A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z

    
YS. m. c'est la vingt-quatrieme lettre & la sixieme voyelle de notre alphabet, où on l'appelle i grec. Cette dénomination vient de ce que nous en faisons usage au lieu de l'v (u psilon) des Grecs, dans les mots qui nous en viennent & que nous prononçons par un i, comme martyr, syllabe, symbole, syntaxe, hypocrite, &c. car la figure que nous avons prise, après les Romains, dans l'alphabet grec, y représentoit le G guttural, & s'y nommoit gamma.

Les Latins avoient pris, comme nous, ce caractere pour représenter l'v grec ; mais ils le prononçoient vraisemblablement comme nous prononçons u, & leur u équivaloit à notre ou : ainsi ils prononçoient les mots syria, syracusae, symbola, comme nous prononcerions suria, suracousae, sumbola. Voici à ce sujet le témoignage de Scaurus : (de orth.) Y litteram supervacuam latino sermoni putaverunt, quoniam pro illâ U cederet : sed cùm quaedam in nostrum sermonem graeca nomina admissa sint, in quibus evidenter sonus hujus litterae exprimitur, ut hyperbaton & hymnus, & hyacinthus, & similia ; in eisdem hâc litterâ necessariò utimur.

Le néographisme moderne tend à substituer l'i simple à l'y dans les mots d'origine grecque où l'on prononce i, & fait écrire en conséquence martir, sillabe, simbole, sintaxe, hipocrite. Si cet usage devient général, notre orthographe en sera plus simple de beaucoup, & les étymologistes y perdront bien peu.

Dans ce cas, à l'exception du seul adverbe y, nous ne ferons plus usage de ce caractere que pour représenter deux ii consécutifs ; mais appartenans à deux syllabes, comme dans payer, payeur, moyen, joyeux, qui équivalent à pai-ïer, pai-ïeur, moi-ïen, joi-ïeux.

Anciennement, les écrivains avoient introduit l'y à la fin des mots, au lieu de l'i simple : on ne le fait plus aujourd'hui, & nous écrivons balai, mari, lui, moi, toi, soi, roi, loi, aujourd'hui, &c. c'est une amélioration réelle.

Baronius nous apprend, que Y valoit autrefois 150 dans la numération, & 150000.

Y est la marque de la monnoie de Bourges. (E. R. M. B.)


Y, Y, y, (Ecriture) ces deux dernieres dans leur figure sont composées dans leur premiere partie, de la derniere partie d'm & de l'j consonne ; la premiere est composée d'un accent circonflexe, de la derniere partie d'une ligne mixte, & de la queue d'un g. Voyez le volume des Planches à la table de l'Ecriture, Pl. des alphabets mineurs.


Y (Géog. mod.)l', (Géog. mod.) l'Y ou l'Yé, est un golphe du Zuyderzée, qui sépare presque entierement la Hollande méridionale de la septentrionale ; c'étoit autrefois une riviere. Elle en conserve encore le nom, quoique par l'inondation du Zuyderzée, elle soit devenue une espece de bras de mer, sur lequel est située la ville d'Amsterdam, en forme de croissant.

Antonides Van-der-Goès, ainsi nommé du lieu de sa naissance, & l'un des célebres poëtes hollandois du dernier siecle, a immortalisé l'Y, par le poëme qu'il intitula de Y-Stroom, la riviere d'Y ; le plan de ce poëme, au défaut de l'ouvrage même, mérite d'être connu des étrangers.

Il est divisé en quatre livres. Dans le premier, l'auteur décrit ce qu'il y a de plus remarquable sur le bord de l'Y du côté d'Amsterdam ; il ne néglige aucun ornement pour embellir, & pour varier sa matiere. Il y a quelque chose d'heureux dans le tableau qu'il trace d'un quartier d'Amsterdam appellé l'île-neuve. Il compare la rapidité dont les bâtimens de cette île ont été construits, à la maniere dont les murailles de Thèbes s'éleverent d'elles-mêmes, dociles au son de la lyre d'Amphion ; cependant, dit-il, cette île avec ses palais magnifiques qui seront un jour leurs propres sépultures, ne se fera connoître à la postérité la plus reculée, que par la gloire d'avoir été le séjour de l'amiral Ruyter. Il prend de-là occasion de chanter les louanges de ce grand homme de mer ; ensuite il expose aux yeux du lecteur des bâtimens qui couvrent les bords de l'Y ; mais ce n'est pas d'une maniere seche qu'il les peint, tout y brille d'ornemens, & des couleurs les plus vives.

En parlant de la compagnie des Indes occidentales, il rapporte les guerres que cette société a eues avec les Portugais. Il décrit avec étendue le magasin de l'amirauté, & le palais de la compagnie des Indes orientales. Dans la description du premier, il fait une peinture aussi grande que terrible, de tous les instrumens de guerre qu'on y trouve entassés. C'étoit autrefois, dit l'auteur, l'ouvrage des plus grands monarques, d'élever un capitole ; mais ici des marchands osent élever jusqu'au ciel, un bâtiment qui surpasse les palais des rois. La puissance de la compagnie est assez connue, par l'orient soumis à ses loix ; & le château prodigieux qu'elle a fait construire reçoit le jour de plus de trois mille & trois cent fenêtres.

Dans le second livre, le poëte parcourt une carriere très-vaste, & qui renferme en quelque sorte une partie de l'univers. Après avoir fait l'éloge de la navigation, il passe en revûe les flottes nombreuses qui couvrent l'Y, & qui vont prendre dans le monde entier tout ce qui peut servir à la nécessité & à l'orgueil des hommes. A cette occasion, il parle des expéditions hardies de l'amiral Heemskerk, destinées à chercher une route abrégée vers les Indes par la mer Glaciale. Il s'étend sur les malheurs où l'Amérique est tombée par ses propres richesses. Il introduit l'ombre d'Attabalipa, qui, charmée de voir dans les Hollandois les ennemis de ses bourreaux, leur fait l'histoire des cruautés des Espagnols.

L'auteur suit dans sa description la flotte des Indes : sa muse parcourt les différens pays de cette vaste contrée, & décrit avec pompe les différentes richesses dont chacune de ces provinces charge les vaisseaux hollandois. Non contente de donner une idée de l'étendue du négoce de la Hollande dans ces climats, elle dépeint la puissance de ses armes & de ses trophées, & nous trace pour exemple le tableau d'une bataille où ses soldats remporterent une victoire signalée sur les habitans de Macassar. L'auteur retourne ensuite vers l'Y, en décrivant les pays qu'il découvre sur son passage.

Etant de retour, il détaille les principales marchandises que les autres parties de l'univers fournissent à la Hollande, comme une espece de tribut qu'elles payent à l'industrie de ses habitans. En parlant des vins & d'autres objets de luxe qui viennent de France, il déclame avec autant de force que de bon sens contre les vices que ce même pays tâche de communiquer aux Hollandois.

Le livre troisieme est une fiction d'un bout à l'autre : le poëte est entraîné tout-d'un-coup au fond de l'Y : il voit le fleuve avec ses demi-dieux & ses nymphes, allant à une fête qui devoit se donner à la cour de Neptune pour célébrer l'anniversaire du mariage de Thétis & de Pelée. L'auteur ne suit ici ni Ovide, ni les autres mythologistes : il feint que Thétis autrefois mariée au vieux Triton, & lasse de la froideur de cet époux suranné, s'étoit retirée de la cour de Neptune, pour pleurer ses malheurs dans la retraite. Neptune & les autres divinités de la mer touchées de sa douleur, la rappellent, cassent son mariage, & se résolvent à l'unir au courageux Pelée, à qui ils destinent en même tems l'immortalité avec une éternelle jeunesse. Thétis accepte joyeusement ce parti, & Triton plus charmé des plaisirs de la bonne chere que de ceux de l'amour, n'y fait aucune opposition. Le mariage s'acheve, & les dieux des eaux en solemnisent tous les ans la mémoire.

C'est à une de ces fêtes que le fleuve alloit alors avec toute sa cour : le poëte y fut mené aussi par une des divinités aquatiques, qui le cacha dans un endroit du palais de Neptune, où sans être vu il pouvoit tout voir. Les autres fleuves entrent dans la salle du festin, & à mesure qu'ils arrivent, le poëte est instruit de leurs noms, de leur origine & de leur puissance. Les descriptions qu'il en fait sont poëtiques & savantes, c'est l'endroit le plus beau du poëme. Le dieu présomptueux de la Seine, éclate contre l'Y en paroles injurieuses : l'Y lui répond avec autant d'éloquence que de phlegme. Le dieu de la Seine piqué, finit sa déclamation en s'adressant à l'Ebre, & lui reprochant d'être insensible à la fierté d'un sujet rebelle. L'Ebre réplique que la haine qui l'avoit animé autrefois contre l'Y, avoit été purifiée par le feu de la guerre, qu'il l'avoit reconnu pour libre. On voit assez que cette fiction est une allégorie de l'invasion de la France dans les pays-bas espagnols, & de la triple alliance.

Dans le quatrieme livre, l'auteur s'attache à dépeindre l'autre bord de l'Y, qui est embelli par plusieurs villes de la nord-Hollande : elles fourniroient cependant une matiere assez seche, si l'imagination fertile du poëte ne savoit tirer des moindres sujets, des ressources propres à enrichir son ouvrage. En décrivant la ville d'Edam, autrefois nommée Y dam, c'est-à-dire, digue de l'Y, il rappelle l'ancienne fable d'une syrene prise auprès de cette ville par des pêcheurs : il en fait une espece de sibylle, en lui prêtant la prédiction de toutes les catastrophes que les Bataves devoient surmonter avant que de parvenir à cette puissance, dont l'auteur a donné de si grandes idées. Cette prophétie est un abregé de l'histoire de Hollande, & ce n'est pas l'endroit de l'ouvrage sur lequel les fleurs de la poésie sont répandues avec le moins de profusion. La syrene finit par tracer un affreux tableau de ces batailles navales qui se devoient donner un jour sur les côtes de Hollande, entre cette république & l'Angleterre ; enfin, l'ouvrage est terminé par un discours aux magistrats d'Amsterdam, à la sagesse desquels l'auteur rapporte avec raison la richesse de cette puissante ville.

Si ce poëme ne mérite pas le nom d'épique, il ne paroît pourtant point indigne de ce titre par l'heureuse fiction qui y regne, par la noblesse des pensées, par la variété des images, & par la grandeur de l'expression. A l'égard des défauts qu'on y remarque, si l'on réfléchit à la précocité des talens de l'auteur qui n'avoit que vingt-quatre ans quand il le mit au jour, l'on croira sans peine que s'il ne fut pas mort à la fleur de son âge, il auroit conduit son ouvrage plus près de la perfection. Quoi qu'il en soit, il y a peu de poëmes hollandois où l'on trouve plus de beautés que dans celui-ci. (Le chevalier DE JAUCOURT)


YABACANIS. m. (Hist. nat. Botan. terme de relation) nom que les sauvages donnent dans quelques îles de l'Amérique à une racine dont on vante la grande vertu contre les serpens. Les François nomment cette racine la racine apinel : on peut en voir l'article dans l'histoire de l'acad. des sciences, qui eût mieux fait de ne point transcrire dans son beau recueil les petits contes fabuleux de M. de Hauterive à ce sujet, ann. 1724. p. 19. Le plus plaisant est la réflexion qui les termine : " rien, dit l'historien, n'est si commun que les voyages & les relations, mais il est rare que leurs auteurs ou ne rapportent que ce qu'ils ont vu, ou ayent bien vu ". (D.J.)


YABAQUE(Géog. mod.) petite île de l'Amérique, une des Lucayes, au nord-ouest de celle de Maguana, & au nord de celle de S. Domingue. Latit. selon de Laet, 22. 30. (D.J.)


YACARANDAS. m. (Hist. nat. Bot. exot.) arbre de l'île de Madagascar ; son fruit est gros comme les deux poings, & bon à manger quand il est cuit. Les sauvages en font une espece de bouillie pour leur nourriture.


YACHICAS. m. (Hist. nat. Botan. exot.) espece de prunier de Madagascar ; il porte des fleurs jaunes, & des fruits semblables aux prunes, dont le noyau contient une amande blanche & douce.


YACHou YAC, s. m. (Marine) bâtiment ponté & mâté en fourche, qui a ordinairement un grand mât, un mât d'avant & un bout de beaupré, avec une corne, comme le heu, & une voile d'étai. Il a peu de tirant d'eau, & est très-bon pour des petites bordées, & sert ordinairement pour de petites traversées, & pour se promener. On jugera de sa forme & de sa grandeur par les proportions suivantes.

Proportions générales d'un yacht.

Les grands yachts sont à-peu-près de la même fabrique que les semaques ; ils ont des écoutilles, une tengue élevée à l'arriere, & une chambre à l'avant, au milieu de laquelle il y a une ouverture qui s'éleve en rond au-dessus, en lanterne, & qui est entourée d'un banc pour s'asseoir. Ils ont encore un faux-étai, deux pompes de plomb, une de chaque côté. La barre de leur gouvernail, qui est de fer, est un peu courbée, & il a au-dessus une petite tenque, dont la grandeur est proportionnée à la hauteur de la barre. Ordinairement leur beaupré n'est pas fixe, & on peut l'ôter & le remettre quand on veut. Voyez Pl. XIII. fig. 2. le dessein d'un yacht.


YAGUTHS. m. (Hist. anc.) divinité adorée par les anciens Arabes idolâtres : elle avoit la figure d'un lion.


YAMAMAH(Géog. mod.) ville de l'Arabie heureuse, dans le canton d'Hégias ; c'est une ville du désert, dans la région des montagnes, mais dans une plaine à l'orient de la Mecque. Elle a peu d'habitans, peu de palmiers & beaucoup de ruines : Atwal & Resem lui donnent 71 d. 45. de long. & 21 d. 31. de latit. (D.J.)


YAMBO(Géog. mod.) petite ville d'Asie dans l'Arabie, sur la côte orientale de la mer Rouge, route de Médine, avec un petit port qui en est éloigné de 10 lieues. Long. 53. 42. latit. 21. 38.


YAMÉOSLES, (Géog. mod.) peuple sauvage de l'Amérique méridionale ; leur langue est d'une difficulté inexprimable, & leur maniere de prononcer est encore plus extraordinaire que leur langue : ils parlent en retirant leur respiration, & ne font sonner presqu'aucune voyelle. Ils ont des mots que nous ne pourrions écrire, même imparfaitement, sans employer moins de neuf ou dix syllabes, & ces mots prononcés par eux, semblent n'en avoir que trois ou quatre. Poetarrarorincouroac signifie en leur langue le nombre trois ; heureusement pour ceux qui ont affaire à eux, leur arithmétique ne va pas plus loin.

Les Yaméos sont fort adroits à faire de longues sarbacanes, qui sont l'arme de chasse la plus ordinaire des Indiens. Ils y ajustent de petites fleches de bois de palmier, qu'ils garnissent, au-lieu de plume, d'un petit bourlet de coton plat & mince, qu'ils font fort adroitement, & qui remplit exactement le vuide du tuyau. Ils lancent la fleche avec le souffle à trente pas, & ne manquent presque jamais leur coup. Un instrument aussi simple que ces sarbacanes, supplée chez eux au défaut des armes à feu. Ils trempent la pointe de leurs fleches dans un poison si actif, que quand il est reçu, il tue en moins d'une minute l'animal, pour peu qu'il soit atteint jusqu'au sang. Mém. de l'acad. des scienc. ann. 1745. (D.J.)


YAMGAYA(Economie) espece de mets fort en usage chez les Koreki & les autres habitans de Kamtchatka. On le fait en mêlant le sang des rennes avec de la graisse ; on met ce mêlange dans l'estomac de l'animal, & on le fait fumer dans la cheminée.


YAMIAMAKUNDA(Géog. mod.) ville d'Afrique dans le royaume de Tomani, au midi de la riviere de Gambra. Ses habitans commercent en ivoire & en esclaves : les Anglois y ont un comptoir. (D.J.)


YANDONS. m. (Hist. nat. Ornitholog.) espece d'autruche de l'île de Madagascar.


YANG-CHEU(Géog. mod.) ville de la Chine, dans la province de Nankin, & sa septieme métropole ; elle est marchande, riche & peuplée. Long. suivant le P. Noël, 156. 39'. 30". lat. 33. 6. (D.J.)


YANI(Géog. mod.) pays d'Afrique à l'est du royaume de Bursali, le long & au nord de la riviere de Gambra, dans l'espace de 80 lieues. On le divise en haut & en bas-Yani, qui sont séparés par la riviere de Sami. (D.J.)


YANOou JANOW, (Géog. mod.) nom de deux petites villes de Pologne ; l'une dans la Podolie, au couchant de Kaminiek, sur la petite riviere de Ferret ; l'autre aux confins de la Poldaquie & de la Lithuanie, sur le Boug. (D.J.)


YAPOCO(Géog. mod.) riviere de l'Amérique méridionale dans la Guiane ; elle a plus d'une lieue de longueur à son embouchure. (D.J.)


YAQUÉ(Géog. mod.) grande riviere de l'île de S. Domingue ; elle a sa source dans les montagnes de Cibar, & après s'être grossie de plusieurs autres rivieres, elle se jette enfin dans la mer, au couchant de Monte-Christo, longue chaîne de montagnes ; les François nomment cette riviere la riviere de Monte-Christo, mais c'est un nom ridicule. (D.J.)


YARDS. f. (mesure d'Angleterre) nom de la verge d'Angleterre ; elle est de sept neuviemes d'aune de Paris, ainsi neuf verges d'Angleterre font sept aunes de Paris, ou sept aunes de Paris font neuf verges d'Angleterre. La maniere de réduire les verges d'Angleterre en aunes de Paris, est de dire en se servant de la regle de trois : si neuf verges d'Angleterre font sept aunes de Paris, combien tant d'aunes de Paris ? Et si au contraire l'on veut faire la réduction des aunes de Paris en verges d'Angleterre, il faut dire, si sept aunes de Paris font neuf verges d'Angleterre, combien tant d'aunes de Paris feront-elles de verges d'Angleterre ? La regle vous indiquera ce que vous cherchez. (D.J.)


YARELA, (Géog. mod.) riviere d'Angleterre dans le comté de Norfolck ; elle prend sa source vers le nord-ouest, d'où coulant vers le sud-est, elle arrose la ville de Norwich qui en est la capitale ; ensuite après s'être grossie d'autres rivieres, elle se rend dans la mer, & forme à son embouchure un bon port appellé de son nom, Yarmouth. (D.J.)


YARMOUTH(Géog. mod.) ville d'Angleterre dans la province de Norfolck, à l'embouchure de l'Yare, d'où lui vient son nom, à 36 lieues au nord-est de Londres ; elle est grande, bien bâtie, & a quelques fortifications : son port est fort bon. La principale richesse de ses habitans consiste dans la pêche des harengs, qui est très-abondante sur la côte. Cette ville s'est accrue des ruines de l'ancienne Gariam nonum dont il est parlé dans la notice de l'empire ; car la riviere d'Yare, qui donnoit son nom à la ville, se nommoit en latin Gariam. Sa long. 18. 55. latit. 52. 3. Long. suivant Stréet, 19. 6'. 30". latit. 52. 55. (D.J.)


YASSAS. f. (Hist. mod. Jurisprud.) c'est ainsi qu'on nomme chez les Tartares, un corps de loix, dont le fameux conquérant Gengis-Kan passe pour être l'auteur. Timur-Beg ou Tamerlan les fit observer dans ses vastes états, & elles sont encore en vigueur aujourd'hui chez les tartares de Crimée, & dans plusieurs autres parties de l'Asie, où ces loix sont appellées Yassa J'enghiskani. Quelques orientaux amis du merveilleux prétendent que Genghis-Kan n'en est point l'auteur, mais qu'elles sont dues à Turk qui, suivant les traditions orientales, étoit fils de Japhet, & petit-fils de Noé, fondateur de la nation tartare. M. de la Croix a donné dans la vie de Genghis-Kan un extrait de ces loix, en vingt-un articles.

1°. Il est ordonné de ne croire qu'un seul Dieu, créateur du ciel & de la terre, qui donne la vie & la mort, les richesses & la pauvreté ; qui accorde & refuse ce qu'il veut, & qu'il a un pouvoir absolu sur toutes choses.

2°. Les prêtres de chaque secte, & tous les hommes attachés aux cultes, les médecins, ceux qui lavent les corps des morts, seront exempts de tout service public.

3°. Nul prince ne pourra prendre le titre de grand-kan, sans avoir été élu légitimement par les autres kans généraux & seigneurs monguls assemblés en diete.

3°. Il est défendu aux chefs des tribus de prendre des titres pompeux, à l'exemple des souverains mahométans.

5°. Il est ordonné de ne jamais faire la paix avec aucun souverain ou peuple, avant qu'ils fussent entierement subjugués.

6°. De partager toujours les troupes en dixaines, centaines, milliers, dix milliers, &c. parce que ces nombres sont plus commodes.

7°. Les soldats, en se mettant en campagne, recevront des armes des officiers qui les commandent, & ils les leur remettront à la fin de l'expédition ; les soldats tiendront ces armes bien nettes, & les montreront à leur chef, lorsqu'ils se prépareront à donner bataille.

8°. Il est défendu, sous peine de mort, de piller l'ennemi, avant que le général en ait donné la permission. Chaque soldat demeurera maître du butin qu'il aura fait, en donnant au receveur du grand-kan les droits prescrits par les loix.

9°. Depuis le mois qui répond au mois de Mars, jusqu'à celui d'Octobre, personne ne prendra de cerfs, de daims, de lievres, d'ânes sauvages, ni d'oiseaux d'une certaine espece ; afin que la cour & les armées trouvent assez de gibiers pour les grandes chasses d'hiver.

10°. Il est défendu, en tuant les bêtes, de leur couper la gorge ; mais il est ordonné de leur ouvrir le ventre.

11°. Il est permis de manger le sang & les intestins des animaux.

12°. On regle les privileges & les immunités des tarkani, c'est-à-dire, de ceux qui sont exemptés de toute taxe pour les services qu'ils ont rendus.

13°. Il est enjoint à tout homme de servir la société d'une maniere ou d'une autre ; ceux qui ne vont point à la guerre, sont obligés de travailler un certain nombre de jours aux ouvrages publics, & de travailler un jour de la semaine pour le grand-kan.

