autres encore plus déréglées.

Dans le malheureux état où nous sommes, il arrive souvent que les passions les moins raisonnables nous portent plus vivement à la recherche de la vérité, & nous consolent plus agréablement dans les peines que nous y trouvons, que les passions les plus justes & les plus raisonnables. La vanité, par exemple, nous agite beaucoup plus que l'amour de la vérité. La vûe confuse de quelque gloire qui nous environne lorsque nous débitons nos opinions, nous soûtient le courage dans les études même les plus stériles & les plus ennuyeuses. Mais si par hasard nous nous trouvons éloignés de ce petit troupeau qui nous applaudissoit, notre ardeur se refroidit aussi-tôt : les études même les plus solides n'ont plus d'attrait pour nous ; le dégoût, l'ennui, le chagrin nous prend. La vanité triomphoit de notre paresse naturelle, mais la paresse triomphe à son tour de l'amour de la vérité ; car la vanité résiste quelquefois à la paresse, mais la paresse est presque toûjours victorieuse de l'amour de la vérité.

Cependant la passion pour la gloire, quand elle est réglée, peut servir beaucoup à fortifier l'attention. Cette passion, si elle se trouve jointe avec un amour sincere de la vérité & de la vertu, est digne de loüanges, & ne manque jamais de produire d'utiles effets. Rien ne fortifie plus l'esprit & n'encourage davantage les talens à se développer, que l'espérance de vivre dans le souvenir des hommes, mais il est difficile que cette passion se contienne dans les bornes que lui prescrit la raison ; & quand une fois elle vient à les passer, au lieu d'aider l'esprit dans la recherche de la vérité, elle l'aveugle étrangement & lui fait même croire que les choses sont comme il souhaite qu'elles soient. Il est certain qu'il n'y auroit pas eu tant de fausses inventions & tant de découvertes imaginaires, si les hommes ne se laissoient point étourdir par des désirs ardens de paroître inventeurs.

La passion ne doit servir qu'à réveiller l'attention : mais elle produit toûjours ses propres idées, & elle pousse vivement la volonté à juger des choses par ces idées qui la touchent, plûtôt que par les idées pures & abstraites de la vérité, qui ne la touchent pas.

La seconde source d'où l'on peut tirer quelque secours pour rendre l'esprit attentif, sont les sens. Les sensations sont les modifications propres de l'ame ; les idées pures de l'esprit sont quelque chose de différent : les sensations réveillent donc notre attention d'une maniere beaucoup plus vive que les idées pures. Dans toutes les questions où l'imagination & les sens n'ont rien à saisir, l'esprit s'évapore dans ses propres pensées. Tant d'idées abstraites, dont il faut réunir & combiner les rapports, accablent la raison ; leur subtilité l'ébloüit, leur étendue la dissipe, leur mêlange la confond. L'ame épuisée par ses réflexions, retombe sur elle-même, & laisse ses pensées flotter & se suivre sans regle, sans force & sans direction : un homme profondément concentré en lui-même n'est pas toûjours le plus attentif. Comme nos sens sont une source féconde où nous puisons nos idées, il est évident que les objets qui sont les plus propres à exercer nos sens, sont aussi les plus propres à soûtenir notre attention ; c'est pour cela que les Géometres expriment par des lignes sensibles les proportions qui sont entre les grandeurs qu'ils veulent considérer. En traçant ces lignes sur le papier, ils tracent, pour ainsi dire, dans leur esprit les idées qui y répondent ; ils se les rendent plus familieres, parce qu'ils les sentent en même tems qu'ils les conçoivent. La vérité, pour entrer dans notre esprit, a besoin d'une espece d'éclat. L'esprit ne peut, s'il est permis de parler ainsi, fixer sa vûe vers elle, si elle n'est revêtue de couleurs sensibles. Il faut tellement tempérer l'éclat dont elle brille, qu'il ne nous arrête pas trop au sensible ; mais qu'il puisse seulement soûtenir notre esprit dans la contemplation des vérités purement intelligibles.

Si quelqu'un doutoit encore que les sens soient propres à soûtenir & à fixer notre attention vers un objet, j'appellerois à mon secours l'expérience. En effet, qu'on se recueille dans le silence & dans l'obscurité, le plus petit bruit ou la moindre lueur suffira pour distraire, si l'on est frappé de l'un ou de l'autre, au moment qu'on ne s'y attendoit point : c'est que les idées dont on s'occupe se lient naturellement avec la situation où l'on se trouve ; & qu'en conséquence les perceptions qui sont contraires à cette situation ne peuvent survenir, qu'aussi-tôt l'ordre des idées ne soit troublé. On peut remarquer la même chose dans une supposition toute différente : si pendant le jour & au milieu du bruit je réfléchis sur un objet, c'en sera assez pour me donner une distraction : que la lumiere ou le bruit cesse tout-à-coup, dans ce cas, comme dans le premier, les nouvelles perceptions que j'éprouve sont tout-à-fait contraires à l'état où j'étois auparavant, l'impression subite qui se fait en moi doit donc encore interrompre la suite de mes idées.

Cette seconde expérience fait voir que la lumiere & le bruit ne sont pas un obstacle à l'attention. Je crois même qu'il ne faudroit que de l'habitude pour en tirer de grands secours. Il n'y a proprement que les révolutions inopinées qui puissent nous distraire. Je dis inopinées ; car quels que soient les changemens qui se font autour de nous, s'ils n'offrent rien à quoi nous ne devions naturellement nous attendre, ils ne font que nous appliquer plus fortement à l'objet dont nous voulions nous occuper. Jamais nous ne sommes plus fortement occupés aux spectacles, que lorsqu'ils sont bien remplis : notre attention se renforce par l'attention vive & soûtenue que nous voyons dans le grand nombre de spectateurs. Combien de choses différentes ne rencontre-t-on pas quelquefois dans une même campagne ? Des côteaux abondans, des plaines arides, des rochers qui se perdent dans les nues, des bois où le bruit & le silence, la lumiere & les ténebres se succedent alternativement, &c. Cependant les Poëtes éprouvent tous les jours que cette variété les inspire ; c'est qu'étant liée avec les plus belles idées dont la poésie se pare, elle ne peut manquer de les réveiller. La vûe, par exemple, d'un côteau abondant, retrace le chant des oiseaux, le murmure des ruisseaux, le bonheur des bergers, leur vie douce & paisible, leurs amours, leur constance, leur fidélité, la pureté de leurs moeurs, &c. Beaucoup d'autres exemples pourroient prouver que l'homme ne pense qu'autant qu'il emprunte des secours, soit des objets qui lui frappent les sens, soit de ceux dont l'imagination lui retrace les images.

Il n'y a rien qui ne puisse nous aider à réfléchir, parce qu'il n'y a point d'objets auxquels nous n'ayons le pouvoir de lier nos idées, & qui par conséquent ne soient propres à faciliter l'exercice de la mémoire & de l'imagination : mais tout consiste à savoir former ces liaisons conformément au but qu'on se propose, & aux circonstances où l'on se trouve. Avec cette adresse il ne sera pas nécessaire d'avoir, comme quelques philosophes, la précaution de se retirer dans des solitudes ou de s'enfermer dans un caveau, pour y méditer à la sombre lueur d'une lampe. Ni le jour, ni les ténebres, ni le bruit, ni le silence, rien ne peut mettre obstacle à l'esprit d'un homme qui sait penser.

Que prétendoit Démocrite en se crevant les yeux pour avoir le plaisir d'étudier sans aucune distraction la Physique ? Croyoit-il par-là perfectionner ses connoissances ? Tous ces philosophes méditatifs sont-ils plus sages, qui se flatent de pouvoir d'autant mieux connoître l'arrangement de l'univers & de ses parties, qu'ils prennent plus de soin de tenir leurs yeux exactement fermés pour méditer librement ? Tous ces aveugles philosophes se font des systèmes pleins de chimeres & d'illusions, parce qu'il leur est impossible, sans le secours de la vûe, d'avoir une juste idée ni du soleil, ni de la lumiere, ni des couleurs, c'est-à-dire des parties de la nature, qui en font la beauté & le principal mérite. Je ne doute pas que tous ces sombres philosophes ne se soient souvent surpris ne pensant rien, tandis qu'ils étoient abîmés dans les plus profondes méditations. On n'auroit jamais reproché au fameux Descartes d'avoir fabriqué un monde tout différent de celui qui existe, si plus curieux observateur des phénomenes de la nature, il eût ouvert les yeux pour contempler avidement, au lieu de se plonger, comme il a fait, dans de pures rêveries, & de former, dans une sombre & lente méditation, le plan d'un univers.

L'attention est susceptible de divers degrés : il y a des gens qui la conservent au milieu du bruit le plus fort. Citons l'exemple de M. Montmort, & rapportons les propres termes de M. de Fontenelle. " Il ne craignoit pas les distractions en détail. Dans la même chambre où il travailloit aux problèmes les plus intéressans, on joüoit du clavecin, son fils couroit & le lutinoit, & les problèmes ne laissoient pas de se résoudre. Le P. Malebranche en a été plusieurs fois témoin avec étonnement. Il y a bien de la force dans un esprit qui n'est pas maîtrisé par les impressions du dehors, même les plus légeres ". Il y en a d'autres que le vol d'une mouche interrompt. Rien n'est plus mobile que leur attention, un rien la distrait : mais il y en a qui la tiennent fort long-tems attachée à un même objet ; c'est le cas ordinaire des métaphysiciens consommés, & des grands mathématiciens. La suite la plus longue des démonstrations les plus impliquées ne les épuise point. Quelques géometres ont poussé ce talent à un point incroyable ; tels sont entr'autres Clavius & Wallis : le premier a fait un traité de l'Astrolabe, dont très-peu de gens seroient capables de soûtenir la simple lecture. Quelle n'a donc pas été la force de l'attention dans un auteur, pour composer ce qu'un lecteur intelligent a peine à suivre jusqu'au bout !

Il se trouve aussi des personnes qui peuvent embrasser plusieurs choses à-la-fois, tandis que le plus grand nombre est obligé de se borner à un objet unique. Entre les exemples les plus distingués dans ce genre, nous pouvons citer celui de Jules César, qui en écrivant une lettre, en pouvoit dicter quatre autres à ses secrétaires ; ou s'il n'écrivoit pas lui-même, dictoit sept lettres à-la-fois. Cette sorte de capacité, en fait d'attention, est principalement fondée sur la mémoire, qui rappelle fidélement les différens objets que l'imagination se propose de considérer attentivement à-la-fois. Peu de gens sont capables de cette complication d'attention ; & à moins que d'être doüé de dispositions naturelles extrèmement heureuses, il ne convient pas de faire des essais dans ce genre ; car la maxime vulgaire est vraie en général :

Pluribus intentus, minor est ad singula sensus.

Il y en a qui peuvent donner leur attention à des objets de tout genre, & d'autres n'en sont maîtres qu'en certains cas. L'attention est ordinairement un effet du goût, une suite du plaisir que nous prenons à certaines choses. Certains génies universels, pour qui toutes sortes d'études ont des charmes, & qui s'y appliquent avec succès, sont donc dans le cas d'accorder leur attention à des objets de tout genre. M. Leibnitz nous fournit, au rapport de M. de Fontenelle, un de ces génies universels. Jamais auteur n'a tant écrit, ni sur des sujets si divers ; & néanmoins ce mêlange perpétuel, si propre à faire naître la confusion, n'en mettoit aucune dans ses idées. Au milieu de ces passages brusques sa précision ne le quittoit point, & l'on eût dit que la question qu'il discutoit étoit toûjours celle qu'il avoit le plus approfondie. Le plus grand nombre des hommes, & même des savans, n'a d'aptitude que pour un certain ordre de choses. Le Poëte, le Géometre, le Peintre, chacun resserré dans son art & dans sa profession, donne à ses objets favoris une attention qu'il lui seroit impossible de prêter à toute autre chose.

Il y en a enfin qui sont également capables d'attention pour les objets absens, comme pour ceux qui sont présens ; d'autres au contraire ne peuvent la fixer que sur les choses présentes. Tous ces degrés s'acquierent, se conservent & se perfectionnent par l'exercice. Un Montmort, un Clavius, un Wallis, un Jules César, dont nous avons donné des exemples, n'étoient parvenus à ce degré, à cette capacité d'attention qu'ils possédoient, que par un exercice long & continuellement réitéré. Tous le monde sait de quelle force étoit l'attention d'Archimede, qui ne s'apperçut ni du sac de sa patrie, ni de l'entrée du soldat furieux dans son cabinet, qu'il prit sans doute pour quelqu'un de ses domestiques, puisqu'il lui recommanda de ne pas déranger ses cercles. Un autre trait de sa vie prouve qu'il étoit tout-à-fait capable de cette profondeur d'attention requise pour saisir dans un objet présent tout ce qu'il y a d'important à y remarquer. Je veux parler du fait rapporté par Vitruve, & de la maniere dont Archimede s'y prit pour découvrir le mêlange qu'un orfevre avoit fait d'une certaine quantité d'argent dans une masse d'or que le roi Hiéron lui avoit donnée pour en faire une couronne. Voyez ALLIAGE.

Concluons ici comme ailleurs, habitude fait tout ; l'ame est flexible comme le corps, & ses facultés sont tellement liées au corps, qu'elles se développent & se perfectionnent aussi-bien que celles du corps, par des exercices continuels, & des actes toûjours réitérés. Les grands hommes qui, le fil d'Ariane en main, ont pénétré, sans s'égarer, jusqu'au fond des labyrinthes les plus tortueux, ont commencé par s'essayer ; aujourd'hui une demi-heure d'attention, dans un mois une heure, dans un an quatre heures soûtenues sans interruption ; & par de tels progrès, ils ont tiré de leur attention un parti qui paroît incroyable à ceux qui n'ont jamais mis leur esprit à aucune épreuve, & qui ne recueillent que les productions volontaires d'un champ que la culture fertilise si abondamment. On peut dire en général, que ce qui fait le plus de tort aux hommes, c'est l'ignorance de leurs forces. Ils s'imaginent que jamais ils ne viendront à bout de telle chose ; & dans cette prévention, ils ne mettent pas la main à l'oeuvre, parce qu'ils négligent la méthode de s'y rendre propres insensiblement & par degrés. S'ils ne réussissent pas du premier coup, le dépit les prend, & ils renoncent pour toûjours à leur dessein. Cet article est tiré des papiers de M. Formey. (X)


ATTÉNUANSadj. (Med.) On donne ce nom à différens remedes qui sont fort utiles en Medecine ; on en fait différentes classes : les incisifs simples qui délayent & détrempent les molécules des fluides : les autres divisent & fondent l'épaississement des humeurs en rompant la cohésion trop forte de leurs parties intégrantes ; il en est qui agissent sur les viscosités des fluides, contenues dans le ventricule & dans les intestins : d'autres sont plus propres à agir sur le sang ; enfin, il en est qui agissent sur les solides en irritant & en augmentant leurs vibrations, tandis que d'autres n'exercent leur énergie que sur les fluides seuls.

Ces différens atténuans sont appellés fondans & apéritifs, lorsque par leur action ils divisent les matieres tenaces qui embarrassent les petits vaisseaux, & qu'ils enlevent les obstructions des visceres glanduleux, tels que le foie, les reins, & la ratte. Voyez APERITIFS.

On les nomme expectorans, lorsqu'ils agissent sur le tissu des bronches, qu'ils en détachent l'humeur qui les enduit, & qu'après l'avoir divisée, ils la font sortir par les crachats ; tels sont les racines d'aunée, d'iris de Florence, le lierre terrestre, l'hysope, &c. Voyez EXPECTORANS.

Les atténuans, outre les classes que nous en avons décrites ci-dessus, sont encore divisés à raison de leur origine, en ceux tirés du regne végétal, & en ceux que le regne animal & minéral nous fournissent : ceux du regne végétal sont toutes les plantes acres, & qui donnent un sel volatil fixe ; tels que toutes les plantes purgatives, le cabaret, le pié-de-veau : d'autres agissent par un sel volatil, tels que le cresson, le rayfort, le cochléaria, & enfin toutes les especes de plantes cruciferes : d'autres enfin atténuent les humeurs par un seul acre marié avec des parties sulphureuses ; telles sont les résines de jalap, le turbit gommeux ; telles sont toutes les gommes résines, comme le sagapenum, l'opopanax, le bdellium.

Les savons peuvent être rapportés au regne minéral ou au végétal ; ils agissent à-peu-près comme les gommes résines. Voyez SAVON.

Le regne animal fournit des sels volatils, tels que le sel ammoniac, de salpetre, &c.

Le regne minéral fournit les sels acides minéraux, le vitriol, le sel marin & les sels neutres formés de ces premiers par leur acide décomposé & débarrassé de sa base, pour ensuite l'incorporer dans la base alkaline du tartre, du nitre & autres ; tels sont les sels neutres & androgyns, comme le tartre vitriolé, le sel de Glauber, & tous les sels combinés, à l'imitation de ces premiers ; ces sels sont les sels neutres de tous genres, les sels androgyns, amers, purgatifs & fondans ; ils peuvent remplir bien des indications.

Le regne minéral fournit encore les remedes atténuans combinés d'un sel acide, & d'un soufre métallique, qui est la terre inflammable, & la mercurielle de Beker ; tels sont le fer, la pierre hématite, l'antimoine, le mercure, le cuivre, l'étain, le plomb, & leurs préparations différentes.

Comme la vertu des atténuans est des plus étendues, on leur a donné mille noms différens ; ces noms sont tirés des effets particuliers de ces sels sur les humeurs, & sur les solides ; ainsi on en fait différentes especes, tels que les amers, les astringens, les toniques, les altérans astringens, les altérans laxatifs, diurétiques, apéritifs, diaphorétiques. (N)


ATTÉNUATIONS. f. (Physique.) action d'atténuer un fluide, c'est-à-dire de le rendre plus liquide & moins épais qu'il n'étoit. Voyez ATTENUANS.

Chauvin définit plus généralement l'atténuation, l'action de diviser ou de séparer les plus petites parties d'un corps, qui auparavant formoit une masse continue par leur union intime ; c'est pour cette raison que les Alchimistes se servent quelquefois de ce mot, pour exprimer la pulvérisation, c'est-à-dire l'action de réduire un corps en une poudre impalpable, soit en le broyant, soit en le pilant, &c. Voyez POUDRE & PULVERISATION. (L)

ATTENUATION, se dit en Medecine, de l'effet des remedes atténuans, ou de certains efforts que la nature fait d'elle-même pour détruire la force des maladies : c'est ainsi que la fievre emporte un levain qu'elle détruit en le brisant ; & cette atténuation du levain qui obstruoit les petits vaisseaux, est dûe à la division des humeurs, à l'irritation & la vibration des solides augmentée. Cette atténuation est la premiere indication dans les maladies qui proviennent de la condensation & de l'épaississement, mais elle est fort douteuse, & même nuisible dans l'acrimonie. (N)

ATTENUATION, s. f. terme de Palais, usité dans les matieres criminelles : on appelloit défenses par atténuation, les défenses de l'accusé, données par appointement à oüir droit, qui portoit que la partie civile donneroit ses conclusions, & l'accusé ses défenses par atténuation. Mais l'ordonnance criminelle de 1670, tit. xxj. art. 1, a abrogé cette forme de procédure, & permet seulement à la partie civile de présenter sa requête, dont copie doit être donnée à l'accusé, qui en conséquence baille aussi la sienne ; sans que néanmoins le jugement du procès puisse être retardé, faute par la partie civile ou par l'accusé de bailler sa requête. Celle de l'accusé tenant lieu de ce qu'on appelloit défenses par atténuation, s'appelle requête d'atténuation, c'est-à-dire requête par laquelle l'accusé tâche d'excuser ou de diminuer son crime. Voyez ACCUSE. (H)


ATTÉNUERbroyer, pulvériser, (Gramm.) l'un se dit des fluides condensés, coagulés ; & les deux autres des solides : dans l'un & l'autre cas, on divise en molécules plus petites, & l'on augmente les surfaces : broyer, marque l'action ; pulvériser en marque l'effet. Il faut broyer pour pulvériser ; il faut fondre & dissoudre, pour atténuer.

Atténuer, se dit encore de la diminution des forces ; ce malade s'atténue, cet homme est atténué.


ATTERERv. a. briser, rompre ; dans l'oeconomie animale, se dit de l'action que les parties grossieres des humeurs & des alimens agitées d'un mouvement intestin, exercent les unes sur les autres. Les particules salines & terreuses s'atterent les unes les autres. Il est presque, en Physiologie, synonyme à briser. (L)

ATTERRAGE, s. m. (Marine.) c'est l'endroit où l'on vient reconnoître la terre en revenant de quelque voyage. (Z)


ATTERRERv. neut. (Marine.) c'est prendre connoissance d'une terre en venant de la mer, ou y aborder. (Z)


ATTERRISSEMENTS. m. terme synonyme à alluvion ; c'est l'apport de terre, sable ou limon, que la mer ou un fleuve apporte sur son rivage ou sur sa rive. Le Roi prétend que le nouveau sol que forme l'atterrissement, lui appartient, lorsque l'atterrissement est produit par une riviere navigable. Voyez ALLUVION, qui est d'un usage plus particulierement consacré au droit romain. (H)


ATTERZÉEASTERZEE, SCHWARTZEE, lac d'Allemagne, dans la haute Autriche & le quartier de Traun, le long de l'Eger qui le traverse ; il est aussi traversé du Manzée.


ATTESTATIONS. f. c'est l'action de donner un témoignage, ou une preuve de la vérité d'une chose, principalement par écrit. V. TEMOIGNAGE.

Les miracles doivent être bien attestés pour qu'on y puisse ajoûter foi. Voyez MIRACLE, CREDIBILITE, &c.


ATTIAadj. (Hist. anc.) loi, ainsi nommée de la famille de Labienus, qui étant tribun du peuple, fit passer cette loi pour rendre au peuple le droit de nommer aux sacerdoces vacans : droit que Sylla lui avoit enlevé en cassant la loi Domitia qui lui assûroit cette prérogative. (G)


ATTICISMES. m. (Littérat.) finesse, politesse de langage. L'atticisme étoit ainsi nommé d'Athenes, qui étoit la ville de la Grece où l'on parloit le plus purement, & où l'on prononçoit le mieux ; jusque-là qu'une vendeuse d'herbe reconnut à la prononciation de Théophraste qu'il n'étoit pas Athénien. L'urbanité, dit Quintilien à la fin de son chapitre de visu, consiste en ce que les choses que nous disons soient telles qu'on n'y remarque rien de choquant, rien de grossier ou de bas, rien qui sente la province, ni dans les termes, ni dans la prononciation, ni dans le geste ; de maniere qu'il la faut moins chercher dans un bon mot, que dans tout l'air du discours, s'il est permis de parler ainsi : comme chez les Grecs, l'atticisme est une certaine délicatesse qui sentoit l'esprit & le goût particulier de la ville d'Athenes, ce terme est d'usage pour exprimer les graces d'un style leger & correct. (G)


ATTICURGESS. f. en Architecture, colonnes quarrées. Voyez COLONNE.


ATTIGNYpetite ville ou gros bourg de France, dans la Champagne, sur l'Aisne. Long. 22. 17. lat. 49. 30.


ATTIGOUVANTANS(Géog.) peuples de l'Amérique, dans la nouvelle France, à l'occident du lac des Hurons.


ATTINGANTSou PAULITIENS, ou PAULI-JOANNITES. Voyez PAULITIENS.


ATTIQUE(Géog. anc.) province de l'Achaïe, en Grece, entre la mer Egée, la Boétie, & le pays de Megare. Le peuple de l'Attique étoit divisé en dix tribus ; ces tribus occupoient une partie de la ville d'Athenes, & quelques bourgs, villages, & villes. On y en ajoûta trois dans la suite ; & l'on démembra quelques portions des anciennes, pour former les nouvelles ; ce qui fait que certains bourgs, dans les anciens auteurs, sont attribués à différentes tribus. Le conseil des Prytanes étoit composé de cinquante personnes prises de chaque tribu. La tribu Erechthéïde étoit ainsi nommée d'Erectheus ; l'Egeïde, d'Egée ; la Pandionique, de Pandion ; la Léontide, de Léon, qui dévoua ses filles pour le salut de la patrie ; la Ptolémaïde, de Ptolomée, fils de Lagus ; l'Acamantide, d'Acamas, fils de Thésée ; l'Adrianique, d'Adrien ; l'Oenéïde, d'Oénée, fils de Pandion ; la Cécropide, du roi Cecrops ; l'Hyppothoontique, d'Hyppothoon, fils de Neptune ; l'Aiantide, ou l'Aeantide, d'Ajax de Telamon ; l'Antiochide, d'Antiochus, fils d'Hercule ; l'Attalide, d'Attale, roi de Pergame. Ces treize tribus comprenoient 174 peuples ou communautés de noms différens.

Eirésides, Herme, Hephestia, Thorique, le Céramique de dehors, Céphale, Cicynna, Curtiades, Poros, Prospalta, Sphettos, Cholargos, appartenoient à l'Acamantide.

Marathon, Oené d'Aiantide, Ramne, Titacide, Tricorynthe, le Phalere, Psaphides, appartenoient à l'Aiantide ou Aeantide.

Aegilie, Alopeque, Amphitropé, Anaphlyste, Atené, Besa, Thores, Itea, Crioa, Leccum, Leucopyra, Melenes, Pallené, Pentelé, Perrhides, Peleques, Semachides, Phryrn, appartenoient à l'Antiochide.

Agnus, Apollonia, Sunium, à l'Attalide.

Athmonon, Aexoné, Ales, Aexonines, Daedalides, Epieiquides, Melite, Xipeté, Pithos, Sypalette, Trinémeis, à la Cécropide.

Ales, Araphenides, Araphen, Baté, Gargette, Diomaea, Erechthia, Ericera, Icaria, Ionides, Collyte, Cydantides, Plothras, Philaedes, Chollides, à l'Egeïde.

Agraulé, Anagyre, Euonymos, Themachos, Kedes, Cephysie, Lampra supérieure & inférieure, Pambotades, Pergasé, Sybrides, Phaegus, à l'Erechtéïde.

Aphidne, Elousa, Oa, Adrianide, Phegaea, à l'Adrianide.

Azenia, Amaxanthea, Anacaea, Acherde, Decelaea, Elaeus, Eleusis, Troiades, Thimoitades, Keiriades, Coïlé, Corydallos, Oeum Deceleicum, Oenoé Hippothoontide, le Pirée, Spendale, à l'Hippothoontide.

Aethalides, Halime, Deirades, Ekalé, Eupyrides, Ketti, Cropia, Leuconium, Oeum Ceramicum, Paeonides, Potamos, Scambonides, Hybades, Phrearrhes, à la Léontide.

Acharne, Butades, Brauron, Epicephesia, Thria, Hippotamades, Laciades, Lucia, Oë, Perithoides, Ptelea, Tyrmides, Philé, à la Léontide.

Angelé, Cydathenaeum, Cytheron, Myrrhinus, Paeanie supérieure & inférieure, Prasies, Probalynthe, Stirie, Phegaea, à la Pandionide.

Berenicides, Tyrgonides, Conthylé, Phlya, à la Ptolomaïde.

Argilia, Harma, Achrade, Dryme, Edapteon, Enna, Echelides, Euchontheus, Zoster, Thebe, Thrion, Calé, le Ceramique de dedans, Cothocides, Colonos Hippios, Colonos Agoraios, Cynosarges, Larissa, Laurium, Lenaeum, Limnes, Miletum, Munichia, Panacte, Parnethe, Pnyx, Patrocleia, Sciron, Sporgilos, Hymette, Hysies, Phormisii, Phrittii, Chitone, Orope, sont des lieux dont on ignore les tribus.

ATTIQUE. Voyez EPOQUE, ou ERE ATTIQUE.

ATTIQUE, tribu attique. Voyez TRIBU.

ATTIQUE, talent attique. Voyez TALENT.

ATTIQUE, (en Architecture.) étage peu élevé qui sert à couronner & exhausser un bel étage, tel que celui qui se voit à Versailles du côté des jardins : on nomme cet étage supérieur attique, parce que sa proportion imite celle des bâtimens pratiqués à Athenes, qui étoient tenus d'une hauteur médiocre, & sur lesquels il ne paroissoit point de toits ; aussi faut-il se garder d'en faire paroître de trop élevés, qui sembleroient accabler cet étage ; & si dans un bâtiment de beaucoup de profondeur, on ne pouvoit se dispenser d'introduire des combles apparens, il faudroit se garer de pratiquer sous ces combles de pareils étages, malgré l'usage fréquent qu'on en fait dans nos bâtimens à la place des mansardes ; ce qui rend à la vérité les étages supérieurs beaucoup plus praticables.

Ces especes d'étages sont souvent décorés d'un ordre d'architecture qui n'a rien de commun avec la proportion des cinq especes d'ordonnances, toscane, dorique, ionique, corinthienne, & composée : mais cependant il doit y avoir quelque rapport avec le genre d'architecture qui le reçoit ; c'est-à-dire que chacun des cinq ordres a sa proportion particuliere, qui exprime le genre rustique, solide, moyen, délicat, & composé ; & que l'ordre attique, à lui seul, doit emprunter de chacun de ces ordres le caractere qui lui convient, selon qu'il est placé sur l'un d'eux, sans pour cela avoir plus de cinq diametres au moins, ou six diametres au plus, & se distinguer principalement par la richesse ou la simplicité, selon que l'exige la convenance du bâtiment.

La plûpart des architectes sont d'avis contraire sur la hauteur qu'on doit donner à cet ordre, par rapport à celui de dessous. Ce qu'ils ont trouvé de plus parfait dans les exemples antiques, n'a pû les accorder : les uns lui donnent les deux tiers de la hauteur de l'ordre qui les soûtient ; les autres ne lui en donnent que la moitié. Je suis de ce dernier avis, & conviens néanmoins que cette proportion peut varier de quelque chose, selon que l'édifice est plus ou moins élevé ; ce qui ne peut se déterminer qu'à la faveur des regles de l'Optique, sans lesquelles on ne peut que tâtonner, risquer de faire des fautes monstrueuses, ou réussir par un heureux hasard.

Jamais il ne faut employer cet ordre en colonne, sa proportion raccourcie ne pouvant jamais faire un bon effet ; & quand il se trouve des colonnes dans l'ordonnance d'un bâtiment que l'on veut couronner d'un attique, il faut reculer ce dernier ordre à-plomb des pilastres de dessous, & couronner les colonnes de devant avec des figures, comme à Versailles, à Saint-Cloud, à Clagny, &c. Il faut savoir aussi que les croisées que l'on pratique dans ces étages doivent être quarrées, ou tout au plus que leur largeur doit être à leur hauteur, comme 4 est à 5, & sur-tout éviter de les faire barlongues, formes consacrées aux soûpiraux. Voyez ABAJOUR.

Les balustrades qui couronnent cet étage, doivent aussi se ressentir de sa proportion raccourcie, & avoir environ un cinquieme moins de hauteur que celles qui couronnent un ordre régulier.

On pratique souvent des attiques sans ordre & sans croisée : ils sont destinés à recevoir seulement des inscriptions au lieu de balustrades, tels qu'on voit ceux de la porte S. Denys, S. Martin, S. Bernard, & à la plûpart des fontaines publiques ; alors ces attiques prennent le nom de l'architecture qui les reçoit, & de la diversité des formes qui les composent ; ce qui fait appeller attique continu, celui qui entoure toutes les faces d'un bâtiment sans interruption ; attique circulaire, celui qui sert d'exhaussement à un dôme, à une coupole, à une lanterne, &c. attique interposé, celui qui est situé entre deux grands étages ; attique de comble, celui qui est construit de pierre ou de bois, revêtu de plomb, servant de parapet à une terrasse, plate-forme, &c. attique de cheminée, le revêtissement de marbre ou de menuiserie, depuis le dessus de la tablette, jusqu'environ la moitié de la hauteur du manteau ; ces derniers étoient fort usités dans le dernier siecle, avant l'usage des glaces : Versailles, Trianon, & Clagny, nous en fournissent des exemples, que l'on imite encore aujourd'hui dans les grandes pieces, où la dépense & la décoration des glaces seroient superflues. (P)


ATTIRAGE(POIDS D ') c'est ainsi que les fileurs d'or appellent les poids employés dans leur roüet. Voyez à l'article FILER L'OR, dans la description du roüet, l'usage de ces poids. Voyez aussi l'explication du même mot au MOULIN A FIL.

Les fileurs d'or donnent aussi le nom de cordes d'attirage, aux cordes qui soûtiennent les poids d'attirage.


ATTISES. f. nom que l'on donne dans les Brasseries, au bois que l'on met dans les fourneaux sous les chaudieres.


ATTISONNOIRS. m. Les Fondeurs appellent ainsi un outil crochu dont ils se servent pour attiser le feu.


ATTITUDES. f. en terme de Peinture & de Sculpture, est la position ou l'action de figures en général : néanmoins il semble convenir particulierement à celles qu'on a mises dans une position tranquille. On dit l'attitude, & non l'action d'un corps mort.

On dit : cette figure est bien dessinée, bien coloriée ; mais l 'attitude en est desagréable. (R)

ATTITUDE, en Ecriture, se dit de la position du corps & de la tête quand on écrit.

Il y a deux sortes d'attitude, selon la sorte d'écriture ; on a la tête un peu panchée sur la gauche pour la batarde & la coulée ; on l'a droite pour la ronde.


ATTOCK(ROYAUME D ') (Géog.) province d'Asie dans l'empire du Mogol, vers la grande Tartarie & les sources de l'Inde, entre les provinces de Cachemire, Penback, Multant, Hujacan, & Cabul. Le Send & l'Inde sont les principales rivieres.


ATTOMBISSEURS. m. terme de Fauconnerie, oiseau qui attaque le héron dans son vol : il faut savoir qu'on en lâche plusieurs sur lui, & qu'il y en a qui lui donnent la premiere attaque, d'autres la seconde. On dit : ce faucon est bon attombisseur.


ATTOUCHEMENTS. m. (Géom.) point d'attouchement, qu'on appelle aussi point de contact ou de contingence, est le point dans lequel une ligne droite touche une ligne courbe, ou dans lequel deux courbes se touchent. Voyez CONTINGENCE.

On dit ordinairement en Géométrie, que le point d'attouchement vaut deux points d'intersection, parce que la tangente peut être regardée comme une sécante qui coupe la courbe en deux points infiniment proches. En effet, disent les Géometres, concevons par exemple une ligne droite indéfinie qui coupe un cercle en deux points ; imaginons ensuite que cette ligne droite se meuve parallelement à elle-même vers le sommet du cercle ; les deux points d'intersection se rapprocheront insensiblement, & enfin se confondront, ou ne feront plus qu'un point, lorsque par ce mouvement la sécante sera devenue tangente, c'est-à-dire ne fera plus que toucher ou raser le cercle.

Comme il n'y a point réellement de quantités infiniment petites, & que par conséquent l'on ne sauroit concevoir deux points infiniment proches (voy. INFINI & INFINIMENT PETIT), il est très-important de se former une idée nette de cette façon de parler, que le point d'attouchement vaut deux points d'intersection infiniment proches. Elle signifie seulement que le point d'attouchement est la limite ou le terme de tous les doubles points d'intersection des sécantes paralleles à la tangente, c'est-à-dire que si on mene parallélement à la tangente une ligne qui coupe en deux points la courbe, par exemple, le cercle, on peut toûjours imaginer cette ligne à une telle distance de la tangente, que la distance des deux points d'intersection soit aussi petite qu'on voudra : mais que cette distance ne deviendra pourtant jamais absolument nulle, à moins que la sécante ne se confonde absolument avec la tangente. Cette idée des limites est très-nette, & très-utile pour réduire la géométrie des infiniment petits à des notions claires. Voyez LIMITE, &c.

Au reste, il n'est question jusqu'ici que du point d'attouchement simple ; car il y a des points d'attouchement qui équivalent à trois points d'intersection, comme dans l'attouchement au point d'inflexion ; d'autres équivalent à quatre points d'intersection, comme dans l'attouchement au point de serpentement infiniment petit ; & ainsi à l'infini ; voyez INFLEXION, SERPENTEMENT : ce qui, en réduisant la chose à des notions claires, signifie simplement que la valeur de la sécante devenue touchante, a dans ce cas trois ou quatre, &c. racines égales dans l'équation de la courbe ; je dis, de la sécante devenue touchante, car il y a des cas où une sécante a plusieurs racines égales, sans être touchante, comme dans les points doubles, & dans les points conjugués. Ce qui distingue ces points des points d'attouchement, c'est que si vous donnez une autre direction à la ligne qui étoit tangente, en la faisant toûjours passer par le point d'attouchement, alors elle ne coupe plus la courbe qu'en un point, & l'équation qui représente son intersection cesse d'avoir des racines égales ; au lieu que dans les points multiples & conjugués, la sécante a toûjours plusieurs racines égales, quelque position qu'on lui donne, pourvû qu'elle passe toûjours par le point multiple ou conjugué. Voyez RACINE, INTERSECTION, POINT MULTIPLE, POINT CONJUGUE, &c.


ATTRACTIFadj. m. se dit de ce qui a le pouvoir ou la propriété d'attirer. Voyez ATTRACTION, &c. Ainsi on dit force attractive, vis attractiva, &c.

La vertu attractive de l'aimant se communique au fer, en faisant toucher le fer à l'aimant. Voyez AIMANT. (O)

ATTRACTIFS, adj. (Medecine.) remedes appliqués extérieurement, qui par leur activité pénetrent les pores, se mêlent avec les matieres qui causent l'obstruction, les raréfient, les disposent à s'évacuer plus facilement, en tenant la partie ouverte par la brûlure ou par l'incision.

Les attractifs ne different point des remedes qui font mûrir & digérer. Voyez MURIR, DIGESTION.

Les principaux simples de cette nature sont les différentes matieres grasses, la fiente de pigeon & celle de vache, le son, le levain, le hareng, l'encens, la poix, la résine, l'huile, &c.

La matiere étant raréfiée par les remedes, & par conséquent devenue plus coulante, le sang qui circule sans cesse peut aisément l'entraîner dans son cours, la mêler ainsi avec la masse commune, & causer de grands desordres.

La raréfaction lui faisant occuper un espace plus considérable, il en résulte une extension des parties qui la contiennent ; & le sentiment en est douloureux. Un plus grand concours des fluides, & par conséquent une augmentation de la tumeur, en sont d'autres fâcheux effets. Il faut donc administrer ce genre de médicamens avec une extrème circonspection. (N)


ATTRACTIONS. f. attractio ou tractio, composé de ad & de traho, je tire ; signifie, en Méchanique, l'action d'une force motrice, par laquelle un mobile est tiré ou rapproché de la puissance qui le meut. Voyez PUISSANCE & MOUVEMENT.

Comme la réaction est toûjours égale & contraire à l'action, il s'ensuit que dans toute attraction le moteur est attiré vers le mobile autant que le mobile vers le moteur. Voyez ACTION & REACTION.

Dans l'usage ordinaire on dit qu'un corps A est attiré vers un autre corps B, lorsque A est lié ou attaché avec B par le moyen d'une corde, d'une courroie ou d'un bâton ; c'est de cette maniere qu'un cheval tire un chariot ou une barque : & en général on dit qu'un corps en attire un autre, lorsqu'il communique du mouvement à cet autre par le moyen de quelque corps placé entre eux, & que le corps moteur précede celui qui est mû.

De plus, lorsqu'on voit deux corps libres éloignés l'un de l'autre s'approcher mutuellement sans que l'on apperçoive de cause, on donne encore à ce phénomene le nom d'attraction ; & c'est principalement dans ce dernier sens qu'il a été employé par les philosophes anciens & modernes. L'attraction prise dans le premier sens, se nomme plus communément traction. Voyez TRACTION.

Attraction ou force attractive, dans l'ancienne Physique, signifie une force naturelle qu'on suppose inhérente à certains corps, & en vertu de laquelle ils agissent sur d'autres corps éloignés, & les tirent à eux. Voyez FORCE.

Le mouvement que ces prétendues forces produisent, est appellé par les Péripatéticiens mouvement d'attraction, & en plusieurs occasions, suction ; & ils rapportent différens exemples où, selon eux, ce mouvement se remarque : ainsi nous respirons l'air, disent-ils, par attraction ou suction ; de même nous suçons par attraction une pipe de tabac : c'est encore par attraction qu'un enfant tete : c'est par attraction que le sang monte dans les ventouses, que l'eau s'éleve dans les pompes, & la fumée dans les cheminées ; les vapeurs & les exhalaisons sont attirées par le soleil, le fer par l'aimant, les pailles & la poussiere par l'ambre & les autres corps électriques. Voyez SUCTION.

Si ces philosophes avoient fait un plus grand nombre d'expériences, ils auroient bien-tôt reconnu que ces différens phénomenes venoient de l'impulsion d'un fluide invisible. Ainsi la plûpart des effets que les anciens attribuoient à l'attraction, sont aujourd'hui attribués à des causes plus naturelles & plus sensibles, principalement à la pression de l'air. Voyez AIR & PRESSION.

C'est la pression de l'air, par exemple, qui produit les phénomenes de l'inspiration des ventouses, de la suction des pompes, des vapeurs, des exhalaisons, &c. Voy. RESPIRATION, SUCTION, POMPE, VENTOUSE, VAPEUR, FUMEE, EXHALAISON, &c.

Sur les phénomenes de l'attraction électrique & magnétique, voyez AIMANT, MAGNETISME, & ELECTRICITE.

La puissance opposée à l'attraction est appellée répulsion ; & on observe que la répulsion a lieu dans quelques effets naturels. Voyez REPULSION.

Attraction ou puissance attractive, se dit plus particulierement, dans la philosophie Newtonienne, d'une puissance ou principe, en vertu duquel toutes les parties, soit d'un même corps, soit de corps différens, tendent les uns vers les autres ; ou pour parler plus exactement, l'attraction est l'effet d'une puissance, par laquelle chaque particule de matiere tend vers une autre particule. Voyez MATIERE & PARTICULE. Les lois & les phénomenes de l'attraction sont un des points principaux de la philosophie Newtonienne. Voyez PHILOSOPHIE NEWTONIENNE.

Quoique ce grand philosophe se serve du mot d'attraction, comme les philosophes de l'école, cependant, selon la plûpart de ses disciples, il y attache une idée bien différente. Nous disons selon la plûpart de ses disciples, car nous ne faisons que détailler ici ce qui a été dit sur l'attraction, nous réservant à exposer à la fin de cet article notre sentiment particulier.

L'attraction dans la Philosophie ancienne étoit, selon eux, une espece de qualité inhérente à certains corps, & qui résultoit de leurs formes particulieres & spécifiques ; & l'idée que les anciens philosophes attachoient à ce mot de forme, étoit fort obscure. Voyez QUALITE & FORME.

L'attraction newtonienne, au contraire, est un principe indéfini, c'est-à-dire par lequel on ne veut designer ni aucune espece ou maniere d'action particuliere, mais aucune cause physique d'une pareille action, mais seulement une tendance en général, un conatus accedendi ou effort pour s'approcher, quelle qu'en soit la cause physique ou métaphysique ; c'est-à-dire soit que la puissance qui le produit soit inhérente aux corps mêmes, soit qu'elle consiste dans l'impulsion d'un agent extérieur.

Aussi Newton dit-il expressément dans ses principes, qu'il se sert indifféremment des mots d'attraction, d'impulsion, & de propension, & avertit le lecteur de ne pas croire que par le mot d'attraction il veuille désigner une maniere d'action ou sa cause efficiente, & supposer qu'il y a réellement une force attractive dans des centres qui ne sont que des points mathématiques, liv. I. p. 5. Et dans un autre endroit il dit, qu'il considere les forces centripetes comme des attractions, quoique peut-être elles ne soient physiquement parlant, que de véritables impulsions, ib. page 147. Il dit aussi dans son Optique, page 322. que ce qu'il appelle attraction, est peut-être l'effet de quelque impulsion qui agit suivant des lois différentes de l'impulsion ordinaire, ou peut-être aussi l'effet de quelque cause qui nous est inconnue.

Si on considere l'attraction, continuent les Newtoniens, comme une qualité qui résulte des formes particulieres de certains corps, on doit la proscrire avec les sympathies, antipathies, & qualités occultes. Voyez QUALITE OCCULTE. Mais quand on a une fois écarté cette idée, on remarque dans la nature un grand nombre de phénomenes, entr'autres la pesanteur des corps ou leur tendance vers un centre, qui semblent n'être point l'effet d'une impulsion, ou dans lesquels au moins l'impulsion n'est pas sensible : de plus, ajoûtent-ils, cette action paroît différer à quelques égards de l'impulsion que nous connoissons ; car l'impulsion est toûjours proportionnelle à la surface des corps, au lieu que la gravité agit sur les parties solides & intérieures, & est toûjours proportionnelle à la masse, & par conséquent doit être l'effet d'une cause qui pénetre toute leur substance.

D'ailleurs les observations nous ont appris qu'il y a divers cas où les corps s'approchent les uns des autres, quoiqu'on ne puisse découvrir en aucune maniere qu'il y ait quelque cause extérieure qui agisse pour les mettre en mouvement. Quiconque attribue ce mouvement à une impulsion extérieure, suppose donc un peu trop legerement cette cause. Ainsi quand on voit que deux corps éloignés s'approchent l'un de l'autre, on ne doit pas se presser de conclure que ces corps sont poussés l'un vers l'autre par l'action d'un fluide ou d'un autre corps invisible, jusqu'à ce que l'expérience l'ait démontré ; comme il est arrivé dans les phénomenes que les anciens attribuoient à l'horreur du vuide, & qu'on a reconnu être l'effet de la pression de l'air. Encore moins doit-on attribuer ces phénomenes à l'impulsion, lorsqu'il paroît impossible, ou au moins très-difficile, de les expliquer par ce principe, comme il est prouvé à l'égard de la pesanteur. Mussch. essai de Physique.

Le principe inconnu de l'attraction, c'est-à-dire inconnu par la cause (car les effets sont sous les yeux de tout le monde) est ce que l'on appelle attraction ; & sous ce nom général, on comprend toutes les tendances mutuelles dans lesquelles l'impulsion ne se manifeste pas, & qui par conséquent ne peuvent s'expliquer par le secours d'aucunes lois connues de la nature.

C'est de-là que sont venues les différentes sortes d'attractions ; savoir la pesanteur, l'ascension des liqueurs dans les tuyaux capillaires, la rondeur des gouttes de fluide, &c. qui sont l'effet d'autant de différens principes agissans par des lois différentes ; attractions qui n'ont rien de commun, sinon qu'elles ne sont peut-être point l'effet d'une cause physique, & qu'elles paroissent résulter d'une force inhérente aux corps, par laquelle ils agissent sur des corps éloignés, quoique notre raison ait beaucoup de difficulté à admettre une pareille force.

L'attraction peut se diviser, eu égard aux lois qu'elle observe en deux especes. La premiere s'étend à une distance sensible : telles sont l'attraction de la pesanteur qui s'observe dans tous les corps, & l'attraction du magnétisme, de l'électricité, &c. qui n'a lieu que dans certains corps particuliers. Voyez les lois de chacune de ces attractions, aux mots GRAVITE, AIMANT, & ELECTRICITE.

L'attraction de la gravité, que les Mathématiciens appellent aussi force centripete, est un des plus grands principes & des plus universels de la nature. Nous la voyons & nous la sentons dans les corps qui sont proche de la surface de la terre, (Voyez PESANTEUR.) & nous trouvons par observation que la même force, (c'est-à-dire cette force qui est toûjours proportionnelle à la quantité de matiere, & qui agit en raison inverse du quarré de la distance) que cette force, dis-je, s'étend jusqu'à la lune, & jusqu'aux autres planetes premieres & secondaires, aussi-bien que jusqu'aux cometes, & que c'est par elle que les corps célestes sont retenus dans leurs orbites. Or comme nous trouvons la pesanteur dans tous les corps qui font le sujet de nos observations, nous sommes en droit d'en conclure par une des regles reçues en Philosophie, qu'elle se trouve aussi dans tous les autres : de plus, comme nous remarquons qu'elle est proportionnelle à la quantité de matiere de chaque corps, elle doit exister dans chacune de leurs parties ; & c'est par conséquent une loi de la nature, que chaque particule de matiere tende vers chaque autre particule. Voyez la preuve plus étendue de cette vérité, & l'application de ce principe aux mouvemens des corps célestes, sous les articles PHILOSOPHIE NEWTONIENNE, SOLEIL, LUNE, PLANETE, COMETE, SATELLITE, CENTRIPETE, CENTRIFUGE.

C'est donc de l'attraction, suivant M. Newton, que proviennent la plûpart des mouvemens, & par conséquent des changemens qui se font dans l'univers : c'est par elle que les corps pesans descendent, & que les corps legers montent ; c'est par elle que les projectiles sont dirigés dans leur course, que les vapeurs montent, & que la pluie tombe ; c'est par elle que les fleuves coulent, que l'air presse, que l'Océan a un flux & reflux. Voyez MOUVEMENT, DESCENTE, ASCENSION, PROJECTILE, VAPEUR, PLUIE, FLEUVE, FLUX, FLUXFLUX, AIR, ATMOSPHERE, &c. Les mouvemens qui résultent de ce principe, sont l'objet de cette partie si étendue des Mathématiques, qu'on appelle Méchanique ou Statique, comme aussi de l'Hydrostatique, de l'Hydraulique, &c. qui en sont comme les branches & la suite, &c. Voyez MECHANIQUE, STATIQUE, HYDROSTATIQUE, PNEUMATIQUE ; voyez aussi MATHEMATIQUE, PHILOSOPHIE, &c.

La seconde espece d'attraction est celle qui ne s'étend qu'à des distances insensibles. Telle est l'attraction mutuelle qu'on remarque dans les petites parties dont les corps sont composés ; car ces parties s'attirent les unes les autres au point de contact, ou extrèmement près de ce point, avec une force très-supérieure à celle de la pesanteur, mais qui décroît ensuite à une très-petite distance, jusqu'à devenir beaucoup moindre que la pesanteur. Un auteur moderne a appellé cette force attraction de cohésion, supposant que c'est elle qui unit les particules élémentaires des corps pour en faire des masses sensibles. Voyez COHESION, ATOME, PARTICULE, &c.

Toutes les parties des fluides s'attirent mutuellement, comme il paroît par la ténacité & par la rondeur de leurs gouttes, si on en excepte l'air, le feu, & la lumiere, qu'on n'a jamais vûs sous la forme de gouttes. Ces mêmes fluides se forment en gouttes dans le vuide comme dans l'air, ils attirent les corps solides, & en sont réciproquement attirés ; d'où il paroît que la vertu attractive se trouve répandue partout. Qu'on mette l'une sur l'autre deux glaces de miroir bien unies, bien nettes & bien seches, on trouvera alors qu'elles tiennent ensemble avec beaucoup de force, de sorte qu'on ne peut les séparer l'une de l'autre qu'avec peine. La même chose arrive dans le vuide, lorsqu'on retranche une petite portion de deux balles de plomb, ensorte que leurs surfaces deviennent unies à l'endroit de la section, & qu'on les presse ensuite l'un contre l'autre avec la main, en leur faisant faire en même tems la quatrieme partie d'un tour ; on remarque que ces balles tiennent ensemble avec une force de 40 ou 50 livres. En général tous les corps dont les surfaces sont unies, seches & nettes, principalement les métaux, se collent & s'attachent mutuellement l'un à l'autre quand on les approche ; de sorte qu'il faut quelque force pour les séparer. Mussch. essai de Phys.

Les corps s'attirent réciproquement, non-seulement lorsqu'ils se touchent, mais aussi lorsqu'ils sont à une certaine distance les uns des autres : car mettez entre les deux glaces de miroir dont nous venons de parler, un fil de soie fort fin, alors ces deux glaces ne pourront pas se toucher, puisqu'elles seront éloignées l'une de l'autre de toute l'épaisseur du fil ; cependant on ne laissera pas de voir que ces deux glaces s'attirent mutuellement, quoiqu'avec moins de force que lorsqu'il n'y avoit rien entr'elles. Mettez entre les glaces deux fils que vous aurez tors ensemble, ensuite trois fils tors de même, & vous verrez que l'attraction diminuera à mesure que les glaces s'éloigneront l'une de l'autre. Mussch. ibid.

On peut encore faire voir d'une maniere bien sensible cette vertu attractive par une expérience curieuse. Prenez un corps solide & opaque, qui finisse en pointe, soit de métal, soit de pierre, ou même de verre ; si des rayons de lumiere paralleles passent tout près de la pointe ou du tranchant de ce corps dans une chambre obscure, alors le rayon qui se trouvera tout près de la pointe, sera attiré avec beaucoup de force vers le corps ; & après s'être détourné de son chemin, il en prendra un autre, étant brisé par l'attraction que ce corps exerce sur lui. Le rayon un peu plus éloigné de la pointe est aussi attiré, mais moins que le précédent ; & ainsi il sera moins rompu, & s'écartera moins de son chemin. Le rayon suivant qui est encore plus éloigné, sera aussi moins attiré & moins détourné de sa premiere route. Enfin, à une certaine distance fort petite, il y aura un rayon qui ne sera plus attiré du mot, ou du moins sensiblement, qui conservera sans se rompre sa direction primitive. Mussch. ibid.

C'est à M. Newton que nous devons la découverte de cette derniere espece d'attraction, qui n'agit qu'à de très-petites distances ; comme c'est à lui que nous devons la connoissance plus parfaite de l'autre, qui agit à des distances considérables. En effet, les lois du mouvement & de la percussion des corps sensibles dans les différentes circonstances où nous pouvons les supposer, ne paroissent pas suffisantes pour expliquer les mouvemens intestins des particules des corps, d'où dépendent les différens changemens qu'ils subissent dans leurs contextures, leurs couleurs, leurs propriétés ; ainsi notre philosophie seroit nécessairement en défaut, si elle étoit fondée sur le principe seul de la gravitation, porté même aussi loin qu'il est possible. Voyez LUMIERE, COULEUR, &c.

Mais outre les lois ordinaires du mouvement dans les corps sensibles, les particules dont ces corps sont composés, en observent d'autres, qu'on n'a commencé à remarquer que depuis peu de tems, & dont on n'a encore qu'une connoissance fort imparfaite. M. Newton, à la pénétration duquel nous en devons la premiere idée, s'est presque contenté d'en établir l'existence ; & après avoir prouvé qu'il y a des mouvemens dans les petites parties du corps, il ajoûte que ces mouvemens proviennent de certaines puissances ou forces, qui paroissent différentes de toutes les forces que nous connoissons. " C'est en vertu de ces forces, selon lui, que les petites particules des corps agissent les unes sur les autres, même à une certaine distance, & produisent par-là plusieurs phénomenes de la nature. Les corps sensibles, comme nous avons déjà remarqué, agissent mutuellement les uns sur les autres ; & comme la nature agit d'une maniere toûjours constante & uniforme, il est fort vraisemblable qu'il y a beaucoup de forces de la même espece ; celles dont nous venons de parler s'étendent à des distances assez sensibles, pour pouvoir être remarquées par des yeux vulgaires : mais il peut y en avoir d'autres qui agissent à des distances trop petites, pour qu'on ait pû les observer jusqu'ici ; & l'électricité, par exemple, agit peut-être à de telles distances, même sans être excitée par le frottement ".

Cet illustre auteur confirme cette opinion par un grand nombre de phénomenes & d'expériences, qui prouvent clairement, selon lui, qu'il y a une puissance & une action attractive entre les particules, par exemple, du sel & de l'eau ; entre celles du vitriol & de l'eau, du fer & de l'eau-forte, de l'esprit de vitriol & du salpetre. Il ajoûte que cette puissance n'est pas d'une égale force dans tous les corps ; qu'elle est plus forte, par exemple, entre les particules du sel de tartre & celles de l'eau-forte, qu'entre les particules du sel de tartre & celles de l'argent : entre l'eau-forte & la pierre calaminaire, qu'entre l'eau-forte & le fer : entre l'eau-forte & le fer, qu'entre l'eau-forte & le cuivre ; encore moindre entre l'eau-forte & l'argent, ou entre l'eau-forte & le mercure. De même l'esprit de vitriol agit sur l'eau, mais il agit encore davantage sur le fer ou sur le cuivre.

Il est facile d'expliquer par l'attraction mutuelle la rondeur que les gouttes d'eau affectent ; car comme ces parties doivent s'attirer toutes également & en tout sens, elles doivent tendre à former un corps, dont tous les points de la surface soient à distance égale de son centre. Ce corps seroit parfaitement sphérique, si les parties qui le composent étoient sans pesanteur : mais cette force qui les fait descendre en embas, oblige la goutte de s'allonger un peu ; & c'est pour cette raison, que les gouttes de fluide attachées à la surface inférieure des corps, dont le grand axe est vertical, prennent une figure un peu ovale. On remarque aussi cette même figure dans les gouttes d'eau qui sont placées sur la surface supérieure d'un plan horisontal ; mais alors le petit axe de cette figure est vertical, & sa surface inférieure, c'est-à-dire celle qui touche le plan, est plane ; ce qui vient tant de la pesanteur des particules de l'eau, que de l'attraction du corps sur lequel elles sont placées, & qui altere l'effet de leur attraction mutuelle. Aussi, moins la surface sur laquelle la goutte est placée, a de force pour attirer ses parties, plus la goutte reste ronde : c'est pour cette raison, que les gouttes d'eau qu'on voit sur quelques feuilles de plantes, sont parfaitement rondes ; au lieu que celles qui se trouvent sur du verre, sur des métaux, ou sur des pierres, ne sont qu'à demi-rondes, ou quelquefois encore moins. Il en est de même du mercure, qui se partage sur le papier en petites boules parfaitement rondes, au lieu qu'il prend une figure applatie lorsqu'il est mis sur du verre ou sur quelque autre métal. Plus les gouttes sont petites, moins elles ont de pesanteur ; & par conséquent lorsqu'elles viendront à s'attirer, elles formeront un globule beaucoup plus rond que celui qui sera formé par les grosses gouttes, comme on pourroit le démontrer plus au long, & comme l'expérience le confirme. Il est à remarquer que tous ces phénomenes s'observent également dans l'air & dans le vuide. Mussch.

On peut s'assûrer encore de la force avec laquelle les particules d'eau s'attirent, en prenant une phiole, dont le cou soit fort étroit, & n'ait pas plus de deux lignes de diametre, & en renversant cette phiole, après l'avoir remplie d'eau : car on remarquera alors qu'il n'en sort pas une seule goutte.

Comme dans une goutte d'eau, les parties qui s'attirent réciproquement ne restent pas en repos avant que d'avoir formé une petite boule, de même aussi deux gouttes d'eau situées l'une proche de l'autre, & légerement attirées par la surface sur laquelle elles se trouvent, se précipiteront l'une vers l'autre par leur attraction mutuelle ; & dans l'instant même de leur premier contact, elles se réuniront & formeront une boule, comme on l'observe en effet ; la même chose arrive à deux gouttes de mercure.

Lorsqu'on verse ensemble les parties de divers liquides, elles s'attirent mutuellement ; celles qui se touchent alors, tiennent l'une à l'autre par la force avec laquelle elles agissent ; c'est pourquoi les liquides pourront en ce cas se changer en un corps solide, qui sera d'autant plus dur, que l'attraction aura été plus forte ; ainsi ces liquides se coaguleront. Mussch.

Lorsqu'on a fait dissoudre des parties de sel dans une grande quantité d'eau, elles sont attirées par l'eau avec plus de force qu'elles ne peuvent s'attirer mutuellement, & elles restent séparées assez loin les unes des autres : mais lorsqu'on fait évaporer une grande quantité de cette même eau, soit par la chaleur du soleil, soit par celle du feu, soit par le moyen du vent, il s'éleve sur la surface de l'eau une pellicule fort mince, formée par les particules de sel qui se tiennent en haut, & dont l'eau s'est évaporée. Cette pellicule, qui n'est composée que des parties de sel, peut alors attirer & séparer de l'eau qui est au-dessous, différentes particules salines, avec plus de force que ne pouvoit faire auparavant cette même eau déjà diminuée de volume ; car par l'évaporation d'une grande quantité d'eau, les parties salines se rapprochent davantage, & s'unissent beaucoup plus qu'auparavant ; & l'eau se trouvant en moindre quantité, elle a aussi moins de force pour pouvoir agir sur les parties salines qui sont alors attirées enhaut vers la pellicule de sel à laquelle elles se joignent. Cette petite peau devient par conséquent plus épaisse & plus pesante que le liquide qui est au-dessous, puisque la pesanteur spécifique des parties salines est beaucoup plus grande que celle de l'eau ; ainsi dès que cette peau est devenue fort pesante, elle se brise en pieces ; ces morceaux tombent au fond, & continuent d'attirer d'autres parties salines ; d'où il arrive qu'augmentant encore de volume, ils se forment en grosses masses de différentes grandeurs appellées crystaux. Mussch.

L'air, quoiqu'il doive surnager tous les liquides que nous connoissons, & qui sont beaucoup moins pesans que lui, ne laisse pas d'en être attiré, & de se mêler avec eux ; & M. Petit a fait voir par plusieurs expériences, de quelle maniere il est adhérent aux corps fluides, & se colle, pour ainsi dire, aux corps solides. Mém. Acad. 1731.

Les effervescences qui arrivent lorsqu'on mêle ensemble différens liquides, nous donnent un exemple remarquable de ces sortes d'attractions entre les petites parties des corps fluides ; on en verra ci-dessous une explication un peu plus détaillée.

Il n'est pas non plus fort difficile de prouver que les liquides sont attirés par les corps solides. En effet, qu'on verse de l'eau dans un verre bien net, on remarquera qu'elle est attirée sur les côtés contre lesquels elle monte & auxquels elle s'attache, de sorte que la surface de la liqueur est plus basse au milieu que celle qui touche les parois du verre, & qui devient concave : au contraire, lorsqu'on verse du mercure dans un verre, sa surface devient convexe étant plus haute au milieu que proche les parois du verre ; ce qui vient de ce que les parties du mercure s'attirent réciproquement avec plus de force, qu'elles ne sont attirées par le verre.

Si on prend un corps solide bien net, & qui ne soit pas gras, & qu'on le plonge dans un liquide, & qu'ensuite on le leve fort doucement & qu'on l'en retire, la liqueur y restera attachée, même quelquefois à une hauteur assez considérable ; ensorte qu'il reste entre le corps & la surface du liquide, une petite colonne qui y demeure suspendue ; cette colonne se détache & retombe lorsqu'on a élevé le corps assez haut, pour que la pesanteur de la colonne l'emporte sur la force attractive. Mussch.

La force avec laquelle le verre attire les fluides, se manifeste principalement dans les expériences sur les tuyaux capillaires. Voy. TUYAUX CAPILLAIRES.

Il y a une infinité d'autres expériences qui constatent l'existence de ce principe d'attraction entre les particules des corps. Voyez les articles SEL, MENSTRUE, &c.

Toutes ces actions en vertu desquelles les particules des corps tendent les unes vers les autres, sont appellées en général par Newton du nom indéfini d'attraction, qui est également applicable à toutes les actions par lesquelles les corps sensibles agissent les uns sur les autres, soit par impulsion, ou par quelque autre force moins connue : & par-là cet auteur explique une infinité de phénomenes, qui seroient inexplicables par le seul principe de la gravité : tels sont la cohésion, la dissolution, la coagulation, la crystallisation, l'ascension des fluides dans les tuyaux capillaires, les secrétions animales, la fluidité, la fixité, la fermentation, &c. Voyez les articles COHESION, DISSOLUTION, COAGULATION, CRYSTALLISATION, ASCENSION, SECRETION, FERMENTATION, &c.

" En admettant ce principe, ajoûte cet illustre auteur, on trouvera que la nature est par-tout conforme à elle-même, & très-simple dans ses opérations ; qu'elle produit tous les grands mouvemens des corps célestes par l'attraction de la gravité qui agit sur les corps, & presque tous les petits mouvemens de leurs parties, par le moyen de quelqu'autre puissance attractive répandue dans ces parties. Sans ce principe il n'y auroit point de mouvement dans le monde ; & sans la continuation de l'action d'une pareille cause, le mouvement périroit peu-à-peu, puisqu'il devroit continuellement décroître & diminuer, si ces puissances actives n'en reproduisoient sans cesse de nouveaux ". Optique, page 373.

Il est facile de juger après cela combien sont injustes ceux des philosophes modernes qui se déclarent hautement contre le principe de l'attraction, sans en apporter d'autre raison, sinon qu'ils ne conçoivent pas comment un corps peut agir sur un autre qui en est éloigné. Il est certain que dans un grand nombre de phénomenes, les philosophes ne reconnoissent point d'autre action, que celle qui est produite par l'impulsion & le contact immédiat : mais nous voyons dans la nature plusieurs effets, sans y remarquer d'impulsion : souvent même nous sommes en état de prouver, que toutes les explications qu'on peut donner de ces effets, par le moyen des lois connues de l'impulsion, sont chimériques & contraires aux principes de la méchanique la plus simple. Rien n'est donc plus sage & plus conforme à la vraie Philosophie, que de suspendre notre jugement sur la nature de la force qui produit ces effets. Par-tout où il y a un effet, nous pouvons conclure qu'il y a une cause, soit que nous la voyions ou que nous ne la voyions pas. Mais quand la cause est inconnue, nous pouvons considérer simplement l'effet, sans avoir égard à la cause ; & c'est même à quoi il semble qu'un philosophe doit se borner en pareil cas : car d'un côté, ce seroit laisser un grand vuide dans l'histoire de la nature, que de nous dispenser d'examiner un grand nombre de phénomenes sous prétexte que nous en ignorons la cause ; & de l'autre, ce seroit nous exposer à faire un roman, que de vouloir raisonner sur des causes qui nous sont inconnues. Les phénomenes de l'attraction sont donc la matiere des recherches physiques ; & en cette qualité ils doivent faire partie d'un système de Physique : mais la cause de ces phénomenes n'est du ressort du physicien, que quand elle est sensible, c'est-à-dire quand elle paroît elle-même être l'effet de quelque cause plus relevée (car la cause immédiate d'un effet ne paroît elle-même qu'un effet, la premiere cause étant invisible). Ainsi nous pouvons supposer autant de causes d'attraction qu'il nous plaira, sans que cela puisse nuire aux effets. L'illustre Newton semble même être indécis sur la nature de ces causes : car il paroît quelquefois regarder la gravité, comme l'effet d'une cause immatérielle (Optiq. page 343, &c.) ; & quelquefois il paroît la regarder comme l'effet d'une cause matérielle. Ibid. page 325.

Dans la philosophie Newtonienne, la recherche de la cause est le dernier objet qu'on a en vûe ; jamais on ne pense à la trouver que quand les lois de l'effet & les phénomenes sont bien établis, parce que c'est par les effets seuls qu'on peut remonter jusqu'à la cause : les actions mêmes les plus palpables & les plus sensibles n'ont point une cause entierement connue : les plus profonds philosophes ne sauroient concevoir comment l'impulsion produit le mouvement, c'est-à-dire comment le mouvement d'un corps passe dans un autre par le choc : cependant la communication du mouvement par l'impulsion est un principe admis, non-seulement en Philosophie, mais encore en Mathématique ; & même une grande partie de la Méchanique élémentaire a pour objet les lois & les effets de cette communication. Voyez PERCUSSION & COMMUNICATION de mouvement.

Concluons donc que quand les phénomenes sont suffisamment établis, les autres especes d'effets, où on ne remarque point d'impulsion, ont le même droit de passer de la Physique dans les Mathématiques, sans qu'on s'embarrasse d'en approfondir les causes qui sont peut-être au-dessus de notre portée : il est permis de les regarder comme causes occultes (car toutes les causes le sont, à parler exactement), & de s'en tenir aux effets, qui sont la seule chose immédiatement à notre portée.

