A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z

    
Hsubstantif féminin, (Gramm.) c'est la huitieme lettre de notre alphabet. Voyez ALPHABET.

Il n'est pas unanimement avoüé par tous les Grammairiens que ce caractere soit une lettre, & ceux qui en font une lettre ne sont pas même d'accord entr'eux ; les uns prétendant que c'est une consonne, & les autres, qu'elle n'est qu'un signe d'aspiration. Il est certain que le plus essentiel est de convenir de la valeur de ce caractere ; mais il ne sauroit être indifférent à la Grammaire de ne savoir à quelle classe on doit le rapporter. Essayons donc d'approfondir cette question, & cherchons-en la solution dans les idées générales.

Les lettres sont les signes des élémens de la voix, savoir des sons & des articulations. Voy. LETTRES. Le son est une simple émission de la voix, dont les différences essentielles dépendent de la forme du passage que la bouche prête à l'air qui en est la matiere, voyez SON ; & les voyelles sont les lettres destinées à la représentation des sons. Voyez VOYELLES. L'articulation est une modification des sons produite par le mouvement subit & instantané de quelqu'une des parties mobiles de l'organe de la parole ; & les consonnes sont les lettres destinées à la représentation des articulations. Ceci mérite d'être développé.

Dans une thèse soutenue aux écoles de Médecine le 13 Janvier 1757 (an ut caeteris animantibus, ita & homini, sua vox peculiaris ?), M. Savary prétend que l'interception momentanée du son est ce qui constitue l'essence des consonnes, c'est-à-dire en distinguant le signe de la chose signifiée, l'essence des articulations : sans cette interception, la voix ne seroit qu'une cacophonie, dont les variations mêmes seroient sans agrément.

J'avoue que l'interception du son caractérise en quelque sorte toutes les articulations unanimement reconnues, parce qu'elles sont toutes produites par des mouvemens qui embarrassent en effet l'émission de la voix. Si les parties mobiles de l'organe restoient dans l'état où ce mouvement les met d'abord, ou l'on n'entendroit rien, ou l'on n'entendroit qu'un sifflement causé par l'échappement contraint de l'air hors de la bouche : pour s'en assûrer, on n'a qu'à réunir les levres comme pour articuler un p, ou approcher la levre inférieure des dents supérieures, comme pour prononcer un v, & tâcher de produire le son a, sans changer cette position. Dans le premier cas, on n'entendra rien jusqu'à ce que les levres se séparent ; & dans le second cas, on n'aura qu'un sifflement informe.

Voilà donc deux choses à distinguer dans l'articulation ; le mouvement instantané de quelque partie mobile de l'organe, & l'interception momentanée du son : laquelle des deux est représentée par les consonnes ? ce n'est assûrément ni l'une ni l'autre. Le mouvement en soi n'est point du ressort de l'audition ; & l'interception du son, qui est un véritable silence, n'en est pas davantage. Cependant l'oreille distingue très-sensiblement les choses représentées par les consonnes ; autrement quelle différence trouveroit-elle entre les mots vanité, qualité, qui se réduisent également aux trois sons a-i-é, quand on en supprime les consonnes ?

La vérité est que le mouvement des parties mobiles de l'organe est la cause physique de ce qui fait l'essence de l'articulation ; l'interception du son est l'effet immédiat de cette cause physique à l'égard de certaines parties mobiles : mais cet effet n'est encore qu'un moyen pour amener l'articulation même.

L'air est un fluide qui dans la production de la voix s'échappe par le canal de la bouche ; il lui arrive alors, comme à tous les fluides en pareille circonstance, que sous l'impression de la même force, ses efforts pour s'échapper, & sa vîtesse en s'échappant, croissent en raison des obstacles qu'on lui oppose ; & il est très-naturel que l'oreille distingue les différens degrés de la vîtesse & de l'action d'un fluide qui agit sur elle immédiatement. Ces accroissemens d'action instantanés comme la cause qui les produit, c'est ce qu'on appelle explosion. Ainsi les articulations sont les différens degrés d'explosion que reçoivent les sons par le mouvement subit & instantané de quelqu'une des parties mobiles de l'organe.

Cela posé, il est raisonnable de partager les articulations & les consonnes qui les représentent en autant de classes qu'il y a de parties mobiles qui peuvent procurer l'explosion aux sons par leur mouvement : de-là trois classes générales de consonnes, les labiales, les linguales, & les gutturales, qui représentent les articulations produites par le mouvement ou des levres, ou de la langue, ou de la trachée-artere.

L'aspiration n'est autre chose qu'une articulation gutturale, & la lettre h, qui en est le signe, est une consonne gutturale. Ce n'est point par les causes physiques qu'il faut juger de la nature de l'articulation ; c'est par elle-même : l'oreille en discerne toutes les variations, sans autre secours que sa propre sensibilité ; au lieu qu'il faut les lumieres de la Physique & de l'Anatomie pour en connoître les causes. Que l'aspiration n'occasionne aucune interception du son, c'est une vérité incontestable ; mais elle n'en produit pas moins l'explosion, en quoi consiste l'essence de l'articulation ; la différence n'est que dans la cause. Les autres articulations, sous l'impression de la même force expulsive, procurent aux sons des explosions proportionnées aux obstacles qui embarrassent l'émission de la voix : l'articulation gutturale leur donne une explosion proportionnée à l'augmentation même de la force expulsive.

Aussi l'explosion gutturale produit sur les sons le même effet général que toutes les autres, une distinction qui empêche de les confondre, quoique pareils & consécutifs : par exemple, quand on dit la halle ; le second a est distingué du premier aussi sensiblement par l'aspiration h, que par l'articulation b, quand on dit la balle, ou par l'articulation s, quand on dit la salle. Cet effet euphonique est nettement désigné par le nom d'articulation, qui ne veut dire autre chose que distinction des membres ou des parties de la voix.

La lettre h, qui est le signe de l'explosion gutturale, est donc une véritable consonne, & ses rapports analogiques avec les autres consonnes, sont autant de nouvelles preuves de cette décision.

1°. Le nom épellatif de cette lettre, si je puis parler ainsi, c'est-à-dire le plus commode pour la facilité de l'épellation, emprunte nécessairement le secours de l'e muet, parce que h, comme toute autre consonne, ne peut se faire entendre qu'avec une voyelle ; l'explosion du son ne peut exister sans le son. Ce caractere se prête donc, comme les autres consonnes, au système d'épellation proposé dès 1660 par l'auteur de la Grammaire générale, mis dans tout son jour par M. Dumas, & introduit aujourd'hui dans plusieurs écoles depuis l'invention du bureau typographique.

2°. Dans l'épellation on substitue à cet e muet la voyelle nécessaire, comme quand il s'agit de toute autre consonne : de même qu'avec b on dit, ba, bé, bi, bo, bu, &c. ainsi avec h on dit, ha, hé, hi, ho, hu, &c. comme dans hameau, héros, hibou, hoqueton, hupé, &c.

3°. Il est de l'essence de toute articulation de précéder le son qu'elle modifie, parce que le son une fois échappé n'est plus en la disposition de celui qui parle, pour en recevoir quelque modification. L'articulation gutturale se conforme ici aux autres, parce que l'augmentation de la force expulsive doit précéder l'explosion du son, comme la cause précede l'effet. On peut reconnoître par-là la fausseté d'une remarque que l'on trouve dans la Grammaire françoise de M. l'abbé Regnier (Paris, 1706, in-12, p. 31.), & qui est répétée dans la Prosodie françoise de M. l'abbé d'Olivet, page 36. Ces deux auteurs disent que l'h est aspirée à la fin des trois interjections ah, eh, oh. A la vérité l'usage de notre orthographe place ce caractere à la fin de ces mots ; mais la prononciation renverse l'ordre, & nous disons, ha, hé, ho. Il est impossible que l'organe de la parole fasse entendre la voyelle avant l'aspiration.

4°. Les deux lettres f & h ont été employées l'une pour l'autre ; ce qui suppose qu'elles doivent être de même genre. Les Latins ont dit fircum pour hircum, fostem pour hostem, en employant f pour h ; & au contraire ils ont dit heminas pour feminas, en employant h pour f. Les Espagnols ont fait passer ainsi dans leur langue quantité de mots latins, en changeant f en h : par exemple, ils disent, hablar, (parler), de fabulari ; hazer, (faire), de facere ; herir, (blesser), de ferire ; hado, (destin), de fatum ; higo, (figue), de ficus ; hogar, (foyer), de focus, &c.

Les Latins ont aussi employé v ou s pour h, en adoptant des mots grecs : veneti vient de , Vesta de , vestis de , ver de , &c. & de même super vient de , septem de , &c.

L'auteur des grammaires de Port-Royal fait entendre dans sa Méthode espagnole, part. I. chap. iij. que les effets presque semblables de l'aspiration h & du sifflement f ou v ou s, sont le fondement de cette commutabilité, & il insinue dans la Méthode latine, que ces permutations peuvent venir de l'ancienne figure de l'esprit rude des Grecs, qui étoit assez semblable à f, parce que, selon le témoignage de S. Isidore, on divisa perpendiculairement en deux parties égales la lettre H, & l'on prit la premiere moitié pour signe de l'esprit rude, & l'autre moitié pour symbole de l'esprit doux. Je laisse au lecteur à juger du poids de ces opinions, & je me réduis à conclure tout de nouveau que toutes ces analogies de la lettre h avec les autres consonnes, lui en assûrent incontestablement la qualité & le nom.

Ceux qui ne veulent pas en convenir soûtiennent, dit M. du Marsais, que ce signe ne marquant aucun son particulier analogue au son des autres consonnes, il ne doit être considéré que comme un signe d'aspiration. Voyez CONSONNE. Je ne ferai point remarquer ici que le mot son y est employé abusivement, ou du-moins dans un autre sens que celui que je lui ai assigné dès le commencement, & je vais au contraire l'employer de la même maniere, afin de mieux assortir ma réponse à l'objection : je dis donc qu'elle ne prouve rien, parce qu'elle prouveroit trop. On pourroit appliquer ce raisonnement à telle classe de consonne que l'on voudroit, parce qu'en général les consonnes d'une classe ne marquent aucun son particulier analogue au son des consonnes d'une autre classe : ainsi l'on pourroit dire, par exemple, que nos cinq lettres labiales b, p, v, f, m, ne marquant aucuns sons particuliers analogues aux sons des autres consonnes, elles ne doivent être considérées que comme les signes de certains mouvemens des levres. J'ajoûte que ce raisonnement porte sur un principe faux, & qu'en effet la lettre h désigne un objet de l'audition très-analogue à celui des autres consonnes, je veux dire une explosion réelle des sons. Si l'on a cherché l'analogie des consonnes ou des articulations dans quelqu'autre chose, c'est une pure méprise.

Mais, dira-t-on, les Grecs ne l'ont jamais regardée comme telle ; c'est pour cela qu'ils ne l'ont point placée dans leur alphabet, & que dans l'écriture ordinaire ils ne la marquent que comme les accens au-dessus des lettres : & si dans la suite ce caractere a passé dans l'alphabet latin, & de-là dans ceux des langues modernes, cela n'est arrivé que par l'indolence des copistes qui ont suivi le mouvement des doigts & écrit de suite ce signe avec les autres lettres du mot, plûtôt que d'interrompre ce mouvement pour marquer l'aspiration au-dessus de la lettre. C'est encore M. du Marsais (ibid.) qui prête ici son organe à ceux qui ne veulent pas même reconnoître h pour une lettre ; mais leurs raisons demeurent toujours sans force sous la main même qui étoit la plus propre à leur en donner.

Que nous importe en effet que les Grecs ayent regardé ou non ce caractere comme une lettre, & que dans l'écriture ordinaire ils ne l'ayent pas employé comme les autres lettres ? n'avons-nous pas à opposer à l'usage des Grecs celui de toutes les Nations de l'Europe, qui se servent aujourd'hui de l'alphabet latin, qui y placent ce caractere, & qui l'employent dans les mots comme toutes les autres lettres ? Pourquoi l'autorité des modernes le céderoit-elle sur ce point à celle des anciens, ou pourquoi ne l'emporteroit-elle pas, du-moins par la pluralité des suffrages ?

C'est, dit-on, que l'usage moderne ne doit son origine qu'à la négligence de quelques copistes malhabiles, & que celui des Grecs paroît venir d'une institution réfléchie. Cet usage qu'on appelle moderne est pourtant celui de la langue hébraïque, dont le hé , n'est rien autre chose que notre h ; & cet usage paroît tenir de plus près à la premiere institution des lettres, & au seul tems où, selon la judicieuse remarque de M. Duclos (Remarq. sur le v. chap. de la I. part. de la Grammaire générale), l'orthographe ait été parfaite.

Les Grecs eux-mêmes employerent au commencement le caractere H, qu'ils nomment aujourd'hui , à la place de l'esprit rude qu'ils introduisirent plus tard ; d'anciens grammairiens nous apprennent qu'ils écrivoient pour , HEKATON pour , & qu'avant l'institution des consonnes aspirées, ils écrivoient simplement la ténue & H ensuite, pour . Nous avons fidélement copié cet ancien usage des Grecs dans l'orthographe des mots que nous avons empruntés d'eux, comme dans rhétorique, théologie ; & eux-mêmes n'étoient que les imitateurs des Phéniciens à qui ils devoient la connoissance des lettres, comme l'indique encore le nom grec , assez analogue au nom hé ou heth des Phéniciens & des Hébreux.

Ceux donc pour qui l'autorité des Grecs est une raison déterminante, doivent trouver dans cette pratique un témoignage d'autant plus grave en faveur de l'opinion que je défens ici, que c'est le plus ancien usage, &, à tout prendre, le plus universel, puisqu'il n'y a guere que l'usage postérieur des Grecs qui y fasse exception.

Au surplus, il n'est pas tout-à-fait vrai qu'ils n'ayent employé que comme les accens le caractere qu'ils ont substitué à h. Ils n'ont jamais placé les accens que sur des voyelles, parce qu'il n'y a en effet que les sons qui soient susceptibles de l'espece de modulation qu'indiquent les accens, & que cette sorte de modification est très-différente de l'explosion désignée par les consonnes. Mais ce que la grammaire greque nomme esprit se trouve quelquefois sur les voyelles & quelquefois sur des consonnes. Voyez ESPRIT.

Dans le premier cas, il en est de l'esprit sur la voyelle, comme de la consonne qui la précede ; & l'on voit en effet que l'esprit se transforme en une consonne, ou la consonne en un esprit, dans le passage d'une langue à une autre ; le grec devient ver en latin ; le fabulari latin devient hablar en espagnol. On n'a pas d'exemple d'accens transformés en consonnes, ni de consonnes métamorphosées en accens.

Dans le second cas, il est encore bien plus évident que ce qu'indique l'esprit est de même nature que ce dont la consonne est le signe. L'esprit & la consonne ne sont associés que parce que chacun de ces caracteres représente une articulation, & l'union des deux signes est alors le symbole de l'union des deux causes d'explosion sur le même son. Ainsi le son de la premiere syllabe du mot grec est articulé comme le même son e dans la premiere syllabe du mot latin creo : ce son dans les deux langues est précédé d'une double articulation ; ou, si l'on veut, l'explosion de ce son y a deux causes.

Non-seulement les Grecs ont placé l'esprit rude sur des consonnes, ils ont encore introduit dans leur alphabet des caracteres représentatifs de l'union de cet esprit avec une consonne, de même qu'ils en ont admis d'autres qui représentent l'union de deux consonnes : ils donnent aux caracteres de la premiere espece le nom de consonnes aspirées, , ,

, & à ceux de la seconde le nom de consonnes doubles, , , . Comme les premieres sont nommées aspirées, parce que l'aspiration leur est commune & semble modifier la premiere des deux articulations, on pouvoit donner aux dernieres la dénomination de sifflantes, parce que le sifflement leur est commun & y modifie aussi la premiere articulation : mais les unes & les autres sont également doubles & se décomposent effectivement de la même maniere. De même que vaut , que vaut , & que vaut ; ainsi vaut , vaut KH, &

vaut TH.

Il paroît donc qu'attribuer l'introduction de la lettre h dans l'alphabet à la prétendue indolence des copistes, c'est une conjecture hasardée en faveur d'une opinion à laquelle on tient par habitude, ou contre un sentiment dont on n'avoit pas approfondi les preuves, mais dont le fondement se trouve chez les Grecs mêmes à qui l'on prête assez légerement des vûes tout opposées.

Quoi qu'il en soit, la lettre h a dans notre orthographe différens usages qu'il est essentiel d'observer.

I. Lorsqu'elle est seule avant une voyelle dans la même syllabe, elle est aspirée ou muette.

1°. Si elle est aspirée, elle donne au son de la voyelle suivante cette explosion marquée qui vient de l'augmentation de la force expulsive, & alors elle a les mêmes effets que les autres consonnes. Si elle commence le mot, elle empêche l'élision de la voyelle finale du mot précédent, ou elle en rend muette la consonne finale. Ainsi au lieu de dire avec élision funest'hasard en quatre syllabes, comme funest'ardeur, on dit funest-e-hasard en cinq syllabes, comme funest-e-combat ; au contraire, au lieu de dire au pluriel funeste-s hasards comme funeste s ardeurs, on prononce sans s funest'hasards, comme funeste'combats.

2°. Si la lettre h est muette, elle n'indique aucune explosion pour le son de la voyelle suivante, qui reste dans l'état naturel de simple émission de la voix ; dans ce cas, h n'a pas plus d'influence sur la prononciation que si elle n'étoit point écrite : ce n'est alors qu'une lettre purement étymologique, que l'on conserve comme une trace du mot radical où elle se trouvoit, plûtôt que comme le signe d'un élément réel du mot où elle est employée ; & si elle commence le mot, la lettre finale du mot précédent, soit voyelle, soit consonne, est réputée suivie immédiatement d'une voyelle. Ainsi au lieu de dire sans élision titr-e honorable, comme titr-e favorable, on dit titr'honorable, avec élision, comme titr-e onéreux : au contraire, au lieu de dire au pluriel titre'honorables, comme titre'favorables, on dit, en prononçant s, titre-s honorables, comme titre-s onéreux.

Notre distinction de l'h aspirée & de l'h muette répond à celle de l'esprit rude & de l'esprit doux des Grecs ; mais notre maniere est plus gauche que celle des Grecs, puisque leurs deux esprits avoient des signes différens, & que nos deux h sont indiscernables par la figure.

Il semble qu'il auroit été plus raisonnable de supprimer de notre orthographe tout caractere muet ; & celle des Italiens doit par-là même arriver plûtôt que la nôtre à son point de perfection, parce qu'ils ont la liberté de supprimer les h muettes ; uomo, homme ; uomini, hommes ; avere, avoir, &c.

Il seroit du-moins à souhaiter que l'on eût quelques regles générales pour distinguer les mots où l'on aspire h, de ceux où elle est muette : mais celles que quelques-uns de nos grammairiens ont imaginées sont trop incertaines, fondées sur des notions trop éloignées des connoissances vulgaires, & sujettes à trop d'exceptions : il est plus court & plus sûr de s'en rapporter à une liste exacte des mots où l'on aspire. C'est le parti qu'a pris M. l'abbé d'Olivet, dans son excellent Traité de la Prosodie françoise : le lecteur ne sauroit mieux faire que de consulter cet ouvrage, qui d'ailleurs ne peut être trop lû par ceux qui donnent quelque soin à l'étude de la langue françoise.

II. Lorsque la lettre h est précédée d'une consonne dans la même syllabe, elle est ou purement étymologique, ou purement auxiliaire, ou étymologique & auxiliaire tout à-la-fois. Elle est étymologique, si elle entre dans le mot écrit par imitation du mot radical d'où il est dérivé ; elle est auxiliaire, si elle sert à changer la prononciation naturelle de la consonne précédente.

Les consonnes après lesquelles nous l'employons en françois sont c, l, p, r, t.

1°. Après la consonne c, la lettre h est purement auxiliaire, lorsqu'avec cette consonne elle devient le type de l'articulation forte dont nous représentons la foible par j, & qu'elle n'indique aucune aspiration dans le mot radical : telle est la valeur de h dans les mots chapeau, cheval, chameau, chose, chûte, &c. L'orthographe allemande exprime cette articulation par sch, & l'orthographe angloise par sh.

Après c la lettre h est purement étymologique dans plusieurs mots qui nous viennent du grec ou de quelque langue orientale ancienne, parce qu'elle ne sert alors qu'à indiquer que les mots radicaux avoient un k aspiré, & que dans le mot dérivé elle laisse au c la prononciation naturelle du k, comme dans les mots, Achaïe, Chersonese, Chiromancie, Chaldèe, Nabuchodonosor, Achab, que l'on prononce comme s'il y avoit Akaie, Kersonèse, Kiromancie, Kaldée, Nabukodonosor, Akab.

Plusieurs mots de cette classe étant devenus plus communs que les autres parmi le peuple, se sont insensiblement éloignés de leur prononciation originelle, pour prendre celle du ch françois. Les fautes que le peuple commet d'abord par ignorance deviennent enfin usage à force de répétitions, & font loi, même pour les savans. On prononce donc aujourd'hui à la françoise, archevêque, archiépiscopal ; Achéron prédominera enfin, quoique l'opéra paroisse encore tenir pour Akéron. Dans ces mots la lettre h est auxiliaire & étymologique tout à-la-fois.

Dans d'autres mots de même origine, où elle n'étoit qu'étymologique, elle en a été supprimée totalement ; ce qui assûre la durée de la prononciation originelle & de l'orthographe analogique : tels sont les mots caractere, colere, colique, qui s'écrivoient autrefois charactere, cholere, cholique. Puisse l'usage amener insensiblement la suppression de tant d'autres lettres qui ne servent qu'à défigurer notre orthographe ou à l'embarrasser !

2°. Après la consonne l la lettre h est purement auxiliaire dans quelques noms propres, où elle donne à l la prononciation mouillée ; comme dans Milhaud (nom de ville), où la lettre l se prononce comme dans billot.

3°. H est tout à-la-fois auxiliaire & étymologique dans ph ; elle y est étymologique, puisqu'elle indique que le mot vient de l'hébreu ou du grec, & qu'il y a à la racine un p avec aspiration, c'est-à-dire un phé , ou un phi : mais cette lettre est en même tems auxiliaire, puisqu'elle indique un changement dans la prononciation originelle du p, & que ph est pour nous un autre symbole de l'articulation déjà désignée par f. Ainsi nous prononçons, Joseph, philosophe, comme s'il y avoit Josef, filosofe.

Les Italiens employent tout simplement f au lieu de ph ; en cela ils sont encore plus sages que nous, & n'en sont pas moins bons étymologistes.

4°. Après les consonnes r & t, la lettre h est purement étymologique ; elle n'a aucune influence sur la prononciation de la consonne précédente, & elle indique seulement que le mot est tiré d'un mot grec ou hébreu, où cette consonne étoit accompagnée de l'esprit rude, de l'aspiration, comme dans les mots rhapsodie, rhétorique, théologie, Thomas. On a retranché cette h étymologique de quelques mots, & l'on a bien fait : ainsi l'on écrit, trésor, trône, sans h ; & l'orthographe y a gagné un degré de simplification.

Qu'il me soit permis de terminer cet article par une conjecture sur l'origine du nom ache que l'on donne à la lettre h, au lieu de l'appeller simplement he en aspirant l'e muet, comme on devroit appeller be, pe, de, me, &c. les consonnes b, p, d, m, &c.

On distingue dans l'alphabet hébreu quatre lettres gutturales, , , , , aleph, hé, kheth, aïn, & on les nomme ahécha (Grammaire hébraïque par M. l'abbé Ladvocat, page 6.) Ce mot factice est évidemment résulté de la somme des quatre gutturales, dont la premiere est a, la seconde hé, la troisiéme kh ou ch, & la quatriéme a ou ha. Or ch, que nous prononçons quelquefois comme dans Chalcédoine, nous le prononçons aussi quelquefois comme dans chanoine ; & en le prononçant ainsi dans le mot factice des gutturales hébraïques, on peut avoir dit de notre h que c'étoit une lettre gutturale, une lettre ahécha, par contraction une acha, & avec une terminaison françoise, une ache. Combien d'étymologies reçûes qui ne sont pas fondées sur autant de vraisemblance ! (B. E. R. M.)


H(Ecriture) Il y a dans l'Ecriture trois sortes d'h, l'italienne, la coulée, & la ronde : l'italienne se forme de la partie du milieu de l'f, de la premiere partie de l'x pour sa tête, avec la premiere & la septieme partie de l'o : la coulée a les mêmes racines, si l'on en excepte sa tête, qui se tire aussi des sixieme, septieme, huitieme, & premiere parties de l'o : la ronde est un assemblage des huitieme, premiere & seconde parties de l'o ; elle prend son milieu de l'f, & la partie inférieure de l'j consonne rond ; pour son extrémité supérieure, c'est la deuxieme partie de la courbe supérieure de la seconde partie de l'o. Ces trois h se forment toutes du mouvement mixte des doigts & du poignet. Voyez nos Planches d'Ecriture.


HABACUC(Théologie) l'un des douze petits prophetes dont les prophéties sont contenues dans le canon de l'ancien testament. Voyez PROPHETE & PROPHETIE.

Ce nom s'écrit en hébreu par hheth, & signifie un lutteur ; les traducteurs grecs l'appellent Ambakoum.

On ne sait point au juste le tems auquel Habacuc a vécu ; mais comme il prédit la ruine des Juifs par les Chaldéens, on en peut conclure qu'il prophétisoit avant le regne de Sédécias ou vers celui de Manassès. Sa prophétie ne consiste qu'en trois chapitres.

S. Jérôme le confond avec un autre Habacuc dont il est fait mention dans le prophete Daniel, & à qui l'on attribue l'histoire de Bel & du dragon contenue dans le livre du même prophete dont il le fait contemporain : mais c'est une erreur que personne n'a suivie. (G)


HABARS. f. (Géogr.) ancienne ville de Perse aujourd'hui ruinée, sur la route de Sultanie à Kom, dans l'Irac-Agemi ; c'est vraisemblablement la même ville qui est nommée Ebher ou Ebcher dans les cartes de M. Delisle & d'Oléarius. Long. 67. lat. 36. 12. (D.J.)


HABASCONS. m. (Botan.) racine qui croît en Virginie ; elle est de la figure & de la grosseur de nos panais. Les Indiens la mangent. On la dit apéritive. On sent combien cette description est vague.


HABASES. m. (Hist. mod.) c'est le douzieme mois de l'année éthiopienne ; il a trente jours comme les autres mois : & l'année de cette contrée commençant au 19e d'Août, le premier jour d'Habase est le 18e de notre mois de Juillet.


HABATA(Géog.) province d'Afrique au royaume de Fez, dans la partie occidentale, près du détroit de Gibraltar.


HABDALAS. f. (Hist. mod.) cérémonie en usage chez les Juifs pour finir le jour du sabbat, & qui consiste en ce que chacun étant de retour de la priere, ce qui arrive à l'entrée de la nuit, lorsqu'on a pû découvrir quelques étoiles, on allume un flambeau ou une lampe ; le chef de famille prend du vin, des épiceries odoriférantes, les benit, les flaire, pour commencer sa semaine par une sensation agréable, & souhaite que tout réussisse heureusement dans la nouvelle semaine où l'on vient d'entrer ; ensuite il benit la clarté du feu dont on ne s'est pas encore servi, & songe à commencer à travailler. Le mot habdala signifie distinction, & on l'applique à cette cérémonie, pour marquer que le jour du sabbat est fini, & que celui du travail commence. Les Juifs en se saluant ce soir-là ne se disent pas bon soir, mais Dieu vous donne une bonne semaine. Dictionnaire des Arts. (G)


HABES. f. (Hist. mod.) vêtement des Arabes. C'est ou une casaque toute d'une venue, d'un gros camelot rayé de blanc ; ou une grande veste blanche d'une étoffe tissue de poil de chevre & de lin, qui leur descend jusqu'aux talons, & dont les manches tombent sur leurs bras, comme celles de nos moines Bernardins & Bénédictins. La habe avec le capuchon est sur-tout à l'usage des Arabes de Barbarie qui demeurent dans les campagnes, où ils vivent sous des tentes, loin des villes dont ils méprisent le séjour & les habitans.


HABEAS CORPUS(Jurisprud. d'Angleterre) loi commune à tous les sujets anglois, & qui donne à un prisonnier la facilité d'être élargi sous caution.

Pour bien entendre cette loi, il faut savoir que lorsqu'un Anglois est arrêté, à-moins que ce ne soit pour crime digne de mort, il envoye une copie du mittimus au chancelier, ou à quelque juge de l'échiquier que ce soit, lequel est obligé, sans déplacer, de lui accorder l'acte nommé habeas corpus. Sur la lecture de cet acte, le geolier ou concierge doit amener le prisonnier, & rendre compte des raisons de sa détention au tribunal auquel l'acte est renvoyé. Alors le juge prononce si le prisonnier est dans le cas de pouvoir donner caution ou non ; s'il n'est pas dans le cas de la donner, il est renvoyé dans la prison ; s'il en a le droit, il est renvoyé sous caution.

C'est un des plus beaux privileges dont une nation libre puisse jouir ; car en conséquence de cet acte, les prisonniers d'état ont le droit de choisir le tribunal où ils veulent être jugés, & d'être élargis sous caution, si on n'allegue point la cause de leur détention, ou qu'on differe de les juger.

Cette loi nécessaire pour prévenir les emprisonnemens arbitraires dont un roi se serviroit pour se rendre absolu, pourroit avoir de fâcheuses suites dans les cas extraordinaires, par exemple dans une conspiration, où l'observation exacte des formalités favoriseroit les mal-intentionnés, & assûreroit aux personnes suspectes la facilité d'exécuter leurs mauvais desseins. Il semble donc que dans des cas de cette nature le bien public demande qu'on suspende la loi pour un certain tems ; & en effet depuis son établissement, elle l'a été quelquefois en Angleterre.

Elle le fut pour un an en 1722, parce qu'il y avoit des bruits d'une conspiration formée contre le roi George I. & contre l'état. Les seigneurs qui opinerent alors dans la chambre haute pour cette suspension, dirent que quand un acte devenoit contraire au bien public par des circonstances rares & imprévûes, il falloit nécessairement le mettre à l'écart pour un certain tems ; que dans la République Romaine composée du pouvoir royal, de celui des nobles, & de celui du peuple représenté par le sénat & les tribuns, les consuls n'avoient qu'un pouvoir assez limité ; mais qu'au premier bruit d'une conspiration, ces magistrats étoient dès-lors revêtus d'une autorité suprème, pour veiller à la conservation de la république. Cependant d'autres seigneurs attaquerent la suspension en général, & plus encore la durée, à laquelle ils s'opposerent par de fortes raisons. Ils soutinrent qu'un tel bill accordoit au roi d'Angleterre un pouvoir aussi grand que l'étoit celui d'un dictateur romain ; qu'il faudroit que personne ne fût arrêté, qu'on ne lui nommât le délateur qui l'auroit rendu suspect, afin qu'il parût que la conspiration ne servoit pas de couverture à d'autres sujets de mécontentement ; que l'acte habeas corpus n'avoit pas encore été suspendu pour plus de six mois ; qu'en le suspendant pour un an, on autoriseroit par ce funeste exemple le souverain à en demander la prorogation pour une seconde année ou davantage : au moyen de quoi l'on anéantiroit insensiblement l'acte qui assûroit mieux que tout autre la liberté de la nation.

" Il est vrai, dit à ce sujet l'auteur de l'Esprit des loix, que si la puissance législative laisse à l'exécutrice le droit d'emprisonner des citoyens qui pourroient donner caution de leur conduite, il n'y a plus de liberté ; mais s'ils ne sont arrêtés que pour répondre sans délai à une accusation que la loi a rendu capitale, alors ils sont réellement libres, puisqu'ils ne sont soumis qu'à la puissance de la loi. Enfin si la puissance législative se croit en danger par quelque conspiration secrette contre l'état, ou quelque intelligence avec les ennemis du dehors, elle peut, pour un tems court & limité, permettre à la puissance exécutrice de faire arrêter les citoyens suspects, qui ne perdront leur liberté pour un tems, que pour la conserver pour toujours ". (D.J.)


HABELSCHWERDA(Géog.) ville de Bohème, au comté de Glatz.


HABERWERTH(Géog.) jolie ville de Bohème, sur la Neiss, au comté de Glatz.


HABHAZZISS. f. (Hist. nat. Botan.) nom donné par quelques auteurs à une plante d'Afrique qui produit sous terre un fruit en petits globules, qui a le goût d'une amande, & qui est attaché à la racine de la plante par des petites fibres ou filets. Les Africains s'en nourrissent, & les Espagnols les appellent avellana, parce que ce fruit ressemble à des avelines. On dit que la plante qui la produit est le trasi. Voyez Supplém. de Chambers.


HABILE(Gramm.) terme adjectif, qui, comme presque tous les autres, a des acceptions diverses, selon qu'on l'employe : il vient évidemment du latin habilis, & non pas, comme le prétend Pezron, du celte abil : mais il importe plus de savoir la signification des mots que leur source.

En général il signifie plus que capable, plus qu'instruit, soit qu'on parle d'un général, ou d'un savant, ou d'un juge. Un homme peut avoir lû tout ce qu'on a écrit sur la guerre, & même l'avoir vûe, sans être habile à la faire : il peut être capable de commander ; mais pour acquérir le nom d'habile général, il faut qu'il ait commandé plus d'une fois avec succès.

Un juge peut savoir toutes les loix, sans être habile à les appliquer. Le savant peut n'être habile ni à écrire, ni à enseigner. L'habile homme est donc celui qui fait un grand usage de ce qu'il sait. Le capable peut, & l'habile exécute.

Ce mot ne convient point aux arts de pur génie ; on ne dit pas un habile poëte, un habile orateur ; & si on le dit quelquefois d'un orateur, c'est lorsqu'il s'est tiré avec habileté, avec dextérité d'un sujet épineux.

Par exemple, Bossuet ayant à traiter dans l'oraison funebre du grand Condé l'article de ses guerres civiles, dit qu'il y a une pénitence aussi glorieuse que l'innocence même. Il manie ce morceau habilement, & dans le reste il parle avec grandeur.

On dit habile historien, c'est-à-dire historien qui a puisé dans de bonnes sources, qui a comparé les relations, qui en juge sainement, en un mot qui s'est donné beaucoup de peine. S'il a encore le don de narrer avec l'éloquence convenable, il est plus qu'habile, il est grand historien, comme Tite-Live, de Thou.

Le mot d'habile convient aux arts qui tiennent à-la-fois de l'esprit & de la main, comme la Peinture, la Sculpture. On dit un habile peintre, un habile sculpteur, parce que ces arts supposent un long apprentissage ; au lieu qu'on est poëte presque tout d'un coup, comme Virgile, Ovide, &c. & qu'on est même orateur sans avoir beaucoup étudié, ainsi que plus d'un prédicateur.

Pourquoi dit-on pourtant habile prédicateur ? c'est qu'alors on fait plus d'attention à l'art qu'à l'éloquence ; & ce n'est pas un grand éloge. On ne dit pas du sublime Bossuet, c'est un habile faiseur d'oraisons funebres. Un simple joueur d'instrumens est habile ; un compositeur doit être plus qu'habile, il lui faut du génie. Le metteur en oeuvre travaille adroitement ce que l'homme de goût a dessiné habilement.

Dans le style comique, habile peut signifier diligent, empressé. Moliere fait dire à M. Loyal :

.... Que chacun soit habile

A vuider de céans jusqu'au moindre ustensile.

Un habile homme dans les affaires est instruit, prudent, & actif : si l'un de ces trois mérites lui manque, il n'est point habile.

L'habile courtisan emporte un peu plus de blâme que de louange ; il veut dire trop souvent habile flateur, il peut aussi ne signifier qu'un homme adroit, qui n'est ni bas ni méchant. Le renard qui, interrogé par le lion sur l'odeur qui exhale de son palais, lui répond qu'il est enrhûmé, est un courtisan habile. Le renard qui pour se vanger de la calomnie du loup, conseille au vieux lion la peau d'un loup fraîchement écorché, pour réchauffer sa majesté, est plus qu'habile courtisan. C'est en conséquence qu'on dit, un habile fripon, un habile scélérat.

Habile, en Jurisprudence, signifie reconnu capable par la loi ; & alors capable veut dire ayant droit, ou pouvant avoir droit. On est habile à succéder ; les filles sont quelquefois habiles à posséder une pairie ; elles ne sont point habiles à succéder à la couronne.

Les particules a, dans, & en, s'employent avec ce mot. On dit, habile dans un art, habile à manier le ciseau, habile en Mathématiques.

On ne s'étendra point ici sur le moral, sur le danger de vouloir être trop habile, ou de faire l'habile homme ; sur les risques que court ce qu'on appelle une habile femme, quand elle veut gouverner les affaires de sa maison sans conseil.

On craint d'enfler ce Dictionnaire d'inutiles déclamations ; ceux qui président à ce grand & important Ouvrage doivent traiter au long les articles des Arts & des Sciences qui instruisent le public ; & ceux auxquels ils confient de petits articles de littérature doivent avoir le mérite d'être courts.


HABILEMENTadv. a les mêmes acceptions ; il travaille, il joue, il enseigne habilement ; il a surmonté habilement cette difficulté. Ce n'est guere la peine d'en dire davantage sur ces petites choses.


HABILETÉS. f. (Gramm.) ce mot est à capacité ce qu'habile est à capable ; habileté dans une science, dans un art, dans la conduite.

On exprime une qualité acquise, en disant, il a de l'habileté ; on exprime une action en disant, il a conduit cette affaire avec habileté.


HABILITATIONS. f. (Jurisprud.) est l'action de procurer à quelqu'un l'habileté ou capacité de faire quelque chose ; par exemple le consentement du pere de famille habilite le fils de famille à s'obliger ; l'autorisation du mari habilite la femme à contracter ; les lettres de naturalité habilitent les étrangers à posséder en France des offices & bénéfices. Voyez REHABILITATION. (A)


HABILLAGES. m. voyez HABILLER, (Cuisine, Pelletier, Potier de terre, &c.)


HABILLÉadj. terme de Blason. Il ne se dit que des figures d'hommes & de femmes couvertes de leurs habits. On dit aussi un navire d'or habillé d'argent, pour dire, qu'il a ses voiles & ses agrès. Dictionnaire de Trévoux.


HABILLEMENTS. m. voyez HABIT.

HABILLEMENT, ÉQUIPEMENT, & ARMEMENT DES TROUPES, (Art milit.) Ces trois dénominations expriment collectivement les divers effets uniformes qui servent à habiller, à équiper, & à armer les cavaliers, hussards, dragons & soldats. Nous donnerons ci-après des devis détaillés de ces effets.

Cette opération doit suivre immédiatement celle des enrollemens dont nous traiterons dans un article particulier ; voyez LEVEE DE TROUPES, & précéder celle des exercices, matiere approfondie au-moins dans les préceptes & dans la théorie. Voyez EXERCICE, ÉVOLUTION. Toutes trois par un concours mutuel tendent à l'amélioration de la police, de l'art, & du méchanisme de la guerre.

Dans notre ancienne institution militaire, presque tous les corps étoient livrés à une routine arbitraire qui se plioit aux caprices des colonels, & perpétuoit les défectuosités & les abus. Un ministre chéri de tout le militaire, animé d'un zele ardent pour la perfection du service, apperçut le desordre, & s'appliqua à y remédier. Occupé des plus grands objets, M. le comte d'Argenson ne dédaigna pas de descendre aux moindres détails : on essaya des changemens, on multiplia les épreuves ; un plan de réforme, fruit des méditations d'illustres guerriers, fut arrêté ; & enfin la qualité, l'espece, la quantité, la forme & les proportions de chaque partie d'habillement, d'équipement & d'armement, furent sous son ministere, successivement déterminées par plusieurs ordonnances & réglemens que nous ne ferons ici que rapprocher & résumer. Les colonels, commandans & majors des corps, ne doivent y permettre aucune altération ni changement, à peine de répondre des contraventions.

Lorsque le roi ordonne la levée d'un régiment, Sa Majesté pourvoit, pour cette premiere fois, par un traitement particulier accordé aux capitaines, à la dépense de l'habillement, de l'équipement, & de l'armement à neuf de chaque troupe.

Et pour assûrer d'une maniere stable & uniforme l'entretien de toutes les parties qui en dépendent, elle a réglé qu'elles ne seroient plus renouvellées en totalité, mais seulement par tiers, par quart, ou suivant la partie jugée nécessaire par les inspecteurs généraux de ses troupes ; disposition nouvelle par laquelle on a judicieusement sacrifié l'agrément du coup d'oeil à l'utilité.

Au moyen du traitement que le roi fait à ses troupes, tant de cavalerie que d'infanterie, soit à titre de solde pour les unes & les autres, soit à titre d'ustensile ou d'écus de campagne pour celles de cavalerie, les cavaliers, hussards & dragons sont obligés de s'entretenir en tout tems de linge, de culottes, bas & souliers ; d'entretenir leurs chevaux de ferrage, de conserver leurs armes nettes, & d'y faire les menues réparations, ensorte qu'elles soient toûjours en bon état ; & les soldats de s'entretenir de linge, de chaussure, & de tenir également leurs armes propres & en bon état.

Outre ce traitement, le roi fait payer tant en paix qu'en guerre, vingt deniers par jour pour chaque sergent, & dix deniers pour chaque brigadier, cavalier, hussard, dragon & soldat, pour composer une masse toûjours complete , sans avoir égard aux hommes qui peuvent manquer dans les compagnies.

Cette masse est spécialement affectée aux dépenses principales & accessoires du renouvellement & de l'entretien de l'habillement, de l'équipement, & de l'armement des troupes. Le fonds en demeure entre les mains des trésoriers militaires, qui en donnent leurs reconnoissances aux majors ou autres officiers chargés du détail des corps, en deux billets comptables ; l'un à titre de grosse masse sur le pié de douze deniers par sergent, & de six deniers par brigadier, cavalier, hussard, dragon & soldat ; l'autre à titre de petite masse pour les huit deniers restans par sergent, & les quatre deniers par chacun des autres. Les fonds de la masse sont remis, sur la main-levée des inspecteurs généraux, aux entrepreneurs des fournitures d'habillement, d'équipement, & d'armement de chaque corps.

A l'égard des régimens d'infanterie étrangere qui sont au service du roi, & qui jouissent de traitemens différens des troupes nationales, il a été réglé une retenue de trois livres par homme sur le pié complet par mois, à titre de masse, sur la paye de paix de chaque compagnie, & de quatre livres dix sols sur la paye de guerre, dont l'emploi est affecté aux habillement, équipement, armement, & à la petite monture de ces régimens. La petite monture n'est autre chose que le linge & la chaussure dont nous avons dit que le soldat est obligé de s'entretenir sur sa solde. Pour prévenir les inconvéniens & le danger de sa négligence sur cet article qui intéresse essentiellement sa santé, on a établi une retenue journaliere sur sa paye, dont le fonds reste entre les mains de l'officier major de chaque corps. Il en fait manuellement la distribution tous les trois mois, après avoir examiné si toutes les parties de l'équipage militaire ou privé du soldat sont complete s & en bon état. Le décompte des cinq écus de campagne de la cavalerie, se fait avec la même attention en cinq payemens égaux, dans les mois de Juin, Juillet, Août, Septembre & Octobre de chaque campagne. La retenue est réglée à un sou par jour sur la solde des cavaliers, hussards & dragons, & à six deniers sur celle du soldat ; dans la pratique elle est pour l'ordinaire de deux sous pour la cavalerie, & d'un sou pour l'infanterie. Mais il ne suffit pas d'envisager ces objets sous un point de vûe général ; passons au détail des parties d'habillement, d'équipement & d'armement. La connexité & la dépendance réciproque de ces trois branches importantes de l'économie militaire, permettent de les associer sous un même article.

Habillement. L'habillement du cavalier est composé d'un justaucorps de drap de Lodeve ou de Berry, doublé de serge ou d'autre étoffe de laine ; d'une veste de peau de bufle, nommée le bufle ; d'un sarrau de toile pour panser les chevaux ; d'une culotte de peau à double ceinture, d'une seconde culotte de panne rouge, d'un chapeau de laine bordé d'un galon d'argent, & d'un manteau de drap fabriqué à deux envers.

Celui du hussard, d'une pelisse, d'une veste & d'une culotte à la hongroise, de drap bleu céleste, la pelisse doublée de peau en laine de mouton blanc ; d'une culotte de peau, d'un bonnet ou schakos de feutre blanc ou rouge, & d'un manteau de drap bleu de roi.

Celui du dragon, d'un justaucorps & d'une veste de drap doublés d'étoffe de laine, d'un sarrau de toile, d'une culotte de peau, d'une seconde culotte de panne, d'un chapeau bordé en argent, & d'un manteau.

Et celui du soldat, d'un justaucorps de drap doublé d'étoffe de laine, d'une veste de tricot ou d'autre étoffe équivalente aussi doublée, d'une culotte de même étoffe sans doublure, d'un caleçon de toile pour tenir lieu de doublure, & d'un chapeau bordé d'or ou d'argent faux. Les chapeaux des milices de terre sont bordés en poil de chevre blanc ; ceux des soldats gardes-côtes en laine blanche, les bords ayant seize à dix-sept lignes de large.

Les justaucorps sont coupés sur des patrons de trois tailles, grande, moyenne & petite. Ceux de la moyenne doivent avoir trois piés quatre pouces six lignes de hauteur par-devant, & trois piés trois pouces six lignes par-derriere ; ceux de la grande taille un pouce & demi de plus ; ceux de la petite un pouce & demi de moins, & les largeurs proportionnées. Les bufles & vestes doivent être plus courtes de huit à neuf pouces que les justaucorps.

Les paremens des manches sont ronds, de six pouces de haut & de dix-huit pouces de tour ; les pattes sans poches, les poches placées dans les plis de l'habit. Celui du cavalier est garni de deux épaulettes ; celui du dragon d'une seule placée sur l'épaule gauche. Les quantités d'étoffes qui doivent entrer dans chaque partie d'habillement, sont déterminées par les ordonnances qu'on peut consulter.

Les brigadiers & carabiniers dans la cavalerie & dans les dragons à cheval, & les sergens, caporaux & anspessades dans les dragons à pié & dans l'infanterie, sont distingués par des galons d'or, d'argent ou de laine, diversement attachés sur les paremens des manches. Ces marques distinctives sont nécessaires dans les divers détails du service, & sur-tout pour l'accord & la régularité dans l'ordonnance des escadrons & des bataillons. Les tambours des régimens royaux sont habillés à la livrée du Roi ; ceux des régimens de gentilshommes à la livrée des colonels.

Les chapeaux doivent être fabriqués de laine d'agneaux, & exactement feutrés ; ceux de la cavalerie du poids de treize, quatorze & quinze onces, petits, moyens & grands ; ceux des dragons de douze, treize & quatorze onces ; & ceux de l'infanterie de dix, onze & douze onces ; tous d'environ quatre pouces de hauteur de forme, à peine de confiscation & d'amende contre les fabriquans & entrepreneurs, en cas de contravention.

Lorsque les cavaliers, hussards, dragons ou soldats d'une compagnie ne se trouvent pas habillés, équipés & armés, suivant le prescrit des ordonnances, l'inspecteur général ou le commissaire des guerres chargé de la police du corps, ordonnent la retenue des appointemens du capitaine, jusqu'à ce que sa troupe ait été mise de tout point en bon état.

Et lorsqu'après six ans de service ils reçoivent leurs congés absolus dans l'ordre de leur ancienneté, ils emportent de droit leur habit, linge & chapeau ; mais le capitaine a l'option de leur laisser l'habit, ou de leur donner à chacun quinze livres comptant, en les renvoyant avec la veste, le linge & le chapeau.

Equipement. L'équipement du cavalier est composé d'une cartouche à douze coups, d'une bandouliere de bufle, d'un ceinturon aussi de bufle à deux pendans, de bottes molles, guêtres & souliers, d'une besace de toile de coutil, de chemises, col noir & bonnet, de gants, cordon de sabre & coquarde.

Celui du hussard, d'une cartouche à vingt coups, d'une bandouliere, d'un ceinturon & de bottes molles à la hongroise, d'une écharpe & d'un sabretache rouges, d'une besace, de chemises, col noir, bonnet, gants & cordon de sabre.

Celui du dragon, d'une demi-giberne à trente coups, d'une bandouliere, d'un ceinturon à un pendant, de bottines, guêtres & souliers, d'une besace, de chemises, col, bonnet, gants, cordon de sabre & coquarde.

Et celui du fantassin, d'une demi-giberne à trente coups, d'une bandouliere, d'un ceinturon en couteau de chasse, d'un havresac de coutil, de chemises, col, bonnet, guêtres, souliers & coquarde. Le grenadier a une giberne & un ceinturon à deux pendans.

Tout ce qui compose l'équipage du soldat, étant d'un usage indispensable & de nécessité physique, on doit avoir grande attention à ce qu'il soit exactement complet : mais on ne doit pas en donner moins à empêcher qu'il ne se charge de nippes & d'effets superflus, qui dans les marches accablent par leur poids les hommes & les chevaux, en même-tems qu'ils amollissent le soldat dans le repos : " on peut savoir que jamais on n'a prétendu rendre la discipline & la vigueur à une armée, qu'en bannissant le luxe relatif ; que les soldats & les subalternes ont leur luxe ainsi que les autres ".

La visite des besaces & havresacs fait partie des devoirs des maréchaux des logis dans la cavalerie, & des sergens dans l'infanterie, sous l'autorité des officiers respectifs. Cet objet pour être moins relevé, n'en est pas moins important, & ne seroit pas indigne de l'attention des officiers supérieurs ; mais loin de s'y abaisser, eux-mêmes ne tombent que trop souvent dans l'excès à cet égard, par la quantité & la vaine somptuosité de leurs équipages de guerre. La nation ne peut se dissimuler le besoin qu'elle a d'exemples d'austérité & de simplicité en ce genre.

Nous ne rappellerons pas ici ce que nous avons dit ailleurs de plusieurs menus effets & ustensiles dont la cartouche, la giberne & la demi-giberne doivent être garnies (voyez GIBERNE), non plus que ce qui a trait à l'équipement des chevaux de la cavalerie. Voyez les institutions militaires de M. de la Porterie.

Armement. L'armement du cavalier est composé d'un mousqueton, de deux pistolets & d'un sabre, avec un plastron & une calotte.

Celui du hussard, d'un mousqueton, de deux pistolets & d'un sabre.

Celui du dragon, d'un fusil avec la bayonnette à douille, d'un pistolet & d'un sabre.

Et celui du fantassin, d'un fusil avec la bayonnette, & d'une épée, excepté le grenadier qui porte un sabre au lieu d'épée. Voyez GRENADIER.

La longueur du mousqueton est de trois piés six pouces six lignes, le canon ayant deux piés quatre pouces.

Celle du fusil, de quatre piés dix pouces, le canon ayant trois piés huit pouces depuis la lumiere jusqu'à l'extrémité.

Celle du pistolet monté, de seize pouces.

Le calibre des mousquetons, fusils & pistolets, est reglé à une balle de dix-huit à la livre.

La bayonnette à dix-huit pouces de longueur, la douille comprise.

Le sabre est la principale arme de la cavalerie, comme l'est pour l'infanterie le fusil armé de sa bayonnette.

Le sabre de la cavalerie & des dragons est monté à poignée de cuivre à double branche, la lame à dos, de trente-trois pouces de longueur.

Celui des hussards courbé, à monture de cuivre, la poignée couverte de cuir bouilli crenelé, la lame à dos, de trente-cinq pouces de longueur, & de quatorze lignes de large.

Celui du grenadier aussi courbé, à poignée & monture de cuivre, la lame à dos, de trente-un pouces de long.

L'épée à monture de cuivre, la lame à dos, de vingt-six pouces de longueur.

Le sentiment de plusieurs bons officiers de nos jours, étoit qu'on supprimât l'épée du fantassin, comme superflue au moyen de la bayonnette, & incommode dans une action. Pour bonnes considérations sans-doute, on a adopté le parti contraire ; mais en même tems on a dépouillé cette arme de ce qui la rendoit embarrassante. La monture est unie, à demi-coquille, & la lame courte & forte : c'étoit ainsi que la portoient les Romains, nos modeles & nos maîtres dans la science des armes.

Chaque chambrée doit être pourvûe, paix ou guerre, d'une tente, d'une marmite, d'une gamelle & d'un barril ou bidon ; & chaque compagnie de cavalerie & de dragons, en guerre, de sacs à fourrages & de hachoirs.

Les dragons à cheval portent au lieu du second pistolet, une hache, une pelle, ou autre outil propre à remuer la terre & à ouvrir des passages.

Dans chaque compagnie de dragons à pié de soixante hommes, il y a vingt outils, dont huit grosses haches, quatre pelles, quatre pioches, & quatre serpes.

Il doit y en avoir dix dans chaque compagnie d'infanterie de quarante hommes, dont trois pelles, trois pioches, deux haches & deux serpes.

Dans les compagnies des grenadiers, dix grenadiers portent de grosses haches, tous les autres des haches à marteaux, avec des pelles & pioches.

Les outils sont enfermés dans des étuis de cuir ; il seroit à desirer que l'on fournît aussi des sacs de toile pour les marmites & gamelles.

Milices. Il n'y a point de masse établie pour l'habillement & l'armement des milices. Le Roi y pourvoit directement, en faisant verser de ses magasins & arsenaux & répartir dans les provinces, les parties nécessaires à chaque bataillon.

L'équipement des soldats de milice est fourni par les paroisses pour lesquelles ils servent, & composé pour chacun d'une veste & d'une culotte, d'un chapeau, d'une paire de guêtres & d'une paire de souliers, de deux chemises, un col noir & un havresac.

Officiers. L'habillement des officiers doit être en tout semblable à celui du soldat, excepté que les étoffes sont d'une qualité supérieure. Leurs manteaux ou redingotes doivent être aussi des couleurs affectées à chaque régiment. Il est expressément défendu aux officiers de porter, étant à leurs corps, d'autre habit que l'uniforme, comme le plus décent & le plus convenable pour les faire reconnoître & respecter du soldat ; comme aussi d'y faire des changemens, ni d'y ajoûter aucuns ornemens superflus, sous peine d'interdiction.

L'armement des officiers est composé pour la cavalerie de deux pistolets, d'une épée à monture de cuivre doré, la lame à dos de trente-un pouces de long, & d'une cuirasse.

Pour les hussards, de deux pistolets & d'un sabre courbé, la monture de cuivre doré, la lame pareille à celle des hussards.

Pour les dragons, d'un fusil avec la bayonnette, de deux pistolets, & d'une épée semblable à celles de la cavalerie, avec une gibeciere garnie de six cartouches.

Et pour l'infanterie, d'un esponton & d'une épée.

Les officiers & les sergens de grenadiers sont armés de fusils & bayonnettes avec la gibeciere ; les sergens des compagnies de fusiliers, de halebardes & d'épées.

Le haussecol n'est ni arme, ni armure : il est seulement la marque du service actuel des officiers d'infanterie, ainsi que le sont les bottes & les bottines, du service actuel des officiers de cavalerie & de dragons.

On a souvent proposé de faire armer tous les officiers & sergens d'infanterie, comme le soldat : c'étoit bien aussi le sentiment de M. le maréchal de Puysegur, qui doit être d'un grand poids dans cette matiere. Ce qui forme un puissant préjugé en faveur de cette méthode, c'est qu'encore qu'elle soit proscrite par les ordonnances, la pratique ordinaire des officiers dans une action, est d'abandonner l'esponton, & de saisir un fusil armé de sa bayonnette. Voici une nouvelle autorité : " Le fusil avec sa bayonnette, dit un auteur accrédité, étant tout-à-la-fois arme à feu & halebarde, pourquoi les sergens & officiers n'en portent-ils pas ? Pourquoi se prive-t-on ainsi de cinq armes par compagnie, qui seroient portées par ce qu'il y a de meilleur " ?

Nous avons dit que le soldat doit entretenir son armure, & y faire les menues réparations dont elle a besoin : il faut l'obliger aussi à la tenir dans la plus grande propreté. " Les Romains avoient fort à coeur cette propreté dans leurs soldats ; ils les forçoient à nettoyer & à fourbir souvent leurs cuirasses, leurs casques & leurs lances, persuadés que l'éclat des armes imposoit beaucoup à l'ennemi ".

Nous ne parlerons pas ici des uniformes des officiers généraux, de ceux des états-majors des armées, des aides-de-camp, des commissaires des guerres, des chirurgiens militaires, & d'autres établis par divers réglemens auxquels nous renvoyons. On s'étonne qu'il n'en ait pas encore été déterminé un pour les officiers des états-majors des places de guerre, qui puisse en toute occasion les faire reconnoître dans les fonctions importantes & purement militaires dont ils sont chargés.

Il est défendu à tous sujets, autres que les militaires, de porter aucun habit uniforme des troupes ; à tous marchands d'en acheter & exposer en vente, même d'en garder dans leurs magasins, à peine de confiscation & de deux cent livres d'amende ; & à tous cavaliers, hussards, dragons & soldats, de vendre leurs habits, armes ou autres effets uniformes, sous peine des galeres perpétuelles.

Les officiers même ne peuvent vendre les armes de leurs compagnies, à peine de cassation ; ni les armuriers ou autres, les acheter, à peine de confiscation & de cinq cent livres d'amende. Les armes de réforme sont déposées dans les arsenaux du Roi, & Sa Majesté, sur l'estimation qui en est faite, pourvoit au dédommagement des capitaines.

Ils doivent faire retirer des hôpitaux les habillemens, armemens, effets & argent des soldats décédés, dans l'an & jour de la date du décès ; ce tems passé, ils demeurent au profit des entrepreneurs des hôpitaux.

Aucun officier ne doit habiller ses valets de l'uniforme du soldat, à peine contre l'officier de cassation, & contre les valets, d'être punis comme passe-volans.

M. le maréchal de Saxe, dont la mémoire est à jamais consacrée dans nos fastes militaires, avoit suggéré plusieurs changemens avantageux dans l'habillement de nos troupes ; mais ses idées sur cet article, toutes lumineuses & salutaires qu'elles sont, paroissent à beaucoup d'égards trop éloignées de nos moeurs, & peut-être de nos préjugés. Nos yeux seroient blessés de l'aspect d'un bataillon chaussé de sandales semelées de bois, & de soldats en vestes, couverts de manteaux à la turque, avec des capuchons & des perruques de peau d'agneau. D'ailleurs seroit-il bien aisé de soumettre à cet accoutrement sauvage, l'esprit vain du soldat françois jaloux de parure, & qui pour l'ordinaire a autant d'amour propre que de bravoure ?

Nous pensons qu'on peut se fixer à ce qui est établi par rapport à l'habillement de nos troupes, surtout si les commandans des corps portent leur attention comme ils le doivent, à empêcher toute manoeuvre contraire au bien du service dans cette partie, soit de la part des entrepreneurs toûjours avides, soit de celle des officiers députés des corps, qui ne sont pas tous également inaccessibles à la seduction. Cet habillement, dans sa bisarrerie même, est approprié aux usages & au caractere de la nation ; & cette conformité est une raison de préférence, parce qu'en matiere de goût & d'opinion, la volonté générale doit être consultée.

Les proportions reglées à trois hauteurs & largeurs, fournissent à toutes les tailles des justaucorps & des vestes amples & aisés. Nous voudrions que les culottes fussent plus hautes & plus profondes, afin de laisser plus de liberté aux mouvemens du soldat dans les exercices qui appartiennent à la gymnastique ; même qu'elles fussent garnies de ceintures très-larges, capables de garantir les reins contre l'humidité, lorsque le soldat est couché. Rien ne doit être négligé de ce qui tend à perfectionner les formes pour la plus grande commodité du service, & à conserver des hommes d'une espece si précieuse, sur-tout dans ce siecle belliqueux, & dans le déclin malheureusement trop sensible de notre population. Peut-être seroit-il plus avantageux encore de fournir au soldat des culottes de peau au lieu d'étoffe.

Il doit avoir deux paires de guêtres de toile, l'une blanche pour les revûes & les parades, l'autre noire pour les marches & le service ordinaire.

On a proposé de substituer aux havresacs de toile, ceux de peaux de chien ou de chevre garnies de poil, tels qu'ils sont en usage dans les troupes étrangeres ; ils ont la propriété de garantir les effets du soldat contre la pluie & l'humidité ; & cet avantage est sans-doute bien désirable. On souhaiteroit aussi des outres de peau de bouc au lieu de barrils, pour mettre la boisson du soldat.

Les besaces des cavaliers, hussards & dragons, sont faites en forme de porte-manteau, longues de l'épaisseur d'un cheval, & d'une grandeur déterminée sur la quantité de nippes, d'effets, ustensiles & denrées qu'elles doivent renfermer.

La chaussure & la coëffure des troupes sont deux points dignes de la plus grande attention, parce que la santé du soldat, conséquemment le complet des régimens & la force des armées, en dépendent essentiellement.

Les sandales ou galoches à semelles de cuir fort garnies de clous, ne sont point une nouveauté dans nos troupes. Beaucoup de vieux soldats éclairés par une longue expérience, en font leur chaussure ordinaire dans les mauvais tems. On a imaginé depuis peu pour nos troupes employées en Canada, des souliers ferrés à doubles semelles fortes, garnis de clous rivés entre deux cuirs, qui résistent long-tems aux plus rudes épreuves, & préservent le pié de toute humidité ; il seroit à desirer que l'usage en fût rendu général pendant l'hiver & dans les marches difficiles ; mais la vanité françoise révoltée ne manquera pas de proscrire encore cette salutaire invention.

Le maréchal de Saxe releve avec raison l'incommodité & le danger de la coëffure de nos soldats. " Je voudrois, dit-il, au lieu de chapeaux, des casques à la romaine ; ils ne pesent pas plus, ne sont point du tout incommodes, garantissent du coup de sabre, & font un très-bel ornement ". Il ajoûte plus bas : " Les casques sont un si bel ornement, qu'il n'y en a point qui lui soit comparable ".

Le régiment de hullans que ce général commandoit en France, étoit ainsi & très-bien coëffé : en effet, le casque donne au soldat un air de guerre que le chapeau ne pourra jamais lui prêter, quelque effort que l'on fasse pour lui donner de la grace par la maniere de le retaper.

Nous avons observé que les habits sont coupés sur des patrons de trois hauteurs & largeurs. Lorsque le tems & les lieux le permettent, la coupe se fait sur la taille des cavaliers, dragons & soldats ; ce qui est toûjours plus expédient. Si l'on n'en a pas l'aisance, la distribution partielle des justaucorps, vestes & culottes se fait d'un tiers de la grande taille, & de deux tiers de la moyenne pour la cavalerie, les dragons & les compagnies de grenadiers où les hommes sont ordinairement de haute stature & bien traversés ; & pour l'infanterie, de moitié de la moyenne taille, d'un quart de la grande, & d'un quart de la petite.

Le Roi, comme nous l'avons dit, fournit de ses magasins & arsenaux, l'habillement & l'armement aux bataillons de milice ; c'est l'usage, voici l'abus. L'officier qui n'attache pas plus de gloire qu'il n'a d'intérêt à la conservation de ces effets, n'y donne qu'une médiocre attention. Les armes dépérissent, l'habit s'use, & le soldal mal armé reste mal propre & mal vétu. Un inspecteur arrive, on exagere encore à ses yeux les besoins de la troupe ; il ordonne des radoubs aux armes, des réparations à l'habillement, & la dépense toûjours enflée tombe à la charge du Roi, qui bien-tôt après, est obligé de faire remplacer le tout à neuf.

Les visites des commissaires des guerres ne sont que des palliatifs contre le mal. Le spécifique seroit de charger les capitaines de milice, de l'entretien de l'habillement, de l'équipement & de l'armement de leurs compagnies, en leur accordant un traitement particulier affecté à cet objet, ou un fonds de masse sur le pié de celui des troupes reglées, pour les tems d'assemblée des bataillons de milice : le bien du service exige, l'humanité même sollicite ce changement ; & nous l'espérons du zele des ministres, malgré le jeu intéressé des ressorts secrets qui s'y opposent.

Il suffit d'avoir expliqué les réglemens généraux sur l'habillement, l'équipement & l'armement des troupes. Les bornes que nous nous prescrivons dans cet article ne nous permettent pas de parler des cas d'exception résultans soit de l'institution primitive, soit de la nature du service de quelques corps. Le détail des différences d'uniformes des régimens n'entre pas non plus dans notre plan ; on les distingue soit par la diversité des couleurs de l'habillement ou de quelques-unes de ses parties ; soit par la forme des pattes de poches, par le nombre, la couleur, le mélange ou l'arrangement des boutons ; soit enfin par la couleur des galons de paremens & des bords de chapeaux.

En général, la cavalerie est habillée de drap bleu, rouge, ou gris piqué de bleu, avec paremens & revers jusqu'à la taille en demi-écarlate.

Les dragons de drap bleu, rouge-garence ou en vermillon.

L'infanterie de drap gris-blanc, bleu, ou rouge.

Toutes les milices, soit de terre, soit garde-côtes, en drap gris-blanc.

Il seroit sans-doute bien utile que chaque arme fût distinguée par sa couleur exclusive ; la cavalerie par le bleu, les dragons par le rouge, & l'infanterie par le gris-blanc, sans mélange de couleurs de l'un des corps à l'autre. L'attachement de quelques régimens aux anciens usages, ou à quelques antiques prérogatives, ne doit pas balancer les avantages sensibles qui résulteroient d'un tel réglement, ni empêcher l'établissement invariable de l'uniformité respective, si essentiellement nécessaire dans toutes les parties du genre militaire. (Article de M. DURIVAL le cadet.)


HABILLERv. act. & pas. (Gramm.) on dit habiller quelqu'un, habiller un régiment, & s'habiller. Le velours habille bien. Ce peintre sait habiller élégamment sa figure. Habiller un auteur étranger à la françoise. Habiller a dans les Arts des acceptions fort différentes. Habiller un animal en Cuisine, c'est le dépouiller de sa peau, si c'est un quadrupede ; le plumer, évuider, piquer, si c'est un oiseau ; le laver, le vuider, le préparer à être cuit, si c'est un poisson. Chez les Cardeurs, habiller une carde, c'est la monter ou la faire : pour cet effet, on a un instrument appellé le panteur, sur lequel est accroché la peau à des pointes renversées & placées de distance en distance. Voyez l'article PANTEUR. Les deux bouts de la peau sont tirés chacun par une corde qui va s'entortiller à la branche du maîtrebrin du panteur. Cette peau ainsi disposée est percée de trous. C'est dans cette derniere opération que consiste tout l'art du faiseur de cardes. Voyez l'article CARDE. On ne se sert ni de regle ni de compas ; l'oeil seul dirige la main qui pique d'une vîtesse incroyable, laissant entre les trous des intervalles toujours égaux, & faisant les rangées de trous exactement droites & paralleles. L'instrument à percer s'appelle la fourchette ; il fait deux trous à-la-fois : ensuite on fiche les pointes ; on les habille tantôt en passant la pierre sur les pointes & la tirant de gauche à droite & de droite à gauche, afin de les renverser toutes également & du même côté, tantôt en poussant la pierre droit devant soi, & la retirant dans la même direction, pour abattre le tranchant des pointes, tantôt en les redressant avec l'instrument appellé le dresseur, les refendant, &c. ces manoeuvres se réiterent jusqu'à ce que la carde soit distribuée en allées bien compassées, les pointes également renversées, & le tranchant parfaitement usé. Pour en venir à l'habillage, tout étant préparé, c'est-à-dire la matiere des pointes coupée & pliée au premier doublet, mise en petits paquets ou tas contigus sur le plateau, & pliée au second doublet arrêté sur le milieu du plateau par un support de bois élevé d'environ un pouce ; le plateau est fixé sur un bloc ; l'habilleur est devant un autre bloc couvert d'un patron de la longueur du feuillet qui sert de contrepoids, quand on passe la pierre. On finit par monter le feuillet sur un bois ou fust à manche & à rebord du même côté. C'est la derniere main de la carde.

HABILLER, en Jardinage, c'est avant que de planter les jeunes arbres, les couper de huit ou neuf piés de haut, & visiter leurs racines pour les raccourcir modérément ; il faut ôter toutes celles qui sont brisées, & couper les autres en pié de biche par-dessous, eû égard à la situation où doit être planté l'arbre. N'habillez pas si court, ou n'étronçonnez point, & n'ôtez point le chevelu à-moins qu'il ne soit rompu. C'est une erreur de croire qu'il soit inutile ; il sert beaucoup à la reprise des jeunes plants.

On laissera aux arbres sauvages une tige de six à sept pieds hors de terre. Les arbres fruitiers de haute tige seront rafraîchis dans leur tête, à laquelle on laissera trois ou quatre branches chacune de la longueur de dix à douze pouces ; ce qui forme sa rondeur dès la premiére année.

Les buissons ou nains seront coupés à sept à huit pouces au-dessus de la greffe qu'il faut laisser découverte, c'est-à-dire sans y mettre de terre, mais qu'on enduira de cire ou de mastic.

On prétend qu'il ne faut laisser qu'un seul étage de racines à un arbre, & choisir toujours les plus jeunes & les plus rougeâtres ; les autres étant inutiles. Voyez RACINES.

Les arbres levés en motte sont exemts d'être ravalés ; ils conservent leur tête & une partie de leur ramage. Voyez LEVER.

HABILLER UNE PEAU, terme de Marchand Pelletier, c'est la préparer à être employée aux différens ouvrages de Pelletterie. Voyez PELLETIER.

HABILLER UN CUIR, terme de Tannerie, c'est lui donner la premiere préparation pour le mettre au tan. Voyez TANNER.

Celui qui habille les peaux s'appelle l'habilleur. Ce terme est fort en usage chez les Pelletiers ; en général il signifie dans les atteliers la personne qui prépare les différentes matieres, denrées, ou marchandises où le terme habiller peut avoir lieu.

HABILLER, en terme de Potier, c'est l'action d'ajoûter une oreille, un manche, un pié, au corps d'une piece ; ce qui se fait en déchiquetant la piece de plusieurs coups, pour y insérer l'une des parties que nous venons de nommer.

On habille encore du chanvre, en le passant par le seran. Voyez l'article CHANVRE.


HABILLOTS. m. (Commerce de bois) espece de morceau de bois qui sert sur les trains à accoupler les coupons ; il fait le même effet que le garrot. Voyez l'article TRAIN.


HABITS. m. (Modes) j'entends ici par habit tout ce qui sert à couvrir le corps.

Il n'est pas possible de donner au lecteur la connoissance de tant d'habits différens dont les hommes ont fait usage, pour couvrir leur nudité & pour se mettre à l'abri de la rigueur des hivers : notre curiosité seroit même peu satisfaite, si nous pouvions pénétrer dans les tems reculés des premiers siecles ; nous y verrions sans-doute les hommes tout nuds, ou couverts les uns de feuillages, d'écorce d'arbres, & les autres de la peau de quelques bêtes féroces.

Je voudrois seulement connoître la forme des habits des Grecs, lorsqu'ils étoient les peuples les plus polis de la terre ; mais à-peine savons-nous les noms de quelques-uns. Nous sommes beaucoup mieux instruits des habits des Romains ; & comme tout ce qui concerne ce peuple nous intéresse, nous en ferons un article séparé. Ceux des hommes qui ont été consacrés par la religion méritent aussi par ce motif quelques-uns de nos regards, outre qu'ils ont moins changé de mode : c'est pourquoi nous en dirons un mot. Ainsi voyez HABIT ECCLESIASTIQUE, & HABIT RELIGIEUX.

Pour ce qui concerne les vêtemens de ce grand nombre de peuples qui changerent la face du monde, en chassant les Romains des pays dont ils s'étoient rendus maîtres, nous n'en avons aucune idée, & nous ne devons pas le regretter.

Quant à ce qui nous regarde en particulier, l'inconstance naturelle à notre nation a produit tant de variété dans la forme de ses habits, qu'il seroit impossible d'en suivre le fil. Nous remarquerons seulement en général, que l'habit long étoit autrefois celui des nobles, & qu'ils ne portoient l'habit court qu'à l'armée & à la campagne : l'ornement principal de l'un & de l'autre consistoit à être bordé de martre zibeline, d'hermine, ou de vair. On s'avisa sous Charles V. d'armoirier les habits, je veux dire de les chamarrer depuis le haut jusqu'en bas de toutes les pieces de son écu ; cette mascarade dura cent ans. Louis XI. bannit l'habit long ; Louis XII. le reprit ; on le quitta sous François I. Un des goûts de ce prince fut de taillader son pourpoint, & tous les gentilshommes suivirent son exemple. Henri II. portoit un jupon pour haut-de-chausses, & un petit manteau qui n'alloit qu'à la ceinture. Les fils s'habillerent comme le pere. Enfin depuis Henri IV. nos habits ont si souvent changé de face, qu'il seroit ridicule d'entrer dans ce détail ennuyeux. Mais on ne pensera pas de même des réflexions qu'a fait sur cette matiere l'illustre écrivain de l'Histoire naturelle de l'homme, & je me flate qu'on sera bien aise de les retrouver ici.

" La variété dans la maniere de se vêtir, dit M. de Buffon, est aussi grande que la diversité des nations ; & ce qu'il y a de singulier, c'est que de toutes les especes de vêtemens nous avons choisi l'une des plus incommodes, & que notre maniere, quoique généralement imitée par tous les peuples de l'Europe, est en même tems de toutes les manieres de se vêtir, celle qui demande le plus de tems, & celle qui paroît être le moins assortie à la nature.

Quoique les modes semblent n'avoir d'autre origine que le caprice & la fantaisie, les caprices adoptés & les fantaisies générales méritent d'être examinées. Les hommes ont toujours fait & feront toujours cas de ce qui peut fixer les yeux des autres hommes, & leur donner en même tems des idées avantageuses de richesses, de puissance, de grandeur, &c.

La valeur de ces pierres brillantes qui ont toûjours été regardées comme des ornemens précieux, n'est fondée que sur leur rareté & sur leur éclat ébloüissant ; il en est de même de ces métaux éclatans, dont le poids nous paroît si léger, lorsqu'il est reparti sur tous les plis de nos vêtemens pour en faire la parure. Ces pierres, ces métaux sont moins des ornemens pour nous, que des signes pour les autres, auxquels ils doivent nous remarquer & reconnoître nos richesses. Nous tâchons de leur en donner une plus grande idée, en aggrandissant la surface de ces métaux ; nous voulons fixer leurs yeux, ou plutôt les ébloüir. Combien peu y en a-t-il en effet qui soient capables de séparer la personne de son vêtement, & de juger sans mélange l'homme & le métal !

Tout ce qui est rare & brillant sera donc toûjours de mode, tant que les hommes tireront plus d'avantage de l'opulence que de la vertu, tant que les moyens de paroître considérables seront différens de ce qui mérite d'être seul considéré. L'éclat extérieur dépend beaucoup de la maniere de se vêtir. Cette maniere prend des formes différentes, selon les différens points de vûe sous lesquels nous voulons être regardés. L'homme glorieux ne néglige rien de ce qui peut étayer son orgueil ou flater sa vanité ; on le reconnoît à la richesse ou à la recherche de ses ajustemens.

Un autre point de vûe que les hommes ont assez généralement, est de rendre leur corps plus grand, plus étendu ; peu contens du petit espace dans lequel est circonscrit notre être, nous voulons tenir plus de place en ce monde, que la nature ne peut nous en donner ; nous cherchons à aggrandir notre figure par des chaussures élevées, par des vêtemens renflés ; quelqu'amples qu'ils puissent être, la vanité qu'ils couvrent n'est-elle pas encore plus grande " ?

Mais laissons l'homme vain faire parade de son mérite emprunté, & considérons l'industrie de l'étoffe qu'il porte, dont il est redevable au génie du fabriquant.

C'est un beau coup-d'oeil, si j'ose parler ainsi, que la contemplation de tout ce que l'art a déployé successivement de beautés & de magnificence, à l'aide de moyens simples dont le hasard a presque toûjours présenté l'usage. La laine, le lin, la soie, le coton, ou le mélange de ces choses les unes avec les autres, ont constitué la maniere & le fond de toutes les étoffes & toiles fines ; le travail & les couleurs en font le prix & la différence. Ainsi d'un côté, la dépouille des animaux, les productions de la terre, l'ouvrage des vers ; & de l'autre des coquillages, des insectes, la graine des arbres, le suc des plantes, & quelques drogues, servent à la composition de tous les vêtemens.

Les Phrygiens trouverent l'art de broder avec l'aiguille ; leur ouvrage étoit relevé en bosse, eminebat ac asperior reddebatur : les Babyloniens au contraire ne formoient qu'un tissu qui n'étoit chargé que de la différence des couleurs, tegmen unitè pictum de coloribus variis ; & après cela ils employoient l'aiguille sur ce tissu : ces deux peuples rendoient également les figures. De nouveaux ouvriers s'éleverent à Alexandrie, qui, avec la seule navette & des fils de couleurs différentes, étendirent plus loin l'industrie. Voilà ce que nous savons des anciens.

Je ne parlerai pas de la perfection où l'on a porté dans nos tems modernes la variété, le goût, la richesse, la solidité, la durée, en un mot les fabriques admirables des principales étoffes qui servent aux vêtemens, à la parure, & aux ameublemens. C'est assez de dire que les anciens n'ont rien connu de pareil. On donne dans cet Ouvrage les principales manoeuvres des Arts & Métiers par lesquels on exécute tant de beaux ou d'utiles ouvrages ; le discours en décrit les opérations à chaque article ; la gravûre les représente à l'oeil : l'un & l'autre réunis en dévoilent le secret à la postérité ; & c'est ce qui n'avoit point encore été fait jusqu'à ce jour. (D.J.)

HABITS des Romains, (Hist. anc.) habits particuliers à ce peuple célebre.

Il importe beaucoup de les connoître, tant pour l'intelligence des auteurs sacrés & prophanes, que pour celle des loix & des monumens antiques ; on le prouveroit par plusieurs recherches d'érudition. Lisez sur ce point Octav. Ferrarius, de re vestiariâ Romanorum, libri VII. Patav. 1670, in-4°.

Les habits des Romains, dans les anciens tems, n'étoient formés que de diverses peaux de bêtes, auxquelles ils firent succéder de grosses étoffes de laine, qu'on perfectionna & qu'on rendit plus fines dans la suite ; mais le genre de vie des premiers Romains étoit si grossier, qu'il approchoit de celui des sauvages. Pendant plusieurs siecles, ils eurent si peu d'attention à l'extérieur de leur personne pour la propreté & la parure, qu'ils laissoient croître leurs cheveux & leur barbe, sans en prendre aucun soin.

Les habits annexés aux charges éminentes de la république, se ressentoient de ce goût si peu recherché, & ne différoient des autres que par quelques ornemens de pourpre ; ils pensoient que les dignités par elles-mêmes & par la maniere de les remplir, devoient suffire pour imprimer tout le respect qui leur étoit dû, sans emprunter l'éclat d'une magnificence qui ne frappe que les yeux du vulgaire, & qui d'ailleurs ne convenoit point à l'esprit républicain dont ils étoient épris.

Quand les étoffes de laine furent introduites, ils se firent des tuniques amples avec des manches larges & si courtes, qu'à peine elles descendoient jusqu'au coude : cette mode même dura long-tems ; car il paroît que ce ne fut que vers le siecle de Constantin qu'ils prolongerent les manches presque jusqu'au poignet. C'étoit sur cette ample tunique qu'on mettoit une ceinture, & par-dessus une robe sans manches, comme une espece de manteau large ouvert par-devant ; qu'on appelloit toge : on en faisoit passer un des bouts par-dessus l'épaule gauche, afin d'avoir le bras droit plus libre ; & lorsqu'on vouloit agir avec cet habillement, on le retroussoit en le tournant autour du corps.

Sous la république, la maniere ordinaire, en allant par les rues, étoit de le laisser descendre presque sur les talons ; Auguste amena la mode de le relever plus haut ; ensorte que par-devant on le laissoit tomber un peu au-dessous du genou, & par-derriere jusqu'à mi-jambe.

Lorsque les Romains devinrent plus riches, on fit la toge d'une étoffe de laine fine & blanche pour l'ordinaire : c'étoit dans son origine un habit d'honneur défendu au petit peuple, qui n'alloit par la ville qu'avec la simple tunique ; il étoit pareillement défendu à ceux qu'on envoyoit en exil : cependant on quittoit ordinairement la toge en campagne, où l'on se servoit d'un habit plus court & moins embarrassant. A l'égard de la ville, la bienséance vouloit qu'on n'y parût qu'avec cet habillement : ensuite quand il devint commun à presque tout le monde, il n'y eut plus que la finesse de l'étoffe & la plus grande ampleur de cette robe qui distinguât les personnes riches. La toge fut commune aux deux sexes, jusqu'à ce que, vers le déclin de la république, quelques femmes de qualité prirent l'usage de la robe nommée stole : alors la toge ne fut plus que l'apanage des hommes, des femmes du menu peuple, & des libertines. Voyez STOLE.

La robe qu'on appelloit prétexte avoit beaucoup de ressemblance avec la toge ; c'étoit celle qu'on faisoit porter aux enfans de qualité : dès qu'ils avoient atteint l'âge de douze ans, ils quittoient l'habit d'enfance, qui étoit une veste à mouches, qu'on appelloit alicata chlamis, pour porter la prétexte, à cause qu'elle étoit bordée de pourpre : les magistrats, les prêtres & les augures s'en servoient dans de certaines cérémonies.

Les sénateurs avoient sous cette robe une tunique qu'on nommoit laticlave, & qu'on a long-tems pris à la lettre pour un habillement garni de larges têtes de cloux de pourpre, mais qu'on a reconnu depuis ne signifier qu'une étoffe à larges bandes ou raies de pourpre, de même que celle qu'on nommoit angusti-clave, qui étoit propre aux chevaliers pour les distinguer des sénateurs, & qui n'étoit pareillement qu'une étoffe à bandes de pourpre plus étroites. Voyez LATICLAVE.

Les enfans des sénateurs & des magistrats curules ne portoient la tunique laticlave qu'après avoir pris la robe virile ; jusqu'à ce tems-là, ils n'avoient point d'autres marques de distinction, outre la robe prétexte, que ce qu'on appelloit bulla, qui étoit un petit coeur qui leur pendoit sur la poitrine : ils avoient encore le droit de porter la robe qu'on nommoit trabaea ; cette robe étoit assez semblable à la toge, seulement un peu plus courte, & rayée de blanc, d'or & de pourpre : on assûre qu'elle avoit été affectée aux rois de Rome.

Ce qu'on appelloit lacerne étoit un manteau pour le mauvais tems, & qui se mettoit par-dessus la toge. Dans les commencemens, on ne s'en servoit qu'à la guerre ; la lacerne s'attachoit par-devant avec une boucle ; on y joignoit un capuchon, cucullus, qu'on ôtoit quand on vouloit : de-là le passage d'Horace, odoratum caput obscurante lacernâ. Sat. vij. l. II. v. 55. On avoit des lacernes pour l'hiver, qui étoient d'une grosse étoffe ; & pour l'été d'une étoffe plus fine, mais toujours de laine. Il est vrai que jusqu'au tems de Cicéron, ces sortes de manteaux ne furent presque qu'à l'usage du peuple ; mais comme on les trouva commodes, tout le monde s'en servit d'abord pour la campagne, ensuite pour la ville. Les dames quand elles sortoient le soir, les personnes de qualité, & les empereurs mêmes mettoient ce manteau par-dessus la toge, lorsqu'ils alloient sur la place & au cirque. Ceux du peuple étoient d'une couleur brune ou blanche ; ceux des sénateurs, de pourpre ; & ceux des empereurs, d'écarlate. On observoit cependant quand on paroissoit devant l'empereur, de quitter ce manteau par respect. Voyez LACERNE.

La synthèse étoit une autre espece de manteau fort large, que les Romains mettoient pour manger, comme un habillement plus commode pour être à table couchés sur les lits. Martial nous apprend que de son tems il y avoit des particuliers qui par un air de luxe en changeoient souvent pendant le repas. La couleur en étoit ordinairement blanche & jamais noire, pas même dans les repas qu'on donnoit aux funérailles.

La pullata vestis désigne un habit qui se portoit pour le deuil, & dont usoit ordinairement le petit peuple ; la couleur en étoit noire, minime, ou brune, & la forme assez semblable à celle de la lacerne ; car elle avoit de même un capuchon.

L'habit militaire étoit une tunique juste sur le corps, qui descendoit jusqu'à la moitié des cuisses, & par-dessus laquelle s'endossoit la cuirasse. C'étoit avec cet habit que les Romains dans leurs exercices, ou en montant à cheval, mettoient certaines petites chausses nommées campestres, qui leur tenoient lieu de culottes ; car ordinairement ils ne les portoient point avec les habits longs.

Le paludamentum nous présente le manteau de guerre des officiers ; il ressembloit à celui que les Grecs nommoient clamyde, se mettoit aussi pardessus la cuirasse, & s'attachoit avec une boucle sur l'épaule droite, ensorte que ce côté étoit tout découvert ; afin que le mouvement du bras fût libre, comme on le voit dans les statues antiques.

Au lieu de paludamentum, les soldats portoient à l'armée sur leur cuirasse une espece de casaque ou saye, qu'ils appelloient sagum.

Outre ces différens habillemens, il y en avoit de particuliers attachés à certaines dignités ou à de certaines cérémonies, comme la robe triomphale, toga triumphalis. Voyez ROBE TRIOMPHALE.

Nous ne parcourons pas leurs autres habits, parce que nous n'en connoissons que les noms ; mais on comprend sans peine que les guerres, le luxe & le commerce avec les nations étrangeres, introduisirent dans l'empire plusieurs vêtemens dont il n'est pas possible de marquer les caracteres & les différentes modes.

Sous les uns ou les autres des habits que nous venons de décrire en peu de mots, les Romains hommes & femmes portoient ordinairement deux tuniques ; la plus fine qu'on mettoit sur la peau, tenoit lieu de chemise ; celle des hommes étoit très-juste, sans manches, & ne descendoit qu'à mi-jambe ; celle des femmes étoit plus longue, plus ample, & avoit des manches qui venoient jusqu'au coude : c'étoit s'écarter de la modestie, & prendre un air trop libre, que de ne pas donner à cette chemise la longueur ordinaire ; elle prenoit juste au coû des femmes, & ne laissoit voir que leur visage, dans les premiers tems de la fondation de Rome.

L'autre tunique qui étoit fort large, se mettoit immédiatement sous la robe ; mais lorsque le luxe eut amené l'usage de l'or & des pierreries, on commença impunément à ouvrir les tuniques & à montrer la gorge. La vanité gagna du terrein, & les tuniques s'échancrerent ; souvent même les manches, au rapport d'Elien, ne furent plus cousues ; & du haut de l'épaule jusqu'au poignet, on les attachoit avec des agraffes d'or & d'argent ; de telle sorte cependant qu'un côté de la tunique posant à demeure sur l'épaule gauche, l'autre côté tomboit négligemment sur la partie supérieure du bras droit.

Les femmes mettoient une ceinture, zona, sur la grande tunique, soit qu'elles s'en servissent pour la relever, soit qu'en se serrant davantage elles trouvassent moyen de tenir en respect le nombre & l'arrangement de ses plis. Il y avoit de la grace & de la noblesse de relever en marchant, à la hauteur de la main, le lais de la tunique qui tomboit au côté droit, & tout le bas de la jambe droite se trouvoit alors découvert. Quelques dames faisoient peu d'usage de leur ceinture, & laissoient traîner leur tunique ; mais on le regardoit comme un air de négligence trop marqué : de-là ces expressions latines, altè cincti, ou discincti, pour peindre le caractere d'un homme courageux, ou efféminé.

Le nombre des tuniques s'augmenta insensiblement ; Auguste en avoit jusqu'à quatre, sans compter une espece de camisole qu'il mettoit sur la peau avec un pourpoint, le reste du corps extrêmement garni, & une bonne robe fourrée par-dessus le tout. Ce même prince n'étoit pas moins sensible au chaud ; il couchoit pendant l'été presque nud, les portes de sa chambre ouvertes, le plus souvent au milieu d'un péristyle, au bruit d'une fontaine dont il respiroit la fraîcheur, pendant qu'un officier de sa chambre, un éventail à la main, agitoit l'air autour de son lit. Voilà l'homme à qui d'heureux hasards ouvrirent le chemin de l'empire du monde ! Mais ce n'est pas ici le lieu de réfléchir sur les jeux de la fortune ; il ne s'agit que de parler des vêtemens romains.

Les femmes suivirent en cela l'exemple des hommes ; leurs tuniques se multiplierent : la mode vint d'en porter trois ; le goût en forma la différence.

La premiere étoit une simple chemise ; la seconde, une espece de rochet ; & la troisieme, c'est-à-dire celle qui se trouvoit la supérieure, ayant reçu davantage de plis, & s'étant augmentée de volume, forma, à l'aide des ornemens dont elle se trouva susceptible, la stole que j'ai nommée plus haut, en remarquant qu'elle fit tomber la toge, ou du-moins n'en laissa l'usage qu'aux hommes & aux courtisannes.

Le luxe fit bientôt ajoûter par-dessus la stole un manteau ou mante à longue queue traînante, qu'on appelloit symare : on l'attachoit avec une agraffe plus ou moins riche sur l'épaule droite, afin de laisser plus de liberté au bras que les dames tenoient découvert comme les hommes. Cette symare portant en plein sur l'autre épaule, formoit en descendant un grand nombre de plis qui donnoient beaucoup de grace à cet habillement. Aussi les actrices s'en servoient sur le théatre. Voyez SYMARE.

La couleur blanche étoit la couleur générale des habits des Romains, comme aussi la plus honorable, indépendamment des dignités qui étoient marquées par la pourpre. Les citoyens dans les réjoüissances publiques paroissoient ordinairement vêtus de blanc : Plutarque nous instruit qu'ils en usoient de même dans les réjoüissances particulieres, & sur-tout dans celles du jour de leur naissance, qu'ils célébroient tous les ans.

On distinguoit les personnes de quelque rang ou qualité par la finesse, la propreté & la blancheur éclatante de l'habit. Aussi dit-on dans les auteurs, qu'on envoyoit souvent les robes au foulon pour les détacher & les blanchir ; le menu peuple hors d'état de faire cette dépense, portoit généralement des habits bruns.

Il faut pourtant remarquer que sur la fin de la république, la distinction dans les habits ne s'observoit déjà plus à Rome ; les affranchis étoient confondus avec les autres citoyens ; l'esclave s'habilloit comme son maître ; & si l'on excepte le seul habit du sénateur, l'usage de tous les autres se prenoit indifféremment : le moindre tribun des légions portoit le laticlave.

Mais, au milieu de cette confusion, les habits de tout le monde étoient encore tissus de laine pure : son emploi dans les étoffes a été le plus ancien & le plus durable de tous les usages. Pline, en nous disant que de son tems le luxe se joüoit de la nature même, & qu'il a vû des toisons de béliers vivans teintes en pourpre & en écarlate, ne connoissoit encore que la laine pour matiere de toutes sortes d'étoffes, qui ne recevoit de différence que de la diversité des couleurs & de l'apprêt. De-là ce fréquent usage des bains, que la propreté rendoit si nécessaire.

Ce ne fut que sous le regne des Césars, que l'on commença à porter des tuniques de lin ; Vopiscus prétend que la mode en vint d'Egypte ; & l'empereur Alexandre Sévere trouvoit avec raison qu'on en avoit corrompu la bonté, depuis qu'on s'étoit avisé de mêler dans le tissu des raies ou des bandes de pourpre. Si le lin est doux sur la peau, disoit-il, pourquoi ces ornemens étrangers qui ne servent qu'à rendre la tunique plus rude ?

L'usage de la soie dans les habits d'homme s'étant introduit sous Tibere, il fit rendre un decret par le sénat conçu en ces termes remarquables : Decretum, ne vestis serica viros foedaret. Ce fut Jules-César qui inspira ce nouveau goût de recherches, en faisant couvrir dans quelques spectacles qu'il donna tout le théatre de voiles de soie. Caligula parut le premier en public en robe de soie. Il est vrai que sous Néron les femmes commencerent à en porter ; mais il y a lieu de croire que leurs étoffes étoient mêlées de lin & de soie, & que jusqu'à Eliogabale le luxe n'a point fourni d'exemple d'une robe toute de soie, Eliogabalus primus Romanorum, holosericâ veste usus, fertur.

Aurélien n'avoit pas une seule robe holosérique dans toute sa garderobe ; aussi refusa-t-il à l'impératrice sa femme le manteau de soie qu'elle lui demandoit, en lui donnant pour raison de son refus, qu'il n'avoit garde d'acheter des fils au poids de l'or. La livre de soie valoit une livre d'or.

Nous ne devons pas nous étonner de cette valeur de la soie dans ces tems-là, si nous nous rappellons que Henri II. fut le premier en France qui porta une paire de bas de soie aux noces de sa soeur, & que la femme de Lopez de Padilla crut faire un présent magnifique à Philippe II. en lui envoyant de Tolede en Flandres une paire de bas semblables. Cependant, malgré le prix de ce genre de luxe, les habits de soie devinrent si communs à Rome, que l'empereur Tacite qui se glorifioit d'être parent de l'historien de ce nom, & qui fut le successeur d'Aurélien même, se contenta de ne défendre qu'aux hommes la robe holosérique, dont Eliogabale s'étoit le premier vêtu soixante ans auparavant.

Terminons cet article par considérer la gradation du luxe des Romains dans leur parure.

Sous la république, il n'y avoit que les courtisannes qui se montrassent dans la ville en habits de couleur. Sous les empereurs, les dames assortirent les couleurs de leurs habits à leur teint, ou au goût de mode qui régnoit alors. " La même couleur, dit Ovide, ne va pas à tout le monde : choisissez celle qui vous pare davantage ; le noir sied bien aux blanches, & le blanc aux brunes. Vous aimiez le blanc, filles de Cephée, & vous en étiez vêtues, quand l'île de Seriphe fut pressée de vos pas... "

Le même poëte ne réduit point à la seule couleur pourpre tout l'honneur de la teinture. Il nous parle d'un bleu qui ressemble au ciel, quand il n'est point couvert de nuages ; d'une autre couleur semblable à celle du bélier qui porta Phryxus & sa soeur Hellé, & les déroba aux supercheries d'Ino. Il y a, selon lui, un beau verd-de-mer dont il croit que les Nymphes sont habillées : il parle de la couleur qui teint les habits de l'Aurore, de celle qui imite les myrthes de Paphos, & d'une infinité d'autres, dont il compare le nombre à celui des fleurs du printems.

Sous la république, les femmes portoient des habits pour les couvrir ; sous les empereurs, c'étoit dans un autre dessein. " Voyez-vous, dit Séneque, ces habits transparens, si toutefois l'on peut les appeller habits ? Qu'y découvrez-vous qui puisse défendre le corps ou la pudeur ? Celle qui les met osera-t-elle jurer qu'elle ne soit pas une ? On fait venir de pareilles étoffes d'un pays où le Commerce n'a jamais été ouvert, pour avoir droit de montrer en public ce que les femmes dans le particulier n'osent montrer à leurs amans qu'avec quelque reserve : ut matronae, ne adulteris quidem plus suis, in cubiculo quàm in publico, ostendant ". Voyez GASE DE COS.

Sous la république, les dames ne sortoient point sans avoir la tête couverte d'un voile ; sous les empereurs, cet usage disparut ; on se tourna du côté de la galanterie. Cette célebre romaine qui possédoit tous les avantages de son sexe, hors la chasteté ; Poppée, dis-je, portoit en public un voile artistement rangé, qui lui couvroit à-demi le visage, ou parce qu'il lui séyoit mieux de la sorte, dit Tacite, ou pour donner plus d'envie de voir le reste.

Sous la république, les dames sortoient toujours décemment habillées & accompagnées de leurs femmes ; sous les empereurs, elles leur substituerent des eunuques, & ne garderent plus de décence dans leurs ajustemens.

Sous la république, les femmes & les hommes avoient des habits qui les distinguoient ; sous Tibere, les deux sexes avoient déjà revêtu les habits l'un de l'autre. Les femmes commencerent au sortir de leur lit & de leur bain à prendre un habillement qu'elles avoient en commun avec les hommes ; la galanterie ne laissoit point sans dessein & sans goût une robe faite pour se montrer négligemment à ses amis particuliers & aux personnes les plus cheres.

Sous la république, les dames n'avoient des pierreries que pour ressource dans les malheurs, & elles ne les portoient sur elles que dans les fêtes sacrées ; sous les empereurs, elles les prodiguoient sur leurs habits. Dans ces tems-là, les femmes les plus modestes n'osoient non plus aller sans diamans, dit Pline, qu'un consul sans les marques de sa dignité. J'ai vû, ajoûte le même auteur, Lollia Paulina se charger tellement de pierreries, même après sa répudiation, pour faire de simples visites, qu'elle n'avoit aucune partie de son corps, depuis la racine des cheveux jusque sur sa chaussure, qui ne fût ébloüissante. L'état qu'elle affectoit d'en étaler elle-même, se montoit à un million d'or, sans qu'on pût dire que ce fussent des présens du prince ou les pierreries de l'empire ; ce n'étoit que celles de sa maison, & l'un des effets de la succession de Marcus Lollius son oncle.

Ainsi la toge, le voile, le capuchon de grosse laine se changerent en chemises de fin lin, en robes transparentes, en habits de soie d'un prix immense, & en pierreries sans nombre. C'est-là l'histoire de Rome à cet égard, & c'est celle de tous les peuples corrompus ; car ils sont tous les mêmes dans l'origine de leur luxe, & dans ses progrès. (D.J.)

HABIT ECCLESIASTIQUE, habitus religionis, (Hist. ecclésiastiq.) On ne peut pas douter que dans les premiers siecles de l'Eglise, les clercs n'ayent porté les mêmes habits dont les laïcs étoient vêtus ; ils avoient trop de raison de se cacher, pour se déclarer par un habit qui les fît connoître. Il n'est donc pas aisé de découvrir l'époque de la prohibition que l'on fit aux ecclésiastiques de s'habiller comme les laïcs ; mais selon les apparences, cette époque ne remonte pas avant le cinquieme siecle. On trouve seulement dans le canon XX. du concile d'Agde, tenu en 506, que les peres de ce concile défendirent aux clercs de porter des habits qui ne convenoient point à leur état, c'est-à-dire qu'ils commençoient dès-lors à s'écarter des regles de la modestie & de la bienséance.

Le mal empira, & la licence devint si grande dans le même siecle, que le concile de Narbonne tenu en 589, fut obligé de leur défendre de porter des habits rouges ; mais comme de simples défenses n'arrêtoient pas le luxe & la vanité des ecclésiastiques, les conciles suivans introduisirent une peine contre les infracteurs. On ordonna en Occident que ceux qui contreviendroient à la défense, seroient mis en prison au pain & à l'eau pendant trente jours. Un concile tenu à Constantinople ordonna la suspension pendant une semaine contre ceux des ecclésiastiques qui imiteroient les laïcs dans leurs vêtemens. Enfin la punition devint encore plus sévere dans la suite ; car nous apprenons de Socrate, qu'Eustate évêque de Sebaste en Arménie fut réellement déposé, parce qu'il avoit porté un habit peu convenable à un prêtre. Le concile de Trente, sess. xjv. chap. vj. se conformant aux anciens conciles, s'est expliqué suffisamment sur ce sujet, sans qu'il soit besoin d'entrer dans de plus grands détails.

Les conciles particuliers & les synodes qui ont été tenus depuis celui de Trente, ont confirmé l'obligation imposée aux ecclésiastiques de porter l'habit clérical ; mais aucun concile n'a jamais rien déterminé sur la couleur & sur la forme de cet habit. M. de Sainte-Beuve consulté, si un clerc pouvoit porter le deuil de la maniere dont les laïcs le portent, répond qu'il n'y avoit aucun canon qui le défendît aux ecclésiastiques.

Socrate raconte dans son histoire de l'Eglise, liv. VI. c. xxij. que quelqu'un ayant démandé à Sisinnius pourquoi il portoit des habits blancs, quoiqu'il fût évêque, celui-ci lui répondit qu'il seroit bien-aise d'apprendre en quel endroit il étoit écrit, que les prêtres doivent être vêtus de noir, puisque l'on voit au contraire dans l'Ecriture que Salomon recommande aux prêtres d'avoir des habits blancs. C'est en effet celui que S. Clément d'Alexandrie & S. Jérôme leur conseillent par préférence.

Le cardinal Baronius prétend que le brun & le violet ont été les premieres couleurs dont les ecclésiastiques se sont servis pour se distinguer des laïcs. Je n'entrerai point dans cette recherche ; c'est assez de dire qu'à-présent le noir est la seule couleur que l'on souffre aux ecclésiastiques ; & quant à la forme de leur habit, il suffit qu'il soit long & descende sur les souliers.

Quelques-uns se contentent d'une demi-soutane ; mais c'est une tolérance de l'évêque qui pourroit défendre ce retranchement de l'habit ecclésiastique, que les canons appellent vestis talaris. Enfin, quoiqu'un docteur de Sorbonne ait tâché de prouver par un traité imprimé à Amsterdam en 1704, sous le titre de re vestiariâ hominis sacri, que l'habit ecclésiastique consiste plutôt dans la simplicité que dans la longueur & dans la largeur, il faut convenir que l'habit long a plus de majesté que celui qui ne l'est pas, & qu'en même tems l'abbé Boileau a raison dans le principe qu'il établit. (D.J.)

HABITS SACRES, (Hist. ecclésiastiq.) nom qu'on a donné parmi les Chrétiens aux habits ou ornemens que portent les ecclésiastiques pendant le service divin, & sur-tout durant la célébration de la Liturgie.

Dès les premiers tems de l'Eglise, dit M. Fleury, l'évêque étoit revêtu d'une robe éclatante, aussi-bien que les prêtres & les autres ministres : car dèslors on avoit des habits particuliers pour l'office. Ce n'est pas, ajoûte le même auteur, que ces habits fussent d'une figure extraordinaire. La chasuble étoit l'habit vulgaire du tems de saint Augustin. La dalmatique étoit en usage dès le tems de l'empereur Valérien. L'étole étoit un manteau commun même aux femmes. Enfin le manipule, en latin mappula, n'étoit qu'une serviette que les ministres de l'autel portoient sur le bras pour servir à la sainte table. L'aube même, c'est-à-dire la robe blanche de laine ou de lin, n'étoit pas du commencement un habit particulier aux clercs, puisque l'empereur Aurélien fit au peuple romain des largesses de ces sortes de tuniques. Vopisc. in Aurelian.

Mais depuis que les clercs se furent accoûtumés à porter l'aube continuellement, on recommanda aux prêtres d'en avoir qui ne servissent qu'à l'autel, afin qu'elles fussent plus blanches. Ainsi il est à croire que du tems qu'ils portoient toûjours la chasuble & la dalmatique, ils en avoient de particulieres pour l'autel de même figure que les communes, mais d'étoffes plus riches & de couleurs plus éclatantes. Moeurs des Chrét. tit. xlj.

Saint Jérôme n'a pas voulu signifier autre chose, lorsqu'il a dit : Religio divina alterum habitum habet in ministerio, alterum in usu vitâque communi. Car toute l'antiquité atteste que ces habits étoient les mêmes pour la forme ; mais elle a bien changé depuis, & celle qu'on leur a donnée est plus pour l'ornement que pour l'utilité. On les ornoit souvent d'or, de broderie & de pierres précieuses, pour frapper le peuple par un appareil majestueux.

Plusieurs auteurs ont donné des explications mystiques de la forme & de la couleur des habits sacrés. Saint Grégoire de Nazianze nous représente le clergé vêtu de blanc, imitant les anges par son éclat. Saint Chrysostôme compare l'étole de linge fin que les diacres portoient sur l'épaule gauche, & dont ils se servoient pendant les saints mysteres, aux aîles des anges. Saint Germain patriarche de Constantinople est celui qui s'est le plus étendu sur ces explications. L'étole représente, selon lui, l'humanité de Jesus-Christ teinte de son propre sang. La tunique blanche marque l'éclat & l'innocence de la vie des Ecclésiastiques ; les cordons de la tunique figurent les liens dont Jesus-Christ fut chargé. La chasuble représente la robe de pourpre dont il fut revêtu dans sa passion. Le pallium qui est fait de laine, & que le prélat porte sur son cou, signifie la brebis égarée que le pasteur doit conduire au bercail, & ainsi des autres. Thomassin, discipl. ecclésiast. part. I. liv. I. chap. xxxiij. part. II. liv. II. chap. xxxiij. & part. III. liv. I. chap. xxiij.

On peut compter parmi les habits sacrés le rochet, le surplis, l'aumusse, la mitre, le pallium, &c. qu'on trouvera dans ce Dictionnaire sous leurs titres respectifs.

Bingham dans ses antiquités, s'échauffe beaucoup & d'une maniere assez peu digne d'un savant de son mérite, pour prononcer que dans la primitive Eglise les évêques & les prêtres n'avoient pas d'autres habits, pour célébrer l'office divin, que leurs habits ordinaires. Nous convenons volontiers que pour la forme ils n'étoient pas différens des longues robes, des manteaux, des tuniques : c'étoient les habits que portoit tout le monde ; & parce que les Goths, les Vandales, & les autres nations barbares qui se répandirent dans l'empire romain, y apporterent des habillemens tout différens, falloit-il pour cela que le clergé adoptât leurs modes, & qu'il en changeât ainsi que de vainqueurs & de maîtres ? Cet auteur convient lui-même que dès le quatrieme siecle les clercs avoient déjà des habits particulierement destinés aux fonctions de leur ministere. Il y avoit donc déjà à cet égard des regles & des usages établis ; & quand il n'y en auroit pas eu, a-t-on jamais contesté à quelque religion que ce fût le droit de régler l'extérieur & la décence de ses ministres dans les cérémonies publiques ? Mais quel inconvénient y auroit-il, que dans des siecles plus reculés les évêques & les prêtres eussent eu dans les églises des habits pareils à ceux qu'ils portoient en public, mais seulement plus riches & plus ornés ? Après tout, cet Ouvrage n'est pas un livre de controverse ; & au lieu d'ennuyer ici le lecteur par une dispute frivole, il vaut mieux l'amuser par les recherches curieuses que l'auteur anglois a faites sur la forme des anciens habits que portoient les ecclésiastiques. Il en nomme plusieurs : savoir, le birrum ou la tunique commune, le pallium ou manteau, le colobium, espece de chemisette, la dalmatique, la casaque gauloise, l'hemiphorium, espece de tunique courte, & la robe ou chemise de lin, linea.

Le birrum ou tunique commune étoit l'habit des séculiers, & les ecclésiastiques le portoient également. Saint Augustin semble dire qu'un évêque ou un prêtre ne doit point porter un vêtement de cette sorte qui soit précieux, qu'il doit le vendre pour soulager les pauvres ; mais ne sait-on pas que pour cette cause il est permis de vendre même les vases sacrés, & que plusieurs saints évêques en ont usé ainsi ? S'ensuit-il de-là qu'on n'en devroit point avoir du-tout ?

Le pallium ou manteau étoit une ample piece d'étoffe que les anciens portoient par-dessus la robe, & qu'ils retroussoient sous le bras gauche ; les clercs, les ascetes même le portoient aussi-bien que les gens du monde. Le manteau long de nos ecclésiastiques d'aujourd'hui est d'une forme différente & d'un usage moins universel ; mais il faut être étrangement prévenu pour le trouver indécent.

Le colobium étoit une tunique courte avec des manches aussi courtes & serrées ; c'étoit l'habit de dessous des anciens romains, & les clercs en faisoient le même usage. La dalmatique étoit une tunique plus ample, traînante jusqu'aux talons avec des manches fort larges. Bingham lui-même prouve qu'elle étoit connue du tems de Cicéron ; mais quand l'usage n'en auroit pas été extrêmement commun alors, il pouvoit l'être du tems de S. Cyprien, dans la passion duquel on lit, cùm se dalmaticâ expoliasset ; leçon que condamne vivement Bingham, après le docteur Fell, comme une altération impardonnable. Nous avons raccourci la dalmatique, & d'un habit commun nous en avons fait un ornement majestueux.

La casaque gauloise, caracalla, étoit un habit propre aux laïcs ; mais il ne paroît par aucun monument que les ecclésiastiques l'ayent adopté.

L'hemiphorium étoit, selon le pere Petau, une courte tunique de dessous ou un demi-manteau que les clercs portoient sans-doute comme les laïcs, mais qu'il ne faut pas confondre avec l'omophorium, ornement particulier aux evêques, & dont parle S. Germain de Constantinople.

Enfin linea, la chemise de lin n'est aux yeux de Bingham qu'une chemise ordinaire, sur-tout dans la relation du martyre de S. Cyprien ; nous ne nous opiniâtrerons pas à soûtenir avec Baronius que c'étoit un rochet épiscopal. Mais n'a-t-on pas une foule de monumens qui prouvent que dès-lors dans le ministere des autels l'évêque & les prêtres étoient vêtus de longues robes blanches ? & ces robes ne pouvoient-elles pas être de lin si commun chez les anciens ? Voyez au mot AUBE ce que nous avons dit sur cette matiere ; voyez aussi Bingham, orig. eccles. tome II. lib. VI. c. jv. §. 18, 19 & 20. (G)

HABIT RELIGIEUX, (Hist. ecclésiastiq.) vêtement uniforme que portent les religieux & religieuses, & qui marque l'ordre dans lequel ils ont fait profession.

Les fondateurs des ordres monastiques ayant d'abord habité les deserts, n'ont donné à leurs religieux que le vêtement qu'ils portoient eux-mêmes ; & l'on conçoit bien qu'ils n'ont pas voulu les mieux traiter. Saint Athanase parlant des habits de saint Antoine, dit qu'ils consistoient dans un cilice de peau de brebis & dans un simple manteau. S. Jérôme écrit que saint Hilarion n'avoit qu'un cilice, une saye de paysan, & un manteau de peau ; mais comme cet habit là étoit alors en Orient & en Occident l'habit commun des bergers & des montagnards, il n'avoit garde d'en prendre un qui fût moins grossier.

Les religieux ou les communautés qui se sont établis pour vivre dans les villes, ont reçu l'habit que portoient les instituteurs de leurs ordres ; & sans cela peut-être on n'eût jamais parlé d'eux.

Ainsi S. Dominique eut soin de donner à ses disciples l'habit qu'il avoit porté lui-même. Les Jésuites, les Barnabites, les Théatins, les Oratoriens, &c. n'ont pas manqué de prendre l'habit de leurs fondateurs. S'ils paroissent d'abord extraordinaires, c'est que les ordres religieux n'ont pu changer comme les laïcs, ni suivre les modes que le tems a fait naître ; mais ils n'y ont rien perdu : on les distingue tous par leurs habits, ce qui est un très-grand avantage pour les ordres accrédités ; & chaque ordre se flate tôt ou tard de la préférence. (D.J.)

HABIT DE BORD, (Marine) se dit du vêtement que les Matelots portent à la mer. (Q)


    
    
HABITABLEadj. masc. & fém. (Gram.) qui peut être habité : il se dit de la portion du globe terrestre occupée par des hommes ; sur toute la terre habitable, il n'y a rien de plus grand : d'un climat ; l'extrême chaleur de la zone torride, & le froid severe de la zone glaciale n'empêchent point qu'elles ne soient habitables : d'une maison ; les réparations qu'on y a faites l'ont rendue habitable.


HABITACLES. m. (Marine) c'est une espece d'armoire ou retranchement placé vers le mât d'artimon, devant le poste du timonnier, où l'on place les compas ou boussoles, les horloges, & la lumiere qui sert à éclairer le timonnier. Voyez sa situation, Planche IV. Marine, fig. 1. l'habitacle coté 136. Les planches de cette armoire sont assemblées par des chevilles de bois, sans qu'il y ait aucune ferrure, de-peur que le fer ne dérange la direction de l'aiguille aimantée du compas de route qui y est enfermé. Les vaisseaux du premier rang ont deux habitacles, l'un pour le pilote, & l'autre pour le timonnier. La largeur ordinaire qu'on donne à l'habitacle est de la sixieme partie de la largeur du vaisseau : à l'égard de sa hauteur, on la fait d'une sixieme partie moindre que sa largeur. (Z)


HABITANTS. m. (Gramm.) qui est domicilié dans un endroit, soit qu'il soit venu s'y établir d'ailleurs, soit qu'il y ait demeuré de tout tems. Dans le premier cas on diroit en latin accola, & dans l'autre incola. En françois on dit habitant de quiconque demeure dans un endroit habituellement, & qui n'y est pas seulement en passant. Voyez HABITATION.

HABITANT, (Commerce) celui qui possede dans une colonie un certain espace de terre que le roi par ses lettres patentes, ou les directeurs d'une compagnie par leurs concessions, abandonnent en propre pour la planter & cultiver à son profit, moyennant certaine redevance convenue. On les appelle aussi en France colons & concessionnaires. Les Anglois les nomment Planteurs. Voyez COLON, CONCESSIONNAIRE, PLANTEUR. Dictionn. de Commerce. (G)


HABITATIONS. f. (Gramm.) lieu qu'on habite quand on veut. J'ai hérité d'une habitation aux champs ; c'est-là que je me dérobe au tumulte, & que je suis avec moi. On a une maison dans un endroit qu'on n'habite pas ; un séjour dans un endroit qu'on n'habite que par intervalle ; un domicile dans un endroit qu'on fixe aux autres comme le lieu de sa demeure ; une demeure par-tout où l'on se propose d'être long-tems. Après le séjour assez court & assez troublé que nous faisons sur la terre, un tombeau est notre derniere demeure.

HABITATION, (Commerce) c'est un établissement que des particuliers entreprennent dans des terres nouvellement découvertes, après en avoir obtenu des lettres du roi ou des intéressés à la colonie, qui contiennent la quantité de terres qu'on leur accorde pour défricher, & la redevance ou droit de cens qu'ils en doivent payer tous les ans au roi ou à la compagnie.

C'est dans ces sortes d'habitations que suivant la qualité du sol, après avoir essarté les terres on cultive des cannes à sucre, du coton, du tabac, de l'indigo, & autres semblables marchandises qui y croissent aisément, & sont d'un très-bon débit en Europe. La culture de la terre & les autres ouvrages qui en dépendent, comme la conduite des moulins à sucre, la préparation du tabac & de l'indigo, &c. sont confiés à des engagés qu'on appelle des trente-six mois, parce que leur engagement doit durer trois ans, ou à des negres esclaves pour toute leur vie. Voyez NEGRES & TRENTE-SIX MOIS. Dictionnaire de Commerce. (G)

HABITATION, signifie aussi quelquefois un établissement passager, que des habitans des colonies déjà bien établies, comme de celle de Québec, vont faire chez les nations amies des François pour le commerce des Pelleteries. Quand le séjour n'est pas long chez ces sauvages, on donne simplement au voyage le nom de course ; mais on l'appelle habitation, quand on y demeure plusieurs années de suite. Dictionnaire de Commerce. (G)


HABITERv. act. voyez HABITATION. Il se dit aussi quelquefois du commerce de l'homme & de la femme. S'ils sont époux, on dit simplement, qu'ils ont habité ; s'ils ne le sont pas, on joint à l'habitation l'épithete de charnelle.


HABITUDES. f. (Morale) c'est un penchant acquis par l'exercice des mêmes sentimens, ou par la répétition fréquente des mêmes actions. L'habitude instruit la nature, elle la change ; elle donne de l'énergie aux sens, de la facilité & de la force aux mouvemens du corps & aux facultés de l'esprit ; elle émousse le tranchant de la douleur. Par elle, l'absynthe le plus amer ne paroît plus qu'insipide. Elle ravit une partie de leurs charmes aux objets que l'imagination avoit embellis : elle donne leur juste prix aux biens dont nos desirs avoient exagéré le mérite ; elle ne dégoûte que parce qu'elle détrompe. L'habitude rend la joüissance insipide, & rend la privation cruelle.

Quand nos coeurs sont attachés à des êtres dignes de notre estime, quand nous nous sommes livrés à des occupations qui nous sauvent de l'ennui & nous honorent, l'habitude fortifie en nous le besoin des mêmes objets, des mêmes travaux ; ils deviennent un mode essentiel de notre ame, une partie de notre être. Alors nous ne les séparons plus de notre chimere de bonheur. Il est sur-tout un plaisir que n'usent ni le tems ni l'habitude, parce que la réflexion l'augmente ; celui de faire le bien.

On distingue les habitudes en habitudes du corps & en habitudes de l'ame, quoiqu'elles paroissent avoir toutes leur origine dans la disposition naturelle ou contractée des organes du corps ; les unes dans la disposition des organes extérieurs, comme les yeux, la tête, les bras, les jambes ; les autres dans la disposition des organes intérieurs, comme le coeur, l'estomac, les intestins, les fibres du cerveau. C'est à celles-ci qu'il est sur-tout difficile de remedier ; c'est un mouvement qui s'excite involontairement ; c'est une idée qui se réveille, qui nous agite, nous tourmente & nous entraîne avec impétuosité vers des objets dont la raison, l'âge, la santé, les bienséances, & une infinité d'autres considérations nous interdisent l'usage. C'est ainsi que nous recherchons dans la vieillesse avec des mains desséchées, tremblantes & goutteuses & des doigts recourbés, des objets qui demandent la chaleur & la vivacité des sens de la jeunesse. Le goût reste, la chose nous échappe, & la tristesse nous saisit.

Si l'on considere jusqu'où les enfans ressemblent quelquefois à leurs parens, on ne doutera guere qu'il n'y ait des penchans héréditaires. Ces penchans nous portent-ils à des choses honnêtes & loüables, on est heureusement né ; à des choses deshonnêtes & honteuses, on est malheureusement né.

Les habitudes prennent le nom de vertus ou de vices, selon la nature des actions. Faites contracter à vos enfans l'habitude du bien. Accoutumez de petites machines à dire la vérité, à étendre la main pour soulager le malheureux, & bien-tôt elles feront par goût, avec facilité & plaisir, ce qu'elles auront fait en automates. Leurs coeurs innocens & tendres ne peuvent s'émouvoir de trop bonne heure aux accens de la loüange.

La force des habitudes est si grande, & leur influence s'étend si loin, que si nous pouvions avoir une histoire assez fidele de toute notre vie, & une connoissance assez exacte de notre organisation, nous y découvririons l'origine d'une infinité de bons & de faux goûts, d'inclinations raisonnables & de folies qui durent souvent autant que notre vie. Qui est-ce qui connoît bien toute la force d'une idée, d'une terreur jettée de bonne heure dans une ame toute nouvelle ?

On prend l'habitude de respirer un certain air, & de vivre de certains alimens ; on se fait à une sorte de boisson, à des mouvemens, des remedes, des venins, &c.

Un changement subit de ce qui nous est devenu familier à des choses nouvelles est toûjours pénible, & quelquefois dangereux, même en passant de ce qui est regardé comme contraire à la santé, à ce que l'expérience nous a fait regarder comme salutaire.

Une soeur de l'Hôtel-Dieu alloit chaque année voir sa famille à Saint-Germain-en-Laye ; elle y tomboit toûjours malade, & elle ne guérissoit qu'en revenant respirer l'air de cet hôpital.

En seroit-il ainsi des habitudes morales ? & un homme parviendroit-il à contracter une telle habitude du vice, qu'il ne pourroit plus être que malheureux par l'exercice de la vertu ?

Si les organes ont pris l'habitude de s'émouvoir à la présence de certains objets, ils s'émouvront malgré tous les efforts de la raison. Pourquoi Hobbes ne pouvoit-il passer dans les ténebres sans trembler & sans voir des revenans ? C'est que ses organes prénoient alors involontairement les oscillations de la crainte, auxquelles les contes de sa nourrice les avoient accoutumés.

Le mot habitude a plusieurs acceptions différentes ; il se prend en Medecine pour l'état général de la machine ; l'habitude du corps est mauvaise. Voyez HABITUDE, (Medecine). Il est synonyme à connoissance ; & l'on dit, il ne faut pas s'absenter long-tems de la Cour, pour perdre les habitudes qu'on y avoit. Il se dit aussi d'une sorte de timidité naturelle qui donne de l'aversion pour les objets nouveaux ; c'est un homme d'habitude ; je suis femme d'habitude, je n'aime point les nouveaux visages ; il y en a peu de celles-là. On l'employe quelquefois pour désigner une passion qui dure depuis long-tems, & que l'usage fait sinon respecter, du-moins excuser ; c'est une habitude de vingt ans. Habitude a dans les Philosophes quelquefois le même sens que rapport ; mais alors ils parlent latin en françois.

HABITUDE, , habitudo, habitus, (Medecine) ce terme est employé dans les ouvrages qui traitent de l'économie animale, & particulierement dans ceux de Medecine, pour signifier la disposition du corps de l'animal ou de l'homme vivant ; relativement à ses qualités extérieures, c'est-à-dire à celles de sa surface, qui tombent sous les sens & qui sont susceptibles de différences par rapport aux différens individus, tant dans l'état de santé, que dans celui de maladie.

Ainsi ceux qui ont la peau douce, souple, sans poil, ou au-moins très-peu velue, assez épaisse, avec une sorte de fermeté, à raison de sa tension, ont l'habitude qui accompagne l'embonpoint : ceux au contraire qui ont la peau rude, mince, fort velue, peu flexible, avec sécheresse & disposition aux rides, ont l'habitude qui se trouve ordinairement jointe à la maigreur de tempérament.

L'habitude qui réunit le plus de bonnes qualités, c'est-à-dire de celles qui accompagnent l'état de santé (voyez SANTE), est appellée des Grecs , evexia ; & celle qui n'est composée que de mauvaises qualités est nommée , cachexia.

L'habitude, comme le tempérament en général, dépend de la disposition physique des parties consistantes principalement, qui entrent dans la composition des organes, & de celle des humeurs qui s'y distribuent : en quoi l'habitude differe de la constitution ou complexion, qui dépend de la disposition des parties méchaniques, de la conformation, de la faculté propres à chacun des organes & des qualités des humeurs qu'il reçoit. L'habitude differe du tempérament en ce qu'il renferme les qualités communes à toutes les parties du corps, tant externes qu'internes, au lieu qu'elle ne regarde que l'extérieur du corps. Voyez TEMPERAMENT.


HABITUÉadj. pris subst. c'est un ecclésiastique qui s'est attaché volontairement au service d'une paroisse.


HABITUELadj. (Gramm.) qui est tourné en habitude. Ainsi on dit une maladie habituelle, la grace habituelle. La grace habituelle se reçoit par le baptême & s'accroît par les autres sacremens. Il faut avoir la grace actuelle pour bien faire, & l'habituelle pour être sauvé.


HABOUTSS. m. plur. (Jurisprud.) terme usité dans quelques coûtumes, pour exprimer les tenans & aboutissans d'un héritage. (A)


HABSAL(Géog.) ville de Livonie dans le comté d'Esthonie, près de la mer Baltique.


HABSBOURGS. m. (Géog.) ancien château de Suisse au canton de Berne, dans le bailliage de Lentzbourg. Je n'en parle que parce qu'il a donné son nom à Rodolphe, comte d'Habsbourg, seigneur Suisse, fondateur d'une maison long-tems la plus florissante de l'Europe, & qui a été quelquefois sur le point d'avoir dans l'Empire la même puissance que Charlemagne. Rodolphe d'Habsbourg, avant que d'être élu empereur en 1273, " avoit été champion de l'abbé de Saint-galll contre l'évêque de Basle, dans une petite guerre pour quelques tonneaux de vin. Sa fortune étoit alors si peu proportionnée à son courage, qu'il fut quelque tems grand-maître-d'hôtel d'Ottocare, roi de Bohème, qui depuis pressé de lui rendre hommage, repondit qu'il ne lui devoit rien, qu'il lui avoit payé ses gages ". Voltaire, hist. génér. tome II. (D.J.)


HACACHAN(Géogr.) royaume d'Asie dans la peninsule de l'Inde, dépendant du Grand-Mogol.


HACHA(Géogr.) province du continent de l'Amérique méridionale, arrosée par une riviere de même nom, de la domination espagnole ; elle est riche en or, en pierres précieuses, & en fontaines salantes.


HACHES. f. (Tailland.) terme qui désigne tout gros outil de fer aciéré qui sert à couper, & dont le nom change suivant l'emploi & la forme ou la partie tranchante dans cet outil. Ainsi dans le marteau à tailler la pierre, la partie tranchante qui n'est ni bretée ni dentée, se nomme la hache ; l'autre partie, la bretture, & le haut, marteau.

Il y a un grand nombre de haches ; celle du Tourneur ressemble à une doloire, voyez DOLOIRE ; mais elle est plus petite ; sa planche & sa douille sont soudées ensemble par leur extrémité, comme aux cognées à douille ou en épaule des Charrons.

La hache du tireur de bois, ou l'instrument dont ils se servent pour couper les liens des perches qui forment les trains de bois, voyez TRAINS, a son tranchant à deux biseaux large de quatre à cinq pouces, parallelement à l'outil & au manche. Au côté opposé relativement à l'outil est un picot d'environ six pouces, qui sert à tirer les buches de l'eau. Cet outil est aciéré comme les autres.

La hache du bucheron n'a point de picot ; elle est plus grosse que celle du tireur de bois ; elle s'appelle cognée. Voyez COGNETTE.

Celle du marinier est une espece de marteau qui au lieu de la panne a un tranchant parallele au manche, large de trois à quatre pouces.

Il y a d'autres instrumens qui portent le même nom. Voyez les articles suivans, nos Planches & leurs explications.

* HACHE A MAIN, (Formier & autres ouvriers en bois grossiers) instrument tranchant large de fer & court de manche, dont on se sert pour diviser les pieces de bois qui sont trop grosses. Voyez la Planche du Formier.

HACHE D'ARMES, (Art milit. & hist.) espece de hache dont on se servoit autrefois dans les combats pour rompre les armes défensives des hommes d'armes. Elle ne sert plus guere aujourd'hui que dans la Marine, c'est-à-dire dans les combats sur mer. Le manche de la hache d'armes est souvent tout de fer : elle étoit taillée d'un côté en forme de hache ou cognée, & de l'autre en marteau ou en pointe. (Q)

* HACHE, (Myth.) symbole de Jupiter Labradeus chez les Cariens. Au lieu de tenir la foudre ou le sceptre, il étoit armé de la hache.

* HACHE, (ordre de la) (Hist. mod.) Raymond Berenger devenu comte de Barcelone, l'institua en mémoire de la victoire qu'il remporta sur ses ennemis, & de la belle défense que les femmes de Tortose armées de haches firent au siége de cette ville.

HACHE, (Arpentage) Nicod a dit que hache en fait d'arpentage, " est une certaine forme de champs, & conséquemment tenans ou aboutissans de flanc ou front courbe, & faisant tournailler, & non de droite ou pleine ligne " ; ainsi l'on dit piece de terre assise en tel lieu, appartenante à Louis Grivon, contenant dix arpens en hache, tenant d'une part à Jean Floquart, & d'autre part à Pierre Amy. (D.J.)

HACHE, (COUP-DE) Manege, Maréchallerie, voyez ENCOLURE.

HACHE, EN HACHE, ou HACHEE, (Imprimerie). On se sert de cette expression, lorsque dans un ouvrage il y a des gloses, qui trop abondantes pour contenir à la marge où elles commencent, sont continuées en retournant sous le texte, dont pour cet effet on retranche à la page à proportion que la glose en a besoin. On dit encore d'une addition, qu'elle est hachée, quand après avoir rempli toute la colonne qui lui est destinée elle passe sous la matiere, & forme des lignes qui deviennent de la largeur de la matiere & de l'addition. Cela arrive toutes les fois que le discours de l'addition est trop abondant, & que pour eviter la confusion, on évite d'en rejetter une partie à la page suivante. Plusieurs des anciens ouvrages de Droit sont imprimés en cette maniere : telle est la bible hébraïque de Bomberg, & le talmud du même.


HACHÉES. f. (Hist. mod.) punition qu'on imposoit autrefois aux gens de guerre & même aux seigneurs ; elle consistoit à porter une selle ou un chien pendant un espace de chemin désigné ; elle deshonoroit. On indiquoit une procession solemnelle, toutes les fois qu'un coupable la subissoit. Les mots du latin de ces tems, harmiscari, harmiscare, signifient la hachée, être puni de la hachée.

HACHEES, (Chasse) les pluviers cherchent les hachées ou les vers cachés sous les feuilles dont ils se nourrissent.


HACHEMENSS. m. pl. en termes de Blason, se dit des liens des panaches à divers noeuds & lacets, & à longs bouts voltigeans en l'air. Les Allemands en lient leurs lambrequins, qui doivent être de mêmes émaux. On dit aussi hanchemens, & on y met un h par corruption : car achemens étoient autrefois synonymes à ornemens ; & l'on entendoit par ce mot des lambrequins ou chaperons d'étoffe découpés qui enveloppent le casque & l'écu, & qui sont ordinairement des mêmes émaux que les armoiries. Voyez CASQUE, FEU, MBREQUINSUINS.


HACHENBOURG(Géogr.) ville, château, & bailliage d'Allemagne, au comté de Sayn, près de Coblentz, sur le Rhin.


HACHERv. act. (Gramm.) couper en morceaux ; ce mot vient de l'instrument tranchant hache ; il se prend au simple & au figuré : on dit de la viande hachée, & un style haché. Il a plusieurs acceptions dans les Arts. Voyez les articles suivans.

HACHER, en Grav. & en Dess. est l'art de disposer des lignes à l'aide du burin ou du crayon, pour donner l'effet aux différens objets que l'on veut ombrer, soit en Gravure, soit en Dessein. Pour hacher, on se sert de lignes droites, courbes, ou ondées ; quelquefois on les employe seules, quelquefois aussi on les employe ensemble en les croisant en forme de losange, plus ou moins obliquement. Le sens dans lequel il convient de disposer ces lignes ou traits pour former les ombres, n'est pas tout-à-fait arbitraire, comme bien des graveurs & dessinateurs le pensent ; il faut que leur direction participe de la nature ou de la perspective de l'objet que l'on veut ombrer. Si l'objet est rond, le sens des hachures doit être circulaire ; s'il est uni, les hachures doivent être unies ; s'il est inégal, les hachures doivent participer de ces inégalités. Enfin pour parvenir à donner l'effet convenable, soit à une gravure, soit à un dessein, le grand art est de les varier, de maniere cependant qu'elles indiquent toûjours l'inflexion ou la forme générale des différens objets qu'elles couvrent. S'il y a plusieurs hachures les unes sur les autres, ainsi qu'il arrive le plus souvent, qui se croisent en maniere de losange ; il faut toûjours affecter que celle qui peut exprimer la forme générale ou particuliere de différens objets ombrés, soit la dominante ; ensorte que toutes les autres lignes ne servent que pour la glacer, l'unir, & en augmenter l'effet.

HACHER, (Jouaillier, Bijoutier, Fourbisseur, Argenteur, Damasquineur, Emailleur) c'est taillader une piece pour donner sur elle plus de prise à la matiere qu'on y veut attacher, soit émail, soit or, soit argent. Pour cet effet, on se sert d'un instrument appellé couteau à hacher.

* HACHER, (Lapidaire) c'est la manoeuvre par laquelle ces ouvriers pratiquent des traits à leur roue, soit avec la lame d'un couteau, soit à la lime, soit autrement. La poudre du diamant s'engage dans ces traits, & forme une espece de lime qui prend dans le mouvement rapide de la roue, sur la pierre qu'on y applique, chargée d'un poids, l'use & lui donne du poli ; sur-tout lorsqu'en appuyant la main sur la tenaille qui tient la pierre appliquée, on la presse contre la roue, en la faisant vaciller en sens contraires à celui de la roue : il arrive par ce vacillement leger, que les traits de la roue coupent les premiers traits qu'elle a faits sur la pierre, & les empêche de paroître. Sans ce petit tour de main, vous userez, mais vous ne polirez pas.

HACHER, en Maçonnerie, ou dans la Coupe des Pierres ; c'est avec la hache du marteau à deux têtes, unir le parement d'une pierre pour la rustiquer & la layer ensuite.

Lorsqu'une pierre ou un moilon a été haché, on peut le couvrir de plâtre ; & ce recouvrement s'appelle enduit ou crépi. Voy. HACHETTE, CREPI, DUITDUIT.

HACHER, (Tapissier, & autre Manufacturier en laine) c'est réduire en poudre la tonture des draps ou des autres étoffes en laine ; ou même pratiquer la même chose sur de la laine neuve.


HACHETTES. f. (Arts méchaniq.) instrument à l'usage d'un grand nombre d'ouvriers ; c'est ainsi que le diminutif le désigne une petite hache. Les Charpentiers en ont une à marteau, dont ils se servent pour ajuster des pieces de bois. Les Tonneliers, les Charpentiers, les Couvreurs, les Maçons ont aussi leur hachette. Les Maçons se servent d'un des bouts pour équarrier, & de l'autre pour placer le moilon ou la pierre. A la hachette du Maçon, au lieu de panne, il y a un tranchant large de deux pouces & demi : cet outil s'aciére comme le marteau. Voyez ACIERER. Voyez les Planches & leurs explications.


HACHIS. m. (Cuisine) mets préparé de viandes ou poissons hachés menu & assaisonnés.


HACHOIRou HACHE-PAILLE, s. m. (Man. & Maréchall.) instrument appellé par quelques auteurs coupe-paille, & dont les Espagnols, ainsi que les Allemands, font un fréquent usage : il n'est pas généralement employé parmi nous : quelques écuyers seulement & quelques amateurs des chevaux en sont pourvûs & s'en servent très-utilement. Il est composé de trois planches formant entr'elles une sorte de gouttiere sans inclinaison, qui diminue de largeur & de hauteur, en approchant de l'extrémité où se réunit toute la méchanique de la machine ; sa longueur est d'environ trois pieds & demi ; sa plus grande largeur intérieure d'un pied ; la plus petite, de sept ou huit pouces. La paroi du fond a neuf lignes d'épaisseur ; les parois latérales faites chacune de deux pieces dans leur longueur, en ont autant dans quelques parties, & n'en ont que six dans d'autres ; leur plus grande hauteur est d'environ dix pouces & la plus petite de huit ; leur extrémité la plus étroite est entr'ouverte par une mortaise qui la traverse de part en part parallelement à sa rive perpendiculaire, & à trois pouces de cette rive. Cette mortaise qui a environ six pouces de hauteur sur huit ou neuf lignes de largeur, est armée d'une platine de fer qui en garnit tout le contour, & qui est arrêtée par des cloux. Ces deux mêmes parois sont maintenues dans leur position perpendiculaire sur celle du fond, par une piece de fer figurée comme l'embrasure d'une porte quarrée & cintrée par le haut ; le cintre excédant leur hauteur d'environ trois pouces ; & cette piece, dans ce qui forme les montans & la traverse inférieure, est arasée avec l'intérieur de la paroi du fond & des parois latérales auxquelles elle est réunie par deux cloux à vis qui les traversent dans leurs angles. On doit observer que dans celle des deux parties des parois qui est la plus grande, la plus longue & la plus mince, les fils du bois sont couchés ; dans l'autre, qui est à-peu-près quarrée, les fils du bois sont debout : celle-ci, d'un tiers environ plus épaisse, est fortifiée par trois petites bandes de fer ; deux d'entr'elles sont attachées à une de leurs extrémités, par la même vis qui attache & qui tient les montans de l'embrasure de fer, & suivant parallelement au fond & à la rive supérieure toute la largeur de la portion à-peu-près quarrée, elles vont de l'autre part se terminer sur celle qui a le plus de longueur ; la troisieme bande garnit l'épaisseur de ces portions ; & sur cette même épaisseur sont fixés deux goujons, l'un à l'extrémité postérieure, & l'autre à un tiers de longueur à compter de cette même extrémité, lesquels servent à maintenir chacun un liteau ou une traverse qui repose sur la rive supérieure de chaque paroi : quant aux bandes, elles sont clouées d'espace en espace, & elles affermissent tous les assemblages. Ces assemblages sont deux tenons avec languette entre-deux, pour la partie de la paroi latérale qui porte la mortaise, & de simples languettes : pour ce qui concerne l'autre partie, qui est unie non-seulement à la premiere, mais au fond & à une emboîture qui termine l'extrémité la plus large des parois des côtés. Cette emboîture est légerement cintrée en-dehors ; elle est assemblée par tenon avec la paroi du fond. Une petite bande de fer clouée sur l'épaisseur & supérieurement, en rend impossible la séparation d'avec les parois latérales, qui dans une partie de leur longueur, se ressentent du trait-d'arc ou du cintre leger dont j'ai parlé.

Cette gouttiere ainsi comparée est élevée d'environ un pied & demi à chaque extrémité, sur deux piés assemblés à-peu-près comme ceux des treteaux ordinaires ; ceux de l'extrémité antérieure sont assez larges pour être refendus dans une portion de leur longueur, par une mortaise d'environ neuf lignes, parallele à leurs rives antérieures, & qui en est distante d'environ autant de lignes. L'un de ces piés n'est entr'ouvert que pour recevoir l'extrémité d'une lame de bois, dont l'autre extrémité doit joüer & mouvoir de haut en bas dans la mortaise du pié qui répond au premier. Celle-ci peut parcourir ainsi un arc d'environ quarante-cinq degrés ; cette même lame est jumelée, & sa jumelle joue extérieurement : elles sont l'une & l'autre assemblées, d'une part par un boulon à vis & écrous à oreilles qui les traversent, ainsi que le pié, & qui devient le centre de leurs mouvemens ; & de l'autre, c'est-à-dire à leur extrémité mobile, par un autre boulon semblable qui les traverse encore & qui passe en même tems dans l'oeil du grand couteau à-peu-près pareil à ceux dont se servent les Boulangers pour couper le pain. Le manche de ce couteau dont la lame a environ deux piés de longueur, n'offre rien de différent, si ce n'est qu'il est un peu plus incliné en contre-bas. Je remarque au surplus que les jumelles excedent la machine d'environ sept ou huit pouces, à compter du boulon qui tient le couteau ; que les boulons sont distans de l'un à l'autre d'environ un pied huit pouces ; & que le centre du mouvement des jumelles est éloigné d'environ un pié deux pouces de la paroi inférieure de la gouttiere.

Derriere les deux piés antérieurs est placée une pédale ; elle est assemblée mobilement par l'une de ses extrémités, dans la partie inférieure du pié opposé au côté, sur lequel se présente le manche du couteau ; son autre extrémité déborde de six pouces environ l'à-plomb de la machine. De cette pédale & dans le lieu qui répond à l'à-plomb du milieu, s'éleve une chaînette terminée par une lame percée de plusieurs trous, laquelle traverse un palonier qui y est fixé par le moyen d'une goupille que l'on peut mettre, selon le besoin, dans les uns ou dans les autres de ces mêmes trous, tandis que de chaque extrémité du palonier part une tringle qui s'y assemble à crochet, & qui percée par son bout supérieur, reçoit un boulon à écrou, qui passe dans les mortaises des parois latérales, & qui traverse en même tems une piece de bois qui remplit exactement la largeur de la gouttiere : en cet endroit cette piece de bois a environ huit pouces de longueur ; elle est traversée dans son épaisseur, qui est d'environ un pouce & demi, non dans sa moitié, car sa partie antérieure se trouve un pouce & demi de moins que sa partie postérieure. Sa portion inférieure doit présenter antérieurement un plan parallele à la paroi du fond de la gouttiere, & postérieurement un plan recourbé en contre-haut, tel à-peu-près que celui qu'offre à nos yeux la proue d'un bateau. Enfin sur l'épaisseur des parois latérales, à environ trois pouces de l'extrémité antérieure, sont fermement & inébranlablement attachés par anneaux deux chaînes de fer d'environ un pié de longueur, lesquelles sont reçûes par leur autre extrémité, dans deux autres anneaux fixement arrêtés à la traverse d'un rateau de fer ; les dents de ce rateau, au nombre de cinq, ont environ six pouces de longueur : sa traverse est moins longue d'environ un pouce & demi que la gouttiere n'est large ; elle porte un manche d'environ neuf à dix pouces de longueur dans la direction des dents.

Les noms que nous avons donnés à cet instrument en indiquent l'usage.

Placez dans la gouttiere une certaine quantité de paille de froment que vous y coucherez dans sa longueur, & qui ne débordera antérieurement que d'environ deux lignes ; engagez-en une extrémité du côté qui doit déborder sous la piece de bois, qui est mobile au moyen du boulon qui la perce & qui passe dans les mortaises des parois latérales ; appuyez fortement le pié gauche sur la pédale qui répond de chaque côté à ce boulon, à l'effet d'abaisser cette même piece, & de comprimer vivement la paille engagée ; saisissez en même tems le manche du couteau avec votre main droite ; tirez-le à vous, & pressez médiocrement en contre-bas ; il en résultera un mouvement composé dans la lame : les jumelles qui la portent seront en effet d'une part sollicitées à s'élever & à la laisser courir suivant sa longueur, tandis que l'impression & l'appui de la main lui donneront la facilité & la puissance de couper la paille offerte à son tranchant ; puissance néanmoins qu'elle ne peut avoir, qu'autant qu'elle rasera exactement dans son chemin la rive extérieure de l'embrasure de fer, qui n'est polie avec soin que pour que cette même lame ne soit point offensée à chaque coup de main de l'ouvrier ; chacun de ces coups étant donnés, ce même ouvrier dont la main gauche sera saisie du manche du rateau, & qui aura eu l'attention d'en tenir les dents légerement en arriere, renversera ce manche en cessant toute compression sur la pédale, & portera dès-lors la paille en-avant, proportionnément à la saillie qu'elle doit avoir en-dehors pour être coupée ; il appuyera ensuite de nouveau sur la pédale, & usera du couteau, comme il l'a fait auparavant. C'est ainsi que l'on prépare à l'animal une nourriture très-saine, pourvû que la paille ne soit point noire, grossiere, & telle qu'elle croît dans certaines provinces & dans certains cantons de ce royaume. On la mêle avec l'avoine ; on en donne le double ainsi mêlée. Il est même quelques pays où elle sert d'unique ou de principal aliment au cheval, & dans lesquels les hachoirs ou hache-paille sont armés de plusieurs couteaux par le moyen desquels on hache une plus grande quantité de paille ensemble. Nous n'avons point sous nos yeux cet instrument ; & la mémoire ne nous fournissant à cet égard rien de précis, nous n'en hasarderons pas ici la description.


HACHURES. f. en Grav. & Dessein, se dit des lignes ou traits dont on se sert pour exprimer les ombres, soit dans les gravures, soit dans les desseins, à l'aide du burin ou du crayon : Il y a des hachures simples & des doubles ; les simples sont formées par une seule ligne, soit droite, soit courbe ; les doubles sont formées par plusieurs lignes, soit droites, soit courbes, qui se croisent en maniere de losange : pour leur opération, V. HACHER, en Grav. & en Dessein.

HACHURES EMPATEES, en Gravure ; on se sert de ce terme pour exprimer le dégât que l'eau-forte a fait en enlevant le vernis & confondant les hachures ensemble. Voyez GRAVURE A L'EAU FORTE.

Les hachures sont de grand usage dans le Blason, pour faire distinguer les différens émaux des écussons, sans qu'ils soient enluminés. Voyez EMAIL & COULEUR. Presque toutes les figures ombrées de ce livre sont gravées en hachures. Voyez les Planches de Blason, & leur explication.


HACUB(Hist. nat. Bot.) nom que les Indiens donnent à une plante qui ressemble au chardon, mais qui est plus grande & plus élevée que lui. Au printems elle pousse de grands rejettons comme ceux de l'asperge, que les Indiens font bouillir pour les manger. Lorsqu'on les laisse croître sans les couper, ils portent des boutons armés de pointes, au bout desquels sont des fleurs rouges. La racine de cette plante est grosse & longue ; elle purge légerement, & excite le vomissement, lorsqu'on l'a fait infuser dans de l'eau chaude.


HACZAGSarmisia vallis, (Géog.) petit pays de Transylvanie, sur les confins de la Walaquie, avec titre de comté ; c'est dans ce district que sont les ruines de l'ancienne Ulpia Trajana, desquelles il est vraisemblable que s'est formée à quelque distance la ville dont le pays porte le nom. (D.J.)


HADAMARHademarium, (Géog.) ville d'Allemagne au cercle du Haut-Rhin, dans la Wétéravie, résidence ordinaire d'une branche de la maison de Nassau, avec un château près de la riviere de Lohne, à neuf lieues N. O. de Mayence, six E. de Coblents. Long. 25. 41. latit. 50. 21. (D.J.)


HADDINGLAWN(Géog.) ville d'Ecosse, dans la province de Lothian, sur la Tyne, à six milles d'Edimbourg.


HADDINGTONou plutôt HADDINGTOWN, en latin Hadina, (Géog.) ville ou bourg de l'Ecosse méridionale, capitale d'un bailliage ou sherifsdom de même nom dans la Lothiane, à cinq lieues E. d'Edimbourg. Long. 15. 6. lat. 56. 10.

C'est la patrie de Jean Major, fameux théologien scholastique, mort en Ecosse en 1648, âgé de 42 ans. Il avoit étudié & enseigné à Paris ; mais tous ses ouvrages sont tombés dans l'oubli, jusqu'à son histoire latine de la Grande-Bretagne. (D.J.)


HADELAND(Géog.) petite ville de Norwege, dans la province d'Aggerhus, à trois lieues de Christiania.


HADELER-TAND(Géogr.) petit pays d'Allemagne situé à l'embouchure de l'Elbe, & appartenant au roi d'Angleterre, comme électeur de Brunswick-Lunebourg.


HADELLANDHadella, (Géog.) petit pays d'Allemagne, au nord du pays de Brême, assez près de l'Elbe. Je crois que l'empereur en joüit aujourd'hui. (D.J.)


HADEMAR(Géog.) petite ville d'Allemagne, dans le Westerwald, qui a donné son nom à une branche de la maison de Nassau, éteinte en 1711.


HADÉQUIS(Géog.) petite ville d'Afrique située dans une plaine, au royaume de Maroc, dans la province d'Héa, à trois lieues de Técule. Les Portugais la prirent d'assaut en 1514, & emmenerent pour esclaves les plus belles femmes. Long. 8. 30. lat. 30. 44. (D.J.)


HADERSLÉBENHaderslebia, (Géog.) ville du Danemark au Duché de Sleswig, capitale d'une préfecture considérable de même nom, avec une bonne citadelle ; elle est proche la mer Baltique, à cinq milles d'Allemagne S. E. de Ripen, 11. N. de Sleswig. Les géographes du pays lui donnent 55 d. 15'. 30''. de latit. sur 42 d. 53'. 30''. de long. M. Delisle la fait plus septentrionale d'un degré au-moins ; mais la longitude est excessive de plus de 12 degrés, à la prendre de l'île de Fer ; & quand même on la prendroit aux îles Açores, le méridien du quarantieme degré passeroit à l'orient de toute la presqu'île de Sleswig & de Jutland, sans y toucher. (D.J.)


HADÈS(Mythol.) c'est de ce nom que les Grecs appellent Pluton.


HADHRAMOUT(Géog.) ville & contrée d'Asie dans l'Arabie heureuse : M. d'Herbelot, qui parle fort au long de cette contrée dans sa bibliotheque orientale, dit que les anciens l'ont connue sous le nom d'Hadramithena. Il y a dans ce pays une montagne nommée Schibum, d'où l'on tire les plus belles onyces & agathes de tout l'orient. La ville d'Hadhramont est à quarante-six lieues O. de Carésen. Long. 67. 8. lat. 14. 40. (D.J.)


HADRAS(Hist. mod.) nom donné par les Arabes errans & vagabonds à ceux de leur nation qui habitent les villes, qui contractent des mariages avec les autres, qu'ils haïssent mortellement.


HADRIANALESS. m. pl. (Hist. anc.) jeux accompagnés de tous les assortimens de la déification ; Antonin les établit à Pouzolles avec un temple en l'honneur d'Hadrien, dont après la mort il obtint du sénat l'apothéose.

Il y avoit dans ce temple un flamine du nom d'Hadrien, avec un college de prêtres destinés au service du nouveau dieu ; mais Hadrien n'avoit pas attendu jusqu'à ce tems-là à goûter les honneurs divins ; il s'étoit emparé lui-même pendant sa vie de la couronne céleste ; il se consacra un autel dans Athènes, au temple de Jupiter Olympien ; & à mesure qu'il passoit par les villes d'Asie, il multiplioit les temples qu'il se bâtissoit, les appelloit Hadrianées ; & selon toute apparence, il ne se proposoit pas de les consacrer à Jesus-Christ. Lampridius est le seul qui nous ait fait ce conte fabuleux. (D.J.)


HADRIANÉEHadrianeum, s. m. (Hist. anc.) c'est ainsi qu'Hadrien desira qu'on nommât les temples qu'il faisoit bâtir lui-même en plusieurs villes, à sa propre gloire ; & ce nom leur resta comme un monument de sa vanité. V. HADRIANALES. (D.J.)


HADRIANISTESS. m. pl. (Hist. ecclés.) ce furent des hérétiques des premiers siecles de l'Eglise ; Théodoret qui en a fait mention les met au nombre des disciples de Simon le magicien. Apparemment que leur chef s'appelloit Hadrien, & que c'est de ce nom qu'ils furent appellés Hadrianistes ; comme aujourd'hui on dit de Jansénius, Jansénistes ; de Molina, Molinistes.


HAEMALOPIEVoyez HEMALOPIE.


HAEMALOPS(Medecine) Voyez HEMALOPIE.


HAEMANTUS(Botan.) Voyez HEMANTUS.


HAEMATITou SANGUINE, (Hist. nat. Lith.) Voyez HEMATITE.


HAEMATOCELE(Medecine) Voyez HEMATOCELE.


HAEMATOSE(Medecine) Voyez HEMATOSE.


HAEMIMONTUS(Géograph. anc.) Voyez HEMIMONTUS.


HAEMIS(Mythol.) Voyez HEMIS.


HAEMON(Géogr. anc.) Voyez HEMON.


HAEMONIE(Géog. anc.) Voyez HEMONIE.


HAEMOPHOBE(Med.) Voyez HEMOPHOBE.


HAEMOPHTYSIE(Medecine) Voyez HEMOPHTYSIE.


HAEMOROSCOPIE(Medecine) Voyez HEMOROSCOPIE.


HAEMORRHAGIE(Medecine) Voyez HEMORRHAGIE.


HAEMORRHOIDES(Medecine) Voyez HEMORRHOIDES.


HAEMORRHOISVoyez HEMORRHOIS.


HAEMORTASIEVoyez HEMOSTASIE.


HAERMIX(Botan.) Voyez HERMIA.


HAESBROUK(Géog.) petite ville de Flandre, à deux lieues d'Aire. Longit. 20. 4. latit. 50. 40. (D.J.)


HAFIZIou HAFIZAN, ou HAFIZLER, s. m. (Hist. mod.) ce sont en Turquie ceux qui apprennent tout l'alcoran par coeur ; le peuple les regarde comme des personnes sacrées à qui Dieu a confié sa loi, & qu'il en fait dépositaires. Il ne faut qu'une mémoire heureuse pour parvenir à ce titre sublime. Ce nom est dérivé de l'arabe hafizi, qui signifie en général celui qui garde quelque chose. Ricaut, de l'empire ottoman. (G)


HAGADAS. f. (Hist. mod.) sorte d'oraison que les Juifs récitent le soir de la veille de leur pâque, au retour de la priere ; ils se mettent à une table, sur laquelle il doit y avoir quelque morceau d'agneau tout préparé, avec des azymes, des herbes ameres, comme de la chicorée, des laitues, &c. & tenant des tasses de vin, ils prononcent cette hagada, qui n'est qu'un narré des miseres que leurs peres endurerent en Egypte, & des merveilles que Dieu opéra pour les en délivrer. Dict. des Arts. (G)


HAGARDadj. (Gramm.) épithete relative au regard. On dit de celui qui a dans la vûe quelque chose d'incertain, de farouche & de trouble, qu'il a les yeux hagards.

HAGARD, (Fauconnerie) est le contraire de sor. Le faucon hagard est celui qui n'a pas été pris au nid, & qui est difficile à apprivoiser.


HAGELAND(Géogr.) petit pays des Pays-bas autrichiens, qui se trouve entre Louvain & le pays de Liége.


HAGENOW(Géogr.) petite ville d'Allemagne, dans le comté de Schwerin, au duché de Meklenbourg.


HAGENSTELZENcélibataires. (Hist. mod.) nom que l'on donne en Allemagne, dans le bas Palatinat, aux garçons qui ont laissé passer l'âge de vingt-cinq ans sans se marier ; après leur mort, leurs biens sont confisqués au profit du prince, s'ils ne laissent ni peres ni meres, ni freres ni soeurs. Il y a aussi en quelques endroits un droit que les vieux garçons sont obligés de payer au souverain, lorsqu'ils se marient. Ce droit se nomme en allemand hagenstolzenrecht. Voyez Hubner, dictionn. geograph.


HAGou HAJI, (Hist. mod.) Les Mahométans nomment haj le pelerinage qu'ils font à la Meque, Médine & Jérusalem ; celui qui s'est acquité de ce pelerinage se nomme haji ou hagi. Chaque musulman est obligé à remplir ce devoir une fois en sa vie ; il doit suivant la loi choisir le tems où ses moyens lui permettent d'employer la moitié de son bien à la dépense du pelerinage ; l'autre moitié doit rester en arriere, afin de la pouvoir retrouver à son retour. Ceux qui ont fait plusieurs fois ce pelerinage sont très-estimés par leurs concitoyens. Le voyage se fait par caravanes très-nombreuses ; & comme on passe par des deserts arides, le sultan envoye des ordres au bacha de Damas de faire accompagner les caravanes de porteurs d'eau, & d'une escorte qui doit être forte au-moins de 14000 hommes, pour garantir les pelerins des brigandages des Arabes du desert. Voyez hist. othomane du prince Cantimir.


HAGIAou HIGIAZ, (Géogr.) province d'Asie dans l'Arabie, bornée O. par la mer Rouge, N. par l'Arabie Petrée, E. par la Théama. Sa capitale est Hagiaz, autrement dite Hagr. (D.J.)


HAGIBESTAGE(Géogr.) c'étoit autrefois une grande ville ; c'est à-présent un village de la Natolie, fameux par les pelerinages des Turcs & par l'hébergement magnifique, ou plutôt le palais destiné pour les voyageurs. Tous les allans & venans y sont parfaitement bien reçus, logés & traités. Paul Lucas en fait la description dans son second voyage de Grece. (D.J.)


HAGIOGRAPHESS. m. pl. (Théolog.) nom que l'on a donné à une partie de l'Ecriture sainte, que les Juifs appellent chetuvim. Voyez BIBLE, &c. Ce mot est composé d', saint, & de , j'écris. Ce nom est fort ancien. Saint Jérôme fait souvent mention de ces livres, & saint Epiphane les appelle simplement .

Les Juifs divisent les saintes Ecritures en trois classes : la loi qui comprend les cinq livres de Moyse ; les prophetes qu'ils appellent neviim, & les chetuvim que les Grecs appellent hagiographa, & qui contiennent les livres des pseaumes, des proverbes, de Job, de Daniel, d'Esdras, des chroniques, du cantique des cantiques, de Ruth, des lamentations, de l'Ecclésiaste & d'Esther.

Les Juifs donnent aussi quelquefois à ces livres le nom d'écrits par excellence, comme ayant été composés d'après l'interprétation immédiate du Saint-Esprit. C'est ainsi qu'en parlent Kimchi dans sa préface sur les pseaumes ; Maimonides, in more Nevoch & Elias Levite, dans son thisbi. Cependant ils distinguent les hagiographes des prophetes, parce que les premiers n'ont point reçu la matiere de leurs livres par la voie qu'ils appellent prophetia, laquelle consiste en songes, visions, souffles, paroles entendues, extases, &c. mais purement & simplement par l'inspiration & la direction du Saint-Esprit. Voyez INSPIRATION.

On appelle encore hagiographe en général, tout auteur qui a travaillé sur la vie & les actions des saints. Ainsi en ce sens les Bollandistes sont les plus savans & les plus volumineux hagiographes que nous ayons. (G)


HAGIOSIDERES. m. (Théolog.) Les Grecs qui sont sous la domination des Turcs, ne pouvanr point avoir de cloches, se servent d'un fer au bruit duquel les fideles s'assemblent à l'église ; & ce fer s'appelle hagiosideron, mot composé d', saint, & de , fer.

Magius donne la description d'un hagiosidere qu'il a vû, & il dit que c'est une lame large de quatre doigts & longue de seize, attachée par le milieu à une corde qui la tient suspendue à la porte de l'église ; on frappe dessus avec un marteau.

Lorsqu'on porte le viatique aux malades, celui qui marche devant le prêtre porte un hagiosidere sur lequel il frappe trois fois de tems-en-tems, comme on sonne ici une clochette pour avertir les passans d'adorer. Dictionn. de Trév. (G)


HAGRou HAGIAR, ou HAGIAZ, (Géogr.) ville de l'Arabie Heureuse en Asie dans la province d'Hagias, à 35 lieues N. de Médine. Cette ville paroît être celle que Ptolomée & Strabon appellent Petra deserti ; elle fournit son nom à l'Arabie Petrée ; les sultans de Syrie & d'Egypte l'ont possédée long-tems. Voyez PETRA. Nassireddin lui donne 83d. 30'. de long. & 25 d. 15'. de latitude septentrionale. (D.J.)


HAGUENAUHagonoja, (Géogr.) petite ville de France en Alsace, capitale d'un bailliage ou préfecture de même nom, autrefois impériale. Les François la prirent en 1673, & les Impériaux en 1702 ; les François la reprirent en 1703, & les Impériaux en 1705, après que le prince Louis de Bade eut forcé les lignes des François, qui néanmoins s'en rendirent encore maîtres en 1706. Elle est sur la Motter qui la divise en deux parties, à 5 lieues N. de Strasbourg, 6 O. de Bade, 10 S. O. de Landau, 102 E. de Paris. Long. 25 d. 27'. 55''. latit. 48 d. 48'. 45''.

Haguenau a donné le jour à Capiton (Wolfgang Fabrice), qui se fit recevoir docteur en Medecine, en Droit & en Théologie ; mais il se distingua seulement dans cette derniere science : il devint un des plus habiles théologiens de son tems dans le parti d'Oecolampade, dont il épousa la veuve. Il mourut de la peste en 1542, âgé de 63 ans. (D.J.)


HAHELAND(Géogr.) district dans la Prusse polonoise, où est située la ville d'Elbingen.


HAIS. m. il se dit en jargon de Riviere, d'un endroit dangereux où l'eau tournoye, comme il arrive ordinairement à la culée d'une pile de pont, du côté d'aval.


HAIÇONSS. m. pl. (terme de Pêche) c'est ainsi qu'on appelle dans l'amirauté de Bayonne une sorte de petits bateaux peu différens de ceux qu'on y appelle des tillolles.


HAICTITESS. m. pl. (Hist. mod.) secte de la religion des Turcs. Ceux qui y sont attachés croyent comme les Chrétiens que Jesus-Christ a pris un corps réel, & qu'il s'est incarné dans le tems, quoiqu'il fût éternel. Ils ont même inseré dans leur profession de foi, que le Christ viendra juger le monde au dernier jour, parce qu'il est écrit dans l'alcoran : ô Mahomet, tu verras ton Seigneur qui viendra dans les nues. Or ce mot de Seigneur, ils l'appliquent au Messie, & ils avouent que ce Messie est Jesus-Christ, qui, disent-ils, reviendra au monde avec le même corps dont il étoit revétu sur la terre, pour y régner quarante ans, & détruire l'empire de l'antechrist, après quoi la fin du monde arrivera. Cette derniere opinion, selon Pocok, n'est pas particuliere à la secte des Haictites, mais généralement répandue parmi tous les Turcs. Ricaut, de l'empire ottoman. (G)


HAIDENSCHAFFT(Géog.) ville d'Allemagne, au duché de Carinthie, sur la riviere de Kobel.


HAIDINGSFELD(Géog.) petite ville d'Allemagne, en Franconie, dans l'évêché de Wurtzbourg.


HAIEou HAYE, s. f. (Agriculture) c'est une longueur de plants servant de clôture à un jardin ou à un champ, laquelle est plantée d'épines blanches, de charmes, d'ormes, de ronces & de brossailles.

On dit une haie vive, une haie morte, une haie d'appui ; la haie d'appui a pris ce nom de sa hauteur, la haie vive, de sa nature qui est de plantes ayant racines & vivaces ; la haie morte, des échalats, fagots, ou branches seches dont elle est faite.

HAIE, ou plutôt HAYE, (Droit franç. coutumier) les haies sont quelquefois un sujet de disputes, que les Lois ont de la peine à prévenir, ou à régler. Suivant le Droit coutumier de France, ceux qui plantent une haie, doivent laisser un espace entre la haie & le fond voisin : si elle est vive, la distance doit être d'un pié & demi : si elle est de bois mort, on peut l'établir sur l'extrémité du fonds, sans laisser aucun vuide ; parce que semblable clôture ne sauroit préjudicier au fonds voisin. Ce n'est donc qu'à l'égard de la haie vive, qu'il survient des contestations de propriété ; par exemple, lorsque deux voisins reclament chacun la haie, & que le juge ignore à qui elle doit appartenir ; en ce cas, le sentiment de Coquille, dans ses quest. chap. cxlviij. est que s'il y a un fossé du côté de la haie, elle doit appartenir au propriétaire du fonds qui est au-delà du fossé & de la haie : dans le doute, ajoûte-t-il, on doit juger de la propriété de la haie par la qualité & par la nature des héritages qui sont aux deux côtés ; car si elle est entre une terre que l'on seme & une vigne, la présomption sera qu'elle appartient au propriétaire de la vigne, à qui la clôture est plus nécessaire qu'à la terre. Il en est de même d'une haie plantée entre une terre & un pré, le pré étant exposé à la pâture du bétail, s'il n'est pas clos. Loisel, dans ses Institutions coutumieres, liv. II. tit. iij. art. 8. a décidé de même que Coquille. Aubert, addit. à Richelet. (D.J.)

HAIE, c'est dans l'Art militaire une disposition de soldats sur une ligne droite ou sur un seul rang ; ensorte que mettre des soldats en haie, c'est les mettre sur un seul rang. Voyez EVOLUTIONS. (Q)


HAI(LA) (Géog.) lieu charmant des Provinces-Unies dans la province d'Hollande, autrefois résidence des comtes de Hollande, d'où lui vient son nom flamand de S'Gravenhagen, que l'on exprime en latin par Haga Comitum.

C'est aujourd'hui le centre du gouvernement de la république, la demeure des membres des Etats-généraux, des ambassadeurs & ministres étrangers. Quoique la Haie n'ait point encore de rang marqué parmi les villes de la Hollande, elle a par son étendue, par le nombre & la beauté de ses palais, par la dignité de ses habitans, par les prérogatives de ses magistrats, & par la magnificence de ses promenades, de quoi tenir rang entre les plus belles villes de l'Europe.

C'est d'une petite maison de chasse dans un bois où les comtes de Hollande venoient quelquefois, que s'est formé ce beau lieu ; mais l'éclat où nous le voyons aujourd'hui n'existoit pas encore au treizieme siecle ; il arriva seulement qu'alors Guillaume II. comte de Hollande, élu & couronné empereur en 1248, transporta de tems en tems son séjour à la Haie, où il commença le palais qui est aujourd'hui la cour. En 1291 la Haie devint le chef-lieu d'un bailliage ; avec le tems il prit le nom de village, & même en 1557, il ne passoit point encore pour être une ville. Voyez Altingius & Boxhornius sur tous les autres détails.

La Haie est située à une petite lieue de la mer, à environ autant de Delft, au N. O. à trois lieues S. O. de Leyde, quatre N. O. de Rotterdam, & douze S. O. d'Amsterdam. Long. 21. 45. lat. 52. 4. 10.

Puisque la Hollande est si féconde en gens de lettres du premier ordre, il ne faut pas s'étonner que la Haie participe à cette gloire ; mais entre un grand nombre de savans dont elle est la patrie, je me contenterai de citer ici Golius,, Huyghens, Meursius, Ruysch, Sallengre, & Second.

Golius, (Jacques) fut un des plus habiles hommes de son siecle dans les langues orientales ; nous lui devons deux excellens dictionnaires, l'un arabe & l'autre persan ; l'histoire des Sarrasins par Elmacin, & les élémens astronomiques d'Alsergan avec des commentaires : il voyagea tant en Asie qu'en Afrique, & mourut à Leyde en 1667 à l'âge de 71 ans.

Huyghens (Chrétien), en latin Hugenius, se montra l'un des plus grands mathématiciens & des meilleurs astronomes du dix-septieme siecle. Il apperçut le premier un anneau & un troisieme satellite dans Saturne ; il trouva le secret de donner de la justesse aux horloges, en y appliquant un pendule, & en rendant toutes les vibrations égales par la cycloïde ; il perfectionna les télescopes, & fit un grand nombre de découvertes utiles. Il mourut dans sa patrie en 1695 à 66 ans : on peut voir son éloge dans le journal de M. de Beauval, Août 1695 ; mais il faut le lire dans l'hist. de l'Acad. des Sciences, dont il étoit associé étranger. Ses ouvrages ont été recueillis, & forment trois volumes in-4 °.

Meursius (Jean) l'un des plus érudits & des plus laborieux écrivains du siecle passé, méritoit bien son emploi de professeur en histoire & en langue greque à Leyde. Il a tellement développé l'état de l'ancienne Grece par ses divers ouvrages, insérés ensuite dans le trésor de Graevius, qu'il n'a rien laissé à glaner après lui ; voyez-en la liste étonnante dans Morery, ou dans le P. Niceron, tome XII. page 181. Il mourut de la pierre à Sora en 1639, à 60 ans ; son fils Jean (car il se nommoit comme son pere) qui marchoit sur ses traces, mourut à la fleur de son âge, ayant déjà publié quelques écrits très-estimés.

Ruysch (Fréderic) paroît encore un homme plus rare en son genre. Les gens de l'art savent avant moi, qu'il n'y a personne au monde à qui la fine Anatomie soit plus redevable, qu'au talent supérieur de ses injections. Ses ouvrages si curieux sont entre les mains de tous ceux qui cultivent la Medecine & l'Anatomie. Il mourut à Amsterdam en 1731, comblé de gloire pour ses admirables découvertes, âgé presque de 93 ans. Le docteur Schreiber a donné sa vie, en medecin vraiment éclairé ; M. de Fontenelle a fait son éloge dans l'hist. de l'académie des Sciences, dont il étoit membre.

M. de Sallengre (Albert-Henri) n'avoit que 30 ans, quand la petite vérole trancha ses jours en 1723 ; cependant il avoit déjà publié des ouvrages pleins d'érudition. On connoît son grand recueil latin d'antiquités romaines, en 3 vol. in-fol. & ses mémoires de littérature en 2 vol. in -12.

Second, (Jean) SECUNDUS, a donné des poésies latines où regnent la fécondité & l'agrément ; ses élégies & ses pieces funebres sont touchantes ; ses sylves sont bucoliques ; ses poésies intitulées Basia, réunissent la délicatesse & la galanterie trop licencieuse. Il les auroit condamné lui-même dans un âge mûr, mais il n'y parvint pas ; il mourut tout jeune, à 25 ans, en 1536.

Je ne sais si je dois nommer à la suite des savans qu'a produit la Haie, ce monarque célebre du dernier siecle, qu'on appelloit le stathouder des Anglois, & le roi des Hollandois. Il fut, dit M. de Voltaire, simple & modeste dans ses moeurs, méprisa toutes les superstitions humaines, ne persécuta personne pour la Religion, eut les ressources d'un général & la valeur d'un soldat, devint l'ame & le chef de la moitié de l'Europe, gouverna souverainement la Hollande sans la subjuguer, acquit un royaume contre les droits de la nature, & s'y maintint sans être aimé. Il termina sa carriere en 1702, à l'âge do 52 ans. (D.J.)

HAIE (LA) Haga, Héog. petite ville de France en Touraine sur la Creuse, aux frontieres du Poitou, à deux lieues de Guierche, quatre de Châtelleraut, dix de Tours, 45 S. O. de Paris ; long. 18. 20. latit. 47. 2.

Cette petite ville peut se glorifier d'avoir donné le jour à Descartes, un des plus beaux génies du siecle passé, & le plus grand mathématicien de son tems ; il résolvoit des problèmes au milieu des siéges ; car il embrassa dans sa jeunesse le parti des armes, & servit avec beaucoup d'honneur en Allemagne & en Hongrie ; mais l'envie de philosopher tranquillement en liberté, lui fit chercher le repos dont il avoit besoin dans la solitude de la Hollande, & qu'il auroit dû y trouver sans mélange. Ce fut au village d'Egmont sur mer, Egmont-op-zee, qu'il ouvrit la carriere d'étudier la nature, & qu'il s'y égara ; cependant ses Méditations & son discours sur la méthode, sont toûjours estimés, tandis que sa physique n'a plus de sectateurs, parce qu'elle n'est pas fondée sur l'expérience. Il passa presque toute sa vie hors du royaume ; & ce ne fut qu'après bien des sollicitations, qu'il vint à Paris en 1647. Le cardinal Mazarin lui obtint du roi une pension de trois mille livres, dont il paya le brevet sans en rien toucher ; ce qui lui fit dire en riant, que jamais parchemin ne lui avoit tant coûté. La reine Christine le prioit avec instance depuis plusieurs années de se rendre auprès d'elle, il obéit ; mais il mourut à Stockholm peu de tems après, en 1650, âgé seulement de 54 ans. Lisez dans le discours préliminaire de l'Encyclopédie, pages 25 & 26 le jugement qu'on y porte du mérite de cet homme rare. Baillet a écrit sa vie, & M. Perrault ne pouvoit pas oublier son éloge dans les hommes illustres du xvij. siecle. (D.J.)


HAIGERLOCH(Géogr.) petite ville d'Allemagne, en Soüabe, dans la principauté de Hohenzollern.


HAILBRONou HEILBRON, (Géog.) selon Zeiler, Alisum, ville libre, impériale, fortifiée, & frontiere d'Allemagne dans la Soüabe ; son nom qui signifie sources salutaires, lui vient des eaux médicinales qu'elle possede dans son territoire. Il est vraisemblable que l'an 1240, sous Fréderic II, elle acquit le nom de ville, fut entourée de murailles, & déclarée ville impériale ; elle suit la confession d'Augsbourg. Les Suédois la prirent en 1631, les Impériaux en 1634, & les François en 1688. Elle est dans une situation avantageuse sur le Necker, à 10 lieues N. E. de Stutgard, 12 S. E. d'Heidelberg, 12 E. de Philisbourg, 28 N. E. de Strasbourg. Long. 26. 58. lat. 49. 10.

Faber, (Jean) théologien de l'ordre de S. Dominique, naquit à Hailbron sur la fin du seizieme siecle ; il prêcha & écrivit quantité d'ouvrages contre les Luthériens & les Calvinistes. On en a fait une édition en trois gros volumes qu'on ne lit plus aujourd'hui ; un de ses livres est intitulé le marteau des Hérétiques, malleus Haereticorum. Dans un autre de ses ouvrages, il s'attache à prouver que la foi peut être sans la charité ; mais c'est ce dont personne ne doute. Il mourut en 1541. (D.J.)


HAILLONS. m. l'h s'aspire & les ll se mouillent, terme proscrit du style noble, & qui dans ses différentes acceptions, exprime des choses basses. Au simple on entend par ce mot, un vêtement usé, déchiré ; un vieux morceau d'étoffe ; un lambeau de drap ou de toile souillé, mal-propre. Au figuré, il signifie un enfant couvert de guenilles, sale, dégoûtant ; il est aussi en certaines provinces, le cri de la populace dans le tems des vendanges.

Un gouvernement sage & éclairé sait mettre à profit les choses qui paroissent les moins propres à l'utilité générale.

Ces haillons, ces vieux lambeaux de toile tant méprisés, relégués dans les greniers ou jettés dans les rues, connus vulgairement sous les noms de drapeaux, chiffons, peilles, drilles, pates, fournissent une occupation utile à plusieurs milliers de sujets ; ils sont l'aliment de plusieurs manufactures considérables, la matiere premiere de tous nos papiers, & forment, par l'industrie des ouvriers, une branche de Commerce. Voyez l'article PAPETERIE.

Depuis long-tems l'exportation de ces matieres étoit prohibée ; l'objet en a paru assez intéressant pour déterminer dans ces derniers tems le ministere à en défendre même les amas à quatre lieues près des côtes maritimes & des frontieres du royaume, à peine de confiscation & d'amende. L'arrêt du conseil qui porte ces dernieres défenses, est du 18 Mars 1755. Article de M. DURIVAL le cadet.


HAIMBOURGou HAMBOURG, Hamburgum Austriae. (Géog.) Quelques auteurs prétendent qu'elle est le Comagenum, que les anciens mettoient en Pannonie. C'est une ancienne petite ville d'Allemagne dans la basse-Autriche, prise par Matthias Corvin roi de Hongrie, en 1482. Elle est située sur le Danube, à six milles S. O. de Presbourg, & à huit E. de Vienne. Long. 35. 10. lat. 48. 20. (D.J.)


HAINou AIN, s. m. (Pêche) c'est la même chose que hameçon. C'est une espece de crochet de fer plus ou moins grand, dont l'extrémité qui soûtient l'appât est formée en dard, de maniere que s'il arrive au poisson goulu d'avaler l'hain avec l'appât qu'on lui présente, les efforts qu'il fait ensuite pour le rejetter & le coup de poignet que donne le pêcheur, ne servent qu'à l'engager dans les chairs. L'autre extrémité de l'hain est plate, & s'attache à une ficelle ou fil qui pend de la longue perche qu'on appelle la ligne. Voyez l'article PECHE, & les Planches de Pêcherie.

Il y a le gros hain, il est garni d'un bouchon de paille que l'on enfonce dans le sable ; le gros hain à cablieres ; l'hain à cosrerons ; l'hain à rougets, merlans, &c. l'hain à limandes, carrelets, & autres poissons plats ; l'hain à soles ; l'hain à corde & plomb du libouret à maquereaux ; l'hain à pelle roulante, &c.

Tous ces instrumens se ressemblent, à la force près, qui est proportionnée à la grandeur de l'appât & du poisson.

Les pêcheurs à la ligne veillent à ce que leurs lignes soient propres, & leurs hains non rouillés : pour cet effet, ils font leurs lignes de crin & couvrent leurs hains d'étamage.

Les pêcheurs de l'amirauté de Poitou, ou des sables d'Olone, montent les hains qu'ils exposent aux oiseaux & aux poissons sur des piquets, après les avoir amorcés de pain ou de chevrettes. Leurs piquets sont dispersés sur des plages qui ne sont pas d'une grande profondeur ; cette pêche est semblable à celle des lignes montées.


HAINAN(Géog.) île considérable d'Asie, au N. du golfe de la Cochinchine, au S. de la province de Quanton, dont elle est séparée par un bras de mer d'environ huit lieues ; elle abonde en tout ce qui est nécessaire à la vie ; on pêche des baleines & des perles sur ses côtes que les Chinois possedent ; mais l'intérieur du pays est habité par une nation indépendante. On trouve dans cette île des plantes maritimes & des madrépores de toute espece, quelques arbres qui donnent le sang-de-dragon, & d'autres qui distillent une espece de larme résineuse, laquelle étant jettée dans une cassolette, répand une odeur non moins agréable que celle de l'encens. On y voit aussi de fort jolis oiseaux, des merles d'un bleu foncé, des corbeaux à cravate blanche, de petites fauvettes d'un rouge admirable, & d'autres dont le plumage est d'un jaune doré plein d'éclat. Kiuncheu est la capitale de l'île. Long. 125. 30. 128. lat. 18. 20. (D.J.)


HAINAU(LE), Géog. province des Pays-Bas catholiques, entre la Flandre, la Picardie, le Cambrésis, le comté de Namur, & le Brabant ; on le divise en Hainaut autrichien, dont la capitale est Mons ; & en Hainaut françois, dont la capitale est Valenciennes.

Dans les annales de S. Bertin, vers l'an 870, de même que dans les capitulaires de Charles le Chauve, le Hainaut est appellé Hainoum ; & ce n'est que depuis environ quatre cent ans que l'on a changé Hainoum en Hannonia. Il a été nommé Hainaut, de la petite riviere de Haine qui le coupe par le milieu.

Ce pays contient la plus grande partie du territoire des Nerviens, dont la capitale étoit Bagacum, marquée par Ptolomée comme la principale ville de ces peuples si célebres dans l'Histoire. Plusieurs grands chemins romains s'y rencontroient ; on en voit encore des restes, aussi-bien que de plusieurs monumens de l'antiquité.

Le Hainaut fut possédé par les rois d'Austrasie ; le comte Reinier, sous Charles le Simple roi de France, en fut le premier comte héréditaire. Les ducs de Bourgogne devinrent comtes du Hainaut en 1436. Cette province entra dans la maison d'Autriche par le mariage de Marie de Bourgogne avec Maximilien, dont les descendans ont joüi du Hainaut, jusqu'aux regnes de Philippe IV. & de Charles II. rois d'Espagne, qui céderent une partie du pays à la France, par les traités des Pyrénées & de Nimegue ; & la portion appartenante à l'Espagne a été donnée à l'empereur par les traités de Bade & de Radstat, confirmés par le traité de Vienne.

Le Hainaut peut avoir vingt lieues de long sur dixhuit de large : Lessoboeus en a donné l'ancienne description. (D.J.)


HAINES. f. (Morale) sentiment de tristesse & de peine qu'un objet absent ou présent excite au fond de notre coeur. La haine des choses inanimées est fondée sur le mal que nous éprouvons, & elle dure quoique la chose soit détruite par l'usage même. La haine qui se porte vers les êtres capables de bonheur ou de malheur, est un déplaisir qui naît en nous plus ou moins fortement, qui nous agite & nous tourmente avec plus ou moins de violence, & dont la durée est plus ou moins longue, selon le tort que nous croyons en avoir reçû : en ce sens, la haine de l'homme injuste est quelquefois un grand éloge. Un homme mortel ne doit point nourrir de haines immortelles. Le sentiment des bienfaits pénetre mon coeur, l'empreint, & le teint, s'il m'est permis de parler ainsi, d'une couleur qui ne s'efface jamais ; celui des injures le trouve fermé ; c'est de l'eau qui glisse sur un marbre sans s'y attacher. Hommes malheureusement nés, en qui les haines sont vivantes, que je vous plains, même dans votre sommeil ! vous portez en vous une furie qui ne dort jamais. Si toutes les passions étoient aussi cruelles que la haine, le méchant seroit assez puni dans ce monde. Si on consulte les faits, on trouvera l'homme plus violent encore & plus terrible dans ses haines, que dans aucune de ses passions. La haine n'est pas plus ingénieuse à nuire que l'amitié ne l'est à servir : on l'a dit ; & c'est peut-être une prudence de la nature. O amour, ô haine, elle a voulu que vous fussiez redoutables, parce que son but le plus grand & le plus universel est la production des êtres & leur conservation. Si on examine les passions de l'homme, on trouvera leur énergie proportionnée à l'intérêt de la nature.


HAINGEN(Géog.) petite ville d'Allemagne, en Soüabe, dans la principauté de Furstemberg.


HAIRv. act. avoir en haine. Voyez l'art. HAINE.


HAIRES. f. petit vêtement tissu de crin, à l'usage des personnes pénitentes qui le portent sur leur chair, & qui en sont affectées d'une maniere perpétuellement incommode, sinon douloureuse. Heureux ceux qui peuvent conserver la tranquillité de l'ame, la sérénité, l'affabilité, la douceur, la patience, & toutes les vertus qui nous rendent agréables dans la société, & cela sous une sensation toûjours importune ! Il y a quelquefois plus à perdre pour la bonté à un moment d'humeur déplacée, qu'à gagner par dix ans de haire, de discipline, & de cilice.

* HAIRE, (Brasserie) l'espece d'étoffe connue sous ce nom est à l'usage des Brasseurs. Voyez l'art. BRASSERIE. On s'en sert aussi dans les forges. Voyez l'article FORGES. On appelle drap de laine en haire, celui qui n'a reçû aucun apprêt, & qui est tel encore qu'au sortir du métier : si on le tond pour la premiere fois, ce qu'on appelle en premiere voie, en premiere façon, en premiere coupe, en premiere eau, on dit dans les manufactures de Sedan, tondre en hairement.


HAIRETITESS. m. pl. (Hist. mod.) secte de Mahométans, dont le nom vient de hairet, en turc étonnement, incertitude, parce que, à l'exemple des Pyrrhoniens, ils doutent de tout, & n'affirment jamais rien dans la dispute. Ils disent que le mensonge peut être si bien paré par l'esprit humain, qu'il est impossible de le distinguer de la vérité ; comme aussi qu'on peut obscurcir la vérité par tant de sophismes, qu'elle en devient méconnoissable. Sur ce principe, ils concluent que toutes les questions sont probables & nullement démonstratives ; & surtout ce qu'on leur propose, ils se contentent de répondre, cela nous est inconnu, mais Dieu le sait. Cette maniere de penser, qui sembleroit devoir les exclure des dignités de la religion, qui demande ordinairement des hommes décidés, ne les empêche pourtant pas de parvenir à celle de muphti ; & alors comme ils sont obligés de répondre aux consultations, ils mettent au bas leur fefta ou sentence, qui contient à la vérité une décision bien articulée ; mais ils ont soin d'y ajoûter cette formule : Dieu sait bien ce qui est meilleur.

Quoiqu'exacts observateurs des pratiques de la religion & des loix civiles, les Hairetites n'affichent point une morale sévere ; ils boivent du vin en compagnie, pour ne point paroître de mauvaise humeur ; mais entr'eux ils usent de liqueurs dans lesquelles il entre de l'opium ; & l'on prétend que cette drogue contribue beaucoup à les entretenir dans un état d'engourdissement qui s'accorde très-bien avec leur pyrrhonisme absolu, qu'on peut regarder comme une yvresse d'esprit. Ricaut, de l'empire ottom. (G)


HAITERBACH(Géog.) petite ville d'Allemagne, au duché de Wirtemberg, dans la forêt Noire, sur la riviere de Haiter.


HAKIMBACHIS. m. (Hist. mod.) c'est le nom qu'on donne en Perse au premier medecin du roi, de qui dépendent tous les autres medecins du royaume, il est chargé de les examiner, & de juger s'ils ont la capacité requise pour exercer la Medecine dans toute l'étendue de la monarchie.


HAKZAK(Géog.) petit pays aux confins de la Transylvanie, avec une ville de même nom.


HALA(Géog.) petite ville d'Afrique au royaume de Fez, sur les bords du Cébu, à trois lieues de Fez. Long. 31. 40. lat. 33. 30. (D.J.)


HALABAS(Géog.) ville d'Asie dans l'Indoustan, capitale d'une province de même nom ; elle est sur le Gange, sujette au Mogol, à cinquante lieues S. E. d'Agra. Thevenot en parle au long dans son voyage des Indes, chap. xxxviij. & prétend que c'est la Chrysobacra de Pline. Le grand mogol Akébar s'en rendit maître, après avoir subjugué le royaume de Bengale, & y fit bâtir une forte citadelle. Long. 100. 35. lat. 26. 30. (D.J.)


HALAGES. m. terme de Marine & de Riviere ; il désigne l'action de remonter & tirer un vaisseau ou un bâteau ; c'est aussi le chemin destiné à la même opération. Ce chemin pratiqué sur le bord des rivieres devroit toûjours être tenu libre, conformément aux ordonnances. Cependant il arrive souvent que le halage est interrompu & coupé de larges fossés, sans aucuns ponts praticables. Des riverains ont même planté des arbres ; d'autres ont élevé des barrieres, ou bâti des murailles jusque sur les bords des rivieres ; & le halage devient si difficile, qu'à quatre piés d'eau des équipages de bâtimens ont été obligés de haler leur navire au cou. Ceux qui ont des fossés dont l'eau se décharge dans les rivieres, loin de pratiquer des passages commodes, se contentent de jetter un petit soliveau large de quatre à cinq pouces, que la marée n'a pas plutôt couvert de vase, que les gens sont exposés au danger de tomber dans les fossés. Si cet accident arrive à un homme de pié, il entraîne nécessairement les autres, toutes les bricoles des haleurs étant frappées sur un même cordage. Le risque s'accroît encore, si on hale de nuit ; si une riviere est très-vaseuse, le passage en est plus glissant.

Cet embarras du halage sur les rivieres commerçantes fait un tort considérable aux navigateurs, jette leurs équipages dans un travail excessif, empêche de profiter des marées favorables, & fait échoüer ou amortir les bâtimens ; ensorte que dans les tems de foire, les négocians qui attendent leurs marchandises, sont consommés en frais de transport & de décharge.

Tout ce qui concerne les chemins qui servent au halage des bâtimens venans de la mer, est sous la jurisdiction de l'amirauté.

HALAGE se dit aussi du droit que le roi ou les seigneurs particuliers levent sur les marchandises exposées aux foires ou marchés : c'est encore le privilége particulier à quelques communautés d'arts & métiers de la ville de Paris, d'étaler & vendre dans les halles qui leur sont indiquées par leurs statuts. Voyez HALLAGE.

Enfin c'est sur la riviere de Loire le prix dont un maître convient avec les compagnons de rivieres, qu'on appelle gobeurs, pour remonter son bateau.


HALBERSTADTHalberstadium, (Géog.) ville d'Allemagne dans le cercle de basse-Saxe, capitale d'un évêché sécularisé, & réduit en principauté par le traité de Westphalie, dont joüit la maison de Brandebourg. La ville est agréablement située sur la petite riviere de Hotheim, à treize de nos lieues S. E. de Brunswich, onze S. O. de Magdebourg, douze N. O. de Mansfeld. La principauté de Halberstadt est enfermée dans le duché de Brunswick, le duché de Magdebourg, & la principauté d'Anhalt. Long. 33. 8. lat. 52. 6.

Halberstadt est la patrie d'Arnisaeus (Henningus), philosophe & medecin estimé au commencement du dix-septieme siecle. On fait en général beaucoup de cas de ses ouvrages de politique ; il établit dans la plûpart un dogme directement opposé à celui d'Althusius, savoir que l'autorité des princes ne doit jamais être violée par le peuple ; il mourut en 1635. (D.J.)


HALDE(Géog.) ville de Norwége, au gouvernement d'Aggerhus, sur la côte de l'Océan & du golfe d'Iddesfiord, aux frontieres de la Suede, au couchant & à cinq milles de Frédericstadt. Long. 28. 15. lat. 59. 45. (D.J.)


HALDENSLEBEN(Géog.) ville d'Allemagne, au duché de Magdebourg, près de Helmstadt.


HALDENSTEIN(Géog.) petite baronie de Suisse, libre & indépendante, avec un château, près de Coire, bâti en 1547 par Jean Jacques de Châtillon, ambassadeur de France ; il appartient aujourd'hui, ainsi que la baronie, à MM. de Schavestein, les plus riches seigneurs des Grisons, qui y ont introduit le calvinisme. (D.J.)


HALES. m. (Physiq.) qualité de l'athmosphere, dont l'effet est de sécher le linge & les plantes, & de noircir la peau de ceux qui y sont exposés. Le hale est l'effet de trois causes combinées, le vent, la chaleur, & la sécheresse.

* HALE A BORD, (Marine) corde qui approche une chaloupe du vaisseau, quand elle est amarrée à l'arriere.

HALE, (Géog. anc.) ville de Thessalie sur le fleuve Amphryse, & près du mont Othrys, entre Pharsale & Thebes de Phtiotide. Cette ville est écrite Alos dans le dictionnaire de la Martiniere. Philippe s'en empara, la remit aux Pharsaliens, & emmena les habitans esclaves ; elle s'appelloit constamment , & les habitans . (D.J.)


HALEBARDES. f. (Art milit. & Hist.) arme offensive composée d'un long fust ou bâton d'environ cinq piés, qui a un crochet ou un fer plat échancré en forme de croissant, & au bout une grande lame forte & aiguë.

La halebarde étoit autrefois une arme fort commune dans les armées, où il y avoit des compagnies d'halebardiers : les sergens d'infanterie sont encore armés de halebardes.

On l'appelloit hache danoise, parce que les Danois s'en servoient & la portoient sur l'épaule gauche ; des Danois elle a passé aux Ecossois, des Ecossois aux Anglois, & de ceux-ci aux François. Chambers. (Q)


HALEBASS. f. (Marine) c'est une corde ou manoeuvre qui aide à amener la vergue quand elle ne descend pas avec assez de facilité ; elle tient au racage. Voyez CALEBAS. (Z)


HALEBRANvoyez HALLEBRAN.


HALECRETS. m. ancienne arme défensive qui consistoit en un corselet de fer battu composé de deux pieces, dont l'une couvroit la poitrine, & l'autre les épaules. Le halecret étoit plus leger que la cuirasse. La cavalerie françoise, qu'on appelloit sous Louis XI. les hommes d'armes, portoit le halecret.


HALÉEN(JEUX), Antiquit. greq. jeux célébrés par les Tégéates en l'honneur de Minerve : nous n'avons point de connoissance de la nature de ces jeux. (D.J.)


HALEINES. f. (Gramm.) l'air que l'on expire par la bouche ; ce mot a un grand nombre d'acceptions différentes, tant simples que figurées.

HALEINE, (Manége & Maréchall.) La force ou la durée de l'haleine dépend de la conformation du thorax, du volume des poûmons, & de leur dilatabilité.

Des chevaux plats, c'est-à-dire des chevaux dont les côtes sont serrées, ont rarement beaucoup d'haleine ; des chevaux poussifs, soit à raison de la viscosité des humeurs qui remplissent en eux les tuyaux bronchiques, soit à raison du desséchement de ces canaux aériens & des vésicules pulmonaires, ont l'haleine courte & toûjours laborieuse. Voyez POUSSE. Des chevaux dont la glotte, la trachée-artere, les naseaux, &c. pechent par trop d'étroitesse, sont communément gros d'haleine. Voyez GROS D'HALEINE.

L'accélération de la circulation, la surabondance du sang dans les poûmons, l'irritation des nerfs de ce viscere & des nerfs moteurs des muscles du thorax, la tension de tous les organes qui concourent à la respiration, la violence des mouvemens du coeur sont-elles portées à un tel point que l'animal par ses inspirations & ses expirations fréquentes & redoublées ne peut vaincre les obstacles qui s'opposent en lui à l'introduction de l'air, il est incontestablement hors d'haleine.

Travailler un cheval modérément, & augmenter insensiblement & chaque jour son exercice, c'est lui procurer les moyens de fournir sans peine aux airs qui exigent les plus grands efforts de sa part, ou de résister à de longues & vives courses, en habituant par degrés toutes ses parties aux mouvemens auxquels elles sont naturellement disposées, & en sollicitant les vaisseaux, tant aériens que sanguins de ses poûmons, à des dilatations dont ils sont susceptibles, & qui deviennent toûjours plus aisées & moins pénibles : c'est ainsi que l'on met l'animal en haleine.

On donne, on fait reprendre haleine au cheval, si l'on ralentit ou si l'on suspend son action ; on le tient en haleine, si on l'exerce constamment. Les raisons du recouvrement de la liberté de sa respiration, dans le premier cas, & de la facilité de son haleine, dans le second, se présentent d'abord à quiconque réfléchit sur les causes qui peuvent troubler & déranger cette fonction, & ce mouvement alternatif sans lequel l'animal ne sauroit subsister.


HALEN(Géog.) petite ville des Pays-Bas, dans le Brabant autrichien, sur la Géete, à cinq lieues de Louvain. Long. 22. 24. lat. 50. 58. (D.J.)


HALENTE(Géog.) petite riviere d'Italie au royaume de Naples, dans la principauté citérieure ; elle se perd dans la mer de Toscane. Haletes est son ancien nom latin ; Cicéron l'appelle nobilem amnem, & c'est la même riviere que le Halet ou l'Elées de Strabon, & l'Elea d'Etienne. (D.J.)


HALERv. act. (Marine) c'est tirer un cable, un cordage, une manoeuvre, & faire force dessus, pour le bander ou roidir. Pour haler sur une manoeuvre, les matelots donnent tous en même tems la secousse, afin d'imprimer plus de force ; & pour concerter le moment de cette secousse, le contre-maître ou quelqu'autre dit à haute voix ce mot, hale. Quand il faut haler sur une bouline, le contre-maître dit, pour les faire tenir prêts, un, deux, trois ; & au mot de trois ils donnent tous d'un commun accord la secousse à la bouline. Quand on manoeuvre les coüets on crie trois fois, amure ; & pour l'écoute on dit trois fois, borde ; & au troisieme cri on hale sur la manoeuvre.

Haler se dit aussi pour tirer quelque chose vers l'endroit que l'on veut, ou le changer de situation. On dit, hale ce bateau à bord, c'est le tirer à terre au moyen d'une corde. On nomme hale à bord la corde qui sert à la chaloupe, pour s'approcher du bord, lorsqu'elle est amarrée à l'arriere du vaisseau.

Haler à la cordelle, tirer une corde pour faire avancer un bâtiment dans une riviere. (Z)

HALER le chanvre, (Corderie) c'est le dessécher, pour le disposer à être broyé. Voyez l'article CHANVRE.


HALEURS. m. (Marine) c'est le batelier qui tire un bateau avec une corde passée autour de son corps ou de ses épaules. (Z)


HALF-PENNYS. m. (Commerce) c'est une monnoie de cuivre courante en Angleterre, & qui vaut la moitié d'un sou du pays, c'est-à-dire environ un sou argent de France.


HALIS. m. (Commerce) poids dont on se sert à Queda, ville considérable du détroit de Malaca, dans les Indes orientales. Un hali contient seize gantas, & un gantas quatre guppas, & quinze hali font un bahar, pesant quatre cent cinquante livres poids de marc. Voyez BAHAR. Il y en a qui disent nali au lieu de hali. Dictionn. de Commerce. (G)


HALIARTE(Géog. anc.) ancienne ville de Grece, dans la Béotie ; Strabon, liv. IX. dit qu'elle ne subsistoit plus de son tems ; qu'elle fut détruite par les Romains dans la guerre contre Persée ; & qu'elle étoit située près d'un lac ou d'un étang marécageux qui portoit les plus beaux roseaux du monde, pour faire des flûtes & des chalumeaux. Plutarque en parle comme Strabon dans la vie de Sylla ; il nomme ce lac Céphisside, à cause du fleuve Céphise qui y mêloit ses eaux. Les poëtes dans leurs ouvrages ne manquent guere de joindre Coronée & Haliarte, non-seulement à cause de leur proximité, mais parce que deux freres, Corone & Haliarte, avoient fondé ces deux villes. (D.J.)


HALIBRANjeune canard. Voyez l'art. CANARD, & HALLEBRANS.


HALICARNASSE(Géog. anc.) ancienne ville d'Asie dans la Carie, dont elle étoit la capitale ; on en rapporte la fondation à des Grecs venus d'Argos. Elle possédoit un port magnifique, de bonnes fortifications, & de grandes richesses : elle avoit été la résidence des rois de Carie, & particulierement de Mausole, dont le fameux tombeau servit à lui donner un nouveau lustre. On peut voir dans Arrien la difficulté qu'Alexandre trouva lorsqu'il en fit le siége. Une médaille frappée sous Geta prouve par sa légende, que sous les Romains cette ville se gouverna par ses propres loix, & joüit de sa liberté. Elle a donné naissance à deux fameux historiens qui seuls l'auroient immortalisé, Hérodote & Denis.

Hérodote, le pere de l'histoire profane, naquit l'an 404 avant J. C. il mit tous ses soins à tâcher d'apprendre dans ses voyages l'histoire des nations, & en composa les neuf livres qui nous restent de lui. Les Grecs en firent tant de cas, lorsqu'il les récita dans l'assemblée des jeux olympiques, qu'ils leur donnerent le nom des neuf muses. L'histoire d'Hérodote est écrite en dialecte ionique. Son style est plein de charmes, de douceur, & de délicatesse. Malgré les critiques qu'on a faites d'Hérodote, il est toûjours constant que son ouvrage renferme ce que nous connoissons de plus certain sur l'histoire ancienne des différens peuples.

Denis, surnommé d'Halicarnasse, du nom de sa patrie, est en même tems un des plus célébres historiens & des plus judicieux critiques de l'antiquité ; il vint à Rome après la bataille d'Actium, trente ans avant J. C. & y demeura vingt-deux ans sous le regne d'Auguste. Il composa en grec l'histoire des antiquités romaines, & les distribua en vingt livres, dont il ne nous reste que les onze premiers ; c'est un ouvrage que nous ne nous lassons point de lire & de consulter : on connoît la traduction françoise du P. le Jay, & de M. Belanger docteur de Sorbonne. Nous avons encore d'autres oeuvres de Denis d'Halicarnasse ; M. Hudson en a procuré la meilleure édition en grec & en latin, à Oxford, 1704, in-fol. (D.J.)


HALIESS. f. pl. (Antiquit.) fêtes qui se célébroient à Rhodes en l'honneur du soleil, le 24 du mois Gorpiaeus ; les hommes & les jeunes garçons y combattoient, & celui qui sortoit victorieux étoit récompensé d'une couronne de peuplier. Athénée a fait mention des halies dans son treizieme livre. Ce mot est dérivé de , qui dans le dialecte dorique s'écrit pour , soleil.


HALIMES. m. (Jardinage) petit arbrisseau que l'on appelle en françois pourpier de mer ; il pousse des rameaux assez longs, rampans & de couleur bleue, garnis de feuilles oblongues semblables au pourpier, mais un peu plus blanches. Les fleurs tirent sur le purpurin, & sont suivies de beaucoup de semences rondes qui en multiplient l'espece.

Cet arbrisseau croît dans les lieux maritimes & sablonneux ; il résiste au plus grand froid. (Z)


HALINATRUMou HALINATRON, (Hist. nat. Minéral.) quelques naturalistes nomment ainsi un sel alkali fixe qui se trouve dans les anciennes murailles & voûtes à la surface desquelles on le voit paroître sous la forme d'une poudre, & sans prendre de figure réguliere ou crystallisée ; il effleurit aussi en quelques endroits à la surface de la terre. Voyez la Minéralogie de Wallerius, tome I. p. 325.

Il ne faut point confondre le sel alkali dont il est ici question, avec celui qu'Agricola & quelques autres naturalistes nomment halinitrum. Ce dernier n'est autre chose que du nitre ou du salpetre. (-)


HALITZHalicia, (Géog.) petite ville de Pologne, capitale d'un petit pays de même nom, dans la Russie rouge, sur le Niester, à quinze milles S. E. de Lembourg, vingt N. O. de Kaminieck. Long. 43. 35. lat. 49. 20. (D.J.)


HALLAGES. m. (Jurispr.) est un droit seigneurial qui est dû au roi ou autre seigneur du lieu, par les marchands, pour la permission de vendre sous les halles, à l'entretien desquelles le produit de ce droit est ordinairement destiné.

Il est parlé de ce droit dans les anciennes ordonnances. Voyez le Recueil de celles de la troisieme race, tome II. pp. 398. & 581. il en est aussi fait mention dans le livre de l'Echevinage de Paris. Voyez le Gloss. de M. de Lauriere, au mot hallage.

Le hallage est différent du tonlieu ou placage, qui se paye pour toute sorte de place que les marchands occupent dans la foire ou marché, ou pour la vente & achat des marchandises. Voyez TONLIEU. (A)


HALLALIS. m. (Chasse) cri qui marque que le cerf est sur ses fins.


HALLANDHallandia, (Géog.) contrée de Suede dans le Schone, le long de la mer de Danemark, appartenante à la Suede depuis 1645. Elle peut avoir de côtes vingt-sept lieues marines. (D.J.)


HALLES. f. (Commerce) place publique destinée dans les villes & bourgs un peu considérables, à tenir les marchés de toutes sortes de marchandises & denrées, particulierement de celles qui servent à la vie, comme grains, farines, légumes, &c.

On confond quelquefois le mot de halle avec celui de marché, en les prenant l'un & l'autre pour la place dans laquelle les marchands forains viennent à certains jours marqués, qu'on nomme jours de marché, étaler & vendre leur marchandise. Il y a cependant quelque différence ; le nom de marché appartenant à toute la place en général où se font ces assemblées de vendeurs & d'acheteurs, & celui de halle ne signifiant que cette portion particuliere de la place qui est couverte d'un appenti, & quelquefois enfermée de murs pour la sûreté des marchandises, & pour les garantir de la pluie & autres intempéries de l'air.

Halle se disoit aussi autrefois de ces grands édifices de charpente couverts de tuiles, entourés de murs & fermés de portes, où se tiennent plusieurs des principales foires de France.

C'est ainsi entr'autres que la foire Saint-Germain qui se tient à Paris, & la franche de Caën, si célebre en basse Normandie, sont appellées dans les titres de leur établissement ; & c'est pareillement de deux de ces sortes de bâtimens destinés aux anciennes foires de Paris, que les principaux marchés de cette ville ont pris le nom de halles.

C'est à Philippe-Auguste que cette capitale doit l'établissement de ses halles dans le lieu où elles sont présentement. Ce prince y transféra les foires qui se tenoient dans les fauxbourgs Saint-Martin & Saint-Denis ; elles furent ensuite converties en marchés par la suppression des foires ; & en 1550 Henri II. ordonna qu'elles seroient rebâties. Il n'est point arrivé depuis de changement considérable aux halles de Paris ; & elles se trouvent présentement à-peu-près de même qu'elles furent rebâties dans le milieu du seizieme siecle.

Toutes les halles de Paris, à l'exception de la halle aux vins, sont renfermées dans celui des vingt quartiers de cette capitale, que l'on appelle le quartier des halles, qui est borné à l'orient par la rue Saint-Denis ; au nord par la rue Mauconseil, à l'occident par les rues Comtesse-d'Artois & de la Tonnellerie, & au midi par celles de la Ferronnerie, de Saint-Honoré, & de la Chausseterie.

Les halles sont ou couvertes ou découvertes : les halles couvertes sont la halle aux draps, la halle aux toiles, la halle aux cuirs, la halle à la saline, autrement le fief d'Alby, la halle à la marée fraîche, le parquet à la marée, & la halle au vin, dont nous dirons un mot ci-dessous.

Les halles découvertes sont la grande halle qui contient la halle ou marché au blé & autres grains qui s'y vendent tous les mercredis & samedis ; la halle à la farine qui ouvre tous les jours, la halle au beurre qui se tient tous les jeudis après dîner ; la halle à la chandelle, où les Chandeliers privilégiés apportent celle qu'ils fabriquent ; elle ne tient que tous les samedis ; la halle aux chanvres, filasses, & cordes à puits, où cette marchandise se débite tous les jours ; la halle aux pots de grais & à la boisseterie, ouverte également tous les jours : enfin la halle à la chair de porc frais & salé, qui se tient les mercredis & samedis.

Au milieu de la grande halle est établi le poids-le-roi, pour toutes les diverses sortes de marchandises qui se vendent dans ces différentes halles, & dont les pesées sont trop fortes pour être faites dans des balances communes. On voit aussi au milieu du quartier des halles, le pilori, espece de tour où l'on expose plusieurs sortes de malfaiteurs, & entr'autres les banqueroutiers frauduleux. Voyez PILORI & POIDS-LE-ROI.

Outre toutes les halles comprises dans l'enceinte de la grande halle, il y a encore la halle du poisson d'eau-douce le long de la rue de la Cossonnerie ; la vente de cette marchandise commence à trois heures du matin, & finit à sept. La halle du pilori où se trouvent la halle au beurre en petites mottes, & la halle aux oeufs que les coquetiers y apportent de Normandie & de Brie. Enfin on met au nombre des halles découvertes la halle aux poirées & la rue aux fers, où les Jardiniers & les marchandes Bouquetieres, les Herbieres & les Herboristes, exposent leurs denrées.

Des sept halles couvertes de Paris, les deux plus considérables sont la halle aux draps & la halle aux toiles. La halle aux draps est un grand bâtiment destiné à recevoir tous les draps & autres étoffes de la Mercerie qui sont apportés à Paris, pour y être visités, aunés & marqués par les maîtres & gardes des deux corps de la Draperie & de la Mercerie & par les auneurs par eux commis à cet effet. La halle aux toiles se tient dans le même bâtiment ; avec cette différence, que tous les appartemens hauts & une partie de ceux d'en-bas, sont destinés pour la Draperie, & qu'il n'y a que quelques travées du bas reservées pour la Toilerie.

La halle au vin est établie hors de la ville, assez proche de la porte Saint-Bernard. Elle consiste en de grands celliers & en plusieurs caves qui servent d'étape aux vins venans à Paris par la riviere. Au-dessus des celliers sont de vastes greniers où l'on peut conserver une grande quantité de grains pour servir en cas de nécessité publique. Il s'observe dans toutes ces halles & pour les différentes marchandises, une police très-réguliere conforme à divers reglemens, dont on peut voir le détail dans le Dictionnaire de Commerce de M. Savary, aussi bien que ce qui regarde les halles de la ville d'Amiens, sous le mot HALLE. Voyez le Dictionn. du Comm.

HALLE, Hala Magdeburgica, (Géog.) ville d'Allemagne dans la haute-Saxe, au duché de Magdebourg, avec une fameuse université fondée en 1694. Son nom lui vient des salines que les Hermandures y trouverent, & qui subsistent toûjours ; elle appartient par le traité de Westphalie à l'électeur de Brandebourg ; elle est dans une grande plaine agréable sur la Saale, à 5 milles N. O. de Leipsick, 8 S. O. de Wittemberg, 11 S. E. de Magdebourg. Long. 30. 8. lat. 51. 36.

C'est la patrie de Balthasar Bruner, & de Paul Herman : le premier voyagea beaucoup, cultiva la Medecine & la Chimie, & mourut en 1604 âgé de 71 ans ; le dernier est un des célebres botanistes du dix-septieme siecle. Il fut reçû professeur dans cette science à Leyde, après avoir exercé la Medecine à Ceylan, & mourut en 1695. On a publié la vie de plusieurs autres savans nés à Halle, ou qui en ont été professeurs ; j'y renvoye les curieux en Biographie. (D.J.)

HALLE, (Géog.) ville libre & impériale d'Allemagne dans la Souabe, avec des salines sur la riviere de Koher, entre des rochers & des montagnes. Elle est située aux confins du Palatinat, de la Franconie, & du Duché de Wirtemberg, à neuf de nos lieues, E. d'Heilbron, quinze N. E. de Stutgard. Elle doit sa fondation aux sources salées. Long. 27. 30. lat. 49. 6. (D.J.)

HALLE, (Géog.) petite ville démantelée des Pays-Bas Autrichiens dans le Hainaut, & sur les confins du Brabant. Ce lieu prend son nom de l'église de Notre-Dame, qui en est la tutélaire, & qu'on appelle vulgairement Notre-Dame-de-Halle, ou de-Hau. Juste Lipse qui a écrit l'histoire des présens que l'ancienne dévotion a valu à cette église, pendit pour son offrande une plume d'argent devant l'autel. Halle fut pillée par les François en 1691 ; elle est sur la Zinne, à dix lieues N. E. de Mons, trois S. O. de Bruxelles. Long. 21. 50. lat. 50. 44. (D.J.)


HALLE-CRUESou ERÈS, s. f. (Manuf.) sorte de toiles qui se fabriquent en Bretagne, & qu'on envoye aux isles Canaries.


HALLEBRANS(Vénerie) sont les petits des canards sauvages : pour prendre des hallebrans quand on a quelque étang dans les islots duquel les cannes sauvages ont coûtume de couver, on va battre les grandes herbes de ces islots pour en faire sortir toute la peuplade qui se met à la nage ; on la suit dans un bachot avec un large filet qui traverse l'étang ; on fait ainsi marcher les canetons devant soi pour les acculer, & on les prend : ces sortes de chasses sont souvent très-copieuses.


HALLEIN(Géog.) Haliola, petite ville d'Allemagne au cercle de Baviere, dans l'évêché de Saltzbourg. Elle est sur la Saltza, entre des montagnes, dans lesquelles il y a des mines de sel fort curieuses, qui font la richesse de la ville & du pays ; Zeyler dans sa Topographie de la Baviere, les a décrites avec soin. Cette ville est à quatre de nos lieues S. de Saltzbourg. Long. 30. 50. lat. 47. 33. (D.J.)


HALLENBERG(Géog.) petite ville d'Allemagne, en Westphalie, appartenante à l'électeur de Cologne.


HALLER(Géog.) riviere d'Allemagne, dans la principauté de Calemberg, au pays de Lunebourg ; elle va se jetter dans la Leine.


HALLERMUNDE(Géogr.) comté de l'empire d'Allemagne, dans la principauté de Calemberg, entre la Leine & le Deister.


HALLERSDORFF(Géogr.) petite ville d'Allemagne, en Franconie, près de Forchheim.


HALLERSPRUNG(Géogr.) ville & bailliage de la principauté de Calemberg, à trois lieues de Hanovre.


HALLIERS. m. (Commerce) marchand qui étale aux halles. Voyez HALLE.

Il se dit aussi du garde d'une halle, ou de celui qui a soin de la fermer, & d'y garder les marchandises qu'on y laisse. Par les réglemens les marchands forains de toiles sont tenus de les venir décharger à la halle & de les laisser en garde au hallier, jusqu'à ce qu'elles soient vendues sans pouvoir les en retirer pour les emporter. Dictionn. de Comm. (G)

HALLIER, (Chasse) sorte de filet qu'on tend en maniere de haie dans un champ. Hallier se dit aussi d'un buisson, d'un arbrisseau ; on dit, ce lievre s'est sauvé parmi les halliers.


HALLIFAXOlicana, (Géog.) ville considérable d'Angleterre en Yorckshire, remarquable par ses manufactures de laine ; elle est à 50 lieues N. O. de Londres. Long. 15. 50. lat. 53. 38.

Savile (le chevalier Henri), naquit à Hallifax en 1549 ; il se fit un nom par son habileté dans les Mathématiques, & la langue grecque qu'il eut l'honneur d'enseigner à la reine Elisabeth. Il a publié un traité sur Euclide en 1620, une belle édition de S. Chrysostome en grec, Etonae, 1613, en 8 vol. in-fol. un commentaire en anglois sur la milice des Romains, & quelques autres ouvrages estimés : mais l'université d'Oxford n'oubliera jamais les deux chaires, l'une de Géométrie, & l'autre d'Astronomie, qu'il y a fondées de son propre bien en 1619. Il mourut comblé d'estime & de regrets en 1622, âgé de 73 ans. (D.J.)


HALLINGDAL(Géog.) district de Norwége, dans la province d'Aggerhus.


HALLOE(Géog.) petite ville de la province de Stormarie, au duché de Holstein, dans le bailliage de Segeberg.


HALMSTADT(Géog.) ville de Suede, dans la province de Halland, dans la Gothie méridionale ; elle est fortifiée, & a un port sur la mer Baltique.


HALMYRAGA(Hist. nat.) les anciens entendoient par-là une espece de natrum très-pur. Pline dit qu'on en distinguoit deux especes ; le plus pur s'appelloit halmyraga, & celui qui étoit mêlé de terre s'appelloit agrium ; le premier venoit de Médie, & le second de Thrace. Voyez NATRUM. Lorsqu'on le trouvoit à la surface de la terre sous une forme concrete, ce sel se nommoit aussi halmyrax.


HALOS. m. (Physiq.) météore qui paroît en forme d'anneau ou de cercle lumineux & de diverses couleurs, autour du soleil, de la lune, & des étoiles. Voyez METEORE.

Ce mot est formé du grec ou , area, aire, surface.

Les Physiciens regardent le halo comme un effet de la réfraction des rayons de lumiere qui passent par les vésicules fines & rares d'une petite nue ou vapeur, laquelle se trouve dans notre athmosphere. Ces rayons arrivent à l'oeil du spectateur, après avoir souffert sans réflexion dans les gouttes de la nue deux réfractions, l'une à l'entrée, l'autre à leur sortie ; & la différente réfrangibilité des rayons produit les différentes couleurs du halo. Voyez REFRANGIBILITE, REFRACTION, ULEURLEUR.

On confirme cette explication en ajoûtant qu'une certaine quantité d'eau étant lancée vers le soleil, on la voit, dans le moment qu'elle se brise & se disperse en gouttes, former une espece d'halo ou d'arc-en-ciel représentant les mêmes couleurs que le véritable ; avec cette différence que dans l'arc-en-ciel ordinaire il y a réflexion avec réfraction, & que dans le halo il n'y a que réfraction. Voyez ARC-EN-CIEL.

Ces sortes de couronnes sont quelquefois blanches, & d'autres fois elles ont les mêmes couleurs que l'arc-en-ciel ; tantôt on n'en voit qu'une, & tantôt on en voit plusieurs qui sont concentriques : Snellius dit qu'il en a vû six autour du soleil. Le diametre de celles qu'on a observées autour de Sirius & de Jupiter, n'a jamais été de plus de cinq degrés ; celles de la lune vont depuis deux degrés jusqu'à quatre-vingt-dix de largeur. Le diametre de ces couronnes varie pendant le tems qu'on observe le phénomene.

On peut produire artificiellement de semblables couronnes, en mettant, lorsqu'il fait froid, entre l'oeil & une bougie allumée un pot plein d'eau chaude, dont la vapeur monte en haut : c'est pour cela que l'on apperçoit souvent ces anneaux dans les bains autour de la bougie.

Une autre maniere de représenter ce phénomene, c'est de pomper l'air d'une cloche de verre, & regardant à-travers cette cloche la flamme d'une chandelle placée derriere la cloche : car aussi-tôt que l'air se sera raréfié jusqu'à un certain point, on ne manquera pas d'appercevoir un anneau autour de la flamme. On peut voir la même chose, en faisant rentrer dans un récipient l'air qui en avoit été pompé ; car dès que cet air se trouvera avoir la même densité, on verra paroître cet anneau avec diverses couleurs. De même, lorsqu'on met deux verres objectifs de grands télescopes l'un sur l'autre, la lumiere qui tombe dessus passe à-travers en quelques endroits, & se réfléchit des endroits voisins ; ce qui fait paroître divers anneaux colorés : c'est ce qu'on remarque encore, lorsqu'on fait de petites bulles d'air avec l'eau de savon ; car on voit dessus & à-travers ces bulles de semblables anneaux colorés. Musschenbr. Essai de Physique.

Voici les principales raisons par lesquelles M. Musschenbroeck prouve que la cause des halos est dans notre athmosphere. S'il y a une athmosphere autour des astres précédens, il paroît impossible qu'elle soit de l'étendue qu'on observe dans les halos. Ces couronnes ne peuvent être apperçûes que de peu de personnes à-la-fois, & rarement à une plus grande distance que deux ou trois lieues ; elles disparoissent aussi-tôt que le vent vient à souffler, quoiqu'elles continuent quelquefois lorsqu'il ne fait qu'un petit vent frais ; mais dès qu'il augmente, elles se dissipent. Personne ne les a jamais observées dans un tems tout-à-fait serein. Si le nuage flotte dans l'air, la couronne commence à disparoître du côté où l'air devient plus net.

Les couronnes des halos sont plus foibles que celles de l'arc-en-ciel. Dans les couronnes de halo que M. Newton vit en 1692, les couleurs se suivoient du centre vers la circonférence, de la maniere suivante. La couleur de l'anneau interne étoit bleue en-dedans, blanche au milieu, & rouge en-dehors ; la couleur interne du second anneau étoit pourpre, ensuite bleue, puis verte, jaune, & d'un rouge pâle ; la couleur interne du troisieme anneau étoit d'un bleu pâle, & l'externe d'un rouge pâle. M. Huyghens a observé dans le contour extérieur un bleu pâle, & dans l'intérieur une couleur rouge. M. Musschenbroeck a vû plusieurs couronnes dont la couleur interne étoit rouge ; & d'autres observateurs ont encore indiqué diverses variétés.

Ce phénomene n'arrive pas tous les jours ; la raison principale est qu'il faut que les particules soient assez raréfiées pour donner passage aux rayons : car autrement elles forment des nuages épais qui ne transmettent pas la lumiere. Cependant les halos sont plus fréquens qu'on ne le croit ; on n'y fait pas attention, parce que l'on envisage rarement le soleil pendant le jour. Mais les observateurs attentifs assûrent que ce phénomene est fréquent. Depuis le premier de Janvier jusqu'au premier de Juin 1735, M. Musschenbroeck a vû à Utrecht ces couronnes environ vingt fois autour du soleil ; & un autre physicien a observé le même phénomene plus de soixante fois en un an.

M. Fritsch vit le 11 Avril 1729 autour du soleil un cercle qui avoit trois couleurs, dont l'externe étoit rouge, celle du milieu jaune, & l'interne blanche ; & il se trouvoit éloigné du soleil de deux diametres de cet astre. On y remarquoit outre cela un cercle blanc parallele à l'horison, qui passoit par le soleil : il y avoit encore deux autres demi-cercles blancs plus petits qui commençoient de chaque côté dans le soleil, & qui étoient placés au-dedans du grand cercle.

On a tort de croire que les halos annoncent la pluie ou l'orage ; souvent le lendemain & quelques autres jours après il fait un tems fort serein & fort calme. Ceux qui veulent approfondir davantage ce sujet, peuvent recourir au traité posthume de M. Huyghens, de coronis ; à l'Optique de Newton, liv. II. ch. jv. & à l'Essai de Physique de Musschenbroeck, d'où cet article est tiré par extrait. (O)


HALOAS. f. (Hist. anc.) fêtes qui se célébroient dans Athenes, au mois Posideonis, à l'honneur de Cerés Haloade : c'étoit le tems où l'on battoit le blé de la récolte.


HALOIRS. m. (Corderie) est une caverne de six ou sept piés de hauteur, cinq à six de largeur, & neuf à dix de profondeur, ou bien quelque chose d'équivalent ; on expose autant qu'on peut le haloir au soleil du midi & à l'abri de la bise.

A quatre piés au-dessus du foyer du haloir, on place des barreaux de bois qui traversent le haloir d'un mur à l'autre, & qui y sont assujettis : c'est sur ces morceaux de bois qu'on étend le chanvre qu'on veut hâler, c'est-à-dire faire sécher, jusqu'à ce qu'il soit en état d'aller à la broye.

Tout étant ainsi disposé, une femme attentive a soin d'entretenir perpétuellement sous le chanvre un petit feu de chenevottes ; de le retourner de tems en tems, pour qu'il se desseche par-tout également ; & d'en remettre de nouveau à-mesure qu'on ôte celui qui est assez sec pour être porté à la broye. Voyez les Planches de Corderie.


HALONÈS(LA), Géog. anc. petite île de la mer Egée, au couchant de Lemnos, & à l'orient de l'embouchure du golfe Therméen ; il en est beaucoup question dans les harangues d'Eschine & de Démosthène : elle est accompagnée de deux autres petites îles, dont l'une est nommée Piperi, anciennement Peparrhete, & l'autre Jura. La Halonèse s'appelle aujourd'hui Lanis ou Pelagisi. Pline & Etienne le géographe parlent de deux autres petites îles du même nom, mais différentes de la nôtre. (D.J.)


HALOS ANTHOSS. m. (Hist. nat.) nom donné par les anciens naturalistes à une substance saline, tenace, visqueuse, grasse & bitumineuse, que l'on trouvoit nageante à la surface des eaux de quelques fontaines & rivieres. On dit qu'elle est ou jaunâtre, ou noirâtre, ou verdâtre, ou tirant sur le bleu. Dioscoride raconte que cette substance se trouvoit à la surface des eaux du Nil & de quelques lacs ; qu'elle étoit jaune, d'un goût très-piquant, grasse, & d'une odeur fétide : il ajoûte qu'elle étoit soluble dans l'huile ; ce qui prouve que c'étoit un bitume mêlé de particules salines. Voyez Hill, Hist. nat. des fossiles. Quelques auteurs ont crû que le halos anthos étoit la même chose que le sperma ceti, ou blanc de baleine. (-)


HALOSACHNES. m. (Hist. nat.) nom donné par les anciens naturalistes à une espece de sel marin formé par l'évaporation de l'eau de la mer qui avoit été portée par la violence des flots dans les creux des rochers, où la chaleur du soleil lui faisoit prendre de la consistance : il est, dit on, sous la forme d'une poudre, & quelquefois il s'attache sur des corps marins, sous une forme plus solide. Ce sel ne differe aucunement du sel marin ordinaire. Voyez SEL MARIN. Les anciens ont aussi nommé ce sel, paraetonium & spuma maris. (-)


HALOTS. m. (Chasse) trou dans les garennes, où le gibier se retire, & où les lapins font leurs petits : c'est de-là que vient le mot halotiere. L'ordonnance veut que ceux qui auront détruit les halots soient punis comme voleurs.


HALOTECHNIES. f. (Chim.) on donne ce nom à une branche de la Chimie, qui s'occupe de la nature, de la préparation, ou de la composition des différens sels ; on la nomme aussi Halurgie : ce mot vient du grec , sel. Voyez SEL, NITRE, VITRIOL, &c.


HALPou HALAPO, (Géog.) ville de l'Amérique dans la Nouvelle Espagne, dans la province de Tabasco, & sur la riviere de ce nom, à 3 lieues audessus d'Estapo ; elle est passablement riche & habitée par des Indiens. Long. 273. 40. latit. 17. 48. (D.J.)


HALQUES. m. (Botaniq.) grand arbre épineux qui a la feuille du genievre, & qui porte une gomme si semblable au mastic, qu'on s'en sert pour l'adultérer : il croît en Lybie, en Numidie, & au quartier des Negres. Celui de Numidie est rayé de blanc, comme l'olivier sauvage ; celui de Lybie, d'azur ; & celui du pays des Negres, de noir. On nomme celui-ci sangu : on en fait des instrumens de Musique & des ouvrages de Menuiserie. On transporte dans toute l'Afrique le halque de Lybie, où on l'employe contre les maladies vénériennes. Marmol, liv. VII. ch. j.


HALSTERS. m. (Commerce) mesure dont on se sert pour les grains à Louvain, à Gand, & en quelques autres endroits des Pays-Bas. Huit halsters font le mudde, & vingt-sept muddes le last. A Gand, le last de blé est de cinquante-six halsters, & celui d'avoine, de trente-huit. Douze halsters font le mudde, ou six sacs ; chaque sac est de deux halsters. Dict. de Commerce. (G)


HALTES. f. en terme de Guerre, signifie une pause que fait un corps de troupes dans la marche.

Quelques-uns dérivent ce mot du latin halitus, haleine ; comme si on faisoit halte pour prendre haleine : d'autres le font venir de alto, parce que dans les haltes on dresse les piques, &c.

Dans les lieux coupés & pleins de défilés, on est obligé de faire plusieurs haltes ; & l'on dit, par exemple, qu'une armée a fait halte pour se reposer. Chambers.

Lorsqu'une troupe a fait une longue marche, & qu'on veut la faire paroître en ordre, on lui commande de faire halte, pour se remettre plus exactement en bataille, c'est-à-dire pour redresser ses rangs & ses files. On lui fait faire aussi halte pour se reposer dans les longues marches.

Lorsque l'armée fait le campement, le général lui fait faire halte pendant qu'on trace ou qu'on marque le camp. (Q)


HALTEREN(Géog.) petite ville d'Allemagne en Westphalie, dans l'évêché de Munster, sur la Lippe. Long. 24. 42. lat. 51 42. (D.J.)


HALTERESS. f. pl. (Gymn. médic.) les halteres chez les Grecs étoient des masses pesantes de pierre, de plomb, ou d'autre métal, dont les anciens se servoient dans leurs exercices.

Il paroît qu'il y avoit deux sortes d'halteres ; les unes étoient des masses de plomb que les sauteurs prenoient dans leurs mains pour s'assûrer le corps & être plus fermes en sautant ; les autres étoient une espece de palet que l'on s'exerçoit à jetter.

Les halteres, selon Galien, se posoient à terre, à environ trois piés & demi de distance les unes des autres ; la personne qui vouloit s'exercer se plaçoit entre deux de ces masses, prenoit de la main droite celle qui étoit à sa gauche, & de la gauche celle qui étoit à sa droite, & les remettoit plusieurs fois de suite à leur place, sans bouger les piés de l'endroit où elle les avoit d'abord posés. On employoit cet exercice pour la cure de plusieurs maladies. Mercurial en parle dans son Art gymnastique ; j'y renvoye le lecteur. (D.J.)


HALUNTIUMou ALUNTIUM, (Géog. anc.) ville de Sicile : Cicéron nous dit qu'elle étoit située sur une hauteur, dont l'accès étoit difficile : Ptolomée la met près de l'embouchure du Chydas, au bord de la mer. M. Delisle croit qu'elle étoit à-peu-près au même lieu où est aujourd'hui San-Marcon. Fazel estime que ses ruines sont à cinq cent pas du bourg de Philadelphe, & que le Chydas est à-présent nommé Rosmarino. (D.J.)


HALY(Géog.) ville d'Afrique dans l'Arabie heureuse, sur les confins de l'Yémen, du côté de Hégias. Long. 60. lat. 19. 40. (D.J.)


HALYS(Géog. anc.) grande riviere de l'Asie mineure. M. de Tournefort a remarqué que nos géographes font venir ce fleuve du côté du midi, au lieu qu'il coule du levant ; ils ne sont excusables que sur ce qu'Hérodote a commis la même faute, liv. I. ch. lxxij. cependant il y a long-tems qu'Arrien l'a relevée, lui qui avoit été sur les lieux par l'ordre de l'empereur Hadrien. Strabon, qui étoit de ce pays-là, décrit parfaitement le cours de l'Halys, liv. XII. p. 646. Ses sources, dit-il, sont dans la grande Cappadoce, près de la Pontique, d'où il porte ses eaux vers le couchant, & tire ensuite vers le nord, par la Galatie & par la Paphlagonie. Il a reçû son nom des terres salées au-travers desquelles il passe ; car tous ces quartiers-là sont pleins de sel fossile ; on en trouve jusques sur les grands chemins & dans les terres labourables. La salure de l'Halys tire sur l'amertume. Paul Lucas, qui a parcouru quelques lieues le long de ce fleuve, ajoûte qu'il est grossi dans son cours par la riviere de Chechenur, après quoi il arrose Osmangioux & Castamone, qui est presque à son embouchure dans la mer Noire. On croit que c'est sur ce fleuve que se donna entre Alliates & Cyanarée la bataille que fit finir la fameuse éclipse de soleil annoncée par Thalès, & la premiere qui ait été prédite par des Grecs, selon Pline, liv. II. chap. xij. son nom moderne est Aytozu. (D.J.)


HAMou HAMM, en latin Hammona, (Géog.) petite ville d'Allemagne en Westphalie, capitale du comté de la Marck, sur la Lippe, sujette au roi de Prusse, à trois milles de Soëst, à six lieues S. E. de Munster, dix-huit N. E. de Cologne. Long. 25. 28. lat. 51. 42. (D.J.)

HAM, en latin Hammus, (Géog.) petite ville de France en Picardie, à quatre lieues de Noyon, sur la Somme ; les Espagnols la prirent après la bataille de Saint-Laurent, en 1557. Elle retourna à la France en 1559, par le traité de Château-Cambrésis. Voyez Piganiol de la Force & l'abbé de Longuerue. Elle est à vingt-neuf lieues N. E. de Paris. Long. 20. 44. 16. lat. 49. 44. 58. (D.J.)


HAMAS. m. (Hist. anc.) instrumens dont on se servoit à Rome dans les incendies, pour éteindre le feu ; ils étoient déposés chez les gardes préposés à cet effet, comme les seaux chez nos commissaires : mais on ne sait si les hama étoient ou des crochets ou des seaux ; le dernier est le plus vraisemblable.


HAMACS. m. lit suspendu, dont les Caraïbes, ainsi que plusieurs autres nations sauvages de l'Amérique équinoxiale, font usage. Quoique la forme des hamacs soit à-peu-près la même, il s'en voit cependant de plusieurs sortes, qui different soit par la matiere dont ils sont faits, soit par la variété du travail, ou par les ornemens dont ils sont susceptibles.

Les hamacs caraïbes sont estimés les meilleurs & les plus commodes ; ils sont composés d'un grand morceau d'étoffe de coton, épaisse comme du drap, d'un tissu très-égal & fort serré, ayant la figure d'un quarré long portant environ huit à neuf piés de longueur sur cinq à six de largeur : il faut observer que cette largeur se trouve toûjours disposée suivant la longueur du hamac. Tous les fils de l'étoffe sur les bords des deux longs côtés excedent la lisiere d'environ sept à huit pouces, & sont disposés par écheveaux formant des especes de boucles, dans lesquelles sont passées de petites cordes de quatorze à dix-huit pouces de longs, qu'on nomme filet, servant à faciliter l'extension & le développement du hamac. Toutes ces petites cordes sont réunies ensemble par l'une de leurs extrémités, & forment une grosse boucle à chaque bout du hamac : c'est dans ces boucles qu'on passe les rabans ou grosses cordes qui servent à suspendre la machine au haut de la case ou aux branches d'un arbre. Les plus grands hamacs sont nommés par les Caraïbes hamacs de mariage ; deux personnes de différent sexe pouvant y coucher aisément. Les plus petits étant moins embarassans, se portent à la guerre & dans les voyages. Quelques sauvages des bords de la riviere d'Orinoco font des hamacs d'écorce d'arbre, travaillés en réseau comme des filets de pêcheur.

Les créoles blancs & les Européens habitans l'Amérique, préferent les hamacs aux meilleurs lits ; ils y sont plus au frais, ne craignant point la vermine, & n'ont besoin ni de matelats ni d'oreillers, non plus que de couvertures, les bords du hamac se re-croisant l'un sur l'autre.

Dans les isles françoises il est fort ordinaire de voir au milieu des salles de compagnie un bel hamac de coton blanc ou chamarré de diverses couleurs, orné de réseaux, de franges & de glands. Là nonchalamment couchée & proprement vêtue, une très-jolie femme passe les journées entieres, & reçoit ses visites sans autre émotion que celle que peut occasionner un léger balancement qu'une jeune négresse entretient d'une main, étant occupée de l'autre à chasser les mouches qui pourroient incommoder sa maîtresse.

Les femmes de distinction, allant par la ville, se font ordinairement porter dans des hamacs suspendus par les bouts à un long bambou ou roseau creux & léger que deux negres portent sur leurs épaules ; mais dans les voyages, au lieu d'un seul bambou, on fait usage d'un brancard porté par quatre forts esclaves.

Les Portugais du Bresil ajoûtent au-dessus du hamac une petite impériale, avec des rideaux qui les garantissent de la pluie & des ardeurs du soleil.

Sur les vaisseaux les matelots couchent dans des hamacs de grosse toile, communément nommés branles, qui different des précédens en ce qu'ils sont moins grands & garnis à leurs extrémités de morceaux de bois un peu courbes, percés de plusieurs trous, au-travers desquels passent les filets de façon qu'ils sont un peu écartés les uns des autres, & par conséquent le hamac reste toûjours suffisamment ouvert pour y recevoir une espece de matelas.


HAMACHATES(Hist. nat. Litholog.) nom donné par les anciens naturalistes à une agathe dans laquelle se trouvent des taches ou des veines rouges & de couleur de sang : quelques auteurs ont aussi donné ce nom au jaspe rouge. (-)


HAMADEVoyez SAMEIDE.


HAMADRIADES. f. (Mythol.) nymphe de la fable ; les hamadryades étoient des nymphes dont le destin dépendoit de certains arbres avec lesquels elles naissoient & mouroient ; ce qui les distingue des dryades, dont la vie n'étoit point attachée aux arbres. C'étoient principalement avec les chênes que les hamadryades avoient cette union, comme l'indique leur nom, composé de , ensemble, & , un chêne.

Quoique ces nymphes ne pussent survivre à leurs arbres, elles n'en étoient pas cependant absolument inséparables ; puisque, selon Homere, elles alloient par échappées sacrifier à Vénus dans les cavernes avec les satyres ; &, selon Séneque, elles quittoient leurs arbres pour venir entendre le chant d'Orphée. On dit qu'elles témoignerent quelquefois une extrème reconnoissance à ceux qui les garantirent de la mort ; & que ceux qui n'eurent aucun égard aux humbles prieres qu'elles leur firent d'épargner les arbres dont elles dépendoient, en furent sévérement punis : Péribée l'éprouva bien, au rapport d'Apollonius de Rhodes.

Mais il vaut mieux lire la maniere dont Ovide dépeint les complaintes & l'infortune de l'hamadryade que l'impie Erysichton fit périr ; elle vivoit dans un vieux chêne respectable, qui, dit-il, surpassoit autant tous les autres arbres que ceux-ci surpassent l'herbe & les roseaux. A peine Erysichton lui eut-il porté un premier coup de hache, qu'on l'entendit pousser des gémissemens, & qu'on en vit couler du sang ; le coup étant redoublé, l'hamadryade éleva fortement sa voix : " Je suis, dit-elle, une nymphe chérie de Cérès ; tu m'arraches la vie, mais j'aurai au moins en mourant la consolation de t'apprendre que je serai bien-tôt vangée " :

Editus e medio sonus est cum robore talis :

Nympha sub hoc ego sum, Cereri gratissima, ligno,

Quae tibi factorum poenas instare tuorum

Vaticinor moriens, nostri solatia lethi.

Métam. lib. viij. v. 763.

Les hamadryades ne doivent donc pas être censées immortelles, puisqu'elles mouroient avec leurs arbres. Je sais bien qu'Hésiode donne à leur vie une durée prodigieuse dans un fragment cité par Plutarque, selon lequel, en prenant la supputation la plus modérée des Mythologistes, la carriere des hamadryades s'étendoit jusqu'à 9720 ans ; mais ce calcul fabuleux ne s'accorde guere avec la durée des arbres, de ceux-là même à qui Pline, lib. XVI. c. xliv. donne la plus longue vie.

Cependant il n'a pas été difficile aux payens d'imaginer l'existence de ces sortes de nymphes ; car ils convenoient des sentimens de vénération & de religion pour les arbres, qu'ils croyoient être fort vieux, & dont la grandeur extraordinaire leur paroissoit un signe de longue durée. Il étoit simple de passer de-là jusqu'à croire que de tels arbres étoient la demeure d'une divinité. Alors on en fit une idole naturelle ; je veux dire, qu'on se persuada que sans le secours des consécrations, qui faisoient descendre dans les statues la divinité à laquelle on les dédioit, une nymphe, une divinité, s'étoit concentrée dans ces arbres. Le chêne qu'Erysichton coupa étoit vénéré pour sa grandeur & pour sa vieillesse. On l'ornoit comme un lieu sacré ; on y appendoit les témoignages du bon succès de sa dévotion, & les monumens d'un voeu exaucé ; Ovide nous apprend tout cela :

Stabat in his ingens annoso robore quercus

Una, nemus : vitae mediam memoresque tabellae

Certaque cingebant, voti argumenta potentis.


HAMAH(Géogr.) ville de Syrie, à laquelle le géographe Abulfeda donne 60d 45' de longit. & 34d 45' de latit. Elle fut renversée par un horrible tremblement de terre en 1157, & a été depuis rétablie. C'est la même que l'Apamée de Strabon sur l'Oronte, fondée par Seleucus Nicanor, qui faisoit nourrir 500 éléphans dans son territoire fertile. C'est ici que se donna sous Aurélien la fameuse bataille entre les Romains & Zénobie reine de Palmyre ; on sait qu'elle la perdit, & qu'elle fut menée prisonniere à Rome avec son fils. Ce qui reste aujourd'hui de cette ville mérite encore quelques regards des curieux, au rapport de M. de la Roque, dans son Voyage de Syrie. Un Bacha a le gouvernement de tout le canton. (D.J.)


HAMAMET(Géogr.) ville d'Afrique en Barbarie, sur le golfe de même nom, à dix-sept lieues de Tunis par terre. C'est une ville nouvelle, bâtie il y a environ 350 ans par un peuple Mahométan, & les habitans en sont fort pauvres. Longit. 28. 50. Latit. 36. 35. (D.J.)


HAMANSS. m. (Manufact.) toiles de coton, fines, blanches & serrées, dont la fabrique revient à celle des toiles de Hollande. On les apporte des Indes orientales. Les meilleures sont de Bengale. La piece porte sur une aune & un sixieme de large, neuf aunes & demie de longueur.


HAMAXITUS(Géogr. anc.) ville de la Troade, dont parlent Xénophon, Thucydide, Pline, & Strabon. Il y avoit près de cette ville une saline, où durant un certain tems de l'année le sel se formoit de lui-même. Hamaxitus fut le premier établissement des Teucriens (Teucri), peuple amené de Crete par Callinus, poëte élégiaque. (D.J.)


HAMAXOBIENSS. m. pl. (Hist. anc.) peuples qui n'avoient point de maisons, & qui vivoient dans des chariots. Ce mot est formé du grec , chariot, & , vie.

Les Hamaxobiens, qu'on appelloit aussi Hamaxobites, étoient un ancien peuple de la Sarmatie européenne, qui habitoient les parties méridionales de la Moscovie, & qui se servoient d'une espece de tentes de cuir dressées sur des chariots, au lieu de maison, pour être toûjours en état de changer de demeure, & de se mettre en voyage.


HAMBACH(Géog.) petite ville d'Allemagne dans le haut Palatinat, sur le Fils, à deux lieues d'Amberg.


HAMBELIENSS. m. pl. (Hist. mod.) une des quatre sectes anciennes du mahométisme. Hambel ou Hambeli, dont elle a pris son nom, en a été le chef. Mais les opinions des hommes ont leur période, court ordinairement, à moins que la persécution ne se charge de le prolonger. Il ne reste à la secte hambelienne que quelques Arabes entêtés, dont le nombre ne tarderoit pas à s'accroître, si par quelque travers d'esprit un muphti déterminoit le grand-seigneur à proscrire l'hambélianisme sous peine de la vie.


HAMBOURG(Géog.) Hamburgum, grande & très-riche ville d'Allemagne, au cercle de basse-Saxe, dans le duché de Holstein, dont elle est indépendante. Elle fut fondée par Charlemagne : vous trouverez toute son histoire dans quantité d'écrivains, Lambecius, Zeyler, Hubner, & autres.

Il y a aujourd'hui dans cette ville un sénat composé de quatre bourguemestres & de vingt conseillers, dont dix sont gens lettrés, & dix négocians, de trois syndics, & un secrétaire. La ville & le chapitre sont de la confession d'Augsbourg ; la magistrature de Hambourg a le libre gouvernement dans les affaires temporelles & spirituelles ; les rois de Danemarck ont fait tous leurs efforts pour s'emparer de cette ville, mais la protection des puissances voisines la garantit de l'esclavage.

Elle a autrefois tenu la premiere place entre les villes hanséatiques ; elle tient aujourd'hui le premier rang pour le commerce du nord, & sa banque y a le plus haut crédit. Sa situation sur l'Elbe, qui y fait remonter de grands vaisseaux, lui est très-avantageuse pour le trafic. Elle est à 14 lieues N. O. de Lunebourg, 15 S. O. de Lubeck, 24 S. de Sleswig, 22 N. E. de Brême, 170 N. O. de Vienne. Longit. suivant Cassini, 27. 35. 30. lat. 52. 42.

Voici plusieurs savans qu'Hambourg a produits, & qu'il faut connoître.

Gronovius (Jean Fréderic) habile critique, naquit dans cette ville en 1611, & devint professeur en Belles-Lettres à Leyde, où il mourut en 1672. Il a donné quelques éditions d'anciens auteurs, des observations en trois livres, & un excellent traité des Sesterces ; mais son fils Jacques Gronovius a effacé, ou, si l'on aime mieux, a encore augmenté sa gloire.

Holstenius, (Luc), garde de la bibliotheque du Vatican, étoit éclairé dans l'antiquité ecclésiastique & prophane ; il en a donné des preuves par des dissertations exactes & judicieuses ; il a publié la vie de Pythagore par Porphyre, & celle de Porphyre. Il est mort à Rome en 1661, âgé de 65 ans.

Krantzius (Albert), historien célebre pour son siecle ; car il mourut en 1517, à l'âge d'environ 70 ans, après avoir composé de bons ouvrages latins sur l'histoire, imprimés plusieurs fois depuis sa mort ; savoir 1°. une chronique de Danemarck, de Suede, & de Norwege ; 2°. une histoire de Saxe en treize livres ; 3°. une histoire des Vandales ; 4°. un ouvrage intitulé Metropolis, qui contient en 14 livres l'histoire ecclésiastique de Saxe, de Westphalie, & de Jutland. Il est vrai que la réputation de Krantz a été fort maltraitée par quelques censeurs, & qu'on ne peut pas trop le justifier de grands plagiats.

Lambecius (Pierre) passe sans aucune accusation de ce genre, pour un des savans historiographes d'Allemagne, comme le prouvent ses ouvrages ; j'entends les suivans : 1°. les origines Hamburgenses, en 2 vol. imprimés à Hambourg in-4 °. en 1652 & 1661 ; 2°. ses lucubrationes Gellianae, Paris 1647, in-4 °. 3°. animadversiones ad codini origines Constantinopolitanas, Paris, 1665, in-fol. elles sont pleines d'érudition ; 4°. le catalogue latin de la bibliotheque impériale en 8 vol. in-fol. Ce catalogue est par-tout accompagné d'un commentaire historique curieux, mais trop diffus ; Lambecius mourut à Vienne en 1680, à 52 ans.

Placcius (Vincent) mourut d'apoplexie en 1699 à 57 ans, a publié quantité d'écrits, dont vous trouverez la liste dans Morery & dans le P. Niceron, tome I. Le principal de ses ouvrages latins est son recueil des anonymes & des pseudonymes, Hamb. 1674. in-4°. premiere édition, & qui a ensuite été réimprimé plus complet par Matthias Dreyer en 1708, in-fol.

Rolfinck (Guerner), en latin Rolfincius, élevé par Schelhammer son oncle, fut un médecin de réputation ; mais entre beaucoup d'ouvrages qu'il a faits, & dont Lippenius ou Manget ont donné la liste, les seuls qu'on achete encore, sont ses dissertationes anatomicae, Noribergae, 1656 in-4 °. Il mourut à Jéne en 1673, agé de 74 ans, & laissa plusieurs écrits sur la Médecine qui ont vû le jour.

Wower (Jean) est auteur d'un ouvrage plein d'érudition, intitulé de polymathia tractatio, à Basle, 1603, in-4 °. Il a aussi publié avec des notes, Pétrone, Apulée, Sidonius Apollinaris, & Minutius Felix. Il mourut gouverneur de Gottorp en 1612, âgé de 38 ans ; il faut le distinguer de Jean Wower, son parent, ami de Lipse, qui mourut à Anvers en 1635 à 69 ans. (D.J.)


HAMBU(hist. nat. botan.) arbre du Japon, de la grandeur du palmier, dont les feuilles sont vertes toute l'année, les fleurs jaunes sans odeur, & rayées à l'intérieur de bandes purpurines ; la graine d'un jaune tirant sur le gris & velue, & les rameaux cendrés. Les chevres & les brebis mangent les feuilles avec avidité ; le bois n'est bon qu'à brûler. Ephemerides naturae curiosor. dec. II. ann. X. observ. xxxvj. page 78.


HAMEAU(Géog.) assemblage de quelques maisons sans église ni jurisdiction locale ; le hameau dépend à ces deux égards d'un village ou d'un bourg ; il vient de hamellus, terme dont se sont servi les auteurs de la basse latinité, & qui est un diminutif de ham. Ce mot de ham, qui signifie maison, habitation, se trouve en forme de terminaison dans un grand nombre de noms propres géographiques, surtout en Angleterre, où l'on voit Buckingham, Nottingham, Grandham, &c. & quoique plusieurs de ces noms appartiennent aujourd'hui à des bourgs, à des villes, à des provinces, cela n'empêche pas que leur premiere origine n'ait été un hameau ; de même en Allemagne, cette syllabe est changée ordinairement en heim, comme dans Manheim, Germersheim, Hildesheim, &c. & quelquefois en hain. Ce nom ham est reconnoissable non-seulement dans le mot françois hameau, mais encore dans plusieurs noms, comme Estreham vient d'Oistréham pour Westerham, qui veut dire demeure occidentale ; nom qui marque la situation de ce lieu, qui est au couchant de l'embouchure de l'Orne : en Normandie on change communément la syllabe ham en hom ; comme le Hommet, Robehomme, Brethomme ; ces deux derniers s'appellent en latin Roberti villa, Britonica villa ; tel lieu qui n'étoit qu'un simple hameau, est devenu bourg ou ville, sans changer de nom. Enfin, tous les grands empires ont commencé par des hameaux, & les puissances maritimes par des barques de pêcheurs. (D.J.)


HAMEÇONS. m. (Pêche) voyez HAIN.

* HAMEÇON, (Tour.) c'est l'instrument plus connu sous le nom d'arilser.


HAMEDESS. f. (Manuf.) toile de coton blanche, claire & fine, de seize aunes de long, sur trois quarts à cinq sixiemes de large. Elle vient de Bengale.


HAMÉES. f. (Art milit.) c'est le manche du griffon ou de l'écouvillon. Voyez HAMPE.


HAMEIDES. f. terme de Blason, fasce de trois pieces alaisées qui ne touchent point les bords de l'eau. Hameides, selon le pere Menétrier, sont trois chantiers ou longues pieces de bois en forme de fasces alaisées qui se mettent sous les tonneaux qu'on nomme hames aux pays-bas ; ce qui a fait le mot d'hameides ; une famille de Flandres qui porte ces chantiers pour armoiries par allusion à son nom, en ayant introduit l'usage dans le Blason. Il ajoûte qu'hameide est encore une barriere dans ce pays-là, où les maisons de bois traversées se nomment hames, d'où vient le nom de hameau, à cause des maisons de village bâties de cette sorte, & des barrieres dont les chemins sont fermés en Suisse & en Allemagne sur les avenues de ces hameaux. D'autres croyent qu'hameide vient de la maison de ce nom en Angleterre, qui porte pour armes une étoffe découpée en trois pieces en forme de fasce, qui en laisse voir une autre par ses ouvertures, qui est d'une couleur différente & mise au-dessous. On dit aussi hamade & hamaide. Dictionn. de Trévoux.


HAMELBOURGHamelburgum, (Géog.) ville d'Allemagne en Franconie, dans l'état de l'abbé de Fulde, sur la Saale, à dix lieues S. E. de Fulde, & à trois milles de Schweinfurt ; on y suit la Religion catholique. Long. 27. 36. lat. 50. 10.

Hamelbourg est la patrie de Jean Froben, qui s'établit à Basle, où il se fit une grande réputation par la beauté & l'exactitude de ses éditions. Nous en parlerons au mot IMPRIMEUR. (D.J.)


HAMELN(Géog.) ville forte d'Allemagne, dans la basse-Saxe, au duché de Calemberg, à l'extrémité du duché de Brunswick, dont elle est une clef. Elle est agréablement située au confluent de la riviere de Hamel avec le Weser, à neuf lieues S. O. d'Hanover, seize N. E. de Paderborn, dix-sept S. O. de Brunswick. En 1542 elle embrassa la confession d'Augsbourg ; c'est à un mille de cette ville que sont les eaux de Pyrmont. Long. 27. 10. latit. 52. 13. (D.J.)


HAMERHammaria, (Géog.) petite ville de Norwege, au gouvernement d'Aggerhus. Elle étoit autrefois épiscopale sous la métropole de Drontheim, mais son évêché a été uni à celui d'Anslo ; elle est à 24 lieues N. E. d'Anslo. Long. 28. 40. latit. 60. 30. (D.J.)


HAMILTON(Géog.) ville de l'Ecosse méridionale, l'une des plus considérables de la province de Chydsdal, avec titre de duché, palais & parc. Elle est à trois lieues S. O. de Glascow, douze O. d'Edimbourg, cent-vingt N. O. de Londres. Longit. 13. 45. latit. 55. 12. (D.J.)


HAMIZ-MÉTAGARA(Géog.) ville d'Afrique dans la Barbarie, au royaume de Fez, remarquable par ses jardins où l'on nourrit des vers à soie. Long. 13. 48. lat. 33. 36. (D.J.)


HAMLÉS. m. (hist. d'Ethiopie) nom de l'onzieme mois des Ethiopiens ; il a 30 jours comme tous les autres ; car l'année éthiopienne est la même que l'égyptienne, composée de douze mois, qui font 360 jours, & de cinq épagomenes ou jours, qui s'ajoûtent après les douze mois dans les années communes, & dans les bissextiles, on en ajoûte six ; le mois hamlé commence le 14 de Juin. (D.J.)


HAMM(Géog.) ville d'Allemagne en Westphalie, dans le comté de la Marck, sur la Lippe.


HAMMA(Géog.) riviere d'Allemagne ; elle a sa source dans la basse-Saxe, au duché de Lunebourg, dans les bruyeres de Soltow ; elle arrose une lisiere de la principauté de Ferden, quelques endroits du duché de Bremen ; & après s'être grossie de divers ruisseaux, elle se décharge dans le Weser. (D.J.)

HAMMA, (Géog.) ville d'Afrique au royaume de Tunis en Barbarie.


HAMMELBOURG(Géog.) ville d'Allemagne Voyez HAMELBOURG.


HAMMITE(Hist. nat.) pierre, voyez AMMITE ou AMMONITE.


HAMMON(Belles-Lettres) surnom donné à Jupiter, qui sous ce titre étoit principalement adoré en Lybie, où il avoit un temple magnifique. Voici ce que Quinte-Curce au livre quatrieme de son histoire, nous apprend de la figure sous laquelle Jupiter y étoit représenté. " Le dieu qu'on adore dans ce temple, dit-il, est fait d'émeraudes & d'autres pierres précieuses ; & depuis la tête jusqu'au nombril, il ressemble à un bélier. Quand on veut le consulter, il est porté par quatre-vingt prêtres dans une espece de gondole d'or, d'où pendent des coupes d'argent ; il est suivi d'un grand nombre de femmes & de filles qui chantent des hymnes en langue du pays ; & le dieu porté par ses prêtres les conduit en leur marquant par quelques mouvemens où il veut aller ". Strabon dit qu'il rendoit ainsi ses réponses par des signes, c'est-à-dire par quelques mouvemens que les prêtres faisoient faire à sa statue ; mais ces prêtres expliquoient aussi verbalement la volonté du dieu, comme il arriva lorsqu'Alexandre alla lui-même le consulter. " Car ce prince s'étant avancé dans le temple, dit son historien, le plus ancien des sacrificateurs l'appella son fils, en l'assûrant que Jupiter son pere lui donnoit ce nom, & qu'il lui promettoit l'empire du monde ". C'étoit bien de quoi flatter la vanité & l'ambition de ce conquérant ; mais il pensa gâter tout le mystere par une étourderie ; car oubliant tout-à-coup sa divine origine, il s'avisa de demander à l'oracle, si les meurtriers de son pere avoient été punis ; le prêtre se tira habilement de cet embarras. Ces sacrificateurs avoient été pour lors corrompus par les largesses d'Alexandre pour ajuster leurs réponses à ses desirs ; mais ils avoient témoigné plus d'intégrité dans une autre occasion où ils étoient venus se plaindre à Sparte contre Lysandre, qui à force de présens avoit voulu tirer d'eux des réponses favorables au dessein qu'il méditoit de changer l'ordre de la succession royale ; & sans-doute ce dernier trait n'avoit pas peu contribué à accréditer leur oracle. Voyez ORACLES.

On n'est pas d'accord sur l'étymologie du nom d'Ammon ; quelques-uns le font venir du grec , sable, parce que le temple de Jupiter Hammon, étoit situé dans les sables brûlans de la Lybie. D'autres le dérivent de l'égyptien anam, bélier ; & d'autres veulent qu'Hammon signifie le soleil, & que les rayons de cet astre soient figurés par les cornes avec lesquelles on représentoit Jupiter. Car dans quelques médailles on trouve des têtes de Jupiter, c'est-à-dire un visage humain avec deux cornes de bélier au-dessous des oreilles.

Corne d'Hammon, terme d'histoire naturelle. Voyez CORNE. (G)


HAMONT(Géog.) petite ville d'Allemagne en Westphalie, dans l'évêché de Liége, à douze lieues N. O. de Mastricht. Longit. 23. 16. latit. 51. 17. (D.J.)


HAMPES. f. dans l'Artillerie, est un long bâton qui sert à emmancher quelque chose, comme le refouloir, la lanterne, l'écouvillon, &c. Ce bâton est ordinairement de frêne, de hêtre, & de ce qu'on appelle bois de Biscaye ; il a environ un pouce & demi de diametre : sa longueur dépend des usages auxquels il est destiné. (Q)

HAMPE, (Peinture) hampe de pinceau, c'est le manche du pinceau : on écrit & prononce hante du pinceau.

L'on peut faire des hampes ou des hantes de toutes sortes de bois : ceux dont on se sert le plus ordinairement sont l'yvoire, le fusin, l'ébene, &c.

HAMPE, (Chasse) c'est la poitrine du cerf.


HAMPTON-COURTHamptoni curia, (Géog.) maison royale embellie par Guillaume III. & bâtie par le cardinal Wolsey, sous le regne de Henri VIII. le paysage, le parterre, l'avenue, & les parcs sont d'une beauté admirable. Ce palais est dans le Middlesex, sur la Tamise, à quatre lieues S. E. de Londres. On y voit les célebres cartons de Raphaël ; ce grand peintre les fit à la requisition de François I. pour sa manufacture des Gobelins. Long. 17. 15. lat. 51. 26. (D.J.)


HANS. m. (Comm.) espece de caravanserai que l'on trouve en quelques endroits du levant, où les voyageurs & les marchands peuvent se retirer avec leurs équipages.

En conséquence des capitulations entre la France & la porte ottomane, les François ont à Seyde, Alep, Alexandrie, & dans quelques autres échelles de cette côte, des hans qui leur appartiennent, & où ils sont logés séparément des autres nations.

La différence du han & du caravanserai ne consiste guere que dans la grandeur : ce dernier étant un vaste bâtiment, & l'autre n'ayant que quelques petits appartemens qui sont tous rassemblés dans une espece de grange. Voyez CARAVANSERAI.

Les hans de Constantinople sont de grands bâtimens qui ressemblent assez aux cloîtres de nos monasteres ; ils sont bâtis de pierre pour prévenir les accidens du feu assez ordinaires dans cette grande ville, dont la plûpart des maisons ne sont que de bois. En-dedans est une espece de cour quarrée avec une fontaine au milieu environnée d'un bassin. Autour de cette cour sont quantité d'arcades partagées en divers appartemens, toutes construites de même. Au-dessus des arcades régnent des galeries ou corridors où aboutissent des chambres qui ont chacune leur cheminée. Les appartemens du rez-de-chaussée servent de magasins. Les marchands prennent leurs logemens dans ceux d'en-haut, où ils sont néanmoins obligés de se fournir de meubles & d'ustensiles de cuisine ; car on n'y trouve que les quatre murailles. On donne au portier qui en a les clés la moitié ou le quart d'une piastre, pour l'ouverture de chaque chambre, & outre cela un aspre ou deux par jour pour le loyer. On loue de la même maniere les magasins pour les marchandises. Tous les soirs ces hans sont fermés d'une porte de fer. Dictionnaire de Commerce. (G)


HANAPS. m. (Commerce) mot dont on se sert dans les anciennes ordonnances, pour signifier une tasse. Il se dit en général de toutes sortes de vases. Les huissiers, quand ils goûtent les vins, doivent avoir le beau pot doré en une main, & le hanap en l'autre. Page 124 de l'ancienne ordonnance.


HANAUHanovia, (Géog.) ville d'Allemagne au cercle du Haut-Rhin, dans la Wétéravie, capitale d'un comté de même nom, appartenant au Landgrave de Hesse-Cassel, avec un château ; on la divise en vieille & en nouvelle. Il y a eu autrefois dans cette ville une imprimerie célebre. Le comté de Hanau est borné par le comté d'Isembourg & par l'abbaye de Fulde au nord, par le comté de Reineck à l'est, par l'archevêché de Mayence au sud, & par la Wétéravie à l'oüest. La capitale est dans une vaste plaine, sur la riviere de Kuenh, à deux milles E. de Francfort, trois N. E. de Darmstadt. Long. 26. 35. latit. 49. 58. (D.J.)


HANBALITES. m. (Hist. mod.) nom d'une des quatre sectes reconnues pour orthodoxes dans le Musulmanisme ; Ahmed Ebn Anbal qui naquit à Badget l'an 164 de l'égire & 785 de la naissance de J. C. & qui y mourut l'an 241 de l'égire ou 862 de la naissance de J. C. en a été le chef : il prétendoit que le grand prophete monteroit un jour sur le trône de Dieu. Je ne crois pas que la vénération ait jamais été portée plus loin dans aucun système de religion : voilà Dieu déplacé. Le reste des Musulmans se récria contre cette idée, & la regarda comme une impiété. On ne sera pas surpris que cette hérésie ait fait grand bruit. Il ne paroît pas que cette secte soit la même que celle des Hambeliens, malgré la ressemblance des noms. Voyez HAMBELIENS.


HANCHES. f. (Anatomie) partie du corps qui est entre les dernieres côtes & les cuisses.

Les hanches consistent en trois of joints ensemble, qui, à-mesure que l'homme avance en âge, deviennent secs, durs, & osseux ; de sorte que dans les adultes ces trois of semblent n'en faire qu'un seul.

Les deux of des hanches & anciennement of innominés, sont unis ensemble antérieurement, par une espece de symphise cartilagineuse, & postérieurement aux deux côtés de l'os sacrum ; de façon qu'ils représentent un bassin. Voyez BASSIN.

Chacun d'eux n'est qu'une seule piece dans l'âge parfait, quoique dans les jeunes sujets il soit composé de trois, l'ilium, l'ischion, & le pubis. Voyez ILIUM, &c.

Les parties formées par ces trois pieces sont la cavité cotyloïde formée par les trois, le trou ovale formé par l'ischion & le pubis, la grande échancrure ischiatique formée par l'os ilium & l'ischion, une éminence ou protubérance oblique au-dessus de la cavité cotyloïde faite par l'os ilium & l'os pubis, une échancrure sur le bord de la cavité vers le trou ovale, taillée dans l'os pubis & l'os ischion. Voyez COTYLOÏDE. (L)

HANCHES, (Manége & Maréchall.) parties de l'arriere-main du cheval, dont, soit eu égard au traitement, soit eu égard au maniment de l'animal, il paroît que l'on n'a pas eu des notions exactes.

Les hanches résultent proprement des of des iles ; on a donc eu tort d'en fixer l'étendue depuis le haut ou le sommet des flancs jusqu'au grasset ; car dès-lors on a pris deux parties pour une seule ; & l'on a confondu celles dont il s'agit avec la cuisse qui est incontestablement formée par le fémur. Cette erreur en a produit une autre non moins grossiere, puisque l'on a donné le nom de cuisse à la portion qui devoit porter celui de jambe, & que le tibia compose. Voyez EFFORTS.

L'extrémité supérieure de l'arriere-main ainsi faussement envisagée, on a pensé que dès qu'il y avoit trop ou trop peu de distance des reins à l'origine de la queue, ou à l'endroit qui termine la croupe, les hanches n'étoient pas proportionnées au corps, & qu'elles étoient trop longues ou trop courtes. Quoique l'oeil éclairé qui compare cette distance avec l'étendue des parties qui précedent cette même extrémité, puisse en reconnoître aisément les défauts, quelques auteurs se sont persuadés de pouvoir en juger par la position du jarret ; dans le cas où la distance est trop considérable, ils ont prétendu que la saillie en doit être trop en-arriere ; & dans celui où elle est trop raccourcie, ils nous ont donné pour maxime qu'il doit tomber trop à plomb. Comment admettre une semblable regle, & y déférer, lorsque l'on fait attention que le port & la situation de cette portion de l'extrémité postérieure varie conséquemment à la multitude innombrable des attitudes différentes du cheval, qui tantôt se campe d'une façon & tantôt d'une autre, & qui dans sa marche peut être plus ou moins assis, plus ou moins ensemble ? Il est néanmoins vrai que de la forme peu mesurée du fémur, du tibia, & même du cavon, dépend la position plus ou moins perpendiculaire ou plus ou moins oblique du jarret ; mais les hanches proprement dites ne sauroient y donner lieu. S'il s'agissoit de fixer les proportions que doit avoir l'espace qu'on leur a très-mal-à-propos assigné, nous établirions comme un principe sûr, que deux lignes tirées dans un cheval vû de profil, l'une depuis la portion la plus éminente de la croupe jusqu'au grasset, l'autre depuis la sommité de l'os des hanches ou de l'os iléon jusqu'à la pointe de la fesse, doivent être égales en longueur à deux lignes qui seroient tirées du grasset au-dessous de la partie saillante & latérale externe du jarret, & de cette partie saillante perpendiculairement à terre.

Dès que les hanches sont réellement un composé de plusieurs of unis par symphise, c'est en ignorer & en méconnoître totalement la disposition mécanique, que de leur attribuer la faculté d'être mûe. Le jeu, les ressorts de l'arriere-main dérivent essentiellement de la flexibilité & de la mobilité des vertebres lombaires, qui tiennent toute la liberté de la propre configuration. En partant de cette vérité constante & dont on est pleinement convaincu par la seule inspection du mouvement progressif de l'animal, puisqu'au moment où ses piés de derriere avancent sous lui & répondent à la ligne de direction de son centre de gravité, la flexion & la courbure de ses reins sont très-apparentes, il est facile de concevoir que dans la circonstance de la distance trop longue des parties qui limitent antérieurement & postérieurement l'extrémité supérieure dont nous avons parlé, ces mêmes piés, lors du pli des vertebres & des articulations des colonnes, outre-passeront nécessairement dans leurs portées la piste de ceux de devant, & constitueront à chaque pas l'animal dans un degré véritable d'instabilité, & conséquemment de foiblesse. Cette considération a sans-doute engagé Soleysel à regarder des chevaux ainsi conformés comme des chevaux excellens dans les montagnes. L'élévation du terrein s'oppose en effet au port de leurs piés trop en avant ; & la facilité naturelle qu'ils ont à s'asseoir assûrant celle de la percussion, le devant est chassé & relevé avec véhémence : mais aussi dans la descente, il faut convenir qu'ils souffrent infiniment, non par la peine qu'ils ont à plier les jarrets, ainsi que l'a soûtenu cet auteur, mais parce qu'ils sont à chaque instant prêts à s'acculer.

Du défaut opposé naît l'impossibilité de baisser le derriere, dont la roideur se montre constamment ; la courbure des vertebres n'opérant en quelque sorte qu'un mouvement obscur, & la situation perpendiculaire des colonnes dans leur appui haussant & relevant toûjours la croupe.

Le cheval est réputé avoir les hanches hautes, lorsque les iléons paroissent à l'extérieur ; il est appellé cornu, lorsque la graisse & son embonpoint ne peuvent en dérober l'extrème saillie : il est dit éhanché ou épointé, dans le cas où ces of n'atteignent pas une hauteur égale. Voyez ÉHANCHE, éPOINTE. Si le cheval se berce en marchant, ce qui provient de la foiblesse de ses reins, nous disons encore qu'il a des hanches flottantes. Après un effort dans les reins, le derriere est à-peine susceptible de mouvemens ; l'action progressive est d'une lenteur extrème, & n'a lieu que par l'action des colonnes ; les hanches sont traînantes ; le tride, l'agilité, la vivacité des hanches, qualités communes au cheval d'Espagne, dépendent de la juste proportion des parties, de la vigueur de l'animal, de la force de ses reins, ainsi que de celles des agens qui meuvent le derriere.

Assouplir, assûrer, affermir, baisser, faire plier, travailler, assujettir les hanches, &c. ces expressions usitées dans les manéges, prises dans le véritable sens & dans leur signification propre, ne doivent donc présenter à l'esprit que l'idée que lui offriroit l'emploi de ces mêmes verbes régissant & précédant ces mots, le derriere, l'arriere-main, ou la croupe.

Cette extrémité dans l'animal chargée des principaux efforts qui peuvent opérer le transport de la masse en-avant, & soûtenir celui de cette même masse en-arriere, a nécessairement besoin d'être sollicitée insensiblement & par degré, comme toutes les autres parties mobiles de la machine, aux mouvemens dont la répétition & l'habitude doivent lui faciliter les actions qui lui sont permises : tout cheval qui n'en a pas acquis la liberté & l'aisance, est totalement incapable de la distribution proportionnée de ses forces, du rejet mesuré, du contre-balancement exact du poids de son corps sur les parties postérieures, & d'une union qui seule peut le rendre agréable à la main, alléger son devant, assûrer sa marche, & maintenir le derriere dans une situation où toutes percussions s'effectuent, pour ainsi dire, sans travail & sans peine. Voyez UNION.

Observer les hanches, faire observer les hanches, voyez FUIR LES TALONS, ÉLARGIR.

HANCHE, (Marine) c'est la partie du vaisseau qui paroît en-dehors depuis le grand cabestan jusqu'à l'arcasse ; ou bien c'est la partie du bordage qui approche de l'arcasse, au-dessous des banseilles ou galeries qui sont sous les flancs. Voyez Pl. I. Marine, un vaisseau vû par le côté. (Z)


HANCHONS. m. (Hist. nat.) oiseau de proie du Brésil, qui par son plumage, sa grandeur & sa figure, ressemble beaucoup au busard, excepté qu'il a une bande noire à l'endroit où le cou se joint à la tête. Les Portugais & les Indiens du Brésil regardent la ratissure des ongles & du bec de cet oiseau comme un des plus excellens contre-poisons, & ils prétendent que ses plumes, sa chair, & ses of guérissent beaucoup de maladies. Voyez Redi, Observ. sur diverses choses naturelles.


HANGARDHANGARS, s. m. (Gramm.) ce sont de longs appentis avec des toîts inclinés, que l'on établit dans les arsenaux & atteliers de construction, sous lesquels on met à couvert & on range les bois de construction, les affûts de canon, &c.

Les hangards servent encore de remise pour les équipages ; à certains artistes, d'atteliers amovibles ; & à une infinité d'autres usages.


HANIFITTS. m. & f. (Hist. mod.) nom d'une secte mahométane ; les Turcs s'en servent pour désigner l'orthodoxie.


HANLUS. m. (Hist. mod.) nom du dix-septieme mois des Chinois ; il répond à notre mois de Novembre. Le mot hanlu signifie froide rosée : c'en est la saison.


HANNEBANE(Mat. med.) Voy. JUSQUIAME.


HANNETONS. m. (Hist. nat. Insectol.) insecte de la classe des scarabés, scarabeus arboreus vulgaris, Mouff. Rai. C'est un des grands scarabés ; il a la tête, la poitrine & les enveloppes des aîles de couleur brune roussâtre ; la poitrine est velue ; chacune des enveloppes des aîles a quatre stries ; l'anus est pointu & recourbé en bas ; le ventre a une couleur brune avec des taches blanches sur les côtés ; la levre supérieure est obtuse. Linnaei fauna suaecica.

M. Raesel, dans son Amusement physique sur les insectes, distingue deux sortes de hannetons par la couleur d'une plaque qu'ils ont sur le cou, & qui est rouge sur les unes & noire sur les autres, & par la pointe de la partie posterieure de leur corps, qui est mince & courte dans les hannetons à plaque rouge, & plus longue & plus grosse dans les autres. On reconnoît aisément le sexe de ces insectes ; ils ont une houppe feuilletée à l'extrémité des antennes, qui est plus longue dans les mâles que dans les femelles, ils déplient tous cette houppe, lorsqu'ils prennent leur essor. Les antennes sont repliées sur les yeux qui sont noirs. Il y a au bas de la bouche deux autres antennes petites & pointues ; ils ont sur les côtés du ventre des taches blanches triangulaires, qui les distinguent des autres especes de hannetons. Les deux jambes de devant sont les plus courtes ; la partie moyenne est large, forte, tranchante, & garnie de deux ou trois pointes : cette partie leur sert à creuser dans la terre, quelque dure qu'elle puisse être. Les six jambes sont terminées par deux crochets qui soûtiennent cet insecte contre les surfaces verticales.

L'accouplement des hannetons dure long-tems ; dès que la femelle est fécondée, elle creuse un trou en terre, & s'y enfonce à la profondeur d'un demi-pié ; elle y dépose des oeufs oblongs, de couleur jaune claire, qui sont placés les uns à côté des autres : après la ponte, la femelle sort de son trou & se nourrit pendant quelque tems de feuilles d'arbres. M. Raesel présume qu'il n'y a qu'une ponte ; il enferma dans de grands vases couverts de crepe & à moitié remplis de gason, un grand nombre de hannetons qui venoient de s'accoupler ; après quinze jours il trouva plusieurs centaines d'oeufs dans quelques-uns des vases ; il mit les autres dans une cave sans les ouvrir.

A la fin de l'été l'un des vases fut ouvert, & il s'y trouva de petits vers au lieu d'oeufs ; on mit du gason frais dans le vase, & on le tint exposé à l'air. Ces vers prirent beaucoup d'accroissement pendant l'automne ; au commencement de l'hiver on les remit à la cave, on les en retira au mois de Mai ; ils étoient alors si forts, qu'il falloit leur donner souvent du gason frais, & bien-tôt on fut obligé de les mettre sur des pots où on avoit fait lever des pois, des lentilles, & de la laitue, pour ne les pas laisser manquer de nourriture : malgré toutes ces précautions, il en périt beaucoup pendant la seconde & la 3° année.

A trois ans, ces vers ont au-moins un pouce & demi de longueur, lorsqu'ils s'étendent ; ordinairement ils sont un peu recoquillés ; ils ont une couleur blanche jaunâtre ; le dessous du corps est uni, & le dessus est rond & voûté. Chacun de ces vers a douze segmens, sans compter la tête ; le dernier, qui est le plus grand, a une couleur grise violette, qui vient de celle des excrémens qu'il renferme, & que l'on voit à-travers de chaque côté du corps. Par-dessus tous les segmens s'étend une espece de languette ou de bourrelet, dans lequel on apperçoit neuf pointes à miroir, qui sont autant de trous par lesquels le ver respire ; il a six jambes d'une couleur rougeâtre, trois de chaque côté, sous les trois premiers segmens. La tête est grande, applatie, arrondie, & d'une couleur brune jaunâtre & luisante ; elle a en-devant une pince brune, obtuse & dentelée à ses extrémités, & une levre entre les deux pieces de la pince ; il n'arrive guere que ce ver sorte de la terre ; lorsqu'on l'en tire en la fouillant il y rentre aussi-tôt, soit pour fuir les oiseaux dont il deviendroit la proie, soit pour éviter les rayons du soleil.

Ce ver change de peau au-moins une fois l'an ; lorsqu'elle devient trop étroite, il fait une petite loge de terre dans laquelle il se dépouille ; on a donné à cette loge le nom de pilule, parce qu'elle est ronde & dure, & on a appellé scarabés pillulaires plusieurs especes de scarabés dont les vers forment de pareilles loges ; celui-ci, après avoir quitté sa peau, sort de sa loge pour chercher sa nourriture près de la surface de la terre ; mais dès qu'il gele, il descend plus bas pour se mettre à l'abri du froid.

Ce n'est qu'à la fin de la quatrieme année que ce ver se métamorphose ; dans l'automne il s'enfonce en terre quelquefois à plus d'une brasse de profondeur, & il se fait une loge qu'il rend lisse & unie ; ensuite il se raccourcit & se gonfle : avant la fin de l'automne, il quitte sa derniere peau de ver, pour prendre la forme de chrysalide ; elle commence par être de couleur jaunâtre, ensuite elle est jaune & devient rouge : on y reconnoît le hanneton qui en doit sortir.

A la fin de Janvier ou au commencement de Février, cette chrysalide devient un hanneton qui est d'abord de couleur blanche ou jaunâtre ; il ne prend toute sa consistance & sa vraie couleur qu'au bout de dix ou douze jours : mais il reste encore en terre pendant deux ou trois mois. Il ne la quitte que dans le mois de Mai, plûtôt ou plûtard, selon la température de l'air ; alors on voit les hannetons sortir de terre, principalement les soirs, ou au-moins on apperçoit leurs trous dans les sentiers qui sont durcis par la sécheresse.

Le froid fait mourir en terre les jeunes hannetons ; ainsi lorsque le mois de Mai ne leur est pas favorable, le plus grand nombre périt, & il n'en reste que peu ; ils ne mettent en terre qu'un petit nombre d'oeufs ; & par conséquent il n'y a rien encore qu'un petit nombre de hannetons quatre ans après, lorsque le produit de ces oeufs sort de terre. Au contraire, le mois de Mai étant chaud, les hannetons sont en grand nombre, & concourent tous à la production d'une nombreuse postérité, qui paroît au bout de quatre ans. M. Raesel assûre que les deux sortes de hannetons dont il a fait mention dominent successivement l'une sur l'autre pour le nombre d'une année à l'autre, & que les observations dont nous venons de donner le précis, l'ont mis en état de prédire qu'elle sorte de hanneton dominera, & si ces insectes seront en grand ou en petit nombre. Extrait de l'amusement physique sur les insectes, par Auguste Jean Raesel, peintre en miniature, in-4°. à Nuremberg. (I)


HANNUYE(Géogr.) petite ville des Pays-bas Autrichiens, dans le Brabant, sur la Chête, à quatre lieues de Tillemont, huit S. E. de Louvain. Longit. 22. 45. Latit. 50. 40. (D.J.)


HANOE(Géog.) île de Suede dans la mer Baltique, à quatre lieues de Carlscron.


HANOVERLE PAYS DE (Géogr.) Il ne comprenoit d'abord que le comté de Lawenrode ; il contient encore aujourd'hui les duchés de Zell, de Saxe-Lawenbourg, de Brême, de Lunebourg, les principautés de Ferden, de Grubenhagen, d'Obherwalde, &c. Georges-Louis de Brunswick unit en sa personne tous ces états, & devint ensuite roi d'Angleterre. Les François conquirent en 1757 la plus grande partie des pays qu'on vient de nommer ; mais l'histoire ne parle de semblables événemens passagers que comme elle parle des ravages causés par le débordement d'un fleuve qui sort de son lit. (D.J.)

HANOVER, ou HANOVRE, Hanovera, (Géogr.) ville d'Allemagne au cercle de basse Saxe, capitale de l'électorat de Brunswick, appellé aussi l'électorat d'Hanover ; elle est dans une plaine sablonneuse, sur la Leyne, à six lieues S. E. de Neustatt, dix S. O. de Zell, six N. O. de Brunswig. Ce fut en 1178 qu'elle obtint le privilége des villes, car jusqu'alors elle n'avoit été qu'un village. Long. 27. 40. Lat. 52. 25. (D.J.)


HANSCRITS. m. (Hist. mod.) langue savante chez les Indiens, où elle n'est entendue que des pendets & autres lettrés. On l'apprend dans l'Indostan, comme nous apprenons le latin & l'hébreu en Europe. Le P. Kircher en a donné l'alphabet. On est dans l'opinion que ce fut en hanscrit que Brama reçut de Dieu ses préceptes ; & c'est là ce qui la fait regarder comme la langue par excellence, la langue sainte. Dict. de Trév.


HANSES. f. (Commerce) société de villes unies par un intérêt commun pour la protection de leur commerce. Hanse, dans la langue allemande, signifie ligue, société. Cette association se fit d'abord entre les villes de Hambourg & de Lubeck en 1241, par un traité dont les conditions étoient, 1°. Que Hambourg nettoyeroit de voleurs & de brigands le pays d'entre la Thrave, riviere qui coule à Lubeck & à Hambourg, & qu'elle empêcheroit depuis cette derniere ville jusqu'à l'Océan, les pirates voisins de faire des courses sur l'Elbe. 2°. Que Lubeck payeroit la moitié des frais de cette entreprise. 3°. Que ce qui regarderoit le bien particulier de ces deux villes, seroit concerté en commun, & qu'elles uniroient leurs forces pour maintenir leur liberté & leurs priviléges.

Dès qu'on vit Hambourg & Lubeck s'accroître par le commerce, que cette union rendoit plus sûr & plus facile ; les villes voisines, savoir celles de la Saxe & de la Vandalie, attirées par une prospérité si promte, demanderent à être admises dans l'alliance, & l'obtinrent. Bien-tôt, par les mêmes raisons, cette association de commerce s'étendit au loin ; & cette compagnie de villes liées d'intérêts, établit des étapes en divers royaumes, savoir Bruges en Flandres, Londres en Angleterre, Bergen en Norwege, Novogorod en Russie. C'étoient-là autant de comptoirs généraux, où se portoient les marchandises des contrées voisines pour passer plus commodément par-tout où les intéressés en auroient besoin.

Les princes, qui n'y considéroient d'abord qu'une société lucrative, furent les premiers à souhaiter que leurs villes y entrassent, & en effet il ne s'agissoit que de cela. La protection mutuelle des libertés de chaque ville n'étoit pas un engagement général qu'eût pris toute la hanse ; & si on trouve que quelques villes en ont protégé d'autres associées, il se trouve aussi grand nombre d'occasions, où la hanse n'a rien fait pour les villes de l'association qui étoient opprimées.

Les souverains de divers pays desirant d'attirer chez eux par les sollicitations de leurs sujets, le commerce de la hanse, lui accorderent plusieurs priviléges. On a des lettres patentes des rois de France en faveur des Osterlins, c'est ainsi qu'on nommoit les négocians des villes hanséatiques, du mot ost, qui veut dire l'orient, d'où vient ostsée, qui signifie la mer Baltique. Ces lettres sont entr'autres de Louis XI. en 1464, & en 1483, peu avant sa mort, & de Charles VIII. en 1489.

Le fort de la hanse étoit en Allemagne, où elle a commencé, & où elle conserve encore une ombre de son ancien gouvernement. Les quatre métropoles étoient Lubeck, Cologne, Brunswick & Dantzig. Bruges ne fut pas la seule dans les Pays-bas ; Dunkerque, Anvers, Ostende, Dordrecht, Rotterdam, Amsterdam, se voyent sur d'anciennes listes comme villes hanséatiques, aussi-bien que Calais, Rouen, Saint-Malo, Bordeaux, Bayonne & Marseille en France ; Barcelone, Séville & Cadix en Espagne ; Lisbonne en Portugal ; Livourne, Messine & Naples en Italie ; Londres en Angleterre, &c.

Cependant plusieurs choses concoururent à affoiblir cette société. La boussole ouvrit le spectacle des Indes orientales & occidentales : alors quelques princes trouverent mieux leur compte à favoriser le commerce particulier de leurs sujets. Il se forma dans leurs états des compagnies qui firent non seulement le commerce ordinaire de l'Europe, mais des découvertes, des acquisitions, des établissemens en Afrique, aux Indes orientales & en Amérique ; ainsi l'on vit se détacher de gros chaînons de la hanse. D'un autre côté, Charles-quint, ennemi de toute société qui ne servoit pas directement à ses vûes ambitieuses, réduisit lui-même celle-ci à très-peu de chose dans ses états. Des souverains d'Allemagne, moins sages encore, au lieu de conserver les priviléges que leurs ancêtres avoient accordés aux villes pour l'encouragement du commerce, & qui les avoient enrichis, ne songerent qu'à subjuguer ces villes, sous prétexte de leur orgueil & de leurs mutineries. Enfin, quelques autres perdant de leur éclat par les vicissitudes des choses humaines, & n'étant plus en état de payer leur part des contributions, se retirerent d'elles-mêmes d'une société qui leur étoit onéreuse : ainsi la hanse qui avoit vû jusqu'à quatre-vingt villes sur sa liste, commença à décheoir au commencement du xvj. siecle, & finit comme le Rhin, qui n'est plus qu'un ruisseau lorsqu'il se perd dans l'Océan.

Envain parla-t-on de rétablir la hanse en 1560 ; envain fit-on des projets pour y parvenir en 1571 ; envain proposa-t-on des formules de son renouvellement en 1579 ; envain imagina-t-on un nouveau plan à ce sujet en 1604 ; son regne étoit passé, & peu de villes souscrivirent aux plans proposés. Louis XIV. faisoit des traités avec la hanse, lorsqu'il n'y avoit plus de villes hanséatiques dans son royaume, & que les villes d'Allemagne, qui seules conservoient une ombre de l'ancienne hanse, voyoient resserrée leur association de trafic dans la partie septentrionale de l'empire ; encore depuis ce tems-là quelques villes en ont été démembrées. La Suede ayant acquis Riga en Livonie, & Wismar en basse Saxe ; ces deux villes, qui étoient hanséatiques, sont devenues de simples villes de guerre, quoique le port de Riga ait toûjours servi au commerce. En un mot, l'ancien gouvernement hanséatique ne subsiste plus qu'à Lubeck, à Hambourg & à Brème : ce sont les seules trois villes qui conservent encore ce titre, avec une espece de liaison & des usages dont nous ne donnerons point ici l'exposé, mais qu'on trouvera dans l'Histoire de l'Empire par M. Heiss. (D.J.)

* HANSE, (Commerce) se dit de quelques impositions assises en différens endroits sur des marchandises à péages ; les bateaux payent un droit de hanse la premiere fois qu'ils arrivent à Paris, & autres lieux où il y a droit de péage. La hanse est aussi la quittance en parchemin d'un droit que tout négociant par eau paye au port S. Nicolas, & ce droit fait partie du domaine de la ville.

* HANSE. Les Epingliers appellent ainsi les branches de l'épingle empointée, lorsqu'elle n'a plus besoin pour être ferrée que d'être entêtée. Voyez ENTETES, EMPOINTES, EPINGLE.


HANSEATIQUE(Géogr.) ville. Voyez HANSE.


HANSGRAVES. m. (Hist. mod.) nom que l'on donne à Ratisbonne à un magistrat qui juge des différends qui peuvent s'élever entre les marchands, & les affaires relatives aux foires.


HANSIERou AUSSIERE, s. f. (Marine) C'est un gros cordage qui sert à touer un vaisseau ou à le remorquer ; il sert aussi aux chaloupes ou bâtimens qui veulent venir à-bord d'un autre. La hansiere sert à la plus petite ancre, nommée ancre de touci. Ce cordage est composé de deux ou de trois torons une fois commis, & on en fait de plusieurs grosseurs. Il y en a depuis un pouce de circonférence jusqu'à plus de douze, & leur longueur ordinaire est de 120 brasses. Ils sont d'un grand usage dans la Marine. Si l'on veut un plus grand détail sur cette sorte de cordage & sa fabrique, on peut voir le chap. viij. de l'art. de la Corderie, par M. Duhamel, Paris 1757. & l'article CORDERIE.


HANTSHIREautrement HAMPSHIRE, (Géog.) ou province de Southampton, province maritime d'Angleterre sur la Manche. Elle a 34 lieues de tour, & 1312 mille 500 arpens, 250 paroisses, & 20 villes à marché. C'est un pays agréable, & abondant en bled, laine, bois, fer, & miel. On y trouve la nouvelle forêt, New-forêt, que Guillaume le Conquérant prit soin d'aggrandir. L'isle de Wight fait partie de cette province, mais le port de Portsmouth en fait la gloire. Winchester en est la capitale.

Hantshire peut se vanter d'avoir produit entr'autres gens de lettres, que je passe sous silence, le célebre Jean Greaves, en latin Graevius, savant universel, & en particulier consommé dans la connoissance des Langues orientales, & de la Géographie des Arabes. Cette science lui doit la traduction de l'Astronomie du Persan Shah-Colgé, imprimé à Londres en 1652, in-4 °. & les tables de la longitude & de la latitude des Etoiles fixes d'Ulug-beig, qui ont été publiées par M. Hyde en 1665. Il a laissé en M. S. une version des cartes géographiques d'Abulfeda, & la description des montagnes de la terre du même auteur ; outre plusieurs morceaux sur les géographes Arabes, sur leurs poids, leurs mesures, & les mumies.

Aussi profond que curieux, il voyagea par toute l'Europe, en France, en Italie, au Levant, à Constantinople, à Rhodes, & finalement en Egypte & à Alexandrie. Il mesura sur les lieux les pyramides, dont il a donné la description en anglois en 1646, in -8°. Il fit dans ses voyages, qui durerent dix ans, & qu'il n'entreprit qu'à l'âge de trente, une collection également considérable & importante de manuscrits grecs, arabes & persans ; de médailles, de monnoies anciennes, de pierres gravées, & d'autres antiquités.

A son retour, il publia les livres qu'il avoit projettés dans ses voyages & dans ses études ; savoir, sa Pyramidographie dont je viens de parler, un traité en anglois du Pied romain & du Denier, imprimé à Londres en 1647. in-8°. De Signis Arabum & Persarum astronomicis, Londini 1649. in-4°. Elementa Linguae persicae, in-8°. Epochae celebriores ex traditione Ulug-beigi, en persan & en latin, Lond. 1650. in-4°. Lemmata Archimedis desiderata, Lond. 1654. La maniere de faire éclorre les poulets dans les fours, selon la méthode des Egyptiens, sous ce titre : De modo pullos ex ovis, in fornacibus lento & moderato igne calescentibus, apud Kabirenses excludendi. Ce petit écrit est dans les Transact. Philos. 1677. Lettre sur la latitude de Constantinople & de Rhodes, en anglois, in-8 °. On l'a insérée dans les mêmes Trans. Décemb. 1685.

Cet homme, unique en son genre, qui a mis au jour tant d'ouvrages, & qui en a laissé un si grand nombre de prêts pour l'impression, n'avoit que cinquante ans quand il mourut à Londres en 1652. M. Thomas Smith a publié sa vie. (D.J.)


HAOAXO(Géogr.) riviere d'Ethiopie en Afrique. Elle a sa source dans les montagnes de l'Abyssinie, traverse le royaume d'Adel, baigne sa capitale, & se décharge dans le détroit de Babelmandel. C'est une des plus considerables de l'Ethiopie. Elle se déborde comme le Nil.


HAPHTANS. f. (Hist. mod.) leçon que font les Juifs au jour du sabbat, d'un endroit des prophetes, après celle d'un morceau de la loi ou du Pentateuque. Ils appellent celle-ci barasese & l'autre haphtan ; elles finissent l'office. Cet usage est ancien, & subsiste encore aujourd'hui. Ce fut la défense ridicule qu'Antiochus fit aux Juifs de lire publiquement la loi, qui y donna lieu, & il continua après que les Juifs eurent recouvré le libre exercice de leur religion.


HAPPES. f. (Arts & Métiers) c'est un nom commun à plusieurs parties de machines, ou des machines mêmes, dont l'usage est de fixer, assujettir, en embrassant & serrant. Le demi-cercle adapté au bout de l'aissieu d'un carrosse, dont il prévient l'usure, s'appelle happe. Le morceau de fer ou la cheville qui dans la charrue est mise au timon pour arrêter par un anneau la chaîne qui attache la charrue aux roues, s'appelle happe. Si un crampon lie deux pieces de bois, on l'appelle happe ; on lui donne le même nom, si ce sont des pierres, comme il se pratique aux ponts, aux murs des maisons. A la Monnoie, chez les Luthiers & ailleurs, ce sont des especes de tenailles ou pinces. Celles de la Monnoie servent dans l'attelier où l'on fond, à tirer les creusets du feu ; il y en a de plates & de rondes. La partie qu'on nomme la machoire, est recourbée pour la commodité du service.

* HAPPE, (Salines) ce sont des anneaux de fer dont les poêles sont garnies en dessus. Ces anneaux servent à recevoir les crocs. Ils ont quatre à cinq pouces de diametre, où passent des crocs de fer de deux pieds & demi de longueur.


HAPSALHapsalia, (Géogr.) petite ville maritime de Livonie, dans l'Estonie, au quartier de Wickeland, autrefois épiscopale. Elle appartient à l'empire russien, & est sur la mer Baltique, à 16 lieues S. O. de Revel. Long. 41. 10. Latit. 59. 10. (D.J.)


HAQUÊMES. m. (Hist. mod.) nom d'un juge chez les Maures de Barbarie, où il connoît du civil & du criminel, mais du criminel sans appel ; il siége les jeudis. Il est assisté à son tribunal d'un lieutenant, appellé l'almocade. Haquême vient de ghacham, savant, lettré. C'est ainsi qu'autrefois nos magistrats & nos juges étoient appellés clercs.


HAQUETS. m. (Commerce) espece de charrette sans ridelle, qui fait la bascule quand on veut, sur le devant de laquelle est un moulinet, qui sert par le moyen d'un cable à tirer les gros fardeaux de marchandises pour les charger plus commodément.

Il y a deux sortes de haquets ; l'un à timon, qui est tiré par des chevaux, & l'autre à tête au timon, qui l'est par des hommes. On se sert ordinairement du haquet dans les villes & lieux de commerce, dont le terrein est uni pour voiturer des tonneaux de vin & d'autres liqueurs, du fer, du plomb, &c. des balles, ballots & caisses de toutes sortes de marchandises. Voyez les Planc. de Charron, & leur explication.


HARS. m. (Hist. mod.) c'est, chez les Indiens, le nom de la seconde personne divine à sa dixieme & derniere incarnation : elle s'est incarnée plusieurs fois, & chaque incarnation a son nom ; elle n'en est pas encore à la derniere. Quand une idée superstitieuse a commencé chez les hommes, on ne sait plus où elle s'arrêtera. Au dernier avénement, tous les sectateurs de la loi de Mahomet seront détruits. Har est le nom de cette incarnation finale, à laquelle la seconde personne de la trinité indienne paroîtra sous la forme d'un paon, ensuite sous celle d'un cheval aîlé. Voyez le Dict. de Trév. & les Cérémon. religieuses.


HARACH(Hist. mod.) nom de la capitation imposée sur les Juifs & les Chrétiens en Egypte ; le produit en appartenoit autrefois aux Janissaires : mais depuis plus de cent ans, cet impôt se perçoit par un officier exprès qu'on envoye de Constantinople sur les lieux, & qu'on appelle pour cette raison harrach aga. Les Chrétiens ci-devant ne payoient que deux dollars & trois quarts, par une espece de traité fait avec Sélim ; présentement ils doivent payer de capitation, depuis l'âge de seize ans, les uns cinq dollars & demi, & les autres onze, suivant leur bien. Le dollar vaut trois livres de notre monnoie, ou deux shellings six sols d'Angleterre. (D.J.)


HARAIS. m. (Hist. mod.) c'est ainsi que les Turcs nomment un tribut reglé que doivent payer au grand Seigneur tous ceux qui ne sont point mahométans ; cet impôt est fondé sur l'alcoran, qui veut que chaque personne parvenue à l'âge de maturité paye chaque année treize drachmes d'argent pur, si en demeurant sous la domination mahométane elle veut conserver sa religion. Mais les sultans & les visirs, sans avoir égard au texte de l'alcoran, ont souvent haussé cette capitation ; elle est affermée, & celui qui est préposé à la recette de ce tribut se nomme haraj-bachi.

Pour s'assûrer si un homme est parvenu à l'âge où l'on doit payer le haraj, on lui mesure le tour du cou avec un fil, qu'on lui porte ensuite sur le visage ; si le fil ne couvre pas l'espace qui est entre le bout du menton & le sommet de la tête, c'est un signe que la personne n'a point l'âge requis, & elle est exempte du tribut pour cette année ; sans quoi elle est obligée de payer. Voyez Cantemir, hist. ottomane.


HARAMS. m. (Hist. mod.) à la cour du roi de Perse, c'est la maison où sont renfermées ses femmes & concubines ; comme en Turquie l'on nomme serrail le palais ou les appartemens qu'occupent les sultanes.


HARAMES. m. (Bot.) nom que les habitans de Madagascar donnent à l'arbre qui produit la gomme tacamahaca.


HARANGUES. f. (Belles-Lettres) discours qu'un orateur prononce en public, ou qu'un écrivain, tel qu'un historien ou un poëte, met dans la bouche de ses personnages.

Ménage dérive ce mot de l'italien arenga, qui signifie la même chose ; Ferrari le fait venir d'arringo, joûte, ou place de joûte ; d'autres le tirent du latin ara, parce que les Rhéteurs prononçoient quelquefois leurs harangues devant certains autels, comme Caligula en avoit établi la coûtume à Lyon.

Aut Lugdunensem rhetor dicturus ad aram. Juven.

Ce mot se prend quelquefois dans un mauvais sens, pour un discours diffus ou trop pompeux, & qui n'est qu'une pure déclamation ; & en ce sens un harangueur est un orateur ennuyeux.

Les héros d'Homere haranguent ordinairement avant que de combattre ; & les criminels en Angleterre haranguent sur l'échafaud avant que de mourir : bien des gens trouvent l'un aussi déplacé que l'autre.

L'usage des harangues dans les historiens a de tout tems eu des partisans & des censeurs ; selon ceux-ci elles sont peu vraisemblables, elles rompent le fil de la narration : comment a-t-on pû en avoir des copies fideles ? c'est une imagination des historiens, qui sans égard à la différence des tems, ont prêté à tous leurs personnages le même langage & le même style ; comme si Romulus, par exemple, avoit pû & dû parler aussi poliment que Scipion. Voilà les objections qu'on fait contre les harangues, & sur-tout contre les harangues directes.

Leurs défenseurs prétendent au contraire qu'elles répandent de la variété dans l'histoire, & que quelquefois on ne peut les en retrancher, sans lui dérober une partie considérable des faits : " Car, dit à ce sujet M. l'abbé de Vertot, il faut qu'un historien remonte, autant qu'il se peut, jusqu'aux causes les plus cachées des évenemens ; qu'il découvre les desseins des ennemis ; qu'il rapporte les délibérations, & qu'il fasse voir les différentes actions des hommes, leurs vûes les plus secrettes & leurs intérêts les plus cachés. Or c'est à quoi servent les harangues, sur-tout dans l'histoire d'un état républicain. On sait que dans la république romaine, par exemple, les résolutions publiques dépendoient de la pluralité des voix, & qu'elles étoient communément précédées des discours de ceux qui avoient droit de suffrage, & que ceux-ci apportoient presque toûjours dans l'assemblée des harangues préparées ". De même les généraux rendoient compte au sénat assemblé du détail de leurs exploits & des harangues qu'ils avoient faites ; les historiens ne pouvoient-ils pas avoir communication des unes & des autres ?

Quoi qu'il en soit, l'usage des harangues militaires sur-tout paroît attesté par toute l'antiquité : " mais pour juger sainement, dit M. Rollin, de cette coûtume de haranguer les troupes généralement employée chez les anciens, il faut se transporter dans les siecles où ils vivoient, & faire une attention particuliere à leurs moeurs & à leurs usages ".

" Les armées, continue-t-il, chez les Grecs & chez les Romains étoient composées des mêmes citoyens à qui dans la ville & en tems de paix on avoit coûtume de communiquer toutes les affaires ; le général ne faisoit dans le camp ou sur le champ de bataille, que ce qu'il auroit été obligé de faire dans la tribune aux harangues ; il honoroit ses troupes, attiroit leur confiance, intéressoit le soldat, réveilloit ou augmentoit son courage, le rassûroit dans les entreprises périlleuses, le consoloit ou ranimoit sa valeur après un échec, le flattoit même en lui faisant confidence de ses desseins, de ses craintes, de ses espérances. On a des exemples des effets merveilleux que produisoit cette éloquence militaire ". Mais la difficulté est de comprendre comment un général pouvoit se faire entendre des troupes. Outre que chez les anciens les armées n'étoient pas toujours fort nombreuses, toute l'armée étoit instruite du discours du général, à peu-près comme dans la place publique à Rome & à Athenes le peuple étoit instruit des discours des orateurs. Il suffisoit que les plus anciens, les principaux des manipules & des chambrées se trouvassent à la harangue dont ensuite ils rendoient compte aux autres ; les soldats sans armes debout & pressés occupoient peu de place ; & d'ailleurs les anciens s'exerçoient dès la jeunesse à parler d'une voix forte & distincte, pour se faire entendre de la multitude dans les délibérations publiques.

Quand les armées étoient plus nombreuses, & que rangées en ordre de bataille & prêtes à en venir aux mains elles occupoient plus de terrein, le général monté à cheval ou sur un char parcouroit les rangs & disoit quelques mots aux différens corps pour les animer, & son discours passoit de main en main. Quand les armées étoient composées de troupes de différentes nations, le prince ou le général se contentoit de parler sa langue naturelle aux corps qui l'entendoient, & faisoit annoncer aux autres ses vûes & ses desseins par des truchemens ; ou le général assembloit les officiers, & après leur avoir exposé ce qu'il souhaitoit qu'on dît aux troupes de sa part, il les renvoyoit chacun dans leur corps ou dans leurs compagnies, pour leur faire le rapport de ce qu'ils avoient entendu, & pour les animer au combat.

Au reste, cette coûtume de haranguer les troupes a duré long-tems chez les Romains, comme le prouvent les allocutions militaires représentées sur les médailles. Voyez ALLOCUTIONS. On en trouve aussi quelques exemples parmi les modernes, & l'on n'oubliera jamais celle que Henri IV. fit à ses troupes avant la bataille d'Ivry : " Vous êtes François ; voilà l'ennemi ; je suis votre roi : ralliez-vous à mon panache blanc, vous le verrez toûjours au chemin de l'honneur & de la gloire ".

Mais il est bon d'observer que dans les harangues directes que les historiens ont supposées prononcées en de pareilles occasions, la plûpart semblent plutôt avoir cherché l'occasion de montrer leur esprit & leur éloquence, que de nous transmettre ce qui y avoit été dit réellement. (G)


HARANNES(Hist. mod.) espece de milice hongroise dont une partie sert à pié & l'autre à cheval.


HARASS. m. (Maréchall.) Nous avons deux sortes de haras, le haras du roi, & les haras du royaume. Le haras du roi est un nombre de jumens poulinieres & une certaine quantité de chevaux entiers, pour faire des étalons. Ces animaux sont rassemblés dans un endroit de la Normandie, aux environs de Melleraux, contrée où les pâturages sont abondans, succulens, propres à nourrir & à élever une certaine quantité de poulains. Ce dépôt de chevaux & jumens appartient en propre à Sa Majesté, pour être employé à multiplier l'espece.

Sous le nom de haras du royaume, on entend une grande quantité d'étalons dispersés dans les provinces & distribués chez différens particuliers, qu'on nomme garde-étalons. Ces animaux appartiennent en partie au Roi ; ils ne sont employés qu'à couvrir les jumens des habitans de la province, & dans la saison convenable à la copulation. Il est enjoint aux garde-étalons de ne pas leur donner d'autre exercice qu'une promenade propre à entretenir la santé & la vigueur de l'animal.

Nous ne nous arrêtons point à décrire la forme ni la constitution qu'ont les haras aujourd'hui, ni les divers moyens que l'on employe pour leur entretien ; ce seroit répéter ce que semblent avoir épuisé beaucoup d'auteurs ; tels sont MM. de Neucastle, de Garsault, de Soleysel, &c. Ainsi nous nous bornerons à quelques réflexions, 1°. sur les especes de chevaux qu'il faut de nécessité dans un état militaire & commerçant, tel que la France ; 2°. sur l'obligation d'avoir recours aux étrangers pour suppléer à nos besoins ; 3°. sur la facilité que l'on auroit à se passer d'eux, si on vouloit cultiver cette branche de commerce ; enfin sur les fautes que l'on commet au préjudice de la propagation de la bonne espece, soit par le mauvais choix que l'on fait des mâles & des femelles qu'on employe à cet usage, soit par leur accouplement disparate, soit enfin par la conduite que l'on tient à l'égard de ces animaux, laquelle est directement opposée à l'objet de leur destination.

Les especes de chevaux dont la France a besoin peuvent se réduire à trois classes ; savoir, chevaux de monture, chevaux de tirage, & chevaux de somme.

La premiere classe renferme les chevaux de selle en général, les chevaux de manége, les chevaux d'élite pour la chasse & pour la guerre, & les chevaux de monture d'une valeur plus commune & d'un usage plus général ; de sorte que dans le nombre de ces chevaux il n'y a qu'un choix judicieux & raisonné à faire pour les distribuer & les employer à leur usage ; & c'est quelquefois de ce choix & de cet emploi que dépend le bon ou le mauvais service que l'on tire des chevaux.

On tire de la seconde classe les chevaux de labour si utiles à l'Agriculture ; ceux qu'on employe à voiturer les fourgons d'armée, l'artillerie, les vivres ; ceux dont on se sert pour les coches, les rouliers, & pour les voitures à brancart : les plus distingués de cette classe qui sont beaux, bien faits, qui ont le corps bien tourné, en un mot les qualités & la taille propres pour le carrosse, sont destinés à traîner ces voitures.

La troisieme classe est composée en partie des chevaux de selle les plus grossiers & les plus mal faits, & en partie des chevaux de labour trop foibles pour cet exercice & trop défectueux pour le carrosse.

Quoique nous ayons chez nous tout ce qu'il nous faut pour élever & nourrir une quantité suffisante de chevaux propres à remplir tous ces objets, nous n'en sommes pas moins dans la nécessité d'avoir recours aux étrangers, pour en obtenir à grands frais des secours qu'il ne tient qu'à nous de trouver dans le sein de notre patrie : l'Angleterre, par exemple, nous vend fort cher une bonne partie de nos chevaux de chasse, qui pour la plûpart ne valent rien ; la Hollande nous fournit presque tous les chevaux de carrosse ; l'Allemagne remonte une grande partie de notre cavalerie & de nos troupes légeres ; la Suisse attelle nos charrues, notre artillerie, & nos vivres ; l'Espagne orne nos manéges, peuple en partie nos haras, monte la plûpart de nos grands seigneurs à l'armée ; en un mot, la Turquie, la Barbarie & l'Italie empoisonnent, par le mauvais choix des chevaux qu'on en tire, les provinces qui devroient nous mettre en état de nous passer des secours de ces contrées éloignées.

En supposant qu'on voulût adopter nos idées, qui paroîtront peut-être un peu dispendieuses, il faudroit commencer par réformer tous les mauvais étalons & toutes les jumens poulinieres défectueuses ; être fort circonspect sur l'achat de ceux de Turquie, de Barbarie ; & bannir pour jamais ceux d'Italie de nos haras. On tireroit de bons étalons d'Arabie, quelques-uns de Turquie & de Barbarie, & les plus beaux d'Andalousie, pour les mettre dans nos provinces méridionales & dans le Morvant. Ces provinces, par la quantité & la bonté de leurs herbages, & la qualité de leur climat, nous offrent des secours plus que suffisans pour élever & nourrir des poulains qui seroient l'élite des chevaux de la premiere classe : & avant d'être admis, les étalons seroient scrupuleusement examinés, pour voir s'ils n'ont point de vices de conformation, d'accidens, ou de maladies. L'énumération en seroit inutile ; ces vices sont connus de tous les bons écuyers.

Le second examen se feroit sur les vices de caractere, pour voir par exemple si l'animal n'est pas rétif, ombrageux, & indocile à monter, s'il ne mord point, ou s'il ne rue pas trop dangereusement.

Le troisieme examen regarderoit les vices de constitution, de tempérament, ou de force : pour cela on le monteroit deux bonnes heures, plus ou moins, au pas, au trot ou au galop ; on répéteroit cet exercice de deux jours l'un ; & lorsqu'on jugeroit le cheval en haleine, on augmenteroit la promenade par degrés jusqu'à la concurrence de dix ou douze lieues. Le lendemain de chaque exercice, on le feroit troter pour voir s'il n'est point boiteux. On observeroit s'il ne se dégoûte point, ou s'il n'est pas incommodé de ses travaux. L'épreuve seroit continuée de deux jours l'un, l'espace de cinq à six mois, plus ou moins, & sur toutes sortes de terreins. Par-là l'on verroit s'il a de la force, de l'haleine, des jambes, des jarrets, une bouche, & des yeux convenables à un bon étalon.

Si on lui trouvoit toutes ces qualités, & qu'il fut exempt, autant qu'il est possible, des vices de conformation, de caractere, & de tempérament, alors on lui destineroit des jumens qui auroient subi les mêmes épreuves ; ces jumens seroient de la même taille, de la même figure, & de la même bonté que l'étalon, & du pays le plus convenable, quoiqu'en général les bonnes jumens de nos contrées soient très-propres à donner à toutes especes d'étalons une belle progéniture. Elles seroient couvertes depuis l'âge de cinq ans accomplis jusqu'à quatorze ou quinze : l'étalon seroit employé à la propagation depuis six ou sept ans jusqu'à quinze ou seize. L'on donneroit à chaque étalon douze jumens à servir tous les ans pendant le tems de la monte, qui est ordinairement depuis le commencement d'Avril jusqu'à la fin de Juin. On sent bien que ces précautions exigent de la part des officiers des haras, 1°. une connoissance du cheval aussi parfaite qu'il est possible de l'acquérir ; 2°. les talens de le monter, pour être en état de juger de ses qualités bonnes ou mauvaises : enfin du zele pour le bien de la chose, sans quoi tout le reste n'est rien.

Ainsi le Morvant, le Limousin, l'Auvergne, la Navarre, & en général toutes nos provinces méridionales étant en état de fournir au royaume assez de chevaux de selle de l'espece la plus précieuse, le Poitou, la Bretagne, l'Anjou, la Normandie, nous fourniroient nos chevaux de carrosse & les chevaux de selle communs. Pour cet effet on mettroit dans ces provinces des étalons d'Allemagne, de Danemark, d'Hanovre, de Brandebourg, de Frise, & quelques-uns d'Angleterre, les uns de cinq piés un ou deux pouces pour la plus grande taille, de structure & de conformation propres à aller au carrosse. On choisiroit des jumens pareilles à ces étalons ; ils subiroient les uns & les autres le même examen que nous avons prescrit pour les étalons & jumens de la premiere classe ; avec cette différence, qu'ils seroient exercés & éprouvés au chariot ou au carrosse par un sage & bon cocher. Cet exercice seroit continué pendant cinq ou six mois, en l'augmentant par degré jusqu'à ce qui s'appelle un travail pénible ; & quand on seroit assûré de leur bonté à tous égards, ce ne seroit qu'après un mois ou plus de repos, qu'on les employeroit à la propagation dans la saison usitée.

Les étalons de quatre piés dix pouces & au-dessous seroient employés à produire les chevaux de selle pour la cavalerie, les dragons, & pour le commun des gens à cheval, & on en tireroit des bidets pour le carrosse ; on leur destineroit aussi des jumens de la même taille, & les épreuves seroient les mêmes.

Pour se procurer assez de chevaux pour monter nos dragons & nos troupes legeres, l'on mettroit dans les Ardennes, dans l'Alsace, & dans une partie de la Lorraine & de la Champagne, des étalons tartares, hongrois, & des transilvains, avec des jumens du même pays. Ces étalons & ces jumens seroient de la même taille de quatre piés six à sept pouces ou environ, subiroient le même examen & les mêmes épreuves, pour s'assûrer de leur bonté.

Avec les mêmes précautions, la Beauce, le Perche, le Maine & ses environs produiroient suffisamment de chevaux pour monter les postes, sans y mettre ni jumens ni étalons étrangers.

La Flandre, le pays d'Artois, la Picardie, la Franche-Comté & la Brie nous fourniroient les chevaux de labour & de charroi. En général, il ne s'agiroit que de choisir dans ces provinces & dans la Suisse des étalons & des jumens bien assortis, après avoir bien examiné si les uns & les autres sont propres à l'usage auquel ils sont destinés.

Il est à présumer qu'avec ces précautions, & la réforme qu'il y auroit à faire dans la conduite que l'on tient à l'égard des étalons, des jumens & des poulains pendant & après la copulation, nous aurions assez de bons chevaux de toutes les especes pour remplir les trois classes qui nous sont nécessaires, & que nous pourrions par-là nous passer des chevaux étrangers.

Mais pour cela il ne faudroit pas énerver les étalons soit par le coït trop fréquent, & continué jusqu'à l'âge où ces animaux n'ont plus ni force ni vigueur ; soit par un travail journalier & quelquefois forcé, qu'on leur fait faire en certains endroits, & contre les ordonnances ; soit en les laissant languir trop long-tems dans l'écurie, où ils s'ennuient, s'engourdissent, ou s'épuisent à force de se tourmenter ; soit enfin en les faisant saigner, comme l'on fait après la monte. Cette pratique répugne au bon sens & à la raison. Le coït est un épuisement que l'animal éprouve pendant le tems de la monte ; la partie la plus pure & la plus spiritueuse des liqueurs s'évacue dans cet acte. L'étalon qui l'aura fréquemment soûtenu pendant les trois mois du printems, a besoin alors d'être rétabli & reconforté par des alimens restaurans & une bonne nourriture, pour réparer la déperdition de ses forces ; au contraire on lui donne du son, nourriture peu succulente ; ensuite on le saigne pour achever de l'épuiser. Nous sommes d'accord là-dessus avec M. de Bourgelat. Il résulte de cette pratique que l'étalon trop vieux, ou épuisé pour quelque cause que ce puisse être, ne peut produire que des poulains fluets & d'une mauvaise constitution.

Si l'on fait des fautes contre la propagation de l'espece à l'égard de l'étalon, l'on en fait de plus grossieres encore à l'égard de la mere, & ces fautes n'influent pas peu sur les poulains. M. de Buffon, qui les a bien senties, ne les a pas assez combattues. L'on a la pernicieuse habitude de faire couvrir les jumens tous les ans, quelques jours après qu'elles ont pouliné, pour tirer, dit-on, plus de profit. Voyons quel est le résultat de cette économie. Le partage de la nourriture que la jument pleine est obligée de donner à son poulain nouveau-né & à celui qu'elle porte, influe beaucoup sur son tempérament, ainsi que sur celui des deux nourrissons ; desorte qu'étant obligée de fournir doublement le plus pur & le plus substantiel de sa nourriture, il ne lui en reste pas suffisamment pour elle : ensorte qu'après un certain nombre de nourritures, cette jument a les organes tellement affoiblis, qu'elle ne produit plus que des poulains d'une complexion débile & délicate, d'une structure mince, peu propres à résister au travail.

Or cette jument qui auroit en huit ans produit à son propriétaire quatre bons poulains qu'il auroit vendus fort cher, lui auroit été plus utile qu'en lui en donnant un chaque année dont il ne se défait qu'à vil prix. Aux maux qui résultent de cette épargne mal entendue pour les poulains qui ont été engendrés par une jument nourrice, & nourris ensuite par une jument pleine, il s'en joint de plus graves encore.

La jument, quoique pleine, a pendant les premiers mois la même attache & la même amitié pour son nourrisson, qu'au moment qu'elle lui donna le jour. Ce petit par des mouvemens de gaieté s'écarte çà & là de sa mere, cabriolant & bondissant à son aise : cette mere qui craint de le perdre, court après lui ; elle hennit avec fureur, s'agite avec violence, ce qui peut nuire au poulain qu'elle porte : le nouveau-né revient avec précipitation sur sa mere, en lui détachant des coups de pié sur le ventre, souvent même des coups de tête en voulant prendre ses mamelles. Cette mere est elle couchée, elle a l'attention de ne pas nuire à son nourrisson ; tandis que celui-ci fait tout ce qu'il faut pour la blesser, en se couchant & s'agitant sur elle. Est-il couché auprès de sa mere, elle a la complaisance de se mettre dans une situation desavantageuse à son état, de peur d'incommoder son poulain.

Que le poulain échappe aux dangers qu'il court dans le ventre de sa mere, c'est peu de trouver épuisées les mamelles qui doivent le nourrir ; pour comble de maux il y suce un lait corrompu : car le plus pur & le plus spiritueux du sang de la mere est employé à la formation & à la nutrition du foetus ; ainsi étant obligée de donner à teter dans cet état, son lait ne peut être que grossier & dépravé, en comparaison de celui qu'elle fourniroit si elle n'étoit point pleine. Son lait peche non-seulement par la quantité, mais encore par la qualité. Le foetus enleve les parties butyreuses & onctueuses ; il ne reste à ce suc que les parties caséeuses & séreuses : ce lait est très-propre à produire chez le poulain des levains qui par la suite forment différens genres de maladies dont on ignore souvent la cause, & que l'on croit avoir expliquées quand on a dit que c'est un reste de gourme ou fausse gourme.

Le poulain ôté d'auprès de sa mere avec les infirmités qu'il a reçûes d'elle & de l'étalon, soit vices de conformation, de constitution, ou vices de caractere, ne peut rendre qu'un très-mauvais service ; quelquefois même il se trouve absolument hors d'état de servir. Tels sont aujourd'hui la plûpart des chevaux qui sortent de nos haras.

Il importe donc de se procurer de bons étalons & de bonnes jumens de taille & de figure égale, pour en tirer une race propre à réparer le dépérissement de l'espece.

L'accouplement disparate, c'est-à-dire d'un grand étalon & d'une petite jument, ou d'une grande jument avec un petit étalon, l'un bas du devant, & l'autre bien relevé, font souvent des poulains qui ne sont propres ni à la selle ni au carrosse.

L'on pourroit nous objecter 1°. que notre système seroit trop dispendieux & trop difficile à mettre en pratique : 2°. qu'il ne faut pas un si long tems ni un si long exercice pour s'assûrer de la bonté d'un étalon & d'une jument que l'on destine à la propagation. Mais nous croyons pouvoir répondre 1°. que la dépense qu'exigeroit notre système seroit bientôt remplie par les sommes immenses que l'on épargneroit, en trouvant dans des haras ainsi menés des poulains propres non-seulement à remplir tous nos objets, mais encore à faire des étalons excellens & des jumens parfaites : 2°. qu'un cheval est comme un ami, qu'on ne peut connoître qu'aux services que nous en exigeons ; ainsi tel cheval nous paroît bon pendant plusieurs mois, qui se trouve mauvais dans la suite ; au contraire il en est d'autres qui nous paroissent ne rien valoir, & qui se bonifient par l'usage.

Un homme, quelque connoisseur qu'il se dise, peut-il faire un choix judicieux d'étalons & de jumens d'un coup-d'oeil qu'il leur donne à peine en passant ? Il est d'expérience que nos célebres Ecuyers, dans le nombre prodigieux de chevaux étrangers qu'on leur amene, en trouvent à peine quelques-uns qui puissent leur convenir pour l'emploi auquel ils sont destinés : on devroit encore être bien plus circonspect dans le choix des étalons & des jumens pour peupler un haras ; puisque c'est de ce choix réfléchi & judicieux que dépendent la beauté & la bonté des poulains qui en résultent.

Nota. M. de Puismarets, Gentilhomme du Limousin, a observé, & a appris de divers Gentilshommes versés comme lui depuis très-long-tems de pere en fils dans l'éducation des chevaux, qu'une jument poussive engendre des poulains qui deviennent poussifs ou lunatiques, si l'on peut nommer ainsi avec le vulgaire cette maladie des yeux. Artic. de M. GENSON.

HARAS ; c'est par rapport à l'Architecture, un grand lieu à la campagne composé de logemens, écuries, cour, préau, où l'on tient des jumens poulinieres avec des étalons pour peupler.


HARAUX(DONNER LE) Art milit. C'est, selon M. le maréchal de Saxe, une maniere d'enlever les chevaux de la cavalerie à la pâture ou au fourrage : voici en quoi elle consiste.

" On se mêle déguisé, à cheval, parmi les fourrageurs ou pâtureurs, du côté que l'on veut fuir. On commence à tirer quelques coups : ceux qui doivent serrer la queue y répondent à l'autre extrémité de la pâture ou du fourrage ; puis on se met à courir vers l'endroit où l'on veut amener les chevaux, en criant & en tirant. Tous les chevaux se mettent à fuir de ce côté-là, couplés ou non couplés, arrachant les piquets, jettant à bas leurs cavaliers & les trousses ; & fussent-ils cent mille, on les amene ainsi plusieurs lieues en courant. On entre dans un endroit entouré de haies ou de fossés, où l'on s'arrête sans faire de bruit ; puis les chevaux se laissent prendre tranquillement. C'est un tour qui desole l'ennemi : je l'ai vû joüer une fois ; mais comme toutes les bonnes choses s'oublient, je pense que l'on n'y songe plus à-présent. " Réveries ou mémoires sur la guerre, par M. le maréchal de Saxe.


HARBERTSalamboria, (Géog.) ville d'Asie dans le Diarbek, proche d'Amid, sous la domination du turc, avec un archevêque arménien & un archevêque syrien. Long. 54. 21. lat. 40. 55. (D.J.)


HARBOROUGH(Géog.) ville d'Angleterre dans la province de Leicester.


HARBOU CHIENS(cri de Chasse). Le piqueur doit se servir de ce terme pour faire chasser les chiens courans pour le loup.


HARBOURGHarburgum, (Géogr.) ville d'Allemagne dans le cercle de la basse-Saxe, au duché de Lunebourg, dans l'électorat d'Hanovre avec un fort château pour sa défense. Elle est sur l'Elbe, à 6 lieues S. O. de Hambourg, 15 N. O. de Lunebourg. Long. 27. 16. latit. 53. 34. (D.J.)


HARCOURT(Géog.) bourg de France en Normandie, au diocèse de Bayeux, appellé auparavant Thury, & érigé en duché par Louis XIV. en 1700. Son nom latin est Harcontis, selon M. de Valois. Il y a un autre bourg de ce nom en Normandie, au diocèse d'Evreux, avec titre de comté ; ce dernier est à 10 lieues de Rouen. (D.J.)


HARDS. m. (Gantier) nom que les Gantiers & les Peaussiers donnent à une grosse cheville de fer tournée en cercle, sur laquelle ils passent leurs peaux pour les amollir.

Harder une peau, c'est la passer sur le hard.


HARDES. f. (Venerie) Il se dit des bêtes fauves ou noires, lorsqu'elles sont en troupe ; une harde de cerf. Le cerf se met en harde au mois de Novembre. Le froid rassemble des animaux que la disette de la nourriture sembleroit devoir disperser. Au lieu de harde, on dit aussi herde. Le même mot a lieu en Fauconnerie, où on l'applique aux oiseaux qui vont par bande.


HARDERHARDER

Harder, c'est encore tenir cinq ou six chiens courans couplés avec une longue laisse de crin, pour donner à un relais. On harde les nouveaux chiens avec les vieux pour les dresser.


HARDERIES. m. (Peinture sur le verre) espece de préparation métallique qu'on fait avec de la limaille & du soufre stratifié dans un creuset couvert, qu'il faut renverser après l'avoir tenu au feu pendant cinq à six heures. Ainsi l'harderie n'est autre chose qu'une chaux de mars obtenue par le soufre : on l'appelle aussi ferret d'Espagne. On s'en sert dans la Verrerie, dans la Peinture en émail, &c.


HARDERWIKHarderwicum, (Géog.) ville des Provinces-Unies dans la Gueldres, au quartier d'Arnheim, avec une université. Elle est sur le Zuiderzée, à 8 lieues N. O. d'Arnheim, 7 N. E. d'Amersfort, 12 N. O. de Nimegue, 13 E. d'Amsterdam. Les annales de Gueldres en mettent la fondation à l'an 1230, & c'est tout au plus tard. L'université a été érigée le 12 Avril 1648. Long. 23. 12. lat. 52. 24. (D.J.)


HARDESSEN(Géog.) ville d'Allemagne dans la principauté de Calemberg, dépendante du duché de Hanovre.


HARDIadj. (Gram.) épithete qui marque une confiance de l'ame, qui nous présente comme faciles des entreprises qui étonnent les hommes ordinaires & les arrêtent. La différence de la témérité & de la hardiesse consiste dans le rapport qu'il y a entre la difficulté de la chose & les ressources de celui qui la tente. D'où il s'ensuit que tel homme ne se montre que hardi dans une conjoncture où un autre mériteroit le nom de téméraire. Mais on ne juge malheureusement & de la tentative & de l'homme que par l'évenement ; & souvent l'on blâme où il faudroit loüer, & on loüe où il faudroit blâmer. Combien d'entreprises dont le bon ou le mauvais succès n'a dépendu que d'une circonstance qu'il étoit impossible de prévoir ! Voyez l'article HARDIESSE.

Le mot hardi a un grand nombre d'acceptions différentes tant au simple qu'au figuré : on dit un discours hardi, une action hardie, un bâtiment hardi. Un bâtiment est hardi, lorsque la délicatesse & la solidité de sa construction ne nous paroît pas proportionnée à sa hauteur & à son étendue : un dessinateur, un peintre, un artiste est hardi, lorsqu'il n'a pas redouté les difficultés de son art, & qu'il paroît les avoir surmontées sans effort.