14°. Le vol d'un boeuf ou de quelqu'autre chose du même prix, se punissoit en ouvrant le ventre du coupable. Les autres vols moins considérables étoient punis par sept, dix-sept, vingt-sept, trente-sept, & ainsi de suite jusqu'à 700 coups de bâton, en raison de la valeur de la chose volée. Mais on pouvoit se racheter de cette punition en payant neuf fois la valeur de ce qu'on avoit volé.

15°. Il étoit défendu aux Tartares de prendre à leur service des gens de leur nation : ils ne pouvoient se faire servir que par ceux qu'ils faisoient prisonniers de guerre.

16°. Il étoit défendu de donner retraite à l'esclave d'un autre, sous peine de mort.

17°. En se mariant, un homme étoit obligé d'acheter sa femme. La polygamie étoit permise. Les mariages étoient défendus entre les parens du premier & du second degré, mais on pouvoit épouser les deux soeurs. On pouvoit user des femmes esclaves.

18°. L'adultere étoit puni de mort, & il étoit permis au mari de tuer sa femme prise sur le fait. Les habitans de Kaindu furent à leur sollicitation, exemptés de cette loi, parce qu'ils étoient dans l'usage d'offrir leurs femmes & leurs filles aux étrangers. Mais Genghis-Kan, en leur accordant cette exemption, déclara qu'il les regardoit comme infames.

19°. Il étoit permis pour l'union des familles, de faire contracter des mariages entre les enfans, quoique morts, & l'on faisoit la cérémonie en leur nom. Par-là les familles étoient réputées alliées.

20°. Il étoit défendu, sous des peines rigoureuses, de se baigner, ou de laver ses habits dans des eaux courantes dans le tems où il tonnoit ; les Tartares craignant extraordinairement le tonnerre.

21°. Les espions, les faux témoins, les sodomistes, les sorciers étoient punis de mort.

22°. Les gouverneurs & magistrats qui commandoient dans les provinces éloignées, étoient punis de mort, lorsqu'ils étoient convaincus de malversation ou d'oppression. Si la faute étoit légere, ils étoient obligés de venir se justifier auprès du grand-kan.

Gengis-Kan publia un grand nombre d'autres loix, mais celles qui précedent sont les principales ; elles furent en vigueur sous le regne de ce conquérant & de ses successeurs. Par la premiere de ces loix, on voit que les tartares monguls étoient théistes dans l'origine, ce qui n'empêcha point presque tous les princes de la maison de Gengis-Kan, de tolérer & de favoriser les sectaires de toutes les religions dans leurs états ; ce sont même les seuls souverains dont l'histoire fasse mention, qui ayent été assez sensés pour accorder à tous leurs sujets une tolérance entiere.


YASSI(Géog. mod.) Les françois écrivent mal Iassi, & peut-être ai-je moi-même commis cette faute. C'est une grande ville de la Moldavie, sur la petite riviere de Scisa, qui se rend peu après dans le Pruth, au nord-est de Soczowa. Long. 44. 56. latit. 47.

Yassi riche par son commerce avec l'Asie, est toute ouverte, sans portes & sans murailles ; mais on y voit une douzaine de vastes châteaux flanqués de tours terrassées. Tous ont du canon & des magasins d'armes pour se défendre. Ce sont autant de monasteres où des moines grecs font leur salut sous la protection du turc. Le christianisme n'a point de moines aussi anciens. S. Basile fut leur patriarche au quatrieme siecle ; mais il y avoit long-tems que les perses & les indiens au sein de l'idolâtrie, avoient des moines. L'occident s'est livré plus tard à l'inaction de la vie contemplative. C'est dans ces forteresses basiliennes que le peuple cherche un asyle, lorsque les Tartares viennent à passer. On ne voit peut-être nulle part autant de moines rassemblés ; car le même spectacle se montre sur un côteau en face de la ville.

Cette grande quantité d'hommes qui consomment & ne produisent rien, diminue les richesses de Yassi, & les revenus de l'hospodar. L'ignorance où ils vivent doit moins s'attribuer à leur paresse, ou aux bornes de leur esprit, qu'à l'esclavage, & on s'apperçoit en général, qu'on tireroit un grand parti des Moldaves du côté des armes, des arts & des sciences, si on les mettoit en liberté. Comme le prince qui les gouverne achete cette souveraineté, c'est ensuite au peuple à rembourser l'acquéreur.

Jean Sobieski s'approchant de cette place en 1586, n'eut pas la douleur de donner bataille pour s'en rendre maître ; l'évêque, le clergé, les premiers de la ville & le peuple, lui en apporterent les clés. Il y entra en ami, & ménagea Yassi comme son bien propre. Les boutiques resterent ouvertes, les marchés libres, & tout fut payé par le vainqueur comme par le bourgeois. Les soldats dispersés dans les monasteres, n'en troublerent point l'ordre ; & les femmes moldaves aussi piquantes par l'ajustement que par les graces, furent respectées. L'abbé Coyer. (D.J.)


YAUKS. m. (Myth. & Hist. anc.) nom d'une divinité adorée par quelques tribus d'arabes idolâtres, qui lui donnoient la figure d'un cheval.


YAVAROW(Géog. mod.) ville de la petite Pologne, dans le palatinat de Russie, à sept lieues au couchant de LÉopol, & à deux de Nimirow. (D.J.)


YAWS. m. (Médecin. pratiq.) maladie exotique inconnue en Europe, très-commune & endémique sur les côtes de Guinée, & dans les pays chauds d'Afrique, qui est caractérisée par des éruptions fongueuses sur les différentes parties du corps ; nous ne la connoissons que par la description très-détaillée que M. *** en a donnée, & qui se trouve dans les essais & observat. de méd. de la société d'Edimbourg, tom. VI. article lxxvij. pag. 419. & suiv. c'est dans cette source que nous puiserons tous les matériaux de cet article.

Le yaw exerce ses ravages sur les personnes de tout sexe, de toute condition, & choisit principalement ses victimes dans les âges les plus tendres de l'enfance & de l'adolescence, mais il se répand si généralement, qu'il y en a peu qui meurent à un certain âge, sans avoir éprouvé les atteintes de cette fâcheuse maladie. Elle se manifeste d'abord par de petites taches à peine perceptibles, & qui ne sont pas plus grandes que la pointe d'une épingle ; l'enflure s'y joint bientôt, elles s'étendent & grossissent de jour en jour, & deviennent autant de petits boutons : peu de tems après l'épiderme se détache, & alors au-lieu de pus & de matiere ichoreuse, on ne trouve dans ces petites tumeurs qu'une escare blanche, sous laquelle on voit un petit champignon rouge qui naît de la peau, qui parvient insensiblement à différentes grandeurs ; les plus considérables égalent les plus grosses mûres auxquelles ils ressemblent d'ailleurs beaucoup par la figure, & paroissent être comme elles un amas de petits grains. Pendant que ces champignons croissent à ce point, les poils noirs qui se trouvent sur les parties attaquées du yaw, perdent leur couleur, deviennent blancs & transparens comme les cheveux de vieillards. Ces champignons qu'on appelle aussi les yaws, viennent indifféremment sur toutes les parties du corps, mais le plus grand nombre & les plus gros se trouvent ordinairement aux aines, autour des parties externes de la génération, sous les aisselles & au visage. Leur nombre est en raison inverse de leur grosseur. Les negres robustes bien nourris, chargés d'embonpoint ont leurs yaws ou champignons plus gros & beaucoup plus tôt fermés que ceux qui étoient maigres, affoiblis, & qui n'avoient que de mauvaise nourriture.

On n'assigne point d'autre cause de cette maladie que la contagion ; les excès dans aucun genre, ne paroissent capables ni de la produire ni de l'augmenter. Elle se communique par le voisinage, la cohabitation, le coït, l'allaitement ; elle se transmet aussi avec la vie des parens aux enfans, & sans doute que le germe de cette maladie, ou la disposition qu'ont ces peuples à en être attaqués, est un héritage funeste qui passe de génération en génération à la postérité la plus reculée. Le yaw paroît en cela avoir quelque rapport avec la lepre des anciens, & les maladies vénériennes. Il a aussi par son endémicité, & par l'universalité de ses ravages, quelque analogie avec la petite vérole ; mais il faudroit beaucoup d'observations qui nous manquent, pour constater l'identité de ces deux maladies ; du-reste elles ont encore cette ressemblance que la nature de l'une & de l'autre est entierement inconnue.

Les malades qui ont le yaw paroissent jouir d'ailleurs d'une bonne santé, ils mangent avec appétit, dorment très-bien, ne ressentent aucune douleur, & n'ont en un mot que l'incommodité qu'entraînent nécessairement la saleté, & quelquefois la puanteur de ces ulceres ; ils ne courent aucun danger si on les traite à tems, & d'une maniere méthodique, ils n'ont alors ni rechûte ni accident étranger à craindre ; mais cette maladie est longue, difficile à guérir, & souvent incurable chez ceux qui ont déja pris intérieurement du mercure, sur-tout si la dose en a été assez forte pour exciter la salivation, chez ceux aussi qui ont retombé une ou plusieurs fois ; la complication du yaw avec la vérole, peut en augmenter le danger, soit en excitant des symptomes graves, soit en trompant le médecin sur la cause de ces symptomes, & lui fournissant des indications fautives qui l'engagent à donner des remedes peu convenables. Cette erreur est plus fréquente, & d'une plus grande conséquence sur les suites de ces maladies, parce qu'il n'est pas aisé de distinguer à laquelle des deux elles appartiennent, & qu'il est dangereux d'insister trop sur les remedes qui ont paru les plus appropriés, & qui alors conviennent plus à une maladie qu'à l'autre. Lorsqu'on a mal traité le yaw, il survient des douleurs dans les os, des exostoses, des caries ; il est très-douteux si ces accidens surviendroient en cas qu'on s'abstint entierement de remedes ; il peut se faire que la maladie cessât par le desséchement des champignons.

L'usage du mercure dans cette maladie est un remede très-ancien & très-efficace, pourvû qu'il soit administré avec circonspection, & d'une maniere convenable ; on se servoit autrefois du sublimé corrosif, dont on faisoit dissoudre deux gros dans huit onces d'eau de barbade ; on donnoit le matin au malade, dès que sa peau se couvroit de champignons, vingt-cinq gouttes de cette dissolution, observant de faire boire beaucoup d'eau chaude toutes les fois qu'il avoit des nausées ; ce remede le faisoit vomir & cracher tout le matin ; on le réitéroit de même pendant plusieurs jours, en augmentant seulement de cinq gouttes chaque jour ; par ce moyen le malade se trouvoit en peu de tems beaucoup mieux ; mais on a remarqué que les excroissances fongueuses reparoissoient à la plûpart de ceux qui avoient été traités par cette méthode, ou qu'il leur survenoit des douleurs insupportables dans les os, ou des ulceres en différentes parties du corps ; la maladie dans la rechûte étoit trop long-tems à parvenir à son dernier période, & il falloit donner du mercure pendant un tems considérable pour nettoyer la peau, & quelquefois après tous ces remedes, ils avoient deux ou trois rechûtes. L'auteur qui a communiqué à la société d'Edimbourg le mémoire que nous abrégeons ici, assure avoir guéri plusieurs de ces malades attaqués d'ulceres au moyen de la salivation qu'il excitoit par un long usage d'aethiops minéral, avec la décoction des bois sudorifiques dans l'eau de chaux ; il avoue qu'à quelques-uns ces remedes n'ont rien fait, & que d'autres ont été beaucoup plus malades après les avoir pris. Tels sont ceux principalement qui avoient des douleurs rongeantes dans les os, suivies de nodus, d'exostoses & de carie, & dans qui les os des bras & des jambes se rompoient sans cause manifeste. Il est très-vraisemblable que cette préparation de mercure fort analogue à celle qu'a proposée van Swieten, n'avoit ces suites funestes, qu'à cause de la trop petite quantité de liqueur spiritueuse, relativement à la dose du sublimé corrosif, de façon que ce poison actif étoit donné presque inaltéré, & à très-haute dose.

La méthode que suit l'auteur que nous venons de citer, est de séparer d'abord le negre infecté du yaw des autres, pour empêcher la communication de la maladie, & de le tenir enfermé dans une maison où il soit seul ; & lorsque l'éruption caractérise bien le yaw, il donne tous les soirs, pendant quinze jours ou trois semaines, ou jusqu'à ce que les yaws soient parvenus à un état fixe sans augmenter, un bol fait avec flor. sulphur. E. j. camph. in spirit. vin solut. gr. v. theriac. andromach. . j. syrup. croci, m. s. m. f. bol. Après cela il passe tout-de-suite, sans préparation aux remedes mercuriaux, dans la vue d'exciter une legere salivation. Il se sert du mercure doux, qu'il donne à petite dose, afin qu'il ne purge ni par enhaut, ni par en-bas ; il n'en donne jamais plus de cinq grains, qu'il réitere deux ou trois fois par jour, selon que le malade paroît en état de le supporter ; ne pousse jamais la salivation au-delà d'une pinte par jour ; & lorsqu'elle a été portée à ce point, il arrive souvent que les champignons se couvrent d'une croute écailleuse & seche, ce qui présente un spectacle très-désagréable ; ces écailles tombent peu-à-peu, & dans dix ou douze jours la peau reste unie & nette ; il faut alors cesser l'usage du mercure doux, & laisser tomber la salivation d'elle-même, après quoi l'on fait suer le malade deux ou trois fois, par le moyen de la lampe à l'esprit-de-vin, & on leur fait prendre l'électuaire suivant. . aethiop. mineral. j. s. gumm. guayac, s. olei sassafr. gtt. xx. theriac. andromach. conserv. ros. rub. ana, . j. syrup. croci, q. s. m. f. elect. cap. aeg. . xj. manè & sero. L'auteur ordonne encore la décoction de gayac & de sassafras fermenté avec le syrop de sucre pour toute boisson, pendant l'usage de l'électuaire, & la fait continuer huit ou quinze jours après.

Quelquefois après que tous les champignons ou yaws ont disparu, que la peau est nette, & que la salivation est tombée, il en reste un gros, dont les grains sont fort saillans, & qui est rouge & humide, on l'appelle communément le maître yaw ; il a couté la vie à plusieurs negres, parce que quelques praticiens se sont imaginé qu'il falloit exciter une seconde, & même une troisieme salivation, tandis qu'il auroit suffi pour consumer ce champignon, qui n'est plus qu'un vice local, d'employer pendant quelques jours les corrosifs seuls, tel que le précipité rouge, de les unir ensuite avec quelque suppuratif, d'avoir recours enfin aux sarcotiques.

Après que les yaws sont guéris, il y a des malades à qui il survient des especes de charbon aux piés, qui leur rendent l'usage de ces parties ou impossible, ou très-douloureux ; quelquefois toute la partie du pié est affectée au point qu'ils ne peuvent souffrir qu'on y touche ; & d'autres fois, il n'y a qu'une tache d'une médiocre largeur ; on croit que cette seconde maladie est dûe à l'humeur viciée qui n'a pu avoir son issue aussi facilement par les piés, à cause de la dureté de l'épiderme, les negres ayant coutume d'aller piés nuds ; cette nouvelle affection se dissipe aussi, dès que par le moyen de l'inflammation, le champignon suppure & se fond tout-à-fait : quelquefois cette chair fongueuse n'est consumée qu'après plusieurs années par des inflammations ou des suppurations qui reviennent fréquemment, ou par des caustiques appropriés ; les maîtres des habitations des negres ont différentes recettes pour réussir à dissiper cet accident, mais la plus sûre consiste dans les bains ou dans la destruction de l'épiderme, après quoi on procede comme pour le maître yaw ; on doit éviter les caustiques trop actifs, & avoir attention qu'ils ne portent pas jusqu'aux tendons & au périoste.

Cette maladie se traite de même dans les enfans que dans les grandes personnes ; on doit seulement prendre garde de ne pas exciter une salivation trop forte, il suffit de leur tenir la bouche un peu ulcerée ; peut-être même pourroit-on ménager le mercure de façon qu'il ne portât point du tout à la bouche ; alors il faudroit le donner à plus petite dose, & le continuer plus long tems ; les enfans qui sont à la mamelle sont guéris par les remedes qu'on fait prendre à leur nourrice, ou à leur mere ; car la barbare coutume, qui chez les nations policées a fait distinguer ces deux titres, n'est pas suivie, pas même connue par des peuples, qui ne sont dirigés que par le flambeau lumineux & certain de la nature. (m)


YAYAUHQUITOTOTLS. m. (Hist. nat. Ornit.) nom indien d'un oiseau d'Amérique décrit par Nieremberg, & qui est remarquable pour avoir deux plumes de la queue plus longues que les autres, en partie nues, & seulement garnies à l'extrémité de petits poils noirs & bleux. Cet oiseau est de la grosseur d'un étourneau, mais son plumage est admirablement mêlangé de gris, de jaune, de verd & de bleu. Ray pense que c'est le même oiseau dont parle Marggrave sous le nom de guaira-guainumbi. (D.J.)


YBAGUE(Géog. mod.) petite ville de l'Amérique méridionale, au nouveau royaume de Grenade, près de la province de Popayan, & à 30 lieues de Santa-Fé, vers l'ouest. (D.J.)


YBOUYAPAP(Géog. mod.) montagne de l'Amérique méridionale, dans l'île de Maragnan. C'est une montagne extrêmement haute, & dont le sommet s'étend en une plaine immense, tant en longueur qu'en largeur.


YCHOS. m. (Hist. nat. Bot.) plante du Pérou qui ressemble assez au petit jonc, excepté qu'elle est un peu plus menue, & qu'elle se termine en pointe. Toutes les montagnes de la Puna en sont couvertes, & c'est la nourriture ordinaire des Llamas. (D.J.)


YDAUZQUERIT(Géog. mod.) contrée d'Afrique, dans le Sus de Numidie, du côté du Zara, ou du Désert. Elle est fertile, renferme plusieurs places, & est habitée par des communautés de Béréberes. (D.J.)


YE(Géog. mod.) les Hollandois lui ajoutent en leur langue l'article het, qui marque le neutre. Quelques françois trompés par cette prononciation, disent le Tey, parce que l'y, chez les Hollandois, se prononce comme notre ei ; & ces françois ajoutent notre article à l'article hollandois, ce qui fait un plaisant effet.

Il seroit difficile à présent de déterminer ce que c'est que l'Ye, ruisseau qui donne son nom à cet amas d'eau. On appelle aujourd'hui Ye, une étendue d'eau qui est entre Beverwick & le Pampus, & dont le port d'Amsterdam fait partie. C'est une continuation de la Zuiderzée, & qui lui sert de décharge dans les vents du nord. Cette étendue d'eau reçoit les eaux de plusieurs lacs de la Nord-Hollande, & celle de la mer de Harlem, à laquelle elle communique par de belles écluses. Les barques chargées passent de l'Ye dans la mer de Haerlem, par Sparendam. Voyez Y l '. (D.J.)


YEBLES. m. (Botan.) c'est le sambucus humilis, sive ebulus, C. B. P. 456. I. R. H. 606. en effet, cette plante ressemble fort au sureau, elle s'éleve rarement à la hauteur de quatre piés, & très-souvent à celle de deux. Sa racine est longue, de la grosseur du doigt : elle n'est point ligneuse, mais charnue, blanche, éparse de côté & d'autre, d'une saveur amere, un peu âcre, & qui cause des nausées. Ses tiges sont herbacées, cannelées, anguleuses, moëlleuses, comme celles du sureau, & elles périssent en hiver. Ses feuilles sont placées avec symmétrie, & sont composées de trois ou quatre paires de petites feuilles, portées sur une côte épaisse, terminées par une feuille impaire. Ces petites feuilles sont plus longues, plus aiguës, plus dentelées, & d'une odeur plus forte que celle du sureau.

Ses fleurs sont disposées en parasol, petites, nombreuses, odorantes, d'une odeur approchante de celles de la pâte d'amandes, d'une seule piece, en rosette, partagées en cinq parties, dont le fond est percé par la pointe ou calice en maniere de clou, au milieu de cinq étamines blanches, chargées de sommets roussâtres.

Après le regne des fleurs, les calices se changent en des fruits ou des baies noires dans la maturité, anguleuses, gaudronnées d'abord, & presque triangulaires, mais ensuite plus rondes, & pleines d'un suc qui tache les mains d'une couleur de pourpre ; elles renferment des graines oblongues, au nombre de trois, convexes d'un côté, & de l'autre anguleuses. On trouve fréquemment cette plante le long des grands chemins, & des terres labourées. (D.J.)

YEBLE, (Mat. méd.) toutes les parties de cette plante sont d'usage, & elles sont toutes purgatives, à l'exception des fleurs, qui sont comptées parmi les remedes sudorifiques.

Les racines d'yéble, & sur-tout leur écorce, fournissent un purgatif hydragogue très-puissant. L'écorce moyenne de la tige est aussi un purgatif très-fort.

Ces remedes sont très-usités dans les hydropisies, & ils servent en effet utilement dans cette maladie, lorsque les purgatifs forts sont indiqués, & que les forces du malade le permettent. On donne ou le suc de ces écorces ordinairement mêlé avec la décoction d'orge, ou des fruits appellés pectoraux, ou-bien en infusion. Geoffroi rapporte, d'après Fernel, que la vertu purgative de l'yéble se dissipe par l'ébullition. Mais cette prétention n'est pas confirmée par l'expérience ; car l'extrait même de l'écorce d'yéble est très-purgatif. Le suc dont nous venons de parler se donne à la dose d'une once ; & celle de l'écorce, pour l'infusion dans l'eau ou dans le vin, est depuis demi-once jusqu'à deux onces.

Les graines purgent aussi très-bien, données en poudre, jusqu'à la dose d'un gros, ou en infusion à la dose de demi-once.

On prépare un rob avec le suc des baies, qui, à la dose de demi-once jusqu'à une once, est aussi un puissant hydragogue.

Les feuilles & les jeunes pousses sont regardées comme des purgatifs plus tempérés.