Newton a donc éloigné avec raison de sa philosophie cette discussion étrangere & métaphysique ; & malgré tous les reproches qu'on a cherché à lui faire là-dessus, il a la gloire d'avoir découvert dans la méchanique, un nouveau principe, qui étant bien approfondi, doit être infiniment plus étendu que ceux de la méchanique ordinaire : c'est de ce principe seulement que nous pouvons attendre l'explication d'un grand nombre de changemens qui arrivent dans les corps, comme productions, générations, corruptions, &c. en un mot, de toutes les opérations surprenantes de la Chimie. Voyez GENERATION, CORRUPTION, OPERATION, CHIMIE, &c.

Quelques philosophes anglois ont approfondi les principes de l'attraction. M. Keill en particulier a tâché de déterminer quelques-unes des lois de cette nouvelle cause, & d'expliquer par ce moyen plusieurs phénomenes généraux de la nature, comme la cohésion, la fluidité, l'élasticité, la fermentation, la mollesse, la coagulation. M. Friend, marchant sur ses traces, a encore fait une application plus étendue de ces mêmes principes aux phénomenes de la Chimie. Aussi quelques philosophes ont été tentés de regarder cette nouvelle méchanique comme une science complete , & de penser qu'il n'y a presqu'aucun effet physique dont la force attractive ne fournisse une explication immédiate.

Cependant en tirant cette conséquence, il y auroit lieu de craindre qu'on ne se hâtât un peu trop : un principe si fécond a besoin d'être examiné encore plus à fond ; & il semble qu'avant d'en faire l'application générale à tous les phénomenes, il faudroit examiner plus exactement ses lois & ses limites. L'attraction en général est un principe si complexe, qu'on peut par son moyen expliquer une infinité de phénomenes différens les uns des autres : mais jusqu'à ce que nous en connoissions mieux les propriétés, il seroit peut-être bon de l'appliquer à moins d'effets, & de l'approfondir davantage. Il se peut faire que toutes les attractions ne se ressemblent pas, & que quelques-unes dépendent de certaines causes particulieres, dont nous n'avons pû former jusqu'à présent aucune idée, parce que nous n'avons pas assez d'observations exactes, ou parce que les phénomenes sont si peu sensibles qu'ils échappent à nos sens. Ceux qui viendront après nous, découvriront peut-être ces diverses sortes de phénomenes : c'est pourquoi nous devons rencontrer un grand nombre de phénomenes qu'il nous est impossible de bien expliquer, ou de démontrer avant que ces causes ayent été découvertes. Quant au mot d'attraction, on peut se servir de ce terme jusqu'à ce que la cause soit mieux connue.

Pour donner un essai du principe d'attraction, & de la maniere dont quelques philosophes l'ont appliqué, nous joindrons ici les principales lois qui ont été données par M. Newton, M. Keill, M. Friend, &c.

THEOR. I. Outre la force attractive qui retient les planetes & les cometes dans leurs orbites, il y en a une autre par laquelle les différentes parties dont les corps sont composés, s'attirent mutuellement les unes les autres ; & cette force décroît plus qu'en raison inverse du quarré de la distance.

Ce théoreme, comme nous l'avons déjà remarqué, peut se démontrer par un grand nombre de phénomenes. Nous ne rappellerons ici que les plus simples & les plus communs : par exemple, la figure sphérique que les gouttes d'eau prennent, ne peut provenir que d'une pareille force : c'est par la même raison que deux boules de mercure s'unissent & s'incorporent en une seule dès qu'elles viennent à se toucher, ou qu'elles sont fort près l'une de l'autre : c'est encore en vertu de cette force que l'eau s'éleve dans les tuyaux capillaires, &c.

A l'égard de la loi précise de cette attraction, on ne l'a point encore déterminée : tout ce que l'on sait certainement, c'est qu'en s'éloignant du point de contact, elle décroît plus que dans la raison inverse du quarré de la distance, & que par conséquent elle suit une autre loi que la gravité. En effet, si cette force suivoit la loi de la raison inverse du quarré de la distance, elle ne seroit guere plus grande au point de contact que fort proche de ce point ; car M. Newton a démontré dans ses Principes mathématiques, que si l'attraction d'un corps est en raison inverse du quarré de la distance, cette attraction est finie au point de contact, & qu'ainsi elle n'est guere plus grande au point de contact, qu'à une petite distance de ce point ; au contraire, lorsque l'attraction décroît plus qu'en raison inverse du quarré de la distance, par exemple en raison inverse du cube, ou d'une autre puissance plus grande que le quarré ; alors, selon les démonstrations de M. Newton, l'attraction est infinie au point de contact, & finie à une très-petite distance de ce point. Ainsi l'attraction au point de contact est beaucoup plus grande, qu'elle n'est à une très-petite distance de ce même point. Or il est certain par toutes les expériences, que l'attraction qui est très-grande au point de contact, devient presque insensible à une très-petite distance de ce point. D'où il s'ensuit que l'attraction dont il s'agit, décroît en raison inverse d'une puissance plus grande que le quarré de la distance : mais l'expérience ne nous a point encore appris, si la diminution de cette force suit la raison inverse du cube, ou d'une autre puissance plus élevée.

II. La quantité de l'attraction dans tous les corps très-petits, est proportionnelle, toutes choses d'ailleurs égales, à la quantité de matiere du corps attirant, parce qu'elle est en effet, ou du moins à très-peu près, la somme ou le résultat des attractions de toutes les parties dont le corps est composé ; ou, ce qui revient au même, l'attraction dans tous les corps fort petits, est comme leurs solidités, toutes choses d'ailleurs égales.

Donc 1°. à distances égales, les attractions de deux corps très-petits seront comme leurs masses, quelque différence qu'il y ait d'ailleurs entre leur figure & leur volume.

2°. A quelque distance que ce soit, l'attraction d'un corps très-petit est comme sa masse divisée par le quarré de la distance.

Il faut observer que cette loi prise rigoureusement, n'a lieu qu'à l'égard des atomes, ou des plus petites parties composantes des corps, que quelques-uns appellent particules de la derniere composition, & non pas à l'égard des corpuscules faits de ces atomes.

Car lorsqu'un corps est d'une grandeur finie, l'attraction qu'il exerce sur un point placé à une certaine distance, n'est autre chose que le résultat des attractions, que toutes les parties du corps attirant exercent sur ce point, & qui en se combinant toutes ensemble, produisent sur ce point une force ou une tendance unique dans une certaine direction. Or comme toutes les particules dont le corps attirant est composé, sont différemment situées par rapport au point qu'elles attirent ; toutes les forces que ces particules exercent, ont chacune une valeur & une direction différente ; & ce n'est que par le calcul qu'on peut savoir si la force unique qui en résulte est comme la masse totale du corps attirant divisée par le quarré de la distance. Aussi cette propriété n'a-t-elle lieu que dans un très-petit nombre de corps ; par exemple dans les spheres, de quelque grandeur qu'elles puissent être. M. Newton a démontré que l'attraction qu'elles exercent sur un point placé à une distance quelconque, est la même que si toute la matiere étoit concentrée & réunie au centre de la sphere ; d'où il s'ensuit que l'attraction d'une sphere est en général comme sa masse divisée par le quarré de la distance qu'il y a du point attiré au centre de la sphere. Lorsque le corps attirant est fort petit, toutes ses parties sont censées être à la même distance du point attiré, & sont censées agir à peu près dans le même sens : c'est pour cela que dans les petits corps l'attraction est censée proportionnelle à la masse divisée par le quarré de la distance.

Au reste c'est toûjours à la masse, & non à la grosseur ou au volume, que l'attraction est proportionnelle ; car l'attraction totale est la somme des attractions particulieres des atomes dont un corps est composé. Or ces atomes peuvent être tellement unis ensemble, que les corpuscules les plus solides, forment les particules les plus legeres ; c'est-à-dire que leurs sur faces n'étant point propres pour se toucher intimement, elles seront séparées par de si grands interstices, que la grosseur ne sera point proportionnelle à la quantité de matiere.

III. Si un corps est composé de particules, dont chacune ait une force attractive décroissante en raison triplée ou plus que triplée des distances, la force avec laquelle une particule de matiere sera attirée par ce corps au point de contact, sera infiniment plus grande, que si cette particule étoit placée à une distance donnée du corps. M. Newton a démontré cette proposition dans ses principes, comme nous l'avons déjà remarqué. Voyez Princ. matth. sect. xiij. liv. I. proposition premiere.

IV. Dans la même supposition, si la force attractive qui agit à une distance assignable, a un rapport fini avec la gravité, la force attractive au point de contact, ou infiniment près de ce point, sera infiniment plus grande que la force de la gravité.

V. Mais si dans le point de contact la force attractive a un rapport fini à la gravité, la force à une distance assignable fera infiniment moindre que la force de la gravité, & par conséquent sera nulle.

VI. La force attractive de chaque particule de matiere au point de contact, surpasse presque infiniment la force de la gravité, mais cependant n'est pas infiniment plus grande. De ce théorème & du précédent, il s'ensuit que la force attractive qui agit à une distance donnée quelconque, sera presque égale à zéro.

Par conséquent cette force attractive des corps terrestres ne s'étend que dans un espace extrèmement petit, & s'évanoüit à une grande distance. C'est ce qui fait qu'elle ne peut rien déranger dans le mouvement des corps celestes qui en sont fort éloignés, & que toutes les planetes continuent sensiblement leur cours, comme s'il n'y avoit point de force attractive dans les corps terrestres.

Où la force attractive cesse, la force répulsive commence, selon M. Newton, ou plûtôt la force attractive se change en force répulsive. Voyez REPULSION.

VII. Supposons un corpuscule qui touche un corps : la force par laquelle le corpuscule est poussé, c'est-à-dire la force avec laquelle il est adhérent au corps qu'il touche, sera proportionnelle à la quantité du contact ; car les parties un peu éloignées du point de contact ne contribuent en rien à la cohésion.

Il y a donc différens degrés de cohésion, selon la différence qui peut se trouver dans le contact des particules ; la force de la cohésion est la plus grande qu'il est possible, lorsque la surface touchante est plane : en ce cas, toutes choses d'ailleurs égales, la force par laquelle le corpuscule est adhérent, sera comme les parties des surfaces touchantes.

C'est pour cette raison que deux marbres parfaitement polis, qui se touchent par leurs sur faces planes, sont si difficiles à séparer, & ne peuvent l'être que par un poids fort supérieur à celui de l'air qui les presse.

VIII. La force de l'attraction croît dans les petites particules, à mesure que le poids & la grosseur de ces particules diminue ; ou pour s'expliquer plus clairement, la force de l'attraction décroît moins à proportion que la masse, toutes choses d'ailleurs égales.

Car comme la force attractive n'agit qu'au point de contact, ou fort près de ce point, le moment de cette force doit être comme la quantité de contact, c'est-à-dire comme la densité des parties, & la grandeur de leurs surfaces : or les surfaces des corps croissent ou décroissent comme les quarrés des diametres, & les solidités comme les cubes de ces mêmes diametres ; par conséquent les plus petites particules ayant plus de surface, à proportion de leur solidité, sont capables d'un contact plus fort, &c. Les corpuscules dont le contact est le plus petit, & le moins étendu qu'il est possible, comme les spheres infiniment petites, sont ceux qu'on peut séparer le plus aisément l'un de l'autre.

On peut tirer de ce principe la cause de la fluidité ; car regardant les parties des fluides comme de petites spheres ou globules très-polis, on voit que leur attraction & cohésion mutuelle doit être très-peu considérable, & qu'elles doivent être fort faciles à séparer & à glisser les unes sur les autres ; ce qui constitue la fluidité. Voyez FLUIDITE, EAU, &c.

IX. La force par laquelle un corpuscule est attiré par un autre corps qui en est proche, ne reçoit aucun changement dans sa quantité, soit que la matiere du corps attirant croisse ou diminue, pourvû que le corps attirant conserve toûjours la même densité, & que le corpuscule demeure toûjours à la même distance.

Car puisque la puissance attractive n'est répandue que dans un fort petit espace, il s'ensuit que les corpuscules qui sont éloignés d'un autre, ne contribuent en rien pour attirer celui-ci : par conséquent le corpuscule sera attiré vers celui qui en est proche avec la même force, soit que les autres corpuscules y soient ou n'y soient pas ; & par conséquent aussi, soit qu'on en ajoûte d'autres ou non.

Donc les particules auront différentes forces attractives, selon la différence de leur structure : par exemple, une particule percée dans sa longueur n'attirera pas si fort qu'une particule qui seroit entiere : de même aussi la différence dans la figure en produira une dans la force attractive. Ainsi une sphere attirera plus qu'un cone, qu'un cylindre, &c.

X. Supposons que la contexture d'un corps soit telle, que les dernieres particules élémentaires dont il est composé soient un peu éloignées de leur premier contact par l'action de quelque force extérieure, comme par le poids ou l'impulsion d'un autre corps, mais sans acquérir en vertu de cette force un nouveau contact ; dès que l'action de cette force aura cessé, ces particules tendant les unes vers les autres par leur force attractive, retourneront aussi-tôt à leur premier contact. Or quand les parties d'un corps, après avoir été déplacées, retournent dans leur premiere situation, la figure du corps, qui avoit été changée par le dérangement des parties, se rétablit aussi dans son premier état : donc les corps qui ont perdu leur figure primitive, peuvent la recouvrer par l'attraction.

Par-là on peut expliquer la cause de l'élasticité ; car quand les particules d'un corps ont été un peu dérangées de leur situation, par l'action de quelque force extérieure ; si-tôt que cette force cesse d'agir, les parties séparées doivent retourner à leur premiere place ; & par conséquent le corps doit reprendre sa figure, &c. Voyez ELASTICITE, &c.

XI. Mais si la contexture d'un corps est telle que ses parties, lorsqu'elles perdent leur contact par l'action de quelque cause extérieure, en reçoivent un autre du même degré de force ; ce corps ne pourra reprendre sa premiere figure.

Par-là on peut expliquer en quoi consiste la mollesse des corps.

XII. Un corps plus pesant que l'eau, peut diminuer de grosseur à un tel point, que ce corps demeure suspendu dans l'eau, sans descendre, comme il le devroit faire, par sa propre pesanteur.

Par-là on peut expliquer pourquoi les particules salines, métalliques, & les autres petits corps semblables, demeurent suspendus dans les fluides qui les dissolvent. Voyez MENSTRUE.

XIII. Les grands corps s'approchent l'un de l'autre avec moins de vîtesse que les petits corps. En effet la force avec laquelle deux corps A, B, s'attirent (fig. 32. méch. n°. 2.) réside seulement dans les particules de ces corps les plus proches ; car les parties plus éloignées n'y contribuent en rien : par conséquent la force qui tend à mouvoir les corps A & B, n'est pas plus grande que celle qui tendroit à mouvoir les seules particules c & d. Or les vîtesses des différens corps mûs par une même force sont en raison inverse des masses de ces corps ; car plus la masse à mouvoir est grande, moins cette force doit lui imprimer de vîtesse : donc la vîtesse avec laquelle le corps A tend à s'approcher de B, est à la vîtesse avec laquelle la particule c tendroit à se mouvoir vers B, si elle étoit détachée du corps A, comme la particule c est au corps A : donc la vîtesse du corps A est beaucoup moindre que celle qu'auroit la particule c, si elle étoit détachée du corps A.

C'est pour cela que la vîtesse avec laquelle deux petits corpuscules tendent à s'approcher l'un de l'autre, est en raison inverse de leurs masses ; c'est aussi pour cette même raison que le mouvement des grands corps est naturellement si lent, que le fluide environnant & les autres corps adjacens le retardent & le diminuent considérablement ; au lieu que les petits corps sont capables d'un mouvement beaucoup plus grand, & sont en état par ce moyen de produire un très-grand nombre d'effets ; tant il est vrai que la force ou l'énergie de l'attraction est beaucoup plus considérable dans les petits corps que dans les grands. On peut aussi déduire du même principe la raison de cet axiome de Chimie : les sels n'agissent que quand ils sont dissous.

XIV. Si un corpuscule placé dans un fluide est également attiré en tout sens par les particules environnantes, il ne doit recevoir aucun mouvement : mais s'il est attiré par quelques particules plus fortement que par d'autres, il doit se mouvoir vers le côté où l'attraction est la plus grande ; & le mouvement qu'il aura sera proportionné à l'inégalité d'attraction ; c'est-à-dire que plus cette inégalité sera grande, plus aussi le mouvement sera grand, & au contraire.

XV. Si des corpuscules nagent dans un fluide, & qu'ils s'attirent les uns les autres avec plus de force qu'ils n'attirent les particules intermédiaires du fluide, & qu'ils n'en sont attirés, ces corpuscules doivent s'ouvrir un passage à-travers les particules du fluide, & s'approcher les uns des autres avec une force égale à l'excès de leur force attractive sur celle des parties du fluide.

XVI. Si un corps est plongé dans un fluide dont les particules soient attirées plus fortement par les parties du corps, que les parties de ce corps ne s'attirent mutuellement, & qu'il y ait dans ce corps un nombre considérable de pores ou d'interstices à-travers lesquels les particules du fluide puissent passer, le fluide traversera ces pores. De plus, si la cohésion des parties du corps n'est pas assez forte pour résister à l'effort que le fluide fera pour les séparer, ce corps se dissoudra. Voyez DISSOLUTION.

Donc pour qu'un menstrue soit capable de dissoudre un corps donné, il faut trois conditions : 1°. que les parties du corps attirent les particules du menstrue plus fortement qu'elles ne s'attirent elles-mêmes les unes les autres : 2°. que les pores du corps soient perméables aux particules du menstrue : 3°. que la cohésion des parties du corps ne soit pas assez forte pour résister à l'effort & à l'irruption des particules du menstrue. Voyez MENSTRUE.

XVII. Les sels ont une grande force attractive, même lorsqu'ils sont séparés par beaucoup d'interstices qui laissent un libre passage à l'eau : par conséquent les particules de l'eau sont fortement attirées par les particules salines ; de sorte qu'elles se précipitent dans les pores des parties salines, séparent ces parties, & dissolvent le sel. Voyez SEL.

XVIII. Si les corpuscules sont plus attirés par les parties du fluide qu'ils ne s'attirent les unes les autres, ces corpuscules doivent s'éloigner les uns des autres, & se répandre çà & là dans le fluide.

Par exemple, si on dissout un peu de sel dans une grande quantité d'eau, les particules du sel, quoique d'une pesanteur spécifique plus grande que celle de l'eau, se répandront & se disposeront dans toute la masse de l'eau, de maniere que l'eau sera aussi salée au fond, qu'à sa partie supérieure. Cela ne prouve-t-il pas que les parties du sel ont une force centrifuge ou répulsive, par laquelle elles tendent à s'éloigner les unes des autres ; ou plûtôt qu'elles sont attirées par l'eau plus fortement qu'elles ne s'attirent les unes les autres ? En effet, comme tout corps monte dans l'eau, lorsqu'il est moins attiré par sa gravité terrestre que les parties de l'eau, de même toutes les parties de sel qui flottent dans l'eau, & qui sont moins attirées par une partie quelconque de sel que les parties de l'eau ne le sont ; toutes ces parties, disje, doivent s'éloigner de la partie de sel dont il s'agit, & laisser leur place à l'eau qui en est plus attirée. Newton, Opt. p. 363.

XIX. Si des corpuscules qui nagent dans un fluide tendent les uns vers les autres, & que ces corpuscules soient élastiques, ils doivent après s'être rencontrés s'éloigner de nouveau, jusqu'à ce qu'ils rencontrent d'autres corpuscules qui les réfléchissent ; ce qui doit produire une grande quantité d'impulsions, de répercussions, & pour ainsi dire de conflits entre ces corpuscules. Or en vertu de la force attractive, la vîtesse de ces corps augmentera continuellement ; de maniere que le mouvement intestin des particules deviendra enfin sensible aux yeux. V. MOUVEMENT INTESTIN.

De plus, ces mouvemens seront différens, & seront plus ou moins sensibles & plus ou moins prompts, selon que les corpuscules s'attireront l'un l'autre avec plus ou moins de force, & que leur élasticité sera plus ou moins grande.

XX. Si les corpuscules qui s'attirent l'un l'autre viennent à se toucher mutuellement, ils n'auront plus de mouvement, parce qu'ils ne peuvent s'approcher de plus près. S'ils sont placés à une très-petite distance l'un de l'autre, ils se mouvront : mais si on les place à une distance plus grande, de maniere que la force avec laquelle ils s'attirent l'un l'autre, ne surpasse point la force avec laquelle ils attirent les particules intermédiaires du fluide ; alors ils n'auront plus de mouvement.

De ce principe dépend l'explication de tous les phénomenes de la fermentation & de l'ébullition. Voyez FERMENTATION & ÉBULLITION.

Ainsi on peut expliquer par-là pourquoi l'huile de vitriol fermente & s'échauffe quand on verse un peu d'eau dessus ; car les particules salines qui se touchoient sont un peu desunies par l'effusion de l'eau : or comme ces particules s'attirent l'une l'autre plus fortement qu'elles n'attirent les particules de l'eau, & qu'elles ne sont pas également attirées en tout sens, elles doivent nécessairement se mouvoir & fermenter. Voyez VITRIOL.

C'est aussi pour cette raison qu'il se fait une si violente ébullition, lorsqu'on ajoûte à ce mélange, de la limaille d'acier ; car les particules de l'acier sont fort élastiques, & par conséquent sont réfléchies avec beaucoup de force.

On voit aussi pourquoi certains menstrues agissent plus fortement, & dissolvent plus promptement le corps lorsque ces menstrues ont été mêlés avec l'eau. Cela s'observe lorsqu'on verse sur le plomb ou sur quelques autres métaux de l'huile de vitriol, de l'eau-forte, de l'esprit de nitre, rectifiés ; car ces métaux ne se dissoudront qu'après qu'on y aura versé de l'eau.

XXI. Si les corpuscules qui s'attirent mutuellement l'un l'autre n'ont point de force élastique, ils ne seront point réfléchis : mais ils se joindront en petites masses, d'où naîtra la coagulation.

Si la pesanteur des particules ainsi réunies surpasse la pesanteur du fluide, la précipitation s'en suivra. Voyez PRECIPITATION.

XXII. Si des corpuscules nageant dans un fluide s'attirent mutuellement, & si la figure de ces corpuscules est telle, que quelques-unes de leurs parties ayent plus de force attractive que les autres, & que le contact soit aussi plus fort dans certaines parties que dans d'autres, ces corpuscules s'uniront en prenant de certaines figures ; ce qui produira la crystallisation. Voyez CRYSTALLISATION.

Des corpuscules qui sont plongés dans un fluide dont les parties ont un mouvement progressif égal & uniforme, s'attirent mutuellement de la même maniere que si le fluide étoit en repos : mais si toutes les parties du fluide ne se meuvent point également, l'attraction des corpuscules ne sera plus la même.

C'est pour cette raison que les sels ne crystallisent point, à moins que l'eau où on les met ne soit froide.

XXIII. Si entre deux particules de fluide se trouve placé un corpuscule, dont les deux côtés opposés ayent une grande force attractive, ce corpuscule forcera les particules du fluide de s'unir & de se conglutiner avec lui ; & s'il y a plusieurs corpuscules de cette sorte répandus dans le fluide, ils fixeront toutes les particules du fluide, & en feront un corps solide, & le fluide sera gelé ou changé en glace. Voyez GLACE.

XXIV. Si un corps envoye hors de lui une grande quantité de corpuscules dont l'attraction soit très-forte, ces corpuscules lorsqu'ils approcheront d'un corps fort leger, surmonteront par leur attraction la pesanteur de ce corps, & l'attireront à eux ; & comme les corpuscules sont en plus grande abondance à de petites distances du corps, qu'à de plus grandes, le corps leger sera continuellement tiré vers l'endroit où l'émanation est la plus dense ; jusqu'à ce qu'enfin il vienne s'attacher au corps même d'où les émanations partent. Voyez ÉMANATION.

Par-là on peut expliquer plusieurs phénomenes de l'électricité. Voyez ÉLECTRICITE.

Nous avons crû devoir rapporter ici ces différens théorèmes sur l'attraction, pour faire voir comment on a tâché d'expliquer à l'aide de ce principe plusieurs phénomenes de Chimie : nous ne prétendons point cependant garantir aucune de ces explications ; & nous avoüerons même que la plûpart d'entre elles ne paroissent point avoir cette précision & cette clarté qui est nécessaire dans l'exposition des causes des phénomenes de la nature. Il est pourtant permis de croire que l'attraction peut avoir beaucoup de part aux effets dont il s'agit ; & la maniere dont on croit qu'elle peut y satisfaire, est encore moins vague que celle dont on prétend les expliquer dans d'autres systèmes. Quoi qu'il en soit, le parti le plus sage est sans doute de suspendre encore son jugement sur ces choses de détail, jusqu'à ce que nous ayons une connoissance plus parfaite des corps & de leurs propriétés.

Voici donc, pour satisfaire à ce que nous avons promis au commencement de cet article, ce qui nous semble qu'on doit penser sur l'attraction.

Tous les philosophes conviennent qu'il y a une force qui fait tendre les planetes premieres vers le soleil, & les planetes secondaires vers leurs planetes principales. Comme il ne faut point multiplier les principes sans nécessité, & que l'impulsion est le principe le plus connu & le moins contesté du mouvement des corps, il est clair que la premiere idée d'un philosophe doit être d'attribuer cette force à l'impulsion d'un fluide. C'est à cette idée que les tourbillons de Descartes doivent leur naissance ; & elle paroissoit d'autant plus heureuse, qu'elle expliquoit à la fois le mouvement de translation des planetes par le mouvement circulaire de la matiere du tourbillon, & leur tendance vers le soleil par la force centrifuge de cette matiere. Mais ce n'est pas assez pour une hypothese de satisfaire aux phénomenes en gros, pour ainsi dire, & d'une maniere vague : les détails en sont la pierre de touche, & ces détails ont été la ruine du système Cartésien. Voyez PESANTEUR, TOURBILLONS, CARTESIANISME, &c.

Il faut donc renoncer aux tourbillons, quelque agréable que le spectacle en paroisse. Il y a plus ; on est presque forcé de convenir que les planetes ne se meuvent point en vertu de l'action d'un fluide : car de quelque maniere qu'on suppose que ce fluide agisse, on se trouve exposé de tous côtés à des difficultés insurmontables : le seul moyen de s'en tirer, seroit de supposer un fluide qui fût capable de pousser dans un sens, & qui ne résistât pas dans un autre : mais le remede, comme on voit, seroit pire que le mal. On est donc réduit à dire, que la force qui fait tendre les planetes vers le soleil vient d'un principe inconnu, & si l'on veut d'une qualité occulte ; pourvû qu'on n'attache point à ce mot d'autre idée que celle qu'il présente naturellement, c'est-à-dire d'une cause qui nous est cachée. C'est vraisemblablement le sens qu'Aristote y attachoit, en quoi il a été plus sage que ses sectateurs, & que bien des philosophes modernes.

Nous ne dirons donc point si l'on veut que l'attraction est une propriété primordiale de la matiere, mais nous nous garderons bien aussi d'affirmer, que l'impulsion soit le principe nécessaire des mouvemens des planetes. Nous avoüons même que si nous étions forcés de prendre un parti, nous pencherions bien plûtôt pour le premier que pour le second ; puisqu'il n'a pas encore été possible d'expliquer par le principe de l'impulsion les phénomenes célestes ; & que l'impossibilité même de les expliquer par ce principe, est appuyée sur des preuves très-fortes, pour ne pas dire sur des démonstrations. Si M. Newton paroît indécis en quelques endroits de ses ouvrages sur la nature de la force attractive ; s'il avoue même qu'elle peut venir d'une impulsion, il y a lieu de croire que c'étoit une espece de tribut qu'il vouloit bien payer au préjugé, ou, si l'on veut, à l'opinion générale de son siecle ; & on peut croire qu'il avoit pour l'autre sentiment une sorte de prédilection ; puisqu'il a souffert que M. Côtes son disciple adoptât ce sentiment sans aucune réserve, dans la préface qu'il a mise à la tête de la seconde édition des Principes ; préface faite sous les yeux de l'auteur, & qu'il paroît avoir approuvée. D'ailleurs M. Newton admet entre les corps célestes une attraction réciproque ; & cette opinion semble supposer que l'attraction est une vertu inhérente aux corps. Quoi qu'il en soit, la force attractive, selon M. Newton, décroît en raison inverse des quarrés des distances : ce grand philosophe a expliqué par ce seul principe une grande partie des phénomenes célestes ; & tous ceux qu'on a tenté d'expliquer depuis par ce même principe, l'ont été avec une facilité & une exactitude qui tiennent du prodige. Le seul mouvement des apsides de la lune a paru durant quelque tems se refuser à ce système : mais ce point n'est pas encore décidé au moment que nous écrivons ceci ; & je crois pouvoir assûrer que le système Newtonien en sortira à son honneur. Voyez LUNE. Toutes les autres inégalités du mouvement de la lune qui, comme l'on sait, sont très-considérables, & en grand nombre, s'expliquent très-heureusement dans le système de l'attraction. Je m'en suis aussi assûré par le calcul, & je publierai bien-tôt mon travail.

Tous les phénomenes nous démontrent donc qu'il y a une force qui fait tendre les planetes les unes vers les autres. Ainsi nous ne pouvons nous dispenser de l'admettre ; & quand nous serions forcés de la reconnoître comme primordiale & inhérente à la matiere, j'ose dire que la difficulté de concevoir une pareille cause seroit un argument bien foible contre son existence. Personne ne doute qu'un corps qui en rencontre un autre ne lui communique du mouvement : mais avons-nous une idée de la vertu par laquelle se fait cette communication ? Les Philosophes ont avec le vulgaire bien plus de ressemblance qu'ils ne s'imaginent. Le peuple ne s'étonne point de voir une pierre tomber, parce qu'il l'a toûjours vû ; de même les Philosophes, parce qu'ils ont vû dès l'enfance les effets de l'impulsion, n'ont aucune inquiétude sur la cause qui les produit. Cependant si tous les corps qui en rencontrent un autre s'arrêtoient sans leur communiquer du mouvement, un philosophe qui verroit pour la premiere fois un corps en pousser un autre seront aussi surpris qu'un homme qui verroit un corps pesant se soûtenir en l'air sans retomber. Quand nous saurions en quoi consiste l'impénétrabilité des corps, nous n'en serions peut-être guere plus éclairés sur la nature de la force impulsive. Nous voyons seulement, qu'en conséquence de cette impénétrabilité, le choc d'un corps contre un autre doit être suivi de quelque changement, ou dans l'état des deux corps, ou dans l'état de l'un des deux : mais nous ignorons, & apparemment nous ignorerons toûjours par quelle vertu ce changement s'exécute, & pourquoi par exemple un corps qui en choque un autre ne reste pas toûjours en repos après le choc, sans communiquer une partie de son mouvement au corps choqué. Nous croyons que l'attraction répugne à l'idée que nous avons de la matiere : mais approfondissons cette idée, nous serons effrayés de voir combien peu elle est distincte, & combien nous devons être reservés dans les conséquences que nous en tirons. L'univers est caché pour nous derriere une espece de voile à-travers lequel nous entrevoyons confusément quelques points. Si ce voile se déchiroit tout-à-coup, peut-être serions-nous bien surpris de ce qui se passe derriere. D'ailleurs la prétendue incompatibilité de l'attraction avec la matiere n'a plus lieu dès qu'on admet un être intelligent & ordonnateur de tout, à qui il a été aussi libre de vouloir que les corps agissent les uns sur les autres à distance que dans le contact.

Mais autant que nous devons être portés à croire l'existence de la force d'attraction dans les corps célestes, autant, ce me semble, nous devons être réservés à aller plus avant. 1°. Nous ne dirons point que l'attraction est une propriété essentielle de la matiere, c'est beaucoup de la regarder comme une propriété primordiale ; & il y a une grande différence entre une propriété primordiale & une propriété essentielle. L'impénétrabilité, la divisibilité, la mobilité, sont du dernier genre ; la vertu impulsive est du second. Dès que nous concevons un corps, nous le concevons nécessairement divisible, étendu, impénétrable : mais nous ne concevons pas nécessairement qu'il mette en mouvement un autre corps. 2°. Si on croit que l'attraction soit une propriété inhérente à la matiere, on pourroit en conclure que la loi du quarré s'observe dans toutes ses parties. Peut-être néanmoins seroit-il plus sage de n'admettre l'attraction qu'entre les parties des planetes, sans prendre notre parti sur la nature ni sur la cause de cette force, jusqu'à ce que de nouveaux phénomenes nous éclairent sur ce sujet. Mais du moins faut-il bien nous garder d'assûrer que quelques parties de la matiere s'attirent suivant d'autres lois que celles du quarré. Cette proposition ne paroît point suffisamment démontrée. Les faits sont l'unique boussole qui doit nous guider ici, & je ne crois pas que nous en ayons encore un assez grand nombre pour nous élever à une assertion si hardie : on peut en juger par les différens théorèmes que nous venons de rapporter d'après M. Keill & d'autres philosophes. Le système du monde est en droit de nous faire soupçonner que les mouvemens des corps n'ont peut-être pas l'impulsion seule pour cause ; que ce soupçon nous rende sages, & ne nous pressons pas de conclure que l'attraction soit un principe universel, jusqu'à ce que nous y soyons forcés par les phénomenes. Nous aimons, il est vrai, à généraliser nos découvertes ; l'analogie nous plaît, parce qu'elle flatte notre vanité & soulage notre paresse : mais la nature n'est pas obligée de se conformer à nos idées. Nous voyons si peu avant dans ses ouvrages, & nous les voyons par de si petites parties, que les principaux ressorts nous en échappent. Tâchons de bien appercevoir ce qui est autour de nous ; & si nous voulons nous élever plus haut, que ce soit avec beaucoup de circonspection : autrement nous n'en verrions que plus mal, en croyant voir plus loin ; les objets éloignés seroient toûjours confus, & ceux qui étoient à nos piés nous échapperoient.

Après ces réflexions, je crois qu'on pourroit se dispenser de prendre aucun parti sur la dispute qui a partagé deux académiciens célebres, savoir si la loi d'attraction doit nécessairement être comme une puissance de la distance, ou si elle peut être en général comme une fonction de cette même distance (Voyez PUISSANCE & FONCTION) ; question purement métaphysique, & sur laquelle il est peut-être bien hardi de prononcer, après ce que nous venons de dire ; aussi n'avons-nous pas cette prétention, sur-tout dans un ouvrage de la nature de celui ci. Nous croyons cependant que si on regarde l'attraction comme une propriété de la matiere, ou une loi primitive de la nature, il est assez naturel de ne faire dépendre cette attraction que de la seule distance ; & en ce cas sa loi ne pourra être représentée que par une puissance ; car toute autre fonction contiendroit un parametre ou quantité constante qui ne dépendroit point de la distance, & qui paroîtroit se trouver-là sans aucune raison suffisante. Il est du moins certain qu'une loi exprimée par une telle fonction, seroit moins simple qu'une loi exprimée par une seule puissance.

Nous ne voyons pas d'ailleurs quel avantage il y auroit à exprimer l'attraction par une fonction. On prétend qu'on pourroit expliquer par-là, comment l'attraction à de grandes distances est en raison inverse du quarré, & suit une autre loi à de petites distances : mais il n'est pas encore bien certain que cette loi d'attraction à de petites distances, soit aussi générale qu'on veut le supposer. D'ailleurs, si on veut faire de cette fonction une loi générale qui devienne fort différente du quarré à de très-petites distances, & qui puisse servir à rendre raison des attractions qu'on observe ou qu'on suppose dans les corps terrestres ; il nous paroît difficile d'expliquer dans cette hypothese comment la pesanteur des corps qui sont immédiatement contigus à la terre, est à la pesanteur de la lune à-peu-près en raison inverse du quarré de la distance. Ajoûtons qu'on devroit être fort circonspect à changer la loi du quarré des distances, quand même, ce qui n'est pas encore arrivé, on trouveroit quelque phénomene céleste, pour l'explication duquel cette loi du quarré ne suffiroit pas. Les différens points du système du monde, au moins ceux que nous avons examinés jusqu'ici, s'accordent avec la loi du quarré des distances : cependant comme cet accord n'est qu'un à-peu-près, il est clair qu'ils s'accorderoient de même avec une loi qui seroit un peu différente de celle du quarré des distances : mais on sent bien qu'il seroit ridicule d'admettre une pareille loi par ce seul motif.

Reste donc à savoir si un seul phénomene qui ne s'accorderoit point avec la loi du quarré, seroit une raison suffisante pour nous obliger à changer cette loi dans tous les autres ; & s'il ne seroit pas plus sage d'attribuer ce phénomene à quelque cause ou loi particuliere. M. Newton a reconnu lui-même d'autres forces que celles-là, puisqu'il paroît supposer que la force magnétique de la terre agit sur la lune, & on sait combien cette force est différente de la force générale d'attraction, tant par son intensité, que par les lois suivant lesquelles elle agit.

M. de Maupertuis, un des plus célebres partisans du Newtonianisme, a donné dans son discours sur les figures des astres, une idée du système de l'attraction, & des réflexions sur ce système, auxquelles nous croyons devoir renvoyer nos lecteurs, comme au meilleur précis que nous connoissions de tout ce qu'on peut dire sur cette matiere. Le même auteur observe dans les Mém. acad. 1734, que M. de Roberval, de Fermat & Pascal ont crû long-tems avant M. Newton, que la pesanteur étoit une vertu attractive & inhérente aux corps, en quoi on voit qu'ils se sont expliqués d'une maniere bien plus choquante pour les Cartésiens, que M. Newton ne l'a fait. Nous ajoûterons que M. Hook avoit eu la même idée, & avoit prédit qu'on expliqueroit un jour très-heureusement par ce principe les mouvemens des planetes. Ces réflexions, en augmentant le nombre des partisans de M. Newton, ne diminue rien de sa gloire, puisqu'étant le premier qui ait fait voir l'usage du principe, il en est proprement l'auteur & le créateur. (O)

ATTRACTION DES MONTAGNES. Il est certain que si on admet l'attraction de toutes les parties de la terre, il peut y avoir des montagnes dont la masse soit assez considérable pour que leur attraction soit sensible. En effet, supposons pour un moment que la terre soit un globe d'une densité uniforme, & dont le rayon ait 1500 lieues, & imaginons sur quelque endroit de la surface du globe une montagne de la même densité que le globe, laquelle soit faite en demi-sphere & ait une lieue de hauteur ; il est aisé de prouver qu'un poids placé au bas de cette montagne sera attiré dans le sens horisontal par la montagne, avec une force qui sera la 3000e partie de la pesanteur, de maniere qu'un pendule ou fil à plomb placé au bas de cette montagne, doit s'écarter d'environ une minute de la situation verticale ; le calcul n'en est pas difficile à faire, & on peut le supposer.

Il peut donc arriver que quand on observe la hauteur d'un astre au pié d'une fort grosse montagne, le fil à plomb, dont la direction sert à faire connoître cette hauteur, ne soit point vertical ; & si l'on faisoit un jour cette observation, elle fourniroit, ce semble, une preuve considérable en faveur du système de l'attraction. Mais comment s'assûrer qu'un fil à plomb n'est pas exactement vertical, puisque la direction même de ce fil est le seul moyen qu'on puisse employer pour déterminer la situation verticale ? Voici le moyen de résoudre cette difficulté.

Imaginons une étoile au nord de la montagne, & que l'observateur soit placé au sud. Si l'attraction de la montagne agit sensiblement sur le fil à plomb, il sera écarté de la situation verticale vers le nord, & par conséquent le zénith apparent reculera, pour ainsi dire, d'autant vers le sud : ainsi la distance observée de l'étoile au zénith, doit être plus grande que s'il n'y avoit point d'attraction.

Donc si après avoir observé au pié de la montagne la distance de cette étoile au zénith, on se transporte loin de la montagne sur la même ligne à l'est ou à l'oüest, ensorte que l'attraction ne puisse plus avoir d'effet, la distance de l'étoile observée dans cette nouvelle station doit être moindre que la premiere, au cas que l'attraction de la montagne produise un effet sensible.

On peut aussi se servir du moyen suivant, qui est encore meilleur. Il est visible que si le fil de plomb au sud de la montagne est écarté vers le nord, ce même fil à plomb au nord de la montagne sera écarté vers le sud ; ainsi le zénith, qui dans le premiers cas étoit pour ainsi dire reculé en arriere vers le sud, sera, dans le second cas, rapproché en avant vers le nord ; donc dans le second cas la distance de l'étoile au zénith sera moindre que s'il n'y avoit point d'attraction, au lieu que dans le premier cas elle étoit plus grande. Prenant donc la différence de ces deux distances & la divisant par la moitié, on aura la quantité dont le pendule est écarté de la situation verticale par l'attraction de la montagne.

On peut voir toute cette théorie fort clairement exposée avec plusieurs remarques qui y ont rapport, dans un excellent mémoire de M. Bouguer, imprimé en 1749, à la fin de son livre de la figure de la terre. Il donne dans ce mémoire le détail des observations qu'il fit, conjointement avec M. de la Condamine, au sud & au nord, d'une grosse montagne du Pérou appellée Chimboraco ; il résulte de ces observations, que l'attraction de cette grosse montagne écarte le fil à plomb d'environ 7"& demie de la situation verticale.

Au reste, M. Bouguer fait à cette occasion cette remarque judicieuse, que la plus grosse montagne pourroit avoir très-peu de densité par rapport au globe terrestre, tant par la nature de la matiere qu'elle peut contenir, que par les vuides qui peuvent s'y rencontrer, &c. qu'ainsi cent observations où on ne trouveroit point d'attraction sensible, ne prouveroient rien contre le système newtonien ; au lieu qu'une seule, qui lui seroit favorable, comme celle de Chimboraco, mériteroit de la part des philosophes la plus grande attention. (O)


ATTRACTIONNAIREadj. pris sub. est le nom que l'on donne aux partisans de l'attraction. Voyez ATTRACTION. (O)


ATTRAPES. f. (Marine.) c'est une corde qui empêche que le vaisseau ne se couche plus qu'il n'est nécessaire, lorsqu'il est en carene. (Z)

ATTRAPE, s. f. se dit, dans les fonderies de tables en cuivre, d'une pince coudée qui sert à retirer du fourneau les creusets lorsqu'ils se cassent. Pour cet effet, les extrémités de ses branches les plus courtes sont formées en demi-cercles. Voyez dans les Planches intitulées de la Calamine, entre celles de Minéralogie, parmi les outils, la figure de l 'attrape.


ATTRAPE-MOUCHEV. MUSCIPULA. (K)


ATTRAPPERen terme de Peinture, désigne l'action de bien saisir son objet & de bien l'exprimer. Ce peintre, dit-on, saisit bien la ressemblance, les caracteres ; il attrape bien la maniere de tel. (R)


ATTREMPÉadj. se dit, en Fauconnerie, d'un oiseau qui n'est ni gras ni maigre ; on dit ce faucon est attrempé.


ATTREMPERv. act. en Verrerie, se dit de pots ; attremper un pot, c'est le recuire, ou lui donner peu à peu le degré de chaleur nécessaire, afin qu'il puisse passer dans l'intérieur du four sans risquer de se casser : pour cet effet, on marge ou bouche avec le margeoir la lunette de l'arche à pot. Voyez LUNETTE, MARGER, MARGEOIR.

On met sur trois petits piliers, ou sur six moitiés de brique, dont deux moitiés forment un pilier, le fond du pot à attremper ; on l'enferme dans l'arche par une legere maçonnerie faite de tuiles ou plaques de terre, comme on le jugera à propos. Cela fait, le pot est tenu dans une chaleur modérée, plus ou moins de tems, selon qu'il étoit plus ou moins sec, quand on l'a mis dans l'arche : il reste dans ce premier état environ sept à huit heures, puis on retire le margeoir d'environ deux pouces ; ce qui s'appelle donner le premier coup de feu : le pot reste dans ce second état, environ le même tems.

On retire encore un peu le margeoir, & on laisse encore à-peu-près le même intervalle, jusqu'à ce qu'on retire encore un peu le margeoir pour la troisieme fois ; on continue ainsi jusqu'à ce que le margeoir soit entierement retiré. Dans ce dernier état, le pot est en pleine chaleur ; on l'y laisse huit, dix, douze heures. Après quoi, on jette du charbon tout autour du pot par un trou pratiqué à la maçonnerie ; & à mesure que ce premier charbon se consume, on en augmente la quantité ; observant de le remuer de tems en tems avec un ferret. Lorsque l'arche & le pot seront blancs, la chaleur aura été assez poussée ; le pot sera attrempé ; on le retirera de l'arche, & on le transportera dans le four : c'est ainsi que les Anglois attrempent ; en France, on s'y prend un peu autrement.

On bouche la lunette de l'arche qui communique dans l'intérieur du four ; au bout de vingt-quatre heures, on fait un trou à la lunette ; c'est-là le premier coup de feu. Les autres coups de feu se donnent dans l'espace de deux à trois jours, augmentant successivement le trou fait à la lunette, jusqu'à ce qu'elle soit entierement débouchée. Quelques heures avant que de tirer le pot de l'arche, on y jette beaucoup de billettes, & on continue d'en jetter, jusqu'à ce que l'ardeur du feu ait rendu le pot tout blanc ; alors il est attrempé.


ATTRIBUTsub. m. (Métaphysique.) propriété constante de l'être, qui est déterminée par les qualités essentielles. L'essence de l'être consiste dans ces qualités primitives qui ne sont supposées par aucune autre, & qui ne se supposent point réciproquement. De celles-ci, comme de leur source, dérivent d'autres qualités qui ne sauroient manquer d'avoir lieu, dès que les premieres sont une fois posées ; & qui ne sont pas moins inséparables de l'être, que celles qui constituent son essence. Car les qualités qui peuvent exister ou ne pas exister dans le sujet, ne sont ni essentielles, ni attributs ; elles forment la classe des modes (dont on peut consulter l'article). Nous avons donc un criterium propre à distinguer les qualités essentielles des attributs, & ceux-ci des modes. mais il faut avoüer qu'il n'y a guere que les sujets abstraits & géométriques, dans lesquels on puisse bien faire sentir ces distinctions. Le triage des qualités physiques est d'une toute autre difficulté, & l'essence des sujets se dérobe constamment à nos yeux.

Un attribut qui a sa raison suffisante dans toutes les qualités essentielles, s'appelle attribut propre : celui qui ne découle que de quelques-unes des qualités essentielles, est un attribut commun. Eclaircissons ceci par un exemple. L'égalité des trois angles d'un triangle rectiligne à deux droits, est un attribut propre ; car cette égalité est déterminée & par le nombre des côtés, & par l'espece des lignes, qui sont les deux qualités essentielles de ce triangle. Mais le nombre de trois angles n'est déterminé que par celui des côtés, & devient par-là un attribut commun qui convient à toutes sortes de triangles de quelque espece que soient les lignes qui le composent, droites ou courbes.

Au défaut des qualités essentielles, ce sont les attributs qui servent à former les définitions, & à ramener les individus à leurs especes, & les especes à leurs genres. Car la définition (Voyez son article) étant destinée à faire reconnoître en tout tems le défini, doit le désigner par des qualités constantes, tels que sont les attributs. Les genres & les especes étant aussi des notions fixes qui doivent caractériser sans variation les êtres qui leur sont subordonnés, ne peuvent se recueillir que des mêmes qualités permanentes du sujet. Cet article est tiré de M. Formey. (X)

ATTRIBUTS, en Théologie, qualités ou perfections de la divinité dont elles constituent l'essence. Telles sont l'infinité, l'éternité, l'immensité, la bonté, la justice, la providence, la toute-puissance, la prescience, l'immutabilité, &c. La conciliation de quelques attributs de Dieu, soit entre eux, comme de sa simplicité avec son immensité, & de sa liberté avec son immutabilité ; soit avec le libre arbitre de l'homme, comme sa prescience, est une source inépuisable de difficultés, & l'écueil de la raison humaine. (G)

ATTRIBUTS, dans la Mythologie, sont des qualités de la divinité que les Poëtes & les Théologiens du Paganisme personnifioient, & dont ils faisoient autant de dieux ou de déesses. Ainsi, selon eux, Jupiter étoit la puissance ; Junon, le courroux ou la vengeance ; Minerve, la sagesse ; sa volonté absolue étoit le Destin, Fatum, auquel la puissance divine ou Jupiter même étoit assujetti. (G)

ATTRIBUTS, chez les Peintres & les Sculpteurs, sont des symboles consacrés à leurs figures & à leurs statues pour caractériser les divinités de la fable, les vertus, les arts, &c. Ainsi l'aigle & la foudre sont les attributs de Jupiter ; le trident est celui de Neptune ; le caducée, de Minerve ; le bandeau, l'arc, le carquois, caractérisent l'Amour ; une balance & une épée désignent la Justice ; l'olivier marque la Paix ; & la palme ou le laurier sont les attributs de la Victoire. Voy. STATUE, SCULPTURE, PEINTURE. (G)


ATTRIBUTIFadj. terme de Palais ou de Pratique, qui ne se dit que des édits, ordonnances, ou autres choses semblables ; d'où il résulte en faveur de quelqu'un ou de quelque chose un droit, un privilége, une prérogative. Ce mot ne se dit jamais seul ; il est toûjours suivi de la dénomination du droit ou privilége dont l'édit ou autre acte en question est attributif. Ainsi l'on dit que le sceau du Chatelet de Paris est attributif de jurisdiction, c'est-à-dire que c'est à cette jurisdiction qu'appartient la connoissance de l'exécution des actes scellés de son sceau. (H)


ATTRITIONS. f. ce mot vient du verbe atterere, frotter, user, & se forme de la préposition ad, à, unie au verbe tero, j'use. Il signifie un frottement réciproque de deux corps, au moyen duquel se détachent les particules brisées de leurs surfaces. Voyez MOUVEMENT & FROTTEMENT.

C'est par ce mouvement que l'on aiguise & que l'on polit. Voyez aux articles CHALEUR, LUMIERE, FEU, ELECTRICITE, les effets de l'attrition.

M. Gray a trouvé qu'une plume frottée avec les doigts, acquit par cela seul un tel degré d'électricité, qu'un doigt, auprès duquel on la tenoit, devenoit, pour elle un aimant ; qu'un cheveu qu'il avoit trois ou quatre fois ainsi frotté, voloit à ses doigts, n'en étant éloigné que d'un demi-pouce ; qu'un poil & des fils de soie étoient par ce même moyen rendus électriques. L'expérience fait voir la même chose sur des rubans de diverses couleurs & de quelques piés de long, la main les attire quand ils sont frottés : imprégnés de l'air humide, ils perdent leur électricité ; mais le feu la leur redonne.

Le même philosophe dit que les étoffes de laine, le papier, le cuir, les coupeaux, le parchemin, sont rendus électriques par l'attrition.

Il y a même quelques-uns de ces corps que l'attrition seule rend lumineux. Voyez PHOSPHORE.

ATTRITION se prend aussi quelquefois pour le frottement de deux corps qui, sans user leurs surfaces, ne fait que mettre en mouvement les fluides qu'ils contiennent : ainsi on dit que les sensations de la faim, de la douleur, du plaisir, sont causées par l'attrition des organes qui sont formés pour ces effets. (O)

ATTRITION, en Théologie, c'est une espece de contrition, ou une contrition imparfaite. Voy. CONTRITION.

Les Théologiens scholastiques définissent l'attrition, une douleur & une détestation du péché, qui naît de la considération de la laideur du peché & de la crainte des peines de l'enfer. Le concile de Trente, sess. XIV. chap. jv. déclare que cette espece de contrition, si elle exclut la volonté de pécher, avec espérance d'obtenir pardon de ses fautes passées, est un don de Dieu, un mouvement du Saint-Esprit, & qu'elle dispose le pécheur à recevoir la grace dans le sacrement de pénitence. Le sentiment le plus reçû sur l'attrition, est que l'attrition dans le sacrement de pénitence ne suffit pas pour justifier le pécheur, à moins qu'elle ne renferme un amour commencé de Dieu, par lequel le pécheur aime Dieu comme source de toute justice. C'est la doctrine du concile de Trente, sess. VI. chap. vj. & de l'assemblée du clergé de France en 1700.

Les Théologiens disputent entre eux sur la nature de cet amour, les uns voulant que ce soit un amour de charité proprement dite, les autres soûtenant qu'il suffit d'avoir un amour d'espérance. Voyez AMOUR & CHARITE.

Il est bon de remarquer que le nom d'attrition ne se trouve ni dans l'Ecriture ni dans les Peres ; qu'il doit son origine aux Théologiens scholastiques, qui ne l'ont introduit que vers l'an 1220, comme le remarque le P. Morin, de Poenit. lib. VIII. cap. ij. n°. 14.


ATTRITIONNAIRESS. m. (Théol.) nom qu'on donne aux Théologiens qui soûtiennent que l'attrition servile est suffisante pour justifier le pécheur dans le sacrement de pénitence.

Ce terme est ordinairement pris en mauvaise part, & appliqué à ceux qui ont soûtenu, ou que l'attrition conçûe par la considération de la laideur du péché, & par la crainte des peines éternelles, sans nul motif d'amour de Dieu, étoit suffisante ; ou qu'elle n'exigeoit qu'un amour naturel de Dieu ; ou même que la crainte des maux temporels suffisoit pour la rendre bonne ; opinions condamnées ou par les papes, ou par le clergé de France. (G)


ATTROUPÉESadj. f. pl. en Anatomie ; épithete des glandes qui sont voisines les unes des autres ; telles sont celles de l'estomac, du gosier, &c. on les nomme aussi assemblées. Voyez GLANDE. (L)


ATTUAIRESS. m. (Hist. mod.) peuples qui faisoient partie de l'ancien peuple François. Ils habitoient le Laonnois. Les Salies ou Saliens faisoient l'autre partie.


ATTUNou OSTUND, (Géog.) pays de la Suede, une des trois parties de l'Upland, entre Stockolm, Upsal, & la mer Baltique.


AU(Gram.) Quant à sa valeur dans la composition des mots, c'est un son simple & non diphthongue ; il ne differe de celui de la voyelle 0, qu'en ce qu'il est un peu plus ouvert : quant à sa valeur dans le discours, voyez l'article ARTICLE.


AU LITAU LIT CHIENS, terme de Venerie, dont on use pour faire guetter les chiens lorsque l'on veut lancer un lievre.


AU LOFà la risée, en Marine, c'est un commandement que l'on fait au timonier de gouverner vers le vent, lorsqu'il en vient des risées. V. RISEE. (Z)


AUBAGNE(Géog.) ville de France en Provence, sur la Veaune. Long. 23. 22. lat. 43. 17.


AUBAINS. m. est un étranger qui séjourne dans le royaume sans y être naturalisé. Voyez NATURALISATION.

Si l'aubain meurt en France, ses biens sont acquis au roi, si ce n'est qu'il en ait fait donation entre vifs, ou qu'il laisse des enfans nés dans le royaume. Voyez AUBAINE.

Les enfans d'un François qui a séjourné en pays étranger, n'y sont point aubains.

Quelques peuples alliés de la France ne sont point non plus réputés aubains : tels sont les Suisses, les Savoyards, les Ecossois, les Portugais & les Avignonois, qui sont réputés naturels & regnicoles, sans avoir besoin de lettres de naturalité. Les Anglois même sont exempts du droit d'aubaine, au moins pour ce qui est mobilier, en vertu de l'art. 13. du traité d'Utrecht.

Un étranger qui ne séjourne en France qu'en passant, & qui ne s'y domicilie point, comme un marchand venu à une foire, un particulier venu à la poursuite d'un procès, un ambassadeur pendant tout le tems de sa résidence, ne sont point censés aubains. Nous avons aussi un édit de 1569, qui exempte du droit d'aubaine tous étrangers allant & venant, ou retournant des foires de Lyon, demeurant, séjournant ou résidant en la Ville de Lyon, & négociant sous la faveur & privilege d'icelle, sans toutefois y comprendre les immeubles réels, ni les rentes constituées. Voyez ÉTRANGER. (H)


AUBAINES. f. (Jurisprud.) est le droit qui appartient au souverain exclusivement à tout autre, de succéder aux étrangers non naturalisés, morts dans le royaume ; à moins que l'étranger n'ait des enfans nés en France, ou qu'il ne soit de quelqu'un des pays alliés avec le nôtre, qui sont censés naturalisés, & joüissent de tous les droits de sujets naturels, tels que les Savoyards, les Ecossois, les Portugais, & quelques-uns même, de priviléges exorbitans, tels que les Suisses, dont la condition est de beaucoup meilleure en France, que celle des naturels du pays. Voyez NATURALISATION, BAINBAIN.

Menage dérive ce mot du Latin, alibi natus ; Cujas d'advena, comme est appellé tout étranger dans les capitulaires de Charlemagne ; Ducange veut qu'il vienne d'albanus, Ecossois ; & pour ceux qui ne seroient pas contens de cette derniere étymologie, il leur permet de le dériver du mot Irlandois.

N. B. Pour que les sujets des pays alliés continuent de joüir du droit de naturalité, il en faut une confirmation nouvelle, toutes les fois que le sceptre change de main ; parce que ce droit est inaliénable, & conséquemment toûjours réversible à la couronne.

Le prétexte du droit d'aubaine est d'empêcher que les biens du royaume ne passent en pays étrangers : je dis prétexte ; car si c'étoit là l'unique & véritable cause, pourquoi l'aubain ne pourroit-il pas, comme le bâtard, disposer de son bien par testament, du moins en faveur d'un regnicole ; ce qui pourtant ne lui est pas permis ? Voyez ETRANGER. (H)


AUBANS. m. terme de Coûtume, est un droit qui se paye ou au seigneur ou aux officiers de police, pour avoir permission d'ouvrir boutique. On appelle aussi auban cette permission même. (H)


AUBANSVoyez HAUBANS.


AUBES. f. vêtement de lin ou de toile blanche qui descend jusqu'aux talons, & que le prêtre porte à l'autel par-dessus ses habits ordinaires & sous sa chasuble ; le diacre, soûdiacre & les induts, sont aussi en aube sous leurs dalmatiques.

Autrefois les ecclésiastiques portoient des aubes ou tuniques blanches au lieu de surplis. Voyez SURPLIS. On croit que dans la primitive Eglise, c'étoit leur vêtement ordinaire. Depuis on voit qu'il étoit ordonné aux clercs de la porter pendant le service divin seulement. Concile de Narbon. can. 12.

Dans les statuts de Riculphe, évêque de Soissons, donnés en 889, il défend aux clercs de se servir dans les sacrés mysteres, de l'aube qu'ils portent ordinairement ; ce qui prouve que jusque-là les ecclésiastiques portoient toûjours une aube sur leur tunique pour marque de leur état ; c'est pourquoi il en falloit une particuliere pour l'autel, afin qu'elle fût plus propre. Fleury, Hist. ecclés. tom. XI. (G)

AUBE, en Marine, c'est l'intervalle du tems qui s'écoule depuis le souper de l'équipage jusqu'à ce qu'on prenne le premier quart. Voyez QUART. (Z)

AUBE, s. f. (Hydraul.) les aubes sont par rapport aux moulins à eau, & aux roues que l'eau fait mouvoir, ce que sont les aîles des moulins à vent ; ce sont des planches fixées à la circonférence de la roue, & sur lesquelles s'exerce immédiatement l'impulsion du fluide, qui les chasse les unes après les autres, ce qui fait tourner la roue. Voyez PALETTE. (O)

* Si l'on considere que la vîtesse de l'eau n'est pas la même à différentes profondeurs, & plusieurs autres circonstances, on conjecturera que le nombre & la disposition les plus favorables des aubes sur une roue, ne sont pas faciles à déterminer. 1°. Le nombre des aubes n'est pas arbitraire : quand une aube est entierement plongée dans l'eau, & qu'elle a la position la plus avantageuse pour être bien frappée, qui est naturellement la perpendiculaire au fil de l'eau, il faut que l'aube qui la suit & qui vient prendre sa place, ne fasse alors qu'arriver à la surface de l'eau, & la toucher ; car pour peu qu'elle y plongeât, elle déroboit à la premiere aube une quantité d'eau proportionnée, qui n'y feroit plus d'impression ; & quoique cette quantité d'eau fît impression sur la seconde aube, celle qui seroit perdue pour la premiere ne seroit pas remplacée par-là ; car l'impression sur la premiere eût été faite sous l'angle le plus favorable, & l'autre ne peut l'être que sous un angle qui le soit beaucoup moins. On doit donc faire ensorte qu'une aube étant entierement plongée dans l'eau, elle ne soit nullement couverte par la suivante ; & il est visible que cela demande qu'elles ayent entr'elles un certain intervalle ; & comme il sera le même pour les autres, il en déterminera le nombre total.

Les aubes attachées chacune par son milieu à un rayon d'une roue qui tourne, ont deux dimensions, l'une parallele, l'autre perpendiculaire à ce rayon ; c'est la parallele que j'appellerai leur hauteur ; si la hauteur est égale au rayon de la roue, une aube ne peut donc plonger entierement, que le centre de la roue, ou de l'arbre qui la porte, ne soit à la surface de l'eau ; & il est nécessaire qu'une aube étant plongée perpendiculairement au courant, la suivante, qui ne doit nullement la couvrir, soit entierement couchée sur la surface de l'eau, & par conséquent fasse avec la premiere un angle de 90 degrés ; ce qui emporte qu'il ne peut y avoir que quatre aubes : d'où l'on voit que le nombre des aubes sera d'autant plus grand que leur largeur sera moindre. Voici une petite table calculée par M. Pitot, du nombre & de la largeur des aubes.

Nombre des aubes, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20.

Largeur des aubes, le rayon étant de 1000, 1000, 691, 500, 377, 293, 234, 191, 159, 134, 114, 99, 86, 76, 67, 61, 54, 49.

2°. Il faut distinguer deux sortes d'aubes : celles qui sont sur les rayons de la roue, & dont par conséquent elles suivent la direction selon leur largeur ; celles qui sont sur des tangentes tirées à différens points de la circonférence de l'arbre qui porte la roue, ce qui ne change rien au nombre : les premieres s'appellent aubes en rayons ; les secondes, aubes en tangentes.

L'aube en rayon & l'aube en tangente entrent dans l'eau & en sortent en même tems, & elles y décrivent par leur extrémité un arc circulaire, dont le point de milieu est la plus grande profondeur de l'eau à laquelle l'aube s'enfonce. On peut prendre cette profondeur égale à la largeur des aubes. Si on conçoit que l'aube en rayon arrive à la surface de l'eau, & par conséquent y est aussi inclinée qu'elle puisse, l'aube en tangente qui y arrive aussi, y est nécessairement encore plus inclinée ; & de-là vient que quand l'aube en rayon est parvenue à être perpendiculaire à l'eau, l'aube en tangente y est encore inclinée, & par conséquent en reçoit à cet égard, & en a toûjours jusque-là moins reçû d'impression. Il est vrai que cette plus grande partie de l'aube en tangente a été plongée ; ce qui sembleroit pouvoir faire une compensation : mais on trouve au contraire que cette plus grande partie plongée reçoit d'autant moins d'impression de l'eau, qu'elle est plus grande par rapport à la partie plus petite de l'aube en rayon plongée aussi ; & cela à cause de la différence des angles d'incidence. Jusque-là l'avantage est pour l'aube en rayon.

Ensuite l'aube en tangente parvient à être perpendiculaire à l'eau : mais ce n'est qu'après l'aube en rayon ; le point du milieu de l'arc circulaire qu'elles décrivent est passé ; l'aube en rayon aura été entierement plongée, & l'aube en tangente ne le peut plus être qu'en partie ; ce qui lui donne du desavantage encore, dans ce cas même qui lui est le plus favorable. Ainsi l'aube en rayon est toûjours préférable à l'aube en tangente.

3°. On a pensé à donner aux aubes la disposition des aîles à moulin à vent, & l'on a dit : ce que l'air fait, l'eau peut le faire. Au lieu que dans la disposition ordinaire des aubes, elles sont attachées à un arbre perpendiculaire au fil de l'eau, ici elles le sont à un arbre parallele à ce fil. L'impression de l'eau sur les aubes disposées à l'ordinaire, est inégale d'un instant à l'autre : sa plus grande force est dans le moment où une aube étant perpendiculaire au courant, & entierement plongée, la suivante va entrer dans l'eau, & la précedente en sort. Le cas opposé est celui où deux aubes sont en même tems également plongées. Depuis l'instant du premier cas, jusqu'à l'instant du second, la force de l'impression diminue toûjours ; & il est clair que cela vient originairement de ce qu'une aube pendant tout son mouvement y est toûjours inégalement plongée. Mais cet inconvénient cesseroit à l'égard des aubes mises en aîles de moulin à vent ; celles-ci étant tout entieres dans l'air, les autres seroient toûjours entierement dans l'eau. Mais on voit que l'impression doit être ici décomposée en deux forces ; l'une parallele, & l'autre perpendiculaire au fil de l'eau, & qu'il n'y a que la perpendiculaire qui serve à faire tourner. Cette force étant appliquée à une aube nouvelle, qu'on auroit faite égale en surface à une autre posée selon l'ancienne maniere, il s'est trouvé que l'aube nouvelle qui reçoit une impression constante, en eût reçû une un peu moindre que n'auroit fait l'aube ancienne dans le même cas.

D'ailleurs, quand on dit que la plus grande vîtesse que puisse prendre une aube ou aîle mûe par un fluide, est le tiers de la vîtesse de ce fluide, il faut entendre que cette vîtesse réduite au tiers est uniquement celle du centre d'impulsion, ou d'un point de la surface de l'aube où l'on conçoit que se réunit toute l'impression faite sur elle. Si le courant fait trois piés en une seconde, ce centre d'impulsion fera un pié en une seconde ; & comme il est nécessairement placé sur le rayon de la roue, il y aura un point de ce rayon qui aura cette vîtesse d'un pié en une seconde. Si ce point étoit l'extrémité du rayon qui seroit, par exemple, de dix piés, auquel cas il seroit au point d'une circonférence de soixante piés, il ne pourroit parcourir que soixante piés, ou la roue qui porter les aubes ne pourroit faire un tour qu'en soixante secondes, ou en une minute. Mais si ce même centre d'impression étoit posé sur son rayon à un pié de distance du centre de la roue & de l'arbre, il parcouroit une circonférence de six piés, ou feroit un tour en six secondes ; & par conséquent la circonférence de la roue feroit aussi son tour dans le même tems, & auroit une vîtesse dix fois plus grande que dans le premier cas : donc moins le centre d'impression est éloigné du centre de la roue, plus la roue tourne vîte. Quand une surface parallélogrammatique mûe par un fluide, tourne autour d'un axe immobile auquel elle est suspendue, son centre d'impression est, à compter depuis l'axe, aux deux tiers de la ligne qui la divise en deux selon sa hauteur. Si la roue a dix piés de rayon, l'aube nouvelle qui est entierement plongée dans l'eau, & dont la largeur ou hauteur est égale au rayon, a donc son centre d'impression environ à six piés du centre de la roue. Il s'en faut beaucoup que la largeur ou hauteur des aubes anciennes ne soit égale au rayon, & par conséquent leur centre d'impression est toujours plus éloigné du centre de la roue ; & cette roue ne peut tourner que plus lentement. Mais cet avantage est détruit par une compensation presqu'égale : dans le mouvement circulaire de l'aube, le point immobile ou point d'appui est le centre de la roue ; & plus le centre d'impression auquel toute la force est appliquée est éloigné de ce point d'appui, plus la force agit avantageusement, parce qu'elle agit par un long bras de levier. Ainsi quand une moindre distance du centre d'impression au centre de la roue fait tourner la roue plus vîte, & fait gagner du tems, elle fait perdre du côté de la force appliquée moins avantageusement, & cela en même raison : d'où il s'ensuit que la position du centre d'impression est indifférente. La proposition énoncée en général eût été fort étrange ; & on peut apprendre par beaucoup d'exemples à ne pas rejetter les paradoxes sur leur premiere apparence. Si l'on n'a pas songé à donner aux aîles de moulin à vent la disposition des aubes, comme on a songé à donner aux aubes la disposition des aîles de moulin, c'est que les aîles de moulin étant entierement plongées dans le fluide, son impression tendroit à renverser la machine, en agissant également sur toutes ses parties en même tems, & non à produire un mouvement circulaire dans quelques-unes. Voyez l'Histoire de l'Académ. & les Mém. ann. 1729. pag. 81. 253. 365. ann. 1725. pag. 80 & suiv.