HARDI, s. m. (Monnoie) On donna d'abord ce nom en Guienne à une monnoie des princes anglois derniers ducs d'Aquitaine, & prédécesseurs de Charles de France, qui y étoient représentés tenant une épée nue. Ce nom qui se communiqua depuis aux petites especes de cuivre & de billon, a peut-être formé celui de liard dont nous nous servons, comme qui diroit li-hardi. Quoi qu'il en soit, le liard de Louis XI. n'étoit qu'une petite monnoie de billon : elle valoit trois deniers, & par conséquent faisoit la quatrieme partie d'un sou ; mais à l'exception de la Guienne qui lui donna le nom de hardi, toutes les autres provinces en-deçà de la Loire lui conserverent celui de liard, qui lui demeura. Voyez LIARD. (D.J.)


HARDIESSES. f. (Morale) Locke la définit une puissance de faire ce qu'on veut devant les autres, sans craindre ou se décontenancer. La confiance qui consiste dans la partie du discours, avoit un nom particulier chez les Grecs ; ils l'appelloient .

Le mot de hardiesse, dans notre langue, désigne communément une résolution courageuse, par laquelle l'homme méprise les dangers & entreprend des choses extraordinaires. Si nous envisageons simplement la hardiesse comme une passion irascible, elle n'est en cette qualité ni vice ni vertu, & ne mérite ni blâme ni loüange. Si nous n'avons égard qu'à l'éclat qui paroît briller dans certaines actions, sans considérer que toute affection violente peut également les produire, nous regarderons souvent pour vertu ce qui n'en est qu'une fausse image, & les fruits de la bile passeront dans notre esprit pour les fruits d'une hardiesse admirable.

En effet, je trouve cinq sortes de hardiesse, qui ont une fausse ressemblance avec la vraie & la légitime. La hardiesse militaire n'a souvent d'autre appui que l'exemple & la coûtume : celle des ivrognes est fondée sur les fumées du vin : celle des enfans sur l'ignorance : celle des amans & de tous ceux qui se laissent aller à des passions tumultueuses, sur le desordre qu'elles causent dans leur ame : enfin la hardiesse que les Philosophes moraux nomment civile, reconnoît pour mobile la crainte de la honte. Telle étoit celle d'Hector quand il n'osa rentrer avec les autres Troïens dans Ilium, de peur que Polydamas ne lui reprochât le mépris du conseil qu'il lui avoit donné.

Il est rare de voir dans le monde une hardiesse assez pure, pour ne pouvoir pas être rapportée à l'une des cinq sortes dont nous venons de parler, qui n'ont toutefois que l'apparence trompeuse des qualités qu'elles représentent. De plus elles ne produisent rien qu'un peu d'opium ne fasse exécuter à un turc, un verre d'eau-de-vie à un moscovite, une razade d'arrak à un anglois, une bouteille de Champagne à un françois.

Mais quand la hardiesse est le fruit du jugement, qu'elle émane d'un grand motif, qu'elle mesure ses forces, ne tente point l'impossible, & poursuit ensuite avec une fermeté héroïque l'entreprise des belles actions qu'elle a conçues, quelque péril qui s'y rencontre ; c'est alors que devenant l'effet d'un courage raisonné, nous lui devons tous les éloges que mérite une vertu qui ne voit rien au-dessus d'elle.

Cette sorte de hardiesse, dit Montagne, se présente aussi magnifiquement en pourpoint qu'en armes, en un cabinet qu'en un champ, le bras pendant que le bras levé. Scipion nous en fournit un exemple remarquable, lorsqu'il forma le projet d'attirer Syphax dans les intérêts des Romains. Pénétré de l'avantage qu'en recevroit la république, il quitte son armée, passe en Afrique sur un petit vaisseau, vient se commettre à la puissance d'un roi barbare, à une foi inconnue, sous la seule sûreté de la grandeur de son courage, de son bonheur, de sa haute espérance, surtout du service qu'il rendoit à sa patrie. Cette noble & généreuse hardiesse ne peut se trouver naïve & bien entiere, que dans ceux qui sont animés par des vûes semblables, & à qui la crainte de la mort, & du pis qui peut en arriver, ne sauroit donner aucun effroi. (D.J.)


HARDILLIERSsubst. m. pl. (Tapissier) terme de Haute-Lissier. Ce sont des fiches ou morceaux de fer qui ont un crochet à un des bouts : ils servent à soûtenir cette partie du métier des Haute-Lissiers, qu'on appelle la perche de lisse, c'est-à-dire cette longue piece de bois avec laquelle les ouvriers bandent ou lâchent les lisses qui font la croisure de leur tapisserie. Voyez HAUTELISSE. Dictionn. du Commerce & de Trév.


HARDOISS. m. pl. terme de Venerie. C'est ainsi qu'on appelle de petits liens de bois où le cerf touche de sa tête, lorsqu'il veut séparer cette peau velue qui la couvre : on les trouve écorchés.


HARENGS. m. (Hist. nat. Litholog.) harengus rond. gem. ald. poisson de mer connu dans toute l'Europe. Il a neuf pouces ou un pié de longueur, & deux ou trois pouces de largeur ; la tête & tout le corps sont applatis sur les côtés. Ce poisson a les écailles grandes, arrondies, peu adhérentes, & le dos de couleur bleue-noirâtre ; le ventre a une couleur blanche argentée ; il est très-menu & n'a qu'une file d'écailles dentelées qui s'étend depuis la tête jusqu'à la queue sur le tranchant que forme le ventre. La mâchoire du dessous est plus saillante en-avant que celle du dessus, & a des petites dents ; il s'en trouve aussi de pareilles sur la langue & sur le palais : le hareng meurt dès qu'il est hors de l'eau. Rai, synop. piscium, pag. 103.

M. Anderson prétend que les harengs des golphes de l'Islande sont gras & meilleurs que par-tout ailleurs ; que l'on y en trouve qui ont près de deux piés de longueur & trois doigts de largeur ; & que c'est peut-être ceux que les Pêcheurs appellent rois des harengs, & qu'ils regardent comme les conducteurs de leurs troupes. On sait que les harengs vivent de petits crabes & d'oeufs de poissons, parce que l'on en a trouvé dans leur estomac. Ils font chaque année de longues migrations en troupes innombrables ; ils viennent tous du côté du nord. M. Anderson présume qu'ils restent sous les glaces où ils ne sont pas exposés à la voracité des gros poissons qui ne peuvent pas y respirer.

Les harengs sortent du nord au commencement de l'année, & se divisent en deux colomnes, dont l'une se porte vers l'occident, & arrive au mois de Mars à l'île d'Islande. La quantité des harengs qui forment cette colomne est prodigieuse ; tous les golfes, tous les détroits & toutes les baies en sont remplis ; il y a aussi un grand nombre de gros poissons & d'oiseaux qui les attendent & qui les suivent pour s'en nourrir. Cette colomne fait paroître noire l'eau de la mer & l'agite ; on voit des harengs s'élever jusqu'à la surface de l'eau, & s'élancer même en l'air pour éviter l'ennemi qui les poursuit ; ils sont si près les uns des autres, qu'il suffit de puiser avec une pelle creuse pour en prendre beaucoup à-la-fois. M. Anderson soupçonne qu'une partie de cette colomne peut aller aux bancs de Terre-neuve, & il ne sait quelle route prend la partie qui défile le long de la côte occidentale de l'Islande.

" La colomne qui au sortir du nord va du côté de l'orient & descend la mer du nord, étant continuellement poursuivie par les marsouins, les cabeliaux, &c. se divise à une certaine hauteur, & son aîle orientale continue sa course vers le cap du nord, en descendant de-là le long de toute la côte de la Norvege ; ensorte cependant qu'une division de cette derniere colomne cotoye la Norvege en droiture, jusqu'à ce qu'elle tombe par le détroit du Sund dans la mer Baltique, pendant que l'autre division étant arrivée à la pointe du nord du Jutland, se divise encore en deux colomnes, dont l'une défilant le long de la côte orientale de Jutland, se réunit promtement par les Belts avec celle de la mer Baltique, pendant que l'autre descendant à l'occident de ce même pays, & cotoyant ensuite le Sleswick, le Holstein, l'évêché de Brème & la Frise, où cependant on n'en fait point de commerce, se jette par le Texel & le Vlie dans le Zuyder-Zée, & l'ayant parcouru s'en retourne dans la mer du Nord pour achever sa grande route. La seconde grande division qui se détourne vers l'occident, & qui est aujourd'hui la plus forte, s'en va toujours accompagnée des marsouins, des requins, des cabeliaux, &c. droit aux îles de Hittland & aux Orcades, où les pêcheurs de Hollande ne manquent pas de les attendre au tems nommé, & de-là vers l'Ecosse où elle se divise de nouveau en deux colomnes, dont l'une après être descendue le long de la côte orientale de l'Ecosse, fait le tour de l'Angleterre, en détachant néanmoins en chemin des troupes considérables aux portes des Frisons, des Hollandois, des Zéelandois, des Brabançons, des Flamands & des François. L'autre colomne tombe en partage aux Ecossois du côté de l'occident, & aux Irlandois, dont l'île est alors environnée de tous côtés de harengs, quoique ces deux nations n'en fassent d'autre usage que de le manger frais, & de profiter par leur moyen autant qu'ils peuvent des gros poissons qui leur donnent la chasse. Toutes ces divisions mentionnées dans la deuxieme grande colomne s'étant à-la-fin réunies dans la Manche, le reste de harengs échappés aux filets des Pêcheurs & à la gourmandise des poissons & des oiseaux de proie, forme encore une colomne prodigieuse, se jette dans l'Océan atlantique, & comme on prétend communément, s'y perd, ou pour mieux dire, ne se montre plus sur les côtes, en fuyant, selon toute apparence, les climats chauds, & en regagnant promtement le nord qui est son domicile chéri & son lieu natal ". Voyez l'hist. nat. de l'Islande & du Groenland, par M. Anderson.

Lorsque les harengs arrivent dans toutes ces mers. ils sont si remplis d'oeufs, que l'on peut dire que chaque poisson en amene dix mille avec lui ; ils jettent leurs oeufs sur les côtes ; car long-tems avant de les quitter ils n'ont plus d'oeufs. Le banc de hareng qui vient vers les côtes d'Angleterre à-peu-près au commencement de Juin, en comprend un nombre si prodigieux, qu'il surpasse tous les nombres connus ; ce banc occupe pour le moins autant d'espace en largeur que toute la longueur de la Grande-Bretagne & de l'Irlande. " Quoique les Pêcheurs prennent une très-grande quantité de harengs, on a calculé que la proportion du nombre des harengs pris par tous les Pêcheurs dans leur route, est au nombre de toute la troupe lorsqu'elle arrive du Nord, comme un est à un million ; & il y a lieu de croire que les gros poissons tels que les marsouins, les chiens de mer, &c. en prennent plus que tous les Pêcheurs ensemble ". Lorsque les harengs commencent à jetter leur frai, on cesse de les pêcher ; on ne les poursuit plus, & on les perd même de vûe, puisqu'ils se plongent dans les abysmes de la mer, sans que l'on ait pû découvrir ce qu'ils deviennent. Voyez l'Atlas de mer & de Commerce, imprimé à Londres en anglois, en 1728.

Il me paroît que les harengs quittent le Nord pour aller dans un climat tempéré où leurs oeufs puissent éclorre : comme ils font leur route en très-grand nombre, ils occupent un grand espace dans la mer, & dès qu'ils rencontrent la terre, les uns se portent à droite, & les autres à gauche ; ils forment ainsi plusieurs colomnes ; elles se divisent encore à mesure qu'il se trouve de nouveaux obstacles qui les empêchent d'aller tous ensemble. Enfin, lorsque les petits sont éclos & en état de suivre les grands, ils retournent tous dans les mers d'où ils sont venus. (I)

HARENG pêche du, (pêche marine.) La pêche du hareng, dit M. de Voltaire, & l'art de le saler, ne paroissent pas un objet bien important dans l'histoire du monde ; c'est-là cependant, ajoûte-t-il, le fondement de la grandeur d'Amsterdam en particulier ; & pour dire quelque chose de plus, ce qui a fait d'un pays autrefois méprisé & stérile, une puissance riche & respectable.

Ce sont sans-doute les Hollandois, les Ecossois, les Danois, les Norvégiens, qui ont les premiers été en possession de l'art de pêcher le hareng, puisqu'on trouve ce poisson principalement dans les mers du Nord, que son passage est régulier, en troupe immense, par éclairs ; & qu'enfin le tems dans lequel on ne le pêche point, est appellé des gens de mer, morte-saison.

On prétend que cette pêche a commencé en 1163 ; on la faisoit alors dans le détroit du Sund, entre les îles de Schoonen & de Séeland ; mais faute de pouvoir remonter à ces siecles reculés, j'avois cherché du-moins plus près de nous, quelque monument historique qui parlât de cette pêche, & je desesperois du succès, lorsqu'enfin j'ai trouvé pour la consolation de mes peines, dans le XVI. tome de l'Académie des Inscript. page 225, un passage fort curieux sur cet article. Il est tiré du songe du vieux pélerin, ouvrage, comme on sait, de Philippe de Maizieres, qui l'écrivit en 1389, sous notre roi Charles VI, dont il avoit été gouverneur. Il fait faire dans ce livre, que le Cardinal du Perron estimoit tant, des voyages à la reine Vérité ; & en même tems il y joint quelquefois ce qu'il avoit vû lui-même dans les siens. Là il raconte entr'autres choses, qu'allant en Prusse par mer, il fut témoin de la pêche des harengs, dont il poursuit ainsi la description, chapitre xjx.

" Entre le royaume de Norvege & de Danemark, il y a un bras de la grande mer qui départ l'île & royaume de Norvegue de la terre-ferme, & du royaume de Danemarck, lequel bras de mer par-tout étoit étroit dure quinze lieues, & n'a ledit bras de largeur qu'une lieue ou deux ; & comme Dieu l'a ordonné, son ancelle nature ouvrant deux mois de l'an & non plus, c'est-à-savoir en Septembre & Octobre, le hareng fait son passage de l'une mer en l'autre parmi l'étroit, en si grant quantité, que c'est une grant merveille, & tant y en passe en ces deux mois, que en plusieurs lieux en ce bras de quinze lieues de long, on les pourroit tailler à l'épée ; or vient l'autre merveille, car de ancienne coûtume chacun an, les nefs & basteaux de toute l'Allemagne & de la Prusse, s'assemblent à grant ost audit destroit de mer dessusdit, ès-deux mois dessusdits, pour prendre le hérent ; & est commune renommée là, qu'ils sont quarante mille basteaux qui ne font autre chose, ès-deux mois que pescher le hérent ; & en chacun basteau du-moins y a six personnes, & en plusieurs sept, huit, ou dix ; & en outre les quarante mille basteaux, y a cinq cent grosses & moyennes nefs, qui ne font autre chose que recueillir & saller en casques de hareng, les harengs que les quarante mille basteaux prendent, & ont en coûtume que les hommes de tous ces navires, ès-deux mois se logent sur la rive de mer, en loges & cabars, qu'ils font de bois & de rainsseaux, au long de quinze lieues, par-devers le royaume de Norvegue.

Ils emplissent les grosses nefs de hérens quaques ; & au chief des deux mois, huit jours ou environ après, en y trouveroit plus une barque, ne héreng en tout l'étroit ; si a jéhan (apparemment grant) bataille de gent pour prendre ce petit poisson : car qui bien les veut nombrer, en y trouvera plus de trois cent mille hommes, qui ne font autre chose en deux mois, que prendre le hérent. Et parce que je, pelerin vieil & usé, jadis allant en Prusse par mer en une grosse nave, passai du long du bras de mer susdit, par beau tems, & en la saison susdit, que le hérent se prent, & vits lesdites barques ou basteaux, & nefs grosses : ai mangé du hérent en allant, que les Pescheurs nous donnerent, lesquels & autres gens du pays me certifierent merveille, pour deux causes ; l'une pour reconnoître la grace que Dieu a fait à la Chrétienté ; c'est-à-savoir de l'abondance du héren, par lequel toute Allemaigne, France, Angleterre, & plusieurs autres pays sont repus en Caresme ".

Voilà donc une époque sûre de grande pêche reglée du harang que l'on faisoit dans la mer du Nord avant 1389 ; mais bien-tôt les Hollandois connurent l'art de l'apprêter, de le vuider de ses breuilles ou entrailles, de le trier, de l'arranger dans les barrils ou de l'encaquer, de le saler, & de le sorer, non-seulement plus savamment qu'on ne le faisoit en Allemagne lors du passage de Philippe de Maizieres, mais mieux encore que les autres nations ne l'ont fait depuis.

La maniere industrieuse de les encaquer & de les saler pour le goût, la durée, & la perfection, fut trouvée en 1397, par Guillaume Buckelsz, natif de Biervliet dans la Flandre hollandoise. Sa mémoire s'est à jamais rendue recommandable par cette utile invention ; on en parloit encore tant sous le regne de Charles V, que cet empereur voyageant dans les pays-bas, se rendit à Biervliet avec la reine de Hongrie sa soeur, pour honorer de leur présence le tombeau de l'illustre encaqueur de harengs.

Maniere d'apprêter & saler le hareng. Aussi-tôt que le hareng est hors de la mer, le caqueur lui coupe la gorge, en tire les entrailles, laisse les laites & les oeufs, les lave en eau-douce, & lui donne la sausse, ou le met dans une cuve pleine d'une forte saumure d'eau douce & de sel marin, où il demeure douze à quinze heures. Au sortir de la sausse, on le varaude ; suffisamment varaudé, on le caque bien couvert au fond & dessus d'une couche de sel.

Voilà ce qu'on appelle le hareng-blanc ; on laisse celui qui doit être sors, le double de tems dans la sausse ; au sortir de la sausse, on le brochette ou enfile par la tête à de menues broches de bois qu'on appelle aîne ; on le pend dans des especes de cheminées faites exprès, qu'on nomme roussables ; on fait dessous un petit feu de menu bois qu'on ménage de maniere qu'il donne beaucoup de fumée & peu de flamme. Il reste dans le roussable jusqu'à ce qu'il soit suffisamment sors & fumé, ce qui se fait ordinairement en vingt-quatre heures : on en peut sorer jusqu'à dix milliers à-la-fois.

La pêche de ce poisson se fait aujourd'hui ordinairement en deux saisons ; l'une au printems le long des côtes d'Ecosse, & l'autre en automne le long des côtes d'Angleterre au nord de la Tamise. Il se pêche aussi d'excellens harengs dans le Zuyder-Zée, entre le Texel & Amsterdam, mais il y en a peu ; néanmoins pendant la guerre que les Hollandois soûtinrent contre l'Angleterre sous Charles II, la pêche du Nord ayant cessé, il vint tant de harengs dans le Zuyder-Zée, que quelques pêcheurs en prirent dans l'espace d'un mois, jusqu'à huit cent lasts, qui font environ quatre-vingt fois cent milliers. Ce poisson si fécond meurt aussi-tôt qu'il est hors de l'eau, desorte qu'il est rare d'en voir de vivans.

On employe pour cette pêche de petits bâtimens, que l'on appelle en France barques ou bateaux, & qu'en Hollande on nomme buches ou flibots.

Les buches dont les Hollandois se servent à ce sujet, sont communément du port de quarante-huit à soixante tonneaux ; leur équipage consiste pour chaque buche en quatre petits canons pesans ensemble quatre mille livres, avec quatre pierriers, huit boëtes, six fusils, huit piques longues, & huit courtes.

Il n'est pas permis de faire sortir des ports de Hollande aucune buche pour la pêche du hareng, qu'elle ne soit escortée d'un convoi, ou du-moins qu'il n'y en ait un nombre suffisant pour composer ensemble dix-huit ou vingt pieces de petits canons, & douze pierriers. Alors elles doivent aller de conserve, c'est-à-dire de flotte & de compagnie, sans pourtant qu'elles puissent prendre sous leur escorte aucun bâtiment non armé.

Les conventions verbales qui se font pour la conserve, ont autant de force, que si elles avoient été faites par écrit. Il faut encore observer, que chaque bâtiment de la conserve, doit avoir des munitions suffisantes de poudre, de balles, & de mitrailles, pour tirer au-moins seize coups.

Lorsque le tems se trouve beau, & que quelque buche veut faire la pêche, il faut que le pilote hisse son artimon ; & les buches qui ne pêchent point ne doivent pas se mêler avec celles qui pêchent, il faut qu'elles se tiennent à la voile.

Il y a plusieurs autres réglemens de l'amirauté de Hollande, pour la pêche du hareng, qu'ont imité les diverses nations qui font ce commerce, avec les changemens & augmentations qui leur convenoient. Nous n'entrerons point dans ce détail, qui nous meneroit trop loin ; il vaut mieux parler du profit que les Hollandois en particulier retirent de cette pêche.

Dès l'an 1610, le chevalier Walter Raleigh donna un compte qui n'a pas été démenti par le grand pensionnaire de Wit, du commerce que la Hollande faisoit en Russie, en Allemagne, en Flandres, & en France, des harengs pêchés sur les côtes d'Angleterre, d'Ecosse, & d'Irlande. Ce compte monte pour une année à 2 659, 000 livres sterlings, (61 157 000 livres tournois). Ce seul article leur occupoit dès ce tems-là, trois mille vaisseaux ou buches à la pêche, & cinquante mille pêcheurs, sans compter neuf mille autres vaisseaux ou bateaux, & cent cinquante mille hommes sur terre & sur mer, employés au commerce de poisson, & aux autres commerces que sa pêche occasionne.

Depuis cette époque, la marine hollandoise a fait une très-belle figure : même aujourd'hui, que sa puissance a reçû de si grands échecs, cette branche de son commerce est de toutes celle qui a le moins souffert.

Un état de leur pêche du hareng en 1748, portoit mille vaisseaux évalués à quatre-vingt-cinq tonneaux l'un dans l'autre ; le total de leur pêche estimé à quatre-vingt-cinq mille lasts, le last à vingt livres sterling, font un million sept cent mille livres sterling ; ensorte qu'en déduisant pour la mise hors & construction de mille buches, les frais de la pêche & hasards, huit cent cinquante mille livres sterling ; elle a dû profiter net par an de huit cent cinquante mille livres sterling ; à quoi, si l'on ajoûte pour le profit de la pêche de la morue, qui se fait entre deux, cent cinquante mille livres sterling, on aura un million de livres sterling de gain.

Le tems n'a point encore décidé quel sera l'issue des tentatives que font les Anglois pour partager, ou pour enlever ce commerce à la Hollande ; mais l'on peut dire que s'ils y réussissoient jamais, ils se feroient autant de tort qu'à la nation Hollandoise, à laquelle ils ôteroient cette branche de commerce qui fait leur principal revenu. (D.J.)

HARENG, (Diete). Les harengs frais se mangent grillés, avec une sauce piquante faite avec du beurre & de la moutarde.

Les harengs-pecs, ainsi nommés par corruption, sont des harengs salés ; cette dénomination vient des Hollandois, qui appellent ces sortes de harengs peekle haring ; ils en font grand cas & en sont très-friands, sur-tout dans la nouveauté, au point que les premiers harengs-pecs qui ont été salés en mer se payent chez eux jusqu'à deux ou trois florins la piece, lorsqu'ils arrivent par les premiers vaisseaux qui reviennent de la pêche. Dans de certaines villes des Pays-Bas, on ne fait pas moins de cas de ces harengs dans la primeur, & l'on accorde un prix ou une récompense aux voituriers qui en apportent les premiers. Cela est, dit-on, fondé sur l'opinion où l'on est que toutes les fievres disparoissent aussi-tôt que l'on peut manger du hareng nouveau. Le hareng salé ou hareng-pec se mange tout crud avec de l'huile & un soupçon de vinaigre ; les Flamands y joignent quelquefois de la pomme & de l'oignon hachés : il est d'un goût beaucoup plus agréable quand il a été fraîchement salé, que quand il a long-tems séjourné dans le sel ou dans la saûmure.

Le hareng fumé, appellé craquelin par le peuple en France, est du hareng qui a été fumé & salé légerement ; les Hollandois l'appellent bockum, & en font cas lorsqu'il a été fumé récemment ; alors ils le mangent avec des tartines de beurre.


HARENGADESS. f. (Hist. nat. Icthiolog.) petits poissons semblables à de petites aloses ; on leur donne aussi les noms de cailliques & de lasches. On les prend en grand nombre près d'Agde. Rondelet, histoire des poissons. (I)


HARENGAISONS. f. (Comm. & Pêche) saison de la pêche des harengs, ou le tems de leur éclair.


HARENGUIERES. f. (Pêche) rets à petites mailles, usité dans le ressort de l'amirauté de Carentan & d'Isigni ; on peut rapporter cette sorte de pêche à celle des parcs. Les mailles des hauts parcs, des étaliers & des haranguieres, ont depuis onze jusqu'à quatorze lignes en quarré. Ces filets se tendent conformément à l'ordonnance & aux déclarations du 18 Mars 1727, c'est-à-dire bout à terre & bout à mer. Les pêcheurs des côtes de Caux & de Picardie y adaptent des perches de douze à quinze piés de hauteur ; ce qui leur a fait donner le nom de hauts-parcs. Les pêcheurs des autres côtes ne les tendent pas plus haut que leurs tentes ordinaires : si leurs perches étoient plus élevées, la rapidité du flot ou de l'ebb les enleveroit.

Il est assez ordinaire de placer les haranguieres au bas des tentes, le plus avant à la mer qu'il est possible ; quelques-uns pratiquent au bout une espece de circuit qui retient le poisson plus long-tems ; ils garnissent ce même côté d'un rets tramaillé : la hauteur du ret entier n'excede pas quatre à cinq piés de hauteur.

La pêche du hareng avec les hauts-parcs ne se pratique que depuis la S. Michel jusqu'à la Ste Catherine, c'est-à-dire l'espace de deux mois ; celle du petit maquereau ou sansonnet au même rets, commence communément au 15 Avril & finit au 15 Juillet.


HARFLEURHareflotum, Harflevium, &c. (Géog.) ancienne ville de France en Normandie, au pays de Caux ; ses fortifications ont été rasées & son port s'est comblé. Les Anglois la prirent d'assaut en 1415. Voyez la descript. historique & géographique de la haute Normandie, où vous trouverez des détails sur cette ville. Elle est près de la mer, sur la Lezarde, à une lieue de Montivilliers, deux du Havre, six S. O. de Fécamp, quarante-quatre N. O. de Paris, seize O. de Roüen. Long. 21. 51. 27. latit. 49. 30. 23. (D.J.)


HARIHARRI, s. m. (Vénerie) c'est le cri dont use le piqueur pour donner de la crainte aux chiens, lorsque la bête qu'ils chassent s'est accompagnée, afin de les obliger d'en garder le change.


HARICOTS. m. phaseolus, (Hist. nat. Botaniq.) genre de plante à fleur papilionacée ; il sort du calice un pistil qui devient dans la suite une silique longue ; cette silique renferme des semences qui ont la forme d'un rein ou d'un oeuf. Les plantes de ce genre ont trois feuilles sur un pédicule. Tournefort, inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

Boerhaave compte 25 especes de phaséoles mangeables, & Bradley plus de 50 ; mais leurs variétés augmentent tous les jours : cependant nous ne décrirons ici que la commune, le phaseolus vulgaris des Botanistes, que Rai nomme smilax hortensis.

Sa racine est grêle, fibreuse ; elle pousse une tige longue, ronde, rameuse, qui grimpe sur des échalats comme le liseron, & s'attache aux corps voisins qu'elle rencontre, jusqu'à former des berceaux dans les jardins. Ses feuilles sortent par intervalles trois à trois, à la maniere des treffles, assez larges, pointues par le bout, charnues, presque semblables à celles du lierre, lisses, & soûtenues par de longues queues vertes.

Des aisselles des feuilles naissent des fleurs légumineuses, blanches, ou purpurines ; quand ces fleurs sont passées, il leur succede des gousses longues d'un demi-pié, qui finissent en pointes étroites, applaties, à deux cosses d'abord charnues, vertes, ensuite jaunâtres & membraneuses en se séchant. Leur figure est celle d'une nacelle d'où cette plante tire son nom latin. Les semences qu'elle contient sont assez grosses, semblables à un rein, très-polies, blanches, quelquefois pâle-jaunâtres, rougeâtres, grises, violettes, noirâtres, quelquefois veinées & semées de différentes lignes ou taches de toutes sortes de couleurs agréables à la vûe.

On seme cette plante au printems dans les champs & dans les jardins ; elle est annuelle, fleurit l'été, & mûrit l'automne ; on la mange en gousse quand elle est encore verte & tendre ; on mange aussi sa semence dépouillée des cosses : nous les appellons alors féverolles. On peut conserver les haricots avec leurs gousses pendant toute l'année, en les confisant au vinaigre avec une saûmure de sel.

L'haricot d'Egypte, phaseolus aegyptiacus nigro semine, est un arbre sarmenteux qui pousse ses branches & ses feuilles comme la vigne, & porte des fleurs deux fois par an. Prosper Alpin vous en donnera la figure & la description ; vous trouverez dans Kempfer celle du phaseolus des Japonois, dont ils font des mets liquides & solides. (D.J.)

HARICOT, (Diete & Mat. méd.) Personne n'ignore l'usage de ce légume dans la cuisine, & que sa semence fournit un aliment utile & commode ; elle nourrit beaucoup, elle convient en tout tems à ceux qui ont l'estomac bon, & qui sont jeunes & robustes, ou qui font beaucoup d'exercice ; mais les personnes délicates, les gens d'étude & ceux qui menent une vie sédentaire doivent s'en abstenir, parce qu'elle est venteuse, qu'elle charge l'estomac, & se digere difficilement. Geoffroy, Mat. méd. & Lemery, Traité des alimens.

Ceci n'est vrai que des semences d'haricot mûres & seches ; car les haricots verds mangés avec leur gousse, lorsqu'ils sont tendres & dans leur primeur, fournissent un aliment aqueux, très-peu abondant, & qui se digere presque aussi facilement que la plûpart des herbes que nous préparons pour l'usage de nos tables.

Les haricots passent pour apéritifs, résolutifs & diurétiques, & pour exciter les mois & les vuidanges.

On fait entrer leur farine dans les cataplasmes émolliens & résolutifs, & elle vaut tout autant pour cet usage que les quatre farines appellées résolutives. Voyez FARINES RESOLUTIVES.

On a attribué à la lessive de la cendre des tiges & des gousses d'haricot une vertu particuliere pour faire sortir les eaux des hydropiques : mais comme nous l'observons dans plusieurs articles, à-propos de pareilles prétentions, la plûpart des sels lixiviels n'ont presque que des propriétés communes. Voyez SEL LIXIVIEL. (b)


HARLES. m. merganser, Aldr. (Hist. nat. Ornitholog.) oiseau aquatique qui pese quatre livres ; il a deux piés quatre pouces de longueur depuis la pointe du bec jusqu'à l'extrémité de la queue ou des piés, & trois piés quatre pouces d'envergure. Le dos est large & plat ; la partie supérieure du cou & de la tête a une couleur verte noirâtre & brillante ; la face supérieure du corps est mêlée de blanc & de noir. La queue a une couleur cendrée ; la face inférieure du corps est grise, à l'exception des aîles qui sont blanchâtres en-dessous. Le bec est étroit, dentelé, crochu, en partie noir & en partie roux, & long d'environ trois pouces. Les piés ont une belle couleur de rouge, & il y a une membrane entre les doigts. Les plumes du sommet de la tête sont hérissées & font paroître la tête plus grosse qu'elle ne l'est en effet. Cet oiseau se nourrit de poisson. Rai, synop. avium, part. CXXXIV.


HARLEBECK(Géog.) petite place de la Flandre autrichienne, sur la Lys, à une lieue de Courtrai, sept S. O. de Gand. Long. 21. 1. latit. 50. 52. (D.J.)


HARLECH(Géog.) petite ville d'Angleterre, capitale du Mérionetshire, dans la province de Galles, à 168 milles de Londres. Long. 13. 20. lat. 52. 55. (D.J.)


HARLEMou HAARLEM, (Géog.) ville des Provinces-Unies dans la Hollande ; l'ancien nom est Haralhem. On ne sait ni quand, ni par qui cette ville fut commencée ; mais du tems de Thierry VI. en 1155, elle étoit déjà peuplée & assez fortifiée : en 1217, les bourgeois de Harlem accompagnerent Guillaume I. qui partoit pour la Terre-sainte.

Harlem est dans le territoire des Marsatiens, ancien peuple dont le pays de Kennemerland a pris son nom ; elle a été la capitale de ce pays, qui est partagé entre plusieurs villes ; & sa partie occidentale est toûjours de la jurisdiction de Harlem. Autrefois la ville étoit seulement au bord méridional de la Spare, riviere qui se jette dans l'Ye à Sparendam : mais en 1400, on aggrandit la ville, & on l'étendit au-delà de cette riviere, qui la traverse à-présent. En 1310, les chevaliers de l'Hôpital de S. Jean de Jérusalem furent reçus à Harlem : aussi possede-t-elle dans ses archives bien des choses curieuses sur l'ordre des chevaliers de Malte, dont il auroit été à souhaiter que M. l'abbé de Vertot eût eu connoissance.

Cette ville a été incendiée plusieurs fois dans la suite des tems ; savoir en 1347, en 1351, & en 1587. En 1571, les Harlemois se soûmirent au prince d'Orange, ou plutôt s'y donnerent. En 1573, elle fut obligée, après une défense admirable, de se rendre aux Espagnols à discrétion : ceux-ci firent pendre les magistrats, les pasteurs, & plus de quinze cent citoyens ; ils traiterent & cette ville & les Pays-Bas comme ils avoient traité le Nouveau-monde. La plume tombe des mains quand on lit les horreurs qu'ils exercerent : on en conserve encore les planches gravées en bois dans le pays.

Paul IV. avoit érigé Harlem en évêché ; mais elle n'a eu que deux évêques ; elle se glorifie de l'invention de l'Imprimerie : c'est ce qu'on examinera au mot IMPRIMERIE.

Harlem est située à trois lieues O. d'Amsterdam, six N. E. de Leyde, & sept S. E. d'Alckmar. Long. 22. 5. lat. 52. 23. 58.

Entre les gens de lettres dont Harlem est la patrie, je me contenterai pour abréger, de nommer Hoornbeck, Scriverius & Trigland, qui ont acquis de la célébrité dans les Sciences qu'ils ont cultivées. J'ai parlé ailleurs des artistes.

Hoornbeck (Jean) a été un des fameux théologiens calvinistes du dix-septieme siecle ; il fut consécutivement professeur en Théologie à Utrecht & à Leyde. Il publia un grand nombre de livres didactiques, polémiques, pratiques, & historiques, tant en flamand qu'en latin. Il mourut fort considéré en 1666, n'ayant encore qu'environ quarante-neuf ans. On trouvera son article dans Bayle.

Scriverius (Pierre) a rendu service à la littérature par les éditions qu'il a données de Végece, de Frontin, & d'autres auteurs sur l'Art militaire ; il publia le premier les Fables d'Hygin : mais l'histoire de Hollande lui a des obligations plus particulieres par deux grands ouvrages, dont l'un s'appelle Batavia illustrata, & l'autre, Bataviae comitumque omnium historia. Il mourut en 1653 âgé de soixante-trois ans, selon Hoffman.

Trigland (Jacques) fut professeur à Leyde en Théologie & en antiquités ecclésiastiques ; il a mis au jour divers petits traités sur des sujets curieux & choisis, comme de Dodone, de Kaeraeis, de corpore Mosis, de origine rituum Mosaïcorum, &c. Il mourut en 1705, à cinquante-quatre ans. (D.J.)

HARLEM (mer de), en flamand Harlem-maer, (Géog.) c'est ainsi qu'on appelle une inondation entre la ville de Harlem dont elle porte le nom, & celles d'Amsterdam & de Leyde : elle se forme du concours de plusieurs ruisseaux avec la mer qui y entre par l'Ye, auquel elle communique au moyen d'une écluse ; ce qui fait que ses eaux participent à la salure de la mer. Cette écluse de maçonnerie, qui est je crois la plus belle du monde, cause une interruption nécessaire aux barques, par lesquelles on va de Harlem à Amsterdam, ou d'Amsterdam à Harlem. Comme le terrein est très-précieux en Hollande, & que cette mer en occupe beaucoup, on a souvent parlé de la dessécher, & l'entreprise n'en est point d'une difficulté insurmontable ; les Juifs eux-mêmes ont offert d'en faire les frais, si on vouloit leur abandonner la propriété de ce terrein : mais des intérêts opposés & des raisons plus fortes encore tirées du risque que couroit Amsterdam d'être à son tour inondé, en ont empêché l'exécution. Il est vrai cependant qu'il y a plus de trois siecles que cette mer étoit un pays cultivé où l'on trouvoit plusieurs bons villages. (D.J.)


HARLINGENHarlinga, (Géog.) ville forte & maritime des Provinces-Unies, dans la Frise, dont elle est, après Leuwarde, la plus grande, la plus peuplée, & la plus riche ; elle est gouvernée par un sénat de huit bourguemestres, & a un port qui la rend commerçante. Sa position est à une lieue O. de Franeker, quatre S. O. de Leuwarden, six N. de Straveren. Long. 23. lat. 53. 12. (D.J.)


HARMATANS. m. (Hist. nat.) vent qui regne particulierement sur la côte de Guinée ; il se fait sentir régulierement tous les ans depuis la fin du mois de Décembre jusques vers le commencement de Février, & continue pendant deux ou trois jours ; il est si froid & si perçant, qu'il fait ouvrir les jointures du plancher des maisons & des bordages des navires. Quand ce vent est passé, ces ouvertures se rejoignent comme auparavant. Les habitans ne peuvent sortir de chez eux tant que ce vent regne, & ils tiennent leurs maisons bien fermées ; ils enferment aussi leurs bestiaux, qui sans cela couroient risque de périr en quatre ou cinq heures de tems par la malignité de cet air suffocant. Ce vent souffle entre l'est & le nord-est ; il n'est accompagné ni de pluie, ni de nuages, ni de tonnerre, & est toûjours également frais. Voyez l'histoire génér. des voyages, tome XI.


HARMONIES. f. (Gram.) il se dit de l'ordre général qui regne entre les diverses parties d'un tout, ordre en conséquence duquel elles concourent le plus parfaitement qu'il est possible, soit à l'effet du tout, soit au but que l'artiste s'est proposé. D'où il suit que pour prononcer qu'il regne une harmonie parfaite dans un tout, il faut connoître le tout, ses parties, le rapport de ses parties entr'elles, l'effet du tout, & le but que l'artiste s'est proposé : plus on connoît de ces choses, plus on est convaincu qu'il y a de l'harmonie, plus on y est sensible ; moins on en connoît, moins on est en état de sentir & de prononcer sur l'harmonie. Si la premiere montre qui se fit fût tombée entre les mains d'un paysan, il l'auroit considérée, il auroit apperçû quelque arrangement entre ses parties ; il en auroit conclu qu'elle avoit son usage ; mais cet usage lui étant inconnu, il ne seroit point allé au-delà, ou il auroit eu tort. Faisons passer la même machine entre les mains d'un homme plus instruit ou plus intelligent, qui découvre au mouvement uniforme de l'aiguille & aux directions égales du cadran, qu'elle pourroit bien être destinée à mesurer le tems ; son admiration croîtra. L'admiration eût été beaucoup plus grande encore, si l'observateur méchanicien eût été en état de se rendre raison de la disposition des parties relatives à l'effet qui lui étoit connu, & ainsi des autres à qui l'on présentera le même instrument à examiner. Plus une machine sera compliquée, moins nous serons en état d'en juger. S'il arrive dans cette machine compliquée des phénomènes qui nous paroissent contraires à son harmonie, moins le tout & sa destination nous sont connus, plus nous devons être reservés à prononcer sur ces phénomènes ; il pourroit arriver que nous prenant pour le terme de l'ouvrage, nous prononçassions bien ce qui seroit mal, ou mal ce qui seroit bien, ou mal ou bien ce qui ne seroit ni l'un ni l'autre. On a transporté le mot d'harmonie à l'art de gouverner, & l'on dit, il regne une grande harmonie dans cet état ; à la société des hommes, ils vivent dans l'harmonie la plus parfaite ; aux arts & à leurs productions, mais sur-tout aux arts qui ont pour objet l'usage des sons ou des couleurs (voyez HARMONIE, Musique, HARMONIE, Peinture) ; au style (voyez HARMONIE, Belles-Lettres). On dit aussi, l'harmonie générale des choses, l'harmonie de l'univers. Voyez MONDE, NATURE, OPTIMISME, &c.

HARMONIE, (Musique) est, selon le sens que lui ont donné les anciens, la partie qui a pour objet la succession agréable des sons, entant qu'ils sont graves ou aigus, par opposition aux autres parties de la Musique appellées rythmica & metrica, cadence, tems, mesure. Le mot d'harmonie vient, selon quelques-uns, du nom d'une musicienne du roi de Phénicie, laquelle vint en Grece avec Cadmus & y apporta les premieres connoissances de l'art qui porte son nom.

Les Grecs ne nous ont laissé aucune explication satisfaisante de toutes les parties de leur musique, celle de l'harmonie qui est la moins défectueuse, n'a été faite encore qu'en termes généraux & théoriques.

M. Burette & M. Malcolm ont fait des recherches savantes & ingénieuses sur les principes de l'harmonie des Grecs. Ces deux auteurs, à l'imitation des anciens, ont distribué en sept parties toute leur doctrine sur la Musique ; savoir, les sons, les intervalles, les systèmes, les genres, les tons ou modes, les nuances ou changemens, & la mélopée ou modulation. Voyez tous ces articles à leurs mots.

Harmonie, selon les modernes, est proprement l'effet de plusieurs tons entendus à-la-fois, quand il en résulte un tout agréable ; de sorte qu'en ce sens harmonie & accord signifient la même chose. Mais ce mot s'entend plus communément d'une succession réguliere de plusieurs accords. Nous avons parlé du choix des sons qui doivent entrer dans un accord pour le rendre harmonieux. Voyez ACCORD, CONSONNANCE. Il ne nous reste donc qu'à expliquer ici en quoi consiste la succession harmonique.

Le principe physique qui nous apprend à former des accords parfaits, ne nous montre pas de même à en établir la succession, une succession réguliere & pourtant nécessaire. Un dictionnaire de mots élégans n'est pas une harangue, ni un recueil d'accords harmonieux une piece de musique. Il faut un sens, il faut de la liaison dans la Musique, comme dans le langage ; mais où prendra-t-on tout cela, si ce n'est dans les idées mêmes que le sujet doit fournir ?

Toutes les idées que peut produire l'accord parfait se réduisent à celle des sons qui le composent & des intervalles qu'ils forment entr'eux : ce n'est donc que par l'analogie des intervalles & par le rapport des sons qu'on peut établir la liaison dont il s'agit ; & c'est-là le vrai & l'unique principe d'où découlent toutes les loix de l'harmonie, de la modulation, & même de la mélodie.

Pour ne parler ici que de la phrase harmonique, nous développerons les trois regles suivantes sur lesquelles est fondée sa construction, & qui ne sont que des conséquences prochaines du principe que nous venons d'exposer.

1°. La basse fondamentale ne doit marcher que par intervalles consonnans, car l'accord parfait n'en produit que de tels : l'analogie est manifeste.

Ces intervalles doivent être relatifs au mode : ainsi après avoir fait l'accord parfait mineur, on sent bien que la basse ne doit pas monter sur la tierce majeure.

Toûjours par la même analogie, on doit préférer les intervalles qui sont les premiers engendrés, c'est-à-dire ceux dont les rapports sont les plus simples. Ainsi la quinte étant la plus parfaite des consonnances, la progression par quintes est aussi la plus parfaite des progressions.

On doit observer que la marche diatonique prescrite aux parties supérieures n'est qu'une suite de cette regle.

2°. Tant que dure la phrase, on y doit observer la liaison harmonique, c'est-à-dire qu'il faut tellement diriger la succession de l'harmonie, qu'au-moins un son de chaque accord soit prolongé dans l'accord suivant. Plus il y a de sons communs aux deux accords, plus la liaison est parfaite.

C'est-là une des principales regles de la composition, & l'on ne peut la négliger sans faire une mauvaise harmonie : elle a pourtant quelques exceptions dont nous avons parlé au mot CADENCE.

3°. Une suite d'accords parfaits, même bien liés, ne suffit pas encore pour constituer une phrase harmonique ; car si la liaison suffit pour faire admettre sans répugnance un accord à la suite d'un autre, elle ne l'annonce point, elle ne le fait point desirer, & n'oblige point l'oreille pleinement satisfaite à chacun des accords, de prolonger son attention sur celui qui le suit. Il faut nécessairement quelque chose qui unisse tous ces accords, & qui annonce chacun d'eux comme partie d'un plus grand tout que l'oreille puisse saisir, & qu'elle desire d'entendre en son entier. Il faut un sens, il faut de la liaison dans la Musique, comme dans le langage ; c'est l'effet de la dissonnance ; c'est par elle que l'oreille entend le discours harmonique, & qu'elle distingue ses phrases, ses repos, son commencement & sa fin.

Chaque phrase harmonique est terminée par un repos qu'on appelle cadence, & ce repos est plus ou moins parfait selon le sens qu'on lui donne. Toute l'harmonie n'est précisément qu'une suite de cadences, mais dont, au moyen de la dissonnance, on élude le repos autant qu'on le veut, avertissant ainsi l'oreille de prolonger son attention jusqu'à la fin de la phrase.

La dissonnance est donc un son étranger qui s'ajoûte à ceux d'un accord pour lier cet accord à d'autres.

Cette dissonnance doit donc par préférence former la liaison, c'est-à-dire qu'elle doit toûjours être prise dans le prolongement de quelqu'un des sons de l'accord précédent ; ce qui la rend aussi moins dure à l'oreille : cela s'appelle préparer la dissonnance.

Dès que cette dissonnance a été entendue, la basse fondamentale a un progrès déterminé selon lequel la dissonnance a aussi le sien pour aller se résoudre sur quelqu'une des consonnances de l'accord suivant : cela s'appelle sauver la dissonnance. Voyez DISSONNANCE, CONSONNANCE, PREPARER, SAUVER.

La dissonnance est encore nécessaire pour introduire la variété dans l'harmonie ; & cette variété est un point auquel l'harmoniste ne peut trop s'appliquer ; mais c'est dans l'ordonnance générale qu'il la faut chercher, & non pas, comme font les petits génies, dans le détail de chaque note ou de chaque accord : autrement à peine évitera-t-on dans ses productions le sort d'un grand nombre de nos musiques modernes, qui toutes noires de triples croches, toutes hérissées de dissonnances, ne peuvent, même par la bisarrerie de leurs chants ni par la dureté de leur harmonie, éloigner la monotonie & l'ennui.

Telles sont les loix générales de l'harmonie ; car nous n'embrassons point ici celles de la modulation, que nous donnerons en leur lieu. Il y a outre cela plusieurs regles particulieres qui regardent proprement la composition, & dont nous parlerons ailleurs. Voyez COMPOSITION, MODULATION, ACCORDS.

Harmonie se prend quelquefois pour la force & la beauté du son ; ainsi l'on dit qu'une voix est harmonieuse, qu'un instrument a de l'harmonie, &c.

Enfin en sens figuré on donne le nom d'harmonie au juste rapport des parties & à leur concours pour la perfection du tout : telle est l'harmonie de l'état, la bonne harmonie, c'est-à-dire la concorde qui regne entre des cours, entre des ministres, &c. (S)

HARMONIE. On voit par un passage de Nicomaque, que les anciens approprioient quelquefois ce nom à la consonnance de l'octave. Voyez OCTAVE (S)

HARMONIE FIGUREE. Figurer en général, c'est faire plusieurs notes pour une. Or on ne peut figurer l'harmonie que de deux manieres, par degrés conjoints, ou par degrés disjoints. Lorsqu'on figure par degrés conjoints, on employe nécessairement d'autres notes que celles qui forment l'accord, des notes qui sont comptées pour rien dans l'harmonie ; ces notes s'appellent par supposition (Voyez SUPPOSITION), parce qu'elles supposent l'accord qui suit ; elles ne doivent jamais se montrer au commencement d'un tems, principalement du tems fort, si ce n'est dans quelques cas rares où l'on fait la premiere note du tems breve, pour appuyer sur la seconde : mais quand on figure par degrés disjoints, on ne peut absolument employer que les notes qui forment l'accord, soit consonnant, soit dissonnant. (S)

HARMONIE. Ce terme, en Peinture, a plusieurs acceptions ; on s'en sert presque indifféremment pour exprimer les effets de lumiere & de couleur ; & quelquefois il signifie ce qu'on appelle le tout ensemble d'un tableau.

L'harmonie de couleur n'existe point sans celle de lumiere, & celle de lumiere est indépendante de celle de couleur. On dit d'un tableau de grisaille, d'un dessein, d'une estampe, le dessus considéré par rapport aux effets de lumiere, & non comme proportion & précision du contour ; il regne dans ce tableau, ce dessein, cette estampe, une belle harmonie. Il sembleroit suivre de-là qu'harmonie conviendroit par préférence à la lumiere. Cependant lorsqu'on n'entend parler que de ses effets, on se sert plus volontiers de ces expressions, belle distribution, belle oeconomie, belle intelligence de lumiere, beaux, grands effets de lumiere. Pour réussir à produire ces effets, il faut qu'il y ait dans le tableau une lumiere principale à laquelle toutes les autres soient subordonnées, non par leur espace, mais par leur vivacité ; & que les unes & les autres soient réunies par masse, & non éparses çà & là, par petites parties, formant comme une espece d'échiquier irrégulier ; c'est ce qu'on appelle papilloter, des lumieres qui papillotent.

A l'égard de la couleur, on dit quelquefois, ce tableau fait un bel effet, un grand effet de couleur ; mais l'on dit plus ordinairement, il y a dans ce tableau un bel accord, une belle harmonie de couleur, la couleur en est harmonieuse. Il est peut-être impossible de donner des préceptes pour réussir en cette partie ; l'on dit bien qu'il ne faut faire voisiner que les couleurs amies, mais les grands peintres ne connoissent point de couleurs qui ne le soient.

L'effet ou harmonie de lumiere & de couleur peuvent subsister dans un tableau, indépendamment de l'imperfection des objets qui y sont représentés : il pouvoit même n'y en point avoir ; c'est-à-dire, qu'il n'y eût qu'un amas confus, un cahos de nuages, de vapeurs, enfin une sorte de jeu de lumiere & de couleur. Si l'on refusoit à cette production le nom de tableau, au moins crois-je qu'on pourroit lui accorder celui d'effet, d'air, d'instrument oculaire, qui ne concouroit pas peu à donner des idées nettes de ce que c'est que l'harmonie en peinture, produite seulement par les effets de lumiere & de couleur.

Quoiqu'il soit impossible de suivre avec la derniere exactitude la forme de ces derniers, en y plaçant des objets ; cependant j'ai vû de jeunes peintres y en répandre, les suivre jusqu'à un certain point, & leur production devenir moins mal, quant à l'harmonie de lumiere & de couleur que lorsqu'ils ne se servoient pas de ce moyen.

Lorsqu'on entend par harmonie l'effet total, le tout ensemble d'un tableau ; l'on ne dit point de toutes les parties concourantes à cet effet, cette partie est harmonieuse, a une belle harmonie. L'on s'exprime alors plus généralement. Exemple : cette figure, ce vase, sont bien placés-là ; outre qu'ils y sont convenablement amenés, ils interrompent ce vuide, font communiquer ce grouppe avec cet autre, y forment l'harmonie ; ce ciel lumineux derriere cette draperie fait un bel effet, une belle harmonie ; cette branche d'arbre éclairée réunissant ces deux lumieres, elles font une belle harmonie ; il résulte de cet effet une harmonie charmante ; tout concourt, tout s'accorde dans la composition de ce tableau à caractériser le sujet, & rendre l'harmonie complete ; tout y est si convenablement d'accord que le plus léger changement y feroit une dissonance.

HARMONIE. (Accord de sons) L'harmonie a lieu, soit dans la prose, soit dans la poésie. Elle est à la vérité plus marquée dans les vers que dans la prose ; mais elle n'en existe pas moins dans celle-ci, & n'y est pas moins nécessaire. Nous parlerons d'abord de celle-ci, & ensuite de l'harmonie poétique.

L'harmonie de la prose étoit appellée par les Grecs rythmes, & par les Latins nombre oratoire, numerus. Voyez NOMBRE & RYTHMES.

On ne peut disconvenir que l'arrangement des mots ne contribue beaucoup à la beauté, quelquefois même à la force du discours. Il y a dans l'homme un goût naturel qui le rend sensible au nombre & à la cadence ; & pour introduire dans les langues cette espece de concert, cette harmonie, il n'a fallu que consulter la nature, qu'étudier le génie de ces langues, que sonder & interroger pour ainsi dire les oreilles, que Ciceron appelle avec raison un juge fier & dédaigneux. En effet, quelque belle que soit une pensée en elle-même, si les mots qui l'expriment sont mal arrangés, la délicatesse de l'oreille en est choquée ; une composition dure & rude la blesse, au lieu qu'elle est agréablement flatée de celle qui est douce & coulante. Si le nombre est mal soutenu, & que la chûte en soit trop promte, elle sent qu'il y manque quelque chose, & n'est point satisfaite. Si au contraire il y a quelque chose de traînant & de superflu, elle le rejette, & ne peut le souffrir. En un mot, il n'y a qu'un discours plein & nombreux qui puisse la contenter.

Par la différente structure que l'orateur donne à ses phrases, le discours tantôt marche avec une gravité majestueuse, ou coule avec une promte & légere rapidité, tantôt charme & enleve l'auditeur par une douce harmonie, ou le pénetre d'horreur & de saisissement par une cadence dure & âpre ; mais comme la qualité & la mesure des mots ne dépendent point de l'orateur, & qu'il les trouve pour ainsi dire tout taillés, son habileté consiste à les mettre dans un tel ordre que leur concours & leur union, sans laisser aucun vuide ni causer aucune rudesse, rendent le discours doux, coulant, agréable ; & il n'est point de mots, quelque durs qu'ils paroissent par eux-mêmes, qui placés à propos par une main habile, ne puissent contribuer à l'harmonie du discours, comme dans un bâtiment les pierres les plus brutes & les plus irrégulieres y trouvent leur place. Isocrate, à proprement parler, fut le premier chez les Grecs qui les rendit attentifs à cette grace du nombre & de la cadence, & Ciceron rendit le même service à la langue de son pays.

Quoique le nombre doive être répandu dans tout le corps & le tissu des périodes dont un discours est composé, & que ce soit de cette union & de ce concert de toutes les parties que résulte l'harmonie, cependant on convient que c'est sur-tout à la fin des périodes qu'il paroît & se fait sentir. Le commencement des périodes ne demande pas un soin moins particulier, parce que l'oreille y donnant une attention toute nouvelle, en remarque aisément les défauts.

Il y a un arrangement plus marqué & plus étudié qui peut convenir aux discours d'appareil & de cérémonie, tels que sont ceux du genre démonstratif, où l'auditeur, loin d'être choqué des cadences mesurées & nombreuses observées, pour ainsi dire, avec scrupule, sait gré à l'orateur de lui procurer par-là un plaisir doux & innocent. Il n'en est pas ainsi, quand il s'agit de matieres graves & sérieuses, où l'on ne cherche qu'à instruire & qu'à toucher ; la cadence pour lors doit avoir quelque chose de grave & de sérieux. Il faut que cette amorce du plaisir qu'on prépare aux auditeurs soit comme cachée & enveloppée sous la solidité des choses & sous la beauté des expressions, dont ils soient tellement occupés qu'ils paroissent ne pas faire d'attention à l'harmonie.

Ces principes que nous tirons de M. Rollin, qui les a lui-même puisés dans Ciceron & Quintilien, sont applicables à toutes les langues. On a long-tems cru que la nôtre n'étoit pas susceptible d'harmonie, ou du moins on l'avoit totalement négligée jusqu'au dernier siecle. Balzac fut le premier qui prescrivit des bornes à la période, & qui lui donna un tour plein & nombreux. L'harmonie de ce nouveau style enchanta tout le monde ; mais il n'étoit pas lui-même exempt de défauts, les bons auteurs qui sont venus depuis les ont connus & évités.

L'harmonie de la prose contient, 1°. les sons qui sont doux ou rudes, graves ou aigus ; 2°. la durée des sons brefs ou longs ; 3°. les repos qui varient selon que le sens l'exige ; 4°. les chûtes des phrases qui sont plus ou moins douces ou rudes, serrées ou négligées, séches ou arrondies. Dans la prose nombreuse, chaque phrase fait une sorte de vers qui a sa marche. L'esprit & l'oreille s'ajustent & s'alignent, dès que la phrase commence, pour faire quadrer ensemble la pensée & l'expression, & les mener de concert l'une avec l'autre jusqu'à une chûte commune qui les termine d'une façon convenable, après quoi c'est une autre phrase. Mais comme la pensée sera différente, soit par la qualité de son objet, soit par le plus ou le moins d'étendue, ce sera un vers d'une autre espece & aussi d'une autre étendue, & qui sera autrement terminé ; tellement que la prose nombreuse, quoique liée par une sorte d'harmonie, reste cependant toûjours libre au milieu de ses chaînes. Il n'en est pas de même dans les vers, tout y est prescrit par des lois fixes, & dont rien n'affranchit : la mesure est dressée, il faut la remplir avec précision, ni plus ni moins, la pensée finie ou non ; la regle est formelle & de rigueur. Cours de Belles-lettr. tome I.

Mais parce que ce qui constituoit l'harmonie dans la poésie greque & latine, étoit fort différent de ce qui la produit dans les langues modernes, les unes & les autres n'ont pas à cet égard des principes communs.

Le premier fondement de l'harmonie, dans les vers grecs & latins, c'est la regle des syllabes, soit pour la quantité qui les rend breves ou longues, soit pour le nombre qui fait qu'il y en a plus ou moins, soit pour le nombre & la quantité en même tems. 2°. Les inversions & les transpositions beaucoup plus fréquentes & plus hardies que dans les langues vivantes. 3°. Une cadence simple, ordinaire, qui se soûtient par-tout. 4°. Certaines cadences particulieres plus marquées, plus frappantes, & qui se rencontrant de tems à autre, sauvent l'uniformité des cadences uniformes. Voyez CADENCE.

Il n'en est pas de même de notre langue : par exemple, quoiqu'on convienne aujourd'hui qu'elle a des breves & des longues, ce n'est pas à cette distinction que les inventeurs de notre poésie se sont attachés pour en fonder l'harmonie, mais simplement au nombre des mesures & à l'assonance des finales de deux en deux vers. Ils ont aussi admis quelques inversions, mais légeres & rares ; ensorte qu'on ne peut bien décider si nous sommes plus ou moins riches à cet égard que les anciens, parce que l'harmonie de nos vers ne depend pas des mêmes causes que celle de leur poésie.

L'harmonie des vers répond exactement à la mélodie du chant. L'une & l'autre sont une succession naturelle & sensible des sons. Or comme dans la seconde un air filé sur les mêmes tons endormiroit, & qu'un mauvais coup d'archet cause une dissonnance physique qui choque la délicatesse des organes ; de même dans la premiere, le retour trop fréquent des mêmes rimes ou des mêmes expressions, le concours ou le choc de certaines lettres, l'union de certains mots, produisent ou la monotonie ou des dissonances. Les sentimens sont partagés sur nos vers alexandrins, que quelques auteurs trouvent trop uniformes dans leurs chûtes, tandis qu'ils paroissent à d'autres très-harmonieux. Le mélange des vers & l'entrelacement des rimes contribuent aussi beaucoup à l'harmonie, pourvû que d'espace en espace on change de rimes, car souvent rien n'est plus ennuyeux que les rimes trop souvent redoublées. Voyez RIME. (G)

HARMONIE EVANGELIQUE, (Théol.) titre que différens interpretes ou commentateurs ont donné à des livres composés pour faire connoître l'uniformité & la concordance qui regnent dans les quatre évangélistes. Voyez EVANGELISTES & CONCORDANCE.

Le premier essai de ces sortes d'ouvrages est attribué à Tatien, qui l'intitula Diatessaron, ou à Théophile d'Antioche qui vivoit dans le second siecle. Leur exemple a été suivi par d'autres écrivains ; savoir, par Ammonius d'Alexandrie, Eusebe de Césarée, Jansenius évêque d'Ypres, M. Thoinard, M. Whiston, le P. Lamy de l'Oratoire, &c. (G)

HARMONIE PREETABLIE, (Métaphysique). On appelle harmonie préétablie, l'hypothese destinée à expliquer le commerce qui regne entre l'ame & le corps. C'est M. Léibnitz qui l'a mise dans tout son jour ; car bien des philosophes ont pensé avant lui que le corps n'agit pas sur l'ame, ni l'ame sur le corps. On peut lire là-dessus tout le ij. chap. de la XI. partie du VI. livre de la Recherche de la Vérité. Spinosa dit dans son Ethique, part. III. prop. 2. Nec corpus mentem ad cogitandum, nec mens corpus ad motum, neque ad quietem, neque ad aliud determinare valet. Ce pas une fois fait, & la communication coupée, si je puis ainsi dire, entre les deux substances, il n'étoit pas bien difficile d'imaginer l'harmonie préétablie. Il y a sur-tout un passage dans Geulincs (Ethic. tract. 1. sect. 11. n°. 7.), qui dérobe à Leibnitz presque toute la gloire de l'invention ; si tant est que ce soit une gloire d'avoir inventé un système en bute à autant de difficultés que l'est celui-là. Voici en peu de mots en quoi consiste ce système : L'ame n'influe point sur le corps, ni le corps sur l'ame. Dieu n'excite point non plus les sensations dans l'ame, ni ne produit les mouvemens dans le corps. L'ame a une force intrinseque & essentielle de représenter l'univers, suivant la position de son corps. C'est en quoi consiste son essence. Le corps est une machine faite de telle façon que ses mouvemens suivent toûjours les représentations de l'ame. Chacune de ces deux substances a le principe & la source de ses mutations en soi-même. Chacune agit pour soi & de soi. Mais Dieu ayant prévû ce que l'ame penseroit dans ce monde, & ce qu'elle voudroit librement suivant la position du corps, a tellement accommodé le corps à l'ame, qu'il y a une harmonie exacte & constante entre les sensations de l'ame & les mouvemens du corps. Ainsi l'ame de Virgile produisoit l'Enéide, & sa main écrivoit l'Enéide sans que cette main obéit en aucune façon à l'intention de l'auteur ; mais Dieu avoit réglé de tout tems que l'ame de Virgile feroit des vers, & qu'une main attachée au corps de Virgile les mettroit par écrit. En un mot, M. Léibnitz regarde l'ame & le corps comme deux automates qui sont montés de façon qu'ils se rencontrent exactement dans leurs mouvemens. Figurez-vous un vaisseau qui, sans avoir aucun sentiment ni aucune connoissance, & sans être dirigé par aucun être créé ou incréé, ait la vertu de se mouvoir de lui-même si à propos qu'il ait toûjours le vent favorable, qu'il évite les courans & les écueils, qu'il jette l'ancre où il le faut, qu'il se retire dans un havre précisément lorsque cela est nécessaire. Supposez qu'un tel vaisseau vogue de cette façon plusieurs années de suite, toûjours tourné & situé comme il le faut être, eu égard aux changemens de l'air & aux différentes situations des mers & des terres, vous conviendrez que l'infinité de Dieu n'est pas trop grande pour communiquer à un vaisseau une telle faculté. Ce que M. Léibnitz suppose de la machine du corps humain est plus admirable encore. Appliquons à la personne de César son système. Il faudra dire que le corps de César exerça de telle sorte sa vertu motrice, que depuis sa naissance jusqu'à sa mort il suivit un progrès continuel de changemens, qui répondoient dans la derniere exactitude aux changemens perpétuels d'une certaine ame qui ne faisoit aucune impression sur lui. Il faut dire que la regle selon laquelle cette faculté du corps de César devoit produire ses actes, étoit telle qu'il seroit allé au sénat un tel jour, à une telle heure, qu'il y auroit prononcé telles & telles paroles, quand même il auroit plû à Dieu d'anéantir l'ame de César le lendemain qu'elle fut créée. Il faut dire que cette vertu motrice se changeoit & se modifioit ponctuellement selon la volubilité des pensées de cet esprit ambitieux. Une force aveugle se peut-elle modifier si à propos en conséquence d'une impression communiquée trente ou quarante ans auparavant, qui n'a jamais été renouvellée depuis, & qui est abandonnée à elle-même, sans qu'elle ait jamais connoissance de sa leçon ?

Ce qui augmente la difficulté est qu'une machine humaine contient un nombre presque infini d'organes, & qu'elle est continuellement exposée au choc des corps qui l'environnent, & qui par une diversité innombrable d'ébranlemens excitent en elle mille sortes de modifications. Le moyen de comprendre qu'il n'arrive jamais de changement dans cette harmonie préétablie, & qu'elle aille toûjours son train pendant la plus longue vie des hommes, nonobstant les variétés infinies de l'action réciproque de tant d'organes les uns sur les autres, environnés de toutes parts d'une infinité de corpuscules, tantôt froids, tantôt chauds, tantôt secs, tantôt humides, toûjours actifs, toûjours picotant les nerfs. J'accorderai que la multiplicité des organes & des agens extérieurs soit un instrument nécessaire de la variété presque infinie des changemens du corps humain ; mais cette variété pourra-t-elle avoir la justesse dont on a besoin ici ? ne troublera-t-elle jamais la correspondance de ces changemens & de ceux de l'ame ? C'est ce qui paroît impossible.

Comparons maintenant l'ame de César, avec un atome d'Epicure ; j'entends un atome entouré de vuide de toutes parts, & qui ne rencontreroit jamais aucun autre atome. La comparaison est très-juste ; car d'un côté cet atome a une vertu naturelle de se mouvoir, & il l'exécute sans être aidé de quoique ce soit, & sans être traversé par aucune chose ; & de l'autre côté l'ame de César est un esprit qui a reçû une faculté de se donner des pensées, & qui l'exécute sans l'influence d'aucun autre esprit, ni d'aucun corps ; rien ne l'assiste, rien ne la traverse. Si vous consultez les notions communes & les idées de l'ordre, vous trouverez que cet atome ne doit jamais s'arrêter, & que s'étant mû dans le moment précédent, il doit se mouvoir dans ce moment-ci, & dans tous ceux qui suivront, & que la matiere de son mouvement doit être toûjours la même. C'est la suite d'un axiome approuvé par M. Leibnitz : Nous concluons, dit-il, non-seulement qu'un corps qui est en repos, sera toûjours en repos, mais aussi qu'un corps qui est en mouvement, gardera toûjours ce mouvement ou ce changement, c'est-à-dire la même vîtesse & la même direction, si rien ne survient qui l'empêche. Voyez Mémoire inseré dans l'histoire des ouvrages des Savans, Juillet 1694. On se moqua d'Epicure lorsqu'il inventa le mouvement de déclinaison : il le supposa gratuitement pour tâcher de se tirer du labyrinthe de la fatale nécessité de toutes choses. On conçoit clairement qu'afin qu'un atome qui aura décrit une ligne droite pendant deux jours, se détourne de son chemin au commencement du troisieme jour ; il faut ou qu'il rencontre quelque obstacle, ou qu'il lui prenne quelqu'envie de s'écarter de sa route, ou qu'il renferme quelque ressort qui commence à joüer dans ce moment-là : la premiere de ces raisons n'a point lieu dans l'espace vuide ; la seconde est impossible, puisqu'un atome n'a point la vertu de penser ; la troisieme est aussi impossible dans un corpuscule absolument un. Appliquons ceci à notre exemple.

L'ame de César est un être à qui l'unité convient au sens de rigueur ; la faculté de se donner des pensées est, selon M. Leibnitz, une propriété de sa nature : elle l'a reçûe de Dieu, quant à la possession & quant à l'exécution. Si la premiere pensée qu'elle se donne est un sentiment de plaisir, on ne voit pas pourquoi la seconde ne sera pas aussi un sentiment de plaisir ; car lorsque la cause totale d'un effet demeure la même, l'effet ne peut pas changer. Or cette ame au second moment de son existence ne reçoit pas une nouvelle faculté de penser ; elle ne fait que retenir la faculté qu'elle avoit au premier moment, & elle est aussi indépendante du concours de toute autre cause au second moment qu'au premier ; elle doit donc reproduire au second moment la même pensée qu'elle venoit de produire. Si je suppose que dans certain instant l'ame de César voit un arbre qui a des fleurs & des feuilles, je puis concevoir que tout aussi-tôt elle souhaite d'en voir un qui n'ait que des feuilles, & puis un qui n'ait que des fleurs ; & qu'ainsi elle se fera successivement plusieurs images qui naîtront les unes des autres ; mais on ne sauroit se représenter comme possibles les changemens bisarres du blanc au noir & du oui au non, ni ces sauts tumultueux de la terre au ciel, qui sont ordinaires à la pensée d'un homme. Par quel ressort une ame seroit-elle déterminée à interrompre ses plaisirs, & à se donner tout-d'un-coup un sentiment de douleur, sans que rien l'eût avertie de se préparer au changement, ni qu'il se fût rien passé de nouveau dans sa substance ? Si vous parcourez la vie de César, vous trouverez à chaque pas la matiere d'une objection.

M. Leibnitz proposa son système pour la premiere fois dans le Journal des Savans de Paris, 1695. M. Bayle proposa ses doutes sur cette hypothèse dans l'article Rorarius de son dictionnaire. La replique de M. Leibnitz parut dans le mois de Juillet de l'histoire des ouvrages des Savans, ann. 1698. Ce système fut attaqué successivement par le pere Lami, dans son traité de la connoissance de soi-même ; par le pere Tournemine ; Newton, Clark, Stahl, parurent sur les rangs en différens tems.

Le principal défenseur de cette hypothèse fut M. Wolf dans sa Métaphysique allemande & latine ; c'est cette hypothèse qui servit à ses ennemis de principal chef d'accusation contre lui. Après bien des peines inutiles qu'ils s'étoient données pour le faire passer pour athée & spinosiste, M. Lang zélé théologien s'avisa de l'attaquer de ce côté-là. Il fit voir à Fréderic feu roi de Prusse, que par le moyen de l'harmonie préétablie, tous les déserteurs étoient mis à couvert du châtiment ; les corps des soldats n'étant que des machines sur lesquelles l'ame n'a point de pouvoir, ils désertoient nécessairement. Ce raisonnement malin frappa de telle sorte l'esprit du roi, qu'il donna ordre que M. Wolf fût banni de tous ses états dans l'espace de trois jours.

HARMONIE, (Ostéologie) articulation immobile des of par une connexion serrée ; selon la doctrine des anciens, c'est cette union serrée des os, au moyen de laquelle les inégalités sont cachées, de maniere qu'ils semblent n'être unis que par une seule ligne. Telle est l'articulation qui se rencontre aux of de la face ; mais on pourroit retrancher l'harmonie du nombre des articulations établies par les anciens, parce qu'elle ne differe point de la suture, lorsqu'on examine avec un peu d'attention les pieces détachées. (D.J.)

HARMONIE, en terme d'Architecture, signifie un rapport agréable qui se trouve entre les différentes parties d'un bâtiment. Voyez EURYTHMIE.


HARMONIQUEadjectif, (Musique) est ce qui appartient à l'harmonie. Proportion harmonique, est celle dont le premier terme est au troisieme, comme la différence du premier au second, est à la différence du second au troisieme. Voyez PROPORTION.

Harmonique, pris substantivement & au féminin, se dit des sons qui en accompagnent un autre & forment avec lui l'accord parfait : mais il se dit sur-tout des sons concomitans qui naturellement accompagnent toûjours un son quelconque, & le rendent appréciable. Voyez SON. (S)

L'exacte vérité dont nous faisons profession, nous oblige de dire ici que M. Tartini n'est point le premier auteur de la découverte des sons harmoniques graves, comme nous l'avions annoncé au mot FONDAMENTAL. M. Romieu, de la société royale des Sciences de Montpellier, nous a appris que dès l'année 1751, il avoit fait part de cette découverte à sa compagnie dans un mémoire imprimé depuis en 1752, & dont l'existence ne nous étoit pas connue.

Nous ignorons si M. Tartini a eu connoissance de ce mémoire ; mais quoi qu'il en soit, on ne peut refuser à M. Romieu la priorité d'invention. Voici l'extrait de son mémoire.

" Ayant voulu accorder un petit tuyau d'orgue sur l'instrument appellé ton, que quelques-uns appellent diapazon ; & les ayant embouchés tous deux pour les faire résonner ensemble, je fus surpris d'entendre indépendamment de leurs deux sons particuliers, un troisieme son grave & fort sensible ; je haussai d'abord le ton du petit tuyau, & il en résulta un son moins grave : ce son, lorsqu'il est trop bas, paroît maigre & un peu bourdonnant ; mais il devient plus net & plus moëlleux, à mesure qu'il est plus élevé.

Par plusieurs expériences réitérées long-tems après l'observation de ce son grave, faite il y a environ huit ou neuf ans, & que j'ai communiquées à la compagnie le 29 Avril 1751 ; je trouvai qu'il étoit toûjours l'harmonique commun & renversé des deux sons qui le produisoient ; ensorte qu'il avoit pour le nombre de ses vibrations le plus grand commun diviseur des termes de leur rapport. J'observai qu'il disparoissoit, lorsque ces deux sons formoient un intervalle harmonique ; ce qui ne peut arriver autrement, puisque l'harmonique commun se trouvant alors à l'unisson du son le plus grave de l'accord, il n'en devoit résulter rien de nouveau dans l'harmonie, qu'un peu plus d'intensité.

L'intensité ou sensibilité des sons harmoniques graves varie extrêmement, ainsi que je m'en suis assûré par un grand nombre d'expériences ; on ne les entend point sur le clavessin ; le violon & le violoncelle les donnent assez foibles ; ils se font beaucoup mieux sentir dans un duo de voix de dessus ; les instrumens à vent, les flûtes & les tuyaux à anche de l'orgue, les rendent bien distinctement à la plus haute octave du clavier, & presque point aux octaves moyennes & basses ; ils réussissent encore mieux, si l'on prend les sons de l'accord dans un plus grand degré d'aigu. C'est ce que j'ai observé avec deux petits flageolets, qui sonnoient à la quintuple octave de l'ut moyen du clavessin & même au-delà ; les sons harmoniques graves y ont paru avec tant de force, qu'ils couvroient presque entierement les deux sons de l'accord.

Toutes ces différences viennent sans-doute de l'intensité particuliere des sons de chaque instrument, & de chaque degré d'élévation, soit du son harmonique grave, soit des sons de l'accord : le clavessin a un son foible, & qui se perd à une petite distance ; aussi est-il en défaut pour notre expérience. Au contraire les instrumens à vent, dans leurs sons aigus, se font entendre de fort loin ; faut-il donc être surpris qu'ils y soient si propres ? Si leurs sons moyens ou graves ne le sont pas, c'est que leurs harmoniques graves tombent dans un trop grand degré de grave, ou que d'eux-mêmes ils n'ont pas beaucoup d'intensité. Pourquoi enfin les sons de l'accord très-aigus sont-ils absorbés par l'harmonique grave lui-même ? Ne seroit-ce pas que leur perception est confuse, à raison de leur trop grande élévation, tandis que l'harmonique grave se trouve dans un état moyen qui n'a pas cet inconvénient.

La découverte des sons harmoniques graves, nous conduit à des conséquences très-essentielles sur l'harmonie, où ils doivent produire plusieurs effets. Je vais les exposer aussi brievement qu'il me sera possible, pour ne pas abuser plus longtems de l'attention de cette assemblée.

Il suit de la nature des harmoniques graves, qui nous est à présent connue, 1°. que dans tout accord à plusieurs sons, il en naît autant d'harmoniques graves, qu'on peut combiner deux à deux les sons de l'accord, & que toutes les fois que l'harmonique grave n'est point à une octave quelconque du plus bas des deux sons, mais à une douzieme, dix-septieme, dix-neuvieme, &c. il résulte par l'addition de cet harmonique, un nouvel accord. C'est ainsi que l'accord parfait mineur donne dans le grave un son portant l'accord de tierce & septieme majeures, accompagné de la quinte, & que l'accord de tierce & septieme mineures, aussi accompagné de la quinte, donne dans le grave un son portant l'accord de septieme & neuvieme, tandis que d'un autre côté l'accord parfait majeur, quand même on le rendroit dissonnant en y ajoûtant la septieme majeure, ne donne jamais par son harmonique grave, aucune nouvelle harmonie.

2°. Si l'accord est formé de consonnances qui ne soient point harmoniques, ou de dissonnances même les plus dures ; elles se resolvent en leur fondement, & font entendre dans l'harmonique grave, un son qui fait toûjours avec ceux de l'accord un intervalle harmonique, dont l'agrément est, comme l'on sait, supérieur à tout ce que l'harmonie peut nous faire goûter. La seconde & la septieme majeure donnent, par exemple, ce son à la triple octave du-moins aigu ; nous avons l'emploi d'une pareille harmonie dans les airs de tambourin, ou le dessus d'un flageolet fort élevé, forme souvent avec la basse un accord doux & agréable, quoique composé de ces deux dissonnances, qui seroient presque insupportables, si elles étoient rapprochées, c'est-à-dire, réduites dans la même octave que la basse.

3°. Deux ou plusieurs sons qui, chacun en particulier n'ébranloient dans l'air que les particules harmoniques à l'aigu, & qui ne causoient tout-au-plus qu'un leger frémissement aux particules harmoniques au grave, deviennent capables par leur réunion dans les accords, de mettre ces derniers dans un mouvement assez grand pour produire un son sensible, comme il conste par la présence du son harmonique grave.

4°. Si les sons d'un accord quelconque sont éloignés entr'eux d'un intervalle harmonique, quoiqu'il n'en naisse aucune nouvelle harmonie ; cependant les vibrations du plus grave en sont beaucoup renforcées, & leur résonnance totale n'en acquiert qu'une plus grande intensité. Il y a longtems qu'on s'est appercû que les sons les plus graves du jeu appellé bourdon dans l'orgue, & qui sont foibles, reçoivent une augmentation notable, lorsqu'ils font accord avec les sons aigus du même jeu ou d'un autre ".

Il paroît qu'en général, suivant les expériences de M. Romieu, l'harmonique grave est plus bas que suivant celles de M. Tartini. Par exemple, on vient de voir que selon M. Romieu, la seconde majeure, ou ton majeur, donne l'harmonique grave à la triple octave du son le moins aigu ; selon M. Tartini, ce n'est qu'à la double octave ; & ainsi du reste. A cette différence près, qui n'est pas fort essentielle, eu égard à l'identité des octaves, ces deux auteurs sont d'accord.

M. Romieu ajoûte dans une lettre qu'il nous a fait l'honneur de nous écrire, que la fausse quinte donna pour l'harmonique grave la quintuple octave du son le plus aigu des deux ; question que M. Tartini n'avoit pas résolue, & que nous avions proposée au mot FONDAMENTAL. Il prétend aussi que la distance où l'on doit être des instrumens n'est point limitée, comme M. Tartini le prétend, sur-tout si on fait l'expérience avec des tuyaux d'orgue. Enfin il est faux, selon M. Romieu, que les harmoniques graves soient toûjours la basse fondamentale des deux dessus, ainsi que le prétend M. Tartini. Pour le prouver, M. Romieu nous a envoyé un duo de Lulli, où il a noté la basse des harmoniques & la fondamentale. Ce duo est du quatrieme acte de Roland : Quand on vient dans ce bocage, &c. Les deux basses different en plusieurs endroits, & les harmoniques introduisent souvent dans la basse, selon M. Romieu, un fondement inusité & contraire à toutes les regles, quoique ce duo par sa simplicité & son chant diatonique soit le plus propre à faire paroître la basse fondamentale. Et ce seroit bien autre chose, ajoûte M. Romieu, si on choisissoit un duo où le genre chromatique dominât. Ce dernier point nous paroît mériter beaucoup d'attention. La question n'est pas absolument de savoir si la basse des harmoniques graves donne une basse fondamentale contraire ou non aux regles reçûes ; mais de savoir si cette basse des harmoniques graves produit une basse plus ou moins agréable que la basse fondamentale faite suivant les regles ordinaires. Dans le premier cas, il faudroit renoncer aux regles, & suivre la basse des harmoniques donnée par la nature. Dans le second cas, il resteroit à expliquer comment une basse donnée immédiatement par la nature, ne seroit pas la plus agréable de toutes les basses possibles. (O)


HARMOSTEou HARMOSTERES, s. m. (Hist. anc.) nom d'un magistrat de Lacédémone ; il y avoit plusieurs harmostes, & leur office étoit de faire bâtir des citadelles, & de faire réparer les fortifications des villes. Dictionnaire de Trévoux. (G)


HARMOSYNIENSS. m. pl. (Hist. anc.) , officiers de la police de Lacédémone ; ces officiers furent établis à Sparte pour la raison que nous allons exposer.

Lycurgue avoit eû grand soin d'ordonner tout ce qui pouvoit rendre les hommes vigoureux, capables de supporter avec beaucoup de patience & de courage les plus grands travaux ; mais à l'égard des femmes mariées, il ne leur avoit imposé d'autre loi, que celle de porter un voile quand elles iroient dans les rues, pour les distinguer des filles, qui avoient la liberté d'aller à visage découvert.

Quelque facile à observer que fût cette loi, il y eut des femmes qui ne la garderent que fort imparfaitement après la mort du législateur ; ensorte qu'il fallut alors commettre des magistrats pour l'observation de son ordonnance, & on les appella harmosynoi. On voit ces officiers déjà nommés dans des inscriptions, soixante ou quatre-vingt ans après Lycurgue ; il ne faut pas les confondre avec les harmosteres. Voyez HARMOSTERE. (D.J.)


HARNDAL(Géog.) petite province de Suede, sur les frontieres de la Norwege, près des monts Darnfield.


HARNLANDou HARRIEN, (Géog.) petite province de Livonie, près du golfe de Finlande.


HARNOISS. m. (Art. milit.) armure complete , ou tout l'équipage d'un homme armé de pié en cap, d'un casque, d'une cuirasse, &c. Voyez ARMURE, CASQUE, CUIRASSE, &c.

HARNOIS, (Bourrelier) terme générique qui comprend les selles, brides, croupieres, traits, & autres équipages semblables dont on harnache les chevaux de monture & de tirage.

Le harnois des chevaux de carrosse est composé d'un poitrail, des montans, des chaînettes, de la bricole ou coussinet, du surdos & de ses bandes, de la croupiere, de l'avaloir d'en-bas, des reculemens ou bandes de côtés, des guides & rênes. Voyez chacun de ces mots à leurs articles particuliers.

Le harnois des chevaux de chaise est composé de la selle, du poitrail, du surdos, de l'avaloir, de la croupiere, de la dossiere, & des traits. Voyez tous ces mots à leurs articles, & les figures Planche du Bourrelier.

La plûpart des différentes pieces qui composent les harnois des chevaux de carrosse sont garnies de plaques, de fleurons, & de boucles de cuivre doré. Les plaques & les fleurons ne servent que pour l'ornement, elles ont pour l'ordinaire des cloux ou queues de cuivre que l'on fait entrer dans les bandes de cuir, & que l'on rive par-dessous.

HARNOIS, (Gasier, Rubanier, &c.) s'entend de l'assemblage des hautes lisses suspendues à leur place : ainsi on dit, un bon harnois, un mauvais harnois.


HAROou CLAMEUR DE HARO, (Jurispr.) Voyez au mot CLAMEUR.

HARO, (Géog.) ville d'Espagne dans la vieille Castille, au bord de l'Ebre, chef-lieu d'un comté érigé par le roi Jean II. en faveur de dom Pedro Fernandez de Velasco, tige des connétables de Castille ; elle doit sa premiere fondation en 900 à Fernand Laynez : elle est à trois lieues de Nagera. Long. 15. 12. lat. 42. 35. (D.J.)


HAROUALYS. m. (Vénerie) le valet de limier doit user de ce cri en parlant à son limier, lorsqu'il laisse courre une bête.


HARPALYCES. f. (Littér.) nom d'une chanson amoureuse célebre dans la Grece, & qu'on avoit faite sur la mort d'une jeune fille nommée Harpalice. Aristoxène nous apprend que méprisée par Iphiclus, un des argonautes, qu'elle aimoit à la folie, elle sécha de douleur, mourut ; & qu'à l'occasion de cet évenement on institua des jeux où les jeunes filles chantoient la chanson nommée harpalice. Parthenius parle aussi de cette chanson & de l'évenement qui y donna lieu. Il y avoit une autre chanson dans le même goût, appellée calycé, dont Stésichore étoit auteur : cette Calycé rebutée par son amant se précipita dans la mer. (D.J.)


HARPASTONS. m. (Gymnast.) sorte de jeu de balle fort en vogue chez les anciens ; ce mot est dérivé d', j'arrache, parce que dans ce jeu on s'arrachoit la balle les uns des autres. Cet exercice recevoit plusieurs autres noms grecs qu'il est inutile d'étaler ici ; il suffit de dire qu'il étoit très-fatiguant & très-propre à fortifier tout le corps. Athénée lui donnoit la préférence sur tous les autres jeux qui sont du ressort de la sphéristique.

Pour y joüer, dit M. Burette, on se divisoit en deux troupes qui s'éloignoient également d'une ligne nommée , que l'on traçoit au milieu du terrein, & sur laquelle on posoit une balle. On tiroit derriere chaque troupe une autre ligne qui marquoit de part & d'autre les limites du jeu : ensuite les joüeurs de chaque côté couroient vers la ligne du milieu, & chacun tâchoit de se saisir de la balle, & de la jetter au-delà de l'une des deux lignes qui marquoit le but, pendant que ceux du parti contraire faisoient tous leurs efforts pour défendre leur terrein & pour envoyer la balle vers l'autre ligne. Ces efforts opposés causoient une espece de combat fort échauffé entre les joüeurs, qui s'arrachoient la balle, qui la chassoient du pié & de la main, en faisant différentes feintes, qui se poussoient les uns les autres, & quelquefois se culbutoient. Enfin le gain de la partie étoit pour la troupe qui avoit envoyé la balle le plus grand nombre de fois dans un jeu, au-delà de cette ligne qui bornoit le terrein des antagonistes.

On voit par-là que cet exercice tenoit en quelque maniere de la course, du saut, de la lutte, & du pancrace. C'est à Pollux, dans son Onomastic. liv. IX. ch. vij. sect. 104. que nous en devons la description. (D.J.)


HARPES. f. (Hist. anc. & Lutherie) instrument de Musique. Son origine est fort ancienne ; David en joüoit pour chanter les loüanges du Seigneur, & les sons mélodieux qu'il en tiroit empêchoient Saül d'être tourmenté du démon. La harpe du prophete-roi n'étoit pas celle d'aujourd'hui ; il n'auroit pû danser devant l'arche en joüant de cet instrument. On ignore & quelle étoit la harpe de David, & quel est l'inventeur de la nôtre. Les noms des inventeurs des choses utiles ou agréables sont presque tous ensevelis dans les ténebres des tems, moins parce que les écrits de ceux qui ont voulu conserver ces noms à la postérité sont perdus, que parce que la plûpart de nos inventions sont l'ouvrage, non d'un homme, mais des hommes. En effet, il est assez naturel de penser que ceux qui sont venus après, pressés par les mêmes besoins & excités par les mêmes passions, n'auront pas manqué de perfectionner ce qui n'étoit d'abord qu'imparfaitement ébauché, & qui ne méritoit pas encore auparavant le nom d'invention.

Il y a apparence que la harpe a pris naissance, de même que tous les instrumens de Musique, dans des tems d'abondance & de joie, ou qu'elle est le fruit des recherches de quelque spéculatif amateur de Musique.

Cet instrument (Pl. de Luth) est composé de trois parties principales : 1°. d'une caisse A, faite de bois leger & sonore ; 2°. d'un montant B, solide quand la harpe est simple, mais creux quand la harpe est organisée ; 3°. d'une bande C à chevilles pour attacher les cordes qui tiennent par l'autre extrémité, à la table ou partie supérieure de la caisse sonore. Cette bande contient encore des crochets d, qui peuvent avancer & reculer, pour faire les diéses. On étoit obligé, pour faire ces tons sur la harpe, d'appuyer sur un de ces crochets avec la main gauche, jusqu'à-ce qu'il touchât la corde ; ce qui la racourcissoit de la seizieme partie de sa longueur, & faisoit monter le son d'un semi-ton : mais c'étoit-là un inconvénient. Pour le faire sentir, les lecteurs doivent savoir qu'on fait vibrer les cordes de cet instrument, en les pinçant avec les doigts ; la main droite exécute ordinairement le dessus, & la gauche accompagne : ainsi aux endroits où il y a des dièses on étoit obligé de laisser aller le dessus seul, puisque la main qui devoit l'accompagner se portoit aux crochets. On a remédié à cette imperfection, en ajoûtant des pédales à cet instrument ; & on dit alors qu'il est organisé. Nous allons exposer l'art avec lequel ces pédales sont faites ; ensuite nous expliquerons leur méchanisme : afin de ne pas embrouiller la figure, nous ne tracerons qu'une des pédales ; le lecteur suppléera facilement les autres ; il lui suffit de savoir qu'il doit y en avoir autant que de notes dans l'octave, c'est-à-dire sept. E F est un levier dont l'appui G est dans une chape qui tient au fond M N de la caisse sonore. Ce levier communique à un autre F I, dont l'appui H est aussi dans une chape qui tient au même fond. A l'extrémité I est attaché un fil-d'archal I O, d'environ une ligne de diametre, qui tient au bout O du bras O P du levier coulé O P Q. Au point Q tient par une petite charniere simple, une mince lame de fer qui s'attache de même au levier composé R S T, dont la partie S T, qui est à-peu-près perpendiculaire à la mince lame Q R, est la queue d'un des crochets dièses : une pareille lame tient de même au point R, & communique à un levier semblable au précédent ; ainsi de suite. Le point V du dernier levier composé se joint toûjours par une lame de fer à un ressort X roulé en spirale ; & c'est-là l'assemblage de toutes les pieces qui composent une pédale dans cet instrument. Venons maintenant à son jeu, je dis à son jeu, parce qu'on ne sauroit expliquer le méchanisme de l'une, qu'en même tems on n'explique celui des autres.

Si l'on met le pié sur le bras E G du levier E H, que je suppose être la pédale d'ut, le point I descendra, de même que l'extrémité O ; alors les points R Y Z, &c. des leviers composés décriront des arcs en s'approchant de la tête de la harpe ; & les queues S T des crochets sortiront par rapport à la face A de la bande, ou rentreront par rapport à la face W : alors les crochets D sont montés à vis sur leurs queues, de maniere qu'ils toucheront toutes les cordes ut, lesquelles au lieu de vibrer depuis la table jusqu'aux obstacles 2, ne vibreront que depuis la table jusqu'aux obstacles 3, c'est-à-dire qu'elles seront raccourcies de la partie 3, 2, qui est égale à un seizieme de toute la corde : mais la tension restant la même, si une corde se raccourcit, elle doit rendre un nouveau son qui soit au premier réciproquement comme les longueurs des cordes. Or par la supposition, la corde est raccourcie d'un seizieme ; donc le premier son est au second comme 15 est à 16, c'est-à-dire que le dernier est plus haut que l'autre d'un semi-ton majeur ; mais le premier par l'hypothèse est l'ut naturel ; donc le second est l'ut dièse : & c'est ce qu'il falloit expliquer.

En cessant d'appuyer le pié sur la pédale, le ressort spiral, que la pression du pié avoit forcé à se bander, remettra, en se rétablissant, les choses comme elles étoient auparavant. Mais s'il y a des dièses tout le long de la piece, par exemple, si la note ut est par-tout dièse, quand on aura baissé la pédale, pour n'être pas obligé d'avoir toûjours le pié posé dessus, on la poussera à côté. Pour favoriser ce mouvement, le levier E F est brisé en K ; de maniere que sa partie E K peut se mouvoir horisontalement autour du point K, mais seulement d'un côté : étant poussée, comme nous venons de dire, la pédale ne pourra remonter, à-cause qu'elle rencontrera la cheville L, placée exprès pour cela en cet endroit : par ce moyen, tous les ut seront dièses ; & le pié qui sera libre pourra faire les dièses accidentels qui pourroient se rencontrer dans la piece.

Pour empêcher que le bas des pédales ne se détruise, soit par l'humidité, par la poussiere, ou par le choc de quelques autres corps étrangers, on adapte un double fond 4, 5, à la harpe, & on enveloppe l'entre-deux par une bande légere de bois, ou par la continuité des faces latérales de la caisse sonore, en laissant de petites fenêtres pour passer les queues des pédales. Enfin on couvre le devant du montant B, de même que le devant de la bande C, l'un & l'autre d'une planche mince, afin de garantir d'insulte ce que chacune de ces pieces contient dans son interieur.

Il nous reste encore à dire pourquoi la bande C est courbée en-dedans, & pourquoi la caisse sonore est plus grosse vers le bas. 1°. Ceux qui joüent de cet instrument ont remarqué, lorsque la bande C est droite, que quoique les cordes les plus minces soient beaucoup plus courtes que les grosses, cependant elles cassoient constamment plus souvent que les autres : d'où ils ont conclu qu'il falloit, pour leur donner plus de résistance, les raccourcir davantage ; & c'est ce qu'on a fait en courbant la traverse. 2°. Comme les petites cordes s'attachent vers le haut de la caisse sonore, & les grosses vers le bas, & que les sons que rendent celles-ci ont plus d'intensité que les sons que rendent celles-là ; il étoit nécessaire de faire la caisse plus vaste & plus forte aux endroits où sont attachées les grosses, qu'à ceux où sont attachées les petites : afin qu'il y eût dans le bois de la caisse une inertie proportionnée à l'intensité des sons, & que le volume d'air renfermé, de même que celui qui environne la caisse immédiatement, fût dans une espece de proportion avec la force de ces sons. La meilleure harpe sans-doute seroit celle où la force du son seroit en équilibre avec les parties correspondantes de la caisse sonore.

Cet instrument rend des sons doux & harmonieux ; il est très-touchant & plus propre à exprimer la tendresse & la douleur, que les autres affections de l'ame. Les cordes de la harpe veulent être touchées avec modération ; autremen telles rendroient des sons confus, comme feroit le clavecin, si les vibrations des cordes n'étoient pas arrêtées par un obstacle. Enfin je dirai pour finir, que les Irlandois sont entre tous les peuples ceux qui passent pour joüer le mieux de cet instrument. Cet article a été donné par M. le comte de HOGHENSKI, qui veut bien nous permettre de lui rendre ici, en le nommant, un témoignage public de reconnoissance : c'est peut-être le plus modeste & le plus habile joüeur de harpe. Il y joint la connoissance de la plus profonde & brillante harmonie au goût noble d'un homme de qualité qui a bien profité d'une éducation proportionnée à sa haute naissance. (B)

HARPE, (Mythologie) c'est un symbole d'Apollon ; de sorte que sur les médailles, une ou deux harpes marquent les villes où ce dieu étoit adoré comme chef des Muses. Quand la harpe est entre les mains d'un centaure, elle désigne Chiron, maître d'Achille ; quand elle est jointe au laurier & au couteau, elle marque les jeux apollinaires. (D.J.)

HARPE, (Hist. nat.) c'est le nom que l'on donne à une coquille bivalve, à cause de sa ressemblance avec une harpe : il y a des auteurs qui l'appellent la lire.

* HARPE, (Art milit.) espece de pont-levis ainsi appellé de sa ressemblance avec la harpe, instrument de Musique. Ce pont de membrures appliqué perpendiculairement contre la tour, avoit, comme la harpe, des cordes qui l'abaissoient sur le mur, par le moyen de poulies ; & aussi-tôt des soldats sortoient de la tour pour se jetter sur le rempart par ce passage. Dictionn. de Trév.

HARPES, (Maçonnerie) pierres qu'on laisse alternativement en saillie à l'épaisseur d'un mur, pour faire liaison avec un autre qui peut être construit dans la suite. On appelle aussi harpes les pierres plus larges que les carreaux dans les chaînes, jambesboutisses, jambes sous poutre, &c. pour faire liaison avec le reste de la maçonnerie d'un mur. (P)


HARPÉS. m. (Littérature) ce mot se trouve dans Ovide & dans Lucain ; c'étoit une espece de grand coutelas dont Mercure & Persée se servirent, disent les poëtes, l'un pour tuer Argus, & l'autre pour couper la tête à Méduse. Mercure en fut surnommé harpédophore.

Vertit in hunc harpen spectata caede Medusae.

Ovid. Metam. lib. V. v. 69.

Perseos aversi Cyllenida dirigit harpen.

Luc. lib. IX. v. 676.

C'étoit aussi cette épée recourbée dont les gladiateurs nommés thraces s'escrimoient dans les jeux publics. (D.J.)


HARPEHARPEadj. (Vénerie) On dit d'un chien qui a les hanches larges, qu'il est bien harpé.


HARPEAU(Marine) voyez GRAPIN D'ABORDAGE.


HARPEGEMENTS. m. (Musique) ce mot vient de l'italien, & signifie une maniere particuliere de toucher successivement les différens tons dont un accord est composé, au lieu de les frapper à la-fois & en plein. Communément on monte de la tonique à la tierce, quinte, octave, ou septieme, &c. d'où l'on redescend ensuite par les mêmes intervalles : cela fait l'harpegement complet d'un accord.

L'harpegement est soumis au doigter de l'instrument, sur les instrumens qui ont un grand nombre de cordes, comme le clavecin, la harpe, le luth, &c. on ne change guere la marche d'un accord ; l'on monte & descend uniformément de la tierce à la quinte, de la quinte à l'octave, &c. mais sur les instrumens de peu de cordes, comme le violon, le violoncelle, &c. le doigter oblige souvent, pour rendre un accord complet, de chercher une tierce ou une quinte dans l'octave au-dessus ou au-dessous.

On ne peut harpeger long-tems sur des instrumens de peu de cordes ; le doigter s'y oppose : mais on se sert de cette maniere fréquemment sur le clavecin, la harpe, le luth, & sur d'autres instrumens qu'on pince.

On fait usage de l'harpegement dans les préludes & dans les morceaux de fantaisie, où un musicien s'abandonne aux idées que son génie lui inspire sur le champ : c'est-là où il peut montrer une science profonde dans l'art des modulations, des liaisons, des passages d'un ton à un autre, &c. L'harpegement devïent alors nécessaire sur les instrumens qu'on touche ou qu'on pince. Les accords frappés en plein l'un après l'autre, offenseroient l'oreille à la longue. L'harpegement en ôte la sécheresse & la dureté.

On n'harpege presque jamais dans les accompagnemens : le goût & la sagesse proscrivent tout ce qui pourroit distraire du chant & de son expression ; & le secret de ne point couvrir la voix consiste moins dans l'art de joüer doux, que dans celui de supprimer cette note de l'accord, qui en se faisant entendre, nuiroit aux accens & à l'effet du chant. Aussi trouve-t-on dans les partitions d'un homme de goût les accords rarement remplis & le plus communément la quinte ne joue plus que la basse dès que la voix commence à chanter. Cette sagesse qui défend de remplir les accords dans les accompagnemens, s'oppose à plus forte raison à l'harpegement.

Pour accompagner le récitatif, le compositeur n'écrit que la note de la basse ; mais celui qui accompagne du clavecin frappe l'accord en plein & à sec aussi souvent que cette note change ; & celui qui accompagne du violoncelle, donne le même accord par harpegement, pour aider & soûtenir le chanteur dans le ton. Alors le compositeur doit chiffrer sa basse, du-moins dans les endroits difficiles. Voyez ACCOMPAGNEMENT, ACCORD, DOIGTER, LUTH, CLAVECIN, &c.


HARPIESS. f. (Mytholog.) monstres fameux dans la fable, & que les Poëtes représentent avec un visage de fille, des oreilles d'ours, un corps de vautour, des aîles aux côtés des piés, & des mains armées de griffes longues & crochues. Virgile ne nomme que Celeno ; mais Hésiode en compte trois, Iris, Ocypeté & Aëllo. On disoit qu'elles causoient la famine par-tout où elles passoient, enlevant les viandes jusque sur les tables, infectant tout par leur mauvaise odeur : c'est ainsi qu'elles persécuterent Phinée, roi de Thrace, qui n'en fut délivré que par la valeur de Zethus & de Calaïs, deux des Argonautes, qui étant fils de Borée & ayant des aîles comme leur pere, donnerent la chasse à ces monstres jusqu'aux îles Strophades, où les harpies firent ensuite leur demeure ; c'est-là, selon Virgile, qu'elles vinrent fondre sur les tables des compagnons d'Enée. Les auteurs qui ont voulu ramener ces fictions à un sens historique, conjecturent que ce qu'on nomma harpies étoient des corsaires dont les incursions troubloient le commerce & la navigation des états voisins, & y causoient quelquefois la famine. D'autres prétendent que ces harpies n'étoient autre chose que des sauterelles qui ravageoient des contrées entieres ; que le mot grec est dérivé de l'hébreu arbeh, locusta, sauterelle ; que Celeno, nom de la principale des harpies, signifie en syriaque sauterelle ; & qu'Acholoë, nom d'une autre d'où Hésiode a fait Aëllo, vient d'achal, manger, parce que les sauterelles dévorent toute la verdure ; qu'elles furent chassées par les fils de Borée, c'est-à-dire par les vents septentrionaux qui balayent en effet ces nuées de sauterelles ; & enfin que ces insectes causent la famine, la peste, & inquietent par-là les souverains mêmes jusque dans leurs palais ; caracteres qui conviennent aux harpies qui desoloient le roi de Thrace. L'auteur de l'histoire du ciel, sans s'éloigner absolument de cette derniere opinion, y prête une nouvelle face. " Les trois lunes d'Avril, de Mai, & de Juin, dit-il, surtout les deux dernieres, étant sujettes à des vents orageux qui renversoient quelquefois les plants d'oliviers, & à amener du fond de l'Afrique & des bords de la mer Rouge des sauterelles & des hannetons qui ravageoient & salissoient tout, les anciens Egyptiens donnerent aux trois Isis qui annonçoient ces trois lunes, un visage féminin avec un corps & des serres d'oiseaux carnaciers ; les oiseaux étant la clé ordinaire de la signification des vents, & le nom de harpies qu'ils donnoient à ces vents signifioit les sauterelles, ou les insectes rongeurs que ces vents faisoient éclorre ". Il n'a fallu aux Poëtes que de l'imagination, pour transformer des sauterelles en monstres ; mais il faut bien de la sagacité pour réduire des monstres en sauterelles. (G)


HARPOCRATES. m. (Mythologie) fils d'Isis & d'Osiris, suivant la plûpart des Mythologistes.

C'est une divinité égyptienne dont le symbole particulier qui la distingue de tous les autres dieux d'Egypte, est qu'il tient le second doigt sur la bouche, pour marquer qu'il est le dieu du silence.

On voyoit des statues de ce dieu dans quantité de temples & de places publiques ; il nous en reste encore des empreintes par des gravures & des médailles sur lesquelles il est représenté diversement, selon les divers attributs que les peuples lui donnoient.

On offroit à cette divinité les lentilles & les prémices des légumes ; mais le lotus & le pêcher lui étoient particulierement consacrés.

Sa statue se trouvoit à l'entrée de la plûpart des temples ; ce qui vouloit dire, au sentiment de Plutarque, qu'il falloit honorer les dieux par le silence ; ou, ce qui revient au même, que les hommes en ayant une connoissance imparfaite, ils n'en devoient parler qu'avec respect.

On représentoit le plus ordinairement Harpocrate sous la figure d'un jeune homme nud, couronné d'une mitre à l'égyptienne, tenant d'une main une corne d'abondance, de l'autre une fleur de lotus, & portant quelquefois la trousse ou le carquois.

Comme on le prenoit pour le Soleil, & peut-être n'est-il pas autre chose, cette corne d'abondance marquoit que c'est le soleil qui produit tous les fruits de la terre, & qui vivifie toute la nature ; le carquois dénotoit ses rayons, qui sont comme des fleches qu'il décoche de toutes parts. La fleur de lotus est dédiée à cet astre lumineux, parce qu'elle passoit pour s'ouvrir à son lever & se fermer à son coucher : le pavot l'accompagne quelquefois, comme un symbole de la fécondité. Mais que signifie la choüette qu'on voit tantôt aux piés d'Harpocrate, & tantôt placée derriere le dieu ? Cet oiseau étant le type de la nuit, c'est, dit M. Cuper, le soleil qui tourne le dos à la nuit.

Quelques statues représentent Harpocrate vêtu d'une longue robe tombant jusque sur les talons, ayant sur sa tête rayonnante une branche de pêcher garnie de feuilles & de fruits. Comme les feuilles de cet arbre ont la forme d'une langue, & son fruit celle d'un coeur ; les Egyptiens, dit Plutarque, ont voulu signifier par cet emblème le parfait accord qui doit être entre la langue & le coeur. Cette statue mériteroit donc une place distinguée dans les palais des rois & des grands.

Les gravures & les médailles d'Harpocrate nous le représentent communément avec les mêmes attributs qu'on lui donne dans les statues antiques, le doigt sur la bouche, la corne d'abondance, le lotus, le pêcher, le panier sur la tête. Quelques-unes de ces médailles portent sur le revers l'empreinte du soleil ou de la lune ; & d'autres ont plusieurs caracteres fantastiques des Basilidiens, qui mêlant les mysteres de la religion chrétienne avec les superstitions du Paganisme, regardoient ces sortes de médailles comme des especes de talismans. Voyez à ce sujet les recherches de M. Spon.

Mais on fit sur-tout chez les anciens quantité de gravures d'Harpocrate, pour des bagues & des cachets. Nos Romains, dit Pline, commencent à porter dans leurs bagues Harpocrate, & autres dieux égyptiens. Leurs cachets avoient l'empreinte d'un Harpocrate avec le doigt sur la bouche, pour apprendre qu'il faut garder fidelement le secret des lettres ; & l'on ne pouvoit trouver d'emblème plus convenable de ce devoir essentiel de la société.

Varron parle succintement d'Harpocrate, de crainte, ajoûte-t-il, de violer le silence qu'il recommande : mais M. Cuper n'a pas cru qu'il devoit avoir les mêmes scrupules que le plus docte des Romains ; il a au contraire publié le fruit de toutes ses recherches sur cette divinité payenne, & n'a rien laissé à glaner après lui, en mettant au jour son ouvrage intitulé Harpocrates. J'y renvoye les curieux, qui y trouveront une savante mythologie de cette divinité d'Egypte. La premiere édition est d'Amsterdam en 1676, in -8° & la seconde augmentée de nouvelles découvertes, parut à Utrecht en 1687, in -8°. (D.J.)


HARPOCRATIENSS. m. pl. (Hist. eccles.) secte d'hérétiques dont Celse fait mention ; on croit que c'étoit les mêmes que les Carpocratiens. Voyez CARPOCRATIENS. (G)


HARPONS. m. (Tailland.) c'est une barre de fer plat ou quarré coudée par un bout, de longueur convenable pour embrasser la piece qu'il doit retenir, & percée à l'autre bout de plusieurs trous pour être attaché sur les plateformes ou pieces de bois qu'il doit retenir. On pratique un talon au bout du côté percé de trous ; il est entaillé dans le bois, ce qui donne de la force au harpon.

Voilà le harpon en bois. Celui en plâtre en differe, en ce qu'il est environ de deux ou trois pouces de long, & que chaque partie fendue est coudée en sens contraire, ce qui forme le scellement.

L'usage du harpon alors est de retenir les cloisons & pans de bois dans les encoignures ; on employe les harpons à plâtre où l'on ne peut se servir des autres.

Les anciens les faisoient de cuivre, & ils avoient raison de préférer ce métal au fer qui se décompose facilement, & dont la rouille ou chaux pénétrante perce à-travers les pierres, les marbres mêmes, à l'aide de l'humidité, & les tache. Ils arrêtoient leurs harpons avec le plomb fondu.

HARPON, (Marine) c'est un javelot forgé de fer battu auquel on ente un manche de bois de six à sept piés de longueur, où l'on attache une corde. Ce harpon a la pointe acérée, tranchante & triangulaire, en forme de fleche. On s'en sert pour la pêche de la baleine, & de quelques autres gros poissons. Au bout du harpon il y a un anneau auquel la corde est attachée ; & lorsqu'on a lancé le harpon, & qu'il est entré dans la baleine, elle se plonge avec vîtesse ; on file la corde, & l'on la suit par ce moyen. (Z)

HARPONS, (Marine) ce sont des fers tranchans faits en forme de S, que l'on met au bout des vergues pour couper, lors de l'abordage, les hautbans, & autres manoeuvres de l'ennemi. (Z)


HARPONNERc'est darder le harpon. Voyez l'article BALEINE.


HARPONNEURS. m. (Marine) c'est un matelot ou autre homme de l'équipage engagé par le capitaine pour jetter le harpon lors de la pêche de la baleine. Tout matelot n'est pas propre à darder le harpon ; il faut être dressé à cette manoeuvre. (G)


HARRENLAND(Géog.) petite province de Livonie, au N. O. sur le golfe de Finlande, & en partie sur la mer Baltique ; Revel en est la seule ville. (D.J.)


HARTS. m. (Jurispr.) se prend en cette matiere pour la peine de la potence. Voyez PENDRE & POTENCE. (A)


HARTBERG(Géog.) ville d'Allemagne, sur la riviere de Lausnitz, dans la basse Stirie.


HARTENBOURG(Géogr.) petite ville de Boheme.


HARTENFELDT(Géog.) petit district d'Allemagne, dans la Souabe.


HARTFORD(Géogr.) ville de l'Amérique septentrionale, capitale d'une colonie de même nom, dans la nouvelle Angleterre. Long. 304. latit. 41. 40. (D.J.)


HARTou FORÊT HERCINIENNE, (Géog.) chaîne de montagnes & forêt très-considérable située dans le duché de Brunswick, entre le Weser & la Saal, & qui s'étend depuis la riviere de Leine jusqu'à celle de Selcke, dans la principauté de Grubenhagen & d'Anhalt, & dans les comtés de Reinstein & de Hohenstein. Le Hartz est très-fameux par ses mines d'argent & d'autres métaux. Toutes les mines d'argent appartiennent à l'électeur de Hanovre, à l'exception d'un 7e. qui appartient au duc de Brusnwick-Wolffenbuttel. Le Blocksberg ou mont Bructere est la plus haute montagne du Hartz, & même de toute l'Allemagne, suivant quelques auteurs. Il n'est point d'endroit en Europe où la science des mines & la Métallurgie soient plus en vigueur qu'au Hartz. Il y a presque par-tout des mines à l'exploitation desquelles on travaille, & des fonderies pour toutes sortes de métaux. Le Hartz fait partie de la forêt Hercinienne connue des Romains, & fameuse par son étendue immense. (-)


HARTZBOURG(grotte de) Hist. nat. grotte fameuse par son étendue & par les stalactites singuliers qui se forment dans ses soûterreins. On prétend que jusqu'à-present l'on n'en a point encore pu trouver la fin. Cette grotte est située près de Goslar, dans le Hartz, à peu de distance du vieux château de Hartzbourg.


HARTZGERODE(Géogr.) petite ville d'Allemagne dans la haute-Saxe, dans la principauté d'Anhalt, sur la Selke, entre Schwartsbourg & Falkenstein, dans les états de la branche de Bernbourg. Long. 30. 6. latit. 51. 4. (D.J.)


HARUDES(LES) s. m. pl. (Géog. anc.) ancien peuple de la Germanie qui vint trouver Arioviste dans les Gaules, & fortifier de vingt-quatre mille hommes son armée, qui fut néanmoins battue au rapport de César, de bell. gall. liv. I. c. xxxj. Depuis lors, il n'est plus parlé des Harudes, ni dans César, ni dans Suétone, ni dans Tacite, ni dans aucun historien de Rome. C'est folie de chercher avec Cluvier quelle étoit leur demeure en Germanie, & ce qu'ils devinrent. Ceux qui échapperent de la défaite d'Arioviste, se perdirent apparemment dans quelqu'autre nation dont ils porterent ensuite le nom. (D.J.)


HARUSPICES. m. (Divinat.) chez les Romains c'étoient des ministres de la religion chargés spécialement d'examiner les entrailles des victimes, pour en tirer des présages, & par-là connoître ou conjecturer l'avenir.

Nous croyons qu'on doit écrire ainsi ce mot haruspices, parce qu'il est dérivé d'haruga, qui chez les premiers Romains signifioit les entrailles des victimes, & du verbe aspicere, voir, considérer ; ou comme d'autres le pensent, d'hara, hostia, une victime. Quoique quelques-uns soûtiennent que l'on doit orthographier aruspices, derivant ce mot d'aras & inspicere, avoir l'inspection des autels ; mais on sait que cette inspection n'étoit pas la fonction principale de ces prêtres payens ; & qu'au contraire leur marque distinctive étoit d'examiner les entrailles des animaux offerts en sacrifice.

Le P. Pezron dit que ce mot étoit originairement formé du celtique au, foie, & de spicio, je regarde ou considere ; mais que ce terme paroissant aux Romains dur à la prononciation, ils l'adoucirent en faisant celui d'aruspex, qui est moins rude qu'auspex. On trouve dans Festus ce mot harviga ou hardiga, par lequel il entend une victime dont on considere les entrailles, tandis qu'elles sont encore en entier ou dans leur état naturel. Sur quoi M. Dacier observe que harviga est dérivé du grec , bélier, parce que c'étoit proprement un bélier qu'ils immoloient d'abord ; mais dans la suite ce nom devint commun à toutes sortes de victimes.

Les Etruriens étoient de tous les peuples d'Italie ceux qui possédoient le mieux la science des haruspices. C'étoit de leur pays que les Romains appelloient ceux dont ils se servoient. Ils envoyoient même tous les ans en Etrurie un certain nombre de jeunes gens pour être instruits dans les connoissances des haruspices ; & de peur que cette science ne vînt à s'avilir par la qualité des personnes qui l'exerçoient, on choisissoit ces jeunes gens parmi les meilleures familles de Rome. Il paroît en effet que sous les rois & dans les premiers tems de la république, cet art fut fort respecté ; mais il n'en fut pas de même, lorsque les Romains polis par le commerce & les sciences des Grecs devinrent plus éclairés. Leurs savans & leurs beaux esprits plaisantoient sur le compte des haruspices. Cicéron, dans le livre II. de la nature des dieux, nous a conservé le mot de Caton, qui disoit qu'il ne concevoit pas comment un haruspice pouvoit en regarder un autre sans rire ; & combien de lecteurs riront du mot de Caton, qui ne s'appercevront pas de l'application qu'on leur en feroit ! Il y avoit à Rome un collége d'haruspices particulierement chargés du culte de Jupiter tonnant. On les nommoit encore extispices. Voyez EXTISPICES. (G)


HARUSPICINES. f. (Divin.) l'art ou la science des haruspices, ou divination par l'inspection des entrailles des victimes. Ce mot a la même étymologie qu'haruspice. Voyez ci-devant HARUSPICE.

L'haruspicine avoit sans-doute ses regles ; & il est probable que ceux qui la pratiquoient, suivoient certains principes, quelqu'absurdes qu'ils fussent : mais soit qu'ils ne les communiquassent que de vive voix & sous le secret à leurs disciples, de peur que leurs impostures ne fussent découvertes, & pour rendre leur profession plus respectable, en la couvrant de ce voile mystérieux ; soit que les livres qu'ils en avoient écrit ayent péri par l'injure des tems, il est certain qu'aucun n'est parvenu jusqu'à nous ; & d'ailleurs on ne voit point que les anciens les ayent cités, considération qui doit faire incliner pour le premier sentiment.

Mais si les principes de cette science sont inconnus, les opérations ne le sont pas. Les haruspices considéroient premierement la victime, lorsqu'on l'approchoit de l'autel, & la rejettoient, si elle avoit quelque tache ou souillure légale. Lorsqu'elle étoit immolée, ils examinoient l'état & la disposition du foie, du coeur, des reins, de la rate, de la langue. Ils observoient soigneusement s'il n'y paroissoit point quelque flétrissure, ou autre symptome défavorable. Enfin ils regardoient de quelle maniere la flamme environnoit la victime & la brûloit, quelle étoit l'odeur & la fumée de l'encens, & comment s'achevoit le sacrifice ; ils concluoient de-là pour le bonheur ou le malheur des entreprises.

Nous ajoûterons ce que dit sur cette matiere M. Pluche, hist. du ciel, tome I. page 443. " La bienséance, dit-il, avoit dès les premiers tems introduit l'usage de ne présenter au Seigneur dans l'assemblée des peuples que des victimes grasses & bien choisies ; on en examinoit avec soin les défauts, pour préférer les plus parfaites. Ces attentions qu'un cérémonial outré avoit fait dégénérer en minuties, parurent des pratiques importantes, & expressément commandées par les dieux.... Quand on se fut mis en tête qu'il ne falloit rien attendre d'eux, si la victime n'étoit pas parfaite, le choix & les précautions furent portées en ce point jusqu'à l'extravagance. Il falloit à telle divinité des victimes blanches ; il en falloit de noires à une autre : une troisieme affectionnoit les bêtes rousses :

Nigram hyemi pecudem, zephiris felicibus albam.

Chaque victime passoit par un examen rigoureux ; & telle qui devant être blanche se seroit trouvée avoir quelques poils noirs, étoit privée de l'honneur d'être égorgée à l'autel. La difficulté de trouver des bêtes ou exactement blanches ou exactement noires, ne laissoit pas de faire naître quelque embarras en bien des rencontres, sur-tout quand c'étoit de grandes victimes. Mais on s'en tiroit par un expédient qui étoit de noircir les poils blancs dans les noires, & de frotter de craie tout ce qui se trouvoit rembruni dans les genisses blanches, bos cretatus.

Après avoir immolé les victimes les mieux choisies, on ne se croyoit cependant pas encore suffisamment acquité. On en visitoit les entrailles en les tirant pour faire cuire les chairs : & s'il s'y trouvoit encore quelques parties ou vicieuses ou flétries, ou malades, on croyoit n'avoir rien fait. Mais quand tout étoit sain, & que les dedans comme les dehors étoient sans défaut, on croyoit les dieux contens & tous les devoirs remplis, parce qu'il ne manquoit rien au cérémonial. Avec ces assûrances d'avoir mis les dieux dans ses intérêts, on alloit au combat, on faisoit tout avec une entiere confiance de réussir.

Cette intégrité & cet accord parfait des dedans & des dehors des victimes étant le moyen sûr de connoître si les dieux étoient satisfaits, on en fit comme des augures, la grande affaire des ministres de la religion : les rubricaires idiots mirent toute la perfection dans la connoissance des regles qui fixoient le choix & l'examen universel des victimes. Leur grand principe fut que l'état parfait ou défectueux de l'extérieur & des entrailles, étoit la marque d'un consentement de la part des dieux, ou d'une opposition formelle. En conséquence, tout devint matiere à observation ; tout leur parut significatif & important dans les victimes prêtes à être immolées. Tous les mouvemens d'un boeuf qu'on conduisoit à l'autel, devinrent autant de prophéties. S'avançoit-il d'un air tranquille, en ligne droite & sans faire de résistance, c'étoit le pronostic d'une réussite aisée & sans traverse. Son indocilité, ses détours, sa maniere de tomber ou de se débattre, donnoient lieu à autant d'interprétations favorables ou fâcheuses. Ils faisoient valoir le tout tant bien que mal, par des ressemblances frivoles & par de pures pointilleries ".

On ne peut sans-doute expliquer avec plus d'élégance & de clarté que fait cet auteur, ce qu'on pourroit appeller l'histoire des principes de l'haruspicine ; mais de nous développer ces principes en eux-mêmes, & quelle relation les haruspices mettoient entre tel & tel signe & tel ou tel événement, c'est ce que nous eussions souhaité faire ; mais ni les Anciens ni les Modernes, ne nous ont donné aucune lumiere à cet égard. (G)


HARWICHHarwicum, (Géog.) ville maritime d'Angleterre au comté d'Essex, avec un port à l'embouchure de la Sture, sur les frontieres de Suffolck ; c'est d'où partent les paquebots pour la Brille en Hollande ; elle est à cinq lieues N. E. de Colchester, vingt N. E. de Londres. Long. 18. 38. lat. 51. 55.

Les curieux feront bien de lire sur cette ville & sur celle de Douvres, le livre suivant : the Antiquicies and history of Harwich and Dovercourt, by Samuel Dale. London, 1730, in -4°. (D.J.)


HASBAIou HASBAYE ou HASPENGAW, en latin Haspinga, (Géog.) pays d'Allemagne dans le cercle de Westphalie. Il fait la principale partie de l'état de Liége, comprend Liége, Borch-Worme, Tongres, Viset, &c. Autrefois le comté d'Hasbain s'étendoit jusqu'à la ville de Louvain ; il est nommé Pagus Haspaniensis dans Paul Lombard, & Pagus Haspanicus dans les annales de Fulde. Ce pays a pris son nom, suivant M. de Valois, Notit. Galliae, pag. 242, de la riviere nommée Haspen, ou Hespen, qui l'arrose. Nos auteurs écrivoient autrefois Hasbaigne, c'est-à-dire Haspaniae pagus ; c'est ainsi qu'ils écrivoient Espaigne, Bretaigne, Allemaigne, (D.J.)


HASBAou HABAT, (Géog.) province d'Afrique en Barbarie, au royaume de Fez. Elle abonde en tout ce qui est nécessaire à la vie ; la riviere d'Arguile la borne au midi, & l'océan au septentrion. Elle a 27 lieues du couchant au levant, & au-moins 35 du midi au nord. Elle est arrosée de plusieurs grandes rivieres, & renferme plusieurs montagnes dans son enceinte. Elle comprend une petite partie de l'ancienne Tangitane, & en particulier Tingis, qui donnoit le nom au pays, & qui en est comme la capitale. M. Delisle nomme cette province l'Algarve. (D.J.)


HASES. f. (Venerie) c'est ainsi qu'on appelle la femelle du lievre ou du lapin, qui porte ou qui a porté.


HASEKIS. f. (hist. mod.) c'est ainsi que les Turcs nomment celles des concubines du Sultan qui ont reçû ce prince dans leurs bras ; elles sont distinguées des autres qui n'ont point eû le même honneur ; on leur donne un appartement séparé dans le sérail, avec un train d'eunuques & de domestiques. Quand elles ont eû le bonheur de plaire au sultan, pour preuve de son amour, il leur met une couronne sur la tête, & leur donne le titre d'haseki ; & alors elles peuvent aller le trouver aussi souvent qu'il leur plaît, privilége dont ne joüissent point les autres concubines. On leur accorde ordinairement cinq cent bourses de pension. Voy. hist. othomane du prince Cantimir.


HASELFELD(Géog.) ancienne petite ville d'Allemagne dans la Basse-Saxe, au comté de Blanckenbourg ; elle appartient à la maison de Brunswick. On dérive son nom des coudriers, qu'on nomme en allemand Hasel ; du-moins elle a une feuille de coudrier dans ses armes. (D.J.)


HASELUNEN(Géog.) ville d'Allemagne en Westphalie, sur la riviere de Hase, dépendante de l'évêché de Munster.


HASENHOLM(Géog.) île de Finlande, formée par la riviere de Nieva, près du golfe de Finlande, où le Czar Pierre I. commença à bâtir en 1703 la ville de Petersbourg.


HASENPOT(Géog.) ville de Courlande.


HASLIHASLI


HASSELT(Géog.) petite ville d'Allemagne, au pays de Liége, dans le comté de Loss, sur le Démer, à cinq lieues de Mastricht. Long. 22. 54. lat. 50. 55. (D.J.)


HASSELTEHasseletum, (Géog.) ville des Provinces-Unies dans l'Overissel, sur le Wecht, à deux lieues de Zwol, & à quatre de Steenwyk. Long. 23. 40. lat. 52. 36. (D.J.)


HASSFURT(Géog.) petite ville d'Allemagne, en Franconie, sur le Mayn, dans l'évêché de Wirtzbourg.


HASSIO(Géog.) petite ville de Suede, dans la province de Medelpadio, à l'endroit où la riviere d'Indal se jette dans le golfe de Bothnie.


HASSLACH(Géog.) petite ville d'Allemagne, en Souabe, dans la plaine de Kintzing.

Il y a aussi une riviere de ce nom en Franconie.


HASTAIRES. m. (Art militaire) les hastaires étoient des soldats de légions qui furent substitués aux Vélites, quand on eut accordé le droit de bourgeoisie romaine à toute l'Italie. Les hastaires formoient une infanterie formidable, composée de frondeurs & de gens de traits, qui lançoient le dard & le javelot avec la main ; c'est de-là qu'ils furent nommés hastaires.

Ils étoient si pésamment armés, que nous avons bien de la peine à le comprendre. Outre un casque d'airain ou d'acier poli qu'ils portoient, ils avoient le corps revêtu d'une cotte de maille, ou d'une cuirasse, soit de cuivre, soit de fer, faite par écailles, comme celles d'un poisson, & si artistement travaillée, qu'elle obéissoit à tous les mouvemens du corps ; les cuisses étoient couvertes de même, & les bras jusqu'au coude ; le devant des jambes étoit pareillement défendu par une espece de bottine d'un cuir très-fort.

Polybe nous apprend que ceux qui ne possédoient que quinze cent livres de biens, portoient d'abord sur l'estomac un plastron d'airain, de douze doigts de grandeur en quarré, qui leur tenoit lieu de cuirasse ; mais dans la suite, ils furent armés comme les autres.

Indépendamment de cette armure, ils avoient un bouclier de quatre piés de haut, sur deux & demi de large, dont ce même auteur fait une description bien détaillée. Il dit que ce bouclier étoit composé de deux ais d'un bois de peuplier fort leger ; que ces deux ais étoient collés ensemble avec de la colle de taureau, & qu'ils étoient couverts d'une grosse toile collée de même avec un cuir de veau par dessus ; les bords étoient revêtus de fer, de même que le milieu qui s'élevoit en bosse, pour soûtenir les plus grands coups de pierres ou de traits.

Leurs armes offensives étoient l'épée espagnole ; ce sont les termes de Polybe, tranchante des deux côtés, également propre pour frapper d'estoc & de taille ; la lame de la pointe en étoit forte & roide ; ils portoient cette épée pendue à un baudrier au côté droit, & un poignard au côté gauche, avec deux traits longs de trois coudées, dont l'un étoit un javelot, & l'autre un dard, qu'on appelloit hasta, d'où ils avoient été nommés hastati, ou hastaires ; car ce mot de hasta ne peut être expliqué, que par celui de cette sorte d'arme qui étoit un dard qu'on lançoit, & non pas une pique.

Le bois de cette espece de dard qu'on lançoit étoit quarré aussi-bien que le fer qui étoit de la même longueur que le bois ; il ne coupoit que par la pointe ; c'est la différence qu'Appien met entre le dard & le javelot qu'il nous représente comme plus leger & plus foible ; mais tous les deux se lançoient également avec la main. (D.J.)


HASTES. f. (hist. anc.) pique. Les Juifs en ont connu l'usage ; il y en avoit de deux sortes : toutes les deux à hampe garnie à son extrémité d'un fer pointu ; mais l'une à hampe courte ou manche, & l'autre à hampe longue. On pointoit avec la premiere ; on lançoit la seconde. Les cavaliers & les fantassins en étoient indistinctement armés ; les généraux d'armées, les officiers de distinction, & même les rois la portoient. Les Grecs ont eu pareillement la haste longue ; c'est leur enchos ; & la haste courte, c'est leur doru. La longue avoit encore à son extrémité opposée à la pointe, un bout de fer aigu, au moyen duquel on la fichoit en terre. Les Eubéens étoient les plus redoutables à la haste longue, & les Locriens à la haste courte. Les piques longues & courtes étoient consacrées aux dieux, & l'on juroit sur elles ; on les enfermoit dans un étui en tems de paix ; on attribuoit chez les Romains l'invention de la pique aux Hétruriens qui la nommoient corini, & les Sabins quirini. Elle marquoit jurisdiction ; il y en avoit dans le lieu d'assemblée des centumvirs, & dans ceux où l'on mettoit à l'encan les biens confisqués ; d'où vient l'expression hastae subjicere. Le nombre des différentes hastes romaines est grand ; la pesante qui se portoit au moyen d'une courroie passée sur sa hampe, s'appelloit amentata. Celle sous laquelle on affermoit les revenus publics, s'appelloit censoria ; la haste des séances des centumvirs, centumviralis ; la haste symbolique de l'union conjugale, caelibaris ; la haste à hampe rouge qui abandonnoit au pillage du soldat une ville prise, cruenta ; celle qu'on voyoit aux environs des tribunaux des decemvirs, decemviralis ; celle que le héraut lançoit sur le territoire ennemi, en signe de déclaration de guerre, fecialis ; elle étoit rouge : la haste sous laquelle on vendoit quelque chose au profit du fisc, fiscalis ; celle sous laquelle dans les tems de disette on distribuoit aux peuples des denrées à un prix modéré, frumentaria, ou salutis ; celle qui marquoit la dignité & la puissance prétorienne, praetorialis ; la haste pure, hasta pura, fut décernée aux soldats qui s'étoient distingués par leur bravoure ; la haste questorienne, quaestoria, se plantoit dans les occasions où le peuple apportoit au trésor public sa taxe ; la haste sacrée, sacra, étoit celle qu'on voyoit à quelques divinités ; si elle s'agitoit, c'étoit un mauvais présage. Toutes ces hastes ont passé de l'histoire dans l'art numismatique, sur-tout l'hasta pura, qui n'étoit, à proprement parler, que le bois d'une javeline, attribut de la puissance de quelques divinités, & marque d'une bravoure récompensée.


HASTERS. m. (Commerce) mesure de continence dont on se sert en quelques endroits des Pays-Bas Autrichiens, particulierement à Gand & dans tout son district.

Le haster de Gand contient trente septiers de Paris, moins un cinquante-sixieme. Dictionnaire de Commerce. (G)


HASTINGS(Géog.) ancienne ville maritime d'Angleterre dans le Sussex, l'un des cinq anciens ports dont les députés au Parlement sont appellés les barons des cinq ports, quoiqu'il y en ait huit aujourd'hui.

Ce lieu est bien mémorable par deux sanglantes batailles, qui ont alternativement changé la face de la Grande-Bretagne. La premiere, est la fameuse bataille d'Hastings, que Guillaume duc de Normandie livra le 14 Octobre 1066, qui dura douze heures, & qui décida du sort de l'Angleterre entre ses mains ; Harold roi d'Angleterre, & deux de ses freres, y furent tués. La seconde bataille se donna l'an 1263, entre Henri III. & les barons du royaume, en faveur desquels la victoire se déclara. Hastings est à environ 50 milles S. O. de Londres. Long. 18. 12. lat. 50. 44. (D.J.)


HATES. f. (Grammaire) voyez HATER.

HATE, (Commerce) mesure d'espace ; la hate de pré dans les provinces où ce mot est d'usage, est de trente pas. Ce mot vient de hasta, ou du bâton qui servoit à les mesurer.


HATELETTESS. f. pl. (art Culinaire) nouveau mets du génie de nos cuisiniers, qui lui ont donné ce nom tiré de petites broches de bois appellées hatelettes, diminutif de hâte, hasta, piece de bois longue, & arrondie en forme de lance.

On sert des hatelettes pour hors-d'oeuvre, entremets, garnitures d'entrées, & garnitures de plats de roti ; on fait des hatelettes de ris de veau, de foiesgras, de langues de mouton, &c. On met des lapreaux, des pigeons, des poulets, des huitres en paille, en hatelettes. Hé, que ne peut-on pas apprêter de cette maniere ? Les moyens de déguiser les viandes, d'allicier le goût, & de surcharger l'estomac, sont & seront toûjours innombrables. (D.J.)


HATENURASS. m. (Hist. mod.) c'est ainsi que l'on nomme dans la Nouvelle Espagne un droit que l'on acquiert sur les Indiens, par lequel ils sont chassés de leurs possessions qui sont confisquées, ils sont obligés de servir à gages & de travailler tour à tour aux mines du roi.


HATERverbe actif & passif. (Gramm.) Ce terme est relatif au mouvement dont il marque l'accélération. On dit hâtez-vous ; se hâter ; hâter un secours, une affaire, son être, sa mort.


HATEREAUS. m. (Cuisine.) mets qui se prépare avec des tranches de foie, saupoudrées de poivre & de persil, grillées, salées & servies pour être mangées de broc en bouche.


HATEURS. m. (Hist. mod.) officier chez le roi, qui veilloit dans les cuisines à l'apprêt & au service des viandes roties.


HATFIELD(Géog.) il y a deux villes de ce nom en Angleterre, l'une dans la province de Hartford, & l'autre dans la province d'Essex : cette derniere s'appelle aussi Hatfield-Broadoak ou King'sHatfield.


HATHERLY(Géog.) ville d'Angleterre dans la province de Devonshire.


HATIou PRÉCOCE, adj. se dit également des fruits qui viennent avant leur saison ordinaire, & des arbres qui poussent vivement.


HATRA(Géog. anc.) ancienne ville d'Asie, dans la Mésopotamie, située au milieu d'un désert. Trajan & Severe entreprirent vainement de la détruire ; ils faillirent eux-mêmes à périr avec leurs armées, quoiqu'ils eussent renversé une partie de la muraille. Dion Cassius rapporte cette expédition infructueuse de Trajan, Lib. LXVIII. p. 785. (D.J.)


HATRATSCH(Hist. mod.) espece d'amende pécuniaire que les Turcs font payer en Croatie & en Bosnie à ceux qui ont manqué de se trouver en armes au rendez-vous qui leur a été indiqué par ordre du grand-seigneur.


HATTEMHattemum, (Géog.) petite ville ruinée des Provinces-Unies au duché de Gueldres, sur l'Issel, à deux lieues de Zwol, entre Déventer & Campen. Les François la prirent en 1672, & l'abandonnerent après en avoir démoli les fortifications. Long. 23. 35. lat. 52. 30. (D.J.)


HATTINGENHattinga, (Géog.) petite ville d'Allemagne au cercle de Westphalie, dans le comté de la Marck, sur le Roër, aux confins du pays de Berg. Long. 24. 42. latit. 51. 17. (D.J.)


HATUANHaduanum, (Géog.) ville & forteresse de la haute-Hongrie, sur la riviere de Zagy, entre Bude & Erla, au comté de Novigrad. Les Impériaux la prirent en 1685 ; elle est à 15 lieues N. E. de Bude, 14 S. O. d'Agria. Long. 37. 22. lat. 47. 52. (D.J.)


HATZFELD(Géog.) gros bourg & château d'Allemagne, chef-lieu d'un comté de même nom, en Vétéravie, au cercle du haut-Rhin. Long. 26. 58. lat. 50. 43. (D.J.)


HAUBANERverbe actif ; c'est arrêter à un piquet, ou à une grosse pierre, le hauban ou cordage d'un engin ou d'un gruau, pour le tenir ferme, lorsqu'on monte quelque fardeau.


HAUBANIERS. m. (Commerce) on nommoit autrefois en France haubaniers du roi, des marchands privilégiés qui avoient le privilége d'acheter & de vendre dans la ville, fauxbourgs & banlieue de Paris, toutes sortes de hardes vieilles & nouvelles, en payant un certain droit au domaine ou au grand-chambrier. C'étoit des especes de fripiers, ou plûtôt ce qu'on a appellé depuis dans cette communauté, des maîtres de Lettres, c'est-à-dire qui n'ayant pas été reçûs à la maîtrise par la même voie que les autres, joüissoient de la plûpart des avantages qui y sont attachés en vertu de certaines Lettres du prince. Dictionnaire de Commerce. (G)


HAUBANSS. m. (Marine) gros cordages à trois torons, qui servent à soûtenir les mâts à bas-bord & à stribord. Ils sont attachés au-haut des mâts & à l'endroit des barres de hune, & roidis en-bas contre le bord du vaisseau par le moyen des caps-de-mouton.

De petits cordages qu'on appelle enflechures, les traversent depuis le haut jusqu'en-bas, & forment des échelons par le moyen desquels les matelots montent aux hunes.

Les haubans ont double rang de caps-de-mouton ; les uns tenant au corps du vaisseau, & les autres amarrés aux hunes, savoir au grand hunier quatre par bandes, au petit hunier trois, & au perroquet de misene deux, selon la grandeur du vaisseau.

Voyez la position des haubans, Pl. I. de Marine, fig. 2. vaisseau de guerre avec toutes ses manoeuvres & ses cordages. Les haubans côtés 39 sont ceux du grand mât, du mât de misene, de l'artimon, du mât de hune d'avant, du grand mât de hune, du perroquet d'avant, les haubans de fangue ou de perroquet de fangue. A l'égard de la proportion & mesure de ces cordages, elles varient suivant la grosseur du vaisseau. Voyez au mot CORDAGE. (Z)

Haubans de beaupré, (Marine) ce sont deux especes de balancines qui saisissent la vergue de civadiere par le milieu ; au lieu que les balancines saisissent vers les bouts. Il y a pour tenir cet hauban un cap de mouton qui est frappé au beaupré, & un autre frappé à la vergue de civadiere ; ainsi cette manoeuvre au lieu de tenir le mât comme les autres haubans, y est attachée & aide à soutenir la vergue. (Z)

Haubans de chaloupe ; ce sont les cordages dont on se sert pour saisir la chaloupe quand elle est sur le pont du vaisseau : ce sont aussi les cordages qui servent à tenir le mât de la chaloupe lorsqu'elle est mâtée. (Z)

HAUBAN, (Architecture) voyez l'article suivant.


HAUBERS. m. (Hist. des Armures Franç.) cotte de maille à manches & gorgerin, qui tenoit lieu de hausse-col, brassarts, & cuissarts.

C'étoit une ancienne armure défensive, faite de plusieurs mailles de fer, comme hameçons accrochés ensemble. " Tous leudes & nobles de ce tems-là, dit Fauchet, étoient hommes d'armes, & servans à cheval ; la force des François nobles gissoit en gendarmes & chevaliers vêtus de loriques, appellées haubers, possible parce qu'ils étoient blancs, & reluisoient à cause des mailles du fer poli, dont étoient faites lesdites loriques "

Cette cotte de maille de fer à l'épreuve de l'épée, faisoit une des parties principales de l'armure des chevaliers, en particulier dans le tems de l'ancienne chevalerie ; M. le Laboureur croit que le hauber des écuyers étoit plus leger & de moindre résistance contre les coups, que celui des chevaliers ; il est dumoins certain, que pour leur armure de tête, ils ne portoient qu'un bonnet ou chapeau de fer, moins fort que le casque ou le heaume du chevalier, & qui ne pouvoit être chargé de timbre, cimier, ni d'autres ornemens. Il résulte de-là, qu'il y avoit des haubers de différentes forces, & qu'il n'appartenoit pas aux pauvres écuyers d'être aussi invulnérables que leurs maîtres ; c'est ce que Sancho Pança représentoit quelquefois à don Quichotte.


HAUBEREAUS. m. subbuteo, Hist. nat.) Voy. HOBEREAU.


HAUBERGEONS. m. (Art milit. & Hist.) ancienne arme défensive qui comme le hauber étoit une espece de cotte ou de chemise de mailles faite de plusieurs petits anneaux de fer comme hameçons accrochés ensemble.

Haubergeon est le diminutif de hauber, & désigne la même chose ; Ducange dérive ces deux mots de l'allemand halsberg, qui signifie défense de col, & il ajoûte qu'on a dit dans la basse latinité halsberga, halbergium, albergellum, &c. nos latinistes diroient lorica ferrea, annularis. (D.J.)


HAUBITZvoyez OBUS.


HAUDRIETTESS. f. pl. (Hist. ecclés.) religieuses de l'ordre de l'Assomption de Notre-Dame, fondées par la femme d'Etienne Haudry, un des secrétaires de S. Louis. Cette femme fit voeu de chasteté pendant la longue absence de son mari ; & le pape ne l'en releva qu'à condition que la maison où elle s'étoit retirée seroit laissée à douze pauvres femmes, avec des fonds pour leur subsistance. Cet établissement fut confirmé dans la suite par les Souverains & les Pontifes ; le grand-aumonier est leur supérieur né ; & ce fut en cette qualité, que le cardinal de la Rochefoucault les réforma. Elles ont été aggrégées à l'ordre de S. Augustin, & transférées à l'Assomption rue S. Honoré, où elles sont actuellement. Elles sont habillées de noir, avec de grandes manches, une ceinture de laine, & portent un crucifix sur le côté gauche.


HAUS(Hist. nat.) nom allemand d'un poisson cétacé dont on fait en Allemagne & en Russie la colle de poisson ou l'ichthyocolle. Voyez l'art. HUSO.


HAUSSES. f. (Commerce) c'est le prix qu'on met au-dessus d'un autre dans les ventes publiques pour se faire adjuger la chose qui est criée par l'huissier-priseur. C'est ce qu'on appelle autrement enchere. Voyez ENCHERE. (G)

* HAUSSE, en terme de Chauderonnier, se dit d'un cercle de cuivre qui se met immédiatement sur le fond d'une chaudiere de teinturier ou de brasseur, & se rabat sur les premieres calendes dont elle est composée. Voyez les Planches du Chauderonnier.

HAUSSE, en Imprimerie, soit lettres, soit taille-douce. Les Imprimeurs appellent ainsi de petits morceaux de papier gris ou blanc qu'ils collent cà & là sur le grand tympan, pour rectifier les endroits où ils reconnoissent que l'impression vient plus foible qu'elle ne doit être par comparaison au reste de la feuille qu'ils impriment. Voyez CARTON.

HAUSSES, (Fonderie en caractere) sont deux petites pieces qui s'ajoûtent au moule à fondre les caracteres d'Imprimerie. Elles se posent entre le jet & les longues pieces du moule, & servent à prolonger la longueur du blanc pour faire les lettres plus hautes en papier qu'elles ne seroient sans cela. Les caracteres sont fixés à dix lignes & demie géométriques de hauteur ; mais il arrive que des Imprimeurs, sans avoir égard aux ordonnances, veulent leurs caracteres plus hauts ou plus bas ; & c'est par le moyen de ces hausses plus ou moins épaisses, qu'on fait servir un même moule à fondre ces caracteres plus ou moins hauts. Voyez MOULE, JET, LONGUES PIECES, Planches, & figures de Fonderie en Caracteres.

HAUSSE, (Lutherie) c'est un petit morceau de bois placé sous l'archet de la viole, du violon, &c.

* HAUSSES, chez les Rubaniers, se dit de petits morceaux de bois qui se placent ordinairement sur les potenceaux ; ces hausses portent des broches de fer pour porter elles-mêmes de petits roquetins lorsqu'il en faut pour les ouvrages que l'on veut faire.

* HAUSSES, (terme de manufacture en soie) il y en a de deux sortes ; la hausse de carette, & la hausse de cassin. Voyez CARETTE & CASSIN. La premiere se dit de petits coins qui servent à élever la carette à mesure que le rouleau de l'étoffe grossit, afin que les lisses soient toûjours à fleur de la chaîne. La seconde se dit des traverses de bois qu'on met au brancard du cassin pour l'élever quand les semples sont trop longs. Voyez LISSES, SEMPLES & SOIE.


HAUSSÉadj. en termes de Blason, se dit du chevron & de la fasce, quand ils sont plus hauts que leur situation ordinaire. Voyez CHEVRON, FASCE, &c.

Rostaing en Forès, d'azur à une roue d'or & une fasce haussée de même.


HAUSSECOLS. m. (Art milit.) c'est un diminutif ou un reste des armes défensives que les officiers de l'infanterie étoient autrefois obligés de porter lorsqu'ils étoient de service, ou que leur troupe étoit de garde. Le haussecol n'est plus qu'un morceau de cuivre que l'on porte au cou, qui est arrondi d'un côté, & qui a de l'autre un échancrure pour pouvoir embrasser la partie extérieure du cou. Le haussecol est doré pour les officiers de l'infanterie françoise, & il est argenté pour les officiers Suisses.

Les majors & les aides-majors des régimens ne portent point le haussecol. La raison en est vraisemblablement de ce que ces officiers étant obligés d'être à cheval pour faire manoeuvrer leurs troupes dans les batailles, ils n'étoient point armés comme le reste des officiers de l'infanterie ; c'est pourquoi lorsque le haussecol a été conservé comme un reste des anciennes armes défensives, les majors & les aides-majors ne se sont point trouvés dans le cas de porter le reste ou le symbole de ces armes, qui n'étoient point à leur usage.

On appelle ordinairement officiers à haussecol, les officiers qui ont droit de le porter, comme les colonels, les capitaines, lieutenans, sous-lieutenans & enseignes, lorsqu'il y en a. On les distingue par-là des bas officiers ou des sergens, caporaux, &c. qui ne sont pas brevetés du roi. (Q)


HAUSSEMENou ÉLEVATION, s. m. (Hydr.) dans l'opération du nivellement on appelle haussement, la partie du terrein ou le niveau s'éleve en sortant d'une gorge ou d'un fonds. Ce haussement se marque dans une table particuliere d'un côté avec les baissemens du terrein de l'autre. Voyez NIVELLER. (K)


HAUSSEPIEDS. m. (Fauconnerie) c'est le premier des oiseaux qui attaque le héron dans son vol.

HAUSSEPIED, (Chasse) est aussi une espece de piége ou de lac coulant, dont voici la description. On prépare deux pieux de bois à crochets longs de quatre à cinq piés pointus par les bouts d'en-bas pour être enfoncés en terre ; deux bâtons gros comme le pouce qui soient droits & bien unis, & de longueur convenable pour servir de traverses aux deux pieux à crochet, un petit morceau de bois plat coché par le milieu, pour être attaché à un endroit d'une corde qu'on attache au-haut d'un baliveau qui fait agir le ressort, & qui sert de défense ; il faut de plus quatre ou cinq bâtons gros comme le pouce, longs de cinq à six piés, suivant que le juge à-propos celui qui tend, pour servir de marchette ; on les éguisera par les bouts d'en-bas ; ils doivent être égaux en longueur ; on prend les loups avec ce piége. Voyez la nouvelle maison rustique, tome II. quatrieme partie, livre II. chap. jx. page 709.


HAUSSERverbe act. rendre plus élevé ; c'est en terme de Commerce, augmenter le prix d'une chose, en offrir plus qu'un autre, y mettre de la hausse. Voyez HAUSSE.

HAUSSER un vaisseau, (Marine) en terme de mer, signifie approcher un vaisseau que l'on voit de loin ; ensorte que l'on puisse mieux reconnoître sa fabrique, & quel il est. (R)

HAUSSER, en terme d'Orfevre en grosserie ; c'est élargir une piece d'orfévrerie, en lui donnant de la profondeur. Hausser un plat, une assiette, &c. c'est étendre la matiere du centre à sa circonférence pour faire les bouges ou les marlies d'égale épaisseur que le fond. Voyez BOUGES & MARLIES.


HAUSSIERE(Marine) voyez HANSIERE.


HAUTadj. (Grammaire) terme relatif qui se dit d'un corps considéré selon sa troisieme dimension ou son élévation au-dessus de l'horison ou rez-de-chaussée. Voyez HAUTEUR.

Le pic de Ténériffe passe pour la plus haute montagne du monde. La grande pyramide d'Egypte avoit sept cent soixante & dix toises trois quarts de hauteur. La tour de S. Paul, avant que le feu l'eût consumée en 1086, avoit cinq cent vingt piés de haut, sans y comprendre un globe de cuivre sur lequel étoit une croix qui portoit quinze piés & demi de haut. Les tours de Notre-Dame de Paris n'ont que deux cent douze piés de haut. Voyez HAUTEUR.

HAUT, signifie aussi élevé en pouvoir & en dignité. Voyez TITRE & QUALITE.

Dieu est souvent qualifié dans l'Ecriture, le Très-haut.

On dit sur la terre haut & puissant seigneur.

On donne aux Etats-Généraux des Provinces-Unies, le titre de Hautes Puissances. Voyez ETATS.

On dit en Angleterre la chambre haute du Parlement. Voyez PARLEMENT.

HAUT, en Musique, signifie la même chose qu'aigu ; & ce terme est opposé à bas ou grave. C'est ainsi qu'on dira qu'il faut chanter plus haut ; qu'un tel instrument est monté trop haut. Voyez AIGU, SON.

Haut, se dit encore des parties de la Musique qui se subdivisent, pour exprimer la plus élevée, la plus aiguë : haute-contre, haute-taille. Voyez ces mots.

HAUT, en termes de Blason, se dit de l'épée droite.

HAUT, (Marine) mettre les mâts de hune hauts ; c'est les relever & mettre en place.

HAUT, (Commerce) se dit en termes de banque, du change de l'argent, quand il est plus fort qu'on n'a coûtume de le payer. Voyez CHANGE. (G)

HAUT est encore en usage dans le Commerce, pour signifier, soit la valeur extraordinaire des especes, soit la cherté excessive des vivres. Jamais les monnoies en France n'ont été si hautes qu'en 1720. Le blé a été fort haut en 1741. (G)

HAUT ; on dit en Fauconnerie, voler haut & gras.

HAUT A HAUT, (Vénerie) cri qui appelle les chiens & les fait venir à soi ou son camarade, & lui fait revoir de son cerf pendant un défaut.

HAUT & HAUTE, (Géog.) ce mot en Géographie s'emploie par opposition à celui de bas, pour rendre le superior des Latins opposé de même à inferior, afin de diviser un pays plus commodément ; il se dit le plus ordinairement du cours des rivieres, dont haut est toûjours le plus près de sa source. C'est ainsi que la haute -Saxe se distingue de la basse-Saxe, selon le cours de l'Elbe ; souvent aussi il s'entend du voisinage des montagnes, comme la haute -Hongrie, parce qu'elle est entre le mont Crapack & le Danube ; le haut -Languedoc, parce qu'il est plus du côté des Pyrénées ; la haute -Egypte a quantité de montagnes, & la basse-Egypte n'en a point. Ce mot de haut ou haute sert donc à la division de plusieurs provinces, dans leurs articles particuliers ; outre cela, il est joint inséparablement à plusieurs autres noms, & devient ainsi le nom propre de plusieurs lieux. (D.J.)


HAUT-ALLEMAND(Grammaire) c'est le langage allemand le plus délicat & le plus poli, tel qu'on le parle en Misnie. Voyez LANGUE & TEUTONIQUE.


HAUT-APPAREILou TAILLE HYPOGASTRIQUE, (Chirurgie) est une opération par laquelle on tire la pierre hors de la vessie, au moyen d'une incision faite à son fond, à la partie inférieure du bas-ventre, au-dessus de la symphise des of pubis.

On est redevable de l'idée de cette opération à Pierre Franco, natif de Turiers en Provence, qui fixa son établissement à Orange, après avoir exercé la Chirurgie avec distinction en Suisse, où il étoit pensionné des villes de Berne & de Lausanne. L'impossibilité de tirer une pierre du volume d'un oeuf de poule à un enfant de deux ans, après de vains efforts ; les grandes douleurs du malade, les vives instances des parens, & un sentiment d'amour-propre, ne voulant pas, dit l'auteur, qu'il lui fût reproché de n'avoir sçu tirer la pierre ; tous ces motifs le déterminerent à faire une incision au-dessus de l'os pubis, sur la pierre même qu'il soûlevoit avec les doigts d'une main, introduits dans l'anus, pendant qu'un aide l'assujettissoit par une compression à la partie inférieure du bas-ventre. La pierre fut tirée, & le malade guérit. Cette observation a été publiée dans la Chirurgie de l'auteur, Lyon, 1561.

Tous ceux qui ont écrit depuis sur l'opération de la taille en haut-appareil, l'ont blâmée sans reserve du conseil qu'il donne de ne pas suivre son exemple. Avec un peu de réflexion, on auroit trouvé dans cet avis & dans ses motifs le fondement du plus grand éloge. Ce trait est le triomphe de l'amour de l'humanité sur l'amour propre, & la preuve d'un esprit mûr qui sait juger des choses avec discernement ; rien en effet n'auroit été plus pardonnable à l'auteur que de concevoir de son opération & du succès qu'elle a eu, l'opinion avantageuse qu'en ont pris ceux qui en ont parlé après lui ; mais il n'y avoit aucun exemple d'une semblable opération ; & l'auteur, en publiant celui-ci, loin d'en tirer aucun avantage personnel, se blâme de l'avoir entreprise par un principe de vanité ; ce qui, suivant ses propres expressions, étoit à lui grande folie. Les accidens mirent l'enfant en danger, puisque Franco dit en termes formels que le patient fut guéri, nonobstant qu'il en fût bien malade. D'après ces considérations, comment sur un seul fait, l'auteur, judicieux comme il l'est, se seroit-il crû autorisé à établir une méthode particuliere de taille au-dessus de l'os pubis ? le cas allégué, unique dans son espece, ne pouvoit être regardé que comme une chose extraordinaire ; & cela est d'autant plus vrai, qu'aucun des partisans de la taille du haut-appareil n'a observé les mêmes circonstances. Dans le fait, Franco n'a pas pratiqué la méthode connue actuellement sous le nom de taille au haut-appareil. Les Lithotomistes m'entendront, lorsque je dirai qu'il a simplement fait la taille hypogastrique au petit appareil.

Rousset, medecin françois, publia en 1591, son Traité sur l'opération césarienne ; il s'y déclare partisan de la taille au haut-appareil, qu'il n'a jamais pratiquée ni vû pratiquer. Aussi ne parle-t-il qu'incidemment de cette maniere de tailler. Son objet est de prouver qu'elle doit avoir des avantages sur les méthodes de Celse & de Marianus qui se pratiquent au périnée. Le parallele qu'il fait de ces deux opérations avec le haut-appareil, lui promet des succès pour la taille hypogastrique ; il en conclud que l'opération césarienne est pratiquable, à plus forte raison, puisque suivant son idée elle ne peut pas être sujette aux mêmes inconvéniens que l'incision de la vessie. Je n'ai pas trouvé d'ailleurs dans Rousset aucun des détails que des auteurs postérieurs disent donner d'après lui sur la théorie de cette opération & la méthode de la pratiquer.

C'est à M. Douglas, chirurgien écossois, membre de la société royale de Londres, & lithotomiste de l'hôpital de Westminster, qu'on doit le renouvellement ou plutôt la théorie fondamentale & la pratique de cette opération. Il n'y a aucun exemple sur ce point de Chirurgie entre Franco, avant 1560, & M. Douglas en 1719. M. Cheselden a depuis pratiqué la taille au haut-appareil, ainsi que MM. Paul, Macgill, & Thornhill. M. Pibrac, chevalier de l'ordre de S. Michel, membre de l'académie royale de Chirurgie, & chirurgien major de l'école royale militaire, a perfectionné cette opération, & l'a faite à Paris en 1726, avec le plus grand succès. En 1727, M. Morand tailla par cette méthode un officier invalide âgé de soixante-huit ans ; & M. Berrier a fait deux fois cette opération à S. Germain-en-Laye.

La taille au haut-appareil est essentiellement fondée sur deux principes également vrais ; 1°. qu'on peut ouvrir la vessie sans ouvrir le péritoine ; 2°. que les blessures de la vessie ne sont pas nécessairement mortelles. Voyez le Traité de M. Morand sur le haut-appareil.

Pour pratiquer cette opération, le malade restera couché dans son lit ; on injecte la vessie avec de l'eau tiede (voyez INJECTION), pour lui faire faire une éminence au-dessus de l'os pubis. Aussi-tôt on fait immédiatement au-dessus du pénil une incision longitudinale qui commence à un travers de doigt audessus de l'os pubis, & qui s'étend de quatre ou cinq travers de doigt du côté de l'ombilic. Cette premiere incision n'intéresse que la peau & la graisse, & découvre la ligne blanche.

Une seconde incision qui commencera supérieurement un peu au-dessous de la partie la plus éminente de la vessie, coupe la ligne blanche, & découvre la partie antérieure & supérieure de la vessie, dans laquelle l'opérateur plongera obliquement un bistouri droit, dont le dos doit être tourné du côté de l'ombilic, & le tranchant du côté de la symphise des of pubis. Cette ponction étant faite avec la main droite qui tient le bistouri dans la vessie, l'opérateur doit couler le doigt index gauche le long du dos du bistouri, entrer dans la vessie, & recourber ce doigt sous l'angle supérieur de la plaie de la vessie, pour la soûtenir du côté de l'ombilic, pendant qu'avec le bistouri on allonge autant qu'il est nécessaire l'incision vers le cou, sous la voûte que font les of pubis.

L'opérateur retire le bistouri ; & continuant de soûtenir la partie supérieure de la vessie avec le doigt index de la main gauche, il introduit le pouce & l'index de la main droite, s'ils suffisent pour tirer la pierre, ou il la saisira avec des tenettes convenables pour en faire l'extraction.

Les partisans de cette opération répondent assez avantageusement à la plûpart des objections qu'on leur fait. On dit 1°. qu'il est très-difficile d'injecter la vessie au point nécessaire, pour lui faire faire éminence au-dessus des of pubis, sans exciter des douleurs insoûtenables, & que les malades par leurs cris & par l'action de toutes les forces qui servent à l'expulsion de l'urine, font sortir l'injection ; 2°. que le peu de capacité naturelle ou accidentelle de la vessie, rendra cette injection absolument impraticable ; 3°. que dans cette opération l'ouverture n'est pas placée aussi favorablement que dans les autres méthodes, pour procurer, quand la vessie est malade, l'écoulement de la suppuration ; 4°. qu'il est extrèmement difficile de tirer les fragmens d'une pierre qui s'écrase ; & que les injections ni l'urine ne pourront entraîner les graviers qui resteront dans le fond de la vessie, où ils seront le germe de nouvelles pierres.

Ce dernier inconvénient m'a paru sans réponse solide. M. Douglas trouve l'objection plausible ; il se contente de dire qu'elle est détruite par l'expérience : il ne manque que la vérité à cette assertion.

Quels que soient les inconvéniens généraux de la taille au haut-appareil, il peut se rencontrer des circonstances avantageuses pour cette opération ; 1°. si la vessie est naturellement grande, & qu'elle n'ait pas encore assez souffert pour jetter le malade dans ces fréquentes envies d'uriner qui accompagnent presque toûjours les grosses pierres ; l'injection est pratiquable, & la vessie faisant tumeur au-dessus du pubis, peut-être ouverte sans peine & sans danger, parce qu'il n'y a point de vaisseaux à craindre en faisant l'incision, & parce que l'expansion du péritoine qui recouvre la vessie est soulevée du côté de l'ombilic. D'ailleurs on peut bien, avant l'opération, habituer la vessie à une dilatation suffisante, par des injections préparatoires graduées. On évitera la douleur d'une extension forcée, en injectant pour l'opération, après l'incision des tégumens & de la ligne blanche, suivant la méthode de M. Pibrac. Dans l'opération faite à Saint-Germain par M. Berrier, le 10 Décembre 1727, on s'apperçut, après l'incision des parties contenantes, que la vessie ne contenoit pas assez de fluide ; la sonde portée dans la vessie servit de guide par son extrémité ; on ouvrit ce viscere, & l'opération réussit, la plaie ayant été cicatrisée au bout de trente jours. Dans une seconde opération pratiquée par le même chirurgien le 26 Septembre 1728, sur un sujet de treize à quatorze ans, l'injection fut faite après l'incision, avec tout le fruit qu'on en attendoit ; on tira une pierre murale de la grosseur d'un petit oeuf de poule ; la plaie fut cicatrisée le dix-huitieme jour, & la cure ne fut traversée par aucun accident. On peut conclure de tout ceci, que lorsque la vessie est dilatable, qu'elle n'a aucune maladie particuliere à sa substance, & que la pierre a assez de consistance pour ne pas se mettre en morceaux ; le haut-appareil est une excellente méthode qu'il ne faut pas rejetter de la pratique par les raisons suivantes. 1°. L'urethre & le cou de la vessie restent dans leur entier & ne souffrent en aucune maniere ; 2°. Les prostates ne sont ni attaquées ni meurtries, en quelque maniere que ce soit ; ce qui peut être la source des fistules qui suivent quelquefois les opérations faites au périnée ; 3°. la plaie de la vessie peut-être promtement refermée, de même qu'une plaie simple, sur-tout si l'on fait ensorte qu'elle ne soit plus mouillée après l'opération ni par l'eau qu'on avoit injectée, ni par l'urine ; ce qui est très-facile en tenant une algalie dans la vessie par l'urethre : alors il ne restera que la plaie des tégumens qui sera bientôt guérie. (Y)


HAUT-BERGvoyez HAUBERT.


HAUT-BERGEONvoyez AUBERGEON.


HAUT-BORDvoyez VAISSEAU DE HAUT-BORD.


HAUT-GOUT(Cuisine) c'est cette pointe que le cuisinier sait donner aux mets par le moyen des épices, fines herbes, jus de verjus, de citron, &c. Une chose qui mérite d'être remarquée, c'est que les habitans des pays chauds aiment beaucoup plus les alimens de haut-goût, que ceux des climats tempérés. C'est ainsi qu'en Amérique les femmes elles-mêmes mangent dans leurs ragoûts force piment, poivre, gingembre, &c. toutes choses dont une bouche françoise ne s'accommoderoit point-du-tout.


HAUT-JUSTICIERS. m. (Jurisprud.) c'est le seigneur qui a droit de haute-justice ; il est le véritable seigneur du lieu, & le seul qui puisse régulierement s'en dire seigneur purement & simplement ; celui qui n'en a que la directe, ne peut se dire que seigneur de tel fief. Le haut-justicier joüit des droits honorifiques après le patron ; il a droit de chasser en personne dans toute l'étendue de sa justice ; enfin il a tous les autres droits qui dépendent de la haute-justice, telle que les deshérences, bâtardises, confiscations. Voyez ci-après JUSTICE. (A)


HAUT-PALATINAT(Géog.) voyez PALATINAT.


HAUT-PENDU(Marine) les matelots appellent ainsi un petit nuage, qui occasionne un gros vent. (G)


HAUT-RHIN(le cercle du) Géog. voyez RHIN.


HAUTAINadj. (Gramm.) est le superlatif de haut & d'altier ; ce mot ne se dit que de l'espece humaine. On peut dire en vers :

Un coursier plein de feu levant sa tête altiere.

J'aime mieux ces forêts altieres

Que ces jardins plantés par l'art.

mais on ne peut pas dire, forêt hautaine, tête hautaine d'un coursier. On a blâmé dans Malherbe, & il paroît que c'est à tort, ces vers à jamais célébres :

Et dans ces grands tombeaux où leurs ames hautaines

Font encore les vaines,

Ils sont mangés des vers.

On a prétendu que l'auteur a supposé mal-à-propos les ames dans ces sépulcres : mais on pouvoit se souvenir qu'il y avoit deux sortes d'ames chez les poëtes anciens ; l'une étoit l'entendement, & l'autre l'ombre légere, le simulacre du corps. Cette derniere restoit quelquefois dans les tombeaux, ou erroit autour d'eux. La théologie ancienne est toûjours celle des Poëtes, parce que c'est celle de l'imagination. On a crû cette petite observation nécessaire.

Hautain est toûjours pris en mauvaise part ; c'est l'orgueil qui s'annonce par un extérieur arrogant : c'est le plus sûr moyen de se faire haïr, & le défaut dont on doit le plus soigneusement corriger les enfans. On peut être haut dans l'occasion avec bienséance. Un prince peut & doit rejetter avec une hauteur héroïque des propositions humiliantes, mais non pas avec des airs hautains ; un ton hautain, des paroles hautaines. Les hommes pardonnent quelquefois aux femmes d'être hautaines, parce qu'ils leur passent tout ; mais les autres femmes ne leur pardonnent pas.

L'ame haute est l'ame grande ; la hautaine est superbe. On peut avoir le coeur haut, avec beaucoup de modestie ; on n'a point l'humeur hautaine sans un peu d'insolence. L'insolent est à l'égard du hautain ce qu'est le hautain à l'impérieux ; ce sont des nuances qui se suivent ; & ces nuances sont ce qui détruit les synonymes.

On a fait cet article le plus court qu'on a pû, par les mêmes raisons qu'on peut voir au mot HABILE ; le lecteur sent combien il seroit aisé & ennuyeux de déclamer sur ces matieres.


HAUTBOIS(anciens), instrument à vent (Lutherie). Nous distinguerons le hautbois en ancien & en moderne.

Il y a deux sortes de hautbois anciens : les uns qu'on appelloit hautbois de Poitou ; les autres simplement hautbois ; ils étoient à anches. On voit audessus les huit premiers trous disposés comme on les bouche, pour avoir l'étendue des sons. Les trous neuf & dix servent seulement à donner de l'air aux sons, & à accourcir le dessus, dont la patte va en s'élargissant depuis le neuvieme trou qui est double, jusqu'au dixieme qui l'est aussi, & de-là jusqu'à l'extrémité de l'instrument. C'est en bouchant ces derniers trous qu'on fait descendre l'instrument ; la taille de ces hautbois est d'une quinte plus basse que le dessus, sonnée à vuide ; mais elle n'a que sept trous qui se bouchent. De ces sept trous le septieme est caché sous la boîte ; cette boîte est criblée ; ces petites ouvertures donnent issue au vent, ornent l'instrument, & cachent le ressort d'une clef qui sert à boucher le trou correspondant à cette boîte ; la boîte est arrêtée par deux petites branches ; le corps de la taille est applati dans toute cette capacité ; l'anche de la taille ne differe point de l'anche du dessus ; elle se ente sur un cuivret qu'on couvre d'un morceau de bois que les Luthiers appellent pirouette, qui s'emboîte dans le haut de l'instrument ; le huitieme trou ne sert qu'à donner jour des deux côtés. Mais tous les trous sont faits en biais, ensorte qu'ils répondent au-dedans de cet instrument en un autre endroit qu'au dehors ; ou pour parler plus juste, le trou & l'endroit auquel il répond, ne sont pas dans un même plan perpendiculaire à la longueur de l'instrument ; ils biaisent vers l'anche, c'est-à-dire en montant. Il arrive ainsi que les trous extérieurs étant proches, & les intérieurs éloignés, on peut facilement boucher & faire les intervalles ; la distance des trous n'est pas la même ; le quatrieme est aussi éloigné du troisieme, que le troisieme du premier, ou que le quatrieme du sixieme, & le septieme est presque aussi éloigné du sixieme, que le quatrieme du second ; cependant la différence des sons rendus est la même. Le dessus de hautbois a deux piés de long depuis l'endroit où l'anche s'adapte au corps, jusqu'à son extrémité, & neuf pouces un tiers depuis le neuvieme trou, jusqu'à la même extrémité. Il y a trois pouces & un tiers depuis le commencement du corps jusqu'au premier trou, qui est éloigné du second de treize lignes ; les autres gardent à-peu-près le même intervalle. Il n'y a que le huitieme qui soit éloigné du cinquieme de vingt-deux lignes. La taille a deux piés quatre pouces & demi de long, y compris la pirouette qui est à deux pouces & cinq lignes. De l'extrémité de la pirouette au premier trou, il y a cinq pouces & sept lignes ; du huitieme trou jusqu'à la pirouette, il y a un pié & trois quarts. Le premier trou est éloigné du second, le second du troisieme, le quatrieme du cinquieme, & le cinquieme du sixieme, d'un pouce & un tiers ; la distance du troisieme au quatrieme est double de celle-ci ; celle du sixieme au septieme, & du septieme au huitieme, est de trois pouces & deux tiers. Quant à la basse, elle est si longue, qu'au lieu d'anche, elle a un canal recourbé au bout duquel est adapté une anche. Cette basse a cinq piés depuis l'endroit où le canal tient au corps jusqu'au bout de l'instrument ; onze trous, dont les huit, neuf, dix & onze, sont cachés sous leurs boîtes ; ensorte qu'il y a dans cette capacité trois clefs, sans compter la poche qui a aussi sa clef, qui bouche l'onzieme trou. Quand à l'étendue de ces parties, le dessus, par exemple, fait la quinzieme. Après avoir tiré de l'instrument autant de tons naturels qu'il y a de trous, en forçant le vent, on en obtient d'autres plus aigus. Il est inutile de s'étendre sur les hautbois de Poitou ; ce sont les mêmes instrumens que nous venons de décrire, si on veut négliger quelque legere différence de facture. Voyez dans nos Planches de Lutherie, le dessus, la taille, & la basse de hautbois.

HAUTBOIS, instrument de musique à vent & à anche, représenté Planche de Lutherie, parmi les instrumens à vent, est composé de quatre parties ; la premiere & la plus étroite A B, reçoit l'anche. Cette partie s'assemble avec la suivante par le moyen de la noix B, & est percée de trois trous 1, 2, 3 ; la seconde B C, qui entre dans la noix de la troisieme, est percée de cinq trous 4, 5, 6, 7, 8, & garnie de deux clés ; la troisieme C D, plus grosse que les autres, se termine par un pavillon ou entonnoir semblable à celui de la trompette ou du cors. Cette piece est percée de deux trous 9, placés vis-à-vis l'un de l'autre ; ces trous ne ferment jamais ; leur distance à l'extrémité A, détermine le ton de l'instrument.

Le hautbois est percé dans toute sa longueur comme les flûtes, avec cette différence, que leur trou s'élargit de plus en plus du côté de la patte D. Des deux clés qui ferment le septieme & huitieme trou, il n'y a que la petite qui soit tenue appliquée sur le septieme trou par son ressort, comme la clé de la flûte traversiere ; l'autre clé qui est la grande, est toûjours ouverte, & elle ne ferme comme celles du basson, que lorsque l'on appuie le doigt sur sa bascule. Voyez CLES DES INSTRUMENS DE MUSIQUE. A l'extrémité A, on ajuste une anche G H, qui est composée de deux lames de roseau ou cannes applaties par le côté G, & arrondies par le côté H, sur une cheville de fer, sur laquelle on en fait la ligature h h, plus haut ; vers la partie G, on met un autre lien g, qui fixe les deux lames en cet endroit, & ne les laisse vibrer que depuis g jusqu'en G. Cette longueur g G, détermine le ton de l'anche. Voyez ANCHES DES ORGUES. On fait entrer les ligatures de l'anche dans le trou du hautbois par le côté A, ensorte que le plat de l'anche soit tourné du même côté que les trous 1, 2, 3, &c. sur lesquels on pose les doigts. Le hautbois en cet état est comme il doit être pour en joüer.

Pour joüer de cet instrument, il faut le tenir à-peu-près comme la flûte à bec, seulement plus élevé ; par conséquent on aura la tête droite & les mains hautes, la gauche en haut ; c'est-à-dire vers l'anche, & la droite vers le bas ou vers la patte D ; on posera ensuite les doigts sur les trous en cette sorte ; savoir le doigt indicateur de la main gauche sur le premier trou, le doigt medius sur le second, & l'annulaire ou quatrieme de la même main, sur le troisieme trou ; ensuite on posera le doigt indicateur de la main droite sur le quatrieme trou, le doigt du milieu sur le cinquieme, & le doigt annulaire de cette main sur le sixieme ; l'auriculaire ou petit doigt de la main droite sert à toucher les clés quand il est nécessaire.

On placera ensuite l'anche entre les levres justement au milieu ; on ne l'enfoncera dans la bouche que de l'épaisseur de deux ou trois lignes ; ensorte qu'il y ait environ une ligne & demie de distance depuis les levres jusqu'à la ligature g de l'anche ; on la placera de maniere que l'on puisse la serrer plus ou moins selon le besoin, & on observera de ne la point toucher avec les dents.

Tous les tons naturels se font, comme il est démontré dans la tablature de la flûte traversiere, à l'exception de l'ut en-haut & en-bas qui se font différemment. Celui d'en-bas (note onzieme) se fait en bouchant le deuxieme trou, & laissant tous les autres débouchés. La cadence se fait comme sur la flûte traversiere, excepté que l'on doit trembler sur le troisieme trou. Celui d'en-haut (note 23) se fait en débouchant tous les trous, ou bien en débouchant seulement les trois premiers, & en bouchant les 4, 5 & 6 ; il y a de plus un ut tout-en-bas, lequel n'est point démontré dans la tablature, par lequel passe l'étendue de la flûte traversiere ; il se fait en bouchant tous les trous, & appuyant le doigt sur la bascule de la grande clé, ce qui fait appliquer la soûpape sur le huitieme trou qui se trouve par ce moyen fermé, on le tremble sur cette même clé. On doit observer que l'on ne monte guere plus haut que le ré (note 25), ensorte que le hautbois a deux octaves & un ton d'étendue, & qu'il sonne l'unisson des deux octaves de taille & de dessus des clavecins.

Tous les dièses & bémols se font aussi conformément à la tablature de la flûte traversiere, excepté ceux qui suivent le sol b en-bas (note 53) qui se forme en débouchant le cinquieme trou tout-à-fait, & la moitié du quatrieme, & en bouchant tous les autres, excepté celui de la grande clé ; il se tremble sur le troisieme trou : le fa (note cinquieme) se fait quelquefois de même, & se tremble sur la moitié du quatrieme trou ; mais plus ordinairement on le fait sur le hautbois comme sur la flûte traversiere : le sol bémol en-haut (note quarante-unieme) se forme en débouchant tous les trous, excepté le quatrieme, & celui de la grande clé ; il se tremble aussi sur le troisieme trou : le fa (note dix-septieme) se fait de la même maniere, & se tremble sur le cinquieme trou ; il se fait aussi comme sur la flûte traversiere.

Le sol ou la bémol se forme de haut & en-bas, en débouchant la moitié du troisieme trou, en bouchant le premier & le second tout-à-fait, & en débouchant aussi tous les autres ; le sol se tremble sur la moitié du troisieme trou, & le bémol sur le deuxieme trou plein.

Le la ou si bémol se fait en-haut & en-bas, en bouchant le premier & le troisieme trou, & en laissant tous les autres débouchés ; l'ut ou ré bémol (notes douzieme & quarante-sixieme) se forme en débouchant le premier trou, & en bouchant tous les autres, même celui de la grande clé ; l'ut se tremble sur la clé avec le petit doigt ; le ré bémol se tremble sur le sixieme trou, tous les trous bouchés, ou comme sur la flûte traversiere. Ce demi-ton se fait au si à l'octave en-haut, en forçant le vent & serrant l'anche avec les levres.

On doit observer en joüant de cet instrument, de fortifier le vent à mesure que l'on monte, & de serrer en même tems les levres.

A l'égard des coups de langue, flatemens, battemens, &c. ils se font comme sur la flûte traversiere. Voyez l'article FLUTE TRAVERSIERE.

Quant à l'explication de la formation du son dans le hautbois, & autres instrumens à hanche, voyez l'article TROMPETTE, jeu d'orgue.


HAUTE-CONTRE(Musique) altus ou contra ; celle des parties de la Musique qui appartient aux voix d'hommes les plus aiguës ou les plus hautes, par opposition à la basse-contre, qui est pour les plus graves ou les plus basses. Voyez PARTIES.

Dans les opera italiens, cette partie qu'ils appellent contr-alto, est souvent chantée par des femmes ; au lieu que les dessus les plus aigus sont plus communément chantés par des hommes destinés dès leur enfance à cet usage. (g)

HAUTE-CONTRE de violon, (Musique) c'est la même chose que la quinte de violon. Voyez QUINTE DE VIOLON.

HAUTE-CONTRE de flûte à bec, (Musique) instrument à vent, dont la forme & la tablature est en tout semblable à celle de la flûte à bec appellée taille de rite, à l'article flûte à bec. Cet instrument qui a une quatorzieme d'étendue sonne la quinte au-dessus de la taille de flûte, & l'unisson de l'octave des dessus & des par-dessus du clavecin. Voyez la table du rapport de l'étendue des instrumens.


HAUTE-FUTAYEvoyez FORET & FUTAYE.


HAUTE-JUSTICE(Jurisprudence) voyez ci-après JUSTICE.


HAUTE-LISSEHAUTE-LISSE


HAUTE-LISSIERS. m. (Manuf.) ouvrier qui travaille à la tapisserie appellée de haute-lisse ; on donne le même nom au marchand qui la vend.


HAUTE-MARÉEou HAUTE-MER, (Marine) c'est le plus grand accroissement de la marée, & le tems où elle monte le plus haut. La pleine mer ou la haute-mer arrive deux fois le jour, de douze heures en douze heures ; mais les jours de la nouvelle & de la pleine lune elle monte plus haut que les autres jours ; & les jours des solstices & des équinoxes, elle monte encore davantage. (Q)


HAUTE-PAYE(Art militaire) solde plus forte que l'ordinaire. Voyez PAYE.


HAUTE-RIVEAlta-Ripa, (Géog.) petite ville de France dans le haut-Languedoc, sur l'Ariege, à quatre lieues S. de Toulouse. Long. 19. 10. lat. 43. 25. (D.J.)


HAUTE-SOMMES. f. (Marine) c'est la dépense que l'on fait pour la réussite & l'avantage de l'entreprise projettée, & dans laquelle tous les intéressés entrent. Ordinairement le maître en fournit un tiers, & les Marchands le surplus ; mais on ne comprend pas dans cet article la dépense faite tant pour le corps du navire, la solde des équipages, que pour les vivres nécessaires. (Z)


HAUTE-TAILLEtenor, (Musique) est cette partie de la Musique qu'on appelle simplement taille. On peut concevoir la partie de la taille comme subdivisée en deux autres ; savoir la basse-taille ou le concordant, & la haute-taille. Voyez PARTIES. (S)


HAUTES-PUISSANCES(Hist. mod.) titre donné par toutes les cours de l'Europe aux Etats-Généraux des Provinces-Unies des Pays-Bas. On les appelle en s'addressant à eux, Hauts & Puissans Seigneurs ; & en parlant d'eux, on dit leurs Hautes-Puissances.


HAUTES-VOILES(Marine) ce sont les huniers & les perroquets.


HAUTESSES. f. (Hist. mod.) titre d'honneur qu'on donne au grand-seigneur. Nos rois l'ont reçû ; mais il n'a guere été d'usage que sous la seconde race.


HAUTEURS. f. (Géom.) se dit en général de l'élévation d'un corps au-dessus de la surface de la terre, ou au-dessus d'un plan quelconque.

C'est dans ce sens qu'on dit qu'un oiseau vole à une grande hauteur, que les nuées sont à une grande hauteur.

HAUTEUR, se dit aussi de la dimension d'un corps estimée dans un sens perpendiculaire à la surface de la terre. C'est dans ce sens, qu'on dit qu'un mur a beaucoup de hauteur.

HAUTEUR, en Astronomie, est la même chose qu'élévation. Ainsi on dit la hauteur du pole, la hauteur de l'équateur. Voyez ÉLEVATION.

Prendre hauteur, terme dont se servent les Marins, & qui signifie mesurer la hauteur du Soleil sur l'horison ; c'est principalement à midi que l'on prend hauteur en mer. Les Marins se servent pour cela de différens instrumens ; l'arbalestrille, le quartier anglois, l'octant, &c. Voyez ARBALESTRILLE, QUARTIER ANGLOIS, OCTANT. Voyez aussi le Traité de Navigation de M. Bouguer. (E)

Hauteur d'une figure, en Géométrie, est la distance de son sommet à sa base, ou la longueur d'une perpendiculaire abaissée du sommet sur la base. Voyez FIGURE, BASE & SOMMET.

Ainsi K L (Planche I. Géom. fig. 19.) étant prise pour la base d'un triangle rectangle K L M, la perpendiculaire K M sera la hauteur de ce triangle.

Des triangles qui ont des bases & des hauteurs égales, sont égaux en surface ; & les parallélogrammes sont doubles des triangles de même base & de même hauteur. Voyez TRIANGLE, PARALLELOGRAMME, &c.

Hauteur, en Optique, se dit ordinairement de l'angle compris entre une ligne tirée par le centre de l'oeil parallélement à l'horison, & un rayon visuel qui vient de l'objet à l'oeil.

Si par les deux extrémités S T, d'un objet, (Pl. d'Opt. fig. 13.) on tire deux paralleles T V, & S Q, l'angle T V S, intercepté entre un rayon qui passe par le sommet S, & qui en termine l'ombre en V, est appellé par quelques auteurs la hauteur du lumineux.

Il y a trois moyens de mesurer les hauteurs ; on peut le faire géométriquement, trigonométriquement, & par l'optique. Le premier moyen est un peu indirect, & demande peu d'apprêt ; le second se fait avec le secours d'instrumens destinés à cet usage, & le troisieme par les ombres.

Les instrumens dont on fait principalement usage pour mesurer les hauteurs, sont le quart de cercle, le graphometre, &c. Voyez-en les descriptions ou les applications à leurs articles respectifs, QUART DE CERCLE, GRAPHOMETRE, &c.

Prendre des hauteurs accessibles. Pour mesurer géométriquement une hauteur accessible, supposons qu'il s'agisse de trouver la hauteur A B, (Pl. Géom. fig. 88.) plantez un piquet D E perpendiculairement à la surface de la terre, assez long pour monter à la hauteur de l'oeil ; étendez-vous ensuite par terre, les piés contre le piquet ; si les points E B, se trouvent dans la même ligne droite avec l'oeil C ; la longueur C A est égale à la hauteur A B ; si quelqu'autre point plus bas, comme F, se trouve dans la même ligne que le point E, & l'oeil, approchez le piquet de l'objet : au contraire, si la ligne menée de l'oeil par le point E, rencontre quelque point audessus de la hauteur cherchée, il faut éloigner le piquet jusqu'à ce que la ligne C E rase le vrai point que l'on demande. Alors mesurant la distance de l'oeil C au pié de l'objet A, on a la véritable hauteur cherchée, puisque C A = A B.

Ou bien opérez de la maniere suivante. A la distance de trente ou quarante piés, ou même plus, plantez un piquet D E (fig. 89.) & à la distance de ce piquet au point C, plantez-en un autre plus court, de maniere que l'oeil étant en F, les points E B, puissent être dans la même ligne droite avec F ; mesurez la distance entre les deux piquets G F, & la distance entre le plus court piquet & l'objet H F, de même que la différence des hauteurs des piquets G E ; aux lignes G F, G E, H F ; cherchez une quatrieme proportionelle B H, ajoûtez-y la hauteur du plus court piquet F C, la somme est la hauteur cherchée A B.

Mesurer une hauteur accessible trigonométriquement. Supposons qu'il s'agisse de trouver la hauteur A B, (Pl. Trigon. fig. 23.) choisissez une station en E, & avec un quart de cercle, un graphometre, ou un autre instrument gradué & disposé d'une maniere convenable, déterminez la quantité de l'angle de hauteur A D C. Voyez ANGLE.

Mesurer la plus petite distance du point de station à l'objet, savoir D C, qui est par conséquent perpendiculaire à A C. Voyez DISTANCE.

Maintenant C étant un angle droit, il est aisé de trouver la ligne A C, puisque dans le triangle A C D, nous avons les deux angles C D, & un côté C D opposé à l'un de ces angles ; pour trouver le côté opposé à l'autre angle, l'on fera cette proportion : le sinus de l'angle A est au côté donné D C, opposé à cet angle, comme le sinus de l'autre angle D est au côté cherché C A. Voyez TRIANGLE.

A ce côté ainsi déterminé, ajoûtez B C, la somme est la hauteur perpendiculaire demandée.

L'opération se fait plus commodément par les logarithmes. Voyez LOGARITHME.

Si l'on commet quelqu'erreur, en prenant la quantité de l'angle A, (fig. 24.) la véritable hauteur B D sera à la fausse B C, comme la tangente de l'angle véritable D A B, est à la tangente de l'angle erroné C A B.

Ainsi les erreurs de cette nature seront plus considérables dans une grande hauteur que dans une moindre.

Il suit aussi que l'erreur est plus grande, quand l'angle est plus petit que lorsqu'il est plus grand. Pour éviter ces inconvéniens, il faut choisir une station à une distance moyenne, de maniere que l'angle de hauteur D E B, soit à-peu-près la moitié d'un angle droit.

Pour mesurer une hauteur accessible avec le secours de l'optique, & par l'ombre du corps. Voyez OMBRE.

Mesurer une hauteur accessible par le quarré géométrique. Supposons que l'on demande de trouver la hauteur A B, (Pl. géom. fig. 90.) choisissant une station à volonté en D, & mesurant sa distance à l'objet D B, faites tourner le quarré çà & là, jusqu'à ce que vous apperceviez par les pinnules le haut de la tour A ; alors si le fil coupe l'ombre droite, dites : la partie de l'ombre droite coupée est au côté du quarré, comme la distance de la station D B, est à la partie de la hauteur A E. Si le fil coupe l'ombre verse, dites : le côté du quarré est à la partie de l'ombre verse coupée, comme la distance de la station D B, est à la partie de la hauteur A E.

Ainsi ayant trouvé A E, dans l'un & l'autre cas, par la regle de trois, si l'on y ajoûte la partie de la hauteur B E, cette somme est la hauteur que l'on demande.

Mesurer géométriquement une hauteur inaccessible. Supposons qu'A B, (fig. 89.) soit une hauteur inaccessible, telle qu'on ne puisse pas appliquer une mesure jusqu'à son pié ; trouvez la distance C A, ou F H, ainsi qu'on l'a enseigné à l'article DISTANCE, & procédez dans tout le reste, comme l'on a fait par rapport aux distances accessibles.

Mesurer trigonométriquement une hauteur inaccessible. Choisissez deux stations G, E, (Pl. trigon. fig. 25.) qui soient dans la même ligne droite que la hauteur A B, cherchée ; & à une distance D F, l'une de l'autre, telle que l'angle F A D ne soit point trop petit, ni l'autre station G trop près de l'objet A B, prenez avec un instrument convenable la quantité des angles A D C, A F C, & C F B. Voyez ANGLE ; mesurez aussi l'intervalle F D.

Alors dans le triangle A F D, on a l'angle D donné par l'observation, & l'angle A F D, en soustrayant l'angle observé A F C, de la somme de deux angles droits ; & par conséquent le troisieme angle D A F, en soustrayant les deux autres de la valeur de deux angles droits : on a aussi le côté F D, d'où l'on détermine le côté A F, par la regle exposée ci-dessus, lorsqu'il étoit question du problème des hauteurs accessibles. De plus, dans le triangle A C F, ayant un angle droit C, un angle F observé, & un côté A F, on trouvera par la même regle le côté A C, & l'autre côté C F. Enfin, dans le triangle F C B, ayant un angle droit C, l'angle observé C F B, & un côté C F ; la même regle fera découvrir l'autre côté C B.

C'est pourquoi ajoûtant A C, & C B, la somme est la hauteur cherchée A B.

Trouver une hauteur inaccessible par le moyen de l'ombre ou du quarré géométrique. Choisissez deux stations en D H, (Pl. géom. fig. 90.) & trouvez la distance D H ou C G, observez quelle partie de l'ombre droite ou verse est coupée par le fil.

Si les ombres droites sont coupées dans les deux stations, dites : la différence des ombres droites dans les deux stations est au côté du quarré, comme la distance des stations G C est à la hauteur E A. Si le fil coupe l'ombre verse aux deux stations, dites : la différence des ombres verses marquées aux deux stations est à la plus petite ombre verse, comme la distance des stations C G est à l'intervalle G E ; cela étant connu, on trouve aussi la hauteur E B, par le moyen de l'ombre verse en G, comme dans le problème pour les hauteurs accessibles. Enfin, si le fil dans la premiere station G, coupe les ombres droites, & que dans la derniere, il coupe les ombres verses, dites : comme la différence du produit de l'ombre droite par l'ombre verse soustraite du quarré du côté du quarré géométrique, est au produit du côté de ce quarré par l'ombre verse ; ainsi la distance des stations G C, est à la hauteur cherchée A E.

Etant donnée la plus grande distance à laquelle un objet peut être vû, trouver sa hauteur. Supposons la distance D B, (Pl. géograp. fig. 9.) réduisez-la en degrés ; par ce moyen vous aurez la quantité de l'angle C : de la sécante de cet angle ôtez le sinus total B C, le reste sera A B en parties, dont B C, en contient 10000000. dites ensuite : 10000000. est à la valeur d'A B, en mêmes parties, comme le demi-diamêtre de la terre BC 19695539. est à la valeur de la hauteur AB, en piés de Paris.

Supposons, par exemple, que l'on demande la hauteur d'une tour A B, dont le sommet est visible à la distance de cinq milles ; alors D C B, sera de 20'. Si l'on soustrait le sinus total 10000000. de la secante 10000168. de cet angle, le reste A B est 168. que l'on trouvera de 331. piés de Paris.

La hauteur de l'oeil dans la perspective, est une ligne droite qui tombe de l'oeil perpendiculairement au plan géométral.

La hauteur d'une étoile ou d'un autre point, est proprement un arc d'un cercle vertical, intercepté entre ce point & l'horison. Voyez VERTICAL. Delà vient :

Hauteur méridienne ; le méridien étant au cercle vertical, une hauteur méridienne, c'est-à-dire la hauteur d'un point dans le méridien, est un arc du méridien intercepté entre ce point & l'horison. Voy. MERIDIEN.

Pour observer la hauteur méridienne du Soleil, d'une étoile, ou de tout autre phénomene, par le moyen du quart de cercle. Voyez MERIDIEN.

Pour observer une hauteur méridienne avec un gnomon. Voyez GNOMON.

Vous pourrez aussi trouver la hauteur du Soleil sans le secours du quart de cercle ou de tout autre instrument semblable, en élevant perpendiculairement au point C, par exemple un stile ou un fil d'archal (Pl. astrom. fig. 62.) & en décrivant du centre C l'arc A F, quatrieme partie d'une circonférence, faites C E égale à la hauteur du style, & par E tirez E D, parallele à C A, que vous ferez égale à la longueur de l'ombre ; si vous mettez ensuite une regle de C en D, elle coupera le quart de cercle en B ; & B A est l'arc de la hauteur du Soleil.

HAUTEUR des eaux, (Hydraul.) voyez ÉLEVATION. (K)

HAUTEUR, (Gramm. Morale) Si hautain est toûjours pris en mal, hauteur est tantôt une bonne, tantôt une mauvaise qualité, selon la place qu'on tient, l'occasion où l'on se trouve, & ceux avec qui l'on traite. Le plus bel exemple d'une hauteur noble & bien placée est celui de Popilius qui trace un cercle autour d'un puissant roi de Syrie, & lui dit : vous ne sortirez pas de ce cercle sans satisfaire à la république, ou sans attirer sa vengeance. Un particulier qui en useroit ainsi seroit un impudent ; Popilius qui représentoit Rome, mettoit toute la grandeur de Rome dans son procédé, & pouvoit être un homme modeste.

Il y a des hauteurs généreuses ; & le lecteur dira que ce sont les plus estimables. Le duc d'Orléans régent du royaume, pressé par M. Sum, envoyé de Pologne, de ne point recevoir le roi Stanislas, lui répondit : dites à votre maître que la France a toûjours été l'asyle des rois.

La hauteur avec laquelle Louis XIV. traita quelquefois ses ennemis, est d'un autre genre, & moins sublime. On ne peut s'empêcher de remarquer ici, que le pere Bouhours dit du ministre d'Etat Pompone ; il avoit une hauteur, une fermeté d'ame, que rien ne faisoit ployer. Louis XIV. dans un mémoire de sa main, (qu'on trouve dans le siecle de Louis XIV.) dit de ce même ministre, qu'il n'avoit ni fermeté ni dignité. On a souvent employé au pluriel le mot hauteur dans le style relevé ; les hauteurs de l'esprit humain ; & on dit dans le style simple, il a eu des hauteurs, il s'est fait des ennemis par ses hauteurs.

Ceux qui ont approfondi le coeur humain en diront davantage sur ce petit article.

HAUTEUR, terme d'Architecture. On dit qu'un bâtiment est arrivé à hauteur, lorsque les dernieres assises sont posées pour recevoir la charpente. On dit aussi hauteur d'appui, pour signifier trois piés de haut : & hauteur de marche, six pouces, parce que l'usage a déterminé ces hauteurs.

HAUTEUR, se dit dans l'Art militaire, du nombre de rangs sur lesquels une troupe est formée, ou ce qui est la même chose, du nombre d'hommes dont les files sont composées. Voyez FILE.

Ainsi, dire qu'une troupe est formée à deux ou trois de hauteur, &c. c'est dire qu'elle a deux ou trois rangs, ou deux ou trois hommes, &c. dans chaque file. Voyez ÉVOLUTIONS.

Hauteur, se dit aussi dans la marche des troupes de la ligne qui termine la tête du côté de l'ennemi. Lorsque l'armée est en marche pour combattre, toutes les colomnes doivent marcher à la même hauteur, c'est-à-dire que la tête de chaque colomne doit être également avancée vers l'ennemi. Voyez MARCHE. (Q)

HAUTEURS, en termes de guerre, signifient les éminences qui se trouvent autour d'une place fortifiée, & où les ennemis ont coûtume de prendre poste. Dans ce sens, on dit que l'ennemi s'est emparé des hauteurs, qu'il paroît sur les hauteurs, &c. Chambers.

HAUTEUR, (Géog.) ce mot qui signifie élévation, a plusieurs usages dans la Géographie.

On dit qu'un château est sur la hauteur, sur une hauteur, lorsqu'il est élevé sur une colline, & commande une ville ou un bourg, qui est au pié, ou sur le penchant.

On dit en termes de navigation : quand nous fûmes à la hauteur d'un tel port, pour dire vis-à-vis.

On dit en termes de Géographie astronomique, la hauteur ou l'élévation du pole, pour désigner la latitude ; car quoique la hauteur du pole & la latitude soient des espaces du ciel dans des parties différentes, ces espaces sont pourtant tellement égaux, que la détermination de l'un ou de l'autre produit le même effet & la même connoissance, parce que la hauteur du pole est l'arc du méridien compris entre le pole & l'horizon ; & la latitude du lieu est l'arc de ce même méridien, compris entre le zénith du lieu & l'équateur. Or à mesure que le pole dont on examine la hauteur s'éleve de l'horison, autant l'équateur s'éloigne du zénith du lieu, puisqu'il y a toûjours 90 degrés de l'un à l'autre. Ainsi l'observatoire de Paris où la hauteur du pole est de 48d. 50'. 10''. a son zénith à pareille distance de l'équateur. On dit prendre hauteur, pour dire mesurer la distance d'un astre à l'horison.

La hauteur de l'équateur est l'arc du méridien compris entre l'horison & l'équateur ; elle est toûjours égale au complément de la hauteur du pole, c'est-à dire à ce qui manque à la hauteur du pole, pour être de 90 degrés ; la raison en est facile, par le principe que nous avons établi, que du pole à l'équateur, la distance est invariablement de 90 degrés, si le pole s'éleve, l'équateur s'abaisse : si le pole s'abaisse, l'équateur s'éleve à son tour. Plus le pole est élevé, plus sa distance au zénith est diminuée, & de même l'horison s'est abaissé, & sa distance à l'horison est plus petite dans la même proportion.

La hauteur de l'équateur se peut connoître de jour, par le moyen de la hauteur du Soleil ; on la trouve facilement avec un quart de cercle bien divisé, ou avec quelqu'autre instrument astronomique, ainsi que par le moyen de la déclinaison, que l'on peut connoître par la trigonométrie sphérique, après que l'on a supputé par les tables astronomiques, le véritable lieu dans le zodiaque. Voyez ÉQUATEUR. (D.J.)

HAUTEUR des caracteres d'Imprimerie, (Fonderie en Caracteres) on entend par la hauteur dite en papier, la distance du corps sur lequel ils sont fondus, depuis le pié qui sert d'appui à la lettre, jusqu'à l'autre extrémité où est l'oeil. Cette hauteur est fixée sagement par les édits du roi & reglemens de la Librairie, à dix lignes & demie géométriques, pour éviter la confusion que des différentes hauteurs causeroient dans l'Imprimerie ; cette hauteur n'est pas de même par-tout : on distingue la hauteur d'Hollande qui a près d'une ligne de plus qu'à Paris ; celles de Francfort, de Flandres, & même de Lyon, ont plus de dix lignes. Voyez OEIL.

HAUTEUR, (mettre à) en terme de Raffineur ; c'est l'action de verser la cuite dans les formes à-peu-près à la même hauteur ; savoir de deux pouces loin du bord dans les petites, & dans les autres à proportion de leur grandeur. On met à hauteur, afin qu'en achevant d'emplir les formes, le fond de la chaudiere où le grain est tombé, soit également partagé dans toutes.


HAUTSHAUTS

HAUTS, ou GRANDS BRINS, s. m. pl. (Commerce) toiles de halle assorties ; elles se fabriquent en Bretagne, particulierement à Dinan.


HAUTS FONDSS. m. pl. (Marine) c'est un endroit de la mer ou auprès d'une côte, sur lequel il y a peu d'eau, & où les navires seroient en danger d'échouer s'ils donnoient dessus : quelques-uns disent des bas-fonds. (Z)


HAUTS-COMPTESS. m. (Manuf.) ce sont des ras de Gênes, étoffes ou toute laine ou laine & soie. Voyez l'article RAS.


HAUTS-JOURS(Jurisprudence) c'est ainsi qu'en quelques endroits l'on appelle les grands-jours. Voyez ci-après au mot JOURS, GRANDS-JOURS. (A)


HAUTS-LIEU(LES), Géog. sacrée ; en hébreu bamot, & en latin excelsa. Il en est souvent parlé dans l'Ecriture, sur-tout dans les livres des Rois ; les prophetes reprochoient toûjours aux Israëlites, d'aller adorer sur les hauts-lieux ; cependant les hauts-lieux n'avoient rien de contraire aux lois du Seigneur, pourvû qu'on n'y adorât que lui, & qu'on n'y offrît ni encens ni victime aux idoles, mais vraisemblablement sur ces hauteurs on adoroit les idoles, on commettoit mille abominations dans les bois de futaie, dans les cavernes, & dans les tentes consacrées à la débauche ; c'est ce qui allumoit le zele des prophetes pour supprimer & détruire les hauts-lieux. (D.J.)


HAUTURIERS. m. (Marine) pilote hauturier. On donne ce nom aux pilotes qui sont pour les voyages de long cours, qui ont une connoissance des astres, & qui font usage des instrumens pour prendre hauteur, pour les distinguer des pilotes costiers, dont les connoissances sont bornées à certaines côtes, le long desquelles ils conduisent les vaisseaux. (R)


HAVil bat l'eau, (Venerie) cri du chasseur lorsque le cerf est dans l'eau.


HAVAGou HAVÉE, s. m. (Jurisprud.) qui dans la basse latinité s'appelle havagium ou havadium, signifie le droit que certaines personnes ont de prendre sur les grains & fruits que l'on expose en vente dans les marchés, autant qu'on en peut prendre avec la main.

Quelques-uns croyent que ce terme vient du vieux mot havir, en tant qu'il se disoit pour prendre. Mais il pourroit bien avoir été formé par corruption du verbe avoir, comme qui diroit ce que l'on a droit d'avoir, d'où l'on a fait avage, & par corruption havage.

En quelques lieux ce droit appartient au roi ; & dans quelques-uns il a été cédé à d'autres personnes, comme à Paris & à Pontoise où il avoit été abandonné à l'exécuteur de la haute-justice ; celui de Paris le faisoit percevoir par ses préposés ; & à cause de l'aversion que l'on a pour les gens de cet état, on ne leur laissoit prendre ce droit qu'avec une cuillere de fer-blanc qui servoit de mesure. On en use encore de même dans quelques autres marchés où l'exécuteur joüit de ce même droit. Mais à Paris il a été supprimé depuis quelque tems à cause des rixes que la perception de ce droit causoit ; la plûpart des vendeurs de denrées ne voulant pas souffrir que le bourreau ou son préposé les marquât sur le bras avec de la craie, comme il avoit coûtume de faire pour reconnoître ceux qui lui avoient payé son droit.

A Pontoise où le bourreau le percevoit pareillement, ce droit a été cédé par accommodement à l'hôpital général. Descript. géogr. & hist. de la haute-Norm. tome II. p. 205.

Voyez aussi ce qui a été dit ci-devant à ce sujet au mot EXECUTEUR DE LA HAUTE-JUSTICE.

Le havage n'est pourtant pas de sa nature un droit royal ; car en plusieurs lieux il appartient à de simples seigneurs particuliers. Beraud en donne un exemple sur l'article 109. de la coûtume de Normandie, où il rapporte un arrêt du 24. Novembre 1555, qui maintint un seigneur au droit de havage par lui prétendu sur les personnes apportans fruits & étalans vendage en la foire tenue sur sa terre, encore qu'il ne fît apparoir d'aucune concession, & qu'il se fondât seulement sur une possession immémoriale.

Voyez le Glossaire de Ducange au mot havagium ; le Glossaire de la Thaumassiere, qui est à la suite des coutumes de Beauvaisis ; le Dictionnaire de Trévoux au mot havage. (A)


HAVAN(LA), Géog. grande & riche ville de l'Amérique septentrionale. Elle est située sur la côte du nord de l'île de Cuba, vis-à-vis la Floride, avec un port très-renommé, fortifié, & si vaste, qu'il peut contenir mille vaisseaux. Ce port, ou plûtôt cette baie, s'enfonce une lieue au sud, & forme comme différens bras à l'ouest & à l'est. Le mouillage en est bon, & on y est en sûreté contre les vents les plus violens ; la ville est très-commerçante, & a trois forts pour sa défense. On y compte six maisons de différens ordres, trois monasteres de religieuses, environ trois cent familles espagnoles, & grand nombre d'esclaves ; cette ville est comme le rendez-vous de toutes les flottes d'Espagne, & lui appartient. Long. suivant Cassini, 296. 15. lat. 23. 11. 52. (D.J.)


HAVANT(Géog.) ville d'Angleterre, dans la province de Hampshire, à six milles de Portsmouth.


HAVÉES. f. (Commerce) droit que l'exécuteur de la haute-Justice prenoit autrefois sur les grains & denrées qui se vendoient dans les marchés de Paris. Les abbés de Sainte Génevieve avoient racheté ce droit moyennant cinq sols de rente annuelle qu'ils lui payoient le jour de leur fête. Ce droit subsiste encore en plusieurs endroits, mais sous un autre nom. Voyez HAVAGE. Dictionnaire de Commerce. (G)


HAVEL(Géog.) riviere d'Allemagne, qui a sa source au duché de Mecklenbourg, arrose d'abord Furstenberg, entre dans la marche de Brandebourg, se partage de tems-en-tems, forme quelques îles, & après s'être grossie de plusieurs petites rivieres, & avoir finalement baigné les murs de Hawelberg, elle se perd dans l'Elbe, vis-à-vis de Werben. (D.J.)


HAVELBERGHavelberga, (Géog.) petite ville d'Allemagne au cercle de Basse Saxe, dans l'électorat de Brandebourg, avec un évêché suffragant de Magdebourg, sécularisé en faveur de la maison de Brandebourg, à qui cette ville est demeurée après avoir été prise & reprise plusieurs fois dans les guerres d'Allemagne. Elle est sur le Havel, à 9 lieues N. E. de Stendal, 15 N. O. de Brandebourg. Long. 30. 18. lat. 53. 4. (D.J.)


HAVENEAUS. m. (Péche) terme usité dans le ressort de l'amirauté de la Rochelle. Ceux qui font la pêche avec ce ret l'établissent autrement à la mer que dans la gironde ; le chaloupe est sans voile ; son côté en-travers ; affourchée sur deux ancres ; le ret à stribord sur le mât ; le reste de la manoeuvre comme aux autres bateaux pêcheurs. Si les traversiers sont pris de calme, & qu'ils veuillent pêcher au haveneau, ils mettent hors leurs acons & placent sur l'arriere leur filet, comme aux félardieres de la Garonne : trois sont dans l'accon, deux rament & refoulent la marée. Le poisson en est déterminé à se porter vers le haveneau ; ce ret a ses mailles de quinze lignes en quarré ; cette pêche peut donner beaucoup sans nuire ; la marée tenant toûjours les mailles du ret ouvertes & tendues, le petit poisson peut s'en échapper sans peine. D'ailleurs comme on le releve dans l'eau, le pêcheur est maître de rejetter à la mer ce qu'il ne veut pas garder. Voyez ce ret dans nos Planches de Pêche.

La félardiere, sorte de bateau, en usage sur la Garonne, & qui peut tenir la mer, sert à la pêche au haveneau pour les chevrettes, les fantes & les pucelles. Les grandes félardieres vont de beau tems jusqu'à la Rochelle ; elles ont vingt piés de l'étrave à l'étambor, quinze à seize piés de quille, deux piés & demi sur quille jusqu'à la lisse ; au milieu six piés & demi de large ; l'étrave haut ; trois varangues ; les bords faits communément de six planches à clin ; le mât au tiers ; une voile en langue ; quelquefois un second mât à levant ; jamais deux voiles, ni bannettes, ni étaines.

Dans la pêche, on ôte le gouvernail qui feroit plomber l'étambor par son poids. Le pêcheur doit veiller sans-cesse au danger de couler bas, & avoir un hachoir tout prêt pour couper le cable au moindre mouvement de la félardiere.

Le haveneau de Garonne est le même instrument que celui dont se servent à pié les pêcheurs bas-normans, à la grandeur près.

La pêche des chevrettes qui se fait à ce filet, ne dure que pendant les chaleurs de Juillet, Août, & Septembre ; passé ce tems, les Pêcheurs continuent au haveneau à plus grandes mailles la pêche des muges, mulets, gustes & gats.

Il y a à la félardiere une petite poutre appellée barioste, d'environ dix piés de haut, sur laquelle sont placées les deux barres de l'haveneau ; ces barres faites de petits sapins ronds, d'environ vingt piés de long, plus menus par le bas que par le haut, se croisent & sont arrêtées par une cheville de fer ; une traverse de bois les tient écartées. Au bout des barres, il y a une autre traverse de corde à laquelle la pêche ou le sac du haveneau est amarré. Il est aussi frappé sur les deux côtés des perches jusqu'auprès de l'étambor, lieu où correspond le fond de la pêche dont les mailles les plus larges sont à l'avant, d'où elles vont en diminuant jusqu'au fond qui est contenu par une corde lâche à oeillet que le pêcheur passe dans les chevilles qui attachent la barre à la félardiere ; ces chevilles ont chacune environ dixhuit à vingt pouces de hauteur.

Un seul homme dans une félardiere peut faire la pêche ; pour cet effet, il jette son ancre ou petit grappin : le cablot amarré à stribord a vingt à vingt-cinq brasses de long ; & à dix brasses près de la félardiere, est frappée sur le cablot une traversiere de dix brasses, amarrée à bas-bord ; l'étambor est exposé à la marée ; & comme les barres du filet sont disposées sur la barcote de maniere que le haveneau est suspendu en équilibre, le pêcheur le plonge sans peine ; il n'entre dans l'eau que de quatre piés au plus ; le flot porte rapidement vers le sac les chevrettes & le frais.

On ne releve guere pendant une marée que deux ou trois fois, sur-tout quand on pêche de flot.

Si la pêche se continue de jusan, on revire de bord ; on releve en pesant sur les barres ; les barres levées, on les arrête avec un petit cordage placé à cet effet ; alors le pêcheur ramasse dans un coin de la poche ce qu'il a pris, & le transporte dans un panier ou banastre.

Les Pêcheurs se placent toûjours plusieurs les uns à côté des autres, sur une même ligne, afin de s'entre-secourir au besoin, & sur-tout pour se tenir éveillés. Le moindre choc imprévû fait tourner la félardiere ; chaque félardiere de pêcheur n'est guere éloignée de sa voisine que de deux brasses.

Les félardieres qui pêchent la chevrette ne se soûtiennent pas si facilement à la marée, que celles qui pêchent les mulets, parce que les lacs de haveneaux à chevrettes étant plus serrés font culer davantage & plomber à l'arriere.

Les mailles des haveneaux de quelques endroits sont de sept lignes en quarré aux côtés & à la tête, & diminuent successivement jusqu'à trois lignes qu'elles ont à peine vers le fond du sac. Voyez nos Planches de Pêche.

Voilà pour les haveneaux à chevrettes ; ceux à mulets sont plus grands ; ils servent à la pêche des mulets, surmulets & autres poissons qui entrent dans les rivieres. Ils ont la maille de neuf lignes en quarré ; la pêche avec ces rets se fait toute l'année tant de jour que de nuit ; les Pêcheurs s'assemblent en assez grand nombre pour barrer la riviere ; le sac de l'haveneau a quatre brasses de largeur, & autant de profondeur. Les Pêcheurs s'établissent, comme nous l'avons décrit ci-dessus ; mais ils risquent moins, par la facilité qu'ils ont à manoeuvrer leur ret, quoique plus grand étant moins pesant, & la largeur des mailles opposant à l'eau moins de surface & de résistance.

Lorsque la pêche des chevrettes finit, celle des mulets & surmulets commence ; elle ne se fait que de marée montante ou descendante ; les tems de gros vents y sont favorables ; le ret ne plonge dans l'eau que de deux piés ; le pêcheur a toûjours la main sur les barres du haveneau ; s'il manquoit de relever au moindre mouvement, le poisson rebrousseroit chemin. Il n'en est pas ainsi des esquires ou chevrettes ; quand elles sont dans le sac, elles y restent.


HAVENETS. m. (Pêche) ce ret est usité dans l'amirauté de Saint-Malo ; on prend le poisson plat au havenet ; il est formé de deux perches croisées de bois leger, chacune d'environ douze piés de long. Ces perches portent à leur extrémité le filet qu'elles font ouvrir ; il a treize à quatorze piés d'ouverture ; il se traîne ; il n'est chargé ni de plomb ni d'autre corps pesant ; le pêcheur le releve d'autant plus facilement ; les perches sont tenues ouvertes par une petite traverse qui s'emboîte à mortaise d'un bout, & qui est fourchue de l'autre. Elle est placée environ à trois piés, sur la longueur des perches du côté du pêcheur qui pousse cet instrument devant lui. Le reste du sac est amarré sur les côtés de la perche, & fermé d'un petit filet qui retient le poisson.


HAVERFORD-WEST(Géog.) ville à marché d'Angleterre, en Pembrokeshire : elle envoye deux députés au Parlement, & est à 65 lieues O. de Londres. Long. 12. 40. lat. 51. 56. (D.J.)


HAVERIENNE(GLANDES), Anatomie. Havers medecin anglois, & membre de la société royale de Londres, a publié des nouvelles observations sur les of & sur leurs parties. Entr'autres choses, il traite en particulier des glandes mucilagineuses ; il a découvert qu'elles sont de deux especes ; les unes petites & dispersées par pelotons sur les membranes des articulations, & les autres plus grandes & se réunissant par paquets ; on les nomme glandes haveriennes. Voyez MUCILAGINEUX. Son ouvrage est intitulé, Osteologia nova, Londres 1691, in-8 °. le même traduit sous le titre de Novae quaedam observationes de ossibus, versio nova, &c. Amstelodami, 1731. (L)


HAVETS. m. (Métallurgie) espece de crochet employé à différens usages dans le travail de la calamine & du cuivre mis en laiton. Il y a aussi un instrument de ce nom dans l'exploitation de l'ardoise. Voyez l'article ARDOISE.


HAVRES. m. (Géog.) ce mot que les Latins expriment par celui de portus, étoit appellé par les Grecs , & ; il ne répond pas au statio navium des Latins, comme l'a pensé le pere Lubin. Le port ou le havre marque un lieu fermé, ou capable d'être fermé ; statio navium signifie au contraire, une rade, un abri, un moüillage, où les vaisseaux sont seulement à couvert de certains vents. L'usage du mot havre s'étend à quelques façons de parler, qui en marquent les avantages ou les inconvéniens.

On appelle havre de barre, un havre dont l'entrée est fermée par un banc de roches ou de sable, & dans lequel on ne peut aborder que de pleine mer. Le havre de Goa est un havre de barre, quoique ce soit un des plus beaux ports du monde.

Le havre de toutes marées est celui où l'on n'est pas obligé d'attendre pour entrer ou pour sortir, la commodité de la marée, mais où l'on peut entrer également de haute & de basse mer.

Le havre d'entrée signifie la même chose ; c'est un havre où il y a toûjours assez d'eau pour y entrer ou pour en sortir, même en basse marée.

Le havre brute ou crique est celui que la nature seule a formé, & auquel l'industrie des hommes n'a encore rien ajoûté pour le rendre plus sûr & plus commode ; les François qui navigent en Amérique, appellent cul-de-sac un avre de cette espece.

Quelquefois le avre est resserré à son entrée par une longue digue qui s'avance dans la mer, ou même par deux digues qu'on appelle jettées. Voyez JETTEES. Quelquefois, sur-tout en Italie & dans le Levant, au lieu de jettées il y a un mole qui ferme le port. Voyez MOLE. (D.J.)

HAVRE-DE-GRACE (le), Géog. ville maritime de France dans la haute-Normandie, au pays de Caux, avec un excellent port, une citadelle, & un arsenal pour la marine. Elle doit son origine à François I. qui la fit bâtir & fortifier ; les Anglois la bombarderent en 1694. Elle est à l'embouchure de la Seine, dans un endroit marécageux, à 12 lieues de Caën, 18 N. O. de Roüen, 8 S. O. de Fécamp, 2 d'Harfleur, 45 N. O. de Paris. Long. 17. 40. 10. lat. 49. 29. 9.

M. & Mademoiselle de Scudery sont de cette ville ; M. de Scudery (Georges) y naquit en 1603. Favori du cardinal de Richelieu, il balança quelque tems la réputation de Corneille ; son nom est aujourd'hui plus connu que ses ouvrages, sur lesquels on sait les vers satyriques de Despréaux. Il mourut à l'âge de 64 ans.

Scudery (Magdelaine) sa soeur, est née en 1607 ; elle publia quelques vers agréables, & les énormes romans de Clélie, d'Artamène, de Cyrus, & autres, outre dix volumes d'entretiens. Elle remporta en 1671 le premier prix d'éloquence fondé par l'académie françoise ; elle a joüi d'une pension du cardinal Mazarin, d'une autre du chancelier Boucherat sur le sceau, & d'une troisieme de deux mille livres que Louis XIV. lui donna en 1683.

On nous a conservé son aventure dans un voyage qu'elle fit en Provence ; elle causoit avec son frere dans l'hôtellerie de son roman de Cyrus, & lui demandoit ce qu'il pensoit qu'on devoit faire du prince Mazart, un des héros du roman, dont le dénoüement l'embarrassoit. Ils convinrent de le faire assassiner ; des gens qui étoient dans la chambre voisine ayant entendu la conversation, crurent que c'étoit la mort de quelque prince appellé Mazart, dont on complotoit la perte ; ils en avertirent la Justice du lieu ; M. & Mademoiselle de Scudery furent mis en prison, & eurent besoin de quelque tems pour prouver leur innocence : cette Dame mourut en 1701. (D.J.)


HAWAMAALS. m. (Hist. anc.) c'est ainsi qu'on nommoit chez les anciens Celtes Scandinaves ou peuples du Nord, un poëme qui renfermoit les préceptes de morale que le scythe Odin ou Othen avoit apportés à ces nations dont il fit la conquête. Hawamaal signifie en leur langue discours sublime ; ce poëme contient cent vingt strophes, dont quelques-unes renferment des maximes d'une très-belle simplicité : en voici quelques-unes.

Plus un homme boit, plus il perd de raison ; l'oiseau de l'oubli chante devant ceux qui s'enyvrent, & leur dérobe leur ame.

L'homme gourmand mange sa propre mort ; & l'avidité de l'insensé est la risée du sage.

Quand j'étois jeune j'errois seul dans le monde ; je me croyois devenu riche quand j'avois trouvé un compagnon : un homme fait plaisir à un autre homme.

Qu'un homme soit sage modérément, & qu'il n'ait pas plus de prudence qu'il ne faut ; qu'il ne cherche point à savoir sa destinée, s'il veut dormir tranquille.

Il vaut mieux vivre bien que long-tems : quand un homme allume du feu, la mort est chez lui avant qu'il soit éteint.

Il vaut mieux avoir un fils tard que jamais ; rarement voit-on des pierres sépulchrales élevées sur les tombeaux des morts par d'autres mains que celles de leurs fils.

Louez la beauté du jour quand il est fini ; une femme quand vous l'aurez connue ; une épée quand vous l'aurez essayée ; une fille quand elle sera mariée ; la glace quand vous l'aurez traversée ; la biere quand vous l'aurez bûe.

Il n'y a point de maladie plus cruelle que de n'être pas content de son sort.

Les richesses passent comme un clin-d'oeil ; elles sont les plus inconstantes des amies. Les troupeaux périssent, les parens meurent, les amis ne sont point immortels, vous mourrez vous-même : je connois une seule chose qui ne meurt point, c'est le jugement qu'on porte des morts.

Voyez les monumens de la Mythologie & de la Poésie des Celtes, par M. Mallet ; voyez l'article SCANDINAVES (philosophie des).


HAWAS(Géog.) ville de Perse, fertile en dattes, & autres fruits que l'on confit au vinaigre, & qu'on transporte en d'autres pays. Cette ville est la même qu'Ahuas de M. d'Herbelot, & qu'Haviza, de l'historien de Timur-Bec. Sa longitude, suivant Tavernier, est à 75d. 40'. latitude 33d. 15'. mais la latit. de Tavernier n'est pas exacte ; Nassir-Eddin, & Vlug-Beig suivis par M. Delisle, la mettent de 31d. (D.J.)


HAWASCH(Géog.) riviere d'Abyssinie, dont la source est dans le royaume de Wed ; elle passe avec le Maeschi au royaume de Bali, & de-là au royaume d'Adel, fournit des eaux à l'Abyssinie qui en manque absolument ; & se trouvant enfin peu de chose, se perd dans les sables, comme si elle avoit honte, dit M. Ludolf, de ne porter à la mer qu'un tribut indigne d'elle. (D.J.)


HAXBERGEN(Géog.) ville des Pays-Bas, dans la province d'Overyssel, dans le district de Twento.


HAYS. m. (Hist. nat.) animal des Indes qui ressemble à un singe, mais dont la tête est difforme. Il a une marche si lente, qu'on dit qu'il ne peut s'avancer de plus de douze à quinze pas en un jour. On prétend qu'il est si paresseux, qu'il est quelquefois quinze jours sans manger. C'est si sobre qu'il falloit dire : si la nature lui eût donné plus de voracité, il eût été plus actif.


HAYou GROSSEN-HAYN, (Géog.) ville de Saxe, dans le marquisat de Misnie.


HAYNA(Géog.) ville de Silésie, dans la principauté de Lignitz.


HAYNICHEN(Géogr.) ville de Saxe, dans le cercle des montagnes en Misnie, à deux lieues de Freyberg sur la Stricgnitz.


HAYONS. m. (Chandelier) espece de chandelier double à longues chevilles, sur lequel on met en étalage le chandelles communes, encore enfilées sur la broche.

On nommoit autrefois du même nom de hayon, les échopes ou étaux portatifs des marchands aux halles.


HAZARDsubst. masc. (Métaphysique) terme qui se dit des évenemens, pour marquer qu'ils arrivent sans une cause nécessaire ou prévûe. Voyez CAUSE.

Nous sommes portés à attribuer au hazard les choses qui ne sont point produites nécessairement comme effets naturels d'une cause particuliere : mais c'est notre ignorance & notre précipitation qui nous font attribuer de la sorte au hazard des effets qui ont aussi-bien que les autres, des causes nécessaires & déterminées.

Quand nous disons qu'une chose arrive par hazard, nous n'entendons autre chose, sinon que la cause nous en est inconnue, & non pas comme quelques personnes l'imaginent mal-à-propos, que le hazard lui-même puisse être la cause de quelque chose. M. Bentley prend occasion de cette observation de faire sentir la folie de l'opinion ancienne que le monde ait été fait par hazard. Ce qui arriva à un peintre, qui ne pouvant représenter l'écume à la bouche d'un cheval qu'il avoit peint, jetta de dépit son éponge sur le tableau, & fit par hazard ce dont il n'avoit pû venir à bout lorsqu'il en avoit le dessein, nous fournit un exemple remarquable du pouvoir du hazard ; cependant il est évident que tout ce qu'on entend ici par le mot de hazard, c'est que le peintre n'avoit point prévû cet effet, ou qu'il n'avoit point jetté l'éponge dans ce dessein, & non pas qu'il ne fit point alors tout ce qui étoit nécessaire pour produire l'effet, de façon qu'en faisant attention à la direction dans laquelle il jetta l'éponge, à la force avec laquelle il la lança, ainsi qu'à la forme de l'éponge, à sa gravité spécifique, aux couleurs dont elle étoit imbibée, à la distance de la main au tableau ; l'on trouveroit en calculant bien qu'il étoit absolument impossible, sans changer les lois de la nature, que l'effet n'arrivât point. Nous en dirions autant de l'univers, si toutes les propriétés de la matiere nous étoient bien connues.

On personnifie souvent le hazard, & on le prend pour une espece d'être chimérique, qu'on conçoît comme agissant arbitrairement, & produisant tous les effets dont les causes réelles ne se montre point à nous ; dans ce sens, ce mot est équivalent au grec , ou fortune des anciens. Voyez FORTUNE.

Hazard, marque aussi la maniere de décider des choses dont la conduite ou la direction ne peuvent se réduire à des regles ou mesures déterminées, ou dans lesquelles on ne peut point trouver de raison de préférence, comme dans les cartes, les dés, les loteries, &c.

Sur les lois du hazard, ou la proportion du hazard dans les jeux. Voyez JEUX.

M. la Placette observe que l'ancien sort ou hazard avoit été institué par Dieu même, & que dans l'ancien Testament nous trouvons plusieurs lois formelles ou commandemens exprès qui le prescrivent en certaines occasions ; c'est ce qui fait dire dans l'Ecriture que le sort ou hazard tomba sur S. Matthias, lorsqu'il fut question de remplir la place de Judas dans l'apostolat.

De-là sont venus encore les sortes sanctorum, ou la maniere dont les anciens chrétiens se servoient pour conjecturer sur les événemens ; savoir d'ouvrir un des livres de l'Ecriture-sainte, & de regarder le premier verset sur lequel ils jetteroient les yeux : les sortes homericae, virgilianae, praenestinae, &c. dont se servoient les Payens, avoient le même objet, & étoient parfaitement semblables à celles-ci. Voyez SORT.

S. Augustin semble approuver cette méthode de déterminer les événemens futurs, & il avoue qu'il l'a pratiquée lui-même, se fondant sur cette supposition que Dieu préside au hazard, & sur le verset 33. chapitre xvj. des Proverbes.

Plusieurs théologiens modernes soûtiennent que le hazard est dirigé d'une maniere particuliere par la Providence, & le regardent comme un moyen extraordinaire dont Dieu se sert pour déclarer sa volonté. Voyez PURGATION, JUDICIUM DEI, COMBATS, CHAMPIONS, &c.


HAZARDS(ANALYSE DES) est la science du calcul des probabilités. Voyez les articles JEU, PARI, PROBABILITE, &c.

HAZARD, en fait de Commerce ; on dit qu'on a trouvé un bon hazard, pour signifier qu'on a fait un bon marché, & sur lequel il y a beaucoup à gagner.

On appelle marchandise de hazard, celle qui n'étant pas neuve, n'est pas néanmoins gâtée, & peut être encore de service.


HÉAS. m. (Géog.) province d'Afrique, sur la côte de Barbarie, dans la partie la plus occidentale du royaume de Maroc ; elle a par-tout de hautes montagnes, quantité de troupeaux de chevres, des cerfs, des chevreuils, des sangliers, & les plus grands lievres de Barbarie. Il n'y croît que de l'orge qui fait la nourriture ordinaire des habitans. Ils sont robustes, très-jaloux, & les femmes fort adonnées à l'amour : quoique Mahométans, ils ne savent ce que c'est que Mahomet & sa secte ; mais ils font & disent tout ce qu'ils voyent faire & entendent dire à leurs alfaquis ; ils n'ont ni medecins, ni chirurgiens, ni apoticaires, & n'en sont pas plus malheureux. Marmol a décrit amplement leurs moeurs & leur façon de vivre ; consultez-le. Tednest est la capitale de cette province, qui occupe la pointe du grand Atlas, & est bornée par l'océan au couchant & au septentrion. (D.J.)


HÉAN(Géog.) ville d'Asie dans le Tonquin ; c'est le siége d'un mandarin de guerre qui en est le gouverneur. (D.J.)


HÉATOTOTLS. m. (Ornitholog.) oiseau d'Amérique décrit par Niéremberg, & qu'il nomme en latin l'oiseau du vent, avis venti ; il est remarquable par une large & longue crête de plumes blanches qu'il porte sur sa tête ; sa gorge est d'un cendré brun ; son ventre est blanc, & ses piés sont jaunes ; sa queue mi-partie noire & blanche, est ronde quand elle est déployée ; son dos & ses aîles sont noires. (D.J.)


HEAUMES. m. voyez CASQUE.

HEAUME, (Marine) dans les petits bâtimens on appelle ainsi la barre du gouvernail. (R)


HEAUMERIES. f. (Art méchan.) art de fabriquer les armures tant des cavaliers & de leurs chevaux, que des hommes de pié ; ce mot vient de heaume ou casque ; d'où l'on a fait encore heaumiers ou faiseurs de heaume ; ce sont nos Armuriers qui leur ont succédé.


HEBDOMADAIREadj. (Gram.) de la semaine ; ainsi des nouvelles hebdomadaires, des gazettes hebdomadaires, ce sont des nouvelles, des gazettes qui se distribuent toutes les semaines. Tous ces papiers sont la pâture des ignorans, la ressource de ceux qui veulent parler & juger sans lire, & le fleau & le dégoût de ceux qui travaillent. Ils n'ont jamais fait produire une bonne ligne à un bon esprit ; ni empêché un mauvais auteur de faire un mauvais ouvrage.


HEBDOMADIERS. m. (Hist. ecclés.) celui qui est de semaine dans une église, un chapitre, ou un couvent, pour faire les offices & y présider. On l'appelle plus communément semainier ; il a en plusieurs endroits des priviléges particuliers, tels que des collations, & des rétributions particulieres.

On appelle aussi hebdomadier dans quelques monasteres celui qui sert au réfectoire pendant la semaine.

On a étendu ailleurs cette dénomination à toutes les fonctions auxquelles on se succede à tour de rôle.

Ainsi dans l'antiquité ecclésiastique, on trouve un chantre hebdomadier, un hebdomadier de choeur, un hebdomadier de cuisine, &c.

D'hebdomadier, on a fait dans les couvens de religieuses, l'hebdomadiere.


HEBDOMÉESS. f. plur. (Antiq.) fête qui selon Suidas & Proclus, se célébroit à Delphes le septieme jour de chaque mois lunaire, en l'honneur d'Apollon, ou seulement selon Plutarque & d'autres auteurs, le septieme jour du mois , qui étoit le premier mois du printems. Les habitans de Delphes disoient pour , parce que dans leur dialecte, le prenoit souvent la place du est formé du prétérit parfait de , interroger, parce qu'on avoit dans ce mois une entiere liberté d'interroger l'oracle.

Les Delphiens prétendoient qu'Apollon étoit né le septieme jour de ce mois ; c'est pour cela que ce dieu est surnommé par quelques écrivains Hebdomagènes, c'est-à-dire, né le septieme jour ; & c'étoit proprement ce jour-là, qu'Apollon venoit à Delphes, comme pour payer sa fête, & qu'il se livroit dans la personne de sa prêtresse, à tous ceux qui le consultoient.

Ce jour célebre des hebdomées, étoit appellé , non pas parce qu'on mangeoit beaucoup de ces gâteaux fait de fromages & de fleur de froment, dits ; mais parce qu'Apollon étoit fort importuné par la multitude de ceux qui venoient le consulter. signifie la même chose que , ou .

La cérémonie des hebdomées consistoit à porter des branches de laurier, & à chanter des hymnes en l'honneur du dieu ; en même tems les sacrifices faisoient le principal devoir de ceux qui venoient ce jour-là consulter l'oracle ; car on n'entroit point dans le sanctuaire, qu'on n'eût sacrifié ; sans cela Apollon étoit sourd, & la Pythie étoit muette. Voyez DELPHES (oracle de). (D.J.)


HEBÉS. f. (Myth.) fille de Jupiter & de Junon, selon Hésiode & Homere ; Junon la conçut à l'exemple de Jupiter, sans avoir approché de son époux qui avoit bien engendré Minerve sans le concours de sa femme. D'autres prétendent que la mere des dieux cessa d'être stérile, par la vertu des laitues sauvages, & qu'elle devint grosse d'Hebé, au sortir d'un repas qu'Apollon lui donna, & où elle mangea avec grand appétit de ce légume. Jupiter charmé de la beauté d'Hebé, lui conféra la fonction de verser à boire aux dieux ; mais elle perdit cette prérogative par un accident qui auroit amusé Jupiter un autre jour, & qui le fâcha ce jour-là. Le pere des dieux aussi capricieux qu'un souverain, substitua Ganymede à Hebé, parce que cette jeune fille s'étoit laissé tomber d'une maniere peu décente dans un repas solemnel que l'Olympe célébroit chez les Ethiopiens. Quelques-uns pensent que ce ne fut qu'un prétexte. Ganymede devint donc l'échanson des dieux ; on dit de Jupiter seulement : selon eux, Hebé demeura en possession de présenter le nectar aux déesses ; elle fut la déesse de la jeunesse ; Hercule admis entre les dieux l'obtint pour sa femme. Hebé rajeunit Islaüs, fils d'Iphycle, à la priere de son mari, dont il étoit le cocher.


HEBERGES. f. ou HEBERGEMENT, s. m. (Jurisprud.) signifie maison, manoir, logement.

Dans la Coûtume de Paris, & quelques autres semblables, le terme d'heberge signifie la hauteur & superficie qu'occupe une maison contre un mur mitoyen ou l'adossement d'un bâtiment contre un mur mitoyen. Un propriétaire n'est tenu de contribuer au mur mitoyen, que suivant son heberge, c'est-à-dire suivant l'étendue qu'il en occupe. Voyez la Coûtume de Paris, article 194 & 197.

Le droit d'hebergement ou procuration, étoit l'obligation de fournir au seigneur ses repas lorsqu'il venoit dans le lieu. Voyez l'hist de Bretagne, par D. Lobineau, tome I. page 200. (A)


HEBERGERMUIRE, (Saline) c'est charger d'eau la poële ; elle est environ deux heures à se remplir. Voyez SALINES.


HEBICHERS. m. (Art) c'est un crible fait de brins de roseaux ou de latanier entrelacés, d'usage aux îles pour la préparation du roucou. On s'en sert aussi aux Antilles dans les sucreries pour passer le sucre concassé dont on remplit les barrils.


HEBONS. m. (Mythol.) surnom de Bacchus ; c'est comme si l'on eût dit le jeune dieu. Le dieu de la jeunesse fut aussi le dieu de l'yvresse. Les Napolitains l'honorerent sous ce double aspect.


HÉBRAIQUE(LANGUE) ; c'est la langue dans laquelle sont écrits les livres saints que nous ont transmis les Hébreux qui l'ont autrefois parlée. C'est sans contredit, la plus ancienne des langues connues ; & s'il faut s'en rapporter aux Juifs, elle est la premiere du monde. Comme langue savante, & comme langue sacrée, elle est depuis bien des siecles le sujet & la matiere d'une infinité de questions intéressantes, qui toutes n'ont pas toûjours été discutées de sens froid, sur-tout par les rabbins, & qui pour la plûpart, ne sont pas encore éclaircies, peut-être à cause du tems qui couvre tout, peut-être encore parce que cette langue n'a pas été aussi cultivée qu'elle auroit dû l'être des vrais savans. Son origine, ses révolutions, son génie, ses propriétés, sa grammaire, sa prononciation, enfin les caracteres de son écriture, & la ponctuation qui lui sert de voyelles, sont l'objet des principaux problèmes qui la concernent ; s'ils sont résolus pour les Juifs qui se noyent avec délices dans un océan de minuties & de fables, ils ne le sont pas encore pour l'homme qui respecte la religion & le bon sens, & qui ne prend pas le merveilleux pour la vérité. Nous présenterons donc ici ces différens objets ; & sans nous flatter du succès, nous parlerons en historiens & en littérateurs ; 1°. de l'écriture de la langue hébraïque ; 2°. de sa ponctuation ; 3°. de l'origine de la langue & de ses révolutions chez les Hébreux ; 4°. de ses révolutions chez les différens peuples où elle paroît avoir été portée par les Phéniciens ; & 5°. de son génie, de son caractere, de sa grammaire, & de ses propriétés.

I. L'alphabet hébreu est composé de vingt-deux lettres, toutes réputées consonnes, sans en excepter même l'aleph, le hé, le vau & jod, que nous nommons voyelles, mais qui chez les Hébreux n'ont aucun son fixe ni aucune valeur sans la ponctuation, qui seule contient les véritables voyelles de cette langue, comme nous le verrons au deuxieme article. On trouvera les noms & les figures des caracteres hébreux, ainsi que leur valeur alphabétique & numérique dans nos Planches de Caracteres ; on y a joint les caracteres samaritains qui leur disputent l'antériorité. Ces deux caracteres ont été la matiere de grandes discussions entre les Samaritains & les Juifs ; le Pentateuque qui s'est transmis jusqu'à nous par ces deux écritures ayant porté chacun de ces peuples à regarder son caractere comme le caractere primitif, & à considérer en même tems son texte comme le texte original.

Ils se sont fort échauffés de part & d'autre à ce sujet, ainsi que leurs partisans, & ils ont plutôt donné des fables ou des systèmes, que des preuves ; parce que telle est la fatalité des choses qu'on croit toucher à la religion, de ne pouvoir presque jamais être traitées à l'amiable & de sens froid. Les uns ont consideré le caractere hébreu comme une nouveauté que les Juifs ont rapportée de Babylone au retour de leur captivité ; & les autres ont regardé le caractere samaritain comme le caractere barbare des colonies assyriennes qui repeuplerent le royaume des dix tribus dispersés sept cent ans environ avant J. C. Quelques-uns plus raisonnables ont cherché à les mettre d'accord en leur disant que leur peres avoient eu de tout tems deux caracteres, l'un profane, & l'autre sacré ; que le samaritain avoit été le profane ou le vulgaire, & que celui qu'on nomme hébreu, avoit été le caractere sacré ou sacerdotal. Ce sentiment favorable à l'antiquité de deux alphabets, qui contiennent le même nombre de lettres, & qui semblent par-là avoir en effet appartenu au même peuple, donne la place d'honneur à celui du texte hébreu ; mais il s'est trouvé des Juifs qui l'ont rejetté, parce qu'ils ne veulent point de concurrens dans leurs antiquités, & qu'il n'y a d'ailleurs aucun monument qui puisse constater le double usage de ces deux caracteres chez les anciens Israëlites. Enfin les savans qui sont entrés dans cette discussion, après avoir long-tems flotté d'opinions en opinions, semblent être décidés aujourd'hui, quelques-uns à regarder encore le caractere hébreu comme ayant été inventé par Esdras ; le plus grand nombre comme un caractere chaldéen, auquel les Juifs se sont habitués dans leur captivité ; & presque tous sont d'accord avec les plus éclairés des rabbins, à donner l'antiquité & la primauté au caractere samaritain.

Cette grande question auroit été plutôt décidée, si dans les premiers tems où l'on en a fait un problème, les intéressés eussent pris la voie de l'observation & non de la dispute. Il falloit d'abord comparer les deux caracteres l'un avec l'autre, pour voir en quoi ils différent, en quoi ils se ressemblent, & quel est celui dans lequel on reconnoît le mieux l'antique. Il falloit ensuite rapprocher des deux alphabets les lettres greques nommées lettres phéniciennes par les Grecs eux-mêmes, parce qu'elles étoient originaires de la Phénicie. Comme cette contrée differe peu de la Palestine, il étoit assez naturel d'examiner les caracteres d'écritures qui en sont sortis, pour remarquer s'il n'y auroit point entr'eux & les caracteres hébreux & samaritains des rapports communs qui puissent donner quelque lumiere sur l'antiquité des deux derniers ; c'est ce que nous allons faire ici.

Le simple coup-d'oeil fait appercevoir une différence sensible entre les deux caracteres orientaux ; l'hébreu net, distinct, régulier, & presque toûjours quarré, est commode & courant dans l'Ecriture ; le samaritain plus bizarre, & beaucoup plus composé, présente des figures qui ressemblent à des hieroglyphes, & même à quelques-unes de ces lettres symboliques qui sont encore en usage aux confins de l'Asie. Il est difficile & long à former, & tient ordinairement beaucoup plus de place ; nous pouvons ensuite remarquer que plusieurs caracteres hébreux, comme aleph, beth, zain, heth, theth, lamed, mem, nun, resch, & schin, ne sont que des abréviations des caracteres samaritains qui leur correspondent, & que l'on a rendus plus courans & plus commodes ; d'où nous pouvons déjà conclure que le caractere samaritain est le plus ancien ; sa rusticité fait son titre de noblesse.

La comparaison des lettres greques avec les samaritaines ne leur est pas moins avantageuse. Si l'on en rapproche les majuscules alpha, gamma, delta, epsilon, zeta, heta, lambda, pi, ro & sigma, on les reconnoîtra aisément dans les lettres correspondantes aleph, gimel, daleth, hé, zain, heth, lamed, phé, resch & schin,

avec cette différence cependant que dans le grec elles sont pour la plûpart tournées en sens contraire, suivant l'usage des Occidentaux qui ont écrit de gauche à droite, ce que les Orientaux avoient figuré de droite à gauche. De cette derniere observation il résulte que le caractere que nous nommons samaritain étoit d'usage dans la Phénicie dès les premiers tems historiques, & même auparavant, puisque l'arrivée des Phéniciens & de leur alphabet chez les Grecs se cache pour nous dans la nuit des tems mythologiques.

Nos observations ne seront pas moins favorables à l'antiquité des caracteres hébreux. Si l'on compare les minuscules

Le vient de l'ajin ; & la prononciation de ces deux lettres varie de même chez les Hébreux comme chez les Grecs.]

des Grecs avec eux, on reconnoîtra de même qu'elles en ont pour la plûpart été tirées, comme les majuscules l'ont été du samaritain, & l'on remarquera qu'elles sont aussi représentées en sens contraire. Par cette double analogie des lettres greques avec les deux alphabets orientaux, nous devons donc juger 1°. que de tout ce qui a été tant de fois débité sur la nouveauté du caractere hébreu ; sur Esdras, qu'on en a fait l'inventeur ; & sur Babylone, d'où l'on dit que les captifs l'ont apporté, ne sont que des fables qui démontrent le peu de connoissance qu'ont eu les Juifs de leur histoire littéraire, puisqu'ils ont ignoré l'antiquité de leurs caracteres, qui avoient été communiqués aux Européens plus de mille ans avant ce retour de Babylone : 2°. que les deux caracteres nommés aujourd'hui hébreu & samaritain, ont originairement appartenu au même peuple, & particulierement aux anciens habitans de la Phénicie ou Palestine, & que le samaritain cependant doit avoir quelque antériorité sur l'hébreu, puisqu'il a visiblement servi à sa construction, & qu'il a produit les majuscules greques ; étant vraisemblable que les premieres écritures ont consisté en grandes lettres, & que les petites n'ont été inventées & adoptées que lorsque cet art est devenu plus commun & d'un usage plus fréquent.

Au tableau de comparaison que nous venons de faire de ces trois caracteres, il n'est pas non plus inutile de joindre le coup-d'oeil des lettres latines ; quoiqu'elles soient censées apportées en Italie par les Grecs, elles ont aussi des preuves singulieres d'une relation directe avec les Orientaux. On ne nommera ici que C, L, P, q & r, qui n'ont point tiré leur figure de la Grece, & qui ne peuvent être autres que le caph, le lamed, le phé final, le qoph, & le resch de l'alphabet hébreu, vûs & dessinés en sens contraire :

ce qui présente un nouveau monument de l'antiquité des lettres hébraïques. Comme nous ne pouvons fixer les tems où les navigateurs de la Phénicie ont porté leurs caracteres & leur écriture aux différens peuples de la Méditerranée, il nous est encore plus impossible de désigner la source d'où les Phéniciens & les Israélites les avoient eux-mêmes tirés ; ce n'a pû être sans-doute que des Egyptiens ou des Chaldéens, deux des plus anciens peuples connus, dont les colonies se sont répandues de bonne heure dans la Palestine. Mais en vain désirerions-nous savoir quelque chose de plus précis sur l'origine de ces caracteres & sur leur inventeur ; le tems où les Egyptiens & les Chaldéens ont abandonné leurs symboles primitifs & leurs hiéroglyphes, pour transmettre l'Histoire par l'écriture, n'a point de date dans aucune des annales du monde : nous n'oserions même assûrer que ces caracteres hébreux & samaritains ayent été les premiers caracteres des sons. La lettre quarrée des Hébreux est trop simple pour avoir été la premiere inventée ; & celle des Samaritains n'est peut-être point assez composée ; d'ailleurs ni l'une ni l'autre ne semblent être prises dans la nature ; & c'est l'argument le plus fort contre elles, parce qu'il est plus que vraisemblable que les premieres lettres alphabétiques ont eu la figure d'animaux, ou de parties d'animaux, de plantes, & d'autres corps naturels dont on avoit déjà fait un si grand usage dans l'âge des symboles ou des hiéroglyphes. Ce que l'on peut penser de plus raisonnable sur nos deux alphabets, c'est qu'étant dépourvûs de voyelles, ils paroissent avoir été un des premiers degrés par où il a fallu que passât l'esprit humain pour amener l'écriture à sa perfection. Quant au primitif inventeur, laissons les rabbins le voir tantôt dans Adam, tantôt dans Moïse, tantôt dans Esdras ; laissons aux Mythologistes le soin de le célébrer dans Thoth, parce que othoth signifie des lettres ; & ne rougissons point d'avouer notre ignorance sur une anecdote aussi ténébreuse qu'intéressante pour l'histoire du genre humain. Passons aux questions qui concernent la ponctuation, qui dans l'écriture hébraïque tient lieu des voyelles dont elle est privée.

II. Quoique les Hébreux ayent dans leur alphabet ces quatre lettres aleph, he, vau & jod, c'est-à-dire a, e, u ou o, & i, que nous nommons voyelles, elles ne sont regardées dans l'hébreu que comme des consonnes muettes, parce qu'elles n'ont aucun son fixe & propre, & qu'elles ne reçoivent leur valeur que des différens points qui se posent dessus ou dessous, & devant ou après elles : par exemple, vaut o, vaut i, vaut e, vaut o, &c. plus ordinairement ces points & plusieurs autres petits signes conventionnels se posent sous les vraies consonnes, valent seuls autant que nos cinq voyelles, & tiennent presque toûjours lieu de l'aleph, du hé, du vau, & du jod, qui sont peu souvent employés dans les livres sacrés. Pour écrire lacac, lecher, on écrit c ; pour paredes, jardin, s ; pour marar, être amer, r ; pour pharaq, briser, pq ; pour garah, batailler, h, &c. Tel est l'artifice par lequel les Hébreux suppléent au défaut des lettres fixes que les autres nations se sont données pour désigner les voyelles ; & il faut avouer que leurs signes sont plus riches & plus féconds que nos cinq caracteres, en ce qu'ils indiquent avec beaucoup plus de variété les longues & les breves, & même les différentes modifications des sons que nous sommes obligés d'indiquer par des accens, à l'imitation des Grecs qui en avoient encore un bien plus grand nombre que nous qui n'en avons pas assez. Il arrive cependant, & il est arrivé quelques inconvéniens aux Orientaux, de n'avoir exprimé leurs voyelles que par des signes aussi déliés, quelquefois trop vagues, & plus souvent encore sous-entendus. Les voyelles ont extrêmement varié dans les sons ; elles ont changé dans les mots, elles ont été omises, elles ont été ajoûtées & déplacées à l'égard des consonnes qui forment la racine des mots : c'est ce qui fait que la plûpart des expressions occidentales qui sont en grand nombre sorties de l'Orient, sont & ont été presque toûjours méconnoissables. Nous ne disons plus paredes, marar, pharac, & garah, mais paradis, amer, phric, ou phrac, & guerroyer. Ces changemens de voyelles sont une des clés des étymologies, ainsi que la connoissance des différentes finales que les nations d'Europe ont ajoûtées à chaque mot oriental, suivant leur dialecte & leur goût particulier.

Indépendamment des signes que l'on nomme dans l'hébreu points-voyelles, il a encore une multitude d'accens proprement dits, qui servent à donner de l'emphase & de l'harmonie à la prononciation, à régler le ton & la cadence, & à distinguer les parties du discours, comme nos points & nos virgules. L'écriture hébraïque n'est donc privée d'aucun des moyens nécessaires pour exprimer correctement le langage, & pour fixer la valeur des signes par une multitude de nuances qui donnent une variété convenable aux figures & aux expressions qui pourroient tromper l'oeil & l'oreille : mais cette écriture a-t-elle toûjours eu cet avantage ? c'est ce que l'on a mis en problème. Vers le milieu du seizieme siecle, Elie Lévite, juif allemand, fut le premier qui agita cette intéressante & singuliere question ; on n'avoit point avant lui soupçonné que les points-voyelles que l'on trouvoit dans plusieurs exemplaires des livres saints, puissent être d'une autre main que de la main des auteurs qui avoient originairement écrit & composé le texte ; & l'on n'avoit pas même songé à séparer l'invention & l'origine de ces points, de l'invention & de l'origine des lettres & de l'écriture. Ce juif, homme d'ailleurs fort lettré pour un juif & pour son tems, entreprit le premier de réformer à cet égard les idées reçûes ; il osa recuser l'antiquité des points-voyelles, & en attribuer l'invention & le premier usage aux Massoretes, docteurs de Tibériade, qui fleurissoient au cinquieme siecle de notre ere. Sa nation se révolta contre lui, elle le regarda comme un blasphémateur, & les savans de l'Europe comme un fou. Au commencement du dix-septieme siecle, Louis Capelle, professeur à Saumur, prit sa défense, & soûtint la nouvelle opinion avec vigueur ; plusieurs se rangerent de son parti : mais en adoptant le système de la nouveauté de la ponctuation, ils se diviserent tous sur les inventeurs & sur la date de l'invention ; les uns en firent honneur aux Massoretes, d'autres à deux illustres rabbins du onzieme siecle, & la multitude crut au-moins devoir remonter jusqu'à Esdras & à la grande synagogue. Ces nouveaux critiques eurent dans Cl. Buxtorf un puissant adversaire, qui fut secondé d'un grand nombre de savans de l'une & de l'autre religion ; mais quoique le nouveau système parût à plusieurs intéresser l'intégrité des livres sacrés, il ne fut cependant point proscrit, & l'on peut dire qu'il forme aujourd'hui le sentiment le plus général.

Pour éclaircir une telle question autant qu'il est possible de le faire, il est à propos de connoître quels ont été les principaux moyens que les deux partis ont employés : ils nous exposeront l'état des choses ; & nous faisant connoître quelles sont les causes de l'incertitude où l'on est tombé à ce sujet, peut-être nous mettront-ils à portée de juger le fond même de la question.

Le Pentateuque samaritain, qui de tous les textes porte le plus le sceau de l'antiquité, n'a point de ponctuation ; les paraphrastes chaldéens qui ont commencé à écrire un siecle ou deux avant J. C. ne s'en sont point servis non plus. Les livres sacrés que les Juifs lisent encore dans leurs synagogues, & ceux dont se servent les Cabalistes, ne sont point ponctués : enfin dans le commerce ordinaire des lettres, les points ne sont d'aucun usage. Tels ont été les moyens de Louis Capelle & de ses partisans, & ils n'ont point manqué de s'autoriser aussi du filence général de l'antiquité juive & chrétienne sur l'existence de la ponctuation. Contre des moyens si forts & si positifs on a opposé l'impossibilité morale qu'il y auroit eu à transmettre pendant des milliers d'années un corps d'histoire raisonnée & suivie avec le seul secours des consonnes ; & la traduction de la Bible que nous possédons a été regardée comme la preuve la plus forte & la plus expressive que l'antiquité juive n'avoit point été privée des moyens nécessaires & des signes indispensables pour en perpétuer le sens & l'intelligence. On a dit que le secours des voyelles nécessaire à toute langue & à toute écriture, avoit été encore bien plus nécessaire à la langue des Hébreux qu'à toute autre ; parce que la plûpart des mots ayant souvent plus d'une valeur, l'absence des voyelles en auroit augmenté l'incertitude pour chaque phrase en raison de la combinaison des sens dont un grouppe de consonnes est susceptible avec toutes voyelles arbitraires. Cette derniere considération est réellement effrayante pour qui sait la fécondité de la combinaison de 4 ou 5 signes avec 4 ou 5 autres ; aussi les défenseurs de l'antiquité des points voyelles n'ont-ils pas craint d'avancer que sans eux le texte sacré n'auroit été pendant des milliers d'années qu'un nez de cire (instar nasi cerei, in diversas formas mutabilis fuisset. Leusden, phil. heb. disc. 14.), qu'un monceau de sable battu par le vent, qui d'âge en âge auroit perdu sa figure & sa forme primitive. Envain leurs adversaires appelloient à leur secours une tradition orale pour en conserver le sens de bouche en bouche, & pour en perpétuer l'intelligence d'âge en âge. On leur disoit que cette tradition orale n'étoit qu'une fable, & n'avoit jamais servi qu'à transmettre des fables. En vain osoient-ils prétendre que les inventeurs modernes des points voyelles avoient été inspirés du Saint-Esprit pour trouver & fixer le véritable sens du texte sacré & pour ne s'en écarter jamais. Ce nouveau miracle prouvoit aux autres l'impossibilité de la chose, parce que la traduction des livres saints ne doit pas être une merveille supérieure à celle de leur composition primitive. A ces raisons générales on en a joint de particulieres & en grand nombre : on a fait remarquer que les paraphrastes chaldéens, qui n'ont point employé de ponctuations dans leurs commentaires ou Targum, se sont servis très-fréquemment de ces consonnes muettes, aleph, vau, & jod, peu usitées dans les textes sacrés, où elles n'ont point de valeur par elles-mêmes, mais qui sont si essentielles dans les ouvrages des paraphrastes, qu'on les y appelle matres lectionis, parce qu'elles y fixent le son & la valeur des mots, comme dans les livres des autres langues. Les Juifs & les rabbins font aussi de ces caracteres le même usage dans leurs lettres & leurs autres écrits, parce qu'ils évitent de cette façon la longueur & l'embarras d'une ponctuation pleine de minuties.

Pour répondre à l'objection tirée du silence de l'antiquité, on a présenté les ouvrages même des Massoretes qui ont fait des notes critiques & grammaticales sur les livres sacrés, & en particulier sur les endroits dont ils ont crû la ponctuation altérée ou changée. On a trouvé de pareilles autorités dans quelques livres de docteurs fameux & de cabalistes, connus pour être encore plus anciens que la Masore ; c'est ce qui est exposé & démontré avec le plus grand détail dans le livre de Cl. Buxtorf, de antiq. punct. cap. 5. part. I. & dans le Philolog. heb. de Leusden. Quant au silence que la foule des auteurs & des écrivains du moyen âge a gardé à cet égard, il ne pourroit être étonnant, qu'autant que l'admirable invention des points voyelles seroit une chose aussi récente qu'on voudroit le prétendre. Mais si son origine sort de la nuit des tems les plus reculés, comme il est très-vraisemblable, leur silence alors ne doit pas nous surprendre ; ces auteurs auront vû les points voyelles ; ils s'en seront servis comme les Massoretes, mais sans parler de l'invention ni de l'inventeur ; parce qu'on ne parle pas ordinairement des choses d'usage, & que c'est même là la raison qui nous fait ignorer aujourd'hui une multitude d'autres détails qui ont été vulgaires & très-communs dans l'antiquité. On a cependant plusieurs indices que les anciennes versions de la Bible qui portent les noms des Septante & de S. Jérôme, ont été faites sur des textes ponctués ; leurs variations entr'elles & entre toutes les autres versions qui ont été faites depuis, ne sont souvent provenues que d'une ponctuation quelquefois différente entre les textes dont ils se sont servis ; d'ailleurs, comme ces variations ne sont point considérables, qu'elles n'influent que sur quelques mots, & que les récits, les faits, & l'ensemble total du corps historique, est toûjours le même dans toutes les versions connues ; cette uniformité est une des plus fortes preuves qu'on puisse donner, que tous les traducteurs & tous les âges ont eu un secours commun & un même guide pour déchiffrer les consonnes hébraïques. S'il se pouvoit trouver des Juifs qui n'eussent point appris leur langue dans la Bible, & qui ne connussent point la ponctuation, il faudroit pour avoir une idée des difficultés que présente l'interprétation de celles qui ne le sont pas, exiger d'eux qu'ils en donnassent une nouvelle traduction, on verroit alors quelle est l'impossibilité de la chose, ou quelles fables ils nous feroient, s'ils étoient encore en état d'en faire.

A tous ces argumens si l'on vouloit en ajoûter un nouveau, peut-être pourroit-on encore faire parler l'écriture des Grecs en faveur de l'antiquité de la ponctuation hébraïque & de ses accens, comme nous l'avons fait ci-devant parler en faveur des caracteres. Quoique les Grecs ayent eu l'art d'ajoûter aux alphabets de Phénicie les voyelles fixes & déterminées dans leur son, leurs voyelles sont encore cependant tellement chargées d'accens, qu'il sembleroit qu'ils n'ont pas osé se défaire entierement de la ponctuation primitive. Ces accens sont dans leur écriture aussi essentiels, que les points le sont chez les Hébreux ; & sans eux il y auroit un grand nombre de mots dont le sens seroit variable & incertain. Cette façon d'écrire moyenne entre celle des Hébreux & la nôtre, nous indique sans-doute un des degrés de la progression de cet art ; mais quoi qu'il en soit, on ne peut s'empêcher d'y reconnoître l'antique usage de ces points voyelles, & de cette multitude d'accens que nous trouvons chez les Hébreux. Si le seizieme siecle a donc vû naître une opinion contraire, peut-être n'y en a-t-il pas d'autre cause que la publicité des textes originaux rendus communs par l'Imprimerie encore moderne ; comme elle multiplia les Bibles hébraïques, qui ne pouvoient être que très-rares auparavant, plus d'yeux en furent frappés, & plus de gens en raisonnerent ; le monde vit alors le spectacle nouveau de l'ancien art d'écrire, & le silence des siecles fut nécessairement rompu par des opinions & des systèmes, dont la contrariété seule devroit suffire pour indiquer toute l'antiquité de l'objet où l'imagination a voulu, ainsi que les yeux, appercevoir une nouveauté.

La discussion des points voyelles seroit ici terminée toute en leur faveur, si les adversaires de son antiquité n'avoient encore à nous opposer deux puissantes autorités. Le Pentateuque samaritain n'a point de ponctuation, & les Bibles hébraïques que lisent les rabbins dans leurs synagogues pour instruire leur peuple, n'en ont point non plus ; & c'est une regle chez eux que les livres ponctués ne doivent jamais servir à cet usage. Nous répondons à ces objections 1°. que le Pentateuque samaritain n'a jamais été assez connu ni assez multiplié, pour que l'on puisse savoir ou non, si tous les exemplaires qui en ont existé ont tous été généralement dénués de ponctuation. Mais il suit de ce que ceux que nous avons en sont privés, que nous n'y pouvons connoître que par leur analogie avec l'hébreu, & en s'aidant aussi des trois lettres matres lectionis. 2°. Que les rabbins qui lisent des Bibles non ponctuées n'ont nulle peine à le faire, parce qu'ils ont tous appris à lire & à parler leur langue dans des Bibles qui ont tout l'appareil grammatical, & qui servent à l'intelligence de celles qui ne l'ont pas. D'ailleurs qui ne sait que ces rabbins toûjours livrés à l'illusion, ne se servent de Bibles sans voyelles pour instruire leur troupeau, que pour y trouver, à ce qu'ils disent, les sources du Saint-Esprit plus riches & plus abondantes en instruction ; parce qu'il n'y a pas en effet un mot dans les Bibles de cette espece, qui ne puisse avoir une infinité de valeur pour une imagination échauffée, qui veut se repaître de chimere, & qui veut en entretenir les autres ?

C'est par cette même raison, que les Cabalistes font aussi si peu de cas de la ponctuation ; elle les gêneroit, & ils ne veulent point être gênés dans leurs extravagances ; ils veulent en toute liberté supposer les voyelles, analyser les lettres, décomposer les mots, & renverser les syllabes ; comme si les livres sacrés n'étoient pour eux qu'un répertoire d'anagrammes & de logogryphes. Voy. CABALE. L'abus que ces prétendus sages ont fait de la Bible dans tous les tems, & les rêveries inconcevables où les rabbins, le texte à la main, se plongent dans leurs synagogues, semblent ici nous avertir tacitement de l'origine des livres non ponctués, & nous indiquer leur source & leur principe dans les déreglemens de l'imagination ; les Bibles muettes ne pourroient-elles point être les filles du mystere, puisqu'elles ont été pour les Juifs l'occasion de tant de fables mystérieuses ? Ce soupçon qui mérite d'être approfondi, si l'on veut connoître les causes qui ont répandu dans le monde des livres ponctués & non ponctués, & les suites qu'elles ont eû, nous conduit au véritable point de vûe sous lequel on doit nécessairement considérer l'usage & l'origine même des points voyelles ; ce que nous allons dire fera la plus essentielle partie de leur histoire ; & comme cette partie renferme une des plus intéressantes anecdotes de l'histoire du monde, on prévient qu'il ne faut pas confondre les tems avec les tems, ni les auteurs sacrés avec les sages d'Egypte ou de Chaldée. Nous allons parler d'un âge qui a sans-doute été de beaucoup antérieur au premier écrivain des Hébreux.

Plus l'on réfléchit sur les opérations de ceux qui les premiers ont essayé de représenter les sons par des caracteres, & moins l'on peut concevoir qu'ils ayent précisément oublié de donner des signes aux voyelles qui sont les meres de tous les sons possibles, & sans lesquelles on ne peut rien articuler. L'écriture est le tableau du langage ; c'est-là l'objet & l'essence de cette inestimable invention ; or comme il n'y a point & qu'il ne peut y avoir de langage sans voyelles, ceux qui ont inventé l'écriture pour être utile au genre humain en peignant la parole, n'ont donc pû l'imaginer indépendamment de ce qui en fait la partie essentielle, & de ce qui en est naturellement inaliénable. Leusden & quelques autres adversaires de l'antiquité des points voyelles, ont avancé en discutant cette même question, que les consonnes étoient comme la matiere des mots, & que les voyelles en étoient comme la forme : ils n'ont fait en cela qu'un raisonnement faux, & d'ailleurs inutile ; ce sont les voyelles qui doivent être regardées comme la matiere aussi simple qu'essentielle de tous les sons, de tous les mots, & de toutes les langues ; & ce sont les consonnes qui leur donnent la forme en les modifiant en mille & mille manieres, & en nous les faisant articuler avec une variété & une fécondité infinie. Mais de façon ou d'autre, il faut nécessairement dans l'écriture comme dans le langage, le concours de cette matiere & de cette forme, pour faire sur nos organes l'impression distincte que ni la forme ni la matiere ne peuvent produire séparément. Nous devons donc encore en conclure qu'il est de toute impossibilité, que l'invention des signes des consonnes ait pû être naturellement séparée de l'invention des signes des voyelles, ou des points voyelles, qui sont la même chose.

Pourquoi donc nous est-il parvenu des livres sans aucune ponctuation ? C'est ici qu'il faut en demander la raison primitive à ces sages de la haute antiquité, qui ont eu pour principe que la science n'étoit point faite pour le vulgaire, & que les avenues en devoient être fermées au peuple, aux profanes, & aux étrangers. On ne peut ignorer que le goût du mystere a été celui des savans des premiers âges ; c'étoit lui qui avoit déjà en partie présidé à l'invention des hieroglyphes sacrés qui ont devancé l'écriture ; & c'est lui qui a tenu les nations pendant une multitude de siecles dans des ténebres qu'on ne peut pénétrer, & dans une ignorance profonde & universelle, dont deux mille ans d'un travail assez continu n'ont point encore réparé toutes les suites funestes. Nous ne chercherons point ici quels ont été les principes d'un tel système ; il suffit de savoir qu'il a existé, & d'en voir les tristes suites, pour y découvrir l'esprit qui a dû présider à la primitive invention des caracteres des sons, & qui en a fait deux classes séparées, quoiqu'elles n'eussent jamais dû l'être. Cette précieuse & inestimable découverte n'a point été dès son origine livrée & communiquée aux hommes dans son entier ; les signes des consonnes ont été montrés au vulgaire ; mais les signes des voyelles ont été mis en reserve comme une clef & un secret qui ne pouvoit être confié qu'aux seuls gardiens de l'arbre de la science. Par une suite de l'ancienne politique, l'invention nouvelle ne fut pour le peuple qu'un nouveau genre d'hiéroglyphe plus simple & plus abrégé, à la vérité, que les précédens, mais dont il fallut toûjours qu'il allât de même chercher le sens & l'intelligence dans la bouche des sages, & chez les administrateurs de l'instruction publique. Heureux sans-doute ont été les peuples auxquels cette instruction a été donnée saine & entiere ; heureuses ont été les sociétés où les organes de la science n'ont point, par un abus trop conséquent de leur funeste politique, regardé comme leur patrimoine & leur domaine le dépôt qui ne leur étoit que commis & confié ; mais quand elles auroient eû toutes ce rare bonheur, en est-il une seule qui ait été à l'abri des guerres destructives, & des révolutions qui renversent tout, & principalement les Arts ? Les nations ont donc été détruites, les sages ont été dispersés, souvent ils ont péri & leur mystere avec eux. Après ces évenemens il n'est plus resté que les monumens énigmatiques de la science primitive, devenus mystérieux & inintelligibles par la perte ou la rareté de la clé des voyelles. Peut-être le peuple juif est-il le seul qui par un bienfait particulier de la Providence, ait heureusement conservé cette clé de ses annales par le secours de quelques livres ponctués qui auront échappé aux diverses desolations de leur patrie ; mais quant à la plûpart des autres nations, il n'est que trop vraisemblable qu'il a été pour elles un tems fatal, où elles ont perdu tout moyen de relever l'édifice de leur histoire. Il fallut ensuite recourir à la tradition ; il fallut évertuer l'imagination pour déchiffrer des fragmens d'annales toutes écrites en consonnes ; & la privation des exemplaires ponctués, presque tous péris avec ceux qui les avoient si mystérieusement gardés, donna nécessairement lieu à une science nouvelle, qui fit respecter les écritures non ponctuées, & qui en répandit le goût dépravé chez divers peuples : ce fut de deviner ce qu'on ne pouvoit plus lire ; & comme l'appareil de l'écriture & des livres des anciens sages avoit quelque chose de merveilleux, ainsi que tout ce qu'on ne peut comprendre, on s'en forma une très-haute idée ; on n'y chercha que des choses sublimes, & ce qui n'y avoit jamais été sans-doute, comme la medecine universelle, le grand oeuvre, ses secrets, la magie, & toutes ces sciences occultes que tant d'esprits faux & de têtes creuses ont si long-tems cherchées dans certains chapitres de la Bible, qui ne contiennent que des hymnes ou des généalogies, ou des dimensions de bâtiment. Il en fut aussi de même quant à l'histoire générale des peuples & aux histoires particulieres des grands hommes. Les nations qui dans des tems plus anciens avoient déjà abusé des symboles primitifs & des premiers hiéroglyphes, pour en former des êtres imaginaires qui s'étoient confondus avec des êtres réels, abuserent de même de l'écriture sans consonnes, & s'en servirent pour composer ou amplifier les légendes de tous les fantômes populaires. Tout mot qui pouvoit avoir quelque rapport de figure à un nom connu, fut censé lui appartenir, & renfermer une anecdote essentielle sur le personnage qui l'avoit porté ; mais comme il n'y a pas de mots écrits en simples consonnes qui ne puissent offrir plusieurs valeurs, ainsi que nous l'avons déjà dit, l'embarras du choix fit qu'on les adopta toutes, & que l'on fit de chacune un trait particulier de son histoire. Cet abus est une des sources des plus vraies & des plus fécondes de la fable ; & voilà pourquoi les noms d'Orphée, de Mercure, d'Isis, &c. font allusion chacun à cinq ou six racines orientales qui ont toutes la singuliere propriété de nous retracer une anecdote de leurs légendes ; ce que nous disons de ces trois noms, on peut le dire de tous les noms fameux dans les mythologies des nations. De-là sont provenues ces variétés si fréquentes entre nos étymologistes qui n'ont jamais pû s'accorder, parce que chacun d'eux s'est affectionné à la racine qu'il a saisie ; de-là l'incertitude où ils nous ont laissé, parce qu'ils ont tous eu raison en particulier, & qu'il a paru néanmoins impossible de les concilier ensemble. Il n'étoit cependant rien de plus facile ; & puisque les Vossius, les Bocharts, les Huets, les Leclerc, avoient tous eu des suffrages en particulier ; au lieu de se critiquer les uns les autres, ils devoient se donner la main, & concourir à nous découvrir une des principales sources de la Mythologie, & à nous dévoiler par-là un des secrets de l'antiquité. Nous nommons ceci un secret, parce qu'il en a été réellement un dans l'art de composer & d'écrire dans les tems où le défaut d'invention & de génie, autant que la corruption des monumens historiques, obligeoit les auteurs à tirer les anecdotes de leur roman des noms même de leurs personnages. Ce secret, à la vérité, ne couvre qu'une absurdité ; mais il importe au monde de la connoître ; & pour nous former à cet égard une juste idée du travail des anciens en ce genre, & nous apprendre les moyens de le décomposer, il ne faut que contempler un cabaliste méditant sur une Bible non ponctuée : s'il trouve un mot qui le frappe, il l'envisage sous toutes les formes, il le tourne & le retourne, il l'anagrammatise, & par le secours des voyelles arbitraires il en épuise tous les sens possibles, avec lesquels il construit quelque fable ou quelque mystérieuse absurdité ; ou pour mieux dire, il ne fait qu'un pur logogryphe, dont la clé se trouve dans le mot dont il s'est échauffé l'imagination, quoique ce mot n'ait souvent par lui-même aucun rapport à ses illusions. Nos logogryphes modernes sont sans-doute une branche de cette antique cabale, & cet art puérile fait encore l'amusement des petits esprits. Telle a été enfin la véritable opération des fabulistes & des romanciers de l'antiquité, qui ont été en certains âges les seuls écrivains & les seuls historiens de presque toutes les nations. Ils abuserent de même des écritures mystérieuses que les malheurs des tems avoient dispersées par le monde, & qui se trouvoient séparées des voyelles qui en avoient été la clé primitive. Ces siecles de mensonge ne finirent en particulier chez les Grecs, que vers les tems où les voyelles vulgaires ayant été heureusement inventées, l'abus des mots devint nécessairement plus difficile & plus rare ; on se dégoûta insensiblement de la fable ; les livres se transmirent sans altération ; peu-à-peu l'Europe vit naître chez elle l'âge de l'Histoire, & elle n'a cessé de recueillir le fruit de sa précieuse invention, par l'empire de la science qu'elle a toûjours possédé depuis cette époque. Quant aux nations de l'Asie qui n'ont jamais voulu adopter les lettres voyelles de la Grece comme la Grece avoit adopté leurs consonnes ; elles ont presque toûjours conservé un invincible penchant pour le mystere & pour la fable ; elles ont eu dans tous les âges grand nombre d'écrivains cabalistiques, qui en ont imposé par de graves puérilités & par d'importantes bagatelles ; & quoiqu'il y ait eu des tems où les ouvrages des Européens les ont éclairés à leur tour, & leur ont servi de modele pour composer d'excellentes choses en différens genres, ils ont affecté toûjours dans leur diction des métathèses ou anagrammes ridicules, des allusions & des jeux de mots ; & la plûpart de leurs livres nous présentent le mélange le plus bizarre de ces pensées hautes & sublimes qui ne leur manquent pas, avec un style affecté & puérile.

Cette histoire des points voyelles nous offre sans-doute la plus forte preuve que l'on puisse donner de leur indispensable nécessité. Nous avons vû dans quelles erreurs sont tombées les nations qui les ont perdus par accident, ou négligés par ignorance & par mauvais goût. Jettons actuellement nos yeux sur cet heureux coin du monde où cette même écriture, qui n'étoit pour une infinité de peuples qu'une écriture du mensonge & du délire, étoit pour le peuple juif & sous la main de l'Esprit-saint, l'écriture de la sagesse & de la vérité.

On ne peut douter que Moyse élevé dans les arts & les sciences de l'Egypte, ne se soit particulierement servi de l'écriture * ponctuée pour faire connoître ses lois, & qu'il n'en ait remis à l'ordre sacerdotal qu'il institua, des exemplaires soigneusement écrits en consonnes & en points voyelles, pour perpétuer par leur moyen le sens & l'intelligence d'une loi dont il avoit si fort & si souvent recommandé l'exercice le plus exact & la pratique la plus severe. Ce sage législateur ne pouvoit ignorer le danger des lettres sans voyelles ; il ne pouvoit pas non plus ignorer les fables qui en étoient déjà issues de son tems : il n'a donc pû manquer à une précaution que l'écriture de son siecle exigeoit nécessairement, & de laquelle dépendoit le succès de la législation. Il y auroit même lieu de croire qu'il en répandit aussi des exemplaires parmi le peuple, puisqu'il en a ordonné à tous la lecture & la méditation assidue ; mais il est difficile à cet égard de penser que les copies en ayent été fort fréquentes, attendu que sans le secours de l'impression on n'a pû, dans ces premiers âges & chez un peuple qui fournissoit 600 mille combattans, multiplier les livres en raison des hommes ; nous ne devons sans-doute voir dans ce précepte que l'ordre de fréquenter assidument les instructions publiques & journalieres, où les prêtres faisoient la lecture & l'explication de cette loi. On nous répondra sans-doute que chaque israélite étoit obligé dans sa jeunesse de la transcrire, & que les enfans des rois n'étoient pas eux-mêmes exemts de ce devoir. Mais si cette remarque nous fait connoître la véritable étendue du précepte de Moyse, il y a toute apparence qu'il en a été de l'observance de ce précepte comme à l'égard de tant d'autres, que les Hébreux n'ont point pratiqués, & qu'ils ont négligés ou oubliés presqu'aussitôt après le premier commandement qui leur en avoit été fait ; on sait que leur infidélité sur tous les points de leur loi a été presque aussi continue qu'inconcevable. Conduits par Dieu même dans le desert, ils y négligent la circoncision pendant quarante ans, & toute la génération

* Comme le langage de l'Egypte n'a été qu'une dialecte assez semblable aux langues de Phénicie & de Palestine, on conjecture que l'écriture a dû être aussi la même. Ceci est d'autant plus vraisemblable, que les Hébreux écrivent de droite à gauche ainsi qu'écrivoient les Egyptiens, selon Hérodote.

de cet âge mérite d'y être exterminée. Sont-ils établis en Canaan ? ils y courent sans-cesse de Moloch à Baal, & de Baal à Astaroth. Qui pourroit le croire ? les descendans même de Moyse se font prêtres d'idoles. Sous les rois, leur frénésie n'a point à peine de relâche ; dix tribus abandonnent Moyse pour les veaux de Béthel ; & si Juda rentre quelquefois en lui-même, ses idolatries l'enveloppent aussi dans la ruine d'Israël. Pendant dix siecles enfin ce peuple idolâtre & stupide fut presque semblable en tout aux nations incirconcises ; excepté qu'il avoit le bonheur de posséder un livre précieux qu'il négligea toûjours, & une loi sainte qu'il oublia au point que ce fut une merveille sous Josias de trouver un livre de Moyse, & que sous Esdras il fallut renouveller la fête des tabernacles, qui n'avoit point été célebrée depuis Josué. La conduite des Juifs dans tous les tems qui ont précédé le retour de Babylone, est donc un monument constant de la rareté où ont dû être les ouvrages de son premier législateur. Délaissés dans l'arche & dans le sanctuaire à la garde des enfans d'Aaron, ceux-ci qui ne participerent que trop souvent eux-mêmes aux desordres de leur nation, prirent sans-doute aussi l'esprit mystérieux des ministres idolâtres : peut-être qu'en n'en laissant paroître que des exemplaires sans voyelles pour se rendre les maîtres & les arbitres de la loi des peuples, contribuerent-ils à la faire méconnoître & oublier ; peut-être ne s'en servoient-ils dèslors que pour la recherche des choses occultes, comme leurs descendans le font encore, & ne les firent-ils servir de même qu'à des études absurdes & puériles, indignes de la majesté & de la gravité de leurs livres. Ce soupçon ne se justifie que trop, quand on se rappelle toutes les antiques fables dont la Cabale s'autorise sous les noms de Salomon & des prophetes, & il doit nous faire entrevoir quelle fut la raison pour laquelle Ezéchias fit brûler les ouvrages du plus savant des rois : c'est que les esprits faux & superstitieux abusoient sans-doute dèslors de ses hautes & sublimes recherches sur la nature, comme ils abusent encore de son nom & des écrits des prophetes qui l'ont suivi ou précédé. Au reste, que ce soit l'idolatrie d'Israël qui ait occasionné la rareté des livres de Moyse, ou que leur rareté ait occasionné cette idolatrie, il faut encore ici convenir que la nature même de l'écriture a pû occasionner l'une & l'autre. Jamais cette antique façon de peindre la parole en abrégé, n'a été faite dans son origine pour être commune & vulgaire parmi le peuple : l'écriture sans consonnes est une énigme pour lui ; & celle même qui porte des points voyelles peut être si facilement altérée dans sa ponctuation & dans toutes ses minuties grammaticales, qu'il a dû y avoir un grand nombre de raisons essentielles pour l'ôter de la main de la multitude & de la main de l'étranger.

Un esprit inquiet & surpris pourra nous dire : Se peut-il faire que Dieu ayant donné une loi à son peuple, & lui en ayant si sévérement recommandé l'observation, ait pû permettre que l'écriture en fût obscure & la lecture difficile ? comment ce peuple pouvoit-il la méditer & la pratiquer ? Nous pourrions répondre qu'il a dépendu de ceux qui ont été les organes de la science & les canaux publics de l'instruction, de prévenir les égaremens des peuples en remplissant eux-mêmes leurs devoirs selon la raison & selon la vérité : mais il en est sans-doute une cause plus haute qu'il ne nous appartient pas de pénétrer. Ce n'est pas à nous, aveugles mortels, à questionner la Providence : que ne lui demandons-nous aussi pourquoi elle s'est plû à ne parler aux Juifs qu'en parabole ; pourquoi elle leur a donné des yeux afin qu'ils ne vissent point, & des oreilles afin qu'ils n'entendissent point, & pourquoi de toutes les nations de l'antiquité elle a choisi particulierement celle dont la tête étoit la plus dure & la plus grossiere ? C'est ici qu'il faut se taire, orgueilleuse raison ; celui qui a permis l'égarement de sa nation favorite, est le même qui a puni l'égarement du premier homme, & personne n'y peut connoître que sa sagesse éternelle.

Si les crimes & les erreurs des Hébreux, semblables aux crimes & aux erreurs des autres nations, nous indiquent qu'ils ont pendant plusieurs âges négligé les livres de Moyse, & abusé de l'ancienne écriture pour se repaître de chimeres & se livrer aux mêmes folies qu'encensoit le reste de la terre ; la conservation de ces livres précieux qui n'ont pû parvenir jusqu'à nous qu'à-travers une multitude de hazards, est cependant une preuve sensible que la Providence n'a jamais cessé de veiller sur eux, comme sur un dépôt moins fait pour les anciens hébreux que pour leur postérité & pour les nations futures.

Ce ne fut que dans les siecles qui suivirent le retour de la captivité de Babylone, que les Juifs se livrerent à l'étude & à la pratique de leur loi, sans aucun retour vers l'idolatrie. Outre le souvenir des grands châtimens que leurs peres avoient essuyés, & qui étoit bien capable de les retenir d'abord ; ils conçurent sans-doute aussi quelque émulation pour l'étude, par leur commerce avec les grandes nations de l'Asie, & sur-tout par la fréquentation des Grecs, qui porterent bientôt dans cette partie du monde leur politesse, leur goût & leur empire. Ce fut alors que la Judée fit valoir les livres de Moyse & des prophetes : elle les étudia profondément : elle eut une foule de commentateurs, d'interpretes & de savans : il se forma même différentes sectes de sages ou de philosophes ; & ce goût général pour les lettres & la science fut une cause seconde, mais puissante, qui retint les Juifs pour jamais dans l'exercice constant de leur religion : tant il est vrai qu'un peuple idiot & stupide ne peut être un peuple religieux, & que l'empire de l'ignorance ne peut être celui de la vérité.

Les premiers siecles après ce retour furent le bel âge de la nation juive : alors la loi triompha comme si Moyse ne l'eût donnée que dans ces instans. Pleins de vénération pour son nom & pour sa mémoire, les Juifs travaillerent avec autant d'ardeur à la recherche de ses livres qu'à la reconstruction de leur temple. On ignore par quelle voie, en quel tems & en quel lieu ces livres si long-tems négligés se retrouverent. Les Juifs à cet égard exaltent peut-être trop les services qu'ils ont reçûs d'Esdras dans ces premiers tems ; il leur tint presque lieu d'un second Moyse, * & c'est à lui ainsi qu'à la grande synagogue qu'ils attribuent la collection & la révision des livres sacrés, & même la ponctuation que nous y voyons aujourd'hui. Ils prétendent qu'il fut avec ses collegues secondé des lumieres surnaturelles pour en retrouver l'intelligence qui s'étoit perdue : quelques-uns ont même poussé le merveilleux au point d'assûrer qu'il les avoit écrits de mémoire sous la dictée du Saint-Esprit. Mais le Pentateuque entre les mains des Samaritains

* Il est vraisemblable que le nom d'Esdras a donné lieu à toutes les traditions qui le concernent. Ce nom, tel qu'il est écrit dans le texte, se devroit dire Ezra ; & dérivé d'azar, il a secouru, on l'interprete secours, parce qu'Esdras a été d'un grand secours aux Juifs au retour de leur captivité. Mais il y en a eu d'autres qui l'ont aussi cherché dans zehar, il a institué, il a enseigné, & qui sous ce point de vûe ont regardé Esdras comme l'instituteur de la plûpart de leurs usages, & comme leur plus grand docteur. Le changement de dialecte d'Ezra en Esdra, parce que le z tourne en sd comme en ds, l'a fait encore chercher dans sadar, il a arrangé, il a mis en ordre. D'où ils ont aussi tiré cette conséquence, qu'Esdras avoit été l'ordonnateur, le réviseur, & l'éditeur des livres sacrés. Tel est le grand art des Juifs dans la composition de leurs histoires traditionnelles : c'est donc avec bien de la raison que les Chrétiens ont rejetté ce qu'ils débitent sur Esdras, & tans d'autres anecdotes qui n'ont pas de meilleurs fondemens.

ennemis des Juifs, dément une fable aussi absurde : nous devons donc être certains que la restauration des livres de Moyse & le renouvellement de la loi n'ont été faits que sur de très-antiques exemplaires & sur des textes ponctués, sans lesquels il eût été de toute impossibilité à un peuple qui avoit négligé ses livres, son écriture & sa langue, d'en retrouver le sens & d'en accomplir les préceptes. Depuis cette époque, le zele des Juifs pour leurs livres sacrés ne s'est jamais ralenti. Détruits par les Romains & dispersés par le monde, ils en ont toûjours eu un soin religieux, les ont étudiés sans-cesse, & n'ont jamais souffert qu'on fît le plus léger changement non-seulement dans le fond ou la forme de leurs livres, mais encore dans les caracteres & la ponctuation ; y toucher, seroit commettre un sacrilége ; & ils ont à l'égard du plus petit accent ce respect idolâtre & superstitieux qu'on leur connoît pour tout ce qui appartient à leurs antiquités. Il n'y a point pour eux de lettres qui ne soient saintes, qui ne renferment quelque mystere particulier ; chacune d'elles a même sa légende & son histoire. Mais il est superflu d'entrer dans cet étonnant détail : tout réel qu'il est, il paroîtroit incroyable, aussi-bien que les peines infinies qu'ils se sont données pour faire le dénombrement de tous les caracteres de la Bible, pour savoir le nombre général de tous ensemble, le nombre particulier de chacun, & leur position respective à l'égard les uns des autres & à l'égard de chaque partie du livre ; vastes & minucieuses entreprises, que des Juifs seuls étoient capables de concevoir & d'exécuter. Bien éloignés de cette servitude judaïque, nos savans commencent à prendre le goût des Bibles sans ponctuation, & peut-être en cela tombent-ils d'un excès dans un autre. Si nous n'étions point dans un siecle éclairé, où il n'est plus au pouvoir des hommes de ramener l'âge de la fable, nous penserions à l'aspect des nouvelles éditions des Bibles non ponctuées, que la Mythologie voudroit renaître.

Il n'est pas nécessaire sans-doute, en terminant ce qui concerne l'écriture hébraïque, de dire qu'elle se figure de droite à gauche ; c'est une singularité que peu de gens ignorent. Nous n'oserions déterminer si cette méthode a été aussi naturelle dans son tems, que la nôtre l'est aujourd'hui pour nous. Les nations se sont fait sur cela différens usages. Diodore, liv. III. parle d'un peuple des Indes qui écrivoit de haut en bas : l'ancienne écriture de Fohi nous est représentée de même par les voyageurs. Les Egyptiens, selon Hérodote, écrivoient, ainsi que les Phéniciens, de droite à gauche ; & les Grecs ont eu quelques monumens fort anciens, dont ils appelloient l'écriture , parce qu'à l'imitation du labour des sillons, elle alloit successivement de gauche à droite & de droite à gauche. Peut-être que le caprice, le mystere, ou quelqu'usage antérieur aux premieres écritures, ont produit ces variétés ; peut-être n'y a-t-il d'autre cause que la commodité de chaque peuple relativement aux instrumens & autres moyens dont on s'est d'abord servi pour graver, dessiner ou écrire : mais de simples conjectures ne méritent pas d'allonger notre article.

III. L'histoire de la langue hébraïque n'est chez les rabbins qu'un tissu de fables, & qu'un ample sujet de questions ridicules & puériles. Elle est, selon eux, la langue dont le Créateur s'est servi pour commander à la nature au commencement du monde ; c'est de la bouche de Dieu même que les anges & le premier homme l'ont apprise. Ce sont les enfans de celui-ci qui l'ont transmise de race en race & d'âge en âge, au-travers des révolutions du monde physique & moral, & qui l'ont fait passer sans interruption & sans altération de la famille des justes au peuple d'Israël qui en est sorti. C'est une langue enfin dont l'origine est toute céleste, & qui retournant un jour à sa source, sera la langue des bienheureux dans le ciel, comme elle a été sur la terre la langue des saints & des prophetes. Mais laissons-là ces pieuses réveries, dont la religion ni la raison de notre âge ne peuvent plus s'accommoder, & fuyons cet excès qui a toûjours été si fatal aux Juifs, qui ont idolatré leur langue & les mots de leur langue en négligeant les choses. Si le respect que nous avons pour les paroles de la Divinité, nous a porté à donner le titre de sainte à la langue hébraïque, nous savons que ce n'est qu'un attribut relatif que nous devons également donner aux langues chaldéenne, syriaque, & greque, toutes les fois que le Saint-Esprit s'en est servi : nous savons d'ailleurs que la Divinité n'a point de langage, & qu'on ne doit donner ce nom qu'aux bonnes inspirations qu'elle met au fond de nos coeurs, pour nous porter au bien, à la vérité, à la paix, & pour nous les faire aimer. Voilà la langue divine ; elle est de tous les âges & de tous les lieux, & son efficacité l'emporte sur les langues de la terre les plus éloquentes & les plus énergiques.

La langue hébraïque est une langue humaine, ainsi que toutes celles qui se sont parlées & qui se parlent ici bas ; comme toutes les autres, elle a eu son commencement, son regne & sa fin, & comme elles encore, elle a eu son génie particulier, ses beautés & ses défauts. Sortie de la nuit des tems, nous ignorons son origine historique ; & nous n'oserions avancer avec la confiance des Juifs, qu'elle est antérieure aux anciens desastres du monde. S'il étoit permis cependant d'hazarder quelques conjectures raisonnables, fondées sur l'antiquité même de cette langue & sur sa pauvreté, nous dirions qu'elle n'a commencé qu'après les premiers âges du monde renouvellé ; qu'il a pû se faire que ceux même qui ont échappé aux destructions, ayent eu pour un tems une langue plus riche & plus formée, qui auroit été sans-doute une de celles de l'ancien monde ; mais que la postérité de ces débris du genre humain n'ayant produit d'abord que de petites sociétés qui ont dû nécessairement être long-tems misérables & toutes occupées de leurs besoins & de leur subsistance, il a dû arriver que leur langage primitif se sera appauvri, aura dégénéré de race en race, & n'aura plus formé qu'un idiome de famille, qu'une langue pauvre, concise & sauvage pendant plusieurs siecles, qui sera ensuite devenue la mere des langues qui ont été propres & particulieres aux premiers peuples & à leur colonie. Il en est des langues comme des nations : elles sont riches, fécondes, étendues en proportion de la grandeur & de la puissance des sociétés qui les parlent ; elles sont arides & pauvres chez les Sauvages ; & elles se sont aggrandies & embellies partout où la population, le commerce, les sciences & les passions ont aggrandi l'esprit humain. Elles ont aussi été sujettes à toutes les révolutions morales & politiques où ont été exposées les puissances de la terre ; elles se sont formées, elles ont régné, elles ont dégénéré, & se sont éteintes avec elles. Jugeons donc quels terribles effets ont dû faire sur les premieres langues des hommes, ces coups de la Providence, qui peuvent éteindre les nations en un clin-d'oeil, & qui ont autrefois frappé la terre, comme nous l'apprennent nos traditions religieuses & tous les monumens de la nature. Si les arts ne furent point épargnés, si les inventions se perdirent, & s'il a fallu des siecles pour les retrouver & les renouveller, à plus forte raison les langues qui en avoient été la source, le canal & le monument, se perdirent-elles de même, & furent-elles ensevelies dans la ruine commune. Le très-petit nombre de traditions qui nous restent sur les tems antérieurs à ces révolutions, & la multitude de fables par lesquelles on a cherché à y suppléer, seroit en cas de besoin une preuve de nos conjectures : mais ne sont-elles que des conjectures ?

Il est donc très-peu vraisemblable que l'origine de la langue hébraïque puisse remonter au-delà du renouvellement du monde : tout au plus est-elle une des premieres qui ait été formée & fixée lorsque des nations en corps ont commencé à reparoître, & qu'elles ont pû s'occuper à d'autres objets qu'à leurs besoins. Nous disons tout au plus, parce que malgré la simplicité de la langue hébraïque, elle est quelquefois trop riche en synonymes, dont grand nombre de verbes & plusieurs substantifs ont une singuliere quantité ; ce qui suppose une aisance d'esprit & une abondance dont le génie des premieres familles n'a pû être susceptible pendant long-tems, & ce qui décele des richesses acquises ailleurs après l'agrandissement des sociétés.

Pour nous prouver toute l'antériorité de leur langage, les Juifs nous montrent les noms des premiers hommes, dont l'interprétation convenable ne peut se trouver que chez eux : toute fondée que soit cette remarque, quoiqu'il y ait plusieurs de ces noms qui tiennent plus au chaldéen qu'à l'hébreu, il n'y a qu'une aveugle prévention qui puisse s'en faire un titre, & l'on n'y voit autre chose sinon que ce sont des auteurs hébreux & chaldéens qui nous ont transmis le sens primitif de ces noms propres en les traduisant en leur langue : s'ils eussent été grecs, ils eussent donné des noms grecs, & des noms latins s'ils eussent été latins ; parce qu'il a été aussi ordinaire que naturel à tous les anciens peuples de rendre le sens des noms traditionnels en leur langue. Ils y étoient forcés, parce que ces noms faisoient souvent une partie de l'histoire, & qu'il falloit traduire les uns en traduisant l'autre, afin de les rendre mutuellement intelligibles, & parce que le renouvellement des arts & des sciences exigeoit nécessairement le renouvellement des noms. La Mythologie qui n'a que trop connu cet ancien usage de traduire les noms pour expliquer l'histoire, nous montre souvent l'abus qu'elle en a fait, en les dérivant de sources étrangeres, & en personnifiant quelquefois des êtres naturels & métaphysiques : ses méprises en ce genre sont, comme on sait, une des sources de la fable. Mais nous devons à cet égard rendre la justice qui est dûe aux écrivains divinement inspirés : c'est par eux que la foi nous apprend que le premier homme a été appellé terre ou terrestre, & la premiere femme la vie. La raison concourt même à nous dire que l'homme est terre & que la femme donne la vie ; mais ni l'une ni l'autre ne nous ont jamais fait connoître quels sont les premiers mots par lesquels ont été désignés la terre & la vie.

Il est de plus fort incertain quel nom de peuple la langue hébraïque a pû porter dans son origine. Ce n'a point été le nom des Hébreux, qui malgré l'antiquité de leur famille, n'ont été qu'un peuple nouveau vis-à-vis des Chaldéens d'où Abraham est sorti, & vis-à-vis des Cananéens & Egyptiens, où ce patriarche & ses enfans ont si long-tems voyagé en simples particuliers. Si la langue de la Bible est celle d'Abraham, elle ne peut être que la langue même de l'ancienne Chaldée : si elle ne l'est point, elle ne doit être qu'une langue nouvelle ou étrangere. Entre ces deux alternatives il est un milieu sans-doute auquel nous devons nous arrêter. Abraham, chaldéen de famille & de naissance, n'ayant pû parler autrement que chaldéen, il est plus que vraisemblable que sa postérité a dû conserver son langage pendant quelques générations, & qu'ensuite leur commerce & leurs liaisons avec les Cananéens, les Arabes & les Egyptiens l'ayant peu-à-peu changé, il en est résulté une nouvelle dialecte propre & particuculiere aux Israélites : d'où nous devons présumer que la langue hébraïque, telle que nous l'avons dans la Bible, ne doit pas remonter plus d'un siecle avant les écrits de Moyse : le chaldéen d'Abraham en a été le principe ; il est ensuite fondu avec le cananéen, qui n'en étoit lui-même qu'une ancienne branche. La langue de la basse Egypte, qui devoit peu différer de celle de Canaan, a contribué de son côté à l'altérer ou à l'enrichir, ainsi que la langue arabe, comme on le voit particulierement dans le livre de Job. Pour trouver dans l'histoire quelques traces de cette filiation de la langue hébraïque, & des révolutions qu'a subi le chaldéen primitif chez les différens peuples, il faut remarquer dans l'Ecriture qu'Abraham ne se sert point d'interprete chez les Cananéens ni chez les Egyptiens, parce qu'alors leurs dialectes différoient peu sans-doute du chaldéen de ce patriarche. Elieser & Jacob qui habiterent chez les mêmes peuples, & qui firent chacun un voyage en Chaldée, n'avoient point non plus oublié leur langue originaire, puisqu'ils converserent au premier abord avec les pasteurs de cette contrée & avec toute la famille d'Abraham ; mais Jacob néanmoins s'étoit déja familiarisé avec la langue de Canaan, puisqu'en se séparant de Laban, il eut soin de donner un nom d'une autre dialecte au monument auquel Laban donna un nom chaldéen. Il y avoit alors cent quatrevingt ans qu'Abraham avoit quitté sa terre natale. Ainsi la dialecte hébraïque avoit déjà pû se former. Ce seul exemple peut nous faire juger de la différence que le tems continua de mettre dans le langage de ce peuple naissant. Dans ce même intervalle, les langues cananéenne & égyptienne faisoient aussi des progrès chacune de leur côté ; & il fallut que Joseph en Egypte se servît d'interprete pour parler à ses freres.

Ces différences n'ont cependant jamais été assez grandes pour rendre toutes ces langues méconnoissables entr'elles, quoique le chaldéen d'Abraham ait dû souffrir de grands changemens dans l'intervalle de plus de quatorze cent ans qui s'est écoulé depuis ce patriarche jusqu'à Daniel. Il différoit moins alors de la langue de Moyse, que l'italien, le françois & l'espagnol ne different entr'eux, quoiqu'ils soient moins éloignés des siecles de la latinité qui les a tous formés. Sur quoi nous devons observer qu'il ne faut jamais dans l'Ecriture prendre le nom de langue à la rigueur ; lorsqu'en parlant des Chaldéens, des Cananéens, des Egyptiens, des Amalécites, des Ammonites, &c. elle nous dit quelquefois que tel ou tel peuple parloit un langage inconnu, cela ne peut signifier qu'une dialecte différente, qu'un autre accent, & qu'une autre prononciation ; & il faut avouer que tous ces divers modes ont dû être extrémement variés, puisqu'on rencontre en plusieurs endroits de l'Ecriture des preuves que les Hébreux se sont servis d'interpretes vis-à-vis de tous ces peuples, quoique le fond de leur langue fût le même, comme nous en pouvons juger par les livres & les vestiges qui en sont restés, où toutes ces langues s'expliquent les unes par les autres. Il nous manque sans-doute, pour apprécier leurs différences, les oreilles des peuples qui les ont parlé. Il falloit être Athénien pour reconnoître au langage que Demosthène étoit étranger dans Athènes ; & il faudroit de même être Hébreu ou Chaldéen, pour saisir toutes les différences de prononciation qui diversifioient si considérablement toutes ces anciennes dialectes, quoiqu'issues d'une même source. Au reste, nous ne devons point être étonnés de remarquer dans toutes ces contrées de l'Asie le langage d'Abraham ; il étoit sorti d'un pays & d'un peuple qui dans presque tous les tems a étendu sur elles sa puissance & son empire, tantôt par les armes & toujours par les sciences. L'Euphrate a successivement été le siége des Chaldéens, des Assyriens, des Babyloniens & des Perses ; & ces énormes puissances n'ayant jamais cessé de donner le ton à cette partie occidentale de l'Asie, il a bien fallu que la langue dominante fût celle du peuple dominant. C'est ainsi qu'on a vû en Europe & en différens tems le grec & le latin devenir des langues générales : & cet empire des langues, qui est la suite de l'empire des nations, en est en même tems le monument le plus constant & le plus durable.

Celle de toutes ces dialectes chaldéennes avec laquelle la langue d'Abraham & de Jacob a contracté cependant le plus d'affinité, a été sans contredit la dialecte cananéenne ou phénicienne. Les colonies de ces peuples commerçans chez les nations riveraines de la Méditerranée & de l'Océan, ont laissé par-tout une multitude de vestiges qui nous prouvent que la langue d'Abraham s'étoit intimement incorporée avec celle de Phénicie, pour former la langue de Moyse, que l'Ecriture pour cette raison sans doute appelle quelquefois la langue de Canaan. Les auteurs qui ont traité de l'une, ont crû aussi devoir traiter de l'autre ; & c'est à leur exemple, que pour ne point laisser incomplet ce qui concerne la langue hébraïque, nous parlerons de la langue de Phénicie & de ses révolutions chez les différens peuples où elle a été portée, après que nous aurons suivi chez les Hébreux les révolutions de la langue de Moyse.

La langue des Israélites se trouvant fixée par les ouvrages de Moyse, n'a plus été sujette à aucune variation, comme on le voit par les ouvrages des prophetes qui lui ont succédé d'âge en âge jusqu'à la captivité de Babylone. On pourroit donc regarder les dix siecles que renferme cet espace de tems comme la mesure certaine de la durée de la langue hébraïque. Après ce long regne, elle fut, diton, oubliée des Hébreux, qui dans les soixante-dix ans de leur captivité, s'habituerent tellement à la dialecte chaldéenne qui se parloit alors à Babylone, qu'à leur retour en Judée ils n'eurent plus d'autre langue vulgaire. Un oubli aussi promt nous paroît cependant si extraordinaire, qu'il y a lieu d'être étonné qu'on ait jusqu'ici reçû sans méfiance ce que les traditions judaïques nous ont transmis pour nous rendre raison de la révolution qui s'est faite autrefois dans la langue de leurs peres. Quoiqu'il soit fort certain qu'au tems d'Esdras & de Daniel les Hébreux ne parloient & n'écrivoient plus qu'en Chaldéen, d'un autre côté il est si peu vraisemblable que tout un peuple ait oublié sa langue en soixante & dix ans, qu'une tradition aussi suspecte du côté du vrai que du côté de la nature, auroit dû faire soupçonner qu'ils l'avoient déjà oubliée & négligée longtems avant cette époque. Si notre sentiment est nouveau, il n'en est peut-être pas moins raisonnable, & nous pouvons le fortifier de quelques observations. Nous remarquerons donc que cette captivité n'emmena point tous les Hébreux, qu'il en resta beaucoup en Judée, & que de tous ceux qui furent enlevés, il en revint plusieurs qui vêcurent encore assez de tems pour voir le second temple qui fut long à construire, & pour pleurer sur les ruines du premier. Nous ajoûterons que cette captivité à laquelle on donne soixante & dix ans, parce qu'elle commença pour quelques-uns au premier siége de Jérusalem en 606 avant Jesus-Christ, & qu'elle finit en 536, ne dura néanmoins pour le plus grand nombre que cinquante-trois ans, à compter de 586, époque de la ruine totale du temple, après le troisieme & dernier siége. Or dans un intervalle aussi court, une nation entiere n'a pû oublier sa langue, ni s'habituer à une langue étrangere, à-moins qu'elle n'y fût déjà disposée par un usage plus ancien & par un oubli antérieur de sa langue naturelle. D'ailleurs la durée que l'on accorde communément à la langue hébraïque, est une durée excessive, sur-tout pour une langue orientale, qui plus que toutes les autres sont susceptibles d'altération. Il n'en faut point chercher d'autre preuve que dans ce Chaldéen même auquel on dit que les Juifs se sont habitués dans leur captivité. Il différoit dès-lors du chaldéen d'Abraham ; il s'étoit perfectionné & enrichi par des finales plus sonores, & par des expressions empruntées non-seulement des Perses, des Medes, & autres nations voisines, mais aussi des nations les plus éloignées, témoin le sumphoneiah, du iij. chap. de Daniel, . 5. 10. 15. mot grec qui dès le tems de Cyrus avoit déjà pénétré à Babylone. Les Hébreux eux-mêmes ne s'y furent pas plûtôt familiarisés, qu'ils continuerent à le corrompre de leur côté. Le chaldéen d'Onkelos n'est plus le chaldéen d'Esdras ; & celui des Paraphrastes, qui ont continué ses commentaires, en differe infiniment. S'il falloit donc juger des révolutions qu'a dû essuyer le premier langage des Juifs, par celles où celui qui passe pour avoir été leur second, a été exposé, à peine pourrions-nous donner quatre ou cinq siecles d'intégrité & de durée à la langue de Moyse.

Il est vrai que la Bible à la main on essayera de nous prouver par les ouvrages des prophetes de tous les âges, antérieurs à la captivité, que l'hébreu de Moyse n'a point cessé d'être vulgaire jusqu'à cet évenement. Mais par le même raisonnement ne tentera-t-on pas aussi de nous prouver que le latin a toujours été vulgaire, en nous montrant tous les ouvrages qui ont été successivement écrits en cette langue, depuis une longue suite de siecles ? Il faudroit être sans-doute bien prévenu, ou, pour mieux dire, bien aveugle, pour hasarder un tel paradoxe. Une langue peut être celle des savans, sans être celle du peuple ; & ce n'est que lorsqu'elle n'appartient plus à ce dernier, qu'elle arrive à l'immutabilité, ce caractere essentiel des langues mortes, où les langues vivantes ne peuvent jamais parvenir. La véritable induction que nous devons donc tirer de cette longue succession d'ouvrages tous écrits dans la dialecte de Moyse, c'est qu'après lui elle a été la dialecte particuliere des prophetes, & que de vulgaire qu'elle avoit été dans les premiers tems, elle n'a plus été qu'une langue savante, & peut-être même qu'une langue sacrée qui ne s'est plus altérée, parce qu'elle s'est conservée dans le sanctuaire, où elle a été hors des atteintes de la multitude, qui, comme le dit l'Ecriture, s'habituoit facilement aux dialectes & aux usages des nations étrangeres qu'elle fréquentoit. Le génie de la langue hébraïque est tellement le même dans tous les écrits des prophetes, quoique composés en des âges fort distans les uns des autres, que si le caractere particulier de chaque écrivain ne se faisoit connoître dans chaque livre, on penseroit que tous ces ouvrages n'ont été que d'un seul tems & d'une seule plume ; ut ferè quis putare posset omnes illos libros eodem tempore esse conscriptos. (Voyez la note entiere *.) La construction,

* Plurimum etiam ad perfectionem linguae hebraeae facit ejusdem constantia in omnibus libris veteris Testamenti. Miratus saepissime fui quod tanta sit linguae hebraeae convenientia in omnibus libris veteris Testamenti, cum sciamus libros illos a diversis viris qui saepe proprium stylum expresserunt, diversis temporibus, & diversis in locis esse conscriptos. Scribatur liber a diversis viris in eadem civitate habitantibus, videbimus ferè majorem differentiam in illo libro, vel respectu styli, vel copulationis litterarum, vel respectu aliarum circumstantiarum, quam in totis Bibliis. Verum si liber sit scriptus, verbi causa, à Teutonio & Frisio, vel si intercedat inter scriptores differentia mille annorum, quanta in multis libris veteris Testamenti respectu scriptionis intercessit, eheu ! quanta esset differentia linguae ! Qui unam scripturam intelligit, vix alteram intelligeret : imo erit tanta differentia, ut vix ullas eas linguas, ob differentiam temporis & loci ita discrepantes, regulis Grammaticoe & Syntaxeos comprehendere possit. Verum in veteri Testamento tanta est constantia, tanta convenientia in copulatione litterarum, & constructione vocum, ut fere quis putare posset omnes illos libros eodem tempore, iisdem in locis, à diversis tamen authoribus esse conscriptos. Leusden. Philologus hebroeus dissertatio 17.

l'appareil des mots, la syntaxe, le caractere de la langue enfin sont si semblables & si monotones partout, qu'un esprit inquiet & soupçonneux en pourroit tirer des conséquences aussi conttaires à l'antiquité & à l'intégrité de ces livres précieux, que notre observation leur est au contraire favorable. L'immutabilité de leur style & de leur diction, dont celle de Moyse a toujours été le modele, s'est communiquée aux faits & à la mémoire des faits ; & c'étoit le seul moyen de les transmettre jusqu'à nous, malgré l'inconstance & les égaremens d'une nation capricieuse & volage. Tous les sages de l'antiquité qui ont, aussi-bien que le sacerdoce hébreu, connu les avantages des langues mortes, n'ont point manqué de se servir de même, dans leurs annales, d'une langue particuliere & sacrée : c'étoit un usage général, que la religion, d'accord en cela avec la politique, avoit établi chez tous les anciens peuples. Le génie de l'antiquité concourt donc avec la fortune des langues, à justifier nos réflexions. Il n'est point d'ailleurs difficile de juger que la langue de Moyse avoit dû se corrompre parmi son peuple ; nous avons vû ci-devant combien il avoit négligé ses livres, son écriture & sa loi. La même conduite lui fit aussi négliger son langage ; l'oubli de l'un étoit une suite nécessaire de l'autre. Pour nous peindre les Hébreux pendant les dix siecles presque continus de leurs desordres & de leur idolatrie, nous pouvons sans doute nous représenter les Guebres aujourd'hui répandus dans l'Inde avec les livres de Zoroastre qu'ils conservent encore sans les pouvoir lire & sans les entendre ; ils n'y connoissent que du blanc & du noir : & telle a dû être pendant l'idolatrie d'Israël la position du commun des Juifs vis-à-vis des livres de leur législateur. Si leur conduite présente nous fait connoître à quel point ils les considerent & les respectent aujourd'hui, leur conduite primitive doit nous montrer quel a été pour ce religieux dépôt l'excès de leur indifférence. Jamais livres n'ont couru de plus grands risques de se perdre & de devenir inintelligibles ; & il n'en est point cependant sur qui la Providence ait plus veillé : c'est sans doute un miracle qu'un exemplaire en ait été trouvé par le saint roi Josias, qui s'en servit pour retirer pendant un tems le peuple de ses desordres : mais si un Achab, une Jézabel, ou une Athalie les eût trouvés, qui doute que ces livres précieux n'eussent eu chez les Hébreux même le sort qu'ont eu chez les Romains les livres de Numa, que le hasard retrouva, & que la politique brûla, pour ne point changer la religion, c'est-à-dire la superstition établie ?

Ce fut vraisemblablement par le seul canal des savans, des prêtres, & particulierement des voyans ou prophetes qui se succéderent les uns aux autres, que la langue & les ouvrages de Moyse se sont conservés ; ceux-ci seuls en ont fait leur étude, ils y puisoient la loi & la science ; & selon qu'ils étoient bien ou mal intentionnés, ils égaroient les peuples, ou les retiroient de leurs égaremens. Le langage du législateur devint pour eux un langage sacré, qui seul eut le privilége d'être employé dans les annales, dans les hymnes, & sur-tout dans les livres prophétiques, qui après avoir été interpretés au peuple, ou lûs en langue vulgaire, étoient ensuite déposés au sanctuaire, pour être un monument inaltérable vis-à-vis des nations futures que ces diverses prophéties devoient un jour intéresser.

On nous demandera dans quel tems la langue de Moyse a cessé d'être en usage parmi les Hébreux ; c'est ce qu'il n'est pas facile de déterminer : ce n'est pas en un seul tems, mais en plusieurs, qu'une langue s'altere & se corrompt. Nous pouvons conjecturer cependant, que ce fut en grande partie sous les juges, & dans ces cinq ou six siecles où la nation juive n'eut rien de fixe dans son gouvernement & dans sa religion, & qu'elle suivoit en tout ses délires & ses caprices. Nous fixons notre conjecture à ces tems, parce que sous les rois nous remarquons dans les noms propres un génie & une tournure toute différente des anciens noms sonores, emphatiques, & presque tous composés ; ils n'ont plus ce caractere antique, & cette simplicité des noms propres de tous les âges antérieurs. Quoique notre remarque soit délicate, on en doit sentir la justesse, parce que chez les anciens les noms propres n'ayant point été héréditaires, ont dû toûjours appartenir aux dialectes vulgaires, & que la langue sacrée ou historique n'a pû les changer en traduisant les faits. Nous pouvons donc de leur dissimilitude chez les Hébreux en tirer cette conclusion, que le génie de leur langue avoit changé & changeoit d'âge en âge, par la fréquentation des diverses nations dont ils ont toûjours été ou les alliés ou les esclaves. C'est de même par le caractere de la plûpart de leurs noms propres, dans les derniers siecles qui ont précédé Jesus-Christ, que l'on juge aussi que les Hébreux se sont ensuite familiarisés avec le grec, parce que leurs noms dans les Macchabées & dans l'historien Josephe, sont souvent tirés de cette langue. Il est vrai que ces deux ouvrages sont écrits en grec ; mais quand ils le seroient en hébreu, leurs auteurs n'en auroient pû changer les noms, & dans l'un ou l'autre texte, ils nous serviroient de même à juger des liaisons qu'avoient contracté les Hébreux avec les conquérans de l'Asie.

Mais quelle a été la langue d'Israël après celle de son législateur, & avant le Chaldéen d'Esdras & de Daniel ? c'est ce qu'il est impossible de fixer ; ce ne pourroit être au reste qu'une dialecte particuliere de celle de Moyse corrompue par des dialectes étrangeres. Les dix tribus en avoient une qui en différoit déjà, comme on le voit par le Pentateuque samaritain, qui n'est plus le pur hébreu de la Bible ; & nous sçavons par Esdras, que les Juifs presque confondus avec les peuples voisins, avoient adopté leurs différens idiomes, & parloient les uns la langue d'Azot, & d'autres celle de Moab, d'Ammon, &c. Cela seul peut nous suffire avec ce que nous avons dit ci-dessus, pour entrevoir toutes les variations & les révolutions de la langue hébraïque vulgaire pendant dix siecles, & jusqu'au tems où nous trouvons les Juifs tout-à-fait familiarisés & habitués au chaldéen : dès-lors il ne pouvoit y avoir que bien du tems qu'ils avoient perdu l'usage de la langue de leurs ancêtres : car par les efforts qu'ils firent du tems d'Esdras pour rétablir leur culte & leurs usages, il est à croire qu'ils eussent aussi tenté de rétablir leur langage, s'il n'eût été suspendu que par le court espace de leur captivité. S'ils ont donc sur ce changement des traditions contraires à nos observations, mettons-les au nombre de tant d'autres anecdotes sans date & sans époque, qu'ils ont inventé, & dont ils veulent bien se satisfaire.

La langue de Babylone devenue celle de Judée, fut aussi sujette à de semblables révolutions ; les Juifs la parlerent jusqu'à leur derniere destruction par les Romains, mais ce fut en l'altérant de génération en génération, par un bizarre mélange de syrien, d'arabe & de grec. Dispersés ensuite parmi les nations, ils n'ont plus eu d'autre langue vulgaire que celle des différens peuples chez lesquels ils se sont habitués ; aujourd'hui ils parlent françois en France, & allemand au-delà du Rhin. La langue de Moyse est leur langue savante ; ils l'apprennent comme nous apprenons le grec & le latin, moins pour la parler que pour s'instruire de leur loi : beaucoup de Juifs même ne la sçavent point ; mais ils ne manquent pas d'en apprendre par coeur les passages qui leur servent de prieres journalieres, parce que, selon leurs préjugés, c'est la seule langue dans laquelle il convient de parler à la Divinité. D'ailleurs si quelques-uns parlent l'hébreu comme nous essayons de parler le grec & le latin, c'est avec une grande diversité dans la prononciation ; chaque nation de juif a la sienne : enfin il y a un grand nombre d'expressions dont ils ont eux-mêmes perdu le sens, aussi-bien que les autres peuples. Telles sont en particulier presque tous les noms de pierres, d'arbres, de plantes, d'animaux, d'instrumens, & de meubles, dont l'intelligence n'a pû être transmise par la tradition, & dont les savans d'après la captivité n'ont pû donner une interprétation certaine ; nouvelle preuve que cette langue étoit dèslors hors d'usage & depuis plusieurs siecles.

IV. Nous avons quitté dans l'article précédent la langue d'Abraham, pour en suivre les révolutions chez les Hébreux, sous le nom de langue de Moyse ; & nous avons promis de la reprendre dans ce nouvel article, pour la suivre sous le nom des Cananéens ou Phéniciens, qui l'ont répandue en différentes contrées de l'occident. Ce n'est pas que la langue de ce patriarche ait été dans son tems la langue de Phénicie ; mais nous avons dit que sa famille qui vécut dans cette contrée & qui s'y établit à la fin, incorpora tellement sa langue originaire avec celle de ces peuples maritimes, que c'est essentiellement de ce mélange que s'est formé la langue de Moyse, que l'écriture pour cette raison appelle aussi quelquefois langue de Canaan. Que les Phéniciens, auxquels les Grecs ont avoué devoir leur écriture & leurs premiers arts, ayent été les mêmes peuples que l'Ecriture appelle Cananéens, il n'en faudroit point d'autre témoignage que ce nom même qu'elle leur donne, puisqu'il signifie dans la langue de la Bible, des marchands, & que nous sçavons par l'Histoire que les Phéniciens ont été les plus grands commerçans & les plus fameux navigateurs de la haute antiquité ; l'Ecriture nous les fait encore reconnoître d'une maniere aussi certaine que par leur nom, en assignant pour demeure à ces Cananéens toutes les côtes de la Palestine, & entr'autres les villes de Sidon & de Tyr, centre du commerce des Phéniciens. Nous pourrions même ajoûter que ces deux noms de peuples n'ont point été différens dans leur origine, & qu'ils n'ont l'un & l'autre qu'une seule & même racine : mais nous laisserons de côté cette discussion étymologique, pour suivre notre principal objet. *

Quoique la vraie splendeur des Phéniciens remonte au-delà des tems historiques de la Grece & de l'Italie, & qu'il ne soit resté d'eux ni monumens ni annales, on sçait cependant qu'il n'y a point eu de peuples en occident qui ayent porté en plus d'endroits leur commerce & leur industrie. Nous ne le sçavons, il est vrai, que par les obscures traditions de la Grece ; mais les modernes les ont éclairées par la langue de la Bible, avec laquelle on peut suivre ces anciens peuples comme à la piste chez toutes les nations afriquaines & européennes, où ils ont avec leur commerce porté leurs fables, leurs divinités & leur langage ; preuve incontestable sans doute, que la langue d'Abraham s'étoit intimement fondue avec celle des Phéniciens, pour en former, comme nous avons dit, la dialecte de Moyse.

Ces peuples qui furent en partie exterminés & dispersés par Josué, avoient dès les premiers tems commercé avec l'Europe grossiere & presque sauvage, comme nous commerçons aujourd'hui avec l'Amérique ; ils y avoient établi de même des comptoirs & des colonies qui en civiliserent les habitans par leur commerce, qui en adoucirent les moeurs en s'alliant avec eux, & qui leur donnerent peu-à-peu le goût des arts, en les amusant de leurs cérémonies & de leurs fables ; premiers pas par où les hommes prennent le goût de la société, de la religion, & de la science.

Avec les lettres phéniciennes, qui ne sont autres, comme nous avons vû, que ces mêmes lettres qu'adopta aussi la postérité d'Abraham, ces peuples porterent leur langage en diverses contrées occidentales ; & du mêlange qui s'en fit avec les langues nationales de ces contrées, il y a tout lieu de penser qu'il s'en forma en Afrique le carthaginois, & en Europe le grec, le latin, le celtique, &c. Le carthaginois en particulier, comme étant la plus moderne de leurs colonies, sembloit au tems de S. Augustin n'être encore qu'une dialecte de la langue de Moyse : aussi Bochart, sans autre interprete que la Bible, a-t-il traduit fort heureusement un fragment carthaginois que Plaute nous a conservé.

La langue greque nous offre aussi, mais non dans la même mesure, un grand nombre de racines phéniciennes qu'on retrouve dans la Bible, & qui chez les Grecs paroissent visiblement avoir été ajoûtées à un fond primitif de langue nationale.

Il en est de même du latin ; & quoiqu'on n'ait pas fait encore de recherche particuliere à ce sujet, parce qu'on est prévenu que cette langue doit beaucoup aux Grecs, elle contient néanmoins, & bien plus que le grec lui-même, une abondance singuliere de mots phéniciens qui se sont latinisés.

Nous ne parlerons point de l'Etrusque & de quelques anciennes langues qui ne nous sont connues que par quelques mots où l'on apperçoit cependant de semblables vestiges : mais nous n'oublierons point d'indiquer le celtique, comme une de ces langues avec lesquelles le phénicien s'est allié. On n'ignore point que le breton en particulier n'en est encore aujourd'hui qu'une dialecte ; mais nous renvoyons au dictionnaire de cette province, qui depuis peu d'années a été donné au public, & au dictionnaire celtique dont on lui a déjà présenté un volume, & dont la suite est attendue avec impatience.

Nous pourrions aussi nommer à la suite de ces langues mortes plusieurs de nos langues vivantes, qui toutes du plus au moins contiennent non-seulement des mots phéniciens grécisés & latinisés, que nous tenons de ces deux derniers peuples, mais aussi un bien plus grand nombre d'autres qu'ils n'ont point eu, & que nos peres n'ont pû acquérir que par le canal direct des commerçans de Phénicie, auxquels le bassin de la Méditerranée & le passage de l'Océan ont ouvert l'entrée de toutes les nations maritimes de l'Europe. C'est ainsi que l'Amérique à son tour offrira à ses peuples futurs des langues nouvelles qu'auront produit les divers mêlanges de leurs langues sauvages avec celles de nos colonies européennes.

Ce seroit un ouvrage aussi curieux qu'utile, que

* Les Phéniciens se disoient issûs de Cna ; selon l'usage de l'antiquité, ils devoient donc être appellés les enfans de Cna, comme on disoit les enfans d'Heber, pour désigner les Hébreux. En prononçant ce nom de peuple à la façon de la Bible, nous dirions, Benei-Ceni, ou Benei-Cini. Il y a apparence que le dernier a été d'usage, sur-tout chez les étrangers, qui changeant encore le b en ph, comme il leur arrivoit souvent, & contractant les lettres à cause de l'absence des voyelles, ont fait d'un seul mot Phenicini, d'où Phoenix, Poenus, Punicus, & Phenicien. Quant au nom de Cna, il n'est autre que la racine contractée de Canaan, & signifie marchand : aussi étoit-il regardé comme un surnom de Mercure, dieu du Commerce.

les étymologies françoises uniquement tirées de la Bible. On ose dire que la récolte en seroit très-abondante, & que ce pourroit être l'ouvrage le plus intéressant qui auroit jamais été fait sur les langues, par le soin que l'on auroit de faire la généalogie des mots, quand ils auroient successivement passé dans l'usage de plusieurs peuples, & de montrer leur déguisement quand ils ont été séparément adoptés de diverses nations. Ce qu'on propose pour le françois, se peut également proposer pour plusieurs autres langues de l'Europe, où il est peu de nation qui ne soit dans le cas de pouvoir entreprendre un tel ouvrage avec succès : peut-être qu'à la fin ces différentes recherches mettroient à portée de faire le dictionnaire raisonné des langues de l'Europe ancienne & moderne. Le phénicien seroit presque la base de ce grand édifice, parce qu'il y a peu de nos contrées où le commerce ne l'ait autrefois porté, & que depuis ces tems les nations européennes se sont si fort mélangées, ainsi que leurs langues propres ou acquises, que les différences qui se trouvent entr'elles aujourd'hui, ne sont qu'apparentes & non réelles.

Au reste, l'entreprise de ces recherches particulieres ou générales, ne pourroit point se conduire par les mêmes principes dont nous nous servons pour chercher nos étymologies dans le grec & le latin, qui en passant dans nos langues se sont si peu corrompues, que l'on peut presque toûjours les chercher & les trouver par des voies régulieres. Il n'en est pas de même du phénicien ; toutes les nations de l'Europe en ont étrangement abusé, parce que les langues orientales leur ont toujours été fort étrangeres, & que l'écriture en étoit singuliere & difficile à lire. On peut se rappeller ce que nous avons dit du travail des cabalistes & des anciens mythologistes, qui ont anagrammatisé les lettres, altéré les syllabes pour y chercher des sens mystérieux ; les anciens européens ont fait la même chose, non dans le même dessein, mais par ignorance, & parce que la nature d'une écriture abrégée & renversée porte naturellement à ces méprises ceux qui n'y sont point familiarisés. Ils ont souvent lû de droite à gauche ce qu'il falloit lire de gauche à droite, & par-là ils ont renversé les mots & presque toujours les syllabes. C'est ainsi que de cathenoth, vêtemens, l'inverse thounecath a donné tunica ; que luag, avaler, a donné gula, gueule ; hemer, vin, merum. Taraph, prendre, s'est changé en raphta, d'où raptus chez les Latins, & attraper chez les François. De geber, le maître, & de gebereth, la maîtresse, nos peres ont fait berger & bergerete. Notre adjectif blanc vient de laban & leban, qui signifient la même chose dans le phénicien ; mais leban a donné belan, & par contraction blan. De laban les Latins ont fait albon, d'où albus & albanus ; & par le changement du b en p, fort commun chez les anciens, on a dit aussi alphan, d'où l'alphos des Grecs. Avec une multitude d'expressions semblables, toutes analysées & décomposées, un dictionnaire raisonné pourroit offrir encore le dénouement d'une infinité de jeux de mots, & même d'usages anciens & modernes, fondés sur cette ancienne langue, & dont nous ne connoissons plus le sel & la valeur, quoiqu'ils se soient transmis jusqu'à nous.

Si, à l'exemple des anciens, notre cérémonial exige une triple salutation ; si ces anciens plus superstitieux que nous jettoient trois cris sur la tombe des morts, en leur disant un triple adieu ; s'ils appelloient trois fois Hécate aux déclins de la lune ; s'ils faisoient des sacrifices expiatoires sur trois autels, à la fin des grands périodes ; & s'ils avoient enfin une multitude d'autres usages de ce genre, c'est que l'expression de la paix & du salut qu'on invoquoit ou que l'on se souhaitoit dans ces circonstances, étoit presque le même mot que celui qui désignoit le nombre trois dans les langues phéniciennes & carthaginoises ; le noeud de ces usages énygmatiques se trouve dans ces deux mots schalom & schalos. Par une allusion du même genre, nous disons aussi, tout ce qui reluit n'est pas or : or signifie reluire ; & ce proverbe avoit beaucoup plus de sel chez les orientaux, qui se plaisoient infiniment dans ces sortes de jeux de mots.