Quant à l'usage extérieur de l'yéble, qui est aussi assez commun, on croit ses feuilles fort utiles, si on les applique en forme de cataplasme sur les tumeurs froides & oedémateuses, & qu'elles dissipent sur-tout les hydroceles, & même les tumeurs inflammatoires des testicules & du scrotum. On les applique encore sur les érésypeles & sur les brûlures.

La racine d'yéble entre dans l'emplâtre de grenouilles, la semence dans la poudre hydragogue de la pharmacopée de Paris, & les feuilles dans l'extrait panchymagogue de Crollius, &c. (b)


YECOLT(Botan. exot.) fruit de l'Amérique, ainsi nommé par les naturalistes du pays : ce fruit est long, couvert de plusieurs écailles, couleur de châtaigne, & ressemblant beaucoup à la pomme de pin ; il renferme une espece de pruneau bon à manger. L'arbre qui le fournit, croît dans les montagnes de la nouvelle Espagne ; c'est le palmier-pin des botanistes, arbor fructu nucis pineae specie, C. B. Il pousse d'une seule racine, deux ou trois troncs qui portent des feuilles longues, étroites, épaisses comme celles de l'iris, mais beaucoup plus grandes ; on en tire un fil délié, fort, dont on fait de la toile. Ces fleurs sont composées chacune de six pétales blancs & odorans ; elles sont disposées par grappes, & suspendues par un pédicule. (D.J.)


YEMANS. m. (Hist. mod.) nom de ceux qui en Angleterre sont les premiers après les gentils-hommes, dans les communes. Voyez COMMUNE & GENTILS HOMMES.

Les yemans sont proprement ceux qui ont des francs fiefs, qui ont des terres en propre. Le mot anglois yeoman vient du saxon geman, qui veut dire commun. Le mot youngman est employé au-lieu de yeoman, dans le 33 stat. Henr. VIII. & dans les vieux actes on le trouve quelquefois écrit geman, qui en allemand signifie un gaidant.

Suivant le chevalier Thomas Smith, un yeman est en Angleterre un homme libre, qui peut tirer de son revenu annuel la somme de quarante shelings sterlings.

Les yemans d'Angleterre peuvent posseder des terres en propre jusqu'à une certaine valeur, & peuvent remplir certaines fonctions, comme de commissaires, de marguilliers, de jurés ; ils ont voix dans les élections du parlement, & peuvent être employés dans les troupes.

Les yemans étoient autrefois fameux par leur valeur à la guerre, ils étoient sur-tout distingués par leur adresse à manier l'arc, & l'infanterie étoit en grande partie tirée du corps des yemans. Voyez ARCHER.

Dans plusieurs occasions, les loix sont plus favorables aux yemans qu'aux gens de métier.

Par le réglement d'Henri IV. il est porté qu'aucun yeman ne portera la livrée, sous peine de prison & d'amende à la volonté du roi. Voyez LIVREE.

Yeman est aussi le titre d'une petite charge chez le roi, moyenne entre l'usher & le groom. Tels sont les yemans ou valets de garderobe, &c.

Les yemans de la garde, appellés proprement yemans de la garde du corps, étoient anciennement deux cent cinquante hommes choisis parmi tout ce qu'il y avoit de mieux après les gentils-hommes. Chaque yeman de la garde devoit avoir six piés. Voy. GARDE.

Il n'y a à-présent que cent yemans de service, environ soixante & dix surnuméraires. Si un des cent vient à mourir, la place est remplie par quelqu'un des 70. Ils doivent être habillés suivant qu'on l'étoit du tems d'Henri VIII. Ils avoient la nourriture outre leurs gages, lorsqu'ils étoient de service, avant le regne de la reine Anne. Leurs fonctions sont de garder la personne du roi, tant au-dedans du palais qu'au-dehors ; ils ont une chambre particuliere, qu'on appelle en anglois guard-chamber.

Les officiers des yemans sont à la disposition du capitaine, & le capitaine est à la nomination du roi.


YEMEN(Géog. mod.) ce mot yemen ou yamen, signifie la main droite en arabe, & avec l'article al-yaman, il signifie l'Arabie heureuse, que les Cartes appellent ordinairement ayaman ou hyaman, par corruption. La raison de ce nom-là vient de ce que cette partie de l'Arabie est au midi des autres ; car en hébreu jamin signifie la main droite, & ensuite le midi : il en est de même en Arabe. C'est de ce lieu-là que la reine de Saba vint à Jérusalem pour voir Salomon ; c'est pourquoi elle est appellée la reine du midi, ce qui exprime fort bien la signification du mot al-yemen, qui veut dire la même chose.

L'un des plus considérables royaumes de l'Arabie, est celui d'Yemen ; il comprend la plus grande partie du pays qui a été nommé l'Arabie heureuse. Ce pays s'étend du côté de l'orient, le long de la côte de la mer Océane, depuis Aden jusqu'au cap de Rasalgate, c'est-à-dire d'un golfe à l'autre. Une partie de la mer Rouge le borne du côté du couchant & du midi ; & le royaume, ou pays de Hidgias, qui appartient au chérif de la Mecque, en fait les limites du côté du septentrion.

Sanaa, située dans les montagnes, passe pour la capitale de tout le pays ; ce sont les montagnes qui font l'agrément & les richesses naturelles du royaume d'Yemen : car elles produisent des fruits, plusieurs especes d'arbres, & en particulier celui du caffé : on y trouve de la bonne eau & de la fraîcheur, au-lieu que toute la côte qui s'étend le long de la mer Rouge, & qui en quelques endroits a jusqu'à dix lieues de largeur, n'est qu'une pleine seche & stérile. (D.J.)


YENS. m. (Hist. nat. Bot. exot.) nom d'un fruit de la Chine, commun dans la province de Fokien, & autres lieux ; sa figure est ronde, son écorce externe est lisse, grise d'abord, ensuite jaunâtre ; la chair du fruit est blanche, acide, succulente, fraîche, & agréable pour appaiser la soif : l'arbre qui le porte est de la grosseur de nos noyers ; c'est là toute la description qu'en fait le Pere le Comte. (D.J.)


YENNE(Géog. mod.) village de Savoie, sur le Rhône, à deux lieues de la ville de Belley ; l'abbé de Longuerue dit que c'est l'ancienne Epaona, qui a été une ville considérable, où Sigismond, roi des Bourguignons assembla un concile d'évêques de son royaume, l'an 517. Thomas, comte de Savoie, lui donna ses franchises & ses privileges, l'an 1215.


YERDEGERDIQUEadj. (Astron.) année yerdegerdique est l'année ancienne dont les Perses se sont servis jusqu'à l'an 1089, & dont l'époque étoit fixée à l'an 632 de Jesus-Christ, au commencement du regne d'Yerdegerd, roi des Perses, & petit fils de Cosroës. Ce prince est appellé par quelques auteurs, Jesdagir. Voyez ANNEE.


YEREL ', (Géog. mod.) riviere de France en Normandie. Elle a sa source au pays de Caux, & tombe dans la mer à une grande lieue de la ville d'Eu. (D.J.)


YERONDA(Géog. mod.) M. Delisle écrit ainsi, & le Portulan de la Méditerranée écrit Gironda, port de Turquie sur la côte méridionale de l'Anatolie, dans la Caramanie, au couchant du cap Chelidoni. (D.J.)


YESDou YEST, ou JESSEDE, (Géog. mod.) ville de Perse, sur la route d'Ispahan à Kerman, au milieu des sables qui s'étendent deux lieues à la ronde ; il y a cependant quelques bonnes terres qui produisent d'excellens fruits. C'est une grande villace où l'on a établi des caravanserais, & des bazards. Il y a beaucoup de manufactures d'étoffes en laine & en soie pure, ou mêlée d'or & d'argent. Longit. selon Tavernier, 7. 15. latit. 32. 15.

Moulla Scherefeddin Aly, qui composa l'histoire des conquêtes du prince Timur, en persan, étoit né à Yesd ; il publia cet ouvrage à Schiraz, l'an de grace 1424, & de l'Hégire 828. Kondemir le préfére pour la beauté du style, à tous les auteurs qui ont traité l'histoire des Mogols & des Tartares : d'ailleurs, les routes sont exactement décrites dans ce livre, & elles éclaircissent beaucoup la géographie de ces pays là. (D.J.)


YETTUSS. m. (Hist. nat. Lithol.) pierre d'une couleur de sang, dure & opaque, qui servoit quelquefois de pierre de touche.


YEUL'ILE DE, (Géog. mod.) en latin Oya, petite île de France sur la côte du Poitou. Elle n'a qu'une lieue d'étendue en longueur. (D.J.)


YEUKES. f. terme de relation, c'est le nom que les Turcs donnent à la femme qui couche la mariée le jour de ses nôces. Deloir. (D.J.)


YEUSES. m. (Hist. nat. Bot.) ilex, genre de plante décrit sous le nom de chêne-verd. Voyez CHENE-VERD.

Il est si petit qu'il n'est qu'un arbrisseau ; mais nous ne devons pas le mépriser, puisque c'est sur ses feuilles & ses tendres rejettons, que se forme la coque de kermès, toute remplie de petits oeufs & d'insectes, qui étant pressés entre les doigts, donnent une liqueur de couleur écarlate ; on ne trouve ces galles-insectes que sur les yeuses des pays les plus chauds, & seulement au fort des chaleurs, dans les mois de Mai & de Juin. Voyez KERMES.

L'yeuse est nommée ilex aculeata, cocci-glandifera, par C. B. P. 4. 25. Quercus foliis ovatis, dentato spinosis, Van-Royen, Flor. Leyd. Prodr. 81. 8.

C'est un arbrisseau dont la racine ligneuse rampe au loin & au large, couverte d'une écorce de différente couleur, selon la nature du terroir, tantôt noirâtre, tantôt rougeâtre ; elle est grêle, épaisse de quatre ou six lignes, quelquefois fibrée ; elle pousse plusieurs jets de la hauteur de trois ou quatre palmes, ligneux, revêtus d'une écorce mince, cendrée, partagés en plusieurs rameaux.

Ils sont chargés de feuilles placées sans ordre, dont les bords sont sinueux, ondés, armés d'épines, semblables aux feuilles du houx, mais plus petites, longues de huit ou dix lignes, larges de six ou sept, lisses des deux côtés, d'un beau verd ; elles ne tombent pas, & sont portées sur une queue longue d'environ deux lignes.

Cet arbrisseau donne des fleurs mâles & femelles sur le même pié ; les fleurs mâles forment un chaton lâche ; elles sont sans pétales, & ont un calice d'une seule piece, divisé en quatre ou cinq parties, dont les découpures sont partagées en deux, & terminées en pointes ; les étamines sont au nombre de huit ou environ, mais très-courtes, & à sommets à deux bourses. Les fleurs femelles sont aussi sans pétales, & posées sur un bouton sans pédicule, composées d'un calice d'une seule piece, coriace, hémisphérique, raboteux, entier, & que l'on a peine à découvrir.

L'embryon est ovoïde, & très-petit ; il porte deux ou cinq stiles déliés, plus longs que le calice, garnis de stigma simples, & qui subsistent. Le fruit est un gland ovoïde, lisse, couvert d'une coque coriace, attachée dans un petit calice, court, & comme épineux.

Cet arbuste croît dans les collines pierreuses des pays chauds, autour de Montpellier, de Nismes, d'Avignon, & autres endroits du Languedoc, où la graine d'écarlate est d'un grand revenu : il vient aussi en Provence, en Espagne, & en Italie. (D.J.)


YEUX(Médec. séméiotiq.) les yeux ne sont pas moins le miroir fidele des affections du corps que des passions de l'ame ; le séméioticien éclairé y voit représentés avec exactitude & netteté les divers états de la machine, tandis que l'observateur inhabile, le charlatan effronté, le chirurgien déplacé, la ridicule bonne femme, & autres médecins subalternes, qui sans connoissance de la médecine se mêlent d'en faire le dangereux exercice, ne soupçonnent pas même qu'ils puissent rien signifier, & ne voient pas le rapport qu'il peut y avoir entre une petite partie en apparence isolée, peu nécessaire à la vie, & les différens organes à l'action desquels la santé & la vie sont attachées. Mais ces lumieres ne sont pas faites pour eux, ce n'est que pour les vrais & légitimes médecins que leur illustre législateur a prononcé que " l'état du corps est toujours conforme à celui des yeux, & que sa bonne ou mauvaise disposition influe nécessairement sur la couleur & l'action de ces organes ". (Epidem. lib. VI. sect. IV. n °. 26.) Ce n'est que pour eux qu'il a établi & fixé d'une maniere invariable le rapport qu'il y a entre certains états des yeux & certains dérangemens présens ou futurs de la machine, & qu'il a en conséquence établi les signes prognostics & diagnostics que les yeux peuvent fournir. Dans le détail où nous allons entrer, nous suivrons la même méthode que nous avons adoptée dans les autres articles de Séméiotique, & qui nous paroît la plus avantageuse, c'est-à-dire nous ne ferons qu'extraire des différens ouvrages d'Hippocrate les axiomes que cet exact observateur y a répandus, & qui sont relatifs à notre sujet, & nous les exposerons tels qu'il les a donnés lui-même, sans prétendre démontrer l'enchaînement qui doit se trouver entre le signe & la chose signifiée, laissant par conséquent à part toute discussion théorique.

Nous remarquerons d'abord avec lui que les yeux bien disposés, c'est-à-dire bien colorés, brillans, clairvoyans, ni rouges, ni livides, ni noirâtres, ni chargés d'écailles connues sous le nom de ems, indiquent une bonne santé, ou font espérer dans l'état de maladie une parfaite guérison. Il y a peu d'exemples de maladies qui aient eu une issue peu favorable avec un pareil état des yeux. Les vices de cet organe dénotent toujours dans le courant des maladies, un nouveau dérangement, un trouble survenu dans la machine, qui dans quelques cas peut être avantageux, & qui le plus souvent est funeste. Les yeux sont censés vicieux, lorsqu'ils sont mal colorés, qu'ils ont perdu leur force & leur éclat, qu'ils ne peuvent pas supporter la lumiere, que leur action est ou diminuée ou tout-à-fait anéantie, que les larmes coulent involontairement, qu'ils sont étincelans, enflés, hagards, immobiles, obscurs, sombres, pesans, de travers, creux, fermés, &c. Pour que les yeux puissent dans ces différens états contre nature avoir quelque signification, il faut qu'ils aient été rendus tels par l'effort de la maladie, & non par aucun accident étranger ; c'est pourquoi il faut, avant de juger par les yeux, être instruits de leur disposition naturelle ou antérieure à la maladie ; car les seuls effets peuvent être signes de leur cause. Les présages que l'on peut tirer de la plûpart de ces dérangemens dans l'extérieur ou l'action des yeux, seront salutaires, s'ils sont occasionnés par un effort critique, s'ils arrivent après la coction, & s'ils sont accompagnés par d'autres signes critiques ; ils seront plus ou moins desavantageux, si ces dérangemens ne sont ni précédés de coction ni suivis de crise, s'ils se rencontrent avec une extrême foiblesse, ou avec quelque autre accident fâcheux dont ils augmenteront le danger. Ainsi, dit Hippocrate, on doit attribuer à la force du mal le mauvais état des yeux qui s'observe le trois ou quatrieme jour. Prognost. lib. I. n °. 3 & 4.

1°. Lorsque dans une fievre aiguë qui n'a rien de funeste, une douleur constante occupe la tête & les yeux, ou que la vue s'obscurcit, & qu'en même tems le malade sent de la gêne à l'orifice supérieur de l'estomac, il ne tardera pas à survenir un vomissement de matieres bilieuses ; mais si avec la douleur de tête, les yeux, au lieu d'être obscurcis tout-à-fait, ne sont qu'hébétés ou louches, ou s'ils sont fatigués par des éclairs ou des étincelles qui se présentent fréquemment, & au lieu de cardialgie, il y ait une distention des hypocondres sans inflammation & sans douleur, il faut s'attendre à une hémorragie du nez, & non pas au vomissement, sur-tout si le malade est jeune ; car à ceux qui ont passé trente ans, il faudroit s'en tenir au premier prognostic. Hippocr. prognost. lib. III. n °. 23 & 29.

La rougeur des yeux & la douleur du col sont un signe d'hémorragie du nez. Prorrhet. lib. I. sect. III. n °. 45. La même excrétion est aussi annoncée par une rougeur foncée des yeux & par une douleur de tête très-opiniâtre, par le clignotement des yeux. Coac. praenot. cap. iv. n °. 7.

Personne n'ignore la fameuse prédiction que Galien fit d'une hémorragie du nez, & la fermeté avec laquelle il s'opposa à une saignée que des médecins peu éclairés vouloient faire à un malade attaqué d'une fievre violente. Il tira ces signes & ses contrindications principalement de la rougeur des yeux, & de ce que le malade s'imaginoit voir toujours voltiger devant ses yeux des serpens rouges ; le succès le plus complet & le plus prochain justifia son prognostic & sa conduite. Le malade saigna abondamment du nez un instant après, & sa guérison fut décidée dès ce moment. Si la saignée eût été faite, il y a lieu de présumer que cette crise auroit échoué ou dumoins n'auroit pas été aussi prompte & aussi heureuse, & que le malade auroit été plongé dans un très-grand danger. Tel est l'avantage qu'ont les médecins qui savent temporiser, qui étudient & suivent la nature ; tels sont les risques que courent les malades qui confient leurs jours à des aveugles routiniers, qui prétendent maîtriser la nature sans la connoître, & qui assassinent les malades par les efforts impuissans & mal concertés qu'ils font pour les guérir. L'hémorragie du nez est aussi quelquefois annoncée par le larmoyement des yeux ; mais il faut que les larmes soient involontaires, & qu'en même tems les autres signes concourent ; car s'il paroît quelque signe mortel, elles n'annoncent point l'hémorragie, mais la mort prochaine (epidem. lib. I. stat. III.) ; & si les larmes sont volontaires, elles ne signifient rien. Aphor. 52, lib. IV.

L'état des yeux qui précede dans la plûpart des femmes, & qui accompagne l'excrétion des regles, est connu de tout le monde ; on sait qu'ils perdent une partie de leur force & de leur éclat, qu'ils deviennent languissans, & que tout le tour des paupieres inférieures devient plus ou moins livide ou violet, & dans l'état où il seroit après un coup violent qui auroit produit une contusion plus ou moins forte. Les éruptions des pustules autour des yeux dans les malades qui commencent à se rétablir, dénotent un dévoiement prochain. Coac. praenot. cap. vj. n °. 10. On peut tirer aussi le même présage de la rougeur de ces parties voisines du nez & des yeux. Ibid. n °. 5. La rougeur des yeux marque aussi quelquefois un fond de dérangement chronique dans le ventre. Ibid. n °. 9. Lorsque les yeux auparavant obscurs, sales & mal colorés reprennent leur brillant, leur pureté & leur couleur naturelle, c'est un signe de crise d'autant plus prochaine que les yeux se dépouillent plus promptement. Ibid. n °. 6. La distorsion des yeux & leur renversement fournissent aussi quelquefois le même présage ; tel est le cas du malade qui étoit au jardin de Déalces, qui fut attaqué le neuvieme jour d'un frisson, d'une fievre légere & de sueurs auxquelles le froid succéda, qui tomba ensuite dans le délire, eut l'oeil droit de travers, la langue seche, fut tourmenté de soif & d'insomnie, & cependant se rétablit parfaitement. Epidem. lib. III. aegrot. xiij. Galien dans le commentaire de ce passage remarque que le délire & la distorsion des yeux qui paroissent le neuvieme jour, sont assez ordinairement des signes critiques.

2°. Lorsque les affections des yeux n'annoncent aucun mouvement critique, elles sont de mauvais augure, & présagent ou quelque maladie, ou quelque nouvel accident, ou la mort même. La couleur jaune des yeux est un signe d'ictere commençant ou de la mauvaise constitution du foie ; elle est plus fâcheuse, lorsqu'elle se rencontre avec une certaine lividité dans les pleurésies. Les yeux à demi fermés, & dont on ne voit que le blanc, sont des signes avant-coureurs des convulsions, & dénotent la présence des vers dans les premieres voies. Les convulsions sont aussi annoncées, suivant Hippocrate, par l'obscurcissement des yeux joint à la foiblesse (coac. praenot. cap. vj. n °. 10), ou accompagné de défaillances, d'urines écumeuses & de refroidissement du col, du dos, ou même de tout le corps. Prorrhet. lib. I. sect. III. n °. 20.

La férocité des yeux qu'on observe avec douleur de tête fixe, délire, rougeur du visage, constipation, dénotent une convulsion prochaine des parties postérieures qu'on appelle opistotonos (ibid. sect. II. n °. 55, & coac. praenot. cap. iv. n °. 3.) ; & si pendant les convulsions les yeux ont beaucoup d'éclat, sont très-animés, c'est signe que le malade est dans le délire & qu'il trainera long-tems. Prorrhet. lib. I. sect. III. n °. 32. Les yeux étincelans, fixes, hagards, marquent le délire ou les convulsions (epidem. lib. VI. text. 1.), & les malades qui avec les yeux féroces ou fermés sont dans le délire, vomissent des matieres noirâtres, ont du dégoût pour les alimens, ressentent quelque douleur au publis, sont en très-grand danger ; les purgatifs ne feroient dans ces circonstances qu'irriter encore le mal ; il faut soigneusement s'en abstenir. Pr. l. I. sect. II. n °. 36. Les yeux poudreux, la voix aiguë, clangosa, comme celle des grues, succédant aux vomissemens nauséeux, présagent le délire ; tel fut le sort de la femme d'Hermozyge, qui eut un délire violent, & mourut ensuite après avoir tout-à-fait perdu la voix. Ibid. sect. I. n °. 17. Les ébranlemens de la tête, les yeux rougeâtres & les délires manifestes sont des accidens très-graves ; il est cependant rare qu'ils occasionnent la mort du malade ; leur effet le plus ordinaire est d'exciter des abscès derriere les oreilles.

On tire en général un mauvais présage dans les maladies aiguës du brisement () des yeux, de leur obscurcissement, de leur fixité ou immobilité, de leur distorsion, soit simple, soit jointe à des selles fréquentes aqueuses & bilieuses dans le cours des fievres ardentes, avec refroidissement ; & le frisson qui survient à ces distorsions des yeux accompagnées de lassitude, est très-pernicieux. Ces malades sont aussi dans un danger pressant, s'ils tombent alors dans quelque affection soporeuse. Prorrhet. lib. I. sect. II. n °. 48, 51, 56, &c. La situation droite des yeux & leur mouvement rapide, le sommeil troublé ou des veilles opiniâtres, l'éruption de quelques gouttes de sang par le nez dans le courant des maladies aiguës, n'annoncent rien de bon. Coac. praen. n °. 17. cap. vj.