Au reste, le problème pour la solution duquel on vient de donner d'après M. Pitot quelques principes, demanderoit une physique très-exacte, & une très-subtile géométrie, pour être résolu avec précision.

En premier lieu, l'effort du fluide contre chaque point de l'aîle dépend de deux choses ; de la force d'impulsion du fluide, & du bras de levier par lequel cette force agit : ces deux choses varient à chaque point de l'aîle. Le bras de levier est d'autant plus grand, que le point de l'aîle est plus éloigné du centre de rotation ; & à l'égard de la force d'impulsion, elle dépend de la vîtesse respective du fluide par rapport au point de l'aîle ; or cette vîtesse respective est différente à chaque point : car en supposant même que la vîtesse absolue du fluide soit égale à tous les points de l'aîle, la vîtesse des points de l'aîle est plus grande ou plus petite, selon qu'ils sont plus loin ou plus près du centre de rotation. Il faut donc prendre l'impulsion du fluide sur chaque point de l'aîle (ce qui demande encore quelqu'attention pour ne point se tromper), & multiplier par cette impulsion le bras de levier, ensuite intégrer. Dans cette intégration même il y a des cas singuliers où l'on doit prendre des précautions que la Géométrie seule ne suffit pas pour indiquer. Voyez le traité des Fluides, Paris 1744, art. 367.

En second lieu, quand on a trouvé ainsi l'effort du fluide contre l'aube, il ne faut pas croire que la Physique ne doive altérer beaucoup ce calcul : 1°. les lois véritables de l'impulsion des fluides sont encore très-peu connues : 2°. quand une aîle est suivie d'une autre, le fluide qui est entre deux n'agit pas librement sur celle des deux qui précede, parce qu'il est arrêté par son impulsion même sur la suivante. Toutes ces circonstances dérangent tellement ce calcul, d'ailleurs très-épineux sans cela même, que je crois qu'il n'y a que l'expérience seule qui soit capable de résoudre exactement le problème dont il s'agit.

Une des conditions que doit avoir une roue chargée d'aubes, c'est de tourner toûjours uniformément ; & pour cela, il faut qu'elle soit telle que dans quelque situation que ce soit de la roue, l'effort du fluide contre toutes les aubes ou parties d'aubes actuellement enfoncées soit nul, c'est-à-dire que la somme des efforts positifs pour accélerer la roue, soit égale à la somme des efforts négatifs pour la retarder. Ainsi le problème qu'il faudroit d'abord résoudre, ce seroit de savoir quel nombre d'aubes il faut donner, pour que dans quelque situation que ce soit de la roue, l'effort du fluide soit nul. Il y a ici deux inconnues ; la vîtesse de la roue, & le nombre d'aubes ; & la condition de la nullité de l'effort devroit donner une équation entre la vîtesse de la roue & le nombre des aubes, quelle que fût la situation de la roue : c'est un problème qui paroît digne d'exercer les Géometres. On pourroit ensuite tracer une courbe, dont les abscisses exprimeroient le nombre des roues, & les ordonnées de la vîtesse ; & la plus grande ordonnée de cette courbe donneroit la solution du problème. Je ne donne ici pour cela que des vûes fort générales, & assez vagues : mais quand la solution de ce problème seroit possible mathématiquement, ce que je n'ai pas suffisamment examiné, je ne doute pas que les considérations physiques ne l'altérassent beaucoup, & peut-être même ne la rendissent tout-à-fait inutile. (O)

* AUBE, (Géog.) riviere de France qui a sa source à l'extrémité méridionale du bois d'Auberive, traverse une partie de la Champagne, & se jette dans la Seine.


AUBENAS(Géog.) ville de France en Languedoc, dans le bas Vivarais, sur la riviere d'Ardesche, au pié des Cevennes. Long. 22. 2. lat. 44. 40.


AUBENTON(Géog.) ville de France en Picardie dans la Thiérache, sur l'Aube. Long. 21. 55. lat. 43. 51.


AUBÉPINEou AUBEPIN, oxyacantha. L'épine-blanche ou aubépine, appellée par le peuple noble épine, forme un arbrisseau d'un bois fort uni, armé de piquans ; ses feuilles sont dentelées, & d'un fort beau verd : ses fleurs d'une odeur agréable, & d'un blanc assez éclatant, mêlé d'un peu de rouge, sont ramassées par des bouquets faits en étoile : ses fruits sont ronds, rougeâtres, disposés en ombelles, & renfermant la graine. Cet arbrisseau croît fort vîte, & sert à planter des haies, dont il défend l'approche par ses pointes. On en fait aussi des palissades tondues au ciseau, qui font l'ornement des jardins.

L'aubépine est très-sujette aux chenilles, & vient de graine ordinairement. On la voit ordinairement en fleur au mois de Mai. Il faut la rapporter au genre appellé néflier. (K)

* Par l'analyse chimique cette plante, outre plusieurs liqueurs acides, donne un peu d'esprit urineux, point de sel volatil concret, mais beaucoup d'huile & beaucoup de terre. Ainsi il y a apparence que l'épine blanche contient un sel semblable au sel de corail, enveloppé de beaucoup de soufre, & mêlé avec un peu de sel ammoniac.

Tragus assûre que l'eau distillée de ses fleurs, ou l'esprit que l'on en tire en les distillant avec le vin dans lequel elles ont macéré pendant trois jours, soulagent beaucoup les pleurétiques & ceux qui ont la colique. Voyez Hist. des Plant. des env. de Paris.


AUBEou AUBERE, (Manége.) cheval poil fleur de pêcher, ou cheval poil de mille-fleurs, c'est-à-dire qui a le poil blanc, mais varié & semé par tout le corps de poil alesan & de bai. Le cheval aubere est sujet à perdre la vûe, & peu estimé dans les Manéges. Il n'a pas non plus beaucoup de sensibilité à la bouche ni aux flancs. (V)


AUBERGES. f. (Hist. mod.) lieu où les hommes sont nourris & couchés, & trouvent des écuries pour leurs montures & leur suite. L'extinction de l'hospitalité a beaucoup multiplié les auberges ; elles sont favorisées par les lois à cause de la commodité publique. Ceux qui les tiennent ont action pour le payement de la dépense qu'on y a faite, sur les équipages & sur les hardes ; pourvû que ce ne soient point celles qui sont absolument nécessaires pour se couvrir. Les hôtes y doivent être reçûs avec affabilité, y demeurer en pleine sécurité, & y être fournis de ce dont ils ont besoin pour leur vie & celle de leurs animaux, à un juste prix. Les anciens ont eu des auberges comme nous. Les nôtres ont leurs lois, dont les principales sont de n'y point recevoir les domiciliés des lieux, mais seulement les passans & les voyageurs ; de n'y point donner retraite à des gens suspects, sans avertir les officiers de police ; de n'y souffrir aucuns vagabonds, gens sans aveu, & blasphémateurs, & de veiller à la sûreté des choses & des personnes. Voyez le traité de la Police, p. 727. Dans la capitale, l'aubergiste est encore obligé de porter sur un registre le nom & la qualité de celui qui entre chez lui, avec la date de son entrée & de sa sortie, & d'en rendre compte à l'inspecteur de police. Il y a des auberges où l'on peut aller manger sans y prendre sa demeure. On paye à tant par tête, en comptant ou sans compter le vin ni les autres liqueurs.

AUBERGE, voyez ALBERGE. (K)


AUBERGISTES. m. celui qui tient auberge. Voyez AUBERGE.


AUBETERRE(Géog.) ville de France, dans l'Angoumois, sur la Dronne. Long. 17. 40. lat. 45. 15.


AUBIERarbrisseau, voyez OBIER. (I)

* AUBIER, s. m. (Hist. nat. Jardinage.) c'est une couronne ou ceinture plus ou moins épaisse, de bois blanc, imparfait, qui dans presque tous les arbres se distingue aisément du bois parfait qu'on appelle le coeur, par la différence de sa couleur & de sa dureté. Elle se trouve immédiatement sous l'écorce, & enveloppe le bois parfait, qui dans les arbres sains est à peu-près tout de la même couleur, depuis la circonférence jusqu'au centre.

Le double ou faux aubier est une couronne entiere de bois imparfait, remplie & recouverte par de bon bois ; dans les arbres attaqués par des gelées violentes, le bois parfait se trouve séparé par une couronne de bois blanc ; ensorte que sur la coupe du tronc d'un de ces arbres, on voit alternativement une couronne d'aubier, puis une de bois parfait, ensuite une seconde couronne d'aubier, enfin un massif de bois parfait. Ce défaut est plus ou moins grand, & plus ou moins commun, selon les différens terreins & les différentes situations. Dans les terres fortes & dans le touffu des forêts, il est plus rare & moins considérable que dans les clairieres & les terres legeres.

A la seule inspection de ces couronnes de bois blanc, on voit qu'elles sont de mauvaise qualité ; & on les trouve telles par l'expérience. Voyez l'article ARBRE. Voyez les Mém. de l'Acad. 1737, p. 276.


AUBIEREville de France en Auvergne, à une lieue de Clermont.


AUBIFOINS. m. (Hist. nat. bot.) plante qui doit se rapporter au genre appellé bluet. Voyez BLUET. (I)

* Camerarius assûre qu'en Saxe on fait boire à ceux qui ont la jaunisse & la rétention d'urine, un verre de biere dans lequel on a fait bouillir une poignée de cette herbe.

Pour faciliter la sortie des dents aux petits enfans, le même auteur leur faisoit bassiner les gencives avec l'eau distillée de cyanus, mêlée avec le suc d'écrevisse. Il dit que la poudre des fleurs de cette plante fait résoudre l'érésipele du visage. Tragus prétend qu'un demi-gros de graine de bluet purge assez bien ; que l'eau distillée de sa fleur est bonne pour la rougeur & l'inflammation des yeux. On la rend plus active en y ajoûtant le camphre & le safran. La décoction de cyanus est diurétique & emménagogue. Hist. des Plant. des env. de Paris.


AUBIGNY(Géog.) ville de France dans le Berry, sur la Nerre. Long. 20. 6. lat. 47. 29. 15.


AUBINS. m. (Manége.) allure qui tient de l'amble & du galop.

Un cheval qui va l'aubin est peu estimé, parce que cette allure vient assez souvent de foiblesse des reins & des jambes, qu'elle n'est propre ni pour le train ni pour le carrosse, & qu'elle ne peut durer. (V)


AUBIN DE POUANC(SAINT -), ville de France en Anjou, dans l'élection d'Angers.

AUBIN DU CORMIER (Saint), ville de France en Bretagne. Long. 16. 15. lat. 48. 15.


AUBINE(SAINT -), s. m. Marine ; c'est un pont de cordes soûtenu par des bouts de mâts posés de travers sur le plat bord à l'avant des vaisseaux marchands ; il couvre leur cuisine, leurs marchandises & leurs personnes : mais on l'ôte ordinairement dans le gros tems, parce qu'il empêche de manoeuvrer : on dit qu'il y a un pont coupé, quand il y a un saint Aubinet à l'avant, & un susain à l'autre bout. Voyez PONT. (Z)


AUBONNE(Géog.) ville de Suisse au canton de Berne, sur la riviere de même nom, dans le pays de Vaux. Long. 23. 57. lat. 48. 30.


AUBOURS(Hist. nat. bot.) arbre mieux connu sous le nom d'ébénier, ou de faux ébénier. Voyez EBENIER. (I)


AUBRIERS. m. (Hist. nat. Ornithologie.) oiseau de proie mieux connu sous le nom d'hobereau. Voyez HOBEREAU. (I)


AUBROou AUBERON, s. m. (Serrurer.) c'est une espece de cramponet à peu près en fer à cheval, lequel entre dans la tête du palatre d'une serrure à pêne en bord, & qui reçoit les pênes & gachettes de ladite serrure. Il se rive sur une plaque de fer de même largeur & longueur, que la tête du palatre de la serrure, & s'attache au couvercle du coffre. On trouvera dans nos planches de Serrurerie plusieurs figures d'aubron & d'aubronniere.


AUBRONNIERou AUBERONNIERE ; c'est, en Serrurerie, l'assemblage de la plaque de même longueur & largeur que la tête du palatre & de l'aubron.


AUBUSSON(Géog.) ville de France, dans la Marche, aux confins du Limosin, sur la Creuse. Long. 19. 45. lat. 45. 58.


AUÇAGUREL(Géog.) ville d'Afrique, capitale du royaume d'Adel, sur une montagne. Lon. 61. 55. lat. 9. 10.


AUCH(Géog.) ville de France, capitale du comté d'Armagnac, & métropole de toute la Gascogne, proche la riviere de Gers. Long. 18. 10. lat. 43. 40.


AUCTIONsub. f. (Hist. anc.) espece de vente chez les Romains qui se faisoit par un crieur public sub hastâ, sous une lance attachée des deux bouts à cet effet, & par l'autorité du magistrat qui garantissoit la vente en livrant les choses vendues : cela s'appelloit auctio, accroissement ; parce que, suivant Sigonius, les biens étoient vendus à l'enchere, ei nempe qui plurimum rem augeret. C'est de-là que vient le verbe subhastare, vendre en public, & le substantif subhastatio, vente ainsi exécutée, qu'on a francisé. Voyez SUBHASTATION. (H)


AUDACEhardiesse, effronterie (Grammaire.) ; termes relatifs à la nature d'une action, à l'état de l'ame de celui qui l'entreprend, & à la maniere avec laquelle il s'y porte. La hardiesse marque du courage ; l'audace de la hauteur ; l'effronterie de la déraison & de l'indécence. Hardiesse se prend toujours en bonne part ; audace & effronterie se prennent toûjours en mauvaise. On est hardi dans le danger, audacieux dans le discours, effronté dans ses propositions.


AUDEriviere de France dans le bas Languedoc : elle a sa source dans les monts Pyrénées, passe à Carcassonne, & se jette dans la Méditerranée.


AUDIENCES. f. en général est l'attention qu'on donne à quelqu'un qui parle. Ce mot est dérivé du verbe latin audio, qui signifie entendre ou écouter.

AUDIENCE, en terme de Palais, signifie l'assistance des juges au tribunal, à l'effet d'oüir les plaidoyers des parties ou de leurs avocats : c'est en ce sens qu'on dit demander, solliciter l'audience, donner audience, lever l'audience. Une affaire ou cause d'audience, est celle qui est de nature à être plaidée, qui n'est pas une cause de rapport. Voyez RAPPORT.

On appelle aussi audience le lien même où s'assemblent les conseillers pour oüir les plaidoyers ; c'est en ce sens qu'on dit venir à l'audience, sortir de l'audience : & le tems que dure la séance des juges ; en ce dernier sens on dit qu'une cause a occupé trois, quatre ou cinq audiences. (H)

AUDIENCE, se dit aussi des cérémonies qui se pratiquent dans les cours, lorsque des ambassadeurs & des ministres publics sont admis à parler aux princes. Voyez AMBASSADEUR. Un tel ambassadeur envoya demander audience, prit son audience de congé, &c.

On donne une audience solemnelle aux ambassadeurs : celle qu'on accorde aux envoyés & aux résidens n'exige pas tant de cérémonial.

L'usage de toutes les cours exige qu'ils fassent trois révérences avant que de se couvrir & de s'asseoir, ce qu'ils ne font même qu'après en avoir apperçû le signe que le roi leur en fait, après s'être assis & couvert lui-même. Lorsqu'il ne se soucie point de les faire asseoir & se couvrir, il reste debout & découvert lui-même. Cette maniere de marquer indirectement du mépris passe pour un affront. Après une audience obtenue, & sur-tout la premiere, il n'est pas de la bienséance de s'empresser pour en obtenir une autre. (H)

AUDIENCE, cour ecclésiastique d'Angleterre, qui se tient toutes les fois que l'archevêque veut connoître en personne d'une cause.

La cour d'audience connoît principalement des différends mûs au sujet des élections, des conservations, des réceptions des clercs, & des mariages. (H)

AUDIENCE ou AUDIENCE ROYALE, (Hist. mod.) nom que les Espagnols ont donné aux tribunaux de justice qu'ils ont établis dans l'Amérique. Ces tribunaux contiennent souvent plusieurs provinces dans leur ressort, qui pourtant est limité ; & ils jugent sans appel, comme nos parlemens. Les membres qui les composent sont à la nomination de la cour, qui y envoye souvent les Espagnols naturels, & tout s'y décide suivant les lois du royaume. Quelques géographes modernes ont divisé la nouvelle Espagne en audiences, suivant le nombre de ces tribunaux. (G)


AUDIENCIERS. m. (Jurispr.) se dit d'un huissier qui est présent à l'audience pour appeller les causes, imposer silence, ouvrir ou fermer les portes, & autres offices.

Grand AUDIENCIER, est le nom d'un officier de la grande chancellerie, qui rapporte à M. le chancelier les lettres qui sont à sceller, & qui y met la taxe. Il y en a quatre.

On appelle simplement audienciers, ceux qui font cette même fonction à la petite chancellerie. Il y en a quatre au parlement de Paris. (H)


AUDIENou AUDÉENS ou VADIENS, s. m. pl. (Hist. ecclés.) hérétiques du IV. siecle, ainsi appellés du nom d'Audius leur chef, qui vivoit en Syrie ou Mésopotamie vers l'an 342 ; & qui ayant déclamé contre les moeurs des ecclésiastiques, finit par dogmatiser & former un schisme.

Entr'autres erreurs il célébroit la pâque à la façon des Juifs, & enseignoit que Dieu avoit une figure humaine, à la ressemblance de laquelle l'homme avoit été créé. Selon Théodoret, il croyoit que les ténebres, le feu & l'eau n'avoient point de commencement. Ses sectateurs donnoient l'absolution sans imposer aucune satisfaction canonique, se contentant de faire passer les pénitens entre les livres sacrés & les apocryphes. Ils menoient une vie très-retirée, & ne se trouvoient point aux assemblées ecclésiastiques, parce qu'ils disoient que les impudiques & les adulteres y étoient reçûs. Cependant Théodoret assûre qu'il se commettoit beaucoup de crimes parmi eux. S. Augustin les appelle Vadiens par erreur, & dit que ceux qui étoient en Egypte communiquoient avec les Catholiques. Quoiqu'ils se fussent donné des évêques, leur secte fut peu nombreuse ; leur hérésie ne subsistoit déjà plus, & à peine connoissoit-on leur nom du tems de Facundus, qui vivoit dans le cinquieme siecle.

Le P. Petau prétend que S. Augustin & Théodoret ont mal pris le sentiment des Audiens & ce qu'en dit S. Epiphane, qui ne leur attribue, dit-il, d'autres sentimens que de croire que la ressemblance de l'homme avec Dieu consistoit dans le corps. En effet, le texte de S. Epiphane ne porte que cela, & ce pere dit expressément que les Audiens n'avoient rien changé dans la doctrine de l'Eglise ; ce qui ne seroit pas véritable, s'ils eussent donné à Dieu une forme corporelle.


AUDITEURS. m. (Hist. mod.) en général celui qui écoute, & singulierement celui qui est présent à une harangue, un sermon ou autre discours prononcé en public. Mais AUDITEUR, en terme de Droit ou de Palais, se dit de plusieurs sortes d'officiers commis pour oüir des comptes. C'est dans ce sens qu'on appelle auditeurs des comptes, des officiers dont la fonction est d'examiner & arrêter les comptes des finances du roi, & rapporter à la chambre les difficultés qui s'y trouvent pour les y faire juger. Originairement ils n'étoient point conseillers, on ne les appelloit que clercs ; mais en 1552 il leur fut permis d'opiner sur les difficultés qui se présenteroient dans les comptes dont ils seroient rapporteurs. V. COMPTE.

C'est dans le même sens qu'on appelle aussi en Angleterre auditeurs, plusieurs classes d'officiers de l'échiquier, chargés du recouvrement des deniers publics & des revenus casuels de la couronne, du payement des troupes de terre & de mer, & autres dépenses publiques ; qui reçoivent & examinent les comptes des collecteurs particuliers dispersés dans les provinces, veillent à leur conduite & leur payent leurs gages : tels sont les auditeurs des reçûs, les auditeurs des revenus, les auditeurs du prêt, &c.

AUDITEURS conventuels ou collégiaux, étoient anciennement des officiers établis parmi les religieux, pour examiner & régler les comptes du monastere.

Quand c'est un particulier sans caractere qui reçoit un compte qui le concerne lui-même, on ne l'appelle pas auditeur, mais oyant. Voyez OYANT.

Auditeur se prend aussi pour juge de causes qui se décident à l'audience. C'est de cette sorte qu'est le juge auditeur du châtelet de Paris, qui juge sommairement à l'audience toutes les causes qui n'excedent pas cinquante livres ; tels sont à Rome les auditeurs de rote & les auditeurs de la chambre apostolique. Voyez ROTE & APOSTOLIQUE (chambre.)

AUDITEUR s'est dit aussi des enquêteurs commis pour l'instruction des procès. On appelle même souvent les notaires, auditeurs, en Angleterre & dans quelques coûtumes de France. On a même donné ce nom aux témoins & assistans qui étoient présens à la passation ou à la lecture de quelqu'acte, ou qui le souscrivoient. (H)


AUDITIFVE, adj. en Anatomie, se dit de quelques parties relatives à l'oreille. Voyez OREILLE.

Le conduit auditif externe commence par le trou auditif externe ; il a environ cinq ou six lignes de profondeur ; il est creusé obliquement de derriere en-devant ; il se termine en-dedans par un bord circulaire, qui a dans sa circonférence une rainure située entre l'apophyse mastoïde & la fissure ou fêlure articulaire.

Ce conduit manque dans les enfans, & on trouve à sa place un petit cercle osseux, qui dans les adultes devient la base de ce conduit.

Trou auditif externe.

Trou auditif interne. Voyez TEMPORAL.

L'artere auditive externe se distribue à l'oreille externe ; c'est un rameau de la carotide externe. Voyez CAROTIDE.

L'auditive interne se distribue à l'oreille interne en passant par le trou auditif interne ; c'est un rameau de l'artere basilaire. Voyez BASILAIRE. (L)


AUDITIONS. f. terme de Palais, qui ne se dit que dans deux phrases ; l'audition d'un compte, & l'audition des témoins : dans la premiere il signifie la réception & l'examen d'un compte : dans l'autre il signifie la réception des dépositions, soit dans une enquête ou une information. Voyez COMPTE, ENQUETE & INFORMATION. (H)


AUDITOIRES. m. nom collectif de personnes assemblées pour en écouter une qui parle en public. Voyez ASSEMBLEE, DISCOURS, ORAISON, &c.

AUDITOIRE, (Hist. mod.) siége, banc, tribunal à Rome. Les divers magistrats avoient des auditoires conformes à leur dignité ; ceux des officiers supérieurs s'appelloient tribunaux, & ceux des inférieurs subsellia. Voyez TRIBUNAL.

Les juges pedanées, ainsi nommés parce qu'ils jugeoient debout, avoient leurs auditoires dans le portique du palais impérial ; ceux des Hébreux aux portes des villes. Les juges des anciens seigneurs avoient leurs siéges sous un orme planté devant le principal manoir, & c'étoit-là leur auditoire.

Auditoire, en ce sens, c'est-à-dire employé comme synonyme à tribunal, ne se dit que du siége de juges subalternes. (H)

AUDITOIRE, dans les anciennes églises, étoit la partie où les assistans s'instruisoient, se tenant debout. Voyez ÉGLISE.

L'auditoire étoit ce qu'on appelle aujourd'hui la nef. Voyez NEF.

Dans les premiers siecles de l'Eglise on contenoit si severement le peuple dans les bornes de cet auditoire, que le concile de Carthage excommunia une personne pour en être sortie pendant le sermon. (H)


AUFEIAou MARCIA, eaux conduites à Rome par le roi Ancus Marcius. Voyez Pline, sur les merveilles de leur source & de leur cours, L. XXXI. chap. iij.


AUGARRAS(Géogr.) peuples de l'Amérique méridionale au Brésil, dans la province ou le gouvernement de Puerto-Seguro. Laet.


AUGES. f. en Architecture, c'est une pierre quarrée ou arrondie par les angles, de grandeur arbitraire, mais de hauteur d'appui, fouillée en-dedans, ou taillée de maniere qu'on laisse une épaisseur de six pouces au plus dans son pourtour aussi-bien que dans le fond, pour retenir l'eau. Ces auges se mettent ordinairement dans les cuisines près du lavoir, & dans les basses-cours des écuries près d'un puits. Voyez AUGE en Manége.

AUGE de Maçon, espece de boîte non couverte, construite de chêne, de forme quarré-longue, dont le fond plus étroit que l'ouverture forme des talus inclinés en-dedans, & donne la facilité à l'ouvrier de ramasser le plâtre qui est gaché dedans, pour l'employer à la main & à la truelle. (P)

AUGE des Couvreurs, est à peu près comme celle des maçons, à l'exception qu'elle est beaucoup plus petite.

AUGE, en Hydraulique & Jardinage. On appelle ainsi la rigole de pierre ou de plomb sur laquelle coule l'eau d'un aquéduc ou d'une source, pour se rendre dans un regard de prise ou dans un réservoir. (K)

AUGE à goudron, c'est en Marine le vaisseau de bois dans lequel on met le goudron, pour y passer les cordages. (Z)

AUGE, en Manége, signifie deux choses : 1°. un canal de bois destiné à mettre l'avoine du cheval : 2°. une grosse pierre creuse destinée à le faire boire : on y verse l'eau des puits quelque tems avant de la lui laisser boire, afin d'en ôter la crudité. (V)

AUGE, dans presque toutes les boutiques ou atteliers d'ouvriers en métaux, est une cavité en pierre placée devant la forge, & pleine d'eau, dont le forgeron se sert pour arroser son feu, & éteindre ou rafraîchir ses tenailles quand elles sont trop chaudes ; de même que le fer quand il faut le retourner, ou qu'il est trop chaud du côté de la main.

AUGE à rompre, chez les Cartonniers, est une grande caisse de bois, à peu près quarrée, & de la même grandeur que la cuve à fabriquer. On met dans cette caisse les rognures de papier qu'on destine à faire du carton, avec de l'eau ; & quand elles y ont pourri pendant quelques jours, on les rompt avec une pelle de bois, quelquefois garnie de fer, avant que de les faire passer dans le moulin.

AUGE, dans les Sucreries, se dit de petits canots de bois tout d'une piece, dans lesquels on laisse refroidir le sucre avant que de le mettre en barrique.

D'où l'on voit qu'auge en général est un vaisseau de bois ou de pierre, ou fixe ou amovible, & transportable, de matiere & de figure différentes, selon les artistes ; mais partout destiné à contenir un liquide ou un fluide.

AUGE, dans les Verreries, ce sont de gros hêtres creusés que l'on tient pleins d'eau, & qui servent à rafraîchir les ferremens qu'on a employés pour remplir ou vuider les pots : c'est aussi au-dessus de cette eau qu'on commence à travailler les matieres vitrifiées propres à faire des plats. Voyez VERRERIE en plats ou à vitre.

AUGES, s. m. autrement APSIDES, en Astronomie, sont deux points dans l'orbite d'une planete, dont l'un est plus éloigné, & l'autre est plus proche du foyer de cette orbite qu'aucun des autres points. Ces points sont placés à l'extrémité du grand axe de l'orbite ; l'un s'appelle aphélie, & l'autre périhélie ; & dans la lune, l'un s'appelle apogée, l'autre périgée. V. APSIDE, APHELIE, APOGEE, &c. (O)

* AUGES, s. m. pl. (Physiolog.) on distingue trois sortes de canaux dans lesquels nos fluides sont contenus : le liquide a dans les uns un mouvement continuel ; tels sont les arteres, les veines, & autres vaisseaux coniques & cylindriques : dans les autres, l'humeur séjourne, comme dans la vessie, dans la vésicule du fiel, dans les follicules adipeux ; & on les appelle réservoirs : dans les troisiemes, l'humeur coule, mais d'un mouvement interrompu, & ils sont tantôt vuides, & tantôt pleins ; tels sont les ventricules & les oreillettes du coeur ; & c'est ce qu'on appelle auges.

* AUGE, (Géogr.) petit pays de France en Normandie, comprenant les villes de Honfleur & de Pont-l'Evêque.


AUGELOTS. m. (Agricult.) c'est le nom qu'on donne dans les environs d'Auxerre à une petite fosse quarrée qu'on pratique de bonne heure dans les vignes, & sur laquelle on laisse passer l'hyver, pour dans la suite y poser le chapon ou la crossette, qu'on recouvre de terre. Cette maniere de planter la vigne s'appelle planter à l'augelot.

AUGELOTS, ou ANGELOTS, s. m. pl. dans les Salines, ce sont des cueilleres de fer placées séparément entre les bourbons, sur le derriere de la poële, où elles sont fixées au nombre de six, appuyées sur le fond, & dont l'usage est de recevoir & de retenir les écumes & crasses qui y sont portées par l'ébullition de l'eau. Voyez BOURBONS.

La platine de fer dont l'augelot est fait, a les bords repliés de quatre pouces de haut, & le fond plat : le fond peut avoir 18 pouces de long, sur 10 de large. Ce qui est une fois jetté dans ce réservoir ne recevant plus d'agitation par les bouillons, y reste jusqu'à ce qu'on l'ôte : pour cet effet, l'augelot a une queue ou main de fer d'environ deux piés de long, à l'aide de laquelle on le retire ordinairement quand les dernieres chaudes du soccage sont données. Voyez SOCCAGE.

On a fait l'épreuve des augelots mis en-devant de la poële : mais ils ne se chargeoient alors que de sel ; parce que le feu étant plus violent sous cet endroit, & l'eau plus agitée par les bouillons, l'écume étoit chassée en arriere, comme on voit dans un pot au feu. Voyez, Planche derniere de Salines, figure 2, un augelot ou angelot.


AUGET(Manége.) Voyez CANAL.

AUGET, s. m. & AUGETTE, s. f. (Art milit.) ce sont des conduits de bois où se placent des saucissons qui conduisent le feu à la chambre des mines. Voyez MINE. (Q)

AUGET, en terme d'Epinglier, est une espece d'auge fermée d'un bout, depuis lequel ses parties latérales vont toûjours en diminuant de hauteur. Il sert à mettre les épingles dans la frottoire. Voyez FROTTOIRE, & Planche II. de l'Epinglier, fig. O, dans la vignette.


AUGIAN(Géog.) ville de la province d'Adherbigian. Long. 82. 10. lat. sept. 37. 8.


AUGILESS. m. pl. (Hist. anc.) peuples de Cyrene en Afrique ; ils n'avoient d'autres divinités que les dieux Manes ; ils les invoquoient dans leurs entreprises, & juroient par eux, assis sur les sépulchres.


AUGITES(Hist. nat.) nom d'une pierre précieuse dont il est fait mention dans Pline, & qu'on croit être la même que le callaïs autre pierre précieuse, d'un verd pâle, de la grosseur & du poids de la topaze, imitant le saphir, mais plus blanche.


AUGMENTS. m. terme de Grammaire, qui est surtout en usage dans la Grammaire greque. L'augment n'est autre chose qu'une augmentation ou de lettres ou de quantité ; & cette augmentation se fait au commencement du verbe en certains tems, & par rapport à la premiere personne du présent de l'indicatif, c'est-à-dire que c'est ce mot-là qui augmente en d'autres tems : par exemple, , verbero, voilà la premiere position du mot sans augment ; mais il y a augment en ce verbe à l'imparfait, ; au parfait, ; au plusqueparfait, ; & encore à l'aoriste second, .

Il y a deux sortes d'augment ; l'un est appellé syllabique, c'est-à-dire qu'alors le mot augmente d'une syllabe ; n'a que deux syllabes ; qui est l'imparfait en a trois ; ainsi des autres.

L'autre sorte d'augment qui se fait par rapport à la quantité prosodique de la syllabe, est appellé augment temporel, , venio ; , veniebam, où vous voyez que l'é bref est changé en é long, & que l'augment temporel n'est proprement que le changement de la breve en la longue qui y répond. Voyez la Grammaire greque de P. R.

Ce terme d'augment syllabique, qui n'est en usage que dans la grammaire greque, devroit aussi être appliqué à la grammaire des langues orientales, où cet augment a lieu.

Il se fait aussi dans la Langue latine des augmentations de l'une & de l'autre espece, sans que le mot d'augment y soit en usage : par exemple, honor au nominatif ; honoris, au génitif, &c. voilà l'augment syllabique ; vnio, la premiere breve ; vni au prétérit, la premiere longue, voilà l'augment temporel. Il y a aussi un augment syllabique dans les verbes qui redoublent leur prétérit : mordeo, momordi ; cano, cecini. (F)

AUGMENT de dot, (Jurisp.) est une portion des biens du mari accordée à la femme survivante, pour lui aider à s'entretenir suivant sa qualité. Cette libéralité tient quelque chose de ce qu'on appelloit dans le Droit romain, donation à cause des noces ; & quelque chose de notre doüaire coûtumier.

Cette portion est ordinairement reglée par le contrat de mariage, & dépend absolument de la volonté des parties, qui la peuvent fixer à telle somme qu'ils veulent, sans qu'il soit nécessaire d'avoir aucun égard à la dot de la femme, ni aux biens du mari.

Lorsqu'elle n'a pas été fixée par le contrat de mariage, les usages des lieux y suppléent & la déterminent : mais ces usages varient suivant les différens parlemens de droit écrit : par exemple, au parlement de Toulouse, elle est toûjours fixée à la moitié de la dot de la femme ; au parlement de Bourdeaux, l'augment des filles est de la moitié, & celui des veuves du tiers.

Si un homme veuf qui a des enfans du premier lit se remarie, alors l'augment de dot & les autres avantages que le mari fait à sa seconde femme, ne peuvent jamais excéder la part du moins prenant des enfans dans la succession de leur pere.

La femme qui se remarie ayant des enfans du premier lit, perd la propriété de tous les gains nuptiaux du premier mariage, & singulierement de l'augment de dot qui en fait partie, lequel passe à l'instant même aux enfans.

Quand il n'y a point d'enfans du mariage dissous par la mort du mari, la femme a la propriété de tout l'augment, soit qu'elle se remarie, ou ne se remarie pas.

Comme les enfans ont leur portion virile dans l'augment de dot par le bénéfice de la loi, ils sont également appellés à cette portion virile, soit qu'ils acceptent la succession du pere & de la mere, ou qu'ils y renoncent.

Les enfans ne peuvent jamais avoir l'augment de dot quand le pere a survêcu la mere ; parce qu'alors cette libéralité est reversible à celui qui l'a faite.

La renonciation que fait une fille aux successions à écheoir du pere & de la mere ne s'étend pas à l'augment de dot, à moins qu'il n'y soit nommément compris, ou que la renonciation ne soit faite à tous droits & prétentions qu'elle a & pourra avoir sur les biens & en la succession du pere & de la mere.

Lorsque le pere a vendu des héritages sujets à l'augment de dot, le tiers acquéreur ne peut pas prescrire contre la femme ni contre les enfans, durant la vie du pere.

Le parlement de Paris adjuge les intérêts de l'augment de dot du jour du décès, sans aucune demande judiciaire ; ceux de Toulouse & de Provence ne les adjugent que du jour de la demande faite en justice.

La femme a hypotheque pour son augment de dot, du jour du contrat de mariage s'il y en a ; & s'il n'y en a point, du jour de la bénédiction nuptiale : mais cette hypotheque est toûjours postérieure à celle de sa dot.

Si la femme est séparée de biens pour mauvaise administration de la part de son mari, les parlemens de Paris & de Provence lui adjugent l'augment de dot ; secùs à Toulouse & en Dauphiné. (H)


AUGMENTATIONS. f. en général action d'augmenter, c'est-à-dire d'ajoûter ou de joindre une chose à une autre pour la rendre plus grande ou plus considérable. Voyez ADDITION, ACCROISSEMENT.

Les administrateurs des libéralités de la reine Anne, pour l'entretien des pauvres ecclésiastiques, obtinrent en vertu de plusieurs actes du parlement, le pouvoir d'augmenter tous les bénéfices du clergé qui n'excedent pas 50 livres sterlins par an ; & l'on a prouvé que le nombre des bénéfices qui peuvent s'augmenter en conséquence, est tel qu'il suit.

1071 bénéfices qui ne passent point dix livres de rente, & qui peuvent être accrus au sextuple, des seuls bienfaits de la reine destinés à cet effet, suivant les regles actuelles de leurs administrateurs, produiroient une augmentation de 6426.

1467 bénéfices au-dessus de dix livres sterlins par an, & au-dessous de vingt, peuvent être augmentés jusqu'au quadruple ; ce qui feroit 5866 d'augmentation.

1126 bénéfices au-dessus de 20 & au-dessous de 30 livres sterlins de rente, peuvent être augmentés jusqu'au triple ; ce qui feroit une augmentation de 3378.

1049 bénéfices au-dessus de 30 & au-dessous de 40, qui peuvent s'augmenter au double ; & cela produiroit une augmentation de 2098.

884 bénéfices au-dessus de 40 & au-dessous de 50 par an, peuvent être doublés ; & cela feroit une augmentation de 884.

Le nombre des bénéfices dont il s'agit, se monte à 5597, & celui des augmentations proposées à 18654.

En supposant le total des bienfaits de la reine sur le pié de 53 augmentations annuelles, on trouve qu'il s'écoulera 339 années depuis 1714, époque de la premiere augmentation, avant que tous les petits bénéfices excedent 50 livres sterlins de rente ; & si l'on compte sur une moitié de telle augmentation à faire de concert avec d'autres bienfaiteurs (ce qui n'a guere d'apparence), il faudra que 226 ans soient révolus, avant que les bénéfices déjà certifiés moindres que 50 livres par an, soient enfin d'une rente plus considérable. (H)

AUGMENTATION. Cour d'augmentation des revenus du roi ; nom d'une cour qui fut érigée sous Henri III. roi d'Angleterre, en 1536, pour obvier aux fraudes par rapport aux revenus des maisons religieuses & de leurs terres données au roi par acte du parlement. Cette cour fut abrogée par un acte contraire émané du parlement tenu la premiere année du regne de Marie ; le bureau en subsiste encore, il contient de précieux monumens. La cour d'augmentation fut ainsi nommée, parce que la suppression des monasteres, dont même plusieurs furent appropriés à la couronne, en augmenta de beaucoup les revenus. (H)

AUGMENTATIONS, en terme de Blason ; additions faites aux armoiries, nouvelles marques d'honneur ajoûtées à l'écusson, ou portées dans tout un pays. Telles sont les armes d'Ulster que portent les baronets d'Angleterre. (V)


AUGMENTERaggrandir, (Gram. Syn.) l'un s'applique à l'étendue, & l'autre aux nombres. On aggrandit une ville, & on augmente le nombre des citoyens : on aggrandit sa maison, & on en augmente les étages : on aggrandit son terrein, & on augmente son bien. On ne peut trop augmenter les forces d'un état, mais on peut trop l'aggrandir.

AUGMENTER, croître : l'un se fait par développement, l'autre par addition. Les blés croissent, la récolte augmente. Si l'on dit également bien, la riviere croît & la riviere augmente, c'est que dans le premier cas on la considere en elle-même & abstraction faite des causes de son accroissement, & que dans le second l'esprit tourne sa vûe sur la nouvelle quantité d'eau surajoûtée qui la fait hausser.

Lorsque deux expressions sont bonnes, il faut recourir à la différence des vûes de l'esprit, pour en trouver la raison. Quant à la même vûe, il n'est pas possible qu'elle soit également bien désignée par deux expressions différentes.


AUGON(MONT) Géog. anc. & mod. montagne d'Italie, partie de l'Apennin, située dans le Pavesan, que quelques géographes prennent pour l'Auginus des anciens ; d'autres prétendent que l'Auginus est notre Monte-codoro.


AUGURESS. m. (Hist. anc.) nom de dignité à Rome : c'étoient des ministres de la religion, qu'on regardoit comme les interpretes des dieux, & qu'on consultoit pour savoir si on réussiroit dans ses entreprises. Ils en jugeoient par le vol des oiseaux, par la maniere dont mangeoient les poulets sacrés. Les augures ne furent d'abord créés qu'au nombre de trois ou de quatre, & depuis augmentés jusqu'à quinze : ils juroient de ne révéler jamais aucun de leurs mysteres, sans doute pour ne pas se décréditer dans l'esprit du peuple ; car les grands & les savans n'en étoient pas dupes, témoin ce que Cicéron dit de leurs cérémonies, qui étoient si ridicules, qu'il s'étonne que deux augures puissent s'entre-regarder sans éclater de rire. Leurs prédictions étoient néanmoins rangées dans l'ordre des prodiges naturels, mais personne n'en avoit la clé qu'eux ; aussi interprétoient-ils le chant & le vol des oiseaux à leur fantaisie, tantôt pour, tantôt contre. Varron a prétendu que les termes d'augur & d'augurium venoient ex avium garritu, du gasouillement des oiseaux, qui faisoit un des objets principaux de l'attention des augures. Festus & Lloyd, anglois, en ont tiré l'étymologie moins heureusement ; le premier, ex avium gestu, la contenance des oiseaux ; & le second, d'avicurus, avicurium, foin des oiseaux, parce que les augures étoient chargés du soin des poulets sacrés. Le P. Pezron tire ce nom du celtique au, foie, & gur, homme ; de sorte qu'à son avis l'augure étoit proprement celui qui observoit les intestins des animaux, & devinoit l'avenir en considérant leur foie ; opinion qui confond l'augure avec l'aruspice, dont les fonctions sont neanmoins très-distinguées dans les anciens auteurs. (G)


AUGURIUMscience augurale ou des augures, l'art de prédire l'avenir par le vol & le manger des oiseaux. Les Romains l'avoient reçûe des Toscans, chez lesquels ils avoient soin d'entretenir six jeunes Patriciens comme dans une espece d'académie, pour leur apprendre de bonne-heure les principes & les secrets des augures. Les Toscans en attribuoient l'invention à Tagés, espece de demi-dieu trouvé par un laboureur sous une motte de terre. Suidas en fait honneur à Telegonus ; Pausanias à Parnasus, fils de Neptune ; d'autres la font descendre des Cariens, des Ciliciens, des Pisidiens, des Egyptiens, des Chaldéens & des Phéniciens, & prétendent même en donner une bonne preuve, en remarquant que ces peuples de tout tems se distinguoient des autres par leur attention particuliere à l'espece volatile ; ensorte que leur commerce fréquent avec ces animaux & le soin qu'ils prenoient de leur éducation, les mettoit à portée d'entendre mieux que d'autres ce que signifioient leurs cris, leurs mouvemens, leurs postures, & leurs différens ramages. Pythagore & Apollonius de Tyane se vantoient de comprendre le langage des oiseaux. Cette science s'appelle encore ornithomantie ou divination par les oiseaux.

Il paroît par les livres saints, que la science des augures étoit très-connue des Egyptiens & des autres Orientaux du tems de Moyse, & même avant lui : ce législateur, dans le Lévitique, défend de consulter les augures ; & dans la Genese, l'intendant de Joseph dit que la coupe qui fut trouvée dans le sac de Benjamin, étoit le vase dont son maître se servoit pour prendre les augures : non que ce patriarche donnât dans cette superstition ; mais l'Egyptien s'exprimoit suivant ses idées, pour rehausser le prix de la coupe. (G)


AUGUSTALadj. m. se dit de ce qui a rapport à l'empereur ou à l'impératrice.

AUGUSTAL ou PREFET AUGUSTAL, (Hist. anc.) magistrat romain, préposé au gouvernement de l'Egypte, avec un pouvoir semblable à celui du proconsul dans les autres provinces. Voy. PROCONSUL, AUGUSTALES.

AUGUSTALES, (troupes) s. f. plur. Hist. anc. nom donné à cinq mille soldats que Néron faisoit placer dans l'amphithéatre, pour faire des acclamations & des applaudissemens toutes les fois que dans les jeux publics il conduisoit lui-même des chars ou faisoit quelques autres exercices. (G)


AUGUSTAUXadj. pris subst. (Hist. anc.) nom donné aux prêtres, destinés à servir dans les temples élevés en l'honneur de l'empereur Auguste. Leur nombre de six les fit aussi appeller sextumvirs. La premiere solennité où ces prêtres servent, fut instituée l'an de Rome 835, quatre ans aprés la fin de toutes les guerres : & depuis qu'Auguste eut reglé les affaires de Sicile, de Grece, de Syrie, & remis les Parthes sous le joug de Rome ; le quatre des ides d'Octobre étant le jour de son entrée en cette capitale, fut aussi choisi pour en célebrer l'anniversaire, & nommé dies augustalis. (G)


AUGUSTBERou AUGUSTBOURG, (Géog.) ville d'Allemagne dans la haute-Saxe, au marquisat de Misnie, sur une montagne, proche le ruisseau de Schop, & à six milles de Dresde.


AUGUSTEadj. (Hist. anc.) nom de dignité donné aux empereurs Romains, selon quelques-uns, du mot augeo, parce qu'ils augmenterent la puissance Romaine. Octavien le porta le premier, & il fut adopté par ses successeurs, comme on le voit marqué sur les médailles par cette lettre A, ou par celles-ci AVG. les impératrices participoient aussi à ce titre dans les médailles & les autres monumens publics, telles que les médailles d'Helene, mere du grand Constantin, qui portent cette legende, FL. IVL. HELENA AVG. Marc Aurele fut le premier qui partagea le titre d'auguste avec L. Aurelius-Verus son collegue. Auguste honora de ce nom les principales colonies qu'il établit dans les villes des Gaules pendant le séjour qu'il y fit, & en particulier la ville de Soissons, qu'on trouve nommée dans des inscriptions Augusta Suessionum.

Les collegues des empereurs & leurs successeurs, désignés ou associés à l'empire, étoient d'abord créés Césars, puis nommés Augustes. Le pere Pagi soûtient, contre presque tous les auteurs, que la gradation se faisoit de cette derniere qualité à la premiere : mais M. Fléchier observe avec plus de fondement, comme une chose qui n'avoit point encore eu d'exemple, que l'empereur Valentinien proclama son frere Valens Auguste, avant que de l'avoir créé César.

A l'exemple des Romains, les nations modernes ont donné à leurs souverains & à leurs reines le surnom d'auguste. On voit par d'anciennes médailles ou monnoies, que Childebert, Clotaire, & Clovis ont porté ce nom ; & Crotechilde, femme du dernier, est appellée dans le livre des miracles de saint Germain, tantôt regina, & tantôt augusta. Dans notre histoire Philippe II. est connu sous le titre de Philippe Auguste. (G)

AUGUSTE, Histoire auguste, histoire des empereurs de Rome depuis Adrien & l'an de grace 157 jusqu'en 285, composée par six auteurs latins, Aelius Spartianus, Julius Capitolinus, Aelius Lampridius, Vulcatius Gallicanus, Trebellius Pollio, & Flavius Vopiscus. Vid. Fabric. Bibl. lat. c. vj. (G)

AUGUSTE, papier auguste, (Hist. anc.) nom donné par flatterie pour l'empereur Auguste, à un papier très-beau & très-fin qu'on fabriquoit en Egypte, & qu'on appelloit anciennement charta hieratica, papier sacré, parce qu'on n'y écrivoit que les livres sacrés & qui regardoient la religion. On l'appella depuis, par adulation, charta augusta. Les feuilles de ce papier, qui avoient passé pour les meilleures, perdirent enfin le rang qu'elles avoient tenu. Elles avoient treize doigts de large, & étoient si délicates qu'à peine pouvoient-elles soûtenir le calamus ; l'écriture perçoit de maniere que les lignes du verso paroissoient presqu'une rature du recto : elles étoient d'ailleurs si transparentes, que cela faisoit un effet desagréable à la vûe. L'empereur Claude en fit faire de plus épaisses & de plus fortes ; le papier auguste ne servit plus que pour écrire des lettres missives. Dom Montfauc. mém. de l'Acad. (G)


AUGUSTINS. m. (Théol.) titre que Cornelius Jansenius, évêque d'Ypres, a donné à son ouvrage, qui depuis près d'un siecle a causé des disputes si vives dans l'Eglise, & donné naissance au Jansénisme & à ses défenseurs. Voyez JANSENISME & JANSENISTES.

L'Augustin de Jansenius, qu'il intitula ainsi parce qu'il pensoit n'y soûtenir que la doctrine de S. Augustin sur la grace, & y donner la clé des endroits les plus difficiles de ce pere sur cette matiere, ne parut pour la premiere fois qu'après la mort de son auteur, imprimé à Louvain en 1640. Il est divisé en trois volumes in-folio, dont le premier contient huit livres sur l'hérésie des Pélagiens ; le second, huit livres, dont un sur l'usage de la raison & de l'autorité en matieres théologiques ; un sur la grace du premier homme & des anges ; quatre de l'état de nature tombée ; & trois de l'état de pure nature. Le troisieme volume est divisé en deux parties, dont la premiere contient un traité de la grace de Jesus-Christ en dix livres ; la seconde ne comprend qu'un seul livre intitulé Parallele de l'erreur des Semipélagiens & de l'opinion de quelques modernes, c'est-à-dire des théologiens qui admettent la grace suffisante.

C'est de cet ouvrage qu'ont été extraites les cinq fameuses propositions, dont nous traiterons avec plus d'étendue à l'article Jansenisme. Voyez JANSENISME. (G)


AUGUSTINEadj. f. (Hist. anc.) nom d'une fête qui se célébroit à Rome le 4 des ides d'Octobre, en l'honneur d'Auguste, & en mémoire de son heureux retour, après la pacification de la Grece, de l'Asie, la Syrie, & des provinces conquises sur les Parthes. Elle étoit solemnelle, & accompagnée de jeux. Voyez AUGUSTAUX. (G)


AUGUSTINIENSS. m. pl. (Théol. Hist. ecclés.) nom qu'on donne dans les écoles aux théologiens qui soûtiennent que la grace est efficace de sa nature absolument & moralement, & non pas relativement & par degrés. Voyez GRACE EFFICACE. On les appelle ainsi, parce que dans leurs opinions ils se fondent principalement sur l'autorité de Saint Augustin.

Le système des Augustiniens sur la grace, se réduit principalement à ces points.

1°. Ils distinguent entre les oeuvres naturelles & les oeuvres surnaturelles ; entre l'état d'innocence, & l'état de nature tombée.

2°. Ils soûtiennent que toutes les créatures libres dans l'un ou l'autre de ces deux états, ont besoin pour chaque action naturelle, du concours actuel de Dieu.

3°. Que ce concours n'est pas antécédent, ni physiquement prédéterminant, mais simultanée & flexible au choix de la volonté ; ensorte que Dieu concourt à telle ou telle action, parce que la volonté se détermine à agir, & si elle ne s'y détermine pas, Dieu ne prête pas son concours.

4°. Que quant aux oeuvres surnaturelles, les mêmes créatures libres, en quelqu'état qu'on les suppose, ont besoin d'un secours spécial & surnaturel de la grace.

5°. Que dans l'état de nature innocente, cette grace n'a pas été efficace par elle-même & de sa nature, comme elle l'est maintenant, mais versatile ; & c'est ce qu'ils appellent autrement adjutorium sine quo.

6°. Que dans ce même état de nature innocente, il n'y a point eu de decrets absolus, efficaces, antécédens au consentement libre de la volonté de la créature, & par conséquent nulle prédestination à la gloire avant la prévision des mérites, nulle reprobation qui ne supposât la prévision des démérites.

7°. Que dans l'état de nature tombée ou corrompue par le péché, la grace efficace par elle-même, est nécessaire pour toutes les actions qui sont dans l'ordre surnaturel.

8°. Ils fondent la nécessité de cette grace sur la seule foiblesse de la volonté humaine, considérée après la chûte d'Adam, & non sur la subordination & la dépendance dans laquelle la créature doit être du créateur, comme le veulent les Thomistes.

9°. Ils font ordinairement consister la nature de cette grace efficace dans une certaine délectation & suavité victorieuse, non pas par degrés & relativement, comme l'admettent les Jansénistes, mais simplement & absolument, par laquelle Dieu incline la volonté au bien, sans toutefois blesser sa liberté. Quoiqu'ils avoüent que Dieu a d'ailleurs une infinité de moyens inconnus à l'homme, pour déterminer librement la volonté, suivant ce principe de saint Augustin : Deus miris ineffabilibusque modis homines ad se vocat & trahit. Lib. I. ad simplic.

10°. Outre la grace efficace, ils en admettent encore une autre suffisante, grace réelle, & proprement dite, qui donne à la volonté assez de force pour pouvoir, soit médiatement, soit immédiatement, produire des oeuvres surnaturelles & méritoires, mais qui pourtant n'a jamais son effet sans le secours d'une grace efficace.

11°. Quand Dieu appelle quelqu'un efficacement, il lui donne, selon eux, une grace efficace ; & il accorde aux autres une grace suffisante pour accomplir ses commandemens, ou au moins pour obtenir des graces plus abondantes & plus fortes, afin de les accomplir.

12°. Ils soûtiennent que quant à l'état de nature tombée, il faut admettre des decrets absolus & efficaces par eux-mêmes, pour les oeuvres qui sont dans l'ordre surnaturel.

13°. Que la prescience de ces mêmes oeuvres est fondée sur ces decrets absolus & efficaces.

14°. Que toute prédestination soit à la grace, soit à la gloire, est entierement gratuite.

15°. Que la réprobation positive se fait en vûe des péchés actuels, & la réprobation négative, en vûe du seul péché originel.

Ce système approche fort du Thomisme pour l'état de nature innocente, & du Molinisme pour l'état de nature tombée. Voyez MOLINISME & THOMISME.

On divise les Augustiniens en rigides & rélchés. Les rigides sont ceux qui soûtiennent tous les points que nous venons d'exposer. Les rélâchés sont ceux, qui dans les oeuvres surnaturelles, en en distinguant de faciles & de difficiles, n'exigent de grace efficace par elle-même, que pour ces dernieres, & soûtiennent que pour les autres, telles que la priere par laquelle on peut obtenir des graces plus abondantes, la grace suffisante suffit réellement, & a souvent son effet, sans avoir besoin d'autre secours. C'étoit le sentiment du cardinal Noris, du P. Thomassin, &, selon M. Habert évêque de Vabres, celui que de son tems on suivoit le plus communément en Sorbonne. Tournely, tract. de grat. part. II. quaest. v. parag. 11.

AUGUSTINIENS, est aussi, selon Lindanus, le nom de quelques hérétiques du xvje siecle, disciples d'un sacramentaire appellé Augustin, qui soûtenoit que le ciel ne seroit ouvert à personne avant le jugement dernier. (G)


AUGUSTINSS. m. pl. (Hist. ecclés.) ordres religieux qui reconnoissent S. Augustin pour leur maître & leur pere, & qui professent la regle qu'on dit qu'il donna à des moines, avec lesquels il vécut à la campagne près de Milan, & dont il mena quelques-uns avec lui en Afrique. Il les établit près d'Hippone, lorsqu'il en eut été fait évêque.

Les religieux que nous appellons Augustins étoient dans leur origine des hermites, que le pape Alexandre IV. rassembla en 1256, auxquels il donna la regle de S. Augustin, & pour général Lanfranc Septala de Milan, homme d'une très-grande piété. Cer ordre, fameux par les saints & les savans qu'il a donnés à l'Eglise, s'est divisé en diverses branches ; car les hermites de saint Paul, les Jeronymites, les religieux de sainte Brigite, ceux de saint Ambroise, les freres de la charité, & plusieurs autres ordres, jusqu'au nombre de soixante & plus, suivent tous la regle de saint Augustin. En France les hermites de saint Augustin ont une congrégation particuliere, dite la communauté de Bourges ou la province de saint Guillaume. Les Augustins déchaussés sont une réforme de cet ordre, commencée en Portugal en 1574. Tous ces religieux sont vêtus de noir & font un des quatre ordres mendians. Voyez MENDIANS.

Il ne faut pas confondre ces religieux avec différens autres ordres ou congrégations, dont les membres, sous le titre de chanoines réguliers, professent la regle de saint Augustin, tels que ceux de Latran, du saint Sepulchre, de saint Sauveur, de saint Ruf, du Val des écoliers, & en particulier de la congrégation de France, plus connus sous le nom de Génovéfains qu'ils ont tiré de la maison de sainte Génevieve de Paris, dont l'abbé est toûjours leur supérieur général.

Il y a aussi diverses abbayes de filles & de chanoinesses de l'ordre de saint Augustin. Voyez RELIGIEUSES & CHANOINESSES. (G)

AUGUSTIN (Saint), neuvieme corps des caracteres d'Imprimerie ; sa proportion est de deux lignes deux points, mesure de l'échelle. Son corps double est le petit canon. Voyez les proportions des caracteres d'Imprimerie, & l'exemple à l'article CARACTERE.

* AUGUSTIN (Saint), Géog. fort de l'Amérique septentrionale, sur la côte orientale de la Floride, à l'extrémité d'une langue de terre. Longit. 298. 30. lat. 30.


AUGUSTOW(Géog.) ville de Pologne, dans le duché & palatinat de Podlaquie, sur la riviere de Nareu. Long. 41. 37. lat. 53. 25.


AULERCEou AULERCIENS, s. m. pl. (Hist. anc.) habitans de l'ancienne Gaule qu'on divisoit en Aulerci, Cenomani, Diablintes & Eburovices, ceux du Mans, du Perche & d'Evreux. Tite-Live & César en font mention comme d'un seul peuple.


AULIDES. f. (Géogr. anc.) ville & port de la Béotie sur le détroit de Negrepont. Ce fut le rendez-vous des Grecs qui allerent au siége de Troie.


AULIQUEadj. (Hist. mod.) dénomination de certains officiers de l'empereur qui composent une cour supérieure, un conseil dont la jurisdiction s'étend à tout en dernier ressort sur tous les sujets de l'Empire, dans les procès dont il connoît. Voyez EMPEREUR, EMPIRE. Nous disons conseil aulique, cour aulique, chambre aulique, conseiller aulique, &c.

Le conseil aulique est établi par l'empereur, il en nomme les officiers ; mais l'électeur de Mayence a droit de visite. Il est composé d'un président catholique, d'un vice-chancelier présenté par cet électeur, & de dix-huit assesseurs ou conseillers, dont neuf sont protestans, & neuf sont catholiques. Voyez ASSESSEUR.

Ils sont partagés en deux tribunaux : les gens de qualité occupent l'un, & ceux de robe l'autre. Ils tiennent leurs assemblées en présence de l'empereur, d'où leur vient le nom de justitium imperatoris, justice ou tribunal de l'empereur, comme celui du conseil aulique, de ce qu'il suit la cour de l'empereur, aula, & que sa résidence est toûjours dans le lieu que l'empereur habite. Cette cour & la chambre impériale de Spire sont assez dans l'usage de se contrarier, à cause de la prévention qui a lieu entr'elles, & que nulle cause ne peut s'évoquer de l'une à l'autre. Voy. CHAMBRE IMPERIALE. L'empereur ne peut empêcher ni suspendre les décisions d'aucune de ces cours, ni évoquer à son tribunal une cause dont elles ont une fois pris connoissance, à moins que les états de l'Empire n'en soient d'avis. Il est néanmoins des cas où ce conseil s'abstient de prononcer définitivement sans la participation de l'empereur ; & dans ces cas on prononce, fiat votum ad Caesarem, que le rapport s'en fasse à César, c'est-à-dire à l'empereur en son conseil.

Le conseil aulique n'a été originairement institué que pour connoître des différends entre les sujets des empereurs. On y a depuis porté les contestations des sujets de l'Empire, & il s'est attribué sur la chambre impériale de Spire ou de Wetzlar, une espece de droit de prévention, qui ne se souffre pourtant que dans les procès des particuliers : les princes n'ont pas encore reconnu cette jurisdiction. Mais sous les empereurs Léopold, Joseph, & Charles VI. le conseil aulique a fait plusieurs entreprises contraires aux libertés germaniques, comme de confisquer les duchés de Mantoue & de Guastale, de mettre au ban de l'Empire les électeurs de Baviere & de Cologne.

Le conseil aulique cesse aussi-tôt que l'empereur meurt, s'il n'est continué par ordre exprès des vicaires de l'Empire, au nom desquels il rend alors ses jugemens, & se sert de leur sceau. Heiss. histoire de l'Empire.

AULIQUE, (Théol.) nom qu'on donne à l'acte ou à la these que soûtient un jeune théologien dans quelques universités, & particulierement dans celle de Paris, le jour qu'un licentié en Théologie reçoit le bonnet de docteur, & à laquelle préside ce même licentié, immédiatement après la réception du bonnet.

On nomme ainsi cet acte du mot aula, salle, parce qu'il se passe dans une salle de l'université, & à Paris dans une salle de l'archevêché. Voyez UNIVERSITE, DEGRE, DOCTEUR, &c. (G)


AULNAIou AUNAIE, s. f. (Jardin.) est un lieu planté d'aulnes. Voyez AULNE. (K)


AULNES. m. alnus, genre d'arbre qui porte des chatons composés de fleurs à plusieurs étamines qui s'élevent d'un calice fait de quatre pieces. Ces fleurs sont ramassées en peloton & attachées à un axe : elles sont stériles. Le fruit se trouve séparément des chatons ; il est composé d'écailles, & rempli d'embryons dans le commencement de son accroissement. Dans la suite il devient plus gros, & alors il renferme des semences qui pour l'ordinaire sont applaties. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

Il vient de boutures & de marcotte ; il aime les marécages & les lieux frais. Son bois est recherché pour faire des tuyaux, & les Tourneurs l'employent en échelles, perches, & autres ouvrages. (K)

Alnus rotundifolia glutinosa viridis, C. B. On employe, en Medecine, son écorce & sa feuille. L'écorce est astringente & dessicative. Ses feuilles vertes appliquées, résolvent les tumeurs & diminuent les inflammations ; prises intérieurement, elles ont la vertu vulnéraire ; mises dans les souliers, elles soulagent les voyageurs de leur fatigue.

On s'en sert en décoction pour laver les piés des voyageurs, afin de les délasser ; & l'on en frotte le bois des lits pour faire mourir les puces.

Le fruit est astringent, rafraîchissant & repercussif dans les inflammations de la gorge, étant pris en gargarisme, de même que l'écorce.

Il y a une autre espece d'aulne, qui est le frangula cu bourgene. Voyez BOURGENE. (N)

AULNE noir, arbre. Voyez BOURGENE.


AULPS(Géog.) ville de France en Provence, au diocese de Fréjus. Long. 24. 5. lat. 43. 40.


AUMAILLESterme usité dans plusieurs de nos coûtumes, pour signifier des bêtes à cornes, & même d'autres bestiaux domestiques. Du Cange croit que ce mot a été fait du Latin manualia pecora, seu animalia mansueta, quae ad manus accedere consueverunt. (H)


AUMALou ALBEMARLE, (Géog.) ville de France dans la haute Normandie, au pays de Caux. Long. 19. 20. lat. 49. 50.


AUMES. f. (Commerce.) c'est une mesure Hollandoise qui sert à mesurer des liqueurs. Elle contient huit steckans ou vingt verges, ce qui fait la tierce Angloise ou 1/0 tonneau de France, & 1/1 d'Angleterre. Arbuth. tab. 33. Voyez aussi MESURE, &c. (G)


AUMÉadject. pris subst. terme de Pêche & de Chasse ; il se dit des grandes mailles à filets, qu'on pratique de l'un & de l'autre côté d'un tramail ou d'un hallier : l'aumé facilite l'entrée & empêche la sortie.


AUMIGNO(L ') riviere du Vermandois en Picardie ; elle passe à Vermand, & se jette dans la Somme, au-dessus de Péronne.


AUMONES. f. (Théol. moral.) est un don qu'on fait aux pauvres par compassion ou par charité. Voyez CHARITE.

Les ecclésiastiques ne subsistoient autrefois que d'aumône, la ferveur de la primitive église engageant les fideles à vendre leurs biens & à en déposer le prix aux piés des Apôtres pour l'entretien des pauvres, des veuves, des orphelins & des ministres de l'Evangile. Voyez CLERGE, DIXME. Depuis jusqu'à Constantin, les aumônes des fideles se divisoient en trois parts, l'une pour l'évêque, l'autre pour les prêtres, la troisieme pour les diacres, soûdiacres, & autres clercs. Quelquefois on en réservoit une quatrieme partie pour les réparations de l'église : mais les pauvres trouvoient toûjours une ressource sûre & des fonds abondans dans la libéralité de leurs freres. Julien, qui vouloit réformer le paganisme sur le modele de la religion chrétienne, reconnoissoit dans celle-ci cet avantage. " Un prêtre, dit-il, dans une instruction qu'il donne à un pontife des faux dieux, épitr. 62. doit avoir soin d'instruire les peuples sur l'obligation de faire l'aumône : car il est honteux que les Galiléens (c'est ainsi qu'il nommoit les Chrétiens) nourrissent leurs pauvres & les nôtres "

S. Paul écrivant aux Corinthiens leur recommande de faire des collectes, c'est-à-dire des quêtes tous les dimanches, comme il l'avoit prescrit aux églises de Galatie. Nous apprenons de S. Justin, martyr, dans sa seconde Apologie, que tous les fideles de la ville & de la campagne s'assembloient le dimanche pour assister à la célébration des saints mysteres ; qu'après la priere, chacun faisoit son aumône, selon son zele & ses facultés ; qu'on en remettoit l'argent entre les mains de celui qui présidoit, c'est-à-dire de l'évêque, pour le distribuer aux pauvres, aux veuves, &c. Cet usage s'observoit encore du tems de S. Jérôme.

M. de Tillemont, fondé sur un passage du code Théodosien, observe que dès le quatrieme siecle, il y avoit de pieuses femmes qui s'employoient à recueillir des aumônes pour les prisonniers, & l'on conjecture que c'étoient les diaconesses. Voyez DIACONESSE.

Chrodegang, évêque de Mets, qui vivoit dans le huitieme siecle, chap. xlij. de la regle qu'il prescrit à ses chanoines réguliers, veut qu'un prêtre à qui l'on donne quelque chose, ou pour célébrer la Messe, ou pour entendre une confession, ou pour chanter des pseaumes & des hymnes, ne le reçoive qu'à titre d'aumône.

Tel a toûjours été l'esprit de l'Eglise. Les dons faits aux églises & tous les biens qu'elle a acquis par donation, les fondations dont on l'a enrichie, sont regardées comme des aumônes, dont ses ministres sont les oeconomes & les dispensateurs, & non les propriétaires. (G)

AUMONE, en terme de Palais, est le payement d'une somme à laquelle une partie a été condamnée par autorité de justice, applicable pour l'ordinaire au pain des prisonniers.

On appelle aumônes ou tenures en aumônes, les terres qui ont été données à des églises par le roi, ou par des seigneurs de fiefs. Ces terres ne payent aucune redevance à qui que ce soit, & ne doivent qu'une simple déclaration au seigneur.

Les aumônes fieffées sont des fondations royales.