Si notre jeunesse nomme sabot le volubile buxum de Virgile, on en voit la raison dans la Bible, où sabav signifie tourner. Si nos Vanniers appellent osier le bois flexible qu'ils emploient, c'est qu'oseri signifie liant, & ce qui sert à lier. Si les nourrices en disant à leurs enfans, paye chopine, les habituent à frapper dans la main ; & après les marchés faits si le peuple prononce le même mot, fait la même action & va au cabaret, c'est que chopen signifie la paume de la main, & que chez les Phéniciens on disoit frapper un traité, pour dire faire un traité. Ceci nous apprend que le nom vulgaire de la mesure de vin qui se boit parmi le peuple après un accord, ne vient que de l'action qui l'a précédée. Telles seroient les connoissances que l'étude de la langue phénicienne offriroit tantôt à la Grammaire & tantôt à l'Histoire. Ces exemples pris entre mille de l'un & de l'autre genre, engageront peut-être un jour quelques savans à la tirer de son obscurité ; elle est la premiere des langues savantes, & d'ailleurs elle n'est autre que celle de la Bible, dont il n'est point de page qui n'offre quelques phénomenes de cette espece. C'est ce qui nous a engagé à proposer un ouvrage qui contribueroit infiniment à développer le génie de la langue hébraïque & des peuples qui l'ont parlée, & qui nous feroit connoître la singuliere propriété qu'elle a de pouvoir se déguiser en cent façons, par des inversions peu communes dans nos langues européennes, mais qui proviennent dans celles de l'Asie, de l'absence des voyelles, & de la façon d'écrire de gauche à droite, qui n'a point été naturelle à tous les peuples.

V. Il nous reste à parler plus particulierement du génie de la langue hébraïque & de son caractere. C'est une langue pauvre de mots & riche de sens ; sa richesse a été la suite de sa pauvreté, parce qu'il a fallu nécessairement charger une même expression de diverses valeurs, pour suppléer à la disette des mots & des signes. Elle est à-la-fois très-simple & très-composée ; très-simple, parce qu'elle ne fait qu'un cercle étroit autour d'un petit nombre de mots ; & très-composée, parce que les figures, les métaphores, les comparaisons, les allusions y sont très-multipliées, & qu'il y a peu d'expression où l'on n'ait besoin de quelque réflexion, pour juger s'il faut la prendre au sens naturel ou au sens figuré. Cette langue est expressive & énergique dans les hymnes & les autres ouvrages où le coeur & l'imagination parlent & dominent. Mais il en est de cette énergie comme de l'expression d'un étranger qui parle une langue qui ne lui est pas encore assez familiere pour qu'elle se prête à toutes ses idées ; ce qui l'oblige, pour se faire entendre, à des efforts de génie qui mettent dans sa bouche une force qui n'est pas naturelle à ceux qui la parlent d'habitude.

Il n'y a point de langue pauvre & même sauvage, qui ne soit vive, touchante, & plus souvent sublime, qu'une langue riche qui fournit à toutes les idées & à toutes les situations. Cette derniere à la vérité a l'avantage de la netteté, de la justesse, & de la précision ; mais elle est ordinairement privée de ce nerf surnaturel & de ce feu dont les langues pauvres & dont les langues primitives ont été animées. Une langue telle que la françoise, par exemple, qui fuit les figures & les allusions, qui ne souffre rien que de naturel, qui ne trouve de beauté que dans le simple, n'est que le langage de l'homme réduit à la raison. La langue hébraïque au contraire est la vraie langue de la poésie, de la prophétie, & de la révélation ; un feu céleste l'anime & la transporte : quelle ardeur dans ses cantiques ! quelles sublimes images dans les visions d'Isaïe ! que de pathétique & de touchant dans les larmes de Jérémie ! on y trouve des beautés & des modes en tout genre. Rien de plus capable que ce langage pour élever une ame poétique, & nous ne craignons point d'assûrer que la Bible, en un grand nombre d'endroits supérieure aux Homeres & aux Virgiles, peut inspirer encore plus qu'eux ce génie rare & particulier qui convient à ceux qui se livrent à la Poésie. On y trouve moins à la vérité, de ce que nous appellons méthode, & de cette liaison d'idées où se plaît le flegme de l'occident : mais en faut-il pour sentir ? Il est fort singulier, & cependant fort vrai, que tout ce qui compose les agrémens & les ornemens du langage, & tout ce qui a formé l'éloquence, n'est dû qu'à la pauvreté des langues primitives ; l'art n'a fait que copier l'ancienne nature, & n'a jamais surpassé ce qu'elle a produit dans les tems les plus arides. De-là sont venues toutes ces figures de Rhétorique, ces fleurs, & ces brillantes allégories où l'imagination déploie toute sa fécondité. Mais il en est souvent aujourd'hui de toutes ces beautés comme des fleurs transportées d'un climat dans un autre ; nous ne les goûtons plus comme autrefois, parce qu'elles sont déplacées dans nos langues qui n'en ont pas un besoin réel, & qu'elles ne sont plus pour nous dans le vrai ; nous en sentons le jeu, & nous en voyons l'artifice que les anciens ne voyoient pas. Pour nous, c'est le langage de l'art ; pour eux, c'étoit celui de la nature.

La vivacité du génie oriental a fort contribué aussi à donner cet éclat poétique à toutes les parties de la Bible qui en ont été susceptibles, comme les hymnes & les prophéties. Dans ces ouvrages, les pensées triomphent toûjours de la stérilité de la langue, & elles ont mis à contribution le ciel, la terre & toute la nature, pour peindre les idées où ce langage se refusoit. Mais il n'en est pas de même du simple récitatif & du style des annales. Les faits, la clarté, & la précision nécessaire ont gêné l'imagination sans l'échauffer ; aussi la diction est-elle toûjours seche, aride, concise, & cependant pleine de répétitions monotones ; le seul ornement dont il paroît qu'on a cherché à l'embellir, sont des consonnances recherchées, des paronomasies, des métathèses, & des allusions dans les mots qui présentent les faits avec une appareil qui ne nous paroîtroit aujourd'hui qu'affectation, s'il falloit juger des anciens selon notre façon de penser, & de leur style par le nôtre.

Caïn va-t-il errer dans la terre de Nod, après le meurtre d'Abel, l'auteur pour exprimer fugitif, prend le dérivé de nadad, vagari, pour faire allusion au nom de la contrée où il va.

Abraham part-il pour aller à Gerare, ville d'Abimelech ; comme le nom de cette ville sonne avec les dérivés de gur & de ger, voyager & voyageur, l'Ecriture s'en sert par préférence à tout autre terme, parce que peregrinatus est in Gerarâ présente par un double aspect peregrinatus est in peregrinatione.

Nabal refuse-t-il à David la subsistance, on voit à la suite que chez Nabal étoit la folie, que l'Ecriture exprime alors par nebalah.

Ces sortes d'allusions si fréquentes dans la Bible tiennent à ce goût que l'on y remarque aussi de donner toûjours l'étymologie des noms propres : chacune de ces étymologies presente de même un jeu de mots qui sonnoit sans-doute agréablement aux oreilles des anciens peuples ; elles ne sont point toûjours régulierement tirées ; & il a paru aux Savans qu'elles étoient plus souvent des approximations & des allusions, que des étymologies vraiment grammaticales. On trouve même dans la Bible plusieurs allusions différentes à l'occasion d'un même nom propre. Nous nous bornerons à un exemple déjà connu. Le nom de Moyse, en hébreu Moschéh, que le vulgaire interprete retiré des eaux, ne signifie point à la lettre retiré, ni encore moins retiré des eaux, mais retirant ou celui qui retire. Si cependant la fille de Pharaon lui a donné ce nom en le sauvant du Nil, c'est qu'elle ne savoit pas l'hébreu correctement, ou qu'elle s'est servie d'une dialecte différente, ou qu'elle n'a cherché qu'une allusion générale au verbe maschah, retirer. Mais il est une autre allusion à laquelle le nom de Moschéh convient davantage ; c'est dans ces endroits si fréquens, où il est dit, Moise qui vous a ou qui nous a retiré d'Egypte. Ici l'allusion est vraiment grammaticale & réguliere, puisqu'elle peut présenter littéralement, le retireur qui nous a retirés d'Egypte. C'est un genre de pléonasme historique fort commun dans l'Ecriture, & duquel il faut bien distinguer les pleonasmes de Rhétorique, qui y sont encore plus communs ; sans quoi on couroit le risque de personnifier des verbes & autres expressions du discours, ainsi qu'il est arrivé dans la Mythologie des peuples qui ont abusé des langues de l'orient.

Cette fréquence d'allusions recherchées dans une langue où les consonnances étoient d'ailleurs si naturelles, à cause du fréquent retour des mêmes expressions, a de quoi nous étonner sans-doute ; mais il est vraisemblable que la stérilité des mots qui obligeoit de les ramener souvent, est ce qui a donné lieu par la suite à les rechercher avec empressement. Ce qui n'étoit d'abord que l'effet de la nécessité a été regardé comme un agrément ; & l'oreille qui s'habitue à tout y a trouvé une grace & une harmonie dont il a fallu orner une multitude d'endroits qui pouvoient s'en passer. Au reste, de tous les agrémens de la diction, c'est à celui-là particulierement que tous les anciens peuples se sont plû, parce qu'il est presque naturel aux premiers efforts de l'esprit humain ; & que l'abondance n'ayant point été un des caracteres de leur langue primitive, ils n'ont point crû devoir user du peu qu'ils avoient avec cette sobriété & cette délicatesse moderne, enfans du luxe des langues. Nous en voyons même encore tous les jours des exemples parmi le peuple, qui est à l'égard du monde poli ce que les premiers âges du monde renouvellé sont pour les nôtres. On le voit chez toutes les nations qui se forment, ou qui ne se sont pas encore livrées à l'étude. On ne trouve plus dans Cicéron ces jeux sur les noms & sur les mots si fréquens dans Plaute ; & chez nous les progrès de l'esprit & du génie ont supprimé ces concetti qui ont fait les agrémens de notre premiere littérature. Nous remarquerons seulement que nous avons conservé la rime qui n'est qu'une de ces anciennes consonnances si familieres aux premiers peuples, dont nos peres l'ont sans-doute héritée. Quoique son origine se perde pour nous dans des siecles ténébreux, nous pouvons soupçonner que cette rime ne peut être qu'un présent oriental, puisque ce nom même de rime qui n'a de racine dans aucune langue d'Europe, peut signifier dans celles de l'orient l'élévation de la voix, ou un son élevé.

Nous ne sommes point entrés dans ce détail pour faire des reproches aux écrivains hébreux qui n'ont point été les inventeurs de leur langue, & qui ont été obligés de se servir de celle qui étoit en usage de leur tems & dans leur nation. Ils n'ont fait que se conformer au génie & au caractere de la langue reçûe & à la tournure de l'esprit national dont Dieu a bien voulu emprunter le goût & le langage. Toutes les nations orientales ont eu, comme les Hébreux, ce style familier en allusion ; & ceux d'entr'eux qui ont voulu écrire en langues européennes, n'ont pas manqué de se dévoiler par là ; tels sont entr'autres ceux qui ont composé les sibylles vraies ou fausses dont nous avons quelques fragmens. Il ne faut que ce passage apocalyptique pour y reconnoître le pays de leurs auteurs :


HE'BRAISMEsubst. m. (Gram.) maniere de parler propre à la langue hébraïque. Jamais aucune langue n'eut autant de tours particuliers ; ce sont les caracteres de l'antiquité & de l'indigence. Voyez les articles HEBRAÏQUE LANGUE, & IDIOTISME.


HE'BRAIZANTparticip. pris sub. (Gram.) On dit d'un homme qui a fait une étude particuliere de la langue hébraïque, c'est un hébraïzant. Mais comme les Hébreux étoient scrupuleusement attachés à la lettre de leurs écritures, aux cérémonies qui leur étoient prescrites, & à toutes les minuties de la loi ; on dit aussi d'un observateur trop scrupuleux des préceptes de l'Evangile, d'un homme qui suit en aveugle ses maximes, sans reconnoître aucune circonstance où il soit permis à sa raison de les interpreter, c'est un hébraïzant.


HE'BREUsubst. m. (Hist. & Gram.) nom propre du peuple dur qui descendit des douze patriarches fils de Jacob, qui furent les chefs d'autant de tribus. Voyez HEBRAÏQUE LANGUE & JUIFS.


HEBRE(Géog. anc.) fleuve de Thrace, qui prend son nom des tournans qu'il a dans son cours, suivant Plutarque le géographe. Il n'y a guere de riviere dont les anciens ayent tant parlé, & dont ils ayent dit si peu de chose. Pline, liv. XXXIII. chap. iij. le nomme entre les rivieres qui rouloient des paillettes d'or : ce fleuve a toûjours eu la réputation d'être très-froid. Virgile (Egl. X. v. 85.) nous en assûre :

Nec si frigoribus mediis, Hebrumque bibamus.

Et Horace enchérissant sur son ami, n'en parle que comme s'il étoit couvert de neige & de glace :

.... Hebrusque nivali compede vinctus.

Ep. III. v. 3.

M. Delisle a exactement décrit l'origine & le cours de ce fleuve, qu'on nomme aujourd'hui la Maeriza. Nous nous contenterons de dire ici qu'il a sa source au pié du mont Dervent, traverse la Romanie, passe à Phillippoli, à Andrinople, à Trajanopoli, & se décharge dans l'Archipel, à l'entrée du golfe de Mégarisse, vis-à-vis Samandraki. (D.J.)


HEBRIDESHEBUDES, WESTERNES, voyez ce dernier.


HÉBRONou CHÉBRON, (Géog.) ancienne ville de la Palestine, dont il est beaucoup parlé dans l'ancien Testament. Elle étoit située sur une hauteur, à 22 milles de Jérusalem vers le midi, & à 20 milles de Bersabée vers le nord. Elle fut assignée aux Prêtres pour leur demeure, & déclarée ville de réfuge. David y établit le siége de son royaume après la mort de Saül. On dit qu'Hébron est aujourd'hui décoré d'une grande mosquée, où les Mahométans viennent d'Alep, de Damas, & d'autres pays. Le P. Nau, dans son voyage de la Terre-sainte, avoue (liv. IV. ch. xviij.) qu'il n'a jamais pû voir Hébron ; & les détails qu'il en donne, ne sont fondés que sur les relations d'un de ses amis. (D.J.)


HEBRUUNsubst. m. (Navig.) C'est en Bretagne l'officier ou commis qui délivre aux maîtres des navires les congés dont ils ont besoin avant que de mettre en mer. Ce mot vient de celui du congé qu'on appelle un bref ou brieux.


HECAERGUEou HECAERGE, adj. pris subst. (Gram. & Mythol.) épithete qu'Homere donne souvent à Apollon, à Diane, & aux autres divinités armées de fleches & de carquois ; mais elle convient surtout à Apollon qui étoit aussi dieu de la lumiere. Elle signifie qui frappe au loin. On a fait d 'Hécaerge une nymphe des bois, soeur d'Opis.


HE'CATEsubst. f. (Mythol.) divinité du Paganisme. Rien n'est plus incertain que sa naissance ; Musée la déclare fille du Soleil, d'autres de la Nuit, d'autres de Cérès & de Jupiter, d'autres encore de ce dieu & de Latone : mais la plûpart prétendent qu'elle étoit fille de Persée & d'Astérie, dont Jupiter avoit eu les faveurs, avant que de faire lui-même ce mariage.

Suivant l'opinion commune, Hécate est la même que Proserpine, que Diane, & que la Lune ; c'est-à-dire qu'elle avoit trois noms, celui de la Lune dans le ciel, de Diane sur la terre, & de Proserpine dans les enfers : voilà pourquoi elle est appellée la triple Hécate, ou la déesse à trois formes, dea triformis, & dans Ovide tergeminaque Hecates.

On la représentoit tantôt par trois figures adossées les unes aux autres ; tantôt par un seul corps qui porte trois têtes & quatre bras, disposés de maniere que de quelque côté qu'on se tourne, chaque tête a ses deux bras. D'une main elle porte un flambeau qui lui a valu le titre de lucifera ; des deux autres mains elle tient un foüet & un glaive, comme gardienne des enfers ; & dans la quatrieme on lui met un serpent, parce qu'elle présidoit à la santé, dont le serpent est le symbole.

On la peignoit à trois faces, suivant quelques mythologistes, à cause des trois faces que la Lune fait voir dans son cours ; & selon d'autres, parce qu'elle domine sur la naissance, sur la santé, & sur la mort : entant qu'elle regne sur la naissance, c'est Lucine, dit Servien ; entant qu'elle veille à la santé, c'est Diane ; & le nom d'Hécate lui convient entant qu'elle commande à la mort.

Hésiode parle d'Hécate comme d'une déesse terrible, pour qui Jupiter a plus d'égards que pour aucune autre divinité, parce qu'elle a, pour ainsi dire, le destin de la terre entre ses mains, qu'elle distribue les biens à ceux qui l'honorent, qu'elle préside au conseil des rois, aux accouchemens & aux songes.

Elle étoit aussi la déesse des magiciennes & des enchanteresses ; c'est pour cela qu'on la fait mere de Circé & de Médée : du-moins dans Euripide, cette derniere, avant de commencer ses opérations magiques, invoque Hécate sa mere. Elle passoit encore, comme je l'ai dit, pour la déesse des spectres & des songes : Ulysse voulant se délivrer de ceux dont il étoit tourmenté, eut soin de lui consacrer un temple en Sicile.

Enfin, selon le scholiaste de Théocrite, Hécate étoit la déesse des expiations ; & sous ce titre on lui immoloit de petits chiens, & on lui élevoit des statues dans les carrefours, où elle étoit appellée Trivia. Aussi Lycophron l'appelle , & Ovide semblablement canum mactatrix : Etienne de Bysance & Suidas parlent de l'antre où on lui faisoit ces sortes de sacrifices ; il étoit en Thrace dans la ville de Zérinthe : mais elle avoit en plusieurs autres pays un culte & des autels ; l'ancienne Géographie fournit même certains lieux qui en tiroient leurs noms.

Servius dérive celui d'Hécate du mot grec , cent, ou parce qu'on lui offroit cent victimes à-la-fois, ou plutôt parce qu'on croyoit qu'elle retenoit cent ans au-delà du Styx les ames de ceux qui avoient été privés de la sépulture. Si vous êtes curieux de plus grands détails, consultez Meursius sur Lycophron, Servius sur Virgile, Barthius sur Stace, & Vossius sur l'idolatrie. (D.J.)


HE'CATE'SIESsubst. f. pl. Hecatesia, (Antiq.) fêtes & sacrifices en l'honneur d'Hécate. On les faisoit tous les mois à Athènes, qui étoit la ville de Grece où l'on avoit le plus de vénération pour cette déesse : les Athéniens la regardoient comme la protectrice de leurs familles & de leurs enfans. En conséquence de cette idée, ils célebroient régulierement sa fête avec un grand concours de peuple, & lui dressoient devant leurs maisons des statues appellées . Alors à chaque nouvelle lune, les gens riches donnoient un repas public dans les carrefours où la divinité étoit censée présider, & ce repas se nommoit le repas d'Hécate, .

Mais ces repas publics étoient sur-tout destinés pour les pauvres ; & même dans les sacrifices à Hécate, il y avoit toûjours un certain nombre de pains & d'autres provisions, que leur distribuoient les sacrificateurs : c'étoit de-là principalement que les malheureux tiroient leur subsistance, au rapport du scholiaste d'Aristophane. On dressoit les tables, autant qu'il étoit possible, dans les carrefours & les places où trois rues venoient aboutir, parce que ces rues étoient consacrées à la déesse, surnommée par cette raison Trivia ; les sacrifices qu'on lui offroit portoient aussi le même nom.

Dans la plûpart de tous les autres sacrifices, une portion de la victime, outre ce que nos bouchers appellent issues, étoit reservée pour la nourriture des personnes incapables de travailler. Les Grecs & les Romains avoient des usages admirables dans leur police : tandis qu'ils sévissoient contre les mendians & les vagabonds, ils avoient imaginé les moyens d'aider perpétuellement les familles indigentes, sans le secours des hôpitaux qu'ils ne connoissoient pas ; & leurs sacrifices servoient tout-ensemble à la religion & au soûtien de ceux qui se trouvoient dans le besoin. (D.J.)


HECALEsurnom de Jupiter, (Mythol.) Il avoit un temple à Hécale, bourg d'Attique, & on l'honoroit dans cet endroit par des fêtes nommées hécalésies, voyez HECALESIES, & on le désignoit par Jupiter Hécale.


HECALESIESsubst. fém. pl. (Antiq. greq.) fêtes qu'on célébroit à Hécale, bourg de l'Attique dans la tribu Léontide, en l'honneur de Jupiter qui avoit un temple dans ce lieu, où il étoit adoré sous le nom de Jupiter Hécale. M. Spon nomme ce bourg Ecali, d'après la prononciation vicieuse de quelques écoles. (D.J.)


HECATOMBAEONsub. m. sing. (Chronol. anc.) nom du premier mois de l'année des Athéniens : il étoit composé de trente jours, & commençoit à la premiere nouvelle lune après le solstice d'été ; ce qui répond selon les uns au mois de Septembre, & selon d'autres, à la fin de notre mois de Juin ou au commencement de Juillet. Les Béotiens appelloient ce mois Hippodromus ; & les Macédoniens Loüs.

L'auteur du grand Etymologicon nous apprend que le premier mois des Athéniens se nommoit anciennement Chronius à-cause des sacrifices dits chronia, que l'on faisoit alors à Saturne, mais que dans la suite des tems le mois Chronicon fut appellé Hécatombaeon, parce que les choses grandes sont dénotées par le mot hécaton, & que c'est dans ce mois-là que le soleil de meure davantage sur l'horison, & fait les plus grands jours de l'année.

Cependant j'aimerois mieux l'étymologie de Suidas & d'Harpocration, qui prétendent que ce mois prit le nom d'Hécatombaeon à-cause du nombre d'hécatombes qu'on sacrifioit à Athènes pendant son cours.

Au reste comme les mois des Grecs étoient lunaires, & qu'ils ne peuvent s'accorder avec les nôtres, j'estime qu'en traduisant les anciens auteurs, il convient bien mieux de retenir les noms propres des mois des Athéniens, des Macédoniens, & des autres nations en général, que de les exprimer par les mois des Romains que nous avons adoptés. Voy. MOIS DES GRECS. (D.J.)


HECATOMBEsubst. fém. (Antiq.) c'est un sacrifice de cent boeufs, selon la signification propre du mot : mais la dépense de ce sacrifice ayant bientôt paru trop forte, on se contenta d'immoler des animaux de moindre prix ; & il paroît par plusieurs anciens auteurs qu'on appella toûjours hécatombe un sacrifice de cent bêtes de même espece, comme cent chevres, cent moutons, cent agneaux, cent truies ; & si c'étoit un sacrifice impérial, dit Capitolin, on immoloit par magnificence cent lions, cent aigles, & caetera hujusmodi animalia centena feriebantur.

Ce sacrifice de cent bêtes se faisoit en même tems sur cent autels de gazon, & par cent sacrificateurs ; cependant on n'offroit de tels sacrifices que dans des cas extraordinaires, comme quand quelque grand évenement causoit quelque joie publique ou une calamité générale. Lorsque la peste ou la famine obligeoit de recourir aux dieux, les cent villes du Péloponnèse faisoient ensemble un hécatombe, c'est-à-dire qu'elles immoloient une victime pour chaque ville ; mais Conon, général des Athéniens, ayant remporté une victoire navale sur les Spartiates, offrit lui seul une hécatombe : " c'étoit, dit Athénée, une véritable hécatombe, & non pas de celles qui en portent faussement le nom " ; ce qui prouve qu'on appelloit souvent hécatombe, des sacrifices où le nombre des cent victimes ne se trouvoit pas. L'histoire parle aussi d'empereurs romains qui ont offert quelquefois des hécatombes ; par exemple, Balbin, à la premiere nouvelle qu'il reçut de la défaite du tyran Maximin, ordonna sur le champ une hécatombe.

On tire communément l'origine du mot hécatombe, de , cent, & de , boeuf ; d'autres dérivent ce terme de , cent, & de , pié ; & selon ceux-ci, l'hecatombe de vingt-cinq bêtes à quatre piés n'étoit pas moins une hécatombe : d'autres enfin le dérivent simplement du mot , qui veut dire un sacrifice somptueux. (D.J.)


HÉCATOMBÉESsubst. f. pl. (Antiq.) fête qu'on célébroit à Athènes en l'honneur d'Apollon, dans le premier mois de leur année civile, appellée de-là hécatombéon. Les Athéniens surnommoient Apollon hécatombée : les habitans de la Carie & de l'île de Crete appelloient aussi Jupiter de la même maniere, au rapport d'Hesychius. (D.J.)


HECATOMPYLou HECATOMPYLOS, (Géogr. anc.) ancienne ville de la Parthie, capitale du royaume des Parthes sous les Arsacides, qui y faisoient leur résidence. Ptolomée, par sa table des principales villes, publiée dans la collection d'Oxford, la met à 97d de longit. & à 37d 20'de latit. Ce n'est donc pas Ispahan située à 32d 20'de latit. ce n'est pas non plus Yesd. Diodore de Sicile, liv. IV. cap. xxviij. parle d'un autre Hécatompyle, qui étoit en Lybie. Enfin, Thèbes en Egypte y a été aussi nommée Hécatompyle à cause de ses cent portes. (D.J.)


HÉCATONCHIRESsubst. m. pl. (Mythol.) qui a cent mains : c'est ainsi qu'on désigne les trois géans Briarée, Gygès & Cochis, à qui la fable avoit donné cent mains.


HÉCATONPÉDONsubst. m. (Antiq.) nom d'un temple de Minerve à Athènes, qui avoit cent piés de long ; l'étymologie de , cent, & , pié, l'indique. On appelloit aussi de ce nom une ancienne ville de l'Epire dans la Chaonie.


HECATONPHONEUMES. m. (Mytholog.) sacrifice où l'on immole cent victimes. Il s'en faisoit un pareil dans Athenes, en l'honneur de Mars.


HECATONPHONIESS. f. pl. (Antiq.) fêtes que célébroient chez les Messéniens ceux qui avoient tué cent ennemis à la guerre. Ce mot est composé de , cent, & , je tue. Ils offroient après cet exploit un sacrifice du même nom. Pausanias, l. IV. rapporte d'Aristodème ou Aristomède de Corinthe, qu'il offrit jusqu'à trois sacrifices de ce genre, mais Plutarque révoque en doute cette triple hécatonphonie. (D.J.)


HECATONSTYLONS. m. (Architect. anc.) portique à cent colonnes : c'est le nom qu'on donna en particulier au grand portique du théatre de Pompée à Rome. (D.J.)


HECHES. f. (Art méchan.) espece de barriere ou d'arrêt dont on garnit les côtés d'une charrette pour aller librement sans occuper les roues.


HECLA(Géog. & Hist. nat.) fameuse montagne & volcan d'Islande, situé dans la partie méridionale de cette île, dans le district appellé Rangerval-Syssel. Si l'on en croit M. Anderson dans sa description d'Islande, le mont Hecla a vomi des flammes pendant plusieurs siecles sans discontinuer, & présente toûjours un coup-d'oeil effrayant à ceux qui s'en approchent : mais des relations plus modernes & plus sûres ont fait disparoître les merveilles qu'on racontoit de ce volcan ; elles sont dûes à M. Horrebow, qu'un long séjour en Islande a mis à portée de juger des choses par lui-même, & d'en parler avec plus de certitude que M. Anderson, qui a été obligé de s'en rapporter à des mémoires souvent très-infideles. M. Horrebow nous apprend donc que depuis que l'Islande est habitée, c'est-à-dire depuis 800 ans, le mont Hecla n'a eu que dix éruptions, savoir en 1104, en 1157, 1222, 1300, 1341, 1362, 1389, 1558, 1636. La derniere éruption commença le 13 Février 1693, & dura jusqu'au mois d'Août suivant, les éruptions antérieures n'avoient pareillement duré que quelques mois. Sur quoi l'auteur remarque qu'y ayant eu quatre éruptions dans le xjv. siecle, il n'y en eut point-du-tout dans le XV. & que ce volcan fut 169 ans de suite sans jetter des flammes, après quoi il n'en jetta qu'une seule fois dans le xvj. siecle, & deux fois dans le xvij. il conclud de-là qu'il pourroit bien se faire que le feu soûterrein eût pris une autre issue, & que le mont Hecla ne vomît plus de flammes par la suite. M. Horrebow qui écrivoit en 1752, ajoûte qu'alors on n'en voyoit plus sortir ni flamme ni fumée ; que seulement on trouvoit quelques petites sources d'eau très-chaude dans des cavités qui sont dans son voisinage. Au-dessus des cendres qui ont été vomies autrefois par ce volcan, il vient actuellement de très-bons pâturages, & l'on a bâti des fermes & des maisons tout-auprès. M. Anderson avoit dit d'après les mémoires qu'on lui avoit fournis, que le mont Hecla étoit inaccessible & qu'il étoit impossible d'y monter ; mais M. Horrebow dit que bien des gens ont été jusqu'au sommet, & que même en 1750 il fut soigneusement examiné par deux jeunes islandois étudians de Copenhague, qui voyageoient dans la vûe d'observer les curiosités naturelles de leur pays ; ils n'y trouverent que des pierres, du sable, des cendres, plusieurs fentes qui s'étoient faites en différens endroits de la montagne, & quelques sources d'eau bouillante : après avoir long-tems marché dans les cendres jusqu'aux genoux, ils en revinrent sans accident, mais très-fatigués, & ne trouvant nulle part le moindre vestige de feu.

Le mont Hecla est fort élevé ; son sommet est toûjours couvert de neige & de glace : il y a cependant en Islande des montagnes plus hautes.

Depuis qu'il a cessé de jetter des flammes, d'autres montagnes de ce pays ont eu des éruptions aussi fortes que jamais ce volcan en ait eues : les monts d'Ocraife & de Kotlegau sont dans ce cas ; ce sont de vrais volcans.

Il y a des personnes qui ont prétendu qu'il y avoit de la correspondance entre le mont Hecla & le Vésuve & l'Ethna ; mais l'expérience réfute cette opinion, attendu que durant les dernieres éruptions de ces volcans, l'Hecla est toûjours demeuré tranquille. Voyez Horrebow, descript. de l'Islande, § 8. & Voyez VOLCAN. (-)


HECTÉEsubst. f. (Hist. anc.) mesure attique ; c'est la sixieme partie du médimne, qui contenoit 72 sextiers.


HECTIQUEsubst. & adj. (Médecine) épithete que l'on donne à une espece de fievre continue qui consume le corps & qui le réduit à une extrême maigreur. Ce mot vient du grec , & celui-ci de , habitude, qualité inhérente au sujet. Hectique se dit aussi du malade ; il se prend aussi simplement pour maigre. On dit, un homme, une femme hectique ; un poulet hectique : mais on prononce hétique, & l'h n'est point aspirée ; quelquefois même on la supprime en écrivant. On ordonne les bouillons de tortue aux hectiques.


HEDE(Géog.) ville de Bretagne.


HÉDÉMUORAHedemora. (Géog.) ville de Suede dans le Westerdal, sur le bord oriental de la Dala, aux confins de la Gestricie, de l'Uplande & de la Westmanie. Elle est à 12 lieues S. O. de Gévali, 22 N. O. d'Upsal. Long. 33. 50. latit. 6. 14. (D.J.)


HEDERACE'adj. (Anat.) On donne cette épithete au plexus pampiniforme, composé de la veine & de l'artere spermatique qui s'unissent aux testicules.


HÉDÉRIFORME(Anatomie) voyez PAMPINIFORME.


HÉDÉTAINSS. m. pl. (Géog. anc.) peuple de l'Espagne Tarragonoise. Les anciens écrivoient indifféremment Hedetani, Edetani, & Sedetani, Le P. Briet dit que les Edetani répondent à une partie de l'évêché de Sarragosse & à une partie du royaume de Valence. (D.J.)


HÉDICROON& plus communément HÉDYCROI, (Pharmacie) trochisques. Prenez marum, marjolaine, racine de cabaret, de chacun deux gros ; bois d'aloës, de schaenante, roseau aromatique, grande valériane, bois de baume de Judée, ou xylo-balsamum, vrai baume de Judée, canelle, costus arabique, de chacun trois gros ; myrrhe, feuille indienne, safran spicanard, cassia-lignea de chacun six gros ; amome en grappe, douze gros ; mastic un gros : mettez toutes ces drogues en poudre, incorporez-les avec suffisante quantité de vin d'Espagne, pour en faire des trochisques selon l'art.

Ces trochisques n'ont d'autre usage en Pharmacie, que d'être un très-inutile ingrédient de la thériaque, qui contient d'ailleurs la plûpart des drogues qui entrent dans celui-ci. (b)


HEDISARUMou SAINFOIN D'ESPAGNE, (Jardin.) est une plante qui s'éleve à trois pieds de haut, dont les feuilles ressemblent à celle de la reglisse ; ses fleurs d'un beau rouge & d'une odeur agréable, paroissent en été, elles naissent en épis sur des pédicules qui sortent des aisselles des feuilles, & elles sont soûtenues chacune par un calice dentelé : des gousses assez grosses renferment des semences, & naissent à la place des fleurs. On trouve cette plante sur les montagnes, & elle se cultive aisément dans les jardins. (K)


HÉDYPNOISS. f. (Botan.) genre de plante à fleur, composée de plusieurs demi-fleurons portés sur un embryon & soûtenus d'un calice qui devient dans la suite un fruit ressemblant à un melon. Ce fruit renferme deux sortes de semences ; les unes ont une tête en forme de brosse, & sont placées dans le milieu de la fleur ; les autres sont terminées par une sorte de nombril, elles tiennent aux bords de la fleur, & sont enveloppées dans les feuilles du calice, comme dans des capsules. Tournefort, inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

La plus commune espece, nommée simplement hedypnoïs annua par les Botanistes, a les feuilles assez semblables à celles de la chicorée sauvage, sinueuses & rudes : sa tige soûtient en son sommet une tête presque cylindrique, courbée, garnie de demi-fleurons ; quand ils sont tombés, cette tête devient un fruit fermé à-peu-près comme un petit melon, qui en mûrissant s'ouvre & laisse paroître deux sortes de graines ; celles qui sont vers le milieu ont un chapiteau ou une brosse de poils ordinairement fort rude, mais les graines qui sont à la circonférence, se terminent en haut par un petit rebord membraneux, & sont enchâssées dans une des feuilles qui forment l'extérieur de ce fruit. Cette plante croît aux pays chauds, dans les campagnes, & passe pour apéritive ; si on la transplante, & qu'on la cultive dans nos jardins, elle perd toute son acreté. (D.J.)


HÉEL& par les françois HEILA, (Géog.) petite ville de Prusse dans la Cassubie, à l'embouchure de la Vistule dans la mer Baltique, sujette au roi de Pologne, à quinze lieues N. E. de Dantzick. Longit. 37. latit. 54. 53. (D.J.)


HÉEMERS. m. (Comm.) mesure des liquides dont on se sert en Allemagne. Le héemer est de trente-deux achtelings, l'achteling de quatre seiltens ; il faut vingt-quatre héemers pour le driclink, & trente-deux pour le féoder. Voyez achteling, seilten, driclink, & féoder. Dictionn. de Commerce. (G)


HEERDLINGS. m. (Métallurgie) c'est ainsi que l'on nomme en Allemagne, dans les fonderies où l'on traite la mine d'étain, une matiere composée d'un peu de fer, d'arsenic & d'étain, qui se dégage de la mine & de la partie métallique de l'étain, pendant la fusion. M. Homberg a cru que c'étoit de ce mélange que se formoit le zinc. M. Lehman pense que le héerdling est une combinaison de fer, d'arsenic, & d'une grande quantité de phlogistique. Voyez le traité de la formation des métaux. (-)


HEGEMONÉS. f. (Mythol.) une des deux graces des Athéniens ; l'autre étoit Auxo : c'étoit aussi un des surnoms de Diane. Diane Hégémoné ou conductrice étoit représentée portant des flambeaux ; elle étoit honorée sous cette forme & sous ce titre en Arcadie, où elle avoit un temple. Voyez HEGEMONIES, article suivant.


HEGEMONIESS. f. pl. (Antiq.) fêtes qu'on célébroit en l'honneur de Diane, dans un temple qu'elle avoit en Arcadie, où on lui donnoit le nom d'Hégémone qui signifie conductrice : elle portoit des flambeaux, dit Pausanias, comme pour montrer le chemin. (D.J.)


HEGERou HEIGER, (Géog.) petite ville d'Allemagne, dans la principauté de Nassau, sur la Dill.


HEGETMATIA(Géog. anc.) ancienne ville de la grande Germanie, selon Ptolomée : quelle est cette ville ? nous n'en savons rien. Quelques-uns cependant assûrent que c'est Lignitz en Silesie ; mais cette décision est insoûtenable, par les raisons suivantes. 1°. Les deux positions ne s'accordent point ; la longit. d'Hégetmatia, selon Ptolomée, est 39. 40. 11. latit. 50. la longit. de Lignitz est 33. 50. lat. 51. 55. De plus, du tems de Ptolomée, la grande Germanie, ou la Germanie d'au-delà le Rhin, n'avoit point de villes : il est vrai qu'il se sert du nom de ville pour désigner ces habitations, mais en effet ce n'étoient que des bourgades. (D.J.)


HÉGIRES. f. (Chronol.) fameuse époque des Arabes & des Musulmans. Le mot hégire, ou plutôt hégiratan en arabe, veut dire fuite, parce que Mahomet fut obligé de s'enfuir de Médine, pour éviter d'être pris par les magistrats de cette ville, qui vouloient l'arrêter. Prideaux, dans la vie qu'il a donnée de ce célebre fondateur d'une fausse religion, nous apprend que l'époque de l'hégire fut établie par Omar, troisieme empereur des Sarrasins, & que les Arabes commencerent à compter leurs années depuis le jour de l'évasion de Mahomet de la Mecque, qui fut la nuit du 15 au 16 Juillet de l'an de J. C. 622, sous le regne de l'empereur Héraclius : jusqu'à l'établissement de cette époque, ils ne comptoient que depuis la derniere guerre considérable où ils s'étoient trouvés engagés.

Pour bien entendre l'époque nommée hégire, & la chose le mérite, il faut remarquer 1°. que l'année des nouveaux Arabes ou Mahométans est purement des mois lunaires, qui sont alternativement de trente & de vingt-neuf jours civils : de sorte que l'année commune est de trois cent cinquante-quatre jours : 2°. qu'ils ont une période de trente ans, composée de dix-neuf années & d'onze surabondantes, c'est-à-dire qui sont de trois cent cinquante-cinq jours. Ces années surabondantes sont la 2, 5, 7, 10, 13, 16, 18, 21, 24, 26 & 29 ; les autres, sçavoir la 1, 3, 4, 6, 8, 9, &c. sont ordinaires : 3°. il faut observer que cette année lunaire des Mahométans est plus courte d'onze jours que notre année solaire & grégorienne, qui est de trois cent soixante-cinq jours ; ainsi en trente-deux ans arabes finis, il manque trente-deux fois onze jours, qui font trois cent cinquante-deux jours, & par conséquent environ un an grégorien : donc trente-trois années arabes font trente-deux années grégoriennes, ou environ ; & par une méthode qui suffit pour l'Histoire, afin de désigner à-peu-près les tems, on peut faire une trente-troisieme année intercalaire, & recommencer ainsi de trente-trois en trente-trois ans : 4°. enfin, pour éclaircir encore cette matiere & éviter les erreurs, il faut remarquer que la premiere année de l'hégire commença, comme je l'ai dit, la nuit du 15 au 16 Juillet 622 de notre ere ; la seconde au 4 Juillet 623 ; la troisieme au 23 Juin 624 ; & ainsi en rétrogadant d'onze jours, & parcourant tous les mois de l'année grégorienne.

On peut réduire en plusieurs manieres les années de l'hégire, à l'année julienne ou grégorienne, c'est-à-dire trouver à quelle année grégorienne tombe chaque année de l'hégire.

Premiere maniere. Il faut prendre le nombre donné d'années de l'hégire, & le réduire en une somme de jours, réduire ensuite ces jours en années grégoriennes de trois cent soixante-cinq jours ; c'est-à-dire voir combien 365 est dans le nombre de jours trouvé ; puis du quotient retrancher les intercalations, je veux dire autant de jours qu'il y a de fois quatre années, excepté chaque centieme, à quoi l'on n'ajoûte rien ; au contraire, à chaque centaine d'années il faut retrancher vingt-quatre jours. Enfin il faut ajoûter le nombre d'années grégoriennes trouvé, à 622, & le produit sera l'année grégorienne, à laquelle tombe l'année de l'hégire donnée.

Autre maniere. Il faut ajoûter le nombre d'années de l'hégire donné, à 622 ; puis prendre autant de fois 11 qu'il y a d'unités ou d'années de l'hégire dans le nombre donné ; c'est-à-dire multiplier ce nombre par 11, ajoûter au produit le nombre des jours intercalaires qu'il y a dû avoir dans le nombre des années de l'hégire donné, voir combien cette somme fait d'années grégoriennes, & les retrancher de la somme d'années trouvées d'abord ; le restant donnera l'année grégorienne à laquelle tombe l'année de l'hégire donnée.

Troisieme maniere. Prenez l'année de l'hégire donnée, ajoûtez y 621, puis retranchez de la somme autant de fois 1 que 33 est compris dans le nombre de l'hégire donné : la raison de cette soustraction est que l'année mahométane ne répond pas exactement à l'année chrétienne, & que sur trente-trois il s'en faut une année à peu-près, c'est-à-dire que trente-trois années mahométanes n'en font qu'environ trente-deux des nôtres. De même, pour réduire les années de J. C. à celles de l'hégire, par la même raison, après avoir retranché 621 de l'année de J. C. il faut ajoûter au restant autant de fois 33 que 33 est contenu de fois dans ce restant.

Donnons des exemples. Vous voulez savoir quelle est l'année 960 de l'hegire ; ajoûtez 621 à 960, vous aurez 1581. Or 33 est vingt-neuf fois, plus 3 années, dans 960 ; négligez les trois années de plus, & retranchez 29 de 1581, il restera 1552, qui est l'année de l'ere chrétienne qui répond à l'année de l'hégire 960.

Voulez vous savoir quelle année de l'hégire comptent aujourd'hui les Musulmans en 1758 ? retranchez 621 de 1758, il restera 1137. Or 33 est 34 fois, plus 15 années, dans 1137. Négligez les 15 années, & ajoûtez seulement 33 à 77, vous aurez 1170 pour l'année de l'hégire qui répond à notre année présente 1758.

Mais pour faciliter encore davantage la réduction des années de l'hégire, à celles de l'ere chrétienne, nous allons joindre ici une table méthodique qui pourra servir à ce dessein. Il suffit pour l'entendre, de savoir qu'après avoir ajoûté 621 à l'année de l'hégire, il faut soustraire du produit le nombre qui est marqué dans cette table.

Par exemple, pour réduire l'année 757 de l'hégire à l'année de J. C. il faut premierement ajoûter 621, ce qui fait 1378 ; puis voir dans la table si le nombre de 757 s'y trouve. Comme il ne s'y trouve pas, on prend celui qui le précede, qui est 726, l'on soustrait le nombre qui lui répond, sçavoir 22, de 1378, & il vient 1356, qui est la véritable année de l'ere chrétienne.

Cette soustraction se fait parce que les années des Mahométans n'égalant pas, comme nous l'avons dit, celles des Chrétiens, il faut retrancher 1 an sur 33, 2 sur 66, 3 sur 99, 4 sur 132, &c.

Mais ceux qui voudront des calculs d'une savante chronologie, faits dans la derniere exactitude, doivent consulter les tables dressées par le P. Riccioli, dans sa chronolog. reform. Voyez aussi, sur la matiere que nous traitons, Scaliger, de emendat. tempor. Petau, de doctrinâ tempor. cap. l. & lib. VII. cap. xij. ou son ration. tempor. part. II. lib. IV. cap. xv. (D.J.)


HEGOW(Géog.) petit pays d'Allemagne, situé entre le Danube, le Rhin, & le lac de Constance, dans la Soüabe.


HÉGUMENESS. m. (Hist. ecclés.) archimandrites, abbés supérieurs de monasteres chez les Grecs ; ils ont un chef qu'on appelle l'exarque. On trouve dans le pontifical de l'église greque, la formule d'institution des hégumenes & de l'exarque.


HEIBACH(Géog.) il y a deux villes de ce nom en Allemagne, elles sont toutes deux en Franconie, sur les bords du Meyn.


HEIDA(Géog.) petite ville d'Allemagne dans la province de Ditmarsen, au duché de Holstein.


HEIDELBERG(Géog.) ville d'Allemagne, capitale du Bas-Palatinat, avec une université fondée au quatorzieme siecle ; on ne sait ni quand, ni par qui cette ville a été bâtie : on sait seulement que ce n'étoit qu'un bourg en 1225. Le comte palatin Robert l'aggrandit en 1392. L'électeur Robert Maximilien de Baviere la prit, & en enleva la riche bibliotheque qu'il s'avisa de donner au pape. Le château des électeurs est auprès de la ville. Les François la saccagerent en 1688, malgré sa vaste tonne qui contient deux cent quatre foudres, & toutes les espérances qu'on avoit fondées sur sa prospérité. Il semble que cette ville ait été bâtie sous une malheureuse constellation, car elle fut ruinée dans un même siecle pour avoir été fidele à l'empereur, & pour lui avoir été contraire, toujours à plaindre de quelque maniere que les affaires ayent tourné.

Heidelberg est au pied d'une montagne, sur le Necker, à 5 lieues N. E. de Spire, 7 N. E. de Worms, 6 N. E. de Philisbourg, 16 S. de Francfort, 15 S. E. de Mayence, 150 N. O. de Vienne. Long. selon Harris, 27. 36. 15. lat. 49. 36.

Je connois trois savans natifs de Heidelberg, dont les noms sont illustres dans la république des Lettres, Alting, Béger & Junius.

Alting (Jacques) dont vous trouverez l'article dans Bayle, naquit en 1618, & devint professeur en Théologie à Groningue. Il mourut en 1679. Toutes ses oeuvres ont été imprimées à Amsterdam en 1687, en 5 volumes in-fol. On y voit un théologien plein d'érudition rabbinique, & toujours attaché dans ses commentaires & dans ses sentimens, au simple texte de l'Ecriture. Il eut un ennemi fort dangereux & fort injuste dans Samuel Desmarets son collegue.

Béger (Laurent) naquit en 1653. Il étoit fils d'un tanneur ; mais il devint un des plus savans hommes du dix-septieme siecle dans la connoissance des médailles & des antiquités. Ses ouvrages en ce genre, tous curieux, forment 15 ou 16 volumes, soit infol. soit in -4°. Le P. Nicéron vous en donnera la liste ; le plus considérable est sa description du cabinet de l'électeur de Brandebourg, intitulée Thes. reg. elect. Brandeburgicus selectus. Colon. March. 1696. 3 vol. in-fol. Il avoit publié dans sa jeunesse une apologie de la polygamie, pour plaire à l'électeur palatin (Charles-Louis) dont il étoit bibliothécaire.

Junius (François) s'est fait un nom très-célebre par ses ouvrages pleins d'érudition. Il passa sa vie en Angleterre, étudiant douze heures par jour, & demeura pendant trente ans avec le comte d'Arondel. Il mourut à Windsor, chez Isaac Vossius son neveu, en 1678, à 89 ans. Il avoit une telle passion pour les objets de son goût, qu'ayant appris qu'il y avoit en Frise quelques villages où l'ancienne langue des Saxons s'étoit conservée, il s'y rendit, & y resta deux ans. Il travailloit alors à un grand glossaire en cinq langues, pour découvrir l'origine des langues septentrionales dont il étoit amoureux : cet ouvrage unique en son genre, a été finalement publié à Oxford en 1745, par les soins du savant Anglois Edouard Lyc. On doit encore à Junius la paraphrase gothique des quatre évangélistes, corrigée sur les manuscrits, & enrichie des notes de Thomas Marshall. Son traité de pictura veterum, n'a pas besoin de mes éloges ; je dirai seulement que la bonne édition est de Roterdam, 1694, in-fol. Il a légué beaucoup de manuscrits à l'université d'Oxfort. Graevius n'a point dédaigné d'être son biographe. (D.J.)


HEIDENHEIM(Géog.) ville d'Allemagne en Soüabe, sur la Brentz, dans le Bruntzthal, avec un château appartenant à la maison de Wirtemberg, à 5 milles d'Ulm, N. E. Long. 21. 54. lat. 48. 37. (D.J.)


HEIDUQUEou HEIDUC, s. m. (terme de relation), nom d'un fantassin hongrois. Les Hongrois appellent leur cavalerie Hussarts, & leur infanterie heiduques. Quelques hongrois s'étant attachés à des seigneurs allemands, & leur habit ayant paru propre à parer le cortege des grands du pays, la mode est venue, sur-tout dans les cours d'Allemagne, d'avoir quelques heiduques à leur service, marchant autour d'un carrosse. Ils sont vêtus, chaussés, & armés du sabre à la hongroise, avec une sorte de bonnet qui les fait paroître encore plus grands qu'ils ne sont, & une moustache pour relever leur mine guerriere.

Quelques soldats hongrois, dans les malheurs de leur patrie étant devenus ce que nous appellons parti-bleu dans nos troupes, se sont rendus redoutables aux voyageurs en Turquie ; Ricaut les appelle heidouts, & M. Dupuy a cru que c'étoit un nom particulier de fameux voleurs dans la Hongrie & dans les pays d'alentour ; mais heiduque, heiduc, heidout, n'est qu'un même nom diversement écrit, & qui change de signification selon les occasions où l'on s'en sert. Un heiduque dans une armée d'hongrois, est un fantassin ; dans l'équipage & à la suite d'un seigneur, c'est un domestique & une espece de valet-de-pied. Dans les bois, c'est un voleur de grand chemin, qui détrousse les passans. (D.J.)


HEILAVoy. HEEL.


HEILDESHEIM(Géog.) petite ville d'Allemagne, dans le bas Palatinat, sur la riviere de Seltza.


HEILIGAU(Géog.) petite ville de Livonie sur une riviere de même nom.


HEILIGE-LANDou L'ISLE-SAINTE, INSULA SANCTA, (Géog.) isle de la mer d'Allemagne, entre l'embouchure de l'Eider & celle de l'Elbe. Elle appartient au duc de Holstein depuis 1713, & le roi de Danemarck tenta inutilement de s'en rendre maître. Long. 25. 54. lat. 50. 28. (D.J.)


HEILIGEN-CREUTZ(Géog.) petite ville d'Allemagne, dans la basse Autriche, à deux lieues de Vienne.


HEILIGEN-HAVE(Géog.) port & petite ville d'Allemagne sur la mer Baltique en basse Saxe, dans la Wagrie, vis-à-vis de l'isle de Fémeren. Long. 28. 50. lat. 54. 30. (D.J.)


HEILIGENBEIL(Géog.) ville de la Prusse brandebourgeoise, dans la province de Natangen.


HEILIGENPEIL(Géog.) petite ville de Prusse, dans la province de Natangen, entre Braunsberg & Brandebourg. Long. 38. 22. latit. 54. 47. (D.J.)


HEILIGENSTADT(Géog.) ville d'Allemagne, capitale du territoire d'Eichsfeldt, appartenant à l'électeur de Mayence. Elle est au confluent de la riviere de Gesled & de la Leine, à 12 lieues N. O. d'Eisenach. Long. 27. 42. lat. 51. 30. (D.J.)


HEILSPERG(Géogr.) Heilsperga, ville ruinée de la Prusse Polonoise sur l'Alle, avec un château où l'évêque de Warmie fait sa résidence. Long. 39. 11. lat. 54. 6. (D.J.)


HEIMDALLS. m. (Mythologie) nom d'un dieu des anciens Celtes Scandinaves, ou des Goths. Suivant la mythologie de ces peuples, il est fils de neuf vierges qui sont soeurs ; on l'appelloit aussi le dieu aux dents d'or ; il demeuroit au bout de l'arc-en-ciel, dans le château nommé le fort céleste ; il étoit le gardien des dieux, & devoit les défendre contre les efforts des géans leurs ennemis. Ces peuples barbares disoient qu'il dort moins qu'un oiseau, & voit la nuit comme le jour à cent lieues autour de lui : il entend l'herbe croître sur la terre, & la laine sur les brebis. Il a une trompette qui se fait entendre par tous les mondes. Il paroît que sous cette fable, les Celtes ont voulu peindre la Vigilance. Voy. l'Edda des islandois, ou la Mythologie celtique, traduite par M. Mallet.


HEIMSEN(Géogr.) petite ville de Soüabe, au duché de Wirtemberg.


HEINRICHS-STADT(Géog.) petite ville d'Allemagne dans le duché de Brunswick, près de Wolfembutel.


HEINSBERG(Géog.) petite ville d'Allemagne, dans le pays de Juliers, dépendant de l'électorat de Cologne.

Il y a une autre ville de même nom, en Suisse, chez les Grisons, près du Rhin, entre Razun & Furstenau.


HEKIM EFFENDIS. m. (Hist. mod.) nom que les Turcs donnent au premier médecin du grand-seigneur & de son serrail. Lorsqu'une sultane tombe malade, ce médecin ne peut lui parler qu'au-travers d'un voile dont le lit est entouré ; s'il est besoin de lui tâter le pouls c'est au-travers d'un linge fin qu'on jette sur le bras de la sultane. Voy. Cantemir, hist. Othomane.


HELAS. f. (Hist. anc. & Mythologie) C'est ainsi que les anciens Celtes, qui habitoient la Scandinavie, appelloient la déesse de la mort. Suivant leur mythologie, elle étoit fille de Loke ou du démon ; elle habitoit un séjour appellé niflheim ou l'enfer.

Son palais étoit l'angoisse ; sa table, la famine ; ses serviteurs, l'attente & la lenteur ; le seuil de sa porte, le danger ; son lit la maigreur & la maladie : elle étoit livide, & ses regards inspiroient l'effroi.

Il paroît que c'est du mot hela que les Allemands ont emprunté le mot hell, dont ils se servent pour désigner l'enfer. Voyez l'introduction à l'histoire de Danemarck, par M. Mallet.


HELASinterjection de plainte, de repentir, de douleur. Hélas, que les peuples sont à plaindre, lorsqu'ils sont mal gouvernés ! Hélas, que les soldats sont à plaindre, quand ils sont commandés par un mauvais général ! Voyez l'article INTERJECTION.


HELAVERDE(Géog.) ville d'Asie dans la Perse, selon les géographes du pays cités par Tavernier. Sa long. est à 91. 30. lat. 35. 15. (D.J.)


HELCESAITEVoyez ELCESAÏTE.


HELDER(Géogr.) petite île dépendante de la Hollande septentrionale, dans le Zuydersée, entre celle de Wieringen & la pointe occidentale de la Frise.


HELENES. f. (Hist. anc.) La vie de la fille de Tyndare, roi de Lacédémone, dont l'enlevement par Pâris a causé la guerre & la ruine de Troie, est connue de tout le monde. Tous les historiens & les poëtes en ont parlé : les charmes & la beauté de cette infidele ont passé en proverbe ; Homere lui-même raconte " que les vieillards, conseillers de Priam, n'eurent pas plutôt apperçu cette belle créature, qu'ils se dirent les uns aux autres : Faut-il s'étonner que les Grecs & les Troiens souffrent tant de maux pour une beauté si parfaite ? elle ressemble véritablement aux déesses immortelles ". Euripide assure que Ménélas, au sortir de Troie, s'avança pour la tuer ; mais que l'épée lui tomba des mains, lorsqu'il vit venir cette femme enchanteresse, de sorte qu'il reçut ses embrassemens.

Le même poëte, dans cette tragédie, nous représente Hélene vertueuse ; les Lacédémoniens intéressés à accréditer cette opinion, lui consacrerent un temple où elle étoit honorée comme une déesse, dit Pausanias : Hérodote ajoute, qu'on l'invoquoit dans ce temple pour rendre beaux les enfans difformes.

L'auteur d'Athènes ancienne & moderne, a raison de remarquer que mille gens qui parlent de la belle Hélene, ne savent pas comment elle mourut ; ce fut dans l'île de Rhodes, & voici de quelle maniere. Polixo, dont le mari avoit péri au siége de Troie, regardant Hélene comme la cause de son veuvage, envoya des femmes, pendant qu'elle étoit au bain pour l'étrangler, & la pendre à un arbre. L'ordre ne fut que trop bien executé ; mais les Rhodiens, touchés de cette injustice, lui bâtirent un temple, qu'ils appellerent le temple d'Hélene Dendritis, & c'est à Pausanias que nous devons encore cette particularité.

Isocrate a fait le panégyrique d'Hélene, dans lequel il assure qu'elle acquit non seulement l'immortalité, mais une puissance divine, dont elle se servit pour mettre ses freres, Castor & Pollux, au nombre des dieux.

C'étoit d'après Isocrate, & non d'après Euripide, que Théodoret devoit attaquer les payens pour avoir érigé des temples à Hélene. Mais ils auroient pu lui répondre, qu'ils n'imputoient pas à cette femme les aventures qui avoient traversé sa vie, qu'ils les imputoient au destin & à la fortune ; qu'ils savoient d'ailleurs, par le témoignage d'Hérodote, un de leurs principaux historiens, qu'Hélene avoit été retenue à Memphis chez le roi Protée ; enfin que les Troiens n'avoient pu rendre aux Grecs cette princesse, ni leur persuader qu'ils ne l'avoient pas, la providence conduisant ainsi ces événemens, afin que Troie fût saccagée, & qu'elle apprît à tous les hommes que les péchés d'une ville entiere attirent des dieux de grandes & de terribles punitions. (D.J.)

HELENE, (Géog. anc.) île de Grece dans le golfe Laconique, à l'embouchure de l'Eurotas, devant la ville de Gythium, selon Pausanias, l. III. ch. xxij. qui l'appelle Cranaé : la Guilletiere nous apprend qu'on la nomme aujourd'hui Spatara, & qu'elle est à trois lieues de Colochina, & à demi-lieue de Pagana. Il ajoute : " Comme nous y étions arrivés, un de nos voyageurs se ressouvint que ce fut dans cette île de Cranaé, ou de Spatara, que la belle Hélene accorda ses faveurs à Pâris ; & il nous dit que sur le rivage de la terre-ferme qui est à l'opposite, cet heureux amant avoit fait bâtir, après cette conquête, un temple à Vénus, pour lui marquer les transports de sa joie & de sa reconnoissance. Il donna le nom de Migonotis à cette Vénus, & nomma ce territoire Migonium, d'un mot qui signifioit l'amoureux mystere qui s'y étoit passé : Ménélas, le malheureux époux de cette princesse, dix-huit ans après qu'on la lui eut enlevée, vint visiter ce temple, dont le terrein avoit été le témoin de son malheur & de l'infidélité de sa femme. Il ne le ruina point, il fit mettre seulement aux deux côtés de Vénus les images de deux autres divinités, celle de Thétis & celle de la déesse Praxidice, comme qui diroit la déesse des châtimens, pour montrer qu'il ne laisseroit pas l'affront impuni ". Tout ce détail de M. la Guilletiere est d'autant meilleur qu'il est tiré de Pausanias.

Il y a eu plusieurs autres lieux nommés Hélene. 1°. Une île de la mer Egée ; 2°. une île de la Grece entre les Sporades ; 3°. une ville de Bithynie ; 4°. une ville de la Palestine ; 5°. une fontaine de l'île de Chio ; 6°. une riviere dont parle Sidonius Apollinaris, & qui est la Canche. (D.J.)

HELENE (SAINTE), Géog. île de la mer Atlantique, qui a six lieues de circuit ; elle est haute, montueuse, & entourée de rochers escarpés. Les montagnes qui se découvrent à 25 lieues en mer, sont couvertes la plûpart de verdure & de grands arbres, comme l'ébénier, tandis que les vallées sont fertiles en toutes sortes de fruits, & d'excellens légumes ; les arbres fruitiers y ont en même tems des fleurs, des fruits verds & des fruits mûrs ; les fôrets sont remplies d'orangers, de limoniers, de citronniers, &c. Il y a du gibier & des oiseaux en grande quantité, de la volaille, & du bétail qui est sauvage. La mer y est fort poissonneuse ; la seule incommodité qu'on éprouve, vient de la part des mouches & des araignées qui y sont monstrueusement grosses.

Cette île fut découverte par Jean de Nova, Portugais, en 1502, le jour de sainte Hélene. Les Portugais l'ayant abandonnée, les Hollandois s'en emparerent, & la quitterent pour le cap de Bonne-Espérance. La compagnie des Indes d'Angleterre s'en saisit ; & depuis, les Anglois l'ont possédée, & l'ont mise en état de se bien défendre. Long. selon Halley, 11. 32. 30. lat. mérid. 16.

Il y a une autre île de ce nom dans l'Amérique septentrionale au Canada, dans le fleuve de S. Laurent, vis-à-vis de Mont-Réal. (D.J.)


HELENIUMS. m. (Hist. anc. Botan.) chez les botanistes modernes, la plante qu'ils appellent en Latin helenium ou enula campana, est notre aunée en François. Voyez AUNEE.

Mais il est bien étrange que Théophraste & Dioscoride, tous deux Grecs, ayent nommé helenium des plantes entiérement différentes. Théophraste met son helenium au rang des herbes dont on faisoit des couronnes ou des bouquets, & cet auteur remarque qu'elle approchoit du serpolet. Dioscoride, au contraire, donne à son helenium une racine d'odeur aromatique, & des feuilles semblables à celles de notre bouillon-blanc ; de sorte que par-là sa description convient du moins à notre aunée pour la racine, & pour les feuilles, qui sont molles, velues en dessous, larges dans le milieu, & pointues à l'extrémité. Je crois volontiers que l'inula d'Horace peut être l'aunée des modernes ; mais, dira-t-on, la racine de l'aunée des modernes est amere, & Horace appelle la sienne aigre : il dit,

---- Quum crapulâ plenus

Atque acidas mavult inulas.

La raison de cette différence viendroit de ce que ce poëte parle de l'aunée préparée, ou confite avec du vinaigre & d'autres ingrédiens, de la maniere apparemment que Columelle l'enseigne, lib. XII. cap. xlvj. Il faudroit donc alors traduire le passage d'Horace : " Puni de sa gloutonnerie par le mal qu'elle lui cause, il cherche à se ragouter par de l'aunée préparée ".

Pour ce qui regarde Pline, il a rejetté dans sa description de l'helenium celle de Dioscoride, a emprunté la sienne de Théophraste, & autres auteurs grecs, & en même tems il a adopté les vertus & les qualités que Dioscoride donne à la plante qu'il décrit sous le nom d'helenium ; ainsi faisant erreurs sur erreurs, il a encore donné lieu à plusieurs autres de les renouveller après lui. Il importe de se ressouvenir dans l'occasion de cette remarque critique, car elle peut être utile plus d'une fois. (D.J.)


HELENOPOLIS(Géog. anc.) ville épiscopale d'Asie dans la Bithynie, autrement nommée Drepanum, Drépane ; elle étoit située sur le golfe de Nicomédie, entre Nicomédie & Nicée. C'étoit le lieu de la naissance & de la mort de l'impératrice Hélene, & ce lieu n'est plus rien aujourd'hui. (D.J.)


HELEPOLES. m. (Art milit. & Hist.) machine militaire des anciens propre à battre les murailles d'une place assiégée.

Ce mot vient du grec , qui est composé des mots , prendre, & , ville.

L'hélépole étoit une tour de bois composée de plusieurs étages, qui avoit quelquefois des ponts qu'on abattoit sur les murailles des villes & sur les breches, pour y faire passer les soldats dont cette machine étoit remplie.

Parmi les auteurs qui ont écrit de l'hélépole, il y en a plusieurs qui prétendent qu'il y avoit un bélier au premier étage.

Diodore de Sicile & Plutarque ont donné la description du fameux hélépole de Démetrius Poliorcete au siége de Rhodes. Voici celle de Diodore.

" Démetrius ayant préparé quantité de matériaux de toute espece, fit faire une machine qu'on appelle hélépole, qui surpassoit en grandeur toutes celles qui avoient paru avant lui. La base en étoit quarrée. Chaque face avoit 50 coudées. Sa construction étoit un assemblage de poutres équarries, liées avec du fer ; les poutres distantes les unes des autres, d'environ une coudée, traversoient cette base par le milieu pour donner de l'aisance à ceux qui devoient pousser la machine. Toute cette masse étoit mise en mouvement par le moyen de huit roues proportionnées au poids de la machine, dont les jantes étoient de deux coudées d'épaisseur, & armées de fortes bandes de fer.

.... Aux encoignures il y avoit des poteaux d'égale longueur, & hauts à peu-près de cent coudées, tellement panchés les uns vers les autres, que la machine étant à neuf étages le premier avoit quarante-trois lits, & le dernier n'en avoit que neuf ". (On croit que par ces lits il faut entendre les solives qui soutenoient le plancher de chaque étage, c'est le sentiment de M. de Folard.) " Trois côtés de la machine étoient couverts de lames de fer, afin que les feux lancés de la ville ne pussent l'endommager. Chaque étage avoit des fenêtres sur le devant d'une grandeur & d'une figure proportionnée à la grosseur des traits de la machine. Au-dessus de chaque fenêtre étoit élevé un auvent, ou maniere de rideau fait de cuir, rembourré de laine, lequel s'abaissoit par une machine, & contre lequel les coups lancés par ceux de la place perdoient toute leur force. Chacun des étages avoient deux larges échelles, l'une desquelles servoit à porter aux soldats les munitions nécessaires, & l'autre pour le retour. Pour éviter l'embarras & la confusion, trois mille quatre cent hommes poussoient cette machine, les uns par dedans, les autres par dehors. C'étoit l'élite de toute l'armée pour la force & pour la vigueur ; mais l'art avec lequel cette machine avoit été faite facilitoit beaucoup le mouvement ".

Vegece donne aussi une sorte de description de ces especes de tours, qu'on va joindre à celle de Demetrius. Ceux qui voudront entrer dans un plus grand détail de ces tours & des autres machines de guerre des anciens, pourront consulter le traité de l'attaque & de la défense des places des anciens, par le chevalier Folard.

" Les tours, dit Vegece, sont de grands bâtimens assemblés avec des poutres & des madriers, & revêtus avec soin de peaux crues ou de couvertures de laine, pour garantir un si grand ouvrage des feux des ennemis ; leur largeur se proportionne sur la hauteur : quelquefois elles ont trente piés en quarré, quelquefois quarante ou cinquante, mais leur hauteur excede les murs & les tours de pierre les plus élevés. Elles sont montées avec art sur plusieurs roues, dont le jeu fait mouvoir ces prodigieuses masses. La place est dans un danger évident, quand la tour est une fois jointe aux murailles : ses étages se communiquent en-dedans par des échelles, & elle renferme différentes machines pour prendre la ville. Dans le bas étage est un bélier pour battre en breche. Le milieu contient un pont fait de deux membrures, & garni d'un parapet de clayonnage. Ce pont poussé en-dehors, se place tout d'un coup entre la tour & le haut du mur, & fait un passage aux soldats pour se jetter dans la place. Le haut de la tour est encore bordé de combattans armés de longs épieux, de fleches, de traits & de pierres pour nettoyer les remparts. Dès qu'on en est venu-là, la place est bien-tôt prise. Quelle ressource reste-t-il à des gens qui se confioient sur la hauteur de leurs murailles, lorsqu'ils en voyent tout-à-coup une plus haute sur leur tête ". Vegece, traduction de Segrais. Voyez (Pl. XII. de fortification) une tour avec son pont & son belier. (Q)


HELERHELER


HELEUTERIENSS. m. pl. (Géog. anc.) anciens peuples de la Gaule, dont parle César, de bell. Gall. lib. VII. cap. Lxxv. Leur assiette ne peut mieux s'accommoder que de l'Albigeois ; tout le reste de cette frontiere étoit occupé par les peuples Cadurci, le Quercy ; Ruteni, le Rouergue ; Gabali, le Gévaudan, & Velauni, le Vélay. (D.J.)


HÉLIADESS. f. pl. (Mythol.) filles du Soleil & de Clymene, selon les poëtes. Elles furent, ajoutent-ils, si sensiblement affligées de la mort de leur frere Phaéton, que les dieux touchés de pitié, les métamorphoserent en peupliers, sur les bords de l'Eridan. Ovide nomme deux Héliades, Phaétuse & Lampétie. Cette fable a été peut-être imaginée sur ce que l'on trouve le long du Pô beaucoup de peupliers, d'où découle une espece de gomme qui ressemble à l'ambre jaune. (D.J.)


HÉLIANTHEMES. f. helianthemum (Bot.) genre de plante à fleur composée de quatre pétales disposés en rose ; le calice a plusieurs feuilles, il en sort un pistile qui devient dans la suite un fruit presque sphérique : ce fruit s'ouvre en trois pieces, & il renferme des semences arrondies & attachées à un placenta ou à de petits filamens. Tournefort, inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

Il y en a plusieurs especes, & Miller en compte une quinzaine qui sont cultivées dans les jardins d'Angleterre seulement ; mais il nous suffira de décrire ici la principale, helianthemum flore luteo ; de Tournefort.

Sa racine est blanche, ligneuse ; ses tiges sont nombreuses, grêles, cylindriques, couchées sur terre & velues ; ses feuilles sont oblongues, étroites, un peu plus larges que les feuilles d'hyssope, terminées en pointe mousse, opposées deux à deux, vertes en-dessus, blanches en-dessous, portées sur des courtes queues.

Ses fleurs sont au sommet des tiges, disposées comme en longs épics, attachées à des pédicules d'un demi-pouce de longueur, jaunes, en rose, à cinq pétales, qui renferment plusieurs étamines jaunes, & qui sortent d'un calice partagé en trois quartiers, rayé de lignes rouges.

Le pistil se change en un fruit triangulaire, assez gros, qui s'ouvre en trois, & qui contient quelques graines triangulaires & rousses. Le pédicule de chaque fleur porte à sa base une petite feuille longuette & étroite.

Cette plante vient par-tout ; elle passe pour vulnéraire & astringente. On la cultive dans les jardins. Ses racines & ses feuilles sont d'usage ; ses feuilles sont remplies d'un suc gluant, qui rougit légerement le papier bleu.

Il ne faut pas confondre l'héliantheme ordinaire dont nous parlons, avec l'héliantheme à tubercules, helianthemum tuberosum, esculentum, qui est un genre de plante tout différent : ce dernier produit les pommes de terre, que nous appellons topinambour. Voyez TOPINAMBOUR. (D.J.)


HÉLIAQUEadj. terme d'Astronomie. Le lever d'un astre ou d'une planete s'appelle héliaque, lorsque cet astre ou cette planete sort des rayons ou de la lumiere du soleil qui l'offusquoit auparavant par sa trop grande proximité de cet astre.

Le coucher héliaque se dit du coucher d'un astre qui entre dans les rayons du soleil, & qui devient invisible par la supériorité de la lumiere de cet astre.

Un astre se leve héliaquement, lorsqu'après avoir été en conjonction avec le soleil & avoir disparu, il commence à s'en éloigner assez pour redevenir visible le matin avant le lever du soleil. On dit qu'un astre se couche héliaquement, lorsqu'il approche du soleil au point de devenir invisible ; de sorte qu'à proprement parler, le lever & le coucher héliaques ne sont qu'une apparition & une disparition passageres, causées par le moins ou le plus de proximité d'un astre au soleil.

Le lever héliaque de la lune arrive quand elle s'éloigne d'environ 17 degrés du soleil, c'est-à-dire, le lendemain de la conjonction pour les autres planetes : il faut une distance d'environ 20 deg. & pour les étoiles il faut un éloignement plus ou moins considérable, suivant leur grandeur ou leur petitesse. Voyez LUNE, PLANETE, OILEOILE. Voyez aussi ACHRONIQUE, COSMIQUE. Harris & Chambers. (O)


HÉLIAQUESsubst. m. pl. (Antiq.) fête & sacrifices qu'on faisoit dans l'antiquité, en l'honneur du soleil, que les Grecs nommoient . Son culte passa des Perses en Cappadoce, en Grece, & à Rome, où il devint très-célebre. Nous aurons beaucoup de choses à en dire, que nous renvoyons aux articles MITHRAS & MITHRIAQUES. (D.J.)


HÉLIASTEsub. m. (Antiq.) membre du plus nombreux tribunal de la ville d'Athènes.

Le tribunal des Héliastes n'étoit pas seulement le plus nombreux d'Athènes, il étoit encore le plus important, puisqu'il s'agissoit principalement dans ses décisions, ou d'interpréter les loix obscures, ou de maintenir celles auxquelles on pouvoit avoir donné quelque atteinte.

Les héliastes étoient ainsi nommés, selon quelques-uns, du mot , j'assemble en grand nombre, & selon d'autres, de , le soleil, parce qu'ils tenoient leur tribunal dans un lieu découvert, qu'on nommoit .

Les thesmothetes convoquoient l'assemblée des héliastes, qui étoit de mille, & quelquefois de quinze cent juges. Voyez THESMOTHETES. Selon Harpocration, le premier de ces deux nombres se tiroit de deux autres tribunaux, & celui de quinze cent se tiroit de trois, selon M. Blanchard, un des membres de l'Academie des Inscriptions, des recherches duquel je vais profiter.

Les thesmothetes, pour remplir le nombre de quinze cent, appelloient à ce tribunal ceux de chaque tribu qui étoient sortis les derniers des fonctions qu'ils avoient exercées dans un autre tribunal. Il paroît que les assemblées des héliastes n'étoient pas fréquentes, puisqu'elles auroient interrompu le cours des affaires ordinaires, & l'exercice des tribunaux reglés.

Les thesmothetes faisoient payer à chacun de ceux qui assistoient à ce tribunal, trois oboles pour leur droit de présence ; ce qui revient à deux sesterces romaines, ou une demi-drachme ; c'est de-là qu'Aristophane les appelle en plaisantant, les confreres du Triobole. Le fond de cette dépense se tiroit du trésor public, & cette solde s'appelloit . Mais aussi on condamnoit à l'amende les membres qui arrivoient trop tard ; & s'ils se présentoient après que les orateurs avoient commencé à parler, ils n'étoient point admis.

L'assemblée se formoit après le lever du soleil, & finissoit à son coucher. Quand le froid empêchoit de la tenir en plein air, les juges avoient du feu ; le roi indiquoit l'assemblée ; & y assistoit ; les thesmothetes lisoient les noms de ceux qui devoient la composer, & chacun entroit, & prenoit sa place, à mesure qu'il étoit appellé. Ensuite si les éxégetes, dont la fonction étoit d'observer les prodiges & d'avoir soin des choses sacrées, ne s'opposoient point, on ouvroit l'audience. Ces officiers nommés éxégetes, ont été souvent corrompus par ceux qui étoient intéressés à ce qui devoit se traiter dans l'assemblée.

Le plus précieux monument qui nous reste sur le tribunal des héliastes, est le serment que prétoient ces juges entre les mains des thesmothetes. Démosthene nous l'a conservé tout entier dans son oraison contre Timocrate : en voici la forme, & quelques articles principaux.

" Je déclare que je n'ai pas moins de trente ans.

Je jugerai selon les loix & les décisions du peuple d'Athènes & du sénat des cinq cent.

Je ne donnerai point mon suffrage pour l'établissement d'un tyran, ou pour l'oligarchie.

Je ne consentirai point à ce qui pourra être dit ou opiné, qui puisse donner atteinte à la liberté du peuple d'Athènes.

Je ne rappellerai point les exilés, ni ceux qui ont été condamnés à mort.

Je ne forcerai point à se retirer ceux à qui les loix & les suffrages du peuple & du tribunal, ont permis de rester.

Je ne me présenterai point, & je ne souffrirai point qu'aucun autre, en lui donnant mon suffrage, entre dans aucune fonction de magistrature, s'il n'a au préalable rendu ses comptes de la fonction qu'il a exercée.

Je ne recevrai point de présent dans la vûe de l'exercice de ma fonction d'héliaste, ni directement, ni indirectement, ni par surprise, ni par aucune autre voie.

Je porterai une égale attention à l'accusateur & à l'accusé ; & je donnerai mon suffrage sur ce qui aura été mis en contestation.

J'en jure par Jupiter, par Neptune, & par Cérès ; & si je viole quelqu'un de mes engagemens, je les prie d'en faire tomber la punition sur moi & sur ma famille ; je les conjure aussi de m'accorder toutes sortes de prospérités, si je suis fidele à mes promesses. "

Il faut lire dans Démosthene la suite de ce serment, pour connoître avec quelle éloquence il en applique les principes à sa cause. Mais j'aurois bien voulu que cet orateur ou Pausanias, nous eussent expliqué pourquoi dans ce serment, on n'invoque point Apollon, comme on le pratiquoit dans ceux de tous les autres tribunaux.

La maniere dont les juges y donnoient leurs suffrages nous est connue : il y avoit une sorte de vaisseau sur lequel étoit un tissu d'osier, & par-dessus deux urnes, l'une de cuivre, & l'autre de bois ; au couvercle de ces urnes, étoit une fente garnie d'un quarré long, qui large par le haut, se rétrécissoit par le bas, comme nous voyons à quelques troncs anciens dans nos églises.

L'urne de bois nommée , étoit celle où les juges jettoient le suffrage de la condamnation de l'accusé ; celle de cuivre nommé , recevoit les suffrages portés pour l'absolution.

C'est devant le tribunal des héliastes, que fut traduite la célebre & généreuse Phrynée, dont les richesses étoient si grandes, qu'elle offrit de relever les murailles de Thebes abattues par Alexandre, si on vouloit lui faire l'honneur d'employer son nom dans une inscription qui en rappellât la mémoire. Ses discours, ses manieres, les caresses qu'elle fit aux juges, & les larmes qu'elle répandit, la sauverent de la peine que l'on croyoit que méritoit la corruption qu'elle entretenoit, en séduisant les personnes de tout âge.

Ce fut encore dans une assemblée des héliastes, que Pisistrate vint se présenter couvert de blessures qu'il s'étoit faites, aussi-bien qu'aux mulets qui traînoient son char. Il employa cette ruse pour attendrir les juges contre ses prétendus ennemis, qui jaloux, disoit-il, de la bienveillance que lui portoit le peuple, parce qu'il soutenoit ses intérêts, étoient venus l'attaquer, pendant qu'il s'amusoit à la chasse. Il réussit dans son dessein, & obtint des héliastes une garde, dont il se servit pour s'emparer de la souveraineté. Le pouvoir de ce tribunal paroît d'autant mieux dans cette concession, que Solon qui étoit présent, fit de vains efforts pour l'empêcher. (D.J.)


HÉLICES. f. en Astronomie. C'est une constellation appellée plus ordinairement la grande ourse. Voyez OURSE. (O)

HELICE, est la même chose que spirale ; mais ce dernier mot est plus usité. Voyez SPIRALE. (O)

HELICE, (Géog. anc.) nom commun à plusieurs lieux. 1°. Hélice étoit une ancienne ville de Thrace sur la route de Sardique à Philippopoli. 2°. Une ville du Péloponnèse dans l'Achaïe proprement dite. 3°. Une ville de Grece dans la Thessalie. 4°. Ce mot désigne dans Festus Avienus, Orat. Marit. v. 588, un étang de la Gaule, aux environs de la riviere de l'Ande, Attagus. Cet étang est l'étang de Thau. (D.J.)

HELICES ou VRILLES, sub. fém. pl. (Architect.) On nomme ainsi les petites volutes ou caulicoles qui sont sous la fleur du chapiteau corinthien ; & hélices entrelacées, celles qui sont tortillées ensemble, comme au chapiteau des trois colonnes de Campo-Vaccino à Rome. (P)


HELICHRYSUMsub. mas. (Hist. nat. Botan.) genre de plante, dont voici les caracteres. Le disque de la fleur contient plusieurs fleurons hermaphrodites. De leur centre s'éleve l'ovaire, supporté par un placenta nud : le tout est renfermé dans un calice écailleux, luisant, doré, argentin, ou d'autre couleur, non moins agréable.

Miller compte 18 especes d'hélichrysum, entre lesquelles celle que nous nommons IMMORTELLE, passe pour avoir des vertus en médecine. Voyez IMMORTELLE.

Plusieurs especes d'hélichrysum se trouvent dans les jardins de plaisance. Celle que les Botanistes appellent hélichrysum, flore suavi rubente, y fait un grand ornement au milieu de l'hiver, par le rouge agréable des fleurs. L'hélichrysum oriental est une espece précieuse, parce qu'elle produit de gros bouquets de fleurs d'un jaune éclatant ; on en orne les chapelles en Portugal & en Espagne. L'hélichrysum d'Afrique, hélichrysum arboreum, africanum, salviae folio, odorato, quoique natif d'un pays chaud, réussit très-bien dans nos climats tempérés, & s'éleve jusqu'à douze & quinze pieds de hauteur. Tous les autres hélichrysum d'Afrique forment de jolis arbrisseaux qu'on cultive beaucoup en Angleterre. Miller en enseigne la méthode.

Le nom hélichrysum signifie or de soleil, parce que le calice de cette plante est d'ordinaire d'un jaune d'or éclatant. (D.J.)


HELICITESsub. masc. pl. (Théolog.) hérétiques du vj. siecle : ils menoient une vie solitaire, & enseignoient que le service divin consistoit en de saints cantiques, & de saintes danses avec les religieuses, à l'exemple de Moyse & de Marie, sur la perte de Pharaon. Exod. 15. Alexand. Ross, Traité des religions. (G)


HELICOIDEadj. terme de Géometrie. Parabole hélicoïde, ou spirale parabolique, est une ligne courbe, qui n'est autre chose que la parabole commune appollonienne, dont l'axe est plié & roulé sur la circonférence d'un cercle. Voyez PARABOLE. La parabole hélicoïde est donc la ligne courbe qui passe par les extrémités des ordonnées à la parabole, lesquelles deviennent convergentes vers le centre du cercle en question.

Supposez, par exemple, que l'axe de la parabole commune soit roulé sur la circonférence du cercle B D M. (Planc. coniq. fig. 11.) pour lors la ligne courbe B F G N A, qui passe par les extrémités des ordonnées C F, & D G devenues convergentes vers le centre du cercle A, constitue ce qu'on appelle la parabole hélicoïde ou spirale.

Si l'arc B C pris pour abscisse est appellé x, & que la partie C F du rayon, prise pour ordonnée, soit appellée y, & qu'on fasse le paramede de la parabole = l, la nature de cette courbe se trouvera exprimée par cette équation l x = y y. Voyez COURBE & EQUATION. Chambers. (O)


HELICONS. f. (Géog.) montagne de Béotie, voisine du Parnasse & du Cythéron ; elle étoit consacrée à Apollon & aux Muses. La fontaine Hypocrène en arrosoit le pied ; & l'on y voyoit le tombeau d'Orphée. Elle s'appelle aujourd'hui Zagura, ou Zagaya. Elle est située dans la Livadie ; & les Poëtes qui l'invoquent & qu'elle inspire, en sont bien éloignés.


HELICONIADEou HELICONIDES, sub. f. pl. (Mytholog.) surnom que les Poëtes donnent aux Muses. Il est emprunté du mont Hélicon qu'ils regardent comme une de leurs demeures. Voyez HELICON.


HELICOSOPHIEsub. f. (Mathém.) Quelques géometres ont appellé ainsi l'art de tracer des hélices ou des spirales. Voyez dans l'histoire de l'Académie des Sciences de 1741, la description de différens compas propres à cet objet. (O)


HELINGUEsub. fém. (Corderie) bout de corde attachée d'une de ses extrémités à celle des manivelles du chanvre par le moyen d'une clavette, & de l'autre pris au toron qu'on veut tordre ou commettre. Voyez l'article CORDERIE.


HELIOCENTRIQUEadj. (Astron.) épithete que les Astronomes donnent au lieu d'une planete vûe du soleil, c'est-à-dire au lieu où paroîtroit la planete, si notre oeil étoit dans le centre du soleil ; ou ce qui revient au même, le lieu héliocentrique est le point de l'écliptique auquel nous rapporterions une planete si nous étions placés au centre du soleil. Voyez LIEU.

Ce mot est composé de , soleil ; & de , centre.

C'est pourquoi le lieu héliocentrique n'est autre chose que la longitude d'une planete vûe par un oeil placé dans le soleil.

La latitude héliocentrique d'une planete est l'angle que la ligne menée par le centre du soleil, & le centre de la planete fait avec le plan de l'écliptique. Voyez LATITUDE.

Voici comme l'on détermine cette latitude.

Si le cercle K L M (Pl. Astron. fig. 62. n°. 2.) représente l'orbite de la terre autour du soleil, & qu'un cercle A N B n, représentant l'orbite de la planete, soit placé de maniere qu'il soit incliné sur le plan de l'autre ; quand la planete se trouve en N, ou en n, lesquels points sont appellés les noeuds, la planete paroîtra dans l'écliptique, & par conséquent elle n'aura aucune latitude. Si elle s'avance vers P, alors étant vûe du soleil R, elle paroîtra déclinez de l'écliptique, & avoir de la latitude, & de l'inclinaison de la ligne R P sur le plan de l'écliptique, s'appellera latitude héliocentrique, & sa mesure sera l'angle P R q, la ligne P q étant perpendiculaire au plan de l'écliptique.

La latitude héliocentrique ira toûjours en augmentant jusqu'à ce que la planete arrive au point A, qu'on appelle limite, & qui est à 90 degrés des noeuds. Voyez LIMITE. Et depuis ce point A, elle ira en diminuant jusqu'à ce que la planete arrive au point N. Ensuite elle augmentera jusqu'à ce que la planete arrive au point B opposé au point A. Enfin, elle diminuera de nouveau jusqu'à ce que la planete arrive au point n, &c. Chambers. (O)


HELIOCOMETEsub. fém. (Astron. & Phys.) comme qui diroit comete du soleil ; phénomene qui a été remarqué quelquefois au coucher du soleil. Sturmius & d'autres qui l'ont vû, lui ont donné le nom d'hélicomete, parce que le soleil ressemble alors à une comete. C'est une longue queue ou colonne de lumiere attachée & comme traînée par cet astre dans le tems qu'il se couche, à-peu-près de la même maniere qu'une comete traîne sa queue. Voyez COMETE.

Dans l'héliocomete observé à Grypswald le 15 Mars 1702 à cinq heures après midi, le bout qui touchoit le soleil n'avoit que la moitié de la largeur du diametre du soleil, mais l'autre bout étoit beaucoup plus large : sa largeur avoit plus de cinq diametres du soleil, & elle suivoit la même route que le soleil : sa couleur étoit jaune près du soleil, & s'obscurcissoit en s'en éloignant. On ne la voyoit peinte que fur les nuages les plus rares & les plus élevés. Cette héliocomete parut dans toute sa force l'espace d'une heure, & diminua ensuite successivement & par degrés. Harris & Chambers.

Ce phénomene paroît avoir rapport à celui de la lumiere zodiacale & de l'aurore boréale. Voyez LUMIERE ZODIACALE, RORE BOREALEEALE. (O)


HELIOGNOSTIQUESsub. m. pl. (Théolog.) secte juive, ainsi appellée du nom grec , qui signifie soleil, & , je connois ; parce que ceux qui la composoient, reconnoissoient le soleil pour dieu, & l'adoroient par une idolâtrie qu'ils avoient prise des Perses. Il falloit que cette superstition fût bien ancienne parmi les Juifs, puisque Dieu leur défend cette impiété dans le chapitre 17 du Deutéronome. (G)


HELIOMETREsub. mas. ou ASTROMETRE, (Astron.) instrument inventé en 1747 par le savant M. Bouguer, de l'Académie royale des Sciences, pour mesurer avec beaucoup plus d'exactitude qu'on ne l'a fait jusqu'à présent les diametres des astres, particulierement ceux du soleil & de la lune. Voyez MICROMETRE. Quiconque entend les principes de l'Astronomie, sait de quelle importance il est pour sa perfection de connoître d'une maniere précise les diametres des astres ; cependant jusqu'à présent on n'avoit trouvé aucun moyen de les mesurer avec justesse ; jusques-là, comme le remarqua M. Bouguer, dans le mémoire qu'il lut à l'Académie en 1748, qu'on est si éloigné de connoître leur figure exacte, qu'il se pourroit faire que ces deux planetes différassent plus de la forme sphérique, que n'en differe la terre ; sans cependant qu'on s'en fût encore apperçu. L'instrument de M. Bouguer supplée à ce qui manquoit en cette partie à l'Astronomie. On pourra par son moyen observer les diametres du soleil & de la lune, avec infiniment plus de justesse, qu'avec ceux qu'on emploie ordinairement à cet usage. De sorte que les Astronomes aidés de cet instrument, seront en état à l'avenir de mesurer avec la plus grande exactitude les diametres de ces astres, & par conséquent de déterminer précisément leur rapport. Il est composé de deux objectifs d'un très-long foyer placés à côté l'un de l'autre, & combinés avec un seul oculaire ; il faut que le tuyau de la lunette ait une forme conique, & que ce soit son extrémité supérieure qui soit la plus grosse à cause de la largeur des deux objectifs qu'elle reçoit. Quant à l'extrémité inférieure, elle doit être munie comme à l'ordinaire de son oculaire & de son micrometre. Telle est la construction du nouvel instrument, construction fort simple, & qui dans l'usage répondra parfaitement à cette simplicité.

Lorsqu'on dirigera l'héliometre vers le soleil, il fera le même effet qu'un verre à facettes ; il se formera à son foyer deux images à cause des deux verres. Chacune de ces images seroit entiere si la lunette étoit assez grosse par en-bas ; mais il n'y aura réellement que deux especes de segmens ou comme deux croissans adossés ; ce ne seront que deux portions d'images, & on doit remarquer que les deux parties qui seront voisines, & qui peut-être même se toucheront, représenteront les deux bords opposés de l'astre par la propriété qu'ont les deux objectifs de renverser les apparences. Ainsi au lieu de ne voir qu'un des bords du disque, comme cela arrive, lorsqu'on se sert d'une lunette de quarante ou cinquante piés, parce que le reste de l'image ne trouve pas place dans le champ, on aura présente sous les yeux, & si l'on veut précisément dans le même endroit du réticule, les deux extrémités du même diametre, malgré l'extrême intervalle qui les sépare, ou la grande augmentation apparente du disque. Les deux images au lieu de se toucher, pourront se trouver eloignées l'une de l'autre, ou au contraire passer un peu l'une sur l'autre : il n'y aura toûjours qu'à mesurer avec le micrometre l'intervalle entre les deux bords ; & lorsque dans un autre tems, le diametre de l'astre plus ou moins éloigné de la terre, se trouvera plus grand ou plus petit, lorsque les deux images en augmentant ou en diminuant, se seront approchées l'une de l'autre, ou qu'elles se seront un peu écartées, il n'y aura qu'à en mesurer de nouveau la distance, & on aura de cette sorte l'augmentation ou la diminution qu'aura souffert le diametre, & par conséquent ses différences. M. Bouguer est le maître par la construction de son instrument d'écarter ou d'approcher l'un de l'autre les deux objectifs, & par-là de séparer ou de faire prendre un peu l'un sur l'autre les deux disques ou les deux croissans adossés. On n'expliquera point la maniere dont M. Bouguer produit cet effet, ce sera une chose facile pour quiconque entend ces matieres-là ; la partie qui leur devient commune dans le second cas ne peut pas manquer de se bien distinguer, puisque l'intensité de sa lumiere est deux fois plus forte que celle du reste. On peut en se servant de cet instrument mesurer tous les diametres avec la même facilité, puisqu'en tournant l'héliometre, on voit toûjours du même coup d'oeil les deux bords opposés du disque à côté l'un de l'autre. Il n'est pas inutile de dire ici que cet avantage a procuré à M. Bouguer l'observation d'un fait très-singulier, auquel il n'y a pas lieu de croire qu'il s'attendît. Il a pendant le mois d'Octobre 1747, trouvé constamment sur le midi le diametre vertical du soleil un peu plus grand que l'horisontal, quoique le premier de ces diametres fût diminué un peu, comme il l'est toûjours par les réfractions astronomiques.

Quoique M. Bouguer eût vérifié ce fait un grand nombre de fois, & que le soleil lui eût toûjours paru allongé dans le sens de son axe, & cela malgré l'effet contraire des réfractions, il ne l'a pas cru encore assez constaté ; & l'observant de nouveau avec plus d'attention, il a découvert un nouveau phénomene qui n'est pas moins digne de remarque, & qui vraisemblablement seroit resté inconnu sans le secours de son instrument. Il s'est assuré que les deux bords de l'astre, le supérieur & l'inférieur, ne sont pas également si bien terminés, que le reste du disque ; d'où il résulte que l'image doit être un peu plus étendue dans le sens vertical ; ce qui vient de la décomposition que souffre la lumiere en traversant obliquement notre atmosphere, ou la masse d'air qui nous environne. On entend bien qu'il n'est pas question ici de ce qu'on appelle ordinairement réfraction astronomique ; il est question de la décomposition de la lumiere, en tant qu'elle est formée de rayons différemment réfrangibles, comme le violet, le bleu, le verd, &c. Les rayons bleus & violets qui partent du haut du disque, en même tems que les rayons des autres couleurs, sont sujets à un peu plus de réfraction que ces derniers, ils se courbent un peu davantage ; ils nous paroissent donc venir d'un peu plus haut, en portant un peu plus loin l'illusion ordinaire des réfractions. C'est tout le contraire si on jette la vûe sur le bord inférieur ; nous devons le voir principalement par des rayons rouges qui souffrent un peu moins de courbure dans leur trajet. Ces rayons se courbant moins, frapperont donc nos yeux comme s'ils partoient d'un point plus bas, & doivent donc faire paroître un peu en dessous la partie inférieure du disque qu'ils étendent pendant que les rayons bleus & violets contribuent à étendre ce même disque par sa partie supérieure. C'est ainsi que M. Bouguer explique l'extension du diametre vertical à laquelle on n'avoit nullement pensé, & dont on doit regarder la remarque comme un des premiers fruits de ses observations. On ne donnera pas de description particuliere de cet instrument ; il est si simple qu'on s'en formera une idée fort juste, en jettant seulement les yeux sur la figure. (T)


HÉLIOPOLIS(Géog. anc.) ville de la Célésyrie, selon Ptolomée, entre Laodicée & Abila. Il y avoit un temple consacré au soleil, dont les restes sont un monument précieux d'antiquités ; car on ne doute guere que la ville d'Héliopolis en Célésyrie, ne soit Balbec de nos jours, comme Maundrell l'établit dans son voyage d'Alep à Jerusalem. Voyez l'ouvrage intitulé, Description des ruines d'Héliopolis, avec leur représentation en taille-douce. La Haye, 1757, in-folio.

2°. Héliopolis, ou la ville du soleil, étoit encore une ville d'Egypte décrite par Strabon ; & même dans ce pays-là, il s'en trouvoit deux de ce nom, au rapport de Ptolomée, fort croyable sur ce point, puisqu'il avoit passé une partie de sa vie en Egypte.

Manéthon, fameux prêtre Egyptien, étoit natif de l'une ou de l'autre de ces deux villes ; il fleurissoit sous le regne de Ptolomée Philadephe, environ 300 ans avant J. C. Il composa en grec l'histoire des XXXI. dynasties des dieux, des demi-dieux, & des rois d'Egypte ; ouvrage célebre qui est souvent cité par les auteurs anciens. Le tems nous l'a ravi, il ne nous en reste que quelques fragmens tirés des extraits secs de Jules l'Afriquain ; on les trouvera dans la chronique d'Eusebe, & dans Georges Syncelle. (D.J.)


HELIOSCOPES. m. terme d'Optique. C'est une lunette à longue vûe qui sert particulierement à observer le soleil, & qui est faite de telle sorte, que l'oeil n'en reçoit aucuns dommages. Ce mot est grec, composé d', soleil, & , video, specto, je regarde, je considere.

L'hélioscope n'est autre chose qu'une lunette, dans laquelle on a placé un verre enfumé pour empêcher la grande lumiere du soleil de blesser l'organe. C'est du moins à quoi les meilleurs hélioscopes se réduisent. (O)


HELIOTROPES. m. (Hist. nat. Botan.) Les Botanistes comptent au-moins dix especes d'héliotrope ; décrivons ici celle que Tournefort appelle héliotropium majus Dioscoridis, qui est la plus commune.

Sa racine est simple, menue, ligneuse, dure ; sa tige est haute de neuf pouces & plus, remplie d'une moëlle fongueuse, cylindrique, branchue, un peu velue, & d'un verd blanchâtre en-dehors. Ses feuilles sont placées à l'origine des rameaux, & sur ces mêmes rameaux : elles sont cotonneuses, ovalaires, semblables à celles du basilic, mais plus blanches & plus rudes, du reste de la même couleur que la tige.

Ses fleurs naissent au sommet des rameaux, sur de petites tiges, lesquelles sont recourbées comme la queue des scorpions ; elles sont rangées symmétriquement, petites, blanches, d'une seule piece en entonnoir ; leur centre est ridé en maniere d'étoile, & elles sont découpées à leur bord, en dix parties alternativement inégales.

Le calice est couvert de duvet ; il en sort un pistil attaché à la partie postérieure de la fleur en maniere de clou, & comme accompagné de quatre embryons qui se changent en autant de graines, anguleuses d'un côté, convexes de l'autre, courtes, & cendrées.

Cette plante est cultivée, parce qu'elle est toute d'usage. Elle contient un sel tartareux, de saveur salée, accompagné de sel alkali volatil, qu'elle donne dès le premier feu de la distillation. Elle est résolutive, apéritive, & détersive : elle passe pour réprimer les petites excroissances de chair, & faire tomber les verrues pendantes.

L'héliotrope que les Botanistes appellent ricinoïdes, ou tricoccum, est connu des François sous le nom de tournesol. Voyez TOURNESOL. (D.J.)

HELIOTROPE, (hist. nat. Lithologie) pierre précieuse, demi-transparente, dont la couleur est verte, remplie de taches rouges ou de veines de la même couleur ; ce qui fait que quelques auteurs la nomment jaspe oriental ; mais la transparence de l'héliotrope fait qu'on ne doit pas la regarder comme un jaspe qui est une pierre opaque. M. Hill prétend que l'héliotrope differe du jaspe, en ce que la couleur de la premiere est d'un verd mêlé de bleu, au lieu que celle du jaspe est d'un verd plus décidé. Peut-être l'héliotrope est-elle la même chose que ce qu'on nomme prime d'émeraude. L'héliotrope se trouvoit, suivant Pline, dans les Indes, en Ethiopie, en Afrique, & dans l'isle de Chypre ; il y en a aussi en Allemagne & en Bohème. Boece de Boot dit qu'il y en a de si grandes, qu'on en a fait quelquefois des pierres à couvrir les tombeaux. Les anciens ont attribué un grand nombre de vertus fabuleuses à cette pierre, ceux qui seront curieux de les savoir, les trouveront dans Pline, hist. nat. livre XXXVII. chap. xx. (-)


HELIXen terme d'Anatomie, se prend pour tout le circuit ou tour extérieur de l'oreille de l'homme. Voyez OREILLE.

La partie moyenne de l'oreille externe qui s'éleve autour de sa cavité, s'appelle anthelix. Voyez ANTHELIX.


HELLANODIQUESS. m. pl. (hist. anc.) officiers qui présidoient aux jeux sacrés d'Olympie, institués lors du rétablissement de ces jeux par Iphitus. Leur fonction étoit de présider aux jeux ; de donner des avertissemens aux athletes avant que de les y admettre ; de leur faire ensuite prêter serment qu'ils observeroient les loix usitées dans ces jeux, d'en exclure ceux des combattans qui manquoient au rendez-vous général, & sur-tout de distribuer les prix. On en appelloit souvent de leurs décisions au sénat d'Olympie, & sous les empereurs à l'agnosthete ou sur-intendant des jeux. Ils entroient dans l'amphithéatre avant le lever du soleil, & une de leurs fonctions étoit encore d'empêcher que les statues qu'on érigeoit aux athletes ne surpassassent la grandeur naturelle, de peur que le peuple qui n'étoit que trop porté à décerner à ces athletes les honneurs divins, ne s'avisât en voyant leurs statues d'une taille plus qu'humaine, de les mettre à la place de celles des dieux. (G) Voy. aussi l'art. HELLENODICES.


HELLAS(Géog. anc.) Ce nom a plusieurs significations différentes, qu'il ne faut pas confondre ; tantôt il signifie une ville particuliere, tantôt un petit canton de la Thessalie, tantôt une grande partie de la Grece, distinguée de l'Epire, de la Macédoine, du Péloponese, &c. Mais pour éviter les détails, je remarquerai seulement deux choses : 1°. que les noms d'Hellas & d'Hellenes, qui signifient lae Grece propre & les Grecs, ne se bornerent point là, & qu'ils furent employés pour désigner toutes les augmentations de cette Grece propre, comme la Macédoine, & généralement tout ce que les Latins ont entendu par le mot de Grece. 2°. Que quand la Grece propre ou l'Hellas, prit le nom d'Achaïe, parce qu'elle étoit entrée dans la ligue des Achéens, il faut en excepter l'Etolie, qui fit une ligue à part, à laquelle se joignirent les Acarnaniens. (D.J.)


HELLEBORE(mat. med.) Voyez ELLEBORE.


HELLEDou HELLIGEA, (Géog.) riviere de Suede, dans la Gothie méridionale, qui se jette dans la mer Baltique dans la province de Blekingie.


HELLENESS. m. pl. (Hist.) c'est le nom que les Grecs se donnerent en leur propre langue ; le singulier de ce nom est hellen, un grec. Mais Thucydide conclud du silence d'Homere, qu'au tems de la guerre de Troie, les Grecs n'avoient point de nom général qui désignât la nation grecque prise collectivement, & que celui d'hellenes, employé depuis dans ce sens, n'avoit point encore cette acception. Il se prenoit seulement pour les habitans du pays d'Hellas, soit que ce pays fut une contrée aux environs de Dodone & du fleuve Achéloüs, ou que ce fût un canton de Grece dans la Thessalie, il n'importe ; c'étoit un pays particulier de la Grece : en effet, Homere distingue exactement les Myrmidons, les Hellenes, & les Achéens. Ainsi le fameux passage de Denys d'Halycarnasse, qui a tant exercé les critiques modernes, & qui ne consiste qu'en ces trois mots, , signifie tout simplement, Argolica vetustiora sunt Hellenicis, les Argiens sont plus anciens que les Hellenes. (D.J.)


HELLENISMES. m. (Gram.) C'est un idiotisme grec, c'est-à-dire, une façon de parler exclusivement propre à la langue grecque, & éloignée des lois générales du langage. Voyez IDIOTISME. C'est le seul article qui, dans l'Encyclopédie, doive traiter de ces façons de parler ; on peut en voir la raison au mot GALLICISME. Je remarquerai seulement ici que dans tous les livres qui traitent des élémens de la langue latine, l'hellénisme y est mis au nombre des figures de construction propres à cette langue. Voici sur cela quelques observations.

1°. Cette maniere d'envisager l'hellénisme, peut faire tomber les jeunes gens dans la même erreur qui a déjà été relevée à l'occasion du mot gallicisme ; savoir que les hellénismes ne sont qu'en latin. Mais ils sont premierement & essentiellement dans la langue grecque, & leur essence consiste à y être en effet un écart de langage exclusivement propre à cette langue. C'est sous ce point de vûe que les héllénismes sont envisagés & traités dans le livre intitulé, Francisci Vigeri Rothomagensis de praecipuis graecae dictionis idiotismis libellus. L'ordre des parties d'oraison est celui que l'auteur a suivi ; & il est entré sur les idiotismes grecs, dans un détail très-utile pour l'intelligence de cette langue. Dans l'édition de Leyde 1742, l'éditeur Henri Hoogeveen y a ajoûté plusieurs idiotismes, & des notes très-savantes & pleines de bonnes recherches.

2°. Ce n'est pas seulement l'hellénisme qui peut passer dans une autre langue, & y devenir une figure de construction ; tout idiotisme particulier peut avoir le même sort, & faire la même fortune. Faudra-t-il imaginer dans une langue autant de sortes de figures de construction, qu'il y aura d'idiomes différens, dont elle aura adopté les locutions propres ? M. du Marsais paroît avoir senti cet inconvénient, dans le détail qu'il fait des figures de construction aux articles CONSTRUCTION & FIGURE : il n'y cite l'hellénisme, que comme un exemple de la figure qu'il appelle imitation. Mais il n'a pas encore porté la réforme aussi loin qu'elle pouvoit & qu'elle devoit aller, quoiqu'il en ait exposé nettement le principe.

3°. Ce principe est, que ces locutions empruntées d'une langue étrangere, étant figurées même dans cette langue, ne le sont que de la même maniere dans celle qui les a adoptées par imitation, & que dans l'une comme dans l'autre, on doit les réduire à la construction analytique & à l'analogie commune à toutes les langues, si l'on veut en saisir le sens.

Voici, par exemple, dans Virgile (Aen. iv.) un hellénisme, qui n'est qu'une phrase elliptique :

Omnia Mercurio similis, vocemque, coloremque,

Et crines flavos, & membra decora juventae.

L'analyse de cette phrase en sera-t-elle plus lumineuse, quand on aura doctement décidé que c'est un hellénisme ? Faisons cette analyse comme les Grecs mêmes l'auroient faite. Ils y auroient sousentendu la préposition , ou la préposition ; les Latins y sous-entendoient les prépositions équivalentes secundùm ou per : similis Mercurio secundùm omnia, & secundùm vocem, & secundùm colorem, & secundùm crines flavos, & secundùm membra decora juventae. L'ellipse seule rend ici raison de la construction ; & il n'est utile de recourir à la langue grecque, que pour indiquer l'origine de la locution, quand elle est expliquée.

Mais les Grammatistes, accoutumés au pur matériel des langues qu'ils n'entendent que par une espece de tradition, ont multiplié les principes comme les difficultés, faute de sagacité pour démêler les rapports de convenance entre ces principes, & les points généraux où ils se réunissent. Il n'y a que le coup d'oeil perçant & sûr de la Philosophie qui puisse appercevoir ces relations & ces points de réunion, d'où la lumiere se répand sur tout le système grammatical, & dissipe tous ces phantômes de difficultés, qui ne doivent souvent leur existence qu'à la foiblesse de l'organe de ceux qu'ils effraient. (E. R. M.)


HELLENISTESsub. m. plur. (Hist. anc.) nom qui paroît donné dans l'Ecriture-sainte, aux Juifs d'origine ou prosélites établis en Grece, en Syrie, & ailleurs.

Comme ce mot Hellénistes, fort obscur par lui-même, se trouve seulement dans le nouveau Testament ; les plus grands critiques du dernier siecle ont cherché avec soin quels gens il faut entendre par les Hellénistes, dont il est fait mention dans les chapitres vj, . 1, ix, . 29, & xj, . 20, des actes des apôtres.

Scaliger pense que ces Hellénistes n'étoient autre chose que les Juifs d'Alexandrie. Heinsius étendant ce terme beaucoup davantage, & avec raison, donne ce nom à tous les Juifs qui parloient un grec mêlé d'hébraïsmes & de syriacismes, comme est le grec des Septante, qui ont traduit la Bible ; & ces sortes de Juifs lisoient cette traduction dans leurs synagogues. Suivant Saumaise, les Hellénistes sont des Grecs prosélytes du Judaïsme ; M. Simon pense à peu-près de même, en distinguant deux sortes de Juifs, les Hébreux, c'est-à-dire, les habitans de la Palestine & de la Chaldée, & les Hellénistes, c'est-à-dire les Juifs qui parloient grec.

Vossius me semble encore plus exact ; il dit que la nation juive s'étant partagée en deux factions, avoit donné lieu par ce partage, aux deux noms de Juifs & d'Hellénistes ; selon lui, les Juifs étoient ceux qui souffroient avec peine une domination & des rites étrangers, & ce sont, ajoûte-t-il, les zélés dont parle Josephe. Les Hellénistes au contraire, se prétoient volontiers au joug & aux usages des Grecs.

Enfin, M. Fourmont est persuadé que les Hellénistes des chap. vj. & ix. des actes des apôtres, sont les Hellénistes Syriens de M. Simon & de Vossius, lesquels soûmis par les Grecs, s'accommodoient de leurs moeurs & de leurs coûtumes : c'étoient-là ces chrétiens prosélytes, qui se plaignoient des Hébreux, c'est-à-dire, des Juifs de la Palestine. " Alors (dit le texte sacré, act. vj. vers. 1.) le nombre des disciples se multipliant, il s'éleva un murmure des Juifs Grecs, contre les Juifs Hébreux, de ce que leurs veuves se voyoient méprisées dans la dispensation de ce qui se donnoit chaque jour " ; , &c. Mais en même tems, selon M. Fourmont, les Hellénistes du chap. xj. vers. 20. des actes, ne sont ni des Juifs Hébreux, ni des Juifs Grecs ; loin de-là, ce sont les Payens, les Gentils de Grece, auxquels la vision de S. Pierre permettoit d'annoncer l'Evangile.

En effet, presque tous les critiques supposent dans leurs explications, que les Hellénistes des chap. vj. & ix. des actes, étoient les mêmes que ceux dont il est parlé dans le chap. xj ; cependant ils me paroissent être, comme à M. Fourmont, des gens très-différens ; & pour s'en convaincre il faut lire les trois chapitres entiers, & en suivre l'esprit. Mais l'embarras, la difficulté, c'est que le même mot Hellénistes, , est donné aux uns comme aux autres ; & nous n'avons ici pour nous éclairer, aucun autre passage ni du texte sacré, ni des auteurs profanes, où se trouve ce terme ; il a été peut-être forgé par S. Luc, qui écrivoit à des gens qui l'entendoient, & nous ne sommes pas de ce nombre. (D.J.)


HELLENISTIQUE(Langue) Hist. ecclés. On croit que c'est la langue en usage parmi les Juifs Grecs, & celle dans laquelle la version des Septante a été faite, & les livres du nouveau Testament ont été écrits par les apôtres. M. Simon l'appelle langue de synagogue. Ainsi il y avoit autrefois un grec de synagogue, comme de nos jours il y a en Espagne un espagnol de synagogue. L'hellénistique étoit un composé d'hébraïsme & de syriacisme ; Saumaise n'est pas de ce sentiment, mais on ne sait trop sur quoi fondé : il ne dispute le plus souvent que des mots dans les deux volumes qu'il a publiés sur cette matiere.


HELLENODICESS. m. (Antiq.) président, juge, & directeurs des jeux agonistiques.

Les héllénodices ou hellénodiques, étoient des magistrats distingués, qui présidoient aux jeux de la Grece, & qui furent institués lors du rétablissement des jeux olympiques par Iphytus, 408 ans après la prise de Troie, & 23 ans après la fondation de Rome.

Au commencement il n'y eut qu'un seul hellénodice, ensuite deux, bien-tôt après on en créa trois ; enfin on en augmenta le nombre jusqu'à neuf, savoir trois pour les courses des chars & des chevaux, trois pour les autres exercices, & trois pour la distribution des prix.

Ils prirent le nom de hellénodices, du lieu de leur assemblée, qu'on appelloit hellénodicée ; c'étoit originairement un certain espace de terrein de la grande place des Eléens.

Leur fonction principale étoit de présider aux jeux sacrés, d'y maintenir l'ordre, la discipline, d'adjuger & de distribuer les prix : pour prévenir toute injustice, autant qu'il étoit possible, ils prétoient serment de ne se point laisser gagner par aucun intérêt, ni directement, ni indirectement, de juger avec impartialité, & de ne pas découvrir la raison, pour laquelle ils admettoient, ou refusoient tel ou tel combattant.

Ils étoient obligés de résider dix mois dans l'hellénodicée, avant la célébration des jeux, afin de s'instruire à fond des statuts agonistiques, & de veiller à ce que ceux qui se proposoient pour les combats, fissent exactement leurs exercices préparatoires, & fussent instruits dans toutes les loix de l'agonistique, par les nomophylaces, c'est-à-dire les gardiens de ces loix.

Le jour de la célébration des jeux étant arrivé, les hellénodices écrivoient sur un registre le nom & le pays de ceux qui s'enrôloient pour entrer en lice ; ensuite, après leur avoir exposé les conditions auxquelles ils les admettoient, ils ordonnoient à un héraut de les proclamer à haute voix, & de les faire passer comme en revûe dans le stade, pour savoir s'il y avoit dans l'assemblée quelqu'un qui eût contre les uns ou les autres athletes des reproches à faire, qui puissent être à leur charge un sujet d'exclusion, comme la qualité d'esclave, une action criminelle, un vol, &c. Enfin, quand il n'y avoit aucune déposition valable, les athletes prétoient entre les mains des hellénodices le serment solemnel par lequel ils s'engageoient d'observer les lois prescrites dans chaque sorte de combats.

Ce même jour les hellénodices se rendoient dans la place avant le lever du soleil pour apparier les courses, & pour que toutes choses fussent en ordre, au moment de l'ouverture des jeux.

Pendant leur solemnité, ils étoient assis la tête nue, à l'une des extrémités du stade ou de l'hippodrome, & dans l'endroit où se terminoient ces divers combats.

Ils avoient devant eux, sur une espece de gradin élevé, les palmes, les couronnes, & les prix destinés aux vainqueurs ; quelquefois les athletes victorieux les recevoient d'un héraut, qui les leur portoit dans le lieu du stade où ils avoient triomphé, mais c'étoit ordinairement l'hellénodice qui distribuoit de sa propre main les couronnes à ceux auxquels il les adjugeoit.

Alexandre ayant gagné le prix de la course des chevaux aux jeux olympiques, alla victorieux se présenter devant l'un des hellénodices, qui en le couronnant lui dit ces paroles remarquables : " fiez-vous à moi, Alexandre ; de la maniere dont vous avez gagné la victoire à la course, vous en remporterez bien d'autres à la guerre ". Paroles dont le jeune héros tira un augure capable de lui élever l'ame, jusques à former les grandes entreprises qui depuis étonnerent l'univers.

Comme on érigeoit souvent des statues en l'honneur des athletes victorieux, sur-tout dans les olympioniques, & communément dans le lieu même où ils avoient été couronnés, la loi défendoit formellement que ces statues fussent plus grandes que nature ; & c'est à quoi les hellénodices prenoient garde de si près, au rapport de Lucien, qu'ils n'y apportoient pas moins d'attention qu'à l'examen sévere des athletes & à toute autre partie de leur district. En effet, s'il se trouvoit quelqu'une de ces statues qui surpassât la grandeur naturelle, ils la faisoient aussi-tôt jetter par terre. Sans-doute qu'ils en agissoient ainsi, de crainte que le peuple, qui n'étoit que trop disposé à rendre aux athletes des honneurs divins, ne s'avisât en voyant leurs statues d'une taille plus qu'humaine, de les mettre à la place de celles des dieux.

La jurisdiction des hellénodices ne réunissoit pas les avantages de la durée à ceux de son importance, car elle finissoit le jour même avec les jeux ; mais ils avoient la gloire d'emporter l'opinion favorable de la justice & de l'impartialité. Aussi, pour n'être point tentés d'enfreindre leur serment, ils remettoient toûjours la lecture des lettres de recommandation qu'on leur faisoit en faveur de certains athletes, jusqu'après leurs combats ou leurs victoires.

Cependant, quelque déférence qu'eussent les Grecs pour le jugement des hellénodices, quelques-uns d'eux furent accusés de défaut d'expérience, & d'autres d'acception de personnes ; d'ailleurs, il arrivoit quelquefois dans les jeux tel incident délicat ou imprévû, qui obligeoit les athletes d'en appeller au sénat d'Olympie, lequel alors décidoit en dernier ressort ces sortes d'affaires agonistiques. Enfin, aux jeux Pithiens on appelloit de leur jugement à celui de l'empereur ; je crains bien que l'équité de ce dernier tribunal ne valût pas celle du premier. Je sais du-moins, pour en citer un exemple, que le jugement de Panis roi de Chalcide, a passé en proverbe, pour caractériser un jugement d'ignorance & de faveur. (D.J.)


HELLENOTAMIENSS. m. pl. (Antiq.) officiers établis à Athènes pour recevoir les taxes des villes tributaires. (D.J.)


HELLENTHAL(Géog.) petite ville d'Allemagne, dans l'électorat de Trèves.


HELLEQUINS. m. (Gram.) vieux terme françois du xiij. & du xiv. siecle ; nous ne l'expliquons ici, que parce qu'il est peu connu.

On entendoit par hellequins, des chevaliers armés qui apparoissoient de nuit, & qui combattoient ensemble dans les airs : c'est un des moindres traits de la superstition & de la barbarie de ces tems ténébreux. Raoul de Presles, dans sa traduction du livre de S. Augustin de la Cité de Dieu, parle " de hellequins, de dame Abonde, des espéris nommées Fées, qui apperent ès étables & ès arbres, & aussi de diables épicaltes ". Dame Abonde étoit, selon la croyance générale, la principale des fées bienfaisantes, qui venoient la nuit dans les maisons, & y apportoient toutes sortes de biens. Les diables épicaltes sont manifestement les incubes, que les Grecs apelloient épialtes, . Voyez INCUBE. (D.J.)


HELLERS. m. (Comm.) nom usité en Allemagne pour désigner une monnoie imaginaire, qui est la plus petite de toutes, & répond au denier ou à l'obole de France : il y a des pieces de trois hellers en Silésie & en Saxe ; deux de ces pieces y valent un kreutzer. Voyez KREUTZER.


HELLESPONTS. m. (Géog.) fameux canal ou détroit qui sépare l'Europe & l'Asie, & qui est indifféremment nommé par les modernes, le bras de S. Georges, les bouches de Constantinople, le détroit de Gallipoli, ou le détroit des Dardanelles. Voyez DARDANELLES.

Les anciens l'appelloient Hellespont, du nom de Hellé, fille d'Athamas, qui en le traversant, pour s'enfuir dans la Colchide, avec son frere Phryxus, chargés tous deux de la toison d'or, tomba malheureusement dans cette mer, où elle périt. On y arrive par diverses routes, après avoir laissé derriere soi, à droite ou à gauche, les isles Cyclades & Sporades, qui composent dans la mer Egée, ce qu'on appelle l'Archipel.

Ce détroit est situé au 35d. 42'. de latitude, & environ au 55 de long. Toute sa longueur est de 10 à 12 lieues ; il n'en a guere plus d'une de largeur à son entrée, & dans toute la suite, il n'a qu'une demi-lieue tout au plus. A son couchant, que l'on a sur la gauche en y entrant, on voit la Thrace, qui est une partie de l'Europe que ce détroit sépare d'avec la Troade, Province d'Asie, qui est à son orient. Il a la Propontide au nord, avec tout l'Archipel au sud. A l'entrée de ce passage à main droite, on trouve le promontoire Sigée, qu'on appelle aujourd'hui cap Gianizzari ; quand on a passé les châteaux neufs bâtis par Mahomet IV, on entre dans l'Hellespont dont ils sont les portes ; & de-là jusqu'aux Dardanelles, il n'y a aucun vestige d'antiquités considérables.

Comme cette mer a divers noms chez les modernes, elle en a eu aussi plusieurs chez les Poëtes, auxquels celui de Hellespontus, ne convenoit pas toûjours ; Virgile, Aeneid. lib. I. v. 385. l'appelle la mer de Phrygie, Phrygium aequor, parce qu'en effet ce détroit resserre la Phrygie à l'orient. Lucain, liv. VI. v. 55. & Valerius Flaccus, liv. II. v. 586. l'appellent l'un, Phryxeum pontum, l'autre, Phryxea aequora, la mer de Phryxus, nommant le frere pour la soeur, parce que, selon la fable, elle étoit avec son frere Phryxus, lorsqu'elle donna son nom à cette mer. Leur pere étoit Athamas, & de-là lui vint la dénomination de mer Athamantide.

Enfin, Ausone, in Mosell. v. 287. & 288, employe trois expressions de suite, pour peindre l'Hellespont, tant la poésie latine a de richesses pour s'exprimer.

Quis modò Sestiacum pelagus, Nepheleidosque Helles

Aequor, Abydoni freta quis miretur Ephebi.

Il l'appelle en premier lieu la mer de Sestos, & cette ville étoit sur le rivage du détroit du côté de l'Europe. Secondement, la mer d'Hellé, fille de Nephélé & d'Athamas ; & enfin le détroit du jeune homme d'Abydos : Abydos étoit au midi de Sestos, & le poëte fait allusion à l'histoire touchante de Héro & de Léandre. (D.J.)


HELLOPESS. m. pl. (Géog. anc.) peuple qui faisoit partie des Perrhebes Epirotes, & dont on tiroit les ministres de Jupiter à Dodone ; ce sont les mêmes que les Selles & les Helles, quoique Pline en fasse autant de gens différens. On appelloit helle ou siége, le lieu de l'oracle de Jupiter à Dodone, desorte qu'il est vraisemblable que le fertile canton qu'Hésiode nomme Hellopie, n'étoit autre chose que les terres des environs de l'oracle, ou de la dépendance de son siége. (D.J.)


HELLOTIESS. f. pl. (Antiq.) il y a eu en Grece deux fêtes de ce nom, dont l'une étoit célebrée dans l'isle de Crete en l'honneur d'Europe, voyez ELLOTIES ; l'autre étoit célebrée par les Corinthiens, qui y joignirent des jeux solemnels & des courses célebres, où de jeunes gens disputoient le prix, en courant avec des torches allumées dans la main, voyez ELLOTIDES ; & si vous voulez un plus grand détail de ces deux fêtes, voyez Athénée, Deipnosophist. lib. XV. & Potter Archaeol. graec. lib. II. cap xx. tom. I. p. 393. (D.J.)


HELMET(Géog.) petite ville de Livonie, dans la province d'Esthonie.


HELMINTIQUEou VERMIFUGES, voyez VERMIFUGES.


HELMINTOLITESS. f. (Hist. nat. Lithol.) noms donnés par quelques auteurs à des pierres qu'ils ont prises pour des vers pétrifiés ; mais ce ne sont réellement que des loges ou tuyaux, dans lesquels des petits animaux ou vers marins étoient logés, & que l'on trouve quelquefois dans le sein de la terre, comme beaucoup d'autres corps marins qui y ont été ensevelis. (-)


HELMONT(Géog.) petite ville des Pays-Bas dans le Brabant Hollandois, au quartier du Peelland, avec un château sur l'Aa, à 7 lieues E. de Bois-le-duc, 6 S. O. de Grave, 28 N. E. de Bruxelles. Long. 23. 12. lat. 51. 31. (D.J.)


HELMSTADT(Géogr.) ville d'Allemagne au duché de Brunswick, bâtie par Charlemagne en 782, avec une université fondée par le duc Jules de Brunswick en 1576. Les Professeurs sont de la confession d'Augsbourg. Helmstadt est à 3 milles N. E. de Brunswick, 4 N. E. de Wolffenbuttel. Long. 28. 45. lat. 52. 20.

Cette ville a fourni quelques gens de lettres nés dans son sein, comme Frédéric Ulric Calixte, théologien, mort en 1701, âgé de 70 ans ; Christ-Henri Rittmeyer, qui cultiva les langues orientales, mort en 1719 ; Valentin Henri Vogler medecin, qui a donné l'histoire physiologique de la Passion de J. C. mort en 1677 âgé de 55 ans ; Herman Conringius, littérateur, historien & medecin, connu par un grand nombre d'ouvrages : un des plus curieux, est celui de Antiquitatibus academicis, à Gottingue, en 1739. in -4°. Il mourut en 1681. à 75 ans. (D.J.)

HELMSTADT, (Géog.) ville forte & maritime de Suede, capitale de la province de Halland ; elle appartient à la Suede depuis 1645. Elle est près de la mer Baltique, à 22 de nos lieues N. O. de Lunden, 22 N. E. de Copenhague, 24 S. E. de Gothenbourg. Long. 30. 30. lat. 56. 42. (D.J.)


HELORUS(Géog.) riviere de Sicile sur la côte orientale de l'île, dans sa partie méridionale. A l'embouchure de l'Helorus, étoit un canton délicieux, que l'on nommoit Heloria Tempe, Virgile, Aeneid. liv. III. v. 698. On vante la bonté de ce canton qu'arrosoit l'Helorus, praepingue solum stagnantis Helori : le nom moderne de cette riviere que Virgile dit couler lentement, est l'Atellari. (D.J.)


HÉLOS(Géog.) il y avoit trois Hélos au Péloponese ; l'une dans la Laconie, l'autre dans la Messénie, & la troisieme dans l'Elée auprès de l'Alphée. La premiere seule étoit une ville, la seconde étoit un simple lieu sans aucune qualification ; & la troisieme pouvoit avoir été une ville, mais elle ne subsistoit plus du tems de Pline. On ne voyoit même du tems de Pausanias, que les ruines d'Hélos en Laconie. Les Lacédémoniens s'en rendirent maîtres sous le regne de Soüs, & en firent les habitans esclaves : comme ils les employoient à labourer les terres, & aux ouvrages les plus pénibles & les plus méprisés, avec le tems le nom de hélotes, hellotes, ou ilotes, devint un nom général de tous les esclaves publics ; on le donna aux Messéniens après qu'on les eut dépouillés de leur pays, & privés de la liberté. On peut lire dans la vie de Lycurgue par Plutarque, avec combien de dureté & de mépris ces hélotes étoient traités par leurs maîtres ; je dis hélotes avec Pausanias, & c'est le nom le plus conforme à leur origine ; c'est aussi celui qu'a préféré M. d'Ablancourt, dans sa traduction de Thucydide. Voyez donc HELOTES. (D.J.)


HELOTESS. m. (Hist. anc.) esclaves chez les Lacédémoniens. On nommoit hélotes, en grec , en latin helotae, & par Tite-Live ilotae, les habitans de Hélos, ville voisine de Sparte.

Cette ville ayant été subjuguée par les Lacédémoniens sous le regne de Soüs, & le peuple réduit à l'esclavage, le nom de hélotes ou ilotes, devint avec le tems un nom général, qu'on donna dans la Grece à toutes sortes d'esclaves, de quelque pays qu'ils fussent ; cependant ils étoient traités avec bonté chez les uns, & très-durement par d'autres : les vrais hélotes l'éprouverent. Ils étoient rigoureusement occupés par les Spartiates à des emplois bas & pénibles, comme à labourer la terre, à porter tous les fardeaux, & à pourvoir la ville des provisions dont elle avoit besoin. Il n'y en eut qu'un petit nombre qu'on employa à des ministeres honnêtes, comme à conduire les enfans aux écoles, à les ramener à la maison, en un mot à en prendre soin. Ceux-ci étoient des affranchis, qui néanmoins ne jouissoient pas de tous les priviléges des personnes libres, quoique par leur conduite ils pussent les obtenir ; puisque Lysandre, Callicrate, & Crysippe, qui étoient hélotes de naissance, acquirent la liberté en considération de leur valeur.

Mais il faut convenir qu'en général, les hélotes étoient fort malheureux ; esclaves à-la-fois du public & du particulier, leur servitude étoit personnelle & réelle ; ils étoient soumis à tous les travaux hors de la maison, & à toutes sortes d'insultes dans la maison ; on les maltraitoit continuellement, & même on les tuoit quelquefois sans ombre de justice ; Plutarque ne l'a point dissimulé. Aussi ces pauvres gens nés braves, & réduits au desespoir, voyant Sparte affligée par un tremblement de terre, ravagerent la Laconie, conspirerent contre leurs tyrans, & mirent la capitale dans le plus grand danger qu'elle ait jamais couru. Ils volerent de toutes parts pour achever de détruire ceux que le tremblement de terre auroit épargnés ; mais les ayant trouvés rangés en bataille, ils se retirerent auprès des Messéniens, les attirerent dans leur parti, & déclarerent aux Spartiates une guerre ouverte. Alors ils soûtinrent jusqu'à la derniere extrémité le siége d'Ithome contre toutes les forces des Lacédémoniens : enfin, après la prise de cette ville, ils furent transportés hors du Péloponese, avec défense d'y rentrer sous peine de la vie. Ceux des hélotes qui resterent, furent condamnés à une perpétuelle servitude, sans que leurs maîtres pussent les affranchir, ni les vendre hors du pays.

Telle est en peu de mots l'histoire des hélotes, sur lesquels on peut lire Aristote, Politic. lib. II. Pausanias, in Laconic. Thucydide, lib. VIII. Athénée, liv. VI. & XIV. Isocrate, in Panathen ; Elien, lib. XVIII. cap. xxxxiij. Plutarque, dans la vie de Lycurgue ; Strabon, liv. VIII. & parmi les modernes, Cragius, de Repub. Lacedemon. Meursius, Miscellan. Laconic. Potter, Archoeol. Graec. lib. I. cap. x. (D.J.)


HELSINBOURG(Géog.) ville, port, & chateau de Suede, dans la Schone, sur l'Oresund ; elle est à 15 lieues S. d'Helmstadt, 9 N. O. de Lunden. Long. 30. 35. lat. 56. 2.

C'est tout près de cette ville, que naquit le célebre Ticho-Brahé, le 19 Décembre 1546. On lui donna le titre de restaurateur de l'Astronomie, qui appartenoit à Copernic, & que Kepler mérita depuis ; car l'espece de conciliation des systèmes de Ptolomée & de Copernic, qu'imagina Ticho-Brahé, n'a point été goûtée des Astronomes ; cependant il a la gloire d'avoir le premier perfectionné cette science par un observatoire, par des écrits & des instrumens, à la dépense desquels on dit qu'il employa plus de cent mille écus de son propre bien. Il préféra pour femme une paysanne de ses terres, à de grands partis que ses parens lui destinoient. Il mourut à Prague, le 24 Octobre 1601. dans la 55° année de son âge, pour avoir par respect retenu trop long-tems son urine à la table d'un grand seigneur. Il a publié ses observations sous le nom de Tables Rodolphines, & un catalogue de mille étoiles fixes. (D.J.)


HELSINGFORD(Géog.) petite ville de Finlande, dans le Nyland, avec un port assez commode, sur le golfe de Finlande, à 8 lieues S. O. de Borgo. Long. 43. 20. lat. 60. 22. (D.J.)


HELSINGIES. f. (Géog.) province de Suede, bornée au N. par l'Iempterland & par la Madelpadie, à l'O. & S. O. par la Dalécarlie, au S. par la Gestricie, à l'E. par le golphe de Bothnie. Elle est traversée dans sa longueur par la riviere de Liusna ; Soderham en est le lieu principal. (D.J.)


HELSINGOHR(Géog.) les François disent Elseneur, ville de Danemark sur l'Orésund, dans l'isle de Sélande, à 6 lieues au N. de Copenhague, vis-à-vis Helsinbourg. Tous les vaisseaux qui passent par ce détroit, sont obligés de payer un droit de passage au roi de Danemark. Long. 30. 30. lat. 55. 58.

Jacques-Isaac Pontanus, historiographe du roi de Danemark, & de la province de Gueldres, naquit à Helsingohr, vers le milieu du xvj. siecle, & mourut à Harderwick en 1640. Il s'est fait beaucoup d'honneur par ses ouvrages historiques & géographiques ; & c'est bien ici le lieu de les indiquer. 1°. Rerum Danicarum histor. lib. X. unà cum ejusdem regni urbiumque descriptione ; 2°. Gueldriae & Zutphaniae chorographica descriptio ; 3°. Historiae Gueldricae lib. XIV ; 4°. Hist. urbis & rerum Amstelodamensium ; 5°. Disceptat. chorogrophicae de Rheni divortiis, & accolis populis. 6°. Itinerarium Galliae Narbonensis. (D.J.)


HELSTON(Géog.) petite ville à marché d'Angleterre, dans le Comté de Cornoüailles : elle envoye deux députés au Parlement, & est à 2 lieues O. de Falmouth, à 75. S. O. de Londres. Long. 12. 27. lat. 50. 10. (D.J.)


HELVÉTIEN(LES), Géogr. peuple particulier qui faisoit partie de la Gaule ; il mérite bien d'avoir un article dans cet ouvrage, & sous son ancien nom, & sous son nom moderne, pour lequel voyez SUISSE.

Nous trouvons dans César les limites anciennes de l'Helvétie ; il la borne d'un côté par le Rhin qui la séparoit de la Germanie, de l'autre par le mont Jura qui la séparoit des Séquaniens, & d'un autre côté par e lac Léman & par le Rhône, qui la séparoient de l'Italie. Comme elle étoit au-delà du Rhin, elle appartenoit à la Gaule, ce qui fait que Tacite appelle les Helvétiens, nation gauloise ; Jules-César met l'Helvétie dans la Gaule Celtique ; mais Auguste pour rendre les provinces à-peu-près égales, unit l'Helvétie à la Belgique. Voilà donc Pline & Ptolomée qui ont vécu après ce changement amplement justifiés, pour avoir mis les Helvétiens dans la Belgique ; ils devoient suivre la nouvelle disposition d'Auguste.

Toute l'Helvétie étoit divisée en quatre cantons qui, quoique compris sous le nom général d'Helvétiens, avoient cependant chacun un nom distingué, & un territoire séparé ; on appelloit ces cantons Pagus Urbigenus, Pagus Ambronicus, Pagus Tigurinus, & Pagus Tugenus.

Les Urbigenes étoient les plus voisins de l'Italie ; ils tiroient leur nom de la ville Urba, Orbe, ville ancienne, mais dont la splendeur ne fut pas de durée ; car Aventicum, Avenche, lui enleva de bonne heure la gloire d'être non-seulement la capitale du canton, mais même de toute l'Helvétie. Avenche dut son élévation aux Romains qui, entr'autres faveurs, y établirent une colonie.

On comptoit alors plusieurs autres villes dans ce canton, savoir Colonia Equestris, ou Noviodunum, aujourd'hui Nyon ; Lausanna, à présent Lausanne, outre Minodum, présentement Milden, & par les François Moudon ; & Ebrodunum, ou Castrum Ebrodunense, qui est Yverdun.

Les Ambrons n'avoient, selon Cluvier, que deux villes, Solodurum, & Vindonissa ; on ne peut douter que Soleurre ne soit la même ville que Solodurum. A l'égard de Vindonissa, dont Tacite lui-même fait mention, les Géographes se persuadent que l'on trouve aujourd'hui des vestiges de cette ville dans le village de Windisch au canton de Berne ; & si les noms ont assez de rapport, la position ne convient pas mal, aussi-bien qu'à celle que lui donnent la table de Peutinger & l'Itinéraire.

Le Pagus Tigurinus tiroit son nom de la ville de Tigurum, aujourd'hui Zurich ; il n'y a cependant aucun ancien écrivain qui fasse mention de la ville ; mais apparemment qu'elle fut du nombre de celles que les Helvétiens brûlerent, lorsqu'ils formerent le dessein que César empêcha, de s'aller établir dans les Gaules.

Strabon est le seul des anciens auteurs qui fasse mention du Pagus Tugenus ; il est toutefois vraisemblable, qu'il tiroit son nom de la ville de Tugum, à présent encore capitale d'un canton. Je m'exprime ainsi, parce que le nom me paroît le même que celui de Zug ; car dans plusieurs noms de villes, qui chez les Romains commençoient par la lettre T, les Germains changeoient cette lettre en Z. De Taberna, ils firent Zabern ; de Tolbiacum, Zulpich ; & ainsi de Tugum, ils ont fait Zug, suivant toute apparence.

Nous avons dit ci-dessus, qu'Auguste rangea les Helvétiens sous la Belgique, & ils étoient encore censés de cette partie des Gaules, du tems de Pline & de Ptolomée. Après Constantin, ils se trouverent avec les Rauraques & les Séquaniens dans la province nommée maxima Sequanorum ; peu-à-peu leur nom d'Helvétiens se perdit, & fit place à celui des Séquaniens ; mais les Allemands, nation différente des Germains, quoique demeurant dans la Germanie, se jetterent dans l'Helvétie, dont il fallut leur céder une partie, les Burgundiens ou Bourguignons envahirent l'autre, de maniere que l'Helvétie se trouvant partagée entre ces deux peuples, prit le nom d'Allemagne & Bourgogne.

Sous les empereurs François, la partie Allemande de l'Helvétie fut gouvernée par le duc d'Allemagne & de Soüabe ; l'autre obéissoit à des comtes. Cette forme de gouvernement subsista très-long-tems, jusqu'à ce qu'enfin, après 13 cent ans de sujétion, ce pays recouvra son ancienne liberté, & s'associa divers états voisins, qui n'étoient point de l'ancienne Helvétie, mais qui sont du corps Helvétique de nos jours, lequel corps a pris le nom de Suisse. C'est sous ce mot, que nous parlerons de la Suisse moderne, heureux pays, où les solides richesses qui consistent dans la culture des terres, sont recueillies par des mains libres & victorieuses. (D.J.)


HELVÉTIQUEadj. (Hist. mod.) ce qui a rapport aux Suisses, ou habitans des treize cantons Suisses, qu'on appelloit autrefois Helvétiens.

Le corps Helvétique comprend la république de la Suisse, consistant en treize cantons qui font autant de républiques particulieres. Voyez CANTON.

Suivant les loix & coûtumes du corps Helvétique, tous les différends qui surviennent entre les différens états doivent être décidés dans le pays sans l'intervention d'aucune puissance étrangere. Il semble pourtant que les cantons catholiques ayent dérogé à cette coûtume par leur renouvellement d'alliance avec la France en 1715, puisqu'il y est stipulé entre autres choses, " Que si le corps Helvétique ou quelque canton est troublé intérieurement.... Sa Majesté ou les rois ses successeurs employeront d'abord les bons offices pour pacifier ces troubles, & que si cette voie n'avoit pas tout l'effet desiré, Sa Majesté employera à ses propres dépens les forces que Dieu lui a mises en main pour obliger l'aggresseur de rentrer dans les regles prescrites par les alliances que les cantons & les alliés ont entr'eux ". Précaution qui, à la vérité, ne porte aucune atteinte à la liberté du corps Helvétique ; mais qui prouve que les Suisses même ont cru l'intervention des puissances étrangeres nécessaires en cas de division parmi eux, contre ce qu'avance M. Chambers.

Le gouvernement du corps Helvétique est principalement démocratique ; mais il ne l'est pas purement, & est mêlé d'aristocratie. Quand il s'agit d'une affaire qui concerne le bien commun de tous les cantons, on convoque des assemblées générales où se rendent leurs députés qui ont voix délibérative. Depuis que la religion a partagé cette république comme en deux portions, les catholiques tiennent leurs assemblées à Lucerne, & quelquefois ailleurs, & les protestans s'assemblent à Arau.

Les assemblées générales se tiennent ordinairement vers la mi-Juin, dans l'hôtel de ville de Bade ; le canton de Zurich les convoque, & ses députés y proposent les matieres de délibération. Cette république qui faisoit autrefois partie de l'empire, & étoit soumise à la maison d'Autriche, fut reconnue par cette même maison pour un état indépendant & libre par le traité de Westphalie. Voyez SUISSE. (G)


HELVIDIENSS. f. pl. (Hist. ecclés.) secte d'anciens hérétiques, ainsi nommés à cause d'Helvidius leur chef, & disciple d'Auxentius l'arien, qui enseignoit que Marie, mere de Jesus, ne continua point d'être vierge, mais qu'elle eut d'autres enfans de Joseph.

Les Helvidiens sont appellés par les Grecs Antidicomarianites. Voyez ANTIDICOMARIANITES. Helvidius vivoit dans le quatrieme siecle, & S. Jérôme écrivit contre lui. (G)


HELVIEN(LES), Géog. ancien peuple de la Gaule Narbonnoise ; ils répondent au Vivarais de nos jours ; Strabon les a mal jugés en Aquitaine. La Roche d'Albis, autrefois capitale du Vivarais, est appellée par les Latins Alba Helviorum. (D.J.)


HEMS. m. (Chimie) les fourneaux dans lesquels le lapis calaminaris ou la calamine est cuite, ont un foyer dressé d'un côté d'un fourneau, & séparé du fourneau même par une division ouverte par en-haut, par où la flamme passe, chauffant ainsi & cuisant la calamine. Cette séparation est appellée le hem.

On se sert aussi de ce fourneau pour faire le cuivre jaune. Voyez les art. CUIVRE & LETON.


HÉMACURIESS. f. pl. (Antiq.) fêtes, à ce que dit le dictionnaire de Trévoux, célébrées dans le Péloponese en l'honneur de Pélops, à l'autel de qui l'on foüettoit de jeunes gens jusqu'à ce qu'ils l'eussent teint de leur sang ; c'est ce que signifie le mot grec , dérivé de , sang, & de , jeune homme. (D.J.)


HEMALOPIES. f. terme de Chirurgie, épanchement de sang dans le globe de l'oeil, à l'occasion d'un coup, d'une chute, ou d'une plaie. Il n'est pas possible d'espérer la résolution du sang épanché dans le globe de l'oeil, par les saignées & l'application des remedes propres à calmer l'inflammation & à prévenir ses progrès. Il faut donner issue au sang épanché. La plaie, s'il y en a, est une voie pour l'évacuation de ce fluide. Ceux qui ont cru perfectionner l'opération de la cataracte par l'extraction du crystallin, en imaginant, au lieu des ciseaux dont M. Daviel, inventeur de cette opération, se sert pour couper demi-circulairement à droite & à gauche la cornée transparente au bord de la conjonctive, après avoir pénétré avec une lancette dans la chambre antérieure ; ceux, dis-je, qui ont cru pouvoir éviter la multiplicité des instrumens, en se servant d'un petit bistouri pour faire la section de la cornée dans toute l'étendue convenable, ont éprouvé l'inconvénient de blesser l'iris & de procurer une hémorrhagie qui a rempli la chambre antérieure de l'oeil. Cette hémalopie, considérée en elle-même, n'a aucune mauvaise suite, parce que l'incision de la cornée permet la sortie de ce sang que le renouvellement de l'humeur aqueuse délaye. Si la plaie qui a occasionné l'épanchement du sang, n'en favorisoit pas l'issue ; ou si l'hémalopie avoit pour cause l'impression de quelque corps contondant sans plaie, il seroit à propos de faire avec une lancette une ponction à la partie inférieure de la cornée transparente pour tirer le sang épanché, & par-là prévenir les desordres que son séjour & son altération pourroient produire dans le globe de l'oeil. On laveroit ensuite le globe deux ou trois fois par jour avec du lait tiede, dans lequel on auroit fait infuser du safran. Quelques praticiens préferent le lait de femme. On traiteroit d'ailleurs le malade suivant les regles que prescrivent son tempérament, & les dangers qu'on auroit à craindre de la blessure plus ou moins grave. Voyez PLAIE en général, & PLAIE DE L'OEIL en particulier. (Y)


HEMANTUSS. m. (Botan.) genre de plante à fleur liliacée, monopétale, & découpée en six parties ; le calice devient dans la suite une capsule presque globuleuse, qui est divisée en trois loges, & qui renferme des semences oblongues. Ajoûtez à ces caracteres, que les fleurs de cette plante forment des têtes composées de six feuilles. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)


HÉMASTATIQUEsubst. f. (Medecine.) Voyez STATIQUE DES ANIMAUX.


HEMATITEou HAEMATITE, ou SANGUINE, (Hist. nat. Litholog.) c'est une pierre, ou plutôt une vraie mine de fer dont la figure varie ; son tissu est tantôt strié ou par aiguilles, comme l'antimoine ; tantôt il est composé de filamens ou de fibres, qui, à la couleur près, la font ressembler à du bois ; tantôt elle est sphérique ou hémi-sphérique ; tantôt elle est en mamelons, & formée par un assemblage de globules qui la font ressembler à une grappe de raisin ; tantôt elle est garnie de pyramides & de pointes ; tantôt enfin elle paroît composée de lames ou de feuillets, qui laissent quelquefois des intervalles vuides entr'eux, & la font ressembler à un rayon de miel. L'hématite varie aussi pour la couleur ; il y en a de rouge, de pourpre, de jaune, & de noirâtre ou couleur de fer : mais lorsqu'on l'écrase, elle est toûjours d'un rouge ou d'un jaune plus ou moins vif. L'hématite, quoique fort chargée de fer, n'est point attirable par l'aimant : le fer qu'elle donne est aigre, & il est difficile de lui procurer la ductilité convenable ; il y en a dont le quintal contient jusqu'à quatre-vingt livres de ce métal. Voyez FER. Voilà pourquoi quelques gens l'appellent ferret. (-)

HEMATITE, ou SANGUINE, (PIERRE), Mat. médic. on l'employe comme styptique dans les hémorrhagies. Juncker desapprouve son usage intérieur, comme peu éprouvé & souvent nuisible. Les fleurs de pierre hématite préparées par la sublimation avec le sel ammoniac, ne paroissent pas assez merveilleuses au même auteur, pour qu'on puisse le faire passer pour l'azoph de Paracelse, c'est-à-dire pour un remede singulier contre la cachexie, la passion hypocondriaque, la phthisie, la fievre tierce, la dyssenterie, &c. Ses fleurs sont styptiques à petite dose, & nuisent souvent par cette qualité. La teinture qu'on en retire n'est pas exempte du même reproche ; elle est styptique & nauséeuse, selon l'observation de Langius : c'est toûjours Juncker qui parle.

Il est moins dangereux, tutiùs, dit encore cet auteur, de tenir une pierre hématite dans sa main, pour arrêter l'hémorrhagie du nez : mais cet effet attribué si éminemment à la pierre hématite, qu'elle en a tiré son nom dans toutes les langues, ne s'observe que très-rarement ; & encore faut-il qu'on ait tenté ce secours sur des sujets délicats & crédules. On garde dans les boutiques la pierre hématite porphyrisée. Les fleurs de pierre hématite ont une odeur de safran ; elles se préparent comme les fleurs martiales. Voyez FER.

La pierre hématite entre dans les pilules astringentes, & l'emplâtre styptique. (b)

* HEMATITES, s. m. pl. (Hist. ecclés.) hérétiques dont S. Clément d'Alexandrie a parlé dans son liv. VII. des Stromates : leur nom vient de , sang. Peut-être étoit-ce une branche des Cataphryges, qui, selon Phylatrius, à la fête de pâques employoient le sang d'un enfant dans leurs sacrifices. Voyez CATAPHRYGES. S. Clément d'Alexandrie se contente de dire qu'ils avoient des dogmes qui leur étoient propres, & dont ils avoient été appellés Hématites. Il seroit à souhaiter que quelqu'un nous donnât une histoire des hérésies ; elle supposeroit des connoissances très-étendues, expliqueroit beaucoup de faits obscurs, & formeroit le tableau le plus humiliant, mais le plus capable d'inspirer aux hommes l'esprit de la paix.


HÉMATOCELES. f. terme de Chirurgie, tumeur contre nature au scrotum, formée par la présence du sang épanché dans les cellules graisseuses de cette partie. Cette maladie vient d'une chûte ou d'un coup violent qui, en meurtrissant la partie, auront occasionné l'ouverture des vaisseaux sanguins qui arrosent la partie blessée. La tumeur est d'un rouge brun, & son traitement est le même que celui qui convient à toutes les contusions. Le malade doit être saigné plus ou moins suivant son âge, son tempérament & la force de la contusion. Les fomentations spiritueuses avec l'eau-de-vie camphrée, les compresses trempées dans cette liqueur, & soûtenues d'un bandage nommé suspensoir, feront le pansement dans les premiers jours. Si la contusion menaçoit de gangrene, & que les secours qu'on vient de décrire n'ayent pu prévenir cette terminaison, il faudroit scarifier la tumeur pour débarrasser la partie du sang épanché qui suffoque le principe vital ; on appliqueroit des remedes antiputrides, tels qu'une onction avec l'onguent de styrax, & pardessus un cataplasme aromatique. Le quinquina en poudre peut être très-utilement a jouté aux poudres de scordium, de rue, de sauge, d'absynthe, de camomille, &c. dont on compose les cataplasmes antigangréneux. M. Bertrandi, chirurgien du roi de Sardaigne, a rapporté dans un mémoire inséré dans le troisieme tome de l'académie royale de chirurgie, l'observation d'un medecin de ses amis à qui il survint une gangrene au scrotum. Il le laissa scarifier, saupoudra les incisions avec la poudre de quinquina, & se fit envelopper les bourses avec des compresses trempées dans la décoction de cette drogue. Par ce moyen la gangrene s'arrêta, les parties qui en étoient atteintes se dessécherent ; il resta un ulcere louable, qui fut facilement amené à une parfaite cicatrice. Le docteur Pringle a fait de très-belles observations sur la vertu antiputride du quinquina dans l'usage extérieur. Il a mis dans une infusion de quinquina faite tout simplement avec de l'eau de fontaine un morceau de chair pourrie ; elle s'est tellement rétablie dans son premier état, qu'il l'a conservée sans corruption pendant une année entiere dans la même liqueur. Voyez ce que nous avons dit de l'usage intérieur du quinquina au mot GANGRENE.

La lymphe qui forme l'hydrocele est quelquefois si acrimonieuse qu'elle ulcere des vaisseaux sanguins, ce qui produit un hématocele. Il arrive aussi que le sang épanché, à l'occasion d'une plaie dans le scrotum, dégénere en hydrocele, lorsque le sang a été discuté par l'action des topiques : on voit néanmoins à l'ouverture de ces sortes de tumeurs, qu'il en sort de l'eau qui charrie quelques grumeaux de sang.

Les auteurs ne se servent pas communément du mot hématocele. On le trouve employé par Ingrassias dans ses commentaires sur Avicenne, ou traité des tumeurs contre nature. M. Bertrandi s'en est servi dans les mémoires de l'académie de Chirurgie : il exprime une maladie particuliere, qui mérite bien d'avoir un nom propre. (Y).


HÉMATOSES. f. haematosis, terme de Medecine, action naturelle par laquelle le chyle se convertit en sang : on l'appelle autrement sanguification. Voyez SANGUIFICATION. Ce mot vient du grec , sang. Les principales des actions vitales sont la chylose & l'hématose. Voyez CHYLOSE, SANG, &c. Dictionn. de Trévoux.


HÉMAU(Géog.) petite ville d'Allemagne, dans le haut Palatinat, près de Ratisbonne.


HÉME(Hydr.) Voyez REPERE.


HÉMÉRALOPIES. f. terme de Chirurgie, maladie des yeux. C'est une affection de la rétine devenue si sensible aux impressions de la lumiere, que cette membrane en est blessée pendant le jour, & qu'on ne voit que pendant la nuit. Cet état est naturel en quelques oiseaux, tels que le hibou : il est contre nature dans l'homme. Hippocrate en a parlé, & appelle cette maladie nyctalopie, & ceux qui en sont affectés, nyctalopes.

L'aveuglement de jour est quelquefois l'effet des maladies des paupieres ; les maladies les tiennent fermées pendant le jour, pour éviter la douleur que la grande lumiere leur causeroit. La vraie héméralopie est une maladie de la rétine, qui consiste dans la sensibilité augmentée de cette membrane. C'est ordinairement l'effet d'une disposition inflammatoire. Les signes qui manifestent cette maladie, se tirent de la déclaration du malade & de l'inspection de la prunelle. Elle se resserre extraordinairement à la présence de la lumiere, beaucoup plus que la vivacité des rayons lumineux qui la frappent ne le permet dans l'état naturel.

L'héméralopie est presque toûjours un symptome ou un accident de quelques maladies. On l'a vue survenir, après de violentes douleurs de tête, après des accès épileptiques, à la suite des vapeurs violentes, & d'autres maladies qui peuvent déterminer l'engorgement des vaisseaux de la pie-mere. La structure de la rétine, la connoissance de l'origine & des dépendances de cette membrane, rendent raison de ces phénomenes.

Quand la maladie est causée par une disposition inflammatoire, de quelle cause qu'elle vienne, elle se termine quand les maladies principales cessent : elle dure long-tems, quand ces maladies se rendent habituelles. Le symptome pourroit subsister après la guérison parfaite de la maladie principale ; les délayans, les purgatifs, & un cautere ou séton à la nuque pourront remplir les vues qu'on doit se proposer pour détourner la fluxion de la rétine. Voyez CAUTERE, SETON. (Y)


HEMEROBAPTISTESS. m. (Hist. anc.) secte parmi les anciens Juifs, ainsi nommés, parce qu'ils se lavoient & se baignoient tous les jours & dans toutes les saisons de l'année. Voyez BAPTEME.

S. Epiphane, en faisant mention de cette hérésie, comme étant la quatrieme qui s'étoit élevée parmi les Juifs, observe que les Hémérobaptistes pensoient sur les autres points de religion à-peu-près comme les Scribes & les Pharisiens, si ce n'est qu'ils nioient encore la résurrection des morts comme les Saducéens, & qu'ils donnoient dans quelques autres impiétés de ces derniers.

D'Herbelot parle de ces hérétiques comme d'une secte qui subsiste jusqu'à présent. Les disciples de S. Jean Baptiste, dit-il, qui dans les premiers siecles de l'Eglise s'appelloient Hémérobaptistes, formerent une secte, ou plutôt une religion séparée, sous le nom de Mendaï Jahia. Ces gens-là, que nos voyageurs appellent Chrétiens de S. Jean-Baptiste, parce que leur baptême est fort différent du nôtre, ont été confondus avec les Sabéens, quoiqu'il y ait une grande différence entre ces deux sectes. Voyez SABEENS. Voyez le dict. de Trévoux.


HEMEROCALLES. f. ou FLEUR D'UN JOUR, Lilium purpuro croceum majus, (Bot.) est une espece de lis orangé, & par conséquent une plante bulbeuse, qui pousse de longues feuilles, d'où il s'éleve une tige de trois piés de haut, garnie de feuilles d'un verd obscur luisant, portant une fleur à tête, qui s'épanouit & devient comme une tulipe de couleur rouge, ce qui lui fait donner le nom de lis orangé ou lis sauvage. Cette fleur paroît en été, & se plante en Octobre ; elle se gouverne comme le lis, mais elle est de peu de durée. (K)


HEMERODROMESsub. m. pl. (Hist. anc.) c'étoient chez les anciens des sentinelles ou des gardes qui veilloient à la sûreté des villes. V. GARDE. Ils sortoient le matin de la ville, quand on en ouvroit les portes ; & pendant tout le jour ils rodoient autour, & s'avançoient même au loin dans la campagne pour observer s'il n'y avoit point quelque corps d'ennemis qui approchât pour la surprendre. C'est ce que nous appellons batteurs d'estrade.

Les hémérodromes étoient aussi chez les anciens des couriers qui ne marchoient qu'un jour, & qui donnoient leurs dépêches à un autre qui couroit le jour suivant, & ainsi de même jusqu'au terme. Voyez COURIER.

Les anciens Grecs se servoient de ces sortes de couriers, qu'ils avoient pris des Perses, qui en furent les inventeurs, comme il paroît par Hérodote. Auguste fit la même chose, ou du-moins il établit des couriers, lesquels, s'ils ne se relevoient pas tous les jours, se relevoient d'espace en espace, & ces espaces n'étoient pas grands. Dict. de Trévoux. (G)


HEMEROSCOPIUM(Géogr.) ancienne ville d'Espagne : Strabon la nomme célebre ; & comme il ajoute qu'il y a sur le promontoire un temple consacré à Diane d'Ephese, cette remarque fait voir que c'est le même lieu qui fut ensuite nommé, à cause de ce temple, Dianium ; aujourd'hui Denia. Cette ville avoit été bâtie par une colonie des Massiliens. (D.J.)


HEMI(Mathém.) ce mot entre dans la composition de quelques termes des sciences & des arts. Il signifie demi, & est un abrégé du mot grec , hemisis, qui signifie la même chose. Les Grecs retranchent la derniere syllabe du mot dans la composition des mots, & nous l'avons fait à leur exemple dans la composition des mots que nous avons pris d'eux. Chambers, & diction. de Trévoux. (E)

HEMI, en Musique. Voyez (SEMI.)


HEMI-SPHÉROIDES. m. terme de Géométrie, est proprement la moitié d'un sphéroïde, c'est-à-dire d'un solide qui approche de la figure d'une demi-sphere. Voyez SPHEROIDE. (E)


HEMICRANIES. f. Maladie, c'est une sorte d'affection dolorifique, qui a son siége dans différentes parties externes de la tête. Voy. MIGRAINE.


HÉMICYCLEHÉMICYCLE

Cette invention partoit d'un homme très-célebre dans l'Astronomie ; Bérose, le fameux historien de Babylone, vivoit du tems d'Alexandre, & au commencement du regne d'Antiochus Soter, qui prit le surnom de Théos ; il lui dédia son histoire, laquelle contenoit les observations astronomiques de 480 ans. Il enseigna cette science à Cos, patrie d'Hippocrate, & de-là se rendit à Athènes, où on éleva à sa gloire dans le gymnase une statue avec une langue d'or ; mais il lui falloit élever une statue tenant de la main un hémicycle. (D.J.)

HEMICYCLE, (Architect.) se dit particulierement en architecture des arcs de voutes en plein ceintre, & qui forment un demi-cercle parfait ; alors on divise l'hémicycle en tant de voussoirs que la grandeur de l'arc & la qualité des matériaux l'exigent ; mais il faut qu'ils soient en nombre impair, afin que les joints ne se trouvent point dans le milieu, mais au contraire observer que ce soit une seule pierre que l'on nomme clé, qui serve à fermer l'arc, & à tenir en équilibre les voussoirs. Voyez CLE. On appelloit aussi hémicycle une partie de l'orchestre du théâtre des anciens. (P)


HEMIMONTUS(Géograph. anc.) contrée de la Thrace, ainsi nommée du mont Haemus : on appella d'abord Haemimontani ceux qui habitoient le mont Haemus ; & dans un siecle postérieur, on en fit une province nommée Haemimontus. La province du mont Haemus étoit entre la seconde Moesie & l'Europe. Elle avoit la Thrace propre à l'occident, la province de Rhodope au sud, l'Europe propre à l'est, la seconde Moesie & la Scythie au nord. Selon les notices ecclésiastiques, elle avoit cinq ou six diocèses épiscopaux, dont le métropolitain prenoit la qualité d'exarque. (D.J.)


HEMINES. f. (Littérat.) vaisseau servant de mesure chez les Romains, & qui contenoit, suivant l'opinion la plus vraisemblable, dix onces de vin, ou neuf onces d'huile ; cependant, selon Fernel & Garaut chef de notre cour des Monnoies, l'hémine romaine revient au demi-septier de Paris, qui ne contient que huit onces de liqueur. Festus prétend que l'hémine est ainsi nommée du grec , moitié, parce qu'elle est la moitié du sextier romain, ce qui est confirmé par Aulu-Gelle, lib. III. cap. jv.

Apulée déclare aussi que la cotyle des Grecs & l'hémine romaine étoient synonymes, & que toutes deux se prenoient pour demi-sextier ; de sorte qu'ils appelloient quelquefois l'hémine, la cotyle d'Italie. Au reste, les Grecs avoient coutume de mettre dans les temples les originaux de toutes les mesures liquides & solides, pour y avoir recours quand on voudroit les vérifier. Les Romains & les Juifs en usoient de même, & nos législateurs modernes ont adopté ce sage réglement : l'on garde, par exemple, dans l'hôtel de ville de Paris, les étalons des mesures & des poids de cette capitale.

M. Arnaud a donné une dissertation curieuse sur l'hémine, on peut la consulter ; mais rien n'a répandu tant de lumieres sur ce sujet, que les ouvrages de divers savans qui en ont disputé dans le dernier siecle ; je veux parler entr'autres de ceux de MM. Pelletier, Lancelot, Martenne & Mabillon, publiés à l'occasion de l'hémine de vin que S. Benoît ordonne à ses religieux par jour ; car pour déterminer ce qu'il faut entendre par l'hémine de S. Benoît, si c'étoit huit, dix ou douze onces, plus ou moins, ou si c'étoit une mesure particuliere à cet ordre, les habiles gens que je viens de nommer ont tellement épuisé dans leurs contestations tout ce qui concerne l'hémine des anciens, qu'ils n'ont rien laissé à desirer, ni à glaner après eux. (D.J.)

HEMINE, (Commerce) que l'on écrit aussi ÉMINE ou ESMINE, grande mesure de grains en usage en plusieurs endroits de France, & en quelques ports des côtes de Barbarie. L'hémine n'est pas néanmoins une mesure effective, comme peuvent être le boisseau ou le minot ; mais, pour ainsi dire, une espece de mesure de compte, ou un composé de plusieurs autres certaines mesures. A Auxonne, l'hémine est de 15 boisseaux du pays, qui reviennent à deux septiers neuf boisseaux un tiers de Paris. L'hémine de Maxilli contient 25 boisseaux de ce lieu, qui sont égaux à trois septiers de Paris. A S. Jean de Laune, l'hémine est de 17 boisseaux du pays, qui rendent à Paris deux septiers 10 boisseaux. A Marseille, l'hémine de blé est estimée peser 75 liv. poids de lieu, ou 60 liv. peu plus, poids de marc : elle se divise en huit sivadieres. En Barbarie, l'hémine est semblable à neuf boisseaux de Paris. L'hémine est aussi en usage en Languedoc, particulierement à Agde, à Béziers & à Narbonne : l'hémine d'Agde est de deux septiers, & pese 120 livres ; celle de Béziers, hors la rase, donne deux pour cent de plus, & pese 122 livres ; l'hémine de Narbonne, dont les deux font le septier, pese 65 liv. A Montpellier, l'hémine se divise en deux quartes. Deux hémines font le septier, & six hémines font un mude & demi d'Amsterdam. A Castres, l'hémine contient quatre mégeres, & la mégere quatre boisseaux ; il faut deux hémines pour faire le septier. A Châlons & à Dijon, l'hémine est égale : celle de froment pese 45 liv. poids de marc ; celle de méteil 43, celle de seigle 41, & celle d'avoine 25 l. A Auxonne : on a déjà dit quelque chose de son hémine ; on ajoutera que celle de froment pese 27 livres, celle de méteil 26, celle de seigle 25, & celle d'avoine 20. A Dole, Pontarlier & Salins, l'hémine de froment pese 60 liv. celle de méteil 59, & celle de seigle 58 livres. A Villers-Suxel & Montjutin, l'hémine de froment pese 45 liv. celle de méteil 44, & celle de seigle 43. A Montbelliard, Héricour & Blamont, l'hémine de froment pese 40 liv. celle de méteil 39, & celle de seigle 38. Toutes ces réductions sont faites au poids de marc. Diction. du Commerce. (G)


HÉMIOLEsubst. f. ancien terme de Mathématique consacré en quelque maniere à la Musique. Il signifie le rapport de deux choses, dont l'une contient l'autre une fois & demie, comme 3, 2, ou 15, 10. On l'appelle autrement sesquialtere.

C'est de ce rapport que naît la consonnance appellée diapente ou quinte, & l'ancien rythme sesquialtere en naissoit aussi. Voyez RYTHME.

Les anciens auteurs italiens donnent encore le nom d'hémiole ou hémiolie à cette espece de triple dont chaque tems est une note notoire ; si elle est sans queue, la mesure s'appelle hémiolia maggiore, parce qu'elle se bat plus lentement, & qu'il faut deux noires à queue pour chaque tems. Si chaque tems ne contient qu'une noire à queue, la mesure se bat du double plus vîte, & s'appelle hemiolia minore. (S)


HÉMIOLIENadj. en Musique, ou sesquialtere ; c'est le nom que donne Aristoxene à l'une des trois especes du genre chromatique, dont il explique les divisions. Le tétracorde en est partagé en trois intervalles, dont les deux premiers ont chacun cinq douziemes de ton, & le troisieme, par conséquent, cinq tiers. Voyez TETRACORDE. (S)


HÉMIOPES. f. (Musique) nom d'un instrument qui étoit en usage chez les anciens. Ce mot vient de , demi, & , trou. L'hémiope étoit une flûte qui n'avoit que trois petits trous. Voyez FLUTE DE TAMBOURIN. (S)


HÉMIPLÉGIES. f. (Médecine) espece de maladie qui consiste dans la privation du sentiment ou du mouvement ; souvent même de l'un & de l'autre, de tout un côté du corps, de la tête aux piés. Voyez PARALYSIE.


HÉMISPHERES. m. terme de Géométrie, est la moitié d'un globe ou d'une sphere terminée par un plan qui passe par son centre. Voyez SPHERE. Ce mot est composé de , demi, & , sphere ou globe.

Si le diametre d'une sphere est égal à la distance des deux yeux, & que la ligne droite tirée du centre de la sphere sur le milieu de cette distance soit perpendiculaire à la ligne qui joint les deux yeux, on doit appercevoir tout l'hémisphere. Si la distance des deux yeux est plus grande ou plus petite que le diametre de la sphere, on verra plus ou moins un hémisphere. Voyez VISION.

Le centre de gravité d'un hémisphere est éloigné de son sommet des cinq huitiemes du rayon. Voyez CENTRE DE GRAVITE.

Hémisphere, en terme de Géographie, se dit de la moitié du globe terrestre. Voyez GLOBE.

L'équateur divise la sphere en deux parties égales, dont l'une est appellée hémisphere septentrional, & l'autre hémisphere méridional. Voyez EQUATEUR.

L'hémisphere septentrional est celui qui a le pole du nord à son sommet. Tel est celui qui est représenté par D P A (Pl. astronom. fig. 52.) terminé par l'équateur D A, & qui a le pole arctique P à son zénith. Voyez POLE & ARCTIQUE.

L'hémisphere méridional est cette autre moitié A D Q terminée par l'équateur D A, qui a le pole antarctique Q à son zénith. Voyez ANTARCTIQUE.

L'horison divise encore la sphere en deux hémispheres, l'un supérieur, & l'autre inférieur. Voyez HORISON.

L'hémisphere supérieur est celui de la sphere du monde H Z R, qui est terminé par l'horison H R, & qui a le zénith Z à son sommet. Voyez ZENITH.

L'hémisphere inférieur est l'autre moitié H N R terminée par l'horison H R, qui a le nadir N à son sommet. Voyez NADIR.

Hémisphere est encore un plan ou projection de la moitié du globe terrestre ou céleste sur une surface plane. Voyez CARTE & PROJECTION. Cette projection est appellée plus proprement planisphere. Voyez PLANISPHERE. Chambers. (E)


HÉMISTICHEsub. m. (Littérature) moitié de vers, demi-vers, repos au milieu du vers. Cet article qui paroît d'abord une minutie, demande pourtant l'attention de quiconque veut s'instruire. Ce repos à la moitié d'un vers, n'est proprement le partage que des vers alexandrins. La nécessité de couper toûjours ces vers en deux parties égales, & la nécessité non moins forte d'éviter la monotonie, d'observer ce repos & de le cacher, sont des chaînes qui rendent l'art d'autant plus précieux, qu'il est plus difficile.

Voici des vers techniques qu'on propose (quelque foibles qu'ils soient) pour montrer par quelle méthode on doit rompre cette monotonie, que la loi de l'hémistiche semble entraîner avec elle.

Observez l 'hémistiche, & redoutez l'ennui

Qu'un repos uniforme attache auprès de lui.

Que votre phrase heureuse, & clairement rendue

Soit tantôt terminée, & tantôt suspendue ;

C'est le secret de l'Art. Imitez ces accens

Dont l'aisé Géliotte avoit charmé nos sens :

Toûjours harmonieux, & libre sans licence,

Il n'appesantit point ses sons & sa cadence.

Sallé, dont Terpsicore avoit conduit les pas,

Fit sentir la mesure, & ne la marqua pas.

Ceux qui n'ont point d'oreilles n'ont qu'à consulter seulement les points & les virgules de ces vers ; ils verront qu'étant toûjours partagés en deux parties égales, chacune de six syllabes, cependant la cadence y est toûjours variée, la phrase y est contenue ou dans un demi-vers, ou dans un vers entier, ou dans deux. On peut même ne complete r le sens qu'au bout de six ou de huit ; & c'est ce mélange qui produit une harmonie dont on est frappé, & dont peu de lecteurs voyent la cause.

Plusieurs dictionnaires disent que l'hémistiche est la même chose que la césure, mais il y a une grande différence : l'hémistiche est toûjours à la moitié du vers ; la césure qui rompt le vers est par-tout où elle coupe la phrase.

Tien. Le voilà. Marchons. Il est à nous. Vien. Frappe.

Presque chaque mot est une césure dans ce vers.

Hélas, quel est le prix des vertus ? La souffrance.

Dans les vers de cinq piés ou de dix syllabes, il n'y a point d'hémistiche, quoi qu'en disent tant de dictionnaires ; il n'y a que des césures ; on ne peut couper ces vers en deux parties égales de deux piés & demi.

Ainsi partagés, | boiteux & malfaits,

Ces vers languissans | ne plairoient jamais.

On en voulut faire autrefois de cette espece dans le tems qu'on cherchoit l'harmonie qu'on n'a que très-difficilement trouvée. On prétendoit imiter les vers pentametres latins, les seuls qui ont en effet naturellement cet hémistiche ; mais on ne songeoit pas que les vers pentametres étoient variés par les spondées & par les dactiles ; que leurs hémistiches pouvoient contenir ou cinq, ou six, ou sept syllabes. Mais ce genre de vers françois au contraire ne peuvent jamais avoir que des hémistiches de cinq syllabes égales, & ces deux mesures étant trop rapprochées, il en résultoit nécessairement cette uniformité ennuyeuse qu'on ne peut rompre, comme dans les vers alexandrins. De plus, le vers pentametre latin venant après un hexametre, produisoit une variété qui nous manque.

Ces vers de cinq piés à deux hémistiches égaux pourroient se souffrir dans des chansons : ce fut pour la Musique que Sapho inventa chez les Grecs une mesure à-peu-près semblable, qu'Horace les imita quelquefois lorsque le chant étoit joint à la Poésie, selon sa premiere institution. On pourroit parmi nous introduire dans le chant cette mesure qui approche de la saphique.

L'amour est un dieu | que la terre adore,

Il fait nos tourmens, | il sait les guérir.

Dans un doux repos | heureux qui l'ignore !

Plus heureux cent fois | qui peut le servir.

Mais ces vers ne pourroient être tolérés dans des ouvrages de longue haleine, à cause de la cadence uniforme. Les vers de dix syllabes ordinaires sont d'une autre mesure ; la césure sans hémistiche est presque toûjours à la fin du second pié, desorte que le vers est souvent en deux mesures, l'une de quatre, l'autre de six syllabes ; mais on lui donne aussi souvent une autre place, tant la variété est nécessaire.

Languissant, foible, & courbé sous les maux,

J'ai consumé mes jours dans les travaux :

Quel fut le prix de tant de soins ? L'envie.

Son souffle impur empoisonna ma vie.

Au premier vers la césure est après le mot foible ; au second après jours ; au troisieme elle est encore plus loin après soins ; au quatrieme elle est après impur.

Dans les vers de huit syllabes il n'y a jamais d'hémistiche, & rarement de césure.

Loin de nous ce discours vulgaire,

Que la nature dégenere,

Que tout passe & que tout finit.

La nature est inépuisable,

Et le travail infatigable

Est un dieu qui la rajeunit.

Au premier vers s'il y avoit une césure, elle seroit à la troisieme syllabe, loin de nous ; au second vers à la quatrieme syllabe, nature. Il n'est qu'un cas où ces vers consacrés à l'ode ont des césures, c'est quand le vers contient deux sens complets comme dans celui-ci.

Je vis en paix, je fuis la cour.

Il est sensible que je vis en paix, forme une césure ; mais cette mesure répétée seroit intolérable. L'harmonie de ces vers de quatre piés consiste dans le choix heureux des mots & des rimes croisées : foible mérite sans les pensées & les images.

Les Grecs & les Latins n'avoient point d'hémistiche dans leurs vers hexametres ; les Italiens n'en ont dans aucune de leurs poésies.

Le donne, j cavalier, l'armi, gli amori,

Le cortésie, l'audaci imprese jo canto

Che furo al tempo che passaro j mori

D'africa il mar, e in francia nocquer tanto, &c.

Ces vers sont composés d'onze syllabes, & le génie de la langue italienne l'exige. S'il y avoit un hémistiche, il faudroit qu'il tombât au deuxieme pié & trois quarts.

La Poésie angloise est dans le même cas ; les grands vers anglois sont de dix syllabes ; ils n'ont point d'hémistiche, mais ils ont des césures marquées.

At tropington | not far from cambridge, stood

A cross a pleasing stream | a bridge of wood,

Near it a mill | in low and plashy ground,

Where corn for all the neighbouring parts | was grown'd.

Les césures différentes de ces vers sont désignées par les tirets |.

Au reste, il est peut-être inutile de dire que ces vers sont le commencement de l'ancien conte du berceau, traité depuis par la Fontaine. Mais ce qui est utile pour les amateurs, c'est de savoir que nonseulement les Anglois & les Italiens sont affranchis de la gêne de l'hémistiche, mais encore qu'ils se permettent tous les hiatus qui choquent nos oreilles, & qu'à cette liberté ils ajoutent celle d'allonger & d'accourcir les mots selon le besoin, d'en changer la terminaison, de leur ôter des lettres ; qu'enfin, dans leurs pieces dramatiques, & dans quelques poëmes, ils ont secoué le joug de la rime : de sorte qu'il est plus aisé de faire cent vers italiens & anglois passables, que dix françois, à génie égal.

Les vers allemands ont un hémistiche, les espagnols n'en ont point : tel est le génie différent des langues, dépendant en grande partie de celui des nations. Ce génie qui consiste dans la construction des phrases, dans les termes plus ou moins longs, dans la facilité des inversions, dans les verbes auxiliaires, dans le plus ou moins d'articles, dans le mêlange plus ou moins heureux des voyelles & des consonnes : ce génie, dis-je, détermine toutes les différences qui se trouvent dans la poésie de toutes les nations ; l'hémistiche tient évidemment à ce génie des langues.

C'est bien peu de chose qu'un hémistiche ; ce mot sembloit à peine mériter un article ; cependant on a été forcé de s'y arrêter un peu ; rien n'est à mépriser dans les Arts ; les moindres regles sont quelquefois d'un très-grand détail. Cette observation sert à justifier l'immensité de ce Dictionnaire, & doit inspirer de la reconnoissance pour les peines prodigieuses de ceux qui ont entrepris un ouvrage, lequel doit rejetter à la vérité toute déclamation, tout paradoxe, toute opinion hasardée, mais qui exige que tout soit approfondi. Article de M. DE VOLTAIRE.


HÉMITRITÉE(Maladie) c'est une épithete que les Grecs ont donnée à une sorte de fievre, qui étant de sa nature continue, exacerbante, c'est-à-dire avec redoublement, tient cependant du caractere de la fievre intermittente tierce, par le type ou l'ordre de ses redoublemens : c'est l', febris hemitritaea seu semi-tertiana, de Galien, de Sennert.

La fievre hémitritée, ou l'hémitritée, ce mot étant souvent employé substantivement, ou ce qui est la même chose, la demi-tierce, est donc cette espece de fievre dans laquelle, outre les redoublemens de la fievre continue quotidienne, dont les retours sont reglés, il survient encore de deux en deux jours un redoublement plus considérable qui se fait sentir à la même heure, & correspond aux accès de l'espece de fievre intermittente, appellée tierce : en sorte que chaque troisieme jour, à compter du premier accès, il y a deux redoublemens, c'est-à-dire, celui de la fievre quotidienne & celui de la fievre tierce, intermittente, qui est comme entée sur la continue ; & le jour intermédiaire n'a qu'un redoublement, qui est de celle-ci : ainsi la fievre ne cesse point, ne diminue point jusqu'à l'apyrexie, jusqu'à l'intermittence complete ; mais dans la diminution de tous les symptomes, dans la rémission surviennent tous les jours des redoublemens de quotidienne continue, & de plus de deux jours en deux jours, des paroxysmes tiercenaires, qui sont encore plus forts que les autres, & tels qu'ils paroissent dans la véritable fievre intermittente tierce.

On doit cependant observer qu'il y a trois sortes de fievres, auxquelles les anciens ont donné le nom d'hémitritée ; savoir, 1°. la fievre tierce intermittente, dont les accès deviennent si longs, que celui qui doit suivre, commence avant que le précédent soit bien fini ; en sorte qu'il n'y a plus d'intermittence marquée. Telle étoit l'hemitritée de Celse, à laquelle on peut rapporter celle qui de double tierce devient par l'extension de ses paroxysmes, fievre continue-remittente. 2°. L'hémitritée de Galien, qui est une complication de la fievre continue avec des redoublemens, de la quotidienne, & de la fievre tierce intermittente, telle qu'elle a été caractérisée ci-devant. 3°. Enfin, l'hémitritée, qui est formée de l'union de la fievre continue sans redoublemens, avec la continue qui a des redoublemens tiercenaires.

C'est l'hémitritée de Galien, qui est la plus connue des auteurs, & dont il est le plus fait mention dans les observations de pratique : c'est aussi de celle-là que l'on trouve la description la plus circonstanciée ; Lommius l'a fait ainsi, medic. Observ. lib. I.

Tous les accès ou redoublemens de cette fievre commencent par le froid, & finissent par la sueur : mais dans les accès tiercenaires, le froid est plus fort avec tremblement, suivi d'une chaleur plus ardente, d'une grande soif, & à la fin d'une sueur plus abondante ; au lieu que dans les accès qui appartiennent à la quotidienne, le froid est moins considérable, sans tremblement ; la chaleur qui suit est plus douce & sans soif ; le poulx est moins élevé, & ce n'est qu'une moiteur qui survient à la fin des paroxysmes : mais dans les uns & dans les autres, le malade n'est jamais sans fievre.

Une telle complication de fievre continue & de fievre intermittente a de quoi paroître singuliere ; mais quoiqu'elle soit très-rare, elle a été observée par un grand nombre d'auteurs dignes de foi. Le célebre Van Swieten dit (comment. Boerhaav. §. 738.) avoir vû un homme sujet à la fievre quarte, qui, ayant été attaqué d'une pleurésie, n'en eut pas moins les accès bien marqués de cette fievre intermittente, malgré la fievre continue inflammatoire & les remedes qui furent employés pour la combattre.

La fievre hémitritée est trop compliquée pour n'être pas dangereuse : aussi a-t-on observé qu'elle est très-souvent incurable, & devient en peu de jours mortelle, à la suite des symptomes violens qui affectent principalement l'estomac & les parties nerveuses ; ce qui dépend des humeurs bilieuses qui dominent dans la masse du sang, d'où souvent aussi les affections soporeuses, spasmodiques, les insomnies, avec délire & syncope ; en un mot, tout ce qui peut caractériser une fievre de mauvaise nature.

Mais le prognostic est en général plus ou moins fâcheux, à proportion que les paroxysmes tiercenaires sont plus ou moins violens. On doit en conséquence, tirer les indications du caractere le plus dominant de la fievre quotidienne ou de la fievre tierce continue, & satisfaire à ce qui est indiqué, en suivant ce qui est prescrit dans la cure de ces différentes sortes de fievre. Voyez FIEVRE, FIEVRE QUOTIDIENNE, TIERCE, CONTINUE & INTERMITTENTE.


HÉMONou THERMODON, s. m. (Géogr. anc.) fleuve de Béotie, qui traversoit la ville de Chéronée, & se joignoit au Céphyse.


HÉMONIES. f. (Géog. anc.) la partie septentrionale de Thrace ; elle s'étendoit entre le mont Hémo ou Costignazzo, la Mariza, jusqu'au Pont-Euxin. Andrinople, Anchilaüs & Nicopolis en étoient les lieux principaux.


HÉMOPHOBES. m. (Médecine) , hemophobus, Galien lib. IX. de meth. med. c. v. fait usage de ce terme pour désigner un medecin qui est timide à prescrire des saignées. Lexic. Castell. Voyez SAIGNEE.


HÉMOPTYSIES. f. (Maladie) , haemoptysis. Ce terme est employé pour désigner l'espece d'expectoration lésée quant à la matiere dans laquelle on rend du sang, ou des crachats sanglans. Voyez EXPECTORATION.

Il n'y a point de viscere qui soit sujet à de plus fréquentes & à de plus considérables maladies, que les poûmons : la raison s'en présente aisément ; si l'on fait attention à la foiblesse de son organisation, à l'effort qu'il est exposé à soutenir continuellement de la part du sang qu'il reçoit dans son grand système artériel ; si l'on considere combien il doit être affecté par l'action dans laquelle il est, sans interruption, pour l'entretien de la respiration ; combien il peut éprouver de différentes impressions, par l'effet des différentes qualités de l'air qui ne cesse d'entrer & de sortir alternativement dans les conduits destinés à le contenir.

Mais il n'y a point de lésion de ce viscere qui soit plus importante que l'hémoptysie, tant par-elle même & la conséquence de ces symptomes actuels, que par rapport aux suites que peut avoir cette maladie ; puisqu'elle produit le plus souvent la phthisie pulmonaire. Après le crachement, c'est-à-dire l'expectoration de sang, on doit toûjours, selon l'observation d'Hippocrate, craindre qu'il ne suive un crachement de pus.

Ainsi l'hémoptysie consiste dans une éjection par la bouche, de sang vermeil & écumeux, sorti des poûmons, accompagnée ou, pour mieux dire, précédée de la toux & d'un peu de gêne dans la respiration, avec un sentiment d'ardeur dans quelque partie de la poitrine, & de douleur pungitive ou semblable à celle que procure une solution actuelle de continuité, par l'effet de quelque déchirement dans une partie sensible.

L'hémoptysie propremenr dite est sans fievre inflammatoire.

Les causes qui disposent à l'hémoptysie, sont la foiblesse naturelle du tissu des vaisseaux pulmonaires, qui est souvent aussi un vice héréditaire dans les sujets en qui on observe qu'elle est respectivement plus considérable que dans d'autres ; la quantité du sang qui engorge les vaisseaux pulmonaires ; la qualité des humeurs qui péchent par l'épaississement, ou par l'acrimonie dissolvante, les obstructions formées dans les vaisseaux lymphatiques du poûmon, qui produisent des tubercules, des abscès, des ulceres.

De ces différentes causes s'ensuivent des dilatations forcées, anévrysmales, variqueuses dans les vaisseaux sanguins ; des erreurs de lieu dans les autres vaisseaux ; des engorgemens dans les différentes parties relâchées de ce viscere ; des resserremens, des compressions dans les conduits des humeurs & de l'air même, qui gênent, qui empêchent le libre cours de ces fluides ; ce qui donne lieu, par rapport au sang, à ce que l'impulsion que ce fluide continue à recevoir, force les obstacles & produit la rupture des vaisseaux dont l'embarras ne peut être surmonté d'une maniere moins violente ; tandis que les voies de l'air remplies par les vaisseaux dilatés outre mesure, ou par les fluides épanchés, éprouvent un embarras qui fait nécessairement celui de la respiration.

Les causes qui accélerent les effets des différentes dispositions à l'hémoptysie, sont 1°. la pléthore générale ; qu'elle soit produite réellement par une suite des suppressions des différentes evacuations habituelles, ou par l'excès d'alimens, ou qu'elle soit l'effet de l'agitation extraordinaire du sang, par l'abus des boissons spiritueuses, des alimens irritans. 2°. La rétropulsion de différentes éruptions cutanées ; telle que la galle, les dépots érésypélateux, dont la matiere se porte par métastase dans la substance des poûmons. 3°. Tout ce qui peut donner lieu à une trop grande action, à de violentes secousses dans les parties solides de ce viscere, comme les ris immodérés, l'excès dans l'exercice de la voix, par la declamation, le chant, les cris, le jeu des instrumens à vent par le moyen du souffle, les coups portés à la poitrine, les fortes commotions ou contusions dans cette partie, la toux fréquente & violente, excitée par cause externe ou interne ; ensorte que la toux peut produire l'hémoptysie, comme elle en est ordinairement un symptome. Voyez TOUX.

Il résulte donc de ces différentes causes déterminantes, qu'il se fait des dilatations forcées, des ruptures, des déchiremens de vaisseaux sanguins dans les parties des poûmons qui en sont susceptibles ; que le sang épanché dans les canaux aëriens produit une irritation dans la membrane délicate, & douée d'une grande irritabilité, dont ils sont tapissés, soit par le seul contact d'une matiere étrangere à ces cavités, soit par l'acrimonie dont cette humeur est déja viciée, ou par celle qu'elle contracte pour peu qu'elle soit arrêtée dans ces conduits ; que cette irritation excitée dans les membranes bronchiques, & par communication dans tous les organes de la respiration, occasionne des mouvemens de contraction répétés d'une maniere convulsive, qui constituent la toux, & operent l'expectoration violente qui suit, du sang ou des mucosités sanglantes chargées de bulles d'air, qui y sont mêlées, par l'agitation, le foüettement, pour ainsi dire, qu'elles ont éprouvé avant que d'être chassées des cavités bronchiques ; ce qui rend les crachats écumeux Voyez ÉCUME.

Il faut cependant observer que le crachement de sang peut aussi arriver, sans qu'il se fasse aucun déchirement, aucune sorte de solution de continuité dans les vaisseaux pulmonaires ; que l'hémoptysie peut avoir lieu, par la seule dilatation des orifices des vaisseaux lymphatiques, ou des vaisseaux sécrétoires & excrétoires des poûmons ; en tant que la dilatation des vaisseaux sanguins, d'où partent ces autres vaisseaux, force ceux-ci peu-à-peu à recevoir des globules sanguins qui y sont portés, comme il a été dit, par erreur de lieu. (Voyez ERREUR DE LIEU) ; & en parcourant le trajet, jusqu'à ce qu'ils parviennent à leurs extrémités, qui aboutissent dans les voies aëriennes : telle est la matiere la plus ordinaire dont se fait le crachement de sang, à la suite des suppressions des menstrues, des hémorrhoïdes ; d'où s'ensuit que l'hémoptysie ne produit pas toûjours la phthisie, qui consiste dans une suppuration de quelques parties des poûmons, qui n'a jamais lieu sans solution de continuité dans les solides affectés.

Le concours des symptômes qui ont été rapportés ci-devant, comme constituant l'hémoptysie, en forment le signe caractéristique, sur-tout si on y joint quelques-unes des causes prédisponentes qui ont été mentionnées : au surplus, on y observe constamment, d'une maniere plus ou moins marquée, que dans les cas où l'hémoptysie est une évacuation subsidiaire de quelque hémorrhagie habituelle ou critique, elle s'annonce ordinairement par un sentiment de pesanteur, & même de douleur gravative, dans la poitrine ; par une sorte de constriction spasmodique dans le bas-ventre ; par des flatuosités dans les premieres voies, par une horripilation comme fébrile, avec froid aux extrémités, & resserrement dans les vaisseaux sanguins qui se trouvent à la surface du corps ; ce qui produit une pâleur dans toute son habitude.

Il s'ensuit de tous ces symptomes, qu'il se passe quelque chose d'actif dans ces circonstances, que l'on ne peut attribuer qu'à une sorte de mouvement tonique, par lequel toutes les parties externes & internes se tendent pour ainsi dire, contre les poûmons, pour déterminer le cours des humeurs, la plus grande impulsion du sang respectivement vers ce viscere, & y donner lieu à l'excrétion hémoptoïque ; sans-doute parce que l'équilibre systaltique est rompu à l'égard de ses vaisseaux, dans quelqu'une de ses parties. Voyez EQUILIBRE (écon. anim.) HEMORRHAGIE.

On peut inférer aisément de tout ce qui a été dit du crachement de sang, que ce ne peut être qu'une lésion de fonctions toujours très-importante, & accompagnée de danger plus ou moins grand, selon la nature de sa cause. S'il est produit par la rupture de quelques vaisseaux considérables, il peut se répandre une si grande quantité de sang dans les voies de l'air, que ce fluide-ci ne pouvant plus y pénétrer, & le jeu de la respiration cessant en consequence, le malade meurt suffoqué. Voyez SUFFOCATION. Si ce sont seulement de petits vaisseaux pulmonaires qui sont déchirés, & qui donnent du sang, il y a tout lieu de craindre que les petites plaies qui en résultent, ne viennent à suppuration, & qu'il ne s'ensuive une véritable phthisie, qui mene tôt ou tard à une mort prématurée. L'hémoptysie, qui est causée par une simple dilatation de vaisseaux de différens genres, qui établit l'erreur de lieu, sans solution de continuité, est la moins dangereuse : elle est le plus souvent sans suite après que la cause procathartique a été emportée.

Quoiqu'il semble n'y avoir dans cette maladie qu'une seule indication à remplir, qui est d'employer les moyens propres à faire fermer les vaisseaux qui fournissent la matiere de l'évacuation contre nature ; il y a cependant bien des manieres différentes de s'y prendre pour produire cet effet, & bien des attentions à faire dans le choix des moyens, eu égard à la nature de la cause du mal : si elle dépend de la pléthore, & sur-tout dans le cas où quelque évacuation ordinaire se trouve supprimée, on doit avoir recours à tout ce qui peut diminuer le volume du sang, de la maniere différente dont l'effet est plus ou moins promt, selon le besoin, comme au remede le plus approprié ; ainsi fait-on usage dans ce cas de la saignée, sur-tout des sangsues, des ventouses, avec scarification, & on doit insister sur ces différens moyens tant que l'indication subsiste ; après quoi on doit travailler à prévenir le retour de la pléthore, par le régime, par les autres moyens convenables. Voyez PLETHORE. On doit s'appliquer à détruire les causes de la suppression, & à rétablir dans son état naturel l'évacuation nécessaire.

Si l'hémoptysie est produite par la raréfaction de ce fluide, qui forme ce qu'on appelle dans les écoles, une pléthore fausse ; il faut également combattre ce crachement contre nature, par les moyens propres à diminuer le volume du sang ; mais employer en même tems tous ceux qui sont convenables pour faire cesser l'effervescence des humeurs, c'est-à dire leur trop grande agitation. Voyez RAFFRAICHISSANT (Remede).

Mais si la maladie est causée par rupture, ou par érosion de vaisseaux, & qu'elle soit entretenue par l'acrimonie des humeurs, envain employera-t-on tous les moyens possibles pour fermer ces vaisseaux, si l'on ne corrige le vice dominant ; ce que l'on ne peut mieux obtenir que par le laitage, les bouillons de tortues, & toutes les matieres adoucissantes, gélatineuses, huileuses, qui peuvent produire un effet approchant. Le long usage de ces différens secours manque rarement de répondre à l'attente ; cependant on doit toujours joindre à ces moyens propres à détruire les causes prédisponentes, les remedes convenables pour resserrer, cicatriser les vaisseaux ouverts ; tels sont les absorbans, & surtout les astringens appropriés, pourvu qu'il n'y ait pas de contre-indication à cet égard : on doit aussi recourir quelquefois aux narcotiques, aux antispasmodiques, & les mêler aux autres medicamens indiqués, lorsqu'on a lieu de penser qu'il existe une tension dans le genre nerveux, qui détermine les humeurs à se porter vers la partie affectée, comme étant respectivement la plus foible dans le système des solides. Voyez HEMORRHAGIE, ABSORBANT, ASTRINGENT, NARCOTIQUE, ANTISPASMODIQUE.


HÉMORRHAGIES. f. (Pathologie) haemorrhagia. Ce terme emprunté des Grecs, est employé dans sa signification propre, pour exprimer une effusion de sang hors de ses vaisseaux & de la partie qu'ils composent, qui se fait d'une maniere sensible & assez considérable.

Le mot paroît être dérivé, : il a le même sens, selon Galien, dans ses Oeuvres sur Hippocrate, que , sortir, jaillir abondamment & avec assez de force ; car lorsque le sang sort de quelque partie avec lenteur & en petite quantité, c'est ce qu'Hippocrate appelle , ou : néanmoins Galien avertit que lorsque l'on trouve dans Hippocrate le mot hémorrhagie sans adjectif, pour déterminer de quelle partie le sang s'écoule, il doit alors ne s'entendre que de l'éruption de ce fluide par les narines ; mais on a le plus communément employé le mot hémorrhagie, comme un terme générique, pour signifier toute sorte de flux-de-sang qui se fait immédiatement hors du corps, de la maniere qui vient d'être exposée dans la définition. Cest sous cette acception qu'il va être traité de l'hémorrhagie dans cet article : au surplus, on peut consulter les définitions médicales de Gorrée, où l'on trouvera discuté tout ce qui a rapport aux différentes significations de ce mot.

Il n'y a aucune partie du corps humain vivant, qui ne soit sujette à l'hémorrhagie, parce qu'il n'y a aucune partie où il ne se trouve des vaisseaux sanguins, susceptibles d'être ouverts par quelque cause que ce soit, tant externe qu'interne ; l'expérience prouve journellement que les corps de figure à couper, à piquer, à percer, à déchirer, peuvent donner lieu à des écoulemens de sang, dans quelque partie molle que soient produits ces effets, par l'écartement des fibres entr'elles qui composent les parois des vaisseaux, par la solution de continuité de leurs membranes, de leurs tuniques.

Mais ce qui est le plus remarquable, c'est que, selon l'observation des médecins, tant anciens que modernes, l'on a vu par de seules causes internes, le sang s'écouler par les paupieres, par les angles des yeux, par l'extrémité des cheveux, par le bout des doigts, des orteils, par le nombril, par les mamelons, &c. on a même vu de véritables hémorrhagies se faire par les pores de différentes parties des tégumens, sans aucune cause, sans aucune marque sensible de solution de continuité ; cependant ces sortes d'hémorrhagies sont très-rares : celles qui se présentent communément par l'effet de causes internes, sont celles qui se font par la voie des narines, par le crachement, par l'expectoration, par le vomissement, par les déjections, par l'issue de la matrice, par le vagin, par la voie des urines, & même quelquefois par celle des sueurs.

Les hémorrhagies produites par des causes méchaniques externes, doivent être regardées comme des symptomes des différentes sortes de blessures, de plaies (voyez PLAIE), ou comme des effets quelquefois utiles, très-souvent nécessaires, & dans certains cas inévitables, des différentes opérations de Chirurgie, tels que la saignée, les scarifications, les amputations, &c. Voyez OPERATION (Chirurgie), SAIGNEE, SCARIFICATION, AMPUTATION, &c.

Il ne peut être traité dans cet article que des généralités concernant les hémorrhagies de cause interne ; ces hémorrhagies sont de différente nature, selon les causes qui les produisent ; les effusions de sang, qui n'arrivent dans les malades que par accident, par une suite de mauvais effets de la cause morbifique, sont appellées symptomatiques. Celles qui sont une suite des efforts salutaires que fait la nature, pour prévenir, pour empêcher, ou pour faire cesser les effets de la cause morbifique qui se forme actuellement, ou qui est déja formée, sont regardées comme critiques. Voyez CRISE.

Les hémorrhagies, de quelque espece qu'elles soient, dépendent de causes générales ou particulieres, ou des unes & des autres ensemble.

Dans toute hémorrhagie, la cause prochaine est l'impulsion du sang vers les vaisseaux d'où se fait l'écoulement ; impulsion qui doit être assez forte pour surpasser la force de cohésion des parties intégrantes qui composent ces vaisseaux ; cette force, qui tant qu'elle subsiste, conserve l'intégrité de leurs parois. La cause prochaine de l'hémorrhagie doit donc être attribuée, ou à l'augmentation en général du mouvement progressif du sang, & à la foiblesse respective des vaisseaux forcés par lesquels se fait l'hémorrhagie, qui ne peuvent résister à un plus grand effort des fluides qu'ils contiennent, ou à la foiblesse absolue des vaisseaux qui s'ouvrent contre nature, parce qu'ils perdent leur force naturelle de solidité, par quelque cause que ce soit, & ne sont pas en état de résister aux mouvemens des humeurs, même à ceux qui ne sont que l'effet des forces vitales ordinaires ou peu augmentées.

Il suit également de chacune de ces causes, que le vaisseau forcé se dilate outre mesure, ou qu'il se déchire dans le point où il ne peut résister, soit par le défaut d'équilibre entre les solides particuliers qui le composent, & ceux de toutes les autres parties du corps, par la contrenitence de ces parties, vers celle qui est forcée à céder, (voyez EQUILIBRE, écon. anim.) soit, tout étant égal, par l'addition de force dans tous les solides en général, qui se réunissent contre la partie où cette addition n'a pas lieu, ou n'est pas proportionnée ; ce qui rend entiérement passive la partie qui cede respectivement à toutes celles dont l'action est augmentée à son exclusion ; ce qui établit une inégalité bien réelle dans le cours du sang, laquelle ne peut être attribuée qu'à l'autocratie de la nature, qui opere ces effets par des mouvemens spasmodiques appropriés. Voyez NATURE, SPASME.

L'engorgement des vaisseaux, dans le cas d'inflammation ou dans celui d'obstruction, en augmentant les résistances au cours des humeurs dans la partie affectée, en y gênant leur mouvement progressif, donne lieu à de plus grandes dilatations des parois de ces vaisseaux, ou des collatéraux ; d'où s'ensuit, lorsque la disposition s'y trouve, qu'ils sont forcés à se rompre, ou à souffrir une sorte de dilatation dans les orifices qui répondent à leur cavité, effet qui est ce qu'on appelle anastomose, & qui s'opere au point de laisser passer par erreur de lieu, les fluides qu'ils contiennent dans un genre de vaisseaux différens, qui se laissant aussi forcer de plus en plus, d'autant qu'ils sont moins propres à résister aux efforts d'un fluide qui leur est étranger par la trop grande consistance, & par son mouvement disproportionné, permettent à ce fluide de les parcourir, & enfin de se répandre hors de leur cavité, par le premier orifice qui se présente.

Ce dernier cas est ordinairement celui des hémorrhagies symptomatiques : le précédent convient à celles qui sont critiques ; dans celui-là tout est, pour ainsi dire, méchanique ; dans celui-ci, les effets sont comme prédéterminés.

Il suit de ce qui vient d'être dit, que les différentes causes de l'hémorrhagie peuvent se réduire à deux sortes de changemens qui se font dans la partie où elle a lieu, respectivement à l'état naturel ; savoir 1°. à la disposition particuliere des vaisseaux d'où se fait l'effusion de sang, disposition par laquelle la force retentrice de ces vaisseaux est considérablement diminuée, au point de céder à la force expultrice ordinaire, ou peu augmentée ; 2°. à la disposition générale, par laquelle la force retentrice restant la même que dans l'état habituel, la force expultrice augmente dans toutes les autres parties, au point de surmonter la résistance de cette partie, de la faire cesser, & de forcer les vaisseaux à se dilater outre mesure, ou à se rompre.

On ne conçoit pas aisément que le simple écartement des fibres, qui composent les vaisseaux des parties qui souffrent une hémorrhagie, puisse suffire pour la procurer, par l'espece de disposition qu'on appelle diapédese. Voyez VAISSEAU. Cet écartement ne peut donner passage au sang, qu'en tant que les interstices s'ouvrent de la même maniere que pourroit faire l'orifice des vaisseaux collatéraux non sanguins, pour admettre dans leur cavité des globules de sang, par erreur de lieu. Voyez ERREUR DE LIEU. Mais un tel écartement, sans solution de continuité, ne paroît guere possible ; au lieu que la dilatation des collatéraux paroît suffisante pour expliquer tous les effets qu'on attribue à la diapédese, sur-tout dans le cas de la dissolution du sang, qui rend plus facile la pénétration des globules rouges dans des vaisseaux étrangers.

L'érosion des vaisseaux, qu'on appelle diabrose, (voyez VAISSEAU) ne paroît pas plus propre à produire des hémorrhagies que la diapédese, parce que la qualité dissolvante, l'acrimonie dominante dans la masse des humeurs en général, (voyez SANG) à laquelle on attribue cet effet de dissolution des solides, cette érosion des vaisseaux, ne peuvent jamais fournir la raison d'un phénomene, qui est supposé absolument topique, qui doit, par conséquent, dépendre de causes particulieres ; d'ailleurs, en supposant qu'un vice dominant dans les humeurs puisse, ce qui est très-douteux, exister au point de produire une solution de continuité plutôt dans une partie que dans une autre, il devroit s'ensuivre que l'hémorrhagie devroit durer tant que ce vice subsisteroit ; ce qui est contraire à l'expérience, qui prouve que les hemorrhagies les plus considérables, les plus opiniâtres, sont néanmoins intermittentes périodiques ou erratiques ; ensorte que, tant qu'il y a lieu à la dilatation forcée des vaisseaux, qu'ils restent sans réaction & comme paralytiques, en cédant à la quantité du sang dont ils sont engorgés, ou à l'effort avec lequel y est poussé celui qu'ils reçoivent continuellement, la voie étant une fois faite pour son écoulement, l'hémorrhagie continue, & ne diminue qu'à mesure que la quantité de l'humeur surabondante, ou la force de l'impulsion se fait moindre, & laisse reprendre leur ressort aux solides auparavant distendus beaucoup plus que ne le comporte leur état naturel ; & celui-ci se rétablissant de plus en plus, jusqu'à-ce que l'issue du sang qui s'écoule toujours moins abondant & moins rouge, soit tout-à-fait fermée, ne permet plus à ce fluide de s'extravaser, & le force à reprendre son cours ordinaire.

Tel est le système de toutes les hémorrhagies, tant naturelles qu'accidentelles, dans quelque partie du corps que ce soit ; c'est ce qui se passe tant dans l'écoulement des menstrues, que dans celui des lochies, dans le flux hémorrhoïdal, dans le pissement de sang, dans toute autre sorte d'hémorrhagie, soit par le nez, ou par toute autre partie du corps, où il n'y a d'autre différence, par rapport à l'évacuation, qu'à raison de l'intensité & de la durée, qui sont proportionnées à la force du sujet, de son tempérament, à la grandeur des vaisseaux ouverts, à la quantité de l'humeur surabondante à évacuer, ou à l'impulsion, à l'action spasmodique qui détermine le cours du sang, particuliérement vers la partie qui a été forcée, & qui oppose conséquemment moins de résistance, à cause de l'ouverture qui s'y est formée pour l'écoulement de ce fluide.

Après avoir établi que l'hémorrhagie, de quelque nature qu'elle soit, ne semble dépendre que de la foiblesse de la partie où elle se fait, ou des efforts, soit méchaniques par les loix de l'équilibre vasculaire, ou spasmodiques, par une action déterminée de la puissance motrice, qui sont produits dans toutes les parties du corps contre celle qui s'ouvre, d'où suit l'effusion de sang ; on peut donc conclure, que dans le premier cas l'hémorrhagie ne peut être regardée que comme un symptome morbifique, un vice, une lésion dans l'économie animale ; & que dans le second, elle est toujours une tendance de la nature à produire un effet utile, à diminuer la trop grande quantité de sang absolue ou respective, dans une partie ou dans tout le corps ; par conséquent à remédier à la pléthore générale ou particuliere ; (voyez PLETHORE) comme il est clairement prouvé par les hémorrhagies qui succedent à la suppression des regles, puisqu'on a souvent observé que les pertes de sang subsidiaires se rendent périodiques, comme celles dont elles sont le supplément.

Ainsi Stahl, Nenter, & la plûpart des observateurs en pratique, rapportent avoir souvent vû des hémoptysies, des crachemens, des vomissemens, des pissemens de sang qui avoient des retours aussi réglés que sont ceux de l'évacuation menstruelle dans l'état naturel : ce qui établit indubitablement qu'il y a quelque chose d'actif dans ces sortes d'hémorrhagies utiles, qui est une vraie tendance de la nature à faire des efforts pour suppléer, par une évacuation extraordinaire, au défaut d'une autre qui devoit se faire naturellement, ou qui étoit devenue nécessaire par habitude, par tempérament.

Mais cette tendance suivie des effets, peut cependant pécher par excès ou par défaut : il en est donc de toute hémorrhagie spontanée comme des menstrues utérines qui sont toujours produites pour l'avantage de l'individu ; mais il peut y avoir des variations très-nuisibles, en tant que l'évacuation peut être trop ou trop peu considérable, ou qu'elle peut être accompagnée d'autres circonstances nuisibles à l'économie animale. Voyez MENSTRUES, HEMORRHOIDES, SAIGNEMENT DE NEZ.

On trouvera, dans ces différens articles, à se convaincre, que si les hémorrhagies sont souvent des effets grandement nuisibles à l'économie animale, en tant qu'elles procurent l'évacuation d'un fluide, qui devroit être retenu, conservé dans ses vaisseaux, ou qu'elles causent par excès du déréglement à l'égard d'une excrétion naturelle, elles sont aussi très-souvent un des plus sûrs moyens que la nature emploie pour préserver des maladies qu'une trop grande quantité même de bonnes humeurs pourroit occasionner ; & qu'ainsi les hemorrhagies ne doivent pas toûjours être regardées comme des maladies, puisqu'elles sont au contraire très-souvent propres à en garantir, & qu'elles peuvent produire des effets salutaires, en tant qu'elles tiennent lieu, dans ces cas, d'un remede évacuatoire, qui même ne peut souvent être suppléé par une évacuation artificielle équivalente, si elle n'est pas faite dans la partie, & peut-être même des vaisseaux particuliers, vers lesquels sont dirigés les efforts de la nature, pour y déposer l'excédent des humeurs, qui doit être évacué sans aucun autre dérangement de fonction qui puisse caractériser une maladie.

Il s'ensuit qu'il n'y a pas moins de danger à supprimer une hémorrhagie critique, simple, dans quelque partie du corps qu'elle ait lieu, qu'à faire cesser mal-à-propos l'hémorrhagie naturelle aux femmes : la disposition de l'économie animale peut rendre celle-là aussi utile, aussi nécessaire que celle-ci.

L'effort salutaire de la nature se démontre clairement par les signes qui précedent dans la plûpart des hémorrhagies spontanées, & qui dénotent une véritable dérivation des humeurs vers la partie où doit se faire l'évacuation pour l'avantage de l'individu. Ainsi, avant le saignement de nez, la tête devient pesante, le visage devient rouge, les jugulaires s'enflent, les rameaux des carotides battent plus fortement, tandis que toute l'habitude du corps devient pâle, & que les extrémités inférieures sont froides ; ce qui ne peut être que l'effet de la révulsion spasmodique de toutes ces parties-ci vers les parties supérieures. Dès que le sang a coulé suffisamment, l'égalité de la chaleur & du cours des humeurs se rétablit dans tout le corps à mesure que les efforts toniques cessent d'être déterminés par le besoin, & que les lois de l'équilibre reprennent le dessus. Les symptomes qui précedent le plus souvent le flux menstruel, le flux hémorrhoïdal, le vomissement de sang, l'hémoptisie & les autres hémorrhagies spontanées ou critiques, sont respectivement de la même nature. Voyez les articles où il est traité de ces différentes évacuations.

Mais si le sang qui est forcé à sortir de ses vaisseaux, ne trouve point d'issue pour être versé immédiatement hors du corps ; s'il se répand dans quelque cavité où il se ramasse, où il devient un corps étranger, soit que la cause efficiente de l'hémorrhagie soit symptomatique ou critique, il en resulte des désordres dans l'économie animale, qui sont proportionnés à l'importance des fonctions qui sont lésées en conséquence : ainsi l'épanchement du sang, dans l'intérieur du crâne, produit une compression du cerveau, qui intercepte le cours des esprits dans le genre nerveux, à proportion qu'elle est plus considérable ; d'où s'ensuivent des causes très-fréquentes de paralysies plus ou moins étendues, selon que les nerfs sont affectés dans leur principe en plus ou moins grand nombre ; d'où résultent très-souvent des apoplexies, des morts subites, lorsque la compression est assez étendue & assez considérable pour porter sur les nerfs qui se distribuent aux organes des fonctions vitales : ainsi l'effusion du sang qui se fait par l'ouverture ou par la rupture de quelque gros vaisseau dans la poitrine, cause des compressions sur les poûmons, sur les arteres principales ou sur le coeur même, d'où s'ensuivent des suffocations, des syncopes mortelles. L'épanchement de sang dans la cavité du bas-ventre ne produit point des effets si dangereux ; & ce n'est qu'à raison de la quantité qui s'en répand qu'il peut s'ensuivre des lésions qui portent atteinte au principe vital, autrement ces sortes d'hémorrhagies ne nuisent point d'une maniere aussi promte & aussi violente que celles qui se font dans des cavités, où le sang accumulé peut gêner les fonctions des organes qui servent immédiatement à l'entretien de la vie.

Dans ces différens cas, si l'on peut s'assûrer par des signes extérieurs (qui manquent le plus souvent), de l'effusion du sang dans les différentes capacités, & que l'effet n'en soit pas assez promtement nuisible pour prévenir & rendre inutiles tous les secours qu'on peut employer ; on peut tenter de donner issue au fluide répandu, en ouvrant le crâne par le moyen du trépan ; la poitrine & le ventre, en faisant la paracentese de la maniere convenable, respectivement à chacune de ces parties. Voyez TREPAN, PARACENTESE. Mais le plus souvent la mort ne laisse pas le tems à des soins qui ne peuvent être donnés qu'à la suite de mûres délibérations, de certains préparatifs ; ou on ne les donne ces soins qu'à pure perte, parce qu'on parvient rarement, par ces opérations, à donner issue au sang ramassé, par la difficulté de pénétrer dans l'endroit même où s'est fait l'amas ; comme, par exemple, lorsqu'il ne se trouve pas à la surface du cerveau, ou à portée de cette surface & de maniere à répondre à l'ouverture faite par le trépan, lorsque le sang est renfermé dans les cavités de la base du crâne ou des ventricules du cerveau : il en est de même, lorsque le sang épanché dans la poitrine se trouve renfermé dans le péricarde, &c.

Cependant ce fluide, hors de ses vaisseaux, est un corps étranger qui dégénere bien-tôt, & ne peut qu'être très-nuisible à l'économie animale, tant qu'il est renfermé entre les visceres, sans issue en quantité considérable : il n'y a d'autre moyen d'en faire cesser les mauvais effets, qu'en le faisant sortir hors du corps, ce qui est très difficile, comme on vient de le faire entendre, & rend toujours ces sortes d'hémorrhagies très-dangereuses, & le plus souvent mortelles ; qu'elles soient, ainsi qu'il a été dit, symptomatiques ou critiques.

Les hémorrhagies les plus communes, dans lesquelles le sang se répand hors du corps, peuvent être aussi très-nuisibles, si elles causent une trop grande déperdition de ce fluide par quelque cause qu'elles soient produites, soit qu'elles se fassent par la dilatation forcée des vaisseaux, soit qu'elles dépendent d'une rupture de leurs tuniques : le cerveau recevant moins de sang qu'à l'ordinaire, il s'y sépare à proportion moins de fluide nerveux ; d'où s'ensuit le défaut d'esprits nécessaires pour soutenir les forces, pour opérer les mouvemens nécessaires à l'exercice de toutes les fonctions : d'où résultent la débilité & toutes ses suites, particulierement l'imperfection des digestions, de la sanguification, qui en fournissant un chyle mal travaillé & moins propre à donner la matiere propre à former des globules rouges ; cette matiere elle-même étant mal travaillée, & ce qui en résulte faisant une très-petite quantité de ces globules, & respectivement trop de parties séreuses, disposent ainsi le fluide des vaisseaux sanguins, à manquer de la consistance qui lui est nécessaire, & à être plus susceptible de passer dans les vaisseaux collatéraux d'un genre différent, à les remplir d'humeurs aqueuses plus tenues qu'elles ne devroient se trouver dans ces vaisseaux d'où elles s'échappent plus aisément, & fournissent matiere à une plus grande quantité d'exhalations par la voie de la transpiration, particulierement dans les capacités des différens ventres, dont la chaleur tient les pores plus ouverts ; ensorte que ces vapeurs s'y ramassent, s'y condensent ensuite, & y forment la matiere de différentes sortes d'hydropisies, telles qu'on les observe souvent à la suite des pertes de sang produites par les grandes blessures, ou par toute autre cause externe ou interne d'effusion de sang ; voyez HYDROPISIE. Le défaut de globules rouges, dans les vaisseaux sanguins, doit aussi causer la pâleur de toute l'habitude du corps, la diminution de la chaleur naturelle, &c. Voyez SANG, PEAU, CHALEUR ANIMALE (Physiol. & Pathol.), FROID (Econom. anim.)

Les hémorrhagies peuvent encore avoir des suites fâcheuses sans être excessives, si elles se font par des vaisseaux qui appartiennent à des organes d'un tissu délicat, en tant que dans les cas même où elles servent à soulager la nature, elles établissent un vice dans la partie qui peut être très-nuisible : c'est ainsi que l'hémoptysie souvent, en suppléant à une autre hémorrhagie supprimée qui étoit nécessaire ou au moins utile, laisse néanmoins une disposition à ce qu'il se forme des ulceres dans les poûmons, qui sont le plus souvent incurables, & jettent dans une maladie chronique qui mene à une mort inévitable.

En général, on peut distinguer une hémorrhagie salutaire d'avec celle qui ne l'est point, en faisant attention aux forces : l'une les releve dans les cas où elles n'étoient qu'opprimées par la surabondance d'humeurs ; tous les symptomes, dont le malade se sentoit fatigué, accablé, se dissipent à mesure que le sang coule, que la pléthore diminue & cesse d'avoir lieu : l'autre au contraire affoiblit de plus en plus le malade, & s'ensuivent tous les effets de l'épuisement des forces qui indiquent bien-tôt le besoin d'en faire cesser la cause, en arrêtant, s'il est possible, l'écoulement du sang ; ce dont le malade ne tarde pas à se bien trouver : au lieu qu'il y a beaucoup de danger à supprimer une hémorrhagie salutaire, comme celle qui se fait par le nez dans les jeunes gens, par les veines hémorrhoïdales dans les adultes, par les voies utérines dans les femmes ; parce que c'est le sang surabondant qui cause ordinairement de semblables hémorrhagies, & que ce sang ne pouvant s'évacuer par l'issue vers laquelle il avoit le plus de tendance, il se porte dans quelque autre partie, où il produit de mauvais effets, soit qu'il se fasse, pour se répandre, un autre passage que celui qu'il affectoit, & qu'il dilate ou rompe des vaisseaux délicats qui ne peuvent pas ensuite se fermer, & donnent occasion à des hémorrhagies excessives par quelques voies que ce soit ; ou que ce sang, par une sorte de délitescence ou de métastase forcée, soit porté dans quelque partie assez résistante pour qu'il ne s'y fasse aucune issue, & qu'il y forme des engorgemens, des dépôts inflammatoires, des embarras de toute espece dans la circulation ; d'où s'ensuivent différentes lésions considérables dans l'économie animale, telles entr'autres que les attaques d'apopléxie à la suite de la suppression des hémorrhoïdes ; les vomissemens, les crachemens de sang, à la suite des menstrues supprimées, &c.

On ne sauroit donc employer trop de prudence à entreprendre le traitement des hémorrhagies, surtout par rapport aux remedes astringens, tant externes qu'internes, qui sont l'espece de secours que l'on emploie le plus communément à cet égard ; ils operent assez facilement & assez promtement, parce que leur action consiste principalement à exciter l'irritabilité des fibres qui ont perdu leur ressort dans les vaisseaux ouverts, par lesquels se fait l'hémorrhagie.

Mais cette qualité astringente ne borne pas ordinairement ses effets à la partie affectée, les astringens pris intérieurement ne peuvent éviter de porter leur effet sur tout le systême des solides, en se mêlant à toute la masse des humeurs ; ils ne peuvent pas agir par choix, en reservant leur efficacité pour la seule partie lésée ; cela ne peut pas avoir lieu à l'égard de cette sorte de médicament, qui ne sauroit avoir aucune analogie particuliere avec aucune sorte d'organe : l'impression qu'ils font est donc générale ; mais si elle n'est que médiocre, & qu'elle ne fasse qu'augmenter le ressort des solides également dans toutes les parties, sans qu'il s'ensuive un suffisant resserrement pour fermer entiérement les vaisseaux ouverts, bien loin que l'hémorrhagie cesse, elle risque d'être augmentée par l'augmentation de ton du ressort qu'en acquierent tous les solides, d'où suit qu'ils expriment de plus en plus les fluides contenus, & ne pouvant par conséquent que rendre plus forte l'impulsion des humeurs dans tout le corps, donc aussi vers l'orifice des vaisseaux hémorrhagiques ; ce qui ne fait que rendre le mal plus considérable.

Ainsi les astringens donnés intérieurement, doivent être employés à une si grande dose à proportion de la force du tempérament du malade, & si promtement, qu'ils operent, sans retarder, un effet suffisant, d'où puisse suivre une si grande augmentation dans le ton des solides en général, que les vaisseaux hémorrhagiques se ferment tout de suite.

Mais cette adstriction si forte & si subite n'est pas sans inconvéniens, par l'embarras qu'elle peut causer au cours des humeurs en général ; d'ailleurs, avant que la masse du sang soit imprégnée de la vertu des astringens, l'hémorrhagie, pour peu qu'elle soit considérable, ne seroit-elle pas de trop longue durée, & n'y auroit-il pas à craindre, par conséquent, qu'elle fût très-pernicieuse, dans le cas où elle seroit de nature à devoir être arrêtée le plus tôt possible ?

Les plus sûrs astringens sont donc ceux qui peuvent agir promtement sur le genre nerveux, de maniere à y exciter un mouvement spasmodique, général, qui produise l'effet desiré ; c'est-à-dire le resserrement nécessaire pour arrêter l'écoulement du sang. Tels sont tous les moyens propres à causer un sentiment subit de froid, comme la glace appliquée sur quelque partie du corps actuellement bien chaude, & naturellement bien sensible : cet effet est encore plus énergique, si la qualité pénétrante & irritante est jointe au moyen employé, pour procurer le sentiment de froid, comme la possede le vinaigre bien fort, qui, étant appliqué sur le bas-ventre, sur les bourses, sur les mamelles, & même sur toute la surface du corps, si le cas le requiert, avec des linges qui en sont imbibés, peut causer un resserrement général dans tous les vaisseaux, très-propre à arrêter l'hémorrhagie dans ceux qui sont ouverts.

C'est par la même raison que les passions de l'ame, lorsqu'on en est affecté subitement, peuvent produire un effet à peu-près pareil, en tant qu'elles causent une tension générale dans le genre nerveux ; c'est ainsi que l'on voit souvent des femmes qui éprouvent la suppression de leur hémorrhagie naturelle, par un accès violent de colere, par une grande révolution de joie ou de chagrin, par une frayeur, une terreur dont elles sont saisies tout-à-coup. La même chose leur arrive aussi pour s'être imprudemment exposées au froid, en se mouillant quelque partie du corps avec de l'eau froide, mais sur tout les extrémités inférieures, dont l'impression se communique plutôt aux vaisseaux utérins.

De pareils accidens contre nature, & par conséquent nuisibles, ont fait naître l'idée de faire des applications avantageuses de leurs effets dans des cas où ils peuvent être salutaires, en tant qu'ils produisent des suppressions d'hémorrhagies pernicieuses par leur nature ou par excès.

Il faut observer cependant, que les moyens qui tendent à augmenter la tension, le jeu, l'action des solides, ne peuvent être employés dans les hémorrhagies, qu'en tant qu'il y a lieu de présumer que l'érétisme n'a aucune part à les causer ; car lorsqu'elles sont accompagnées de cette disposition dans le genre nerveux, tout ce qui peut augmenter le ton des solides, ne peut qu'ajouter à la cause du mal ; ainsi on ne peut la diminuer alors, qu'en employant les moyens propres à calmer cet érétisme : c'est pourquoi les narcotiques, les antispasmodiques sont souvent si efficaces pour arrêter les hémorrhagies symptomatiques, compliquées avec des symptomes dolorifiques, telles que celles qui surviennent dans les maladies convulsives.

On ne peut donc être trop circonspect dans l'usage des cordiaux employés contre les défaillances qui sont causées par des hémorrhagies.

Mais comme il n'y a point de cause occasionnelle des hémorrhagies, plus commune que celle de la surabondance des humeurs, & sur-tout de leur partie rouge ; il n'est point aussi de moyen plus approprié pour la faire cesser, cette cause, que de procurer une hémorrhagie artificielle dans les parties où elle ne peut pas nuire ; ce qui satisfait également au besoin de diminuer le volume du sang, soit qu'on puisse le regarder comme étant réellement le produit d'un trop grand nombre de globules rouges qui en composent la masse ; soit que cet excès de volume ne doive être attribué qu'à la raréfaction, s'il peut y en avoir effectivement de sensible dans la masse des humeurs animales. Voyez PLETHORE.

L'évacuation artificielle du sang ainsi effectuée, fait une diversion, par rapport aux parties vers lesquelles l'excédent du sang auroit pu être porté, pour s'y faire une issue, par une suite de leur disposition vicieuse, qui y auroit rendu très-nuisible le dépôt d'humeurs qui s'y seroit formé, la rupture des vaisseaux qui s'y seroit faite. Ainsi les saignées, les scarifications, l'application des sangsues, sont dans ces cas les remedes les plus convenables, & le plus souvent les seuls nécessaires, les seuls que l'on puisse employer, comme ils sont indiqués d'une maniere pressante ; les saignées sur-tout, pour arrêter, pour suppléer les hémorrhagies symptomatiques ou critiques, pour en empêcher le retour.

Mais les hémorrhagies artificielles ne sont un remede, à l'égard des symptomatiques, que lorsqu'elles sont ou peuvent être l'effet de la pléthore générale ; car lorsqu'elle est particuliere, il est rare, comme on l'observe par rapport aux regles, que les saignées ou d'autres moyens semblables empêchent ou arrêtent les hémorrhagies de cause interne ; à moins que l'évacuation artificielle ne puisse être opérée pour hâter les effets de l'hémorrhagie nécessaire, en pratiquant cette opération dans la partie même où la pléthore s'est formée. Voyez PLETHORE, SAIGNEE.

Quant aux remedes topiques, que l'on peut employer contre les hémorrhagies, ils supposent que les vaisseaux ouverts sont exposés aux secours de la main ; tels sont les applications des différens médicamens absorbans, coagulans, styptiques, sous forme tant solide que fluide ou liquide. Voyez ABSORBANT, COAGULANT, STYPTIQUE, SAIGNEMENT DE NEZ, PLAYE.

Si la grandeur du vaisseau ouvert, & la quantité du sang qui s'en répand, rend de nul effet l'application de ces médicamens topiques ; au cas que le vaisseau puisse être saisi, on tente d'en faire la ligature immédiate ; sinon on peut quelquefois produire le même effet en liant, s'il est possible, la partie où se fait l'hémorrhagie ; on comprime ainsi le vaisseau ouvert, ou on empêche le sang de s'y porter.

Et si enfin aucun de tous les différens moyens qui viennent d'être proposés, ne peuvent être employés avec succès pour arrêter une grande hémorrhagie, on peut faire usage d'un secours violent, mais efficace, & peut-être trop négligé, qui est de porter le feu dans la partie où se fait la perte de sang, si la chose est praticable ; ce qui se fait par le moyen des fers rougis au feu, des cauteres actuels, qui sont souvent d'une grande ressource en pareil cas. Voyez CAUTERE, PLAYE.

Ce n'est pas le tout d'avoir arrêté une hémorrhagie ; pour en rendre la cure complete , il faut encore s'occuper ensuite à chercher, à employer les moyens propres à en empêcher le retour, lorsqu'elle est véritablement nuisible, ou à en modérer l'excès, si elle peut être salutaire : il faut s'appliquer à corriger le vice tant des solides que des fluides, qui y a donné lieu ; fortifier la partie foible, lui donner du ressort, si c'est à son atonie que doit être attribuée l'hémorrhagie ; prescrire un régime & des médicamens incrassans, si la trop grande fluidité, l'acrimonie dissolvante des humeurs, établit une disposition à l'hémorrhagie.

Mais si l'on a été forcé à procurer, par quelque moyen que ce soit, l'astriction de la partie où se faisoit une hémorrhagie, qui ne péchoit que par excès, & dont le retour avec modération soit nécessaire, il faut employer les moyens convenables pour que cette astriction ne fasse pas une trop grande résistance à la dilatation des vaisseaux, qui doit avoir lieu lorsqu'une nouvelle évacuation deviendra nécessaire ; car il arrive souvent que le resserrement occasionné par les astringens, ou par tout autre stimulant tonique, devient tellement durable, que la nature ne peut pas le vaincre dans les cas où il est besoin ensuite de le faire cesser.

C'est ainsi que la suppression des regles, causée par les applications froides, est si difficile à guérir ; parce que l'équilibre une fois rompu dans les solides d'une partie, soit par excès, soit par défaut de ressort, ne se rétablit qu'avec beaucoup de peine.

Pour un plus grand détail sur le traitement des hémorrhagies contre nature, & de celles qui étant salutaires ou critiques, péchent par excès ou par défaut, voyez les articles où il est traité des hémorrhagies particulieres, telles que les MENSTRUES, les HEMORRHOIDES, les SAIGNEMENS DE NEZ, la DYSSENTERIE, le FLUX HEPATIQUE, &c. & pour les auteurs qui ont écrit sur ces différens sujets, tant en général qu'en particulier, consultez entr'autres, les Oeuvres de Stahl, de Nenter, d'Hoffman.

HEMORRHAGIE (Chirurgie). Les moyens que la Chirurgie a fournis dans tous les tems pour arrêter les hémorrhagies, peuvent se réduire aux absorbans, aux astringens simples, aux styptiques, aux caustiques, au fer brûlant, à la ligature & à la compression.

Les absorbans & les simples astringens ne peuvent être utiles que pour de legeres hémorrhagies ; leur insuffisance dans l'ouverture des grands vaisseaux a fait mettre en usage l'alun, le vitriol, & toutes les huiles & les eaux styptiques ou escharotiques. Les anciens chirurgiens se servoient même des cauteres, de l'huile bouillante, du plomb fondu & du fer ardent ; ils ont compliqué la brûlure de tant de façons différentes, que c'étoit faire, selon eux, une grande découverte, que d'imaginer une nouvelle façon de brûler ; & ils brûloient ainsi, afin de froncer les vaisseaux par la crispation que cause la brûlure.

Les Chirurgiens plus éclairés devinrent moins cruels ; ils imaginerent la ligature des vaisseaux. Le célebre Ambroise Paré, chirurgien de Paris, & premier chirurgien de quatre rois, la mit le premier en pratique au xvj. siecle. Cette maniere d'arrêter le sang lui attira bien des contradictions ; mais quoique desapprouvée par quelques-uns de ses contemporains, il eut la satisfaction de la voir pratiquer avec un grand succès. La ligature rendit les chirurgiens moins timides ; l'amputation des membres devint une opération plus sûre & moins douloureuse, & la guérison en fut plus promte. On s'est servi presque universellement de la ligature jusqu'à ce jour, pour arrêter le sang non-seulement dans l'amputation des membres, voyez AMPUTATION, mais encore dans l'opération de l'anevrysme, voyez ANEVRYSME, & dans les plaies accompagnées de grandes hémorrhagies.

M. Petit fait observer dans une dissertation sur la maniere d'arrêter le sang dans les hémorrhagies, imprimée dans les mém. de l'acad. royale des Sciences, année 1731, que ces différens moyens n'auroient jamais été ou très-rarement suivis de succès sans la compression ; il a toûjours fallu, même dans l'application des caustiques, appliquer des compresses qui fussent assujetties & soutenues par plusieurs tours de bande suffisamment serrés pour resister à l'impulsion du sang de l'artere, & s'opposer à la chûte trop promte de l'escare que font les styptiques, le feu, ou à la séparation prématurée de la ligature ou de l'escare. Sans cette précaution, on auroit presque toûjours à craindre l'hémorrhagie, qui n'arrive que trop souvent à la chûte de la ligature ou de l'escare, malgré les soins qu'on prend pour l'éviter par une compression convenable.

M. Petit, après avoir remarqué que la compression a dû, selon toutes les apparences, être conforme à la premiere idée que les hommes ont dû naturellement avoir pour arrêter le sang, lui donne en ce qui concerne les amputations, tous les avantages de la nouveauté, soit par rapport à la maniere de comprimer les vaisseaux, soit par rapport à l'usage exclusif qu'il lui donne, en rejettant la ligature autant qu'il est possible. Il fait observer que le bout du doigt légerement appuyé sur l'orifice d'un vaisseau, est un moyen suffisant pour en arrêter le sang, & qu'il ne faudroit point autre chose si l'on pouvoit toûjours tenir le doigt dans cette attitude, & si le moignon d'un malade agité pouvoit garder assez long-tems la même situation ; mais la chose étant impossible, M. Petit y a remédié par l'invention d'une machine qui fait sûrement & invariablement l'office du doigt ; il en donne la description & la figure dans les Mém. de l'acad. royale des Sciences, année 1731. Les mémoires de l'année suivante contiennent des observations du même auteur, confirmatives des raisons & des faits rapportés dans la premiere dissertation ; les personnes de l'art ne liront point ces ouvrages sans en tirer des instructions aussi solides que nécessaires. Nous décrirons cette machine à la fin de cet article.

En 1736, M. Morand a donné un mémoire à l'académie royale des Sciences, où rappellant ce que M. Petit a dit sur les hémorrhagies dans les années 1731 & 1732, il adopte la doctrine de cet auteur sur la formation du caillot qui contribue à arrêter le sang ; mais il ajoute que la crispation & l'affaissement du tuyau y ont aussi beaucoup de part ; que les agens extérieurs employés pour arrêter le sang tendent toûjours à procurer au vaisseau l'état d'applatissement ou de froncement, & que ces agens sont plus efficaces à proportion qu'ils diminuent davantage le calibre ou le diametre du vaisseau.

Le caillot si nécessaire pour la cessation de l'hémorrhagie examiné dans sa formation, ne fait que suivre, selon M. Morand, l'impression qu'il a reçûe de l'artere qui est son moule ; & jamais l'hémorrhagie ne s'arrêteroit si on supposoit l'artere après sa section, conservée dans le même état où elle étoit au moment de sa section, & sans avoir changé ni de forme ni de diametre.

M. Morand rapporte les observations les plus favorables qui semblent tout donner au caillot, & en oppose d'autres par lesquelles il prouve que l'applatissement seul du vaisseau peut le faire.

Nous parlerons de la méthode d'arrêter le sang de l'artere intercostale au mot LIGATURE ; & de l'hémorrhagie qui suit l'extirpation d'un polype au mot POLYPE. Il faut observer généralement que pour les hémorrhagies ordinaires, l'application de la charpie brute, soutenue de quelques compresses assujetties par quelques tours de bande, suffit pour procurer la formation du caillot, & arrêter le sang. Passons à la description de la machine de M. Petit.

Cette machine représentée Planche XIX. fig. 1. & 2. a deux parties : l'une comprime le tronc d'où vient la branche de l'artere qui est coupée ; & l'autre comprime l'ouverture de la branche par laquelle le sang s'écoule. Cette machine peut avoir lieu dans toutes les amputations ; on ne représente ici que la construction qui convient pour l'amputation de la cuisse.

La premiere partie s'applique avant de faire l'opération ; elle y est même très-essentielle. Elle est composée d'un bandage circulaire A, qui fait le même contour du corps que le circulaire d'un brayer, & qui, après avoir embrassé le corps au dessous des hanches, vient se rendre dans l'aine précisément au-dessous de l'arcade des muscles du bas-ventre, dans l'endroit où passe l'artere crurale. Un autre circulaire B entoure la cuisse au-dessous du pli de la fesse, & vient se rendre dans l'aine où se trouvent l'une sur l'autre des plaques de tôle garnies de chamois C, D ; celle de dessous est plate du côté qu'elle touche à la plaque de dessus ; mais du côté qu'elle touche au pli de l'aine, elle est garnie d'une pelote rembourrée. Le centre de cette pelote est appuyé précisément sur le passage de l'artere crurale à sa sortie du ventre. La plaque de dessus est attachée aux deux circulaires qui lui servent de point fixe ; quelques liens attachent ces deux circulaires entr'eux. Celui qui entoure les hanches, empêche la plaque de descendre ; & celui qui entoure la cuisse, l'empêche de remonter, afin qu'elle réponde toûjours au même endroit du pli de l'aine. Une vis E, qui peut tourner sans fin sur la plaque de dessous, passe dans un écrou taraudé sur la plaque de dessus ; desorte que lorsqu'on tourne cette vis à droite, on écarte les deux plaques l'une de l'autre ; & on les rapproche lorsqu'on tourne à gauche. Mais afin qu'elles s'éloignent & qu'elles s'approchent en ligne droite, il y a deux petites fiches 1, 2, qui s'élevent perpendiculairement de la plaque de dessous, & passent chacune par un trou percé dans la plaque de dessus, l'une à droite & l'autre à gauche de la vis. Ces deux tiges dirigent l'approche & l'éloignement des deux plaques, & c'est par elles qu'elles s'approchent ou s'éloignent toûjours parallelement. Lorsque le bandage est bien posé, en tournant la vis à droite pour écarter les deux plaques, on comprime tellement l'artere, que le sang n'y peut plus passer.

Jusques-là cette machine ne fait que remplir l'usage du tourniquet ; elle ne sert qu'à retenir le sang pendant l'opération : mais pour arrêter le sang des vaisseaux que l'on vient de couper, il faut un second bandage composé d'une double plaque comme le premier. A la plaque de dessus viennent aboutir & s'accrocher quatre courroies qui sont solidement retenues aux deux circulaires du premier bandage. Avant que de les appliquer, il faut placer en comprimant une pelote de charpie sur le vaisseau, non directement sur son embouchure, mais sur le côté de cette embouchure le plus éloigné de l'os, afin que le pressant vers l'os, les parois de l'artere s'appliquent l'un contre l'autre : on met plusieurs tampons les uns sur les autres ; ensuite on pose sur le dernier tampon de charpie le centre de la pelote G, qu'on assujettit avec les courroies F, qui viennent toutes se rendre à la plaque de dessus H. Alors si on tourne la vis, les deux plaques s'écarteront ; & comme la supérieure ne peut remonter, parce qu'elle est assujettie par les courroies, il faut que la plaque inférieure s'enfonce & appuie sur les tampons, qui effaceront la cavité de l'artere, de façon que le sang ne pourra en sortir.

Cette compression étant faite, on desserre la pelote qui agit sur le tronc de l'artere, jusqu'à ce qu'on sente le battement au-dessous du point où il étoit comprimé.

A chaque pansement il faut avoir la précaution de tourner la vis du bandage superieur pour empêcher le cours du sang dans la branche ouverte ; & lorsqu'on a levé & changé l'appareil, & qu'on a suffisamment comprimé l'embouchure du vaisseau, on desserre la pelote qui comprime le tronc de l'artere. C'est ainsi que les fontainiers, lorsqu'ils veulent souder un tuyau de plomb qui est percé, commencent par arrêter l'eau, en fermant un robinet audessus de l'endroit percé, afin que le cours de l'eau ne s'oppose point à la réparation du conduit.

Des esprits trop disposés à diminuer le mérite des inventions des autres, ont crû trouver le germe de celle-ci dans l'arsenal de Scultet, où effectivement on voit une machine proposée par cet auteur pour comprimer l'artere radiale, au moyen d'une vis. Mais qu'il y a loin de ce bandage à celui de M. Petit, qui tire un nouvel éclat des circonstances dans lesquelles il a été imaginé ! On avoit coupé la cuisse fort haut à une personne de grande distinction ; la ligature manqua au bout de quelques jours ; les styptiques, les escarotiques, & la compression ordinaire avoient été sans effet ; le malade périssoit, & l'état du moignon ne permettoit pas qu'on fît de nouvelles tentatives de ligature. La conjoncture étoit très-délicate ; il n'y avoit qu'un instant pour reconnoître l'état des choses, & trouver les moyens d'y remédier. M. Petit fit faire une compression sur l'artere dans l'aine, & plaça à côté du malade un chirurgien qui comprimoit avec l'extrémité du doigt, l'ouverture de l'artere. Il passa la nuit à faire construire le bandage qui remplit les mêmes vûes, & il fut appliqué le lendemain matin avec le succès que M. Petit avoit prévû. Les plus célebres chirurgiens témoins d'une opération qui avoit attiré les yeux de tout Paris, ne purent s'empêcher d'admirer la présence & l'activité de l'esprit de l'auteur. Le malade doit évidemment la vie à ce bandage, fruit d'un génie heureux, & cette cure est sans contredit une de celles qui ont fait le plus d'honneur à la Chirurgie françoise.

Malgré tous les avantages de la compression méthodique imaginée par M. Petit, les chirurgiens s'en tenoient à la pratique de la ligature, lorsqu'en 1750, M. Brossard, chirurgien d'une petite ville de Berry, vint à Paris proposer un topique infaillible pour arrêter le sang des arteres. On lui permit d'en faire l'application dans une opération d'anevrysme faux consécutif, à la suite d'un coup d'épée au bras. Le topique soûtenu par une compression convenable, arrêta fort bien l'hémorrhagie, & le malade guérit sans ligature. Ce fait ne parut pas fort concluant en faveur du topique, à ceux sur-tout qui savoient que quelques années auparavant, on s'étoit dispensé de faire la ligature dans un cas semblable à l'hôpital de la Charité, & que le malade avoit été parfaitement guéri par la seule compression qui avoit été faite sous la direction de M. Petit. On employa le topique en différentes amputations ; & quoiqu'il fût possible d'affoiblir le mérite de ce remede par les heureuses expériences qu'on avoit de la simple compression, on crut devoir acheter le secret du sieur Brossard. C'est une excroissance fongueuse nommée agaric, & dont on fait l'amadoue. Quoique cet agaric croisse sur différens arbres, comme le chêne, le hêtre, le frêne, le sapin, le bouleau, le noyer, M. Brossard prétend que celui qui vient aux vieux chênes qui ont été ébranchés, est le meilleur. On n'en prend que la substance fongueuse qui prete sous le doigt comme une peau de chamois ; on en fait des morceaux plus ou moins grands que l'on bat avec un marteau pour les amollir, au point d'être aisément dépecés avec les doigts. On doit conserver l'agaric ainsi préparé dans des bocaux de verre, pour que les insectes ne le mettent point en poudre. Dans l'application il faut avoir soin de s'en servir à sec sur l'orifice du vaisseau, & de le soutenir par une compression suffisante. L'agaric se colle par le moyen du sang à la circonférence du vaisseau, & est véritablement un excellent moyen pour arrêter l'hémorrhagie, qui dispensera dans beaucoup de cas, de l'usage de la ligature. Voyez LIGATURE.

La réputation du nouveau topique a fait rechercher les différens moyens dont on s'étoit servi dans la pratique pour éviter les inconvéniens de la ligature, que toutes les nations n'ont point adoptée aussi généralement qu'on l'a fait en France. Dionis même nous apprend que de son tems les chirurgiens de l'hôtel-Dieu de Paris ne s'en étoient pas encore servi. Van-Horne blâme la ligature des vaisseaux comme un moyen douloureux & cruel. " Nous réussissions bien mieux, dit-il, en nous servant d'une espece de champignon commun dans notre pays (en Hollande) qu'on appelle vesse-de-loup, & vulgairement bovist ". Ce remede est extrêmement recommandé par plusieurs auteurs, tels que Jean Bauhin, Nuck, &c. Verduin qui loue la ligature comme la méthode la plus suivie par les meilleurs praticiens, ajoûte qu'il y en a pourtant encore qui arrêtent le sang avec un bouton de vitriol, ou avec plusieurs morceaux de vesse-de-loup, & un autre grand morceau par-dessus ; que ce fongus est un fort bon astringent, & que cette pratique est en usage en Allemagne & en Hollande.

Pierre Borel, medecin du roi à Castres, au milieu du dernier siecle, parle d'un moyen qu'il dit être un secret admirable pour arrêter le sang après l'amputation d'un membre. Un chirurgien de sa connoissance faisoit des petites chevilles d'alun, qu'il noircissoit avec de l'encre pour qu'on ne devinât point son remede. Il mettoit ces especes de tentes dans l'orifice des vaisseaux, & appliquoit par-dessus un appareil convenable. Borel assûre que ce moyen a été constamment suivi du plus grand succès ; il n'y a pas lieu d'en douter ; on pourroit encore s'en servir malgré l'efficacité de l'agaric, que l'expérience a montré n'être pas un moyen infaillible dans tous les cas, & qui n'est pas un moyen nouveau, mais simplement renouvellé. Christophe Encelius dit qu'il n'y a point de moyen qui opere plus promtement pour arrêter toute espece d'hémorrhagie, que la poudre d'uva quercina ; c'est, dit cet auteur, une espece de champignon qui se trouve au pié du chêne.

Je ne crois pas pouvoir mieux terminer cet article, qu'en rapportant la doctrine de Lanfranc, chirurgien de Milan, qui vint à Paris en 1295, & s'y fit admirer par son savoir en Chirurgie, dont il donna des leçons publiques.

On connoîtra, dit Lanfranc, que le sang vient d'une artere, parce qu'il sortira par bonds, suivant la dilatation & la constriction de l'artere. Portez le doigt dans la plaie sur l'orifice du vaisseau, & tenez-l'y pendant une grande heure : il se formera un caillot, & vous appliquerez ensuite avec plus de succès le médicament convenable, qui sera préparé avec deux gros d'encens en poudre & un gros d'aloës ; on en fera une masse en consistance de miel avec du blanc d'oeuf, & on y ajoûtera des poils de lievre coupés bien menus. Il n'y a pas de meilleur astringent que ce remede ; il est bien préférable aux caustiques qui laissent le danger du renouvellement de l'hémorrhagie à la chûte de l'escharre ; mais celui-ci consolide le vaisseau après avoir arrêté le sang. Il faut avoir attention en levant l'appareil, de ne pas tirer de force ce médicament, s'il est adhérent au vaisseau : il faut au contraire en remettre qui soit un peu plus liquide, & attendre qu'il tombe de soi-même. Si quelque obstacle s'opposoit à l'application ou à l'effet de ce remede, il faudroit avoir recours à la ligature du vaisseau. Tel est le précis de la doctrine de Lanfranc sur les hémorrhagies ; il me semble que les modernes n'ont rien dit de mieux ; le médicament qu'il propose vulnéraire & astringent, est supérieur à l'agaric. La méthode de tenir le bout du doigt pendant un tems assez long sur l'orifice du vaisseau, est excellente, & il est certain qu'avec cette attention il y a effectivement peu d'hémorrhagies qu'on ne doive arrêter avec sécurité & succès. Personne n'a prescrit des précautions plus sages pour les pansemens ; dans les observations que l'auteur rapporte, on voit qu'il ne levoit l'appareil que le quatrieme jour, qu'il ne touchoit point au fond de la plaie, & qu'il attendoit de la nature, la chûte du médicament qui avoit arrêté le sang. L'on acquiert bien peu d'expérience dans le cours de la plus longue vie ; il faut se rendre propre celle de tous nos prédécesseurs, ils ont laissé des préceptes & des exemples admirables qui sont trop peu connus.

La pratique présente quelquefois des cas singuliers & imprévus, où la présence d'esprit du chirurgien devient une ressource capitale. On arrête assez facilement l'hémorrhagie qui suit l'extraction d'une dent, en remplissant l'alvéole de charpie brute, en faisant avec des compresses graduées un point d'appui suffisant que l'action des dents opposées contient avec force. Ce moyen s'est trouvé infidele dans un cas particulier, où la portion de l'os maxillaire qui forme la paroi de l'alvéole étoit éclatée. Feu M. Belloy eut recours à un morceau de cire pétrie entre les doigts, dont il mastiqua pour ainsi dire l'alvéole, & il parvint par ce moyen à arrêter une hémorrhagie menaçante qui n'avoit cedé à aucune des tentatives les plus approuvées. M. Foucou, très-habile dentiste, a imaginé depuis une machine fort ingénieusement composée, pour embrasser l'arcade alvéolaire dans le cas d'hémorrhagie, après l'extraction d'une dent. Cet instrument est gravé dans le troisieme tome des mémoires de l'académie royale de Chirurgie.

S'il est difficile d'arrêter le sang dans un endroit favorable au succès de la compression, que n'a-t-on pas à craindre, lorsque l'hémorrhagie vient d'un vaisseau ouvert dans l'épaisseur d'une partie dépourvûe de point d'appui, & qui est dans un mouvement continuel ? M. Belloy a observé une hémorrhagie après l'opération de la paracenthese. En retirant la cannule du trois-quart, le sang jaillit par la plaie, comme d'une grosse veine ouverte avec la lancette. L'appareil fut bien-tôt imbibé de sang, & aucune compression ne put parvenir à l'arrêter ; il fallut introduire dans la plaie un petit fausset de cire qui eut quelques inconvéniens que n'avoit pas une bougie. Quoique cette hémorrhagie soit rare, il est bon d'être informé de sa possibilité, & du moyen d'y remédier, parce que des chirurgiens qui n'auroient pas le génie de l'invention dans une pareille circonstance, pourroient avoir la douleur de voir périr sous leurs yeux un malade, à l'occasion d'une opération qui devoit lui être salutaire. (Y)


HÉMORRHOIDA(FLUX), Medecine, d' sang, & de fluer, couler. Ce terme, pris à la lettre, signifie en général un écoulement, une perte de sang, & se trouve par-là synonyme d'hémorrhagie : mais l'usage en a fixé le sens, pour exprimer en particulier la tuméfaction des veines de l'anus ou de l'extrémité de l'intestin rectum, devenue variqueuse (ce qu'Hippocrate designe par les mots de ) ou susceptibles par quelque cause que ce soit, d'être gorgées de sang, au point qu'elles s'ouvrent souvent, & qu'il en résulte effectivement un écoulement de sang, une hémorrhagie.

Les Anatomistes ont aussi appellé hémorrhoïdaux, les vaisseaux tant artériels que veineux, qui se distribuent au fondement, & qui portent le sang dans cette partie, où peuvent se former des tumeurs sanguines ou des flux de sang tels qu'il vient d'être dit.

Il y a deux arteres, comme deux veines hémorrhoïdales : l'artere hémorrhoïdale interne est un rameau de la mesentérique inférieure, qui rampe le long de l'intestin droit, & se termine au fondement : l'artere hémorrhoïdale externe vient de l'hypogastrique. Les veines hémorrhoïdales, qui sont ordinairement le siége des symptômes des hémorrhoïdes, sont distinguées en deux rameaux, dont l'un qui est aussi dit interne ou supérieur, appartient à la branche mesentérique de la veine-porte, & communique avec la branche splénique ; circonstance qui avoit donné lieu à l'erreur des anciens, qui croyoient que c'est par ces vaisseaux que se dégorge l'artere dans les flux hémorrhoïdaux ; erreur qui a été reconnue par la découverte de la circulation du sang, & par la connoissance de son véritable cours acquise en conséquence : d'où il résulte, qu'il n'y a aucune influence directe de ce viscere sur les vaisseaux de l'anus. L'autre rameau des veines hémorrhoïdales, dites externes ou inférieures, se joint à la veine hypogastrique, qui s'insere à la veine-cave ; en sorte que l'origine des vaisseaux qui se distribuent à l'intestin rectum, répond à ses différentes connexions, savoir au mesocolon & à l'os sacrum.

De cette distribution de vaisseaux il s'ensuit, qu'une partie de ceux de l'intestin rectum & du cou de la matrice ayant la même origine, communiquent entr'eux par ce moyen ; (voyez MATRICE) ce qui peut servir à rendre raison, pourquoi le flux hémorrhoïdal est souvent un supplément au flux menstruel, (voyez MENSTRUES) & pourquoi les douleurs hémorrhoïdales s'étendent souvent aux parties génitales.

Il y a différentes sortes d'hémorrhoïdes : on distingue principalement celles qui restent fermées, d'avec celles qui sont ouvertes. Celles-là sont aussi appellées aveugles, coecoe, parce que la tumeur hémorrhoïdale qui forme comme un oeil, n'est point ouverte ; & furentes, comme furieuses, lorsque dans ce cas elles sont accompagnées de beaucoup de douleur. On distingue encore les hémorrhoïdes en internes & en externes, selon qu'elles ont leur siége au-dehors ou au-dedans du fondement. Elles sont aussi dites critiques, lorsqu'elles sont l'effet des efforts salutaires de la nature, ce qu'on appelle vulgairement & assez à propos un bénéfice de nature, quand elles sont spontanées : on les nomme symptomatiques, lorsqu'elles naissent d'une maniere pernicieuse, & qu'elles sont la suite de quelque vice dans les visceres du bas-ventre ou de la partie affectée.

Les hommes sont plus sujets que les femmes aux hémorrhoïdes, sur-tout considérées comme critiques ; parce que le besoin de ce flux de sang est suppléé dans celles-ci par les menstrues : c'est aussi comme critiques principalement, que l'on observe que les hémorrhoïdes sont plus fréquentes dans les climats chauds, que dans les froids. Il est encore à remarquer qu'elles surviennent plus communément aux adultes, entre la jeunesse & la vieillesse, que dans le bas âge, aux environs de celui de puberté & dans l'âge bien avancé.

On doit regarder comme constant, d'après les plus grands observateurs, que les congestions se font dans différentes parties du corps, selon les différens tems de la vie, par une disposition particuliere dans l'économie animale ; ensorte que les enfans & les jeunes gens sont spécialement sujets aux hémorrhagies par le nez. A l'âge viril, jusqu'à trente-cinq ans environ, on devient sujet au crachement de sang, à l'hémophtysie, & dans la vieillesse au pissement de sang : les hémorrhoïdes semblent donc regarder plus particulierement le moyen âge : pour la raison de ces différens effets, qui n'est pas facile à déterminer, voyez NATURE, ÉCONOMIE ANIMALE, HEMORRHAGIE, SAIGNEMENT DE NEZ, HEMOPHTYSIE, &c. On se bornera à faire ici une application particuliere de ce qui donne lieu aux hémorrhagies critiques.

Comme il est peu de personnes qui observent le régime convenable pour la conservation de la santé dans un état aussi parfait, qu'elle seroit susceptible d'y être, & que dans tous les tems de la vie, l'intempérance, le défaut d'exercice, contribuent à faire surabonder les humeurs dont l'excédent est porté le plus souvent (par un principe véritablement actif, ou par la tendance générale à l'équilibre, dans le corps animal) vers les parties où il se trouve moins de résistance ; (Voyez NATURE, FACULTE, EQUILIBRE, Physiol.) il est ordinaire de voir que dans le moyen âge, un des effets le plus commun de la pléthore est la formation des hémorrhoïdes, qui doivent alors être regardées comme salutaires, surtout si elle est suivie de flux-de-sang, parce qu'elles sont l'effet des efforts critiques de la nature, par les spasmes qu'elle opere, qui resserrent, qui étranglent les veines vraisemblablement par le même méchanisme, que dans l'érection de la verge. (Voyez EFFORT, Physiol. ERECTION.) Ensorte que le sang y est arrêté, s'y accumule, sans qu'il cesse d'y en être porté de nouveau ; que la circulation s'y fait à-peu-près comme dans les corps caverneux dilatés ; que le sang dans les vaisseaux hémorrhoïdaux, forcés, relâchés, n'y est pas absolument croupissant ; & que l'excédent est rapporté par les veines dans la masse, (comme celui de la verge, à mesure que l'erection cesse) lorsque l'équilibre se rétablit par quelque cause que ce soit, interne ou externe, entre les vaisseaux hémorrhoïdaux & les autres vaisseaux du corps ; à moins que ceux-là ne se dégorgent auparavant en cédant à l'effort critique, en s'ouvrant pour former un flux-de-sang.

Ce flux hémorrhoïdal, par le renouvellement de la pléthore, devient souvent aussi régulier dans ses retours, que le flux menstruel ; ce que l'on a observé souvent dans un grand nombre d'hommes (voyez Horstius, lib. V. observ. 45.) ce qui arrive même aussi quelquefois dans les femmes, après la suppression naturelle des regles, selon Ettmuller de haemorrhoïd. & pendant la grossesse, selon Schenckius, dans ses oeuvres, lib. III. & Amatus Lusitanus, cent. V. cur. 3. mais il est plus ordinaire que le flux hémorrhoïdal & les symptomes qui le précedent, soient irréguliers dans leur apparition : ce qui fait encore distinguer les hémorrhoïdes en périodiques & en erratiques.

Il suit de ce qui vient d'être dit, que la cause immédiate des hémorrhoïdes est une sorte de pléthore particuliere dans les vaisseaux de l'intestin rectum, qui engorge principalement les veines, attendu que leurs tuniques résistent moins, & que la surabondance du sang peut y être déposée comme dans les vaisseaux relâchés, par l'effet d'une ventouse : en effet, la position des veines hémorrhoïdales, qui sont d'un tissu foible dans la cavité du bassin, où elles ne sont point soutenues, où elles sont exposées à être relachées ultérieurement par l'humidité onctueuse de la graisse, dans laquelle elles sont ordinairement comme ensevelies ; exposées à la compression, au frottement des matieres fécales, lorsqu'elles sont sous forme solide, dure ; & à l'action rongeante de ces mêmes matieres, lorsqu'elles sont fluides & acrimonieuses ; sujettes à l'étranglement de leur canal, à la gêne dans le cours du sang, qu'y peut causer la situation fréquente d'être assis, d'aller à cheval, jointe à tout cela la difficulté dans le retour du sang, qui est le plus souvent dans le cas de remonter contre son propre poids, à cause de la direction parallele de ces veines le long de l'intestin rectum ; toutes ces circonstances concourent à établir la disposition particuliere, à ce que ces veines deviennent aisément variqueuses, & soient plus susceptibles, tout étant égal, des effets de la pléthore, qu'aucune autre partie du corps, excepté la matrice ; ce qui sert principalement à rendre raison pourquoi les hommes sont plus sujets aux hémorrhoïdes que les femmes, & pourquoi celles-ci éprouvent souvent que le flux hémorrhoïdal est le supplément le plus naturel du flux menstruel.

Il faut noter que le sang n'est pas toûjours la seule matiere du flux hémorrhoïdal ; il y a plusieurs exemples d'écoulement de différentes humeurs excrémenticielles, corrompues, qui se fait par les vaisseaux hémorrhoïdaux, comme dans les fleurs blanches. Schneider, lib. III. de catharris, rapporte plusieurs observations à ce sujet.

La déjection sans tranchées, sans douleurs qui la précedent, sans ténesme, distinguent le flux hémorrhoïdal du flux dissentérique ; & d'ailleurs dans celui-ci le sang est mêlé avec les matieres fécales, & ressemble à de la raclure de boyaux, au lieu que dans celui-là, le sang est ordinairement séparé des matieres, qui sont ordinairement sous forme solide ; d'ailleurs, il est d'une couleur plus foncée, & quelquefois même il est rendu en caillots, lorsqu'il sort de l'intérieur du boyau où il a sejourné après son épanchement. Ces dernieres circonstances suffisent pour distinguer aussi le flux hémorrhoïdal du flux hépatique. L'hémorrhagie scorbutique, par la voie des selles, se fait sans dépendre des déjections, les précede souvent ou les suit sans conséquence (Voyez SCORBUT) ; au lieu que les hémorrhoïdes ne produisent un flux-de-sang considérable que par l'effet des déjections, sans quoi, ou elles fluent peu, ou elles ne fluent point du tout.

L'écoulement de sang qu'elles produisent paroît n'être jamais dépendant de la volonté ; cependant il n'est pas sans exemple que la nature ait pu se faire une habitude de lui obéir, relativement à cet effet. Panarole, Pentecost. 2. obs. 47. fait mention d'un vieillard, qui ayant été sujet dans sa jeunesse à un flux hémorrhoïdal salutaire, se l'étoit rendu si familier, & tellement à sa disposition, que lorsque, dans un âge plus avancé, il se sentoit quelque indisposition, à la guérison de laquelle il jugeoit qu'une évacuation hémorrhoïdale pouvoit contribuer, il se la procuroit, & de telle quantité qu'il croyoit nécessaire ; ce qui ne laisse aucun doute que dans bien des cas, le flux hémorrhoïdal ne soit l'effet d'une puissance active, indépendamment d'aucune détermination méchanique, quoique la chose se fasse d'une maniere moins sensible, que dans le cas de ce vieillard.

Lorsque les tumeurs hémorrhoïdales ne s'ouvrent point, c'est-à-dire, qu'elles ne forment point de flux-de-sang, elles sont ce qu'on appelle hémorrhoïdes fermées, coecoe ; elles ne sont incommodes qu'autant qu'elles deviennent douloureuses, avec ardeur, tension, dureté, comme de vrais furoncles ; on peut les regarder alors comme une sorte d'inflammation de l'anus, & quelquefois d'une bonne partie de l'intestin rectum ; car l'engorgement des veines comprimant dans ce cas les arteres, y gêne le cours du sang, & y établit une véritable disposition inflammatoire, qui rend les parties très-douloureuses, surtout dans les hémorrhoïdes internes, & lorsque la déjection des matieres fécales durcies par la constipation, qui accompagne ordinairement cet état, se fait avec efforts, qui causent quelquefois une irritation si considérable, qu'elle va jusqu'à procurer des défaillances, & quelquefois des mouvemens convulsifs, avec desordre dans toute l'économie animale, ce qui cesse aussitôt que la déjection est finie.

Les hémorrhoïdes fermées s'enflent quelquefois si considérablement, qu'on en a vû, selon Lindanus, in colleg. super Hartman. qui formoient des tumeurs grosses comme le poing, qui sortoient hors de l'anus ; mais alors il est rare qu'elles soient douloureuses.

On distingue les tumeurs causées par les hémorrhoïdes, des tumeurs qui viennent à l'anus par d'autres causes, en ce que les premieres sont noirâtres ordinairement, par l'effet du sang veineux dont elles sont formées, & qu'elles sont compressibles, à moins que la douleur ne l'empêche, qualités que n'ont pas les condylomes, les fics, qui sont de couleur de la peau, comme charnus, & ont par conséquent plus de consistance sans la devoir à l'inflammation, comme les furoncles hémorrhoïdaux.

Les mauvais effets que causent les hémorrhoïdes, proviennent donc principalement de leur inflammation, ou du flux-de-sang trop considérable. Les suites de l'inflammation sont la fievre souvent très-aiguë, l'insomnie & tous les effets de la douleur ; si les hémorrhoïdes ne s'ouvrent pas pour former une hémorrhagie, ce qui se fait difficilement, dans ce cas il succede quelquefois une simple transudation sanieuse, ichoreuse, fétide, qui ne laisse pas de procurer du soulagement ; c'est comme une espece de résolution de l'humeur qui forme l'embarras inflammatoire, mais souvent au lieu d'une terminaison aussi peu fâcheuse, il suit des symptômes de bien plus grande conséquence, tels que des abscès & ses suites, ainsi qu'il a été dit des dispositions à la gangrene, au sphacele, qui se communiquent aux parties voisines à mesure qu'ils se forment dans la partie affectée, où ils font en peu de tems les progrès les plus rapides. Voyez INFLAMMATION, ABSCES.

La trop grande perte de sang cause l'abattement des forces, dispose à des défaillances qui peuvent être funestes ; & si cette perte excessive est habituelle, elle peut jetter les malades dans la cachexie, l'hydropisie, &c. Voyez HEMORRHAGIE.

Les hémorrhoïdes invétérées, qui rendent trop fréquent l'engorgement des vaisseaux qui en sont le siége, changent tellement le tissu de la partie, qu'il en résulte des obstructions dans les vaisseaux lymphatiques, nourriciers, qui disposent les membranes, les tuniques de l'intestin droit, à devenir skirrheuses, calleuses, dans une étendue considérable, ainsi que Riviere, Sanchez, rapportent l'avoir observé ; & s'il s'y forme des abscès en même tems, ils dégénerent en ulceres fistuleux, carcinomateux (Voyez FISTULE A L'ANUS) ; ou il s'ensuit des solutions de continuité, des hémorrhagies, que l'on ne peut supprimer que très-difficilement ; ainsi qu'il arrive souvent à l'égard de celles qui sont causées indépendamment du vice de la partie, par une suite des obstructions du foie & des autres visceres du bas-ventre, avec lesquels il y a du rapport : ces obstructions forment un si grand embarras pour le retour du sang dans les vaisseaux qui forment la veine-porte, qu'il s'arrête aisément dans les veines hémorrhoïdales, attendu le plus de disposition qui s'y trouve, les engorge, les dilate, les force à s'ouvrir, & se porte obstinément où il trouve moins de résistance, conséquemment vers les ouvertures de ces veines ; d'où vient que les hypocondriaques, dont la maladie dépend principalement de ces obstructions, sont si sujets aux hémorrhoïdes & à tous leurs inconvéniens.

On a observé que la plûpart des personnes qui sont habituellement affectées des hémorrhoïdes, ont la couleur de la peau, sur-tout du visage, d'un jaune tirant sur le verd ; ce qui n'a lieu vraisemblablement, que lorsque les embarras du foie contribuent aux hémorrhoïdes : ce qui est assez commun.

Mais ce qui a le plus de part à les rendre nuisibles à la santé, c'est l'imprudence d'employer des moyens pour s'en délivrer mal-à-propos, tels que les répercussifs, ou tout autre, qui peut les faire rentrer, comme on dit, & les faire disparoître presque subitement, sur-tout lorsqu'elles sont véritablement critiques ; d'où s'ensuit que, lorsque la répercussion empêche le sang hémorrhoïdal de se faire place dans ses veines, en les dilatant de plus en plus, ou en se faisant une issue par leur rupture, il se porte d'autant plus dans les vaisseaux voisins, qui sont susceptibles de céder & de le recevoir ; il les force, les engorge, y forme des embarras inflammatoires, des distentions douloureuses, qui font des coliques violentes, souvent même convulsives, dans la région hypogastrique, accompagnées de ventosités, effet du spasme qui se fait dans différentes portions des intestins où il se trouve de l'air renfermé : il faut cependant alors bien se garder de confondre ces coliques avec les coliques venteuses proprement dites, & de les traiter en conséquence ; parce que les remedes chauds qui conviennent à celles-ci, ne font qu'augmenter le mal à l'égard des premieres, qui ne demandent que des adoucissans, des émolliens différemment employés, selon l'art, tant extérieurement qu'intérieurement, pour relâcher, étendre les parties irritées, où il seroit avantageux de rappeller le sang détourné dans d'autres, où il ne peut que produire de mauvais effets : les anodins antispasmodiques conviennent aussi très-bien dans ce cas, pour faire cesser le trop grand érétisme dans le genre nerveux.

Et comme, lorsque les hémorrhoïdes ont de la peine à se former, elles sont souvent précédées de douleurs dans les entrailles, & à la région lombaire sur-tout, que l'on prend quelquefois d'abord pour une colique néphrétique, ces symptômes doivent être attribués à la même cause que ceux dont il vient d'être fait mention, qui ont rapport avec la colique venteuse ; ils demandent les mêmes secours, que l'on ne doit cependant pas se presser d'employer jusqu'à ce que l'on se soit assuré, que les efforts pour la formation des hémorrhoïdes ne peuvent pas avoir leur effet, sans que l'on aide la nature.

Si ces efforts ne sont point accompagnés de douleurs, d'irritation, & qu'il ne se forme que des boutons d'hémorrhoïdes dans les cas où le flux-de-sang est nécessaire, les purgatifs âcres, irritans, les aloëtiques particuliérement, & les suppositoires de même qualité, qui peuvent par l'abus qu'on en fait, contribuer à exciter mal-à-propos les hémorrhoïdes, par le relâchement, l'atonie, qui succedent aux irritations, aux spasmes qui sont l'effet de ces médicamens, peuvent aussi être employés utilement pour rendre les hémorrhoïdes fluentes, lorsqu'il peut être salutaire de faire couler du sang par cette voie ; ce qui ne peut guere avoir lieu que dans les personnes d'un tempérament sanguin, à l'égard desquelles la disposition aux hémorrhoïdes est si naturelle, qu'il en est plusieurs en qui elle est ou devient héréditaire. Voyez TEMPERAMENT.

En effet, Hippocrate, Galien, Celse, Hildanus, Forestus, Alpinus, & presque tous les plus grands observateurs praticiens, s'accordent à regarder le flux hémorrhoïdal comme très-avantageux dans bien des circonstances, & très-efficace pour délivrer de bien des maladies chroniques, telles que la mélancolie, les vapeurs, les vertiges, la manie même, & la folie habituelle, la jaunisse, la gravelle, la goutte, le scorbut ; il y a une infinité de faits qui établissent incontestablement la propriété des hémorrhoïdes, pour contribuer à la guérison de ces différentes maladies, & de plusieurs autres qui y ont rapport : elles ont aussi souvent fait cesser le pissement de sang, l'hémopthysie, le saignement de nez, la disposition à l'apoplexie, & ont contribué à procurer la guérison des attaques de cette derniere maladie ; ce qui a engagé par analogie, à y employer l'application des sangsues avec beaucoup de succès.

Ce qui confirme davantage le bon effet du flux hémorrhoïdal dans tous ces cas, c'est qu'on a vû la plûpart de ces maladies avoir lieu par une suite de la suppression de ce flux-de-sang, & cesser par son rétablissement survenu naturellement, ou procuré à cet effet. Voyez les observations des auteurs qui viennent d'être cités : elles sont en grand nombre sur ce sujet. Hippocrate entr'autres, lib. VI. aph. 12. juge qu'il est si dangereux de fermer d'anciennes hémorrhoïdes fluentes ; que si entre plusieurs boutons, on n'en laisse pas un d'ouvert, on exposera le sujet à tomber dans l'hydropisie ou dans l'atrophie.

Ainsi on ne sauroit apporter trop d'attention à bien distinguer les hémorrhoïdes critiques, d'avec les symptomatiques, pour en tirer un prognostic juste, & ne pas s'exposer à des erreurs de la plus grande conséquence, dans le traitement d'un concours d'accidens, qui souvent ne demandent point à être traités, mais à être laissés à eux-mêmes & aux soins de la nature, lorsque les effets qui s'ensuivent ne peuvent ni ne doivent pas être regardés comme morbifiques ; ce qui est marqué principalement lorsque la perte de sang se fait sans diminution de forces, & que l'exercice des fonctions essentielles à la santé, n'éprouve aucun changement essentiellement désavantageux : si le contraire arrive, en général il y a lieu alors de regarder le flux hémorrhoïdal comme une vraie maladie, comme une hémorrhagie pernicieuse par ses effets & par ses suites, qui demande les secours de l'art, de la maniere indiquée par les accidens qui l'accompagnent. Voyez HEMORRHAGIE.

S'il survient un flux hémorrhoïdal excessif, dans les maladies causées par les obstructions, par le skirrhe au foie, c'est un signe qui annonce le plus grand danger, & qui est très-souvent mortel.

Il suit de tout ce qui vient d'être dit des hémorrhoïdes, qu'il ne faut pas employer des remedes à leur égard, sans être bien assuré de la nature du mal réel ou apparent : si elles sont caractérisées de maniere à devoir être regardées comme critiques, & qu'elles ne se fassent sentir que par des tumeurs au fondement ou au-dedans de l'anus, qui y donnent le sentiment d'une matiere au passage, dont on ne peut pas faire la déjection ; si elles sont sans douleur, sans aucune incommodité considérable, le meilleur parti est de n'y rien faire : Expecta ; (c'est le conseil de Stahl, qui n'a point le ridicule qu'on a voulu trouver. Voyez EXPECTATION). Il ne faut pas même se presser de les rendre fluentes, lorsqu'elles ne le sont pas, à moins qu'il n'y ait d'ailleurs des indications pour procurer un flux-de-sang révulsif : si elles deviennent fluentes d'elles-mêmes, sans excès & sans autre incommodité, il faut les laisser couler & ne pas plus penser à les supprimer, qu'on le fait à l'égard des menstrues, qui ont leur cours ordinaire ; on doit seulement observer le régime convenable, pour que le flux-de-sang ne devienne pas immodéré ; ainsi on doit éviter tout ce qui peut échauffer, agiter le sang extraordinairement, soit à l'égard des alimens & de la boisson, soit pour l'usage des autres choses qu'on appelle non naturelles. Voyez HYGIENE. On peut utilement faire usage dans ce cas de ptisanes tempérantes, nitreuses, pour faciliter l'évacuation de la surabondance du sang, qui donne lieu aux hémorrhoïdes critiques ; lorsqu'elles fluent moins qu'il n'est nécessaire, on a recours aux eaux minérales de toute espece, dont on fait choix selon les tempéramens, aux ptisanes diaphorétiques, sudorifiques, apéritives, incisantes, pour disposer la masse du sang à fournir la matiere du flux hémorrhoïdal de la maniere convenable : on peut aussi faciliter cette évacuation, en appliquant au fondement une éponge chargée de décoction émolliente tiede, en recevant la vapeur d'une pareille décoction bien chaude, ou par tout autre moyen propre à relâcher ultérieurement les vaisseaux par lesquels se fait le flux-de-sang.

Si l'on ne peut pas réussir par ces différens moyens, à rendre ce flux aussi considérable qu'il est nécessaire, on ne doit pas cependant recourir aux applications irritantes, pour ne pas s'exposer à rendre les hémorrhoïdes douloureuses, qui peuvent par-là devenir très-fâcheuses, comme il a été dit ; ainsi dans le cas où le flux n'est pas suffisant, & que l'on a à craindre une métastase, c'est-à-dire un transport du sang hémorrhoïdal dans quelque autre partie où il pourroit produire de funestes effets, on doit avoir recours à l'application des sangsues autour du fondement ; & si elle ne suffit pas, ou qu'on n'ait pas de ces insectes de qualité convenable (Voyez SANGSUE), ou pour en faire usage à tems, à propos, on peut y suppléer par l'application des ventouses à l'anus, aux cuisses, aux lombes, & par des scarifications à ces différentes parties ; mais la saignée au pied suffit souvent, & assez promtement, pour que l'on y ait recours avant d'employer ces derniers moyens.

Mais dans le cas contraire où le flux hémorrhoïdal est excessif, c'est la saignée au bras qui convient, comme un moyen de révulsion qui est à employer & à répéter autant que les forces le permettent ; & si cela ne suffit pas pour modérer le flux-de-sang, & qu'il y ait même indication de l'arrêter totalement, on doit alors faire usage des applications astringentes, avec des linges, des éponges, imbus de décoctions appropriées, de bon vinaigre même, ou du coton trempé dans des liqueurs styptiques ; on peut même appliquer un bouton de vitriol, ou un morceau de l'agaric styptique, si l'on peut atteindre au vaisseau ouvert, & même en tenter la ligature, si l'on peut saisir le bouton hémorrhoïdal ; & enfin, si l'on ne peut pas user de ces différens moyens, ou qu'on ne le fasse pas avec succès, on peut à l'extrémité, en venir à employer le cautere actuel, comme l'astringent le plus sûr ; mais on doit éviter le plus qu'il est possible, de faire des plaies à l'anus, parce qu'elles guérissent difficilement, & dégénerent souvent en ulceres de mauvaise qualité, qui s'étendent beaucoup, deviennent calleux, forment ainsi des fistules ; & après avoir donné bien de l'embarras, ont souvent des suites funestes. Voyez FISTULE.

Dans les cas où les hémorrhoïdes ne peuvent pas s'ouvrir, & qu'elles sont accompagnées de beaucoup d'irritation, de douleur, il faut les traiter comme les tumeurs inflammatoires, par le moyen des saignées convenables, des émolliens résolutifs, anodins, des antiphlogistiques nitreux, tant intérieurement qu'extérieurement, c'est-à-dire sous forme de ptisane, d'aposeme, de bouillon, de julep, de clystere, de cataplasme, de fomentation, de vaporation, différemment employés selon les différentes indications. L'application des sangsues peut aussi être mise en usage avec succès ; mais seulement lorsque la douleur est bien diminuée, pour en prévenir le retour, en dégorgeant les vaisseaux, s'ils ne sont pas disposés à s'ouvrir d'eux-mêmes ; ainsi lorsque cette disposition manque habituellement, & qu'il ne se forme pas de flux hémorrhoïdal spontané, comme il ne peut paroître dans ce cas que des tumeurs hémorrhoïdales, qui ne peuvent produire que des effets fâcheux lorsqu'elles sont sujettes à devenir douloureuses, on doit s'appliquer à en empêcher la cause, en évitant qu'il ne se forme de pléthore, ou au moins à détourner lorsqu'elle est formée, les efforts que la nature est portée à faire pour la dissiper par la voie des vaisseaux hémorrhoïdaux, ou pour y déposer l'excédent de la masse du sang. Voyez PLETHORE.

On propose dans tous les ouvrages de pratique, une infinité de remedes comme spécifiques, pour la guérison ou pour le soulagement des hémorrhoïdes douloureuses ; mais de ce qu'on varie si fort sur ceux auxquels on doit attribuer cette qualité, qui ne peut convenir qu'à un très-petit nombre, sinon à un seul, pour avoir égard aux différentes circonstances ; il s'ensuit qu'elle n'est reconnue dans aucun, que l'expérience & même le raisonnement puisse faire regarder comme un vrai spécifique. Voyez REMEDE, SPECIFIQUE.

Au reste, pour le détail des remedes & médicamens indiqués dans les différens états des hémorrhoïdes, il faut consulter les auteurs célebres qui ont recueilli ce qui a été proposé de mieux par les anciens, & qui y ont ajouté ce qu'une expérience éclairée a pu leur apprendre à cet égard ; tels sont entr'autres, Pison, Sennert, Riviere, Ettmuller, Baglivi, Hoffman, & le Trésor de Pratique de Burnet, qui réunit un grand nombre de curations faites par différens médecins de réputation : pour les observations, Forestus, Baillou, le Sepulchretum anatomicum de Bonnet, &c. pour la théorie en général, Stahl, qui en a traité ex professo d'une maniere particuliere, avec des observations intéressantes ; Nenter, la dissertation de Santorinus sur ce sujet, Hoffman déja cité, &c. & pour la partie chirurgicale, les institutions d'Heister, &c.


HÉMORRHOIDESsub. fém. pl. terme de Chirurgie. Ces gonflemens variqueux viennent de la stagnation du sang, par sa lenteur à retourner par la veine hémorrhoïdale dans les branches méséraïques, ou celles de la veine-porte. Les veines hémorrhoïdales sont plus sujettes à ces dilatations contre nature, que toutes les veines du corps, parce qu'il n'y a aucun muscle qui par son action procure ou facilite le retour du sang ; au contraire le séjour des excrémens dans le rectum, & les efforts du diaphragme & des muscles du bas-ventre pour l'expulsion des matieres stercorales, contribuent à la production des hémorrhoïdes, parce qu'ils poussent le sang vers l'anus, & le font séjourner dans les veines hémorrhoïdales qui sont forcées de s'étendre & de produire ainsi cette fâcheuse maladie.

Les différences des hémorrhoïdes sont assez sensibles ; les auteurs les ont nommées uvales, verrucales, véticales, par rapport aux différentes figures qu'elles représentent. De quelque figure & de quelque grosseur qu'elles soient, on les distingue des autres excroissances qui sont situées aux environs de l'anus, en ce que celles-ci confinent moins le bord de l'anus ; que la peau seule y est affectée sans noirceur ni gonflement d'aucune veine, comme dans les hémorrhoïdes.

Les hémorrhoïdes sont sujettes à s'enflammer, elles suppurent quelquefois & causent des fistules. Voyez FISTULE A L'ANUS. Dans des sujets mal constitués, les hémorrhoïdes dégenerent quelquefois en ulceres chancreux. Voyez CANCER.

La guérison des hémorrhoïdes a été regardée comme impossible par plusieurs auteurs ; elle est au moins très-difficile. On peut les traiter palliativement, ou tenter la guérison radicale ; pour la cure des hémorrhoïdes fluentes, voyez FLUX HEMORRHOIDAL.

La cure palliative des gonflemens hémorrhoïdaux s'obtient par les saignées, par un régime humectant & rafraîchissant. On applique extérieurement des pommades ou onguens anodins, tels que le populeum, l'onguent de linaire, de l'huile d'oeufs agité dans un mortier de plomb, &c. Il n'y a point d'auteur qui ne rapporte une quantité de formules extérieures qui peuvent convenir dans ce cas. Lorsque les douleurs sont violentes, on peut appliquer sur la partie un cataplasme anodin, ou des compresses trempées dans une décoction de plantes émollientes : le demi bain avec cette décoction, ou le lait, ou un bouillon fait avec les tripes de mouton, est fort bon, de même que la vapeur de ces fomentations reçûe sur une chaise de commodité. Après les anodins on passe quelquefois, dans le cas d'extrêmes douleurs, à l'application des stupéfians ou narcotiques.

Les purgatifs augmentent la douleur que causent les hémorrhoïdes ; il faut être circonspect sur leur administration ; la décoction de casse ou sa pulpe, sont ceux qui ont le moins d'inconvéniens. Si malgré l'usage des remedes les mieux indiqués, on ne parvient point à calmer les douleurs, on se détermine à vuider ces tumeurs ou par l'application d'une sangsue, voyez SANGSUE, ou par l'ouverture, au moyen d'une ponction avec la lancette.

Le malade se sent soulagé immédiatement après que les hémorrhoïdes ont été desemplies, parce qu'alors la tension cesse ; mais il reste assez souvent un écoulement continuel par ces ouvertures qui devient très-incommode, & qu'il est souvent très-dangereux de supprimer.

La cure radicale consiste à emporter totalement les sacs hémorrhoïdaux ; pour pratiquer cette opération, on prépare le malade par les remedes généraux comme pour l'opération de la fistule à l'anus. Lorsque le malade a pris sa résolution, & que l'heure de l'opération est fixée, pour y procéder on fait mettre le malade couché sur le bord de son lit, le ventre en-dessous & les piés par terre : deux aides écartent les fesses tournées du côté du jour. Le chirurgien saisit alors chaque poche variqueuse avec des pincettes qu'il tient de la main gauche ; il l'emporte entierement avec des ciseaux, & observe d'en laisser une des plus petites pour conserver une issue libre au sang, & procurer par-là le flux hémorrhoïdal. L'appareil consiste à mettre de la charpie brute soutenue par des compresses & par un bandage en T, comme pour l'opération de la fistule à l'anus. Voyez FISTULE A L'ANUS. On est souvent obligé d'en venir à cette opération, lorsque les hémorrhoïdes ne peuvent rentrer, & qu'elles commencent à noircir ; car elles tombent alors bien-tôt en gangrene, ainsi qu'un bourlet formé par la membrane interne du rectum, que le moindre effort fait sortir, & qui se gonfle, s'enflamme & se gangrene fort promtement par l'étranglement que la marge de l'anus cause au-dessus.

Les pansemens doivent être fort simples ; on applique des plumaceaux couverts de digestifs ; on emploie ensuite des lotions détersives, & ensuite des dessicatives. Il est bon que pendant le traitement & même après la guérison, le malade se tienne à un régime sage, & prenne des lavemens, de crainte que des excrémens durs ne nuisent par leur passage, & ne fatiguent une cicatrice tendre & mal affermie.

M. Suret, maître en Chirurgie à Paris, a inventé un bandage qui remédie à la chûte de l'anus, qui contient les hémorrhoïdes extérieures, & dont l'usage affermit les hémorrhoïdes internes, & les empêche de se présenter lorsque les malades vont à la selle. Ce bandage, dont l'auteur donnera la description qui sera inserée dans la suite des volumes de l'académie royale de Chirurgie, est d'une construction trop ingénieuse, & d'une utilité trop marquée, pour me dispenser d'en dire quelque chose : il a d'ailleurs mérité l'approbation des plus grands maîtres de l'art, qui ont reconnu ses avantages dans l'usage qu'ils en ont fait faire à plusieurs malades, dont les incommodités n'avoient jusqu'alors trouvé aucun soulagement.

Le corps de ce bandage est un bouton d'ivoire creux, pour qu'il ait beaucoup de légereté, & percé pour donner issue libre aux vents & aux humidités stercorales qui en accompagnent quelquefois la sortie. M. Suret donne à cette piece une configuration différente, suivant la figure des sacs hémorrhoïdaux, l'embonpoint différent des sujets, le volume des muscles fessiers, &c. Ces boutons sont olivaires, en timbre, d'autres creusés en gondole : c'est ce bouton qui soutient le rectum, ou qui contient les hémorrhoïdes. Il est attaché au centre d'un sous-cuisse, sur une plaque de tôle percée à jour pour l'usage dont nous avons parlé. Il joue en tous sens par le moyen d'un ressort qui est dans l'intérieur de sa base, de façon que la compression est toûjours égale dans quelque situation que le malade puisse se mettre, ce bouton étant mobile en tous sens. On peut même s'asseoir perpendiculairement dessus, sans que la circonférence de l'anus sur laquelle il appuie, en soit plus fortement comprimée.

Ce bandage est en outre composé d'une ceinture de cuir couverte de chamois ; elle fait le tour du corps sur les of des îles, & se boucle en-devant. Au milieu de cette ceinture est cousue une plaque de cuir matelassée, qui a à-peu-près la figure de l'os sacrum, sur lequel elle appuie : à la face externe de cette plaque, & sous le chamois qui lui sert d'enveloppe, il y a un ressort auquel est attachée l'extrémité postérieure du sous-cuisse, qui est de cuir garni de chamois, & qui se divise en-devant en deux branches pour passer à droite & à gauche sur les aines & s'attacher antérieurement à la ceinture.

Le ressort auquel est attachée l'extrémité postérieure du sous-cuisse, fait l'office de store, de sorte que la courroie s'allonge & s'accourcit suivant les différens mouvemens du corps. Cela étoit très-essentiel pour que la pelote du bouton d'ivoire qui appuie sur la circonférence de l'anus, demeurât invariablement dans la même situation, soit que le malade soit debout ou assis, soit qu'il se baisse en-devant ou en-arriere, sans que les différens mouvemens qu'il faut faire pour passer d'une de ces attitudes à une autre, dérange en aucune façon le bandage. C'est un avantage essentiel que personne n'avoit trouvé jusqu'alors, & qui avoit rendu inutiles toutes les especes de bandages & machines qu'on a si souvent essayés contre les indispositions dont nous venons de parler.

Les hémorrhoïdes des femmes grosses doivent être traitées avec beaucoup de circonspection ; l'on a observé des effets funestes de la guérison subite des hémorrhoïdes, par l'application inconsidérée des remedes répercussifs dans cet état. Il ne faut pas qu'une femme grosse s'inquiete, parce que des hémorrhoïdes qui n'ont jamais flué donnent un peu de sang. Cette évacuation peut lui être salutaire ; une saignée calme assez ordinairement la douleur qui survient à l'approche du flux hémorrhoïdal. Si les hémorrhoïdes aveugles sont enflammées, dures, & fort douloureuses, on fait concourir avec la saignée l'insession dans une décoction d'herbes émollientes ou dans du lait chaud, où on fomente la partie avec ces fluides. Les femmes enceintes sujettes aux hémorrhoïdes sont ordinairement constipées ; elles doivent avoir soin de se tenir le ventre libre par des lavemens, par des boissons laxatives, par un usage habituel des eaux minérales, telles que celles de Passy. Ces eaux réussissent à la longue, parce qu'elles délayent la bile, & la rendent plus coulante. Il convient en outre que le régime de vie soit délayant, humectant, & tempérant ; mais les Accoucheurs en général se plaignent de l'indocilité des femmes qui ferment leurs oreilles aux conseils salutaires de ceux qui les dirigent ; elles suivent plus volontiers leur penchant au plaisir ; elles contentent leurs appétits dépravés, souvent même avec affectation, pour la satisfaction d'agir contre les défenses précises des gens de l'art. (Y)


HÉMORRHOISsub. fém. (Hist. nat.) serpent dont la morsure fait mourir par l'effusion totale du sang qu'on ne peut arrêter. Il est jaunâtre comme le sable, mais marqueté de taches noires & blanches ; d'autres disent rouges comme le feu. Il a beaucoup de ressemblance avec le céraste. Il est de la longueur d'un pié ; il va en diminuant de la tête à la queue, menu par-tout ; il a deux éminences au front, l'oeil blanc, la tête bossuée ; il se replie en marchant, & se soutient sur le ventre ; ses écailles font du bruit ; la femelle est plus dangereuse que le mâle ; sa piquûre fait perdre le sang par les gencives & les ongles.


HÉMORROSCOPIES. f. (Medecine) , hemoroscopia, c'est-à-dire sanguinis effusi inspectio, l'inspection du sang tiré de ses vaisseaux, par laquelle on se propose d'en rechercher les qualités, d'en connoître la nature, relativement à ce qu'il doit paroître dans l'état de santé. Voyez SANG.


HÉMOSTASIEsub. fém. (Medecine) , hemostasia, c'est un terme qui a été employé par Théophile Bierling, dans son ouvrage intitulé, Thesaurus medico-practicus, pour exprimer le retardement, l'hérence du cours du sang, l'état de ce fluide, lorsque la circulation en est ralentie, & disposée à s'arrêter dans une partie. Lexic. Castell.


HEMUIsub. masc. (Hist. nat.) pierre dont on ne sait rien, sinon que les Indiens la nomment ainsi ; qu'elle est pierre précieuse & d'un jaune blanchâtre.


HÉMUS(Mytholog.) fils de Borée & d'Orithie, qui devint roi de Thrace & épousa Rhodope. Ovide raconte cette fable en deux vers énergiques :

Nunc gelidos montes mortalia corpora quondam,

Nomine summorum sibi, qui tribuêre deorum.

Le livre des poissons qu'on a donné à Plutarque, parle de ce roi Haemus & de sa femme Rhodope, qui prenoient les noms de Jupiter & de Junon. Peut-être qu'effectivement ils périrent dans les montagnes de Thrace, où le peuple indigné de les voir s'égaler aux dieux, les avoit obligés de se retirer. (D.J.)

HEMUS, (Géog. anc.) haute & vaste montagne de Thrace ; elle s'étend depuis le mont Rhodope jusqu'à la mer Noire ; Pline lui donne six mille pas de hauteur : mais le P. Riccioli estime que l'Haemus, depuis l'endroit où l'on commence à le monter, n'a environ que douze à treize cent pas, non compris le reste de sa hauteur jusqu'au niveau de la mer, dont il ne donne point le calcul. On dit cependant que de son sommet on peut voir en même tems la mer Adriatique d'un côté, & la mer Noire de l'autre.

Les modernes ne conviennent pas sur le nom que porte à-présent cette montagne ; les uns disent que c'est le monte Argentaro des Italiens, le Balkan des Turcs, & le Cumowitz des Esclavons : le sentiment le plus général est que c'est le monte Costegnas ; mais ces divers noms n'appartiennent pas à toute la chaîne du mont Haemus. Aussi M. Delisle nomme Costegnas la chaîne qui sépare la Macédoine de la Romanie ; & mont Balkan, celle qui s'étend entre la Bulgarie & la Romanie. Le mont Argentaro pourroit bien être le même que la Clissura, l'une des parties de l'Haemus, selon Edouard Brown, qui a voyagé sur les lieux. Il regarde toutes les montagnes qui sont entre la Servie & la Macédoine, comme n'étant qu'une partie du mont Haemus ; & il pense que sous différens noms il s'étend depuis la mer Adriatique jusqu'au Pont-Euxin. (D.J.)


HEMVÉsub. masc. (Medecine) c'est ainsi qu'on nomme en quelques endroits, ce que nous appellons par périphrase la maladie du pays. Ce violent desir de retourner chez soi, dit très-bien l'abbé du Bos, n'est autre chose qu'un instinct de la nature, qui nous avertit que l'air où nous nous trouvons, n'est pas aussi convenable à notre tempérament que l'air natal, pour lequel nous soupirons, & que nous envisageons secrettement comme le remede à notre mal-aise & à notre ennui.

Le hemvé, ajoute-t-il, ne devient une peine de l'esprit, que parce qu'il est réellement une peine du corps. L'eau, l'air différent de celui auquel on est habitué, produisent des changemens dans une frêle machine ; Lucrece l'a remarqué comme Hippocrate.

Nonne vides etiam coeli novitate & aquarum,

Tentari procul à patriâ, quicumque domoque

Adveniunt, ideò quia longè discrepat aër.

Cet air très-sain pour les naturels du pays, est un poison lent pour certains étrangers ; il est vrai que la différence de cet air ne tombe point sous nos sens, & qu'elle n'est pas à la portée d'aucun de nos instrumens, mais nous en sommes assûrés par ses effets.

Cependant ils sont encore si différens des violentes altérations qu'éprouvent les voyageurs qui passent le tropique, qu'on ne doit pas confondre le hemvé, ou la maladie du pays, avec celle de ceux qui vont dans les colonies établies par les Européens aux Indes occidentales. L'impression de ces sortes de climats n'épargne presque aucun étranger, & produit dans la santé des plus robustes, des révolutions singulieres, qui forment pour ainsi dire leur tempérament sur un nouveau modele, lorsqu'ils ont le bonheur de ne pas succomber à de si grandes secousses. (D.J.)


HÉNARÈ(L',) sub. m. (Géog.) riviere d'Espagne ; elle a sa source dans la vieille Castille, audessus de Liguenza, qu'elle arrose, coule dans la nouvelle Castille, & se jette dans le Xarama, à 4 lieues au-dessus de Tolede. (D.J.)


HEND & SEND(Géog.) c'est ce que nous appellons d'un mot général les Indes Orientales, qui sont désignées par les Orientaux en ces deux différens noms Hend & Send. Le pays de Hend est l'orient de celui de Send, & a à son couchant le golphe de Perse, au midi l'océan indien, à l'orient de vastes deserts qui le séparent de la Chine, & au septentrion le pays des Azacs ou Tartares. Il paroît donc que le Send est seulement ce qui s'étend deçà & delà le long du fleuve Indus, particulierement vers ses embouchures. D'Herbelot, Bibl. orient. (D.J.)


HENDÉCAGONEsub. masc. terme de Géométrie. Ce mot est grec & composé d', onze, & , angle, figure composée d'onze côtés, & d'un pareil nombre d'angles. Voyez FIGURE & POLYGONE. L'angle au centre de l'endécagone régulier, c'est-à-dire dont tous les angles & les côtés sont égaux, est la 11e partie de 360d, & ne peut se déterminer par la regle & le compas ; on ne peut décrire géométriquement l'hendécagone, qu'en résolvant une équation du 11e degré. Voyez POLYGONE. (E)


HENDÉCASYLLABES. m. (Littérature) terme de Poësie greque & latine, vers de onze syllabes. Voyez VERS.

Ce mot est grec & composé d', onze, & de , je comprens. Les vers saphiques & les vers phaleuques sont hendécasyllabes.

Saph. Jam satis terris nivis atque dirae.

Phal. Passer mortuus est meae puellae.

On donne plus communément le nom d'hendécasyllabe à cette derniere espece, la premiere étant plus particulierement affectée à l'ode & au genre lyrique. Ces hendécasyllabes sont les plus doux des vers latins. Le lecteur en jugera par ceux de Catulle sur la mort d'un moineau.

Lugete ô Veneres, cupidinesque,

Et quantum est hominum venustiorum ;

Passer mortuus est meae puellae,

Passer deliciae meae puellae,

Quem plus illa oculis suis amabat ;

Nam mellitus erat, suamque norat

Ipsam tam benè quàm puella, matrem ;

Nec sese à gremio illius movebat :

Sed circumsiliens modò huc, modò illuc,

Ad totam dominam usque pipilabat.

Qui nunc it per iter tenebricosum,

Illuc unde negant redire quemquam.

At vobis malè sit malae tenebrae

Orci, quae omnia bella devoratis ;

Tam bellum mihi passerem abstulistis.

O factum male ! O miselle passer !

Tuâ nunc operâ meae puellae

Flendo turgiduli rubent ocelli.

Il est vraisemblable que Catulle auroit perdu beaucoup, s'il eût pris l'hexametre ou le pentametre, ou l'iambe, au lieu de l'hendécasyllabe, qui a seul cette simplicité prosaïque, qui va si bien avec le sentiment. (D.J.)


HÉNÉCHENsub. masc. (Bot.) plante qui croît aux indes orientales, dans le territoire de Panama ; elle a la feuille du chardon, mais plus étroite & plus longue que celle du cabuïa, qui a la sienne comme le chardon. Les Sauvages tirent du sel du cabuïa & de l'hénéchen ; mais le sel tiré de l'hénéchen est plus fin. La manoeuvre est précisément celle que nous pratiquons sur le chanvre ; on fait rouir la plante, on la seche au soleil, & on la broie.


HÉNETE(LES), s. m. pl. (Géog. anc.) Les Hénetes en Asie, étoient un ancien peuple de Paphlagonie, qui n'existoit plus du tems de Strabon. Les Hénetes en Italie, au fond du golphe de Venise, sont les mêmes que les Venetes ; ils venoient d'un peuple des Gaules, dont Vannes en Bretagne conserve encore le nom. Les Hénetes dans le nord, que quelques écrivains placent sur les côtes de Livonie & de Prusse, sont les mêmes que les Vendes ou Vénedes, nation sarmate qui s'établit entre l'Elbe & la Vistule. (D.J.)


HÉNIOCHUS(Astronom.) est une des constellations boréales, autrement & plus communément nommée le cocher. Voyez COCHER. (O)


HÉNIOQUESS. m. pl. (Géog.) Heniochi, ancien peuple de la Sarmatie asiatique ; ils habitoient près du fleuve ou du mont Corax, qui étoit une branche du Caucase, sur le bord du Pont-Euxin, à l'occident de la Colchide ; c'étoit une colonie de Lacédémoniens. Pline, Strabon & Pomponius Méla, vous en diront davantage. (D.J.)


HENLEY(Géog.) petite ville d'Angleterre, au comté d'Oxford sur la Tamise, remarquable par son commerce de grains germés, pour faire de la biere. Elle est à 4 lieues d'Oxford & de Windsor, 12. O. de Londres. Long. 16. 45. lat. 51. 32. (D.J.)


HENNEBERG(Géog.) comté d'Allemagne, dans le cercle de Franconie, entre la Thuringe, le landgraviat de Hesse, l'abbaye de Fulde, & l'évêché de Wurtzbourg. Ce pays peut avoir quinze lieues d'orient en occident, & sept ou huit du midi au septentrion. Il échut en 1583 à la maison de Saxe, & a depuis été partagé ; l'évêque de Wurtzbourg y possede quelques fiefs. Voyez les détails dans Imhoff, notit. imper. lib. IV. cap. ij. ou dans Heiss, hist. de l'empire, liv. VI. ch. xxiij. (D.J.)


HENNEBON(Géog.) petite ville de France en Bretagne, au diocèse de Vannes, à six lieues d'Auray, sur la riviere de Blavet, à cent lieues S. O. de Paris, long. 14 d. 22'. 23''. lat. 47 d. 48.

Je ne dois pas oublier d'ajouter que cette petite ville de Bretagne a donné la naissance à un fameux religieux de l'ordre de Citeaux, Paul Pezron, homme plein de savoir, & même de vues fort étendues sur les anciens monumens de l'histoire profane ; il a plus vieilli la durée du monde, qu'aucun autre chronologiste n'a fait avant lui. On trouvera l'exposition de son système dans le livre qu'il a intitulé, Antiquité des tems rétablie, ouvrage imprimé à Paris en 1687, in-4 °. & qu'il a défendu contre les objections des PP. Martianay & le Quien. Il avoit entrepris un grand traité sur l'Origine des Nations, origine qu'on ne découvrira jamais, & en a publié la partie qui regarde l'antiquité de la nation & de la langue des Celtes, autrement appellés Gaulois ; cet ouvrage systématique a été imprimé à Paris en 1703, in-4 °. L'Auteur est mort en 1706 à 67 ans. (D.J.)


HENNEMARCK(Géog.) petit pays du royaume de Norvege, dans la province d'Aggerhus.


HENNILS. m. (Myth.) c'étoit une idole des Vandales ; elle étoit honorée dans tous les hameaux ; on la figuroit comme un bâton, avec une main & un anneau de fer. Si le hameau étoit menacé de quelque danger, on la portoit en procession, & les peuples crioient, réveille-toi, Hennil, réveille-toi.


HENNINS. m. (Hist. des Modes) nom d'une coëffure colossale des dames françoises du XV. siécle.

Ce nom bizarre a passé jusqu'à nous, parce que l'attirail de tête étoit si singulier, qu'il n'a échappé à aucun historien de ce tems-là, ni à Juvenal des Ursins, ni à Monstrelet, ni à Paradin, ni aux autres ; mais nous emprunterons seulement le vieux Gaulois de ce dernier, pour peindre au lecteur cette folie de mode, dont il n'a peut-être point de connoissance.

Tout le monde (dit cet Ecrivain dans ses Annales de Bourgogne, liv. III. année 1428, pag. 700) " étoit lors fort déréglé, & débourdé en accoutremens, & sur-tout les accoutremens de tête des dames étoient fort étranges ; car elles portoient de hauts atours sur leurs têtes, & de la longueur d'une aulne ou environ, aigus comme clochers, desquels dépendoient par derriere de longs crêpes à riches franges, comme étendarts ".

Un Carme de la province de Bretagne, appellé Thomas Conecte, célebre par son austérité de vie, par ses prédictions & son exécution à Rome, où il fut brûlé comme hérétique en 1434, déclamoit de toute sa force contre ces coëffures monstrueuses. " Ce prêcheur avoit cette façon de coëffure en telle horreur, que la plûpart de ses sermons s'adressoient à ces atours des dames, avec les plus véhémentes invectives qu'il pouvoit songer, sans épargner toutes especes d'injures dont il pouvoit se souvenir, dont il se débaquoit à toute bride contre les dames usant de tels atours, lesquels il nommoit les hennins.

Par-tout où frere Thomas alloit, (ajoute Paradin) les hennins ne s'osoient plus trouver, pour la haine qu'il leur avoit vouée ; chose qui profita pour quelque tems, & jusqu'à ce que ce prêcheur fût parti ; mais après son partement, les dames releverent leurs cornes, & firent comme les limaçons, lesquels quand ils entendent quelque bruit, retirent & resserrent tout bellement leurs cornes ; ensuite le bruit passé, soudain ils les relevent plus grandes que devant : ainsi firent les dames, car les hennins ne furent jamais plus grands, plus pompeux & superbes, qu'après le partement de frere Thomas ; voilà ce que l'on gaigne de s'opiniâtrer contre l'opiniâtrerie d'aucunes cervelles. "

D'Argentré (Hist. de Bretagne, liv. X. chap. xlij.) rapporte pareillement " qu'après le partement du moine Conecte, les femmes reprinrent soudainement les cornes avec arrérages, c'est-à-dire bien de la récompense du passé, &c. "

Je laisse les autres historiens dont le récit ne nous apprend rien de plus particulier, pour passer aux réflexions qui naissent du sujet. Les hommes ont toujours eu du penchant à vouloir paroître plus grands qu'ils ne sont, soit en imaginant des talons fort hauts, soit en se servant de cheveux empruntés, soit en réunissant ces deux choses ensemble. D'un autre côté, les femmes avec plus de raison, ont cherché de tout tems à aggrandir leur petite taille, par des chaussures très-élevées, & par des coëffures colossales. Dans le siecle de Juvenal, les dames romaines bâtissoient sur leurs têtes plusieurs étages d'ornemens & de cheveux en pyramide ; ensorte, dit le poëte, qu'en les regardant par-devant, on les prenoit pour des Andromaques, pendant qu'elles paroissoient des naines par derriere.

Tot premit ordinibus, tot adhuc compagibus altum

Aedificat caput. Andromachem à fronte videbis,

Post minor est. Juvenal, Sat. VI. v. 500.

Ajoutez-y ce bon mot de Synésius (Epit. III.) qui dit en parlant d'une nouvelle mariée : Quippe in diem sequentem taeniis ornabitur, atque turrita quemadmodùm Cybele, circumibit.

Voilà donc dans les modes de l'ancienne Rome, celle des hennins du XV. siecle, qui a été finalement renouvellée par une coëffure semblable, qui parut sous le nom de fontange sur la fin du xvij siecle.

Cette derniere étoit un édifice à plusieurs étages fait de fil de fer, sur lequel on plaçoit quantité de morceaux de mousseline, séparés par plusieurs rubans ornés de boucles de cheveux ; le tout étoit distingué par des noms si fous, qu'on auroit besoin d'un glossaire pour entendre ce que c'étoit que la duchesse, le solitaire, le chou, le mousquetaire, le croissant, le firmament, le dixieme ciel, la souris, &c. qui étoient tout autant de différentes pieces de l'échafaudage. Il falloit, si l'on peut parler ainsi, employer l'adresse d'un habile serrurier, pour dresser la base de ce comique édifice, & cette palissade de fer sur laquelle les coëffeuses attachoient tant de pieces différentes.

Enfin la ridicule pyramide s'affaissa tout-à-coup à la cour & à la ville, au commencement de 1701. On sait à ce sujet les jolis vers de madame de Lassay (ou plûtôt de l'abbé de Chaulieu sous son nom), à madame la duchesse qui demandoit des nouvelles.

Paris cede à la mode, & change ses parures ;

Ce peuple imitateur, ce singe de la cour,

A commencé depuis un jour,

D'humilier enfin l'orgueil de ses coëffures :

Mainte courte beauté s'en plaint, gronde & tempête,

Et pour se rallonger consultant les destins,

Apprend d'eux qu'on retrouve en haussant ses patins,

La taille que l'on perd en abaissant sa tête.

Voilà le changement extrême

Qui met en mouvement nos femmes de Paris ;

Pour la coëffure des maris,

Elle est toujours ici la même. (D.J.)


HENNIRv. neut. (Gram.) c'est le cri du cheval. Nous avons aussi le substantif hennissement. Il y a peu d'animaux dont la voix soit plus bornée ; ainsi il faut une grande habitude pour discerner les inflexions qui caractérisent la joie, la douleur, le dépit, la colere, en général toutes les passions du cheval. Si l'on s'appliquoit à étudier la langue animale, peut-être trouveroit-on que les mouvemens extérieurs & muets ont d'autant plus d'énergie que le cri a moins de variété ; car il est vraisemblable que l'animal qui veut être entendu, cherche à réparer d'un côté ce qui lui manque de l'autre. L'habile écuyer & le maréchal instruit joignent l'étude des mouvemens à celle du cri du cheval, sain ou malade. Ils ont des moyens de l'interroger, soit en le touchant de la main en différens endroits du corps, soit en le faisant mouvoir ; mais la réponse de l'animal est toujours si obscure, qu'on ne peut disconvenir que l'art de le dresser & de le guerir n'en deviennent d'autant plus difficiles.


HENNISSEMENTVoyez HENNIR.


HÉNOTIQUES. m. (Hist. mod.) henoticum, on donna ce nom dans le v. siecle à un édit de l'empereur Zénon, par lequel il prétendoit de réunir les Eutychiens avec les Catholiques. Voyez EUTYCHIENS.

C'est Acace, patriarche de Constantinople, qui avec le secours des amis de Pierre Magus, persuada à l'empereur de publier cet édit.

Le venin de l'hénotique de Zénon consiste à ne pas recevoir le concile de Chalcedoine comme les trois autres, & qu'il semble au contraire lui attribuer des erreurs. Cet hénotique est une lettre adressée aux évêques, aux clercs, aux moines, & aux peuples de l'Egypte & de la Lybie ; mais elle ne parle qu'à ceux qui étoient séparés de l'Eglise. Il fut condamné par le pape Felix III. & détesté des Catholiques. Voyez le Dict. de Trevoux. (G)


HENRI D'ORS. m. (Monnoie de France) non d'une petite monnoie d'or, qui commença & finit sous Henri II. Ce nom d'homme appliqué à une monnoie, ne doit pas surprendre ; car il n'y a rien de si fréquent chez les Grecs, les Romains, & les autres peuples, que les monnoies qu'on appelloit du nom du prince dont elles portoient l'image, témoin les philippes de Philippe de Macédoine, les dariques de Darius le Mede, & une infinité d'autres.

Le poids & le titre des henris étoit à vingt-trois karats un quart de remede ; il y en avoit soixante-sept au marc ; chaque piece pesoit deux deniers vingt grains trébuchans, & par conséquent quatre grains plus que les écus d'or : cette monnoie valoit dans son commencement cinquante sols ; on fit aussi des demi-henris, qui valoient vingt-cinq sols, & des doubles henris qui en valoient cent. Toutes ces especes furent frappées au balancier, dont l'invention étoit alors nouvelle.

Les premiers représentoient d'un côté Henri armé & couronné de lauriers, & de l'autre portoient une H couronnée ; les derniers avoient sur leur revers, une femme armée représentant la France, assise sur des trophées d'armes ; elle tenoit de la main droite une victoire, & pour légende Gallia optimo principi, ce qui est une imitation d'une médaille de Trajan, & ce fut la flaterie d'un particulier qui l'imagina ; mais le peuple que ce monarque accabla d'impôts durant son regne, étoit bien éloigné de la consacrer ; cependant le hasard fit que jamais les monnoies n'avoient été si belles, si bien faites & si bien monnoyées qu'elles le furent sous ce prince, à cause du balancier qu'on inventa pour les marquer. On fit bâtir en 1550 au bout du jardin des étuves, une maison pour y employer cette nouvelle machine : cette maison qu'on nomma la monnoie, fut enfin établie en 1553, & l'on fit alors des réglemens pour sa police & pour ses officiers. (D.J.)


HENRIADES. f. (Littérat.) C'est notre poëme épique françois. Le sujet en est la conquête de la France par Henri IV. son propre roi. Le plus grand de nos rois a été chanté par un de nos plus grands poëtes. Il y a plus de philosophie dans ce poëme, que dans l'Iliade, l'Odyssée, & tous les poëmes épiques fondus ensemble ; & il s'en manque beaucoup qu'il soit destitué des charmes de la fiction & de la Poësie. Il en est des poëmes épiques ainsi que de tous les ouvrages de génie composés dans un même genre ; ils ont chacun un caractere qui leur est propre & qui les immortalise. Dans l'un c'est l'harmonie, la simplicité, la vérité & les détails ; dans un autre c'est l'invention & l'ordre ; dans un troisieme c'est la sublimité. C'est une chimere qu'un poëme où toutes les qualités du genre se montreroient dans un degré éminent. Voyez EPIQUE. Poëme.


HENRICIENSS. m. pl. (Hist. eccl.) hérétiques qui parurent en France dans le xij. siecle, & qui furent ainsi nommés de leur chef Henri Hermite de Toulouse, disciple de Pierre de Bruys. Leurs erreurs étoient à peu près les mêmes que celles des Pétrobrusiens, savoir en ce qu'ils rejettoient le culte extérieur & les cérémonies de l'Eglise ; la célébration de la messe, l'usage des temples & des autels, les prieres pour les morts, la récitation de l'office divin, & qu'ils croyoient que le sacrement de Baptême ne devoit être conféré qu'aux adultes. Ils furent réfutés par saint Bernard, & également proscrits par la puissance ecclésiastique & par la séculiere. Voyez ALBIGEOIS. Dupin, Bibliot. des Aut. eccles. du xij. siecle. (G)


HÉNTETE(Géog.) montagne d'Afrique au royaume de Maroc proprement dit ; c'est la plus haute montagne du grand Atlas, qui s'étend du levant au couchant l'espace de seize lieues ; elle est peuplée de Béréberes, peuple belliqueux, qui se pique d'être des plus nobles d'Afrique, & qui va tout nud. Le faîte de ce mont est couvert de neige la plus grande partie de l'année ; de sorte qu'il n'y vient ni arbres, ni herbes, à cause du grand froid. (D.J.)


HEPAR ANTIMONIIou FOIE D'ANTIMOINE, (Chymie & Métallurgie). On prend parties égales d'alkali fixe bien séché & d'antimoine crud ; on les réduit en poudre, & on les mêle exactement. On porte ce mélange peu-à-peu dans un creuset rougi & placé entre les charbons ; on pousse le feu pour faire que le mélange entre parfaitement en fusion, alors on le vuide dans un mortier de fer que l'on aura bien chauffé.

Par ce moyen on obtient un véritable hepar sulphuris, qui a mis en dissolution la partie réguline de l'antimoine ; ce mélange est d'une couleur rougeâtre, ce qui lui a fait donner le nom d'hepar ou de foie. Voyez HEPAR SULPHURIS. Cette matiere attire fortement l'humidité de l'air ; elle est soluble dans l'eau, & en versant dessus de l'esprit-de-vin pendant qu'elle est encore chaude, on obtient ce qu'on appelle la teinture d'antimoine tartarisée. Si on fait dissoudre l'hepar antimonii dans de l'eau, & qu'on filtre la dissolution toute chaude, en se refroidissant elle se troublera, & il se précipitera une poudre que l'on appelle soufre grossier d'antimoine ; si on filtre la liqueur & qu'on y verse du vinaigre distillé, il se fait un précipité que l'on appelle soufre doré d'antimoine.

On appelle aussi foie d'antimoine, ou faux foie d'antimoine de Rulandus, l'antimoine crud détonné avec du nitre. Pour le faire, on prend parties égales d'antimoine crud & de nitre bien pulvérisés ; on les mêle exactement, on met ce mélange dans un mortier bien sec, on y introduit un charbon ardent, & l'on couvre le mortier avec une tuile ou une plaque de fer : il se fait une détonation violente. Ce qui reste au fond du mortier s'appelle faux foie d'antimoine. Cet hepar ou faux foie differe du premier qui a été décrit, en ce qu'il ne se résout point en liqueur à l'humidité de l'air. Voyez ANTIMOINE.

Hepar ou Foie d'arsenic, c'est l'arsenic combiné avec du soufre. Voyez l'article ORPIMENT.

HEPAR SULPHURIS, ou FOIE DE SOUFRE, (Chymie & Métallurgie). C'est ainsi qu'on nomme une dissolution ou une combinaison du soufre avec un sel alkali fixe ; elle se fait en mêlant exactement ensemble une partie de soufre avec deux parties d'un sel alkali fixe bien purifié ; on porte peu-à-peu ce mélange dans un creuset rougi, c'est-à-dire par cuillerées, en observant de ne point mettre une nouvelle cuillerée avant que la précédente soit entrée parfaitement en fusion ; on remuera de tems en tems avec un tuyau de pipe ; on couvrira le creuset pour que tout le mélange entre parfaitement en fusion, alors on vuidera le creuset, & l'on aura une matiere d'un brun rougeâtre, à qui l'on donne le nom d'hepar, ou de foie de soufre, à cause de sa couleur. Cette matiere est d'une odeur très-fétide, & d'un goût desagréable ; elle attire fortement l'humidité de l'air, & s'y résout en une liqueur noirâtre.

L'hepar sulphuris se dissout très-aisément dans l'eau ; en versant dans cette dissolution un acide quelconque, il en part une odeur semblable à celle des oeufs pourris ; la liqueur se trouble & devient d'un blanc jaunâtre, c'est ce qu'on appelle lait de soufre ; il se fait alors un précipité qui n'est autre chose que du vrai soufre. Les vapeurs qui se dégagent dans cette opération, noircissent l'argent.

L'hepar dont nous parlons, est le dissolvant de tous les métaux, & même de l'or & de l'argent ; il leur fait perdre leur éclat métallique & les rend solubles dans l'eau. Le célebre Stahl dit que c'est de l'hepar sulphuris, dont Moyse s'est servi pour détruire le veau d'or des Israëlites, qu'il jetta ensuite dans des eaux qui devinrent ameres, & qu'il fit boire à ces prévaricateurs. En effet, pour dissoudre l'or de cette maniere, il n'y a qu'à le faire rougir, & y joindre ensuite de douze à seize parties d'hepar sulphuris, & lorsque le tout est entré parfaitement en fusion, on vuidera le creuset, & l'on fera dissoudre la matiere dans de l'eau. La dissolution deviendra d'un jaune vif ; & en y versant du vinaigre, il se précipitera une poudre qui est de l'or uni avec du soufre ; on n'aura qu'à édulcorer ce précipité, le faire rougir pour en dégager le soufre, & l'on retrouvera son or pur.

On voit par-là que quoique le soufre seul ne soit point en état de mettre l'or en dissolution, il acquiert la faculté de produire cet effet lorsqu'il est retenu & fixé par l'alkali fixe.

L'hepar dissout avec encore plus de facilité les métaux imparfaits. Voyez la Chimie métallurgique de Gellert.

Quand on veut essayer si une substance minérale contient du soufre, il n'y a qu'à la faire fondre au feu avec un sel alkali fixe ; alors l'odeur d'hepar qui en part, décele bientôt la présence du soufre.

Plusieurs eaux minérales qui sentent les oeufs pourris, & dont la vapeur noircit l'argent, annoncent qu'elles contiennent de l'hepar sulphuris ; telles sont sur-tout celles d'Aix-la-Chapelle, &c. cela paroît venir d'une combinaison qui s'est faite dans le sein de la terre, du soufre avec un sel alkali, ou avec une terre alkaline & calcaire. Voyez SOUFRE. (-)


HÉPATI-CYSTIQUEadj. en Anatomie, se dit de certains conduits qu'on imagine aller du foie à la vésicule du fiel. Voyez FOIE.


HÉPATIQUEadj. terme d'Anatomie, qui concerne le foie. Voyez FOIE. Le conduit hépatique est un canal formé par la réunion des pores biliaires, & qui s'unit avec le conduit cystique pour former le canal cholidoque. Voyez PORE BILIAIRE, CYSTIQUE, OLIDOQUEOQUE. Le plexus hépatique est un lacis de plusieurs filets de nerfs produits par la huitieme paire & le nerf intercostal. Voyez PLEXUS. Veine hépatique, qu'on appelle autrement basilique, voyez BASILIQUE. Conduit hepato-cystique, voyez CYSTO-HEPATIQUE.

HEPATIQUE artere, (Angeiologie) branche de la coeliaque. Dès sa sortie de la coeliaque, dont elle est une ramification à droite, elle se porte à la partie supérieure interne du pylore, pour accompagner la veine-porte en jettant deux rameaux particuliers, un petit appellé artere pylorique, & un grand nommé artere gastrique droite, ou grande gastrique.

L'artere hépatique ayant fourni la pylorique & la gastrique droite, s'avance derriere le conduit hépatique vers la vésicule du fiel, & lui donne principalement deux rameaux, appellés arteres cystiques, & un autre nommé artere biliaire, qui se plonge dans le grand lobe du foie.

Enfin l'artere hépatique entre dans la scissure du foie, & s'associe à la veine-porte ; elle s'insinue avec cette veine dans la gaîne membraneuse, appellée capsule de Glisson, & l'accompagne par-tout dans le foie par autant de ramifications, que M. Winslow nomme arteres hépatiques propres.

Avant son entrée dans le foie, elle donne de petits rameaux à la membrane externe de ce viscere qui est de la derniere délicatesse, & à la capsule même ; voyez cette distribution merveilleuse dans Ruysch, Trés. x. p. 72. tab. iij. fig. 5. & dans Glisson, cap. xxxiij. fig. 1. Après cela vous ne douterez point que l'artere hépatique & celles qui l'accompagnent, ne servent beaucoup à la vie, à la nutrition, à la chaleur, à la propulsion, secrétion, expulsion des humeurs hépatiques.

Je sais bien que Glisson croit que la seule veine-porte fait tellement la fonction d'artere, que le foie n'a pas besoin d'autres arteres que de celles qui fournissent la nourriture aux membranes & à la capsule de ce viscere ; mais Drake pense au contraire que les arteres hépatiques servent presque à le nourrir tout entier. Comme elles sont beaucoup plus grosses dans l'homme que dans les animaux, il conjecture que dans l'homme à raison de sa situation droite, le sang arteriel du foie a besoin d'un coulant plus considérable & d'une impétuosité plus directe, pour pousser le sang veineux, que dans les animaux, dont le corps est posé horisontalement. C'est à cause de cela, dit-il, que les chevaux, quoiqu'ils soient beaucoup plus grands que l'homme, & qu'ils ayent le foie beaucoup plus gros, ont néanmoins les arteres hépatiques non-seulement beaucoup plus petites, mais encore tortillées à la maniere d'un tendron de vigne, afin de briser l'impétuosité du sang, laquelle n'est pas si nécessaire dans la situation horisontale du corps, que dans la situation droite.

Cowper a embrassé le sentiment de Drake, parce qu'il avoit des préparations, où le tronc de chaque artere hépatique étoit presque aussi gros qu'une plume d'oie, & où leurs ramifications dans le foie étoient par-tout aussi grosses que celles des pores biliaires qu'elles accompagnent. Mais la conséquence tirée par Cowper de ses préparations particulieres, pour établir un fait qui soit généralement constant, n'est pas valable en bonne logique. (D.J.)

HEPATIQUE, adj. , hepaticus, c'est un terme de Medecine, qui est souvent employé par les anciens pour désigner tout ce qui a rapport au foie, tout ce qui en dépend : ainsi ils ont appellé artere hépatique, veine, conduit hépatique, ces différens organes qui entrent dans la composition du foie, ou qui appartiennent à ce viscere : ils distinguoient encore par ce nom le flux-de-sang attribué au foie, (voyez FLUX HEPATIQUE) & les remedes ou médicamens appropriés au foie. Voyez HEPATIQUE, Mat. médicale.

On trouve aussi quelquefois le mot hépatique employé comme substantif, pour désigner ceux qui sont atteints de maladies dans lesquelles le foie est principalement affecté : ainsi, comme on a nommé phrénétiques, pleurétiques, ceux qui ont actuellement une inflammation au cerveau, une pleurésie, de même on a désigné anciennement par le nom d'hépatiques, ceux qui sont atteints d'une inflammation au foie. Voyez HEPATITE.

On a ensuite changé dans les ouvrages de medecine des derniers siecles, la signification du mot hépatique, en l'appliquant aux seuls cas où le foie est affecté de débilité ; ensorte que, sans qu'il y ait inflammation, ni abscès, ni ulcere, l'exercice des fonctions de ce viscere soit habituellement affoibli d'une maniere sensible, sur-tout par rapport à l'ouvrage de la sanguification que l'on attribuoit principalement au foie. Voyez Castell. Lexic. medic.

Mais le terme d'hépatique n'est guere plus en usage parmi les modernes dans aucun cas en fait de maladie ; il est presque borné à celui qu'en font les Anatomistes. Voyez FOIE, ANATOMIE.

HEPATIQUE (flux) c'est une sorte de maladie que l'on peut regarder comme une diarrhée, dans laquelle la matiere des déjections est liquide, rougeâtre, sanguinolente, semblable à de la raclure de boyaux, sans qu'elles soient accompagnées ni précedées de douleurs, de tranchées, ni de ténesme ; ce qui distingue cette affection du flux dyssentérique, avec lequel elle a le plus de rapport.

Un tel flux de ventre est peu connu par les observations des modernes, qui pour la plupart doutent fort qu'on en ait jamais vû de pareil, dont la source soit véritablement dans le foie ; malgré tout ce qu'ont pû en écrire non pas les anciens, mais les auteurs des derniers siecles qui ont précedé la découverte de la circulation du sang, & entr'autres Varandeus, qui a fait un traité considérable sur l'hépatitide, (de hepatitide) terme, selon lui, synonyme avec celui de flux hépatique, c'est-à-dire de l'espece de diarrhée sanguinolente, qu'il prétend dépendre du vice du foie.

Ce qui donnoit principalement lieu à la dénomination de flux hépatique, pour désigner l'espece de cours-de-ventre dont il s'agit, c'est l'idée dans laquelle on a été long-tems que la sanguification se fait dans le foie : d'après cette opinion, on croyoit que la matiere du flux hépatique n'étoit autre chose que du sang aqueux mal travaillé, à cause de la foiblesse de ce viscere que la nature rejette dans les intestins pour être évacué hors du corps.

Mais s'il faut avoir égard à ce que pensent les modernes du prétendu flux hépatique, il ne provient point du foie, mais des veines meséraïques, qui par quelque cause que ce soit, répandent du sang dans les boyaux, où il se mêle avec le chyle, les excrémens qu'il détrempe, & donne à ces matieres la teinture & la consistance de raclure de boyaux, à raison du séjour qu'il y fait & de l'épaississement qu'il y contracte. C'est ainsi qu'étoit produite la diarrhée sanglante dont fait mention Zacutus Lusitanus, lib. II. medic. princip. hist. 84, qui a souvent lieu dans ceux à qui on a coupé quelque membre considérable, ou qui peut être l'effet de la pléthore, dans le cas où elle n'est pas dissipée par les exercices ou par les évacuations ordinaires, ou qui peut dépendre de toute autre cause approchante ; de sorte cependant que l'écoulement des matieres sanglantes ne vient jamais du foie.

On trouve dans les oeuvres de Deodatus, in valetudinar. p. m. 217, & dans celles de Borelli, cent. j. observ. 99, des observations qui confirment celles de Zacutus.