Les signes que les yeux fournissent le plus ordinairement mortels, sont les suivans : les larmes involontaires, la crainte de la lumiere, leur distorsion, leur grosseur inégale, le changement de la couleur blanche des yeux en rouge, livide ou noirâtre, l'apparition de petites veines noires sur le blanc, la lividité, la pâleur, la rigidité, circumtension, la distorsion des paupieres, la formation de petites écailles, , l'élévation des yeux & leur tremblement ; de même s'ils sont trop portés en-dehors avec rougeur, sur-tout dans l'angine, ou s'ils sont trop enfoncés, ce qui est un des signes de la face hippocratique, si leur action, leur force & leur éclat sont considérablement diminués ou tout-à-fait anéantis, si les paupieres ne fermant pas exactement pendant le sommeil, ne laissent voir que le blanc des yeux, pourvû que le malade n'ait pas le dévoiement naturel ou occasionné par un purgatif pris dans le jour, ou qu'il n'ait pas accoutumé de dormir dans cet état. Prognost. lib. I. n °. 5, 6 & 7. Cependant ce dernier signe est si funeste, qu'il annonça ou précéda la mort dans Guadagnina, femme de Prosper Alpin, quoique, remarque cet auteur, elle eut quelquefois les yeux disposés de cette façon pendant le sommeil ; mais il étoit accompagné d'affection soporeuse, du refroidissement des extrémités, d'inquiétudes, de la noirceur & de la rudesse de la langue, sans altération. De praesag. vit. & mort. aegrot. lib. V. cap. vij. pag. 309.

L'immobilité ou une espece de stupéfaction des yeux, , fut un signe mortel dans la fille de Nerios, dans qui Hippocrate l'observa peu de jours après avoir reçu un coup du plat de la main sur le sommet de la tête. Epidem. lib. V. text. 47. La grosseur inégale des yeux fut un des avant-coureurs de la mort qui survint le lendemain dans le fils de Nicolas & la femme d'Hermoptoleme. Epidem. lib. VII. text. 100. & 13. La flétrissure & le desséchement des yeux fournissoient aussi le même présage, qui se trouve confirmé par l'exemple d'un malade qui avoit reçu une blessure au foie, dont il est parlé ibid. text. 13. A ces signes Hippocrate ajoute encore l'augmentation du blanc des yeux, qui est quelquefois telle que tout le noir est caché par la paupiere supérieure, & le rétrécissement du noir ou de la pupille, la courbure & le clignotement continuel des paupieres. Coac. praen. cap. vj. n °. 8. J'ai souvent observé dans les moribonds, que la pupille se dilatoit beaucoup, sans doute par une suite du relâchement général, de l'apathie universelle ; on peut aussi mettre au nombre des signes mortels, la fausse apparence de mouches, des pailles qui paroissent voltiger devant les yeux, & que le malade s'efforce de prendre ; la fausse apparence de corps noirs qu'on imagine sur les corps voisins ou sur quelque partie de son corps, indique ordinairement la gangrene dans les yeux : ce fut un signe de mort dans un malade attaqué de la petite vérole.

Quelque certains que soient tous ces différens signes, nous répétons encore qu'il faut, pour ne pas hazarder un jugement qui peut nuire à la santé du malade & à sa propre réputation, les combiner avec les autres ; il ne faut négliger aucune partie de la séméiotique ; le travail est immense, j'en conviens ; mais l'importance de la matiere doit être un motif assez pressant, & l'avantage de l'humanité une récompense assez considérable. (m)

YEUX de serpent, (Physique générale) sorte de pierres figurées, qui ne sont autre chose, suivant plusieurs physiciens, que les petites dents pétrifiées d'un poisson des côtes du Brésil, qu'on y appelle le grondeur, & les plus grandes de ce poisson, celles qui broyent, se nomment crapaudines. Il y a aussi des yeux de serpent & des crapaudines, qui se peuvent rapporter à des dents de dorade, poisson qui se trouve dans nos mers, & ce systême seroit plus simple, quoi qu'il en soit, voyez l'article CRAPAUDINE. (D.J.)

YEUX à neige, (Hist. nat.) c'est ainsi que les Esquimaux nomment dans leur langue des especes de lunettes, dont ils se servent pour garantir leurs yeux de l'impression de la neige, dont leur pays est presque perpétuellement couvert. Ce sont des petits morceaux de bois ou d'os, qui ont une fente fort étroite, précisément de la longueur des yeux, & qui s'attachent au moyen d'un cordon que l'on noue derriere la tête. On voit très-distinctement au-travers de cette fente, & sans aucune incommodité ; de cette façon les sauvages se garantissent de maladies des yeux très-douloureuses, auxquelles ils sont exposés, sur-tout au printems ; ils se servent même de ces lunettes pour voir les objets qui sont dans l'éloignement, comme nous ferions d'une lunette d'approche.

YEUX DE BOEUF, (Marine) on appelle ainsi les poulies qui sont vers le racage, contre le milieu d'une vergue, & qui servent à manoeuvrer l'itague. Il y a six de ces poulies aux pattes de boulines, trois pour chaque bouline. Il y en a aussi une au milieu de la vergue de civadiere, quoiqu'il n'y ait point de racage, parce que sa vergue ne s'amene point. Dans un combat on la met le long du mât, quand on veut venir à l'abordage.

YEUX DE PIE, voyez OEIL DE PIE.

YEUX DE PERDRIX, (Soierie) étoffe, partie de soie, partie de laine, diversement ouvragée & façonnée, qui se fait par les hauts-lisseurs de la sayeterie d'Amiens. (D.J.)


YEVA-CHARUMS. m. (Hist. nat.) nom donné par les naturels des Indes orientales à une sorte de litharge, commune dans cette partie du monde, & qu'on dit être faite en partie de plomb, en partie de zink ; elle est moins pesante que notre litharge jaune, & d'une couleur plus pâle. (D.J.)


YGA(Hist. nat. Bot.) gros arbre du Brésil, dont les Indiens détachent l'écorce entiere pour en faire des canots, qui sont capables de porter chacun quatre ou six personnes ; cette écorce est épaisse d'un pouce, longue d'une vingtaine de piés, & large de quatre ou cinq. (D.J.)


YGUALADA(Géog. mod.) petite ville d'Espagne, dans la Catalogne, sur le torrent de Noya, & sur la route de Barcelone à Cervere. Quelques-uns croyent que c'est l'ancienne Ergavia, ville des Lacetains, & d'autres l'ancienne Anabis, où Ferdinand III. roi d'Aragon, mourut en 1416.


YLAL ', (Géog. mod.) riviere d'Ecosse. Elle sort des montagnes de Balvanie, arrose & donne son nom au petit pays de la province de Banf, qu'on appelle Strath-Yla, ensuite coule à l'orient, puis au sud-est, jusqu'à ce qu'elle se jette dans le Dovern. (D.J.)


YNAGUAl'île de, (Géog. mod.) petite île de l'Amérique, au nord de la partie occidentale de l'île Saint-Domingue. Elle est inhabitée. Long. entre les 304. 36. & les 305. 15. latit. méridionale 21. (D.J.)


YNCAS. m. terme de relation, nom des anciens rois du Pérou, & des princes de leur famille ; ce nom signifie seigneur, prince du sang royal. Le roi s'appelloit proprement capac-ynca, c'est-à-dire grand-seigneur. Leurs femmes se nommoient pallas, & les princes simplement yncas. Avant l'arrivée des Espagnols, ils étoient extrêmement puissans & redoutés. Les peuples les regardoient comme fils du soleil, & croyoient que les yncas du sang royal n'avoient jamais commis de faute. Ils avoient de beaux palais, des jardins superbes, des temples magnifiques, & des peuples soumis. Voyez l'histoire des yncas, par Garcilasso de la Vega. (D.J.)


YOKOLA(Hist. mod. Economie) nourriture ordinaire des habitans de Kamtschatka & des peuples sauvages, qui demeurent à l'orient de la Sibérie, vers les bords de l'Océan oriental.

Le yokola se prépare avec toutes sortes de poissons, & l'on s'en sert, comme nous faisons du pain. Tout le poisson que ces habitans prennent, se divise en six parts. Ils font secher les côtés & la queue en les suspendant en l'air ; ils préparent séparément le dos & la partie la plus mince du ventre, qu'ils fument & font secher sur le feu ; ils amassent les têtes dans des troncs, où elles fermentent, ils les mangent malgré leur odeur infectée ; les côtes & la chair qui y reste attachée se sechent & se pulvérisent pour l'usage ; on seche de même les os les plus gros, ils servent à nourrir les chiens.


YOLATOLTS. m. terme de relation, sorte de boisson des Indes, composé de malsi moulu, torréfié, mis en fermentation dans un vaisseau avec une certaine quantité d'eau ; on y ajoute un peu de poivre d'Amérique, pour donner à la liqueur de la force & de la couleur. (D.J.)


YOLES. f. terme de Pêche, usité dans le ressort de l'amirauté de Dieppe ; c'est une sorte de chaloupe ou de biscayenne, à l'usage des pêcheurs de cette amirauté.


YOLOXOCHITLS. m. (Hist. nat. Bot.) arbre du Mexique, qui produit des fleurs odorantes, dans lesquelles on voit la forme d'un coeur. Elles sont blanches à l'extérieur, rougeâtres par-dedans, fort grandes, mais un peu visqueuses. On leur attribue de grandes vertus contre les vapeurs hystériques.


YONL ', (Géog. mod.) petite riviere du Poitou, où elle a sa source. Elle se rend dans le Semaigne, au-dessus de Mareuil. (D.J.)

YON, SAINT-, s. m. (Hist. monachale) ordre de séculiers, aggrégé depuis l'an 1725 à l'état monastique : les freres de cet ordre, sous le nom de freres des écoles chrétiennes, se sont consacrés à l'instruction des petits garçons. La maison chef de l'ordre porte le nom de Saint-Yon, & est située à Rouen, dans le fauxbourg Saint-Sever. Trévoux. (D.J.)


YONG-CHING-FUS. m. (Hist. mod.) c'est ainsi qu'on nomme à la Chine un tribunal suprême, dont la jurisdiction s'étend sur tout le militaire qui est à la cour de l'empereur. Le président de ce tribunal est un des seigneurs les plus distingués de l'état ; il a sous lui un mandarin & deux inspecteurs, qui sont chargés de veiller sur sa conduite, & de borner son pouvoir, en cas qu'il fût tenté d'en abuser.


YONNEL ', (Géogr. mod.) riviere de France. Elle prend sa source dans le duché de Bourgogne, aux montagnes du Morvant, près du château de Chinon, & va se rendre dans la Seine à Montereau, à 17 lieues au-dessus de Paris. L'Yonne est l'Icanna des écrivains du moyen âge. (D.J.)


YOPUS. m. (Hist. nat. Ornithol.) espece de pie du Brésil ; elle a le corps noir, la queue jaunâtre, les yeux bleus, le bec jaune, avec trois pinnules qu'elle dresse sur sa tête, comme si c'étoient des cornes.


YORCK(Géog. mod.) en latin Eboracum ou Brigantium oppidum ; ville d'Angleterre, dans la province de même nom, sur la riviere d'Ouze, à 60 milles au nord-ouest de Lincoln, & à 150 de Londres.

Cette ville étoit déja célebre du tems des Romains, & elle l'est encore, car elle s'est relevée de tout ce qu'elle a souffert dans les fréquentes révolutions de l'état des Saxons, des Danois, & des Normands. Yorck est aujourd'hui belle, grande, riche, bien peuplée, & la ville la plus considérable d'Angleterre après Londres. L'on y compte jusqu'à 28 églises, & elle est le siege d'un archevêque de son nom. Egbert, qui occupoit ce siege, y érigea, l'an 740, une grande bibliotheque, où Alcuin, précepteur de Charlemagne, & fondateur de l'université de Paris, puisa ses connoissances. Un autre ornement d'Yorck est sa cathédrale, qui est une des belles églises de l'Europe. Enfin, le maire de cette ville porte, par courtoisie, le titre de lord, comme celui de Londres. Long. 16. 24. lat. 53. 52.

Dans le nombre des savans dont Yorck est la patrie, je me contenterai d'en citer quatre, Herbert (Thomas), Maruel (André), Morton (Thomas), & Poole (Matthieu).

Herbert naquit en 1607. Guillaume, comte de Pembroke son parent, lui fournit de l'argent pour voyager, & il employa quelques années à visiter divers pays de l'Europe, de l'Afrique, & de l'Asie. En 1647, il fut nommé avec Jacques Harrington, auteur de l'Oceana, valet-de-chambre du lit de sa majesté Charles, & demeura toujours auprès du roi jusqu'à la mort de ce prince. Il finit lui-même ses jours à Yorck, en 1683, âgé de 76 ans. La relation de ses voyages en Afrique, en Asie, & sur-tout en Perse, a été imprimée à Londres, en 1634, 1638 & 1677, in-fol. cette derniere édition est la plus ample. Outre sa Threnodia Carolina, qui contient l'histoire des deux dernieres années de la vie de Charles I. il a écrit les dernieres heures de ce prince, que Wood a publiées dans ses Athenae Oxonienses.

Maruel, ingénieux & vertueux auteur du xvij. siecle naquit en 1620, & après avoir étudié à Cambridge, il voyagea dans les pays les plus policés de l'Europe. A son retour, il entra dans les emplois, & servit de second à Milton, en qualité de secrétaire pour les dépêches latines du protecteur. Dans la suite il se lia intimement avec le prince Robert, qui lui faisoit de fréquentes visites en habit de particulier. Le roi desirant de se l'attacher, lui envoya le grand trésorier Danby, pour lui offrir de l'argent & des emplois ; mais M. Maruel répondit au grand-trésorier, qu'il étoit très-sensible aux bontés de sa majesté, qu'il connoissoit parfaitement les cours, & que tout homme qui recevoit des graces du prince, devoit opiner en faveur de ses intérêts ; enfin les offres les plus pressantes de mylord Danby, ne firent aucune impression sur lui. Il persista à lui déclarer qu'il ne pouvoit les accepter avec honneur, parce qu'il faudroit ou qu'il fût ingrat envers le roi, en opinant contre lui, ou infidele à sa patrie, en entrant dans les mesures de la cour. Que la seule grace qu'il demandoit donc à sa majesté, c'étoit de le regarder comme un sujet aussi fidele qu'aucun qu'il eût, & qu'il étoit plus dans ses véritables intérêts, en refusant ses offres, que s'il les avoit acceptées. Mylord Danby voyant qu'il ne pouvoit absolument rien gagner, lui dit que le roi avoit ordonné de lui compter mille livres sterlings, qu'il espéroit qu'il accepteroit, jusqu'à ce qu'il jugeât à-propos de demander quelqu'autre chose à sa majesté. Cette derniere offre fut rejettée avec la même fermeté que la premiere, quoiqu'il fût obligé, immédiatement après le départ du grand trésorier, d'envoyer emprunter une guinée chez un ami. En un mot, comme les plus puissantes tentations du côté des honneurs & des richesses ne purent jamais lui faire abandonner ce qu'il croyoit être le véritable intérêt de sa patrie, les plus éminens dangers ne purent aussi l'effrayer, & l'empêcher d'y travailler. Il mourut, non sans soupçon de poison, en 1678, dans la cinquante-huitieme année de son âge. Ses écrits sont en grand nombre, & roulent principalement sur la religion. M. Cooke a donné à Londres, en 1726, en deux volumes in-8°. les poésies de cet écrivain.

Morton, savant évêque anglois du xvij siecle, naquit en 1564, & fut promu au siege de Chester, en 1615 ; en 1618 il obtint l'évêché de Coventry & Lichfield, & en 1632 celui de Durham. Dans toutes ces places, il s'occupa sans cesse à l'étude, & mourut comblé d'années en 1659. Il a publié plusieurs ouvrages, qui concernent presque tous la défense de l'église anglicane contre la doctrine romaine. Ses manuscrits passerent à sa mort entre les mains du docteur Barwick.

Poole, savant critique & théologien, naquit en 1624, & pensa perdre la vie dans la célebre conspiration d'Oates, parce qu'il écrivit contre les catholiques romains un livre intitulé nullité de la foi romaine. Depuis ce tems-là la crainte du risque qu'il couroit toujours, s'empara tellement de lui, qu'il prit le parti de se retirer à Amsterdam, où il mourut en 1679, dans sa 56 année.

Il travailla pendant dix ans à sa synopsis criticorum, dont les deux premiers volumes parurent à Londres en 1669, in-fol. & les trois autres ensuite. Outre cette édition de Londres, il s'en est faite une à Francfort, en 1678, une à Utrecht 1686, une seconde à Francfort 1694, in-4°. & une troisieme, beaucoup meilleure, en 1709, in-fol. en six volumes.

Poole a très-bien choisi les écrivains qui devoient entrer dans son ouvrage, outre ceux qui étoient déja dans les critiques sacrées qu'il abrégeoit ; mais il n'a pas pris garde qu'en donnant les différentes versions dans la bible, comme elles sont dans les traductions latines, il ne pouvoit que commettre une infinité d'erreurs. La grande multitude d'interprétations qu'il a recueillies sur le texte, cause de la confusion ; l'on a bien de la peine à joindre tous les mots ensemble quand ils sont bien éloignés, & qu'on les a expliqués en tant de manieres différentes.

De plus, l'auteur se contentant ordinairement de rapporter les diverses explications, sans juger quelles sont les meilleures, n'instruit pas assez le lecteur qui a de la peine à se déterminer, principalement quand il ne voit point de raisons qui le portent à préférer un sentiment à un autre.

Cependant on ne peut trop louer dans cet abrégé des critiques, le travail de Poole, qui a ramassé avec beaucoup de soin & de peine ce qui étoit répandu en différens ouvrages, & l'a placé aux lieux où il devoit être, en l'abrégeant utilement pour la commodité des lecteurs.

Enfin, les difficultés de la chronologie, éclaircies par les meilleurs critiques, se trouvent ici rapportées en abrégé ; & de cette maniere, la plûpart des matieres difficiles de l'Ecriture, sur lesquelles on a composé des livres entiers, sont expliquées dans ce recueil, où l'auteur a pris la peine d'insérer les extraits qu'il avoit faits lui-même des meilleurs ouvrages en ce genre.

On a encore de lui en anglois, un volume de remarques sur la bible, qui ont été jointes à celles d'autres savans auteurs ; & le tout a paru à Londres en 1685, en 2 vol. in-fol. (D.J.)


YORCK-SHIRE(Géog. mod.) province d'Angleterre, maritime & septentrionale, dans le diocèse d'Yorck qui en est la capitale. C'est la plus grande province du royaume ; elle a trois cent vingt milles de circuit : on la distingue en trois parties, qui sont Nord, Est & West-Riding. Elle est très-fertile en blé, bétail, gibier & poisson ; elle produit quantité de beaux chevaux, de la pierre à chaux, du jayet, de l'alun & du fer. Ses principales rivieres sont l'Humber, l'Are, la Nyd, l'Ouse, l'Youre, &c. Elle contient soixante villes ou bourgs à marché, ou simples bourgs ; mais elle est encore plus remarquable par la foule des hommes de lettres qui y sont nés. Voici les principaux, entre lesquels se trouvent d'illustres & célebres personnages.

Je commence par Alcuin (Flaccus), né dans le huitieme siecle. Il fut disciple d'Egbert, archevêque d'Yorck, diacre de l'église de cette ville, & abbé de S. Augustin de Cantorbery. En 780, Charlemagne l'invita à venir en France, & le reçut avec de grandes marques de distinction. Ce prince lui donna plusieurs abbayes, entr'autres celle de S. Martin de Tours, où il passa la fin de sa vie, après y avoir formé une école brillante, d'où les sciences se répandirent en plusieurs endroits de la monarchie françoise.

Pendant qu'Alcuin étoit à Paris, il y faisoit des leçons publiques & particulieres ; il eut l'honneur d'instruire Charlemagne, la princesse Giselle sa soeur, les princesses Giselle & Rictrude ses filles ; Riculfe qui fut ensuite évêque de Soissons ; Angilbert, gendre de Charlemagne, & les jeunes seigneurs qui étoient alors élevés à la cour de ce prince. Il leur apprit l'orthographe, qui est le fondement de la littérature, & qui étoit alors fort négligée : il composa en faveur de la noblesse des traités sur les sept arts libéraux, les mit en forme de dialogues, & y introduisit le prince regnant au nombre des interlocuteurs, ce qui étoit assez adroit.

Vossius & d'autres savans prétendent que l'école du palais a donné naissance à l'université de Paris, & que cette académie doit son origine à Charlemagne & à Alcuin, c'est une erreur ; il est seulement vrai que le prince & le savant Anglois prirent le soin de faire fleurir les lettres dans ce royaume & de les tirer de la barbarie. Alcuin possédoit passablement le latin & le grec, il étoit de son tems le plus habile écrivain après Bede & Adelme. Il mourut à Tours en 804, & y fut inhumé.

Ses ouvrages qui subsistent encore aujourd'hui, ont été recueillis en un vol. in-fol. par André Duchesne, & imprimés à Paris en 1617. Ils sont divisés en trois parties ; la premiere, contient ses traités sur l'écriture ; la seconde, ses livres de doctrine, de discipline & de morale ; la troisieme, comprend les écrits historiques, avec les lettres & les poésies. Depuis l'édition de Duchesne, on a imprimé à Londres, à Paris & ailleurs divers autres ouvrages d'Alcuin, ou qui lui sont attribués, la plûpart à tort. Tel est la purification de la B. Vierge Marie. Il faut convenir que ses vrais ouvrages sont tous assez médiocres, & à la légere ; il y travailloit quelquefois pendant ses voyages, & manquoit par conséquent, comme il le dit lui-même, du repos, du loisir & des livres nécessaires. Quoiqu'il ait écrit avec plus de pureté que les auteurs de son tems, son style est en réalité dur & barbare.