Aumône des charrues en Angleterre, s'est dit de la cotisation d'un denier par chaque charrue, que le roi Ethelred exigea des Anglois ses sujets pour la subsistance des pauvres : on l'appella aussi l'aumône du roi. (H)


AUMONERIES. f. est un office claustral, dont le titulaire est chargé de distribuer par an une certaine somme en aumônes. Voyez AUMONE. (H)


AUMONIERS. m. (Théol.) officier ecclésiastique dans les chapelles des princes, ou attaché à la personne des évêques & des grands. En France le Roi a un premier aumônier, distingué du grand aumônier de France, & quatre aumôniers de quartier : la reine a aussi un premier aumônier, & les princes du sang ont également des aumôniers en titre, dont l'habit de cérémonie est une soutane noire, un rochet & un manteau noir. Les aumôniers des évêques sont des ecclésiastiques leurs commensaux, ou attachés à leur personne, qui les accompagnent & les servent dans leurs fonctions épiscopales. (G)

AUMONIER (GRAND) de France. (Hist. mod.) officier de la couronne, dont la dignité ne s'accorde plus qu'aux ecclésiastiques d'une naissance distinguée, & ne se donne ordinairement qu'à des cardinaux ; quoiqu'on l'ait vûe autrefois remplie par le savant Amyot, qui étoit d'une fort basse extraction. Le grand aumônier dispose du fonds destiné pour les aumônes du Roi, célebre le service divin dans la chapelle de sa Majesté, quand il le juge à propos, ou nomme les prélats qui doivent y officier, les prédicateurs, &c. Il est l'évêque de la cour, faisant toutes les fonctions de cette dignité dans quelque diocese qu'il se trouve sans en demander la permission aux évêques des lieux. Il donnoit autrefois les provisions des maladeries de France, & prétendoit qu'il lui appartenoit de gouverner, de visiter, & de réformer les hôpitaux du royaume, sur-tout quand ils sont gouvernés par des laïques. Les édits de nos rois, & les arrêts du Parlement de Paris, l'ont maintenu pendant quelque tems dans la possession de ce droit. Il a l'intendance de l'hôpital des Quinze-vingts de Paris. Il prête serment de fidélité entre les mains du roi, & est à cause de sa charge, commandeur né des ordres de sa Majesté. Morery dit que ce fut Geoffroy de Pompadour, évêque d'Angoulême, puis de Périgueux & du Puy en Vélai, qui a porté le premier la qualité de grand aumônier. Selon du Tillet, cité par le P. Thomassin, Discipl. ecclésiast. part. IV. liv. I. chap. lxxviij. c'est Jean de Rely, évêque d'Angers, qui prit le premier ce titre sous Charles VIII. On ne trouve pas le nom de ce Jean de Rely dans la liste que donne le dictionnaire de Morery. Il en compte cinquante-cinq depuis Eustache, chapelain du roi Philippe I. en 1067, jusqu'à M. le cardinal de Rohan. M. le cardinal de Soubise son neveu, occupe aujourd'hui cette grande dignité. (G)

* Il y a aussi en Angleterre un grand aumônier, qu'on appelle lord aumônier. Les fonds qui lui sont assignés pour les aumônes du roi, sont entre autres choses les deodandes, & les biens des personnes qui se sont défaites.

Il peut en vertu d'un ancien usage donner le premier plat de la table du roi à un pauvre, tel qu'il lui plaît le choisir, ou lui donner l'équivalent en argent.

Il y a aussi sous le lord aumônier un aumônier en second, un yeman, & deux gentilshommes de l'aumônerie, tous à la nomination du lord aumônier.

AUMONIER : les aumôniers de Marine sont des prêtres entretenus par le Roi dans ses arsenaux de marine, pour dire la Messe aux jours de fêtes & de dimanches sur le vaisseau, qui dans le port a le pavillon d'amiral.

L'aumônier du vaisseau, est un prêtre commis par le Roi pour faire la priere matin & soir, pour y dire la Messe, & y administrer les Sacremens.

Aumônier dans un régiment, a logement de capitaine dans la garnison, suit en campagne, & a trois places de fourrage en tems de guerre ; ses appointemens sont payés par le Roi, & vont à six cens liv. plus ou moins ; cela varie. (Z)


AUMUSSES. f. (Hist. mod.) sorte de vêtement de tête & d'épaules dont on se servoit anciennement en France ; il étoit à la mode sous les Mérovingiens ; la couronne se mettoit sur l'aumusse ; on la fourra d'hermine sous Charlemagne ; le siecle d'après, on la sit toute de peaux : les aumusses d'étoffes prirent alors le nom de chaperon ; celles d'étoffes retinrent celui d'aumusse : peu-à-peu les aumusses & les chaperons changerent d'usage & de forme. Le bonnet leur succéda ; & il n'y a plus aujourd'hui que les chanoines & les chanoinesses qui en ayent en été. Ils portent pendant cette saison sur leur bras, ce qui servoit jadis en tout tems à leur couvrir la tête. Ce sont les Pelletiers-Fourreurs qui les travaillent ; elles sont faites de pieces de petit gris rapportées ; elles ont quatre à cinq piés de long, sur huit à neuf pouces de large ; elles sont herminées & terminées à un bout par des queues de martes ; & l'on pratique quelquefois à l'autre bout, une espece de poche où le breviaire ou quelque livre de piété peut être mis.


AUNAGES. m. (Commerce.) mesurage d'une étoffe par aunes. Voyez AUNE, duquel aunage est dérivé.

Bon d 'AUNAGE, excédant d 'AUNAGE, bénéfice d 'AUNAGE, sont des mots synonymes qui signifient quelque chose que l'on donne ou que l'on trouve audelà de la mesure ou de l'aunage ordinaire.

Par le reglement des manufactures de lainages du mois d'Août 1699, art. 44, il est porté que le façonnier ne pourra donner au marchand acheteur d'excédent d'aunage pour la bonne mesure, qu'une aune un quart au plus sur vingt-une aunes. Sous la halle aux toiles à Paris, l'usage est d'auner les toiles le pouce devant l'aune ; ce qui s'appelle pouce & aune ou pouce avant : ce qui produit de bon aunage pour l'acheteur environ une aune demi tiers sur 50 aunes. Outre ce pouce on donne encore une aune sur cinquante aunes pour la bonne mesure ; ce qui sur cinquante aunes fait de bénéfice deux aunes & un demi tiers.

M. Savary remarque qu'il y a des endroits en France, où quoique l'aune soit égale à celle de Paris, les ouvriers & manufacturiers donnent aux acheteurs des excédens d'aunage très-forts, comme à Rouen vingt-quatre aunes pour vingt : mais il ajoûte qu'ils vendent leurs marchandises plus cher à proportion, ou que ces marchandises ne sont pas si bonnes & si parfaites, que dans les manufactures où l'on donne un moindre bénéfice d'aunage. (G)


AUNES. f. (Commerce.) mesure de longueur dont on se sert en différens pays, & sous différens noms. Voyez MESURE.

L'aune est un bâton d'une certaine longueur, qui sert à mesurer les étoffes, les toiles, les rubans, &c.

L'aune de France a beaucoup de rapport à la verge d'Angleterre & de Séville ; à la canne de Provence, de Toulouse, de Naples, de Genes, de Livourne & autres villes d'Italie ; à la varre d'Aragon ; à la barre de Castille & de Valence ; à la brasse de Luques, Venise, Boulogne, &c. au palme de Sicile ; au pic de Constantinople, de Smyrne & du Caire ; à la gueze des Indes & à celle de Perse. Voyez VERGE, CANNE, VARRE, &c.

Servius prétend que l'aune est la longueur que contiennent les deux bras étendus : mais Suétone ne fait de cela que la coudée. Voyez COUDEE.

Les aunes dont on se sert le plus communément en Angleterre sont l'aune Angloise & celle de Flandre. L'aune d'Angleterre contient trois piés neuf pouces ou une verge & un quart mesure d'Angleterre : l'aune de Flandre contient vingt-sept pouces ou 3/4 d'une verge mesure d'Angleterre ; de sorte que l'aune d'Angleterre est à celle de Flandre comme 5 est à 3.

L'aune de Paris contient trois piés sept pouces huit lignes, conformément à l'étalon qui est dans le bureau des marchands Merciers, & qui par l'inscription gravée dessus, paroît avoir été fait en 1554, sous le regne d'Henri II. Elle se divise en deux manieres : la premiere, en demi- aune, en tiers, en sixieme & en douzieme ; & la seconde, en demi- aune, en quart, en huit & en seize, qui est la plus petite partie de l'aune, & après laquelle il n'y a plus de division établie dans le commerce.

Par l'ordonnance du Commerce, de 1673, article 11. du tit. I. il est ordonné à tous négocians & marchands, tant en gros qu'en détail, d'avoir à leur égard des aunes ferrées & marquées par les deux bouts, & il leur est défendu de s'en servir d'autres à peine de faux, & de cent cinquante livres d'amende, parce que les aunes non ferrées par le bout peuvent s'user, se raccourcir par le bout, & devenir fausses mesures.

Ricard, dans son traité du Commerce, donne la réduction suivante des aunes : 100 aunes d'Amsterdam en font 98 & 3/4, de Brabant, d'Anvers & de Bruxelles ; 58 1/2 de France & d'Angleterre ; 120 de Hambourg, de Francfort, Leipsic, Cologne ; 125 de Breslaw, en Silésie ; 112 1/2 de Dantzick ; 110 de Bergh & de Drontheim ; 117 de Stockholm. M. Savary, dans son Dictionnaire du Commerce, donne un rapport beaucoup plus étendu de l'aune d'Amsterdam avec les mesures des principales villes de l'Europe, & ce rapport ne quadre point avec celui de Ricard, quant à la proportion de l'aune d'Amsterdam avec celle de Brabant ; car M. Savary la met comme 100 à 60, & Ricard comme 100 à 125.

AUNE se dit aussi de la chose mesurée ; une aune de drap, une aune de taffetas.

AUNE COURANTE ou AUNE DE COURS ; c'est une mesure d'étoffe ou de tapisserie qui se prend sur la longueur, sans considérer la hauteur ; ainsi lorsqu'on dit qu'une tapisserie est composée de cinq pieces qui font douze aunes courantes, on doit entendre que les cinq pieces jointes ensemble ont douze aunes en longueur.

AUNE, est encore une mesure de Perse, & l'on en distingue de deux sortes ; l'une qu'on appelle aune royale, & qui a trois piés de roi moins un pouce ; & l'autre qu'on appelle aune raccourcie, en Persan gueze moukesser, qui n'a que les deux tiers de l'aune royale. Voyez GUEZE. (G)


AUNEA(Géographie.) petite ville de France, à quatorze lieues de Paris, & à quatre de Chartres.


AUNÉES. f. plante qui doit être rapportée au genre appellé astre. Voyez ASTRE, pour les caracteres : voici les propriétés.

* L'helenium vulgare, ou aunée, a la racine acre, amere, un peu gluante, aromatique : elle rougit très-peu le papier bleu, & sent l'iris quand elle est seche ; elle donne dans l'analyse des liqueurs acides, beaucoup d'huile, tant soit peu urineuse, point de sel volatil concret ; on en tire des feuilles, d'où il s'ensuit qu'elle agit par un sel volatil huileux dont le sel ammoniac n'est pas tout-à-fait dcomposé, mais est fort chargé de soufre. La racine est stomacale, pectorale, diurétique, & provoque les mois. On l'employe en tisane, dans les bouillons & dans les aposemes ; pour l'asthme, pour la vieille toux, la colique de Poitou, l'hydropisie & la cachexie ; on confit au sucre les racines ; on les fait bouillir dans le moût ou la biere nouvelle. Le vin d'aunée fortifie l'estomac, guérit la jaunisse, fait passer les urines & garantit du mauvais air. L'extrait de cette racine a les mêmes vertus : appliquée extérieurement elle est résolutive & bonne pour les maladies de la peau : on en fait l'onguent enulatum, & le vin d'aunée.

AUNEE (onguent d ') Prenez racine d'aunée, demi-livre ; vif argent, térébenthine claire, huile d'absynthe, de chaque quatre onces ; axonge de porc, deux livres : faites-en un onguent selon l'art.

On prendra la racine sechée ; on la pulvérisera & on la mêlera dans le mortier avec les autres ingrédiens.

On vante cet onguent pour les maladies de la peau ; on y fait quelquefois entrer le mercure.

AUNE (vin d ') prenez racine d'aunée seche & grossierement concassée, une once ; vin blanc, deux livres : faites-les infuser pendant quelques jours en les agitant de tems à autres : gardez ce vin sur son marc pour l'usage. C'est un bon stomachique ; il pousse par les urines, provoque les regles ; il est antiscorbutique ; il peut prévenir les indigestions, les coliques d'estomac & les fievres intermittentes.

La dose est d'un verre ou de six onces à jeun le matin, repétée de tems en tems, ou une ou deux fois le mois. (N)


AUNEURS. m. (Commerce.) officier commis pour visiter les aunes des marchands. Voyez AUNAGE.

Il y a de pareils officiers à Londres, dont l'office est d'auner eux-mêmes les étoffes dans les manufactures, pour justifier si elles ont la longueur & la largeur qu'elles doivent avoir suivant les Ordonnances.

Il y a à Paris une communauté de cinquante jurés auneurs, visiteurs de toiles, créés en titre d'offices héréditaires : ils ont deux bureaux établis où ils font leurs fonctions & la perception de leurs droits, qui sont douze deniers pour aune sur toutes les toiles, canevas, coutils, &c. qu'ils mesurent : ces bureaux sont, l'un à l'hôtel des fermes, & l'autre à la halle aux toiles. Ces offices ayant été supprimés par édit du mois de Septembre 1719, ont été rétablis par un édit de Juin 1730.

Il y a aussi à Paris douze auneurs de drap & autres étoffes de laine, qui sont commis par les maîtres & gardes Drapiers & Merciers. Ils n'ont aucune visite sur les marchandises : mais leur fonction est de les auner sous la halle, ou dans les magasins & boutiques des marchands, lorsqu'ils en sont requis par eux ou par les forains, ou par leurs commissionnaires.

Dans les lieux des fabriques du royaume, il y a aussi des auneurs établis pour auner les étoffes & les toiles.

On peut voir, dans le Dictionnaire de Commerce de Savary, ce qui concerne les jurés auneurs de Paris, leurs fonctions & leurs droits sur les différentes étoffes de fabrique du royaume, qui entrent dans cette ville. (G)


AUNIELS. m. (Commerce.) ancienne mesure Angloise ; sorte de romaine consistant en balance pendante à des crochets, attachée par chaque bout au traversin ou bâton qu'un homme éleve sur quatre doigts, pour savoir si les choses pesées sont égales ou non. Voyez BALANCE.

Cette maniere de peser s'étant trouvée sujette à beaucoup de fraudes, plusieurs statuts l'ont prohibée, en ordonnant de s'en tenir à la balance unie. Voyez POIDS, ÉTALON.

Ce mot continue d'être usité en Angleterre, en parlant de la chair pesée à la main, & sans la mettre dans la balance. (G)


AUNI(PAYS D ') la plus petite province de France, bornée au nord par le Poitou, dont elle est séparée par la Seure ; à l'occident par l'Océan ; à l'orient & au midi, par la Saintonge. La Rochelle en est la capitale.


AUNOIpetit pays de l'île de France, dont les confins sont maintenant inconnus. On conjecture qu'il étoit entre Paris & Meaux, vers Livry, Bois-le-Vicomte & Claye.


AURou GALLINASSA, (Hist. nat.) oiseau d'Amérique, qu'on appelle cosquauth dans la nouvelle Espagne ; il a le fond de la couleur noire, quelques teintes de rouge au cou, à la poitrine & aux aîles ; les ongles & le bec recourbés, les paupieres rouges, & du poil au front. On prétend qu'il vole presque toûjours, & qu'il se nourrit de serpens. Si on compare cette description avec celle d'avocete qui précede, ou celle d'autruche qui va suivre, on s'appercevra aisément combien elle est défectueuse.


AURACH(Géogr.) ville d'Allemagne dans la partie méridionale de la Soüabe, au duché de Wirtemberg, sur le ruisseau d'Ermst. Longit. 25. 4. lat. 48. 25.


AURAINpetite ville de France, dans la généralité & l'élection de Paris.


AURAIS(Géog. anc. & mod.) anciennement Audus, montagne de Barbarie en Afrique, au royaume de Tunis, proche la côte.


AURAYville & port de France dans la basse Bretagne & le golfe Morbian. Longit. 47. 44. latit. 14. 40. 8.


AURAZ-ER-ZEBpartie du mont Atlas, qui s'étend beaucoup sur les confins de la Constantine & de Zeb.


AURE(Géogr.) Il y a en France trois petites rivieres de ce nom ; l'une dans le Perche, qui a sa source à la forêt du Perche, passe à Verneuil, Tilliers & Nonancourt, & se jette dans l'Eure proche Anet ; l'autre dans l'élection de Bayeux, baigne les murs de cette ville à l'orient, se joint ensuite à la Drome, & se perd avec elle ; la troisieme dans le Berry, passe à Bourges, & reçoit l'Aurone & l'Aurelle.


AUREA-ALEXANDRINAen Pharmacie, espece d'opiate ou d'antidote renommé par les livres des anciens, & composé de quantité d'ingrédiens.

On le nomme aurea, de l'or qui entre dans sa composition ; & alexandrine, d'Alexandre medecin, qui en fut l'inventeur. On dit que c'est un bon préservatif contre la colique & l'apoplexie ; mais on lui attribue une infinité de vertus dans l'épilepsie, les maladies des yeux, les affections de la poitrine & du bas-ventre. On en peut voir la recette dans Myrepsus : la dose est de la grosseur d'une noisette. Il faut remarquer que toutes les drogues qui y entrent, au nombre de soixante-douze, en font un électuaire des plus composés, & dont la plûpart des ingrédiens perdent leur vertu par le mélange, & deviennent inutiles. D'ailleurs ce remede n'étant composé que de plantes aromatiques & de drogues extrèmement chaudes, ne peut convenir que dans les cas où il faut employer des remedes fortifians, restaurans & toniques : dans ces cas la thériaque vaut mieux à tous égards que l'antidote d'Alexandre. Voy. CORDIAL, ALEXIPHARMAQUES, THERIAQUE. (N)


AUREGUEpetite riviere de France en Picardie, traverse le Santerre, passe à Roye, & se jette dans la Somme.


AUREILLONS. m. partie du métier d'étoffe de soie. Il y a plusieurs aureillons au métier d'étoffes de soie ; ils servent à tenir les ensuples sur lesquelles sont pliées les chaînes de soie. Ces aureillons sont cloüés contre les piés de derriere du métier ; il en faut deux pour chaque ensuple.

Aureillon servant à porter la banquette. Il faut deux aureillons de cette espece ; ils servent à appuyer la banquette, & sont cloüés aux piés de devant le métier. Voyez l'article VELOURS, où nous exposerons toutes les parties du métier.


AURELIENNEadj. (Antiq.) nom d'une porte de Rome placée au haut du Janicule. On l'appelle aujourd'hui porte de S. Pancrace.


AURENGABADville des Indes, capitale de la province de Balagate, dans les états du Mogol. Long. 93. 30. lat. 19. 10.


AURÉOLou COURONNE DE GLOIRE, affectée par les Peintres & les Sculpteurs aux saints, aux vierges, aux martyrs & aux docteurs, comme un témoignage de la victoire qu'ils ont remportée. Voyez COURONNE.

Le P. Sirmond dit que cette coûtume est empruntée des Payens, dont l'usage étoit d'environner de rayons les têtes de leurs divinités. (R)


AURIBAT(PAYS D ') Géog. contrée de France, partie des Landes, située près de l'Adour & de Dax sa capitale, habitée autrefois par les Tarbelliens.


AURICK(Géogr.) ville d'Allemagne dans l'Oostfrise, ou Frise orientale, au cercle de Westphalie. Long. 25. lat. 53. 28.


AURICULAIREce qui est relatif à l'oreille. Voyez OREILLE.

Ainsi disons-nous un témoin auriculaire, auriculus testis, un témoin par oüi-dire. V. TEMOIN, PREUVE, TEMOIGNAGE, &c.

Ainsi confession auriculaire est celle qui se fait secrettement à l'oreille. Voyez CONFESSION.

AURICULAIRES, medecines, medicamens que l'on prend dans les maladies de l'oreille.

Le doigt qui suit le petit doigt s'appelle auriculaire, en grec , à cause que l'on s'en cure l'oreille.


AURIGAnom latin de la constellation du Cocher. Voyez COCHER. (O)


AURIGNYpetite île sur les côtes de Normandie, auprès du Cotentin, sujette aux Anglois.


AURILLAC(Géogr.) ville de France dans la basse Auvergne, sur la Jordane. L. 20. 3. l. 44. 55.


AURILLAGou AURISLAGE, terme usité dans quelques coûtumes pour signifier le profit des ruches de mouches à miel qui n'ont point de maître. Ce profit appartient dans quelques endroits au seigneur, & dans d'autres au roi. (H)


AURILLASadj. pl. (Manége.) Chevaux aurillas, sont ceux qui ont de grandes oreilles, & qui les branlent souvent. (V)


AURIOLE(Géogr.) petit royaume de la presqu'île de l'Inde, en-deçà du Gange ou du Malabar. Il y a à quinze lieues de Calicut une petite ville de même nom.


AURONEabrotanum, genre de plante qui ne differe de l'absynthe que par son port extérieur ; car les fleurs & les fruits de ces deux genres de plante sont entierement semblables. Voyez ABSYNTHE. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

Il y a plusieurs especes d'aurone d'usage en Medecine.

La premiere est l'abrotanum mas angustifolium majus, C. B. Elle contient beaucoup d'huile exaltée, des sels volatils & fixes : elle est incisive, atténuante, apéritive, détersive, vulnéraire, résolutive : elle résiste aux venins, elle tue les vers ; elle est diurétique, emménagogue, carminative : le jus des feuilles & la lessive de leurs cendres font croître les cheveux.

La seconde est l'abrotanum faemina, ou chamae-cyparissus of. germ. La vertu est la même que dans la précédente.

La troisieme espece est l'abrotanum campestre, C. B. P. artemisia tenuifolia offic. hist. Oxon. Cette espece est tantôt verdâtre, tantôt blanchâtre, & quelquefois d'une odeur & d'un goût approchant de la carline : elle croît dans les lieux incultes ; elle est incisive & apéritive comme l'armoise. On dit qu'elle calme les douleurs des nerfs & de l'estomac. (N)


AURORES. f. (Astron. physiq.) est le crépuscule du matin, cette lumiere foible qui commence à paroître quand le soleil est à 18 degrés de l'horison, & qui continue en augmentant jusqu'au lever du soleil. Voyez CREPUSCULE.

Nicod fait venir ce mot du verbe auresco, dérivé d'aurum, quia ab oriente sole aer aurescit, parce que le soleil levant dore, pour ainsi dire, l'atmosphere.

Les Poëtes ont personnifié l'aurore. Voyez plus bas AURORE, (Myth.)

AURORE BOREALE ou LUMIERE SEPTENTRIONALE, aurora borealis, espece de nuée rare, transparente & lumineuse, qui paroît de tems en tems sur l'horison, la nuit, du côté du nord. Ce phénomene n'a pas été inconnu aux anciens.

On en trouve la description dans Aristote, Météorol. l. I. ch. jv. 5. Pline, Hist. nat. l. II. c. xxvj. Seneque, Quaest. nat. l. I. c. xv. & d'autres qui sont venus après eux. M. de Mairan nous a donné une liste exacte de ces auteurs, dans son traité de l'aurore boréale ; ouvrage plein de recherches curieuses, tant historiques que physiques & géométriques, & le plus complet que nous connoissions sur cette matiere.

Mais les anciens ont en quelque sorte multiplié ce phénomene en lui donnant différens noms. On croyoit autrefois qu'il y avoit un grand mérite à savoir inventer des noms pour chaque chose. Ce talent s'est exercé sur le phénomene en question. On donne le nom de poutre à une lumiere oblongue qui paroît dans l'air, & qui est parallele à l'horison. Cette même sorte de lumiere s'appelle fleche, lorsqu'une de ses extrémités forme une pointe en maniere de fleche. La torche est une lumiere qui se tient suspendue en l'air de toutes sortes de manieres, mais qui a une de ses extrémités plus large que l'autre. On appelle chevre dansante une lumiere à laquelle le vent fait prendre diverses figures, & qui paroît tantôt rompue & tantôt en son entier. Ce qu'on nomme bothynoë ou antre, n'est autre chose qu'un air qui paroît creusé en-dedans, comme une profonde caverne, & qui est entouré comme d'une couronne. On appelle pythie ou tonneau, la lumiere qui se manifeste sous la forme d'un gros tonneau rond qui paroît brûlant. Il est aisé de s'appercevoir que tous ces noms-là sont de peu d'importance, & qu'on en peut inventer suivant les différentes formes que prend la lumiere, sans être plus habile pour cela. Mussch. Essay de Physique.

Ces phénomenes ne paroissent pas souvent dans les pays de l'Europe qui sont un peu éloignés du pole septentrional : mais ils sont à présent fort ordinaires dans les pays du nord. Il est certain, par les observations de MM. Burmann & Celsius, que les aurores boréales fort éclatantes n'avoient jamais été si fréquentes en Suede, qu'elles l'ont été depuis l'an 1716. On ne doit pourtant pas croire qu'il n'y en ait point eu avant ce tems-là, puisque M. Léopold rapporte dans son voyage de Suede, fait en 1707, qu'il avoit vû une de ces aurores dont la clarté étoit fort grande. Cet auteur, après nous avoir donné la description de cette lumiere, cite un passage tiré du xij. chap. de la Description de l'ancien Groenland par Thormodus Torfaeus, qui prouve que l'aurore boréale étoit alors connue ; & on en trouve même dans cet ouvrage une figure tout-à-fait curieuse. Comme ce phénomene étoit assez peu connu & assez rare avant l'an 1716, M. Celsius, habile Astronome, prit alors la résolution de l'observer exactement, & de marquer le nombre de fois qu'il paroîtroit. Quoique cet auteur n'ait commencé à faire des observations qu'après l'an 1716, il n'a pas laissé de trouver que cette lumiere avoit déjà paru 316 fois en Suede, & il a fait un livre où ces observations sont rassemblées : on a aussi vû plusieurs fois ces sortes d'aurores boréales en Angleterre & en Allemagne : elles ont été moins fréquentes en France, & encore moins en Italie ; de sorte qu'elles n'avoient été vûes de presque personne avant l'an 1722, & qu'après ce tems-là, on ne les avoit encore vûes que 2 ou 3 fois à Bologne. Celle qui a paru en 1726, a été la premiere qui ait été observée avec quelque soin en Italie. Comment. Bonon. p. 285. On a commencé à les voir fréquemment en Hollande depuis l'an 1716 ; de sorte que depuis ce tems-là jusqu'à présent, on a pû les y observer peut-être autant qu'on l'avoit fait, en remontant de cette époque au déluge.

On peut distinguer les aurores boréales en deux especes ; savoir en celles qui ont une lumiere douce & tranquille, & celles dont la lumiere est resplendissante : elles ne sont pas toûjours accompagnées des mêmes phénomenes.

On y peut observer plusieurs variations. Voici les principales. Dans la région de l'air qui est directement vers le nord, ou qui s'étend du nord vers l'orient, ou vers l'occident, paroît d'abord une nuée horisontale qui s'éleve de quelques degrés, mais rarement de plus de 40 au-dessus de l'horison. Cette nuée est quelquefois séparée de l'horison, & alors on voit entre-deux le ciel bleu & fort clair. La nuée occupe en longueur une partie de l'horison, quelquefois depuis 5 jusqu'à 100 degrés, & même davantage. La nuée est blanche & brillante ; elle est aussi souvent noire & épaisse. Son bord supérieur est parallele à l'horison, & forme comme une longue traînée éclairée, qui est plus haute en certains endroits, & plus basse en d'autres : elle paroît aussi recourbée en maniere d'arc, ressemblant à un disque orbiculaire qui s'éleve un peu au-dessus de l'horison, & qui a son centre au-dessus. On voit quelquefois une large bande blanche ou luisante qui tient au bord supérieur de la nuée noire. La partie sombre de la nuée se change aussi en une nuée blanche & lumineuse, lorsque l'aurore boréale a brillé pendant quelque tems, & qu'elle a dardé plusieurs verges ardentes & éclatantes. Il part du bord supérieur de la nuée, des rayons sous la forme de jets, qui sont quelquefois en grand, quelquefois en petit nombre, tantôt les uns proches des autres, tantôt à quelques degrés de distance. Ces jets répandent une lumiere fort éclatante, comme si une liqueur ardente & brillante sortoit avec impétuosité d'une seringue. Le jet brille davantage, & a moins de largeur à l'endroit du bord d'où il part ; il se dilate & s'obscurcit à mesure qu'il s'éloigne de son origine. Il s'éleve d'une large ouverture de la nuée une colonne lumineuse comme une fusée, mais dont le mouvement est lent & uniforme, & qui devient plus large en s'avançant. Leurs dimensions & leur durée varient. La lumiere en est blanche, rougeâtre ; ou de couleur de sang, lorsqu'elles avancent, les couleurs changent un peu, & forment une espece d'arc-enciel. Lorsque plusieurs colonnes, parties de divers endroits, se rencontrent au zénith, elles se confondent les unes avec les autres, & forment par leur mêlange une petite nuée fort épaisse, qui se mettant d'abord en feu, brûle avec plus de violence, & répand une lumiere plus forte que ne faisoit auparavant chaque colonne séparément. Cette lumiere devient alors verte, bleue & pourpre ; & quittant sa premiere place, elle se porte vers le sud sous la forme d'un petit nuage clair. Lorsqu'il ne sort plus de colonnes, la nuée ne paroît souvent que comme le crépuscule du matin, & elle se dissipe insensiblement. Voyez un plus grand détail dans Musschenbroeck, essai de Physique, p. 1658. & suiv.

Ce phénomene dure quelquefois toute la nuit ; on le voit même souvent deux ou trois jours de suite. M. Musschenbroeck l'observa plus de dix jours & dix nuits de suite en 1734, & depuis le 22 jusqu'au 31 Mars 1735. La nuée qui sert de matiere à l'aurore boréale, dure souvent plusieurs heures de suite sans qu'on y remarque le moindre changement ; car on ne voit pas alors qu'elle s'éleve au-dessus de l'horison, ou qu'elle descende au-dessous. Quelquefois elle se meut un peu du nord à l'est ou à l'oüest ; quelquefois aussi elle s'étend beaucoup plus loin de chaque côté, c'est-à-dire vers l'est & l'oüest en même tems, & il arrive alors qu'elle darde plusieurs de ces colonnes lumineuses dont nous avons parlé. On l'a aussi vû s'élever au-dessus de l'horison, & se changer entierement en une nuée blanche & lumineuse. Enfin la lumiere naît & disparoît quelquefois en peu de minutes.

Plusieurs philosophes croyent que la matiere de l'aurore boréale est dans notre atmosphere. Ils s'appuient, 1°. sur ce qu'elle paroît le soir sous la forme d'un nuage, qui ne differe pas des autres nuages que nous voyons communément : & ce n'est en effet qu'un nuage placé à la même hauteur que les autres, autant que la vûe en peut juger. On peut l'observer même pendant le jour : il ressemble alors aux nuages à tonnerre, excepté qu'il est moins épais, d'un bleu tirant sur le cendré, & flottant doucement dans l'air. Lorsqu'on voit un pareil nuage au nord, au nord-est, ou au nord-oüest, il paroît sûrement une aurore boréale. 2°. Comme la nuée lumineuse se tient plusieurs heures de suite à la même hauteur au-dessus de l'horison, elle doit nécessairement se mouvoir en même tems que notre atmosphere ; car puisque la terre tourne chaque jour autour de son axe, cette nuée lumineuse devroit paroître s'élever au-dessus de l'horison, & descendre au-dessous, si elle étoit supérieure à l'atmosphere. Cette nuée étant donc emportée en même tems que notre atmosphere, il y a tout lieu de croire qu'elle s'y trouve effectivement. 3°. Il y a plusieurs aurores boréales que l'on ne sauroit voir en même tems de deux endroits peu éloignés l'un de l'autre, ce qui prouve qu'elles ne sont pas toûjours à une hauteur considérable, & qu'elles sont sûrement dans notre atmosphere. Quelques grands Mathématiciens ont entrepris de donner des regles pour déterminer cette hauteur, par la portion de la nuée lumineuse, vûe en un seul endroit. D'autres ont eu recours à la hauteur du phénomene vû en divers endroits à la fois. Mais il n'est pas bien certain si l'aurore boréale, qui a été si commune en 1716, 1726, 1729, 1736, & qui a paru dans la plûpart des endroits de l'Europe, étoit toûjours la même lumiere qui se tenoit & brilloit à la même place ; de sorte qu'on ne sauroit déterminer sûrement la parallaxe ni par conséquent la véritable distance de ce météore, par la hauteur où on l'a vû de divers endroits.

La matiere de l'aurore boréale est de telle nature qu'elle peut s'enflammer, & répandre ensuite une lumiere foible. Cette matiere est alors si raréfiée, qu'on peut toûjours voir les étoiles à-travers ; de sorte que non-seulement les colonnes, mais aussi la nuée blanche, & même la nuée noire, transmettent la lumiere de ces astres. On ne sauroit déterminer avec certitude la nature de cette matiere. La Chimie nous fournit aujourd'hui plusieurs matieres qui peuvent s'enflammer, brûler par la fermentation, & jetter de la lumiere comme le phosphore. Qu'on mêle du tartre avec le régule d'antimoine martial, & qu'on fasse rougir long-tems ce mélange dans un creuset, on en retire une poudre qui s'enflamme lorsqu'on l'expose à un air humide ; & si elle vieillit un peu, elle devient fort brûlante. L'aurore boréale n'est pas une flamme comme celle de notre feu ordinaire : mais elle ressemble au phosphore, qui ne luit pas d'abord, & qui jette ensuite une lumiere foible. Les colonnes que darde la nuée lumineuse, sont comme la poudre du phosphore que l'on souffle dans l'air, ou qu'on y répand en la faisant sortir du cou d'une bouteille ; de sorte que chaque parcelle jette à la vérité une lueur, mais elle ne donne pas de flamme ou de feu rassemblé ; & la lumiere est si foible, qu'on ne peut la voir pendant le jour, ni lorsque nous avons en été le crépuscule du soir qui répand une trop grande clarté. Cette matiere approche donc de la nature du phosphore : mais quoique nous en connoissions peut-être plus de cinquante especes, nous n'oserions cependant assûrer que la nature ne renferme pas dans son sein un plus grand nombre d'especes de matieres semblables, puisque l'art nous en fait tous les jours découvrir des nouvelles. Mussch.

Il est vraisemblable, selon quelques physiciens, que cette matiere tire son origine de quelque région septentrionale de la terre, d'où elle s'éleve & s'évapore dans l'air. Il s'en est évaporé de nos jours une plus grande abondance qu'auparavant ; parce que, disent-ils, cette matiere renfermée dans les entrailles de la terre, s'est détachée & s'est élevée après avoir été mise en mouvement ; de sorte qu'elle peut à présent s'échapper librement par les pores de la terre, au lieu qu'elle étoit auparavant empêchée par les rochers, les voûtes pierreuses, ou par des croûtes de terres compactes & durcies, ou bien parce qu'elle étoit trop profondément enfoncée dans la terre. Ainsi nous ne manquerons point de voir des aurores boréales aussi long-tems que cette matiere se rassemblera, & qu'elle pourra s'élever dans l'air : mais dès qu'elle sera dissipée, ou qu'elle viendra à se recouvrir par quelque nouveau tremblement de terre, on ne verra plus ces aurores, & peut-être cesseront-elles même de paroître entierement pendant plusieurs siecles. On peut expliquer par-là pourquoi l'on n'avoit pas apperçu cette matiere avant l'an 1716, tems auquel on fut tout surpris de la voir subitement se manifester, comme si elle sortoit de la terre en grande quantité. Cette matiere se trouve peut-être répandue en plusieurs endroits de notre globe ; & il y a tout lieu de croire que ces lumieres, dont les anciens Grecs & Romains font mention, & dont ils nous donnent eux-mêmes la description, étoient produites par une matiere semblable qui sortoit de la terre en Italie & dans la Grece. Si ces phénomenes eussent été alors aussi peu fréquens en Italie qu'ils le sont aujourd'hui, ni Pline, ni Seneque, n'en auroient pas parlé, comme nous voyons qu'ils ont fait. Il a paru plusieurs explications de l'aurore boréale : mais il n'y en a peut-être aucune qui soit pleinement satisfaisante. L'ouvrage de M. de Mairan, dans lequel il propose son hypothese sur ce sujet, & rapporte plusieurs phénomenes tout-à-fait curieux, est le plus convenable à ceux qui veulent s'instruire à fond de tout ce qui concerne ce météore. M. de Mairan l'attribue à une atmosphere autour du soleil. Voyez LUMIERE ZODIACALE. Selon lui cette atmosphere s'étend jusqu'à l'orbite terrestre & au-delà, & le choc du pole de la terre contre cette matiere, produit l'aurore boréale. Mais c'est faire tort à son hypothese, que de l'exposer si fort en abregé. Nous ne pouvons mieux faire que de renvoyer nos lecteurs à l'ouvrage même.

Comme les nuées qui forment l'aurore boréale paroissent au nord, il n'est pas difficile de comprendre qu'elles peuvent être poussées par un vent dans notre atmosphere vers l'est, le sud ou l'oüest, où nous pourrons les voir, de sorte que nous devons alors leur donner le nom d'aurores méridionales. M. Musschenbroeck croit avoir apperçû deux de ces lumieres méridionales en 1738. Le savant M. Weidler nous a aussi donné la description d'une semblable lumiere qu'il avoit vûe lui-même entre l'oüest & le sud-oüest le soir du 9 Octobre de l'année 1730, entre 8 1/2 & 9 heures 47'. Elle paroissoit comme un arc blanc & lumineux, élevé de onze degrés au-dessus de l'horison, & dont le diametre étoit de trois degrés. On trouve aussi deux semblables lumieres méridionales dans les Mémoires de l'Academie royale des sciences. Le phénomene que vit le pere Laval à Marseille en 1704, étoit apparemment une lumiere de cette nature ; car il parut dans l'air une poutre lumineuse, poussée de l'est à l'oüest assez lentement : le vent étoit à l'est. A Montpellier on vit le même soir dans l'air deux poutres lumineuses poussées de la même maniere. Concluons toutes ces observations par celle-ci : c'est que cette lumiere ne produit dans notre atmosphere aucun changement dont on puisse être assûré, & qu'elle n'est cause d'aucune maladie, ni du froid qui survient, ni d'un rude hyver, comme quelques savans l'ont crû, puisqu'on a eu des hyvers doux après qu'elle avoit paru. Mussch.

La figure premiere Pl. Phys. représente la fameuse aurore boréale de 1726, telle qu'elle parut à Paris le 19 Octobre 1726 à 8 heures du soir dans tout l'hémisphere septentrional : & la figure 2 en représente une autre vûe à Giessen le 17 Février 1731, dépouillée des rayons & jets de lumiere.

M. de Maupertuis, dans la relation de son voyage au nord, décrit en cette sorte les aurores boréales qui paroissent l'hyver en Laponie. " Si la terre est horrible alors dans ces climats, le ciel présente aux yeux les plus charmans spectacles. Dès que les nuits commencent à être obscures, des feux de mille couleurs & de mille figures éclairent le ciel, & semblent vouloir dédommager cette terre, accoûtumée à être éclairée continuellement, de l'absence du soleil qui la quitte. Ces feux dans ces pays n'ont point de situation constante comme dans nos pays méridionaux. Quoiqu'on voye souvent un arc d'une lumiere fixe vers le nord, ils semblent cependant le plus souvent occuper indifféremment tout le ciel. Ils commencent quelquefois par former une grande écharpe d'une lumiere claire & mobile, qui a ses extrémités dans l'horison, & qui parcourt rapidement les cieux, par un mouvement semblable à celui du filet des pêcheurs, conservant dans ce mouvement assez sensiblement la direction perpendiculaire au méridien. Le plus souvent après ces préludes, toutes ces lumieres viennent se réunir vers le zénith, où elles forment le sommet d'une espece de couronne. Souvent des arcs semblables à ceux que nous voyons en France vers le nord, se trouvent situés vers le midi ; souvent il s'en trouve vers le nord & vers le midi tout ensemble : leurs sommets s'approchent, pendant que leurs extrémités s'éloignent en descendant vers l'horison. J'en ai vû d'ainsi opposés, dont les sommets se touchoient presqu'au zénith ; les uns & les autres ont souvent au-delà plusieurs arcs concentriques. Ils ont tous leurs sommets vers la direction du méridien, avec cependant quelque déclinaison occidentale, qui ne paroît pas toûjours la même, & qui est quelquefois insensible. Quelques-uns de ces arcs, après avoir eu leur plus grande largeur au-dessus de l'horison, se resserrent en s'approchant, & forment au-dessus plus de la moitié d'une grande ellipse. On ne finiroit pas, si l'on vouloit dire toutes les figures que prennent ces lumieres, ni tous les mouvemens qui les agitent. Leur mouvement le plus ordinaire, les fait ressembler à des drapeaux qu'on feroit voltiger dans l'air ; & par les nuances des couleurs dont elles sont teintes, on les prendroit pour de vastes bandes de ces taffetas que nous appellons flambés. Quelquefois elles tapissent d'écarlate quelques endroits du ciel ". M. de Maupertuis vit un jour à Ofwer-Tornea° (c'étoit le 18 Décembre 1736) un spectacle de cette espece, qui attira son admiration, malgré tous ceux auxquels il étoit accoûtumé. On voyoit vers le midi une grande région du ciel teinte d'un rouge si vif, qu'il sembloit que toute la constellation d'Orion fût trempée dans du sang. Cette lumiere fixe d'abord, devint bientôt mobile ; & après avoir pris d'autres couleurs de violet & de bleu, elle forma un dome, dont le sommet étoit peu éloigné du zénith vers le sud-oüest ; le plus beau clair de lune n'effaçoit rien de ce spectacle. M. de Maupertuis ajoûte qu'il n'a vû que deux de ces lumieres rouges, qui sont rares dans ce pays, où il y en a de tant de couleurs, & qu'on les y craint comme le signe de quelque grand malheur. Enfin lorsqu'on voit ces phénomenes, on ne peut s'étonner que ceux qui les regardent avec d'autres yeux que les philosophes, y voyent des chars enflammés, des armées combattantes, & mille autres prodiges.

Le même savant dont nous venons de citer ce passage, a donné dans les Mémoires de l'Académie de 1733, la solution très-élégante d'un problème géométrique sur l'aurore boréale.

M. le Monnier, dans ses Institutions astronomiques, croit que la formation des aurores boréales est dûe à une matiere qui s'exhale de notre terre, & qui s'éleve dans l'atmosphere à une hauteur prodigieuse. Il observe, comme M. de Maupertuis, que dans la Suede il n'y a aucune nuit d'hyver où l'on n'apperçoive parmi les constellations ces aurores, & cela, dans toutes les régions du ciel ; circonstance bien essentielle pour apprétier les explications qu'on peut donner de ce phénomene. Il croit que la matiere des aurores boréales est assez analogue à celle qui forme la queue des cometes. Voyez COMETE.

Presque tout cet article est de M. Formey. (O)

* AURORE, s. f. (Myth.) déesse du Paganisme qui présidoit à la naissance du jour. Elle étoit fille d'Hyperion & d'Aethra, ou Thea, selon quelques-uns ; & selon d'autres, du soleil & de la terre. Homere la couvre d'un grand voile, & lui donne des doigts & des cheveux couleur de rose ; elle verse la rosée, & fait éclorre les fleurs. Elle épousa Persée, dont elle eut pour enfans les vents, les astres, & Lucifer. Tithon fut le second objet de sa tendresse : elle l'enleva, le porta en Ethiopie, l'épousa & en eut deux fils, Emathion & Memnon. Tithon fut rajeuni par Jupiter à la priere de l'Aurore. On peut voir les conditions de cette faveur du pere des dieux, & la courte durée de la seconde vie de Tithon, dans une petite piece de M. de Montcrif, écrite avec beaucoup d'esprit & de legereté. Le jeune Céphale succéda au vieux Tithon entre les bras de la tendre Aurore, qui n'eût jamais été infidele, si Tithon n'eût jamais vieilli. Aurore arracha Céphale à son épouse Procris, & le transporta en Syrie, où elle en eut Phaéton. Apollodore l'accuse encore d'un troisieme rapt, celui du géant Orion. Au reste la théologie des payens justifie tous ces enlevemens ; & il paroît que tous ces plaisirs de l'Aurore n'étoient qu'allégoriques.

AURORE, (Teinture.) jaune doré & éclatant comme celui dont les nuées sont ordinairement colorées au lever du soleil. Pour avoir l'aurore, les Teinturiers alunent & gaudent fortement, & rabattent ensuite avec le raucoux dissous en cendre gravelée. L'aurore doit être aussi garencée ; c'est l'ordonnance de 1669, article 24 du réglement sur les teintures. Voy. TEINTURE.


AURUM MUSICUM(Chim.) c'est de l'étain qu'on a sublimé par le moyen du mercure, & auquel on a donné la couleur d'or par le simple degré de feu qui convient à cette opération. Nul autre métal ne se sublime de même, excepté le zinc qu'on peut substituer à l'étain ; ce qui a fait dire à M. Homberg, que le zinc contient de l'étain.

Pour avoir l'aurum musicum, prenez, dit J. Kunckel, de arte vitrariâ, lib. III. parties égales d'étain, de vif-argent, de soufre, & de sel ammoniac ; faites fondre l'étain sur le feu, & versez-y votre vif-argent, & laissez-les refroidir ensemble ; faites fondre le soufre ensuite, & mêlez-y le sel ammoniac bien pulvérisé, & laissez refroidir de même ; broyez-les ensuite avec soin ; joignez-y l'étain & le vif-argent, que vous y mêlerez bien exactement, & les réduisez en une poudre déliée ; mettez le tout dans un fort matras à long cou, que vous luterez bien par le bas. Observez que les trois quarts du matras doivent demeurer vuides : on bouche le haut avec un couvercle de fer-blanc, qu'on lutera pareillement, & qui doit avoir une ouverture de la grosseur d'un pois, pour pouvoir y faire entrer un clou, afin qu'il n'en sorte point de fumée. Mettez le matras au feu de sable, ou sur les cendres chaudes ; donnez d'abord un feu doux, que vous augmenterez jusqu'à ce que le matras rougisse ; vous ôterez alors le clou pour voir s'il vient encore de la fumée ; s'il n'en vient point, laissez le tout trois ou quatre heures dans une chaleur égale ; vous aurez un très-bon aurum musicum, qui est très-propre à enluminer, à peindre les verres, & à faire du papier doré.

Autre maniere. Prenez une once d'étain bien pur, que vous ferez fondre ; mêlez-y deux gros de bismuth ; broyez-bien le tout sur un porphyre. Prenez ensuite deux gros de soufre & autant de sel ammoniac, que vous broyerez de même ; mettez le tout dans un matras ; du reste observez le procédé indiqué ci-dessus, en prenant bien garde qu'il ne sorte point de fumée.

Maniere de faire l'argentum musicum. Prenez une once & demie de bon étain, que vous ferez fondre dans un creuset ; lorsqu'il sera presque fondu, mettez-y une once & demie de bismuth ; remuez le mêlange avec un fil-de-fer, jusqu'à ce que le bismuth soit entierement fondu ; vous ôterez alors le creuset du feu & laisserez refroidir ; mettez une once & demie de vif-argent dans le mêlange fondu, que vous remuerez-bien ; versez le tout sur une pierre polie, afin que la matiere se fige. Quand on voudra en faire usage, il faudra la délayer avec du blanc d'oeuf ou du vernis blanc, de l'eau-de-vie où l'on aura fait fondre de la gomme arabique. Quand on s'en est servi, on polit l'ouvrage avec une dent de lion.


AUSBOURGville d'Allemagne, capitale du cercle de Soüabe, entre la Werdach & la Lech. Long. 28. 28. lat. 48. 24.

AUSBOURG, (Confession d '-) Théologie, formule ou profession de foi présentée par les Luthériens à l'empereur Charles V. dans la diete tenue à Ausbourg en 1530.

Cette confession avoit été composée par Melanchton, & étoit divisée en deux parties, dont la premiere contenoit 21 articles sur les principaux points de la religion. Nous allons les rapporter sommairement. Dans le premier on reconnoissoit de bonne foi ce que les quatre premiers conciles généraux avoient décidé touchant l'unité d'un Dieu & le mystere de la Trinité. Le second admettoit le péché originel, de même que les Catholiques, excepté que les Luthériens le faisoient consister tout entier dans la concupiscence & dans le défaut de crainte de Dieu & de confiance en sa bonté. Le troisieme ne comprenoit que ce qui est renfermé dans le symbole des apôtres touchant l'incarnation, la vie, la mort, la passion, la résurrection de J. C. & son ascension. Le quatrieme établissoit contre les Pélagiens, que l'homme ne pouvoit être justifié par ses propres forces : mais il prétendoit contre les Catholiques, que la justification se faisoit par la foi seule, à l'exclusion des bonnes oeuvres. Le cinquieme étoit conforme aux sentimens des Catholiques, en ce qu'il disoit que le Saint-Esprit est donné par les sacremens de la loi de grace : mais il différoit d'avec eux en reconnoissant dans la seule foi l'opération du Saint-Esprit. Le sixieme, avoüant que la foi devoit produire de bonnes oeuvres, nioit contre les Catholiques que ces bonnes oeuvres servissent à la justification, prétendant qu'elles n'étoient faites que pour obéir à Dieu. Le septieme vouloit que l'Eglise ne fût composée que des seuls élûs. Le huitieme reconnoissoit la parole de Dieu & les sacremens pour efficaces, quoique ceux qui les conferent soient méchans & hypocrites. Le neuvieme soûtenoit contre les Anabaptistes la nécessité de baptiser les enfans. Le dixieme concernoit la présence réelle du corps & du sang de J. C. dans l'eucharistie, que les Luthériens admettoient. Le onzieme admettoit avec les Catholiques la nécessité de l'absolution pour la rémission des péchés, mais rejettoit celle de la confession. Le douzieme condamnoit les Anabaptistes qui soûtenoient l'inadmissibilité de la justice, & l'erreur des Novatiens sur l'inutilité de la pénitence : mais il nioit contre la foi catholique qu'un pécheur repentant pût mériter par des oeuvres de pénitence la rémission de ses péchés. Le treizieme exigeoit la foi actuelle dans tous ceux qui reçoivent les sacremens, même dans les enfans. Le quatorzieme défendoit d'enseigner publiquement dans l'Eglise, ou d'y administrer les sacremens sans une vocation légitime. Le quinzieme commandoit de garder les fêtes & d'observer les cérémonies. Le seizieme tenoit les ordonnances civiles pour légitimes, approuvoit les magistrats, la propriété des biens, & le mariage. Le dix-septieme reconnoissoit la résurrection, le jugement général, le paradis & l'enfer, & condamnoit les erreurs des Anabaptistes sur la durée finie des peines de l'enfer, & sur le prétendu regne de J. C. mille ans avant le jugement. Le dix-huitieme déclaroit que le libre arbitre ne suffisoit pas pour ce qui regarde le salut. Le dix-neuvieme, qu'encore que Dieu eût créé l'homme & qu'il le conservât, il n'étoit, ni ne pouvoit être, la cause de son péché. Le vingtieme, que les bonnes oeuvres n'étoient pas tout-à-fait inutiles. Le vingt-unieme défendoit d'invoquer les Saints, parce que c'étoit, disoit-il, déroger à la médiation de Jesus Christ.

La seconde partie qui concernoit seulement les cérémonies & les usages de l'Eglise, que les Protestans traitoient d'abus, & qui les avoient obligés, disoient-ils, à s'en séparer, étoit comprise en sept articles. Le premier admettoit la communion sous les deux especes, & défendoit les processions du saint Sacrement. Le second condamnoit le célibat des prêtres, religieux, religieuses, &c. Le troisieme excusoit l'abolition des messes basses, ou vouloit qu'on les célébrât en langue vulgaire. Le quatrieme exigeoit qu'on déchargeât les fideles du soin de confesser leurs péchés, ou du moins d'en faire une énumération exacte & circonstanciée. Le cinquieme combattoit les jeûnes & la vie monastique. Le sixieme improuvoit ouvertement les voeux monastiques. Le septieme enfin établissoit entre la puissance ecclésiastique & la puissance séculiere, une distinction qui alloit à ôter aux ecclésiastiques toute puissance temporelle.

Telle fut la fameuse profession de foi des Luthériens qui ne la soûtinrent pas dans tous ses points, tels que nous venons de la rapporter ; mais qui l'altérerent & varierent dans plusieurs, selon les conjonctures & les nouveaux systèmes que prirent leurs docteurs sur les différens points de doctrine qu'ils avoient d'abord arrêtés. En effet, elle avoit été publiée en tant de manieres, & avec des différences si considérables à Wirtemberg & ailleurs, sous les yeux de Melanchton & de Luther ; que quand, en 1561, les Protestans s'assemblerent à Naümbourg pour en donner une édition authentique, ils déclarerent en même tems que celle qu'ils choisissoient n'improuvoit pas les autres, & particulierement celle de Wirtemberg, faite en 1540. Les autres sacramentaires croyoient même y trouver tout ce qui les favorisoit. C'est pourquoi les Zuingliens, dit M. Bossuet, l'appelloient malignement la boîte de Pandore, d'où sortoit le bien & le mal ; la pomme de discorde entre les déesses ; un grand & vaste manteau où Satan se pouvoit cacher aussi-bien que Jesus-Christ. Ces équivoques & ces obscurités, où tout le monde pensoit trouver son compte, prouvent que la confession d'Ausbourg étoit une piece mal conçûe, mal digérée, dont les parties se démentoient & ne composoient pas un système bien uniforme de religion ; Calvin feignoit de la recevoir pour appuyer son parti naissant ; mais dans le fond il en portoit un jugement peu favorable. Voyez M. Bossuet, hist. des Variat. tom. II. pag. 394. & tom. I. pag. 59. hist. ecclés. pour servir de continuation à celle de M. Fleury, tome XXVII. liv. CXXXIII. pag. 144. & suiv. (G)


AUSE(Géog.) riviere de France, en Auvergne, où elle a sa source ; elle passe à S. Anthem, à Pont-Château, à Marignac ; reçoit le Joro, l'Artier, &c. & se joint à l'Allier.


AUSENS. m. (Hist. mod.) nom que les Goths donnoient à leurs généraux ; il signifioit demi-dieu, ou plus qu'homme ; & on ne l'obtenoit que par des victoires.


AUSESS. m. pl. (Géog. & Hist. anc.) peuples d'Afrique, dont Hérodote fait mention liv. VIII. Il dit qu'ils avoient presque tous le visage couvert de leurs cheveux ; que leurs filles armées de pierres & de bâtons, combattoient entr'elles une fois l'an, en l'honneur de Minerve ; que celles qui restoient vaincues, ou qui perdoient la vie dans le combat, passoient pour avoir perdu leur virginité, & qu'on promenoit sur un char les victorieuses, autour du lac Tritonnien.


AUSITIDE(Géog. sainte.) ou terre de Hus, dans l'Arabie heureuse ; les uns prétendent que ce fut-là que la patience de Job fut mise à l'épreuve ; d'autres que ce fut dans l'Arabie deserte près de la Chaldée.


AUSPICES. m. (Hist. anc.) espece d'augure chez les anciens ou de divination par le chant & le vol des oiseaux. Pline en attribue l'origine à Tirésias qui apprit à considérer le vol des oiseaux : ainsi auspice venoit ab avium aspectu, & l'on appelloit auspex, celui qui prenoit l'auspice par le vol des oiseaux. Les oiseaux de présage les plus considérables étoient le corbeau, la corneille, le hibou, l'aigle, le milan, & le vautour : on les appelloit aves oscines quand on examinoit leur chant & leur maniere de manger, & aves praepetes quand on n'observoit que leur vol. Horace a dit du premier,

Oscinem corvum, prece suscitabo

Solis ab ortu.

Les auspices avoient certains mots consacrés ; par exemple, alio die, à un autre jour, quand ils vouloient dire qu'on remît l'entreprise projettée ; vitium, quand le tonnerre grondoit ; vitium & calamitas, quand le tonnerre grondoit & tomboit accompagné de grêle. Ces mots, addixit avis, l'oiseau l'a promis, signifioient un heureux succès ; & ceux-ci, cornix vel corvus fecit rectum, l'oiseau l'a fait bon, donnoient une espérance favorable. Les auspices ou augures, pour marque de leur dignité, portoient un bâton sans noeuds & courbé par le haut, nommé en Latin lituus. Voyez AUGURES.

Servius distingue l'auspice de l'augure, & prétend que l'auspice est la considération de tous les signes propres à la divination, & l'augure celle de quelques signes seulement. Il ajoûte que de ces deux fonctions, la premiere s'exerçoit en tout lieu, mais que la seconde n'étoit permise à personne hors de son pays natal : Aruspicari cuivis etiam peregrè licet ; augurium agere, nisi in patriis sedibus, non licet. Il est certain que les consuls, les généraux, & tous ceux qui tiroient des présages hors de Rome, étoient proprement dits auspicari ; cependant l'usage a prévalu contre cette observation. (G)


AUSSIERE(Marine.) Voyez HANSIERE.

AUSSIERES, terme de Corderie, sont des cordages simples qui n'ont été commis qu'une fois, & qui sont composés de deux fils ou plus, ou de plusieurs faisceaux ou torons.

Les aussieres de deux fils se nomment bitord. Voyez BITORD.

Celles des trois fils sont appellés du merlin. Voyez MERLIN.

Les aussieres composées de plusieurs faisceaux ou torons, se nomment aussieres à trois, quatre torons, &c. Voyez TORON.

Maniere de fabriquer les aussieres à trois torons. Lorsque les torons ont été suffisamment tors, le maître cordier fait ôter la clavette de la manivelle qui est au milieu du quarré ; il en détache le toron qui y correspond, & le fait tenir bien solidement par plusieurs ouvriers, afin qu'il ne se détorde pas : sur le champ on ôte la manivelle, & dans le trou du quarré où étoit cette manivelle, on en place une autre plus grande & plus forte, à laquelle on attache non-seulement le toron du milieu, mais encore les deux autres, de telle sorte que les trois torons se trouvent réunis à cette seule manivelle qui tient lieu de l'émerillon, dont on parlera dans l'article du BITORD.

Comme il faut beaucoup de force élastique pour ployer, ou plûtôt rouler les uns sur les autres des torons qui ont une certaine grosseur, il faudroit tordre extrèmement les torons, pour qu'ils pussent se commettre d'eux-mêmes, s'ils étoient simplement attachés à un émerillon ; c'est pour cela qu'au lieu d'un émerillon, on employe une grande manivelle qu'un ou deux hommes font tourner, pour concourir avec l'effort que les torons font pour se commettre. Ainsi au moyen des manivelles, il suffit que les torons ayent assez de force élastique pour ne point se séparer, quand ils auront été une fois commis ; au lieu qu'il en faudroit une énorme pour obliger des torons un peu gros à se rouler les uns sur les autres par le secours du seul émerillon.

Les torons bien disposés, on les frotte avec un peu de suif ou de savon, pour que le toupin coule mieux ; ensuite on place le toupin dans l'angle de réunion des trois torons.

On approche le chariot du toupin le plus près du carré qu'il est possible, on conduit le toupin à bras jusqu'à ce qu'il soit arrivé jusqu'au chariot, où on l'attache fortement au moyen d'une traverse de bois ; alors toutes les manivelles tournent, tant celle du quarré, que les trois du chantier. Le chariot avance, la corde se commet, les torons se raccourcissent, & le carré se rapproche de l'attelier petit-à-petit.

Quand les cordages sont longs, la grande manivelle du quarré ne pourroit pas communiquer son effet d'un bout à l'autre de la piece ; on y remédie en distribuant derriere le toupin un nombre d'ouvriers, qui, à l'aide des manivelles, travaillent de concert avec ceux de la manivelle du quarré, à commettre la corde.

Quand le cordage est commis entierement, on en lie fortement les extrémités avec de la ficelle, tant auprès du toupin, qu'auprès de la manivelle du quarré, afin que les torons ne se séparent pas les uns des autres. Ensuite on le détache des palombes & de la manivelle, & on le porte sur des chevalets, afin de le laisser rasseoir, c'est-à-dire, afin que les fils prennent le fil qu'on leur a donné en les commettant ; & quelque tems après on roue le cordage. Voyez ROUER.

AUSSIERES à quatre torons, est une sorte de cordage composé de quatre cordons, dont chacun est un toron ou faisceau de fils tortillés ensemble, & qui tous les quatre sont commis ensemble.

Elles se fabriquent de la même maniere que celles à trois torons, à l'exception que quand la corde est ourdie, ou du moins les fils étendus, on les divise en quatre parties égales pour en former les quatre torons ; au lieu que dans les aussieres à trois torons, on ne les divise qu'en trois. Le toupin dont on se sert pour les aussieres à quatre torons, doit avoir quatre rainures pour assujettir les quatre torons.

La plûpart des Cordiers sont dans l'usage de mettre une meche dans les aussieres à quatre torons. (Voyez MECHE.) Dans ce cas, il faut que le toupin dont on se sert soit percé dans toute sa longueur par le milieu, de maniere que la meche puisse glisser librement par le trou : mais les bons ouvriers fabriquent les aussieres à quatre torons sans y mettre de meche. L'un & l'autre usage ne laisse pas que d'avoir des inconvéniens : dans le premier cas, il se fait une consommation inutile de matiere, car la meche ne sert qu'à remplir le vuide qui se trouve nécessairement entre les torons : mais comme cette meche, qui n'est qu'un faisceau de fils simplement tortillés, se trouve avoir plus de tension que les torons, elle se casse au moindre effort ; cette méthode a encore un inconvénient qui est que le cordage en est bien plus pesant ; & par conséquent, il n'est pas si aisé de s'en servir : enfin il en résulte un troisieme défaut dans le cordage ; c'est que l'humidité pénétrant dans le corps de la corde, s'y entretient par le moyen de la meche dont le chanvre s'échauffe, se corrompt & pourrit le reste du cordage. Il n'y a qu'un inconvénient à éviter quand on fabrique des aussieres à quatre torons sans meche ; c'est d'empêcher qu'aucun des torons ne s'approche du centre de la corde, & ne remplisse le vuide qui doit y être ; dans ce cas, outre que la corde ne seroit point unie, mais raboteuse (ce qui pourroit l'empêcher de passer librement par les poulies) les quatre torons se trouveroient tendus inégalement, & par conséquent, ils ne pourroient pas avoir autant de force pour résister aux poids : cet inconvénient n'est pas facile à vaincre, & il faut qu'un ouvrier soit habile pour en venir à bout : pour cet effet, il passe dans le trou qui traverse le toupin une cheville qui entre un peu dans le cordage pendant qu'il se commet, & autour de laquelle les quatre torons se roulent.

Les aussieres à cinq & à six torons ne peuvent pas absolument être fabriquées sans meche : mais quelle doit être la grosseur des meches dans les aussieres à quatre, cinq & six torons ? Voyez MECHE.

M. Duhamel prétend qu'il est avantageux de multiplier les torons des aussieres : 1°. parce qu'il faut moins de force élastique pour commettre de petits torons, que pour en commettre de gros : 2°. plus les torons sont menus, moins il y a de différence entre la tension des fils qui se trouvent au milieu, & celle des fils qui se trouvent à la circonférence ; d'où il conclud que de deux aussieres de même grosseur, mais d'un nombre inégal de torons, celle-là est la plus forte, qui est faite de plus de torons.

AUSSIERES en queue de rat, terme de Corderie ; c'est une aussiere dont un des bouts est une fois plus gros que l'autre.

Maniere d'ourdir les aussieres en queue de rat. Comme ces cordages sont une fois plus gros par un bout que par l'autre, on commence par étendre ce qu'il faut de fils pour faire la grosseur du petit bout, ou la moitié de la grosseur du gros bout ; on divise cette quantité de fils en trois parties, si l'on veut faire une queue de rat à trois torons ; & en quatre, si l'on veut en avoir une à quatre : donnons-en un exemple.

Si l'on se propose de faire une queue de rat à trois torons de 9 pouces de grosseur au gros bout, sachant qu'il faut 384 fils pour une aussiere de cette grosseur, je divise en deux cette quantité de fils pour avoir la grosseur de la queue de rat au petit bout, & j'étends 192 fils de la longueur de la piece, mettant en outre ce qu'il faut pour le raccourcissement des fils.

On apperçoit que chaque piece de cordage doit faire sa manoeuvre, c'est-à-dire, que chaque piece ne doit pas avoir plus de longueur que la manoeuvre qu'elle doit faire ; car s'il falloit couper un cordage en queue de rat, on l'affoibliroit beaucoup en la coupant par le gros bout, & elle deviendroit trop grosse si l'on retranchoit du petit bout.

Si donc on veut une aussiere en queue de rat de 32 brasses de longueur, j'étends mes 192 fils à 48 brasses, si je me propose de la commettre au tiers, & à 43 brasses, si je veux la commettre au quart ; ensuite je divise les 192 fils en trois pour faire une aussiere à trois torons, ou en quatre pour en faire une à quatre torons ; jusque-là on suit la même regle que pour faire une aussiere à l'ordinaire : mais pour ourdir les 192 fils restans, il faut allonger seulement quatre fils assez pour qu'ils soient à un pié de distance du quarré ; & au moyen d'une gance, on en attache un à chacun des torons : voilà déjà l'aussiere diminuée de quatre fils. On étend de même quatre autres fils qu'on attache encore avec des gances à un pié de ceux dont nous venons de parler, & la corde se trouve diminuée de huit fils : en répétant 48 fois cette opération, chaque toron se trouve grossi de 48 fils ; & ces 192 fils étant joints aux 192 qu'on avoit étendus en premier lieu, la corde se trouve être formée au gros bout de 384 fils, que nous avons supposés qu'il falloit pour faire une aussiere de neuf pouces de grosseur à ce bout. Suivant cette pratique l'aussiere en question conserveroit neuf pouces de grosseur jusqu'aux quatre cinquiemes de sa longueur, & ne diminueroit que dans la longueur d'un cinquieme. Si un maître d'équipage vouloit que la diminution s'étendît aux deux cinquiemes, le Cordier n'auroit qu'à raccourcir chaque fil de deux piés au lieu d'un, &c. car il est évident que la queue de rat s'étendra d'autant plus avant dans la piece, qu'on mettra plus de distance d'une gance à une autre : si on jugeoit plus à propos que la diminution de grosseur de la queue de rat ne fût pas uniforme, on le pourroit faire en augmentant la distance d'une gance à une autre mesure qu'on approche du quarré. Voilà tout ce qu'on peut dire sur la maniere d'ourdir ces sortes de cordages : il faut parler maintenant de la façon de les commettre.

Maniere de commettre les aussieres en queue de rat. Quand les fils sont bien ourdis, quand les fils qui sont arrêtés par des gances sont aussi tendus que les autres, on démare le quarré : mais comme les torons sont plus gros du côté du chantier, que du côté du quarré, ils doivent se tordre plus difficilement au bout où ils sont plus gros ; c'est pour cette raison & afin que le tortillement se repartisse plus uniformément, qu'en tordant les torons, on ne fait virer que les manivelles du chantier, sans donner aucun tortillement du côté du quarré.

Quand les torons sont suffisamment tortillés, quand ils sont raccourcis d'une quantité convenable, on les réunit tous à l'ordinaire à une seule manivelle qui est au milieu de la traverse du quarré, on place le toupin, dont les rainures doivent être assez ouvertes pour recevoir les gros bouts des torons, & on acheve de commettre la piece à l'ordinaire, ayant grande attention que le toupin courre bien ; car comme l'augmentation de grosseur du cordage fait obstacle à sa marche, & comme la grosseur du cordage du côté du quarré est beaucoup moindre qu'à l'autre bout, il arrive souvent, sur-tout quand on commet ces cordages au tiers, qu'ils rompent auprès du quarré. M. Duhamel, Traité de la Corderie.