Il reste quelquefois après la dyssenterie un flux de ventre encore sanglant, mais sans douleurs, qui ne peut être attribué qu'à la foiblesse des vaisseaux meséraïques par une suite de l'excoriation de la membrane interne des intestins, & non point à aucun vice du foie. Ainsi, dans ces différens cas, quelque rapport qu'ils ayent avec le flux hépatique des anciens, ce viscere n'y étant cependant pour rien, les modernes se croyant fondés à ne point reconnoître ces flux de ventre pour des flux hépatiques, se croyent autorisés conséquemment à les rejetter dans tous autres cas. C'est pourquoi le sentiment de Barbette, Prax. med. lib. IV. cap. vj. a été assez généralement adopté, entant qu'il pense que le flux prétendu hépatique n'est autre chose qu'un écoulement de sang qui se fait par les veines hémorrhoïdales supérieures, se mêle aux matieres contenues dans les boyaux, & forme celles des déjections dont il s'agit, sans qu'il y ait dyssenterie.

Cependant on ne peut pas dissimuler bien des observations qui tendent à prouver la possibilité de l'existence des flux de ventre vraiment hépatiques, puisqu'il en résulte qu'après plusieurs diarrhées semblables à celles que les anciens appellent de ce nom, on a trouvé par l'inspection anatomique le foie constamment affecté : ainsi on peut voir dans les oeuvres de Bonnet, Sepulchret. seu Anatom. practic. lib. III. sect. xj. plusieurs observations à ce sujet ; entr'autres celle qui fut faite dans le cadavre d'un soldat anglois, où la substance de ce viscere fut trouvée tellement consumée, qu'il ne restoit que la membrane qui forme son enveloppe, non sans altération, puisqu'elle étoit fort épaisse & enduite intérieurement d'une boue sanieuse, semblable à la matiere du flux de ventre qui avoit causé la mort à la suite d'une inflammation du foie. Tel est aussi le cas rapporté par Bontius, Medic. indor. lib. III. observ. 9. à l'égard d'un consul parisien qui avoit eû un flux hépatique pendant six ans, sans avoir pû en être délivré par aucun remede. On trouva aussi, selon Baillou, lib. I. consil. 33. le foie entierement détruit & comme fondu dans ses enveloppes, après un flux de ventre que l'on croyoit hépatique. Jourdan, de pestis phoenom. cap. xix. dit avoir vû pareille chose à l'égard d'un homme auquel il étoit survenu une diarrhée de la même espece, à la suite d'une dyssenterie avec fievre, dont il étoit mort le septieme jour.

Il semble donc suivre du témoignage de ces observateurs, qu'il y a eu des flux de ventre véritablement hépatiques : on ne voit pas en effet, pourquoi d'autres auteurs se sont appliqués avec tant d'ardeur à établir qu'il n'en existe pas, ni n'en peut exister de tels. Si toutes les parties du corps en général sont susceptibles d'hémorrhagie, (Voyez HEMORRHAGIE.) pourquoi le foie seroit-il excepté ? Pourquoi ne peut-on pas concevoir qu'un engorgement des vaisseaux sanguins de ce viscere, qui communiquent avec les colatoires de la bile, soit suivi d'une effusion de sang plus ou moins considérable dans ces derniers conduits qui le portent dans les intestins ? Pourquoi ne peut-il pas se former une pléthore particuliere dans le foie comme dans les poumons, les reins, &c. d'où résulte une hémorrhagie ? Pourquoi ne pourroit-il pas s'échapper du sang des vaisseaux du foie dans une inflammation, en sorte que se mêlant avec la bile, il se jette avec elle dans les boyaux comme il en sort des vaisseaux pulmonaires, qui se mêle avec la matiere des crachats dans la péripneumonie ? Voyez FOIE (maladies du).

Rien ne paroît donc s'opposer à ce qu'il se fasse des effusions de sang de l'intérieur du foie, tant symptomatiques que critiques, qui ayent tous les caracteres du flux de ventre que les anciens appellent hépatique : mais il faut avouer qu'il est très-difficile d'indiquer les signes propres à distinguer les cas où ce flux vient du foie, de ceux où il vient des intestins, parce qu'il peut avoir lieu dans l'un & l'autre cas sans douleur, sans tenesme : on ne peut inférer l'un plûtôt que l'autre, que de ce qui a précédé. Si le foie a été affecté auparavant de pesanteur, de douleur, d'inflammation ; s'il y a eu des signes d'obstruction dans ce viscere avant que le flux dont il s'agit ait paru, il y a lieu de présumer que ce flux sanglant, distingué de la dyssenterie en ce qu'il est sans douleur de ventre, sans tenesme, & du flux hémorrhoïdal, par la qualité de la matiere évacuée, doit être attribué au foie qui paroît dans ce cas le seul viscere lesé. Voyez DYSSENTERIE, HEMORRHOIDE.

Mais, quelle que puisse être la source de l'espece de flux de ventre qui est appellé hépatique, on doit toûjours établir le prognostic d'après les signes qui indiquent que ce flux est symptomatique ou critique : dans le premier cas, l'intensité des symptomes qui accompagnent, décide le plus ou le moins de danger ; dans le second, il n'y en a que rarement, tant que ce flux est modéré, & que l'on ne l'arrête pas imprudemment.

Ainsi le traitement de cette maladie consiste à suivre les indications que peuvent fournir les symptomes qui ont précedé & qui en déterminent la nature. Par conséquent, si on doit l'attribuer à la pléthore par quelque cause qu'elle ait été produite, la saignée peut avoir lieu dans le cas où il n'y a pas de contr'indication, mais sur-tout l'application des ventouses avec scarification à la région des lombes, celle des sangsues au fondement pour dégorger les veines hémorrhoïdales, & faciliter par ce moyen la déplétion des vaisseaux de la veine-porte ; au reste, voyez PLETHORE.

S'il y a lieu de penser que le flux hépatique dépende d'une inflammation au foie ; comme il peut être salutaire dans ce cas, il ne faut pas se presser de le supprimer, & on doit cependant s'occuper à détruire les causes qui ont produit l'inflammation, & en corriger les effets. Voyez HEPATITE.

Si le flux hépatique est une suite des obstructions du foie, il ne peut être arrêté sans danger qu'après que l'on a, s'il est possible, desobstrué ce viscere ; ce qui rend la curation aussi longue que difficile. Voyez FOIE (maladies du), OBSTRUCTION.

En général, il est peu de cas où l'on puisse entreprendre le traitement du flux hépatique par le moyen des astringens ; parce qu'en supprimant l'évacuation il y a grand risque qu'il ne s'ensuive des dépôts funestes de la matiere retenue : on ne peut donc recourir à ces remedes, qu'au cas que ce flux forme une hémorrhagie considérable. Voyez HEMORRHAGIE, HEMORRHOIDE. Ce qui ne peut guere arriver à l'égard d'un viscere dans lequel le cours du sang se fait avec tant de lenteur, à cause de son éloignement de l'instrument principal de la circulation & par la foiblesse de l'organisation qui peut même être augmentée dans cette maladie & en constituer la cause prédisponante ; ce qui forme alors une indication de faire usage des astringens, des toniques, des amers, & autres médicamens appropriés à la débilité des fibres des visceres. Voyez DEBILITE, FIBRE (maladies de la), FOIE (maladies du), HEMORRHAGIE.

HEPATIQUE à trois feuilles, subst. fém. (Botan.) voici ses caracteres : sa racine est fibreuse, vivace ; les pédicules de ses feuilles partent de la racine ; ses tiges sont nues, simples, & portent des fleurs ; son calice est à une piece ; il est permanent & découpé communément en trois lobes ; ses fleurs sont en rose, polypétales, ordinairement pentapétales, & garnies d'un grand nombre d'étamines ; son fruit est globuleux ; chacune de ses cellules est pourvue d'un tuyau recourbé ; du reste l'hépatique ressemble à la petite chélidoine.

Entre les especes de ce genre de plante, il suffira de décrire la plus commune, que Boerhaave nomme hepatica trifolia, caeruleo flore. Ind. Art. 30.

Ses fleurs sortent de terre de bonne heure au printems avant les feuilles ; elles croissent sur des pédicules foibles, un peu velus, longs de quatre à cinq pouces ; ses feuilles sont enfermées dans un calice verd à trois pieces ; elles sont composées de six folioles bleues, arrondies, pointues par le bout, & rangées autour d'une petite tête verte. Il sort du milieu d'elles plusieurs étamines blanches & bleues ; la tête verte s'aggrandit & dégénere ensuite en plusieurs petites semences nues ; les feuilles paroissent lorsque les fleurs sont passées ; la racine est petite, fibreuse, & vivace.

On nomme cette plante hépatique, parce que ses feuilles sont divisées en lobes comme le foie.

Les fleuristes cultivent plusieurs especes d'hépatique, à cause de la beauté de leurs fleurs printanieres, simples, doubles, ou bleues, ou blanches, ou rouges ; sur quoi Miller mérite d'être consulté. (D.J.)

HEPATIQUE commune ou de fontaine, (Mat. méd.) la plante ainsi nommée de sa prétendue vertu contre les maladies du foie, est un de ces remedes purement altérans, dont les propriétés sont fort peu constatées & très-difficiles à déterminer. Outre la qualité principale dont nous venons de parler, on lui accorde celle de remédier à l'épaississement des humeurs, d'en adoucir & réprimer l'acrimonie, &c. vices qu'il est très-permis de regarder comme imaginaires dans la plûpart des cas où on les met en jeu pour l'explication des maladies.

Elle passe encore pour tonique, vulnéraire, astringente, bonne dans la galle & les autres maladies de la peau, si on en prend intérieurement la décoction à grandes doses. Plusieurs auteurs ont regardé encore l'hépatique de fontaine comme un spécifique contre la toux & contre la phthisie ; elle entre dans le syrop de chicorée composé. (b)

HEPATIQUE des Fleuristes, ou BELLE HEPATIQUE, (Mat. méd.) cette plante a tiré son nom, comme la précédente, de la faculté qu'on lui a supposée de guérir les maladies du foie. On l'a regardée d'ailleurs comme vulnéraire, rafraîchissante, fortifiante & astringente, soit dans l'usage intérieur, soit dans l'usage extérieur.

L'eau de pluie dans laquelle on a cohobé trois ou quatre fois des feuilles fraîches de belle hépatique, est un excellent cosmétique, & que les dames de la plus grande condition recherchent fort, selon que le rapporte Simon Pauli, pour se blanchir la peau du visage après qu'elles se sont exposées à l'ardeur du soleil. Géoffroy, Mat. méd.


HÉPATITEsub. fém. (Hist. nat. Lithologie) nom donné par les anciens à une pierre rougeâtre, dont la couleur ressembloit à celle du foie. On croit que c'étoit une mine de fer assez pauvre : quelques auteurs ont cru que ce nom avoit été donné à une espece de marne. Quelques naturalistes de la Suisse entendent par hépatite, une espece de terre argilleuse, qui a la consistance d'une pierre tendre. (-)

HEPATITE, (Medecine) , hepatitis, c'est un terme reçû parmi les Medecins, pour designer l'inflammation du foie, & même en général, selon quelques-uns, toute affection aiguë de ce viscere.

Les anciens étoient dans l'usage d'ajouter la terminaison itis, au nom de la partie affectée, pour former celui de la maladie de cette même partie ; ainsi ils se servoient des mots phrenitis, pleuritis, nephritis, arthritis, pour signifier les lesions de fonctions du cerveau, de la plévre, des reins, des articulations, & particulierement l'état d'inflammation de ces parties.

Comme les arteres qui portent le sang au foie sont peu considérables, en comparaison du volume de ce viscere, & que le sang qui est porté dans sa substance par le tronc de la veine-porte, a un mouvement très-lent, attendu qu'il n'a que celui qu'il tient du sang des veines du bas-ventre, qui concourent à le former, & qu'il ne participe que d'une maniere très-éloignée à l'action impulsive du coeur & des arteres ; il suit de-là que la véritable inflammation du foie ne doit pas être bien commune, & que ce viscere doit être bien plus susceptible des vices qui établissent les maladies chroniques, tels que les obstructions qui doivent par conséquent y être d'une nature plus difficile à détruire, que dans toute autre partie. Ce sont ces considérations qui ont déterminé de célebres medecins à penser que si l'inflammation du foie ne doit pas être rangée parmi les êtres de raison, on doit tout au-moins convenir que c'est une espece de maladie aiguë qui se présente très-rarement dans la pratique de la Medecine. Tel est le sentiment d'Hoffman, entr'autres auteurs de grande réputation, qu'il a établi dans une dissertation à cet effet, de hepatis inflammatione verâ rarissimâ, spuriâ frequentissimâ, Opusc. Pathol. practic. decad. II. dissert. viij.

Cependant, comme il ne laisse pas d'y avoir des observations anatomiques, par lesquelles il conste qu'il s'est fait quelquefois des amas de matiere purulente dans la substance du foie, qui ne pouvoient être attribués à des métastases, mais à l'effet des symptomes qui avoient donné lieu avant l'inspection anatomique, de juger que ce viscere étoit affecté immédiatement d'inflammation ; il n'est pas possible de se refuser absolument à le regarder comme susceptible de cette sorte d'affection.

Ainsi les praticiens qui font mention de l'hépatite, la distinguent principalement en tant qu'elle peut avoir son siege dans la partie concave ou dans la partie convexe du foie. Les signes auxquels on reconnoît la premiere espece, sont le hocquet, la toux seche, la respiration gênée, les nausées, le vomissement, la cardialgie, l'ardeur & la douleur fixe que le malade ressent sous le scrobicule du coeur, du côté droit, & la constipation, la fievre, la soif, & les anxiétés qui la suivent. La plûpart de ces symptomes doivent être attribués au rapport qui se trouve entre la partie affectée, le diaphragme & l'estomac ; ce qui pourroit faire confondre l'inflammation de ce dernier organe, avec celle de la partie du foie dont il s'agit ; si on ne distinguoit celle-la en ce que les douleurs & la disposition au vomissement sont constamment augmentées par le contact & le poids des alimens à mesure qu'ils sont reçûs dans l'estomac ; ce qui n'a point lieu relativement au foie. La fievre & la soif sont une suite de la douleur ou des digestions & des secrétions viciées, conséquemment aux vices préétablis dans le foie, qui l'ont disposé à l'inflammation. La constipation dépend de ce que l'irritation inflammatoire se communiquant aux conduits de la bile dans les intestins, le cours de ce fluide qui y forme un clystere naturel, en est gêné, & ne coule que peu ou point du tout dans le canal intestinal ; d'où suit souvent le reflux de la bile dans la masse du sang ; ce qui devient une cause d'ictere, de dégoût ; ce qui rend les urines jaunes, &c. Voyez JAUNISSE.

L'inflammation à la partie concave du foie se distingue principalement par une douleur gravative & comme pungitive, le long des fausses côtes du côté droit, avec un sentiment de constriction dans le bas de la poitrine du même côté, accompagné de toux, de gêne dans la respiration sans hocquet, & de fievre continue ; ensorte que ces différens symptomes donnent à cette sorte d'hépatite les apparences d'une inflammation dans les parties inférieures de la plevre, qui en differe cependant ; parce que dans celle-là l'embarras dans la respiration & la fievre sont moins considérables, & que la douleur se fait sentir au-dessous du diaphragme : d'ailleurs la pleurésie se dissipe plus aisément, & se termine ordinairement le plus tard au septieme jour ; au lieu que l'hépatite est le plus souvent très-lente dans ses progrès, & sur-tout dans le cas où elle prend une mauvaise tournure & qu'elle dégenere en abscès.

Dans l'une & l'autre espece d'hépatite, les malades ne peuvent se tenir couchés sur les côtés, à cause des compressions douloureuses qui en résultent pour la partie affectée, ou par la raison des tiraillemens, des suffocations, qu'occasionne la pesanteur extraordinaire du foie suspendu au diaphragme ; ce qui est bien différent des symptomes qui empêchent aussi les pleurétiques de se tenir couchés sur les côtés. Voyez PLEURESIE.

On distingue aussi les douleurs qui accompagnent l'inflammation du foie, de celles qui font la colique proprement dite, par les symptomes qui intéressent la respiration dans celle-là, & qui ne se trouvent point dans celle-ci, non plus que dans l'inflammation des muscles du bas-ventre à la région épigastrique, qui peut aussi en imposer d'abord pour une hépatite, mais dont on fait la différence par la pulsation & la tumeur qui se font sentir dans cette région, dont l'on ne peut pas s'appercevoir dans l'hépatite, à cause des parties intermédiaires ; à moins que le volume du foie ne s'étende beaucoup audessous des côtes, & que la tumeur particuliere n'y soit bien considérable ; mais dans ce cas on la sent toûjours profonde ; ce qui n'a pas lieu par rapport à celle des muscles, qui se présente toûjours plus au-dehors avec une pulsation plus sensible.

Les causes de l'inflammation au foie sont en général les mêmes que celles qui peuvent produire l'inflammation dans toute autre partie ; mais on distingue particulierement les contusions, les chûtes sur l'hypochondre droit, qui portent leur effet sur ce viscere ; une grande abondance de graisse qui enveloppe les autres visceres du bas-ventre, lorsqu'elle se met en fonte par une suite de mouvemens, d'exercices violens, qui charge de ce suc huileux devenu rance, acrimonieux, le sang de la veine-porte ; l'atrabile dominante, des matieres purulentes répandues dans la masse des humeurs, & déterminées vers les vaisseaux du foie, les emplastiques irritans, les ventouses appliquées à la région hypochondriaque droite.

La disposition des vaisseaux qui se distribuent à ce viscere & les observations anatomiques, déterminent à attribuer principalement à l'artere hépatique, les inflammations de la partie convexe du foie, & à la veine-porte, celles de la partie concave : dans celle-là les symptomes sont plus violens, la fievre plus ardente que dans celle-ci.

L'hépatite en général est toûjours un mal très-dangereux, & qui fait le plus souvent périr les malades : plus la fievre qui l'accompagne est ardente, plus l'inflammation est considérable, & tient de la nature de l'érésypele ; cependant on observe dans tous les cas que cette sorte d'inflammation se termine difficilement par la résolution : ce qui ne peut même avoir lieu que quand l'engorgement inflammatoire a son siége dans les arteres hépatiques ; mais lorsqu'il a son siége dans les rameaux de la veine-porte, il peut arriver qu'ils se dégorgent par erreur de lieu dans les colatoires de la bile, & y fournissent la matiere d'un flux hépatique. Voyez HEPATIQUE (flux). Mais il y a plus à craindre encore que l'inflammation ne tourne à la gangrene ; ce qui fait périr au troisieme ou au quatrieme jour de la maladie : mais elle dégénere plus communément en skirrhe ou en abscès, dont la matiere s'évacue quelquefois par la voie des selles ; ce qui est le moins défavorable ; ou elle se répand dans la capacité du bas-ventre ; ce qui fait une sorte d'empyeme, qui peut produire des effets très-fâcheux sur les visceres qu'il affecte ; ou la matiere de l'abscès est portée dans la masse des humeurs, & s'en sépare ensuite par la voie des crachats ou des urines. Dans ces différens cas, l'hépatite conduit à la fievre hectique, à la consomption ou à l'hydropisie ; les urines abondantes & l'hémorrhagie par la narine droite, sont regardés comme des signes très-favorables dans les commencemens de l'hépatite : mais le fréquent hocquet dans cette maladie est toûjours un très-mauvais signe, selon l'observation d'Hippocrate, Aphor. xvij. sect. 7. & celle de Forestus, lib. XIX. obs. 8.

Le traitement de cette inflammation est le même en général que celui de la pleurésie ou de toute autre maladie inflammatoire. Voyez INFLAMMATION, PLEURESIE, &c. Il faut toûjours tendre à favoriser la résolution par les antiphlogistiques savonneux, nitreux ; sur-tout les applications, les fomentations émollientes, resolutives sur le côté affecté, peuvent être employées utilement pour satisfaire à cette indication, particulierement dans le cas où l'hépatite a son siége dans la partie du foie qui répond aux hypochondres. Si on ne peut pas empêcher la suppuration de se faire, & que la matiere prenne son cours par la voie des selles, on doit faire usage de ptisannes, de clysteres émolliens, mucilagineux, détersifs, pour corriger la qualité acrimonieuse de cette matiere, & empêcher les impressions nuisibles qu'elle peut produire dans le canal intestinal. Si cette matiere est portée par la voie des urines, les diurétiques adoucissans conviennent ; & si elle s'épanche dans la cavité du bas-ventre, il n'y a pas d'autre moyen de l'en tirer que par l'opération de l'empyeme, telle qu'elle doit être pratiquée dans ce cas. Voyez EMPYEME.

Si l'abscès se forme de maniere à pouvoir y atteindre des parties extérieures de la région du foie, on tente d'en faire l'ouverture selon les regles de l'art. Voyez ABSCES.

Si l'inflammation du foie se termine par l'induration, il faut se hâter d'y apporter remede avant que le mal soit devenu incurable, en suivant les indications prescrites, pour détruire ses obstructions & le skirrhe des visceres, lorsqu'ils commencent à se former. Voyez OBSTRUCTION, SKIRRHE, FOIE. (Physiol. & Pathol.) VISCERE.


HÉPATOMPHALES. f. terme de Chirurgie, hernie du foie par l'anneau de l'ombilic. Quelques auteurs ont rapporté des exemples particuliers de la tumeur formée à l'ombilic par la présence d'une portion du petit lobe du foie : je l'ai vû à un enfant qui venoit de naître. C'étoit un vice de conformation. La tumeur étoit du volume d'un gros oeuf de poule, circonscrite d'un rouge brun, recouverte d'une membrane qui étoit effectivement la membrane externe du foie. La base de la tumeur avoit moitié moins de volume que sa masse. L'enfant ne parut souffrir aucun dérangement dans la moindre de ses fonctions par la présence de cette tumeur. Lorsqu'au bout de quelques jours le cordon ombilical qui partoit de dessous cette tumeur fut séparé, la sage-femme essaya de le faire tomber par une ligature qui en étrangloit le pédicule. L'enfant témoigna par ses cris la douleur que cette opération lui causoit : on coupa la ligature. L'enfant me fut présenté quelques jours après ; la tumeur me parut sarcomateuse, indolente, & ne produisant aucun accident ; je conseillai fort qu'on n'y fît ni remedes, ni opération. Un chirurgien crut appercevoir une fluctuation dans le centre de cette tumeur ; il l'entama par l'instrument tranchant : mais le sang pur qui sortit en assez grande quantité, l'empêcha de faire plus qu'une scarification, dont il eut assez de peine à arrêter l'hémorrhagie. L'enfant mourut au bout de quelques jours, sans que cette opération y ait contribué. Le cadavre a été ouvert, & les parties présentées à l'académie royale de Chirurgie. On a vû que par un vice de conformation en cet enfant, le foie par une portion de son petit lobe, faisoit la tumeur de l'ombilic ; tumeur qui en effet ne devoit admettre ni opérations ni remedes. (Y)


HÉPATOSCOPIES. f. (Divinat.) genre de divination qui avoit lieu chez les payens, par l'inspection du foie des victimes dans les sacrifices : ce mot est composé de , génitif de , foie, & de , je considere.

Le cas de victimes trouvées quelquefois sans coeur ou sans foie, qu'on avoit sans-doute l'art de faire disparoître, donna lieu à une question curieuse de la part de ceux qui croyoient la réalité de la divination : ils demandoient quelle étoit la cause de si étranges phénomènes. La réponse des aruspices étoit que les dieux mêmes faisoient ce miracle tout d'un coup, en annihilant ces parties au moment du sacrifice, pour le faire correspondre aux conjonctures des tems & en donner des lumieres éclatantes au sacrificateur. Mais les Philosophes se moquoient de cette solution comme contraire aux principes de la bonne physique, pensant qu'il étoit absurde d'imaginer que la Divinité pût annihiler, réduire à rien une chose auparavant existante, ou former quelque chose de rien. (D.J.)


HÉPATUSS. m. (Icthiologie) gros poisson de mer dont la figure & la couleur semblables à celles du foie humain l'ont fait nommer hepatus. Il a l'écaille rude, le museau court, les dents en scie, l'oeil grand, la queue étendue, large & marquée d'une tache noire, & la tête garnie en-dedans de deux petites pierres. Il est stupide. Sa chair ni tendre ni dure peut se manger. On attribue une vertu astringente aux pierres qui se trouvent dans sa tête ; elles resserrent le ventre & poussent par les urines.


HÉPHESTIÉES. f. (Antiquit.) fête solemnelle des Athéniens, en l'honneur de Vulcain. Vous trouverez la description des cérémonies & des jeux de cette fête, dans Potter, Archaeol. Graec. lib. II. c. xx. tom. I. p. 399. Voyez aussi LAMPADOPHORIES. (D.J.)


HÉPHOESTITES. f. (Hist. nat. Lithol.) Les anciens donnoient ce nom à une pierre rougeâtre dont ils formoient des miroirs concaves au moyen desquels on pouvoit mettre le feu à des matieres seches & combustibles, comme on fait aujourd'hui à l'aide des verres ardens. C'est de cette propriété que lui est venu son nom qui signifie pierre de Vulcain, ou pierre de feu ; ils ignoroient qu'elle est commune à toutes les pierres assez dures pour prendre un beau poli. On dit qu'il se trouve près de Hildesheim en Westphalie une espece de jaspe d'un rouge brun, dont on fait le même usage & dont on se sert comme des miroirs ardens. Voyez Boëce de Bott, de gemmis. Henckel dit que l'on a aussi donné le nom de lapis hephoestius à la pyrite qui donne des étincelles lorsqu'on la frappe avec le briquet. Quant à l'héphoestite dont il a été parlé, le même auteur dit que l'on ne connoît point de pierre qui s'accorde avec la description que Gesner & Agricola en ont donnée. Voyez Henckel, Pyrithologie. (-)


HÉPHTHÉMIMEREadj. (Litt.) terme de poësie greque & latine, qui se dit d'une espece de vers composé de trois piés & une syllabe ; c'est-à-dire de sept demi-piés. Voyez VERS, PIE.

Tels sont la plûpart des vers d'Anacréon :

, &c.

& celui d'Aristophane, dans son Plutus :


HEPPENHEIM(Géog.) Apianum, petite ville d'Allemagne dans l'électorat de Mayence, entre Heidelberg & Darmstadt. Long. 26. 11. lat. 49. 39. (D.J.)


HEPRES(Géogr.) riviere du comté de Hainaut, qui prend sa source près de Chimay, & qui tombe dans la Sambre près de Marolles.


HÉPTACOMETESS. m. pl. (Géogr. anc.) peuples qui habitoient les bords du Pont-Euxin. On les appelloit aussi Mossiniens, parce qu'ils avoient des tours de bois ; & du nombre de leurs sept villages se forma le nom d'Héptacometes. Ils étoient, suivant Strabon, à l'extrémité du mont Scydissès, surpassoient tous les autres barbares en férocité, & demeuroient dans de petites tours. Ils se nourrissoient d'animaux sauvages, & tendoient des embûches aux voyageurs. Ils massacrerent trois cohortes de Pompée, qui passoient par leurs montagnes. Pour exécuter ce projet, ils leur firent boire d'un breuvage fait avec une sorte de miel tiré de ruches de leurs arbres, & les ayant ainsi enivrés ou rendus fous, ils n'eurent pas de peine à les égorger. Pomponius Méla rapporte qu'ils se font des marques sur tout le corps, s'accouplent indifféremment en public, se choisissent leurs rois par voie de suffrage, & les punissent par le jeûne, s'ils commettent une faute en ordonnant quelque chose mal-à-propos. Voilà des barbares bien étranges ! (D.J.)


HÉPTACORDES. m. (Musique anc.) lyre ou cythare à sept cordes. Ce fut long-tems la plus en usage & la plus célébre de toutes : néanmoins quoiqu'on y trouvât les sept voix de la Musique, l'octave y manquoit encore : Simonide l'y mit, selon Pline, en y ajoûtant une huitieme corde, c'est-à-dire en laissant un ton entier d'intervalle entre les deux tétracordes. Ainsi, dans le système de l'octacorde ou de l'octave chez les anciens, les sons se trouverent dans la situation la plus favorable à une harmonie mâle, pleine de noblesse & de dignité, étant également éloignés du trop grave qui les rend sourds, & du trop aigu qui les rend glapissans, plus foibles & moins perceptibles à l'oreille. Cependant cette noble musique n'eut pas le bonheur de se soûtenir, on vint à multiplier les sons à l'aigu ; car dans l'endécacorde ou la onzieme, & dans le dodécacorde ou la douzieme, on rendit le système harmonique plus mou, plus efféminé, plus allongé ; & c'est Mélanippide que Plutarque accuse d'avoir énervé la Musique par son invention des douze cordes. Mais le caractere de la poësie dithyrambique chanté sur les sons & les modes les plus aigus, s'accordant merveilleusement avec cette nouvelle musique, concourut avec elle à décréditer & à faire mépriser l'ancienne. (D.J.)


HEPTAGONES. m. terme de Géométrie, figure composée de sept angles & de sept côtés. Voyez FIGURE.

Ce mot est grec & composé d', sept, & angle.

Quand tous ses côtés sont égaux, on l'appelle heptagone régulier. Voyez REGULIER.

Les nombres heptagones sont des nombres polygones, où la différence des termes de la progression arithmétique correspondante est cinq. Voyez POLYGONE.

Entre plusieurs propriétés, le nombre heptagone en a une assez remarquable, c'est que si on le multiplie par 40, & qu'on ajoûte 9 au produit, la somme sera un nombre quarré. (E)


HEPTAMÉRIDES. f. (Musique) est en Musique le nom de l'un des intervalles du système de M. Sauveur, qu'on peut voir dans les Mémoires de l'Académie des Sciences, année 1701.

Cet auteur divise d'abord l'octave en quarante-trois parties qu'il appelle mérides, puis chacune de celles-ci en sept héptamérides : de sorte que l'octave entiere comprend trois cent une héptamérides, qu'il subdivise encore. Voyez DECAMERIDE.

Ce mot est formé de , sept, & de , partie. (S)


HEPTANGULAIREadj. (Géométrie) Une figure heptangulaire est celle qui est composée de sept angles. (E)


HEPTAPOLEHeptapolis, ou Heptanomia, (Géogr.) contrée d'Egypte, selon Denis le Periégete. Eustathe son commentateur nous apprend 1°. qu'avant l'empereur Arcadius on la nommoit Heptanome ; 2°. que quelques-uns nommoient dans l'Heptapole, Memphis, Diospolis, Memnonie, la grande & petite Cataracte, Syene, toutes six situées sur la rive gauche du Nil, & Babylone placée sur la rive droite. D'autres comptoient autrement les sept villes de l'Heptapole : mais sans nous y arrêter, il suffit de dire que c'est dans l'étendue de l'Heptapole qu'il faut chercher les principales merveilles de l'Egypte, comme les obélisques, les pyramides, le labyrinthe, le lac de Moeris, &c. (D.J.)


HEPTARCHIES. f. (Hist. mod.) gouvernement des sept royaumes des Anglo-Saxons, considérés comme ne faisant qu'un seul corps & un seul état.

Les Anglo-Saxons établirent en Angleterre un gouvernement à-peu-près semblable à celui sous lequel ils avoient vécu en Allemagne : c'est-à-dire que se considérant comme freres & compatriotes, & ayant un égal intérêt à se maintenir dans leurs conquêtes, ils conçurent qu'il leur étoit nécessaire de se secourir mutuellement & d'agir en commun pour le bien de tous. Ce fut dans cette vûe qu'ils jugerent à-propos de se nommer un général, un chef, ou, si l'on veut, un monarque auquel ils accorderent certaines prérogatives dont nous ne sommes pas bien informés. Après la mort de ce général ou monarque, on en élisoit un autre du consentement unanime des sept royaumes : mais il y avoit quelquefois d'assez longs interregnes causés par les guerres ou par les divisions entre les souverains, qui ne pouvoient s'assembler ou s'accorder sur un choix.

Outre ce monarque, qui lioit ensemble les Anglo-Saxons, ils avoient encore une assemblée générale composée des principaux membres des sept royaumes ou de leurs députés. Cette assemblée étoit comme le centre du gouvernement heptarchique ; on l'appelloit le Wittena-gémot, ou le parlement général, & on n'y délibéroit que sur les choses auxquelles toute la nation prenoit intérêt. Voyez WITTENA-GEMOT.

Chaque royaume avoit d'ailleurs un parlement particulier, formé à-peu-près de la même maniere qu'on le voit pratiqué dans les sept provinces-unies des Pays-Bas. Chaque royaume étoit souverain, & néanmoins ils délibéroient en commun sur les affaires qui regardoient l'intérêt commun de l'heptarchie. Ce qui étoit ordonné dans l'assemblée générale devoit être exactement observé, puisque chaque roi & chaque royaume y avoit donné son consentement. C'étoit-là la forme du gouvernement heptarchique en général.

L'heptarchie dura 378 ans. Si l'on vouloit rechercher les causes de sa dissolution, il ne seroit pas difficile de les trouver dans l'inégalité qu'il y avoit entre les sept royaumes, dans le manque de princes du sang royal, dans l'ambition des souverains, & dans le concours de certaines circonstances qui ne se rencontrerent qu'au tems d'Ecbert en 828. (D.J.)


HEPTATEUQUES. m. (Théologie) c'est ainsi que fut appellée la premiere partie de la bible, qui contenoit anciennement, outre le pentateuque, ou les cinq livres de Moïse, les deux suivans de Josué & des juges. Car selon le témoignage d'Yves de Chartres, épist. 38. on avoit accoûtumé de les joindre ensemble, & on les citoit sous ce nom qui vient du grec, , c'est-à-dire un ouvrage des sept livres. On lit en quelques endroits, heptatique, heptaticum ; mais c'est une faute d'écrivain. Macri hierolexicon. (G)


HÉRACLÉES. m. (Chronologie) nom d'un mois des habitans de Delphes & de Bythinie ; c'étoit le cinquieme de l'année ; & leur année commençant en Octobre, il répondoit à notre Février.

HERACLEE, (Géog. anc.) nom commun à un si grand nombre de villes, que dans l'empire romain on en comptoit plus de trente ainsi nommées. Le culte d'Hercule, ce héros que les Grecs appelloient , étoit étendu au point que la plûpart des lieux qui lui étoient particulierement consacrés, portoient son nom : de-là vient qu'il s'en trouve tant qui sont appellées Héraclée, Héracléopolis, Héracleum, Héracleotes, & autres dont les noms sont formés de celui d'Hercule. Mais je me contenterai de parler dans l'article suivant de la plus fameuse Héraclée, de l'Héraclée du Pont en Bithynie, auprès de laquelle étoit la presqu'île Achérusiade, d'où Hercule descendit aux enfers & en tira par force le Cerbere, ce chien terrible dont le cou, disent les Poëtes, étoit entouré de couleuvres, & qui faisoit des hurlemens affreux, quand quelqu'un vouloit s'échapper du Ténare. (D.J.)

HERACLEE DU PONT, Heraclea Pontica, (Géog. anc.) ville d'Asie en Bithynie sur les fleuves Lycus & Hyppius. Les Milésiens la fonderent, & les Mégariens y envoyerent ensuite une colonie. Tous les anciens, Diodore, Pausanias, Xénophon, Eustathe, Arrien, Denys le Périégete, Ptolomée, Strabon, Pomponius Méla, Pline & tant d'autres nous parlent beaucoup de cette ville. En effet, au dire de M. Tournefort, elle devoit être une des plus belles de l'orient, s'il en faut seulement juger par les ruines, & sur-tout par les vieilles murailles bâties de gros quartiers de pierre qui étoient encore sur le bord de la mer au commencement de ce siecle.

La médaille de Julia Domna que possede le Roi de France, & dont le revers représente un Neptune, qui de la main droite tient un dauphin & de la gauche un trident, marque bien la puissance que cette ville avoit sur mer. Mais rien ne fait plus d'honneur à son ancienne marine, que la flotte qu'elle envoya au secours de Ptolomée, après la mort de Lysimachus, un des successeurs d'Alexandre. Ce fut par ce secours que Ptolomée battit Antigonus. Il y avoit dans cette flotte un vaisseau nommé le Lion, d'une beauté surprenante & d'une grandeur si prodigieuse, qu'il contenoit plus de trois mille hommes d'équipage. L'histoire est remplie d'autres traits qui prouvent la puissance des Héracliens sur mer, & par conséquent la bonté de leur port, qui n'existe plus aujourd'hui.

La caverne par laquelle on a supposé qu'Hercule descendit aux enfers pour enlever le Cerbere, & que l'on montroit encore du tems de Xénophon, dans la péninsule d'Achérusie, n'est plus trouvable, quoiqu'elle eût deux stades, c'est-à-dire deux cent cinquante pas de profondeur. Elle doit s'être abîmée depuis ce tems-là ; car il est certain qu'il y a eu une caverne de ce nom, laquelle a donné lieu à la fable du Cerbere représentée sur plusieurs médailles.

Si Hercule n'a pas été le fondateur d'Héraclée, il y a du-moins été en grande vénération : Pausanias nous apprend qu'on y célébroit tous les travaux de ce héros. Quand Cotta eut pris la ville d'Héraclée, il y trouva dans le marché une statue d'Hercule dont tous les attributs étoient d'or pur. Pour marquer la fertilité de leurs campagnes, les Héracliens avoient fait frapper des médailles avec des épis & des cornes d'abondance : & pour exprimer la bonté des plantes médicinales que produisoient les environs de leur ville, on avoit représenté sur une médaille de diadumène, un Esculape appuyé sur un bâton autour duquel un serpent étoit entortillé.

Cette ville ne fut pas seulement libre dans son origine, mais recommandable par ses colonies ; elle se soutint avec éclat jusqu'au tems que les Romains se rendirent formidables en Asie. Elle refusa d'abord l'entrée de son port à l'armée de Mithridate ; ensuite, à la persuasion d'Archélaüs, les Héracliens lui accorderent cinq galeres & couperent la gorge aux Romains qui se trouverent dans leur ville.

Luculle ayant battu Mithridate, fit assiéger Héraclée par Cotta, qui l'ayant prise par trahison & entierement pillée, la réduisit en cendres. Il en obtint le nom de Pontique à Rome ; mais les richesses qu'il avoit acquises au sac d'Héraclée lui attirerent de cruelles affaires. Un sénateur lui dit : " Nous t'avions ordonné de prendre Héraclée, mais non pas de la détruire ". Le sénat indigné renvoya tous les captifs, & rétablit les habitans dans la possession de leurs biens ; on leur permit l'usage de leur port & la faculté de commercer. Britagoras n'oublia rien pour la repeupler, & fit long-tems sa cour à Jules César, pour obtenir la premiere liberté de ses citoyens ; mais il ne put réussir. Auguste après la bataille d'Actium, la mit du département de la province de Pont jointe à la Bithynie. Voilà comment cette ville fut incorporée à l'empire Romain, sous lequel elle florissoit encore.

Héraclée vint ensuite à passer dans l'empire des Grecs ; & lors de la décadence de cet empire, on lui donna le nom de Pendérachi, lequel même, suivant la prononciation, paroît un nom corrompu d'Héraclée du Pont. Théodore Lascaris l'enleva à David Commene empereur de Trébizonde. Les Génois se saisirent de Pendérachi dans leurs conquêtes d'orient, & la garderent jusqu'à ce que Mahomet II. les en chassa. Depuis elle est restée aux Turcs ; ils l'appellent Eregri : un seul cadi y exerce la justice. Un waivode y exige la taille & la capitation des Grecs. Les Turcs y payent seulement les droits du prince, trop heureux de fumer tranquillement parmi ces belles masures, sans s'embarrasser de ce qui s'y est passé autrefois.

L'ancienne Héraclée, ou, si l'on aime mieux, Eregri, est située près de la mer à vingt lieues S. O. de Constantinople, 22 N. O. de Gallipoli, & 26 S. E. de Trajanopoli. Long. 45. 23. latit. 40. 57. (D.J.)


HÉRACLÉESS. f. pl. (Antiq. greq.) fêtes qu'on célébroit en plusieurs lieux de la Grece, comme sur le mont Oeta, à Athènes & ailleurs, en l'honneur d'Hercule que les Grecs nommoient Héraclès, nom par lequel ils ont voulu signifier la gloire dont il s'est couvert en exécutant les travaux que Junon lui fit entreprendre ; car ce mot est composé de , Junon, & de , gloire. Vous trouverez la description des fêtes nommées Héraclées dans Potter, Archaeol. Graec. liv. II. ch. xx. t. I. (D.J.)


HÉRACLÉONITESS. m. pl. (Théolog.) hérétiques anciens de la secte des Gnostiques & appellés ainsi de leur chef Héracléon. Voyez GNOSTIQUE.

S. Epiphane, haeres. 36. s'étend beaucoup sur cet article. Il représente Héracléon comme un homme qui avoit réformé la théologie des Gnostiques en plusieurs articles, mais qui dans le fond en avoit conservé les principaux. Il raffinoit sur les interprétations superflues des textes de l'Ecriture, & même il altéroit les paroles de quelques-uns pour les concilier avec ses notions particulieres. Il soutenoit, par exemple, que par ces paroles de S. Jean, toutes choses furent faites par lui, on ne devoit point entendre l'univers & tout ce qu'il contient : il prétendoit que l'univers qu'il appelloit Aeon, n'avoit point été fait par le Verbe ; mais qu'il avoit été fait avant le Verbe. Et pour appuyer cette construction, il ajoûtoit à ces paroles de S. Jean, sans lui rien ne fut fait, ces autres paroles, des choses qui sont dans le monde.

Il distinguoit deux sortes de mondes, l'un divin & l'autre corruptible ; & il restraignoit le mot panta, toutes choses, au dernier monde. Il soutenoit aussi que le Verbe n'avoit pas créé le monde immédiatement & par lui-même, mais qu'il avoit été seulement cause que le Demiurge l'avoit formé.

Les Héracléonites, à l'exemple de leur maître, détruisoient toute l'ancienne prophétie, & disoient que S. Jean étoit véritablement la voix qui avoit annoncé le Sauveur ; mais que les prophéties n'étoient que des sons en l'air qui ne signifioient rien. Ils se croyoient supérieurs aux apôtres dans la connoissance de la religion ; & sur ce fondement, ils avançoient d'étranges paradoxes, sous prétexte d'expliquer l'Ecriture d'une maniere sublime & relevée. Ils aimoient les interprétations mystiques, au point qu'Origène, qui étoit lui-même un grand mystique, fut obligé de reprocher à Héracleon qu'il abusoit de ces sortes d'explications. Voyez PROPHETIE, ALLEGORIE, &c. Voyez le Dictionn. de Trév. (G)


HÉRACLIDESS. m. pl. (Hist. anc.) ce sont les descendans d'Hercule, qui régnerent dans le Péloponnèse, après plusieurs tentatives inutiles depuis leur expulsion par Eurysthée.

Les uns, avec le P. Pétau, ne parlent que de deux tentatives des Héraclides pour rentrer dans leurs anciennes possessions : d'autres, avec Scaliger, en distinguent trois : d'autres en reconnoissent un plus grand nombre. Mais comme ils ne sont point d'accord ensemble sur les époques de ces tentatives, nous allons tâcher de les fixer.

L'an 1323 avant J. C. & quarante-un ans avant la prise de Troie, les Héraclides chassés de la Grece par Eurysthée, l'implacable ennemi d'Hercule & de toute sa race, se réfugierent à Athènes où Thésée les prit sous sa protection & marcha contre ce prince. Hyllus fils d'Hercule & de Dejanire, qui étoit à la tête de l'armée, vainquit Eurysthée, le tua, & passa dans le Péloponnèse avec ses troupes. Mais il fut obligé de se retirer promtement, à cause de la contagion qui desoloit le pays : alors Atrée fils de Pélops régnoit à Argos & à Mycènes.

Hyllus étant revenu dans le Péloponnèse, la troisieme année après sa retraite, fut tué en combat singulier, par Echémus roi de Tégée, & les Héraclides se retirerent.

L'an 1257 avant J. C. & trente-cinq ans après la prise de Troie, ils firent une nouvelle entreprise sur le Péloponnèse sous la banniere de Cléodaeus fils d'Hyllus. Cette entreprise ne réussit pas mieux que les deux précédentes ; Cléodaeus fut repoussé par Oreste, établi sur le trône de son pere Agamemnon.

L'an 1222 avant J. C. & soixante ans après la prise de Troie, les descendans d'Hercule formerent sans se décourager une quatrieme tentative sur le Péloponnèse, ayant à leur tête Aristomachus fils de Cléodaeus ; mais ils échouerent encore, & leur chef périt au passage de l'isthme.

Enfin 1202 ans avant J. C. & quatre-vingt ans après la prise de Troie, les Héraclides, sous la conduite des trois fils d'Aristomachus, firent une cinquieme entreprise, dans laquelle ils eurent la fortune aussi favorable qu'ils l'avoient jusqu'alors éprouvée contraire.

Ce ne fut néanmoins qu'au bout de plusieurs années qu'ils parvinrent à déposséder de divers royaumes les descendans de Pélops ; ils s'emparerent premierement de Lacédémone & y formerent deux branches de rois régnans conjointement. Ensuite ils se rendirent maîtres d'Argos, de Mycènes, de l'Elide & de Corinthe.

Leur droit sur les royaumes de Mycènes & d'Argos étoit incontestable. Amphytrion, pere d'Hercule & petit fils de Persée roi de ces deux pays, ayant eu le malheur de tuer par mégarde Electrion son oncle & pere de sa femme Alcmène, fut obligé de s'enfuir à Thèbes. Sthénélus, maître des états de son neveu fugitif, les transmit à son fils Eurysthée : celui-ci n'eut point d'enfans & institua pour héritier son oncle maternel Atrée fils de Pélops & pere d'Agamemnon. C'est de cette maniere que la couronne étoit passée aux Pélopides, qui donnerent leur nom au Péloponnèse, appellé auparavant Apie.

La révolution produite par le succès des Hèraclides, changea presque toute la face de la Grece. Jusques-là, dit M. Tourreil, les habitans du Péloponnèse se divisoient proprement en Achéens & en Ioniens ; les premiers possédoient les terres que les Héraclides assignerent aux Doriens & aux autres peuples qui les avoient accompagnés ; les derniers habitoient la partie du Péloponnèse nommée depuis l'Achaïe ; ceux des Achéens qui descendoient d'Aeolus, & que l'on chassa de Lacédémone, se retirerent d'abord en Thrace, & allerent ensuite s'établir dans le canton de l'Asie mineure qu'ils appellerent Aeolide, où ils fonderent Smyrne & onze autres colonies.

Les Achéens de Mycènes & d'Argos étant contraints d'abandonner leur pays, s'emparerent de celui des Ioniens. Ceux-ci, après s'être réfugiés à Athènes, vinrent au bout de quelques années occuper cette côte de l'Asie mineure, qui prit d'eux le nom d'Ionie. Ils bâtirent avec le tems Ephèse, Clazomène, Samos & plusieurs autres villes.

Le retour des Héraclides est le commencement de l'histoire de Grece, dont elle fait une des principales époques ; & ce qui précede leur rétablissement doit être regardé comme les tems fabuleux que les Poëtes ont embelli. (D.J.)


HERACLIONou PIERRE D'HÉRACLÉE, (Hist. nat.) nom donné par les anciens à la pierre de touche & quelquefois à l'aimant. Il s'en trouvoit beaucoup près de la ville d'Héraclée en Lydie. Voy. LYDIUS LAPIS.


HÉRACLITISMEou PHILOSOPHIE D'HERACLITE, (Hist. de la Philos.) Héraclite naquit à Ephèse ; il connut le bonheur, puisqu'il aima la vie retirée ; dès son enfance il donna des marques d'une pénétration singuliere ; il sentit la nécessité de s'étudier lui-même, de revenir sur les notions qu'on lui avoit inspirées ou qu'il avoit fortuitement acquises, & il ne tarda pas à s'en avouer la vanité.

Ce premier pas lui fut commun avec la plûpart de ceux qui se sont distingués dans la recherche de la vérité ; & il suppose plus de courage qu'on ne pense.

L'homme indolent, foible & distrait aime mieux demeurer tel que la nature, l'éducation & les circonstances diverses l'ont fait, & flotter incertain pendant toute sa vie, que d'en employer quelques instans à se familiariser avec des principes qui le fixeroient. Aussi le voit-on mécontent au milieu des avantages les plus précieux, parce qu'il a négligé d'apprendre l'art d'en jouir. Arrivé au moment d'un repos qu'il a poursuivi avec l'opiniâtreté la plus continue & le travail le plus assidu, un germe de tourment qu'il portoit en lui-même secrettement, s'y développe peu à peu & flétrit entre ses mains le bonheur.

Héraclite convaincu de cette vérité, se rendit dans l'école de Xénophane & suivit les leçons d'Hippase qui enseignoit alors la philosophie de Pythagore dépouillée des voiles dont elle étoit enveloppée. Voyez PYTHAGORICIENNE (PHILOSOPHIE).

Après avoir écouté les hommes les plus célébres de son tems, il s'éloigna de la société, & il alla dans la solitude s'approprier par la méditation les connoissances qu'il en avoit reçûes.

De retour dans sa patrie, on lui conféra la premiere magistrature ; mais il se dégoûta bientôt d'une autorité qu'il exerçoit sans fruit. Un jour il se retira aux environs du temple de Diane, & se mit à jouer aux osselets avec les enfans qui s'y rassembloient. Quelques Ephésiens l'ayant apperçu, trouverent mauvais qu'un personnage aussi grave s'occupât d'une maniere si peu conforme à son caractere, & le lui témoignerent. O Ephésiens, leur dit-il, ne vaut-il pas mieux s'amuser avec ces innocens, que de gouverner des hommes corrompus ? Il étoit irrité contre ses compatriotes qui venoient d'exiler Hermodore, homme sage & son ami ; & il ne manquoit aucune occasion de leur reprocher cette injustice.

Né mélancolique, porté à la retraite, ennemi du tumulte & des embarras, il revint des affaires publiques à l'étude de la Philosophie. Darius desira de l'avoir à sa cour : mais l'ame élevée du philosophe rejetta avec dédain les promesses du monarque. Il aima mieux s'occuper de la vérité, jouir de lui-même, habiter le creux d'une roche & vivre de légumes. Les Athéniens auprès desquels il avoit la plus haute considération, ne purent l'arracher à ce genre de vie dont l'austérité lui devint funeste. Il fut attaqué d'hydropisie ; sa mauvaise santé le ramena dans Ephèse où il travailla lui-même à sa guérison. Persuadé qu'une transpiration violente dissiperoit le volume d'eau dont son corps étoit distendu, il se renferma dans une étable où il se fit couvrir de fumier : ce remede ne lui réussit pas ; il mourut le second jour de cette espece de bain, âgé de soixante ans.

La méchanceté des hommes l'affligeoit, mais ne l'irritoit pas. Il voyoit combien le vice les rendoit malheureux, & l'on a dit qu'il en versoit des larmes. Cette espece de commisération est d'une ame indulgente & sensible. Et comment ne le seroit-on pas, quand on sait combien l'usage de la liberté est affoibli dans celui qu'une violente passion entraîne ou qu'un grand intérêt sollicite ?

Il avoit écrit de la matiere, de l'univers, de la république & de la Théologie ; il ne nous a passé que quelques fragmens de ces différens traités. Il n'ambitionnoit pas les applaudissemens du vulgaire ; & il croyoit avoir parlé assez clairement, lorsqu'il s'étoit mis à la portée d'un petit nombre de lecteurs instruits & pénétrans. Les autres l'appelloient le ténébreux, , & il s'en soucioit peu.

Il déposa ses ouvrages dans le temple de Diane. Comme ses opinions sur la nature des dieux n'étoient pas conformes à celles du peuple, & qu'il craignoit la persécution des prêtres, il avoit eu dirai-je la prudence ou la foiblesse de se couvrir d'un nuage d'expressions obscures & figurées. Il n'est pas étonnant qu'il ait été négligé des Grammairiens & oublié des Philosophes mêmes pendant un assez long intervalle de tems : ils ne l'entendoient pas. Ce fut un Cratès qui publia le premier les ouvrages de notre philosophe.

Héraclite florissoit dans la soixante-neuvieme olympiade. Voici les principes fondamentaux de sa philosophie, autant qu'il nous est possible d'en juger d'après ce que Sextus Empyricus & d'autres auteurs nous en ont transmis.

Logique d'Héraclite. Les sens sont des juges trompeurs : ce n'est point à leur décision qu'il faut s'en rapporter, mais à celle de la raison.

Quand je parle de la raison, j'entens cette raison universelle, commune & divine, répandue dans tout ce qui nous environne ; elle est en nous, nous sommes en elle, & nous la respirons.

C'est la respiration qui nous lie pendant le sommeil avec la raison universelle, commune & divine que nous recevons dans la veille par l'entremise des sens qui lui sont ouverts comme autant de portes ou de canaux : elle suit ces portes ou canaux, & nous en sommes pénétrés.

C'est par la cessation ou la continuité de cette influence qu'Héraclite expliquoit la réminiscence & l'oubli.

Il disoit : ce qui naît d'un homme seul n'obtient & ne mérite aucune croyance, puisqu'il ne peut être l'objet de la raison universelle, commune & divine, le seul criterium que nous ayons de la vérité.

D'où l'on voit qu'Héraclite admettoit l'ame du monde, mais sans y attacher l'idée de spiritualité.

Le mépris assez général qu'il faisoit des hommes prouve assez qu'il ne les croyoit pas également partagés du principe raisonnable, commun, universel & divin.

Physique d'Héraclite. Le petit nombre d'axiomes auxquels on peut la réduire, ne nous en donne pas une haute opinion. C'est un enchaînement de visions assez singulieres.

Il ne se fait rien de rien, disoit-il.

Le feu est le principe de tout : c'est ce qui se remarque d'abord dans les êtres.

L'ame est une particule ignée.

Chaque particule ignée est simple, éternelle, inaltérable & indivisible.

Le mouvement est essentiel à la collection des êtres, mais non à chacune de ses parties : il y en a d'oisives ou mortes.

Les choses éternelles se meuvent éternellement. Les choses passageres & périssables ne se meuvent qu'un tems.

On ne voit point, on ne touche point, on ne sent point les particules du feu ; elles nous échappent par la petitesse de leur masse & la rapidité de leur action. Elles sont incorporelles.

Il est un feu artificiel qu'il ne faut pas confondre avec le feu élémentaire.

Si tout émane du feu, tout se résout en feu.

Il y a deux mondes ; l'un éternel & incréé, un autre qui a commencé & qui finira.

Le monde éternel & incréé fut le feu élémentaire qui est, a été, & sera toûjours, mensura generalis accendens & extinguens, la mesure générale de tous les états des corps, depuis le moment où ils s'allument jusqu'à celui où ils s'éteignent.

Le monde périssable & passager n'est qu'une combinaison momentanée du feu élémentaire.

Le feu éternel, élémentaire, créateur & toûjours vivant, c'est Dieu.

Le mouvement & l'action lui sont essentiels ; il ne se repose jamais.

Le mouvement essentiel d'où naît la nécessité & l'enchaînement des événemens, c'est le Destin.

C'est une substance intelligente ; elle pénetre tous les êtres, elle est en eux, ils sont en elle, c'est l'ame du monde.

Cette ame est la cause génératrice des choses.

Les choses sont dans une vicissitude perpétuelle ; elles sont nées de la contrariété des mouvemens, & c'est par cette contrariété qu'elles passent.

Un feu le plus subtil & le plus liquescent a fait l'air en se condensant ; un air plus dense a produit l'eau, une eau plus resserrée a formé de la terre. L'air est un feu éteint.

Le feu, l'air, l'eau & la terre d'abord séparés, puis réunis & combinés, ont engendré l'aspect universel des choses.

L'union & la séparation sont les deux voies de génération & de destruction.

Ce qui se résout, se résout en vapeurs.

Les unes sont légeres & subtiles ; les autres pesantes & grossieres. Les premieres ont produit les corps lumineux ; les secondes, les corps opaques.

L'ame du monde est une vapeur humide. L'ame de l'homme & des autres animaux est une portion de l'ame du monde, qu'ils reçoivent ou par l'inspiration ou par les sens.

Imaginez des vaisseaux concaves d'un côté, & convexes de l'autre. Formez la convexité de vapeurs pesantes & grossieres ; tapissez la concavité de vapeurs légeres & subtiles, & vous aurez les astres, leurs faces obscures & lumineuses, avec leurs éclipses.

Le soleil, la lune & les autres astres n'ont pas plus de grandeur que nous ne leur en voyons.

Quelle différence de la Logique & de la Physique des anciens, & de leur morale ! Ils en étoient à peine à l'a b c de la nature, qu'ils avoient épuisé la connoissance de l'homme & de ses devoirs.

Morale d'Héraclite. L'homme veut être heureux. Le plaisir est son but.

Ses actions sont bonnes, toutes les fois qu'en agissant, il peut se considérer lui-même comme l'instrument des dieux. Quel principe !

Il importe peu à l'homme pour être heureux, de savoir beaucoup.

Il en sait assez s'il se connoît & s'il se possede.

Que lui fera-t-on, s'il méprise la mort & la vie ? Quelle différence si grande verra-t-il entre vivre & mourir, veiller & dormir, croître ou passer ; s'il est convaincu que sous quelque état qu'il existe, il suit la loi de la nature ?

S'il y a bien réfléchi, la vie ne lui paroîtra qu'un état de mort, & son corps le sépulcre de son ame.

Il n'a rien ni à craindre ni à souhaiter au-delà du trépas.

Celui qui sentira avec quelle absolue nécessité la santé succede à la maladie, la maladie à la santé, le plaisir à la peine, la peine au plaisir, la satiété au besoin, le besoin à la satiété, le repos à la fatigue, la fatigue au repos, & ainsi de tous les états contraires, se consolera facilement du mal, & se réjouira avec modération dans le bien.

Il faut que le philosophe sache beaucoup. Il suffit à l'homme sage de savoir se commander.

Sur-tout être vrai dans ses discours & dans ses actions.

Ce qu'on nomme le génie dans un homme est un démon.

Nés avec du génie ou nés sans génie, nous avons sous la main tout ce qu'il faut pour être heureux.

Il est une loi universelle, commune & divine, dont toutes les autres sont émanées.

Gouverner les hommes, comme les dieux gouvernent le monde, où tout est nécessaire & bien.

Il faut avouer qu'il y a dans ces principes, je ne sais quoi de grand & de général, qui n'a pû sortir que d'ames fortes & vigoureuses, & qui ne peut germer que dans des ames de la même trempe. On y propose par-tout à l'homme, les dieux, la nature & l'universalité de ses loix.

Héraclite eut quelques disciples. Platon, jeune alors, étudia sa philosophie sous Héraclite, & retint ce qu'il en avoit appris sur la nature de la matiere & du mouvement. On dit qu'Hippocrate & Zenon éleverent aussi leurs systémes aux dépens du sien.

Mais jusqu'où Hippocrate s'est-il approprié les idées d'Héraclite ? c'est ce qu'il sera difficile de connoître, tant que les vrais ouvrages de ce pere de la Medecine demeureront confondus avec ceux qui lui sont faussement attribués.

Les traités où l'on voit Hippocrate abandonner l'expérience & l'observation, pour se livrer à des hypothèses, sont suspects. Cet homme étonnant ne méprisoit pas la raison ; mais il paroît avoir eu beaucoup plus de confiance dans le témoignage de ses sens, & la connoissance de la nature & de l'homme. Il permettoit bien au medecin de se mêler de Philosophie, mais il ne pouvoit souffrir que le philosophe se mêlat de Medecine. Il n'avoit garde de décider de la vie de son semblable d'après une idée systématique. Hippocrate ne fut à proprement parler, d'aucune secte. Celui, dit-il, qui ose parler ou écrire de notre art, & qui prétend rappeller tous les cas à quelques qualités particulieres, telles que le sec & l'humide, le froid & le chaud, nous resserre dans des bornes trop étroites, & ne cherchant dans l'homme qu'une ou deux causes générales de la vie ou de la mort, il faut qu'il tombe dans un grand nombre d'erreurs. Cependant la Philosophie rationnelle ne lui étoit pas étrangere ; & si l'on consent à s'en rapporter au livre des principes & des chairs, il sera facile d'appercevoir l'analogie & la disparité de ses principes, & des principes d'Héraclite.

Physique d'Hippocrate. A quoi bon, dit Hippocrate, s'occuper des choses d'en-haut ? On ne peut tirer de leur influence sur l'homme & sur les animaux, qu'une raison bien générale & bien vague de la santé & de la maladie, du bien & du mal, de la mort & de la vie.

Ce qui s'appelle le chaud paroît immortel. Il comprend, voit, entend, & sent tout ce qui est & sera.

Au moment où la séparation des choses confuses se fit, une partie du chaud s'éleva, occupa les régions hautes, & servit d'enveloppe au tout. Une autre resta sédentaire, & forma la terre, qui fut froide, seche & variable. Un troisieme se répandit dans l'espace intermédiaire, & constitua l'atmosphere. Le reste lêcha la surface de la terre, ou s'en éloigna peu, & ce furent les eaux & leurs exhalaisons.

De-là Hippocrate, ou celui qui a parlé en son nom, passe à la formation de l'homme & des animaux, & à la production des os, des chairs, des nerfs, & des autres organes du corps.

Selon cet auteur, la lumiere s'unit à tout, & domina.

Rien ne naît & rien ne périt. Tout change & s'altere.

Il ne s'engendre aucun nouvel animal, aucun être nouveau.

Ceux qui existent s'accroissent, demeurent & passent.

Rien ne s'ajoute au tout. Rien n'en est retranché. Chaque chose est coordonnée au tout ; & le tout l'est à chaque chose.

Il est une nécessité universelle, commune & divine, qui s'étend indistinctement à ce qui a volonté, & à ce qui ne l'a pas.

Dans la vicissitude générale, chaque être subit sa destinée ; & la génération & la destruction sont un même fait vû sous deux aspects différens.

Une chose s'accroît-elle, il faut qu'une autre diminue, ame ou corps.

Des parties d'un tout qui se résout, il y en a qui passent dans l'homme. Ce sont des amas ou de feu seul, ou d'eau seule, ou d'eau & de feu.

La chaleur a trois mouvemens principaux ; ou elle se retire du dehors au dedans, ou elle se porte du dedans au dehors, ou elle reste & circule avec les humeurs. Delà le sommeil, la veille, l'accroissement, la diminution, la santé, la maladie, la mort, la vie, la folie, la sagesse, l'intelligence, la stupidité, l'action, le repos.

Le chaud préside à tout. Jamais il ne se repose.

L'ordre de la nature est des dieux. Ils font tout, & tout ce qu'ils font est nécessaire & bien.

On demande d'après ces principes, s'il faut compter Hippocrate au nombre des sectateurs de l'Atheïsme ? nous aimons mieux imiter la modération de Moshem, & laisser cette question indécise, que d'ajouter ce nom célébre à tant d'autres.


HERAK(Géog.) ville d'Asie, dans l'Arabie deserte, près de la Palestine.


HÉRALDIQUE(ART.) C'est la science du blason, Voyez BLASON. Il n'y a pas une seule brochure sur l'art de faire des chemises, des bas, des souliers, du pain ; l'Encyclopédie est le premier & l'unique ouvrage qui décrive ces arts utiles aux hommes, tandis que la librairie est inondée de livres sur la science vaine & ridicule des armoiries ; je ne les vois jamais ces livres dans des bibliotheques de particuliers, que je ne me rappelle la conversation du pâtre, du marchand, du gentilhomme, & du fils de roi, que la Fontaine fait échouer au bord de l'Amérique ; là se trouvant ensemble, & raisonnant sur les moyens de fournir à leur subsistance prochaine, le fils de roi dit, qu'il enseigneroit la politique. Le noble poursuivit :

Moi je sai le blason, j'en veux tenir école,

Comme si devers l'Inde, on eût eu dans l'esprit

La sotte vanité de ce jargon frivole. (D.J.)

Cependant comme le tems n'est pas encore venu parmi nous, où l'art héraldique sera réduit à sa juste valeur, voyez volume II. de nos Planches & de leurs explications, les principes généraux du Blason, avec des figures relatives à chacun des termes qui lui sont propres.


HÉRAT(Géog.) ou plutôt HÉRAH, qui est connue par les anciens sous le nom d'Aria, ville considérable de Perse dans le Khorassan, où plusieurs sultans de la race de Tamerlan, qui s'en rendit maître, ont fait leur séjour ordinaire ; Kondémir natif de cette ville, en a donné la description à la fin de son histoire. Long. 94. 20. lat. 34. 30. selon Nassir-Eddin & Ullugbeig, Géographes persans. Mais selon Tavernier, la long. est à 85. 30. & la latit. à 36. 56. (D.J.)


HÉRATÉLÉES. m. (Myth.) sacrifice qu'on faisoit chez les Grecs & les Romains, le jour du mariage, à Junon qui préside aux nôces, Junoni pronubae. Dans le sacrifice on offroit à la déesse, des cheveux de la nouvelle mariée, & une victime, dont on jettoit le fiel au pied de l'autel, pour marquer que les époux desiroient de vivre toujours bien unis.

Hératélée se dérive selon les uns de Junon, & de , parfaite, épithete qu'on a donnée à cette déesse ; & selon d'autres de Junon, & de , qui se disoit dans les premiers tems de la langue greque, pour , noces ; de sorte que selon cette derniere étymologie, hératélée signifie sacrifice à Junon qui préside aux nôces. (D.J.)


HÉRAUTS. m. (Hist. anc.) officier public chez les anciens, dont la fonction étoit de déclarer la guerre. Les Grecs, les Romains, & la plûpart des autres peuples policés ont eu de tels officiers sous des noms différens, & qui jouissoient de droits & de privileges plus ou moins étendus. Leurs personnes, dans l'exercice de leur charge, étoient réputées sacrées par le droit des gens ; car alors les nations civilisées avoient coutume de dénoncer la guerre à leurs ennemis, par un héraut public. On lit dans le Deutéronome, ch. 20. v. 10. 11. 12. que la loi défendoit aux Hébreux, d'attaquer une ville sans lui avoir premiérement offert la paix, & cette offre ne pouvoit être faite que par des personnes qui eussent un caractere de représentation. Les Grecs les nommoient par cette raison, , conservateurs de la paix ; & c'étoit un crime de lése-majesté, que de les insulter dans leur ministere. L'enlévement du héraut de Philippe, fut une des raisons qu'il allégua pour rompre la paix qu'il avoit jurée. Homere nous parle souvent dans l'Iliade & l'Odyssée, des hérauts grecs, & de leurs fonctions. Achille, ce guerrier jeune, bouillant, emporté, traita avec le plus grand respect les hérauts que le despote, l'injuste Agamemnon envoya dans sa tente, pour lui enlever Briséïs qu'il aimoit & que les Grecs lui avoient accordée comme la récompense de ses travaux guerriers. Les hérauts trembloient à mesure qu'ils approchoient du moment de la commission dangereuse qu'on leur avoit donnée. Achille s'en apperçut & leur dit : " Venez sans crainte, envoyés des dieux ; ce n'est pas vous qui m'offensez, mais l'homme injuste à qui vous obeissez ". Ce trait & beaucoup d'autres prouvent assez qu'on ne peut pas dire d'Achille, jura negat si nata. Les hérauts portoient le nom de féciaux chez les Romains, étoient tirés des meilleures familles, & formoient un collége également illustre & considérable. Voyez FECIAL.

HERAUT, (Gymnast.) officier qui servoit dans les jeux athlétiques, à proclamer les statuts, le nom des combattans, des vainqueurs, & généralement les ordres des Hellanodices.

Ces sortes de hérauts étoient consacrés à Mercure, & faisoient une partie de leurs proclamations en vers, dans la solemnité des jeux publics de la Grece. La voix forte les rendoit recommandables, & l'on les éprouvoit à cet égard, de maniere qu'il y avoit entr'eux une espece de combat, à qui remporteroit le prix en ce genre, comme il paroît par des passages de Lucien & de Démosthene. Homere n'a point oublié de célébrer Stentor, dont la voix plus éclatante que l'airain, pouvoit servir de trompette, & se faisoit entendre plus loin, que celle de cinquante hommes des plus robustes. Tout étoit considéré chez les Grecs ; tous les avantages du corps comme ceux de l'esprit, avoient part aux honneurs & aux récompenses. (D.J.)

HERAUT, (Hist. mod.) un héraut, ou héraut d'armes, étoit anciennement un officier de guerre & de cérémonie, qui avoit plusieurs belles fonctions, droits & privileges.

Ducange tire ce mot de l'Allemand Heere-ald, qui signifie gendarme, sergent d'armes, ou de camp ; d'autres le dérivent de heer-houd, fidele à son seigneur ; ce sont là les deux étymologies les plus vraisemblables.

On divisoit ces officiers de guerre & de cérémonie, en roi d'armes, hérauts, & poursuivans. Le premier & le plus ancien s'appelloit roi d'armes. Voyez ROI D'ARMES. Les autres étoient simplement hérauts, & l'on donnoit le nom de poursuivans aux surnuméraires.

Les hérauts, y compris le roi d'armes, étoient au nombre de trente, qui avoient tous des noms particuliers qui les distinguoient. Montjoie Saint Denis étoit le titre affecté au roi d'armes ; les autres portoient le nom des provinces de France, comme de Guienne, Bourgogne, Normandie, Dauphiné, Bretagne, &c.

Ils étoient revêtus aux cérémonies, de leurs cotte-d'armes de velours violet cramoisi, chargée devant & derriere de trois fleurs-de-lis d'or ; de brodequins pour les cérémonies de paix, & de bottes pour celles de la guerre. Aux pompes funebres, ils portoient une longue robe de deuil traînante, & tenoient à la main un bâton, qu'on appelloit caducée, couvert de velours violet, & semé de fleurs-de-lis d'or en broderie.

Plusieurs auteurs ont décrit fort au long, les fonctions, droits & privileges de nos anciens hérauts d'armes, en paix & en guerre ; mais nous ne rapporterons ici que quelques-unes des particularités sur lesquelles ils s'accordent.

Le principal emploi des hérauts étoit de dresser des armoiries, des généalogies, des preuves de noblesse, de corriger les abus & usurpations des couronnes, casques, timbres, & supports ; de faire dans leurs provinces les enquêtes nécessaires sur la noblesse, & d'avoir la communication de tous les vieux titres qui pouvoient leur servir à cet égard.

Il étoit de leur charge de publier les joûtes & tournois, de convier à y venir, de signifier les cartels, de marquer le champ, les lices, ou le lieu du duel, d'appeller tant l'assaillant que le tenant, & de partager également Ie soleil aux combattans à outrance. Ils publioient aussi la fête de la célébration des ordres de chevalerie ; & s'y trouvoient en habit de leur corps.

Ils assistoient aux mariages des rois, & aux festins royaux qui se faisoient aux grandes fêtes de l'année, quand le roi tenoit cour pleiniere, où ils appelloient le grand-maître, le grand pannetier, le grand bouteillier, pour venir remplir leur charge. Aux cérémonies des obseques des rois, ils enfermoient dans le tombeau les marques d'honneur, comme sceptre, couronne, main de justice, &c.

Ils étoient chargés d'annoncer dans les cours des princes étrangers, la guerre ou la paix, en faisant connoître leurs qualités & leurs pouvoirs ; leurs personnes alors étoient sacrées, comme celles des ambassadeurs.

Le jour d'une bataille, ils assistoient devant l'étendard, faisoient le dénombrement des morts, redemandoient les prisonniers, sommoient les places de se rendre, & marchoient dans les capitulations devant le gouverneur de la ville. Ils publioient les victoires, & en portoient les nouvelles dans les cours étrangeres alliées.

Les premiers commencemens des hérauts d'armes ne furent pas brillans ; nous voyons par les anciens livres de Romancerie, & par l'histoire des rois qui ont précédé S. Louis, qu'on ne regardoit les hérauts que comme de vils messagers, dont on se servoit en toutes sortes d'occasions. Ils eurent un démêlé avec les trouveres & chanterres sur la préséance. Pour établir contr'eux leur dignité, ils produisirent un titre, par lequel Charlemagne leur accordoit des droits excessifs, & c'étoit un faux titre ; cependant ils parvinrent insensiblement à s'accréditer, à obtenir des privileges, & à composer leur corps de gens nobles ; mais, dit Fauchet, " ce corps s'est abatardi par aucuns qui y sont entrés, indignes de telle charge, & par le peu de compte que les rois & princes en ont fait, principalement depuis la mort d'Henri II. quant à l'occasion des troubles, les cérémonies anciennes furent méprisées, faute d'en entendre les origines ". Depuis il n'a plus été question du corps des hérauts.

Il arriva seulement que lorsque Louis XIII. vint en 1621 dans les provinces méridionales de son royaume, pour contenir les chefs de parti, il fit renouveller l'ancienne formalité suivante, qui est aujourd'hui entiérement abolie.

Lorsqu'on s'approchoit d'une ville où commandoit un homme suspect, un héraut d'armes se présentoit aux portes ; le commandant de la ville l'écoutoit chapeau bas, & le héraut crioit : " A toi Isaac ou Jacob tel, le roi ton souverain seigneur & le mien, t'ordonne de lui ouvrir, & de le recevoir comme tu le dois, lui & son armée ; à faute de quoi, je te déclare criminel de lése-majesté au premier chef, & roturier toi, & ta postérité ; tes biens seront confisqués, tes maisons rasées, & celles de tes assistans.

Le même Louis XIII. en 1634, envoya déclarer la guerre à Bruxelles par un héraut d'armes ; ce héraut devoit présenter un cartel au cardinal infant, fils de Philippe III. gouverneur des pays-bas. C'est-là la derniere déclaration de guerre qui se soit faite par un héraut d'armes ; depuis ce tems on s'est contenté de publier la guerre chez soi, sans l'aller signifier à ses ennemis. Et pour ce qui regarde les fonctions des hérauts à l'armée, c'est en partie les trompettes & les tambours qui les remplissent aujourd'hui.

Si quelqu'un est curieux de plus grands détails, il peut consulter Ducange au mot Heraldus ; le Glossar. Archaeolog. de Spelman ; Jacob. Spencer de Art. heraldicâ, Francof. 2. vol. in-fol. la Science héraldique de Vulson de la Colombiere ; Fauchet, Traité des Chevaliers ; André Favin, Théâtre d'honneur ; & finalement le livre intitulé, Traité du héraut d'armes, Paris 1610, in-12. (D.J.)

HERAUT D'ARMES, (Hist. mod.) Leur college qu'on appelle en anglois the herald's-office, dépend du grand maréchal d'Angleterre.

Les hérauts d'armes anglois sont assez instruits des généalogies du royaume ; ils tiennent registre des armoiries des familles, reglent les formalités des couronnemens, des mariages, des baptêmes, des funérailles, &c. On les distingue en trois classes, les kings of arms, les heralds & les pursevants at arms.

Il y a trois kings of arms ; le premier qui s'appelle le Garter, fut institué par Henri V. pour assister aux solemnités des chevaliers de la Jarretiere, pour leur donner avis de leur élection, pour les inviter de se rendre à Windsor afin d'y être installés, & pour poser les armes au-dessus de la place où ils s'asseyent dans la chapelle : c'est encore lui qui a le droit de porter la jarretiere aux rois & princes étrangers, qui sont choisis membres de cet ordre ; enfin c'est lui qui regle les funérailles solemnelles de la grande noblesse : sa création étoit autrefois une espece de couronnement accompagné des formalités du regne de la chevalerie : il est obligé, par son serment, d'obéir au souverain de l'ordre de la Jarretiere en tout ce qui regarde sa charge ; il doit informer le roi & les chevaliers de la mort des membres de l'ordre, avoir une connoissance exacte de la noblesse, & instruire les hérauts de tous les points douteux qui regardent le blason ; mais il doit être toujours plutôt prêt à excuser qu'à blâmer aucun noble, à moins qu'il ne soit contraint en justice à déposer contre lui.

Clarencieux & Norroy, les deux autres hérauts d'armes, sont appellés hérauts provinciaux, parce que la jurisdiction de l'un est bornée aux provinces qui sont au nord de la Trent, & l'autre a dans son district celles qui se trouvent au midi ; ils ordonnent des funérailles de la petite noblesse, savoir des baronnets, chevaliers & écuyers : ils sont tous deux créés à peu près comme le Garter, avec le pouvoir par patentes, de blasonner les armes des nobles.

Ceux qu'on nomme simplement héralds sont au nombre de six, distingués par les noms de Richemont, de Lancaster, de Chester, de Windsor, de Sommerset & d'Yorck. Leur office est d'aller à la cour du grand maréchal pour y recevoir ses ordres, d'assister aux solemnités publiques, de proclamer la paix & la guerre.

Les poursuivans, au nombre de quatre, s'appellent blue-mantles, ou manteaux bleus, rouge-croix, rouge-dragon & port-cullice ; en françois, portecoulisse, probablement des marques de décoration, dont chacun d'eux jouissoit autrefois. Outre ces quatre poursuivans, il y en a deux autres qu'on appelle poursuivans extraordinaires.

Le college des hérauts a pour objet tout ce qui regarde les honneurs, parce qu'ils sont considérés tanquam sacrorum custodes, & templi honoris aeditui. Ils assistent le grand maréchal dans sa cour de chevalerie, qui se tient ordinairement dans la salle des hérauts, où ils prenoient place autrefois vêtus de leur cotte-d'armes. Il faut qu'ils soient, à l'exception des poursuivans, gentlemen de naissance, & les six hérauts sont faits écuyers, squiers, lors de leur création. Ils ont tous des gages du Roi ; mais le Garter a double salaire, outre certains droits à l'installation des chevaliers de l'ordre, & quelques émolumens annuels de chacun d'eux. (D.J.)

HERBACE, adj. (Gram.) qui est de la nature de l'herbe, ou des plantes herbacées.


HERBAGES. m. (Gram. Bot.) nom collectif, qui comprend toutes sortes de plantes basses qui croissent dans les prés, dans les marais, dans les potagers. Ce qui donne au lait sa bonne ou mauvaise qualité, ce sont les herbages dont les bestiaux se nourrissent. Il y a des moines qui ne vivent que d'eau, de pain & d'herbages. Cette terre a beaucoup d'herbages. Il y a un droit qu'on appelle droit d'herbage. Il consiste à pouvoir mener paître ses troupeaux, ou à couper l'herbe en certains cantons pour leur nourriture.


HERBANS. m. (Jurisprud.) c'est un cri public, par lequel un souverain fait armer ses vassaux ; ou l'amende payée par les vassaux pour n'avoir pas obéi à la convocation ; ou en général toutes les prestations, charges & corvées exigées par un seigneur sur ses sujets.


HERBEsubst. f. (Botan.) selon M. Tournefort, le nom d'herbe, à proprement parler, convient à toutes les plantes, dont les tiges poussent tous les ans après que les semences sont mûres.

Il y a des herbes dont les racines vivent pendant quelques années, & d'autres dont les racines périssent avec les tiges ; on appelle annuelles celles qui meurent dans la même année après avoir porté leurs fleurs & leurs graines, comme le froment, le seigle & autres. On nomme bisannuelles celles qui ne donnent des fleurs & des graines que la seconde ou même la troisieme année après qu'elles ont levé, & qui périssent ensuite ; telles sont l'angélique des jardins & quelques autres. Les herbes dont la racine ne périt pas après qu'elles ont donné leurs semences, s'appellent des herbes vivaces ; telles sont le fenouil, la menthe & autres : nous en trouvons plusieurs parmi celles qui sont toujours vertes, comme le cabaret, le violier, &c. & d'autres qui perdent leurs feuilles pendant une partie de l'année, comme le pas-d'asne, le pied-de-veau, la fougere, &c.

HERBE AUX ANES, ou AGRA (Bot.) genre de plante à fleur, composée de quatre pétales disposés en rose, & soutenus par un calice. Le pistil sort de la partie supérieure du calice, qui forme un tuyau ; la partie inférieure devient un fruit cylindrique qui s'ouvre en quatre parties, qui est divisé en quatre loges, & qui renferme des semences attachées à un placenta, & le plus souvent anguleuses. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

HERBE SAINT-ANTOINE, chamaenerion, (Bot.) genre de plante à fleur, composée de quatre pétales disposés en rose ; il sort du milieu de la fleur un pistil qui s'ouvre dans plusieurs especes de ce genre en quatre pieces ; le calice est de forme cylindrique, il a pour l'ordinaire quatre feuilles, il devient un fruit divisé en quatre loges qui s'ouvrent aussi en quatre pieces par la pointe : ce fruit renferme des semences garnies d'aigrettes, & attachées à un placenta qui a quatre feuillets ; ils forment les cloisons du fruit. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

HERBE BLANCHE, gnaphalium, (Bot.) genre de plante à fleur, composée de plusieurs fleurons découpés, portés sur un embryon, séparés les uns des autres par des feuilles pliées en gouttiere, & soutenues par un calice écailleux presque demi-sphérique. L'embryon devient dans la suite une semence enveloppée d'une coëffe. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

HERBE A COTON, filago, (Bot.) genre de plante à fleur composée de plusieurs fleurons découpés en étoile, portés chacun sur un embryon, & soutenus par un calice écailleux qui n'est pas luisant : chaque embryon devient une semence garnie d'une aigrette. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

L'Herbe à coton ou gnaphalium vulgare est d'un genre différent que le gnaphalium momentanum, ou pié-de-chat.

La racine de l'herbe à coton est fibreuse & chevelue ; ses tiges sont grêles, hautes de six à neuf pouces, droites, cylindriques, blanches à leurs sommités, couvertes d'un grand nombre de feuilles, placées sans ordre, velues, étroites & oblongues. Il naît à l'extrémité des rameaux, ou dans les angles qu'ils font en s'écartant de la tige, des bouquets de plusieurs fleurs ramassées ensemble & sans pédicule ; elles sont composées de fleurons si petits, qu'à peine peut-on les voir, divisés en cinq parties, appuyés sur un embryon & renfermés dans un calice écailleux qui n'est ni doré, ni luisant : cet embryon se change en une semence garnie d'une aigrette. (D.J.)

HERBE CACHEE, voyez CLANDESTINE.

HERBE AUX CHATS, (Botan.) catoria, genre de plante à fleur monopétale labiée ; la levre supérieure est relevée, arrondie & découpée en deux pieces ; la levre inférieure est découpée en trois pieces, celle du milieu est creusée en forme de cuillere, les deux autres bordent l'ouverture de la fleur ; il sort du calice un pistil attaché comme un clou à la partie postérieure de la fleur, & entouré de quatre embryons qui deviennent dans la suite autant de semences arrondies & renfermées dans une capsule qui a servi de calice à la fleur. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

Boerhaave compte sept especes de cataire, dont la principale est nommée par les Botanistes cataria major vulgaris, ou menta cataria.

Sa racine est blanche, ligneuse, divisée en plusieurs branches ; elle pousse une tige qui s'éleve à la hauteur de trois piés & plus, quarrée, velue, rameuse, rougeâtre en bas près de la terre, du reste blanchâtre, & produisant des rameaux opposés deux à deux ; ses feuilles sont semblables à celles de la grande ortie, dentelées en leurs bords, pointues, lanugineuses, blanchâtres, attachées à de longues queues, d'une odeur de menthe, forte, d'un goût âcre & brûlant.

Ses fleurs naissent aux sommités des branches, ordinairement pressées, formées en gueule, purpurines ou blanchâtres, disposées en maniere d'épics ; chacune de ces fleurs est un tuyau découpé par le haut en deux levres, & soutenu par un calice fait en cornet, & à cinq pointes, dans lequel les semences sont renfermées ; elles sont ovales, au nombre de quatre, qui succedent à la fleur quand elle est tombée.

Cette plante croît dans les jardins le long des sentiers, parmi les haies, sur le bord des levées & des fossés, dans les endroits humides : elle fleurit en été, a une odeur forte qui tient de la menthe & du pouliot. On l'appelle herbe aux chats, parce que ces animaux l'aiment beaucoup, sur-tout quand elle est un peu fannée : elle est aromatique, âcre, amere, & ne rougit point le papier bleu, ce qui fait voir qu'elle contient un sel volatil, aromatique, huileux, dans lequel la partie urineuse domine de même que dans le sel volatil huileux artificiel. (D.J.)

HERBE AUX CHATS, (Mat. med.) on emploie fort rarement cette plante dans les prescriptions magistrales ; on pourroit y avoir recours cependant comme aux autres plantes emménagogues & hystériques, auxquelles elle est très-analogue : elle entre dans les compositions suivantes de la Pharmacopée de Paris, savoir l'eau générale, l'eau hystérique, les trochisques hystériques, le syrop d'armoise, & la poudre d'acier. (B)

HERBE DE SAINT-CHRISTOPHE, christophoriana, (Bot.) genre de plante à fleur en rose, composée de plusieurs pétales disposés en rond ; il sort du milieu de la fleur un pistil, qui devient dans la suite un fruit mou ou une baie en forme d'oeuf remplie de semences qui tiennent ordinairement les unes aux autres, & qui forment deux files. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

Boerhaave en nomme quatre especes étrangeres ; il doit nous suffire de parler de la christophoriane commune, appellée par Tournefort, christophoriana nostras, racemosa & ramosa.

Elle pousse des tiges à la hauteur d'un ou deux piés, menues, tendres, rameuses, ses feuilles sont assez grandes, divisées en plusieurs parties, oblongues, pointues, dentelées en leurs bords, de couleur verte-blanchâtre : ses fleurs naissent aux sommités, formées en grappes ou épics, composées chacune de cinq pétales blancs, disposés en rose. Quand cette fleur est passée, il lui succede une baie molle, ovale, peu charnue, laquelle noircit comme le raisin en meurissant. Elle renferme deux rangées de semences plates, posées les unes sur les autres. La racine de cette christophoriane est assez grosse, garnie de quelques fibres, noire en-dehors, jaune ou de couleur de buis en-dedans.

Il faut prendre garde d'user de cette plante intérieurement ; car elle est un poison semblable à celui de l'aconit ordinaire. Elle vient plus haut dans les vallons que dans les montagnes, & cependant elle se plaît sur leur sommet, au rapport de Simler ; c'est pour cela que M. de la Mothe le Vayer, domicilié à la cour, disoit joliment de lui : " Je ressemble ici à la christophoriane, qui se tient d'autant plus petite, qu'elle se trouve dans un lieu plus élevé ". (D.J.)

HERBE A COTON, (Mat. med.) l'herbe à coton est rarement d'usage, ou plutôt elle est absolument inusitée ; elle est appellée dans les livres vulnéraire & astringente. (B)

HERBE AUX CUILLERS, cochlearia, (Bot.) genre de plante à fleur composée de quatre pétales disposés en croix ; il sort du calice un pistil qui devient dans la suite un fruit presque rond, divisé en deux loges par une cloison qui porte deux coques ou panneaux ; il se trouve dans chaque loge des semences presque rondes. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

HERBE A L'EPERVIER, hieraceum, (Botan.) genre de plante à fleur composée de plusieurs demi-fleurons portés sur un embryon & soutenus par un calice : les embryons deviennent des fruits garnis d'aigrette & ramassés en bouquet. Ajoutez à ces caracteres que les tiges sont fortes & branchues, ce qui fait distinguer l'herbe à l'épervier du scorsonere, de la dent-du-lion, &c. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

HERBE A ETERNUER, ptarmica, (Bot.) genre de plante à fleur radiée, dont le disque est composé de fleurons, & la couronne de demi-fleurons, portés sur des embryons, & soutenus par un calice écailleux ; les embryons deviennent dans la suite de petites semences. Ajoutez à ces caracteres que les feuilles sont dentelées ou découpées profondément & différemment des feuilles du mille-feuille. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

HERBE A ETERNUER, (Mat. méd.) cette plante a tiré son nom de la propriété sternutatoire qu'elle possede. Nous n'en faisons presque point d'usage, parce que nous avons des sternutatoires plus sûrs.

HERBE AUX HEMORRHOÏDES, (Bot.) Voyez SCROPHULAIRE (petite).

HERBE AU LAIT, glaux, (Bot.) genre de plante à fleur monopétale faite en forme de cloche, quelquefois ouverte, quelquefois fermée, & toujours découpée ; il sort du milieu de la fleur un pistil, qui devient dans la suite un fruit ou une coque ordinairement sphérique ; elle s'ouvre par la pointe, & elle renferme de petites semences attachées à un placenta. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

HERBE AUX MITES, blattaria (Bot.) Les Plantes de ce genre ne different du bouillon blanc qu'en ce que leur fruit est plus arrondi. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

L'espece la plus commune nommée par Tournefort, & autres Botanistes, blattaria lutea, folio longo laciniato, a quelque rapport avec le bouillon blanc ; mais ses feuilles sont plus petites, plus étroites, plus vertes, dentelées, & découpées sur leurs bords ; les tiges sont hautes de trois à quatre piés, branchues, arrondies, garnies vers le bas de quelques feuilles plus courbées que les supérieures. Ses fleurs sont d'une seule piece, jaunes, taillées en rosette, dont les cinq quartiers sont obtus & arrondis ; du calice de ces fleurs qui répandent une odeur douce, s'élevent cinq étamines purpurines, à sommets jaunes ; le pistil qui enfile la fleur devient une coque dure, arrondie, & qui s'ouvre en deux parties, contenant des semences menues & anguleuses ; lorsque cette plante est répandue par terre, elle attire les mites, dit Pline, c'est pourquoi nous l'appellons à Rome blattaria ; mais je ne sais si la blattaire de Pline est la nôtre. (D.J.)

HERBE MUSQUEE, moschatellina, (Bot.) genre de plante à fleur radiée & découpée ; il sort du calice un pistil qui est attaché comme un clou au milieu de la fleur, & qui devient dans la suite, suivant l'observation de Ray, un fruit mou ou une baie, pleine de suc & de semence applatie. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

HERBE AUX NOMBRILS, omphalodes, (Bot.) genre de plante à fleur radiée & découpée ; il sort du calice un pistil qui est attaché comme un clou au milieu de la fleur ; il devient dans la suite un fruit composé de quatre capsules concaves ; elles forment chacune une sorte de nombril, & elles portent une semence presque plate, & attachée à un placenta qui a la figure d'une pyramide à quatre faces. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE.

HERBE PARIS, (Bot.) Les racines de cette plante, que presque tous les Botanistes appellent herba paris, & que nous nommons vulgairement raisin de renard, rampent sur la surface de la terre ; elles sont foibles, de couleur brune, poussent çà & là des branches ou des tiges longues, & à la hauteur d'un demi-pié ; ces tiges ont ordinairement quatre, quelquefois cinq ou six feuilles, larges, rondelettes, & terminées en une pointe aiguë. Du milieu de ces feuilles s'éleve une foible tige qui a deux ou trois pouces de haut, & qui porte une fleur composée de quatre feuilles vertes, au-dessous desquelles il y en a autant qui sont étroites, & de la même couleur ; au milieu d'elles, croît une baie noire, ovoïde, environ de la grosseur d'un grain de raisin, insipide au goût.

On trouve l'herbe paris dans les lieux humides & couverts ; elle fleurit au printems, & sa baie est mûre en Juillet ; on regardoit autrefois cette plante comme venéneuse, ensuite on est tombé dans un excès opposé ; on l'a vantée comme un contrepoison ; elle n'a ni ce défaut, ni cette qualité. (D.J.)

HERBE A PAUVRE HOMME, (Mat. med.) Voyez GRATIOLE.

HERBE AUX PERLES, (Mat. med.) Voyez GREMIL.

HERBE A LA PUCE, toxicodendrum, (Bot.) genre de plante à fleur composée de plusieurs petales disposés en rose ; il sort du calice un pistil qui devient dans la suite un fruit arrondi & sec ; il est ordinairement cannelé, & il renferme une semence. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

HERBE AUX PUCES, psyllium. (Bot.) Les plantes de ce genre ne different du plantain & de la corne de cerf, qu'en ce qu'elles s'élevent en tiges & en branches ; tandis que les fleurs & les fruits du plantain & de la corne de cerf sont soutenus par de simples pedicules. Tournefort, Instit. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

HERBE AUX PUCES, (Mat. med.) la semence de cette plante est la seule partie qui soit d'usage en Médecine. On en tire, soit par la digestion avec l'eau commune tiede, soit par l'eau de rose, l'eau de fénouil, l'eau de plantain, &c. un mucilage dont plusieurs auteurs ont vanté l'utilité particuliere dans tous les cas où il faut rafraîchir, adoucir, calmer, à qui Mesué attribue avec aussi peu de fondement, une acreté maligne, cachée, qui doit rendre suspect son usage intérieur ; mais auquel nous ne connoissons véritablement que les qualités communes des mucilages. Voyez MUCILAGES. Au reste cette plante est plus connue dans les boutiques sous le nom de psyllium que sous celui-ci.

HERBES AUX RHAGADES, rhagadiolus, (Bot.) genre de plante à fleur composée de plusieurs demi-fleurons portés sur un embryon dont le filet s'emboite dans un trou qui est au bas de chaque demi-fleuron ; ils sont soutenus par un calice dont les feuilles deviennent des gaînes, qui sont pour l'ordinaire disposées en étoiles, & qui renferment une semence le plus souvent longue & pointue. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

HERBE A ROBERT, geranium robertianum. (Bot.) Sa racine est menue, de la couleur du buis. Ses tiges sont hautes de neuf à dix pouces, velues, noueuses, rougeâtres, sur-tout près des noeuds & de la terre, branchues & garnies de quelques poils. Ses feuilles sortent en partie de la racine, & en partie des noeuds ; elles sont cotonneuses, un peu rouges à leurs bords, quelquefois toutes rouges, découpées à peu-près comme celles de la matricaire, en trois segmens principaux ; ses fleurs sont purpurines, rayées de pourpre clair, à cinq pétales disposés en rose, renfermés dans un calice velu, d'un rouge foncé, partagé en cinq quartiers, garni à son milieu d'étamines jaunes. Quand ces fleurs sont tombées, il leur succede des fruits en forme de becs pointus, chargés de petites graines oblongues, & brunes dans leur maturité.

Toute cette plante a une odeur assez forte, mais cependant agréable ; ses feuilles ont une saveur styptique, salée & acidule. Elles rougissent le papier bleu, & sentent le bitume, ou le pétrol. Il paroît delà, que la plante contient un sel essentiel & alumineux, uni avec un peu d'huile foetide & de sel ammoniacal. (D.J.)

HERBE A ROBERT, ou BEC DE GRUE, (Mat. med.) Cette plante est regardée comme un bon vulnéraire, astringent, tempéré. On le donne dans les décoctions vulnéraires pour l'usage intérieur. On croit que ces décoctions, ou le vin dans lequel on à fait macérer cette plante, arrête toutes sortes d'hémorrhagies.

On l'employe encore extérieurement en cataplasme & en lotion, pour déterger les ulceres, & dans la vue de résoudre les tumeurs oedémateuses. Fabrice de Hildan recommande l'application de la décoction de cette plante, sur les cancers des mamelles ; mais toutes ces propriétés sont peu constatées.

On emploie presque indifféremment l'herbe à robert, le bec de grue sanguin, & le pié de pigeon, qui sont trois especes du même genre ; l'herbe à robert est cependant la plus usitée des trois ; au reste elles ne le sont beaucoup ni les unes ni les autres. (b)

HERBE DU SIEGE, (Bot.) plante du genre appellé scrophulaire. Voyez SCROPHULAIRE.

HERBE DU SIEGE, (Mat. med.) Voyez SCROPHULAIRE AQUATIQUE.

HERBE AUX TEIGNEUX, (Mat. med.) Voyez BARDANE.

HERBE AUX VARICES, circium, (Bot.) genre de plante à fleur composée de plusieurs fleurons découpés, portés sur un embryon, & soutenus par un calice écailleux qui n'a point d'épines ; l'embryon devient dans la suite une semence garnie d'aigrettes. Ajoutez à ces caracteres que les feuilles ont des épines molles ; l'herbe aux varices a donc des épines sur les feuilles, mais non pas sur le calice ; au contraire, le calice du chardon est épineux, & la jacée n'a point d'épines sur le calice ni sur les feuilles. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

HERBE AUX VERRUES, heliotropium, (Bot.) genre de plante à fleur monopétale en forme d'entonnoir, plissé en étoile dans le centre, & dont les bords sont découpés en cinq parties, entre lesquelles il s'en trouve cinq autres beaucoup plus petites ; il sort du calice un pistil attaché comme un clou à la partie inférieure de la fleur, & entouré de quatre embryons qui deviennent dans la suite autant de semences inégales d'un côté, & renflées de l'autre. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

HERBE, (Nomenclat. Botan.) On a tellement altéré ou changé les noms que les Botanistes ont donnés aux plantes, que nous prions les lecteurs de chercher les mots suivans, sous leurs dénominations botaniques.

Il seroit à souhaiter qu'on n'eût point introduit tous ces faux noms d'herbe à, aux, de, des, du, Saint, Sainte, & plusieurs autres semblables, à la place des noms botaniques : car il est arrivé de-là, que dans tous nos dictionnaires françois, celui de Richelet, de Furetiere, de l'académie, de Corneille, de Trévoux, &c. on trouve ici quantité de doubles emplois & de définitions, explications ou descriptions qui ne sont pas à leur lieu, indépendamment qu'on ne les a pas tirés communément des meilleures sources, parce que les auteurs qui y ont travaillé, n'étoient pas des gens de l'art. (D.J.)

HERBES MAUVAISES, (Agricult.) les jardiniers & les laboureurs nomment mauvaises herbes, toutes celles qui croissent d'elles mêmes dans leurs jardins & dans leurs champs, & qu'ils ne se proposent pas d'y cultiver.

Elles dérobent aux autres une grande partie de la substance de la terre qu'elles épuisent, prennent souvent le dessus sur les bonnes plantes & les étouffent par leur multiplication. Mais comme les mauvaises herbes nuisent principalement aux blés, nous les considérerons ici sous cette face, comme a fait M. du Hamel dans son Traité de la culture des terres.

Entre les mauvaises herbes que le laboureur redoute le plus dans les champs qu'il a ensemencés en blé, on compte 1°. une sorte de lychnis qu'on nomme nielle, & qui noircit le pain ; 2°. la queue de renard, dont la semence rend le pain amer ; 3°. le ponceau ou pavot sauvage, dont la graine est très-fine, & qui étouffe le froment ; 4°. le vesceron, qui couvre le blé quand il est versé, & le fait pourrir ; 5°. le chiendent & le pas-d'ane, qui se multiplient par leurs semences, par leurs racines qui s'étendent en traînasse, & même par les tronçons de leurs racines, qu'on coupe en labourant la terre ; 6°. le mélilot, qui donne au pain une mauvaise odeur ; 7°. l'yvraie, qui le rend de qualité nuisible ; 8°. enfin, les chardons, les hiebles, la folle avoine, la renouée, l'arrête-boeuf, & quantité d'autres plantes, dont le vent jette la graine de toutes parts, & qui ruinent le bon grain.

Pour empêcher que ces mauvaises herbes ne se multiplient, il faudroit les détruire avant que leur graine fût mûre ; mais cela n'est pas possible dans les terres ensemencées à l'ordinaire, puisqu'elles croissent avec le bon grain, & que la plûpart meurissent plutôt que le froment : les graines de ces mauvaises herbes se sement d'elles-mêmes en tombant à terre, & les plantes nuisibles qu'elles fournissent, se multiplient en dépit du laboureur.

On ne peut pas non plus les détruire en laissant les terres en friche, car leurs semences se conservent en terre plusieurs années, sans s'altérer. M. du Hamel a observé que si l'on seme en sain-foin un champ où il y ait beaucoup de ponceau, dès la seconde année du sain-foin, l'on n'appercevra presque pas un pié de cette plante ; mais lorsqu'au bout de neuf ans on défrichera le sain-foin, l'on verra souvent reparoître le ponceau ; ce fait prouve bien que les graines de cette plante s'étoient conservées en terre pendant ce tems-là. Il y en a qui s'y conservent des quinze & vingt ans, & nous ignorons même jusqu'où le terme de leur conservation peut s'étendre.

Pour remédier à ce mal, plusieurs cultivateurs labourent soigneusement les terres qu'on laisse en jachere, c'est-à-dire en friche, & il est vrai que comme quantité de graines levent pendant cette année de repos, les labours répétés en détruisent beaucoup ; mais il y a plusieurs sortes de plantes, telles que la folle avoine & la queue de renard, dont la graine ne venant à lever que quand elles ont resté en terre deux ou trois ans, inutilement laboureuse-on avec tout le soin possible, les champs où elles se trouvent, on ne réussiroit point à les faire lever plus tôt.

D'autres fermiers, pour détruire ces mauvaises herbes, ces plantes si nuisibles, ont cru ne pouvoir rien imaginer de mieux, que de dessaisonner leurs terres, c'est-à-dire de mettre l'avoine dans l'année où on auroit dû les ensemencer en blé. L'expérience a appris qu'on fait par ce moyen périr certaines plantes, qui paroissant seulement tous les trois ans, ne se montrent que dans les blés ; mais le laboureur perd une recolte, & il lui reste encore beaucoup de mauvaises herbes à détruire. Alors il prend quelquefois le parti de faire sarcler ses blés, c'est-à-dire d'arracher avec un sarcloir les méchantes herbes qui paroissent ; mais cette opération se réduit presque seulement à détruire quelques têtes de chardons, & quelques piés de ponceau, ou de bluets ; les plantes les plus menues qui sont aussi préjudiciables, telles que le vesceron, la folle avoine, l'yvraie, la nielle, la renouée, l'arrête-boeuf, la queue de renard, & tous les petits piés de ponceau, restent dans le champ. De plus, en coupant les mauvaises herbes, il n'est guere possible qu'on ne coupe du blé ; enfin toutes les plantes bisannuelles qui sont dans ce champ, poussent de leurs racines, deux, trois, quatre tiges, au lieu d'une, & le mal devient encore plus considérable.

Le meilleur moyen connu jusqu'à ce jour, de déraciner & de détruire les mauvaises herbes des champs, est de continuer les labours pendant que les blés sont en terre, suivant la méthode de M. Tull, & c'est encore là un des beaux avantages de cette méthode. (D.J.)


HERBÉadj. terme de commerce de cheveux. On appelle cheveux herbés des cheveux chatains qu'on a fait devenir blonds en les mettant sur l'herbe, & les y laissant exposés au soleil pendant longtems, après les avoir lescivés plusieurs fois dans de l'eau limoneuse. Le blond que ces sortes de cheveux acquierent est si beau, que les perruquiers y sont souvent trompés eux-mêmes, & ne reconnoissent l'artifice qu'au débouilli, qui leur donne une couleur de feuille de noyer desséchée.

Il est défendu en France d'apprêter ainsi les cheveux.

Herber les cheveux, c'est les exposer sur l'herbe pour leur faire prendre une autre couleur que la leur naturelle. Voyez l'article précédent.


HERBEILLERv. neut. (Venerie) Il se dit du sanglier, au lieu de paître.


HERBELINES. f. (Econ. rustiq.) Il se dit pour hermeline, diminutif d'hermine, brebis maigre & petite, comparée par cette raison au petit animal connu sous le nom d'hermine. Voyez HERMINE.


HERBEMONT(Géog.) petite ville des pays-bas Autrichiens, au duché de Luxembourg, dans le comté de Chiny, près de la riviere de Semoy, à une lieue de Chiny, & à quatre de Montmédy. Long. 23. 6. lat. 49. 38. (D.J.)


HERBERv. act. (Maréchallerie) c'est appliquer sous le poitrail du cheval la racine d'ellébore, ou d'autres plantes maturatives dans les maladies qui exigent ce remede.


HERBEUXadj. (Gramm. & économie rustique) abondant en herbe ; les bords de cette riviere sont herbeux ; les bestiaux aiment les lieux herbeux.


HERBIERS. m. (Botan.) collection de plantes rangées selon quelque méthode de Botanique, séchées & conservées dans des cartons, séparées les unes des autres par des feuilles de papier.

Il se dit aussi d'un livre qui traite des plantes.


HERBORISERv. neut. (Gramm. & Botan.) c'est parcourir les campagnes pour y reconnoître les plantes qu'on a étudiées dans l'école. M. Haller en Suisse, & M. de Jussieu à Paris, tous les deux grands botanistes, vont herboriser & sont suivis par une foule de jeunes étudians ; ces courses utiles sont appellées des herborisations. On dit aussi de celui qui parcourt une contrée dans le dessein de recueillir les plantes qu'elle produit, qu'il herborise. Feu M. de Jussieu avoit herborisé en Espagne & en Portugal ; M. de Tournefort avoit herborisé en Grece & en Egypte.


HERBORISTEsub. masc. (Gram. & Bot.) celui qui a fait une étude particuliere des plantes & qui les connoît. La Fontaine dans ses fables l'a employé en ce sens ; mais il ne se dit plus guere que de celui qui vend les plantes médicinales.


HERBORN(Géog.) ville d'Allemagne en Wétéravie, dans la principauté de Nassau-Dillenbourg, avec une université fondée en 1584 par le comte Jean le Vieux. Cette ville est à trois lieues S. O. de Dillenbourg, 4 N. O. de Solms. Long. 26. 10. lat. 50. 36.

Les deux Pasor pere & fils, nacquirent à Herborn ; le pere (Georges) est connu par son Lexicon graecum novi Testamenti, qui est toûjours d'un usage merveilleux, & par son analyse des mots difficiles d'Hésiode, Collegium Hesiodeum ; il mourut en 1637. Le fils (Matthias) fut d'abord professeur à Heidelberg ; mais Tilly ayant saccagé cette ville en 1622, il passa à Paris, pour s'y perfectionner sous Gabriel Sionite, professeur au college royal en chaldéen & en arabe, homme unique en son genre, qui avoit cessé d'enseigner, parce qu'il n'avoit pas deux écoliers dans tout le royaume ; Pasor ayant profité de ses leçons particulieres, vint à Oxford, obtint dans cette ville en 1626 une chaire en langues orientales, & trouva des auditeurs. Cependant au bout de quelques années, il accepta l'emploi de professeur en Théologie à Groningue, & mourut en 1658, âgé de 64 ans sans avoir rien fait imprimer. (D.J.)


HERBUadj. (Gramm. & Bot.) qui est garni d'herbe. Il se dit des lieux & des plantes ; un lieu herbu, une partie herbue.


HERCÉUS(JUPITER,) Mythol. le Jupiter Hercéus, étoit celui dont l'autel paroissoit à découvert dans un lieu enfermé de murailles. Virgile fait une description pathétique d'un autel de cette espece, que Priam avoit érigé dans son palais en l'honneur de ce dieu.

Aedibus in mediis, nudoque sub aetheris axe,

Ingens ara fuit, juxtàque veterrima laurus

Incumbens arae, atque umbrâ complexa Penates.

Cet autel étoit exposé à l'air dans une enceinte fermée par une espece de balustrade ; cette enceinte s'appelloit en grec ; de-là le nom de Jupiter Hercéus.

Ensuite le même poëte, pour rendre Pyrrhus plus odieux, nous le peint massacrant impitoyablement Priam au pié de cet autel.

Altaria ad ipsa trementem

Traxit, & in multo lapsantem sanguine nati :

Implicuitque comam laevâ, dextrâque coruscum

Extulit, ac lateri capulo tenùs abdidit ensem.

Mais Polygnote dans son tableau de la prise de Troie, nous représente avec plus de vraisemblance Priam tué comme par hasard, sur la porte de sa maison. Si nous en croyons le poëte Leschée, dit Pausanias, Priam ne fut point tué devant l'autel de Jupiter Hercéus ; mais il en fut seulement arraché par force, & ce malheureux roi se traîna jusqu'au seuil de son palais, où il rencontra Néoptoleme, qui n'eut pas de peine à lui ôter le peu de vie que sa vieillesse & ses infortunes lui avoient laissé. (D.J.)


HERCK(Géog.) ville du pays de Liége, près des frontieres du Brabant, sur une riviere de même nom.


HERCULANUM(Géog. anc.) autrement HERCULANEUM, HERCULANIUM, & HERCULEUM, ancienne ville d'Italie dans la Campanie, sur la côte de la mer, vis-à-vis du Vésuve. Pline, liv. III. c. v. la met entre Naples & Pompeii. Paterculus, liv. II. c. vj, ainsi que Florus, liv. I. c. xvj, disent qu'elle fut conquise par les Romains durant les guerres des alliés ; & Columelle, liv. X, ne parle que de ses salines, qu'il nomme salines d'Hercule.

Quae dulcis Pompeia palus, vicina salinis

Herculeis.

Mais l'affreuse éruption du Vésuve, qui engloutit cette ville avec d'autres de la Campanie, est une époque bien célebre dans l'histoire : on la date de la premiere année de l'empire de Titus, & la 79e de l'ere chrétienne.

La description de cet évenement a été donnée par Pline le jeune, témoin oculaire. On sait que son oncle le naturaliste y perdit la vie ; il se trouvoit pour lors au cap de Misene en qualité de commandant de la flotte des Romains. Spectateur d'un phénomene inoui & terrible, il voulut s'approcher du rivage d'Herculanum, pour porter, dit M. Venuti, quelques secours à tant de victimes de ces efforts insensés de la nature ; la cendre, les flammes, & les pierres calcinées remplissoient l'air, obscurcissoient le soleil, détruisoient pêle-mêle les hommes, les troupeaux, les poissons, & les oiseaux. La pluie de cendres & l'épouvante, s'étendirent nonseulement jusqu'à Rome, mais dans l'Afrique, l'Egypte & la Syrie. Enfin les deux villes d'Herculanum & de Pompeii, périrent avec leurs habitans, ainsi qu'avec l'historien naturaliste de l'univers ; sur quoi Pline le jeune remarque noblement que la mort de son oncle a été causée par un accident mémorable, qui ayant enveloppé des villes & des peuples entiers, doit contribuer à éterniser sa mémoire.

Ce desastre avoit été précédé d'un furieux tremblement de terre, arrivé 13 ans auparavant, l'an 63 de J. C. sous le consulat de Régulus & de Virginius ; & même alors, selon plusieurs auteurs, la plus grande partie d'Herculaneum fut abîmée.

Quoi qu'il en soit, cette ville voisine de la mer, située à quatre milles environ de Naples, fut ensevelie dans les entrailles de la terre, vers l'espace qui est entre la maison royale de Portici, & le village de Rétine ; son port n'étoit pas loin du mont Vésuve. A quatre milles pareillement de Naples, mais du côté du levant, on trouve sous la même montagne, le hameau nommé Torre del Greco, la Tour du Grec, où l'on croît aussi qu'est enterrée la ville de Pompeii.

L'époque de la fondation d'Herculaneum est inconnue ; l'on conjecture seulement du récit de Denis d'Halycarnasse, que cette fondation peut être placée 60 ans avant la guerre de Troie, & par conséquent 1342 avant J. C. Il suivroit de là qu'Herculanum auroit subsisté plus de 1400 ans ; mais sans nous arrêter à discuter le terme de sa durée, ou les circonstances de sa ruine, essayons plutôt de retracer l'histoire heureuse de sa découverte, & pour ainsi dire, de sa résurrection.

Il y a près de dix ans que l'on parle toûjours avec admiration de cette découverte. Tous ceux qui cultivent les lettres, les sciences & les arts, y sont intéressés : une ville célebre engloutie depuis plus de 1600 ans, & rendue en quelque façon à la lumiere, a sans-doute de quoi réveiller la plus grande indifférence ; tâchons même de contenter la curiosité.

Le prince d'Elbeuf bâtit vers l'an 1720 un logement à Portici sur le bord de la mer, & desirant de l'orner de marbres anciens, un paysan du lieu lui en apporta de très-beau qu'il avoit trouvés en creusant son puits. Le prince acheta le terrein du paysan, & y fit travailler. Ses fouilles lui procurerent d'abord de nouveaux marbres en abondance, & ce qui valoit beaucoup mieux, sept statues de sculpture grecque. Les travailleurs poursuivant leur besogne, trouverent plusieurs colonnes d'albâtre fleuri, & de nouvelles statues, dont M. d'Elbeuf fit présent au prince Eugene de Savoie. A cette découverte de statues, succéda celle d'une grande quantité de marbres d'Afrique, qui servirent à faire une foule de petites tables ; ces richesses enflées encore par la bouche de la renommée, ouvrirent les yeux au gouvernement, qui devenu jaloux, fit suspendre & cesser les excavations.

Le souvenir de ce genre de découvertes, se conservoit précieusement dans le tems où le roi des deux Siciles choisit l'agréable situation de Portici, pour s'y ménager un séjour délicieux. Alors ce monarque ne songea qu'à poursuivre avec vigueur les fouilles entamées par le prince d'Elbeuf, & le succès surpassa de bien loin son attente. La terre ayant été creusée par ses ordres jusqu'à quatrevingt piés de profondeur, l'on découvrit le sol d'une ville abîmée sous Portici & Rétine, villages distans de six milles de Naples, entre le mont Vésuve & le bord de la mer. Enfin, les excavations ayant été poussées plus avant, on a tiré de ce terrein tant d'antiquités de toute espece, que dans l'espace de six ou sept ans, elles ont formé au roi des deux Siciles un musée tel qu'un prince de la terre, quel qu'il soit, ne sauroit dans le cours de plusieurs siecles, s'en procurer un pareil.

Voilà l'avantage des potentats : un particulier, comme le prince d'Elbeuf, auroit encore trouvé quelques fragmens d'antiquités ; mais le roi de Naples faisant creuser dans le grand, & en ayant les moyens, a déterré une ville entiere, pleine d'embellissemens, de thêatres, de temples, de peintures, de statues colossales & équestres, de bronzes, & de marbres enfouis dans le sein de la terre. Détaillons toutes ces merveilles.

Parmi les débris d'Herculanum, on y reconnut du premier coup d'oeil, des édifices d'une grande étendue. De ce nombre sont un temple où étoit une statue de Jupiter, & un théatre bien conservé ; comme c'est ici le premier, & le plus beau des monumens que l'on a découvert, commençons par le décrire.

Ce théatre ayant été mesuré autant que le travail, & les terres amoncelées purent le permettre, l'on a jugé que sa circonférence extérieure étoit de 290 piés, & l'intérieure de 230 piés jusqu'à la scene ; sa largeur étoit en-dehors de 160 piés, & en-dedans de 150 ; le lieu de la scene avoit environ 72 piés de large, & 30 de profondeur.

La forme de ce théatre est celle d'un demi-cercle, contenant 18 gradins dans la partie de devant, chacun desquels part du même centre : ce demi-cercle se termine ensuite par les deux extrémités en un quarré divisé en trois parties.

Trois loges élevées l'une sur l'autre, non perpendiculairement, mais de maniere que les murs du dedans étoient successivement soûtenus par les gradins, servoient de portiques, pour entrer au théatre, & pour s'y placer à son aise. Le corridor d'enhaut répondoit aux gradins de cette partie, lesquels étoient couverts, & par conséquent destinés pour les dames.

Si l'on considere la structure de ce théatre, celle de ses voûtes, l'intérieur de ses corridors construits de brique, interrompus par des corniches de marbre, ses vomitoires, ses escaliers distingués, par lesquels les sénateurs passoient pour aller d'un rang à l'autre ; si l'on observe en même tems les fragmens de colonnes, les statues de toute matiere & de toute grandeur, les marbres de toute espece, afriquains, grecs, égyptiens, les agathes fleuries qui tapissoient la scene & l'orchestre, on pensera sans-doute que ce monument étoit d'une grande magnificence.

Mais être surpris d'entendre parler dans une ville peu distante de Rome, d'un édifice de cette beauté, c'est oublier combien l'exemple d'une capitale a d'influence sur les provinces voisines. Les citoyens d'Herculanum ne demandoient comme les Romains, que du pain & des spectacles, panem & circenses. Leur ville anciennement habitée par les Osques, Osci, auteurs des comédies obscenes, & occupée depuis par les Etrusques, inventeurs des représentations histrioniques, devoit se distinguer plus qu'une autre, par la splendeur de son théatre, & l'amour des pieces qu'on y jouoit. Aussi quelques auteurs ont écrit que ces peuples, quoique menacés par le Vésuve, d'une ruine prochaine, préfererent le plaisir du spectacle à leur propre salut, & se laisserent accueillir par la flamme & la grêle des cailloux calcinés.

Il ne faut pas croire toutefois de pareilles anecdotes ; l'embrasement du Vésuve, au rapport de Dion, fut précédé d'un tremblement de terre qui dura plusieurs jours, mais qui ne parut pas redoutable à des Campaniens, accoutumés à ces agitations de la nature : bien-tôt il s'accrut tellement, que tout sembloit prêt à être renversé. On vit sortir du volcan un nuage d'une grandeur immense, blanc, noir, ou tacheté, selon qu'il étoit plus ou moins épais, & qui élevoit avec lui la terre, la cendre, ou l'un & l'autre. A cette vûe, il n'est pas possible d'imaginer que ceux d'Herculanum ayent poussé l'amour des spectacles, jusqu'à attendre leur perte inévitable dans l'enceinte de leur théatre.

De plus, on n'a rencontré aucuns vestiges d'os dans la découverte de ce théatre ; le seul sujet de curiosité en ce genre, est un squelete d'homme presque tout entier, que l'on a trouvé sur l'escalier d'une maison, tenant à la main une bourse pleine de petite monnoie. Envain l'on tenta de transporter cet ancien squelete ; à peine l'eut-on touché légerement qu'il se convertit en poussiere.

Après avoir décrit le théatre, c'est le lieu d'observer qu'on trouva dans son enceinte quantité de statues qui, selon les apparences, servoient à son embellissement. Il y avoit deux de ces statues de bronze, représentant Auguste & Livie ; celle-là ayant la tête nue, & le corps revêtu de la toge ; celle-ci la tête voilée, & la coëffure à petits triangles, semblable à une couronne rayonnante. On découvrit à quelque distance deux autres statues de femme, & bien-tôt après, cinq autres statues de marbre, plus grandes que le naturel, dont quatre étoient couvertes de la toge. Il faut observer que toutes ces statues ont les bras & les mains d'un marbre différent de celui du reste du corps, mais d'un marbre plus beau.

Entre les statues de toute espece & de toute grandeur qu'on a déterrées dans cet endroit, on met au nombre des principales les suivantes ; celle de Néron, sous la figure de Jupiter tonnant ; & celle de Germanicus, l'une & l'autre plus grandes que nature ; celle de Claude, & de deux femmes inconnues ; une statue de marbre, représentant Vespasien ; une Atalante, dans laquelle on remarque la maniere greque ; enfin, deux statues de la premiere beauté assises sur la chaise curule.

On découvrit aussi douze autres statues de suite ; six représentant des hommes, & six des femmes : ce sont peut-être celles des dieux Consentes, qui, selon l'opinion de Panvinio, se plaçoient dans le lieu des spectacles.

Parmi les bustes de marbre déterrés dans le même endroit, on distingue un Jupiter Ammon, une Junon, une Pallas, une Cérès, un Neptune, un Janus à deux faces, une petite fille, & un jeune garçon avec la bulle d'or au col, qui lui descend sur la poitrine ; marque distinctive des enfans de qualité. Cette bulle n'est pas cependant ici en forme de coeur, selon la coutume usitée chez les Romains, elle est de figure ovale.

La découverte du théatre d'Herculanum & de ses superbes ornemens, fut suivie de celle des temples, ainsi qu'on l'espéroit ; car tous les savans conviennent que les Romains avoient coûtume d'en bâtir au voisinage de leurs théatres. Comme les sacrifices précédoient les jeux, & que les jeux avoient rapport aux représentations de la scene, on devoit rencontrer quelques temples voisins du théatre dans l'ancien pays des Osques, où les jeux de ce nom, & les pieces Atellanes avoient été inventées.

En effet, il est arrivé qu'à quelque distance du théatre d'Herculanum, on a découvert deux temples de différente grandeur ; l'un a 150 piés de longueur sur 60 de large ; l'autre a seulement 60 piés de long, sur 42 de large ; & ce dernier temple n'étoit peut-être qu'une espece de chapelle, nommée par les latins aedicula. Cependant l'intérieur avoit des colonnes, entre lesquelles étoient alternativement des peintures à fresque, & de grandes tables de marbre, enchâssées d'espace en espace dans toute la longueur des murs. Sur ces tables on lisoit les noms des magistrats qui ont présidé à la dédicace de chaque temple, ainsi que les noms de ceux qui ont contribué à les bâtir ou à les réparer.

Vis-à-vis de ces deux temples, on a trouvé un troisieme édifice, que plusieurs savans conjecturent être le forum civil d'Herculanum, ou bien un de ces temples que les anciens nommoient Peripteres.

Le terreplein de cet édifice forme un parallelogramme long d'environ 228 piés, & large de 132. Il est environné de colonnes qui soutiennent les voûtes du portique, lequel fait le tour de la partie intérieure ; les colonnes qui forment les portiques du dedans, sont au nombre de 42 ; les statues de bronze & de marbre, placées entre les pilastres, ont été presque toutes trouvées fondues, détruites, brisées, mutilées. Le dedans de l'édifice étoit pavé de marbre, & ses murs peints à fresque : une partie de cette peinture a été taillée avec la muraille, & transportée dans le cabinet du roi des deux Siciles.

Il ne faut pas oublier de dire, qu'outre les statues des dieux, d'empereurs, & de héros, dont nous avons parlé jusqu'ici, on a déterré dans les édifices publics, quantité de statues d'idoles, & autres de divers personnages, principalement des familles Annia & Nonia. La plus belle de toutes est la statue équestre érigée à la mémoire de Nonius Balbus, avec une inscription en son honneur ; dom Carlos a placé cette statue dans le vestibule de son palais. Elle est entourée d'une colonnade de marbre, & d'un grillage de fer : devant l'escalier du même palais, on voit la statue de Vitellius toute entiere, & de grandeur naturelle ; ajoûtons que dans la classe des petites statues de bronze, il y en a plusieurs qu'on croit être des dieux lares ou pénates d'Herculanum.

C'en est assez sur les édifices publics de cette ville ; les édifices particuliers que l'on a découverts dans un espace d'environ 300 perches de longueur, & 150 de largeur, ont paru d'une architecture uniforme.

Toutes les rues d'Herculanum sont tirées au cordeau, & ont de chaque côté des parapets pour la commodité des gens de pié ; elles sont pavées de pierres semblables à celles dont la ville de Naples est aussi pavée ; ce qui donne lieu de croire qu'elles ont été tirées de la même carriere, c'est-à-dire d'un amas de laves du Vésuve.

L'intérieur de quelques maisons d'Herculane étoit peint à fresque de charmans tableaux, représentans des sujets tirés de la fable ou de l'histoire. Le roi des deux Siciles en a fait transporter tant qu'il a pu dans son palais. Ces peintures sont d'ordinaire accompagnées d'ornemens de fleurs, d'oiseaux posés sur des cordelettes, suspendus par le bec ou par les piés, de poissons ou d'autres animaux. En un mot, les peintures transportées chez le roi des deux Siciles forment près de sept cent tableaux de toute grandeur. Il est vrai que la plûpart n'ont que dix ou douze pouces de hauteur sur une largeur proportionnée. Ils représentent de petits amours, des bêtes sauvages, des poissons, des oiseaux, &c.

Parmi les grands tableaux, il y en a deux qui méritent d'être ici décrits, & qui furent trouvés dans deux niches au fond d'un temple d'Hercule. Dans la premiere de ces niches étoit peint un Thésée, semblable à un athlete, tenant la massue levée & appuyée sur le bras gauche, & ayant sur l'épaule un manteau de couleur rouge, avec l'anneau au doigt. Le minotaure est étendu à ses pieds avec la tête d'un taureau & le corps d'un homme : la tête du monstre paroît toute entiere ; le corps est représenté en ligne presque droite & très-bien raccourci. Trois jeunes Grecs sont autour du héros : l'un lui embrasse le genou ; le second lui baise la main droite ; le troisieme lui serre le bras gauche avec une attitude gracieuse : une fille, qu'on croit être Ariane, touche modestement sa massue. On voit dans l'air une septieme figure, qui peut dénoter une victoire, & on apperçoit enfin les détours du labyrinthe.

Le tableau de l'autre niche est aussi composé de plusieurs figures de grandeur naturelle. On y voit une femme assise, couronnée d'herbes & de fleurs, tenant dans sa main un bâton couleur de fer ; à sa gauche est une corbeille pleine d'oeufs & de fruits, sur-tout de grenades : derriere elle est un faune qui joue de la flûte à sept tuyaux : en face de cette femme assise, on voit debout un homme à barbe courte & noire, ayant l'arc, le carquois plein de fleches, & la massue. Derriere cet homme est une autre femme couronnée d'épics, qui semble parler à la premiere ; à ses piés, est une biche qui alaite un petit enfant. Au milieu du tableau & dans le vuide, on voit une aigle à aîles déployées ; & sur la même ligne, un lion dans une attitude tranquille. Il faut avouer que les tableaux de ces deux niches ne sont pas dessinés avec correction, & que l'expression manque dans la plûpart des têtes.

Au sortir du temple d'Hercule, l'on découvrit çà & là plusieurs autres tableaux, en particulier un Hercule de grandeur naturelle ; Virginie accompagnée de son pere & d'Icilius son époux, en présence d'Appius-Décemvir siégeant sur son tribunal ; l'éducation d'Achille par Chiron, qui montre au jeune héros à jouer de la lyre ; enfin divers autres morceaux d'histoire, outre des paysages, des représentations de sacrifices, de victimes, & de prêtres en habits blancs & sacerdoteaux.

Les connoisseurs assurent que plusieurs des tableaux tirés des fouilles d'Herculane, quoique précieux d'ailleurs, péchent dans le coloris & les carnations, soit que ces défauts procedent des peintures mêmes, ou que le tems les ait altérées. Le coloris y est presque toujours trop rouge, & les gradations rarement conformes aux préceptes de l'art. Une seule couleur forme souvent le champ de ces tableaux ; quelques-uns cependant sont composés de deux, de trois & de quatre couleurs. Il y en a même un à fresque, représentant des fleurs où toutes les couleurs sont mises en usage.

Avant que de quitter ce qui regarde la peinture, il faut lever un doute, qui sera vraisemblablement resté dans l'esprit des lecteurs, au sujet des tableaux à fresque, transportés d'Herculanum à Portici. Ils demanderont comment on a pu procéder dans cette opération. Je leur répondrai, avec ceux qui en ont été témoins, qu'on a suivi la même méthode qui fut jadis heureusement employée pour les ouvrages de Damophile & Gorgase, sculpteur & peintre illustres, qui avoient décoré le temple de Cérès, situé près du grand cirque à Rome. Lors, dit Varron, que l'on voulut réparer & crépir de nouveau les murs de cet édifice, on coupa tous les tableaux qui étoient peints dessus, & on les déposa dans des caisses. La même chose s'est pratiquée pour les tableaux d'Herculanum. On a d'abord commencé à les fortifier par derriere avec de la pierre propre à cet effet, sur laquelle attachant par le moyen du plâtre l'enduit & ses peintures ; coupant ensuite le tout, & le serrant avec beaucoup de précaution dans des caisses de bois, on l'a tiré du fond de la ville souterraine avec autant de dextérité que de bonheur. Enfin, on a appliqué sur ces peintures uu vernis transparent, pour les ranimer & les pouvoir conserver pendant des siecles.

Qu'on se représente à cette heure la surprise des gens de l'art, à la vue de tant de peintures renaissantes, pour ainsi dire, avec leur fraîcheur : ni celles du tombeau des Nasons, lavées & presque effacées par le tems, ni celles que Gregorio Capponi a si fort vantées, ne sauroient être comparées aux peintures d'Herculane. Le roi des deux Siciles peut seul se vanter d'avoir, & la plus vaste collection qu'on connoisse en ce genre, & même des especes de chef-d'oeuvres parfaitement conservés.

A peine les tableaux des murs d'Herculanum avoient passé des ténebres au grand jour, qu'on porta la curiosité dans l'intérieur d'une maison qu'on venoit de découvrir à souhait. On y entra ; & dans une chambre de plein-pié, on y trouva quelques caraffes de crystal, un petit étui de bronze renfermant des poinçons pour écrire sur des tablettes de cire, & une lame d'airain, sur laquelle on lisoit des immunités accordées par Titus aux affranchis qui voudroient s'appliquer à la navigation.

En parcourant la maison dont nous parlons, on trouva dans une chambre du haut (qui étoit peut-être la cuisine) plusieurs vases de terre & de bronze, & entr'autres des oeufs entiers, des noix, des noisettes, belles en dehors, mais pleines de cendres en dedans.

Près de cette maison étoit un temple de Neptune, avec la statue du Dieu. Dans un endroit de ce temple sont représentées des galeres avec leurs combattans, & ces galeres n'ont qu'un rang de rames.

Ailleurs on découvrit une cave, contenant de grands vases de terre cuite, posés dans le gravois, & ensevelis tout-à-fait sous terre, à l'exception des gouleaux enchâssés dans un banc de marbre, qui régnoit tout autour de la cave. La capacité de ces vases pouvoit être, à ce qu'on conjecture, d'environ dix barrils mesure de Toscane ; je dis à ce qu'on conjecture, car malheureusement tout fut brisé au grand regret des Antiquaires. Au sortir de cette cave, on découvrit une statue de bronze, représentant le fils de Jupiter & d'Alcmene ; une lanterne à deux meches, & un bracelet d'or ciselé.

Dès qu'on eut commencé de rompre le pavé de mosaïque du temple d'Hercule, l'on trouva sous ce pavé des piédestaux de marbre, plusieurs lacrymatoires, & divers fragmens de métal blanc qui servoient de miroir.

En avançant d'autres fouilles, on apperçut quelques édifices qui avoient une suite uniforme de petites galeries pavées en mosaïque, des fenêtres de médiocre grandeur, & dans quelques-unes des restes de pierres diaphanes, faites de talc ou d'albâtre très-fin.

Après de nouveaux travaux, l'étonnement redoubla à la vue de huit statues colossales assises qui ont été restaurées, & qui servent d'embellissement au théâtre de la maison royale de Portici.

L'oeil fut ensuite récréé par le spectacle de quantité de vases, trépiés, & statues d'idoles de plusieurs pieces, qui sembloient sortir de ces fouilles comme d'une source. Dans quelques-uns de ces vases, l'on a trouvé des provisions de toute espece, comme grains, fruits, olives, réduits en charbons ; ainsi qu'un pâté d'environ un pié de diametre, serré dans sa tourtiere & clos dans le four.

On n'a gardé cependant de toutes les curiosités de ce genre qu'un seul pain, semblable de figure à deux pains posés l'un sur l'autre, dont celui de dessous est plus plat, & celui de dessus plus rond. Autour de ce pain on lit : Seligo C. Granii E. Cicere. Il a environ huit pouces de diametre sur quatre de hauteur. Seroit-il de la qualité de ceux dont Juvenal dit :

Et tener, & niveus, molli seligine factus

Servatur domino.

Mais que ce soit un pain mollet ou non, il est entier, & le roi des deux Siciles l'a mis dans des crystaux comme une chose très singuliere. Rien n'est en effet plus rare, que de posséder du pain de seize siècles, conservant encore sa forme & son étiquette.

A ces découvertes succéda celle de quantité de nouvelles peintures, dont voici les principales. Une chasse de cerfs & de sangliers ; une victoire ; un vase de fleurs avec un chevreuil de chaque côté ; deux muses, dont l'une joue de la lyre, & l'autre a un masque qui couvre son visage ; trois têtes de Méduse ; deux têtes d'animaux imaginaires ; un oiseau qui voltige autour d'un cerf ; un prêtre de Bacchus qui joue des timbales ; un autre assis sur un tigre ; Ariane abandonnée sur le rivage de la mer, & Thésée qui s'enfuit sur son vaisseau ; Jupiter sous diverses formes ; Hercule qui extermine les oiseaux du lac Stymphale ; six ou sept tableaux représentant chacun une bacchante, qui se prépare à danser, & qui est vêtue d'une étoffe de gaze avec toute la recherche imaginable, pour former la nudité variée des épaules & du sein ; enfin d'autres peintures offrent des marines, des coupes d'architecture, & des édifices élégans représentés en perspective & dans toutes les regles de ce genre si difficile.

Laissons aux Antiquaires le soin de parler des médailles que les ruines d'Herculanum ont procurées à sa majesté des deux Siciles, & en particulier des médailles de Vitellius en bronze, grandes & moyennes qui sont rares ; la légende de celles-ci du principal côté est : A. Vitellius Germanicus Imp. Aug. P. M. Fr. P. Les revers sont différens. Dans quelques uns, on voit Mars avec la lance & l'enseigne romaine. Dans d'autres, la paix tient de la main droite le rameau d'olivier, & de la gauche la corne d'abondance.

Mais nous ne devons pas taire les lampes en grand nombre, qui ont été trouvées à Herculanum, & qui sont presque toutes consacrées à Vénus. Les anciens poëtes nous peignent cette ville & ses environs, comme un des siéges de l'empire de cette déesse. Pour juger à quel point on y portoit son culte, il ne faut que jetter un coup-d'oeil sur les lampes dont nous parlons. Si celles de terre cuite sont modestes en général, les lampes de cuivre sont autant de monumens par leurs différentes figures, de la dépravation de l'esprit & des moeurs des habitans qui les possédoient.

Il seroit long de décrire les ustensiles des sacrifices ; & ce n'en est pas ici le lieu. Peut-être aussi sera-t-il impossible de connoître précisément la destination de chacun. Il suffira donc de remarquer qu'on en a découvert de toutes especes, en marbre, en verre, en cuivre, en terre cuite ; les uns pour les sacrifices proprement dits, les autres pour les libations ; ceux-ci pour l'eau lustrale, ceux-là pour recevoir le vin dont on arrosoit les victimes, &c.

Outre ces ustensiles sacrés, Herculanum a fourni quelques meubles de ménage ou de luxe, comme tables & trépiés. Parmi les tables entieres, on en vante une d'un marbre couleur de fer, avec son pied de la même matiere, représentant Io. On ne loue pas moins le trépié que le roi des deux Siciles a placé dans son appartement. Les ornemens de ce trépié sont d'un goût délicat, & la cuvette est soutenue par trois sphynx aîlés d'une très-belle ciselure.

Les autres curiosités consistent en casques, armes de différentes especes, cuillers, bouteilles, vases, chandeliers, pateres, urnes, anneaux, agraffes, boucles d'oreilles, colliers & bracelets, indépendamment d'une cassette qui contenoit les instrumens propres aux occupations des femmes, comme ciseaux, aiguilles, dés à coudre, &c.

Ma joie seroit grande, si je pouvois terminer cet article par la nouvelle d'un beau manuscrit, tiré des ruines d'Herculanum : mais dans le petit nombre de ceux qu'on a déterrés de cette ville souterraine, ou l'écriture étoit effacée, ou les feuilles si fort collées les unes aux autres, qu'elles ont parti par lambeaux. Nous serions trop heureux si les excavations fussent tombées sur le temple d'un homme de lettres ; je veux dire, sur une maison écartée, consacrée aux muses, dans laquelle on eût trouvé en bon état quelqu'un de ces précieux ouvrages complets qui nous manquent toujours, comme un Diodore de Sicile, un Polybe, un Salluste, un Tite-Live, un Tacite, la seconde partie des fastes d'Ovide, les vingt-quatre livres de la guerre des Germains, que Pline commença lorsqu'il servoit dans ce pays ; ou bien enfin, puisque ce peuple aimoit tant le théâtre, un Eschyle, un Euripide, un Aristophane, un Ménandre ; certes on pouvoit se flatter de ce dernier genre de découvertes.

La Campanie où étoit Herculanum, n'offroit pas seulement une contrée délicieuse par la fécondité de ses champs, la beauté de ses fruits, l'aménité de ses bords, la salubrité de son air, mais encore par le séjour que les muses faisoient dans son voisinage. La plûpart des beaux-esprits de Rome sembloient s'être accordés pour venir habiter toutes les campagnes d'alentour. Enfin Herculanum étoit, pour ainsi dire, ceinte & munie de domiciles des sciences, & d'atteliers des beaux-arts. Ciceron, Pompée, celui qui le vainquit à Pharsale, & tant d'autres Romains, aussi célebres par leur savoir que par leur habileté dans la conduite de l'état, avoient des maisons de plaisance aux environs de cette ville ; & quels secours ses habitans ne devoient-ils pas tirer de ces grands génies, pour cultiver leur esprit & former des bibliotheques à leur exemple !

Les ruines même de cette place, où l'on n'a rien apperçu qui sentît la barbarie, mais au contraire des édifices sacrés & profanes, publics & particuliers, très-bien entendus, très-bien décorés, un théâtre, des temples, des portiques, tant de peintures, de statues de bronze, de bas-reliefs & de colonnes ; tous ces monumens, dis-je, sont une preuve incontestable qu'Herculanum étoit habitée par des hommes curieux de belles choses.

Consolons-nous donc de la perte des manuscrits engloutis quelque part dans les abysmes de cette ville, puisqu'enfin ces fouilles pratiquées depuis 1750 jusqu'à 1755 ont produit d'autres raretés si nombreuses, que sa majesté Sicilienne a jugé nécessaire de destiner dans son palais une vaste salle voûtée, remplie d'armoires différentes, pour les pouvoir placer, & montrer à tous les curieux de l'univers.

Ce Prince a fait plus, il a nommé, en 1755, une société de très-habiles gens, pour mettre en ordre tous ces précieux monumens d'antiquité, en donner l'histoire, la représentation en taille-douce, & l'explication. On ne sauroit employer de trop bons artistes pour le dessein & la gravure ; car, quant à l'explication, c'est aux savans de l'Europe entiere à y concourir. Il faut espérer que l'ouvrage complet sortira de la presse avec le soin qu'il mérite.

Nous en avons déja vu le premier tome avec avidité : il a paru à Naples en 1757 en forme d'atlas, & contient quantité de planches qu'on ne peut se lasser de regarder. Telle est la VIII. représentant Achille, qui apprend du centaure Chiron, à jouer de la lyre : la tête du centaure est excellente, & le jeune héros semble vivant & animé. La planche IX. du satyre Marsyas, assis sur une roche, est sans-doute une copie du tableau de Polygnote qu'on voyoit à Delphes. Les planches de bacchantes n'offrent que trop d'attraits : elles ne sont point peintes ici en prêtresses échevelées, mais en nymphes de Gnide, vêtues d'une étoffe légere, & se présentant pour danser dans des attitudes si voluptueuses, que Vénus elle-même en eût emprunté l'image, pour s'attacher des peuples qui prenoient tant de soin d'encenser ses autels.

Les peintures d'un attelier pour la vendange avec les pressoirs, celles de quelques métiers inconnus, celles de la boutique d'un cordonnier, & toutes celles de divers jeux d'enfans m'ont enchanté. Il y en a où ces mêmes enfans pêchent à la ligne : on voit déja les poissons qui sautent sur l'eau, ou qui sont pris. Tout est gracieux dans ces petites peintures, & Tenieres n'a rien fait de plus amusant. Il y a aussi d'admirables planches de marine, & de morceaux d'architecture.

Il est vrai qu'on rencontre plusieurs autres planches, dont il paroît difficile ou impossible de deviner le sujet. La planche VI. par exemple, toute belle qu'elle est, prépare bien des tortures aux savans. La planche XI. n'est pas plus intelligible. Est-ce Oreste reconnu par sa soeur ? Et la planche XII. en est-elle une continuation ? Quoi qu'il en soit, toutes les entraves pour l'explication n'ôtent rien au mérite des choses curieuses de ce premier volume, & ne servent qu'à faire desirer la suite avec plus d'impatience. (D.J.)


HERCULES. m. en Astronomie, est une des constellations de l'hémisphere septentrional. Voyez CONSTELLATION.

Hercule a dans le catalogue de Ptolomée 29 étoiles ; dans celui de Tycho 28, & dans le catalogue Britannique 95.

HERCULE, (Mytholog. & Littérat.) héros très-célebre, déifié dans le paganisme.

Je ne m'embarrasse point des divers Hercules, dont parlent Diodore de Sicile, Ciceron, Varron, & autres écrivains de l'antiquité ; il s'agit ici du fils prétendu de Jupiter & d'Alcmene femme d'Amphitrion roi de Thebes. C'est-là l'Hercule qui étoit honoré chez les Grecs & les Romains, & auquel se rapportent presque tous les anciens monumens. Je vais parcourir son histoire peu connue, les femmes & les enfans savent assez sa vie fabuleuse : elle se trouve dans tous les Dictionnaires, & même dans celui de Bayle.

Hérodote fixe la naissance d'Hercule cent ans avant la prise de Troie par les Grecs ; c'est-à-dire, vers l'an 1382 avant l'ére chrétienne. Il commença ses premieres armes dès l'âge de dix-huit ans, & terrassa dans ses courses le lion du mont Cythéron. Peu de tems après, il épousa Mégare fille de Créon, eut trois enfans de cette princesse, & les tua au bout de quelques années dans un accès de fureur qui le prit plusieurs fois pendant le cours de sa vie.

Ce crime l'ayant obligé de quitter Créon, il alla consulter l'oracle de Delphes sur sa destinée. L'oracle lui prescrivit de passer à Mycènes où regnoit Eurysthée, & lui déclara, qu'en accomplissant les volontés de ce prince, il acquerroit l'immortalité : Hercule obéit au commandement du dieu, & ce fut par les ordres d'Eurysthée qu'il acheva ses douze travaux si célebres dans les tems héroïques. Les dix premiers l'occuperent un peu plus de huit ans, ensorte que donnant dix ans de durée à ces douze travaux, Hercule qui étoit venu se présenter à Eurysthée à l'âge de vingt-trois ans, quatre ans après son mariage avec Mégare, en avoit trente-trois lorsqu'il retourna dans la Béotie.

Dès qu'il y fut arrivé, il commença par répudier Mégare, & demanda en mariage Iolé, fille d'Eurytus roi d'Oëchalie ; mais comme le sort des enfans de Mégare faisoit redouter l'alliance d'Hercule, il fut refusé. Cet outrage l'ayant jetté dans un nouvel accès de fureur, il tua Iphitus frere de sa maîtresse : ensuite revenant à lui, il sentit si vivement son crime, qu'il ne songea qu'à se délivrer de ses remords par le secours de la religion. L'oracle de Delphes qu'il consulta de nouveau, lui répondit que le seul moyen d'expier ce meurtre étoit de se faire vendre pour esclave dans un pays étranger. Hercule, avant que d'exécuter le decret de l'oracle, crut devoir se purifier par les cérémonies de l'expiation ordinaire ; toutefois il ne trouva personne qui voulût lui rendre ce service, excepté le seul Thésée qui s'y prêta par générosité, & le purifia aux Jeux de l'Isthme.

Après cette purification, il se fit vendre en qualité d'esclave par un de ses amis, & fut conduit à la cour d'Omphale. Ses exploits contre les Cercopes, espece de brigands qui ravageoient la contrée, étant parvenus aux oreilles de la reine de Lydie & lui ayant inspiré de la curiosité, elle fut bientôt instruite de la naissance de son esclave ; alors l'amour s'emparant de son coeur, elle se livra toute entiere à sa passion, & devint grosse d'un fils qu'Apollodore nomme Agélaüs.

Hercule ayant achevé le tems de sa servitude, fut sollicité par les Grecs d'attaquer Laomédon roi de Troie, avec une escadre de six vaisseaux qu'ils lui fournirent. L'entreprise fut heureuse ; il prit Troie, tua Laomédon & ses enfans, à l'exception de Priam qu'il mit sur le trône, & emmena prisonniere l'illustre Hésione soeur de ce jeune Prince.

A son retour dans le Péloponese, il résolut de punir Augias roi d'Elis, de la perfidie dont il avoit usé contre lui, pendant qu'il travailloit à accomplir les ordres d'Eurysthée. Un grand nombre d'Arcadiens & de volontaires des principales villes de la Grece se mirent sous ses drapeaux. Envain Augias leva des troupes, & en donna le commandement aux Mélionides ses neveux, Hercule attaqua les Mélionides, lorsqu'ils alloient sacrifier aux fêtes Isthmiennes, les vainquit & les tua. Profitant de ce succès, il s'avança dans l'Elide, surprit Augias, & le fit mourir avec ses enfans, à la réserve de Phileus le plus jeune de tous, auquel il laissa le royaume.

Dans cette conjoncture, des soins importans l'appellerent à Olympie, pour y assister aux jeux funebres, établis depuis quelques années en l'honneur de Pélops son bisayeul maternel. Il en régla les cérémonies, y prononça l'apologie de sa conduite au sujet de ses guerres, & disputa tous les prix avec tant de gloire, que les poëtes ont feint que Jupiter lui-même voulut lutter contre son fils, sous la figure d'un athlete ; & qu'après un long combat égal, le maître des dieux se fit connoître, en félicitant Hercule sur sa force & sur sa valeur.

N'ayant plus rien à faire à Olympie après la célébration des jeux, il continua sa marche vers Pylos, capitale des états de Nélée en Messénie, prit cette ville d'assaut, & tua dans la bataille les fils de Nélée, qui étoient au nombre de neuf. Nestor le plus jeune de tous, échappa seul à ce carnage. De Pylos, Hercule vint à Lacédémone, d'où il chassa Hippocoon, & rétablit sur le trône Tyndare pere d'Hélene, de Castor & de Pollux.

L'année suivante, notre héros songea sérieusement à se fixer à Phénée dans l'Arcadie, avec ses troupes qui l'avoient accompagné dans ses expéditions. En effet, il demeura quatre ans dans cette contrée ; mais la cinquieme année qui étoit la quarante-quatrieme de sa vie, Eurysthée redoutant le voisinage d'un guerrier aussi entreprenant, l'obligea d'abandonner le Péloponnèse. Il passa dans l'Aetolie avec ses troupes, s'engagea au service du roi de Calidor, & épousa Déjanire fille de ce roi, de laquelle il eut Hyllus.

Pendant son séjour en Aetolie, il enleva Astyochée, fille d'Aidonée, roi des Thesprotes, chez lequel il porta la guerre. Il s'empara d'Ephyre, capitale de la Thesprotie, bâtie sur les bords du Cocyte, & du lac Achérusia, formé par les eaux de l'Achéron. Comme il y avoit dans le pays un fameux oracle des morts, cette guerre contre Aidonée, a fourni à Homere & aux autres poëtes l'occasion de dire, qu'Hercule avoit blessé Pluton dans un combat. Ses victoires lui procurerent encore l'honneur de délivrer Thésée des prisons d'Ephyre, où Aidonée le tenoit captif ; c'est des enfers, disent les mêmes Poëtes, qu'Hercule retira Thésée.

Mais un meurtre involontaire l'obligea lui-même de se bannir de l'Aetolie, & de se retirer avec Déjanire chez Ceyx, roi de Trachine. Ses troupes étant venu le joindre, il embrassa la cause d'Aegimius, roi des Doriens, contre les Lapithes & les Driopes, qu'il soumit.

Cependant lassé de traîner avec lui dans son exil, une femme qu'il n'avoit épousée que dans l'espérance d'obtenir une retraite, que ce mariage n'avoit pu lui procurer, il forma le dessein de répudier Déjanire ; mais ayant été refusé dans sa demande d'Astydamie, fille d'Orménius, roi des Pélasges Thessaliens, il entra dans sa capitale, & emmena sa fille captive.

Se trouvant alors à la tête d'une armée nombreuse, qu'il ne pouvoit faire subsister que par le pillage, parce qu'il n'avoit point d'états, il porta la guerre dans l'Oëchalie, contre les enfans d'Eurytus, sous prétexte du refus qu'ils lui avoient fait autrefois de leur soeur Iolé. Il joignit à ses troupes Arcadiennes, celles des Doriens, des Locriens & des Trachéniens, desorte qu'avec tant de forces réunies, il termina promtement la guerre. La ville capitale d'Oëchalie fut prise, les fils d'Eurytus furent tués, & Iolé tomba entre ses mains.

La vue de cette princesse ralluma promtement une passion que le tems n'avoit pas détruite ; & Déjanire ne doutant plus de son malheur, crut que c'étoit le moment favorable d'employer le philtre du centaure Nessus, pour lui conserver le coeur de son mari. Persuadée des effets de ce philtre, qui étoit un poison très-subtil, elle en imbiba, dit-on, la robe d'Hercule. A peine eut-il revêtu cette robe fatale, qu'il se sentit atteint des plus vives douleurs ; les efforts qu'il fit, furent suivis de convulsions violentes, qui terminerent sa carriere dans la 49e année de sa vie, 53 ans avant la prise de Troie par les Grecs, & 1335 ans avant J. C. Après sa mort, on le porta sur le bucher, où l'on mit le feu, & ce fut là son apothéose.

On sait de combien de fictions toutes ces choses ont été embellies ; dès que le bucher fut allumé, la foudre, disent les Poëtes, tomba dessus, & réduisit le tout en cendre, pour purifier ce qu'il y avoit de mortel dans le héros. Jupiter l'enleva dans le ciel, & le mit au nombre des demi-dieux ; mais ce qui nous intéresse parmi tant de fables, c'est que la mort d'Hercule nous a procuré les Trachéniennes, & ses fureurs nous ont valu l'autre belle tragédie d'Euripide, qui a pour titre Hercule furieux.

Thrasybule fixe l'apothéose d'Hercule, c'est-à-dire l'établissement de ses autels dans les principales villes de la Grece, 29 ans avant la destruction de Troie. Son culte passa bientôt chez les Romains, ensuite dans les Gaules, en Espagne, & s'étendit jusques dans la Taprobane, à ce que Pline s'est persuadé. Il est certain du moins que Fulvius Nobilior, consul, étant de retour de son expédition de l'Aetolie, dédia à Hercule l'an 569 de Rome, dans le cirque de Flaminius, un temple magnifique pour ce tems-là. Ce temple étant tombé en ruine, Lucius Murcius Philippus, beau-pere d'Auguste, le fit rebâtir à ses frais, avec tant de splendeur, que Suetone en parle comme s'il avoit été fondateur de cet édifice.

Hercule est ordinairement représenté sous la figure d'un homme très-robuste, avec la massue à la main, & couvert de la peau du lion de Némée. Il a aussi quelquefois l'arc & la trousse. On le trouve assez souvent couronné de feuilles d'olivier ou de peuplier, parce qu'il en apporta des plans dans sa patrie.

Enfin, ce qui peut paroître fort étrange, c'est qu'il a été réveré chez les Grecs sous le nom de Musagete, conducteur des muses, & dans Rome sous celui d'Hercules musarum. Maffei, Stefanoni, Boissard, Spon, le P. Montfaucon, & autres antiquaires, nous ont donné dans leurs ouvrages, des portraits d'Hercule Musagete, tirés d'après les marbres, les bronzes, & les pierres gravées antiques ; il est même arrivé que Pomponius Musa a fait graver sur ses médailles, Hercule la lyre à la main, avec l'inscription d'Hercules musarum ; & sur le revers, la figure des neuf muses, caractérisées chacune par leurs symboles.

Je ne décide point si ces gravures étoient de pures fantaisies, ou plutôt si c'étoit des copies d'Hercule Musagete & des neuf Muses, que Fulvius Nobilior avoit transportées de Grece en Italie. Quoi qu'il en soit, l'idée que j'ai d'Hercule présente à mon imagination un athlete des plus vigoureux & des plus redoutables, un destructeur de monstres, un exterminateur de brigands, de rois & de fils de rois ; un pere furieux & terrible dans sa colere, un barbare coupable de cent meurtres, & nullement un homme doux & sage, élevé dans la charmante société des muses. J'ai lû dans le dixieme tome des Mémoires de Littérature, une dissertation expresse sur le savoir d'Hercule, qui ne m'a point gueri de ce préjugé. (D.J.)

HERCULE colonnes d', (Géog. anc.) On entend présentement par ce nom, deux montagnes aux deux côtés du détroit de Gibraltar, savoir Calpé en Espagne, & Abila en Afrique. Les anciens ne s'accordent point sur l'endroit où il falloit placer les colonnes d'Hercule, & ce sont eux-mêmes qui nous l'apprennent. Les uns, dit Strabon, entendent par ces colonnes, le détroit, ou ce qui resserre le détroit ; d'autres Gades ; d'autres des lieux situés au-delà de Gades. Quelques uns prennent Calpé & Abyla pour les colonnes d'Hercule ; d'autres croyent que ce sont de petites isles voisines de l'une & de l'autre montagne. D'autres enfin, veulent que ces colonnes ne soient autre chose, sinon les colonnes de bronze de huit coudées, qui étoient à Gades, dans le temple d'Hercule ; ce sont, dit-on, celles que les Tyriens trouverent ; & ayant fini là leur navigation, & sacrifié à Hercule, ils eurent soin de publier que la terre & la mer ne s'étendoient pas plus loin. D'ailleurs c'est un ancien usage d'élever de pareils monumens, & ces monumens de main d'homme étant ruinés avec le tems, le nom demeure au lieu même où ils étoient. Voilà le précis des réflexions de Strabon sur ce sujet ; & ce précis suffiroit pour prouver que cet auteur est un critique des plus judicieux, indépendamment de son mérite en Géographie. (D.J.)


HERCULÉENadj. (Med.) c'est une épithete que l'on trouve employée dans quelques ouvrages de Médecine, pour designer la qualité de quelques maladies & de quelques remedes, relativement à leur force, c'est-à-dire, à la violence des symptomes de celles-là, ou des effets de ceux-ci. Ainsi on appelle maladie herculéenne, l'épilepsie, parce qu'elle cause dans l'économie animale un très-grand desordre, qui est l'effet d'un vice très-difficile à détruire. Voyez EPILEPSIE. Aëtius fait mention d'une sorte de collyre, qu'il nomme herculéen, parce qu'il lui attribue la propriété de détruire radicalement les égilops, les fistules lachrymales : Schroder, lib. III. cap. xvij. & Willis, Pharmac. Rat. part. 1. s. 2. c. 2. vantent beaucoup un remede chimique, vomitif & purgatif, qu'ils appellent l'Hercule de Bovius : on peut consulter les oeuvres des auteurs cités. Voyez Castell. Lexic.


HERCULIENnoeud. (Antiq.) C'est ainsi qu'on appelloit le noeud de la ceinture de la nouvelle mariée ; le mari seul le dénouoit lorsqu'elle se deshabilloit pour se mettre au lit, & en le dénouant, il invoquoit toujours les bontés de Junon, & la prioit de rendre son mariage aussi fécond que celui d'Hercule ; mais cette heureuse simplicité ne subsista que dans les premiers siecles de Rome ; sur la fin de la république, loin d'adresser des invocations à Junon, on évita de se marier, pour ne pas mettre au jour des malheureux ; envain Auguste tenta par ses loix Julia & Papia-Poppaea, de remettre en vigueur les anciennes ordonnances, qui enjoignoient aux censeurs de ne pas permettre aux citoyens de vivre dans le célibat. Comme il n'attaquoit pas les vraies causes de la dépopulation, il n'eut pas plus de succès que Louis XIV. n'en a eu dans ce royaume. (D.J.)


HERCYNIEFORET D', (Géog. anc.) La forêt & la montagne d'Hercynie, Hercynius saltus, Hercynium jugum, sont, selon les historiens grecs, une forêt & une montagne de la Germanie, où ils mettent la source du Danube & celle de la plûpart des rivieres qui coulent vers le nord ; ils regardoient les montagnes d'Hercynie comme les plus hautes de toute l'Europe, les avançoient jusqu'à l'océan, & les bodoient de plusieurs îles, dont la plus considérable étoit la grande Bretagne ; voilà du-moins l'idée qu'en avoit Diodore de Sicile.

Les Grecs ayant oüi dire aux Germains que la Germanie avoit quantité de montagnes & de vastes forêts, & remarquant qu'ils se servoient du mot hartzen pour les exprimer, se figurerent que ce n'étoit qu'une seule forêt continuée dans toute la Germanie, & une seule chaîne de montagnes répandue dans tout le pays ; pour désigner cette forêt & cette chaîne de montagnes, ils firent le mot .

Pline dit que la grosseur des arbres de cette forêt, aussi anciens que le monde, & que les siecles ont épargnés, surpasse toutes les merveilles par leur destinée immortelle. Jules-César, qui en parle fort en détail, & qui l'appelle Orcynia, lui donne 60 journées de longueur ; mais sa mesure est bien éloignée d'être exacte. M. d'Ablancourt traduit l'Hercynia sylva de César, par la forêt noire, qui n'y convient en aucune maniere ; la forêt noire n'a point cette étendue, & répond seulement à la Martiana sylva des anciens. Nos traducteurs françois tombent souvent dans ces sortes de fautes.

A l'égard des montagnes d'Hercynie répandues dans toute la Germanie, suivant l'opinion des anciens, c'est une chimere qui a la même erreur pour fondement ; il ne faut donc pas croire avec quelques modernes, que ce fût une forêt continue, quoiqu'elle le fût réellement beaucoup plus que de nos jours, & les raisons n'en sont pas difficiles à trouver. (D.J.)


HERE-MARTEAS. f. (Myth.) divinité que les anciens honoroient par des actions de graces, lorsqu'il leur survenoit quelque héritage ou succession. Ils en avoient fait une des compagnes de Mars. Son nom est un composé de hereditas & de Mars.


HÉRÉDIES. f. (Littérat.) mesure romaine en fait de terres ; l'hérédie contenoit quatre actes quarrés, ou deux jugeres, c'est-à-dire 480 piés romains de long, & 240 piés de large. Voyez JUGERE. (D.J.)


HÉRÉDITAIREadj. m. & f. (Jurisprud.) se dit de ce qui a rapport à une succession, comme les biens héréditaires, la part héréditaire. (A)

HEREDITAIRE, adj. (Médec.) Ce terme est employé pour désigner l'espece de différence accidentelle d'une maladie, en tant qu'elle dépend d'un vice contracté par la qualité de la liqueur séminale & des humeurs maternelles, qui concourent à donner à l'embryon le principe de vie, & à le former.

Tous les hommes mâles ont acquis dans le corps de leur mere la disposition à ce que la barbe leur croisse à l'âge de puberté, & les femelles à ce qu'elles deviennent sujettes aux flux menstruel : cette disposition peut donc être regardée comme héréditaire, en tant qu'elle est transmise des peres & meres aux enfans ; il en est de même de certaines maladies ; on observe que les individus de certaines familles éprouvent tous qu'ils y deviennent sujets à certain âge ; telles sont par exemple, l'épilepsie, la goutte : il est aussi difficile de pouvoir détruire cette disposition, que celle qui fait croître la barbe à un jeune homme qui est en bonne santé.

On range parmi les maladies héréditaires, les cancers, la pierre des voies urinaires, la phthisie, qui surviennent respectivement à un certain âge marqué, dans toute une famille, jusqu'à-ce qu'elle soit absolument éteinte ; desorte cependant que si quelqu'un de ceux qui la forment, peut éviter d'en être atteint au tems ordinaire, il en devient exempt pour le reste de sa vie.

On doit distinguer les maladies héréditaires de celles que les Pathologistes appellent connées, morbi connati, c'est-à-dire que le foetus a contractées accidentellement dans le ventre de sa mere, que l'on apporte en naissant, par conséquent sans qu'elles soient l'effet d'un vice de la santé des parens, antérieur à la conception, transmis aux enfans, comme dans le cas des maladies héréditaires : telle est l'idée que donne Boerhaave, de ces sortes de maladies, dans le Commentaire de ses Institutions Pathol. §. 738.

Toutes sortes de maladies ne sont pas susceptibles de devenir héréditaires : selon Nenter, ce sont principalement celles qui ont rapport à la pléthore, aux congestions, aux dispositions hémorrhagiques, telles que l'apoplexie, les hémorrhagies de différens âges. Voyez HEMORRHOIDES & les maladies qui ont été mentionnées ci-devant.

Il n'est pas facile de déterminer en quoi consiste la disposition aux maladies héréditaires ; mais on peut dire en général qu'elle paroît dépendre d'une sorte de rapport entre les enfans & les peres, dans le système des solides, dans leur dégré habituel d'action sur les fluides (vis vitae) : d'où, comme en résulte vraisemblablement une ressemblance de figure, de caractere, suit aussi celle du tempérament, de la complexion. Voyez GENERATION. En effet on observe que les enfans qui sont le plus ressemblans à leurs auteurs, sont aussi, tout étant égal, les plus sujets aux maladies héréditaires, s'il y en a dans la famille. Voilà ce semble, ce qu'on peut dire de plus raisonnable sur ce sujet, qui de sa nature n'est pas susceptible d'être approfondi.

Mais pour un plus grand détail sur tout ce qui regarde les maladies considérées comme héréditaires, on peut trouver beaucoup d'instruction dans le traité qu'a donné sur ce sujet Dermutius de Meara, intitulé Pathlogia hereditaria, annexé à son examen de febribus : on peut aussi consulter fort utilement la dissertation de Zellerus de morbis hereditariis, & celle de Stahl de hereditariâ dispositione ad varios affectus.


HÉRÉDITÉ(Jurisprud.) signifie succession. Voyez SUCCESSION. (A)

Hérédite des offices est le droit que le pourvû a de transmettre son office à ses héritiers successeurs ou ayans cause. Anciennement les offices n'étoient que de simples commissions annales, & même révocables ad nutum ; depuis la vénalité des offices qui les a rendu permanens, chaque officier a toujours cherché les moyens de conserver son office après sa mort ; ce qui se pratiquoit d'abord seulement en obtenant la survivance pour une autre personne. Des survivances particulieres, on passa aux survivances générales, lesquelles furent accordées par divers édits de 1568, 1574, 1576, & 1586. L'hérédité des offices fut inventée par Paulet, & admise par une déclaration du 12 Décembre 1604, en faveur des officiers de judicature & de finance, en payant par eux au commencement de chaque année, la soixantieme partie de la finance de leur office, lequel droit a été nommé annuel ou paulette, du nom de celui qui en fut l'inventeur. Il y a eu depuis ce tems divers édits & déclarations, pour donner ou ôter l'hérédité à certains offices. Voyez Loyseau, des Offices, liv. II, ch. x. & les recueils d'Edits concernant l'annuel. (A)

Hérédité des rentes est le droit de transmettre à ses héritiers, successeurs & ayans cause, certaines rentes qui ne sont ni viageres ni perpétuelles, étant destinées à être remboursées au bout d'un certain tems ; le roi a créé depuis quelque tems de ces rentes héréditaires sur les postes, & autres. (A)


HÉRÉENS MONTS(Géog. anc.) montagnes de Sicile nommées , par Diodore de Sicile, qui en vante la beauté & la salubrité. Liv. VI. ch. xvj. pag. 283.

Cette chaîne de montagnes, suivant l'opinion la plus commune, s'étend dans la vallée de Démona ; on les appelle présentement monti Sori, & celle où la Chrysa prend sa source, se nomme monte Artesino.

La description que Diodore fait de ces montagnes est confirmée par Fazel ; ce sont, dit ce moderne, les plus belles & les plus agréables du pays ; elles ont des sources en abondance, des vignes, des rosiers, des oliviers, & autres arbres domestiques, qui y conservent toujours leur verdure. Presque toutes les autres montagnes de Sicile sont nues, dégarnies, ou couvertes seulement de forêts & d'arbres sauvages ; mais celles-ci, ajoute-t-il, sont entierement différentes ; c'est, selon lui, dans ces montagnes propres à être cultivées, que Daphnis, si célébre dans les poésies bucoliques, naquit des amours de Mercure, & d'une nymphe du canton ; c'est ici que ce même Daphnis fut changé en rocher, pour avoir été insensible aux charmes d'une jeune bergere. Mais Carrera, ou l'auteur della Antica Syracusa illustrata revendique la naissance de Daphnis près de Raguse, dans une vallée qui est arrosée des eaux de la Loza.

Enfin les auteurs qui placent les monts Héréens aux environs de Syracuse, font Daphnis Syracusain. Il paroît assez que chacun souhaite que le pays de sa naissance lui soit commun avec celui du charmant poëte bucolique. (D.J.)


HÉRÉESS. f. pl. (Antiq.) fêtes en l'honneur de Junon, à Argos, à Samos, à Egine, en Elide & en plusieurs autres villes de la Grece ; vous en trouverez la description dans Potter, Archaeolog. graec. l. II. c. xx. t. 1. p. 397. Je ne dirai qu'un mot de la maniere dont on les célébroit à Argos.

Là après avoir immolé cent boeufs à la déesse, tous les jeunes gens du lieu se disputoient chaque année le prix proposé. Au-dessus du théatre il y avoit un quartier fort d'assiette, où l'on clouoit un bouclier de maniere qu'il étoit très-difficile à arracher ; celui qui y parvenoit, recevoit pour le prix de sa victoire une couronne de myrthe, & un bouclier d'airain ; de-là vient que le lieu s'appelloit Aspis, c'est-à-dire le bouclier. Ce prix ne regardoit pas seulement la jeunesse d'Argos, les étrangers étoient aussi admis à y concourir, comme il paroît par l'Ode VII. des Olympioniques de Pindare, où Diagoras de l'île de Rhodes est loué d'avoir remporté le prix : " Le bouclier d'airain l'a connu ", dit Pindare dans son style poétique.

Au reste ces fêtes sont nommées Hérées, du nom grec , Junon. (D.J.)


HEREFORD(Géog.) considérable ville d'Angleterre, capitale de l'Herefordshire, avec un évêché suffragant de Cantorbery ; elle envoie deux députés au parlement, & est située sur la Wye, à sept lieues N. O. de Glocester, six S. O. de Worcester, treize N. O. de Bristol, 120 milles N. O. de Londres. On prétend qu'elle a été bâtie des ruines d'Ariconium, qui étoit à ce que l'on croit, au lieu où est aujourd'hui Winchester. Long. 14. 55. lat. 52. 6. (D.J.)


HEREFORDSHIRE(Géog.) province d'Angleterre, dans l'intérieur, vers le pays de Galles. Elle a environ 100 milles de tour, 660000 arpens & 15000 maisons. Elle abonde en blé, bois, laine, saumon & cidre : sa laine est la plus estimée d'Angleterre, de même que son cidre, qui se fait d'une pomme appellée redstreak, fort mauvaise à manger. C'est dans cette province qu'on trouve la fameuse colline ambulante, Marsley-Hill, ainsi nommée, parce qu'en 1574 au mois de Février, un tremblement de terre détacha 26 arpens de terrein qui changerent de place.

Stanley (Thomas) naquit dans cette province : ce gentilhomme Anglois est fort connu des savans par deux beaux ouvrages : le premier est sa traduction latine des tragédies d'Eschyle, avec un commentaire & des scholies ; elle parut à Londres en 1664 in-fol. Le second est son histoire de la philosophie, écrite en Anglois. Un savant d'Allemagne, M. Godefroy Oléarius, a publié à Leipsick en 1711, in -4°. une bonne traduction Latine de ce dernier ouvrage, & y a joint la vie de l'auteur. (D.J.)


HÉRÉMITIQUEadj. (Gramm.) qui est de l'hérémite. La vie hérémitique.


HÉRÉNAQUES. m. (Hist. éccl.) En Hybernie les Hérénaques étoient des clercs à simple tonsure, chargés de ramasser les revenus ecclésiastiques & de les distribuer. Ils en donnoient une partie à l'évêque, une autre aux pauvres ; la troisieme étoit reservée aux réparations des églises & aux dépenses qui se faisoient dans les temples.


HÉRENTHALS(Géog.) c'est-à-dire la vallée des seigneurs, bourgade des Pays-Bas Autrichiens dans le Brabant, au quartier d'Anvers, bâtie par Henri duc de Brabant en 1212 sur la Nettre. Long. 22. 26. lat. 51. 9. (D.J.)


HÉRÉSIARQUES. m. (Théolog.) premier auteur d'une hérésie, ou le chef d'une secte hérétique. Voyez HERETIQUE. Les principaux hérésiarques ont été Cérinthe, Ebion, Basilides, Valentin, Marcion, Montan, Manés, Arius, Macédonius, Sabellius, Pélage, Nestorius, Eutychés, Berenger, Wiclef, Jean Hus & Jerôme de Prague, Luther, Calvin, Zuingle, Servet, Socin, Fox, &c.

Arius & Socin sont appellés hérésiarques, parce qu'ils ont été les chefs des Ariens & des Sociniens. Voyez ARIENS & SOCINIENS. Simon le magicien est le premier hérésiarque qu'il y ait eu dans la nouvelle loi. Voyez SIMONIEN.


HÉRÉSIDESS. f. (Myth.) prêtresses de Junon l'Orgienne. On les honoroit à Argos, & l'année de leur sacerdoce servoit de dates dans les monumens publics.


HÉRÉSIDESS. f. plur. prêtresses de Junon à Argos, où elles étoient tellement honorées, que les années de leur sacerdoce servoient de dates aux monumens publics.


HÉRÉSIES. f. (Critiq. sacrée) Ce mot, qui se prend à présent en très-mauvaise part, & qui signifie une erreur opiniâtre, fondamentale contre la religion, ne désignoit dans son origine, qu'un simple choix, une secte bonne & mauvaise ; c'est le sens du mot Grec , electio, secta, du verbe , je choisis.

On disoit hérésie péripatéticienne, hérésie stoïcienne, & l'hérésie chrétienne étoit la secte de Jesus-Christ. Saint Paul déclare, que pendant qu'il vivoit dans le Judaisme, il s'étoit attaché à l'hérésie pharisienne, la plus estimable qu'il y eût dans cette nation ; & c'est ce qu'il allegue pour preuve de la droiture d'ame avec laquelle il avoit vécu. Il ne prend point, par cette déclaration, le nom d'hérétique pharisien, comme étant un titre flétrissant, il le renferme au contraire dans sa défense ; si ce terme eût eu le sens qu'on lui donne aujourd'hui, c'est plutôt aux Saducéens qu'aux Pharisiens qu'il auroit convenu.

Les hérésies, c'est-à-dire, les différentes sectes qu'on suivoit, n'avoient rien de choquant quant au nom, & elles ne devenoient blâmables que par la nature des erreurs qu'elles admettoient ; mais vraies ou fausses, innocentes ou dangereuses, importantes ou indifférentes, elles portoient également le nom d'hérésies. Ce n'est que dans la suite des tems qu'on a attaché à cette qualification une idée si grande d'horreur, que peu s'en faut qu'on ne frémisse au simple son de ce terrible mot.

On définit l'hérésie, une opiniâtreté erronée contre quelque dogme de la foi ; mais comment juger sûrement de cette opiniâtreté, car ceux-là même qui sont dans l'erreur peuvent regarder comme opiniâtres les partisans de la vérité ? Rien n'est plus difficile, disoit saint Chrysostome, que d'abandonner les opinions auxquelles on s'est attaché. Ajoutons, pour preuve de cette reflexion, que le dégré de la faute de ceux qui errent, est proportionné au dégré de leurs lumieres, & à d'autres dispositions intérieures que les hommes ne sauroient ni pénétrer ni cacher.

A Dieu ne plaise qu'on prétende faire ici l'apologie des hérésies. On desireroit au contraire que les Chrétiens n'eussent qu'une même foi ; mais puisque la chose n'est pas possible, on voudroit du moins qu'à l'exemple de leur Sauveur, ils fussent remplis les uns pour les autres de bienveillance & de charité.

Le malheur de ce royaume en particulier, à voulu qu'on fût divisé depuis plus de 200 ans sur les dogmes de créance, & l'un des articles du serment de nos rois est de détruire les hérésies ; mais comme ce mot n'est point défini, & que d'ailleurs on ne sauroit trop en restraindre le sens, ce n'est pas à dire que pour parvenir à cette extirpation, le prince y doive procéder avec violence, contre la foi publique, & rompre l'amour, la sûreté, la protection qu'il doit à ses sujets pour le bien de l'état. Il n'y a point de serment qui puisse être contraire aux commandemens de Dieu, & nos rois ne jurent l'article de la destruction de l'hérésie, qu'après avoir juré un autre article qui le précede, par lequel ils promettent de conserver inviolablement la paix dans leur royaume. Ce premier serment regle tous les autres, & par conséquent emporte avec lui la douceur & la tolérance. Je crois qu'il est à propos de répéter souvent ces vérités, & de les inculquer respectueusement aux fils & petits-fils des rois qui doivent un jour monter sur le trône, afin de jetter dans leur ame dès la tendre enfance, les semences d'une piété véritable & lumineuse. (D.J.)

Hérésie se dit par extension de quelques propositions fausses dans des matieres qui n'ont aucun rapport à la foi.

Les théologiens distinguent deux sortes d'hérésie, l'une matérielle, & l'autre formelle. La premiere consiste à avancer une proposition contraire à la foi, mais sans opiniâtreté, au contraire dans la disposition sincere de se soumettre au jugement de l'Eglise. La seconde a les caracteres contraires.

HERESIE, (Jurisprud.) Les sujets orthodoxes ne sont point dispensés de la fidélité & obéissance qu'ils doivent à leur souverain, quand même il seroit hérétique, suivant la doctrine de saint Paul.

L'hérésie étant un crime contre la religion, la connoissance en appartient au juge d'Eglise, pour déclarer quelles sont les opinions contraires à celles de l'Eglise, & punir de peines canoniques ceux qui soutiennent leurs erreurs avec obstination. Les évêques peuvent absoudre du crime d'hérésie.

Mais ce crime est aussi considéré comme un cas royal, en tant qu'il contient un scandale public, commotion populaire & autres excès qui troublent la religion & l'état ; c'est pourquoi la connoissance en appartient aussi aux juges royaux, même contre les ecclésiastiques qui en sont prévenus. Voyez l'ordonnance du 30 Août 1742.

Les hérétiques sont incapables de posséder des bénéfices : l'hérésie où tombe le bénéficier fait vaquer le bénéfice de plein droit, mais non pas ipso facto ; il faut un jugement qui déclare le bénéficier hérétique.

Les seigneurs & patrons déclarés hérétiques sont exclus des droits honorifiques dans les églises, & incapables de jouir du droit de patronage.

On n'admet plus aussi les hérétiques à aucun office, où il faut une information des vie & moeurs du récipiendaire.

Sur l'hérésie, voyez les textes de droit cités par Brillon au mot HERESIE ; les loix ecclésiastiques de Héricourt, part. I, chap. xxiv. Voyez aussi ce qui est répandu dans les mémoires du clergé. (A)


HÉRÉTICITÉS. f. (Gram. & Théolog.) imputation bien ou mal fondée d'une doctrine hérétique. On dit l'héréticité d'un livre, l'héréticité d'un auteur, l'héréticité d'une proposition, ou ce qui la rend hérétique.


HÉRÉTIQUEadj. s. m. (Morale) Un hérétique, dans le sens propre du mot, est un homme qui fait choix d'une opinion, d'une secte, bonne ou mauvaise. Dans le sens ordinaire, ce terme désigne toute personne qui croit ou soutient opiniâtrement un sentiment erroné sur un ou plusieurs dogmes de la religion chrétienne. Voyez HERESIE.

Nous n'avons pas dessein de démontrer ici combien est détestable le principe qui permet de manquer de foi aux hérétiques ; ceux qui adopteroient cette maxime odieuse, s'il s'en trouve encore dans le monde, seroient incapables de toute lumiere & de toute instruction.

Nous ne nous arrêterons pas non-plus à prouver l'injustice de la haine que certaines gens portent aux hérétiques ; nous aimons mieux tâcher de rectifier leur façon de penser par celle des gens éclairés & respectables dans l'Eglise, & nous ne leur citerons pour directeurs que Salvien & saint Augustin. Voici comme s'exprime sur les sectateurs d'une des premieres hérésies, je veux dire sur les Ariens mêmes, le digne & célebre prêtre de Marseille, qu'on surnomma le maître des évêques, & qui déploroit avec tant de douleur les déréglemens de son tems, qu'on l'appella le Jérémie du v. siecle.

" Les Ariens (dit-il) sont hérétiques, mais ils ne le savent pas ; ils sont hérétiques chez nous, mais ils ne le sont pas chez eux ; car ils se croient si bien catholiques, qu'ils nous traitent nous-mêmes d'hérétiques. Nous sommes persuadés qu'ils ont une pensée injurieuse à la génération divine, en ce qu'ils disent que le fils est moindre que le pere. Ils croient eux, que nous avons une opinion injurieuse pour le pere, parce que nous faisons le pere & le fils égaux : la vérité est de notre côté, mais ils croient l'avoir en leur faveur. Nous rendons à Dieu l'honneur qui lui est dû, mais ils prétendent aussi le lui rendre dans leur maniere de penser. Ils ne s'acquitent pas de leur devoir, mais dans le point même où ils manquent, ils font consister le plus grand devoir de la religion. Ils sont impies, mais dans cela même ils croient suivre la véritable piété. Ils se trompent donc, mais par un principe d'amour envers Dieu ; & quoiqu'ils n'ayent pas la vraie foi, ils regardent celle qu'ils ont embrassée comme le parfait amour de Dieu. Il n'y a que le souverain juge de l'univers qui sache comment ils seront punis de leurs erreurs au jour du jugement. Cependant il les supporte patiemment, parce qu'il voit que s'ils sont dans l'erreur, ils errent par un mouvement de piété ". Salvianus de Gubernat. Dei, lib. V. pag. 150 & 151 de l'édit. de Paris 1645, publiée par M. Baluze.

Ecoutons maintenant saint Augustin sur les hérétiques Manichéens, son discours n'est pas moins beau. " Nous n'avons garde (leur dit-il) de vous traiter avec rigueur ; nous laissons cette conduite à ceux qui ne savent pas quelle peine il faut pour trouver la vérité, & combien il est difficile de se garantir des erreurs. Nous laissons cette conduite à ceux qui ne savent pas combien il est rare & pénible de s'élever au-dessus des fantômes d'une imagination grossiere par le calme d'une pieuse intelligence. Nous laissons cette conduite à ceux qui ne savent pas quelle difficulté il y a à guérir l'oeil de l'homme intérieur, pour le mettre en état de voir son soleil.... Nous laissons cette conduite à ceux qui ne savent pas quels soupirs & quels gémissemens il faut pour acquérir quelque petite connoissance de la nature divine.... Pour moi, je dois vous supporter comme on m'a supporté autrefois, & user envers vous de la même tolérance dont on usoit envers moi lorsque j'étois dans l'égarement.... "

Le latin est d'une grande pureté. Illi in vos saeviant, qui nesciunt, cum quo labore verum inveniatur, & quàm difficilè caveantur errores.... Illi in vos saeviant, qui nesciunt.... Illi in vos saeviant.... C'est dans l'epître contra Epist. Manichaei, cap. II. & III, pag. 78. & 79, tom. VI, édit. Basil. 1528. Si saint Augustin s'est quelquefois écarté de sa morale, ce n'est pas ce que j'examine, il suffit que j'expose ses sentimens d'après lui même.

Enfin, je renvoie tous ceux qui seroient portés à haïr ou à approuver les violences contre les hérétiques à l'école du philosophe de la Grece, qui remercioit les dieux de ce qu'il étoit né du tems de Socrate. Platon disoit " que la seule peine dûe à un homme qui erre est d'être instruit ".

En effet, ce qui prouve invinciblement combien l'on doit supporter les errans en matiere de religion, c'est que leur erreur peut avoir pour principe une louable inclination de s'éclairer, qui malheureusement ne se trouve pas soutenue de toute la capacité, de toute l'attention & de toute l'étendue d'esprit nécessaire.

Il est donc honteux de décrier jusqu'au style & aux vertus mêmes des hérétiques. On a employé cette ruse odieuse, de peur que de l'estime de leurs personnes, on ne passât à celle de leurs ouvrages, & du goût de leur maniere d'écrire, à celui de leurs opinions. Mais n'y a-t-il pas de meilleures voies pour apprendre aux hommes à séparer le bon du mauvais ? Arius, a-t-on dit autrefois, avoit un fond d'orgueil incroyable qui le rongeoit, sous l'apparence de la plus grande modestie : eh ! d'où savoit-on qu'il avoit tant d'orgueil, s'il en montroit si peu !

La défense de la vérité ne tire aucune gloire de tous ces sortes de moyens. Elle n'est pas plus heureuse en mettant en usage les noms injurieux d'hérétiques & d'hétérodoxes, qu'on se rend réciproquement ; outre que souvent l'homme du monde, qui est le plus dans l'erreur, en charge avec zèle celui qui pense le plus juste, & qui a le plus travaillé à s'éclairer.

Je ne déciderai point la question s'il faut permettre la lecture des livres hérétiques : je demanderai seulement, au cas qu'on défende cette lecture, si on renfermera dans la défense les livres des orthodoxes qui les réfutent. Si les orthodoxes, dans leurs réfutations, rapportent, comme ils le doivent, les argumens des hérétiques dans toute leur force, il paroit qu'il vaudroit tout autant laisser lire les ouvrages des hérétiques. Si les orthodoxes manquent à cette justice & à ce devoir en fait de critique, ils se deshonorent par leur peu de sincérité, & ils trahissent la bonne cause par leur défiance. (D.J.)

HERETIQUES NEGATIFS, (Théol.) dans le langage de l'inquisition, sont ceux qui étant convaincus d'hérésie par des preuves dont ils ne peuvent nier l'évidence, demeurent sur la négative, font profession ouverte de la religion catholique, & déclarent l'horreur qu'ils ont pour l'hérésie dont on les accuse. Voyez INQUISITION. (G)


HERFORDEN(Géog.) ville libre & impériale d'Allemagne, capitale du comté de Ravensberg en Westphalie, avec une fameuse Abbaye de la confession d'Augsbourg, dont l'abbesse est princesse de l'Empire, & a voix & rang à la diete. Cette ville est sur l'Aa & le Wehre, à trois lieues E. de Ravensberg, sept S. O. de Minden. Long. 26. 22. lat. 52. 12. (D.J.)


HERIDELLES. f. Voyez l'article ARDOISE.


HÉRIGOTÉadj. (Vénerie) On dit mieux herpé. Un chien herpé ou hérigoté est celui qui a une marque aux jambes de derriere. Il faut qu'un limier soit retroussé & hérigoté. La marque s'appelle hérigoture.


HERILadj. (Gramm. & Jurispr.) qui appartient au maître en qualité de maître. On dit la puissance hérile, pour désigner l'autorité qu'un maître a sur ses serviteurs.


HÉRISSERv. act. & pass. (Gramm.) Il se dit au simple du poil des animaux, lorsque quelque mouvement le fait relever, ou qu'il a cette disposition naturelle. Un récit, un spectacle d'horreur fait hérisser les cheveux sur le front de l'homme. La fureur hérisse le poil sur le dos & sur les flancs d'un sanglier poursuivi & blessé. La criniere d'un lion se hérisse. Au figuré on dit, une troupe hérissée de piques, un discours hérissé d'antithèses. Le chemin de la vie est hérissé d'épines. Ce livre est hérissé de grec & de latin. Hérisser un mur, c'est le recrépir, ou le ragréer de plâtre.

HERISSER la coupelle, (Docimastiq.) On dit que la coupelle est hérissée quand le plomb contient de l'étain qui reste dessus en chaux & ne s'y imbibe point.


HÉRISSONS. m. échinus terrestris, (Hist. nat.) animal quadrupede, le seul dans notre climat qui soit couvert de piquans ; il est aussi le seul qui se pelotonne au point de cacher tous ses membres. Lorsqu'il est debout sur ses jambes, il ne présente encore qu'une masse informe & hérissée de piquans ; à peine voit-on ses piés, son museau & sa queue ; il a les yeux petits & saillans, & les oreilles courtes, larges & rondes. Sa longueur n'est que d'environ neuf pouces depuis le bout du nez jusqu'à l'origine de la queue. Les plus grands de ses piquans ont un pouce de long sur un tiers de ligne de diametre ; ils sont de couleur blanchâtre sur la pointe & sur les deux tiers de leur longueur depuis la racine, & ils ont une couleur brune, noirâtre ou noire au-dessous de la pointe sur la longueur d'environ deux lignes. Les piquans couvrent les côtés du corps & toute la face supérieure depuis le sommet de la tête jusqu'auprès de l'origine de la queue. Le museau, le front, les côtés de la tête, la gorge, le dessous & les côtés du cou, la poitrine, le ventre & les quatre jambes ont deux sortes de poils ; les uns sont de la même consistance que les soies de cochon, quoique plus petits ; ils ont une couleur blanchâtre mêlée d'une teinte de jaune & de roux : il y a entre ces soies un poil plus court & plus abondant frisé & gris-brun ou châtain. Les piés ou la queue n'ont qu'un poil très-court, lisse & peu fourni, qui semble être de la même nature que les soies.

Les hérissons se pelotonnent pour dormir ou pour se cacher dès qu'ils sont épouvantés ou attaqués : ils ne peuvent s'accoupler comme les autres animaux, à cause de leurs piquets ; il faut qu'ils soient face à face debout ou couchés. C'est au printems qu'ils se cherchent, & ils produisent au commencement de l'été ; ils ont ordinairement trois ou quatre petits, & quelquefois cinq : ils sont blancs en naissant, & l'on voit seulement sur leur peau la naissance des piquans. Ces animaux vivent de fruits tombés ; ils fouillent la terre avec le nez à une petite profondeur ; ils mangent les hannetons, les scarabées, les grillons, les vers & quelques racines ; ils sont aussi très-avides de viande, & ils la mangent cuite ou crue. On les trouve fréquemment dans les bois, sous les troncs des vieux arbres, dans les fentes des rochers, & dans les monceaux de pierres. Ils ne bougent pas tant qu'il est jour, mais ils courent ou plutôt ils marchent toute la nuit ; ils dorment pendant l'hiver.

Les Naturalistes ont distingué deux especes de hérisson, par des caracteres tirés de la figure du museau. Plusieurs auteurs prétendent que les uns ont le grouin d'un cochon, & les autres le museau d'un chien : les gens de la campagne ont la même opinion. Cependant on n'en connoît qu'une seule. Le museau a en effet quelque rapport au grouin de cochon & au museau du chien : c'est sans doute ce qui a donné lieu à la distinction des deux prétendues especes de hérisson. On trouve cet animal par-tout en Europe, à l'exception des pays les plus froids. Hist. nat. gén. & part. à l'article du hérisson, tome VIII. pag. 28 & suiv. Voyez QUADRUPEDE.

HERISSON de mer, (Hist. nat. Icthiol.) genre de poisson de figure différente, selon les diverses especes. Ses caracteres sont qu'outre un grand nombre de petites protubérances ou inégalités, il a deux ouvertures remarquables, dont l'une lui sert de bouche, & l'autre, à ce qu'on croit, d'anus : ces ouvertures sont placées différemment en diverses especes.

Les Naturalistes doutent s'il faut mettre ces sortes de poissons dans la classe des crustacées ou des testacées. Pline nomme leur peau raboteuse indifféremment des noms de croute & de coquille : la plûpart des modernes les rangent parmi les crustacées, parce qu'ils ont des dents, & que la plûpart des poissons à coquille n'en ont point ; mais nous ignorons encore si toutes ces sortes d'animaux ont des dents.

Quoi qu'il en soit, l'hérisson de mer, comme l'hérisson de terre, tire son nom des épines dont il est couvert. On l'appelle en latin echinus marinus, ericius marinus, carduus marinus, erinaceus marinus, echinus ovarius, &c. Sur quelques côtes on le nomme chataigne de mer, & avec assez de raison. En effet, il ne ressemble pas seulement aux enveloppes des châtaignes, par les piquans dont il est armé, il leur ressemble encore par sa figure convexe. Le nom d'oursin qu'on lui donne sur les côtes de Provence, est moins juste ; car on n'apperçoit aucune ressemblance entre le poil des oursins & les pointes des hérissons.

Plusieurs de ces especes sont décrites ou représentées dans Jonston, exang. 30. Aldrovand. de exang. 403. Belon, de aquat. 384. Charleton, exerc. 62. Gesner, aquatil. 350. Lister, hist. anim. angl. 169. & 222. tab. 7. n°. 23. Morton, north. 231. tab. 10. fig. 3. Plot, hist. oxon. 107. tab. 5. n°. 5. Langius, hist. lap. 124. tab. 35. Klein, echinod, 17. tab. 2. C. D. Mais M. de Réaumur a fait un travail plus utile ; il s'est attaché le premier à nous donner une idée exacte du squelete de l'animal, qui est un fort bel ouvrage, & à développer la méchanique singuliere de son mouvement progressif : c'est le sujet d'un mémoire curieux de cet illustre naturaliste, imprimé dans le recueil de l'académie des Sciences, année 1712. & dont voici le précis.

L'hérisson de mer est couvert d'une peau dure, raboteuse, hérissée tout-autour d'épines fortes & piquantes, qui lui servent de jambes. Sur nos côtes il est gros comme le poing, quelquefois comme un petit ballon, & communément de la figure d'un marron d'Inde garni de ses piquans. Il paroît tout d'une piece, car à peine sa tête peut-elle être distinguée de son corps. La partie par où il se nourrit, c'est-à-dire sa bouche, est dessous, & celle par où les anciens disent qu'il vuide ses excrémens, est vis-à-vis en-dessus. Il a cinq dents creuses & une petite langue. Son ventre est divisé en cinq parties, qui semblent plusieurs ventres séparés.

On le trouve sur les bords de la mer, où il se retire, quand les vagues commencent à s'enfler par quelque tempête ; ce qui a fait dire, qu'il étoit un prognostic d'un orage prochain. Les matelots mangent sa chair & ses oeufs, c'est tout l'usage qu'on en retire ; car quant à ses propriétés médicinales, rapportées par Dale d'après Dioscoride, personne n'y ajoute la moindre foi.

Son squelete est un corps osseux, dont la figure approche fort de celle d'une portion de sphere creuse, ou de celle d'un moule de bouton qui seroit creux. Il a de même une ouverture sur la partie la plus élevée de sa convexité, par laquelle Aristote assure que l'animal jette ses excrémens. Sur la surface opposée à cette ouverture, ou sur la surface qui représente la surface plane du moule, & qui ici est un peu arrondie, il y a une autre ouverture plus grande que la précédente, placée vis-à-vis d'elle, & c'est cette derniere ouverture qui est la bouche de l'hérisson.

La surface intérieure de ce squelete est raboteuse, ou marquée de diverses éminences, de diverses petites inégalités, mais disposées avec ordre. Elles partagent, en quelque façon, tout l'extérieur du corps en dix triangles sphériques isoceles, qui ont leur sommet à l'ouverture supérieure, & leur base à l'inférieure ; il y en a cinq grands, & cinq petits.

Tous les petits triangles & tous les grands triangles sont égaux entr'eux, & séparés les uns des autres par une petite bande qui est aussi triangulaire, au lieu que les triangles sont hérissés de diverses éminences ; chaque petite bande est percée d'un grand nombre de trous très-déliés, qui traversent l'épaisseur du squelete & qui en font admirer le travail.

Chaque petite éminence, ou apophyse, ressemble à une mammelle qui a son mamelon ; c'est sur chacune de ses petites apophyses que sont posées les bases des épines des hérissons. Le nombre de ces apophyses, ou ce qui revient au même, celui des épines est prodigieux ; M. de Réaumur en a trouvé deux mille cent ; mais comme il y en a d'extrêmement petites, il n'est guere possible de les compter d'une maniere sûre ; le nombre des petits trous qui sont sur les bandes qui séparent les triangles, est aussi très-considérable ; M. de Réaumur en a compté environ treize cent, nombre qu'il est bon de savoir, pour connoître combien l'hérisson a de jambes, ou, pour parler comme M. de Réaumur, de cornes, parce que ces jambes ressemblent aux cornes des limaçons.

Chacune de ces cornes tire son origine d'un de ces trous, & réciproquement il n'y a point de trou qui ne donne naissance à une corne ; elles ne sont presque sensibles que lorsque l'animal est dans l'eau, encore ne sont elles sensibles qu'en partie. S'il marche, il fait voir seulement quelques-unes de celles qui sont du côté vers lequel il avance ; si au contraire il est en repos, on n'apperçoit que celles qu'il a pu ou voulu fixer contre quelques corps, celles qui le tiennent en quelque façon à l'ancre : il applique leur extrémité contre ce corps, il les y colle si fortement, que, si on veut employer la force pour le détacher, on y parvient rarement sans casser une partie de celles qui l'attachoient ; enfin elles cessent presque entierement d'être visibles, lorsqu'on le tire de l'eau ; il les affaisse & les replie sur elles-mêmes, de sorte que l'on ne voit plus que leurs extrémités, qui ne sauroient être connoissables qu'à ceux qui les ont observés pendant que les cornes étoient gonflées, alors les bouts des cornes sont cachés entre les bases des épines, au lieu qu'ils surpassent leurs pointes lorsque l'hérisson les allonge.

L'appareil, avec lequel est formé un si petit animal, est quelque chose de bien merveilleux. Voilà treize cent cornes qu'il a seulement pour se tenir en repos, & plus de deux mille cent épines dont il peut se servir pour marcher : celles dont il fait l'usage le plus ordinairement, sont aux environs de sa bouche ; comme elles peuvent s'incliner également de tous côtés, les épines qui sont les plus proches & celles qui sont les plus éloignées de celui vers lequel il s'est déterminé d'aller, lui servent en même tems ; il se retire avec ses premieres, & se pousse avec les secondes ; il n'est pas difficile d'imaginer comment cela s'exécute.

L'hérisson porte les plus proches le plus loin qu'il peut de sa bouche, il accroche ou pique leurs pointes contre quelque corps aigu ; & au contraire il approche de sa bouche, ou du dessous de sa base, la pointe des épines les plus éloignées ; d'où il est clair que lorsqu'il fait effort ensuite pour ramener à soi les premieres, ou les tirer vers le dessous de sa base, & qu'il fait en même tems un autre effort pour relever les dernieres, ou les éloigner du dessous de sa base, il tire & pousse son corps en avant par ces deux efforts.

Tel est le mouvement progressif de l'hérisson, lorsqu'il marche la bouche en bas : mais on voit en même tems que quand il marche la bouche en haut, tout doit se passer d'une semblable maniere. Enfin il paroît qu'il peut marcher non-seulement étant disposé des deux manieres précédentes, mais encore dans une infinité d'autres positions, dans lesquelles la ligne qui passe par le centre des ouvertures où sont la bouche & son anus, est ou parallele, ou inclinée à l'horison sous divers angles.

Mais s'il peut marcher dans toutes ces situations, c'est-à-dire si la possibilité en est démontrée, combien alors faut-il de muscles pour faire mouvoir en tous sens & séparément deux mille cent épines, & treize cent jambes ou cornes ! Cependant les jambes ou cornes n'exécutent point le mouvement progressif des hérissons, ce sont les épines dont ils se servent pour marcher. M. de Réaumur s'en est convaincu dans des circonstances où il n'étoit pas possible de s'y méprendre : non-seulement il les a vû se mouvoir par leur moyen, les ayant mis dans des vases où l'eau de la mer les couvroit peu, & où il étoit par conséquent très-facile de les observer ; mais ayant mis même ces animaux sur sa main, il leur a vû exécuter le mouvement progressif avec leurs épines. (D.J.)

HERISSON, (Art milit.) dans la guerre des siéges est une grosse poutre, ou un arbre de la longueur de la breche, armé de pointes fort longues, qu'on fait rouler sur la rampe ou les débris de la breche pour empêcher l'ennemi de monter. Les hérissons sont soutenus par des chaînes ou des cordes, de maniere que si le canon en rompt une, ils sont retenus par les autres. On les fait rouler sur les breches par le moyen de rouleaux. Ils causent beaucoup d'incommodité à l'ennemi en tombant ou roulant sur lui lorsqu'il monte à l'assaut.

L'hérisson foudroyant est une espece de barril foudroyant, hérissé de pointes par le dehors : on le fait mouvoir sur deux roues par le moyen d'une piece de bois qui le traverse & qui sert d'aissieu aux roues. Voyez BARRIL FOUDROYANT. (Q)

HERISSON, (méchan.) c'est une roue dont les rayons aigus sont plantés directement sur la circonférence du cercle, & qui ne peuvent s'engager que dans une lanterne, & ne reçoivent le mouvement que d'elle. Voyez LANTERNE. Il y a des hérissons dans un grand nombre de machines, tant hydrauliques qu'autres. Voyez dans nos Planches la machine à friser les étoffes.

HERISSON FOUDROYANT. Les artificiers appellent ainsi une machine hérissée de pointes par le dehors, & chargée de composition par le dedans ; il sert à défendre les breches & les retranchemens.


HÉRISSONNÉadj. en terme de Blason, ne se dit que d'un chat ramassé & accroupi.


HÉRITAGES. m. (Jurisprud.) signifie ordinairement une terre, maison, ou autre immeuble réel. On appelle ces biens des héritages, parce qu'ils se transmettent par succession.

Héritage se prend quelquefois pour succession.

Dans certaines coûtumes, héritage signifie un propre ancien. (A)


HÉRITIERS. m. (Jurisprudence) est en général celui qui succede à tous les biens & droits d'un défunt.

Il y a néanmoins des héritiers qui ne succedent qu'à certains biens, tels que les héritiers particuliers, les héritiers des propres, des meubles & acquêts, comme on l'expliquera dans les subdivisions de cet article.

Il y a aussi certains droits qui sont tellement personnels, qu'ils ne passent point du défunt à l'héritier.

L'engagement que contracte un majeur en se portant héritier est irrévocable, de maniere que quand il se dépouilleroit ensuite des biens, il demeure sujet aux charges de la succession ; & celui qui, après avoir accepté, renonce en faveur d'un autre, aliquo dato, est regardé comme un héritier qui vend ses droits successifs.

L'engagement de l'héritier est universel, & s'étend à tous les droits actifs & passifs du défunt.

Il est aussi indivisible, c'est-à-dire que chaque héritier ne peut accepter la succession pour partie, & y renoncer pour le surplus.

L'héritier est reputé tel du moment de la mort de celui auquel il succede.

Il y a des héritiers appellés par la loi, & d'autres par testament ; quand il y en a plusieurs appellés concurremment sans fixer leurs parts, ils succedent par égales portions.

Toute personne peut être héritier en vertu de la loi ou du testament qui l'appelle, pourvû qu'elle n'ait point en elle de cause d'incapacité.

Les enfans morts nés ne sont point capables de succéder, mais ceux qui ont vécu, ne fût-ce qu'un moment, sont habiles à recueillir les successions ouvertes dans l'intervalle de leur naissance à leur décès.

Les bâtards ne peuvent être héritiers ab intestat, mais ils peuvent être institués héritiers par testament.

Les aubains sont incapables de toute succession.

Il en est de même des religieux profès, & des personnes qui sont condamnées à quelque peine qui emporte mort civile.

Il y a plusieurs causes pour lesquelles l'héritier est réputé indigne de succéder ; savoir, lorsqu'il attente à la vie de celui dont il étoit l'héritier présomptif, ou même seulement s'il a quelque part à sa mort, quand ce ne seroit que par négligence ; s'il attente à son honneur ; si, depuis le testament, il survient entre le testateur & l'héritier, par lui institué, quelque inimitié capitale, telle qu'elle puisse faire présumer un changement de volonté de la part du testateur ; si l'héritier a contesté l'état du défunt ; s'il ne poursuit pas la vengeance de sa mort ; s'il traite de sa succession de son vivant & à son insçu ; s'il l'a empêché de faire un testament ; enfin s'il a prêté son nom pour un fidei-commis tacite.

Si la cause d'indignité ne subsiste plus au tems de la mort du défunt, l'héritier n'est pas exclus ; par exemple, si après une inimitié capitale il y a eu réconciliation.

Il y a quelques personnes qui ne peuvent avoir d'héritiers proprement dits, soit ab intestat, ou testamentaires ; tels sont les aubains & ceux qui sont morts civilement.

Les bâtards ne peuvent avoir pour héritiers ab intestat que leurs enfans nés en légitime mariage.

Ceux qui n'ont point de parens connus, n'ont point d'héritiers ab intestat.

Lorsque le fisc succede par droit d'aubaine, bâtardise, déshérence, confiscation, il n'est pas véritablement héritier.

Les droits attachés à la qualité d'héritier sont de délibérer s'il acceptera la succession, ou s'il y renoncera ; & en cas d'acceptation de la succession, d'en recueillir les biens ; en cas de renonciation, il cesse de jouir des droits attachés à la qualité d'héritier : il peut accepter la succession purement & simplement ou par bénéfice d'inventaire ; dans ce dernier cas, on l'appelle héritier bénéficiaire.

L'héritier peut faire réduire les legs & les fideicommis, lorsqu'ils sont excessifs. Voyez QUARTE FALCIDIE & QUARTE TREBELLIANIQUE.

Il est libre à l'héritier qui a accepté, de vendre ou donner l'hérédité, & d'en disposer comme bon lui semble ; il la transmet aussi à son héritier, lorsqu'il n'en a pas disposé autrement.

Il y a des biens qui sont tellement affectés aux héritiers du sang, que l'on ne peut en disposer à leur préjudice en tout ou partie selon les coûtumes. Voyez HERITIERS DES PROPRES & PROPRES.

Les héritiers ont entr'eux plusieurs droits respectifs, tels que celui de se demander partage, & l'obligation de se garantir mutuellement leurs lots ; tels sont aussi le droit d'accroissement & celui d'obliger son cohéritier en ligne directe de rapporter à la succession ce qu'il a reçu en avancement d'hoirie.

On devient héritier par l'adition d'hérédité, & cette adition se fait ou en prenant qualité d'héritier, ou s'immisçant dans les biens.

Les engagemens de l'héritier sont en général d'acquiter toutes les charges de l'hérédité, telles que les dettes, les legs, substitutions & fidei-commis.

Si le défunt a commis quelque crime ou délit, l'héritier n'est jamais tenu d'en supporter la peine, si ce n'est la peine pécuniaire, au cas qu'il y ait eu condamnation prononcée contre le défunt. A l'égard des intérêts civils & réparations, on les peut demander contre l'héritier, quand même il n'y auroit eu ni condamnation, ni action intentée contre le défunt.

L'héritier pur & simple est tenu des dettes indéfiniment ; l'héritier bénéficiaire n'en est tenu que jusqu'à concurrence de ce qui l'amende de la succession.

Lorsqu'il y a plusieurs héritiers, chacun est tenu des dettes personnellement pour sa part & portion, & hypothécairement pour le tout.

Les autres regles qui concernent cette matiere, se trouveront expliquées dans les subdivisions suivantes, & aux mots PROPRES, SUCCESSION. (A)

HERITIER AB INTESTAT ou LEGITIME, est celui qui est appellé par la loi à recueillir une succession ; on l'appelle ab intestat par abréviation du latin, ab intestato, pour dire que c'est celui qui recueille la succession, lorsque le défunt n'a point fait de testament, & n'a point institué d'autre héritier. Voyez HERITIER TESTAMENTAIRE.

HERITIERS DES ACQUETS, est le plus proche parent qui est appellé à la succession des meubles & acquêts. Voyez HERITIER DES PROPRES. (A)

HERITIER BENEFICIAIRE ou PAR BENEFICE D'INVENTAIRE, est celui qui n'accepte la succession qu'après avoir fait bon & fidele inventaire, & avec déclaration qu'il n'entend accepter la succession qu'en cette qualité d'héritier bénéficiaire.

Le bénéfice d'inventaire commença d'être introduit par l'empereur Gordien, en faveur des soldats qui se trouvoient engagés dans une hérédité onéreuse, auxquels il accorda le privilege que leurs propres biens ne seroient pas sujets aux charges de l'hérédité.

Ce privilege fut ensuite étendu à tous héritiers testamentaires & ab intestat, par l'empereur Justinien en la loi scimus, au code de jure deliberandi. Pour en jouir, il faut que l'héritier fasse bon & fidele inventaire, qu'il fasse vendre les meubles, qu'il obtienne en chancellerie des lettres de bénéfice d'inventaire, & qu'il les fasse entériner par le juge du lieu où la succession est ouverte.

Dans les pays de droit écrit, il n'est pas besoin d'obtenir des lettres du prince pour jouir du bénéfice d'inventaire.

Quelques édits bursaux ont pourtant ordonné que l'on prendroit aussi des lettres pour se porter héritier bénéficiaire. En pays de droit écrit, ces édits n'ont pas eu leur pleine exécution, mais par d'autres réglemens rendus pour les pays de droit écrit, on oblige de faire insinuer les inventaires par extrait, ensemble les actes d'acceptation & jugement, qui permettent de se porter héritier bénéficiaire ; & l'on fait payer pour cette insinuation le même droit que pour les lettres de bénéfice d'inventaire.

Ce que l'on entend par bénéfice d'inventaire est le privilege qu'a l'héritier, qui a accepté sous cette condition, de n'être tenu des dettes de la succession que jusqu'à concurrence du montant de l'inventaire, c'est-à-dire des forces de la succession, en rendant compte aux créanciers de ce qu'il a reçu & dépensé.

Si les legs excédoient le montant des biens, il pourroit les faire réduire jusqu'à concurrence des biens.

Il a aussi l'avantage de ne point confondre ses créances, & de pouvoir les exercer vis-à-vis des créanciers de la succession à l'effet de retenir par lui les biens de la succession jusqu'à concurrence de ses créances, selon l'ordre de ses privileges & hypotheques : mais en exerçant ainsi ses créances, il ne cesse pas pour cela d'être héritier ; car la qualité d'héritier même bénéficiaire prise par un majeur, est un caractere indélébile, & c'est mal-à-propos que quelques praticiens ont introduit l'usage de faire renoncer l'héritier bénéficiaire pour exercer ses créances, & de faire créer un curateur à la succession vacante. On ne doit créer de curateur qu'à l'effet d'entendre le compte de l'héritier, & de défendre à la liquidation de ses créances. Du reste, l'héritier bénéficiaire demeure toujours héritier ; il lui suffit, sans renoncer, de présenter son compte aux créanciers, & de faire voir qu'il absorbe par ses créances tout ce qu'il a eu de la succession, ou du moins de retenir ce qui est nécessaire pour le remplir lui-même, & d'abandonner le surplus aux créanciers ; s'il survenoit ensuite du bénéfice dans la succession, il ne laisseroit pas d'appartenir à l'héritier bénéficiaire.

Quoique l'héritier bénéficiaire ne confonde pas ses créances, il faut pourtant observer qu'il ne peut pas exercer contre un bien des droits dont il seroit lui-même garant en qualité d'héritier du défunt.

Dans les pays coûtumiers, l'héritier pur & simple exclut l'héritier bénéficiaire en succession collatérale, ce qui n'a pas lieu en pays de droit écrit.

Au parlement de Paris, l'héritier bénéficiaire, qui est condamné aux dépens, ne les doit pas en son nom, à moins que l'on n'en ait conclu, & que cela n'ait été ainsi ordonné : dans la plûpart des autres parlemens, il les doit toujours en son nom : au parlement de Grenoble, on juge qu'il ne les doit pas en son nom, lorsque le procès a été intenté de l'avis des créanciers. Voyez Le Brun, des successions, liv. 3. ch. 4. (A)

COHERITIER, voyez à la lettre C.

HERITIER COLLATERAL, est celui qui n'est pas de la ligne directe du défunt, mais qui vient en ligne collatérale : tels sont les freres & soeurs, oncles & tantes, neveux & nieces, cousins & cousines du défunt. Voyez COLLATERAL & SUCCESSION COLLATERALE. (A)

HERITIER CONTRACTUEL, est celui qui succede en vertu d'un contrat, c'est-à-dire d'une institution d'héritier faite par contrat de mariage ou autre. Voy. SUCCESSION CONTRACTUELLE. (A)

HERITIER CONVENTIONNEL, est la même chose qu'héritier contractuel. (A)

HERITIER DIRECT, signifie quelquefois celui qui succede en ligne directe, comme sont les enfans & petits-enfans, & les ascendans ; & en ce sens, les héritiers directs sont opposés aux héritiers collatéraux.

On entend quelquefois par héritier direct celui qui recueille directement la succession, à la différence de l'héritier fideicommissaire, auquel l'héritier grevé est chargé de remettre l'hérédité. (A)

HERITIER DE DROIT, est celui qui est appellé par la loi, à la différence des héritiers contractuels & testamentaires, qui sont appellés par la volonté de l'homme. (A)

HERITIER ELU, est celui qui est choisi par l'héritier grevé, lorsqu'il avoit le pouvoir de choisir entre plusieurs personnes celle à laquelle il voudroit remettre l'hoirie. (A)

HERITIER ETRANGER, extraneus. On apelloit ainsi chez les Romains tous héritiers qui n'étoient point héritiers nécessaires, comme les esclaves du défunt, ni héritiers siens & nécessaires, sui & necessarii, comme les enfans du défunt, qui étoient en sa puissance au tems de la mort ; il étoit libre aux héritiers étrangers d'accepter la succession ou d'y renoncer, au lieu que les héritiers nécessaires & ceux que l'on appelloit sui & necessarii, étoient obligés de démeurer héritiers. Voyez le §. coeteri 3. aux Instit. de haered. qualit. & ci-après HERITIER NECESSAIRE, HERITIER SIEN, HERITIER VOLONTAIRE. (A)

HERITIER FIDEICOMMISSAIRE, est celui auquel un héritier grevé de fideicommis est tenu de remettre l'hoirie dans le tems & sous les conditions portées au testament. Voyez FIDEICOMMIS & HERITIER FIDUCIAIRE & SUBSTITUTION. (A)

HERITIER FIDUCIAIRE, est en général celui qui est chargé de remettre l'hoirie à une autre personne ; mais on ne donne ordinairement cette qualité qu'à ceux qui sont institués uniquement pour avoir l'administration des biens de l'hoirie jusqu'à la remise d'icelle, & à la charge de la remettre en entier sans pouvoir faire aucune détraction de quarte ; il est assez ordinaire en pays de droit écrit, que le mari & la femme s'instituent l'un l'autre héritier à la charge de remettre l'hoirie à leurs enfans, ou à celui d'entre eux que l'héritier voudra choisir au tems du mariage, ou majorité des enfans, ou dans quelque autre tems fixé par le testament. On peut aussi instituer un autre parent pour héritier fiduciaire. L'héritier fiduciaire est tenu de rendre compte des fruits de l'hoirie au fideicommissaire, ou à ceux qui le représentent. Voyez FIDEICOMMIS, & les décisions de droit de Fromental au mot FIDEICOMMIS. (A)

HERITIER GREVE, est un héritier institué par testament ou par contrat de mariage, lequel est grevé de substitution envers quelqu'un. Voyez FIDEICOMMIS & SUBSTITUTION. (A)

HERITIER INSTITUE, est celui qui est appellé par testament ou par une institution contractuelle. Voyez INSTITUTION D'HERITIER & INSTITUTION CONTRACTUELLE. (A)

HERITIER AB INTESTAT, voyez ci-devant la premiere subdivision de cet article.

HERITIERS IRREGULIERS, sont certaines personnes qui recueillent les biens d'un défunt comme successeurs extraordinaires, & non comme héritiers naturels, tels que le roi & les seigneurs, lorsqu'ils succedent par droit d'aubaine, bâtardise, déshérence, confiscation : tels sont aussi les mari & femme, qui succedent en vertu du titre unde vir & uxor, & la femme pauvre, lorsqu'elle prend une quarte en vertu de l'authentique praeterea.

HERITIER LEGITIME, est celui qui est appellé par la loi ; cette qualité est opposée à celle d'héritier institué ou testamentaire. (A)

HERITIER MATERNEL, est le plus proche parent du côté maternel, & qui recueille les biens provenus au défaut de ce côté, suivant la régle paterna paternis, materna maternis. Voyez le tr. des propres de Renusson, ch. ij. sect. 9. (A)

HERITIER DES MEUBLES ET ACQUETS, est le plus proche parent du défunt qui succede à tous ses meubles meublans, effets & droits mobiliers, & à tous ses acquêts ; c'est-à-dire à tous les immeubles qui ne sont pas propres. L'héritier des meubles & acquêts peut aussi être héritier des propres de sa ligne, quand il est en même tems le plus proche par cette ligne. (A)

HERITIER MOBILIAIRE, est celui qui recueille la succession des meubles ; dans quelques coûtumes, il est tenu d'acquiter toutes les dettes. (A)

HERITIER NATUREL, est celui qui est appellé par la loi, & non par aucune disposition de l'homme. (A)

HERITIERS NECESSAIRES étoient chez les Romains les esclaves institués par leurs maîtres, qui, en les nommant héritiers, leur laissoient aussi la liberté. On les appelloit nécessaires, parce qu'étant institués, il falloit absolument qu'ils fussent héritiers, & ils ne pouvoient pas renoncer à la succession quelque onéreuse qu'elle fût. Parmi nous, on ne connoît plus d'héritiers nécessaires ; tout héritier présomptif a la liberté d'accepter ou de renoncer. Voyez §. 1. aux Institut. quibus ex causis manumittere non licet, & au tit. de haeredum qualitate, & le code de necessariis senis instit. Voyez ci-après HERITIERS SIENS. (A)

HERITIER NOMME ou ELU se dit ordinairement de l'héritier fideicommissaire, qui est nommé par l'héritier fiduciaire lorsque celui-ci avoit le pouvoir de nommer entre plusieurs personnes celle qu'il jugeroit à propos. (A)

HERITIER PARTICULIER, est celui qui ne recueille qu'une portion des biens du défunt, comme la moitié, le tiers, le quart, ou autre quotité, ou qui n'est héritier que d'un certain genre de biens, comme des meubles & acquêts, ou des propres, ou qui n'est institué héritier qu'à l'effet de recueillir un corps certain, comme une maison, une terre. L'héritier particulier est opposé à l'héritier universel.

HERITIER PATERNEL, est celui qui est le plus proche parent du côté paternel, & qui recueille les biens provenus au défunt de ce même côté, de même que l'héritier maternel prend les biens maternels. Voyez ci-devant HERITIER MATERNEL. (A)

HERITIER PORTIONNAIRE, est celui qui ne recueille pas l'universalité des biens, mais seulement une partie, soit une certaine quotité, ou une certaine nature des biens. C'est la même chose qu'héritier particulier. (A)

HERITIER POSTHUME, est celui qui est né depuis le décès du défunt de cujus bonis ; mais qui étoit déjà conçu au moment de l'ouverture de la succession. Voyez POSTHUME. (A)

HERITIER PRESOMPTIF, est celui qui est en degré auquel on peut succeder, & que l'on présume qui sera héritier : on lui donne cette qualité, soit avant le décès du défunt, ou depuis l'ouverture de la succession, jusqu'à ce qu'il ait pris qualité, ou fait acte d'héritier, ou renoncé. (A)

HERITIER PRINCIPAL, est celui d'entre plusieurs héritiers qui est le plus avantagé, soit par le bénéfice de la loi & de la coûtume, soit par les dispositions des pere, mere, ou autres, de la succession desquels il s'agit.

La coûtume de Poitou, art. 215 & 289, appelle le fils ainé héritier principal.

C'est aussi une clause assez ordinaire dans les contrats de mariage, que les pere & mere mariant un de leurs enfans, le marient comme leur fils aîné & principal héritier.

Il est parlé de ces reconnoissances & déclarations d'héritier principal, dans les coûtumes d'Anjou & Maine, Normandie, Touraine & Lodunois.

Dans ces coûtumes on ne peut disposer des biens que l'héritier marié comme héritier principal doit avoir en cette qualité ; on peut seulement disposer des biens qui ont été acquis depuis.

Lorsque la coûtume n'en parle pas, la déclaration de principal héritier n'empêche pas de disposer à titre particulier & onéreux ; ce n'est qu'une institution d'héritier dans sa portion héréditaire ab intestat, qui empêche seulement de faire aucun avantage aux autres héritiers à titre gratuit & universel ; on peut pourtant rappeller les autres héritiers au droit naturel & commun des successions. Voyez le traité des conventions de succéder, par Boucheul. (A)

HERITIER DES PROPRES, est celui qui est appellé par la loi à la succession des biens propres ou patrimoniaux ; il y a l'héritier des propres paternels, & l'héritier des propres maternels. Voyez PROPRES & SUCCESSION. (A)

HERITIER PUR ET SIMPLE, est celui qui accepte la succession, ou qui fait acte d'héritier sans prendre les précautions nécessaires pour jouir du bénéfice d'inventaire. Voyez HERITIER BENEFICIAIRE. (A)

HERITIER DU SANG ou HERITIER LEGITIME, est celui qui est du même sang que le défunt, & qui vient à la succession en vertu de la loi, à la différence des héritiers contractuels & testamentaires qui viennent en vertu de la disposition de l'homme. (A)

HERITIERS SIENS ET NECESSAIRES, sui & necessarii, chez les Romains étoient les enfans ou petits-enfans du défunt qui étoient en sa puissance au tems de son décès. On les appelloit sui, siens, parce qu'ils étoient comme propres & domestiques du défunt, & en quelque façon propriétaires présomptifs de ses biens dès son vivant : on les appelloit aussi necessarii, parce que, suivant la loi des douze tables, ils étoient obligés de demeurer héritiers ; en quoi ils étoient semblables aux esclaves qui étoient institués héritiers, lesquels étoient aussi héritiers nécessaires, mais non pas héritiers siens : ceux-ci avoient par l'autorité du préteur le bénéfice de se pouvoir abstenir de la succession, & par ce moyen ils devenoient héritiers volontaires : parmi nous il n'y en a plus d'autres. Voyez le §. 1. & 2. aux instit. de haered. qualit. la loi in suis ff. de liberis & posthumis haered. instit. & ci-devant HERITIER NECESSAIRE. (A)

HERITIER SIMPLE dans certaines coûtumes, se dit pour héritier pur & simple. Voyez Artois, Berry, Nivernois & Sedan. (A)

HERITIER SUBSTITUE, est celui qui recueille la succession au défaut d'un autre qui est le premier institué. Voyez FIDEI-COMMIS, HERITIER INSTITUE & SUBSTITUTION. (A)

HERITIER TESTAMENTAIRE, est celui qui est institué par testament ; on l'appelle ainsi pour le distinguer des héritiers légitimes qui sont appellés par la loi, & des héritiers contractuels qui sont institués par un contrat entre-vifs. Voyez HERITIER, SUCCESSION, TESTAMENT. (A)

HERITIER VOLONTAIRE, est celui qui est libre d'accepter la succession ou d'y renoncer ; il y avoit chez les Romains des héritiers nécessaires, & d'autres volontaires, qu'on appelloit aussi héritiers étrangers ; parmi nous tous héritiers sont volontaires. Voyez ci-devant HERITIER NECESSAIRE & HERITIERS SIENS & NECESSAIRES. (A)

HERITIER UNIVERSEL, est celui qui succede à tous les biens & droits du défunt, soit en vertu de la loi ou de la disposition de l'homme ; il est opposé à héritier particulier, lequel ne recueille qu'une portion de biens. (A)


HERMANEsub. fém. (Hist. nat. bot.) hermania, genre de plante à fleur en rose, composée de plusieurs pétales faits en forme de tuyau & de cornet, & disposés en rond ; le calice est circulaire & composé d'une seule feuille ; il en sort un pistil qui devient dans la suite un fruit arrondi ; il s'ouvre en cinq pieces, il est divisé en cinq loges, & il renferme de petites semences. M. de Tournefort a donné à ce genre de plante le nom de Paul Herman, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

Les Botanistes hollandois cultivent dans leurs jardins plusieurs especes de ce genre de plante ; ils en mettent des rejettons dans une couche de terre légere, qu'ils arrosent & abritent pendant une couple de mois, jusqu'à ce qu'ils ayent pris racine ; ensuite ils portent la motte de terre avec les racines dans des pots garnis d'une nouvelle terre, qu'ils exposent en plein air, avec les myrthes & le géranium, jusqu'à la mi-Octobre ; alors ils les placent dans l'endroit de la serre le moins chaud, & dans lequel ils puissent avoir de l'air frais ; ils les arrosent souvent & les changent de pots aux mois de Mai & de Septembre, pour empêcher leurs racines de se mater.

Cette plante par une telle culture, fournit au commencement du printems une grande quantité de très-belles fleurs ; mais elle ne produit point de graine. Celle qu'on reçoit des pays étrangers, requiert d'être semée dans une couche un peu chaude ; & quand la jeune plante a poussé, on la transplante dans de petits pots qu'on plonge dans de nouvelles couches semblables pour avancer son enracinement ; enfin, on l'endurcit par degrés à l'air de l'été, après quoi l'on est sûr de ses succès. (D.J.)


HERMANSTAD(Géog.) Cibinium, grande ville de Hongrie, capitale de la Transylvanie, & la résidence du prince de Transylvanie ; elle est sur la riviere de Ceben, à 12 de nos lieues E. de Weissembourg, 36 N. O. de Tergowisk, 65 N. E. de Belgrade, 108 S. E. de Bude. Long. 43. lat. 46. 25. (D.J.)


HERMANUBISsub. masc. (Antiquit.) c'est-à-dire Mercure & Anubis joints ensemble ; divinité égyptienne, dont la statue représentoit un corps d'homme avec une tête de chien ou d'épervier, qui tient un caducée dans la main. La tête de chien ou d'épervier, sont les symboles d'Anubis, considéré comme grand chasseur en fauconnerie ou en vénerie. Ovide l'appelle en sa qualité de véneur, latrator Anubis ; le caducée désigne Mercure : d'autres fois l'Hermanubis est vétu en habit de sénateur, tenant le caducée de la main gauche, & le sistre des Egyptiens de la main droite. On trouve ces deux especes de représentations sur des médailles & des pierres gravées, comme le remarque M. Spon, dans ses recherches curieuses d'antiquités. Plutarque parle aussi de cette divinité bizarre, & quelques mythologistes en expliquent les moralités à leur fantaisie. (D.J.)


HERMAPHRODITES. & adj. (Anat.) personne qui a les deux sexes, ou les parties naturelles de l'homme & de la femme.

Ce terme nous vient des Grecs ; ils l'ont composé du nom d'un dieu & d'une déesse, afin d'exprimer en un seul mot, suivant leur coûtume, le mélange ou la conjonction de Mercure & de Vénus, qu'ils ont cru présider à la naissance de ce sujet extraordinaire. Mais soit que les Grecs ayent puisé cette prévention dans les principes de l'Astrologie, ou qu'ils l'ayent tirée de la Philosophie hermétique, ils ont ingénieusement imaginé qu'hermaphrodite étoit fils de Mercure & de Vénus. Il falloit bien ensuite donner au fils d'un dieu & d'une déesse une place honorable ; & c'est à quoi la fable a continué de prêter ses illusions. La nymphe Salmacis étant devenue éperduement amoureuse du jeune hermaphrodite, & n'ayant pu le rendre sensible, pria les dieux de ne faire de leurs deux corps qu'un seul assemblage ; Salmacis obtint cette grace, mais les dieux y laisserent le type imprimé des deux sexes.

Cependant ce prodige de la nature, qui réunit les deux sexes dans un même être, n'a pas été favorablement accueilli de plusieurs peuples, s'il est vrai ce que raconte Alexander ab Alexandro, que les personnes qui portoient en elles le sexe d'homme & de femme, ou pour m'expliquer en un seul mot, les hermaphrodites, furent regardés par les Athéniens & les Romains comme des monstres, qu'on précipitoit dans la mer à Athènes & à Rome dans le Tibre.

Mais y a-t-il de véritables hermaphrodites ? On pouvoit agiter cette question dans les tems d'ignorance ; on ne devroit plus la proposer dans des siecles éclairés. Si la nature s'égare quelquefois dans la production de l'homme, elle ne va jamais jusqu'à faire des métamorphoses, des confusions de substances, & des assemblages parfaits des deux sexes. Celui qu'elle a donné à la naissance, & même peut-être à la conception, ne se change point dans un autre ; il n'y a personne en qui les deux sexes soient parfaits, c'est-à-dire qui puisse engendrer en soi comme femme, & hors de soi comme homme, tanquam mas generare ex alio, & tanquam foemina generare in se ipso, disoit un canoniste. La nature ne confond jamais pour toûjours ni ses véritables marques, ni ses véritables sceaux ; elle montre à la fin le caractere qui distingue le sexe ; & si de tems à autre, elle le voile à quelques égards dans l'enfance, elle le décele indubitablement dans l'âge de puberté.

Tout cela se trouve également vrai pour l'un & l'autre sexe : que la nature puisse cacher quelquefois la femme sous le dehors d'un homme, ce dehors, cette écorce extérieure, cette apparence, n'en impose point aux gens éclairés, & ne constitue point dans cette femme le sexe masculin. Qu'il y ait eu des hommes qui ont passé pour femmes, c'est certainement par des caracteres équivoques ; mais la surabondance de vie, source de la force & de la santé, ne pouvant plus être contenue au-dedans, dans l'âge qui est la saison des plaisirs, cherche dans cet âge heureux à se manifester au-dehors, s'annonce, & y parvient effectivement. C'est ce qu'on vit arriver à la prétendue fille Italienne, qui devint homme du tems de Constantin, au rapport d'un pere de l'Eglise. Dans cet état vivifiant de l'humanité, le moindre effort peut produire des parties qu'on n'avoit point encore apperçûes ; témoin Marie Germain, dont parle Paré, qui après avoir sauté un fossé, parut homme à la même heure, & ne se trouva plus du sexe sous lequel on l'avoit connue.

Les prétendus hommes hermaphrodites qui ont l'écoulement menstruel, ne sont que de véritables filles, dont Colombus dit avoir examiné les parties naturelles internes, sans y avoir trouvé rien d'essentiel, qui fût différent des parties naturelles des autres femmes. Ce petit corps rond, caverneux, si sensible, qui est situé à la partie antérieure de la vulve, a presque toûjours fait qualifier d'hermaphrodites, des filles, qui par un jeu de la nature, avoient un corps assez long pour en abuser. Le même Columbus, dont nous venons de parler, a vû une Bohémienne, qui lui demanda de retrancher ce corps, & d'élargir le conduit de sa pudeur, pour pouvoir, disoit-elle, recevoir les embrassemens d'un homme qu'elle aimoit.

L'hermaphrodite negre d'Angola, qui a fait tant de bruit à Londres, au milieu de ce siecle, étoit une femme qui se trouva dans le même cas de la Bohémienne de Columbus ; & ce cas est moins rare dans les pays brûlans d'Afrique & d'Asie, que parmi nous.

La fameuse Marguerite Malaure eût passé pour une hermaphrodite indubitable, sans Saviard. Elle vint à Paris en 1693, en habit de garçon, l'épée au côté, le chapeau retroussé, & ayant tout le reste de l'habillement de l'homme ; elle croyoit elle-même être hermaphrodite ; elle disoit qu'elle avoit les parties naturelles des deux sexes, & qu'elle étoit en état de se servir des unes & des autres. Elle se produisoit dans les assemblées publiques & particulieres de medecins & de chirurgiens, & elle se laissoit examiner pour une legere gratification, à ceux qui en avoient la curiosité.

Parmi ces curieux qui l'examinoient, il y en avoit sans-doute plusieurs, qui manquant de lumieres suffisantes pour bien juger de son état, se laisserent entraîner à l'opinion la plus commune qu'elle leur inspiroit, de la regarder comme une hermaphrodite. Il y eut même des medecins & des chirurgiens d'un grand nom, qui assurerent hautement qu'elle étoit réellement telle qu'elle se disoit être, & justifierent par leurs certificats, que l'on peut avoir acquis beaucoup de réputation en Medecine & en Chirurgie, sans avoir un grand fonds de connoissances solides, & de véritable capacité.

Enfin, M. Saviard se trouvant presque le seul homme de l'art qui fût incrédule, se rendit aux pressantes sollicitations que lui firent ses confreres de jetter les yeux, & d'examiner ce prodige en leur présence. Il ne l'eût pas plutôt vû, qu'il leur déclara que ce garçon avoit une descente de matrice ; en conséquence, il réduisit cette descente, & la guérit parfaitement. Ainsi l'énigme inexplicable d'hermaphrodisme dans ce sujet, se trouva développé plus clair que le jour. Marguerite Malaure, rétablie de sa maladie, présenta au roi sa requête très-bien écrite, pour obtenir la permission de reprendre l'habit de femme, malgré la sentence des capitouls de Toulouse, qui lui enjoignoit de porter l'habit d'homme.

Concluons donc, que l'hermaphrodisme n'est qu'une chimere, & que les exemples qu'on rapporte d'hermaphrodites mariés, qui ont eu des enfans l'un de l'autre, chacun comme homme & comme femme, sont des fables puériles, puisées dans le sein de l'ignorance & dans l'amour du merveilleux, dont on a tant de peine à se défaire.

Il faut pourtant demeurer d'accord, que la nature exerce des jeux fort étranges sur les parties naturelles, & qu'il a paru quelquefois des sujets d'une conformation extérieure si bizarre, que ceux qui n'ont pû en développer le véritable génie, sont en quelque façon excusables.

En 1697, M. Saviard, que je viens de nommer, accoucha une femme à terme de deux jumeaux vivans, dont l'un ne vécut que huit jours, & l'autre fut mis aux enfans trouvés à cause de la singularité de son sexe.

L'un de ces enfans avoit une verge bien formée, située à l'endroit ordinaire avec le gland découvert, au-dessus duquel le prépuce renversé formoit un bourrelet. Cette verge n'avoit point d'urethre ; il n'y avoit par conséquent aucune perforation à l'extrémité du gland ; elle n'étoit formée que des deux corps caverneux & des tégumens ordinaires ; & ces corps caverneux avoient aussi leurs muscles érecteurs & accélerateurs.

Son scrotum étoit fendu en maniere de vulve ; & au-bas de cette fente, il y avoit un trou que l'on auroit pû prendre pour un vagin ; l'urine sortoit par cette ouverture ; il y avoit autour de petites éminences rougeâtres, que l'on pouvoit prendre pour les caroncules myrtiformes. On voyoit au-dessous un repli de la peau, qui pouvoit passer pour ce que l'on appelle la fourchette dans les femmes ; & il y avoit à côté d'autres rides, que l'on pouvoit regarder comme des vestiges de nymphes. Enfin, dans chaque côté du scrotum ainsi fendu, l'on sentoit bien distinctement un testicule. Les parties génitales intérieures étoient disposées comme dans les mâles ; & comme il n'y avoit aucune apparence de matrice, ni de ses dépendances, il résulte que c'étoit un sujet mâle dont la situation de l'urethre étoit changée par un défaut de conformation, qui l'auroit rendu incapable d'avoir des enfans. Son frere jumeau qui fut mis aux enfans trouvés, mourut six semaines après sa naissance ; & c'est dommage que nous n'ayons pas la description de ses parties naturelles.

M. Saviard vit encore l'année suivante un second enfant d'une femme qu'il accoucha à terme, qui avoit à-peu-près les mêmes défauts à ses parties génitales, que le précédent. Son urethre étoit fendue depuis l'extrémité du gland, jusqu'à la racine de la verge ; ce qui séparoit le scrotum en deux bourses, où chacun des testicules étoit contenu. Le prépuce renversé au-dessus du gland, formoit un bourrelet tout semblable au sujet dont on vient de parler ; & l'urethre sortoit par un trou qui étoit à la racine de la verge, à l'endroit où est situé l'urethre des femmes. Il s'ensuit de-là, que ce sujet auroit été pareillement incapable de génération. J'ai choisi ces deux faits de Saviard seulement, parce qu'on peut compter sur son témoignage.

Feu M. Petit, medecin de Namur, à qui les Anatomistes doivent beaucoup d'observations importantes sur le cerveau, sur l'oeil, & sur les nerfs, en a donné une très-curieuse dans l'Hist. de l'acad. des Scienc. ann. 1720, sur un hermaphrodite intérieur, qu'on me passe ce terme. C'étoit un soldat, qui ayant été blessé, mourut à 22 ans à l'hôpital de Namur ; le chirurgien major qui l'ouvrit, par la seule curiosité du caractere de sa blessure, fut bien surpris de ne point trouver les testicules dans le scrotum ; cependant il les trouva dans le bas-ventre, mais avec une espece de matrice ou de vagin, & la sorte d'appareil de parties de la génération qui est dans les femmes. Cette espece de matrice étoit attachée au col de la vessie, & par son embouchure perçoit l'urethre entre le col & les prostates. Du corps de cette matrice partoient de côté & d'autre deux cornes ou trompes qui s'attachoient à deux ovaires féminins, ou si l'on veut, testicules masculins, petits, mous, & qui avoient chacun leur épidydime, & leurs vaisseaux déférens.

Enfin, on a vû, on a peint, on a gravé une hermaphrodite qui parut à Paris aux yeux du public en 1749. Elle étoit alors âgée de 16 ans, n'avoit point eu ses regles, n'avoit aucune apparence de gorge naissante, ni les hanches aussi élevées, qu'il auroit convenu au corps d'une fille de son âge : je dis fille, parce qu'elle avoit été baptisée du sexe féminin ; car d'ailleurs Paré, dans son traité des Monstres, ch. vij. p. 1015, rapporte l'histoire de trois sujets qui avoient été baptisés & élevés pour filles, & dont les parties de l'homme se développerent à l'âge de puberté.

Quoi qu'il en soit, la verge de Marie-Anne Drouart, c'étoit son nom, recouverte de son prépuce, garnie d'un peu de poil à la racine, avoit son gland & deux corps caverneux ; mais le canal de l'urethre y manquoit pour le passage de l'urine ; le prépuce laissoit une ouverture, qui approchoit de la vulve d'une femme. Cette ouverture se terminoit en-bas par un repli assez semblable à la fourchette, avec un petit bouton, tel que celui qui se trouve dans les jeunes vierges. Au-dessus de ce bouton étoit le trou du canal de l'urethre, lequel canal étoit fort court. L'ouverture de la vulve étoit très-étroite, & admettoit avec peine l'intromission du petit doigt ; on n'y voyoit point de caroncules myrtiformes, ni d'apparence de testicules, soit dans les aines, soit dans ce qui tient lieu de scrotum ; en un mot, ce sujet n'avoit & n'aura, s'il vit encore, la puissance d'aucun sexe.

Voilà les seuls faits autentiques de ma connoissance sur la maniere la plus étonnante, dont la nature se joue dans la conformation des parties de la génération. Je sai que plusieurs écrivains ont publié des traités exprès sur les hermaphrodites. Tel est Aldrovandus, dans son livre de Monstris, Bononiae, 1642, fol. Caspar Bauhin, de Hermaphroditis ; Oppenheim, 1614, in-8 °. Jacobus Mollerus, de Cornutis & Hermaphroditis, Berolini, 1708, in-4 °. Duval, traité de l'Accouchement des femmes, & des Hermaphrodites, Rouen, 1612, in-8 °.

J'ai parcouru tous ces écrits en pure perte, ainsi que les questions Medico-legales de Zacchias, Spondanus, ad annum 1478, num. 22. Bonaciolus, de conformatione foetus ; les nouvelles littéraires de la mer Baltique, année 1704, par Loffhagen, & autres semblables, dont je ne conseille la lecture à personne. Je recommanderai seulement le discours de Riolan sur les hermaphrodites, dans lequel il prouve qu'il n'y en a point de vrais. Mais, ce qui vaut encore mieux, c'est l'ouvrage publié dernierement à Londres par M. Parsons, & qu'on auroit dû nous traduire en françois ; il est intitulé Parsons's Mechanical, and Critical Enquiry into the nature of hermaphrodites, London, 1741, in-8°. L'auteur y démontre savamment & brievement, que l'existence des hermaphrodites n'est qu'une erreur populaire. (D.J.)

HERMAPHRODITE, (Mythol.) fils de Mercure & de Vénus, comme l'indique son nom. Ce jeune homme doué de toutes les graces de la nature, à ce que prétend l'histoire fabuleuse, fut éperduement aimé de la nymphe Salmacis, dont il méprisa la tendresse ; elle l'apperçut un jour qu'il se baignoit dans une fontaine de la Carie, & l'occasion lui parut favorable pour satisfaire son amour : mais le coeur de cet ingrat resta glacé ; & dans le désespoir où étoit la nymphe, de ne pouvoir faire passer jusqu'à lui une partie du feu qui la consumoit, elle invoqua les dieux, & leur demanda que du-moins leurs deux corps ne fussent jamais séparés ; sa priere fut écoutée, & par une étrange métamorphose, ils ne devinrent plus qu'une même personne. Ovide peint ce changement en ces mots,

Nec foemina dici,

Nec puer ut possent, neutrumque, & utrumque videntur.

Le fils de Vénus obtint à son tour, que tous ceux qui se laveroient dans la même fontaine éprouveroient le même sort.

L'explication de cette fable n'est pas facile ; on sait seulement qu'il y avoit dans la Carie, près de la ville d'Halycarnasse, une fontaine célebre, où s'humaniserent quelques barbares qui étoient obligés d'y venir puiser de l'eau aussi-bien que les Grecs. Le commerce qu'ils eurent avec ceux-ci les rendit non-seulement plus polis, mais leur inspira le goût du luxe de cette nation voluptueuse ; & c'est peut-être, dit Vitruve, ce qui peut avoir donné à cette fontaine la réputation de faire changer de sexe. Au bout du compte, qu'importe la raison ? la fable est très-jolie. (D.J.)


HERMAPOLLONS. m. (Antiq.) statue ou figure composée de Mercure & d'Apollon, représentant un jeune homme avec les symboles de l'une & de l'autre divinité, le pétase & le caducée, avec l'arc & la lyre. (D.J.)


HERMATHENES. f. (Antiq.) figure emblématique, représentant sur une même base, Mercure d'une part, & de l'autre Minerve, dont le nom grec est Athènes, suivant la remarque de Cicéron.

On connoît que des statues mises sur des piés quarrés représentent ces deux divinités dont nous parlons, par leurs attributs ; par exemple, le coq sous l'aigrette, les aîlerons sur le casque ; un sein d'homme, & la bourse, désignent Mercure ; le casque & l'égide, dévoilent Minerve. M. Spon a donné quelques représentations d'hermathenes, dans ses recherches d'antiquités. On y voit page 98, la forme d'un piédestal, sur lequel est la figure de Pallas armée d'un casque, d'une pique & d'un bouclier.

Il étoit assez ordinaire de faire des fêtes, & des sacrifices communs à ces deux divinités, parce que l'une présidoit à l'éloquence, & l'autre à la science, & que l'éloquence sans érudition, n'est qu'un son infructueux, comme le savoir sans l'art de le mettre au jour, est un trésor souvent inutile. Il appartenoit aux Grecs d'avoir leurs lycées parés d'hermathenes ; il appartenoit à Cicéron d'en vouloir orner sa maison de Tusculum ; quidquid ejusdem generis habebis, écrivoit-il à Atticus, ne dubitaveris mittere... quod ad me de hermathenâ scribis, singulare insigne hujus gymnasii, per mihi gratum est, lui manda-t-il ensuite : enfin ayant reçu cette hermathene du choix d'Atticus, il en fut enchanté ; hermathena tua me valde delectat, lui écrivit-il pour l'en remercier.

Tristan dans son Comm. hist. tom. 1. a fait graver une médaille fort singuliere des Triumvirs, où sont d'un côté leurs trois têtes, & au revers une hermathene, devant laquelle est un autel entouré de serpens, qui s'élevent au-dessus, & derriere une aigle romaine ou légionaire ; mais Tristan ne s'est pas montré bien habile, en prenant le buste pour le dieu Terme, & en supposant conséquemment, qu'il se trouvoit ici trois divinités représentées.

Tout ce qu'on appelle hermathene, hermapollon, hermanubis, herméracle, herm'harpocrate, &c. sont des piédestaux quarrés ou cubiques, portant l'emblême de Mercure, avec la tête d'une autre divinité seulement, & l'on en possede encore plusieurs pour preuve ; cependant je penserois volontiers avec M. Middleton, que les têtes des deux divinités ont été quelquefois jointes ensemble sur le même pilastre, & regardant de différens côtés, comme nous le voyons dans quelques figures antiques, que nous appellons toutes aujourd'hui indistinctement, du nom de janus. (D.J.)


HERMÉDONou plutôt HARMÉDONE, s. f. (Astronom.) c'est dans les anciens une suite d'étoiles qui sortent de la crête de la baleine.


HERMÉES. m. (Chronolog.) le second mois de l'année des Thébains & des Béotiens. Il étoit de trente jours comme les autres, & répondoit à notre mois d'Octobre. C'étoit aussi le second de l'année thébaine, mais il répondoit à notre mois de Novembre.

HERMEES, s. f. pl. (Antiq.) fêtes en l'honneur de Mercure, dont le nom grec étoit hermès ; on les célébroit avec différentes cérémonies, dans le Péloponese, en Béotie, en Crete, & ailleurs. Pendant la célébration de ces fêtes dans l'isle de Crete, les maîtres servoient leurs esclaves à table ; cet usage s'observoit également chez les Athéniens, chez les Babyloniens, & dans les saturnales des Romains. Potter, Archaeol. graec. l. II. c. xx. t. 1. p. 896. vous fournira les détails de la célébration des hermées, suivant les différens lieux. (D.J.)


HERMÉMITHRAS. m. (Myth.) symbole d'une divinité, composée d'un Mercure & d'un Mithra. Voyez MERCURE. Voyez MITHRA.


HERMÉROSS. m. (Antiq.) statue composée de Mercure & de Cupidon, comme le nom l'indique ; , Mercure, & , l'Amour. M. Spon a donné la figure d'un herméros dans ses Rech. curieuses d'antiq. p. 98 fig. 14. C'est un jeune garçon dépeint comme on nous représente l'amour ; il tient une bourse de la main droite, & un caducée de la main gauche, qui sont les deux symboles sous lesquels on a coutume de désigner Mercure. Pline parlant des beaux ouvrages de sculpteurs, fait mention des hermérotes de Tauriscus. Ce mot d'héméros a été souvent donné en surnom par les Grecs & par les Romains ; il y en a plusieurs exemples dans les inscriptions de Gruter. Dict. de Trévoux. (D.J.)


HERMESadj. m. & f. ou TERRES HERMES, (Jurisprud.) on appelle ainsi certaines terres vacantes & incultes, que personne ne réclame. Ces biens appartiennent au seigneur haut-justicier, par droit de deshérence. Voyez DESHERENCE.


HERMÈSS. m. (Antiq.) nom de certaines statues antiques de Mercure, faites de marbre, & quelquefois de bronze, sans bras & sans piés. Hermès est au propre le nom grec de Mercure, & ce nom passa à ces statues.

Les Athéniens, & depuis à leur exemple, les autres peuples de la Grece, représenterent ce dieu par une figure cubique, c'est-à-dire quarrée de tous les côtés, sans piés, sans bras, & seulement avec la tête. Servius rend raison de cet usage par une fable ; des bergers, selon lui, ayant un jour rencontré Mercure endormi sur une montagne, lui couperent les piés & les mains, pour se vanger de quelque tort qu'il leur avoit fait ; ce conte signifie peut-être, qu'ayant trouvé quelque statue de ce dieu, ils la mutilerent de cette maniere, & en placerent le tronc à la porte d'un temple. Suidas explique moralement la coutume de figurer les statues de Mercure quarrées, sans piés & sans bras, & de les placer aux vestibules des temples & des maisons ; car dit-il, comme on tenoit à Athènes Mercure pour le dieu de la parole & de la vérité, on faisoit ses statues quarrées & cubiques, pour indiquer que la vérité est toujours semblable à elle-même, de quelque côté qu'on la regarde.

Suidas parle des hermès comme s'ils étoient particuliers à la ville d'Athènes ; c'est qu'ils avoient été inventés dans cette ville, & qu'ils s'y trouvoient en plus grande quantité que par-tout ailleurs. On comptoit au nombre des principaux hermès, les Hipparchiens ; Hipparchus, fils de Pisistrate, tyran d'Athènes, avoit érigé ceux-ci non-seulement dans la ville, mais dans tous les bourgs & villages de l'Attique, & avoit fait graver sur chacun, différentes sentences morales, pour porter les hommes à la vertu.

On mit aussi des hermès dans les carrefours & les grands chemins du pays, parce que Mercure, qui étoit le messager des dieux, présidoit aux grands chemins, ce qui lui valut le surnom de Trivius, du mot trivium, qui signifie un carrefour, & celui de Viacus, du mot via, chemin, comme le prouvent quelques inscriptions copiées dans Gruter.

Lorsqu'au lieu de la tête de Mercure, on mettoit la tête d'un autre dieu, comme de Minerve, d'Apollon, de Cupidon, d'Hercule, d'Harpocrate, ou d'Anubis, alors le pilastre devenoit un composé des deux divinités, dont on réunissoit les noms, & qu'on appelloit hermathenes, hermapollon, herméros, herméracle, herm'harpocrate, hermanubis. Voy. tous ces mots.

On ne se contenta pas de représenter des dieux sous ces formes de statues ; on érigea des hermès à la gloire des grands hommes, pour lesquels Athènes étoit passionnée ; le lycée & le portique en étoient remplis. On y voyoit entr'autres l'hermès de Miltiade, avec ces mots, Miltiade Athénien, & on lisoit au-dessous ces deux vers :


HERMÉTIQUE(PHILOSOPHIE) c'est le nom le plus honorable de l'Alchimie, ou de l'art de transmuer les métaux ignobles en métaux parfaits, par le moyen du magistere, du grand élixir, de la divine pierre, de la pierre philosophale, &c. Voyez PIERRE PHILOSOPHALE.

C'est proprement la science, le système de principes & d'expériences, la théorie de l'art, le dogme que les alchimistes les plus modestes ont désigné par le nom de philosophie hermétique. Ils ont bien voulu qu'on les distinguât par ce titre spécial, des philosophes vulgaires ; c'est-à-dire des plus profonds métaphysiciens, des plus sublimes physiciens ; des Descartes, des Newton, des Leibnitz. Car les vrais alchimistes, les initiés, les adeptes prétendent à la possession exclusive de la qualité de philosophes ; ils sont les philosophes par excellence, les seuls sages. Ils ont emprunté, par un travers fanatique & extravagant, le ton & les expressions mêmes que l'éloquence chrétienne emploie à établir la prééminence des vérités révélées sur la Philosophie du siecle. Ils apprécient avec un mépris froid & sentencieux, les sciences humaines, vulgaires, communes. Ils traitent la leur de surnaturelle, de divinement inspirée, d'accordée par une grace supérieure, &c. Ils se sont fait un jargon mystique, une maniere enthousiastique, sur laquelle ils ne fondent pas moins la supériorité de leur art que sur son précieux objet.

Cette science est déposée dans cinq ou six mille traités, dont Borel & l'abbé Lenglet Dufrenoy ont dressé la liste ; liste qui s'est grossie depuis que ces auteurs l'ont rédigée, & que quelques nouveaux ouvrages augmentent de tems-en-tems.

Nous traiterons à l'article pierre philosophale de la pratique de l'Alchimie, de l'exécution de la grande merveille que la science promet, du grand oeuvre : & nous n'aurons presque dans cet article qu'à discuter la réalité de ses promesses, l'existence de l'art ; nous nous occuperons dans celui-ci de ses préceptes écrits, transmis, raisonnés ; en un mot de la doctrine des livres.

Les lecteurs les plus instruits, les Alchimistes, les auteurs d'Alchimie eux-mêmes, les Philosophes hermétiques conviennent que les livres de leurs prédécesseurs, aussi-bien que les leurs propres, sont très-obscurs. Il est évident que les plus habiles d'entre les Chimistes qui ont admis la réalité de la transmutation métallique, n'ont pas entendu les livres d'Alchimie, n'en ont rien, absolument rien entendu. Becher qui a fait des traités fort longs, fort raisonnés, fort doctes pour démontrer la possibilité de la génération & de la transmutation des métaux, savoir les trois supplémens de sa physique soûterraine, prouve mon assertion d'une maniere bien évidente, soit par les sens forcés qu'il donne à la plûpart des passages qu'il cite, soit par le peu de fruits qu'il a tirés de son immense érudition. En effet Becher, le plus grand des Chimistes, après avoir tiré de tous les philosophes hermétiques les plus célébres, des autorités pour étayer sa doctrine de transmutation, qu'il considere sous un changement particulier qu'il appelle mercurification (Voyez MERCURIFICATION), n'est parvenu par toute cette étude, qu'à deux découvertes de peu d'importance, si même ces découvertes n'ont dévancé la théorie. La premiere est l'extraction & la réduction du fer caché dans la glaise commune, opérations très-vulgaires qui lui ont imposé pour une vraie génération. La seconde est sa mine de sable perpétuelle, dont l'exploitation avec profit n'est pas démontrée, & qui, si ce profit étoit réel, pourroit la faire compter tout au plus parmi ces améliorations ou ces augmentations qui sont dûes aux procédés que les gens de l'art appellent des particuliers, c'est-à-dire des moyens d'obtenir des métaux parfaits par des changemens partiaux ; opérations bien différentes de la transmutation générale proprement dite, ou du grand oeuvre, qui doit changer son sujet entiérement, absolument, radicalement. Voyez PARTICULIER & PIERRE PHILOSOPHALE.

Au reste, ces ouvrages de Becher sont, malgré sa magnifique, sa sublime théorie, tout aussi obscurs que ceux des cent très-célebres alchimistes qu'il cite : car après avoir établi comme l'extrait, l'abrégé de toute l'Alchimie, summa Alchimiae, que sa fin, son moyen & son principe, sont le mercure ; il avertit qu'on doit bien se donner de garde de prendre pour le mercure dont il parle le mercure coulant ordinaire, qu'il ne s'agit du-tout point de celui-là ; que son mercure, le mercure des Sages & des Philosophes, mercurius sophicus, celui qu'il appelle medium objectum ou tinctura, est le mercure de l'or : quod (aurum) totâ suâ substantiâ mercurius est, communi mercurio, quoad substantiam in omnibus similis, sed quoad qualitates in omnibus ei contrarius : nempè fixus, coctus, calidus, siccus, digestus, purus, unde qualitatem & vim mercurium communem digerendi & alterandi habet. Il est presque inutile d'ajoûter, & par conséquent un être imaginaire, du-moins tout aussi arcane que ce qui est le plus gratuitement promis, ou le plus soigneusement caché dans tous les ouvrages hermétiques.

Je pense avec l'auteur du discours historique sur la Chimie, imprimé à la tête du cours de Chimie, selon les principes de Newton & de Stahl, qu'on ne sauroit donner une idée plus claire des principes & de la maniere des écrivains alchimistes, qu'en rapportant un morceau remarquable de quelque adepte fameux. L'auteur dont je suis l'idée transcrit un long passage de Riplée, chanoine de Brilingthon. Ce passage est très-bien choisi : le voici.

" J'ai promis de donner divers procédés ; mais il faut que j'explique les termes obscurs. Les Philosophes se servent de divers noms ; par-là ils cachent leur science à ceux qui en sont indignes. Notre pierre est une matiere unique. Il y a une substance qui porte le nom d'un des sept jours ; elle paroît vile, mais on en retire une humeur vaporeuse, qu'on nomme le sang de lion vert ; de ce sang on forme l'eau appellée blanc d'oeuf, eau-de-vie, la rosée de Mai : cette eau donne une terre appellée soufre vif, chaux du corps du soleil, coque d'oeuf, céruse, arsenic. L'eau contient l'air, la terre renferme le feu, l'un & l'autre se pourrissent ensemble : on en peut séparer les quatre élémens par la distillation & l'extraction. Mais pour former le grand élixir, il suffit de séparer l'eau de la terre, de calciner la terre, de rectifier l'eau en la faisant circuler, de la rejoindre ensuite à la terre. Quand vous lirez dans quelque philosophe, prenez une telle matiere, souvenez-vous qu'il ne vous marque que la pierre ou ses parties. L'arsenic, par exemple, est le feu de la pierre, le soufre l'air, l'huile le feu ; l'ammoniac noir dissout la terre, le mercure l'eau, & quelquefois le mercure même, le mercure sublimé, l'eau exaltée avec sa chaux qui se doit congeler en sel. Ce sel se nomme salpêtre, ou soufre de Bacon. Quand vous lirez, prenez du mercure, de l'arsenic, du saturne, le lion vert ; ne prenez pas l'argent vif, l'arsenic du vulgaire, le vermillon, le cuivre & le vitriol. Je dis la même chose de l'or & de l'argent ; bannissez les sels, les eaux corrosives qui ne sont pas métalliques. Le dessein des Philosophes, c'est d'imiter la nature ; ils ont voulu former en peu de tems ce qu'elle donne en plusieurs années. Pour faire l'or & l'argent, ils ont pris une terre rouge & une terre blanche ; ils les joignent jusqu'à-ce qu'elles soient fixes & fusibles. L'or n'est qu'une terre rouge unie à un mercure rouge : l'argent est une terre blanche incorporée à un mercure blanc. On doit fixer ces mercures dans leur terre, jusqu'à-ce qu'ils soûtiennent toutes sortes d'épreuves. Il faut qu'un peu de cette composition puisse teindre une grande quantité de quelque métal que ce soit. Les Philosophes ne se sont pas servi d'or & d'argent pour cette teinture ; c'est pour cela qu'ils ont dit qu'elle ne demandoit pas de dépense. La plûpart de ceux qui cherchent la pierre, travaillent sur l'or, l'argent, ou le mercure vulgaire ; ils se trompent. L'or & l'argent des Philosophes sont renfermés dans un même corps que la nature n'a pas amené à sa perfection. C'est dans cette terre blanche ou rouge que les Philosophes disent que la pierre est le lion vert, l'assa foetida, la fumée blanche ; ils se sont servi de ces noms pour faire illusion aux ignorans. Par le lion vert on entend la semence de l'or. L'assa foetida signifie l'odeur que donne la matiere impure dans la premiere distillation. Le nom de fumée blanche vient des vapeurs blanches qui s'élevent au commencement. Plusieurs s'imaginent que la matiere de la pierre est dans les excrémens ; ils se fondent sur les Philosophes qui disent qu'elle se présente sous une forme désagréable, qu'elle est en tout lieu, qu'elle prend naissance entre deux montagnes, qu'on la foule aux piés, qu'elle vient de mâle, de femelle ; mais ils se trompent. Les Philosophes nous avertissent eux-mêmes que ce n'est pas dans les matieres fécales qu'il faut chercher la pierre.

Il se présente ici une difficulté, suivant ce que nous venons de dire. Ce n'est pas dans l'or & l'argent qu'il faut chercher la pierre : cependant les Philosophes nous disent ailleurs que la pierre n'est pas dans des matieres d'un genre différent ; ils entendent par-là seulement, qu'elle vient du premier principe, c'est-à-dire de la chaleur naturelle ou végétable. Si l'on ne connoît pas cette chaleur qu'on a nommée ventre de cheval ; feu humide, fumier, c'est en vain qu'on travaillera ".

On retrouve la même maniere dans le plus ancien des auteurs purement alchimistes, dont l'ouvrage ait été imprimé, Morien, romain, hermite de Jérusalem, de qui Boerhaave a dit qu'il avoit écrit castissimè, c'est-à-dire sans-doute, sincerement ; & qu'il étoit compté parmi les auteurs purissimos, c'est-à-dire apparemment les moins défigurés par les copistes, les traducteurs, les éditeurs. Le morceau le plus clair de cet ouvrage, c'est son dernier chapitre qui contient l'exposition des matériaux, specierum. L'auteur annonce d'abord dans ce chapitre, que les Philosophes qui l'ont précédé ont caché ces especes sous différens noms, pour que ceux qui chercheroient ce magistere indignement, fussent induits absolument en erreur. Il explique ensuite chaque nom mystérieux par des noms connus ; & il ajoûte : " Quoique le vrai nom des especes soit révélé, laissez les fous chercher toutes les autres choses nécessaires à savoir pour la confection de ce magistere, & s'égarer en les cherchant, parce qu'ils ne parviendront à l'effectuer que quand le soleil & la lune seront réduits en un même corps ; ce qui ne peut arriver sans le précepte divin ".

De sorte que, de l'aveu même des philosophes hermétiques, ou les noms des matieres sont cachés, ou bien interpretés d'une maniere illusoire ou inutile. Leurs procédés ne sont jamais mieux voilés que lorsqu'ils paroissent exposés le plus nuement : car lorsque toutes les matieres, toutes les opérations & tous les produits sont des choses connues, il est unanimement avoué que ces choses connues sont des emblèmes de choses cachées. Les philosophes hermétiques écrivent donc très-obscurement à dessein, par état, par esprit de corps ; ils en font profession.

Il faut distinguer ces auteurs en deux classes ; les écrivains d'Alchimie pure, qui, comme Morien & Riplée que nous venons de citer, & la tourbe reléguée de la vraie Chimie, n'ont discouru que de la pratique essentielle de l'Alchimie, de la confection du grand-oeuvre. Les autres sont ceux qui dans des ouvrages où ils ont eu pour objet premier & fondamental la transmutation métallique, ont enchâssé cependant dans le jargon alchimique des découvertes sur l'art de traiter les corps par le feu & les menstrues, c'est-à-dire la Chimie générale ; y ont décrit des opérations & des instrumens nouveaux ou perfectionnés, ou enfin qui ont enrichi l'art de préparations utiles, usuelles, ou de théories philosophiques lumineuses. Ceux qui sont les plus distingués dans cette derniere classe tiennent aussi le premier rang parmi les premiers chimistes depuis Geber jusqu'à Becher. Voyez la partie historique de l'article CHIMIE, dans lequel on trouvera (depuis la page 425 au bas de la premiere colonne, jusqu'à la fin de la page 428) sur les antiquités alchimiques & sur les plus anciens auteurs, des recherches fort étendues, & qu'il auroit été inutile de répéter ici, même en extrait ou en abrégé.

Je crois pouvoir déduire du petit nombre d'observations que je viens de rapporter sur les écrits alchimiques, que sans décider même de la nullité de l'art & de la frivolité des prétextes allégués pour défendre l'obscurité de la doctrine, que ce seroit, dis-je, une manie bien bizarre que celle de s'occuper à pénétrer le sens des énigmes hermétiques ; qu'il est très-probable même que ces énigmes n'ont pas un sens. J'ai sacrifié un tems assez considérable à parcourir les plus célebres des ouvrages hermétiques purs anciens & modernes, imprimés & manuscrits, pour en tirer les matériaux des trois articles de ce Dictionnaire, savoir l'historique de l'article CHIMIE, celui-ci, & l'article PIERRE PHILOSOPHALE ; & je puis assûrer avec vérité que l'extrait de toutes les connoissances qu'on y peut puiser pour l'acquisition du grand arcane, le véritable esprit de tous ces livres peut se réduire à cette formule tirée d'Avicenne par Becher : qui accipit quod debet & operatur sicut debet, procedit indè sicut debet : " celui qui prend ce qu'il faut & opere comme il faut, réussit par-là comme il faut " ; & à ce beau précepte, labora & ora, travaille & prie. Or quand même cet appareil de mystère ne seroit pas rebutant en soi, qu'il se trouveroit des esprits pour qui ces ténebres même seroient un appât très-séduisant, au-moins qu'il y auroit eu des siecles & des nations dont la philosophie auroit été reservée à un petit nombre d'élus ; certainement ce goût n'est ni de notre siecle ni de notre nation ; notre philosophie est communicative & amie de l'évidence. Les mystères hermétiques ne sauroient s'accommoder avec sa méthode, ni tenter ses sectateurs.

Je sais bien qu'il y aura beaucoup de grands chimistes qui accuseront ce jugement de paresse ou d'ignorance. Mais nous répondrons encore que tel est le goût de notre siecle, que nous sommes parvenus enfin, tout à-travers de l'enthousiasme des Sciences, à apprécier assez sainement les merveilles qu'elles nous découvrent, pour croire les acheter trop cher, s'il faut les puiser dans des ouvrages seulement prolixes, dissous dans une surabondance de paroles, d'observations, de théories, d'expériences, s'il est permis à un chimiste d'employer dans un article de chimie une image chimique, à plus forte raison si ces ouvrages sont obscurs. Nous osons donc être dégoûtés des ouvrages même des alchimistes de la seconde classe, des Lulles, des Paracelses, &c. en avouant pourtant qu'il faut que les vrais maîtres de l'art s'abreuvent de ces premieres sources, toutes troubles & ameres qu'elles sont.

Les Alchimistes ne se sont pas contentés de cacher leurs arcanes vrais ou prétendus, par l'obscurité de leurs écrits, ils les ont encore enveloppés sous des hiéroglyphes ou des emblèmes tout aussi peu intelligibles. Les plus fameux auteurs hermétiques ont orné leurs ouvrages de quelques-uns de ces tableaux emblématiques, & même ils ont dressé des suites d'emblèmes. La plus complete qui soit parvenue jusqu'à nous est connue sous le nom de liber mutus ; elle est gravée à la fin de la Bibliotheque chimique de Manget, & à la fin de nos Planches de Chimie. (b)


HERMÉTIQUEMENT(scellé) Chimie. C'est fermer un vaisseau de verre, en faisant fondre & couler en une seule masse continue les parois de son orifice. (b)


HERMHARPOCRATES. m. (Antiq.) statue de Mercure, avec une tête d'Harpocrate. Cette statue a des piés & des mains, puisqu'elle a des aîles aux talons, ce qui designe Mercure, & qu'elle met le doigt sur la bouche, symbole d'Harpocrate. Il y a des hermès qui nous représentent Harpocrate, assis sur une fleur de lotus, tenant le caducée d'une main, & portant le fruit de pêcher sur la tête. M. Spon, qui parle des Hermharpocrates dans ses Recherches curieuses, dit que les anciens ont peut-être voulu nous apprendre par cette figure, que le silence est quelquefois éloquent, Mercure étant le dieu de l'éloquence & Harpocrate celui du silence. (D.J.)


HERMHÉRACLES. m. (Antiq.) statue ou pilastre composé de Mercure & d'Hercule, dont les noms grecs étoient Hermès & Héracle. C'est une divinité représentée en maniere d'un Hercule sur un herme, tenant d'une main la massue & de l'autre la dépouille du lion, ayant la forme humaine jusqu'à la ceinture, & le reste terminé en colonne quarrée.

On mettoit communément les Herméracles dans les gymnases & dans les académies, parce que Mercure & Hercule, c'est-à-dire l'adresse & la force, doivent présider aux exercices de la jeunesse ; & d'un autre côté, parce que la perfection de l'homme consiste dans une correspondance de la beauté de l'esprit & de la forme du corps.

Toutes les écoles de la Grèce étoient embellies de tableaux, de statues, & en particulier d'herméracles. Cicéron écrivant à Atticus, le prie de lui envoyer les statues & les herméracles qu'il lui a promis. " C'est comme vous savez, lui dit-il, pour orner cette salle des exercices que vous connoissez si bien ". Les curieux trouveront le type d'un herméracle dans les Rech. cur. d'Antiq. de M. Spon, p. 98. fig. 13. (D.J.)


HERMIAS. m. (Botan.) petit fruit des Indes, semblable au poivre pour la figure & pour la forme ; il est aussi attaché à un court pédicule, son écorce est rayée, sa couleur citrine ou rougeâtre, & son goût aromatique. Il fortifie l'estomac, dissipe les flatuosités, & s'emploie dans le relachement de la luette.


HERMIENS. m. (Théolog.) nom de secte. Hérétiques qui s'éleverent dans le second siecle, & qui furent ainsi appellés de leur chef Hermias.

On les appelle aussi séleucides. Voyez ce mot.

Ils enseignoient que Dieu est corporel, & que Jesus-Christ ne monta point au ciel avec son corps, mais qu'il le laissa dans le soleil. Voyez ASCENSION, Diction. de Trévoux. (G)


HERMINES. f. hermellanus, (Hist. nat. Zool.) animal quadrupede, plus grand que la belette, mais de la même forme ; il a environ neuf pouces & demi de longueur, depuis le bout du museau jusqu'à l'origine de la queue. L'hermine est entierement blanche en hiver, à l'exception du bout de la queue qui est noir ; en été, elle a les mêmes couleurs que la belette, excepté encore le bout de la queue qui reste noir ; le bord des oreilles & les quatre piés qui sont blancs. Dans cette saison, on lui donne le nom de roselet, & bien des gens croient que l'hermine & le roselet sont deux animaux différens : on sait cependant que les hermines du nord sont successivement blanches & brunes dans la même année. Gesner fait mention du même changement de couleur au sujet du roselet des montagnes de Suisse, qui est le même animal que l'hermine qui se trouve en France ; on ne peut pas douter qu'elle ne change en effet de couleur, puisque l'on en voit qui sont en partie brunes & en partie blanches sur la tête, sur le dos, & sur d'autres parties du corps où les poils blancs sont mêlés avec les poils bruns dans le tems de la mue. J'en ai eu une vivante prise en Bourgogne, que j'ai vu changer de couleur dans le mois de Mars ; en quinze jours, elle perdit sa couleur blanche, & devint brune comme la belette.

L'hermine a une très-mauvaise odeur ; à cela près, c'est un joli petit animal ; il a les yeux vifs, la physionomie fine, & les mouvemens si promts, qu'il n'est pas possible de les suivre de l'oeil. La peau de cet animal est précieuse ; tout le monde connoît les fourrures d'hermine : elles sont bien plus belles & d'un blanc plus mâle que celles du lapin blanc ; mais elles jaunissent avec le tems, & même les hermines de ce climat ont toujours une légere teinte de jaune. Ces animaux sont très-communs dans tout le nord, sur-tout en Russie, en Norvege, en Laponie ; ils se nourrissent de petits gris & de rats ; ils sont rares dans les pays tempérés, & ils ne se trouvent point dans les pays chauds. Hist. nat. gen. & part. à l'article de l'Hermine tom. VII. pag. 240. & suivantes. Voyez QUADRUPEDE.

HERMINE, (Pelletterie) La peau de l'hermine est une riche fourrure ; les pelletiers la tavellent ou parsement de mouchetures noires faites avec de la peau d'agneau de Lombardie, pour en relever la blancheur.

On se sert de l'hermine pour fourrer les habillemens d'hiver des dames ; on en fait des manchons, des bonnets, des aumusses, & des fourrures pour les robes de président à mortier.

C'est aussi de peaux d'hermine qu'est doublé le manteau royal des rois de France, & ceux que les princes & les ducs & pairs portent dans les grandes cérémonies.

Les queues d'hermine s'attachent ordinairement au bas des aumusses des chanoines, où elles forment des especes de pendeloques qui en augmentent la beauté & la valeur.

HERMINE, Ordre de l'(Hist.) nom d'un ordre de chevalerie institué l'an 1464 par Ferdinand roi de Naples. Le collier étoit d'or d'où pendoit une hermine avec cette devise : Malo mori quam faedari : J'aime mieux mourir que d'être souillée. Pontanus en fait mention au liv. I. de la guerre de Naples.

HERMINE, (Hist.) Ordre de chevalerie, dit de Bretagne, parce qu'il fut institué ou renouvellé par Jean V. surnommé le vaillant, duc de Bretagne, vers l'an 1365. Les chevaliers portoient le collier d'or chargé d'hermine avec cette devise à ma vie.

HERMINE, terme de blason, la premiere des deux fourrures qui y sont en usage, la seconde le vair. Voyez VAIR.

C'est un champ d'argent semé de petites pointes de sable en forme de triangles.


HERMINÉadj. (Blason) Une croix herminée est une croix composée de quatre mouchetures d'hermine, placées, comme on le voit, dans nos Planches de blason. Voyez CROIX.

Il faut remarquer que dans de telles armes les couleurs ne doivent point être exprimées, par la raison que ni la croix, ni les armes ne peuvent être que de couleur blanche ou de couleur noire.

Colombiere dans son blason appelle ces sortes d'armes quatre queues d'hermine en croix. L'éditeur de Guillim les appelle une croix de quatre hermines, ou plus proprement, quatre mouchetures d'hermine en croix.


HERMINETTES. f. (Tailland.) espece de hache à un ciseau, qui sert à applanir le bois. Les Charpentiers l'emploient aux ouvrages cintrés : c'est aussi un outil du charron.

Il y a deux sortes d'herminette, une à marteau & l'autre à piochon.

L'herminette à marteau a la tête d'un marteau d'un côté de l'oeil, & la planche ou herminette de l'autre. La planche est dans un plan perpendiculaire à l'oeil & au manche. Depuis l'oeil jusqu'au tranchant en biseau, elle va toujours en s'élargissant jusqu'à cinq ou six pouces ; son épaisseur est celle des coignées à épaule ou à touches. Elle se cintre un peu depuis l'oeil jusqu'au tranchant ; mais la courbure est plus considérable à environ six pouces du tranchant. La longueur du manche varie selon l'usage & la force de l'herminette. A celles des Charpentiers, il a dixhuit pouces de long ; des Déchireurs de bateau, environ trois piés.

L'herminette à piochon est ainsi appellée d'une espece de gouge, un peu cintrée sur sa largeur, & formant vers le tranchant un arc de cercle d'un pouce & demi ou environ. Cette forme sert à réparer les gorges ou moulures de menuiserie.

Pour faire une herminette, on prend une barre de fer, on perce l'oeil à la distance convenable des extrémités ; on forge la tête, si l'herminette est à marteau ; si elle est à piochon, on ne réserve de fer depuis l'oeil que ce qu'il en faut pour souder le piochon. L'oeil fini & tourné, on coupe la barre à pareille distance de l'oeil ; les deux parties gardées à pareille distance de l'oeil, s'appellent collets. On prend une barre de fer plat proportionnée à la force qu'on veut donner à la planche. A l'extrémité de cette barre qui sera le tranchant, on adapte une bille d'acier plat, on soude, corroie & forme la planche.

Nous observerons ici qu'aux tranchans à deux biseaux, l'acier est entre deux fers, & qu'aux tranchans à un biseau, l'acier est soudé sur une des faces de la barre.

On forme le piochon comme la planche, on les soude aux collets de l'oeil, & on les place en les soudant comme il convient à la forme de l'outil. Cela fait, on les repare au marteau & à la lime, puis on les trempe. La partie aciérée est en dehors, & le biseau en dedans ; ainsi la face non aciérée regarde le manche. Voyez nos Planch. de Tailland. de Menuiser. & de Charpent.


HERMINITE(Blason) Ce mot paroît un diminutif d'hermine, & devroit naturellement signifier petite hermine ; mais il signifie un fond blanc tacheté de noir, & dans lequel chaque tache noire est seulement mêlée d'un peu de rouge.

Quelques auteurs se servent du mot herminite, pour marquer un fond jaune tacheté de noir : mais les François lui donnent un nom plus juste en l'appellant, or semé d'hermines de sable.


HERMIONÉ(Géog. anc.) ancienne ville du Péloponese au royaume d'Argos, bâtie à quatre stades du promontoire, sur lequel étoit le temple de Neptune. M. Fourmont la reconnut dans son voyage de Grece en 1730, sur la simple description qu'en fait Pausanias, liv. II. ch. xxxjv.

Une peninsule qui s'étend dans la mer, en s'élargissant & s'arrondissant ensuite, forme deux ports ; la ville est située au-dessus ; des canaux, dont on voit le reste, y apportoient l'eau de plus haut ; deux villages des environs s'appellent encore Halica & Ilé. La vue du Didymos, de l'île Tiparénus, & la proximité du cap Scyllaeum, que l'on appelle encore Scylla, formoient de nouveaux caractères de ressemblance. Mais dès que M. Fourmont eut été dans les églises & dans les maisons, qu'il y eut trouvé beaucoup d'inscriptions qui parlent des Hermionéens, & qu'il eut apperçu des restes des murs de la structure extraordinaire desquels Pausanias n'a pas dédaigné de nous instruire ; M. Fourmont, dis-je, ne douta plus que ce ne fût là cette Hermioné, où il y avoit autrefois tant de temples, entr'autres celui de Cerès, surnommée Chtonia ; enfin cette même Hermioné dont les habitans ne croyoient pas qu'ils dussent rien payer à Caron, pour passer dans sa barque fatale, parce qu'ils étoient trop près de l'enfer, & que ce voisinage devoit les exempter du tribut ordinaire.

La pourpre de cette ville passoit pour la plus précieuse qu'il y eut au monde. Alexandre s'étant rendu maître de Suse, trouva dans Hermioné, dit Plutarque, entr'autres richesses cinq mille quintaux de pourpre, qu'on y avoit amassé pendant près de deux siecles, & cette pourpre conservoit encore toute sa fleur & son éclat. On comprendra de quelle immense richesse étoit ce magasin de pourpre, quand on se rappellera qu'elle se vendoit jusqu'à cent écus de France la livre, monnoie de nos jours ; en la supposant seulement à cent francs la livre, c'étoit un objet de cinquante millions. (D.J.)


HERMIONSS. m. (Géog. anc.) peuples de l'ancienne Germanie. Pline donne ce mot comme un nom collectif, qui étoit commun à quatre grandes nations ; savoir, les Sueves, les Hermundures, les Cattes & les Chérusques ; ils occupoient, selon Cluvier, les pays où sont maintenant la Silésie, la Moravie, la Boheme, les parties septentrionales de l'Autriche & de la Baviere, le Nortgow, une partie de la Franconie, la Hesse & la Thuringe ; mais Cluvier s'est ici donné bien des peines inutiles ; les noms d'Hermions & de Germains ne sont que différentes prononciations de noms du même peuple. (D.J.)


HERMITAGES. m. (Gram.) lieu solitaire où demeure un hermite ou anachorete qui est retiré, pour mener une vie religieuse.

Anciennement les hermitages étoient dans un desert, ou au fond de quelque forêt inhabitée, loin du commerce des hommes ; l'histoire ecclésiastique n'est que trop pleine d'exemples, de gens que l'amour de la singularité ou de l'abnégation de soi-même entraînoient dans de telles solitudes ; l'odeur de leur sainteté ne manquoit pas d'attirer auprès d'eux des disciples dont ils formoient un monastere, qui souvent étoit cause que la forêt se défrichoit, & qu'il se bâtissoit aux environs un bourg ou une ville. Il se trouve en Europe quantité de lieux qui doivent leur origine à un hermitage, devenu célebre par la réputation de l'hermite qui y demeuroit.

signifie une solitude, un désert ; de ce mot on a fait Eremitae, pour désigner ceux qui s'y retiroient, comme du verbe , qui veut dire s'éloigner, on a fait le mot anachorete : à présent les hermitages sont devenus rares, excepté en Espagne, où le seul évêque de Jaën a soixante-dix-huit hermitages dans son diocese.

Les hermitages consistent d'ordinaire en un petit bâtiment, comprenant une chapelle & une habitation pour l'hermite, avec un jardin qui fournit sa nourriture, outre les aumônes qu'il recueille. Il y a encore en Dauphiné, vis-à-vis de Tournon sur la côte, un petit hermitage autrefois fameux, qui donne son nom au territoire & à l'excellent vin qu'on y recueille. (D.J.)


HERMITES. m. (Hist. ecclés.) Homme dévot, qui s'est retiré dans la solitude, pour mieux vaquer à la priere & à la contemplation, & vivre éloigné des soins & des affaires du monde. Voyez ANACHORETE.

Un Hermite n'est point censé religieux, s'il n'a point fait de voeux. Voyez MOINE, VOEU.

Saint Paul, surnommé l'Hermite, passe communément pour le premier qui ait embrassé ce genre de vie ; quoique saint Jérôme dise au commencement de la vie de ce saint, que l'on ignore quel est celui qui a été le premier Hermite. Quelques-uns remontent à saint Jean-Baptiste, d'autres à Elie.

Les uns assurent que saint Antoine est l'instituteur de la vie hérémitique ; mais d'autres veulent qu'il n'ait fait qu'augmenter l'ardeur de cet état ; & que des disciples de ce saint disoient que c'étoit Paul de Thebes qui l'avoit le premier embrassée. On croit que ce fut la persécution de Déce & de Valerien qui donna lieu à ce genre de vie.

Quoique les anciens Hermites, comme saint Antoine, vecussent dans le desert, ils ne laissoient pas d'avoir plusieurs religieux avec eux. Voyez SOLITAIRE.

On les nommoit aussi Cénobites, parce qu'ils ne possedoient rien en propre : Claustraux, parce qu'ils étoient renfermés dans une étroite clôture, & séparés du reste du monde : Asectes, parce qu'ils s'exerçoient dans la pratique de la piété : Clercs, parce qu'ils étoient considérés comme l'héritage du Seigneur ; & Philosophes, parce qu'ils s'appliquoient à acquérir la vraie sagesse qui est la science du salut. Les femmes, à l'imitation des hommes, s'enfoncerent dans les deserts, & prirent, comme eux, la résolution de vivre en commun, & de s'enfermer dans des cloîtres ou dans leurs maisons. On les nomma Moniales, à cause de leur vie solitaire ; & Sanctimoniales, à cause de la sainteté de leur vie, qui étoit d'ailleurs extremement austere.

Hermites de saint Augustin, nom d'un ordre de religieux, qu'on appelle plus communément Augustins. Voyez AUGUSTIN.

On croit communément que saint Augustin, évêque d'Hyppone & docteur de l'Eglise, a été l'instituteur de cet ordre ; mais ce sentiment n'a aucune solidité. Il est vrai qu'il jetta les fondemens d'un ordre monastique vers l'an 388, qu'il se retira dans sa maison de campagne près de Tagaste avec quelques-uns de ses compagnons, pour y mener une vie religieuse ; mais il ne paroît pas que cet ordre ait toujours subsisté, & que les hermites de saint Augustin en descendent sans interruption.

Cet ordre ne commença proprement que sous Alexandre IV. dans le milieu du xiij. siecle, & fut formé par la réunion de plusieurs congrégations d'hermites, qui n'avoient point de régle ou qui n'avoient point celle de saint Augustin. Ces congrégations ont celle de Jean Bonifas, la plus ancienne de toutes, celle des hermites de Toscane, celle des Sachets ou freres du Sac, celle de Vallerfusa, de saint Blaise, de saint Benoît de Monte-Tabalo, de la Tour des Calmes, de sainte Marie de Murcette, de saint Jacques de Molinio, & de Loupsavo près de Lucques.

Ce n'est point Innocent IV. qui fit cette union, comme la plûpart des historiens de cet ordre le prétendent ; il avoit seulement uni ensemble quelques hermites en Toscane, auxquels il avoit donné la regle de saint Augustin, qui faisoient une congrégation séparée de celles dont nous venons de parler. Ce fut Alexandre IV. qui fit cette union, comme il paroît par sa bulle rapportée dans le Mare magnum des Augustins.

Ce pontife travailla à cette union dès la premiere année de son pontificat, c'est-à-dire l'an 1254. Les supérieurs de toutes les congrégations nommées ci-dessus, ne purent s'assembler qu'en 1256. L'union se fit dans ce chapitre général. Lancfranc Syctala, milanois, fut élu général, & l'ordre fut divisé en quatre provinces ; savoir, de France, d'Allemagne, d'Espagne & d'Italie.

Dans la suite, on a encore uni d'autres ordres à celui de saint Augustin, comme des pauvres catholiques, & maintenant cet ordre comprend quarante-deux provinces.

Après toutes ces réunions, cet ordre s'est divisé en plusieurs congrégations, auxquelles les relâchemens qui s'y introduisirent donnerent lieu. Telles sont celle des hermites déchaussés de saint Augustin, celle de Centorbi ou la réforme de Sicile, celle des Coloristes dans la Calabre.

Il y a aussi plusieurs congrégations de religieuses, sous le nom d'hermites de saint Augustin, & un tiers-ordre qui porte le nom. Voyez TIERS-ORDRE.

Hermites de Brittini, est une congrégation formée sous Gregoire IX. qui lui donna la regle de saint Augustin.

Ces religieux établirent leur premiere demeure dans un lieu solitaire appellé Brittini, dans la Marche d'Ancone, d'où on les appella Brittiniens. Ils menoient une vie très-austere, ne mangeoient jamais de viande, & jeûnoient souvent.

Hermite de Camaldoli. Voyez CAMALDULE.

Hermite de saint-Jérôme. Voyez JERONIMITE.

Hermite de saint Jean-Baptiste de la pénitence ; ordre religieux en Navarre, dont le principal couvent ou hermitage étoit à sept lieues de Pampelune.

Jusqu'à Grégoire XIII. ils vécurent sous l'obéissance de l'évêque de cette ville ; mais le pape confirma cet ordre, approuva leurs constitutions, & leur permit de faire des voeux solemnels. Leur maniere de vivre étoit très-austere ; ils marchoient nuds piés sans sandales, ne portoient point de linge, couchoient sur des planches, ayant pour chevet une pierre, & portant jour & nuit une grande croix de bois sur la poitrine.

Ils habitoient une espece de laure plutôt qu'un couvent, demeurant seuls dans des cellules séparées au milieu d'un bois. Voyez LAURE.

Hermites de saint Paul, premier hermite, est un ordre qui se forma dans le xiij. siecle de l'union de deux corps d'hermites ; savoir, de ceux de saint Jacques de Patache, & de ceux de Pisilie près de Zante.

Après cette réunion, ils choisirent pour patron & pour protecteur de leur ordre saint Paul premier hermite, & en prirent le nom. Cet ordre se multiplia beaucoup dans la suite en Hongrie, en Allemagne, en Pologne, & en d'autres provinces ; car il y avoit autrefois soixante & dix monasteres en Hongrie seulement ; mais ce nombre diminua beaucoup à l'occasion des révolutions & des guerres dont ce royaume fut affligé. Voyez le Dict. de Trév. (G)


HERMODACTES. m. hermodactilus, (Bot.) genre de plante à fleur liliacée, monopétale, ressemblante à la fleur de la flambe ; mais la racine est tuberculeuse, & presque disposée en forme de doigts. Tournefort, inst. rei herb. coroll. Voyez PLANTE. (I)

L'hermodacte ou la racine du colchique oriental, que les Botanistes appellent colchicum, radice siccatâ, albâ, est une racine dure, tubéreuse, triangulaire, ou représentant la figure d'un coeur coupé par le milieu, applati d'un côté, relevé en bosse de l'autre, & se terminant comme par une pointe, avec un sillon creusé de la base à la pointe sur le dos. Elle est d'un peu plus d'un pouce de longueur, jaunâtre en dehors, blanche en dedans ; étant pilée, elle se réduit facilement en une substance farineuse, d'un goût visqueux, douceâtre, avec une légere acrimonie.

Quand cette racine est dépouillée de ses enveloppes, on la distingue seulement de celle du colchique commun, par le goût, la couleur & la dureté. Mr. Tournefort a souvent trouvé l'hermodacte dans l'Asie mineure, avec des feuilles & des fruits semblables à ceux du colchique. On ne nous apporte d'Orient que la partie intérieure dépouillée de ses tuniques.

Les Arabes ont enrichi la pharmacie de ce remede, qui étoit inconnu des anciens Grecs ; & Paul Eginete est le premier des nouveaux Grecs qui en a fait mention. (D.J.)

HERMODACTES, ou HERMODATES, (Mat. med.) on estime les hermodactes blanches, grosses, compactes, & non cariées.

On dit que les hermodactes récentes purgent la pituite & la sérosité, par le vomissement & par les selles ; & que lorsqu'elles sont séchées & rôties, elles servent de nourriture aux Egyptiens, & surtout aux femmes, ce qui les engraisse à ce que l'on croit.

Lorsqu'elles sont séchées, telles qu'on les trouve dans nos boutiques, leur vertu purgative est très-foible, plusieurs les recommandent comme une panacée pour les goutteux ; & dans le tems même de la fluxion, selon Eginete, il faut les donner en substance ou en décoction. Geoffroy, Mat. med.

On ne fait point d'usage des hermodates dans les prescriptions magistrales ; elles entrent dans plusieurs compositions pharmaceutiques purgatives, telles que la bénédicte laxative, l'électuaire cariocostin, l'électuaire diacarthami, les pilules foetides, &c. (b)


HERMODES. m. (Myth.) divinité révérée par les anciens peuples du Nord, ou Goths. Suivant leur mythologie, Hermode, surnommé l'Agile, étoit fils d'Odin, le premier de leurs dieux ; il descendit aux enfers pour en aller retirer Balder son frere, qui avoit été tué. Voyez l'Edda, ou la Mythologie celtique.


HERMOGENIENSS. m. pl. (Hist. eccles.) secte d'anciens hérétiques ainsi nommés de leur chef Hermogene, qui vivoit vers la fin du second siecle. Voyez HERESIE.

Hermogene établissoit la matiere pour premier principe, & disoit que l'idée étoit la mere des élémens. Voyez IDEE. Il ajoutoit que le corps de Jesus-Christ devoit retourner dans le soleil, d'où il avoit été tiré ; que les ames étoient matérielles, & que les démons rentreroient dans la matiere.

Les Hermogéniens se partagerent en diverses branches sous leurs chefs respectifs, savoir d'Hermiotites, d'Hermiens, de Séleuciens, de Matériaires, &c. Voyez HERMIENS, SELEUCIENS.

Quelques-uns prétendent que les Hermogéniens sont des rejettons des Manichéens. Voyez MANICHEENS. Cependant il paroît que c'étoit une secte fort différente. On croit que Tertullien écrivit contre leur chef son livre intitulé contre Hermogenes. (G)


HERMOPANS. m. (Antiq.) symbole de divinité, composé d'un Mercure & d'un Pan.

HERMOPAN, s. m. (Mythol.) figure composée d'un Hermès & d'un pan. Voyez HERMES & PAN.


HERMOSELLO(Géog.) ville d'Espagne au royaume de Léon, au confluent des rivieres de Duro & de Tormes.

HERMOSIRIS, s. m. (Antiq.) statue de Mercure & d'Osiris, représentant les attributs de ces deux divinités ; un caducée à la main désigne Mercure ; une tête d'épervier, avec un aigle, est un symbole d'Osiris. Voyez MERCURE & OSIRIS. (D.J.)


HERMULESS. m. (Myth.) c'étoit deux petites statues de Mercure, placées à Rome dans le cirque, devant l'endroit d'où les chevaux partoient, ou plûtôt où ils étoient retenus jusqu'à-ce que le signal de la course fût donné. Ces hermules ouvroient & fermoient la barriere par une chaîne qu'on faisoit tomber à terre. Il y avoit aussi des hermules dans les stades ; ils y étoient même plus communs que dans les cirques.


HERMUNDURESS. m. pl. (Géog. anc.) ancien peuple de la Germanie. Tacite les range sous les Sueves, & les étend jusqu'au Danube ; il parle, lib. XIII. cap. lvij. des guerres qu'ils eurent contre les Cattes, pour des salines qui étoient à la bienséance de ces deux peuples, ce qui prouve qu'ils étoient voisins l'un de l'autre. Cluvier ose marquer leur habitation & leurs bornes, par des conjectures qui, quoique très-savantes, ne sont pas certaines ; selon lui, leur pays comprenoit la principauté d'Anhalt, la partie du duché de Saxe, située entre la Saale & l'Elbe, presque toute la Misnie, excepté la lisiere qui est au-delà de l'Elbe, tout le Voigtland, partie du duché de Cobourg, partie de la Franconie sur la gauche du Meyn, partie du haut Palatinat, & enfin une petite portion de la Suabe.

Cette partie de la Sueve qui, dit Tacite, sacrifioit à Isis, pars Suevorum Isidi sacrificat, étoit vraisemblablement les Hermundures ; car outre qu'ils occupoient un grand canton jusqu'au Danube, où l'on adoroit Isis, ils étoient aussi entre les sept peuples de l'ancienne Sueve, ceux qui approchoient le plus près de la Vindélicie, du pays des Noriques & de la Rhétie, où le culte de cette déesse avoit pris racine. (D.J.)


HERMUS(Géog. anc.) riviere d'Asie dans l'Aeolie, selon Ptolomée. Elle avoit sa source en Phrygie, recevoit le Pactole qui venoit de Sardis, puis arrosoit les murs de Magnésie, du mont Sipyle, & se rendoit finalement à la mer. L'Hermus s'appelle aujourd'hui le Sarabat ; M. de Tournefort, en lui conservant son ancien nom, dit : " la riviere d'Hermus, qui nous parut beaucoup plus grande que le Granique, quand nous fumes près de Pruse, est d'un ornement très-agréable à tout le pays ". Cette riviere, ajoute-t-il, en reçoit deux autres, dont l'une vient du nord, & l'autre de l'est ; elle passe à demi-lieue de Magnésie sous un pont soûtenu par des piles de pierre ; & après avoir traversé la plaine du nord-nord-est vers le sud, elle fait un grand coude avant que de venir au pont, & tirant sur le couchant, va se jetter entre Smyrne & Phocée, comme l'a fort bien remarqué Strabon. Tous nos Géographes au contraire, la font dégorger dans le fond du golfe de Smyrne en deçà de la plaine de Mengmen.

Cette riviere forme à son embouchure de grands bancs de sable, à l'occasion desquels les vaisseaux qui entrent dans la baye de Smyrne, sont obligés de ranger la côte, & de venir passer à la vûe du château de la Marine.

L'auteur de la vie d'Homere attribuée à Hérodote, rapporte que les habitans de Cumes bâtirent dans le fond du golfe Herméen, une ville à laquelle Thesée donna le nom de Smyrne, qui étoit celui de sa femme, dont il vouloit perpétuer la mémoire. On voit par ce passage curieux, que le golfe de Smyrne, qui a pris le nom de la ville que l'on y bâtissoit alors, portoit le nom de cette riviere qui s'y perd, & s'appelloit Hermeus sinus, le golfe d'Hermus. (D.J.)


HERNANDIES. f. hernandia, (hist. nat. bot.) genre de plante dont le nom vient de celui de François Hernandez, Espagnol. La fleur des plantes de ce genre est monopétale, faite en forme de cloche évasée & découpée, ou en forme de rose composée de plusieurs pétales disposés en rond. Les unes sont stériles & les autres fertiles. Le calice de ces fleurs devient un fruit presque sphérique, enflé comme une vessie, & percé par le bout. Il renferme un noyau cannelé, dans lequel il y a une amande ronde. Plumier, nova plant. Amer. gener. Voyez PLANTE.


HERNATH(Géog.) riviere de la haute Hongrie dans le comté de Barzod.


HERNDAL(Géog.) petit pays de Scandinavie en Norvege, dans le gouvernement de Drontheim, cédé à la Suede par la paix de Bromsbreo en 1645. (D.J.)


HERNHUTISME(Hist. ecclésiast.) espece de fanatisme introduit depuis quelque tems en Moravie, en Wétéravie & dans les Provinces-Unies.

Les Hernhuthers sont aussi connus sous le nom de freres Moraves, & dans les mémoires pour servir à l'histoire de Brandebourg, on les appelle Zinzendorffiens. En effet le Hernhutisme doit son origine & ses progrès à M. le comte Nicolas Louis de Zinzendorf, né en 1700 & élevé à Hall dans les principes du quiétisme. Dès qu'il fut sorti de cette université en 1721, il s'appliqua à l'exécution du projet de former une petite société d'ames fideles, au milieu desquelles il pût vivre uniquement occupé d'exercices de dévotion dirigés à sa maniere. Il s'associa quelques personnes qui étoient dans ses idées, & fixa sa résidence à Bertholsdorf dans la haute Lusace, terre dont il fit l'acquisition.

Bertholsdorf fut bientôt remarquable par l'éclat de cette sorte de piété que M. de Zinzendorff y avoit introduite : la nouvelle en fut portée en Moravie par un charpentier nommé Christian David, qui avoit été autrefois dans ce pays-la, où il avoit inspiré à quelques personnes de l'inclination pour la religion protestante. Il engagea deux ou trois de ses prosélites à se retirer avec leurs familles à Bertholsdorf : ils y furent accueillis avec empressement & y bâtirent une maison dans un bois, à demi-lieue de ce village. Dès la S. Martin 1722, il s'y tint une assemblée de dévots, qui en fut comme la dédicace.

Christian David étoit si persuadé de l'aggrandissement futur de cet endroit, qu'il en traçoit déjà les quartiers & les rues : l'évenement n'a pas démenti ses présages. Bien des gens de Moravie, attirés d'ailleurs par la protection du comte de Zinzendorf, s'empresserent d'augmenter cet établissement & d'y bâtir ; & le comte y vint demeurer lui-même. Dans peu d'années ce fut un village considérable qui eut une maison d'orphelins, & d'autres édifices publics. En 1728 il y avoit déjà trente-quatre maisons fort logeables ; en 1732 le nombre des habitans montoit à six cent. La montagne de Huth-Berg donna lieu à ces gens-là d'appeller leur habitation qui en est tout proche, Huth-des Hern, & dans la suite Hernhut, ce qui peut signifier la garde ou la protection du seigneur. C'est delà que toute la secte a pris son nom.

Les Hernhutes établirent bientôt entr'eux une sorte de discipline qui les lie étroitement les uns aux autres, les partage en différentes classes, les met dans une entiere dépendance de leurs supérieurs, & les assujettit à de certaines pratiques de dévotion & à diverses menues regles ; on diroit d'un institut monastique.

La différence d'âge, de sexe & d'état, relativement au mariage, a formé les diverses classes : il y en a de maris, de femmes mariées, de veufs, de veuves, de filles, de garçons, d'enfans. Chaque classe a ses directeurs choisis parmi ses membres. Les mêmes emplois que les hommes ont entr'eux sont exercés entre les femmes par des personnes de leur sexe. Tous les jours une personne de la classe en visite les membres, pour leur adresser des exhortations & prendre connoissance de l'état actuel de leur ame, dont elle rend compte aux anciens. Il y a de fréquentes assemblées de chaque classe en particulier & de toute la société ensemble.

Les conducteurs tiennent entr'eux des conférences pour s'instruire mutuellement dans la conduite des ames. D'ailleurs la société est fort assidue aux exercices de religion qui se font à Bertholsdorf & ailleurs. Les membres de chaque classe se sont soudivisés en morts, réveillés, ignorans, disciples de bonne volonté, disciples avancés. On administre à chacune de ces subdivisions des secours convenables. On a sur-tout grand soin de ceux qui sont dans la mort spirituelle.

On veille à l'instruction de la jeunesse avec une attention particuliere. Outre les personnes chargées des orphelins, il y en a qui ont autorité sur tous les autres enfans. Le zèle de M. de Zinzendorf l'a quelquefois porté à prendre chez lui jusqu'à une vingtaine d'enfans, dont neuf ou dix couchoient dans sa chambre. Après les avoir mis dans la voie du salut, il les renvoyoit à leurs parens. Il y a des assemblées pour les petits enfans qui ne marchent pas encore ; on les y porte : là on chante, on prie, & l'on y fait des discours proportionnés à la capacité des petits auditeurs.

L'ancien, le co-ancien, le vice-ancien ont une inspection générale sur toutes les classes. Il y a des avertisseurs en titre d'office, dont les uns sont publics & les autres secrets. Il y a plusieurs autres charges & emplois dont le détail seroit trop long.

Une grande partie du culte des Hernhuters consiste dans le chant : c'est sur-tout par les cantiques qu'ils prétendent que les enfans s'instruisent de la religion. M. de Zinzendorf rapporte une chose bien singuliere, c'est que les chantres de la société doivent avoir reçû de Dieu un don particulier & presque inimitable (il pouvoit bien dire tout-à-fait), savoir, que lorsqu'ils sont obligés d'entonner à la tête de l'assemblée, il faut que ce qu'ils chantent soit toûjours une répétition exacte & suivie de ce qui vient d'être prêché.

A toutes les heures du jour & de la nuit, il y a à Hernhut des personnes de l'un & de l'autre sexe chargées par tour de prier pour la société ; & ce qui est très-remarquable, c'est que sans montre, horloge, ni réveil, ces gens-là sont avertis par un sentiment intérieur, de l'heure où ils doivent s'acquiter de ce devoir.

Si les freres de Hernhut remarquent que le relâchement se glisse dans leur société ; ils raniment leur zèle en célébrant des agapes ou des repas de charité. La voie du sort est fort accréditée parmi eux ; ils s'en servent souvent pour connoître la volonté du Seigneur.

Ce sont les anciens qui font les mariages ; nulle promesse d'épouser n'est valide sans leur consentement. Les filles se dévouent au Sauveur, non pour ne jamais se marier, mais pour ne se marier qu'à un homme à l'égard duquel Dieu leur aura fait connoître avec certitude qu'il est régénéré, instruit de l'importance de l'état conjugal, & amené par la direction divine à entrer dans cet état.

La société des Hernhuts s'étant formée dans les terres de M. de Zinzendorf, sous sa protection, par ses soins, ses bienfaits, & suivant ses vûes, il étoit naturel qu'il conservât sur elle une très-grande autorité ; aussi en a-t-il toûjours été l'ame, l'oracle, & le premier mobile. Dans le troisieme synode général du Hernhutisme, tenu à Gotha en 1740, il se démit de l'épiscopat, auquel il avoit été appellé en 1737, mais il conserva la charge de président ; il se démit de cet emploi-ci en 1743, en faveur du titre bien plus honorable de celui de ministre plénipotentiaire, & d'économe général de la société, avec le droit de se nommer un successeur.

Il a envoyé de ses compagnons d'oeuvres presque par tout le monde ; lui-même il a couru toute l'Europe, & il a été deux fois en Amérique. Dès 1733 les missionnaires du Hernhutisme avoient déjà passé la ligne. La société possede, à ce que je crois, Béthléem en Pensylvanie : elle a aussi un établissement parmi les Hottentots ; mais elle n'a fait nulle part d'aussi belles conquêtes qu'en Wétéravie, où elle a Marienborn & Hernhaug, & dans les Provinces-Unies, où elle fleurit singulierement, sur-tout à Isselstein & à Zéist.

M. de Zinzendorf vint en Hollande en 1736, & le nombre de ses sectateurs s'y est accru peu-à-peu, en particulier parmi les Mennonites. Depuis la fin de 1748, il a fait recevoir la confession d'Augsbourg à ses freres Moraves, témoignant en même tems de l'inclination pour toutes les communions chrétiennes ; il déclare même qu'on n'a pas besoin de changer de religion pour entrer dans le Hernhutisme.

C'est le Sauveur qui fait tout dans sa secte, & qui regle l'envoi des missionnaires ; mais comme ils sont en grand nombre, & qu'ils font d'ailleurs des entreprises & des acquisitions coûteuses, ils ont établi une caisse, qu'on nomme la caisse du Sauveur, qui est devenue très-considérable par les donations des prosélites du Hernhutisme, & de ses fauteurs. M. de Zinzendorf a la principale direction de cette caisse, & Madame la comtesse son épouse partage ses travaux.

M. de Zinzendorf rapporte lui-même, que pendant vingt-six ans cette dame a si bien administré les fonds, qu'il n'a jamais rien manqué ni à sa maison, ni à sa société, quoiqu'il ait fallu fournir à des entreprises de plus d'un million d'écus d'Allemagne. Il rend aux grandes qualités de son épouse, le témoignage le plus honorable, & cela après vingt-cinq ans de mariage ; il remercie Jesus de l'avoir formée exprès pour lui ; elle est la seule dans le monde qui lui convînt. Enfin, son heureux état conjugal le conduit à une pensée des plus singulieres & des plus consolantes sur les mariages d'ici-bas ; c'est que si chaque mari vouloit y faire réflexion, il trouveroit de même que la femme qu'il a, est precisément celle qu'il lui falloit, préférablement à toute autre.

Suivant les écrits de M. de Zinzendorf, le Hernhutisme entretenoit en 1749, jusqu'à mille ouvriers répandus par tout le monde ; ses missionnaires avoient déjà fait plus de 200 voyages de mer, & vingtquatre nations avoient été réveillées de leur assoupissement spirituel ; on prêchoit dans sa secte en vertu d'une vocation légitime en quatorze langues à 20 mille ames au moins ; enfin la société avoit déjà 98 établissemens, entre lesquels se trouvent des châteaux à 20, 30, & 50 appartemens. Il y a sans-doute de l'hyperbole dans ce détail, mais il y a beaucoup de vrai, & j'en ai été assez bien instruit dans un voyage que je fis en Hollande en 1750.

La morale des Hernhutes est entierement celle de l'Evangile ; mais en fait d'opinions dogmatiques, le Hernhutisme a ce caractere distinctif du fanatisme, de rejetter la raison & le raisonnement ; il ne demande que la foi qui est produite dans le coeur par le Saint-Esprit seul. La régénération naît d'elle-même, sans qu'il soit besoin de rien faire pour y coopérer ; dès qu'on est régénéré, on devient un être libre ; cependant c'est le Sauveur du monde qui agit toûjours dans le régénéré, & qui le guide dans toutes ses actions.

C'est aussi en Jesus-Christ que la Trinité est concentrée ; il est principalement l'objet du culte des Hernhutes ; ils lui donnent les noms les plus tendres ; Jesus est l'époux de toutes les soeurs, & leurs maris sont, à proprement parler, ses procureurs ; semblables à ces ambassadeurs d'autrefois, qui épousant une princesse au nom de leurs maîtres, mettoient dans le lit nuptial une jambe toute bottée ; un mari n'est que le chambellan de sa femme ; sa charge n'est que pour un tems, & par interim. D'un autre côté, les soeurs Hernhutes sont conduites à Jesus par le ministere de leurs maris, qu'on peut regarder comme leurs sauveurs dans ce monde ; car quand il se fait un mariage, la raison de ce mariage est qu'il y avoit une soeur qui devoit être amenée au véritable époux, par le ministere d'un tel procureur.

Voilà une peinture historique fort abregée, mais fidele, du fanatisme des Hernhutes de nos jours, gens fort estimables par leur conduite & par leurs moeurs. Nous nous sommes bien gardés de leur imputer des sentimens qu'ils n'adoptent pas, ou de tirer de leurs opinions des conséquences qu'ils rejetteroient ; nous n'avons parlé d'eux que d'après eux. Ce que nous venons d'en rapporter, est un précis laconique que nous avons fait du livre d'Isaac le Long, écrit en Hollandois, sous le titre de Merveilles de Dieu envers son Eglise, Amst. 1735, in-8 °. Cet auteur étoit grand admirateur des Hernhutes, & Hernhute lui-même. Il ne publia son livre, qu'après l'avoir communiqué à M. de Zinzendorf, auquel il le dédia, & après en avoir obtenu la permission : c'est ce seigneur qui nous l'apprend à la page 230 d'un de ses propres ouvrages, qui porte pour titre, Réflexions naturelles.

Le Hernhutisme a étonné la Hollande par ses progrès rapides, & ne l'a point allarmée ; il joüit dans les Provinces-Unies de cette tolérance universelle qu'on y accorde à toutes les sectes, & qui paroît être le principe le plus sage & le plus judicieux du gouvernement politique. (D.J.)


HERNIAIREadj. m. & f. (terme de Chirurgie) ce qui appartient à la hernie. On appelle sac herniaire, la production du péritoine qui forme la poche dans laquelle sont renfermées les parties du bas-ventre dont le déplacement est appellé hernie ou descente. On donne aussi le nom de tumeur herniaire à l'élévation contre nature formée par le déplacement de quelque partie. Voyez HERNIE. (Y)

HERNIAIRE, s. m. (Chirurg.) est aussi le nom qu'on donne à celui qui est reçu expert pour la construction & l'application des bandages ou brayers propres à contenir les hernies. Les herniaires sont reçus aux écoles de Chirurgie, après un examen anatomique & pratique. On les interroge sur la structure & l'usage des parties par où les hernies se font ; sur les signes qui distinguent les différentes hernies les unes des autres, sur la situation où il faut mettre les malades pour la réduction des parties, & sur la construction des bandages, & la méthode de les appliquer. Il est expressément défendu aux herniaires de prendre le titre de chirurgien : ils sont bornés à celui d'experts pour les hernies. On ne leur donne que la cure palliative ; car s'il survenoit quelque accident qui exigeât l'usage de différens médicamens, & un étranglement qui empêcheroit la réduction, dèslors la maladie cesse d'être du ressort de l'expert, & il faut avoir recours à un chirurgien qui conduise le traitement suivant les indications. Parmi les maîtres en Chirurgie de Paris, il y en a qui se sont dévoués volontairement au seul traitement des hernies ; qui s'occupent de la fabrique des bandages, & qui sont véritablement chirurgiens-herniaires. La grande expérience que l'objet unique auquel ils s'attachent leur donne dans cette partie de l'art, & les lumieres qu'ils tirent du fond de l'art même dont ils ont été obligés d'étudier les principes généraux & particuliers, les rendent fort supérieurs à ceux qui n'auroient que des connoissances légeres, superficielles & isolées sur la partie des hernies. (Y)


HERNIES. f. (terme de Chirurg.) tumeur contre nature produite par le déplacement de quelques-unes des parties molles qui sont contenues dans la capacité du bas-ventre.

La différence des hernies se tire des parties contenantes par où elles se font, & de la nature des parties contenues qui sont déplacées.

Par rapport aux endroits de la circonférence du bas-ventre par lesquels les parties s'échappent, lorsque la tumeur se manifeste à l'ombilic, soit que les parties ayant passé par cette ouverture, soit qu'elles se soient fait une issue à côté, on la nomme hernie ombilicale ou exomphale.

Les hernies qui paroissent dans le pli de l'aine, parce que les parties ont passé dans l'anneau de l'oblique externe, s'appellent bubonoceles, hernies inguinales, ou incomplete s. Si les parties qui forment la tumeur dans le pli de l'aine descendent aux hommes jusque dans le scrotum, & aux femmes jusque dans les grandes levres, l'hernie s'appelle complete & oschéocele. On donne le nom d'hernies crurales à celles qui paroissent au pli de la cuisse le long des vaisseaux cruraux, par le passage des parties sous le ligament de Fallope. Ces hernies sont plus communes aux femmes qu'aux hommes ; voyez-en la raison au mot BUBONOCELE.

Les tumeurs herniaires qui se manifestent au-dessous du pubis, proche les attaches des muscles triceps superieurs & pectineus, s'appellent hernies du trou ovalaire, parce que les parties ont passé par cette ouverture. M. de Garengeot donne des observations sur cette hernie & sur celle par le vagin, dans le premier volume des Mem. de l'Académie royale de Chirurgie.

Enfin les hernies qui sont situées à la région antérieure, ou à la région postérieure de l'abdomen depuis les fausses côtes jusqu'à l'ombilic, & depuis l'ombilic jusqu'aux of des isles, s'appellent en général hernies ventrales.

Par rapport aux parties qui forment les descentes, on leur donne différens noms. On appelle hernies de l'estomac celles où ce viscere passe par un écartement contre nature de la ligne blanche audessous du cartilage xiphoïde. On trouve dans le premier volume des Mém. de l'Acad. Royale de Chirurgie, une observation très-importante sur cette maladie, par M. de Garengeot.

Les exomphales formées par l'épiploon seul, se nomment épiplomphales ; celles qui sont formées par l'intestin se nomment entéromphales ; celles qui sont formées par l'intestin & l'épiploon, se nomment entéro-épiplomphales.

Les hernies inguinales formées par l'intestin seul, s'appellent entéroceles ; celles qui sont formées par l'épiploon, s'appellent épiploceles ; enfin celles qui sont formées par la vessie, se nomment hernies de vessie. M. Verdier a donné deux mémoires fort intéressans sur les hernies de vessie. Il les a réunis en une dissertation fort intéressante qu'on trouve dans le sécond tome des Mémoires de l'Académie royale de Chirurgie.

On distingue les hernies en celles qui se font par rupture, & en celles qui se font par l'extension & l'allongement du péritoine. Dans ce second cas, qui est sans contredit le plus ordinaire, & que quelques-uns croient le seul possible, le péritoine enveloppe les parties contenues dans la tumeur, & on appelle cette portion membraneuse, sac herniaire. Les hernies de vessie n'ont point ce sac, parce que la vessie est hors du péritoine.

On distingue encore les hernies en simples, en composées & en compliquées. La hernie simple est formée d'une seule partie, elle rentre aisément & totalement ; la hernie composée ne differe de la simple, que parce qu'elle est formée de plusieurs parties. On appelle hernie compliquée celle qui est accompagnée de quelque accident particulier, ou de quelque maladie des parties voisines.

L'adhérence des parties sorties, leur étranglement par l'anneau ou par l'entrée du sac herniaire, leur inflammation & leur pourriture, sont les accidens qui peuvent accompagner les hernies.

Les abscès, le varicocele, le pneumatocele, le sarcocele, l'hydrocele aux hernies inguinales ; l'hydromphale, le pneumatomphale, le sarcomphale, le varicomphale aux hernies ombilicales, sont autant de maladies qui peuvent les compliquer.

Les causes des hernies viennent du relâchement & de l'affoiblissement des parties qui composent le bas-ventre, & de tout ce qui est capable de retrécir sa capacité.

La structure des parties contenantes, & le mouvement mécanique des muscles, peuvent être regardés comme des dispositions naturelles à la formation des hernies.

Le relâchement & l'affoiblissement des parties, sont occasionnés par l'usage habituel d'alimens gras & huileux, par une sérosité abondante, par l'hydropisie, par la grossesse, par la rétention d'urine, par les vents, &c.

Les fortes pressions faites sur le ventre par des corps étrangers, & même par un habit trop étroit, les chûtes, les coups violens, les efforts & les secousses considérables, les toux & les cris continuels, les exercices du cheval & des instrumens à vent, les respirations violentes & forcées, en retrécissant la capacité du bas-ventre, & en comprimant les parties qui y sont contenues, peuvent les obliger à s'échapper, soit tout-à-coup, soit petit-à-petit, par quelque endroit de la circonférence du bas-ventre, où elles trouvent moins de résistance.

On doit ajouter à ces causes les plaies du bas-ventre, principalement les pénétrantes : car le péritoine divisé ne se réunit que par récolement, & par conséquent les parties peuvent facilement s'échapper par l'endroit qui a été percé, & qui reste plus foible.

Les signes des hernies sont diagnostics & prognostics. Les diagnostics font connoître quelle est l'espece de hernie. Les yeux suffisent pour en connoître la situation : il n'y a de difficulté qu'à juger si elles sont simples, ou composées, ou compliquées.

L'hernie simple forme une tumeur molle, sans inflammation ni changement de couleur à la peau, & qui disparoît lorsque le malade est couché de maniere que les muscles de l'abdomen sont dans le relâchement, ou lorsqu'on la comprime légérement, après avoir mis le malade dans une situation convenable. Si l'on applique le doigt sur l'ouverture qui donne passage aux parties, on sent leurs impulsions quand le malade tousse. Toutes ces circonstances désignent en général une hernie simple.

La tumeur formée par l'intestin est ronde, molle, égale, & rentre assez promtement en faisant un petit bruit.

La tumeur formée par l'épiploon n'est pas si ronde, ni si égale, ni si molle, & ne rentre que peu-à-peu sans faire de bruit.

La tumeur formée par une portion de la vessie déplacée, disparoît toutes les fois que le malade a uriné, ou qu'on la comprime en l'élevant légérement, parce que l'urine contenue dans la portion déplacée tombe alors dans l'autre.

On conçoit facilement que les tumeurs herniaires composées, c'est-à-dire, formées de deux ou trois sortes de parties en même tems, doivent présenter les signes des différentes especes d'hernie simple.

Lorsque les hernies sont compliquées d'adhérence seulement, ce qui les forme ne rentre pas du tout, ou ne rentre qu'en partie.

Lorsqu'elles sont compliquées d'étranglement, les parties sorties ne rentrent point ordinairement : l'inflammation y survient par l'augmentation de leur volume, qui ne se trouve plus en proportion avec le diametre des parties qui donnent le passage, & qui par-là sont censées retrécies, quoiqu'elles ne le soient que relativement. Ce retrécissement occasionne la compression des parties contenues dans la tumeur, & empêche la circulation des liqueurs. Delà viennent successivement la tension, l'inflammation & la douleur de la tumeur & de tout le ventre ; le hoquet, le vomissement d'abord de ce qui est contenu dans l'estomac, & puis de matieres chyleuses & d'excrémens ; la fievre, les agitations convulsives du corps, la concentration du pouls, le froid des extrémités, & enfin la mort si l'on n'y remédie.

J'ai dit que les parties étranglées ne rentroient point ordinairement : la restriction de cette proposition est fondée sur plusieurs observations d'hernies, dont on a fait la réduction sans avoir détruit l'étranglement. Il vient alors de la portion du péritoine qui étoit entre les piliers de l'anneau, laquelle par son inflammation forme un bourrelet qui étrangle l'intestin, lors même qu'il a été replacé dans la capacité du bas-ventre. Dans ce cas, les accidens subsistent. Il faut faire tousser le malade, ou l'agiter de façon que l'hernie puisse reparoître, afin d'en faire l'opération. Si l'on ne peut réussir à faire redescendre les parties, on doit faire une incision sur l'anneau, le dilater, ouvrir le sac herniaire, & débrider l'étranglement de l'intestin. On la fait avec succès ; c'est une opération hardie, mais elle n'est point téméraire. On trouvera des observations de ces cas dans la suite des volumes de l'académie royale de Chirurgie. Il y en a une dans le premier tome, communiquée par M. de la Peyronie, sur l'étranglement intérieur de l'intestin par une bride de l'épiploon.

Lorsque les hernies sont compliquées de la pourriture des parties sorties, tous les symptomes d'étranglement, dont on vient de parler, diminuent, le malade paroît dans une espece de calme, & l'impression du doigt faite sur la tumeur y reste comme dans de la pâte.

On reconnoît que les hernies sont compliquées de différentes maladies dont on a parlé, aux signes de ces maladies joints à ceux de l'hernie simple ou composée.

Les signes prognostics des hernies se tirent de leur volume, de l'âge du malade, du tems que l'hernie a été à se former, des causes qui l'ont produite, du lieu qu'elle occupe, de sa simplicité, de sa composition & de sa complication.

La cure des hernies consiste dans la réduction des parties sorties, & à empêcher qu'elles ne sortent de nouveau. Il est assez facile de réduire les hernies simples & composées. Voyez REDUCTION.

Dans les hernies compliquées, on doit agir différemment suivant la différence des complications. Lorsque l'hernie est compliquée de l'adhérence des parties, en certains points ; si ce qu'on n'a pu faire rentrer à cause de l'adhérence n'est point considérable, on fait porter au malade un brayer qui ait un enfoncement capable de contenir seulement les parties adhérentes, & dont les rebords puissent empêcher les autres parties de s'échapper ; voyez BRAYER. Mais quand ce qui reste au-dehors est fort considérable, on se contente de mettre un bandage suspensoire qui soutient les parties. Voyez SUSPENSOIRE.

Quant aux hernies compliquées d'étranglement & des accidens qui les suivent ; les saignées, les cataplasmes & les lavemens anodyns & émolliens, les potions huileuses & la bonne situation dissipent quelquefois l'inflammation, & permettent la réduction des parties. Mais si ces remedes sont inutiles ; si les accidens subsistent toujours, on fait une opération qui consiste à pincer la peau qui recouvre la tumeur ; le chirurgien fait prendre par un aide la portion qu'il pinçoit avec les doigts de la main droite ; il prend un bistouri droit avec lequel il incise ce pli de peau. Il continue l'incision jusqu'à la partie inférieure de la tumeur, en coulant le dos du bistouri dans la cannelure d'une sonde qu'il a glissée auparavant sous la peau dans les cellules graisseuses. La peau ainsi incisée dans toute l'étendue de la tumeur, il s'agit d'ouvrir le sac herniaire (Voyez fig. 6. Pl. VI.) ; ce qui se fait aisément avec le bistouri, dont on porte le tranchant horisontalement, de crainte de blesser les parties contenues dans le sac. Pour faire cette section, on pince le sac latéralement à la partie inférieure de la tumeur, ou on le souleve avec une hérigne : quand le sac est ouvert à sa partie inférieure, on passe la branche boutonnée ou mousse d'une paire de ciseaux droits ou courbes, on coupe le sac jusqu'à l'anneau, & on met par-là les parties à découvert (Voyez fig. 4. Pl. V.) Il n'est pas difficile de les réduire. On le fait souvent sans débrider l'anneau ; si l'on y est obligé, on passe le long des parties une sonde cannelée jusques dans le ventre, on la porte ensuite à droite & à gauche par de petits mouvemens pour être assuré qu'elle ne pince aucune partie, & l'on coule dans sa cannelure un bistouri courbe tranchant sur la convexité ; c'est le meilleur instrument pour dilater l'anneau, voyez BISTOURI HERNIAIRE. Quelques praticiens ne se servent point de la sonde, mais d'un bistouri boutonné qu'on fait glisser le long du doigt indicateur gauche, dont l'extrémité est engagée à l'entrée de l'anneau. C'est un des moyens les plus assurés de dilater l'anneau, & de mettre les parties étranglées à l'abri du tranchant du bistouri. La présence de l'épiploon demande des attentions particulieres, dont nous parlerons au mot LIGATURE.

Après la réduction des parties on met sur l'anneau une pelote de linge remplie de charpie fine ; on remplit la plaie de charpie, on la soutient avec des compresses, on fait une embrocation avec l'huile rosat sur toutes les parties environnantes, & principalement sur le ventre, & on applique le bandage convenable. Le détail de ces sortes de choses est grand, & tous les auteurs de Chirurgie satisfont sur cette matiere.

Ils ont moins bien traité ce qui regarde la cure des hernies avec gangrene. Lorsque l'hernie reste trop long-tems étranglée, les parties tombent en mortification. Mais quelque dangereux que paroisse l'accident de la gangrene dans les hernies, il y a des exemples, & même en assez grand nombre, de personnes qui en ont été guéries très-heureusement. La pratique des anciens étoit très-bornée sur ce point ; il paroît que l'art a été en défaut à cet égard jusqu'au commencement de ce siecle : on attendoit tout des ressources de la nature ; & il est vrai qu'il y a des circonstances si favorables, qu'on pourroit lui abandonner entierement le soin de la cure, mais il y en a d'autres où cette confiance seroit très-dangereuse. La gangrene de l'intestin exige quelquefois les procedés les plus délicats : la vie du malade peut dépendre du discernement du chirurgien dans le choix des différens moyens qui se sont multipliés par les progrès de l'art, & dont l'application, pour être heureuse, doit être faite avec autant d'intelligence que d'habileté.

Le malade peut être en différens cas qu'il est très-important de distinguer, parce qu'ils ont chacun leurs indications différentes. Le premier cas, c'est lorsque l'intestin n'est pincé que dans une petite surface. Ce cas ne demande du chirurgien que des attentions qui ne sortent point des regles connues. Les symptomes d'un tel étranglement n'étant pas à beaucoup près si graves ni si violens que dans l'hernie, où tout le diametre de l'intestin est compris, il n'est pas étonnant que les personnes peu délicates, ou celles qu'une fausse honte retient, ne se déterminent pas à demander du secours dans le tems où il seroit possible de prévenir la gangrene. Les malades ne souffrent ordinairement que quelques douleurs de colique, il survient des nausées & des vomissemens ; mais le cours des matieres n'étant pas pour l'ordinaire interrompu, ces symptomes peuvent paroître ne pas mériter une grande attention. La négligence des secours nécessaires donne lieu à l'inflammation de la portion pincée de l'intestin, & elle tombe bientôt en pourriture. L'inflammation & la gangrene gagnent successivement le sac herniaire & les tégumens qui le recouvrent : on voit enfin les matieres stercorales se faire jour à-travers la peau, qui est gangrenée dans une étendue circonscrite plus ou moins grande, suivant que les matieres qui sont sorties du canal intestinal se sont insinuées plus ou moins dans les cellules graisseuses ; ainsi l'on ne doit point juger du desordre intérieur par l'étendue de la pourriture au-dehors. Quoique ce soient les ravages qu'elle a faits extérieurement qui frappent le plus le vulgaire, ces apparences ne rendent pas le cas fort grave, & les secours de l'art se réduisent alors à emporter les lambeaux de toutes les parties atteintes de pourriture sans toucher aux parties saines circonvoisines : on procure ensuite, par l'usage des médicamens convenables, la suppuration qui doit détacher le reste des parties putréfiées ; on s'applique enfin à déterger l'ulcere, & il n'est pas difficile d'en obtenir la parfaite consolidation.

La liberté du cours des matieres stercorales par la continuité du canal intestinal, pendant que l'intestin est étranglé, est un signe manifeste qu'il ne l'est que dans une portion de son diametre : on en juge par la facilité avec laquelle le malade va à la selle. Il est bon d'observer que ces déjections pourroient être supprimées sans qu'on pût en conclure que tout le diametre de l'intestin est étranglé ; de même, le vomissement des matieres stercorales qui a toujours passé pour un autre signe caractéristique de l'étranglement de tout le diametre de l'intestin, ne doit pas passer pour absolument décisif, puisqu'on l'a observé dans des hernies où l'intestin n'étoit que pincé.