Ascham (Roger) naquit en 1515, & fit ses études à Cambridge, où il fut reçu maître-ès-arts en 1536. Il écrivoit parfaitement bien, & fut chargé par cette raison de transcrire toutes les lettres de l'université au roi ; en 1548, il fut nommé pour instruire la reine Elisabeth, qui fit pendant deux ans des progrès extraordinaires sous lui, en latin & en grec, & elle l'estima toujours infiniment. " Je lui apprends des mots, écrivoit-il à l'évêque Aylmer, & elle m'apprend des choses : je lui apprends des langues mortes, & ses regards modestes m'apprennent à agir ". Il accompagna le chevalier Moryson auprès de Charles-Quint, & fut très-utile à ce ministre. A son retour, il devint secretaire de la reine Marie : Elisabeth à son événement au trône lui donna une prébende dans l'église d'Yorck, & il ne tenoit qu'à lui de se procurer de plus grands établissemens, s'il avoit voulu se prévaloir de son crédit auprès de cette reine. Il mourut en 1568, âgé de 53 ans, généralement regretté, sur-tout d'Elisabeth, qui dit qu'elle auroit mieux aimé perdre dix mille livres sterling que son Ascham. Ses ouvrages sont estimés : sa méthode d'enseigner le latin fut imprimée en 1570, & a été remise au jour en 1711, in-8°. Ses lettres latines sont élégantes ; il y en a plusieurs éditions, mais la meilleure est celle d'Oxford, en 1703, in-8°. Son livre intitulé Toxophilus, ou l'art de tirer de l'arc, a paru à Londres en 1571 in-4°. il l'avoit dédié à Henri VIII. qui récompensa cette dédicace d'une bonne pension annuelle.

Briggs (Henri), un des grands mathématiciens du dix-septieme siecle, naquit vers l'an 1560, & fut nommé en 1596 premier professeur en mathématiques dans le college de Gresham. En 1619, le chevalier Savile le pria d'accepter la chaire de Géométrie qu'il venoit de fonder à Oxford : chaire qui étoit plus honorable que celle de Londres, & accompagnée de plus grands appointemens ; il mourut en 1631, âgé de 70 ans. Ses principaux ouvrages sont, 1°. les six premiers livres d'Euclide rétablis sur les anciens manuscrits, & imprimés à Londres en 1620 infol. 2°. On lui a l'obligation d'avoir perfectionné la doctrine des logarithmes par son bel ouvrage intitulé Arithmetica logarithmica, Londres 1624, in-fol. M. Jones de la société royale, a plusieurs manuscrits latins de Briggs sur les mathématiques, écrits de la main de l'illustre M. Jean Colins.

Gale (Thomas), savant écrivain du dix-septieme siecle, naquit en 1636, & devint professeur en langue grecque à Cambridge. C'est-là qu'il publia en 1671 in-8°. un recueil en grec & en latin intitulé Opuscula mythologica, ethica & physica, réimprimés à Amsterdam en 1688 in-8°. Ce recueil précieux contient plusieurs traités, & entr'autres, 1°. Palaephatus de incredibilibus historiis, de inventione purpurae, & de primo ferri inventore. 2°. Phornuti ou Cornuti de naturâ deorum. Ce Cornutus, grec de nation & Stoïcien, fleurissoit à Rome sous l'empire de Néron, qui lui demanda son sentiment sur un poëme de sa main ; mais Cornutus s'étant expliqué avec trop de liberté au gré du prince, il fut banni. 3°. Sallustius philosophus, de diis & mundo, avec des notes. 4°. Ocellus Lucanus, philosophus, de universâ naturâ, avec la version latine & les notes de Louis Nogarola. 5°. Sextii Pythagorei sententiae, è graeco in latinum à Ruffino versae. M. Gale dit que l'auteur de ces sentences vivoit du tems de Jules-César, & que c'est ce même Sextius, philosophe romain, que Plutarque loue dans ses traités de morale, aussi-bien que Sénéque dans sa 59 lettre, où il l'appelle virum acrem, graecis verbis, romanis moribus philosophantem. Enfin, on trouve dans ce recueil des fragmens d'Archytas, diverses lettres de Pythagore & autres, ainsi que Heliodori Larissaei capita opticorum.

En 1675, M. Gale publia à Paris en grec & en latin Historiae poëticae antiqui scriptores in-8°. & l'année suivante à Oxford, Rhetores selecti, scil. Demetrius Phalereus, Tiberius rhetor, anonymus sophista, Severus Alexandrinus. Tiberius le rhéteur, qui au jugement de M. Gale est un écrivain ancien, élégant & concis, n'avoit point encore paru avant que l'illustre éditeur le publiât avec une version latine. Suidas donne à ce Tiberius le titre de philosophe & de sophiste, & il lui attribue divers écrits.

En 1678, Gale mit au jour à Oxford in-fol. Jamblichus chalcidensis, de mysteriis. L'année suivante, parut à Londres, in-fol. son édition d'Hérodote. En 1687, il donna à Oxford, in-fol. Historiae anglicanae scriptores quinque, nunc primùm in lucem editi ; & en 1691, Historiae britannicae, saxonicae, anglo-danicae, scriptores quindecim. Oxoniae, in-fol.

Le docteur Gale a ajouté à ces quinze historiens un appendix, où il donne divers passages touchant la grande-Bretagne ; un catalogue des terres (hydes) de quelques provinces en-deçà l'Humber, avec une relation des loix & des coutumes des Anglo-Saxons, tirée du livre appellé le Doom's-Day-Book, une table alphabétique des anciens peuples, des villes, des rivieres & des promontoires, d'après Cambden, & la généalogie des rois bretons, tirée du texte de Rochester (textus Roffensis). Enfin on trouve une ample table pour tout l'ouvrage.

En 1697, il fut installé doyen d'Yorck, & mourut dans cette ville en 1702, dans la 67 de son âge. Il étoit non-seulement géometre, mais très-versé dans la connoissance de la langue grecque, & de l'histoire de son pays. M. Roger Gale son fils a publié sur ses manuscrits, à Londres en 1709 in-4°. un fort bel ouvrage intitulé Antonini iter britannicum, avec plusieurs conjectures, & les noms anglois des lieux autant que la chose étoit possible. Mais comme les distances des lieues sont marquées dans l'itinéraire par milles romains, M. Gale a indiqué sur la carte dressée sur l'itinéraire même, la proportion entre les milles romains & anglois, telle qu'elle a été déterminée par le docteur Edmond Halley.

Les premieres notes du docteur Gale regardent le titre de l'ouvrage qu'il commente, Antonini iter britannicum, (quoique son manuscrit porte itinerarium Antonii, & que le docteur Bentley lise Antonii Augusti). Il observe qu'on est avec raison en doute auquel des empereurs romains, du nom d'Antonin, on doit attribuer cet ouvrage, ou même s'il est d'aucun de ces princes. Il croit que divers auteurs y ont travaillé ; la chose est incontestable, si quelqu'un des Antonins y a eu part, puisque le dernier de ces princes a vécu long-tems avant la fondation de Constantinople & de plusieurs villes, dont il est parlé dans cet itinéraire. Le docteur Gale conjecture qu'il a peut-être été commencé par un des Antonins, & continué par d'autres à mesure qu'ils ont eu occasion de connoître plus particulierement ces parties du monde.

M. Gale remarque sur le mot de Britanniarum, que les Romains appelloient cette île indifféremment Britannio ou Britannia, avant qu'elle fût partagée en provinces. La premiere division s'en fit du tems de Severe, par le fameux grand chemin qui alloit depuis Clausentium jusqu'à Gabrosentum. Notre auteur l'appelle dans un autre endroit the Fossed-Way, & il dit qu'il va au nord en traversant les comtés de Leicester & de Lincoln, reparoissant ensuite à un village nommé Spittle in the Street ; il passe par Hibberstow, Gainstrop, Broughon & Applebey, & vient finir pas fort loin de Wintringham, sur le bord de l'Humber.

Par cette division, toute la partie de la grande-Bretagne située à l'orient du chemin, s'appelloit Britannia prima, qui étoit la plus voisine de la mer, par rapport à Rome, & que Dion nomme . Le pays situé à l'ouest du chemin portoit le nom de Britannia secunda : Dion l'appelle . Le docteur Gale rapporte succinctement les divisions de la grande-Bretagne, & il nous apprend ensuite l'ordre des provinces qui étoit tel : premierement la Britannia prima ou basse-Bretagne ; c'étoit du tems de Severe la partie orientale de l'île. En second lieu, Britannia secunda, ou haute-Bretagne ; c'étoit du tems du même empereur, la partie occidentale de l'île. Constantin le grand ajouta deux nouvelles provinces nommées Flavia Caesariensis, & Maxima Caesariensis, dont la premiere commençoit à Glocester, & s'étendoit dans le milieu de l'Angleterre : la seconde comprenoit tout ce que les Romains possédoient dans le nord de l'île ; la partie la plus reculée de cette province située entre Sterling-Forth & la muraille des Pictes, & reprise par Théodose, fut appellée Valentia, en l'honneur de l'empereur Valentinien.

Le docteur Gale ne croit point que la ville d'Yorck ait jamais été appellée Brigantium par aucun auteur qui fût juge compétent ; il doute que le passage de la Syntaxis magna de Ptolomée, qu'on cite communément pour prouver qu'elle a porté le nom de Brigantium, soit concluant. Voici ce que dit Ptolomée : premierement il place Brigantium dans le vingt-deuxieme parallele ; il met ensuite le milieu de la grande-Bretagne dans le vingt-troisieme, & Cattarick dans le vingt-quatrieme ; par où il paroît évidemment qu'Yorck & Cattarick ne sont pas à une si grande distance l'une de l'autre. Le docteur soupçonne donc que Brigantium a été mis là pour Segontium ou Brecannioc, Brecknoc, à qui les paralleles de Ptolomée conviennent beaucoup mieux. Il cite quelques autorités pour prouver qu'Yorck a été la capitale d'Angleterre ; & il parle de plusieurs anciennes inscriptions qu'on y trouve. Outre ce détail M. Gale a inséré dans son ouvrage d'autres voyages dans la grande-Bretagne, tirés du même itinéraire.

Garth (Samuel) poëte & médecin, encouragea en 1696 la fondation de l'infirmerie, qui étoit un appartement du college des Médecins, pour le soulagement gratuit des pauvres. Cette oeuvre de charité l'ayant exposé au ressentiment de plusieurs de ses confreres, aussi-bien que des Apoticaires, il les tourna en ridicule avec beaucoup d'esprit & de feu dans un poëme intitulé the dispensary. La sixieme édition de ce poëme ingénieux qui contient six chants, a paru à Londres en 1706, in-8°. avec de nouveaux épisodes.

Le duc de Marlborough affectionnoit Garth particuliérement, & le roi George I. le fit chevalier avec l'épée de ce seigneur. Il fut ensuite nommé médecin ordinaire de S. M. & médecin général de l'armée. Il mourut en 1709, estimé de tout le monde. Le lord Lansdowne fit de très-beaux vers sur la maladie de Garth. " Macaon, dit-il, est malade ; admirable en son art, il a plus sauvé de vies que nos guerres n'en ont ravi. Le téméraire buveur, & la femme aventuriere, ne peuvent redouter avec lui que la honte ou le remords. Dieu des arts, protege le plus cher de tes enfans ! rétablis celui à la vie duquel la nôtre est attachée ; en conservant Garth, tu nous conserves nous-mêmes ".

Gower (Jean) poëte du xiv. siecle florissoit sous le regne de Richard II. auquel il dédia ses ouvrages. Il en a écrit en latin, en françois & en anglois. Sa confessio amantis en vers anglois, parut à Londres en 1532. L'auteur mourut en 1402 dans un âge fort avancé.

Hickes (George) naquit en 1642, & prit le parti de l'église après avoir fait ses études à Oxford. Il devint chapelain du duc de Lauderdale, & ensuite doyen de Worcester. Il mourut en 1715 âgé de 74 ans. Il entendoit parfaitement les anciennes langues du nord, dont il avoit joint l'étude à celles de sa profession. Ses ouvrages théologiques sont en grand nombre. On a fait un recueil de ses sermons en 2 vol. imprimés à Londres en 1713, in-8°. Sa grammaire Anglo-saxonne parut à Oxford en 1689 in-4°. mais l'ouvrage qui lui a fait le plus d'honneur, est intitulé antiquae litterariae septentrionalis, libri duo, Oxoniae, 1705. in-fol.

Saunderson (Robert) évêque de Lincoln, naquit en 1587, & fut nommé professeur en théologie à Oxford en 1642. Il souffrit beaucoup pendant les guerres civiles, fut pillé plusieurs fois, blessé en trois endroits de son corps, & réduit à une grande nécessité, ayant femme & enfans. Robert Boyle lui envoya une fois cinquante livres sterling, en le priant d'accepter la même somme chaque année, sa vie durant ; mais sa mauvaise fortune changea de face bientôt après, ayant été promu à l'évêché de Lincoln en 1660. Il mourut en 1663, âgé de 76 ans. Outre la théologie polémique, il étoit fort versé dans l'étude des antiquités & de l'histoire d'Angleterre. Ses sermons ont été imprimés au nombre de 34 en 1660 in-fol. & au nombre de 36 en 1681, avec la vie de l'auteur par Isaac Walton. Son ouvrage sur les cas de conscience parut en 1678 & en 1685, in-8°. Son livre de juramenti promissorii obligatione, a été imprimé à Oxford, 1646. Londres 1647, 1670, 1676 & 1683, in-8°. On en a donné une traduction angloise. M. François Peck a publié dans ses desiderata curiosa l'histoire & les antiquités de l'ancienne église cathédrale de Lincoln, recueillies par Saunderson.

Savile (Henri) naquit en 1549, & après avoir voyagé dans les pays étrangers, pour se perfectionner dans les sciences, dans la connoissance des langues & des hommes, il fut nommé pour enseigner la langue grecque à la reine Elisabeth, qui faisoit grand cas de lui. Le roi Jacques I. voulut l'élever aux dignités, mais il les refusa, & se contenta de l'honneur d'être créé chevalier par ce prince. Il mourut à Oxford en 1622. C'étoit un homme parfaitement versé dans les langues grecque & latine, laborieux à rechercher, & généreux à publier les monumens de l'antiquité ; non-seulement il y employa une grande partie de son bien, mais il s'est immortalisé en fondant en l'année 1619 deux chaires, l'une de géométrie & l'autre d'astronomie, dans l'université d'Oxford.

1°. Sa traduction de Tacite, dédiée à la reine Elisabeth, & accompagnée de notes, parut à Londres en 1581, in-fol. & a été réimprimée plusieurs fois depuis. 2°. Son commentaire sur des matieres militaires, imprimé à Londres en 1598, in-fol. a été traduit en latin par Marquard Fréher. 3°. Il a mis au jour en 1596, in-fol. Fasti regum & episcoporum Angliae, usque ad Willemum seniorem. 4°. Il a aussi fait imprimer à Oxford en 1621, in-4°. des praelectiones in elementa Euclidis.

Mais rien ne lui fait plus d'honneur que sa belle édition des oeuvres de S. Chrysostome, en grec, imprimée au college d'Eaton en 1613, en 8 vol. in-fol. avec des notes de sa façon, & d'autres savans hommes qui l'aiderent dans ce travail, dont la dépense lui couta huit mille livres sterling. Il est vrai que cette édition toute grecque ne peut être à l'usage du grand nombre, & que c'est pour cela qu'elle n'a pas eu grand cours en France ; mais elle sera toujours estimée des connoisseurs qui laisseront aux autres l'avantage de pouvoir lire l'édition grecque & latine de S. Chrysostome, donnée par le P. Fronton le Duc, quelque tems après l'édition de Savile, & faite en réalité furtivement sur l'édition d'Angleterre, à mesure qu'elle sortoit de dessous la presse. Ajoutons que l'édition du jésuite n'a des notes que sur les dix premiers tomes, & qu'on est obligé d'avoir recours, pour les tomes suivans, à l'édition de Morel, ou à celle de Commelin.

Sharp (Jean) archevêque d'Yorck, naquit en 1644, & fut nommé doyen de Norwich en 1681 ; mais en 1686, il fut suspendu pour avoir défendu dans un de ses sermons la doctrine de l'église anglicane contre le papisme ; cependant après sa suspension, il fut plus considéré que jamais, & son clergé témoigna plus de déférence pour ses conseils, qu'il n'en avoit auparavant pour ses ordres. La cour fut obligée de se tirer de ce mauvais pas comme elle put. En 1692, il fut nommé archevêque d'Yorck à la sollicitation de Tillotson son intime ami, & dont nous parlerons tout-à-l'heure. En 1702, il prêcha au couronnement de la reine Anne, entra dans le conseil, & eut l'honneur d'être grand aumonier de cette reine. Il mourut en 1713, âgé de 69 ans. On admire à juste titre ses sermons. La derniere édition publiée à Londres en 1740, forme sept volumes in-8°.

Tillotson (Jean) archevêque de Cantorbéry, & fils d'un drapier d'un bourg de la province d'Yorck, naquit en 1630, & étudia dans le college de Clare à Cambridge. Il eut successivement plusieurs petites cures que son mérite lui procura. En 1689, il fut installé doyen de l'église de S. Paul, & en 1691, il fut nommé à l'archevêché de Cantorbéry. Il mourut en 1694, dans la soixante-sixieme année de son âge.

Pendant qu'il fut dans une condition ordinaire, il mettoit toujours à part deux dixiemes de son revenu pour des usages charitables ; il continua cette pratique le reste de sa vie, & mourut si pauvre que le roi donna à sa veuve une pension annuelle de six cent livres sterling. Après sa mort on trouva dans son cabinet un paquet de libelles très-violens, que l'on avoit faits contre lui, sur lequel il avoit écrit de sa main : " Je pardonne aux auteurs de ces livres, & je prie Dieu qu'il leur pardonne aussi ".

Je ne m'étendrai point sur la beauté de son génie, & l'excellence de son caractere ; c'est assez de renvoyer le lecteur à l'histoire de sa vie, & à son oraison funebre, par Burnet évêque de Salisbury. La reine parloit de lui avec tant de tendresse, que quelquefois même elle en versoit des larmes. En 1675, il donna au public le Traité des principes & des devoirs de la religion naturelle, de l'évêque Wilkins ; & il y mit une préface. En 1683, il fut l'éditeur des oeuvres du docteur Barrow, & l'année suivante, de celles de M. Ezéchias Burton ; mais ses sermons ont rendu son nom immortel ; il en avoit paru pendant sa vie un volume in-fol. Après sa mort le docteur Barker, son chapelain, donna les autres en 2 vol. in-fol. dont le manuscrit se vendit deux mille cinq cent guinées. Ce fut la seule succession qu'il laissa à recueillir à sa famille, parce que sa charité consommoit tout son revenu annuel aussi régulierement qu'il le recevoit. Les sermons de ce digne mortel, passent pour les meilleurs qu'on ait jamais faits, & se réimpriment sans cesse en anglois. M. Barbeyrac en a donné une traduction françoise en six vol. in-12. & depuis on en a publié deux autres volumes tirés des Oeuvres posthumes. La traduction hollandoise forme six volumes in-4°.

M. Burnet dit qu'il n'a jamais connu d'homme qui eut le jugement plus sain, le caractere meilleur, l'esprit plus net, & le coeur plus compatissant ; ses principes de religion & de morale étoient grands & nobles, sans la moindre tache de relâchement ou de superstition ; sa maniere de raisonner simple, claire, & solide, jointe à ses autres talens, l'ont fait regarder par tous les connoisseurs, comme ayant porté la prédication au plus haut degré de perfection dont elle soit susceptible. Je ne sache pas, dit le spectateur, avoir jamais rien lu qui m'ait fait tant de plaisir : son discours sur la sincérité est d'un mérite rare, en ce que l'auteur en fournit lui-même l'exemple, sans pompe & sans rhétorique. Avec quelle douceur, en quels termes si convenables à sa profession, n'expose-t-il pas à nos yeux le mépris que nous devons avoir pour le défaut opposé ; pas la moindre expression trop vive ou piquante ne lui est échappée ; son coeur étoit mieux fait, & l'homme de bien l'emportoit toujours de beaucoup sur le bel esprit.

Walton (Brian), évêque de Chester, naquit en 1600, & étudia à Cambridge en qualité de servant (seizer). Il obtint successivement de petits bénéfices, & fut nommé en 1639, chapelain ordinaire du roi ; mais il fut continuellement maltraité dans le tems de la guerre civile. Enfin, après le rétablissement de Charles II. il fut sacré évêque de Chester, en 1660, & mourut l'année suivante à Londres, dans la soixante-unieme année de son âge.

Il forma le magnifique projet de la polyglotte d'Angleterre, & mit la derniere main à cet ouvrage qui parut à Londres en 1657, en six volumes in-fol. J'ai parlé ailleurs de cette polyglotte, à l'impression de laquelle plusieurs personnes de distinction contribuerent généreusement.

Wharton (Thomas), célébre médecin anglois, naquit vers l'an 1610, devint un des professeurs du college de Gresham, & mourut à Londres en 1673. Il publia en 1656, son Adenographia, réimprimé à Amsterdam en 1659, in-8°. Il donne dans cet ouvrage une description de toutes les glandes du corps humain, plus exacte qu'il n'en avoit encore paru, & leur assigne des fonctions plus nobles que celles qu'on leur attribuoit avant lui, comme de préparer & de dépurer le suc nourricier ; il a fait connoître les différences des glandes & leurs maladies ; enfin il à découvert le premier le conduit des glandes maxillaires, par lequel la salive passe dans la bouche.

Je ne dois pas oublier de dire que le fameux Jean Wicliffe, ou Wiclef, naquit environ l'an 1324, proche de Richemont, bourg de l'Yorck-shire. Après avoir fait ses classes, il fut aggregé à Oxford, en 1341, au college de Merton ; & s'y distingua par ses talens. Non content d'exceller dans l'étude de l'Ecriture sainte, & des ouvrages des peres ; il apprit aussi le droit civil, le droit canon, & les loix d'Angleterre. Il composa des homélies, qui lui valurent le tire de docteur évangelique.