AUSTEREsévere, rude (Grammaire.) L'austérité est dans les moeurs ; la sévérité dans les principes ; & la rudesse dans la conduite. La vie des anciens anachoretes étoit austere ; la morale des apôtres étoit sévere, mais leur abord n'avoit rien de rude. La mollesse est opposée à l'austérité ; le relâchement à la sévérité ; & l'affabilité à la rudesse.

AUSTERE, se dit encore d'un Peintre chez qui l'attention de ne se permettre aucune licence dégénere en vice. Ses tableaux sont froids & arides. (R)


AUSTRALaustralis, méridional, adj. m. ce mot vient d'auster, vent du midi. Voyez VENT, MIDI, MERIDIONAL.

Les signes austraux sont les six derniers du zodiaque ; on les nomme ainsi, parce qu'ils sont au midi de la ligne équinoctiale. Voyez SIGNE.

On dit de même pole austral, hémisphere austral, pour pole méridional, hémisphere méridional, &c. (O)


AUSTRASIES. f. (Histoire & Géographie.) Il est difficile de fixer les limites de l'ancien royaume d'Austrasie. Il comprenoit, à ce qu'on dit, l'espace de terre contenu entre le Rhin, l'Escaut, la Meuse, & les monts de Vosge. On y ajoûte la province que nous appellons aujourd'hui Lorraine, & que les Latins nomment quelquefois Austrasie, l'ancienne France & les contrées conquises au-delà du Rhin. Thierri I. fut le premier roi d'Austrasie. Clotaire, dit le vieux, la réunit à la couronne ; elle en fut séparée après sa mort, & Sigebert son fils la posséda. Elle fut réunie à la couronne pour la seconde fois, sous Clotaire II. qui l'en sépara lui-même en faveur d'un de ses fils naturels appellé Sigebert second. On croit que Dagobert, fils de Sigebert, lui succéda en Austrasie, & qu'après Dagobert l'Austrasie fut réunie à la couronne pour la troisieme fois : ce qu'il y a de sûr, c'est qu'elle n'eut plus de roi. Le royaume d'Austrasie s'appelloit aussi le royaume de Metz, & ses villes principales étoient Blamont, Amance, Bar-le-Duc, Dieuze, Espinal, Pont-à-Mousson, Charmes, Metz, Mirecourt, Nanci, Toul, Verdun, Neuf-Château, Raon, Remiremont, Vaudemont.


AUSTREGUESS. m. pl. (Hist. mod.) nom qu'on donne en Allemagne à des juges ou arbitres devant lesquels les électeurs, princes, comtes, prélats & la noblesse immédiate, ont droit de porter certaines causes.

Ce nom vient de l'Allemand, austragen, qui veut dire accorder, parce que la fonction de ces juges est de pacifier les différends ; ce sont proprement des arbitres, à cela près que les arbitres sont autorisés par le droit naturel, au lieu que la jurisdiction des austregues est fondée sur des constitutions de l'Empire, quoique dans le fond leurs sentences ne soient qu'arbitrales.

Lorsqu'un électeur ou prince a différend avec un autre, soit prince, soit electeur, & qu'il lui a fait signifier sa demande, le défendeur lui dénomme dans le mois quatre électeurs ou princes, moitié ecclésiastiques & moitié séculiers, & le somme d'en agréer un pour juge, ce que le demandeur est obligé de faire dans le mois suivant. Ce juge, qu'on nomme austregue, instruit le procès, le décide ; & la partie qui ne veut pas s'en tenir à son jugement, en appelle directement à la chambre impériale.

Ceux qui veulent terminer leurs différends par la voie des austregues, ont deux moyens pour y parvenir : l'un, en faisant nommer d'autorité par l'empereur, à la requisition du demandeur, un commissaire impérial, qui doit toûjours être un prince de l'Empire, que le défendeur ne peut récuser ; l'autre, en faisant proposer par le demandeur trois électeurs dont le défendeur est obligé d'en choisir un dans un certain tems pour être leur juge ; & ce juge ou commissaire impérial instruit le procès & le décide avec les officiers & jurisconsultes de sa propre justice.

Dans cette jurisdiction d'austregues, les parties ne plaident que par production, & il ne leur est permis d'écrire que trois fois, & défendu de multiplier les pieces, quand même elles en appelleroient à la chambre impériale.

Tous les membres de l'Empire n'ont pas indifféremment le droit d'austregues, ou de nommer des arbitres autorisés par l'Empire ; c'est à-peu-près la même chose que ce que nous appellons en France droit de committimus, dont il n'y a que certaines personnes qui soient gratifiées. Voyez COMMITTIMUS.

Il faut encore remarquer que les austregues ne prennent point connoissance des grandes affaires, telles que les procès où il s'agit des grands fiefs de l'Empire, de l'immédiateté des états, de la liberté des villes impériales & autres causes qui vont directement à l'empereur, au même à la diete de l'Empire. Heis. Hist. de l'Emp. tom. III. (G)


AUSWISTERN en Allemand, mine dépérissante en François, Weed en Anglois, sont termes usités chez ces nations parmi ceux qui travaillent aux mines des métaux, pour dire une veine de mine de métal fin qui dégénere en une mauvaise marcassite ; ce qui est conforme au sentiment de ceux qui croyent que les minéraux croissent & périssent comme font les végétaux & les animaux. Voyez MINE, VEINE, MÉTAL, MARCASSITE, MINERAL. (M)


AUTAN-KELURAN(Géog.) ville du Turquestan. Long. 110 d. & lat. 46. 45. selon Uluhbeg ; & long. 116. & lat. 45. selon Nassiredden.


AUTELS. m. (Hist. anc. mod. & Théol.) espece de table de bois, de pierre ou de métal, élevée de quelques piés au-dessus de terre, sur laquelle on sacrifie à quelque divinité. Voyez SACRIFICE.

Les Juifs avoient un autel d'airain pour les holocaustes, & un d'or sur lequel ils brûloient l'encens. Voyez TABERNACLE, &c.

Chez les Romains l'autel étoit une espece de piédestal quarré, rond, ou triangulaire, orné de sculpture, de bas-reliefs & d'inscriptions, sur lequel ils brûloient des victimes qu'ils sacrifioient aux idoles. Voyez VICTIME.

Servius nous apprend que les autels des dieux célestes & supérieurs étoient exhaussés & construits sur quelqu'édifice relevé ; & que ce fut pour cela qu'on les appella altaria, composé de alta & ara, qui signifient autel élevé. Ceux qu'on destinoit aux dieux terrestres étoient posés à rase terre, & on les appelloit arae ; & pour les dieux infernaux, on fouilloit la terre, & on y faisoit des fosses qu'on appelloit , scrobiculi.

Mais cette distinction ne paroît pas suivie. Les meilleurs auteurs se servent fréquemment d'ara, comme d'un terme générique sous lequel ils comprennent également les autels des dieux célestes, terrestres & infernaux : témoin Virgile, Eclog. V.

En quatuor aras,

où assûrément altaria est bien compris dans arae ; car il est question entr'autres de Phoebus, qui étoit un dieu céleste. De même Cicéron, pro Quint. Aras delubraque Hecates in Graeciâ vidimus.

Les Grecs distinguoient aussi deux sortes d'autels ; l'un sur lequel ils sacrifioient aux dieux, qu'ils appelloient , & qui étoit un véritable autel : l'autre, sur lequel ils sacrifioient aux héros, qui étoit plus petit, & qu'ils appelloient . Pollux fait cette distinction des deux sortes d'autels usités chez les Grecs, dans son Onomasticon : il ajoûte cependant que quelquefois les poëtes employoient le mot , pour exprimer l'autel sur lequel on sacrifioit aux dieux. Les Septante employent aussi le mot , pour un autel bas, qu'on pourroit exprimer en latin par craticula, attendu que c'étoit plûtôt une espece d'âtre ou foyer qu'un autel.

Varron dit qu'au commencement les autels étoient portatifs, & consistoient en un trépié sur lequel on mettoit du feu pour bruler la victime. Les autels étoient communément dans les temples ; cependant il y en avoit de placés en plein air, soit devant la porte des temples, soit dans le péristyle des palais des princes. Dans les grands temples de l'ancienne Rome il y avoit ordinairement trois autels : le premier étoit dans le sanctuaire, & au pié de la statue du dieu ; on brûloit l'encens, les parfums, & l'on y faisoit les libations : le second étoit devant la porte du temple, & on y offroit les sacrifices : le troisieme étoit un autel portatif, nommé anclabris, sur lequel on posoit les offrandes & les vases sacrés. On juroit par les autels & sur les autels ; & ils servoient d'asyle aux malheureux. Lorsque la foudre tomboit en quelque lieu, on y élevoit un autel en l'honneur du dieu qui l'avoit lancée : Deo fulguratori aram & locum hunc religiosum ex aruspicum sententiâ, Quint. Pub. Front posuit, dit une ancienne inscription. On en élevoit aussi pour conserver la mémoire des grands évenemens, comme il paroît par divers endroits de l'Ecriture.

Les Juifs donnoient aussi le nom d'autels à des especes de tables qu'ils dressoient au milieu de la campagne, pour sacrifier à Dieu. C'est de ces autels qu'il faut entendre plusieurs passages où on lit : En cet endroit il édifia un autel au Seigneur.

Il faut pourtant observer que ces autels ainsi dressés en plaines campagne pour sacrifier, n'ont été permis que dans la loi de nature ; car dans celle de Moyse il ne devoit y avoir pour tout le peuple d'Israël qu'un autel pour offrir des victimes ; & c'étoit celui des holocaustes qui étoit d'abord dans le tabernacle, aussi bien que l'autel des parfums : car on lit au chap. xxij. du livre de Josué, que les tribus de Ruben, de Gad, & la demi-tribu de Manassé qui en dresserent d'autres, furent obligées de se disculper, en remontrant qu'elles ne les avoient pas érigés pour sacrifier, mais seulement pour servir de monument. Il y eut dans le temple de Salomon, comme dans le tabernacle, deux autels, l'un pour les holocaustes, & l'autre pour les parfums. C'étoit violer la loi dans un point capital, que d'offrir des sacrifices en tout autre endroit : aussi les autels que Jéroboam érigea à Samarie, & ceux que les Juifs, à l'exemple de quelques-uns de leurs rois, éleverent sur les hauts lieux, furent en abomination aux yeux de Dieu.

Autel, parmi les Chrétiens, se dit d'une table quarrée, placée ordinairement à l'orient de l'église, pour y célébrer la messe. Voyez EUCHARISTIE.

L'autel des Chrétiens ne ressemble pour sa construction, ni à ceux des Payens, ni à ceux des Juifs : mais il est fait comme une table, parce que l'Eucharistie fut instituée par J. C. à un souper, & sur une table : ainsi on pourroit l'appeller, comme on fait en effet en quelques endroits, table de communion. Voyez COMMUNION.

Ce n'est pas que le nom d'autel n'y convienne aussi ; car l'Eucharistie étant véritablement un sacrifice, la table sacrée sur laquelle se consomme ce mystere est bien aussi véritablement un autel. Voyez MESSE.

Dans la primitive Eglise les autels n'étoient que de bois, & se transportoient souvent d'une place à une autre : mais un concile de Paris de l'an 509 défendit de construire à l'avenir des autels d'autre matiere que de pierre.

Dans les premiers siecles il n'y avoit qu'un seul autel dans chaque église : mais le nombre en augmenta bien-tôt ; & nous apprenons de saint Grégoire le grand, qui vivoit dans le sixieme siecle, que de son tems il y en avoit douze & quinze dans certaines églises. A la cathédrale de Magdebourg il y en a quarante-neuf.

L'autel n'est quelquefois soûtenu que par une seule colonne, comme dans les chapelles soûterraines de sainte Cécile à Rome, & ailleurs : quelquefois il l'est par quatre colonnes, comme l'autel de S. Sébastien, in Crypta arenaria : mais la méthode la plus ordinaire est de poser la table d'autel sur un massif de pierre.

Ces autels ressemblent en quelque chose à des tombeaux : & en effet nous lisons dans l'histoire de l'Eglise, que les premiers Chrétiens tenoient souvent leurs assemblées aux tombeaux des martyrs, & y célébroient les saints mysteres. C'est de-là qu'est venu l'usage qui s'observe encore à présent, de ne point bâtir d'autel sans mettre dessous quelque relique de saint. Voyez RELIQUE, SAINT, CIMETIERE.

L'usage de la consécration des autels est assez ancien, & la cérémonie en est réservée aux évêques. Depuis qu'il n'a plus été permis d'offrir que sur des autels consacrés, on a fait des autels portatifs, pour s'en servir dans les lieux où il n'y avoit point d'autels consacrés. Hincmar & Bede en font mention. Les Grecs se servent à la place d'autels de linges benis, qu'ils nomment , c'est-à-dire qui tiennent lieu d'autel.

AUTEL de prothese, altare prothesis, est un petit autel préparatoire sur lequel les Grecs bénissent le pain avant que de le porter au grand autel ; où se fait tout le reste de la célébration.

Cet autel a beaucoup de rapport avec ce que nous appellons dans nos églises crédence.

Le pere Goar prétend que cette table de prothese étoit anciennement dans la sacristie, ou le vestiaire ; & son sentiment paroît appuyé par quelques manuscrits Grecs, où en effet le mot sacristie est employé au lieu de celui de prothese Voyez SACRISTIE.

Autel se trouve aussi employé dans l'Histoire ecclésiastique, pour signifier les oblations ou les revenus casuels de l'église. Voyez OBLATION.

Dans les premiers tems on mettoit une distinction entre l'église & l'autel : on appelloit l'église, les dixmes & autres revenus fixes ; & l'autel, les revenus casuels. Voyez DIXME.

On dit même encore en ce sens que le prêtre doit vivre de l'autel ; ce qui signifie qu'il est juste que se devoüant tout entier au service de Dieu, il puisse être sans inquiétude sur les besoins de la vie. (G)

AUTEL, s. m. (Astron. & Myth.) c'est une constellation méridionale composée de sept étoiles, &, selon quelques auteurs, d'un plus grand nombre ; car il y en a qui en comptent huit, comme Bayer ; & d'autres veulent qu'elle soit formée de douze étoiles. Suivant la fiction des poëtes elle est l'autel sur lequel les dieux prêterent serment de fidélité à Jupiter avant la guerre contre les Titans, & que ce dieu mit entre les astres après sa victoire ; ou bien l'autel sur lequel Chiron le centaure immola un loup, dont la constellation est dans le ciel proche de cet autel. Voyez LOUP. (O)


AUTEURS. m. (Belles Lett.) dans le sens propre signifie celui qui crée ou qui produit quelque chose. Ce nom convient éminemment à Dieu, comme cause premiere de tous les êtres ; aussi l'appelle-t-on l'Auteur du monde, l'Auteur de l'univers, l'Auteur de la nature. Voyez CAUSE, DIEU, NATURE.

Ce mot est latin, & dérivé, selon quelques-uns, d'auctus, participe d'augeo, j'accrois. D'autres le tirent du grec , soi-même, parce que l'auteur de quelque chose que ce soit est censé la produire par lui-même.

On employe souvent le mot d'auteur dans le même sens qu'inventeur. Polydore Virgile a composé huit livres sur les auteurs ou inventeurs des choses. On dit qu'Otto de Guericke est auteur de la machine pneumatique : on regarde Pythagore comme l'auteur du dogme de la métempsycose : mais il est probable qu'il l'avoit emprunté des Gymnosophistes, avec lesquels il conversa dans ses voyages. Voyez INVENTEUR, METEMPSYCOSE.

AUTEUR, en termes de Littérature, est une personne qui a composé quelqu'ouvrage. On le dit également des personnes du sexe comme des hommes. Mesdames Dacier & Deshoulieres tiennent rang parmi les bons auteurs.

On distingue les auteurs en sacrés & profanes, anciens & modernes, connus & anonymes, Grecs & Latins, François, Anglois, &c. on les divise encore, relativement aux divers genres qu'ils on traités, en Théologiens, Philosophes, Orateurs, Historiens, Poëtes, Grammairiens, Philologues, &c. On accuse les auteurs Latins d'avoir pillé les Grecs, & plusieurs modernes de n'être que l'écho des anciens. Voyez SACRE, PROFANE, ANCIEN, MODERNE, &c.

Un auteur original est celui qui traitant le premier quelque sujet, n'a point eu de modele, soit dans la matiere, soit dans la méthode. Ainsi M. de Fontenelle est un auteur original dans ses Mondes, & ne l'est pas dans ses Dialogues des morts. Pour peu qu'on soit versé dans la Littérature, on rencontre peu d'auteurs originaux : les derniers laissent toûjours échapper quelques traits qui décelent ce qu'ils ont emprunté de leurs prédécesseurs. (G)

AUTEUR, en Droit, est celui de qui un propriétaire tient la chose qu'il possede : il est garant de cette chose ; & si celui qui la tient de lui est troublé dans sa possession, il peut appeller son auteur en garantie. Si l'auteur avoit commencé à prescrire la chose qu'il a transportée depuis, le nouvel acquéreur qui prescrit aussi du moment qu'il a commencé à posséder, peut joindre, s'il le veut, la prescription de son auteur à la sienne : mais s'il juge que la possession de son auteur étant vicieuse, ne pouvoit pas lui acquérir la prescription, il peut y renoncer, & prescrire lui-même de son chef.

AUTEUR, en terme de Pratique, est celui au nom de qui un procureur agit : on l'appelle ainsi, parce que c'est par son autorité que le procureur agit. Tout ce que fait le procureur en vertu de sa procuration, oblige son auteur autant que s'il l'avoit fait lui-même ; car le procureur représente son auteur. (H)


AUTHENTIQUEadj. (Grammaire.) une chose d'autorité reçûe : quelquefois ce mot signifie solemnel, célebre, revêtu de toutes ses formes, attesté par des personnes qui font régulierement foi. C'est dans ce sens que nous disons : les vérités de la religion Chrétienne sont fondées sur des témoignages authentiques : actes, papiers authentiques, &c.

La noblesse, & les personnes d'un rang distingué, avoient autrefois le privilége d'être appellées authentiques, parce qu'on les présumoit plus dignes de foi que les autres.

On appelle, en style de Pratique, authentique, le sceau d'une justice subalterne & non royale. Les actes passés sous scel authentique, n'emportent point hypotheque hors de la jurisdiction dans laquelle ils sont passés. Voyez SCEAU. (H)

AUTHENTIQUE, adj. neut. ton authentique, terme de musique. Quand l'octave se trouve divisée arithmétiquement selon les nombres 2, 3, 4, c'est-à-dire quand la quinte est au grave & la quarte à l'aigu, le mode ou ton s'appelle authentique, à la différence du ton plagal où l'octave est divisée harmoniquement par les nombres 3, 4, 6 ; ce qui met la quarte au grave & la quinte à l'aigu. Ces différences ne s'observent plus que dans le plein-chant ; & soit que le chant parcoure l'octave de la dominante, ce qui constitueroit le mode plagal, ou celle de la tonique, ce qui le rendroit authentique, pourvû que la modulation soit réguliere, la musique admet tous ces tons comme authentiques également, ne reconnoissant jamais pour finale que la note qui a pour dominante la quinte à l'aigu, ou la quarte au grave. Voyez MODE. Voyez aussi PLAGAL.

Il y a dans les huit tons de l'Eglise quatre tons authentiques, savoir, le premier, le troisieme, le cinquieme, & le septieme.

Voyez TONS de l'Eglise, (S)

AUTHENTIQUES, en Droit civil, nom des novelles de l'empereur Justinien. Voyez NOVELLE. On ne sait pas bien pourquoi elles sont ainsi appellées. Alciat dit que ce nom leur fut originairement donné par Accurse. Les novelles furent d'abord écrites en grec, ensuite le praticien Julien les traduisit, & les abrégea ; il s'en sit du tems des Bulgares, une seconde version plus exacte & plus littérale, quoique moins élégante. Accurse, dit l'auteur que l'on vient de citer, préférant cette traduction à celle de Julien, l'appella authentique ; parce qu'elle étoit plus conforme à l'original. (H)

AUTHENTIQUER un acte, terme de Droit, c'est le revêtir de toutes les formalités propres à le rendre authentique.

AUTHENTIQUER, signifie aussi punir une femme convaincue d'adultere, punition qui consiste à perdre sa dot & ses conventions matrimoniales, être rasée & enfermée dans un monastere pour deux ans, après lesquels si son mari ne l'en veut pas retirer, elle est rasée, voilée & cloîtrée pour toute la vie.

Cette peine s'appelle ainsi, parce qu'elle fut ordonnée dans les authentiques. Si le mari meurt dans les deux années, elle semble être en droit de requérir sa liberté ; ou du moins, un autre homme qui veut l'épouser, peut la demander & probablement l'obtenir de la justice. (H)


AUTHIE(Géog.) riviere de France en Picardie, qui a sa source sur les confins de l'Artois, passe à Dourlens & à Auxie, & se jette dans la mer au pont de Collines, en un lieu appellé le Pas d'Authie.


AUTO DA FÉVoyez ACTE de foi.


AUTOCÉPHALESS. m. (Hist. & Droit ecclés.) les Grecs donnoient ce nom aux évêques, qui n'étoient point soûmis à la jurisdiction des patriarches, & qui étoient indépendans aussi bien qu'eux. Dans l'église orientale l'archevêque de Bulgarie, & quelques autres métropolitains joüissoient de ce privilége ; & dans l'église occidentale, les archevêques de Ravenne s'étoient attribué la même exemption, de sorte qu'ils prétendoient ne dépendre, ni des patriarches de Constantinople, ni des évêques de Rome : mais les Grecs ayant été chassés de l'Italie, les papes réduisirent ces archevêques sous leur obéissance selon le rapport d'Anastase. Dans l'origine tous les métropolitains étoient autocéphales. Dans la suite, les évêques des grandes villes de l'Empire s'attribuerent des droits sur les provinces, qui étoient de leur diocese ; savoir, d'ordonner les métropolitains, de convoquer le synode du diocese, d'avoir inspection générale sur toutes les provinces qui en dépendoient. Tels furent les droits de l'évêque de Rome, sur le diocese du vicariat de Rome, ou sur les provinces suburbicaires ; tels furent les droits de celui d'Alexandrie, sur les provinces d'Egypte, de Libye & de Thébaïde ; & de celui d'Antioche, sur tout ce qu'on appelloit le diocese d'Orient. L'évêque d'Ephese semble avoir eu un pouvoir pareil sur le diocese d'Asie ; & celui de Césarée en Capadoce, sur le diocese du Pont. L'archevêque de Constantinople envahit depuis la jurisdiction sur la Thrace & sur ces deux dioceses : mais plusieurs églises resterent autocéphales, tant en orient qu'en occident, c'est-à-dire indépendantes, quant à l'ordination des évêques, d'un patriarche ou exarque. En occident l'évêque de Carthage étoit indépendant des autres patriarches, & primat du diocese d'Afrique. L'évêque de Milan dans les commencemens, étoit chef du vicariat d'Italie, & n'étoit point ordonné par l'évêque de Rome. Dans les Gaules & dans l'Espagne, les métropolitains ne recevoient point l'ordination de l'évêque de Rome. Le métropolitain de l'île de Chypre joüissoit aussi de la même autocéphalie, qui lui fut confirmée contradictoirement avec l'évêque d'Antioche par le concile d'Ephese. Action vij, & dans le concile in Trullo, can. 39. Du Cange, glossar. lat. M. Dupin, de antiquâ ecclesiae disciplinâ.

* Il est bon d'ajoûter que les droits des patriarches ayant été réglés par les conciles, & sur-tout par ceux de Nicée & de Chalcédoine, la plûpart des évêques qui s'étoient regardés comme autocéphales, devinrent soûmis à la jurisdiction soit des primats soit des patriarches. Quoique les métropolitains ne reçussent point l'ordination du pape, ils ne laissoient pas que de le reconnoître comme le chef de la hiérarchie ecclésiastique ; & dès le troisieme siecle, ou a des preuves évidentes dans la cause des Quartodecimans & dans celle des Rebaptisans, que les évêques des plus grands siéges reconnoissoient dans celui de Rome une primauté d'honneur & de jurisdiction. Voyez PRIMAUTE, QUARTODECIMANS, BAPTISANSSANS.

Bingham dans ses antiquités ecclésiastiques, distingue quatre sortes d'autocéphales : 1°. tous les anciens métropolitains auxquels on donnoit ce nom avant l'institution de la dignité patriarchale : 2°. depuis cette institution les métropolitains indépendans, tels que ceux d'Ibérie, d'Arménie, & de l'île de Chypre. Il comprend aussi parmi ces autocéphales ; les anciens évêques de la Grande-Bretagne, qui ne reconnoissoient, dit-il, pour supérieur, que l'archevêque de Caerleon (archiepiscopo Caerlegionis parebant), & non le pape, avant que le moine S. Augustin fût venu en Angleterre. Nous montrerons en traitant de la primauté du pape, que sa prétention n'est pas fondée. La troisieme espece d'autocéphales étoient des évêques soûmis immédiatement à l'autorité d'un patriarche, & non à celle du métropolitain. Nilus Doxopatrius, écrivain du onzieme siecle, compte jusqu'à vingt-cinq évêques autocéphales de cette sorte sous le patriarchat de Jérusalem, & seize sous celui d'Antioche. Enfin la quatrieme espece est celle dont parle M. de Valois, dans ses notes sur le ch. xxiij. du V. liv. de l'histoire ecclésiastique d'Eusebe : ces autocéphales étoient des évêques, qui n'ayant point de suffragans, ne reconnoissoient non plus ni métropolitain ni patriarche. Il en cite pour exemple l'évêque de Jérusalem, avant qu'il fût lui-même institué patriarche ; mais c'est une erreur, car il est constant qu'alors l'évêque de Jérusalem reconnoissoit pour métropolitain l'évêque de Césarée, & pour patriarche celui d'Antioche. Bingham paroît douter, & avec fondement, qu'il y ait eu des autocéphales de cette derniere espece, à moins, dit-il, que ce n'ait été quelque évêque établi seul & unique dans une province, dont il gouvernoit toutes les églises, sans suffragans, tel que le métropolitain de Tomes en Scythie ; & c'est peut-être le seul exemple qu'on en trouve dans l'histoire ecclésiastique. Bingham, orig. ecclés. liv. II. ch. xviij. §. 1, 2, 3, & 4. (G)


AUTOCHTONESS. m. pl. (Hist. anc.) nom que les Grecs ont donné aux peuples qui se disoient originaires du pays qu'ils habitoient, & qui se vantoient de n'être point venus d'ailleurs. Ce mot est composé d', même, & de , terre, comme qui diroit natifs de la terre même. Les Athéniens se glorifioient d'être de ce nombre. Les Romains ont rendu ce mot par celui d'indigenae, c'est-à-dire nés sur le lieu. (G)


AUTOGRAPHES. m. (Grammaire.) Ce mot est composé de , ipse, & de , scribo. L'autographe est donc un ouvrage écrit de la main de celui qui l'a composé, ab ipso autore scriptum. Comme si nous avions les épîtres de Cicéron en original. Ce mot est un terme dogmatique ; une personne du monde ne dira pas : J'ai vû chez M. le C. P. les autographes des lettres de Mde de Sévigné, au lieu de dire les originaux, les lettres mêmes écrites de la main de cette dame. (F)


AUTOMATEsub. m. (Méchaniq.) engin qui se meut de lui-même, ou machine qui porte en elle le principe de son mouvement.

Ce mot est grec , & composé de , ipse, & , je suis excité ou prêt, ou bien de , facilement, d'où vient , spontanée, volontaire. Tel étoit le pigeon volant d'Architas, dont Aulugelle fait mention au liv. X. ch. xij. des nuits attiques, supposé que ce pigeon volant ne soit point une fable.

Quelques auteurs mettent au rang des automates les instrumens de méchanique, mis en mouvement par des ressorts, des poids internes, &c. comme les horloges, les montres, &c. Voyez Joan. Bapt. Port. mag. nat. chap. xjx. Scaliger. subtil. 326. Voyez aussi RESSORT, PENDULE, HORLOGE, MONTRE, &c.

Le flûteur automate de M. de Vaucanson, membre de l'académie royale des Sciences, le canard, & quelques autres machines du même auteur, sont au nombre des plus célebres ouvrages qu'on ait vûs en ce genre depuis fort long-tems.

Voyez à l'article ANDROIDE ce que c'est que le flûteur.

L'auteur, encouragé par le succès, exposa en 1741 d'autres automates, qui ne furent pas moins bien reçûs. C'étoit :

1°. Un canard, dans lequel il représente le méchanisme des visceres destinés aux fonctions du boire, du manger, & de la digestion ; le jeu de toutes les parties nécessaires à ces actions, y est exactement imité : il allonge son cou pour aller prendre du grain dans la main, il l'avale, le digere, & le rend par les voies ordinaires tout digéré ; tous les gestes d'un canard qui avale avec précipitation, & qui redouble de vîtesse dans le mouvement de son gosier, pour faire passer son manger jusque dans l'estomac, y sont copiés d'après nature : l'aliment y est digéré comme dans les vrais animaux, par dissolution, & non par trituration ; la matiere digérée dans l'estomac est conduite par des tuyaux, comme dans l'animal par ses boyaux, jusqu'à l'anus, où il y a un sphincter qui en permet la sortie.

L'auteur ne donne pas cette digestion pour une digestion parfaite, capable de faire du sang & des sucs nourriciers pour l'entretien de l'animal ; on auroit mauvaise grace de lui faire ce reproche. Il ne prétend qu'imiter la méchanique de cette action en trois choses, qui sont : 1°. d'avaler le grain ; 2°. de le macérer, cuire ou dissoudre ; 3°. de le faire sortir dans un changement sensible.

Il a cependant fallu des moyens pour les trois actions, & ces moyens mériteront peut-être quelque attention de la part de ceux qui demanderoient davantage. Il a fallu employer différens expédiens pour faire prendre le grain au canard artificiel, le lui faire aspirer jusque dans son estomac, & là dans un petit espace, construire un laboratoire chimique, pour en décomposer les principales parties intégrantes, & le faire sortir à volonté, par des circonvolutions de tuyaux, à une extrémité de son corps toute opposée.

On ne croit pas que les Anatomistes ayent rien à desirer sur la construction de ses aîles. On a imité os par os, toutes les éminences qu'ils appellent apophyses. Elles y sont régulierement observées, comme les différentes charnieres, les cavités, les courbes. Les trois os qui composent l'aîle, y sont très-distincts : le premier qui est l'humerus, a son mouvement de rotation en tout sens, avec l'os qui fait l'office d'omoplate ; le second qui est le cubitus de l'aîle, a son mouvement avec l'humerus par une charniere, que les Anatomistes appellent par ginglyme ; le troisieme qui est le radius, tourne dans une cavité de l'humerus, & est attaché par ses autres bouts aux petits os du bout de l'aîle, de même que dans l'animal.

Pour faire connoître que les mouvemens de ces aîles ne ressemblent point à ceux que l'on voit dans les grands chefs-d'oeuvres du coq de l'horloge de Lyon & de Strasbourg, toute la méchanique du canard artificiel a été vûe à découvert, le dessein de l'auteur étant plûtôt de démontrer, que de montrer simplement une machine.

On croit que les personnes attentives sentiront la difficulté qu'il y a eu de faire faire à cet automate tant de mouvemens différens ; comme lorsqu'il s'éleve sur ses pattes, & qu'il porte son cou à droite & à gauche. Ils connoîtront tous les changemens des différens points d'appui ; ils verront même que ce qui servoit de point d'appui à une partie mobile, devient à son tour mobile sur cette partie, qui devient fixe à son tour ; enfin ils découvriront une infinité de combinaisons méchaniques.

Toute cette machine joue sans qu'on y touche, quand on l'a montée une fois.

On oublioit de dire, que l'animal boit, barbote dans l'eau, croasse comme le canard naturel. Enfin l'auteur a tâché de lui faire faire tous les gestes d'après ceux de l'animal vivant, qu'il a considéré avec attention.

2°. Le second automate est le joüeur de tambourin, planté tout droit sur son pié d'estal, habillé en berger danseur, qui joue une vingtaine d'airs, menuets, rigodons ou contre-danses.

On croiroit d'abord que les difficultés ont été moindres qu'au flûteur automate : mais sans vouloir élever l'un pour rabaisser l'autre, il faut faire réflexion qu'il s'agit de l'instrument le plus ingrat, & le plus faux par lui-même ; qu'il a fallu faire articuler une flûte à trois trous, où tous les tons dépendent du plus ou moins de force de vent, & de trous bouchés à moitié ; qu'il a fallu donner tous les vents différens, avec une vîtesse que l'oreille a de la peine à suivre ; donner des coups de langue à chaque note, jusque dans les doubles croches, parce que cet instrument n'est point agréable autrement. L'automate surpasse en cela tous nos joüeurs de tambourin, qui ne peuvent remuer la langue avec assez de légereté, pour faire une mesure entiere de doubles croches toutes articulées ; ils en coulent la moitié : & ce tambourin automate joue un air entier avec des coups de langue à chaque note.

Quelle combinaison de vents n'a-t-il pas fallu trouver pour cet effet ? L'auteur a fait aussi des découvertes dont on ne se seroit jamais douté ; auroit-on cru que cette petite flûte est un des instrumens à vent qui fatiguent le plus la poitrine des joüeurs ?

Les muscles de leur poitrine font un effort équivalant à un poids de 56 livres, puisqu'il faut cette même force de vent, c'est-à-dire, un vent poussé par cette force ou cette pesanteur, pour former le si d'enhaut, qui est la derniere note où cet instrument puisse s'étendre. Une once seule fait parler la premiere note, qui est le mi : que l'on juge quelle division de vent il a fallu faire pour parcourir toute l'étendue du flageolet provençal.

Ayant si peu de positions de doigts différentes, on croiroit peut-être qu'il n'a fallu de différens vents, qu'autant qu'il y a de différentes notes : point du tout. Le vent qui fait parler, par exemple, le ré à la suite de l'ut, le manque absolument quand le même ré est à la suite du mi au-dessus, & ainsi des autres notes. Qu'on calcule, on verra qu'il a fallu le double de différens vents, sans compter les dièses pour lesquels il faut toûjours un vent particulier. L'auteur a été lui-même étonné de voir cet instrument avoir besoin d'une combinaison si variée, & il a été plus d'une fois prêt à desespérer de la réussite : mais le courage & la patience l'ont enfin emporté.

Ce n'est pas tout : ce flageolet n'occupe qu'une main ; l'automate tient de l'autre une baguette, avec laquelle il bat du tambour de Marseille ; il donne des coups simples & doubles, fait des roulemens variés à tous les airs, & accompagne en mesure les mêmes airs qu'il joue avec son flageolet de l'autre main. Ce mouvement n'est pas un des plus aisés de la machine. Il est question de frapper tantôt plus fort, tantôt plus vîte, & de donner toûjours un coup sec, pour tirer du son du tambour. Cette méchanique consiste dans une combinaison infinie de leviers & de ressorts différens, tous mûs avec assez de justesse pour suivre l'air ; ce qui seroit trop long à détailler. Enfin cette machine a quelque ressemblance avec celle du flûteur ; mais elle a été construite par des moyens bien différens. Voyez Obser. sur les écrits mod. 1741. (O)


AUTOMATIA(Myth.) déesse du hasard. Timoléon lui consacra des autels après ses victoires. On ne nous dit point qu'il ait eu des imitateurs, ni qu'aucun des autres généraux de la Grece ayent jamais ordonné des sacrifices dans le temple que la modestie & la sincérité de Timoléon avoient élevé à la déesse du hasard.


AUTOMATIQUEadj. dans l'oeconomie animale, se dit des mouvemens qui dépendent uniquement de la structure des corps, & sur lesquels la volonté n'a aucun pouvoir. Boerhaave, Comment. physiolog. (L)


AUTOMNALadj. m. se dit de ce qui appartient à l'automne. On dit des fruits automnaux, des fleurs, des fievres automnales, &c. Voyez AUTOMNE.

Point automnal, est un des points de la ligne équinoctiale, d'où le soleil commence à descendre vers le pole méridional : c'est l'un des points où l'écliptique coupe l'équateur, & celui des deux où commence le signe de la balance. Voyez EQUINOCTIAL.

Signes automnaux ; ce sont la Balance, le Scorpion, le Sagittaire. Voyez BALANCE, SCORPION & SAGITTAIRE. (O)


AUTOMNES. m. (Astron.) troisieme saison de l'année, tems de la récolte des fruits de l'été. Voyez SAISON, ANNEE, &c.

Quelques-uns le font venir de augeo, j'accrois, quod annum frugibus augeat.

L'automne commence le jour que la distance méridienne du soleil au zénith, après avoir décrû, se trouve moyenne entre la plus grande & la moindre. La fin de l'automne se rencontre avec le commencement de l'hyver. Durant l'automne les jours vont en décroissant, & sont toûjours plus courts que les nuits, excepté le premier jour d'automne, qui est le jour de l'équinoxe. Voyez HYVER, &c.

Diverses nations ont compté les années par les automnes, comme les Anglo-saxons par les hyvers. Tacite nous apprend que les anciens Germains connoissoient toutes les saisons de l'année, excepté l'automne, dont ils n'avoient nulle idée.

On a toûjours pensé que l'automne étoit une saison mal saine. Tertullien l'appelle, tentator valetudinum. Horace dit aussi, autumnus libitinae quaestus acerbae.

Equinoxe d'Automne, est le tems où le soleil entre dans le point automnal. Voyez AUTOMNAL. (O)

AUTOMNE, en Alchimie, est le tems où l'opération du grand oeuvre est à sa maturité. (M)


AUTONvolcan de l'Amérique méridionale, province de Chimito, proche la riviere de Robio.


AUTONOMEadj. (Hist. anc.) titre que prenoient certaines villes de Grece qui avoient le privilége de se gouverner par leurs propres lois. Il est conservé sur plusieurs médailles antiques. Ce nom est Grec & vient d', même, & , loi, regle, qui se regle soi-même. (G)


AUTONOMIES. f. (Hist. anc. & politiq.) sorte de gouvernement anarchique où le peuple se gouverne par cantons, se donnant des chefs pendant la guerre & des juges pendant la paix, dont l'autorité ne dure qu'autant qu'il plaît à ceux qui la leur ont conférée. Hérodote rapporte que cette espece d'administration précéda la monarchie chez les anciens Babyloniens : & l'on dit qu'elle a encore lieu parmi plusieurs peuples de l'Amérique septentrionale, dans l'Arabie deserte, & chez les Tartares de la haute Asie. (G)


AUTOPSIES. f. Ce mot est Grec, composé de , soi-même, & de , vûe ; c'est l'action de voir une chose de ses propres yeux. Voyez VISION, &c.

L'autopsie des anciens étoit un état de l'ame où l'on avoit un commerce intime avec les dieux. C'est ainsi que dans les mysteres d'Eleusis & de Samothrace, les prêtres nommoient la derniere explication qu'ils donnoient à leurs prosélytes, & pour ainsi parler, le mot de l'énigme. Mais ceux-ci au rapport de Cicéron étoient fort étonnés que cette vûe claire des mysteres qui avoit demandé de si longues préparations, se réduisoit à leur apprendre des choses très-simples, & moins la nature des dieux que la nature des choses mêmes, & les principes de la morale. (G)


AUTORISATIONterme de Palais, est le concours ou la jonction de l'autorité d'un tuteur ou d'un mari, dans un acte passé par un mineur ou par une femme actuellement en puissance de mari ; faute dequoi l'acte seroit invalide & sans effet. Si pourtant l'acte passé sans l'autorisation du tuteur étoit avantageux au pupille, il ne tiendroit qu'à lui de s'y tenir : & celui qui a contracté avec lui, ne seroit pas recevable à en demander la nullité en conséquence du défaut d'autorisation ; parce que la nécessité de l'autorisation n'a été introduite qu'en faveur du mineur. Voyez MINEUR. (H)


AUTORITÉpouvoir, puissance, empire, (Gram.) L'autorité, dit M. l'abbé Girard dans ses Synonymes, laisse plus de liberté dans le choix ; le pouvoir a plus de force ; l'empire est plus absolu. On tient l'autorité de la supériorité du rang & de la raison ; le pouvoir, de l'attachement que les personnes ont pour nous ; l'empire, de l'art qu'on a de saisir le foible. L'autorité persuade ; le pouvoir entraîne ; l'empire subjugue. L'autorité suppose du mérite dans celui qui l'a ; le pouvoir, des liaisons ; l'empire, de l'ascendant. Il faut se soûmettre à l'autorité d'un homme sage ; on doit accorder sur soi du pouvoir à ses amis ; il ne faut laisser prendre de l'empire à personne. L'autorité est communiquée par les lois ; le pouvoir, par ceux qui en sont dépositaires ; la puissance, par le consentement des hommes ou la force des armes. On est heureux de vivre sous l'autorité d'un prince qui aime la justice, dont les ministres ne s'arrogent pas un pouvoir audelà de celui qu'il leur donne, & qui regarde le zele & l'amour de ses sujets comme les fondemens de sa puissance. Il n'y a point d'autorité sans loi ; il n'y a point de loi qui donne une autorité sans bornes. Tout pouvoir a ses limites. Il n'y a point de puissance qui ne doive être soûmise à celle de Dieu. L'autorité foible attire le mépris ; le pouvoir aveugle choque l'équité ; la puissance jalouse est formidable. L'autorité est relative au droit ; la puissance aux moyens d'en user ; le pouvoir à l'usage. L'autorité réveille une idée de respect ; la puissance une idée de grandeur ; le pouvoir une idée de crainte. L'autorité de Dieu est sans bornes ; sa puissance éternelle ; & son pouvoir absolu. Les peres ont de l'autorité sur leurs enfans ; les rois sont puissans entre leurs semblables ; les hommes riches & titrés sont puissans dans la société ; les magistrats y ont du pouvoir.


AUTORITE POLITIQUEAucun homme n'a reçû de la nature le droit de commander aux autres. La liberté est un présent du ciel, & chaque individu de la même espece a le droit d'en joüir aussitôt qu'il joüit de la raison. Si la nature a établi quelque autorité, c'est la puissance paternelle : mais la puissance paternelle a ses bornes ; & dans l'état de nature elle finiroit aussi-tôt que les enfans seroient en état de se conduire. Toute autre autorité vient d'une autre origine que de la nature. Qu'on examine bien, & on la fera toûjours remonter à l'une de ces deux sources : ou la force & la violence de celui qui s'en est emparé ; ou le consentement de ceux qui s'y sont soûmis par un contrat fait ou supposé entr'eux, & celui à qui ils ont déféré l'autorité.

La puissance qui s'acquiert par la violence, n'est qu'une usurpation, & ne dure qu'autant que la force de celui qui commande l'emporte sur celle de ceux qui obéissent ; ensorte que si ces derniers deviennent à leur tour les plus forts, & qu'ils secouent le joug, ils le font avec autant de droit & de justice que l'autre qui le leur avoit imposé. La même loi qui a fait l'autorité, la défait alors : c'est la loi du plus fort.

Quelquefois l'autorité qui s'établit par la violence change de nature ; c'est lorsqu'elle continue & se maintient du consentement exprès de ceux qu'on a soûmis : mais elle rentre par là dans la seconde espece dont je vais parler ; & celui qui se l'étoit arrogée devenant alors prince, cesse d'être tyran.

La puissance qui vient du consentement des peuples, suppose nécessairement des conditions qui en rendent l'usage légitime, utile à la société, avantageux à la république, & qui la fixent & la restraignent entre des limites : car l'homme ne doit ni ne peut se donner entierement & sans reserve à un autre homme ; parce qu'il a un maître supérieur au-dessus de tout, à qui seul il appartient tout entier. C'est Dieu, dont le pouvoir est toûjours immédiat sur la créature, maître aussi jaloux qu'absolu, qui ne perd jamais de ses droits, & ne les communique point. Il permet pour le bien commun & pour le maintien de la société, que les hommes établissent entre eux un ordre de subordination, qu'ils obéissent à l'un d'eux : mais il veut que ce soit par raison & avec mesure, & non pas aveuglement & sans réserve, afin que la créature ne s'arroge pas les droits du créateur. Toute autre soûmission est le véritable crime de l'idolatrie. Fléchir le genou devant un homme ou devant une image, n'est qu'une cérémonie extérieure, dont le vrai Dieu qui demande le coeur & l'esprit, ne se soucie guere, & qu'il abandonne à l'institution des hommes pour en faire, comme il leur conviendra, des marques d'un culte civil & politique, ou d'un culte de religion. Ainsi ce ne sont point ces cérémonies en elles-mêmes, mais l'esprit de leur établissement, qui en rend la pratique innocente ou criminelle. Un Anglois n'a point de scrupule à servir le roi le genou en terre ; le cérémonial ne signifie que ce qu'on a voulu qu'il signifiât : mais livrer son coeur, son esprit & sa conduite sans aucune réserve à la volonté & au caprice d'une pure créature, en faire l'unique & le dernier motif de ses actions, c'est assûrément un crime de lese-majesté divine au premier chef : autrement ce pouvoir de Dieu, dont on parle tant, ne seroit qu'un vain bruit dont la politique humaine useroit à sa fantaisie, & dont l'esprit d'irreligion pourroit se joüer à son tour ; de sorte que toutes les idées de puissance & de subordination venant à se confondre, le prince se joüeroit de Dieu, & le sujet du prince.

La vraie & légitime puissance a donc nécessairement des bornes. Aussi l'Ecriture nous dit-elle : " que votre soûmission soit raisonnable " ; sit rationabile obsequium vestrum. " Toute puissance qui vient de Dieu est une puissance réglée " ; omnis potestas à Deo ordinata est. Car c'est ainsi qu'il faut entendre ces paroles, conformément à la droite raison & au sens littéral, & non conformément à l'interprétation de la bassesse & de la flatterie, qui prétendent que toute puissance quelle qu'elle soit, vient de Dieu. Quoi donc ; n'y a-t-il point de puissances injustes ? n'y a-t-il pas des autorités qui, loin de venir de Dieu, s'établissent contre ses ordres & contre sa volonté ? les usurpateurs ont-ils Dieu pour eux ? faut-il obéir en tout aux persécuteurs de la vraie religion ? & pour fermer la bouche à l'imbécillité, la puissance de l'antechrist sera-t-elle légitime ? Ce sera pourtant une grande puissance. Enoch & Elie qui lui résisteront, seront-ils des rébelles & des séditieux qui auront oublié que toute puissance vient de Dieu ; ou des hommes raisonnables, fermes & pieux, qui sauront que toute puissance cesse de l'être, dès qu'elle sort des bornes que la raison lui a prescrites, & qu'elle s'écarte des regles que le souverain des princes & des sujets a établies ; des hommes enfin qui penseront, comme S. Paul, que toute puissance n'est de Dieu qu'autant qu'elle est juste & réglée.

Le prince tient de ses sujets mêmes l'autorité qu'il a sur eux ; & cette autorité est bornée par les lois de la nature & de l'état. Les lois de la nature & de l'état sont les conditions sous lesquelles ils se sont soûmis, ou sont censés s'être soûmis à son gouvernement. L'une de ces conditions est que n'ayant de pouvoir & d'autorité sur eux que par leur choix & de leur consentement, il ne peut jamais employer cette autorité pour casser l'acte ou le contrat par lequel elle lui a été déférée : il agiroit dès-lors contre lui-même, puisque son autorité ne peut subsister que par le titre qui l'a établie. Qui annulle l'un détruit l'autre. Le prince ne peut donc pas disposer de son pouvoir & de ses sujets sans le consentement de la nation, & indépendamment du choix marqué dans le contrat de soûmission. S'il en usoit autrement, tout seroit nul, & les lois le releveroient des promesses & des sermens qu'il auroit pû faire, comme un mineur qui auroit agi sans connoissance de cause, puisqu'il auroit prétendu disposer de ce qu'il n'avoit qu'en dépôt & avec clause de substitution, de la même maniere que s'il l'avoit eu en toute propriété & sans aucune condition.

D'ailleurs le gouvernement, quoique héréditaire dans une famille, & mis entre les mains d'un seul, n'est pas un bien particulier, mais un bien public, qui par conséquent ne peut jamais être enlevé au peuple, à qui seul il appartient essentiellement & en pleine propriété. Aussi est-ce toûjours lui qui en fait le bail : il intervient toûjours dans le contrat qui en adjuge l'exercice. Ce n'est pas l'état qui appartient au prince, c'est le prince qui appartient à l'état : mais il appartient au prince de gouverner dans l'état, parce que l'état l'a choisi pour cela ; qu'il s'est engagé envers les peuples à l'administration des affaires, & que ceux-ci de leur côté se sont engagés à lui obéir conformément aux lois. Celui qui porte la couronne peut bien s'en décharger absolument s'il le veut : mais il ne peut la remettre sur la tête d'un autre sans le consentement de la nation qui l'a mise sur la sienne. En un mot, la couronne, le gouvernement, & l'autorité publique, sont des biens dont le corps de la nation est propriétaire, & dont les princes sont les usufruitiers, les ministres & les dépositaires. Quoique chefs de l'état, ils n'en sont pas moins membres, à la vérité les premiers, les plus vénérables & les plus puissans, pouvant tout pour gouverner, mais ne pouvant rien légitimement pour changer le gouvernement établi, ni pour mettre un autre chef à leur place. Le sceptre de Louis XV. passe nécessairement à son fils aîné, & il n'y a aucune puissance qui puisse s'y opposer : ni celle de la nation, parce que c'est la condition du contrat ; ni celle de son pere par la même raison.

Le dépôt de l'autorité n'est quelquefois que pour un tems limité, comme dans la république Romaine. Il est quelquefois pour la vie d'un seul homme, comme en Pologne ; quelquefois pour tout le tems que subsistera une famille, comme en Angleterre ; quelquefois pour le tems que subsistera une famille par les mâles seulement, comme en France.

Ce dépôt est quelquefois confié à un certain ordre dans la société ; quelquefois à plusieurs choisis de tous les ordres, & quelquefois à un seul.

Les conditions de ce pacte sont différentes dans les différens états. Mais par-tout, la nation est en droit de maintenir envers & contre tous le contrat qu'elle a fait ; aucune puissance ne peut le changer ; & quand il n'a plus lieu, elle rentre dans le droit & dans la pleine liberté d'en passer un nouveau avec qui, & comme il lui plaît. C'est ce qui arriveroit en France, si par le plus grand des malheurs la famille entiere régnante venoit à s'éteindre jusque dans ses moindres rejettons ; alors le sceptre & la couronne retourneroient à la nation.

Il semble qu'il n'y ait que des esclaves dont l'esprit seroit aussi borné que le coeur seroit bas, qui pussent penser autrement. Ces sortes de gens ne sont nés ni pour la gloire du prince, ni pour l'avantage de la societé : ils n'ont ni vertu, ni grandeur d'ame. La crainte & l'intérêt sont les ressorts de leur conduite. La nature ne les produit que pour servir de lustre aux hommes vertueux ; & la Providence s'en sert pour former les puissances tyranniques, dont elle châtie pour l'ordinaire les peuples & les souverains qui offensent Dieu ; ceux-ci en usurpant, ceux-là en accordant trop à l'homme de ce pouvoir suprème, que le Créateur s'est reservé sur la créature.

L'observation des lois, la conservation de la liberté & l'amour de la patrie, sont les sources fécondes de toutes grandes choses & de toutes belles actions. Là se trouvent le bonheur des peuples, & la véritable illustration des princes qui les gouvernent. Là l'obéissance est glorieuse, & le commandement auguste. Au contraire, la flaterie, l'intérêt particulier, & l'esprit de servitude sont l'origine de tous les maux qui accablent un état, & de toutes les lâchetés qui le deshonorent. Là les sujets sont misérables, & les princes haïs ; là le monarque ne s'est jamais entendu proclamer le bien-aimé ; la soûmission y est honteuse, & la domination cruelle. Si je rassemble sous un même point de vûe la France & la Turquie, j'apperçois d'un côté une société d'hommes que la raison unit, que la vertu fait agir, & qu'un chef également sage & glorieux gouverne selon les lois de la justice ; de l'autre, un troupeau d'animaux que l'habitude assemble, que la loi de la verge fait marcher, & qu'un maître absolu mene selon son caprice.

Mais pour donner aux principes répandus dans cet article toute l'autorité qu'ils peuvent recevoir, appuyons-les du témoignage d'un de nos plus grands rois. Le discours qu'il tint à l'ouverture de l'assemblée des notables de 1596, plein d'une sincérité que les souverains ne connoissent guere, étoit bien digne des sentimens qu'il y porta. " Persuadé, dit M. de Sully, pag. 467, in-4°. tom. I. que les rois ont deux souverains, Dieu & la loi ; que la justice doit présider sur le throne, & que la douceur doit être assise à côté d'elle ; que Dieu étant le vrai propriétaire de tous les royaumes, & les rois n'en étant que les administrateurs, ils doivent représenter aux peuples celui dont ils tiennent la place ; qu'ils ne régneront comme lui, qu'autant qu'ils régneront en peres ; que dans les états monarchiques héréditaires, il y a une erreur qu'on peut appeller aussi héréditaire, c'est que le souverain est maître de la vie & des biens de tous ses sujets ; que moyennant ces quatre mots, tel est notre plaisir, il est dispensé de manifester les raisons de sa conduite, ou même d'en avoir ; que, quand cela seroit, il n'y a point d'imprudence pareille à celle de se faire haïr de ceux auxquels on est obligé de confier à chaque instant sa vie, & que c'est tomber dans ce malheur que d'emporter tout de vive force. Ce grand homme, persuadé, dis-je, de ces principes que tout l'artifice du courtisan ne bannira jamais du coeur de ceux qui lui ressembleront, déclara que pour éviter tout air de violence & de contrainte, il n'avoit pas voulu que l'assemblée se fît par des députés nommés par le souverain, & toûjours aveuglement asservis à toutes ses volontés ; mais que son intention étoit qu'on y admît librement toutes sortes de personnes, de quelqu'état & condition qu'elles pussent être ; afin que les gens de savoir & de mérite eussent le moyen d'y proposer sans crainte, ce qu'ils croiroient nécessaire pour le bien public ; qu'il ne prétendoit encore en ce moment leur prescrire aucunes bornes ; qu'il leur enjoignoit seulement de ne pas abuser de cette permission, pour l'abaissement de l'autorité royale, qui est le principal nerf de l'état ; de rétablir l'union entre ses membres ; de soulager les peuples ; de décharger le thrésor royal de quantité de dettes, auxquelles il se voyoit sujet sans les avoir contractées ; de modérer avec la même justice les pensions excessives, sans faire tort aux nécessaires, afin d'établir pour l'avenir un fonds suffisant & clair pour l'entretien des gens de guerre. Il ajoûta qu'il n'auroit aucune peine à se soûmettre à des moyens qu'il n'auroit point imaginés lui-même, d'abord qu'il sentiroit qu'ils avoient été dictés par un esprit d'équité & de desintéressement ; qu'on ne le verroit point chercher dans son âge, dans son expérience & dans ses qualités personnelles, un prétexte bien moins frivole, que celui dont les princes ont coûtume de se servir, pour éluder les réglemens, qu'il montreroit au contraire par son exemple, qu'ils ne regardent pas moins les rois pour les faire observer, que les sujets, pour s'y soûmettre. Si je faisois gloire, continua-t-il, de passer pour un excellent orateur, j'aurois apporté ici plus de belles paroles que de bonne volonté : mais mon ambition a quelque chose de plus haut que de bien parler. J'aspire au glorieux titre de libérateur & de restaurateur de la France. Je ne vous ai donc point appellés, comme faisoient mes prédécesseurs, pour vous obliger d'approuver aveuglément mes volontés : je vous ai fait assembler pour recevoir vos conseils, pour les croire, pour les suivre ; en un mot, pour me mettre en tutele entre vos mains. C'est une envie qui ne prend guere aux rois, aux barbes grises, & aux victorieux, comme moi : mais l'amour que je porte à mes sujets, & l'extrème desir que j'ai de conserver mon état, me font tout trouver facile & tout honorable.

Ce discours achevé, Henri se leva & sortit, ne laissant que M. de Sully dans l'assemblée, pour y communiquer les états, les mémoires & les papiers dont on pouvoit avoir besoin. "

On n'ose proposer cette conduite pour modele, parce qu'il y a des occasions où les princes peuvent avoir moins de déférence, sans toutefois s'écarter des sentimens qui font que le souverain dans la société se regarde comme le pere de famille, & ses sujets comme ses enfans. Le grand monarque que nous venons de citer, nous fournira encore l'exemple de cette sorte de douceur mêlée de fermeté, si requise dans les occasions, où la raison est si visiblement du côté du souverain qu'il a droit d'ôter à ses sujets la liberté du choix, & de ne leur laisser que le parti de l'obéissance. L'édit de Nantes ayant été vérifié, après bien des difficultés du Parlement, du Clergé, & de l'Université, Henri IV. dit aux évêques : Vous m'avez exhorté de mon devoir ; je vous exhorte du vôtre. Faisons bien à l'envi les uns des autres. Mes prédécesseurs vous ont donné de belles paroles ; mais moi avec ma jaquette, je vous donnerai de bons effets : je verrai vos cahiers, & j'y répondrai le plus favorablement qu'il me sera possible. Et il répondit au Parlement qui étoit venu lui faire des remontrances : Vous me voyez en mon cabinet où je viens vous parler, non pas en habit royal, ni avec l'épée & la cappe, comme mes prédécesseurs ; mais vêtu comme un pere de famille, en pourpoint, pour parler familierement à ses enfans. Ce que j'ai à vous dire, est que je vous prie de vérifier l'édit que j'ai accordé à ceux de la religion. Ce que j'en ai fait, est pour le bien de la paix. Je l'ai faite au-dehors ; je la veux faire au-dedans de mon royaume. Après leur avoir exposé les raisons qu'il avoit eues de faire l'édit, il ajoûta : Ceux qui empêchent que mon édit ne passe, veulent la guerre ; je la déclarerai demain à ceux de la religion ; mais je ne la ferai pas ; je les y enverrai. J'ai fait l'édit ; je veux qu'il s'observe. Ma volonté devroit servir de raison ; on ne la demande jamais au prince, dans un état obéissant. Je suis roi. Je vous parle en roi. Je veux être obéi. Mém. de Sully, in-4°. pag. 594. tom. I.

Voilà comment il convient à un monarque de parler à ses sujets, quand il a évidemment la justice de son côté ; & pourquoi ne pourroit-il pas ce que peut tout homme qui a l'équité de son côté ? Quant aux sujets, la premiere loi que la religion, la raison, & la nature leur imposent, est de respecter eux-mêmes les conditions du contrat qu'ils ont fait, de ne jamais perdre de vûe la nature de leur gouvernement ; en France, de ne point oublier que tant que la famille régnante subsistera par les mâles, rien ne les dispensera jamais de l'obéissance, d'honorer & de craindre leur maître, comme celui par lequel ils ont voulu que l'image de Dieu leur fût présente & visible sur la terre ; d'être encore attachés à ces sentimens par un motif de reconnoissance de la tranquillité & des biens dont ils joüissent à l'abri du nom royal ; si jamais il leur arrivoit d'avoir un roi injuste, ambitieux & violent, de n'opposer au malheur qu'un seul remede, celui de l'appaiser par leur soûmission, & de fléchir Dieu par leurs prieres ; parce que ce remede est le seul qui soit légitime, en conséquence du contrat de soûmission juré au prince régnant anciennement, & à ses descendans par les mâles, quels qu'ils puissent être ; & de considérer que tous ces motifs qu'on croit avoir de résister, ne sont à les bien examiner, qu'autant de prétextes d'infidélités subtilement colorées ; qu'avec cette conduite, on n'a jamais corrigé les princes, ni aboli les impôts ; & qu'on a seulement ajoûté aux malheurs dont on se plaignoit déjà, un nouveau degré de misere. Voilà les fondemens sur lesquels les peuples & ceux qui les gouvernent pourroient établir leur bonheur réciproque.


AUTORITE dans les discours & dans les écrits. J'entens par autorité dans le discours, le droit qu'on a d'être crû dans ce qu'on dit : ainsi plus on a de droit d'être crû sur sa parole, plus on a d'autorité. Ce droit est fondé sur le degré de science & de bonne foi, qu'on reconnoît dans la personne qui parle. La science empêche qu'on ne se trompe soi-même, & écarte l'erreur qui pourroit naître de l'ignorance. La bonne foi empêche qu'on ne trompe les autres, & réprime le mensonge que la malignité chercheroit à accréditer. C'est donc les lumieres & la sincérité qui sont la vraie mesure de l'autorité dans le discours. Ces deux qualités sont essentiellement nécessaires. Le plus savant & le plus éclairé des hommes ne mérite plus d'être crû, dès qu'il est fourbe ; non plus que l'homme le plus pieux & le plus saint, dès qu'il parle de ce qu'il ne sait pas ; de sorte que S. Augustin avoit raison de dire que ce n'étoit pas le nombre, mais le mérite des auteurs qui devoit emporter la balance. Au reste il ne faut pas juger du mérite, par la réputation, sur-tout à l'égard des gens qui sont membres d'un corps, ou portés par une cabale. La vraie pierre de touche, quand on est capable & à portée de s'en servir, c'est une comparaison judicieuse du discours avec la matiere qui en est le sujet, considérée en elle-même : ce n'est pas le nom de l'auteur qui doit faire estimer l'ouvrage, c'est l'ouvrage qui doit obliger à rendre justice à l'auteur.

L'autorité n'a de force & n'est de mise, à mon sens, que dans les faits, dans les matieres de religion, & dans l'histoire. Ailleurs elle est inutile & hors d'oeuvre. Qu'importe que d'autres ayent pensé de même ou autrement que nous, pourvû que nous pensions juste, selon les regles du bon sens, & conformément à la vérité ? il est assez indifférent que votre opinion soit celle d'Aristote, pourvû qu'elle soit selon les lois du syllogisme. A quoi bon ces fréquentes citations, lorsqu'il s'agit de choses qui dépendent uniquement du témoignage de la raison & des sens ? A quoi bon m'assûrer qu'il est jour, quand j'ai les yeux ouverts & que le soleil luit ? Les grands noms ne sont bons qu'à ébloüir le peuple, à tromper les petits esprits, & à fournir du babil aux demi-savans. Le peuple qui admire tout ce qu'il n'entend pas, croit toûjours que celui qui parle le plus & le moins naturellement est le plus habile. Ceux à qui il manque assez d'étendue dans l'esprit pour penser eux-mêmes, se contentent des pensées d'autrui, & comptent les suffrages. Les demi-savans qui ne sauroient se taire, & qui prennent le silence & la modestie pour des symptomes d'ignorance ou d'imbécillité, se font des magasins inépuisables de citations.

Je ne prétens pas néanmoins que l'autorité ne soit absolument d'aucun usage dans les sciences. Je veux seulement faire entendre qu'elle doit servir à nous appuyer & non pas à nous conduire ; & qu'autrement, elle entreprendroit sur les droits de la raison : celle-ci est un flambeau allumé par la nature, & destiné à nous éclairer ; l'autre n'est tout au plus qu'un bâton fait de la main des hommes, & bon pour nous soûtenir en cas de foiblesse, dans le chemin que la raison nous montre.

Ceux qui se conduisent dans leurs études par l'autorité seule, ressemblent assez à des aveugles qui marchent sous la conduite d'autrui. Si leur guide est mauvais, il les jette dans des routes égarées, ou il les laisse las & fatigués, avant que d'avoir fait un pas dans le vrai chemin du savoir. S'il est habile, il leur fait à la vérité parcourir un grand espace en peu de tems ; mais ils n'ont point eu le plaisir de remarquer ni le but où ils alloient, ni les objets qui ornoient le rivage, & le rendoient agréable.

Je me représente ces esprits qui ne veulent rien devoir à leurs propres réflexions, & qui se guident sans cesse d'après les idées des autres, comme des enfans dont les jambes ne s'affermissent point, ou des malades qui ne sortent point de l'état de convalescence, & ne feront jamais un pas sans un bras étranger.

AUTORITE, s. f. se dit des regles, des lois, des canons, des decrets, des décisions, &c. que l'on cite en disputant ou en écrivant.

Les passages tirés d'Aristote sont d'une grande autorité dans les écoles ; les textes de l'Ecriture ont une autorité décisive. Les autorités sont une espece d'argument que les rhétoriciens appellent naturels & sans art, ou extrinseques. Voyez ARGUMENT.

Quant à l'usage & à l'effet des autorités, voyez PREJUGE, RAISON, PREUVE, PROBABILITE, FOI, REVELATION, &c.

En Droit, les autorités sont les lois, les ordonnances, coûtumes, édits, déclarations, arrêts, sentimens des Jurisconsultes favorables à l'espece dans laquelle on les cite.

AUTORITE, s'employe aussi quelquefois comme synonyme à autorisation. Voyez ci-dessus. Voyez aussi PUISSANCE MARITALE. (H)


AUTOURaccipiter palumbarius, (Hist. nat. Orn.) oiseau de proie, plus grand que la buse. La tête, le cou & le dos, & en général toute la face supérieure de cet oiseau, est de couleur brune comme dans la buse : la poitrine & le ventre sont blancs & parsemés de plusieurs petites lignes noires & ondoyantes : les plumes des cuisses sont rousses, & il y a une ligne noire longitudinale sur le tuyau de chaque plume : les pattes sont jaunes, & les ongles noirs : le bec est noirâtre, & sa base est recouverte d'une membrane de couleur jaune & verdâtre. Quand les aîles sont pliées, elles sont beaucoup moins grandes que la queue, qui est longue & de couleur brune mêlée de cendré ; elle est traversée par trois ou quatre bandes noirâtres, assez éloignées les unes des autres. Cet oiseau ne prend pas seulement les perdrix & les faisans : mais il attaque & il se saisit aussi de plus gros oiseaux, tels que les oies & les grues, & même les lievres. Willughby, Ornith. Voyez OISEAU. (I)

Les Fauconniers en distinguent de cinq sortes, dont la premiere & la plus noble est l'autour qui est femelle.

La seconde est nommée demi-autour, qui est maigre & peu prenant.

La troisieme tiercelet.

La quatrieme épervier.

Et la cinquieme sabech. Voyez leurs articles.

L'autour est bien fait quand il a la tête petite, les yeux grands, le bec long & noir, le cou long, la poitrine grosse, les ongles gros & longs, les piés verts.


AUTOURSERIES. f. l'art de faire voler les autours.


AUTOURSIERS. m. c'est celui qui a soin de dresser ou de faire voler les autours.

AUTOUR, s. m. espece d'écorce que les épiciers droguistes tirent du Levant par la voie de Marseille ; elle ressemble assez à celle de la canelle, elle est seulement plus pâle en-dessus ; elle a en-dedans la couleur de la noix muscade, avec des points brillans ; elle est legere, spongieuse, sans odeur, & d'une saveur insipide ; elle entre dans la composition du carmin.


AUTRICHE(Géog.) pays d'Allemagne, borné au nord par la Bohême & la Moravie, à l'orient par la Hongrie, au midi par la Styrie, à l'occident par l'Archevêché de Saltzbourg ; sur la riviere d'Ens qui le divise en haut & bas. Vienne est la capitale de la basse Autriche, & Lintz de la haute. C'étoit la haute Pannonie des anciens. Son nom vient de Oosterik ou terre orientale.


AUTRUCHES. f. en latin struthio ou struthio camelus, (Hist. nat. Orn.) très-grand oiseau, dont le corps paroît petit à proportion de la longueur du cou & des pattes. Voyez Pl. IX. hist. nat. fig. 1. C'est pourquoi la plûpart des voyageurs ont trouvé au premier coup d'oeil quelques rapports entre la forme de l'autruche & celle du chameau, d'où est venu le nom latin struthio-camelus.