Dans l'opération par laquelle on emporte les lambeaux gangréneux, il ne faut pas dilater l'anneau. Ce seroit mettre obstacle aux heureuses dispositions de la nature ; & l'on s'abuseroit fort, en croyant remplir un précepte de Chirurgie dans la dilatation de l'anneau, lorsque l'intestin gangréné a contracté des adhérences, comme cela est presque toujours, & même nécessairement dans le cas dont il s'agit. La dilatation n'est recommandée en général dans l'opération de l'hernie que pour faciliter la réduction des parties étranglées. Dans l'hernie avec pourriture & adhérence, il n'y a point de réduction à faire, & il n'y a plus d'étranglement. La crevasse de l'intestin & la liberté de l'excrétion des matieres fécales qui en est l'effet, ont fait cesser tous les accidens qui dépendoient de l'étranglement. La dilatation de l'anneau n'est plus indiquée, & elle peut devenir nuisible ; l'incision peut détruire imprudemment un point d'adhérence essentiel, & donner lieu à l'épanchement des matieres stercorales dans la cavité du ventre : il peut au moins en résulter une moindre résistance à l'écoulement des matieres par la plaie, & par conséquent une plus grande difficulté au rétablissement de leur passage par la voie naturelle ; ce qui est peu favorable à la guérison radicale.

L'expérience a montré que rien ne la favorise plus que l'usage des lavemens, & même quelquefois celui des purgatifs minoratifs, lorsqu'il y a de l'embarras dans les glandes du canal intestinal. Il faut en procurer le dégorgement de bonne heure, afin d'éviter les déchiremens qu'il produiroit, lorsqu'il est trop tardif, sur la plaie dont la consolidation est commencée, ou a déja fait quelques progrès. On peut voir à ce sujet les observations sur la cure des hernies avec gangrene, dans le troisieme tome des mémoires de l'académie royale de Chirurgie.

Le second cas est celui où l'intestin est pincé dans tout son diametre. La disposition de l'intestin réglera la conduite que le chirurgien doit tenir dans ce cas épineux. Si l'intestin étoit libre & sans adhérence, ce qui doit être extraordinairement rare dans le cas supposé, il faudroit se comporter comme on le feroit si l'on avoit été obligé de retrancher une portion plus ou moins longue de l'intestin gangréné, formant une anse libre dans le sac herniaire. Ce point de pratique sera discuté dans un instant. Mais si des adhérences de l'intestin mettent le chirurgien dans l'impossibilité d'en rapprocher les orifices d'une façon qui puisse faire espérer une réunion exemte de tout risque ; si la nature, aidée des secours de l'art, ne paroît pas disposée à faire reprendre librement & avec facilité le cours aux matieres par les voies ordinaires, il faudra nécessairement, si l'on veut mettre la vie du malade en sûreté, procurer un nouvel anus par la portion de l'intestin qui répond à l'estomac. Plusieurs faits judicieusement observés, montrent les avantages de ce précepte, & le danger de la conduite contraire.

Dans le troisieme cas, l'intestin forme une anse libre dans l'anneau : s'il est attaqué de gangrene, sans apparence qu'il puisse se revivifier par la chaleur naturelle après sa réduction dans le ventre, il seroit dangereux de l'y replacer. Le malade périroit par l'épanchement des matieres stercorales dans la cavité de l'abdomen, il faut donc couper la portion gangrénée de l'intestin. Voici quelle étoit la pratique autorisée dans un cas pareil : on lioit la portion intestinale qui répond à l'anus ; & en assujettissant dans la plaie avec le plus grand soin le bout de l'intestin qui répond à l'estomac, on procuroit dans cet endroit un anus nouveau, que les auteurs ont nommé anus artificiel, c'est-à-dire une issue permanente pour la décharge continuelle des excrémens. Des observations plus récentes, dont la premiere a été fournie par M. de la Peyronie en 1723, nous ont appris qu'en retenant les deux bouts de l'intestin dans la plaie, on pouvoit obtenir leur réunion, & guérir le malade par le rétablissement de la route naturelle des matieres fécales. Malheureusement les guérisons qui se sont faites ainsi, & qu'on a regardées comme une merveille de l'art, n'ont point été durables. Les malades tourmentés après leur guerison par des coliques qu'excitoient les matieres retenues par le rétrécissement du canal à l'endroit de la cicatrice, sont morts par la crevasse de l'intestin, qui a permis l'épanchement des matieres dans la capacité du bas-ventre, ensorte que la cure par l'anus artificiel auroit été beaucoup plus sûre, & l'on peut dire qu'elle est certaine ; & que par l'autre procédé, la mort est presque nécessairement déterminée par les circonstances desavantageuses qui accompagnent une cure brillante & trompeuse.

L'art peut cependant venir utilement au secours de la nature dans ce cas. Il y a une méthode de réunir sur le champ les deux bouts de l'intestin libre, dont on a retranché la partie gangrénée, & sans qu'il reste exposé au danger de se retrécir, comme dans la réunion qu'on n'obtient qu'à la longue par le resserrement de la cicatrice extérieure. Nous devons cette méthode à l'industrie de M. Ramdohr, chirurgien du duc de Brunswick. Après avoir amputé environ la longueur de deux piés du canal intestinal, avec une portion du mesentere, gangrénée dans une hernie ; il engagea la portion supérieure de l'intestin dans l'inférieure ; & il les maintint ainsi par un point d'aiguille auprès de l'anneau. Les excrémens cesserent dès lors de passer par la playe, & prirent leur cours ordinaire par l'anus. La personne guérit en très-peu de tems : cette méthode excellente paroît susceptible de quelque perfection : elle ne convient que dans le cas où l'intestin est libre & sans aucune adhérence, mais il y a des précautions à prendre pour en assûrer le succès, & quoique l'auteur ne les ait point prises & qu'il ait parfaitement réussi, il paroît raisonnable & nécessaire de les proposer.

Il est important que ce soit la portion supérieure de l'intestin qui soit insinuée dans l'inférieure : cette attention doit décider de la réussite de l'opération ; or il n'est pas toujours facile de distinguer d'abord, & dans tous les cas, quelle est précisément la portion de l'intestin qui répond à l'estomac, & quelle est celle qui conduit à l'anus. Cette difficulté n'est point un motif pour rejetter une opération dont la premiere tentative a été si heureuse, & qui nous promet d'autres succès. Il est à propos de retenir d'abord les deux bouts de l'intestin dans la playe, & de ne proceder à leur réunion qu'après avoir laissé passer quelques heures. Pendant ce tems, on fera prendre de l'huile d'amandes douces au malade, & on fomentera l'intestin avec du vin chaud, afin de conserver sa chaleur & l'élasticité naturelle. Ce délai paroît absolument nécessaire, non-seulement pour connoître sans risque de se méprendre quelle est précisément la partie supérieure de l'intestin, mais encore pour la sûreté de la réunion ; parce qu'il prouve le dégorgement des matieres que l'étranglement a retenues dans le canal intestinal, depuis l'estomac jusqu'à l'ouverture de l'intestin. Il est bien plus avantageux que ce dégorgement se fasse par la playe, que d'exposer la partie réunie par l'insertion des deux bouts de l'intestin à donner passage à ces matieres, & à leur laisser parcourir toute la route qui doit les conduire à l'anus. Quoique M. Ramdohr ne parle pas de la ligature des arteres méséraïques, dont les ramifications se distribuoient à la portion de l'intestin qu'il a coupé, comme l'hémorrhagie pourroit avoir lieu dans d'autres cas, au moins par les vaisseaux de la partie saine, dans laquelle on fait la section qui doit retrancher le boyau pourri, il est de la prudence de faire un double noeud sur la portion du mésentere, qui formera le pli par lequel les portions de l'intestin doivent être retenues & fixées dans la situation convenable.

Il nous reste à parler d'un quatrieme cas d'hernie avec gangrene, où l'intestin forme une anse qui est adhérente tombée en pourriture, & qui est à la circonférence interne de l'anneau. Ces adhérences rendent impossible l'insinuation de la partie supérieure de l'intestin dans l'inférieure ; & ce cas paroît d'abord ne présenter d'autre ressource que l'établissement d'un anus nouveau dans le pli de l'aine : des observations essentielles ont montré les ressources de la nature & de l'art dans un cas aussi critique. La principale a été communiquée à l'académie royale de chirurgie par M. Pipelet l'aîné. Il fit l'opération de l'hernie crurale en 1740 à une femme, à qui il trouva l'intestin gangréné, l'épiploon, le sac herniaire dans une disposition gangréneuse, & toutes ces parties tellement confondues par des adhérences intestines, qu'il n'auroit été ni possible, ni prudent de le détruire. On se contenta de débrider l'arcade crurale, pour mettre les parties à l'aise, & faire cesser l'étranglement. On soutint les forces chancelantes de la malade par des cordiaux : le onzieme jour, la portion d'intestin se sépara, elle avoit cinq pouces de longueur. Depuis ce moment, les matieres stercorales, qui avoient coulé en partie par l'ouverture de l'intestin, & plus encore par le rectum, cesserent tout-à-coup de passer par cette derniere voie, & prirent absolument leur route par la playe. Il falloit la panser cinq ou six fois en vingt-quatre heures. La playe se détergea ; & au bout de quatre mois, ses parois furent rapprochées au point de ne laisser qu'une ouverture large comme l'extrémité du petit doigt. M. Pipelet crut qu'après un si long espace de tems, les matieres fécales continueroient de sortir par ce nouvel anus : il n'espéroit ni ne prévoyoit rien de plus avantageux pour la malade, lorsque les choses changerent subitement de face, & d'une maniere inopinée. Cette femme qu'on avoit tenue à un régime assez severe, mangea indiscrettement des alimens qui lui donnerent la colique & la fievre ; M. Pipelet ayant jugé à propos de la purger avec un verre d'eau de casse & deux onces de manne, fut le témoin d'un évenement aussi singulier qu'avantageux. Les matieres fécales reprirent dès ce jour leur route vers le rectum, & ne sortirent plus que par les voies naturelles, ensorte que la playe fut parfaitement cicatrisée en douze ou quinze jours : cette femme vit encore, & jouit depuis dix ans d'une bonne santé ; elle a soixante & quinze ans.

Le succès inesperé que M. Pipelet a eu dans cette cure, il l'a dû à la disposition favorable des adhérences que les parties saines de l'intestin avoient contractées entr'elles dans l'intérieur du ventre vis-à-vis de l'arcade. Cette disposition étoit même annoncée par une circonstance particuliere, c'est que les matieres fécales n'ont passé entierement par la playe qu'après la séparation de la portion d'intestin gangréné ; & elle ne s'est faite que le onzieme jour de l'opération. Avant ce tems, la plus grande partie des matieres avoit pris sa route vers le rectum. Il est facile de concevoir comment un cas aussi grave que l'est communément la gangrene d'une assez grande portion d'intestin étranglée dans une hernie, peut devenir aussi simple que si l'intestin n'avoit été que pincé dans une petite portion de son diametre. Si les deux portions saines de l'intestin contractent dans leur adossement au-dessus de l'anneau une adhérence mutuelle ; il est clair qu'après la séparation de l'anse pendante au-dehors, ces portions réunies formeront un canal continu, qui ne sera ouvert que dans la partie antérieure : & si les bords de cette ouverture sont adhérens de chaque côté à la circonférence de l'anneau, celui-ci, en se resserrant, en fera nécessairement la réunion parfaite. Ces cas se présentent quelquefois pour le bonheur des malades. (Y)


HERNIOLES. f. (Botan.) L'espece principale, nommée par les Botanistes herniaria, hernia glabra, est une plante basse, ayant à peine la longueur d'un empan ; elle répand sur la terre de foibles branches, & porte à chaque noeud deux feuilles plus petites que celles du serpolet ; les sommets de ses tiges sont chargés d'un grand nombre de petites fleurs herbacées, auxquelles succedent de petits vaisseaux séminaux pleins de graines très-menues ; sa racine s'enfonce profondément en terre, & pousse beaucoup de fibres. L'herniole croît dans des lieux sabloneux, & fleurit en été ; elle est toute d'usage ; & passe pour dessicative & resserrante ; elle rougit un peu le papier bleu, est âcre & tant soit peu salée ; son sel est uni à beaucoup de soufre & de terre. (D.J.)

HERNIOLE, (Mat. méd.) Voyez TURQUETTE.


HERNIQUESS. m. pl. (Géog. anc.) peuple d'Italie dans le Latium. Ce peuple n'est connu que par les guerres qu'il eut contre les Romains, qui le soumirent de bonne heure ; encore l'histoire ne parle-t-elle que de quatre villes de ce peuple plus remarquables que les autres, d'Anagny, d'Alatri, de Terentium & de Véruli : les habitans de ces dernieres villes ne voulurent point avoir part à cette guerre, & cependant ceux d'Anagny se trouverent assez forts avec le reste du pays, pour oser faire tête aux Romains. Festus pense que les Herniques tiroient leur nom des roches, que les Marses appelloient Herna dans leur langue, & les Sabins Hernae ; en effet Virgile, Aeneïd. l. 7. v. 684, dit :

Hernica saxa colunt, quos dives Anagnia pascit. (D.J.)


HERNOSAND(Géog.) ville maritime de Suede, au golfe de Bothnie dans l'Angermanie. Long. 35. 15. lat. 61. 45. (D.J.)


HÉRODIENS(Hist. ecclés.) nom d'une secte de Juifs au tems de Jesus-Christ.

Comme il n'en est parlé que dans saint Matthieu, ch. xxij. v. 16. & dans saint Marc, ch. iij. v. 6. & ch. xij. v. 13. nous allons rechercher quelle étoit cette secte que les évangelistes appellent Hérodiens ; car les commentateurs de l'Ecriture sont fort partagés sur ce sujet.

Tertullien, saint Jérôme, saint Epiphane, saint Chrysostôme, Théophilacte, & plusieurs autres peres de l'église, considérant que ce nom vient d'Hérode, ont cru qu'il avoit été donné par les évangelistes à ceux d'entre les Juifs, qui reconnoissoient Hérode le grand pour le messie ; mais il n'y a point d'apparence que, plus de trente ans après la mort d'Hérode, il y eût des Juifs qui regardassent ce prince comme le messie, & toute la nation se réunissoit à en avoir une idée bien différente pendant qu'il vécut.

Casaubon, Scaliger, & autres critiques remplis d'érudition dans l'antiquité profane, ont imaginé que les Hérodiens pouvoient être quelque confrairie érigée en l'honneur d'Hérode, comme on vit à Rome des Augustaux, des Hadrianaux, des Antoniniens en l'honneur d'Auguste, d'Hadrien, d'Antonin, établis après leur mort ; cependant une pareille confrairie eût fait trop de bruit pour que la connoissance en eût échappé à l'historien Josephe. Celle d'Auguste, qu'on nomma sodales Augustales, est la premiere dont l'histoire parle ; elle ne fut point empruntée des nations étrangeres, & ne servit pas sûrement de modele à une confrairie semblable en faveur d'Hérode, qui étoit mort depuis long-tems. Je me hâte donc de passer à des opinions mieux fondées.

Ce qui est dit des Hérodiens dans l'Evangile, semble assez marquer, que c'étoit une secte parmi les Juifs, laquelle différoit des autres sectes dans quelques points de la loi & de la religion judaïque ; car ils sont nommés avec les Pharisiens, & en même-tems ils en sont distingués ; il est dit des Hérodiens qu'ils avoient un levain particulier, c'est-à-dire, quelque dogme contraire à la pureté du christianisme, & propre à en gâter la pâte ; la même chose est aussi dite des pharisiens. Jesus-Christ avertit ses disciples de se garder des uns & des autres. Puisque notre Sauveur appella le système des Hérodiens, le levain d'Hérode, il faut qu'Hérode soit l'auteur des opinions dangereuses qui caracterisent ses partisans ; les Hérodiens étoient donc des sectateurs d'Hérode, &, selon les apparences, c'étoient pour la plûpart des gens de sa cour, des gens qui lui étoient attachés, & qui desiroient la conservation du commandement dans sa famille.

Aussi la version syriaque, par-tout où il se trouve le nom d'Hérodiens, le rend par celui de domestiques d'Hérode, & cette remarque est très-importante. La version syriaque a été faite de bonne heure pour l'usage de l'église d'Antioche. Ceux qui y ont travaillé, touchoient au tems où cette secte avoit pris naissance, & avoient par-là l'avantage de connoître mieux que personne son origine.

Mais quels dogmes avoit cette secte ? Nous parviendrons à les découvrir, en examinant en quoi son chef différoit du reste de la nation ; car sans-doute ce sera-là pareillement la différence de ses sectateurs d'avec les autres Juifs.

Il y a deux articles sur lesquels Hérode & les Juifs ne s'accordoient pas ; le premier, en ce qu'il assujettit la nation à l'empire des Romains ; le second, en ce que par complaisance pour ces mêmes Romains & pour obtenir leur protection, il introduisit sans scrupule dans ses états plusieurs de leurs usages & de leurs rites religieux.

Du commandement rapporté au chap. xvij. du Deutéronome, v. 15. " Tu établiras sur toi un d'entre tes freres pour roi, & non pas un étranger. " La nation juive en général & sur-tout les Pharisiens en concluoient qu'il n'étoit pas permis de se soumettre à l'empereur romain, & de lui payer tribut ; mais Hérode & ses sectateurs interprétant le texte du Deutéronome d'un choix libre, & non pas d'une soumission forcée, soutenoient qu'ils n'étoient point dans le cas défendu par la loi : voilà pourquoi les Pharisiens & les Hérodiens tendirent le piége à Jesus-Christ, de lui demander s'il étoit permis ou non de payer le tribut à César ; notre Sauveur, qui connut leurs mauvaises intentions, confondit les uns & les autres par la sage réponse qu'il leur fit.

Cependant cette réponse étant une approbation de la conduite des Hérodiens sur cet article, ce ne peut pas être là le levain d'Hérode, dont Jesus-Christ recommandoit à ses disciples de se donner de garde. Il faut donc que ce soit leur seconde opinion ; savoir, que quand une force majeure l'ordonne, on peut sans scrupule faire les actes d'idolatrie qu'elle prescrit, & se livrer au torrent ; il est certain qu'Hérode suivoit cette maxime ; &, selon les apparences, pour justifier sa conduite, il inculqua les mêmes principes à tous ceux qui lui étoient attachés, & forma la secte des Hérodiens. Josephe nous apprend que ce prince tout dévoué à Auguste, fit bien des choses défendues par la loi & par la religion des Juifs ; qu'entr'autres fautes, il bâtit des temples pour le culte du paganisme, & qu'il s'excusa vis-à-vis de sa nation par la nécessité des tems ; excuse qui néanmoins n'empêcha pas qu'on ne le traitât quelquefois de demi-juif.

Les Hérodiens, ses sectateurs, étoient des demi-juifs comme lui, des gens qui professoient à la vérité le judaïsme, mais qui étoient également très-disposés à se prêter à d'autres cultes dans le besoin. Les Saducéens qui ne connoissoient que le bien-être de la vie présente, adopterent aussi l'hérodianisme, & c'est pour cela que l'Ecriture les confond ensemble ; car les mêmes personnes qui sont appellés Hérodiens dans saint Matthieu ch. xvj. sont nommés Saducéens dans saint Marc ch. viij. v. 15.

Au reste, la secte des Hérodiens s'évanouit après la mort de notre Seigneur ; ou, ce qui est plus vraisemblable, elle perdit son nom avec le partage des états d'Hérode. (D.J.)


HÉROINES. f. (Gram.) fille ou femme qui a les vertus des héros, qui a fait quelque action héroïque. Voyez HEROS.


HÉROIQUEadj. (Littérat.) qui appartient au héros ou à l'héroïne. Voyez HEROS.

On dit action héroïque, vertu héroïque, style héroïque, vers héroïque, poésie héroïque, tems héroïque, &c.

Les tems héroïques sont ceux dans lesquels on suppose qu'ont vécu les héros, ou ceux que les poëtes ont appellé les enfans des dieux. Voyez AGE.

Les tems héroïques sont les mêmes que les fabuleux. Voyez FABULEUX.

Poëme héroïque est celui dans lequel on décrit quelque action ou entreprise extraordinaire. Voyez POEME.

Homere, Virgile, Stace, Lucain, le Tasse, le Camouens, Milton, & de Voltaire ont fait des poëmes héroïques. Voyez ILIADE, ENEIDE, HENRIADE.

Le poëme héroïque est dans ce sens le même que le poëme épique. Voyez éPIQUE.

Poésie héroïque. Voyez POESIE EPIQUE.

Les vers héroïques sont ceux dont les poëmes héroïques sont composés. Voyez VERS.

Les vers héxametres grecs & latins sont aussi appellés héroïques, parce que Homere & Virgile n'en ont point employé d'autres. Voyez HEXAMETRE.

Horace a dit de cette espece de vers :

Res gestae regumque ducumque, & tristia bella,

Quo scribi possent numero monstravit Homerus.

Art poët.

On appelloit autrefois les vers alexandrins de douze syllabes vers héroïques, parce qu'on croyoit qu'ils étoient seuls propres pour la poésie héroïque. Les écrivains modernes emploient des vers de dix syllabes. Voyez ALEXANDRIN.

Nous n'avons point en françois d'exemples de poëmes héroïques écrits en vers de dix syllabes. Le S. Louis du P. le Moine, la Pucelle de Chapelain, le Clovis de S. Didier, la Henriade de M. de Voltaire, sont en vers alexandrins. Nous n'avons que le Vert-Vert de M. Gresset qui soit en vers de dix syllabes, mais on ne le regarde pas comme un poëme héroïque : c'est un badinage ingénieux & délicat, auquel la mesure de vers que le poëte a choisie convenoit mieux que celle du vers alexandrin. Tous ceux qui connoissent notre poésie, savent que celui-ci a plus de pompe, l'autre plus d'aisance & de naïveté, & que M. Gresset ne pouvoit prendre une versification plus assortie à son sujet. (G)

HEROÏQUE, adj. (Méd.) ce terme est employé pour désigner l'espece de traitement ou celle des remedes, dont les effets produisent des changemens considérables & promts dans l'économie animale ; soit en excitant d'une maniere violente, des efforts, des mouvemens, des irritations extraordinaires dans les parties qui en sont susceptibles, des ébranlemens subits, des secousses fortes dans toute la machine ; soit en produisant un spasme, un resserrement ou un relâchement, une atonie outremesurée dans les solides ; soit en procurant des fontes, des évacuations d'humeurs excessives, ce semble, mais nécessaires ; dans tous les cas où la nature demande à être secourue d'une maniere pressante & décisive par des moyens propres à changer la disposition viciée des parties affectées, & à les faire passer à un état opposé d'une extrémité à une autre.

Les moyens propres à opérer ces différens effets, sont les saignées abondantes & répétées dans un court espace de tems, les médicamens purgatifs, les vomitifs, les sudorifiques & tous les évacuans les plus forts ; les stimulans, les cordiaux, les apéritifs, les fondans les plus actifs ; les âcres, les épispastiques, les astringents de toute espece, employés tant intérieurement qu'extérieurement ; les scarifications, les caustiques, les narcotiques les plus efficaces & à grande dose ; les engourdissans, les ligatures des nerfs, des gros vaisseaux, des membres, &c. les exercices violens, actifs & passifs, &c.

Tels sont les différens remedes principaux, qui peuvent servir au traitement héroïque, qui suppose toujours des maux proportionnés à l'importance des effets qu'il tend à produire, & qui exige par conséquent beaucoup de prudence, pour décider de la nécessité d'employer les moyens qui peuvent les opérer : ce qui doit être déterminé par les indications tirées du caractere de la lésion dont il s'agit, comparé avec ce que la nature & les forces peuvent supporter, sans préjugés formés d'après le tempérament du médecin, qui est plus ou moins disposé à l'action dans la pratique, à proportion qu'il est plus ou moins vif, violent, emporté ou anodin, tranquille & doux ; ou d'après l'impatience ou la crainte, & la sensibilité plus ou moins grandes du malade. Voyez MEDECIN.

Mais il est certain que dans tous les cas, où la nature a besoin d'être puissamment secourue pour surmonter les obstacles qui l'empêchent d'agir, ou pour faire cesser des mouvemens excessifs, qui sont occasionnés & produits méchaniquement ou physiquement par des causes qui lui sont étrangeres, & qu'il n'est pas en son pouvoir de réprimer, de corriger, d'emporter, ou pour diminuer le volume des humeurs qui l'accablent, &c. l'art de guérir seroit en défaut, & manqueroit aux occasions où il peut être le plus évidemment utile, en suppléant à l'impuissance de la nature, qui peut si souvent se passer de secours, pour la guérison d'un grand nombre de maladies, voyez EXPECTATION, s'il ne pouvoit ou ne savoit pas faire usage des remedes héroïques, avec lesquels la Medecine paroît opérer & opere souvent réellement des prodiges, en détruisant les différentes causes d'un grand nombre de maladies, tant aiguës que chroniques, sur-tout de ces dernieres qui deviendroient mortelles ou resteroient incurables, si on ne les combattoit pas d'une maniere vigoureuse & par les moyens les plus propres à produire de grands effets, ou à faire cesser de grands désordres. Voyez MEDECINE.

Il n'est pas hors de propos de remarquer ici que c'est principalement aux médicamens héroïques que Paracelse dut sa plus grande réputation en Allemagne, où il fut le premier à faire usage de l'antimoine, du mercure, de l'opium, tandis qu'on ne connoissoit encore dans ce pays-là que la pratique douce, anodine des Arabes. Voyez MEDICAMENT, REMEDE.


HÉROISMES. m. (Morale) la grandeur d'ame est comprise dans l'héroïsme ; on n'est point un héros avec un coeur bas & rampant : mais l'héroïsme differe de la simple grandeur d'ame, en ce qu'il suppose des vertus d'éclat, qui excitent l'étonnement & l'admiration. Quoique pour vaincre ses penchans vicieux, il faille faire de généreux efforts, qui coûtent à la nature ; les faire avec succès est, si l'on veut, grandeur d'ame, mais ce n'est pas toûjours ce qu'on appelle héroïsme. Le héros, dans le sens auquel ce terme est déterminé par l'usage, est un homme ferme contre les difficultés, intrépide dans les périls, & vaillant dans les combats.

Jamais la Grece ne compta tant de héros, que dans le tems de son enfance, où elle n'étoit encore peuplée que de brigands & d'assassins. Dans un siecle plus éclairé, ils ne sont pas en si grand nombre ; les connoisseurs y regardent à deux fois avant que d'accorder ce titre ; on en dépouille Alexandre ; on le refuse au conquérant du nord, & nul prince n'y peut prétendre, s'il n'offre pour l'obtenir que des victoires & des trophées. Henri le grand en eût été lui-même indigne, si content d'avoir conquis ses états, il n'en eût pas été le défenseur & le pere.

La plûpart des héros, dit la Rochefoucaut, sont comme de certains tableaux ; pour les estimer il ne faut pas les regarder de trop près.

Mais le peuple est toûjours peuple ; & comme il n'a point d'idée de la véritable grandeur, souvent tel lui paroît un héros, qui réduit à sa juste valeur, est la honte & le fleau du genre humain.


HERON GRISsub. masc. ardea cinerea major, (Hist. nat.) oiseau aquatique qui a le col & les jambes fort longs, & qui se nourrit de poisson. Willughbi a décrit un héron femelle qui pesoit près de quatre livres, & qui avoit quatre piés huit pouces d'envergure, trois piés huit pouces de longueur depuis l'extrémité du bec jusqu'au bout des ongles, & seulement trois piés cinq pouces jusqu'au bout de la queue. La partie antérieure du sommet de la tête étoit blanche, & il y avoit sur la partie postérieure une crête formée par des plumes noires longues de quatre pouces ; le menton étoit blanc, le cou avoit des teintes de blanc, de cendré & de roussâtre, le dos étoit couvert de duvet, sur lequel s'étendoient les plumes des épaules qui avoient une couleur cendrée & de petites bandes blanches ; le milieu de la poitrine & le dessous du croupion étoient jaunâtres ; il y avoit vingt-sept grandes plumes dans chaque aîle ; les dernieres étoient cendrées, & toutes les autres avoient une couleur noirâtre, excepté les bords extérieurs de la onzieme & de la douzieme plume, qui avoient une teinte de couleur cendrée ; toute la face inférieure de l'oiseau & la queue étoient cendrées ; le bec avoit une couleur verte jaunâtre ; il étoit fort & grand, droit, & un peu pointu ; les pattes & les piés avoient une couleur verte ; les doigts étoient longs, le côté intérieur du doigt du milieu étoit dentelé. Willughbi, Ornit. Voyez OISEAU.

PETIT HERON GRIS, nycticorax, (Hist. nat.) oiseau qui est beaucoup plus petit que le précédent ; il a le cou à proportion moins long. Le sommet de la tête & le dos sont noirs ; le jabot & le ventre ont une couleur brune ; il y a une bande blanche qui s'étend depuis les yeux jusqu'au bec, & une sorte de crête composée de trois plumes longues d'environ cinq pouces, qui tiennent à l'occiput ; les aîles & la queue ont une couleur cendrée ; le bec est noir & les piés ont une couleur jaune verdâtre. Willughbi, Ornit. Voyez OISEAU.

HERON BLANC, ardea alba major, (Hist. nat.) oiseau qui differe du héron gris, en ce qu'il est en entier d'une belle couleur blanche, qu'il est plus petit, qu'il a la queue à proportion moins longue, & qu'il manque de crête.

PETIT HERON BLANC, JARSETTE, ardea alba minor, seu garzetta, Gesn. Ald. oiseau qui differe du précédent en ce qu'il est beaucoup plus petit, & qu'il a une crête. Willughbi, Ornit. Voyez OISEAU.


HERONIEREsub. fém. (Econ. rustiq.) c'est dans un parc un lieu séparé auprès de quelque étang ou vivier, où l'on éleve des hérons.


HEROPHILEPRESSOIR D'(Anat.) Herophile de Chalcédoine vivoit du tems de Ptolomée Soter, roi d'Egypte. Il passe pour avoir dissequé vivans les criminels qui étoient condamnés à mort ; entre autres découvertes, il est le premier qui nous ait démontré l'usage & la structure des nerfs qui viennent du cerveau & de la moëlle épiniere ; & ce qui prouve qu'il a eu connoissance des autres parties qui composent le cerveau, c'est qu'il a donné le nom de pressoir, torcular Herophili, à l'endroit où viennent aboutir les trois sinus supérieurs de la dure-mere ; c'est lui qui a nommé duodenum le premier des intestins grêles ; il a aussi donné à deux tuniques de l'oeil le nom de rétine & d'arachnoïde, &c.


HÉROSS. m. (Gramm.) le terme de héros, dans son origine, étoit consacré à celui qui réunissoit les vertus guerrieres aux vertus morales & politiques ; qui soutenoit les revers avec constance, & qui affrontoit les périls avec fermeté. L'héroïsme supposoit le grand homme, digne de partager avec les dieux le culte des mortels. Tels furent Hercule, Thesée, Jason, & quelques autres. Dans la signification qu'on donne à ce mot aujourd'hui, il semble n'être uniquement consacré qu'aux guerriers, qui portent au plus haut degré les talens & les vertus militaires ; vertus qui souvent aux yeux de la sagesse, ne sont que des crimes heureux qui ont usurpé le nom de vertus, au lieu de celui de qualités, qu'elles doivent avoir.

On définit un héros, un homme ferme contre les difficultés, intrépide dans le péril, & très-vaillant dans les combats ; qualités qui tiennent plus du tempérament, & d'une certaine conformation des organes, que de la noblesse de l'ame. Le grand homme est bien autre chose ; il joint aux talens & au génie la plûpart des vertus morales ; il n'a dans sa conduite que de beaux & de nobles motifs ; il n'écoute que le bien public, la gloire de son prince, la prospérité de l'état, & le bonheur des peuples. Le nom de César, donne l'idée d'un héros ; celui de Trajan, de Marc-Aurele ou d'Alfred, nous présente un grand-homme. Titus réunissoit les qualités du héros, & celles du grand-homme ; cependant, pourquoi Titus est-il plus loué par ses bienfaits, que par ses victoires ? C'est que les qualités du coeur l'emportent toûjours sur les présens de la fortune & de la nature ; c'est que la gloire qu'on acquiert par les armes est, si j'ose m'exprimer ainsi, une gloire attachée au hasard ; au lieu que celle qui est fondée sur la vertu, est une gloire qui nous appartient.

Le titre de héros dépend du succès, celui de grand-homme n'en dépend pas toûjours. Son principe est la vertu, qui est inébranlable dans la prospérité, comme dans les malheurs : le titre de héros, ne peut convenir qu'aux guerriers, mais il n'est point d'état qui ne puisse prétendre au titre sublime de grand-homme ; le héros y a même plus de droits qu'un autre.

Enfin, l'humanité, la douceur, le patriotisme réunis aux talens, sont les vertus d'un grand-homme ; la bravoure, le courage, souvent la témérité, la connoissance de l'art de la guerre, & le génie militaire, caractérisent davantage le héros ; mais le parfait héros, est celui qui joint à toute la capacité, & à toute la valeur d'un grand capitaine, un amour & un desir sincere de la félicité publique. (D.J.)

HEROS, (Mythol. & Littérat.) autrement dit demi-dieu. On appelloit ainsi généralement les hommes illustres, que leurs grandes actions firent placer dans le ciel après leur mort, soit qu'ils reconnussent quelques dieux parmi leurs ancêtres, soit qu'ils descendissent d'un dieu & d'une femme mortelle, comme Hercule, Thesée, & tant d'autres ; ou d'une déesse & d'un homme, tel qu'étoit le fils de Vénus & d'Anchise.

On donne plusieurs étymologies du nom de héros, & pas une seule qui soit recevable : la plus commune, qui tire ce mot de , amour, n'est pas juste ; car , héros, est écrit par un h.

La promotion des héros au rang des dieux, étoit dûe aux dogmes de la philosophie platonique, qui enseignoit que les ames des grands hommes s'élevoient jusques aux astres, séjour ordinaire des dieux, & par-là devenoient dignes des honneurs qu'on rendoit aux dieux mêmes, avec lesquels ils habitoient ; mais les Stoïciens leur assignoient pour demeure, la vaste étendue qui se trouve entre le ciel & la terre ; ce qui fait dire à Lucain :

Quodque patet terras inter, caelique meatus

Semi-dei manes habitant. Pharsal. lib. IX.

Le culte qu'on rendoit aux héros, étoit différent de celui des dieux ; celui des dieux consistoit dans des sacrifices & des libations, qui sont des hommages dûs à la divinité, pendant que celui des héros n'étoit qu'une espece de pompe funebre, dans laquelle on célebroit le souvenir de leurs exploits, après quoi on leur faisoit des festins. C'est ce qu'Hérodote remarque, en parlant des différens Hercules. " On sacrifie, dit-il, à Hercule Olympien, comme étant d'une nature immortelle, & on fait à Hercule fils d'Alcmene, comme à un héros, des funérailles plûtôt qu'un sacrifice ". Mais il est bon de savoir qu'on éleva peu-à-peu les héros au rang des dieux ; c'est par exemple, ce qu'on pratiqua pour Hercule, puisqu'après lui avoir rendu des honneurs comme à un héros, on vint à lui offrir des sacrifices parfaits, c'est-à-dire, de ceux dans lesquels on brûloit à l'honneur de la divinité, une partie de la victime, & on mangeoit l'autre.

Diodore de Sicile confirme par son témoignage, que les héros, ou les demi-dieux, parvinrent à la fin à tous les honneurs des dieux suprèmes ; car en parlant d'une fête solemnelle, que l'on célebroit à Rome, & dans laquelle on porta les statues des dieux anciens & modernes, il ajoûte que la pompe étoit fermée par les statues de ceux dont les ames, après avoir abandonné leurs corps mortels, étoient montées dans le ciel, où elles participoient aux mêmes prérogatives que les dieux mêmes : tels étoient Hercule, Esculape, Castor & Pollux.

Comme l'opinion commune faisoit descendre tous les morts dans les enfers, les ombres des héros même y étoient retenues, pendant que leur ame pure & dégagée de ce qu'elle avoit de périssable, joüissoit dans le ciel des plaisirs & des grandeurs de l'immortalité.

Les Grecs, après avoir fait mettre une colonne, & autres monumens sur les tombes des héros, établirent un culte pour les manes des mêmes héros, & même pour les héroïnes ; car on accorda des honneurs héroïques à des femmes. Coronis, mere d'Esculape ; Alcmene, mere d'Hercule ; Cassandre, fille de Priam ; Andromaque, Andromede, Helène, Latone, & quelques autres, joüirent de cette distinction.

Les tombeaux des héros & héroïnes étoient entourés d'un petit bois sacré, accompagné d'autels, où les parens & les amis alloient en des tems marqués, les arroser de libations, & les charger d'offrandes ; & ces mêmes tombeaux jouïssoient du droit d'asile ; c'est-là ce qu'on appelloit monument héroïque, . Tel étoit le tombeau qu'Andromaque prit soin d'élever à son cher Hector ; libabat cineri Andromache.

Les Romains érigerent à leur tour des statues à ceux qu'ils regarderent comme des héros ; ils en avoient dans le Cirque, revêtues de peaux de lions, de sangliers, d'ours, ou de renards sauvages. Cette maniere de se vétir ordinaire aux premiers héros, dans le tems qu'on n'avoit point encore trouvé l'art de séparer la laine ou le poil des bêtes, fut consacrée par la religion ; de-là vient qu'ils sont représentés avec ces mêmes habillemens dans les temples & sur les médailles.

Les Grecs nommerent , les tombeaux qu'ils érigerent aux demi-dieux, a ceux des héros qui leur étoient chers, & aux temples qu'ils bâtirent aux empereurs après leurs décès. Athenée parlant des honneurs rendus aux maitresses de Démétrius, joint les , avec les autels qu'on leur élevoit, & les hymnes sacrées que l'on chantoit à leur gloire. Enfin, les particuliers appellerent du même nom, les monumens qu'ils bâtirent aux personnes pour lesquelles ils avoient un respect & un dévouement particulier.

On sait aussi que le mot , a une signification fort étendue dans la langue grecque. 1°. Il signifie un homme qui par sa valeur, ou par ses bienfaits, a été mis au rang des dieux ou des demi-dieux après sa mort. 2°. Il répond au divus des Latins, titre donné aux empereurs déifiés, & répond à diva. Dans les médailles que les Grecs frapperent à l'honneur de l'infame Antinoüs, pour marquer sa consécration, ils l'appellerent indifféremment , & . 3°. Le nom de héros est souvent donne par les peres à leurs enfans décedés en bas-âge, comme cela paroît par diverses inscriptions, recueillies dans Gruter & Reinesius. 4°. Quelquefois ce nom designe simplement un homme consideré par sa valeur, ou par sa charge ; Homere l'applique non-seulement aux chefs des Grecs, mais aux Grecs en général. 5°. Enfin, pour dire quelque chose de plus, le même poëte employe le mot , pour un domestique d'un des rivaux de Pénélope, & qui leur versoit à boire ; c'est dans l'Odyssée, liv. . vers 422. (D.J.)


HERPEsub. fém. terme de Médecine, ardeur, ou inflammation accompagnée d'un âpreté de cuir, & de l'éruption d'un grand nombre de petites pustules qui le rongent & le dévorent. Voyez ERESIPELLE.

Ce mot est dérivé du grec , paulatim gradior, parce que ces boutons rampent & se traînent d'un lieu à un autre.

Il y en a de plusieurs sortes.

L'herpe miliaire, est un assemblage d'une infinité de petites pustules qui se forment sous l'épiderme, & qui ont la grosseur d'un grain de millet. On l'appelle communément feu volage. Voyez FEU VOLAGE.

Herpes miliaire, suivant Wisemann, approche beaucoup de la nature de la gale, & demande les purgatifs mercuriels. Voyez GALE.

L'herpe simple, n'est qu'une pustule ou deux qui se forment sur le visage, de couleur blanchâtre ou jaunâtre, pointues & enflammées à leur base. Ces pustules se dessechent d'elles-mêmes, après avoir rendu le peu de pus qu'elles contiennent. Il y a une troisieme espece d'herpe, à qui l'on donne le nom de dartre. Voyez DARTRE.

L'herpe corrosive, est celle dont les boutons sont rudes, causent des demangeaisons, & ulcerent les parties sur lesquelles ils se forment.

HERPES de plat-bord, (Marine) c'est la coupe d'une lisse qui se trouve à l'avant & à l'arriere du haut des côtés d'un navire. On y met un ornement de sculpture, & cet ornement se nomme aussi herpe : il y en a quatre qui sont au plat-bord, deux à stribord, & deux à bas-bord. On peut voir dans la Planche IV. n°. 195, ce qu'on nomme herpe, & n°. 170, ce qu'on nomme plat-bord.

Herpes d'éperon, ce sont des pieces de bois taillées en balustre, qui forment la partie supérieure de l'éperon, & qui se répondent l'une à l'autre par des goutereaux.

Herpes marines ; on donne ce nom à toutes productions que la mer tire de son sein, & qu'elle jette naturellement sur ses bords, telles que l'ambre, le corail, &c. Ce mot vient de harpir, ancien mot qui signifioit prendre ; aujourd'hui l'on dit plus communément épaves de mer, plûtôt que herpes marines. (Z)


HERRNGRUND(Géog.) petite ville de la haute-Hongrie, proche de Newsoll, remarquable par ses mines de cuivre & de vitriol. Ceux qui travaillent dans ces mines, y ont formé une ville soûterraine assez étendue ; ces mines dont Brown a donné la description dans ses voyages, sont fort riches ; car on tire de cent livres, vingt, trente livres de cuivre, & quelquefois davantage ; la plus grande partie de ce métal est attachée au rocher, d'où l'on a bien de la peine à le séparer ; & même dans quelques endroits, le métal & le rocher ne font qu'une seule masse ensemble. Les travailleurs de ces mines n'y sont pas incommodés des eaux, mais de la poussiere & de vapeurs de cuivre encore plus nuisibles à la vie. (D.J.)


HERSAGES. m. (Agriculture) l'action de herser. Voyez les articles HERSE & HERSER.


HERSBRUCK(Géog.) petite ville d'Allemagne en Franconie, dans le territoire de la ville de Nuremberg, près des frontieres du haut Palatinat.


HERSE(Hist. ecclés.) ce sont dans les églises des especes de chandeliers, sur lesquels on peut répandre un grand nombre de lumieres.

HERSE, s. f. (Architecture) espece de barriere en forme de palissade à l'entrée d'un fauxbourg ; elle differe néanmoins de la barriere en ce que ses pieux sont pointus, pour empêcher de passer par-dessus.

HERSE, s. f. en termes de Fortifications, est une espece de porte faite de plusieurs pieces de bois armées par em-bas de pointes de fer, & disposées en forme de treillis, laquelle se met au-dessus d'une porte de ville. Elle y est suspendue par une corde attachée à un moulinet qui est au-dessus de la porte, lequel étant lâché, la herse s'abaisse & tombe de bout par deux coulisses qui sont entaillées dans les deux côtés de la porte. On lâche la herse quand la porte a été pétardée ou rompue. Pour éviter les surprises & l'effet du pétard, il vaut mieux se servir des orgues, parce qu'on ne les peut pas arrêter tout d'un coup comme la herse, qu'on peut empêcher de tomber en fichant quelques clous dans les coulisses, ou en mettant dessous des chevalets.

On appelle autrement la herse sarrasine ou cataracte & orgues, quand elle est faite de pieux droits sans traverses. Voyez SARRASINE, ORGUES, &c.

On se sert au défaut de chevaux de frise, pour défendre une breche ou un passage, de herses ordinaires, que l'on place les pointes en haut pour incommoder la marche de l'infanterie & de la cavalerie. Voyez CHEVAL DE FRISE. Chambers. (Q)

HERSE de gouvernail, (Marine) c'est la corde qui joint le gouvernail à l'étambord. (Z)

HERSE, terme d'opéra, ce sont deux liteaux de bois d'environ huit pouces de large, qu'on cloue en sens différens, ensorte qu'unis ils forment un demi quarré. On met sur la partie horisontale des especes de lampions de fer blanc faits en forme de biscuits, & auxquels on donne ce nom ; l'autre partie couvre ces lumieres, & on l'oppose au public ; ensorte que toute la lumiere frappe la partie de la décoration où l'on veut porter un plus grand jour. Il y a de grandes & de petites herses : on les multiplie sur ce théatre autant qu'on croit en avoir besoin ; on les sert à la main, & ce service fait partie de la manoeuvre. Voyez LUMIERE. (B)

HERSE, terme de Mégissier, qui signifie un grand chassis de bois dont les bords sont percés de trous garnis de chevilles, qui sert à étendre les peaux destinées à faire le parchemin, pour pouvoir les travailler plus facilement.

Les Parcheminiers se servent aussi de la herse pour bander le sommier ou la peau du veau sur laquelle ils raturent le parchemin en croûte ou en cosse. Voyez PARCHEMIN, & Pl. du Parcheminier.

* HERSE, (Agriculture) instrument nécessaire au labourage pour ameublir & unir les terres. C'est une espece d'assemblage de pieces de bois, en triangle tronqué & à double base, garni en dessous, sur ses côtés & ses bases, de dents de fer ou de bois. Il en faut avoir de différentes grandeurs ; les construire de bois lourd, les façonner solidement, les bien ferrer, & leur donner des dents longues & fortes. On attache, quand il en est besoin, une ou deux pierres à la herse pour lui ajouter du poids & la rendre propre à briser toutes sortes de terre. Le boeuf ou le cheval traîne la herse à laquelle il est attaché par le petit côté. Il y a des herses à roue & d'autres sans roue. Les premieres sont plus commodes. Les roues sont placées sur le devant. On veut que la herse ait six pieds de long, que les dents en soient rangées à cinq pouces les unes des autres, & qu'elles ayent environ quatre pouces de saillie hors des travers. Une herse bien mince, & chargée convenablement, entre en terre d'un bon doigt, ce qui suffit à son effet. Les herses sans dents ne sont qu'un tissu d'osier, ou des especes de fortes claies avec lesquelles on applanit les terres semées en lin, lorsqu'elles sont sabloneuses & légeres. Voyez la herse à labour, Planche d'Agriculture. Voyez l'article HERSER.

* HERSE, (Pêche) engin qui ne differe guere des herses à labour. On s'en sert sur-tout de basse marée, aux eaux vives, & dans les grandes marées des saisons chaudes. On leur attelle un cheval ou un boeuf, & on les promene sur le fond d'où elles entraînent toutes les especes de poissons plats qui s'y sont ensablés, comme soles, petits turbots, barbues, plyes, limandes, carelets, &c. Un homme conduit la herse ; deux autres placés sur les côtés, attendent les poissons qui se désallent, & les prennent à la main. De ces herses les unes sont endentées de bois, d'autres de fer.


HERSÉadj. en termes de Blason, se dit d'une porte dont la herse ou coulisse est abattue.


HERSERv. act. (Agriculture) c'est faire passer la herse à plusieurs reprises, sur une terre semée, ou seulement labourée. Beaucoup de laboureurs n'emploient la herse qu'à recouvrir la semence lorsqu'on ne l'enterre pas par un leger labour ; mais on ne peut trop en multiplier l'usage. Cette opération divise les grosses mottes retournées par la charrue, & rend la terre plus féconde en l'atténuant. Le labour ne remplit parfaitement son objet qu'autant qu'il est suivi du herser. Il faut donc herser la terre autant de fois qu'on la laboure. Dans toutes les terres moyennes cette pratique est très-utile ; & elle est nécessaire dans les terres fortes & argilleuses. On n'en peut excepter que les sables.

Ce n'est pas immédiatement après le labour que le herser est avantageux. On doit laisser passer quelques jours. Si la terre a été labourée dans un tems très-sec, il faut attendre qu'une pluie l'ait un peu trempée & attendrie ; mais que le tems soit actuellement sec. Si le labour a été fait dans un tems humide, il faut que la terre soit ressuyée, un peu hâlée ; mais sans être durcie. Outre qu'en passant à plusieurs reprises & en tout sens, la herse atténue les mottes, elle acheve de déraciner les herbes que la charrue n'avoit pas entierement détruites. Le hâle empêche ces herbes de reprendre racine. On se sert presque toujours de herses qui ont des dents de bois, & elles suffisent aux usages ordinaires. Mais lorsqu'une terre, immédiatement après avoir été semée, est battue par une pluie forte, on est contraint quelquefois d'avoir recours à des herses dont les dents soient de fer. Qu'on ne craigne pas alors de déraciner une partie du grain qui est levé. On n'a rien à attendre dans une terre battue & scellée, & il n'y a de ressource que dans cette espece de labour superficiel, qui est un bienfait de la herse. Mais dans ce cas-là, il faut choisir un tems couvert & légérement humide, pour ne pas exposer au hâle les racines du grain que l'on veut conserver. Voyez JONCHERE, LABOUR, SEMER, &c.


HERSILLIERESS. f. (Marine) ce sont des pieces de bois courbes qu'on met au bout des platbords d'un bâtiment, qui sont sur l'avant & sur l'arriere pour les fermer. (Z)


HERSILLONS. m. terme de Fortification. Les hersillons sont de planches longues de dix à douze piés, qui ont leurs deux côtés remplis de pointes de clous & dont on se sert pour incommoder la marche de l'infanterie & de la cavalerie.

Ce mot est un diminutif de herse, le hersillon faisant l'office d'une petite herse. Chambers. (Q)


HERSTAL(Géog.) ancienne ville d'Allemagne en Westphalie, dans l'évêché de Paderborn, sur le Weser. Long. 26. 30. lat. 43. 50. (D.J.)


HERSTBERG(Géog.) ville & château d'Allemagne en Westphalie, de la dépendance & de l'électorat de Cologne.


HERSTEIN(Géog.) ville d'Allemagne au bas Palatinat, sur la riviere de Naho.


HERTEou HERTHE, s. f. (Antiq.) divinité que d'anciens peuples de Germanie, comme les Semnons, les Neudinges ou Thuringes, les Avions, les Angles, les Varins, les Eudons, les Suardons, & les Nuitons adoroient.

Tacite est le seul qui nous en instruise, & il pourroit bien lui-même avoir été mal informé ; cependant ce qu'il en rapporte est trop singulier, pour le passer sous silence. Il dit dans son livre des moeurs des Germains, chap. xl. qu'il y avoit dans l'Océan (c'est apparemment la mer Baltique qu'il nomme ainsi), une isle (on soupçonne que c'est l'isle de Rugen) où se trouvoit une forêt appellée Castum, au milieu de laquelle étoit un char consacré à la déesse Hertus.

Il n'étoit permis qu'au seul prêtre de toucher à ce char, parce qu'il savoit le tems que la déesse qu'on y adoroit venoit dans ce lieu ; quand il sentoit la présence de cette divinité, il atteloit des bufles à ce char, & le suivoit avec grande vénération ; tout le tems que duroit cette cérémonie, c'étoit des jours de fête, & par-tout où le char alloit, on le recevoit avec beaucoup de solemnités ; toute guerre cessoit, toutes les armes se renfermoient, on ne respiroit que la paix & le repos, jusques à ce que le prêtre eut reconduit dans son temple la déesse rassasiée de la conversation des hommes. Alors on lavoit le char dans un lieu secret, & les étoffes qui le couvroient, & la déesse elle-même ; on se servoit pour cela d'esclaves, qui étoient aussi-tôt après jettés & engloutis dans un lac voisin.

Vossius conjecture que cette déesse Hertus doit être Cybèle ; mais il est plus vraisemblable que c'est la Terre ; le nom y répond dumoins parfaitement ; les Allemands emploient encore le mot herth, pour signifier la terre, & les Anglois ont toujours dit earth dans le même sens ; comme la plûpart des peuples se sont imaginés n'avoir point d'autre origine que la terre, les Germains pourroient bien l'avoir adorée, & plusieurs raisons concourent à se le persuader.

Il y a dans la plaine du comté de Salisbury en Angleterre, des amas de pierres circulaires, que plusieurs savans croyent avoit été un temple de la déesse Herte ; on nomme ces pierres stone-henges, c'est-à-dire pierres suspendues, parce qu'elles sont mises les unes sur les autres, de maniere qu'elles paroissent être en l'air, telles qu'on suppose qu'étoit le temple de Herte. Mais cette supposition n'est au fond qu'un fruit de l'imagination, qu'on ne peut appuyer d'aucune preuve.

On ignore parfaitement quel étoit l'usage de cette espece de monument, que les anciens appelloient en latin chorea gigantum. On dispute même de la nature de ces pierres ; car les uns prétendent qu'elles sont naturelles, tandis que d'autres les regardent comme artificielles, composées de sable, de chaux, de vitriol, & d'autres matieres bitumineuses. Ce dernier sentiment paroît le moins vraisemblable : quoi qu'il en soit, les curieux qui n'ont pas vû les stone-henges de Salisbury, peuvent consulter sur leur nature & leur ancienne destination apparente, les Antiq. britann. de Cambden, & même ils en trouveront le dessein dans cet auteur. Je pense que les Transactions philosophiques en parlent aussi, mais cet article ne devoit pas être oublié dans le supplément de Chambers. (D.J.)


HERTFELDT(Géog.) petite contrée d'Allemagne dans la Soüabe, entre Awlen, Bopfingen, Koënigsbrun, Giengen, & la seigneurie de Graveneck ; ce ne sont que montagnes & forêts. (D.J.)


HERTFORDou HARTFORD, (Géog.) ville d'Angleterre, capitale de l'Hertfordshire, avec titre de comté ; elle est ancienne, & a été autrefois plus considérable qu'à présent. La cause de sa décadence vient en partie de ce qu'on a détourné le grand chemin pour le faire passer à Warc. Elle envoie deux députés au parlement, & est sur la riviere de Léa, à 20 milles N. de Londres. Long. 17. 35. lat. 51. 48. (D.J.)


HERTFORDSHIREou HARTFORDSHIRE, (Géogr.) province d'Angleterre dans l'intérieur du pays, diocèse de Londres & de Lincoln ; elle a 130 milles de tour ; elle contient environ 451020 arpens, 120 paroisses, 18 bourgs à marché, & 16569 maisons. C'est une belle & agréable province, voisine de Middlesex ; l'air y est bon, le terroir fertile en blé, en pâturages & en bois ; la Léa & Coln en sont les principales rivieres. Le froment, l'orge & les grains germés pour la biere, forment son plus grand commerce ; Hertford en est la capitale. (D.J.)


HERTZBERG(Géog.) ville d'Allemagne dans l'électorat de Saxe, sur les confins de la Lusace, à 10 lieues S. E. de Wirtemberg, 14 N. O. de Dresde. Long. 31. 12. lat. 51. 41. (D.J.)


HERTZHORN(Géog.) petite ville de la province de Stormarie, dans le duché de Holstein, près de Gluckstadt.


HERTZOG-AURACH(Géog.) petite ville d'Allemagne sur la riviere d'Aurach, dans l'évêché de Bamberg, en Franconie.


HERTZOGENRIED(Géog.) ville d'Allemagne au duché de Juliers.


HERULESS. m. pl. (Géog. anc.) ancien peuple mêlé avec les autres barbares, qui renverserent l'empire romain. Les Hérules du nord de l'Allemagne étoient le même peuple ; Procope en a parlé fort au long dans son histoire des Goths, liv. II. ch. xjv. le lecteur peut y recourir ; ce qu'il rapporte de leurs moeurs est singulier.

" Ils adoroient, dit-il, plusieurs dieux auxquels ils sacrifioient des hommes. Il ne leur étoit pas permis d'être malades, ni de vieillir : lorsque quelqu'un d'eux se trouvoit attaqué de maladie sérieuse, ou de vieillesse décrépite, il devoit prier ses parens de songer à l'ôter du nombre des hommes. Alors les parens dressoient un bûcher, au haut duquel ils le plaçoient, & lui envoyoient un Hérule, qui n'étoit pas de sa famille, avec un poignard pour terminer ses jours. D'abord, après sa mort, ils mettoient le feu au bûcher ; & au moment qu'il étoit consommé, ils ramassoient les of du défunt, & les couvroient de terre. La femme du mort étoit obligée, pour donner des preuves de sa vertu, & pour acquérir de la gloire, de s'étrangler sur son tombeau, ou bien elle s'attiroit la haine irréconciliable des parens de son mari ".

On sait assez que les Hérules passerent dans la Thessalie & dans la Macédoine, où ils périrent en grand nombre ; que cependant ils augmenterent par la suite leur puissance, vainquirent leurs voisins, & furent défaits par les Lombards. Alors ils s'établirent en partie sur les terres de l'Empire, où ils se firent chrétiens, & en partie remonterent le Danube, & se confondirent avec les Sclavons ou Slaves.

Leur premiere demeure étoit vraisemblablement au voisinage du Warneau, dans le Meckelbourg, à peu-près au lieu où fut bâtie la ville de Werle, en latin Herula. Du tems de Tacite, ils étoient compris sous le nom général de Vandales, c'est pourquoi cet historien n'en parle pas. Dans les irruptions des Vandales & des Goths vers le midi, ils eurent leur part à ces migrations, & demeurerent quelques tems au-delà du Danube, où abordoient les nations septentrionales. Une partie passa le Danube après la bataille perdue contre les Lombards, dans laquelle leur roi Rodolphe fut tué : cette partie s'établit dans l'Illyrie, éprouva de nouveaux revers, & se perdit dans l'armée des Goths ; l'autre partie retourna dans la Vandalie, auprès de Warnes. Ceux-ci revenus dans leur pays, y subsisterent long-tems idolâtres, embrasserent tard le Christianisme ; & plus encore par force que par connoissance, puisqu'à la moindre occasion ils le quittoient, & massacroient les prêtres. Leur nom se perdit peu-à-peu en celui de Slaves, & enfin en celui de Meckelbourg. En deux mots, comme le dit le savant Bangert dans ses Notes sur la chronique des Slaves, Warnavi, Varini, Heruli, Werli, Wendi, sont aujourd'hui ceux de Rostoc, du Butzow & de Gustrow, trois villes situées sur le Warnaw. (D.J.)


HERZEGOVINES. f. (Géogr.) contrée de la Turquie Européenne dans la Bosnie, près de la Dalmatie ; Castel-novo capitale, appartient aux Vénitiens, & le reste aux Turcs. Cette province faisoit autrefois partie de la Serbie. (D.J.)


HESDIN(Géog.) ville forte des Pays-bas françois, au comté d'Artois ; Louis XIII. la prit en 1639, & elle fut cédée à la France par la paix des Pyrénées en 1659. Elle doit sa fondation à Philibert, général de l'armée impériale dans les Pays-bas, qui détruisit le vieil Hesdin en 1653, pour rebâtir le nouvel Hesdin à une lieue au-dessous. Elle est sur la Canche, à 9 lieues S. O. de S. Omer, 10 N. E. d'Arras, 40 N. O. de Paris. Long. 19. 48. lat. 52. 22. (D.J.)


HESHUSIENSS. m. pl. (Hist. eccles.) hérétiques qui donnerent dans l'Arianisme, & d'autres erreurs que Tilman Heshusius, ministre protestant d'Allemagne, publia dans le seizieme siecle.


HESITANSpart. pl. pris subst. (Hist. eccles.) on appella de ce nom ceux des Eutychiens & des Acephales, qui étoient incertains s'ils recevroient ou rejetteroient le concile de Chalcédoine. Les acceptans prirent le nom de Synodotins ; les appellans, qui ne s'attachoient ni à Cyrille, ni à Jean d'Antioche, celui d'Hésitans.


HESITATIONS. f. (Morale) incertitude dans les mouvemens du corps, qui marque la même incertitude dans la pensée. Si dans la comparaison que nous faisons intérieurement des motifs qui peuvent nous déterminer à dire ou à faire, ou qui doivent nous en empêcher, nous sommes alternativement & rapidement portés & retenus, nous sommes incertains, nous hésitons. Ainsi l'incertitude est une suite de déterminations momentanées & contraires. L'ame oscille entre des sentimens opposés, & l'action demeure suspendue. De tout ce qui se passe en nous, il n'y a rien peut-être qui marque tant que nous avons, sinon la mémoire présente d'une chose, du moins celle d'une sensation, tandis que nous sommes occupés d'une autre, que nos incertitudes & nos hésitations. Il semble qu'il y ait en nous des mouvemens de fibres, & conséquemment des sensations qui durent, tandis que d'autres, ou disparates ou contraires, naissent ou s'exécutent. Sans cette coexistence, il est bien difficile d'expliquer la plûpart des opérations de l'entendement. Hésiter se dit aussi quelquefois de la mémoire seule. Si la mémoire infidele ne nous sert pas facilement, nous hésitons en récitant.


HESN-MEDI(Géog.) ville de Perse. Long. selon Tavernier, 74. 45. lat. 32. 5. (D.J.)


HESPER(Astron.) voyez HESPERIES.


HESPERIDESsub. f. pl. (Hist. & Myth.) filles d'Hesperus selon les uns, & d'Atlas selon les autres. Rapportons ici ce que l'Histoire nous a transmis de ces fameuses nymphes, & ce que les poëtes en ont publié ; c'est tout ce que je veux extraire succinctement d'un grand mémoire que j'ai lû sur ce sujet, dans le recueil de l'académie des Inscriptions.

Selon Paléphate, Hesperus étoit un riche Milésien qui vint s'établir dans la Carie. Il eut deux filles nommées Hespérides, qui avoient de nombreux troupeaux de brebis, qu'on appelloit brebis d'or, à cause de leur beauté ; ou, ce que j'aurois mieux aimé dire, à cause du produit qu'elles en retiroient. Ces nymphes, ajoute Paléphate, confierent la garde de leur troupeau à un berger nommé Dracon ; mais Hercule passant par le pays qu'habitoient les filles d'Hesperus, enleva & le berger & le troupeau. Varron & Servius ont adopté ce récit simple & naturel.

D'autres écrivains en grand nombre, changent le berger des Hespérides en jardinier, & leurs troupeaux en fruits nommés pommes d'or par les Grecs, soit à cause de leur couleur, de leur goût excellent, ou de leur rapport. Cette seconde opinion n'a pas moins de partisans que la premiere ; & il semble même que dans la suite des tems elle soit devenue, sur-tout parmi les modernes, l'opinion dominante, ensorte que les uns ont entendu par ces pommes d'or des coings, d'autres des oranges, & d'autres des citrons.

Diodore ne prend point de parti sur ce dernier article, parce que, dit-il, le mot grec , dont les anciens auteurs se sont servis, peut signifier également des pommes ou des brebis, mais il entre dans les détails sur l'histoire même des Hespérides. Si nous l'en croyons, Hesperus & Atlas étoient deux freres, qui possédoient de grandes richesses dans la partie la plus occidentale de l'Afrique. Hesperus eut une fille appellée Hespérie, qui donna son nom à toute la contrée ; elle épousa son oncle Atlas, & de ce mariage sortirent sept filles, qu'on appella tantôt Hespérides, du nom de leur mere, & de leur ayeul maternel, tantôt Atlantides, du nom de leur pere.

Elles faisoient valoir soigneusement, ou des troupeaux, ou des fruits, dont elles tiroient de bons revenus. Comme elles étoient aussi belles que sages, leur mérite fit beaucoup de bruit dans le monde. Busiris, roi d'Egypte, devint amoureux d'elles sur leur réputation ; & jugeant bien que sur la sienne il ne réussiroit pas par une recherche réguliere, il envoya des pirates pour les enlever. Ceux-ci épierent le tems où elles se réjouissoient entr'elles dans un jardin, & exécuterent l'ordre du tyran. Au moment qu'ils s'en retournoient tout fiers de leur proie, Hercule qui revenoit de quelques-unes de ses expéditions, les rencontra sur le rivage, où ils étoient descendus pour prendre un repas. Il apprit de ces aimables filles leur avanture, tua les corsaires, mit les belles captives en liberté, & les ramena chez leur pere.

Atlas charmé de revoir ses filles, fit présent à leur libérateur de ces troupeaux, ou de ces fruits, qui faisoient leurs richesses. Hercule, fort content de la réception d'Atlas, qui l'avoit même initié par surcroît de reconnoissance dans les mysteres de l'Astronomie, revint dans la Grece, & y porta les présens dont son hôte l'avoit comblé.

Pline embrasse l'opinion de ceux qui donnent des fruits & non des troupeaux aux Hespérides, & paroît vouloir placer leurs jardins à Lixe, ville de Mauritanie : un bras de mer, dit-il, serpente autour de cette ville, & c'est ce bras de mer qui a donné aux poëtes l'idée de leur affreux dragon.

Si l'on suit les autres historiens, de la narration desquels je ne me propose point d'ennuyer le lecteur, on trouvera que ce qu'il y a d'incontestable touchant les Hespérides se réduit à ces trois ou quatre articles : qu'elles étoient soeurs ; qu'elles possédoient une sorte de bien, dont elles étoient redevables à leurs soins & à la bonté du terroir qu'elles cultivoient ; que leur demeure étoit bien gardée ; & qu'enfin Hercule étant allé chez elles, il remporta dans la Grece de ces fruits, ou de ces troupeaux, qui leur étoient d'un bon revenu.

Mais il faut voir ce que les poëtes ont fait de ce peu de matiere, & quelle forme ils ont sû lui donner. Ils changent le lieu qu'habitoient les Hespérides en un jardin magnifique & délicieux ; l'or y brille de toutes parts ; les fruits, les feuilles & les rameaux que portent ces arbres, sont de ce précieux métal ; Ovide nous en assure,

Arboreae frondes, auro radiante nitentes

Ex auro ramos, ex auro poma ferebant.

Métam. lib. IV.

Toutes ces richesses sont gardées par un horrible dragon, qui a cent têtes, & qui pousse en l'air cent différentes sortes de sifflemens ; aussi les pommes sur lesquelles il tient sans-cesse les yeux ouverts, charment la vûe par leur beauté, & font sur les coeurs des impressions dont il est impossible de se défendre. Lorsque Jupiter épousa Junon, cette déesse lui porta de ces pommes en mariage, & ne crut pas pouvoir lui payer sa dot plus magnifiquement. Ce fut avec une de ces pommes que la Discorde mit la division entre trois des plus grandes divinités du ciel, entre Junon, Vénus & Pallas ; & par cette seule pomme, elle jetta le trouble dans tout l'olympe. Ce fut avec ces mêmes pommes qu'Hippomene adoucit la fiere Atalante, la rendit sensible à ses voeux, & lui fit éprouver toutes les fureurs de l'amour.

Tandis que ces mêmes poëtes font de ces jardins un séjour ravissant, ils font de celles qui l'habitent autant d'enchanteresses ; elles ont des voix admirables ; elles temperent leurs travaux par des concerts divins ; elles aiment à prendre toutes sortes de figures, & à étonner les yeux des spectateurs par des métamorphoses également soudaines & merveilleuses. Les Argonautes arrivent-ils auprès d'elles, Hespéra devient un peuplier, Erythéis est un ormeau, Eglé se change en saule.

Il ne restoit plus aux poëtes, pour rendre les Hespérides respectables de tout point, que de les marquer au coin de la religion, & que d'en créer des divinités dans toutes les formes. Ces beaux génies n'y ont pas manqué : ils leur ont donné un temple ; ils y ont joint une prêtresse, redoutable par l'empire souverain qu'elle exerce sur toute la nature. C'est cette prêtresse qui garde elle-même les rameaux sacrés, & qui nourrit le dragon de miel & de pavots. Elle commande aux noirs chagrins, & sait à son gré les envoyer dans les coeurs des mortels, ou les chasser de leur ame avec la même facilité ; elle arrête le cours des fleuves ; elle force les astres à retourner en arriere ; elle contraint les morts à sortir de leurs tombes ; on entend la terre mugir sous ses pieds, & à son ordre on voit les ormeaux descendre des montagnes. Loin d'exagérer, je ne fais que rendre en mauvaise prose la peinture qu'en fait Virgile en de très-beaux vers :

Hesperidum templi custos, epulasque draconi

Quae dabat, & sacros servabat in arbore ramos ;

Spargens humida mella, soporiferumque papaver ;

Haec se carminibus promittit solvere mentes,

Quas velit, ast aliis duras immittere curas :

Sistere aquam fluviis, & sidera vertere retrò,

Nocturnos terram, & descendere montibus ornos.

C'est ainsi que les poëtes peuvent tout embellir ; & que, graces à leurs talens, ils trouvent dans les sujets les plus stériles des sources inépuisables de merveilles.

Peu nous doit importer, si l'on remarque dans leurs embellissemens une infinité de différences. Ce sont des choses inséparables des fictions de l'esprit humain, & ce seroit une entreprise ridicule de vouloir les concilier. C'est assez que les poëtes conviennent ensemble que les Hespérides sont soeurs ; que leurs richesses consistoient en pommes d'or ; que ces pommes étoient gardées par un dragon ; qu'Hercule pourtant trouva le moyen d'en cueillir, & d'en emporter dans la Grece. Mais, dira-t-on, ils sont divisés sur presque tous les autres faits ; ils ne s'accordent, ni sur la naissance de ces nymphes, ni sur leur nombre, ni sur la généalogie du dragon, ni sur le lieu où les jardins des Hespérides étoient situés, ni finalement sur la maniere dont Hercule s'y prit pour avoir de leurs fruits. Tout cela est très-vrai, mais ces variétés d'idées ne nuisent à personne ; les fictions ingénieuses seront celles auxquelles nous donnerons notre attache, sans nous embarrasser des autres.

Hésiode, par exemple, veut que les Hespérides soient nées de la Nuit ; peut-être donne-t-il une mere si laide à des filles si belles, parce qu'elles habitoient à l'extrémité de l'occident, où l'on faisoit commencer l'empire de la Nuit. Lorsque Chérécrate au contraire les fait filles de Phorcus & de Céto, deux divinités de la mer, cette derniere fiction nous déplaît, parce que c'est une énigme inexplicable.

Quant au nombre des Hespérides, les poëtes n'ont rien feint d'extraordinaire. La plûpart ont suivi l'opinion commune qui en établit trois, Eglé, Aréthuse & Hespéréthuse. Quelques-uns en ajoûtent une quatrieme, qui est Hespéra ; d'autres, une cinquieme, qui est Erythéis ; d'autres, une sixieme, qui est Vesta ; & ces derniers mêmes n'ont point exagéré, puisque Diodore de Sicile, historien, fait monter le nombre de ces nymphes jusqu'à sept.

Leur généalogie du dragon nous est fort indifférente en elle-même, soit qu'on le suppose fils de la Terre avec Pysandre, ou de Typhon & d'Echidne avec Phérécide. Mais les couleurs dont quelques-uns d'eux peignent ce monstre expirant, nous émeuvent & nous intéressent. Ce n'est pas une description de mort ordinaire qu'on lit dans Apollonius, c'est un tableau qu'on croit voir : " Le dragon, dit-il, percé des traits d'Hercule, est étendu au pied de l'arbre ; l'extrémité de sa queue remue encore, le reste de son corps est sans mouvement & sans vie ; les mouches s'assemblent par troupes sur le noir cadavre, sucent & le sang qui coule des plaies & le fiel amer de l'hydre de Lerne, dont les fleches sont teintes. Les Hespérides désolées à ce triste spectacle, se couvrent le visage de leurs mains, & poussent des cris lamentables "...

En un mot, de telles descriptions nous affectent, tandis que nous ne sommes point épris des prétendus mysteres qu'on prétend que ces fictions renferment, & des explications historiques, morales ou physiques qu'on nous en a données ; encore moins pouvons-nous goûter les traces imaginaires que des auteurs, plus chrétiens que critiques, croyent appercevoir dans ces fables de certaines vérités que contiennent les livres sacrés. L'un retrouve dans les pommes, ou dans les brebis des Hespérides, Josué qui pille les troupeaux & les fruits des Cananéens ; l'autre se persuade que le jardin des Hespérides, leurs pommes & leur dragon ont été faits d'après le paradis terrestre. Non, non, les poëtes, en forgeant la fable de ces aimables nymphes, n'ont point corrompu l'Ecriture-sainte, qu'ils ne connoissoient pas ; ils n'ont point voulu nous cacher des mysteres, ni nous donner aucunes instructions. C'est faire trop d'honneur à ces agréables artisans de mensonges que de leur prêter des intentions de cette espece ; ils se sont uniquement proposés de nous amuser, d'embellir leur sujet, de donner carriere à leur enthousiasme, d'exciter l'admiration & la surprise, en un mot de peindre & de plaire, & l'on doit avouer qu'ils ont eu, pour la plûpart, le secret de réussir. (D.J.)

HESPERIDES, îles des, (Géog. anc.) îles de la mer Atlantique ; Pline, l. VI. c. xxxj. n'en parle qu'avec incertitude ; ce qu'il en dit, ne convient point aux Canaries, encore moins aux Açores, ni aux Antilles ; il met une journée de navigation depuis les îles Hespérides au cap nommé Hesperu-ceras ; il parcourt donc la côte occidentale d'Afrique : le cap qu'il nomme Hesperu-ceras doit être le Cap-verd ; les Héspérides étoient, dit-il, à une journée en-deçà de Hesperu-ceras ; seroient-ce deux des îles du Sénégal ? Mais enfin quel fonds peut-on faire sur des relations imparfaites, & dressées dans des tems où ces lieux n'étoient connus que par une tradition également obscure & incertaine. (D.J.)


HESPERIES. f. (Géog.) en général contrée occidentale. Les Grecs appellent Hesperie l'Italie qui est à leur couchant, & par la même raison les Romains donnerent le même nom à l'Espagne.


HESPERUSS. m. (Astronom.) on donne ce nom à la planete de Vénus, lorsqu'elle paroît le soir avant le coucher du soleil. C'est celle que le peuple nomme étoile du berger, voyez VENUS. Lorsque Vénus paroît le matin avant le lever du soleil, on la nomme Phosphorus. M. Bianchini a donné un ouvrage sur la planete de Vénus qui a pour titre : Hesperi & phosphori nova phaenomena. (O)

HESPERUS, (Mytholog.) l'étoile du soir ; les poëtes en ont fait un dieu, fils de Céphale & de l'Aurore. Brillant hesperus, dit Milton, c'est vous qui marchant à la tête du corps étoilé, tenez le crépuscule à vos ordres ! arbitre expéditif entre la nuit & le jour, souffrez que je vous salue !

Bright hesperus that leads the starry train,

Whose office is to bring twilight upon the earth ;

Short arbiter'twixt day ant night....

Hesper, ou Hesperus dans l'histoire, fut chassé de ses états par son frere Atlas, & s'établit en Italie, à laquelle il donna le nom d'Hespérie. Diodore de Sicile, l. III. ajoute que comme Hesperus montoit souvent le soir sur le mont Atlas, pour contempler les astres, & qu'il ne parut plus ; on debita qu'il avoit été métamorphosé en un astre, qu'on appella le matin lucifer, & le soir hesperus, du nom du prince astronome. Les Latins changerent l'aspiration en v, & dirent vesper. C'est, matin ou soir, l'étoile du berger des habitans de nos campagnes. (D.J.)


HESSE LA(Géog.) pays d'Allemagne avec titre de landgraviat, dans le cercle du haut-rhin, borné par la Wétéravie, la Thuringe, la Westphalie, la Franconie, & le pays de Brunswick ; ce pays s'étend depuis le Mein jusqu'au Wéser. Il se divise en haute & basse Hesse. La maison souveraine de ce pays est partagée en quatre branches, dont chacune prend la qualité de landgrave, deux principautés Hesse-Cassel calviniste, & Hesse-Darmstadt luthérienne ; & deux autres qui sont des branches de Hesse-Rhinfelds catholique, & Hesse-Hombourg calviniste : ces quatre landgraviats tirent leur origine des Cattes, Catti, lesquels faisoient partie des Hermions, grand peuple de la Germanie.

Le pays de Hesse est, comme nous l'avons dit, un landgraviat, ce qui signifie un comté provincial. Il est coupé par des forêts, montagnes, prairies, & terres labourables ; les montagnes ont des mines de fer propre à faire du canon. Ceux qui seront curieux d'en connoître l'histoire naturelle, peuvent lire l'ouvrage suivant : Wolfart (Petri) Historia naturalis Hassiae, Cassellis, 1719. in-fol. avec figures. On y peut joindre Liebknecht (Joh. Georg.) Hassia subterranea, Giessae, 1730. in-4°. Ceux qui voudront s'instruire de l'origine de l'illustre maison qui possede ce pays, en trouveront les détails dans l'Hist. de l'empire, par Heiss. (D.J.)


HESTIÉESS. f. pl. (Antiq.) sacrifices solemnels qu'on faisoit dans plusieurs lieux de la Grece, & surtout à Corinthe, en l'honneur de la fille de Saturne & de Rhéa, la déesse du feu, ou le feu même ; car le nom , que les Grecs donnoient à cette divinité, signifie feu, foyer des maisons, d'où les Latins ont fait celui de vesta. Voyez VESTA. (D.J.)


HÉSYCHASTESS. m. pl. (Hist. éccl.) , les Hésychastes étoient des moines grecs contemplatifs, qui demeuroient dans une perpétuelle oisiveté ; ils se persuaderent à force de contemplation, & d'après Palamas, archevêque de Thessalonique, que la lumiere vue par les apôtres sur le Thabor étoit Dieu même, ou du moins qu'elle étoit incréée ; sans cette erreur de spéculation qu'ils soutinrent en 1340, qui fut condamnée, & qu'il valoit mieux laisser tomber sans y faire attention, on n'auroit jamais parlé des Hésichastes dans l'histoire, que comme de gens simplement inutiles au monde. L'origine de leur nom vient du grec , vivre dans le repos, dans la tranquillité, mot derivé d', tranquille, oisif. (D.J.)


HÉTERIARQUES. m. (Hist. anc.) nom d'un officier dans l'empire grec. Il y en avoit deux, dont l'un s'appelloit simplement hétériarque, & l'autre le grand hétériarque. L'hétériarque étoit subordonné au grand hétériarque.

C'étoient les officiers qui commandoient les troupes des alliés : ils avoient aussi différentes fonctions à la cour auprès de l'empereur. Goldin les décrit, de Officiis, cap. v. n°. 30. 31. 32. 37. Diction. de Trévoux. (G)


HÉTEROCLITEadj. (Gram.) les Grammairiens appellent ainsi les noms & les adjectifs, qui s'écartent en quelque chose des regles de la déclinaison à laquelle ils appartiennent, au lieu qu'ils appellent anomaux les verbes qui ne suivent pas exactement les loix de leur conjugaison. Voyez ANOMAL.

L'idée commune attachée à ces deux termes est donc celle de l'irrégularité ; ce sont deux dénominations spécifiques attribuées à différentes especes de mots, & également comprises sous la dénomination générique d'irrégulier. C'est donc sous ce mot qu'il convient d'examiner les causes des irrégularités qui se sont introduites dans les langues. Voyez IRREGULIER.

Pour ce qui concerne les anomaux & les hétéroclites propres à chaque langue, c'est aux grammaires particulieres qui en traitent à les faire connoître : les méthodes de P. R. ont assez bien rempli cet objet à l'égard du grec, du latin, de l'italien, & de l'espagnol.

Le mot hétéroclite est composé de deux mots grecs, , autrement, & , décliner ; de-là l'interprétation qu'en fait Priscien, lib. XVII. de constr. , dit-il, id est diversiclinia, des mots qui se déclinent autrement que les paradigmes, avec lesquels ils ont de l'analogie. (B. E. R. M.)


HÉTERODOXEadj. m. & f. terme dogmatique, qui est contraire aux sentimens reçus dans la véritable religion. Ce mot vient du grec , composé d', autre, & , croyance, opinion.

On dit opinion hétérodoxe, docteur hétérodoxe ; ce mot est opposé à orthodoxe. Voyez ORTHODOXE, Dict. de Trévoux. (G)


HÉTERODROMEadj. m. & f. levier hétérodrome, terme de méchanique ; c'est un levier dont le point d'appui est entre le poids & la puissance. Voyez LEVIER & APPUI.

On l'appelle autrement levier du premier genre ; tel est celui qui est représenté Pl. méchan. fig. 1.

Ce mot vient des mots grecs , autre, différent, & , je cours, parce que dans ce levier la puissance & le poids se meuvent en sens différens.

Lorsque le poids est entre la puissance & le point d'appui, ou la puissance entre le poids & l'appui, le levier s'appelle homodrome ; tels sont ceux qui sont représentés fig. 2. & 3. Voyez HOMODROME, Chambers. (O)


HÉTEROGENEadj. en Grammaire, on appelle ainsi les noms qui sont d'un genre au singulier, & d'un autre au pluriel. R R. , autre, & , genre. Voyez GENRE, n°. v.

Quoiqu'on ne trouve dans cet article que des exemples latins, il ne faut pas croire que le terme & le fait qu'il désigne soient exclusivement propres à la langue latine. On trouve plusieurs noms hétérogenes dans la langue grecque ; , remus ; , remi ; , circulus ; & , circuli, &c. Voyez le ch. viij. liv. II. de la méthode grecque de P. R.

Notre langue elle-même n'est pas sans exemple de cette espece : délice au singulier est du genre masculin ; quel délice, c'est un grand délice : le même nom est du genre féminin au pluriel, des délices infinies.

La langue italienne a aussi plusieurs noms hétérogenes qui, masculins & terminés en o au singulier, sont féminins & terminés en a au pluriel : il braccia, le bras ; le braccia, les bras ; l'osso, l'os ; le ossa, les of ; il riso, le ris ; le risa, les ris ; l'uovo, l'oeuf ; le uova, les oeufs, &c. Voyez le Maître italien de Veneroni, traité des neuf parties d'oraison, ch. ij. des noms en o, & la Méthode italienne de P. R. part. I. ch. v. regl. vij.

En un mot, il peut se trouver des hétérogenes dans toutes les langues qui admettent la distinction des genres ; la seule stabilité de l'usage suffit pour y en introduire. (E. R. M.)

HETEROGENE, adj. m. & f. (Physiq.) se dit d'une chose de nature ou de qualité différente d'une autre, ou d'une chose dont les parties sont de nature différente ; il est opposé à homogene. Voyez HOMOGENE.

Ce mot grec est composé d', alter, différent, & , genus, espece.

Hétérogene se dit sur-tout en termes de méchanique, des corps dont la densité n'est pas égale par-tout. Voyez DENSITE.

Dans les corps hétérogenes, la pesanteur d'une partie quelconque n'est pas proportionnelle au volume de cette partie. Voyez DENSITE.

Lumiere hétérogene est celle qui est composée de rayons qui different en couleur, & par conséquent en réfrangibilité & réflexibilité. Voyez LUMIERE, RAYON, REFRANGIBILITE, &c.

Nombres hétérogenes sont des nombres composés de nombres entiers & de fractions, comme 3 + 1/4, &c. Voyez NOMBRE.

Quantités hétérogenes sont celles qui sont si différentes entr'elles, que quelque nombre de fois que l'on prenne une d'elles, elle n'égale ni n'excede jamais l'autre. Tels sont par exemple le point & la ligne, la surface & le solide en Géométrie. Voyez GEOMETRIE.

Quantités sourdes hétérogenes, sont celles qui ont différens signes radicaux, dont les exposans n'ont point de diviseur commun, comme , & ; , & . Chambers. (O)

HETEROGENE, (Med.) c'est une épithete qui est souvent employée dans la théorie médicinale, pour désigner en général une qualité des humeurs du corps humain, qui est différente de celle qu'elles doivent avoir dans l'état de santé, étrangere à l'économie animale, & susceptible par conséquent de causer de grands desordres, à proportion qu'elle est plus ou moins dominante ; en tant que les humeurs viciées causent des changemens contre-nature dans le cours des fluides, soit par les altérations qui en résultent dans leur consistance, soit par les impressions sur les solides trop ou trop peu fortes, dont ces fluides deviennent capables. Voyez IRRITABILITE.

Ainsi, par exemple, le levain de la fievre, de la petite-vérole, des maladies vénériennes, forme l'hétérogene dans la masse des humeurs, d'où sont produits tous les effets que l'on observe dans ces différentes maladies.

Voyez les définitions des termes de Medecine par Gorré, & les diverses acceptions du mot hétérogene, dans le Traité des fievres continues de M. Quesnay, qui en fait un grand usage.


HÉTEROSCIENSS. m. pl. (Géog.) les géographes grecs, qui partageoient la terre selon le cours de l'ombre du soleil en plein midi, nommoient ainsi les habitans des deux zones tempérées, dont les uns ont leur ombre au nord, & les autres au midi.

Les Hétérosciens, dit Ozannam, sont les habitans des zones tempérées, parce que leurs ombres méridiennes tendent toujours vers une même partie du monde ; savoir, vers le septentrion à ceux qui sont sous la zone tempérée septentrionale comme nous ; & vers le midi, à ceux qui demeurent entre le Tropique du Capricorne & le cercle polaire antarctique : ainsi les Hétérosciens de notre côté, c'est-à-dire en-deçà du Tropique du Cancer, lorsqu'ils se tournent vers le soleil à midi, ont l'orient à gauche & l'occident à droite ; au contraire les Hétérosciens de l'autre côté, c'est-à-dire au-delà du Tropique du Capricorne, lorsqu'ils se tournent vers le soleil à midi, ont l'occident à leur gauche & l'orient à leur droite ; c'est de cette opposition d'ombres que leur vient le nom d'Hétérosciens. (D.J.)


HÉTEROUSIENSHeterousii, s. m. pl. (Hist. éccl.) est le nom d'une secte d'Ariens, disciples d'Aétius, & appellés de son nom Aétiens. Voyez AETIENS.

Ce nom est grec, composé de , autre, & , substance.

Il fut donné à ces hérétiques, parce qu'ils disoient, non pas que le Fils de Dieu étoit d'une substance semblable à celle du Pere, comme quelques Ariens qu'on nommoit pour cela Homoiousiens, Homoiousii, mais qu'il étoit d'une autre substance que lui. Voyez ARIENS & HOMOIOUSIENS, Dict. de Trévoux. (G)


HÉTICHS. m. (Hist. nat. Botan.) espece de rave ou de navet d'Amérique, ou racine qui a environ un pié & demi de longueur, & qui est grosse comme les deux poings ; elle est fort bonne à manger, & on la regarde comme légerement laxative.


HETMANNS. m. (Hist. mod.) dignité qui en Pologne répond à celle de grand général de la couronne ; & dans l'Ukraine, c'est le chef des cosaques, il est vassal de l'empire russien.


HÊTREfagus, s. m. (Bot.) genre de plante à fleur arrondie & composée de plusieurs étamines qui sortent d'un calice fait en forme de cloche. Les embryons naissent sur le même arbre séparément des fleurs, & deviennent des fruits durs & pointus, qui s'ouvrent par la pointe en quatre parties & qui renferment ordinairement deux semences à trois côtes. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE.

HETRE, s. m. (Hist. nat. Botan.) le hêtre est un grand arbre, qui se trouve communément dans les forêts des climats tempérés de l'Europe. Il grossit, s'éleve, s'étend plus promtement, & fournit plus de bois qu'aucun autre arbre ; il prend une tige droite, dont la tête se garnit de beaucoup de branches : cet arbre se fait distinguer par son écorce qui est lisse, unie & d'une couleur cendrée fort claire ; en général, il plaît à la vue par la grande vivacité qui l'annonce de loin. Ses feuilles ovales de médiocre grandeur & d'une verdure brillante sont placées alternativement sur les branches. Le hêtre donne au printems des fleurs mâles ou chatons de figure ronde, qui paroissent en même tems que les feuilles. Le fruit qui vient séparement est renfermé dans une espece de brou qui est hérissé de piquans, il s'y trouve ordinairement deux graines qui sont oblongues & triangulaires : on donne à ce fruit le nom de faine. Le brou, qui lui sert d'enveloppe, s'ouvre au mois d'Octobre, & laisse tomber le fruit ; c'est l'annonce de sa maturité.

Cet arbre, par sa stature & son utilité, se met au nombre de ceux qui tiennent le premier rang parmi les arbres forestiers ; il est vrai qu'à plusieurs egards il est inférieur au chêne, au châtaigner & à l'orme, qui ont généralement plus d'utilité ; mais le hêtre consideré par le volume de son bois, par la célérité de son accroissement, & par la médiocrité du terrein où il prospere, peut entrer en parallele avec des arbres plus recommandables.

Cet arbre est très-propre à former un bois, lorsque la forme du sol & la qualité du terrein ne permettent pas au chêne d'y dominer. Le hêtre se plaît dans les lieux froids sur le penchant & au sommet des montagnes ; il se contente d'un terrein peu substantiel ; il vient bien dans les terres crétacées, & même dans le sable & le grai, lorsqu'il y a un peu d'humidité ; il réussit sur-tout dans les terres grasses & argilleuses, lorsque le sable domine. Ses racines ne s'enfoncent pas si profondement que celles du chêne, mais dans les terreins dont on vient de parler, elles parviennent où celles du chêne ne pourroient pénétrer. Le hêtre craint la trop grande humidité, il se refuse aux terres fortes ou marécageuses, & à celles qui sont trop superficielles.

On éleve le hêtre en semant la faine. Il faut qu'elle tombe d'elle-même pour être en parfaite maturité ; ce qui arrive dans le courant du mois d'Octobre : comme il seroit difficile & couteux de la faire ramasser grain à grain, on rassemble & on enleve avec les deux mains tout ce qui se trouve sous les hêtres, graines, feuilles & enveloppes, que l'on met dans des sacs ; ensuite on vanne le tout, & quand la faine est bien nettoyée, on la passe à l'épreuve de l'eau dans un baquet, dont on rejette les grains que leur défectuosité fait surnager. On peut semer la faine depuis le mois d'Octobre jusqu'à celui de Février ; plus tôt on s'y prend, mieux elle leve : il est vrai qu'en se hâtant, il y a des risques à courir : les rats, les souris, les mulots, & tous les insectes qui vivent sous la terre en sont très-avides : ensorte que dans les années où ces animaux surabondent, ils détruisent presque tout le semis. Dans ce cas, on doit prendre le parti de conserver la faine pendant l'hiver dans du sable qu'il faut toujours tenir séchement pour l'empêcher de germer : cet avancement seroit sujet à inconvénient ; la faine en levant jette au bout des feuilles seminales l'enveloppe de son amande ; si quand on seme, la germination étoit faite, les germes qui sont si foibles alors, resteroient couchés sous terre faute de point d'appui pour se relever & pousser dehors leur enveloppe. On ne peut semer la faine que dans un terrein léger & assez cultivé pour qu'il puisse favoriser la sortie des enveloppes dont on vient de parler. Quand on veut semer un grand canton, si le terrein a été cultivé de longue main pour rapporter du grain, on y fera faire un seul labourage à la charrue ; ensuite on semera la faine, même avec le sable si elle y a été mêlée ; puis, en y faisant passer la herse, elle se trouvera suffisamment enterrée. Si le semis a été fait après l'hiver, les graines leveront en moins d'un mois : les gelées de printems ne lui causent aucun dommage. Les plants feront bien peu de progrès les premieres années ; ils seront foibles, branchus, raffauts ; il faudra les couper après la quatrieme année pour les fortifier & leur faire prendre une tige.

De tous les arbres de nos forêts, le hêtre est celui dont la transplantation est moins de ressource ; soit que l'on veuille regarnir un grand canton de bois, ou en former un médiocre, on s'avise souvent de faire arracher de jeunes plants dans les forêts, & de les faire planter dans les places que l'on veut mettre en bois ; c'est un bien mauvais parti à prendre : il n'y aura guere moins de desavantage à se servir de jeunes plants venus en pepiniere. On fait ordinairement ces plantations dans un terrein inculte, après n'avoir fait creuser que de fort petits trous ; la transplantation se fait fort négligemment, tout perit. Si l'on veut prendre de plus grandes précautions pour les creux & la culture, la dépense sera immense ; encore le succès sera-t-il fort incertain. Quoi qu'il en soit, si l'on veut risquer cette pratique, les plants d'environ deux piés de hauteur sont les plus propres à transporter : ceux qui sont plus petits n'ont pas assez de racines. Il faut bien se garder de trop retrancher ni de la tête ni des racines ; on doit s'en tenir à couper le pivot, à tailler la petite cime, & à chicotter les branches.

Quoique le hêtre soit un grand & bel arbre, d'une forme réguliere & d'un aspect agréable, on n'en fait nul usage pour l'ornement des jardins ; c'est un arbre commun, un arbre ignoble, on le méprise. Cependant il y a des terreins qui se refusent à la charmille, & où le hêtre formeroit les plus belles & les plus hautes palissades : c'est sur-tout à ce dernier usage qu'on pourroit l'appliquer avec le plus de succès. Ces palissades brisent les vents & résistent à leur impétuosité mieux qu'aucun autre arbre ; il ne faut pas les tailler en été. Le hêtre fait beaucoup d'ombre, qui est nuisible à tout ce qui croît dessous : ses feuilles données en verd au bétail lui font une bonne nourriture ; quand elles sont seches on en peut faire des paillasses, & lorsqu'elles sont à demi pourries, elles sont propres à engraisser les terres.

Le bois du hêtre est d'une grande utilité ; mais on ne le fait servir qu'à de petits usages, qui, à la vérité, s'étendent à une infinité de choses. Nos charpentiers ne s'en servent pas ; il est trop cassant, trop sujet à la vermoulure. Cependant les Anglois, qui par la rareté du bois, sont obligés de faire usage de tout, trouvent moyen d'employer le hêtre à de gros ouvrages. Ecoutons Ellis, auteur anglois, qui a donné en 1738, sur la culture des arbres forestiers, un traité fort petit, mais qui contient beaucoup de faits. " Le bois du hêtre, dit cet auteur, est propre à faire des membrures & des planches dont on peut former des parquets, planchers de greniers, & faire des boiseries ; l'aubier de ce bois est celui de tous les arbres qui dure le moins, & où les vers font le plus grand dommage : il faut absolument l'enlever avant d'employer ce bois, qui sans cela, se tourmenteroit pendant plusieurs années. Mais si on veut rendre les planches & les membrures de bonne qualité, il faut les jetter dans l'eau immédiatement après leur sciage, & les y laisser pendant quatre ou cinq mois. Plus les planches sont minces, moins le ver les attaque. Si l'on vouloit employer le hêtre dans les bâtimens, il faudroit soutenir à trois piés au-dessus de terre des grosses pieces de ce bois, faire du feu par-dessous avec des copeaux & du fagotage jusqu'à ce que les pieces ayent pris une couleur noire & une croûte ; il faut plonger ensuite les extrémités des pieces dans de la poix fondue, & les employer dans les étages élevés. Au lieu de couper cet arbre en hiver, comme cela se pratique ordinairement, il faut l'abattre dans le plus grand été, & dans la force de la seve. Par expériences faites, les arbres coupés en été, ont duré fort long-tems, & ceux coupés en hiver, ont été percés par les vers, & se sont pourris en fort peu d'années. Après que l'on aura coupé ces arbres en été, il faudra les laisser un an en grume, les retourner de tems en tems, ensuite les façonner, puis les jetter dans l'eau ". Les Charrons, les Menuisiers, les Tourneurs, les Layetiers, les Gainiers, les Sabottiers, &c. font grand usage de ce bois ; on lui donne de la consistance & de la durée, soit en vernissant la menuiserie, ou en passant à la fumée les autres ouvrages. Ce bois dure long-tems en lieu sec ; il est incorruptible sous l'eau, dans la fange, dans les marécages ; mais il périt bientôt s'il est exposé aux alternatives de la sécheresse & de l'humidité : c'est le meilleur de tous les bois à brûler & à faire du charbon.

La faine a aussi ses usages : elle a le goût de noisette ; mais l'astriction qui y domine la rend peu agréable à manger ; elle sert à engraisser les porcs & à faire de l'huile qui est bonne à brûler, à faire de la friture & même de la pâtisserie ; enfin on en fait du pain dans les tems de disette. Nous avons appris aux Anglois à s'en servir.

On ne connoît encore qu'une espece de hêtre qui a deux variétés ; l'une a les feuilles panachées de jaune, & l'autre les a panachées de blanc. On peut multiplier ces variétés en les greffant sur l'espece commune.


HÉTRURIEou plutôt sans aspiration, ETRURIE, s. f. Etruria, (Géog. anc.) ancien nom d'une contrée de l'Italie, qui répond en grande partie à la Toscane des modernes ; elle étoit séparée de la Ligurie par la riviere de Magra, & s'étendoit de là jusqu'au Tibre. Ce pays a souvent changé de nom ; les Cimbriens en furent chassés par les Pelasges ; ceux-ci en furent dépossédés à leur tour par les Lydiens, dont un roi de Lydie fit donner aux habitans de l'Hétrurie le nom de Tyrrhéniens, parce qu'il y avoit envoyé une colonie, à la tête de laquelle il avoit mis son fils Tyrrhène ; ensuite ces mêmes peuples, à cause de leurs rites pour les sacrifices, furent appellés dans la langue des Grecs, Thusci ; nous en avons formé le nom moderne du pays, la Toscane, & celui du peuple, les Toscans. La mer de cette côte a conservé le nom de mer Tyrrhénienne ; les Grecs nommoient l'Hétrurie, .

Anciennement, & avant la grande puissance des Romains, l'Hétrurie étoit partagée en douze peuples ; Tite-Live parle de ces douze peuples, l. IV. c. xxiij. c'étoit autant de villes, qui chacune avoit son territoire ; ces villes ont été indiquées par Cluvier & Holstenius ; le P. Briet en a donné la table fort détaillée, avec les noms modernes, & même ceux des endroits ruinés.

Toutes ces villes furent conquises par les Romains ; & sous les Césars, le nombre en fut augmenté jusqu'à quinze, si l'on en croit deux inscriptions rapportées par Gruter. Avant ce tems-là, l'Hétrurie ne contenoit que douze peuples, dont chacun avoit son lucumon, ou chef particulier. Voyez LUCUMON.

Il résulte de la table du P. Briet, dont je viens de parler, que l'ancienne Hétrurie comprenoit entiérement, 1°. le duché de Massa, & ce qui est entre ce duché & l'Apennin ; 2°. la Carsagnana ; 3°. l'état de la république de Lucques ; 4°. tout le grand duché de Toscane ; 5° le Pérusin ; 6°. l'Orviétan ; 7°. le patrimoine de S. Pierre ; 8°. le duché de Castro & Ronciglione ; 9°. lo stato de gli Presidii.

Telle étoit l'Hétrurie après que les Gaulois furent établis en Italie ; car avant leur arrivée, les Hétrusques avoient des établissemens au-delà de l'Apennin, mais ils en furent aisément dépouillés par des peuples guerriers, auxquels une nation amollie par l'aisance & le repos, n'étoit pas en état de résister longtems.

On conçoit de ce détail, que ce seroit se tromper grossierement, que de traduire toujours l'Hétrurie par la Toscane ; car quoique cet état, qui comprend le Florentin, le Pisan & le Siennois, soit une partie considérable de l'ancienne Hétrurie, il faut y en ajouter huit autres pour faire l'Hétrurie entiere. Voyez TOSCANE.

Ce furent les Hétrusques qui instruisirent les premiers Romains, soit parce qu'eux-mêmes avoient été éclairés par des colonies grecques, soit plutôt parce que de tout tems, une propriété de cette belle terre a été de produire des hommes de génie, comme le territoire d'Athènes étoit plus propre aux arts, que celui de Thèbes & de Lacédémone.

Il ne nous reste pour tout monument de l'Hétrurie, que quelques inscriptions épargnées par les injures du tems, & qui sont inintelligibles. En vain Gruter a publié l'alphabet de toutes ces inscriptions dans ses tables Eugubines, on n'en est pas plus avancé ; les savans hommes de Toscane, particulierement ceux qui ont travaillé à éclaircir les antiquités de leur pays, comme Vincenzo Borghini, auteur très-judicieux, l'ont ingénuement reconnu.

Ils ont eu d'autant plus de raison d'avouer cette vérité, que par le témoignage des anciens Grecs & Latins, il paroît que les Hétrusques avoient une langue & des caracteres particuliers, dont ils ne donnoient la connoissance à aucun étranger, pour se maintenir par ce moyen plus aisément dans l'honorable & utile profession où ils étoient, de consacrer chez leurs voisins, & même dans des contrées éloignées, les temples & l'enceinte des villes, d'interpréter les prodiges, d'en faire l'expiation, & presque toutes les autres cérémonies de ce genre. (D.J.)


HETTGAU(Géog.) district de la basse Alsace dans le voisinage de Seltz.


HETTSTOEDT(Géog.) petite ville d'Allemagne située dans le comté de Mansfeld.


HEUS. m. (Marine) c'est un bâtiment à varangues plates, qui tire peu d'eau, & dont les Hollandois & les Anglois se servent beaucoup. Il n'a qu'un mât, du sommet duquel sort une piece de bois qui s'avance en saillie vers la poupe qu'on appelle la corne. Cette corne & le mât n'ont qu'une même voile qui court de haut en bas de l'un à l'autre : ce même mât porte une vergue de foule, & est tenu par un gros étai qui porte aussi une voile nommée voile d'étai.

Les proportions les plus ordinaires du heu sont de soixante piés de longueur sur dix-huit de largeur ; il a de creux neuf piés, & de bord onze piés & demi ; la hauteur de l'étambord est de quatorze piés, celle de l'étrave quinze piés. (Z)


HEUKELUM(Géog.) petite ville des Provinces-unies, dans la Hollande sur la Linge, au-dessous de Léerdam, à deux lieues de Gorcum. Long. 22. 6. lat. 51. 55. (D.J.)


HEULOTSS. m. terme de pêche usité dans le ressort de l'amirauté de Saint-Valery en Somme. Voyez GOBLETS.


HEURES. f. (Astr. & Hist.) c'est la vingt-quatrieme & quelquefois la douzieme partie du jour naturel. Voyez JOUR.

Le mot heure, hora, vient du Grec , qui signifie la même chose, & dont l'étymologie n'est pas trop connue, les savans étant fort partagés sur ce sujet.

L'heure chez nous est une mesure ou quantité de tems égale à la vingt-quatrieme partie du jour naturel, ou de la durée du mouvement journalier que paroît faire le soleil autour de la terre. Quinze degrés de l'équateur répondent à une heure, puisque trois cent soixante degrés répondent à vingt-quatre. On divise l'heure en soixante minutes, la minute en soixante secondes, &c. Voyez MINUTE.

La division du jour en heure est très-ancienne, comme le prouve le P. Kircher dans son Oedip. aegypt. tom. II. les heures qui sont la vingt-quatrieme partie du jour, s'appellent heures simples ; les heures qui en sont la douzieme partie, s'appellent heures composées.

Les plus anciens peuples faisoient leurs heures égales à la douzieme partie du jour. Hérodote lib. II. observe que les Grecs avoient appris des Egyptiens entr'autres choses, à diviser le jour en douze parties.

Les Astronomes de Cathay conservent encore aujourd'hui cette division. Ils appellent l'heure chag, & donnent à chaque chag un nom particulier pris de quelque animal. Le premier est appellé zeth, souris ; le second chio, taureau ; le troisieme zem, léopard ; le quatrieme mau, lievre ; le cinquieme chiu, crocodile ; le sixieme six, serpent ; le septieme vou, cheval ; le huitieme vi, brebis ; le neuvieme schim, singe ; le dixieme you, poule ; l'onzieme sou, chien, le douzieme cai, porc.

Les heures qui partagent le jour en vingt-quatre parties égales étoient inconnues aux Romains avant la premiere guerre punique. Ils ne régloient leurs jours auparavant que par le lever & le coucher du soleil.

Ils divisoient les douze heures du jour en quatre : prime ou la premiere, qui commençoit à six heures du matin ; tierce ou la troisieme, à neuf ; sexte ou la sixieme, à douze ou midi ; & none ou la neuvieme, à trois heures après midi. Ils divisoient aussi les heures de la nuit en quatre veilles, dont chacune contenoit trois heures.

Il y a diverses sortes d'heures chez les Chronologistes, les Astronomes, les faiseurs de cadrans solaires. On divise quelquefois les heures en égales & inégales. Les heures égales sont celles qui sont la vingt-quatrieme partie du jour naturel ; c'est-à-dire le tems que la terre emploie à parcourir dans son mouvement diurne de rotation quinze degrés de l'équateur.

On les appelle encore équinoxiales, parce qu'on les mesure sur l'équateur ; & astronomiques, parce que les Astronomes s'en servent. Elles changent de nom suivant la maniere dont les différentes nations les comptent. Les heures astronomiques sont des heures égales que l'on compte depuis midi dans la suite continue des vingt-quatre heures. Ainsi quand un astronome dit qu'il a fait telle observation tel jour à dix-neuf heures, cela signifie tel jour à sept heures du soir.

Heures babyloniennes sont des heures égales, que l'on commence à compter depuis le lever du soleil.

Heures européennes sont des heures égales que l'on compte depuis minuit jusqu'à midi, & depuis midi jusqu'à minuit.

Heures judaïques, planétaires ou antiques, sont la douzieme partie du jour & de la nuit. Comme ce n'est qu'au tems des équinoxes que le jour artificiel est égal à la nuit, ce n'est aussi que dans ce tems que les heures du jour & de la nuit sont égales entr'elles. Elles augmentent ou diminuent dans tous les autres tems de l'année. On les appelle heures antiques ou judaïques, parce que les anciens & les Juifs s'en sont servis, & que ces derniers s'en servent encore, aussi-bien que les Turcs. On les appelle aussi heures planétaires, à cause que les Astrologues prétendent que chaque heure est dominée par une nouvelle planete ; & que le jour reçoit son nom de celle qui domine à la premiere heure, comme la lune au lundi, Mars au mardi, &c. Par exemple, le jour du soleil, c'est-à-dire le dimanche, la premiere heure que l'on compte au lever du soleil, est attribuée au soleil lui-même, & en prend le nom ; la suivante prend celui de Venus, la suivante de Mercure, ensuite de la lune, de Jupiter, de Saturne & de Mars, d'où il arrive que le jour suivant la premiere heure au lever du soleil tombe sur l'heure de la lune ; la premiere du jour d'après tombe sur l'heure de Mars, & ainsi de suite jusqu'à la fin de la semaine.

Les heures italiques sont des heures égales, que l'on commence à compter depuis le coucher du soleil.

Heures inégales, c'est la douzieme partie du jour, & aussi la douzieme partie de la nuit. L'obliquité de la sphere les rend plus ou moins inégales en différens tems ; & elles ne conviennent avec les heures égales comme les heures judaïques, qu'au tems des équinoxes.

Après les définitions que nous venons de donner des différentes heures, il est très-facile de les réduire les unes aux autres, & nous ne croyons pas qu'un plus grand détail soit nécessaire sur ce sujet. Voyez la Chronologie de Wolf, chap. j. d'où cet article est extrait en partie. Harris & Chambers. (G)

On connoît l'heure sur la terre ferme par le moyen des pendules & des montres. On peut se servir en mer pour le même objet, du second de ces instrumens, le premier étant sujet à trop de dérangemens par le mouvement du vaisseau. Mais faute de montres, on peut trouver aisément l'heure par un calcul fort simple. Connoissant la latitude du lieu où l'on est (Voy. LATITUDE), & la déclinaison du soleil (Voyez DECLINAISON), on observe la hauteur du soleil à l'heure qu'on cherche, & par la trigonométrie sphérique, on conclut aisément l'heure qu'il est. Voyez le traité de Navigation de Mr. Bouguer, p. 262 & suiv. où vous trouverez un plus grand détail sur ce sujet. (O)

HEURES, (Théologie) signifie certaines prieres que l'on fait dans l'église dans des tems réglés, comme matines, laudes, vêpres, &c. Voyez MATINES.

Les petites heures sont prime, tierce, sexte & none. On les appelle ainsi à cause qu'elles doivent être récitées à certaines heures, suivant les regles & canons prescrits par l'Eglise, en l'honneur des mysteres qui ont été accomplis à ces heures-là. Ces heures s'appelloient autrefois le cours, cursus. Le P. Mabillon a fait une dissertation sur ces heures, qu'il a intitulée de Cursu Gallicano.

La premiere constitution qui se trouve touchant l'obligation des heures, est le vingt-quatrieme article du capitulaire qu'Heiton ou Aiton, évêque de Basle au commencement du ix. siecle, fit pour ses cures. Il porte que les prêtres ne manqueront jamais aux heures canoniales, ni du jour ni de la nuit.

Les prieres des quarante heures sont des prieres publiques & continuelles que l'on fait pendant trois jours devant le saint Sacrement, pour implorer le secours du ciel dans des occasions importantes. On a soin pendant ces trois jours que le saint Sacrement soit exposé quarante heures, c'est-à-dire treize ou quatorze heures chaque jour.

HEURES, (Mythol.) en grec , filles de Jupiter & de Thémis, selon Hesiode, qui en compte trois, Eunomie, Dicé, & Irene, c'est-à-dire, le bon ordre, la justice, & la paix. Apparemment que cette fiction signifioit que l'usage bien fait des heures reglées, entretient les lois, la justice, & la concorde.

Homere nomme les heures les portieres du ciel, & nous décrit ainsi leurs fonctions : " Le soin des portes du ciel est commis aux heures ; elles veillent depuis le commencement des tems à la garde du palais de Jupiter ; & lorsqu'il faut ouvrir ou fermer ces portes d'éternelle durée, elles écartent ou rapprochent sans peine le nuage épais qui leur sert de barriere ".

Le poëte entend par le ciel, cette grande région de l'espace éthéré, que les saisons semblent gouverner ; elles ouvrent le ciel, quand elles dissipent les nuages ; & elles le ferment, lorsque les exhalaisons de la terre se condensent en nuées, & nous cachent la vûe du soleil & des astres.

La Mythologie greque ne reconnut d'abord que les trois heures, dont nous avons donné les noms, parce qu'il n'y avoit que trois saisons, le printems, l'été, & l'hiver ; ensuite quand on leur ajoûta l'automne & le solstice d'hiver, ou sa partie la plus froide, la Mythologie créa deux nouvelles heures, qu'elle appella Carpo, & Thalatte, & elle les établit pour veiller aux fruits & aux fleurs ; enfin, quand les Grecs partagerent le jour en douze parties égales, les Poëtes multiplierent le nombre des heures jusqu'à douze, toutes au service de Jupiter, & les nommerent les douze soeurs, nées gardiennes des barrieres du ciel, pour les ouvrir & les fermer à leur gré ; ils leur commirent aussi le soin de ramener Adonis de l'Achéron, & le rendre à Vénus.

Les mêmes poëtes donnerent encore aux heures, l'intendance de l'éducation de Junon ; & dans quelques statues de cette déesse, on représente les heures au-dessous de sa tête.

Elles étoient reconnues pour des divinités dans la ville d'Athènes, où elles avoient un temple bâti en leur honneur par Amphiction. Les Athéniens, selon Athénée, leur offroient des sacrifices, dans lesquels ils faisoient bouillir la viande au lieu de la rotir ; ils adressoient des voeux à ces déesses, & les prioient de leur donner une chaleur moderée, afin qu'avec le secours des pluies, les fruits de la terre vinssent plus doucement à maturité.

Les modernes représentent ordinairement les heures accompagnées de Thémis soûtenant des cadrans ou des horloges.

Le mot , designoit anciennement chez les Grecs les saisons ; ensuite, après l'invention des cadrans solaires, le même terme se prit aussi pour signifier la mesure du tems que nous nommons heure. Voyez HEURE. (D.J.)


HEUREUXHEUREUSE, HEUREUSEMENT, (Grammaire, Morale) ce mot vient évidemment d'heur, dont heure est l'origine. De-là ces anciennes expressions, à la bonne heure, à la mal'heure ; car nos peres qui n'avoient pour toute philosophie que quelques préjugés des nations plus anciennes, admettoient des heures favorables & funestes.

On pourroit, en voyant que le bonheur n'étoit autrefois qu'une heure fortunée, faire plus d'honneur aux anciens qu'ils ne méritent, & conclure de-là qu'ils regardoient le bonheur comme une chose passagere, telle qu'elle est en effet.

Ce qu'on appelle bonheur, est une idée abstraite, composée de quelques idées de plaisir ; car qui n'a qu'un moment de plaisir n'est point un homme heureux ; de même qu'un moment de douleur ne fait point un homme malheureux. Le plaisir est plus rapide que le bonheur, & le bonheur plus passager que la félicité. Quand on dit je suis heureux dans ce moment, on abuse du mot, & cela ne veut dire que j'ai du plaisir : quand on a des plaisirs un peu répétés, on peut dans cet espace de tems se dire heureux ; quand ce bonheur dure un peu plus, c'est un état de félicité ; on est quelquefois bien loin d'être heureux dans la prospérité, comme un malade dégoûté ne mange rien d'un grand festin préparé pour lui.

L'ancien adage, on ne doit appeller personne heureux avant sa mort, semble rouler sur de bien faux principes ; on diroit par cette maxime qu'on ne devroit le nom d'heureux, qu'à un homme qui le seroit constamment depuis sa naissance jusqu'à sa derniere heure. Cette série continuelle de momens agréables est impossible par la constitution de nos organes, par celle des élémens de qui nous dépendons, par celle des hommes dont nous dépendons davantage. Prétendre être toûjours heureux, est la pierre philosophale de l'ame ; c'est beaucoup pour nous de n'être pas long-tems dans un état triste ; mais celui qu'on supposeroit avoir toûjours jouï d'une vie heureuse, & qui périroit miserablement, auroit certainement mérité le nom d'heureux jusqu'à la mort ; & on pourroit prononcer hardiment, qu'il a été le plus heureux des hommes. Il se peut très-bien que Socrate ait été le plus heureux des Grecs, quoique des juges ou superstitieux & absurdes, ou iniques, ou tout cela ensemble, l'ayent empoisonné juridiquement à l'âge de soixante & dix ans, sur le soupçon qu'il croyoit un seul Dieu.

Cette maxime philosophique tant rebattue, nemo ante obitum felix, paroît donc absolument fausse en tout sens ; & si elle signifie qu'un homme heureux peut mourir d'une mort malheureuse, elle ne signifie rien que de trivial. Le proverbe du peuple, heureux comme un roi, est encore plus faux ; quiconque a lû, quiconque a vécu, doit savoir combien le vulgaire se trompe.

On demande s'il y a une condition plus heureuse qu'une autre, si l'homme en général est plus heureux que la femme ; il faudroit avoir été homme & femme comme Tiresias & Iphis, pour décider cette question ; encore faudroit-il avoir vécu dans toutes les conditions avec un esprit également propre à chacune ; & il faudroit avoir passé par tous les états possibles de l'homme & de la femme pour en juger.

On demande encore si de deux hommes l'un est plus heureux que l'autre ; il est bien clair que celui qui a la pierre & la goutte, qui perd son bien, son honneur, sa femme & ses enfans, & qui est condamné à être pendu immédiatement après avoir été taillé, est moins heureux dans ce monde, à tout prendre, qu'un jeune sultan vigoureux, ou que le savetier de la Fontaine.

Mais on veut savoir quel est le plus heureux de deux hommes également sains, également riches, & d'une condition égale, il est clair que c'est leur humeur qui en décide. Le plus moderé, le moins inquiet, & en même tems le plus sensible, est le plus heureux ; mais malheureusement le plus sensible est toûjours le moins modéré : ce n'est pas notre condition, c'est la trempe de notre ame qui nous rend heureux. Cette disposition de notre ame dépend de nos organes, & nos organes ont été arrangés sans que nous y ayons la moindre part : c'est au lecteur à faire là-dessus ses réflexions ; il y a bien des articles sur lesquels il peut s'en dire plus qu'on ne lui en doit dire : en fait d'arts, il faut l'instruire, en fait de morale, il faut le laisser penser.

Il y a des chiens qu'on caresse, qu'on peigne, qu'on nourrit de biscuits, à qui on donne de jolies chiennes ; il y en a d'autres qui sont couverts de gale, qui meurent de faim, qu'on chasse & qu'on bat, & qu'ensuite un jeune chirurgien disseque lentement, après leur avoir enfoncé quatre gros cloux dans les pattes ; a-t-il dépendu de ces pauvres chiens d'être heureux ou malheureux ?

On dit pensée heureuse, trait heureux, repartie heureuse, physionomie heureuse, climat heureux ; ces pensées, ces traits heureux, qui nous viennent comme des inspirations soudaines, & qu'on appelle des bonnes fortunes d'hommes d'esprit, nous sont donnés comme la lumiere entre dans nos yeux, sans effort, sans que nous la cherchions ; ils ne sont pas plus en notre pouvoir que la physionomie heureuse ; c'est-à-dire, douce, noble, si indépendante de nous, & si souvent trompeuse.

Le climat heureux, est celui que la nature favorise : ainsi sont les imaginations heureuses, ainsi est l'heureux génie, c'est-à-dire, le grand talent ; & qui peut se donner le génie ? Qui peut, quand il a reçû quelques rayons de cette flamme, le conserver toûjours brillant ? Puisque le mot heureux vient de la bonne heure, & malheureux de la mal'heure, on pourroit dire que ceux qui pensent, qui écrivent avec génie, qui réussissent dans les ouvrages de goût, écrivent à la bonne heure ; le grand nombre est de ceux qui écrivent à la mal'heure.

On dit en fait d'arts, heureux génie, & jamais malheureux génie ; la raison en est palpable, c'est que celui qui ne réussit pas, manque de génie absolument.

Le génie est seulement plus ou moins heureux ; celui de Virgile fut plus heureux dans l'épisode de Didon, que dans la fable de Lavinie ; dans la description de la prise de Troie, que dans la guerre de Turnus ; Homere est plus heureux dans l'invention de la ceinture de Vénus, que dans celle des vents enfermés dans une outre.

On dit invention heureuse ou malheureuse ; mais c'est au moral, c'est en considérant les maux qu'une invention produit : la malheureuse invention de la poudre ; l'heureuse invention de la boussole, de l'astrolabe, du compas de proportion, &c.

Le cardinal Mazarin demandoit un général houroux, heureux ; il entendoit ou devoit entendre un général habile ; car lorsqu'on a eu des succès réitérés, habileté & bonheur sont d'ordinaire synonymes.

Quand on dit heureux scélérat, on n'entend par ce mot que ses succès, felix Sylla, heureux Sylla ; un Alexandre VI, un duc de Borgia, ont heureusement pillé, trahi, empoisonné, ravagé, égorgé ; il y a grande apparence qu'ils étoient très-malheureux quand même ils n'auroient pas craint leurs semblables.

Il se pourroit qu'un scélérat mal élevé, un grand-turc, par exemple, à qui on auroit dit qu'il lui est permis de manquer de foi aux Chrétiens, de faire serrer d'un cordon de soie le cou de ses visirs quand ils sont riches, de jetter dans le canal de la mer noire ses freres étranglés ou massacrés, & de ravager cent lieues de pays pour sa gloire ; il se pourroit, dis-je, à toute force, que cet homme n'eût pas plus de remords que son mufti, & fût très-heureux. C'est sur quoi le lecteur peut encore penser beaucoup ; tout ce qu'on peut dire ici, c'est qu'il est à desirer que ce sultan soit le plus malheureux des hommes.

Ce qu'on a peut-être écrit de mieux sur le moyen d'être heureux, est le livre de Séneque, de vita beata ; mais ce livre n'a rendu heureux ni son auteur, ni ses lecteurs. Voyez d'ailleurs, si vous voulez, les articles BIEN, & BIENHEUREUX de ce Dictionnaire.

Il y avoit autrefois des planetes heureuses, d'autres malheureuses ; heureusement il n'y en a plus.

On a voulu priver le public de ce Dictionnaire utile, heureusement on n'y a pas réussi.

Des ames de boue, des fanatiques absurdes, préviennent tous les jours les puissans, les ignorans, contre les Philosophes ; si malheureusement on les écoutoit, nous retomberions dans la barbarie dont les seuls Philosophes nous ont tirés. Cet article est de M. DE VOLTAIRE.


HEURTsub. masc. (Gramm.) il se dit du choc de corps qui se rencontrent & se frappent rudement.

HEURT, terme de Riviere, c'est l'endroit le plus élevé, ou le sommet de la montée d'un pont ou d'une rue, d'après lequel on donne à droite ou à gauche la pente pour l'écoulement des eaux ; nota, les regards des robinets d'incendie se placent au heurt du pavé d'une rue.


HEURTÉadj. (Peinture) on appelle heurté, des especes de tableaux qu'on devroit nommer esquisse, où l'on ne voit que le feu de l'imagination mal digeré.

On dit, un tel peintre ne fait que heurter les tableaux ; cela n'est que heurté ; il faut que les petits tableaux soient finis, & non heurtés.


HEURTESsub. masc. terme de Blason, ce sont deux tourteaux d'azur que quelques armoristes ont ainsi appellés pour les distinguer des tourteaux d'autres couleurs.

Les Armoristes anglois distinguent les couleurs des tourteaux, & leur donnent en conséquence des noms qui leur conviennent ; ceux des autres nations se contentent d'appeller ceux-ci simplement tourteaux d'azur ; & dans d'autres cas, il ne faut qu'ajoûter au mot de tourteaux la couleur dont ils sont.


HEURTOIRS. m. (Serrurerie) piece de menu ouvrage de serrurerie de fer forgé ou fondu en forme de gros anneau avec platine & battant, servant à frapper à une porte cochere.

Mais plus généralement dans les Arts, on appelle du nom de heurtoir, toute piece mobile qui vient frapper sur une autre. Voyez les articles suivans.

HEURTOIR, (Hydr.) est une piece de bois longue, grosse, & presque quarrée qui se place au pié de l'épaulement de la plate-forme d'une écluse. (K)

HEURTOIR, dans l'Artillerie, est une piece de bois de neuf piés de longueur sur neuf à dix pouces en quarré, qui se place au pié de l'épaulement d'une batterie au-devant des plate-formes. Voyez PLATEFORME & BATTERIE.

C'est aussi un morceau de fer battu fait comme une très-grosse cheville qui s'enfonce dans l'épaisseur du flaque de bois d'un affut à canon, & qui soutient la surbande de fer qui couvre le tourillon de la piece. Il y a des contre-heurtoirs & des sous-contreheurtoirs qui sont des morceaux ou bandes de fer qui accompagnent le heurtoir. (Q)

HEURTOIR, Fondeur de caractere d'Imprimerie, est une petite piece de fer qui s'ajoute au moule à fondre les caracteres d'Imprimerie. Cette partie est le point d'appui à la matrice qui est postée audit moule, & sert à la faire monter ou descendre vers l'ouverture intérieure du moule par où elle reçoit la matiere qui vient prendre la figure de l'objet représenté dans la matrice. Voyez MOULE.


HEUSDEN(Géog.) ville forte des Provinces-Unies, dans la Hollande, sur la Meuse, à 3 lieues N. O. de Bois-le-Duc, 2 S. O. de Bommel. Long. 22. 38. lat. 51. 47.

Gysbert & Paul Voët pere & fils, étoient d'Heusden ; le premier est ce rigide calviniste, professeur en Théologie à Utrecht, qui soutint contre Desmarets, une guerre des plus longues & des plus furieuses. Il s'agissoit d'une conciliation que les magistrats de Bois-le-Duc avoient faite entre les Protestans & les Catholiques de leur ville, pour assister ensemble amicalement à la confrairie de la Vierge, en retranchant les cérémonies qui pouvoient déplaire aux Réformés. Desmarets fit l'apologie des magistrats, & Voët fulmina contre l'apologiste : les curateurs de Groningue & d'Utrecht offrirent en vain leur médiation aux deux athletes ; ils ne se réunirent au bout de 20 ans de combats, que pour attaquer Coccejus, & le traiter d'hérétique, parce que ce bon homme, dont l'étude perpétuelle hébraïque avoit épuisé l'esprit, s'étoit trop dévoué à des interprétations mystiques de l'Ecriture. Au milieu de tant de disputes, Gysbert Voët prolongea sa carriere jusqu'à 87 ans ; il enterra Desmarets, Coccejus, & Descartes, dont il avoit aussi attaqué la philosophie ; il ne mourut que le premier Novembre 1676.

Paul Voët n'épousa point les querelles de son pere ; il étudia le Droit, & publia dans cette science de bons ouvrages, qui ont encore été effacés depuis par ceux de son fils Jean Voët, un des hommes des plus savans de l'Europe dans le Droit Civil ; on connoît l'excellent commentaire qu'il a donné sur les Pandectes. (D.J.)


HEUSEsub. fém. (Marine) c'est le piston ou la partie mobile de la pompe. Voyez PISTON. (Z)


HEUSSou HURASSE, (terme de grosses Forges) Voyez l'article FORGES.


HEWECZE(Géog.) petite ville de la haute-Hongrie.


HEXACORDEsub. masc. est en Musique, un instrument à six cordes, ou un systéme composé de six sons. Ce mot vient de six, & de , corde. (s)


HEXAEDREsub. masc. terme de Géometrie, c'est un des cinq corps réguliers qu'on appelle aussi cube. Voyez CUBE & REGULIER. Ce mot est grec & formé de , six, & sedes, siége, base ; chaque face pouvant être prise pour la base du corps régulier. Voyez BASE.

Le quarré du côté d'un hexaëdre est le tiers du quarré du diamêtre de la sphere qui lui est circonscrite. D'où il suit que le côté de l'hexaëdre est à celui de la sphere dans laquelle il est inscrit, comme 1 à 3, & par conséquent incommensurable. Chambers. (E)


HEXAGONES. m. terme de Géometrie, figure composée de six angles & de six côtés. Voy. FIGURE & POLYGONE. Ce mot est grec, & formé d', sex, six, & , angulus, angle.

Un hexagone régulier est celui dont les angles & les côtés sont égaux. Voyez REGULIER.

Il est démontré que le côté d'un hexagone est égal au rayon du cercle qui lui est circonscrit. Voy. CERCLE & RAYON.

On décrit donc un hexagone régulier en portant six fois le rayon du cercle sur sa circonférence.

Pour décrire un hexagone régulier sur une ligne donnée A B (Pl. Géom. fig. 84.) il ne faut que former un triangle équilatéral A C B, le sommet c sera le centre du cercle circonscriptible à l'hexagone que l'on demande.

Un hexagone, en terme de Fortification, est une place fortifiée de six bastions. Voyez BASTION. Chambers. (E)


HEXAM(Géogr.) petite ville ou bourg d'Angleterre dans le Northumberland, dont l'évêché a été uni par Henri VIII. à celui de Durham. Il est à 14 milles O. de Newcastle, 70 N. O. de Londres. Long. 15. 27. lat. 55. 2. (D.J.)


HEXAMERONS. m. (Théolog.) on appelle ainsi des ouvrages, tant anciens que modernes, qui sont des commentaires ou traités sur les premiers chapitres de la Genese, & l'histoire de la création, ou des six premiers jours que Moyse y décrit. Ce mot est grec, , composé de , six, &, en dialecte dorique , jour. S. Basile & S. Ambroise ont écrit des hexamerons. Voyez Dictionnaire de Trévoux.


HEXAMETRE(Littérat.) il se dit d'un vers grec ou latin composé de six piés ; voyez PIE & VERS. Ce mot est grec, , composé d', six, & , pié ou mesure.

Les quatre premiers piés d'un vers hexametre peuvent être indifféremment dactyles ou spondées, mais le dernier doit être nécessairement un spondée, & le pénultieme dactyle. Tel est celui-ci d'Homere,


HEXAMILLONS. m. (Hist. mod.) nom d'une muraille célébre que l'empereur Emanuel fit bâtir sur l'isthme de Corinthe en 1413, pour mettre le Péloponese à couvert des incursions des Barbares. Elle a pris son nom de , six, & qui en grec vulgaire signifie mille, à cause qu'elle avoit six milles de longueur.

Amurat II. ayant levé le siége de Constantinople en 1424, démolit l'hexamillon, quoiqu'il eût auparavant conclu la paix avec l'empereur grec.

Les Vénitiens le rétablirent en 1463, au moyen de 30000 ouvriers qu'ils y employerent pendant quinze jours, & le couvrirent d'une armée commandée par Bertold d'Est, général de l'armée de terre, & Louis Lorédan, général de celle de mer.

Les infideles furent repoussés après avoir fait plusieurs tentatives, & obligés de se retirer de son voisinage. Mais Bertold ayant été tué peu de tems après au siége de Corinthe, Bertino Calcinato qui prit le commandement de l'armée, abandonna à l'approche du Beglerbey la défense de la muraille, qui avoit couté des sommes immenses aux Vénitiens, ce qui donna la facilité aux Turcs de s'en rendre maîtres, & de la démolir entierement. (G)


HEXAPLESS. f. (Hist. eccles.) bible disposée en six colonnes, qui contient le texte & les différentes versions qui en ont été faites, recueillies & publiées par Origene ; voyez BIBLE. Ce mot est formé d', six, & , j'explique, je débrouille.

Eusebe (hist. eccles. lib. VI. cap. xvj.) rapporte qu'Origene étant de retour d'un voyage qu'il fit à Rome sous Caracalla, s'appliqua à l'étude de l'Hébreu, & commença à ramasser les différentes versions des livres sacrés, & à en composer des tétraples & des hexaples. Il y a cependant des auteurs qui prétendent qu'il ne commença cet ouvrage que sous Alexandre, après qu'il se fut retiré de la Palestine en 231. Voyez TETRAPLES.

Pour comprendre ce que c'étoit que les hexaples d'Origene, il faut savoir qu'outre la traduction des livres sacrés appellée la version des Septante, & faite sous Ptolomée Philadelphe, plus de 200 ans avant J. C. l'Ecriture avoit encore depuis été traduite en grec par d'autres interpretes. La premiere de ces versions, ou la seconde en comptant celle des septante, étoit celle d'Aquila, qui la fit vers l'an 140. La troisieme étoit celle de Symmaque, qui parut à ce que l'on croit sous Marc Aurele. La quatrieme étoit celle que Théodotion donna sous Commode. La cinquieme fut trouvée à Jéricho, la septieme année de l'empire de Caracalla, 217 de J. C. La sixieme fut découverte à Nicopolis sur le cap d'Actium en Epire, vers l'an 228. Origene en trouva une septieme, qui ne comprenoit que les pseaumes.

Origene, qui avoit eu souvent à disputer avec les Juifs en Egypte & en Palestine, remarquant qu'ils s'inscrivoient en faux contre les passages de l'Ecriture qu'on leur citoit des Septante, & qu'ils en appelloient toujours à l'hébreu ; pour défendre plus aisément ces passages, & mieux confondre les Juifs, en leur faisant voir que les Septante n'étoient point contraires à l'hébreu, ou du moins pour montrer par ces différentes versions ce que signifioit l'hébreu, il entreprit de réduire toutes ces versions en un seul corps avec le texte hébreu, afin qu'on pût aisément & d'un coup d'oeil confronter ces versions & le texte.

Pour cet effet, il mit en huit colonnes d'abord le texte hébreu en caracteres hébreux, puis le même texte en caracteres grecs, & ensuite les versions dont nous avons parlé. Tout cela se répondoit verset par verset, ou phrase par phrase, vis-à-vis l'une de l'autre, chacune dans sa colonne. Dans les pseaumes, il y avoit une neuvieme colonne pour la septieme version. Origene appella cet ouvrage hexaple, , c'est-à-dire, sextuple, ou ouvrage à six colonnes, parce qu'il n'avoit égard qu'aux six premieres versions greques.

S. Epiphane, qui comptoit les deux colonnes du texte, a appellé cet ouvrage octaple, à cause de ses huit colonnes. Voyez OCTAPLE.

Ce fameux ouvrage a péri il y a long-tems ; mais quelques anciens auteurs nous en ont conservé des morceaux, sur-tout S. Chrysostome sur les pseaumes, Philoponus dans son hexameron. Quelques modernes en ont aussi ramassé les fragmens, entr'autres Drusius & le P. Montfaucon.

Cependant comme cette collection d'Origene étoit si considérable que peu de personnes étoient en état de se procurer un ouvrage si cher dans un tems où l'on ne connoissoit encore que les manuscrits, Origene lui-même l'abréga ; & pour cet effet il publia la version des Septante, à laquelle il ajoûta des supplémens pris de celle de Théodotion dans les endroits où les Septante n'avoient point rendu le texte hébreu, & ces supplémens étoient désignés par une astérisque ou étoile. Il ajoûta de plus une marque particuliere en forme d'obélisque ou de broche aux endroits où les Septante avoient quelque chose qui n'étoit point dans l'original hébreu ; & ces notes ou signes qui étoient alors en usage chez les grammairiens, faisoient connoître du premier coup d'oeil ce qui étoit de plus ou de moins dans les Septante que dans l'Hébreu, & par-là les Chrétiens pouvoient prévoir les objections des Juifs tirées de l'Ecriture ; mais dans la suite les copistes négligerent les astérisques & les obélisques, ce qui fait que nous n'avons plus la version des Septante dans sa pureté. Voyez SEPTANTE & VERSION. Simon, hist. critiq. du vieux testam. Dupin, biblioth. des auteurs eccl. Fleury, hist. eccles. tom. II. liv. VI. n°. 11. p. 138. & suiv. (G)


HEXASTYLES. m. terme d'Architecture, qui a six colonnes de front. Ce mot est composé de , six, & , colonne.

Le temple de l'honneur & de la vertu bâti à Rome par l'architecte Matius, étoit hexastyle. Voyez TEMPLE. Dict. de Trévoux.


HEXECANTHOLITS. f. (Hist. nat.) Pline dit que c'est une pierre fort petite, de plusieurs couleurs différentes, qui se trouvoit dans le pays des Troglodites.


HEYER(Géogr.) petite ville d'Allemagne dans le pays de Nassau-Dillembourg.


HHATIBS. m. (Hist. mod.) nom que les Mahométans donnent à un des officiers de leurs mosquées, qui tient parmi eux le rang qu'occupe parmi nous un curé. Ce hhatib se place en un lieu élevé, & lit tel chapitre de l'alcoran qu'il lui plaît, en observant néanmoins de garder le plus long pour le vendredi, qui est parmi les musulmans le jour où ils donnent plus de tems à la priere publique. Dandini, voyage du mont Liban. (G)


HIAOY(Géogr.) ville de la Chine dans la province de Xansi, au département de Fuenchu, cinquieme métropole de cette province. Auprès de cette ville est la montagne de Castang, abondante en sources d'eaux chaudes & minérales, différentes de goût & de couleur, desorte que ces fontaines bouillantes en font un pays assez semblable à celui de Pouzzoles au royaume de Naples. Cette ville de Hyaoi est de 6d 11' plus occidentale que Pekin, à 38d 6' de latitude. (D.J.)


HIATUSS. m. (Gramm.) ce mot purement latin a été adopté dans notre langue sans aucun changement, pour signifier l'espece de cacophonie qui résulte de l'ouverture continuée de la bouche, dans l'émission consécutive de plusieurs sons qui ne sont distingués l'un de l'autre par aucune articulation. M. du Marsais paroît avoir regardé comme exactement synonymes les deux mots hiatus & bâillement ; mais je suis persuadé qu'ils sont dans le cas de tous les autres synonymes, & qu'avec l'idée commune de l'émission consécutive de plusieurs sons non articulés, ils désignent des idées accessoires différentes qui caractérisent chacun d'eux en particulier. Je crois donc que bâillement exprime particulierement l'état de la bouche pendant l'émission de ces sons consécutifs, & que le nom hiatus exprime, comme je l'ai déjà dit, la cacophonie qui en résulte : ensorte que l'on peut dire que l'hiatus est l'effet du bâillement. Le bâillement est pénible pour celui qui parle ; l'hiatus est desagréable pour celui qui écoute : la théorie de l'un appartient à l'Anatomie, celle de l'autre est du ressort de la Grammaire. C'est donc de l'hiatus qu'il faut entendre ce que M. du Marsais a écrit sur le bâillement. Voyez BAILLEMENT. Qu'il me soit permis d'y ajoûter quelques réflexions.

" Quoique l'élision se pratiquât rigoureusement dans la versification des Latins, dit M. Harduin, secrétaire perpétuel de la société littéraire d'Arras (Remarques diverses sur la prononciation, page 106. à la note) : & quoique les François qui n'élident ordinairement que l'e féminin, se soient fait pour les autres voyelles une regle équivalente à l'élision latine, en proscrivant dans leur poësie la rencontre d'une voyelle finale avec une voyelle initiale ; je ne sais s'il n'est pas entré un peu de prévention dans l'établissement de ces regles, qui donne lieu à une contradiction assez bizarre. Car l'hiatus, qu'on trouve si choquant entre deux mots, devroit également déplaire à l'oreille dans le milieu d'un mot : il devroit paroître aussi rude de prononcer meo sans élision, que me odit. On ne voit pas néanmoins que les poëtes latins aient rejetté autant qu'ils le pouvoient les mots où se rencontroient ces hiatus ; leurs vers en sont remplis, & les nôtres n'en sont pas plus exempts. Non-seulement nos poëtes usent librement de ces sortes de mots, quand la mesure ou le sens du vers paroît les y obliger ; mais lors même qu'il s'agit de nommer arbitrairement un personnage de leur invention, ils ne font aucun scrupule de lui créer ou de lui appliquer un nom dans lequel il se trouve un hiatus ; & je ne crois pas qu'on leur ait jamais reproché d'avoir mis en oeuvre les noms de Cléon, Chloé, Arsinoé, Zaïde, Zaïre, Laonice, Léandre, &c. Il semble même que loin d'éviter les hiatus dans le corps d'un mot, les poëtes françois aient cherché à les multiplier, quand ils ont séparé en deux syllabes quantité de voyelles qui font diphtongue dans la conversation. De tuer ils ont fait tu-er, & ont allongé de même la prononciation de ruine, violence, pieux, étudier, passion, diadème, jouer, avouer, &c. On ne juge cependant pas que cela rende les vers moins coulans ; on n'y fait aucune attention ; & on ne s'apperçoit pas non plus que souvent l'élision de l'e féminin n'empêche point la rencontre de deux voyelles, comme quand on dit, année entiere, plaie effroyable, joie extrême, vûe agréable, vûe égarée, bleue & blanche, boue épaisse ".

Ces observations de M. Harduin sont le fruit d'une attention raisonnée & d'une grande sagacité ; mais elles me paroissent susceptibles de quelques remarques.

1°. Il est certain que la loi générale qui condamne l'hiatus comme vicieux entre deux mots, a un autre fondement que la prévention. La continuité du bâillement qu'exige l'hiatus, met l'organe de la parole dans une contrainte réelle, & fatigue les poûmons de celui qui parle, parce qu'il est obligé de fournir de suite & sans interruption une plus grande quantité d'air : au lieu que quand des articulations interrompent la succession des sons, elles procurent nécessairement aux poûmons de petits repos qui facilitent l'opération de cet organe : car la plûpart des articulations ne donnent l'explosion aux sons qu'elles modifient, qu'en interceptant l'air qui en est la matiere. Voyez H. Cette interception doit donc diminuer le travail de l'expiration, puisqu'elle en suspend le cours, & qu'elle doit même occasionner vers les poûmons un reflux d'air proportionné à la force qui en arrête l'émission.

D'autre part, c'est un principe indiqué & confirmé par l'expérience, que l'embarras de celui qui parle affecte desagréablement celui qui écoute : tout le monde l'a éprouvé en entendant parler quelque personne enrouée ou begue, ou un orateur dont la mémoire est chancelante ou infidele. C'est donc essentiellement & indépendamment de toute prévention que l'hiatus est vicieux ; & il l'est également dans sa cause & dans ses effets.

2°. Si les Latins pratiquoient rigoureusement l'élision d'une voyelle finale devant une voyelle initiale, quoiqu'ils n'agissent pas de même à l'égard de deux voyelles consécutives au milieu d'un mot ; si nous-mêmes, ainsi que bien d'autres peuples, avons en cela imité les Latins, c'est que nous avons tous suivi l'impression de la nature : car il n'y a que ses décisions qui puissent amener les hommes à l'unanimité.

Ne semble-t-il pas en effet que le bâillement doit être moins pénible, & conséquemment l'hiatus moins desagreable au milieu du mot qu'à la fin, parce que les poûmons n'ont pas fait encore une si grande dépense d'air ? D'ailleurs l'effet du bâillement étant de soûtenir la voix, l'oreille doit s'offenser plûtôt de l'entendre se soûtenir quand le mot est fini, que quand il dure encore ; parce qu'il y a analogie entre soutenir & continuer, & qu'il y a contradiction entre soûtenir & finir.

Il faut pourtant avouer que cette contradiction a paru assez peu offensante aux Grecs, puisque le nombre des voyelles non élidées dans leurs vers est peut-être plus grand que celui des voyelles élidées : c'est une objection qui doit venir tout naturellement à quiconque a lu les poëtes grecs. Mais il faut prendre garde en premier lieu à ne pas juger des Grecs par les Latins, chez qui la lettre h étoit toûjours muette quant à l'élision qu'elle n'empêchoit jamais ; au lieu que l'esprit rude avoit chez les Grecs le même effet que notre h aspirée ; & l'on ne peut pas dire qu'il y ait alors hiatus faute d'élision, comme dans ce vers du premier livre de l'Iliade :


HIBERLINES. f. (Manufact. en soie) étoffe dont la chaîne & la trame sont de fleuret. Voyez CHAINE, TRAME & FLEURET. On s'en sert dans les manufactures de tapisseries. Voyez TAPISSERIE.


HIBERNIEPIERRE D', s. f. (Hist. nat. Lithologie.) Quelques auteurs anglois nomment lapis hibernicus, ou tegula hibernica, une espece d'ardoise grossiere qui se trouve en Irlande & en Angleterre, dans la province de Sommerset. On en fait usage avec succès dans différentes especes de fievres, & cette pierre est fort astringente étant mêlée avec une quantité assez considérable d'alun. Voyez hill's natural history of fossils.


HIBLA(Géogr. anc.) Il y avoit trois villes de ce nom en Sicile, selon Etienne le géographe, qui les distingue par les surnoms de grande, moindre & petite. Hibla major, ou Hibla la grande, étoit située assez près, & au midi du mont Etna, vers l'endroit où est la Motta di santa Anastasia. Hibla minor, ou Hibla la moindre, étoit dans les terres de la partie méridionale de la Sicile ; on la nommoit aussi Heraea. Cluvier met cette Hibla à Ragusa ; ses ruines doivent se trouver entre la Vittoria & Chiaramonte. Hibla parva, ou Hibla la petite, étoit une ville maritime de Sicile, sur la côte orientale ; on la nommoit le plus souvent Mégare. De-là vient que le golfe, au midi duquel elle est située, prenoit le nom de Megarensis sinus : ses ruines sont entre les deux ruisseaux nommés Cantaro fiume, & fiume san Cosmano. C'est dans cette derniere Hibla que l'on recueilloit le meilleur miel, selon Servius, sur ce vers de Virgile, eclog. 1. v. 55.

Hiblaeis apibus florem depasta salicti.

(D.J.)


HIBOou CHAT-HUANT, alecco minor, s. m. (Hist. natur. Ornitholog.) Aldrov. oiseau de proie qui ne sort de sa retraite que la nuit. Ce hibou mâle, décrit par Willughbi, pesoit près de douze onces ; l'envergure étoit d'environ trois piés ; le bec avoit un pouce & demi de longueur, il étoit blanc & crochu. Cet oiseau avoit des plumes blanches, douces au toucher, & disposées de façon qu'elles formoient une sorte de coëffure qui s'étendoit de chaque côté de la tête depuis les narines jusqu'au menton ; derriere ces plumes, il s'en trouvoit d'autres plus fermes & de couleur jaunâtre ; les yeux étoient enfoncés au milieu de toutes ses plumes qui s'élevoient tout autour ; la poitrine, le ventre & le dessous des aîles étoient blancs & parsemés de quelques taches brunes ; la tête, le cou & le dos avoient du roux, du blanc & du noir ou noirâtre qui formoient des lignes & des taches. Il y avoit dans chaque aîle vingt-quatre grandes plumes qui étoient roussâtres & ponctuées de noir, les plus grandes avoient quatre taches brunes, & les plus petites seulement trois ; les aîles étant pliées, s'étendoient jusqu'au bout de la queue, & même au-delà. La queue avoit quatre pouces & demi de longueur ; elle étoit composée de douze plumes de même couleur que les aîles, elles avoient quatre taches brunes transversales ; le bord extérieur de ces plumes & de celles des aîles étoit blanchâtre. Les jambes étoient couvertes de duvet jusqu'aux piés ; les doigts n'avoient que quelques poils ; le bord intérieur du doigt du milieu étoit dentelé, le doigt extérieur pouvoit se diriger en arriere comme le postérieur. Les oeufs de cet oiseau sont blancs. Willughbi, Ornith. Voyez OISEAU.

HIBOU CORNU, otus sive noctua, asio, oiseau de proie ; Willughbi a donné la description d'une femelle de cette espece d'oiseau qui pesoit dix onces. Elle avoit environ quatorze pouces de longueur depuis l'extrémité du bec jusqu'au bout de la queue, & trois piés d'envergure. Le bec étoit noir. Un double cercle de plumes entouroit la face de cet oiseau comme celle du hibou, (voyez HIBOU ;) les plumes du cercle extérieur avoient des petites lignes noires, blanches & rousses ; les plumes du cercle intérieur étoient rousses au-dessous des yeux, l'endroit où les deux cercles se touchoient étoit noirâtre ; les plumes du ventre & des piés avoient une couleur rousse ; les plumes de la poitrine étoient noires, & avoient les bords en partie blancs & en partie jaunes. Le dessous des aîles étoit roux, & le dessus avoit une couleur mêlée de noir, de cendré & de jaune. Le dos étoit de même couleur que les aîles. Il y avoit sur la tête deux bouquets de plumes en forme de cornes ou d'oreilles longues d'un pouce ; chaque bouquet étoit composé de six plumes, dont le milieu étoit noir ; le bord extérieur avoit une couleur rousse, & l'intérieur étoit mêlé de blanc & de brun. La queue avoit six ou sept bandes noires & étroites ; le fond qui séparoit ces taches étoit de couleur cendrée sur la face supérieure des plumes, & jaune sur l'inférieure. Les grandes plumes des aîles avoient à peu-près les mêmes couleurs que celles de la queue. Les piés étoient couverts de duvet jusqu'aux ongles, qui avoient une couleur noirâtre. Le bord intérieur du doigt du milieu étoit applati & tranchant ; le doigt extérieur pouvoit s'étendre en arriere. Willughbi, Ornith. Voyez OISEAU.

Ajoûtons d'après M. Petit le medecin (mémoires de l'acad. des Sc. an. 1736.) des particularités assez curieuses sur quelques parties de l'oeil du hibou.

Il y a au fond de l'oeil de cet oiseau de nuit une cloison qui sépare les deux yeux ; elle n'a guere qu'un quart de ligne d'épaisseur, & est entierement osseuse, en quoi elle differe de celle du coq-d'Inde.

Dans les hibous vivans, on ne peut appercevoir aucun mouvement dans le globe de l'oeil. Severinus a fait la même remarque : cet oiseau, dit-il, ne remue que les paupieres, & voilà ce que cet auteur dit de meilleur ; car la description & la figure qu'il donne des yeux du hibou ne valent rien.

Le plus grand mouvement est dans la paupiere supérieure ; on la voit ordinairement se mouvoir toute seule & lentement ; elle s'abaisse jusqu'à la paupiere inférieure, à une ligne ou environ de distance, & pour lors on voit une membrane blanchâtre qui sort obliquement de dessous la paupiere supérieure, & qui acheve de recouvrir l'oeil ; c'est la troisieme paupiere qui s'abaisse ordinairement avec la paupiere supérieure.

L'on a toujours crû que la paupiere supérieure des oiseaux ne se baissoit point, excepté celle de l'autruche, & qu'il n'y avoit que la paupiere inférieure qui s'élevoit sur l'oeil. Cela est vrai dans le coq-d'Inde, le coq domestique, la poule, l'oie, le canard, le moineau, & le merle, mais le pigeon, la tourterelle, le serin, & toutes les especes de hibou, ont la paupiere supérieure mobile ; elle se baisse, & va trouver la paupiere inférieure. On ne voit jamais dans le hibou vivant la paupiere inférieure s'élever toute seule pour s'unir à la supérieure ; néanmoins lorsqu'il est mort, c'est la paupiere inférieure qui couvre entierement l'oeil, & la paupiere supérieure ne s'est aucunement baissée.

Il faut observer ici que dans des oiseaux morts on trouve toujours la paupiere inférieure relevée, non seulement dans ceux dont la paupiere supérieure ne se baisse point pendant leur vie, comme dans le coq-d'Inde, l'oie, le canard, &c. mais encore dans ceux qui baissent & relevent la paupiere supérieure, comme les hibous, les pigeons, &c.

En regardant la face du hibou, on la trouve applatie, les yeux paroissent placés dans la même direction que ceux de l'homme ; mais après avoir plumé la tête, ils paroissent être dans une position plus oblique que dans l'homme, & moins cependant que dans les autres oiseaux, qui ne peuvent voir les objets avec précision, que d'un oeil, soit du droit, soit du gauche, excepté l'autruche.

Après avoir arraché les plumes de la tête du hibou, on remarque d'abord que son oeil a beaucoup de saillie, mais cette saillie est encore bien plus grande après avoir enlevé les paupieres.

Les muscles de l'oeil du hibou sont épais, courts, n'occupent que la base de l'oeil, & leurs tendons ne s'étendent point jusqu'à la partie antérieure de la sclérotique.

Le mouvement de la paupiere interne, si promt dans la poule & dans plusieurs autres oiseaux, est extrêmement lent dans toutes les especes de hibou. Le globe de leur oeil n'est pas sphérique comme dans la plûpart des animaux ; Sévérinus le fait ressembler à un bonnet antique, & son idée est juste : on pourroit encore le comparer de figure aux chapeaux de paille que portent nos vivandiers, dont la forme est haute, & les bords abaissés.

L'hibou voit la nuit, parce que sa prunelle est susceptible d'une extrême dilatation, par laquelle son oeil rassemble une grande quantité de cette foible lumiere, & cette grande quantité supplée à sa force. Peut-être même cet animal a-t-il l'organe de la vue plus fin que le nôtre. Briggs connoissoit un homme qui ne le cédoit point à cet égard au hibou ; il lisoit aisément des lettres dans l'obscurité.

On sait que le bec de cet oiseau est crochu & ordinairement noir ; mais si on le fait tremper dans l'eau pendant vingt-quatre heures, le noir s'enleve facilement comme dans toutes sortes d'oiseaux qui ont le bec de cette couleur. Le trou de ses narines est situé à la partie supérieure du bec, & est rond. La cavité du crane est grande, & contient un grand cerveau ; le trou par où sort la moëlle allongée n'est pas au bas de l'occiput, comme dans le coq-d'Inde, dans l'oie & dans le canard ; il est à la partie inférieure postérieure de la base du crâne, comme dans l'homme.

On sait assez que le hibou s'appelle en latin axus, bubo, nicticortis, & peut-être lilith en hébreu ; du moins S. Jérome paroît avoir mal rendu ce dernier mot, par celui de lamie. Isaie, chap. xxxiv. . 14, dit suivant la Vulgate : " que le pays d'Edom ou des Iduméens, sera réduit en solitude, que la lamie y couchera, & y trouvera son repos " ; mais n'est-il pas vraisemblable que le terme lilith désigne plutôt un oiseau nocturne, comme le hibou, la chouette, le chat-huant, la chauve-souris, que le monstre marin qu'on nomme lamie ? d'autant mieux que lilith en hébreu, signifie la nuit. Les anciens traducteurs de Louvain ont rendu lilith par fée ; on croyoit encore alors dans toute la Flandres à ces sortes de génies imaginaires. (D.J.)


HIBRIDESadj. (Gramm.) c'est ainsi qu'on appelle les mots composés de diverses langues, tels que du grec & du latin, du grec & du françois, du françois & du latin, du latin & de l'anglois, &c.

Hibride signifie au propre un animal né de deux animaux de différentes especes, un mulet. Il n'y a presque pas un seul idiome où l'on ne rencontre de ces sortes de monstres : les amateurs de la pureté les rejettent ; ont-ils raison ? ont-ils tort ? Il me semble que c'est à l'harmonie à décider cette question. S'il arrive qu'un composé de deux mots, l'un grec & l'autre latin, rende les idées aussi-bien, & soit d'ailleurs plus doux à prononcer, & plus agréable à l'oreille qu'un mot composé de deux mots grecs ou de deux mots latins, pourquoi préférer celui-ci ?


HIDALGOS. m. (Hist-d'Espagne) c'est le titre qu'on donne en Espagne à tous ceux qui sont de familles nobles ; les gentilshommes qui ne sont pas grands d'Espagne, prennent celui-ci.

Quelques-uns croyent que hidalgo veut dire hijo de Godo, fils de Goth, parce que les meilleures familles d'Espagne prétendent descendre des Goths ; mais le plus grand nombre dérivent hidalgo, de hijo d'algo, fils de quelque chose, & même il s'écrit souvent hijo d'algo ; c'est ainsi que pour désigner une personne qui manque de qualité, les François disent un homme du néant.

Quoiqu'il en soit, les hidalgos ne sont soumis qu'aux collectes provinciales, & ne payent aucuns impôts généraux ; c'est pourquoi le nom de hidalgos de vengar quinientos sueldos, c'est à-dire nobles vengés des cinq cent sols, leur est donné, parce qu'après la défaite des Maures à la bataille de Clavijo, les gentilshommes vassaux du roi don Bermudo, se déchargerent du tribu de cinq cent sols qu'ils leur payoient précédemment pour les cinquante demoiselles.

Au reste, les fildalgos portugais répondent aux hidalgos espagnols, & même ces derniers prétendent le pas sur tous les ambassadeurs des cours étrangeres auprès du roi de Portugal, quand ils lui font des visites. (D.J.)


HIDEou HYDE, s. f. (Hist. mod.) la quantité de terres qu'une charrue peut labourer par an. Ce mot a passé du saxon dans l'anglois. Les Anglois mesurent leurs terres par hides. Nous disons une ferme à deux, à trois, à quatre charrues, & ils disent une ferme à deux, à trois, à quatre hides. Toutes les terres d'Angleterre furent mesurées par hides, sous Guillaume le conquérant.


HIDEUXadj. (Gramm.) il se dit de tout objet dont la vue inspire l'effroi. On dit des spectres qu'ils sont hideux, lorsque notre imagination nous les montre maigres, secs, pâles, le regard menaçant, les cheveux hérissés. Le P. Daniel disoit de l'auteur des Provinciales, qu'il avoit couvert la doctrine de la société d'un masque hideux, sous lequel il ne la reconnoissoit pas ; ce masque est plus ridicule encore que hideux. La vieillesse, la maladie, le chagrin, les changemens qu'une passion violente, telle que la terreur, la colere, apportent dans les traits d'un beau visage, peuvent le rendre hideux.


HIDROTIQUEadj. (Med.) c'est un terme par lequel quelques auteurs ont désigné une sorte de fievre singuliérement accompagnée de grandes sueurs.

Le mot hidrotique est aussi employé pour synonyme de sudorifique (remede) ; ainsi on ne doit pas le confondre avec celui hydrotique, qui signifie la même chose qu'hydragogue.

Hidrotique vient du grec , sudor : au lieu qu'hydrotique vient d', aqua. Cette observation est nécessaire pour la lecture des ouvrages des anciens.


HIES. f. (Hydr.) est un billot de bois employé à enfoncer des pieux en terre ; on l'éleve avec un engin par le moyen d'un moulinet, pour le laisser ensuite tomber sur le pilotis. C'est aussi l'instrument que les paveurs appellent demoiselle. Voyez l'article DEMOISELLE. (K)


HIÉBLES. m. (Botan.) c'est l'espece de sureau que les Botanistes nomment ebulus, sambucus humilis, sambucus herbacea. Elle est plus petite que le sureau commun, auquel elle ressemble d'ailleurs à tant d'égards, & par sa figure, & par ses vertus. M. Geoffroy a donné de cette plante une description parfaite, qu'il faut transcrire ici.

L'hiéble s'éleve d'ordinaire à la hauteur d'une coudée & demie, rarement à cinq piés ; sa racine est longue, de la grosseur du doigt ; elle n'est point ligneuse, mais charnue, blanche, éparse de côté & d'autre, d'une saveur amere, un peu acre, & qui cause des nausées ; ses tiges sont herbacées, cannelées, anguleuses, noueuses, moëlleuses comme celles du sureau, & elles périssent en hiver ; ses feuilles sont placées avec symmétrie, & sont composées de trois ou quatre paires de petites feuilles portées sur une côte épaisse, terminée par une feuille impaire ; chaque petite feuille est plus longue, plus aiguë, plus dentelée, & d'une odeur plus forte que celle du sureau.

Ses fleurs sont disposées en parasol, petites, nombreuses, odorantes, d'une odeur approchante de la pâte d'amandes de pêches, blanches, ayant souvent une teinte de pourpre, d'une seule piece en rosette, partagée en cinq segmens. Leur fonds est percé par la pointe du calice en maniere de clou, au milieu de cinq étamines blanches chargées de sommets roussâtres.

Quand les fleurs sont tombées, les calices se changent en des fruits, ou des bayes noires dans leur maturité, anguleuses, goudronnées d'abord, & presque triangulaires ; mais ensuite plus rondes, & pleines d'un suc qui tache les mains d'une couleur de pourpre. Elle contient des graines oblongues au nombre de trois, convexes d'un côté, & anguleuses de l'autre.

On trouve fréquemment cette plante le long des grands chemins & des terres labourées ; l'écorce de sa racine, ses feuilles & ses bayes sont d'usage. Voyez HIEBLE, (Mat. méd.) (D.J.)

HIEBLE, (Mat. méd.) les feuilles d'hiéble sont ameres ; les bayes le sont encore davantage, & un peu styptiques ; leur suc ne change pas la couleur du papier bleu ; les feuilles, & sur-tout les bayes, contiennent un sel essentiel ammoniacal, aucun sel concret, mais beaucoup d'huile, soit subtile, soit épaisse.

On attribue à l'hiéble une vertu des plus efficaces pour purger par les selles ; ses racines, & sur-tout leur écorce produisent cet effet violemment ; quelques-uns préferent l'écorce moyenne dans ce dessein ; les bayes & les graines n'ont pas autant d'efficace. Suivant l'opinion de Rai, les jeunes pousses, & les feuilles sont aussi plus douces. Les écorces qu'on vante tant pour évacuer les eaux des hydropiques, ne doivent être néanmoins données qu'aux personnes robustes, & dont les forces sont entieres, car ce remede irrite fortement, bouleverse l'estomac, & trouble tous les visceres.

Le suc d'hiéble est très-cathartique ; on le tire ou de la racine ou de l'écorce moyenne de la tige pilée, & mêlée avec de la décoction d'orge ou de raisins secs, un peu de cannelle & de sucre. L'infusion de l'écorce de la racine d'hiéble est encore très-violente ; mais la décoction l'est moins, parce que la vertu purgative de cette plante se perd en bouillant ; on prescrit le suc à la dose d'une once ; la décoction ou la macération de l'écorce dans de l'eau ou du vin, s'ordonne depuis demi-once jusqu'à deux onces. On infuse quelquefois une demi-once de la graine d'hiéble pulvérisée dans du vin blanc, on la passe, & on donne la liqueur qu'on a exprimée, à des hydropiques, pour les purger doucement.

On a remarqué que ces graines macérées dans l'eau chaude, & exprimées fortement, produisent une huile qui nage sur l'eau.

Les feuilles d'hiéble appliquées en cataplasmes, sont atténuantes & résolutives ; l'écorce de la racine est discussive & émolliente ; enfin les vertus de cette plante l'ont fait entrer dans des compositions galéniques ; mais c'est en pure perte, car les bons medecins ne les employent point aujourd'hui. (D.J.)


HIELPELROEDS. m. (Hist. nat.) nom que les Danois donnent à la racine de rhode ; on en tire par la distillation une eau qui a le goût & l'odeur de l'eau de rose. Elle croît au pié des montagnes, sur les côtes de la mer, & au bord des eaux courantes.


HIEMENTS. m. (Charpent.) c'est le cri que rendent des pieces de bois assemblées sous l'effort de quelque poids ou puissance. Il est rare que les machines nouvelles ne hient pas les premieres fois qu'on s'en sert. Hiement se dit aussi de l'action d'enfoncer des pavés ou des pieux. Voyez HIE.


HIERadj. de tems, (Gramm.) c'est la veille du jour où l'on est. Les Poëtes le font tantôt d'une syllabe, tantôt de deux ; de deux syllabes il me semble plus doux. Ce mot a encore une autre acception, il designe un tems prochain ; c'est une histoire d'hier ; c'est une fortune d'hier ; c'est une femme d'hier.

HIER, v. neut. (Gramm. Charp. & Maçon.) c'est se servir de la hie. Voyez HIE & HIEMENT.


HIERACITES. f. (Hist. nat. Litholog.) nom donné par les anciens Naturalistes à une pierre précieuse, parce qu'elle ressembloit à l'oeil d'un épervier.

* HIERACITES, s. m. pl. (Théologie) héresie ancienne qui s'éleva peu de tems après celle des Manichéens. Hiéracas en fut le chef : c'étoit un homme versé dans les langues anciennes & la connoissance des livres sacrés. Il nioit la résurrection de la chair. Il regardoit le mariage comme un état contraire à la pureté de la loi nouvelle. Il avoit encore emprunté quelques erreurs de la secte des Melchisédéciens : du reste il vivoit austérement ; il s'abstenoit de la viande & du vin. Il eut pour sectateurs un grand nombre de moines d'Egypte ; il étoit égyptien. Il a beaucoup écrit ; mais ses ouvrages, non plus que ceux de la plûpart des autres sectiques, ne nous ont pas été transmis. Il avoit un talent particulier pour copier les manuscrits. Cette aversion pour le mariage, pour la propriété, pour la richesse, pour la société, qu'on remarque dans presque toutes les premieres sectes du Christianisme, tenoit beaucoup à la persuasion de la fin prochaine du monde, préjugé très-ancien qui s'étoit répandu d'âge en âge chez presque tous les peuples, & qu'on autorisoit alors de quelques passages de l'Ecriture mal interprétés. De-là cette morale insociable, qu'on pourroit appeller celle du monde agonisant. Qu'on imagine ce que nous penserions de la plûpart des objets, des devoirs & des liaisons qui nous attachent les uns aux autres, si nous croyons que ce monde n'a plus qu'un moment à durer.


HIÉRACITESS. m. pl. (Théolog.) secte ancienne ainsi appellée de son chef Hiérac. Cet hérésiarque étoit égyptien, & outre la langue de son pays, il savoit la langue grecque, & avoit cultivé les belles lettres. Etant né chrétien, il s'étoit aussi appliqué à l'étude des livres sacrés, dont il avoit une grande connoissance, car il a écrit des commentaires sur quelques-uns. Mais abusant de sa science, il tomba dans plusieurs erreurs qu'un grand nombre de moines d'Egypte embrasserent.

Il nioit absolument la résurrection de la chair, prétendant que l'ame seule ressusciteroit, & qu'ainsi la résurrection n'étoit que spirituelle. Ce sont les propres paroles de saint Epiphane, qui conjecture qu'il avoit pû emprunter cette erreur d'Origene.

Le même Hiérac & ceux de sa secte condamnoient aussi les noces, étant dans cette pensée qu'elle n'avoient été permises que dans l'ancien testament, & jusqu'à Jesus-Christ, mais que dans la nouvelle loi, il n'étoit plus permis de se marier, parce que le mariage étoit incompatible avec le royaume de Dieu. Ils soutenoient encore que les enfans qui meurent avant l'usage de raison sont exclus du royaume des cieux.

Saint Epiphane rapporte les passages de l'Ecriture dont cet hérésiarque se servoit pour appuyer sa fausse doctrine. Il remarque néanmoins qu'il n'étoit point dans les erreurs d'Origene sur le mystere de la Trinité, & qu'il croyoit que le fils étoit véritablement engendré du pere, & qu'il avoit aussi les mêmes sentimens que les Orthodoxes touchant le Saint-Esprit, si ce n'est qu'il avoit embrassé là-dessus les erreurs des Melchisédéciens, sur lesquelles il avoit enchéri. Il a vécu fort long-tems, & sa vie a toujours été fort austere, ne mangeant point de viande & ne buvant point de vin. Ses disciples l'imitoient en cela, mais ils dégénérerent après sa mort. Dict. de Trévoux. (G)


HIÉRACIUMS. m. (Botan.) genre de plante qu'on peut caractériser de cette maniere ; ses tiges sont branchues, foibles, & d'une forme élégante ; ses feuilles sont rangées alternativement ; sa fleur est à demi-fleurons contenus dans un calice commun ; ce calice est épais, ferme, étendu ; ses graines sont lisses, anguleuses, ou cannelées. Boerhaave en compte quarante especes, & Tournefort soixante-douze. (D.J.)


HIÉRACOBOSQUESS. m. pl. (Antiq. égypt.) les nourriciers des éperviers, de , génitif , épervier, & , je nourris. C'est ainsi que les Grecs nommerent les prêtres d'Egypte, qui étoient chargés de nourrir les éperviers consacrés dans leurs temples au dieu Osiris. On sait combien ces oiseaux étoient en vénération chez les Egyptiens ; si quelqu'un avoit tué un de ses animaux, soit volontairement, soit par méprise, la loi portoit qu'il fût puni de mort comme pour l'Ibis. (D.J.)


HIERAPICRAHIERAPICRA

Galien qui est l'auteur de cette composition, avoit une si haute idée de ses vertus, qu'il lui a donné le nom de sacrée amere : c'est ce que signifient les deux mots grecs, .

Cet électuaire est un puissant purgatif hydragogue, à la dose d'un gros jusqu'à deux, & même jusqu'à demi-once pour les sujets vigoureux ; elle est excellente lorsqu'on la donne à plus petite dose, contre les obstructions, & particuliérement contre celles du foie ; elle est propre à exciter les mois & l'écoulement hémorrhoïdal. Elle doit toutes ces qualités à l'aloès, qui est un remede éprouvé dans tous ces cas. Tous les autres ingrédiens de cette composition n'y sont employés qu'à titre de correctif. Voyez CORRECTIF. Voyez aussi COMPOSITION PHARM.

L'hiéra picra ne s'ordonne jamais que sous forme solide, à cause de sa grande amertume. (b)


HIERAPOLIS(Géograph. anc.) nom commun à quelques villes de l'antiquité. Il y avoit 1°. une Hiérapolis en Syrie, où on honoroit Derecto & Atergatis. Pline & Strabon en font mention. Lucien dit que la déesse Syrienne y avoit le plus riche temple de l'univers. 2°. Une Hiérapolis dans l'île de Crete, appellée ville épiscopale dans les notices ecclésiastiques. 3°. Une Hiérapolis dans la Parthie où mourut S. Matthieu, selon Dorothée. 4°. Une Hiérapolis ville épiscopale de l'Arabie. Mais 5°. la plus renommée de toutes par ses eaux, par son marbre & par le nombre de ses temples, étoit en Phrygie. Voyez Strabon, lib. XIII. pag. 629, & les Voyages de Spon. Leunclavius croit que cette ville est le seidesceber des Turcs.

Epictete, célebre philosophe stoïcien, y prit naissance, & devint un des officiers de la chambre de Néron ; mais Domitien ayant banni de Rome tous les Philosophes, vers l'an 94 de J. C. l'ancien esclave d'Epaphrodite se retira à Nicopolis en Epire, où il mourut dans un âge fort avancé. Il ne laissa pour tous biens qu'une lampe de terre à son usage, qui fut vendue trois mille drachmes. Arrien son disciple, nous a conservé quatre de ses discours, & son enchiridion ou manuel, qu'on a tant de fois imprimé en grec, en latin, & dans toutes les langues modernes. Mourgues rapporte que d'anciens religieux le prirent pour la regle de leur monastere : sa maxime sustine & abstine, est admirable par son énergie & son étendue ; on devroit la graver sur le portail de tous les cloîtres. (D.J.)


HIÉRARCHIES. f. (Hist. ecclésiast.) il se dit de la subordination qui est entre les divers choeurs d'anges qui servent le Très-haut dans les cieux. Saint Denis en distingue neuf, qu'il divise en trois hiérarchies. Voyez ANGES.

Ce mot vient d', sacré & de , principauté.

Il désigne aussi les différens ordres de fideles, qui composent la société chrétienne, depuis le pape qui en est le chef jusqu'au simple laïque. Voyez PAPE.

Il ne paroît pas qu'on ait eu dans tous les tems la même idée du mot hiérarchie ecclésiastique, ni que cette hiérarchie ait été composée de la même maniere. Le nombre des ordres a varié selon les besoins de l'Eglise, & suivi les vicissitudes de la discipline.

On a permis aux théologiens de disputer sur ce point tant qu'il leur a plû, & il est incroyable en combien de sentimens ils se sont partagés.

Quelques-uns ont prétendu qu'il y avoit bien de la différence entre être dans la hiérarchie & être sous la hiérarchie. être dans la hiérarchie, selon eux, c'est par la consécration publique & hiérarchique de l'Eglise être constitué pour exercer ou recevoir des actes sacrés ; or tous ces actes ne sont pas joints à l'autorité & à la supériorité. être sous la hiérarchie, c'est recevoir immédiatement de la hiérarchie des actes hiérarchiques. Il y a dans ces deux définitions quelque chose de louche qu'on auroit écarté, si l'on avoit comparé la société ecclésiastique à la société civile.

Dans la société civile, il y a différens ordres de citoyens qui s'élevent les uns au-dessus des autres, & l'administration générale & particuliere des choses est distribuée par portion à différens hommes ou classes d'hommes, depuis le souverain qui commande à tous jusqu'au simple sujet qui obéit.

Dans la société ecclésiastique, l'administration des choses relatives à cet état est partagée de la même maniere. Ceux qui commandent & qui enseignent sont dans l'hiérarchie : ceux qui écoutent & qui obéissent sont sous l'hiérarchie.

Ceux qui sont sous la hiérarchie, quelque dignité qu'ils occupent dans la société civile, sont tous égaux. Le monarque est dans l'église un simple fidele, comme le dernier de ses sujets.

Ceux qui sont dans l'hiérarchie & qui la composent, sont au contraire tous inégaux, selon l'ancienneté, l'institution, l'importance & la puissance attachée au degré qu'ils occupent. Ainsi l'Eglise, le pape, les cardinaux, les archevêques, les évêques, les curés, les prêtres, les diacres, les soudiacres semblent en ce sens former cette échelle qui peut donner lieu à deux questions, l'une de droit & l'autre de fait. Voyez EGLISE, PONTIFE, CARDINAUX, &c.

Je ne pense pas qu'on puisse disputer sur la question de fait. Les ordres de dignités dont je viens de faire l'énumération, & quelques autres qui ont aussi leurs noms dans l'Eglise, soit que leurs fonctions subsistent encore ou ne subsistent plus, & qu'il faut intercaler dans l'échelle, composent certainement le gouvernement ecclésiastique.

Quant à la question de droit, c'est une autre chose. Il semble qu'il y a le droit qui vient de l'institution premiere faite par Jesus-Christ, & le droit qui vient de l'institution postérieure faite soit par l'Eglise même, soit par le chef de l'Eglise, ou quelqu'autre puissance que ce soit. En ce cas, il y aura certainement parmi les hiérarques ecclésiastiques des ordres qui seront de droit divin, & des ordres qui ne seront pas de droit divin.

Tous les ordres qui n'ont pas été dès le commencement, ne seront pas de droit divin.

Parmi ces ordres qui n'ont pas été dès le commencement, plusieurs ne sont plus : ils ont passé. Parmi ceux qui sont, il y en a qui peuvent passer, parce qu'ils sont moins dispositionis dominicae veritate, quam autoritate.

Le P. Cellot Jésuite avance que l'hiérarchie n'admet que l'évêque, & que les prêtres ni les diacres ne sont point hiérarques ; mais Bellarmin, Gerson, Petrus Aurelius, saint Jérome, & d'autres peres de l'église ont eu sur ce point des sentimens très-différens.

Ne pourroit-on pas croire que ceux qui ont droit d'assister dans un concile & d'y donner leur voix, sont nécessairement dans la hiérarchie, ou du nombre de ceux qui ont part au gouvernement ecclésiastique, soit qu'il soit de droit divin ou non ?

Ne faudroit-il pas avoir égard aussi aux ordres qui conférés impriment un caractere ineffaçable, & ne permettent plus à celui qui l'a reçu de passer dans un autre état ?

Quoi qu'il en soit, sans prétendre décider les questions qui appartiennent à une hiérarchie aussi sainte & aussi respectable que celle de l'Eglise de Jesus-Christ, nous allons exposer simplement quelques idées propres à les éclaircir.

Jesus-Christ a institué l'apostolat. Des auteurs prétendent que l'Eglise a ensuite distribué l'apostolat en plusieurs degrés, qu'ils regardent en conséquence comme d'institution divine ; ont-ils raison ? ont-ils tort ? Voyez APOTRES.

D'autres ne sont d'accord ni sur ce que Jesus-Christ a institué, ni sur ce que ses successeurs ont institué d'après lui. Ils veulent que la cérémonie qui place le simple fidele dans l'ordre hierarchique soit un sacrement, & comptent autant de sacremens que de degrés hiérarchiques.

Il y en a qui soutiennent que la consécration des évêques n'est point un sacrement ; parce que, disent-ils, l'évêque a reçu dans la prêtrise toute la puissance de l'ordre. Cependant entre les pouvoirs spirituels d'un évêque & d'un prêtre, quelle différence ! Voyez EVEQUES.

Frappés de cette différence, & considérant sur tout que l'épiscopat confere le pouvoir d'administrer le sacrement de l'ordre & d'élever à la prêtrise ; pouvoir que le prêtre n'a pas, même radical, comme celui de confesser & d'absoudre sans permission en cas de nécessité ; la plûpart soutiennent que l'épiscopat est d'un autre ordre que la prêtrise, voy. PRETRE, & que le sacre épiscopal est un sacrement. Voyez EVEQUE.

Aucuns n'ont fait cet honneur à la tonsure ni à la papauté, quoique la tonsure tire le chrétien du commun des fideles pour le placer dans l'état ecclésiastique, & qu'elle méritât bien autant d'être un sacrement que la cérémonie des quatre moindres qui confere au tonsuré le pouvoir de fermer la porte des temples, d'y accompagner le prêtre & de porter les chandeliers ; pouvoir qui n'appartient pas tant à l'ordonné, qu'un suisse, un bedeau, ou un enfant de choeur ne puisse le remplacer sans ordre ni facrement. Voyez TONSURE & TONSURE.

Mais la papauté à laquelle on attribue tant de prérogatives, & qui en a beaucoup, a-t-elle moins besoin d'une grace solemnelle que la fonction de présenter les burettes & de chanter l'épître de l'évangile ? Jesus-Christ s'est-il plus expliqué en faveur du soudiaconat que du pontificat ? A-t-il dit à quelqu'un de ses diciples : Chantez dans le temple, essuyez les calices, comme il a dit à Pierre : Paissez mes ouailles ? Voyez DIACRE & SOUDIACRE.

Mais si l'Eglise a pu partager l'apostolat en plusieurs degrés, & étendre ou restraindre le sacrement de l'ordination ; ne l'a-t-elle pas encore de changer cette division, & de le faire une autre hiérarchie ? Qu'est-ce qui lui a donné le pouvoir d'établir, & lui a ôté celui de changer ?

Mais son usage a-t-il été invariable ? Qu'est-ce que les cardinaux d'aujourd'hui ? Que sont devenus les chorévêques d'autrefois qui avoient, selon le concile de Nicée, le pouvoir de conférer les moindres, & qui laissant le séjour des villes, formoient dans les campagnes comme un ordre ou échelon mitoyen entre la prêtrise & l'épiscopat. Voyez CHOREVEQUE.

Cet ordre a été supprimé de la hiérarchie par le pape Damase ; mais pesez bien la raison que ce pape en apporte. " Il faut, dit-il, extirper tout ce qu'on ne sait pas avoir été institué par Jesus-Christ, tout ce que la raison n'engage pas à maintenir ; & l'on ne voit que deux ordres établis par Jesus-Christ, l'un des douze apôtres & l'autre des soixante & dix disciples " Non amplius quam duos ordines inter discipulos Domini esse cognovimus ; id est, duodecim apostolorum & septuaginta discipulorum : undè iste tertius processerit funditùs ignoramus, & quod ratione caret extirpari necesse est. Sect. 6. c. 8. Chorepisc.

Mais si l'on suivoit ce principe du pape Damase, quel renversement n'introduiroit-il pas dans la hiérarchie ecclésiastique ? On n'y laisseroit rien de ce qui n'est pas de l'institution de Jesus-Christ, ou de la nécessité d'un bon gouvernement ; or Jesus-Christ a-t-il donné la pourpre ou le chapeau à quelqu'un de ses disciples ?

Dire que lorsqu'on ne sait précisément quand une chose a commencé d'être établie ou d'être crue, elle l'a été dès la premiere origine ; c'est un raisonnement tout-à-fait faux, & on ne peut pas plus dangereux.

On objectera peut-être à la division du pape Damase de la hiérarchie en deux ordres, que les apôtres ont institué des diacres ; mais il est évident que cette dignité ne fut créée que pour vaquer à des fonctions purement temporelles. Les diacres faisoient distribution des aumônes & des biens que les fideles avoient alors en commun, tandis que les diaconesses de leur côté veilloient à la décoration & à la propreté des lieux d'assemblée : quel rapport ces fonctions ont-elles avec la hiérarchie ?

Dans l'examen de ce sujet, il ne faut pas confondre le gouvernement spirituel, l'établissement, la propagation & la consécration du christianisme avec le service temporel. Ce n'est pas à ceux qui songent à accroître les revenus de l'église, à les gérer, & à les partager, que Jesus-Christ a dit : Ecce ego mitto vos sicut misit me Pater.

Il n'y a que les premiers qui soient les vrais membres de Jesus-Christ. Il en est l'instituteur. Il n'y a rien à changer à leur hiérarchie. Il n'y a point d'autorité dans l'Eglise qui ait ce droit ; ni Pierre, ni Paul, ni Apollos ne l'ont pas, nec addes nec minues.

Ce qui part de cette source, doit durer sans altération jusqu'à la fin des siecles. Les autres sont d'institution ecclésiastique créés pour l'administration temporelle & le service de la société des chrétiens, selon la convenance des lieux, des tems & des affaires. On les appellera, selon eux, ministres de l'Eglise.

L'origine de leurs pouvoirs & de leurs fonctions ne remonte pas jusqu'à Jesus-Christ immédiatement, l'autorité qui les a créés peut les abolir : elle l'a fait quelquefois, & elle l'a dû faire.

Les apôtres ne préposerent des diacres & des administrateurs qu'à l'occasion du mécontentement & des plaintes des Grecs contre les Hébreux ; trop chargés des occupations temporelles, ils ne pouvoient plus vaquer aux spirituelles. Le service d'économe commençoit à nuire à l'état d'apôtre : non aequum est nos derelinquere verbum Dei & ministrare mensis.

Quoi qu'il en soit de toutes ces idées, je les soumets à l'examen de ceux qui par leur devoir doivent être plus versés dans la connoissance de l'histoire de l'Eglise & de sa hiérarchie.


HIEREHIERE


HIERES(Géog.) en latin Olbia Areae, ville de France en Provence, au diocese de Toulon : son terroir & les environs sont délicieux pour la bonté & la beauté des fruits ; mais son port qui lui seroit aujourd'hui d'une grande ressource, s'est comblé depuis long-tems, & la mer s'est retirée plus de deux mille pas ; cette ville est à 5 lieues de Toulon, 179. S. E. de Paris. Long. 23d. 48'. 11''. lat. 43d. 7'. 23''.

Massillon, dit M. de Voltaire, " né dans la ville d'Hieres en 1663, prêtre de l'Oratoire, évêque de Clermont, le prédicateur qui a le mieux connu le monde, plus fleuri que Bourdaloue, plus agréable, & dont l'éloquence sent l'homme de cour, l'académicien & l'homme d'esprit, de plus philosophe modéré & tolérant, mourut en 1742 ". Ses sermons & ses autres ouvrages qui consistent en Discours, Panégyriques, Oraisons funébres, Conférences ecclésiastiques, &c. ont été imprimés en quatorze volumes in-12. (D.J.)

HIERES les îles d', (Géog.) insulae Arearum, îles de France sur la côte de Provence ; il y en a trois, Porqueroles, Port-Croz, & l'île du Titan ; les Marseillois les ont habitées les premiers, ils les nommerent Stoechades. (D.J.)


HIÉROCERYCES. m. (Littér.) chef des héraults sacrés dans les mysteres de Cerès ; sa fonction étoit d'écarter les profanes, & toutes les personnes excluses de la fête par les loix ; d'avertir les initiés de ne prononcer que des paroles convenables à l'objet de la céremonie, ou de garder un silence respectueux ; enfin de réciter les formules de l'initiation.

L'hiéroceryce représentoit Mercure, ayant des aîles sur le bonnet, & la verge, le caducée à la main, en un mot tout l'appareil que les poëtes donnent à ce dieu.

Ce sacerdoce étoit perpétuel, mais il n'imposoit point la loi du célibat : on peut même fortement présumer le contraire par l'exemple du Dadouque ; ainsi, selon toute apparence, la loi du célibat ne regardoit que l'hiérophante seul, à cause de l'excellence de son ministere.

Au reste, la dignité d'hiéroceryce appartenoit à une même famille ; c'étoit à celle des Céryces descendue de Céryx, dernier fils d'Eumolpe, & qui par conséquent étoit une branche des Eumolpides, quoique ceux qui la composoient donnassent Mercure pour pere à Céryx ; mais c'étoit sans-doute parce que ce dieu protégeoit la fonction de héraut, héréditaire dans leur famille. (D.J.)


HIÉROCORACESS. m. pl. (Antiq.) certains ministres de Mithras, c'est-à-dire du soleil, que les Perses adoroient sous ce nom. Le mot hiérocoraces signifie corbeaux sacrés, parce que les prêtres du soleil portoient des vêtemens qui avoient quelque rapport par leur couleur, ou d'une autre maniere, à ces oiseaux dont les Grecs en conséquence leur donnerent le nom. (D.J.)


HIÉROGLYPHES. m. (Arts antiq.) écriture en peinture ; c'est la premiere méthode qu'on a trouvée de peindre les idées par des figures. Cette invention imparfaite, défectueuse, propre aux siecles d'ignorance, étoit de même espece que celle des Mexiquains qui se sont servi de cet expédient, faute de connoître ce que nous nommons des lettres ou des caracteres.

Plusieurs anciens & presque tous les modernes ont cru que les prêtres d'Egypte inventerent les hiéroglyphes, afin de cacher au peuple les profonds secrets de leur science. Le P. Kircher en particulier a fait de cette erreur le fondement de son grand théâtre hiéroglyphique, ouvrage dans lequel il n'a cessé de courir après l'ombre d'un songe. Tant s'en faut que les hiéroglyphes ayent été imaginés par les prêtres égyptiens dans des vues mystérieuses, qu'au contraire c'est la pure nécessité qui leur a donné naissance pour l'utilité publique ; M. Warburthon l'a démontré par des preuves évidentes, où l'érudition & la philosophie marchent d'un pas égal.

Les hiéroglyphes ont été d'usage chez toutes les nations pour conserver les pensées par des figures, & leur donner un être qui les transmit à la postérité. Un concours universel ne peut jamais être regardé comme une suite, soit de l'imitation, soit du hazard ou de quelque évenement imprévu. Il doit être sans-doute considéré comme la voix uniforme de la nature, parlant aux conceptions grossieres des humains. Les Chinois dans l'orient, les Mexiquains dans l'occident, les Scythes dans le nord, les Indiens, les Phéniciens, les Ethiopiens, les Etruriens ont tous suivi la même maniere d'écrire, par peinture & par hiéroglyphes ; & les Egyptiens n'ont pas eû vraisemblablement une pratique différente des autres peuples.

En effet, ils employerent leurs hiéroglyphes à dévoiler nuement leurs loix, leurs réglemens, leurs usages, leur histoire, en un mot tout ce qui avoit du rapport aux matieres civiles. C'est ce qui paroît par les obélisques, par le témoignage de Proclus, & par le détail qu'en fait Tacite dans ses Annales, liv. II. ch. lx. au sujet du voyage de Germanicus en Egypte. C'est ce que prouve encore la fameuse inscription du temple de Minerve à Saïs, dont il est tant parlé dans l'antiquité. Un enfant, un vieillard, un faucon, un poisson, un cheval marin, servoient à exprimer cette sentence morale : " Vous tous qui entrez dans le monde & qui en sortez, sachez que les dieux haïssent l'impudence ". Ce hiéroglyphe étoit dans le vestibule d'un temple public ; tout le monde le lisoit, & l'entendoit à merveille.

Il nous reste quelques monumens de ces premiers essais grossiers des caracteres égyptiens dans les hiéroglyphes d'Horapollo. Cet auteur nous dit entr'autres faits, que ce peuple peignoit les deux piés d'un homme dans l'eau, pour signifier un foulon, & une fumée qui s'élevoit dans les airs, pour désigner du feu.

Ainsi les besoins secondés de l'industrie imaginerent l'art de s'exprimer : ils prirent en main le crayon ou le ciseau, & traçant sur le bois ou les pierres des figures auxquelles furent attachées des significations particulieres, ils donnerent en quelque façon la vie à ce bois, à ces pierres, & parurent les avoir doués du don de la parole. La représentation d'un enfant, d'un vieillard, d'un animal, d'une plante, de la fumée ; celle d'un serpent replié en cercle, un oeil, une main, quelqu'autre partie du corps, un instrument propre à la guerre ou aux arts, devinrent autant d'expressions, d'images, ou, si l'on veut, autant de mots qui, mis à la suite l'un de l'autre, formerent un discours suivi.

Bien-tôt les Egyptiens prodiguerent par-tout les hiéroglyphes : leurs colonnes, leurs obélisques, les murs de leurs temples, de leurs palais, & de leurs sépultures, en furent surchargés. S'ils érigeoient une statue à un homme illustre, des symboles tels que nous les avons indiqués, ou qui leur étoient analogues, taillés sur la statue même, en traçoient l'histoire. De semblables caracteres peints sur les momies, mettoient chaque famille en état de reconnoître le corps de ses ancêtres ; tant de monumens devinrent les dépositaires des connoissances des Egyptiens.

Ils employerent la méthode hiéroglyphique de deux façons, ou en mettant la partie pour le tout, ou en substituant une chose qui avoit des qualités semblables, à la place d'une autre. La premiere espece forma l'hiéroglyphe curiologique, & la seconde, l'hiéroglyphe tropique : la lune, par exemple, étoit quelquefois représentée par un demi-cercle, & quelquefois par un cynocéphale. Le premier hiéroglyphe est curiologique, & le second tropique ; ces sortes de hiéroglyphes étoient d'usage pour divulguer ; presque tout le monde en connoissoit la signification dès la tendre enfance.

La méthode d'exprimer les hiéroglyphes tropiques par des propriétés similaires, produisit des hiéroglyphes symboliques, qui devinrent à la longue plus ou moins cachés, & plus ou moins difficiles à comprendre. Ainsi l'on représenta l'Egypte par un crocodile, & par un encensoir allumé, avec un coeur dessus. La simplicité de la premiere représentation donne un hiéroglyphe symbolique assez clair ; le raffinement de la derniere offre un hiéroglyphe symbolique vraiment énigmatique.

Mais aussi-tôt que par de nouvelles recherches, on s'avisa de composer les hiéroglyphes d'un mystérieux assemblage de choses différentes, ou de leurs propriétés les moins connues, alors l'énigme devint inintelligible à la plus grande partie de la nation. Aussi quand on eut inventé l'art de l'écriture, l'usage des hiéroglyphes se perdit dans la société, au point que le public en oublia la signification. Cependant les prêtres en cultiverent précieusement la connoissance, parce que toute la science des Egyptiens se trouvoit confiée à cette sorte d'écriture. Les savans n'eurent pas de peine à la faire regarder comme propre à embellir les monumens publics, où l'on continua de l'employer ; & les prêtres virent avec plaisir, qu'insensiblement ils resteroient seuls dépositaires d'une écriture qui conservoit les secrets de la religion.

Voilà comme les hiéroglyphes, qui devoient leur naissance à la nécessité, & dont tout le monde avoit l'intelligence dans les commencemens, se changerent en une étude pénible, que le peuple abandonna pour l'écriture, tandis que les prêtres la cultiverent avec soin, & finirent par la rendre sacrée. Voyez les articles ÉCRITURE, & ÉCRITURE des Egyptiens.

Mais je n'ai pas tout dit ; les hiéroglyphes furent la source du culte que les Egyptiens rendirent aux animaux, & cette source jetta ce peuple dans une espece d'idolatrie. L'histoire de leurs grandes divinités, celle de leurs rois, & de leurs législateurs, se trouvoit peinte en hiéroglyphes, par des figures d'animaux, & autres représentations ; le symbole de chaque dieu étoit bien connu par les peintures & les sculptures que l'on voyoit dans les temples, & sur les monumens consacrés à la religion. Un pareil symbole présentant donc à l'esprit l'idée du dieu, & cette idée excitant des sentimens religieux, il falloit naturellement que les Egyptiens dans leurs prieres, se tournassent du côté de la marque qui servoit à le représenter.

Cela dut sur-tout arriver, depuis que les prêtres égyptiens eurent attribué aux caracteres hiéroglyphiques, une origine divine, afin de les rendre encore plus respectables. Ce préjugé qu'ils inculquerent dans les ames, introduisit nécessairement une dévotion relative pour ces figures symboliques ; & cette dévotion ne manqua pas de se changer en adoration directe, aussi-tôt que le culte de l'animal vivant eût été reçû. Ne doutons pas que les prêtres n'ayent eux-mêmes favorisé cette idolatrie.

Enfin, quand les caracteres hiéroglyphiques furent devenus sacrés, les gens superstitieux les firent graver sur des pierres précieuses, & les porterent en façon d'amulete & de charmes. Cet abus n'est guere plus ancien que le culte du dieu Sérapis, établi sous les Ptolomées : certains chrétiens natifs d'Egypte, qui avoient mêlé plusieurs superstitions payennes avec le Christianisme, sont les premiers qui firent principalement connoître ces sortes de pierres, qu'on appelle abraxas ; il s'en trouve dans les cabinets des curieux, & on y voit toutes sortes de caracteres hiéroglyphiques.

Aux abraxas ont succedé les talismans, espece de charmes, auxquels on attribue la même efficace, & pour lesquels on a aujourd'hui la plus grande estime dans tous les pays soumis à l'empire du grand-seigneur, parce qu'on y a joint comme aux abraxas, les rêveries de l'Astrologie judiciaire.

Nous venons de parcourir avec rapidité tous les changemens arrivés aux hiéroglyphes depuis leur origine jusqu'à leur dernier emploi ; c'est un sujet bien intéressant pour un philosophe. Du substantif hiéroglyphe, on a fait l'adjectif hiéroglyphique. (D.J.)


HIEROGRAMMATÉEsub. masc. (Hist. anc.) nom que les anciens Egyptiens donnoient aux prêtres qui présidoient à l'explication des mysteres de la religion & aux cérémonies.

Les hierogrammatées inventoient & écrivoient les hiéroglyphes & les livres hiéroglyphiques, & ils les expliquoient aussi-bien que toute la doctrine de la religion. Si l'on en croit Suidas, ils étoient aussi devins ; au moins il rapporte qu'un hierogrammatée prédit à un ancien roi d'Egypte qu'il y auroit un israëlite plein de sagesse, de vertu & de gloire, qui humilieroit l'Egypte.

Ils étoient toûjours auprès du roi pour l'aider de leurs lumieres & de leurs conseils ; ils se servoient pour cela de la connoissance qu'ils avoient des astres & des mouvemens du ciel, & de l'intelligence des livres sacrés, où ils s'instruisoient eux-mêmes de ce qu'il y avoit à faire. Ils étoient exempts de toutes les charges de l'état ; ils en étoient les premieres personnes après le roi, & portoient même aussi-bien que lui une espece de sceptre en forme de soc de charrue ; ils tomberent dans le mépris sous l'empire des Romains. Dictionnaire de Trevoux. (G)


HIEROLOGIEsub. fém. (Gram.) discours sur les choses sacrées ; il signifie aussi bénédiction. L'hierologie chez les Grecs & chez les Juifs, est proprement la bénédiction nuptiale.


HIÉROMANTIES. f. (Antiq.) , nom général de toutes les sortes de divinations qu'on tiroit des diverses choses qu'on présentoit aux dieux, & sur-tout des victimes qu'on offroit en sacrifice. D'abord on commença de tirer des présages de leurs parties externes, de leurs mouvemens, ensuite de leurs entrailles, & autres parties internes ; enfin, de la flamme du bucher dans lequel on les consumoit. On vint jusqu'à tirer des conjectures de la farine, des gâteaux, de l'eau, du vin, &c. J'apprends tout cela, mais plus au long dans les Archaeol. greq. de Potter, lib. II. cap. xiv. tom. I. p. 314. (D.J.)


HIEROMENIES. m. (Antiq.) , nom donné au mois dans lequel on célébroit les jeux Néméens ; c'étoit le même mois que le Boedromion des Athéniens, qui répondoit au commencement de notre mois de Septembre. Voyez MOIS DES GRECS. (D.J.)


HIEROMNÉMONS. m. (Antiq.) , c'est-à-dire, président des sacrifices, ou gardien des archives sacrées.

Les hieromnémons étoient des députés que les villes de la Grece envoyoient aux Thermopyles, pour y prendre séance dans l'assemblée des amphictyons, & y faire la fonction de greffiers sacrés. Ils étoient particulierement chargés de tout ce qui avoit rapport à la religion ; c'étoit eux seuls qui payoient la dépense, & qui prenoient le soin des sacrifices publics qu'on faisoit pour la conservation de toute la Grece en général. Aussi la premiere attention de l'hieromnémon à son arrivée aux Thermopyles, étoit d'offrir conjointement avec les pylagores, un sacrifice solemnel à Cérès, divinité tutélaire de ce lieu. Quand l'assemblée des amphictyons se tenoit à Delphes, Apollon Pythien, & Minerve la Prévoyante, recevoient à leur tems le même hommage des députés dont nous venons de parler.

Ordinairement chaque ville amphictyonide n'envoyoit qu'un hieromnémon & un pylagore à l'assemblée ; mais cette regle générale n'a pas laissé de souffrir quelquefois des exceptions ; cependant il paroît que quelque nombre qu'ils fussent de députés, ils n'étoient comptés que pour deux voix par rapport aux suffrages.

L'hieromnémon qu'on devoit députer au conseil des amphictyons, s'élisoit par le sort, & le tems de sa députation expiré, il étoit obligé, de même que les pylagores, de venir rendre un compte exact à leurs concitoyens de tout ce qu'ils avoient fait pendant la tenue de ces états généraux de la Grece. Voyez PYLAGORE.

Ce compte se rendoit verbalement & par des mémoires d'abord au sénat, & ensuite au peuple ; le même usage se pratiquoit à l'égard des autres ambassadeurs ou envoyés.

Une des prérogatives éminentes de la dignité des hieromnémons, à l'assemblée des amphictyons, étoit le droit dont ils jouissoient de recueillir les suffrages & de prononcer ensuite les arrêts ; ils avoient encore l'honneur de présider à l'assemblée, parce qu'ils présidoient aux sacrifices du dieu tant à Delphes qu'aux Thermopyles. Le nom de l'hieromnémon étoit inscrit à la tête des decrets des amphictyons, & l'on comptoit les années par les différens hieromnémons, de même que les Romains comptoient les leurs par les différens consulats. Les Byzantins comptoient aussi leurs années par les magistrats qui portoient chez eux le nom d'hiromnémons ; enfin, un grand privilege des hieromnémons, c'est que c'étoit à eux qu'appartenoit le droit de convoquer l'assemblée générale des amphictyons, que les Grecs appelloient ; ils devoient rédiger par écrit tout ce qui se delibéroit dans cette compagnie, & ils étoient les gardiens nés de ces actes importans. (D.J.)


HIEROMNÉNONS. m. (Littér.) nom d'une pierre que les anciens employoient dans la divination, & qu'ils appelloient encore erolythos ou amphicomé ; comme ils ne nous en ont laissé aucune description, nous ignorons quelle pierre c'étoit, & d'où ils la tiroient ; mais nous sommes tout consolés de cette ignorance. (D.J.)


HIERONYMITESou HERMITES DE S. JEROME, voyez JERONYMITES & HERMITES. Ce mot est composé d', sacré, & de , nom. Dict. de Trévoux.


HIÉROPHANTES. m. (Antiq.) , sacrorum antistes, souverain prêtre de Cérès chez les Athéniens.

L'hiérophante étoit à Athènes un prêtre d'un ordre très-distingué ; car il étoit préposé pour enseigner les choses sacrées & les mysteres de Cérès, à ceux qui vouloient y être initiés ; & c'est de-là qu'il prenoit son nom. On lui donnoit aussi le titre de prophete ; il faisoit les sacrifices de Cérès, ou uniquement par rapport à elle ; il étoit encore le maître d'orner les statues des autres dieux, & de les porter dans les cérémonies religieuses. Il avoit sous lui plusieurs officiers qui l'aidoient dans son ministere, & qu'on nommoit exégetes, c'est-à-dire, explicateurs des choses sacrées.

Eumolpe fut le premier hiérophante que Cérès se choisit elle même pour la célébration de ses mysteres, c'est-à-dire, que ce fut lui qui le premier y présida & les enseigna. Cet Eumolpe, selon Athénée, fut le chef d'une des plus célébres familles d'Athènes, qui seule eut la gloire de donner sans discontinuation un hiérophante aux Eleusiniens, tant que le temple de Cérès subsista parmi eux. La durée de ce sacerdoce a été de douze cent ans ; & ce qui le rend encore plus mémorable dans la seule famille des Eumolpides, c'est que celui qui étoit une fois revêtu de la dignité d'hiérophante, étoit obligé de passer toute sa vie dans le célibat, comme nous l'apprenons de Pausanias dans les Corinthiaques, de l'ancien Scholiaste de Perse sur la cinquieme satyre de ce poëte, & finalement de S. Jérome.

Ce mot hiérophante, est composé de , sacré, & de , je montre, je mets en lumiere. (D.J.)


HIÉROPHANTIEsub. fém. (Antiq.) on appelloit hiérophanties chez les Athéniens, des femmes consacrées au culte de Cérès, & qui avoient quelques fonctions sous les ordres de l'hiérophante ; mais une hiérophantie n'étoit point la femme de ce souverain prêtre, puisqu'il étoit dans l'obligation de vivre toûjours dans le célibat, comme nous l'avons remarqué. (D.J.)


HIEROSCOPIES. f. (Divinat.) espece de divination qui consistoit à considérer les victimes, & tout ce qui arrivoit durant le sacrifice. Voyez SACRIFICE & VICTIME. Ce mot vient de , sacré, & , je considere. Diction. de Trévoux.


HIESMEou EXMES, (Géog.) bourg de France en Normandie, autrefois chef-lieu d'un comté de grande étendue, appellé l'Hiémois ou l'Emois ; ce bourg est sur une montagne stérile, à 4 lieues de Séez, 36 O. de Paris. M. Huet prétend que les Osismi, dont parle César, étoient les peuples d'Hiêmes, qu'il écrit Hiesmes ; mais les Osismiens étoient à l'extrémité de la basse-Bretagne. Long. 17. 78. lat. 48. 46. (D.J.)


HIGHAM-FERRERS(Géog.) ville à marché d'Angleterre, en Northamptonshire ; elle envoie deux députés au Parlement, & est à 17 lieues N. de Londres. Long. 16. 55. lat. 52. 18. (D.J.)


HIGHLANDERSsub. masc. (Géog.) ou montagnards d'Ecosse ; ils sont proprement descendus des anciens Calédoniens, & il y a eu parmi eux moins de mêlange d'étrangers, que parmi les Lowlanders, qui habitent le plat pays d'Ecosse. Il faut lire la description que Boëce & Buchanan font des anciennes moeurs, de la force, & de la bravoure de ces gens-là. Leur postérité qui occupe encore aujourd'hui les montagnes & les îles d'Ecosse, a retenu beaucoup des coûtumes & de la maniere de vivre de leurs peres. (D.J.)


HIGMORE(ANTRE, CORPS D') cet anatomiste d'Oxford en Angleterre, a donné au public un ouvrage sur le corps humain intitulé, Disquisitio anatomica, Hug. 1650 fol. c'est-à-dire, Disquisition anatomique, dans laquelle il a suivi la circulation du sang jusques dans les plus petites parties du corps. On appelle corps d'Higmore, la partie du testicule entre l'épididime & le testicule, où se réunissent tous les vaisseaux secrétoires ; & on donne aussi le nom d'antre d'Higmore, au sinus maxillaire.


HIGUEROsub. masc. (Hist. nat. Botan.) grand arbre d'Amérique, qui croît sur-tout dans la nouvelle Espagne ; le bois en est dur & compacte, & ressemble à celui du citronnier. On en fait des vases à boire & d'autres ustensiles de ménage ; les Indiens mangent de son fruit qui est rond, semblable à une courge, & qui en a le goût ; il est rafraîchissant.


HILARIESS. f. pl. (Antiq.) hilaria, orum ; fête qui se célébroit à Rome tous les ans avec beaucoup de pompe & de réjouissance, le huitieme jour avant les calendes d'Avril, c'est-à-dire le 25 Mars, en l'honneur de la mere des dieux.

Pendant la durée de la fête, qui étoit de plusieurs jours, il y avoit treve de tout deuil & cérémonies funebres. On promenoit Cybele par toute la ville, & chacun faisoit marcher devant elle en guise d'offrande, ce qu'il avoit de plus précieux. On s'habilloit comme l'on vouloit, & l'on prenoit les marques de telles dignités qu'on jugeoit à propos.

C'étoit proprement la Terre qu'on célébroit dans cette fête, sous le nom de la mere des dieux ; on lui rendoit tous ces honneurs, pour qu'elle reçût du soleil une chaleur modérée, & des rayons favorables à la naissance des fruits. On avoit choisi le commencement du printems pour cette fête, parce qu'alors les jours commencent à être plus longs que les nuits, & la nature est toute occupée de sa parure & de son renouvellement.

Les Romains emprunterent cette fête des Grecs, qui la nommoient , renouvellement, par opposition à la veille, , pendant laquelle ils revêtoient les apparences de deuil. Les Romains les imiterent encore en ce point, car ils passoient la veille de leurs hilaries en lamentations & autres marques de tristesse, d'où vient qu'ils nommoient ce jour là un jour de sang, dies sanguinis ; c'étoit l'inverse, si l'on peut parler ainsi, de notre mardi-gras, & l'image du mercredi des cendres. Quand les Grecs furent soumis à l'empire des Romains, ils abandonnerent l'ancien nom de leur fête pour prendre celui d', comme il paroît par Photius dans ses extraits de la vie du philosophe Isidore.

Les curieux peuvent consulter Rosinus, Antiquit. rom. lib. IV. c. vij. Turnebe, Adversarior. lib. XXIV. Casaubon, not. sur Lampridius, Hist. Aug. script. p. 167. Saumaise sur Vopiscus & Tristan, tom. I. & tom. II. (D.J.)


HILARO-TRAGEDIES. f. (Littérat.) piece dramatique mêlée de tragique & de comique, ou de sérieux & de plaisant, ou de ridicule. Voyez DRAME.

Scaliger prétend que l'hilaro-tragédie & l'hilarodie sont la même chose ; d'autres ont cru que l'hilaro-tragédie étoit à peu-près ce que nous appellons tragi-comédie, ou une tragédie dont la catastrophe est heureuse, & fait passer le héros d'un état malheureux, dans un état fortuné. D'autres enfin croient que c'étoit, comme nous l'avons dit, un mêlange de tragique & de comique, de choses sérieuses & d'autres ridicules. Voyez TRAGEDIE & HILARODIE.

Suidas dit que Rhinton, poëte comique de Tarente, fut l'inventeur de ces sortes de pieces, ce qui leur fit donner le nom de Rhintoniae fabulae. Dict. de Trévoux.


HILARODIES. f. (Littérat.) espece de drame chez les Grecs qui tenoit de la comédie & de la tragédie ; aussi l'appelloit-on autrement hilaro-tragédie.

On sait que la tragédie exigeoit non-seulement, que les personnages fussent des princes ou des héros, mais elle devoit encore rouler sur quelque grand malheur ; & soit que la catastrophe en fût funeste, soit qu'elle fût heureuse, elle devoit toujours exciter la terreur & la pitié ; c'est ce qui fit qu'Archélaus, roi de Macédoine, dont les idées étoient apparemment très-bornées sur la poésie dramatique, proposant à Euripide de le faire le héros de quelqu'une de ses tragédies, ce poëte lui répondit : " que les dieux puissent toujours vous préserver d'un pareil honneur ! "

L'hilarodie amenoit bien à la vérité sur la scene des personnages illustres, mais ses sujets devoient être gais ; & quoiqu'elle eut plus de dignité que la premiere comédie proprement dite des Grecs, qui étoit l'imitation trop grossiere de la vie commune des simples citoyens, c'étoit pourtant une espece de comédie, parce qu'elle avoit pour but d'amuser, d'égayer, & de faire rire les spectateurs.

On croit que les fables rhintoniques ressembloient à beaucoup d'égards aux hilarodies ; on les nommoit rhintoniques, du nom de leur auteur Rhinton. Athénée cite de ce poëte une piece intitulée Amphitrion, qui pourroit bien avoir été l'original d'après lequel Plaute a composé le sien. Or l'Amphitrion de Plaute a les caracteres qu'on assigne à l'hilarodie.

Il semble que les parodies dramatiques avoient aussi beaucoup d'affinité avec les hilarodies ; mais nous ne sommes pas assez instruits des caracteres distinctifs de toutes ces sortes de drames anciens, pour en marquer les rapports & les différences. (D.J.)


HILDESHEIM(Géog.) ville d'Allemagne dans la basse Saxe, avec un évêché suffragant de Magdebourg. Elle est libre & impériale, quoique dépendante en quelque chose de l'évêque. Le magistrat d'Hildesheim admit la confession d'Ausbourg en 1543, & les deux religions ont subsisté dans la ville depuis ce tems-là. On a conservé la cathédrale à l'évêque, qui est le seul évêque catholique de toute la Saxe. Hildesheim jouit, entr'autres beaux privileges, de celui de se gouverner par ses propres loix ; cependant les citoyens font serment de fidélité à l'évêque, comme leur seigneur, & à condition qu'il les maintiendra dans leurs franchises & privileges. Le premier évêque d'Hildesheim, nommé Gonther, mourut en 835. Voyez Heiss, histoire de l'Empire, liv. VI. Elle est sur l'Innerste, à 8 de nos lieues S. E. d'Hannover, 9 S. O. de Brunswick, & 9 O. de Wolffenbuttel. Long. 31. 50. lat. 52. 28.

Pour ce qui regarde la célebre colonne d'Irminsal, transportée dans le choeur de l'église d'Hildesheim, où elle a servi à soutenir un chandelier à plusieurs branches, nous parlerons de cet ancien monument du paganisme au mot IRMINSAL.

Les curieux de l'histoire naturelle des fossiles de divers pays, peuvent consulter la description latine de ceux d'Hildesheim, donnée par Frédéric Lachmandar, Hildesh. 1669, in 4°.

Vous trouverez dans les Dict. histor. les articles de deux Jurisconsultes nés dans cette ville, & connus par quelques ouvrages de Droit ; j'entends Hahnius (Henri), mort en 1668 à l'âge de 63 ans, & Oldekops (Juste), mort en 1677 âgé de 70 ans. (D.J.)


HILDSCHIN(Géog.) ville d'Allemagne en Silésie, dans la principauté de Troppau, sur la riviere d'Oppa, qui s'y jette dans l'Oder.


HILLÉ(Géog.) ville d'Asie dans l'Irac-Arabique ; elle est entre Bagdat & Coufa, à 79. 45. de long. & à 31. 50. de lat. Quelques voyageurs nomment une seconde Hillé dans le même pays sur le Tigre, entre Vaset & Bassora. On parle d'une troisieme Hillé en Perse, dans le Conrestan, & d'une quatrieme dans la Turquie Asiatique, auprès du Mosul, ou Moussel. (D.J.)


HILLEVIONSS. m. pl. (Géog. anc.) ancien peuple de la Scandinavie. Pline, liv. IV. chap. xiij. en parle comme d'une nation qui habitoit cinq cent villages. C'étoit la premiere & peut-être la seule de la Scandinavie, que les Romains connussent de son tems. Ils occupoient apparemment une partie de la Suede où sont les provinces de Schone, de Blékingie & de Halland. (D.J.)


HILOIRESILOIRES, AILURES, s. f. (Marin.) ce sont des pieces de bois longues & arrondies, qui bornent & soutiennent les écoutilles & les caillebotis, en forme de chassis. Voyez Planche V. n°. 77. les hiloires du premier pont. N °. 124. les hiloires du second pont.

Dans un vaisseau du premier rang, ou de quatrevingt pieces de canons, les hiloires du premier pont au milieu ont neuf pouces d'épaisseur, & onze de largeur ; entre le milieu & le côté, elles ont huit pouces d'épaisseur, dix pouces & demi de largeur.

Les hiloires du second pont au milieu ont sept pouces & demi d'épaisseur, & dix pouces de largeur, ceux entre le milieu & les côtés, six pouces & demi d'épaisseur, dix pouces de largeur.

Les hiloires du troisieme pont, des gaillards & de la dunette, diminuent proportionnellement. (Z)


HILPERHAUSEN(Géog.) ville d'Allemagne en Franconie, sur la Werra, au comté de Henneberg, entre Cobourg & Smalcalde ; elle appartient à une branche de la maison de Saxe-Gotha. Long. 28. 15. lat. 50. 35. (D.J.)


HILPOLSTEIN(Géog.) petite ville d'Allemagne en Franconie, dans le territoire de la ville de Nuremberg.


HIMANTOPUSS. m. (Hist. nat. Ornitholog.) oiseau aquatique ; il ne mange point de poisson ; il a le dessous du cou, la poitrine & le ventre de couleur blanchâtre ; les côtés de la tête sont de même couleur au-dessous des yeux ; au-dessus il y a une couleur noirâtre, qui est aussi sur le dos & sur les aîles ; le bec est noir, il est long & mince, cependant l'oiseau s'en sert très-adroitement pour faire sa proie des chenilles & d'autres insectes. La queue est d'une couleur cendrée blanchâtre ; il a des taches noires sur le dessus du cou ; ses aîles sont très-longues ; la longueur de ses cuisses & de ses jambes est excessive ; elles sont très-déliées, très-foibles, & d'autant moins assurées, que le pié n'a point de doigt en arriere, & que ceux de devant sont courts en comparaison de la longueur des jambes. Ses doigts ont une couleur de sang, celui du milieu est un peu plus long que les autres ; ses ongles sont noirs, petits, & un peu courbes. Willug. Ornit. Voyez OISEAU.


HIMÉES. f. (Littérat.) c'est le nom que les Grecs donnoient à la chanson des puiseurs d'eau ; ce mot vient de , puiser. Aristophane en parle comme d'une chanson qui n'étoit que dans la bouche des personnes les plus viles ; car pour reprocher à quelqu'un un chant d'un mauvais goût, il lui fait dire, d'où avez-vous pris cette chanson de tireur d'eau ? La chanson des meuniers porte le même nom de himée dans Athénée ; mais Elien & Pollux l'appellent épimulie, de , meule, ou moulin. On sait que plusieurs professions dans la Grece avoient une espece de chanson qui leur étoit particulierement consacrée. Voyez CHANSON. (D.J.)


HIMERA(Géog. anc.) ancienne ville de Sicile, sur la rive septentrionale de l'isle à gauche, c'est-à-dire au couchant de la riviere de même nom ; elle avoit été très-florissante ; mais les Carthaginois, sous la conduite d'Annibal, la saccagerent après un siege dont on trouvera les détails dans Diodore de Sicile, liv. XIII. chap. lxij.

Il y avoit des bains fameux au couchant de cette ville, Himerae thermae ; ces bains devinrent une ville ; & c'est sur ce pié-là que Ptolomée les nomme. Ciceron nous apprend même comment cette ville se forma ; ce lieu s'appelle encore aujourd'hui Termini, & les ruines de la ville d'Himéra, campo di san Nicolo ; la riviere d'Himéra se nomme Fiume grande.

Le poëte Stésychore étoit d'Himéra ; il fut ainsi nommé pour avoir adapté la maniere de la danse aux instrumens, ou au choeur sur le théatre ; il fleurissoit dans la quarante-deuxieme olympiade, c'est-à-dire 610 ans avant J. C. Il mourut dans la cinquante sixieme olympiade, sous Cyrus, roi de Perse. Quintilien dit que Stésychore avec sa lyre, soutint le poids & la noblesse du poëme épique. Denys d'Halycarnasse lui donne les grandes qualités & les graces de Pindare & de Simonide ; son style étoit plein & majestueux, Stesychori graves camaenae, suivant l'expression d'Horace. Pline ajoûte, que comme Stésychore étoit encore enfant, un rossignol vint chanter sur sa bouche. On ne pouvoit le louer plus délicatement ; mais le tems nous a ravi les ouvrages de cet aimable poëte ; il ne nous en reste que trente ou quarante vers, qui ne nous permettent pas d'en juger. Sa patrie lui érigea une très-belle statue ; non-seulement à cause de ses talens dans la poésie lyrique, mais plus encore pour avoir préservé son pays de l'esclavage. Cette ville se trouvant en guerre avec ses voisins, avoit imploré l'alliance de Phalaris, & lui avoit donné le commandement de ses troupes, avec une autorité presque sans bornes. Stésychore tâcha de détourner ses compatriotes de prendre ce parti, & leur raconta qu'autrefois, le cheval étant en différend avec le cerf, eut recours à l'homme, qui véritablement le vangea, mais lui ravit sa liberté : les Himéréens comprirent le sens de l'apologue, remercierent & congédierent Phalaris. Tel fut l'effet de cette fable ingénieuse, qu'Horace, Phedre & la Fontaine ont si heureusement mise en vers ; Stésichore en fut l'inventeur.

J'oubliois presque de dire, qu'Himéra passoit pour avoir vû naître la comédie ; ce fut dans son sein, si nous en croyons Silius Italicus, & Solin après lui, que ce spectacle amusant parut pour la premiere fois. Cette ville est peu de chose aujourd'hui ; Volaterran assure pourtant, que de son tems on y voyoit encore un théatre ruiné ; les restes d'un aqueduc qui étoit d'une excellente maçonnerie ; plusieurs autres monumens antiques, & quantité d'inscriptions que l'on peut lire dans cet auteur. (D.J.)

HIMERA, (Géog. anc.) riviere de Sicile ; il y en avoit deux de ce nom, l'une sur la côte septentrionale, & l'autre dans la côte méridionale, ce qui doit s'entendre de leurs embouchures ; toutes deux ont leurs sources dans les mêmes montagnes, que les anciens nommoient nebrodes ; & leurs sources ne sont pas à une lieue de distance l'une de l'autre. L'Himéra méridionale s'appelle aujourd'hui Fiume salso ; l'Himéra qui coule vers le Nord se nomme Fiume grande. (D.J.)


HIMMELBRUCK(Géog.) ville d'Allemagne en Westphalie, dans la principauté de Minden, sur une petite riviere qui se jette dans le Weser.


HIMMELSTEIN(Géog.) petite ville de Bohème dans le cercle d'Elnbogen, où il y a des mines.


HIMPOUS. m. (Hist. mod.) juge criminel à la Chine, son tribunal est un des tribunaux souverains. L'himpou réside à Pekin, capitale de l'empire.


HINS. m. (Hist. anc.) mesure creuse des anciens Hébreux. C'étoit leur demi-boisseau ou le demi seah, ou la sixieme partie du bath. Il tenoit quatre pintes, chopine, demi-septier, un poisson, cinq pouces cubes & un peu plus. Voyez Calmet Diction. de la Bible.

Le demi-hin étoit de deux pintes, demi-septier, un poisson, cinq pouces cubes, & 392081/704969 de pouces cubes, mesure de Paris, selon le même auteur. (G)


HINDOO(Géog.) ville des Indes, sur la route d'Amadabar à Agra, dans les états du Mogol, remarquable par son excellent indigo. Long. 100. lat. 26. 30. (D.J.)


HING-PUS. m. (Hist. mod.) c'est le nom qu'on donne à la Chine à un tribunal supérieur qui réside auprès de l'empereur. Il est chargé de la révision de tous les procès criminels de l'empire, dont il juge en dernier ressort. Il a sous lui quatorze tribunaux subalternes, qui résident dans chaque province. Nul Chinois ne peut être mis à mort sans que sa sentence ait été signée par l'empereur même, ce qui prouve le cas que l'on fait à la Chine de la vie d'un homme.


HING-WANGS. m. (Hist. nat. Minéralog.) nom donné dans les Indes orientales à une espece de réalgar, ou d'arsenic rouge, dont on fait usage dans la Peinture & la Medecine. On dit qu'il se trouve dans le voisinage des mines de cuivre ; on le calcine à plusieurs reprises pour l'usage intérieur, qui ne peut cependant qu'être fort dangereux. Dans la Peinture il donne un beau jaune orangé.


HINGISCHS. m. (Hist. nat. Bot. exot.) nom persan de la plante d'où découle l'assa foetida. Le célebre Kempfer la caractérise hengisch umbellifere, approchant de la livêche, à feuilles branchues comme celles de la pivoine, à grande tige, à graines feuillées, nues, droites, semblables de forme à celles de la berce, ou du panais des jardins, plus grandes cependant, plus noires, & cannelées. Mais vous trouverez la description complete de l'hingisch au mot ASSA FOETIDA. Elle mériteroit cette plante de porter le nom de Kempfer, puisque c'est lui le premier qui nous l'a fait connoître, & qu'il se détourna dans ses voyages de 40 ou 50 milles de chemin, pour en pouvoir donner une histoire véritable. (D.J.)


HINGUET(Marine.) Voyez ELINGUET.


HINSBERG(Géog.) petite ville d'Allemagne dans le duché de Juliers.


HINSER(Marine.) Voyez HISSER.


HIO(Géog.) ville de Suede dans la Westrogotie, sur le lac Vater, à 5 lieues suédoises de Falkoping. Long. 31. 35. lat. 57. 53. (D.J.)


HIORING(Géog.) petite ville de Danemarck dans le Jutland.


HIPHIALTEou EPIALTES, s. m. pl. (Mythol.) c'est ainsi que les poëtes grecs nommerent certaines divinités rustiques, qu'ils supposerent être des especes de génies qui venoient coucher avec les hommes & les femmes ; épialtes est formé de , je dors entre ; les Latins appellerent ces prétendus génies, incubes. Voyez INCUBES.

Je me ressouviens ici que Raoul de Presles, qui florissoit en 1360, dans son commentaire sur la cité de Dieu de saint Augustin, y parle ch. xxiij. liv. XV. des espéris qui apperent ès estables, & des dyables épicaltes, que l'on nomme, ajoute-t-il, l'appésart ; on reconnoît sous le mot épicalte, les épialtes des Grecs ; quant au mot appésart, il répond clairement au terme italien il pesarvolo, qui signifie le cauchemar, ou pour parler en medecin, l'incube ; cette espece d'oppression accompagnée de pesanteur & de resserrement qu'on éprouve quelquefois pendant le sommeil, comme si quelqu'un étoit sauté sur nous & nous empêchoit de respirer. Voyez CAUCHEMAR. (D.J.)


HIPPARIS(Géog. anc.) riviere de Sicile, sur la côte méridionale ; elle traverse le lac nommé par les anciens camarina palus, & par les modernes lago di camarana ; cette riviere est donc présentement le fiume di camarana. (D.J.)


HIPPARQUES. m. (Art milit.) officier chez les Athéniens qui commandoit leur cavalerie ; cette cavalerie au nombre de deux mille huit cent chevaux en tems de paix, étoit divisée en deux corps, qui chacun commandé par un hipparque, comprenoit les cavaliers de cinq tribus. On ne licencioit ces cavaliers en aucun tems, & les hipparques avoient soin de les exercer pour les tenir toujours en haleine. On voit bien que le mot hipparque vient de , cheval, & , je commande. Nous appellons , dit Aristote, les hommes que leur ministere met en droit de prononcer des jugemens, &, ce qui les caracterise plus particulierement, de donner, d'expédier des ordres ; c'est pourquoi les premiers magistrats d'Athènes se nommoient Archontes.


HIPPIATRIQUES. f. (Gramm.) c'est la medecine des chevaux ; ce mot est composé de , cheval, & de , medecin. Cet art est très-étendu, & il est d'autant plus difficile que l'animal ne s'explique pas sur ses sensations, & que quand la maladie ne se déclare pas par des symptomes évidens, alors le maréchal est abandonné à sa seule sagacité. La medecine du cheval, & en général celle des animaux, suppose dans celui qui l'exerce les mêmes qualités & les mêmes études que celle de l'homme. Un bon traité d'hippiatrique n'est donc pas l'ouvrage d'un esprit ordinaire ; pour s'en convaincre, on n'a qu'à parcourir ce que M. Bourgelat en a publié dans cet ouvrage & dans son Hippiatrique.


HIPPOCAMPES. m. (Myth.) c'est ainsi qu'on appelle en Mythologie les chevaux de Neptune & des autres divinités de la mer : cet animal est fabuleux. Pline fait mention sous ce nom d'un petit animal, qui n'a rien de commun avec le cheval : c'est un insecte d'environ six pouces de longueur.


HIPPOCENTAURES. m. (Myth.) monstre fabuleux, qu'on feint avoir été demi-homme & demi-cheval ; on donna ce surnom aux peuples de Thessalie, qui entreprirent les premiers dans la Grece de monter à cheval, ensorte que leurs voisins crurent d'abord que l'homme & le cheval ne faisoient qu'un même composé.

La fable dit que les centaures s'étant mêlés avec des cavales, engendrerent les hippocentaures, monstres qui tenoient en même tems de la nature de l'homme & de celle du cheval, mais comme de pareils monstres n'ont jamais existé, il est vraisemblable que lorsqu'on parloit d'un Thessalien, on le nommoit hippios ou cavalier ; ces cavaliers dans la suite, pour montrer leur force & leur adresse, s'exercerent à se battre contre des taureaux qu'ils perçoient de leurs javelots, ou les renversoient en les prenant par les cornes. Pline nous apprend que non-seulement cet exercice étoit ordinaire aux Thessaliens qui en étoient les inventeurs, mais que Jules Cesar en donna le premier spectacle aux Romains ; il y a donc bien de l'apparence, qu'on ajouta en parlant de ces Thessaliens au nom d'hippios celui de centaures ; & que de ces trois mots , on composa celui d'hippio-centaure, cavalier perce taureau.

Enfin ces cavaliers s'étant rendus redoutables par leurs brigandages, on n'en parla que comme de monstres, & à l'aide de l'équivoque on les nomma des hippocentaures, confondant ainsi le cavalier avec le cheval qui le portoit. Les poëtes saisirent cette idée ; on sait qu'ils profitoient de tout, pour donner du merveilleux aux sujets dont ils parloient ; & rien certainement ne ressembloit mieux au monstre, tel qu'ils le dépeignoient, qu'un homme à cheval. Des gens qui faisoient passer les oranges pour des pommes d'or, les bergers déguisés pour des satyres, & les vaisseaux à voile pour des dragons aîlés, ne devoient pas faire difficulté dans le tems que l'usage de monter à cheval étoit nouveau, de travestir des cavaliers en hippocentaures.

Ce mot est composé de , cheval, , je pique, & , taureau, c'est-à-dire, piqueur de chevaux & de taureaux ; voilà tout le merveilleux simplifié. (D.J.)


HIPPOCRATIESS. f. pl. (Antiq.) fête que les Arcadiens célebroient en l'honneur de Neptune équestre, parce que les anciens croyoient que ce dieu avoit fait présent du cheval aux hommes ; c'est pour cela qu'ils lui donnent si souvent le nom de , &c. Aussi pendant la durée des hippocraties, les chevaux étoient exempts de tout travail ; on les promenoit par les rues ou dans les campagnes doucement, superbement harnachés, & ornés de guirlandes de fleurs. Le mot est grec ; composé de , cheval, & , force. Au reste, c'est ici la même fête que les Romains célebroient sous le nom de consualia. Voyez CONSUALES. (D.J.)


HIPPOCRATIQUEadj. (Médecine) on se sert de cette épithete pour désigner la doctrine médicinale qui se trouve dans les ouvrages admirables d'Hippocrate. Ainsi on appelle medecine hippocratique la science & l'art de conserver & de rétablir la santé, selon les principes & les regles établis par ce grand homme. Voyez HIPPOCRATISME.


HIPPOCRATISMES. m. (Medecine) c'est la philosophie d'Hippocrate appliquée à la science des Medecins, qui en fait le principal objet : c'est la doctrine hippocratique considérée par rapport aux moyens d'éloigner le terme de la vie humaine autant qu'elle en est susceptible ; de prévenir, de corriger les effets des accidens qui tendent à en abréger le cours ; de conserver, de rétablir la disposition naturelle de tout animal à ne cesser de vivre que par une cause qui ne soit point prématurée, c'est-à-dire sans maladie, morte senili. Voyez VIE, MORT, MEDECINE.

C'est parce que cette philosophie a été portée tout-à-coup par son divin auteur, à un point de perfection auquel la Medecine étoit bien éloignée d'avoir atteint avant lui, & qui, pour l'essentiel, n'a ensuite presque rien acquis de plus, que l'on a constamment, depuis plus de vingt siecles, regardé Hippocrate comme l'instituteur & presque absolument comme l'inventeur de cet art salutaire ; comme étant celui qui en a le premier recueilli, indiqué les principes enseignés par la nature même, & les a rédigés en corps de doctrine, en les déduisant des faits qu'une application infatigable & une expérience éclairée lui avoient appris à bien observer & à bien juger, soit en les comparant avec ceux qui lui avoient été transmis des plus célebres medecins qui l'avoient précédé, soit en confirmant les uns par les autres ceux qu'il avoit ramassés pendant le cours d'une longue vie qu'il avoit consacrée au service de l'humanité, pour la lui rendre à jamais utile par les monumens immortels qu'il lui a laissés de ses lumieres & de son zèle.

Ce célebre philosophe medecin, l'un des plus grands hommes qui aient paru dans le monde, naquit dans l'île de Coos, l'une des Cyclades, environ 460 ans avant J. C. la premiere année de l'olympiade lxxx. selon Soranus, 30 ans avant la guerre du Péloponnèse ; selon d'autres auteurs, tels qu'Eusebe ; Hippocrate étoit plus ancien, & d'autres le font moins ancien. On prétend qu'il descendoit d'Esculape par Héraclide son pere, & d'Hercule du côté de Praxithée sa mere : il étoit par conséquent de la race des Asclépiades, nom que l'on donnoit aux descendans du dieu d'Epidaure, desquels il paroît qu'Hippocrate se glorifioit d'être le dix-huitieme.

Cet Esculape grec, qu'il ne faut pas confondre avec l'égyptien, est le même dont Celse & Galien disent qu'il fut le premier qui retira la Medecine des mains du vulgaire & la rendit clinique ; c'est-à-dire qu'il établit la coûtume de visiter les malades dans leurs lits : ce qui ne se pratiquoit point auparavant. On consultoit les Medecins au coin des rues, où ils se tenoient toute la journée à cet effet. La connoissance de la Medecine s'étant, pour ainsi dire, établie dans la famille des Asclépiades, & s'étant conservée pendant plusieurs siecles dans ses différentes branches, elle y passoit du pere au fils, & y étoit véritablement héréditaire.

Mais Hippocrate ne se borna pas à la tradition & aux observations qu'il avoit reçues de ses ancêtres ; il eut encore pour maître dans l'étude qu'il fit de bonne heure de la Medecine, Hérodicus qui est un de ceux auxquels on a attribué l'invention de la Medecine gymnastique. Voyez GYMNASTIQUE. Il fut aussi disciple de Gorgias frere d'Hérodicus, & selon quelques-uns il le fut encore de Démocrite, comme on le peut inférer du passage de Celse, lib. I. proem. mais s'il apprit quelque chose de ce dernier, il y a apparence que ce fut plutôt par les entretiens qu'il eut avec lui lorsqu'il fut demandé par les Abdéritains pour traiter ce philosophe leur compatriote, que l'on croyoit en démence. On pourroit aussi penser qu'Hippocrate avoit suivi Héraclite, dont il adopta entr'autres choses le principe sur le feu, qu'ils ont regardé l'un & l'autre comme étant l'élément de toute matiere, d'où tout vient, & par lequel tout s'est fait.

Les premiers Medecins s'étant borné pendant plusieurs siecles, dans la pratique de leur art, à observer avec grande attention les différens phénomènes de la santé & de la maladie, & à les comparer entr'eux, pour en tirer leur indication, sans se mettre en peine d'expliquer ce qui les produit ; ils s'appliquoient en même tems à chercher le régime le plus salutaire & les remedes les plus efficaces, sans entreprendre de rendre raison des effets qui s'ensuivoient ; ils pensoient que des observations exactes & des secours expérimentés étoient beaucoup plus utiles que tous les raisonnemens.

La famille des Asclépiades, qui, comme on vient de le dire, possédoit, pour ainsi dire, en propre l'art de guérir, n'avoit point eu d'abord d'autre maniere de pratiquer, jusqu'à ce que, même avant Pythagore, qui le premier a introduit la Philosophie dans la Medecine, environ quatre-vingt ans avant Hippocrate, les Medecins prirent goût pour le fanatisme & la superstition : pour se dispenser du soin pénible qu'exige l'observation, ils avoient volontiers recours aux charmes & aux amuletes ; superstition qui devint fort commune parmi les Pythagoriciens, qui ne laissoient pas d'ailleurs, à l'exemple de leur chef, de vouloir expliquer les causes des maladies & autres choses de ce genre. Mais il est vrai que ces philosophes pour la plûpart, se bornerent à la simple théorie de la Medecine, & ne firent pas beaucoup de mal. Mais un des plus fameux disciples de Pythagore, le célebre Empédocle, à qui le mont Ethna fit payer cher sa curiosité, se mêla de pratiquer : quelques autres de sa secte commençoient à suivre cet exemple, & leur pratique étoit accompagnée de toutes les mystérieuses chimeres de la philosophie de leur maître.

C'est au milieu des brouillards de cette fausse philosophie, qu'Hippocrate travailloit à acquérir des lumieres qui devoient le rendre le fondateur de la vraie Medecine : mais, ce qui est très-remarquable, ni ses raisonnemens, ni ses observations, ni ses remedes n'ont pas la moindre teinture de cette superstition philosophique qui régnoit de son tems : son bon sens la lui fit mépriser, & lui fit sentir la nécessité d'ôter l'exercice de l'art de guérir des mains de ceux qui n'étoient que philosophes ; à quoi il travailla de tout son pouvoir & avec succès : ce qui a fait dire qu'il avoit séparé la Medecine de la Philosophie, dont en effet il ne retint que ce qui pouvoit être d'une utilité réelle ; c'est-à-dire qu'il joignit avec sagesse le raisonnement à l'expérience, en prenant toûjours celle-ci pour principe ; ce qu'aucun médecin n'avoit fait avant lui. C'est pour cela qu'Hippocrate a été regardé assez généralement par les anciens comme le pere de la Medecine raisonnée, le chef des medecins dogmatiques ; ce dont conviennent aussi la plûpart des modernes, avec Boerhaave, sans avoir égard au sentiment de M. de Haller. Cet auteur a pris à ce sujet occasion de s'expliquer d'une maniere peu favorable à notre respectable maître, dans la note 2 sur le §. xiij. du commentaire sur les institutions du célebre medecin de Leyde, qui cependant faisoit tant de cas des écrits d'Hippocrate, qu'il a écrit, ex professo, un discours à leur louange (de commendando studio Hippocratico inter opuscula) ; il le reconnoissoit, avec tout le monde, pour le véritable inventeur de l'art de guérir, à plus juste titre qu'Esculape, qui en a même été le dieu, seulement pour avoir jetté fort imparfaitement les fondemens d'une science qu'Hippocrate a presque édifiée en entier.

En effet il fut le premier qui découvrit le seul principe de l'économie animale, dont les phénomenes bien étudiés, bien observés, & les lois bien connues, puissent servir à diriger le medecin dans ses fonctions, & par conséquent le mettre dans le cas d'agir avec connoissance de cause. Le résultat des recherches d'Hippocrate, fut donc que ce principe général n'est autre chose que ce qu'il appelle la nature, c'est-à-dire la puissance qui se trouve dans tous les animaux, qui dirige tous les mouvemens des solides & des fluides nécessaires pour leur conservation ; il lui attribuoit des facultés comme ses servantes : c'est par ces facultés, selon lui, que tout est administré dans le corps des animaux. La maniere d'agir de la nature, ou son administration la plus sensible, par l'entremise des facultés, consiste, selon lui, d'un côté à attirer ce qui est bon ou ce qui convient à chaque partie, à le retenir, à le préparer ou le changer ; & de l'autre, à rejetter ce qui est superflu ou nuisible, après l'avoir séparé de ce qui est utile : c'est sur quoi roule presque toute la physiologie d'Hippocrate.

La nature, selon lui, est le vrai medecin qui guérit les maladies, comme elle est le vrai principe qui conserve la santé. La nature trouve elle-même les voies de la guérison, sans paroître les connoître, comme nous clignons les yeux & comme nous parlons, sans penser aux organes par le moyen desquels cela s'exécute : sans aucun précepte elle fait ce qu'elle doit faire. La nature peut suffire par-tout ; c'est elle qui constitue la medecine spontanée, le principe de la guérison des maladies, sans aucun secours de l'art ; c'est elle que le medecin doit consulter dans l'administration des remedes, pour ne faire que la seconder, que l'aider à opérer les changemens nécessaires, en écartant les obstacles qui s'y opposent, en favorisant les moyens de l'exécution. Sans elle, sans sa disposition à agir, tous les remedes ne peuvent être que nuisibles, ou tout au-moins inutiles. Voyez ÉCONOMIE ANIMALE, NATURE (Econom. animale), FACULTE, SANTE, EFFORT (Physiol.), MALADIES, COCTION, CRISE, EXPECTATION, REMEDE.

Persuadé du bon fondement de cette doctrine, Hippocrate s'appliqua principalement à examiner la marche de la nature dans le cours des maladies, comme il l'a prouvé par ses traités sur les maladies en général, lib. de morbis, & sur les affections, lib. de affectionibus : & il parvint non-seulement à connoître, d'après ce seul examen & sans être instruit d'ailleurs, les symptomes des maladies passées, présentes & futures, mais à les décrire de telle façon que les autres pussent les connoître comme lui : c'est ce qu'on voit sur-tout dans ses aphorismes, sect. vij. aphorismorum, & dans ses recueils de prognostics, de prédictions & d'observations sur les crises, lib. prognostic. praedict. praenotion. coac. lib. de judicationib. de dieb. judicator. Il acquit sur cela tant d'habileté, que depuis lui personne ne l'a égalé, & que l'on n'a fait que le copier dans la maniere de décrire, d'exposer les signes diagnostics & prognostics des maladies.

Les medecins ignorans & paresseux ont voulu faire regarder toutes ces observations, sur-tout par rapport aux prédictions, comme des connoissances de pure curiosité, qui ne présentent que des phénomenes particuliers aux maladies d'Hippocrate, ou au moins au pays où il pratiquoit la Medecine, & par conséquent auxquels il est inutile de s'arrêter, n'ayant, disent-ils, jamais rien vu de semblable dans les différentes maladies qu'ils ont eu occasion de traiter : mais ont-ils su bien voir, bien suivre ces maladies ? se sont-ils donné les soins, l'attention nécessaire pour cela ? Ce qu'il y a de certain à cet égard, c'est que les medecins éclairés, prudens, appliqués, laborieux, ont toujours regardé ce qu'Hippocrate a donné sur les prognostics, comme les remarques les plus judicieuses & les plus utiles qui ayent jamais pu être faites à l'avantage de la medecine ; & ils les ont trouvé vraies dans des exemples sans nombre en différens climats, tant la nature est constante & uniforme dans ses opérations, & Hippocrate exact dans ses observations.

Ce grand génie ne s'en est pas tenu à exceller à cet égard ; il a été encore l'inventeur de cette importante partie de la Medecine que l'on appelle diététique, qui concerne l'administration des alimens & leur abstinence dans les maladies. Trib. lib. de diaetâ, libr. de alimento, de humidorum usu, de salubri diaetâ, de victu acutorum. Il établit dans ces ouvrages sur ce sujet, que le régime est de si grande conséquence, soit en santé, soit en maladie, que, sans ce moyen, on ne peut pas se conserver ni se rétablir ; ensorte qu'il en fit son remede principal dans sa pratique, & même souvent ce fut le seul qu'il employa, sur-tout lorsque le malade est d'un bon tempérament & que ses forces le soutiennent : c'est pourquoi il fut aussi attentif au choix du régime, qu'à l'examen de la disposition du malade. Dans ce qu'il nous a laissé sur cet article, particulierement à l'égard des maladies aiguës, lib. cit. on reconnoît le grand maître & le medecin consommé.

L'Anatomie commençoit à être cultivée de son tems pour la spéculation ; il s'y adonna comme à une connoissance qu'il jugeoit utile & même nécessaire dans l'exercice de la Medecine : c'est ce qu'il enseigne dans plusieurs traités qui sont relatifs à cette partie. Lib. VI. de corde, de ossium naturâ, de venis, de humoribus, de geniturâ, de principiis & carnibus, de glandulis, de naturâ humanâ. Il paroît même dans plusieurs endroits de quelques autres de ses oeuvres de alimento, de insomniis, de flatibus, selon l'interprétation qu'en ont donnée plusieurs auteurs modernes, entr'autres Drelincourt, qu'il avoit entrevu la découverte fameuse de la circulation du sang, qui n'a été manifestée qu'un grand nombre de siecles après lui.

Il fut très-habile dans l'exercice de la Chirurgie, dont il paroît avoir fait toutes les opérations, excepté celle de la lithotomie, avec un jugement peu inférieur & peut-être égal à celui de nos célebres chirurgiens modernes : on peut juger des connoissances qu'il a eues & de ce qu'il a pratiqué à cet égard, par ceux de ses ouvrages qui y ont rapport. (Lib. VI. de articulis, de fracturis, de fistulis, de vulneribus capitis, de Chirurgiae officinâ.) D'ailleurs il donne des marques passim dans presque tous ses écrits, lorsque l'occasion s'en présente, de l'excellence de son savoir & de sa capacité en ce genre.

A l'égard de la matiere médicale, on ajouta beaucoup de son tems à celle qui étoit en usage parmi les Cnidiens, branche de la famille des Asclépiades. Le nombre des medicamens s'accrut extrêmement, afin qu'il pût répondre à la variété des cas : cependant il paroît certain qu'Hippocrate, à en juger par ses écrits, ne fit jamais usage que de peu de remedes & des plus simples : la plus grande quantité & la plus grande variété de ceux qu'il employa, fut dans les maladies des femmes, de virginum morbis, de morbis mulierum, de sterilibus, où chacun sait que les indications changent beaucoup, sont souvent multipliées & très-difficiles à suivre. Nous ne voyons point que ce grand homme fasse mention d'aucun secret spécifique qui lui fût particulier : tous les moyens qu'il employoit dans les traitemens des maladies étoient manifestes & publics.

Il donna une attention particuliere à l'étude de la Physique, pour être en état de bien juger des effets que peuvent produire sur le corps humain les choses dites non-naturelles, par l'usage & l'abus qu'on en fait, voyez HYGIENE. C'est par ce moyen qu'il avoit acquis tant de connoissances sur la nature des maladies, qu'il découvroit & prévoyoit même leurs causes, & qu'il employoit ou conseilloit en conséquence le traitement & le préservatif convenables avec un succès étonnant, d'après ses recherches, ses observations sur l'influence des différentes saisons de l'année, des différentes températures de l'air dans les divers climats, des qualités des vents dominans, des situations absolues & respectives des lieux d'habitation, & de la différente nature des eaux, des alimens, &c. Lib. VI. de aëre, locis & aquis, lib. de alimento. Ainsi c'est d'après ses connoissances acquises en ce genre, qu'il étoit parvenu à pouvoir prédire les maladies qui devoient régner dans un pays, à en déterminer l'espece & à désigner les personnes d'un certain tempérament, qui pourroient en être atteintes plutôt que d'autres : c'est en conséquence qu'il avoit annoncé la peste qui se fit sentir du côté de l'Illyrie, & qui affligea toute la Grece, à l'occasion de laquelle il rendit les plus grands services à sa patrie, & en reçut en reconnoissance les mêmes honneurs qu'Hercule.

Il a été le premier qui a fait usage des Mathématiques pour l'explication des phénomenes de l'économie animale les plus difficiles à comprendre sans ce secours : il en a recommandé l'étude à son fils Thessalus (Epistola Hippocratis ad Thessalum filium), comme très-propre à faire connoître la proportion de forces, de mouvemens, qui constitue l'équilibre entre les solides & les fluides dans la santé, & du dérangement duquel résultent la plûpart des maladies : on trouve cette façon de penser de notre auteur établie dans différens endroits de ses ouvrages. Lib. VI. de flatib. de dietâ, de naturâ hominis, &c. Il semble avoir eu bonne opinion de l'Astronomie, & l'avoir regardée comme une science qui convenoit à un medecin.

A l'égard de la doctrine de l'attraction, elle ne lui étoit pas étrangere : il paroît l'avoir adoptée de la philosophie de Démocrite, & il la regardoit comme importante pour la connoissance de l'économie animale.

Pour ne rien oublier de ce qui a rapport à la Medecine, il n'a pas même négligé de s'occuper de la partie politique de l'exercice de cet art : il suffiroit de citer en preuve le serment qu'il exigeoit de ses disciples ; mais on trouve bien d'autres choses, à cet égard, dans ses différens écrits, lib. de medico, lib. de decenti ornatu medici, praeceptiones ac epistolae, qui sont très-bons & très-utiles à lire pour les sages conseils qu'ils contiennent ; car Hippocrate ne fait pas moins paroître de probité que de science dans tous ses ouvrages comme dans sa conduite. Une maladie contagieuse infesta la Perse, le roi Artaxerxès fit offrir à Hippocrate tout ce qu'il desireroit, afin de l'attirer dans ses états pour remedier aux ravages qu'y causoit cette peste ; mais le medecin aussi desintéressé que bon patriote, fit réponse qu'il se garderoit bien d'aller donner du secours aux ennemis des Grecs.

Il mourut à 104 ans, 356 ans avant Jesus-Christ. Thessale & Dracon ses fils, Polybe son gendre, & Dexippe son principal disciple, lui succéderent dans l'exercice de la Medecine, & la pratiquerent avec réputation : mais comme dans le monde tout est sujet à révolution, & que les meilleures institutions sont ordinairement les moins durables, le nombre des medecins qui conserverent & qui soutinrent la méthode d'Hippocrate, diminua bientôt considérablement : celle des philosophes prévalut encore, parce qu'il étoit bien plus aisé de suivre leurs spéculations, que de se conformer à la pratique de ce grand maître : ce qui a presque toujours subsisté jusqu'à nous, & a été la véritable cause que l'art de guérir, proprement dit, n'a presque rien acquis après lui.

Aussi ne faut-il pas s'étonner qu'eu égard à l'état où Hippocrate trouva la Medecine, & à celui où il nous l'a laissée, il ait été regardé comme le prince des medecins : mais il est surprenant qu'un plan aussi bon que celui qu'il nous a tracé ait été négligé, & pour ainsi dire abandonné. Certainement il nous avoit mis dans le chemin des progrès : & si jamais la Medecine parvient à être portée à toute la perfection dont elle est susceptible, ce ne sera qu'en suivant la méthode de son vrai législateur, qui consiste dans un sage raisonnement toujours fondé sur une observation exacte & judicieuse. Voyez MEDECIN, MEDECINE.

Il y a trois remarques principales à faire touchant les écrits de notre auteur ; la premiere, qui concerne l'estime que l'on a toujours eue pour eux, la seconde, son langage & son style ; & la troisieme, la distinction que l'on doit faire de ses écrits légitimes d'avec ceux qui lui ont été attribués ou donnés sous son nom, sans être sortis de sa main.

Hippocrate a toujours passé pour être, en fait de Medecine, ce qu'Homere est parmi les Poëtes, & Ciceron entre les Orateurs. Galien veut que l'on regarde ce qu'Hippocrate a dit, comme la parole d'un dieu, magister dixit : cependant si quelqu'un avoit pû lui contester le premier rang, c'étoit sans-doute Galien ; ce célebre medecin, dont le savoir étoit prodigieux, voyez GALENISME. Celse faisoit tant de cas des écrits d'Hippocrate, qu'il n'a souvent fait que le traduire mot à mot : ses aphorismes, son livre des prognostics, & tout ce que l'on trouve dans ses ouvrages de l'histoire des maladies, ont toujours passé à juste titre pour des chef-d'oeuvres : mais, outre tous les témoignages des anciens & des modernes à cet égard, une marque évidente de la considération que l'on a toujours eue pour les écrits d'Hippocrate, c'est qu'il n'y en a peut-être d'aucun auteur sur lesquels on ait fait autant de commentaires. Galien fait mention d'un grand nombre de medecins, qui y avoient travaillé avant lui, auxquels il faut bien joindre Galien lui-même, qui en fait le sujet de la plûpart des volumes si nombreux qu'il nous a laissés : mais parmi les modernes en foule qui s'en sont aussi occupés, on doit surtout distinguer le célebre Foësius, que les medecins qui ont la rare ambition de mériter ce nom, ne sauroient trop consulter pour se bien pénétrer de l'esprit de leur maître, qu'il paroît avoir interprété plus parfaitement qu'aucun autre de ceux qui ont entrepris de le faire. On ne laisse pas cependant que de trouver des choses très-utiles & très-savantes dans les commentaires de Mercurial, de Prosper Martian, aussi-bien que dans les explications particulieres qu'ont données de quelques-uns des ouvrages d'Hippocrate, Hollerius, Heurnius & Duret, parmi lesquels ce dernier mérite d'être singulierement distingué pour ses interprétations sur les prénotions de Coos.

A l'égard du style d'Hippocrate, c'est parce qu'il est fort concis, qu'on a peine à entendre ce qu'il veut dire en divers endroits ; ce que l'on doit aussi attribuer aux changemens assez considérables survenus dans la langue grecque, pendant l'espace de tems qui s'étoit écoulé entre cet auteur & ceux des ouvrages de ses glossateurs qui nous sont parvenus ; à quoi on doit ajouter les variations inévitables, suite de l'incorrection des copies multipliées. On peut consulter sur les mots obscurs les Dictionnaires interprétatifs qu'en ont donnés Erotien & Galien, que l'on trouve à la suite de plusieurs des commentaires sur Hippocrate, tels que ceux de Foësius & de Mercurial.

On ne rapportera pas ici tout ce que les critiques ont dit touchant la distinction des véritables écrits d'Hippocrate d'avec les faux ou les supposés : on remarquera seulement qu'il y en avoit plusieurs de suspects dès le tems d'Erotien & de Galien entre ceux dont ils rapportent les titres. Quelques-uns de ces ouvrages étoient déja attribués en ce tems-là aux fils d'Hippocrate, les autres à son gendre, ou à son petit-fils, ou à ses disciplés, & même à quelques philosophes ses prédecesseurs ou ses contemporains. Pour s'éclaircir à fond sur ce sujet, on peut consulter avec satisfaction le jugement qu'en a porté Mercurial entr'autres auteurs qui en ont traité.

En général, on ne peut ici qu'indiquer les sources où il faut puiser pour apprendre à connoître l'Hippocratisme, & ce qui y a rapport : les bornes de cet ouvrage n'ont pas même permis de donner un abrégé de cette admirable doctrine, qui, pour qu'elle soit susceptible d'être bien saisie, ne doit point être exposée imparfaitement ; d'ailleurs la meilleure maniere d'étudier Hippocrate est de l'étudier lui-même dans ses oeuvres, dont l'édition la plus estimée est celle de Foësius, en grec & en latin. On peut en trouver un précis, tant historique que dogmatique, qui passe pour être très-bien fait, dans l'histoire de la Medecine de le Clerc. L'auteur du discours sur l'état de la Medecine ancienne & moderne, que l'on a traduit de l'Anglois, en a aussi donné une idée assez exacte. On a beaucoup tiré de ces deux ouvrages pour la matiere de cet article.

Il doit paroître bien surprenant à ceux qui savent combien est fondé tout ce qui vient d'être dit sur l'excellence & la réputation de la doctrine d'Hippocrate, qu'il ne se trouve qu'un très-petit nombre d'auteurs qui ayent senti la nécessité, pour l'avancement de l'art, & qui se soient fait un devoir de marcher sur les traces du seul vrai maître que la nature avoue pour son interprete. Sydenham, Baglivi & Boerhaave sont presque les seuls, & sur-tout le premier (qui a été nommé par cette raison l'Hippocrate anglois), qui ayent paru véritablement convaincus de l'importance & de l'utilité de l'Hippocratisme dans la théorie & la pratique de la Medecine, & qui ayent agi en conséquence à l'égard d'une doctrine dont l'expérience & la raison n'ont jamais discontinué dans aucun tems, dans aucun lieu, de confirmer les principes & l'autorité, parce qu'elle n'est fondée que sur l'observation la plus exacte des faits constamment vérifiés pendant une longue suite de siecles.


HIPPOCRENES. f. (Géog. anc.) c'est-à-dire, la fontaine du cheval Pégase, & dans Perse Caballinus fons, fontaine de Grece dans la Béotie. Pline, liv. IV. chap. vij. nommant les fontaines qui étoient dans cette province, dit : Oedipodie, Psamathé, Dircé, Epicrane, Aréthuse, Hippocrene, Aganippe & Gargaphie.

L'Hippocrene, si vantée par les poëtes de tous pays, & dont il suffit d'avoir bû pour faire d'excellens vers, étoit sur le penchant de l'Hélicon ; cependant Pausanias, qui a décrit avec un détail extrême jusqu'aux moindres statues que les anciens avoient érigés sur cette montagne, ne fait aucune mention de l'Hippocrene, quoiqu'il parle de l'Aganippe, fontaine sur la gauche quand on alloit dans le bois solitaire, particulierement consacré aux Muses. (D.J.)


HIPPODROMES. m. (Hist. anc.) lieu destiné chez les Grecs aux courses de chevaux ; le mot l'indique, , cheval, & , place publique où l'on court.

Les Romains ne firent que latiniser ce mot en dromus : celui qui chez eux avoit le soin de tenir la place nette & dégagée, étoit nommé procurator dromi, comme on le voit dans cette description citée par Gruter.

L'hippodrome étoit composé de deux parties : la premiere, plus longue que l'autre, étoit une terrasse faite de main d'hommes, & la seconde étoit une colline de hauteur médiocre.

Comme les courses de chevaux avoient rarement lieu dans les tems héroïques, & qu'on n'en faisoit qu'à l'occasion de quelque événement remarquable, on choisissoit, pour les faire, des places d'autant plus spacieuses que ces places demeuroient dans le commerce ordinaire des hommes, & qu'on pouvoit toujours également les cultiver : ce ne fut plus la même chose dans les tems posterieurs, quand les jeux devinrent périodiques. Les lieux où on les célebroit, furent consacrés, comme les jeux mêmes, à des divinités ou à des héros ; & par cette raison, on ne leur donna que l'étendue nécessaire, quoique d'ailleurs on ne voulût rien diminuer de l'apparat des courses que les anciens avoient imaginées, mais l'on fixa à quatre stades (chaque stade étoit de 125 pas) la longueur des places que l'on destina aux courses des chars & des chevaux, & que cette destination fit nommer hippodromes.

Cette longueur de quatre stades est celle que Plutarque donne à l'hippodrome d'Athènes, ce qui ne laisse guere de doute sur la longueur des autres hippodromes, parce que si le stade simple, comme on en convient, fut par-tout la mesure de la course à pié, il dut aussi, quatre fois répété, servir dans toute la Grece de mesure pour les courses à cheval, & pour celles des chars. Un ancien grammairien donne un stade de large à l'hippodrome d'Olympie ; & dès qu'une fois nous reconnoissons que la longueur de toutes les places destinées aux courses des chars fut la même dans la Grece, rien ne nous empêche de croire qu'elles eurent toutes aussi la même largeur.

Les hippodromes avoient une grande enceinte qui précédoit la lice au bout de la carriere. A l'un des côtés de la place étoient les siéges des directeurs des jeux près de la barriere qui fermoit la lice ; desorte que c'étoit toujours en s'arrêtant devant ces siéges qu'on terminoit la course, & qu'on étoit couronné.

La borne de l'hippodrome s'appelloit en grec , de , pungo, parce que les chevaux y étoient souvent blessés, & , parce que c'étoit la fin de la carriere, & le terme de la course. Homere a peint cette borne si desirée par les athletes dans le vingt-troisieme livre de l'Iliade, & Virgile nous apprend qu'il falloit, après y être parvenu, tourner autour, & longos circumflectere cursus ; peut-être, parce qu'on décrivoit plusieurs cercles concentriques autour de la borne, en approchant toujours de plus en plus, en sorte qu'au dernier tour on la rasoit de si près qu'il sembloit qu'on y touchât.

Quoi qu'il en soit, il s'agissoit, pour ne se pas briser, d'user de beaucoup de dextérité dans cette occasion ; & comme le péril devenoit plus grand en approchant de la fin de la carriere, c'étoit surtout alors que les trompettes faisoient entendre leurs fanfares pour animer les hommes & les chevaux ; car cette borne étoit le principal écueil contre lequel tant de gens eurent le malheur d'échouer.

L'enceinte qui précédoit l'hippodrome, & qui étoit comme le rendez-vous des chars & des chevaux, se nommoit ; elle étoit à Olympie, en particulier, une des choses des plus dignes de la Grece. Cléetus, grand statuaire & grand architecte, en avoit donné le dessein.

Cette place avoit quatre cent piés de long ; large à son entrée, elle se rétrécissoit peu-à-peu vers l'hippodrome, où elle se terminoit en éperon de navire ; M. l'abbé Gédoin en a fait graver la représentation dans une planche qu'il a jointe à son élégante traduction de Pausanias. On y voyoit dans toute sa longueur, à droite & à gauche, des remises, sous lesquelles se rangeoient les chars & les chevaux chacun dans celle que le sort lui avoit assignée ; ils y demeuroient quelque tems renfermés par de longues cordes tendues d'un bout à l'autre : un dauphin s'abattoit de dessus la porte qui conduisoit à l'hippodrome ; les cordes qui fermoient les remises s'abattoient aussi, & les chars en sortant de chaque côté, alloient en deux files occuper leurs places dans la carriere, où ils se rangeoient tous sur une même ligne, & avoient tous à-peu-près le même espace à parcourir.

Il s'agit à présent de déterminer la forme de l'hippodrome. C'étoit un quarré long, à l'extrémité duquel étoit la borne, placée au milieu de la largeur, dans une portion d'un quarré beaucoup plus petit ; ou, si l'on veut, dans un antique renversé, qui la resserroit tellement, que soit à côté, soit derriere, il n'y pouvoit passer qu'un seul char de front.

L'exactitude d'Homere ne lui a pas permis de supprimer deux remarques assez légeres ; l'une, que le terrein de l'hippodrome étoit uni, & l'autre, qu'on devoit sur-tout prendre garde à bien applanir les environs de la borne ; mais une troisieme observation plus importante que nous lui devons, & qui résulte aussi de la description de Sophocle, c'est qu'à la suite du terre-plain de l'hippodrome regnoit une tranchée d'une pente douce qui le terminoit dans sa largeur ; cette tranchée étoit absolument nécessaire dans le cas où l'un des chars viendroit à se briser contre la borne, autrement cet accident auroit mis fin à la course.

Ceux qui se trouvoient à la suite du char brisé, descendoient alors dans le fossé ; & en le parcourant, du moins en partie, ils faisoient le tour de la borne de l'unique maniere qui leur fût possible. Ceux qui n'étant pas assez maîtres de leurs chevaux, ou n'ayant pas bien dirigé leurs courses vers la borne, étoient emportés dans cette tranchée, regagnoient le haut le plutôt qu'ils pouvoient ; mais ils étoient exposés à se laisser enlever, par ceux qui les suivoient, l'avantage qu'ils avoient eu sur eux dans la plaine ; c'est pour cela qu'on tâchoit de modérer ses chevaux, & d'employer toute son adresse pour enfiler juste la borne.

Les hellanodices, qui distribuoient le prix au vainqueur, étoient assis à l'une des extrémités de l'hippodrome, à côté de l'endroit où se terminoit la course. Toute l'enceinte de la lice étoit fermée par un mur à hauteur d'appui, ou par une simple barricade, le long de laquelle se rangeoit la foule des spectateurs.

Les monumens qu'on érigeoit dans les hippodromes n'y apportoient que des décorations, & point de changemens, étant toujours placés aux extrémités. Il y en avoit un dans le stade d'Olympie qu'on disoit être le tombeau d'Endymion, mais il étoit dans l'enceinte qui précédoit l'hippodrome. C'étoit aussi à la sortie de cette enceinte qu'on voyoit un autre monument, auquel une folle superstition attribuoit la propriété de troubler & d'épouvanter les chevaux, & qu'on nommoit par cette raison taraxippus : mais ce trouble, cette épouvante, avoit une cause naturelle ; il eût été difficile que de fiers coursiers ne s'agitassent pas en passant de dessous des remises & d'une cour étroite dans un lieu spacieux, où la vue de ce monument, érigé en face de la porte, les frappoit d'abord, & dans lequel on les contraignoit de tourner sur les côtés.

Il ne faut pas juger des hippodromes de la Grece par le cirque de Rome, au milieu duquel on avoit érigé des obélisques & des autres monumens, parce que le cirque différoit des hippodromes dans son usage autant que dans sa disposition générale. Le nombre de ceux qui couroient à la fois dans le cirque étoit déterminé, d'où vient que Domitien y donna cent courses de chars en un jour, & cette différence pouvoit seule en amener plusieurs autres. Ce que nous disons du cirque de Rome, convient également à l'hippodrome de Constantinople, & même à celui d'Athènes, tel que l'a vu M. l'abbé Fourmont ; ce qui montre qu'on fit quelques changemens dans ce dernier, pour y observer les mêmes loix que dans la capitale de l'empire.

Au reste, on ne peut qu'être frappé des dangers de la course des chars dans l'hippodrome, sur-tout quand il s'agissoit de faire six fois le tour de la borne ; de plus, avant que d'y arriver, la course en char étoit une suite de dangers continuels : non-seulement Oreste périt à cette borne fatale ; mais au milieu de cette même course, les chevaux mal embouchés d'un Eniane l'emportent malgré lui, & vont heurter le char d'un Barcéen ; les deux chars sont froissés, & leurs conducteurs ne pouvant soutenir un si rude choc, sont précipités sur la place.

Cependant, ceux qui s'exposoient à ces dangers, les envisageoient bien moins que la gloire qui en étoit le prix ; l'honneur qu'ils en retiroient, étoit proportionné à la grandeur & à la multiplicité des périls ; & Nestor ne craint pour un fils qu'il aime que la seule honte, au cas qu'il ait le malheur de briser son char, & de blesser ses chevaux. (D.J.)

HIPPODROME DE CONSTANTINOPLE, (Antiq.) cirque que l'empereur Sévere commença, & qui ne fut achevé que par Constantin ; il servoit pour les courses de chevaux, & pour les principaux spectacles. Ce cirque, dont la place subsiste toujours, a plus de 400 pas de longueur sur 100 pas de largeur. Il prit le nom d'hippodrome sous les empereurs grecs ; & les Turcs, qui l'appellent atméidan, n'ont presque fait que traduire le nom de cette place en leur langue, car at chez eux signifie un cheval, & méidan une place.

Les jeunes Turcs, qui se piquent d'adresse, s'assembloient autrefois à l'atméidan un jour de la semaine, au sortir de la mosquée, bien propres & bien montés, se partageoient en deux bandes, & s'exerçoient dans ce cirque à des especes de courses, où, comme les anciens désalteurs, ils passoient par dessous le ventre de leurs chevaux, & se remettoient sur la selle avec une adresse étonnante ; mais ce qui parut plus singulier à M. de Tournefort, ce fut d'en voir qui, renversés sur la croupe de leurs chevaux courans à toute bride, tiroient une fleche, & donnoient dans l'un des fers de derriere de leur même cheval.

L'obélisque de granique ou de pierre thébaïque, dont les historiens ont parlé, étoit encore élevé dans l'atméidan au commencement de ce siecle ; c'est, dit M. de Tournefort, une pyramide à quatre coins d'une seule piece, haute d'environ 50 piés, terminée en pointe, chargée d'hiéroglyphes ; les inscriptions greques & latines qui sont à sa base, marquent que Théodose la fit élever. Après qu'elle eut resté long-tems à terre, les machines même que l'on y employa pour la mettre sur pié sont représentées dans un bas-relief, & l'on voit dans un autre la représentation de l'hippodrome, tel qu'il étoit, lorsqu'on y faisoit les courses chez les anciens.

A quelques pas de là sont les restes d'un autre obélisque (colossus structilis) à quatre faces, bâti de différentes pieces de marbre ; la pointe en est tombée, & le reste menaçoit déjà ruine il y a 60 ans. On donnoit 24 coudées de haut à l'obélisque de granit, & 58 à celui-ci.

Entre les deux obélisques, on apperçoit une colomne de bronze de 15 piés de haut, formée par trois serpens tournés en spirale, & dont les contours diminuent insensiblement jusques vers le col des serpens, dont les têtes manquent.

Quelques antiquaires pensent que ce pourroit être le serpent de bronze à trois têtes qui fut consacré à Apollon, & qui portoit le fameux trépié d'or. Du moins, Zozime & Sozomene assûrent que Constantin fit transporter dans l'hippodrome de Constantinople le trépié du temple de Delphes ; & d'un autre côté, Eusebe rapporte que ce trépié, transporté par l'ordre de l'empereur, étoit soutenu par un serpent roulé en spirale. On aime aussi peut-être trop à croire que la célebre colomne de bronze dont on n'osoit approcher qu'en tremblant, qui soutenoit le trépié sacré, & qu'on avoit placé si respectueusement près de l'autel, dans le premier temple du monde, se trouve aujourd'hui toute tronquée, & couverte de rouille dans un mauvais manege de mahométans. (D.J.)


HIPPOLITES. f. (Hist. nat. Litholog.) quelques auteurs se servent de ce nom pour désigner le bézoar ou la pierre qui se forme dans la vésicule du fiel, dans l'estomac & dans les intestins de quelques chevaux, & qui se trouve quelquefois dans le crotin. Voyez Valentini historia simplicium reformata, pag. 303. M. Lémery dit qu'il s'est trouvé dans la vessie d'une cavale une pierre de cette espece de la grosseur d'un melon ordinaire, mais plus arrondie, fort pesante, inégale, & raboteuse à sa surface, & couverte d'une croûte lisse & luisante d'un brun rouge. Après avoir été séchée au soleil, elle pesoit 24 onces. Voyez Lémery, diction. des drogues. Dans le journal des savans de 1666, il est parlé d'une pierre tirée du corps d'un cheval d'Espagne, qui pesoit quatre livres quatre onces & demie, ibid. Ces sortes de pierres sont chargées d'huile & de beaucoup d'alkali volatil ; on les regarde comme sudorifiques, propres à tuer tous les vers, & à résister au venin. Voyez BEZOARD. (-)

HIPPOLYTE STE. ou ST. PLIT, (Géog.) petite ville de France en Lorraine, sur les confins de l'Alsace, au pié du mont de Vosge. La France qui l'avoit eu par le traité de Westphalie, la céda au duc de Lorraine par le traité de Paris en 1718. Elle est à deux lieues de Schelestadt. Long. 25. 6. lat. 48. 16. (D.J.)


HIPPOLYTIONS. m. (Hist.) c'est le temple que Phedre éleva sur une montagne près de Troène, en l'honneur de Vénus, & auquel elle donna le nom d'hippolyte, dont elle étoit éperduement amoureuse.

Cette princesse, sous prétexte d'aller offrir ses voeux dans son temple à la déesse, avoit l'occasion en s'y rendant, de voir le fils de Thésée, qui faisoit journellement ses exercices dans la plaine voisine. Dans la suite des siecles l'hippolytion de Phedre, fut nommé le temple de Vénus la spéculatrice. (D.J.)


HIPPOMANÉSS. m. (Hist. nat. & Littér.) , de , cheval, & , être furieux.

Ce mot signifie principalement deux choses dans les écrits des anciens : 1°. une certaine liqueur qui coule des parties naturelles d'une jument en chaleur. Voyez Aristote, Hist. anim. lib. VI. cap. xxij. & Pline, liv. XXVIII. chap. xj. 2°. une excroissance de chair que les poulains nouveaux-nés ont quelquefois sur le front, selon le même Pline, liv. VIII. ch. xlij.

Les anciens prétendent que ces deux sortes d'hippomanés, ont une vertu singuliere dans les philtres & autres compositions destinées à des maléfices ; que la cavale n'a pas plutôt mis bas son poulain, qu'elle lui mange cette excroissance charnue, sans quoi elle ne le voudroit pas nourrir ; qu'enfin si elle donne le tems à quelqu'un d'emporter ce morceau de chair, la seule odeur la fait devenir furieuse.

Virgile a su tirer parti de ces contes, en parlant des sortileges, auxquels la malheureuse Didon eut recours dans son desespoir.

Quaeritur, & nascentis equi de fronte revulsus

Et matri praereptus amor. Aenéid. lib. IV. v. 515.

Encore moins pouvoit-il oublier d'en faire mention dans ses Géorgiques ; mais c'est toûjours avec cet art qu'il a d'annoblir les plus petites choses.

Hinc demùm Hippomanès, vero quod nomine dicunt

Pastores ; lentum distillat ab inguine virus,

Hippomanes quod saepè malae legere novercae,

Miscueruntque herbas, & non innoxia verba.

Il paroît par Juvenal, satyre VI. que cette opinion étoit assez accréditée ; car ce poëte attribue la plûpart des desordres de Caligula, à une potion que sa femme Caesonie lui avoit donnée, & dans laquelle elle avoit fait entrer l'hippomanés.

Cependant Ovide se moque de toutes ces niaiseries dans les vers suivans.

Fallitur Aemonias quisquis descendit ad artes,

Datque quod à teneri fronte revulsit equi ;

Non faciunt ut vivat amor medeides herbae,

Mixtaque cum magicis versa venena sonis.

Sit procul omne nefas ; ut amaberis, amabilis esto !

Enfin, le mot hippomanés designe encore dans Théocrite une plante de l'Arcadie, qui met en fureur les poulains & les jumens ; ici nos Botanistes recherchant quelle étoit cette plante, se sont épuisés en conjectures. Les uns ont pensé que c'étoit le cynocrambe ou apocynum, d'autres le suc de tithymale, & d'autres, avec Anguillard, le stramonium, fructu spinoso rotundo, semine nigricante de Tournefort, que nos François appellent pomme épineuse.

Saumaise, qui ne veut point entendre parler de cette plante, aime mieux altérer le texte de Théocrite ; il soutient que ce poëte n'a point dit , mais , & par , il entend la cavale de bronze qui étoit auprès du temple de Jupiter Olympien. Cette cavale, au rapport de quelques écrivains, excitoit dans les chevaux les émotions de l'amour, comme si elle eût été vivante ; & cette vertu, disoient-ils, lui étoit communiquée par l'hippomanés qu'on avoit mêlé avec le cuivre en la fondant. M. Bayle a très-bien refuté Saumaise, dans sa dissertation sur cette matiere, que tout le monde connoît.

Les sages modernes ont entierement abandonné les anciens sur le prétendu hippomanés, comme plante, comme philtre, veneficium amoris, & comme excroissance sur le front des poulains. La description publiée par Raygerus en 1678, dans les actes des curieux d'Allemagne, ann. 8, d'une substance charnue toute fraîche, tirée du front d'un poulain, que sa mere avoit ensuite nourri, ne peut passer que pour un cas extraordinaire, un vrai jeu de la nature.

Mais, suivant M. Daubenton, l'hippomanés est une matiere semblable à de la gelée blanche qui se trouve constamment placée dans la cavité qui est entre l'amnios & l'allantoïde de la jument pleine ; il peut arriver assez souvent, que cette matiere vienne au-dehors avec la tête du poulain, étant ordinairement à l'endroit le plus bas de la matrice. Cette matiere qui est flottante sans aucune attache, doit tomber dans cet endroit, & passer au-dehors aussi-tôt que les membranes sont déchirées ; la formation de l'hippomanés, ou de la liqueur contenue entre l'amnios & l'allantoïde, étant une fois découverte, il est aisé de comprendre l'odeur forte d'urine qu'elle rend par l'évaporation, & le caractere du sédiment de cette liqueur ; mais ne pouvant entrer dans de pareils détails, nous renvoyons les curieux au mémoire de ce physicien, qui se trouve dans le Recueil de l'acad. des Sciences, année 1751. (D.J.)


HIPPONES. f. (Mythol.) déesse des chevaux & des écuries. Plutarque en a fait mention dans ses hommes illustres ; Apulée, au livre troisieme de son âne d'or ; Tertullien, dans son apologétique, & Fulgence écrivant à Chalcidius. C'est de cette déesse que Juvenal a dit, juvat solam Hippo, & facies olida ad praesepia pictas. On dit qu'un certain Fulvius se prit de passion pour une jument, & qu'une fille très-belle, qu'on appella Hippone, Epone, ou Hippo, fut le fruit de ces amours singuliers. Aristote raconte au livre second de ses paradoxes, un fait tout semblable : un jeune éphésien ayant eu commerce avec une ânesse, il en naquit une fille qui se fit remarquer par ses charmes, & qu'on nomma de la circonstance extraordinaire de sa naissance, Onoseilia. Il n'est pas besoin de prévenir le lecteur sur l'absurdité de ces contes ; on y voit seulement que par une dépravation incroyable, les payens avoient cherché dans des actions infâmes, l'origine des êtres qu'ils devoient adorer. Il n'en est presque pas un seul dont la naissance soit honnête : quelle influence une pareille théologie ne devoit-elle pas avoir sur les moeurs populaires !

HIPPONE, (Géog. anc.) ville de l'Afrique proprement dite ; elle est surnommée Diarrhytus, à cause des eaux dont elle est arrosée, pour la distinguer d'une autre Hippone, aussi en Afrique dans la Numidie, surnommée la royale, Hippo regius. La premiere étoit une colonie florissante du tems de Pline ; il y avoit tout auprès un lac navigable, d'où la marée sortoit comme une riviere, & où elle rentroit selon le flux & le reflux de la mer. Dans la notice épiscopale de l'Afrique, cette ville étoit le siége d'un évêque, c'est présentement Biserte. Hippone surnommée la Royale, étoit épiscopale aussi-bien que la précédente ; elle tire un grand lustre dans l'église Romaine, d'avoir eû pour évêque S. Augustin ; c'est aujourd'hui la petite ville de Bone en Afrique. (D.J.)


HIPPOPHAÈSS. m. (Hist. nat. Botan.) arbrisseau qui croît en Grece & dans la Morée, à peu de distance de la mer ; ses feuilles ressemblent assez à celles d'un olivier ; mais elles sont plus longues, plus étroites, & plus tendres. Ses racines sont longues, épaisses, & remplies d'un suc laiteux extraordinairement amer ; les Foulons en font usage dans leur métier.


HIPPOPODES. m. (Géog.) on a donné ce nom dans l'antiquité à des peuples situés sur le bord de la mer de Scythie, que l'on disoit avoir des piés semblables à ceux des chevaux.

Ce mot est grec & composé d', cheval, & , pié. Denis le Géographe, v. 310. Mela, l. III. c. vj. Pline, l. IV. c. xiij. S. Augustin, de Civit. lib. XVI. cap. viij parlent des Hippopodes ; mais la vérité est qu'on leur donna cette épithete à cause de leur vîtesse. Dictionnaire de Trévoux.


HIPPOPOTAMES. m. (Hist. nat. Zool.) animal amphibie, à quatre piés, qui se trouve en Afrique sur les bords du Niger, sur ceux du Nil en Egypte, & de l'Indus en Asie.

Le mérite de l'invention de la saignée attribué à l'hippopotame, dit M. de Jussieu, dans une dissertation sur ce quadrupede, & l'idée qu'il vomissoit du feu, avoit tellement excité la curiosité des anciens, que quelques édiles, qui dans le tems de la république romaine, voulurent gagner les bonnes graces du peuple, lui en présenterent en spectacle. Scaurus fut le premier, à ce que rapporte Pline, qui en fit paroître aux jeux publics ; & long-tems après lui, les auteurs ont remarqué comme un trait de magnificence, que l'empereur Philippe en eût fait voir plusieurs dans les jeux séculaires qu'il célébra.

Les siecles qui depuis se sont écoulés jusqu'à nous, ne nous ayant ni détrompés du merveilleux de cet animal, ni guere mieux instruits de sa figure & de son caractere, nous ne pouvons presque rien ajouter à ce que Pline en a dit, & nos découvertes ne regardent que son anatomie, ou quelques usages des parties les plus solides de son corps.

Quoique Belon en ait donné le dessein d'après un de ceux qu'il avoit vûs à Constantinople, & Fabius Columna, d'après un autre qu'il avoit vû en Italie, & qui y avoit été apporté mort d'Egypte ; néanmoins quelque exacts que soient ces deux auteurs, ils ne sont point d'accord sur la configuration de toutes les parties de l'hippopotame.

Ce que M. de Jussieu nous en a détaillé dans les mémoires de l'acad. des Scienc. année 1724, ne concerne que quelques parties du squelete de la tête & des piés d'un de ces animaux, envoyé du Sénégal à l'académie par ordre des directeurs de la compagnie des Indes. Mais au bout du compte, puisque c'est à-peu-près tout ce que nous savons de certain de l'hippopotame, je vais continuer d'en complete r cet article, après avoir donné en gros la description de cet animal.

M. Linnaeus en constitue un genre particulier de l'espece des jumens, dont les caracteres sont qu'il a deux pis & deux larges dents proéminentes en guise de défenses. C'est un quadrupede amphibie qui tient par sa figure du buson & de l'ours ; il est plus gros que le buson ou boeuf sauvage, a la tête assez semblable à celle du cheval, très-grosse à proportion du corps, la gueule très-grande, & qui peut s'ouvrir de l'étendue d'un pié ; les naseaux gros & larges, les mâchoires garnies de dents de la derniere dureté.

Il a dans son état fini d'accroissement, treize à quatorze piés de longueur de la tête à la queue ; la circonférence de son corps est presque égale à celle de sa longueur, à cause de la graisse dont il abonde ordinairement ; ses yeux sont petits, ses oreilles courtes & minces ; son cou est court ; ses nazeaux jettent des moustaches à la maniere de celles des chats, & plusieurs barbes épaisses sortent du même trou ; ce sont-là les seuls poils du corps de cet animal ; sa mâchoire supérieure est mobile comme celle du crocodile ; il a dans la mâchoire inférieure deux especes de défenses à la maniere du sanglier.

Ses jambes sont grosses & basses comme celles de l'ours ; son sabot est semblable à celui des bêtes à pié fourchu, mais il est seulement divisé en deux, & a quatre doigts ; cette structure de la sole de l'hippopotame, montre qu'il n'est pas fait pour nager, & que son allure est de se promener sur terre & dans les rivieres ; sa queue ressemble à celle de l'ours ; elle est très-grosse à son origine, & va en s'amincissant en pointe vers l'extrémité ; elle n'a guere que six à huit pouces de long, & elle est trop épaisse, pour qu'il puisse la fouetter de côté & d'autre ; son cuir est fort dur, fort épais, sans poil, & de couleur tannée.

On darde ces animaux dans l'eau avec des harpons, en donnant aux dards qu'on lance sur eux, autant de corde que l'animal blessé en entraîne en fuyant, jusqu'à ce que s'affoiblissant par la perte du sang qui coule de sa blessure, il vienne expirer sur le rivage ; sa chair est de difficile digestion.

Le poids de 45 livres que pesoient les deux mâchoires qui formoient la tête de l'hippopotame du Sénégal, dont parle M. de Jussieu, sa longueur de deux piés, sa hauteur d'un pié quatre pouces du côté de l'occiput, & sa largeur d'un pié & demi du même côté, marquoient que l'animal étoit prodigieux.

A en juger par son apparence extérieure, sa tête doit ressembler en quelque façon au squelete de la tête d'un cheval, à la différence que le museau en est plus évasé, les narines plus ouvertes, & que les mâchoires sont terminées de chaque côté par deux grosses protubérances, dans lesquelles sont pratiquées les alvéoles des six dents de devant.

La figure de la mâchoire inférieure quadre assez bien à celle de la supérieure par sa largeur en-devant, qui est de huit à neuf pouces, sur six de hauteur ; mais cette mâchoire est plus massive que la supérieure, parce que les six plus grosses & plus fortes dents de cet animal, y sont presque obliquement insérées dans des alvéoles très-profondes.

De ces six dents, les deux du milieu qui tiennent lieu d'incisives, sont horisontales, cylindriques, cannelées, massives, d'un pouce & demi de diametre, de quatre pouces de long, & de six de racine. Celles de la mâchoire supérieure auxquelles elles se rapportent, n'ont au contraire pas plus d'un demi-pouce de longueur apparente, & trois de racine, sur neuf lignes de diametre ; les deux latérales répondant à chacune des deux longues dents de la mâchoire inférieure, & qui tiennent encore lieu d'incisives, ne sont longues au-dehors que d'un pouce & demi, sur un demi-pouce de diametre.

Les deux dents plus considérables, placées chacune à une des extrémités du devant de la mâchoire inférieure, en maniere de défenses, sont courbées en demi-cercle, de même que celles du sanglier, & ont chacune cinq pouces de saillie, sur huit de racine, qui est très-oblique ; leur forme approche du triangle, dont chaque côté à environ un pouce & demi. Celles auxquelles elles répondent, qui sont également courbées & cannelées, n'ont qu'un pouce de saillie, & six de racine. Ces quatre dents des extrémités des mâchoires, tiennent la place des racines, & font par leur jonction du côté qui est applati, l'office de véritables cisoires ; celles qui les suivent séparées de ces dernieres par un espace de trois pouces, & arrangées aux deux côtés du fond de chaque mâchoire, sont les molaires au nombre de huit ; les plus grosses ne saillent que d'un demi-pouce, & en ont un & demi d'étendue.

Toutes les dents de l'hippopotame sont très-dures, & peuvent faire du feu comme les pierres à fusil quand on les frappe avec du fer ; peut être en jettent-elles quand l'animal les frappe les unes contre les autres ; & c'est en ce cas, ce qui a pû donner lieu à quelques auteurs d'assurer que l'hippopotame vomissoit du feu.

Il est surprenant que cet appareil terrible de dents placées dans une gueule, dont l'ouverture est antérieurement de plus de deux piés, ne réponde qu'à un gosier qui n'a pas quatre piés de circonsérence ; ce qui prouve que quelque vorace que soit cet animal, qui est dépeint dans des bas-reliefs antiques, ayant dans la gueule un crocodile, ne pourroit l'avaler, supposé qu'il s'en nourrisse, qu'après l'avoir bien mâché ; mais il n'est pas moins difficile de concilier avec la forme de ces mêmes dents, l'usage que Pline & les anciens donnent à l'hippopotame de se repaître de blé dans les champs voisins du Nil.

A l'égard du pié, il est du genre de ceux qui ont des doigts ; sa forme est très-massive, car dans l'état desseché de celui qu'a vû M. de Jussieu, la plante étoit encore de neuf pouces de longueur, sur trois & demi de largeur. Les doigts au nombre de quatre, sont fort courts, n'ayant tout au plus avec l'ongle, qui en occupe presque la moitié, & qui les termine, que deux pouces de longueur sur un de largeur.

La solidité, la pesanteur, la dureté, & la couleur des dents canines de la mâchoire inférieure de cet animal, donnent lieu de croire qu'on pourroit en tirer aujourd'hui des usages pour les arts de Sculpture & du Tour. Peut-être doit-on mettre la maniere de travailler ces dents, dans le nombre des choses pratiquées par les anciens, & qui ont échappé à notre connoissance. Au-moins le peut-on conjecturer par ce que rapporte Pausanias dans ses Archaïques, d'une statue d'or de Dindymene, vénérée par les Proconésiens, & dont la face étoit formée d'une de ces dents. Ce trait montre qu'elles se travailloient alors comme celles de l'éléphant, & que la matiere en étoit plus précieuse, non-seulement comme étant moins commune, mais encore par des qualités qui rendent cette sorte de dents préférable à l'ivoire : elle n'est point sujette aux inconvéniens de se casser facilement, de s'égrainer, & de jaunir.

Ce mérite a déterminé les ouvriers qui travaillent à faire des dents artificielles, à choisir celles de l'hippopotame préférablement à toute autre, sans avoir aucune connoissance de leur origine ; & l'expérience nous apprend combien les dents artificielles, qui sont faites avec les canines de cet animal, sont au-dessus de celles qu'on peut tirer de quelque animal que ce soit, non-seulement par leur solidité, mais encore par la durée de leur couleur qui approche de celui de l'émail de nos dents.

C'est donc là le seul usage connu qu'on puisse tirer des dents de l'hippopotame ; car tout ce que les anciens & les modernes nous disent de leurs vertus pour arrêter le sang, détourner la crampe, guérir les hémorrhoïdes, & mille autres fadaises de cette espece qu'on lit dans Bartholin, Hoechstetter, les Ephémerides curieux de la nature, ainsi que dans les livres de voyages ; tout cela, dis-je, est si pitoyable, qu'on en seroit surpris si l'on ignoroit jusques où s'étend le génie fabuleux de la plûpart des hommes.

Je n'ai trouvé dans Marmol, dans Wormius, dans Thevenot, que des contrarietés sur la description qu'ils nous donnent du cheval de riviere ; on ne peut les croire ni les uns, ni les autres. Vossius, dans son traité latin de l'idolatrie, a rassemblé tout ce qui a été dit sur l'hippopotame, & c'est bien là un assemblage de toutes sortes de contes.

Bochart dans son Hiérozoïcon, & après lui Ludolf dans son histoire d'Ethiopie, ont prétendu que l'hippopotame est le béhémoth de Job, ch. xl. v. 10. mais ils ont fait là-dessus des recherches & une dépense d'érudition bien inutiles : on ignorera toujours ce que c'est que le béhémoth de Job, & ceux qui croient que ce mot désigne plutôt l'éléphant qu'aucun autre animal semblent les mieux fondés en raison. Peut-être encore que le mot hébreu béhémoth signifie seulement en général toutes sortes de bêtes d'une grandeur énorme ; enfin les descriptions que j'ai lu de cet animal dans l'histoire générale des voyages, se contredisent, & sont presque toutes également fausses.

L'étymologie du mot hippopotame n'exercera point les critiques ; il est clairement formé de , cheval, & , fleuve ; ainsi hippopotame signifie cheval aquatique ; il seroit plus naturel de dire hippotame, mais il porte en latin dans tous les auteurs le nom hippopotamus, par exemple dans Aldrovand, de quad. digit. 181. Gesner, de quad. digit. 483. Charleton, exerc. 14. Jonston de quad. 76. Ray, synops. animal. 123. Monti, Exot. 5. Belon, de aquat. 25. & c.

Il faudroit du moins conserver à cet animal le seul nom d'hippopotame, pour ne le pas confondre avec une espece d'insecte de mer que les latins nomment hippocampus, & que nous appellons très-improprement cheval marin. (D.J.)


HIPPOSS. m. (Med.) c'est le nom sous lequel Maître-Jan désigne une maladie des yeux, qui consiste dans un mouvement continuel de ces organes, qui ne peuvent pas se fixer & sont d'une instabilité qui ne cesse point ; ce que cet auteur attribue à ce que le flux des esprits animaux se fait inordinément dans les muscles des yeux, mais sans violence ; ce qui distingue le cas de celui des convulsions dans ces mêmes organes.

Cette maladie vient souvent de naissance ; & alors elle est incurable, parce qu'elle est l'effet d'une conformation vicieuse des organes qui servent à mouvoir les yeux : ou elle est un accident des fiévres ardentes ; dans ce cas, elle est un fort mauvais signe qui annonce un grand embarras dans le cerveau. Voyez CONVULSION, YEUX. Voyez le Traité des maladies de l'oeil de Maître-Jan.


HIPPURISS. m. (Med.) , d', equus, hippuris ; c'est un terme que l'on trouve employé dans les oeuvres d'Hippocrate (Epid. lib. VII.), par lequel il paroît vouloir désigner une sorte de fluxion longue & opiniâtre, qui se forme dans les aînes ou sur les parties génitales de ceux qui vont trop souvent & trop long-tems à cheval ; il semble aussi que cet auteur veuille indiquer une foiblesse ou quelqu'autre incommodité de cette nature, qui provient de la même cause dans ces mêmes parties : c'est le sens que donne au mot hippuris, Foësius, dans son ouvrage intitulé, Oeconomia Hippocratis : on peut le consulter sur ce sujet. Voyez AINE, FLUXION, FOIBLESSE.


HIPPURITESS. m. pl. (Hist. nat. Lithol.) nom que les Naturalistes donnent à une espece de corail cannelé ou sillonné à sa surface, & qui ressemble à la presle qui s'appelle hippuris en latin ; il est composé de plusieurs cylindres, qui s'emboitent les uns dans les autres, de maniere que la partie pointue de l'un s'ajuste dans la partie concave ou creuse de l'autre, ce qui forme comme des articulations ou jointures. Il est rare de trouver des hippurites entiers dans le sein de la terre ; on n'en trouve que des fragmens ou articulations séparées. Wallerius en compte neuf especes différentes, qui varient pour la figure ; il les nomme hippuriti corallini. Voyez la Minéralogie de Wallerius, tome II. p. 38. & ss. Les hippurites sont communs en Gothie.

Il y a des auteurs qui ont donné le nom d'hippurites à des pierres, dans lesquelles on a cru trouver de la ressemblance avec une selle de cheval. (-)


HIRARAS. m. (Zoolog.) animal du Brésil, qui ressemble, dit-on, beaucoup à l'hyene : il est tacheté de blanc, de noir & de brun : il vit en troupe, il se nourrit de miel ; s'il rencontre un guespier ou une ruche, il fouille, il perce ; quand il a ouvert un trou, il y conduit ses petits, & il ne mange que quand ils sont rassasiés.


HIRCANIES. f. (Géog.) province de l'empire des Perses, renfermée dans le pays des Parthes ; elle l'avoit au midi, la Médie au couchant, la Margiane au levant, & la mer Caspienne au nord. Zadracarta & Adraspe en étoient les capitales : c'est aujourd'hui le Tabaristan ou Mazanderan. Cette contrée étoit renommée pour sa fertilité.


HIRCUSS. m. terme d'Astronomie, est une étoile de la premiere grandeur, la même que la chevre. Voyez CHEVRE.

HIRCUS, terme d'Anatomie, partie de l'oreille externe, ou cette éminence qui est proche des tempes & sur laquelle il vient du poil. Ce mot est latin, & signifie chevre ou bouc. Dict. de Trévoux.


HIRMES. m. (Hist. ecclés.) la premiere partie des tropains, sur le ton de laquelle on chante tous les tropains qui le suivent, & auxquels elle sert d'antienne. Voyez TROPAINS.


HIRONDE(QUEUE D') Art méchan. c'est une sorte d'assemblage qui prend son nom de sa forme, assez semblable à celle de la queue de l'hirondelle, qu'on appelloit autrefois & qu'on appelle encore dans quelques endroits hironde. Il y a des ouvrages de fortifications formés de deux angles saillans aux deux extremités, & d'un angle rentrant dans son centre avec flancs non paralleles, mais se rapprochant l'un de l'autre en allant vers la place, qui portent le même nom.


HIRONDELLEsub. fém. (Hist. nat. Ornithol.) hirundo domestica, Willughbi a décrit une hirondelle femelle qui pesoit à peine une once ; elle avoit près de sept pouces de longueur depuis le bec jusqu'à l'extrémité de la queue, & un pié d'envergure. Le bec étoit noir en-dehors & noirâtre en-dedans, large & applati près de la tête, & pointu par le bout ; la langue & le palais avoient une couleur jaunâtre ; les piés étoient courts & noirâtres ; la tête, le cou, le dos & le croupion, ont une belle couleur bleue foncée & pourprée ; il y a sur le devant de la tête & à l'endroit du menton une tache rougeâtre ; la gorge est de la même couleur que le cou ; la poitrine, le ventre & les petites plumes du dessous de l'aîle sont de couleur blanchâtre, mêlée de quelques légeres teintes de rouge ; la queue est fourchue & composée de douze plumes qui sont noires, à l'exception des deux du milieu, qui ont des taches blanches ; il y a dans chaque aîle dix-huit grandes plumes qui sont noirâtres, mais les petites ont une belle couleur bleue.

Les couleurs des hirondelles varient : il y en a de toutes blanches ; on ne sait pas encore bien certainement où ces oiseaux passent l'hiver. Willughbi étoit porté à croire qu'ils alloient dans les pays chauds, tels que l'Egypte & l'Ethiopie ; il trouvoit moins de vraisemblance à ce qu'ils se retirassent & se tinssent cachés dans des creux d'arbres, dans des fentes de rochers, ou dans l'eau sous la glace.

HIRONDELLE DE RIVAGE, hirundo riparia : c'est la plus petite des hirondelles ; elle differe du martinet (voyez MARTINET) en ce qu'elle n'a pas le croupion blanc, ni les piés revêtus de plumes : elle niche dans des trous sur les rivages.

HIRONDELLE DE MER, hirundo marina, Aldrovande. Cet oiseau a moins de rapport avec les hirondelles, qu'avec des oiseaux d'autre genre. Il est, selon Aldrovande beaucoup plus gros qu'une hirondelle, & il a les jambes plus longues ; le ventre est blanchâtre ; la tête, les aîles & le dos sont roux ; les aîles & la queue sont très-longues comme dans les hirondelles, noirâtres en-dessus & brunes en-dessous ; la queue est fourchue ; le bec est fort & noir ; l'ouverture de la bouche est grande & rouge ; il y a une bande noire qui s'étend de chaque côté depuis l'oeil presque jusqu'à la poitrine comme un collier ; les piés sont très-noirs. Willughbi, Ornith. voyez OISEAU.

HIRONDELLE DE MER, voyez POISSON VOLANT.

HIRONDELLE, (Mat. med.) les jeunes hirondelles sont fort célébrées dans la passion hystérique, les convulsions & les accouchemens difficiles ; mais les effets ne répondent pas à cette célébrité. On les fait entrer dans une eau distillée composée, à laquelle elles donnent leur nom & rien de plus. Voyez EAUX DISTILLEES.

Le nid d'hirondelle passe pour spécifique appliqué extérieurement dans l'esquinancie ; cette vertu est encore précaire ; la fiente d'hirondelle n'est pas plus discussive, ni plus obcaecante que celle d'un autre oiseau. (b)

HIRONDELLE (pierre d') Hist. naturelle, Lithol. l'on nomme ainsi des pierres fort petites, que Wallerius regarde comme de petits grains d'agate, mais que d'autres auteurs prennent avec plus de raison pour des coquilles. Elles ont à-peu-près la figure des pierres que l'on nomme yeux d'écrevisses ; il y en a, suivant Wallerius, qui sont convexes d'un côté, & applaties de l'autre ; d'autres ont un côté concave ; d'autres sont ovales ; d'autres enfin sont quarrées, mais toutes sont extrêmement lisses ; la couleur en est ou blanche, ou jaune, ou grise, ou bleuâtre ; on les trouve dans le sable, & non dans l'estomac des hirondelles, comme Pline & les anciens l'ont crû. Quelques naturalistes croient que les pierres d'hirondelles sont une espece de pierre lenticulaire : d'autres avec plus de raison croient que ce sont des petites coquilles connues sous le nom d'opercules. M. Hill pense qu'elles sont de la même nature que les pierres qu'on nomme bufonites, ou crapaudines, & que ce ne sont que des petits fragmens du palais d'un poisson appellé le loup de mer. Pour concilier ces avis différens, il seroit peut-être plus simple de dire que l'on a donné le nom de pierres d'hirondelles à des petites pierres de différente nature, mais qui se ressembloient à l'extérieur. Bien des gens prétendent que ces pierres insinuées dans l'oeil entre le globe & les paupieres, les débarrassent des ordures qui peuvent y être entrées, & les obligent de sortir.

On nomme aussi pierres d'hirondelles, des petites pierres de la grosseur d'une lentille qui se trouvent, dit-on, dans l'estomac de quelques jeunes hirondelles ; les anciens les nommoient lapides chelidonii ; & parmi plusieurs vertus extraordinaires, on leur attribue pareillement la propriété de faire sortir des yeux les ordures qui peuvent y être entrées. M. Lémery croit que cette pierre étant alkaline ou calcaire, elle se charge des sérosités âcres qui peuvent être dans les yeux ; que par-là elle s'agite & s'amollit, ensorte que le corps étranger s'y attache & tombe avec elle. Il dit que plusieurs autres petites pierres agissent de la même maniere dans l'oeil, telles que celles qui se trouvent en Dauphiné sur la montagne de Sassenage près de Grenoble ; il prétend que les plus petits yeux d'écrevisses peuvent aussi produire le même effet. Voyez Lémery, Dictionnaire des drogues. (-)


HIRPESS. m. pl. (Littérat.) familles particulieres d'Italie, qui habitoient le territoire des Falisques. Ces familles en petit nombre, avoient en leur faveur un decret perpétuel du sénat qui les exemptoit d'aller à la guerre, & de toutes autres charges, parce qu'elles fournissoient des prêtres, qui dans un sacrifice qu'on faisoit toutes les années à Apollon, au mont Soracte, marchoient nuds piés en présence de tout le peuple sur des charbons ardens, sans souffrir aucun mal ; c'est pour cette raison qu'Arons, qui étoit du nombre des prêtres de ces familles, parle ainsi dans l'Enéide, liv. XI. v. 785.

Summe deûm, sancti custos Soractis Apollo

Quem primi colimus, cui pineus arbor acervo

Pascitur, & medium freti pietate per ignem

Cultores, multa premimus vestigia prima.

Virgile est admirable ; il savoit aussi-bien que Servius son commentateur, aussi-bien que Pline & Varron, que ces prêtres ne marchoient impunément sur des brasiers, qu'après s'être frotté les piés avec quelque préparation ; mais le prince des poëtes latins respectoit la religion & les préjugés de son pays, & ne s'en servoit que pour l'embellissement de son ouvrage.

Strabon assure que le sacrifice dont j'ai parlé, étoit en l'honneur de Féronie, voyez FERONIE. Vous y trouverez l'explication de tout cela, & même l'interprétation des vers de Virgile, en faveur de ceux qui ne sont pas familiarisés avec la langue de ce poëte.

J'ajoûte ici qu'il y avoit encore plus anciennement d'autres lieux où se donnoit le même spectacle, & c'est toûjours Strabon qui me l'apprend. Diane, surnommée Pérasia, avoit un temple à Castabala dans la Cappadoce, où les prêtresses de ce temple marchoient piés nuds sur la braise sans se brûler, ubi aiunt, dit notre géographe, lib. XII. p. 370, sacrificas mulieres illaesis pedibus, per prunas ambulare. Nous ne recherchons point les artifices qu'on pouvoit pratiquer dans cette occasion pour tromper les spectateurs ; c'est assez de dire que nos bateleurs font des choses bien plus surprenantes que tout ce que les anciens content des hirpes & des prêtresses de Castabala, & cependant ce ne sont que de simples tours d'escamotage. (D.J.)


HIRPINIENS(LES) Géog. anc. ancien peuple d'Italie, que Strabon compte entre les Samnites ; le pays des Hirpiniens étoit où sont présentement le Cadoyna, Conza, Eclano, Mirabella, & dans la province ultérieure, Ariano, Acellino, Fregento, Nasco, Santa-Agatha de'Goti. (D.J.)


HIRSCHAU(Géog.) petite ville d'Allemagne, dans l'évêché de Ratisbonne, à deux lieues de Sultzbach, à l'électeur de Baviere.


HIRSCHBERG(Géog.) ville d'Allemagne en Silésie, dans la principauté de Javer, au confluent des rivieres de Bober & de Zacka.

Il y a une autre ville de même nom dans la Thuringe au Voitgland, & une troisieme en Bohème, dans le cercle de Buntzlau.


HIRSCHFELD(Géog.) principauté d'Allemagne, située entre la Hesse, la Thuringe & la principauté de Fulde ; la capitale porte le même nom. Cette principauté étoit autrefois dépendante d'une abbaye qui a été sécularisée par le traité de Westphalie, en faveur de la maison de Hesse-Cassel qui la possede actuellement. Long. 27. 28. lat. 51. 48.


HIRSCHFELDAU(Géog.) petite ville d'Allemagne, en haute Lusace, près de Zittau.


HIRSCHHEID(Géog.) petite ville d'Allemagne, en Franconie, dans l'évêché de Bamberg, sur la riviere de Rednick.


HIRSCHHORN(Géog.) petite ville du bas-Palatinat, sur le Neckre, au-dessus de Heidelberg.


HISSE(Marine) commandement que fait l'officier pour élever ou hausser quelque chose.

Hisse, hisse, commandement redoublé, pour dire hisser promtement. (Z)


HISSERverbe act. (Marine) c'est élever ou hausser un mât, une voile, ou toute autre chose.

Hisser en douceur, c'est hisser lentement ou doucement. (Q)


HISTIADROMIEsub. fém. (Marine) c'est l'art de naviger ou de construire un vaisseau sur mer. Voyez NAVIGATION. (R)


HISTIÉE(Géog. anc.) ville maritime de l'Eubée, sous le mont Téléthrius, près de l'embouchure du fleuve Callas. Elle étoit située sur un rocher, & fut ensuite nommée Oreum, c'est-à-dire, ville de montagne ; les Istiéens, dit Strabon, ont été appellés Oritae, & leur ville au lieu du nom d'Istiée, a pris le nom d'Oréos. Voyez OREUM. (D.J.)


HISTOIRES. f. c'est le récit des faits donnés pour vrais ; au contraire de la fable, qui est le récit des faits donnés pour faux.

Il y a l'histoire des opinions, qui n'est guère que le recueil des erreurs humaines ; l'histoire des Arts, peut être la plus utile de toutes, quand elle joint à la connoissance de l'invention & du progrès des Arts, la description de leur méchanisme ; l'Histoire naturelle, improprement dite histoire, & qui est une partie essentielle de la Physique.

L'histoire des événemens se divise en sacrée & profane. L'histoire sacrée est une suite des opérations divines & miraculeuses, par lesquelles il a plû à Dieu de conduire autrefois la nation juive, & d'exercer aujourd'hui notre foi. Je ne toucherai point à cette matiere respectable.

Les premiers fondemens de toute Histoire sont les récits des peres aux enfans, transmis ensuite d'une génération à une autre ; ils ne sont que probables dans leur origine, & perdent un degré de probabilité à chaque génération. Avec le tems, la fable se grossit, & la vérité se perd : de-là vient que toutes les origines des peuples sont absurdes. Ainsi les Egyptiens avoient été gouvernés par les dieux pendant beaucoup de siecles ; ils l'avoient été ensuite par des demi-dieux ; enfin ils avoient eu des rois pendant onze mille trois cent quarante ans : & le soleil, dans cet espace de tems, avoit changé quatre fois d'orient & de couchant.

Les Phéniciens prétendoient être établis dans leur pays depuis trente mille ans ; & ces trente mille ans étoient remplis d'autant de prodiges que la chronologie égyptienne. On sait quel merveilleux ridicule regne dans l'ancienne histoire des Grecs. Les Romains, tout sérieux qu'ils étoient, n'ont pas moins enveloppé de fables l'histoire de leurs premiers siecles. Ce peuple si récent, en comparaison des nations asiatiques, a été cinq cent années sans historiens. Ainsi il n'est pas surprenant que Romulus ait été le fils de Mars ; qu'une louve ait été sa nourrice ; qu'il ait marché avec vingt mille hommes de son village de Rome, contre vingt-cinq mille combattans du village des Sabins ; qu'ensuite il soit devenu dieu : que Tarquin l'ancien ait coupé une pierre avec un rasoir ; & qu'une vestale ait tiré à terre un vaisseau avec sa ceinture, &c.

Les premieres annales de toutes nos nations modernes ne sont pas moins fabuleuses : les choses prodigieuses & improbables doivent être rapportées, mais comme des preuves de la crédulité humaine ; elles entrent dans l'histoire des opinions.

Pour connoître avec certitude quelque chose de l'histoire ancienne, il n'y a qu'un seul moyen, c'est de voir s'il reste quelques monumens incontestables ; nous n'en avons que trois par écrit : le premier est le recueil des observations astronomiques faites pendant dix-neuf cent ans de suite à Babylone, envoyées par Alexandre en Grece, & employées dans l'almageste de Ptolomée. Cette suite d'observations, qui remonte à deux mille deux cent trente-quatre ans avant notre ere vulgaire, prouve invinciblement que les Babyloniens existoient en corps de peuple plusieurs siecles auparavant : car les Arts ne sont que l'ouvrage du tems ; & la paresse naturelle aux hommes les laisse des milliers d'années sans autres connoissances & sans autres talens que ceux de se nourrir, de se défendre des injures de l'air, & de s'égorger. Qu'on en juge par les Germains & par les Anglois du tems de César, par les Tartares d'aujourd'hui, par la moitié de l'Afrique, & par tous les peuples que nous avons trouvés dans l'Amérique, en exceptant à quelques égards les royaumes du Pérou & du Mexique, & la république de Tlascala.

Le second monument est l'éclipse centrale du soleil, calculée à la Chine deux mille cent cinquante-cinq ans avant notre ere vulgaire, & reconnue véritable par tous nos Astronomes. Il faut dire la même chose des Chinois que des peuples de Babylone ; ils composoient déjà sans-doute un vaste empire policé. Mais ce qui met les Chinois au-dessus de tous les peuples de la terre, c'est que ni leurs loix, ni leurs moeurs, ni la langue que parlent chez eux les lettrés, n'ont pas changé depuis environ quatre mille ans. Cependant cette nation, la plus ancienne de tous les peuples qui subsistent aujourd'hui, celle qui a possédé le plus vaste & le plus beau pays, celle qui a inventé presque tous les Arts avant que nous en eussions appris quelques-uns, a toûjours été omise, jusqu'à nos jours, dans nos prétendues histoires universelles : & quand un espagnol & un françois faisoient le dénombrement des nations, ni l'un ni l'autre ne manquoit d'appeller son pays la premiere monarchie du monde.

Le troisieme monument, fort inférieur aux deux autres, subsiste dans les marbres d'Arondel : la chronique d'Athènes y est gravée deux cent soixante-trois ans avant notre ere ; mais elle ne remonte que jusqu'à Cécrops, treize cent dix-neuf ans au-delà du tems où elle fut gravée. Voilà dans l'histoire de toute l'antiquité, les seules connoissances incontestables que nous ayons.

Il n'est pas étonnant qu'on n'ait point d'histoire ancienne profane au-delà d'environ trois mille années. Les révolutions de ce globe, la longue & universelle ignorance de cet art qui transmet les faits par l'écriture, en sont cause : il y a encore plusieurs peuples qui n'en ont aucun usage. Cet art ne fut commun que chez un très-petit nombre de nations policées, & encore étoit-il en très-peu de mains. Rien de plus rare chez les François & chez les Germains, que de savoir écrire jusqu'aux treizieme & quatorzieme siecles : presque tous les actes n'étoient attestés que par témoins. Ce ne fut en France que sous Charles VII. en 1454 qu'on rédigea par écrit les coûtumes de France. L'art d'écrire étoit encore plus rare chez les Espagnols, & de-là vient que leur histoire est si seche & si incertaine, jusqu'au tems de Ferdinand & d'Isabelle. On voit par-là combien le très-petit nombre d'hommes qui savoient écrire pouvoient en imposer.

Il y a des nations qui ont subjugué une partie de la terre sans avoir l'usage des caracteres. Nous savons que Gengis-Kan conquit une partie de l'Asie au commencement du treizieme siecle ; mais ce n'est ni par lui, ni par les Tartares que nous le savons. Leur histoire écrite par les Chinois, & traduite par le pere Gaubil, dit que ces Tartares n'avoient point l'art d'écrire.

Il ne dut pas être moins inconnu au scythe OgusKan, nommé Madies par les Persans & parles Grecs, qui conquit une partie de l'Europe & de l'Asie, si long-tems avant le regne de Cyrus.

Il est presque sûr qu'alors sur cent nations il y en avoit à peine deux qui usassent de caracteres.

Il reste des monumens d'une autre espece, qui servent à constater seulement l'antiquité reculée de certains peuples qui précedent toutes les époques connues & tous les livres ; ce sont les prodiges d'Architecture, comme les pyramides & les palais d'Egypte, qui ont résisté au tems. Hérodote qui vivoit il y a deux mille deux cent ans, & qui les avoit vûs, n'avoit pû apprendre des prêtres égyptiens dans quel tems on les avoit élevés.

Il est difficile de donner à la plus ancienne des pyramides moins de quatre mille ans d'antiquité ; mais il faut considérer que ces efforts de l'ostentation des rois n'ont pû être commencés que long-tems après l'établissement des villes. Mais pour bâtir des villes dans un pays inondé tous les ans, il avoit fallu d'abord relever le terrein, fonder les villes sur des pilotis dans ce terrein de vase, & les rendre inaccessibles à l'inondation ; il avoit fallu, avant de prendre ce parti nécessaire, & avant d'être en état de tenter ces grands travaux, que les peuples se fussent pratiqués des retraites pendant la crue du Nil, au milieu des rochers qui forment deux chaînes à droite & à gauche de ce fleuve. Il avoit fallu que ces peuples rassemblés eussent les instrumens du labourage, ceux de l'Architecture, une grande connoissance de l'Arpentage, avec des lois & une police : tout cela demande nécessairement un espace de tems prodigieux. Nous voyons par les longs détails qui retardent tous les jours nos entreprises les plus nécessaires & les plus petites, combien il est difficile de faire de grandes choses, & qu'il faut nonseulement une opiniâtreté infatigable, mais plusieurs générations animées de cette opiniâtreté.

Cependant que ce soit Ménès ou Thot, ou Chéops, ou Ramessès, qui ayent élevé une ou deux de ces prodigieuses masses, nous n'en serons pas instruits de l'histoire de l'ancienne Egypte : la langue de ce peuple est perdue. Nous ne savons donc autre chose sinon qu'avant les plus anciens historiens, il y avoit de quoi faire une histoire ancienne.

Celle que nous nommons ancienne, & qui est en effet récente, ne remonte guere qu'à trois mille ans : nous n'avons avant ce tems que quelques probabilités : deux seuls livres profanes ont conservé ces probabilités ; la chronique chinoise, & l'histoire d'Hérodote. Les anciennes chroniques chinoises ne regardent que cet empire séparé du reste du monde. Hérodote, plus intéressant pour nous, parle de la terre alors connue ; il enchanta les Grecs en leur récitant les neuf livres de son histoire, par la nouveauté de cette entreprise & par le charme de sa diction, & sur-tout par les fables. Presque tout ce qu'il raconte sur la foi des étrangers est fabuleux : mais tout ce qu'il a vû est vrai. On apprend de lui, par exemple, quelle extrême opulence & quelle splendeur régnoit dans l'Asie mineure, aujourd'hui pauvre & dépeuplée. Il a vû à Delphes les présens d'or prodigieux que les rois de Lydie avoient envoyés à Delphes. & il parle à des auditeurs qui connoissoient Delphes comme lui. Or quel espace de tems a dû s'écouler avant que des rois de Lydie eussent pû amasser assez de trésors superflus pour faire des présens si considérables à un temple étranger !

Mais quand Hérodote rapporte les contes qu'il a entendus, son livre n'est plus qu'un roman qui ressemble aux fables millésiennes. C'est un Candaule qui montre sa femme toute nue à son ami Gigès ; c'est cette femme, qui par modestie, ne laisse à Gigès que le choix de tuer son mari, d'épouser la veuve, ou de périr. C'est un oracle de Delphes qui dévine que dans le même tems qu'il parle, Crésus à cent lieues de là, fait cuire une tortue dans un plat d'airain. Rollin qui répete tous les contes de cette espece, admire la science de l'oracle, & la véracité d'Apollon, ainsi que la pudeur de la femme du roi Candaule ; & à ce sujet, il propose à la police d'empêcher les jeunes gens de se baigner dans la riviere. Le tems est si cher, & l'histoire si immense, qu'il faut épargner aux lecteurs de telles fables & de telles moralités.

L'histoire de Cyrus est toute défigurée par des traditions fabuleuses. Il y a grande apparence que ce Kiro, qu'on nomme Cyrus, à la tête des peuples guerriers d'Elam, conquit en effet Babylone amollie par les délices. Mais on ne sait pas seulement quel roi régnoit alors à Babylone ; les uns disent Baltazar, les autres Anabot. Hérodote fait tuer Cyrus dans une expédition contre les Massagettes. Xénophon dans son roman moral & politique, le fait mourir dans son lit.

On ne sait autre chose dans ces ténebres de l'histoire, sinon qu'il y avoit depuis très-longtems de vastes empires, & des tyrans dont la puissance étoit fondée sur la misere publique ; que la tyrannie étoit parvenue jusqu'à dépouiller les hommes de leur virilité, pour s'en servir à d'infames plaisirs au sortir de l'enfance, & pour les employer dans leur vieillesse à la garde des femmes ; que la superstition gouvernoit les hommes ; qu'un songe étoit regardé comme un avis du ciel, & qu'il décidoit de la paix & de la guerre, &c.

A mesure qu'Hérodote dans son histoire se rapproche de son tems, il est mieux instruit & plus vrai. Il faut avouer que l'histoire ne commence pour nous qu'aux entreprises des Perses contre les Grecs. On ne trouve avant ces grands événemens que quelques récits vagues, enveloppés de contes puériles. Hérodote devient le modele des historiens, quand il décrit ces prodigieux préparatifs de Xerxès pour aller subjuguer la Grece, & ensuite l'Europe. Il le mene, suivi de près de deux millions de soldats, depuis Suze jusqu'à Athènes. Il nous apprend comment étoient armés tant de peuples différens que ce monarque traînoit après lui : aucun n'est oublié, du fond de l'Arabie & de l'Egypte, jusqu'au delà de la Bactriane & de l'extrémité septentrionale de la mer Caspienne, pays alors habité par des peuples puissans, & aujourd'hui par des Tartares vagabonds. Toutes les nations, depuis le Bosphore de Thrace jusqu'au Gange, sont sous ses étendards. On voit avec étonnement que ce prince possédoit autant de terrein qu'en eut l'empire romain ; il avoit tout ce qui appartient aujourd'hui au grand mogol en-deçà du Gange ; toute la Perse, tout le pays des Usbecs, tout l'empire des Turcs, si vous en exceptez la Romanie ; mais en récompense il possédoit l'Arabie. On voit par l'étendue de ses états quel est le tort des déclamateurs en vers & en prose, de traiter de fou Alexandre, vengeur de la Grece, pour avoir subjugué l'empire de l'ennemi des Grecs. Il n'alla en Egypte, à Tyr & dans l'Inde, que parce qu'il le devoit, & que Tyr, l'Egypte & l'Inde appartenoient à la domination qui avoit dévasté la Grece.

Hérodote eut le même mérite qu'Homere ; il fut le premier historien comme Homere le premier poëte épique ; & tous deux saisirent les beautés propres d'un art inconnu avant eux. C'est un spectacle admirable dans Hérodote que cet empereur de l'Asie & de l'Afrique, qui fait passer son armée immense sur un pont de bateau d'Asie en Europe, qui prend la Thrace, la Macédoine, la Thessalie, l'Achaïe supérieure, & qui entre dans Athènes abandonnée & deserte. On ne s'attend point que les Athéniens sans ville, sans territoire, refugiés sur leurs vaisseaux avec quelques autres Grecs, mettront en fuite la nombreuse flotte du grand roi, qu'ils rentreront chez eux en vainqueurs, qu'ils forceront Xerxès à ramener ignominieusement les débris de son armée, & qu'ensuite ils lui défendront par un traité, de naviger sur leurs mers. Cette supériorité d'un petit peuple généreux & libre, sur toute l'Asie esclave, est peut-être ce qu'il y a de plus glorieux chez les hommes. On apprend aussi par cet événement, que les peuples de l'Occident ont toujours été meilleurs marins que les peuples asiatiques. Quand on lit l'histoire moderne, la victoire de Lépante fait souvenir de celle de Salamine, & on compare dom Juan d'Autriche & Colonne, à Thémistocle & à Euribiades. Voilà peut-être le seul fruit qu'on peut tirer de la connoissance de ces tems reculés.

Thucydide, successeur d'Hérodote, se borne à nous détailler l'histoire de la guerre du Péloponnèse, pays qui n'est pas plus grand qu'une province de France ou d'Allemagne, mais qui a produit des hommes en tout genre dignes d'une réputation immortelle : & comme si la guerre civile, le plus horrible des fléaux, ajoutoit un nouveau feu & de nouveaux ressorts à l'esprit humain, c'est dans ce tems que tous les arts florissoient en Grece. C'est ainsi qu'ils commencent à se perfectionner ensuite à Rome dans d'autres guerres civiles du tems de César, & qu'ils renaissent encore dans notre xv. & xvj. siecle de l'ere vulgaire, parmi les troubles de l'Italie.

Après cette guerre du Péloponnèse, décrite par Thucydide, vient le tems célebre d'Alexandre, prince digne d'être élevé par Aristote, qui fonde beaucoup plus de villes que les autres n'en ont détruit, & qui change le commerce de l'Univers. De son tems, & de celui de ses successeurs, florissoit Carthage ; & la république romaine commençoit à fixer sur elle les regards des nations. Tout le reste est enseveli dans la Barbarie : les Celtes, les Germains, tous les peuples du Nord sont inconnus.

L'histoire de l'empire romain est ce qui mérite le plus notre attention, parce que les Romains ont été nos maîtres & nos législateurs. Leurs loix sont encore en vigueur dans la plûpart de nos provinces : leur langue se parle encore, & longtems après leur chûte, elle a été la seule langue dans laquelle on rédigeât les actes publics en Italie, en Allemagne, en Espagne, en France, en Angleterre, en Pologne.

Au démembrement de l'empire romain en Occident, commence un nouvel ordre de choses, & c'est ce qu'on appelle l'histoire du moyen âge ; histoire barbare de peuples barbares, qui devenus chrétiens, n'en deviennent pas meilleurs.

Pendant que l'Europe est ainsi bouleversée, on voit paroître au vij. siecle les Arabes, jusques-là renfermés dans leurs deserts. Ils étendent leur puissance & leur domination dans la haute Asie, dans l'Afrique, & envahissent l'Espagne ; les Turcs leur succedent, & établissent le siége de leur empire à Constantinople, au milieu du XV. siecle.

C'est sur la fin de ce siecle qu'un nouveau monde est découvert ; & bientôt après la politique de l'Europe & les arts prennent une forme nouvelle. L'art de l'Imprimerie, & la restauration des sciences, font qu'enfin on a des histoires assez fideles, au lieu des chroniques ridicules renfermées dans les cloîtres depuis Grégoire de Tours. Chaque nation dans l'Europe a bientôt ses historiens. L'ancienne indigence se tourne en superflu : il n'est point de ville qui ne veuille avoir son histoire particuliere. On est accablé sous le poids des minuties. Un homme qui veut s'instruire est obligé de s'en tenir au fil des grands événemens, & d'écarter tous les petits faits particuliers qui viennent à la traverse ; il saisit dans la multitude des révolutions, l'esprit des tems & les moeurs des peuples. Il faut sur-tout s'attacher à l'histoire de sa patrie, l'étudier, la posséder, réserver pour elle les détails, & jetter une vue plus générale sur les autres nations. Leur histoire n'est intéressante que par les rapports qu'elles ont avec nous, ou par les grandes choses qu'elles ont faites ; les premiers âges depuis la chûte de l'empire romain, ne sont comme on l'a remarqué ailleurs, que des avantures barbares, sous des noms barbares, excepté le tems de Charlemagne. L'Angleterre reste presque isolée jusqu'au regne d'Edouard III. le Nord est sauvage jusqu'au xvj. siecle ; l'Allemagne est longtems une anarchie. Les querelles des empereurs & des papes desolent 600 ans l'Italie, & il est difficile d'appercevoir la vérité à-travers les passions des écrivains peu instruits, qui ont donné les chroniques informes de ces tems malheureux. La monarchie d'Espagne n'a qu'un événement sous les rois Visigoths ; & cet événement est celui de sa destruction. Tout est confusion jusqu'au regne d'Isabelle & de Ferdinand. La France jusqu'à Louis XI. est en proie à des malheurs obscurs sous un gouvernement sans regle. Daniel a beau prétendre que les premiers tems de la France sont plus intéressans que ceux de Rome : il ne s'apperçoit pas que les commencemens d'un si vaste empire sont d'autant plus intéressans qu'ils sont plus foibles, & qu'on aime à voir la petite source d'un torrent qui a inondé la moitié de la terre.

Pour pénétrer dans le labyrinthe ténébreux du moyen âge, il faut le secours des archives, & on n'en a presque point. Quelques anciens couvens ont conservé des chartres, des diplomes, qui contiennent des donations, dont l'autorité est quelquefois contestée ; ce n'est pas là un recueil où l'on puisse s'éclairer sur l'histoire politique, & sur le droit public de l'Europe. L'Angleterre est, de tous les pays, celui qui a sans contredit, les archives les plus anciennes & les plus suivies. Ces actes recueillis par Rimer, sous les auspices de la reine Anne, commencent avec le xij. siecle, & sont continués sans interruption jusqu'à nos jours. Ils répandent une grande lumiere sur l'histoire de France. Ils font voir par exemple, que la Guienne appartenoit aux Anglois en souveraineté absolue, quand le roi de France Charles V. la confisqua par un arrêt, & s'en empara par les armes. On y apprend quelles sommes considérables, & quelle espece de tribut paya Louis XI. au roi Edouard IV. qu'il pouvoit combattre ; & combien d'argent la reine Elisabeth prêta à Henri le grand, pour l'aider à monter sur son thrône, &c.

De l'utilité de l'Histoire. Cet avantage consiste dans la comparaison qu'un homme d'état, un citoyen peut faire des loix & des moeurs étrangeres avec celles de son pays : c'est ce qui excite les nations modernes à enchérir les unes sur les autres dans les arts, dans le commerce, dans l'Agriculture. Les grandes fautes passées servent beaucoup en tout genre. On ne sauroit trop remettre devant les yeux les crimes & les malheurs causés par des querelles absurdes. Il est certain qu'à force de renouveller la mémoire de ces querelles, on les empêche de renaître.

C'est pour avoir lû les détails des batailles de Creci, Poitiers, d'Azincourt, de Saint-Quentin, de Gravelines, &c. que le célebre maréchal de Saxe se déterminoit à chercher, autant qu'il pouvoit, ce qu'il appelloit des affaires de poste.

Les exemples font un grand effet sur l'esprit d'un prince qui lit avec attention. Il verra qu'Henri IV. n'entreprenoit sa grande guerre, qui devoit changer le système de l'Europe, qu'après s'être assez assuré du nerf de la guerre, pour la pouvoir soutenir plusieurs années sans aucun secours de finances.

Il verra que la reine Elisabeth, par les seules ressources du commerce & d'une sage économie, résista au puissant Philippe II. & que de cent vaisseaux qu'elle mit en mer contre la flotte invincible, les trois quarts étoient fournis par les villes commerçantes d'Angleterre.

La France non entamée sous Louis XIV. après neuf ans de la guerre la plus malheureuse, montra évidemment l'utilité des places frontieres qu'il construisit. En vain l'auteur des causes de la chûte de l'empire romain blâme-t-il Justinien, d'avoir eu la même politique que Louis XIV. Il ne devoit blâmer que les empereurs qui négligerent ces places frontieres, & qui ouvrirent les portes de l'empire aux Barbares.

Enfin la grande utilité de l'histoire moderne, & l'avantage qu'elle a sur l'ancienne, est d'apprendre à tous les potentats, que depuis le XV. siecle on s'est toujours réuni contre une puissance trop prépondérante. Ce système d'équilibre a toujours été inconnu des anciens, & c'est la raison des succès du peuple romain, qui ayant formé une milice supérieure à celle des autres peuples, les subjugua l'un après l'autre, du Tibre jusqu'à l'Euphrate.

De la certitude de l'Histoire. Toute certitude qui n'est pas démonstration mathématique, n'est qu'une extrême probabilité. Il n'y a pas d'autre certitude historique.

Quand Marc Paul parla le premier, mais le seul, de la grandeur & de la population de la Chine, il ne fut pas crû, & il ne peut exiger de croyance. Les Portugais qui entrerent dans ce vaste empire plusieurs siecles après, commencerent à rendre la chose probable. Elle est aujourd'hui certaine, de cette certitude qui naît de la déposition unanime de mille témoins oculaires de différentes nations, sans que personne ait réclamé contre leur témoignage.