L'an 1369, Wiclef s'acquit l'estime de l'université, en prenant son parti contre les moines mendians, qui prétendoient être reçus docteurs en théologie, sans subir les examens requis ; mais cette entreprise lui couta cher : car en 1367, il fut chassé de l'université par Langham, archevêque de Cantorbery, qui affectionnoit les moines & la cour de Rome. Ajoutez que l'année précédente il avoit pris le parti du roi Edouard, & du parlement, contre le pape ; cependant en 1372, il fut nommé malgré les moines, professeur en théologie à Oxford, & pour lors il attaqua ouvertement dans ses leçons, les abus qui régnoient dans les ordres mendians.

Il fut un des députés d'Edouard auprès de Grégoire XI. qui siégeoit à Avignon, pour le prier de ne plus disposer des bénéfices d'Angleterre. A son retour il combattit le luxe & la doctrine de Rome, l'ignorance & la vanité des prélats de cette cour. Le pape extrêmement irrité, écrivit au roi, à l'université d'Oxford, à l'archevêque de Cantorbery, & à l'évêque de Londres, de faire emprisonner Wiclef.

Le duc de Lancastre le protégea, & l'accompagna à Londres où il avoit été cité ; cette grande protection lui fut favorable, & l'assemblée convoquée à ce sujet, se sépara sans rien prononcer contre lui. Wiclef écrivit peu de tems après, un livre touchant le schisme des pontifes, & la nécessité de rejetter tous les dogmes qui ne sont pas fondés sur l'Ecriture.

Son entreprise de la traduction de la Bible en anglois, déplut fort aux ecclésiastiques ; il ne les irrita pas moins en attaquant ouvertement la transubstantiation. On le persécuta, on saisit ses livres, & on lui ôta son professorat. Il se retira dans sa cure à Lutterworth, où il mourut en 1384. Ses disciples se multiplierent prodigieusement, sur-tout depuis la loi que le parlement fit en 1400, contre le wicléfisme. Cette loi portoit la peine du feu contre ceux qui enseigneroient cette doctrine, ou qui favoriseroient ses sectateurs.

En 1428, Richard Flemming, évêque de Lincoln, à la sollicitation du pape, fit ouvrir le caveau de Wiclef, bruler ses os, & jetter ses cendres dans un courant qui porte le nom de Swift ; mais ses livres en grand nombre ne furent que plus recherchés, & le wicléfisme adopté en secret, jetta tacitement de profondes racines, qui produisirent un siecle après la révolution de la religion aujourd'hui régnante dans la Grande-Bretagne. (D.J.)


YORIMANL ', (Géog. mod.) province de l'Amérique, dans la Guyane. Elle a soixante lieues, le long de la riviere des Amazones. Ses habitans sont en grand nombre, & vont tout nuds, tant hommes que femmes. Ils n'habitent pas seulement la terre ferme de cette province, mais les grandes îles que forme la riviere des Amazones, par divers bras étendus. (D.J.)


YOUGHILL(Géog. mod.) & par quelques-uns Younghall ; ville d'Irlande, dans la province de Mounster, au comté de Cork, avec un bon port, & un quai fortifié, à l'embouchure de la riviere Blackwater, sur les confins de Waterford, à huit milles au levant de Cloyn ; elle est riche, peuplée, & envoie deux députés au parlement d'Irlande. Longitude 9. 50. latit. 51. 50. (D.J.)


YOUREL ', (Géog. mod.) en latin Urus, riviere d'Angleterre, en Yorckshire. Elle a sa source aux confins de Westmorland, reçoit dans son sein la Swalle, prend alors le nom d'Ouse, passe à Yorck, & tombe dans l'Humber. (D.J.)


YPAINAS. f. (Hist. mod. Superstition) c'est le nom que les Méxicains donnoient à une de leurs fêtes solemnelles, qui se célébroit au mois de Mai, en l'honneur de leur dieu Vitziliputzli. Deux jeunes filles, consacrées au service du temple, formoient une pâte composée de miel & de farine de maïz, dont on faisoit une grande idole, que l'on paroit d'ornemens très-riches, & que l'on plaçoit ensuite sur un brancard. Le jour de la fête, dès l'aurore, toutes les jeunes filles mexicaines, vêtues de robes blanches, couronnées de maïz grillé, ornées de bracelets & de guirlandes de la même matiere, fardées & parées de plumes de différentes couleurs, se rendoient au temple pour porter l'idole jusqu'à la cour. Là des jeunes gens la recevoient de leurs mains, & la plaçoient au pié des degrés, où le peuple venoit lui rendre ses hommages ; ensuite de quoi on portoit le dieu en procession vers une montagne, où l'on faisoit promptement un sacrifice ; on partoit de-là avec précipitation, & après avoir fait deux nouvelles stations, on revenoit à Mexico. La procession étoit de quatre lieues, & devoit se faire en quatre heures. On remontoit le dieu dans son temple, au milieu des adorations du peuple, & on le posoit dans une boëte parfumée & remplie de fleurs : pendant ce tems, de jeunes filles formoient avec la même pâte dont l'idole étoit faite, des masses semblables à des os, qu'elles nommoient les os du dieu Vitziliputzli. Les prêtres offroient des victimes sans nombre, & bénissoient les morceaux de pâte que l'on distribuoit au peuple ; chacun les mangeoit avec une dévotion merveilleuse, croyant se nourrir réellement de la chair du dieu. On en portoit aux malades, & il n'étoit point permis de rien boire ou manger avant que de l'avoir consommée. Voyez l'hist. générale des voyages, tom. XII. in-4°. pag. 547. & suiv.


YPEREAUou YPREAU, s. m. (Jardinage) c'est ainsi que nos jardiniers appellent une espece d'orme à larges feuilles, originaire de la ville d'Ypres, & qu'on cultive beaucoup dans ce royaume.


YPRESou IPRES, (Géog. mod.) ville des Pays-Bas, au comté de Flandres, dans une fertile plaine, sur le ruisseau d'Yper, à 7 lieues sud-est de Nieuport, à 9 de Dunkerque, de Saint-Omer, & de Bruges, à treize de Gand, à 6 de Lille, & 55 de Paris.

C'étoit autrefois une grande ville qui avoit trois fois le circuit qu'elle a aujourd'hui. Vers l'an 800, les Normands la saccagerent ; Baudouin la répara en 880 ; elle fut brûlée l'an 1240, & malgré cela, au dénombrement qui s'en fit deux ans après, on y compta deux cent mille habitans ; mais à peine y en compte-t-on aujourd'hui douze mille. Elle contient quatre paroisses, dix-huit couvens, & plusieurs hôpitaux.

Son évêché, suffragant de Malines, fut érigé en 1559, par le pape Paul IV. Le prince de Condé prit Ypres en 1648, & la perdit l'année suivante. Louis XIV. la reprit en 1678, & elle lui fut cedée par le traité de Nimegue ; mais elle passa à la maison d'Autriche, par les traités d'Utrecht, de Radstat, & de Bade. Louis XV. la prit en 1744, & l'a rendue démantelée, par la paix d'Aix-la-Chapelle. Longitude, suivant Cassini & Scheuchzer, 26. 51. 30. latitude 47. 22.

Hyperius (Gérard-André) théologien protestant, naquit à Ypres en 1511, & mourut professeur à Marpourg, en 1564, à 53 ans. Il composa beaucoup de livres tant sur la théologie que sur les sciences humaines. Un moine espagnol, nommé Laurentius a Villavicentio, en fit imprimer deux sous son nom, au rapport de Keckerman & de Colomies.

Lupus (Chrétien), savant religieux augustin, & l'un des célebres théologiens de son ordre, naquit à Ypres dans le dernier siecle, & mourut à Louvain en 1681, à 70 ans. On a de lui plusieurs ouvrages en latin, & quelques-uns ne manquent pas d'érudition ; tels sont, 1°. des commentaires sur l'histoire des canons des conciles ; 2°. un recueil des monumens concernant les conciles d'Ephèse & de Calcédoine.

Rupert, bénédictin du douzieme siecle, qui devint abbé de Deutsch, étoit né dans le territoire d'Ypres, & mourut en 1155, à 44 ans. Toutes ses oeuvres ont été imprimées à Paris en 1638, en 2 vol. in-fol. On pourra juger de leur mérite, en considérant qu'elles consistent en quarante-deux livres sur la Trinité, & en commentaires sur l'Ecriture, par les principes de la dialectique, & de la théologie scholastique. (D.J.)


YPSILOIDE(Anat.) est une des sutures vraies du crâne, appellée ainsi à cause qu'elle ressemble à l'y ou upsilon. Voyez SUTURE.

Quelques-uns appellent cette suture, , lambdoïdes. Voyez LAMBDOIDES.

Il y a encore un os placé à la racine de la langue, qu'on appelle ypsiloïde ou hyoïde. Voyez HYOIDE.


YPUPIAPRAS. m. (Hist. nat.) espece de monstres marins des mers du Brésil. On prétend qu'ils ont une tête qui approche de la face humaine, avec des yeux fort enfoncés. Les femelles ont, dit-on, une chevelure ; on les trouve à l'entrée du Jagoaripé, à quelque distance de la baie de tous les Saints. Cet animal, qui pourroit bien être exagéré par les Portugais, tue, dit-on, les Indiens à force de les embrasser étroitement ; mais on prétend que ce n'est point pour les dévorer ; on assure même que ces monstres gémissent des effets de leur maladresse. Cependant ils leur enlevent les yeux, le nez & les parties naturelles. Credat judaeus, &c.


YQUETAYAS. m. (Hist. nat. Bot. exot.) plante du Brésil, que MM. Homberg & Marchand prétendent être notre grande scrophulaire aquatique. On attribue à l'yquetaya la propriété d'ôter au séné son mauvais goût & son odeur désagréable, sans rien diminuer de ses vertus. M. Marchand prétend aussi que l'espece de scrophulaire que nous venons de nommer, a le même avantage. Voyez SCROPHULAIRE. (D.J.)


YRAIGNEvoyez ARAIGNEE.


YRIER DE LA PERCHESAINT, (Géog. mod.) petite ville de France dans le Limousin, sur l'Ill, avec titre de prevôté, & une collégiale. Elle a pris son nom moderne de S. Yrier qui y a fondé un monastere. (D. J.)


YSARou YZARD, (Diete & Mat. méd.) nom sous lequel on connoît dans les Pyrénées l'animal plus connu en françois sous le nom de chamois. Voyez CHAMOIS.

Les prétendues propriétés médicamenteuses de quelques matieres retirées de l'yzard ou chamois, sont rapportées à l'article CHAMOIS, Mat. méd. Ses qualités diététiques sont les mêmes que celles du chevreuil, auquel l'ysard est pourtant un peu inférieur pour le goût. Voyez CHEVREUIL, Diete & Mat. méd. (b)


YSENDICK(Géog. mod.) petite ville des Provinces-unies, dans la Flandre, à quelque distance d'un bras de l'Escaut occidental, appellé le Blic, proche la mer, à un mille de Biervliet, à 5 au nord-est de Middelbourg, & à 5 à l'est de l'Ecluse. Les Etats-généraux à qui elle appartient, en ont fait une forteresse presque imprenable. C'est le boulevard de la Zélande, du côté de la Flandre. Long. 21. 10. latit. 51. 18. (D.J.)


YSSELL ', (Géog. mod.) riviere d'Allemagne, qui a ses deux principales sources au pays de Munster & dans le duché de Cleves. La plus septentrionale des deux sources, entre dans le comté de Zutphen. La méridionale se joint avec l'autre source, baigne Doesbourg, Zutphen, Deventer & Kempen, où elle se jette dans le Zuyderzée, dans la province d'Overissel. La riviere d'Yssel qui coule à Oudewater, à Gouda, & qui va tomber dans la Meuse au-dessus de Rotterdam, est différente de l'Yssel qui prend sa source dans le duché de Cleves. Peut-être néanmoins que ces deux rivieres n'en faisoient qu'une seule anciennement.

Quoi qu'il en soit, Drusus, surnommé Germanicus, fils de Claude-Tibere Néron, joignit le Rhin & l'Yssel par un canal qui subsiste encore aujourd'hui, & il commença des digues sur le bord du Rhin, qui furent achevées 63 ans après par Paulin Pompée. C'est cet illustre Drusus qui mourut âgé de 30 ans sur le bord de la Lippe, Luppia (riviere de Westphalie), dans son camp, que cette perte fit nommer le camp détestable, (castra scelerata) Rome dressa des statues à Drusus, & on éleva en son honneur des arcs de triomphe, & des mausolées jusque sur les bords du Rhin. Velleius Paterculus a fait son éloge en deux mots. " Il avoit, dit-il, toutes les vertus que la nature humaine peut recevoir, & le travail perfectionné. " (D.J.)


YSSELMONDE(Géogr. mod.) nom d'une bourgade des Provinces-unies. Cette bourgade appellée en latin, Isale ostium, se trouve dans la partie méridionale de la Hollande, & dans une île qui est à l'embouchure de l'Yssel dans la Meuse, environ à une lieue de Rotterdam.


YSSELSTEIN(Géog. mod.) petite ville & château des Provinces-unies, dans la province de Hollande, aux confins de celle d'Utrecht, sur le petit Yssel, à environ 2 lieues d'Utrecht. Long. 22. 28. lat. 52. 4.


YSTEou UDSTED, (Géog. mod.) ville de Suede dans la Scanie, sur la côte méridionale de cette province, à 2 lieues suédoises de Malmoë, à 3 de Christianstad, & à 9 de Lunden. Long. 30. 50. latit. 55. 38. (D.J.)


YTAHUS. m. (Hist. nat. Litholog.) nom indien d'une pierre qui se trouve dans le Paraguay. On dit que ce mot signifie cloche sonnante. Elle est creuse, de la grosseur de deux poings, & elle rend un son quand on la frappe. Elle se trouve dans quelques rivieres du pays ; elle a environ deux lignes d'épaisseur. Intérieurement elle est d'un verd de mer, ou quelquefois d'une couleur foncée & comme brûlée. Cette pierre est très-dure, & est jaune extérieurement, & couverte d'un sable de la même couleur. Ce sable est rempli de tubercules d'un blanc-sale, & qui prennent le poli. On regarde cette pierre comme fort astringente. Voyez de Laet, de lapidibus & gemmis.


YTICS. m. (Hist. nat. Ornit. exot.) nom qu'on donne dans les îles Philippines à une espece de canard qu'on y voit communément, & qui est de la grosseur de nos canards privés. Les Chinois en font couver les oeufs par la chaleur, comme on fait en Egypte pour les oeufs de poulets. (D.J.)


YUCAS. m. (Hist. nat. Bot.) genre de plante polypétale, liliacée, composée de six pétales qui n'ont point de calice, & qui sont attachées au reservoir. La partie intérieure de cette fleur est garnie de six étamines & d'autant de sommets ; elles deviennent dans la suite un fruit oblong, divisé en trois loges qui renferment des semences anguleuses, disposées en deux rangs. Ajoutez aux caracteres de ce genre, que la racine n'est point bulbeuse, & que les feuilles sont pointues & ressemblent à celles des gramen. Pontederae anthologia. Voyez PLANTE.

On en a déja donné les caracteres au mot CASSAVE, parce que c'est de sa racine préparée qu'on fait du pain, ainsi nommé en françois, & qui sert de nourriture aux Américains. L'article CASSAVE vous indiquera la maniere curieuse dont on fait ce pain ; il ne s'agit ici que de la plante.

Elle est nommée yucca foliis cannabinis, par J. B. yucca foliis aloës, par C. B. P. 91. C'est un arbrisseau qui croît à la hauteur de cinq ou six piés ; sa tige est ligneuse, tortue, noueuse, verruqueuse, fragile, moëlleuse : ses feuilles sont toujours vertes, larges comme la main, divisées chacune en six ou sept parties qui sont comme autant de doigts. Ses fleurs sont des cloches d'une seule piece, blanchâtres, ayant près d'un pouce de diametre, découpées profondément en cinq parties ; le pistil qui est au milieu devient un fruit presque rond, gros à-peu-près comme une aveline, composé de trois loges oblongues jointes ensemble, qui renferment chacune un noyau ou semence oblongue. Sa racine a la figure & la grosseur d'un navet ; elle est de couleur obscure en-dehors & blanche en-dedans. On cultive cette plante en plusieurs lieux de l'Amérique, dans les terres labourées en sillons : nos curieux en cultivent même dans leurs jardins trois ou quatre especes. Celle que nous venons de décrire souffre très-bien le froid de nos climats en plein air, & produit des fleurs.

On peut multiplier toutes les especes de ce genre de plante, soit de graine tirée du dehors, soit des têtes de la plante, comme on fait pour l'aloës. On seme celles qu'on éleve de graine dans un pot de terre légere, qu'on tient dans une couche chaude pendant une couple de mois. Au bout de ce tems-là, on met chaque nouvelle plante dans un pot à part, qu'on entretient de même dans une couche chaude ; on arrose les pots, & on donne de l'air à la plante, autant que la saison le permet. Vers la fin de l'été, on met ces pots dans une serre parmi les aloës. Enfin quand les plantes sont fortes, on en fait des bordures où elles se maintiennent pendant l'hiver, & fleurissent ensuite à merveille. (D.J.)


YUCATAou JUCATAN, (Géog. mod.) province de l'Amérique septentrionale, dépendante de la nouvelle Espagne. Christophe Colomb en 1502, eut la premiere connoissance de ce pays, mais il n'y entra point. La découverte en fut faite en 1517 par François Fernandès de Cordoue. En 1527, François de Montéjo qui joint à Grijalva, avoit parcouru toute la côte de l'Yucatan, en fit la conquête, & en fut le premier gouverneur.

L'Yucatan est une presqu'île qui s'avance dans le golfe de Mexique. Son terroir est si fertile en grains, qu'on y moissonne deux fois l'année. Il y a des mines d'or & d'argent, & plusieurs animaux qui lui sont particuliers, comme le paresseux & le chat tigre. Les vaches y sont extrêmement grosses.

On trouve dans cette province beaucoup de bois propre à la charpente, du miel, de la cire, du sucre, du maïs & de la casse. Les habitans y sont néanmoins en petit nombre. Outre la capitale, qui est Mérida, il y a la nouvelle Valladolid, Salamanque & Campêche. (D.J.)


YUMA(Géog. mod.) île de l'Amérique septentrionale, une des Lucaies, au nord de l'île de Cuba. Elle a environ vingt lieues de long & sept de large. Les Anglois l'appellent Long-Island. Latit. 20. 30. (D.J.)


YUNAL ', (Géog. mod.) riviere de l'Amérique, dans l'île Hispaniola. Elle tire son origine des hautes montagnes de la Porte, & se rend à la mer dans la baie de Sumana. (D.J.)


YUNES. f. (Comm.) mesure des liqueurs en usage dans le Wirtemberg.

L'yune contient dix masses, & l'ame est composée de seize yunes. Voyez MASSE & AME. Dictionn. de Comm. & de Trév.


YUPI(Géog. mod.) pays d'Asie, dans la Tartarie orientale, entre celui de Nieulan, la mer orientale, & la Chine, le long du fleuve Ségalien. Les peuples qui l'habitent sont farouches & errans de côté & d'autre. (D.J.)


YURUBESHL', (Géog. mod.) riviere de l'Amérique méridionale. Sa source est dans les montagnes, proche celle de l'Iquiari : après avoir passé sous la ligne, elle se rend dans le Rio-Negro. Elle communique avec l'Yupara, par le moyen du lac appellé Marachi. (D.J.)


YVERDUNbailliage d ', (Géog. mod.) c'est un de ceux du pays de Vaud en Suisse, qui dépendent du canton de Berne. Ce bailliage s'étend d'un côté jusqu'au mont Jura, & de l'autre environ trois lieues tirant vers Lausanne. Il comprend dix-sept ou dixhuit paroisses. (D.J.)

YVERDUN, (Géog. mod.) ville de Suisse au pays de Vaud, chef-lieu d'un bailliage de même nom, à la tête du lac de Neuchâtel, près des rivieres d'Orbe & de Thiele, qu'on passe sur deux ponts, dont un se leve la nuit à quinze lieues au sud-ouest de Berne. Cette ville nommée Castrum dans la notice des provinces, & Ebrudunum Sabaudiae, dans la notice de l'empire, a toujours été assez forte. Elle est à-présent décorée d'une grande place, bordée aux quatre côtés d'un temple, d'un château, de la maison de ville, & d'un grenier public. Il s'y fait du commerce, par le moyen d'un petit port que forme l'Orbe. On a trouvé à Yverdun quelques médailles d'empereurs & une inscription romaine fort délabrée, & rapportée si diversement par Plantin & Scheuzchzer, qu'elle est inintelligible. Long. 24. 30. latit. 46. 48. (D.J.)


YVETOT(Géog. mod.) bourg de France en Normandie, au pays de Caux, à deux lieues de Caudebec & à six de Rouen. Ce bourg a le titre de seigneurie, & ses habitans ne paient ni tailles, ni aides, ni gabelles. Cette seigneurie, après avoir été cent trente-deux ans dans la maison du Bellay, est entrée dans celle du marquis d'Albon S. Marcel, & les bénédictins en possedent aujourd'hui une partie, par leur abbaye de S. Vandreville.

On a raconté bien des fables au sujet de ce bourg, qu'on s'est avisé pendant long-tems de qualifier de royaume, d'après Robert Gaguin, historien du seizieme siecle. Cet écrivain, l. II. fol. 17. rapporte que Gautier ou Vautier, seigneur d'Yvetot, chambrier du roi Clotaire I. ayant perdu les bonnes graces de son maître par des charités qu'on lui prêta, & dont on n'est pas avare à la cour, s'en bannit de son propre mouvement, passa dans les climats étrangers, où pendant dix ans il fit la guerre aux ennemis de la foi ; qu'au bout de ce terme, se flattant que la colere du roi seroit adoucie, il reprit le chemin de la France ; qu'il passa par Rome, où il vit le pape Agapet, dont il obtint des lettres de recommandation pour le roi, qui étoit alors à Soissons capitale de ses états. Le seigneur d'Yvetot s'y rendit un jour de vendredi-saint de l'année 536 ; & ayant appris que Clotaire étoit à l'église, il fut l'y trouver, se jetta à ses piés, & le conjura de lui accorder sa grace par le mérite de celui qui en pareil jour avoit répandu son sang pour le salut des hommes ; mais Clotaire, prince farouche & cruel, l'ayant reconnu, lui passa son épée au-travers du corps.