M. Perrault rapporte que huit autruches, dont la description avoit été faite, & dont cinq étoient mâles & trois femelles, avoient toutes la hauteur de sept piés depuis le sommet de la tête jusqu'à terre ; le dos étoit à environ quatre piés au-dessus de la plante des piés, & il y avoit trois piés depuis la naissance du cou jusqu'au-dessus de la tête ; la longueur de la queue étoit d'un pié ; l'aîle étant étendue avoit un pié & demi sans les plumes, & en y comprenant les plumes, il y avoit le double de longueur. Le plumage de toutes ces autruches étoit assez ressemblant ; la plûpart avoient des plumes noires & blanches, quelques-unes grises. Il n'y avoit point de plumes sur les côtés du corps qui sont recouverts par les aîles, sur les flancs, ni sur les cuisses. Le bas du cou jusqu'à la moitié étoit garni de plumes plus petites que celles du dos & du ventre ; toutes ces plumes sont aussi molles & effilées que le duvet, de sorte qu'elles ne peuvent pas servir pour le vol ni pour défendre l'autruche des injures de l'air comme les plumes des autres oiseaux. Le haut du cou & de la tête étoit garni en partie de petits poils blancs, luisans comme des soies de porc, & en partie de petits bouquets composés chacun d'environ douze poils blancs & fort menus, & de la longueur de quatre ou cinq lignes, qui n'avoient tous ensemble qu'une racine faite en forme de tuyau de la grosseur d'une très-petite épingle. Ces poils étoient assez rares sur le cou, & encore moins fréquens sur la tête, qui étoit absolument chauve par-dessus. Il y avoit au bout de chaque aîle deux ergots à-peu-près semblables aux aiguillons des porcs épics ; ces ergots avoient environ un pouce de longueur & une ligne & demie de diametre à la base ; leur substance ressembloit à de la corne. Le plus grand étoit à l'extrémité du dernier os de l'aîle, & l'autre à un demi-pié plus bas. Le bec étoit court, & sa pointe émoussée & arrondie par le bout, qui étoit fortifié par une éminence un peu crochue. L'oeil étoit assez ressemblant à l'oeil de l'homme pour la forme extérieure ; l'ouverture étoit ovale ; la paupiere supérieure étoit grande, & avoit des cils beaucoup plus longs que ceux de la paupiere inférieure ; la ligne qui alloit de l'un des angles à l'autre étoit droite selon la direction du bec. Les cuisses étoient grosses & charnues ; ses pattes étoient recouvertes par-devant de grandes écailles en forme de tables. Mém. de l'Acad. roy. des Scienc. tom. III. part. II. L'autruche n'a que deux doigts, qui sont tous les deux en devant ; l'intérieur est le plus long, & il est terminé par un grand ongle noirâtre ; l'extérieur n'en a point. Ces deux doigts sont joints jusqu'à la premiere articulation par une forte membrane. Cet oiseau est naturel à l'Afrique. On en voit quelquefois dans les deserts rassemblés en un si grand nombre, qu'on les prendroit de loin pour une troupe de gens à cheval. On en trouve aussi dans l'Asie, sur-tout dans l'Arabie, & il y en a en Amérique de différentes especes. L'autruche se nourrit de différentes choses, & mange des herbes, du pain, & presque tout ce qu'on lui présente. Elle avale jusqu'à du cuir, & même du fer ; c'est ce qui a fait croire qu'elle pouvoit digérer ce métal : mais c'est mal-à-propos qu'on a attribué cette force à l'estomac de l'autruche, car elle rend le fer dans l'état où elle l'a avalé. Willughby, Ornith.

On a trouvé dans les ventricules des autruches que M. Perrault a fait disséquer, du foin, des herbes, de l'orge, des féves, des os, & des cailloux, dont quelques-uns étoient de la grosseur d'un oeuf de poule. Il y avoit dans un de ses ventricules jusqu'à soixante & dix doubles, dont la plûpart étoient usés jusqu'aux trois quarts pour avoir frotté les uns contre les autres ou contre les cailloux ; car ceux qui étoient courbés avoient été usés & polis sur le côté convexe & restoient entiers du côté concave : ces pieces de cuivre avoient teint en verd tout ce qui étoit dans le ventricule : on a observé que les autruches meurent, lorsqu'elles ont avallé beaucoup de fer ou de cuivre. Mém. de l'Acad. roy. des Scienc. tom. III. part. II.

Les oeufs d'autruche sont très-gros, & leur coque fort dure : on dit qu'il y en a qui pesent près de quinze livres ; elle les dépose dans le sable & les abandonne à la chaleur du soleil sans les couver ; cette chaleur les fait éclorre. Willughby, Orn. Voy. OISEAU. (I)

La membrane intérieure de l'estomac d'autruche est estimée propre pour fortifier l'estomac : elle est apéritive étant séchée & prise en poudre. Sa graisse est émolliente, résolutive, nervale. (N)

* L'autruche fournit aux plumassiers la plûpart des matériaux qu'ils employent dans presque tous leurs ouvrages.

Les plumes grises qu'elles ont ordinairement sous le ventre & sous les aîles, sont appellées petit-gris. Voyez PETIT-GRIS.

Les plumes des mâles sont les plus estimées, tant parce qu'elles sont plus larges, mieux fournies, & qu'elles ont le bout plus touffu & la soie plus fine, que parce qu'on peut leur donner telle couleur qu'il plaît à l'ouvrier ; ce qu'on ne fait que très-difficilement, & même jamais bien aux plumes des femelles.

On les tire de Barbarie, d'Egypte, de Seyde, d'Alep, &c. Voyez PLUME.


AUTRY(Géog.) ville de France dans l'Orléanois, élection de Pithiviers.


AUTUN(Géog.) ville de France au duché de Bourgogne, au pié de trois grandes montagnes, proche de l'Arroux. Long. 21. 58. 8. lat. 45. 56. 46.


AUVENTS. m. en architecture, est une avance faite de planches, qui sert à mettre quelque chose à couvert ou à garantir de la pluie ce qui peut être audessous. Auvent proprement dit, est ce qui sert à couvrir la montre d'une boutique ; les auvents sont ordinairement droits, & quelquefois bombés. (P)

* Il est défendu de poser des auvents sans le congé & l'alignement du voyer & de ses commis. La police en a fixé la longueur & la largeur relativement à celle des rues ; & il est défendu d'y mettre aucun étalage, ni rien qui les déborde.


AUVERGNE(Géographie.) province de France d'environ quarante lieues du midi au septentrion, & trente de l'orient à l'occident, bornée au nord par le Bourbonnois ; à l'orient par le Forès & le Vélai ; à l'occident par le Limosin, le Quercy, & la Marche ; & au midi par le Rouergue & les Cevennes : elle se divise en haute & basse ; celle-ci se nomme la Limagne. Ses rivieres sont l'Allier, la Dordogne & l'Alagnon. Ses principales montagnes, le Puy-de-dome, le mont d'Or & le Cantal. Clermont est la capitale de toute la province : quant à son commerce, les gros bestiaux en font la principale partie ; ils enrichissent la haute Auvergne, d'où ils passent dans les provinces voisines, même en Espagne. Les Auvergnats sortent de leur province & se répandent par-tout, où ils se louent à toutes sortes de travaux ; ils font principalement la chauderonnerie. Il y a en Auvergne d'excellentes papeteries : il s'y fait quelques étoffes : on connoit ses fromages. Les meilleurs haras de mules & de mulets sont à la Planche, canton de l'Auvergne situé entre Saint-Flour & Murat. Les autres parties de son commerce sont en bois de sapin, en charbon de terre, en pommes de reinette & de calville, en cires, en colles fortes, en suifs, en noix, en huile de noix, & en toiles de chanvre.

Clermont peut être regardé comme le marché général de l'Auvergne ; on s'y fournit d'étoffes, d'habits, de dentelles, &c. On y prépare des cuirs ; on y fait des confitures d'abricots & de pommes ; on y travaille des burats, des étamines & des serges. Aurillac fournit des fromages. Il y a des manufactures de points. Il se tient à Saint-Flour des foires considérables. Il s'y vend des mules & des mulets : c'est le grenier des seigles du pays ; on y fait des couteaux, des rasoirs, des ciseaux, des raz & des serges, & l'on y prépare des cuirs. Les cartes, le papier, la coutellerie & le fil à marquer, font le trafic de Thiers. C'est le même commerce à Ambert, où l'on fabrique des raz & des étamines, mais surtout du papier à la beauté duquel on prétend que les eaux contribuent beaucoup. Tout le monde connoît les tapisseries d'Aubusson. Bessé est l'entrepôt des blés, des vins & des fromages qu'on tire de la Limagne. Il y a à Riom, à Maringues, à Anjan & à Chaudes-Aigues, des tanneries. Il se fait à Aurillac des étamines burattées ; à Brioude, des serges ; à Felletin, des tapisseries de haute-lisse ; à Riom, Murat, Mauriac, &c. de grosses étoffes ; & des points, à la Chaise-Dieu, à Allange, &c.

AUVERGNE, (jeu de l'homme d ') ce jeu a un grand rapport à celui de la triomphe ; on peut y joüer depuis deux jusqu'à six. Le jeu de cartes en contient jusqu'à trente-deux : mais si l'on ne joue que deux ou trois, il ne sera que de vingt-huit, parce qu'on levera les sept. Les cartes conservent leur valeur ordinaire : après que l'on a vû à qui fera, celui qui est à mêler fait couper le joüeur de sa gauche, & donne à chacun cinq cartes par deux ou trois, & en prend autant pour lui, il tourne la carte qui est dessus le talon, & qui sert de triomphe ; alors chacun voit s'il peut jouer avec son jeu, sinon il passe, comme à la bête. Si personne n'a assez beau jeu pour joüer dans la couleur retournée, on se réjoüit en ce cas, & jusqu'à trois fois, si les deux premieres cartes retournées n'ont pû accommoder les joüeurs. Il faut faire trois mains pour gagner, & deux premieres, quand elles sont partagées entre les joüeurs. Lorsque le jeu de cartes est reconnu faux, on refait, & les coups précédens sont bons, & même celui où on l'auroit reconnu tel, s'il étoit fini. Celui qui donne mal perd un jeu & remêle : si en mêlant il se trouve quelque carte retournée, on refait. Celui qui retourne un roi pour triomphe, gagne un jeu pour ce roi, & autant pour tous ceux qu'il a dans la main ; tous les joüeurs ont le même avantage. Celui qui joue avant son tour perd un jeu au profit du jeu : celui qui renonce perd la partie ; le sens de ce terme, en ce cas, est qu'il n'y peut plus prétendre. Celui qui fait joüer & perd, démarque un jeu au profit de celui qui gagne : celui qui a en main le roi de la couleur retournée en réjoüissance, a le même droit que celui qui l'a de la premiere tourne, & marque un jeu pour ce roi, & un jeu pour chaque autre qu'il auroit encore, pourvû néanmoins qu'il n'eût pas eu dans son jeu le roi de la triomphe précédente dans le même coup, pour lequel il auroit déjà marqué.

S'il arrive que l'un des joüeurs, après s'être réjoüi, vienne à perdre en joüant le roi de la premiere triomphe, soit que l'on lui coupât ou autrement, celui qui feroit cette levée gagneroit une marque sur celui qui l'auroit jetté, & ainsi des autres rois pour lesquels on gagne des jeux.


AUVERNASS. m. vin fort rouge & fumeux, qui vient d'Orléans, & qui est fait de raisins noirs qui portent le nom d'auvernas, à cause que ce plant est venu d'Auvergne.


AUVILLARD(Géog.) ville de France en Gascogne, dans la Lomagne, proche de la Garonne. Long. 18. 40. lat. 44. 7.


AUXERRE(Géog.) ville de France au duché de Bourgogne, capitale d'un pays appellé de son nom l'Auxerrois, sur l'Yonne. Long. 21. 14. 20. lat. 47. 54.


AUXESES. f. figure de Rhétorique, par laquelle on amplifie une chose à l'excès. Voyez AMPLIFICATION & HYPERBOLE. (G)


AUXESIES. f. (Myth.) déesse adorée par les habitans d'Egine. Hérodote & Pausanias, qui en ont fait mention, ne nous en apprennent rien de plus.


AUXI-LE-CHASTEAU(Géog.) petite ville des Pays-bas catholiques, dans l'Artois, à trois lieues de Dourlens, sur l'Authie, qui la sépare en deux.


AUXILIAIREadj. (Gramm.) ce mot vient du Latin auxiliaris, & signifie qui vient au secours. En terme de Grammaire, on appelle verbes auxiliaires le verbe être & le verbe avoir, parce qu'ils aident à conjuguer certains tems des autres verbes, & ces tems sont appellés tems composés.

Il y a dans les verbes des tems qu'on appelle simples ; c'est lorsque la valeur du verbe est énoncée en un seul mot ; j'aime, j'aimois, j'aimerai, &c.

Il y a encore les tems composés, j'ai aimé, j'avois aimé, j'aurois aimé, &c. ces termes sont énoncés en deux mots.

Il y a même des tems doublement composés, qu'on appelle sur-composés ; c'est lorsque le verbe est énoncé par trois mots ; quand il a eu dîné, j'aurois été aimé, &c.

Plusieurs de ces tems qui sont composés ou sur-composés en François, sont simples en Latin, sur-tout à l'actif amavi, j'ai aimé, &c. Le François n'a point de tems simples au passif ; il en est de même en Espagnol, en Italien, en Allemand, & dans plusieurs autres langues vulgaires. Ainsi quoiqu'on dise en Latin en un seul mot, amor, amaris, amatur, on dit en François, je suis aimé, &c. en Espagnol, soy amado, je suis aimé ; eres amado, tu es aimé ; es amado, il est aimé, &c. en Italien, sono amato, sei amato, è amato.

Les verbes passifs des Latins ne sont composés qu'aux prétérits, & aux autres tems qui se forment du participe passé, amatus sum vel fui, j'ai été aimé ; amatus ero vel fuero, j'aurai été aimé ; on dit aussi à l'actif, amatum ire, qu'il aimera ou qu'il doit aimer ; & au passif, amatum iri, qu'il sera ou qu'il doit être aimé ; amatum est alors un nom indéclinable, ire ou iri ad amatum. Voyez SUPIN.

Cependant on ne s'est point avisé en Latin de donner en ces occasions le nom d'auxiliaire au verbe sum, ni à habeo, ni à ire, quoiqu'on dise habeo persuasum, & que César ait dit, misit copias quas habebat paratas, habere grates, fidem, mentionem, odium, &c.

Notre verbe devoir ne sert-il pas aussi d'auxiliaire aux autres verbes par métaphore ou par extension, pour signifier ce qui arrivera ? je dois aller demain à Versailles ; je dois recevoir, &c. il doit partir, il doit arriver, &c.

Le verbe faire a souvent aussi le même usage ; faire voir, faire part, faire des complimens, faire honte, faire peur, faire pitié, &c.

Je crois qu'on a donné le nom d'auxiliaire à être & à avoir, que parce que ces verbes étant suivis d'un nom verbal, deviennent équivalens à un verbe simple des Latins, veni, je suis venu ; c'est ainsi que parce que propter est une préposition en Latin, on a mis aussi notre à cause au rang des prépositions Françoises, & ainsi de quelques autres.

Pour moi je suis persuadé qu'il ne faut juger de la nature des mots que relativement au service qu'ils rendent dans la langue où ils sont en usage, & non par rapport à quelqu'autre langue dont ils sont l'équivalent ; ainsi ce n'est que par périphrase ou circonlocution que je suis venu est le prétérit de venir. Je est le sujet ; c'est un pronom personnel : suis est seul le verbe à la premiere personne du tems présent je suis actuellement : venu est un participe ou adjectif verbal, qui signifie une action passée, & qui la signifie adjectivement comme arrivée ; au lieu que avenement la signifie substantivement & dans un sens abstrait : ainsi il est venu, c'est-à-dire, il est actuellement celui qui est venu, comme les Latins disent venturus est, il est actuellement celui qui doit venir. J'ai aimé, le verbe n'est que ai, habeo ; j'ai est dit alors par figure, par métaphore, par similitude. Quand nous disons, j'ai un livre, &c. j'ai est au propre, & nous tenons le même langage par comparaison, lorsque nous nous servons de termes abstraits ; ainsi nous disons, j'ai aimé, comme nous disons, j'ai honte, j'ai peur, j'ai envie, j'ai soif, j'ai faim, j'ai chaud, j'ai froid ; je regarde donc alors aimé comme un véritable nom substantif abstrait & métaphysique, qui répond à amatum, amatu des Latins, quand ils disent amatum ire, aller au sentiment d'aimer, ou amatum iri, l'action d'aller au sentiment d'aimer, être faite, le chemin d'aller au sentiment d'aimer, être pris, viam iri ad amatum : or comme en Latin amatum, amatu, n'est pas le même mot qu'amatus, a, um, de même aimé dans j'ai aimé, n'est pas le même mot que dans je suis aimé, ou aimée ; le premier est actif, j'ai aimé, au lieu que l'autre est passif, je suis aimé : ainsi quand un officier dit, j'ai habillé mon régiment, mes troupes ; habillé est un nom abstrait pris dans un sens actif ; au lieu que quand il dit, les troupes que j'ai habillées ; habillées est un pur adjectif participe qui est dit dans le même sens que paratas, dans la phrase ci-dessus, copias quas habebat paratas. César.

Ainsi il me semble que nos Grammaires pourroient bien se passer du mot d'auxiliaire, & qu'il suffiroit de remarquer en ces occasions le mot qui est verbe, le mot qui est nom, & la périphrase qui équivaut au mot simple des Latins. Si cette précision paroît trop recherchée à certaines personnes, du moins elles n'y trouveront rien qui les empêche de s'en tenir au train commun, ou plûtôt à ce qu'elles savent déjà.

Ceux qui ne savent rien ont bien plus de facilité à apprendre bien, que ceux qui déjà savent mal.

Nos Grammairiens, en voulant donner à nos verbes des tems qui répondissent comme en un seul mot aux tems simples des Latins, ont inventé le mot de verbe auxiliaire : c'est ainsi qu'en voulant assujettir les langues modernes à la méthode Latine, ils les ont embarrassées d'un grand nombre de préceptes inutiles, de cas, de déclinaisons, & autres termes qui ne conviennent point à ces langues, & qui n'y auroient jamais été reçûs si les Grammairiens n'avoient pas commencé par l'étude de la langue Latine. Ils ont assujetti de simples équivalens à des regles étrangeres : mais on ne doit pas regler la Grammaire d'une langue par les formules de la Grammaire d'une autre langue.

Les regles d'une langue ne doivent se tirer que de cette langue même. Les langues ont précédé les Grammaires ; & celles-ci ne doivent être formées que d'observations justes tirées du bon usage de la langue particuliere dont elles traitent. (F)


AUXO(Myth.) c'est le nom d'une des deux Graces reconnues & adorées par les Athéniens ; l'autre s'appelloit Hégémone. Voyez GRACES.


AUXOIS(Géog.) contrée de France en Bourgogne, entre le Dijonois, l'Auxerrois, la Champagne & l'Autunois. Semur en est la capitale.


AUXONNEville de France au duché de Bourgogne, sur la Saonne. Long. 23. 3. 55. lat. 47. 11. 24.


AUZANNEville de France en Auvergne, élection de Combrailles.


AUZONville de France en Auvergne, généralité de Riom, élection d'Issoire.


AUZUBA(Hist. nat. bot.) grand arbre de l'île d'Hispaniola, qui porte, dit-on, un fruit si doux & si fade, qu'on a peine à le manger, à moins qu'on ne l'ait corrigé en le faisant tremper dans l'eau : description incomplete & mauvaise.


AVA(Géog. mod.) royaume d'Asie sur la riviere de même nom, au-delà du Gange, sur le golfe de Bengale. Ava en est la capitale. Sa longitude est 114, & sa latit. 21. Il y a au Japon un royaume de même nom, dont la capitale s'appelle aussi Ava. Ce royaume est renfermé dans une île située entre la presqu'île de Niphon & l'île de Bongo. Long. 151. 10. lat. 33. Ava, autre royaume du Japon, avec une ville de même nom, dans la presqu'île de Niphon. Long. 159. lat. 35. 20.


AVACCARI(Hist. nat. bot.) petit arbre qui croît aux Indes, & qui a la feuille, la fleur & la baie du myrte ; sa baie est seulement un peu plus astringente.


AVAGES. m. (Jurisprud.) c'est le nom qu'on donne au droit que les exécuteurs levent ou en argent ou en nature, sur plusieurs marchandises. Ils n'ont pas ce droit par-tout, ni tous les jours ; mais seulement dans quelques provinces, & certains jours de marché.


AVAL(Comm.) c'est une souscription qu'on met sur une lettre de change ou sur une promesse d'en fournir quelqu'une ; sur des ordres ou sur des acceptations ; sur des billets de change ou autres billets, & sur tous autres actes de semblable espece, qui se font entre marchands & négocians ; par laquelle on s'oblige d'en payer la valeur ou le contenu, en cas qu'ils ne soient pas acquités à leur échéance par ceux qui les ont acceptés, ou qui les ont signés. C'est proprement une caution pour faire valoir la lettre, la promesse, &c.

On appelle ceux qui donnent ces sortes de cautions, donneurs d'aval, lesquels sont tenus de payer solidairement avec les tireurs, prometteurs, endosseurs & accepteurs, encore qu'il n'en soit pas fait mention dans l'aval. Ordonn. de 1673, art. 33. du tit. v.

Suivant l'article 1. du titre vij. de la même ordonnance, les donneurs d'aval peuvent être contraints par corps.

Ceux qui souscrivent & donnent leur aval sur les lettres & billets, ne peuvent prétendre ni réclamer le bénéfice de discussion & division : mais ils peuvent d'abord être contraints par corps au payement, ainsi qu'il a été jugé au parlement de Paris.

Les courtiers de marchandises ne peuvent signer aucune lettre de change par aval, mais seulement certifier que la signature des lettres est véritable. Ordonn. de 1673. art. 2. tit. xj.

Il semble qu'il en devroit être de même à l'égard des agens de change & de banque, puisque par l'article 1. du tit. j. de la même ordonnance, il leur est défendu de faire le change & la banque pour leur compte personnel. (G)

AVAL, (d)'terme de riviere, opposé à d'amont. L'aval & l'amont sont relatifs au cours de la riviere, & à la position d'un lieu sur ses bords ; l'aval de la riviere suit la pente de ses eaux ; l'amont remonte contre leur cours : le pays d'aval est celui où l'on arrive en suivant le cours de la riviere ; le pays d'amont est celui où l'on arrive en le remontant. Ainsi des marchands qui viennent de Charenton à Paris, navigent aval, mais viennent du pays d'amont ; & pareillement des bateaux qui viennent de Rouen à Paris, & remontent la riviere, navigent amont, mais viennent du pays d'aval.


AVALAGES. m. terme de Tonnelier ; c'est l'action par laquelle les maîtres Tonneliers descendent les vins dans les caves des particuliers. Voyez TONNELIER.


AVALANTparticipe, en terme de Riviere ; c'est la même chose que descendant. On dit d'un bateau qu'il va en avalant en pleine riviere ; que le montant doit céder à l'avalant en pont ; & qu'en pertuis, c'est le contraire. On dit aussi d'une arche qu'elle est avalante, pour marquer que le courant des eaux y est fort rapide.


AVALÉES. f. terme de Manufacture en laine ; c'est la plus grande quantité d'ouvrage que l'ouvrier puisse faire, sans dérouler ses ensuples ; celle de devant pour mettre dessus l'ouvrage fait, celle de derriere pour lâcher de la chaîne. On dit aussi levée. Avalée & levée sont synonymes à fassure : mais fassure n'est guere d'usage que dans les manufactures en soie.

AVALEE, se dit encore dans les mêmes manufactures, de la quantité d'étoffe comprise depuis la perche jusqu'au faudet, dans l'opération qu'on appelle le lainage ; d'avalée en avalée, la piece se trouve toute lainée. Voyez LAINER, FAUDET, DRAPERIE.


AVALERv. act. (Physiolog.) Voyez DEGLUTITION.

On voit parmi les raretés qu'on conserve à Leyde, dans l'école d'Anatomie, un couteau de dix pouces de long, qu'un paysan avala, & fit sortir par son estomac. Ce paysan vécut encore huit ans après cet accident.

Une dame dont M. Greenhill parle dans les Transactions philosophiques, eut une tumeur au nombril, pour avoir avalé des noyaux de prunes. La tumeur étant venue à s'ouvrir d'elle-même, quelque tems après elle les rendit : mais elle mourut malgré le soin qu'on en prit. Une fille âgée de dix ans, qui demeuroit auprès d'Hall en Saxe, avala en joüant un couteau de six pouces & demi de long ; la curiosité du fait engagea Wolfgang Christ Weserton, medecin de l'électeur de Brandebourg, à en prendre soin ; le couteau changea de place plusieurs fois, & cessa d'incommoder cette fille au bout de quelque mois : mais un an après on ne le sentit presque plus, tant il avoit diminué : enfin il sortit par un abcès que sa pointe avoit causé, trois travers le doigt au-dessous du creux de l'estomac ; mais il étoit extrèmement diminué, & la fille fut entierement rétablie. Trans. phil. n°. 219. Voyez aussi les Mém. de l'acad. de Chir.

" Plusieurs personnes (dit M. Sloane, à l'occasion d'un malheureux qui avoit avalé une grande quantité de caillous, pour remédier aux vents dont il étoit affligé, lesquels ayant resté dans son estomac, l'avoient réduit à un état pitoyable ;) " s'imaginent lorsqu'ils voyent que les oiseaux languissent, à moins qu'ils n'avalent des cailloux ou du gravier, que rien n'est meilleur pour aider la digestion que d'en avaler : mais j'ai toûjours condamné cette coûtume, car l'estomac de l'homme étant tout-à-fait différent des gésiers des oiseaux, qui sont extrèmement forts, musculeux, & tapissés d'une membrane qui sert avec ces petits caillous à broyer les alimens qu'ils ont pris ; les caillous ne peuvent manquer de faire beaucoup de mal. J'ai connu, continue cet auteur, un homme qui, après avoir avalé pendant plusieurs années neuf ou dix caillous par jour aussi gros que des noisettes, mourut subitement, quoiqu'ils ne lui eussent fait aucun mal en apparence, & qu'ils eussent toûjours passé ".

AVALER, v. act. (Comm.) Avaler une lettre de change, un billet de change ; c'est y mettre son aval, le souscrire, en répondre : cette expression est peu usitée. (G)

AVALER la ficelle, terme de Chapelier ; c'est faire descendre, avec l'instrument appellé avaloire, la ficelle depuis le haut de la forme d'un chapeau jusqu'au bas, qui se nomme le lien. Voyez CHAPEAU & AVALOIRE.

AVALER du vin dans une cave, terme de Tonnelier, c'est le descendre dans la cave par le moyen du poulain. Voyez AVALAGE & POULAIN.


AVALIESS. f. (Commerce & Manufacture.) c'est ainsi qu'on appelle les laines qu'on enleve des peaux de moutons au sortir des mains du boucher. On conçoit aisément que ces laines étant d'une qualité fort inférieure à celles de toison, on ne peut guere les employer qu'en trames.


AVALOIRES. f. outil dont les Chapeliers se servent pour avaler la ficelle, ou la faire descendre depuis le haut de la forme jusqu'au bas. Voyez CHAPEAU.

L'avaloire est un instrument moitié de bois & moitié de cuivre ou de fer : la partie qui est composée de bois a cinq ou six pouces de longueur, deux de largeur, & deux ou trois lignes d'épaisseur : mais elle est plus large par en-bas que par en-haut ; le bas est garni dans toute sa longueur d'une rainure, pour mieux embrasser la ficelle : la partie de l'avaloire, qui est de fer, lui tient lieu de manche, & est garnie par sa partie supérieure d'une petite plaque de fer sur laquelle le Chapelier appuie le pouce en avalant la ficelle. Voyez CHAPEAU, & la fig. 10, Planche du Chapelier.

AVALOIRE d'embas, s. f. terme de Bourrelier ; c'est une partie du harnois du cheval, qui consiste en une large bande de cuir double, assujettie par les deux bouts à deux grands anneaux de fer à l'extrémité des reculemens, & soûtenue par deux bandes de cuir qui descendent du sur-dos, & qui la tiennent en une position horisontale dans laquelle elle regne autour des cuisses du cheval : l'avaloire d'embas sert à faire reculer le carrosse au moyen des bandes de côté qui tirent les chaînettes, & par conséquent le timon en arriere. Voyez la figure 9, Planche du Bourrelier, qui représente l 'avaloire d'un cheval de limon.


AVALON(Géographie.) ville de France en Bourgogne dans l'Auxois, sur le Cousain. Long. 21. 22. lat. 47. 28.

Il y a dans l'île de Terre-neuve, Amérique septentrionale, une province de même nom.


AVALURES. f. (Manege & Maréchal.) c'est un bourrelet, ou cercle de corne, qui se forme au sabot d'un cheval quand ce dernier a été blessé, & qu'il vient de la nouvelle corne qui pousse l'ancienne devant elle ; c'est proprement la marque de l'endroit où la nouvelle corne touche l'ancienne.

Les avalures n'arrivent que par accidens & blessures à la corne : lorsque celle-ci a été entamée par une blessure, ou par quelque opération, il se fait une avalure, c'est-à-dire, qu'il croît une nouvelle corne à la place de celle qui a été emportée ; cette nouvelle corne est plus raboteuse, plus grossiere & plus molle que l'ancienne ; elle part communément de la couronne, & descend toûjours chassant la vieille devant elle : lorsqu'on voit une avalure, on peut compter que le pié est altéré. (V)


AVANAZE(Hist. nat. bot.) sorte de noisettes fort douces & d'une odeur agréable quand elles sont broyées, qu'on trouve sur un arbrisseau du Bresil, dont on ne donne point la description, & qui se conservent confites dans le sucre ; c'est un des meilleurs fruits du Bresil. Il n'est pas nécessaire d'avertir que cette description est tirée d'un voyageur ou d'un historien, & non pas d'un naturaliste.


AVANCES. f. (Commerce.) se prend pour anticipation de tems. Payer un billet, une promesse d'avance, c'est en compter la valeur avant le tems de son échéance, ce qui se fait ordinairement en escomptant. Voyez ECHEANCE & ESCOMPTER.

AVANCE, signifie aussi prêt d'argent ou fourniture de marchandises : je suis en avance avec un tel, c'est-à-dire, je lui ai prêté des sommes considérables, je lui ai fourni beaucoup de marchandises.

AVANCE ; on dit en termes de lettres de change, avance pour le tireur, lorsque d'une lettre négociée, celui qui la négocie en reçoit plus que le pair, c'est-à-dire, plus que la somme portée par la lettre : on appelle au contraire avance pour le donneur & perte pour le tireur, lorsque par la négociation, celui à qui appartient la lettre, n'en reçoit pas l'entiere valeur. (G)

AVANCE ou SAILLIE, en Architecture ; c'est ordinairement la ligne ou la distance qu'il y a entre l'extrémité d'un membre ou d'une moulure, & la partie découverte de la colonne ou de toute autre partie d'où l'avance se fait.

Cependant il y a des auteurs qui regardent l'avance, ou la saillie, comme venant de l'axe de la colonne, & ils la définissent une ligne droite comprise entre l'axe & la surface extérieure d'un membre ou d'une moulure. Voyez SAILLIE. (P)

* AVANCE, (cap. d)'cap du Magellan, dans l'Amérique méridionale, ainsi nommé de ce qu'il est le plus avancé dans le détroit de Magellan.


AVANCERAVANCER les plantes (Agriculture.) c’est hâter leur accroissement ou leur fruit, ce qui s’opere par le fumier qu’on leur donne, ou par le remuement des terres, ou par l’arrosage : tous ces moyens produisent le même effet.

AVANCER, dans le Commerce, a différens sens. Il signifie 1°. faire les frais d'une entreprise avant que le tems soit venu de s'en rembourser ; ainsi l'on dit qu'un homme a avancé tous les frais d'une manufacture : 2°. il se prend pour prêter de l'argent ou fournir à crédit des marchandises : 3°. en fait de payement, on dit avancer un payement, c'est-à-dire le faire avant l'échéance. Voyez AVANCE. (G)

AVANCER, en terme de Tireur d'or ; c'est donner au fil d'or le quatrieme tirage pour le mettre en état d'être fini dans la derniere opération qui se fait par les tourneuses. Voyez TIREUR D'OR.


AVANCEURS. m. ouvrier employé à une opération particuliere dans le tirage de l'or. Voy. AVANCER & TIRER L'OR.


AVANIEoutrage, affront, insulte, (Grammaire.) termes relatifs à la nature des procédés d'un homme envers un autre. L'insulte est ordinairement dans le discours ; l'affront dans le refus ; l'outrage & l'avanie dans l'action : mais l'insulte marque de l'étourderie ; l'outrage, de la violence ; & l'avanie, du mépris. Celui qui vit avec des étourdis, est exposé à des insultes ; celui qui demande à un indifférent ce qu'on ne doit attendre que d'un ami, mérite presqu'un affront. Il faut éviter les hommes violens si l'on craint d'essuyer des outrages ; & ne s'attaquer jamais à la populace, si l'on est sensible aux avanies.

AVANIE, (Hist. mod. & Commerce.) ce terme est particulierement usité dans le Levant & dans tous les états du grand-seigneur, pour signifier les présens ou les amendes que les bachas & les doüaniers Turcs exigent des marchands Chrétiens, ou leur font payer injustement & sous de faux prétextes de contravention.

Quand les avanies regardent toute une nation, ce sont les ambassadeurs ou les consuls qui les reglent, & qui ensuite en ordonnent la levée sur les marchands & particuliers de la nation, mais ordinairement de l'avis & avec la participation des principaux d'entr'eux.

Pour les avanies particulieres, chacun s'en tire au meilleur marché qui lui est possible, en employant toûjours néanmoins le crédit & l'entremise des ambassadeurs ou des consuls, dont le principal emploi à Constantinople, & dans les échelles de la Méditerranée, est de protéger le commerce & les négocians, & de prévenir ou de faire cesser les avanies. (G)


AVANT(Grammaire.) préposition qui marque préférence & priorité de tems ou d'ordre, & de rang : il est arrivé avant moi : il faut mettre le sujet de la proposition avant l'attribut : se faire payer avant l'échéance : n'appellez personne heureux avant la mort : nous devons servir Dieu, & l'aimer avant toutes choses : la probité & la justice doivent aller avant tout.

M. l'Abbé Girard, dans son traité des synonimes, observe qu'avant est pour l'ordre du tems, & que devant est pour l'ordre des places. Le plûtôt arrivé se place avant les autres ; le plus considérable se met devant eux. On est exposé à attendre devant la porte quand on s'y rend avant l'heure.

Devant marque aussi la présence : il a fait cela devant moi ; au lieu qu'il a fait cela avant moi, marqueroit le tems ; sa maison est devant la mienne, c'est-à-dire, qu'elle est placée vis-à-vis de la mienne ; au lieu que si je dis, sa maison est avant la mienne, cela voudra dire que celui à qui je parle arrivera à la maison de celui dont on parle, avant que d'arriver à la mienne.

Avant se prend aussi adverbialement, & alors il est précédé d'autres adverbes ; il a pénétré si avant, bien avant, trop avant, assez avant.

Il faut dire, avant que de partir ou avant que vous partiez. Je sai pourtant qu'il y a des auteurs qui veulent supprimer le que dans ces phrases, & dire avant de se mettre à table, &c. mais je crois que c'est une faute contre le bon usage ; car avant étant une préposition, doit avoir un complément ou régime immédiat ; or une autre préposition ne sauroit être ce complément : je crois qu'on ne peut pas plus dire avant de, qu'avant pour, avant par, avant sur : de ne se met après une préposition que quand il est partitif, parce qu'alors il y a ellipse ; au lieu que dans avant que, ce mot que, hoc quod, est le complément, ou, comme on dit, le régime de la préposition avant ; avant que de, c'est-à-dire, avant la chose de, &c.

Avant que de vous voir, tout flattoit mon envie,

dit Quinault, & c'est ainsi qu'ont parlé tous les bons auteurs de son tems, excepté en un très-petit nombre d'occasions où une syllabe de plus s'opposoit à la mesure du vers : la poësie a des priviléges qui ne sont pas accordés à la prose.

D'ailleurs, comme on dit pendant que, après que, depuis que, parce que, l'analogie demande que l'on dise avant que.

Enfin, avant est aussi une préposition inséparable qui entre dans la composition de plusieurs mots. Par préposition inséparable, on entend une préposition qu'on ne peut séparer du mot avec lequel elle fait un tout, sans changer la signification de ce mot : ainsi on dit avant-garde, avant-bras, avant-cour, avant-goût, avant-hier, avant-midi, avant-main, avant-propos, avant quart, avant-train ; ce sont les deux roues qu'on ajoûte à celles de derriere ; ce mot est sur-tout en usage en Artillerie : on dit aussi en Architecture, avant-bec ; ce sont les pointes ou éperons qui avancent au-delà des piles des ponts de pierre, pour rompre l'effort de l'eau contre ces piles, & pour faciliter le passage des bateaux. (F)

AVANT (aller en), terme de Pratique, usité singulierement dans les avenir qui se signifient de procureur à procureur : il signifie poursuivre le jugement d'une affaire. (H)

AVANT, a différentes significations en Marine. L'avant du vaisseau ou la proue, c'est la partie du vaisseau qui s'avance la premiere à la mer.

On entend aussi par l'avant, toute la partie du vaisseau comprise entre le mât de misaine & la proue, le château d'avant, ou le gaillard d'avant. Voyez CHATEAU D'AVANT.

Vaisseau trop sur l'avant, c'est-à-dire qui a l'avant trop enfoncé dans l'eau.

Etre de l'avant, se mettre de l'avant, se dit d'un vaisseau qui marchant en compagnie, avance des premiers.

Etre de l'avant, se dit aussi lorsque l'on se trouve arrivé à la vûe d'une terre, quand par l'estime de ses routes, on croit en être encore éloigné. V. ESTIME.

Le vent se range de l'avant, c'est-à-dire qu'il prend par la proue & devient contraire à la route. (Z)

AVANT-BEC, s. m. en Architecture : nom qu'on donne aux deux éperons de la pile d'un pont. Leur plan est le plus souvent un triangle équilatéral, dont la pointe se présente au fil de l'eau pour la briser & l'obliger à passer sous les arches. L'avant-bec d'aval est le plus souvent rond, comme au pont de Pontoise.

Les Romains faisoient quelquefois l'avant-bec d'amont rond, comme au pont Saint-Ange à Rome ; & quelquefois à angle droit, comme au pont antique de Rimini en Italie.

L'avant-bec d'amont est opposé au fil de l'eau, & celui d'aval est au-dessous.

Cette pointe d'une pile qu'on appelle l'avant-bec, est ordinairement garnie de dalles à joints recouverts. (P)

AVANT-BRAS, s. m. partie du métier à faire des bas. Voyez BAS au métier.

AVANT-CHEMIN-COUVERT, c'est dans la Fortification, un second chemin couvert qui est plus avancé dans la campagne que le premier, Lorsqu'il y a un avant fossé, on construit presque toûjours au-delà un avant-chemin-couvert.

L'avant-chemin-couvert ne doit point être plus élevé que le premier ; au contraire on abaisse quelquefois son terre-plein d'un pié & demi ou deux piés : mais on lui construit alors deux banquettes. L'avant-chemin-couvert se durcit de la même maniere que le chemin couvert ordinaire : il a, comme le premier, ses places d'armes, ses traverses, &c. Voyez CHEMIN-COUVERT ; voyez aussi une partie d'avant-chemin-couvert. Pl. IV. de l'art milit. fig. 3. (Q)

AVANT-COEUR ou ANTI-COEUR. C'est, en Anatomie, cette partie creuse proche le coeur, communément appellée le creux de l'estomac, & par quelques-uns scrobiculus cordis. Ce dernier mot est composé de , contra, contre, & de cor, coeur. (L)

AVANT-COEUR, (Maréch.) Les Maréchaux appellent ainsi une tumeur contre nature, de figure ronde, & grosse à peu près comme la moitié du poing, qui se forme à la poitrine du cheval vis-à-vis du coeur. Si l'avant-coeur ne vient à suppuration, c'est pour le cheval une maladie mortelle. On dit aussi anti-coeur.

L'avant-coeur se manifeste par la tumeur qui paroît en-dehors ; le cheval devient triste, tient la tête basse, & sent un grand battement de coeur ; il se laisse tomber par terre de tems en tems, comme si le coeur lui manquoit, & qu'il fût prêt à s'évanoüir : il perd totalement le manger ; & la fievre devient quelquefois si violente par la douleur aiguë qu'il sent, qu'elle l'emporte en fort peu de tems.

Cette maladie peut avoir deux causes : elle vient ou d'une morfondure qui aura fait arrêter & répandre du sang dans les graisses & dans les attaches du muscle pectoral d'un côté, ou de tous les deux ensemble ; ce sang épanché y forme de la matiere, qui étant répandue & fermentant dans un endroit aussi sensible, doit allumer une fievre très-vive par la douleur violente qu'elle cause.

L'autre cause, qui est bien aussi vraisemblable que la premiere, & à laquelle tous ceux qui ont écrit de ce mal ne l'ont point attribué, que je sache, est un écart ou un effort du cheval, lequel aura forcé les tendons des muscles pectoraux ; ce qui causant une grande douleur au cheval, vû la sensibilité de ces parties, y excite une inflammation avec tumeur par l'irruption des vaisseaux dans le tems de l'écart.

Cette tumeur disparoît quelquefois, ce qui est un très-mauvais prognostic, à moins que la saignée n'en soit la cause : enfin si ce mal arrive à un cheval mal disposé, il court grand risque de n'en pas revenir.

Lorsque l'avant-coeur vient à suppuration, & que la matiere s'y forme promptement, il paroît que le cheval a la force de pousser au-dehors cette tumeur, & c'est un bon signe pour sa guérison.

Il vient aussi au cheval une grosse tumeur douloureuse au haut de la cuisse en-dedans, à l'endroit où elle se joint au bas-ventre, c'est-à-dire, à l'aine. Ce mal est aussi dangereux que le précédent ; car il est produit par les mêmes causes, la fievre s'allume avec autant de violence, & le cheval peut en mourir en vingt-quatre heures s'il n'est promptement saigné.

Comme ces maux ont les mêmes symptomes, ils doivent se guérir par les mêmes remedes. Le plus pressé est de diminuer promptement le volume du sang pour appaiser la fievre & la douleur ; il faut donc saigner le cheval quatre ou cinq fois brusquement du flanc ou du train de derriere pour l'avant-coeur, & du cou pour la tumeur à l'aine, lui donner beaucoup de lavemens émolliens, & lui faire garder un régime très-exact : on graissera en même tems la tumeur avec du suppuratif ; & si l'on voit qu'elle vienne à suppuration, on la percera avec un bouton de feu pour en faire écouler la matiere.

Quelques jours après que la fievre aura cessé, il sera bon de faire prendre au cheval un breuvage composé d'une once de thériaque & d'une once d'assa-foetida. (V)

AVANT-CORPS, s. m. terme d'Architecture, s'entend de la partie saillante d'un corps d'Architecture sur un autre corps, soit par rapport aux plans, soit par rapport aux élévations, sans avoir égard à leur largeur, ni à leur épaisseur qui peuvent être arbitraires ; c'est-à-dire qu'un pilastre, qu'un corps de refend est nommé avant-corps, lorsqu'il fait ressaut sur le nud d'un mur : on dit de même qu'un papillon fait avant-corps dans un bâtiment, soit qu'il soit composé d'une ou plusieurs croisées. (P)

AVANT-CORPS, se prend en Serrurerie ainsi qu'en Architecture, pour tous les morceaux qui excedent le nud de l'ouvrage, & qui forment saillie sur ce nud. Les moulures forment avant-corps ; mais les rinceaux & autres ornemens de cette nature ne partagent point cette dénomination.

AVANT-COUR, s. f. (Architecture.) c'est dans un palais ou château à la campagne, une cour qui précede la principale, comme la cour des ministres à Versailles, & la premiere cour du Palais-Royal à Paris. Ces sortes d'avant-cours servent quelquefois à communiquer dans les basses-cours des cuisines & écuries qui sont assez souvent aux deux côtés. On les appelle en latin atria. (P)

AVANT-FOSSE, s. m. est, dans la Fortification, un fossé qu'on construit au pié du glacis. Voyez Planche IV. de l'Art milit. fig. 3.

On appelle aussi avant-fossé dans les lignes ou retranchemens, le fossé qu'on fait quelquefois un peu en-avant du côté de l'ennemi, pour l'arrêter lorsqu'il veut attaquer le retranchement. Voyez RETRANCHEMENT, ou LIGNE DE CIRCONVALLATION.

L'avant-fossé des places doit être toûjours plein d'eau : autrement il serviroit à couvrir l'ennemi du feu de la place, lorsqu'il seroit parvenu à se rendre maître de ce fossé. On fait ensorte par cette raison que l'avant-fossé ne puisse point être saigné. Au-delà de l'avant-fossé, on construit ordinairement des lunettes, redoutes, &c. Voyez LUNETTE & REDOUTE. On enveloppe le tout d'un avant-chemin couvert.

AVANT-GARDE, s. f. terme de Guerre, est la premiere ligne ou division d'une armée rangée en bataille, ou qui marche en ordre de bataille ; ou la partie qui est à la vûe de l'ennemi, & qui marche la premiere à lui. Voyez LIGNE, GARDE, ARMEE, &c.

La totalité du corps d'une armée est composée d'une avant-garde, d'une arriere-garde, & du corps de bataille. Voyez ARRIERE-GARDE, &c.

Avant-garde se dit aussi quelquefois d'une petite troupe de cavalerie de quinze ou vingt chevaux, commandée par un lieutenant, qui est un peu audelà, mais à la vûe du corps de bataille. (Q)

AVANT-GARDE, c'est, en Marine, une des divisions d'une armée navale, laquelle en fait l'avant-garde dans la route, & doit tenir la droite dans l'occasion. (Z)

AVANT-LOGIS, s. m. en Architecture, c'étoit chez les anciens le corps de logis de devant. Il y en avoit de cinq especes : le toscan qui n'étoit seulement qu'un auvent au pourtour de la cour ; le tétrastyle qui avoit quatre colonnes qui servoient à porter cet auvent ; le corinthien, décoré d'un péristyle du même ordre au pourtour de la cour ; le testitudinée, qui avoit des arcades couvertes en voûte d'arrête, ainsi que l'étage du dessus, & le découvert, dont la cour n'avoit ni portique, ni péristyle, ni auvent en saillie. Vitruve, liv. VI. ch. iij.

Palladio décrit, liv. II. ch. vj. l'avant-logis corinthien qu'il a bâti à la Charité de Venise pour des chanoines réguliers, où il a imité la disposition de celui des Romains dont parle Vitruve, page 329. (P)

AVANT-MAIN, s. m. (Manége.) c'est le devant du cheval ; savoir la tête, le cou, le poitrail, les épaules. L'avant-main délié & mince, n'est pas toûjours une marque de legereté. Dans les sauts, croupades, ballotades & caprioles, c'est de la rêne de dehors qu'il faut aider le cheval, parce qu'il a l'avant-main serré & la croupe en liberté. Au terre-à-terre, il faut aider de la rêne du dedans de la bride, parce qu'alors la croupe est serrée & l'avant-main au large. On dit ce cheval est beau de la main en avant. (V)

AVANT-MAIN, terme de Paumier ; prendre une balle d'avant-main, c'est la chasser devant soi avec la raquette, après l'avoir prise du côté de la main dont on tient la raquette. En prenant une balle d'avant-main, il faut avoir le bras tendu & le raccourcir un peu en chassant la balle.

AVANT-PARLIER, s. m. vieux mot qui s'est dit autrefois pour avocat. Voyez PARLIER & AMPARLIER, qui signifient la même chose.

AVANT-PART, s. m. expression d'usage dans quelques coûtumes, pour signifier le préciput de l'aîné. Voyez AINESSE & PRECIPUT. (H)

* AVANT-PECHE, s. f. (Jardinage.) espece de pêches précoces, petites, rondelettes, terminées par une espece de tête, blanche, d'une chair fine, mais pâteuse, n'ayant qu'un peu de la saveur de la pêche, & portées par un arbre, dont la fleur est d'un blanc blafard, qui pousse peu de bois, & qui n'est pas beau ; la maturité de l'avant-pêche précede d'un mois ou environ celle des bonnes pêches ; elle prend chair, grossit, & mûrit dès le commencement de Juillet ; elle est fort sujette aux fourmis ; la primeur fait son mérite principal ; elle n'est guere bonne qu'en compote : la compote s'en fait comme celle de tous les fruits verds.

AVANT-PIE, s. m. en termes de Bottier, c'est le dessus du soulier ; ce que les Cordonniers appellent empeigne. Voyez EMPEIGNE, & A, fig. 43. Planche du Cordonnier-Bottier.

AVANT-PIEU, s. m. en Architecture, est un bout de bois quarré, qu'on met sur la couronne d'un pieu pour l'entretenir à-plomb, lorsqu'on le bat avec la sonnette pour l'enfoncer.

On nomme aussi avant pieu, un morceau de fer rond pointu par un des bouts, qui sert à faire des trous pour planter des piquets, des jalons & des échalas de treillage, lorsque la terre est ferme. (P)

AVANT-TERRE, en termes de riviere, est synonyme à rivage ; c'est dans le même sens qu'on appelle les arches de ponts qui tiennent aux deux culées, les arches avant-terre. On dit aussi de deux bateaux qui sont à côté l'un de l'autre, que celui qui est près le rivage, est avant-terre.

AVANT-TRAIN, c'est, chez les Charrons, la partie antérieure d'un carrosse : elle est composée d'une sellette dans laquelle est encastré un essieu qui passe par les moyeux des petites roues, d'un timon, d'une fourchette, de deux éremonts, & de quatre jantes de rond, &c. Voyez la figure 1. de la Planche du Charron. C'est aux deux côtés du timon que sont attachés le chevaux qui tirent le carrosse.

AVANT-TRAIN, comme qui diroit train de devant ; il sert dans l'Artillerie, à mener le canon en campagne : quant aux parties dont il est composé, voyez l'article précédent. Il le joint à l'affut avec une cheville de fer, nommée cheville ouvriere, qui entre dans ce qui s'appelle la lunette de l'entretoise de l'affut. Voyez AFFUT. (Q)


AVANTAGEprofit, utilité, (Grammaire.) termes relatifs au bien-être que nous tirons des choses extérieures. L'avantage naît de la commodité ; le profit, du gain ; & l'utilité, du service. Ce livre m'est utile ; ces leçons me sont profitables ; son commerce m'est avantageux : fuyez les gens qui cherchent en tout leur avantage, qui ne songent qu'à leur profit, & qui ne sont d'aucune utilité aux autres.

AVANTAGE, s. m. terme de Jurisprudence, est ce qu'on accorde à quelqu'un au-delà de la part que l'usage ou la loi lui attribuent. Ainsi on appelle avantage ce qu'un testateur donne à un de ses héritiers au-delà de la portion des autres ; ce qu'un mari donne à sa femme, ou la femme à son mari, au-delà de ce qui est reglé par le droit ou la coûtume du lieu.

Dans les coûtumes d'égalité, on ne peut faire aucun avantage à l'un de ses héritiers, au préjudice des autres ; dans celle de Paris, les conjoints ne peuvent s'avantager directement ni indirectement pendant le mariage. Voyez EGALITE & CONJOINT.

AVANTAGE, en style de Pratique ou de Palais, est un défaut obtenu contre une partie non comparante, soit par le demandeur ou le défendeur. Cet avantage consiste dans l'adjudication des conclusions de la partie comparante, sauf au défaillant à revenir par opposition contre le jugement obtenu contre lui par défaut. Voyez JUGEMENT & OPPOSITION. (H)

AVANTAGE, éperon, poulaine ; c'est, en termes de Marine, la partie de l'avant du vaisseau, qui est en saillie sur l'étrave. Voyez ÉPERON.

Avantage du vent ; voyez VENT & DISPUTER LE VENT. (Z)

AVANTAGE, être monté à son avantage ; c'est, en Manege, être monté sur un bon ou grand cheval : monter avec avantage, ou prendre de l'avantage pour monter à cheval, c'est se servir de quelque chose sur laquelle on monte avant de mettre le pié à l'étrier. Les femmes, les vieillards & les gens infirmes se servent ordinairement d'avantage pour monter à cheval. (V)

AVANTAGE, s. m. en termes de jeu ; on dit qu'un joüeur a de l'avantage, lorsqu'il y a plus à parier pour son gain que pour sa perte, c'est-à-dire lorsque son espérance surpasse sa mise. Pour éclaircir cette définition par un exemple très-simple ; je suppose qu'un joüeur A parie contre un autre B, d'amener deux du premier coup avec un dez, & que la mise de chaque joüeur soit d'un ecu ; il est évident que le joüeur B, a un grand avantage dans ce pari ; car le dez ayant six faces peut amener six chiffres différens, dont il n'y en a qu'un qui fasse gagner le joüeur A : ainsi la mise totale étant deux écus, il y a cinq contre un à parier que le joüeur B gagnera. Donc l'espérance de ce joüeur est égale à 5/6 de la mise totale, c'est--dire à 10/6 d'écu, puisque la mise totale est deux écus. Or 10/6 d'écu valent un écu & deux tiers d'écu. Donc puisque la mise du joüeur B est un écu, son avantage, c'est-à-dire l'excès de ce qu'il espere gagner sur la somme qu'il met au jeu, est 2/3 d'écu. De façon que si le joüeur A, après avoir fait le pari, vouloit renoncer au jeu, & n'osoit tenter la fortune, il faudroit qu'il rendît au joüeur B son écu, & outre cela deux livres, c'est-à-dire 2/3 d'écu. Voyez PARI, JEU, DEZ, PROBABILITE, &c. (O)

AVANTAGE, en termes de jeu, se dit encore d'un moyen d'égaliser la partie entre deux joüeurs de force inégale. On donne la main au piquet ; le pion & le trait, aux échecs ; le dez, au trictrac.

Le même terme se prend dans un autre sens à la Paume. Lorsque les deux joüeurs ont trente tous les deux ; au lieu de dire de celui qui gagne le quinze suivant, qu'il a quarante-cinq, on dit qu'il a l'avantage.


AVARICES. f. (Morale.) Ainsi que la plûpart des passions, l'amour desordonné des richesses n'est vice que par son excès : corrigé par une sage modération, il redeviendroit une affection innocente. L'or ou l'argent étant, en conséquence d'une convention générale, la clé du commerce & l'instrument de nos besoins ; il n'est pas plus criminel d'en desirer, que de souhaiter les choses mêmes qu'on acquiert avec ces métaux.

Tout amour immodéré des richesses est vicieux, mais n'est pas toûjours avarice. L'avare, à proprement parler, est celui qui, pervertissant l'usage de l'argent, destiné à procurer les nécessités de la vie, aime mieux se les refuser, que d'altérer ou ne pas grossir un thresor qu'il laisse inutile. L'illusion des avares est de prendre l'or & l'argent pour des biens, au lieu que ce ne sont que des moyens pour en avoir

Ceux qui n'aiment l'argent que pour le dépenser, ne sont pas véritablement avares ; l'avarice suppose une extrème défiance des évenemens, & des précautions excessives contre les instabilités de la fortune.

L'avarice produit souvent des effets contraires : il y a un nombre infini de gens qui sacrifient tout leur bien à des espérances douteuses & éloignées ; d'autres méprisent de grands avantages à venir pour de petits intérêts présens. (X)


AVARIESS. f. pl. terme de Police de mer ; ce sont les accidens & mauvaises aventures qui arrivent aux vaisseaux & aux marchandises de leurs cargaisons, depuis leur chargement & départ, jusqu'à leur retour & déchargement.

Il y a trois sortes d'avaries, de simples ou particulieres, de grosses ou communes, & des menues.

Les simples avaries consistent dans les dépenses extraordinaires qui sont faites pour le bâtiment seul ou pour les marchandises seulement ; & alors le dommage qui leur arrive en particulier, doit être supporté & payé par la chose qui a souffert le dommage ou causé la dépense.

On met au nombre des simples avaries, la perte des cables, des ancres, des voiles, des mâts & des cordages, arrivée par la tempête ou autres fortunes de mer ; & encore le dommage des marchandises causé par la faute du maître ou de l'équipage. Toutes ces avaries doivent tomber sur le maître, le navire & le fret ; au lieu que les dommages arrivés aux marchandises par leur vice propre, &c. doivent tomber sur le propriétaire. La nourriture & le loyer des matelots, lorsque le navire est arrêté en voyage par ordre d'un souverain, sont aussi réputés simples avaries, lorsque le vaisseau est loüé au voyage, & non au mois, & c'est le vaisseau seul qui les doit porter.

Les grosses ou communes avaries, sont les dépenses extraordinaires faites, & le dommage souffert pour le bien & le salut commun des marchandises & du vaisseau ; telles que les choses données par composition aux pirates pour le rachat du navire & des marchandises ; celles jettées en mer ; les cables & mats rompus ou coupés ; les ancres & autres effets abandonnés pour le bien commun du navire & des marchandises, &c. Toutes ces grosses avaries doivent tomber tant sur le vaisseau que sur les marchandises, pour être déduites au sou la livre sur le tout.

Les menues avaries sont les lamanages, tonages, pilotages, pour entrer dans les havres & rivieres, ou pour en sortir ; & elles doivent être supportées, un tiers par le navire, & les deux autres tiers par les marchandises. On ne compte point parmi les avaries les droits de congé, visite, rapport, balise, &c. qui doivent être supportés par le maître du vaisseau. On peut voir toutes ces avaries dans l'Ordonnance de la Marine du mois d'Août 1681. au tit. vij. du liv. III. (G)

Avarie s'employe aussi pour signifier un droit qui se paye pour l'entretien d'un port, par chaque vaisseau qui y mouille.


AVASTEen Marine, se dit pour assez, arrêtez-vous. (Z)


AVAUX(Géog.) comté en Champagne, dans le territoire de Rheims.


AVE MARIou SALUTATION ANGÉLIQUE, (Théologie.) priere à la sainte Vierge, très-usitée dans l'Eglise romaine. Elle est composée des paroles que l'ange Gabriel adressa à la sainte Vierge lorsqu'il vint lui annoncer le mystere de l'Incarnation ; de celles de sainte élisabeth, lorsqu'elle reçut la visite de la Vierge ; & enfin de celles de l'Eglise, pour implorer son intercession. On l'appelle Ave Maria, parce qu'elle commence par ces mots, qui signifient je vous salue Marie.

On appelle aussi ave maria les plus petits grains du chapelet ou rosaire, qui indiquent que quand on le récite on doit dire des ave ; à la différence des gros grains, sur lesquels on dit le pater ou l'oraison dominicale. Voyez CHAPELET & ROSAIRE. (G)


AVEIRO(Géog.) ville de Portugal sur l'étang de Vouga. Long. 9. 30. lat. 40. 30.


AVEIROUriviere de France dans le Roüergue, a sa source dans la terre de Several, au-dessus de Rhodès où elle passe, puis à Saint-Antonin, à Bourniquet & à Negrepelisse ; reçoit le Braut, le Lezert, la Bonnelle & le Lerre avec la Canda, & se jette dans le Tarn au lieu dit la pointe d'Aveirou.


AVELANEDou VALANEDE ; c'est ainsi qu'on nomme la coque du gland. On s'en sert pour passer les cuirs.


AVELINEcorylus seu nux avellana sylvestris, J. B. 1. 129.

Les meilleures avelines ou noisettes sont celles qui sont grosses, mûres, dont l'amande est presque ronde, rougeâtre, pleine de suc, d'un bon goût, & qui n'est point vermoulue ; elles sont plus nourrissantes que les noix : on les croit pectorales ; mais elles sont venteuses & difficiles à digérer.

Elles contiennent une moyenne quantité de sel volatil & essentiel, beaucoup de parties huileuses & terrestres.

Leur usage n'est point nuisible, s'il est modéré, & si on a l'estomac bon.

Plusieurs pensent que les chatons & les coquilles des noisettes sont astringentes, & les amandes très-difficiles à digérer ; qu'elles chargent l'estomac, empêchent la respiration & rendent la voix rauque : mais leur émulsion, avec l'hydromel, est bonne contre la toux seche & invétérée. (N)


AVELINIERS. m. (Hist. nat. bot.) arbrisseau qui doit se rapporter au genre nommé noisettier. Voyez NOISETTIER.


AVELLAville d'Italie dans la terre de Labour, avec titre de marquisat, à quatre milles de Nole & quinze de Naples, du côté de Bénévent.


AVELLINO(Géog.) ville d'Italie au royaume de Naples, dans la principauté ultérieure. Long. 32. 33. lat. 40. 53.


AVENAGES. f. terme de Droit coûtumier, redevance en avoine dûe à un seigneur. (H)


AVENAI(Géogr.) ville de France en Champagne, proche la riviere de Marne, & non loin de Rheims.


AVENCHou AVANCHE, (Géogr.) ville de Suisse au canton de Berne. Longit. 24. 37. latit. 46. 50.


AVENEMENTse dit de la venue du Messie. On distingue deux sortes d'avenemens du Messie ; l'un accompli lorsque le Verbe s'est incarné, & qu'il a paru parmi les hommes revêtu d'une chair mortelle ; l'autre futur, lorsqu'il descendra visiblement du ciel dans sa gloire & sa majesté, pour juger tous les hommes.

Les Juifs sont toûjours dans l'attente du premier avenement du Messie, & les Chrétiens dans celle du second, qui précédera le jugement. (G)

On dit aussi avenement d'un prince à la couronne.


AVENTS. m. (Hist. ecclés.) tems consacré par l'Eglise pour se préparer à célébrer dignement la fête de l'avenement ou de la naissance de Jesus-Christ, & qui précede immédiatement cette fête. Voy. NOEL.

Ce tems dure quatre semaines, & commence le dimanche même qui tombe le jour de saint André, si le dimanche se rencontre avec cette fête, ou le dimanche, soit avant, soit après, qui en est le plus proche, c'est-à-dire le dimanche qui tombe entre le 27 de Novembre & le 3 de Décembre inclusivement. Tel est l'usage présent de l'Eglise, mais il n'a pas toûjours été de même. Le rit Ambrosien marque six semaines pour l'avent, & le sacramentaire de S. Grgoire en compte cinq. Les capitulaires de Charlemagne portent qu'on faisoit un carême de 40 jours avant Noël : c'est ce qui est appellé dans quelques anciens auteurs, le carême de la S. Martin. Cette abstinence avoit d'abord été instituée pour trois jours par semaine ; savoir le lundi, le mercredi & le vendredi, par le premier concile de Mâcon, tenu en 581. Depuis, la piété des fideles l'avoit étendue à tous les autres jours ; mais elle n'étoit pas constamment observée dans toutes les églises, ni si régulierement par les laïcs que par les clercs. Chez les Grecs l'usage n'étoit pas plus uniforme, les uns commençant le jeûne de l'avent dès le 15 de Novembre, d'autres le 6 de Décembre, & d'autres le 20. Dans Constantinople même l'observation de l'avent dépendoit de la dévotion des particuliers, qui le commençoient tantôt trois, tantôt six semaines, & quelquefois une seulement avant Noël.

En Angleterre les tribunaux de judicature étoient fermés pendant ce tems-là. Le roi Jean fit à ce sujet une déclaration expresse qui portoit défense de vaquer aux affaires du barreau dans le cours de l'avent, in adventu Domini nulla assisa capi debet ; & même encore à-présent il est défendu de marier pendant l'avent sans dispense. Voyez MARIAGE.

Une autre singularité à observer par rapport à l'avent, c'est que contre l'usage établi aujourd'hui d'appeller la premiere semaine de l'avent celle par laquelle il commence, & qui est la plus éloignée de Noël, on donnoit ce nom à celle qui en est la plus proche, & on comptoit ainsi toutes les autres en rétrogradant, comme on fait avant le carême les dimanches de la septuagésime, sexagésime, quinquagésime, &c. (G)


AVENTIN(MONT) une des sept collines de Rome ; c'est aujourd'hui la montagne de sainte Sabine.


AVENTUREévenement, accident, (Gramm.) termes relatifs aux choses passées, ou considérées comme telles. Evénement est une expression qui leur est commune à toutes, & qui n'en désigne ni la qualité, ni celles des êtres à qui elles sont arrivées ; il demande une épithete pour indiquer quelque chose de plus que l'existence des choses ; le changement dans la valeur des especes est un évenement : mais qu'est cet évenement ? Il est avantageux pour quelques particuliers, fâcheux pour l'état. Accident a rapport à un fait unique, ou considéré comme tel, & à des individus, & marque toûjours quelque mal physique. Il est arrivé un grand accident dans ce village, le tonnerre en a brûlé la moitié. Aventure est aussi indéterminé qu'évenement, quant à la qualité des choses arrivées : mais évenement est plus général, il se dit des êtres animés & des êtres inanimés ; & aventure n'est relatif qu'aux êtres animés : une aventure est bonne ou mauvaise, ainsi qu'un évenement : mais il semble que la cause de l'aventure nous soit moins inconnue, & son existence moins inopinée que celle de l'évenement & de l'accident. La vie est pleine d'évenemens, dit M. l'abbé Girard ; entre ces évenemens, combien d'accidens qu'on ne peut ni prévenir, ni réparer ? on n'a pas été dans le monde sans avoir eu quelque aventure.

AVENTURE, s. f. évenement extraordinaire ou surprenant, soit réel soit imaginaire. Voyez FABLE.

Certains poëmes contiennent les aventures des héros, comme l'Odyssée & l'Enéide, celles d'Ulysse & d'Enée. Les nouvelles & les romans sont des relations circonstanciées d'aventures imaginaires qu'on attribue à des cavaliers, des amans, &c. Voyez NOUVELLE, ROMAN, &c. (G)

AVENTURE, s. f, (Commerce.) mettre de l'argent à la grosse aventure. c'est le placer sur un vaisseau, où l'on court risque de le perdre par le naufrage ou par les corsaires, si ce n'est qu'on ait pris une assûrance. Voy. ASSURANCE & ASSUREUR. (G)

AVENTURES, s. f. (Art. milit.) dans nos anciens auteurs signifie tournois, exercices militaires qui se font à cheval. Voyez TOURNOI. (Q)


AVENTURIERsub. m. dans le Commerce, se dit d'un homme sans caractere & sans domicile, qui se mêle hardiment d'affaires, & dont on ne sçauroit trop se défier.

AVENTURIER, est aussi le nom qu'on donne en Amérique aux pirates hardis & entreprenans, qui s'unissent contre les Espagnols, & font des courses sur eux ; on les nomme autrement boucaniers. Voyez BOUCANIER.

AVENTURIER, est encore le nom que les Anglois donnent à ceux qui prennent des actions dans les compagnies formées pour l'établissement de leurs colonies d'Amérique ; ce qui les distingue de ceux qu'ils nomment planteurs, c'est-à-dire, des habitans qui y ont des plantations.

Les derniers s'occupent à planter & à cultiver les terres ; les autres portent leur argent, & pour ainsi dire le mettent à l'aventure dans l'espérance des profits qu'ils en doivent retirer par des dividendes ; ceux-ci sont proprement ce qu'on nomme en France, actionnaires ; ceux-là ce qu'on y appelle habitans colons & concessionnaires. Dans ce sens, on trouve dans le recueil des chartres d'Angleterre, les avanturiers & planteurs de la Virginie ; les aventuriers & planteurs de la nouvelle Angleterre, les chartres accordées pour les nouvelles colonies y distinguant toûjours ces deux sortes d'intéressés, & leur accordant des priviléges différens.