Si deux ou trois historiens seulement avoient écrit l'avanture du roi Charles XII. qui s'obstinant à rester dans les états du sultan son bienfaiteur, malgré lui, se battit avec ses domestiques contre une armée de janissaires & de Tartares, j'aurois suspendu mon jugement ; mais ayant parlé à plusieurs témoins oculaires, & n'ayant jamais entendu révoquer cette action en doute, il a bien fallu la croire, parce qu'après tout, si elle n'est ni sage, ni ordinaire, elle n'est contraire ni aux loix de la nature, ni au caractere du héros.

L'histoire de l'homme au masque de fer auroit passé dans mon esprit pour un roman, si je ne la tenois que du gendre du chirurgien, qui eut soin de cet homme dans sa derniere maladie. Mais l'officier qui le gardoit alors, m'ayant aussi attesté le fait, & tous ceux qui devoient en être instruits me l'ayant confirmé, & les enfans des ministres d'état dépositaires de ce secret, qui vivent encore, en étant instruits comme moi, j'ai donné à cette histoire un grand dégré de probabilité, dégré pourtant au-dessous de celui qui fait croire l'affaire de Bender, parce que l'avanture de Bender a eu plus de témoins que celle de l'homme au masque de fer.

Ce qui répugne au cours ordinaire de la nature ne doit point être cru, à moins qu'il ne soit attesté par des hommes animés de l'esprit divin. Voilà pourquoi à l'article CERTITUDE de ce Dictionnaire, c'est un grand paradoxe de dire qu'on devroit croire aussi-bien tout Paris qui affirmeroit avoir vû ressusciter un mort, qu'on croit tout Paris quand il dit qu'on a gagné la bataille de Fontenoy. Il paroît évident que le témoignage de tout Paris sur une chose improbable, ne sauroit être égal au témoignage de tout Paris sur une chose probable. Ce sont là les premieres notions de la saine Métaphysique. Ce Dictionnaire est consacré à la vérité ; un article doit corriger l'autre ; & s'il se trouve ici quelque erreur, elle doit être relevée par un homme plus éclairé.

Incertitude de l'Histoire. On a distingué les tems en fabuleux & historiques. Mais les tems historiques auroient dû être distingués eux-mêmes en vérités & en fables. Je ne parle pas ici des fables reconnues aujourd'hui pour telles ; il n'est pas question, par exemple, des prodiges dont Tite-Live a embelli ou gâté son histoire. Mais dans les faits les plus reçus que de raisons de douter ? Qu'on fasse attention que la république romaine a été cinq cent ans sans historiens, & que Tite-Live lui-même déplore la perte des annales des pontifes & des autres monumens qui périrent presque tous dans l'incendie de Rome, pleraque interiere ; qu'on songe que dans les trois cent premieres années, l'art d'écrire étoit très-rare, rarae per eadem tempora litterae. Il sera permis alors de douter de tous les événemens qui ne sont pas dans l'ordre ordinaire des choses humaines. Sera-t-il bien probable que Romulus, le petit-fils du roi des Sabins, aura été forcé d'enlever des Sabines pour avoir des femmes. L'histoire de Lucrece sera-t-elle bien vraisemblable ? croira-t-on aisément sur la foi de Tite-Live, que le roi Porsenna s'enfuit plein d'admiration pour les Romains, parce qu'un fanatique avoit voulu l'assassiner ? Ne sera-t-on pas porté au contraire, à croire Polybe, antérieur à Tite-Live de deux cent années, qui dit que Porsenna subjugua les Romains. L'avanture de Regulus, enfermé par les Carthaginois dans un tonneau garni de pointes de fer, merite-t-elle qu'on la croie ? Polybe contemporain n'en auroit-il pas parlé, si elle avoit été vraie ? il n'en dit pas un mot. N'est-ce pas une grande présomption que ce conte ne fut inventé que long-tems après pour rendre les Carthaginois odieux ? Ouvrez le dictionnaire de Moréri à l'article Régulus, il vous assure que le supplice de ce Romain est rapporté dans Tite-Live. Cependant la Décade où Tite-Live auroit pû en parler est perdue : on n'a que le supplément de Freinshemius, & il se trouve que ce dictionnaire n'a cité qu'un allemand du xvij. siecle, croyant citer un romain du tems d'Auguste. On feroit des volumes immenses de tous les faits célebres & reçus, dont il faut douter. Mais les bornes de cet article ne permettent pas de s'étendre.

Les monumens, les cérémonies annuelles, les médailles mêmes, sont-elles des preuves historiques ? On est naturellement porté à croire qu'un monument érigé par une nation pour célébrer un événement, en atteste la certitude. Cependant, si ces monumens n'ont pas été élevés par des contemporains ; s'ils célebrent quelques faits peu vraisemblables, prouvent-ils autre chose, sinon qu'on a voulu consacrer une opinion populaire ?

La colonne rostrale érigée dans Rome par les contemporains de Duillius, est sans-doute une preuve de la victoire navale de Duillius. Mais la statue de l'augure Navius, qui coupoit un caillou avec un rasoir, prouvoit-elle que Navius avoit opéré ce prodige ? Les statues de Cérès & de Triptolème, dans Athènes, étoient-elles des témoignages incontestables que Cérès eût enseigné l'Agriculture aux Athéniens ? Le fameux Laocoon, qui subsiste aujourd'hui si entier, atteste-t-il bien la vérité de l'histoire du cheval de Troie ?

Les cérémonies, les fêtes annuelles établies par toute une nation, ne constatent pas mieux l'origine à laquelle on les attribue. La fête d'Arion porté sur un dauphin, se célébroit chez les Romains comme chez les Grecs. Celle de Faune rappelloit son aventure avec Hercule & Omphale, quand ce dieu amoureux d'Omphale prit le lit d'Hercule pour celui de sa maîtresse.

La fameuse fête des Lupercales étoit établie en l'honneur de la louve qui allaita Romulus & Remus.

Sur quoi étoit fondée la fête d'Orion, célébrée le 5 des ides de Mai ? Le voici. Hirée reçut chez lui Jupiter, Neptune & Mercure ; & quand ses hôtes prirent congé, ce bon homme qui n'avoit point de femme, & qui vouloit avoir un enfant, témoigna sa douleur aux trois dieux. On n'ose exprimer ce qu'ils firent sur la peau du boeuf qu'Hirée leur avoit servi à manger ; ils couvrirent ensuite cette peau d'un peu de terre, & de-là naquit Orion au bout de neuf mois.

Presque toutes les fêtes romaines, syriennes, greques, égyptiennes, étoient fondées sur de pareils contes, ainsi que les temples & les statues des anciens héros. C'étoient des monumens que la crédulité consacroit à l'erreur.

Une médaille, même contemporaine, n'est pas quelquefois une preuve. Combien la flatterie n'a-t-elle pas frappé de médailles sur des batailles très indécises, qualifiées de victoires, & sur des entreprises manquées, qui n'ont été achevées que dans la légende. N'a-t-on pas, en dernier lieu, pendant la guerre de 1740 des Anglois contre le roi d'Espagne, frappé une médaille qui attestoit la prise de Carthagene par l'amiral Vernon, tandis que cet amiral levoit le siége ?

Les médailles ne sont des témoignages irréprochables que lorsque l'événement est attesté par des auteurs contemporains ; alors ces preuves se soutenant l'une par l'autre, constatent la vérité.

Doit-on dans l 'histoire insérer des harangues, & faire des portraits ? Si dans une occasion importante, un général d'armée, un homme d'état a parlé d'une maniere singuliere & forte qui caractérise son génie & celui de son siecle, il faut sans-doute rapporter son discours mot pour mot ; de telles harangues sont peut-être la partie de l'histoire la plus utile. Mais pourquoi faire dire à un homme ce qu'il n'a pas dit ? Il vaudroit presque autant lui attribuer ce qu'il n'a pas fait ; c'est une fiction imitée d'Homere. Mais ce qui est fiction dans un poëme, devient à la rigueur mensonge dans un historien. Plusieurs anciens ont eu cette méthode ; cela ne prouve autre chose, sinon que plusieurs anciens ont voulu faire parade de leur éloquence aux dépens de la vérité.

Les portraits montrent encore bien souvent plus d'envie de briller que d'instruire : des contemporains sont en droit de faire le portrait des hommes d'état avec lesquels ils ont négocié, des généraux sous qui ils ont fait la guerre. Mais qu'il est à craindre que le pinceau ne soit guidé par la passion ! Il paroît que les portraits qu'on trouve dans Clarendon sont faits avec plus d'impartialité, de gravité & de sagesse, que ceux qu'on lit avec plaisir dans le cardinal de Retz.

Mais vouloir peindre les anciens, s'efforcer de développer leurs ames, regarder les évenemens comme des caracteres avec lesquels on peut lire sûrement dans le fond des coeurs ; c'est une entreprise bien délicate ; c'est dans plusieurs une puérilité.

De la maxime de Ciceron concernant l 'histoire ; que l'historien n'ose dire une fausseté, ni cacher une vérité. La premiere partie de ce précepte est incontestable ; il faut examiner l'autre. Si une vérité peut être de quelque utilité à l'état, votre silence est condamnable. Mais je suppose que vous écriviez l'histoire d'un prince qui vous aura confié un secret, devez-vous le révéler ? Devez-vous dire à la postérité ce que vous seriez coupable de dire en secret à un seul homme ? le devoir d'un historien l'emportera-t-il sur un devoir plus grand ?

Je suppose encore que vous ayez été témoin d'une foiblesse qui n'a point influé sur les affaires publiques, devez-vous revéler cette foiblesse ? En ce cas, l'histoire seroit une satyre.

Il faut avouer que la plûpart des écrivains d'anecdotes sont plus indiscrets qu'utiles. Mais que dire de ces compilateurs insolens, qui se faisant un mérite de médire, impriment & vendent des scandales, comme Lecauste vendoit des poisons.

De l'histoire satyrique. Si Plutarque a repris Hérodote de n'avoir pas assez relevé la gloire de quelques villes greques ; & d'avoir omis plusieurs faits connus dignes de mémoire, combien sont plus répréhensibles aujourd'hui ceux qui, sans avoir aucun des mérites d'Hérodote, imputent aux princes, aux nations, des actions odieuses ; sans la plus légere apparence de preuve. La guerre de 1741 a été écrite en Angleterre. On trouve, dans cette histoire, qu'à la bataille de Fontenoy les François tirerent sur les Anglois avec des balles empoisonnées & des morceaux de verre venimeux, & que le duc de Cumberland envoya au roi de France une boëte pleine de ces prétendus poisons trouvés dans les corps des Anglois blessés. Le même auteur ajoûte que les François ayant perdu quarante mille hommes à cette bataille, le parlement de Paris rendit un arrêt par lequel il étoit défendu d'en parler sous des peines corporelles.

Des mémoires frauduleux, imprimés depuis peu, sont remplis de pareilles absurdités insolentes. On y trouve qu'au siege de Lille les alliés jettoient des billets dans la ville conçus en ces termes : François, consolez-vous, la Maintenon ne sera pas votre reine.

Presque chaque page est remplie d'impostures & de termes offensans contre la famille royale & contre les familles principales du royaume, sans alléguer la plus légere vraisemblance qui puisse donner la moindre couleur à ces mensonges. Ce n'est point écrire l'histoire, c'est écrire au hazard des calomnies.

On a imprimé en Hollande, sous le nom d'histoire, une foule de libelles, dont le style est aussi grossier que les injures, & les faits aussi faux qu'ils sont mal écrits. C'est, dit-on, un mauvais fruit de l'excellent arbre de la liberté. Mais si les malheureux auteurs de ces inepties ont eu la liberté de tromper les lecteurs, il faut user ici de la liberté de les détromper.

De la méthode, de la maniere d'écrire l'histoire, & du style. On en a tant dit sur cette matiere, qu'il faut ici en dire très-peu. On sait assez que la méthode & le style de Tite-Live, sa gravité, son éloquence sage, conviennent à la majesté de la république romaine ; que Tacite est plus fait pour peindre des tyrans, Polybe pour donner des leçons de la guerre, Denys d'Halycarnasse pour développer les antiquités.

Mais en se modélant en général sur ces grands maîtres, on a aujourd'hui un fardeau plus pesant que le leur à soutenir. On exige des historiens modernes plus de détails, des faits plus constatés, des dates précises, des autorités, plus d'attention aux usages, aux lois, aux moeurs, au commerce, à la finance, à l'agriculture, à la population. Il en est de l'histoire comme des Mathématiques & de la Physique. La carriere s'est prodigieusement accrue. Autant il est aisé de faire un recueil de gazettes, autant il est difficile aujourd'hui d'écrire l'histoire.

On exige que l'histoire d'un pays étranger ne soit point jettée dans le même moule que celle de votre patrie.

Si vous faites l'histoire de France, vous n'êtes pas obligé de décrire le cours de la Seine & de la Loire ; mais si vous donnez au public les conquêtes des Portugais en Asie, on exige une topographie des pays découverts. On veut que vous meniez votre lecteur par la main le long de l'Afrique, ou des côtes de la Perse & de l'Inde ; on attend de vous des instructions sur les moeurs, les lois, les usages de ces nations nouvelles pour l'Europe.

Nous avons vingt histoires de l'établissement des Portugais dans les Indes ; mais aucune ne nous a fait connoître les divers gouvernemens de ce pays, ses religions, ses antiquités, les Brames, les disciples de Jean, les Guebres, les Banians. Cette réflexion peut s'appliquer à presque toutes les histoires des pays étrangers.

Si vous n'avez autre chose à nous dire, sinon qu'un Barbare a succédé à un autre Barbare sur les bords de l'Oxus & de l'Iaxarte, en quoi êtes-vous utile au public ?

La méthode convenable à l'histoire de votre pays n'est pas propre à écrire les découvertes du nouveau monde. Vous n'écrirez point sur une ville comme sur un grand empire ; vous ne ferez point la vie d'un particulier comme vous écrirez l'histoire d'Espagne ou d'Angleterre.

Ces regles sont assez connues. Mais l'art de bien écrire l'Histoire sera toujours très-rare. On sait assez qu'il faut un style grave, pur, varié, agréable. Il en est des lois pour écrire l'Histoire comme de celles de tous les arts de l'esprit ; beaucoup de préceptes, & peu de grands artistes. Cet article est de M. de VOLTAIRE.


HISTOIRE NATURELLE L'objet de l'Histoire naturelle est aussi étendu que la nature ; il comprend tous les êtres qui vivent sur la terre, qui s'élevent dans l'air, ou qui restent dans le sein des eaux, tous les êtres qui couvrent la surface de la terre, & tous ceux qui sont cachés dans ses entrailles. L'Histoire naturelle, dans toute son étendue, embrasseroit l'univers entier, puisque les astres, l'air & les météores sont compris dans la nature comme le globe terrestre ; aussi l'un des plus grands philosophes de l'antiquité, Pline, a donné une histoire naturelle sous le titre de l'histoire du monde, historia mundi. Mais plus on a acquis de connoissances, plus on a été porté, & même nécessité, à les diviser en différens genres de Science. Cette division n'est pas toujours exacte, parce que les Sciences ne sont pas si distinctes qu'elles n'ayent des rapports les unes avec les autres ; qu'elles ne s'allient & ne se confondent en plusieurs points, soit dans les généralités, soit dans les détails.

L'Astronomie, qui paroît fort éloignée de l'Histoire naturelle, suivant les idées que l'on a aujourd'hui de ces deux sciences, y tient cependant par la théorie de la terre, & s'en rapprocheroient davantage, si le télescope & les autres lunettes de longue vue pouvoient produire un aussi grand effet que le microscope ; cet instrument merveilleux qui nous fait appercevoir des choses aussi peu à la portée de notre vue par leur petitesse infinie, que celles qui sont à des distances immenses. Enfin, si l'on parvenoit jamais à voir les objets qui composent les planetes assez distinctement pour juger de leur figure, de leur mouvement, de leur changement, de leur forme, &c. on auroit bientôt les rudimens de leur histoire naturelle ; elle seroit sans-doute bien différente de celle de notre globe, mais les connoissances de l'une ne seroient pas infructueuses pour celles de l'autre. Il suffit d'avoir indiqué les rapports que l'Histoire naturelle peut avoir avec l'Astronomie, ce seroit s'occuper d'une chimere que d'insister sur ce sujet : ne sortons pas de notre globe, il a donné lieu à bien d'autres sciences qui tiennent de plus près que l'Astronomie à l'Histoire naturelle, & il n'est pas si aisé de reconnoître les limites qui les en séparent.

Les animaux, les végétaux & les minéraux constituent les trois principales parties de l'Histoire naturelle ; ces parties font l'objet de plusieurs sciences qui dérivent de l'Histoire naturelle, comme les branches d'un arbre sortent du tronc. Observons cet arbre scientifique, & voyons quel degré de force la tige donne à chacune de ses branches.

La description des productions de la nature fait la base de son histoire ; c'est le seul moyen de les faire reconnoître chacune en particulier, & de donner une idée juste de leur conformation. Il y a deux sortes de descriptions ; les unes sont incomplete s, & les autres sont complete s. Dans les premieres, on n'a pour but que de caractériser chaque chose au point de la faire distinguer des autres : cette description n'est qu'une dénomination, le plus souvent fort équivoque, quelque art que l'on emploie pour exprimer les caracteres distinctifs de chaque objet. Les productions de la nature sont trop nombreuses & trop variées ; la plûpart ne different entr'elles que par des nuances si peu sensibles, que l'on ne doit pas espérer de les peindre dans une phrase, ce portrait est le plus souvent infidele. Pour s'en convaincre, il suffit de jetter les yeux sur les systèmes de nomenclature qui ont été faits en Histoire naturelle ; ils sont tous fautifs. Cependant si l'on parcourt les listes des auteurs de ces systèmes, on ne doutera pas qu'ils n'en eussent fait d'exacts, s'il eût été possible de parvenir à ce point de perfection dans les descriptions qui n'ont pour but que la nomenclature, & qui n'embrassent que quelques parties de chaque objet. Les descriptions complete s expriment tous les objets en entier ; & non seulement elles les font reconnoître sans équivoque, mais elles indiquent les rapports qui se trouvent entre leurs parties constituantes.

Dans cette vue, les descriptions comprennent les parties extérieures de chaque objet comme les parties extérieures ; elles expriment, autant qu'il est possible, les proportions de la figure & du poids, les dimensions de l'étendue & toutes les qualités qui peuvent donner une idée juste de la conformation des principales parties de chaque chose. Par de telles descriptions, on peut comparer un objet à un autre, & juger de la ressemblance & de la différence qui se trouvent dans leur conformation ; on peut reconnoître les différens moyens que la nature emploie pour produire le même effet, & l'on parvient à des résultats généraux, qui sont des faits des plus précieux pour l'Histoire naturelle.

Le naturaliste ne considere une chose que pour la comparer aux autres ; il observe par préférence dans chaque chose les caracteres qui la distinguent des autres, & il fait tous ses efforts pour voir la marche de la nature dans ses productions. L'anatomiste au contraire contemple chaque chose en elle-même ; il développe chacune de ses parties pour découvrir les moins apparentes, & il emploie tout son art, afin de reconnoître les premiers agens matériels, & tous les ressorts que la nature emploie pour faire mouvoir les corps animés.

Jusqu'à présent l'Anatomie n'a guere eu d'autre objet que l'homme, c'est sans-doute le principal ; mais le corps humain ne renferme pas tous les modeles du méchanisme de l'économie animale. Il y a dans les animaux des conformations bien différentes de celles de l'homme, ils ont des parties plus développées ; en les comparant les uns aux autres, & en les rapportant tous à l'homme, on connoîtra mieux l'homme en particulier & la méchanique de la nature en général. Ce grand objet est celui de l'Anatomie comparée, qui a un rapport plus immédiat à l'Histoire naturelle que l'Anatomie simple, parce que l'on ne peut tirer de celle-ci que des observations de détail, tandis que l'autre donne des résultats & des faits généraux qui font le corps de l'histoire naturelle des animaux.

La Medecine est une branche de l'Histoire naturelle, qui tire aussi de l'Anatomie une partie de sa substance. L'on n'aura jamais une bonne théorie en Medecine, que l'on ne soit parvenu à faire un corps d'Histoire naturelle, parce que l'on ne connoîtra jamais l'économie animale de l'homme, si l'on ne connoît les différentes conformations des animaux ; & l'on feroit dans la Medecine-pratique des progrès bien plus rapides que l'on n'en a fait jusqu'à présent, en établissant sur les animaux une Medecine comparée, & une Chirurgie comparée comme une Anatomie comparée.

La Botanique est une des principales branches & des plus étendues de l'Histoire naturelle ; mais en parcourant les ouvrages des Botanistes, on voit cette branche amaigrie par un rameau excessif qui lui enleve presque toute sa substance. La nomenclature des plantes, qui n'est qu'une petite partie de leur Histoire naturelle, semble avoit été le principal objet des Botanistes ; ils ne se sont appliqués pour la plûpart, qu'à faire des dénominations. Voyez BOTANIQUE. La signification des noms, & l'explication des termes, sont les préliminaires de toutes les sciences, & ces préliminaires sont peut-être plus nécessaires en Botanique, qu'en toute autre science, parce que le nombre des plantes est si grand, que sans cette précaution, il y auroit nécessairement de l'équivoque & de l'erreur dans l'application de leurs noms. Il seroit donc nécessaire d'avoir en Botanique un vocabulaire qui contînt les noms & les descriptions complete s de toutes les plantes connues, & qui servît d'interprete pour tous les auteurs. Quelque méthode que l'on employât pour l'arrangement d'un tel ouvrage, il seroit plus utile que tous les systèmes qui ont jamais été faits pour la distribution méthodique des plantes. Par le moyen des descriptions complete s que contiendroit ce vocabulaire, l'on seroit assuré d'y trouver le nom de toutes les plantes que l'on auroit sous les yeux ; ce que l'on n'a pas encore pû faire par les méthodes de nomenclature, parce qu'elles ne contiennent que des descriptions incomplete s qui ne suffisent pas pour faire reconnoître toutes les plantes indiquées par ces méthodes. Peut-être aussi ce vocabulaire une fois établi, feroit renoncer les Botanistes à la prétention chimérique de suivre dans leurs systèmes l'ordre inintelligible de la nature, qui ne peut être conçû que par le Créateur.

En réduisant la nomenclature des plantes à ses justes limites, relativement au reste de la Botanique, on verra que le plus difficile & le plus important de cette science n'est pas de nommer les plantes, mais de connoître leurs propriétés, de savoir cultiver les plantes utiles & de détruire celles qui sont nuisibles, d'observer leur conformation & toutes les parties qui concourent à l'économie végétale ; voilà jusqu'où s'étendent la Botanique & l'Histoire naturelle des plantes. Ainsi la Botanique contient une grande partie de la matiere médicale qui est renfermée en entier dans l'Histoire naturelle générale, puisque cette science comprend non-seulement les plantes, mais tous les animaux & tous les minéraux qui ont des vertus medicinales. Ces propriétés sont si précieuses, que les Naturalistes doivent réunir toutes leurs connoissances à celles des Medecins pour les découvrir. Jusqu'à présent, le hasard y a eu plus de part que les lumieres de l'esprit humain ; mais en faisant des tentatives sur les animaux, en les soumettant à l'effet de certaines plantes, on trouveroit dans ces plantes des propriétés utiles aux hommes ; & cette découverte seroit bien moins difficile, si l'on avoit seulement les élémens d'une medecine comparée, établie sur les animaux considérés en état de santé & en état de maladie. Que de nouvelles propriétés n'auroit-on pas encore découvert dans les plantes relativement aux Arts, si les Botanistes avoient employé à les éprouver le tems qu'ils ont passé à les nommer ! Les choses dont les propriétés sont connues, ne peuvent manquer de noms ; les gens de la campagne savent les noms de toutes les plantes qui leur servent ou qui leur nuisent, & ils les connoissent mieux que les Botanistes ; ils sont aussi presque les seuls qui s'occupent de leur culture.

Les premieres idées que l'on a eues de l'Histoire naturelle ont sans-doute été celles de l'Agriculture & de l'éducation des animaux ; on a commencé par cultiver les plantes & par élever les animaux qui pouvoient servir d'alimens. Après s'être pourvu du nécessaire, on s'est appliqué à des recherches qui ont fait naître les sciences ; à force de travaux & de méditations, & à l'aide des siecles, on les a élevées à un haut degré de perfection. Il est surprenant qu'au milieu de tant de découvertes en différens genres, l'Agriculture ait eu peu d'avancement. Voyez BOTANIQUE. On laboure & on seme à peu-près de la même façon depuis plusieurs siecles ; cependant on ne peut pas douter qu'il n'y ait des moyens de labourer & de semer plus fructueusement. L'art de peupler les forêts n'a été bien connu que de nos jours. Quelles recherches peuvent donc être plus importantes que celles qui contribuent à rendre la terre plus féconde, & à multiplier les choses les plus nécessaires aux hommes ! Ces objets sont les plus dignes des Naturalistes, des savans de tout genre, & des bons citoyens ; aussi ne peut-on pas trop applaudir aux travaux de ceux qui s'appliquent à rechercher la nature des terres, à perfectionner la charrue, à conserver les grains, à purifier ou à préserver les semences de la contagion, à élever des forêts, à naturaliser des arbres étrangers, &c.

L'Agriculture a des parties de détail qui méritent l'attention des Botanistes, & qu'ils peuvent perfectionner par les connoissances générales qu'ils ont sur les plantes, avec plus de succès, que les gens qui n'ont que des connoissances bornées chacun dans leur art. La culture des légumes & des arbres fruitiers, l'art des greffes, sont dignes des soins des Botanistes, parce qu'il est possible de varier ces productions, & d'augmenter par la culture, le fond de nos richesses en ce genre. On peut changer les qualités des legumes au point de les rendre meilleurs & différens d'eux-mêmes à quelques égards ; on peut former des fruits qui n'auront jamais paru sur la terre. Les nomenclateurs de Botanique diront : la laitue de Batavia n'est qu'une variété de la laitue sauvage ; la poire cressane n'est qu'une variété de la poire sauvage. Mais ces variétés sont des biens réels dont nous devons être très-reconnoissans envers les hommes laborieux & inventifs qui nous les ont procurés ; tandis que la dénomination caractéristique d'une plante inutile n'est en elle-même qu'une vaine connoissance, & que la définition d'un nouveau genre de plante n'est qu'une chimere.

La culture des fleurs & des arbres d'agrément appartient à la Botanique, comme les autres parties de l'Agriculture, & peut avoir son genre d'utilité réelle indépendamment de l'innocent amusement qu'elle nous procure. Les Fleuristes savent distinguer parmi des tulipes de différentes couleurs, celles dont les semences produiront des tulipes panachées, & ils prévoient les changemens de couleurs qui se feront chaque année dans ces panaches. Si l'on avoit bien réfléchi sur cet ordre successif de teintes naturelles dans les fleurs, si on l'avoit bien observé sur les feuilles du houx & des autres arbres qui ont des feuilles panachées, on pourroit en tirer de nouvelles lumieres pour le mélange des couleurs dans les arts, pour le changement de ces couleurs, la dégradation de leurs teintes, &c. de telles connoissances seroient d'autant plus sures, qu'elles seroient d'accord avec les opérations de la nature. La culture des fleurs exige des soins très-assidus ; il faut être attentif à la nature de chaque plante pour prévenir les maladies auxquelles elle est sujette, & pour l'empêcher de dégénérer ; ainsi l'on est à portée de reconnoître pour ainsi dire, les différentes qualités de leur tempérament, leurs maladies héréditaires, & d'autres particularités de l'économie végétale.

La connoissance de cette économie est le but le plus élevé de la Botanique ; pour y parvenir il a fallu commencer par l'examen détaillé de toutes les parties des plantes ; c'est une sorte d'anatomie plus simple que celle des animaux, mais qui demande des recherches aussi fines & des opérations aussi délicates. De grands observateurs y ont fait des progrès rapides ; l'invention du microscope leur a donné le moyen de découvrir les parties les moins apparentes des végétaux. Par l'exposition anatomique de toutes les plantes, ou au moins de celles qui different entr'elles par leur conformation, on répandroit de nouvelles lumieres sur le méchanisme de la végétation. On a deja fait de grandes découvertes sur le développement des germes, sur l'accroissement des plantes, sur la suction des racines & des feuilles, le cours & l'évaporation de la seve, la reproduction des végétaux, &c. mais il y a encore beaucoup de connoissances à desirer dans toutes les parties de la Botanique. Il faut qu'elles concourent toutes à l'avancement de la science de l'économie végétale ; quoiqu'elle soit moins compliquée que l'économie animale, elle n'a pas encore été mieux développée. Plus ces deux sciences seront avancées, plus on y trouvera de rapport ; on sait déja que les of sont formés par le périoste comme le bois par l'écorce ; on peut comparer la seve des plantes au sang des animaux, ou au moins à la liqueur qui en tient lieu dans ceux qui n'ont point de sang ; les plantes prennent leur nourriture par la succion des racines & des feuilles, comme les animaux par la bouche ou par les suçoirs qui leur servent de bouche ; il se fait dans les plantes des digestions, des sécrétions, des évacuations, &c. elles ont des sexes très-distincts par les organes propres à former, à féconder & à nourrir les embryons qui sont les germes des plantes ; enfin le polype a autant d'analogie avec les plantes qu'avec les animaux.

Les animaux & les végétaux ont beaucoup plus de rapports les uns aux autres, qu'ils n'en ont aux minéraux. La structure de ceux-ci est plus simple, leur substance est moins composée, ainsi il est plus facile de les décrire & de les distinguer les uns des autres pour former le plan de leur Histoire naturelle. Le corps de cette Histoire consiste dans l'explication de la formation des minéraux, & il est inséparable de la théorie de la terre, puisque nous devons le nom de minéral à toutes les parties dont ce globe est composé. L'Histoire naturelle des minéraux comprend encore l'énumération de leurs usages & de leurs propriétés ; mais leur définition exacte ne peut se faire que par le moyen de la Chimie.

Cette science commence au point où l'Histoire naturelle se termine. Le naturaliste recherche toutes les productions de la nature dans son propre sein ; il leve avec précaution le voile qui les couvre ; il les observe d'un oeil attentif sans oser y porter une main téméraire ; s'il est obligé de les toucher, il est toujours dans la crainte de les déformer ; s'il est forcé de pénétrer dans l'intérieur d'un corps, il ne le divise qu'à regret, il n'en rompt l'union que pour en mieux connoître les liens, & pour avoir une idée complete de la structure intérieure aussi-bien que de la forme extérieure. Le chimiste au contraire ne voit les opérations de la nature que dans les procédés de l'art ; il décompose toutes les productions naturelles ; il les dissout, il les brise ; il les soumet à l'action du feu pour déplacer jusqu'aux plus petites molécules dont elles sont composées, pour découvrir leurs élémens & leurs premiers principes.

Heureux le siecle où les sciences sont portées à un assez haut point de perfection pour que chacune des parties de l'Histoire naturelle soit devenue l'objet d'autres sciences qui concourent toutes au bonheur des hommes ; il y a lieu de croire que l'Histoire naturelle a été le principe de toutes ces sciences, & qu'elle a été commencée avant elles ; mais son origine est cachée dans la nuit des tems.

Dans le siecle présent la science de l'Histoire naturelle est plus cultivée qu'elle ne l'a jamais été ; nonseulement la plûpart des gens de lettres en font un objet d'étude ou de délassement, mais il y a de plus un goût pour cette science qui est répandu dans le public, & qui devient chaque jour plus vif & plus général. De tous ceux qui travaillent à l'Histoire naturelle, ou qui s'occupent de ces matériaux, les uns observent les productions de la nature & méditent sur leurs observations : leur objet est de perfectionner la science & de connoître la vérité ; les autres recueillent ces mêmes productions de la nature & les admirent : leur objet est d'étaler toutes ces merveilles, & de les faire admirer. Ceux-ci contribuent peut-être autant à l'avancement de l'Histoire naturelle que les premiers, puisqu'ils rendent les observations plus faciles en rassemblant les productions de la nature dans ces cabinets qui se multiplient de jour en jour, non-seulement dans les villes capitales, mais aussi dans les provinces de tous les états de l'Europe.

Le grand nombre de ces cabinets d'Histoire naturelle prouve manifestement le goût du public pour cette science ; on ne peut les former que par des recherches pénibles & par une dépense considérable, car le prix des curiosités naturelles est actuellement porté à un très-haut point. Un tel emploi du tems & de l'argent suppose le désir de s'instruire en Histoire naturelle, ou au moins de montrer pour cette science un goût qui se soutient par l'exemple & par l'émulation. Dans le siecle dernier & au commencement de notre siecle, il y avoit beaucoup plus de cabinets de médailles qu'à présent ; aujourd'hui on forme des cabinets d'Histoire naturelle par préférence aux cabinets de machines de Physique experimentale. Si ce goût se soutient, peut-être bien des gens aimeront-ils mieux avoir des cabinets d'Histoire naturelle que de grandes bibliotheques. Mais tout a ses vicissitudes, & l'empire de la mode s'étend jusques sur les sciences. Le goût pour les sciences abstraites a succédé au goût pour la science des antiquités ; ensuite la Physique expérimentale a été plus cultivée que les sciences abstraites ; à présent l'Histoire naturelle occupe plus le public que la Physique expérimentale & que toute autre science. Mais le regne de l'Histoire naturelle aura-t-il aussi son terme ?

Cette science durera nécessairement autant que les sciences physiques, puisqu'elle en est la base & qu'elle donne la connoissance de leurs matériaux. Son objet est aussi curieux qu'important ; l'étude de la nature est aussi attrayante que ses productions sont merveilleuses. L'Histoire naturelle est inépuisable ; elle est également propre à exercer les génies les plus élevés, & à servir de délassement & d'amusement aux gens qui sont occupés d'autres choses par devoir, & à ceux qui tâchent d'éviter l'ennui d'une vie oisive ; l'Histoire naturelle les occupe par des recherches amusantes, faciles, intéressantes & variées, & par des lectures aussi agréables qu'instructives. Elle donne de l'exercice au corps & à l'esprit ; nous sommes environnés des productions de la nature, & nous en sommes nous-mêmes la plus belle partie. On peut s'appliquer à l'étude de cette science en tout tems, en tout lieu & à tout âge. Avec tant d'avantages, l'Histoire naturelle une fois connue, doit être toujours en honneur & en vigueur, plus on s'y appliquera, plus son étude sera séduisante ; & cette science fera de grands progrès dans notre siecle, puisque le goût du public y est porté, & que l'exemple & l'émulation se joignent à l'agrément & à l'utilité de l'Histoire naturelle pour assurer son avancement.

Dans les sciences abstraites, par exemple en Métaphysique, un seul homme doué d'un génie supérieur peut avancer à grands pas sans aucun secours étranger, parce qu'il peut tirer de son propre fond les faits & les résultats, les principes & les conséquences qui établissent la science ; mais dans les sciences physiques, & sur-tout en Histoire naturelle, on n'acquiert les faits que par des observations longues & difficiles ; le nombre des faits nécessaires pour cette science surpasse le nombre immense des productions de la nature. Un homme seul est donc incapable d'un si grand travail ; plusieurs hommes durant un siecle, ou tous les contemporains d'une nation entiere n'y suffiroient pas. Ce n'est que par le concours de plusieurs nations dans une suite de siecles, qu'il est possible de rassembler les matériaux de l'Histoire de la nature. Pendant qu'une foule d'observateurs les entassent à l'aide des tems, il paroît quelques grands génies qui en ordonnent la disposition ; mais ils ne se succedent qu'après de longs intervalles. Ces grands hommes sont trop rares ! heureux le siecle qui en produit un dans son cours ! encore le succès de ses méditations dépend-il de la valeur des faits acquis par les observateurs qui l'ont précédé, & le mérite de ses travaux peut être effacé par les observations qui se font dans la suite. Le chef-d'oeuvre de l'esprit humain est de combiner les faits connus, d'en tirer des conséquences justes, & d'imaginer un système conforme aux faits. Ce système paroît être le système de la nature, parce qu'il renferme toutes les connoissances que nous avons de la nature ; mais un fait important nouvellement découvert change les combinaisons, annulle les conséquences, détruit le système précédent, & donne de nouvelles idées pour un nouveau système, dont la solidité dépend encore du nombre ou de l'importance des faits qui en sont la base. Mais il ne faut pas croire que l'on n'aura jamais de système vrai, parce que l'on n'acquerra jamais tous les faits ; les principaux suffisent pour garantir la vérité d'un système, & pour assurer sa durée.

Nous avons en Histoire naturelle d'assez bons ouvrages de descriptions, d'observations & de systèmes, pour fournir à une étude profonde de cette science ; mais il y a beaucoup de choix à faire dans les livres, & il est fort avantageux de suivre une bonne méthode dans l'étude que l'on veut faire, tant par la lecture des livres, que par l'inspection des productions de la nature. On ne connoîtra jamais une nation par la lecture de la meilleure histoire que l'on en puisse faire, aussi-bien que si l'on avoit vécu parmi cette nation, que l'on eût observé par soi-même son génie & ses moeurs, & que l'on eût été témoin de la conduite de son gouvernement. Il en est de même pour l'Histoire naturelle ; les descriptions les plus exactes, les observations les plus fines, les systèmes les plus ingénieux ne donnent pas une idée aussi juste des productions de la nature que la présence des objets réels : mais on ne peut pas tout voir, tout observer, tout méditer. Les Philosophes y suppléent, ils nous guident, ils nous éclairent par des systèmes fondés sur les observations particulieres, & élevés par la force de leur génie. Pour entendre & pour juger ces systèmes, pour en connoître l'erreur ou la vérité, pour s'y représenter le tableau de la nature, il faut avoir vû la nature elle-même. Celui qui la regarde pour la premiere fois avec les yeux du naturaliste, s'étonne du nombre immense de ses productions, & se perd dans leur variété. Qui oseroit entreprendre de visiter toute la surface de la terre pour voir les productions de chaque climat & de chaque pays ? qui pourroit s'engager à descendre dans les profondeurs de toutes les carrieres & de toutes les mines, à monter sur tous les pics les plus élevés, & à parcourir toutes les mers ? De tels obstacles décourageroient les plus entreprenans, & les feroient renoncer à l'étude de l'Histoire naturelle.

Mais on a trouvé le moyen de raccourcir & d'applanir la surface de la terre en faveur des Naturalistes ; on a rassemblé des individus de chaque espece d'animaux & de plantes, & des échantillons des minéraux dans les cabinets d'Histoire naturelle. On y voit des productions de tous les pays du monde, & pour ainsi dire un abregé de la nature entiere. Ses productions s'y présentent en foule aux yeux de l'observateur ; il peut approcher sans peine & sans crainte les animaux les plus sauvages & les plus féroces ; les oiseaux restent immobiles ; les dépouilles des fleuves & des mers sont étalées de toutes parts ; on apperçoit jusqu'aux plus petits insectes ; on découvre la conformation intérieure des animaux en considérant les squeletes & d'autres parties internes de leur corps ; on voit en même tems les racines, les feuilles, les fleurs, les fruits & les semences des plantes ; on a tiré les minéraux du sein de la terre pour les mettre en évidence. Quiconque est animé du désir de s'instruire, doit à cet aspect se trouver heureux de vivre dans un siecle si favorable aux sciences, & il se sentira pénétrer d'une nouvelle ardeur pour l'Histoire de la nature.

On peut prendre les premieres notions de cette science dans les cabinets d'Histoire naturelle ; mais on n'y acquerra jamais des connoissances complete s, parce que l'on n'y voit pas la nature vivante & agissante. Quelque apprêt que l'on donne aux cadavres des animaux ou à leurs dépouilles, ils ne sont plus qu'une foible représentation des animaux vivans. Peut-on comparer des plantes desséchées à celles qui font l'ornement de nos campagnes par la beauté de leurs feuillages, de leurs fleurs & de leurs fruits ? Les minéraux se soutiennent mieux dans les cabinets que les végétaux & les animaux ; mais il n'y a qu'une si petite portion de chaque minéral que l'on ne peut pas juger du volume immense des pierres, des terres, des matieres métalliques, &c. ni de leur position, ni de leur mélange. Le naturaliste ne peut donc voir dans les cabinets d'Histoire naturelle qu'une esquisse de la nature ; mais elle suffit pour lui donner les vues, & lui indiquer les objets de ses recherches. Après les avoir considérés dans les cabinets, il est à propos de lire dans un ouvrage choisi leur description & leur histoire avant que d'aller observer chaque objet dans le sein de la nature ; cette étude préliminaire facilite l'observation, & fait appercevoir bien des choses qui échapperoient à une premiere vue. Lorsque l'on a observé quelques objets dans leur entier & dans le lieu qui leur est propre, il faut reprendre les livres, & lire une seconde fois les articles qui ont rapport aux choses que l'on vient de voir ; à cette seconde lecture, on est plus en état d'entendre le vrai sens des endroits qui paroissoient obscurs ou équivoques. Ensuite, en rentrant dans les cabinets, on acquiert encore de nouvelles lumieres sur les mêmes choses ; on peut les y voir présentées ou préparées de façon à faire appercevoir des qualités qui ne sont pas apparentes dans l'état naturel & dans le lieu originaire. Enfin, c'est ce lieu qu'il faut fréquenter par préférence le plus souvent qu'il sera possible, pour voir la même chose en différens tems, sous différens aspects, & avec des vues différentes relativement à la chose que l'on a pour objet, & à celles qui y sont mêlées, ou qui l'environnent.

Les principaux faits de l'Histoire naturelle sont établis sur les rapports que les choses ont entr'elles, sur les différences & sur les ressemblances qui se trouvent entre les productions de la nature. Le naturaliste doit les comparer les unes aux autres, en observant leurs propriétés & leur conformation ; les éloigner ou les rapprocher les unes des autres pour reconnoître la substance & la forme essentielle & caractéristique de chaque être matériel. Il ne peut atteindre à son objet qu'en faisant des combinaisons longues & difficiles, qui seront toujours fautives s'il n'y fait entrer pour élémens tous les rapports qu'une production de la nature a avec toutes les autres productions. Ces combinaisons font l'objet des méditations des Naturalistes, & déterminent la méthode particuliere que chaque auteur se prescrit dans la composition de ses livres, & l'ordre que l'on suit pour l'arrangement d'un cabinet d'Histoire naturelle. Mais cet art de combiner & cet ordre méthodique mal conçus, sont un écueil que les commençans évitent difficilement, & dont ils ne se retirent qu'à grande peine, lorsqu'ils s'y sont une fois engagés. Cet écueil a un puissant attrait ; on veut tracer dans un livre l'ordre de la nature & les nuances de ses productions ; en les distribuant dans un cabinet, on prétend suivre cet ordre, & se conformer au système naturel ; on se croit arrivé au plus haut point de perfection ; & en effet on y seroit parvenu, si ce système étoit vrayement conforme à celui de la nature. Je ne sais si l'esprit humain est capable d'une telle découverte, au moins elle paroît encore bien éloignée. On n'a fait jusqu'à présent qu'une très-petite partie des observations qui doivent la précéder ; on s'est contenté de combiner les caracteres tirés des différences & des ressemblances qui se trouvent entre des productions de la nature considérées dans une seule de leurs parties constituantes ou de leurs propriétés, & on a fait en conséquence des divisions & des distributions méthodiques de toutes les productions de la nature, tandis qu'il faudroit observer chacun de ces êtres en entier & dans chacune de ses parties, les comparer entr'eux à tous égards, & faire toute la suite de combinaisons nécessaires pour avoir des résultats généraux qui embrasseroient & qui manifesteroient l'ordre de la nature. Voyez METHODE.

Toute division méthodique, qui n'est fondée que sur les résultats particuliers, est donc fautive, & peut être démentie par de nouvelles combinaisons plus étendues & par des résultats plus généraux. On ne peut pas trop s'en défier dans l'étude de l'Histoire naturelle, soit à la lecture des livres, soit à la vue des cabinets ; ils ne nous présentent qu'un tableau mal composé, puisque les objets de la nature y sont mal distribués. Cependant c'est déja un grand avantage de voir ces objets rassemblés ; & leur distribution, quoique mauvaise au fond, tient à des combinaisons & à des résultats qui apprennent les rapports que quelques parties de certaines productions de la nature ont entr'elles. D'ailleurs, ces divisions méthodiques soulagent la mémoire, & semblent débrouiller le cahos que forment les objets de la nature, lorsqu'on les regarde confusément ; mais il ne faut jamais oublier que ces systèmes ne sont fondés que sur les conventions arbitraires des hommes ; qu'ils ne sont pas d'accord avec les lois invariables de la nature. Si on les suivoit avec une confiance aveugle, ils induiroient en erreur à chaque pas ; ils ne sont que des guides infideles, dont on doit s'écarter dès que l'on a acquis assez de lumieres pour se conduire soi-même.




HISTOIRE DES MALADIES (Medecine) c'est la partie la plus importante de la doctrine de la Medecine, qui consiste dans la description de tous les symptomes évidens, essentiels, qui ont précédé, qui accompagnent & qui suivent chaque espece de maladie, observés exactement dans l'individu qui en est affecté.

Cette description doit aussi renfermer tout ce qui a rapport à l'état du malade, comparé avec son âge, son sexe, son tempérament, celui de ses parens, la saison de l'année, la température de l'air, la nature du climat où il vit ; celles des alimens, des eaux, dont il use habituellement, de la situation particuliere du lieu qu'il habite, & des maladies qui y régnent.

Ce n'est que sur une semblable exposition bien exacte que peut être fondée la science expérimentale du medecin. Ce n'est que par la connoissance de toutes ces circonstances qu'il parvient à bien distinguer une maladie d'avec une autre ; à se mettre au fait de la marche de la nature dans le cours des différentes maladies ; à former des raisonnemens pour parvenir à bien connoître leurs causes ; à tirer de ces différentes connoissances, les indices qui servent à l'éclairer dans le jugement qu'il peut porter de l'évenement qui terminera la maladie ; à en déduire les indications qu'il doit remplir pour son traitement, afin d'en procurer aussi promtement, aussi sûrement, & avec aussi peu de desagrément qu'il est possible, la guérison desirée, si le cas en est susceptible ; ou de n'entreprendre qu'une cure palliative, si on peut en espérer quelque avantage, & qu'elle soit plus convenable que de s'abstenir absolument de tous remedes de conséquence, ainsi qu'il est souvent très-prudent de le faire.

En effet, on doit déclarer la maladie incurable, dès qu'on est bien fondé à la regarder comme telle, & se borner à conserver la vie, lorsqu'on ne peut pas rétablir la santé, & à procurer du soulagement, en attendant que la mort fournisse le moyen (que l'on doit saisir autant qu'il est possible, pour rendre complete l'histoire des maladies qui en sont susceptibles) de comparer par l'inspection anatomique des cadavres, les effets apparens de la maladie avec ceux qu'elle a produits dans la disposition des organes cachés, d'où on puisse tirer de nouvelles connoissances qui établissent des signes diagnostics, prognostics, indicans, que l'on n'avoit pas, ou que l'on ne connoissoit qu'imparfaitement avant ces recherches, relativement au cas dont il s'agit.

Ce ne peut être qu'en suivant ce plan d'après Hippocrate, & les seuls vrais maîtres de l'art qui ont marché sur ses traces, que les Medecins peuvent se flater de travailler d'une maniere véritablement utile à l'avancement de l'art de guérir, de parvenir à se procurer des succès distingués & mérités dans l'exercice de leur profession, & de se rendre recommandables à la postérité, en l'enrichissant du recueil de leurs observations. Voyez MALADIE, CURE, MEDECINE, OBSERVATION.


HISTORIOGRAPHES. m. (Gramm. & Hist. mod.) celui qui écrit ou qui a écrit l'Histoire. Ce mot a été fait pour désigner cette classe particuliere d'auteurs ; mais on l'emploie plus communément comme le titre d'un homme qui a mérité par son talent, son intégrité & son jugement, le choix du gouvernement pour transmettre à la postérité les grands événemens du regne présent. Boileau & Racine furent nommés historiographes sous Louis XIV. M. de Voltaire leur a succédé à cette importante fonction sous le regne de Louis XV. Cet homme extraordinaire, appellé à la cour d'un prince étranger, a laissé cette place vacante, qu'on a accordée à M. Duclos, secrétaire de l'académie Françoise. Racine & Boileau n'ont rien fait. M. de Voltaire a écrit l'histoire du siecle de Louis XV. Je ne doute point que M. Duclos ne laisse à la posterité des mémoires dignes des choses extraordinaires qui se sont passées de son tems.


HISTORIQUEadj. (Gramm.) qui appartient à l'Histoire. Il s'oppose à fabuleux. On dit les tems historiques, les tems fabuleux. On dit encore un ouvrage historique ; la peinture historique est celle qui représente un fait réel, une action prise de l'Histoire, ou même plus généralement une action qui se passe entre des hommes ; que cette action soit réelle, ou qu'elle soit d'imagination, il n'importe. Ici le mot historique distingue une classe de peintre & un genre de peinture.


HISTRIONS. m. (Hist. rom.) farceur, baladin d'Etrurie. On fit venir à Rome des histrions de ce pays-là vers l'an 391 pour les jeux scéniques ; Tite-Live nous l'apprend, dec. I. liv. VII.

Les Romains ne connoissoient que les jeux du cirque, quand on institua ceux du théatre, où des baladins, qu'on appella d'Etrurie, danserent avec assez de gravité, à la mode de leur pays & au son de la flûte sur un simple échafaud de planches. On nomma ces acteurs histrions, parce qu'en langue toscane un farceur s'appelloit hister, & ce nom resta toujours depuis aux comédiens.

Ces histrions, après avoir pendant quelque tems joint à leurs danses toscanes la récitation de vers assez grossiers, & faits sur le champ, comme pourroient être les vers Fescennins, se formerent en troupes, & réciterent des pieces appellées satyres, qui avoient une musique réguliere, au son des flûtes, & qui étoient accompagnées de danses & de mouvemens convenables. Ces farces informes durerent encore 220 ans, jusqu'à l'an de Rome 514 que le poëte Andronicus fit jouer la premiere piece réglée, c'est-à-dire, qui eut un sujet suivi ; & ce spectacle ayant paru plus noble & plus parfait, on y accourut en foule. Ce sont donc les histrions d'Etrurie qui donnerent lieu à l'origine des pieces de théatre de Rome ; elles sortirent des choeurs de danseurs étrusques. (D.J.)


HITou HYETH, (Géog.) ville maritime d'Angleterre, dans la province de Kent ; c'est un des huit ports qui ont de grands privileges, & dont les députés au parlement sont appellés barons des cinq ports, parce qu'originairement on n'en comptoit que cinq. Il paroît que les Romains l'ont connu sous le nom de portus Lemanis, & ils y avoient fait une voie militaire qui alloit de cet endroit à Cantorbéry ; mais aujourd'hui ce port est comme abandonné, parce que les sables l'ont presque rempli. Long. 18. 48. lat. 51. 6. (D.J.)


HIVERS. m. (Physiq. & Astrono.) l'une des quatre saisons de l'année. Voyez SAISON.

L'hiver commence le jour que le soleil est le plus éloigné du zénith, & finit lorsque la distance du soleil au zénith est moyenne entre la plus grande & la plus petite. Quel que soit le froid que nous ressentons dans cette saison, il est cependant prouvé par l'Astronomie, que le soleil est plus proche de la terre en hiver qu'en été. On trouvera aux articles CHALEUR, FROID, la cause de la diminution de la chaleur en hiver.

Sous l'équateur, l'hiver ainsi que les autres saisons, revient deux sois chaque année ; mais dans tous les autres lieux de la terre on n'a jamais qu'un seul hiver par an, & cet hiver pour l'hémisphere boréal arrive lorsque le soleil est dans le tropique du capricorne, & pour l'autre hémisphere, lorsque le soleil est dans le tropique du cancer ; ensorte que tous les habitans d'un même hémisphere ont l'hiver en même tems, & que les habitans d'un hémisphere ont l'hiver pendant que les autres ont l'été. Le jour du solstice d'hiver, qui tombe vers le 20 Décembre, est le plus court jour de l'année. Depuis ce jour jusqu'au commencement du printems, les jours vont en croissant, & cependant sont plus courts que les nuits, & cette double propriété des jours caractérise particulierement l'hiver. (O)

HIVER, (Iconograph.) cette saison, ainsi que les autres, se voit caractérisée sur les anciens monumens. C'est ordinairement chez les Grecs par des femmes, & chez les Romains par de jeunes hommes qui ont des aîles, que chaque saison est personnifiée, avec les attributs qui lui conviennent.

Sur un tombeau de marbre antique, découvert dans des ruines près d'Athènes, l'Hiver est représenté sous la figure d'une femme, dont la tête est couverte avec un pan de sa robe ; le génie, qui est à côté d'elle, est bien habillé, & tient pour tout symbole un liévre, parce que la chasse est alors le seul exercice de la campagne. Par d'autres monumens, l'hiver est désigné par un jeune garçon bien vêtu, bien chaussé, portant sur sa tête une couronne de rameaux sans feuilles, & tenant à la main des fruits ridés, ou des oiseaux aquatiques, comme des oies, des canards, &c. Voyez SAISONS. (Iconog.)

Quelques modernes, qui ont crû faire des merveilles de s'éloigner de la simplicité de l'antique, représentent l'hiver sous la figure d'un vieillard qui se chauffe ; ou d'un homme couvert de glaçons, avec la barbe & les cheveux d'une grande blancheur, & dormant dans une grotte ; ou finalement, sous la forme d'une femme vêtue d'habit doublés d'une peau de mouton, & assise auprès d'un grand feu. (D.J.)


HIVERNERv. neut. c'est passer l'hiver. Il se dit d'une troupe ; il se dit aussi d'un vaisseau : ce vaisseau a hiverné dans tel port.


HIZACKER(Géog.) ville d'Allemagne, dans le comté de Danneberg, au duché de Hannover.


HIZREVITEou HEREVITES, sub. masc. pl. (Hist. mod.) sortes de religieux mahométans, de leur fondateur Hiszr ou Herevi, qu'on dit avoir été un fameux chimiste qui possédoit le grand oeuvre. Il pratiquoit aussi des abstinences & autres austérités que ses sectateurs ne se piquent pas d'imiter. Ils ont un monastere à Constantinople. Ricaut, de l'empire ottoman. (G)


HOinterject. (Gram.) c'est une voix admirative. Ho, quel homme ! quel coup ! quel ouvrage ! Elle est quelquefois aussi d'improbation, d'avertissement, d'étonnement ou de menace : Ho, ho, c'est ainsi que vous en usez avec moi ! ho, il n'en ira pas comme cela ! Il y a des cas où elle appelle : hola, ho, ici quelqu'un ?


HOLOLO, LOLO, s. m. (Vénerie) cri du valet de limier, le matin quand il va au bois : c'est ainsi qu'il excite son chien à tirer devant & se rabattre des bêtes qui passeront ; il traîne beaucoup la derniere syllabe.


HOAKOS. m. (Botan.) c'est une herbe qui croît à la Chine sur le mont de Pochung, près de la ville de Cin, & à laquelle on attache la propriété funeste de rendre stériles les femmes qui en goûtent. Les auteurs qui en ont fait mention, n'en ont pas donné des descriptions.


HOAMHou HOANGSO, (Géog.) une des plus grandes rivieres du monde ; elle a sa source à 23 deg. de lat. sur les confins du Tongut & de la Chine, dans un grand lac enclavé dans les hautes montagnes qui séparent ces deux états ; courant de-là vers le nord, elle cotoye les frontieres de la province de Xiensi & du Tongut jusqu'à 37 degrés de latitude, arrose le Tibet, passe la grande muraille vers les 38 degrés de latitude, se dégorge enfin dans l'océan de la Chine après un cours de plus de 500 lieues d'Allemagne : ses eaux sont troubles, & tirent sur le jaune-brun ; elles prennent cette mauvaise qualité du salpêtre, dont les montagnes que cette riviere baigne au-dehors de la grande muraille sont remplies ; c'est à cause de cette couleur jaune-brune qu'elle porte le nom d'Hoangso ou Hoamho ; elle fait dans son cours des ravages épouvantables, dont les Chinois n'ont eu que trop souvent de tristes expériences. Voyez sur le cours de ce fleuve la grande carte de la grande Tartarie de M. Witsen. (D.J.)


HOANG(Géog.) le plus grand fleuve de la Chine ; il a sa source dans un lac situé environ à quinze lieues de celui de Chiamai vers l'orient. Il coule, dit Witsen, du couchant au levant entre le royaume de Torgat & l'Inde de-là le Gange jusqu'à la Chine ; d'où se portant vers le nord, il sépare le Tongut de la province de Xiensi, traverse cette province, passe la fameuse muraille de la Chine, va dans le desert de Zamo en Tartarie, se recourbe vers le midi, repasse la muraille, sépare le Xansi du Xanti, baigne l'Honan, le Xantung, le Nanghking, & se décharge dans le golfe de ce nom. Les Chinois ont joint le Hoang au golfe de Cang par un canal qui commence dans le Nanghking, coupe le Xantung, une partie de la province de Peking, & se termine au fond du golfe de Cang.


HOANGEIOS. m. (Ornith.) petit oiseau qui se trouve dans le Chekiang à la Chine. On ne nous l'a point décrit ; on nous apprend seulement que les habitans le trempent dans leur vin de ris, & en font un mets commun.


HOANGEIOYUS. m. (Ornith.) oiseau aquatique de la province de Quantung à la Chine. En été, il habite les montagnes ; en hiver, il se retire dans la mer où l'on le prend aux filets : sa chair passe pour fort délicate : sur le peu que l'on nous a transmis de sa description, il paroît que le hoangeioyu est amphibie, moitié poisson, moitié oiseau.


HOATCHÉS. m. (Hist. nat. Commerce) c'est le nom que les Chinois donnent à une terre très-blanche, extrêmement fine, douce, & comme savonneuse au toucher, qu'ils emploient seule à une porcelaine dont on fait un très-grand cas chez eux, & qui est plus estimée que celle qui se fait avec le kaolin & le petuntsé, qui sont les ingrédiens de la porcelaine ordinaire de la Chine. Par les échantillons qui ont été apportés de la Chine, il paroît que le hoatché n'est autre chose qu'une terre bolaire & argilleuse très-blanche, très-fine, douce au toucher comme du savon ; en un mot, qui a toutes les propriétés & les caracteres de la terre cimolée des anciens. Voyez CIMOLEE. En s'en donnant la peine, on trouveroit en France & ailleurs des terres qui, préparées convenablement, serviroient avec succès aux mêmes usages. Voyez l'article PORCELAINE.

Les medecins chinois ordonnent dans de certains cas le hoatché, de même que les nôtres ordonnent les terres bolaires. (-)


HOBALS. m. (Myth.) idole des anciens Arabes. On la voyoit entourée de 360 autres plus petites, qui présidoient à chaque jour de l'année. Mahomet détruisit son culte dans la Mecque lorsqu'il s'en fut rendu maître.


HOBBISMEou PHILOSOPHIE D'HOBBES, (Hist. de la Philos. anc. & moderne) Nous diviserons cet article en deux parties ; dans la premiere, nous donnerons un abrégé de la vie de Hobbes ; dans la seconde, nous exposerons les principes fondamentaux de sa philosophie.

Thomas Hobbes naquit en Angleterre, à Malmesbury, le 5 Avril 1588 ; son pere étoit un ecclésiastique obscur de ce lieu. La flotte que Philippe II. roi d'Espagne avoit envoyée contre les Anglois, & qui fut détruite par les vents, tenoit alors la nation dans une consternation générale. Les couches de la mere de Hobbes en furent accélérées ; & elle mit au monde cet enfant avant terme.

On l'appliqua de bonne heure à l'étude ; malgré la foiblesse de sa santé, il surmonta avec une facilité surprenante les difficultés des langues savantes, & il avoit traduit en vers latins la Médée d'Euripide, dans un âge où les autres enfans connoissent à peine le nom de cet auteur.

On l'envoya à quatorze ans à l'université d'Oxford, où il fit ce que nous appellons la philosophie ; delà il passa dans la maison de Guillaume Cavendish, baron de Hardwick & peu de tems après comte de Devonshire, qui lui confia l'éducation de son fils aîné.

La douceur de son caractere & les progrès de son éleve le rendirent cher à toute la famille, qui le choisit pour accompagner le jeune comte dans ses voyages. Il parcourut la France & l'Italie, recherchant le commerce des hommes célebres, & étudiant les lois, les usages, les coûtumes, les moeurs, le génie, la constitution, les intérêts & les goûts de ces deux nations.

De retour en Angleterre, il se livra tout entier à la culture des lettres & aux méditations de la Philosophie. Il avoit pris en aversion & les choses qu'on enseignoit dans les écoles, & la maniere de les enseigner. Il n'y voyoit aucune application à la conduite générale ou particuliere des hommes. La logique & la métaphysique des Péripatéticiens ne lui paroissoit qu'un tissu de niaiseries difficiles ; leur morale, qu'un sujet de disputes vuides de sens, & leur physique, que des réveries sur la nature & ses phénomenes.

Avide d'une pâture plus solide, il revint à la lecture des anciens ; il dévora leurs philosophes, leurs poëtes, leurs orateurs & leurs historiens : ce fut alors qu'on le présenta au chancelier Bacon,qui l'admit dans la société des grands hommes dont il étoit environné. Le gouvernement commençoit à pancher vers la démocratie ; & notre philosophe effrayé des maux qui accompagnent toûjours les grandes révolutions, jetta les fondemens de son système politique ; il croyoit de bonne-foi que la voix d'un philosophe pouvoit se faire entendre au milieu des clameurs d'un peuple rébelle.

Il se repaissoit de cette idée aussi séduisante que vaine ; & il écrivoit, lorsqu'il perdit, dans la personne de son éleve, son protecteur & son ami : il avoit alors quarante ans, tems où l'on pense à l'avenir. Il étoit sans fortune ; un moment avoit renversé toutes ses espérances. Gervaise Clifton le sollicitoit de suivre son fils dans ses voyages, & il y consentit : il se chargea ensuite de l'éducation d'un fils de la comtesse de Devonshire avec lequel il revit encore la France & l'Italie.

C'est au milieu de ces distractions qu'il s'instruisit dans les Mathématiques, qu'il regardoit comme les seules sciences capables d'affermir le jugement ; il pensoit déjà que tout s'exécute par des lois méchaniques, & que c'étoit dans les propriétés seules de la matiere & du mouvement qu'il falloit chercher la raison des phénomenes des corps brutes & des êtres organisés.

A l'étude des Mathématiques il fit succéder celle de l'Histoire naturelle & de la Physique expérimentale ; il étoit alors à Paris, où il se lia avec Gassendi qui travailloit à rappeller de l'oubli la philosophie d'Epicure. Un système où l'on explique tout par du mouvement & des atomes ne pouvoit manquer de plaire à Hobbes ; il l'adopta, & en étendit l'application des phénomenes de la nature aux sensations & aux idées. Gassendi disoit d'Hobbes qu'il ne connoissoit guère d'ame plus intrépide, d'esprit plus libre de préjugés, d'homme qui pénétrât plus profondement dans les choses : & l'historien d'Hobbes a dit du pere Mersenne, que son état de religieux ne l'avoit point empêché de chérir le philosophe de Malmesbury, ni de rendre justice aux moeurs & aux talens de cet homme, quelque différence qu'il y eût entre leur communion & leurs principes.

Ce fut alors qu'Hobbes publia son livre du Citoyen ; l'accueil que cet ouvrage reçut du public, & les conseils de ses amis, l'attacherent à l'étude de l'homme & des moeurs.

Ce sujet intéressant l'occupoit lorsqu'il partit pour l'Italie. Il fit connoissance à Pise avec le célebre Galilée. L'amitié fut étroite & promte entre ces deux hommes. La persécution acheva de resserrer dans la suite les liens qui les unissoient.

Les troubles qui devoient bien-tôt arroser de sang l'Angleterre, étoient sur le point d'éclater. Ce fut dans ces circonstances qu'il publia son Léviathan : cet ouvrage fit grand bruit, c'est-à-dire qu'il eut peu de lecteurs, quelques défenseurs, & beaucoup d'ennemis. Hobbes y disoit : " Point de sûreté sans la paix ; point de paix sans un pouvoir absolu ; point de pouvoir absolu sans les armes ; point d'armes sans impôts ; & la crainte des armes n'établira point la paix, si une crainte plus terrible que celle de la mort excite les esprits. Or telle est la crainte de la damnation éternelle. Un peuple sage commencera donc par convenir des choses nécessaires au salut ". Sine pace impossibilem esse incolumitatem ; sine imperio pacem ; sine armis imperium ; sine opibus in unam manum collatis, nihil valent arma ; neque metu armorum quicquam ad pacem proficere illos, quos ad pugnandum concitat malum morte magis formidandum. Nempe dum consensum non sit de iis rebus quae ad felicitatem aeternam necessariae credantur, pacem inter cives esse non posse.

Tandis que des hommes de sang faisoient retentir les temples de la doctrine meurtriere des rois, distribuoient des poignards aux citoyens pour s'entr'égorger, & prêchoient la rebellion & la rupture du pacte civil, un philosophe leur disoit : " Mes amis, mes concitoyens, écoutez-moi : ce n'est point votre admiration, ni vos éloges que je recherche ; c'est de votre bien, c'est de vous-même que je m'occupe. Je voudrois vous éclairer sur des vérités qui vous épargneroient des crimes : je voudrois que vous conçussiez que tout a ses inconvéniens, & que ceux de votre gouvernement sont bien moindres que les maux que vous vous préparez. Je souffre avec impatience que des hommes ambitieux vous abusent & cherchent à cimenter leur élévation de votre sang. Vous avez une ville & des lois ; est-ce d'après les suggestions de quelques particuliers ou d'après votre bonheur commun que vous devez estimer la justice de vos démarches ? Mes amis, mes concitoyens, arrêtez, considérez les choses, & vous verrez que ceux qui prétendent se soustraire à l'autorité civile, écarter d'eux la portion du fardeau public, & cependant jouir de la ville, en être défendus, protégés & vivre tranquilles à l'ombre de ses remparts, ne sont point vos concitoyens, mais vos ennemis ; & vous ne croirez point stupidement ce qu'ils ont l'impudence & la témérité de vous annoncer publiquement ou en secret, comme la volonté du ciel & la parole de Dieu ". Feci non eo consilio ut laudarer, sed vestri causâ, qui cum doctrinam quam affero, cognitam & perspectam haberetis, sperabam fore ut aliqua incommoda in re familiari, quoniam res humanae sine incommodo esse non possunt, aequo animo ferre, quam reipublicae statum conturbare malletis. Ut justitiam earum rerum, quas facere cogitatis, non sermone vel concilio privatorum, sed legibus civitatis metientes, non ampliùs sanguine vestro ad suam potentiam ambitiosos homines abuti pateremini. Ut statu praesenti, licet non optimo, vos ipsos frui, quam bello excitato, vobis interfectis, vel aetate consumptis, alios homines alio saeculo statum habere reformatiorem satius duceretis. Praeterea qui magistratui civili subditos sese esse nolunt, onerumque publicorum immunes esse volunt, in civitate tamen esse, atque ab eâ protegi & vi & injuriis postulant, ne illos cives, sed hostes exploratoresque putaretis ; neque omnia quae illi pro verbo Dei vobis vel palam, vel secretò proponunt, temerè reciperetis.

Il ajoûte les choses les plus fortes contre les parricides, qui rompent le lien qui attache le peuple à son roi, & le roi à son peuple, & qui osent avancer qu'un souverain soumis aux lois comme un simple sujet, plus coupable encore par leur infraction, peut être jugé & condamné.

Le citoyen & le léviathan tomberent entre les mains de Descartes, qui y reconnut du premier coup-d'oeil le zele d'un citoyen fortement attaché à son roi & à sa patrie, & la haine de la sédition & des séditieux.

Quoi de plus naturel à l'homme de lettres, au philosophe, que les dispositions pacifiques ? Qui est celui d'entre nous qui ignore que point de philosophie sans repos, point de repos sans paix, point de paix sans soumission au-dedans, & sans crédit au-dehors ?

Cependant le parlement étoit divisé d'avec la cour, & le feu de la guerre civile s'allumoit de toutes parts. Hobbes, défenseur de la majesté souveraine, encourut la haine des démocrates. Alors voyant les lois foulées aux piés, le trône chancelant, les hommes entraînés comme par un vertige général aux actions les plus atroces, il pensa que la nature humaine étoit mauvaise, & de-là toute sa fable ou son histoire de l'état de nature. Les circonstances firent sa philosophie : il prit quelques accidens momentanés pour les regles invariables de la nature, & il devint l'aggresseur de l'humanité & l'apologiste de la tyrannie.

Cependant au mois de Novembre 1611, il y eut une assemblée générale de la nation : on en espéroit tout pour le roi : on se trompa ; les esprits s'aigrirent de plus en plus, & Hobbes ne se crut plus en sûreté.

Il se retire en France, il y retrouve ses amis, il en est accueilli ; il s'occupe de physique, de mathématique, de philosophie, de belles-lettres & de politique : le cardinal de Richelieu étoit à la tête du ministere, & sa grande ame échauffoit toutes les autres.

Mersenne qui étoit comme un centre commun où aboutissoient tous les fils qui lioient les philosophes entr'eux, met le philosophe anglois en correspondance avec Descarte. Deux esprits aussi impérieux n'étoient pas faits pour être long-tems d'accord. Descartes venoit de proposer ses lois du mouvement. Hobbes les attaqua. Descartes avoit envoyé à Mersenne ses méditations sur l'esprit, la matiere, Dieu, l'ame humaine, & les autres points les plus importans de la Métaphysique. On les communiqua à Hobbes, qui étoit bien éloigné de convenir que la matiere étoit incapable de penser. Descartes avoit dit : " Je pense, donc je suis ". Hobbes disoit : " Je pense, donc la matiere peut penser ". Ex hoc primo axiomate quod Cartesius statuminaverat, ego cogito, ergo sum, concludebat rem cogitantem esse corporeum quid. Il objectoit encore à son adversaire que quel que fût le sujet de la pensée, il ne se présentoit jamais à l'entendement que sous une forme corporelle.

Malgré la hardiesse de sa philosophie, il vivoit à Paris tranquille ; & lorsqu'il fut question de donner au prince de Galles un maître de Mathématique, ce fut lui qu'on choisit parmi un grand nombre d'autres qui envioient la même place.

Il eut une autre querelle philosophique avec Bramhall, évêque de Derry. Ils s'étoient entretenus ensemble chez l'évêque de Neucastle, de la liberté, de la nécessité, du destin & de son effet sur les actions humaines. Bramhall envoya à Hobbes une dissertation manuscrite sur cette matiere. Hobbes y répondit : il avoit exigé que sa réponse ne fût point publiée, de peur que les esprits peu familiarisés avec ses principes n'en fussent effarouchés. Bramhall répliqua. Hobbes ne demeura pas en reste avec son antagoniste. Cependant les pieces de cette dispute parurent, & produisirent l'effet que Hobbes en craignoit. On y lisoit que c'étoit au souverain à prescrire aux peuples ce qu'il falloit croire de Dieu & des choses divines ; que Dieu ne devoit être appellé juste, qu'en ce qu'il n'y avoit aucun être plus puissant qui pût lui commander, le contraindre & le punir de sa desobéissance ; que son droit de régner & de punir n'étoit fondé que sur l'irrésistibilité de sa puissance ; qu'ôté cette condition, ensorte qu'un seul ou tous réunis pussent le contraindre, ce droit se réduisoit à rien ; qu'il n'étoit pas plus la cause des bonnes actions que des mauvaises, mais que c'est par sa volonté seule qu'elles sont mauvaises ou bonnes, & qu'il peut rendre coupable celui qui ne l'est point, & punir & damner sans injustice celui même qui n'a pas pêché.

Toutes ces idées sur la souveraineté & la justice de Dieu, sont les mêmes que celles qu'il établissoit sur la souveraineté & la justice des rois. Il les avoit transportées du temporel au spirituel ; & les Théologiens en concluoient que, selon lui, il n'y avoit ni justice ni injustice absolue ; que les actions ne plaisent pas à Dieu parce qu'elles sont bien, mais qu'elles sont bien parce qu'il lui plaît, & que la vertu tant dans ce monde que dans l'autre, consiste à faire la volonté du plus fort qui commande, & à qui on ne peut s'opposer avec avantage.

En 1649, il fut attaqué d'une fievre dangereuse ; le pere Mersenne, que l'amitié avoit attaché à côté de son lit, crut devoir lui parler alors de l'Eglise Catholique & de son autorité. " Mon pere, lui répondit Hobbes, je n'ai pas attendu ce moment pour penser à cela, & je ne suis guere en état d'en disputer ; vous avez des choses plus agréables à me dire. Y a-t-il long-tems que vous n'avez vû Gassendi ? " Mi pater, haec omnia jamdudum mecum disputavi, eadem disputare nunc molestum erit ; habes quae dicas amoeniora. Quando vidisti Gassendum ? Le bon religieux conçut que le philosophe étoit résolu de mourir dans la religion de son pays, ne le pressa pas davantage, & Hobbes fut administré selon le rit de l'église anglicane.

Il guérit de cette maladie, & l'année suivante il publia ses traités de la nature humaine, & du corps politique. Sethus Wardus, célebre professeur en Astronomie à Savilien, & dans la suite évêque de Salisbury, publia contre lui une espece de satyre, où l'on ne voit qu'une chose, c'est que cet homme quelqu'habile qu'il fût d'ailleurs, réfutoit une philosophie qu'il n'entendoit pas, & croyoit remplacer de bonnes raisons par de mauvaises plaisanteries. Richard Steele, qui se connoissoit en ouvrage de littérature & de philosophie, regardoit ces derniers comme les plus parfaits que notre philosophe eût composés.

Cependant à mesure qu'il acquéroit de la réputation, il perdoit de son repos ; les imputations se multiplioient de toutes parts ; on l'accusa d'avoir passé du parti du roi dans celui de l'usurpateur. Cette calomnie prit faveur ; il ne se crut pas en sûreté à Paris, où ses ennemis pouvoient tout, & il retourna en Angleterre où il se lia avec deux hommes célebres, Harvée & Selden. La famille de Devonshire lui accorda une retraite ; & ce fut loin du tumulte & des factions qu'il composa sa logique, sa physique, son livre des principes ou élémens des corps, sa géométrie & son traité de l'homme, de ses facultés, de leurs objets, de ses passions, de ses appétits, de l'imagination, de la mémoire, de la raison, du juste, de l'injuste, de l'honnête, du deshonnête, &c.

En 1660, la tyrannie fut accablée, le repos rendu à l'Angleterre, Charles rappellé au trone, la face des choses changée, & Hobbes abandonna sa campagne & reparut.

Le monarque à qui il avoit autrefois montré les Mathématiques, le reconnut, l'accueillit ; & passant un jour proche la maison qu'il habitoit, le fit appeller, le caressa, & lui présenta sa main à baiser.

Il suspendit un moment ses études philosophiques, pour s'instruire des lois de son pays, & il en a laissé un commentaire manuscrit qui est estimé.

Il croyoit la Géométrie défigurée par des parallogismes ; la plûpart des problèmes, tels que la quadrature du cercle, la trisection de l'angle, la duplication du cube, n'étoient insolubles, selon lui, que parce que les notions qu'on avoit du rapport, de la quantité, du nombre, du point, de la ligne, de la surface, & du solide, n'étoient pas les vraies ; & il s'occupa à perfectionner les Mathématiques, dont il avoit commencé l'étude trop tard, & qu'il ne connoissoit pas assez pour en être un réformateur.

Il eut l'honneur d'être visité par Cosme de Médicis, qui recueillit ses ouvrages, & les transporta avec son buste dans la célebre bibliotheque de sa maison.

Hobbes étoit alors parvenu à la vieillesse la plus avancée, & tout sembloit lui promettre de la tranquillité dans ses derniers momens, cependant il n'en fut pas ainsi. La jeunesse avide de sa doctrine, s'en repaissoit ; elle étoit devenue l'entretien des gens du monde, & la dispute des écoles. Un jeune bachelier dans l'université de Cambridge, appellé Scargil, eut l'imprudence d'en insérer quelques propositions dans une these, & de soutenir que le droit du souverain n'étoit fondé que sur la force ; que la sanction des lois civiles fait toute la moralité des actions ; que les livres saints n'ont force de loi dans l'état que par la volonté du magistrat, & qu'il faut obéir à cette volonté, que ses arrêts soient conformes ou non à ce qu'on regarde comme la loi divine.

Le scandale que cette these excita fut général ; la puissance ecclésiastique appella à son secours l'autorité séculiere ; on poursuivit le jeune bachelier ; on impliqua Hobbes dans cette affaire. Le philosophe eut beau reclamer, prétendre & démontrer que Scargil ne l'avoit point entendu, on ne l'écouta pas ; la these fut lacérée ; Scargil perdit son grade, & Hobbes resta chargé de tout l'odieux d'une aventure dont on jugera mieux après l'exposition de ses principes.

Las du commerce des hommes, il retourna à la campagne qu'il eût bien fait de ne pas quitter, & il s'amusa des Mathématiques, de la Poésie & de la Physique. Il traduisit en vers les ouvrages d'Homere, à l'âge de quatre-vingt-dix ans ; il écrivit contre l'évêque Laney, sur la liberté ou la nécessité des actions humaines ; il publia son décameron physiologique, & il acheva l'histoire de la guerre civile.

Le roi à qui cet ouvrage avoit été présenté manuscrit, le desapprouva ; cependant il parut, & Hobbes craignit de cette indiscrétion quelques nouvelles persécutions qu'il eût sans-doute essuyées, si sa mort ne les eût prévenues. Il fut attaqué au mois d'Octobre 1679, d'une rétention d'urine qui fut suivie d'une paralysie sur le côté droit qui lui ôta la parole, & qui l'emporta peu de jours après. Il mourut âgé de quatre-vingt-onze ans ; il étoit né avec un tempérament foible, qu'il avoit fortifié par l'exercice & la sobriété ; il vécut dans le célibat, sans être toutefois ennemi du commerce des femmes.

Les hommes de génie ont communément dans le cours de leurs études une marche particuliere qui les caractérise. Hobbes publia d'abord son ouvrage du citoyen : au lieu de répondre aux critiques qu'on en fit, il composa son traité de l'homme ; du traité de l'homme il s'éleva à l'examen de la nature animale ; de-là il passa à l'étude de la Physique ou des phénomenes de la nature, qui le conduisirent à la recherche des propriétés générales de la matiere & de l'enchaînement universel des causes & des effets. Il termina ces différens traités par sa logique & ses livres de mathématiques ; ces différentes productions ont été rangées dans un ordre renversé. Nous allons en exposer les principes, avec la précaution de citer le texte par-tout où la superstition, l'ignorance & la calomnie, qui semblent s'être réunies pour attaquer cet ouvrage, seroient tentées de nous attribuer des sentimens dont nous ne sommes que les historiens.

Principes élémentaires & généraux. Les choses qui n'existent point hors de nous, deviennent l'objet de notre raison ; ou pour parler la langue de notre philosophe, sont intelligibles & comparables, par les noms que nous leur avons imposés. C'est ainsi que nous discourons des fantômes de notre imagination, dans l'absence même des choses réelles d'après lesquelles nous avons imaginé.

L'espace est un fantôme d'une chose existente, phantasma rei existentis, abstraction faite de toutes les propriétés de cette chose, à l'exception de celle de paroître hors de celui qui imagine.

Le tems est un fantôme du mouvement consideré sous le point de vûe qui nous y fait discerner priorité & postériorité, ou succession.

Un espace est partie d'un espace, un tems est partie d'un tems, lorsque le premier est contenu dans le second, & qu'il y a plus dans celui-ci.

Diviser un espace ou un tems, c'est y discerner une partie, puis une autre, puis une troisieme, & ainsi de suite.

Un espace, un tems sont un, lorsqu'on les distingue entre d'autres tems & d'autres espaces.

Le nombre est l'addition d'une unité à une unité, à une troisieme, & ainsi de suite.

Composer un espace ou un tems, c'est après un espace ou un tems, en considérer un second, un troisieme, un quatrieme, & regarder tous ces tems ou espaces comme un seul.

Le tout est ce qu'on a engendré par la composition ; les parties, ce qu'on retrouve par la division.

Point de vrai tout qui ne s'imagine comme composé de parties dans lesquelles il puisse se résoudre.

Deux espaces sont contigus, s'il n'y a point d'espace entr'eux.

Dans un tout composé de trois parties, la partie moyenne est celle qui en a deux contiguës ; & les deux extrèmes sont contiguës à la moyenne.

Un tems, un espace est fini en puissance, quand on peut assigner un nombre de tems ou d'espaces finis qui le mesurent exactement ou avec excès.

Un espace, un tems est infini en puissance, quand on ne peut assigner un nombre d'espaces ou de tems finis qui le mesurent & qu'il n'excede.

Tout ce qui se divise, se divise en parties divisibles, & ces parties en d'autres parties divisibles ; donc il n'y a point de divisible qui soit le plus petit divisible.

J'appelle corps, ce qui existe indépendamment de ma pensée, co-étendu ou co-incident avec quelque partie de l'espace.

L'accident est un propriété du corps avec laquelle on l'imagine, ou qui entre nécessairement dans le concept qu'il nous imprime.

L'étendue d'un corps, ou sa grandeur indépendante de notre pensée, c'est la même chose.

L'espace co-incident avec la grandeur d'un corps est le lieu du corps ; le lieu forme toûjours un solide ; son étendue differe de l'étendue du corps ; il est terminé par une surface co-incidente avec la surface du corps.

L'espace occupé par un corps est un espace plein ; celui qu'un corps n'occupe point est un espace vuide.

Les corps entre lesquels il n'y a point d'espace sont contigus ; les corps contigus qui ont une partie commune sont continus ; & il y a pluralité s'il y a continuité entre des contigus quelconques.

Le mouvement est le passage continu d'un lieu dans un autre.

Se reposer, c'est rester un tems quelconque dans un même lieu ; s'être mu, c'est avoir été dans un lieu autre que celui qu'on occupe.

Deux corps sont égaux, s'ils peuvent remplir un même lieu.

L'étendue d'un corps un & le même, est une & la même.

Le mouvement de deux corps égaux est égal, lorsque la vîtesse considerée dans toute l'étendue de l'un est égale à la vîtesse considerée dans toute l'étendue de l'autre.

La quantité de mouvement considerée sous cet aspect, s'appelle aussi force.

Ce qui est en repos est conçu devoir y rester toûjours, sans la supposition d'un corps qui trouble le repos.

Un corps ne peut s'engendrer ni périr ; il passe sous divers états successifs auxquels nous donnons différens noms : ce sont les accidens du corps qui commencent & finissent ; c'est improprement qu'on dit qu'ils se meuvent.

L'accident qui donne le nom à son sujet, est ce qu'on appelle l'essence.

La matiere premiere, ou le corps consideré en général n'est qu'un mot.

Un corps agit sur un autre, lorsqu'il y produit ou détruit un accident.

L'accident ou dans l'agent ou dans le patient, sans lequel l'effet ne peut être produit, causa sine qua non, est nécessaire par hypothèse.

De l'aggrégat de tous les accidens, tant dans l'agent que dans le patient, on conclut la nécessité d'un effet ; & réciproquement on conclut du défaut d'un seul accident, soit dans l'agent soit dans le patient, l'impossibilité de l'effet.

L'aggrégat de tous les accidens nécessaires à la production de l'effet s'appelle dans l'agent cause complete , causa simpliciter.

La cause simple ou complete s'appelle après la production de l'effet, cause efficiente dans l'agent, cause matérielle dans le patient ; où l'effet est nul, la cause est nulle.

La cause complete a toûjours son effet ; au moment où elle est entiere, l'effet est produit & est nécessaire.

La génération des effets est continue.

Si les agens & les patiens sont les mêmes & disposés de la même maniere, les effets seront les mêmes en différens tems.

Le mouvement n'a de cause que dans le mouvement d'un corps contigu.

Tout changement est mouvement.

Les accidens considerés relativement à d'autres qui les ont précédés, & sans aucune dépendance d'effet & de cause, s'appellent contingens.

La cause est à l'effet, comme la puissance à l'acte, ou plûtôt c'est la même chose.

Au moment où la puissance est entiere & pleine, l'acte est produit.

La puissance active & la puissance passive ne sont que les parties de la puissance entiere & pleine.

L'acte à la production duquel il n'y aura jamais de puissance pleine & entiere, est impossible.

L'acte qui n'est pas impossible est nécessaire ; de ce qu'il est possible qu'il soit produit, il le sera ; autrement il seroit impossible.

Ainsi tout acte futur l'est nécessairement.

Ce qui arrive, arrive par des causes nécessaires ; & il n'y a d'effets contingens que relativement à d'autres effets avec lesquels les premiers n'ont ni liaison ni dépendance.

La puissance active consiste dans le mouvement.

La cause formelle ou l'essence, la cause finale ou le terme dépendent des causes efficientes.

Connoître l'essence, c'est connoître la chose ; l'un suit de l'autre.

Deux corps different, si l'on peut dire de l'un quelque chose qu'on ne puisse dire de l'autre au moment où on les compare.

Tous les corps different numériquement.

Le rapport d'un corps à un autre consiste dans leur égalité ou inégalité, similitude ou différence.

Le rapport n'est point un nouvel accident ; mais une qualité de l'un & de l'autre corps, avant la comparaison qu'on en fait.

Les causes des accidens de deux correlatifs, sont les causes de la correlation.

L'idée de quantité naît de l'idée de limites.

Il n'y a grand & petit que par comparaison.

Le rapport est une évaluation de la quantité par comparaison, & la comparaison est arithmétique ou géométrique.

L'effort ou nisus est un mouvement par un espace & par un tems moindres qu'aucuns donnés.

L'impetus, ou la quantité de l'effort, c'est la vîtesse même considérée au moment du transport.

La résistance est l'opposition de deux efforts ou nisus au moment du contact.

La force est l'impetus multiplié ou par lui-même, ou par la grandeur du mobile.

La grandeur & la durée du tout nous sont cachées pour jamais.

Il n'y a point de vuide absolu dans l'univers.

La chûte des graves n'est point en eux la suite d'un appétit, mais l'effet d'une action de la terre sur eux.

La différence de la gravitation naît de la différence des actions ou efforts excités sur les parties élémentaires des graves.

Il y a deux manieres de procéder en philosophie ; ou l'on descend de la génération aux effets possibles, ou l'on remonte des effets aux générations possibles.

Après avoir établi ces principes communs à toutes les parties de l'univers, Hobbes passe à la considération de la portion qui sent ou l'animal, & de celle-ci à celle qui réfléchit & pense ou l'homme.

De l'animal. La sensation dans celui qui sent est le mouvement de quelques-unes de ses parties.

La cause immédiate de la sensation est dans l'objet qui affecte l'organe.

La définition générale de la sensation est donc l'application de l'organe à l'objet extérieur ; il y a entre l'un & l'autre une réaction, d'où naît l'empreinte ou le fantôme.

Le sujet de la sensation est l'être qui sent ; son objet, l'être qui se fait sentir ; le fantôme est l'effet.

On n'éprouve point deux sensations à-la-fois.

L'imagination est une sensation languissante qui s'affoiblit par l'éloignement de l'objet.

Le réveil des fantômes dans l'être qui sent, constate l'activité de son ame ; il est commun à l'homme & à la bête.

Le songe est un fantôme de celui qui dort.

La crainte, la conscience du crime, la nuit, les lieux sacrés, les contes qu'on a entendus, réveillent en nous des fantômes qu'on a nommés spectres ; c'est en réalisant nos spectres hors de nous par des noms vuides de sens, que nous est venue l'idée d'incorporéité. Et metus & scelus & conscientia & nox & loca consecrata, adjuta apparitionum historiis phantasmata horribilia etiam vigilantibus excitant, quae spectrorum & substantiarum incorporearum nomina pro veris rebus imponunt.

Il y a des sensations d'un autre genre ; c'est le plaisir & la peine : ils consistent dans le mouvement continu qui se transmet de l'extrémité d'un organe vers le coeur.

Le desir & l'aversion sont les causes du premier effort animal ; les esprits se portent dans les nerfs ou s'en retirent ; les muscles se gonflent ou se relâchent ; les membres s'étendent ou se replient, & l'animal se meut ou s'arrête.

Si le desir est suivi d'un enchaînement de fantômes, l'animal pense, délibere, veut.

Si la cause du desir est pleine & entiere, l'animal veut nécessairement : vouloir, ce n'est pas être libre ; c'est tout au plus être libre de faire ce que l'on veut, mais non de vouloir. Causa appetitus existente integrâ, necessariò sequitur voluntas ; adeoque voluntati libertas à necessitate non convenit ; concedi tamen potest libertas faciendi ea quae volumus.

De l'homme. Le discours est un tissu artificiel de voix instituées par les hommes pour se communiquer la suite de leurs concepts.

Les signes que la nécessité de la nature nous suggere ou nous arrache, ne forment point une langue.

La science & la démonstration naissent de la connoissance des causes.

La démonstration n'a lieu qu'aux occasions où les causes sont en notre pouvoir. Dans le reste, tout ce que nous démontrons, c'est que la chose est possible.

Les causes du desir & de l'aversion, du plaisir & de la peine, sont les objets mêmes des sens. Donc s'il est libre d'agir, il ne l'est pas de haïr ou de désirer.

On a donné aux choses le nom de bonnes, lorsqu'on les désire ; de mauvaises, lorsqu'on les craint.

Le bien est apparent ou réel. La conservation d'un être est pour lui un bien réel, le premier des biens. Sa destruction un mal réel, le premier des maux.

Les affections ou troubles de l'ame sont des mouvemens alternatifs de desir & d'aversion qui naissent des circonstances & qui balottent notre ame incertaine.

Le sang se porte avec vîtesse aux organes de l'action, en revient avec promtitude ; l'animal est prêt à se mouvoir ; l'instant suivant il est retenu ; & cependant il se réveille en lui une suite de fantomes alternativement effrayans & terribles.

Il ne faut pas rechercher l'origine des passions ailleurs que dans l'organisation, le sang, les fibres, les esprits, les humeurs, &c.

Le caractere naît du tempérament, de l'expérience, de l'habitude, de la prospérité, de l'adversité, des réflexions, des discours, de l'exemple, des circonstances. Changez ces choses, & le caractere changera.

Les moeurs sont formées lorsque l'habitude a passé dans le caractere, & que nous nous soumettons sans peine & sans effort, aux actions qu'on exige de nous. Si les moeurs sont bonnes, on les appelle vertus vice, si elles sont mauvaises.

Mais tout n'est pas également bon ou mauvais pour tous. Les moeurs qui sont vertueuses au jugement des uns, sont vicieuses au jugement des autres.

Les loix de la société sont donc la seule mesure commune du bien & du mal, des vices & des vertus. On n'est vraîment bon ou vraîment méchant que dans sa ville. Nisi in vita civili virtutum & vitiorum communis mensura non invenitur. Quae mensura ob eam causam alia esse non potest praeter unius cujusque civitatis leges.

Le culte extérieur qu'on rend sincérement à Dieu, est ce que les hommes ont appellé religion.

La foi qui a pour objet les choses qui sont au-dessus de notre raison, n'est sans un miracle qu'une opinion fondée sur l'autorité de ceux qui nous parlent. En fait de religion, un homme ne peut exiger de la croyance d'un autre que d'après miracle. Homini privato sine miraculo fides haberi in religionis actu non potest.

Au défaut de miracles, il faut que la religion reste abandonnée aux jugemens des particuliers, ou qu'elle se soutienne par les loix civiles.

Ainsi la religion est une affaire de législation, & non de philosophie. C'est une convention publique qu'il faut remplir, & non disputer. Quod si religio ab hominibus privatis non dependet, tunc oportet, cessantibus miraculis, ut dependeat à legibus. Philosophia non est, sed in omni civitate lex non disputanda sed implenda.

Point de culte public sans cérémonies ; car qu'est-ce qu'un culte public, sinon une marque extérieure de la vénération que tous les citoyens portent au Dieu de la patrie, marque prescrite selon les tems & les lieux, par celui qui gouverne. Cultus publicus signum honoris Deo exhibiti, idque locis & temporibus constitutis à civitate. Non à natura operis tantum, sed ab arbitrio civitatis pendet.

C'est à celui qui gouverne à décider de ce qui convient ou non dans cette branche de l'administration ainsi que dans toute autre. Les signes de la vénération des peuples envers leur Dieu ne sont pas moins subordonnés à la volonté du maître qui commande, qu'à la nature de la chose.

Voilà les propositions sur lesquelles le philosophe de Malmesbury se proposoit d'élever le système qu'il nous présente dans l'ouvrage qu'il a intitulé le leviathan, & que nous allons analyser.

Du léviathan d'Hobbes. Point de notions dans l'ame qui n'aient préexisté dans la sensation.

Le sens est l'origine de tout. L'objet qui agit sur le sens, l'affecte & le presse, est la cause de la sensation.

La réaction de l'objet sur le sens & du sens sur l'objet, est la cause des fantômes.

Loin de nous, ces simulacres imaginaires qui s'émanent des objets, passent en nous & s'y fixent.

Si un corps se meut, il continuera de se mouvoir éternellement, si un mouvement différent ou contraire ne s'y oppose. Cette loi s'observe dans la matiere brute & dans l'homme.

L'imagination est une sensation qui s'appaise & s'évanouit par l'absence de son objet & par la présence d'un autre.

Imagination, mémoire, même qualité sous deux noms différens. Imagination, s'il reste dans l'être sentant image ou fantôme. Mémoire, si le fantôme s'évanouissant, il ne reste qu'un mot.

L'expérience est la mémoire de beaucoup de choses.

Il y a l'imagination simple & l'imagination composée qui different entr'elles, comme le mot & le discours, une figure & un tableau.

Les fantômes les plus bizarres que l'imagination compose dans le sommeil, ont préexisté dans la sensation. Ce sont des mouvemens confus & tumultueux des parties intérieures du corps, qui se succédant & se combinant d'une infinité de manieres diverses, engendrent la variété des songes.

Il est difficile de distinguer les fantômes du rêve, des fantômes du sommeil, & les uns & les autres de la présence de l'objet, lorsqu'on passe du sommeil à la veille sans s'en appercevoir, ou lorsque dans la veille l'agitation des parties du corps est très-violente. Alors Marcus Brutus croira qu'il a vû le spectre terrible qu'il a rêvé.

Otez la crainte des spectres, & vous bannirez de la société la superstition, la fraude & la plûpart de ces fourberies dont on se sert pour leurrer les esprits des hommes dans les états mal gouvernés.

Qu'est-ce que l'entendement ? la sorte d'imagination factice qui naît de l'institution des signes. Elle est commune à l'homme & à la brute.

Le discours mental, ou l'activité de l'ame, ou son entretien avec elle-même, n'est qu'un enchaînement involontaire de concepts ou de fantômes qui se succedent.

L'Esprit ne passe point d'un concept à un autre, d'un fantôme à un autre, que la même succession n'ait préexisté dans la nature ou dans la sensation.

Il y a deux sortes de discours mental, l'un irrégulier, vague & incohérent. L'autre régulier, continu, & tendant à un but.

Ce dernier s'appelle recherche, investigation. C'est une espece de quête où l'esprit suit à la piste les traces d'une cause ou d'un effet présent ou passé. Je l'appelle réminiscence.

Le discours ou raisonnement sur un évenement futur forme la prévoyance.

Un évenement qui a suivi en indique un qui a précédé, & dont il est le signe.

Il n'y a rien dans l'homme qui lui soit inné, & dont il puisse user sans habitude. L'homme naît, il a des sens. Il acquiert le reste.

Tout ce que nous concevons est fini. Le mot infini est donc vuide d'idée. Si nous prononçons le nom de Dieu, nous ne le comprenons pas davantage. Aussi cela n'est-il pas nécessaire, il suffit de le reconnoître & de l'adorer.

On ne conçoit que ce qui est dans le lieu, divisible & limité. On ne conçoit pas qu'une chose puisse être toute en un lieu & toute en un autre, dans un même instant, & que deux ou plusieurs choses puissent être en même tems dans un même lieu.

Le discours oratoire est la traduction de la pensée. Il est composé de mots. Les mots sont propres ou communs.

La vérité ou la fausseté n'est point des choses, mais du discours. Où il n'y a point de discours, il n'y a ni vrai ni faux, quoiqu'il puisse y avoir erreur.

La vérité consiste dans une juste application des mots. De-là, nécessité de les définir.

Si une chose est désignée par un nom, elle est du nombre de celles qui peuvent entrer dans la pensée ou dans le raisonnement, ou former une quantité, ou en être retranchée.

L'acte du raisonnement s'appelle syllogisme, & c'est l'expression de la liaison d'un mot avec un autre.

Il y a des mots vuides de sens, qui ne sont point définis, qui ne peuvent l'être, & dont l'idée est & restera toujours vague, inconsistante & louche ; par exemple, substance incorporelle. Dantur nomina insignificantia, hujus generis est substantia incorporea.

L'intelligence propre à l'homme est un effet du discours. La bête ne l'a point.

On ne conçoit point qu'une affirmation soit universelle & fausse.

Celui qui raisonne cherche ou un tout par l'addition des parties, ou un reste par la soustraction. S'il se sert de mots, son raisonnement n'est que l'expression de la liaison du mot tout au mot partie, ou des mots tout & partie, au mot reste. Ce que le géometre exécute sur les nombres & les lignes, le logicien le fait sur les mots.

Nous raisonnons aussi juste qu'il est possible, si nous partons des mots généraux ou admis pour tels dans l'usage.

L'usage de la raison consiste dans l'investigation des liaisons éloignées des mots entr'eux.

Si l'on raisonne sans se servir de mots, on suppose quelque phénomene qui a vraisemblablement précédé, ou qui doit vraisemblablement suivre. Si la supposition est fausse, il y a erreur.

Si on se sert de termes universaux, & qu'on arrive à une conclusion universelle & fausse, il y avoit absurdité dans les termes. Ils étoient vuides de sens.

Il n'en est pas de la raison, comme du sens & de la mémoire. Elle ne naît point avec nous. Elle s'acquiert par l'industrie & se forme par l'exercice & l'expérience. Il faut savoir imposer des mots aux choses ; passer des mots imposés à la proposition, de la proposition au syllogisme, & parvenir à la connoissance du rapport des mots entr'eux.

Beaucoup d'expérience est prudence ; beaucoup de science, sagesse.

Celui qui sait est en état d'enseigner & de convaincre.

Il y a dans l'animal deux sortes de mouvemens qui lui sont propres ; l'un vital, l'autre animal ; l'un involontaire, l'autre volontaire.

La pente de l'ame vers la cause de son impetus, s'appelle desir. Le mouvement contraire, aversion. Il y a un mouvement réel dans l'un & l'autre cas.

On aime ce qu'on desire ; on hait ce qu'on fuit. On méprise ce qu'on ne desire ni ne fuit.

Quel que soit le desir ou son objet, il est bon ; quelle que soit l'aversion ou son objet, on l'appelle mauvais.

Le bon qui nous est annoncé par des signes apparens, s'appelle beau. Le mal dont nous sommes menacés par des signes apparens, s'appelle laid. Les especes de la bonté varient. La bonté considérée dans les signes qui la promettent, est beauté ; dans la chose, elle garde le nom de bonté ; dans la fin, on la nomme plaisir, & utilité dans les moyens.

Tout objet produit dans l'ame un mouvement qui porte l'animal ou à s'éloigner, ou à s'approcher.

La naissance de ce mouvement est celle du plaisir ou de la peine. Ils commencent au même instant. Tout desir est accompagné de quelque plaisir ; toute aversion entraîne avec elle quelque peine.

Toute volupté naît ou de la sensation d'un objet présent, & elle est sensuelle ; ou de l'attente d'une chose, de la prévoyance des fins, de l'importance des suites, & elle est intellectuelle, douleur ou joie.

L'appétit, le desir, l'amour, l'aversion, la haine, la joie, la douleur, prennent différens noms, selon le degré, l'ordre, l'objet & d'autres circonstances.

Ce sont ces circonstances qui ont multiplié les mots à l'infini. La religion est la crainte des puissances invisibles. Ces puissances sont-elles avouées par la loi civile, la crainte qu'on en a retient le nom de religion. Ne sont-elles pas avouées par la loi civile, la crainte qu'on en a prend le nom de superstition. Si les puissances sont réelles, la religion est vraie. Si elles sont chimériques, la religion est fausse. Hinc oriuntur passionum nomina. Verbi gratia, religio, metus potentiarum invisibilium, quae si publice acceptae, religio ; secus, superstitio, &c.

C'est de l'aggrégat de diverses passions élevées dans l'ame, & s'y succédant continûment jusqu'à-ce que l'effet soit produit, que naît la délibération.

Le dernier desir qui nous porte, ou la derniere aversion qui nous éloigne, s'appelle volonté. La bête délibere. Elle veut donc.

Qu'est-ce que la félicité ? un succès constant dans les choses qu'on desire.

La pensée qu'une chose est ou n'est pas, se fera ou ne se fera pas, & qui ne laisse après elle que la présomption, s'appelle opinion.

De même que dans la délibération, le dernier desir est la volonté ; dans les questions du passé & de l'avenir, le dernier jugement est l'opinion.

La succession complete des opinions alternatives, diverses, ou contraires, fait le doute.

La conscience est la connoissance intérieure & secrette d'une pensée ou d'une action.

Si le raisonnement est fondé sur le témoignage d'un homme dont la lumiere & la véracité ne nous soient point suspectes, nous avons de la foi ; nous croyons. La foi est relative à la personne ; la croyance au fait.

La qualité en tout est quelque chose qui frappe par son degré, ou sa grandeur ; mais toute grandeur est relative. La vertu même n'est que par comparaison. Les vertus ou qualités intellectuelles sont des facultés de l'ame qu'on loue dans les autres & qu'on desire en soi. Il y en a de naturelles ; il y en a d'acquises.

La facilité de remarquer dans les choses des ressemblances & des différences qui échappent aux autres, s'appelle bon esprit ; dans les pensées, bon jugement.

Ce qu'on acquiert par l'étude & par la méthode, sans l'art de la parole, se réduit à peu de chose.

La diversité des esprits naît de la diversité des passions, & la diversité des passions naît de la diversité des tempéramens, des humeurs, des habitudes, des circonstances, des éducations.

La folie est l'extrème degré de la passion. Tels étoient les démoniaques de l'évangile. Tales fuerunt quos historia sacra vocavit judaïco stylo doemoniacos.

La puissance d'un homme est l'aggrégat de tous les moyens d'arriver à une fin. Elle est ou naturelle, ou instrumentale.

De toutes les puissances humaines, la plus grande est celle qui rassemble dans une seule personne, par le consentement, la puissance divisée d'un plus grand nombre d'autres, soit que cette personne soit naturelle comme l'homme, ou artificielle comme le citoyen.

La dignité ou la valeur d'un homme, c'est la même chose. Un homme vaut autant qu'un autre voudroit l'acheter, selon le besoin qu'il en a.

Marquer l'estime ou le besoin, c'est honorer. On honore par la louange, les signes, l'amitié, la foi, la confiance, le secours qu'on implore, le conseil qu'on recherche, la préséance qu'on cede, le respect qu'on porte, l'imitation qu'on se propose, le culte qu'on paye, l'adoration qu'on rend.

Les moeurs relatives à l'espece humaine consistent dans les qualités qui tendent à établir la paix, & à assurer la durée de l'état civil.

Le bonheur de la vie ne doit point être cherché dans la tranquillité ou le repos de l'ame, qui est impossible.

Le bonheur est le passage perpétuel d'un desir satisfait à un autre desir satisfait. Les actions n'y conduisent pas toutes de la même maniere. Il faut aux uns de la puissance, des honneurs, des richesses ; aux autres du loisir, des connoissances, des éloges, même après la mort. De-là, la diversité des moeurs.

Le desir de connoître les causes attache l'homme à l'étude des effets. Il remonte d'un effet à une cause, de celle-ci à une autre, & ainsi de suite, jusqu'à ce qu'il arrive à la pensée d'une cause éternelle qu'aucune autre n'a devancée.

Celui donc qui se sera occupé de la contemplation des choses naturelles, en rapportera nécessairement une pente à reconnoître un Dieu, quoique la nature divine lui reste obscure & inconnue.

L'anxiété naît de l'ignorance des causes ; de l'anxiété, la crainte des puissances invisibles ; & de la crainte de ces puissances, la religion.

Crainte des puissances invisibles, ignorance des causes secondes, penchant à honorer ce qu'on redoute, événemens fortuits pris pour prognostics ; semences de religions.

Deux sortes d'hommes ont profité de ce penchant, & cultivé ces semences ; hommes à imagination ardente devenus chefs de sectes ; hommes à révélation à qui les puissances invisibles se sont manifestées. Religion partie de la politique des uns. Politique partie de la religion des autres.

La nature a donné à tous les mêmes facultés d'esprit & de corps.

La nature a donné à tous le droit à tout, même avec offense d'un autre ; car on ne doit à personne autant qu'à soi.

Au milieu de tant d'intérêts divers, prévenir son concurrent, moyen le meilleur de se conserver.

De-là le droit de commander acquis à chacun par la nécessité de se conserver.

De-là, guerre de chacun contre chacun, tant qu'il n'y aura aucune puissance coactive. De-là une infinité de malheurs au milieu desquels nulle sécurité que par une prééminence d'esprit & de corps ; nul lieu à l'industrie, nulle récompense attachée au travail, point d'agriculture, point d'arts, point de société ; mais crainte perpétuelle d'une mort violente.

De la guerre de chacun contre chacun, il s'ensuit encore que tout est abandonné à la fraude & à la force, qu'il n'y a rien de propre à personne ; aucune possession réelle, nulle injustice.

Les passions qui inclinent l'homme à la paix, sont la crainte, sur-tout celle d'une mort violente ; le desir des choses nécessaires à une vie tranquille & douce, & l'espoir de se les procurer par quelque industrie.

Le droit naturel n'est autre chose que la liberté à chacun d'user de son pouvoir de la maniere qui lui paroîtra la plus convenable à sa propre conservation.

La liberté est l'absence des obstacles extérieurs.

La loi naturelle est une regle générale dictée par la raison en conséquence de laquelle on a la liberté de faire ce que l'on reconnoît contraire à son propre intérêt.

Dans l'état de nature, tous ayant droit à tout, sans en excepter la vie de son semblable, tant que les hommes conserveront ce droit, nulle sûreté même pour le plus fort.

De-là une premiere loi générale, dictée par la raison, de chercher la paix, s'il y a quelque espoir de se la procurer ; ou dans l'impossibilité d'avoir la paix, d'emprunter des secours de toute part.

Une seconde loi de raison, c'est après avoir pourvû à sa défense & à sa conservation, de se départir de son droit à tout, & de ne retenir de sa liberté que la portion qu'on peut laisser aux autres, sans inconvénient pour soi.

Se départir de son droit à une chose, c'est renoncer à la liberté d'empêcher les autres d'user de leur droit sur cette chose.

On se départ d'un droit, ou par une renonciation simple qui jette, pour ainsi dire, ce droit au milieu de tous sans l'attribuer à personne, ou par une collation, & pour cet effet il faut qu'il y ait des signes convenus.

On ne conçoit pas qu'un homme confere son droit à un autre, sans recevoir en échange quelque autre bien ou quelque autre droit.

La concession réciproque de droits est ce qu'on appelle un contrat.

Celui qui cede le droit à la chose, abandonne aussi l'usage de la chose, autant qu'il est en lui de l'abandonner.

Dans l'état de nature, le pacte arraché par la crainte est valide.

Un premier pacte en rend un postérieur invalide. Deux motifs concourent à obliger à la prestation du pacte, la bassesse qu'il y a à tromper, & la crainte des suites fâcheuses de l'infraction. Or cette crainte est religieuse ou civile, des puissances invisibles ou des puissances humaines. Si la crainte civile est nulle, la religieuse est la seule qui donne de la force au pacte, de-là le serment.

La justice commutative est celle de contractans ; la justice distributive est celle de l'arbitre entre ceux qui contractent.

Une troisieme loi de la raison, c'est de garder le pacte. Voilà le fondement de la justice. La justice & la sainteté du pacte commencent, quand il y a société & force coactive.

Une quatrieme regle de la raison, c'est que celui qui reçoit un don gratuit, ne donne jamais lieu au bienfaiteur de se repentir du don qu'il a fait.

Une cinquieme, de s'accommoder aux autres, qui ont leur caractere comme nous le nôtre.

Une sixieme, les sûretés prises pour l'avenir, d'accorder le pardon des injures passées à ceux qui se repentent.

Une septieme, de ne pas regarder dans la vengeance à la grandeur du mal commis, mais à la grandeur du bien qui doit résulter du châtiment.

Une huitieme, de ne marquer à un autre ni haine, ni mépris, soit d'action, soit de discours, du regard ou du geste.

Une neuvieme, que les hommes soient traités tous comme égaux de nature.

Une dixieme, que dans le traité de paix générale, aucun ne retiendra le droit qu'il ne veut pas laisser aux autres.

Une onzieme, d'abandonner à l'usage commun ce qui ne souffrira point de partage.

Une douzieme, que l'arbitre choisi de part & d'autre sera juste.

Une treizieme, que dans le cas ou la chose ne peut se partager, on en tirera au sort le droit entier, ou la premiere possession.

Une quatorzieme, qu'il y a deux especes de sort ; celui du premier occupant ou du premier né, dont il ne faut admettre le droit qu'aux choses qui ne sont pas divisibles de leur nature.

Une quinzieme, qu'il faut aux médiateurs de la paix générale, la sûreté d'aller & de venir.

Une seizieme, d'acquiescer à la décision de l'arbitre.

Une dix-septieme, que personne ne soit arbitre dans sa cause.

Une dix-huitieme, de juger d'après les témoins dans les questions de fait.

Une dix-neuvieme, qu'une cause sera propre à l'arbitre toutes les fois qu'il aura quelque intérêt à prononcer pour une des parties de préférence à l'autre.

Une vingtieme, que les lois de nature qui obligent toûjours au for intérieur, n'obligent pas toûjours au for extérieur. C'est la différence du vice & du crime.

La Morale est la science des lois naturelles, ou des choses qui sont bonnes ou mauvaises dans la société des hommes.

On appelle celui qui agit en son nom ou au nom d'un autre, une personne ; & la personne est propre, si elle agit en son nom ; représentative, si c'est au nom d'un autre.

Il ne nous reste plus, après ce que nous venons de dire de la philosophie d'Hobbes, qu'à en déduire les conséquences, & nous aurons une ébauche de sa politique.

C'est l'intérêt de leur conservation & les avantages d'une vie plus douce, qui ont tiré les hommes de l'état de guerre de tous contre tous, pour les assembler en société.

Les lois & les pactes ne suffisent pas pour faire cesser l'état naturel de guerre ; il faut une puissance coactive qui les soumette.

L'association du petit nombre ne peut procurer la sécurité, il faut celle de la multitude.

La diversité des jugemens & des volontés ne laisse ni paix ni sécurité à espérer dans une société où la multitude gouverne.

Il n'importe pas de gouverner & d'être gouverné pour un tems, il le faut tant que le danger & la présence de l'ennemi durent.

Il n'y a qu'un moyen de former une puissance commune qui fasse la sécurité ; c'est de résigner sa volonté à un seul ou à un certain nombre.

Après cette résignation, la multitude n'est plus qu'une personne qu'on appelle la ville, la société, ou la république.

La société peut user de toute son autorité pour contraindre les particuliers à vivre en paix entre eux, & à se réunir contre l'ennemi commun.

La société est une personne dont le consentement & les pactes ont autorisé l'action, & dans laquelle s'est conservé le droit d'user de la puissance de tous pour la conservation de la paix & la défense commune.

La société se forme ou par institution, ou par acquisition.

Par institution, lorsque d'un consentement unanime, des hommes cedent à un seul, ou à un certain nombre d'entr'eux, le droit de les gouverner, & vouent obéissance.

On ne peut ôter l'autorité souveraine à celui qui la possede, même pour cause de mauvaise administration.

Quelque chose que fasse celui à qui l'on a confié l'autorité souveraine, il ne peut être suspect envers celui qui l'a conférée.

Puisqu'il ne peut être coupable, il ne peut être ni jugé, ni châtié, ni puni.

C'est à l'autorité souveraine à décider de tout ce qui concerne la conservation de la paix & sa rupture, & à prescrire des regles d'après lesquelles chacun connoisse ce qui est sien, & en jouisse tranquillement.

C'est à elle qu'appartient le droit de déclarer la guerre, de faire la paix, de choisir des ministres, & de créer des titres honorifiques.

La monarchie est préférable à la démocratie, à l'aristocratie, & à toute autre forme de gouvernement mixte.

La société se forme par acquisition ou conquêtes, lorsqu'on obtient l'autorité souveraine sur ses semblables par la force ; ensorte que la crainte de la mort ou des liens ont soumis la multitude à l'obéissance d'un seul ou de plusieurs.

Que la société se soit formée par institution ou par acquisition, les droits du souverain sont les mêmes.

L'autorité s'acquiert encore par la voie de la génération ; telle est celle des peres sur leurs enfans. Par les armes ; telle est celle des tyrans sur leurs esclaves.

L'autorité conférée à un seul ou à plusieurs est aussi grande qu'elle peut l'être, quelque inconvénient qui puisse résulter d'une résignation complete ; car rien ici bas n'est sans inconvénient.

La crainte, la liberté & la nécessité qu'on appelle de nature & de causes, peuvent subsister ensemble. Celui-là est libre qui peut tirer de sa force & de ses autres facultés tout l'avantage qu'il lui plaît.

Les lois de la société circonscrivent la liberté ; mais elles n'ôtent point au souverain le droit de vie & de mort. S'il l'exerce sur un innocent, il peche envers les dieux ; il commet l'iniquité, mais non l'injustice : ubi in innocentem exercetur, agit quidem iniquè, & in deum peccat imperans, non vero injustè agit.

On conserve dans la société le droit à tout ce qu'on ne peut résigner ni transférer, & à tout ce qui n'est point exprimé dans les lois sur la souveraineté. Le silence des lois est en faveur des sujets. Manet libertas circa res de quibus leges silent pro summo potestatis imperio.

Les sujets ne sont obligés envers le souverain que tant qu'il lui reste le pouvoir de les protéger. Obligatio civium erga eum qui summam habet potestatem tandem nec diutius permanere intelligitur, quam manet potentia cives protegendi.

Voilà la maxime qui fit soupçonner Hobbes d'avoir abandonné le parti de son roi qui en étoit réduit alors à de telles extrémités, que ses sujets n'en pouvoient plus espérer de secours.

Qu'est-ce qu'une société ? un aggrégat d'intérêts opposés ; un système où par l'autorité conférée à un seul ces intérêts contraires sont tempérés. Le système est régulier ou irrégulier, ou absolu ou subordonné, &c.

Un ministre de l'autorité souveraine est celui qui agit dans les affaires publiques au nom de la puissance qui gouverne, & qui la représente.

La loi civile est une regle qui définit le bien & le mal pour le citoyen ; elle n'oblige point le souverain : Hâc imperans non tenetur.

Le long usage donne force de loi. Le silence du souverain marque que telle a été sa volonté.

Les lois civiles n'obligent qu'après la promulgation.

La raison instruit des lois naturelles. Les lois civiles ne sont connues que par la promulgation.

Il n'appartient ni aux docteurs ni aux philosophes d'interpréter les lois de la nature. C'est l'affaire du souverain. Ce n'est pas la vérité, mais l'autorité qui fait la loi : Non veritas, sed auctoritas facit legem.

L'interprétation de la loi naturelle est un jugement du souverain qui marque sa volonté sur un cas particulier.

C'est ou l'ignorance, ou l'erreur, ou la passion, qui causent la transgression de la loi & le crime.

Le châtiment est un mal infligé au transgresseur publiquement, afin que la crainte de son supplice contienne les autres dans l'obéissance.

Il faut regarder la loi publique comme la conscience du citoyen : Lex publica civi pro conscientia subeunda.

Le but de l'autorité souveraine, ou le salut des peuples, est la mesure de l'étendue des devoirs du souverain : Imperantis officia dimetienda ex fine, qui est salus populi.

Tel est le système politique d'Hobbes. Il a divisé son ouvrage en deux parties. Dans l'une, il traite de la société civile, & il y établit les principes que nous venons d'exposer. Dans l'autre, il examine la société chrétienne, & il applique à la puissance éternelle les mêmes idées qu'il s'étoit formées de la puissance temporelle.

Caractere d'Hobbes. Hobbes avoit reçu de la nature cette hardiesse de penser, & ces dons avec lesquels on en impose aux autres hommes. Il eut un esprit juste & vaste, pénétrant & profond. Ses sentimens lui sont propres, & sa philosophie est peu commune. Quoiqu'il eût beaucoup étudié, & qu'il sût, il ne fit pas assez de cas des connoissances acquises. Ce fut la suite de son penchant à la méditation. Elle le conduisoit ordinairement à la découverte des grands ressorts qui font mouvoir les hommes. Ses erreurs même ont plus servi au progrès de l'esprit humain, qu'une foule d'ouvrages tissus de vérités communes. Il avoit le défaut des systématiques ; c'est de généraliser les faits particuliers, & de les plier adroitement à ses hypothèses ; la lecture de ses ouvrages demande un homme mûr & circonspect. Personne ne marche plus fermement, & n'est plus conséquent. Gardez-vous de lui passer ses premiers principes, si vous ne voulez pas le suivre par-tout où il lui plaira de vous conduire. La philosophie de M. Rousseau de Genève, est presque l'inverse de celle de Hobbes. L'un croit l'homme de la nature bon, & l'autre le croit méchant. Selon le philosophe de Genève, l'état de nature est un état de paix ; selon le philosophe de Malmesbury, c'est un état de guerre. Ce sont les lois & la formation de la société qui ont rendu l'homme meilleur, si l'on en croit Hobbes ; & qui l'ont depravé, si l'on en croit M. Rousseau. L'un étoit né au milieu du tumulte & des factions ; l'autre vivoit dans le monde, & parmi les savans. Autres tems, autres circonstances, autre philosophie. M. Rousseau est éloquent & pathétique ; Hobbes sec, austere & vigoureux. Celui-ci voyoit le trône ébranlé, ses citoyens armés les uns contre les autres, & sa patrie inondée de sang par les fureurs du fanatisme presbytérien, & il avoit pris en aversion le dieu, le ministre & les autels. Celui-là voyoit des hommes versés dans toutes les connoissances, se déchirer, se haïr, se livrer à leurs passions, ambitionner la considération, la richesse, les dignités, & se conduire d'une maniere peu conforme aux lumieres qu'ils avoient acquises, & il méprisa la science & les savans. Ils furent outrés tous les deux. Entre le système de l'un & de l'autre, il y en a un autre qui peut-être est le vrai : c'est que, quoique l'état de l'espece humaine soit dans une vicissitude perpétuelle, sa bonté & sa méchanceté sont les mêmes ; son bonheur & son malheur circonscrits par des limites qu'elle ne peut franchir. Tous les avantages artificiels se compensent par des maux ; tous les maux naturels par des biens. Hobbes, plein de confiance dans son jugement, philosopha d'après lui-même. Il fut honnête homme, sujet attaché à son roi, citoyen zélé, homme simple, droit, ouvert & bienfaisant. Il eut des amis & des ennemis. Il fut loué & blâmé sans mesure ; la plûpart de ceux qui ne peuvent entendre son nom sans frémir, n'ont pas lu & ne sont pas en état de lire une page de ses ouvrages. Quoi qu'il en soit du bien ou du mal qu'on en pense, il a laissé la face du monde telle qu'elle étoit. Il fit peu de cas de la philosophie expérimentale : s'il faut donner le nom de philosophe à un faiseur d'expériences, disoit-il, le cuisinier, le parfumeur, le distillateur sont donc des philosophes. Il méprisa Boyle, & il en fut méprisé. Il acheva de renverser l'idole de l'école que Bacon avoit ébranlée. On lui reproche d'avoir introduit dans sa philosophie des termes nouveaux ; mais ayant une façon particuliere de considérer les choses, il étoit impossible qu'il s'en tînt aux mots reçûs. S'il ne fut pas athée, il faut avouer que son dieu differe peu de celui de Spinosa. Sa définition du méchant me paroît sublime. Le méchant de Hobbes est un enfant robuste : malus est puer robustus. En effet, la méchanceté est d'autant plus grande que la raison est foible, & que les passions sont fortes. Supposez qu'un enfant eût à six semaines l'imbécillité de jugement de son âge, & les passions & la force d'un homme de quarante ans, il est certain qu'il frappera son pere, qu'il violera sa mere, qu'il étranglera sa nourrice, & qu'il n'y aura nulle sécurité pour tout ce qui l'approchera. Donc la définition d'Hobbes est fausse, ou l'homme devient bon à mesure qu'il s'instruit. On a mis à la tête de sa vie l'épigraphe suivante ; elle est tirée d'Ange Politien.

Qui nos damnant, histriones sunt maximi,

Nam Curios simulant & bacchanalia vivunt.

Hi sunt praecipuè quidam clamosi, leves,

Cucullati, lignipedes, cincti funibus,

Superciliosi, incurvi-cervicum pecus,

Qui, quod ab aliis habitu & cultu dissentiunt,

Tristesque vultu vendunt sanctimonias

Censuram sibi quamdam & tyrannidem occupant,

Pavidamque plebem territant minaciis.

Outre les ouvrages philosophiques d'Hobbes, il y en a d'autres dont il n'est pas de notre objet de parler.


HOBEREAou HAUBEREAU, subbuteo, s. m. (Hist. nat.) oiseau de proie, dont Willughbi a décrit une femelle qui pesoit neuf onces ; elle avoit un pié de longueur depuis l'extrémité du bec jusqu'au bout de la queue, & environ deux piés & demi d'envergure. Le bec ressemble à celui de la cresselle ; il a une couleur bleuâtre, excepté à sa base qui est blanchâtre ; la membrane qui la recouvre en partie, est jaune ; les paupieres sont aussi de couleur jaune : il y a au-dessous des yeux une ligne roussâtre ; les plumes du dessus de la tête ont les côtés noirs ; & le bord extérieur de couleur de maron ; le cou est roussâtre ; le dos & le dessus des aîles ont une couleur brune noirâtre ; le noir domine sur le brun au milieu du dos & dans les grandes plumes des aîles, & le brun est le plus apparent sur les petites plumes des aîles & sur le croupion. Le menton & la gorge ont une couleur jaunâtre ; il y a de chaque côté deux taches blanches, dont l'une s'étend depuis la bouche jusqu'à la gorge, & l'autre depuis l'occiput aussi jusqu'à la gorge. Le bas-ventre est roux, & l'espace qui se trouve entre le bas-ventre & la gorge est couvert de plumes noirâtres dans le milieu & blanches sur les bords. Les cuisses sont rousses, & ont des taches noires plus petites que celles de la poitrine. Chaque aîle a vingt-quatre grandes plumes, dont la seconde est la plus longue : elles ont toutes des taches transversales blanches & noires sur leurs barbes intérieures. Les petites plumes du dessous des aîles sont noires, & ont des taches blanches & rondes. La queue a cinq pouces de longueur, & douze plumes ; les deux du milieu sont les plus longues. Les pattes, les piés & les doigts ont une même couleur jaune ; les ongles sont noirâtres. Les alouettes sont la proie la plus ordinaire du haubereau. Willugb. Ornit.


HOBLERou HOBILERS, s. m. pl. (Hist. mod.) étoient autrefois des gens demeurant sur les côtes, qui étoient obligés de tenir un cheval prêt, en cas de quelque invasion, afin d'en donner avis.

C'étoit aussi le nom qu'on donnoit à certains chevaliers irlandois, qui servoient dans la cavalerie légere. (G)


HOBRO(Géog.) petite ville de Danemarck, avec un port dans la partie septentrionale du Jutlande.


HOBUSS. m. (Hist. nat. Bot.) espece de prunier des Indes occidentales, qui est fort grand & très-touffu. La prune qu'il porte n'est point fort charnue, & ressemble à celle qu'on nomme prune de damas. Elle devient jaune en mûrissant, & renferme un noyau très-dur ; le goût en est agréable, mais un peu aigre, & ce fruit est plein de filets. Quelques gens regardent ces prunes comme une espece de mirobolans. Les Indiens font une eau aromatique avec les sommités des rameaux de l'arbre, & avec leur écorce ; elle est, dit-on, propre à ranimer lorsqu'on est fatigué : le fruit a la propriété de fortifier l'estomac, & cependant de lâcher le ventre. Lorsqu'on rompt la racine, il en sort une eau qui est très-bonne à boire.


HOCS. m. (Jeux) ce jeu a deux noms, le hoc mazarin & le hoc de lion : il se joue différemment ; mais comme le premier est plus en usage que l'autre, nous ne parlerons ici que de lui.

Le hoc mazarin se joue à deux ou trois personnes ; dans le premier cas, on donne quinze cartes à chacun ; & dans le second, douze. Le jeu est composé de toutes les petites.

Le roi leve la dame, & ainsi des autres, suivant l'ordre naturel & ordinaire des cartes.

Ce jeu est une espece d'ambigu, puisqu'il est mêlé du piquet, du breland, & de la séquence. On l'appelle ainsi, parce qu'il y a six cartes qui font hoc.

Les privileges des cartes qui font hoc, sont qu'elles sont assûrées à celui qui les joue, & qu'il peut s'en servir pour telles cartes que bon lui semble.

Les hocs sont les quatre rois, la dame de pique & le valet de carreau ; chacune de ces cartes vaut un jetton à celui qui la jette.

Après avoir reglé le tems que l'on veut jouer, mis trois jettons au jeu, l'un pour le point, le second pour la séquence, & l'autre pour le tricon, on voit à qui fera ; & celui qui doit faire, ayant mêlé & fait couper à sa gauche, distribue le nombre de cartes que nous avons dit ci-devant. Le premier commence par accuser le point, ou à dire, je passe, s'il voit qu'il est petit, ou à renvier s'il est haut ; s'il passe & que les autres renvient, en disant deux, trois, ou quatre au point, il y peut revenir. On ne peut revenir sur celui qui renvie que vingt jettons au-dessus, & ainsi de ceux qui suivent en montant toujours de vingt. L'on peut cependant convenir de moins ; & celui qui gagne le point, le leve avec tous les renvis, sans que les deux soient obligés de lui rien donner.

Cela fait, on accuse la séquence, ou bien l'on dit passe pour y revenir, si on le juge à propos, au cas que les autres renvient de leur séquence, & pour-lors le premier qui a passé peut en être.

Quand il n'y a point de renvi, & que le jeu est simple, celui qui gagne de la séquence, tire un jetton de chaque joueur pour chaque séquence simple qu'il a en main.

La premiere qui vaut, fait valoir à celui qui l'a toutes les moindres qui seroient encore dans sa main. Si on passoit du point de la séquence & du tricon, & que par conséquent on ne tirât rien, on double l'enjeu pour le coup suivant ; & celui qui gagne, gagne double, quoique son jeu soit simple, & tire outre cela un jetton de chaque joueur.

Lorsqu'on a séquence ou tierce, quoique le jeu soit simple, on en paye deux à celui qui gagne, & autant à celui qui gagne une séquence simple avec une séquence de quatre cartes, c'est-à-dire une quatrieme de quelque carte que ce puisse être jusqu'au valet. Si le jeu est double, on en paye chacun quatre ; on donne trois jettons pour la quatrieme de roi, quoique le jeu soit simple, & six quand il est double.

Lorsque le jeu est simple, celui qui gagne le tricon tire deux jettons de chaque joueur ; & quatre, lorsqu'il est double. On en paye quatre pour trois rois lorsque le jeu est simple, & autant pour quatre dames, quatre valets, &c. & l'on double lorsque le jeu est double ; quatre rois au jeu simple en valent huit, & seize à jeu double.

Il est permis de revenir au tricon, à la séquence & au point. Ceci peut suffire à l'égard des retributions dûes au point, séquence & tricon, & des avantages des cartes qui font hoc. Passons maintenant à la maniere de jouer les cartes.

Ainsi supposé que le premier ait dans sa main un, deux, trois, quatre, & de même des autres cartes, quoiqu'elles ne soient point de la même couleur, & que les autres n'ayent pas de quoi mettre au-dessus de la carte où il s'arrête, la derniere carte qu'il a jettée lui est hoc, & lui vaut un jetton de chaque joueur ; & il recommence ensuite par ses plus basses, parce qu'il y a plus d'espérances de rentrer par les plus hautes.

Si, par exemple, il joue l'as, il dira un ; & s'il n'a pas le deux, il dira sans deux ; & celui qui le suit & qui aura un deux, le jettera & dira deux, trois, quatre, & ainsi des autres, jusqu'à ce qu'il manque de la carte suivante qu'il dira, par exemple, sept sans huit, & lorsque les autres joueurs n'ont pas la carte qui manque à celui qui joue, la derniere carte qu'il a jettée lui est hoc, & lui vaut un jetton de chaque joueur. Il en est de même de toutes les autres cartes, comme de celles dont on vient de parler ; & lorsque le joueur suivant, celui, par exemple, quatre sans cinq, a un hoc, il peut l'employer pour ce cinq qui lui manque, & alors il recommence à jouer par telle carte qui est plus avantageuse à son jeu, & il gagne un jetton de chaque joueur pour le hoc qu'il a jetté.

Il faut autant qu'on le peut se défaire de ses cartes à ce jeu, puisqu'on paye deux jettons pour chaque carte qui reste en main, depuis dix jusqu'à douze, & un pour chaque carte au-dessous de dix.

Si cependant il n'en restoit qu'une, on payeroit six jettons pour cette seule carte, & quatre pour deux. Celui qui a cartes blanches, c'est-à-dire, n'a point de figures dans son jeu, gagne pour cela dix jettons de chaque joueur ; mais si deux des joueurs avoient cartes blanches, le troisieme ne payeroit rien ni à l'un ni à l'autre.

Celui qui par mégarde en jettant un quatre par exemple, diroit quatre sans cinq, quoiqu'il eût le cinq, perdroit cinq jettons pour chaque joueur s'ils le découvroient.

Celui qui accuse moins de points qu'il n'en a, ne peut plus revenir ; & s'il perd le point par-là, tant pis pour lui.


HOCou HOCCA, s. m. (Jeux) comme l'écrit M. de la Mare, jeu de hazard fort inégal, & tenu par un banquier à tous venans.

Ce jeu s'exécute au moyen d'un grand tableau divisé par raies, en 30 numeros qui sont gravés dans des quarrés ; sur l'un ou plusieurs de ces numeros, celui qui joue contre le banquier met la somme qu'il veut hazarder ; pour décider son gain ou sa perte, on a un sac contenant 30 boules marquées intérieurement des mêmes numeros que ceux qui sont gravés sur les quarrés du tableau ; on mêle & on secoue ces boules dans le sac autant qu'il est possible ; ensuite un de ceux des joueurs qui ont mis au jeu (& cent personnes pourroient y mettre en même tems) tire une des boules du sac, l'ouvre, annonce & montre le numero ; si celui qui est pareil sur le quarré du tableau est couvert de quelque somme, le banquier est obligé de payer vingt-huit fois cette somme, de sorte, par exemple, que s'il y a un louis sur ce numero, il en paye vingt-huit ; mais tout ce qui est couché sur les autres numeros, est perdu pour les joueurs, & appartient au banquier ; il a d'ailleurs pour lui, & c'est-là l'objet important, deux des numeros de profit, parce qu'il y a trente numeros sur lesquels on met indifféremment, & il n'en paye que vingt-huit à ceux que le hazard favorise.

Ce jeu si prodigieusement défavorable aux joueurs, qui n'ont à chaque moment que vingt-huit chances contre trente, causa tant de pertes & de desordres à Rome dans le dernier siecle, que le pape fut obligé de le prohiber & de chasser tous les banquiers de ses états. Les Italiens, que le cardinal Mazarin avoit amenés avec lui en France, obtinrent du Roi la permission de tenir le jeu de hoca à Paris, & en conséquence y ruinerent quantité de particuliers. Alors le Parlement sévit contre les banquiers, & défendit ce jeu par des arrêts très-séveres. M. de la Mare en parle dans son Traité de police, où il produit deux de ces arrêts ; car on ne vint pas tout-d'un-coup à bout d'extirper cette fripponnerie dans les maisons des particuliers ; enfin elle a cedé sa place à d'autres. (D.J.)


HOCHBERG(Géog.) petit pays d'Allemagne au cercle de Soüabe dans le Brisgaw, Emertingen en est le lieu le plus considérable, il appartient au prince de Bade Dourlach. Long. 25. 32. lat. 48. 10. (D.J.)


HOCHou COCHE, s. f. (Art méchan.) dans l'art de bâtir, ce sont des entailles qu'on fait sur de petits montans de bois qu'on scelle dans les murs, pour tendre des lignes ou cordeaux, à repairer & à constater leur épaisseur.

On fait des coches ou hoches sur une taille pour compter les pains qu'on prend à crédit.

C'est par une hoche qui arrête la corde d'une arbalete, qu'on la bande : on marque dans les atteliers la besogne par des hoches. En général hoche ou coche est un copeau en coin qu'on sépare de la partie anguleuse d'un morceau de bois, pour déterminer ou des longueurs, ou des quantités, ou des épaisseurs. Voyez COCHE.


HOCHEPIÉS. m. (Fauconnerie) c'est l'oiseau qu'on jette seul après le héron pour le faire monter.


HOCHEPOTS. m. (Cuisine) morceau de boeuf haché, & cuit dans un pot couvert, avec des marrons, des navets & autres ingrédiens.


HOCHEQUEUES. m. voyez BERGERONETTE.


HOCHERv. act. (Gram.) secouer légerement ; on s'en sert dans la mesure des corps solides ; on hoche la mesure, afin que la chose mesurée s'entasse, & que la mesure en contienne davantage. Ce mot se dit sur-tout pour le charbon. On dit aussi, hocher le mords, hocher de la tête.


HOCHETS. m. (Gram.) jouet d'enfans encore à la mamelle ; ce jouet est un petit bâton d'ivoire, de corail, ou de crystal, à un des bouts duquel il y a plusieurs petits grelots. Archytas imagina le hochet pour amuser ses propres enfans, & c'est pour cela qu'Aristote l'appelle , le hochet d'Archytas : il a passé jusqu'à nous, & est même devenu un mot métaphorique, qu'on peut appliquer à bien des choses d'ici-bas, qui ne regardent point les enfans à la mamelle. (D.J.)


HOCHFELDEN(Géog.) petite ville de la basse Alsace, dans le grand baillage d'Haguenau.


HOCHHEIM(Géog.) ville ou gros bourg d'Allemagne, près de Mayence, & à l'embouchure du Mein qui se jette dans le Rhin. Cet endroit est fameux, parce qu'il produit le plus excellent vin du Rhin.


HOCHLAND(Géog.) île de la mer Baltique, près de la Livonie.


HOCHSTADT(Géog.) ville d'Allemagne en Franconie, dans l'évêché de Bamberg. Il y a encore une ville de ce nom dans le comté de Hanau.


HOCHSTET(Géog.) petite ville ou bourg d'Allemagne en Baviere sur le Danube, remarquable par la sanglante bataille que le prince Eugene & le duc de Marlboroug y gagnerent sur les François le 18 Août 1704. Hochstet est sur le Danube à 3 milles S. O. de Donavert, 1. N. E. de Dillingen, 5. N. E. d'Ulm. Long. 32. 21. lat. 48. 36. (D.J.)


HOCKERLAND(Géog.) petite contrée, & l'un des trois cercles de la Prusse ducale ; elle est environnée par la Prusse polonoise & par la haute Pologne ; Marienwerder en est la capitale. (D.J.)


HODEGOSS. m. (Théolog.) mot grec, qui signifie guide. C'est le titre d'un ouvrage qu'Anastase le sinaïte composa vers la fin du cinquieme siecle ; il y exposoit une méthode de controverse contre les hérétiques, particulierement contre les Acéphales. Voyez Fleury, Hist. eccl.

M. Toland a publié une dissertation sous le même titre, dont le sujet est la colomne de feu qui servoit de guide aux Israélites dans le desert pendant la nuit. (G)


HÖDERS. m. (Mythol.) nom d'un dieu révéré par les Celtes où les Goths ; ils disoient qu'il étoit aveugle, mais extrêmement fort ; les dieux & les hommes, ajoutoient-ils, voudroient bien qu'on n'eût jamais besoin de prononcer son nom, mais ils conserveront un long souvenir des exploits qu'ont fait ses mains. Voyez l'Edda ou la Mythologie celtique.


HODMANS. m. (Hist. mod.) c'est ainsi qu'on appelle, dans le college de Christ à Oxford, les écoliers qu'on y reçoit de l'école royale de Westminster. Voyez ÉCOLE. (G)


HODOPESS. m. pl. (Hist. anc.) magistrats qui veilloient dans Athènes à l'entretien des rues de la ville & des grands chemins.


HODSEBRO(Géog.) ville de Danemarck dans le Jutlande.


HOECHST(Géog.) petite ville d'Allemagne dans l'électorat de Mayence sur le Mein, à une lieue de Francfort. Long. 26. 10. lat. 50. 1. (D.J.)


HOEDS. m. (Comm.) mesure de contenance, dont on se sert pour les grains en plusieurs villes des Provinces-Unies. C'est une des diminutions du last : à Roterdam, le hoed fait 4 scheppels de Harlem, & les 14 sacs de Harlem, le hoed de Delft ; 10 muddes 1/2 d'Utrecht font un hoed de Roterdam ; à Alkmaer, le hoed est aussi de quatre scheppels, mais ceux-ci sont plus grands de 5/8 que ceux de Roterdam.

A Dordrecht, 8 sacs font un hoed, les trois hoeds font le last d'Amsterdam. A Tergow, 32 scheppels font un hoed. Les 4 hoeds d'Oudewater, de Heusden, de Gornichem & de Leerdam font 5 hoeds de Roterdam ; 2 hoeds de Gornichem sont 5 achtendeelen ou huitiemes, & un last & 4 hoeds font 5 hoeds de Delft. Le hoed de Montfort contient 4 huitiemes 1/2 plus que celui de Roterdam. Le hoed d'Yselstein contient 3 huitiemes plus que celui de Roterdam. Le hoed de Vianen contient 2 huitiemes plus que celui de Roterdam. Le hoed de Tiel est d'un huitieme moins fort que celui de Roterdam. Le hoed de Roterdam contient 10 viertels de Roermonde, & 4 viertels d'Anvers. Les 8 mowers de Bois-le-Duc font un hoed de Roterdam. Le hoed de Bruges contient 4 achtendeels 24/35 de Delft. Diction. de Commerce.


HOEFTou plutôt HET-HOOFT, (Géog.) forteresse de la Prusse polonoise sur la Vistule. Long. 36. 10. lat. 54. 28. (D.J.)


HOEICHEU(Géog.) ville commerçante de la Chine, 14e métropole de la province de Kianguan ; c'est dans cette ville que se fait la meilleure encre de la Chine, & où l'on trouve le meilleur thé. Long. 137. lat. 34. 10.

Il y a une autre ville de ce nom dans la province de Quantung, ou, suivant notre maniere d'écrire, Canton, dont elle est la 4e métropole, à 2d. 46'. plus orientale que Pékin, à 23d. 9'. de latitude. (D.J.)


HOËKENS. m. (Hist. mod.) nom de la faction opposée en Hollande à celle des kabeljaws ; cette derniere tira son nom du poisson qu'on appelle en flamand kabeljaw, merlus, & qui mange les autres ; ils vouloient désigner par ce nom de guerre, qu'ils dévoreroient de même leurs ennemis. Les hoëkens, ou hoëkiens à leur tour s'appellerent ainsi du mot hollandois hoëk, qui veut dire un hameçon, pour marquer qu'ils prendroient leurs ennemis, comme on prend avec l'hameçon le poisson dont ils avoient emprunté le nom. Quidam se cabilliavios, (sic belgicè vocant asellum piscem) apellabant, quòd ut ille pisces alios vorat, sic ipsi adversarios domarent ; alii se hoeckios dicebant (hoek hollandis hamum significat) quasi sese jactarent cabilliaviis futuros, quod est hamus pisci. Bolland. Januar. tom. I. p. 352.

Ces deux partis opposés (dont les noms, pour le dire en passant, sont estropiés dans tous nos auteurs) s'éleverent en Hollande vers l'an 1350, lorsque Marguerite, comtesse de Hollande, vint à se brouiller avec son fils Guillaume V. à l'occasion de la régence. Les kabeljaws étoient pour le fils, & portoient des bonnets gris ; les hoëks tenoient pour la mere, & portoient des bonnets rouges. Les villes & les grands seigneurs entrant dans l'un ou dans l'autre des deux partis, se firent la guerre avec une animosité furieuse, qui subsista plus de 140 ans ; car elle commença en 1350, & de finit qu'en 1492.

L'histoire dit que les kabeljaws étoient les plus forts en nombre & les plus cruels, & que les hoëks étoient les plus braves & les moins barbares. La bravoure est communément accompagnée de générosité ; la cruauté & la lâcheté se donnent toujours la main. (D.J.)


HOEXTER(Géog.) ville d'Allemagne en Westphalie sur le Weser.


HOFF(Géog.) ville d'Allemagne dans le Voigtland, avec un collége sur la Lecta. Long. 29. 45. lat. 50. 23. (D.J.)


HOFFMANISTESS. m. pl. (Théolog.) hérétiques qui ont prétendu que le Christ s'étoit fait chair de lui-même, au contraire de l'Ecriture qui nous apprend qu'il est né d'une femme. Cette erreur n'étoit pas la seule à laquelle ils étoient attachés. Ils refusoient le pardon à ceux qui étoient retombés dans le péché, & réduisoient ainsi l'action de la grace & la bonté de Dieu à la mesure de leurs caracteres inhumains & durs.


HOG'ou HADGRE, (Géog.) ville d'Asie dans l'Arabie heureuse, à 28 lieues S. E. de Yamamah. Long. 66. 30. lat. 23. 40. (D.J.)


HOGHLAND(l 'ISLE de) Géog. petite île du golfe de Finlande, par les 60d. de latit. & vers le 45. 30. de long. On n'y voit que des lapins, des rochers, des broussailles, & quelques liévres blancs, comme par-tout ailleurs en Livonie. (D.J.)


HOGHSHEADS. m. (Comm.) mesure des liquides dont on se sert en Angleterre : c'est proprement le muid : il faut deux hoghsheads pour la pipe ou botte, & deux pipes pour le tonneau de deux mille trois cent pintes, ou, comme disent les Anglois, de livres d'avoir du poids, à raison de seize onces chaque livre. Dict. de Comm. (G)


HOGU(LA) Géog. voyez HOUGUE (la)


HOHEN-ELB(Géog.) ville de Bohème, près de la source de l'Elbe & des frontieres de la Silésie.


HOHEN-FRIEDBERG(Géog.) ville de Silésie, dans la principauté de Schweidnitz, près de Strigau.


HOHEN-LOÉ(Géog.) petit pays d'Allemagne en Franconie, entre l'archevêché de Mayence, l'évêché de Wurtzbourg, le Marggraviat d'Anspach, le comté d'Oetingen, le territoire de Hall, le comté de Louvenstein, le duché de Wirtemberg, & l'ordre Teutonique. (D.J.)


HOHENBERG(Géog.) comté d'Allemagne, dans la Forêt-noire en Soüabe, sur la riviere de Necker. Il y en a un autre, près des frontieres de Bohème, sur la riviere d'Eger.


HOHENSTEIN(Géog.) comté d'Allemagne dans la Thuringe, aux frontieres de la principauté d'Anhalt. (D.J.)


HOHENZOLLERN(Géog.) comté de l'empire d'Allemagne, situé en Soüabe entre le Danube & le Necker, près du duché de Wirtemberg. Il est possedé par des souverains qui ont le titre de princes de l'empire.


HOHLFELD(Géog.) petite ville d'Allemagne en Franconie, dans l'évêché de Bamberg sur le Wisend.


HOILDE SAINTEvulg. SAINTE-HOUD, (Hist. eccl.) abbaye de filles, ordre de Citeaux, de la filiation de Clairvaux, au duché de Bar, diocese de Toul, fondée au xiij. siecle. Elle est deux lieues au N. O. de Bar-le-Duc.


HOIRIES. f. (Gram. & Jurisprud.) succession, hérédité. C'est une hoirie, ou succession jacente, abandonnée. Donner en avancement d'hoirie, c'est avancer à un enfant à condition que dans le partage après la mort il tiendra compte de l'avance à ses cohéritiers.


HOIRINS. m. (Marine) quelques-uns prennent aussi hoirin pour bouée. Voyez ORIN. (Z)


HOIRSS. m. (Jurisprud.) du latin oriri ; sont ceux qui sont issus de quelqu'un, tels que les enfans & petits-enfans, c'est pourquoi on dit quelquefois les hoirs de sa chair.

Hoir de quenouille, dans la coûtume de la Rue d'Indre locale de celle de Blaisois, signifie la fille qui est héritiere. (A)


HOITLALOTLS. m. (Hist. nat.) nom qu'on donne en Amérique à un oiseau décrit par Nieremberg, & qu'il nomme avis longa. Il est fort long, & court avec une rapidité singuliere. Son bec est aussi très-long, il est noir par-dessus & gris en-dessous ; sa queue est verte, & est éclatante comme celle du paon ; son corps est d'un jaune clair, & près de la queue il devient brun ; le haut des aîlerons est noir moucheté de blanc ; il ne s'éleve point fort haut en volant, mais il court d'une vîtesse incroyable. Voyez Ray, Ornithologie.


HOK-CHUS. m. (Diéte) espece de liqueur fermentée, semblable à de la biere forte, que les Chinois font avec le froment : elle est d'un brun foncé & d'un goût assez agréable. Les mêmes peuples font encore usage d'une autre liqueur appellée chamchu ; on dit qu'elle s'obtient par la distillation du ris fermenté, ce qui annonce une liqueur spiritueuse, qui est peut-être la même que celle qu'on connoît dans l'Indostan & en Europe sous le nom de rack ou d'arack ; cependant quelques voyageurs en parlent comme d'une espece de vin, & disent qu'il est d'un jaune clair ou légerement rougeâtre. On dit que les Tartares, établis à la Chine depuis la conquête, savent tirer une liqueur spiritueuse de la chair du mouton, mais on ne nous apprend point la maniere dont on l'obtient.


HOKEL-DAYHOCK-DAY, ou HOCK-LUESDAY, s. m. (Hist. mod.) le second mardi après la semaine de Pâques, jour où l'on célebroit autrefois en Angleterre une fête en mémoire de l'expulsion des Danois hors de ce royaume.


HOLAinterjection. Cette voix appelle, hola quelqu'un. Elle suspend une action. Après l'Agésilas, hélas ! après l'Attila, hola !


HOLBECK(Géog.) ville & port de Danemarck, dans l'île de Séeland.


HOLDERNESS(Géog.) petit canton d'Angleterre, dans la partie orientale de l'Yorckshire, avec titre de comté ; il a la figure d'un triangle irrégulier ; sa pointe la plus méridionale, entre l'entrée de l'Humber & la mer du nord, s'appelle Spunhead. (D.J.)


HOLE-GASS(Géog.) c'est-à-dire le chemin creux, lieu de Suisse dans le canton de Schwitz, près du bourg de Kusnacht ; c'est dans cet endroit mémorable pour la nation suisse, que Guillaume Tell tua d'un coup de fléche le gouverneur, que l'empereur Albert d'Autriche avoit dans le pays, & qui, par sa tyrannie, donna lieu à la naissance de la république ; en mémoire de cet événement, on a bâti dans ce lieu une chapelle où on lit cette inscription :

Brutus erat nobis, uro Guillelmus in arvo,

Assertor patriae, vindex, ultorque tyrannum.

(D.J.)


HOLECA(Géog.) royaume d'Afrique dans la haute Ethiopie, borné au couchant par le Nil, au nord par le royaume d'Amhara, à l'orient par la riviere de Queca, & au midi par Xaoa.


HOLERS. m. (Commerce) petite monnoie d'Allemagne d'un prix fort bas. C'est une espece de denier ; elle est si mince, que pour pouvoir la prendre commodément, on l'a faite un peu concave ; ce qui la fait ressembler à une tête de clou.


HOLESCHAU(Géog.) ville d'Allemagne en Moravie, près de la Morave.


HOLLAND(Géog.) petite ville de Prusse dans le Hockerland, à 5 lieues S. E. d'Elbing ; on la nommoit anciennement Wesela ; elle appartient au roi de Prusse. (D.J.)


HOLLANDERv. act. (Papetier) il se dit des plumes à écrire ; c'est les passer sous la cendre chaude, afin de les dégraisser, les durcir & les arrondir.


HOLLANDILLES. f. (Comm.) toile qui se tire de Hollande, & qu'on fabrique aussi en Silésie.


HOLLANSS. m. pl. (Comm.) baptiste qui se fabrique en Flandres, & qu'on envoie en Espagne, d'où elle passe aux Indes.


HOLLENBOURG(Géog.) ville d'Allemagne dans la basse Autriche, près de Crems.


HOLLIS. m. (Hist. nat. Bot.) espece de résine qui découle d'un arbre qui croît dans la nouvelle Espagne, que les Américains nomment holquahutl ou chilli. Cet arbre a une écorce unie & lisse ; son bois est tendre & d'une couleur rougeâtre ; il porte des fleurs blanches & un fruit semblable à une noisette, d'un goût amer. Quand on fend son écorce, il en sort un suc qui est d'abord blanc & laiteux, mais qui devient avec le tems brun & noir. Ce suc ou cette résine fortifie l'estomac & appaise le cours de ventre : on en prend avec le chocolat.


HOLLIN(Géog.) ville & forteresse de Suede, sur la côte méridionale de l'île d'Aland, avec un port.


HOLM(Géog.) c'est ainsi qu'on nomme en Suede, en Danemark, & dans d'autres pays du nord, le chantier où l'on travaille à la construction des navires. Ainsi les noms des villes qui se terminent par holm annoncent un port de mer.


HOLOCAUSTES. m. (Hist. anc.) sacrifice dans lequel la victime étoit entierement consumée par le feu, sans qu'il en restât rien, pour témoigner à la divinité qu'on se dévouoit totalement à elle. Dans les sacrifices faits aux dieux infernaux, on n'offroit que des holocaustes, on brûloit toute l'hostie, & on la consumoit sur l'autel, n'étant pas permis de manger rien de ces viandes immolées pour les morts. Les anciens qui, selon Hygin & Hésiode, faisoient de grandes cérémonies aux sacrifices, consumoient les victimes entieres dans le feu ; mais les pauvres n'étant pas en état de subvenir à cette dépense, Prométhée, dit-on, obtint de Jupiter qu'il fût permis de ne jetter qu'une partie de la victime dans le feu, & de se nourrir de l'autre. Pour donner lui-même l'exemple & établir une coûtume pour les sacrifices, il immola deux taureaux, & jetta leur foie dans le feu : ensuite séparant les chairs des os, il en fit deux monceaux, mais si artistement disposés & si bien couverts des peaux, qu'on les auroit pris pour deux taureaux. Jupiter invité par Prométhée à choisir l'une des deux parts, s'y trompa, prit celle qui n'étoit composée que d'os, & depuis ce tems-là la chair des victimes fut toûjours mise à part pour ceux qui sacrifioient, & les of brûlés en l'honneur des dieux. Malgré cette fiction, qui faisoit plus d'honneur à la pénétration de Prométhée qu'à celle de Jupiter, il est certain qu'il y a eu des tems & des lieux où l'on brûloit la victime toute entiere, & que l'holocauste a pris de-là son nom, , tout, & , je brûle. (G)


HOLOGRAPHES. m. (Jurisprud.) on appelle disposition holographe celle qui est entierement écrite & signée de la main de celui qui l'a faite ; cette qualification s'applique principalement aux testamens qui sont entierement écrits & signés de la main du testateur. Voyez TESTAMENT OLOGRAPHE. (A)


HOLOMETRES. m. (Géomét.) instrument de Mathématiques dont on se sert pour prendre toutes sortes de hauteurs, tant sur la terre qu'au ciel : il est composé de trois regles mobiles ; leurs ouvertures & leurs positions donnent les trois angles à la fois.


HOLOSTEONS. m. (Icthiol.) poisson du Nil ; il est long d'un pié ou environ, d'une forme pentagonale, d'une couleur blanche ou pâle, & couvert d'un cuir dur ; sa gueule est petite, & ses mâchoires garnies de dents semblables à celles des rats ; il a les yeux blancs : on se sert dans les Arts de sa peau qui se garde. On prétend qu'il descend de la mer. Holosteon signifie tout os.


HOLOSTEUMS. m. (Botan.) espece de plantain à feuilles longues, étroites, nerveuses, dures, velues, cotonneuses, blanchâtres, rampantes & styptiques, à tiges hautes d'un pié, velues, portant fleurs & semences pareilles à celles du plantain, & à racine longue, grosse, noirâtre & ligneuse. Cet holosteum se trouve en Languedoc ; on lui attribue les qualités détersive, vulnéraire, astringente, & consolidaire. Sa dureté l'a fait appeller holosteum.


HOLOSTEUSS. m. (Hist. nat. Litholog.) nom donné par quelques naturalistes à la substance ou pierre que l'on appelle plus communément ostéocolle. Voyez cet article.


HOLOTHURIES. f. holothurium, (Hist. nat. Zool.) animal de mer. M. Linnaeus le met au rang des zoophytes, qui sont nuds & qui ont des membres. Voyez ZOOPHYTE. Rondelet fait mention de deux especes d'holothuries dont il donne les figures. La premiere espece a une écorce dure, elle est oblongue ; l'une des extrémités est mousse & terminée par une écorce percée de plusieurs trous. La seconde espece a le corps parsemé d'aiguillons ; il est terminé à l'un des bouts par une sorte de tête ronde percée d'un trou rond & ridé qui s'ouvre & se ferme, & qui est la bouche de l'animal ; l'autre bout du corps est menu & allongé en forme de queue. Il y a de chaque côté un prolongement qui est une jambe, ou plutôt une nageoire, car l'animal s'en sert pour se mouvoir. L'un des prolongemens est plus étroit que l'autre, découpé tout-autour, & terminé en pointe. Rondelet, hist. des insectes & zoophytes. Linnaeus, hist. nat. (I)


HOLOVACZ(Géog.) ville de Pologne dans le palatinat de Volhinie.


HOLQUAHUITLS. m. (Hist. nat. Botan.) arbre résineux du Mexique, dont il y a deux especes ; ses feuilles sont très-grandes ; son tronc est uni & rougeâtre, & rempli d'une pulpe visqueuse & grasse ; il produit des fleurs blanches. Il se forme sur son tronc des especes de petites poches rougeâtres qui renferment un fruit blanc de la forme des avelines, d'un goût très-amer. La résine qu'il donne par incision est d'abord laiteuse ; par degrés elle devient brune & enfin noire. On lui attribue plusieurs vertus, comme de provoquer l'urine, de nettoyer la vessie, & de remédier à la stérilité des femmes. On assûre que ses feuilles séchées sont un poison mortel pour les lions, les tigres & les autres bêtes féroces. La résine de cet arbre est nommée holli par les Mexicains, & ule par les Espagnols.


HOLSTEIN(Géog.) Holsatia, pays d'Allemagne, avec titre de duché, entre la mer du Nord & la mer Baltique ; il est possédé principalement par le roi de Danemarck, & par le duc d'Holstein. Il n'y a que deux régences, la régence royale à Gluckstad, & la régence ducale à Gottorp ; le Holstein est partagé en quatre cantons, le Holstein propre, la Wagrie, le Stormar, & le Dithmarse. C'est Frédéric III. qui l'an 1474 érigea le comté de Holstein en duché. On peut voir sur le Holstein, sur ses comtes & ducs, Imhoff, notit. imper. lib. IV. c. ix. & Heiss, hist. de l'empire, liv. VI. chap. xiv.

Le Holstein a l'honneur d'avoir produit dans le xvij. siecle entr'autres savans, le célebre Nicolas Mercator, qui fut en Géométrie le précurseur de Newton ; il est vrai cependant que Mercator passa sa vie en Angleterre, où il publia sa Cosmographie, & d'autres ouvrages très-estimés. (D.J.)


HOLTZAPFEL(Géog.) ville & comté d'Allemagne, dans la principauté de Nassau-Siegen.


HOLY-HEAD(Géog.) ville maritime d'Angleterre, dans l'île d'Anglesey, entre l'Angleterre & l'Irlande.


HOLY-ISLAND(Géog.) Lindisfarnia, petite île d'Angleterre, sur la côte de Northumberland ; l'air n'en est pas sain, ni le terroir fertile ; sa plus grande ressource est la chasse & la pêche ; mais le havre est assez bon, & défendu par un fort. Il y avoit autrefois dans cette île un monastere avec une église, qui avoit titre d'évêché, & qui fut ensuite transféré à Derham. Elle étoit aussi la retraite d'un grand nombre de solitaires ; & c'est apparemment pour ces raisons, qu'on lui donne le nom de Holy-Island, qui signifie l'Isle-Sainte. Long. 15. 56. lat. 55. 40. (D.J.)


HOMAGUESS. m. (LES) Géog. peuple de l'Amérique méridionale, sur la riviere des Amazones, à l'orient du Pérou, & du pays de los Pacamorès. La province qu'habite ce peuple, passe pour la plus grande & la meilleure de toutes celles qui sont le long de la riviere des Amazones ; sa longueur est de 200 lieues, & les habitations assez fréquentes. M. Delisle nomme ce pays île des Omaguas, ou Aguas, vers les 310d. de long. & les 3d. 20'. de latit. méridionale. Voyez quelques autres détails à OMAGUAS. (D.J.)


HOMAINA(Géog.) petite ville & château dans la haute Hongrie, près de Caschau.


HOMARA(Géog.) petite ville d'Afrique au royaume de Fez, dans la province de Habat, entre Arzile & Alcazarquivir, à cinq lieues de chacune. Long. 12. lat. 35. 10. (D.J.)


HOMARDS. m. (Hist. nat.) gamarus, animal crustacé, appellé en Languedoc langrout, ou écrevisse de mer. Il ressemble à l'écrevisse d'eau douce par la forme du corps, mais il est beaucoup plus grand, & il a une couleur rouge obscure quelquefois avec des taches bleues, rouges & blanches ; lorsqu'on le fait cuire il devient rouge. Il a au milieu du front une petite corne plate, large, & dentelée sur les bords, & deux antennes de chaque côté au-devant de l'oeil ; l'une est plus grande que l'autre, plus mince que dans la langouste ; elle a des articulations à son origine. Le homard a quatre piés de chaque côté du corps, un grand bras terminé par une serre, & un petit bras velu & terminé par une pointe en forme de bec d'oiseau. La partie supérieure des serres est mobile & presse contre l'inférieure qui est immobile ; elles ont toutes les deux au-dedans des tubercules en forme de dents ; l'une des deux serres est toûjours plus grosse que l'autre, comme dans les écrevisses ; les deux premieres jambes de chaque côté sont fourchues à l'extrémité ; la queue est composée de cinq tables, & terminée par des nageoires ; les yeux sont petits.

Outre cette espece de homard, il y en a une plus petite appellée petit homard, ou petite écrevisse de mer ; elle differe de la grande, en ce qu'elle a la tête & la poitrine plus rondes & découpées à-l'entour ; ses piés ne sont pas fourchus, & elle est de couleur rouge, & a des bandes transversales bleues. Rondelet, hist. des poissons, liv. XVIII. Voyez CRUSTACE.


HOMBOURG(Géog.) en latin moderne, Homburgum, ville d'Allemagne au comté de Sarbrug, dans la Lorraine allemande, sur une petite riviere qui se jette dans la Blise, à deux lieues de Deux-Ponts. Long. 26. 6. lat. 49. 20. (D.J.)


HOMBRES. m. (Jeu) il est inutile de s'arrêter à l'étymologie de ce mot ; il suffit de dire que les Espagnols en sont les auteurs, & qu'il se sent par la tranquillité qu'il exige, du flegme & de la gravité de la nation. Il faut un jeu de cartes entier, dont la valeur est la même qu'au quadrille ; les matadors sont les mêmes encore, & ont les mêmes privileges. Après avoir compté vingt jettons & neuf fiches, qui valent cent à chacun des joueurs, & en avoir fixé la valeur, on tire les places comme au quadrille ; on donne ensuite neuf cartes trois à trois à chaque joueur, qui a dû auparavant marquer de trois jettons devant soi, leur en ajoûtant encore deux autres à chaque fois que tous les joueurs passent ; on ne peut point jouer avec dix cartes qu'on n'en ait averti ; & celui qui les a données à lui-même ou aux autres, est exclus du jeu pour ce coup. La triomphe est celle que le joueur a nommée, ce qu'il faut qu'il fasse avant d'avoir vû sa rentrée. On tire une carte au hasard du jeu de celui qui ayant dix cartes joueroit le sans-prendre. Ce que nous venons de dire pour celui qui donne dix cartes, doit s'entendre aussi à tous égards de celui qui n'en donneroit que huit ; on ne doit jouer le sans-prendre que lorsqu'on a assez beau jeu pour faire cinq mains, ce qui est le nombre requis pour gagner, à-moins que les deux autres joueurs n'en fissent cinq à eux deux, trois l'un & deux l'autre ; ce qui n'empêcheroit point l'hombre de gagner ; on ne doit écarter qu'autant de cartes qu'on en prend du talon ; le sans-prendre ou les matadors gagnent le double. Quant à l'écart, le premier peut prendre jusqu'à huit ; & le second, qui est celui qui écarte après lui, ne doit point aller à fond, c'est-à-dire, laisser moins de cinq cartes à l'autre, à-moins qu'il n'ait quelque matador. Les cartes se jouent du reste à l'ordinaire, excepté que quand on n'a point de la couleur dont on joue, on n'est point obligé de mettre de triomphe si l'on veut. La bête se fait toutes les fois que l'hombre fait moins de cinq mains, ou que n'en faisant que cinq, l'un des deux autres joueurs en fait autant. On la fait encore quand on joue avec plus de neuf cartes, ou moins, sans en avertir, & quand on renonce ; ce qui n'arrive que lorsqu'on a laissé plier les cartes sans reprendre la sienne, à-moins que toutes les cartes ne soient jouées. Qui fait la bête pour avoir renoncé, doit reprendre sa carte si elle peut nuire au jeu. Quand la premiere bête est tirée, ce sont toûjours les plus fortes qu'on gagne devant ; on ne remet de jettons devant soi, que quand les bêtes sont gagnées par codille, autrement on n'en met point ; si après qu'on aura passé un coup, l'hombre perd, il fait la bête de quarante-cinq, parce qu'il y en a cinq devant chaque joueur qui font quinze à trois chacun. Or quinze jettons devant chacun des trois joueurs, font quarante-cinq, & ainsi des autres bêtes, qui augmentent à proportion du nombre de jettons que chaque joueur a devant soi.

La vole est quand on fait toutes les levées ; elle gagne toutes les bêtes qui sont sur le jeu, & le double de ce qui y est quand il n'y en a qu'une. La vole est entreprise, quand ayant déjà cinq levées premieres on lâche la sixieme carte. L'hombre ne peut l'entreprendre quand il a vû les cartes de son écart. Quand la vole entreprise n'est pas faite, les deux autres partagent entr'eux tout ce qui est au jeu, les tours & les bêtes ; cependant celui qui a joué le sans-prendre s'en fait payer comme de ses matadors s'il en a. Si en donnant les cartes il se trouve un as noir retourné, on refait ; s'il y a plusieurs cartes retournées on refait encore ; celui qui mêle ne peut point jouer lorsqu'il y a une carte tournée au talon. Celui qui mêle & donne dix cartes ou les prend pour lui, ne peut jouer du coup ; les deux autres peuvent jouer, mais il faut auparavant de demander à jouer en prenant, ou de nommer en jouant sans prendre, qu'ils déclarent qu'ils ont dix cartes, sans quoi ils feroient la bête & le coup acheveroit de se jouer. Celui qui n'en donne ou prend que huit, ne peut jouer non plus ; celui qui les a reçues peut jouer comme nous l'avons déjà dit. Celui qui n'a que huit cartes doit en prendre du talon une de plus qu'il n'en écarte ; celui qui se trouve avec plus ou moins de cartes après avoir pris, fait la bête ; celui qui passeroit avec plus ou moins de cartes ne feroit pas la bête, pourvu qu'en écartant il prît ce qui lui manque, ou se défît de ce qu'il auroit de trop.

Celui qui en mêlant donne plus de dix cartes à un joueur, refait. Si le jeu est faux, soit que ce soit pour avoir plus de cartes, plusieurs d'une même couleur, ou des huit & des neuf, le coup est nul si l'on s'en apperçoit en le jouant, mais il est bon si l'on ne s'en apperçoit qu'après.

Le coup est joué lorsqu'il ne reste plus de cartes dans la main des joueurs, ou que l'hombre a fait assez de mains pour gagner, ou l'un des tiers pour gagner codille. Si l'hombre oublie à nommer sa couleur, l'un des deux joueurs peut nommer pour lui ; & si les deux nomment ensemble, on joue en celle qui a été nommée par celui qui est à la droite de l'hombre. L'hombre qui a oublié de nommer sa couleur, ou s'est mépris en la nommant, peut refaire son écart, si la rentrée n'est pas confondue avec son jeu. L'hombre doit nommer formellement la couleur dont il joue.

Quoique l'hombre ait vû sa rentrée, sa couleur est bien nommée s'il prévient les deux autres. Si celui qui joue ou sans prendre ou en prenant, nomme une couleur pour l'autre, ou qu'il en nomme deux, celle qu'il a nommée la premiere est la triomphe sans pouvoir en revenir ; celui qui a passé n'est plus reçû à jouer ; celui qui a demandé à jouer ne peut ni se dispenser de jouer, ni jouer sans prendre, à-moins qu'il ne soit forcé, auquel cas il le peut par préférence à celui qui le force. Celui qui n'étant pas le dernier en carte, & n'ayant pas de jeu à jouer sans prendre, nomme sa couleur sans avoir écarté & sans avoir demandé si l'on joue, est obligé de jouer sans prendre : celui qui joue sans prendre à jeu sûr en l'étalant sur table, n'est point obligé de nommer sa couleur, si ce n'est qu'on l'obligeât à jouer, & que les autres voulussent écarter. Celui qui tourne une carte du talon pensant jouer à un autre jeu, ne peut point jouer du coup, sans en empêcher pour cela les autres, & fait la bête.

De même si quelqu'un en remettant le talon sur la table ou autrement en tourne une carte, on joue le coup, mais il fait la bête. S'il reste des cartes du talon, celui qui a écarté le dernier les peut voir, & les autres ont le même droit après lui ; mais celui des deux autres qui les regarderoit si le dernier ne les avoit vûes, feroit la bête. Celui qui a pris trop de cartes du talon, peut remettre celles qu'il a de trop s'il ne les a pas vûes, & qu'elles ne soient pas confondues avec son jeu, & il ne fait pas la bête ; & s'il les a vûes ou qu'elles soient confondues avec son jeu, il fait la bête, & on lui tire au hasard celles qu'il a de trop dans son jeu. S'il n'en prenoit pas assez, il peut reprendre dans le talon ce qui lui manque, s'il est encore sur la table, sinon au hasard dans les écarts, & il ne fait pas la bête, si l'on n'a pas commencé de jouer. Celui qui n'a pas de la couleur dont on joue n'est pas obligé de couper, & celui qui a de la couleur n'est pas obligé de forcer, quoiqu'il le puisse. L'on ne doit point jouer avant son rang, mais on ne fait pas la bête pour cela : celui toutefois qui n'étant pas à jouer jetteroit une carte qui pourroit nuire à l'hombre, feroit la bête.

L'hombre qui a vû une carte qu'un des joueurs a tiré de son jeu, n'est pas en droit de la demander, à-moins qu'étant vûe, elle puisse préjudicier à son jeu ; auquel cas, celui qui a montré sa carte est obligé de la jouer, s'il le peut sans renoncer, sinon il ne la jouera pas, mais il fera la bête. Il est libre de tourner les levées faites par les autres pour voir ce qui est passé ; l'on ne doit cependant pas tourner les levées faites, ni compter tout haut ce qui est passé, que lorsqu'on est à jouer, devant laisser compter son jeu à chacun. Celui qui au lieu de tourner les levées qui sont devant un joueur, tourne & voit son jeu, fait la bête de moitié avec celui à qui sont les cartes retournées ; de même celui qui au lieu de prendre le talon, prendroit le jeu d'un des tiers. Dans ce dernier cas, il faudroit faire remettre le jeu comme il étoit ; & s'il étoit confondu de maniere à ne pouvoir être remis, il dépendroit de l'hombre de refaire. Celui qui renonce fait la bête autant de fois qu'il renonce, si on l'en fait appercevoir à chaque différente fois qu'il a renoncé ; mais si les cartes sont pliées il ne fait qu'une bête quand il auroit renoncé plusieurs fois ; il faut pour que la renonce soit faite que la levée soit pliée. Celui qui ayant demandé en quoi est la triomphe, couperoit de la couleur qu'on lui auroit dit, quoi qu'effectivement ce ne soit pas la triomphe, ne feroit pas la bête, mais il ne pourroit pas reprendre sa carte. Celui qui sans avoir demandé la triomphe couperoit d'une couleur qui ne la seroit pas, feroit la bête. Il n'est pas permis à l'hombre de la demander remise, ni de s'en aller quand sa couleur n'est pas favorable ; il ne lui est pas libre non plus de donner codille à qui bon lui semble, étant obligé de le payer à celui qui le gagne de droit.

L'hombre ne peut en aucune maniere demander gano ; celui des deux tiers qui est sûr de ses quatre mains, ne doit pas demander gano ni faire appuyer ; celui qui a demandé gano ayant sa quatrieme main sûre, & a gagné codille par ce moyen, est en droit de tirer le codille, mais cela ne se fait point parmi les beaux joueurs. Plusieurs bêtes faites sur un même coup vont ensemble, à-moins qu'on ne soit convenu autrement ; celui qui en fait deux à-la-fois, peut les faire aller ensemble ; mais celui qui en fait une sur une autre, ne le peut que du consentement des autres tiers. Quand les joueurs marquent diversement, on paye suivant celui qui marque le plus, & on fait la bête de même. Quand on a gagné codille on met trois jettons au jeu, quoiqu'il y ait encore des bêtes à tirer. Les trois matadors ne peuvent être forcés par une triomphe inférieure ; le matador supérieur force l'inférieur lorsqu'il est jetté par le premier qui joue ; le supérieur ne force pas l'inférieur s'il est joué sur une triomphe inférieure jouée la premiere ; les matadors ne se payent que dans la main de l'hombre. Si celui qui joue sans prendre avec des matadors demande l'un sans l'autre, il ne lui est dû que ce qu'il a demandé. Celui qui au lieu de demander les matadors qu'il a, demanderoit le sans-prendre qu'il n'auroit pas, ou le sans-prendre au lieu de matadors, ne pourroit exiger ni l'un ni l'autre, ce jeu demandant une explication formelle ; le jeu, la consolation & la bête peuvent se demander plusieurs coups après. On ne peut pas revenir des méprises en comptant les bêtes, passé le coup où elles ont été tirées ; celui qui gagne par codille ne manque point au tour, non plus que celui qui fait la vole. Quand la vole est entreprise, ceux qui la défendent peuvent se communiquer leur jeu, & convenir de ce qu'ils garderont pour l'empêcher. Celui qui ayant joué sans prendre s'étoit engagé à faire la vole & ne la fait pas, paye à chacun le droit de la vole, & il n'est payé ni du sans-prendre ni des matadors, pas même de la consolation ni du jeu. Il ne gagne rien, mais il ne fait pas la bête, à-moins qu'il ne perde le jeu ; auquel cas, il doit payer à chacun, outre la vole manquée, ce qui lui revient pour le sans-prendre, les matadors, & le jeu, & fait la bête à l'ordinaire.

Lorsqu'on admet les hazards au jeu de l'hombre, on ne les paye à celui qui fait jouer qu'autant qu'il gagne, de même qu'il les paye aux deux tiers lorsqu'il perd.

L'hombre se joue aussi à deux ; il n'est pas amusant. Il se joue comme à trois, à peu de différence près : il faut ôter une couleur rouge, desorte que le jeu n'est que de trente cartes ; on n'en donne que huit à chacun trois, trois, & deux, ensorte qu'il en reste quatorze au talon, dont chacun prend ce qui lui convient. Pour gagner il faut faire cinq levées ; la partie est remise si chacun en fait quatre ; si celui qui défend en fait cinq il gagne codille. Remarquez qu'on ne peut nommer la couleur que l'on a ôtée ; car s'il étoit permis de la nommer, avec spadille seul, on feroit quelquefois la vole avec plusieurs cartes de la même couleur, & à soi à jouer.


HOMEL(Géog.) petite ville de Lithuanie, sur la riviere de Sosz, dans le palatinat de Meizlau.


HOMÉLIES. f. (Théolog.) signifioit originairement conférence ou assemblée ; mais il s'est dit ensuite des exhortations & des sermons qu'on faisoit au peuple. Voyez PREDICATION.

Le nom grec d'homélie, dit M. Fleury, signifie un discours familier, comme le mot latin sermo ; & l'on nommoit ainsi les discours qui se faisoient dans l'Eglise, pour montrer que ce n'étoit pas des harangues & des discours d'apparat, comme ceux des orateurs profanes, mais des entretiens comme d'un maître à ses disciples, ou d'un pere à ses enfans.

Toutes les homélies des peres grecs & latins sont faites par des évêques. Nous n'en avons aucune de Tertullien, de Clément Alexandrin, & autres savans hommes, parce qu'aux premiers siecles il n'y avoit que les évêques qui eussent la permission de prêcher, & elle ne fut ordinairement accordée aux prêtres que vers le cinquieme siecle.

S. Jean Chrysostome fut le premier prêtre qui prêcha : Origene & S. Augustin ont aussi prêché comme prêtres, mais c'étoit par un privilege particulier.

Photius distingue l'homélie du sermon, en ce que l'homélie se faisoit familierement dans les églises par les prélats qui interrogeoient le peuple, & qui en étoient interrogés, comme dans une conférence ; au lieu que les sermons se faisoient en chaire à la maniere des orateurs. Voyez ORAISON, HARANGUE. &c.

Il nous est resté plusieurs belles homélies des peres, particulierement de S. Chrysostome & de S. Grégoire, &c. Dictionn. de Trévoux. (G)


HOMÉOMÉRIES. f. (Méthaphysiq.) Des deux mots grecs , semblable, & , partie. Ce terme exprime l'opinion d'Anaxagore, qui prétendoit que chaque tout dans la nature est composé de parties qui, avant leur union, étoient déja de même nature que le tout. Voici comment Lucrece l'exprime :

Nunc & Anaxagorae scrutemur homaeoromiam

Quam Graeci memorant, nec nostrâ dicere linguâ

Concedit nobis patrii sermonis egestas :

Sed tamen ipsam rem facile est exponere verbis.

Principium rerum, quam dicit homaeoromiam,

Ossa videlicet ex pauxillis atque minutis

Ossibus, sic & de pauxillis atque minutis

Visceribus, viscus gigni, sanguenque creari

Sanguinis inter se multis coeuntibus guttis,

Ex aurique putat micis consistere posse

Aurum, & de terris terram concrescere, parvis ;

Ignibus ex ignem, humorem ex humoribus esse.

Caetera consimili fingit ratione putatque.

Lucret. de rerum nat. lib. I. v. 830.

Suivant cette hypothese ; un of est donc un composé de petits of ; les entrailles des animaux sont un composé de petites entrailles ; le sang n'est que le concours de petites gouttelettes de sang ; une masse d'or est un amas de parcelles d'or ; la terre un amas de petites terres ; le feu un assemblage de parcelles de feu. Il en est de même, selon lui, de tous les corps que nous voyons.

Ce qui a pu engager Anaxagore dans ce sentiment, c'est qu'il remarquoit qu'une goutte d'eau, si divisée & si évaporée qu'elle pût être, étoit toûjours de l'eau, & qu'un grain d'or, partagé en dix mille petites portions, étoit dans les dix mille parcelles ce qu'il étoit en son entier. Anaxagore entrevoyoit la vérité à cet égard ; & s'il avoit borné son principe aux natures simples que l'expérience nous montre indestructibles, il auroit eu raison de n'admettre en ces natures que de nouveaux assemblages, ou des desunions passageres, & non de nouvelles générations. Mais il s'éloigne de la vérité en des points bien importans.

Sa premiere méprise est d'étendre son principe aux corps mélangés. Il n'en est pas du sang comme de l'eau. Celle-ci est simple, au lieu que le sang est un composé de différentes parcelles d'eau, d'huile & de terre qui étoient dans la nourriture. Une seconde méprise est d'étendre le même principe aux corps organisés, comme si une multitude de petites entrailles pouvoient en quelque sorte aider l'organisation des entrailles d'un boeuf ou d'un chameau, & de l'un plûtôt que de l'autre. Mais ce que j'appellerai une impiété plutôt qu'une méprise, est de penser que Dieu, pour créer le monde, n'eût fait que rapprocher & unir des matieres déja faites, ensorte qu'elles ne lui doivent ni leur être, ni leur excellence ; & que ce qu'il y a de plus estimable dans l'univers, je veux dire, cette diversité de natures actuellement inaltérables, a précédé la fabrique du monde, au lieu d'en être l'effet. Mais l'impiété de cette philosophie trouve sa réfutation dans le ridicule même qu'elle porte avec elle.

Vous demandez à Anaxagore quelle est l'origine d'un brin d'herbe : il vous répond en philosophe, qu'il faut remonter à l'homéomérie, selon laquelle Dieu n'a fait que rapprocher de petites herbes élémentaires qui étoient comme lui de toute éternité. Toutes choses, dit-il, étoient ensemble pêle-mêle (c'est ce qu'on peut appeller panspermie, ou mêlange de toutes les semences) ; & l'esprit venant ensuite, en a composé le monde. (Diogen. Laert. lib. II. n°. 6.) Si quelqu'un me demandoit de quelle laine & de quelle main est le drap que je porte ; au lieu de dire, c'est une laine de Ségovie, fabriquée par Pagnon, ou par Van-Robès ; seroit-ce répondre juste que de dire : le drap étoit, & un tailleur en a pris des morceaux qu'il a cousus pour me faire un habit ? Mais il y a ici quelque chose de plus ridicule encore. Notre philosophe raisonne sur l'origine des corps mixtes & des corps organisés, comme celui qui voyant quelque rapport entre la figure d'un chat & d'un tigre, diroit qu'un tigre est composé de plusieurs petits chats, réunis pour en former un très-gros ; ou comme celui qui voulant nous apprendre l'origine des montres, nous diroit qu'un ouvrier ayant trouvé quantité de montres si petites qu'on ne les voyoit pas, les avoit amassées dans une boëte, & en avoit fait une montre qu'on pût voir. Hist. du ciel, tom. II. pag. 114.


HOMEou CHOMER, s. m. (Hist. anc.) mesure creuse des Hébreux, qui contenoit dix baths, ou deux cent quatre-vingt-dix-huit pintes, chopine & demi-septier, un poisson & un peu plus. Voyez BATH. Diction. de la Bible.


HOMÉRISTESsub. pl. les Grecs donnoient ce nom à des chanteurs, qui faisoient métier de chanter dans les maisons, dans les rues & dans les places publiques, les vers d'Homere. Voyez CHANTEUR. (B)


HOMÉRITE(LES) Géogr. anc. ancien peuple de l'Arabie heureuse, qui faisoit partie des Sabéens, avec lesquels bien des auteurs les ont confondus. Le pays des Homérites répond à peu-près à ce que nous appellons le pays d'Aden. (D.J.)


HOMICIDES. m. (Jurisprud.) signifie en général une action qui cause la mort d'autrui.

On entend aussi par le terme d'homicide, celui qui commet cette action, & le crime que renferme cette action.

Il y a cependant certaines actions qui causent la mort d'autrui, que l'on ne qualifie pas d'homicides, & que l'on ne considere pas comme un crime ; ainsi les gens de guerre, qui tuent des ennemis dans le combat, ne sont pas qualifiés d'homicides ; & lorsque l'on execute un condamné à mort, cela ne s'appelle pas un homicide, mais une exécution à mort, & celui qui donne ainsi la mort, ne commet point de crime, parce qu'il le fait en vertu d'une autorité légitime.

Suivant les lois divines & humaines, l'homicide volontaire est un crime qui mérite la mort.

On voit dans le chap. iv. de la Genese, que Caïn ayant commis le premier homicide en la personne de son frere, sa condamnation fut prononcée par la voix du Seigneur, qui lui dit que le sang de son frere crioit contre lui, qu'il seroit maudit sur la terre ; que quand il la laboureroit, elle ne lui porteroit point de fruit ; qu'il seroit vagabond & fugitif. Caïn lui-même dit que son iniquité étoit trop grande pour qu'elle pût lui être pardonnée ; qu'il se cacheroit de devant la face du Seigneur, & seroit errant sur la terre ; & que quiconque le trouveroit, le tueroit. Il reconnoissoit donc qu'il avoit mérité la mort.

Cependant le Seigneur voulant donner aux hommes un exemple de miséricorde, & peut-être aussi leur apprendre qu'il n'appartient pas à chacun de s'ingérer de donner la mort, même envers celui qui la mérite, dit à Caïn que ce qu'il craignoit n'arriveroit pas ; que quiconque le tueroit, seroit puni sept fois ; & il mit un signe en Caïn, afin que quiconque le trouveroit, ne le tuât point. Caïn se retira donc de la présence du Seigneur, & habita, comme fugitif, vers l'orient d'Eden.

Il est parlé dans le même chapitre de Lamech, qui ayant tué un jeune homme, dit à ce sujet à ses femmes, que le crime de Caïn seroit vangé sept fois, mais que le sien seroit puni soixante-dix-sept fois. S. Chrysostome dit que c'est parce qu'il n'avoit pas profité de l'exemple de Caïn.

Dans le chapitre jx. où Dieu donne diverses instructions à Noé, il lui dit que celui qui aura répandu le sang de l'homme, son sang sera aussi répandu ; car Dieu, est-il dit, a fait l'homme à son image.

Le quatrieme article du Décalogue défend de tuer indistinctement.

Les lois civiles que contient l'Exode, chap. xxj. portent entr'autres choses, que qui frappera un homme, le voulant tuer, il mourra de mort ; que s'il ne l'a point tué de guet-à-pens, mais que Dieu l'ait livré entre ses mains, Dieu dit à Moyse qu'il ordonnera un lieu où le meurtrier se retirera ; que si par des embûches quelqu'un tue son prochain, Moyse l'arrachera de l'autel, afin qu'il meure ; que si un homme en frappe un autre avec une pierre ou avec le poing, & que le battu ne soit pas mort, mais qu'il ait été obligé de garder le lit, s'il se leve ensuite, & marche dehors avec son bâton, celui qui l'a frappé sera réputé innocent, à la charge néanmoins de payer au battu ses vacations pour le tems qu'il a perdu, & le salaire des medecins ; que celui qui aura frappé son serviteur ou sa servante, & qu'ils soient morts entre ses mains, il sera puni ; que si le serviteur ou la servante battus survivent de quelques jours, il ne sera point puni ; que si dans une rixe quelqu'un frappe une femme enceinte, & la fait avorter sans qu'elle en meure, le coupable sera tenu de payer telle amende que le mari demandera, & que les arbitres regleront ; mais que si la mort s'ensuit, il rendra vie pour vie, oeil pour oeil, dent pour dent, main pour main, pié pour pié, brûlure pour brûlure, plaie pour plaie, meurtrissure pour meurtrissure.

Ces mêmes lois vouloient que le maître d'un boeuf fût responsable de son délit ; que si l'animal avoit causé la mort, il fût lapidé, & que le maître lui-même qui auroit déja été averti, & n'auroit pas renfermé l'animal, mourroit pareillement ; mais que si la peine lui en étoit imposée, il donneroit pour racheter sa vie tout ce qu'on lui demanderoit : mais il ne paroît pas que l'on eût la même faculté de racheter la peine de l'homicide que l'on avoit commis personellement.

Le livre des Nombres, chap. 35. contient aussi plusieurs réglemens pour la peine de l'homicide ; savoir, que les Israëlites désigneroient trois villes dans la terre de Chanaan, & trois au-delà du Jourdain, pour servir de retraite à tous ceux qui auroient commis involontairement quelque homicide ; que quand le meurtrier seroit refugié dans une de ces villes, le plus proche parent de l'homicidé ne pourroit le tuer jusqu'à ce qu'il eût été jugé en présence du peuple ; que celui qui auroit tué avec le fer seroit coupable d'homicide, & mourroit ; que celui qui auroit frappé d'un coup de pierre ou de bâton, dont la mort se seroit ensuivie, seroit puni de même ; que le plus proche parent du défunt tueroit l'homicide aussi-tôt qu'il pourroit le saisir ; que si de dessein prémédité quelqu'un faisoit tomber quelque chose sur un autre qui lui causât la mort, il seroit coupable d'homicide, & que le parent du défunt égorgeroit le meurtrier aussi-tôt qu'il le trouveroit ; que si, par un cas fortuit & sans aucune haine, quelqu'un causoit la mort à un autre, & que cela fût reconnu en présence du peuple, & après que la question auroit été agitée entre le meurtrier & les proches du défunt, que le meurtrier seroit délivré comme innocent de la mort de celui qui vouloit vanger la mort, & seroit ramené en vertu du jugement dans la ville où il s'étoit refugié, & y demeureroit jusqu'à la mort du grand-prêtre. Si le meurtrier étoit trouvé hors des villes de refuge, celui qui étoit chargé de vanger la mort de l'homicidé, pouvoit sans crime tuer le meurtrier, parce que celui-ci devoit rester dans la ville jusqu'à la mort du grand-prêtre ; mais, après la mort de celui-ci, l'homicide pouvoit retourner dans son pays. Ce réglement devoit être observé à perpétuité. On pouvoit prouver l'homicide par témoins ; mais on ne pouvoit pas condamner sur la déposition d'un seul témoin. Enfin, celui qui étoit coupable d'homicide, ne pouvoit racheter la peine de mort en argent, ni ceux qui étoient dans des villes de refuge racheter la peine de leur exil.

Jesus-Christ, dans S. Matthieu, chap. v. dit que celui qui tuera, sera coupable de mort, reus erit judicio ; & dans S. Jean, chap. 18. lorsque Pilate dit aux Juifs de juger Jesus-Christ selon leur loi, ils lui répondirent qu'il ne leur étoit pas permis de tuer personne : ainsi l'on observoit dès-lors qu'il n'y avoit que les juges qui pussent condamner un homme à mort.

Enfin, pour parcourir toutes les lois que l'Ecriture-sainte nous offre sur cette matiere, il est dit dans l'Apocalypse, chap. 22. que les homicides n'entreront point dans le royaume de Dieu.

Chez les Athéniens, le meurtre involontaire n'étoit puni que d'un an d'exil ; le meurtre de guet-à-pens étoit puni du dernier supplice. Mais ce qui est de singulier, est qu'on laissoit au coupable la liberté de se sauver avant que le juge prononçât sa sentence ; & si le coupable prenoit la fuite, on se contentoit de confisquer ses biens, & de mettre sa tête à prix. Il y avoit à Athènes trois tribunaux différens où les homicides étoient jugés ; savoir, l'aréopage pour les assassinats prémédités, le palladium pour les homicides arrivés par cas fortuits, & le delphinium pour les homicides volontaires, mais que l'on soûtenoit légitimes.

La premiere loi qui fut faite sur cette matiere chez les Romains, est de Numa Pompilius ; elle fut insérée dans le code papyrien. Suivant cette loi, quiconque avoit tué un homme de guet-à-pens (dolo), étoit puni de mort comme un homicide ; mais s'il ne l'avoit tué que par hasard & par imprudence, il en étoit quitte pour immoler un bélier par forme d'expiation. La premiere partie de cette loi de Numa contre les assassinats volontaires, fut transportée dans les douze tables, après avoir été adoptée par les décemvirs.

Tullus Hostilius fit aussi une loi pour la punition des homicides. Ce fut à l'occasion du meurtre commis par un des Horaces ; il ordonna que les affaires qui concerneroient les meurtres, seroient jugées par les décemvirs ; que si celui qui étoit condamné, appelloit de leur sentence au tribunal du peuple, cet appel auroit lieu comme étant légitime ; mais que si par l'événement la sentence étoit confirmée, le coupable seroit pendu à un arbre, après avoir été fustigé ou dans la ville ou hors des murs. La procédure que l'on tenoit en cas d'appel, est très-bien détaillée par M. Terrasson en son histoire de la Jurisprudence Romaine sur la seizieme loi du code papyrien, qui fut formée de cette loi de Tullus Hostilius.

La loi que Sempronius Gracchus fit dans la suite sous le nom de loi Sempronia, de homicidiis, ne changea rien à celles de Numa & de Tullus Hostilius.

Mais Lucius Cornelius Sylla, étant dictateur, l'an de Rome 673, fit une loi connue sous le nom de loi Cornelia de sicariis. Quelque tems après la loi des douze tables, les meurtriers furent appellés sicarii, du mot sica qui signifioit une petite épée recourbée que l'on cachoit sous sa robe. Cette espece de poignard étoit défendue, & l'on dénonçoit aux triumvirs ceux que l'on en trouvoit saisis, à moins que cet instrument ne fût nécessaire au métier de celui qui le portoit, par exemple si c'étoit un cuisinier qui eût sur lui un couteau.

Suivant cette loi Cornelia, si le meurtrier étoit élevé en dignité, on l'exiloit seulement ; si c'étoit une personne de moyen état, on la condamnoit à perdre la tête ; enfin, si c'étoit un esclave, on le crucifioit, ou bien on l'exposoit aux bêtes sauvages.

Dans la suite, il parut injuste que le commun du peuple fût puni plus rigoureusement que les personnes élevées en dignité ; c'est pourquoi il fut résolu que la peine de mort seroit générale pour toutes les personnes qui se rendroient coupables de meurtre ; & quoique Cornelius Sylla n'ait point été l'auteur de tous les changemens que sa loi éprouva, néanmoins toutes les nouvelles dispositions que l'on y ajoûta en divers tems, furent confondues avec la loi Cornelia, de sicariis.

On tenoit pour sujets aux rigeurs de la loi Cornelia, de sicariis, non seulement ceux qui avoient effectivement tué quelqu'un, mais aussi celui qui, à dessein de tuer, s'étoit promené avec un dard, ou qui avoit préparé du poison, qui en avoit eu ou vendu. Il en étoit de même de celui qui avoit porté faux témoignage contre quelqu'un, ou si un magistrat avoit reçû de l'argent pour une affaire capitale.

Les senatusconsultes mirent aussi au nombre des meurtriers ceux qui auroient châtré quelqu'un, soit par esprit de débauche, ou pour en faire trafic, ou qui auroient circoncis leurs enfans, à moins que ce ne fussent des Juifs, enfin tous ceux qui auroient fait des sacrifices contraires à l'humanité.

On exceptoit seulement de la loi Cornelia ceux qui tuoient un transfuge, ou quelqu'un qui commettoit violence, & singulierement celui qui attentoit à l'honneur d'une femme.

Les anciennes lois des Francs traitent du meurtre, qui étoit un crime fréquent chez les peuples barbares.

Les capitulaires défendent tout homicide commis par vengeance, avarice, ou à dessein de voler. Il est dit que les auteurs seront punis par les juges du mandement du roi, & que personne ne sera condamné à mort que suivant la loi.

Celui qui avoit tué un homme pour une cause légere ou sans cause, étoit envoyé en exil pour autant de tems qu'il plaisoit au roi. Il est dit dans un autre endroit des capitulaires, que celui qui avoit fait mourir quelqu'un par le fer, étoit coupable d'homicide, & méritoit la mort ; mais le coupable avoit la faculté de se racheter, en payant aux parens du défunt une composition appellée vuirgildus, qui étoit proprement l'estimation du dommage causé par la mort du défunt ; on donnoit ordinairement une certaine quantité de bétail, les biens du meurtrier n'étoient pas confisqués.

Pour connoître si l'accusé étoit coupable de l'homicide qu'on lui imputoit, on avoit alors recours aux différentes épreuves appellées purgation vulgaire, dont l'usage continua encore pendant plusieurs siecles.

Suivant les établissemens de S. Louis, quand un homme, en se battant, en tuoit un autre qui l'avoit blessé auparavant, il nétoit pas condamné à mort ; mais si un des parens de l'homicidé assûroit que le défunt l'avoit chargé de vanger sa mort, on ordonnoit le duel entre les parties, & le vaincu étoit pendu.

On trouve encore, dans les anciennes ordonnances, plusieurs dispositions assez singulieres par rapport à l'homicide.

Par exemple, à Abbeville, suivant la charte de commune donnée à cette ville par le roi Jean en 1350, si un bourgeois en tuoit un autre par hasard ou par inimitié, sa maison devoit être abattue ; si on pouvoit l'arrêter, les bourgeois lui faisoient son procès ; s'il s'échappoit, & qu'au bout d'un an il implorât la miséricorde des échevins, il devoit d'abord recourir à celle des parens ; s'il ne les trouvoit pas, après s'être livré à la miséricorde des échevins, il pouvoit revenir dans la ville, & si ses ennemis l'attaquoient, ils se rendoient coupables d'homicide.

Dans des lettres de Guy, comte de Nevers, de l'année 1231, confirmées en 1356 par Charles, régent du royaume, il est dit que l'on pourra arrêter les bourgeois de Nevers accusés d'homicide, lorsqu'il se présentera quelqu'un qui s'engagera à prouver qu'ils l'ont commis, ou qu'ils auront été pris sur le fait, & que l'on pourra les tirer hors de leur jurisdiction.

Dans des lettres que le même prince donna l'année suivante, en faveur des habitans de Villefranche en Périgord, il est dit que les biens d'un homicide condamné à mort dans cette ville, appartenoient au roi, les dettes du condamné préalablement payées.

A Peronne, suivant la charte de commune donnée à cette ville par Philippe-Auguste, & confirmée par Charles V. en 1368, celui qui tuoit dans le château ou dans la banlieue de Peronne un homme de la commune de ce lieu, étoit puni de mort, à moins qu'il ne se réfugiât dans une église ; sa maison étoit détruite, & ses biens confisqués. S'il s'échappoit, il ne pouvoit revenir dans le territoire de la commune qu'après s'être accommodé avec les parens, & en payant à la commune une amende de dix livres. La même chose s'observoit aussi à cet égard dans plusieurs autres lieux. Quand l'accusé de meurtre ne pouvoit être convaincu, il devoit se purger par serment devant les échevins.

La charte de commune de Tournay, qui est de l'année 1370, porte que si un bourgeois ou habitant de Tournay blesse ou tue un étranger qui l'a attaqué, il ne sera point puni & que ses biens ne seront point confisqués ; parce que les biens d'un étranger qui, en se défendant, auroit tué un bourgeois ou un habitant de Tournay, ne seroient pas confisqués ; que les bourgeois & habitans de Tournay qui, en se défendant, auront blessé ou tué un étranger qui les aura attaqués, pourront, après s'être accommodés avec la partie, obtenir du roi des lettres de grace, & être rétablis dans l'habitation de cette ville.

Suivant l'usage présent, tout homme qui en tue un autre, mérite la mort ; le crime est plus ou moins grave, selon les circonstances : l'assassinat prémédité est de tous les homicides le plus criant, aussi n'accorde-t-on point de lettres de grace à ceux qui en sont auteurs ou complices.

L'édit d'Henri II. du mois de Juillet 1557 prononce en ce cas la peine de mort sur la roue, sans que cette peine puisse être commuée ; ce qui est confirmé par l'ordonnance de Blois, art. cxcjv. qui défend d'accorder pour ce crime aucunes lettres de grace.

L'article suivant concernant ceux qui se louent pour tuer, battre & outrager, veut que la seule machination & attentat soit puni de mort, encore que l'effet n'eût pas suivi.

Ces lettres de remission s'accordent pour les homicides involontaires, ou qui sont commis dans la nécessité d'une légitime défense de la vie. Voyez l'ordonnance de 1670, tit. xvj. art. ij. & jv.

L'homicide volontaire de soi-même étoit autrefois autorisé chez quelques nations, quoique d'ailleurs assez policées ; c'étoit la coûtume dans l'île de Céa, que les vieillards caducs se donnassent la mort. Et à Marseille, du tems de Valere-Maxime, on gardoit publiquement un breuvage empoisonné que l'on donnoit à ceux qui ayant exposé au sénat les raisons qu'ils avoient de s'ôter la vie, en avoient obtenu la permission. Le sénat examinoit leurs raisons avec un certain tempérament, qui n'étoit ni favorable à une passion téméraire de mourir, ni contraire à un desir légitime de la mort, soit qu'on voulût se délivrer des persécutions & de la mauvaise fortune, ou qu'on ne voulût pas courir le risque d'être abandonné de son bonheur ; mais ces principes contraires à la saine raison & à la religion ne pouvoient convenir à la pureté de nos moeurs : aussi parmi nous l'homicide de soi-même est puni ; on fait le procès au cadavre de celui qui s'est donné la mort. Cette procédure étoit absolument inconnue aux Romains ; ils n'imaginoient pas que l'on dût faire subir une peine à quelqu'un qui n'existoit plus, & à un cadavre qui n'a point de sentiment : mais parmi nous, ces exécutions se font pour l'exemple, & pour inspirer aux vivans de l'horreur de ces sortes d'homicides. Voyez ASSASSINAT, COMBAT en CHAMP-CLOS, DUEL, MEURTRE, PARRICIDE. (A)


HOMILÉTIQUES(Droit natur.) On distingue de ce nom les vertus relatives au commerce de la vie ; Aristote dit que ces sortes de vertus ont lieu, . Ethic. Nicomach. lib. IV. cap. xij.

Je les définis en général avec l'évêque de Peterborough, certaines dispositions à pratiquer une sorte de justice qui fait du bien à autrui, par un usage de signes arbitraires, convenable à ce que demande le bien commun.

Les signes arbitraires que nous entendons ici, sont non-seulement la parole qui est le principal, mais encore les gestes du corps, la contenance & tous les mouvemens du visage, qui sont des indices de quelque disposition de l'ame dépendant de notre volonté.

Les vertus homilétiques sont la gravité & la douceur, comitas, qui gardent en toutes leurs démonstrations une juste mesure ; pour ce qui est de la parole en particulier, l'usage & les bornes convenables en sont reglées par le sage silence, taciturnitas, lorsque le bien commun le demande ; par la véracité qui s'appelle fidélité en matiere de promesses, & par l'urbanité. On conçoit déja quels sont les vices ou défauts opposés aux vertus homilétiques, & nous les nommerons en parlant de chacune de ces vertus sous leurs articles respectifs. (D.J.)


HOMINICOLESS. m. plur. (Théolog.) nom que les Apollinaristes donnoient autrefois aux orthodoxes, pour marquer qu'ils adoroient un homme. Voyez APOLLINARISTES.

Comme les Catholiques soutenoient que Jesus-Christ étoit Homme-Dieu, les Apollinaristes les accusoient d'adorer un homme, & les appelloient Hominicoles. Dict. de Trévoux. (G)


HOMMAGES. m. (Gram. & Jurispr.) seu fides, & dans la basse latinité hommagium ou hominium, est une reconnoissance faite par le vassal en présence de son seigneur qu'il est son homme, c'est-à-dire son sujet, son vassal.

Hommage vient de homme ; faire hommage ou rendre hommage, c'est se reconnoître homme du seigneur : on voit aussi dans les anciennes chartes que baronie & hommage étoient synonymes.

On distinguoit anciennement la foi & le serment de fidélité de l'hommage : la foi étoit dûe par les roturiers, voyez au mot FOI. Le serment de fidélité se prêtoit debout après l'hommage, il se faisoit entre les mains du bailli ou sénéchal du seigneur, quand le vassal ne pouvoit pas venir devers son seigneur ; au lieu que l'hommage n'étoit dû qu'au seigneur même par ses vassaux.

On trouve des exemples d'hommage dès le tems que les fiefs commencerent à se former ; c'est ainsi qu'en 734 Eudes, duc d'Aquitaine, étant mort, Charles-Martel accorda à son fils Hérald la jouissance du domaine qu'avoit eu son pere, à condition de lui en rendre hommage & à ses enfans.

De même en 778, Charlemagne étant allé en Espagne pour rétablir Ibinalarabi dans Sarragosse, reçut dans son passage les hommages de tous les princes qui commandoient entre les pyrenées & la riviere d'Ebre.

Mais il faut observer que dans ces tems reculés la plûpart des hommages n'étoient souvent que des ligues & alliances entre des souverains ou autres seigneurs, avec un autre souverain ou seigneur plus puissant qu'eux ; c'est ainsi que le comte de Hainault, quoique souverain dans la plûpart de ses terres, fit hommage à Philippe-Auguste en 1290.

Quelques-uns de ces hommages étoient acquis à prix d'argent ; c'est pourquoi ils se perdoient avec le tems comme les autres droits.

La forme de l'hommage étoit que le vassal fût nue tête, à genoux, les mains jointes entre celles de son seigneur, sans ceinture, épée ni éperons ; ce qui s'observe encore présentement ; & les termes de l'hommage étoient : Je deviens votre homme, & vous promets féauté doresnavant comme à mon seigneur envers tous hommes (qui puissent vivre ni mourir) en telle redevance comme le fief la porte, &c. cela fait, le vassal baisoit son seigneur en la joue, & le seigneur le baisoit ensuite en la bouche : ce baiser, appellé osculum fidei, ne se donnoit point aux roturiers qui faisoient la foi, mais seulement aux nobles. En Espagne, le vassal baise la main de son seigneur.

Quand c'étoit une femme qui faisoit l'hommage à son seigneur, elle ne lui disoit pas, je deviens votre femme, cela eût été contre la bienséance ; mais elle lui disoit, je vous fais l'hommage pour tel fief.

Anciennement quand le roi faisoit quelque acquisition dans la mouvance d'un seigneur particulier, ses officiers faisoient l'hommage pour lui. Cela fut ainsi pratiqué, lorsqu'Arpin eut vendu sa vicomté de la ville de Bourges au roi Philippe I. lequel en fit rendre hommage en son nom au comte de Santerre pour la portion des terres qui relevoient de ce comte : mais cet usage fut sagement aboli en 1302 par Philippe le bel, lequel déclara que l'hommage seroit converti en indemnité.

Les regles que l'on observe pour la forme de l'hommage sont expliquées au mot FOI.

Nous ajoûterons seulement ici quelques réflexions, qui nous ont été communiquées par M. de la Feuillie, prevôt du chapitre de S. Pierre de Douay, & conseiller-clerc au parlement de la même ville.

Ce savant ecclésiastique & magistrat observe en parlant de l'hommage lige, qu'un pareil hommage ne pouvoit se rendre d'ecclésiastiques à ecclésiastiques ; il ajoûte néanmoins qu'il entend par-là qu'un ecclésiastique ne pouvoit donner sans simonie des biens d'Eglise à un autre ecclésiastique à charge d'hommage, ou de servitude profane, mais qu'il ne prétend pas faire un crime des hommages qui se rendoient anciennement dans l'ordre hiérarchique, hommages cependant contre lesquels les saints papes se sont recriés.

Personne, dit-il, n'ignore que l'hommage n'est point dû pour tout ce qui fait partie de bénéfice ecclésiastique, & à plus forte raison pour cession de dixmes.

Saint Anselme, archevêque de Cantorbery en 1093, avoit toujours devant les yeux les défenses faites par Gregoire VII. plus de dix ans auparavant, de rendre des vils hommages à aucuns mortels, voyez M. de Marca, de concord. l. VIII. c. xxj. n°. 4. Le saint archevêque a été aussi en grande relation avec Urbain, qui occupa le saint siége deux ans après Gregoire VII. & qui, comme lui, s'est beaucoup recrié contre les hommages que l'on exigeoit des ecclésiastiques pour les biens qu'ils possedoient : les ouvrages de saint Anselme ne sont remplis que des horreurs qu'il avoit de ces sortes d'hommages : Hoc autem scitote, s'écrioit-il, quia voluntas mea est ut adjuvante Deo nullius mortalis homo fiam, nec per sacramentum alicui fidem promittam. Il prend Dieu à témoin de sa disposition, & il conseille de souffrir toutes sortes de tourmens plutôt que de rendre hommage : nullae minae, nulla promissio, nulla astutia à religione vestrâ extorqueat aut homagium, aut jusjurandum, aut fidei allegationem. Anselm. l. III. c. xxxvj. lx. lxv. lxxvij. lxxxviij. xc. xcij.

Le pape Urbain II. dit le P. Thomassin, condamna en moins de mots, & encore plus clairement, le serment de fidélité & l'hommage dans le concile de Clermont de l'an 1095, ne episcopus vel sacerdos regi vel alicui laïco in manibus ligiam fidelitatem faciat. Part. IV. l. II. ch. liij. p. 220. Lambert, évêque d'Arras, assista à ce concile, & en publia les canons dans un synode qu'il tint en 1097.

En 1114, les troubles qui avoient agité l'Angleterre étant calmés, il se tint un concile auquel présiderent les légats de Paschal II. & dans lequel tous les hommages furent prohibés sans distinction, les barons & autres seigneurs anglois furent assujettis à l'hommage ; mais les évêques & les abbés fide & sacramento professi sunt ; ils se bornerent, comme il se pratique en France, au seul serment de fidélité.

Quelque tems auparavant, le même pape fut dans la nécessité d'écrire au clergé de Paris la lettre la plus violente contre l'usage qui s'étoit introduit d'exiger des hommages de ceux qui étoient dans un rang inférieur : illud quoque apud quosdam clericorum fieri audivimus, ut videlicet majores prebendarii à minoribus hominia suscipiant. " A toutes ces possessions, dit le P. Thomassin tome III. p. 215. ce n'étoit qu'une protestation de bouche ou par écrit d'un devoir, que tout le monde reconnoissoit être indispensable de garder les canons d'obéir à ses supérieurs ecclésiastiques ". De-là le même P. Thomassin conclud que ce pape n'avoit donc garde " d'exiger des archevêques l'hommage d'un vassal à son seigneur, ou un serment qui ressentît l'hommage ".

En 1137, Louis le Gros donne un édit général, par lequel il accorde aux évêques & abbés de l'Aquitaine, qui devoit appartenir à Louis le jeune son fils, du chef de sa femme Eléonore, fille du duc de cette Province ; il accorde, dis-je, l'élection canonique sans charge d'hommage à son égard : canonicam omnino concedimus libertatem absque hominii, juramenti, seu fidei per manum datae obligatione.

En 1165, Adrien IV. reprochoit à l'empereur Frédéric, quid dicam de fidelitate beato Petro & nobis à te promissâ & juratâ, quomodo eam observes cum ab iis qui dii sunt, & filii excelsi omnes episcopis videlicet homagium requires.

Enfin cet empereur est convenu que les évêques d'Italie solum sacramentum fidelitatis sine hominio facere debere domino imperatori. Otton, qui étoit évêque de Verceil avant l'an 1000, fait entendre par ses lettres, que de son tems les évêques d'Italie ne prétoient que le serment de fidélité aux empereurs pour les fiefs attachés à leurs bénéfices.

En 1164, Henri II. roi d'Angleterre avoit fait le reglement suivant : Electus homagium & fidelitatem qui sicut ligio domino salvo ordine suo faciat priusquam consecretur. Saint Thomas de Cantorbery ne voulut faire que le serment de fidélité, fidelitatem & juraverat ; ce que ce saint croyoit devoir être suffisant. Cette premiere fermeté à soutenir les immunités ecclésiastiques fut le premier pas vers le martyre.

Le quatrieme concile général de Latran de 1215, appellé le grand, par le nombre prodigieux d'évêques qui s'y trouverent & auquel présida Innocent III. défend de nouveau aux ecclésiastiques la foi & hommage ; les mêmes défenses furent confirmées en 1250, tant la vanité se trouvoit flattée de ces sortes d'assujettissemens, ne aliqua saecularis persona contra statuta hujusmodi quidquam attentare, aut à vobis vel successoribus vestris, homagii vel fidelitatis exigere seu oblatum audeat recipere sacramentum.

Les abbés n'ayant point d'ecclésiastiques qui leur fussent assujettis, & voulant d'un autre côté imiter les souverains, exigerent des curés des sermens de fidélité, lorsqu'ils les instituoient dans les paroisses eu égard aux dixmes qu'ils avoient cédées, fidelitatis exigunt sacramentum & nec exactores sinimus impunitos cum simoniacam contineant pravitatem. Voyez le Concile de Chicester de l'an 1289.

Il est donc évident que l'hommage dans un ecclésiastique, & sur-tout pour ce qui s'appelle bénéfice ou spirituel, est regardé par les canons comme le comble de l'horreur & de l'indignité, indignum est & à romanâ ecclesiâ alienum ut pro spiritualibus facere quis homagium compellatur. Cap. fin. de reg. jur. C'est une des regles du droit canon.

Que l'on jette les yeux sur le titre du chapitre ex diligenti, il annonce ce que porte le canon : Pro habendis spiritualibus homagium facere simoniacum est.

C'est sur tous ces principes que se sont appuyés les canonistes & les jurisconsultes, pour blâmer les hommages pour tout ce qui s'appelle matiere bénéficiale.

En conséquence des hommages que rendoient autrefois les évêques aux souverains pour les duchés, comtés & seigneuries considérables qu'ils tenoient, ils étoient tenus de fournir des troupes, quelques-uns les conduisoient & faisoient à leur égard les fonctions d'aumôniers ; & lorsque quelqu'un d'entre eux se sont oubliés jusqu'à porter les armes, leur conduite a été blâmée par les conciles & les papes.

Le dernier hommage qui ait été fait en France par un ecclésiastique envers le souverain, est celui de Louis de Poitiers, évêque & comte de Valence & de Die en l'an 1456, au dauphin, depuis roi sous le nom de Louis XI.

" Depuis ce tems-là, dit le P. Thomassin en sa discipl. ecclés. part. IV. liv. II. ch. liij. p. 224. il ne paroît plus d'hommages rendus, mais de simples sermens de fidélité, dit le P. Thomassin ; ces sermens de fidélité ont même quelque chose plus honnête & plus honorable pour la probité de ces derniers siecles envers les princes souverains. Quelques-uns ont cru que l'hommage s'étoit confondu avec le serment ; mais un arrêt du conseil privé en 1652 en faveur de l'évêque d'Autun, nous donne d'autres lumieres. Cet évêque ayant prêté son serment de fidélité au roi, eut peine de le faire enregistrer dans la chambre des comptes, parce qu'elle exigeoit encore de lui l'hommage & le dénombrement des fiefs & domaines qu'il tenoit ; il présenta requête au roi conjointement avec les agens du clergé, & elle contenoit que par les lettres-patentes de Charles IX. Henri III. Henri IV. & Louis XIII. enregistrées au parlement & en la chambre des comptes, les ecclésiastiques de ce royaume auroient été déclarés exempts de faire la foi & hommage, & donner, par aveu & dénombrement, leurs fiefs, terres & domaines, attendu les amortissemens faits d'iceux en 1522 & 1547, par ies rois François I. & Henri II... le roi prononça en faveur de l'évêque ".

Pour ce qui regarde les hommages envers les seigneurs inférieurs, ils ont été très-rares en France, d'abord par rapport à la maniere de les rendre, & qui consistoit en ce que le vassal se mettoit à genoux, tenoit ses mains jointes dans celles du seigneur, & ensuite l'embrassoit : ponere manus suas intra manus domini in signum summae subjectionis, reverentiae & fidei, & à domino admitti ad osculum pacis in signum specialis confidentiae & amoris.... quae forma & solemnitas non servatur nec congruit in praestatione homagii inferioribus dominis. C'est Dumoulin qui s'explique de la sorte dans son traité des fiefs ; il ajoute au même endroit : Minus esset indecens & irreprehensibile nisi in fidelitate ligiâ quae debetur soli principi.

Il n'est point surprenant que depuis le milieu du xjv. siecle il ne reste aucun vestige de ces sortes d'hommages qui, eu égard à l'assujettissement personnel qu'ils emportent avec eux, sont toujours odieux & peu conformes à nos moeurs & au christianisme, si l'on excepte le souverain, dont nous naissons les sujets avant d'être enfans de l'Eglise. Enfin, continue le même Dumoulin, les assujettissemens personnels sont une sorte d'esclavage & des restes de cette ancienne servitude qui dégrade la nature humaine, sunt ergo servi respectu conditionis adscriptitiae.

Telles sont les réflexions dont M. de la Feuillie nous a fait part sur cette matiere.

Nous observons néanmoins que dans la regle nous ne voyons rien qui puisse affranchir les ecclésiastiques de faire la foi & hommage.

Les religieux & les religieuses même n'en sont pas non plus exempts ; le chapitre unique §. verum de statu regularium, in 6°. permet à l'abbesse ou prieur de sortir de son couvent pour faire la foi ou hommage, mais on sait que le sexte n'est pas reçu en France.

A l'égard des corps, chapitres & communautés d'hommes séculiers & réguliers, la maniere de faire la foi & hommage est reglée par les articles cx. cxj. & cxij. de la coûtume d'Anjou, & par les articles cxxj. cxxij. & cxxiij. de celle du Maine ; & voici la distinction que font ces coûtumes.

Si le corps ou chapitre a un chef, comme un doyen, un abbé, un prieur, ce chef doit faire la foi & hommage pour le corps ou chapitre ; & en cas de légitime empêchement, elle doit être faite par quelqu'autre personne députée à cet effet.

Pour les corps & communautés qui n'ont point de chef principal, comme les fabriques, les hôpitaux &c. la foi & hommage doit être faite par l'homme vivant & mourant, & pour les bénéfices particuliers par les titulaires.

Mais il est certain que le clergé a obtenu divers arrêts de surséance pour la foi & hommage des fiefs qu'il possede mouvans nuement du roi ; il y en a plusieurs indiqués dans Brillon au mot foi, n°. 8. & rapporté dans les mémoires du clergé : mais il ne paroît pas que cela s'étende aux fiefs mouvans des seigneurs particuliers. On peut voir Auroux Despommiers, prêtre, docteur en théologie, & conseiller clerc en la sénéchaussée de Bourbonnois & siége présidial de Moulins, dans son Commentaire sur la coûtume de Bourbonnois, art. ccclxxx. où il dit que la forme de la foi & hommage de la part des gens d'église n'est point différente, nonobstant la dignité de leur caractere, qui sembleroit les exempter de cet abaissement envers un laïc ; parce qu'en ce qui concerne les choses temporelles, ils sont sujets au droit commun. (A)

HOMMAGE DE BOUCHE & DE MAINS, est la même chose que l'hommage simple, auquel il n'est point dû de serment de fidélité ; il est ainsi nommé dans l'ancienne coutûme d'Amiens, art. 24. Voyez HOMMAGE SIMPLE. (A)

HOMMAGE DE DEVOTION étoit une déclaration & reconnoissance que quelques seigneurs souverains, ou qui ne relevoient de personne pour leurs fiefs & seigneurie, faisoient de les tenir d'une telle église.

Ces hommages vinrent d'un mouvement de dévotion qui porta quelques seigneurs à rendre à Dieu hommage de leurs terres, comme d'autres le rendoient à leurs seigneurs dominans ; c'étoit une espece de voeu accompagné de quelques aumônes & de l'obligation à laquelle se soumettoit le seigneur de prendre les armes pour la défense de l'église où il rendoit cet hommage.

Ces pratiques de dévotion ne devoient pas naturellement tirer à conséquence, ni autoriser les églises à prétendre une supériorité temporelle sur les seigneuries dont on leur avoit fait hommage, d'autant que cet hommage étoit volontaire, & que les seigneurs le rendoient pour le même fief, tantôt à une église, & tantôt à une autre, selon que leur dévotion se tournoit pour l'une ou l'autre de ces églises. C'est ainsi que les sires de Thoire firent autrefois l'hommage de leurs états, tantôt à l'église de Lislebarbe, tantôt à celle de Lyon, quelquefois à l'église de Nantua, d'autrefois à l'abbaye de Cluny, & à plusieurs autres, jusqu'à ce qu'enfin leurs successeurs refuserent de rendre cet hommage, auquel ils n'étoient point en effet obligés.

Cependant quoique ces sortes d'hommages ne fussent dûs qu'à Dieu, auquel on les rendoit entre les mains de son église, les ecclésiastiques prirent insensiblement pour eux cette reconnoissance, & voulurent la faire passer pour une marque de supériorité temporelle qu'ils avoient sur ceux qui rendoient hommage à leur église.

La coûtume de Poitou, art. 108, dit que quiconque a hommage pour raison d'aucune chose, est fondé sur icelle d'avoir jurisdiction, si ce n'étoit hommage de dévotion, comme celui qui est donné en franche aumône à l'église ; lequel hommage de dévotion n'emporte fief, jurisdiction, ni autre devoir.

Barrand, sur le tit. des fiefs de cette coûtume, ch. x. n. 2. dit que le fief de dévotion donné en franche aumône à l'église, ne doit pas être proprement appellé hommage, parce qu'il n'emporte fief ni jurisdiction, & ne doit devoir à personne.

Boucheul, sur l'art. 108. que l'on a cité, dit que l'hommage de dévotion est de deux sortes, ou dû à l'église ou par l'église ; que celui qui est dû à l'église n'est pas en signe d'obéissance, mais par une espece de dévotion. Brodeau, sur l'art. 63. de la coûtume de Paris, n. 23. rapporte divers exemples de ces fiefs ou hommages de piété & de dévotion, qui ne consistent qu'en la simple charge de l'hommage & autres redevances d'honneur, comme cire, cierges, & autres semblables, sans aucun devoir pécuniaire. L'hommage de dévotion dû par l'église est pour les choses qui lui ont été données en aumône, c'est-à-dire libres, franches, & déchargées de toutes sortes de devoirs & redevances, ad obsequium precum. Ni l'un ni l'autre de ces deux hommages n'emporte de soi fief ni jurisdiction.

Voyez Galland, traité contre le franc-aleu, ch. vij. pag. 95. & 96. Caseneuve, traité contre le franc aleu, liv. II. ch. ij. n. 5. p. 171. derniere édition, & FIEF DE DEVOTION. (A)

HOMMAGE LIGE OU PLEIN est celui où le vassal promet de servir son seigneur envers & contre tous.

On l'appelle lige, parce qu'il est dû pour un fief lige, ainsi appellé à ligando, parce qu'il lie plus étroitement que les autres. Il y en avoit autrefois de deux sortes, l'un par lequel le vassal s'obligeoit de servir son seigneur envers & contre tous, même contre le souverain, comme l'a remarqué Cujas, lib. II. feud. tit. 5. lib. IV. tit. 31. 90. & 99. & comme il paroît par l'art. 50. des établissemens de France ; le second, par lequel le vassal s'obligeoit de servir son seigneur contre tous, à l'exception des autres seigneurs dont le vassal étoit déja homme lige. Il y a plusieurs de ces hommages rapportés dans les preuves des histoires des maisons illustres. Voyez aussi Chantereau, des fiefs, pag. 15. & 17.

Les guerres privées que se faisoient autrefois les seigneurs, furent la principale occasion de ces hommages liges.

Plusieurs ont cru que l'hommage lige n'avoit commencé d'être pratiqué que dans le xij. siecle ; nous avions même incliné pour cette opinion en parlant ci-devant des fiefs liges ; mais depuis l'impression de cet article, M. Gouliart de la Feuillie, conseiller-clerc au parlement de Douay, dont j'ai déja parlé sur le mot hommage en général, m'a fait observer que les fiefs liges étoient connus en France longtems avant le xij. siecle, qu'en 1095 se tint le concile de Clermont en Auvergne, auquel assisterent Urbain II. & un grand nombre d'évêques, & entre autres Lambert, évêque d'Arras, qui en 1097 tint un synode connu sous le nom de code lambertin, dans lequel il rappelle une partie des canons du concile, quos canones è claro montano concilio attulerat ; & que l'article 17. de ce code est conçu en ces termes, nec episcopus vel sacerdos regi vel alicui laico in manibus ligiam fidelitatem faciat ; d'où il est aisé de s'appercevoir que l'on abusoit dès-lors des fiefs liges, ce qui donne lieu de conclure qu'ils étoient connus depuis quelque tems dans toute la France & l'Italie, nonseulement quant à l'hommage, mais même par rapport au nom de liges. S. Antonin & le Jésuite Maurus paroissent avoir été instruits de cette décision, lorsqu'ils ont expliqué le mot liga par obsequium, & par les mots legitimam ei facientes fidelitatem. Tous les deux ont voulu faire entendre par ces expressions, que l'Abbé de S. Jean d'Angely n'a point fait d'hommage lige à Louis VIII. mais qu'il avoit uniquement promis la fidélité.

M. de la Feuillie observe aussi, que lorsque le concile a défendu aux évêques & aux prêtres de rendre aucun hommage lige, soit au roi, soit aux laïcs, il n'a pas prétendu approuver qu'un pareil hommage pût se rendre d'ecclésiastique à ecclésiastique ; ce qui ne se pourroit faire sans abus, puisque le roi est le seigneur dominant de tous les vassaux de son royaume, & qu'il n'est point possible d'imaginer un devoir de vassalité qui ne puisse & ne doive être rendu au roi au moins dans le cas d'ouverture du fief.

Néanmoins les évêques exigeoient aussi l'hommage lige des ecclésiastiques qui étoient leurs inférieurs & leurs vassaux. On en voit des preuves dans la nouvelle diplomatique, pag. 276.

Enfin M. de la Feuillie a encore observé que le mot ligium étoit rendu en Italie dans les xj. & xij. siecles par le mot hominium, comme on le voit d'un ancien concordat entre le pape Adrien & Fréderic I. episcopi Italiae solum sacramentum fidelitatis sine hominio facere debent domino imperatori. De-là vient qu'en France les évêques ne font point hommage au roi ; mais prêtent seulement le serment de fidélité : & l'auteur des nouvelles notes sur la derniere édition de Ferret, s'est trompé en avançant que l'on trouvoit le mot hommage dans quelqu'une des formules du serment de fidélité rapportées dans le livre des libertés de l'Eglise Gallicane.

On peut ajoûter à cette remarque de M. de la Feuillie, que le roi Louis le Gros & Louis VII. son fils, alors duc d'Aquitaine & comte de Poitou, par des lettres de l'an 1137, ordonnerent que les élections, soit à l'archevêché de Bordeaux, aux évêchés suffragans & aux abbayes de cette province, seroient faites librement suivant les canons, & que ceux qui seroient élus ne feroient point hommage pour leurs bénéfices, ni n'en demanderoient pas l'investiture.

Pour ce qui est du tems où l'hommage lige commença à être en usage ; les remarques de M. de la Feuillie nous ayant engagé à faire de notre côté de nouvelles recherches, nous avons trouvé que l'hommage lige étoit déja usité en France dès le ix. siecle. On voit en effet, dans un diplome de Charles le Chauve de l'an 845, rapporté par dom Bouquet dans son hist. de Languedoc, tom. VIII. p. 470, que le comte Vandrille y est qualifié homme lige, homo ligius ; il possédoit des bénéfices civils & des aleux ; on ne fait pas mention de fiefs, l'usage n'en étoit pas encore établi ; ainsi l'hommage lige a commencé longtems avant les inféodations, & étoit dû pour les bénéfices civils qui avoient été concédés à cette condition, ou pour les aleux qui étoient convertis en bénéfices par le moyen des recommandations usitées sous les deux premieres races, & dont l'effet étoit que le possesseur d'un aleu se mettoit sous la protection de quelque seigneur puissant, & se rendoit son homme.

On voit dans un ancien hommage rendu à un seigneur de Beaujeu, qu'en signe de fief lige, le vassal toucha de sa main dans celle du procureur général du seigneur.

Les femmes faisoient aussi l'hommage lige. On voit, par exemple, dans un terrier de 1351, qu'à Chalamont & Dombes, une femme se reconnut femme lige, quoique son mari fût homme de noble homme Philippe le Mesle.

Depuis l'abolition des guerres privées, l'hommage lige n'est proprement dû qu'au roi ; quand il est rendu au roi & autres grands seigneurs, il faut excepter le roi.

L'hommage lige doit être rendu en personne, de quelque condition que soit le vassal. (A)

HOMMAGE DE FOI & DE SERVICE est lorsque le vassal s'oblige de rendre quelque service de son propre corps à son seigneur, comme autrefois lorsqu'il s'obligeoit de lui servir de champion, ou de combattre pour lui en cas de gage de bataille. Voyez l'ancienne coûtume de Normandie latine & françoise, ch. xxix. Bouteillier dans sa somme rurale, pag. 479. (A)

HOMMAGE DE PAIX, suivant l'ancienne coûtume de Normandie, ch. xxix. c'est quand quelqu'un poursuit un autre pour un crime, & que la paix est rétablie entr'eux de maniere que celui qui étoit poursuivi fait hommage à l'autre de lui garder la paix. Voyez Bouteillier dans sa somme, p. 419, & la glose sur le ch. xxix. de l'ancienne coûtume de Normandie. (A)

HOMMAGE PLANE ou PLEIN est la même chose qu'hommage lige, comme on le voit dans les coûtumes de la Rochelle, art. 4. Ponthieu, 77. Amiens, art. 7. 25. 186. & 189. Voyez Brusselle, usage des fiefs. Voyez HOMMAGE LIGE. (A)

HOMMAGE SIMPLE est celui où il n'y a pas de prestation de foi, mais seulement l'hommage qui se rend au seigneur nue tête, les mains jointes avec le baiser. On l'appelle simple par opposition à la foi & à l'hommage que le vassal doit faire les mains jointes sur les évangiles avec les sermens requis. Voyez HOMMAGE LIGE. (A)


HOMMAGERS. m. (Jurisprud.) est celui qui doit hommage au seigneur ; ce terme est usité dans quelques coûtumes & provinces de droit écrit, pour signifier un vassal. Voyez Cambolas, liv. IV. chap. xliv. Dolive, liv. I. ch. xxix. (A)


HOMMES. m. c'est un être sentant, réfléchissant, pensant, qui se promene librement sur la surface de la terre, qui paroît être à la tête de tous les autres animaux sur lesquels il domine, qui vit en société, qui a inventé des sciences & des arts, qui a une bonté & une méchanceté qui lui est propre, qui s'est donné des maîtres, qui s'est fait des lois, &c.

On peut le considérer sous différens aspects, dont les principaux formeront les articles suivans.

Il est composé de deux substances, l'une qu'on appelle ame (Voyez l'article AME), l'autre connue sous le nom de corps.

Le corps ou la partie matérielle de l'homme a été beaucoup étudiée. On a donné le nom d'Anatomistes à ceux qui se sont occupés de ce travail important & pénible. Voyez l'article HOMME, (Anatomie.)

On a suivi l'homme depuis le moment de sa formation ou de sa vie, jusqu'à l'instant de sa mort. C'est ce qui forme l'histoire naturelle de l'homme. Voyez l'article HOMME, (Histoire naturelle.)

On l'a considéré comme capable de différentes opérations intellectuelles qui le rendent bon ou méchant, utile ou nuisible, bien ou mal-faisant. Voyez l'article HOMME moral.

De cet état solitaire ou individuel, on a passé à son état de société, & l'on a proposé quelques principes généraux, d'après lesquels la puissance souveraine qui le gouverne, tireroit de l'homme le plus d'avantages possibles ; & l'on a donné à cet article le titre d'homme politique.

On auroit pû multiplier à l'infini les différens coups d'oeil sous lesquels l'homme se considéreroit. Il se lie par sa curiosité, par ses travaux & par ses besoins, à toutes les parties de la nature. Il n'y a rien qu'on ne puisse lui rapporter ; & c'est ce dont on peut s'assurer en parcourant les différens articles de cet Ouvrage, où on le verra ou s'appliquant à connoître les êtres qui l'environnent, ou travaillant à les tourner à son usage.

* HOMME, (Hist. nat.) L'homme ressemble aux animaux par ce qu'il a de matériel ; & lorsqu'on se propose de le comprendre dans l'énumération de tous les êtres naturels, on est forcé de le mettre dans la classe des animaux. Meilleur & plus méchant qu'aucun, il mérite à ce double titre, d'être à la tête.

Nous ne commencerons son histoire qu'après le moment de sa naissance ; pour ce qui l'a précédé, Voyez les articles FOETUS, EMBRYON, ACCOUCHEMENT, CONCEPTION, GROSSESSE, &c.

L'homme communique sa pensée par la parole, & ce signe est commun à toute l'espece. Si les animaux ne parlent point, ce n'est pas en eux la faute de l'organe de la parole, mais l'impossibilité de lier des idées. Voyez LANGUE.

L'homme naissant passe d'un élément dans un autre. Au sortir de l'eau qui l'environnoit, il se trouve exposé à l'air ; il respire. Il vivoit avant cette action ; il meurt si elle cesse. La plûpart des animaux restent les yeux fermés pendant quelques jours après leur naissance. L'homme les ouvre aussitôt qu'il est né ; mais ils sont fixes & ternes. Sa prunelle qui a déja jusqu'à une ligne & demie ou deux de diametre, s'étrecit ou s'élargit à une lumiere plus forte ou plus foible ; mais s'il en a le sentiment, il est fort obtus. Sa cornée est ridée ; sa rétine trop molle pour recevoir les images des objets. Il paroît en être de même des autres sens. Ce sont des especes d'instrumens dont il faut apprendre à se servir. Voyez SENS. Le toucher n'est pas parfait dans l'enfance. V. TOUCHER. L'homme ne rit qu'au bout de quarante jours : c'est aussi le tems auquel il commence à pleurer. Voyez RIS & PLEURS. On ne voit auparavant aucun signe de passion sur son visage. Voyez PASSION. Les autres parties de son corps sont foibles & délicates. Il ne peut se tenir debout. Il n'a pas la force d'étendre le bras. Si on l'abandonnoit il resteroit couché sur le dos sans pouvoir se retourner.

La grandeur de l'enfant né à terme est ordinairement de vingt-un pouces. Il en naît de beaucoup plus petits. Il y en a même qui n'ont que quatorze pouces à neuf mois. Le foetus pese ordinairement douze livres, & quelquefois jusqu'à quatorze. Il a la tête plus grosse à proportion que le reste du corps ; & cette disproportion qui étoit encore plus grande dans le premier âge du foetus, ne disparoît qu'après la premiere enfance. Sa peau est fort fine, elle paroît rougeâtre ; au bout de trois jours il survient une jaunisse, & l'enfant a du lait dans les mamelles : on l'exprime avec les doigts. Voyez FOETUS.

On voit palpiter dans quelques nouveaux-nés le sommet de la tête à l'endroit de la fontanelle, & dans tous on y peut sentir avec la main le battement des sinus ou des arteres du cerveau. Voyez FONTANELLE. Il se forme au-dessus de cette ouverture une espece de croûte ou de galle quelquefois fort épaisse.

La liqueur contenue dans l'amnios laisse sur l'enfant une humeur visqueuse blanchâtre. Voyez AMNIOS. On le lave ici avec une liqueur tiede ; ailleurs, & même dans les climats glacés, on le plonge dans l'eau froide, ou on le dépose dans la neige.

Quelque tems après sa naissance, l'enfant urine & rend le meconium. Voyez MECONIUM. Le meconium est noir. Le deuxieme ou troisieme jour, les excrémens changent de couleur & prennent une odeur plus mauvaise. On ne le fait teter que dix ou douze heures après sa naissance.

A peine est-il sorti du sein de sa mere, que sa captivité commence. On l'emmaillote, usage barbare des seuls peuples policés. Un homme robuste prendroit la fievre, si on le tenoit ainsi garroté pendant vingt-quatre heures. Voyez MAILLOT.

L'enfant nouveau-né dort beaucoup, mais la douleur & le besoin interrompent souvent son sommeil.

Les peuples de l'Amérique septentrionale le couchent sur la poussiere du bois vermoulu, sorte de lit propre & mou. En Virginie on l'attache sur une planche garnie de coton, & percée pour l'écoulement des excrémens.

Dans le levant, on alaite à la mamelle les enfans pendant un an entier. Les sauvages du Canada leur continuent cette nourriture jusqu'à l'âge de quatre à cinq ans, quelquefois jusqu'à six ou sept. Parmi nous, la nourrice joint à son lait un peu de bouillie, aliment indigeste & pernicieux. Il vaudroit mieux qu'elle substituât le pis d'un animal, ou qu'elle mâchât pour son nourrisson, jusqu'à-ce qu'il eut des dents.

Les dents qu'on appelle incisives, sont au nombre de huit, quatre au-devant de chaque mâchoire. Elles ne paroissent qu'à sept mois, ou même sur la fin de la premiere année. Mais il y en a en qui ce développement est prématuré, & qui naissent avec des dents assez fortes pour blesser le sein de leurs meres. Voyez l'article DENTS.

Les dents incisives ne percent pas sans douleur. Les canines, au nombre de quatre, sortent dans le neuvieme ou dixieme mois : il en paroît seize autres sur la fin de la premiere année, ou au commencement de la seconde. On les appelle molaires ou machelieres. Les canines sont contiguës aux incisives, & les machelieres aux canines.

Les dents incisives, les canines, & les quatre premieres mâchelieres, tombent naturellement dans l'intervalle de la cinquieme à la huitieme année ; elles sont remplacées par d'autres dont la sortie est quelquefois différée jusqu'à l'âge de puberté.

Il y a encore quatre dents placées à chacune des deux extrémités des mâchoires ; elles manquent à plusieurs personnes, & le développement en est fort tardif ; il ne se fait qu'à l'âge de puberté, & quelquefois dans un tems plus éloigné ; on les appelle dents de sagesse ; elles paroissent successivement.

L'homme apporte communément des cheveux en naissant ; ceux qui doivent être blonds, ont les yeux bleus ; les roux d'un jaune ardent, & les bruns d'un jaune foible. Voyez CHEVEUX.

L'enfant est sujet aux vers & à la vermine ; c'est un effet de sa premiere nourriture ; il est moins sensible au froid que dans le reste de sa vie ; il a le pouls plus fréquent ; en général le battement du coeur & des arteres est d'autant plus vîte, que l'animal est plus petit ; il est si rapide dans le moineau, qu'à peine en peut-on compter les coups. Voyez CHALEUR ANIMALE.

Jusqu'à trois ans, la vie de l'enfant est fort chancelante ; elle s'assûre dans les deux ou trois années suivantes. A six ou sept ans, l'homme est plus sûr de vivre qu'à tout âge. Il paroît que sur un certain nombre d'enfans nés en même tems, il en meurt plus d'un quart dans la premiere année, plus d'un tiers en deux ans, & au moins la moitié dans les trois premieres années ; observation affligeante, mais vraie. Soyons donc contens de notre sort ; nous avons été traités de la nature favorablement ; félicitons-nous même du climat que nous habitons ; il faut sept à huit ans pour y éteindre la moitié des enfans ; un nouveau-né a l'espérance de vivre jusqu'à sept ans, & l'enfant de sept ans celle d'arriver à quarante-deux ans.

Le foetus dans le sein de sa mere croissoit de plus en plus jusqu'au moment de sa naissance ; l'enfant au contraire croît toûjours de moins en moins jusqu'à l'âge de puberté, tems auquel il croît, pour ainsi dire, tout-à-coup, pour arriver en peu de tems à la hauteur qu'il doit avoir.

A un mois, il avoit un pouce de hauteur, à deux mois deux pouces & un quart, à trois mois trois pouces & demi, à quatre mois cinq pouces & plus, à cinq mois six à sept pouces, à six mois huit à neuf, à sept mois onze pouces & plus, à huit mois quatorze pouces, & à neuf mois dix-huit. La nature semble faire un effort pour achever de développer son ouvrage.

L'homme commence à bégayer à douze ou quinze mois ; la voyelle a qui ne demande que la bouche ouverte & la production d'une voix, est celle qu'il articule aussi le plus aisément. L'm & le p qui n'exigent que l'action des levres pour modifier la voyelle a, sont entre les consonnes les premieres produites ; il n'est donc pas étonnant que les mots papa, mama, designent dans toutes les langues sauvages & policées, les noms de pere & de mere : cette observation, jointe à plusieurs autres & à une sagacité peu commune, a fait penser à M. le président de Brosse, que ces premiers mots & un grand nombre d'autres, étoient de la langue premiere ou nécessaire de l'homme.

L'enfant ne prononce guere distinctement qu'à deux ans & demi.

La puberté accompagne l'adolescence & précede la jeunesse. Jusqu'alors l'homme avoit tout ce qu'il lui falloit pour être ; il va se trouver pourvû de ce qu'il lui faut pour donner l'existence. La puberté est le tems de la circoncision, de la castration, de la virginité, de l'impuissance. Voyez ces mots.

La circoncision est d'un usage très-ancien chez les Hébreux ; elle se faisoit huit jours après la naissance ; elle se fait en Turquie à sept ou huit ans ; on attend même jusqu'à onze ou douze ; en Perse, c'est à l'âge de cinq ou six. La plûpart de ces peuples auroient le prépuce trop long, & seroient inhabiles à la génération sans la circoncision. En Arabie & en Perse, on circoncit aussi les filles lorsque l'accroissement excessif des nymphes l'exige. Voyez NYMPHES (Anat.). Ceux de la riviere de Benin n'attendent pas ce tems ; les garçons & les filles sont circoncis huit ou quinze jours après leur naissance.

Il y a des contrées où l'on tire le prépuce enavant ; on le perce & on le traverse d'un gros fil qu'on y laisse jusqu'à-ce que les cicatrices des trous soient formées ; alors on substitue au fil un anneau ; cela s'appelle infibuler : on infibule les garçons & les filles. Voyez INFIBULATION.

Dans l'enfance, il n'y a quelquefois qu'un testicule dans le scrotum, & quelquefois point du tout ; ils sont retenus dans l'abdomen ou engagés dans les anneaux des muscles ; mais avec le tems, ils surmontent les obstacles qui les arrêtent & descendent à leur place. Voyez TESTICULES, SCROTUM.

Les adultes ont rarement les testicules cachés ; cachés ou apparens, l'aptitude à la génération subsiste.

Il y a des hommes qui n'ont réellement qu'un testicule ; ils ne sont pas impuissans pour cela ; d'autres en ont trois : quand un testicule est seul, il est plus gros qu'à l'ordinaire.

La castration est fort ancienne ; c'étoit la peine de l'adultere chez les Egyptiens ; il y avoit beaucoup d'eunuques chez les Romains. Dans l'Asie & une partie de l'Afrique, une infinité d'hommes mutilés sont occupés à garder les femmes ; on en sacrifie beaucoup à la perfection de la voix, au-delà des Alpes. Les Hottentots se défont d'un testicule pour en être plus légers à la course ; ailleurs on éteint sa postérité par cette voie, lorsqu'on redoute pour elle la misere qu'on éprouve soi-même.

La castration s'exécute par l'amputation des deux testicules ; la jalousie va quelquefois jusqu'à retrancher toutes les parties extérieures de la génération. Autrefois on détruisoit les testicules par le froissement avec la main, ou par la compression d'un instrument.

L'amputation des testicules dans l'enfance n'est pas dangereuse ; celle de toutes les parties extérieures de la génération est le plus souvent mortelle, si on la fait après l'âge de quinze ans. Tavernier dit qu'en 1657, on fit jusqu'à vingt-deux mille eunuques au royaume de Golconde.

Les eunuques à qui on n'a ôté que les testicules, ont des signes d'irritation dans ce qui leur reste, & même plus fréquens que les hommes entiers ; cependant le corps de la verge prend peu d'accroissement, & demeure presque comme il étoit au moment de l'opération. Un eunuque fait à l'âge de sept ans, est à cet égard à vingt ans comme un enfant entier de sept ans. Ceux qui n'ont été mutilés qu'au tems de la puberté ou plus tard, sont à-peu-près comme les autres hommes. Voyez EUNUQUE.

Il y a des rapports singuliers & secrets entre les organes de la génération & la gorge ; les eunuques n'ont point de barbe ; leur voix n'est jamais d'un ton grave ; les maladies vénériennes attaquent la gorge.

Il y a dans la femme une grande correspondance entre la matrice, les mamelles & la tête.

Quelle source d'observations utiles & surprenantes, que ces correspondances ! Voyez PHYSIOLOGIE.

La voix change dans l'homme à l'âge de puberté ; les femmes qui ont la voix forte, sont soupçonnées d'un penchant plus violent à la volupté.

La puberté s'annonce par une espece d'engourdissement aux aînes ; il se fait sentir en marchant, en se pliant. Il est souvent accompagné de douleurs dans toutes les jointures, & d'une sensation particuliere aux parties qui caractérisent le sexe. Il s'y forme des petits boutons ; c'est le germe de ce duvet qui doit les voiler. Voyez POIL. Ce signe est commun aux deux sexes : mais il y en a de particuliers à chacun ; l'éruption des menstrues, l'accroissement du sein pour les femmes (Voyez MENSTRUE & MAMELLES) ; la barbe & l'émission de la liqueur séminale pour les hommes. Voyez BARBE & SPERME. Mais ces phénomenes ne sont pas aussi constans les uns que les autres ; la barbe, par exemple, ne paroît pas précisément au tems de la puberté ; il y a même des nations où les hommes n'ont presque point de barbe ; au contraire il n'y en a aucune où la puberté des femmes ne soit marquée par l'accroissement des mamelles.

Dans toute l'espece humaine, les femmes arrivent plûtôt à la puberté que les hommes ; mais chez les différens peuples, l'âge de puberté varie & semble dépendre du climat & des alimens ; le pauvre & le paysan sont de deux ou trois années plus tardifs. Dans les parties méridionales & dans les villes, les filles sont la plûpart pubéres à douze ans, & les garçons à quatorze. Dans les provinces du Nord & les campagnes, les filles ne le sont qu'à quatorze, & les garçons qu'à seize ; dans les climats chauds de l'Asie, de l'Afrique, & de l'Amérique, la puberté des filles se manifeste à dix, & même à neuf ans.

L'écoulement périodique des femmes moins abondant dans les pays chauds, est à-peu-près le même chez toutes les nations ; & il y a sur cela plus de différence d'individu à individu, que de peuple à peuple. Dans la même nation, des femmes n'y sont sujettes que de cinq ou six semaines en six semaines ; d'autres tous les quinze jours : l'intervalle commun est d'un mois.

La quantité de l'évacuation varie ; Hippocrate l'avoit évaluée en Grece à neuf onces, elle va depuis une ou deux onces, jusqu'à une livre & plus ; & sa durée depuis trois jours jusqu'à huit.

C'est à l'âge de puberté que le corps acheve de prendre son accroissement en hauteur : les jeunes hommes grandissent tout-à-coup de plusieurs pouces ; mais l'accroissement le plus promt & le plus sensible se remarque aux parties de la génération ; il se fait dans le mâle par une augmentation de volume ; dans les femelles il est accompagné d'un rétrécissement occasionné par la formation d'une membrane appellée hymen. Voyez l'article HYMEN.

Les parties sexuelles de l'homme arrivent en moins d'un an ou deux après le tems de puberté, à l'état où elles doivent rester. Celles de la femme croissent aussi ; les nymphes sur-tout qui étoient auparavant insensibles, deviennent plus apparentes. Par cette cause & beaucoup d'autres, l'orifice du vagin se trouve rétréci ; cette derniere modification varie beaucoup aussi. Il y a quelquefois quatre protuberances ou caroncules, d'autres fois trois ou deux, souvent une espece d'anneau circulaire ou semi-lunaire. Voyez CARONCULES.

Quand il arrive à la femme de connoître l'homme avant l'âge de puberté, nulle effusion de sang, à-moins d'une extrème disproportion entre les parties de l'un & de l'autre, ou des efforts trop brusques. Mais il arrive aussi qu'il n'y a point de sang répandu, même après cet âge, ou que l'effusion reparoît même après des approches réitérées, intimes & fréquentes, s'il y a suspension dans le commerce & continuité d'accroissement dans les parties sexuelles de la femme. La preuve prétendue de la virginité ne se renouvelle cependant que dans l'intervalle de quatorze à dix-sept, ou de quinze à dixhuit ans. Celles en qui la virginité se renouvelle ne sont pas en aussi grand nombre que celles à qui la nature a refusé cette faveur chimérique.

Les Ethiopiens, d'autres peuples de l'Afrique, les habitans du Pégu, de l'Arabie, quelques nations de l'Asie, s'assûrent de la chasteté de leurs filles par une opération qui consiste en une suture qui rapproche les parties que la nature a séparées, & ne laisse d'espace que celui qui est nécessaire à l'issue des écoulemens naturels. Les chairs s'unissent, adherent, & il faut les séparer par une incision, lorsque le tems du mariage est arrivé. Ils emploient aussi dans la même vûe l'infibulation qui se fait avec un fil d'amiante ; les filles portent le fil d'amiante, ou un anneau qui ne peut s'ôter ; les femmes un cadenat dont le mari a la clé.

Quel contraste dans les goûts & les moeurs de l'homme ! D'autres peuples méprisent la virginité, & regardent comme un travail servile la peine qu'il faut prendre pour la détruire. Les uns cedent les prémices des vierges à leurs prêtres ou à leurs idoles ; d'autres à leurs chefs, à leurs maîtres ; ici un homme se croit deshonoré, si la fille qu'il épouse n'a pas été déflorée ; là, il se fait précéder à prix d'argent.

L'état de l'homme après la puberté est celui du mariage ; un homme ne doit avoir qu'une femme, une femme qu'un homme, puisque le nombre des femelles est à-peu-près égal à celui des mâles.

L'objet du mariage est d'avoir des enfans ; mais il n'est pas toûjours possible : la stérilité vient plus souvent de la part de la femme, que de la part de l'homme. Voyez IMPUISSANCE & STERILITE. Cependant il arrive quelquefois que la conception devance les signes de la puberté ; des femmes sont devenues meres avant que d'avoir eu l'écoulement naturel à leur sexe. D'autres, sans être jamais sujettes à cet écoulement, ne laissent pas d'engendrer. On dit même qu'au Brésil des nations entieres se perpétuent, sans qu'aucune femme ait d'évacuation périodique ; la cessation des regles qui arrive ordinairement à quarante ou cinquante ans, ne met pas toutes les femmes hors d'état de concevoir ; il y en a qui ont conçu à soixante, à soixante & dix ans, & même plus tard. Dans le cours ordinaire, les femmes ne sont en état de concevoir qu'après la premiere éruption, & la cessation de cet écoulement à un certain âge les rend stériles.

L'âge auquel l'homme peut engendrer n'a pas de termes aussi marqués ; il commence entre douze & dix-huit ans ; il cesse entre soixante & soixante & dix ; il y a cependant des exemples de vieillards qui ont eu des enfans jusqu'à quatre-vingt & quatre-vingt-dix ans, & des exemples de garçons qui ont produit leur semblable à neuf, dix, & onze ans, & de petites filles qui ont conçu à sept, huit & neuf.

On prétend qu'immédiatement après la conception l'orifice de la matrice se ferme, & qu'elle s'annonce par un frissonnement qui se répand dans tous les membres de la femme. Voyez les articles CONCEPTION.

La femme de Charles-Town qui accoucha en 1714. de deux jumeaux, l'un blanc & l'autre noir ; l'un de son mari, l'autre d'un negre qui la servoit, prouve que la conception de deux enfans ne se fait pas toûjours dans le même tems.

Le corps finit de s'accroître dans les premieres années qui suivent l'âge de puberté : l'homme grandit jusqu'à vingt-deux ou vingt-trois ans ; la femme à vingt est parfaitement formée.

Il n'y a que l'homme & le singe qui ayent des cils aux deux paupieres ; les autres animaux n'en ont point à la paupiere inférieure ; & dans l'homme même il y en a beaucoup moins à la paupiere inférieure qu'à la supérieure ; les sourcils deviennent quelquefois si longs dans la vieillesse qu'on est obligé de les couper.

La partie de la tête la plus élevée est celle qui devient chauve la premiere, ensuite celle qui est audessus des tempes ; il est rare que les cheveux qui couvrent le bas des tempes tombent en entier, non plus que ceux de la partie inférieure du derriere de la tête.

Au reste, il n'y a que les hommes qui deviennent chauves en avançant en âge ; les femmes conservent toûjours leurs cheveux ; ils blanchissent dans les deux sexes ; les enfans & les eunuques ne sont pas plus sujets à être chauves que les femmes.

Les cheveux sont plus grands & plus abondans dans la jeunesse qu'à tout autre âge.

Les piés, les mains, les bras, les cuisses, le front, l'oeil, le nez, les oreilles, en un mot, toutes les parties de l'homme ont des propriétés particulieres. Voyez les différens articles de ce Dictionnaire.

Il n'y en a aucune qui ne contribue à la beauté ou à la laideur, & qui n'ait quelque mouvement agréable ou difforme dans la passion. Voyez HONTE, COLERE, FUREUR, AMOUR, &c.

Ce sont celles du visage qui donnent ce que nous appellons la physionomie.

Toutes concourent par leurs proportions à la plus grande facilité des fonctions du corps ; mais il faut bien distinguer l'état de nature de l'état de société. Dans l'état de nature, l'homme qui exécuteroit avec le plus d'aisance toutes les fonctions animales, seroit sans contredit le mieux fait ; & réciproquement le mieux fait exécuteroit le plus aisément toutes les fonctions animales ; mais il n'en est pas ainsi dans l'état de société. Chaque art, chaque manoeuvre, chaque action, exige des dispositions particulieres de membres, ou que la nature donne quelquefois, ou qui s'acquierent par l'habitude, mais toujours aux dépens des proportions les plus régulieres & les plus belles. Il n'y a pas jusqu'au danseur, qui forcé de soûtenir tout le poids de son corps sur la pointe de son pié, n'eût à la longue cette partie défigurée aux yeux du statuaire, qui ne se proposeroit que de représenter un homme bien fait, & non un danseur. Voyez PROPORTION.

La grace qui n'est que le rapport de certaines parties du corps, soit en repos, soit en mouvement, considerées relativement aux circonstances d'une action, ne s'obtient souvent aussi que par des habitudes, dont le dérangement des proportions est encore un effet nécessaire. Voyez GRACE.

D'où il s'ensuit que l'homme de la nature, celui qu'elle se seroit complu à former de la maniere la plus parfaite, n'excelleroit peut-être en rien ; & que l'imitateur de la nature en doit altérer toutes les proportions, selon l'état de la société dans lequel il le transporte. S'il en veut faire un crocheteur, il en affaissera les cuisses sur les jambes ; il fortifiera celles-ci ; il étendra les épaules, il courbera le dos ; & ainsi des autres conditions.

Par un travers aussi inexplicable que singulier, les hommes se défigurent en cent manieres bisarres ; les uns s'applatissent le front, d'autres s'allongent la tête ; ici on s'écrase le nez, là on se perce les oreilles. On violente la nature avec tant d'opiniâtreté, qu'on parvient enfin à la subjuguer, & qu'elle fait passer la difformité des peres aux enfans, comme d'elle-même. L'habitude de se remplir les narines de poussiere est si générale parmi nous, que je ne doute guere que si elle subsiste encore pendant quelques siecles, nos descendans ne naissent tous avec de gros nés difformes & évasés. Mais que ne doit-il pas arriver à l'espece humaine parmi nous, par le vice de l'habillement, & par les maladies auxquelles nos moeurs dépravées nous exposent ?

La tête de l'homme est à l'extérieur & à l'intérieur d'une forme différente de celle de la tête de tous les autres animaux ; le singe a moins de cerveau.

L'homme a le cou moins gros à proportion que les quadrupedes, mais la poitrine plus large ; il n'y a que le singe & lui qui ayent des clavicules.

Les femmes ont plus de mamelles que les hommes ; mais l'organisation de ces parties est la même dans l'un & l'autre sexe ; celles de l'homme peuvent aussi former du lait, & il y en a des exemples.

Le nombril qui est apparent dans l'homme, est presque obliteré dans les animaux ; le singe est le seul qui ait des bras & des mains comme nous ; les fesses qui sont les parties les plus inférieures du tronc n'appartiennent qu'à l'espece humaine.

L'homme est le seul qui se soûtienne dans une situation droite & perpendiculaire.

Le pié de l'homme differe aussi de celui de quelque animal que ce soit ; le pié du singe est presque une main.

L'homme a moins d'ongle que les autres animaux ; c'est par des observations continuées pendant longtems sur la forme intérieure de l'homme, que l'on est convenu des proportions qu'il falloit garder dans la Peinture, la Sculpture, & le Dessein. Voyez l'article PROPORTION.

Dans l'enfance, les parties supérieures de l'homme sont plus grandes que les inférieures.

A tout âge, la femme a la partie antérieure de la poitrine plus élevée que nous ; ensorte que la capacité formée par les côtes a plus d'épaisseur en elles & moins de largeur. Les hanches de la femme sont aussi plus grosses ; c'est à ce caractere qu'on distingue son squelete de celui de l'homme.

La hauteur totale du corps humain varie assez considérablement ; la grande taille pour les hommes, est depuis cinq piés quatre ou cinq pouces, jusqu'à cinq piés huit ou neuf pouces. La taille médiocre depuis cinq piés ou cinq piés un pouce, jusqu'à cinq piés quatre pouces ; & la petite taille est au-dessous de cinq piés. Les femmes ont en général deux ou trois pouces de moins ; il y a des especes d'hommes qui n'ont que depuis quatre piés, jusqu'à quatre piés & demi ; tels sont les Lapons.

L'homme relativement à son volume est plus fort qu'aucun animal ; il peut devancer le cheval par sa vîtesse ; il le fatigue par la continuité de la marche ; les chaters d'Ispahan font trente-six lieues en quatorze ou quinze heures.

La femme n'est pas à beaucoup près aussi vigoureuse que l'homme.

Tout change dans la nature, tout s'altere, tout périt. Lorsque le corps a acquis son étendue en hauteur & en largeur, il augmente en épaisseur ; voilà le premier point de son dépérissement ; elle commence au moment où la graisse se forme, à trente-cinq ou quarante ans. Voyez GRAISSE. Alors les membranes deviennent cartilagineuses, les cartilages osseux, les of plus solides, & les fibres plus dures ; la peau se seche, les rides se forment, les cheveux blanchissent, les dents tombent, le visage se déforme, & le corps s'incline vers la terre à laquelle il doit retourner.

Les premieres nuances de cet état se font appercevoir avant quarante ans ; elles augmentent par degrés assez lents jusqu'à soixante, par degrés plus rapides jusqu'à soixante & dix. Alors commence la vieillesse qui va toûjours en augmentant ; la caducité suit, & la mort termine ordinairement avant l'âge de quatre-vingt-dix ou cent ans, la vieillesse & la vie.

Les femmes en général vieillissent plus que les hommes ; passé un certain âge leur durée s'assûre ; il en est de même des hommes nés foibles ; la durée totale de la vie peut se mesurer par le tems de l'accroissement. L'homme qui est trente ans à croître, vit quatre-vingt-dix ou cent ans. Le chien qui ne croît que pendant deux ou trois ans, ne vit aussi que dix ou douze ans.

Il est parlé dans les Transactions philosophiques, de deux hommes, dont l'un a vécu cent soixante-cinq ans, & l'autre cent quarante-quatre.

Il y a plus de vieillards dans les lieux élevés que dans les lieux bas ; mais en général l'homme qui ne meurt pas par intempérie ou par accident, vit partout quatre-vingt-dix ou cent ans.

La mort est aussi naturelle que la vie ; il ne faut pas la craindre, si l'on a assez bien vécu pour n'en pas redouter les suites.

Mais il importe en une infinité de circonstances de savoir la probabilité qu'on a de vivre un certain nombre d'années. Voici une courte table calculée à cet effet.

Table des probabilités de la durée de la vie.

On voit par cette table qu'on peut espérer qu'un enfant qui vient de naître vivra huit ans, & ainsi des autres tems de la vie.

Mais on observera 1°. que l'âge de sept ans est celui où l'on peut espérer une plus longue vie ; 2°. qu'à douze ou treize ans on a vécu le quart de sa vie ; & à vingt-huit ou vingt-neuf, qu'on a vécu la moitié ; & à cinquante, plus des trois quarts.

O vous, qui avez travaillé jusqu'à cinquante ans, qui jouissez de l'aisance, à qui il reste encore de la santé & des forces, qu'attendez-vous donc pour vous reposer ! jusqu'à quand direz-vous, demain, demain ?

Après avoir exposé ce qui concerne l'homme en général, nous renverrons, pour ce qui appartient à ses différens organes, aux différens articles de ce Dictionnaire. Voyez donc, pour la tête, à l'article TETE ; pour les piés, les mains, les dents, à ces articles ; pour la vûe, aux articles OEIL & VUE ; pour l'ouie, aux articles OUIE & OREILLE ; pour l'odorat, aux articles ODORAT & NES, &c. pour les sens en général, aux articles SENS, SENSATIONS, & TOUCHER ; & sur-tout à l'article ECONOMIE ANIMALE. Et quant aux variétés de l'espece humaine, voyez les articles de Géographie qui y ont rapport, comme LAPONS, CHINOIS, INDIENS, NEGRES, &c. & l'article HUMAINE ESPECE.

Il y a des hommes blancs, des noirs, des olivâtres, des hommes de couleur de cuivre. Voyez les articles NEGRES, MULATRES, &c.

Les hommes ont une physionomie propre aux lieux qu'ils habitent. Voyez l'article PHYSIONOMIE ; & pour l'histoire naturelle de l'homme, ce que MM. de Buffon & d'Aubenton en ont dit dans leur excellente histoire naturelle, dont nous avons extrait ce qui précede.

HOMME (Exposition anatomique du corps de l') ; ce corps, ainsi que celui de tous les autres animaux, est une machine très-compliquée, & dans la composition de laquelle entre une infinité d'instrumens différens par leur structure & par l'usage auquel ils sont destinés. Certaines parties blanches, dures, insensibles, connues sous le nom d'os, soûtiennent tout l'édifice. Voyez OS. Dans les endroits où ces parties se meuvent en glissant les unes sur les autres, elles sont enduites & comme encroûtées de certaines lames brillantes, blanches, très-élastiques, d'un tissu extrèmement serré qu'on nomme cartilage, & dont on distingue plusieurs especes : il y a aussi des lieux où les of sont retenus & fixés en place par l'intermede d'autres cartilages un peu différens de ceux dont les extrémités des of mobiles sont couvertes. Voyez CARTILAGE. Les différentes pieces osseuses qui ont du jeu & quelque mouvement, sont arrêtées & liées les unes aux autres par certaines cordes ou certains rubans que les Anatomistes appellent ligamens, & qui sont des parties blanches, souples, extensibles, très-élastiques & douées d'un sentiment très-obtus & presque nul. Voyez LIGAMENT. Parmi ces ligamens, il y en a qui sont très-minces & comme membraneux, qui enveloppent les jointures des os, & empêchent l'écoulement d'une certaine humeur onctueuse nommée synovie ; on les nomme capsules articulaires, ou ligamens capsulaires. Voyez CAPSULES ARTICULAIRES. L'humeur que ces ligamens retiennent est douce & gluante, & faite pour lubréfier les parties & les empêcher de se dessécher & de s'user par les frottemens répétés, voyez SYNOVIE ; elle coule de certains paquets glanduleux communément enveloppés de graisse, & que la nature a très-artistement placés dans certains enfoncemens pratiqués exprès pour les mettre à l'abri des chocs & des compressions violentes. Voyez GLANDES SYNOVIALES. Toutes ces choses ne se voient que dans les endroits où les of s'unissent de maniere à permettre quelque mouvement ; & cette sorte de jonction s'appelle diarthrose, dont il y a plusieurs especes. Voyez ENARTHROSE, ARTHRODIE, NGLIMELIME. En général, toute union ou jonction de deux pieces osseuses se nomme articulation, laquelle, pour parler le langage des Anatomistes, se fait avec mouvement ou sans mouvement : cette derniere espece est la synarthrose, & comprend sous elle plusieurs divisions. Voyez SUTURE, HARMONIE & GOMPHOSE. Les of articulés par diarthrose, ont besoin d'être maintenus en place, & liés les uns aux autres par différens moyens ; cette liaison s'appelle symphise, & se fait tantôt avec des ligamens, c'est la synnevrose ; d'autres fois avec les chairs ou les muscles, c'est la syssarcose, & dans certains lieux, par l'intermede des cartilages, c'est la synchondrose. Voyez SYNNEVROSE, SYSSARCOSE & SYNCHONDROSE. Tous les of du corps de l'homme, excepté les couronnes des dents, sont couverts d'une membrane assez forte, dont l'épaisseur varie suivant les lieux, & qui soûtient une prodigieuse quantité de vaisseaux très-fins & de toute espece ; on l'appelle le périoste, tant qu'elle est appliquée sur les of ; lors que de-là elle passe sur les ligamens, on la nomme péridesme ; & quand enfin elle s'étend sur les cartilages, elle reçoit le nom de périchondre. Voyez PERIOSTE. Cette membrane se glisse & s'insinue jusques dans les cavités intérieures des os, elle les tapisse exactement ; c'est le périoste interne qui enveloppe la moelle, & fournit les cloisons sans nombre qui forment les cellules dans lesquelles cette humeur onctueuse est renfermée. Voy. MOELLE. Les of sont formés de deux substances, l'une dure & d'un tissu très-serré, composée de lames très-étroitement unies les unes aux autres, c'est la substance ou matiere compacte ; l'autre est cellulaire, & quand elle résulte de l'assemblage de plusieurs lames, on l'appelle substance spongieuse ; mais quand elle résulte de l'entrelacement d'un grand nombre de filets, c'est la substance réticulaire. Voyez SUBSTANCE OSSEUSE & OSSIFICATION.

Les os, & avec eux toutes les autres parties des animaux, sont mis en mouvement par certaines puissances que les Anatomistes appellent muscles. Ce sont des organes mous, d'une couleur rouge, formés de fibres, qui ont la faculté de se raccourcir, & qui par ce raccourcissement tirent les parties auxquelles ils sont annexés : un tissu cellulaire plus ou moins fin, lie toutes ces fibres entr'elles, & soûtient les divisions presque infinies des nerfs, des arteres & des autres vaisseaux qui pénétrent la substance du muscle ; un autre tissu cellulaire plus lâche, & communément chargé de graisse, unit entr'eux les différens muscles, ou les attache à d'autres parties : on nomme contraction, l'action par laquelle un muscle se raccourcit ; & fibre musculaire ou contractile, celle qui peut exercer cette action : il faut que ce pouvoir dépende en partie de la maniere dont les fibres sont unies entr'elles ; car dans le milieu du muscle, où les fibres sont molles & rouges, on les voit se contracter, & l'on n'observe rien de semblable dans les extrémités, qui sont blanches & d'un tissu bien plus ferme & bien plus serré : cependant ce sont les mêmes fibres qui, sans interruption, vont d'un bout à l'autre du muscle, mais qui, ramassées vers les extrémités, sont si étroitement serrées entr'elles qu'elles en perdent l'aptitude au mouvement, il faut, pour qu'une fibre musculaire se raccourcisse, qu'elle se gonfle & se renfle ; ce renflement devient impossible quand les fibres sont trop rapprochées & trop fermement unies entr'elles ; quand en se rapprochant ainsi, elles forment par leur assemblage des cordes blanches, souples & fléxibles, c'est ce qu'on nomme des tendons, voyez TENDONS ; lorsqu'elles s'épanouissent en maniere de membranes, elles sont ce qu'on appelle des aponévroses, voyez APONEVROSE : c'est par le moyen de ces tendons ou de ces aponévroses que les muscles s'attachent aux os, ou bien aux autres parties qu'ils doivent mouvoir ; ainsi dans chaque muscle il y a toûjours un milieu rouge & mollet (les anciens le nommoient le ventre du muscle) & deux extrémités tendineuses plus ou moins longues, dont l'une portoit chez les anciens le nom de tête, & l'autre, celui de queue : ces noms étoient tirés de la camparaison qu'ils faisoient d'un muscle avec un rat écorché : au reste, les noms qu'on a donnés aux différens muscles viennent ou de leur figure, comme deltoïde, triangulaire, quarré ; ou de leur situation, comme fessier, dorsal, pectoral ; ou de leur action comme fléchisseur, extenseur, abaisseur, ou de quelque autre circonstance. Voyez MUSCLE.

C'est aux nerfs & aux vaisseaux sanguins que les muscles doivent la faculté, dont ils jouissent, de se contracter ; & de mouvoir par-là toutes les autres parties. Les nerfs sont des cordons blanchâtres, composés de filets extrèmement fins, qui tous tirent leur origine du cerveau, de la moelle allongée, ou de la moelle épiniere : ils communiquent différemment entr'eux ; cependant les deux manieres de communication établies les plus ordinaires sont ou par forme d'entrelacement & de réseau, ce qu'on nomme plexus, & qui spécialement a lieu à l'intérieur pour les visceres de la poitrine & du ventre, voyez PLEXUS ; ou par le moyen de certaines tumeurs rougeâtres, d'une consistance assez marquée, & de différentes figures qu'on appelle ganglions, lesquelles se rencontrent dans différentes parties, mais surtout le long de la colonne épiniere, voyez GANGLIONS. Quoique les yeux ne puissent saisir de cavité dans les nerfs, on ne sauroit cependant se dispenser d'y en admettre : bien des expériences semblent prouver qu'un fluide très-subtil passe sans-cesse, à la faveur de ces cavités, du cerveau & de la moelle vers les autres parties, & reflue peut-être de ces mêmes parties vers les organes desquels il avoit commencé à couler ; ce fluide qui paroît fait pour animer toute la machine, s'appelle esprit animal, voy. ESPRIT ANIMAL ou ESPRITS ANIMAUX. La nature de cet esprit ne nous est pas encore bien connue : il n'est guere raisonnable d'en nier l'existence ; peut-être y en a-t-il de plusieurs especes. Quand un nerf s'insinue dans une partie, il s'y divise de façon qu'en le suivant avec soin, il semble que toute la partie elle-même ne soit faite que par sa division : ce qui a donné lieu de penser que dans son principe & son origine, le corps des animaux n'étoit qu'un épanouissement nerveux différemment fait dans les différentes parties. Quoi qu'il en soit de toutes ces choses, toûjours est-il certain que c'est aux nerfs que les parties de notre corps doivent le sentiment & le mouvement : une chose singuliere, sans-doute, c'est que le principe du sentiment dérivant du cerveau, du cervelet & de la moelle épiniere, ces parties soient cependant insensibles. On nomme Névrologie la partie d'Anatomie qui traite des nerfs & de leurs distributions : cette partie est une des moins développées, & cependant c'est une des plus importantes & des plus intéressantes. Voyez NERF & NEVROLOGIE.

Les vaisseaux sanguins sont des tuyaux membraneux, cylindriques, plus ou moins élastiques, dont les uns, sous le nom d'arteres, portent le sang du coeur aux autres parties ; les autres se nomment veines, & leur office est de reprendre le sang que les arteres ont apporté, & de le ramener au coeur : le mouvement par lequel le sang est ainsi porté & rapporté, s'appelle circulation. Voyez CIRCULATION DU SANG. Les arteres ont leurs tuniques plus fortes & plus épaisses que les veines ; elles ont un mouvement sensible de pulsation, c'est le pouls, voyez POULS, & le sang marche bien plus vîte dans ces tuyaux que dans les veines : toutes les arteres ne sont que des ramifications de deux troncs principaux, connus sous les noms d'aorte & d'artere pulmonaire, voyez ARTERE. Les membranes des veines sont foibles & minces, elles ont peu d'action ; mais pour suppléer à ce défaut, la nature a placé dans leurs cavités des replis membraneux qu'on appelle valvules, & qui sont disposés de maniere qu'ils cedent sans peine à l'impulsion du sang qui retourne au coeur, mais ils se levent pour l'empêcher de revenir sur ses pas : les arteres n'ont point de valvules ; on n'en découvre point non plus dans les grosses veines placées dans le ventre ou dans la poitrine : toutes les veines vont se rendre à cinq tuyaux communs, dont l'un, qui est le principal & le plus gros de tous, se nomme veine-cave, & va se rendre à l'oreillette droite du coeur : trois autres partent du poulmon, & viennent décharger le sang dans l'oreillette gauche du coeur : le cinquieme amasse le sang de tous les visceres qui servent à la digestion des alimens, & le charrie au foie, on le nomme veine-porte. Outre ces tuyaux, il y en a d'autres dans le corps humain, dont les uns sont pleins d'une liqueur claire, transparente, sans goût & sans odeur ; on la nomme lymphe, & les tuyaux qui la contiennent, s'appellent vaisseaux lymphatiques. Voyez LYMPHE & VAISSEAUX LYMPHATIQUES. Les autres conduits, qui ne contiennent ni sang, ni lymphe, sont destinés à recevoir l'air, on les appelle bronches : ils naissent tous d'un canal, en partie cartilagineux & en partie membraneux, qui du fond de la bouche gagne jusques dans la poitrine ; on lui donne le nom de trachée-artere, voyez TRACHEE-ARTERE & BRONCHE : l'air amené par ces tuyaux gonfle les poûmons & soûleve la poitrine ; quand il en sort, la poitrine se resserre & les poûmons s'affaissent : ce double mouvement qui se fait alternativement pendant tout le cours de la vie, constitue cette importante fonction, connue de tout le monde sous le nom de respiration : quand l'air rentre, c'est l'inspiration ; quand il sort, c'est l'expiration. Voyez RESPIRATION.

Toute partie qui remplit une fonction d'une certaine importance, & qui est renfermée dans l'une des grandes cavités de la machine, se nomme viscere, voyez VISCERE. On voit encore certaines parties arrondies, assez fermes, de différentes couleurs, & qui pour la plûpart séparent du sang une humeur particuliere, on les appelle en général du nom de glandes ; quand elles sont isolées & détachées les unes des autres, elles se nomment glandes conglobées ; elles prennent le nom de glandes conglomérées, quand elles sont ramassées plusieurs ensemble & renfermées sous une même enveloppe. Voyez GLANDE. L'action par laquelle les glandes, ainsi que d'autres parties, séparent de la masse commune des humeurs une liqueur particuliere, porte en général le nom de sécrétion, voyez SECRETION ; & les canaux par lesquels cette humeur est reçûe pour être conduite en un lieu différent, se nomment vaisseaux excréteurs : quand ils sont très-fins & très-déliés, on les nomme pores, & du nombre de ces derniers il en est dont la fonction differe des autres, & qui sont destinés à pomper quelque humeur, à s'en charger, pour la ramener à la masse, soit médiatement, soit immédiatement ; ils ont reçû le nom de pores absorbans, & il paroît que la surface de tous nos visceres en est aussi criblée que celle de la peau. Voyez PORES ABSORBANS. Cette derniere partie couvre tout notre corps, ainsi que tout le monde le sait : on l'appelle à cause de cela le tégument universel ; elle est composée de plusieurs lames, dont la plus superficielle & la plus mince se nomme épiderme : celle-ci est insensible, & formée d'un grand nombre de petites écailles très-fines ; elle se replie dans les grandes ouvertures de la peau, & s'y confond, ou s'y perd dans la membrane qui revêt l'extérieur de l'oeil, les narines, la bouche, le gosier, l'oesophage, &c. Voyez EPIDERME. On apperçoit à la face de l'épiderme qui touche la peau, un réseau plus ou moins fin dans les différentes parties ; il semble être un appendice de l'épiderme, on le nomme le corps réticulaire. Voyez CORPS RETICULAIRE. Quelques anatomistes pensent que ce qui fait la liaison de l'épiderme & de la peau est une certaine substance à-peu-près muqueuse, qu'ils ont appellée le corps muqueux, & qu'ils croient être le siege de la couleur blanche de la peau des Européens, &c. & celui de la couleur noire de la peau des Négres. Voyez CORPS MUQUEUX. La peau, proprement dite, est immédiatement sous ce corps ; elle est faite par l'assemblage & l'entrelacement le plus singulier de fibres qui approchent fort de la nature des fibres ligamenteuses : à travers cet entrelacement pénetrent mille & mille filets nerveux, qui viennent à sa superficie s'épanouir en papilles applaties, ou se gonfler de maniere à former les papilles pyramidales : ces papilles sont l'organe immédiat du plus étendu, du plus important & peut-être du plus utile de tous nos sens, du toucher, voyez TOUCHER. C'est dans la peau que s'opere l'excrétion la moins sensible, & cependant la plus abondante de toutes celles qui se font dans notre machine ; elle est connue sous le nom d'insensible transpiration : l'humeur qu'elle fournit est chassée par les pores de la peau. Voyez INSENSIBLE TRANSPIRATION. La peau ne se réfléchit point comme l'épiderme par la bouche, le nez, le fondement, &c. elle est vraiment trouée dans tous ces endroits-là : il s'en manque beaucoup que la peau ait par-tout la même sensibilité, la même consistance, la même élasticité : toutes ces choses varient suivant les lieux. Voyez PEAU. Ajoûtez à tout cela que cette partie soûtient les poils & les ongles. Ces premiers sont des filets très-déliés, de diverses couleurs, de différentes longueurs, toûjours insensibles dans l'état naturel, lesquels naissent d'un petit oignon placé à la face interne de la peau, & qui paroissent destinés à couvrir & défendre du froid, &c. la surface du corps. Voyez POILS. Les ongles paroissent faits d'une substance assez semblable à celle des poils : chacun sait qu'ils garnissent le bout des doigts, des mains & des piés : leur racine jouit d'une grande sensibilité ; l'extrémité se coupe sans qu'on en sente rien. Voyez ONGLE. Dans la plûpart des quadrupedes, on trouve sous la peau une lame musculaire, qui s'appelle le pannicule charnu : cette partie manque dans l'homme, voyez PANNICULE CHARNU. Il n'y a sous la peau du corps humain qu'un tissu formé par un grand nombre de cellules irrégulieres, lesquelles renferment une humeur huileuse condensée, douce & jaunâtre, connue sous le nom de graisse, voyez GRAISSE : ces cellules sont autant de petits réservoirs où la nature met en dépôt l'humeur dont nous venons de parler, & qu'elle saura bien reprendre en cas de besoin, par exemple, dans le tems des maladies, soit pour nourrir le corps, soit pour adoucir l'acrimonie des humeurs morbifiques : les membres gagnent à ce dépôt une forme plus réguliere, des contours plus gracieux & une souplesse très-marquée : la sagesse de la nature sait tirer plusieurs avantages d'une même chose ; elle les épuise ; le tissu cellulaire joint aux propriétés que nous venons d'indiquer, celle de servir de lien à toutes les parties du corps ; c'est lui qui les soûtient, qui les fixe à leurs places, & qui fait que, quoiqu'adhérentes les unes aux autres, elles peuvent pourtant se mouvoir les unes sur les autres sans la moindre difficulté. Voyez TISSU CELLULAIRE ou GRAISSEUX.

Le corps de l'homme se divise en plusieurs parties principales, qui sont la tête, le tronc & les extrémités : ces dernieres sont, les unes supérieures, ce sont les bras ; les autres inférieures, qui sont formées des cuisses & des jambes. Chacune de ces parties se divise encore en plusieurs autres régions.

On distingue dans la tête deux régions principales : l'une couverte de poils, on la nomme partie chevelue ; l'autre en est dépouillée pour la plus grande partie, c'est la face. Voyez TETE.

La tête est unie à la poitrine par le moyen du cou. Voyez COU. Le tronc se divise en thorax ou poitrine, & bas-ventre ou abdomen. Le devant de la poitrine obtient le nom de thorax ; le derriere s'appelle le dos. C'est du haut & des côtés de cette région, que sortent les extrémités supérieures.

Le bas-ventre a comme la poitrine une face en devant & l'autre en arriere ; la premiere se partage en trois régions : la premiere est au milieu, elle est marquée par le nombril, & de là elle a pris le nom de région ombilicale ; celle qui est au-dessus, & qui va jusqu'au bas de la poitrine, se nomme région épigastrique ; la troisieme qui s'étend au-dessous, & gagne jusqu'aux parties génitales de l'un & de l'autre sexe, a reçu le nom de région hypogastrique. Chacune de ces régions se divise encore en trois autres ; savoir, celle du milieu & les deux latérales : le milieu de la région épigastrique se nomme épigastre ; les côtés sont les hypochondres. Voyez EPIGASTRE & HYPOCHONDRES.

Les côtés de la région du nombril s'appellent les lombes ; le milieu a conservé le nom de région ombilicale.

La derniere des régions antérieures du ventre se partage en haute & basse ; le milieu de la premiere est l'hypogastre ; les parties latérales sont les îles ou les flancs : la partie basse répond au petit bassin, son milieu est le pénil, ses côtés sont les aines.

La face postérieure du ventre présente un grand enfoncement, qu'on appelle aussi région lombaire postérieure, ou plus communément le creux ou le pli des reins ; ce qui est au-dessous se releve & fait saillie ; c'est la région des fesses, entre lesquelles est l'ouverture par où le corps se débarasse de ses excrémens ; on l'appelle le fondement, ou l'anus (Voyez ANUS) ; l'espace qui est entre cette ouverture & les parties génitales de l'un ou l'autre sexe, porte le nom de périné, & la ligne qui le partage en partie droite & gauche, se nomme raphé. Les extrémités supérieures sont chacune composées de l'épaule, du bras, de l'avant-bras & de la main ; les inférieures le sont chacune aussi des cuisses, des jambes & du pié.

Après cette idée générale des principales parties du corps humain, examinons chacune de ces mêmes parties : nous suivrons dans cet examen l'ordre le plus simple ; nous ne ferons mention des organes qu'à mesure qu'ils se présenteront successivement à nos yeux : commençons par la tête. Les poils qui couvrent plus de la moitié de la surface de cette partie, sont au moins dans les blancs, beaucoup plus longs que ceux du reste du corps, on les nomme cheveux. Voyez CHEVEUX. La partie la plus haute de la région chevelue se nomme le vertex ; le derriere s'appelle l'occiput ; le devant porte le nom de sinciput ; & les côtés celui de tempes. Le cuir qui porte les cheveux est plus crasse & moins sensible que la peau du reste du corps ; on y voit un plus grand nombre de glandes sébacées. Voyez GLANDES SEBACEES. Le tissu cellulaire qui est au-dessous, a la propriété de ne se charger que d'une certaine quantité de graisse assez petite, & logée dans des cellules étroites ; ce tissu étant enlevé, on découvre en devant deux muscles minces qui vont sous la peau descendre sur le front jusqu'auprès des sourcils, qu'ils relevent en faisant rider la peau du front. Ce sont les muscles frontaux. Voyez MUSCLES FRONTAUX. En marchant du sinciput vers l'occiput, le milieu de droite à gauche est occupé par une aponevrose, à laquelle tiennent les fibres des muscles frontaux ; M. Winslow l'a nommée calotte aponevrotique du crâne. Voyez CALOTTE APONEVROTIQUE. Du bas & des côtés de cette aponevrose, partent en arriere des lames charnues qui vont s'attacher à l'os qui se trouve dans cet endroit, & qui à cause de cela, a reçû le nom d'os occipital ; ce sont les muscles occipitaux, dont l'usage paroît être d'aider les frontaux dans leur action. Voyez MUSCLES OCCIPITAUX. Tout attenant ces muscles, on en apperçoit deux petits qui vont transversalement s'attacher au derriere de la conque de l'oreille externe, qu'ils tirent en arriere ; on les nomme les muscles postérieurs de l'oreille. En remontant vers les tempes, il se présente de chaque côté une lame musculaire large & mince, qui du bord de la calotte aponevrotique, s'avance vers l'oreille, & s'y insere à quelque distance au-dessus du conduit ; c'est le muscle supérieur de l'oreille externe ; il sert à l'élever un peu. Voyez RELEVEUR DE L'OREILLE EXTERNE. L'artere temporale paroît à quelque distance de ce muscle en devant ; on la voit serpenter dans cet endroit & se partager en deux branches principales, dont l'une va vers le front, & l'autre vers l'occiput ; cette derniere s'anastomose avec l'artere occipitale : le mot d'anastomose est employé par les Anatomistes pour désigner l'abouchement de deux vaisseaux qui se confondent & n'en font plus qu'un. Voyez ANASTOMOSE.

Quand on a enlevé l'aponévrose dont nous venons de parler, & les muscles qui y sont annexés, on découvre sur toute la tête, à l'exception des côtés, la membrane qui couvre les of immédiatement, on la nomme la péricrâne : elle ne differe point du périoste des autres parties ; on la voit s'insinuer par les sutures entre les of de la tête, & communiquer avec la membrane qui tapisse les of en dedans, & qui se nomme la dure mere. Voyez PERICRANE. Sur les côtés, dans les régions temporales, se trouve une aponévrose, que l'on a mal-à-propos prise pour une des lames du péricrâne ; elle couvre un muscle qui occupe toute cette région, & qui est attaché aux of du crâne par son extrémité supérieure, & à l'apophise coronoïde de la mâchoire inférieure, par son extrémité inférieure ; il a principalement la fonction de lever la mâchoire inférieure, il porte le nom de crotaphite. Voyez MUSCLE CROTAPHITE. Sous ce muscle se découvre un nerf, qui part du maxillaire inférieur à la sortie du crâne par le trou ovale de l'os sphénoïde ; on le nomme le nerf temporal.

L'oreille extérieure est placée au bas de la région temporale ; on distingue la partie supérieure qui est cartilagineuse, d'avec l'inférieure qui est faite par la peau seulement & le tissu cellulaire ; on la nomme le lobule. La portion supérieure présente plusieurs replis & plusieurs enfoncemens qui ont différens noms ; entre ces derniers, il y en a un qui mene à un canal appellé conduit auditif externe. Voyez OREILLE EXTERNE.

Derriere l'oreille est le nerf auriculaire postérieur qui vient de la portion dure du nerf auditif ; sur le devant sont les auriculaires antérieurs, qui sont produits par deux des nerfs cervicaux ; je ne fais point mention du muscle antérieur de l'oreille, parce que je ne l'ai jamais vû.

Le muscle crotaphite & le péricrâne étant emportés, on voit en devant l'os frontal ; sur les côtés & en-haut, les deux of pariétaux ; en-bas & toujours sur les côtés, les grandes ailes de l'os sphénoïde, & les of des tempes, en arriere l'os occipital : ce dernier est uni avec les pariétaux & les temporaux par la suture lambdoïde ; les pariétaux le sont entr'eux par la suture sagittale, & avec les of temporaux & les grandes aîles du sphénoïde, par la suture écailleuse ; enfin par-devant, ils s'unissent avec l'os frontal par la suture appellée coronale ; ces of sont la partie supérieure & les côtés de la boîte osseuse du crâne. Voyez OS FRONTAL, OS PARIETAUX, &c.

Il y a dans les enfans une ouverture au crâne dans le milieu de la suture coronale, dans l'endroit où la sagittale la rencontre ; on la nomme la fontanelle ou la fontaine de la tête. Voyez FONTANELLE.

Pour découvrir ce que le crâne renferme, on le scie tout-au-tour ; & quand on a séparé la calotte, les parties qui s'offrent aux yeux, sont d'abord une membrane forte, épaisse, composée de deux lames, & très-adhérente à la face interne du crâne : c'est la premiere des enveloppes du cerveau ; on l'appelle la dure mere. Voyez DURE MERE. Celle des deux lames qui regarde le cerveau, se réfléchit entre les deux principales portions de ce viscere, & forme une cloison nommée la faulx : sur le dos de cette cloison est un conduit d'une forme triangulaire, qui va toujours en s'élargissant à mesure qu'il avance en arriere, & qui reçoit le sang des veines du cerveau ; c'est le sinus longitudinal supérieur : au bord opposé de la faulx, est un autre conduit bien plus délié ; c'est le sinus longitudinal inférieur : le long du premier de ces sinus, sur-tout en arriere, sont plusieurs grappes glanduleuses ; on leur a donné le nom de glandes de Pacchioni.

Sous la dure-mere est une membrane fine, transparente, composée de deux lames, dont l'intérieur s'enfonce dans les sillons qui sont creusés à la surface extérieure du cerveau ; la premiere lame se nomme la pie-mere, la seconde a reçû le nom d'arachnoïde. Voyez PIE-MERE, &c.

Le cerveau vient ensuite ; c'est un viscere très-gros, mol, insensible, arrosé d'un prodigieux nombre de vaisseaux, composé de deux substances, l'une extérieure & grise, où l'on pense que l'esprit vital est situé ; l'autre blanche, & qu'on nomme médullaire, que l'on croit formée par l'assemblage des vaisseaux excréteurs de la premiere, & qui donne naissance aux nerfs, soit immédiatement, soit médiatement : ce viscere est partagé en deux portions principales nommées hémispheres ; chaque hémisphere l'est en trois lobes ; l'un antérieur, l'autre moyen, & le troisieme postérieur : à la surface extérieure sont différens enfoncemens connus sous le nom d'anfractuosités : la substance grise qu'on appelle aussi corticale, s'insinue dans toutes les anfractuosités : une lame blanche assez épaisse, fait par en-bas & dans la partie moyenne, la réunion des deux hémispheres ; c'est le corps calleux, où quelques-uns ont assez ridiculement placé le siége de l'ame : sur les côtés de ce corps, un peu plus bas que lui, sont creusées deux grandes cavités connues sous le nom de ventricules supérieurs ou latéraux du cerveau, qui sont fort irrégulieres, & qui s'enfoncent en le contournant comme les cornes d'un bélier ; sous les lobes moyens du cerveau, une cloison transparente se voit entre les deux ventricules ; elle les sépare, elle est formée de deux lames fort distinctes ; c'est le septum lucidum : la premiere chose qui frappe dans les ventricules supérieurs, c'est une masse de vaisseaux très-fins, & différemment entortillés, laquelle, en s'élargissant en arriere, se prolonge jusqu'au fond des ventricules ; elle a pris le nom de plexus choroïde : les vaisseaux qui la forment se réunissent en une grosse veine, nommée veine de Galien, qui décharge le sang dans un sinus, que nous observerons dans l'instant : otez le plexus choroïde, & vous appercevrez en devant & sur le côté dans chaque ventricule, une bosse oblongue, qui se termine en-arriere par une sorte de queue ; elle est grise à l'extérieur, mais le dedans est mêlé de la substance blanche & de la grise ; c'est le corps cannelé. Sous le septum lucidum est une lame blanche qui s'élargit en s'avancant en-arriere, & s'y partage en deux branches minces ; on la nomme la voûte à trois piliers : enlevez cette voûte, rejettez-la en devant, & vous appercevrez qu'elle s'y divise en deux cordons blancs, dans l'écartement desquels vous pourrez distinguer un troisieme cordon transversal nommé la commissure antérieure du cerveau : vis-à-vis est une ouverture qui va au troisieme ventricule : plus loin sont deux éminences ovales, appellées couches des nerfs optiques ; ces éminences laissent entre leurs extrémités postérieures une autre ouverture qui va aussi au troisieme ventricule ; on la nomme anus, l'antérieure s'appelle vulva : attenant l'anus est la commissure postérieure du cerveau ; c'est un cordon transversal qui s'avance assez peu de chaque côté : dans le lieu où la cavité des ventricules supérieurs commence à s'enfoncer, on voit un petit prolongement pointu en-arriere ; c'est le processus ancyroïde : on apperçoit dans le reste un bourrelet qui suit les contours de la cavité ; les Anatomistes l'ont nommé la corne d'ammon ; quand on écarte les couches des nerfs optiques, il se présente une cavité oblongue d'assez peu d'étendue, d'une forme à peu près triangulaire ; c'est le troisieme ventricule du cerveau qui s'enfonce en devant, & forme l'entonnoir, dont le bec aboutit à une petite colonne médullaire, appuyée sur la glande pituitaire ; on la nomme à cause de cela, tige pituitaire : on apperçoit à la face postérieure du troisieme ventricule, l'ouverture de l'aqueduc de Sylvius ; c'est un conduit qui du troisieme ventricule mene au quatrieme : sur le trajet de ce conduit, il y a quatre éminences arrondies, que les anciens ont assez ridiculement appellées natès & testès. Après avoir considéré tous les objets que nous venons d'indiquer, si l'on renverse la masse du cerveau de devant en arriere, on voit d'abord sous les lobes antérieurs les nerfs de la premiere paire, ou nerfs olfactoires, qui vont gagner la lame cribreuse de l'os ethmoïde ; ensuite on voit les nerfs optiques, dont on observe la réunion sur le devant de la selle du turc, & le passage par les trous optiques de l'os sphénoïde : les arteres carotides sont à côté de ces nerfs, & les touchent ; on les voit se partager en deux branches principales, dont l'une s'avance entre les deux lobes antérieurs du cerveau, & se réfléchit sur le corps calleux ; l'autre s'engage dans la grande scissure de Sylvius, & va se rendre au lobe moyen & à la plus grande partie du lobe postérieur : derriere la réunion des deux nerfs optiques, est l'extrêmité de la tige pituitaire, & dans le voisinage sont deux éminences appellées mamillaires : viennent ensuite deux grosses masses blanches & arrondies, qui marchant de devant en arriere, se rapprochent & s'enfoncent dans un gros bourrelet arrondi, appellé pont de varole, ou protubérance annulaire ; ces deux masses sont les crura cerebri : dans ce trajet se voient les nerfs de la troisieme paire, ou nerfs grands moteurs des yeux, lesquels vont se rendre à l'orbite par la fente sphénoïdale : un peu plus en arriere & sur les côtés, se présentent aussi les gros nerfs de la cinquieme paire, qui vont, après s'être partagés en trois branches, à l'orbite, à la mâchoire supérieure, & à la mâchoire inférieure.

Si l'on enleve la masse du cerveau, après avoir coupé vers les cuisses, ou crura cerebri, voici les choses qui se présentent à la vue : en devant est le plancher osseux qui soutenoit les lobes antérieurs du cerveau ; il est fait par l'os frontal en partie, & par certaines productions de l'os sphénoïde, nommées aîles d'Ingrassias ; le milieu de ce plancher s'enfonce plus que le reste, & c'est dans cet enfoncement qu'est logée la lame cribreuse de l'os ethmoïde ; sur le milieu de cette lame en devant, est l'éminence crista galli, à laquelle s'attache la pointe de la faulx du cerveau : sur le devant de cette éminence, est le trou borgne, duquel part le sinus longitudinal supérieur de la dure mere, au-dessus duquel s'éleve l'épine frontale : sur le bord de la lame cribreuse est le nerf accessoire de l'olfactif, qui sort de l'orbite par un des trous orbitaires internes : au bord postérieur du plancher dont nous parlons, vers le milieu, sont les deux apophyses clinoïdes antérieures, & tout auprès, les deux trous optiques : au-dessous de ce bord sont deux grandes fosses séparées par une éminence mitoyenne ; la paroi de ces fosses est formée par les of temporaux & le sphénoïde : sur l'éminence moyenne, est creusée la selle du turc qui renferme la glande pituitaire & son accessoire, avec quelques petits sinus ; cette cavité est terminée en arriere par les apophyses clinoïdes postérieures : sur les côtés de la selle du turc, sont les deux sinus orbitaires, audessus desquels se glisse le nerf pathétique, ou nerf de la quatrieme paire, qui va se rendre dans l'orbite par la fente sphénoïdale, & se perd dans le muscle extérieur de l'oeil : dans la cavité des sinus orbitaires sont renfermés les nerfs de la troisieme paire, ceux de la cinquieme & sixieme, l'artere carotide interne & les filets qui sont la communication du nerf grand sympathique, avec la sixieme paire & la premiere branche de la cinquieme : dans le fond des fosses moyennes de la base du crâne, sont plusieurs petits sinus, & l'on voit au-dessous des aîles d'Ingrassias, les fentes sphenoïdales : plus bas & plus en arriere, les trous ronds antérieurs qui laissent passer la seconde branche du nerf de la cinquieme paire : plus loin, en marchant toujours en arriere, les trous ovales, les trous innominés, & les trous épineux de l'os sphénoïde ; ce dernier laisse passer l'artere qui se distribue à la dure-mere : le rocher dans lequel est renfermé l'organe de l'oüie, sépare les fosses moyennes du crâne d'avec les postérieures : on voit à sa face antérieure un petit trou, & sur son sommet un sinus nommé le sinus supérieur du rocher : les arteres carotides pénetrent dans le crâne vers la pointe de ce rocher, & se couchent en s'avançant en devant sur les côtés de la selle du turc pour gagner les apophyses clinoïdes antérieures : au niveau du rocher se découvre un plancher membraneux, un peu élevé dans son milieu, où s'appuie la partie la plus large de la faulx, & échancré en-devant pour laisser passer la moëlle allongée ; il est fait par la réflexion de la lame interne de la dure-mere ; c'est la tente du cervelet ; il soutient les lobes postérieurs du cerveau : le pressoir d'Hérophile marche dans son milieu de devant en-arriere ; c'est à ce sinus que la grande veine de Galien & le sinus longitudinal inférieur viennent se rendre ; cette tente est attachée dans son contour, aux branches transversales de l'éminence cruciale de l'os occipital, & à l'angle supérieur du rocher ; c'est dans la premiere partie de cette adhésion que se trouvent les sinus latéraux, dans lesquels vont se dégorger le sinus longitudinal supérieur, & le pressoir d'Hérophile ; ces sinus vont en s'enfonçant, aboutir au golphe des jugulaires. Voyez CERVEAU & tous les noms écrits en lettres italiques.

Le cervelet paroît quand on a enlevé la tente commune ; c'est un viscere plus petit que le cerveau ; mais qui, eu égard aux principales circonstances, a beaucoup de ressemblance avec lui : une petite faulx que l'on voit en-arriere, le partage en deux hémispheres ; la substance grise est à l'extérieur, la blanche se ramifie en dedans, & forme ce qu'on nomme l'arbre de vie ; en soulevant le bord antérieur, on voit une pellicule, c'est la grande valvule de Vieussens, qui couvre le quatrieme ventricule, & du voisinage de laquelle on voit aussi naître les nerfs de la quatrieme paire ; cette valvule rompue, la cavité qui se présente est le quatrieme ventricule, ou le calamus scriptorius, dont les côtés sont formés par les pédoncules du cervelet ; par le même renversement qui découvre ces parties, on met aussi sous les yeux dans son entier, l'appendice vermiforme : si vous coupez les deux pédoncules, & que vous emportiez le cervelet, les fosses postérieures de la base du crâne se font voir ; vous appercevez aussi les sinus occipitaux, & sur la face postérieure du rocher, le méat auditif interne, dans lequel s'insinue la double portion du nerf acoustique & les arteres auditives : plus bas vous voyez les trous déchirés postérieurs, par lesquels sortent les sinus latéraux, la huitieme paire des nerfs, ou la paire vague & le nerf accessoire de Willis : sur le milieu est un gros cylindre médullaire ; c'est la moëlle allongée qui descend vers le grand trou occipital, passe par cette ouverture, & descend dans le canal de l'épine en prenant le nom de moëlle épiniere. Renversez-la en arriere, l'éminence transversale que vous voyez en haut, est le pont de Varole : vous distinguez au bas les éminences olivaires & les piramidales : les deux nerfs que vous appercevez vers le milieu, sont ceux de la sixieme paire : plus bas sur les côtés, sont ceux de la septieme paire, ou les nerfs auditifs : un peu au-dessous, plusieurs filets se ramassent pour former la paire vague ; d'autres naissant après vont aux trous condiloïdiens antérieurs, & sont les nerfs de la neuvieme paire, ou nerfs hypoglosses ; les nerfs sous-occipitaux paroissent ensuite : coupez la moëlle au niveau du trou occipital, & vous appercevez les arteres vertébrales se réunir pour former la basilaire, de laquelle vous voyez naître les spinales, les auditives, &c. ensuite la basilaire montant vers les apophyses clinoïdes postérieures, communique avec les carotides, donne au cervelet, & va aux lobes postérieurs du cerveau : au bas des apophyses que nous venons de nommer, sont les sinus caverneux, qui par le haut communiquent avec les orbitaires, & par le bas avec deux tuyaux assez déliés, qui sous le nom de sinus inférieurs du rocher, vont s'ouvrir à l'extrémité des sinus latéraux ; enfin on voit ici la tubérosité occipitale interne, l'éminence cruciale de l'os occipital, & l'apophyse basilaire du même os, qui va jusqu'au sphénoïde pour s'unir & se confondre avec lui chez les adultes. Voyez CERVELET & tous les mots écrits en lettres italiques.

La tête renferme encore les principaux organes des sens : celui de l'ouïe est placé dans la portion dure de l'os des tempes. Nous avons déja remarqué le conduit auditif extérieur, il est terminé par une cloison membraneuse un peu enfoncée dans son milieu, on la nomme membrane du tympan : la cavité qu'elle ferme est le tambour, qui est assez peu régulier, & par-tout tapissé d'un périoste très-fin : ce qu'on distingue au premier coup-d'oeil, ce sont trois petits osselets, dont l'un est placé en-devant, & ne ressemble pas mal à une massue, on l'appelle le marteau ; deux muscles viennent s'y insérer : l'un est renfermé dans un conduit osseux, qui suit la direction de la trompe d'Eustache ; le second passe par la fêlure articulaire. Derriere le marteau sur la même ligne est un autre osselet appellé l'enclume, il s'unit avec la tête du marteau ; il a deux branches, dont la plus courte s'avance dans l'ouverture des cellules mastoïdiennes, la plus longue va s'unir à un petit os, appellé l'étrier : ce dernier a un muscle fort petit, & qui est renfermé dans le conduit osseux de la pyramide : entre la tête de l'étrier & la branche de l'enclume qui s'y joint, il y a un petit osselet, qu'on nomme orbiculaire : on distingue entre ces parties un cordon nerveux, qui d'arriere s'avance en descendant en-devant, pour sortir par la fêlure articulaire de l'os des tempes & se joindre au nerf lingual qui vient de la cinquieme paire ; ce nerf porte le nom de corde du tambour : plusieurs orifices s'ouvrent dans la cavité du tympan ; celui qui est enhaut & en-arriere, conduit aux cellules mastoïdiennes, qui sont des cavités assez irrégulieres, creusées dans la base du rocher au-dessus des apophyses mastoïdes : la seconde ouverture est em-bas & en-devant, elle mene à un conduit, qui va toûjours en s'élargissant se terminer vers le fond des narines ; c'est la trompe d'Eustache : la troisieme ouverture s'appelle la fenêtre ovale, elle est remplie par la base de l'étrier, & conduit au vestibule : la derniere est la fenêtre ronde qui communique avec le limaçon ; entre la fenêtre ovale & le haut du tympan se trouve une partie de l'aqueduc de Fallope ; c'est un conduit osseux qui part du fonds du méat auditif interne, &, après plusieurs contours, vient aboutir au trou stilo-mastoïdien ; il renferme la portion dure du nerf auditif. La petite cavité qui est vis-à-vis la fenêtre ovale, ressemble à un petit dôme, où viennent se rendre les canaux demi-circulaires, & l'un des conduits du limaçon, on la nomme le vestibule : ces canaux demi circulaires sont au nombre de trois, le supérieur, l'inférieur, & le postérieur. Au bas de ces canaux est un canal partagé intérieurement en deux, qui tournant en spirale & toûjours en se retrécissant, fait environ deux tours & demi, & ressemble fort à un limaçon dont il a emprunté le nom. Voyez OREILLE INTERNE, & tous les mots écrits en lettres italiques.

Les autres organes des sens qui ont leur siége à la tête, sont placés dans la face : le premier & le plus important est l'oeil qui est logé dans l'orbite, & couvert des paupieres : le front s'éleve au-dessus ; & dessous la peau qui le couvre, on voit la veine préparate vers le milieu, & les deux nerfs frontaux qui viennent de la premiere branche, ou branche orbitaire supérieure de la cinquieme paire. La racine du nez est au milieu des fibres musculaires qui viennent des frontaux & la couvrent : on a compté ces fibres au nombre des muscles du nez : les sourcils se présentent ici, & suivent dans leur contour le bord supérieur de l'orbite ; sous leur grosse extrémité ou tête est le muscle corrugateur, qui s'attache d'une part à l'apophyse orbitaire interne du frontal, & de l'autre au revers de la peau vers le milieu des sourcils qu'il abaisse. Sous la peau qui couvre & forme les paupieres est un muscle large, mince, dont les fibres disposées circulairement vont aboutir à un petit tendon placé à la partie intérieure des paupieres, il les rapproche, ferme l'oeil, & s'appelle le muscle orbiculaire des paupieres : chacune de ces parties est bordée d'une rangée de poils appellés cils, qui sont soutenus par certains petits cartilages applatis (les tarses), & dans le voisinage desquels on voit à la face interne les glandes ciliaires : les endroits où ces cartilages se rencontrent, se nomment les angles de l'oeil ; l'un grand ou interne, c'est celui du côté du nez ; l'autre petit ou externe, c'est l'opposé. Au grand angle est la coroncule lacrymale ; c'est une petite glande grenue & rouge : près d'elle est le repli semi-lunaire de la conjonctive : dans le même lieu, le bord de chaque paupiere porte une petite éminence au sommet de laquelle est un petit trou, c'est le point lacrymal, qui mene à un petit canal membraneux, lequel s'avance vers le grand angle de l'oeil ; on le nomme conduit lacrymal : celui de la paupiere supérieure venant à rencontrer le canal de l'inférieure s'unit à lui, & de cette réunion résulte le canal commun, qui est très-court & qui s'ouvre dans un sac placé au grand angle de l'oeil, on le nomme sac lacrymal ; il est membraneux, d'une forme oblongue, & finit em-bas par un conduit membraneux, qui s'enfonce dans le canal nasal & décharge dans le nez l'humeur des larmes que les conduits lacrymaux ont apportée dans le sac : la paupiere supérieure a un muscle qui l'éleve, & qu'on nomme le releveur de la paupiere supérieure ; il vient du fond de l'orbite, & finit au cartilage de la paupiere : on trouve vers le petit angle en-haut dans un enfoncement creusé à la face interne de l'apophyse orbitaire externe, la glande qui fait la sécrétion de l'humeur des larmes, on la nomme la glande lacrymale : de sa face concave partent douze ou quinze tuyaux excréteurs très-fins, qui percent la conjonctive & versent l'humeur sur l'oeil, ce sont les vaisseaux hygrophthlamiques : la tunique qui revêt les paupieres en-dedans, se nomme conjonctive, elle se réfléchit sur la face antérieure du globe de l'oeil, & la couvre jusqu'au bord de la cornée transparente.

Si l'on enleve la paroi supérieure de l'orbite, on voit d'abord le périoste de cette cavité qui paroît n'être qu'un prolongement de la dure-mere, ensuite on distingue le nerf orbitaire supérieur, c'est la premiere branche de la cinquieme paire, puis le muscle releveur de la paupiere, sous lequel est le muscle superbe ou releveur de l'oeil ; au côté extérieur est placé l'oblique abducteur de l'oeil, & le nerf de la quatrieme paire qui va s'y distribuer tout entier : du côté du nez paroît d'abord le muscle grand oblique de l'oeil, vulgairement dit trochléateur : il vient comme les autres du fond de l'orbite, mais il passe son tendon par une petite poulie cartilagineuse placée vers le grand angle de l'oeil, & de-là se réfléchit en arriére & en-dehors pour s'insérer au globe de l'oeil entre le superbe & le dédaigneux. Sous le grand oblique est placé le muscle adducteur ou bibiteur : on trouve aussi dans cet endroit le nerf accessoire de l'olfactif, & la branche de l'orbitaire supérieure qui va au sac lacrymal, &c.

Le globe de l'oeil paroît en écartant les muscles supérieurs, il n'est pas tout-à-fait au milieu de l'orbite ; le gros cordon blanc que vous voyez partir en arriere de son fond & gagner la pointe de l'orbite, est le nerf optique ; les petits filets qui l'entourent, forment le plexus optique ; vous les voyez naître pour la plûpart d'une petite tumeur, c'est le ganglion lenticulaire, auquel se rendent des nerfs qui viennent de la troisieme paire & de la cinquieme : la premiere tunique du globe est épaisse, forte & grise, c'est la sclérotique ; elle se change en-devant en une lame transparente, nommée cornée, à travers laquelle passent les rayons visuels : derriere cette cornée est un espace qui contient une humeur fort claire, & qui se régénere avec une extrême facilité, on la nomme l'humeur aqueuse, ses sources nous sont inconnues ; le lieu qui la renferme s'appelle la chambre antérieure de l'oeil ; sous la sclérotique se trouve une membrane composée de deux lames, qui est d'une couleur brune, & à la surface de laquelle sont les filets nerveux du plexus optique qui ont traversé la sclérotique & qui s'avancent en devant : cette seconde tunique porte le nom de choroïde ; quand elle est venue près du bord de la cornée, elle adhere fortement à la face interne de la sclérotique : cette adhérence est marquée par un bourrelet assez mal-à-propos appellé ligament ciliaire : les filets nerveux que nous venons d'observer s'y terminent : de-là la choroïde se réfléchit & forme une cloison qui sépare la chambre antérieure de l'oeil d'avec la postérieure, qui loge l'humeur vîtrée & le crystallin ; cette cloison est percée dans son milieu, le trou est rond & il peut se resserrer & s'élargir, c'est la pupille ; la face antérieure de cette même partie est teinte de plusieurs couleurs, on la nomme iris ; la face postérieure est brune, elle s'appelle uvée par quelques Anatomistes : c'est-là qu'on voit les fibres musculaires qui resserrent & dilatent la pupille ; plus loin sont plusieurs lignes disposées en rayons, nommées processus ciliaires ; ces lignes vont aboutir au lieu où la circonférence de la cloison adhere à la sclérotique : la rétine est sous la choroïde, c'est une membrane molle & pulpeuse qui s'étend en s'amincissant jusqu'à la cloison ; on la regarde comme l'organe immédiat de la vûe : dans le creux que toutes ces tuniques forment, est renfermée une masse claire, brillante & semblable à du verre fondu, c'est le corps vitré ; une membrane très-fine, connue sous le nom de membrane hialoïde, l'enveloppe : elle est composée de deux lames ; l'intérieure se replie en-dedans & forme un prodigieux nombre de cellules : le crystallin est placé en-devant entre ces deux lames, qui font sa capsule ou son chaton ; cette partie est un corps transparent, d'une certaine consistance situé immédiatement derriere la pupille, sa forme approche assez de celle d'une lentille un peu applatie en-devant. Sous le globe de l'oeil sont placés deux muscles, l'humble ou l'abaisseur, & le petit oblique ; si l'on enleve le globe & ses muscles, on voit em-bas & en-dehors une longue fente, c'est la fente orbitaire inférieure ; elle livre passage au nerf maxillaire supérieur & aux arteres orbitaires. On voit alors que la cavité de l'orbite est pyramidale, & que plusieurs of entrent dans sa composition ; savoir le frontal & le sphénoïde en-dessus, le maxillaire & le palatin em-bas, sur le côté extérieur l'os de la pommette & une partie de la grande aîle du sphénoïde, en-dedans l'os éthmoïde & l'os unguis ; on y voit en-dehors les deux fentes orbitaires, l'une supérieure & l'autre inférieure : en dedans le trou optique, les trous orbitaires internes, le commencement du conduit nasal, em-bas le conduit orbitaire inférieur qui laisse passer le nerf maxillaire supérieur. Voyez OEIL, &c.

L'organe de l'odorat est fait par le nez, l'extérieur & l'intérieur : le premier, dont la situation est assez connue, offre à sa racine, sous la peau & les lames musculaires dont nous avons parlé, deux of nommés of du nez, & deux apophyses longues de l'os maxillaire supérieur ; au bas de ces of est un cartilage, qui se prolongeant en dedans, fait la partie antérieure de la cloison des narines, c'est le grand cartilage ou le moyen, après lequel se présentent deux autres cartilages recourbés, qui sont les aîles & le bas de la cloison du nez extérieur ; vers le bout des aîles on trouve quelques petits cartilages irréguliers : dans le voisinage, on apperçoit le muscle incisif, qui vient de la racine du nez & du bord voisin de l'orbite pour se terminer à la peau de la levre supérieure qu'il releve, en dilatant la narine : au-dessous de l'aîle de la narine est le muscle myrthiforme : si l'on pénétre dans l'intérieur des narines, on voit tout tapissé par la membrane pituitaire ; elle est l'organe de l'odorat : au milieu de cette cavité est une cloison moitié osseuse, moitié cartilagineuse. Nous venons de voir que le cartilage moyen du nez fournissoit ce qu'elle a de cartilagineux : la lame descendante de l'os ethmoïde & le vomer sont la portion osseuse qui est en arriere : on apperçoit en haut le corps cellulaire de l'os ethmoïde, dans lequel on distingue les deux cornets supérieurs du nez ; entre ces cellules se découvrent deux rigoles qui conduisent à deux trous arrondis, creusés dans le bord du frontal, & qui sont les orifices des sinus frontaux ou sourciliers : sur chacun des côtés, il se présente un petit of fait & disposé en maniere d'auvent, on le nomme la conque inférieure du nez : au-dessus se voit l'ouverture du sinus maxillaire, c'est une grande cavité qui occupe tout l'intérieur de l'os du même nom : plus bas que la conque est l'extrémité du conduit nasal : en-arriere, & toûjours sur le côté, est une grande ouverture, c'est le pavillon de la trompe d'Eustache ; cette trompe est un conduit en partie cartilagineux & membraneux, en partie osseux, qui montant en se retrécissant de bas en haut & de dedans en dehors, va communiquer avec la cavité du tympan : la paroi intérieure de la fosse nasale est en partie osseuse & en partie membraneuse : la portion osseuse est faite par les of maxillaires & les of palatins ; la portion membraneuse est en-arriere, elle va en pente vers le gosier ; c'est ce qu'on appelle le voile du palais : les côtés de la fosse nasale sont formés par les of maxillaires & les of du palais : le haut est fait par les of du nez, l'os ethmoïde, & en arriere par le sphénoïde ; dans la portion nasale de ce dernier of on voit les ouvertures des sinus sphénoïdaux, qui sont placés sous la selle du turc, & occupent tout le corps de l'os : au-dessous de ces trous sont les narines postérieures ou arrieres narines, par lesquelles le nez communique avec le gosier : outre les nerfs olfactoires, dont les filets passent & descendent dans le nez par les petits trous de la lame cribreuse de l'os ethmoïde, il y a encore des nerfs qui, accompagnés de petites arteres, s'insinuent par les trous sphéno-palatins, ceux-là viennent du maxillaire supérieur : au bas de la cloison du nez dans les of secs, il y a une ouverture de chaque côté qui va aboutir dans le haut du palais en-devant au trou palatin antérieur.

Les joues sont sur le côté du nez ; on y voit sous la peau, qui est très-fine & très-colorée dans cet endroit, les muscles zygomatiques grand & petit, qui tous les deux vont à la commissure des levres qu'ils tirent en-dehors ; la glande parotide qui s'avance jusqu'à l'oreille, c'est la plus grosse des salivaires : son conduit excréteur part en-devant, vient s'ouvrir dans la bouche, & s'appelle le conduit de Sténon : le muscle masseter, un des principaux releveurs de la mâchoire, se voit sous la parotide dont il est en partie caché, & sous ce muscle est la branche de la mâchoire inférieure : l'os de la pommette est dans le même lieu, & l'on voit son apophyse externe s'avancer vers les tempes, & former avec une autre apophyse de l'os des tempes l'arcade zygomatique, sous laquelle passe le tendon du crotophite, & au bord de laquelle s'attache le masseter par en-haut. Sous l'os de la pommette est un enfoncement (c'est la fosse malaire) dans lequel on voit le muscle canin & le trou orbitaire externe, par lequel sort l'extrémité du nerf maxillaire supérieur, qui s'unissant ici avec la portion dure du nerf auditif, fait un plexus d'une grande étendue.

Chacun sait où la bouche est placée ; les Anatomistes distinguent la bouche extérieure de la cavité à laquelle elle conduit. Cette bouche extérieure s'ouvre entre les deux levres : sous la peau de chacune des levres, on voit les arteres labiales qui viennent de la maxillaire externe : elles serpentent sur le muscle orbiculaire, qui fait une partie de l'épaisseur des levres ; l'angle qu'elles forment en se rencontrant, se nomme la commissure, à laquelle viennent se rendre les muscles zygomatiques, canin, buccinateur, quelques fibres du peaucier, le muscle triangulaire, le quarré, la houppe du menton : la peau qui couvre ces trois derniers laisse passer les poils de la barbe, ainsi que celle des levres & du bas des joues, dans les mâles seulement : en renversant les levres, on apperçoit la membrane fine qui les couvre, & sous laquelle est un tissu légérement spongieux, qui soûtient les glandes labiales & les papilles nerveuses : cette membrane, avec son tissu, se réfléchissant sur les bords de chaque mâchoire, y forme les gencives, & produit deux petits replis qu'on nomme freins des levres. Elle tapisse aussi le reste de la bouche, & loge d'autres glandes semblables aux labiales, & qu'on nomme buccales : si l'on enleve les parties que nous venons d'indiquer, la face externe de la mâchoire paroît à nud ; on distingue dans son milieu ce qu'on nomme la symphise ; à quelque distance on voit les trous mentonniers par lesquels sortent les extrémités des nerfs maxillaires inférieurs, lesquels vont former par leur union avec la portion dure de l'auditif, le plexus maxillaire : l'artere maxillaire externe se présente aussi sur le bord de la mâchoire : les dents se montrent toutes, & l'on peut distinguer les incisives qui sont en-devant au nombre de quatre à chaque mâchoire ; les canines qui viennent après, & qui sont au nombre de deux, & les molaires placées le plus en arriere ; on en compte dix, cinq de chaque côté : en écartant les mâchoires, on voit en bas la langue ; sa base est en-arriere : observez le trou qui y est creusé, c'est le trou borgne ; depuis ce trou jusqu'à la pointe vous distinguez une ligne légérement creusée, c'est la ligne médiane : à la face supérieure de cette partie sont les papilles nerveuses : les pyramidales vers sa pointe, les boutonnées au milieu, & vers sa base celles qui sont à tête de champignon : plus loin que ces dernieres sont placées les glandes linguales : ce même écartement des mâchoires fait paroître des ligamens intermaxillaires & les glandes molaires : si vous relevez la pointe de la langue en arriere, vous appercevrez une petite duplicature de la membrane interne de la bouche, c'est le frein de la langue : à côté sont les arteres & les veines de la langue, on les nomme ranines : deux petites élévations se font aussi appercevoir, elles sont percées : leur trou est l'orifice du tuyau excréteur des glandes maxillaires & sublinguales : ces dernieres sont placées dans l'endroit que nous examinons : la voûte du palais répond à la face supérieure de la langue, on y voit les glandes palatines & le voile du palais : au milieu de l'arcade que ce voile forme par son bord inférieur est la luette : audessus d'elle jusqu'à l'épine palatine est le muscle azygos ; sur les côtés sont deux replis qui viennent tomber sur les bords de la base de la langue, ils forment le contour de l'isthme du gosier, & renferment les muscles glosso-staphylins : deux autres replis partent également du voisinage de la luette, & vont se perdre en-arriere dans le fond du gosier. Les glandes amygdales sont situées entre ces replis : les muscles petro-staphylins, pterygo-staphylins supérieurs & les inférieurs vont se rendre au voile du palais, & servent aux différens mouvemens qu'il exécute. L'espace qui est derriere le voile du palais est l'arriere-bouche ou le pharynx, qui va en s'allongeant en maniere d'entonnoir, aboutir à l'oesophage : cette partie est toute musculeuse, & se resserre par la contraction des muscles pétro & céphalo-pharyngiens, ptérygo-pharyngiens, hypéro-pharyngiens, bucco-pharyngiens, maxillo-pharyngiens, glosso-pharyngiens, hyopharyngiens, syndesmo-pharyngiens, thyro-pharyngiens & crico-pharyngiens : dans la partie antérieure & basse de cette région, on voit une ouverture qui mene à la trachée-artere, c'est la bouche du larynx ; plus bas est une fente connue sous le nom de glotte : au-dessus est un cartilage nommé épiglotte, il fait la fonction de valvule dans le tems de la déglutition : sur les côtés de la glotte sont les ventricules du larynx, & sur ces cavités sont placées les cartilages aryténoïdes & les glandes du même nom. Quittons pour un moment cette région, & considérons le bas du menton & le col. La premiere partie qui se présente en-devant sous les tégumens est le muscle peaucier ; quand on l'a enlevé, on apperçoit sous la mâchoire le muscle digastrique qui y tient, & va de l'autre bout s'attacher au crâne dans la rainure-mastoïdienne : sous la portion antérieure du digastrique est le muscle mylo-hyoïdien : qu'on le détache de la mâchoire à laquelle il tient par son bord supérieur, & qu'on le renverse sur l'os hyoïde, les parties qu'on découvre sont les muscles génio-hyoïdiens ; après lesquels viennent les génio-glosses, sur le côté desquels sont placées les glandes sublinguales, & à quelque distance vers l'angle de la mâchoire les glandes maxillaires : on a crû voir dans cet endroit deux muscles que l'on avoit nommés mylo-glosses : mais ils n'existent point ; l'os hyoïde est en-devant au-dessous de ces parties ; les fibres musculaires qui s'élevent de son bord supérieur, & qui montent à la base de la langue, constituent le muscle hyo-glosse : on voit au-dessous de ce même of les muscles sterno-hyoïdiens & les omo-hyoïdiens : les uns & les autres sont attachés au bas de l'os hyoïde, & les premiers vont au sternum, les derniers à l'omoplate : ces muscles étant enlevés, il en paroît deux autres, l'un court, & qui du bord inférieur de l'os hyoïde va se terminer à l'aîle du cartilage thyroïde, c'est le hyo-thyroïdien ; l'autre est plus long, & va du même cartilage se rendre au sternum & s'y insérer, c'est le sterno-thyroïdien. Il s'éleve aussi du sternum & de la partie voisine de la clavicule, un muscle très-fort, qui monte jusqu'à l'apophyse mastoïde de l'os des tempes, & s'y attache ainsi qu'à la partie la plus prochaine de la ligne demi-circulaire supérieure de l'occiput, c'est le sterno-mastoïdien : la trachée-artere se présente en-devant au milieu du cou ; c'est un tuyau qui reçoit l'air, & le conduit au poûmon : sa partie antérieure est faite de petites bandes cartilagineuses semi-circulaires liées entre elles par des membranes, le derriere est tout membraneux : on apperçoit en-dedans & en-arriere les glandes trachéales & les bandes musculaires de Morgagni : dans l'endroit où ce conduit s'enfonce dans la poitrine chez les enfans, il est en partie couvert par le thymus ; c'est une glande dont l'usage n'est pas encore bien connu, & qui descend dans le foetus jusqu'au péricarde : au commencement de la trachée-artere, on voit une espece de tête qu'on appelle larynx, c'est elle qui fait l'éminence appellée pomme d'Adam : une glande étroite dans son milieu, & renflée sur les côtés, embrasse le bas du larynx, on la nomme la glande thyroïde : le plus grand & le plus antérieur des cartilages du larynx ressemble à un bouclier, il a pris, à cause de cela, le nom de thyroïde ou de scutiforme ; il a deux apophyses en-haut & en-arriere, qui par le moyen d'un petit ligament, sont unies aux extrémités des cornes de l'os hyoïde : deux autres apophyses moins longues, mais plus larges, s'articulent en-arriere & em-bas avec le cartilage cricoïde : ce second cartilage a la forme d'un anneau, dont le chaton fort large & fort élevé est en-arriere ; le muscle crico-thyroïdien est en-devant entre les bords correspondans du thyroïde & du cricoïde. Au-dessus de ce dernier, en-arriere, sont les cartilages ariténoïdes : on voit aussi plusieurs muscles de chaque côté ; les premiers vont de la surface du chaton du cricoïde à la partie inférieure des ariténoïdes, ce sont les crico-aryténoïdiens postérieurs : les seconds vont en se croisant du bord supérieur du cricoïde au milieu de la face creuse & postérieure de l'ariténoïde ; du côté opposé, ils ont le nom de crico-aryténoïdiens croisés : les troisiemes sont placés sur le bord du cricoïde en-devant, & vont gagner l'ariténoïde, ce sont les crico-aryténoïdiens latéraux : il y a encore ici deux muscles nommés thyro-aryténoïdiens : entre l'os hyoïde & le cartilage thyroïde pénetre le nerf laryngé supérieur ; on voit em-bas le nerf laryngé inférieur & l'artere laryngée, dont plusieurs rameaux serpentent sur la glande thyroïde ; au-dessus de l'os hyoïde on distingue l'artere linguale & les trois nerfs hypo-glosses, le grand, le moyen & le petit. Les deux ligamens suspenseurs du même of se montrent aussi, & vont gagner l'apophyse styloïde, de laquelle trois muscles semblent partir, dont l'un va à la langue, l'autre au pharynx, & le troisieme à l'os hyoïde : le premier s'appelle stylo-glosse, le second stylo-pharyngien, le troisieme stylo-hyoïdien : c'est à-peu-près dans cette région & vers l'angle de la mâchoire inférieure que se rendent les veines qui rapportent le sang des parties indiquées ; elles vont s'ouvrir dans la grosse veine jugulaire interne ; mais il y a beaucoup de variétés dans la maniere dont elles le font : cette grosse veine jugulaire interne descend le long de la partie latérale du cou pour se rendre à la poitrine : à côté d'elle s'éleve l'artere carotide, qui se divise en deux vers le bas du larynx : le rameau postérieur, sous le nom d'artere carotide interne, va pénétrer dans l'intérieur du crâne par le trou & le conduit carotidien de l'os des tempes, il se distribue au cerveau : la seconde branche, sous le nom d'artere carotide externe, se distribue aux parties extérieures de la tête, & fournit les arteres laryngée, linguale, cervicale antérieure & supérieure, maxillaire externe, occipitale, massétérines, maxillaire interne, de laquelle naissent les arteres temporales, orbitaires, épineuse, nasale postérieure ; les troncs des carotides & des veines jugulaires internes sont accompagnés dans leur trajet des nerfs de la huitieme paire, & du tronc de l'intercostal, qui par le haut aboutit au ganglion olivaire, & par le bas au ganglion cervical inférieur : dans le bas du cou, on voit encore les arteres cervicales antérieures & inférieures, & les veines gutturales ; derriere la tranchée-artere est le conduit musculaire qui mene à l'estomac, & qui porte le nom d'oesophage : il est appuyé sur la colonne vertébrale, sur laquelle sont placés, dans la partie la plus élevée, les muscles droits antérieurs de la tête, l'un appellé long, le second court, & le troisieme latéral : plus bas, & sur le côté, est le muscle long antérieur du cou.