Gaguin ajoute que le pape Agapet ayant appris une action si indigne, menaça le roi des foudres de l'Eglise, s'il ne réparoit sa faute, & que Clotaire justement intimidé, & pour satisfaction du meurtre de son sujet, érigea la seigneurie d'Yvetot en royaume, en faveur des héritiers & des successeurs du seigneur d'Yvetot ; qu'il en fit expédier des lettres signées de lui & scellées de son sceau ; que c'est depuis ce tems-là que les seigneurs d'Yvetot portent le titre de rois : & je trouve, par une autorité constante & indubitable, continue Gaguin, qu'un événement aussi extraordinaire s'est passé en l'an de grace 536.

Tout ce récit a été examiné selon les regles de la plus exacte critique, par M. l'abbé de Vertot, dans une dissertation insérée en 1714 parmi celles du recueil des Mémoires des inscriptions, tome IV. in-4°. Ce savant abbé prouve qu'aucun des historiens contemporains n'a fait mention d'un événement si singulier ; que Clotaire I. qu'on suppose souverain de cet endroit de la France où est située la seigneurie d'Yvetot, ne régnoit point dans cette contrée ; que le pape Agapet étoit déja mort ; que dans ce même tems les fiefs n'étoient point héréditaires ; & qu'enfin on ne datoit point les actes de l'an de grace, comme le rapporte Robert Gaguin.

Il est peut-être arrivé que dans l'espace de tems qui s'est écoulé depuis 1370 à 1390, le souverain, par une grace singuliere, tourna en franc-aleu & affranchit de tout devoir d'hommages & de vassalité la terre d'Yvetot : mais supposé qu'on veuille donner à ce franc-aleu noble le titre de royaume, les Anglois nos voisins nous en fourniront un pareil qu'on appelle le royaume de Man, de la petite île de ce nom située dans la mer d'Irlande, & au couchant de l'Angleterre.

La seigneurie d'Yvetot jouit encore aujourd'hui de tous les priviléges des francs-aleus nobles attachés à cette terre, à laquelle le vulgaire donnoit autrefois le nom de royaume, ainsi qu'il paroît par ces vers d'un de nos anciens poëtes :

Au noble pays de Caux,

Y a quatre abbayes royaux,

Six prieurés conventuaux,

Et six barons de grand arroy,

Quatre comtes, trois ducs, un roy.

Le lecteur curieux de consulter tout ce qui regarde le prétendu royaume d'Yvetot, peut lire, outre la dissertation que nous avons indiquée, le traité de la noblesse par M. de la Roque, le Dictionnaire géographique de la France, le Mercure du mois de Janvier 1726, & le traité latin du royaume d'Yvetot par Claude Malingre, intitulé de falsâ regni Yvetotti narratione, ex majoribus commentariis in fragmentum redactâ. Paris, 1615, in-8°. (D.J.)


YVOIRES. m. (Hist. nat.) dent, ou plutôt défense de l'éléphant, qui naît aux deux côtés de sa trompe en forme de longue corne. Voyez DENT.

L'yvoire est fort estimé à cause de sa couleur, de son poli, & de la finesse de son grain quand il est travaillé. Dioscoride dit qu'en faisant bouillir l'yvoire avec la racine de mandragore l'espace de six heures, il s'amollit, ensorte que l'on en peut faire tout ce que l'on veut. Voyez TEINTURE.

L'yvoire de l'île de Ceylan & de l'île d'Achand, a cela de particulier, qu'il ne jaunit point, comme celui de la terre-ferme, & des Indes occidentales ; ce qui le rend plus cher que l'autre.

On appelle noir d'yvoire, de l'yvoire que l'on brûle & que l'on retire en feuille quand il est devenu noir. On le broye à l'eau, & on en fait de petits pains plats & des trochisques dont les Peintres se servent. Voyez NOIR.

YVOIRE, (Chymie pharmaceut.) la rapure d'yvoire est assez souvent employée par les médecins dans les tisanes, dans les bouillons, & dans la gelée des malades ; la corne de cerf qui est plus commune, vaut encore mieux ; cependant puisque l'yvoire est d'usage, M. Geoffroy n'a pas voulu négliger de l'examiner ; voici le résultat de ses opérations sur cette matiere osseuse.

Une livre de rapure d'yvoire a donné un bouillon limpide, qui s'est coagulé en refroidissant ; mais dans l'évaporation il a déposé insensiblement une terre blanche très-fine, chargée d'une portion de sel essentiel ; ce qui a obligé M. Geoffroy de refiltrer la liqueur. La partie gommeuse qui est restée après l'évaporation de ce bouillon filtré pour la seconde fois, est devenue plus seche, plus dure, & plus solide, que celle des os de boeuf, mais moins unie, & moins liée que celle du bois de cerf. Cette matiere gommeuse pesoit quatre onces sept gros un grain ; analysée, elle a donné d'abord un peu de flegme, puis un esprit de couleur orangée, ensuite un sel volatil blanc en ramifications, qui a pesé un gros quarante-huit grains. L'huile épaisse & noire qui est venue la derniere, pesoit avec l'esprit trois gros trente-six grains. Mém. de l'acad. an. 1732. (D.J.)


YVOYou IVOY,, (Géog. mod.) petite ville de France, dans le Luxembourg françois, sur le bord du Chier, à six lieues au midi de Sédan, & à 12 au couchant de Luxembourg. La paix de Riswick en assura la possession à la France ; elle fut érigée en duché en 1662, sous le nom de Carignan, en faveur du prince Eugene. Long. 22. 53. latit. 49. 38. (D.J.)


YVRAIEVoyez YVROIE.


YVRESSES. f. (Médecine) état contre nature, dérangement plus ou moins considérable du corps & de l'esprit, que produisent le plus ordinairement les liqueurs fermentées bues avec excès. En nous renfermant, comme il convient dans notre sujet, nous ne devons voir dans l'yvresse qu'une maladie, & nous borner à l'examen des symptomes qui la caractérisent, des causes qui l'excitent, & des remedes qui la guérissent ; laissant au moraliste & au théologien le soin de joindre les désordres qu'entraîne l'yvresse en privant l'homme de sa raison ; & la grandeur de la faute commise par cette sorte d'intempérance, & d'en éloigner les hommes par les traits plus ou moins efficaces que leur fournissent la morale & la religion.

On peut relativement à la qualité & au nombre des symptomes, distinguer dans l'yvresse trois états ou degrés différens : le premier degré, ou l'yvresse commençante, s'annonce par la rougeur du visage, par la chaleur que la personne qui s'enyvre y ressent ; on voit alors son front se dérider, ses yeux s'épanouir & respirer la gaieté ; l'ennuyeuse & décente raison oubliée, pas encore perdue, & avec elle se dissipent les soucis, les chagrins, & les inquiétudes qu'elle seule produit, & entraîne constamment à sa suite ; l'esprit dégagé de cet incommode fardeau est plus libre, plus vif, plus animé ; il devient dans quelques personnes plus actif & plus propre à former de grandes idées, & à les exprimer avec force ; les discours sont plus joyeux, plus enjoués, plus diffus, moins suivis, & moins circonspects ; mais en même tems les paroles sont plus embarrassées, prononcées avec moins de netteté ; on commence déja à bégayer, & à mesure qu'on parle davantage, on parle avec moins de facilité ; la langue s'appesantit, elle exécute ses mouvemens avec peine, & trouve encore un obstacle dans la salive qui est épaisse & gluante.

Cet état est proprement ce qu'on appelle être gris ; il n'a rien de fâcheux, n'exige aucune attention de la part du médecin ; on le regarde comme un des moyens les plus propres à répandre & à aiguiser la joie des festins ; mais pour peu qu'on s'expose plus longtems à la cause qui l'a produit, la scene va changer ; les pleurs vont succéder aux ris, & ce trouble léger qui n'avoit servi qu'à remonter les ressorts de la machine, va dégénérer en une altération vraiment maladive ; c'est le second degré de l'yvresse, ou l'yvresse proprement dite.

Alors tous les organes des sens & des mouvemens affectés deviennent incapables d'exercer comme il faut leurs fonctions ; les yeux obscurcis ne sont plus que confusément frappés des objets ; ils les représentent quelquefois doubles, ou agités par un mouvement circulaire ; l'oreille est fatiguée par un bruissement continuel ; les sens intérieurs, les facultés de l'ame, les idées, les discours, & les actions qui les expriment & en sont les suites, répondent au dérangement des organes extérieurs ; on ne voit plus aucune trace ni d'esprit ni de raison ; on n'apperçoit que les effets des appétits grossiers & des passions brutales ; les personnes dans cet état ne parlent qu'à bâtons rompus & sans suite ; ils sont dans une espece de délire dont l'objet & la nature varient dans les différens sujets ; les uns l'ont gai, les autres mélancholique ; ceux-ci babillent beaucoup, ceux-là sont taciturnes ; quelquefois doux & tranquilles, plus souvent furieux & comme maniaques ; un tremblement universel occupe les différens organes des mouvemens ; la langue bégaye à chaque mot, & ne peut en articuler un seul ; les mains sont portées incertainement de côté & d'autre ; le corps ne peut plus se soutenir sur les piés foibles & mal assurés ; il chancelle de côté & d'autre à chaque pas, & tombe enfin sans pouvoir se relever. Alors l'estomac se vuide, le ventre quelquefois se lâche, les urines coulent, & un sommeil accompagné de ronflement troublé par des songes laborieux succede à tous ces symptomes, & les termine plus ou moins promptement.

Ce second degré d'yvresse très-familier à nos buveurs de vin & de liqueurs fermentées, est une maladie en apparence très-grave ; & elle le seroit en effet, si elle étoit produite par une autre cause ; elle ne laisse même aucune suite fâcheuse pour l'ordinaire, à-moins que devenant habituelle, elle ne mérite le nom d'yvrognerie. Dans la plûpart des sujets elle se dissipe après quelques heures de sommeil ; les buveurs sont censés pendant ce tems cuver leur vin ; on en a vu rester yvres pendant plusieurs jours. David Spilenberger rapporte qu'un homme toutes les fois qu'il s'enyvroit, restoit dans cet état durant trois jours, (Miscell. nat. curiosor. ann. 11. observ. 70.) Il peut arriver que ce degré d'yvresse soit suivi du troisieme, le plus grave de tous, & celui qui exige les secours du médecin.

Je fais consister ce troisieme degré dans l'apparition des accidens graves & moins ordinaires, tels que la folie, les convulsions, l'apoplexie, &c. qui succedent aux symptomes que nous venons de détailler, ou qui suivent immédiatement l'usage des corps enyvrans. Lorsque l'yvresse est à ce point, le danger est grand ; il est cependant moins pressant & moins certain que si ces symptomes devoient leur naissance à toute autre cause ; pour prononcer plus sûrement sur la grandeur du péril que courent les personnes yvres, dans ces circonstances il faut attendre que le vin soit cuvé, comme l'on dit, s'il est la cause de l'yvresse, parce que si les accidens persistent avec la même force, il y a tout à craindre pour les jours du malade. Hippocrate a remarqué que si une personne yvre devenoit tout-à-coup muette ou apoplectique, elle mouroit dans les convulsions, à-moins que la fievre ne survînt, ou qu'elle ne reprît la parole dans le tems que l'yvresse a coutume de cesser. Aphor. 5. lib. V.

Antoine de Pozzis raconte qu'un fameux buveur fut pendant une yvresse tourmenté de vives douleurs de tête excitées par le déchirement de la dure-mere, & qui ne cesserent que lorsque les os du crane se furent écartés les uns des autres : cet écartement qui étoit d'un pouce, avoit lieu à la suture coronale ; depuis cet instant cet homme eut l'avantage de pouvoir boire très-copieusement sans s'incommoder & d'enyvrer tous ceux qui vouloient disputer avec lui. Il ne manque pas d'exemples de personnes qui ont accéléré leur mort par l'excès du vin, mais c'est moins par l'yvresse que par l'yvrognerie, c'est-à-dire que leur mort a été moins la suite des symptomes passagers qui caractérisent l'yvresse, que l'effet de l'altération lente & durable que fait sur la machine l'excès des liqueurs fermentées réitéré souvent, l'yvrognerie ou l'yvresse habituelle. Lorsque les personnes yvres meurent, c'est pour l'ordinaire promptement & dans quelque affection soporeuse ; les yvrognes voient la mort s'avancer à pas lents, précédée par des gouttes-roses, des tremblemens, des paralysies, & déterminée le plus souvent par des hydropisies du bas-ventre ou de la poitrine.

Dans la description de l'yvresse que nous venons de donner, nous nous sommes uniquement attachés à celle qui se présente le plus fréquemment, peut-être même la seule véritable, qui est l'effet du vin & des liqueurs spiritueuses, & qu'on a plus spécialement désignée sous le nom de témulence, dérivé de temetum, ancien mot latin banni aujourd'hui de l'usage, qui signifioit vin. On voit cependant assez souvent produits par d'autres causes des symptomes assez analogues à ceux que nous avons exposés, & au concours desquels on a donné le nom générique d'yvresse. Parmi ces causes on range d'abord toutes les substances narcotiques veneneuses, parce qu'avant de produire leur effet immédiat, qui est l'assoupissement plus ou moins fort, l'apoplexie ou le troisieme degré d'yvresse ; elles excitent, quand leur action est lente, l'espece de gaieté, le délire & ensuite la stupeur qui caractérisent les autres degrés d'yvresse : ce qu'elles font aussi quand elles sont prises à petite dose ou par des personnes habituées ; dans cette classe sont renfermés les solanum, les stramonium, la mandragore, la belladona, la ciguë, les noix folles, nuces insanas, dont parle Clusius, la noix myristique, suivant Lobelius, les feuilles de chanvre, fort usitées chez les Egyptiens sous le nom d'assis, le suc des pavots ou l'opium, avec lequel les Turcs s'enyvrent fréquemment, & dont ils composent, suivant Mathiole & Sennert, leur maslach, liqueur très-enyvrante ; quand ils vont au combat, ils se servent aussi de l'opium pour s'étourdir & s'animer ; ils n'en prennent que ce qu'il faut pour produire le commencement du premier degré d'yvresse. Les semences d'yvraie, dont le nom fort analogue à celui d'yvresse, paroît ou l'avoir formé ou en avoir été formé, sont aussi très-propres à enyvrer ; ceux qui mangent du pain dans lequel elles entrent en certaine quantité, ne tardent pas à s'en appercevoir par des maux de coeur, des douleurs de tête, des vertiges, le délire, en un mot l'yvresse qui succede aussitôt ; quelquefois les convulsions surviennent ; le vomissement & le sommeil terminent ordinairement ces accidens. Schenckius dit avoir vu excité par l'usage de ces grains une nyctalogie ; Jacques Wagner, outre plusieurs exemples d'yvresse produites par la même cause, rapporte une histoire qui fait voir que les faits les plus absurdes ne manquent jamais d'être attestés par quelque autorité : " dans une maison de campagne, un cheval ayant mangé une grande quantité d'yvraie, tomba comme mort, & ayant été réputé tel, il fut porté dehors où il fut écorché ; après que l'yvresse fut dissipée, le cheval se réveille & revient tranquillement dans l'écurie, au grand étonnement de ceux qui furent les témoins de cet événement singulier ". On en trouve le détail manuscrit fait sur le champ avec autenticité dans la bibliotheque publique d'une ville voisine, Tigurum. Je doute fort que ce témoignage suffise pour forcer la croyance des lecteurs peu faciles.

Le lait, suivant quelques auteurs, mérite aussi d'être regardé comme une des causes d'yvresse ; il produit fréquemment cet effet chez les Scythes & les Tartares, après qu'ils lui ont fait subir quelques préparations ; les principales sont, au rapport des historiens, la fermentation & la distillation ; quoique nous ignorions la maniere d'exciter dans le lait la fermentation spiritueuse, la nature muqueuse du lait & son passage à l'acide nous la font concevoir très-possible ; & peut-être pourrions-nous l'obtenir si nous pouvions prendre le lait dans l'instant où la fermentation acéteuse commence, & si nous savions rendre cette fermentation plus lente ; le breuvage qui résulte de ce lait fermenté, est, suivant Luc, dans sa relation des Tartares, appellé par les habitans chyme ou poza. Prosper Alpin prétend que la liqueur à laquelle on donne ce nom, est faite avec la farine d'yvraie, les semences de chanvre & l'eau. Il n'est pas aussi facile d'imaginer comment le lait peut par la distillation fournir une liqueur enyvrante & par conséquent spiritueuse. Quoique Sennert croie en trouver la raison dans la nature du beurre, qui étant gras & huileux, doit, suivant lui, donner des huiles peu différentes des esprits ; l'état de perfection où est aujourd'hui la chymie, ne permet pas de recevoir de pareilles explications ; il est plus naturel de penser que le fait examiné par des yeux peu chymistes, se trouve faux ou considérablement altéré, du-moins il est permis d'en douter jusqu'à ce qu'il ait été vérifié par des observateurs éclairés.

Nous porterons le même jugement sur la faculté enyvrante que quelques auteurs ont attribuée à certaines eaux ; telle est sur-tout celle du fleuve Lincerte dont les effets passent pour être semblables à ceux du vin. Ovide dit que

Hunc quicumque parùm moderato gutture traxit,

Haud aliter titubat ac si mera vina bibisset.

Metam. lib. XV.

Sénéque rapporte la même chose, quaest. natur. lib. III. cap. xx. Ce fait vrai ou faux est encore attesté par Pline, histor. natur. lib. II. cap. 103. Cependant malgré ces autorités, il ne laisse pas d'être regardé comme très-incertain. Le témoignage d'un poëte menteur de profession, d'un philosophe peu observateur & d'un naturaliste pris souvent en défaut, ne paroissent pas assez décisifs aux personnes difficiles.

Bacon de Verulam assure que les poissons jettés du Pont-Euxin dans de l'eau douce, y sont d'abord comme enyvrés, hist. natur. & art. Il a pris cette inquiétude, cette agitation qu'ils éprouvent en passant dans une eau si différente, pour une véritable yvresse ; mais c'est abuser des termes que de confondre ces effets.

L'action de ces différentes causes n'étant ni bien décidée, ni même suffisamment constatée, & les principes par lesquels elles agissent, étant peu ou mal connus, nous ne nous y arrêterons pas davantage ; nous entrerons dans un détail plus circonstancié au sujet des liqueurs fermentées qui sont les causes d'yvresse les plus fréquentes & les plus exactement déterminées ; nous allons examiner en premier lieu, dans quelle partie réside la faculté d'enyvrer : 2°. quelle est la façon d'agir sur le corps pour produire cet effet.

On appelle en général liqueurs fermentées celles qui sont le produit de la fermentation spiritueuse : elles contiennent un esprit ardent inflammable, un sel acide, & souvent une partie extractive qui les colore, que Beccher appelle la substance moyenne ; quoique tous les végétaux qui contiennent une certaine quantité de corps doux, sucrés ou muqueux, soient susceptibles de cette fermentation, on n'y expose dans ces pays pour l'usage, que les raisins qui donnent le vin, les poires & les pommes qui fournissent le poiré & le cidre, & les grains dont on fait la biere. Voyez tous ces articles. Dans les Indes, au défaut de ces fruits, on fait fermenter les sucs des bouleaux, des acacia, des palmiers ; les Maldives font du pain & du vin avec le palmier sagoutier ; & les Tartares, si nous en croyons nos voyageurs, tirent du lait une liqueur spiritueuse ; on n'observe dans toutes ces liqueurs préparées avec ces diverses substances, aucune différence essentielle ; elles contiennent les mêmes principes plus ou moins purs & combinés dans des proportions inégales ; les médecins ne sont pas d'accord sur le principe qui contient la cause matérielle de l'yvresse ; les uns prétendent que c'est l'esprit ou la partie sulphureuse ; les autres soutiennent que c'est l'acide ; ils se réunissent tous à regarder la partie extractive colorante comme inutile ; on pourroit cependant leur objecter que la biere dans laquelle on a mis une plus grande quantité de houblon qui fait l'office de substance moyenne, & qui retarde la formation du spiritueux, est beaucoup plus enyvrante que les autres. Pour répondre à ce fait qui paroît concluant, ils seroient obligés de soutenir que la stupeur, l'engourdissement, l'espece de délire & les autres symptomes excités par ces sortes de biere, ne sont pas une véritable yvresse, mais une maladie particuliere fort analogue à l'effet des plantes soporiferes ; il est vrai que l'eau-de-vie, l'esprit-de-vin, les vins blancs, &c. n'enyvrent pas moins quoique privés de cette partie.

Tachenius & Beckius, partisans de la pathologie acide, n'ont pas cru devoir excepter l'yvresse d'une regle à laquelle ils soumettoient toutes les autres maladies ; ils ont reconnu dans le vin une partie acide, & ils lui ont attribué la faculté d'enyvrer avec d'autant plus de fondement, disent-ils, que les plantes qui contiennent de l'alkali, sont, suivant eux, le secours le plus efficace pour dissiper l'yvresse. Ils ajoutent que la gaieté excitée au commencement de l'yvresse, ne sauroit s'expliquer plus naturellement que par l'effervescence qui se fait entre les parties acides du vin & les substances alkalines des esprits animaux, & que le sommeil qui succede enfin, & qui est déterminé par une plus grande quantité de liqueurs fermentées, est une suite de l'excès de l'acide sur les alkalis, qui en détruit la force & l'activité.