AVENTURIER, est aussi le nom qu'on donne à un vaisseau marchand qui va trafiquer dans l'étendue de la concession d'une compagnie de commerce, sans en avoir obtenu la permission. V. INTERLOPE. (G)


AVENTURINEOn entend ordinairement par ce mot une composition de verre de couleur jaunâtre ou roussâtre, parsemée de points brillans de couleur d'or. Si on veut trouver une pierre naturelle qui ressemble à cette composition, & que l'on puisse nommer aventurine naturelle, c'est parmi les pierres chatoyantes qu'il faut la chercher ; il y en a une espece dont la couleur est approchante de celle de l'aventurine factice, & qui est aussi parsemée de points chatoyans & très-brillans. Voyez PIERRE CHATOYANTE. (I)


AVENUES. f. en Architecture, est une grande allée d'arbres avec une contre-allée de chaque côté, ordinairement de la moitié de sa largeur. Ces sortes d'avenues sont ordinairement plantées à l'entrée d'une ville ou d'un château, comme l'avenue de Vincennes près Paris.

AVENUE EN PERSPECTIVE, est celle qui est plus large par un bout que par l'autre, pour donner à une allée une plus grande apparence de longueur, ou pour la faire paroître parallele en regardant par le bout le plus étroit. Voyez ALLEE & PARALLELISME. (P)


AVEou ABYDOS, (Géog. anc. & mod.) petite ville de la Turquie d'Asie, en Natolie, sur le détroit de Gallipoli, avec une forteresse sur la côte qu'on appelle une des Dardanelles, ou le Château vieux. On la croit bâtie, non sur les ruines de l'ancienne Abydos, mais sur celles de l'ancien Dardanum, dont elle conserve le nom.


AVERNES. m. chez les anciens, se disoit de certains lieux, grottes, & autres endroits dont l'air est contagieux, & les vapeurs empoisonnées ou infectées ; on les appelle aussi mephites. Voyez HUMIDE, EXHALAISON, &c.

On dit que les avernes sont fréquens en Hongrie, ce que l'on attribue au grand nombre de ses mines. Voyez MINE & MINERAL. La grotte de Cani, en Italie, est célebre. Voyez GROTTE, EXHALAISON, &c.

Le plus fameux averne étoit un lac proche de Baies, dans la Campanie ; les Italiens modernes l'ont appellé pago di Tripergola.

Les anciens disent que les vapeurs qu'il exhale sont si pernicieuses, que les oiseaux ne peuvent le passer en volant, & qu'ils y tombent morts. Cette circonstance jointe à la grande profondeur du lac, fit imaginer aux anciens, que c'étoit une entrée de l'enfer ; c'est pourquoi Virgile y fait descendre Enée par cet endroit.

Proche de Baïes, dit Strabon, est le golfe de Lucrine, où est le lac de l'averne. C'étoit-là que les anciens croyoient qu'Ulysse avoit, suivant Homere, conversé avec les morts, & consulté les manes de Tirésias ; là étoit l'oracle consacré aux ombres, qu'Ulysse alla voir & consulter sur son retour. L'averne est un lac obscur & profond, dont l'entrée est fort étroite du côté de la baie ; il est entouré de rochers pendans en précipice, & n'est accessible qu'aux navires sans voile ; ces rochers étoient autrefois couverts d'un bois impénétrable, dont la profonde obscurité imprimoit une horreur superstitieuse, & l'on croyoit que c'étoit le séjour des Cimmeriens, nation qui vivoit en de perpétuelles ténebres. Voyez CIMMERIEN.

Avant que de faire voile vers cet endroit horrible, on sacrifioit aux dieux infernaux pour se les rendre propices ; dans ces actes de religion, l'on étoit assisté de prêtres, qui demeuroient & exerçoient leurs fonctions proche de l'averne. Au dedans étoit une fontaine d'eau pure, qui se déchargeoit dans la mer ; on n'en buvoit jamais, parce que l'on étoit persuadé que c'étoit un écoulement du Styx. En quelqu'endroit proche de cette fontaine étoit l'oracle ; les eaux chaudes qui sont communes dans ce pays, faisoient penser aux habitans qu'elles sortoient du Phlégéton. Recherches sur la vie d'Homere, sect. 11. (G)


AVERRUNQUESS. m. pl. (Hist. anc.) dans l'antiquité, un ordre des dieux chez les Romains ; leur office étoit de détourner les dangers & les maux. Voyez DIEU. Les Grecs appelloient ces dieux ou , & leur fête , quelquefois .

Les Egyptiens avoient aussi leurs dieux averrunci ou apotropaei, auxquels ils donnoient une attitude menaçante, & quelquefois ils les armoient d'un foüet ; Isis étoit une divinité de cette espece, comme l'a fait voir Kircher. Voyez Oedip. Aegypt. tom III. p. 487. (G)


AVERSE(Géog.) ville d'Italie, au royaume de Naples, dans la terre de Labour. Long. 31. 50. lat. 41.


AVERSIONS. f. (Med.) c'est l'action de détourner les humeurs vers une partie opposée, soit par révulsion, dérivation, ou répulsion. Voyez DERIVATION, REVULSION.

AVERSION, signifie aussi nausée, dégoût, & l'on s'en sert pour exprimer l'horreur que l'on a pour certains alimens.

AVERSION, chez quelques auteurs, signifie le dérangement de l'uterus, que les anciens ont cru sortir de sa place dans les maladies hystériques. Voyez HYSTERIQUE. (N)


AVERTIadj. (en Manege) pas averti, pas écouté, est un pas reglé & soûtenu, un pas d'école. On disoit autrefois un pas racolt dans le même sens. Voyez PAS, ALLURE. (V)


AVERTIRAVERTIR un cheval, en Manége, c’est le reveiller au moyen de quelques aides, lorsqu’il se néglige dans son exercice. Ce terme ne s’emploie guere que dans le manége. (V)


AVERTISSEMENTsub. m. (Litterat.) conseil ou instruction, qu'on donne à une personne qui y est intéressée. Ce mot vient du Latin advertere, considérer, faire attention.

Les auteurs, à la tête de leurs ouvrages, mettent quelquefois un avertissement au lecteur, pour le prévenir sur certaines choses relatives aux matieres qu'ils traitent, ou à leur méthode. Quand ces avertissemens sont d'une certaine étendue, on les nomme Préfaces. Voyez PREFACE.

AVERTISSEMENT, se dit aussi d'une petite signification en papier timbré, que les receveurs de la capitation envoyent à ceux qui négligent de la payer. (G)


AVERTISSEURS. m. (Hist. mod.) officier de la maison du roi, dont la fonction est d'annoncer quand le roi vient dîner.


AVES(L'ISLE D ') ou DES OISEAUX, petite île de l'Amérique méridionale, vers le 22d. 45'. de latitude, au sud de Porto Rico, & au sud-est de l'île de Bonair.

Il y a une autre île de même nom au nord de la précédente, vers le 15e degré de latitude.

Et une troisieme dans l'Amérique septentrionale, proche la côte orientale de Terre-neuve, au 50d. 5'. de latitude.

AVES, (RIO D') riviere de Portugal, qui coule dans le pays d'entre Duero & Minho, & se jette dans la mer, au bourg de Villa de Conde.


AVESNES(Géog.) ville des Pays-bas François, au comté de Hainaut, sur la riviere d'Hespre. Long. 21. 33. lat. 50. 10.


AVETTES. f. (Hist. nat. Insectolog.) on donnoit autrefois ce nom aux abeilles. Voyez ABEILLE. (I)


AVEUVoyez ADVEU.


AVEUERou mieux AVUER une perdrix, se dit en Fauconnerie, pour la suivre de l'oeil, la garder à vûe, & observer quand elle part, & qu'elle va s'appuyer dans les remises.


AVEUGLEadj. pris subst. se dit d'une personne privée de la vûe. Cette privation devroit, suivant l'analogie, s'appeller aveuglement ; mais ce mot n'est usité que dans un sens moral & figuré, & ce n'est pas le seul de notre langue qui ne se prenne que dans un sens métaphorique ; bassesse est de ce nombre. La privation de la vûe est appellée par quelques écrivains cécité, du mot Latin caecitas, qui vient de caecus, aveugle ; & ce mot, qui est commode, nous paroît mériter d'être adopté.

On peut être aveugle de naissance, ou le devenir soit par accident, soit par maladie. Notre dessein n'est point ici de traiter des maladies ou des causes qui occasionnent la perte de la vûe, & qu'on trouvera dans ce Dictionnaire à leurs articles : nous nous contenterons de faire des réflexions philosophiques sur la cécité, sur les idées dont elle nous prive, sur l'avantage que les autres sens peuvent en retirer, &c.

Il est d'abord évident que le sens de la vûe étant fort propre à nous distraire par la quantité d'objets qu'il nous présente à la fois, ceux qui sont privés de ce sens doivent naturellement, & en général, avoir plus d'attention aux objets qui tombent sous leurs autres sens. C'est principalement à cette cause qu'on doit attribuer la finesse du toucher & de l'oüie, qu'on observe dans certains aveugles, plûtôt qu'à une supériorité réelle de ces sens par laquelle la nature ait voulu les dédommager de la privation de la vûe. Cela est si vrai, qu'une personne devenue aveugle par accident, trouve souvent dans le secours des sens qui lui restent, des ressources dont elle ne se doutoit pas auparavant. Ce qui vient uniquement de ce que cette personne étant moins distraite, est devenue plus capable d'attention : mais c'est principalement dans les aveugles nés qu'on peut remarquer, s'il est permis de s'exprimer ainsi, les miracles de la cécité.

Un auteur anonyme a publié sur ce sujet, en 1749, un petit ouvrage très-philosophique & très-bien écrit, intitulé Lettres sur les aveugles, à l'usage de ceux qui voyent ; avec cette épigraphe, possunt, nec posse videntur, qui fait allusion aux prodiges des aveugles nés. Nous allons donner dans cet article l'extrait de cette lettre, dont la métaphysique est partout très-fine & très-vraie, si on en excepte quelques endroits qui n'ont pas un rapport immédiat au sujet, & qui peuvent blesser les oreilles pieuses.

L'auteur fait d'abord mention d'un aveugle né qu'il a connu, & qui vraisemblablement vit encore. Cet aveugle qui demeure au Puisaux en Gatinois, est chimiste & musicien. Il fait lire son fils avec des caracteres en relief. Il juge fort exactement des symmétries : mais on se doute bien que l'idée de symmétrie qui pour nous est de pure convention à beaucoup d'égards, l'est encore davantage pour lui.

Sa définition du miroir est singuliere ; c'est, dit-il, une machine par laquelle les choses sont mises en relief hors d'elles-mêmes. Cette définition peut être absurde pour un sot qui a des yeux ; mais un philosophe, même clairvoyant, doit la trouver bien subtile & bien surprenante. " Descartes, aveugle né, dit notre auteur, auroit dû, ce me semble, s'en applaudir. En effet, quelle finesse d'idées n'a-t-il pas fallu pour y parvenir ? Notre aveugle n'a de connoissance que par le toucher ; il sait sur le rapport des autres hommes, que par le moyen de la vûe on connoît les objets, comme ils lui sont connus par le toucher, du moins c'est la seule notion qu'il puisse s'en former ; il sait de plus qu'on ne peut voir son propre visage, quoiqu'on puisse le toucher. La vûe, doit-il conclure, est donc une espece de toucher qui ne s'étend que sur les objets différens de notre visage & éloignés de nous. D'ailleurs le toucher ne lui donne l'idée que du relief. Donc, ajoûte-t-il, un miroir est une machine qui nous met en relief hors de nous-mêmes ". Remarquez bien que ces mots en relief ne sont pas de trop. Si l'aveugle avoit dit simplement, nous met hors de nous-mêmes, il auroit dit une absurdité de plus : car comment concevoir une machine qui puisse doubler un objet ? le mot de relief ne s'applique qu'à la surface ; ainsi nous mettre en relief hors de nous-mêmes, c'est mettre seulement la représentation de la surface de notre corps hors de nous. L'aveugle a dû sentir par le raisonnement, que le toucher ne lui représente que la surface des corps ; & qu'ainsi cette espece de toucher qu'on appelle vûe, ne donne l'idée que du relief ou de la surface des corps, sans donner celle de leur solidité, le mot de relief ne désignant ici que la surface. J'avoüe que la désignation de l'aveugle, même avec cette restriction, est encore une énigme pour lui : mais du moins on voit qu'il a cherche à diminuer l'énigme le plus qu'il étoit possible.

On juge bien que tous les phénomenes des miroirs & des verres qui grossissent ou diminuent, ou multiplient les objets, sont des mysteres impénétrables pour lui. " Il demanda si la machine qui grossit les objets étoit plus courte que celle qui les rappetisse ; si celle qui les rapproche étoit plus courte que celle qui les éloigne ; & ne comprenant point comment cet autre nous-mêmes, que selon lui, le miroir repete en relief, échappe au sens du toucher : voilà, disoit-il, deux sens qu'une petite machine met en contradiction ; une machine plus parfaite les mettroit peut-être d'accord ; peut-être une troisieme plus parfaite encore & moins perfide, les feroit disparoître & nous avertiroit de l'erreur ". Quelles conclusions philosophiques un aveugle né ne peut-il pas tirer de là contre le témoignage des sens ?

Il définit les yeux, un organe sur lequel l'air fait l'effet d'un bâton sur la main. L'auteur remarque que cette définition est assez semblable à celle de Descartes, qui dans sa Dioptrique compare l'oeil à un aveugle qui touche les corps de loin avec son bâton : les rayons de la lumiere sont le bâton des clairvoyans. Il a la mémoire des sons à un degré surprenant, & la diversité des voix le frappe autant que celle que nous observons dans les visages.

Le secours qu'il tire de ses autres sens, & l'usage singulier qu'il en fait au point d'étonner ceux qui l'environnent, le rend assez indifférent sur la privation de la vûe. Il sent qu'il a à d'autre égards des avantages sur ceux qui voyent ; & au lieu d'avoir des yeux, il dit qu'il aimeroit bien autant avoir de plus longs bras, s'il en étoit le maître.

Cet aveugle adresse au bruit & à la voix très-sûrement : il estime la proximité du feu au degré de la chaleur, la plénitude des vaisseaux au bruit que font en tombant les liqueurs qu'il transvase, & le voisinage des corps à l'action de l'air sur son visage : il distingue une rue d'un cul-de-sac ; ce qui prouve bien que l'air n'est jamais pour lui dans un parfait repos, & que son visage ressent jusqu'aux moindres vicissitudes de l'atmosphere. Il apprécie à merveille le poids des corps & les capacités des vaisseaux ; & il s'est fait de ses bras des balances fort justes, & de ses doigts des compas presque infaillibles. Le poli des corps n'a guere moins de nuances pour lui, que le son de la voix : il juge de la beauté par le toucher ; & ce qu'il y a de singulier, c'est qu'il fait entrer dans ce jugement la prononciation & le son de la voix. Il fait de petits ouvrages au tour & à l'aiguille, il nivelle à l'équerre, il monte & démonte les machines ordinaires : il exécute un morceau de musique, dont on lui dit les notes & les valeurs ; il estime avec beaucoup plus de précision que nous la durée du tems, par la succession des actions & des pensées.

Son aversion pour le vol est prodigieuse, sans doute à cause de la difficulté qu'il a de s'appercevoir quand on le vole : il a peu d'idée de la pudeur, ne regarde les habits que comme propres à garantir des injures de l'air, & ne comprend pas pourquoi on couvre plûtôt certaines parties du corps que d'autres. Diogene, dit l'auteur que nous abrégeons, n'auroit point été pour notre aveugle un philosophe. Enfin les apparences extérieures du faste qui frappent si fort les autres hommes, ne lui en imposent en aucune maniere. Cet avantage n'est pas à mépriser.

Nous passons sous silence un grand nombre de réflexions fort subtiles, que fait l'auteur de la lettre, pour en venir à ce qu'il dit d'un autre aveugle très-célebre : c'est le fameux Saunderson, professeur de Mathématique à Cambridge en Angleterre, mort il y a quelques années. La petite vérole lui fit perdre la vûe dès sa plus tendre enfance, au point qu'il ne se souvenoit point d'avoir jamais vû, & n'avoit pas plus d'idées de la lumiere qu'un aveugle né. Malgré cette privation, il fit des progrès si surprenans dans les Mathématiques, qu'on lui donna la chaire de professeur de ces sciences dans l'université de Cambridge. Ses leçons étoient d'une clarté extrème. En effet il parloit à ses éleves comme s'ils eussent été privés de la vûe. Or un aveugle qui s'exprime clairement pour des aveugles, doit gagner beaucoup avec des gens qui voyent. Voici comment il faisoit les calculs, & les enseignoit à ses disciples.

Imaginez un quarré de bois (Pl. arith. & algébriq. fig. 14.) divisé par des lignes perpendiculaires en quatre autres petits quarrés ; supposez ce quarré percé de neuf trous, capables de recevoir des épingles de la même longueur & de la même grosseur, mais dont les unes ayent la tête plus grosse que les autres.

Saunderson avoit un grand nombre de ces petits quarrés, tracés sur une grande table. Pour désigner le chiffre 0, il mettoit une épingle à grosse tête au centre d'un de ces quarrés, & rien dans les autres trous. (Voyez fig. 15.) Pour désigner le nombre 1, il mettoit une épingle à petite tête au centre d'un petit quarré. Pour désigner le nombre 2, il mettoit une épingle à grosse tête au centre, & au-dessus dans la même ligne, une petite épingle dans le trou correspondant. Pour désigner 3, la grosse épingle au centre, & la petite dans le trou au-dessus à droite ; & ainsi de suite, comme on voit fig. 15. où les gros points noirs marquent les grosses épingles, & les petits, les petites épingles. Ainsi Saunderson en mettant le doigt sur un petit quarré, voyoit tout d'un coup le nombre qu'il représentoit ; & en jettant les yeux sur la fig. 16. on trouvera comment il faisoit ses additions par le moyen de ces petits quarrés. Cette figure 16. représente l'addition suivante.

En passant successivement les doigts sur chaque rangée verticale de haut en bas, il faisoit l'addition à la maniere ordinaire, & marquoit le résultat par des épingles mises dans de petits quarrés, au bas des nombres susdits.

Cette même table remplie de petits quarrés, lui servoit à faire des démonstrations de Géométrie. Il disposoit les grosses épingles dans les trous, de maniere qu'elles avoient la direction d'une ligne droite, ou qu'elles formoient un polygone, &c.

Saunderson a encore laissé quelques machines qui lui facilitoient l'étude de la Géométrie : mais on ignore l'usage qu'il en faisoit.

Il nous a donné des élémens d'Algebre, auxquels on n'a rien publié de supérieur dans cette matiere : mais, comme l'observe l'auteur, des élémens de Géométrie de sa façon auroient encore été plus curieux. Je sai d'une personne qui l'a connu, que les démonstrations des propriétés des solides qui coûtent ordinairement tant de peine, à cause du relief des parties, n'étoient qu'un jeu pour lui. Il se promenoit dans une pyramide, dans un icosahedre, d'un angle à un autre, avec une extrème facilité ; il imaginoit dans ces solides différens plans & différentes coupes sans aucun effort. Peut-être par cette raison, les démonstrations qu'il en auroit données, auroient-elles été plus difficiles à entendre, que s'il n'eût pas été privé de la vûe : mais ses démonstrations sur les figures planes auroient été probablement fort claires, & peut-être fort singulieres : les commençans & les philosophes en auroient profité.

Ce qu'il y a de singulier, c'est qu'il faisoit des leçons d'Optique : mais cela ne paroîtra surprenant qu'à la multitude. Les philosophes concevront aisément qu'un aveugle, sans avoir d'idée de la lumiere & des couleurs, peut donner des leçons d'Optique, en prenant, comme font les Géometres, les rayons de lumiere pour des lignes droites, qui doivent être disposées suivant certaines lois, pour produire les phénomenes de la vision, ou ceux des miroirs & des verres.

Saunderson, en parcourant avec les mains une suite de médailles, discernoit les fausses, même lorsqu'elles étoient assez bien contrefaites pour tromper les bons yeux d'un connoisseur. Il jugeoit de l'exactitude d'un instrument de mathématique, en faisant passer ses doigts sur les divisions. Les moindres vicissitudes de l'atmosphere l'affectoient, comme l'aveugle dont nous avons parlé ; & il s'appercevoit, sur-tout dans les tems calmes, de la présence des objets peu éloignés de lui. Un jour qu'il assistoit dans un jardin à des observations astronomiques, il distingua par l'impression de l'air sur son visage, le tems où le soleil étoit couvert par des nuages ; ce qui est d'autant plus singulier, qu'il étoit totalement privé, non-seulement de la vûe, mais de l'organe.

Je dois avertir ici que la prétendue histoire des derniers momens de Saunderson, imprimée en Anglois selon l'auteur, est absolument supposée. Cette supposition que bien des érudits regardent comme un crime de lese-érudition, ne seroit qu'une plaisanterie, si l'objet n'en étoit pas aussi sérieux.

L'auteur fait ensuite mention en peu de mots, de plusieurs autres illustres aveugles qui, avec un sens de moins, étoient parvenus à des connoissances surprenantes ; & il observe, ce qui est fort vraisemblable, que ce Tirésie, qui étoit devenu aveugle pour avoir lû dans les secrets des dieux, & qui prédisoit l'avenir, étoit, selon toutes les apparences, un grand philosophe aveugle, dont la fable nous a conservé la mémoire. Ne seroit-ce point peut-être un Astronome très-fameux, qui prédisoit les éclipses (ce qui devoit paroître très-singulier à des peuples ignorans) & qui devint aveugle sur la fin de ses jours, pour avoir trop fatigué ses yeux à des observations subtiles & nombreuses, comme Galilée & Cassini ?

Il arrive quelquefois qu'on restitue la vûe à des aveugles nés : témoin ce jeune homme de treize ans, à qui M. Cheselden, célebre chirurgien de Londres, abattit la cataracte qui le rendoit aveugle depuis sa naissance. M. Cheselden ayant observé la maniere dont il commençoit à voir, publia dans le n°. 402. des Transactions philosophiques, & dans le 55e art. du Tatler (c'est-à-dire du Babillard), les remarques qu'il avoit faites à ce sujet. Voici ces remarques extraites du 3e volume de l'Histoire naturelle, de MM. de Buffon & d'Aubenton. Ce jeune homme, quoiqu'aveugle, pouvoit distinguer le jour de la nuit, comme tous ceux qui sont aveugles par une cataracte. Il distinguoit même une forte lumiere, le noir, le blanc & l'écarlate : mais il ne discernoit point la forme des corps. On lui fit d'abord l'opération sur un seul oeil : au moment où il commença de voir, tous les objets lui parurent appliqués contre ses yeux. Les objets qui lui étoient les plus agréables, sans qu'il pût dire pourquoi, étoient ceux dont la forme étoit réguliere ; il ne reconnoissoit point les couleurs qu'il avoit distinguées à une forte lumiere étant aveugle ; il ne discernoit aucun objet d'un autre, quelque différentes qu'en fussent les formes : lorsqu'on lui présentoit les objets qu'il connoissoit auparavant par le toucher, il les considéroit avec attention pour les reconnoître une autre fois ; mais bientôt il oublioit tout, ayant trop de choses à retenir. Il étoit fort surpris de ne pas trouver plus belles que les autres, les personnes qu'il avoit aimées le mieux. Il fut longtems sans reconnoître que les tableaux représentoient des corps solides, il les regardoit comme des plans différemment colorés : mais lorsqu'il fut détrompé, & qu'en y portant la main il ne trouva que des surfaces, il demanda si c'étoit la vûe ou le toucher qui trompoit. Il étoit surpris qu'on pût faire tenir dans un petit espace la peinture d'un objet plus grand que cet espace ; par exemple un visage dans une miniature ; & cela lui paroissoit aussi impossible que de faire tenir un boisseau dans une pinte. D'abord il ne pouvoit souffrir qu'une très-petite lumiere, & voyoit tous les objets fort gros : mais les premiers se rapetissoient à mesure qu'il en voyoit de plus gros. Quoiqu'il sût bien que la chambre où il étoit, étoit plus petite que la maison, il ne pouvoit comprendre comment la maison pouvoit paroître plus grande que la chambre. Avant qu'on lui eût rendu la vûe, il n'étoit pas fort empressé d'acquérir ce nouveau sens, il ne connoissoit point ce qui lui manquoit, & sentoit même qu'il avoit à certains égards des avantages sur les autres hommes : mais à peine commença-t-il à voir distinctement, qu'il fut transporté de joie. Un an après la premiere opération, on lui fit l'opération sur l'autre oeil, & elle réussit également ; il vit d'abord de ce second oeil les objets beaucoup plus gros que de l'autre, mais cependant moins gros qu'il ne les avoit vûs du premier oeil ; & lorsqu'il regardoit le même objet des deux yeux à la fois, il disoit que cet objet lui paroissoit une fois plus grand qu'avec son premier oeil tout seul.

M. Cheselden parle d'autres aveugles nés, à qui il avoit abattu de même la cataracte, & dans lesquels il avoit observé les mêmes phénomenes, quoiqu'avec moins de détail : comme ils n'avoient pas besoin de faire mouvoir leurs yeux pendant leur cécité, ce n'étoit que peu-à-peu qu'ils apprenoient à les tourner vers les objets.

Il résulte de ces expériences, que le sens de la vûe se perfectionne en nous petit-à-petit ; que ce sens est d'abord très-confus, & que nous apprenons à voir, à-peu-près, comme à parler. Un enfant nouveau-né, qui ouvre pour la premiere fois les yeux à la lumiere, éprouve sans doute toutes les mêmes choses, que nous venons d'observer dans l'aveugle né. C'est le toucher & l'habitude qui rectifient les jugemens de la vûe. Voyez TOUCHER.

Revenons présentement à l'auteur de la lettre sur les aveugles. " On cherche, dit-il, à restituer la vûe à des aveugles nés, pour examiner comment se fait la vision : mais je crois qu'on pourroit profiter autant, en questionnant un aveugle de bon sens... Si l'on vouloit donner quelque certitude à ces expériences, il faudroit du moins que le sujet fût préparé de longue-main, & peut-être qu'on le rendît philosophe.... Il seroit très-à-propos de ne commencer les observations que long-tems après l'opération : pour cet effet il faudroit traiter le malade dans l'obscurité, & s'assûrer bien que sa blessure est guérie, & que les yeux sont sains. Je ne voudrois point qu'on l'exposât d'abord au grand jour.... Enfin ce seroit encore un point fort délicat que de tirer parti d'un sujet ainsi préparé, & de l'interroger avec assez de finesse pour qu'il ne dît précisément que ce qui se passe en lui.... Les plus habiles gens, & les meilleurs esprits, ne sont pas trop bons pour une expérience si philosophique & si délicate ".

Finissons cet article avec l'auteur de la lettre, par la fameuse question de M. Molineux. On suppose un aveugle né, qui ait appris par le toucher à distinguer un globe d'un cube ; on demande si, quand on lui aura restitué la vûe, il distinguera d'abord le globe du cube sans le toucher ? M. Molineux croit que non, & M. Locke est de son avis ; parce que l'aveugle ne peut savoir que l'angle avancé du cube, qui presse sa main d'une maniere inégale, doit paroître à ses yeux, tel qu'il paroît dans le cube.

L'auteur de la lettre sur les aveugles, fondé sur l'expérience de Cheselden, croit avec raison que l'aveugle né verra d'abord tout confusément, & que bien loin de distinguer d'abord le globe du cube, il ne verra pas même distinctement deux figures différentes : il croit pourtant qu'à la longue, & sans le secours du toucher, il parviendra à voir distinctement les deux figures : la raison qu'il en apporte, & à laquelle il nous paroît difficile de répondre, c'est que l'aveugle n'ayant pas besoin de toucher pour distinguer les couleurs les unes des autres, les limites des couleurs lui suffiront à la longue pour discerner la figure ou le contour des objets. Il verra donc un globe & un cube, ou, si l'on veut, un cercle & un quarré : mais le sens du toucher n'ayant aucun rapport à celui de la vûe, il ne devinera point que l'un de ces deux corps est celui qu'il appelle globe, & l'autre celui qu'il appelle cube ; & la vision ne lui rappellera en aucune maniere la sensation qu'il a reçûe par le toucher. Supposons présentement qu'on lui dise que l'un de ces deux corps est celui qu'il sentoit globe par le toucher, & l'autre celui qu'il sentoit cube ; saura-t-il les distinguer ? L'auteur répond d'abord qu'un homme grossier & sans connoissance prononcera au hasard ; qu'un métaphysicien, sur-tout s'il est géometre, comme Saunderson, examinera ces figures ; qu'en y supposant de certaines lignes tirées, il verra qu'il peut démontrer de l'une toutes les propriétés du cercle que le toucher lui a fait connoître ; & qu'il peut démontrer de l'autre figure toutes les propriétés du quarré. Il sera donc bien tenté de conclure : voilà le cercle, voilà le quarré : cependant, s'il est prudent, il suspendra encore son jugement ; car, pourroit-il dire : " peut-être que quand j'appliquerai mes mains sur ces deux figures, elles se transformeront l'une dans l'autre ; de maniere que la même figure pourroit me servir à démontrer aux aveugles les propriétés du cercle, & à ceux qui voyent, les propriétés du quarré ? Mais non, auroit dit Saunderson, je me trompe ; ceux à qui je démontrois les propriétés du cercle & du quarré, & en qui la vûe & le toucher étoient parfaitement d'accord, m'entendoient fort bien, quoiqu'ils ne touchassent pas les figures sur lesquelles je faisois mes démonstrations, & qu'ils se contentassent de les voir. Ils ne voyoient donc pas un quarré quand je sentois un cercle sans quoi nous ne nous fussions jamais entendus : mais puisqu'ils m'entendoient tous, tous les hommes voyent donc les uns comme les autres : donc je vois quarré ce qu'ils voyoient quarré, & par conséquent ce que je sentois quarré ; & par la même raison je vois cercle ce que je sentois cercle ".

Nous avons substitué ici avec l'auteur le cercle au globe, & le quarré au cube, parce qu'il y a beaucoup d'apparence que celui qui se sert de ses yeux pour la premiere fois, ne voit que des surfaces, & ne sait ce que c'est que saillie ; car la saillie d'un corps consiste en ce que quelques-uns de ses points paroissent plus voisins de nous que les autres : or c'est par l'expérience jointe au toucher, & non par la vûe seule, que nous jugeons des distances.

De tout ce qui a été dit jusqu'ici sur le globe & sur le cube, ou sur le cercle & le quarré, concluons avec l'auteur qu'il y a des cas où le raisonnement & l'expérience des autres peuvent éclairer la vûe sur la relation du toucher, & assûrer, pour ainsi dire, l'oeil qu'il est d'accord avec le tact.

La lettre finit par quelques réflexions sur ce qui arriveroit à un homme qui auroit vû dès sa naissance, & qui n'auroit point eu le sens du toucher ; & à un homme en qui les sens de la vûe & du toucher se contrediroient perpétuellement. Nous renvoyons nos lecteurs à ces réflexions : elles nous en rappellent une autre à peu près de la même espece, que fait l'auteur dans le corps de la lettre. " Si un homme, dit-il, qui n'auroit vû que pendant un jour ou deux, se trouvoit confondu chez un peuple d'aveugles, il faudroit qu'il prît le parti de se taire, ou celui de passer pour un fou : il leur annonceroit tous les jours quelque nouveau mystere, qui n'en seroit un que pour eux, & que les esprits forts se sauroient bon gré de ne pas croire. Les défenseurs de la religion ne pourroient-ils pas tirer un grand parti d'une incrédulité si opiniâtre, si juste même à certains égards, cependant si peu fondée " ? Nous terminerons cet article par cette réflexion capable d'en contrebalancer quelques-autres qui se trouvent répandues dans l'ouvrage, & qui ne sont pas tout-à-fait si orthodoxes. (O)

* AVEUGLES, (Hist. mod.) hommes privés de la vûe qui forment au Japon un corps de savans fort considérés dans le pays. Ces beaux esprits sont bien venus des grands ; ils se distinguent sur-tout par la fidélité de leur mémoire. Les annales, les histoires, les antiquités, forment un témoignage moins fort que leur tradition : ils se transmettent les uns aux autres les évenemens ; ils s'exercent à les retenir, à les mettre en vers & en chant, & à les raconter avec agrément. Ils ont des académies où l'on prend des grades. Voyez Barth. Asia. & l'Hist. du Japon du pere Charlevoix.


AVEUGLEMENTS. m. (Méd.) privation du sentiment de la vûe, occasionnée par le dérangement total de ses organes, ou par la cessation involontaire de leurs fonctions. L'aveuglement peut avoir plusieurs causes ; la cataracte, la goutte sereine, &c. Voyez CATARACTE, GOUTTE SEREINE, &c. On a divers exemples d'aveuglemens périodiques : quelques personnes ne s'appercevant du défaut de leur vûe que dans la nuit, & d'autres que pendant le jour. L'aveuglement qui empêche de voir pendant la nuit s'appelle nyctalopie. Celui qui empêche de voir les objets durant le jour, hemeralopie.

Le mot d'aveuglement, comme on l'a observé plus haut, se prend très-rarement dans le sens littéral.

L'auteur de l'ambassade de Garcias de Silva Figueroa en Perse, rapporte qu'il y a certains lieux dans ce royaume où l'on trouve un grand nombre d'aveugles, de tout sexe & de tout âge, à cause de certaines mouches qui piquent les yeux & les levres, qui entrent dans les narines, & dont il est impossible de se garantir.

Aldrovande parle d'un sculpteur qui devint aveugle à vingt ans, & qui dix ans après fit une statue de marbre qui ressembloit parfaitement à Cosme II. grand duc de Toscane, & une autre d'argille, qui ressembloit à Urbain VIII. Bartholin parle d'un sculpteur aveugle en Danemark, qui discernoit au simple toucher toutes sortes de bois & de couleurs. Le pere Grimaldi rapporte un exemple de la même espece. On a vû à Paris un aveugle qui étoit excellent organiste, qui discernoit bien toutes sortes de monnoie & de couleurs, & qui étoit bon joüeur de cartes. Le pere Zahn a rapporté plusieurs exemples de choses difficiles faites par les aveugles, dans un livre qui a pour titre Oculus artificialis. Voyez l'article précédent.

On appelle vaisseaux aveugles, en terme de Chimie, ceux qui n'ont qu'une ouverture d'un côté, & qui sont bouchés de l'autre. (N)


AVEZZANO(Géog. anc. & mod.) autrefois Alphabucelus, ville des Marses en Italie, maintenant village, près du lac Celano, dans l'Abruzze ultérieure, proche le Royaume de Naples.


AVIA(Géog.) petite riviere de Galice, en Espagne. Elle se jette dans le Minho.


AVIGNONcapitale de l'état de même nom, enclavé dans la France, mais dépendant du pape ; la ville est sur le Rhone. Longit. 22. 28. 33. latit. 43. 57. 25.


AVIGNONEou VIGNONET, (Géog.) ville de France, dans le haut Languedoc, au pays de Lauragais, près de la riviere de Lers.


AVILA(Hist. nat.) fruit des Indes. C'est, dit Lémery, Traité des Drogues, une espece de pomme, ronde, charnue, jaune, & plus grosse que l'orange ; elle croît sur une espece de lianne, ou plante rampante qui s'attache aux arbres voisins, & qu'on trouve dans l'Amérique Espagnole. Elle contient dans sa chair huit ou dix graines plates, orbiculaires, & terminées en pointe obtuse. Ces graines sont unies les unes aux autres, mais se séparent facilement ; elles sont convexes d'un côté, & concaves de l'autre, de la largeur de nos pieces de vingt-quatre sous, épaisses d'un demi-doigt, couvertes chacune d'une peau médiocrement épaisse, dure, ligneuse, un peu raboteuse, principalement en la partie convexe, & de couleur jaunâtre. Sous cette peau est une amande tendre, amere, qu'on estime grand contre-poison, & remede excellent dans les humeurs malignes. On en prend une ou deux pour dose.

* AVILA, (Géog.) ville d'Espagne, dans la vieille Castille. Long. 13. 22. lat. 40. 35.

Il y a au Pérou, en l'Amérique méridionale, dans la province de Los Quixos, du côté de Quito, sur la riviere de Napo, une autre Avila.


AVILES(Géog.) petite ville d'Espagne, au royaume de Léon, dans l'Asturie d'Oviedo, sur la baie de Biscaie. Long. 11. 36. lat. 43. 41.


AVILLONNERv. act. terme de Fauconnerie, donner des serres de derriere ; on dit : ce faucon avillonne vigoureusement son gibier.

AVILLONS, serres du pouce ou derriere des mains d'un oiseau de proie.


AVIM(Géog. sainte.) ville de Palestine dans la tribu de Benjamin, entre Bethel & Aphara.


AVINO& MINAS DE AVINO, ville de l'Amérique Mexicaine, & de l'audience de Guadalajara, dans la province de Zacatecas, entre Ellerena & Nombre de Dios.


AVIQUIRINA(Géog.) île de l'Amérique septentrionale, dans la mer Pacifique, sur la côte du royaume de Chili, près de la Conception.


AVIRv. n. en terme de Chauderonnier, Ferblantier, &c. c'est rabattre sur une piece rapportée une espece de rebord qu'on a eu soin de laisser au morceau inférieur, afin de mieux les assembler.


AVIRONS. m. terme de Marine & de Riviere ; instrument de bois rond par la poignée & plat par le bas, & dont on se sert pour faire aller sur l'eau un bachot ou une nacelle. Voyez RAME.


AVISsentiment, opinion, (Gram.) termes synonymes, en ce qu'ils désignent tous un jugement de l'esprit. Le sentiment marque un peu la délibération qui l'a précédé ; l'avis, la décision qui l'a suivi ; & l'opinion a rapport à une formalité particuliere de judicature, & suppose de l'incertitude. Le sentiment emporte une idée de sincérité & de propriété ; l'avis, une idée d'intérêt pour quelqu'autre que nous ; l'opinion, un concours de témoignages. Il peut y avoir des occasions, dit M. l'abbé Girard, où l'on soit obligé de donner son avis contre son sentiment, & de se conformer aux opinions des autres.

AVIS, avertissement, conseil, (Gramm.) termes synonymes, en ce qu'ils sont tous les trois relatifs à l'instruction des autres. L'avertissement est moins relatif aux moeurs & à la conduite, qu'avis & conseil. Avis ne renferme pas une idée de supériorité si distincte que conseil ; quelquefois même cette idée de supériorité est tout-à-fait étrangere à avis. Les auteurs mettent des avertissemens à leurs livres ; les espions donnent des avis ; les peres & les meres donnent des conseils à leurs enfans. La cloche avertit, le banquier donne avis, l'avocat conseille. Les avis sont vrais ou faux ; les avertissemens, nécessaires ou superflus ; & les conseils, bons ou mauvais. Voyez Synon. Franç.

AVIS ou ADVIS, voyez ADVIS, en terme de Commerce ; avertissement, instruction qu'on donne à quelqu'un de quelque chose qu'il ignore. On dit donner avis d'un envoi de marchandise, d'une banqueroute, &c.

Parmi les négocians provençaux on se sert du terme italien adviso.

Une lettre d'avis est une lettre missive par laquelle un marchand ou un banquier mande à son correspondant qu'il a tiré sur lui une lettre de change, ou quelqu'autre affaire relative à leur commerce.

Aux lettres d'avis pour envoi de marchandises, on joint ordinairement la facture. Voyez FACTURE.

A l'égard des lettres d'avis pour le payement des lettres de change, elles doivent contenir le nom de celui pour le compte de qui on tire, la date du jour, du mois, de l'année, la somme tirée, le nom de celui qui a fourni la valeur. Elle doit aussi faire mention du nom de celui à qui elle doit être payée, & du tems auquel elle doit l'être ; & quand les lettres de change portent à payer à ordre, on le doit pareillement spécifier dans la lettre d'avis. On peut se dispenser d'accepter une lettre de change, quand on n'en a point eu d'avis.

AVIS, dans le Commerce, se prend aussi pour sentiment ou conseil. M. Savary a donné au public un excellent traité intitulé : Pareres, ou avis & conseils sur les plus importantes matieres du Commerce. Voyez PARERE. (G)


AVISERavertir, terme qui étoit autrefois en usage parmi les négocians, pour signifier donner avis de quelque chose à un correspondant. (G)


AVISSURES. f. en terme de Chauderonnier-Ferblantier, &c. c'est dans une piece un rebord qui se rabat sur une autre, & les unit étroitement ensemble. Voyez AVIS.


AVITAILLEMENou AVICTUAILLEMENT, (Art milit. & Marine.) c'est la provision des victuailles, aussi-bien que le soin de faire les provisions nécessaires pour une place, pour un vaisseau.


AVITAILLEou AVICTUAILLER un vaisseau, une place ; c'est les fournir de vivres.


AVITAILLEURAVICTUAILLEUR, AVITUAILLEUR, s. m. c'est celui qui est chargé de fournir les vivres du vaisseau ou de la place. (Z)


AVIVAGES. m. c'est la premiere façon que le Miroitier donne à la feuille d'étain : pour cet effet il prend une pelote de serge, il s'en sert pour enlever de la sebille du vif-argent ; il en frotte la feuille d'étain légerement & sans la charger ; & lorsqu'en frottant il a rendu la feuille brillante, elle est avivée.


AVIVERv. act. en terme de Bijoutier & autres ouvriers en métaux ; c'est donner le vif ou le dernier poli ou lustre à un ouvrage, par le moyen du rouge d'Angleterre détrempé avec de l'esprit-de-vin, & de la pierre-ponce détrempée dans de l'eau-de-vie ou du vinaigre.

AVIVER, terme de Doreur. Aviver une figure de bronze pour la dorer, c'est la nettoyer & la gratter légerement avec un burin ou autre semblable outil, ou la frotter avec de la pierre-ponce ou autre matiere semblable. Cela se fait pour la rendre plus propre à prendre ou recevoir la feuille d'or, qui ne veut rien de sale ou d'impur lorsqu'on l'applique dessus, après toutefois avoir chauffé la figure, ou ce qu'on veut dorer. Le mot d'aviver signifie donner de la vivacité, & rendre la matiere plus vive & plus nette, & dans ce sens on s'en sert en diverses rencontres, quand on parle de joindre les métaux & de les souder ensemble. Voyez la figure de l'avivoir, Planche II. du Doreur, fig. 8.

AVIVER, en Teinture ; c'est rendre une couleur plus vive & plus éclatante, en passant l'étoffe, la soie, la laine, &c. teinte, sur un mêlange tiede d'eau & d'autres ingrédiens choisis selon l'espece de couleur à aviver. Voyez TEINTURE.


AVIVESS. f. pl. (Manége & Maréchallerie.) Les avives sont des glandes situées entre les oreilles & le gosier, près le haut de la ganache : on dit que quand elles se gonflent elles causent de la douleur au cheval. Voyez OREILLE, GANACHE, &c.

On donne encore ce nom à une enflure des mêmes glandes qui empêche le cheval de respirer, & le fait mourir lorsqu'on differe d'y remédier.

Les chevaux ont, comme les hommes, des glandes à la mâchoire au-dessous des oreilles, qu'on appelle parotides à ceux-ci, & avives à ceux-là : outre ces glandes, on en trouve d'autres à la racine de la langue : celles des hommes s'appellent amygdales, & celles des chevaux simplement les glandes du gosier.

Lorsque les avives des chevaux deviennent douloureuses, on dit que le cheval a les avives ; & quand les glandes du gosier se gonflent & contraignent la respiration du cheval, ce mal s'appelle étranguillon. Voyez ETRANGUILLON. C'est la même chose que l'esquinancie des hommes.

Il s'agit à-présent de savoir si les avives deviennent douloureuses : on pourroit, ce me semble, en douter assez raisonnablement, attendu que les opérations que l'on fait aux chevaux qu'on dit avoir les avives, qui sont de les presser, de les piquer, de les battre, &c. dans le tems qu'on les croit assez douloureuses pour tourmenter un cheval au point de l'agiter avec force, seroient capables d'y exciter une inflammation beaucoup plus violente, d'allumer son mal, & de le rendre furieux. Je les croirois donc plûtôt insensibles, puisqu'elles ne font point cet effet, & qu'alors on n'est pas à la cause du mal. Je trouve une raison dans le proverbe même des Maréchaux, pour appuyer cette opinion ; car ils disent qu'il n'y a jamais d'avives sans tranchées. Il pourroit donc bien se faire que ce qu'on appelle avives, ne fût autre chose que mal au ventre, d'autant plus que les signes des avives sont les mêmes que ceux des tranchées ; car le cheval se tourmente excessivement par la douleur qu'il souffre : il se couche, se roule par terre, se releve souvent, s'agite & se débat fortement.

Les remedes destinés pour guérir les tranchées, guérissent les avives, sans qu'il soit besoin de les battre ; ainsi quand vous croirez qu'un cheval a les avives, donnez-lui des remedes pour des tranchées. Voyez TRANCHEE. (V)


AVIVOIRS. m. instrument de cuivre qui a la forme d'une lame de couteau, arrondi par un bout, & emmanché de l'autre dans un morceau de bois, & dont les Doreurs se servent pour étendre l'or amalgamé. Voyez DORER AU FEU, & Pl. II. du Doreur, figure 8. l'avivoir.


AVOCATVoyez ADVOCAT.


AVOCATOIREadj. (Hist. mod. & Jurisprud.) on appelle ainsi un mandement de l'empereur d'Allemagne, adressé à quelque prince ou sujet de l'Empire, afin d'arrêter ses procédés illégitimes en toute cause portée devant lui par appel.

On appelle lettres avocatoires, des lettres d'un prince, par lesquelles il prétend revendiquer quelques-uns de ses sujets qui sont passés dans d'autres états. On ne convient pas que les souverains ayent ce droit. (H)


AVOCETAavosetta, s. f. (Hist. nat. Ornith.) oiseau un peu plus gros que le vanneau ; il pese au moins dix onces ; il a environ vingt-deux pouces depuis la pointe du bec jusqu'au bout des piés, & seulement seize ou dix-sept, si on n'étend la mesure que jusqu'au bout de la queue : l'envergure est de vingt-huit ou vingt-neuf pouces ; le bec a plus de trois pouces de longueur ; il est noir, allongé, menu, applati, recourbé en haut & terminé en pointe ; cette courbure du bec est particuliere à l'avoceta, c'est pourquoi on l'a appellé recurvi-rostra. Voyez Planche XII. fig. 4. Hist. nat. La langue est courte, la tête ronde & de grosseur médiocre. Le devant de la tête est quelquefois blanc, le sommet est noir ; cette même couleur s'étend sur le dessus du cou jusqu'au milieu de sa longueur ; le dessous du corps de l'oiseau est tout blanc ; le dessus est en partie blanc, & en partie noir ; la queue est blanche en entier ; sa longueur est d'environ trois pouces ; elle est composée de douze plumes ; les pattes sont fort longues & d'une belle couleur bleue ; celle des ongles est noire ; il y a en arriere un doigt fort court.

On trouve de ces oiseaux en Italie, à Rome, à Venise, &c. On en voit aussi assez communément sur les côtes orientales d'Angleterre : mais quelque part que l'on rencontre l'avoceta, il sera toûjours facile de le distinguer de tout autre oiseau par la courbure singuliere de son bec. Villughby, Ornit. Voyez OISEAU. (I)


AVOGASS(Géog. anc. & mod.) province d'Asie, entre la mer Noire, la Géorgie & la Comanie ; on la prend quelquefois pour une partie de la Géorgie. Elle s'étend le long de la mer, & forme avec la Mingrélie, la Colchide des anciens.


AVOINEavena, genre de plante dont les fleurs n'ont point de pétales ; elles sont suspendues par petits paquets. Chaque fleur est composée de plusieurs étamines qui sortent d'un calice ; le pistil devient dans la suite une semence oblongue, mince, farineuse, enveloppée d'une capsule qui a servi de calice à la fleur. Les petits paquets de fleurs qui forment l'épi sont disposés de façon, que Dioscoride les compare à de petites sauterelles. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE (I)

* C'est des menus grains, celui qui se seme le premier : on en distingue principalement deux especes, l'une cultivée, l'autre sauvage ; celle-ci ne differe de l'autre, qu'en ce que ses grains sont plus grands & plus noirs.

Il y a la folle avoine, qu'on appelle aussi averon ; elle est stérile & sans grain. Elle infecte un champ, & se repeuple, à moins qu'on ne l'arrache & qu'on n'en coupe les tiges avant sa maturité.

Les Canadiens ont une sorte d'avoine qu'ils recueillent en Juin ; elle est beaucoup plus grosse & plus délicate que la nôtre, & on la compare au riz pour la bonté.

Il y a des avoines rouges ; il y en a de blanches, & de noires. On croit que la rouge aime les terres légeres & chaudes ; qu'elle résiste moins aux accidens du tems ; qu'elle s'épie plûtôt que la noire, & qu'elle est moins nourrissante & plus chaude. La blanche passe pour avoir moins de substance que l'une & l'autre.

Vers la mi-Février, lorsque les grands froids seront passés, semez l'avoine, à moins que la terre ne soit trop humide. Semez-la plûtôt dans les terres fortes que dans les terres légeres & maigres, si vous craignez qu'elle ne verse. Prenez pour un arpent huit ou neuf boisseaux de semailles. Il faut que les terres où vous la répandrez, ayent en un premier labour après la récolte des blés, & avant l'hyver. Le tems de sa semaille s'étendra jusqu'à la fin d'Avril : vous donnerez le second labour immédiatement avant que de semer : vous choisirez pour semer un tems un peu humide.

Si votre terre est forte, vous n'employerez point la charrue, pour recouvrir. Vous recouvrirez le grain semé dans les terres legeres, soit avec la charrue, soit avec la herse. Cela s'appelle semer dessous.

Quand vos avoines seront levées, vous les roulerez ; rouler, c'est abattre, adoucir, ou douçoyer, ou ploutrer, ou casser les mottes, & refouler le plant, avec un gros rouleau de bois, qu'un cheval traîne sur toute la piece d'avoine.

Vous n'oublierez pas de sarcler & d'échardonner ; il est aussi bon que vous sachiez que l'avoine dégénere dans les terres froides, & que par conséquent il faut les rechauffer avec des fumiers ; que l'avoine que vous battrez pour en faire de la semence, n'ait point été échauffée.

Vous ne dépouillerez vos avoines qu'après les blés, sur la fin d'Août ; quand vous les verrez jaunes ou blanches, elles seront mûres. Il vaut mieux les scier que les faucher. Laissez-les javeller, ou reposer quelque tems sur le champ. Quand la rosée ou la pluie commencera à les noircir, écochelez ; écocheler, c'est ramasser l'avoine en tas avec des fourches, & en former des gerbes. Comme elle n'est pas sujette à germer, on peut la laisser un peu à la pluie, & même l'arroser s'il ne pleut pas.

Un bon arpent d'avoine rapportera cent gerbes ; un mauvais trente au moins ; & les cent gerbes donneront trois septiers-mine. Pour conserver vos avoines sur le grenier, mettez-y des feuilles de laurier. Plus vous les garderez, plus elles décheoiront. Elles veulent être souvent maniées. Ne donnez point d'avoine aux chevaux, sans l'avoir criblée & époussetée.

Les avoines se vendent ordinairement en Carême ; c'est le tems où les grandes maisons & les brasseurs font leurs provisions. Dans les endroits où l'on rade la mesure, celle d'avoine se rade du côté rond, & les autres grains par la rive quarrée ; c'est la figure des grains qui fait cette différence. Il y a des endroits où elle se livre à la mesure ferue ; c'est-à-dire, qu'on frappe la mesure, soit avec la radoire, quand on ne la donne que rase, soit avec la pelle, quand on la fournit comble. Il y a des provinces où son boisseau est beaucoup plus grand que celui du blé, & où elle est assujettie à la verte moute. Voyez VERTE MOUTE, BOISSEAU, MESURE. Son prix dépend de toutes les causes qui font hausser & baisser les autres grains.

L'avoine sert principalement à nourrir les chevaux : on en fait du pain dans les tems de disette. Le gruau n'est autre chose que de l'avoine mondée. Voyez GRUAU. Les Moscovites en tirent par la distillation, une liqueur dont ils usent en guise de vin, & qui n'enivre guere moins.

Il y a dans le Maine une avoine qui se seme avant l'hyver, & se récolte avant les seigles.

L'avoine analysée donne une liqueur limpide, qui a l'odeur & la saveur d'avoine cuite, & qui est un peu acide & obscurément salée ; une liqueur roussâtre, empyreumatique, acide, austere, acre, piquante, avec indice de sel alkali ; une liqueur brune, alkaline, urineuse, & imprégnée de sel volatil urineux ; enfin de l'huile épaisse comme un sirop. La masse noire restée dans la cornue & calcinée pendant douze heures au feu de réverbere, a donné des cendres dont on a tiré par lixiviation du sel alkali. Ainsi l'avoine est composée d'un sel ammoniacal enveloppé dans de l'huile ; ce qui forme un mixte mucilagineux.

Les bouillons d'avoine sont salutaires ; ils adoucissent les humeurs ; ils divisent, ils poussent par les urines, & ils excitent quelquefois la transpiration. Ils sont utiles dans les catarrhes, les enrouemens, la toux, l'ulcération & la secheresse de gorge, les aphthes, la pleurésie, la péripneumonie, les érésipeles, & les fiévres aiguës. L'avoine torréfiée dans une poële avec quelques pincées de sel, mise chaude sur le ventre dans un linge fin, soulage la colique ; surtout si on y ajoûte le genievre & le cumin ; & sa farine en cataplasme desseche & digere médiocrement.


AVOIRv. act. terme de Commerce & de teneurs de livres. Les marchands & négocians, ou leurs commis & premiers garçons qui tiennent leurs livres, ont coûtume de mettre ce mot avoir en gros caractere au commencement de chaque page, à main droite du grand livre, ou livre d'extrait & de raison, ce qu'ils appellent le côté du crédit, ou des dettes actives, par opposition aux pages à gauche, qui sont le côté du débit ou des dettes passives, qu'on distingue par le mot doit aussi écrit en grosses lettres.

Tous les autres livres des négocians qui se tiennent en débit & crédit, doivent pareillement avoir ces deux titres à chacune des pages opposées. Voyez LIVRE.

AVOIR DU POIDS, ou AVERDUPOIS, (Commerce.) terme usité en Angleterre, pour désigner une livre de 16 onces. Voyez POIDS.

La proportion d'une livre averdupois à la livre troy, est celle de 17 à 14. Voyez LIVRE & ONCE.

Toutes les marchandises pesantes se vendent à l'averdupois, comme épiceries, fromage, laine, plomb, houblon, &c. Les boulangers qui ne sont point établis en des villes, sont tenus de vendre leur pain à l'averdupois, & les autres à la livre troy. Les Apothicaires achetent leurs drogues à l'averdupois, mais ils vendent leurs médicamens à la livre troy. (G)


AVON(Géog.) Il y a trois rivieres de ce nom en Angleterre ; l'une passe à Bath & à Bristol, l'autre à Salisbury, & la troisieme à Warvick.


AVORTEMENTs'employe, en Medecine, pour l'accouchement avant terme d'un foetus humain imparfait, soit vivant ou mort. Voyez ACCOUCHEMENT & GROSSESSE.

Dans ce sens avortement est la même chose que ce que nous appellons communément fausse-couche, les Latins abortus, & quelquefois abactus.

L'avortement peut arriver dans tous les tems de la grossesse ; mais s'il arrive avant le second mois après la conception, on l'appelle proprement fausse conception ou faux germe. Voyez CONCEPTION.

Il y a des exemples d'avortemens par la bouche, l'anus, le nombril, &c. Voyez FOETUS, EMBRYON, &c.

Les causes ordinaires de l'avortement sont des évacuations immodérées, des mouvemens violens, des passions soudaines, des frayeurs, &c. les autres causes sont la grosseur & la pesanteur du foetus, l'irritation de la matrice, le relâchement des ligamens du placenta, la foiblesse & le défaut de nourriture du foetus ; trop manger, de longs jeûnes ou de longues veilles, l'usage des corps baleinés, les mauvaises odeurs, les violens purgatifs ; & en général tout ce qui tend à provoquer les regles.

Les symptomes qui précedent d'ordinaire l'avortement, sont une fievre continue ou intermittente, une douleur dans les lombes & à la tête, une pesanteur des yeux, un affaissement & un resserrement du ventre ; un écoulement de sang pur ou aqueux, une diminution des mammelles, un lait séreux, &c. Lorsque le moment de la fausse couche est venu, les douleurs sont à-peu-près les mêmes que celles de l'accouchement.

L'avortement est dangereux quand la grossesse est fort avancée, & qu'ainsi le foetus est d'une grosseur considérable ; quand la cause est très-violente, que la malade a de fortes convulsions, que l'accouchement est précédé ou suivi d'une grande hémorrhagie, que le foetus est pourri, &c. dans d'autres cas il est rarement mortel.

Le traitement doit être conforme aux symptomes particuliers & aux circonstances. Si la malade est pléthorique, il faut saigner dès que les premiers symptomes paroissent. En cas d'hémorragie, il faut avoir recours aux astringens appropriés ; & s'ils ne réussissent pas, aux fomentations, aux injections, aux fumigations. S'il y a un ténesme, il faut employer la rhubarbe ; & s'il y a un relâchement habituel des vaisseaux de la matrice, on se servira du gayac. Voyez GROSSESSE. (N)


AVORTONS. m. se dit en général de tout ce qui vient avant le tems légitime, celui de sa maturité ou de sa perfection, arbres, fruits, plantes, animaux. Voyez AVORTEMENT.

Nous avons un traité fait exprès sur le baptême des avortons. Le dessein de l'auteur est de montrer qu'un avorton peut & doit être baptisé, en quelque tems & à quelque terme qu'il vienne au monde, par la raison qu'on ne connoît pas le tems précis où le foetus commence d'être animé. Cet ouvrage contient plusieurs choses curieuses & rares ; il est intitulé Homo dubius, sive de baptismo abortivorum. Lugd. 1674. in-4 °. (N)


AVOTS. m. est en Flandres une mesure de solides. Quatre avots font la rasiere, & la rasiere contient environ 100 livres de Colzat, poids de marc, la graine étant bien seche.


AVOTH-JAIRou villes de Jaïr, (Géogr. & Hist. sainte.) Elles étoient au nombre de trente ; Jaïr, juge des Israélites, en étoit maître : il avoit trente fils, dont elles furent le partage.


AVOUTRES. m. (Jurisp.) ou AVOUESTRE, termes qui se rencontrent dans quelques-unes de nos anciennes coûtumes, & sont synonymes à adultérin. " Li avoutres, dit Beaumanoir, ch. xviij. sont chil qui sont engendrés en femmes mariées, d'autrui que de leurs seigneurs ou hommes mariés ". (H)


AVRANCHES(Géog.) ville de France en basse Normandie, dans la contrée appellée de son nom l'Avranchise, proche la riviere de Sée. Long. 16. 17. 22. lat. 48. 41. 8.


AVRILS. m. quatrieme mois de l'année, suivant la supputation ordinaire. C'étoit le second mois de l'ancienne année romaine, c'est-à-dire de l'année de Romulus, qui commençoit par Mars, & qui avoit dix mois. Numa ajoûta à cette année les deux mois de Janvier & Février, & le mois d'Avril se trouva alors le quatrieme. Voyez MOIS.

Ce mot vient du latin aprilis, d'aperio, j'ouvre, à cause que dans ce mois la terre commence à ouvrir son sein pour la production des végétaux. V. PRINTEMS.

Dans ce mois le soleil parcourt le signe du Taureau, ou, pour parler plus exactement, le soleil entre au signe du Taureau vers le 20 d'Avril, & paroît parcourir ce signe jusqu'au 20 de Mai environ ; c'est-à-dire que la terre parcourt alors réellement le signe du Scorpion, opposé à celui du Taureau. Voyez SOLEIL & TAUREAU. (O)


AVUSTEou AJUSTE, s. f. se dit, sur mer & sur les rivieres, d'un noeud de deux cordes attachées l'une au bout de l'autre.

AVUSTER, AJUSTER, en Marine & sur les rivieres, c'est attacher deux cordes l'une au bout de l'autre. On dit en quelques endroits répisser. (Z)


AW(Géog.) lac de l'Ecosse méridionale, sur les confins du pays d'Argyle & de Lorne. Il est assez étendu en longueur du nord au midi : mais il a peu de largeur de l'orient à l'occident. Il est traversé par l'Aron.


AWEN-MORE(Géog. anc. & mod.) petite riviere d'Irlande, qui coule dans le comté de Wicklo en Lagenie, passe à Arklo, & se décharge dans la mer d'Irlande. On croit que c'est l'Oboca des anciens.


AWLENpetite ville d'Allemagne, dans le cercle de Soüabe, sur la riviere de Kochen. Long. 28. 45. lat. 48. 52.


AXAGUASS. m. pl. (Géog.) peuples de l'Amérique méridionale dans la province de Venezuela, vers les Caracas.


AXARAFE(L ') Géog. petit pays d'Espagne dans l'Andalousie : c'est un des quatre quartiers du territoire de Séville ; il a six lieues de long, & dix de large.


AXBRIDGE(Géog.) ou PONT-SUR-L'AXE, petite ville d'Angleterre dans le comté de Sommerset, sur l'Axe.


AXES. m. (Méchanique.) Un axe ou essieu est proprement une ligne ou un long morceau de fer ou de bois qui passe par le centre d'un corps, & qui sert à le faire tourner sur lui-même. Voyez ESSIEU.

C'est en ce sens que nous disons l'axe d'une sphere ou d'un globe, l'axe ou l'essieu d'une roue. Voyez GLOBE, ROUE, &c.

L'axe du monde est une ligne droite qu'on conçoit passer par le centre de la terre, & se terminer par l'une & l'autre de ses extrémités à la surface de la sphere du monde. Voyez SPHERE.

Dans le système de Ptolemée, la sphere est censée achever chaque jour une révolution sur cette ligne, comme sur un essieu. Voyez TERRE, ROTATION.

Cet axe est représenté, Pl. d'Astron. fig. 52. par la ligne P Q ; ses deux extrémités P & Q terminées à la surface de la sphere, en sont appellées les poles. Voyez POLE.

L'axe de la terre est une ligne droite autour de laquelle elle acheve sa révolution journaliere d'occident en orient. Voyez TERRE, ROTATION.

Telle est la ligne P Q, Pl. de Géog. fig. 7. ses deux extrémités s'appellent aussi poles. Voyez POLE.

L'axe de la terre est une partie de l'axe du monde : il est toûjours parallele à lui-même, & perpendiculaire au plan de l'équateur. Voyez PARALLELISME & INCLINAISON.

L'axe d'une planete est une ligne qui passe par le centre de la planete, & autour de laquelle elle tourne. Voyez PLANETE, &c.

Il est démontré par les observations, que le soleil, la lune, & plusieurs autres planetes, tournent sur leur centre ; d'où l'on peut inférer que toutes les planetes ont en effet un tel mouvement. Voyez SOLEIL, LUNE, JUPITER, VENUS, MERCURE, SATURNE, &c.

Les axes de l'horison, de l'équateur, de l'écliptique, du zodiaque, &c. sont des lignes droites qui passent par les centres de ces cercles, & qui sont perpendiculaires à leurs plans. Voyez CERCLE, HORISON, ECLIPTIQUE, EQUATEUR, &c. Voyez aussi PLAN.

Axe en Méchanique. L'axe d'une balance est une ligne droite sur laquelle elle tourne & se meut. Voyez BALANCE.

L'axe d'oscillation d'un pendule est une ligne droite parallele à l'horison, qui passe par le centre autour duquel un pendule fait ses vibrations. Voyez OSCILLATION & PENDULE.

Axe en Géométrie. L'axe de rotation ou de circonvolution est une ligne droite autour de laquelle on imagine qu'une figure plane se meut, pour engendrer dans ce mouvement un solide, ou qu'une ligne se meut pour engendrer une surface. Voyez SOLIDE, GENERATION, &c.

Ainsi pour engendrer une sphere, on imagine qu'un demi-cercle tourne sur son diametre. Pour avoir un cone droit, on imagine qu'un triangle rectangle tourne sur un des côtés qui forment l'angle droit, comme sur un axe.

L'axe d'un cercle ou d'une sphere est une ligne droite qui passe par le centre du cercle ou de la sphere, & qui se termine par l'une & l'autre de ses extrémités à la circonférence du cercle, & à la surface de la sphere. Voyez CERCLE, SPHERE.

L'axe du cercle s'appelle autrement son diametre. Telle est la ligne N E, Pl. de Géom. fig. 6. Voyez DIAMETRE. Un cercle a donc une infinité d'axes.

On entend encore plus généralement par axe, une ligne droite tirée du sommet d'une figure sur le milieu de sa base. Voyez FIGURE, SOMMET, BASE, &c.

L'axe d'un cylindre droit ou rectangle, est proprement cette ligne immobile autour de laquelle tourne le parallélogramme rectangle, qui dans ce mouvement engendre le cylindre droit. Voyez CYLINDRE.

En général, la ligne droite qui passe par le centre de bases opposées des cylindres, en est l'axe ; soit que ces cylindres soient droits ou qu'ils soient obliques.

L'axe d'un cone droit est la ligne droite, ou le côté sur lequel on a fait mouvoir le triangle rectangle qui a engendré le cone. Voyez CONE.

Il suit de-là qu'il n'y a proprement que le cone droit qui ait un axe ; car il n'y a point de maniere d'engendrer le cone oblique, en faisant mouvoir un triangle autour d'un de ses côtés immobile.

Quant au cone droit, son axe est une ligne droite tirée de son sommet au centre de sa base. Mais par analogie, tous les auteurs qui ont traité des cones, ont dit que la ligne tirée du sommet du cone oblique au centre de sa base, en étoit l'axe.

L'axe d'une section conique est une ligne droite qui passe par le milieu de la figure, & qui coupe à angles droits & en deux parties égales toutes les ordonnées.

Ainsi, Planc. des Sect. coniques, fig. 31. si A P est perpendiculaire à F E, passant par le centre C, & qu'elle divise la section en deux parties égales, semblables & semblablement situées par rapport à cette ligne A P, elle sera l'axe de cette section. Voyez CONIQUE.

L'axe transverse ou le grand axe d'une ellipse, c'est la même chose : on l'appelle ainsi pour le distinguer de son conjugué, ou du petit axe. Voyez TRANSVERSE.

Dans l'ellipse, l'axe transverse est le plus long ; & dans l'hyperbole, il coupe cette courbe aux points A & P, fig. 32.

Axe conjugué, ou second axe de l'ellipse, c'est, fig. 31. la ligne F E qui passe par le centre C de la figure, parallelement à l'ordonnée M N, & perpendiculairement à l'axe transverse A P, & qui se termine par l'une & l'autre de ses extrémités à la courbe. Voyez ELLIPSE & CONJUGUE.

L'axe conjugué est le plus court dans l'ellipse : cette courbe n'est pas la seule où l'axe transverse ait son conjugué ; cela lui est commun avec l'hyperbole.

L'axe conjugué, ou le second axe d'une hyperbole, est une droite F F, fig. 32. qui passe par le centre parallelement aux ordonnées M N, M N, & perpendiculairement à l'axe transverse A P. Voyez HYPERBOLE.

L'axe de la parabole est d'une longueur indéterminée, c'est-à-dire indéfini. L'axe de l'ellipse est d'une longueur déterminée. La parabole n'a qu'un axe ; l'ellipse & l'hyperbole en ont deux. Voyez COURBE.

Suivant les définitions précédentes, l'axe d'une courbe est en général une ligne tirée dans le plan de cette courbe, & qui divise la courbe en deux parties égales, semblables & semblablement posées de part & d'autre de cette ligne. Ainsi il y a un grand nombre de courbes qui n'ont point d'axe possible : cependant pour la facilité des dénominations, on est convenu d'appeller généralement axe d'une courbe, une ligne quelconque tirée où l'on voudra dans le plan de cette courbe, sur laquelle on prend les abscisses, & à laquelle les ordonnées de la courbe sont perpendiculaires. Ainsi toute courbe en ce sens peut avoir un axe placé où l'on voudra. Si les ordonnées ne sont pas perpendiculaires, l'axe s'appelle diametre. Voyez ABSCISSE, DIAMETRE, ORDONNEE.