Examinons maintenant la face postérieure du cou. Le muscle trapése est la premiere partie qui se présente sous les tégumens, lequel s'étend jusqu'à la partie inférieure du dos, & gagne en-devant jusqu'à la moitié de la clavicule : sous le trapèse est en-arriere le muscle splenius qui couvre immédiatement une masse musculaire assez compliquée, nommée muscle complexus : ce dernier étant emporté, on découvre les deux muscles droits postérieurs de la tête, l'un appellé le grand droit, & l'autre nommé petit droit. Il y a encore deux autres muscles placés obliquement ; le premier s'appelle le grand oblique, le second se nomme petit oblique : au-dessous de la seconde des vertébres du cou est une masse charnue qui occupe tout l'espace compris en-arriere entre les apophyses transverses & les apophyses épineuses des vertebres du cou ; cette masse est la partie cervicale d'un muscle très-composé, qui porte le nom d'oblique épineux, & qui est un des plus forts extenseurs de l'épine : l'artere occipitale, l'artere cervicale postérieure, se trouvent aussi dans cet endroit : enfin sur le côté, sont placés les muscles releveurs de l'omoplate, les muscles scalenes, & le mastoïdien latéral, auxquels il faut ajouter les portions superieures du sacro-lombaire & du très-long du dos ; les nerfs cervicaux sortent sur les côtés par les trous latéraux de la portion cervicale de l'épine : l'artere vertébrale monte par ceux des apophyses transverses des vertebres du cou : on trouve aussi le nerf récurrent de Willis, ou l'accessoire de la huitieme paire. Toutes ces parties ôtées, les vertebres cervicales restent à nud ; il y en a sept, la premiere s'appelle atlas, la seconde se nomme axis : les quatre suivantes n'ont point de noms particuliers : la septieme s'appelle prominente : dans l'union de la premiere & de la seconde est l'apophyse odontoïde, & de cette apophyse naissent les deux forts ligamens qui vont s'attacher à l'occiput, & qu'on nomme les odonto-occipitaux : le ligament transversal & l'infundibuliforme sont aussi placés dans ce lieu, &c. Voyez tous les noms écrits en lettres italiques.

La peau qui couvre la poitrine en-devant est plus fine que par-tout ailleurs : elle soûtient dans les deux sexes les mamelles, qui, quoique différentes à bien des égards, se ressemblent pourtant en ce que dans l'un comme dans l'autre, il s'éleve du milieu un bouton appellé du nom de papille : il est bien plus gros chez les femmes ; un cercle plus ou moins large l'entoure ; c'est l'aréole. Dans les femmes le corps de la mamelle est fait par une masse de glandes réunies & entourées de graisse ; la forme & le volume varient, mais l'usage & la destination sont les mêmes : le lait filtré dans les mamelles des nourrices, passe dans certains reservoirs nommés vaisseaux galactophores, desquels il s'échappe par des tuyaux plus fins, qui pénetrent le mamelon & s'ouvrent à sa surface. Sous les mamelles se rencontrent les muscles grands pectoraux : ils tirent le bras en-bas & en devant, & couvrent la plus grande partie de la poitrine ; le reste est couvert en-devant & sur le côté, premierement par la partie supérieure des muscles droits du ventre, & l'aponévrose sous laquelle ils sont situés, & secondement, par la portion supérieure des muscles grands obliques du bas-ventre. Au milieu de la poitrine est un of que la peau & quelques expansions aponévrotiques couvrent uniquement ; on lui donne le nom de sternum ; il est fait de trois pieces, dont la derniere & la plus basse porte le nom d'appendice, ou plus ordinairement de cartilage xiphoïde ; les cartilages des vraies côtes se joignent aux côtés de cet os, & par son extrémité supérieure il s'articule avec deux of nommés clavicules, lesquels s'etendent jusqu'à l'épaule dont ils font une partie. Entre cet of & la premiere des vraies côtes, il y a de chaque côté un muscle nommé souclavier ; il abaisse la clavicule & la tire un peu en-devant : on trouve sous la clavicule & derriere ce muscle la veine & l'artere sous-clavieres. Cette derniere produit les arteres mammaires internes, de l'anastomose desquelles avec l'artere épigastrique, on a fait tant de bruit, quoique cela n'en méritât guere la peine. La sous-claviere fournit encore les arteres vertébrales, cervicales, & pour l'ordinaire les premieres intercostales. Les veines qui accompagnent ces arteres & qui portent les mêmes noms pour la plûpart, vont se terminer à la veine sous-claviere, ou au tronc prochain de la veine-cave. Sous le muscle grand pectoral on apperçoit celui qui porte le nom de petit pectoral, & qui va s'insérer à l'apophyse coracoïde de l'omoplate : un peu plus bas est le muscle grand dentelé, qui tient d'une part aux côtes, & de l'autre à la base de l'omoplate dans toute sa longueur. Cet of qu'on appelle omoplate, se trouve à la partie supérieure & postérieure de la poitrine ; il forme une partie de l'épaule. Le muscle trapèse s'insere à certaine éminence de cet os, qu'on nomme l'épine de l'omoplate, dont le bout saillant est ce qu'on nomme l'acromion, & qui s'unit avec la clavicule. Du bord postérieur de l'omoplate part un muscle qui va s'insérer à l'épine, c'est le romboïde, au-dessus duquel est l'insertion du releveur de l'omoplate. La côte qui est au-dessus de l'épine de l'omoplate, & qui porte le nom de côte surépineuse, renferme un muscle, qui va s'insérer à l'os du bras ; on l'appelle muscle surépineux : au-dessous de la même épine est placé le muscle sous-épineux. Sur le bord antérieur de l'omoplate se trouve le muscle petit rond ; & de son angle intérieur naît le muscle grand rond : une partie de cet angle est couvert par le bord supérieur du muscle grand dorsal : c'est le plus large de tous les muscles de notre machine ; il descend de l'os du bras jusqu'au sacrum. Sous l'omoplate est le muscle sous-scapulaire : on trouve dans l'aisselle les glandes nommées axillaires ; elles sont lymphatiques comme les glandes du cou : l'artere & veine axillaires se rencontrent aussi dans la même région : l'artere produit la mammaire externe & les scapulaires. Enfin, on peut considérer ici les nerfs qui vont au bras, & qui dans ce lieu forment un plexus nommé brachial, duquel naissent principalement les nerfs suivans ; savoir, les scapulaires tant supérieurs qu'inférieurs, le médian, le cutané, le musculo-cutané, le cubital, le radial, & l'huméral. Si l'on écarte toutes les parties désignées, on voit paroître en-arriere les muscles dentelés postérieurs, dont l'un se nomme supérieur, & l'autre inférieur, tous les deux, comme il est aisé de le penser, à cause de leur situation. Sous ces muscles sont les principaux extenseurs de l'épine, qui sont connus sous les noms de sacrolombaires, très-longs du dos, épineux & obliques épineux. Les releveurs des côtes paroissent ensuite, c'est-à-dire, quand on a enlevé le sacrolombaire & le très-long du dos, les côtes sont maintenant découvertes ; on peut distinguer les vraies d'avec les fausses, & leur articulation avec le sternum & les vertébres thorachiques, ou dorsales. Les espaces que les côtes laissent entr'elles sont remplis par les muscles intercostaux, dont il y a deux plans, l'un interne, l'autre externe, qui ont tous deux la même action, qui consiste à élever les côtes. Dans une certaine rainure creusée au bord inférieur de chaque côte, sont logées les veines & les arteres intercostales, lesquelles sont accompagnées des nerfs costaux. Si l'on ouvre la poitrine, on rencontrera sur le sternum & les parties voisines des dernieres vraies côtes, les bandes musculaires appellées muscles sterno-costaux. On voit aussi certaines portions charnues, qui suivant la direction des intercostaux internes, passent quelquefois par-dessus une ou deux côtes sans s'y attacher, pour s'insérer à la côte qui est au-dessus. Ce sont les sous-costaux de Verheyen : la plevre est la membrane qui couvre l'intérieur de la poitrine ; elle se réfléchit vers le milieu pour former le médiastin ; c'est une cloison qui partage la poitrine en deux loges. Entre les deux lames de cette cloison, est placé un grand sac conique, composé de trois tuniques, & qui renferme le premier de nos visceres, le coeur. Sa base est attachée fort étroitement à la face supérieure du diaphragme : on trouve ordinairement un peu d'eau dans ce sac. Le coeur est un muscle creux, placé presqu'au milieu de la poitrine ; de maniere que sa pointe est à gauche, & sa base directement à la partie moyenne du thorax. L'artere pulmonaire sort de la partie la plus élevée de la face antérieure, qui répond à l'une des principales cavités du coeur appellée ventricule droit par les anciens, & que les modernes ont nommé ventricule antérieur. La grande artere ou l'aorte, prend sa naissance en-arriere du ventricule gauche ou ventricule postérieur. A la base du coeur au-dessus de chaque ventricule, est un sac nommé oreillette, l'une droite & plus grande, l'autre gauche & plus petite. C'est dans la premiere que la veine-cave vient dégorger le sang qu'elle ramasse de toutes les parties du corps : on voit à son entrée par bas un repli membraneux nommé la valvule d'Eustache. L'oreillette a un petit prolongement qu'on appelle son appendice : une cloison sépare les deux oreillettes, & dans le foetus on voit dans son milieu le trou botal avec la valvule ; dans l'adulte il ne reste que la trace de cette ouverture ; les veines pulmonaires viennent se rendre à l'oreillette gauche. On voit à la surface du coeur les arteres coronaires : les deux ventricules sont à l'intérieur séparés par une cloison forte & épaisse : toute la surface interne de ces cavités présente un grand nombre de cordes charnues plus ou moins grosses, nommées colomnes du coeur : leurs racines s'entrelacent d'une maniere admirable ; & de leurs extrémités opposées partent plusieurs filets tendineux, qui se réunissant & s'épanoüissant, forment une valvule festonée, qu'on trouve placée à l'entrée de l'oreillette dans le ventricule, & qu'on appelle la valvule auriculaire. Les anciens appelloient valvules mitrales les deux festons de cette soûpape, qui pendent dans le ventricule gauche, & ils donnoient le nom de valvules tricuspidales, à ceux du ventricule droit. A l'embouchure des deux grosses arteres dans les ventricules, se rencontrent trois soupapes ou valvules appellées sémi-lunaires, à cause de la figure qu'elles ont. Auprès de ces valvules à l'entrée de l'artere aorte, se trouvent les orifices des arteres coronaires : cette grande artere s'éleve en sortant du coeur, puis se contourne de droite à gauche, & descend derriere le coeur, en s'appliquant sur le côté gauche de la colonne de l'épine. Cette courbure est ce qu'on appelle la crosse de l'aorte : un conduit : va dans le foetus de la concavité de cette courbure jusqu'à l'artere pulmonaire à laquelle il s'abouche ; c'est le canal artériel. La convexité de la même courbure produit à droite un gros tronc qui se partageant en deux, fait les arteres carotides & souclavieres droites : à gauche naissent séparément les deux arteres du même nom ; en descendant vers le diaphragme, l'aorte produit de chaque côté un peu en-arriere les arteres intercostales, & en-devant l'artere bronchiale, & les arteres oesophagiennes. Dans le voisinage est l'oesophage, qui continue sa route vers l'estomac, à côté duquel sont les glandes oesophagiennes ; la veine azygos se trouve encore dans cette région. Entre elle & la grande artere est placé le conduit thorachique : derriere la plevre sur les extrémités des côtes sont rangés les ganglions des nerfs grands sympathiques. On voit aussi sur le côté de l'épine plusieurs nerfs provenans de ces ganglions se réunir, pour traverser le diaphragme, & s'aller rendre dans le ventre aux ganglions sémi-lunaires : le poûmon remplit dans la poitrine tout le vuide que les parties susdites laissent. C'est un très-gros viscere, mou, & cellulaire ; il reçoit l'air & le chasse, & doit être regardé comme le principal organe de la sanguification. La trachée-artere, après avoir fait quelque chemin dans la poitrine, se partage en deux branches qu'on appelle bronches, & sur les divisions desquelles sont plusieurs petits paquets glanduleux nommés glandes bronchiales : la poitrine étant vuidée, on voit les douze vertebres du dos, leurs ligamens, &c. Ces vertebres, comme les cervicales, font en-arriere un conduit pour le passage de la moëlle épiniere : on découvre aussi la cloison musculaire, qui sépare le ventre de la poitrine ; c'est le diaphragme. Sa partie moyenne est aponévrotique ; on la nomme le centre nerveux ; on voit trois ouvertures dans ce muscle ; l'une laisse passer la veine-cave, elle est ronde & creusée dans la portion aponévrotique : la seconde est dans le bas de la portion charnue ; elle est oblongue, & livre passage à l'oesophage : la troisieme est placée entre les deux piliers du diaphragme ; & c'est par cette derniere que descend l'artere aorte, & que montent la veine azygos & le conduit thorachique. Ce qu'on nomme piliers du diaphragme, sont deux appendices placées sur les vertebres des lombes, & qui s'y attachent ; ils forment ce qu'on appelle le pétit muscle du diaphragme.

Sous cette cloison est la plus grande des cavités de notre machine, le ventre intérieur ou l'abdomen : chacun sait que le nombril est au milieu de sa surface antérieure. Sous les tégumens sont placés en-devant les muscles grands obliques, les petits obliques, les transverses, & les droits à la partie inférieure desquels on trouve souvent deux petits muscles nommés piramidaux : la ligne blanche sépare les muscles du côté droit de ceux du côté gauche. Sous les muscles droits sont situées les arteres mammaires internes & les épigastriques, dont les rameaux s'anastomosent ensemble. L'aponévrose du muscle grand oblique laisse vers le pubis un écartement appellé l'anneau des muscles du bas-ventre, par lequel sort dans les hommes le cordon des vaisseaux spermatiques, & dans la femme les ligamens ronds de la matrice. Du bord inférieur du muscle petit oblique, il se détache un petit muscle qui va jusqu'au testicule ; il porte le nom de crémaster : l'intérieur du bas-ventre est tapissé par le péritoine. C'est une membrane assez semblable à la plevre, & qui se refléchit dans plusieurs endroits pour former des sacs dans lesquels plusieurs visceres sont renfermés. L'estomac est placé dans l'hypocondre du côté gauche, & s'étend plus ou moins dans l'épigastre. L'orifice qui communique avec l'oesophage, & qui est à la partie supérieure du sac se nomme cardia : celui qui est au bout de la petite extrémité, & par lequel les alimens passent dans les intestins, s'appelle le pylore : on voit autour du cardia les ramifications de l'artere coronaire stomachique. Dans le même endroit sont les nerfs de la huitieme paire ; tout le long de la grande courbure de l'estomac pend une membrane graisseuse nommée omentum ; & dans le lieu où elle adhere à l'estomac, il se trouve deux arteres, dont l'une vient de droite à gauche ; c'est la grande-gastrique ; l'autre vient dans un sens contraire, c'est la petite gastrique. Ces deux tuyaux s'anastomosent en se rencontrant ; la rate est placée derriere la grosse extrémité de l'estomac à gauche : on voit l'artere splénique qui va s'y rendre, & la grosse veine splénique qui en revient ; les vaisseaux courts sont dans cet endroit : au-dessus de la petite courbure de l'estomac est placé le petit épiploon de M. Winslow. La région hypocondriaque droite est occupée par le foie : son grand lobe est perpendiculaire, & descend jusqu'au bord des fausses côtes. Le petit lobe va horisontalement, & s'avance dans la région de l'épigastre, en couvrant la petite extrémité de l'estomac. La grande scissure sépare ces deux lobes, au bout de laquelle en-arriere est le lobule de Spigel. C'est dans cette grande scissure que s'avance la veine ombilicale, qui depuis le nombril jusqu'au foie est soûtenue par une petite duplicature du péritoine nommée la faulx du péritoine. Cette veine s'ouvre dans le sinus de la veine-porte : de ce dernier canal il en part un dans le foetus, qui va se rendre à la veine-cave en passant près du lobule de Spigel ; on lui donne le nom de conduit veineux. Dans la région de cette grande scissure, on trouve, outre le sinus de la veine-porte, l'artere hépatique, le canal hépatique, & les nerfs qui vont au foie & font le plexus hépatique antérieur. La vésicule du fiel est placée à la face interne du grand lobe ; elle fournit le conduit cystique, qui se réunissant à l'hépatique, fait le canal cholidoque. En allant au foie, l'artere hépatique envoie les arteres pylorique, duodénale, grande gastrique, pancréatiques droites, & les deux gemelles ou arteres cystiques. Les veines hépatiques vont en-haut & en-arriere se rendre à la veine-cave ; elles sont au nombre de trois principales. Le foie est attaché au diaphragme par le moyen de trois ligamens ; le moyen ou suspenseur, le latéral droit, & le latéral gauche : outre cela sa surface adhere immédiatement à celle du diaphragme ; & cette adhérence est ce qu'on nomme le ligament coronaire du foie. Entre l'estomac & le foie se trouve l'intestin duodenum, dans la cavité duquel est l'orifice du conduit cholidoque, & celle du canal pancréatique. Le pancréas est derriere l'estomac, & un peu plus bas que lui : c'est dans cette région que l'artere aorte produit les arteres coeliaques & phréniques, & un peu plus bas l'artere mésentérique supérieure. On y trouve aussi les ganglions sémi-lunaires, auxquels se rendent les nerfs de la paire vague, & qui produisent la plus grande partie des plexus nerveux du bas-ventre ; savoir le plexus transversal, le plexus splénique, le plexus hépatique postérieur, les plexus reinaux, le plexus solaire, & le plexus mesentérique supérieur, auxquels cas on peut ajoûter le plexus arriere mésentérique. Quand on a levé l'épiploon, on découvre les intestins jejunum & ileum ; ils sont arrêtés par le mésentere, dans le tissu cellulaire duquel on trouve les glandes mésentériques & les rameaux de l'artere mésentérique supérieure, accompagnés des veines mésaraïques. Les vaisseaux lactés sont à côté, & vont se rendre à un certain sac membraneux, qui porte le nom de reservoir de Pecquet, duquel s'éleve le canal thorachique ; les gros intestins sont derriere ceux que nous venons de nommer ; le coecum est le premier ; il porte l'appendice vermiforme ; le second est le colon ; la valvule de Bauhin est placée à l'entrée du coecum dans le colon. A la surface externe de ce dernier sont les appendices épiploïques, & les trois bandes charnues appellées improprement ligamens du colon, ou bandes ligamenteuses. On découvre aussi les cellules de cet intestin : le mésocolon retient la principale partie de ce gros intestin, que l'on nomme l'arc du colon, qui passe sous l'estomac, & à laquelle s'attache la seconde lame de l'épiploon. Ce qu'on appelle l'S du colon est fait par deux contours de ce boyau dans la région lombaire & iliaque gauches : en se continuant & se prolongeant dans le petit bassin pour gagner le podex, le gros boyau prend le nom de rectum. A son extrémité sont placés les muscles releveurs de l'anus, & les deux sphincters, l'interne & le cutané. La grosse veine hémorrhoïdale avec l'artere intestinale inférieure, sont placées sur le rectum. On peut voir dans le mésocolon l'artere colique supérieure, & dans la seconde courbure de son S l'artere mésentérique inférieure. Si l'on enleve maintenant tous les visceres mentionnés & le péritoine, on apperçoit derriere cette toile membraneuse les deux reins, & au-dessus les capsules atrabilaires : l'aorte envoie deux arteres aux reins ; on les nomme rénales ; deux veines du même nom reviennent vers la veine-cave. Le rein a vers la partie postérieure un conduit de décharge nommé uretere, dont le principe est fait en forme de vessie & se nomme le bassinet du rein. Les tuyaux qui s'ouvrent dans ce bassinet, aboutissent à certains épanouissemens membraneux, qui embrassent les papilles du rein, & que l'on appelle les calices : ces papilles sont les extrémités de la substance rayonnée du rein, laquelle est enveloppée de la substance corticale. Entre les deux reins & sur le devant de l'épine, est l'artere aorte qui fournit en-arriere les arteres lombaires, & en-devant à quelque distance des émulgentes les arteres spermatiques. La veine-cave est sur la droite à quelque distance ; dans le fonds de la région lombaire sont les vertebres de même nom, & sur leurs côtés les principes, ou parties supérieures des muscles grands & petits psoas, les muscles quarrés des lombes, & les parties inférieures des extenseurs de l'épine, le muscle dentelé postérieur & inférieur, & partie du muscle très-large du dos.

Le bassin qui est à la partie basse du ventre est fait par le sacrum, le coccix, & les of innominés, qu'on distingue en trois portions, qui sont l'os des îles, l'os ischium, & le pubis. L'union de ce dernier of du côté droit avec celui du côté gauche, se nomme la symphise du pubis. A l'extérieur du bassin sont placés en-arriere les muscles grands, moyens, & petits fessiers, les muscles coxigiens, les pyramidaux, l'accessoire de l'obturateur interne, le quarré de la cuisse. Les ligamens ilio-sacro-sciatiques, & les sacro-sciatiques, sont aussi dans cette même région ; on y trouve aussi les arteres fessieres, les grandes honteuses, les sciatiques, & les veines qui portent les mêmes noms : on y voit enfin le gros nerf sciatique, qui produit les nerfs fessiers, &c.

A la partie antérieure du petit bassin sont placées les parties génitales externes de l'un & l'autre sexe : dans les mâles ces parties sont la verge & les bourses. La premiere a une sorte de tête appellée le gland, qui est couvert par le prépuce ; on voit au bout du gland l'orifice du conduit des urines, qui va le long de la verge jusqu'à la vessie, & qu'on nomme l'urethre : à la base du gland est un bourrelet nommé la couronne du gland, dans le voisinage duquel sont certaines glandes nommées glandes odorantes de Tyson. Le corps de la verge est fait par les deux corps caverneux & l'urethre, qui est entouré d'un tissu spongieux : un ligament se présente vers sa racine ; on le nomme le ligament élastique de la verge. C'est aussi vers cette racine que viennent se terminer les muscles ischio-caverneux, & les muscles bulbo-caverneux : sur le dos de la verge sont placés beaucoup de vaisseaux sanguins & de nerfs. La peau qui forme les bourses se nomme le scrotum, au-dessous de laquelle est un tissu appellé le dartos ; la tunique vaginale du testicule vient ensuite, puis le testicule lui-même, dont la membrane extérieure se nomme albuginée. Le testicule porte une appendice, qui rampe sur son bord supérieur, c'est l'épididime qui produit le canal déférent. Ce conduit monte le long du cordon des vaisseaux spermatiques ; il est accompagné de l'artere spermatique des nerfs honteux, & d'un lacis de veines qu'on nomme le corps pampiniforme : le crémaster couvre la plus grande partie de ce cordon. Après que le conduit déférent a pénétré dans l'abdomen, il se porte derriere la vessie urinaire, & communique avec les vésicules séminales, lesquelles donnent naissance à un petit tuyau excréteur qui va se terminer dans le canal de l'urethre, & y porte la semence. Le commencement de ce conduit est embrassé par la glande prostate : on voit à l'intérieur une éminence nommée le verumontanum : le tissu spongieux commence à quelque distance de là à couvrir le canal de l'urethre ; ce commencement qui est renflé s'appelle le bulbe de l'urethre : au-dessus est la partie membraneuse de ce conduit, & l'on trouve-là les glandes petites prostates, le muscle transversal, & les petits muscles prostatiques. On voit aussi à l'extérieur du conduit les lacunes, & vers son extrémité qui traverse le gland, on observe la fosse naviculaire : par son autre extrémité, ce conduit mene à la vessie urinaire, laquelle est placée derriere le pubis, & donne de son sommet naissance à un cordon nommé l'ouraque, qui va jusqu'au nombril, & à côté duquel sont placées les arteres ombilicales ; dans le bas de la vessie sont les orifices des urethres.

La face interne de l'os des îles est couverte par le muscle iliaque : les arteres & veines iliaques avec les nerfs cruraux, sont vers le bord du bassin ; l'artere sacrée est au milieu vers le bord du sacrum. On voit sur le côté des vertebres des lombes les nerfs lombaires, & plus bas les nerfs sacrés sortent par les trous antérieurs du sacrum : le muscle obturateur interne couvre en dedans le grand trou ovale de l'os innominé. Le ligament obturateur le soutient, & au-dessus se remarque une ouverture qui laisse passer le nerf obturateur & l'artere obturatrice : en dehors se trouve le muscle obturateur externe sur le même trou ovale. Enfin depuis le diaphragme jusqu'au bas du petit bassin, on voit une double rangée des ganglions du nerf grand lympatique ; quelques-uns les ont appellés ganglions hordéiformes.

Les parties génitales des femmes sont internes & externes : au-dessus de ces dernieres s'éleve le mont de vénus : la grande fente est plus bas ; ses bords se nomment les grandes levres : les angles qu'elles font en se rencontrant sont les commissures ; dans l'inférieure est la fourchette. En écartant les levres on voit en haut le gland du clitoris avec son prépuce : le corps de cette partie est caché sous la peau ; il ressemble à la verge de l'homme : il est fait de deux corps caverneux, dont les racines sont attachées aux branches du pubis : il est soutenu par un ligament élastique & deux muscles de chaque côté s'y rendent, qui sont les bulbes caverneux & les constricteurs de la vulve, sous lesquels est placé le plexus rétiforme. Il ne manque au clitoris pour ressembler parfaitement à la verge de l'homme, que d'avoir comme elle un urethre. Le méat urinaire & le conduit des urines sont en haut à quelque distance du clitoris, & l'on voit un peu plus en devant les deux appendices nommées nymphes ; plus loin est l'hymen dans les vierges, & les caroncules mirthiformes dans les personnes mariées. La premiere des parties intérieures est le vagin ; il est placé sur l'intestin rectum : on voit à son extrémité supérieure l'orifice de la matrice, ou l'os tincae, au-dessus duquel est le col de ce même organe, qui vient ensuite lui-même, & qui est retenu par les ligamens larges & les ligamens ronds : il y a une petite ouverture de chaque côté à son angle supérieur ; elle mene à la trompe de Fallope ; c'est un conduit membraneux, qui va toujours en s'élargissant, & se termine par une extrémité frangée, qu'on nomme le pavillon de la trompe, à quelque distance duquel est le testicule des femmes, que les modernes ont appellé ovaire. Chacun sait que la matrice est le lieu où l'enfant séjourne pendant neuf mois, avant de venir au monde : il y est renfermé dans une double membrane ; la premiere porte le nom de chorion, & la seconde celui d'amnios : il y a de plus une grosse masse applatie semblable à un gâteau, laquelle s'attache à la matrice ; c'est le placenta auquel le cordon ombilical vient se rendre ; ce cordon est fait des deux arteres ombilicales & de la veine du même nom, liées ensemble par un tissu assez fort.

Après avoir passé en revûe les parties du tronc, jettons un coup d'oeil sur celles des extrémités ; commençons par les supérieures.

Ce qui fait le gros moignon de l'épaule, c'est le muscle deltoïde, qui couvre l'articulation du bras avec l'omoplate. A la partie antérieure du bras sous les tégumens, sont placés les muscles biceps & le brachial : du tendon du biceps naît cette aponévrose, qui couvre toute la partie interne & supérieure de l'avant-bras : à la partie interne & supérieure du bras, est une portion du grand pectoral, qui cache une des extrémités du biceps & le muscle coracobrachial, au bas duquel est le ligament intermusculaire interne : sous la peau qui couvre ces parties, se trouve l'artere brachiale, qui donne en-haut l'humérale & la grande collatérale. Elle fournit par en-bas la petite collatérale, ou l'interne ; les veines brachiales satellites accompagnent l'artere aussi bien que les nerfs médian, cutané interne & le nerf cubital : celui qu'on nomme musculo cutané, traverse le muscle coracobrachial, passe entre le brachial & le biceps, & vient à l'extérieur de l'avant bras : il y en a encore un audessus ; c'est l'huméral qui se perd dans le deltoïde. La partie postérieure du bras est occupée par le muscle triceps brachial : on trouve en dehors le nerf radial & l'artere collatérale externe descendante : l'os du bras s'appelle humerus. L'avant bras est formé de deux os, savoir du cubitus & du radius : le ligament qui tient l'espace que ces of laissent entr'eux, se nomme ligament inter-osseux brachial ; celui qui entoure la tête de l'os du rayon est le coronaire radial ; enfin le ligament humero-radial est au côté externe de l'article, & l'humero-cubital est au côté interne. La premiere chose qui paroît sous la peau de l'avant-bras, est l'aponévrose qui vient en partie du biceps, sous laquelle on voit d'abord l'artere brachiale qui se divise en cubitale & radiale, & la division du nerf médian : sur l'aponévrose sont les veines basilique, médiane ; la céphalique est sur le haut de l'avant-bras en dehors, & les cubitales sont en dedans vers le coude. On voit du côté interne une masse charnue, composée des muscles radial interne, rond pronateur, long palmaire, cubital interne : sous cette premiere couche musculaire, il en est une autre faite par les muscles sublime & profond, avec le fléchisseur propre du pouce : au bas de l'avant-bras en devant est placé le muscle pronateur quarré. L'artere cubitale & le nerf du même nom sont dans la même région.

L'avant-bras présente une autre masse du côté du rayon ; celle-ci est formée par les muscles long supinateur, les radiaux externes, & le court supinateur : la veine céphalique est ici sous la peau, & plus profondément se trouve l'artere radiale qui fournit une petite artere, laquelle remonte vers l'articulation ; & qui se nomme l'artere collatérale ascendante radiale. La cubitale en fournit une semblable de son côté, c'est l'artere collatérale ascendante cubitale. A la partie postérieure de l'avant-bras, sont placés les muscles cubital externe, l'extenseur commun des doigts, l'extenseur propre du petit doigt : & plus haut que ces muscles vers l'olécrane, on voit le muscle anconeus : sous les muscles que je viens d'indiquer, sont placés les extenseurs propres du pouce, & celui de l'index, qu'on nomme indicateur : l'artere intérosseuse externe se perd dans ces muscles ; l'interne, conjointement avec le nerf intérosseux, rampe à la surface antérieure du ligament intérosseux.

La main est la troisieme partie de l'avant-bras, le dedans se nomme la paulme de la main : la partie opposée s'appelle le dos. Sous la peau de cette derniere région sont plusieurs veines, entre lesquelles les anciens distinguoient celle qui répond au petit doigt ; ils l'appelloient la salvatelle : la peau & les veines étant enlevées, on voit les tendons des radiaux externes & ceux des extenseurs commun & propre lesquels sont tous bridés par le ligament annulaire externe placé vers l'articulation du poignet. Ces tendons se continuent sur les doigts, au mouvement desquels ils servent. Les intervalles que laissent les of du métacarpe entr'eux, sont occupés par les muscles intérosseux externes ; celui qui est entre l'os, qui soutient le pouce & l'os qui porte l'index, se nomme l'adducteur de l'index. Sous la peau du dedans de la main est placée l'aponevrose palmaire, à laquelle tient le muscle palmaire cutané : vers le haut du poignet se trouve le ligament annulaire interne, sous lequel passent les tendons des muscles fléchisseurs ; l'aponevrose levée, ces tendons paroissent à découvert, ils s'avancent jusqu'au bout des doigts, & sont arrêtés en chemin par plusieurs traverses ligamenteuses. Il y a ici quatre petits muscles nommés lombricaux, qui tiennent par un bout aux tendons du muscle fléchisseur profond. Les intérosseux internes sont ici placés entre les of du métacarpe : on appelle antithénar celui qui est entre le pouce & l'index : sur le premier of du pouce est placé le muscle appellé thénar. Il y a deux muscles du côté du petit doigt ; l'un se nomme hypothenar, l'autre est le métacarpien : les arteres radiales & cubitales se rencontrent & s'anastomosent dans la paume de la main : on y voit aussi les divisions des nerfs palmaires qui viennent du médian & du cubital. Le poignet est fait de huit petits os, qui sont le trapèse, le piramidal, le grand os, le crochu, le scaphoïde, le lunaire, le cuneïforme & le pisiforme ; sur ces of sont placés les cinq of du métacarpe, dont l'un soutient le pouce : chaque doigt est fait de trois petits of nommés phalanges, excepté le pouce qui n'en a que deux. On trouve aux articulations des doigts, certains petits of appellés of sésamoïdes.

L'extrémité inférieure est composée de la cuisse, de la jambe & du pié. A la partie antérieure de la cuisse sous les tégumens, se trouve le muscle quadriceps ; une partie du grand couturier, les vaisseaux & les nerfs cruraux en haut, le muscle obturateur externe qui est appliqué sur le bassin, aussi-bien que le pectineus : à la partie interne sont les vaisseaux cruraux & les trois adducteurs de la cuisse : le fascia lata & le muscle épineux sont placés extérieurement, & l'on trouve en arriere le muscle biceps crural, le demi-nerveux, le demi-membraneux, & les vaisseaux qui changent de nom en passant sous le jarret, & prennent celui de poplités. L'os de la cuisse se nomme femur. Dans son articulation avec l'os innominé se trouve un ligament applati, & dans son union avec la jambe, on voit en devant la rotule, & dans l'intérieur les ligamens croisés. La jambe est faite de deux os, le tibia & le péroné ; entre ces deux of est un ligament intérosseux, à la face antérieure duquel sont placés les muscles jambiers antérieurs, le long extenseur commun des orteils, & l'extenseur propre du pouce : l'artere tibiale antérieure se trouve entre ces muscles : sur le côté sont les deux muscles péroniers externes & les nerfs péroniers ; en arriere sont les muscles gastrocnémiens, le tibial grêle, le solaire, le jambier postérieur, le long fléchisseur commun des orteils, le fléchisseur propre du pouce, l'artere tibiale postérieure, la péroniere, la surale, l'intérosseuse, & les veines satellites de toutes ces arteres, les nerfs tibiaux : vers les malléoles sous la peau, sont les veines saphènes, l'une interne & l'autre externe : vers la jointure du pié est en devant le ligament annulaire externe, & en arriere le tendon d'Achille. Le pié est fait du tarse, du métatarse & des orteils : le tarse est fait par l'assemblage de sept os, qui sont le calcancum, l'astragal, le scaphoïde, le cuboïde, & les trois cunéïformes : le métatarse est fait de cinq os, & chacun des orteils de trois phalanges, à l'exception du pouce qui n'en a que deux. Sous la peau du dos du pié sont les tendons extenseurs & le muscle pédieux : sous celle de la plante du pié est placée l'aponévrose plantaire ; les tendons des fléchisseurs couverts par le muscle sublime, les lombricaux, & le muscle accessoire du profond ; les nerfs & les vaisseaux plantaires, les muscles fléchisseurs courts du gros orteil, le muscle abducteur transversal du même, les muscles intérosseux internes ; les externes paroissent en dehors, & la masse musculaire qui fait le bord externe de la plante du pié, & qui se divise en muscle métatarsin & muscle abducteur du petit orteil. Cet article est de M. PETIT, doct. en Medec. profess. en Anat. de l'acad. des Scienc.

HOMME, (Mat. med.) le corps humain fournit plusieurs remedes à la Médecine, soit tandis qu'il joüit de la vie, soit après qu'il a cessé de vivre.

Le corps vivant donne la salive, le sang, l'urine, la cire des oreilles & la fiente. On retire du cadavre la graisse, les poils, les ongles & le crâne. Voyez ces articles particuliers. (b)

HOMME, s. m. (Morale) ce mot n'a de signification précise, qu'autant qu'il nous rappelle tout ce que nous sommes ; mais ce que nous sommes ne peut pas être compris dans une définition : pour en montrer seulement une partie, il faut encore des divisions & des détails. Nous ne parlerons point ici de notre forme extérieure, ni de l'organisation qui nous range dans la classe des animaux. Voyez HOMME, (Anatomie). L'homme que nous considérons est cet être qui pense, qui veut & qui agit. Nous chercherons donc seulement quels sont les ressorts qui le font mouvoir & les motifs qui le déterminent. Ce qui peut rendre cet examen épineux, c'est qu'on ne voit point dans l'espece un caractere distinctif auquel on puisse reconnoître tous les individus. Il y a tant de différence entre leurs actions, qu'on seroit tenté d'en supposer dans leurs motifs. Depuis l'esclave qui flate indignement son maître, jusqu'à Thamas qui égorge des milliers de ses semblables, pour ne voir personne au-dessus de lui, on voit des variétés sans nombre. Nous croyons appercevoir dans les bêtes des traits de caractere plus marqués. Il est vrai que nous ne connoissons que les apparences grossieres de leur instinct. L'habitude de voir, qui seule apprend à distinguer, nous manque par rapport à leurs opérations. En observant les bêtes de près, on les juge plus capables de progrès qu'on ne le croit ordinairement. Voyez INSTINCT. Mais toutes leurs actions rassemblées laissent encore entr'elles & l'homme une distance infinie. Que l'empire qu'il a sur elles soit usurpé si l'on veut, il n'en est pas moins une preuve de la supériorité de ses moyens, & par conséquent de sa nature. On ne peut qu'être frappé de cet avantage lorsqu'on regarde les travaux immenses de l'homme, qu'on examine le détail de ses arts, & le progrès de ses sciences ; qu'on le voit franchir les mers, mesurer les cieux, & disputer au tonnerre son bruit & ses effets. Mais comment ne pas frémir de la bassesse ou de l'atrocité des actions par lesquelles s'avilit souvent ce roi de la nature ? Effrayés de ce mélange monstrueux, quelques moralistes ont eu recours pour expliquer l'homme, à un mélange de bons & de mauvais principes, qui lui-même a grand besoin d'être expliqué. L'orgueil, la superstition & la crainte ont produit des systèmes, & ont embarrassé la connoissance de l'homme de mille préjugés que l'observation doit détruire. La religion est chargée de nous conduire dans la route du bonheur qu'elle nous prépare au-delà des tems. La Philosophie doit étudier les motifs naturels des actions de l'homme, pour trouver des moyens du même genre, de le rendre meilleur & plus heureux pendant cette vie passagere.

Nous ne sommes assurés de notre existence que par des sensations. C'est la faculté de sentir qui nous rend présens à nous-mêmes, & qui bientôt établit des rapports entre nous & les objets qui nous sont extérieurs. Mais cette faculté a deux effets qui doivent être considérés séparément, quoique nous les éprouvions toujours ensemble. Le premier effet est le principe de nos idées & de nos connoissances ; le second est celui de nos mouvemens & de nos inclinations. Les Philosophes qui ont examiné l'entendement humain, ont marqué l'ordre dans lequel naissent en nous la perception, l'attention, la réminiscence, l'imagination, & tous ces produits d'une faculté générale qui forment & étendent la chaîne de nos idées. Voyez SENSATIONS. Notre objet doit être ici de reconnoître les principaux effets du desir. C'est l'agent impérieux qui nous remue, & le créateur de toutes nos actions. La faculté de sentir appartient sans-doute à l'ame ; mais elle n'a d'exercice que par l'entremise des organes matériels dont l'assemblage forme notre corps. De-là naît une différence naturelle entre les hommes. Le tissu des fibres n'étant pas le même dans tous, quelques-uns doivent avoir certains organes plus sensibles, & en consequence recevoir des objets qui les ébranlent, une impression dont la force est inconnue à d'autres. Nos jugemens & nos choix ne sont que le résultat d'une comparaison entre les différentes impressions que nous recevons. Ils sont donc aussi peu semblables d'un homme à un autre que ces impressions mêmes. Ces variétés doivent donner à chaque homme une sorte d'aptitude particuliere qui le distingue des autres par les inclinations, comme il l'est à l'extérieur par les traits de son visage. De-là on peut conclure que le jugement qu'on porte de la conduite d'autrui est souvent injuste, & que les conseils qu'on lui donne sont plus souvent encore inutiles. Ma raison est étrangere à celle d'un homme qui ne sent pas comme moi ; & si je le prend pour un fou, il a droit de me regarder comme un imbécille. Mais toutes nos sensations particulieres, tous les jugemens qui en résultent, aboutissent à une disposition commune à tous les êtres sensibles, le desir du bien-être. Ce desir sans-cesse agissant, est déterminé par nos besoins vers certains objets. S'il rencontre des obstacles, il devient plus ardent, il s'irrite, & le desir irrité est ce qu'on appelle passion ; c'est-à-dire un état de souffrance, dans lequel l'ame toute entiere se porte vers un objet comme vers le point de son bonheur. Pour connoître tout ce dont l'homme est capable, il faut le voir lorsqu'il est passionné. Si vous regardez un loup rassasié, vous ne soupçonnerez pas sa voracité. Les mouvemens de la passion sont toujours vrais, & trop marqués pour qu'on puisse s'y méprendre. Or en suivant un homme agité par quelque passion, je le vois fixé sur un objet dont il poursuit la jouissance ; il écarte avec fureur tout ce qui l'en sépare. Le péril disparoît à ses yeux, & il semble s'oublier soi-même. Le besoin qui le tourmente ne lui laisse voir que ce qui peut le soulager. Cette disposition frappante dans un état extrême, agit constamment, quoique d'une maniere moins sensible dans tout autre état. L'homme sans avoir un caractere particulier qui le distingue, est donc toujours ce que ses besoins le font être. S'il n'est pas naturellement cruel, il ne lui faut qu'une passion & des obstacles pour l'exciter à faire couler le sang. Le méchant, dit Hobbes, n'est qu'un enfant robuste. En effet, supposez l'homme sans expérience comme est un enfant, quel motif pourroit l'arrêter dans la poursuite de ce qu'il desire ? c'est l'expérience qui nous fait trouver dans notre union avec les autres, des facilités pour la satisfaction de nos besoins. Alors l'intérêt de chacun établit dans son esprit une idée de proportion entre le plaisir qu'il cherche, & le dommage qu'il souffriroit s'il aliénoit les autres. De-là naissent les égards, qui ne peuvent avoir lieu, qu'autant que les intérêts sont superficiels. Les passions nous ramenent à l'enfance, en nous présentant vivement un objet unique, avec ce dégré d'intérêt qui éclipse tout. Ce n'est point ici le lieu d'examiner quels peuvent être l'origine & les fondemens de la société. V. SOCIABILITE & SOCIETE.

Quels que puissent être les motifs qui forment & resserrent nos liens réciproques, il est certain que le seul ressort qui puisse nous mettre en mouvement, le desir du bien-être, tend sans-cesse à nous isoler. Vous retrouverez par-tout les effets de ce principe dominant. Jettez un coup d'oeil sur l'univers, vous verrez les nations séparées entr'elles, les sociétés particulieres former des cercles plus étroits, les familles encore plus resserrées, & nos voeux toujours circonscrits par nos intérêts, finir par n'avoir d'objet que nous-mêmes. Ce mot que Paschal ne haïssoit dans les autres, que parce qu'un grand philosophe s'aime comme un homme du peuple, n'est donc pas haïssable, puisqu'il est universel & nécessaire. C'est une disposition réciproque que chacun de nous éprouve de la part des autres, & lui rend. Cette connoissance doit nous rendre fort indulgens sur ce que nous regardons comme torts à notre égard : on ne peut raisonnablement attendre de l'attachement de la part des hommes, qu'autant qu'on leur est utile. Il ne faut pas se plaindre que le degré d'utilité en soit toujours la mesure, puisqu'il est impossible qu'il y en ait une autre. L'attachement du chien pour le maître qui le nourrit, est une image fidele de l'union des hommes entr'eux. Si les caresses durent encore lorsqu'il est rassasié, c'est que l'expérience de ses besoins passés lui en fait prévoir de nouveaux. Ce qu'on appelle ingratitude doit donc être très-ordinaire parmi les hommes ; les bienfaits ne peuvent exciter un sentiment durable & desintéressé, que dans le petit nombre de ceux en qui l'habitude fait attacher aux actions rares une dignité qui les éleve à leurs propres yeux. La reconnoissance est un tribut qu'un orgueil estimable se paye à lui-même, & cet orgueil n'est pas donné à tout le monde. Dans la société, telle que nous la voyons, les liens n'étant pas toujours formés par des besoins apparens, ou de nécessité étroite, ils ont quelquefois un air de liberté qui nous en impose à nous-mêmes. On n'envisage pas, comme effets du besoin, les plaisirs enchanteurs de l'amitié, ni les soins desintéressés qu'elle nous fait prendre, mais nous ne pensons ainsi, que faute de connoître tout ce qui est besoin pour nous. Cet homme, dont la conversation vive fait passer dans mon ame une foule d'idées, d'images, de sentimens, m'est aussi nécessaire que la nourriture l'est à celui qui a faim. Il est en possession de me délivrer de l'ennui, qui est une sensation aussi importune que la faim même. Plus nos attachemens sont vifs, plus nous sommes aisément trompés sur leur véritable motif. L'activité des passions excite & rassemble une foule d'idées, dont l'union produit des chimeres comme la fievre forge des rêves à un malade ; cette erreur, sur le but de nos passions, ne nous séduit jamais d'une maniere plus marquée, que dans l'amour. Lorsque le printems de notre âge a développé en nous ce besoin qui rapproche les sexes, l'espérance jointe à quelques rapports, souvent mal-examinés, fixe sur un objet particulier nos voeux, d'abord errans ; bientôt cet objet toujours présent à nos desirs, anéantit pour nous tous les autres : l'imagination active va chercher des fleurs de toute espece pour embellir notre idole. Adorateur de son propre ouvrage, un jeune homme ardent voit dans sa maîtresse le chef-d'oeuvre des graces, le modele de la perfection, l'assemblage complet des merveilles de la nature ; son attention concentrée ne s'échappe sur d'autres objets, que pour les subordonner à celui-là. Si son ame vient à s'épuiser par des mouvemens aussi rapides, une langueur tendre l'appesantit encore sur la même idée. L'image chérie ne l'abandonne dans le sommeil, qu'avec le sentiment de l'existence ; les songes la lui représentent, & plus intéressante que la lumiere, c'est elle qui lui rend la vie au moment du réveil. Alors si l'art ou la pudeur d'une femme, sans desespérer ses voeux, vient à les irriter par le respect & par la crainte, l'idée des vertus jointe à celle des charmes, lui laisse à peine lever des yeux tremblans sur cet objet majestueux : ses desirs sont éclipsés par l'admiration ; il croit ne respirer que pour ce qu'il adore ; sa vie seroit mille fois prodiguée, si l'on desiroit de lui cet hommage. Enfin arrive ce moment qu'il n'osoit prévoir, & qui le rend égal aux dieux : le charme cesse avec le besoin de jouir, les guirlandes se fannent, & les fleurs desséchées lui laissent voir une femme souvent aussi flétrie qu'elles : il en est ainsi de tous nos sacrifices. Les idées factices que nous devons à la société, nous présentent le bien-être sous tant de formes différentes, que nos motifs originels se dérobent. Ce sont ces idées, qui en multipliant nos besoins, multiplient nos plaisirs & nos passions, & produisent nos vertus, nos progrès, & nos crimes. La nature ne nous a donné que des besoins aisés à satisfaire : il semble d'après cela, qu'une paix profonde dût régner parmi les hommes ; & la paresse qui leur est naturelle, paroîtroit devoir encore la cimenter. Le repos, ce partage réservé aux dieux, est l'objet éloigné que se proposent tous les hommes, & chacun envisage la facilité d'être heureux sans peine, comme le privilege de ceux qui se distinguent ; de-là naît dans chaque homme un desir inquiet, qui l'éveille & le tourmente. Ce besoin nouveau produit des efforts que la concurrence entretient, & par-là la paresse devient le principe de la plus grande partie du mouvement dont les hommes sont agités. Ces efforts devroient au moins s'arrêter au point où doit cesser la crainte de manquer du nécessaire ; mais l'idée de distinction étant une fois formée, elle devient dominante, & cette passion sécondaire détruit celle qui lui a donné la naissance. Dès qu'un homme s'est comparé avec ceux qui l'environnent, & qu'il a attaché de l'importance à s'en faire regarder, ses véritables besoins ne sont plus l'objet de son attention, ni de ses démarches. Le repos, en perspective, qui faisoit courir Pyrrhus, fatigue encore tout ambitieux qui veut s'élever, tout avare qui amasse au de-là de ses besoins, tout homme passionné pour la gloire, qui craint des rivaux. La modération, qui n'est que l'effet d'une paresse plus profonde, est devenue assez rare pour être admirée, & dès lors elle a pû être encore un objet de jalousie, puisqu'elle étoit un moyen de considération. La plûpart des hommes modérés ont même été de tout tems soupçonnés de masquer des desseins, parce qu'on ne voit dans les autres que la disposition qu'on éprouve, & que les desirs de chaque homme ne sont ordinairement arrêtés que par le sentiment de son impuissance. Si on ne peut pas attirer sur soi les regards d'une république entiere, on se contente d'être remarqué de ses voisins, & on est heureux par l'attention concentrée de son petit cercle. Des prétentions particularisées naissent ces différentes choses, qui divisent les connoissances, & qui n'ont rien à démêler entr'elles. Beaucoup d'individus s'agitent dans chaque tourbillon, pour arriver aux premiers rangs : le foible, ne pouvant s'élever, est envieux, & tâche d'abaisser ceux qui s'élevent ; l'envie exaltée produit des crimes, & voilà ce qu'est la société. Ce desir, par lequel chacun tend sans-cesse à s'élever, paroît contredire une pente à l'esclavage, qu'on peut remarquer dans la plûpart des hommes, & qui en est une suite. Autrefois la crainte, & une sorte de saisissement d'admiration, ont dû soumettre les hommes ordinaires à ceux que des passions fortes portoient à des actions rares & hardies ; mais depuis que la connoissance a des degrés, c'est l'ambition qui mene à l'esclavage. On rampe aux piés du trône où l'on est encore au dessus d'une foule de têtes qu'on fait courber. Les hommes qui ont des prétentions communes, sont donc les uns à l'égard des autres dans un état d'effort réciproque. Si les hostilités ne sont pas continuelles entr'eux, c'est un repos semblable à celui des gardes avancées de deux camps ennemis ; l'inutilité reconnue de l'attaque maintient entr'elles les apparences de la paix. Cette disposition inquiete, qui agite intérieurement les hommes, est encore aidée par une autre, dont l'effet, assez semblable à celui de la fermentation sur les corps, est d'aigrir nos affections, soit naturelles, soit acquises. Nous ne sommes présens à nous-mêmes que par des sensations immédiates, ou des idées, & le bonheur, que nous poursuivons nécessairement, n'est point sans un vif sentiment de l'existence : malheureusement la continuité affoiblit toutes nos sensations. Ce que nous avons regardé long-tems, devient pour nous comme les objets qui s'éloignent, dont nous n'appercevons plus qu'une image confuse & mal terminée. Le besoin d'exister vivement est augmenté sans-cesse par cet affoiblissement de nos sensations, qui ne nous laisse que le souvenir importun d'un état précédent. Nous sommes donc forcés pour être heureux, ou de changer continuellement d'objets, ou d'outrer les sensations du même genre. De-là vient une inconstance naturelle, qui ne permet pas à nos voeux de s'arrêter, ou une progression de desirs, qui toujours anéantis par la jouissance, s'élancent jusques dans l'infini. Cette disposition malheureuse altere en nous les impressions les plus sacrées de la nature, & nous rend aujourd'hui nécessaire, ce dont hier nous aurions frémi. Les jeux du cirque, où les gladiateurs ne recevoient que des blessures, parurent bientôt insipides aux dames Romaines. On vit ce sexe, fait pour la pitié, poursuivre à grands cris la mort des combattans. On exigea dans la suite qu'ils expirassent avec grace, dit l'abbé Dubos, & ce spectacle affreux devint nécessaire pour achever l'émotion & complete r le plaisir. Par-là notre attention se porte sur les choses nouvelles & extraordinaires, nous recherchons avec intérêt tout ce qui réveille en nous beaucoup d'idées ; par-là sont déterminés même nos goûts purement physiques. Les liqueurs fortes nous plaisent principalement, parce que la chaleur qu'elles communiquent au sang produit des idées vives, & semble doubler l'existence : on pourroit en conclure que le plaisir ne consiste que dans le sentiment de l'existence, porté à un certain dégré. En effet, en suivant ceux du chatouillement, depuis cette sensation vague, qui est une importunité jusqu'à ce dernier terme, au de-là duquel est la douleur : en descendant du chagrin le plus profond, jusqu'à cette douleur tendre & intéressante, qui en est une teinte affoiblie, on seroit tenté de croire que la douleur & le plaisir ne different que par des nuances. Voyez PLAISIR. Quoi qu'il en soit, il est certain que nous devons au besoin d'être émus une curiosité, qui devient la passion de ceux qui n'en ont point d'autres, un goût pour le merveilleux, qui nous entraîne à tous les spectacles extraordinaires, une inquiétude qui nous promene dans la région des chimeres. Ce qui est renfermé dans ce qu'on appelle les termes de la raison, ne peut donc pas être long-tems pour nous le point fixe du bonheur. Les choses difficiles & outrées, les idées hors de la nature doivent nous séduire presque sûrement. Voyez FANATISME. La vigilance religieuse, & l'occupation de la priere ne suffisent pas à l'imagination mélancholique d'un bonze. Il lui faut des chaînes dont il se charge ; des charbons ardens qu'il mette sur sa tête ; des cloux qu'il s'enfonce dans ses chairs ; il est averti de son existence d'une maniere plus intime & plus forte, que celui qui remplit simplement les devoirs de la vie civile & de la charité. Suivez le cours de toutes les affections humaines, vous les verrez tendre à s'exalter, au point de paroître entierement défigurées. L'homme délicat & sensible devient foible & pusillanime : la dureté succede au courage ; le contemplatif devient quiétiste, & le zélé est bientôt un homme atroce. Il en est ainsi des autres caracteres, & même de celui qui se montre de la maniere la plus constante dans quelques individus, la gaieté. Il est rare qu'elle dure plus long-tems que la jeunesse, parce qu'elle est absorbée par les passions, qui occupent l'ame plus profondément, ou détruite par son exercice même. Mais dans ceux en qui ce caractere subsiste plus long-tems, parce qu'ils ne sont capables que d'intérêts superficiels, il s'altere par dégrés, & perd beaucoup de son honnêteté premiere. Les hommes légers qui n'ont que la gaieté pour attribut, ressemblent assez à ces jeunes animaux qui, après avoir épuisé toutes les situations plaisantes, finissent par égratigner & mordre. Cette pente qui entraîne presque tous les individus, peut s'observer en grand dans la masse des événemens qui ont agité la terre. Suivez l'histoire de toutes les nations, vous verrez les meilleurs gouvernemens se dénaturer ; une fermentation lente a fait croître la tyrannie dans les républiques : la monarchie est changée par le tems en pouvoir arbitraire. Voyez GOUVERNEMENT.

Lorsque dans un état la sécurité commence à polir les moeurs, & que les idées se tournent du côté des plaisirs, la vertu regne au milieu d'eux : une urbanité modeste couvre la volupté d'un voile, mais il devient bientôt importun. Alors le libertinage se produit sans pudeur, & des goûts honteux insultent la nature. Dans les arts, vous verrez l'architecture quitter une simplicité noble pour prodiguer les ornemens ; la peinture chargera son coloris ; la même altération se fera sentir dans les ouvrages d'esprit. Le besoin de nouveauté mettra la finesse à la place de l'élégance ; l'obscurité prendra celle de la force, ou sophistiquera fort ; une métaphysique puérile analysera les sentimens ; tout sera perdu, si quelques génies heureux ne rompent pas cette marche naturelle des penchans humains. Mais la physique expérimentale cultivée & le tableau de la nature présenté par des hommes d'une trempe forte & rare pourront donner à l'esprit humain un spectacle qui étendra ses vûes, & fera naître un nouvel ordre de choses.

Nous voyons que l'homme paresseux par nature, mais agité par l'impatience de ses desirs est le jouet continuel d'un esprit qui ne se renouvelle que pour le trahir. Fatigué dans la recherche du bonheur par mille intérêts étrangers qui le croisent, rebuté par les obstacles, ou dégoûté par la jouissance, il semble que la méchanceté lui dût être pardonnable, & que le malheur soit son état naturel. L'intérêt de tous réclamant contre l'intérêt de chacun, a donné naissance aux lois qui arrêtent l'extérieur des grands crimes. Mais malgré les lois, il reste toûjours à la méchanceté un empire qui n'en est pas moins vaste pour être ténébreux. Dans une société nombreuse, une foule d'intérêts honnêtes & obscurs que la scélératesse peut troubler, lui donne sans danger un exercice continuel. La société humaine seroit donc une confédération de méchans que l'intérêt seul tiendroit unis, & auxquels il ne faudroit que la suppression de cet intérêt pour les armer les uns contre les autres. Mais en observant l'homme de près, il n'est pas possible de méconnoître en lui un sentiment doux qui l'intéresse au sort de ses semblables toutes les fois qu'il est tranquille sur le sien. Peut-être rencontrerez-vous quelques monstres atrabilaires qu'une organisation vicieuse & rare porte à la cruauté. Une habitude affreuse aura rendu peut-être à quelques autres cette émotion nécessaire. La plûpart des hommes, lorsque des passions particulieres ne les enleveront pas aux mouvemens de la nature, céderont à une sensibilité précieuse qui est la source de toutes les vertus, & qui peut être celle d'un bonheur constant. Voyez HUMANITE. Ce sentiment tempere dans l'homme l'activité de l'amour propre ; & peu semblable aux autres genres d'émotion, il acquiert des forces en s'exerçant. On ne sauroit donc l'inspirer de trop bonne heure aux enfans. On devroit chercher à l'exciter en eux par des images pathétiques, & leur présenter des situations attendrissantes qui puissent le développer. Des leçons de bienséance seroient peut-être plus de leur goût, & leur serviroient sûrement plus que ne peuvent faire les mots barbares dont on les fatigue. Si ces idées ne sont pas fort actives pendant l'effervescence de la jeunesse, elles s'emparent du terrein que les passions abandonnent, & leur douceur remplace l'yvresse de celles-ci. Elles élevent & remplissent l'ame. Malheureux qui n'a point éprouvé la sensation complete qu'elles procurent ! Nous disons qu'on pourroit développer dans les enfans le sentiment vertueux de la pitié. L'expérience apprend qu'on pourroit aussi leur inspirer tous les préjugés favorables, soit au bien des hommes en général, soit à l'avantage de la société particuliere dans laquelle ils vivent. Ces heureux préjugés faisoient à Sparte autant de héros que de citoyens, & ils pourroient produire dans tous les hommes toutes les vertus relatives aux situations dans lesquelles ils sont placés. L'amour propre étant une fois dirigé vers un objet, une premiere action généreuse est un engagement pour la seconde, & des sacrifices qu'on a faits naît l'estime de soi-même qui soûtient & assûre le caractere qu'on s'est donné. On devient pour soi le juge le plus sévere. Cet orgueil estimable maîtrise l'ame, & produit ces mouvemens de vertu que leur rareté fait regarder comme hors de la nature. Cette estime de soi-même est le principe le plus sûr de toute action forte & généreuse ; on ne doit point en attendre d'esclaves avilis par la crainte. L'asservissement ne peut conduire qu'à la bassesse & au crime. Mais l'éducation ne peut pas être regardée comme une affaire de préceptes ; c'est l'exemple, l'exemple seul, qui modifie les hommes, excepté quelques ames privilégiées qui jugent de l'essence des choses, parce qu'elles sentent elles-mêmes, les autres sont entraînés par l'imitation. C'est elle qui fait prosterner l'enfant aux piés des autels, qui donne l'air grave au fils d'un magistrat, & la contenance fiere à celui d'un guerrier. Cette pente à imiter, cette facilité que nous avons d'être émûs par les passions des autres, semblent annoncer que les hommes ont entr'eux des rapports secrets qui les unissent. La société se trouve composée d'hommes modifiés les uns par les autres, & l'opinion publique donne à tous ceux de chaque société particuliere un air de ressemblance qui perce à-travers la différence des caracteres. La continuité des exemples domestiques fait sans-doute une impression forte sur les enfans ; mais elle n'est rien en comparaison de celle qu'ils recoivent de la masse générale des moeurs de leur tems. Voyez MOEURS. Chaque siecle a donc des traits marqués qui le distinguent d'un autre. On dit, le siecle de la chevalerie : on pourroit dire, le siecle des beaux-arts, celui de la philosophie ; & plût à Dieu qu'il en vînt un qu'on pût appeller, le siecle de la bienfaisance & de l'humanité ! Puisque ce sont l'exemple & l'opinion qui désignent les différens points vers lesquels doit se tourner l'amour propre des particuliers, & qui déterminent en eux l'amour du bien-être, il s'ensuit que les hommes se font, & qu'il est à-peu-près possible de leur donner la forme qu'on voudra. Cela peut arriver sur-tout dans une monarchie : le trône est un piédestal sur lequel l'imitation va chercher son modele. Dans les républiques, l'égalité ne souffre point qu'un homme s'éleve assez pour être sans-cesse en spectacle. La vertu de Caton ne fut qu'une satyre inutile des vices de son tems. Mais dans tout gouvernement les opinions & les moeurs dépendent infiniment de sa situation actuelles. S'il est tranquille au-dehors, & qu'au-dedans le bon ordre & l'aisance rendent les citoyens heureux, vous verrez éclorre les arts de plaisir, & la mollesse marchant à leur suite énerver les corps, engourdir le courage, & conduire à l'affaissement par la volupté. Si des troubles étrangers ou des divisions intestines menacent la sûreté de l'état des citoyens, la vigilance naîtra de l'inquiétude, l'esprit, la crainte & la haine formeront des projets, & ces passions tumultueuses produiront des efforts, des talens & des crimes hardis. Il faudroit des révolutions bien extraordinaires dans les situations, pour en produire d'aussi subites dans les sentimens publics. Le caractere des nations est ordinairement l'effet des préjugés de l'enfance, qui tiennent à la forme de leur gouvernement. A l'empire de l'habitude, on ajoûteroit pour les hommes la force beaucoup plus puissante du plaisir, si l'on prenoit soin de l'éducation des femmes. On ne peut que gémir en voyant ce sexe aimable privé des secours qui feroient également son bonheur & sa gloire. Les femmes doivent à des organes délicats & sensibles des passions plus vives que ne sont celles des hommes. Mais si l'amour propre & le goût du plaisir excitent en elles des mouvemens plus rapides, elles éprouvent aussi d'une maniere plus forte le sentiment de la pitié qui en est la balance. Elles ont donc le germe des qualités les plus brillantes, & si l'on joint à cet avantage les charmes de la beauté, tout annonce en elles les reines de l'univers. Il semble que la jalousie des hommes ait pris à tâche de défigurer ces traits. Dès l'enfance on concentre leurs idées dans un petit cercle d'objets, on leur rend la fausseté nécessaire. L'esclavage auquel on les prépare, en altérant l'élévation de leur caractere, ne leur laisse qu'un orgueil sourd qui n'emploie que de petits moyens : dès-lors elles ne regnent plus que dans l'empire de la bagatelle. Les colifichets devenus entre leurs mains des baguettes magiques, transforment leurs adorateurs comme le furent autrefois ceux de Circé. Si les femmes puisoient dans les principes qui forment leur enfance, l'estime des qualités nobles & généreuses ; si la parure ne les embellissoit qu'en faveur du courage ou des talens supérieurs, on verroit l'amour concourir avec les autres passions à faire éclorre le mérite en tout genre ; les femmes recueilleroient le fruit des vertus qu'elles auroient fait naître. Combien aujourd'hui, victimes d'une frivolité qui est leur ouvrage, sont punies de leurs soins par leurs succès ! Article de M. LE ROI.

* HOMME, (Politiq.) il n'y a de véritables richesses que l'homme & la terre. L'homme ne vaut rien sans la terre, & la terre ne vaut rien sans l'homme.

L'homme vaut par le nombre ; plus une société est nombreuse, plus elle est puissante pendant la paix, plus elle est redoutable dans les tems de la guerre. Un souverain s'occupera donc sérieusement de la multiplication de ses sujets. Plus il aura de sujets, plus il aura de commerçans, d'ouvriers, de soldats.

Ses états sont dans une situation déplorable, s'il arrive jamais que parmi les hommes qu'il gouverne, il y en ait un qui craigne de faire des enfans, & qui quitte la vie sans regret.

Mais ce n'est pas assez que d'avoir des hommes, il faut les avoir industrieux & robustes.

On aura des hommes robustes, s'ils ont de bonnes moeurs, & si l'aisance leur est facile à acquérir & à conserver.

On aura des hommes industrieux, s'ils sont libres.

L'administration est la plus mauvaise qu'il soit possible d'imaginer, si faute de liberté de commerce, l'abondance devient quelquefois pour une province un fléau aussi redoutable que la disette.

Voyez les articles GOUVERNEMENT, LOIS, IMPOTS, POPULATION, LIBERTE, &c.

Ce sont les enfans qui font les hommes. Il faut donc veiller à la conservation des enfans par une attention spéciale sur les peres, sur les meres & sur les nourrices.

Cinq mille enfans exposés tous les ans à Paris peuvent devenir une pepiniere de soldats, de matelots & d'agriculteurs.

Il faut diminuer les ouvriers du luxe & les domestiques. Il y a des circonstances où le luxe n'emploie pas les hommes avec assez de profit ; il n'y en a aucune où la domesticité ne les emploie avec perte. Il faudroit asseoir sur les domestiques un impôt à la décharge des agriculteurs.

Si les agriculteurs, qui sont les hommes de l'état qui fatiguent le plus, sont les moins bien nourris, il faut qu'ils se dégoûtent de leur état, ou qu'ils y périssent. Dire que l'aisance les en feroit sortir, c'est être un ignorant & un homme atroce.

On ne se presse d'entrer dans une condition que par l'espoir d'une vie douce. C'est la jouissance d'une vie douce qui y retient & qui y appelle.

Un emploi des hommes, n'est bon que quand le profit va au-delà des frais du salaire. La richesse d'une nation est le produit de la somme de ses travaux au-delà des frais du salaire.

Plus le produit net est grand & également partagé, plus l'administration est bonne. Un produit net également partagé peut être préférable à un plus grand produit net, dont le partage seroit très-inégal, & qui diviseroit le peuple en deux classes, dont l'une regorgeroit de richesses & l'autre expireroit dans la misere.

Tant qu'il y a des friches dans un état, un homme ne peut être employé en manufacture sans perte.

A ces principes clairs & simples, nous en pourrions ajoûter un grand nombre d'autres, que le souverain trouvera de lui-même, s'il a le courage & la bonne volonté nécessaires pour les mettre en pratique.

HOMME NOUVEAU, novus homo, (Hist. rom.) les Romains appelloient hommes nouveaux, ceux qui commençoient leur noblesse, c'est-à-dire, ceux qui n'ayant aucune illustration par leurs ancêtres, commençoient les premiers à se pousser par leurs vertus ; c'est cependant ce reproche d'homme nouveau que tant de gens firent à l'orateur de Rome, & entr'autres Catilina, lorsqu'il lui fut préferé pour la premiere magistrature : " Je ne prétens pas, dit Cicéron en plein sénat, m'étendre sur les louanges de mes ancêtres, par cette seule raison qu'ils ont vécu sans rechercher les applaudissemens de la renommée populaire, & sans desirer l'éclat des honneurs que vous conférez ".

Cicéron étoit donc un homme nouveau ; il étoit sans-doute bien illustre par lui-même, & bien digne des premiers emplois ; mais il n'étoit pas noble, il n'avoit pas le droit de faire porter à ses funérailles le buste de cire de ses ayeux : celui-là seul avoit ce droit dont les ancêtres étoient parvenus aux grandes charges ; il étoit noble par ce titre, & rendoit nobles ses descendans. Ceux qui avoient les images de leurs ayeux, pour me servir des termes d'Asconius, étoient appellés nobles, nobiles ; ceux qui n'avoient que les leurs, on les nommoit hommes nouveaux, novi homines ; & ceux qui n'avoient ni les images de leurs ancêtres, ni les leurs, étoient appellés ignobles, ignobiles ; ainsi la noblesse, le droit d'images, jus imaginum, se trouvoit attaché aux charges, aux dignités ; c'est pourquoi Caton le censeur, qu'on qualifioit comme Cicéron d'homme nouveau, répondit qu'il l'étoit quant aux dignités, mais que quant au mérite de ses ancêtres, il pouvoit se dire très-ancien. (D.J.)

HOMME LIBRE, (Hist. des Francs) on appelloit au commencement de notre monarchie hommes libres ceux qui d'un côté n'avoient point de bénéfices ou fiefs, & qui de l'autre n'étoient point soumis à la servitude de la glebe ; les terres qu'ils possédoient étoient des terres allodiales ; alors deux sortes de gens étoient tenus au service militaire, les leudes vassaux, ou arriere-vassaux, qui y étoient obligés en conséquence de leurs fiefs, & les hommes libres, francs, romains & gaulois, qui servoient sous le comte & étoient menés à la guerre par lui, & ses officiers qu'on nommoit vicaires ; de plus, comme les hommes libres étoient divisés en centaines (en anglois hundred) qui formoient ce qu'on appelloit un bourg, les comtes avoient encore sous eux outre les vicaires d'autres officiers, nommés centeniers, qui conduisoient les hommes libres du bourg, ou de leur centaine, au camp.

Les droits du prince sur les hommes libres ne consistoient qu'en de certaines voitures exigées seulement dans de certaines occasions publiques, & dans quelques endroits sur les rivieres ; & quant aux droits judiciaires, il y avoit des lois des Ripuaires & des Lombards pour prévenir les malversations.

J'ai dit que les hommes libres n'avoient point de fiefs ; cela se trouvoit ainsi dans les commencemens, alors ils n'en pouvoient point encore posséder ; mais ils en devinrent capables dans la suite, c'est-à-dire, entre le regne de Gontram & celui de Charlemagne. Dans cet intervalle de tems, il y eut des hommes libres, qui furent admis à jouir de cette grande prérogative, & par conséquent à entrer dans l'ordre de la noblesse ; c'est du moins le sentiment de M. de Montesquieu, voyez l'Esprit des lois, liv. XXXI. ch. xxiij. (D.J.)

HOMME D'ÉTAT, (Droit politiq.) celui à qui le souverain confie sous ses yeux les rènes du gouvernement en tout, ou en partie.

Un citoyen d'Athènes ou de Rome nous diroit que le devoir d'un homme d'état est de n'être rempli que du seul bien de sa patrie, de lui tout sacrifier, de la servir inébranlablement sans aucune vûe de gloire, de réputation, ni d'intérêt ; de ne point s'élever pour quelque honneur qu'on lui rende, & de ne point s'abaisser pour quelque refus qu'il éprouve ; de soumettre toûjours ses propres affaires aux affaires publiques ; de tirer sa consolation dans ses malheurs particuliers, de la prospérité générale de son pays ; de ne s'occuper qu'à le rendre heureux ; en un mot, de vivre & de mourir pour lui seul.

Mais je ne tiendrai point ici des propos si sublimes, qui ne vont ni à nos moeurs, ni à nos idées, ni à la nature des gouvernemens sous lesquels nous vivons : c'est bien assez de demander à un homme d'état du travail, de l'honneur, de la probité, de servir son prince fidelement, d'avoir l'oreille plus ouverte à la vérité qu'au mensonge, d'aimer l'ordre & la paix, de respecter les lois, de ne pas opprimer la nation, & de ne se pas jouer du gouvernement.

Le vulgaire suppose toûjours une étendue d'esprit prodigieuse, & un génie presque divin aux hommes d'état, qui ont heureusement gouverné ; mais il ne faut souvent, pour y réussir, qu'un esprit sain, de bonnes vûes, de l'application, de la suite, de la prudence, des conjonctures favorables. Cependant je suis persuadé que, pour être un bon ministre, il faut sur toutes choses avoir pour passions, l'amour du bien public : le grand homme d'état est celui dont les actions parlent à la postérité, & dont il reste d'illustres monumens utiles à sa patrie. Le cardinal de Mazarin n'étoit qu'un ministre puissant ; Sully, Richelieu & Colbert ont été de grands hommes d'état. Alexandre se fit voir un grand homme d'état, après avoir prouvé qu'il étoit un grand capitaine. Alfred a été tout ensemble, le plus grand homme d'état, & le plus grand roi qui soit monté sur le trône depuis l'époque du christianisme. (D.J.)

HOMMES D'INTELLIGENCE, (Théol.) nom d'une secte d'hérétiques, qui parurent dans la Picardie en 1412 ; leur chef étoit Fr. Guillaume de Hildernissen, allemand, de l'ordre des Carmes, & un certain Gilles le Chantre, homme séculier. Celui-ci disoit qu'il étoit le sauveur des hommes, & que par lui les fideles verroient Jesus-Christ, comme par Jesus-Christ ils verroient Dieu le Pere ; que les plaisirs du corps étant de simples actions de la nature, n'étoient point des péchés, mais des avant-goûts du paradis ; que le tems de l'ancienne loi avoit été celui du Pere ; que le tems de la nouvelle loi étoit celui du Fils ; & qu'il y en auroit bientôt un troisieme, qui seroit celui du saint Esprit, lequel mettroit les hommes en toute liberté. Le carme se retracta à Bruxelles, à Cambrai, & à Saint Quentin, où il avoit semé ses erreurs, & cette secte se dissipa. Mezerai, Hist. de France. (G)

HOMME D'ARMES, (Cart. milit. & hist.) C'étoit dans l'ancienne gendarmerie un gentilhomme qui combattoit à cheval, armé de toutes pieces, cataphractus eques. Chaque homme d'armes avoit avec lui cinq personnes ; savoir trois archers, un coutillier, ou un écuyer, ainsi appellé d'une espece de couteau ou bayonnette, qu'il portoit au côté, & enfin un page ou un valet. Charles VII ayant commencé à réduire la noblesse françoise en corps réglé de cavalerie, il en composa quinze compagnies, chacune de cent hommes d'armes, appellées compagnies d'ordonnance ; & comme chaque homme d'armes avoit cinq autres hommes à sa suite, chaque compagnie se trouvoit de six cent hommes, & les quinze ensemble faisoient neuf mille chevaux. Il y avoit outre cela une grande quantité de volontaires, qui suivoient ces compagnies à leurs dépens, dans l'espérance d'y avoir, avec le tems, une place de gendarme. Au reste, le nombre d'hommes qui étoit attaché à l'homme d'armes, ou qui composoient la lance fournie, comme on parloit alors, n'a pas toujours été le même. Louis XII, dans une ordonnance du 7 Juillet 1498, met sept hommes pour une lance fournie ; François I. huit, selon une autre ordonnance, du 28 Juin de l'an 1526. Les archers de ces hommes d'armes étoient de jeunes gentilshommes qui commençoient le métier de la guerre, & qui par la suite parvenoient à remplir les places des hommes d'armes. Voyez COMPAGNIE D'ORDONNANCE.

Les hommes d'armes, qu'on appelloit aussi gendarmes, formoient le corps de la gendarmerie. Voyez GENDARME.

HOMME, (Jurisp.) en matiere féodale, signifie tantôt vassal, & tantôt sujet, ou censitaire, ainsi qu'on le peut voir dans un grand nombre de coutumes. (A)

HOMMES ALLODIAUX, étoient ceux qui tenoient des terres en aleu, ou franc-aleu. On les appelloit aussi leudes, leudi vel leodes, & en françois leudes. Voyez le style de Liege, chap. xix. art. 11. (A)

HOMME DE COMMUNE. On appelloit ainsi ceux qui étoient compris dans la commune, ou corps des habitans d'un lieu qui avoient été affranchis par leur seigneur, qui juroient d'observer les articles de la charte de commune, & participoient aux priviléges accordés par le seigneur. (A)

HOMME CONFISQUANT, étoit un homme, que les gens d'église & autres gens de main-morte, étoient obligés de donner au seigneur haut-justicier pour leurs nouvelles acquisitions, à quelque titre que ce fût, afin que par son fait, le fief pût être confisqué au profit du seigneur haut-justicier, & que le seigneur ne fût pas totalement frustré de l'espérance d'avoir la confiscation du fief.

Quelques coutumes, comme celles de Peronne, veulent que les gens d'église & de main-morte donnent au seigneur homme vivant, mourant & confisquant ; ce qui suppose que le fief dominant & la justice soient dans la même main ; car lorsqu'ils étoient divisés, il n'étoit dû au seigneur féodal qu'un homme vivant & mourant, & au seigneur haut-justicier un homme confisquant.

L'obligation de fournir un homme confisquant au seigneur haut-justicier, étoit fondée sur ce qu'anciennement on ne jugeoit que par le fait de l'homme vivant & mourant : l'héritage pouvoit être confisqué au profit du seigneur haut-justicier ; mais suivant la derniere jurisprudence, l'héritage ne peut plus être confisqué par le fait d'un tiers ; c'est pourquoi l'on n'oblige plus les gens d'église & de main-morte à donner l'homme confisquant, mais seulement l'homme vivant & mourant ; ce qui n'empêche pas qu'il ne soit dû une indemnité au seigneur haut-justicier, lors de l'amortissement, à cause de l'espérance des confiscations dont il est privé. Voyez les Mémoires de M. Auzanet, tit. de l'indemnité dûe par les gens de main-morte. Voyez aussi HOMME VIVANT ET MOURANT. (A)

HOMMES ET FEMMES DE CORPS, sont des gens dont la personne est serve, à la différence des main-mortables, qui ne sont serfs qu'à raison des héritages qu'ils possedent, & qui sont d'ailleurs des personnes libres. Il est parlé des hommes & femmes de corps dans la coutume de Vitry, art. 1, 103, 140 & suiv. Châlons, art. 18, & en la coutume locale de Resberg, ressort de Meaux, & au chap. xxxjx. de l'ancien style de parlement à Paris, & en l'ancienne coutume du bailliage de Bar, & au liv. II. de l'usage de Paris & d'Orléans.

Sur l'origine de ces servitudes de corps, Voyez Beaumanoir, chap. xlv. pag. 254. (A)

HOMMES COTTIERS. On appelle ainsi en Picardie, Artois, & dans les Pays-bas, les propriétaires des héritages roturiers. Ils sont obligés de rendre la justice en personne, ou par procureur, avec leur seigneur. On les en a déchargés en Picardie ; mais cela a encore lieu en Artois, & dans plusieurs autres coutumes des Pays-bas. Voyez l'auteur des notes sur Artois, art. 1, n. 23. & suiv. (A)

HOMME DE LA COUR DU SEIGNEUR, sont les vassaux qui rendent la justice avec leur seigneur dominant ; ce sont ses pairs. Voyez l'ancienne coutume de Montreuil, art. 23. (A)

HOMME FEODAL ou FEUDAL, dans quelques coutumes, est le seigneur qui a des hommes tenans en fief de lui. Voyez Ponthieu, art. 72 & 87. Boulenois, art. 15 & 39. Hainaut, chap. j, iv & v : mais en l'art. 74 & 81 de la coutume de Ponthieu, & dans celle de Boulenois, l'homme feudal est le vassal. (A)

HOMME DE FER. C'étoit dans quelques seigneuries, un sujet obligé d'exécuter les ordres de son seigneur, & de le suivre armé à la guerre. La maison qu'il occupoit s'appelloit maison de fer. Il y a encore un homme de fer, joüissant de certaines exemptions, dans le comté de Neuviller-sur-Moselle en Lorraine.

HOMMES DE FIEFS, dans les coutumes de Picardie, Artois & des Pays-bas, sont les vassaux qui doivent rendre la justice avec le seigneur dominant. (A)

HOMME DE FOI, c'est le vassal. Voyez la coutume d'Anjou, art. 151, 174, 176 & 177. Bretagne, 283, 294, & 662. (A)

HOMME DE FOI LIGE, est le vassal qui doit la foi & hommage lige. Voyez FOI LIGE & HOMMAGE LIGE. (A)

HOMME DE FOI SIMPLE, est celui qui ne doit que l'hommage simple, & non l'hommage lige. Voyez HOMMAGE SIMPLE. (A)

HOMMES JUGEANS, étoient les hommes de fiefs ou vassaux, qui rendoient la justice avec leur seigneur dominant. Il en est souvent fait mention dans les anciens arrêts de la cour, & dans la quest. 169 de Jean le Coq ; les vassaux de Clermont qui jugeoient en la cour de leur seigneur, sont appellés hommes jugeans. (A)

Hommes jugeans ou jugeurs, sont aussi les conseillers ou assesseurs, que les baillifs & prevôts appelloient pour juger avec eux. Il y a encore dans quelques coutumes de ces sortes d'assesseurs. Voyez HOMMES COTTIERS, HOMMES DE FIEFS, HOMMES DE LOI. (A)

HOMME LIGE, homo ligius, est le vassal qui doit à son seigneur la foi & hommage lige. Voyez Ponthieu, art. 66, & aux mots FOI & HOMMAGE LIGE, & HOMMAGE LIGE. (A)

HOMME DE MAIN-MORTE, ou MAINMORTABLE, est la même chose, comme on voit dans la coutume de Vitri, article 78, Voyez MAINMORTE (A)

HOMME SANS MOYEN, on appelloit ainsi un vassal, qui relevoit immédiatement du roi, comme il est dit au chap. lxvj. de la vieille chronique de Flandres. (A)

HOMME DE PAIX, étoit un vassal qui devoit procurer la paix à son seigneur, ou bien celui qui avoit juré de garder paix & amitié à quelqu'un plus puissant que lui. D'autres entendent par homme de paix, celui qui devoit tenir & garder, par la foi de son hommage, la paix faite par son seigneur, comme il est dit en la somme rurale : mais tout cela n'a plus lieu depuis l'abolition des guerres privées. Voyez ci-dessus HOMMAGE DE PAIX. (A)

HOMME DE PREJURE, étoit un vassal qui étoit obligé de se donner en gage, ou ôtage pour son seigneur, quand le cas le requéroit, comme quand plusieurs barons, qui étoient vassaux du roi, furent envoyés en Angleterre pour tenir prison & ôtage pour le roi Jean, & faire pléjure de sa rançon. Voyez les assises de Jerusalem, chap. ccvj. Boutillier, som. lxxxvij. rur. l. m. 1. chap. vij. pag. 429. (A)

HOMME DE POTE, quasi potestatis ; c'est un sujet qui est dans une espece de servitude envers son seigneur, qui est obligé de faire pour lui des corvées, & d'acquiter d'autres droits & devoirs. Voyez HOMME DE CORPS. (A)

HOMMES PROFITABLES, sont les sujets dont le seigneur tire profit & revenu. Coutume de Bretagne, art. 91. (A)

HOMME DU ROI, est celui qui représente le roi dans quelque lieu, comme un ambassadeur, envoyé ou résident chez les étrangers, un intendant dans les provinces ; dans les tribunaux royaux, le procureur du roi ; & dans les cours, le procureur général. (A)

HOMME DE SERVICE, est un vassal qui, outre la foi & le service militaire auquel tous les fiefs sont tenus, doit en outre à son seigneur dominant quelque droit ou service particulier, & qui tient quelques possessions à cette condition. Voyez Cujas ad tit. 5, lib. II. feudor. Boutillier, som. rur. (A)

HOMME DE SER VITUDE, sont des gens de condition servile ; ils sont ainsi appellés dans la coutume de Troyes, art. 1. & 6, & dans celle de Chaumont, art. 9. Voyez HOMME DE CORPS. (A)

HOMME DE VIGNE est une certaine étendue de terre plantée en vigne, égale à ce qu'un homme laborieux peut communément façonner en un jour : l'homme de vigne contient ordinairement 800 seps ou un demi quartier, mesure de Paris. Cette maniere de compter l'étendue des vignes par hommes ou hommées, est usitée dans le Lyonnois & dans quelques autres provinces. En quelques endroits de Champagne, il faut douze hommes de vigne pour faire un arpent de cent cordes, de vingt piés pour corde : dans d'autres l'arpent n'est divisé qu'en huit hommes. (A)

HOMME VIVANT ET MOURANT, est un homme que les gens d'église & autres gens de main-morte, sont obligés de donner au seigneur féodal, pour les représenter en la possession d'un héritage, en faire la foi & hommage en leur place, si c'est un fief, attendu qu'ils ne peuvent la faire eux-mêmes, & afin que, par le décès de cet homme, il y ait ouverture au droit de relief, si l'héritage est tenu en fief.

La coutume d'Orléans appelle l'homme vivant & mourant vicaire.

Les gens d'église de main-morte sont obligés de donner homme vivant & mourant, pour toute acquisition par eux faite, à quelque titre que ce soit.

Il n'est dû ordinairement que pour les fiefs ; cependant quelques auteurs prétendent qu'il en est aussi dû un pour les rotures, quoiqu'à dire vrai, l'indemnité suffise pour les rotures ; mais il est certain que l'on ne donne point d'homme vivant & mourant pour les franc-aleux, pas même au seigneur haut-justicier. Voyez HOMME CONFISQUANT.

C'est au seigneur féodal dominant qu'on donne l'homme vivant & mourant, & non au seigneur haut-justicier.

L'amortissement fait par le roi, n'empêche pas que les gens d'église & de main-morte ne doivent au seigneur homme vivant & mourant, avec le droit d'indemnité.

S'ils ne donnoient pas homme vivant & mourant, le seigneur pourroit saisir le fief, & feroit les fruits siens.

Les bénéficiers particuliers qui ne forment point un corps, ne sont pas obligés de donner homme vivant & mourant, parce qu'il y a mutation par leur mort.

Les communautés ecclésiastiques, & autres gens de main-morte, peuvent donner pour homme vivant & mourant, une personne de leur corps, ou telle autre personne que bon leur semble, pourvû qu'elle ait l'âge requis pour faire la foi ; ainsi à Paris, il faut que l'homme vivant & mourant soit âgé de vingt ans. Dans d'autres coutumes, où la foi se peut faire plutôt, il suffit que l'homme vivant & mourant ait l'âge requis par la coutume, pour porter la foi.

Quand l'homme vivant & mourant est décédé, il faut en donner un autre dans les quarante jours, & il est dû un droit de relief pour la mutation du vassal. Dans quelques coutumes, comme celle de Péronne, il est dû en outre un droit de chambellage.

Faute de donner dans les quarante jours un nouvel homme, le seigneur peut saisir le fief, & faire les fruits siens.

La mort civile de l'homme vivant & mourant, soit pour profession en religion, soit par quelque condamnation qui emporte peine de mort civile, n'oblige point de donner un nouvel homme vivant & mourant ; il n'en est dû qu'en cas de mort naturelle ; ce n'est aussi que dans ce cas qu'il y a ouverture au fief.

L'obligation de fournir un homme vivant & mourant est imprescriptible, par quelque tems que les gens d'église & de main-morte ayent joui de leur fief. Voyez le tit. des fiefs de Billecoq, liv. V, chap. xij, sect. 6. (A)


HOMMÉES. f. (Jurispr.) est dans quelques endroits une mesure usitée pour les terres labourables & pour les vignes, qui fait à peu-près la quantité qu'un homme peut labourer en un jour au crochet. Par exemple, à Ronay en Champagne, l'hommée de terre contient environ cinquante-trois perches, de huit pieds quatre pouces de roi chacune, ce qui revient à un demi-quartier, mesure de Paris. Voyez HOMME DE VIGNE. (A)


HOMOCENTRIQUEadj. terme d'Astronomie, il signifie la même chose que concentrique ; mais ce dernier mot est plus en usage. Voyez CONCENTRIQUE.

Ce mot est grec, composé d', semblable, & , centre. On expliquoit autrefois les mouvemens des astres dans le système de Ptolomée, par le moyen de plusieurs cercles homocentriques & excentriques : tous ces cercles sont aujourd'hui bannis de l'Astronomie. Voyez EXCENTRIQUE. (E)


HOMOCTOPTOTONS. m. (Human.) figure de rhétorique, par laquelle plusieurs noms ont le même cas ; par exemple, moerentes, flentes, gementes, & miserantes. C'est la figure de mots que les latins appellent similiter cadens. (G)


HOMODROMEadj. terme de Méchanique. Levier homodrome, est un levier dans lequel le poids & la puissance sont tous deux du même côté du point d'appui.

Ce mot vient du grec semblable, & je cours, parce que quand la puissance & le poids sont du même côté du point d'appui, ils se meuvent dans le même sens, comme on le voit Planc. méchan. fig. 2, où tandis que le poids A parcourt A a, la puissance B parcourt B b dans le même sens.

Il y a deux sortes de leviers homodromes : dans l'un, (fig. 2.) le poids est entre la puissance & l'appui ; on appelle ce levier, levier de la deuxieme espece. Dans l'autre, la puissance est entre le poids & l'appui (fig. 3.) ; on l'appelle levier de la troisieme espece.


HOMOGENEadj. (Phys.) se dit en comparant des corps différens, pour marquer qu'ils sont composés de parties similaires, ou de semblable nature. Il est opposé à hétérogene, qui indique des parties de nature différente. Voyez HETEROGENE.

Ce mot est composé du grec semblable, & de genre.

On appelle fluide homogene, celui qui est composé de parties, qui sont toutes sensiblement de la même densité, comme l'eau, le mercure, &c. L'air n'est pas un fluide homogene, parce que ses parties, ou ses différentes couches ne sont pas de la même densité. Voyez ATHMOSPHERE, AIR, NSITESITE.

Lumiere homogene, est celle dont les rayons sont tous d'une même couleur, & par conséquent d'un même dégré de réfrangibilité & réflexibilité. Voyez LUMIERE & COULEUR.

Quantités homogenes, en Algebre, sont celles qui ont le même nombre de dimensions, comme a3, b b c, b c d, &c. On dit que la loi des homogenes est conservée dans une équation algébrique, lorsque tous les termes y sont de la même dimension.

Quantités sourdes homogenes, sont celles qui ont le même signe radical, 27 & 3. Voyez SOURDES.

Homogene de comparaison, en Algebre, est la quantité, ou le terme connu d'une équation, que l'on appelle aussi nombre absolu. Ainsi, dans l'équation x 3 - 3 x + 4 = 0, 4 est l'homogene de comparaison. On ne se sert plus gueres de cette expression, & on désigne l'homogene de comparaison par le mot de dernier terme, ou terme tout connu de l'équation. Voyez ÉQUATION. (O)

HOMOGENE, adj. (Méd.) , homogeneus. Ce terme est souvent employé dans les ouvrages de Medecine, pour désigner les substances dont les parties sont égales entr'elles, par leurs qualités intrinseques ou par leurs effets.

On trouve dans les définitions de Gorré, que le nom d'homogene est quelquefois donné à une sorte de fievre continue, dont les symptomes ne changent point, sont toujours les mêmes, soit par leur caractere, soit par leur durée ; dans ce sens, homogene est synonyme d'homotone. Voyez FIEVRE HOMOTONE.


HOMOGÉNÉITÉS. f. (Gramm. & Métaphysiq.) qualité qui donne à une chose le nom d'homogene. Voyez HOMOGENE. L'homogénéité de la matiere est une question peut-être impossible à résoudre.


HOMOGRAMMES. m. (Gymn.) nom que les anciens donnoient aux deux athletes qui tiroient au sort la même lettre, & qui par cette raison devoient combattre l'un contre l'autre. Quand les athletes étoient enrégistrés, il s'agissoit de les apparier, & le sort en décidoit. Pour cet effet on jettoit dans une urne un nombre de lettres égal à celui des athletes, c'est-à-dire qu'on jettoit dans cette urne, deux a, deux b, deux c, &c. Après que les lettres avoient été bien secouées & mêlées dans l'urne, pour lors les athletes les tiroient eux-mêmes ; ceux qui se trouvoient avoir la même lettre, combattoient ensemble, & on les appelloit athletes homogrammes. (D.J.)


HOMOHYOIDIENvoyez COSTO-HYOIDIEN.


HOMOIOTELEUTONS. m. (Belles-Lettres) figure de rhétorique par laquelle les différens membres qui composent une période, se terminent de la même maniere : comme, ut vivis invidiosè, delinquis invidiosè, loqueris odiosè. Elle n'avoit lieu que dans la prose chez les anciens, & elle y formoit un agrément. Les modernes l'ont bannie de la leur, comme un défaut ; & au contraire, ils l'ont introduite dans leur poésie ; au moins quelques critiques pensent-ils trouver des traces de la rime dans l'homoïoteleuton des Grecs & des Latins, qui n'étoit autre chose qu'une consonnance de phrase.

Le mot est formé du grec , pareil, & du verbe , définio, je termine : terminaison pareille. (G)


HOMOLOGATIONS. f. (Jurisprud.) est un jugement qui confirme & ordonne l'exécution de quelque acte passé par les parties, comme un contrat d'union entre créanciers, ou de direction, un contrat d'atermoyement, une délibération faite dans une assemblée de créanciers.

On homologue aussi les sentences arbitrales ; & au parlement on homologue les avis de la communauté des Avocats & Procureurs. (A)


HOMOLOGUEadj. terme de Géométrie, qui se dit des côtés des figures semblables qui sont opposés à des angles égaux. Voyez SEMBLABLE.

Ce mot est grec, composé d', semblable, & , ratio, raison ; c'est-à-dire quantité semblable.

Les triangles équiangles ou semblables, ont leurs côtés homologues proportionnés. Tous les rectangles semblables sont entr'eux, comme les quarrés de leurs côtés homologues. Voyez RECTANGLES. (E)


HOMOLOGUERvoyez HOMOLOGATION.


HOMONYMEadj. (Gramm.) , de même nom ; racines, , semblable, & , nom. Ce terme grec d'origine, étoit rendu en latin par les mots univocus, ou aequivocus, que j'employerois volontiers à distinguer deux especes différentes d'homonymes, qu'il est à propos de ne pas confondre, si l'on veut prendre de ce terme une idée juste & précise.

J'appellerois donc homonyme univoque tout mot qui, sans aucun changement dans le matériel, est destiné par l'usage à diverses significations propres, & dont par conséquent le sens actuel dépend toûjours des circonstances où il est employé. Tel est en latin le nom de taurus, qui quelquefois signifie l'animal domestique que nous appellons taureau, & d'autres fois une grande chaîne de montagnes située en Asie. Tel est aussi en françois le mot coin, qui signifie une sorte de fruit, malum cydonium ; un angle, angulus ; un instrument à fendre le bois, cuneus ; la matrice ou l'instrument avec quoi l'on marque la monnoie ou les médailles, typus.

J'ai dit diverses significations propres, parce que l'on ne doit pas regarder un mot comme homonyme, quoiqu'il signifie une chose dans le sens propre, & une autre dans le sens figuré. Ainsi le mot voix n'est point homonyme, quoiqu'il ait diverses significations dans le sens propre & dans le sens figuré : dans le sens propre, il signifie le son qui sort de la bouche ; dans le figuré, il signifie quelquefois un sentiment intérieur, une sorte d'inspiration, comme quand on dit la voix de la conscience, & d'autres fois, un suffrage, un avis, comme quand on dit, qu'il vaudroit mieux peser les voix que de les compter.

J'appellerois homonymes équivoques, des mots qui n'ont entr'eux que des différences très-légeres, ou dans la prononciation, ou dans l'orthographe, ou même dans l'une & dans l'autre, quoiqu'ils aient des significations totalement différentes. Par exemple, les mots voler, latrocinari, & voler, volare, ne different entr'eux que par la prononciation ; la syllabe vo est longue dans le premier, & breve dans le second ; võler, vler. Les mots ceint, cinctus ; sain, sanus ; saint, sanctus ; sein, sinus ; & seing, chirographum, ne different entr'eux que par l'orthographe. Enfin les mots tâche, pensum, & tache, macula, different entr'eux, & par la prononciation & par l'orthographe.

L'idée commune à ces deux especes d'homonymes est donc la pluralité des sens avec de la ressemblance dans le matériel : leurs caracteres spécifiques se tirent de cette ressemblance même. Si elle est totale & identique, les mots homonymes sont alors indiscernables quant à leur matériel ; c'est un même & unique mot, una vox ; & c'est pour cela que je les distingue des autres par la dénomination d'univoques. Si la ressemblance n'est que partielle & approchée, il n'y a plus unité dans le matériel des homonymes, chacun a son mot propre, mais ces mots ont entre eux une relation de parité, aequae voces ; & de-là la dénomination d'équivoques, pour distinguer cette seconde espece.

Dans le premier cas, un mot est homonyme absolument, & indépendamment de toute comparaison avec d'autres mots, parce que c'est identiquement le même matériel qui désigne des sens différens : dans le second cas, les mots ne sont homonymes que relativement, parce que les sens différens sont désignés par des mots qui, malgré leur ressemblance, ont pourtant entr'eux des différences, légeres à la vérité, mais réelles.

L'usage des homonymes de la premiere espece, exige que dans la suite d'un raisonnement, on attache constamment au même mot le même sens qu'on lui a d'abord supposé, parce qu'à coup sûr, ce qui convient à l'un des sens ne convient pas à l'autre, par la raison même de leur différence, & que dans l'une des deux acceptions, on avanceroit une proposition fausse, qui deviendroit peut-être ensuite la source d'une infinité d'erreurs.

L'usage des homonymes de la seconde espece exige de l'exactitude dans la prononciation & dans l'orthographe, afin qu'on ne présente pas par mal-adresse un sens louche ou même ridicule, en faisant entendre ou voir un mot pour un autre qui en approche. C'est sur-tout dans cette distinction délicate de sons approchés, que consiste la grande difficulté de la prononciation de la langue chinoise pour les étrangers. Walton, d'après Alvarès Semedo, nous apprend que les Chinois n'ont que 326 mots, tous monosyllabes ; qu'ils ont cinq tons différens, selon lesquels un même mot signifie cinq choses différentes, ce qui multiplie les mots possibles de leur langue jusqu'à cinq fois 326, ou 1630 ; & que cependant il n'y en a d'usités que 1228.

On peut demander ici comment il est possible de concilier ce petit nombre de mots avec la quantité prodigieuse des caracteres chinois que l'on fait monter jusqu'à 80000. La réponse est facile. On sait que l'écriture chinoise est hiéroglyphique, que les caracteres y représentent les idées, & non pas les élémens de la voix, & qu'en conséquence elle est commune à plusieurs nations voisines de la Chine, quoiqu'elles parlent des langues différentes. Voyez ECRITURE CHINOISE. Or quand on dit que les Chinois n'ont que 1228 mots significatifs, on ne parle que de l'idée individuelle qui caractérise chacun d'eux, & non pas de l'idée spécifique ou de l'idée accidentelle qui peut y être ajoûtée : toutes ces idées sont attachées à l'ordre de la construction usuelle ; & le même mot matériel est nom, adjectif, verbe, &c. selon la place qu'il occupe dans l'ensemble de la phrase. (Rhétorique du P. Lamy, liv. I. ch. x.) Mais l'écriture devant offrir aux yeux toutes les idées comprises dans la signification totale d'un mot, l'idée individuelle & l'idée spécifique, l'idée fondamentale & l'idée accidentelle, l'idée principale & l'idée accessoire ; chaque mot primitif suppose nécessairement plusieurs caracteres, qui servent à en présenter l'idée individuelle sous tous les aspects exigés par les vûes de l'énonciation.

Quoi qu'il en soit, on sent à merveille que la diversité des cinq tons qui varient au même son, doit mettre dans cette langue une difficulté très-grande pour les étrangers qui ne sont point accoutumés à une modulation si délicate, & que leur oreille doit y sentir une sorte de monotonie rebutante, dont les naturels ne s'apperçoivent point, si même ils n'y trouvent pas quelque beauté. Ne trouvons-nous pas nous-mêmes de la grace à rapprocher quelquefois des homonymes équivoques, dont le choc occasionne un jeu de mots que les Rhéteurs ont mis au rang des figures, sous le nom de paronomase. Les Latins en faisoient encore plus d'usage que nous, amantes sunt amentes. Voyez PARONOMASE. " On doit éviter les jeux qui sont vuides de sens, dit M. du Marsais, (des tropes, part. III. artic. 7.) mais quand le sens subsiste indépendamment des jeux de mots, ils ne perdent rien de leur mérite ".

Il n'en est pas ainsi de ceux qui servent de fondement à ces pitoyables rébus dont on charge ordinairement les écrans, & qui ne sont qu'un abus puérile des homonymes. C'est connoître bien peu le prix du tems, que d'en perdre la moindre portion à composer ou à deviner des choses si misérables ; & j'ai peine à pardonner au P. Jouvency, d'avoir avancé dans un très-bon ouvrage (de ratione discendi & docendi), que les rébus expriment leur objet, non sine aliquo sale, & de les avoir indiqués comme pouvant servir aux exercices de la jeunesse : cette méprise, à mon gré, n'est pas assez réparée par un jugement plus sage qu'il en porte presque aussitôt en ces termes : hoc genus facilè in pueriles ineptias excidit.

Qu'il me soit permis, à l'occasion des homonymes, de mettre ici en remarque un principe qui trouvera ailleurs son application. C'est qu'il ne faut pas s'en rapporter uniquement au matériel d'un mot pour juger de quelle espece il est. On trouve en effet des homonymes qui sont tantôt d'une espece & tantôt d'une autre, selon les différentes significations dont ils se revêtent dans les diverses occurrences. Par exemple, si est conjonction quand on dit, si vous voulez ; il est adverbe quand on dit ; vous parlez si bien ; il est nom lorsqu'en termes de musique, on dit un si cadencé. En est quelquefois préposition, parler en maître ; d'autres fois il est adverbe, nous en arrivons. Tout est nom dans cette phrase, le tout est plus grand que sa partie ; il est adjectif dans celle-ci, tout homme est menteur ; il est adverbe dans cette troisieme, je suis tout surpris.

C'est donc sur-tout dans leur signification qu'il faut examiner les mots pour en bien juger ; & l'on ne doit en fixer les especes que par les différences spécifiques qui en déterminent les services réels. Si l'on doit, dans ce cas, quelque attention au matériel des mots, c'est pour en observer les différentes métamorphoses, qui ne sont toutes que la nature sous diverses formes ; car plus un objet montre de faces différentes, plus il est accessible à nos lumieres. Voyez MOT. (B. E. R. M.)


HOMOOUSIENSHOMOUSIENS, HOMOUSIONISTES, HOMOUSIASTES, s. m. pl. (Théol.) sont les noms que les Ariens donnoient autrefois aux Catholiques, parce qu'ils soutenoient que le fils de Dieu est homoousios, c'est-à-dire consubstantiel à son pere. Voyez HETEROUSIENS, TRINITE, &c.

Hemeric, roi des Vandales, qui étoit arien, a adressé un rescrit à tous les évêques homousiens. Voyez PERSONNE, &c. Dictionnaire de Trévoux. (G)


HOMOOUSIOSadj. terme de Théologie, qui est de même substance ou essence qu'un autre. Voyez SUBSTANCE, PERSONNE, HYPOSTASE.

La divinité de J. C. ayant été niée par les Ebionites & les Cérinthiens dans le premier siecle, par les Théodotiens dans le second, par les Artemoniens au commencement du troisieme, & par les Samosateniens ou Pauliens vers la fin du même siecle, on assembla un concile à Antioche en 272, où Paul de Samosate, chef de cette derniere secte, & l'évêque d'Antioche furent déposés. Ce même concile publia aussi un decret dans lequel J. C. est appellé fils de Dieu, & , c'est-à-dire consubstantiel à son pere. Voyez CONSUBSTANTIEL.

Le concile général de Nicée tenu en 325, contre Arius, adopta & consacra la même expression comme très-propre à énoncer la consubstantialité du verbe, & il n'y eut rien que les Ariens n'employassent pour faire condamner ce terme, ou du-moins le faire omettre ou rayer dans les professions de foi. Voyez ARIANISME & ARIENS. (G)


HOMOPATORIESS. f. (Hist. anc.) assemblées qui se tenoient chez les anciens ; elles étoient composées des peres dont les enfans devoient passer dans les curies. Dict. de Trévoux.


HOMOPHAGEsubst. adj. (Gramm.) qui mange de la chair crue. Ce mot est composé de , crud, & de , je mange, Presque tous les peuples sauvages sont homophages. C'est un avantage qu'ils ont sur nous, s'il est vrai, comme le prétendent les Medecins, que les viandes crues se digerent plus aisément que les viandes cuites.


HOMOPHONIES. f. (Musiq.) concert de plusieurs voix qui chantent à l'unisson ; & si plusieurs voix concertoient à l'octave ou à la double octave, cela se nommoit selon M. Burette, antiphonie. Homophonie vient de , ensemble, & , voix. Voyez SYMPHONIE. (D.J.)


HOMORIENHOMORIEN

Au reste Jupiter Homorien, ou Horien, Homorius, Horius, , étoit le même que le Jupiter Terminalis des Latins. Voyez JUPITER TERMINAL, JUPITER LAPIS. (D.J.)


HOMOTONEadj. (Med.) , homotonus, ce terme signifie la même chose qu'égal. Voyez EGAL, (Med.)


HOMUNCIONATESS. m. pl. (Théolog.) nom que les anciens donnerent dans le iv. siecle aux Orthodoxes, parce que ceux-ci admettoient deux substances & deux natures en J. C. Dict. de Trévoux.


HOMUNCIONISTES. m. (Théolog.) est le nom que l'on donne aux sectateurs de Photin, que l'on appelle aussi Photiniens. Voyez PHOTINIENS.

On appelle ainsi les Photiniens, parce qu'ils soutenoient que J. C. n'étoit qu'un pur homme. Dict. de Trévoux. (G)


HOMUNCIONITESS. m. pl. (Théolog.) les Homuncionites étoient des hérétiques dont le principal dogme étoit que l'image de Dieu avoit été imprimée sur le corps de l'homme, & non pas dans son ame, dans la création du premier homme, lorsque Dieu avoit dit, faciamus hominem ad imaginem & similitudinem nostram. Genes. c. j. v. 26. (G)


HONAN(Géog.) contrée d'Asie dans l'empire de la Chine, dont elle est la cinquieme province, au S. du fleuve jaune ; elle est très-belle & très-fertile ; les Chinois l'appellent le jardin de la Chine. On y compte huit métropoles, dont Caifung est la premiere, & Honan la seconde. Long. de Caifung à compter de Pekin, 2. 54. lat. 35. 50. Long. de Honan, 7. 5. lat. 35. 38. (D.J.)


HONDREOUSS. m. (Hist. mod.) c'est le nom que l'on donne dans l'isle de Ceylan aux nobles, qui ainsi que par-tout ailleurs, se distinguent du peuple par beaucoup de hauteur & d'arrogance. Ils ont le droit de porter une robe qui descend jusqu'à la moitié de leurs jambes, de laisser tomber leurs cheveux sur leurs épaules, de porter l'épée au côté, & une canne à la main ; enfin d'avoir la tête couverte d'un bonnet en forme de mitre. Les plus qualifiés d'entre les hondreous sont ceux dont le roi a ceint le front d'un ruban d'or & d'argent ; on le nomme mundiana. Il n'est point permis aux nobles de contracter des alliances avec des personnes d'une tribu inférieure à la leur ; & le supplice le plus affreux que le roi inflige aux filles des nobles qui lui déplaisent, est de les faire prostituer à des gens de la lie du peuple, qui sont regardés comme abominables, & que l'on exclud du droit d'habiter dans les villes.


HONDT LE(Géog.) bras de mer, qui s'est introduit dans les terres entre la Flandre & la Zélande, par l'embouchure occidentale de l'Escaut ; ce n'étoit qu'un canal dans son origine en 980, mais une terrible inondation qui survint en 1377, & qui submergea plusieurs villages dans cet endroit, en fit un bras de mer tel qu'on le voit aujourd'hui. (D.J.)


HONDURAS(Géog.) province de l'Amérique septentrionale dans la nouvelle Espagne, le long de la mer du nord, & d'un golfe du même nom que la province. Elle est dans l'audience de Guatimala ; elle a environ 150 lieues de long, sur 80 de large ; Christophe Colomb en fit la découverte dans son quatrieme voyage en 1502 ; Valladolid, autrement dite Camayagua évêché, en est la capitale. (D.J.)


HONFLEUR(Géog.) ville de France en haute Normandie dans le Lieuvin, avec un bon port, haute justice & amirauté ; cette ville s'appelle dans les anciens titres, Honnefleu & Hunneflotum ; ce nom, suivant M. de Valois, notit. Gall. p. 241. vient de ham, hameau, village, & fleot ou fleat, qu'on écrit wliet dans les Pays-Bas, & qui signifie un petit golfe de mer, un lieu situé sur un golfe. De Hamfleot, on a fait Honfleu, & à cause de la conformité avec le mot fleur qui est connu, on a ajoûté une r à Honfleu. Elle étoit déja connue dès l'an 1200 ; elle est sur la rive gauche de la Seine, à 3 lieues du Havre, à 5 lieues S. O. de Quilboeuf, 3 N. de Pont-l'Evêque, 6. N. O. de Lizieux, 16. S. O. de Rouen, 42. N. O. de Paris. Long. 17d. 43'. 17''. lat. 49d. 25'. 21''. (D.J.)


HONGNETTES. f. (Sculpture) espece de ciseau pointu & quarré, servant principalement aux Sculpteurs en marbre. Voyez les Pl. de Sculpt.


HONGRES. m. (Maréchallerie) c'est le cheval qu'on a privé des parties nécessaires à la génération, par une opération qui consiste à lui ôter les testicules, & qui s'appelle hongrer. Voyez les articles CHEVAL & CHATRER.


HONGRELINES. f. (Gram. & mod.) sorte d'ajustement des femmes, fait en chemisette à grandes basques. On prétend qu'il a été ainsi appellé, parce que l'usage en est venu de Hongrie.


HONGRI(Géog. hist.) vaste pays en Asie & en Europe.

La Hongrie asiatique, ou la grande Hongrie, étoit l'ancienne patrie des Huns ou Hongrois, qui passerent en Europe vers la décadence de l'empire : M. Delisle la met à l'orient de la Bulgarie en Asie ; & comme la Bulgarie est entre le Wolga & la montagne de Caf, qui est une branche de l'Imaüs des anciens, la grande Hongrie est entre cette montagne & l'Irtisch, c'est-à-dire entre les 85. & les 100. deg. de longitude, & entre le 50. & le 55. deg. de latitude. La Valaquie étoit au S. de la Hongrie ; ainsi ces trois nations, les Bulgares, les Hongrois & les Valaques étoient voisins en Asie, comme ils le sont en Europe.

La Hongrie en Europe est un grand pays d'Europe sur le Danube : soit que les Hongrois soient descendans des Huns, soit qu'ils n'ayent rien de commun avec eux que de leur avoir succédé, non contens des terres qu'ils possédoient à l'orient du Danube, ils le passerent & s'établirent dans les deux Pannonies.

La monarchie hongroise comprenoit au commencement du xjv. siecle la Hongrie propre, la Transylvanie, la Moldavie, la Valaquie, la Croatie, la Bosnie, la Dalmatie & la Servie ; mais les progrès qu'elle fit en accroissement dans ces tems-là, ressembloient à ceux de la mer qui quelquefois s'enfle, & sort de son lit pour y rentrer bientôt après. Les succès des armes ottomanes ont prodigieusement diminué cette monarchie, & des provinces entieres s'en sont détachées, quoique, par le traité de paix de Passarowitz, l'empereur ait recouvré quelque partie de la Valaquie, de la Bulgarie, de la Servie, de la Bosnie & de la Croatie.

Le royaume d'Hongrie en Europe est de nos jours d'environ 200 lieues de long sur 100 de large ; il est borné au N. par la Pologne, O. par l'Allemagne, E. & S. par la Turquie européenne ; il renferme la Hongrie propre, la Transylvanie & l'Esclavonie.

La Hongrie se divise en haute & basse ; la haute contient 24 comtés, la basse 14, & l'Esclavonie 7. Les principales rivieres sont le Danube, la Save, la Drave, la Teisse, le Maros, le Raab, le Vaag, le Graan & la Zarwise ; elles sont fort poissonneuses, mais leurs eaux, à l'exception de celles du Danube, ne passent pas pour être saines ; les plus hautes montagnes sont les monts Krapack, vers la Pologne & la Transylvanie.

Le pays abonde en tout ce qui est nécessaire ou agréable à la vie, les pâturages y sont excellens pour la nourriture des chevaux & des bêtes à corne ; le vin y est admirable, & le gibier très-commun ; il y a des fontaines minérales, des mines d'or, d'argent, de cuivre, de fer, de plomb & de mercure : la religion catholique y est la religion dominante ; mais les protestans en grand nombre y sont tolérés.

Il y a dans la Hongrie deux archevêchés ; Gran ou Strigonie, dont l'archevêque est primat du royaume, & Colocza. On y compte seize évêchés, dont six sont suffragans de Strigonie.

La langue hongroise est un dialecte de l'esclavonne, & par conséquent elle a quelque rapport avec les langues de Boheme, de Pologne & de Russie. La langue latine est aussi familiere aux Hongrois. Enfin la domination impériale a rendu la langue allemande nécessaire à ce peuple ; c'est même une chose remarquable, que presque toutes les villes de Hongrie ont deux noms, l'un Hongrois, l'autre Allemand ; ce que ne doivent pas ignorer les étrangers qui se mêlent de faire des cartes géographiques de ce pays-là. Long. 35-47. latit. 45-49.

Plusieurs écrivains ont publié l'histoire intéressante du gouvernement des rois & des révolutions de la Hongrie ; nous y renvoyons les lecteurs ; nous nous bornerons ici à quelques faits généraux, que nous crayonnerons d'après un grand maître.

La Hongrie se gouvernoit autrefois comme la Pologne se gouverne encore ; elle élisoit ses rois dans ses dietes ; le palatin de Hongrie avoit la même autorité que le primat polonois, & de plus il étoit juge entre le roi & la nation. Telle avoit été la puissance ou le droit du palatin de l'empire, du maire du palais de France, du justicier d'Aragon ; dans toutes les monarchies l'autorité des rois commença toûjours par être balancée.

Les nobles avoient les mêmes priviléges qu'en Pologne, j'entends d'être impunis, & de disposer de leurs serfs. La populace étoit esclave, & l'est encore ; la force de l'état étoit dans la cavalerie composée de nobles & de leurs suivans ; l'infanterie étoit un amas de paysans sans ordre, qui combattoient dans le tems qui suit les semailles jusqu'à celui de la moisson.

On sait que ce fut vers l'an 1000, que la Hongrie reçut le christianisme ; le chef des Hongrois, Etienne qui vouloit être roi, se servit de la force & de la religion. Le pape Silvestre II. ou son successeur, il n'importe guère, le gratifia du titre de roi, & même de roi apostolique. C'est pour avoir donné ce titre dans une bulle, que les papes prétendirent exiger des tributs de la Hongrie, & c'est en vertu de ce mot apostolique que les rois de Hongrie prétendirent donner tous les bénéfices du royaume. On voit qu'il y a des préjugés par lesquels les rois & les nations se gouvernent. Le chef d'une nation guerriere n'avoit osé prendre le titre de roi sans la permission du pape.

Dans le même tems, les empereurs regardoient la Hongrie comme un fief de l'empire, parce que Conrad le Salique avoit reçu un hommage & un tribut du roi Pierre, qui monta sur le trône en 1038. Les papes de leur côté soûtenoient qu'ils devoient donner cette couronne, parce qu'ils avoient les premiers appellé du nom de roi, le chef de la nation hongroise. En 1290, l'empereur Rodolphe de Habsbourg donna l'investiture de la Hongrie à son fils Albert d'Autriche, comme s'il eût donné un de ses fiefs ordinaires ; mais, en 1308, le pape Boniface VIII. donna ce royaume au prince Carobert, fils de Charles Martel, soûtenu de son parti & de son épée. La Hongrie sous lui devint plus puissante que les empereurs, qui la regardoient comme un fief ; Carobert réunit à ses états la Dalmatie, la Croatie, la Servie, la Transylvanie, la Moldavie, provinces qui furent démembrées du royaume dans la suite des tems.

Le fils de Carobert nommé Louis, accrut encore la puissance de son royaume, il s'acquit une vraie gloire, car il fut juste & fit de sages lois. Ce prince cultivoit la Géométrie & l'astronomie ; il protégeoit les autres arts : c'est à cet esprit philosophique, si rare alors, qu'il faut attribuer l'abolition que lui dut la Hongrie, des épreuves superstitieuses du fer ardent & de l'eau bouillante ; superstitions d'autant plus accréditées que les peuples étoient plus grossiers. Un roi qui connoissoit la saine raison, étoit un prodige dans ces climats : la valeur de Louis fut égale à ses autres qualités ; ses sujets le chérirent, les étrangers l'admirerent ; les Polonois, sur la fin de sa vie, l'élurent pour leur roi en 1370. Il régna heureusement 40 ans en Hongrie, & 12 ans en Pologne ; les peuples lui donnerent le nom de Grand, dont il étoit digne ; cependant il est presque ignoré en Europe, il n'avoit pas regné sur des hommes qui sussent transmettre sa gloire aux nations.

Il étoit si aimé, qu'après sa mort les Hongrois élurent en 1382 sa fille Marie, qui n'étoit pas encore nubile, & l'appellerent Marie-Roi, titre qu'ils ont renouvellé de nos jours pour la fille du dernier empereur de la maison d'Autriche. Sigismond épousa Marie, fut à-la-fois empereur, roi de Boheme & d'Hongrie ; mais en Hongrie, il fut battu par les Turcs, & mis une fois en prison par ses sujets révoltés ; en Boheme, il fut presque toujours en guerre contre les Hussites ; & dans l'empire, son autorité fut sans-cesse contre-balancée par les priviléges des princes & des villes.

En 1438, Albert d'Autriche, gendre de Sigismond, devint le premier prince de la maison d'Autriche, qui regna sur la Hongrie ; mais quoique son regne ait été fort court, il fut la source des divisions intestines, qui, jointes aux irruptions des Turcs, dépeuplérent la Hongrie & en firent une des malheureuses contrées de la terre. La guerre civile entre les peuples & les nobles qui suivit les regnes des Ladislas & des Corvins, affoiblit encore prodigieusement ce royaume, il ne se trouva plus en état de résister aux Turcs ; l'armée hongroise fut entierement détruite par celle de Soliman à la célebre journée de Mohats en 1526. Leur roi Louis II. dit le jeune, beau-frere de Charles V. y fut tué, & Soliman vainqueur, parcourut tout ce royaume desolé, dont il emmena plus de deux cent mille captifs.

" En vain, dit M. de Voltaire, la nature a placé dans ce pays des mines d'or & d'argent, & les vrais trésors, des blés & des vins ; en vain elle y forma des hommes robustes, bien faits, spirituels ! on ne voyoit presque plus qu'un vaste désert, des villes ruinées, des campagnes dont on labouroit une partie les armes à la main, des villages creusés sous terre, où les habitans s'ensevelissoient avec leurs grains & leurs bestiaux, une centaine de châteaux fortifiés, dont les possesseurs disputoient la souveraineté aux Turcs & aux Allemands ".

Les empereurs de la maison d'Autriche devinrent finalement rois de Hongrie ; mais le pays dépeuplé, pauvre, partagé entre la faction catholique & la protestante, & entre plusieurs partis, fut à-la-fois occupé par les armées turques & allemandes. C'est ce qu'on vit sous tous les empereurs de cette maison : on vit en particulier sous Léopold, élu en 1655, la haute Hongrie & la Transylvanie être le théâtre sanglant des révolutions, des guerres & des dévastations. Les Hongrois voulurent défendre leurs libertés contre cet empereur, qui ne connut que les droits de sa couronne : il s'en fallut peu que le sang des seigneurs hongrois répandu à Vienne par la main des bourreaux, ne coutât Vienne & l'Autriche à Léopold, & à sa maison ; le jeune Emerick Tekeli, ayant à vanger le sang de ses parens & de ses amis, souleva une partie de la Hongrie, & se donna à Mahomet IV. Le siege étoit déja devant Vienne en 1683, lorsque Jean Sobieski roi de Pologne, Charles V. duc de Lorraine, & les princes de l'empire eurent le bonheur de le faire lever, de repousser les Turcs & de délivrer l'empereur.

L'archiduc Joseph son fils fut couronné roi de Hongrie en 1687, héréditairement pour lui & la maison d'Autriche, qui a fini en 1740 dans la personne de Charles VI.

Ce qui restoit de ses dépouilles après sa mort, fut près d'être enlevé à son illustre fille, & partagé entre plusieurs puissances ; mais ce qui devoit l'accabler, servit à son élévation. La maison d'Autriche renaquit de ses cendres : la Hongrie, qui n'avoit été pour ses peres qu'un éternel objet de guerres civiles, de resistances & de punitions, devint pour elle un royaume uni, affectionné, peuplé de ses défenseurs. Reine de tous les coeurs, par une affabilité que ses ancêtres avoient rarement exercée, elle bannit cette étiquette qui peut rendre le trône odieux, sans le rendre plus respectable ; elle goûta le plaisir & la gloire de faire nommer empereur son époux, & de recommencer une nouvelle maison impériale. (D.J.)

HONGRIE, mal d', (Medecine) maladie ainsi nommée, parce qu'elle commença à se faire sentir dans l'armée des impériaux en Hongrie en 1566, d'où elle se répandit ensuite dans toute l'Europe. On dit que c'est une fiévre maligne, accompagnée de défaillances dans l'estomac, d'une douleur & dureté dans la région épigastrique, d'une soif ardente dès le commencement de la maladie, d'une langue séche, d'un mal de tête constant qui finit par un délire. Cette maladie est très-contagieuse. M. Pringle croit que c'est une maladie formée par la combinaison d'une fiévre bilieuse & d'une fiévre d'hôpital. Voyez Supplément du Dictionn. de Chambers, Appendix.

HONGRIE, (Art méchan.) on appelle cuirs de Hongrie, de gros cuirs dont les Hongrois ont autrefois inventé la fabrique, & qui depuis ont été parfaitement imités en France. Voyez CUIR DE HONGRIE.


HONGRIEURS. m. ouvrier qui prépare ou qui vend des cuirs préparés à la façon d'Hongrie.

Les Hongrieurs ne forment point une communauté. Ce sont des ouvriers particuliers qui travaillent aux gages & pour le compte d'une compagnie qui a entrepris sur la fin du dernier siecle la fabrique des cuirs à la façon d'Hongrie.

Cette compagnie a obtenu des lettres-patentes en 1702 & en 1705, par lesquelles il est ordonné entr'autres choses :

1°. Que les offices héréditaires des jurés Hongrieurs, créés par édit du mois de Janvier 1705, seront unis & incorporés à la compagnie des cuirs de Hongrie.

2°. Il est accordé à ladite compagnie le privilége exclusif de fabriquer, vendre & débiter les cuirs à la façon d'Hongrie.

3°. Défenses sont faites à toutes personnes, même dans les lieux privilégiés, de fabriquer, contrefaire & imiter ces cuirs.

4°. Et à tous ouvriers & marchands d'en vendre d'autres que ceux qui seront marqués à la marque des intéressés à cette compagnie.

5°. Enfin il est défendu à toutes personnes de contrefaire les marques dont lesdits intéressés se serviront, sous les peines, amende & confiscation portées par ledit édit.

On parle ailleurs de la fabrique des cuirs d'Hongrie, sous le mot CUIRS. Voyez le Dictionnaire du Commerce.


HONNÊTEadj. (Morale) on donne ce nom aux actions, aux sentimens, aux discours qui prouvent le respect de l'ordre général, & aux hommes qui ne se permettent rien de contraire aux lois de la vertu & du véritable honneur.

L'honnête homme est attaché à ses devoirs, & il fait par goût pour l'ordre & par sentiment des actions honnêtes, que les devoirs ne lui imposent pas.

L'honnête est un mérite que le peuple adore dans l'homme en place, & le principal mérite de la morale des citoyens ; il nourrit l'habitude des vertus tranquilles, des vertus sociales ; il fait les bonnes moeurs, les qualités aimables ; & s'il n'est pas le caractere des grands hommes qu'on admire, il est le caractere des hommes qu'on estime, qu'on aime, que l'on recherche, & qui, par le respect que leur conduite s'attire & l'envie qu'elle inspire de l'imiter, entretiennent dans la nation l'esprit de justice, la bienséance, la délicatesse, la décence, enfin le goût & le tact des bonnes moeurs.

Cicéron & les moralistes anciens ont prouvé la préférence qu'on devoit en tout tems donner à l'honnête sur l'utile, parce que l'honnête est toûjours utile, & que l'utile qui n'est pas honnête, n'est utile qu'un moment. Voyez INTERET, ORDRE, REMORDS.

Quelques moralistes modernes se livrant avec plus de chaleur que de précision & de sens, à l'éloge des passions extrêmes, & relevant avec emphase les grandes choses qu'elles ont fait faire, ont parlé avec peu d'estime & même avec mépris des caracteres modérés & honnêtes.

Nous savions sans-doute que sans les passions fortes & vives, sans un fanatisme, ou moral ou religieux, les hommes n'étoient capables ni de grandes actions, ni de grands talens, & qu'il ne falloit pas éteindre les passions ; mais le feu est un élément répandu dans tous les corps, qui ne doit pas être par-tout dans la même quantité, ni dans la même action ; il faut l'entretenir, mais il ne faut pas allumer des incendies.

Les moralistes les plus indépendans de l'opinion se dépouillent moins de préjugés qu'ils n'en changent ; la plûpart ne peuvent sortir de Sparte & de Rome, où la plus grande force & la plus grande activité des passions étoient nécessaires ; s'ils sortent de ces deux républiques, c'est pour se renfermer dans les limites d'un autre ordre également étranger au nôtre, à notre situation, à nos moeurs ; du fond de leur cabinet paisible, des philosophes voudroient enflammer l'univers, & inspirer un enthousiasme funeste au genre humain ; ils sont comme des dames romaines, qui de l'amphithéâtre exhortoient les gladiateurs à combattre jusqu'à l'extrémité. Les disciples de Mahomet & d'Odin, avec du fanatisme & des passions, ont sans-doute fait de grandes choses, mais l'Europe & l'Asie souffrent encore aujourd'hui de l'esprit & des préjugés qui leur furent inspirés par ces deux imposteurs. Les sociétés ne sont-elles donc établies que pour envahir ? ne faut-il jouir jamais ? Mango-Capac & Confucius ont été aussi des législateurs, & ils ont rendu les hommes plus modérés & plus humains : ils ont formé des citoyens honnêtes. L'amour de l'ordre & de la patrie ont été chez leurs disciples une mode de leur être, une habitude confondue avec la nature, & selon les circonstances, une passion active. Dans l'espace de 500 ans, il y a eu à la Chine & au Pérou plus d'hommes honnêtes & heureux, que depuis la naissance du monde il n'y en eut sur le reste de la terre.

Jettez les yeux sur cette grande république de l'Europe partagée en grands états plus rivaux qu'ennemis ; voyez. leur étendue, leurs forces, leur situation respective, leur police, leurs lois, & jugez s'il faut exalter les passions dans tous les individus, qui habitent cette belle partie de la terre ; les passions éclairent sur leur objet, aveuglent sur le reste ; elles vont à leur but, mais c'est en renversant les obstacles : quel théatre d'horreur, de crimes, de carnage seroit l'univers ; quelles secousses dans toutes les sociétés, quels chocs, quelle opposition entre les citoyens, si les passions fortes & vives devenoient communes à tous les individus !

Si ces moralistes avoient examiné l'espece de passions qu'il falloit exciter dans certains états, selon leur étendue, leur force, le tems, les circonstances, ils auroient vu que généralement les législateurs ont cette attention.

S'il y a quelques contrées où le gouvernement anéantisse le ressort des passions, les peuples de ces contrées sont de malheureuses victimes du despotisme, qui rongent le frein, en attendant qu'elles le brisent, & que des circonstances, qu'amene tôt ou tard la nature, les fassent sortir de la léthargie de l'esclavage.

Dans les monarchies & dans les républiques (s'il n'y a que ces deux gouvernemens que la nature humaine éclairée puisse supporter), on entretient les passions dont l'état a besoin : le talent, le mérite, les plus nécessaires à la patrie, ont des distinctions ; & ces distinctions donnent des avantages physiques & moraux, qui font fermenter dans les hommes les passions utiles au dégré qui convient. Là, on honore la frugalité & l'industrie ; là, on excite la cupidité ; ici l'esprit militaire, ici les arts, ici l'amour des lois. L'éloquence, la connoissance des hommes, l'art de les conduire, par-tout l'amour de la patrie sont excités ; toutes les conditions, tous les citoyens ont leur honneur, leur objet, leur récompense.

Il faut que dans toutes les sociétés, le plus grand nombre travaille à la terre, s'occupe des métiers, fasse le commerce. Le désir du bien-être, & le fonds de cupidité répandus dans tous les hommes, avec la crainte du mal, de l'ennui & de la honte, suffiront toujours pour animer le peuple, autant qu'il le faut, pour le besoin de l'état. La partie qui doit obéir, ne doit pas avoir dans le même dégré de force & d'activité, les passions de la partie qui doit commander. Elles renverseroient toute hiérarchie, toute concorde ; & si elles n'étoient pas dangereuses dans le grand nombre des citoyens, elles y seroient au moins inutiles ; elles font le génie, mais doit-il être dans tous les hommes ? Si vous métamorphosez vos taureaux en aigles, comment traceront-ils vos sillons ? Que feroit le marguillier de saint Roch de l'ame de Caton ? & nos capitaines du guet, de celle de Marius & de César ?

Il n'y a presque point de moraliste & de politique, qui ne généralise trop les idées ; ils veulent toujours voir un principe de tout. Plusieurs d'entr'eux ont encore un autre défaut, ils voudroient donner au monde la loi qu'ils reçoivent de leur caractere ; établir par-tout, & pour jamais, l'ordre qui leur convient dans le moment où ils écrivent, & je vois l'orgueil qui leur dit, tu ne sortiras pas du cercle que je t'ai tracé. Un homme, dont les passions sont actives & turbulentes, qui ne les maîtrise pas, veut rendre méprisables tous les états & tous les hommes où il y a de la modération. Il ne se souviendra jamais que l'amour de la liberté portée à l'excès dans Athènes, celui des richesses dans Carthage, celui de la guerre chez les peuples du nord, ont perdu les deux anciennes républiques, & fait des Goths des Normans, &c. les fléaux des nations.

Les passions modérées dans le grand nombre des citoyens, se prêtent aux lois, & ne troublent point la paix. Elles sont pourtant génées par l'ordre général ; l'instinct de la nature est souvent contrarié par les conventions, & l'intérêt personnel presse & repousse l'interêt personnel. Les ames honnêtes, & qui respectent l'ordre & la vertu, ont donc à vaincre à tout moment, leurs penchans, leurs goûts, leurs intérêts. Un honnête homme a souvent à se dire, je renonce à un plaisir extrême, mais qui feroit une peine sensible à mon ami. La calomnie me poursuit, & je ne me justifierai pas en révélant des secrets qui assurent la tranquillité d'une famille, mais je me justifierai par la conduite de toute ma vie. Cet homme a voulu me nuire, je lui ferai du bien, & on ne le saura pas. Je sais m'arracher à des plaisirs innocens, quand ils peuvent être soupçonnés de ne l'être pas. Ma conduite mal interpretée feroit peut-être perdre à quelques hommes le respect qu'ils ont pour la vertu. J'aime ma famille & mes amis, je leur sacrifierai souvent mes goûts, & jamais la justice. Voilà les sentimens, les discours, les procédés de l'ame honnête & ils suffisent, à ce qu'il me semble, pour qu'on ne soit jamais tenté de l'avilir.

On fait deux profanations du mot d'honnête. On dit d'une femme qui n'a point d'amans, & qui peut-être ne pourroit en avoir, qu'elle est honnête femme, quoiqu'elle se permette mille petits crimes obscurs qui empoisonnent le bonheur de ceux qui l'entourent.

On donne le nom d'honnête aux manieres, aux attentions d'un homme poli ; l'estime que méritent ces petites vertus est si peu de chose, en comparaison de celles que mérite un honnête homme, qu'il semble que cet abus d'un mot qui exprime une si respectable idée, prouve les progrès de la corruption.

Heureux qui sait distinguer le véritable honnête de cet honnête factice & frivole ; heureux qui porte au fond de son coeur l'amour de l'honnête, & qui dans les transports de cette aimable & douce passion, s'écrie quelquefois avec le Guarini : O santissima honesta, tu sola sei d'un'anima ben nata l'inviolabil nume. Heureux le philosophe, l'homme de lettres, l'homme qui se rappelle avec plaisir ces paroles de l'honnête & sage Fontenelle. Je suis né françois, j'ai vêcu cent ans, & je mourrai avec la consolation de n'avoir jamais donné le plus petit ridicule à la plus petite vertu !


HONNÊTETÉS. f. (Morale) pureté de moeurs, de maintien, & de paroles. Ciceron la définissoit une sage conduite, où les actions, les manieres & les discours, répondent à ce que l'on est & à ce qu'on doit être. Il ne la mettoit pas au rang des modes, mais des vertus & des devoirs, parce que c'en est un, de fournir des exemples de la pratique de tout ce qui est bien. De simples omissions aux usages reçus des bienséances, attachées seulement au tems, aux lieux, & aux personnes, ne sont que l'écorce de l'honnêteté. Je conviens qu'elle demande la régularité des actions extérieures, mais elle est sur-tout fondée sur les sentimens intérieurs de l'ame. Si le jet des draperies dans la peinture, produit un des grands ornemens du tableau, on sait que leur principal mérite est de laisser entrevoir le nud, sans déguiser les jointures & les emmanchemens. Les draperies doivent toujours être conformes au caractère du sujet qu'elles veulent imiter. Ainsi l'honnêteté consiste 1°. à ne rien faire qui ne porte avec soi un caractere de bonté, de droiture & de sincérité ; c'est là le point principal : 2°. à ne faire même ce que la loi naturelle permet ou ordonne, que de la maniere & avec les reserves prescrites par la décence. Pour ce qui concerne l'honnêteté considérée dans le droit naturel, voyez HONNETE. (D.J.)


HONNEURS. m. (Morale.) Il est l'estime de nous mêmes, & le sentiment du droit que nous avons à l'estime des autres, parce que nous ne nous sommes point écartés des principes de la vertu, & que nous nous sentons la force de les suivre. Voilà l'honneur de l'homme qui pense, & c'est pour le conserver qu'il remplit avec soin les devoirs de l'homme & du citoyen.

Le sentiment de l'estime de soi-même est le plus délicieux de tous ; mais l'homme le plus vertueux est souvent accablé du poids de ses imperfections, & cherche dans les regards, dans le maintien des hommes, l'expression d'une estime, qui le reconcilie avec lui-même.

De là deux sortes d'honneur ; celui qui est en nous fondé sur ce que nous sommes ; celui qui est dans les autres, fondé sur ce qu'ils pensent de nous.

Dans l'homme du peuple, & par peuple j'entends tous les états, je n'en sépare que l'homme qui examine l'étendue de ses devoirs pour les remplir, & leur nature pour ne s'imposer que des devoirs véritables. Dans l'homme du peuple, l'honneur est l'estime qu'il a pour lui-même, & son droit à celle du public, en conséquence de son exactitude à observer certaines loix établies par les préjugés & par la coutume.

De ces lois, les unes sont conformes à la raison & à la nature ; d'autres leur sont opposées, & les plus justes ne sont souvent respectées que comme établies.

Chez les peuples les plus éclairés, la masse des lumieres n'est jamais répandue, le peuple n'a que des opinions recûes & conservées sans examen, étrangeres à sa raison ; elles chargent sa mémoire, dirigent ses moeurs, gênent, repriment, secondent, corrompent & perfectionnent l'instinct de la nature.

L'honneur, chez les nations les plus polies, peut donc être attaché, tantôt à des qualités & à des actions estimables, souvent à des usages funestes, quelquefois à des coutumes extravagantes, quelquefois à des vices.

On honore encore aujourd'hui dans certains pays de l'Europe, la plus lâche & la plus odieuse des vengeances, & presque par-tout, malgré la religion, la raison & la vertu, on honore la vengeance.

Chez une nation polie, pleine d'esprit & de force, la paresse & la gravité sont en honneur.

Dans la plus grande partie de l'Europe, une mauvaise application de la honte attachée à ce qu'on appelle se démentir, force quiconque a été injuste un moment, à être injuste toute sa vie.

S'il y a des gouvernemens où le caprice décide indépendamment de la loi, où la volonté arbitraire du prince, ou des ministres, distribue, sans consulter l'ordre & la justice, les châtimens & les récompenses, l'ame du peuple engourdie par la crainte, abattue par l'autorité, reste sans élévation ; l'homme dans cet état n'estime, ni lui, ni son semblable ; il craint plus le supplice que la honte, car quelle honte ont à craindre des esclaves, qui consentent à l'être ? Mais ces gouvernemens durs, injustes, cruels, injurieux à l'humanité, ou n'existent pas, ou n'existent que comme des abus passagers, & ce n'est jamais dans cet état d'humiliation qu'il faut considérer les hommes.

Un génie du premier ordre a prétendu que l'honneur étoit le ressort des monarchies, & la vertu celui des républiques. Est-il permis de voir quelques erreurs dans les ouvrages de ce grand homme, qui avoit de l'honneur & de la vertu !

Il ne définit point l'honneur, & on ne peut en le lisant, attacher à ce mot une idée précise.

Il définit la vertu, l'amour des lois & de la patrie.

Tous les hommes, du plus au moins, aiment leur patrie, c'est-à-dire, qu'ils l'aiment dans leur famille, dans leurs possessions, dans leurs concitoyens, dont ils attendent & reçoivent des secours & des consolations. Quand les hommes sont contens du gouvernement sous lequel ils vivent, quel que soit son genre, ils aiment les lois, ils aiment les princes, les magistrats qui les protegent & les défendent. La maniere dont les lois sont établies, exécutées, ou vengées, la forme du gouvernement, sont ce qu'on appelle l'ordre politique. Je crois que le président de Montesquieu se seroit exprimé avec plus de précision ; s'il avoit défini la vertu, l'amour de l'ordre politique & de la patrie.

L'amour de l'ordre est dans tous les hommes.

Ils aiment l'ordre dans les ouvrages de la nature, ils aiment les proportions & la symmétrie dans cet arbre, dont les feuilles se répandent en cercle sur la tige, dans les différens émaux distribués symmétriquement sur l'insecte, la fleur & le coquillage, dans l'assemblage des différentes parties qui composent la figure des animaux. Ils aiment l'ordre dans les ouvrages de l'art : les proportions & la symmétrie dans un poëme, dans une piece de musique, dans un bâtiment, dans un jardin, donnent à l'esprit la facilité de rassembler dans un moment & sans peine, une multitude d'objets, de voir d'un coup d'oeil un tout, de passer alternativement d'une partie à l'autre sans s'égarer, de revenir sur ses pas quand il le veut, de porter son attention où il lui plaît, & d'être sûr que l'objet qui l'occupe, ne lui fera pas perdre l'objet qui vient de l'occuper.

L'ordre politique, outre le plaisir secret de rassembler & de conserver dans l'esprit beaucoup de connoissances & d'idées, nous donne encore le plaisir de les admirer ; il nous étonne, & nous donne une grande idée de notre nature. Nous le trouvons difficile, utile & beau ; nous voyons avec surprise naître d'un petit nombre de causes, une multitude d'effets. Nous admirons l'harmonie des différentes parties du gouvernement, & dans une monarchie, comme dans une république, nous pouvons aimer jusqu'au fanatisme cet ordre utile, simple, grand, qui fixe nos idées, eleve notre ame, nous éclaire, nous protege, & décide de notre destinée. L'agriculteur françois ou romain, le patricien ou le gentilhomme, contens de leur gouvernement, aiment l'ordre & la patrie. Dans la monarchie des Perses, on n'approchoit point des autels des dieux, sans les invoquer pour la patrie ; il n'étoit pas permis au citoyen de ne prier que pour lui seul. La monarchie des Incas n'étoit qu'une famille immense, dont le monarque étoit le pere. Les jours où le citoyen cultivoit son champ, étoient des jours de travail ; les jours où il cultivoit le champ de l'état & du pauvre, étoient des jours de fêtes. Mais dans la monarchie, comme dans la république, cet amour de la patrie, cette vertu, n'est le ressort principal, que dans quelques situations, dans quelques circonstances : l'honneur est par-tout un mobile plus constamment actif. Les couronnes civiques & murales, les noms des pays de conquêtes donnés aux vainqueurs, les triomphes excitoient aux grandes actions les ames romaines, plus que l'amour de la patrie. Qu'on ne me dise point que je confonds ici l'honneur & la gloire, je sais les distinguer, mais je crois que par-tout où on aime la gloire, il y a de l'honneur. Il soutient avec la vertu les faisceaux du consul & le sceptre des rois ; l'honneur ou la vertu dans la république, dans la monarchie, sont le principal ressort, selon la nature des lois, la puissance, l'étendue, les dangers, la prospérité de l'état.

Dans les grands empires, on est plus conduit par l'honneur, par le desir & l'espérance de l'estime. Dans les petits états il y a plus, l'amour de l'ordre politique & de la patrie ; il regne dans ces derniers un ordre plus parfait. Dans les petits états, on aime la patrie, parce que les liens qui attachent à elle, ne sont presque que ceux de la nature ; les citoyens sont unis entr'eux par le sang, & par de bons offices mutuels ; l'état n'est qu'une famille, à laquelle se rapportent tous les sentimens du coeur, toujours plus forts, à proportion qu'ils s'étendent moins. Les grandes fortunes y sont impossibles, & la cupidité moins irritée ne peut s'y couvrir de ténebres ; les moeurs y sont pures, & les vertus sociales y sont des vertus politiques.

Remarquez que Rome naissante & les petites républiques de la Grece, où a regné l'enthousiasme de la patrie, étoient souvent en danger ; la moindre guerre menaçoit leur constitution & leur liberté. Les citoyens, dans de grands périls, faisoient naturellement de grands efforts ; ils avoient à espérer du succès de la guerre la conservation de tout ce qu'ils avoient de plus cher. Rome a moins montré l'amour extrême de la patrie, dans la guerre contre Pyrrhus, que dans la guerre contre Porsenna, & moins dans la guerre contre Mithridate, que dans la guerre contre Pyrrhus.

Dans un grand état, soit république, soit monarchie, les guerres sont rarement dangereuses pour la constitution de l'état, & pour les fortunes des citoyens. Le peuple n'a souvent à craindre que la perte de quelques places frontieres ; le citoyen n'a rien à espérer du succès de la nation ; il est rarement dans des circonstances où il puisse sentir & manifester l'enthousiasme de la patrie. Il faut que ces grands états soient menacés d'un malheur qui entraîneroit celui de chaque citoyen, alors le patriotisme se reveille. Quand le roi Guillaume eut repris Namur, on établit en France la capitation, & les citoyens charmés de voir une nouvelle ressource pour l'état, reçurent l'édit de cet impôt avec des cris de joie. Annibal, aux portes de Rome, n'y causa ni plus de douleurs, ni plus d'allarmes, que de nos jours en ressentit la France pendant la maladie de son roi. Si la perte de la fameuse bataille d'Hochstet a fait faire des chansons aux François mécontens du ministre ; le peuple de Rome, après la défaite des armées romaines, a joui plus d'une fois de l'humiliation de ses magistrats.

Mais pourquoi cet honneur mobile presque toujours principal dans tous les gouvernemens, est-il quelquefois si bizarre ? pourquoi le place-t-on dans des usages ou puériles, ou funestes ? pourquoi impose-t-il quelquefois des devoirs que condamnent la nature, la raison épurée & la vertu ? & pourquoi dans certains tems est-il particulierement attribué à certaines qualités, certaines actions, & dans d'autres tems, à des actions & à des qualités d'un genre opposé ?

Il faut se rappeller le grand principe de l'utilité de David Hume : c'est l'utilité qui décide toujours de notre estime. L'homme qui peut nous être utile est l'homme que nous honorons ; & chez tous les peuples, l'homme sans honneur est celui qui par son caractere est censé ne pouvoir servir la société.

Mais certaines qualités, certains talens, sont en divers tems plus ou moins utiles ; honorés d'abord, ils le sont moins dans la suite. Pour trouver les causes de cette différence, il faut prendre la société dans sa naissance, voir l'honneur à son origine, suivre la société dans ses progrès, & l'honneur dans ses changemens.

L'homme dans les forêts où la nature l'a placé, est né pour combattre l'homme & la nature. Trop foible contre ses semblables, & contre les tigres, il s'associe aux premiers pour combattre les autres. D'abord la force du corps est le principal mérite ; la débilité est d'autant plus méprisée, qu'avant l'invention de ces armes, avec lesquels un homme foible peut combattre sans desavantage, la force du corps étoit le fondement de la valeur. La violence fût-elle injuste, n'ôte point l'honneur. La plus douce des occupations est le combat ; il n'y a de vertus que le courage, & de belles actions que les victoires. L'amour de la vérité, la franchise, la bonne-foi, qualités qui supposent le courage, sont après lui les plus honorées ; & après la foiblesse, rien n'avilit plus que le mensonge. Si la communauté des femmes n'est pas établie, la fidélité conjugale sera leur honneur, parce qu'elles doivent, sans secours, préparer le repas des guerriers, garder & défendre la maison, élever les enfans ; parce que les états étant encore égaux, la convenance des personnes décide des mariages ; que le choix & les engagemens sont libres, & ne laissent pas d'excuse à qui peut les rompre. Ce peuple grossier est nécessairement superstitieux, & la superstition déterminera l'espece de son honneur, dans la persuasion que les dieux donnent la victoire à la bonne cause. Les différens se decideront par le combat, & le citoyen par honneur, versera le sang du citoyen. On croit qu'il y a des fées qui ont un commerce avec les dieux, & le respect qu'on a pour elles, s'étend à tout leur sexe. On ne croit point qu'une femme puisse manquer de fidélité à un homme estimable, & l'honneur de l'époux dépend de la chasteté de son épouse.

Cependant les hommes dans cet état, éprouvent sans-cesse de nouveaux besoins. Quelques-uns d'entr'eux inventent des arts, des machines. La société entiere en jouit, l'inventeur est honoré, & l'esprit commence à être un mérite respecté. A mesure que la société s'étend & se polit, il naît une multitude de rapports d'un seul à plusieurs ; les rivalités sont plus fréquentes, les passions s'entreheurtent ; il faut des lois sans nombre ; elles sont séveres, elles sont puissantes, & les hommes forcés à se combattre toujours, le sont à changer d'armes. L'artifice & la dissimulation sont en usage ; on a moins d'horreur de la fausseté, & la prudence est honorée. Mille qualités de l'ame se découvrent, elles prennent des noms, elles ont un usage : elles placent les hommes dans des classes plus distinguées les unes des autres, que les nations ne l'étoient des nations. Ces classes de citoyens ont de l'honneur des idées différentes.

La supériorité des lumieres obtient la principale estime ; la force de l'ame est plus respectée que celle du corps. Le législateur attentif excite les talens les plus nécessaires ; c'est alors qu'il distribue ce qu'on appelle les honneurs. Ils sont la marque distinctive par laquelle il annonce à la nation qu'un tel citoyen est un homme de mérite & d'honneur. Il y a des honneurs pour toutes les classes. Le cordon de S. Michel est donné au négociant habile & à l'artisan industrieux ; pourquoi n'en décoreroit-on pas le fermier intelligent, laborieux, économe, qui fructifie la terre ?

Dans cette société, ainsi perfectionnée, plusieurs hommes, après avoir satisfait aux fonctions de leur état, jouissent d'un repos qui seroit empoisonné par l'ennui sans le secours des arts agréables ; ces arts, dans cette société non-corrompue, entretiennent l'amour de la vertu, la sensibilité de l'ame, le goût de l'ordre & du beau, dissipent l'ennui, fécondent l'esprit ; & leurs productions devenues un des besoins principaux des premieres classes des citoyens, sont honorées de ceux même qui ne peuvent en jouir.

Dans cette société étendue, des moeurs pures paroissent moins utiles à la masse de l'état que l'activité & les grands talens ; ils conduisent aux honneurs, ils ont l'estime générale, & souvent on s'informe à peine si ceux qui les possedent ont de la vertu : bien-tôt on ne rougit plus que d'être sot ou pauvre.

La société se corrompt de jour en jour : on y a d'abord excité l'industrie, & même la cupidité, parce que l'état avoit besoin des citoyens opulens ; mais l'opulence conduit aux emplois, & la vénalité s'introduit alors. Les richesses sont trop honorées, les emplois, les richesses sont héréditaires, & l'on honore la naissance.

Si le bonheur de plaire aux princes, aux ministres, conduit aux emplois, aux honneurs, aux richesses ; on honore l'art de plaire.

Bien-tôt il s'éleve des fortunes immenses & rapides ; il y a des honneurs sans travail, des dignités, des emplois sans fonctions. Les arts de luxe se multiplient, la fantaisie attache un prix à ce qui n'en a pas ; le goût du beau s'use dans des hommes desoeuvrés qui ne veulent que jouir ; il faut du singulier, les arts se dégradent, le frivole se répand, l'agréable est honoré plus que le beau, l'utile & l'honnête.

Alors les honneurs, la gloire même, sont séparés du véritable honneur, il ne subsiste plus que dans un petit nombre d'hommes, qui ont eu la force de s'éclairer & le courage d'être pauvres : l'honneur de préjugé est éteint ; & cet honneur qui soûtenoit la vigueur de la nation, ne regne pas plus dans les secondes & dernieres classes que le véritable honneur dans la premiere.

Mais dans une monarchie, celui de tous les gouvernemens qui réforme le plus aisément ses abus & ses moeurs sans changer de nature, le législateur voit le mal, tient le remede, & en fait usage.

Que dans tous les genres il décore de préférence les talens unis à la vertu, & que sans elle le génie même ne puisse être ni avancé ni honoré, quelque utile qu'il puisse être ; car rien n'est aussi utile à un état que le véritable honneur.

Que le vice seul soit flétri, qu'aucune classe de citoyens ne soit avilie, afin que dans chaque classe tout homme puisse bien penser de lui-même, faire le bien, & être content.

Que le prince attache l'idée de l'honneur & de la vertu à l'amour & à l'observation de toutes les lois ; que le guerrier qui manque à la discipline soit deshonoré comme celui qui fuit devant l'ennemi.

Qu'il apprenne à ne pas changer & à ne pas multiplier ses lois ; il faut qu'elles soient respectées, mais il ne faut pas qu'elles épouvantent. Qu'il soit aimé ; dans un pays où l'honneur doit regner, il faut aimer le législateur, il ne faut pas le craindre.

Il faut que l'honneur donne à tout citoyen l'horreur du mal, l'amour de son devoir ; qu'il ne soit jamais un esclave attaché à son état, mais qu'il soit condamné à la honte, s'il ne peut faire aucun bien.

Que le prince soit persuadé que les vertus qui fondent les sociétés, petites & pauvres, soûtiennent les sociétés étendues & puissantes ; & les Mandevill & leurs infâmes échos ne persuaderont jamais aux hommes que le courage, la fidélité à ses engagemens, le respect pour la vérité & pour la justice ne sont point nécessaires dans les grands états.

Qu'il soit persuadé que ces vertus & toutes les autres accompagneront les talens, quand la célébrité & la gloire du génie ne sauveront pas de la honte des mauvaises moeurs : l'honneur est actif, mais le jour où l'intrigue & le crédit obtiennent les honneurs est le moment où il se repose.

Les peuples ne se corrompent guere sans s'être éclairés ; mais alors il est aisé de les ramener à l'ordre & à l'honneur : rien de si difficile à gouverner mal, rien de si facile à gouverner bien, qu'un peuple qui pense.

Il y a moins dans ce peuple les préjugés & l'enthousiasme de chaque état, mais il peut conserver le sentiment vif de l'honneur.

Que l'industrie soit excitée par l'amour des richesses & quelques honneurs ; mais que les vertus, les talens politiques militaires ne soient excités que par les honneurs ou par la gloire.

Un prince qui renverse les abus dans une partie de l'administration, les ébranle dans toutes les autres : il n'y a guere d'abus qui ne soient l'effet des vices, & n'en produisent.

Enfin, lorsque le gouvernement aura ranimé l'honneur, il le dirigera, il l'épurera ; il lui ôtera ce qu'il tenoit des tems de barbarie, il lui rendra ce que lui avoit ôté le regne du luxe & de la mollesse ; l'honneur sera bien-tôt dans chaque citoyen, la conscience de son amour pour ses devoirs, pour les principes de la vertu, & le témoignage qu'il se rend à lui-même, & qu'il attend des autres, qu'il remplit ses devoirs, & qu'il suit les principes.

HONNEUR, (Mytholog.) divinité des anciens Romains. Ils étoient bien dignes d'encenser ses autels, & d'entrer dans son sanctuaire ; il leur appartenoit de multiplier ses temples & ses statues. Quintus Maximus ayant montré l'exemple à ses concitoyens, Marcus Claudius Marcellus crut pouvoir encore renchérir ; celui qu'on avoit nommé l'épée de Rome, qui, fut cinq fois consul, qui, rempli d'estime pour Archimede, pleura sa mort, & ne s'occupa que du desir de conserver ses jours en assiégeant Syracuse ; un tel homme, dis je, pouvoit hardiment bâtir un même temple à l'Honneur & à la Vertu. Ayant cependant consulté les pontifes sur ce noble dessein, ils lui répondirent qu'un seul temple seroit trop petit pour deux si grandes divinités ; Marcellus goûta leurs raisons. Il fit donc construire deux temples à la fois, mais voisins l'un de l'autre, & bâtis de maniere qu'il falloit passer par celui de la Vertu, pour arriver à celui de l'Honneur ; c'étoit une belle idée, pour apprendre qu'on ne pouvoit acquérir le véritable honneur que par la pratique de la vertu. On sacrifioit à l'Honneur la tête découverte, pour marquer le respect infini qu'on devoit porter à cette divinité.

Elle est représentée sur plusieurs médailles sous la figure d'un homme, qui tient la pique de la main droite, & la corne d'abondance de l'autre. Mais j'aime mieux celles où, au lieu de pique, l'on voit une branche d'olivier, symbole de la paix. C'est ainsi qu'elle est sur des médailles de Titus ; ce prince qui, comptant ses jours par ses bienfaits, mettoit son honneur & sa gloire à procurer la paix & l'abondance. (D.J.)

Honneur se prend encore en divers sens ; ainsi l'on dit, rendre honneur à quelqu'un : alors c'est une marque extérieure par laquelle on montre la vénération, le respect qu'on a pour la personne ou pour la dignité.

On dit le point d'honneur. Voyez POINT D'HONNEUR.

Les conseillers d'honneur sont ceux qui par un titre particulier, ou par une prérogative attachée à leurs places, ont droit d'entrer dans les compagnies pour y juger, ou y avoir séance. Il y a des ecclésiastiques, des gens d'épée, qui entrent au conseil d'état comme conseillers d'honneur.

On appelle chevaliers d'honneur, les écuyers & ceux qui donnent la main aux reines & aux princesses.

Dames d'honneur, filles d'honneur, celles qui ont cette qualité dans leur maison, dans leur suite. Enfans d'honneur, les gentilshommes qui sont élévés pages chez les grands.

Les honneurs du louvre sont certains privileges affectés à quelques dignités, aux charges, particulierement à celles de duc & pair, de chancelier, &c. comme d'entrer au louvre en carrosse, d'avoir le tabouret chez la reine, &c.

Les honneurs de la maison, d'un repas, sont certaines cérémonies qu'on observe en recevant des visites, en faisant des fêtes, & qu'on rend par soi-même, ou par quelque personne à qui on en commet le soin, comme d'aller recevoir les personnes, ou les reconduire avec soin, de les bien placer, de leur servir les meilleurs morceaux, &c. & de faire toutes ces choses d'une maniere agréable & polie.

Les honneurs de ville sont des charges & fonctions que les bourgeois briguent pour parvenir à l'échevinage. Il a été commissaire des pauvres, marguillier de sa paroisse, juge-consul, quartenier, conseiller de ville, & enfin échevin : il a passé par tous les honneurs de la ville.

Les honneurs de l'église sont les droits qui appartiennent aux patrons de l'église & aux seigneurs hauts-justiciers, comme la recommandation au prône, l'encens, l'eau-benite, la premiere part du pain-beni, &c.

Les honneurs est un nom qu'on donne aux principales pieces qui servent aux grandes cérémonies, aux sacres des rois & des prélats, aux baptêmes, &c. comme le crémeau, les cierges, le pain, le vin, &c. C'étoient tels seigneurs, telles dames, qui portoient les honneurs en une telle cérémonie.

Dans les obseques, on présentoit autrefois les honneurs, c'est-à-dire, l'écu, le timbre, l'épée, les gantelets, les éperons dorés, le pennon, la banniere, le cheval, &c.

Les honneurs funebres sont les pompes & cérémonies qui se font aux enterremens des grands, comme tentures, herses, oraisons funebres, &c.

Les honneurs au jeu des cartes, ce sont les peintures ; le roi, la dame, le valet, les matadors à l'hombre.

On appelle point d'honneur, en termes de Blason, une place dans l'écu qui est au milieu de l'espace enfermé entre le chef & la fasce, ou le lieu où on les place ordinairement. On appelle aussi quartier d'honneur, le premier quartier ou canton du chef. Voyez POINT & ECU.

HONNEUR, terme de commerce de lettre de change. Faire honneur à une lettre de change, c'est l'accepter, & la payer en considération du tireur, quoiqu'il n'ait pas encore remis les fonds. Vous pouvez toûjours tirer sur moi, je ferai honneur à vos lettres.

Faire honneur à une lettre de change, s'entend encore d'une autre maniere ; c'est quand une lettre de change ayant été protestée, un autre que celui sur qui elle a été tirée, veut bien l'accepter, & la payer pour le compte du tireur ou de quelque endosseur. Voyez ENDOSSEUR, LETTRE DE CHANGE, PROTEST & TIREUR. Diction. de commerce. (G)


HONNITS ANCAZONS. m. (Hist. nat. Botan.) arbrisseau de l'île de Madagascar, qui produit une fleur blanche, qui, avec sa queuë qui est blanche aussi, a plus de six pouces de longueur. Cette fleur a l'odeur de jasmin.


HONOLSTEIN(Géog.) petite ville & bailliage d'Allemagne, dans l'électorat de Trèves. Long. 24. 40. latit. 49. 48. (D.J.)


HONORABLEadj. m. & f. (Gram.) qui honore ou qui fait honorer. Ainsi l'on dit ce titre est honorable. Il a reçû une blessure honorable. Un homme honorable est celui qui sait faire les honneurs de sa maison à ceux qui s'y présentent, ou qu'il y invite. Notre mot honorable rendant fort bien l'ingenuus des Latins ; ainsi honorable homme & homme né de parens honnêtes étoient synonymes. On appelloit honorables personnes celles qui avoient passé par les magistratures. C'étoit un titre des gens de lettres, des gens de robe, des commissaires du châtelet, &c. Dans ce dernier sens, on l'avoit rendu par honoratus, épithete qui désignoit dans quelques colonies romaines les exduumvirs. Il y a dans le Blason des pieces de l'écu qu'on appelle honorables ; ce sont les pieces principales & ordinaires qui, en leur juste étendue, peuvent occuper le tiers du champ. Quelques-uns ne comptent parmi ces pieces que la croix, le chef, le pal, la bande, la fasce, le sautoir, le giron & l'écusson ; d'autres y ajoûtent la barre, la bordure & le trescheur. On appelle un monument, une colonne honorable, celle qu'on a élevée en l'honneur de quelqu'un.

HONORABLE, (Jurisprud.) amende honorable. Voyez AMENDE.


HONORAIREAPPOINTEMENS, GAGES, (Gramm. synonym.) termes relatifs à une rétribution accordée pour des services rendus. C'est la maniere dont la rétribution est accordée ; c'est la nature des services rendus qui fait varier leurs acceptions. D'abord appointemens & gages ne se disent qu'au pluriel, & honoraire se dit au pluriel & au singulier. Gages n'est d'usage qu'à l'égard des domestiques, ou de ceux qui se louent pour des occupations serviles. Appointemens est relatif à tout ce qui est en place, depuis la commission la plus petite jusqu'aux plus grands emplois. Honoraire a lieu pour les hommes qui enseignent quelques sciences, ou pour ceux à qui on a recours dans l'espérance d'en recevoir un conseil salutaire, ou quelque autre avantage qu'on obtient ou de leur fonction, ou de leurs lumieres. Les gages varient d'un homme à un autre. Les appointemens attachés au poste sont fixes, & communément les mêmes. Les honoraires se reglent entre le maître & le disciple. La visite & l'ordonnance du medecin, le conseil & la consultation de l'avocat, la messe & les prieres des prêtres, sont autrement payés par les hommes opulens que par ceux d'une fortune médiocre. Gage marque toûjours quelque chose de bas. Appointement n'a point cette idée. Honoraire réveille l'idée contraire. On prend pour un homme à gage, & l'on offense celui dont on marchande le service ou le talent, & à qui l'on doit un honoraire. La paye est du soldat ; le salaire de l'ouvrier.

HONORAIRE, adj. de tout genre, qui s'emploie aussi substantivement. (Littérature) Il y a dans les académies qui se sont formées depuis l'établissement de l'académie françoise, une classe d'académiciens honoraires. Elle est la premiere pour le rang, sans être obligée de concourir au travail. Cependant il y en a toûjours plusieurs qui seroient dignes d'être académiciens ordinaires, si par un usage que l'habitude seule empêche de trouver ridicule, leur naissance, leurs charges, ou leurs dignités, ne les en excluoient pas. C'est pourquoi l'on voit des savans qui, étant égaux en mérite aux académiciens ordinaires, & supérieurs par le rang & la naissance à quelques-uns des honoraires, ont la délicatesse de vouloir être distingués de ceux-ci, & la modestie de ne se pas compter parmi les autres ; ils recherchent les places d'académiciens libres. Il y a apparence que cette classe absorbera insensiblement celle des honoraires. Fontenelle, qui entendoit mieux que personne les véritables intérêts de sa gloire, répondit au duc d'Orléans régent, qui lui offroit de le faire président perpétuel de l'academie des Sciences : eh, monseigneur, pourquoi voulez-vous m'empêcher de vivre avec mes pareils ?

Il n'y a point d'honoraires dans l'académie françoise ; il paroit même qu'elle ne reconnoît pas pour être de la langue l'acception dont il s'agit ici, car on ne la trouve pas dans son dictionnaire. Quelques membres de cette compagnie firent autrefois une tentative pour y introduire une classe d'honoraires. Il falloit qu'ils ne fussent pas trop faits pour ce titre, puisqu'ils en avoient tant de besoin, & ils ne méritoient pas davantage celui d'académicien, puisqu'il ne leur suffisoit pas. Le marquis & l'abbé de Dangeau qui, à tous égards, ne pouvoient pas éviter d'être honoraires, si l'on en faisoit, eurent assez d'amour propre pour s'y opposer. Ils s'adresserent directement au Roi, qui approuva leurs raisons, & rejetta ce projet. Si l'on continue l'histoire de l'académie, ce fait n'y sera vraisemblablement pas oublié. La personne qui par sa naissance & par ses sentimens s'intéressoit le plus à la mémoire de MM. de Dangeau, m'a demandé de faire mention de leur procédé pour l'académie, si j'en avois occasion ; je m'acquite ici de la parole que j'ai donnée. Charlemagne, ayant formé dans son palais une société littéraire, dont il étoit membre, voulut que dans les assemblées chacun prît un nom académique, & lui-même en adopta un, pour faire disparoître tous les titres étrangers. Charles IX. qui forma aussi une académie, dit dans les lettres patentes, à ce que ladite académie soit suivie & honorée des plus grands, nous avons libéralement accepté & acceptons le surnom de protecteur & premier auditeur d'icelle. Cet article est de M. DUCLOS, secrétaire de l'academie françoise.

HONORAIRE, (Jurisprud.) en matiere de dignités & de fonctions, a deux significations différentes.

Il y a des honoraires ou ad honores, c'est-à-dire, qui ne remplissent pas toutes les fonctions, comme des conseillers honoraires, des tuteurs honoraires. Voyez CONSEILLERS & TUTEURS.

Il y a aussi des honoraires, c'est-à-dire, des officiers qui ont obtenu des lettres d'honneur pour conserver le titre & les honneurs de leur place, quoiqu'ils se démettent de leur office : on n'accorde communément ces lettres qu'au bout de vingt ans ; cependant quelquefois, en considération des services & du mérite personnel de l'officier, on en accorde au bout d'un moindre tems.

Les honoraires conservent leur rang ordinaire, excepté les chefs de compagnie, qui ne peuvent prendre que la seconde place. Ils n'ont point de part aux émolumens. (A)


HONORERv. act. (Gramm.) donner des marques de soûmission, de respect, de vénération, & d'estime. On honore la mémoire des grands hommes par des éloges, par des monumens, & des cérémonies civiles. Un des préceptes du Décalogue promet une longue vie dans ce monde, à celui qui honorera son pere & sa mere. Les dieux ne veulent point être honorés par la cruauté, dit M. de Fenelon.

HONORER, en termes de Commerce de lettres de change, se dit de l'acceptation & du payement qu'on en fait par considération pour le tireur, quoiqu'il n'en ait point encore remis les fonds. S'il vous revient quelqu'une de mes lettres de change protestées, je vous prie de les honorer, c'est-à-dire de les accepter. Dictionn. de Commerce. (G)


HONORIADEsub. fém. (Géog. anc.) contrée de l'Asie mineure ; elle fit long-tems partie de la Bithynie, & n'étoit pas une province particuliere avant l'empire d'Honorius, successeur du vieux Théodose ; mais dans ia suite elle devint la onzieme partie du royaume du Pont, que les Romains avoient réduit en province ; il en est parlé beaucoup dans les novelles & dans les conciles. (D.J.)


HONORIAQUES. m. Honoriaci, (Hist. anc.) nom d'une espece de milice ancienne qui introduisit les Vandales, les Alains, les Sueves, &c. en Espagne.

Didyme & Vérinien, deux freres, avoient défendu à leurs propres frais, & avec beaucoup de valeur & de vigilance, les passages des Pyrénées contre ces barbares ; mais ayant été tués, l'empereur Constantius mit en garnison dans ces passages les Honoriaques, qui non contens de les ouvrir à toutes ces nations du Nord, qui ravageoient les Gaules, se joignirent à eux. Dict. de Trévoux. (G)


HONORIFIQUE(DROITS) Jurisprud. nous avons donné ci-devant les notions générales de cette matiere au mot DROITS HONORIFIQUES ; nous ajoûterons seulement ici par forme de supplément & d'explication sur ce qui est dit, qu'en Bretagne le patron jouit seul des droits honorifiques, & que le seigneur haut-justicier n'y participe pas. Je l'ai avancé d'aprés le sentiment de M. Guyot, qui dans ses observations sur les droits honorifiques, a fait une dissertation à ce sujet, fondée sur l'ordonnance de 1539, donnée pour la Bretagne. Mais voici le vrai sens de cette loi, suivant l'usage constant du Parlement de Bretagne, ainsi que me l'a observé M. du Parc Poulain.

Des gentilshommes prétendoient en Bretagne avoir non-seulement les moindres honneurs de l'Eglise, mais aussi les droits honorifiques, proprement dits ; à l'égard des moindres honneurs, l'ordonnance y est formellement contraire, sauf néanmoins la modification qui y fut apportée par une déclaration du Roi, du 24 Septembre de la même année, qui conserve les possessions passées, & qui borne l'exécution de l'ordonnance à l'avenir.

A l'égard des grands honneurs de l'Eglise, qui sont les seuls droits honorifiques proprement dits, l'ordonnance de 1539, ne dit rien de ceux qui sont seigneurs de l'Eglise ; elle veut que ceux qui prétendent être patrons ou fondateurs, le prouvent par titres.

Mais 1°. s'il n'y a pas de fondateur, le seigneur est réputé le fondateur, parce qu'il est réputé avoir donné le fonds pour le bâtiment de l'église ; ainsi en prouvant que l'église est bâtie dans son fief, il satisfait pleinement à l'ordonnance de 1539, parce qu'en produisant le titre de sa féodalité sur l'église, il produit un titre suffisant pour établir présomptivement sa qualité de fondateur.

2°. S'il y a un patron & fondateur qui ne soit pas seigneur de l'église, il a les premiers honneurs, & le seigneur de l'église les a après lui, comme un honneur dû à la féodalité, auquel on pense que l'ordonnance de 1539, n'a point eu intention de donner atteinte. Cela a toûjours été ainsi décidé pendant que la réformation du domaine a duré ; & c'est une maxime constante en Bretagne ; c'est même une opinion assez commune dans cette province, à ce que m'assûre M. du Parc Poulain, mais qui souffre cependant des difficultés, qu'en Bretagne, lorsqu'il n'y a pas de fondateur, le seigneur du fief de l'église a tous les honneurs, quoiqu'il ne soit pas haut-justicier ; M. du Parc dit qu'il a eu plusieurs fois occasion d'attaquer cette derniere proposition dans des procès, mais qu'elle n'a point été décidée. Voyez l'ordonnance de 1539 pour la Bretagne, & la déclaration du 24 Septembre de la même année. (A)


HONOSCA(Géogr. anc.) ville maritime de l'Espagne Tarragonoise, entre l'Hebre & Carthagène, selon Tite-Live, liv. XXII. Ortélius soupçonne que c'est présentement Villa-Joyosa, bourgade au royaume de Valence, dans le golfe d'Alicante. (D.J.)


HONSLOW(Géog.) ville d'Angleterre dans la province de Middlesex.


HONTES. f. (Morale) c'est dans une ame honnête la conscience d'une faute qui l'avilit ; c'est dans un homme ordinaire la crainte du blâme qu'il a mérité ; c'est dans un homme foible la crainte de la censure même injuste. Le premier se releve par l'exercice de la vertu : le second répare selon les circonstances, & le troisieme rampe de peur de tomber. Voyez IGNOMINIE.


HONTEUSESen Anatomie, se dit des parties de la génération, & de celles qui leur sont relatives. Voyez GENERATION.

HONTEUSES, arteres, (Angéiolog.) les Anatomistes en distinguent trois ; la honteuse interne, la honteuse commune ou moyenne, & la honteuse externe.

La honteuse interne, branche de l'hypogastrique, est ordinairement renfermée dans le petit bassin, & se distribue à la vessie, aux vésicules séminales, aux prostates, & à quelques parties voisines. Elle est beaucoup plus considérable dans les femmes, à cause de la matrice & du vagin qu'elle arrose. Elle forme même plusieurs contours sur le corps de la matrice, afin qu'elle puisse s'étendre avec ce viscere dans l'état de grossesse. Cette artere est quelquefois double dans l'un & dans l'autre sexe, mais plus souvent dans les femmes. Il se trouve aussi plusieurs sujets, où cette artere vient du rameau postérieur dans la honteuse commune, dont nous allons parler.

La honteuse commune, ou moyenne, procede ordinairement du tronc de l'artere sciatique, quelquefois de l'artere hypogastrique, sur-tout dans la femme, & est toûjours située derriere la tubérosité de l'ischium ; elle sort du petit bassin par la grande échancrure des of des îles, marche derriere l'apophyse épineuse de l'ischium, & le ligament qui le joint à l'os sacrum. Elle rentre ensuite dans la cavité du bassin, & fait un contour derriere l'ischium. Cette artere jette ordinairement derriere la tubérosité de cet os, une branche qui se porte à l'anus, & se répand principalement sur son sphincter ; on la nomme alors hémorrhoïdale externe, qui vient aussi quelquefois de la honteuse interne.

La honteuse commune, continue son chemin tout le long de la branche antérieure de l'ischium, derriere le principe du corps caverneux & son muscle. Parvenue vers l'arcade cartilagineuse de l'os pubis, elle perce le ligament suspensoire pour se terminer sur le dos de la verge ; elle donne dans ce trajet des rameaux au dartos, au bulbe de l'urethre, aux corps caverneux, & aux autres parties de la verge. Quelquefois aussi l'artere qui marche sur le dos du penis, vient de l'obturatrice ; car les jeux de la nature sont ici fort communs. La honteuse commune suit dans le sexe la même route, & se perd à-peu-près de la même maniere sur le corps du clitoris ; ses principaux rameaux se distribuent au corps & aux jambes du clitoris, au plexus rétiforme, aux muscles constricteurs, & à quelques parties de la vulve.

La honteuse externe n'est guere moins considérable que les deux autres honteuses dont nous venons de parler. Elle naît de la crurale, environ deux pouces au-dessous du ligament inguinal, & se porte transversalement vers les parties de la génération, dont elle arrose les tégumens, en communiquant avec la honteuse commune. (D.J.)


HOOGSTRATE(Géog.) petite ville des Pays-Bas, dans le Brabant hollandois, au quartier d'Anvers, avec titre de comté. Elle est à 6 lieues N. E. d'Anvers, 3 S. O. de Breda. Long. 22. 16. latit. 51. 25.

Cette ville est la patrie du Dominicain Jacques Hoogstraten, inquisiteur général en Allemagne au commencement du xvj. siecle ; son nom s'est conservé dans l'Histoire, pour la violence avec laquelle il exerça sa charge, & par ses injustes procédures contre le savant Reuchlin, un des premiers qui se soit appliqué à l'étude de la langue hébraïque. Hoogstraten surprit de Maximilien un édit pour brûler tous les livres des Juifs, qui furent trop heureux d'obtenir la suspension de l'édit. L'empereur qui n'avoit pas osé le refuser à Hoogstraten, demanda l'avis des universités d'Allemagne, avec celui de Reuchlin. Cet habile homme opina sincerement, qu'il ne convenoit pas de brûler tous les livres de ce peuple, dont plusieurs étoient utiles, mais seulement ceux qui attaquoient directement la Religion Chrétienne ; il soûtint son opinion dans un livre intitulé, le Miroir oculaire : Hoogstraten fulmina contre le livre & l'auteur. Le procès fut évoqué à Rome, & la faculté de Théologie de Paris déclara le 2 Août 1514, que le Miroir oculaire devoit être jetté au feu, & l'auteur suspect d'hérésie, contraint à se rétracter. (D.J.)


HOORNou HORN, (Géog.) ville des Provinces-Unies, dans la Westfrise, avec un assez bon port. Quoiqu'Amsterdam lui ait enlevé une partie de son commerce, elle ne laisse pas de faire encore un grand trafic : c'est dans ses pâturages que l'on engraisse les boeufs qui viennent du Danemarck & du Holstein. Hoorn commença à être bâtie vers l'an 1300 ; elle est sur le bord occidental du Zuidersée, à 2 lieues N. d'Edam, 5 N. E. d'Amsterdam. Long. 22. 30. lat. 52. 38. 45.

Junius (Hadrien) né à Hoorn le premier Juillet 1511, a été un des plus savans hommes de son tems, il perdit sa bibliotheque & tous ses manuscrits dans le pillage de Harlem par les Espagnols en 1573 ; le regret qu'il en eut hâta sa mort, qui arriva le 16 Juillet 1575. Ses principaux ouvrages sont, un Nomenclator en huit langues ; une traduction d'Eunapius, de Vitis Sophistarum ; une Description de la Hollande, sous le titre de Batavia, & des Miscellanes intitulés, Animadversorum, lib. VI. Gruter les a insérés dans son trésor critique. (D.J.)


HOOZENsub. m. (Phys.) est le nom que les Hollandois donnent aux trombes qu'on observe en mer. Voyez TROMBE.


HOPITALS. m. (Gramm. Morale & Politiq.) ce mot ne signifioit autrefois qu'hôtellerie : les hôpitaux étoient des maisons publiques où les voyageurs étrangers recevoient les secours de l'hospitalité. Il n'y a plus de ces maisons ; ce sont aujourd'hui des lieux où des pauvres de toute espece se réfugient, & où ils sont bien ou mal pourvus des choses nécessaires aux besoins urgens de la vie.

Dans les premiers tems de l'Eglise, l'évêque étoit chargé du soin immédiat des pauvres de son diocèse. Lorsque les ecclésiastiques eurent des rentes assurées, on en assigna le quart aux pauvres, & l'on fonda les maisons de piété que nous appellons hôpitaux. Voyez les articles DIXMES, CLERGE.

Ces maisons étoient gouvernées, même pour le temporel, par des prêtres & des diacres, sous l'inspection de l'évêque. Voyez EVEQUE, DIACRE.

Elles furent ensuite dotées par des particuliers, & elles eurent des revenus ; mais dans le relâchement de la discipline, les clercs qui en possédoient l'administration, les convertirent en bénéfices. Ce fut pour remédier à cet abus, que le concile de Vienne transféra l'administration des hôpitaux à des laïcs, qui prêteroient serment & rendroient compte à l'ordinaire, & le concile de Trente a confirmé ce decret. Voyez ECONOME.

Nous n'entrerons point dans le détail historique des différens hôpitaux ; nous y substituerons quelques vûes générales sur la maniere de rendre ces établissemens dignes de leur fin.

Il seroit beaucoup plus important de travailler à prévenir la misere, qu'à multiplier des asiles aux misérables.

Un moyen sûr d'augmenter les revenus présens des hôpitaux, se seroit de diminuer le nombre des pauvres.

Par-tout où un travail modéré suffira pour subvenir aux besoins de la vie, & où un peu d'économie dans l'âge robuste préparera à l'homme prudent une ressource dans l'âge des infirmités, il y aura peu de pauvres.

Il ne doit y avoir de pauvres dans un état bien gouverné, que des hommes qui naissent dans l'indigence, ou qui y tombent par accident.

Je ne puis mettre au nombre des pauvres, ces paresseux jeunes & vigoureux, qui trouvant dans notre charité mal-enrendue des secours plus faciles & plus considérables que ceux qu'ils se procureroient par le travail, remplissent nos rues, nos temples, nos grands chemins, nos bourgs, nos villes & nos campagnes. Il ne peut y avoir de cette vermine que dans un état où la valeur des hommes est inconnue.

Rendre la condition des mendians de profession & des vrais pauvres égale en les confondant dans les mêmes maisons, c'est oublier qu'on a des terres incultes à défricher, des colonies à peupler, des manufactures à soûtenir, des travaux publics à continuer.

S'il n'y a dans une société d'asiles que pour les vrais pauvres, il est conforme à la Religion, à la raison, à l'humanité, & à la saine politique, qu'ils y soient le mieux qu'il est possible.

Il ne faut pas que les hôpitaux soient des lieux redoutables aux malheureux, mais que le gouvernement soit redoutable aux fainéans.

Entre les vrais pauvres, les uns sont sains, les autres malades.

Il n'y a aucun inconvénient à ce que les habitations des pauvres sains soient dans les villes ; il y a, ce me semble, plusieurs raisons qui demandent que celles des pauvres malades soient éloignées de la demeure des hommes sains.

Un hôpital de malades est un édifice où l'architecture doit subordonner son art aux vûes du medecin confondre les malades dans un même lieu, c'est les détruire les uns par les autres.

Il faut sans-doute des hôpitaux par-tout ; mais ne faudroit-il pas qu'ils fussent tous liés par une correspondance générale ?

Si les aumônes avoient un reservoir général, d'où elles se distribuassent dans toute l'étendue d'un royaume, on dirigeroit ces eaux salutaires par-tout où l'incendie seroit le plus violent.

Une disette subite, une épidémie, multiplient tout-à-coup les pauvres d'une province ; pourquoi ne tranfereroit-on pas le superflu habituel ou momentané d'un hôpital à un autre ?

Qu'on écoute ceux qui se récrieront contre ce projet, & l'on verra que ce sont la plûpart des hommes horribles qui boivent le sang du pauvre, & qui trouvent leur avantage particulier dans le desordre général.

Le souverain est le pere de tous ses sujets ; pourquoi ne seroit-il pas le caissier général de ses pauvres sujets ?

C'est à lui à ramener à l'utilité générale, les vûes étroites des fondateurs particuliers. Voyez l'article FONDATION.

Le fond des pauvres est si sacré, que ce seroit blasphémer contre l'autorité royale, que d'imaginer qu'il fût jamais diverti, même dans les besoins extrêmes de l'état.

Y a-t-il rien de plus absurde qu'un hôpital s'endette, tandis qu'un autre s'enrichit ? Que seroit-ce s'ils étoient tous pillés ?

Il y a tant de bureaux formés, & même assez inutilement ; comment celui-ci dont l'utilité seroit si grande, seroit-il impossible ? La plus grande difficulté qu'on y trouveroit peut-être, ce seroit de découvrir les revenus de tous les hôpitaux. Ils sont cependant bien connus de ceux qui les administrent.

Si l'on publioit un état exact des revenus de tous les hôpitaux, avec des listes périodiques de la dépense & de la recette, on connoîtroit le rapport des secours & des besoins ; & ce seroit avoir trop mauvaise opinion des hommes, que de croire que ce fût sans effet : la commisération nous est naturelle.

Nous n'entrerons point ici dans l'examen critique de l'administration de nos hôpitaux ; on peut consulter là-dessus les différens mémoires que M. de Chamousset a publiés sous le titre de vûes d'un citoyen ; & l'on y verra que des malades qui entrent à l'hôtel-Dieu, il en périt un quart, tandis qu'on n'en perd qu'un huitieme à la Charité, un neuvieme & même un quatorzieme dans d'autres hôpitaux : d'où vient cette différence effrayante ? Voyez les articles HOTEL DIEU & CHARITE.

HOPITAL MILITAIRE, c'est un hôpital établi par le Roi pour recevoir les officiers & les soldats malades ou blessés qui doivent y trouver tous les secours nécessaires, & qui les y trouveroient effectivement, si les reglemens faits à ce sujet, étoient exactement observés.

Il y a un grand nombre de ces hôpitaux en France ; ils sont sous la direction du ministre de la guerre, qui nomme aux places de medecins & de chirurgiens que le Roi y entretient.

Il y a des entrepreneurs pour la fourniture des subsistances ; des commissaires ordonnateurs pour veiller à ce que ces entrepreneurs fournissent aux troupes ce qu'ils sont obligés de fournir, & que les alimens soient bons ; il y a aussi des inspecteurs de ces hôpitaux, &c.

Lorsque les armées sont en campagne, il y a un hôpital à la suite de l'armée. Celui qui la suit dans tous ses mouvemens est appellé par cette raison, l'hôpital ambulant. (Q)

HOPITAL, (Marine) c'est un vaisseau destiné pour mettre les malades, à la suite d'une armée navale ou escadre composée de dix vaisseaux, afin de les retirer des vaisseaux où leur nombre pourroit embarrasser le service, & les soigner plus particulierement. L'ordonnance de la Marine de 1689 dit que le bâtiment choisi pour servir d'hôpital sera sous la direction de l'intendant de l'armée, ou du commissaire préposé à la suite de l'escadre.

Le bâtiment choisi pour servir d'hôpital doit être garni de tous les agrès nécessaires à la navigation. Il faut que les ponts en soient hauts & les sabords bien ouverts, que les cables se virent sur le second pont, & que l'entre-deux ponts soit libre, afin que l'on y puisse placer plus commodément les lits destinés pour les malades. (Z)


HOPLITEsub. f. (Hist. nat. Lithol.) nom par lequel les anciens naturalistes désignoient des pierres luisantes comme une armure polie, & de la couleur du cuivre jaune, telles que sont nos pyrites, quelque cornes d'ammon pyritisées à la surface, &c.


HOPLITESS. m. pl. (Hist. anc.) nom que l'on donnoit à ceux qui dans les jeux olympiques & les autres combats sacrés couroient armés. Voyez JEU. Ce mot est grec, , formé d', armure.

Un des beaux ouvrages du fameux Parrhasius étoit un tableau qui représentoit deux hoplites, dont l'un couroit & sembloit suer à grosses gouttes, & l'autre mettoit bas les armes & sembloit tout essouflé. Pline, lib. XXXV. cap. x. & Paschal, de coronis, liv. VI. chap. xiv. Dict. de Trévoux.


HOPLITODROMESS. m. pl. (Hist. anc.) on appelloit ainsi les athletes qui couroient armés dans les jeux olympiques, & dont les armes étoient au-moins le casque, le bouclier, & les bottines. Pausanias, lib. II. des éliaques, cap. x. dit que de son tems on voyoit encore à Olympie la statue d'un hoplitodrome. Elle portoit, dit-il, un bouclier tout semblable aux nôtres ; elle avoit un casque sur la tête & des bottines aux piés. Théagenes leur donne aussi la cuirasse, mais légere. La course des hoplitodromes avoit toûjours fait partie des jeux néméens ; mais ils ne furent admis aux olympiques que dans la soixante-cinquieme olympiade, & ce fut Damarete qui remporta le premier prix. Cinq olympiades après ils eurent entrée aux jeux pythiques, & Timenete fut le premier qui se distingua par la vîtesse de sa course. Pindare fait aussi mention de ces coureurs armés, & l'on en conjecture qu'ils avoient places aux jeux isthmiques. Dans la suite, les Eléens, selon Pausanias, retrancherent de leurs jeux cette sorte de course, & les autres Grecs en firent autant Mém. de l'acad. tom. III. (G)


HOPLOMAQUESS. m. pl. (Hist. anc.) étoient des especes de gladiateurs qui combattoient armés de pié en cap, ou du-moins du casque & de la cuirasse.

Ce mot est composé de deux autres mots grecs, , armes ; & , je combats. Dictionn. de Trévoux. (G)


HOQUETS. m. (Médec.) , singultus ; c'est une sorte de lésion de fonction, qui est de la nature des affections convulsives ; elle consiste donc dans une contraction subite & plus ou moins répétée des membranes musculaires de l'oesophage, qui se raccourcit par cet effet & soûleve l'estomac & le diaphragme ; tandis que celui-ci entrant en même tems en convulsion, opere une promte & courte inspiration, avec une sorte de vibration sonore des cordes vocales, se porte par conséquent en em-bas avec effort violent, & comprime d'autant plus fortement l'estomac qu'il couvre, que celui-ci est plus tiré en en-haut par le raccourcissement de l'oesophage : en sorte qu'il se fait là des mouvemens opposés, qui tendent à rapprocher & à éloigner les deux extrémités de ce conduit ; entant que l'orifice supérieur de l'estomac auquel il se termine, & le haut de la gorge, deviennent comme les deux points fixes de l'oesophage tiraillé douloureusement dans toute son étendue, qui éprouve d'une maniere simultanée un raccourcissement dans toutes ses membranes, par sa contraction convulsive, & une violente tension en sens contraire de toutes ces mêmes membranes, par la dépression de l'estomac qu'opere la contraction du diaphragme.

Le hoquet n'est donc autre chose qu'un mouvement convulsif de l'oesophage & du diaphragme, qui se fait en même tems dans ces deux organes, avec une promte inspiration courte & sonore.

La cause efficiente du hoquet est moins connue que ses effets, qui sont très-sensibles & très-manifestes, selon l'exposition qui vient d'en être faite. Mais dans quelque cas que ce soit, on ne peut le regarder que comme un effort de la nature, qui tend à faire cesser une irritation produite dans quelque partie du diaphragme, ou dans l'orifice supérieur de l'estomac, qui donne lieu à l'action combinée des fibres musculaires, dont les secousses peuvent détacher ou expulser la matiere irritante. Voyez EFFORT.

Le hoquet est à l'estomac ou au diaphragme ce qu'est l'éternument par rapport à la membrane pituitaire, la toux pour les voies de l'air dans les poûmons, le ténesme pour le boyau rectum, &c. Voyez ETERNUMENT, TOUX, TENESME.

Cet effort de la nature dans le hoquet peut être symptomatique ou critique, selon que la cause irritante est de nature à pouvoir être emportée ou non : mais il dépend toûjours d'une irritation dans quelques uns des organes principalement affectés ; & il doit être attribué essentiellement à celle du diaphragme, qu'il soit affecté immédiatement ou par communication.

L'irritation peut être produite dans l'estomac par la trop grande quantité d'alimens, qui distend douloureusement les parois de ce viscere, sur-tout à son orifice supérieur, lorsque le reste de ses tuniques ont assez de force pour résister à la distension qu'ils éprouvent. L'irritation de l'estomac peut aussi être l'effet de l'acrimonie des matieres qui y sont contenues, ou de celles des médicamens évacuans d'une nature trop violente ; des poisons qui dépouillent les tuniques nerveuses du glu naturel, de la mucosité dont elles sont enduites, & les exposent à des impressions trop fortes ; ou de l'action méchanique du cartilage xiphoïde enfoncé ; ou de toute autre qui peut avoir rapport à celle-ci.

La cause irritante peut aussi être appliquée aux parties nerveuses du diaphragme, par une suite de l'inflammation, de l'engorgement de ce muscle, ou par un dépôt, une métastase d'humeurs acres dans sa substance, c'est-à-dire dans le tissu cellulaire qui pénetre dans l'interstice de ses fibres, ou entre les membranes dont il est comme tapissé, ou par extension de l'inflammation du foie, de l'estomac, & de l'irritation de ce dernier.

Un grand nombre d'observations concernant les différentes causes qui donnent lieu au hoquet, ne laissent pas douter que le diaphragme ne soit l'organe qui est principalement mis en jeu dans cette lésion de fonctions ; tant lorsqu'il est affecté immédiatement, que lorsqu'il ne l'est que par communication. Ce qui le prouve d'une maniere convaincante, c'est que l'on peut contrefaire le hoquet à volonté ; ce qui ne peut avoir lieu qu'autant qu'il est l'effet d'un mouvement musculaire que l'on peut exciter volontairement. Mais il n'est pas moins vrai que l'estomac est le plus souvent le siége de l'irritation qui se communique aisément au diaphragme, surtout lorsque c'est l'orifice supérieur, c'est-à dire le cardia, qui est principalement aflecté ; d'autant plus que ces deux parties reçoivent des nerfs de la même distribution, qui est celle de la huitieme paire.

Les enfans éprouvent assez fréquemment le hoquet à cause de l'irritabilité du genre nerveux, qui est plus grande dans le bas âge que dans les adultes, & de la disposition qu'ils ont à ce que les alimens contractent une acrimonie acide dans leur estomac. Les remedes délayans, adoucissans, les absorbans, de légers purgatifs, peuvent suffire pour emporter la cause du hoquet dans ces différens cas, ou le changement de nourrice, s'il y a lieu de soupçonner la mauvaise qualité du lait.

Pour trouver un grand nombre d'observations sur les différentes causes du hoquet & sur des causes singulieres & rares de cet accident, il faut consulter les oeuvres de Marcel Donat, hist. mirab. lib. II. celles de Schenckius, observ. lib. III. Bartholin, observ. cent. 2. fait mention d'un hoquet entr'autres, qui n'avoit pas discontinué pendant quatre ans.

Le hoquet qui survient dans les maladies aiguës est toûjours un signe fâcheux ; dans les fievres ardentes, dans les fievres malignes, il est le plus souvent l'avant-coureur de la mort. Il est toûjours très-funeste, lorsqu'il est causé par les vices du diaphragme, sur-tout lorsque c'est par communication de l'inflammation du foie. Il est fort à craindre pour les suites, lorsqu'il survient dans la passion iliaque, dans les violentes coliques, dans les hernies, & après les grandes hémorrhagies, les évacuations excessives de toute espece ; parce que dans tous ces cas il annonce des attaques de convulsions, qui sont presque toûjours un très-mauvais symptome. Voyez SPASME.

La maniere de traiter le hoquet doit être réglée selon la nature de sa cause connue ; lorsqu'il dépend de quelque irritation légere dans l'estomac, occasionnée par la trop grande quantité d'alimens, ou par leur dégénération en matieres acrimonieuses, le lavage, comme l'eau seule froide ou chaude, qui favorise le passage des alimens dans les intestins, qui aide l'estomac à se vuider des matieres qui pechent par leur quantité ou par leur qualité, en les détrempant, en les entraînant, en émoussant leur activité, suffit pour faire cesser le hoquet, qui est très-souvent d'un caractere si benin, qu'il ne dure que quelques momens, & ne peut pas être regardé comme un symptome morbifique ; ensorte qu'il ne demande aucun traitement, parce que la nature se suffit à elle-même, par les secousses convulsives en quoi il consiste, pour faire cesser ce qui produit l'irritation. L'éternument spontané ou excité à dessein, délivre souvent du hoquet, par la même raison.

Mais si sa cause est plus rébelle & qu'il fatigue beaucoup, lorsqu'il ne peut être attribué qu'à la quantité ou à la qualité des matieres qui sont dans l'estomac, on est souvent obligé d'avoir recours aux vomitifs ou aux purgatifs, pour les évacuer & faire cesser par ce moyen l'impression irritante, dans les cas où le lavage, les boissons adoucissantes comme le petit-lait, les huiles douces prises pures, ou que l'on rend miscibles avec beaucoup d'eau, (Voyez HUILE) les émulsions & tisanes émulsionnées, antispasmodiques, ou tous autres secours de cette nature, qui sont très-bien indiqués, ont été employés sans le succès desiré.

S'il y a lieu de juger que le hoquet dépend de quelque affection spasmodique de l'estomac ou de quelqu'autre partie voisine du diaphragme, ou que le diaphragme lui-même soit atteint d'une pareille affection, les juleps, les émulsions hypnotiques, les narcotiques, sont alors les remedes convenables. Le laitage, les mucilagineux, les huileux, sont employés utilement pour corriger le mauvais effet des matieres acres, corrosives, des poisons qui ont dépouillé de sa mucosité, de son enduit naturel la surface interne des tuniques de l'estomac, & l'ont rendu trop irritable. Voyez POISON. Les cordiaux, toniques, astringens, comme la thériaque, le diascordium, le kina, la diete analeptique, sont indiqués lorsque le hoquet survient après une évacuation trop considérable, telle qu'une hémorrhagie, une diarrhée, &c.

Mais s'il doit être attribué à quelque disposition inflammatoire des organes affectés dans ce cas, ou des parties voisines, on doit le combattre par les moyens indiqués, c'est-à-dire par les saignées, & en général par le traitement anti-phlogistique avec les nitreux. Le hoquet est alors du nombre des symptomes que produit l'inflammation de l'estomac, du foie, ou du diaphragme. Voyez ESTOMAC, FOIE, &c. INFLAMMATION.

Enfin, si le hoquet dépend d'une cause méchanique qui irrite l'estomac ou le diaphragme, comme l'enfoncement du cartilage xiphoïde de quelque côté, l'effet ne cesse pas que l'on n'ait corrigé la cause par les moyens indiqués selon les regles de l'art, on travaille en conséquence à relever le cartilage par des emplâtres, des ventouses, des crochets, &c. (Voyez XIPHOÏDE), & on calme l'irritation par la saignée & les autres moyens appropriés déjà mentionnés. On corrige le vice des côtes par la réduction de la luxation ou de la fracture. Voy. COTE, REDUCTION, LUXATION, FRACTURE.


HOQUETONSS. m. (Gram. Hist. mod.) cavaliers qui servoient sous le grand-prevôt. Il se dit aussi de la casaque dont ils étoient vêtus.


HORAIREadj. (Astronomie) se dit de ce qui a rapport aux heures. Voyez HEURE.

Mouvement horaire diurne de la terre est l'arc que décrit un point de la circonférence de la terre dans l'espace d'une heure.

Il est à-peu-près de 15 degrés ; car la terre fait sa révolution de 360 degrés en un jour, & la 24e partie de 360 est 15. Cependant, comme tous les jours ne sont pas exactement égaux, & que le tems de la révolution de la terre autour de son axe ne fait pas exactement ce que nous appellons jour, ou l'intervalle du midi au suivant, à cause du mouvement annuel de la terre dans son orbite, on ne peut pas dire à la rigueur que le mouvement horaire de la terre soit toûjours de 15 degrés. Voyez ÉQUATION DU TEMS. (O)

Cercles horaires, sont douze grands cercles qui divisent l'équateur en 24 parties égales pour les 24 heures du jour naturel.

Ces grands cercles passent par les poles du monde, & sont par conséquent autant de méridiens, ils font entr'eux des angles de 15 degrés chacun ; c'est le nombre de degrés que la terre fait par heure dans son mouvement diurne. Chaque cercle horaire comprend deux demi-cercles qui marquent la même heure, mais différemment : car si le demi-cercle horaire supérieur marque 11 heures du matin, le demi-cercle inférieur marquera 11 heures du soir, & ainsi des autres. Le soleil passe ainsi deux fois par jour ces mêmes cercles, & les 24 heures sont composées de sorte qu'il y en a 12 comptées depuis minuit jusqu'à midi, qui donnent les heures du matin, & 12 depuis midi jusqu'à minuit qui donnent les heures du soir. Ces cercles sont propres à ceux qui commencent à compter les heures au méridien, comme les astronomes, les François & presque toutes les nations de l'Europe ; savoir les astronomes à midi, & les autres à minuit.

Pour les Babyloniens & les Italiens, ils commencent à les compter de l'horison, les premiers au lever du soleil, les autres à son coucher. Pour avoir l'intelligence des cercles horaires qui déterminent ces heures (& qu'on nomme cercles horaires babyloniques ou italiques, afin de les distinguer des premiers, appellés cercles horaires astronomiques), il faut concevoir deux cercles paralleles à l'équateur qui touchent l'horison sans le couper, & dont l'un est le plus grand de tous ceux qui paroissent toûjours, l'autre le plus grand de ceux qui sont toûjours cachés. On imaginera ensuite que ces cercles sont divisés en 24 parties égales, commençant du méridien qui est le point où le parallele touche l'horison, & qu'on fasse passer par chaque point de cette division & chaque point de celle de l'équateur faite par les cercles horaires précédens d'autres grands cercles, du nombre desquels est l'horison, dont la partie orientale est pour la 24e heure babylonienne, & la partie occidentale pour la 24e heure italique. Or ces derniers cercles déterminent les heures babyloniennes & italiques, telles qu'on les voit décrites dans quelques cadrans. Bion, usage des globes.

Les lignes horaires sont les lignes qui marquent les heures sur un cadran. Ces lignes sont les communes sections des cercles horaires & du plan du cadran, entre lesquelles la principale est la ligne méridienne, qui est la commune section du plan du cadran & du méridien. Voyez CADRAN, GNOMONIQUE, &c. (O)


HORBERG(Géog.) ancienne ville & baronie d'Allemagne, dans la Forêt-noire, au duché de Wurtemberg, avec une espece de forteresse sur une montagne ; elle est sur la riviere de Gutach, à cinq lieues nord-ouest de Rotweil, six nord-est de Fribourg. Long. 24. 56. lat. 48. 10. (D.J.)


HORCUS LAPIS(Hist. nat.) c'est, suivant quelques auteurs, une pierre noire, qui s'écrase aisément, & qui est, suivant eux, propre à souder l'argent & les métaux ; on l'appelloit aussi Catemia.


HORDES. f. terme de Géographie, qui se dit de ces troupes de peuples errans, comme Arabes & Tartares, qui n'ont point de villes ni d'habitation assûrée ; mais qui courent l'Asie & l'Afrique, & demeurent sur des chariots & sous des tentes, pour changer de demeure quand ils ont consommé toutes les denrées que le pays produit. Ainsi vivoient les anciens Scythes, dont Horace dit dans une de ses odes :

Scythae, quorum plaustra vagas

Rite trahunt domos.

Horde est un mot tartare, qui signifie multitude.

C'est proprement le nom que les Tartares qui habitent au-delà du Wolga, dans les royaumes d'Astracan & de Bulgarie, donnent à leurs bourgs. Voyez VILLAGE.

Une horde est un composé de cinquante ou soixante tentes rangées en rond, & qui laissent une place vuide au milieu. Les habitans de chaque horde forment communément une compagnie de gens de guerre, dont le plus ancien est ordinairement le capitaine, & dépend du général ou prince de toute la nation. Chambers. (G)


HORDICALEou HORDICIDIES, s. f. plur. (Antiq. rom.) hordicalia dans Varron, & hordicidia dans Festus, fête qu'on célébroit à Rome le 15 Avril, en l'honneur de la terre, à laquelle on immoloit trente vaches pleines, à cause des trente curies de Rome, & chaque curie fournissoit la sienne. On sacrifioit la plus grande partie de ces victimes dans le temple de Jupiter Capitolin ; le pontife y présida d'abord, ensuite cet honneur tomba en partage à la plus âgée des vestales.

Une grande famine arrivée sous le regne de Numa, lui donna lieu d'instituer cette fête. Ce prince étant allé consulter l'oracle de Faune, sur le moyen de faire cesser ce terrible fléau, eut réponse en songe, qu'il falloit sacrifier une génisse prête à mettre bas ; il obéit, & la terre reprit sa fertilité.

Hordicidies, vient de horda, pleine ; & de caedo, j'immole ; horda, s'est dit pour sorda ; & ces fêtes s'appellent aussi fordicales ou fordicidies. (D.J.)


HOREB(Géog.) aujourd'hui Mélani, montagne d'Asie dans l'Arabie pétrée, si près du mont Sinaï, qu'Horeb & Sinaï ne semblent former que deux côteaux d'une même montagne, ce qui fait que l'Ecriture les prend souvent l'un pour l'autre. Sinaï est à l'E. & Horeb à l'O. desorte qu'au lever du soleil, il est couvert de l'ombre de Sinaï, étant bien moins élevé ; ce mont est fameux dans le vieux Testament ; au pied de l'Horeb est le monastere de Saint-Sauveur, bâti par Justinien, où réside un évêque grec, & des religieux qui suivent la regle de saint Basile ; il y a deux ou trois belles sources & quantité d'arbres fruitiers. (D.J.)


HORÉESS. f. pl. (Antiq. greq.) sacrifices solemnels, consistant en fruits de la terre que l'on offroit au commencement du printems, de l'été & de l'hiver, afin d'obtenir des dieux une année douce & tempérée. Ces sacrifices, selon Meursius, étoient offerts aux déesses appellées , les heures, qui, au nombre de trois, ouvroient les portes du ciel, gouvernoient les saisons, & avoient en conséquence des temples chez les Athéniens ; voyez HEURES, & voyez aussi Potter, Archaeol. Graec. l. II. c. xx. t. I. p. 439. (D.J.)


HORI(Géog.) ville de Bohème, dans le cercle de Bechin : on y trouve une mine d'argent. Il y a encore une ville de même nom, dans la Laponie russienne.


HORIGUELA(Géog.) ville d'Espagne, au royaume de Valence, avec un évêché.


HORIN(Géog.) riviere de Pologne, dans la province de Volhinie, qui a sa source dans la province de Lusuc, & qui se jette dans la riviere de Pzripice.


HORISONS. m. (Astron. & Géog.) grand cercle de la sphere qui la divise en deux parties ou hémispheres, dont l'un est supérieur & visible, & l'autre inférieur & invisible. Voyez CERCLE & HEMISPHERE.

Ce mot est purement grec, & signifie à la lettre finissant ou bornant la vûe, du verbe , termino, definio, je limite, je borne ; aussi l'appelle-t-on en latin finitor. Voyez FINITEUR.

L'horison, vrai ou astronomique, que l'on nomme aussi horison rationnel, ou même absolument horison, est un grand cercle dont le plan passe par le centre de la terre, & qui a pour pole le zénith & le nadir. Il divise la sphere en deux parties égales ou hémispheres.

Tel est le cercle représenté par H R, (Pl. astron. fig. 52.) dont les poles sont le zénith Z, & le nadir N ; d'où il suit que les divers points de l'horison sont éloignés de 90 deg. du zénith & du nadir. Voyez ZENITH & NADIR.

Le méridien & les cercles verticaux coupent l'horison rationnel à angle droit & en deux parties égales. Voyez MERIDIEN & CERCLE VERTICAL.

L'horison visuel est un petit cercle de la sphere, comme H R, qui sépare la partie visible de la sphere de l'invisible.

Il a pour pole le zénith & le nadir, ce qui fait qu'il est parallele à l'horison rationnel. Il est aussi coupé à angles droits, & en deux parties égales par les cercles verticaux.

L'horison visuel se divise en oriental & en occidental.

L'horison oriental est cette partie de l'horison, où les corps célestes paroissent se lever. Voyez LEVER.

L'horison occidental est la partie de l'horison, où les astres paroissent se coucher. Voyez COUCHER.

Il est visible que l'horison oriental & occidental changent selon la distance de l'astre au zénith, & selon sa distance de l'équateur. Car les points de l'horison oriental & de l'occidental sont ceux où l'horison est coupé par le cercle parallele à l'équateur que l'astre décrit ; ainsi on voit que ces points doivent changer, selon que ce cercle est plus ou moins éloigné de l'équateur, & situé plus ou moins obliquement par rapport au zénith.

Horison, en terme de Géographie, est un cercle qui rase la surface de la terre, & qui sépare la partie visible de la terre & des cieux, de celle qui est invisible. Voyez TERRE.

La hauteur ou l'élévation de quelque point que ce soit de la sphere, c'est l'arc d'un cercle vertical, compris entre ce point & l'horison sensible. Voyez HAUTEUR & ÉLEVATION.

On l'appelle horison sensible, pour le distinguer de l'horison rationnel, qui passe par le centre de la terre, comme nous l'avons déja observé ; car nous devons rapporter tous les phénomenes célestes à une surface sphérique qui ait pour centre celui de la terre, & non le lieu qu'occupe l'oeil. Il est vrai que ces deux horisons étant continués jusqu'aux étoiles fixes se confondent ensemble, & qu'ainsi la terre comparée à la sphere des étoiles fixes n'étant qu'un point, il doit s'en suivre que des cercles qui ne seront distans relativement aux étoiles que d'un intervalle qui differe à peine d'un point imperceptible, doivent être regardés comme ne faisant qu'un seul & même cercle ; mais il n'en est pas de même par rapport à la lune & aux planetes les plus proches de la terre : c'est pourquoi la distinction des deux horisons est nécessaire à cet égard.

On entend quelquefois par horison sensible un cercle qui détermine la portion de la surface de la terre, que nous pouvons découvrir de nos yeux ; on l'appelle aussi horison physique.

On dit, dans ce sens, un horison borné, un horison étendu. Pour trouver l'étendue de l'horison, ou jusqu'à quel point la vûe d'un homme peut s'étendre, en supposant la terre un globe sans inégalités & tel que la vûe ne puisse être arrêtée par aucune éminence étrangere, il ne faut que savoir les regles ordinaires de la Trigonométrie & le calcul des triangles rectangles. Supposons, par exemple, que A H B (Pl. géograph. fig. 8.) soit un grand cercle du globe terrestre, C son centre, H C son rayon, & E la hauteur de l'oeil ; il est évident que la partie visible de la surface de la terre est terminée du côté de H par le rayon E H, qui touche la terre en H. Ainsi, puisque H E est une tangente, il s'ensuit que l'angle H sera droit : on connoît donc H C qui est le rayon de la terre, & dont on a la valeur en toises ou en piés, C E est la même longueur H C, à laquelle on ajoûte la hauteur de l'oeil, & E H C l'angle droit opposé.

Ces trois parties connues, il est aisé maintenant de trouver toutes les autres parties du triangle. Voici d'abord la proportion qu'il faut faire pour trouver l'angle C, & ensuite le côté H E.

Comme le côté C E est au sinus de l'angle droit H, de même le côté H C est au sinus de l'angle E, dont la valeur étant retranchée de 90 deg. donnera celle de l'angle C. On dira ensuite : comme le sinus de l'angle E est à son côté opposé H C, ou bien comme le sinus de l'angle H est à son côté opposé C E, de même le sinus de l'angle C est au sinus E H, qui est l'horison visible que l'on cherche. Wolf & Chambers. (E)

HORISON, en Peinture, est la ligne qui termine sur le ciel, tous les lointains aquatiques ou terrestres, de façon qu'elle les distingue du ciel, où ils semblent néanmoins toucher.


HORISONTALadj. (Astron.) qui est de niveau ou parallele à l'horison, qui n'est point incliné sur l'horison. Voyez HORISON.

On dit plan horisontal, ligne horisontale, distance horisontale, &c.

Cadran horisontal est celui qui est décrit sur un plan parallele à l'horison, & dont le style est élevé suivant l'élévation du pole du lieu où il est construit.

Ces sortes de cadrans sont les plus simples & les plus aisés à décrire. Voyez CADRAN.

Ligne horisontale en perspective, est une ligne droite tirée du point de vûe parallelement à l'horison, ou l'intersection du plan du tableau & du plan horisontal.

Parallaxe horisontale. Voyez PARALLAXE.

Plan horisontal, est celui qui est parallele à l'horison du lieu. Voyez PLAN.

Tout l'objet du nivellement est de voir si deux points sont un plan horisontal, ou de combien ils s'en écartent. Voyez NIVELLEMENT.

Plan horisontal en Perspective, est un plan parallele à l'horison qui passe par l'oeil, & coupe le plan du tableau à angles droits.

Projection horisontale. Voyez CARTE & PROJECTION.

Réfraction horisontale. Voyez REFRACTION. Chambers. (E)


HORKI(Géog.) ville de Lithuanie, dans le palatinat de Meizlau, sur le Dnieper.


HORLOGES. m. (Art méchan.) machine qui, par un mouvement uniforme quelconque dont les parties se peuvent mesurer, indique les parties du tems qui sont écoulées. Ainsi tout l'art de l'Horlogerie n'est autre chose que l'application du tems à l'espace.

Les hommes ont senti de bonne heure l'utilité de cet art ; voyez dans les articles suivans, les progrès qu'il a faits depuis les premiers tems jusqu'à nos jours.

HORLOGE à eau, (Littérat.) l'horloge à eau, autrement nommé clepsydre, étoit chez les anciens un vase qui servoit à mesurer le tems par l'écoulement d'une certaine quantité d'eau ; voyez au mot CLEPSYDRE, ce qui regarde la construction de ces vases, & la difficulté de déterminer avec exactitude la vîtesse du fluide qui sort par le trou des clepsydres ; nous ne considérons ici ce sujet que du côté de la littérature.

Elle distingue deux horloges à eau, l'ancienne, & la nouvelle inventée par Ctésibius ; cette derniere étoit une machine hydraulique que l'eau mettoit en action, & qui marquoit par ses mouvemens les différentes heures du jour. La premiere, suivant la description d'Athénée, n'étoit autre chose qu'un vase avec une espece de tuyau étroit, percé d'une petite ouverture, par où découloit goutte à goutte l'eau qu'on y avoit versée. C'est-là cette clepsydre fameuse, à laquelle les orateurs & les historiens font si souvent allusion par tant d'expressions allégoriques, que Harpocration composa un livre exprès, pour en donner l'intelligence.

On mesuroit, nous dit-il, par ces sortes d'horloges à eau le tems des combats des plus habiles orateurs ; de-là vient cette phrase, qu'un fréquent usage fit passer en proverbe : Qu'il parle dans mon eau, c'est-à-dire, pendant le tems qui m'est destiné, ; vivre de ce qu'on retiroit des déclamations, dont le tems se limitoit par l'écoulement de la clepsydre, s'appelloit .

En effet, comme on avoit coûtume de verser trois parts d'eau égales dans le vase, une pour l'accusateur, l'autre pour l'accusé, & la troisieme pour le juge ; cette coûtume fit naître les expressions usitées qu'on trouve dans Eschine, , premiere, seconde, troisieme eau. Aussi voyoit-on une fontaine dans le barreau d'Athènes destinée à ce seul usage, & gardée par un lion d'airain, sur lequel s'asseyoit celui qui avoit l'emploi de distribuer l'eau dans le vase pour le jugement des procès. Il y avoit en même tems un inspecteur choisi par le sort, pour prendre garde que l'eau fût également distribuée, ainsi que Pollux le rapporte.

Platon considérant les bornes qu'on mettoit aux plaidoyeries des avocats par cette distribution d'eau limitée, n'a pu s'empêcher de dire que les orateurs étoient esclaves, au lieu que les philosophes étoient libres, parce que ceux-ci s'étendoient dans leurs discours sans aucune gêne, tandis que ceux-là étoient contraints par plusieurs entraves, & sur-tout par l'écoulement de l'eau d'une miserable clepsydre qui les forçoit à se taire, .

Cependant l'usage du barreau d'Athènes passa dans celui de Rome sans aucune altération. On trouve dans plusieurs endroits des oeuvres de Cicéron, aqua mihi haeret, aquam perdere. Pline déclamant contre la précipitation avec laquelle les juges de son siecle décidoient des plus grandes affaires ; après avoir dit que leurs peres n'en usoient pas ainsi, ajoûte ironiquement : " Pour nous, qui nous expliquons plus nettement, qui concevons plus vîte, qui jugeons plus équitablement, nous expédions les affaires en moins d'heures, paucioribus clepsydris, qu'ils ne mettoient de jours à les entendre ".

On sait en effet qu'on obligeoit l'orateur de suivre la loi, & qu'on ne lui laissoit pas le tems de prononcer un discours, qui étoit le fruit de plusieurs veilles : in actione aqua deficit, dit Quintilien. Quand les juges doubloient par extraordinaire le tems qui devoit être accordé par la loi, c'étoit clepsydras clepsydris addere.

On observoit seulement de suspendre l'écoulement de l'eau pendant la lecture des pieces qui ne faisoient pas le corps du discours, comme la déposition des témoins, le texte d'une loi, la teneur d'un décret ; c'étoit-là aquam sustinere.

Ce soin de mettre l'eau dans l'horloge, ou de l'arrêter, regardoit un ministere inférieur, & les personnes qui l'exerçoient, étoient d'un caractere assez méprisable. Souvent emportés par une haine particuliere ou corrompus par des présens, ils avoient l'art de faire couler l'eau plus promtement : alors dès qu'elle étoit écoulée, un sergent en avertissoit, & l'orateur étoit contraint de s'arrêter : s'il en usoit autrement, celui qui devoit parler après lui, avoit droit de l'interrompre, & de lui dire : Il ne t'est pas permis de puiser dans mon eau ; de-là ces expressions proverbiales, parler en son eau, avoir la mesure d'eau, pour signifier être borné & assujetti à un tems fixe.

Mais, malgré la sevérité de la loi, la faveur ou la haine amenerent insensiblement beaucoup d'injustices. Cicéron n'obtint qu'une demi-heure pour la défense de Rabirius, & les accusateurs de Milon eurent deux heures pour l'attaquer. Enfin il arriva que l'horloge d'eau ne s'arrêta plus que pour les gens sans crédit.

D'ailleurs on avoit imaginé toutes sortes de ruses pour accélérer ou retarder l'écoulement de l'eau, soit en employant des eaux plus ou moins épaisses, soit en détachant, ou en ajoûtant de la cire à la capacité du verre.

Les horloges à eau, dont nous venons de parler, étoient encore d'usage à l'armée, pour diviser les veilles aux sentinelles, comme on peut le recueillir des anciens auteurs tactiques : plusieurs peuples s'en servoient aussi, pour marquer les heures du jour & de la nuit ; témoin ce que dit César dans sa description de l'Angleterre, qu'il avoit observé par leurs horloges d'eau, que les nuits y étoient plus courtes que dans les Gaules. (D.J.)

HORLOGE à rouages, à ressorts, à contrepoids, à sonnerie, (Hist. de l'Horlog.) ce sont là tout autant de machines automates inventées pour mesurer le tems. De songer à le fixer, seroit un dessein extravagant ; mais, dit M. l'Abbé Saillier, marquer les momens de sa fuite, compter les parties par lesquelles il nous échappe, c'est un fruit de la sagacité de l'homme, & une découverte qui ayant eu la grace de la nouveauté, conserve encore la beauté de l'invention, jointe à son utilité reconnue ; cette découverte est celle des horloges en général.

Nous avons fait l'article historique des horloges à eau ; pour ce qui regarde les horloges à sable, voyez SABLE. De cette maniere il nous reste seulement à parler de celles à rouages, à ressorts, à contrepoids, & à sonnerie ; comme elles succéderent aux premieres, leur histoire nous intéresse de plus près. Voici ce que j'en ai recueilli, particuliérement d'un mémoire de M. Falconet, inséré dans le recueil de l'académie des Inscriptions.

Après que Ctésibius, qui fleurissoit vers l'an 613 de Rome, eut imaginé la machine hydraulique des horloges à eau, on trouva le secret d'en faire à rouage sur le même modele, & ces nouvelles horloges prirent une grande faveur ; Trimalcion en avoit une dans sa salle à manger. Cette invention néanmoins ne se perfectionna point ; car pendant plus de sept siecles, il n'est parlé d'aucune horloge remarquable. Nous ne connoissons de nom que celles de Boëce & de Cassiodore. On sait que Cassiodore avoit lui-même du goût pour la méchanique ; l'histoire rapporte que s'étant retiré sur ses vieux jours dans un monastere de la Calabre, il s'y amusoit à faire des horloges à rouages, des cadrans & des lampes perpétuelles.

Mais la barbarie enveloppa si bien tous les arts dans l'oubli, que lorsque deux cent ans après, le pape Paul I. envoya vers l'an 760, une horloge à rouage à Pepin le Bref, cette machine passa pour une chose unique dans le monde.

Vers l'an 807, le calife Aaron Raschild, si connu par son amour pour les sciences & les arts, ayant contracté une étroite amitié avec Charlemagne, lui fit entr'autres présens, celui d'une horloge, dont nos historiens parlent avec admiration, & qui étoit vraisemblablement dans le goût de celle du Pape Paul I. Ce n'étoit pas du-moins une horloge sonnante, car il n'y en avoit point de telle du tems de Charlemagne, & dans toutes les villes de son empire ; il n'y en eut même que vers le milieu du xiv. siecle. De-là vient l'ancienne coûtume qui se conserve en Allemagne, en Suisse, en Hollande, en Flandres & en Angleterre, d'entretenir des hommes qui avertissent de l'heure pendant la nuit.

Les Italiens à qui l'on doit la renaissance de toutes les sciences & de tous les arts, imiterent aussi les premiers les horloges à roues du pape Paul & du calife des Abassides. Cette gloire appartient à Pacificus, archidiacre de Vérone, excellent méchanicien, mort en 846. Il n'est donc pas vrai, pour le dire en passant, que Gerbert qui mourut sur le siege pontifical en 1033, soit l'inventeur des horloges à roues, comme quelques-uns l'ont avancé ; en effet, outre que la prétendue horloge de Gerbert n'étoit qu'un cadran solaire, les roues étoient employées dans les horloges dont nous venons de parler, qui quoique vraies clepsydres au fond, devenoient horloges automates par le moyen des roues.

Dans le xiv. siecle, parut à Londres l'horloge de Wallingford, Bénédictin anglois, mort en 1325, & elle fit beaucoup de bruit dans son pays ; mais bientôt après, l'on vit à Padoue celle de Jacques de Dondis, la merveille de son tems ; il nous sera facile de faire connoître au lecteur cette merveille, en transcrivant ici ce qu'en dit un témoin oculaire, le sieur de Mézieres, dans son songe du vieux pélerin. D'ailleurs, c'est un morceau assez curieux pour l'histoire de l'ancienne horlogerie ; le voici mot pour mot.

" Il est à savoir que en Italie, y a aujourd'huy ung homme en Philosophie, en Medecine & en Astronomie, en son degré singulier & solempnel, par commune renommée sur tous les autres excellent ès dessus trois sciences, de la cité de Pade. Son sournom est perdu, & est appellé maistre Jehan des Orloges, lequel demeure à présent avec le comte de Vertus, duquel pour science treble (triple) il a chacun an de gaiges & de bienfaits, deux mille flourins, ou environ. Cetuy maistre Jehan des Orloges, a fait dans son tems grands oeuvres & solempnelles, ès trois sciences dessus touchiées, qui par les grands clercs d'Italie, d'Allemagne & de Hongrie, sont autorisées, & en grant réputation, entre lesquels oeuvres, il a fait un grant instrument par aucuns appellé espere (sphere) ou orloge du mouvement du ciel, auquel instrument, sont tous les mouvemens des signes & des planetes, avec leurs cercles & épisticules (apparemment épicycles), & différences par multiplication des roes sans nombre, avec toutes leurs parties, & à chacune planete en ladite espere, particuliérement son mouvement.

Par telle nuit on peut voir clairement en quel signe & degré les planetes sont, & étoiles solempnelles du ciel. Et est faite si soubtilement cette espere, que nonobstant la multitude des roes, qui ne se pourroient nombrer bonnement, sans défaire l'instrument ; tout le mouvement d'icelle est gouverné par un tout seul contrepoids, qui est si grant merveille, que les solempnels Astronomiens de loingtaines régions viennent visiter à grant révérence ledit maistre Jehan, & l'oeuvre de ses mains ; & dient tous les grant clercs d'Astronomie, de Philosophie & de Medecine, qu'il n'est mémoire d'homme, par escript ne autrement, que en ce monde, ait fait si soubtil, ne si soulempnel instrument du mouvement du ciel, comme l'orloge desusdit ; l'entendement soubtil dudit maistre Jehan, il, de ses propres mains, forgea ladite orloge, toute de laiton & de cuivre, sans aide de nulle autre personne, & ne fit autre chose en seize ans tout entiers, si comme de ce a été informé l'écrivain de cestuy livre, qui a eu grant amitié audit maistre Jehan.

Ce récit simplifié en deux mots, nous apprend que l'horloge de Jacques de Dondis, né à Padoue, marquoit outre les heures, le cours annuel du soleil suivant les douze signes du zodiaque, avec le cours des planetes. Cette horloge merveilleuse, qui fut placée sur la tour du palais de Padoue en 1344, valut à son auteur & à tous ses descendans, le surnom de Horologius, qui dans la suite prit la place du nom même. Cette famille subsiste encore avec honneur en deux branches, l'une aggrégée au corps des Patriciens, & l'autre décorée du titre de marquis.

L'horloge de Dondis excita l'émulation des ouvriers dans toute l'Europe ; on ne vit plus que des horloges à roues, à contrepoids & à sonnerie, en Allemagne, en France & ailleurs. L'horloge de Courtray fut une de celles qui fut le plus célébrée ; Philippe le Hardi duc de Bourgogne, la fit démonter en 1363, & emporter par charrois à Dijon, où il la fit remonter. C'est l'ouvrage le plus beau, dit Froissart, qu'on pût trouver deçà ni delà la mer ; entre les pieces singulieres de cette horloge, décrite par le même auteur, il y avoit vingt-quatre brochettes, qui devoient apparemment servir à faire sonner les heures, ou du-moins à les indiquer.

La France ne fut pas moins curieuse que les autres pays, à se procurer des horloges à la nouvelle mode. Paris montra l'exemple par celle du palais qui est la premiere grosse horloge que la capitale du royaume ait possédée. Elle fut faite par Henri de Vic, que Charles V. fit venir d'Allemagne ; il assigna six sols parisis à cet ouvrier, & lui donna son logement dans la tour, sur laquelle l'horloge fut placée en 1370. L'horloge du château de Montargis fut faite vers l'an 1380 par Jean Jouvence.

Mais Nuremberg, ville où les ouvriers se sont toujours signalés par une adresse industrieuse, se distingua singuliérement par la variété de méchanique qu'elle mit dans les horloges de sa façon, Pontus de Thyard, mort évêque de Châlons, rapporte en avoir vû où les heures de chaque jour & de chaque nuit, de quelque durée que fussent l'une & l'autre, y étoient séparément divisées en douze parties égales. M. Fardoit, mort il y a environ quarante-cinq ans, a renouvellé de nos jours cette invention. Il a fait une horloge où le cadran marque deux fois douze heures, séparément sur deux especes d'éventails, dont les branches de l'un s'écartent, à proportion que celles de l'autre se rapprochent, l'une & l'autre alternativement selon la durée des heures qui suit celle des jours & des nuits ; cette horloge étoit dans le cabinet de M. d'Onsembray mort en 1754.

On juge bien que l'Horlogerie ne tomba pas en Italie : l'horloge de Dondis, qui y avoit été tant admirée, excita l'émulation d'un habile ouvrier, qui en 1402 en fit une à Pavie presque toute semblable, & fort promtement, sous la protection de Jean Galéas Visconti.

Dans le tems de Louis XI. c'est-à-dire sur le déclin du xv. siecle, il falloit qu'il y eût des horloges portatifs à sonnerie. Un gentilhomme ruiné par le jeu, étant entré dans la chambre de ce prince, prit son horloge, & la mit dans sa manche, où elle sonna : Louis XI. dit du Verdier, non-seulement lui pardonna le vol, mais lui donna généreusement l'horloge. Carovagius sur la fin du même siecle, fit un réveil pour André Alciat, lequel réveil sonnoit l'heure marquée, & du même coup battoit le fusil, & allumoit une bougie.

Vers le milieu du xvj. siecle, la méchanique des grosses horloges s'étendit, & se perfectionna par-tout. Henri II. fit faire celle d'Anet, qui fut admirée. Celle de Strasbourg, achevée en 1573, soutient encore aujourd'hui sa premiere réputation, & passe pour une des plus merveilleuses de l'Europe, comme celle de Lyon passe pour la plus belle de France. L'horloge de Lyon fut construite par Nicolas Lippius de Basle, en 1598, rétablie & augmentée en 1660, par Guillaume Nourrisson, habile horloger lyonnois.

Derham fait une mention très-honorable de l'horloge de la cathédrale de Lunden en Suede, laquelle, selon la description qu'en donne le docteur Heylin, n'est point inférieure à celle de Strasbourg. En un mot, on ne peut douter qu'il n'y ait dans diverses villes de l'Europe, beaucoup d'horloges de ces derniers siecles, d'une structure très-curieuse.

Il paroît même qu'on n'a pas tardé d'exécuter en petit des horloges merveilleuses. Pancirole assure que de son tems, c'est-à-dire sur la fin du xv. siecle, l'on exécutoit de telles horloges de la grosseur d'une amande, que l'on pouvoit porter au col. Un nommé Myrmécide se distingua dans ce genre de travail ; ces derniers siecles ont eu leurs Myrmécides ; mais toutes ces petites machines, qui prouvent l'adresse & l'industrie de l'ouvrier, ne sont ni de durée, ni d'un goût éclairé, parce que le violent frottement des pieces qui les composent, augmente à proportion de l'augmentation des surfaces qui suit leur petitesse. (D.J.)

* HORLOGE, (Machin.) quoique ce terme s'entende en général de toute machine, qui par l'engrainement de ses roues sert à mesurer ou à indiquer les différentes parties du tems ; il se dit cependant plus particuliérement de celles que l'on place dans les clochers des églises, des châteaux, dans les salles & sur les escaliers, & qu'on appelle horloges à pié ou de chambre.

Dans les commencemens on les appella cadrans nocturnes, pour les distinguer des cadrans solaires.

Quoique ces mesures du tems aient toujours été en se perfectionnant depuis le tems de leur invention, elles étoient encore fort imparfaites vers le milieu du siecle passé. Mais dès que Huyghens eut imaginé ou perfectionné la maniere de substituer la pendule au balancier, on les vit dans peu de tems parvenir à un degré de justesse qu'on n'auroit osé espérer sans cette heureuse découverte. Voyez l'article HORLOGERIE.

Une horloge, comme on l'a dit, étant une machine qui doit avoir un mouvement égal & d'une assez grande durée pour pouvoir mesurer le tems, on voit qu'il faut d'abord produire du mouvement, & le déterminer ensuite à être égal. Il doit donc y avoir, 1°. une force motrice, 2°. un enchaînement de parties qui détermine l'égalité du mouvement ; d'où il suit qu'une horloge a toujours un poids ou un ressort pour produire du mouvement, & des roues & un échappement pour le modifier ; c'est cette partie d'une horloge que l'artiste appelle le mouvement. Il donne aux autres qui servent à sonner ou à répéter les heures, les noms de sonnerie, répétition, &c. Voyez les articles SONNERIE, MOUVEMENT, REPETITION, &c.

Description des grosses horloges, ou horloges de clochers. Depuis le tems de leur invention, la construction générale a été toujours la même jusqu'aux environs de 1732, que M. Le roy pere inventa les horloges horizontales, qui sont incontestablement préférables aux autres.

Nous avons représenté dans nos planches une grosse horloge horizontale vue par-dessus. La cage, qui est une espece de rectangle, est composée des barres A B, B C, C D, D A, qui sont retenues ensemble par des clavettes. Ces barres sont posées sur le champ, afin qu'elles aient plus de forces. F E est une autre barre posée dans le même sens, & qui sert à porter les pivots de la sonnerie & du mouvement. Le rectangle E F C D contient le mouvement, R est la grande roue ; G le rouleau sur lequel s'enveloppe la corde qui porte le poids. Ce rouleau porte un cliquet q, qui s'engage dans les croisées de la grande roue de façon que le rouleau peut bien tourner de G en X sous la grande roue ; mais de G en P il ne le peut pas. H est la seconde roue ; I la roue de rencontre, & K F la verge des palettes à laquelle le pendule est attaché ; mais qu'on ne peut voir ici à cause que l'on voit l'horloge en dessus. Ainsi supposant que le poids P entraîne le rouleau, il fera tourner la grande roue qui fera tourner la seconde roue, ainsi de suite jusqu'à la roue de rencontre qui les tourneroit avec toute la vîtesse qui lui est imprimée par le poids, si cette vîtesse n'étoit retardée & modifiée par le pendule que la roue de rencontre est obligée de faire vibrer en agissant sur les palettes K. On voit par là, qu'ici le poids P produit le mouvement, & que l'action du pendule sur la roue de rencontre au moyen des palettes K K le modifient. Les nombres des roues & des pignons sont 80 à la grande roue ; 10 au pignon de la seconde roue, qui est de 72 ; 8 au pignon de la roue de rencontre, qui a 25 dents. Comme la grande roue doit faire un tour par heure, il est facile de voir qu'en conséquence de ces nombres la pendule battra les secondes. Voyez là-dessus les articles NOMBRE, VIBRATION, ÉCHAPPEMENT, PENDULE, &c.

Dans cette horloge, il y a, comme on voit, trois roues au mouvement ; mais comme le nombre des roues est toûjours desavantageux, à cause que, multipliant les frottemens de l'horloge, elles en augmentent les inégalités ; il s'en suit que lorsqu'on le peut, il est toûjours avantageux de diminuer leur nombre, & qu'il seroit mieux dans ce cas-ci de n'avoir que deux roues : par-là on gagneroit deux avantages ; car, on diminueroit non-seulement les frottemens, mais on auroit encore un pendule plus long, pendule qui a toûjours plus de puissance régulatrice. C'est ainsi que dans l'horloge exécutée sous les yeux de mon pere pour le séminaire des missions étrangeres, on n'a mis que deux roues avec un pendule, dont chaque vibration est de deux secondes.

Le remontoir est formé par la lanterne N, qui engrene les dents de la roue O adaptée sur le rouleau ; ainsi au moyen de la manivelle 20, on remonte le poids.

La sonnerie est contenue dans le rectangle A D E F ; 4, Z & Y sont la grande roue, le rouleau & la lanterne du remontoir, qui sont construits de même que dans le mouvement, excepté cependant que la grande roue a des chevilles au nombre de 9, qui servent à lever la bascule du marteau ; 12 est la seconde roue, 21 est le pignon du volant, & 18, 19 le volant ; 6, 5, 9 est la bascule du marteau, dont la partie 9, comme on peut le voir dans la tige, s'avance sur les chevilles ; r 9 a est la premiere détente mobile dans les points c & b : cette détente a une partie a, qui doit s'avancer dessous la partie 3, 21 du volant. S U T est la seconde détente, dont la partie ou le compteur entre dans les entailles du chaperon. La cheville u sur la tige du pignon du volant forme l'arrêt de la sonnerie ; lorsque la premiere détente r 9 a est levée par la roue de cadran, elle éleve au moyen de la partie S la détente S T, & la dégage de la cheville u ; mais, dans le même moment, le volant est arrêté par la partie 21, 3, qui rencontre la partie a de la premiere détente, desorte que la sonnerie ne peut partir que lorsque cette détente n'étant plus soûtenue par la cheville de la roue de cadran, elle tombe & dégage le pignon du volant. Les nombres sont 81 à la grande roue, 9 à la lanterne, dans laquelle elle engrene. Quant à la seconde roue & au pignon du volant, leur nombre est indéterminé. Voyez là-dessus l'article SONNERIE. La roue de compte a 90 ; le pignon, dans lequel elle engrene, fixe sur l'extrémité de l'arbre de la grande roue a 9 ; de façon qu'un tour du chaperon équivaut à 90 coups de marteau, nombre de coups qu'une horloge doit sonner dans 12 heures, lorsqu'elle sonne les demies. Voyez l'article SONNERIE.

Les grosses horloges anciennes ne different point essentiellement de celle-ci quant aux roues du mouvement, de la sonnerie, au volant & aux détentes, &c. mais elles en different beaucoup à l'égard de la cage & de la maniere dont les roues y sont placées. Cette cage est composée d'onze pieces ; savoir, de cinq montans, de quatre piliers, & de deux rectangles, l'un supérieur, l'autre inférieur, semblables à-peu-près à celui de l'horloge que nous venons de décrire ; chaque rectangle est ajusté & retenu avec les piliers de la même façon que les barres B C, A D, avec les barres C D, A B, ils ont chacun au milieu une traverse comme E F, qui sert à affermir le montant du milieu. Deux autres montans sont placés au milieu des petits côtés des rectangles, desorte que ces trois montans sont sur la même ligne, & vis-à-vis les uns des autres : ils servent à soûtenir les roues de la sonnerie & du mouvement. Le quatrieme montant est placé sur l'un des deux côtés des rectangles ; son usage est de soûtenir la roue de compte, & le pignon qui la fait tourner. Le cinquieme montant est opposé à celui qui porte la roue de compte, & sert à porter la roue de cadran ou l'étoile qui la doit faire tourner. Il suit de cette disposition des montans dans les grosses horloges ordinaires, que les roues du mouvement & de la sonnerie ne peuvent être placées autrement que dans la même verticale, ou à peu-près, d'où il arrive que le frottement produit par le poids sur l'axe de la grande roue, est beaucoup plus grand qu'il ne pourroit l'être ; inconvénient qui ne subsiste point dans l'horloge de M. le Roy, & qui est d'autant plus considérable que la grande roue est obligée de faire un tour par heure, pour faire détendre la sonnerie. Pour bien comprendre la raison de ceci, imaginez qu'il y ait une puissance en P, qui tende à faire tourner la grande roue, & que la roue H dans le pignon de laquelle elle engrene, au lieu de se mouvoir, soit arrêtée fixément ; il est clair que l'on peut supposer que le fuseau e sur lequel la dent porte, est le point d'appui de la grande roue, & qu'étant entraînée en em-bas par la puissance P, son pivot en conséquence de cette action appuie sur la parois de son trou avec une certaine force : or, pour estimer cette force, on peut regarder la distance entre le point e & l'axe de la grande roue comme un levier de la troisieme espece, dont le point d'appui comme e est à un bout, le poids ou la résistance à l'autre, & la puissance comme P au milieu ; mais on sait que dans un levier de cette espece la puissance est toûjours plus grande que le poids : donc la pression du pivot sur son trou occasionnée par la puissance, est moindre que cette puissance, & cela dans le rapport de la distance d e d'entre le rouleau & le point d'appui à celle qui est entre l'axe de la grande roue & ce même point.

Mais si l'on suppose pour un moment que la même puissance, au lieu d'être en P, soit en X, & qu'elle tende à faire tourner la roue de G en X, le levier deviendra par ce changement de la seconde espece, la puissance étant à une extrémité, le point d'appui à l'autre, & le poids ou la résistance entre les deux ; mais dans un levier de cette espece, la puissance est toûjours plus grande que le poids ; donc la pression du pivot sur son trou, occasionnée par la puissance, sera plus grande que cette puissance même, & cela dans le rapport du diametre du rouleau, plus la distance d e à cette même distance ; donc lorsque la puissance, qui fait tourner la roue, est entre son pivot & le pignon, la pression est toûjours moindre que cette puissance ; & que lorsqu'elle est de l'autre côté, & que le pivot est entr'elle & le point d'appui, cette pression est au contraire toûjours plus grande, mais les frottemens sont dans le même rapport que les pressions ; donc, &c.

Ainsi on voit qu'il faut toûjours, autant qu'on le peut, que le poids ou la puissance qui fait tourner la grande roue, soit entre son pivot & le pignon, dans laquelle elle engrene.

HORLOGE, POUDRIER, AMPOULETTE, SABLE, (Marine) noms que l'on donne sur mer à un petit vaisseau composé de deux especes de bouteilles de verres jointes ensemble, dont l'une est remplie de sable, ou plûtôt d'une poudre fort déliée, qui emploie une demi-heure à s'écouler ou passer d'une bouteille dans l'autre. C'est de-là que les matelots appellent une derniere heure une horloge, & divisent les vingt-quatre heures en quarante-huit horloges. Ainsi le quart, qui est la faction que chaque homme fait pour le service du vaisseau, est composé de six horloges, qui valent trois heures. Il y a cependant des vaisseaux où le quart est de huit horloges, ou quatre heures. La construction de cette petite machine est si simple & si connue, qu'elle ne mérite pas une description particuliere ; cependant on peut en voir la construction dans le Traité de la construction des instrumens de Mathématique, de M. Bion.

Il y a des horloges ou sabliers d'une demi-minute, qui servent à estimer le chemin que fait le vaisseau.

Il y en a aussi d'une heure pour l'usage commun.

On dit, l'horloge dort, lorsque le sable s'arrête, c'est à quoi le timonier doit prendre garde ; & l'horloge moud, lorsque le sable coule bien. (Z)


HORLOGERS. m. (Art méchan.) c'est le nom que l'on donne aux artistes qui fabriquent les horloges, pendules, montres, & en général à ceux qui travaillent à l'horlogerie.

On verra ci-après à l'article HORLOGERIE les connoissances qu'il faut avoir pour posseder cette science, & la différence qu'on doit faire d'un horloger qui n'est communément qu'un ouvrier, avec un horloger méchaniste qui est un artiste, lequel doit joindre au génie des machines, donné par la nature, l'étude de la Géométrie, du calcul, des méchaniques, la Physique, l'art de faire des expériences, quelques teintures d'Astronomie, & enfin la main-d'oeuvre.

Les Horlogers de Paris forment un corps ou communauté, dont le nombre n'est point fixe.

Ils furent réduits en corps vers l'an 1544.

Les statuts ou lois de la communauté des Horlogers portent en substance.

1°. Qu'il ne sera permis à aucun Orfevre, ni autre de quelqu'état & métier qu'il soit, de se mêler de travailler & négocier directement ou indirectement aucunes marchandises d'horlogerie, grosses ou menues, vieilles ni neuves, achevées ou non achevées, s'il n'est reçu maître horloger à Paris, sous peine de confiscation des marchandises & amendes arbitraires.

2°. Qu'à l'avenir ne sera reçu de la maîtrise d'horloger aucun compagnon d'icelui, ou qui ne soit capable de rendre raison en quoi consiste ledit art de l'horloger, par examen & par essai qui se fera en la boutique de l'un des gardes-visiteurs dudit art ; ensemble que les chef-d'oeuvres qui se feront, seront faits en la maison de l'un desdits gardes-visiteurs, & que ledit compagnon ne soit apprentif de la ville.

3°. Nul ne pourra être reçu maître dudit art d'horloger qu'il ne soit de bonne vie & moeurs, & qu'il n'ait fait & parfait le chef-d'oeuvre qui sera au moins en réveil-matin ; & seront tenus les gardes de prêter serment, si ledit aspirant a fait & parfait le chef-d'oeuvre, & achevé le tems porté par son brevet d'apprentissage, & montré quittance du maître qu'il aura servi.

4°. Que les maîtres dudit art d'horloger ne pourront prendre aucun apprentif pour moins de huit ans ; & ne pourront lesdits maîtres prendre un second apprentif, que le premier n'ait fait les sept premieres années de son apprentissage.

5°. Que nul maître de ladite communauté ne pourra recevoir aucun apprentif qu'au-dessous de vingt ans.

6°. Qu'aucun ne sera reçu maître qu'il n'ait vingt ans accomplis.

7°. Que les maîtres horlogers pourront faire ou faire faire tous leurs ouvrages d'horlogerie, tant les boëtes, qu'autres pieces de leur art, de telle étoffe & matiere qu'ils aviseront bon être, pour l'embellissement de leurs ouvrages, tant d'or que d'argent, & autres étoffes qu'ils voudront, sans qu'ils puissent en être empêchés ni recherchés par d'autres, sous peine de 15 livres d'amende.

8°. Qu'il est loisible à tous maîtres de ladite communauté, de s'établir dans quelques villes, bourgs, & lieux que bon leur semblera, & notamment dans les villes de Lyon, Rouen, Bordeaux, Caën, Tours & Orléans, & d'y exercer en toute liberté leur profession.

9°. Que les femmes veuves des maîtres dudit métier, durant leur viduité seulement, pourront tenir boutique & ouvroir du métier, & jouir du privilege d'icelui métier, pourvû que icelles ayent en leur maison hommes, soeurs & experts audit métier, dont elles répondent quand au besoin sera ; & au cas où elles se remarieront avec ceux dudit métier qui ne seront maîtres, faudra & seront tenus leurs seconds maris & étant de ladite qualité, faire chef-d'oeuvre dudit métier tel qu'il leur sera baillé & délibéré par les gardes-visiteurs pour être faits & passés maîtres, s'ils sont trouvés suffisans par ledit chef-d'oeuvre ; autrement lesdites veuves ainsi remariées ne jouiront plus dudit métier, ni des privileges d'icelui.

Election des gardes-visiteurs, statuts de 1544. 1°. Avons statué & ordonné que la communauté des Horlogers choisira ou élira deux prud'hommes maîtres jurés dudit métier, lesquels, après ladite élection, seront institués gardes-visiteurs.

2°. Seront seulement appellés aux élections des gardes-visiteurs Horlogers, les gardes en charge, les anciens maîtres qui ont passé la jurande, douze modernes, & douze jeunes maîtres, lesquels y seront appellés alternativement tour-à-tour, selon l'ordre de leur reception.

3°. Lesdits gardes seront tenus de rendre compte de leur jurande quinze jours après qu'ils en seront sortis ; l'élection desdits gardes sera faite annuellement quinze jours après la fête de S. Eloi, le tout en présence des anciens & autres maîtres ainsi qu'il est accoûtumé.

Convocation d'assemblées & reddition de comptes. Ordonnons que toutes les fois qu'il sera nécessaire d'assembler les maîtres pour délibérer sur les affaires de la communauté, ils seront tenus de se trouver en leur bureau, à peine de 3 liv. d'amende contre chacun des défaillan au profit de la communauté, s'ils n'en sont dispensés par cause légitime en faisant avertir les gardes.

Les gardes en charge sont tenus de se charger en recette de tous les effets généralement de la communauté reçus ou non-reçus, & d'en charger ceux qui leur succéderont.

Tout syndic, juré ou receveur comptable, entrant en charge dans la communauté des Horlogers, sera tenu d'avoir un registre-journal, qui sera coté & paraphé par le lieutenant géneral de police à Paris, dans lequel il écrira les recettes & dépenses qu'il fera au jour & à mesure qu'elles seront faites.

Visites des gardes visiteurs chez les maîtres. 1°. Pourront lesdits gardes-visiteurs faire visitation à tel jour & heure que bon leur semblera, appeller avec eux un sergent du Châtelet, sur tous les maîtres dudit art d'horloger en cette ville & banlieue de Paris, soit en général ou en particulier ; & faisant icelle visitation, prendre, saisir & enlever les ouvrages commencés ou achevés, qui se trouveront mal-façonnés & de mauvaises étoffes, pour être par eux plus amplement vûs & visités, & être représentés en justice.

2°. Les gardes-visiteurs feront par chacun an chez chaque maître & veuve de maître, autant de visites qu'ils jugeront nécessaires ; pour les maintenir dans la discipline qu'ils sont obligés d'observer, à condition que les maîtres n'en payeront que quatre.

La communauté des horlogers de Paris est de la jurisdiction du lieutenant de police, ainsi que les autres corps de cette ville ; ce qui concerne le titre des matieres d'or & d'argent dont on fait les boëtes de montre, dépend de la cour des monnoies.

Les parties qui concernent l'art de l'Horlogerie, sont dépendantes de la communauté.

Extraits par F. B. du livre des statuts des Horlogers de Paris.


HORLOGERIE(ordre encyclopédique, Méchanique, Physique, science du mouvement, &c.) L'Horlogerie est l'art de faire des machines qui mesurent le tems. L'art de mesurer le tems a dû faire l'objet des recherches des hommes dans les siecles les plus reculés, puisque cette connoissance est nécessaire pour disposer des momens de la vie : cependant il ne paroît pas que les anciens ayent eu aucune connoissance de l'Horlogerie, à moins que l'on n'appelle de ce nom l'art de tracer les cadrans solaires, de faire des clepsydres ou sabliers, des horloges d'eau, &c. Il est vraisemblable que les premiers moyens que l'on a mis en usage pour mesurer le tems, ont été les révolutions journalieres du soleil : ainsi le tems qui s'écoule depuis le lever jusqu'au coucher du soleil, fit une mesure qui fut appellée un jour, & le tems compris depuis le coucher du soleil jusqu'à son lever fit la nuit ; mais on dut bientôt s'appercevoir qu'une telle mesure étoit défectueuse, puisque ces sortes de jours étoient plus longs en été qu'en hiver : il paroît que l'on se servit ensuite du tems qui s'écoule depuis le point de la plus grande élévation du soleil au-dessus de l'horison (lequel on nomme midi), jusqu'à son retour au même point ; mais comme les besoins des hommes augmenterent à mesure qu'ils devinrent plus instruits, cela les obligea à avoir des divisions du tems qui fussent plus petites. Ils diviserent donc le tems qui s'écoule entre deux midi, c'est-à-dire une révolution du soleil en vingt-quatre parties ou heures, de-là l'origine des cadrans solaires dont les heures font marquées par des lignes ; voilà en gros l'origine de la mesure du tems par le mouvement du soleil : or on voit que cette maniere étoit sujette à bien des difficultés, car on ne pouvoit savoir l'heure pendant la nuit, ni lorsque le soleil étoit caché par des nuages ; c'est ce qui donna lieu à l'invention des clepsydres ou horloges d'eau, &c.

Cette derniere maniere de mesurer le tems, toute imparfaite qu'elle est, a servi jusqu'à la fin du dixieme siecle, qu'est l'époque de l'invention des horloges, dont le mouvement est communiqué par des roues dentées, la vîtesse réglée par un balancier, l'impulsion donnée aux roues par un poids, & le tems indiqué sur un cadran divisé en douze parties égales au moyen d'une aiguille portée par l'axe d'une roue ; cette aiguille fait un tour en douze heures, c'est-à-dire deux tours depuis le midi d'un jour au midi suivant. Lorsque l'on fut ainsi parvenu à avoir de ces horloges, dont les premiers furent placés aux clochers des églises ; des ouvriers adroits & intelligens enchérirent sur ces découvertes, en ajoûtant à côté de ces horloges un rouage, dont l'office est de faire frapper un marteau sur une cloche les heures indiquées sur le cadran ; desorte qu'au moyen de cette addition, on pouvoit savoir les heures pendant la nuit sans le secours de la lumiere, ce qui devint d'une grande utilité pour les monasteres ; car il falloit qu'avant cette invention les religieux observassent les étoiles pendant la nuit, pour ne pas manquer l'heure du service, ce qui n'étoit pas fort commode pour eux ; aussi attribuoit-on l'invention des horloges à roues au moine Gerbert, qui fut ensuite archevêque de Rheims environ en 991, & enfin pape sous le nom de Silvestre II. on s'est servi jusques en 1651 de cette invention. Voyez l'Histoire de France du président Hénault, tome I. p. 126.

Quand on fut ainsi parvenu à avoir de ces horloges, on en fit des plus petites pour placer dans les chambres ; enfin d'habiles ouvriers firent des horloges portatives, auxquelles on a donné le nom de montres. C'est à ce tems que remonte l'origine du ressort spiral, dont l'action entretient le mouvement de la machine, & tient lieu du poids dont on se sert pour les horloges, lequel ne peut être appliqué à une machine portative continuellement exposée à des mouvemens, inclinaisons, &c. qui empêcheroient l'action du poids, on fit aussi des montres à sonnerie. C'est proprement à ces découvertes que commence l'art de l'Horlogerie ; la justesse, à laquelle on parvint pour mesurer le tems en se servant des horloges & des montres, étoit infiniment au-dessous de la justesse des sabliers & horloges d'eau ; aussi faut-il avouer que c'est une des belles découvertes de ces tems-là : mais elle n'étoit rien en comparaison de la perfection que l'Horlogerie acquit en 1647 ; Huyghens, grand mathématicien, créa de nouveau cet art par les belles découvertes dont il l'enrichit ; je veux parler de l'application qu'il fit du pendule aux horloges, pour en regler le mouvement ; & quelques années après, il adapta aux balanciers des montres un ressort spiral, qui produisit sur le balancier le même effet que la pesanteur sur le pendule.

La justesse de ces machines devint si grande par ces deux additions, qu'elle surpasse autant celle des anciennes horloges, que celles-ci étoient au-dessus des clepsydres & horloges d'eau.

Huyghens ayant appliqué le pendule aux horloges, s'apperçut que les vibrations par les grands arcs du pendule étoient d'une plus grande durée que les vibrations par les petits arcs, & que par conséquent l'action du poids sur le pendule venant à diminuer lorsque les frottemens des roues seroient augmentés & les huiles épaissies, il arriveroit nécessairement que l'horloge avanceroit. Pour parer cette difficulté, il chercha les moyens de rendre les oscillations du pendule isochrones ou égales en durée, quelle que fut l'étendue des arcs ; pour cet effet, il découvrit par ses recherches la propriété d'une courbe, qu'on appelle la cycloïde, laquelle est telle que si on laisse tomber un corps de différentes hauteurs de cette courbe, la descente du corps se fait toûjours dans le même tems : il appliqua donc à l'endroit où le fil, qui suspend le pendule, est attaché, deux lames pliées en cycloïde entre lesquelles le fil passoit ; ensorte qu'à mesure que le pendule décrivoit des plus grands arcs, & qu'il auroit dû faire l'oscillation en un plus grand tems, à mesure aussi le pendule s'accourcissoit, & son mouvement devenoit plus accéleré ; & tellement que soit que le pendule décrivît des plus grands ou des plus petits arcs, le tems des oscillations étoit toûjours le même. Quoique le succès n'ait pas répondu à cette théorie, elle n'en est pas moins admirable, & c'est à elle que nous devons la perfection actuelle de nos pendules ; car, malgré que l'on ne fasse plus usage de la cycloïde, c'est de cette théorie que nous avons appris que les petits arcs de cercle ne different pas sensiblement des petits arcs de cycloïdes ; & qu'ainsi en faisant parcourir de petits arcs au pendule, les tems des vibrations ne changeront qu'infiniment peu, quoique la force motrice changeât au point d'en doubler l'étendue.

Le pendule circulaire, que l'on appelle piroüette, est encore de l'invention de M. Huyghens. Ce pendule au lieu de faire ses oscillations dans un même plan, décrit au contraire un cone ; & tourne toûjours du même côté, y étant obligé par l'action des roues. Ce pendule est tellement composé qu'il peut parcourir de plus grands ou de plus petits arcs, selon que la force motrice agit plus ou moins, ensorte que les tours que ce pendule trace dans l'air, ont des bases plus grandes ou plus petites, selon l'inégalité de la force motrice ; mais quoique le pendule décrive ainsi des cones inégaux, cela ne change point les tems des revolutions du pendule ; car, soit que la force motrice soit foible, & que la force centrifuge du pendule lui fasse décrire un petit cône, ou soit que la force motrice venant à augmenter, la force centrifuge du pendule lui fasse alors parcourir un plus grand cercle, le tems des révolutions est toûjours le même ; ce qui dépend de la propriété d'une certaine courbe, sur laquelle s'applique le fil qui porte le pendule. Cet isochronisme des révolutions du pendule est fondé sur une théorie qui m'a toûjours paru admirable, ainsi que celle de la cycloïde ; & quoique l'on ne fasse usage de l'une ni de l'autre méthode, on ne doit pas moins essayer d'en suivre l'esprit dans les machines qui mesurent le tems, toute leur justesse ne pouvant être fondée que sur l'isochronisme des vibrations du régulateur quel qu'il soit : ces inventions furent contestées à Huyghens, comme il le dit lui-même au commencement de son livre intitulé, de horlogio oscillatorio. Je rapporterai ses propres paroles.

" Personne ne peut nier qu'il y a seize ans qu'on n'avoit soit par écrit, soit par tradition, aucune connoissance de l'application du pendule aux horloges, encore moins de la cycloïde dont je ne sache pas que personne me conteste l'addition.

Or il y a seize ans actuellement (en 1658) que j'ai publié un ouvrage sur cette matiere ; donc la date de l'impression differe de sept années celle des écrits où cette invention est attribuée à d'autres ; quant à ceux qui cherchent à en attribuer l'honneur à Galilée, les uns disent qu'il paroît que ce grand homme avoit tourné ses recherches de ce côté ; mais ils font plus, ce me semble, pour moi que pour lui, en avouant tacitement qu'il a eu dans ses recherches moins de succès que moi. D'autres vont plus loin, & prétendent que Galilée ou son fils a effectivement appliqué le pendule aux horloges ; mais quelle vraisemblance y a-t-il qu'une découverte aussi utile, non-seulement n'eût point été publiée dans le tems même où elle a été faite, mais qu'on eût attendu pour la revendiquer huit ans après la publication de mon ouvrage ? dira-t-on que Galilée pouvoit avoir quelque raison particuliere pour garder le silence pendant quelque tems ? Dans ce cas, il n'est point de découvertes qu'on ne puisse contester à son auteur "....

L'application de la cycloïde aux horloges, toute admirable qu'elle est dans la théorie, n'a pas eu le succès que M. Huyghens s'en étoit promis ; la difficulté de tracer exactement une telle courbe a dû y contribuer ; mais la principale cause dépend de ce qu'elle exigeoit que le pendule fût suspendu par un fil flexible ; or ce fil étoit susceptible des effets de l'humidité & de la sécheresse ; & d'ailleurs il ne pouvoit supporter qu'une lentille legere, qui parcourant de grands arcs, éprouvoit une grande résistance de l'air, ses surfaces étant d'autant plus grandes, que les corps sont plus petits. Or cette lentille devenoit sujette par ces raisons à causer des variations à l'horloge, & d'autant plus que la force motrice, soit le poids qui entretient le mouvement de la machine, devenoit plus grand, ce qui produisoit des frottemens. D'ailleurs toute la théorie de la cycloïde portoit sur les oscillations du pendule libre, c'est-à-dire, qui fait ses oscillations indépendamment de l'action réitérée d'un rouage. Or un tel pendule ne peut servir que pendant quelques heures à mesurer le tems ; & lorsqu'il est appliqué à l'horloge, ses oscillations sont troublées par la pression de l'échappement qui en entretient le mouvement ; ensorte que, selon la nature de l'échappement, c'est-à-dire, que selon que l'échappement est à repos ou à recul, les oscillations se font plus vîte ou plus lentement, comme nous le ferons voir. Aussi a-t-on abandonné depuis la cycloïde, qui a cependant produit une grande perfection aux horloges à pendules, c'est de nous apprendre que les petits arcs de cercles ne different pas sensiblement des petites portions de cycloïde ; ensorte qu'en faisant décrire au pendule de petits arcs, les oscillations en seroient isochrones, quoique les arcs decrits par le pendule vinssent à augmenter ou à diminuer par le changement de la force motrice.

Le docteur Hook fut le premier en Angleterre qui fit usage des petits arcs ; ce qui donna la facilité de faire en même tems usage des lentilles pesantes. Le sieur Clément, horloger de Londres, fit dans le même tems des pendules qui décrivoient de petits arcs avec des lentilles pesantes. Ce principe a été suivi depuis ce tems par tous les horlogers qui ont aimé à faire de bonnes machines. M. le Bon à Paris, a été un des premiers qui en ait fait usage ; il fit même des lentilles pesant environ 50 à 60 livres ; c'est le même système qu'a suivi de nos jours M. Rivaz.

On peut juger de la perfection où on aporté la construction & l'exécution des pendules astronomiques, par ce qu'elles étoient lorsque Huyghens les imagina. Les premieres horloges à pendule qui furent faites sur ces principes alloient 30 heures avec un poids de six livres, dont la descente étoit de cinq piés ; & je viens d'en terminer une qui va un an avec un poids qui pese deux livres, & dont la descente est de cinq piés.

Au reste cette perfection que l'Horlogerie a acquise n'a rien changé aux principes, même depuis cent ans ; ainsi le pendule est encore le meilleur régulateur des horloges, qu'on nomme aussi pendules, & le balancier gouverné par le spiral est le meilleur regulateur des montres.

Jusques à Huyghens l'Horlogerie pouvoit être considérée comme un art méchanique qui n'exigeoit que de la main-d'oeuvre ; mais l'application qu'il fit de la Géométrie & de la Méchanique pour ses découvertes, ont fait de cet art une science où la main-d'oeuvre n'est plus que l'accessoire, & dont la partie principale est la théorie du mouvement des corps, qui comprend ce que la Géométrie, le calcul, la Méchanique & la Physique ont de plus sublime.

La grande précision avec laquelle le pendule divise le tems, facilita & donna lieu à de bonnes observations ; ce qui fit appliquer de nouvelles divisions aux machines qui mesurent le tems. On divisa donc la 24e partie du jour, c'est-à-dire l'heure, en 60 parties, qu'on appelle minutes. La minute en 60 parties que l'on nomme secondes, & la seconde en 60 parties que l'on nomme tierces, & ainsi de suite. Ainsi la révolution journaliere du soleil d'abord divisée en 24 parties, l'est maintenant en 86400 secondes que l'on peut compter. On commença de faire d'après ces divisions, des horloges ou pendules qui marquerent les minutes & secondes ; pour cet effet on disposa ces machines de maniere que tandis que la roue qui porte l'aiguille des heures, fait un tour en 12 heures, une autre roue fait un tour par heure ; celle-ci porte une aiguille qui marque les minutes sur un cercle du cadran qui est divisé en 60 parties égales, dont chacune répond à une minute, & les 60 divisions à une heure. Enfin, pour faire marquer les secondes, on disposa la machine de maniere qu'une de ses roues fit un tour en une minute : l'axe de cette roue porte une aiguille qui marque les secondes sur un cercle divisé en 60 parties, dont chacune répond à une seconde, & les 60 à une minute ; on ajoûta de même ces sortes de divisions aux montres.

Dès que l'on fut ainsi parvenu à avoir des machines propres à diviser & à marquer exactement les parties du tems, les artistes Horlogers imaginerent à l'envi différens méchanismes, comme les pendules à réveils, celles qui marquent les quantiemes du mois, les jours de la semaine, les années, les quantiemes & phases de la lune, le lever & le coucher du soleil, les années bissextiles, &c. Mais parmi toutes les additions que l'on a faites aux pendules & aux montres, il y en a entr'autres deux qui sont très-ingénieuses & utiles : la premiere est la répétition, cette machine soit montre ou pendule, au moyen de laquelle on sait les heures & les quarts à tous les momens du jour ou de la nuit. La seconde est l'invention des pendules & des montres à équation. Pour connoître le mérite de ces sortes d'ouvrages, il faut savoir que les Astronomes ont découvert après bien des observations, que les révolutions journalieres du soleil ne se font pas tous les jours dans le même tems, c'est-à dire, le tems compris depuis le midi d'un jour au suivant, n'est pas toûjours le même, mais qu'il est plus grand dans certains jours de l'année, & plus court en d'autres. Or le tems mesuré par les pendules étant uniforme par sa nature, il arrive que ces machines ne peuvent suivre naturellement les écarts du soleil. On a donc imaginé un méchanisme qui est tel que tandis que l'aiguille des minutes de la pendule tourne d'un mouvement uniforme, une seconde aiguille des minutes suit les variations du soleil. Enfin, les plus belles machines que l'Horlogerie ait produites jusques ici sont, les spheres mouvantes & les planispheres.

On appelle sphere mouvante, une machine tellement disposée, qu'elle indique & imite à chaque moment la situation des planetes dans le ciel, le lieu du soleil, le mouvement de la lune, les éclipses : en un mot, elle représente en petit le système de notre monde. Ainsi, selon le dernier système reçû par les Astronomes, on place le soleil au centre de cette machine, qui représente la sphere du monde. Autour du soleil, tourne mercure ; ensuite sur un plus grand cercle on voit vénus, puis la terre avec sa lune ; après elle mars, ensuite jupiter avec ses quatre satellites, & enfin saturne avec ses cinq satellites ou petites lunes ; chaque planete est portée par un cercle concentrique au soleil ; ces différens cercles sont mis en mouvement par des roues de l'horloge, lesquelles sont cachées dans l'intérieur de la machine. Chaque planete employe & imite parfaitement dans la machine le tems de la révolution que les Astronomes ont déterminé ; ainsi mercure tourne autour du soleil en 88 jours, vénus en 224 jours 7 heures, la terre en 365 jours, 5 heures 49 minutes 12 secondes. La lune fait sa révolution autour de la terre en 29 jours 12 heures 44 minutes 3 secondes ; mars en un an 321 jours 18 heures ; jupiter en onze ans 316 jours, & saturne en 29 ans 155 jours 18 heures. La sphere mouvante n'est pas d'invention moderne, puisque Archimede qui vivoit il y a deux mille ans, en avoit composé & fait une qui imitoit les mouvemens des astres. On a fait dans ces derniers tems plusieurs spheres mouvantes ; mais la plus parfaite dont on ait connoissance, est celle qui est placée à Versailles, laquelle a été calculée par M. Passement, & exécutée par d'Authiau.

On a aussi composé des pendules qui marquent & indiquent le mouvement des planetes, comme le fait la sphere ; mais avec cette différence, que dans les machines qu'on nomme planispheres, les révolutions des planetes sont marquées sur un même plan par des ouvertures faites au cadran sous lequel tournent les roues qui représentent les mouvemens célestes.

On a ainsi enrichi l'Horlogerie d'un grand nombre d'inventions qu'il seroit trop long de rapporter ici ; on peut consulter les ouvrages d'Horlogerie, comme le traité de M. Thiout, du P. Alexandre, & de le Paute ; on trouvera sur-tout dans le livre de M. Thiout un grand nombre de machines très-ingénieusement imaginées pour parvenir à exécuter aisément toutes les parties qui composent la main-d'oeuvre ; il y a d'ailleurs toutes sortes de pieces : cet ouvrage est proprement un recueil des machines d'Horlogerie.

On voit par ce qui précede une partie des objets que l'Horlogerie embrasse ; on peut juger par leur étendue combien il faut réunir de connoissances pour posséder cette science.

L'Horlogerie étant la science du mouvement, cet art exige que ceux qui le professent connoissent les lois du mouvement des corps ; qu'ils soient bons géometres, méchaniciens, physiciens ; qu'ils possedent le calcul, & soient nés non-seulement avec le génie propre à saisir l'esprit des principes, mais encore avec les talens de les appliquer.

Je n'entens donc pas ici par l'Horlogerie, ainsi qu'on le fait communément, le métier d'exécuter machinalement des montres & des pendules, comme on les a vû faire, & sans savoir sur quoi cela est fondé ; ce sont les fonctions du manoeuvre : mais disposer une machine d'après les principes, d'après les lois du mouvement, en employant les moyens les plus simples & les plus solides ; c'est l'ouvrage de l'homme de génie. Lors donc que l'on voudra former un artiste horloger qui puisse devenir célebre ; il faut premierement sonder sa disposition naturelle, & lui apprendre ensuite le méchanique, &c. Nous allons entrer dans le détail de ce qui nous paroît devoir lui servir de guide.

On lui fera voir quelques machines dont on lui expliquera les effets : comment, par exemple, on mesure le tems ; comment les roues agissent les unes sur les autres ; comment on multiplie les nombres de leurs révolutions ; d'après ces premieres notions, on lui fera sentir la nécessité de savoir le calcul pour trouver les révolutions de chaque roue ; d'être géometre pour déterminer les courbures des dents ; méchanicien pour trouver les forces qu'il faut appliquer à la machine pour la faire mouvoir, & artiste pour mettre en exécution les principes & les regles que ces sciences prescrivent ; d'après cela on le fera étudier en même tems les machines & les sciences qu'il devra connoître, ayant attention de ne faire entrer dans ces connoissances la main-d'oeuvre que comme l'accessoire.

Quand il sera question des régulateurs des pendules & des montres, il faudra lui en expliquer en gros les propriétés générales ; comment on peut parvenir à les construire tels, qu'ils donnent la plus grande justesse, de quoi cela est dépendant ; de la nécessité de connoître comment les fluides résistent aux corps en mouvement ; de l'obstacle qu'ils opposent à la justesse ; comment on peut rendre cette justesse la plus grande possible ; de l'étude sur les frottemens de l'air ; comment on peut rendre cette résistance la moindre possible ; du frottement qui résulte du mouvement des corps qui se meuvent les uns sur les autres ; quels effets il en résulte pour les machines ; de la maniere de réduire ces frottemens à la moindre quantité possible ; on lui fera remarquer les différentes propriétés des métaux ; les effets de la chaleur ; comment elle tend à les dilater, & le froid à les condenser ; de l'obstacle qui en résulte pour la justesse des machines qui mesurent le tems ; des moyens de prévenir les écarts qu'ils occasionnent, de l'utilité de la Physique pour ces différentes choses, &c. Après l'avoir ainsi amené par gradation, on lui donnera une notion des machines qui imitent les effets des planetes. En lui faisant seulement sentir la beauté de ces machines, on lui fera voir la nécessité d'avoir quelque notion d'Astronomie ; c'est ainsi que les machines même serviront à lui faire aimer cet art, que les sciences qu'il apprendra lui paroîtront d'autant moins pénibles, qu'il en connoîtra l'absolue nécessité, & celle de joindre à ces connoissances la main-d'oeuvre, afin de pouvoir exécuter ses machines d'après les regles que prescrit la théorie.

Quant à l'exécution, il me paroît convenable qu'il commence par celle des pendules qui sont plus faciles à cause de la grandeur des pieces, & qui permet encore l'avantage d'exécuter toutes sortes d'effets & compositions.

La grande variété que l'on se permet, accoutume aussi l'esprit à voir les machines en grand ; d'ailleurs quant à la pratique même, il y a de certaines précisions que l'on ne connoît que dans la pendule, & qui pourroient cependant s'appliquer aux montres. Ainsi parvenu à l'intelligence des machines, il aura des idées nettes de leurs principes ; & possédant l'exécution, il passera aisément à la pratique des montres, & d'autant mieux que le même esprit qui sert à composer & exécuter les pendules, est également applicable aux montres qui ne sont en petit que ce que les pendules sont en grand.

Au reste, comme on ne parvient que par gradation à acquérir des lumieres pour la théorie, de même la main ne se forme que par l'usage ; mais cela se fait d'autant plus vîte, que l'on a mieux dans la tête ce que l'on veut exécuter ; c'est par cette raison que je conseille de commencer par l'étude de la science avant d'en venir à la main-d'oeuvre, ou tout au moins de les faire marcher en même tems.

Il est essentiel d'étudier les principes de l'art, & de s'accoutumer à exécuter avec précision, mais cela ne suffit pas encore. On ne possede pas l'Horlogerie pour en avoir les connoissances générales ; ces regles que l'on apprend sont appliquables dans une machine actuellement existente, ou dans d'autres qui seroient pareilles ; mais imaginer des moyens qui n'ont pas été mis en usage, & composer de nouvelles machines, c'est à quoi ne parviendront jamais ceux qui ne possedent que des regles, & qui ne sont pas doués de cet heureux génie que la nature seule donne ; ce talent ne s'acquiert pas par l'étude, elle ne fait que le perfectionner & aider à le développer ; lorsqu'on joint à ce don de la nature celui des Sciences, on ne peut que composer de très-bonnes choses.

On voit d'après ce tableau, que pour bien posséder l'Horlogerie, il faut avoir la théorie de cette science, l'art d'exécuter, & le talent de composer, trois choses qui ne sont pas faciles à réunir dans la même personne ; & d'autant moins que jusques ici on a regardé l'exécution des pieces d'Horlogerie comme la partie principale, tandis qu'elle n'est que la derniere ; cela est si vrai, que la montre ou la pendule la mieux exécutée, fera de très-grands écarts si elle ne l'est pas sur de bons principes, tandis qu'étant médiocrement exécutée, elle ira fort bien si les principes sont bons.

Je ne prétends pas qu'on doive négliger la main-d'oeuvre, au contraire ; mais persuadé qu'elle ne doit être qu'en sous-ordre, & que l'homme qui exécute ne doit marcher qu'après l'homme qui imagine, je souhaite qu'on apprécie le mérite de la main & celui du génie chacun à sa valeur ; & je crois être d'autant plus en droit de le dire, que je ne crains pas que l'on me soupçonne de dépriser ce que je ne possede pas. J'ai fait mes preuves en montres & en pendules, & en des parties très difficiles : en tout cas, je puis convaincre les plus incrédules par les faits.

Je crois devoir d'autant plus insister sur cela, que la plûpart des personnes qui se mêlent de l'Horlogerie sont fort éloignées de penser qu'il faille savoir autre chose que tourner & limer. Ce n'est pas uniquement leur faute ; leur préjugé naît de la maniere dont on forme les éleves. On place un enfant chez un horloger pour y demeurer huit ans, & s'occuper à faire des commissions & à ébaucher quelques pieces d'Horlogerie. S'il parvient au bout de ce tems à faire un mouvement, il est supposé fort habile. Il ignore cependant fort souvent l'usage de l'ouvrage qu'il a fait. Il se présente avec son savoir à la maîtrise ; il fait ou fait exécuter par un autre le chef-d'oeuvre qui lui est prescrit, est reçu maître, prend boutique, vend des montres & des pendules, & se dit horloger. On peut donc regarder comme un miracle, si un homme, ainsi conduit, devient jamais habile.

On appelle communément horlogers, ceux qui professent l'Horlogerie. Mais il est à propos de distinguer l'horloger, comme on l'entend ici, de l'artiste qui possede les principes de l'art : ce sont deux personnes absolument différentes. Le premier pratique en général l'Horlogerie sans avoir les premieres notions, & se dit horloger, parce qu'il travaille à une partie de cet art.

Le second embrasse au contraire cette science dans toute son étendue : on pourroit l'appeller l'architecte-méchanique ; un tel artiste ne s'occupe pas d'une seule partie, il fait les plans des montres & des pendules, ou autres machines qu'il veut construire. Il détermine la position de chaque piece, leurs directions, les forces qu'il faut employer, toutes les dimensions ; en un mot, il construit l'édifice. Et quant à l'exécution, il fait choix des ouvriers qui sont capables d'en exécuter chaque partie. C'est sous ce point de vûe que l'on doit considérer l'Horlogerie, & que l'on peut espérer d'avoir des bonnes machines, ainsi que nous le ferons voir dans un moment. Nous allons maintenant parler de chaque ouvrier que l'on emploie pour la fabrication des montres & des pendules, dont le nombre est très-grand ; chaque partie est exécutée par des ouvriers différens, qui font toute leur vie la même chose.

Ce qui concerne la pratique ou la manoeuvre se divise en trois branches, lesquelles comprennent tous les ouvriers qui travaillent à l'Horlogerie.

La premiere, les ouvriers qui font les grosses horloges des clochers, &c. on les appelle horlogers-grossiers.

La seconde est celle des ouvriers qui font les pendules, on les appelle horlogers-penduliers.

La troisieme est celle des ouvriers qui font les montres ; on les appelle ouvriers en petit.

1°. Les ouvriers qui fabriquent les grosses horloges sont des especes de serruriers-machinistes. Ils font eux-mêmes tout ce qui concerne ces horloges, forgent les montans dans lesquels doivent être placées les roues. Ils forgent aussi leurs roues, qui sont de fer & leurs pignons d'acier ; ils font les dents des roues & des pignons à la lime, après les avoir divisées au nombre des parties convenables : ouvrage très-long & pénible. Il faut être plus qu'ouvrier pour disposer ces sortes d'ouvrages ; car il faut de l'intelligence pour distribuer avantageusement les rouages, proportionner les forces des roues aux efforts qu'elles ont à vaincre, sans cependant les rendre plus pesantes qu'il n'est besoin, ce qui augmenteroit les frottemens mal-à-propos. Les constructions de ces machines varient selon les lieux où elles sont placées ; les conduites des aiguilles ne sont pas faciles ; la grandeur totale de la machine & des roues, &c. est relative à la grandeur des aiguilles qu'elle doit mouvoir, à la cloche qui doit être employée pour sonner les heures ; ce qui détermine la force du marteau, & celui-ci la force des roues.

Pour composer avantageusement ces sortes de machines, il est nécessaire de posséder la théorie de l'Horlogerie ; ces mêmes ouvriers font aussi les horloges de château, d'escalier, &c.

2°. Voilà le détail des ouvriers pour les pendules.

1°. Le premier ouvrage que l'on fait faire aux ouvriers qui travaillent aux pendules, est ce qu'on appelle le mouvement en blanc, lequel consiste dans les roues, les pignons & les détentes. Ces ouvriers, que l'on appelle faiseurs de mouvement en blanc, ne font qu'ébaucher l'ouvrage, dont le mérite consiste dans la dureté des roues & pignons ; les dents des roues doivent être également grosses, distantes entr'elles, avoir les formes & courbures requises, &c.

2°. Le finisseur est celui qui termine les dents des roues, c'est-à-dire, qu'il fait les courbures des dents, finit leurs pivots, fait les trous dans lesquels ils doivent tourner ; il fait les engrénages, l'échappement, fait faire les effets à la sonnerie, &c. ou à la répétition. Il ajuste les aiguilles, enfin les finit ; ajuste les pendules ou lentilles, & fait marcher la pendule. Reste au méchaniste, c'est-à-dire à l'horloger, de revoir les effets de la machine, si, par exemple, les engrénages sont bien faits, ainsi que les pivots des roues, si l'échappement fait parcourir au pendule l'arc convenable, si la pesanteur de la lentille & les arcs qu'elle décrit sont relatifs à la force motrice, &c. les effets de la sonnerie ou répétition.

3°. La fendeuse est une ouvriere qui fend les roues des pendules, & ne fait que cela.

4°. Le faiseur des ressorts fait les ressorts des pendules ; il ne s'occupe uniquement qu'à cela. Ce que l'on peut exiger d'un faiseur de ressorts, c'est qu'il fasse le ressort fort long & de bon acier, que la lame diminue insensiblement de force depuis le bout extérieur jusqu'au centre ; qu'il soit trempé assez dur pour ne pas perdre son élasticité, mais pas assez pour casser. Il faut que l'action du ressort, en se débandant, soit la plus égale possible, que les lames ne se frottent pas en se développant.

5°. Il y a les faiseurs de lentilles, de poids, pour faire marcher les pendules : ces ouvriers font aussi les aiguilles d'acier de pendule.

6°. Le graveur, qui fait les cadrans de cuivre pour les pendules à secondes, &c.

8°. Le polisseur est un ouvrier qui polit les pieces de cuivre du mouvement de la pendule ; le finisseur termine & polit celles d'acier.

9°. Les émailleurs ou faiseurs de cadrans de pendules.

10°. Les ouvriers qui argentent les cadrans de cuivre.

11°. Les ciseleurs font les battes à cartels pour les pendules.

12°. Les ébénistes font les boîtes de marqueterie & autres : les horlogers doivent diriger les ébénistes & ciseleurs pour le dessein des boîtes ; & comme ils ne sont pas trop en état de le faire par eux-mêmes, il est à propos qu'ils consultent des architectes ou de bons dessinateurs.

13°. Les doreurs, pour les bronzes des boîtes & des cartels, &c.

14°. Les metteurs en couleurs : ceux-ci donnent la couleur aux bronzes des boîtes de pendule, aux cartels, cadrans, &c. cette couleur imite la dorure.

15°. Les fondeurs pour les roues de pendules, & de différentes autres pieces qui s'emploient pour les mouvemens.

16°. Les fondeurs qui font les timbres, les tournent & les polissent.

Voilà en gros les ouvriers qui travaillent aux pendules ordinaires. Il y en a d'autres, qui font plus volontiers des pendules à carillon.

Les pendules à équation, ou autres machines composées, sont exécutées par différens ouvriers en blanc, finisseurs, &c. & sont conduites & composées par l'horloger.

Des ouvriers qui travaillent aux montres. 1°. Le faiseur de mouvemens en blanc : il fait de même que ceux des pendules, des roues & des pignons, lesquels exigent à peu-près les mêmes précautions. Ces ouvriers ne font que les mouvemens des montres simples.

2°. Le faiseur de rouage ; c'est une sorte d'ouvrier en blanc, qui ne s'occupe qu'à faire les rouages des montres ou répétitions.

3°. Les quadraturiers sont ceux qui font cette partie de la répétition qui est sous le cadran, dont le méchanisme est tel, que lorsque l'on pousse le bouton ou poussoir de la montre, cela fait répéter l'heure & le quart marqué par les aiguilles.

4°. Le finisseur est l'ouvrier qui termine l'ouvrage du faiseur de mouvemens. Il y a deux sortes de finisseurs ; celui qui finit le mouvement des montres simples, & celui qui termine le rouage d'une montre à répétition. L'un & l'autre finissent les pivots des roues, les engrénages. Quand les montres sont à roues de rencontre, les finisseurs font aussi l'échappement. Le finisseur égalise la fusée avec son ressort ; il ajuste le mouvement dans la boîte, remonte la montre dorée, & la fait marcher. Reste à l'horloger à la revoir, à examiner les engrénages, les grosseurs des pivots, leur liberté dans leur trou, les ajustemens du spiral, l'échappement, le poids du balancier, l'égalité de la fusée, &c. Il retouchera lui-même les parties qui ne sont pas selon les regles, & donnera ainsi l'ame à la machine ; mais il faut premierement qu'elle ait été construite sur des bons principes.

5°. Les faiseurs d'échappemens des montres à cylindre ; ceux-ci ne font que les échappemens, c'est-à-dire, la roue de cylindre, le cylindre même sur lequel ils fixent le balancier, ils ajustent la coulisse & le spiral. Comme aucun des échappemens connu ne corrige ni ne doit corriger les inégalités de la force motrice, c'est à ces méchanistes, qui font faire des échappemens, à prescrire la disposition & les dimensions de l'échappement, c'est-à-dire, à fixer le nombre des vibrations, la grandeur des arcs qu'il doit faire parcourir, le poids du balancier relatif à la disposition de la machine & à la force du ressort, puisque, comme nous le verrons, c'est sur ce rapport que roule toute la justesse des montres.

6°. Le faiseur des ressorts des montres, il ne fait que les petits ressorts.

7°. La faiseuse de chaînes de montres ; on tire cet ingénieux assemblage de Genève ou de Londres.

8°. Les faiseuses de spiraux ; on tire aussi les spiraux de Genève.

Un spiral exige beaucoup de soin pour être bon, & sa bonté est essentielle dans une montre. Il faut qu'il soit du meilleur acier possible ; qu'il soit bien trempé, afin qu'il restitue toute la quantité de mouvement qu'il reçoit, ou la plus approchante.

9°. L'émailleur, ou le faiseur de cadrans.

10°. Les faiseurs d'aiguilles.

11°. Les graveurs, qui font les ornemens des coqs, rosettes, &c.

12°. Les doreuses, sont des femmes qui ne font que dorer les platines, les coqs & les autres parties des montres. Il faut qu'elles usent de beaucoup de précautions pour que le degré de chaleur qu'elles donnent à ces pieces ne les amolissent pas.

13°. Les polisseuses sont occupées à polir les pieces de cuivre d'une montre, comme les roues, &c. qui ne se dorent pas.

14°. Les ouvriers qui polissent les pieces d'acier, comme les marteaux, &c.

15°. Les fendeuses de roues.

16°. Ceux qui taillent les fusées & les roues d'échappement ; la justesse d'une roue d'échappement dépend sur-tout de la justesse de la machine qui sert à la tailler, elle dépend aussi des soins de celui qui la fend. Il est donc essentiel d'y apporter des attentions, puisque cela contribue aussi à la justesse de la marche de la montre.

17°. Les monteurs de boîtes font les boîtes d'or & d'argent des montres.

18°. Les faiseurs d'étuis.

19°. Les graveurs & ciseleurs que l'on emploie pour orner les boîtes de montres.

20°. Les émailleurs qui peignent les figures & les fleurs dont on décore les boîtes : les horlogers peuvent très-bien, sans préjudicier à la bonté de l'ouvrage intérieur, orner les boîtes de leurs montres ; il faut pour cela qu'ils fassent choix d'habiles artistes, graveurs & émailleurs.

21°. Les ouvriers qui font les chaînes d'or pour les montres, soit pour homme ou pour femme ; les bijoutiers & les horlogers en font.

Je ne parle pas ici d'un très-grand nombre d'ouvriers qui ne font uniquement que les outils & instrumens dont se servent les horlogers ; cela seroit long à décrire, & n'est d'ailleurs qu'accessoire à la main d'oeuvre.

On voit par cette division de l'exécution des pieces d'Horlogerie, qu'un habile artiste horloger ne doit être uniquement occupé,

1°. Qu'à étudier les principes de son art, à faire des expériences, à conduire les ouvriers qu'il emploie, & à revoir leurs ouvrages à mesure qu'ils se font.

2°. On voit que chaque partie d'une pendule ou d'une montre doit être parfaite, puisqu'elle est exécutée par des ouvriers qui ne font toute leur vie que la même chose ; ainsi ce qu'on doit exiger d'un habile homme, c'est de construire ses montres & pendules sur de bons principes, de les appuyer de l'expérience, d'employer de bons ouvriers, & de revoir chaque partie à mesure qu'on l'exécute ; de corriger les défauts, lorsque cela l'exige : enfin, lorsque le tout est exécuté, il doit rassembler les parties, & établir entr'elles l'harmonie, qui fera l'ame de la machine. Il faut donc qu'un tel artiste soit en état d'exécuter lui-même au besoin toutes les parties qui concernent les montres & les pendules ; car il n'en peut diriger & conduire les ouvriers que dans ce cas, & encore moins peut-il corriger leurs ouvrages s'il ne sait pas exécuter. Il est aisé de voir qu'une machine d'abord bien construite par l'artiste, & ensuite exécutée par différens ouvriers, est préférable à celle qui ne seroit faite que par un seul, puisqu'il n'est pas possible de s'instruire des principes, de faire des expériences, & d'exécuter en même tems avec la perfection dont est capable l'ouvrier qui borne toutes ses facultés à exécuter.

A juger du point de perfection de l'Horlogerie par celui de la main-d'oeuvre, on imagineroit que cet art est parvenu à son plus grand degré de perfection, car on exécute aujourd'hui les pieces d'Horlogerie avec des soins & une délicatesse surprenante ; ce qui prouve sans-doute l'adresse de nos ouvriers & la beauté de la main-d'oeuvre, mais nullement la perfection de la science, puisque les principes n'en sont pas encore déterminés, & que la main-d'oeuvre ne donne pas la justesse de la marche des montres & pendules, qui est le propre de l'Horlogerie. Il seroit donc à souhaiter que l'on s'attachât davantage aux principes, & qu'on ne fît pas consister le mérite d'une montre dans l'exécution, qui n'est que l'effet de la main, mais bien dans l'intelligence de la composition, ce qui est le fruit du génie.

L'Horlogerie ne se borne pas uniquement aux machines qui mesurent le tems ; cet art étant la science du mouvement, on voit que tout ce qui concerne une machine quelconque peut être de son ressort. Ainsi de la perfection de cet art dépend celle des différentes machines & instrumens, comme, par exemple, les instrumens propres à l'Astronomie & à la Navigation, les instrumens de Mathématiques, les machines propres à faire des expériences de Physique, &c.

Le célebre Graham, horloger de Londres, membre de la société royale de cette ville ; n'a pas peu contribué à la perfection des instrumens d'Astronomie, & les connoissances qu'il possedoit dans les différens genres dont nous avons parlé, prouvent bien que la science de l'Horlogerie les exige toutes. Il est vrai qu'il faut pour cela des génies supérieurs ; mais pour les faire naître, il ne faut qu'exciter l'émulation & mettre en honneur les artistes.

Nous distinguerons trois sortes de personnes, qui travaillent ou se mêlent de travailler à l'Horlogerie : les premiers, dont le nombre est le plus considérable, sont ceux qui ont pris cet état sans goût, sans disposition ni talent, & qui le professent sans application & sans chercher à sortir de leur ignorance ; ils travaillent simplement pour gagner de l'argent, le hazard ayant décidé du choix de leur état.

Les seconds sont ceux qui par une envie de s'élever, fort louable, cherchent à acquérir quelques connoissances & principes de l'art, mais aux efforts desquels la nature ingrate se refuse. Enfin le petit nombre renferme ces artistes intelligens qui, nés avec des dispositions particulieres, ont l'amour du travail & de l'art, s'appliquent à découvrir de nouveaux principes, & à approfondir ceux qui ont déja été trouvés.

Pour être un artiste de ce genre, il ne suffit pas d'avoir un peu de théorie & quelques principes généraux des méchaniques, & d'y joindre l'habitude de travailler, il faut de plus une disposition particuliere donnée par la nature ; cette disposition seule tient lieu de tout : lorsqu'on est né avec elle, on ne tarde pas à acquérir les autres parties : si on veut faire usage de ce don précieux, on acquiert bientôt la pratique ; & un tel artiste n'exécute rien dont il ne sente les effets, ou qu'il ne cherche à les analyser : enfin rien n'échappe à ses observations, & quel chemin ne fera-t-il pas dans son art, s'il joint aux dispositions l'étude de ce que l'on a découvert jusqu'ici à lui ?

Il est sans-doute rare de trouver des génies heureux, qui réunissent toutes ces parties nécessaires ; mais on en trouve qui ont toutes les dispositions naturelles, il ne leur manque que d'en faire l'application ; ce qu'ils feroient sans-doute, s'ils avoient plus de motifs pour les porter à se livrer tout entiers à la perfection de leur art : il ne faudroit, pour rendre un service essentiel à l'Horlogerie & à la société, que piquer leur amour-propre, faire une distinction de ceux qui sont horlogers, ou qui ne sont que des ouvriers ou des charlatans : enfin confier l'administration du corps de l'Horlogerie aux plus intelligens : faciliter l'entrée à ceux qui ont du talent, & la fermer à jamais à ces misérables ouvriers qui ne peuvent que retarder les progrès de l'art qu'ils tendent même à détruire.

S'il est nécessaire de partir d'après des principes de méchanique pour composer des pieces d'Horlogerie, il est à propos de les vérifier par des expériences ; car, quoique ces principes soient invariables, comme ils sont compliqués & appliqués à de très-petites machines, il en résulte des effets différens & assez difficiles à analyser : nous observerons que, par rapport aux expériences, il y a deux manieres de les faire. Les premieres sont faites par des gens sans intelligence, qui ne font des essais que pour s'éviter la peine de rechercher par une étude, une analyse pénible que souvent ils ne soupçonnent pas, l'effet qui résultera d'un méchanisme composé sans regle, sans principe, & sans vûe ; ce sont des aveugles qui se conduisent par le tâtonnement à l'aide d'un bâton.

La seconde classe des personnes qui font des expériences, est composée des artistes instruits des principes des machines, des lois du mouvement, des diverses actions des corps les uns sur les autres, & qui doués d'un génie qui sait décomposer les effets les plus délicats d'une machine, voient par l'esprit tout ce qui doit résulter de telle ou telle combinaison, peuvent la calculer d'avance, la construire de la maniere la plus avantageuse, ensorte que s'ils font des expériences, c'est moins pour apprendre ce qui doit arriver, que pour confirmer les principes qu'ils ont établis, & les effets qu'ils avoient analysés. J'avoue qu'une telle maniere de voir est très-pénible, & qu'il faut être doué d'un génie particulier ; aussi appartient-il à fort peu de personnes de faire des expériences utiles, & qui ayent un but marqué.

L'Horlogerie livrée à elle-même sans encouragement, sans distinction, sans récompense, s'est élevée par sa propre force au point où nous la voyons aujourd'hui ; cela ne peut être attribué qu'à l'heureuse disposition de quelques artistes, qui aimant assez leur art pour en rechercher la perfection, ont excité entr'eux une émulation qui a produit des effets aussi profitables que si on les eût encouragés par des récompenses. Le germe de cet esprit d'émulation est dû aux artistes anglois que l'on fit venir en France du tems de la régence, entr'autres à Sully, le plus habile de ceux qui s'établirent ici. Julien le Roi, éleve de le Bon, habile horloger, étoit fort lié avec Sully *, il profita de ses lumieres ; cela joint à son mérite personnel, lui valut la réputation dont il a joui : celui-ci eut des émules, entr'autres Enderlin, qui étoit doué d'un grand génie pour les méchaniques, ce que l'on peut voir par ce qui nous reste de lui dans le traité d'Horlogerie de M. Thiout ; on ne doit pas oublier feu Jean-Baptiste Dutertre, fort habile horloger ; Gaudron, Pierre le Roy, &c. Thiout l'aîné, dont le traité d'Horlogerie fait l'éloge.

Nous devons à ces habiles artistes grand nombre de recherches, & sur-tout la perfection de la main-d'oeuvre ; car, par rapport à la théorie & aux principes de l'art de la mesure du tems, ils n'en ont aucunement traité ; il n'est pas étonnant que l'on ait encore écrit de nos jours beaucoup d'absurdités ; le seul ouvrage où il y ait des principes est le Mémoire de M. Rivaz, en réponse à un assez mauvais écrit anonyme contre ses découvertes ; nous devons à ce mémoire & à ces disputes l'esprit d'émulation qui a animé nos artistes modernes ; il seroit à souhaiter que M. Rivaz eût suivi lui-même l'Horlogerie, ses connoissances en méchanique auroient beaucoup servi à perfectionner cet art.

Il faut convenir que ces artistes qui ont enrichi l'Horlogerie, méritent tous nos éloges ; puisque leurs travaux pénibles n'ont eu pour objet que la perfection de l'art, ayant sacrifié pour cela leur fortune : car il est bon d'observer qu'il n'en est pas de l'Horlogerie comme des autres arts, tels que la Peinture, l'Architecture ou la Sculpture ; dans ceux-ci l'artiste qui excelle est non-seulement encouragé & recompensé ; mais, comme beaucoup de personnes sont en état de juger de ses productions, la réputation & la fortune suivent ordinairement le mérite. Un excellent artiste horloger peut au contraire passer sa vie dans l'obscurité, tandis que des impudens, plagiaires, des charlatans & autres miserables marchands ouvriers jouiront de la fortune & des encouragemens dûs au mérite : car le nom qu'on se fait dans le monde, porte moins sur le mérite réel de l'ouvrage que sur la maniere dont il est annoncé, il est aisé d'en imposer au public qui croit le charlatan sur sa parole, vû l'impossibilité où il est de juger par lui-même.

C'est à l'esprit d'émulation dont nous venons de parler, que la société des arts, formée sous la protection de M. le Comte de Clermont, dut son origine. On ne peut que regretter qu'un établissement qui auroit pu être fort utile au public, ait été de si courte durée ; on a cependant vû sortir de cette société de très-bons sujets qui illustrent aujourd'hui l'académie

* C'est à Sully que nous devons la regle artificielle du tems, fort bon livre.

des Sciences (a), & différens Mémoires (b) fort bien faits sur l'Horlogerie. De concert avec plusieurs habiles horlogers, nous avions formé le projet de rétablir cette espece d'académie, & proposé à feu Mrs Julien le Roy, Thiout l'aîné, Romilly, & quelques autres horlogers célebres. Tous auroient fort desiré qu'il réussît ; mais un d'eux me dit formellement qu'il ne vouloit pas en être si un tel en étoit ; cette petitesse me fit concevoir la cause de la chûte de la société des arts, & desespérer de la rétablir, à moins que le ministere ne favorisât cet établissement par des récompenses qui serviroient à dissiper ces basses jalousies.

On me permettra de parler ici de quelques-uns des avantages d'une société ou académie d'Horlogerie.

Quoique l'Horlogerie soit maintenant portée à un très-grand point de perfection, sa position est cependant critique ; car si d'un côté elle est parvenue à un degré de perfection fort au-dessus de l'Horlogerie angloise par le seul amour de quelques artistes, de l'autre elle est prête à retomber dans l'oubli. Le peu d'ordre que l'on peut observer pour ceux que l'on reçoit ; & plus que tout cela, le commerce qu'en font les marchands, des ouvriers sans droit ni talens, des domestiques & autres gens intrigans, qui trompent le public avec de faux noms, ce qui avilit cet art : toutes ces choses ôtent insensiblement la confiance que l'on avoit aux artistes célebres, lesquels enfin découragés & entraînés par le torrent, seront obligés de faire comme les autres, cesser d'être artistes pour devenir marchands. L'Horlogerie dans son origine en France paroissoit un objet trop foible pour mériter l'attention du gouvernement, on ne prévoyoit pas encore que cela pût former dans la suite une branche de commerce aussi considérable qu'elle l'est devenue de nos jours ; de sorte qu'il n'est pas étonnant qu'elle ait été abandonnée à elle-même ; mais aujourd'hui elle est absolument différente, elle a acquis un très-grand degré de perfection : nous possedons au plus haut degré l'art d'orner avec goût nos boîtes de pendules & de montres, dont la décoration est fort au-dessus de celles des étrangers qui veulent nous imiter : il ne faut donc plus envisager l'Horlogerie comme un art seulement utile pour nous-mêmes : il faut de plus le considérer relativement au commerce qu'on en peut faire avec l'étranger.

C'est de l'établissement d'une telle société que l'art de l'Horlogerie acquerra le plus de confiance de l'étranger.

Car 1°. une telle académie serviroit à porter l'Horlogerie au plus haut point de perfection par l'émulation qu'elle exciteroit parmi les artistes, ce qui est certain, puisque les arts ne se perfectionnent que par le concours de plusieurs personnes qui traitent le même objet.

2°. Les registres de cette société serviroient comme d'archives, où les artistes iroient déposer ce qu'ils auroient imaginé ; les membres de ce corps plus éclairés & plus intéressés à ce qu'il ne se commît aucune injustice, empêcheroient les vols qui se font tous les jours impunément : sur les mémoires que l'on rassembleroit, on parviendroit à la longue à publier un traité d'Horlogerie très-différent de ceux que nous avons ; c'est faute de pareilles archives que l'on voit renaître avec succès tant de constructions proscrites, & c'est ce qui continuera d'arriver toutes les fois que l'on approuvera indifféremment toutes sortes de machines nouvelles ou non.

Or le public imagine que l'art se perfectionne, tandis qu'il ne fait que revenir sur ses pas en tournant comme sur un cercle. On prend pour neuf tout ce que l'on n'a pas encore vû.

3°. L'émulation que donneroit cette société, serviroit à former des artistes qui partant du point où leurs prédecesseurs auroient laissé l'art, le porteroient encore plus loin ; car pour être membre du corps, il faudroit étudier, travailler, faire des expériences, ou se résoudre à être confondu avec le nombre très-considérable des mauvais ouvriers.

4°. Il en résulteroit un avantage pour chaque membre ; car alors le public étant instruit de ceux à qui il doit donner sa confiance, cesseroit d'aller acheter les ouvrages d'Horlogerie chez ce marchand qui le trompe, assûré de ne trouver chez l'artiste que d'excellentes machines ; enfin de ces différens avantages, il en résulteroit que la perfection où notre horlogerie est portée, étant par-là plus connue de l'étranger, ceux-ci la préféreroient en total à celle de nos voisins.

Nota. J'ai fait un Discours préliminaire à mon essai sur l'Horlogerie, de cet article que j'avois composé d'abord pour ce Dictionnaire.


HORMEZIONS. f. (Hist. nat.) pierre précieuse, dont parle Pline, & qui, selon lui, étoit d'un rouge tirant sur le jaune, & jettoit beaucoup de feu ; elle étoit blanche à ses extrémités, ou bordée d'un cercle blanc.


HORMINS. m. (Hist. nat. Botan.) l'hormin sauvage, horminum sylvestre, lavandulae folio, est la principale espece qui mérite d'être décrite.

Sa racine ligneuse ne meurt pas tous les ans, ainsi que celle de la sclarée, à qui cette plante ressemble à tant d'égards. Ses feuilles les plus basses croissent sur d'assez longs pédicules ; elles sont rudes, un peu inégales, découpées en plusieurs endroits, & dentelées par les bords : ses tiges sont quarrées, un peu velues, communément inclinées vers la terre, garnies de feuilles, opposées deux à deux aux jointures, sans pédicules, & dentelées par les bords.

Ses fleurs sont rares, verticilées, plus petites que celles de la sclarée, & d'un bleu foncé ; leur petit casque s'éleve un peu au-dessus du calice ; les ombelles sont à quelque distance les uns des autres, ils ont chacun au-dessus deux feuilles très-petites : le calice de ces fleurs est assez large, & divisé en deux parties ; l'inférieure est ouverte dans le milieu, & la supérieure divisée en deux cavités par une cloison. Elle contient quatre graines ovales, noires, gluantes & polies.

Toute la plante répand une odeur assez forte, & qui n'est point desagréable ; les lieux pierreux lui sont propres ; elle fleurit en Juin & Juillet. On lui attribue les mêmes vertus qu'à la sclarée, mais dans un degré inférieur, on ne la cultive gueres dans les jardins. (D.J.)


HORMINODES(Hist. nat.) pierre précieuse, décrite par Pline & par d'autres anciens naturalistes ; elle étoit, dit-on, ou blanche ou noire ; on y voyoit une tache verte, entourée d'un cercle d'un jaune très-vif.


HORMUS(Art orchestriq.) une des danses principales des Lacédémoniens, dans laquelle des jeunes garçons & des jeunes filles, disposés alternativement & se tenant tous par la main, dansoient en rond.

Les plus anciennes traditions rapportent que ces danses circulaires avoient été instituées à l'imitation du mouvement des astres, & que, dans leur origine, elles s'exécutoient avec gravité.

Les chants de ces danses étoient divisés en strophes & antistrophes : dans les strophes, on tournoit en rond d'orient en occident, ou de droite à gauche ;

(a) MM. Clairaut & Desparcieux ont été Membres de la Société des Arts.

(b) De MM. Goudron & le Roy.

& dans l'antistrophe, on prenoit une détermination opposée, c'est-à-dire d'occident en orient, ou de gauche à droite ; quelquefois le choeur s'arrêtoit, & c'est ce qu'on appelloit l'épode.

Les hormès ou danses en rond se trouvent chez toutes les nations, & jusques dans les ballets dansans des modernes : elles existoient déjà du tems d'Homere, qui ne les a pas oubliés dans la description du bouclier d'Achille. On y voyoit, dit-il, de jeunes garçons & de jeunes filles qui dansoient ensemble, en se tenant par la main ; les filles portoient des robes de gaze, avec des couronnes sur la tête, & les garçons étoient vêtus d'étoffes lustrées, ayant à leurs côtés des épées d'or, soûtenues par des baudriers d'argent ; tantôt ils se partageoient en plusieurs files qui se mêloient les unes avec les autres, & bientôt après d'un pié savant & léger, toutes les filles se formoient en rond pour danser ; ces danseurs étoient environnés d'une foule de peuple, qui prenoit grand plaisir à ce spectacle ; & au milieu du cercle, il y avoit deux sauteurs qui faisoient des sauts merveilleux.... (D.J.)


HORN(Géogr.) petite ville d'Allemagne dans la basse Autriche, sur les confins de la Moravie, à quinze lieues nord-est de Vienne. Long. 35. 20. lat. 48. 25. (D.J.)

HORN, (Géog.) petite ville des Pays-Bas autrichiens, au pays de Liége, capitale d'un comté de même nom, qui a sept lieues de longueur sur cinq de largeur, à une lieue de la Meuse & de Ruremonde, à six de Mastricht. Long. 23. 30. lat. 51. 12. (D.J.)

HORN (cap de), Géog. il forme la pointe la plus méridionale de la terre de Feu. Les Géographes placent communément ce cap, à 57d. 30'. de longit. mais il paroît démontré, après d'exactes observations, que sa véritable situation est à 56d. 28'. de long. (D.J.)


HORNBACH(Géog.) petite ville d'Allemagne au duché de Deux-Ponts, sur l'Horn, avec une abbaye de bénédictins, à un mille sud-est de Deux-Ponts. Long. 26. 11. latit. 49. 13. (D.J.)


HORNEDEN(Géog.) ville d'Angleterre dans la province d'Essex.


HORNSTEINS. m. (Hist. nat. Minéral.) espece de pierre ainsi nommée par les mineurs d'Allemagne. Voyez CORNE (pierre de).


HORODISCZE(Géog.) petite ville d'Ukraine, au nord de Pultawa, sur la riviere de Prisol.


HOROGRAPHIES. f. (Astronomie) c'est l'art de faire des cadrans ; on l'appelle encore Horologiographie, Sciatérique, Photosciatérique, & plus communément Gnomonique. Voyez GNOMONIQUE.

Ce mot vient du grec , heure, & , scribo, j'écris. Chambers. (O)


HOROLOGE(Liturg.) est le nom que les Grecs donnent à un de leurs livres d'office, parce qu'il contient les heures ou l'office que l'on doit réciter tous les jours. Voyez HEURE, BREVIAIRE, HOROLOGION. Dict. de Trév.


HOROLOGIOGRAPHIES. f. l'art de faire des cadrans. Le P. de la Madeleine, feuillant, a donné un traité sur la construction des cadrans, qui a pour titre traité d'Horologiographie. Cet ouvrage est assez complet pour ce qui regarde la pratique & la description de toutes sortes de cadrans ; mais les méthodes que donne l'auteur ne sont point accompagnées de leurs démonstrations. Voyez GNOMONIQUE & HOROGRAPHIE.

On a aussi donné quelquefois le nom d'Horologiographie à l'art de faire des horloges, plus communément appellé Horlogerie. Voy. HORLOGERIE. (O)


HOROLOGIONS. m. (Théol.) est le nom d'un des livres ecclésiastiques des Grecs, qui leur sert comme de breviaire, où sont marqués tous leurs offices ; savoir, celui qu'ils appellent mésonycticon, ou de minuit ; celui qu'ils disent dès le grand matin, prime, tierce, sexte, none, vêpres, &c. Les Grecs ont un grand nombre de livres qui sont consacrés aux usages de l'église : desorte qu'ils sont obligés d'avoir recours à tous ces livres lorsqu'ils chantent leur office. C'est ce qui donna occasion à Antoine Arcudius, sous le pape Clément VIII. de recueillir de tous leurs livres un office qui leur pût servir comme de breviaire, & qui fût compris dans un seul volume ; mais les Grecs l'ont rejetté, bien qu'il leur fût plus commode : de sorte que ce recueil est demeuré inutile, si ce n'est à l'égard de quelques moines grecs qui ne sont pas éloignés de Rome, & qui en dépendent. Mém. des sav. (G)


HOROMÉTRIES. f. l'art de mesurer ou de diviser les heures, & de tenir compte du tems.

Ce mot vient des mots grecs , heure, & , mesure. V. PENDULE, HORLOGE, TEMS, &c. (O)


HOROPTERES. m. terme d'Optique ; c'est la ligne droite qui est tirée par le point où les deux axes optiques concourent ensemble, & qui est parallele à celle qui joint les centres des deux yeux, ou des deux prunelles. Voyez AXE, OPTIQUE.

Telle est la ligne A B (Planc. d'Optique, fig. 67), tirée par le point de concours C des axes optiques des yeux D & E, parallelement à H I, qui joint les centres des yeux H & I.

On appelle cette ligne horoptere, parce qu'on a crû, d'après quelques expériences, qu'elle étoit la limite de la vision distincte. Voyez VISION.

Le plan de l'horoptere est un plan qui passe par l'horoptere, & qui est perpendiculaire à celui des deux axes optiques. Chambers.

Les auteurs d'Optique se sont servis principalement de l'horoptere, pour expliquer la cause qui fait quelquefois paroître les objets doubles. Ils prétendent que toutes les fois qu'un objet est hors du plan de l'horoptere, il doit paroître double ; parce que, selon ces auteurs, c'est à l'horoptere qu'on rapporte toûjours tous les objets qu'on voit ; de sorte que les objets paroissent simples lorsqu'ils sont placés dans l'horoptere, & doubles lorsqu'ils n'y sont pas. Nous ne prétendons point décider de la justesse de cette explication ; il nous paroît seulement qu'elle se réduit à ceci, qu'un objet est vû simple, quand il est dans le concours des axes optiques, ou plutôt des deux axes des yeux ; & que cet objet paroît double, quand il ne se trouve point dans le concours de ces axes.

Un des auteurs qui ont fait le plus d'usage de l'horoptere, est le P. Aquilon, Franciscus Aquilonius, Jésuite, dans un gros traité d'Optique, in-folio, imprimé à Anvers en 1613. (O)


HOROSCOPES. m. (Divinat.) c'est le degré de l'ascendant, ou l'astre qui monte sur l'horison en certain moment qu'on veut observer pour prédire quelque événement, la fortune d'un homme qui vient au monde, le succès qu'aura une entreprise, la qualité du tems, &c. Voyez ASCENDANT.

Ce mot est purement grec, & composé d', heure, & du verbe , specto, considero, je contemple. Les Latins l'appellent cardo orientalis, quelquefois ascendant. Voyez ASCENDANT.

Mercure & Vénus étoient dans l'horoscope. On étoit autrefois si infatué d'horoscopes, qu'Albert le Grand, Cardan, & quelques autres, eurent, à ce qu'on dit, la témérité de tirer celle de Jesus-Christ.

On appelle aussi horoscope, une figure ou theme céleste, qui contient les douze maisons, c'est-à-dire les douze signes du zodiaque, dans lesquels on marque la disposition du ciel & des astres en un certain moment, pour faire des prédictions. Voyez MAISON & FIGURES.

On dit tirer l'horoscope, faire l'horoscope, &c. On appelle aussi cela plus proprement dresser une nativité, quand il s'agit de prédiction sur la vie & la fortune des hommes ; car on fait l'horoscope des villes, des états, des grandes entreprises.

L'horoscope lunaire est le point d'où sort la lune, quand le soleil est au point ascendant de l'orient. C'est ce qu'on nomme autrement la partie de fortune en Astrologie. Voyez PARTIE.

Horoscope est aussi un instrument de Mathématique fait en forme de planisphere, inventé par Jean Paduanus, qui en a fait un traité particulier. Voyez le Dictionnaire de Trévoux.


HORREA(Hist. anc.) c'étoient des magasins publics établis dans les cités & mansions, & pourvûs d'amas de blés & de chairs salées, pour les distribuer aux soldats en route sur les chemins militaires de l'empire. C'est de-là, que vient le titre de Droit au code, de conditis in publicis horreis ; lesquels condita ou provisions de vivres, devoient être délivrées aux troupes saines, entieres, & non-corrompues.

Les Romains nommoient aussi horrea, les greniers publics dans lesquels ils serroient les grains, pour prévenir la famine, & pour pourvoir à la subsistance du peuple dans les années de disette. Cette police regne encore aujourd'hui dans les états de l'Eglise avec une sagesse admirable.

Outre ces greniers publics de grains établis à Rome, il s'en trouvoit par-tout dans l'empire romain, & même en des lieux champêtres, qui n'étoient connus que par leurs noms de horrea ; c'est ce qui fait que nous rencontrons quelquefois dans l'itinéraire d'Antonin, & dans les tables de Peutinger, ces mots, ad horrea.

On sait, par exemple, qu'il y avoit plusieurs de ces greniers publics dits horrea, dans les Gaules, à Narbonne, à Treves, où une abbaye en retient encore le nom de Horreum ; comme il y a eu pareillement en France divers seigneurs qui placerent leurs granges à quelques distances de leurs châteaux de peur d'incendie, & qui y ajoûterent des maisons pour serrer leurs grains, & pour loger leurs grangers, il s'est formé dans diverses provinces plusieurs villages & familles, qui portent encore aujourd'hui le nom de Grange, de la Grange, des Granges, &c. (D.J.)


HORREURsub. fém. (Gram.) ce mot designe l'aversion, quand elle est extrême : les hypocrites s'empressent plus à témoigner l'horreur qu'ils n'ont pas pour le vice, que les gens de bien à témoigner celle qu'ils en ont. L'épouvante portée à son dernier degré, il faut avoir l'ame bien ferme, & la pensée de la mort bien familiere, pour en voir l'image sous ses yeux & la soutenir sans horreur. Nous appliquons encore la même expression à une sorte de sensation particuliere, mêlée de frémissement, de respect, & de joie, que nous éprouvons à la présence de certains objets, ou dans certains lieux ; & nous disons alors le sombre d'une forêt épaisse, le silence & l'obscurité qui y regnent, nous inspirent une horreur douce & secrette. Nous transportons cette horreur aux choses mêmes, dans l'horreur de la nuit ; la sainte horreur des temples. L'horreur prise en ce sens, vient moins des objets sensibles, que des idées accessoires qui sont réveillées sourdement en nous. Entre ces idées, sont l'éloignement des hommes, la présence de quelques puissances célestes, &c.

HORREUR DU VUIDE, (Phys.) mot vuide de sens, principe imaginaire dont on se servoit dans l'ancienne philosophie ; pour expliquer l'ascension de l'eau dans les pompes, & d'autres phénomenes semblables. On disoit : l'eau monte dans les pompes, parce que la nature a horreur du vuide. Lorsqu'on se fut apperçu que l'eau ne montoit dans les pompes qu'à la hauteur de 32 piés on en vint jusqu'à ce point d'absurdité, de dire que la nature n'avoit horreur du vuide, que jusqu'à la hauteur de 32 piés. Mais on ne fut pas long-tems sans découvrir que le mercure ne s'élevoit dans les tuyaux qu'à la hauteur de 27 à 28 pouces ; & comme il eût été trop ridicule de dire que la nature avoit horreur du vuide pour l'eau jusqu'à 32 piés, & pour le mercure jusqu'à 28 pouces seulement, on fut obligé d'abandonner cette étrange explication ; & bien-tôt après, M. Pascal démontra dans son traité de l'équilibre des liqueurs, que tous ces effets étoient produits par la pesanteur de l'air. Cette vérité étant unanimement reconnue aujourd'hui, n'a pas besoin ici d'un plus long article. Voyez AIR, TUBE DE TORRICELLI, & le traité cité de M. Pascal. (O)

HORREUR, horror, (Med.) se dit d'une sorte d'affection de l'ame, qui consiste dans une forte aversion que l'on conçoit pour quelque sorte d'aliment, de médicament ; à l'égard desquels on se sent un dégoût, une répugnance insurmontable, qui portent non-seulement à ne pas en user, mais à les éloigner de soi le plus que l'on peut ; tant on est affecté desagréablement par la sensation qu'ils excitent.

C'est ainsi que dans l'hydrophobie, l'aversion pour la boisson de l'eau, & souvent de toute sorte de liquide, est poussée jusqu'à l'horreur.

Il est un symptome de fievre qu'on appelle horreur. Voyez FIEVRE HORRIFIQUE.


HORRIBLEadj. (Gramm.) qui inspire de l'horreur. Voyez HORREUR.


HORRIPILATIONS. f. horripilatio, (Med.) c'est une sorte de frissonnement, qui n'est autre chose, qu'un mouvement convulsif des tégumens ordinairement étendu à toute l'habitude du corps. Par cet effet la peau se ride & se tend alternativement, comme par secousses très-promtes ; ce qui resserre le bulbe des poils & le fait saillir sur la surface du corps : en sorte qu'ils paroissent se dresser, s'hérisser, pour ainsi dire, en conséquence de l'horripilation ; ce qui est le plus souvent un symptome de fievre, accompagné d'un sentiment de froid.

Ainsi l'horripilation est un véritable tremblement de l'habitude du corps, qui ne differe du tremblement proprement dit, qu'en ce que celui-ci se fait sentir dans tous les membres & dans toutes les parties charnues ; au lieu que l'horripilation n'affecte que la peau. Voyez FRISSON, FIEVRE, FIEVRE HORRIFIQUE, FROID, (Econom. anim.) TREMBLEMENT, SPASME.


HORS(Gramm.) préposition françoise, qui correspond à l'ex des Latins. Elle marque le transport d'un lieu dans un autre. Voyez les articles suivans.

On dit il est hors de Paris ; il est dehors ; il est hors de lui-même.

HORS DE COUR, (Jurisprud.) voyez au mot COUR, à l'article HORS DE COUR.

HORS, mettre hors, (Grosses forges) dans les fourneaux à fondre la mine de fer, il se dit de la discontinuation du travail d'un fourneau de fusion ; la mise hors s'entend toûjours en mauvaise part ; quand un maître de forge a consommé tous les matériaux qu'il destinoit au fondage, ce qui est prévu & volontaire ; alors on dit qu'il a fermé la palle, qu'il a arrêté son fourneau ; quand par quelqu'accident on est forcé de cesser la fusion, alors l'on dit que l'on a mis hors, quoique ce terme ne dût s'employer que dans le cas particulier de la cessation du travail, par la raison qu'il s'est entassé dans l'ouvrage & sur la thuyere une quantité, une masse de matiere mal digérée, qu'il n'est pas possible de fondre, soit à cause de son volume, soit à cause de sa nature ; dans certain cas, ce n'est autre chose, qu'une fonte rapprochée par la séparation des fondans de l'état d'un fer mal travaillé : l'ouvrage commençant à s'embarrasser d'une partie un peu considérable de cette matiere, l'ouvrier cherche à la détacher par le travail d'un ringard, qui produit alors un effet tout contraire ; car plus il travaillera, plus il lui donnera l'état du fer, & plus il l'augmentera par la jonction des matieres qui tombent continuellement. Le remede est d'augmenter la chaleur par le choix des charbons, & la quantité des fondans, qui tenus en grand bain, sont les seuls capables de ramener cette matiere à l'état de la fonte. On pourroit assûrer, qu'excepté le cas de force majeure, avec les précautions & le travail bien suivi, on ne mettra jamais hors.

J'ai vû des fourneaux au bout de trois à quatre jours de travail, être obligés de mettre hors : faute de chaleur dans un ouvrage neuf, & de poussiere de charbon, le métal n'avoit pû se tenir en bain. La mise hors est donc occasionnée par tout ce qui peut empêcher la vitrification.

Dans le cas de mise hors, pour se mettre en état de travailler de nouveau, il faut faire une ouverture dans le devant du fourneau, quelquefois jusqu'à la seconde marâtre, suivant la grosseur de la masse, pour pouvoir la tirer ou la mettre hors, refaire un nouvel ouvrage, &c. donc il est clair qu'un pareil accident est très-préjudiciable. Voyez l'art. GROSSES FORGES.

* HORS D'OEUVRE, s. m. (Gramm. & Littérat.) il se dit de tout morceau qui ne tient pas essentiellement au sujet qu'on traite. Il est presque synonyme à digression.

On a transporté ce mot dans la cuisine ; les hors d'oeuvre sont de petits plats qui accompagnent les grands, & qui remplissent les intervalles qu'ils laissent entr'eux sur une table. Il y a des hors d'oeuvres à chaque service ; & c'est le service qui en détermine la qualité.


HORSCHITZ(Géog.) ville & château de Bohème, près de l'Elbe, dans le cercle de Konigsgratz.


HORSHAM(Géog.) ville à marché d'Angleterre, dans le Sussex, aux confins de Surrey, à 9 lieues de Londres : elle envoie deux députés au Parlement. Long. 17. 35. lat. 51. 12. (D.J.)


HORTA(Mythol.) déesse des Romains, qui présidoit sur la jeunesse, & l'excitoit au bien par ses fortes exhortations. Cette déesse est Hersilie ; c'est à elle que Rome fit l'honneur de la déification après sa mort, en lui donnant le surnom de Horta. Romulus l'avoit choisie pendant qu'elle vécut pour sa femme, comme la plus digne des Sabines que les Romains eussent enlevées ; & son choix fut consacré par la nation. Elle mit Hersilie dans le ciel avec son époux, & lui rendit des honneurs divins. Son temple ne se fermoit jamais, pour marquer que la jeunesse, cet âge si flexible au vice, cerea in vitium flecti, avoit besoin d'être portée sans-cesse à la pratique de la vertu. (D.J.)


HORTAGILIERS. f. (Hist. mod.) terme de relation, tapissier du grand-seigneur. Voyez TAPISSERIES.

Il n'y a point de ville mieux reglée que le camp du grand-seigneur ; & pour connoître la grandeur de ce prince, il faut le voir campé ; car il y est bien mieux logé qu'à Constantinople, ni qu'en aucune autre ville de son empire.

Il a toûjours deux garnitures de tentes, afin que pendant qu'il est dans l'une, l'on aille tendre l'autre au lieu où il doit aller.

Il a pour cet effet plus de quatre cent tapissiers, appellés hortagiliers, qui vont toujours une journée devant, afin de choisir un lieu propre pour la dresser. Ils tendent premierement celle du sultan, & puis celles des officiers & des soldats de la Porte, selon leur rang. Dictionn. de Trévoux. (G)


HORTOLAGES. m. (Jardinage) la partie d'un jardin potager, qui est coupée par des couches & carreaux de plantes basses & de légumes tels qu'il s'en voit dans le grand potager du Roi à Versailles.


HORVAHORVA


HOSANNAS. m. (Théol.) est le nom que les Juifs donnent à une priere qu'ils récitent le septieme jour à la fête des tabernacles. Voyez TABERNACLES. Ce mot signifie sauvez-nous, conservez-nous.

R. Elias dit que les Juifs donnent aussi le nom d'hosanna, aux branches de saule qu'ils portent en cette fête ; parce qu'en agitant de tous côtés ces branches de saules dans la cérémonie de ce jour-là, ils chantent fréquemment hosanna. Ce qu'Antonius Nebrissensis, dans son commentaire des mots hébreux de l'Ecriture, applique aux Juifs qui reçurent Jesus-Christ comme le Messie en chantant hosanna. Grotius dans son commentaire sur le chap. xxj. de S. Matthieu, . 9. observe que les fêtes des Juifs, & en particulier celle des tabernacles, ne signifioient pas seulement leur sortie d'Egypte, dont ils célébroient la mémoire, mais aussi l'attente du Messie, & que même encore les Juifs modernes, le jour qu'ils portent ces rameaux, disent qu'ils souhaitent célébrer cette fête à l'avénement du Messie qu'ils attendent. D'où il conclut que le peuple en portant ces rameaux devant J. C. témoignoit sa joie, le reconnoissant pour le Messie. Simon, Supplément aux cérémonies des Juifs.

Il y a plusieurs de ces hosannas : les Juifs les nomment hoschannoth, c'est-à-dire les hosannas. Les uns se récitent le premier jour, les autres le second, &c. & s'appellent l'hosanna du premier jour, l'hosanna du second, &c.