Il n'est pas besoin d'argumens pour réfuter l'aitiologie de la gaieté & du sommeil établie sur le fondement que l'acide est la cause de l'yvresse. Cette explication ridicule tombe d'elle-même ; & pour en sapper les fondemens, il suffira de remarquer que les vins enyvrent d'autant plus qu'ils sont plus spiritueux, & par conséquent moins acides ; tels sont les vins d'Espagne, d'Italie & des provinces méridionales de France, que les vins les plus tartareux ou acides, comme ceux de Bourgogne & du Rhin, sont les moins enyvrans : que les vins foibles qui ne contiennent presque point de tartre, comme les vins blancs, enyvrent plus promptement que les vins plus forts & en même tems plus tartareux : que l'eau-de-vie & l'esprit-de-vin, qu'on a même fait passer sur les alkalis fixes, & qui se trouvent & par la distillation & par cette opération dépouillés de tout acide surabondant à sa mixtion, enyvrent à très-petite dose & très-rapidement ; on pourroit opposer à ce qu'ils disent sur la vertu des plantes alkalines contre l'yvresse, 1°. que ces plantes dont il faut retrancher les vulnéraires, & qu'il faut restreindre aux cruciferes, agissent principalement en poussant par les urines : 2°. que les remedes employés le plus fréquemment & avec le succès le plus constant sont les acides, & en particulier le tartre. M. Rouelle m'a assuré avoir fait des expériences particulieres sur ce sel avec excès d'acide, l'avoir donné fréquemment à des personnes yvres, & avoir toujours observé que l'yvresse se dissipoit très-promptement, quelquefois même dans moins de demi-heure.

Toutes ces considérations si décisives contre les prétentions de ceux qui plaçoient dans l'acide du vin sa faculté enyvrante, ont fait conclure à nos chimiatres modernes que cette vertu résidoit dans la partie spiritueuse, dans l'esprit ardent inflammable, produit essentiel & caractéristique de la premiere espece de fermentation. Ce sentiment est conforme à toutes les expériences & observations qu'on a faites sur cette matiere, il se plie avec beaucoup de facilité à tous les phénomenes chymiques & pratiques ; mais l'esprit de vin ne seroit-il pas aidé dans cet effet par les autres parties, par l'eau même qui entre dans la composition des liqueurs fermentées ? Cette idée paroît tirer quelque vraisemblance de l'observation de Vigénaire ; cet auteur assure (tractat. de aq. & fil.) qu'une quantité donnée d'esprit-de-vin, une once enyvre moins que la quantité de vin qui auroit pû fournir cette once d'esprit. En supposant le fait bien observé, on peut y répondre, 1°. qu'on n'a fait cette expérience que sur des allemands plus accoutumés à l'esprit-de-vin, & par-là même disposés à être, suivant la remarque d'Hippocrate, moins affectés par son action ; 2°. qu'il se dissipe beaucoup de parties spiritueuses dans la distillation de l'esprit-de-vin, qui souvent enyvrent les ouvriers peu circonspects ; 3°. que dans les rectifications il s'en évapore, & s'en décompose toujours quelque partie ; 4°. enfin que l'yvresse qui est produite par une certaine quantité de vin, suppose toujours une distention & une gêne dans l'estomac, qui peut en imposer pour l'yvresse, ou en rendre les effets plus sensibles.

La partie spiritueuse des liqueurs fermentées étant reconnue pour cause de l'yvresse, quelques chymistes, entr'autres van Helmont & Beccher ont poussé leurs recherches plus loin ; convaincus que cette partie n'étoit pas simple, qu'elle étoit composée d'autres parties, ils ont tâché de déterminer quelle étoit proprement celle qui enyvroit, & ils se sont accordés à reconnoître cette vertu dans la partie qu'ils appellent sulphureuse, & qui n'est autre chose que ce que Stahl & les chymistes qui ont adopté ses principes, désignent sous le nom d'huile très-atténuée, à laquelle l'esprit-de-vin doit son inflammabilité ; ce sentiment est très-probable, & paroît d'autant plus fondé que l'éther, qui n'est vraisemblablement que cette huile, a la faculté d'enyvrer dans un degré éminent ; il y a cependant lieu de penser que les autres parties de l'esprit-de-vin concourent à restreindre cet effet dans les bornes de l'yvresse ; du-reste le rapport qu'on admet entre ce soufre du vin, & le soufre qu'on dit retirer des substances narcotiques, ne paroît pas trop exact, & l'explication des phénomenes de l'yvresse fondée sur ces principes, n'est point du tout satisfaisante.

Après avoir déterminé quelle est dans les liqueurs fermentées la partie strictement enyvrante, il nous reste à examiner la maniere dont elle agit sur le corps pour produire ses effets ; mais dans cet examen nous sommes privés du témoignage des sens, & par conséquent du secours de l'expérience & de l'observation, & réduits à n'avoir pour guide que l'imagination, & pour flambeau que le raisonnement ; ainsi nous ne pouvons pas espérer de parvenir à quelque chose de bien certain & de bien constaté. Toutes les théories qu'on a essayé de nous donner de cette action, prouvent encore mieux combien il est difficile d'atteindre même le vraisemblable ; parmi les médecins qui se sont occupés de ces recherches, les uns ont avec Tachenius & Beckius, supposé qu'il y avoit des esprits animaux, & que ces esprits animaux étoient, comme nous l'avons déja dit, d'une nature alkaline, que la partie du vin qui enyvroit, étoit acide, & qu'il se faisoit une effervescence entre ces substances opposées ; les autres qui ont avec Beccher & van Helmont, placé la vertu enyvrante dans ce soufre du vin, ont exprimé son action par la viscosité & la ténacité des parties du soufre qui arrosoit, embourboit & enchaînoit pour-ainsi-dire les esprits animaux, & les rendoit incapables d'exercer leurs fonctions. Ceux-ci ont cru que les vapeurs du vin montoient de l'estomac à la tête, comme elles montent du fond d'un alambic dans le chapiteau, qu'elles affectoient le principe des nerfs, & en engourdissoient les esprits ; ceux-là plus instruits ont pensé que toute l'action des corps enyvrans avoit lieu dans l'estomac, & que les nerfs de ce viscere transmettoient au cerveau l'impression qu'ils recevoient par une suite de la correspondance mutuelle de toutes les parties du corps, & de la sympathie plus particuliere qu'il y a entre la tête & l'estomac ; ils ont en conséquence voulu qu'on regardât l'yvresse comme une espece d'indigestion qui étoit suivie & terminée par une purgation ; cette aitiologie est la seule qui soit dans quelques points conforme à l'observation, & qui satisfasse à une partie des phénomenes ; nous remarquerons cependant qu'elle ne sauroit être généralement adoptée : nous ne nous arrêterons pas aux autres, qui plus ou moins éloignées de la vraisemblance, ne valent pas la peine d'être réfutées. Lorsque l'yvresse est excitée par une grande quantité de liqueurs, il n'est pas douteux qu'il n'y ait alors une véritable indigestion ; mais peut-on soupçonner cette cause, lorsque l'yvresse sera occasionnée par un seul verre de vin spiritueux, d'eau-de-vie, ou d'esprit-de-vin ? je conviendrai encore que dans ce cas là les causes d'yvresse ont fait leur principal effet sur l'estomac, & n'ont affecté que sympathiquement le cerveau ; mais cette façon d'agir ne pourra avoir lieu, si l'on prend le vin en lavement, & que l'yvresse survienne, comme l'a observé Borellus, cap. j. observ. 56 ; encore moins pourra-t-on la faire valoir pour les yvresses qu'excite l'odeur des liqueurs fermentées. Le systême ingénieux de Mead sur l'action des narcotiques, qui est le fondement de celui-ci, tombe par le même argument, qui est sans réplique ; on voit des personnes s'endormir en passant dans des endroits où il y a beaucoup de plantes soporiferes : en respirant l'odeur de l'opium, & par conséquent sans éprouver ce chatouillement délicieux dans l'estomac, qui fixant l'attention de l'ame, & l'affectant aussi agréablement qu'elle se croit transportée en paradis, l'empêche de veiller à l'état des organes, & à l'exercice de leurs fonctions. Je suis très-porté à croire que les corps enyvrans, comme les narcotiques, agissent sur les nerfs, que pris intérieurement ils portent leurs effets immédiats sur ceux du ventricule ; mais comment agissent-ils ? c'est ce qu'il ne nous est pas encore possible de décider ; l'état de nos connoissances actuelles suffit pour nous faire appercevoir le faux & le ridicule des opinions ; mais il ne nous permet pas d'y substituer la vérité : consolons-nous du peu de succès de ces recherches théoriques, en faisant attention qu'uniquement propres à exciter, & à flatter notre curiosité, elles n'apporteroient aucune utilité réelle dans la pratique.

En reprenant la voie de l'observation, nous avons deux questions intéressantes à resoudre par son secours ; savoir, dans quelles occasions l'yvresse exige l'attention du médecin, & par quels remedes on peut en prévenir ou en dissiper les mauvais effets ; 1°. l'yvresse dans le premier, & le plus souvent dans le second degré, se termine naturellement sans le secours de l'art ; les symptomes qui la caractérisent alors, quoiqu'effrayans au premier aspect, n'ont rien de dangereux ; il est même des cas où le trouble excité pour lors dans la machine est avantageux ; par exemple, dans des petits accès de mélancolie, dans l'inertie de l'estomac, la paresse des intestins, la distension des hypochondres, pourvu qu'il n'y ait point de maladie considérable, dans quelques affections chroniques, & enfin lorsque sans être malade, la santé paroît languir, il est bon de la reveiller un peu, & une légere yvresse produit admirablement bien cet effet : les médecins les plus éclairés sont toujours convenus qu'il falloit, de tems-en-tems, ranimer, & remonter, pour ainsi dire, la machine par quelque excès ; on s'est aussi quelquefois très-bien trouvé de faire enyvrer des personnes qui ne pouvoient pas dormir, & auxquelles on n'avoit pu faire revenir le sommeil par aucun des secours qui passent pour les plus appropriés ; le troisieme degré d'yvresse est toujours un état fâcheux accompagné d'un danger pressant, les accidens qui le constituent indiquent des remedes prompts & efficaces ; cependant, comme nous l'avons déja marqué, quoiqu'ils soient très-grands, il y a beaucoup plus d'espérance de guérison, que s'ils étoient produits par une autre cause : ce n'est gueres que dans ce cas qu'on emprunte contre l'yvresse le secours de la médecine ; dans les autres, on laisse aux personnes yvres le soin de cuver leur vin, & de se défaire eux-mêmes par le sommeil & quelques évacuations naturelles, de leur yvresse, on pourroit cependant en faciliter la cessation.

2°. Les remedes que la médecine fournit, peuvent, suivant quelques auteurs, remplir deux indications, ou d'empêcher l'yvresse, ou de la guérir ; le meilleur moyen pour l'empêcher, seroit sans doute de s'en tenir à un usage très-modéré des liqueurs fermentées ; mais les buveurs peu satisfaits de cet expédient, voudroient avoir le plaisir de boire du vin, sans risquer d'en ressentir les mauvais effets, l'on a en conséquence imaginé des remedes qui pussent châtrer sa vertu enyvrante, qui pris avant de boire des liqueurs fermentées, pussent détourner leur action ; & l'on a cru parvenir à ce but en faisant prendre les huileux qui défendissent l'estomac des impressions du vin, & qui la chassassent doucement du ventre, ou des diurétiques qui le déterminassent promptement par les urines ; l'on a célebré sur tout les vertus de l'huile d'olives : Nicolas Pison prétend qu'après en avoir pris, on pourroit boire, sans s'enyvrer, un tonneau de vin. Dominicus Leoni-Lucencis recommande pour cet effet les olives confites avec du sel ; plusieurs auteurs vantent l'efficacité du chou mangé au commencement du repas ; Craton vouloit qu'on le mangeât crud, il y en a qui attribuent la même propriété aux petites raves & radis, qu'on sert dans ces pays en hors-d'oeuvre ; le lait a aussi été ordonné dans la même vue, & enfin les pilules de Glasius, qu'on a appellées pilules contre l'yvresse, passent pour avoir très-bien réussi dans ce cas. Plater assûre s'être toujours préservé de l'yvresse, quoiqu'il bût beaucoup de liqueurs fermentées, ayant seulement attention de ne pas boire dans les repas qui durent long-tems, jusqu'à ce qu'il eût beaucoup mangé pendant une ou deux heures. Observ. l. I. p. 41.

Si on peut parvenir à empêcher l'yvresse, & à détourner les hommes par les secours moraux de s'exposer aux causes qui l'excitent ; quelques auteurs promettent d'inspirer du dégoût pour le vin, en y mêlant quelques remedes (Faschius a fait le recueil de ceux dont on vante l'efficacité dans ce cas, ampelograph. sect. vj. cap. 11.) de ce nombre sont les renettes & l'anguille étouffées dans le vin, les oeufs de chouette, les pleurs de la vigne, les raisins de mer, &c. d'autres ont ajouté le brochet, les rougets, les tortues, les lézards étouffés dans le vin, la fiente de lion, les semences de chou, &c. infusées dans la même liqueur ; il est peu nécessaire d'avertir combien tous ces remedes sont fautifs & ridicules.

Lorsque l'yvresse est bien décidée, & qu'il s'agit de la dissiper, il n'y a point de remede plus assûré & plus prompt que les acides ; ils sont, dit Plater, l'antidote spécifique de l'yvresse ; dans cette classe se trouvent compris les vinaigres, l'oxicrat, les sucs de citron, de grenade, d'épine-vinette, le lait acide, les eaux minérales acidules, & sur-tout le tartre du vin ; je suis très-persuadé que ces remedes qui guérissent en très-peu de tems l'yvresse, en pourroient être, pris avant de boire, des préservatifs efficaces ; si l'yvresse est parvenue au troisieme degré, & si les accidens sont graves, il faut faire vomir tout-de-suite, soit par l'émétique, soit en irritant le gosier ; la nature excitant souvent d'elle-même le vomissement nous montre cette voie, que le raisonnement le plus simple auroit indiqué. Langius conseille de ne pas laisser dormir les personnes yvres avant de les avoir fait vomir. On peut aussi employer dans les cas d'yvresse avec apoplexie, les différentes especes d'irritans, les lavemens forts, purgatifs, les sternutatoires, les odeurs fortes, les frictions, &c. Henri de Heers dit avoir reveillé d'une yvresse en lui tirant les poils de la moustache, un homme qui étoit depuis quatre jours dans une espece d'apoplexie, & qu'enfin après avoir éprouvé inutilement toutes sortes de remedes on alloit le trépaner. Les passions d'ame vives & subites, telles que la joie, la crainte, la frayeur, sont très-propres à calmer sur le champ le délire de l'yvresse ; on peut voir plusieurs exemples qui le prouvent, rapportés par Salomon Reiselius, miscell. natur. curios. ann. ij. observ. 117. Cet auteur dit, qu'étant à Ottenville, un homme yvre étant tombé dans un fumier, & craignant de paroître dans cet état devant son épouse, descendit dans un fleuve pour se laver ; il fut si vivement saisi par la fraîcheur subite de l'eau, qu'il rentra tout-de-suite dans son bon sens. Un autre éprouva aussi dans l'instant le même effet ; à-peine toucha-t-il l'eau d'un fleuve où il étoit descendu, que soit la fraîcheur de l'eau, soit la crainte qu'il eut de se noyer, l'yvresse fut entierement dissipée : un troisieme, dont parle le même auteur, ayant blessé en badinant un de ses amis, fut si effrayé de voir couler son sang avec abondance, qu'il recouvra sur le champ l'usage de la raison. (m)

YVRESSE, (Critique sacrée) ce mot ne se prend pas toujours dans l'Ecriture pour une yvresse réelle ; très-souvent il ne désigne que boire jusqu'à la gaieté dans un repas d'amis ; ainsi, quand il est dit dans la Genèse, xliij. 34. que les freres de Joseph s'enyvrerent avec lui la seconde fois qu'ils le virent en Egypte ; ces paroles ne doivent point offrir à l'imagination une yvresse réelle ; celles-ci, qui inebriat ipse quoque inebriabitur, Prov. xj. 25. celui qui fait boire, boira semblablement, sont des paroles proverbiales, qui signifient que l'homme libéral sera librement récompensé. De même ce passage du Deuter. xxix. 19. absumet ebrius sitientem, la personne qui a bû, l'emporta sur celle qui a soif ; est une maniere de proverbe dont se sert Moïse, pour dire que le fort accablera le foible. Quand saint Paul dit aux Corinth. xj. 21. dans vos repas l'un a faim, & l'autre est yvre, , cela signifie tout-au-plus, boit largement ; c'est le sens du verbe , ou plutôt il faut traduire est rassasié ; car enyvrer dans le style des Hébreux, est combler de biens. Ecclés. j. 24. (D.J.)


YVROGNERIES. f. (Gram. & Jurisprud.) nous laissons au théologien à traiter cette matiere, selon les loix divines & ecclésiastiques : nous observerons seulement ici que, suivant les loix civiles, les nations mêmes qui ont permis l'usage du vin, soit aux hommes ou aux femmes, ont toujours envisagé comme un délit d'en boire avec excès.

Les Athéniens punissoient doublement une faute faite dans le vin ; & chez les Romains anciennement, une femme qui avoit bû du vin, pouvoit être condamnée à mort par son mari ; & depuis même que l'on eut permis aux femmes l'usage du vin, on les punissoit lorsqu'elles en buvoient outre mesure : la femme de Cneius Domitius, qui s'étoit enyvrée, fut condamnée à perdre sa dot.

L'yvresse n'excuse point les autres crimes qui ont été commis dans cet état ; autrement il seroit à craindre que des gens mal intentionnés ne fissent, de propos délibéré, un excès de vin ou autre liqueur, pour s'enhardir à commettre quelque crime grave, & pour trouver une excuse dans le vin ; on punit donc le vin, c'est-à-dire, l'yvrogne qui a commis un crime.

Cependant, quand l'yvresse n'a pas été préparée à dessein, elle peut donner lieu d'adoucir la peine du crime, comme ayant été commis sans réflexion.

La qualité des personnes peut rendre l'yvrognerie plus grave ; par exemple, si celui qui est sujet à ce vice est une personne publique & constituée en dignité, comme un ecclésiastique, un notaire, un juge.

Le reproche fondé contre un témoin sur ce qu'il est yvrogne, n'est pas admissible, à-moins qu'on ne prouvât qu'il étoit yvre lors de sa déposition ; néanmoins l'habitude où un homme seroit de s'enyvrer, pourroit diminuer le poids de sa déposition, & l'on auroit en jugeant tel égard que de raison au reproche. Voyez Bouchel au mot yvrogne & yvresse. Dargentré, art. 266. la Mare, tome I. l. IV. tit. ix. Thaumas. dict. canon. au mot yvrogne ; Catelan, liv. IX. ch. vij. & les mots CABARET, VIN. (A)


YVROIEZIZANIE, (Synonyme) yvroie se dit au propre & au figuré ; arracher l'yvroie, séparer l'yvroie d'avec le bon grain. Zizanie ne se dit qu'au figuré, & signifie division, discorde. Malheureux sont ceux qui sement la zizanie dans une famille, dans une compagnie, dans une communauté, ou parmi les peuples ! (D.J.)


YVROIE SAUVAGE(Botan.) espece de gramen nommée par Tournefort, gramen loliaceum, angustiore folio, & spica I. R. H. Cette plante pousse plusieurs tiges ou tuyaux à la hauteur de deux piés, grêles, ronds, ayant peu de noeuds, & portant chacun deux, trois ou quatre feuilles longues, étroites, cannelées, grasses, de couleur verte obscure : ces tiges sont terminées en leurs sommités par des épis semblables à ceux de l'yvroie, mais plus courts, plus grêles, garnis de feuilles à étamines rouges ou blanches : quand ces fleurs sont passées, il leur succéde de petits grains oblongs & rouges : ses racines sont nouées, & garnies de fibres. Cette plante croît dans les champs, le long des chemins, & sur les toîts des bâtimens : elle passe pour être détersive & astringente. (D.J.)


YVROIE (Diete)(Diete) le blé mêlé de beaucoup d'yvroie est d'une qualité très-inférieure : il devroit même être rejetté, si on n'avoit trouvé des moyens aisés de le monder de cette graine dangereuse, en le passant par des cribles ; on a des moulins destinés à cet usage. Le pain préparé avec du blé chargé de beaucoup d'yvroie cause des maux de tête, des vertiges, des assoupissemens, l'yvresse, & même la folie. C'est sans doute de cette qualité anciennement reconnue, que l'yvroie tire son nom françois.

On dit que les maquignons en font manger aux chevaux ou aux mulets vicieux, peu de tems avant que de les exposer en vente ; & que pendant que l'effet de cette nourriture subsiste, ces animaux sont très-doux. (b)


YVROIE (Botan.)(Botan.) voyez IVROYE


YZQUIATOLTS. m. terme de relation ; c'est une sorte de boisson médicinale, commune dans les Indes occidentales ; elle se fait de petites fêves cuites, avec une plante aromatique, que ceux du pays appellent épazolt. On use de cette boisson dans les maladies du poumon.


YZQUIEPATLS. m. (Hist. nat. des quadrupedes) nom que donnent les Américains à un animal de leur pays qui est du genre des renards, ou du-moins qui ressemble beaucoup dans sa jeunesse au renard européen.

C'est un animal bas de taille, d'un corps épais, allongé, & à courtes jambes ; son nez est pointu, ses oreilles sont petites ; il a tout le corps couvert de poils, particulierement vers la queue, qui est longue, chargée du même poil que le reste du corps ; ce poil est blanc & noir ; les ongles de cet animal sont très-affilés ; il vit dans les caves & dans les creux de rochers, où il fait ses petits ; il vit de vers, d'escargots, d'insectes semblables, & autres petits animaux. Quand il est poursuivi, il jette des vents qui sont d'une odeur insupportable ; son urine & ses excrémens sentent aussi prodigieusement mauvais ; d'ailleurs c'est une bête douce, & qui ne fait aucun mal ; elle tient beaucoup du lapin des Indes, & n'en differe presque que par son odeur puante. Hernandez en distingue une autre espece, que les habitans nomment conepatl, & qu'on distingue seulement de celle-ci par une longue raie, qui s'étend sur les deux côtés du dos jusqu'à la queue. (D.J.)


YZTACTEXS. m. (Hist. nat. Bot. exot.) plante qui croît dans les montagnes du Brésil. Sa racine est fibreuse, ainsi que celle de l'asarum ; mais ses fibres ne sont pas inférieures ni pour le goût, ni pour l'odeur au nard indien, & l'emportent beaucoup sur la valeriane commune. Ses feuilles sont dentelées, comme celles de l'ortie ; ses tiges sont purpurines, rondes, unies & longues de quatre coudées. Ses fleurs viennent en touffe au sommet des tiges, & sont d'un blanc tirant sur le pourpre. Ses graines ont le goût de l'anis. Sa racine est échauffante, & sudorifique. (D.J.)