Une courbe ne rencontre son axe que dans les points où l'ordonnée est égale à zéro.

En général l'on appelle la ligne des abscisses axe des abscisses, ou simplement axe ; & la ligne des ordonnées, axe des ordonnées ; (toûjours avec cette condition que les deux axes soient perpendiculaires l'un à l'autre, sinon ce sont deux diametres.) Cependant plusieurs auteurs, entr'autres M. Cramer, nomment ces deux lignes axes, quelqu'angle qu'elles fassent entr'elles.

Pour savoir les points où la courbe coupe l'axe des abscisses, il n'y a qu'à faire y = 0 dans l'équation de la courbe ; l'équation restante ne contiendra plus que u, & la courbe coupera l'axe des abscisses en autant de points que cette équation aura de racines.

Au contraire pour trouver les points où la courbe coupe l'axe des ordonnées, il faut faire x = 0. Voyez l'introduction à l'analyse des lignes courbes de M. Cramer, Geneve 1750.

Axe, en Optique. L'axe optique ou visuel est un rayon qui passe par le centre de l'oeil ; ou c'est le rayon qui passant par le milieu du cone lumineux, tombe perpendiculairement sur le crystallin, & conséquemment passe aussi par le centre de l'oeil. Voy. OPTIQUE, RAYON, CONE, VISION, &c.

L'axe moyen ou commun est une droite tirée du point de concours des deux nerfs optiques, sur le milieu de la ligne droite qui joint les extrémités des mêmes nerfs. Voyez NERF OPTIQUE.

L'axe d'une lentille ou d'un verre, est une ligne droite qui fait partie de l'axe du solide dont la lentille est un segment. Voyez LENTILLE & VERRE.

Ainsi une lentille sphérique convexe étant un segment de sphere, l'axe de cette lentille sera l'axe même de la sphere, ou une ligne droite qui passe par le centre de la sphere. Voyez CONVEXE.

On peut encore définir l'axe d'un verre une ligne droite qui joint les points de milieu de deux surfaces de ce verre. Voyez VERRE.

L'axe d'incidence, en Dioptrique, est une ligne droite qui passe par le point d'incidence, perpendiculairement à la surface rompante. Voyez INCIDENCE. Telle est la ligne D B, Pl. d'Opt. fig. 56.

L'axe de réfraction est une ligne droite tirée du point d'incidence ou de réfraction, perpendiculairement à la surface rompante. Telle est la ligne B E. Voyez REFRACTION.

L'axe de l'aimant, ou l'axe magnétique, est une ligne droite dont les extrémités sont les poles de l'aimant. Voyez AIMANT.

Axe dans le tambour, ou essieu dans le tour, axis in peritrochio ; c'est une des cinq forces mouvantes, ou une des machines simples inventées pour élever des poids. Voyez MECHANIQUE, PUISSANCE, &c.

Cette machine est composée d'une espece de tambour représenté par A B, fig. 44. Méchan. mobile avec un cylindre qui lui est concentrique, autour de l'axe E F. Ce cylindre s'appelle l'axe ou l'essieu ; & le tambour se nomme tour. Les leviers adaptés au cylindre, sans quelquefois qu'il y ait de tambour, portent le nom de rayons. Voyez TOUR.

Dans le mouvement du tour, une corde se roule sur le cylindre, & fait monter le poids.

On rapporte à l'essieu dans le tour, toutes les machines où l'on peut concevoir que l'effort se fait par le moyen d'une circonférence ou tambour fixé sur un cylindre, dont la base est dans le même plan que cette circonférence ; comme dans les grues, les moulins, les cabestans, &c. Voyez ROUE.

Propositions sur l'essieu dans le tour. 1°. Si la puissance appliquée à l'essieu dans le tour suivant la direction A L, fig. 7. Méchan. est perpendiculaire au rayon, & si cette puissance est au poids G, comme le rayon C E de l'axe ou du cylindre est au rayon C A du tour ; la puissance suffira pour soûtenir le poids ; ou la puissance & le poids seront en équilibre.

2°. Si la puissance appliquée en F agit selon la direction F D, oblique au rayon du tour, mais parallele à la direction perpendiculaire ; cette puissance sera à une puissance égale qui agiroit dans la direction perpendiculaire A L, comme le sinus total est au sinus de l'angle de la direction D F C.

3°. Les puissances appliquées au tour en différens points F, K, &c. selon les directions F D, K I, &c. paralleles à la direction perpendiculaire A L, & faisant équilibre avec le même poids G, sont entr'elles réciproquement comme les distances au centre du mouvement C D, C I, &c. Voyez LEVIER.

Ainsi à mesure que la distance au centre du mouvement augmente, la puissance diminue en même proportion, & vice versâ.

D'où il s'ensuit encore que puisque le rayon A C est la plus grande distance possible, & que la puissance qui agit dans la direction A L lui est toute perpendiculaire, cette puissance perpendiculaire sera la plus petite de toutes celles qui seront capables de faire équilibre avec le poids G.

4°. Si une puissance qui agit dans la direction perpendiculaire A L, fait monter le poids G ; l'espace parcouru par la puissance sera à l'espace parcouru en même tems par le poids, comme le poids à la puissance.

Car à chaque révolution du tour, la puissance aura parcouru la circonférence entiere du tour, & le poids aura monté dans le même tems d'une quantité égale à la circonférence du cylindre ; donc l'espace parcouru par la puissance est à l'espace parcouru par le poids, comme la circonférence du tour est à la circonférence de l'axe : mais la puissance est au poids, comme le rayon de l'axe est à celui du tour ; donc, &c.

5°. Une puissance A & un poids G étant donnés, voici la maniere de construire un essieu dans le tour où la puissance soit en équilibre avec le poids.

Soit le rayon de l'axe ou essieu tel, que le poids puisse être soûtenu, sans que cet axe ou essieu rompe ; faites ensuite : comme la puissance est au poids, ainsi le rayon de l'axe au rayon du tour.

Lors donc que la puissance sera fort petite relativement au poids, il faudra que le rayon du tour soit extrèmement grand : soit par exemple le poids = 3000 & la puissance 50 ; le rayon du tour doit être à celui de l'axe, pour qu'il y ait équilibre, comme 60 est à 1.

On remédie à cet inconvénient en augmentant le nombre des roues & des essieux ; & en les faisant tourner les uns sur les autres par le moyen des dents & des pignons. Voyez ROUE & PIGNON.

AXE du zodiaque, axis zodiaci, est une ligne qu'on imagine passer par le centre de la terre, & se terminer dans les poles du zodiaque. Cette ligne fait un angle de 23 degrés & demi environ, avec l'axe de la terre ou de l'équateur. Voyez ZODIAQUE. (O)

AXE droit, en Architecture, est la ligne perpendiculaire qu'on suppose passer par les centres des bases d'une colonne droite.

AXE spiral ; c'est dans la colonne torse l'axe tourné en vis, dont on se sert pour en tracer les circonvolutions en-dehors. Voyez COLONNE.

AXE de la volute ionique, voyez CATHETE. (P)

AXE, en Anatomie, est le nom de la seconde vertebre du cou.

On la nomme ainsi, parce que la premiere vertebre avec la tête tourne sur elle comme sur un axe. (L)


AXE(Géog.) riviere d'Angleterre qui passe dans le Comté de Sommerset, à Wels & à Axbridge, & se décharge dans la Saverne.


AXEL(Géog.) petite ville des Pays-bas, dans la Flandre Hollandoise. Long. 21. 24. lat. 51. 17.


AXou CARINE, (Hist. nat.) c'est le nom que les Indiens donnent à la graine que nous appellons poivre de Guinée. Voyez POIVRE.


AXIFUGEadj. on appelle, en Méchanique, force axifuge, la force avec laquelle un corps qui tourne autour d'un axe, tend à s'éloigner de cet axe ; c'est proprement une force centrifuge, dont le centre est dans cet axe. Voyez CENTRIFUGE.

Quand une toupie tourne sur elle-même, tous les points de cette toupie qui sont hors de la ligne ou axe qui passe par son milieu, ont une force axifuge. (O)


AXILLAIREadj. en Anatomie, se dit des parties situées sous l'aisselle. Voyez AISSELLE.

L'artere axillaire est une suite de la soûclaviere, qui prend ce nom de son passage sous l'aisselle. Elle jette quatre ou cinq branches principales ; savoir, la thorachique supérieure ou mammaire externe, la moyenne & l'inférieure, la musculaire ou scapulaire interne, & l'humérale. Voyez SCAPULAIRE, &c.

La veine axillaire passe sous les aisselles, & se divise en plusieurs branches ; savoir, la supérieure, l'inférieure, l'externe, & l'interne, &c. qui sont répandues sur le bras. Voy. Plan. Anatom. (Angeiol.) fig. 5. lett. m. Voyez aussi SOUS-CLAVICULAIRE & VEINE.

Le nerf axillaire ou articulaire prend son origine des deux dernieres paires cervicales, & paroît quelquefois n'être qu'une grosse branche du nerf radial. Il va dans le creux de l'aisselle, derriere la tête de l'os du bras. Il se divise en plusieurs rameaux qui se distribuent aux muscles deltoïde ou sous-scapulaire, &c. (L)


AXIME(Géog.) petit pays sur la côte d'Or de Guinée, entre le cap d'Apollonia & celui des trois Pointes.


AXINOMANCIES. f. mot composé du Grec , securis, & , divinatio ; ancienne espece de divination, ou maniere de prédire les évenemens par le moyen de la hache & de la coignée. V. DIVINATION.

C'étoit un art très-estimé des anciens ; & l'on prétend que la cérémonie consistoit à poser une agate sur une hache rougie au feu. Voyez AGATE.

Il y avoit encore une autre sorte d'axinomancie, dans laquelle on enfonçoit une hache dans un lieu rond ; & selon le mouvement que faisoit le pieu, on s'imaginoit découvrir les voleurs. Voy. Delrio, l. IV. disquisit. magic. p. 548. (G)


AXIOKERSESS. m. pl. nom que les Samothraces donnoient à Pluton & à Proserpine, & qu'on croit composé des mots Syriaques kerès, mort, & acazi, mon partage.


AXIOMES. m. les axiomes ou les principes sont des propositions dont la vérité se fait connoître par elle-même, sans qu'il soit nécessaire de la démontrer. On les appelle autrement des premieres vérités : la connoissance que nous en avons est intuitive. Comme elles sont évidentes par elles-mêmes, & que tout esprit les saisit sans qu'il lui en coûte le moindre effort, quelques-uns ont supposé qu'elles étoient innées. Ils auroient pû dire la même chose d'une infinité de propositions qui ne sont pas moins évidentes, & qui sont aussi bien qu'elles du ressort de la connoissance intuitive : cependant ils ne les ont jamais mises au nombre de ces idées innées. Voyez CONNOISSANCE.

Mais pourquoi l'esprit donne-t-il son consentement à ces axiomes dès la premiere vûe, sans l'intervention d'aucune preuve ? Cela vient de la convenance ou de la disconvenance que l'esprit apperçoit immédiatement, sans le secours d'aucune autre idée intermédiaire : mais ce privilége ne convient pas aux seuls axiomes. Combien de propositions particulieres qui ne sont pas moins évidentes ?

Voyons maintenant quelle est l'influence des axiomes sur les autres parties de notre connoissance. Quand on dit qu'ils sont le fondement de toute autre connoissance, l'on entend ces deux choses : 1°. que les axiomes sont les vérités les premieres connues à l'esprit ; 2°. que nos autres connoissances dépendent de ces axiomes. Si nous démontrons qu'ils ne sont ni les premieres vérités connues à l'esprit, ni les sources d'où découlent dans notre esprit un nombre d'autres idées, qui se ressentent de la simplicité de leur origine, nous détruirons par-là le préjugé trop favorable qui les maintient dans toutes les sciences ; car il n'y en a point qui ne fournissent certains axiomes qui leur soient propres, & qu'elles regardent comme leur appartenant de droit. Mais avant d'entrer dans cette discussion, il faut que je prévienne l'objection qu'on peut me faire. Comment concilier ce que nous disons ici des axiomes, avec ce que l'on doit reconnoître dans les premiers principes, qui sont si simples, si lumineux & si féconds en conséquences ? Le voici, c'est que par les premiers principes nous entendons un enchaînement de vérités externes & objectives, c'est-à-dire, de ces vérités dont l'objet existe hors de notre esprit. Or c'est en les envisageant simplement sous ce rapport, que nous leur attribuons cette grande influence sur nos connoissances. Mais nous restraignons ici les axiomes à des vérités internes, logiques & métaphysiques, qui n'ont aucune réalité hors de l'esprit, qui en apperçoit, d'une vûe intuitive, tant qu'il vous plaira, la convenance ou la disconvenance. Tels sont ces axiomes :

Il est impossible qu'une même chose soit & ne soit pas en même tems.

Le tout est plus grand que sa partie.

De quelque chose que ce soit, la négation ou l'affirmation est vraie.

Tout nombre est pair ou impair.

Si à des choses égales vous ajoûtez des choses égales, les tous seront égaux.

Ni l'art, ni la nature ne peuvent faire une chose de rien.

On peut assûrer d'une chose tout ce que l'esprit découvre dans l'idée claire qui la représente.

Or c'est de tous ces axiomes, qui ne semblent pas dans l'esprit de bien des gens, avoir de bornes dans l'application, que nous osons dire d'après M. Locke, qu'ils en ont de très-étroites pour la fécondité, & qu'ils ne mettent à rien de nouveau. Je me hâte de le justifier.

1°. Il paroît évidemment que ces vérités ne sont pas connues les premieres, & pour cela il suffit de considérer qu'une proposition générale n'est que le résultat de nos connoissances particulieres, pour s'appercevoir qu'elle ne peut nous faire descendre qu'aux connoissances qui nous ont élevés jusqu'à elle, ou qu'à celles qui auroient pû également nous en frayer le chemin. Par conséquent, bien loin d'en être le principe, elle suppose qu'elles sont toutes connues par d'autres moyens, ou que du moins elles peuvent l'être.

En effet, qui ne s'apperçoit qu'un enfant connoît certainement qu'une étrangere n'est pas sa mere, & que la verge qu'il craint, n'est pas le sucre qui flate son goût, long-tems avant de savoir qu'il est impossible qu'une chose soit & ne soit pas ? Combien peut-on remarquer de vérités sur les nombres, dont on ne peut nier que l'esprit ne les connoisse parfaitement, avant qu'il ait jamais pensé à ces maximes générales, auxquelles les Mathématiciens les rapportent quelquefois dans leurs raisonnemens ? Tout cela est incontestable : les premieres idées qui sont dans l'esprit, sont celles des choses particulieres. C'est par elles que l'esprit s'éleve par des degrés insensibles à ce petit nombre d'idées générales, qui étant formées à l'occasion des objets des sens, qui se présentent le plus souvent, sont fixées dans l'esprit avec les noms généraux dont on se sert pour les désigner. Ce n'est qu'après avoir bien étudié les vérités particulieres, & s'être élevé d'abstraction en abstraction, qu'on arrive jusqu'aux propositions universelles. Les idées particulieres sont donc les premieres que l'esprit reçoit, qu'il discerne, & sur lesquelles il acquiert des connoissances. Après cela viennent les idées moins générales ou les idées spécifiques, qui suivent immédiatement les particulieres. Car les idées abstraites ne se présentent pas si-tôt ni si aisément que les idées particulieres aux enfans, ou à un esprit qui n'est pas encore exercé à cette maniere de penser. Ce n'est qu'un usage constant & familier, qui peut rendre les esprits souples & dociles à les recevoir. Prenons, par exemple, l'idée d'un triangle en général : quoiqu'elle ne soit ni la plus abstraite, ni la plus étendue, ni la plus mal-aisée à former, il est certain qu'il est impossible de se la représenter ; car il ne doit être ni équilatere, ni isocele, ni scalene, & cependant il faut bien qu'un triangle qu'on imagine soit dans l'un de ces cas. Il est vrai que dans l'état d'imperfection où nous sommes, nous avons besoin de ces idées, & nous nous hâtons de les former le plûtôt que nous pouvons, pour communiquer plus aisément nos pensées, & étendre nos propres connoissances. Mais avec tout cela, ces idées abstraites sont autant de marques de notre imperfection, les bornes de notre esprit nous obligeant à n'envisager les êtres que par les endroits qui leur sont communs avec d'autres que nous leur comparons. Voyez la maniere dont se forment nos abstractions, à l'article ABSTRACTION.

De tout ce que je viens de dire, il s'ensuit évidemment, que ces maximes tant vantées ne sont pas les principes & les fondemens de toutes nos autres connoissances. Car s'il y a quantité d'autres vérités qui soient autant évidentes par elles-mêmes que ces maximes, & plusieurs même qui nous sont plûtôt connues qu'elles, il est impossible que ces maximes soient les principes d'où nous déduisons toutes les autres vérités. Il n'y a que quatre manieres de connoître la vérité. Voyez CONNOISSANCE. Or les axiomes n'ont aucun avantage sur une infinité de propositions particulieres, de quelque maniere qu'on en acquiere la connoissance.

Car 1°. la perception immédiate d'une convenance ou disconvenance d'identité, étant fondée sur ce que l'esprit a des idées distinctes, elle nous fournit autant de perceptions évidentes par elles-mêmes, que nous avons d'idées distinctes. Chacun voit en lui-même qu'il connoît les idées qu'il a dans l'esprit, qu'il connoît aussi quand une idée est présentée à son esprit, ce qu'elle est en elle-même, & qu'elle n'est pas une autre. Ainsi, quand j'ai l'idée du blanc, je sai que j'ai cette idée. Je sai de plus ce qu'elle est en elle-même, & il ne m'arrive jamais de la confondre avec une autre, par exemple, avec l'idée du noir. Il est impossible que je n'apperçoive pas ce que j'apperçois. Je ne peux jamais douter qu'une idée soit dans mon esprit quand elle y est. Elle s'y présente d'une maniere si distincte que je ne puis la prendre pour une autre qui n'est pas moins distincte. Je connois avec autant de certitude que le blanc dont j'ai l'idée actuelle est du blanc, & qu'il n'est pas du noir, que tous les axiomes qu'on fait tant valoir. La considération de tous ces axiomes ne peut donc rien ajoûter à la connoissance que j'ai de ces vérités particulieres.

2°. Pour ce qui est de la coëxistence entre deux idées, ou d'une connexion entr'elles tellement nécessaire, que, dès que l'une est supposée dans un sujet, l'autre le doive être aussi d'une maniere inévitable ; l'esprit n'a une perception immédiate d'une telle convenance ou disconvenance, qu'à l'égard d'un très-petit nombre d'idées. Il y en a pourtant quelques-unes ; par exemple, l'idée de remplir un lieu égal au contenu de sa surface, étant attachée à notre idée du corps, c'est une proposition évidente par elle-même, que deux corps ne sauroient être dans le même lieu. Mais en cela les propositions générales n'ont aucun avantage sur les particulieres. Car, pour savoir qu'un autre corps ne peut remplir l'espace que le mien occupe, je ne vois point du tout, qu'il soit nécessaire de recourir à cette proposition générale, savoir que deux corps ne sauroient être tout-à-la-fois dans le même lieu.

Quant à la troisieme sorte de convenance, qui regarde les relations des modes, les Mathématiciens ont formé plusieurs axiomes sur la seule relation d'égalité, comme si de choses égales on en ôte des choses égales, le reste est égal : mais quoique cette proposition & les autres de ce genre soient effectivement des vérités incontestables, elles ne sont pourtant pas plus clairement évidentes par elles-mêmes, que celles-ci : Un & un sont égaux à deux. Si de cinq doigts d'une main vous en ôtez deux, & deux autres de cinq doigts de l'autre main, le nombre des doigts qui restera sera égal.

4°. A l'égard de l'existence réelle, je ne suis pas moins assûré de l'existence de mon corps en particulier, & de tous ceux que je touche & que je vois autour de moi, que je le suis de l'existence des corps en général.

Mais, me dira-t-on, ces maximes-là sont-elles donc absolument inutiles ? Nullement, quoique leur usage ne soit pas tel qu'on le croit ordinairement. Nous allons marquer précisément à quoi elles sont utiles, & à quoi elles ne sauroient servir.

1°. Elles ne sont d'aucun usage pour prouver ou pour confirmer des propositions particulieres, qui sont évidentes par elles-mêmes. On vient de le voir.

2°. Il n'est pas moins visible, qu'elles ne sont & n'ont jamais été les fondemens d'aucune science. Je sai bien que sur la foi des scholastiques, on parle beaucoup des principes ou axiomes sur lesquels les sciences sont fondées : mais il est impossible d'en assigner aucune qui soit bâtie sur ces axiomes généraux : ce qui est, est ; il est impossible qu'une chose, &c. Ces maximes générales peuvent être du même usage dans l'étude de la Théologie que dans les autres Sciences ; c'est-à-dire, qu'elles peuvent aussi-bien servir en Théologie à fermer la bouche aux chicaneurs & à terminer les disputes, que dans toute autre Science. Mais personne ne prendra de cet aveu aucun droit de dire, que la religion Chrétienne est fondée sur ces maximes, elle n'est fondée que sur la révélation ; donc par la même raison on ne peut dire qu'elles soient le fondement des autres Sciences. Lorsque nous trouvons une idée, par l'intervention de laquelle nous découvrons la liaison de deux autres idées, c'est une révélation qui nous vient de la part de Dieu par la voix de la raison ; car dèslors nous connoissons une vérité que nous ne connoissions pas auparavant. Quand Dieu lui-même nous enseigne une vérité, c'est une révélation qui nous est communiquée par la voix de son esprit ; & dès-là notre connoissance est augmentée : mais dans l'un & l'autre cas, ce n'est point de ces maximes que notre esprit tire sa lumiere ou sa connoissance.

3°. Ces maximes générales ne contribuent en rien à faire faire aux hommes des progrès dans les Sciences, ou des découvertes de vérités nouvelles. Ce grand secret n'appartient qu'à la seule analyse. M. Newton a démontré plusieurs propositions qui sont autant de nouvelles vérités inconnues auparavant aux savans, & qui ont porté la connoissance des Mathématiques plus loin qu'elle n'étoit encore : mais ce n'est point en recourant à ces maximes générales, qu'il a fait ces belles découvertes. Ce n'est pas non plus par leur secours qu'il en a trouvé les démonstrations : mais en découvrant des idées intermédiaires, qui lui fissent voir la convenance ou la disconvenance des idées telles qu'elles étoient exprimées dans les propositions qu'il a démontrées. Voilà ce qui aide le plus l'esprit à étendre ses lumieres, à reculer les bornes de l'ignorance, & à perfectionner les Sciences ; mais les axiomes généraux sont absolument stériles, loin d'être une source féconde de connoissances. Ils ne sont point les fondemens, sur lesquels reposent comme sur une base immobile ces admirables édifices, qui sont l'honneur de l'esprit humain, ni les clefs qui ont ouvert aux Descartes, aux Newtons, aux Leibnitz, le sanctuaire des Sciences les plus sublimes & les plus élevées.

Pour venir donc à l'usage qu'on fait de ces maximes, 1°. elles peuvent servir dans la méthode qu'on employe ordinairement pour enseigner les sciences jusqu'au terme où elles ont été poussées : mais elles ne servent que fort peu, ou point du tout, pour porter plus avant les sciences ; elles ne peuvent servir qu'à marquer les principaux endroits par où l'on a passé ; elles deviennent inutiles à ceux qui veulent aller en avant. Ainsi que le fil d'Ariane, elles ne font que faciliter les moyens de revenir sur nos pas.

2°. Elles sont propres à soulager la mémoire, & à abréger les disputes, en indiquant sommairement les vérités dont on convient de part & d'autre. Les écoles ayant établi autrefois la dispute comme la pierre de touche de l'habileté & de la sagacité, elles adjugeoient la victoire à celui à qui le champ de bataille demeuroit, & qui parloit le dernier ; desorte qu'on en concluoit, que s'il n'avoit pas soûtenu le meilleur parti, du moins il avoit eu l'avantage de mieux argumenter. Mais, parce que selon cette méthode, il pouvoit fort bien arriver que la dispute ne pût être décidée entre deux combattans également experts, & que c'eût été l'hydre toûjours renaissante ; pour éviter que la dispute ne s'engageât dans une suite infinie de syllogismes, & pour couper d'un seul coup toutes les têtes de cette hydre, on introduisit dans les écoles certaines propositions générales évidentes par elles-mêmes, qui étant de nature à être reçûes de tous les hommes avec un entier assentiment, devoient être regardées comme des mesures générales de la vérité, & tenir lieu de principes. Ainsi, ces maximes ayant reçû le nom de principes, qu'on ne pouvoit nier dans la dispute, on les prit par erreur pour l'origine & la vraie source de nos connoissances ; parce que, lorsque dans les disputes on en venoit à quelques-unes de ces maximes, on s'arrêtoit sans aller plus avant, & la question étoit terminée.

Encore un coup, les axiomes ne servent qu'à terminer les disputes ; car au fond, si l'on en presse la signification, ils ne nous apprennent rien de nouveau : cela a été déjà fait par les idées intermédiaires, dont on s'est servi dans la dispute. Si dans les disputes les hommes aimoient la vérité pour elle-même, on ne seroit point obligé, pour leur faire avoüer leur défaite, de les forcer jusque dans ces derniers retranchemens ; leur sincérité les obligeroit à se rendre plûtôt. Je ne pense pas qu'on ait regardé ces maximes comme des secours fort importans pour faire de nouvelles découvertes, si ce n'est dans les écoles, où les hommes, pour obtenir une frivole victoire, sont autorisés & encouragés à s'opposer & à résister de toute leur force à des vérités évidentes, jusqu'à ce qu'ils soient battus, c'est-à-dire qu'ils soient réduits à se contredire eux-mêmes, ou à combattre des principes établis. En un mot, ces maximes peuvent bien faire voir où aboutissent certaines fausses opinions, qui renferment souvent de pures contradictions : mais quelque propres qu'elles soient à dévoiler l'absurdité ou la fausseté du raisonnement ou de l'opinion particuliere d'un homme, elles ne sauroient contribuer beaucoup à éclairer l'entendement, ni à lui faire faire des progrès dans la connoissance des choses : progrès qui ne seroient ni plus ni moins prompts & certains, quand l'esprit n'auroit jamais pensé aux propositions générales. A la vérité elles peuvent servir pour réduire un chicaneur au silence, en lui faisant voir l'absurdité de ce qu'il dit, & en l'exposant à la honte de contredire ce que tout le monde voit, & dont il ne peut s'empêcher de reconnoître lui-même la vérité : mais autre chose est de montrer à un homme qu'il est dans l'erreur, & autre chose de l'instruire de la vérité.

Je voudrois bien savoir quelles vérités ces propositions peuvent nous faire connoître, que nous ne connussions pas auparavant ? Tirons-en toutes les conséquences que nous pourrons, ces conséquences se réduiront toûjours à des propositions identiques, où une idée est affirmée d'elle-même ; & toute l'influence de ces maximes, si elles en ont quelqu'une, ne tombera que sur ces sortes de propositions. Or chaque proposition particuliere identique est aussi évidente par elle-même, que les propositions les plus universelles, avec cette seule différence, que ces dernieres pouvant être appliquées à tous les cas, on y insiste davantage.

Quant aux autres maximes moins générales, il y en a plusieurs qui ne sont que des propositions purement verbales, & qui ne nous apprennent autre chose que le rapport que certains noms ont entr'eux ; telle est celle-ci : le tout est égal à toutes ses parties ; car, je vous prie, quelle vérité réelle sort d'une telle maxime ? Un enfant, à qui l'on ôte une partie de sa pomme, le connoît mieux dans cet exemple particulier que par cette proposition générale, un tout est égal à toutes ses parties.

Quoique les propositions générales s'introduisent dans notre esprit à la faveur des propositions particulieres, cependant il prend après cela un chemin tout différent ; car réduisant sa connoissance à des principes aussi généraux qu'il le peut, il se les rend familiers, & s'accoûtume à y recourir comme à des modeles du vrai & du faux ; & les faisant servir ordinairement de regles pour mesurer la vérité des autres propositions, il vient à se figurer dans la suite, que les propositions plus particulieres empruntent leur vérité & leur évidence de la conformité qu'elles ont avec ces propositions générales.

Mais que veut-on dire, quand on dit communément qu'il faut avoir des principes ? Si l'on entend par principes des propositions générales & abstraites, qu'on peut au besoin appliquer à des cas particuliers ; qui est-ce qui n'en a pas ? Mais aussi quel mérite y a-t-il à en avoir ? Ce sont des maximes vagues, dont rien n'apprend à faire de justes applications. Si l'on doit avoir des principes, ce n'est pas qu'il faille commencer par-là, pour descendre ensuite à des connoissances moins générales : mais c'est qu'il faut avoir bien étudié les vérités particulieres, & s'être élevé d'abstraction en abstraction jusqu'aux propositions universelles. Ces sortes de principes sont naturellement déterminés par les connoissances particulieres qui y ont conduit ; on en voit toute l'étendue, & l'on peut s'assûrer de s'en servir toûjours avec exactitude. Voyez ANALYSE. (X)


AXIOPOLI(Géog. anc. & mod.) ville de la Turquie en Europe, dans la basse Bulgarie, sur la rive droite du Danube. On ne convient pas généralement que ce soit l'ancienne Axiopolis, où le Danube prenoit le nom d'Ister.


AXMYSTERE(Géog.) petite ville d'Angleterre dans le comté de Devon, aux confins de celui de Sommerset & de celui de Dorset.


AXOLOTI(Hist. nat. Ichthyolog.) poisson singulier, qui mériteroit bien d'être mieux connu, si ce qu'on en raconte est vrai : on dit qu'on le trouve dans le lac de Mexique ; qu'il a quatre piés comme le lésard, point d'écailles, une matrice comme la femme, & le flux menstruel. On ajoûte que sa chair a le goût de l'anguille, ce qui suppose qu'il est bon à manger.


AXONGES. f. (Mat. méd.) est proprement de la graisse condensée, ramassée dans les follicules adipeux ; c'est le vieux sain-doux ou du vieux lard, ou le suif de tel autre animal que ce soit. V. GRAISSE. (N)

AXONGE de verre, (Mat. méd.) est le suin ou le sel du verre ; c'est un sel qui se sépare du verre lorsqu'il est en fusion ; son goût est acre & amer ; on s'en sert pour nettoyer les yeux des chevaux.

Il est bon pour nettoyer les dents : on l'applique sur les ulceres corrosifs, sur la galle, en forme de dessiccatif : mais ce remede me paroît suspect & devoir être proscrit de l'usage de la Medecine : elle ne manque pas de remedes, qui, sans être si violens, sont plus sûrs, plus reconnus, & autant efficaces. Voyez VERRE. (N)


AXUMou AXUM, (Géog. anc. & mod.) autrefois grande ville de l'Abyssinie, aujourd'hui village. Long. 54. lat. 14. 30.


AXUou ANXUR, ou sans barbe (Mythol.) ; surnom de Jupiter enfant ou jeune homme. D'autres prétendent que Anxur vient de la ville du Latium de ce nom, où ce dieu étoit particulierement honoré.


AY(Géog.) petite ville de France, en Champagne, près de la Marne. Long. 21. 45. lat. 49. 4.


AYAMONTE(Géog.) petite ville maritime d'Espagne, dans l'Andalousie, sur le côté oriental de l'embouchure de la Guadiana. Long. 10. 35. lat. 37. 9.


AYAN(Géog.) la côte d'Ayan ou d'Ajen est en Afrique, dans la haute Ethiopie, depuis la ligne équinoctiale jusqu'au douzieme degré de latitude méridionale, ce qui fait environ trois cens lieues de longueur sur l'Océan ou la mer de Zanguebar ; elle en a environ cent quarante sur le détroit de Babelmandel, ou sur la mer Arabique ; elle est divisée en quatre royaumes, d'Adel, d'Adea, de Mandagano, & de Brava.


AYEN(Géog.) petite ville de France, dans le Limosin, généralité de Limoges, élection de Brives.


AYERBE(Géog. anc. & mod.) petite ville d'Espagne, en Aragon, que quelques-uns prennent pour l'ancienne Nemanturista. Ayerbe est entre Saragosse & Jaca.


AYEULS. m. & AYEULE, s. f. terme de Généalogie & de Droit, est celui ou celle de qui descend le petit-fils par son pere ou par sa mere. S'il en descend par son pere, l'ayeul s'appelle paternel ; si c'est par la mere, il s'appelle ayeul maternel. L'ayeul ou l'ayeule & le petit-fils sont l'un par rapport à l'autre à deux degrés. Voyez DEGRE.

Quant aux biens esquels ils succedent à leurs petits-enfans morts sans enfans, voyez ASCENDANT.

Observons seulement ici que les ayeuls ou ayeules succedent à leurs petits-enfans par têtes & non par souches ; desorte que si, par exemple, il y avoit ayeul & ayeule d'un côté, & ayeul seulement ou ayeule de l'autre, la succession du petit-fils ou de la petite-fille seroit partagée par tiers & non par moitié. Ainsi jugé par arrêt du 30 Mars 1702, lequel a été lû & publié au Châtelet. (H)


AYLESHAM(Géog.) petite ville d'Angleterre, dans le comté de Nortfolk, à trois lieues au septentrion de Norwich.


AYMALLOUXS. m. pl. (Géog.) peuples d'Afrique, au pays des Négres qui habitent la côte.


AYMARANESsub. m. pl. (Géog.) peuples de l'Amérique méridionale au Pérou, dans le gouvernement de Lima.


AYMARGUES(Géog.) ville de France, dans le Languedoc, diocese de Nîmes.


AYMERIES(Géog.) petite ville des Pays-Bas catholiques, dans le Hainaut, sur la Sambre, entre Bavai & Avesnes.


AYNADEKI(Géog.) petite ville de la haute Hongrie, dans le comté de Sag, entre Filleck & Gomer.


AYORA(Géog.) petite ville d'Espagne, au royaume de Valence, sur le Xugar, à l'occident de Xativa.


AYR(Géog.) riviere de France, qui a sa source dans le duché de Bar, passe proche de Clermont en Argonne, à Varennes, & se jette dans l'Aisne.


AYRIsubst. m. (Hist. nat. bot.) arbre du Bresil, dont la feuille ressemble à celle du palmier, & qui a le tronc épineux, le bois noir & si dur que les Brasiliens en arment leurs fleches & leurs massues. Description de voyageur, & non de naturaliste.


AYTOou AITON, (Géog. anc. & mod.) petite ville de Grece, dans la Livadie, à cinq lieues au nord des Dardanelles de Lepante. On croit que c'est l'ancienne ville d'Etolie, appellée Calydon aquila.


AYUTLAN(Géog.) riviere de l'Amérique septentrionale, qui passe dans l'audience de Guatimala, sur les confins de la province de ce nom, & de celle de Soamusco, & se jette dans la mer pacifique.


AZABE-KABERI(Hist. mod.) supplice que les méchans souffrent sous la tombe, selon la superstition mahométane. Kaber signifie sepulchre, & azab, tourment. Aussi-tôt qu'un mort est enterré, il est visité par l'ange de la mort. L'ange de la mort est suivi des deux anges inquisiteurs Monkir & Nekir, qui examinent le mort, le laissent reposer en paix s'ils le trouvent innocent, ou le frappent à grands coups de marteaux ou de barres de fer, s'il est coupable. On ajoûte qu'après cette expédition, qui peut effrayer les vivans, mais qui ne fait pas grand mal au mort, la terre l'embrasse étroitement & lui fait éprouver d'étranges douleurs à force de le serrer. Ensuite sortent d'enfer deux autres anges, qui amenent compagnie au supplicié : cette compagnie est une créature difforme, qu'ils lui laissent jusqu'au jour du jugement. Ce grand jour arrivé, le monstre femelle & le mort descendent dans les enfers pour y souffrir le tems ordonné par la justice divine. Car c'est une opinion reçûe généralement par les Mahométans, qu'il n'y a point de punition éternelle ; que les crimes s'expient par des peines finies, & que les crimes étant expiés, Mahomet ouvre la porte du paradis à ceux qui ont crû en lui.


AZAMIou AZEMIE ou AGAMIE, (Hist. mod. & Géog.) noms que quelques auteurs, comme Chalcondyle, Ferculph, & Paul Jove ont donné à la Perse. Les pays des Parthes s'appellent encore aujourd'hui Iraque-Agemie.


AZAMIENSS. m. pl. (Géog.) peuples de Syrie sous la domination des Sarrasins, lorsque les François y entrerent. On les a nommés aussi Azymites, ce qui a fait douter ensuite si Azymites étoit un nom de nation ou de secte. Voyez AZYMITES.


AZAMOR(Géog.) petite ville maritime d'Afrique, au royaume de Maroc, dans la province de Duquela. Long. 10. 30. lat. 32. 50.


AZAPESsub. m. pl. (Art milit.) sorte de milice parmi les Turcs. Elle est composée de Turcs naturels qu'on leve extraordinairement dans la Natolie, en tel nombre que le besoin de l'état le demande, pour servir sur terre & sur mer : ils ont la garde de l'arsenal quand l'armée est à Constantinople ; & sur les frontieres on les employe à la garde des villes conquises, tandis que les janissaires gardent les citadelles.

Les généraux Turcs font si peu d'estime de cette milice, qu'ils ne s'en servent que pour faciliter les approches, & commencer les assauts des places assiégées, ou pour ouvrir le passage des rivieres & des défilés ; ensorte qu'ils en prodiguent le sang pour ménager les braves soldats, qu'on réserve pour les occasions décisives. Ce n'est pas qu'il ne se rencontre quelquefois dans ce corps des sujets qui donnent des preuves de valeur : mais en général cette milice est peu aguerrie.

Les Azapes portent un haut bonnet de laine rouge à la marinesque, dont les oreilles refendues de côté & d'autre pendent en pointe jusque sur les épaules. Ils ont pour armes l'arc, le cimetere, & une espece de javeline ou pertuisane. Leur paye est de trois ou de cinq aspres par jour ; ce qui se monte au plus à deux sous & demi de notre monnoie. Ces troupes sont plus propres sur les vaisseaux & pour les combats de mer, que pour les batailles en terre ferme. Guer. Moeurs des Turcs, tom. II. (Q)


AZARECAH(Hist. mod.) hérétiques Musulmans qui ne reconnoissoient aucune puissance, ni spirituelle ni temporelle. Ils se joignirent à toutes les sectes opposées au musulmanisme. Ils formerent bientôt des troupes nombreuses, livrerent des batailles, & défirent souvent les armées qu'on envoya contr'eux. Ennemis mortels des Ommiades, ils leur donnerent bien de la peine dans l'Ahovase & les Iraques Babylonienne & Persienne. Iezid & Abdalmelek, califes de cette maison, les resserrerent enfin dans la province de Chorasan, où ils s'éteignirent peu-à-peu. Les Azarecah tiroient leur origine de Nafé-ben-Azrah. Cette secte étoit faite pour causer de grands ravages en peu de tems : mais n'ayant par ses constitutions même aucun chef qui la conduisît, il étoit nécessaire qu'elle passât comme un torrent, qui pouvoit entraîner bien des couronnes & des sceptres dans sa chûte. Il n'étoit pas permis à une multitude aussi effrénée de se reposer un moment sans se détruire d'elle-même ; parce qu'un peuple formé d'hommes indépendans les uns des autres, & de toute loi, n'aura jamais une passion pour la liberté assez violente & assez continue, pour qu'elle puisse seule le garantir des inconvéniens d'une pareille société ; si toutefois on peut donner le nom de société à un nombre d'hommes ramassés à la vérité dans le plus petit espace possible, mais qui n'ont rien qui les lie entr'eux. Cette assemblée ne compose non plus une société, qu'une multitude infinie de cailloux mis à côté les uns des autres, & qui se toucheroient, ne formeroient un corps solide.


AZARIA(Comm.) nom qu'on donne à Smyrne à une espece de corail que les marchands d'Europe y transportent. On ne nous apprend rien sur cette sorte de corail.


AZARIMITS. f. pierre qui se tire d'une mine qui est au royaume de Cananor, & à laquelle on attribue de belles propriétés contre la fievre, le flux de sang, & la morsure des serpens, & qui sembleroit par cette raison mériter une description bien exacte.


AZAY(Géog.) petite ville de France, dans la Touraine, sur l'Indre. Long. 18. 5. lat. 47. 18.


AZAY-LE-RIDEAU(Géog.) petite ville de France, en Touraine, généralité de Tours.


AZAZEL(Théolog.) Les interpretes de l'Ecriture, tant Juifs que Chrétiens, ne s'accordent pas entr'eux sur la signification de ce mot azazel, qui se trouve au chap. xvj. du Lévitique ; ce qui a fait que plusieurs ont retenu dans leurs versions de l'Ecriture le mot azazel comme un nom propre. Quelques rabbins ont crû que c'étoit le nom de quelque montagne où le sacrificateur envoyoit le bouc dont il est parlé en ce lieu-là. Mais S. Jérome traduit le mot azazel par caper emissarius, bouc émissaire, en suivant les Septante, qui en cet endroit ont traduit dans ce même sens, comme l'expliquent Théodoret & S. Cyrille ; Aquilla & Symmaque ont aussi traduit, le bouc renvoyé, ou mis en liberté. Le Juif David de Pomis suit dans son dictionnaire cette derniere interprétation. Il remarque seulement que, selon le sentiment de quelques auteurs, azazel est le nom d'une montagne d'où l'on précipitoit le bouc qui servoit de victime en cette cérémonie. Grotius appuie aussi l'interprétation de la Vulgate, dans ses notes sur le chapitre xvj. du Lévitique, où il observe que ce bouc signifioit que les péchés qui avoient été expiés par la victime ne retournoient plus devant Dieu ; ce que les Juifs expliquent des péchés par lesquels on ne mérite ni la mort, ni la peine d'être retranché du peuple de Dieu. Bochart croit que le mot azazel est un mot purement Arabe, qui signifie éloignement, départ. Spencer conjecture que c'étoit un démon ; & quand on envoyoit le bouc à azazel, cela marquoit qu'on l'abandonnoit au diable. Les Cabalistes, & Julien l'apostat, ont été du même sentiment que Spencer. Origene n'en paroît pas éloigné. M. le Clerc croit qu'azazel signifie un précipice. Toutes ces conjectures sont assez mal établies : l'opinion la plus vraisemblable est celle qui dérive ce mot de hez, qui signifie un bouc, & d'azal, qui signifie il s'en est allé. Quand le grand prêtre entroit dans le sanctuaire, ce qui ne lui étoit permis qu'une fois l'an, il prenoit deux boucs, qu'il présentoit à l'entrée du tabernacle ; il jettoit le sort pour voir lequel des deux seroit immolé au Seigneur, & lequel seroit mis en liberté : il mettoit sa main sur la tête de ce dernier ; il confessoit ses péchés & ceux du peuple, & prioit Dieu de faire tomber sur cet animal la peine qu'ils avoient méritée. Un homme destiné à cela, ou un prêtre, selon quelques interpretes, conduisoit le bouc dans un lieu desert & éloigné, le précipitoit, & le mettoit en liberté. Levit. xvj. Voyez Sam. Bochart, dans son Hieros. J. Spencer, de Legibus Hebraicis ritualibus. Dissertat. de capro emiss. D. Calmet sur le Levit. (G)


AZES. f. c'est ainsi qu'on appelle en Vénerie la femelle du lievre quand elle est pleine.


AZEBRES. m. (Hist. nat. Zool.) espece de cheval sauvage qu'on n'apprivoise que très-difficilement. On le trouve dans la basse Ethiopie : il est moucheté de blanc & de noir ; il est prompt à la course ; & à cette description il ne paroît pas être encore du nombre des animaux que les Naturalistes ont étudiés.


AZEC(Géog. sainte.) ville des Amorrhéens de la tribu de Juda. Ce fut-là que Dieu fit pleuvoir des pierres sur les ennemis de son peuple.


AZEDARACH(Hist. nat. bot.) genre d'arbre dont la fleur est composée de plusieurs feuilles disposées en rose : il s'éleve au milieu de ces fleurs un tuyau dans lequel se trouve un pistil qui sort du fond du calice, & qui devient dans la suite un fruit presque rond & mou : ce fruit renferme un noyau cannelé pour l'ordinaire, & divisé en plusieurs loges, dont chacune contient une semence oblongue. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

On l'appelle aussi faux sycomore. Cet arbre vient d'Italie & d'Espagne ; sa fleur est apéritive, dessiccative, bonne dans les obstructions, prise en infusion ou en décoction.

On se sert du fruit pour faire mourir les poux, & faire croître les cheveux. (N)


AZELBOURG(Géog. anc. & mod.) ville ancienne des Vindeliciens, maintenant un village de Baviere sur le Danube, près de Straubing. Quelques Géographes croyent que c'étoit l'Atilia, que d'autres regardent comme l'Augusta Acilia.


AZEMASEM, ou ACHAM, (Géog.) royaume d'Asie dans la partie septentrionale des états du roi d'Ava. Il est fertile : il y a des mines d'or, d'argent, de plomb, de fer, & la meilleure laque. Les habitans regardent le chien comme un mets délicieux. Ils sont idolatres, & ont plusieurs femmes.


AZENETA(Géog.) petite ville du royaume de Valence, sur la montagne de Pegna Golosa, où l'on recueille tous les ans beaucoup de plantes médicinales.


AZER(Géog. sainte.) ville de la Palestine au-de-là du Jourdain, dans la tribu de Manassé, sur le chemin qui conduisoit à Sidon.


AZEROLIERS. m. AZEROLES, s. f. pl. azarolus, est une espece de nefflier dont les feuilles ressemblent à celles de l'aubépin, mais sont plus larges : ses fleurs en grappe sont de couleur herbeuse ; ses fruits, nommés azeroles, sont ronds, charnus, rouges, d'un goût assez agréable, & semblables à la neffle, mais plus petits, contenant trois noyaux fort durs. Cet arbre aime les pays chauds ; & celui qui n'est point cultivé est épineux. (K)


AZIS. m. sorte de presure faite de vinaigre & de petit-lait, dont on se sert à Griers & à Berne pour faire le second fromage qui se tire du petit-lait du premier.


AZILHAou AZILLE, (Géog.) petite ville de France dans le Languedoc, au diocese de Narbonne.


AZIMUTHce terme est Arabe, & il a dans cette langue la même signification que dans la nôtre.

On s'en sert en Astronomie ; l'azimuth du soleil ou d'une étoile est l'arc de l'horison compris entre le méridien d'un lieu, & un vertical quelconque donné, dans lequel se trouve le soleil ou l'étoile. Voyez MERIDIEN & VERTICAL.

L'azimuth est le complément de l'amplitude orientale ou occidentale, au quart de la circonférence. Voyez AMPLITUDE.

La proportion trigonométrique qui suit donne l'azimuth. Dites : le rayon est à la tangente de la latitude comme la tangente de la hauteur du soleil est au cosinus de l'azimuth, au tems de l'équinoxe. Pour trouver l'azimuth par le globe, voyez GLOBE.

Maniere de connoître exactement par observation l 'azimuth de quelque étoile que ce soit. On tirera sur le plan de l'horison une ligne méridienne A E (Planche Astronomique, fig. 46.) au-dessus de laquelle on suspendra un fil perpendiculaire C A, ce qui se pratique en y attachant un poids. On suspendra ensuite un autre fil B D, en y attachant de même un poids ; ces deux fils doivent être placés de maniere que l'étoile puisse s'y rencontrer au moment de la hauteur ou de la distance au zénith, qu'on aura observée avec le quart de cercle : après cela on remarquera le point B, où le fil B D rencontre le point de l'horison, & dans la ligne méridienne le point A, sur lequel vient tomber le fil C A ; ensuite, ayant pris sur la méridienne tel point que l'on voudra, comme E, on tirera les lignes A B, B E, & ayant divisé une regle en parties égales assez petites, il faudra mesurer les trois côtés du triangle B A E ; ayant ces trois côtés, on cherchera par la Trigonométrie l'angle B A E, & de cette maniere on connoîtra l'azimuth de l'astre, qui est ce qu'il falloit trouver. Inst. Astronom. de M. le Monnier.

* Le savant auteur que nous venons de citer, a expliqué dans son ouvrage, comment on connoît la réfraction par l'observation de l'azimuth.

AZIMUTH magnétique, est un arc de l'horison compris entre le cercle azimuthal du soleil & le méridien magnétique ; ou c'est la distance apparente du soleil au point du nord ou du midi, marqué par la boussole. Voyez MAGNETIQUE.

On trouve l'azimuth magnétique en observant le soleil avec un compas azimuthal, lorsqu'il est élevé sur l'horison à la hauteur de 10 ou de 15 degrés, soit avant midi soit après. Voyez COMPAS azimuthal.

Quant aux usages & à la description de cet instrument, voyez COMPAS azimuthal.

Cadran AZIMUTHAL ; c'est un cadran solaire dont le style ou gnomon est perpendiculaire au plan de l'horison. Voyez CADRAN solaire.

AZIMUTHS, cercles qu'on appelle aussi verticaux ; ce sont de grands cercles qui se coupent au zénith & au nadir, & qui font avec l'horison, des angles droits à tous les points de ce cercle.

L'horison étant divisé en 360 degrés, on imagine communément 360 cercles azimuthaux ; ces cercles sont représentés sur les cartes marines par des rhumbs. Voyez HORISON, RHUMB, CARTE, &c.

Ils sont représentés sur le globe par le cercle qui mesure la hauteur du pole, lorsque l'axe est perpendiculaire à l'horison, & qu'il a par conséquent une de ses extrémités au zenith & de l'autre au nadir. Voyez GLOBE.

On se sert des azimuths pour estimer la hauteur des étoiles ou du soleil, lorsqu'ils ne sont pas au méridien, c'est-à-dire, que les azimuths indiquent à quelle distance les étoiles & le soleil sont de l'horison. Voyez HAUTEUR, SOLEIL, ÉTOILE. (O)


AZINCOUR(Géographie.) village des Pays-Bas, dans le comté d'Artois & le pays de Saint Paul, remarquable par la victoire que les Anglois y remporterent sur les François, le vendredi 25 Octobre 1415. Long. 23. 30. lat. 50. 30.


AZIOT(Géograph. anc. & mod.) petite ville de la basse Egypte, sur le Nil, à trente milles ou environ de Damiette ; on croit que c'est l'ancienne Hephaestus, Rubastus ou Rubastis, ainsi appellée des Egyptiens, parce qu'ils y adoroient Diane sous le nom de dea Rubastis.


AZIRUT(Géographie.) petite ville d'Egypte, sur la côte occidentale de la mer Rouge ; ce n'est presque plus qu'un village.


AZIZU(Myth.) surnom de Mars, adoré à Edesse.


AZME(Géographie.) ville des Indes dans les états du Mogol, capitale de la province de même nom. On dit qu'à l'extrémité de cette province, les filles se marient à huit ou neuf ans, & ont des enfans à dix. On y ferre les boeufs. Long. 93. lat. 25. 30.


AZou AZOO (Géograph.) ville d'Asie, aux Indes, sur les frontieres du royaume d'Azem, & la riviere Laquia. Long. 107. lat. 25.


AZOC(Géographie sainte.) ville de la tribu de Zabulon, en Galilée, au nord de Zephoris.


AZO(Géographie.) ville de la Turquie Asiatique, dans la petite Tartarie, à l'embouchure du Don. Long. 58. 47. 18.


AZONESadj. pl. (Myth.) de privatif, & de , zone, ou pays ; épithete que les Grecs donnoient à certains dieux élevés au-dessus des dieux visibles & sensibles, qui n'ayant proprement aucune province affectée, & qui n'étant d'aucun parti pouvoient être & étoient indistinctement invoqués & adorés partout. Tels étoient en Egypte Serapis, Osiris & Bacchus ; & en Grece le Soleil, Mars, la Lune & Pluton, ou la lumiere, la guerre, les ténebres & la mort. Les Latins les appelloient dii communes.

AZONES, s. m. pl. (Hist. & Géog.) peuples d'Assyrie qui habitoient la contrée arrosée par le Lycus, & les environs du mont Thannutis.


AZONVALALou AZOUALALA (Hist. nat. bot.) groseille de l'île de Madagascar, rouge & excellente au goût ; description de voyageur.


AZOT(Théol.) nom que les Grecs donnent au dimanche de la Septuagésime ; ils le nomment aussi prosphonésime ; ce jour est celui de l'Evangile de l'Enfant prodigue, & c'est de-là qu'est venu le terme d'azote.


AZOTHchez les anciens Chimistes, signifioit la matiere premiere des métaux, ou le mercure du métal ; c'est plus spécialement ce qu'ils appellent mercure des philosophes, qu'ils prétendent tirer de toutes sortes de corps métalliques. Voyez METAL, MERCURE, &c.

L'azoth de Paracelse qu'il vantoit comme un remede universel, étoit une préparation d'or, d'argent & de mercure. On dit qu'il en portoit toûjours sur lui une certaine quantité dans le pommeau de son épée.

L'azoth de Heslingius, qu'on nomme autrement or horisontal, & que Welffer décrit dans sa Mantissa spagirica, part. I. c. j. se fait avec de l'or pur en lames, qu'on fait chauffer & qu'on jette en cet état dans du mercure chauffé jusqu'au point de faire du bruit sur le feu. On mêle bien le tout ensemble avec une verge de fer, & on ne retire le mêlange du feu que quand tout le mercure est dissipé. On jette l'amalgame dans de l'eau, & on le lave bien dans du vinaigre & du sel, jusqu'à ce qu'il ne donne plus de couleur noire au vinaigre : ensuite on le broye sur le porphyre, ou dans un mortier de verre, jusqu'à ce qu'il soit assez fin pour passer entierement par un linge. Enfin on le met dans un vaisseau de verre à fond plat, qu'on place dans du sable sur le feu, en digestion, jusqu'à ce qu'il ait pris une couleur rouge, & qu'il soit réduit en poudre.

L'azoth de Heflingius ainsi préparé, est un excellent remede dans plusieurs maladies longues, surtout pour la vérole & pour ses suites. (M)


AZOUFAS. m. (Hist. nat. Zoolog.) animal qu'on prend pour l'hyene des anciens, mais dont on ne nous donne aucune description. On assûre seulement qu'il est commun en plusieurs contrées de l'Amérique, & qu'il aime tant la chair humaine, qu'il déterre les cadavres dans les cimetieres.


AZUA(Géog.) ville de l'Amérique dans les Antilles, au couchant de Saint-Domingue, & sur la côte méridionale de ce nom.


AZUAGA(Géog.) ville d'Espagne dans l'Estramadure, entre Mérida & Merena.


AZUAGUESS. m. plur. (Hist. mod. & Géog.) peuples d'Afrique qui sont répandus dans la Barbarie & la Numidie. Ils gardent leurs troupeaux, ou ils s'occupent à faire de la toile & du drap. Les uns sont tributaires ; les autres vivent libres. Ils habitent principalement les provinces de Tremecen & de Fez. Les plus braves occupent la contrée qui est entre Tunis & le Biledulgérid ; d'où ils ont eu quelquefois la hardiesse d'attaquer les souverains de Tunis. Leur chef porte le titre de roi de Cuco. Ils parlent la langue des Berberes, & l'Arabe. Ils se font honneur d'être Chrétiens d'origine. Ils haïssent les Arabes & les autres peuples d'Afrique ; & pour s'en distinguer, ils se laissent croître la barbe & les cheveux. Ils se font de tems immémorial à la main ou à la joue, une croix bleue avec le fer. On attribue cet usage aux franchises que les empereurs Chrétiens accorderent anciennement à ceux qui avoient embrassé notre foi, à condition qu'ils le témoigneroient par l'impression d'une croix au visage ou à la main. D'autres habitans d'Afrique porterent aussi le signe de la croix : mais peu à peu ce signe s'est défiguré, & à la longue il a dégénéré en d'autres traces qui ne lui ressemblent plus. On dit que les filles des Arabes prétendent s'embellir en se gravant avec des lancettes diverses sortes de marques sur le sein, sur les mains, sur les bras, & sur les piés.


AZUMAR(Géog.) ville du royaume de Portugal dans l'Alentéjo, entre Portalegre & Elvas.


AZURS. m. est la couleur bleue du firmament. Cette couleur vient, selon Newton, de ce que les vapeurs dont l'air est rempli, & peut-être les particules mêmes de l'air, refléchissent les rayons bleus en plus grande quantité que les autres. Quoique l'air paroisse n'avoir par lui-même aucune couleur, la couleur bleue du firmament a fait penser à beaucoup de philosophes, que ce fluide étoit bleu aussi-bien que l'eau de la mer. Voyez BLEU, COULEUR, FIRMAMENT, &c. (O)

AZUR (pierre d '). Voyez PIERRE D'AZUR.

* AZUR factice, (Chimie.) L'azur factice n'est autre chose qu'un verre bleu réduit en poudre. Si cette poudre est un peu grossiere, il s'appelle azur à poudrer : si elle est d'une grande finesse, on l'appelle azur fin ou d'émail. Le docteur Krieg, cité par M. Hellot dans un mémoire du recueil de l'Académie royale des Sciences, année 1737, page 228, décrit dans les Transactions philosophiques, n°. 393, la maniere de conduire le smalt jusqu'à l'état d'azur. Nous nous contenterons de donner ici l'extrait de son mémoire, renvoyant à l'article SMALT un plus grand détail & les observations de M. Hellot, sur la maniere de connoître le cobalt propre à la fabrique du verre bleu. Voyez donc SMALT.

" Le smalt, dit le docteur Krieg, est fait de cobalt ou cadmie naturelle : c'est une pierre grise & brillante qu'on trouve en quantité dans les environs de Snéeberg, & dans quelques autres endroits du Woigtland en Franconie. Cette mine est souvent mêlée de marcassite, quelquefois de mine d'argent & de mine de cuivre : on y rencontre même de l'argent pur en forme de poil, mais rarement ". Il décrit ensuite la maniere d'en séparer le fluor inutile, par des moulins à pilons & par un courant d'eau, & la maniere de torréfier ou rôtir la partie pesante que l'eau n'a pas entraînée, pour en faire évaporer le soufre & l'arsénic ; il donne la figure des fourneaux où se fait la torréfaction, & celle des tuyaux coudés des cheminées, où l'arsénic se sublime & se rassemble. Il passe ensuite au procédé de la vitrification de la mine rôtie en smalt, par le moyen des cailloux calcinés & de la potasse qu'on y mêle ; & il finit par la figure des moulins à pilons, qui réduisent ce smalt en poudre connue ici sous le nom d'azur.

Sur quoi il faut observer, ajoûte M. Hellot, que la matiere colorante du cobalt étant unie par le feu à la frite, a différens noms dans le pays, selon les différens états de sa fonte ; on l'appelle safre, quand le mêlange de la mine avec le sable & le sel alkali commence à couler dans son bain. On le retire quelquefois en cet état de demi-fonte, pour le transporter en Hollande, où l'on en acheve la vitrification, & l'on perfectionne la couleur par des additions de matieres qui sont encore le secret de la fabrique. On le nomme smalt, quand le mêlange est exactement vitrifié, & dans un bain calme & lisse. En cet état, on le retire avec de grandes cueilleres pour le jetter dans l'eau, où ce verre bleu se refond, & en devient plus aisé à pulvériser. Ce verre étant réduit en poudre, prend, comme nous l'avons dit au commencement de cet article, le nom d'azur à poudrer, si cette poudre est grossiere ; & celui d'azur fin ou d'émail, si elle est d'une grande finesse.

Ainsi l'azur en poudre n'est autre chose, comme on voit, que l'azur en pierre ou le smalt porphyrisé. Il en vient d'Allemagne & de Hollande ; ce dernier est le plus cher, & son bleu approche plus de l'outremer. Aussi l'appelle-t-on outremer de Hollande ou outremer commun. On croit dans le commerce & dans les atteliers, qu'il faut que celui d'Allemagne soit grenu, sableux, & foncé pour être bon ; qu'au contraire celui de Hollande n'est bon que pâle & fin.

On sait que cet émail sert à peindre des fleurs & des compartimens bleus sur la fayence & sur la porcelaine qu'on fabrique en Europe. Voyez FAYENCE & PORCELAINE. Mais on ne savoit peut-être pas, avant que M. Hellot l'eût dit, que depuis que les Chinois le substituent à l'azur naturel qu'ils employoient autrefois, le bleu de leur porcelaine moderne est de beaucoup inférieur au bleu de la porcelaine ancienne.

La pierre d'azur naturel & minéral se nomme à la Chine yao-Toufou, ou porcelaine de Toufou. Elle ne vient point de Toufou, mais de Nankin-Chequian. On en trouvoit aussi autrefois dans l'île de Hainan : mais aujourd'hui ces deux mines en fournissent si peu, & cette matiere est par conséquent devenue si chere & si rare, que les Chinois ne se servent plus que de l'émail ou azur en poudre fine, que les Hollandois leur portent.

M. Hellot tient cette observation d'un officier des vaisseaux de la compagnie des Indes. Mémoire de l'académie des Sciences, année 1737, page 228.

AZUR : on ne se sert de cette couleur, en Peinture, que dans certains ouvrages, tels que les fonds de quelques rehaussés d'or, d'écriteaux en lettres d'or, &c. Lorsqu'on veut l'employer, il faut que les objets ou lettres d'or, autour desquelles on le répandra, soient faites & bien séchées : alors on applique une couche de blanc de plomb délayé à l'huile, sur le fond & autour de ces lettres ; puis on saupoudre aussi-tôt avec cet azur, en le laissant tomber un peu de haut sur le blanc auquel il s'attache. On releve la toile ou planche sur laquelle on fait l'ouvrage ; & l'azur qui ne s'est point attaché au blanc s'en va. On laisse sécher ce blanc ; ensuite avec une plume on acheve de nettoyer l'ouvrage, en enlevant l'azur qui pourroit être resté sur l'or, ainsi que celui qui ne tenoit pas au blanc. (R)

AZUR, terme de Blason, couleur bleue dans les armes de toutes les personnes de condition inférieure à celle des barons. Voyez COULEUR.

Dans les écussons des nobles on appelle le bleu saphir, & on l'appelle jupiter dans ceux des souverains. Dans les armoiries gravées, on le représente par des raies ou des hachures tirées horisontalement.

Les François préferent cette couleur à toutes les autres, parce que les armoiries de leur monarque sont au champ d'azur. (V)


AZURI(Géog.) petite ville de la Dalmatie dans le golfe de Venise, vis-à-vis de Sebenico. Il n'y a dans cette île aucun lieu important.


AZURNISS. m. pl. (Hist. eccl.) chanoines de la congrégation de Saint-George en Alga, ainsi appellés de l'habit bleu qu'ils portent.


AZYGOS, terme d'Anatomie, veine qui se vuide dans la veine-cave ; on la nomme encore autrement, veine sans paire, à cause qu'elle est souvent seule. Voyez VEINE. La veine azygos est la troisieme branche du tronc ascendant de la veine-cave : elle est située du côté droit, le long des parties latérales du corps des vertebres de la poitrine ; & vers la huitieme ou la neuvieme, elle commence à tenir la partie moyenne, & envoye de chaque côté des branches intercostales aux interstices des huit côtes inférieures, où elle se divise en deux branches, dont l'une s'insere quelquefois dans la veine cave, mais plus souvent dans l'émulgente ; l'autre va dans la veine-cave, communément un peu au-dessous de l'émulgente : mais elle est rarement jointe à l'émulgente elle-même. Voyez VEINE, CAVE, ULGENTEENTE.

Azygos ; Morgagny appelle ainsi un muscle de la luette, qui est aussi appellé staphylin & épistaphylin. Voyez STAPHYLIN. (L)


AZYMEadj. (Théolog.) , qui n'a pas fermenté ou qui est sans levain. Ce nom originairement Grec est formé d' privatif, & de , ferment ou levain. Le mot azyme est fort usité dans les disputes entre l'église Greque & l'église Latine, sur la nature du pain, qui fait une partie de la matiere du sacrement de l'Eucharistie avant la consécration. La derniere soûtient que ce pain doit être azyme, c'est-à-dire sans levain, comme le pain dont les Juifs se servoient dans la célébration de leur pâque, Jesus-Christ n'en ayant pas employé d'autre pour l'institution de l'Eucharistie qu'il établit dans la derniere cene, après avoir fait la pâque avec ses disciples à la maniere & selon le rit des Juifs. Les Grecs au contraire défendent leur opinion avec force, & se fondent sur la tradition & l'usage constant de leur église. Il est indubitable qu'ils en donnerent de bonnes preuves lorsqu'il s'agit de leur réunion au concile de Florence, puisqu'on y décida que chaque église suivroit sur cette matiere l'usage dont elle étoit en possession.

Aussi ce point n'avoit-il pas d'abord été un prétexte de la rupture & du schisme des Grecs : il y avoit déjà plus de 200 ans que Photius s'étoit séparé de l'église Romaine, lorsque le patriarche Michel Cerularius, dans l'onzieme siecle, excommunia les Latins, parce que dans le sacrifice ils se servoient de pain azyme.

S. Thomas, in IV. sent. dist. ij. quaest. 11. art. 2. quaestiuncul. iij. rapporte que dans les premiers siecles de l'église on n'usa que de pain azyme dans l'Eucharistie jusqu'au tems des Ebionites, qui soûtinrent que toutes les observances de la loi de Moyse étoient encore en vigueur malgré la venue de Jesus-Christ ; que pour ne leur laisser aucun prétexte, l'une & l'autre église userent du pain levé ; que la Greque resta en possession de cet usage, mais que la Latine reprit celui du pain sans levain.

Le P. Sirmond, loin de convenir de ce fait, montre dans une dissertation particuliere sur ce sujet, que les Latins ont usé du pain levé dans le sacrifice jusqu'au Xe. siecle : on a du moins des monumens qui le prouvent jusqu'au VIIe. siecle. Et d'ailleurs le cardinal Bona, Liturg. ch. xxiij. p. 185. rejette l'autorité de S. Thomas sur ce point de critique. Il paroît cependant qu'avant le tems de Photius, c'est-à-dire avant l'an 886, l'église Romaine consacroit avec du pain azyme ; & que c'étoit dans tout l'Occident l'usage le plus universel : car Alcuin qui mourut en 794, écrivant contre quelques personnes qui mêloient du sel au pain destiné à être consacré, dit nettement : Panis qui in Christi corpus consecratur, absque fermento ullius alterius infectionis debet esse mundissimus. Et Raban Maur son disciple, dans son I. livre de l'Institution des clers, ch. xxxj. dit, Panem infermentatum... in sacramento corporis Christi... sanctificari opportet ; ce qui ne s'accorde pas exactement avec la prétention du P. Sirmond. (G)

L'azyme, ainsi que le biscuit de mer, est, au sentiment de Galien, fort mal-sain. Tout le monde sait qu'en mêlant de la fleur de farine avec de l'eau, il se forme une pâte ténace & visqueuse : il arrive la même chose au biscuit de mer, lorsqu'il vient à se ramollir dans l'estomac, à moins que la faculté digestive ne soit extrèmement forte. La fermentation détruit cette viscosité, & rend les végétaux farineux plus aisés à digérer, mais en même tems plus sujets à s'aigrir. C'est pourquoi le pain sans levain ne convient qu'à ceux dont l'estomac est rempli d'acides. Aux autres il pese sur l'estomac, & ne fait qu'incommoder sans procurer aucun avantage ; car le chyle qui en résulte est visqueux, épais, gluant, & charge d'impuretés. (N)


AZYMITESS. m. pl. nom que les schismatiques Grecs donnent aux catholiques Romains ; parce qu'ils se servent de pain azyme ou sans levain dans le sacrifice de la messe. Voyez AZYME.