Hosanna rabba, ou grand hosanna, est le nom que les Juifs donnent à leur fête des tabernacles, qui dure au moins huit jours, parce qu'ils y demandent fréquemment le secours de Dieu, la rémission de leurs péchés, & sa bénédiction sur l'année qui vient de commencer ; & pour ces demandes ils se servent fréquemment de hoschannoth, ou prieres dont nous avons parlé.

Les Juifs donnent encore le nom d'hosanna rabba en particulier, au septieme jour des tabernacles, parce que c'est ce jour-là qu'ils demandent plus particulierement le secours de Dieu. (G)


HOSCHES. f. ou HOCHE, OUCHE, ou OULCHE, (Jurisprud.) tiré du mot osca, terme de la basse latinité, qui est employé dans quelques coutumes pour signifier une certaine étendue de terre labourable & cultivée qui est près d'une maison, entourée de fossés ou de haies, & qui sert aux commodités de cette maison, comme pour faire venir des légumes, mettre des arbres fruitiers. Voyez la coutume de Nevers, ch. v. art. 1. & le Gloss. de Ducange, au mot olche & osca. (A)


HOSI(Géog.) ville de la Chine, dans la province de Junnan, au département de Lingan, & la troisieme métropole de cette province. Elle est, dit Martinius dans son Atlas Chinois, de 14d. 29'. plus occidentale que Pékin, à 24d. 10'. de latitude. (D.J.)


HOSIESS. m. pl. (Antiq.) c'est ainsi qu'on appelloit les cinq sacrificateurs en titre d'office, préposés dans le temple de Delphes pour les sacrifices, qu'on venoit offrir avant que de consulter l'oracle d'Apollon. Ils immoloient eux-mêmes les victimes, & apportoient toute leur attention pour qu'elles fussent pures, saines, entieres, & bien conditionnées. Il falloit à Delphes que la victime tremblât & frémît dans toutes les parties du corps, lorsqu'elle recevoit les effusions d'eau & de vin ; car ce n'étoit pas assez qu'elle secouât la tête, comme dans les sacrifices ordinaires ; si quelqu'une de ses parties ne se fût pas ressentie de cette palpitation, les sacrificateurs hosies n'eussent point installé la Pythie sur le trépié.

Leur nom , signifie des gens d'une sainteté éprouvée, & la victime qu'on immoloit à leur réception, s'appelloit . Ces ministres étoient perpétuels, & la sacrificature passoit à leurs enfans ; on les croyoit descendus de Deucalion. Ils avoient sous eux un grand nombre de sacrificateurs subalternes ; & c'est Euripide qui nous en a instruit le plus particulierement ; la lecture des poëtes grecs est une source de connoissances. (D.J.)


HOSOPLOTZou HOTSEPLOTZ, (Géogr.) petite ville de Silésie, dans la principauté de Grotkau.


HOSPICES. m. (Jurisprud.) signifie quelquefois la partie d'un monastere destinée à loger les hôtes ou étrangers ; quelquefois c'est un logement détaché du couvent, que les religieux bâtissent pour y recevoir les étrangers du même ordre, qui ont besoin d'y séjourner quelque tems. On entend encore par hospice, un lieu ou entrepôt que le monastere a dans quelque endroit qui en est éloigné, pour y retirer en passant les religieux qui vont pour les affaires du couvent. (A)


HOSPITA(Mythol.) surnom de Vénus : on lui rendoit un culte sous ce nom, & elle avoit un temple à Memphis en Egypte.


HOSPITALIERS. m. (Myth.) surnom que les anciens Romains donnoient à Jupiter, le nommant Jupiter hospes, parce qu'ils le regardoient comme le dieu protecteur de l'hospitalité. Les Grecs l'appelloient par la même raison , vangeur des injures faites à des hôtes ; Jupiter hospitibus nam te dare jura loquuntur ; mais Jupiter n'étoit pas le seul des dieux qui eût le titre de protecteur de l'hospitalité. Voyez ce mot où on le prouve.

Ce n'étoit pas non plus, pour le dire en passant, à Jupiter hospitalier, que les Samaritains consacrerent leur temple de Garizim, comme le prétend M. Bossuet, mais c'étoit à Jupiter Olympien, sous l'invocation duquel il ne subsista pas même long-tems, si l'on adopte pour vrai, le récit que fait Josephe, Antiq. liv. XIII. ch. vj. de la dispute qui s'éleva en Egypte sous Ptolomée Philométor entre les Juifs & les Samaritains, au sujet de leur temple ; les Samaritains soutenant que le temple de Garizim étoit le seul vrai temple du Seigneur, & les Juifs prétendant au contraire, que c'étoit celui de Jérusalem. (D.J.)

HOSPITALIERS, s. m. pl. (Hist. ecclésiast.) religieux que le pape Innocent III. a établis pour retirer les pauvres pélerins, les voyageurs & les enfans trouvés ; ils sont habillés de noir comme les prêtres, & ont une croix blanche sur leur robe & sur leur manteau. Il y a à Paris des religieuses de l'ordre de S. Augustin, que l'on appelle hospitalieres de la charité de Notre-Dame ; elles portent l'habit de S. François, avec le scapulaire blanc à l'honneur de la Vierge, & le voile noir. Ces religieuses font voeu d'hospitalité, outre les trois voeux ordinaires, & ont, lorsqu'elles vont au choeur, un manteau gris-brun, semblable à leur habit. Il y en a d'autres qui sont aussi de l'ordre de S. Augustin, & qui font les mêmes voeux, on les appelle hospitalieres de la misericorde de Jesus. Pendant l'été, elles n'ont qu'une robe blanche, avec une guimpe & un rochet de fine toile de lin : l'hiver, lorsqu'elles sont au choeur, ou qu'on porte l'extrême-onction à quelque pauvre malade de l'hôpital, elles mettent un grand manteau noir par-dessus leur rochet. C'est l'archevêque de Paris qui est leur supérieur. Diction. de Moreri.

HOSPITALIERES soeurs, s. f. pl. (Hist. de Malthe) c'est le nom primitif des religieuses de l'ordre de Malthe ; elles furent établies à Jérusalem au milieu de l'onzieme siecle par les mêmes marchands d'Amalphie, qui établirent les freres hospitaliers de S. Jean de Jérusalem, pour avoir soin des chrétiens d'Europe qui alloient visiter les saints lieux. Elles renoncerent au siecle quelque tems après comme les freres hospitaliers, & se consacrerent au service des pauvres & des pélerines. Elles prirent l'habit régulier qui consistoit dans une simple robe noire, sur laquelle étoit attachée du côté du coeur une croix de toile blanche à huit pointes ; elles firent aussi les trois voeux solemnels de religion qu'elles prononcerent au pié du saint sépulchre, & que le patriarche de Jerusalem reçut. Après la prise de cette ville par Saladin, les soeurs hospitalieres se retirerent en Europe, & y formerent depuis des établissemens considérables. Leur naissance devoit être noble, & l'on exigeoit à leur égard les mêmes preuves que pour les chevaliers. Leur habillement consistoit dans une robe de drap rouge, avec un manteau de drap noir, sur lequel on attachoit une croix de toile blanche à huit pointes : usage qui a varié en différentes provinces & en différens siecles. Vertot. (D.J.)


HOSPITALIERESS. f. pl. (Hist. ecclés.) on peut comprendre sous ce nom, les soeurs de la sagesse ; ce sont des filles qui se sont mises ensemble pour exercer la charité envers les pauvres, aussi prennent-elles le nom de servantes des pauvres : elles doivent leur établissement au sieur Grignon de Montfort, prêtre missionnaire apostolique, décédé en 1716, au bourg & paroisse de S. Laurent-sur-Sayvre, en bas Poitou ; il les assembla pour avoir soin gratis des pauvres & des petites écoles, dans les villes & villages où on les appelleroit ; leur habillement est fort simple, il est fait d'une grosse étoffe grise, & des coëffures d'une simple toile, elles sont toujours en corps de jupe, & portent au-devant d'elles sous la piece du corps, une croix de bois de la longueur d'un demi-pié ou environ, sur laquelle il y a un Christ de cuivre jaune. Lorsqu'elles sortent ou qu'elle vont à l'église, elles ont une cappe d'étamine noire qui leur couvre tout le corps. Le sieur de Montfort leur donna des régles & constitutions pour leur façon de vivre, de s'habiller, & pour leurs exercices spirituels ; elles sont répandues en différens diocèses, où on les a appellées nones : elles ont formé des établissemens ; elles gouvernent l'hôpital-général de la Rochelle, l'hôpital royal & militaire de l'île d'Oléron, & ont des établissemens dans plusieurs villes, bourgs & paroisses de la Bretagne, Poitou, Saintonge & Aunix, où elles remplissent avec beaucoup de zele & de charité les emplois où leur supérieur les distribue ; leur maison de S. Laurent-sur-Sayvre est celle où ces filles font leur noviciat, elles y ont une supérieure générale qui est une d'entr'elles, & à vie ; elles sont toutes sous les ordres & la conduite d'un prêtre, qui a succedé au sieur de Montfort dans le titre de supérieur des missionnaires de ces cantons-là, & qui demeure aussi à Saint-Laurent-sur-Sayvre. Ces filles n'ont encore pu jusqu'à présent obtenir, ni bulles, ni lettres patentes pour leur établissement ; elles les sollicitent, & si elles les obtiennent, elles feront dans l'Eglise un corps de religieuses, sinon, on ne doit les regarder que comme des filles qui se sont vouées au service des pauvres, sous la régle ou constitution du sieur de Montfort.


HOSPITALITÉS. f. (Hist. sacrée & profane, Droit naturel & Morale) l'hospitalité est la vertu d'une grande ame, qui tient à tout l'univers par les liens de l'humanité. Les Stoïciens la regardoient comme un devoir inspiré par Dieu même. Il faut, disoient ils, faire du bien aux personnes qui viennent dans nos pays, moins par rapport à elles que pour notre propre intérêt, pour celui de la vertu, & pour perfectionner dans notre ame les sentimens humains, qui ne doivent point se borner aux liaisons du sang & de l'amitié, mais s'étendre à tous les mortels.

Je définis cette vertu, une libéralité exercée envers les étrangers, sur-tout si on les reçoit dans sa maison : la juste mesure de cette espece de bénéfice dépend de ce qui contribue le plus à la grande fin que les hommes doivent avoir pour but, savoir aux secours réciproques, à la fidélité, au commerce dans les divers états, à la concorde & aux devoirs des membres d'une même société civile.

De tous les tems les hommes ont eu dessein de voyager, de former des établissemens, de connoître les pays & les moeurs des autres peuples ; mais comme les premiers voyageurs ne trouvoient point de lieu de retraite dans les endroits où ils arrivoient, ils étoient obligés de prier les habitans de les recevoir, & il s'en trouvoit d'assez charitables pour leur donner un domicile, les soulager dans leurs fatigues, & leur fournir les diverses choses dont ils avoient besoin.

Abraham, pour commencer mes exemples par l'histoire sacrée, a été du nombre de ces gens compâtissans qui pratiquerent la noble bénéficence envers les étrangers, goûterent le plaisir de les recevoir & de leur procurer tous les secours possibles. Nous lisons dans la Genese que ce digne patriarche rencontra, en sortant de sa tente, trois voyageurs, devant lesquels il se prosterna, leur offrit de l'eau pour laver leurs piés, & du pain pour rétablir leurs forces. Il ordonna en même tems à Sara de pétrir trois mesures de farine, & de faire cuire des pains sous la cendre : il fit rôtir lui-même un veau qu'il servit à ses hôtes avec les pains de Sara, du beurre & du lait.

Je ne dissimulerai point que l'exercice de l'hospitalité se trouva resserré chez les Israélites dans des bornes beaucoup trop étroites, lorsqu'ils vinrent à rompre leur commerce avec les peuples voisins ; cependant, sans parler des Iduméens & des Egyptiens qui n'étoient pas compris dans cette rupture, l'esprit de cette charité ne s'éteignit pas entierement dans leur coeur, du moins l'exercerent-ils pour leurs freres, sur-tout pendant les tristes tems des captivités, où nous voyons que Tobie étoit pénétré de ce devoir. Dans les louanges que l'écriture lui donne, elle met la distribution qu'il faisoit de trois en trois ans aux prosélytes & aux étrangers de sa part dans les dixmes. Job s'écrie au milieu de ses souffrances : " Je n'ai point laissé les étrangers dans la rue, & ma porte leur a toujours été ouverte ".

Les Egyptiens convaincus que les dieux mêmes prenoient souvent la forme de voyageurs, pour corriger l'injustice des hommes, reprimer leurs violences & leurs rapines, regarderent les devoirs de l'hospitalité comme étant les plus sacrés & les plus inviolables : les voyages fréquens des sages de la Grece en Egypte, l'accueil favorable qu'ils firent à Ménélas & à Helène du tems de la guerre de Troie, montrent assez combien ils s'occupoient de la pratique de cette vertu.

Les Ethiopiens n'étoient pas moins estimables à cet égard au rapport d'Héliodore : & c'est sans-doute ce qu'Homere a voulu peindre, quand il nous dit que ce peuple recevoit les dieux, & les regaloit avec magnificence pendant plusieurs jours.

Ce grand poëte ayant une fois établi l'excellence de l'hospitalité sur l'opinion de ces prétendus voyages des dieux ; & les autres poëtes de la Grece ayant à leur tour publié que Jupiter étoit venu sur la terre, pour punir Lycaon qui égorgeoit ses hôtes, il n'est pas étonnant que les Grecs regardassent l'hospitalité comme la vertu la plus agréable aux dieux. Aussi cette vertu étoit-elle poussée si loin dans la Grece qu'on fonda dans plusieurs endroits des édifices publics où tous les étrangers étoient admis. C'est un beau trait de la vie d'Alexandre, que l'édit par lequel il déclara que les gens de bien de tous les pays étoient parens les uns des autres, & qu'il n'y avoit que les méchans qui fussent exclus de cet honneur.

Les rois de Perse retirerent de grands avantages de la reception favorable qu'ils firent à divers peuples, & sur-tout aux Grecs qui vinrent chercher dans leur empire une retraite contre la persécution de leur citoyens.

Malgré le caractere sauvage & la pauvreté des anciens peuples d'Italie, l'hospitalité y fut connue dès les premiers tems. L'asyle donné à Saturne par Janus, & à Enée par Latinus en sont des preuves suffisantes. Elien même rapporte qu'il y avoit une loi en Lucanie qui condamnoit à l'amende ceux qui auroient refusé de loger les étrangers qui arrivoient dans leur pays après le soleil couché.

Mais les Romains qui succederent surpasserent toutes les autres nations dans la pratique de cette vertu ; ils établirent à l'imitation des Grecs des lieux exprès pour domicilier les étrangers ; ils nommerent ces lieux hospitalia ou hospitia, parce qu'ils donnoient aux étrangers le nom de hospites. Pendant la solemnité des Lectisternes à Rome on étoit obligé d'exercer l'hospitalité envers toutes sortes de gens connus ou inconnus ; les maisons des particuliers étoient ouvertes à tout le monde, & chacun avoit la liberté de se servir de tout ce qu'il y trouvoit. L'ordonnance des Achéens, par laquelle ils défendoient de recevoir dans leurs villes aucun Macédonien, est appellée dans Tite-Live une exécrable violation des droits de l'humanité. Les plus grandes maisons tiroient leur principale gloire de ce que leurs palais étoient toujours ouverts aux étrangers ; la famille des Marciens étoit unie par droit d'hospitalité avec Persée, roi de Macédoine ; & Jules-César, sans parler de tant d'autres Romains, étoit attaché par les mêmes noeuds à Nicomede, roi de Bithynie. " Rien n'est plus beau, disoit Cicéron, que de voir les maisons des personnes illustres ouvertes à d'illustres hôtes, & la république est intéressée à maintenir cette sorte de libéralité ; rien même, ajoûte-t-il, n'est plus utile pour ceux qui veulent acquérir, par des voies légitimes, un grand crédit dans l'état, que d'en avoir beaucoup au-dehors ".

Il est aisé de s'imaginer comment les habitans des autres villes & colonies romaines, prévenus de ces sentimens, recevoient les étrangers à l'exemple de la capitale. Ils leur tendoient la main pour les conduire dans l'endroit qui leur étoit destiné ; ils leur lavoient les piés, ils les menoient aux bains publics, aux jeux, aux spectacles, aux fêtes. En un mot, on n'oublioit rien de ce qui pouvoit plaire à l'hôte & adoucir sa lassitude.

Il n'étoit pas possible après cela que les Romains n'admissent les mêmes dieux que les Grecs pour protecteurs de l'hospitalité. Ils ne manquerent pas d'adjuger en cette qualité un des plus hauts rangs à Vénus, déesse de la tendresse & de l'amitié. Minerve, Hercule, Castor & Pollux jouirent aussi du même honneur, & l'on n'eut garde d'en priver les dieux voyageurs, dii viales. Jupiter eut avec raison la premiere place ; ils le déclarerent par excellence le dieu vangeur de l'hospitalité, & le surnommerent Jupiter hospitalier, Jupiter hospitalis. Cicéron, écrivant à son frere Quintus, appelle toûjours Jupiter de ce beau nom ; mais il faut voir avec quel art Virgile annoblit cette épithete dans l'Enéide.

Jupiter, hospitibus nam te dare jura loquuntur,

Hunc laetum, Tyriisque diem, Trojâque profectis

Esse velis, nostrosque hujus meminisse minores.

Notre poésie n'a point de telles ressources, ni de si belles images.

Les Germains, les Gaulois, les Celtibériens, les peuples Atlantiques, & presque toutes les nations du monde, observerent aussi régulierement les droits de l'hospitalité. C'étoit un sacrilége chez les Germains, dit Tacite, de fermer sa porte à quelque homme que ce fût, connu ou inconnu. Celui qui a exercé l'hospitalité envers un étranger, ajoûte-t-il, va lui montrer une autre maison, où on l'exerce encore, & il y est reçu avec la même humanité. Les lois des Celtes punissoient beaucoup plus rigoureusement le meurtre d'un étranger, que celui d'un citoyen.

Les Indiens, ce peuple compatissant, qui traitoit les esclaves comme eux-mêmes, pouvoient-ils ne pas bien accueillir les voyageurs ? ils allerent jusqu'à établir, & des hospices, & des magistrats particuliers, pour leur fournir les choses nécessaires à la vie, & prendre soin des funérailles de ceux qui mouroient dans leurs pays.

Je viens de prouver suffisamment, qu'autrefois l'hospitalité étoit exercée par presque tous les peuples du monde ; mais le lecteur sera bien aise d'être instruit de quelques pratiques les plus universelles de cette vertu, & de l'étendue de ses droits : il faut tâcher de contenter sa curiosité.

Lorsqu'on étoit averti qu'un étranger arrivoit, celui qui devoit le recevoir, alloit au devant de lui, & après l'avoir salué, & lui avoir donné le nom de pere, de frere, & d'ami, plutôt selon son âge, que par rapport à sa qualité, il lui tendoit la main, le menoit dans sa maison, le faisoit asseoir, & lui présentoit du pain, du vin, & du sel. Cette cérémonie étoit une espece de sacrifice, que l'on offroit à Jupiter-Hospitalier.

Les Orientaux, avant le festin, lavoient les piés à leurs hôtes ; cette pratique étoit encore en usage parmi les Juifs, & Notre-Seigneur reproche au pharisien qui le recevoit à sa table, de l'avoir négligée. Les dames même de la premiere distinction, parmi les anciens, prenoient ce soin à l'égard de leurs hôtes. Les filles de Cocalus roi de Sicile, conduisirent Dédale dans le bain, au rapport d'Athénée. Homere en fournit plusieurs autres exemples, en parlant de Nausicaa, de Polycaste, & d'Helene. Le bain étoit suivi de fêtes, où l'on n'épargnoit rien pour divertir les hôtes : les Perses, pour leur plaire encore davantage, admettoient dans ces fêtes & leurs femmes, & leurs filles.

La fête qui avoit commencé par des libations, finissoit de la même maniere, en invoquant les dieux protecteurs de l'hospitalité. Ce n'étoit ordinairement qu'après le repas, qu'on s'informoit du nom de ses hôtes, & du sujet de leur voyage, ensuite on les menoit dans l'appartement qu'on leur avoit préparé.

Il étoit de l'usage, & de la décence, de ne point laisser partir ses hôtes, sans leur faire des présens, qu'on appelloit xenia ; ceux qui les recevoient les gardoient soigneusement, comme des gages d'une alliance consacrée par la religion.

Pour laisser à la postérité une marque de l'hospitalité, qu'on avoit contractée avec quelqu'un, des familles entieres, & des villes même, formoient ensemble ce contrat. On rompoit une piece de monnoie, ou plus communément l'on scioit en deux un morceau de bois ou d'ivoire, dont chacun des contractans gardoit la moitié ; c'est ce qui est appellé par les anciens, tessera hospitalitatis, tessere d'hospitalité. Voyez TESSERE DE L'HOSPITALITE.

On en trouve encore de ces tesseres dans les cabinets des curieux, où les noms des deux amis sont écrits ; & lorsque les villes accordoient l'hospitalité à quelqu'un, elles en faisoient expédier un decret en forme, dont on lui délivroit copie.

Les droits de l'hospitalité étoient si sacrés, qu'on regardoit le meurtre d'un hôte, comme le crime le plus irrémissible ; & quoiqu'il fût quelquefois involontaire, on croyoit qu'il attiroit la vengeance de tous les dieux. Le droit de la guerre même ne détruisoit point celui de l'hospitalité, parce qu'il étoit censé éternel, à moins qu'on n'y renonçât d'une maniere authentique. Une des cérémonies qui se pratiquoit en cette rencontre, étoit de briser la marque, le tessere de l'hospitalité, & de dénoncer à un ami infidele, qu'on avoit rompu pour jamais avec lui.

Nous ne connoissons plus ce beau lien de l'hospitalité, & l'on doit convenir que les tems ont produit de si grands changemens parmi les peuples & surtout parmi nous, que nous sommes beaucoup moins obligés aux lois saintes & respectables de ce devoir, que ne l'étoient les anciens.

Il semble même, que pour être tenu par la loi naturelle, aux services de l'hospitalité, pris dans toute leur étendue, il faut 1°. que celui qui les demande soit hors de sa patrie, pour quelque raison valable, ou du moins innocente ; 2°. qu'il y ait lieu de le présumer honnête homme, ou du moins qu'il n'a aucun dessein de nous porter préjudice ; 3°. enfin, qu'il ne trouve pas ailleurs, ou que nous ne trouvions pas de notre côté à le loger pour de l'argent. Ainsi cet acte d'humanité étoit incomparablement plus indispensable, lorsque des maisons publiques, commodes, & à différens prix, n'existoient point encore parmi nous.

L'hospitalité s'est donc perdue naturellement dans toute l'Europe, parce que toute l'Europe est devenue voyageante & commerçante. La circulation des especes par les lettres de change, la sûreté des chemins, la facilité de se transporter en tous lieux sans danger, la commodité des vaisseaux, des postes, & autres voitures ; les hôtelleries établies dans toutes les villes, & sur toutes les routes, pour héberger les voyageurs, ont suppléé aux secours généreux de l'hospitalité des anciens.

L'esprit de commerce, en unissant toutes les nations, a rompu les chaînons de bienfaisance des particuliers ; il a fait beaucoup de bien & de mal ; il a produit des commodités sans nombre, des connoissances plus étendues, un luxe facile, & l'amour de l'intérêt. Cet amour a pris la place des mouvemens secrets de la nature, qui lioient autrefois les hommes par des noeuds tendres & touchans. Les gens riches y ont gagné dans leurs voyages, la jouissance de tous les agrémens du pays où ils se rendent, jointe à l'accueil poli qu'on leur accorde à proportion de leur dépense. On les voit avec plaisir, & sans attachement, comme ces fleuves qui fertilisent plus ou moins les terres par lesquelles ils passent. (D.J.)


HOSPODARS. m. (Hist. mod.) c'est ainsi qu'on nomme les souverains de la Valachie & de la Moldavie ; c'est le grand seigneur qui les établit, & ils sont obligés de lui payer tribut. Le seul moyen de parvenir à cette dignité, c'est de donner beaucoup d'argent aux grands de la Porte ; c'est ordinairement sur le plus offrant que le choix tombe, sans qu'on ait égard ni à la naissance, ni à la capacité. Cependant cette dignité a été possedée dans ce siecle par le prince Démétrius Cantemir, qui avoit succedé au célebre Maurocordato.


HOSTS. m. (Jurisprud.) que l'on écrivoit aussi quelquefois OST, mais par corruption, & en latin hostis, signifioit l'armée ou le camp du prince, ou de quelque autre seigneur ; on entendoit aussi quelquefois par le terme d'host le service militaire qui étoit dû au seigneur par ses vassaux & sujets, ou l'expédition même à laquelle ils étoient occupés à raison de ce service.

Le terme d'hostis se trouve en ce sens dans la loi salique, dans celles des Ripuariens, des Bavarois, des Saxons, des Lombards, des Visigoths, dans les capitulaires de Charlemagne, & autres anciennes ordonnances des premiers siécles de la troisieme race, & dans les auteurs de ce tems.

Les vassaux & les tenanciers qui étoient tenus de se trouver à l'host, étoient obligés, au premier mandement du seigneur, de se rendre près de lui, équipés des armes convenables, & de l'accompagner dans ses expéditions militaires.

Ce devoir s'appelloit service d'host ou ost ; on ajoûtoit quelquefois & de chevauchée, & l'on confondoit souvent le service d'host & celui de chevauchée, parce qu'il se rencontroit ordinairement que celui qui devoit le service d'host, devoit aussi le service de chevauchée. Il y avoit cependant de la différence entre l'un & l'autre, comme on voit dans l'ancienne coûtume d'Anjou, qui dit que host est pour défendre le pays & pour le profit commun, & que chevauchée est pour défendre le seigneur, c'est-à-dire, que le service d'host se faisoit dans le pays même & pour le défendre, au lieu que le service de chevauchée se faisoit pour les guerres du seigneur même hors les limites de son territoire.

Le service d'host & de chevauchée n'étoit pas dû seulement par les simples tenanciers & sujets, il étoit dû principalement par les nobles feudataires & vassaux, aucuns d'eux n'en étoient exemts.

Les évêques même, les abbés, & autres ecclésiastiques, n'en étoient pas exemts ; ils en étoient tenus de même que les laïcs, à cause du temporel de leurs églises.

Sous les deux premieres races de nos rois, ils faisoient ce service en personne ; quelques-uns même commanderent les armées, & les historiens de ce tems font mention de plusieurs prélats qui furent tués en combattant dans la mêlée.

Charlemagne ordonna qu'aucun ecclésiastique ne seroit contraint d'aller à l'host ; il leur défendit même d'y aller, à l'exception de deux ou trois évêques qui seroient choisis par les autres pour donner la bénédiction, dire la messe, reconcilier & administrer les malades.

Les évêques se plaignirent de ce capitulaire, craignant que la cessation du service militaire de leur part ne leur fît perdre leurs fiefs & n'avilît leur dignité.

Aussi la défense qui leur avoit été faite ne fut pas long-tems observée ; & l'on voit que sous les rois suivans, tous les ecclésiastiques rendoient en personne le service d'host & de chevauchée.

En 1209, le roi confisqua les fiefs des évêques d'Auxerre & d'Orléans pour avoir quitté l'host ou armée, prétendans qu'ils ne devoient le service que quand le roi y étoit en personne.

En 1214, à la bataille de Bouvines, Philippe, évêque de Beauvais & frere du roi Philippe-Auguste, assommoit les ennemis avec une massue de bois, prétendant que ce n'étoit pas répandre le sang, comme cela lui étoit défendu, attendu sa qualité d'évêque.

Dans la suite du treizieme siecle, on obligea les ecclésiastiques de contribuer aux charges de l'état, au lieu du service militaire qu'ils rendoient auparavant.

Cependant en 1303 & 1304 Philippe le Bel ordonna encore à tous les archevêques & évêques de se rendre en personne à son armée avec leurs gens, & les ecclésiastiques ne furent entierement déchargés du service militaire que par Charles VII. en 1445 ; & dans d'autres pays, comme en Pologne, Allemagne, Angleterre, Espagne & Italie, le service personnel des ecclésiastiques a duré encore plus longtems.

Le service d'host & de chevauchée n'étoit pas dû par toutes sortes de personnes indistinctement, mais seulement par celles qui s'y étoient obligées, & principalement par ceux auxquels on avoit concédé des fonds à cette condition, laquelle étoit tellement de rigueur, qu'il n'étoit pas permis d'aliéner des fonds pour se dispenser.

Ceux qui n'étoient pas en état de marcher contre l'ennemi, gardoient les places ou autres postes.

Il y avoit néanmoins certains possesseurs qui en étoient dispensés, tels entr'autres que ceux qui n'avoient point de chevaux, & qui n'étoient pas en état d'en avoir, car on ne combattoit guere alors qu'à cheval.

On dispensoit aussi du service d'host les femmes, les sexagénaires, les malades, les échevins & autres officiers des villes, les notaires, les medecins, les jurisconsultes, les boulangers, les meûniers, les pauvres, les nouveaux mariés pendant la premiere année de leurs nôces, enfin tous ceux qui obtenoient dispense du prince.

Mais ceux qui n'étoient pas en état de faire eux-mêmes le service d'host, ou de le faire pleinement, étoient souvent obligés d'y contribuer en payant ce que l'on appelloit une aide d'host, c'est-à-dire, un secours d'hommes ou d'argent, des vivres, des armes, & autres choses nécessaires pour la guerre.

Le service d'host étoit dû dès l'âge de puberté, ou du moins depuis la majorité féodale jusqu'à soixante ans ; cela dépendoit au surplus des coûtumes & des titres.

Ceux qui alloient joindre l'host étoient exemts de toutes choses sur leur route ; & tant que duroit leur service, ils avoient le privilege de ne pouvoir être poursuivis en justice, comme on le voit dans la charte de commune de Saint-Quentin de l'an 1195 : les lettres d'état paroissent tirer de-là leur origine.

Il n'étoit pas permis de quitter l'host sans un congé de celui qui commandoit : celui qui avoit quitté l'host du roi sans permission, ou qui avoit manqué de s'y rendre, encouroit une amende de 60 sols.

L'obligation de servir à l'host n'étoit pas par-tout semblable, cela dépendoit des privileges & immunités des lieux, ou des titres particuliers des personnes. Les habitans des villes n'étoient pas tenus communément de sortir hors de leur territoire ; d'autres n'étoient tenus d'aller contre l'ennemi que jusqu'à une distance telle qu'ils pussent revenir le même jour coucher chez eux ; quelques-uns devoient servir pendant trois jours, d'autres davantage. Le service dû au roi étoit de 60 jours, à moins qu'il ne fût réglé autrement par le titre d'inféodation. En quelques lieux, les sujets du seigneur n'étoient tenus de servir que pour défendre le pays, ou pour défendre le château, ou les domaines du seigneur, mais ils n'étoient pas obligés de donner du secours à ses alliés. Enfin, dans d'autres endroits, le service d'host étoit dû indistinctement au seigneur, soit dans le territoire, ou au-dehors.

De droit commun, les vassaux devoient faire à leurs dépens le service d'host & de chevauchée : quelquefois on leur devoit des gages, & le seigneur étoit tenu de les indemniser du dommage qu'ils avoient souffert dans l'expédition où ils avoient servi.

Présentement le service militaire ne peut être dû par les vassaux & sujets qu'à leur souverain, c'est ce que l'on appelle en France le service du ban & arriere-ban. Le ban est la convocation des vassaux immédiats ; l'arriere-ban est la convocation des arriere-vassaux.

Voyez les établissemens de S. Louis, & autres anciennes ordonnances, les anciennes coûtumes de Normandie, de Saint-Omer de Lorris, d'Aigues-mortes, le statut delphinal, les fors de Béarn, les priviléges de Montbrison, &c. & aux mots BAN & ARRIERE-BAN. (A)

HOST-BANNI, héribannus, c'étoit le ban que le seigneur faisoit publier à ce que ses vassaux eussent à se rendre à l'host, anc. coût. de Normandie, ch. xliv. (A)


HOSTAU(Géog.) petite ville de Bohème dans le cercle de Pilsen, près des frontieres du haut Palatinat.


HOSTELAGES. m. (Jurisp.) signifie en général logement.

Quelquefois on entend par-là un droit que les habitans payent au seigneur pour le fouage & tenement, c'est-à-dire, pour la permission d'habiter dans sa terre ; les pains d'hostelage dont parle la coûtume de Dunois, art. 7. sont une rétribution dûe pour cet objet.

On entend aussi par droit d'hostelage, ce que les marchands forains payent pour le louage des maisons & boutiques où ils mettent les marchandises qu'ils amenent aux foires ou aux marchés.

Dépens d'hostelage sont les frais & salaires dûs aux hôteliers pour le logement & nourriture qu'ils ont fournis aux voyageurs & à leurs chevaux. Voyez la coûtume de Paris, art. 175. (A)


HOSTIES. f. (Antiq.) ce mot vient de hostis, ennemi, à cause que, dans les premiers siecles de barbarie, on en sacrifioit avant la bataille, pour se rendre les dieux propices, ou après la victoire, pour les en remercier.

Les auteurs mettent de la différence entre les mots hostie, hostia, & victime, victima. Isidore dit que la victime servoit pour les grands sacrifices, & l'hostie pour les moindres ; que la victime ne se prenoit que du gros bétail, au lieu que l'hostie se tiroit des troupeaux à laine : c'est à quoi Horace semble faire allusion dans l'ode 17. du liv. II. où il exhorte Mécene à s'acquiter de ses voeux pour le recouvrement de sa santé, & à sacrifier des victimes, tandis que de son côté il veut immoler un agneau :

.... Reddere victimas

Aedemque votivam memento,

Nos humilem feriemus agnam.

Isidore dit encore, qu'on appelloit proprement hostie, l'animal que le général d'armée sacrifioit avant de combattre, mais que les victimes étoient des sacrifices qu'il offroit après la victoire : hostia ab hostire, frapper ; victima, à victis hostibus.

Aulu-Gelle ajoûte cette distinction entre l'hostie & la victime, que l'hostie pouvoit être sacrifiée indifféremment par toutes sortes de prêtres ; mais qu'il n'en étoit pas de même de la victime. Malgré ces différences que les puristes mettoient entre ces deux mots, plusieurs auteurs anciens les ont confondus dans leurs écrits, & les ont pris indistinctement l'un pour l'autre.

Il y avoit en général de deux sortes d'hosties qu'on offroit aux dieux ; les unes par les entrailles desquelles on cherchoit à connoître leur volonté, & les autres dont on se contentoit de leur offrir l'ame, qui par cette raison étoient appellées des hosties animales, hostiae animales. Virgile a parlé de ces deux hosties. Aenéide, liv. IV. v. 63 & 64. & liv. V. v. 483. & 484.

Ces deux sortes d'hosties recevoient des noms différens, suivant les motifs des sacrifices, la qualité, l'âge des animaux qu'on immoloit, les circonstances de tems, & cent autres combinaisons pareilles.

Les Romains nommoient hosties pures, hostiae purae, des agneaux ou de petits cochons de dix jours, comme nous l'apprenons de Festus.

Les hosties biennales, hostiae bidentes, étoient celles des animaux de deux ans, âge ordinaire destiné pour leur sacrifice, & celui auquel ils ont deux dents plus élevées que les six autres ; ainsi bidentes est la même chose que biennes.

On entendoit par hosties précidanées, hostiae praecidaneae, celles qu'on immoloit la veille des fêtes solemnelles ; mais Aulu-Gelle, Festus & Varron appellent truie précidanée, porca praecidanea, celle que sacrifioient à Cérès par forme d'expiation, avant la moisson, ceux qui n'avoient pas rendu les derniers devoirs à quelqu'un de leur famille, ou qui n'avoient pas purifié le logis d'un mort.

Les hosties indomtées, hostiae injuges, désignoient celles qui n'avoient jamais été sous le joug ; Virgile dit la chose plus noblement, intactâ totidem cervice juvencae.

Les hosties d'élite, hostiae lectae, eximiae, marquoient les plus belles bêtes d'un troupeau qu'on séparoit du reste pour le sacrifice.

Les hosties succidanées ou successives, hostiae succidaneae, signifioient celles qu'on immoloit consécutivement après d'autres pour réitération du sacrifice, lorsque le premier n'avoit point été favorable, ou qu'on avoit manqué à quelque cérémonie essentielle ; Paul Emile fit un pareil sacrifice étant sur le point de livrer bataille à Persée, roi de Macédoine.

On appelloit hosties cancares ou caviares, des victimes qu'on immoloit de cinq en cinq ans pour le college des pontifes, c'est-à-dire, qu'on en présentoit la partie de la queue nommée caviar.

Les hosties ambarvales, hostiae ambarvales, vouloient dire celles qu'on sacrifioit, après les avoir promenées autour des champs, dans une procession qu'on faisoit pour la conservation des biens de la terre.

Elles se distinguoient des hosties amburbiales, qui caractérisoient celles qu'on menoit autour des limites de la ville de Rome.

Les hosties d'holocauste, hostiae prodicae, tiroient ce nom de ce qu'elles étoient toutes consumées par le feu, sans qu'il en restât rien pour les sacrificateurs, ou pour le peuple. Voyez HOLOCAUSTE.

On conçoit bien que les hosties des particuliers, dites expiatoires, hostiae piaculares, s'immoloient aux dieux, pour se purifier d'un crime, ou de quelque mauvaise action. Ce moyen commode de tranquilliser sa conscience, s'est glissé sous toutes sortes de faces dans la plûpart des religions du monde.

Les hosties ambiégnes, hostiae ambiegnae, dénotoient les brebis ou vaches qui avoient eu deux agneaux ou deux veaux d'une portée, & qu'on sacrifioit à Junon avec leurs petits.

Les victimes noires, qu'on immoloit en plein midi, s'appelloient hostiae mediales ; & celles dont les aruspices examinoient les entrailles pour en tirer des présages, se nommoient hostiae harugae.

Ce n'est-là qu'une liste des principaux noms d'hosties qu'on trouve le plus fréquemment dans les auteurs latins ; & sans cette considération, je l'aurois entierement supprimée, car on se prête avec peine à entendre des mots qui n'offrent à l'esprit que des puérilités ou des extravagances. (D.J.)

HOSTIE, (Théolog.) se dit de la personne du Verbe incarné, qui a été immolé comme une hostie en sacrifice à son pere sur l'arbre de la croix pour les péchés des hommes.

Hostie se dit aussi, dans l'Eglise, du corps de N. S. Jesus-Christ renfermé sous les especes du pain & du vin, que l'on offre tous les jours comme une nouvelle hostie dans le sacrifice de la messe. Voyez MESSE.

C'est le pape Grégoire IX. qui ordonna qu'on sonneroit une cloche pour avertir le peuple d'adorer l'hostie. Voyez ADORATION.

Le saint-ciboire est le vaisseau où l'on garde les hosties ; c'est une espece de grand calice couvert. Voyez CALICE & CIBOIRE. Dict. de Trév. (G)


HOSTILIA(Géog. anc.) ancien village d'Italie, entre Vérone & Modene, illustré pour avoir donné le jour à Cornelius Nepos, qui florissoit sous Jules-Cesar. Il étoit ami d'Atticus & de Cicéron ; & composa plusieurs ouvrages, dont il ne nous reste que les vies des plus célebres capitaines grecs & romains : on pourroit en rendre la lecture très-intéressante par un commentaire historique & critique, auquel on n'a point encore songé. Hostilia se nomme à présent Ostiglia. (D.J.)


HOSTILINAS. f. (Mythol.) déesse adorée chez les Romains, & que l'on invoquoit pour la fertilité des terres, & pour obtenir une moisson abondante.


HOSTILITÉS. f. (Art. milit. & politiq.) ce mot vient du latin, hostis, ennemi. Une hostilité est une action d'ennemi.

Les hostilités ont un tems pour commencer & pour finir, & l'humanité n'en permet pas de toutes les especes. Il y a des actions qu'aucun motif ne peut excuser.

Les hostilités commencent légitimement lorsqu'un peuple manifeste des desseins violens, ou lorsqu'il refuse les réparations qu'on a le droit d'en exiger.

Il est prudent de prévenir son ennemi ; & il y auroit bien de la maladresse à l'attendre sur son pays, quand on peut se porter dans le sien.

Les hostilités peuvent durer sans injustice autant que le danger. Il ne suffit pas d'avoir obtenu la satisfaction qu'on demandoit. Il est encore permis de se précautionner contre des injures nouvelles.

Toute guerre a son but, & toutes les hostilités qui ne tendent point à ce but sont illicites. Empoisonner les eaux ou les armes, brûler sans nécessité, tuer celui qui est desarmé ou qui peut l'être, dévaster les campagnes, massacrer de sang-froid les ôtages ou les prisonniers, passer au fil de l'épée des femmes & des enfans, ce sont des actions atroces qui deshonorent toujours un vainqueur. Il ne faudroit pas même se porter à ces excès, lorsqu'ils seroient devenus les seuls moyens de réduire son ennemi. Qu'a de commun l'innocent qui bégaye, avec la cause de vos haines ?

Parmi les hostilités il y en a que les nations policées se sont interdites d'un consentement général ; mais les lois de la guerre sont un mélange si bizarre de barbarie & d'humanité, que le soldat qui pille, brûle, viole, n'est puni ni par les siens, ni par l'ennemi. Cependant il n'en est pas de ces énormités, comme des actions auxquelles on est emporté dans la chaleur du combat.

On demande s'il est permis de tuer un général ennemi. C'est une action que les anciens se sont permise, & que l'Histoire n'a jamais blâmée ; & de nos jours, le seul point qui soit généralement décidé, c'est que l'exécration seroit la juste récompense de la mort d'un général ennemi, si elle étoit la suite de la corruption d'un de ses soldats.

On a proscrit toutes les hostilités qui avoient quelqu'apparence d'atrocité, & qui pouvoient être réciproques.


HOSTIZES. f. (Droit coutumier) c'est, dit Ragneau, un droit annuel de géline, que le vassal paye à son seigneur à cause du ténement. Il en est fait mention dans la coutume de Blois, art. 40. Galand dérive ce mot de hôte, qui signifie quelquefois l'homme de corps du seigneur : mais le plus souvent il exprime tous les tenanciers d'un seigneur, habitans, levans & couchans dans sa censive. La censive où ils demeurent est appellée dans les anciens titres hostizia ; ainsi la redevance que l'on paye par rapport au logement que chacun occupe, a pris le même nom en latin, & celui d'hostize en françois. (D.J.)


HOTES. m. (Gram.) terme relatif & réciproque, qui se dit tant de ceux qui logent, que de ceux qui sont logés.

Celui qui prend un logis à louage dit qu'il a un bon hôte, en parlant du propriétaire ; & réciproquement le propriétaire dit qu'il est bien satisfait de ses hôtes, en parlant de ses locataires, ou sous-locataires.

Il faut donc savoir que la coutume des anciens étoit, que quand quelque étranger demandoit à loger, le maître du logis & l'étranger mettoient chacun de leur côté un pié sur le seuil de la porte, & là ils juroient de ne se porter aucun préjudice l'un à l'autre. C'étoit cette cérémonie qui donnoit tant d'horreur pour ceux qui violoient le droit d'hospitalité, car ils étoient regardés comme parjures.

Au lieu d'hospes, les anciens latins disoient hostis. C'est Cicéron lui-même qui nous apprend cela. Depuis hostis a signifié ennemi ; tant l'idée de l'hospitalité étoit altérée. Dict. de Trévoux.


HOTELS. m. (Grammaire) les habitations des particuliers prennent différens noms, selon les différens états de ceux qui les occupent. On dit la maison d'un bourgeois, l'hôtel d'un grand, le palais d'un prince ou d'un roi. L'hôtel est toujours un grand bâtiment annoncé par le faste de son extérieur, l'étendue qu'il embrasse, le nombre & la diversité de ses logemens, & la richesse de sa décoration intérieure. On en trouvera un modele dans nos Planches d'Architecture.

HOTEL DE VILLE, ou MAISON DE VILLE, ou MAISON COMMUNE DE VILLE, (Jurisprud.) est le lieu public où se tient le conseil des officiers & bourgeois d'une ville pour délibérer sur les affaires communes.

L'établissement des premiers hôtels de ville remonte au tems de l'établissement des communes, & conséquemment vers le commencement du xij. siecle. Voyez COMMUNES. (A)

HOTEL d'un ambassadeur, (Droit des gens) c'est ainsi qu'on nomme toute maison que prend un ambassadeur ou ministre, dans le lieu où il va résider pour y exercer sa fonction.

On regarde par toute l'Europe les hôtels des ambassadeurs comme des asyles pour eux & pour leurs domestiques. En effet, un ambassadeur & ses gens ne peuvent pas dépendre du souverain chez lequel il est envoyé, ni de ses tribunaux ; aucun obstacle ne doit l'empêcher d'aller, de venir, d'agir librement ; on pourroit lui imputer des crimes, dit fort bien M. de Montesquieu, s'il pouvoit être arrêté pour des crimes ; on pourroit lui supposer des dettes, s'il pouvoit être arrêté pour dettes ; sa maison est donc sacrée, & l'on ne peut l'accuser que devant son maître, qui est son juge ou son complice.

Mais on demande si leurs hôtels sont aussi des asyles pour les scélérats qui s'y réfugieroient. Quelques-uns distinguent la nature des crimes commis par ceux qui viennent à se retirer chez un ambassadeur ; mais une distinction arbitraire, & sur laquelle on peut contester, n'est pas propre à décider la question proposée. On écrivit en France plusieurs brochures dans le dernier siecle, en faveur de l'asyle sans exception ; mais c'est qu'alors il s'agissoit de la grande affaire arrivée à Rome pendant l'ambassade de M. de Créquy. On tiendroit aujourd'hui un tout autre langage, si la contestation s'élevoit à Paris, avec quelqu'un des ministres étrangers.

Grotius croit qu'il dépend du souverain auprès duquel l'ambassadeur réside, d'accorder ou de refuser le privilége, parce que le droit des gens ne demande rien de semblable.

Il est du moins certain que l'extension des prérogatives des ambassadeurs à cet égard, ne peut qu'être nuisible, en entretenant l'abus des asyles, qui est toujours un grand mal. Mais pour abréger, voyez sur cette matiere, Thomasius, de jure asyli legatorum oedibus competente, & Bynkershoëk du juge compétent des ambassadeurs, ch. xxj. Je ne nomme pas M. de Wicquefort, parce qu'il n'a point traité ce sujet sur des principes fixes. (D.J.)

HOTEL DES INVALIDES, voyez INVALIDES.

HOTEL DE LA MONNOYE, voyez MONNOYE.

HOTEL-DIEU, (Hist. mod.) c'est le plus étendu, le plus nombreux, le plus riche, & le plus effrayant de tous nos hôpitaux.

Voici le tableau que les administrateurs eux-mêmes en ont tracé à la tête des comptes qu'ils rendoient au public dans le siecle passé.

Qu'on se représente une longue enfilade de salles contiguës, où l'on rassemble des malades de toute espece, & où l'on en entasse souvent trois, quatre, cinq & six dans un même lit ; les vivans à côté des moribonds & des morts ; l'air infecté des exhalaisons de cette multitude de corps mal-sains, portant des uns aux autres les germes pestilentiels de leurs infirmités ; & le spectacle de la douleur & de l'agonie de tous côtés offert & reçû. Voilà l'hôtel-Dieu.

Aussi de ces misérables les uns sortent avec des maux qu'ils n'avoient point apportés dans cet hôpital, & que souvent ils vont communiquer au-dehors à ceux avec lesquels ils vivent. D'autres guéris imparfaitement, passent le reste de leurs jours dans une convalescence aussi cruelle que la maladie ; & le reste périt, à l'exception d'un petit nombre qu'un tempérament robuste soutient.

L'hôtel-Dieu est fort ancien. Il est situé dans la maison même d'Ercembalus, préfet ou gouverneur de Paris sous Clotaire III. en 665. Il s'est successivement accru & enrichi. On a proposé en différens tems des projets de réforme qui n'ont jamais pû s'exécuter, & il est resté comme un gouffre toujours ouvert, où les vies des hommes avec les aumônes des particuliers vont se perdre.


HOTELLERIES. f. (Grammaire) bâtiment composé de logemens, chambres, écuries, cours & autres lieux nécessaires pour loger & nourrir les voyageurs, ou les personnes qui font quelque séjour dans une ville.

HOTELLERIE de Turquie, (Hist. mod.) édifice public où l'on reçoit les voyageurs & les passans, pour les loger gratuitement. Il y en a quantité de fondations sur les grands chemins & dans les villes d'Asie.

Les hôtelleries qu'on trouve sur les grands chemins, dit M. Tournefort, sont de vastes édifices longs ou quarrés, qui ont l'apparence d'une grange. On ne voit en dedans qu'une banquette attachée aux murailles, & relevée d'environ trois piés, sur six de large ; le reste de la place est destiné pour les mulets & pour les chameaux ; la banquette sert de lit, de table & de cuisine aux hommes. On y trouve de petites cheminées à sept ou huit piés les unes des autres, ou chacun fait bouillir sa marmite. Quand la soupe est prête, on met la nappe, & l'on se place autour de la banquette les piés croisés comme les tailleurs. Le lit est bien-tôt dressé après le souper, il n'y a qu'à étendre son tapis à côté de la cheminée, & ranger ses hardes tout-autour ; la selle du cheval tient lieu d'oreiller, & le capot supplée aux draps & à la couverture.

On trouve à acheter à la porte de ces hôtelleries, du pain, de la volaille, des oeufs, des fruits, & quelquefois du vin, le tout à fort bon compte. On va se pourvoir au village prochain, si l'on manque de quelque chose. On ne paye rien pour le gîte : ces retraites publiques ont conservé en quelque maniere le droit d'hospitalité, si recommandable chez les anciens. Voyez HOSPITALITE.

Les hôtelleries des villes sont plus propres & mieux bâties ; elles ressemblent à des monasteres, car il y en a beaucoup avec de petites mosquées ; la fontaine est ordinairement au milieu de la cour, les cabinets pour les nécessités sont aux environs ; les chambres sont disposées le long d'une grande galerie, ou dans des dortoirs bien éclairés.

Dans les hôtelleries de fondation, on ne donne pour tout payement qu'une petite étrenne au concierge, & l'on vit à très-vil prix dans les autres. Si l'on veut y être à son aise, il suffit d'y avoir une chambre servant de cuisine ; l'on vend à la porte de l'hôtellerie viande, poisson, pain, fruits, beurre, huile, pipes, tabac, caffé, chandelle, jusqu'à du bois. Il faut s'adresser à des Juifs ou à des Chrétiens pour du vin, & pour peu de choses ils vous en fournissent en cachette.

Il y a de ces hôtelleries si bien rentées, que l'on vous donne aux dépens du fondateur, la paille, l'orge, le pain & le ris. Voilà les fruits de la charité qui fait un point essentiel de la religion mahométane ; & cet esprit de charité est si généralement répandu parmi les Turcs, qu'on voit de bons Musulmans qui se logent dans des especes de huttes sur les grands chemins, où ils ne s'occupent pendant les chaleurs qu'à faire reposer & rafraîchir les passans qui sont fatigués. Nous louons ces sortes de sentimens d'humanité, mais nous ne les avons pas beaucoup dans le coeur ; nous sommes très-polis & très-durs. (D.J.)


HOTTES. f. (Gramm. & arts méchan.) panier d'osier, ou même de bois, étroit par en-bas, large par en-haut, qu'on fixe sur les épaules avec des bretelles où les bras sont passés, & qui sert à porter différentes choses. Le côté qui touche aux épaules est plat ; l'autre est arrondi. Cet instrument sert aux jardiniers, aux fruitiers, aux vendangeurs. Il y en a de serrées qu'on appelle batais ; il y en a d'ardoisées, de gauderonnées, de poissées, selon les différens usages auxquels elles sont destinées.

C'est un ouvrage de mandrerie ou du vannier. Il est composé d'un fond de bois, oval sur le derriere de la hotte, & droit sur le devant, dans lequel on plante trois maques, deux à chaque coin du devant, qu'on appelle maques simplement ; & l'autre au milieu du derriere pour soutenir l'ouvrage, & qui se nomme maque plate. Voyez MAQUES & MAQUE PLATE. On fait des hottes pleines ou à jour, mais les unes & les autres ont des maques, des cotonailles, des torches, des faisses & un collet. Voyez ces mots à leur article.

HOTTE de cheminée, (Architect.) c'est le haut ou le manteau d'une cheminée de cuisine, fait en forme pyramidale.


HOTTENTOTSLes, (Géog.) peuple d'Afrique dans la Cafrerie, près du cap de Bonne-Espérance ; ils sont fort connus parce qu'ils touchent l'habitation des Hollandois, & parce que tous les voyageurs en ont parlé, Junigo de Bervillas, Courlai, Dampier, Robert Lade, François Légar, La Loubere, Jean Owington, Spilberg, le P. Tachard, Tavernier, & finalement M. Kolbe dans sa description du cap.

Les Hottentots ne sont pas des Négres, dit avec raison l'auteur de l'Histoire naturelle de l'homme ; ce sont des Cafres, qui ne seroient que basanés, s'ils ne se noircissoient pas la peau avec de la graisse & du suif, qu'ils mêlent pour se barbouiller. Ils sont couleur d'olive & jamais noirs, quelque peine qu'ils se donnent pour le devenir ; leurs cheveux collés ensemble par leur affreuse malpropreté, ressemblent à la toison d'un mouton noir remplie de crotte. Ces peuples sont errans, indépendans, & jaloux de leur liberté ; ils sont d'une taille médiocre & fort légers à la course ; leur langage est étrange, ils gloussent comme des coqs d'Inde ; les femmes sont beaucoup plus petites que les hommes, & ont la plûpart une espece d'excroissance, ou de peau dure & large qui leur croît au-dessus de l'os pubis, & qui descend jusqu'au milieu des cuisses en forme de tablier. Tachard & Kolbe disent que les femmes naturelles du Cap sont sujettes à cette monstrueuse difformité, qu'elles découvrent à ceux qui ont assez de curiosité, ou d'intrépidité pour demander à la voir ou à la toucher. Les hommes de leur côté, sont tous, à ce qu'assurent les mêmes voyageurs, à demi-eunuques, non qu'ils naissent tels, mais parce qu'on leur ôte un testicule ordinairement à l'âge de huit ans, & quelquefois plus tard.

Les Hottentots ont le nez fort plat & fort large ; ils ne l'auroient cependant pas tel, si les meres ne se faisoient un devoir de le leur applatir peu de tems après leur naissance, parce qu'elles regardent un nez proéminent comme une difformité. Ils ont une levre fort grosse, sur-tout la supérieure, les dents très-blanches, les sourcils épais, la tête grosse, le corps maigre, les membres menus ; ils ne vivent guéres passé quarante ans ; la saleté dans laquelle ils se plaisent, & les viandes infectées dont ils font leur principale nourriture, sont au nombre des causes qui contribuent le plus au peu de durée de leur vie. Tous les particuliers du bourg du Cap ont de ces sauvages qui s'emploient volontiers au service le plus bas & le plus sale de la maison.

Ils vont presque nuds, la tête toujours découverte, & les cheveux ornés de coquilles ; leurs cabanes portent neuf à dix piés de hauteur, sur dix à douze de largeur ; ce sont des pieux fichés qui se rejoignent par le haut ; les côtés & le faîte sont des branches grossierement entrelacées avec les pieux ; le bout est couvert de jonc ou de peaux. A un des coins de la cabane, est une ouverture de la hauteur de quatre piés pour entrer & sortir ; ils font le feu au milieu, & couchent à terre.

Ils n'ont ni temple, ni idoles, ni culte, si ce n'est qu'on veuille caractériser ainsi leurs danses nocturnes, à la nouvelle & à la pleine lune. Le nom de Hottentot a été donné par les Européens à ces peuples sauvages, parce que c'est un mot qu'ils se répetent sans-cesse les uns aux autres lorsqu'ils dansent. (D.J.)


HOTTONIAS. f. (Botaniq. moderne) plante aquatique, ainsi nommée à l'honneur de M. Hotton, professeur en Botanique à Leyde. Voici ses caracteres d'après Boerhaave.

La fleur est en rose, composée d'un seul pétale divisé en cinq segmens. Les divisions pénetrent jusqu'au fond de la fleur ; il part de son centre un pistil qui dégénere en un fruit cylindrique, dans lequel sont contenues plusieurs semences sphériques. Linnoeus ajoûte que les étamines sont cinq filamens droits, courts, coniques, placés sur les découpures de la fleur.

On trouve cette plante dans les fossés & dans les eaux profondes & croupissantes. Ses feuilles paroissent sur la surface de l'eau en Avril & en Mai ; ses fleurs en épi croissent sur des tiges assez longues & unies ; elles sont couleur de rose, d'une découpure très-fine, & font un bel ornement sur la surface des eaux. (D.J.)


HO(le cap de la) Géog. cap d'Afrique dans la haute Guinée, habité par les negres Quaqua. Ce cap, où commence la côte des Bonnes-Gens, avance assez peu vers la mer. Il est par les 5d 10' de lat. septentrionale, à environ moitié de la distance qu'il y a entre le cap de Palmes & celui des Trois-Pointes. (D.J.)


HOUHOU, HOU, APRÈS L'AMI, (Vénerie) cri dont le valet de limier doit user quand il laisse courre un loup & un sanglier.


HOUACHEOUAICHE, s. m. (Marine) c'est la trace que fait un vaisseau sur les eaux en sillant.


HOUAL(Géog.) royaume d'Afrique dans la Nigritie, au bord du Sénégal. Il a environ 46 lieues de l'est à l'ouest, mais il est beaucoup plus étendu au sud de la riviere. Il est gouverné par un Prince qui se fait appeller brak, c'est-à-dire roi : aussi M. Delisle écrit le royaume de Brak, ou Oualle, & le P. Labat Hoval. (D.J.)


HOUAMEou HOUAINE, s. m. (Hist. mod.) secte Mahométane. Les Houames courent l'Arabie ; ils n'ont de logemens que leurs tentes. Ils se sont fait une loi particuliere ; ils n'entrent point dans les mosquées ; ils font leurs prieres & leurs cérémonies sous leurs pavillons, & finissent leurs exercices pieux par s'occuper de la propagation de l'espece qu'ils regardent comme le premier devoir de l'homme ; en conséquence l'objet leur est indifférent. Ils se précipitent sur le premier qui se présente. Il ne s'agit pas de se procurer un plaisir recherché, ou de satisfaire une passion qui tourmente, mais de remplir un acte religieux : belle ou laide, jeune ou vieille, fille ou femme, un houame ferme les yeux & accomplit sa loi. Il y a quelques houames à Alexandrie, où ce culte n'est pas toléré ; on y brûle tous ceux qu'on y découvre.


HOUAT(Géog.) petite isle de France sur l'Océan, près des côtes de Bretagne, à trois lieues de Belle-Isle. Elle a quatre lieues de tour. Long. 14, 36. lat. 47, 20. (D.J.)


HOUBLONlupulus, s. m. (Bot.) genre de plante à fleur, composée de plusieurs étamines, soutenues sur un calice. Cette fleur est stérile, comme l'a observé Cesalpin. Les embryons naissent sur des plantes qui ne portent point de fleurs, & deviennent des fruits écailleux, composés de plusieurs feuilles qui sont attachées à un poinçon, & qui couvrent des semences, enveloppées chacune d'une coëffe. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I.)

Les racines du houblon sont menues & entre lacées les unes dans les autres ; il en sort des tiges foibles, très-longues, tortillées, rudes, anguleuses, velues, creuses, purpurines, sans vrilles, lesquelles embrassent étroitement les perches & les plantes sur lesquelles elles grimpent. Ses feuilles sortent des noeuds deux à deux, opposées, portées sur des queues longues d'une palme, rudes, & quelquefois rougeâtres ; quelquefois elles imitent les feuilles de mûrier, & sont entieres, terminées par une pointe ; le plus souvent elles sont découpées en trois ou en cinq parties qui ont autant de pointes, dentelées à leur bord, tantôt d'un côté, tantôt de l'autre.

L'espece qui porte les fleurs n'a point de graine, & celle qui porte les graines n'a point d'étamines.

Les fleurs naissent dans le houblon mâle, de l'aisselle des feuilles ; elles sont en grappes, comme celles du chanvre, de couleur d'herbe pâle, sans pétales, composées de plusieurs étamines & d'un calice à cinq feuilles ; elles sont stériles.

L'espece femelle porte des fruits qui sont comme des pommes de pin, composées de plusieurs écailles membraneuses, peu serrées, de couleur pâle, ou d'un verd jaune, attachées sur un pivot commun, à l'aisselle desquels naissent de petites graines, applaties, rousses, de l'odeur de l'ail, ameres, & enveloppées dans une coëffe membraneuse. Cette plante est très-commune dans les haies & les prés des pays, soit froids, soit chauds.

Mais en Angleterre, en Hollande, en Flandres & en Allemagne, on seme & on cultive avec grand soin, & avec beaucoup de dépense, le houblon dans des houblonnieres, où l'on plante de grandes perches, sur lesquelles les tiges de houblon montent, & les surpassent même. Il se plaît dans un terrein humide, gras & bien fumé : toute cette plante devient beaucoup plus belle par la culture ; ses épics chargés de fleurs, ses écailles & sa graine sont plus grandes que dans son état sauvage. Ses épics, qui sont les pommes de pin, & que l'on appelle souvent, mais improprement, fleurs, se recueillent au mois d'Août & de Septembre. On les seche dans un four préparé pour cela ; on les renferme ensuite dans des sacs, & on les garde pour faire la biere. On mange les jeunes pousses de houblon qui paroissent au commencement du printems.

Les feuilles sont ameres ; leur suc ne change point la couleur du papier bleu ; les fruits, ou les pommes de pin fraiches, ont une odeur agréable, & contiennent une graisse ou résine aromatique, un peu visqueuse, qui paroît être le principe de leur odeur & de leur amertume. Ils renferment un sel ammoniacal un peu nitreux, uni à une grande quantité d'huile, soit subtile, soit épaisse, aromatique & un peu amere : c'est par cette raison qu'on n'en peut point tirer de sel essentiel crystallin ; car le sel ammoniacal, sur-tout s'il est joint à une grande quantité d'huile, ne forme point de crystaux ; & étant séché, il devient comme un sable terreux.

Il résulte de cet exposé, que le houblon renferme un sel alumineux tartareux, amer. Voyez article suivant, ses propriétés médicinales. (D.J.)

HOUBLON. En Suede, les habitans de la province de Jemteland & de celle de Médelpadie, se servent avec succès des tiges du houblon pour en préparer de la filasse, dont ils font une toile grossiere ; par ce moyen le houblon leur tient lieu de chanvre. Pour cet effet, au lieu de jetter ces tiges comme inutiles, on en détache les feuilles, ensuite on met ces tiges en macération ou à rouir dans de l'eau, ou bien on les étend sur des toits de chaume pour y rester exposées pendant l'hiver aux injures de l'air ; souvent elles y demeurent long-tems couvertes de neige ; quelquefois on les laisse tremper dans l'eau de la mer, & ensuite on les expose alternativement à l'air libre, en les mettant sur la terre, ensuite de quoi on les laisse tremper dans des eaux courantes. D'autres, avant que de faire rouir les tiges ou sarmens de houblon, les exposent pendant la nuit à la rosée. Enfin, on les fait sécher à l'air, on les bat ; on les fait de nouveau sécher dans un four, & on finit par les traiter de la même maniere que le chanvre. Lorsque la macération a été bien faite, on obtient de la filasse aussi fine que celle du lin ou du chanvre : mais jusqu'à présent on n'a pû la blanchir parfaitement ; mais elle n'en a que plus de solidité, vû que le blanchissage ne fait que nuire à la durée de la toile. On peut cependant teindre la toile qui a été ainsi faite, & l'employer à des usages communs. Voyez les mémoires de l'Académie de Suede, année 1750. (-)

HOUBLON, (Diete & Mat. méd.) on fait cuire les jeunes pousses de houblon qui paroissent au printems dans de l'eau comme les asperges, & on les mange avec de l'huile, du sel & du vinaigre. On les apprête aussi de plusieurs autres façons. Elles lâchent doucement le ventre ; sont utiles pour les obstructions des visceres, & sur-tout pour les engorgemens du foie & de la rate. Geoffroy, Mat. méd.

Tout le monde connoît l'usage du houblon pour l'assaisonnement de la biere. Voyez BIERE & BRASSERIE.

Ce que l'on a dit des bonnes & des mauvaises qualités que le houblon donnoit à la biere, est absolument gratuit. On manque d'observations pour décider la question agitée principalement en Angleterre ; savoir, si la biere houblonée chassoit & fondoit la pierre des reins, ou si elle ne contribuoit pas au contraire à la former. Un fait assuré, c'est que les bieres rouges forcées de houblon, sont plus enyvrantes, & qu'elles jettent dans un assoupissement dangereux ; mais il n'est pas clair que ces effets soient dûs au houblon.

On ne se sert que très-rarement du houblon à titre de médicament : on pourroit l'employer cependant aussi utilement que les autres plantes ameres, contre les défauts d'appétit habituel, les obstructions du foie & les maladies de la peau.

On trouve dans quelques boutiques un extrait de houblon, qu'on peut faire entrer dans les bols & les électuaires magistraux, qu'on emploie dans le traitement des maladies que nous venons d'indiquer. Les feuilles de houblon entrent dans le syrop de chicorée composé, & son suc dans les pilules angéliques de la pharmacopée de Paris. (B)


HOUCHEHICHE, ou FOUANNE, (Pêche) La houche, usitée dans le ressort de l'amirauté de Bayonne, est une fouanne ébarbelée d'un côté, & à sept branches : on s'en sert au feu, contre l'ordonnance de 1669. Il faut un tems calme & une nuit obscure. Deux pêcheurs montent dans une chaloupe ; l'un se met à l'arriere & gouverne, l'autre à l'avant & pêche. Il tient à la main un brandon d'éclats de sapin secs & résineux : la lueur de ce brandon attire le poisson à la surface, & le pêcheur le frappe de sa houche. Cette pêche se fait en toute saison. On y prend des poissons qui pesent dix, douze & quinze livres.


HOUDAN(Géog.) petite ville de l'isle de France dans la Beauce, au diocèse de Chartres, sur la Vègre, à 4 lieues de Dreux, & 13 S. O. de Paris, long. 19d 15' 38'', lat. 38d 47' 21''.

Guy Patin, homme de beaucoup d'esprit, & d'un esprit fort orné, naquit à Houdan en 1602, non pas dans notre petite ville d'Houdan au diocèse de Chartres, comme tant de gens l'ont écrit, mais dans un village nommé Houdan, à 3 lieues de Beauvais : toutefois, puisque je viens de nommer ici cet aimable homme, il faut que j'ajoute qu'il fut l'artisan de sa fortune ; car de correcteur d'Imprimerie, il devint habile & sage Médecin clinique. Il n'eut pas tort de se déclarer ennemi de l'antimoine, que de son tems on ne savoit pas préparer en France, qu'on y prépare bien aujourd'hui, & dont on abuse encore mieux. Les lettres de Guy Patin ont été lues avec avidité, parce qu'elles sont naturelles, parce que d'ailleurs, selon la remarque de M. de Voltaire, elles contiennent des anecdotes qu'on aime, & des satyres qu'on aime encore davantage. Il mourut en 1672, & laissa un fils, Charles Patin, qui se distingua par son savoir dans la Medecine, dans la Littérature, & sur-tout dans les médailles. Il publia en ce dernier genre quantité d'excellens ouvrages, & finit ses jours à Padoue en 1684, laissant deux filles, célébres par leurs écrits, & une femme qui a été aussi auteur. Bayle a donné dans son dictionnaire un article curieux & fort étendu de Guy Patin & de son fils. (D.J.)


HOUES. f. (Tailland. & Agricult.) instrument dont on se sert pour labourer les vignes & les terres lorsqu'on ne peut employer la charrue.

La houe se forge comme la bêche ; mais au lieu de douille, elle a un oeil, auquel on réserve une portion de fer qu'on appelle collet. On soude la houe au collet, & le reste s'acheve comme à tous les outils de cette espece. Le coupant de la houe est perpendiculaire au collet, & le manche parallele. Le laboureur enleve la superficie de la terre, & la bêche plus ou moins profondément : la terre reste sur la houe ; ce qui lui donne la facilité de la verser, retourner, jetter, étendre comme il lui plaît. Ainsi l'on voit que cette manoeuvre se rapproche de l'effet de l'oreille de la charrue. Voyez l'article CHARRUE. Il y a un instrument appellé houette ; c'est un diminutif de la houe. Voyez HOUETTE, & nos Planc. d'Agric.


HOUERE(Marine) Voyez HOURQUE.


HOUETTES. f. (Tailland. & Agricult.) instrument dont on se sert au lieu de la houe. Voyez HOUE. Dans la houette, le collet & l'oeil ne sont pas perpendiculaires au reste, mais paralleles.


HOUGU(la) Géog. Mrs Huet & Baudrand disent la Hogue, mais l'usage du pays, l'abbé de Longuerue, les cartes anciennes de Normandie, décident pour la Hougue ; son nom latin est Ogas, selon Vital, Ogigiae selon Cénalis, caput Ogoe selon Baudrand, & Oga selon la plûpart des écrivains.

Cap de France en Normandie, près de Cherbourg, défendu par un fort nommé l'isle-à-Madame. Le maréchal de Tourville y fut défait par la flotte Angloise en 1692.

La rade de la Hougue est excellente ; c'est un lieu très-propre à y faire une place importante, soit pour le commerce, soit pour les vaisseaux de guerre.

Le projet d'un port dans cet endroit périt avec l'industrie de M. Colbert à en trouver les fonds ; on prétend cependant que la dépense de ce port n'excéderoit pas celle de vingt vaisseaux de ligne ; son entretien seroit moins coûteux, & la force de cette position équivaudroit à celle de vingt vaisseaux, lorsque les François en auroient soixante & dix en mer. (D.J.)


HOUILLE(Hist. nat.) nom que l'on donne en Flandre, en Hainault & dans le pays de Liége, au charbon de terre. Voyez CHARBON-FOSSILE.

On connoissoit depuis long-tems les cendres de charbon de terre qui se tiroient de Mons : l'usage en a presque cessé, depuis qu'en 1731 il s'est formé à Valenciennes une compagnie pour tirer de Hollande les cendres provenant d'une terre grasse qui fait le chauffage des Hollandois sous le nom de tourbes ; ce sont ces cendres que l'on appelle cendres de mer : on en a fait depuis un commerce très-considérable dans l'Artois, le Hainault, le Cambresis, & dans la partie de la haute Picardie, qui est de notre généralité, où le prix & l'éloignement de ces cendres ont empêché que l'usage n'en devînt plus commun & plus étendu.

A l'imitation de ces cendres de tourbes d'Hollande, on en a fait à Amiens des tourbes de ce pays, dont le débit a eu aussi beaucoup de succès, quoiqu'elles ne paroissent pas avoir autant de qualité que les cendres de Hollande.

Des hasards heureux ont enfin découvert une matiere encore plus utile. Ce sont des mines de terre de houille, qui se sont trouvées à 20, 30, 40 piés de profondeur ; à Beaurains, près de Noyon, en 1753, après avoir cherché long-tems & inutilement du charbon de terre ; en 1756, près de Laon, sur les terroirs de Suzy, Faucoucourt & Cessieres, qui se touchent & ne sont séparés que par un ruisseau ; ce fut en déblayant des terres propres aux verreries ; enfin, au détroit d'Anois & de Rumigny, près de Ribemont, en cherchant de même des mines de charbon de terre.

Différens cultivateurs & laboureurs ayant pensé que ces terres noirâtres & brûlantes contenoient des sels propres à la végétation, comme les cendres de mer, les mirent en cendres, ils en répandirent sur leurs terres ensemencées & dans leurs prairies. Le succès en fut si heureux, qu'il fut bientôt imité ; ce qui engagea plusieurs personnes à demander la permission & le privilege de l'exploitation de ces mines, laquelle, comme de toutes les autres mines, ne peut-être faite que par la permission du Roi, suivant l'Arrêt du Conseil de 1744.

Ces permissions d'exploitation ont été accordées après l'examen des effets & de la qualité de la houille de chacune de ces mines.

Il résulte de cet examen, que l'on s'est servi en Angleterre & en Flandres des cendres de charbon de terre pour augmenter la production des prairies ; que les cendres de tourbes, nommées en Hollande cendres de mer, ont été employées depuis pour les prairies & les terres semées en grains de fourrages ; que l'on s'est servi de même des cendres de tourbes d'Amiens & d'autres pays, & que les terres & cendres de houille découvertes dans cette généralité aux trois endroits désignés ci-dessus, paroissent devoir y être préférées, tant par la proximité que par leur effet, parce qu'elles ont plus de qualité bitumineuse, qui est le plus sûr engrais des terres.

L'emploi de ces différentes cendres prouve en général que tout engrais salin & bitumineux est préférable à une terre aride, telle que la marne ou le cran, dont l'effet n'est que de dilater les terres tenaces en se dilatant elle-même dans les tems humides. L'usage de la marne, qui est fort chere, a été même reconnu pour être dangereux. Les terres houilles sont sulphureuses & bitumineuses ; en les décomposant on y trouveroit du vitriol, & peut-être de l'alun, mais point de nitre : la partie bitumineuse est l'engrais véritable.

Cette terre houille, si on la laisse en tas pendant quelques jours en sortant de la mine, s'échauffe, s'allume d'elle-même, brûle ce qu'elle touche, & répand au loin une odeur de soufre.

Pour la réduire en cendres on la met dans des fossés, où elle fermente & s'allume sans flamme apparente. S'il y avoit du nitre, il produiroit de la flamme.

On peut employer cette terre houille, ou comme elle sort de la mine, sans avoir été brûlée ni calcinée, ou lorsqu'elle a été brûlée & réduite en cendres.

Quand on l'emploie sans avoir été brûlée, il faut l'écraser en poudre grossiere, & n'en couvrir le champ que de l'épaisseur d'un pouce ; car étant ainsi crue, & ayant encore l'acide sulphureux ou vitriolique, qui ne se consume que par le feu, elle pourroit, en s'échauffant, s'allumer, si on en répandoit de l'épaisseur de cinq à six pouces ; ce qui arrêteroit la production des grains au lieu de lui être favorable.

L'effet de ces terres non brûlées est que les pluies du printems développant peu à peu l'acide sulphureux, il trouve pour base la terre même qu'on veut amender ; il forme avec le bitume un nouveau composé, qui est l'engrais qu'on desire.

La seconde façon de s'en servir, est de l'employer en cendres, après que cette terre a été brûlée & calcinée ; on peut pour lors en mettre une plus grande quantité, parce que le soufre étant évaporé par le feu, & n'y ayant plus que le bitume (véritable engrais), on n'a plus à craindre une fermentation tendante à l'inflammation, capable de dessécher les grains, au lieu d'être favorable à leur développement.

Une des manieres des plus commodes & des plus sûres pour répandre ces cendres également, est de faire marcher parallelement deux ou trois hommes tenant en leurs mains des tamis peu serrés, & les frappant l'un contre l'autre.

Tout le monde peut éprouver si les terres noires, que l'on croit être des terres de houille, en sont véritablement. Prenez-en un morceau, gros comme un melon ; placez-le, sans le rompre, sur la braise de l'âtre de la cheminée ; si c'est de la terre houille, il s'y allumera comme l'amadou sans flamme, répandant une odeur de soufre suffoquante : s'il s'éleve de la flamme, la terre sera trop sulphureuse, & il ne faudra jamais s'en servir que brûlée & réduite en cendres : retirez ce morceau à demi embrasé, & mettez-le sur un plat de terre à l'air, l'odeur suffoquante disparoîtra, & l'on sentira une odeur douce de bitume terrestre : cette terre continuera de brûler lentement, puis s'éteindra, laissant une masse très-friable de couleurs variées, dont la dominante est le noir. Si on la brûloit davantage, elle ne vaudroit plus rien, parce que le bitume, véritable engrais, en seroit consumé.

M. Hellot, auteur du rapport qui précede, a fait une expérience qu'il rapporte en ces termes. " J'ai mis, dit-il, un demi pouce de terre houille crue, au mois de Juin dernier, sur trois petites caisses d'orangers, dont les feuilles étoient tombées, & qui étoient prêts à périr ; j'ai arrosé tous les jours d'un verre d'eau ; au quinze Septembre les trois petits orangers avoient depuis 22 jusqu'à 35 feuilles, & de nouvelles branches ".

On ne peut fixer généralement la quantité que l'on doit employer, soit des terres houilles non brûlées, soit de celles qui sont réduites en cendres ; cela dépend des différens genres de productions & des différentes especes de terres sur lesquelles on les emploie : l'expérience seule instruira bientôt les cultivateurs. Et nous ne pouvons mieux actuellement les exciter à éprouver cette nouvelle espece d'engrais, que par l'exposé du résultat des expériences faites, tant en grand qu'en petit, par un très-grand nombre de cultivateurs & de laboureurs de la Province sur les différentes productions de la terre.

Pour les blés. Différentes personnes ont éprouvé plusieurs procédés.

1°. On met la semence & les cendres, par égale mesure, dans un cuvier avec de l'eau, un jour ou deux avant d'ensemencer la terre ; par cette méthode tous les grains germent, les épis se trouvent plus longs qu'à l'ordinaire, exempts de brousure, le grain plus pesant, la terre purgée de mauvaises herbes, la récolte plus abondante, & il faut en ce cas un cinquieme moins de semence.

2°. On jette la semence & les cendres ensemble sans les mouiller.

3°. On jette les cendres après que les terres sont préparées, & on seme ensuite. Ces deux façons s'appellent enfouir les cendres avec la semence ; elles produisent les mêmes effets que la premiere : cependant ces deux dernieres méthodes ne sont pas aussi généralement usitées que la premiere.

4°. Des cultivateurs de Trucy ont semé au mois d'Avril des cendres de houille sur des blés où l'eau avoit séjourné pendant l'hiver, & où il ne paroissoit point, pour ainsi dire, de plants ; ce blé est devenu parfaitement beau.

Dravieres. On avoit semé dans un verger au mois d'Octobre 1756, trente verges de dravieres ; le 10 Avril suivant on fit venir des cendres de houille de Suzy ; on en fit saupoudrer la moitié des dravieres, & on y employa à peu près la même quantité dont on use de cendres de mer. Vers les premiers jours de Juin, on apperçut les progrès qu'avoit fait la partie saupoudrée, qui dès-lors se trouva plus verte & plus élevée que celle qui ne l'avoit pas été : à la récolte, la même partie saupoudrée de houille se trouva porter entre 14 & 15 pouces plus haut que l'autre.

Plusieurs laboureurs, à qui on fit voir le succès de son épreuve, en userent de même sur les lentilles, dravieres & bisailles qu'ils avoient semées en Mars ; ils s'en trouverent très-bien la même année, tant pour ces bisailles, que pour les dravieres d'hiver & de Mars.

Prairies. Le 15 Février de la même année on fit jetter de la houille, nouvellement tirée de la mine de Suzy, sur une portion de pré où la mazée avoit séjourné, & où le jonc dominoit ; la bonne herbe prit si fort le dessus sur les joncs, & devint si épaisse, qu'ils furent presque tous étouffés ; il n'en reparoissoit pas même la sixieme partie en 1759, qu'on fit faire la même chose sur tout le pré, dont on tira le double d'herbe de ce qu'on en récoltoit ordinairement.

Treffles, luzernes & sainfoins. L'usage des cendres de houille est d'un effet surprenant pour toutes ces productions, si nécessaires sur-tout dans les pays qui manquent de prairies : ce sont ces fourrages qui forment si facilement ces prairies artificielles, aussi propres que les naturelles pour l'engrais des bestiaux. Le treffle a même cet avantage de pouvoir être semé lors des pluies du mois d'Avril dans les champs déja ensemencés en blé, & sur ceux semés en avoine & en orge, lorsque les grains sont assez levés pour que toute la terre paroisse verte. La production du treffle ne nuit point à celle des autres grains, & couvre, après la récolte faite, les champs qui resteroient en jachere, d'une prairie abondante, dont on fait plusieurs coupes pendant deux ans, en y répandant chaque année des cendres de houille lors des premieres pluies du printems. Ces cendres, & les racines encore tendres de ces treffles, procurent aux terres, lorsqu'on les remet en blé, des sels qui leur tiennent lieu de tout engrais, même de fumier, dont on a par conséquent une plus grande abondance pour les terres à blé qui n'ont point été mises en prairies. La qualité des terres doit régler les connoisseurs sur la quantité de cendres qu'on doit y jetter ; on observe seulement qu'on doit les jetter au commencement de Février ou de Mars, selon que les saisons sont plus ou moins avancées, en saisissant, s'il est possible, un moment de pluie.

Avoines. Des laboureurs des environs de Noyon, enfouissent les avoines & les cendres avec beaucoup de succès.

Pois gris, lentillon, vesce & bisailles. On met les semences & les cendres, par égale mesure, dans un cuvier avec de l'eau, où on enfouit les semences & les cendres comme on le pratique pour les blés.

On peut aussi semer les cendres sur ces productions lorsqu'elles ont germé & poussé leur verd. Dans ce cas, la quantité des cendres qu'on emploie dépend de la nature des terres ; mais on ne doit en mettre que la moitié de ce que l'on mettroit si les mêmes terres étoient empouillées en treffles, luzernes ou sainfoins.

Vignes. Un particulier avoit à Cessieres une portion de vignes, qui, plantées sur un terrein refroidi par les mazées, ne rendoient pas les frais de culture. Au commencement de Février 1758, il fit mettre sur toute l'étendue de ce terrein un pouce d'épaisseur de terre houille, telle qu'elle sortoit de la mine, c'est-à-dire, qui n'avoit pas encore été enflammée & réduite en cendres. Cette portion de vignes, qui étoit absolument mauvaise avant son épreuve, se trouva à la récolte avoir de très-beau bois, & les raisins en étoient aussi gros que dans les meilleures vignes du terroir ; le vin en fut fait séparément ; il fut beaucoup plus rouge & plus ferme que les autres vins, quoiqu'on ne lui eût pas donné plus de cuve ; on l'a conservé jusqu'au mois d'Octobre 1760 : ce vin s'est trouvé très-bon. On a encore observé que dans cette année d'épreuve, il n'a point poussé d'herbes dans cette vigne.

Les cendres de houille sont également bonnes pour les basses vignes ; on y en répand 300 livres sur 80 verges de terrein.

Légumes. On a éprouvé que lorsque les légumes sont mangés de chenilles, si on les poudre de houille dès le grand matin à la rosée, & qu'on répete la même chose le lendemain, on trouve toutes les chenilles mortes le troisieme jour.

Plusieurs autres personnes sement des terres & cendres de houille sur toutes especes de légumes pour en avancer & en augmenter la production.

Couches. L'utilité dont il seroit que la qualité des terres & cendres de houille écartât ou fît périr les gros vers blancs nommés mulots, qui font mourir les arbres de tout âge, nous porte à donner encore ici une expérience faite des terres de houille dans une couche, dont on ne cherchoit qu'à rendre les productions plus hâtives.

Procédé de l'expérience. L'auteur de l'expérience fit faire dans son jardin deux couches différentes à la même exposition.

Il en fit d'abord former l'enceinte à un pié & quelques pouces de profondeur dans la terre.

La premiere couche fut ainsi composée. On mit dans le fond de la couche, cinq pouces de long fumier de cheval ; on répandit sur toute son étendue la quantité d'une piece d'eau ; on entassa ce premier lit le mieux qu'il fut possible ; l'on mit ensuite sur ce premier lit trois pouces de terre de houille de Cessieres telle qu'elle sort de la mine ; on mit dessus pour troisieme lit quatre pouces de fumier un peu plus consommé que le premier ; on y jetta moitié d'eau de ce que l'on avoit mis sur le premier lit, après l'avoir bien foulé ; on mit ensuite pour quatrieme lit, la même quantité de trois pouces de terre de houille, & pour cinquieme lit trois pouces de fumier bien consommé ; enfin, par-dessus, quatre pouces de terreau de vieille couche.

La seconde couche fut formée de même, avec les mêmes précautions, à l'exception de la terre de houille.

On sema en même tems sur les deux couches les mêmes graines potageres.

Dans la couche de houille une partie des graines étoit levée le neuvieme jour ; le douzieme tout l'étoit & également verd : dans l'autre couche les graines ne commencerent à lever que le quinzieme jour.

Toute la suite de la production de la couche de houille a toûjours eu trois semaines d'avance sur celle où il n'y en avoit point ; mais on a remarqué qu'il y falloit des arrosemens plus fréquens.

Quand toutes les productions furent finies, on défit les deux couches ; celle où il n'y avoit point de houille, fut trouvée remplie de gros vers nommés mulots ; il ne se trouva au contraire aucun mulot ni autre ver dans la couche où il y avoit de la houille.

Ce fait de la propriété de la terre de houille pour faire périr les gros vers, est si nécessaire à constater, que nous croyons devoir inviter tous ceux qui employeront de ces terres & cendres de houille, de quelque façon que ce soit, à vérifier avec l'attention la plus sûre, s'il se trouvera, ou non, après la récolte des différentes productions, de ces gros vers, ou même d'autres insectes, dans les terres où il s'en trouve ordinairement, & de nous en informer.

Les habitans de la Tiérache qui se servent de ces cendres depuis quelques années, pourroient se ressouvenir si les souris qui ont desolé une partie des terres de ce pays en automne 1759, étoient également dans celles où on avoit employé des cendres cette année ou les précédentes.

Ceux qui feront de pareilles couches avec de la houille, lorsqu'après les productions ils éfondreront leurs couches pour en faire de nouvelles, doivent avoir grande attention de séparer les lits de houille d'avec ceux de fumier, ce fumier de la vieille couche devant servir de terreau pour une nouvelle couche, & le terreau sur lequel on seme ne devant jamais être mêlé de houille : ces lits de houille ainsi séparés des lits de fumier peuvent être répandus dans d'autres endroits pour les fertiliser.

Arbres fruitiers & arbustes. M. Gouges, procureur du Roi en l'élection de Laon, avoit au commencement de Juin 1758, des pêchers dont les feuilles étoient gâtées par les moucherons & les fourmis ; ensorte qu'il avoit lieu de craindre que les fruits dont ces arbres étoient chargés ne fussent attaqués par les mêmes insectes. Il fit arroser ces arbres sur toutes les feuilles dès le grand matin, & les fit saupoudrer de houille calcinée & pulvérisée ; il fit bécher ces arbres au pié, & y mêla avec la terre remuée de la houille calcinée sans être pulvérisée.

Il avoit encore des poiriers dont les feuilles jaunes annonçoient qu'ils étoient malades ; il les fit aussi bécher au pié, & y mêla pareillement avec la terre remuée de la houille calcinée sans être pulvérisée.

Ces différens arbres furent suffisamment arrosés ; ils donnerent de très-beau fruit, & eurent une seve si abondante, qu'à la fin de Juillet on fut obligé d'en retrancher beaucoup de bois qui avoit trop poussé. Depuis, les mêmes arbres ont toûjours été très-beaux.

Le même M. Gouges a pareillement mis de la houille calcinée au pié de ses lauriers, grenadiers & autres arbustes, qui ont donné des fleurs en abondance.

Nous avons rapporté ci-dessus l'expérience faite par M. Hellot sur ses orangers.

Dans le grand nombre d'expériences dont on a connoissance, on a crû devoir citer plus particulierement celles de M. Gouges, non-seulement parce que c'est lui qui a fourni les mémoires les plus détaillés de ses expériences, mais parce qu'on lui a l'obligation des premieres qui ont été faites des terres houille de Suzy, Faucoucourt & Cessieres. La maison de campagne qu'il a à Cessieres lui ayant donné occasion d'examiner les travaux qui se faisoient pour extraire des terres propres à la verrerie de Folembray & à la manufacture des glaces de Saint-Gobin, il apperçut que les terres qui étoient sorties de ces excavations & restées sur le champ comme inutiles à ces manufactures, étoient chaudes ; il sentit une chaleur qui augmentoit insensiblement ; il reconnut la fermentation qui se faisoit dans ces masses de terre ; il apperçut dans différens endroits plusieurs petits soupiraux, d'où il vit sortir une fumée presque imperceptible ; il les élargit avec un bâton, & découvrit un feu semblable à celui de la forge d'un maréchal ; il trouva toutes les parties de cet intérieur de différentes couleurs, & plusieurs lui parurent couverts de soufre ; l'odeur en étoit très-forte ; il l'avoit déja sentie aux approches de cet endroit : il y retourna six semaines après, le dix de Novembre, avec plusieurs personnes ; il fut fort surpris de trouver à douze ou quinze piés d'un de ces petits soupiraux, un pommier couvert de feuilles & de fleurs aussi vives qu'au printems ; il reconnut les bancs de terre houille : & comme il avoit entendu dire que ceux de Beaurains avoient au-moins les mêmes qualités que les cendres de mer, il se détermina à faire les expériences que nous venons de rapporter : ce qui a été tellement connu, que l'on est venu avec empressement chercher de ces terres. Il paroît que depuis le mois d'Octobre dernier, on en a enlevé mille à douze cent voitures à quatre & à six chevaux. Le prix n'en est pas encore réglé.

A Beaurains, où ces mines s'exploitent en regle & avec art, c'est-à-dire, par des puits & des galeries souterraines, d'où après que les terres ont été tirées, on les transporte dans des brûleries, qui sont de simples fossés, où elles se consument d'elles-mêmes & se réduisent en cendres, on vend trois livres le sac de trois cent vingt livres pesant. A Ham où on en fait un magasin, il se vend trois livres douze sols ; à Rocourt, près de Saint-Quentin, il se débite à quatre livres. On vient d'en établir deux autres magasins à Pont-Sainte-Maxence, sur le pié de trois livres neuf sols le sac, & à Beaumont-sur-Oise, trois livres douze sols.

Au détroit d'Anois, on vend les cendres quinze sols le septier, ce qui revient à-peu-près à trois livres le sac de trois cent vingt livres. On en forme un magasin à Rocourt, près de Saint-Quentin ; & l'on compte en faire établir de ces trois différentes especes à Soissons & dans plusieurs autres villes de la province.

Voici ce que reprochent aux terres & cendres de houille, ceux qui craignent d'en faire usage par l'esprit de routine si contraire à toute perfection.

1°. Que ces houilles tiennent les fourrages trop longtems en verd. Ce reproche prouve que les houilles fournissent beaucoup de seve ; ceux qui veulent retirer des fourrages secs n'ont qu'à semer les houilles un peu plutôt, c'est-à-dire, au plus tard en Février : ceux qui veulent nourrir les chevaux en verd une partie de l'été, peuvent semer plus tard : rien de meilleur pour les chevaux que le sainfoin en verd ; il suffit pour les nourrir sans avoine.

2°. Que les houilles n'étant pas écrasées, les pierres brûlent là où elles restent. Rien de si aisé que de les piler chez soi avec une batte ; les pierres ne sont pas dures ; on y gagne bien la façon ; elles foisonnent beaucoup plus, se répandent mieux, & ne tracent pas tant sur la terre.

3°. Qu'elles donnent un mauvais goût ou mauvaise qualité aux fourrages. C'est un préjugé ; on s'en sert tous les jours pour les légumes, & on ne s'apperçoit d'aucun mauvais goût : un très-grand nombre de laboureurs les emploient depuis plusieurs années sans avoir éprouvé aucun accident.

Il est vrai qu'il faut avoir plusieurs attentions :

1°. Il n'en faut mettre que moitié pour les hyvernages, lentillons, vesces & bisailles de ce que l'on en met pour les treffles, lusernes & sainfoins.

2°. On ne doit donner que l'hiver aux chevaux & à midi seulement de l'hivernage, vesce, bisaille & lentillon ; parce que ces fourrages sont échauffans par eux-mêmes, & qu'ils peuvent l'être encore plus lorsqu'ils ont été saupoudrés de houille.

Enfin, comme ce ne peut être que par une étude suivie & très-attentive de l'usage de ces terres & cendres de houille, que l'on parviendra à connoître toute leur utilité, la quantité qu'il faut en employer, la maniere de s'en servir relativement aux différentes especes de terres & de productions ; on a engagé plusieurs personnes capables & zélées à en faire des expériences exactes en tous genres : & on ne peut trop recommander à tous les cultivateurs de cette province qui s'en sont déja servis, ou qui en employeront dorénavant, de suivre leurs procédés avec les attentions nécessaires pour s'assûrer de leurs effets, & d'en rendre chaque année un compte détaillé & certain.


HOULESS. f. (Marine) ce sont les vagues que la mer agitée pousse les unes contre les autres. (Z)


HOULETTES. f. (Economie rustique) bâton à l'usage du berger qui conduit les moutons en troupeau. Il est composé de la hampe, du crochet, de la douille & de la feuillette : la feuillette est un morceau de fer en cuilliere tronquée. Le berger s'en sert pour ramasser ou de la terre ou des pierres qu'il lance au mouton qui s'écarte.

Houlette de Jardinier. Voyez DEPLANTOIR.

HOULETTE, (à la Monnoie) est une espece de pelle de fer emmanchée au bout d'un long bâton, assez long pour aider le fondeur à porter la cuilliere pleine de métal en fusion, & pour empêcher que cette matiere ne brûle les moules qui sont de bois, cependant armés de deux machoires de tole.


HOULEUXadj. (Marine) se dit de la mer lorsqu'elle est agitée & couverte de vagues. (Z)


HOULM(LE) Géog. petit pays de France, dans la basse Normandie, entre Domfront & Falaise. Il n'est remarquable que par son cidre, & par ses mines de fer. (D.J.)


HOULVICHES. f. (Pêche) ce filet & la brételure servent également à la pêche des chiens de mer & des roussettes ; mais c'est à l'houlviche qu'on prend les plus gros d'entre ces poissons ; du reste, la manoeuvre de l'un & de l'autre est la même. Ainsi l'houlviche est une grande bretelure de l'espece des folles ou filets sédentaires qui s'établissent sur les fonds de la mer. Ceux-ci s'étendent sur les fonds de roches que l'espece de poisson qu'on pêche à l'houlviche fréquente volontiers ; ils sont pierrés par le bas & flottés par le haut ; on les place au large depuis la fin d'Août jusqu'en Décembre, tems où les chiens de mer & les roussettes paroissent à la côte. La maille de l'houlviche a deux pouces sept lignes en quarré : il y a d'autres filets auxquels on fait la pêche du chien de mer & de la roussette, qu'on appelle canieres : c'est à peu de chose près le même rêt que l'houlviche ou la bretelure.


HOUPPES. f. (Art méchanique) c'est un assemblage de bouts de soie ou de laine, flottans & arrangés sphériquement sur une pelote à laquelle ils sont attachés par un bout, & qu'ils couvrent de tous côtés. La partie qui termine le bonnet quarré de nos ecclésiastiques s'appelle une houppe. L'instrument avec lequel nous poudrons nos cheveux ou nos perruques s'appelle du même nom. Celles-ci sont blanches ; & au lieu de fils de soie, la petite pelote est couverte de poils d'éderdon, ou du duvet le plus leger des autres oiseaux. Ce mot a beaucoup d'autres acceptions : le bout de fil d'or, d'argent, ou de ruban effilé, qui déborde le fer du tour ou de l'aiguillette, en est la houppe. Ce sont des houpes qui pendent aux têtieres des chevaux de carosse. Le flocon de plumes que quelques oiseaux portent sur la tête est une houppe, & l'oiseau est hupé ; le tiroir de dessus le chaperon, ou le chapelet, la cornette est en fauconnerie une houppe. Il y a des plantes à houppe, voyez HOUPPE (Bot.) il se dit aussi en Anatomie ; voyez HOUPPE, (Anatomie). Dans les manufactures, sur-tout d'Amiens, la houppe, c'est la même chose que la laine peignée & préparée par le houpier ou peigneur. Dans le Blason, c'est la touffe de soie qui termine le cordon pendant au chapeau d'un évêque, d'un archevêque, d'un cardinal, d'un protonotaire. Les rangs des houpes croissent en descendant : les cardinaux en ont cinq rangs ; & au premier rang il n'y en a qu'une, & cinq au dernier ; les archevêques quatre rangs, une au premier, & quatre au dernier ; les évêques trois rangs, une au premier, & trois au dernier ; les protonotaires deux rangs, une au premier, & deux au second.

HOUPPE nerveuse, (Anatomie) petit mamelon qui tire son origine de l'expansion des nerfs répandus dans le tissu de la peau. Ces petits mamelons sont visibles dans les parties qui ont le plus de sentiment, comme à la plante des piés, à la paume de la main, à la langue, & à l'extrémité des doigts. Ils rendroient la surface de la peau inégale & un peu raboteuse, si l'intervalle qu'ils laissent, n'étoit occupé par le corps réticulaire, qui est une espece de crible, dont les trous sont remplis par les houpes nerveuses : elles passent par ces trous, vont aboutir aux côtés de chaque sillon de la peau, où elles sont rangées en lignes paralleles, & forment l'organe du toucher. A l'occasion du mouvement plus ou moins fort qui s'excite dans les houpes nerveuses, l'ame qui est présente par-tout, a des sensations plus ou moins vives, & si la partie devient calleuse, l'ame n'aura plus de sentiment, parce qu'il ne pourra plus y avoir de mouvement dans les nerfs. Voyez NERF, MAMELON, TACT, GOUT, PEAU, CORPS-RETICULAIRE. (D.J.)


HOUPPÉE(Jardinage) on dit des fleurs, des graines houppées, quand elles sont faites en forme de houpes, & qu'elles se terminent en une espece de couronne. Les roses de Gueldre sont, par exemple, des fleurs houppées : les scorsonnaires, ou salsifix d'Espagne, les pissenlis sont des graines houppées. (K)

HOUPPEE, sub. s. (Marine) c'est l'élévation de la vague ou de la lame de la mer. Ce terme est peu d'usage, cependant on dit prendre la houppée, ce qui signifie prendre le tems que la vague s'éleve pour s'embarquer d'une chaloupe dans un gros vaisseau quand la mer est agitée. (Q)


HOUPPERv. act. (Art méchan.) c'est faire la houppe & la placer.

HOUPPER, verbe neut. (Vénerie) c'est appeller son compagnon, lorsqu'on trouve un cerf ou une autre bête courable qui sort de sa guete & entre en celle de son compagnon.


HOUPPIERS. m. (Manuf. en laine) c'est ainsi qu'on appelle les peigneurs dans quelques manufactures. Voyez HOUPPE.

HOUPPIER, (Econom. rustique) arbre ébranché pour le faire croître en hauteur : c'est aussi la tête d'un gros arbre qu'on pourra dans la coupe débiter en bois de moule ; l'ordonnance permet d'en faire des cendres.


HOUPPONS. m. (Hist. mod. & Comm.) on nomme ainsi à la Chine un mandarin établi commissaire pour la perception des droits d'entrée & de sortie : c'est une espece de directeur général des douannes. Voyez DOUANNE.

Les houppons y sont aussi des fermiers ou receveurs des droits d'entrée & de sortie qu'on paye pour les marchandises dans les douannes de cet empire. Dictionnaire de Commerce.


HOURAGAN(Marine) Voyez OURAGAN.


HOURCEou OURCE, s. f. (Marine) cordage qui tient à bas bord & à stribord de la vergue d'artimon, & qui ne sert jamais que du côté du vent, elle a un croc à un bout qui s'accroche dans l'étrape de l'extrémité de la vergue, & de-là va passer à une poulie amarrée derriere le haubant, laquelle étrape a une casse à chaque extrémité ; ce cordage se met de côté, & sert de bras à la vergue d'artimon. Voyez Planche premiere n°. 110, le cordage appellé hource, & sa situation au bout de la vergue d'artimon.


HOURDERv. act. (Maçonnerie) c'est maçonner de moilons ou plâtras, avec mortier ou plâtre, grossiérement entre les poteaux d'une cloison ; c'est aussi faire l'aire d'un plancher sur des lattes. Hourdi se dit de l'ouvrage, & c'est ce que Vitruve entend par ruderatio.


HOURDIvoyez LISSE DE HOURDI.


HOURISS. f. pl. (Hist. mod.) les Mahométans appellent ainsi les femmes destinées aux plaisirs des fideles croyans, dans le paradis que le grand prophete leur a promis. Ces femmes ne sont point celles avec lesquelles ils auront vécu dans ce monde ; mais d'autres d'une création toute nouvelle, d'une beauté singuliere, dont les charmes seront inaltérables, qui iront au-devant de leurs embrassemens, & que la jouissance ne flétrira jamais. Pour celles qu'ils rassemblent dans leurs serrails, le paradis leur est fermé ; aussi n'entrent-elles point dans les mosquées, à peine leur apprend-on à prier Dieu, & le bonheur qu'on trouve dans leurs caresses les plus voluptueuses n'est qu'une ombre légere de celle qu'on éprouvera avec les houris.


HOURQUEOUCRE, s. f. (Marine) c'est un bâtiment hollandois à plate varangue, bordé en rondeur comme les flutes, & qui est mâté & appareillé comme un heu, si ce n'est qu'il porte de plus un bout de beaupré avec une sivadiere. Il est excellent pour louvoyer & aller à la bouline ; on s'en sert beaucoup sur les canaux d'Hollande, où l'on les voit naviger quoique le vent soit contraire, à force de faire de petites bordées, car pendant une horloge ils feront jusqu'à vingt bordées différentes sur des canaux qui le plus souvent n'ont pas plus de largeur que quatre ou cinq longueurs de bâtiment. Il y a des hourques de cinquante ou soixante tonneaux, & jusqu'à deux & trois cent tonneaux. On donne l'invention de cette sorte de bâtiment à Erasme. Voyez, Planche XIII. Marine, fig. 1, une hourque sans toile.

Les proportions les plus ordinaires d'une hourque, sont cinquante piés de quille, seize piés & demi de largeur, huit de creux, & onze de bord au milieu. On en a vû faire le voyage des Indes orientales montés seulement de cinq ou six matelots. (Z)


HOURVARI(Vénerie) cri du chasseur qui rappelle ses chiens lorsqu'ils sont hors des voies.


HOUSBUL-HOOKUM(Hist. mod.) c'est le nom que l'on donne dans l'Indostan, ou dans l'empire du grand-mogol, à une patente ou expédition signée par le visir ou premier ministre.


HOUSEAUS. masc. terme d'Epinglier, ce sont de grosses épingles d'une longueur proportionnée à leur grosseur, propres à attacher plusieurs doubles d'étoffe ensemble.


HOUSSAGES. m. (Charpente) fermeture d'un moulin à vent. Elle se fait d'ais, de couteaux & de bardeaux. Voyez MOULIN.

HOUSSAGE, (Salpetr.) on appelle salpetre de houssage, celui qu'on balaie de dessus les murailles des vieux bâtimens.


HOUSSÉadj. en terme de Blason, se dit d'un cheval qui a sa housse.


HOUSSERverb. act. (Tapiss.) il se dit de l'action de nettoyer les tapisseries & autres meubles, avec un balai à long manche.


HOUSSESS. f. pl. termes de Bourreliers, ce sont des peaux de mouton garnies de leur laine, qui ont été préparées par les Mégissiers, & dont les Bourreliers se servent pour couvrir les colliers des chevaux de harnois. Quelques-uns les appellent aussi bisquains.

On appelle aussi housses les couvertures de la selle des chevaux. Elles l'ornent & la garantissent. Les housses en botte ne s'étendent que sur la croupe du cheval ; les housses en soulier s'étendent sur les flancs, & descendent jusqu'à l'étrier.

HOUSSES, (Tapiss.) ce sont les couvertures des chaises, fauteuils, canapés, lits & autres meubles d'une étoffe précieuse que les housses d'une étoffe plus grossiere conservent.

On dit aussi qu'un lit est en housse, lorsqu'il a des pentes qui descendent jusqu'en bas, ou qui sont soutenues sur des bâtons ou barres, & lorsqu'il n'a point de rideaux qui se tirent sur des tringles.

La couverture de velours ou d'écarlate que les princesses & les duchesses ont à l'impériale de leur carosse en dehors, s'appelle une housse.


HOUSSETS. m. (Serrurerie) espece de serrure encloisonnée qu'on emploie aux coffres. Elle se pose en-dedans. Elle se ferme en laissant tomber le couvercle auquel l'aubronnier est attaché. Voyez AUBRONNIER. L'aubronnier entre dans le bord de la serrure, qui s'ouvre d'un demi-tour de clé. Voyez l'article SERRURE.


HOUSSILLESS. f. pl. (Blason) brodequins ou bas de chausses. Il n'est d'usage que dans l'art héraldique. Voyez HOUSEAUX.


HOUSSINES. f. (Maneg.) petite branche longue & menue de houx, qui sert à mener un cheval, ou à battre des meubles pour en faire sortir la poussiere.


HOUSSOIRS. m. (Tapiss.) balai fait de branches ou de bouleau, ou de longues soies de sanglier, de porc, ou de plumes d'ailes de poules, de cannes, de coqs, &c. dont on se sert pour housser les planchers, les murailles, les tapisseries, &c.


HOUSTALARS. m. (Hist. mod.) chef d'un jardin du grand-seigneur. Tous les vendredis les houstalars viennent rendre compte aux bostangis bachis de leurs charges, & de la vente qu'ils ont faite de ce qui croît dans les jardins du grand-seigneur. L'argent qui provient de cette vente est employé à la dépense de bouche.


HOUTEMANTS. m. c'est dans les mines le nom que l'on donne aux sergens, ou conducteurs des mineurs.


HOUVARIS. m. (Marine) nom qu'on donne à un certain vent orageux qui s'éleve dans quelques îles de l'Amérique.


HOUXS. m. aquifolium, (Bot.) genre de plante dont la fleur est ordinairement monopétale, découpée en rosette ; il sort du calice un pistil qui est attaché comme un clou au pié de la fleur, & qui devient dans la suite un fruit mou, ou une baie remplie d'osselets convexes d'un côté, & plats de l'autre. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

HOUX, aquifolium, (Hist. nat. Bot. & Jardinag.) arbrisseau toujours verd, qui croît naturellement dans les climats tempérés de l'Europe ; quelquefois il prend la hauteur d'un arbre, quand il se trouve dans un terrein favorable, & qu'on lui laisse le tems de s'élever ; mais ordinairement il reste en sous-ordre, parce que les autres arbres le gagnent de vîtesse & le couvrent. Son écorce est verte sur les jeunes branches, & de couleur de cendre sur le vieux bois ; ses feuilles de la grandeur de celles du laurier-franc pour le moins, sont d'un verd brun des plus brillans, mais elles sont garnies de piquans fort vifs, & chaque pointe occasionne des recourbures, soit en dessus, soit en dessous de la feuille ; au lieu que les feuilles qui n'ont point de piquans sont plates & unies. Le houx donne au mois de Mai des fleurs blanches d'une assez jolie apparence : les fruits qui leur succedent, sont des baies molles, rondes & rouges, d'un goût douçâtre & fade ; ces baies, quoiqu'en maturité dès le mois de Septembre, restent sur l'arbrisseau pendant presque tout l'hiver.

Le houx vient sur les pentes des montagnes, dans les gorges serrées & exposées au Nord, parmi les pierres & les rochers, dans les terreins graveleux, dans les lieux incultes, ombragés & exposés au froid : il se plaît, sur-tout dans un terrein frais, léger & stérile, à l'ombre des autres arbres, & dans le voisinage des petites sources qui suintent à-travers les terres. Mais on le trouve rarement dans les plaines, il se refuse aux terres fortes, & le fumier lui est pernicieux.

Cet arbrisseau peut se multiplier de trois façons : en semant les graines, en couchant les branches, & par la greffe : le premier moyen est fort long, le second est fort incertain, & le dernier ne sert qu'à la multiplication des variétés du houx, qui sont panachées. Le parti le plus court & le plus sûr, c'est de prendre dans les bois de jeunes plants, & de les transplanter avec les précautions dont il sera parlé ci-après. Mais si on veut faire des semis de houx, soit pour former des haies ou en faire une pepiniere, il faudra faire cueillir la graine le plus tard que l'on pourra, c'est-à-dire aux mois de Novembre ou Décembre, avant qu'elle soit tombée, ou qu'elle ait été enlevée par les oiseaux : & comme on doit s'attendre qu'elle ne levera qu'au second printems, quand même on la semeroit tout de suite, il y a un autre parti à prendre, qui est de mettre cette graine dans du sable, & de la tenir pendant un an dans un lieu sec : cela dispense d'occuper inutilement un terrein qui se trouve en meilleure culture, lorsque les graines levent peu de tems après qu'elles ont été semées. On les semera quand on voudra dans le cours de la premiere année, & on pourra même attendre jusqu'au mois de Mars de l'année suivante, cela sera à peu-près égal. Nul autre soin que de choisir un terrein meuble & léger. Cependant au moyen de quelques précautions, on peut venir à bout de faire lever ces graines dès la premiere année. Bradley, auteur anglois, propose deux moyens, l'un est de mettre en tas les baies du houx aussi-tôt qu'on les aura cueillies, & de les laisser suer, fermenter & se dessécher ainsi, sans y toucher jusqu'au printems. Alors il se trouvera que les graines seront dénuées de leur pulpe, & même qu'elles auront germé : si on les seme dans ce tems, elles leveront au bout d'un mois. L'autre moyen que le même auteur dit lui avoir été communiqué par le célébre Newton, est de méler un boisseau de son avec pareille quantité de graines de houx, de bien humecter le tout avec de l'eau de pluie ou d'étang, de laisser cette préparation pendant dix jours sans la remuer, mais d'avoir soin de l'arroser de tems en tems avec de l'eau chaude, chaque fois que l'on s'apperçoit qu'elle commence à sécher. La chaleur du son fera fermenter les graines, & les disposera à la végétation, ensorte qu'on pourra les semer au bout d'un mois ou six semaines. On peut semer cette graine à plein champ, ou en rayon ; cette derniere pratique est plus commode pour la culture. Les jeunes plants s'éleveront à un pouce la premiere année ; à trois ans ils auront quatre pouces, & seront propres à être transplantés en pepiniere : à cinq ans ils fleuriront, & donneront des graines : c'est alors qu'ils seront en état d'être greffés ou transplantés à demeure. Le houx croît très-lentement dans les commencemens ; mais quand une fois il a fait de bonnes racines, il pousse vigoureusement, & on est bien dédommagé de l'attente, par l'épaisseur, la force & la hauteur qu'il prend. Une haie de houx peut s'élever à seize piés en vingt ans. Bradley, que j'ai déja cité, rapporte qu'il s'est trouvé des houx en Angleterre qui avoient plus de soixante piés de haut ; ce qu'il y a de sûr, on en a vû en France qui avoient trois piés de tour sur trente d'élévation.

La transplantation sera ici le point essentiel : comme il faut beaucoup de tems pour élever le houx de semence, il est d'usage d'en tirer des plants de bois pour accélérer. Tous les plants que l'on prend dans les bois sont défectueux, parce qu'ils manquent de racines : les arbres toujours verds d'ailleurs, reprennent plus difficilement que ceux qui quittent leurs feuilles ; enfin le houx, qui aime l'ombre & le frais, craint le changement & la culture. Il faut donc des précautions pour le transplanter avec succès ; les plants que l'on pourroit détacher des vieux troncs sont les moins convenables : il faut choisir les jeunes plants uniques & séparés, qui soient au plus de la grosseur d'un petit doigt ; il faut les transplanter d'abord dans une terre fraiche & légere, contre un mur exposé au Nord ; cette opération doit se faire au commencement d'Avril, par un tems sombre & humide, il faudra rabattre la tige à un pié de terre, & chicotter les branches qui pourroient y rester, ensuite les arroser abondamment, & les couvrir de paille, qu'il ne faudra ôter que lorsque les plants commenceront à pousser. Deux ans après ils auront fait de nouvelles racines, & on pourra les greffer ou les transplanter à demeure. On peut aussi réussir à la transplantation des houx qui sont dans leur force ; mais le seul moyen d'en venir à bout, c'est de les enlever avec la motte de terre ; & comme il arrive rarement que cette opération puisse se faire aisément dans les saisons qui sont propres à la transplantation, on prend le parti de faire enlever ces arbrisseaux au fort de l'hiver, dans le tems des grandes gelées : par ce moyen on conserve une bonne quantité de terre à leur pié, & il y a lieu de se flater d'un bon succès. Cependant si l'on s'apperçoit au mois de Mars suivant que ces plants, loin de pousser, ont les feuilles fannées, & qu'ils se dessechent, il faudra les couper jusqu'au pié, & la plûpart repousseront vigoureusement. On peut prendre encore une plus grande précaution, en choisissant dans le bois un an avant la transplantation, les houx que l'on veut se procurer ; on fait fouiller la terre tout-autour, en ne conservant que la motte avec laquelle on pourra les cultiver : ce travail force les arbrisseaux à faire de nouvelles racines, & à se garnir de chevelu ; & dans le tems des gelées il est plus facile de les enlever avec la motte de terre. Il y a encore une façon de les transplanter en grand : c'est de couper toutes les branches latérales, & de coucher dans la terre l'arbre en entier, en ne laissant sortir de la terre que quelques branches vigoureuses qu'il faudra tailler à six pouces au-dessus de terre ; ordinairement ils réussissent par cette méthode. Lorsque l'on veut transporter des houx au loin, il est presque indispensable de les mettre dans des manequins avec leurs mottes. Quoique cet arbrisseau soit très-robuste, & qu'il résiste aux plus fortes gelées, cependant il craint le grand air & la chaleur ; le soleil sur-tout est son plus grand ennemi.

Le bois du houx est blanc, dur, solide & pesant. Le coeur prend une couleur noirâtre, qui s'etend à mesure que l'arbre grossit. Les Ebénistes en font quelque usage. Ses branches sont souples & pliantes ; elles conservent cette faculté long-tems après avoir été coupées : on pourroit l'employer à de gros ouvrages, si cet arbre avoit communément plus de volume. Ce bois reçoit la couleur noire plus parfaitement qu'aucun autre bois, & il prend un beau poli. La meilleure glu pour prendre les oiseaux se fait avec l'écorce du houx. Voyez GLU.

Le houx est un des plus beaux arbres que l'on puisse employer pour l'ornement d'un jardin. Le goût étoit autrefois de le mettre dans les plates-bandes, & de le forcer à prendre sous le ciseau des figures surmontées & de petites ordonnances auxquelles il n'étoit pas propre : on a enfin reconnu que la taille en dégradant les feuilles, défiguroit cet arbre. On s'est borné à le mettre dans des bosquets d'arbres toujours verds, où il fait le plus agréable aspect. On en fait des palissades naturelles qui se garnissent parfaitement, & qui prennent une bonne hauteur : on peut sur-tout en former des haies vives, qui sont admirables par la brillante verdure des feuilles, & la couleur rouge & vive des fruits qui restent pendant tout l'hiver sur cet arbrisseau. Ces haies sont de longue durée, de peu d'entretien & de la meilleure défense. Le houx ne trace point, il se garnit de lui-même, & nul insecte ne s'y attache. Mais rien ne contribue tant à l'ornement d'un jardin que les houx panachés, dont il y a plus de trente variétés. Ce genre de curiosité a commencé en Angleterre, où le terrein s'est trouvé plus propre qu'ailleurs à le favoriser : le goût dominant des Anglois pour les arbres, dont les feuilles sont bigarrées de plusieurs couleurs, les a portés à rassembler tous les houx dont les feuilles se sont trouvées tachées, rayées, mouchetées, bordées, veinées, liserées ou de jaune ou de blanc, ou d'un mêlange de couleur pourpre. Il est vrai qu'une feuille aussi brillante que celle du houx, lorsqu'elle est mêlée de jaune ou de blanc, imite l'éclat de l'or ou de l'argent.

On multiplie ces variétés en les greffant sur le houx commun ; c'est une bigarrure que le hazard a produite, & que la greffe rend constante, ou plutôt une dégradation, une sorte de maladie qui a été occasionnée par l'insuffisance ou la mauvaise qualité du terrein. Les houx panachés sont plus délicats que l'espece commune, ils craignent le grand froid qui les mutile & la bonne terre qui les décolore en les remettant en vigueur. Il leur faut beaucoup d'air & de soleil pour les entretenir dans cet état de langueur qui en fait tout l'agrément ; aussi croissent-ils plus lentement que le houx commun, & s'élevent-ils beaucoup moins. Vaurence, jardinier anglois, assure qu'on peut faire panacher le houx par art, en semant les graines dans un terrein graveleux, mêlé de beaucoup de craie, & en transplantant ensuite les plants qui en proviendront dans un pareil terrein, qu'on s'abstiendra de cultiver, afin qu'il reste toujours ferme & serré. On peut greffer le houx en fente, en écusson ou en approche : la greffe en écusson est la plus en usage, elle se fait au mois de Mai : il faut lever un peu de bois avec l'écusson. Quelques auteurs ont avancé que l'oranger peut se greffer sur le houx ; mais on ne trouve rien de bien constate sur ce fait. Ce qu'il y a de plus sûr, c'est que le houx peut servir de sujet à greffer le rosier : la rose blanche double greffée sur le houx, donne des roses qui sont vertes, mais qui n'ont point d'odeur.

On trouve assez fréquemment dans les bois où il croît des houx, quelques plants de cet arbrisseau, dont la plûpart des feuilles n'ont point de piquans, & les autres bien peu : l'opinion commune est que l'âge amene ce changement. Il est vrai que cette circonstance ne se trouve que dans des plants d'une certaine force, qui ont six & huit piés de hauteur ; mais aussi on voit des plants de même âge, & d'autres beaucoup plus âgés & plus élevés, dont les feuilles sont garnies d'autant de piquans qu'elles en ont sur les jeunes houx. On ne peut pas attribuer ce changement à l'exposition ou à la qualité de la terre, puisque l'on trouve des houx à feuilles non épineuses dans toutes sortes d'expositions & de terreins. Il y a plutôt lieu de présumer que cet accident vient d'une qualité individuelle, qui est ordinaire à une espece de houx particuliere.

On connoît peu d'especes de cet arbrisseau ; voici à quoi elles se réduisent.

Le houx ordinaire, dont le fruit est rouge. On en trouve à fruit jaune & à fruit blanc ; ce sont des variétés dont la rareté fait tout le mérite.

Le houx hérisson. Sa feuille est hérissée de piquans, tant à la bordure qu'en dessus ; lorsqu'on seme sa graine, elle produit le même caractere.

Dans ces deux especes il y a quantité de variétés panachées de jaune ou de blanc, ou d'un mêlange de pourpre ; on leur a donné le nom des personnes qui en ont fait la découverte, ou du lieu où elles se sont trouvées. Voyez pour le détail de ces variétés, M. Duhamel.

Le houx de Caroline à feuilles étroites. Cet arbrisseau a plus d'agrément que les houx d'Europe ; ses feuilles sont plates & unies, elles sont d'un verd clair & luisant, & elles ont très-peu d'épines, qui sont si courtes, qu'à peine les apperçoit-on : cet arbrisseau est rare en France. J'en ai quelques plants qui n'ont encore donné ni fleurs ni fruits : leur jeunesse n'a pas encore permis d'essayer si on peut les greffer sur le houx commun.

Le houx de Caroline à feuilles dentelées. Les Anglois le nomment le houx dahou : c'est un petit arbre qui a une tige droite, & qui s'éleve ordinairement à seize piés dans la Caroline ; il croît plus promtement que le houx d'Europe ; ses feuilles sont plus longues, plus minces, & d'un verd plus clair : elles sont dentelées sans être armées de pointes ; ses fruits viennent en grosses grappes, ils sont d'un rouge vif, très-brillant. Ceci est tiré de Catesby, auteur anglois, & c'est tout ce qu'on en sait. Cet arbre n'est point encore connu en France, étant même très-rare dans la Caroline, où on en a fait la découverte.

HOUX, (Mat. med.) la décoction de la racine & de l'écorce est émolliente & résolutive. On s'en sert utilement, selon Mathiole, pour faire des fomentations sur les articulations qui se sont durcies après avoir été luxées.

La liqueur faite de biere & de lait, dans laquelle on a fait bouillir les pointes de feuilles de houx, est merveilleusement utile pour la colique & les tranchées des intestins. J. Rai en rapporte une observation d'une dame, qui ayant tenté envain plusieurs autres remedes, fut guérie par celui-ci que lui avoit enseigné une femmelette qui alloit de ville en ville faire la medecine.

Les baies sont utiles pour la colique ; car, selon Dodonnée, elles purgent les humeurs épaisses & pituiteuses, lorsqu'on en prend au nombre de dix ou douze. Geoffroy, Mat. med.

HOUX FRELON, ruscus, (Botanique) genre de plante à fleur monopétale en forme de grelot : le calice est fendu en plusieurs parties ; le pistil sort du fond de la fleur, & devient dans la suite un fruit ordinairement rond & mou ; ce fruit renferme une ou deux semences, qui le plus souvent sont dures. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

Les racines du houx frelon, ou petit houx, sont blanches, épaisses, pleines de noeuds, entrelacées, & fort fibreuses ; ses tiges ont environ un pié de haut ; elles sont pliantes & difficiles à rompre, striées & couvertes de feuilles roides, fermes & nerveuses, de la grosseur & de la figure à peu-près de celles du petit myrthe, terminées en pointe, & fortement attachées aux tiges ; ses fleurs naissent sur le milieu des feuilles ; elles sont petites, purpurines, & découpées en six segmens. Il leur succede des baies semblables à celles de l'asperge, qui contiennent deux semences.

Cette plante croît parmi les haies & les bois, & jette un grand nombre de fleurs en été ; sa racine, dont on fait seulement usage en Medecine, est une des cinq racines apéritives.

Ce que Dioscoride a dit du ruscus, qui poussoit de sa racine au printems des rejettons tendres, que l'on mange comme les asperges, ne convient pas mal à notre petit houx. (D.J.)

HOUX, petit, (Mat. méd.) C'est principalement la racine de cette plante qu'on emploie en Médecine : elle est une des cinq racines apéritives majeures.

On fait entrer très-fréquemment cette racine à la dose d'une demi-once ou d'une once, dans les ptisanes, les apozèmes, & les bouillons qu'on prescrit contre la jaunisse, les pâles-couleurs, les suppressions des regles, les obstructions, les embarras des voies urinaires, les maladies de la peau, & principalement contre l'hydropisie.

Riviere, cent. III. observ. 52, rapporte qu'un certain mendiant souffroit depuis trois mois une hydropisie très-considérable, & que comme sa pauvreté le mettoit hors d'état d'avoir recours aux Medecins, il usa, sur l'avis d'une paysanne, qui apparemment lui donna ce bon conseil gratis, de la décoction de racine de petit houx ; & qu'ayant été purgé deux ou trois fois avec une simple infusion de séné, il fut parfaitement guéri.

On peut faire infuser ces racines pilées ou coupées par morceaux, dans du vin blanc, ou même les y faire bouillir, selon le conseil de Boerhaave, quoique ce soit un peu s'écarter des regles de l'art, & donner ce remede à la dose d'un verre le matin à jeûn, en le continuant pendant quelque tems, contre la néphrétique & l'hydropisie. Ce vin passe aussi pour utile contre les humeurs scrophuleuses, mais sa vertu est moins éprouvée dans ce cas. Les baies de petit houx sont regardées comme bonnes contre l'ardeur d'urine & les gonorrhées. Ce remede est peu connu, & encore moins usité parmi nous.

La racine de petit houx entre dans le syrop des cinq racines apéritives, & les semences dans la benedicte laxative de la pharmacopée de Paris. (b.)


HOUZARDEou HUSSARDER, mot assez nouvellement introduit dans les troupes, qui signifie combattre avec les hussards, ou à leur maniere, c'est-à-dire, escarmoucher avec eux & selon leur méthode. Ce qui se fait en tombant tout d'un coup sur une troupe, en l'attaquant de tous côtés, lui faisant essuyer le feu du mousqueton, & se retirant après au plus vîte & sans ordre ; c'est une espece d'escarmouche irréguliere. Voyez ESCARMOUCHE. (Q)


HOUZUNou CROTTUN, s. f. (Vénerie). Ces mots se disent de la fange que le sanglier laisse sur les branches en s'y frottant, lorsqu'il est sorti de la fouille, & entré dans le bois. Ces signes servent à connoître sa hauteur.


HOVIUS(RAMEAUX, CONDUITS DE) Anatomie. Il a donné un ouvrage sur l'oeil, dans lequel il a prétendu démontrer la circulation des humeurs de l'oeil ; il paroît qu'il a fait dans cette partie un assez grand nombre de découvertes. On appelle conduits d'Hovius, les canaux par lesquels les humeurs entrent dans l'oeil ; & on nomme aussi réseaux d'Hovius, ceux qu'il a décrits le premier. Son ouvrage a pour titre, Jacobi Hovii, de circulatione humorum, Leydae, 1716. 8°.


HOWDEN(Géog.) ville d'Angleterre dans la province d'Yorck.


HOXTER(Géog.) Huxaria, petite ville d'Allemagne dans la Westphalie, sur le Weser, aux confins du Duché de Brunswick, à 1 lieue N. O. de Corwey, 10. N. E. de Paderborn. Long. 27. lat. 51. 50. (D.J.)


HOYl'île de, (Géog.) une des Orcades, au midi de Pomona, appartenante aux Anglois. Elle a douze milles en longueur, & se divise en deux parties, dont l'une s'appelle Hoy, & l'autre Wayes. Son havre nommé North-kope, est un des meilleurs havres de l'Europe, & très-commode pour la pêche. La partie nommée Hoy, a de hautes montagnes couvertes de brebis sauvages. On trouve dans une des vallées, une grande pierre que les habitans nomment Dwarfystone : elle a 36 piés de long, 8 de large, 9 d'épaisseur. Elle est creuse, & en la creusant, on y a ménagé un trou quarré, de deux piés de hauteur, pour y entrer. Tout auprès, on apperçoit une pierre de la même grandeur, pour servir de porte. Dans la cavité se trouve un lit taillé dans la pierre avec un oreiller : deux hommes y peuvent coucher tout de leur long. Au milieu il y a un foyer, & un trou en haut pour en faire sortir la fumée ; c'étoit vraisemblablement la cellule d'un hermite. L'île de Hoy a plusieurs lacs remplis de poisson, & principalement de truites. (D.J.)


HOYAUS. m. (Jardinage) est une espece de petite pioche dont se servent les vignerons & les terrassiers, différent du pic qui est pointu par le bout ; il est un peu large, & sert à donner à la terre & aux vignes les labours nécessaires. Voy. nos Pl. d'Agricul.


HRADISCH(Géog.) ville de Bohème en Moravie, sur la Morave, à six milles S. E. d'Olmutz, & à pareille distance de Brinn. Long. 35. 28. lat. 49. 6. (D.J.)


HRADISTIE(Géog.) petite ville de Bohème, dans le cercle de Bruntzlau, sur l'Iser.


HRADSCHIN(Géog.) partie de la ville de Prague en Bohème, dans laquelle est renfermé le Château : elle forme une ville particuliere.


HRASGRAD(Géog.) petite ville de Bulgarie, au nord-ouest de Nicopolis, appartenante aux Turcs.


HUS. m. (Hist. mod.) nom du troisieme mois des Tartares du Catai. Il signifie aussi dans la langue, tigre ou léopard.


HU-Pou HOU-POU, s. m. (Hist. mod.) c'est le nom qu'on donne à la Chine à un conseil ou tribunal chargé de l'administration des finances de l'empire, de la perception des revenus, du payement des gages & appointemens des mandarins & vicerois ; il tient aussi les registres publics, contenant le dénombrement des familles, ou le cadastre qui se fait tous les ans des sujets de l'empereur, des terres de l'empire & des impôts que chacun est obligé de payer.


HUAGES. m. (Jurisp.) est une espece de corvée dûe à quelques seigneurs par leurs habitans, qui sont obligés d'huer les bêtes fauves & noires, lorsque le seigneur veut y chasser. Voyez ce qui en est dit dans le gloss. de M. de Lauriere au mot huage. (A)


HUARTMORPHNOS, CLANGA, BALBUSARDUS, s. m. (Hist. nat. Ornitholog.) oiseau de proie. Celui qui a été décrit par Willughbi, pesoit trois livres dix onces & demie ; il avoit près de cinq piés d'envergure. Le bec étoit noir & crochu ; les yeux ne sont pas enfoncés comme ceux de la buse ; ils ont deux paupieres, l'inférieure est la plus grande. Cet oiseau est plus fort que la buse, il lui ressemble par la couleur de rouille mêlée de noirâtre, qu'il a sur toute la partie supérieure du corps. Il y a des plumes blanches sur l'occiput, qui lui ont fait donner en anglois le nom de bald bunzard. La gorge, la poitrine & le ventre sont blancs ; les plumes qui se trouvent sur le jabot ont une couleur de rouille : les jambes sont couvertes d'un duvet blanc. Il a environ vingt-huit plumes dans chaque aîle, & douze dans la queue : les aîles & la queue ont différentes couleurs, celle de la rouille, du blanc, du brun, & du noirâtre. Cet oiseau a les jambes longues, les piés gros, forts, & de couleur bleuâtre ; le doigt extérieur peut se diriger en arriere ; ce qui fait une différence très-apparente entre le huart & la buse. Le huart se trouve près des fleuves & des grands étangs, & même sur les côtes de la mer ; il vit de poisson, quoiqu'il n'ait point de membrane aux pieds, & qu'il n'ait pas le cou long comme les autres oiseaux pêcheurs : il niche sur la terre entre des roseaux. Sa ponte est de trois ou quatre oeufs blancs, moins gros que ceux des poules. Willughb. Ornitholog. Voyez OISEAU.


HUAUS. m. (Fauconn.) ce sont les deux aîles d'une buse, ou d'un milan, qu'on attache avec trois ou quatre grelots ou sonnettes de Fauconnerie, au petit bout d'une verge.


HUBARIS. m. (Ornit.) nom d'un oiseau très-commun près de Damas, & dont il est beaucoup parlé dans les auteurs Arabes. Ils le décrivent comme un peu plus gros qu'une oie, avec des courtes aîles, à proportion de sa corpulence, ce qui l'empêchant de voler aisément, augmente le plaisir des chasseurs de Syrie. Par le lieu que frequente cet oiseau, & par cette simple description, il paroît que ce doit être l'outarde, qu'on voit en quantité dans les campagnes de Damas, & qu'on chasse avec des chiens-courans dans toutes les plaines sablonneuses de ces cantons-là. (D.J.)


HUBERTSAINT (Géog.) petite ville des Pays-bas, au Comté de Chiny, avec une abbaye, dont l'abbé est sous la protection de la France. Ce bourg est aux confins des Ardennes, à 8 lieues N. E. de Bouillon, 10 S. E. de Dinant, 16 S. O. de Liege, 60. N. E. de Paris. Long. 23. lat. 53. (D.J.)


HUBET(Géog.) ville d'Afrique au royaume de Tremecen, sur une montagne, à une demie-lieue de Tremecen. Long. 17. 15. lat. 34. 32. (D.J.)


HUCHES. f. (Marine) On appelle ainsi un vaisseau qui a la poupe fort haute. (Z)

HUCHE, (Oeconom. domes. & Forges) coffre de bois, où l'on pétrit le pain. Dans les grosses forges on donne le même nom à un réservoir particulier d'eau, d'où elle tombe sur une roue, & la fait mouvoir.


HUCHETS. m. (Véner.) petit cors qui sert au chasseur pour parler à ses chiens. Il est encore d'usage dans le Blason : on dit, Horn porte d'or à trois huchets de gueule, &c.


HUCHEU(Géog.) ville de la Chine, troisieme métropole de la province de Chékiang. Elle est remarquable par cinq temples consacrés aux hommes illustres. Long. 137. 50. lat. 30. 2. (D.J.)


HUCIPOCHOTS. m. (Bot.) arbrisseau de la nouvelle Espagne. Il traîne à terre ; sa feuille est à trois pointes ; la fleur menue, rouge, assemblée au bout des branches ; son fruit comme la noisette, de même forme en grosseur, renfermant trois amandes blanches. Il porte toute l'année, feuilles, fleurs & fruits. On dit qu'il ne faut que six ou sept de ses amandes pilées, pour purger violemment par haut & par bas ; mais un peu de viande prise immédiatement après, arrête son action : on l'appelle aussi hucispacols. Dictionnaire de Trevoux.


HUDSON BAIE d'(Géog.) La baie d'Hudson est un grand golfe de la mer du nord, au septentrion de l'Amérique, vers les terres arctiques, entre l'Estotiland, la nouvelle-France, & le nouveau Southwalles.

HUDSON (Henry), fameux pilote Anglois, la découvrit en 1640 plus exactement que Frédéric Anschild, Danois, qui avoit connu le premier cette baie ; Hudson cherchoit comme lui, un passage pour aller de la mer du nord à celle du sud.

Cette baie s'étend du nord au sud, depuis les 64 degrés d'élévation du pole jusqu'au 51. Sa largeur de l'orient à l'occident, est fort inégale ; elle a près de 200 lieues dans sa partie septentrionale, mais le fond de la baie a à peine 35 lieues de large.

Rien n'est plus affreux que les environs de la baie d'Hudson ; de quelque côté qu'on jette les yeux, on n'apperçoit que des terres incultes & incapables de culture ; que des rocs escarpés qui s'élevent jusqu'aux nues, entrecoupés de ravines profondes, & de vallées stériles, où le soleil ne pénétra jamais, & que les neiges & les glaçons éternels rendent inabordables. La mer n'y est libre que depuis le mois de Juillet, jusqu'à la fin de Septembre, encore y rencontre-t-on alors assez souvent d'énormes glaçons, qui jettent les navigateurs dans de grandes peines, pour se débarrasser de ces glaces qui les assiegent.

Ce qui attire les Européens dans ces affreux pays, c'est le lucri sacra fames ; c'est que nulle part, la traite des pelletteries ne se fait avec plus de profit. Ce sont les meilleures du Canada, & qu'on trouve au meilleur marché, à cause de la misere des sauvages qui les fournissent, sur-tout de ceux qui fréquentent le port Nelson. Voyez HUDSON, baie d'(Commerce). Ces sauvages ne sont pas seulement misérables, mais petits & mal-faits. Ils habitent l'été sous des tentes faites de peaux d'orignal ou de caribou, nom qu'on donne aux rennes en Amérique ; l'hiver, ils vivent sous terre comme les Lapons, les Samoièdes, se couchent comme eux pêle-mêle, pour être plus chaudement, & se nourrissent de chair ou de poisson crud, car leur pays n'est que glace, & ne produit autre chose.

En effet, nous ne connoissons rien de comparable au froid qu'a éprouvé le capitaine Middleton dans l'habitation même des Anglois, à la baie d'Hudson, sous la latitude de 57d. 20', & dont il a fait le triste récit à la société royale de Londres.

Quoique les maisons de cette habitation soient faites de pierre, que les murs ayent deux piés d'épaisseur, que les fenêtres soient fort étroites, & garnies de volets fort épais, que l'on tient fermés pendant dix-huit heures tous les jours : quoique l'on fasse dans ces chambres de très-grands feux quatre fois par jour, dans de grands poëles faits exprès ; que l'on ferme bien les cheminées, lorsque le bois est consommé, & qu'il n'y teste plus que de la braise ardente, afin de mieux conserver la chaleur, cependant tout l'intérieur des chambres & les lits se couvrent de glace de l'épaisseur de trois pouces, que l'on est obligé d'ôter tous les jours. L'on ne s'éclaire dans ces longues nuits, qu'avec des boulets de fer de 24, rougis au feu, & suspendus devant les fenêtres. Toutes les liqueurs gèlent dans ces appartemens ; & même l'eau-de-vie dans les plus petites chambres, quoique l'on y fasse continuellement un grand feu.

Ceux qui se hasardent à l'air extérieur, malgré leurs doubles & triples habillemens de fourrures, non-seulement autour du corps, mais encore autour de la tête, du col, des piés & des mains, se trouvent d'abord engourdis par le froid, & ne peuvent rentrer dans les lieux chauds, que la peau de leur visage ne s'enleve, & qu'ils n'ayent quelquefois les doigts des piés gelés.

L'on peut encore juger de la rigueur du froid extérieur, sur ce que le capitaine Middleton rapporte, que les lacs d'eau dormante, qui n'ont que 10 à 12 piés de profondeur, se gèlent jusqu'au fond, ce qui arrive également à la mer qui se gèle à la même hauteur. La gelée est seulement un peu moindre dans les rivieres qui sont plus près de la mer, & où la marée est forte.

Le grand froid fait fendre quelquefois cette glace avec un bruit étonnant, presque aussi fort que celui du canon.

Il y a donc lieu de croire que le froid qu'on éprouve à la baie d'Hudson, est pour le moins aussi grand que celui qu'on ressent en Sibérie, même à Jeniseskoi, dont on peut voir l'article ; mais pour en être parfaitement sûr, il faudroit avoir des observations du thermometre à la baie d'Hudson, & nous n'en avions pas encore en 1750. La société royale est ici priée de nous en procurer à l'avenir ; ce soin n'est pas indigne d'elle. (D.J.)

HUDSON (Compagnie de la baie D') Commerce. Société de négocians anglois qui se forma vers le milieu du dernier siecle pour le commerce de cette partie la plus septentrionale de l'Amérique, où les Européens ayent des colonies.

Les belles pelletteries que Hudson rapporta de cette baie, où il avoit été obligé de passer l'hiver après sa découverte, persuada sa nation qu'on pouvoit y établir un commerce avantageux de cette précieuse marchandise. Alors plusieurs négocians anglois formerent une société, & envoyerent sur les lieux le capitaine Nelson, qui fonda la premiere colonie de cette baie, & éleva un fort de son nom à l'embouchure d'une grande riviere qui s'y jette, & qui prend sa source du lac des Assinipouals.

En 1670, une charte de Charles II. en faveur du prince Robert & de ses associés, leur accorda inconsidérément pour toûjours en propriété toutes les terres voisines & au-delà de la baie de Hudson, qui ne sont point occupées par quelqu'autre peuple, avec le commerce exclusif de peaux d'ours, de martres, d'hermines, & autres fourrures abondantes dans ces contrées.

La colonie fut déclarée, par cette charte, relever du château royal de Gréenwich, dans le comté de Kent ; S. M. B. ne se réservant que la foi & hommage, avec une redevance de deux élans & de deux castors noirs par an, payables quand ils seroient demandés.

Pour le gouvernement de la compagnie, on établit un gouverneur, un député & sept directeurs.

Son premier fonds capital étoit de 10500 livres sterlings (241500 liv. tournois) ; & ce fonds modique, qui fut suffisant pour les dépenses de l'établissement, a si bien prospéré, qu'en 1690 la compagnie, pour mettre quelque proportion entre ses dividendes & son capital, prit le parti de le tripler en apparence par un appel simulé sur ses actionnaires, ensorte que chacun d'eux, sans rien débourser, vit avec joie ses fonds tripler ; & pour dire quelque chose de plus, les actions de cette compagnie ont valu jusqu'à 500 livres sterlings. Il est vrai que les guerres presque continuelles qu'il y a eu entre la France & la Grande-Bretagne jusqu'à la paix d'Utrecht, ont souvent apporté de grandes diminutions à la valeur des actions de cette société.

Les François & les Anglois se sont alternativement plusieurs fois chassés de leurs établissemens, les uns pour confirmer leur commerce de pelletterie sur le lac supérieur, les autres pour se maintenir dans le même négoce qu'ils avoient attiré à la baie de Hudson.

Enfin, cette baie a été rendue à l'Angleterre par le traité d'Utrecht ; & les François qui s'en étoient emparés pendant la guerre pour la succession d'Espagne, & qui y avoient construit de nouveaux forts, l'abandonnerent dans l'état qu'elle se trouvoit.

La compagnie d'Hudson, au moyen de la paix dont l'Angleterre a joui depuis 1712 jusqu'en 1720, augmenta jusqu'à 103500 liv. sterlings (2280500 liv. tournois) ses fonds, qu'elle estima (morts & vifs) 94500 livres sterlings (2273500 liv. tournois.)

En effet, quoique le seul négoce de ce pays-là se borne aux pelletteries, il faut que les profits soient bien grands, puisque les deux nations rivales s'en disputent de nouveau la possession, sans se rebuter du froid extrême qu'il fait dans cette partie de l'Amérique, & qui subsiste sept mois de l'année, pendant lesquels la neige y tombe ordinairement de dix ou douze pieds de haut ; la mer s'y glace à la même épaisseur, & les arbres & les pierres s'y fendent par l'excessive rigueur des gelées ; ajoûtez que le pays ne fournit absolument rien pour la nourriture, ni pour le vêtement des habitans de ces tristes & malheureuses contrées.

Au reste, l'auteur françois qui a pris, dans un petit ouvrage sur le commerce, le nom de Nichols, a fait voir combien la compagnie de la baie d'Hudson est un exemple sensible & déplorable de cette vérité, qu'une compagnie exclusive peut jouir longtems du négoce le plus lucratif, & négliger toutes les facilités qu'elle a de l'augmenter, au mépris de son devoir & de l'intérêt de la nation dont elle est membre. (D.J.)


HUDWICHWALD(Géog.) ville maritime de Suede, capitale de l'Helsingie, sur la côte orientale du golfe de Bothnie, entre les îles d'Agan & de Holsoon. Long. 36. 10. latit. 60. 40. (D.J.)


HUÉSinoa, (Géog.) ville d'Asie, capitale, & la seule de la Cochinchine, avec un palais fortifié où le roi fait sa résidence ; elle est dans une plaine, partagée de l'est à l'ouest par un grand fleuve. Long. 132. 40. latit. 17. 40. (D.J.)


HUED-YL-BARBAR(Géog.) fleuve d'Afrique. Il tire sa source du Grand-Atlas, près de la ville de Lorbus au royaume de Tunis, & se jette dans la mer près du port de Tabure ; c'est le Rubricatus de Ptolomée. (D.J.)


HUÉES. f. (Gramm.) cri d'improbation de la multitude. Un mauvais poëte se fait huer au théatre. On hue un mauvais acteur, une mauvaise actrice. On hue dans les rues un prêtre ou un moine qui sort d'un mauvais lieu.


HUEI PACHTLIS. m. (Hist. mod.) douzieme mois des Mexiquains ; il répond à un jour de notre Octobre, leur année commençant au 26 Février, & ayant dix-huit mois de chacun vingt jours. On l'appelle quelquefois seulement pachtli.


HUERv. act. (Gram.) c'est desapprouver par une huée. Ce mot est de Vénerie. On hue le loup, ou on le poursuit à grands cris. Il est aussi de pêche. On hue le poisson ; le poisson est hué ou poussé par les cris des pêcheurs vers les filets. On hue, en Fauconnerie, en imitant le cri du hibou.


HUESCA(Géog.) ancienne ville d'Espagne au royaume d'Aragon, avec un riche évêché, suffragant de Saragosse, & une université. Autrefois Sertorius, au rapport de Plutarque, y avoit établi une académie ; on la nommoit alors Osca. Elle est dans un terrein fertile & excellent en vin, sur l'Isnela, à 9 lieues N. O. de Balbastro, 14 N. E. de Saragosse. Long. 17. 22. latit. 42. 2. (D.J.)


HUESCAR(Géog.) ville d'Espagne au royaume de Grenade, dans une plaine, au pied du mont Sagra, à 2 lieues N. E. de Grenade. Longit. 15. 50. latit. 37. 32. (D.J.)


HUESNE(Géog.) petite île de la mer Baltique dans le Sund, qui n'a rien de remarquable que pour avoir été le lieu de l'observatoire immortel de Tycho-Brahé. On l'appelle plus communément Ween, voyez WEEN & URANIBOURG. Longit. 30. 40. (D.J.)


HUGRA(Géog.) riviere de Russie qui se jette dans celle d'Occa.


HUGUANG(Géog.) septieme province de la Chine, si fertile, qu'on l'appelle le grenier de la Chine ; elle a 15 métropoles & 108 cités, Vach'ang en est la premiere métropole. (D.J.)


HUGUENOTsubst. & adj. (Hist. mod.) nom que les Catholiques ont donné par sobriquet aux Protestans Calvinistes ; mais ils n'ont pas appliqué à ce mot le vrai sens qu'il avoit dans son origine, & ni Pasquier, ni Ménage, ni le P. Daniel, n'ont su le deviner. Le voici :

L'évêque de Genève qui, suivant la remarque de M. de Voltaire, disputoit le droit de souveraineté sur cette ville au duc de Savoie & au peuple, à l'exemple de tant de prélats d'Allemagne, fut obligé de fuir au commencement du seizieme siecle, & d'abandonner le gouvernement aux citoyens, qui recouvrerent alors leur liberté. Il y avoit déja depuis assez long-tems deux partis dans Genève, celui des Protestans, & celui des Catholiques Romains. Les Protestans s'appelloient entr'eux Egnots, du mot eid-gnossen, alliés par serment ; les Egnots qui triompherent, attirerent à eux une partie de la faction opposée, & chasserent le reste. De-là vint que les Protestans de France eurent le nom d'Egnots, & par corruption de Huguenots, dont la plûpart des écrivains françois inventerent depuis de vaines ou d'odieuses origines. Telle est l'étymologie de ceux qui tirent ce mot du roi Hugon, dont on faisoit peur aux enfans en Touraine : telle est encore l'opinion de Castelnau Mauvissiere, qui dérive ce terme d'une petite monnoie, qu'on a supposé valoir une maille du tems de Hugues-Capet, par où l'on a voulu signifier que les Protestans ne valoient pas une maille, & qu'ils étoient une monnoie de mauvais aloi. Ces insinuations ont fait couler des torrens de sang. (D.J.)


HUGUENOTTES. f. (Cuisine) gros vaisseau, bas & large, de terre cuite & vernissée, où les petites gens font leur potage, & mettent cuire du boeuf à la mode, & autres mets qu'on prépare en les étouffant.


HUIA(Hist. nat.) nom donné à une pierre qui ressemble à du lard. Agricola dit qu'on y remarque une couche blanche, qui environne une matiere noire ou grise.


HUILES. f. (Chimie, Pharmacie, Mat. medic. Diete.) Le système des connoissances chimiques bien résumé, porte à croire qu'il existe une huile générale universelle, un principe huileux primitif, très-analogue au soufre commun, du même ordre de composition que ce corps, formé même très-probablement des mêmes principes de l'acide vitriolique & du phlogistique.

Le principe huileux, consideré sous ce point de vûe, ne différera du soufre commun que comme la plûpart des substances végétales & animales different des substances analogues que renferme le regne minéral, le vinaigre radical de l'acide du vitriol, par exemple, c'est-à-dire, par une grande atténuation, un degré supérieur de subtilité, une mixtion plus délicate dûe aux élaborations propres à l'oeconomie végétale ou animale, & peut-être à la surabondance du principe aqueux qui est particulier à ces deux regnes. L'huile peut être conçûe aussi comme étant au soufre ce qu'une huile rectifiée est à la même huile brute. Ce rapport seroit démontré sans-doute, si on réussissoit à porter, par des rectifications, le soufre commun à l'état de ténuité spécifique de l'huile, à décomposer l'huile & à démontrer ses principes aussi clairement qu'on a démontré ceux du soufre, & enfin à composer de l'huile artificielle, comme on sait produire du soufre par art, & à la former des mêmes principes. Or je crois bien que ces trois problèmes pratiques doivent se ranger parmi les recherches chimiques les plus sublimes, mais non pas parmi les tentatives téméraires, les efforts supérieurs à l'art. Je crois même pouvoir me promettre de fournir cette démonstration complete , si je trouve le loisir nécessaire pour continuer, sur l'analyse végétale, les travaux que j'avois commencé dans le laboratoire de feu M. le Duc d'Orléans.

Ce qui augmente la difficulté de l'entreprise, c'est que la nature ne présente point de cette huile pure primitive, & que l'art n'est pas parvenu jusqu'à présent à dépouiller les moins composées de tout principe hétérogene, de tout alliage. Celle de toutes les huiles connues qui approche le plus de la simplicité absolue, c'est l'éther des chimistes modernes, ou l'huile retirée de l'esprit-de-vin par l'intermede des acides minéraux. Voyez ETHER.

Les diverses huiles que nous connoissons, sont composées de l'huile primitive, & d'un autre principe ou de plusieurs autres principes. Ce sont ces divers principes & leurs différentes portions qui en constituent les genres & les especes. Cette idée de la composition & des différences essentielles qui distinguent les huiles entr'elles, est, ce me semble, plus exacte & plus lumineuse que celle qu'on s'en feroit communément, en considérant chaque espece d'huile comme un composé ou un mixte essentiellement différent, ou n'ayant tout au plus de commun avec les autres especes que la phlogistique ; car il n'est pas égal de dire qu'une telle huile est formée par l'union d'un principe huileux universel, & de plus ou moins d'acide ; ou que cette huile admet plus ou moins d'acide dans sa mixtion ou dans sa composition primordiale. D'après la derniere théorie, que je crois une erreur, on pourra déduire que l'acide est un des principes constitutifs de l'huile, de ce que " si on triture long-tems certaines huiles avec un sel alkali, & qu'on dissolve ensuite cet alkali dans l'eau il donne des crystaux d'un véritable sel neutre " ; au lieu que d'après la premiere maniere d'envisager notre objet, cette apparition d'un sel neutre n'annoncera qu'un acide étranger à huile, combiné au principe huileux dans celle qui présente ce phénomene, de même qu'une substance comme gommeuse est combinée au principe huileux dans les huiles par expression, ou l'alkali fixe à une huile quelconque dans le savon. Et certes, les compositions aussi intimes que celles d'un corps très-simple, tel qu'est l'huile, ne se détruisent pas par des moyens aussi vulgaires que la trituration avec un sel alkali ; c'est bien une opération d'un autre ordre que de démontrer la composition primitive de l'huile.

On range les diverses huiles sous le petit nombre des classes générales suivantes : on a les huiles essentielles, les huiles grasses, & les huiles empyreumatiques. La seule qualité vraiement générale ou essentielle qui convient à toute huile sans exception, c'est l'inflammabilité & la miscibilité à une autre huile quelconque.

Huiles essentielles. Toutes les parties des végétaux qui sont aromatiques ou odorantes, du moins le plus grand nombre, contiennent une huile subtile, légere, volatile, renfermée dans de petites loges ou vésicules, sensibles même aux yeux nuds dans quelques sujets, comme dans les fleurs d'orange, l'écorce d'orange, de citron, les feuilles de millepertuis, &c. Cette huile est libre, exemte de toute union chimique dans ces petits réservoirs ; il ne faut opérer aucune divulsion chimique pour l'en retirer ; les opérations par lesquelles on l'obtient, sont tout aussi méchaniques, ou, si l'on veut, tout aussi physiques que l'action de vuider une bouteille ; elles ne font point partie de l'analyse végétale. Voyez DISTILLATION & VEGETALE ANALYSE. Les baumes liquides fournissent aussi une pareille huile : quelques insectes, comme la fourmi, en contiennent aussi.

Cette huile est appellée encore éthérée & aromatique. Le principe odorant dont elle est pénétrée, paroît étrange à sa composition : on peut retirer ce principe des végétaux chargés d'huile essentielle, pur, seul, au moins étendu seulement dans le principe aqueux, libre, volatil, de ces végétaux, & sans qu'un atome d'huile soit entraîné avec lui, en un mot, sous la forme d'eau essentielle, voyez l'art. EAUX DISTILLEES. Il paroît aussi que c'est à ce principe que les huiles essentielles doivent leur volatilité ; car dès qu'elles en ont été dépouillées, dès qu'un végétal a donné son eau essentielle, l'huile restée dans ses réservoirs a perdu sa volatilité, un végétal épuisé de sa partie aromatique par une opération qui n'a pas entraîné en même tems son huile essentielle, ne donne plus cette huile par la même opération qui l'enleve toute entiere, lorsqu'elle est chargée du principe aromatique.

La méthode la plus usitée & la plus générale, qu'on emploie pour obtenir les huiles essentielles, est précisément celle qui est décrite à l'art. EAUX DISTILLEES, sous le nom de second appareil ou second procédé ; savoir, la distillation de ces matieres avec addition d'eau commune, ou mieux encore d'eau distillée de la même plante, toutes les fois qu'on en a ; & au moins n'en manque-t-on point pour les opérations qui suivent la premiere, quand on fait plusieurs distillations de suite. Cette opération exécutée sur les plantes aromatiques, donne constamment ces deux produits, l'eau distillée, & l'huile essentielle. La seule manoeuvre particuliere qu'elle exige donc, relativement à ce dernier produit, c'est celle par laquelle on la sépare de l'eau : la voici. Si on reçoit l'eau mêlée de gouttes d'huile dans les matras ordinaires, on laisse rassembler ces gouttes par le repos, ce qui se fait en fort peu de tems. Si l'huile est plus légere que l'eau, on remplit le matras au point qu'elle s'éleve jusqu'au plus haut de son cou ; alors on verse prestement toute l'huile, & une bonne partie de l'eau contenue sous elle, dans un entonnoir de verre à queue fort étroite, & dont on bouche la petite ouverture inférieure avec le doigt ; on attend que l'huile se soit ramassée au-dessus de l'eau, alors on débouche une partie de l'ouverture inférieure, en retirant tout doucement le doigt, & on laisse échapper l'eau par un petit filet, jusqu'à la derniere goutte ; on referme l'ouverture dès que l'huile est parvenue sur le doigt, & on la laisse tomber ensuite dans le vaisseau où on veut la serrer. Si l'huile est plus pesante que l'eau, on sépare par inclination la plus grande partie de l'eau, & on verse l'huile, avec ce qui reste d'eau, dans l'entonnoir, &c. Il y a un récipient particulier, destiné à faciliter la séparation des huiles essentielles plus légeres que l'eau : c'est un matras, qui porte en-dehors une espece de chantepleure, ou de tuyau recourbé, qui part du fond du vaisseau, & dont la courbure s'éleve jusqu'à un pouce près de l'embouchure ou goulot du matras. Voyez les Planches de Chimie. Il est clair que lorsque la liqueur reçue dans un pareil vaisseau, s'est élevée dans le cou jusqu'au-dessus du niveau de la courbure du tuyau, la liqueur contenue dans ce vaisseau doit se répandre par le tuyau, & que c'est la couche inférieure de cette liqueur qui doit se vuider la premiere ; ainsi, la liqueur provenue de la distillation, tendant continuellement à élever la liqueur du matras au-dessus de ce niveau, la partie aqueuse de cette liqueur, qui est la dominante, & qui gagne le fond du vaisseau, est vuidée à mesure que le produit de la distillation y est reçu ; & l'huile, qui surnage, se ramasse dans la partie supérieure du vaisseau, en gagne peu-à-peu la partie moyenne, & peut parvenir enfin à le remplir presque tout entier. Quand l'opération, ou le nombre d'opérations qu'on se proposoit d'exécuter de suite est fini, on vuide par le même tuyau l'eau qui peut être restée dans le fond du matras, en l'inclinant doucement. Il est évident qu'un pareil instrument ne peut être employé à la séparation des huiles plus pesantes que l'eau, mais qu'on peut, pour la séparation de celles-là, en composer un sur le même principe, en renversant la disposition du tuyau, la faisant partir du haut du matras, & portant le bec de l'alembic, ou du serpentin, jusqu'au milieu du matras.

L'eau employée dans la distillation des huiles essentielles, ne paroît servir qu'à ramollir les parois des vésicules qui la contiennent, à les disposer ainsi à être facilement rompues par l'huile rarefiée, tendant à l'état d'expansion vaporeuse ou de volatilité, & à borner, à déterminer, d'une maniere invariable, le degré de feu propre à les élever aussi inaltérées qu'il est possible ; peut-être aussi que la vapeur de l'eau qui les accompagne favorise leur volatilité, soit en soutenant leur expansion, leur état de vapeur, par sa chaleur, soit en les entraînant dans son propre tourbillon. Il seroit démontré que l'eau ne concourt point à la distillation des huiles essentielles à ce dernier titre, si une huile essentielle, déja délivrée de ses petites prisons, s'élevoit presqu'entierement dans un appareil où elle seroit renfermée seule dans la cucurbite, & où on lui appliqueroit le même degré de chaleur qu'elle éprouve étant répandue dans de l'eau bouillante. Ce dégré est supérieur à la chaleur du bain-marie. (Voyez l'article FEU.)

Les huiles essentielles de citron, de cédra, & de tous les fruits de cette classe, qu'on nous apporte de Toscane & de la côte de Gènes, sous le nom d'essences, sont retirées sans le secours du feu. Les écorces de ces fruits contiennent beaucoup d'huile, & elle est ramassée, en masses assez considérables, dans des vessies très-minces, pour qu'elle en découle abondamment, en perçant ou rompant ces vessies. Il n'est personne qui n'ait pressé entre ses doigts un zeste d'orange ou de citron ; la liqueur qu'on en exprime est de l'huile essentielle. Les Toscans & les Génois expriment ces écorces contre des plateaux de verre, appliqués sur de la glace, ou bien roulent ces fruits sur l'embouchure hérissée de pointes d'un entonnoir, placé sur un vaisseau, où toutes les gouttes sorties des petites blessures infiniment multipliées, vont se ramasser. On retire encore des huiles essentielles de quelques substances aromatiques, des cloux de girofle, par exemple, en les distillant per descensum ; mais cette méthode est imparfaite. Voyez GIROFLE & DESCENSUM.

Propriétés chimiques des huiles essentielles. Elles sont solubles par l'esprit-de-vin, & d'autant plus qu'elles sont plus dures. Elles s'épaississent en vieillissant, & prennent la consistance de baume, & même de résine. Voyez BAUME & RESINE. On les préserve, autant qu'il est possible, de cet accident, en les gardant dans des vaisseaux exactement fermés, & mieux encore sous l'eau, & dans des lieux frais. Elles peuvent être ressuscitées, du moins en partie, c'est-à-dire rétablies en état d'huile fluide, par la distillation avec l'eau ; elles ont perdu cependant, en s'épaississant, une partie de leur odeur, qui ne se rappelle point par la distillation, ou à la place de laquelle il ne s'en développe point de nouvelle qui la répare. Les huiles essentielles, retirées de divers végétaux, varient considérablement entr'elles, soit par la consistance, soit par la disposition plus ou moins grande à s'épaissir, soit par la gravité spécifique, soit par la couleur, &c. Une différence très-générale, est celle qui distingue les huiles qui sont naturellement concrettes, comme le camphre, ou celles qui le deviennent, qui se gèlent à un très-léger degré de froid, comme celle d'anis, &c. de celles qui sont très-fluides, & constamment fluides, comme celle de térébenthine, de citron, &c. ces caracteres particuliers, quand ils sont remarquables, sont exposés aux articles particuliers. Une distinction générale, assez singuliere encore, c'est celle qui divise les huiles essentielles en plus légeres que l'eau, & en plus pesantes que ce liquide. Celles qui sont fournies par les plantes de notre pays, de ces climats tempérés, sont toutes, sans exception, plus légeres que l'eau, & celles qui sont fournies par les végétaux des pays chauds, par tous les bois, écorces, fruits, racines exotiques, par les épiceries, les aromates des Indes, soit occidentales, soit orientales : en un mot, de tous les climats très-chauds, sont plus pesantes que l'eau, à l'exception du camphre. Il y a sur ce point quelques autres variétés, peut-être accidentelles, qui ne sont pas encore bien déterminées.

Toute l'huile qu'on retire des baumes, des résines & des bitumes, par la violence du feu, est très-analogue aux huiles essentielles. Voyez RESINE & TEREBENTHINE.

Les parties aromatiques des plantes que nous avons exceptées plus haut, de l'observation générale qui attribue de l'huile essentielle à toutes ces substances, sont les fleurs de jasmin, de tubéreuse, de muguet, de jacinthe, de narcisse, & de lys, qui ont toutes entr'elles une analogie sensible. L'essence de jasmin, qu'on trouve communément chez les Parfumeurs, est une huile par expression, de l'excellente huile de ben, imprégnée du parfum du jasmin, par une manoeuvre fort simple. Voyez JASMIN.

Usages médicinaux, thérapeutiques & diététiques des huiles essentielles. Les huiles essentielles, récentes, subtiles, très aromatiques, ont un goût amer, acre, vif, brûlant, qui annonce les vertus suivantes, qu'elles possedent en effet : elles sont, dans l'usage intérieur, cordiales, toniques, échauffantes, diurétiques, sudorifiques, stomachiques, aphrodisiaques ; utiles pour corriger la mauvaise odeur de la bouche, gravem spiritum. On doit les donner toujours sous la forme d'eleosaccharum (Voyez ELEOSACCHARUM), soit pour les rendre miscibles aux humeurs digestives aqueuses, soit pour châtrer leur trop grande activité, par laquelle elles pourroient irriter & même enflammer l'estomac & les intestins. Malgré ce correctif, on ne doit les donner encore qu'aux sujets d'une constitution lâche, peu mobile, peu inflammable. Leur usage externe est plus général ; ces huiles, sur-tout celles qu'on retire de la térébenthine, sous le nom d'esprit, sont éminemment résolutives, antiseptiques, brûlantes, cathaeretica ; ces vertus les rendent très-efficaces, pour résoudre les tumeurs molles, indolentes, lymphatiques, & pour dissiper les douleurs des membres. La dissolution de ces huiles dans l'esprit de vin, le baume spiritueux de Fioravanti, par exemple, qui n'est autre chose qu'une pareille dissolution, remplit les mêmes vûes d'une maniere encore plus assurée. Les huiles essentielles, vives, sont employées, presque à titre de spécifique, dans les plaies des membranes, des nerfs, des tendons ; c'est sur-tout dans ces cas qu'on emploie communément l'huile très-subtile, ou esprit de térébenthine. On emploie encore cette huile dans le traitement de la carie ; un brin de coton, imbibé de quelques gouttes d'une huile essentielle très-aromatique, de celle de girofle, par exemple, & introduit dans le creux d'une dent cariée, suspend puissamment la douleur qui accompagne quelquefois la carie des dents.

Une huile essentielle, unie chimiquement au soufre, forme avec lui un composé, connu sous le nom de baume de soufre. Ce composé est un remede, qui doit principalement ses qualités médicamenteuses au soufre. Voyez SOUFRE.

Une huile essentielle, combinée avec l'alkali fixe ordinaire, forme une espece de savon, appellé par les gens de l'art savon de Starkey. Voyez SAVON.

Les esprits volatils, aromatiques, huileux, de Sylvius, doivent leur qualité d'huileux & d'aromatique à des huiles essentielles. Voyez ESPRIT VOLATIL, AROMATIQUE, HUILEUX.

Les huiles essentielles fournissent aux Apoticaires une des matieres avec lesquelles ils aromatisent plusieurs préparations pharmaceutiques, comme potions, syrops, gelées, juleps, emplâtres même. Il faut toûjours les employer, sous la forme d'éleosaccharum, dans les liqueurs aqueuses destinées à l'usage intérieur.

C'est encore à des huiles essentielles que plusieurs liqueurs spiritueuses, destinées à l'usage de nos tables, doivent leur parfum. Celles qui joignent à la saveur connue de l'esprit de vin, un goût vif, brûlant, passager, momentané, telle que la bonne eau de canelle, & l'anis rouge de Bologne, doivent ce piquant à un peu d'huile essentielle : la même saveur est dûe à la même cause dans les diabolini d'Italie.

On parfume la limonade avec l'huile essentielle de l'écorce des citrons même qu'on emploie, dont on forme sur-le-champ un éleosaccharum. Voyez ELEOSACCHARUM.

Huiles grasses. Celles-ci sont encore libres, nues, isolées, ramassées à part dans des petits réservoirs, & elles appartiennent proprement au regne végétal. Les graisses animales ont à la vérité la plus grande analogie avec ces substances, mais elles ne sont pas, dans le langage de l'art, comprises sous la même dénomination. Les huiles grasses sont répandues dans toute la substance des sujets qui les contiennent, au lieu que les cellules des huiles essentielles ne sont placées qu'à la surface, dans l'enveloppe ou membrane extérieure des végétaux pourvus de cette substance.

Les semences appellées émulsives (Voyez SEMENCES EMULSIVES), c'est-à-dire celles qui étant pilées avec de l'eau donnent une liqueur laiteuse, ou une émulsion (Voyez ÉMULSION), contiennent de l'huile grasse. La semence, proprement dite, de tous les fruits à noyau, ou à coque, de notre pays : tels que celle de noix, d'amande, de pignon, de noisette, de pêche, d'olive, &c. celle de tous les fruits à pepins, c'est-à-dire tous les pepins ; les semences appellées froides, les semences de lin, de toutes les especes de chou, de rave, de navet, de pavot, &c. contiennent une pareille huile. La chair ou pulpe qui recouvre le noyau de l'olive, en contient beaucoup aussi ; c'est une substance jusqu'à présent unique à cet égard. Le jaune d'oeuf fournit aussi une huile très-analogue à celles-ci.

On retire l'huile grasse de tous ces sujets en les écrasant, les pilant, les réduisant en pâte, & en exprimant cette pâte, par le moyen d'une presse, ou d'un fort pressoir, pour l'opération en grand. Cette manoeuvre est variée, sur les divers sujets, par quelques circonstances de manuel. Voyez les articles particuliers LIN, NAVETTE, OLIVE. Ce moyen de retirer les huiles grasses, a fait donner à l'espece, dont nous avons seulement parlé jusqu'à présent, le nom d'huiles par expression, en latin olea pressa ou expressa, & c'est-là leur dénomination spécifique & la plus ordinaire.

Il y a une autre espece d'huile grasse, caractérisée par la circonstance de se séparer des corps qui la renferment, par le moyen de l'eau bouillante, ou de la décoction de ces corps. Le cacao, le macis, la muscade, les baies de laurier, contiennent une pareille huile. Voyez ces articles particuliers. Le beurre de cacao est la plus connue de ces huiles, parce qu'elle est la plus employée en Medecine. Les huiles par expression n'abandonnent pas leurs loges, par l'action de l'eau bouillante ; on n'en retire point de semences émulsives par la décoction.

Propriétés chimiques des huiles grasses. Elles sont insolubles par l'esprit-de-vin ; elles contractent une espece d'union, quoique fort imparfaite, avec le vinaigre, & même avec l'eau (ce qui fait soupçonner que l'acide du vinaigre n'entre pour rien dans cette union), si on les bat long-tems ensemble. Elles rancissent facilement, si on les expose à un air chaud, & même quelques-unes, comme celle d'amandes douces, quelque précaution qu'on prenne. Voyez RANCIR. Elles sont toutes plus légeres que l'eau ; elles sont fixes, c'est-à-dire qu'elles ne peuvent être élevées par le feu, sans être considérablement altérées, sans passer à l'état d'huile empyreumatique. Il y a apparence que le caractere spécifique de ces huiles dépend d'une matiere de nature gommeuse ou mucilagineuse, avec laquelle est combiné le principe huileux.

Vertus médicinales, & usages diététiques des huiles grasses. Ce n'est presque que l'huile d'amandes douces qu'on emploie en Medecine par l'usage intérieur. La bonne huile d'olives vaudroit bien pour le moins autant, & elle a, au-dessus de l'huile d'amandes douces, la faculté d'être peu sujette à rancir. Le beurre de cacao n'est pas employé pour des qualités assez génériques, pour devoir être rangé avec ces huiles par expression ; & d'ailleurs, ce remede est plus magnifique qu'utile, du moins que nécessaire.

Les huiles par expression, représentées dans l'usage ordinaire par l'huile d'amandes douces, sont le souverain adoucissant, relâchant, lubréfiant, émollient, béchique, sédatif, le plus benin des purgatifs, en un mot, la suprême ressource, le grand cheval de bataille, comme on s'exprime vulgairement, de cette pratique de Medecine, appellée dans l'art, & par les gens du monde, anodine, tempérante, calmante, qui voit partout des spasmes, des éréthismes, des incendies, &c. Cette drogue remplit quelquefois très-utilement, il est vrai, les indications d'adoucir, de relâcher, d'appaiser les douleurs des entrailles, de lâcher très-doucement le ventre ; mais plus souvent encore, c'est un remede inutile, infidele, & même pernicieux.

Les huiles par expression, prises à très-haute dose sans mesure, fournissent une des ressources les plus assurées pour défendre l'estomac & les intestins contre l'action des poisons corrosifs.

L'huile d'olive est la seule huile par expression, que nous mêlons à nos alimens à titre d'assaisonnement. Voyez OLIVE.

L'usage extérieur des huiles grasses pures est fort rare. On emploie communément à leur place des huiles composées, dont nous parlerons à la fin de cet article. Ces huiles entrent dans la composition de plusieurs onguens, linimens, &c.

Les huiles par expression, unies à l'un & l'autre alkali fixe, forment des savons employés en Medecine & dans divers arts. Voyez SAVON.

Huiles empyreumatiques. Le principe huileux est un des matériaux universels de la composition de tout végétal ou animal, de tout corps organisé, du tissu des Stahliens. L'huile est aussi un des principes généraux de l'ancienne analyse, de celle qui s'exécute par la violence du feu sur tous ces corps ; un des principes de Paracelse, ou plutôt de Basile Valentin, ou d'Isaac le Hollandois, (Voyez dans l'historique du mot CHIMIE, les morceaux qui regardent ces auteurs) ; le soufre de ces Chimistes, de Willis, de Boyle, & de ceux de leurs sectateurs qui n'ont pas désigné par ce mot le phlogistique pur.

Toute huile qui ayant été réellement combinée dans un corps quelconque, en est extraite, dégagée par la violence du feu, est une huile empyreumatique. Nous avons excepté d'avance les huiles retirées par ce moyen des baumes, des résines & des bitumes. On l'appelle aussi foetide, parce que le corps à la décomposition duquel elle est dûe, a fourni en même-tems un principe salin, le plus souvent alkali-volatil, d'une odeur forte & désagréable, dont cette huile est empreinte, & auquel elle doit vraisemblablement sa mauvaise odeur. Les huiles empyreumatiques sont communément aussi noires & épaisses : elles doivent ces deux qualités, sur-tout la premiere, à une quantité considérable de matiere charbonneuse qu'elles ont entraînée avec elles. Voyez VEGETALE ANALYSE & SUBSTANCES ANIMALES.

Non-seulement les tissus, c'est-à-dire les végétaux & les animaux entiers, ou leurs parties entieres, mais encore les huiles grasses, les graisses, tous les sucs animaux, & toutes les substances végétales solubles par l'eau, excepté les sels purs, telles que la matiere extractive, le corps muqueux, le tartre, &c. tous ces sujets, dis-je, donnent dans la distillation analytique de l'huile empyreumatique, & une huile empyreumatique chargée d'alkali-volatil, excepté celle qui provient de la distillation du lait & du corps muqueux. Voyez LAIT & MUQUEUX.

La théorie du dégagement de l'huile empyreumatique, celle de sa composition chimique, & celle des produits & des phénomenes de son analyse, appartiennent au traité général de l'analyse des corps, dont elle est un principe si essentiel. Voyez SUBSTANCES ANIMALES & VEGETALE ANALYSE, surtout ce dernier article.

Les huiles empyreumatiques sont considérablement atténuées, deviennent limpides, volatiles, perdent en très-grande partie, & même absolument leur odeur étrangere & desagréable, par des rectifications répétées, qu'on exécute communément à feu nud & sans intermede : les premieres distillations demandent en effet un degré de feu assez fort, mais les huiles empyreumatiques parviennent enfin par ces opérations répetées, à un état de volatilité qui les rend capables de s'élever, du moins en grande partie, avec l'eau bouillante ; & même par la chaleur du bain-marie. Dans cet état, elles ont toutes les propriétés chimiques des huiles essentielles. La rectification des huiles empyreumatiques est considérablement hâtée par l'addition de la chaux-vive ou de l'alkali-fixe ; mais ces intermedes, sur-tout le premier, en détruisent une partie très-considérable. Voyez CHAUX (Chimie.)

Usages médicinaux des huiles empyreumatiques ; huile animale de Dippelius ; huile de cade ; huile de tartre ; huile des philosophes ; huile de papier. Ce sont à peu près toutes les huiles empyreumatiques employées, ou du moins les plus employées en Medecine ; la premiere, destinée à l'usage intérieur, est une huile empyreumatique animale, communément celle de corne de cerf, rectifiée par quarante ou cinquante distillations successives, & vantée comme un spécifique éprouvé contre l'épilepsie. Si cette vertu est confirmée par des observations décisives, ces observations ne sont pas encore publiques. Les quatre autres s'emploient extérieurement, quoiqu'assez rarement, à titre de très-puissant résolutif. L'huile de cade est retirée de l'oxycedre, ou grand genevrier. Voyez GENEVRIER, (Chimie & Mat. méd.) L'huile des philosophes, ou de briques, de l'huile d'olive. Voyez OLIVE.

Rapport (HABITUS) des huiles en général avec quelques autres substances.

L'huile est immiscible à l'eau, aux sels neutres & aux acides végétaux & animaux vulgaires, tels que le tartre, le vinaigre & l'esprit de fourmi ; aux sucs aqueux végétaux, à la gomme, au mucilage, au corps doux (excepté qu'il ne soit dans un état éminemment concret, comme le sucre), à la lymphe & à la gelée animale.

L'huile est miscible au soufre, aux baumes, aux résines, aux graisses, aux bitumes, au phosphore de Kunckel ; elle s'unit au sucre & au jaune d'oeuf, & devient miscible aux liqueurs aqueuses par l'intermede de ces substances ; elle dissout le cuivre & le plomb, principalement les chaux de ces métaux, & sur-tout celles de plomb ; elle se combine avec les sels alkalis sous la forme de savon. Voyez SAVON. Les acides minéraux agissent puissamment sur elle, principalement le vitriolique & le nitreux ; car l'acide du sel marin les attaque à peine, du moins dans les mélanges ordinaires. L'acide vitriolique, médiocrement concentré & aidé d'une foible chaleur, se combine avec l'huile la plus pure, c'est-à-dire l'huile essentielle, ou l'huile empyreumatique rectifiée. Ce mélange produit un corps concret de nature résineuse, & d'un rouge brun plus ou moins foncé. L'acide vitriolique concentré éprouve même à froid avec la même huile une violente effervescence, accompagnée d'épaisses fumées & de chaleur considérable, & se combine avec en un corps noirâtre, résineux, cassant. L'effervescence est plus promte & plus violente, si on a exposé le mélange à l'action du feu. Voyez RESINE ARTIFICIELLE à l'article RESINE. L'acide nitreux produit avec l'huile dans les mêmes circonstances des effets semblables. Le phénomene le plus remarquable de l'action mutuelle des acides vitrioliques ou nitreux, & des huiles, c'est l'inflammation spontanée, ou excitée sans le concours d'aucune chaleur étrangere. Ce phénomene singulier mérite d'être considéré avec quelque détail.

Inflammation des huiles. Les expériences successives de Glauber, de Beccher, de Borrichius, de Boyle, de Tournefort, de Homberg, de Rouviere, de Frideric Hoffman, de Géoffroy le cadet, & enfin de M. Rouelle, nous ont appris que toutes les huiles sans exception, aussi bien que les baumes liquides, étoient inflammables lorsqu'on les mêloit à froid au double de leur poids d'un acide, composé de parties égales d'esprit de nitre bien concentré, & d'huile de vitriol.

Ces proportions varient dans les expériences de ces auteurs. Ils augmentent la dose de l'acide composé, & la proportion de l'acide nitreux dans l'acide composé à mesure que l'huile, mise en expérience, est plus difficile à enflammer. La proportion que nous venons d'assigner est pourtant assez généralement efficace ; car les huiles d'une médiocre inflammabilité prennent feu mêlées à partie égale d'acide nitreux, & à une demi-partie d'acide vitriolique.

Cet acide composé est l'instrument général de l'inflammation de toutes les huiles, & des substances éminemment huileuses, telles que les baumes liquides ; mais il n'est nécessaire que pour produire ce phénomene dans les plus rebelles de ces substances, Beccher a dit (Physica subterranea ; sect. V, cap. iij. n°. 106.) que l'huile de vitriol & l'esprit de vin, l'un & l'autre très-rectifiés, prenoient feu dès l'instant qu'ils étoient mêlés ; & même que si on éteignoit ce feu en bouchant le vaisseau qui contenoit le mélange, il se rallumoit dès qu'on le débouchoit. Homberg assure avoir enflammé par l'huile de vitriol déphlegmée autant qu'il est possible, l'huile de térébenthine, épaisse comme du syrop, & de couleur rousse, qui passe la derniere dans la distillation. Mém. de l'Acad. royale des Scien. 1701. Borrichius rapporte, Acta medica & philosophica Haffniensium ann. 1661. que l'esprit de nitre récent enflamme l'huile de térébenthine nouvellement tirée.

L'inflammation de l'esprit-de-vin par l'huile de vitriol est aujourd'hui généralement contestée ; & beaucoup de chimistes doutent de celle de l'huile épaisse de térébenthine par l'acide du vitriol seul.

Tous les chimistes qui avoient répété le procédé de Borrichius, l'avoient fait sans succès, lorsqu'enfin M. Rouelle publia en 1747, dans les Mémoires de l'académie des Sciences, des expériences, par lesquelles non-seulement il prouve la réalité du phénomene annoncé par Borrichius, mais même fixe le succès de cette expérience par un manuel fondé sur des observations très-ingénieuses, & sur la meilleure théorie chimique. Ce manuel consiste à appliquer à un charbon rare, spongieux, sec, embrasé, qui s'éleve au sein du mélange pendant la plus vive effervescence, quelques gouttes d'acide nitreux. Cette application se fait quelquefois par hasard, & presque toûjours dans les huiles les plus propres à s'enflammer ; & alors l'inflammation se fait d'elle-même : c'est pour cela que les arbitres, qui n'avoient découvert ni cette cause ni le moyen de l'appliquer à volonté, ont réussi assez constamment sur les huiles de cette derniere classe.

Nous avons déja parlé plusieurs fois d'une différence observée entre les différentes huiles, relativement à des degrés d'inflammabilité. Les éminemment inflammables sont les huiles essentielles pesantes, denses, des substances végétales aromatiques des Indes ; certaines huiles empyreumatiques, & les baumes liquides viennent ensuite ; les huiles essentielles très-subtiles, telles que l'huile de térébenthine, de cédra, de lavande, sont plus difficiles à s'enflammer que toutes les précédentes ; enfin, les plus difficiles absolument, les plus difficiles de toutes les huiles, sont les huiles par expression ; & les éminemment difficiles dans cette classe, sont les plus douces ou les plus mucilagineuses, telles que celles d'amandes douces, d'olive, de fêne & de navette.

Ce sont ces dernieres huiles seulement que M. Rouelle n'a pu enflammer par l'acide nitreux seul, lors même qu'il l'a porté jusqu'à un degré de concentration auquel il est vraisemblable qu'on ne l'avoit pas porté avant lui. Il a été obligé de concentrer encore davantage l'acide nitreux qu'il a employé, en le mêlant, à parties égales de bon acide vitriolique ; car il est connu en Chimie que l'acide vitriolique a plus de rapport avec l'eau que l'acide nitreux : le premier doit donc l'enlever au dernier, lorsqu'on les applique intimement l'un à l'autre en les mêlant. Voilà du moins la théorie qu'adopte M. Rouelle. Il prétend que l'acide vitriolique ne contribue d'ailleurs en rien à la production de la flamme ; d'où il est aisé de conclure qu'il regarde comme impossible l'inflammation des huiles par l'acide vitriolique seul. Pour moi je doute peu de la vérité du phénomene rapporté par Homberg, & je n'apperçois dans la bonne théorie, dans l'ensemble des faits chimiques fondamentaux, rien qui puisse justifier le doute qu'on pourroit concevoir sur le fait, & encore moins qui puisse porter à le regarder comme impossible.

Pour donner une idée complete de tonte la manoeuvre nécessaire dans l'exécution du procédé de l'inflammation des huiles en général, voici celui de M. Rouelle sur la plus difficile de toutes les huiles, sur l'huile d'olive. " Je prends de l'huile d'olive, de l'acide nitreux le plus concentré, nouvellement fait, & de l'acide vitriolique concentré, de chacun une demi-once. Je mêle d'abord ensemble l'acide nitreux & l'acide vitriolique, & je les verse sur l'huile, qui est contenue dans une capsule ou segment de ballon : ces matieres sont un instant sans agir ; mais le mouvement s'excite bientôt, & elles entrent dans une violente effervescence ; alors ayant à la main une fiole, où il y a une demi-once du même acide nitreux concentré, j'en verse environ un tiers sur les matieres : ce nouvel acide accélere considérablement l'effervescence : les vapeurs qui s'élevent sont beaucoup plus considérables & plus blanches. Un instant après je verse dessus l'autre tiers de l'acide nitreux ; pour lors le mouvement s'accélere, & l'effervescence acquiert une rapidité étonnante ; les vapeurs redoublent & sont très-blanches ; & je verse le reste de l'acide nitreux sur le charbon embrasé : il paroît tout-d'un-coup scintillant, & l'huile s'enflamme. Les espaces de tems pour verser ainsi les portions d'acide nitreux, doivent être momentanés, cependant sans précipitation ".

Les doses absolues employées dans cette expérience sont suffisantes ; mais en général, l'inflammation réussit d'autant mieux, qu'on emploie des quantités absolues plus considérables ; mais sur les huiles très-inflammables, l'expérience réussit à deux gros, & même à un de chaque matiere.

Huiles pharmaceutiques, ou par infusion & décoction. On fait infuser ou bouillir dans l'huile d'olive un grand nombre de substances végétales & quelques substances animales, comme les petits chiens, les lésards, les crapaux, les vers de terre, le castor, &c. On passe ensuite ces huiles, ou même on les garde sur le marc. Ces compositions sont destinées à l'usage extérieur, & elles sont, pour la plûpart, des préparations monstrueuses, parce que l'huile n'a aucune action sur la plus grande partie des matieres végétales qu'on y fait entrer ; & la décoction altere inutilement la nature de l'huile. Les vertus vraies ou prétendues de ces diverses huiles sont rapportées aux articles particuliers. Voyez par exemple CHIEN, LEZARD, IRIS, ROSE, CAMOMILLE, MELILOT, MUCILAGE, &c. (b)

Huile d'antimoine, d'arsenic, de Jupiter, de Mars, de Mercure, de Saturne, de Vénus. Ce sont des noms qu'on a donnés à des liqueurs épaisses, denses, approchant, quoique d'une maniere fort éloignée, de la consistance de l'huile commune, & qui sont des dissolutions des substances métalliques, dont chacune porte le nom dans divers acides. Voyez les articles particuliers de ces substances métalliques.

Huile de chaux. C'est le nom ordinaire du sel neutre, formé par l'union de l'acide marin & de la chaux, lorsqu'il est sous la forme d'une liqueur concentrée. Voyez CHAUX (Chimie).

Huile de tartre, huile de tartre par défaillance. On appelle communément ainsi le sel de tartre ou alkali fixe ordinaire en état de défaillance ou deliquium. Voyez TARTRE.

Huile de vitriol. C'est le nom vulgaire de l'acide vitriolique concentré. Voyez VITRIOL. (b)

Falsification des huiles essentielles. Les huiles essentielles peuvent être falsifiées par le mélange d'une huile par expression, par celui d'un esprit de vin, ou par celui d'autres huiles essentielles.

Les huiles essentielles des aromates des Indes, que les Hollandois nous vendent très-cher, sortent rarement de leurs boutiques sans quelque falsification. L'huile de canelle, celle de girofle, de macis & de muscade, sont ordinairement mêlées d'huile d'amandes ou d'huile de ben. Cette fraude se découvre aisément : on n'a qu'à tenter de dissoudre dans l'esprit-de-vin une huile ainsi falsifiée ; car, comme l'esprit-de-vin est le menstrue des huiles essentielles, & qu'il ne touche point aux huiles par expression, il enlevera toute l'huile essentielle, & laissera au fond du vaisseau dans lequel on fera l'expérience, l'huile par expression très-pure, très-reconnoissable, & souvent en une quantité très-considérable.

Des fripons plus adroits mêlent l'huile de canelle ou de girofle avec une quantité très-considérable d'esprit-de-vin : ce mélange peut être porté jusqu'à parties égales de chaque liqueur ; & il retient encore, à cette proportion, la couleur & l'odeur qui sont propres à ces huiles essentielles. Il n'est pas plus difficile de reconnoître cette fraude que la précédente. Si on noye d'une grande quantité d'eau une huile essentielle fourrée d'esprit-de-vin, on produit une liqueur laiteuse ; au lieu que ces mêmes huiles nagent sur l'eau, & s'en séparent sans la blanchir lorsqu'elles ne renferment point d'esprit-de-vin.

La troisieme espece de falsification, qui consiste à mêler une huile essentielle de vil prix à une autre huile essentielle plus chere, ne peut avoir lieu que pour les huiles qui ont une odeur forte, & capable de couvrir celle de l'huile qu'on y mêle, qui est toûjours celle de térébenthine. Les huiles des plantes à fleurs labiées de notre pays, telles que le thim, la menthe, l'origan, la sauge, le romarin, la lavande, &c. sont très-propres à être ainsi falsifiées. Mais cette fraude se découvre bientôt, & par l'action seule du tems ; car l'odeur spécifique & agréable des huiles de ces plantes se dissipe lorsqu'on les a gardées un certain tems, & l'odeur forte de l'huile de térébenthine perce & se fait reconnoître aux moins expérimentés. Mais il y a un moyen plus promt & plus abregé pour produire dans ces huiles mélangées l'altération qui développe & fait dominer l'odeur de l'huile de térébenthine. On n'a qu'à imbiber de ces huiles des morceaux de linge ou de papier, & les approcher d'un corps chaud, des parois d'un fourneau, par exemple ; alors l'odeur plus subtile & plus douce de l'huile de lavande, de thym, &c. se dissipe la premiere, & il ne reste bientôt plus que l'odeur forte de l'huile de térébenthine. On peut ajoûter à cette épreuve deux signes assez démonstratifs de cette derniere falsification : le premier se déduit de ce que les huiles falsifiées par l'huile de térébenthine sont plus limpides & plus fluides que ces huiles pures ; & le second, de ce que les étiquettes appliquées assez ordinairement sur le bouchon des fioles qui contiennent ces huiles, sont effacées en tout ou en partie par les exhalaisons de l'huile de térébenthine ; propriété qui est particuliere à cette derniere huile, & que n'ont pas au moins les huiles des plantes dont nous parlons.

On prétend encore que certains Artistes distillent les plantes qui ne donnent qu'une très-petite quantité d'huile essentielle, avec des substances très-chargées d'huile par expression, la rue, par exemple, avec les semences de pavot ; & que dans cette opération, une assez bonne quantité d'huile par expression, qui est naturellement fixe, est enlevée dans la distillation par le secours de l'huile essentielle. Mais cette prétention a besoin d'être confirmée par des expériences ; & si elle se trouve fondée, il restera à savoir encore si l'huile par expression enlevée dans cette distillation, a changé de nature, & quel est son nouvel état. Voyez Frid. Hoffman, Observat. physico-chimic. Lib. I, obs. ij.

HUILE DES METAUX, (Chimie) c'est ainsi que quelques chimistes ont appellé le phlogistique, ou la partie inflammable qui entre dans la combinaison des métaux. Voyez l'article PHLOGISTIQUE.

HUILE D'ONCTION, (Hist. sacr.) c'est celle que Moyse avoit composée pour l'onction & la consécration du roi, du souverain sacrificateur, & de tous les vaisseaux sacrés, dont on se servoit dans la premiere maison de Dieu.

Nous apprenons dans l'exode, chap. 30, que cette huile étoit faite de myrrhe, de cinamome, de calamus aromaticus & d'huile d'olive, le tout confi par artifice de parfumeur.

Moyse ordonna aux israëlites de garder précieusement cette huile de génération en génération ; voilà pourquoi elle étoit déposée dans le lieu très-saint.

Chaque roi n'étoit pas oint, mais seulement le premier de la famille, tant pour lui-même, que pour tous les successeurs de sa race ; il ne falloit pas d'autre onction, à moins qu'il ne s'élevât quelque difficulté touchant la succession, auquel cas celui qui l'avoit obtenue, quoiqu'il fût de la même famille, recevoit l'huile d'onction pour mettre fin à toute dispute, personne n'étant en droit, après cette cérémonie, de lui contester son titre : ce fut le cas de Salomon, de Joas & de Jéhoahaz ; mais chaque souverain sacrificateur étoit oint à sa consécration, ou lorsqu'il entroit en charge, & il en étoit de même du prêtre qui alloit à la guerre en sa place.

Les vaisseaux & les ustensiles qu'on oignoit avec l'huile d'onction, étoient l'arche de l'alliance, l'autel des parfums, la table des pains de proposition, le chandelier d'or, l'autel des holocaustes, le lavoir & les vases qui en dépendoient.

Comme Moyse consacra toutes ces choses par l'huile d'onction à l'érection du tabernacle, aussi lorsque quelqu'une venoit à être détruite, à s'user, ou à se perdre, elle pouvoit, tant que cette huile subsista, être rétablie & réparée, en faisant & consacrant d'autres ustensiles à la place, qui acquéroient la même sainteté que les premiers, au moyen de l'existence de l'huile d'onction ; mais malheureusement cette huile ayant péri avec le premier temple, & manquant dans le second temple, ce triste accident causa un défaut de sainteté dans toutes les autres choses qui y appartenoient. En vain, les Juifs, à leur retour de Babylone, & après le rétablissement de leur temple, eurent une arche, un autel des parfums, une table des pains de proposition, un chandelier d'or, un autel des holocaustes, un lavoir avec les vases qui y appartenoient, & le tout plus beau que dans le premier temple, cela ne servit de rien ; en vain, ils mirent toutes ces choses dans leur premiere place, & les appliquerent aux mêmes usages ; le manque d'huile d'onction rendit le tout défectueux.

Ajoutons aussi, qu'outre ce défaut d'huile, le second temple fut encore privé de cinq choses qui constituoient la gloire principale du premier ; savoir, 1°. de l'arche de l'alliance, qui étoit un petit coffret de bois de cédre, de trois piés neuf pouces de long, sur deux piés trois pouces de large, & deux piés trois pouces de haut. Il renfermoit la cruche où étoit la manne, & la verge d'Aaron qui avoit fleuri ; le propitiatoire faisoit le couvercle de ce coffre. 2°. Il manquoit au second temple le Schekina, c'est-à-dire, la présence divine se manifestant dans une nuée qui reposoit sur le propitiatoire. 3°. Il manquoit l'urim & le thummin, qui étoit quelque chose que nous ignorons, & que Moyse mit dans le pectoral du souverain sacrificateur. Exode 28, 30, Lévitiq. 8, 8. On sait que le pectoral étoit une piece d'étoffe en double de la grandeur de quelques pouces en quarré, dans laquelle piece d'étoffe étoient enchassées douze pierres précieuses gravées des noms des douze tribus. 4°. Il manquoit au second temple le feu sacré qui fut éteint lors de la destruction du premier temple ; ensorte qu'on ne vit plus que du feu commun dans le second temple. 5°. L'esprit de prophétie y manquoit, ce qui pourtant ne doit pas être entendu à la rigueur ; car Aggée, Zacharie & Malachie prophétiserent encore.

Il ne faut donc pas être surpris que toutes ces choses, outre l'huile d'onction, manquant dans le second temple, les vieillards, lorsqu'on en posoit les fondemens, versassent des larmes au souvenir du premier ; mais tout cela fut abondamment réparé, lorsque, pour me servir des termes des prophetes, le desir des nations, le seigneur qu'elles cherchoient entra dans son temple ; lors, dis-je, que J. C. le véritable Schékinna, honora le dernier temple de sa présence ; & à cet égard, la gloire de la seconde maison l'a emporté de beaucoup sur celle de la premiere. (D.J.)

HUILE DE CADE, (Hist. des Drog.) huile fétide, rousse ou noire, empyreumatique, qui se tire du tronc & des rameaux de l'oxycédre & du genevrier en arbre que l'on brûle dans quelques fours destinés à cet usage. Cette huile appliquée en liniment à l'extérieur, est puissamment résolutive ; ou s'en sert dans les provinces, pour les ulceres qui viennent aux brebis & aux moutons, après qu'on les a tondus. Les maréchaux s'en servent aussi pour la gale & les ulceres des chevaux. En Languedoc, on fait beaucoup d'huile de cade, semblable à celle du genevrier à baies rougeâtres ; on en tire de l'huile, en distillant son bois par la cornue. (D.J.)

HUILE DE MEDIE, (Pharmac. anc.) autrement dit huile des Medes, ou huile de Médée, en latin oleum medicum, nom que les anciens ont donné à une huile célébre qui avoit la propriété de brûler dans l'eau, malgré tout ce qu'on pouvoit faire pour l'éteindre. On l'appella huile de Médie, parce qu'on la recevoit de ce pays-là ; d'autres la nommerent huile de Médée, parce qu'ils imaginerent que c'étoit avec cette huile que la fille d'Hécate avoit brûlé la couronne de sa rivale.

Ammien Marcellin raconte que, si l'on trempe une fleche dans cette huile, & qu'on la tire avec un arc contre quelque corps inflammable, le tout prend feu immédiatement sans possibilité de l'éteindre avec de l'eau.

Le poison de Pharos, venenum pharicum de Nicandre, passoit pour être la même chose que l'huile de Médie ; & tout ce qu'il en dit convient parfaitement au récit que font d'autres auteurs, des propriétés de l'huile de Médée, desorte qu'on ne peut douter que ces deux liqueurs ne soient la même chose.

Quelques-uns prétendent qu'on tiroit cette huile d'une plante ; mais Pline assure positivement que c'étoit un minéral bitumineux, liquide, de la nature du naphthe, ce qui est très-apparent, parce que les huiles minérales sont les substances les plus inflammables que nous connoissions. Babylone est fameuse chez plusieurs auteurs, pour fournir cette liqueur ; il est certain que le naphthe s'y trouve abondamment. Strabon dit qu'elle en produit deux especes, l'une blanche, & l'autre noire. La blanche étoit vraisemblablement ce qu'on nommoit l'huile de Médie, ou de Médée ; mais on ne doit pas douter que les anciens n'ayent extrêmement exagéré les effets, les propriétés & les vertus qu'ils lui ont attribuées ; l'hyperbole leur est familiere dans tous les récits qu'ils nous ont fait des choses étrangeres à leurs pays, en quoi nous les avons assez bien imités. (D.J.)

HUILE GRASSE, (Peinture) est celle que les Peintres mêlent dans leurs couleurs pour les faire sécher. Cette liqueur est composée d'huile de noix ou de lin, & de litarge qu'on fait bouillir ; puis on laisse reposer la litarge au fond du vase, & ce qui surnage est l'huile grasse. Voyez LITARGE.

L'huile est aussi employée dans les différens ouvrages d'Horlogerie, pour donner plus de mobilité aux pieces & en retarder l'usure ; car ses particules étant autant de petits rouleaux, elles diminuent considérablement le frottement, en remplissant les intervalles qui se trouvent toujours entre les parties des corps, quelque polis qu'ils soient ; & elles empêchent ces parties d'engrener aussi avant les unes dans les autres. Il est d'une grande conséquence, dans les montres sur-tout, que l'huile que l'on emploie soit bien pure & bien fluide. Voyez l'article TIGERON, où l'on explique la maniere dont les horlogers s'y prennent pour conserver l'huile aux parties d'une montre ou pendule, &c. où elle est nécessaire. (T)

HUILE, (Relieure) les Relieurs-doreurs se servent d'huile pour mettre sur le dos des livres qui sont prêts à dorer ; ils ont une éponge très-fine attachée à une petite palette de bois, avec laquelle ils prennent l'huile & en frottent légérement tous les endroits à dorer.


HUILIERESS. f. (Marine) ce sont de petites cruches dont on se sert dans un vaisseau pour tenir l'huile.


HUILIERSS. m. (Art mécaniq.) ouvriers qui passent au moulin la navette, le chénevi & les autres graines dont on obtient de l'huile par expression. Ils broient d'abord ces graines sous une roue centrale qu'un cheval mene. En se broyant elles passent à-travers un plancher percé de trou, où on les ramasse autour de la roue. Delà on les porte à un pressoir où on en exprime l'huile ; la graine broyée est enfermée dans une grosse toile, à travers laquelle l'huile sort par l'action du pressoir.

HUILIER, (Verrer. & Orfev.) petit vaisseau fait en burette, où l'on renferme l'huile d'olive qu'on sert sur les tables. Ce vaisseau est ou une simple burette de verre ou de crystal, accompagnée d'une autre pareille qui contient le vinaigre, ou ces deux mêmes burettes, avec couvercle d'argent & plateau de même métal qui les soutient. Le luxe a donné aux huiliers toute la richesse des formes.


HUINE Lou L'HUISNE, (Géog.) petite riviere de France qui coule au Perche & dans le Maine. Elle prend sa source au Perche, & se jette dans la Sarte, au-dessous du Mans ; elle est diversement nommée dans les anciens titres du pays écrits en latin, Joyna, Hiogina, Eucania, Idonea. (D.J.)


HUISS. m. (Jurisp.) signifie porte. Les huissiers ont pris de là leur dénomination, parce qu'une de leurs fonctions est de garder les portes de l'auditoire.

Il y a des audiences à huis clos, c'est-à-dire, qui ne sont point publiques, & auxquelles on ne laisse entrer que les parties intéressées & leurs avocats & procureurs, afin d'éviter l'éclat que la cause pourroit faire.

On appelle aussi audiences à huis clos les audiences qui se donnent à la grand'chambre sur les bas siéges, parce que la porte de cette chambre, qui donne directement sur la grande salle, n'est point ouverte alors comme elle l'est pendant les grandes audiences. (A)


HUISSIERS. m. (Jurisprud.) est un ministre de la justice, qui fait tous les exploits nécessaires pour contraindre les parties, tant en jugement, que dehors, & qui met à exécution les jugemens & toutes commissions émanées du juge.

Les huissiers ont été ainsi nommés, parce que ce sont eux qui gardent l'huis ou porte du tribunal ; le principal objet de cette fonction est de tenir la porte close, lorsque l'on délibere au tribunal, & d'empêcher qu'aucun étranger n'y entre sans permission du juge ; d'empêcher même que l'on écoute auprès de la porte les délibérations de la compagnie qui doivent être secrettes ; de faire entrer ceux qui sont mandés au tribunal, & d'en faire sortir ceux qui y causent du trouble.

Ceux qui faisoient la fonction d'huissiers & de sergens chez les Romains, étoient appellés apparitores, cohortales, executores, statores, cornicularii, officiales.

En France, on les appelloit tous anciennement servientes, d'où l'on a fait en françois sergent. On les appelloit aussi indifféremment bedels ou bedeaux, ce qui dans cette occasion signifioit semonceur public.

Dans la suite on distingua entre les sergens ceux qui étoient de service dans le tribunal.

Ceux qui faisoient le service au parlement, sont appellés, dans un registre de l'an 1317, valeti curiae, & dans des lettres du 2 Janvier 1365, le roi les appelle nos amés varlets. On sait que le terme de varlet ou valet ne signifioit pas alors une fonction vile & abjecte, tel que celle d'un domestique, puisque les plus grands vassaux se qualifioient valets ou varlets de leur seigneur dominant ; les places d'huissier au parlement s'achetoient déja à cause des gages qui y étoient attachés.

Le nom d'huissier fut donné, comme on l'a dit, à ceux qui étoient chargés de la garde des portes du tribunal ; on en trouve un exemple, pour les huissiers du parlement, dans un mandement de l'an 1388 adressé primo parlementi nostri hostiario seu servienti nostro.

La plûpart des sergens ayant ambitionné le titre d'huissier, quoiqu'ils ne fissent point de service auprès du juge, on a appellé huissiers audienciers ceux qui sont de service à l'audience, pour les distinguer des autres huissiers ou sergens.

Il étoit défendu aux huissiers même du parlement de se qualifier de maîtres. Ce titre étoit alors réservé aux magistrats ; mais depuis que ceux-ci se sont fait appeller monsieur, les huissiers se sont attribué le titre de maître.

Ils doivent marcher devant le tribunal, lorsqu'il est en corps ou par députés, & aussi devant les premiers officiers lorsqu'ils entrent au siége ou qu'ils en sortent, afin de leur faire porter honneur & respect, & pour empêcher qu'on ne les arrête dans leur passage ; c'est pourquoi ils frappent de leur baguette afin de faire faire place.

C'est un des huissiers qui appelle les causes à l'audience sur les placets, ou sur un rôle ou mémoire. Ils sont couverts en faisant cette fonction. Les anciennes ordonnances leur défendent de rien prendre ou exiger des parties pour appeller leurs causes.

Les autres huissiers du même siége gardent les portes de l'auditoire & l'entrée du parquet. D'autres sont chargés particulierement de faire faire silence & de faire sortir ceux qui font du bruit dans l'audience, ou qui n'y viennent pas en habit décent ; ils ont même le droit d'emprisonner ceux qui causent du trouble dans l'audience.

Ces huissiers font toutes significations, saisies & exécutions, & autres contraintes, chacun dans leur ressort. Quelques-uns ont, par le titre de leur office, le pouvoir d'exploiter par tout le royaume ; d'autres seulement dans le ressort du tribunal auquel ils sont attachés.

Lorsqu'on fait rébellion contr'eux, ils doivent en dresser leur procès verbal ; c'est une affaire grave d'insulter le moindre huissier dans ses fonctions, parce que l'injure est censée faite à la justice même dont il est le ministre.

François I. ayant appris qu'un de ses huissiers avoit été maltraité, il se mit un bras en écharpe, voulant marquer par là qu'il regardoit ce traitement fait à cet huissier, comme s'il l'avoit reçu lui-même, & que la justice étoit blessée en la personne d'un de ses membres.

Jourdain de Lille, fameux par ses brigandages sous Charles IV, fut pendu en 1322, pour avoir tué un huissier qui l'ajournoit au parlement.

Edouard II. comte de Beaujeu, fut decreté de prise-de-corps & emprisonné à la conciergerie, pour avoir fait jetter par la fenêtre un huissier qui lui vint signifier un decret ; il fut même obligé, pour obtenir sa liberté, de céder ses états à Louis II. duc de Bourbon.

Le prince de Galles en 1367 ayant empêché un huissier qui venoit pour l'ajourner, de faire son ministere, il fut déclaré contumax & rébelle par le parlement, & les terres que son pere & lui tenoient en Aquitaine, furent déclarées confisquées.

La Rocheflavin rapporte aussi que le duc de Lorraine, comme sujet & hommager du roi, à cause du duché de Bar ressortissant au parlement de Paris, fut condamné à demander pardon au roi pour avoir empêché un huissier de lui faire une signification dans ses états, & d'avoir fait traîner les panonceaux du roi à la queue de ses chevaux.

Anciennement les huissiers assignoient verbalement les parties, & ensuite en faisoient leur rapport au juge en ces termes : à vous monseigneur le bailly.... mon très-douté ou redouté seigneur, monseigneur plaise vous savoir que le... j'ai intimé un tel à comparoître, &c. Ce rapport s'appelloit relatio. L'huissier ne signoit pas, il mettoit seulement son sceau ; mais depuis les ordonnances ont obligé tous les huissiers & sergens de savoir lire & écrire, & de donner tous leurs exploits par écrit.

L'ordonnance de Moulins, art. 12, porte que les huissiers ou sergens exploitans en leur ressort porteront en leur main une verge de laquelle ils toucheront ceux auxquels ils auront charge de faire exploits de justice. Cette verge étoit pour les faire reconnoître ; ils portoient aussi sur eux, pour le même objet, des écussons aux armes de France, mais tout cela ne s'observe plus.

Ils peuvent porter sur eux des armes pour la sûreté de leur personne, & se faire assister de main-forte afin que la force demeure à justice.

Les exploits des huissiers font foi pour eux-mêmes, pour ce qui est de leur ministere ; il y a néanmoins certains exploits où les huissiers sont obligés de se faire assister de deux records, ou qu'ils doivent faire parapher par le juge. Voyez AJOURNEMENT & EXPLOIT.

On dit communément qu'à mal exploiter point de garant, c'est-à-dire que les huissiers & sergens ne sont pas garans de la validité des exploits ; ils sont néanmoins responsables des nullités d'ordonnance & de coutume qui peuvent emporter la déchéance de la demande, comme le défaut d'offres en matieres de retrait lignager. (A)

HUISSIERS D'ARMES ou SERGENS D'ARMES, étoient ceux qui avoient la garde de la personne du roi, & qui portoient le jour la masse devant lui. Voyez SERGENT D'ARMES. (A)

HUISSIER AUDIENCIER est celui qui est établi sous ce titre pour servir particulierement à l'audience. (A)

HUISSIER DE LA CHAINE ; on donne ce surnom aux Huissiers du conseil & à ceux de la grande chancellerie, parce qu'ils portent une chaîne d'or à leur cou. Voyez au mot CONSEIL du roi ce qui est dit des Huissiers. (A)

HUISSIERS A CHEVAL sont ceux qui ont été établis au Châtelet de Paris, pour exploiter dans toute l'étendue du royaume ; on les qualifioit quelquefois de chevaliers à cause qu'ils vont à cheval. (A)

HUISSIER FIEFFE est celui qui tient son office en fief. Vers le commencement de la troisieme race, on donna en fief la plûpart des offices, & jusqu'aux sergenteries : il y a encore plusieurs offices d'huissiers qui ont conservé le titre de fieffés, quoiqu'ils ne soient plus tenus en fief ; tels sont les quatre sergens ou huissiers fieffés du Châtelet de Paris, lesquels sont du nombre des huissiers priseurs. (A)

PREMIER HUISSIER n'est pas le doyen des huissiers du tribunal, mais celui auquel par la création de son office, le titre & les fonctions de premier huissier ont été attribués ; c'est lui qui reçoit directement les ordres du tribunal, & qui les transmet aux autres huissiers pour les faire exécuter : les premiers huissiers des cours & autres tribunaux ont chacun différens priviléges, qui sont remarqués en parlant de ces tribunaux. Voyez PARLEMENT, CHAMBRE DES COMPTES, COUR DES AIDES, &c. (A)

HUISSIER PRISEUR est celui qui est commis pour faire l'appréciation des meubles. Henri II. par l'édit de Février 1556, créa des offices de priseurs-vendeurs des biens, meubles ; mais ces offices n'ayant pas été vendus, leur fonction fut unie par édit du mois de Mars 1576 à celle des huissiers & sergens qui voudroient financer pour les acquérir, ce qui fut encore mal exécuté ; cependant depuis ce tems, tous les huissiers s'ingérerent de faire les prisées ; l'édit de Février 1697 desunit ces fonctions de celles de sergens à verge du Châtelet de Paris, & les attribua à 120 d'entr'eux seulement : on fit la même chose pour les autres siéges royaux par l'édit du mois d'Octobre 1696, sur quoi il faut voir la déclaration du 12 Mars 1697, & les arrêts du conseil des 4 Août 1699, 5 Août 1704, 19 Janv. & 15 Mai 1745. (A)

HUISSIERS DE LA CHAMBRE DU ROI, (Histoire de France) ce corps composé de seize officiers est un des plus anciens de la maison du roi, dont il formoit autrefois la garde intérieure. Ils étoient alors armés de massues, & couchoient dans les appartemens qui servoient d'avenues à la chambre du roi.

A présent ils servent l'épée au côté sous les ordres de Mrs les premiers gentilshommes de la chambre, auxquels ils répondent de ceux qui approchent la personne du roi lorsqu'il est dans son intérieur. C'est entre leurs mains qu'ils prêtent le serment de fidélité ; c'est d'eux qu'ils reçoivent leurs certificats de service.

Aussi-tôt que la chambre est appellée pour le lever du roi, ils prennent la garde des portes, & ne laissent entrer en ce moment que ceux qui par droit de charge ou grace de sa majesté ont l'entrée de la chambre. Ils distinguent ensuite les plus qualifiés des seigneurs qui se sont nommés à la porte, les annoncent au premier gentilhomme, & les introduisent au petit lever. Au moment où le roi a pris sa chemise, que l'on appelle le grand lever, ainsi que dans le cours de la journée, ils laissent entrer dans la chambre toutes les personnes dont ils peuvent répondre.

Le soir, quand le roi doit tenir conseil ou travailler dans sa chambre, l'huissier en avertit les ministres de la part de sa majesté, & tient les portes fermées jusqu'à ce que le conseil ou travail soit levé.

Au moment où le roi prend ses pantoufles, que l'on appelle le petit coucher, l'huissier fait passer les courtisans qui n'ont ni la familiere, ni la grande, ni la premiere entrée.

Aux fêtes annuelles, dévotions, te Deum, lits de justice, baptêmes & mariages, ainsi qu'à toutes les céremonies de l'ordre du Saint-Esprit, deux huissiers portent chacun une masse immédiatement devant sa majesté, de même qu'au sacre des rois, où ils marchent aux deux côtés du connétable, habillés de satin blanc avec pourpoint, haut-de-chausse, manches tailladées, manteau & toque de velours. Ils ont part aux sermens prêtés entre les mains du roi ; & aux premieres entrées que sa majesté fait dans les villes de son royaume ou dans celles de nouvelles conquêtes, il leur est dû un marc d'or ou sa valeur en argent payable par les officiers de ville.

Lorsqu'il y a des fêtes à la cour, ou que le roi honore l'hôtel-de-ville de sa présence, les huissiers tiennent les portes de la piece qu'occupe sa majesté, & y placent les personnes connues conjointement avec les intendans des menus-plaisirs sous les ordres du premier gentilhomme de la chambre.

Ils ont l'honneur de servir les enfans de France dès le berceau. Dans l'intérieur, ils répondent à madame la gouvernante, & lui annoncent les personnes qu'ils introduisent ; & soit aux promenades, soit dans les appartemens extérieurs, en qualité d'écuyers ils donnent la main aux princes jusqu'à sept ans, & aux princesses de France jusqu'à douze. Ils ont bouche en cour à la table des maîtres pendant leur quartier auprès du roi.

Les prérogatives attachées aux huissiers de la chambre, le titre d'écuyer, qui leur est accordé depuis près de 200 ans, ainsi que l'honneur d'être commis dans l'intérieur à la garde de sa majesté, ont fait que cette charge a été exercée sous Louis XIV. par des colonels & capitaines de vaisseaux de roi.

Les anciens états de la France certifient ce dernier article, & font foi des droits dont jouissent les huissiers de la chambre : on y trouvera la date des ordonnances de nos rois, qui leur ont accordé des privileges.

HUISSIER-VISITEUR, (Commerce & Marine) on appelle aussi dans les sieges des jurisdictions maritimes de petits officiers quelquefois en titre d'office, & quelquefois seulement commis par les juges de marine pour faire la visite des vaisseaux marchands, soit en entrant dans les ports, soit en sortant. Outre cette visite, dont ils doivent tenir des procès-verbaux exacts aussi bien que de l'arrivée ou du départ des vaisseaux, leurs fonctions sont de s'opposer au transport des marchandises de contrebande & déprédées, & d'empêcher les maîtres de navires de faire voile sans congé. Dict. de Commerce.


HUITS. m. (Arithm.) est le huitieme terme de la suite des nombres naturels, le quatrieme de celle des pairs, & le second de celle des cubes : on n'en fait un article que pour faire connoître une propriété qui lui est particuliere, & qui semble avoir jusqu'ici échappé aux observateurs : la voici avec sa démonstration.

8 étant multiplié successivement par chacun des nombres triangulaires, le produit augmenté de l'unité donne par ordre tous les quarrés impairs, à commencer à celui dont 3 est la racine.

+ 1 = 9.

+ 1 = 25.

+ 1 = 49.

+ 1 = 81. &c.

Il suit que tout quarré impair (le premier excepté) étant diminué de l'unité, le reste se divise exactement par 8.

Soit un quarré impair quelconque représenté par (a étant un nombre pair) ; il faut prouver 1°. que 8 est diviseur exact ou facteur de ; 2°. que son co-facteur est un nombre triangulaire.

Les valeurs de a sont tous les termes de la suite des pairs 2, 4, 6, 8, &c. laquelle n'est elle-même que 2 multiplié successivement par chacun des nombres naturels 1, 2, 3, &c. La premiere partie de la propriété étant démontrée pour le premier terme 2, le sera donc par le même moyen pour tous les autres qui n'en sont que des multiples. Or

En ajoûtant ensemble terme à terme ces deux suites correspondantes, il résulte que le co-facteur de 8 est toûjours la somme d'un quarré & de sa racine, divisée par le dénominateur 2 (qu'on peut transporter du premier facteur au second). Mais la moitié de la somme d'un quarré & de sa racine, ou si l'on veut () est l'expression caractéristique d'un nombre triangulaire. Donc, &c. Il suit que si n représente le quantieme d'un terme dans la suite des impairs, le quarré du terme même est .... On emploie ici au lieu de ; parce qu'à cause de l'exclusion du premier quarré impair (1), au quantieme n du terme dans la suite des impairs, répond dans celle des nombres triangulaires le quantieme, non n, mais : ce qui n'empêche pas que la formule ne donne l'expression juste du quarré, lors même que la racine est 1. Car alors le quantieme se confondant avec le terme même, n n - n est 1 - 1 = 1 ; ce qui rend nul le premier terme de la formule, ensorte qu'il ne reste que le second (+ 1).

On pourroit au reste faire entrer 8 dans l'expression de tout quarré pair, comme on vient de le faire dans celle de tout quarré impair. Si n désigne le quantieme de la racine dans la suite des pairs, le quarré pair sera généralement . La démonstration en est si aisée à déduire de celle qu'on vient de voir pour les quarrés impairs, qu'il paroît inutile de s'y arrêter.

Comme n n est alternativement un nombre impair & un nombre pair, est, dans le même ordre alternatif, tantôt une fraction tantôt un entier. Il suit que les quarrés pairs ne sont divisibles par 8 que de deux en deux, mais c'est sans subir aucun changement : au lieu que les impairs le sont tous, mais sous la condition de perdre une unité ; compensation qui partage assez également entre les deux especes la propriété. Article de M. RALLIER DES OURMES.


HUITAINS. m. (Lit.) piece composée de huit vers Il y en a de deux sortes ; ou l'on fait rimer le premier vers du premier quatrain avec le troisieme, & le second avec le quatrieme ; ou l'on fait rimer le premier avec le quatrieme, & les deux du milieu ensemble : cette premiere espece de huitain est divisée en deux quatrains. La seconde espece se fait de deux tercets qui sont un sixain, dont les deux premiers vers riment ensemble ; le troisieme rime avec le cinquieme, & le quatrieme avec le sixieme ; puis on ajoûte deux vers sur une même rime. La premiere sorte est la plus simple : la seconde est la plus variée.


HUITAINES. f. (Gram.) intervalle de huit jours : c'est une affaire remise à la huitaine. Les délais des forclusions d'écrire & produire sont de huitaine en huitaine. Il faut qu'une cause soit au rôle pendant une huitaine franche ; une adjudication, sauf huitaine.


HUITIEMIERS. m. (Commerce) commis des aides, qui fait payer le huitieme des vins. Dict. de Commerce.


HUITRES. f. voyez COQUILLE.

HUITRE, (coquille d') Science microsc. Il n'est pas rare de voir sur la coquille des huîtres, dans l'obscurité, une matiere luisante, ou d'une lumiere bleue comme la flamme du soufre, laquelle s'attache aux doigts lorsqu'on la touche, & continue de briller ou de donner de la lumiere pendant un tems considérable, quoique sans aucune chaleur. M. Auxant a observé avec un microscope cette matiere luisante ; il a trouvé qu'elle étoit composée de trois sortes de petits animaux ; les uns étoient blanchâtres, & avoient vingt-quatre ou vingt-cinq jambes fourchues de chaque côté, une tache noire, & le dos comme une anguille écorchée ; la seconde espece d'animalcule étoit rouge comme le ver-luisant ordinaire, avec des plis sur le dos, les jambes comme les premiers, le nez comme celui d'un chien, & un oeil à la tête ; la troisieme espece étoit marquetée, une tête de sole avec plusieurs houpes de poils blanchâtres ; à côté des derniers insectes, il en vit quelques-uns plus gros, de couleur grise, ayant deux cornes comme celles du limaçon, & six ou huit pieds blanchâtres ; mais ceux-ci ne brilloient point. Voyez les Trans. Philos. n°. 12. (D.J.)

* HUITRE. Pêche des huîtres au Bourgneuf, dans l'amirauté de Nantes, à la drague & au bateau. Cette manoeuvre est particuliere. Il y a deux pêcheurs dans un bateau ; ils jettent une ancre à l'arriere & une autre à l'avant de leur chaloupe, larguant quelques brasses de cablot d'une ancre ou grappin à l'autre. Quand ils se sont établis ainsi, ils mettent leur drague à la mer, soit à l'avant, soit à l'arriere du bateau. Les dragues sont fort petites. Elles ont un sac où les huîtres sont reçues. Ils halent ensuite à force de bras sur le petit funin frappé sur l'organeau de la drague, ensorte que le cablot se roidissant, leur donne lieu de tirer avec plus de force sur leur drague. Ils continuent la même manoeuvre de l'autre bord, en portant leur drague près d'une des ancres ; ils l'éloignent ensuite, & halent la drague, soit avant, soit arriere, car ils n'ont pas l'esprit de pêcher, soit à la rame, soit à la voile, comme font les autres pêcheurs.

Pêche des huîtres au rateau, comme elle se fait dans le fond de la baie de Vanne. Les pêcheurs se mettent deux dans un petit bateau. Ils ont chacun un rateau sans sac, tel que ceux qu'on emploie à la pêche des moules sur les fonds qui ne découvrent pas, & ils entraînent les huîtres avec ce rateau.

Pêche des huîtres à la drague, comme elle se fait dans le ressort de l'amirauté de Marennes. Cette drague n'est armée que d'un seul couteau. On pêche depuis la fin de Septembre jusqu'à la fin d'Avril. Il faut donc publier la déclaration pour défendre la pêche en Mai, Juin, Juillet & Août, afin que les parcs ou fosses d'huîtres que l'on fait vuider de bord & d'autre soient garnis.

Il se ramasse aussi beaucoup d'huîtres à la basse eau de chaque marée, sur-tout des vives eaux.

Les pêcheurs & les sauniers qui sont autour de cette baie font des fosses vers le rivage, profondes d'environ dix-huit à vingt-quatre pouces ; ces fosses, qu'ils appellent étangs, sont contigus, & même font partie des parcs des salines. Les pêcheurs y jettent leurs huîtres pêle-mêle sans aucune précaution ; elles y sont couvertes de vase noire pendant le séjour qu'elles y font, s'engraissent & se verdissent, mais après y avoir demeuré environ une ou deux années au moins. L'eau salée qui monte toutes les marées dans la baie n'entre point dans ces fosses que le pêcheur ne le juge à-propos. Les pluies d'eau douce avancent fort la préparation des huîtres vertes. Le transport ne s'en fait que depuis le commencement d'Octobre jusqu'à la fin de Mars ; mais elles ne sont d'excellente qualité qu'au bout de deux à trois ans. Voyez toutes ces pêches d'huîtres dans nos Planches, où l'on a aussi représenté les étangs ou parcs aux huîtres vertes. Voyez aussi l'article SALINES.

HUITRE, (Diete & Mat. méd.) Les huîtres excitent le sommeil ; elles donnent de l'appétit ; elles provoquent les ardeurs de Vénus ; elles poussent par les urines & lachent un peu le ventre ; elles nourrissent peu. Leur usage est estimé par quelques-uns salutaire aux scorbutiques & à ceux qui sont attaqués de la goutte. Je ne conçois pas bien par quel endroit ils les croyent si convenables à ces sortes de maladies. L'opinion commune est que l'huître se digere difficilement, & qu'elle cause des obstructions quand on en fait un usage fréquent ; cependant l'expérience n'est pas bien d'accord avec cette opinion, car on voit tous les jours des gens en manger soir & matin, & en assez grande quantité, sans en être incommodés. On remarque même qu'elles passent assez vîte, & plusieurs gens assurent qu'aucun aliment ne leur fortifie davantage l'estomac. Lémery, traité des alimens.

On peut ajoûter à ces éloges l'observation très-connue des excès qu'on voit pratiquer impunément dans l'usage des huîtres. Il n'est pas rare de trouver des personnes qui avalent cent, & même cent cinquante huîtres à peine machées : ce qui ne sert que de prélude à un dîner très-copieux, & qui leur réussit à merveille.

Mais d'un autre côté les huîtres sont un de ces alimens pour qui plusieurs personnes ont un dégoût invincible. Ce dégoût est naturel chez quelques-unes, mais il est dû chez quelques autres à une espece d'empreinte laissée dans leur estomac par une indigestion d'huîtres ; ainsi sur ce point, comme sur la plûpart des sujets de diete, le bien ou le mal dépendent d'une certaine disposition inconnue des organes de la digestion & de l'habitude.

Les écailles d'huîtres fournissent à la Pharmacie un alkali terreux, absolument analogue à la mere des perles, au corail, aux yeux d'écrevisse, aux coquilles d'oeuf, & à celles d'escargot, &c. Voyez TERREUX, (Mat. méd.)

L'esprit de nitre & l'esprit de sel dissolvent une plus grande quantité de poudre de coquilles d'huîtres, que des autres alkalis de la même nature, savoir des perles, des coraux & de la nacre de perles.

La facilité de leur dissolution semble dépendre en partie de ce que la substance de la coquille d'huître est remplie d'un sel salin, qui paroît manifestement sur la langue ; ce sel tient déjà la coquille à demi-dissoute, laquelle étant d'ailleurs fort tendre & fort friable, admet aisément les pointes des acides pour en achever la dissolution ; au lieu que la substance des perles & de la nacre de perle n'étant pas entremêlée d'un sel salin, au contraire étant un corps sec & très-dur, leur dissolution est plus difficile.

Peut-être que la facilité de la dissolution des coquilles d'huîtres est une des raisons de ses bons effets dans les estomacs gâtés par des acides, indépendamment de la quantité de sel salin qu'elles contiennent, lequel ne paroît pas un simple sel marin, mais un sel qui a reçu un grand changement par l'animal ; ce qui est confirmé par la forte odeur & par le goût pénétrant (outre le salin) de cette eau qui se trouve dans les interstices des feuilles qui composent la coquille lorsqu'on la casse avant qu'elle soit fort seche.

On prépare les coquilles d'huîtres différemment ; mais comme la préparation les peut altérer & gâter, particulierement lorsqu'on les calcine par le feu, M. Homberg a communiqué dans les mém. de l'acad. des Scienc. ann. 1700, la maniere dont il se servoit pour les préparer.

" Prenez, dit-il, cette partie de la coquille de l'huître qui est creuse, en jettant l'autre moitié qui est plate ; lavez-les bien des ordures extérieures, & faites-les secher pendant quelques jours au soleil ; étant seches, pilez-les dans un mortier de marbre, elles se mettront en bouillie ; exposez-les de nouveau au soleil pour les sécher ; puis achevez de les piler, & passez la poudre par un tamis fin ".

Les coquilles d'huîtres entrent dans le remede de mademoiselle Stephens pour la pierre.

Les Romains donnerent long-tems la préférence aux huîtres du lac Lucrin, qu'Horace appelle Lucrina conchylia ; ensuite ils aimerent mieux celles de Brindes & de Tarente ; & finalement ils ne purent plus souffrir que celles de l'océan Atlantique. Nous sommes devenus aussi délicats que les Romains ; nous ne goûtons aujourd'hui que les huîtres vertes. Voyez à l'article PECHE DES HUITRES, comment on les verdit.

Mais le secret que les Romains avoient de conserver les huîtres ne nous est pas parvenu. Apicius l'a gardé pour lui. Il vivoit sous Trajan, & lui fit parvenir des huîtres très-fraîches au pays des Parthes. C'est ce même Apicius, selon quelques critiques, qui composa le fameux traité de re culinaria. Torinus trouva, dit-on, cet ouvrage dans l'isle de Maguelone, près de Montpellier, & le fit imprimer à Basle en 1541 in-4°. (D.J.)


HUITZIL-XOCHITLS. m. (Hist. nat. Botan.) arbre du Mexique, dont le tronc est droit & uni ; son écorce est verdâtre & son bois fort blanc ; ses feuilles sont aigues & dentelées ; ses fleurs sont jaunâtres vers les bords. Cet arbre fournit une résine qui a l'odeur de l'aneth.


HUITZITZILS. m. (Ornitholog.) petit oiseau du Mexique ; il n'est pas plus gros qu'un papillon, a le bec long & les plumes belles & déliées ; on en fait des tableaux. Il boit la rosée & suce les fleurs. Quand il est las, il fiche son bec dans le tronc des arbres, & y demeure attaché pendant six mois comme s'il étoit mort ; mais les pluies revenant, & la terre s'embellissant de fleurs, le huitzitzil quitte l'arbre & vole dans la campagne.


HUIUou HUJUSCE DIEI, (Mytholog.) surnom donné par les Romains à la Fortune. Elle avoit un temple à Rome, qui lui fut élevé par Q. Catullus, pour s'acquiter d'un voeu qu'il avoit fait le jour où il vainquit les Cimbres conjointement avec Marius.


HULL(Géog.) Hullum, ville forte & commerçante d'Angleterre en Yorkshire, avec un bon port & un arsenal, au confluent de la riviere de même nom avec celle de Humber. Edouard 1er en est le fondateur ; elle est à 12 lieues S. E. d'Yorck. Long. suivant Strect, 19. 40. 49. lat. 53. 50. (D.J.)


HULOTULOT, s. m. (Marine) c'est l'ouverture où l'on met le moulinet de la barre nommée manivelle. Voyez Planche 4, Marine, n °. 180.


HULOTEHULOT, GRIMAUD, MACHETTE, AVETTE, (Hist. nat. Ornith.) Strix cinerea & forte ulula Aldrovandi. Oiseau de proie, qui ne sort de sa retraite que la nuit. Willughbi a donné la description d'une hulote qui pesoit près de douze onces, & qui avoit deux piés huit pouces d'envergure, & environ treize pouces de longueur depuis l'extrémité du bec jusqu'au bout des doigts & de la queue. Il n'y avoit point de membrane sur la base du bec de cet oiseau & de ceux de son genre, comme il s'en trouve sur la base du bec des oiseaux de proie qui se montrent le jour. Les yeux de la hulote sont très-grands, le bord des paupieres est noir. Cet oiseau a très-peu de poids à proportion de son volume, dont la plus grande partie est en plumes. Celles qui sont disposées en cercle autour des yeux & du bec sont fortes & de couleur mêlée de blanc & de brun ; le corps est panaché de cendre & de brun ; il y a sur la poitrine des taches oblongues & noires, & sur les grandes plumes des aîles des taches transversales noirâtres & roussâtres. Les piés sont couverts de plume ; la plante est jaune ; le doigt extérieur peut s'étendre en arriere ; le côté intérieur de l'ongle du doigt du milieu est tranchant. Willughbi Ornit. Voyez OISEAU.


HULOTSS. m. pl. (Marine) ce sont les ouvertures qui sont dans le panneau de la fosse aux cables.


HULST(Géog.) petite, mais forte ville des Pays-Bas Hollandois, au Comté de Flandres, capitale d'un bailliage de même nom au quartier de Gand. Elle fut enfermée de murailles en 1426. Les confédérés la prirent en 1578, le duc de Parme en 1583, le prince Maurice en 1591, l'archiduc Albert en 1596, & Fredéric-Henri, prince d'Orange, la reprit aux Espagnols en 1615 : depuis ce tems elle est restée aux Hollandois. Elle est à 6 lieues N. O. d'Anvers, 7 N. E. de Gand. Longit. 21. 35. latit. 51. 16.

C'est la patrie de Cornelius Jansénius, professeur en Théologie à Louvain, & qui à son retour du Concile de Trente, fut récompensé par le pape de l'évêché de Gand, où il mourut en 1576, âgé de 66 ans. Quoiqu'il ait publié plusieurs ouvrages, il ne faut pas le confondre avec le fameux Corneille Jansénius, qui étoit évêque d'Ypres en 1635, mort de la peste en 1638, & qui, depuis son décès, est devenu, sans s'en douter, chef d'une secte que la seule persécution peut étendre dans l'église & dans l'état. (D.J.)


HUMAINadj. (Gram.) qui appartient à la nature de l'homme. Voyez NATUREL.

Le corps humain est l'objet de la Médecine. Voyez CORPS & MEDECINE.

Epicure & ses sectateurs nient que les dieux se mêlent des choses humaines. Voyez EPICURIENS.

On distingue la foi en divine & en humaine. Voyez FOI.

* HUMAINE ESPECE. (Hist. nat.) L'homme considéré comme un animal, offre trois sortes de variétés ; l'une est celle de la couleur ; la seconde est celle de la grandeur & de la forme ; la troisieme est celle du naturel des différens peuples.

En passant d'un pole à l'autre, & en commençant par le nord, on trouve d'abord les Lapons Danois, Suédois, Moscovites & indépendans, les Zembliens, les Borandiens, les Samoïedes, les Tartares septentrionaux, & peut-être les Ostiaques dans l'ancien continent, les Groenlandois & les Sauvages au nord des Esquimaux. On croiroit que c'est une race d'hommes dégénérée, d'une petite stature & d'une figure bizarre. Ils ont tous le visage large & plat, le nez camus & épaté, l'iris de l'oeil jaune, brun & tirant sur le noir, les paupieres retirées vers les tempes, les joues très-élevées, la bouche grande, le bas du visage étroit, les levres épaisses, la voix grêle, la tête grosse, les cheveux noirs & lisses, la peau basanée & couleur d'olive foncée. Ils sont petits, trapus & maigres : la plûpart n'ont que quatre piés de hauteur, les plus grands que quatre piés & demi. Les femmes sont aussi laides que les hommes ; leurs mammelles sont très-considérables ; elles en ont le bout noir comme du charbon : des voyageurs disent qu'elles n'ont de poil que sur la tête, & qu'elles ne sont pas sujettes à l'évacuation périodique.

Tous ces peuples laids sont grossiers, superstitieux & stupides. Les Lapons Danois consultent un gros chat noir. Les Suédois appellent le diable avec un tambour. Ils courent en patins sur la neige avec tant de vîtesse, qu'ils atteignent sans peine les animaux les plus légers. Ils ont l'usage de l'arc & de l'arbalête, & ils s'en servent très-adroitement. Ils chassent ; ils vivent de poisson sec, de la chair de renne ou d'ours, & de pain fait de la farine d'os de poisson broyée & mêlée avec l'écorce tendre du pin ou du bouleau ; ils boivent de l'huile de baleine & de l'eau. Ils n'ont presqu'aucune idée de Dieu ni de religion. Ils offrent aux étrangers leurs femmes & leurs filles. Ils habitent sous terre ; ils s'éclairent avec des lampes pendant leur nuit, qui est de plusieurs mois. Les femmes sont habillées de peaux de rennes en hiver, & de peaux d'oiseaux en été. Dans cette derniere saison, ils se défendent de la piqueure des moucherons par une épaisse fumée qu'ils entretiennent autour d'eux. Ils sont rarement malades. Leurs vieillards sont robustes ; seulement la blancheur des neiges & la fumée leur affoiblissent la vûe, & il y en a beaucoup qui sont aveugles.

Les Tartares occupent un espace immense. Ils ont le haut du visage large & ridé, le nez court & gros, les yeux petits & enfoncés, les joues fort élevées, le bas du visage étroit, le menton long & avancé, la machoire supérieure enfoncée, les dents longues & séparées, les sourcils gros & couvrant l'oeil, les paupieres épaisses, la face plate, le teint basané & olivâtre, les cheveux noirs, la stature médiocre, le corps fort & robuste, la barbe rare & par bouquets, les cuisses grosses, les jambes courtes. Ceux qu'on appelle Calmouques sont d'un aspect effroyable. Ils vivent de la chair du cheval, du chameau, & boivent le lait de jument fermenté avec de la farine de millet. Ils ne gardent de cheveux qu'un toupet, qu'ils laissent croître assez pour en faire une tresse de chaque côté du visage. Les femmes sont aussi laides que les hommes. Ils n'ont ni moeurs ni religion.

Le sang Tartare s'est mêlé d'un côté avec les Chinois, & de l'autre avec les Russes orientaux ; & ce mêlange n'a pas tout-à-fait effacé les traits de la race primitive.

Il y a parmi les Russes ou Moscovites beaucoup de visages Tartares, des corps quarrés, des cuisses grosses & des jambes courtes.

Les Chinois ont les membres bien proportionnés, sont gros & gras, ont le visage large & rond, les yeux petits, les sourcils grands, les paupieres élevées, le nez petit & écrasé, la barbe éparse & par épis. Ceux qui habitent les provinces méridionales sont bruns & d'un teint plus basané que les autres. Les habitans du milieu de l'empire sont blancs : au reste, ces caracteres varient ; mais en général ces peuples sont mols, pacifiques, indolens, superstitieux, soumis, esclaves & cérémonieux.

Les Japonois sont assez ressemblans aux Chinois, quant à la figure ; mais altiers, aguerris, adroits, vigoureux, inconstans & vains, capables de supporter la faim, la soif, le froid, le chaud & la fatigue ; ils sont d'un caractere fort différent.

Les Chinois & les Japonois sont dans l'usage d'empêcher le pié de croître à leurs femmes par des moyens violens, ensorte qu'elles ne peuvent marcher.

Les habitans du pays froid, stérile & montueux d'Yeço, voisins des Chinois & des Japonois, sont grossiers, brutaux, sans moeurs & sans arts, ont le corps court & gros, les cheveux longs & hérissés, les cheveux noirs, le front plat, le teint jaune, le corps & même le visage velus, & sont paresseux & mal-propres.

Les Cochinchinois, dont la contrée est plus montueuse & plus méridionale que la Chine, sont plus basanés & plus laids que les Chinois.

Les Tunquinois, dont le pays est meilleur, & qui vivent sous un climat moins chaud, sont mieux faits & moins laids que les Cochinchinois.

Les Siamois, les Péguans, les habitans d'Aracan, de Laos, &c. sont assez ressemblans aux Chinois ; ils ne different plus ou moins que par la couleur.

Le goût pour les grandes oreilles est commun à tous les peuples de l'orient, & les uns les ont longues naturellement, les autres les allongent par art.

Ces peuples ne different gueres des Chinois, & tiennent encore des Tartares les yeux petits, le visage plat & la couleur olivâtre ; mais en descendant vers le midi, les traits commencent à changer & à se diversifier.

Les habitans de la presqu'isle de Malaca & de l'isle de Sumatra sont noirs, petits, vifs, bien proportionnés, braves & fiers.

Ceux de Java, voisins de Sumatra & de Malaca, tiennent des Chinois ; ils ont seulement la couleur rouge, mêlée de noir des malais. Il faut cependant en excepter les Chacrelas. Ceux-ci sont blonds & blancs, ont les yeux foibles, ne peuvent supporter le grand jour, & ne voyent bien que la nuit.

On prétend que dans l'îsle de Mindoro & dans l'isle Formose il y a des hommes à queue : ce fait est suspect ; mais un autre fait qui ne l'est pas, c'est qu'il n'est permis aux femmes mariées d'avoir des enfans qu'à 35 ou 37 ans. Si elles deviennent grosses plûtot, les prêtresses les foulent aux piés & les font avorter.

Aux isles Marianes ou des Larrons, les hommes sont très-grands, très-robustes & très-grossiers ; ils ne vivent que de racines, de fruits & de poisson, & cependant ils parviennent à l'extrême vieillesse.

Au midi des isles Marianes, & à l'orient des Moluques, on trouve la terre des Papous & la nouvelle Guinée. Les Papous sont noirs comme les Cafres, ont les cheveux crêpus, le visage maigre & laid. Parmi ces Papous si noirs, il y a des hommes blonds & blancs.

Les Mogols & les autres peuples de la presqu'isle de l'Inde ressemblent aux Européens pour la taille & les traits ; mais ils en different plus ou moins par la couleur. Les Mogols sont olivâtres.

Les Bengalois sont plus jaunes que les Mogols. Ils sont beaux & bien faits. Leurs femmes passent pour les plus lascives de l'Inde.

Les habitans de la côte de Coromandel sont plus noirs que les Bengalois & moins civilisés. Ceux de la côte de Malabar sont encore plus noirs.

Les côutumes de ces différens peuples de l'Inde sont bisarres. Les Banianes ne mangent de rien de ce qui a vie. Ils craignent de tuer un insecte. Les Naires de Calicut sont au contraire tous chasseurs ; ils ne peuvent avoir qu'une femme, mais leurs femmes peuvent prendre autant de maris qu'il leur plaît. Il y a des hommes & des femmes parmi ces derniers qui ont les jambes monstrueuses.

Les habitans de Ceylan ressemblent assez à ceux de la côte de Malabar.

Les Maldivois olivâtres sont bien faits.

Les habitans de Cambaye ont le teint gris.

Les Persans, voisins des Mogols, en sont peu différens. Il y a dans la Perse beaucoup de belles femmes, mais elles y sont amenées des autres contrées.

Les peuples de la Perse, de la Turquie, de l'Arabie, de l'Egypte & de toute la Tartarie peuvent être regardés comme une même nation.

Les Arabes vivent misérablement. Ils n'ont des peuples policés que la superstition. Les Egyptiens sont grands, & leurs femmes petites.

Les peuples qui habitent entre le 20 & le 30 ou 35 degré de latitude Nord dans l'ancien continent, depuis l'empire du Mogol jusqu'en Barbarie, & même depuis le Gange jusqu'aux côtes occidentales de Maroc, ne sont pas font différens les uns des autres. Les hommes en général y sont bruns & basanés, assez beaux & bien faits. Si l'on examine ceux qui habitent sous un climat plus tempéré, on trouvera que les hommes des provinces septentrionales du Mogol & de la Perse, les Arméniens, les Turcs, les Géorgiens, les Mingreliens, les Circassiens, les Grecs & tous les peuples de l'Europe sont les plus blancs, les plus beaux & les mieux proportionnés de la terre ; & que, quoiqu'il y ait fort loin de Cachemire en Espagne, & de la Circassie en France, il ne laisse pas d'y avoir une singuliere ressemblance entre ces peuples si éloignés les uns des autres, mais situés à peu-près à une égale distance de l'équateur.

Les Cachemiriens sont beaux ; le sang est encore plus beau en Géorgie qu'à Cachemire. Les femmes de Circassie sont renommées pour leurs charmes, & c'est à juste titre. Les Mingreliens ne le cedent en rien à ces peuples. Tous ces peuples sont blancs.

Les habitans de la Judée ressemblent aux autres Turcs ; ils sont seulement plus bruns que ceux de Constantinople. Il en est de même des Grecs ; ceux de la partie septentrionale sont fort blancs, ceux des îles ou provinces méridionales sont bruns. En général, les femmes greques sont plus belles & plus vives que les femmes turques.

Les Grecs, les Napolitains, les Siciliens, les habitans de Corse, de Sardaigne, & les Espagnols, situés à peu-près sous un même parallele, sont assez semblables pour le teint ; mais plus basanés que les François, les Anglois, les Allemands, les Polonois, les Moldaves, les Circassiens, & les autres habitans du Nord de l'Europe, jusqu'en Laponie, où l'on trouve une autre espece d'hommes.

Les Espagnols sont maigres & assez petits. Ils ont la taille fine, la tête belle, les traits réguliers, les yeux beaux, les dents assez bien rangées, mais le teint jaune & basané.

Les hommes à cheveux noirs ou bruns commencent à être rares en Angleterre, en Flandre, en Hollande, & dans les provinces septentrionales de l'Allemagne. On n'en trouve presque point en Danemarck, en Suede, en Pologne.

Les Goths sont de haute taille ; ils ont les cheveux lisses, blonds, argentés, & l'iris de l'oeil bleuâtre.

Les Finois ont le corps musculeux & charnu, les cheveux blonds, jaunes & longs, & l'iris jaune-foncé.

Les Suédoises sont fécondes, & les hommes y vivent long-tems.

L'homme est plus chaste dans les pays froids que dans les climats méridionaux. On est moins amoureux en Suéde qu'en Espagne ou en Portugal, & cependant les Suédoises font plus d'enfans. On a appellé le Nord officina gentium.

Les Danois sont grands & robustes, d'un teint vif & coloré. Les femmes danoises sont blanches, assez bien faites, & fécondes.

Les Ingriens & les Carliens qui habitent les provinces septentrionales de la Moscovie, sont vigoureux & robustes. Ils ont pour la plûpart des cheveux blonds, & ressemblent assez aux Finois.

Il suit de ce qui précede, que la couleur dépend beaucoup du climat, sans en dépendre entierement. Il y a différentes causes qui doivent influer sur la couleur, & même sur la forme des traits ; telles sont la nourriture & les moeurs.

Achevons de parcourir l'Afrique. Les peuples qui sont au-delà du tropique, depuis la mer Rouge jusqu'à l'Océan, sont des especes de Maures, mais si basanés qu'ils paroissent presque tous noirs ; ils sont mêlés de beaucoup de mulâtres.

Les negres du Sénégal & de Nubie sont très-noirs, excepté les Ethiopiens & les Abyssins. Les Ethiopiens sont olivâtres ; ils ont la taille haute, les traits du visage bien marqués, les yeux beaux & bien fendus, le nez bien fait, les levres petites & les dents blanches. Les Nubiens ont les levres grosses & épaisses, le nez épaté, & le visage fort noir.

Il y a sur les frontieres des deserts de l'Ethiopie un peuple appellé Acridophages ou mangeurs de sauterelles. Ils vivent peu. Cette nourriture engendre dans leurs chairs des insectes qui les dévorent. Après avoir vêcu d'insectes, ils en sont mangés.

En examinant les différens peuples qui composent les races noires, on y remarque autant de variétés que dans les races blanches ; mêmes nuances du brun au noir que du blanc au brun.

Les habitans des îles Canaries ne sont pas des negres, ils n'ont de commun avec eux que le nez applati. Ceux qui habitent le continent de l'Afrique à la hauteur de ces îles, sont des Maures assez basanés, mais appartenans à la race des blancs. Les habitans du Cap blanc sont encore des Maures. Ces Maures s'étendent jusqu'à la riviere du Sénégal, qui les sépare d'avec les negres. Les negres sont au midi & absolument noirs.

Les Maures sont petits, maigres & de mauvaise mine, avec de l'esprit & de la finesse. Les Negres sont grands, gros, bien faits, mais niais & sans génie.

Il y a au nord & au midi du fleuve, des hommes qu'on appelle Foules, qui semblent faire la nuance entre les Maures & les Negres. Les Foules ne sont pas tout-à-fait noirs comme les Negres, mais ils sont bien plus bruns que les Maures.

Les îles du cap Verd sont toutes peuplées de Mulâtres, venus des premiers Portugais & des Negres qui s'y trouverent ; on les appelle Negres couleur de cuivre.

Les premiers Negres qu'on trouve sont sur le bord méridional du Sénégal ; on les nomme Jalofes. Ils sont tous fort noirs, bien proportionnés, d'une taille assez avantageuse, & moins durs de visage que les autres Negres. Ils ont les mêmes idées de la beauté que nous ; il leur faut de grands yeux, une petite bouche, des levres fines & un nez bien fait, mais la couleur très-noire & fort luisante. A cela près, leurs femmes sont belles, mais elles donnent cependant la préférence aux blancs.

L'odeur de ces Negres du Sénégal est moins forte que celle des autres Negres. Ils ont les cheveux noirs, crépus, & comme de la laine frisée. C'est par les cheveux & la couleur qu'ils different principalement des autres hommes.

Si le nez est épaté, si les levres sont grosses par artifice en quelques contrées, il est certain que dans d'autres ces traits sont donnés par la nature.

Les Négresses sont fort fécondes. Les Negres de Gorée & du cap Verd sont aussi bien faits & très-noirs. Ceux de Sierra-leona ne sont pas tout-à-fait si noirs que ceux du Sénégal. Ceux de Guinée, quoique sains, vivent peu. C'est une suite de la corruption des moeurs.

Les habitans de l'île de Saint-Thomas sont des Negres semblables à ceux du continent voisin. Ceux de la côte de Juida & d'Arada sont moins noirs que ceux du Sénégal & de Guinée. Les Negres de Congo sont noirs, mais plus ou moins. Ceux d'Angola sentent si mauvais lorsqu'ils sont échauffés, que l'air des endroits où ils ont passé en reste infecté pendant plus d'un quart d'heure.

Quoiqu'en général les Negres aient peu d'esprit, ils ne manquent pas de sentiment. Ils sont sensibles aux bons & aux mauvais traitemens. Nous les avons réduits, je ne dis pas à la condition d'esclaves, mais à celle de bêtes de somme ; & nous sommes raisonnables ! & nous sommes chrétiens !

On ne connoît guere les peuples qui habitent les côtes & l'intérieur des terres de l'Afrique depuis le cap Negre jusqu'au cap des Voltes. On sait seulement que les hommes y sont moins noirs, & qu'ils ressemblent aux Hottentots dont ils sont les voisins.

Les Hottentots ne sont pas des Negres, mais des Cafres, qui se noircissent avec des graisses & des couleurs. Cependant ils ont les cheveux laineux & frisés. On pourroit les regarder dans la race des noirs comme une espece qui tend à se rapprocher des blancs, ainsi que dans la race des blancs, les Maures comme une espece qui tend à se rapprocher des noirs.

Les femmes des Hottentots sont petites. Elles ont une excroissance de chair ou de peau dure & large, qui commence au-dessus de l'os pubis, & qui leur tombe jusqu'au milieu des cuisses comme un tablier. L'usage est de ne laisser aux hommes qu'un testicule.

Les Hottentots ont tous le nez épaté & les levres grosses. On dit qu'une petite fille enlevée de chez ce peuple, & nourrie en Hollande, y devint blanche.

Les habitans de la terre de Natal sont moins malpropres & moins laids que les Hottentots. Ils ont cependant les cheveux frisés & le nez plat.

Ceux de Sofola & du Monomotapa sont encore mieux que ceux de Natal ; & les peuples de Madagascar & de Mozambique, quoique noirs, ne sont pas Negres.

Il paroît que les Negres proprement dits, sont différens des Cafres, qui sont des noirs d'une autre espece ; mais ce qui acheve de résulter de ces observations, c'est que la couleur est principalement un effet du climat, & que les traits dépendent des usages.

L'origine des noirs a fait de tous les tems une grande question. Les anciens les regardoient comme la dernier nuance des peuples basanés. Voyez l'article NEGRES.

Nous allons considérer les différens peuples de l'Amérique, comme nous avons considéré ceux des autres parties du monde.

Au nord de l'Amérique on trouve des especes de Lapons semblables à ceux d'Europe & aux Samoïedes d'Asie. Ceux du détroit de Davis sont petits, olivâtres, à jambes courtes & grosses, & voisins comme en Europe, d'une espece grande, bien faite, & blanche, avec un visage fort régulier.

Les sauvages de la baie d'Hudson & du nord de la terre de Labrador, ne paroissent pas de la même race. Ils sont laids, petits, mal faits, & ont le visage presque couvert de poil, comme les habitans du pays d'Yeço.

Les sauvages de terre neuve ressemblent assez à ceux du détroit de Davis.

Les sauvages du Canada & de toute la profondeur des terres, jusqu'aux Assiniboils, sont grands, forts, robustes & bien faits. Ils ont tous les cheveux & les yeux noirs, les dents blanches, le tein basané, peu de barbe, & presque point de poil en aucune partie du corps ; rien de plus ressemblant qu'eux aux Tartares orientaux : aussi sont-ils sous la même latitude.

Les peuples de la Floride, du Mississipi, & des autres parties méridionales de l'Amérique septentrionale, sont plus basanés que ceux du Canada, sans cependant être bruns. Les Apalachites, voisins de la Floride, sont grands & bien proportionnés, ont les cheveux noirs & longs, & la couleur olivâtre.

Les naturels des îles Lucaies sont moins basanés que ceux de Saint-Dominique & de l'île de Cuba.

Les Caraibes ont la taille belle, sont beaux, forts, dispos & sains. Quelques-uns ont le front & le nez applatis ; mais c'est par un caprice d'altérer la figure humaine, assez général chez tous les sauvages. Leurs dents sont belles, leurs cheveux longs & lisses, leurs dents bien rangées, & leur teint olivâtre. Ils aiment la liberté au point qu'ils se laissent mourir plutôt que de servir. Leurs femmes sont petites, ont les yeux noirs, le visage rond, les dents blanches & l'air gai, au contraire des hommes qui sont tristes & mélancoliques.

Les naturels du Mexique sont bien faits, dispos, bruns & olivâtres. Ils ont peu de poils, même aux sourcils ; cependant les cheveux longs & fort noirs.

Les habitans de l'isthme de l'Amérique sont de bonne taille & d'une jolie tournure ; mais ils ont le tein basané, ou de couleur de cuivre jaune ou d'orange, & les sourcils noirs comme le jais. Parmi eux il y a des individus blancs, mais d'un blanc de lait. Ils ont la peau couverte d'un duvet blanc, les paupieres en forme de croissant dont les pointes tournent em-bas, la vûe si foible, qu'ils ne sortent & ne voient que la nuit. Voilà les analogues des Chacrelas de Java, & des Bédas de Ceylan. Ces blancs naissent de peres & de meres couleur de cuivre ; ce qui feroit penser que les Chacrelas & les Bédas viennent aussi de peres & de meres basanés, sur-tout après les exemples qu'on a parmi les Negres, de blancs nés de peres & de meres noirs. Ce qu'il y a de bizarre, c'est que cette variété n'a lieu que du noir au blanc, & non du blanc au noir. Il n'arrive point chez les blancs qu'il naisse des individus noirs.

Les peuples des Indes orientales, de l'Afrique & de l'Amérique où l'on trouve ces hommes blancs, sont tous sous la même latitude. Autre singularité.

Le blanc paroît donc être la couleur primitive de la nature, que le climat, la nourriture & les moeurs alterent, & font passer par le jaune & le brun, & conduisent au noir.

Les hommes d'un blond blanc ont les yeux foibles, & souvent l'oreille dure. On prétend que les chiens blancs, sans aucune tache, sont sourds ; & en effet il y en a des exemples.

Les Indiens du Pérou sont de couleur de cuivre, comme ceux de l'isthme, à moins qu'ils n'habitent des lieux élevés ; alors ils sont blancs. Ceux de la terre ferme, le long de la riviere des Amazones & le continent de la Guiane, sont basanés, rougeâtres, plus ou moins clairs, excepté les Arras, qui sont presque aussi noirs que les Negres.

Les sauvages du Brésil sont à peu-près de la taille des Européens, mais plus forts, plus robustes & plus dispos. Ils ont peu de maladies, vivent long-tems, ont la tête grosse, les épaules larges, les cheveux longs, & sont basanés.

Les habitans du Paraguay ont la taille assez belle & assez élevée, le visage un peu long & la couleur olivâtre. Ils sont sujets à une espece de lepre qui leur couvre tout le corps, sans les incommoder beaucoup.

Les Indiens du Chili sont d'un basané de cuivre rouge, mais non mêlé de blanc & de noir, comme les Mulâtres qui viennent d'un blanc & d'une Négresse, ou d'une blanche & d'un Negre ; du reste ce sont des hommes vigoureux.

C'est à l'extrémité du Chili, vers les terres Magellaniques, qu'on place une race gigantesque appellée les Patagons ; on leur donne jusqu'à neuf à dix piés de hauteur. Mais la hauteur commune de l'homme étant de cinq piés, elle ne s'étend guere qu'à un pié au-dessus ou au-dessous.

De ce qui précede il suit que dans tout le nouveau continent que nous venons de parcourir, il n'y a qu'une seule & même race d'hommes, plus ou moins basanés. Les Américains sortent d'une même souche. Les Européens sortent d'une même souche. Du nord au midi on apperçoit les mêmes variétés dans l'un & l'autre hémisphere. Tout concourt donc à prouver que le genre humain n'est pas composé d'especes essentiellement différentes. La différence des blancs aux bruns vient de la nourriture, des moeurs, des usages, des climats ; celle des bruns aux noirs a la même cause. Voyez l'article NEGRES.

Il n'y a donc eu originairement qu'une seule race d'hommes, qui s'étant multipliée & répandue sur la surface de la terre, a donné à la longue toutes les variétés dont nous venons de faire mention ; variétés qui disparoîtroient à la longue, si l'on pouvoit supposer que les peuples se déplaçassent tout-à-coup, & que les uns se trouvassent ou nécessairement ou volontairement assujettis aux mêmes causes qui ont agi sur ceux dont ils croient occuper les contrées. Voyez l'Histoire naturelle de Mrs. de Buffon & d'Aubanton.


HUMANISTES. m. (Littérat.) jeune homme qui suit le cours des études qu'on appelle humanités. Voyez ce mot.


HUMANITÉS. f. (Morale) c'est un sentiment de bienveillance pour tous les hommes, qui ne s'enflamme guere que dans une ame grande & sensible. Ce noble & sublime enthousiasme se tourmente des peines des autres & du besoin de les soulager ; il voudroit parcourir l'univers pour abolir l'esclavage, la superstition, le vice & le malheur.

Il nous cache les fautes de nos semblables, ou nous empêche de les sentir ; mais il nous rend séveres pour les crimes. Il arrache des mains du scélérat l'arme qui seroit funeste à l'homme de bien ; il ne nous porte pas à nous dégager des chaînes particulieres, il nous rend au contraire meilleurs amis, meilleurs citoyens, meilleurs époux ; il se plaît à s'épancher par la bienfaisance sur les êtres que la nature a placés près de nous. J'ai vû cette vertu, source de tant d'autres, dans beaucoup de têtes & dans fort peu de coeurs.

HUMANITE de Jesus-Christ se dit, en Théologie, de la nature humaine que le Verbe a pris en s'incarnant pour la rédemption & le salut du genre humain.

Nestotius ne pouvoit souffrir qu'on attribuât à la Divinité les infirmités & les bassesses de l'humanité, ni à celle-ci les attributs de la Divinité : ce qui l'engagea à soûtenir qu'il n'y avoit en Jesus-Christ qu'une nature. Voyez NESTORIANISME.

L'humanité de Jesus-Christ consistoit à avoir pris un corps & une ame semblables aux nôtres, avec les infirmités qui sont les apanages & les suites de notre nature, excepté le péché, la concupiscence, &c. (G)

HUMANITES, s. f. pl. (Littérat.) signifient les lettres humaines, c'est-à-dire l'étude de la Grammaire, du Grec & du Latin, de la Poésie, de la Rhétorique & des anciens Poëtes, Orateurs, Historiens, en un mot tout ce qu'on a coutume d'enseigner dans les colleges, depuis la sixieme jusqu'à la Philosophie exclusivement. On dit d'un jeune homme qui s'est distingué dans toutes ces classes, qu'il a fort bien fait ses humanités. L'on tient que Calvin fit ses humanités au college de la Marche à Paris.

On appelle particulierement humanités, la classe de seconde, secunda Rhetorices ; & Professeurs d'humanités, humanitatis Professores, ceux qui remplissent cette chaire. Les autres classes, telles que la troisieme, la quatrieme, &c. s'occupent plus immédiatement de la Grammaire. On croit qu'on a nommé les Belles Lettres humanités, parce que leur but est de répandre des graces dans l'esprit, & de la douceur dans les moeurs, & par-là d'humaniser ceux qui les cultivent. (G)


HUMANTINCENTRINE, (Hist. nat. Ichthiol.) poisson de mer qui est aussi appellé bernadet, renard, & porc, parce qu'il se vautre dans la fange : il est du genre des chiens de mer. Il a le corps court, gros & épais, depuis la tête jusqu'à l'anus, en comparaison des autres chiens de mer ; son corps a trois faces, une en-dessous & deux en-dessus. Il y a sur le dos deux nageoires qui ont chacune un aiguillon, la plus grande est placée près de la tête ; ce poisson a une petite nageoire au bout de la queue, & deux de chaque côté du corps, l'une près des ouies, & l'autre près de l'anus. La peau est rude & hérissée de petits aiguillons, qui sont plus forts sur la tête & sur le dos, que sur les autres parties du corps. La tête est petite & applatie ; les yeux sont grands. Il y a deux trous derriere les yeux, & deux au-devant. La bouche est grande ; les dents sont larges & pointues, disposées en trois rangs dans la mâchoire supérieure, & en un seul dans l'inférieure. Rondelet, Hist. des poissons, liv. XIII. Voyez POISSON.


HUMBER L'(Géog.) les François qui changent mal-à-propos l'ortographe des pays, des lieux & langues étrangeres, écrivent l'Humbre, grande riviere d'Angleterre dans la province d'Yorck, ou pour mieux parler, puisqu'elle n'a point de source proprement dite, c'est un golfe, où se rassemblent dans un même lit, l'Ouse, la Trente, le Dun, le Darwent, &c. L'Humber est fort large, & porte toutes ses eaux entre Spurn-head & Grimsby ; il peut avoir environ vingt-cinq milles de longueur de l'ouest à l'est, sans autre port remarquable que celui de Hull, qui est à son embouchure. (D.J.)


HUMBLEadj. (Gramm.) modeste, soumis, sans fierté, sans orgueil. J'ai lû sur la table d'un théologien, humilité, pauvre vertu ; hypocrisie, vérité dont il ne seroit pas difficile de faire l'apologie. On s'humilie devant Dieu, par la comparaison de son infinie puissance & du néant des créatures. On s'humilie à ses propres yeux, en détournant la vue du peu de qualités qu'on possede, & de la multitude des défauts dont elles sont entourées & qui les étouffent. On s'humilie devant les autres, en avouant leur supériorité, ou en acceptant les fonctions qu'ils dédaignent. Humble se prend pour bas. On dit les superbes palais des rois ne se soutiennent que par le travail de celui qui habite une humble cabane. C'est à force de surcharger le malheureux de travail, & de diminuer sa nourriture, que les grands se font une splendeur passagere.

HUMBLE en Anatomie, nom de l'un des quatre muscles droits de l'oeil, appellé aussi abaisseur. Voyez OEIL & DROIT.


HUMECTANTHUMECTANT

En effet, ce qu'on appelle humecter en Medecine, c'est remplir le corps humain de plus de liquide qu'il n'en a, & le disposer en même tems, de façon qu'il en retienne plus qu'il n'avoit coutume de faire auparavant ; l'eau qu'on boit, & qui ne séjourne point dans le corps, le lave, ou le relâche, si elle est chaude, sans l'humecter ; mais si l'on fait bouillir dans l'eau des choses farineuses, elle amollit, elle humecte, & fait que les solides résistent moins au liquide qui y afflue.

Il faut pourtant convenir, que par rapport aux fluides, la difficulté de l'humectation est plus grande qu'à l'égard des solides ; car le sang humain par l'action forte des vaisseaux sur les fluides, acquiert assez vîte un épaississement inflammatoire, & ne se mêle plus alors si facilement avec l'eau qui est introduite dans le corps.

L'on observe dans les maladies aiguës, que l'abondance d'eau que le malade boit, s'écoule aussitôt par les urines & par les sueurs, sans que les urines soient moins rouges & que les symptomes diminuent, parce que l'eau qui circule avec le sang dans les vaisseaux, s'en sépare promtement par tous les canaux excrétoires & sécrétoires : dans ce cas il faut diminuer l'inflammation par les remedes généraux, en même tems qu'on composera des boissons humectantes, par le secours des savons les plus doux, pour que ce mélange se fasse plus aisément avec le sang, & soit plus durable.

Les herbes potageres émollientes & acescentes, le suc des fruits d'été, le miel, le sucre, sont autant de savonneux qui conviennent ici, parce qu'ils divisent le sang trop porté à la concrétion ; ils conviennent encore, si le sang sans disposition inflammatoire, se trouve ténace & visqueux.

Enfin les Grecs faisoient un cas particulier du petit lait pour humecter & pour adoucir ; ils usoient aussi beaucoup dans ce dessein, de décoctions d'écrevisses de riviere : du tems d'Hippocrate elles étoient déja regardées comme très-propres à la cure du marasme, causé par le desséchement. On peut avec facilité donner un goût agréable à toutes les boissons, infusions & décoctions humectantes, lorsqu'elles rebutent par leur fadeur. (D.J.)


HUMECTATIONS. f. HUMECTER, v. act. (Art. méch.) c'est arroser de quelque liqueur une chose seche. La pluie humecte la terre ; le peintre humecte son pinceau, &c.


HUMERv. act. (Physiol.) façon de boire en inspirant ensemble de l'eau & de l'air, desorte que l'air prend la route de la trachée artere, pendant que l'eau reste dans la bouche.

Pour humer, on forme ordinairement une ouverture aux levres plus grande que pour pomper ; on éloigne les levres des mâchoires ; on leve le bout de la langue du côté du palais ; on releve les valvules du gosier, pour que l'air puisse passer ; & enfin, en dilatant la poitrine, on inspire, afin que l'air extérieur presse le liquide, & l'oblige d'entrer dans la bouche avec lui. Voyez le mot BOIRE, où vous trouverez, d'après M. Petit, une explication complete de la maniere dont se fait l'action d'humer. (D.J.)


HUMERALadj. en Anatomie, nom d'une petite artere qui naît de l'artere axillaire, & qui après avoir tourné autour de l'articulation de la tête de l'humérus, se distribue principalement au muscle deltoïde. Voyez AXILLAIRE, HUMERUS, &c.


HUMERUSterme d'Anatomie, c'est le plus élevé des of du bras. Il s'étend depuis l'omoplate jusqu'au coude. Voyez nos Planches d'Anatomie. Voyez aussi BRAS, OMOPLATE, &c.

L'humerus est un gros of long, rond & creux dans toute sa longueur, d'une substance dure & compacte, & rempli de moëlle.

A son extrémité supérieure est une grosse tête ronde, couverte d'un cartilage fort lisse, articulée avec la cavité clinoïde de l'omoplate par exarthrose. Elle est un peu inclinée en-dedans ; on remarque audessous un petit col, & à sa partie antérieure deux tubérosités ; une grande externe sur laquelle on voit trois facettes en empreintes musculaires, & une petite interne ; entre ces deux tubérosités une sinuosité pour le passage de la longue tête du biceps, & immédiatement au-dessous de ces tubérosités, des lignes saillantes qui bordent la sinuosité ; celle de la grosse tubérosité aboutit à deux inégalités de la partie moyenne & antérieure de cet of ; celle de la petite tubérosité va aboutir au condyle interne. Comme cette tête est beaucoup plus grande que la cavité qui la reçoit, la partie restante est fortement embrassée par un ligament dont un des bords est attaché à la levre de la cavité cartilagineuse de l'omoplate, & l'autre tient à la partie inférieure de la tête de cet os, ce qui les unit fortement ensemble, sans empêcher pour cela que son mouvement ne soit le plus libre de toutes les articulations du corps ; ce qui le rend sujet aux dislocations. Voyez OMOPLATE.

A l'extrémité inférieure de l'humerus sont deux apophyses couvertes chacune d'un cartilage. L'extérieure & la plus petite reçoit l'extrémité du rayon, & l'interne la tête de l'os du coude. Voyez RAYON & CUBITUS.

A côté de chaque apophyse est une petite éminence où s'attachent les ligamens & les muscles qui font mouvoir le poignet & les doigts ; la plus saillante est nommée condyle interne, l'autre condyle externe. Voyez CARPE, MAIN & CONDYLE.

On découvre aussi dans cet of trois sinus, l'un sur la surface antérieure de la grande apophyse, qui reçoit l'apophyse coronoïde du cubitus ; l'autre sur la partie postérieure qui reçoit l'olécrane, & le troisieme, qui est de figure sémi-lunaire, & situé entre les deux apophyses, correspond à l'éminence que l'on remarque au milieu de la sinuosité du cubitus. Voyez CUBITUS.


HUMEURS. f. (Econ. anim. Med.) le corps humain est composé de deux sortes de parties, dont les unes sont celles qui contiennent, & les autres celles qui sont contenues : les unes sont essentiellement solides, ou absolument, ou respectivement ; les autres sont pour la plûpart fluides, ou susceptibles de fluidité. Voyez à l'article FIBRE, la digression sur les solides & sur les fluides en général, considerés dans le sens des Physiologistes. Les solides sont sous la forme de canaux, de conduits, de vases ou réservoirs, & constituent ce qu'on entend par vaisseaux dans la structure des animaux. Les fluides sont ce qu'on appelle communément humeurs, en terme vulgairement usité & assez reçû parmi les Medecins, qui répond à ce que les Grecs entendoient par leur .

Ainsi tous les fluides, de quelque espece qu'ils soient, ont des qualités propres au corps animal, c'est-à-dire qu'étant le produit des alimens & de la boisson, ils ont éprouvé de tels changemens, qu'ils forment un composé d'une nature qui non-seulement n'existe nulle part hors le corps humain, mais encore est particuliere à chaque individu ; ensorte que le sang, la bile de Pierre, ne sont pas absolument composés de parties combinées de la même maniere que le sang, la bile de Paul : d'où il suit que chaque homme a son idiosyncrasie, sa constitution particuliere, soit que ces fluides, sous forme de colonne continue, coulent dans les vaisseaux, & se distribuent sans interruption en rameaux proportionnés à leur capacité, soit qu'ils soient contenus dans des cellules qui ont de la communication entr'elles, de maniere à pouvoir passer les unes dans les autres, ou qu'ils coulent dans des réservoirs particuliers, pour être retenus & renfermés pendant quelque tems dans leur cavité, jusqu'à ce qu'ils prennent un autre cours, ou pour circuler de nouveau, ou pour être portés hors du corps ; enfin ces différens fluides considérés tous ensemble, forment ce qu'on entend par la masse des humeurs.

Elles ont tout cela de commun, de n'être sensibles ordinairement que par leur masse, dont les parties intégrantes ne tombent pas naturellement sous les sens ; d'être composées d'un véhicule aqueux plus ou moins abondant, & de molécules de différent volume, mais qui sont figurées de maniere qu'elles ne se touchent que par des surfaces très-peu étendues, ensorte qu'elles ont très-peu de force de cohésion entr'elles, & que la seule action de la vie dans les parties contenantes, suffit pour les tenir séparées les unes des autres, ou au moins leur laisser si peu de consistance, qu'elles en acquierent une véritable fluidité, quoiqu'accidentelle seulement dans la plûpart, qui empêche qu'elles ne forment de concrétions tant qu'elles sont rassemblées : d'où il suit cependant qu'elles ne tiennent cette fluidité que de l'action des parties contenantes, puisque toutes les humeurs, excepté celles qui abondent en véhicule, perdent cette qualité, dès que cette action cesse d'être suffisante pour cet effet, ou qu'elles n'y sont plus exposées. Voyez FLUIDITE, (Econ. anim.)

Les humeurs, telles qu'on vient d'en donner l'idée, ne sont donc pas d'une nature homogene dans leur composition : soit que l'on cherche à la connoître par le raisonnement méchanique, soit qu'on tâche de la découvrir en les observant par le moyen du microscope, on trouve qu'elles sont formées de deux sortes de parties en général, dont les unes sont fluides de leur nature, c'est-à-dire par les causes communes de leur liquidité. Voyez LIQUIDITE. Les autres sont visqueuses & disposées à perdre la fluidité qu'elles ne tiennent, comme il a été dit, que du mouvement, de l'agitation dans laquelle les met l'action des solides qui les contiennent ; d'où il suit qu'on ne doit pas les regarder comme des liquides proprement dits, mais seulement comme des fluides par accident : ainsi on conçoit, & on peut même l'observer, que plus elles ont de fluidité, plus on y voit en grand nombre de petites spheres ou globules de différent genre ; mais tout étant égal, de plus petits volumes plus ou moins polis, qui entrent dans leur composition, & que plus elles ont de consistance, plus les globules s'éloignent de la figure sphérique, & plus il s'y trouve de parties fibreuses mucilagineuses, mêlées avec ces globules, lesquelles sont susceptibles de s'unir entr'elles par un plus grand nombre de points qu'on ne l'observe par rapport à ceux-ci.

Ensorte que la fluidité des humeurs doit être dans les unes relativement aux autres, en raison du plus ou du moins d'étendue dans les contacts des parties qui les composent, ainsi elle est différente à proportion qu'elles sont formées de parties hétérogenes plus ou moins fluides par elles-mêmes ; puisqu'on y observe en effet des parties bien différentes entr'elles, aëriennes, aqueuses, huileuses, mucilagineuses, selines, terreuses, qui différemment combinées, constituent conjointement, ou quelques-unes d'elles, la diversité des fluides du corps humain, en tant qu'elles ont un véhicule plus ou moins abondant, qui renferme des molécules de différente grosseur & de différente gravité specifique, figurées de maniere à être plus ou moins susceptibles de cohésion, par conséquent de différente consistance.

Comme il résulte donc qu'il y a un grand nombre d'especes de fluides ou d'humeurs dans le corps humain, à proportion des différentes combinaisons de leurs différentes parties, les Medecins tant anciens que modernes, les ont distinguées en plusieurs classes pour établir plus d'ordre dans la théorie de leur art, en tant qu'elle a pour objet de considérer leur origine, leur élaboration, leurs qualités, & les usages auxquels la nature les a destinées, soit par rapport à l'état de santé, soit par rapport à celui de maladie.

La distinction entre les humeurs étoit déja connue dès le tems d'Hippocrate : après avoir établi trois principes particuliers du corps humain, savoir le solide, l'humide & les esprits, c'est-à-dire ce qui contient, ce qui est contenu, & ce qui donne le mouvement à l'un & à l'autre, il donne à entendre que par ce qui est contenu, il a en vue quatre sortes d'humeurs, ou de matieres fluides qui se trouvent dans le corps, qui sont le sang, la pituite ou le flegme, la bile jaune & l'humeur mélancholique, ou la bile noire ; il attribuoit ensuite à ces quatre sortes d'humeurs quatre qualités principales ; il prétendoit que le sang est chaud & humide, la pituite froide & humide, la bile chaude & seche, & la mélancholie froide & seche : il pensoit ensuite que la combinaison de ces différentes qualités en formoit d'autres, telles que l'amer, le doux, le salé, l'âcre, l'insipide, & une infinité d'autres matieres qui ont diverses qualités, selon qu'elles sont abondantes ou qu'elles sont fortes ; ces différentes qualités selon lui, ne s'apperçoivent point, & ne font point de mal à qui que ce soit, tant que les humeurs sont mêlées également, & que par ce mêlange elles se temperent l'une l'autre ; mais s'il arrive que les humeurs se séparent, qu'elles prédominent entr'elles, & qu'elles demeurent à part, alors leurs qualités deviennent sensibles & incommodes en même tems.

C'est de là que s'est formé le système des tempéramens & des intempéries qui correspondent à ces différentes humeurs & à leurs qualités dominantes, système qui nous a été pleinement développé dans les ouvrages de Galien, attendu qu'il avoit des humeurs la même idée qui vient d'être tracée d'après la doctrine d'Hippocrate. Voyez QUALITE, GALENISME, TEMPERAMENT, INTEMPERIE.

Ce qui vient d'être dit de la maniere de penser des anciens sur la nature des humeurs, suffit pour faire juger que la distinction qu'ils en faisoient en conséquence, ne pouvant être que systématique, il n'est point utile d'entrer ici dans un plus grand détail à cet égard. On se bornera donc à exposer celle qui présente les idées les plus précises que l'on puisse se faire sur ce sujet, qui d'ailleurs étant susceptible d'être traité d'une maniere fort arbitraire, ne peut jamais être d'une grande importance, parce que la connoissance qu'on acquiert par là, sert très-peu à celle qu'il est nécessaire d'avoir de chaque humeur en particulier.

La division des humeurs qui paroît la plus naturelle, est donc celle qui est tirée de la différence de leur destination ; ainsi on peut d'abord les considérer, en tant qu'elles servent à la conservation de l'individu & à la propagation de l'espece ; les unes sont formées & continuellement renouvellées depuis l'instant de la conception jusqu'à la mort, comme le sang & toutes les humeurs qui en dérivent, pour servir à la préparation du suc nourricier, & celles qui le forment ; les autres ne sont produites que lorsqu'elles sont nécessaires dans l'âge où elles peuvent être employées utilement, comme la liqueur séminale & le lait.

Les humeurs de la premiere classe sont de trois especes différentes. On les distingue en alibiles ou nourricieres, en recrémentitielles & excrémentitielles ; les nourricieres sont celles qui sont susceptibles d'être changées en la propre substance de l'individu ; telle est la lymphe, lorsqu'elle a acquis son dernier dégré d'élaboration nécessaire. Les humeurs recrémentitielles sont séparées du sang, pour servir à quelque fonction directement ou indirectement utile à la conservation de l'individu, & sont ensuite reportées dans la masse des humeurs, d'où elles peuvent encore être tirées utilement jusqu'à ce qu'elles dégénerent de leurs bonnes qualités par les effets de la chaleur animale : telles sont celles qui forment les sucs digestifs. Les humeurs excrémentitielles sont celles qui étant fournies à la masse du sang, ou ne sont pas susceptibles d'acquérir des qualités qui les rendent utiles à l'économie animale, ou qui ayant eu ces bonnes qualités, les ont ensuite perdues par leur disposition naturelle ou acquise, à dégénérer, à devenir nuisibles, si elles étoient plus longtems retenues dans le corps animal ; ensorte qu'il est nécessaire à la conservation de l'état sain, qu'elles en soient totalement séparées par une excrétion convenable ; telles sont l'urine, la matiere de la transpiration.

Les humeurs de la seconde classe sont recrémentitielles de leur nature, quoiqu'elles soient destinées à être portées hors de l'individu dans lequel elles ont été préparées ; mais elles n'en sont pas expulsées ou tirées à titre d'excrément, & seulement pour servir à des fonctions utiles & nécessaires dans d'autres individus ; ainsi la semence virile sert à féconder la femme, & le lait à nourrir les enfans, qui sont une suite de cette fécondation.

Voilà tout ce qu'on peut dire pour donner une idée générale des humeurs, qu'il est plus intéressant de connoître chacune en particulier, relativement à leur composition, leurs qualités & leur destination spéciale, sur-tout à l'égard du sang, qui est comme l'assemblage des matériaux dont sont formées toutes les autres humeurs : ainsi voyez SANG, LYMPHE, SEROSITE, MUCOSITE, BILE, &c.

Il reste à dire quelque chose en général des vices des humeurs ; elles deviennent morbifiques lorsqu'elles dégénerent tellement de l'état naturel, qu'elles procurent du désordre dans les fonctions.

Les mauvaises qualités que sont susceptibles de contracter les humeurs dans leur composition & dans leur consistance, sont les vices simples que l'on peut y concevoir indépendamment de ceux des parties qui les contiennent. Ainsi on peut se représenter avec les Pathologistes, la dégénération des humeurs, en tant qu'elles pechent par acrimonie muriatique ou aromatique, par acescence ou par alkalescence. Voyez ACRIMONIE, ACIDE, ALKALI. Ou en tant qu'elles n'ont pas une consistance convenable, proportionnée à l'âge, au tempérament, aux forces de l'individu, parce qu'elles pechent à cet égard par excès ou par défaut ; ce qui consiste dans l'épaississement ou la dissolution. Voyez SANG & ses vices, EPAISSISSEMENT, DISSOLUTION.

La dépravation générale des humeurs est connue assez communément sous le nom de cacochymie. Voyez CACOCHYMIE. Et pour un plus grand détail sur les vices dominans dans la masse des humeurs, consultez les oeuvres medicales de Boerhaave, leurs commentaires, & le traité des fievres continues de M. Quesnay.

HUMEURS ANIMALES, (Chimie) Voyez SUBSTANCES ANIMALES.

* HUMEUR, (Morale) On donne ce nom aux différens états de l'ame, qui paroissent plus l'effet du tempérament, que de la raison & de la situation.

On dit des hommes qu'ils agissent par humeur, quand les motifs de leurs actions ne naissent pas de la nature des choses : on donne le nom d'humeur à un chagrin momentané, dont la cause morale est inconnue. Quand les nerfs & le physique ne s'en mêlent pas, ce chagrin a sa source dans un amour-propre, délicat, trop humilié du mauvais succès d'une prétention déçue ou du sentiment d'une faute commise. L'humeur est quelquefois le chagrin de l'ennui. Courir chez un malheureux pour le soulager ou pour le consoler, se livrer à une occupation utile, faire une action qui doive plaire à l'ami qu'on estime, s'avouer à soi-même la faute qu'on a faite ; voilà les meilleurs remedes qu'on ait trouvé jusqu'à présent contre l'humeur.

HUMEUR, bonne, (Morale.) La bonne-humeur est une espece d'épanouissement de l'ame contente, produit par le bon état du corps & de l'esprit.

Cette heureuse disposition, dirai-je, ce beau don de la nature, a quelque chose de plus calme que la joie ; c'est une sorte de gaieté plus douce, plus égale, plus uniforme, & plus constante ; celui qui la possede, est le même intérieurement, soit qu'il se trouve tout seul ou en compagnie ; il goûte, il savoure les biens que le hazard lui présente, & ne s'abat point sous le poids du chagrin dans les malheurs qu'il éprouve.

Si nous considérons cet homme avec les autres, sa bonne-humeur passe dans l'ame de ceux qui l'approchent ; sa présence inspire un plaisir secret à tous ceux qui en jouissent, sans même qu'ils s'en doutent, ou qu'ils en devinent la cause. Ils se portent machinalement à prendre du goût ou de l'amitié, pour celui dont ils reçoivent de si bénignes influences.

Quand j'envisage physiquement la bonne-humeur, je trouve qu'elle contribue beaucoup à la santé, chez les vieillards, qui ont peu d'infirmités ; j'en ai vû plusieurs qui conservoient toujours ce caractere de bonne-humeur, qu'ils avoient montré dans leur belle saison ; j'ai vû même, assez souvent, régner la bonne-humeur dans des personnes dont la santé étoit fort délicate, parce que ces personnes jouissoient du calme de l'esprit, & de la sérénité de l'ame. Il n'y a guere que deux choses qui puissent détruire la bonne humeur, le sentiment du crime, & les douleurs violentes ; mais encore si l'ame d'une personne douée naturellement de bonne-humeur, éprouve de l'angoisse dans les maux corporels, cette angoisse finit avec le mal, & la bonne-humeur reprend bientôt ses droits.

Je voudrois, s'il étoit possible, munir les mortels contre les malignes influences de leur tempérament, les engager à écarter les réflexions sinistres qui les rongent, & à peser sur celles qui peuvent leur donner du contentement. Il y en a plusieurs, prises de la morale & de la raison, très-propres à produire dans notre ame cette gaieté douce, cette bonne-humeur, qui nous rend agréables à nous-mêmes, aux autres, & à l'auteur de la nature ; jamais la Providence n'a eu dessein que le coeur de l'homme s'enveloppât dans la tristesse, les craintes, les agitations, & les soucis pleins d'amertumes. L'univers est un théatre dont nous devons tirer des ressources de plaisirs & d'amusemens, tandis que le philosophe y trouve encore mille objets dignes de son admiration. (D.J.)

HUMEUR, terme de Mégissier : faire prendre de l'humeur aux peaux, est un terme qui signifie tirer de la riviere les peaux de mouton qu'on veut passer en mégie, les mettre dans une cuve seche, & les y laisser s'humecter, afin de les préparer à recevoir une façon qui se nomme ouvrir les peaux. Voyez MEGIE.


HUMIDEadj. (Phys.) Voyez HUMIDITE. Les anciens philosophes regardoient l'eau comme le premier humide, primum humidum, & comme la cause ou le principe de l'humidité des autres corps, qui sont plus ou moins humides, selon qu'ils tiennent plus ou moins de cet élément. Voyez EAU & ELEMENT. Chambers.

HUMIDE, (Médecine) l'une des quatre qualités premieres par lesquelles les Galénistes distinguoient les tempéramens & les vertus médicinales des alimens & des remedes. Voyez QUALITES, Médecine.

HUMIDE, VOIE, (Chimie) procéder à la dissolution d'un sujet chimique par la voie humide ; c'est ainsi qu'on s'exprime pour désigner une dissolution, à laquelle on emploie un menstrue salin dissous dans de l'eau, lorsque la même dissolution se peut exécuter, & est usitée dans l'art, par l'application du même menstrue, sous forme seche ou concrete ; ce dernier moyen est connu sous le nom de voie seche : (Voyez SECHE, voie) c'est ainsi qu'on dit préparer le kermès minéral, ou le foie de soufre, par la voie humide, ou par la voie seche, selon qu'on y emploie l'alkali fixe dissous dans de l'eau, ou l'alkali fixe concret, &c. &c. Voyez SOUFRE, KERMES MINERAL, NSTRUETRUE. (b)

HUMIDE RADICAL, (Med.) c'est un terme fort employé par les anciens, pour désigner la matiere balsamique, onctueuse, qui selon eux donne la fléxibilité, la souplesse, à toutes les parties solides des corps animés, & sert à alimenter le feu de la vie, la chaleur naturelle qui y subsiste avec elle, & à empêcher le desséchement des fibres, par l'effet de cet agent physique, qui tend à dissiper, à consumer entierement cette matiere & ce qui la contient, lorsqu'il vient à trop dominer, comme dans les fievres ardentes, dans l'éthisie, & qu'elle ne lui suffit pas pour son entretien. Voyez CHALEUR ANIMALE, RADICAL.


HUMIDIERv. act. en termes de Batteur d'or, c'est l'action d'amoitir des feuilles de vélin, en leur donnant une couche légere de bon vin blanc, pour dérider les feuilles de boyau qu'on met entr'elles.


HUMIDITÉS. f. qualité de ce qui est humide, qui rend humide les corps auxquels il s'attache. Voyez QUALITE.

Aristote définit l'humidité une qualité passive, qui fait qu'un corps ne peut être retenu dans ses bornes, encore qu'il le soit aisément dans celles d'un autre, ce qui revient au même que la définition qu'il donne de la fluidité, voyez FLUIDITE ; cependant on peut dire dans un sens, & on le verra par la suite de cet article, que fluide & humide ne sont pas synonimes. Le mercure, par exemple, est certainement fluide, & cependant n'est pas humide, par rapport aux corps auxquels il ne s'attache pas.

Les Péripatéticiens définissent l'humidité une qualité par laquelle un corps devient propre à en humecter d'autres, & en les humectant à les amollir, & les rendre propres à recevoir telle figure ou impression qu'on veut.

Les modernes considerent l'humidité comme une espece particuliere de fluidité, & la définissent en disant que c'est la propriété du corps fluide, qui, étant appliqué à un corps solide, s'y attache, & communique sa qualité aux autres corps.

L'humidité prise en ce sens appartient au corps fluide ; on pourroit prendre l'humidité dans un autre sens, en tant qu'elle appartient au corps solide auquel le fluide s'attache ; c'est dans ce sens qu'on dit qu'une place couverte de brouillard est humide, qu'une piéce de bois est humide.

Il est certain que l'humidité n'est qu'une espece de mode relatif, car plus les parties constituantes d'un fluide, comparées avec les pores & les particules des autres corps, sont disposées à pénétrer dans ces pores, ou à s'attacher à ces particules, plus ce fluide est humide : au contraire, ce fluide est d'autant moins humide, qu'il y a entre les particules de ces sortes de corps plus d'opposition à s'unir.

Le vif-argent, par exemple, n'est point humide par rapport à nos mains, & aux étoffes ; mais il doit passer pour humide par rapport à l'or, à l'étain, ou au plomb, à la surface desquels il s'attache ; & de même l'eau, toute humide qu'elle est, par rapport à un grand nombre de corps, n'est pourtant pas humide par rapport à quelques corps qu'elle ne mouille pas ; car elle coule en globules, ou gouttes rondes, sur certaines feuilles de plantes, & ne mouille point les plumes des canards, des cignes, & des autres oiseaux aquatiques.

A quoi l'on peut ajouter que la texture seule des corps peut faire qu'un fluide devienne humide ; car, ni le vif-argent, ni le plomb fondu, ni le bismuth, ne s'attachent point au verre lorsqu'ils sont seuls, au lieu qu'ils le font, lorsqu'ils sont mêlés, au point de ne former qu'une seule masse, comme cela paroît par l'usage que l'on fait de cette composition pour étamer les glaces. Voyez ETAME.

L'air est un fluide très-sujet à l'humidité, par la quantité de vapeurs aqueuses dont il se charge sans-cesse, & se décharge ensuite ; on connoît le degré d'humidité de l'air par le moyen de l'hygrometre ou hygroscope. Voyez HYGROMETRE. Chambers.

HUMIDITE, (Med.) c'est une des qualités galéniques, qui contribue à former différentes especes de tempéramens & d'intempéries, selon qu'elle est combinée avec les autres, & qu'elle péche par excès ou par défaut. Voyez QUALITE, TEMPERAMENT, INTEMPERIE, HUMEUR.


HUMILIANTadj. (Gram.) qui blesse la fierté & rabaisse l'homme au dessous de la dignité qui convient à sa nature, à son état, à sa fonction, à ses prétentions, à son sexe. Voyez HUMBLE & HUMILIATION.


HUMILIATIONS. f. (Théologie morale) se dit des reproches, des réprimandes, & généralement de tout ce qui abaisse, qui avilit devant les hommes, & qui mortifie l'orgueil ; & en ce sens, humiliation est opposé à mortification, la premiere domptant l'esprit, & la seconde affoiblissant la chair.

Humiliation se dit aussi des exercices de pénitence, par lesquels on s'abaisse devant Dieu, pour fléchir sa justice, & expier les fautes par lesquelles on l'a irrité.


HUMILIÉSL'ORDRE DES, (Hist. monastiq.) ordre religieux, établi par quelques gentilshommes milanois au retour de la prison, où les avoit tenus l'empereur Conrard, ou, selon d'autres, Fréderic I. l'an 1162.

Cet ordre commença à fleurir dès le même siecle, principalement dans le Milanois ; les Humiliés acquirent de si grandes richesses, qu'ils avoient 90 monasteres, & n'étoient environ que 170 religieux, vivans dans le scandale & dans un extrême relâchement, lorsqu'ils donnerent occasion au pape Pie V. de supprimer leur ordre ; ce fut même un des principaux événemens de son pontificat.

Charles Borromée, archevêque de Milan, ayant voulu réformer les Humiliés, quatre d'entr'eux conspirerent contre sa vie, & l'un des quatre lui tira un coup d'arquebuse dans son palais, pendant qu'il faisoit la priere. Ce saint homme, qui ne fut que légerement blessé, demanda lui-même au pape la grace des coupables ; mais Pie V. justement indigné, punit leur attentat par le dernier supplice, en 1570, & abolit l'ordre entier, dont il donna les maisons aux Dominicains & aux Cordeliers. Voyez les historiens du xvj. siécle, & entr'autres M. de Thou, liv. L. (D.J.)


HUMILITÉS. f. (Morale) c'est une sorte de timidité naturelle ou acquise, qui nous détermine souvent à accorder aux autres une prééminence que nous méritons. Elle naît d'une réflexion habituelle sur la foiblesse humaine, sur les fautes qu'on a commises, sur celles qu'on peut commettre, sur la médiocrité des talens qu'on a, sur la supériorité des talens qu'on reconnoît à d'autres, sur l'importance des devoirs de tel ou tel emploi qu'on pourroit solliciter, mais dont on s'éloigne par la comparaison qu'on fait de ses qualités personnelles, avec les fonctions qu'on auroit à remplir, &c. Il y a des occasions où l'amour-propre, bien entendu, ne conseille pas mieux que l'humilité. L'orgueil est l'opposé de l'humilité ; l'homme humble s'abaisse à ses propres yeux & aux yeux des autres ; l'orgueilleux se surfait. Se déprimer soi-même pour plaire à celui qu'on méprise, & qu'on veut flatter, ce n'est pas humilité ; c'est fausseté, c'est bassesse. Il y a de la différence entre l'humilité & la modestie ; celui qui est humble ne s'estime pas ce qu'il vaut ; celui qui est modeste peut connoître toute sa valeur, mais il s'applique à la dérober aux autres ; il craint de les humilier. L'homme médiocre, qui se l'avoue franchement, n'est ni humble, ni modeste ; il est juste, & n'est pas sans quelque courage.


HUMORALadj. (Gram. & Med.) qui est produit par les humeurs vicieuses ; ainsi on dit une tumeur humorale, pour la distinguer d'une tumeur qui aura une autre cause.


HUMORISTESS. m. (Littérat.) nom des membres d'une fameuse académie de Rome. Voyez ACADEMIE.

L'académie des Humoristes a été fondée par Paul Marcius, qui se servit de Gaspard Silvianus pour rassembler les gens de lettres qu'il y avoit à Rome, & en former cette société, comme dit Janus Nicius dans l'éloge de Silvianus, Part. I. p. 32.

La devise de l'académie des Humoristes est une nuée, qui, s'étant élevée des eaux salées de la mer, retombe en pluie douce avec cet hémistiche de Lucrece, lib. VI. redit agmine dulci. Jérôme Alexandre, humoriste, a fait trois discours sur cette devise.

Les obseques de M. Peiresc furent célébrées dans l'académie des Humoristes, dont il étoit, en plus de quarante sortes de langues. Gassend. vita Peiresc, lib. VI. p. 399. Dict. de Trévoux.

HUMORISTES, (Med.) c'est le nom sous lequel sont désignés, sur-tout dans les écrits de Van-Helmont, les medecins de la secte galénique, dont la doctrine consistoit principalement à attribuer la plûpart des maladies aux seuls vices des humeurs, qu'ils faisoient consister dans leur intempérie ou leurs qualités viciées, lorsqu'elles ne se temperent pas les unes les autres, & qu'il y en a de dominantes. Voyez HUMEUR, INTEMPERIE, MEDECINE, MEDECIN.


HUMOROSIS. m. pl. (Littérat.) nom des membres d'une académie établie à Cortone, en Italie. Voyez ACADEMIE.

Il ne faut point confondre les Humorosi de Cortone avec les Humoristes de Rome. Voyez HUMORISTES. Dict. de Trévoux.


HUMOURS. m. (Morale) les Anglois se servent de ce mot pour désigner une plaisanterie originale, peu commune, & d'un tour singulier. Parmi les auteurs de cette nation, personne n'a eu de l'humour, ou de cette plaisanterie originale, à un plus haut point que Swift, qui, par le tour qu'il savoit donner à ses plaisanteries, produisit quelquefois, parmi ses compatriotes, des effets qu'on n'auroit jamais pû attendre des ouvrages les plus sérieux & les mieux raisonnés, ridiculum acri, &c. C'est ainsi, qu'en conseillant aux Anglois de manger avec des choux-fleurs les petits enfans des Irlandois, il fit rentrer en lui-même le gouvernement anglois, prêt à leur ôter les dernieres ressources de commerce qui leur restassent ; cette brochure a pour titre, Proposition modeste pour faire fleurir le royaume d'Irlande, &c. Le voyage de Gulliver, du même Auteur, est une satyre remplie d'humour. De ce genre est aussi la plaisanterie du même Swift, qui prédit la mort de Patridge, faiseur d'almanach, & le terme échu, entreprit de lui prouver qu'il étoit mort effectivement, malgré les protestations que son adversaire pût faire pour assurer le contraire. Au reste, les Anglois ne sont point les seuls qui aient eu l'humour en partage. Swift a tiré de très-grands secours des oeuvres de Rabelais, & de Cyrano Bergerac. Les mémoires du chevalier de Grammont sont pleins d'humour, & peuvent passer pour un chef-d'oeuvre en ce genre ; & même en général cette sorte de plaisanterie paroît plus propre au génie léger & folâtre du François, qu'à la tournure d'esprit, sérieuse & raisonnée, des Anglois.


HUMUS(Hist. nat.) les Naturalistes empruntent souvent ce mot latin, même en françois, pour désigner le terreau, la terre des jardins, ou la terre formée par la décomposition des végétaux ; c'est la terre brune ou noirâtre qui est à la surface de la terre. Voyez TERRE VEGETABLE & TERREAU.


HUNA(Géog.) riviere d'Hongrie, qui prend sa source en Dalmatie, qui sépare la Croatie & l'Esclavonie, & qui se jette dans la Save.


HUNDREDS. m. (Commerce) on nomme ainsi en Angleterre, ce qu'on entend ailleurs par le mot de quintal. L'hundred est de 112 liv. d'avoir du poids, qui est la livre la plus forte des deux dont les Anglois se servent. Cette livre est de seize onces, qui ne rendent à Paris que quatorze onces cinq huit, ensorte que le quintal de Paris qui est de cent livres, faisant à Londres cent neuf livres ; le quintal anglois est d'environ deux livres & demi, ou trois livres plus fort que celui de Paris. Voyez LIVRE POIDS. Diction. de Commerce.

HUNDRED, (Géog.) terme qui ne s'emploie que dans la chorographie d'Angleterre ; le royaume est divisé en shires ou comtés, les shires en hundreds ou centaines, les hundreds en tithings ou dixaines, & les tithings en parishes ou paroisses. Ce mot hundred est traduit en latin par centuria, c'est-à-dire un district de pays, où cent hommes, cent chefs de famille étoient autrefois obligés d'être caution les uns pour les autres en justice, tant au criminel, qu'au civil. (D.J.)


HUNDS-RUCKHunnorum tractus, (Géog.) petit pays d'Allemagne entre le Rhin, la Moselle & le Nab au bas Palatinat. Il appartient à différens souverains. (D.J.)


HUNDSFELD(Géog.) c'est-à-dire la campagne du chien, petite ville d'Allemagne dans la Silésie, dans la province d'Oels, sur la Weide, à 3 lieues de Breslaw. Long. 34. 50. lat. 51. 8. (D.J.)


HUNDWYL(Géog.) petite ville de la Suisse, au canton d'Appenzell, sur la riviere de Sintra.


HUNES. f. (Marine) c'est une espece de plateforme ronde, posée en saillie autour du mât, dans le ton, soûtenue par des barrots, mais de façon qu'elle ne presse pas le mât ; il faut même qu'il y ait entre la hune & le mât l'ouverture nécessaire pour faire passer ou baisser les mâts de hune ou les perroquets, en cas de besoin. Voyez Planche VI. figure 19. le plan de la grande hune.

Il y a une hune à chaque mât, qui porte le nom du mât où elle est posée, voyez Planche I. Marine n°. 59. la grande hune, 94. hune de misene, 16. hune de beaupré, 41. hune d'artimon.

C'est aux hunes que sont amarrés les étais & les haubans ; elles servent à la manoeuvre, & les matelots y montent pour cet effet. On met un matelot en vedette dans la hune du grand mât pour faire sentinelle, sur-tout dans les tems de brume & dans les parages, où l'on craint des brisans ou des corsaires.

A l'égard de la grandeur des hunes, elles se proportionnent sur la hune du grand mât. Il y a beaucoup de constructeurs qui reglent les proportions de leurs hunes sur les baux ; par exemple, si un vaisseau a 40 piés de bau, la grande hune doit avoir 40 piés de circonférence ; la circonférence de la hune de la misene doit avoir un sixieme de moins que la grande hune, & les hunes des mâts d'artimon & de beaupré ont de circonférence la moitié de celle de la grande hune. Ces dimensions ne sont pas cependant constantes, elles varient suivant la méthode de chaque constructeur & la grandeur du bâtiment. Plus les hunes sont grandes, & plus elles sont propres pour les usages auxquels elles sont destinées ; il est bon néanmoins d'éviter de les faire trop grandes, parce qu'elles seroient trop pesantes, & qu'elles défigureroient le vaisseau.

On couvre les hunes de peau de mouton, pour empêcher que les voiles & les cordages qui donnent contr'elles ne se gâtent. Dans le vaisseau de guerre, elles sont entourées de baffingues, voyez ce mot. Lorsqu'il s'agit d'un combat, on y place aussi du petit canon & de menues armes, qui, pour l'ordinaire, incommodent beaucoup l'ennemi. (Z)

Hunes de perroquet, ce sont des especes de hunes faites avec des barres seulement placées au-dessous du chouquet du mât de perroquet ; on les appelle aussi croisées. (Z)


HUNFELD(Géog.) petite ville d'Allemagne, dans la principauté de Fulde.


HUNGARISCH-BROD(Géog.) ville d'Allemagne en Moravie, près des frontieres d'Hongrie, sur la riviere d'Ohlau.


HUNIERSS. m. pl. (Marine) ce sont des voiles qui se mettent aux mâts de hune. Quelquefois on entend par ce mot le mât de hune. Dans ce dernier sens, voyez MATS ; & pour le premier, voyez VOILES.

Les huniers sont d'un grand usage ; on dit avoir les huniers à mi-mât, avoir les huniers dehors : la premiere expression signifie que la vergue qui soûtient la voile n'est hissée que la moitié du mât ; & la seconde, que les huniers sont au vent ; on dit encore, mettre le vent sur les huniers, c'est placer les voiles appellés huniers, de telle sorte que le vent donne dessus & ne les remplisse pas. Hisser & amener les huniers, c'est les hausser & abaisser les voiles du grand mât de hune. Enfin amener les huniers sur le ton, c'est baisser les voiles nommées huniers, jusqu'à la partie du mât qu'on appelle le ton. (Z)

* HUNIER, CARREAU, ECHIQUIER, subs. m. (Pêche) filet qui n'a rien de particulier ; les pêcheurs s'en servent dans les rivieres autour des îles & îlots. Voyez nos Planches de Pêche.


HUNINGUEHunninga, (Géog.) petite, mais forte ville de la haute Alsace dans le Suntgow. Les fortifications sont du maréchal de Vauban ; elle est sur le Rhin, aux frontieres de la Suisse, à une lieue N. de Bâle, 7 S. de Brisach. Long. 25. 15. lat. 47. 42. (D.J.)


HUNOLDSTEIN(Géog.) ville & château d'Allemagne, dans l'électorat de Trèves.


HUNS(Hist.) peuple nombreux de la Scythie, ou de la Tartarie occidentale. Leur empire fut fondé par Tchung-Goei environ 1200 ans avant la naissance de Jesus-Christ, mais leur histoire n'est connue que depuis Teou-Man-Tanjou, qui vivoit environ 209 ans avant l'ére chrétienne. Les Huns soumirent alors les Tartares du nord de la Corée, & de-là ils s'étendirent vers l'occident jusqu'à la mer Caspienne, & posséderent tout le vaste pays que nous appellons Tartarie. Ils se subdiviserent en un grand nombre de nations différentes, qui, sous différens noms, ont fait la conquête de toute l'Asie. En 376, sous le regne de l'empereur Valens, ceux qui conserverent le nom de Huns, Hunni, qui vient du nom Chinois HioungNon, traverserent le palus Méotides, porterent l'allarme chez toutes les nations voisines du Tanaïs, vainquirent les Ostrogoths, & s'emparerent des pays situés au nord du Danube ; de-là ils firent des courses fréquentes chez leurs voisins, & répandirent souvent la desolation sur les terres des Romains qu'ils se rendirent tributaires. Sous la conduite d'Attila, le plus fameux de leurs chefs, les Huns firent la guerre dans l'occident ; ils s'avancerent jusques sur le Rhin & dans les Gaules, se rendirent maîtres des villes de Trèves, de Strasbourg, de Spire, de Worms, de Mayence, de Besançon, de Toul, de Langres, de Metz ; s'approcherent jusqu'à Paris, & prirent la ville d'Orléans. Enfin Aëtius, général des Romains, aidé par Théodoric roi des Visigoths, arrêta les conquêtes & les ravages des Huns, & battit Attila leur roi dans les campagnes de Mauriac, près de Troyes en Champagne ; on dit qu'en cette occasion, il périt trois cent mille hommes. Attila, après cette défaite, se retira en Pannonie, qui depuis fut nommée Hongrie à cause des Huns ; &, après avoir reparé ses pertes, il alla ravager l'Italie, où il prit Aquilée, & pilla Milan & Pavie ; Rome ne fut sauvée que par la trève que l'empereur Valentinien conclut avec lui, & par le tribut qu'il promit de lui payer. Après avoir conclu ce traité, Attila retourna sur le Danube bien résolu à rentrer dans les Gaules à la premiere occasion ; mais ses desseins furent renversés par sa mort, arrivée en 454, & causée par la grande quantité de vin qu'il avoit bû. Ainsi périt ce redoutable Scythe, qui avoit fait trembler les Romains & toute l'Europe, & qui se nommoit lui-même la terreur des hommes, & le fléau de Dieu. Après la mort d'Attila, la division se mit parmi ses sujets, ses enfans ne purent point contenir les peuples que leur pere s'étoit soumis, & peu-à-peu le nom des Huns disparut presque entierement de l'histoire.

On nous dépeint les Huns comme un peuple affreux ; ils se faisoient des incisions au visage qui les privoient de barbe, ils étoient petits & mal faits : ils menoient une vie très-dure, ne se nourrissant que de racines & de chair à demi-crue, mortifiée entre la selle & le dos du cheval : ils n'habitoient ni maisons ni villes ; leurs femmes & leurs enfans vivoient sous des tentes posées sur des chariots qu'ils transportoient à volonté d'un lieu dans un autre, sans avoir de demeure fixe : ils supportoient la faim, la soif & les plus grandes fatigues, & ne prenoient leur repos pendant la nuit que couchés sur le dos de leurs chevaux : ils combattoient sans ordre, & en poussant de grands cris ; à la faveur de la légereté de leurs chevaux, on les voyoit fondre sur l'ennemi & disparoître à l'instant, pour revenir ensuite avec plus de fureur : ils étoient fourbes, cruels, sans religion & sans humanité, avides de rapine, haïssant la paix à laquelle il n'y a rien à gagner. Voyez l'Histoire générale des Huns, par M. de Guignes, tome II.


HUNTE(Géog.) riviere d'Allemagne, qui prend sa source en Westphalie dans l'évêché d'Osnabruck, & qui se jette dans le Weser dans le comté d'Oldenbourg.


HUNTEBOURG(Géog.) petite ville de Westphalie dans l'évêché d'Osnabruck, sur la riviere de Hunte.


HUNTINGTONou HUNDINGTON, (Géog.) ville d'Angleterre, capitale de l'Hundingtonshire, sur l'Ouse, à 50 milles de Londres ; elle envoie deux députés au Parlement. Longit. 17. 15. latit. 52. 15.

C'est à Huntington que naquit Cromwel en 1599. " Les nations de l'Europe, dit M. de Voltaire, crurent la grande Bretagne ensevelie sous ses ruines, lorsqu'elle devint tout-à-coup plus formidable que jamais sous la domination de Cromwel, qui l'assujettit en portant l'évangile dans une main, l'épée dans l'autre, le masque de la religion sur le visage, & qui, dans son gouvernement, couvrit des qualités d'un grand roi tous les crimes d'un usurpateur ".

Né avec un courage & des talens extraordinaires, il fut le plus habile politique & le premier capitaine de son tems, fit fleurir le commerce de sa patrie, en étendit la domination, & mourut à l'âge de 59 ans, craint & courtisé de tous les souverains. Avant que d'expirer, il nomma Richard Cromwel son successeur, & conserva son autorité jusqu'au dernier soupir. Le conseil d'état lui ordonna des funérailles plus magnifiques que pour aucun roi d'Angleterre. Raguenet & Gregoire Léti ont écrit sa vie, mais il lui falloit d'autres historiens ; Waller a fait son éloge funebre, chef-d'oeuvre de l'art, qu'il convient de transcrire ici par cette seule raison. J'y joindrai la traduction libre de M. de Voltaire en faveur de ceux à qui la langue angloise n'est pas connue. Il s'agit seulement, pour entendre ce beau morceau, de savoir que Cromwel mourut le jour d'une tempête extraordinaire dans la grande Bretagne.

We must resign ! Heav'n his great soul does claim,

In storm as loud as his immortal fame :

His dying groans, his last breath, shakes our isle.

And trees uncut for his fun'ral pile :

About his palace their broad roots are tost

Into the air. So Romulus was lost !

New Rome in such a tempest miss'd her king,

And from obeying fell to worshipping :

On Oeta's top thus Hercules lay dead,

With ruin'd oaks and pines about him spread.

Nature herself took notice of his death,

And sighing, swell'd the sea with such a breath,

That to remotest shores her billows roll'd,

The approching fate of their great ruler told.

Voici l'imitation de M. de Voltaire :

Il n'est plus, c'en est fait, soumettons-nous au sort,

Le ciel a signalé ce jour par des tempêtes ;

Et la voix du tonnerre éclatant sur nos têtes,

A déclaré sa mort.

Par ses derniers soupirs, il ébranle cette île,

Cette île, que son bras fit trembler tant de fois,

Quand, dans le cours de ses exploits,

Il brisoit la tête des rois,

Et soumettoit un peuple à son joug seul docile.

Mer, tu t'en es troublée : ô mer ! tes flots émus

Sembloient dire en grondant aux plus lointains rivages,

Que le roi de ces lieux & ton maître n'est plus.

Tel au ciel autrefois s'envola Romulus,

Tel il quitta la terre au milieu des orages,

Tel d'un peuple guerrier il reçut les hommages.

Obéi dans sa vie, à sa mort adoré,

Son palais fut un temple. (D.J.)


HUNTINGTONSHIRE(Géog.) province d'Angleterre au diocese de Lincoln, de 67 milles de tour, d'environ 240 mille arpens, & 8217 maisons ; c'est un pays agréable, fertile, arrosé par plusieurs rivieres. (D.J.)


HUPELUPEGE, s. f. upupa, (Hist. nat. Ornithol.) oiseau qui pese trois onces ; il a un pié de longueur depuis l'extrémité du bec jusqu'au bout de la queue, & environ un pié & demi d'envergure. Le bec est noir, pointu, & un peu courbé. Il y a sur la tête une belle crête, longue de deux pouces, composée de vingt-quatre ou vingt-six plumes, placées sur deux files, qui s'étendent depuis le bec jusqu'à l'occiput ; l'oiseau éleve & abaisse ces plumes à son gré ; elles sont noires à l'extrémité, elles ont du blanc au-dessous du noir, & le reste est de couleur de marron teint de jaune ; le cou est roussâtre ; la poitrine est blanche, & a des taches noires : les vieux oiseaux de cette espece n'ont de ces taches que sur les côtés ; la queue est composée de dix plumes noires en entier, à l'exception d'un croissant blanc, placé de façon que ces deux extrémités sont dirigées vers le bout de la queue ; il y a dans chaque aîle dix-huit plumes, qui ont des taches blanches sur un fond noir ; le croupion est blanc ; les plumes des épaules s'étendent le long du dos, & ont les mêmes couleurs que celles des aîles. Willugh. Ornith.


HUPO, L'HUILE DE(Hist. nat. medec.) huile tirée par expression dont on se sert en Amérique pour guérir les enfans des vers ; on leur en frotte le nombril. On ne sait d'où cette huile se tire. Acta physico-medica nat. curios. tom. I.


HUQUES. f. (Hist. ecclésiast.) espece de robe ou de manteau, qui couvre la tête & descend jusqu'aux piés, à l'usage des soeurs noires quand elles sortent.


HURAS. m. (Botan. exotiq.) arbrisseau d'Amérique, dont on ne connoit que l'espece qui est à feuilles d'abutylon des Indes, on l'appelle quelquefois noyer de la Jamaïque, mais ce nom est impropre.

Voici ses caracteres ; sa fleur en entonnoir est composée d'un seul pétale, qui s'ouvre par les bords & qui est légerement découpé en douze parties ; le pistil est placé au fond du tube ; il dégénere en un fruit globuleux, applati, & divisé en douze cellules, dont chacune contient une graine plate & rondelette.

Les habitans des Indes occidentales, espagnoles, angloises & françoises, cultivent cet arbrisseau dans leurs jardins par curiosité. Il s'éleve à la hauteur de quatorze ou seize piés, & se divise vers sa cime en plusieurs branches couvertes de larges feuilles, dentelées par les bords : ses feuilles, ainsi que les jeunes branches, sont d'un verd foncé & pleines d'un suc laiteux qu'elles répandent, lorsqu'on vient à les couper ou à les broyer ; si on laisse meurir parfaitement le fruit sur cet arbrisseau, la chaleur du soleil le fait crever avec une explosion violente ; ses semences sont dispersées dans cette explosion à une grande distance ; lorsqu'elles sont vertes, elles purgent par haut & par bas, & passent pour tenir un peu de la noix vomique.

On fait aux Indes occidentales de l'écorce du fruit, des poudriers ou petits vaisseaux à mettre la poudre que l'on répand sur l'écriture pour la sécher ; c'est pourquoi les Anglois nomment cette plante sand-box-tree ; mais ces sortes de noms vulgaires usités dans toutes les langues, ne font que jetter de la confusion en Botanique. (D.J.)


HURES. f. (Vénerie) on dit hure de sanglier, en parlant de sa tête.

HURE, en terme de Vergettier, est une brosse garnie de tous côtés, percée dans son centre pour mettre un manche de la hauteur qu'on le juge à propos.


HUREPOIX LEpagus Huripensis, (Géog.) petite contrée du gouvernement de l'île de France, dont les lieux principaux sont Corbeil, Montlhery, Châtres, la Ferté-Alais & Palaiseau. Il est inutile de disputer sur ses limites & sur celles du Gâtinois, pourvû qu'on soit assûré qu'elle est du gouvernement de l'île de France. (D.J.)


HURLEMENTS. m. (Gram.) cri du loup. Voyez HURLER.


HURLERv. neut. (Gram.) il se dit proprement du cri du loup, d'où on l'a transporté à l'homme & aux autres animaux, lorsque, dans la colere, la douleur ou quelqu'autre passion, ils poussent des cris violens & effroyables, qu'on appelle alors des hurlemens.


HURMON(Géog.) petite ville de Perse, dont le territoire abonde en dattes, & où les chaleurs sont excessives. Long. selon Tavernier, 85 d. 15'. latit. 32. 30. (D.J.)


HURONS, LAC DES(Géog.) le lac des Hurons communique au sud avec le lac Erié, dans lequel il s'étend du sud au nord depuis le 43d. jusques au 45. 30'. de latit. septentrionale & de l'est à l'ouest, entre les 293 & 299d. de long. on lui donne ordinairement 350 lieues de circuit de pointe en pointe. Une si grande étendue n'est, dit-on, peuplée sur les bords que de deux villages ; notre imagination ne peut se faire à de si prodigieux deserts. (D.J.)


HURONS LES(Géog.) peuple sauvage de l'Amérique dans la nouvelle France. Ils ont le lac Erié au S. le lac des Hurons à l'O. & le lac Ontario à l'E. Le pays est étendu, fertile & desert, l'air y est sain, & les forêts remplies de cédres ; le nom de Huron est de la façon des François, leur vrai nom est Yendat.

La langue de ces sauvages est gutturale & très-pauvre, parce qu'ils n'ont connoissance que d'un très-petit nombre de choses. Comme chaque nation du Canada, ainsi chaque tribu & chaque bourgade de Hurons porte le nom d'un animal, apparemment parce que tous ces barbares sont persuadés que les hommes viennent des animaux.

La nation huronne s'appelle la nation du porc-épic selon les uns, du chevreuil selon les autres. Cette nation miserable & réduite à rien par les guerres contre les Iroquois, a un chef héréditaire, qui n'est jamais le fils du prédécesseur, mais celui de sa plus proche parente ; car c'est par les meres qu'on regle la succession. Les femmes ont la principale autorité ; tout se fait en leur nom, & les chefs ne sont, pour ainsi dire, que leurs vicaires. Si le chef héréditaire est trop jeune, elles lui donnent un régent ; & le mineur ne peut être chef de guerre, qu'il n'ait fait quelque action d'éclat, c'est-à-dire qu'il n'ait tué quelques ennemis. (D.J.)


HUSCANAOUIMENTS. m. (Hist. mod. superstition) espece d'initiation ou de cérémonie superstitieuse que les sauvages de la Virginie pratiquent sur les jeunes gens de leur pays, lorsqu'ils sont parvenus à l'âge de 15 ans ; & sans laquelle ils ne sont point admis au nombre des braves dans la nation. Cette cérémonie consiste à choisir les jeunes gens qui se sont le plus distingués à la chasse par leur adresse & leur agilité ; on les confine pendant un certain tems dans les forêts, où ils n'ont communication avec personne, & ne prennent pour toute nourriture qu'une décoction de racines, qui ont la propriété de troubler le cerveau ; ce breuvage se nomme ouisoccan, il les jette dans une folie qui dure dix-huit ou vingt jours, au bout desquels on les promene dans les différentes bourgades, où ils sont obligés de paroître avoir totalement oublié le passé & d'affecter d'être sourds, muets & insensibles, sous peine d'être huscanoués de nouveau. Plusieurs de ces jeunes gens meurent dans cette pénible épreuve ou cérémonie, qui a pour objet de débarrasser la jeunesse des impressions de l'enfance, & de la rendre propre aux choses qui conviennent à l'âge viril.


HUSIATINOW(Géog.) ville de Pologne, dans la province de Podolie.


HUSOS. m. (Hist. nat.) grand poisson qui se trouve dans le Danube en Hongrie ; il a quelquefois 18 à 20 piés de longueur, & pese jusqu'à 3 ou 4 quintaux ; il ressemble à l'éturgeon. Il est très-bon à manger. Il remonte le Danube, & vient du palus Méotide ; on le pêche à Bude & à Comorre : ou le nomme en latin antacoeus. Voyez Brukmann, epistol. itin. cent. I. epist. 99.

Suivant M. Zimmermann, le huso est un poisson de mer cétacé, il n'a ni écaille ni of ; ses yeux sont petits, & sa gueule fort large. On prétend que sa chair du côté du dos a le goût de la viande de boeuf. Il vit aussi dans l'eau douce, & l'on en pêche dans le Wolga. Cet auteur dit que ce poisson ressemble beaucoup au cachalot. C'est avec sa tête, sa queue, sa peau & sa vessie qu'on fait en Russie la colle de poisson ou l'ichtyocolle. On fait bouillir ces parties, on passe ensuite la liqueur par une chausse, on la fait évaporer jusqu'à ce qu'elle ait la consistance de la bouillie, on la verse alors sur des planches unies & frottées avec de la graisse ; & quand la matiere est refroidie, on la roule comme du parchemin, & on la fait sécher. Ce poisson s'appelle haus en allemand. Voyez Zimmermann, Chimie. (-)


HUSSARDS LESS. m. (Art. milit.) sont une espece de milice à cheval en Hongrie & en Pologne, qu'on oppose à la cavalerie othomane. Ils sont connus dans les troupes de France depuis 1692.

Les armes des hussards sont un grand sabre recourbé, ou un autre tout droit & fort large attaché à la ceinture avec des anneaux & des courroies. C'est pour sabrer à droite & à gauche, & pour frapper de haut em-bas. Quelques-uns ont une épée outre leur sabre, longue & menue qu'ils ne portent pas à leur côté. Il la mettent le long du cheval depuis le poitrail jusqu'à la croupe, au défaut de la selle, & en piquant panché sur la tête du cheval. Ils s'en servent pour embrocher les ennemis. Je me sers de ce terme, parce que cette épée est une espece de broche. Quand ils en usent, ils l'appuient sur le genou ; ils ont encore des pistolets & une carabine, & de très-grandes gibecieres en bandouliere, en forme de havresac. Ils ne se servent pas si communément en France de cette broche, mais c'est une de leurs armes dans les troupes de l'empereur ; on appelle cette arme penseretesche ou palache ; elle a cinq piés de long. Leur maniere la plus ordinaire de combattre, est d'envelopper l'ennemi, de l'effrayer par leurs cris & leurs divers mouvemens. Comme ils sont fort adroits à manier leurs chevaux qui sont de petite taille, qu'ils ont les étriers fort courts, & les éperons près des flancs du cheval, ils les forcent à courir plus vîte que la grosse cavalerie. Ils s'élevent au-dessus de leurs selles, & sont dangereux, sur-tout contre les fuyards. Ils se rallient très-aisément, & passent un défilé avec beaucoup de vîtesse. Ce qui rend leurs chevaux encore plus vîtes, c'est que n'ayant que des bridons, ils en ont la respiration plus libre, & pâturent à la moindre alte sans débrider. Quand ils font alte après quelque course vive, ils tirent les oreilles & la queue à leurs chevaux pour les délasser. Leurs selles sont d'un bois fort léger, & courtes avec deux arçons également relevés devant comme derriere : au lieu des anneaux, ce sont des tresses de grosse ficelle ; elles sont posées sur de bonnes couvertures en plusieurs doubles, qui leur servent pour se coucher & couvrir leurs chevaux : le dessus des selles sont des peaux avec leur poil, qui couvrent leurs pistolets aussi-bien que leurs housses. Ces peaux vont depuis le poitrail du cheval jusqu'à la queue & aux jarrets, & tombent en pointe sur les cuisses.

Leurs trompettes sont fort petites, & n'ont guere plus de son que les cors des postillons ; leurs étendarts sont en pointe. Et dans les armées de France, ils sont d'ordinaire parsemés de fleurs-de-lis : leurs housses sont de même ; & pour être moins connus dans le pays ennemi, ils les roulent sur la croupe de leurs chevaux, & plient leurs étendarts. Leur maniere de camper n'est pas réguliere ; ils s'attachent à la commodité, & s'embarrassent peu du fourrage, parce qu'ils ne restent pas dans le camp : ils ont très-peu d'équipage, parce que leurs chevaux sont fort petits, & souvent en course. Leur discipline est exacte, la subordination grande, & les châtimens rudes. Le plus ordinaire est la bastonnade sur le dos & sur le derriere, d'un nombre de coups marqués. On se sert utilement de cette milice dans les partis pour aller à la découverte, & à l'avant & à l'arriere-garde pour couvrir un fourrage, parce que c'est une troupe fort légere pour les courses ; mais ils ne peuvent tenir contre des escadrons en ordre de bataille.

L'habillement des hussards est tout différent de celui des autres troupes. Ils ont une espece de pourpoint ou de veste qui ne va qu'à la ceinture ; les manches en sont fort étroites, & retroussées avec un bouton : ils ont une grande culotte en pantalon, c'est-à-dire qu'elle tient au bas des chausses : ils ont des bottines jusqu'aux genoux sans genouillieres, & qui tiennent aux souliers qui sont arrondis avec de petits talons ; il y en a qui ont des talons de fer. Les chemises des soldats sont fort courtes, & ils en changent rarement ; c'est pourquoi plusieurs en ont de toile de coton bleue : leurs manteaux ne sont guere plus longs que leurs pourpoints ; ils les mettent du côté que vient la pluie : leurs bonnets sont longs, & ils les bordent de peaux ; la plus grande partie à la tête rasée, & ne laisse qu'un petit toupet de cheveux du côté droit.

Les officiers sont plus proprement habillés, chacun selon son goût, & sa dignité ; ils sont même magnifiques en habillemens, en armes, en peaux, en harnois, en fourrures ; ils ornent leurs bonnets de belles aigrettes : il y en a qui ont quelques lames de vermillon d'argent qui se plaquent du côté droit, pour marquer par-là le nombre des combats où ils ont été ; & une boule d'argent sur la poitrine quand ils sont à cheval, pour marquer la noblesse. Les officiers des hussards sont le colonel, le lieutenant-colonel, les capitaines, & à peu-près comme dans le reste de la cavalerie. Histoire de la milice françoise, par le P. Daniel. (Q)


HUSSITES. m. (Hist. ecclés. mod.) on nomma Hussites les sectateurs de Jean Hus, & de Hiéronime, disciple & ami de Jean Hus, qui furent brûlés vifs au concile de Constance en 1415.

Tout le monde sait que leur doctrine étoit qu'il n'y avoit qu'une Eglise catholique, qui renferme dans son sein les prédestinés ; qu'un reprouvé n'est pas de cette Eglise ; que les seigneurs temporels doivent obliger les prêtres à observer la loi ; qu'un mauvais pape n'est pas le vicaire de Jesus-Christ, &c.

La flamme étouffa la voix de ceux qui soûtinrent cette doctrine, mais ni l'empereur, ni les peres du concile n'en prévirent les suites ; il sortit en 1419 des cendres de Jean Hus & de Hiéronime, que nous nommons Jérome de Prague, une guerre terrible de la part de leurs disciples. Quand Sigismond voulut succéder en Bohème à Wenceslas son frere, il trouva que tout empereur, tout roi de Hongrie qu'il étoit, le bucher de deux citoyens lui fermoit le chemin du trône de Prague.

Les Hussites, vangeurs de Jean Hus, étoient au nombre de quarante mille : c'étoient des animaux sauvages, que la sevérité du concile avoit déchaînés ; les prêtres qu'ils rencontroient payoient de leur sang la cruauté des peres de Constance ; Jean, surnommé Ziska, qui veut dire borgne, chef barbare de ces barbares, battit Sigismond plus d'une fois. Ce Jean Ziska ayant perdu dans une bataille l'oeil qui lui restoit, marchoit encore à la tête de ses troupes, donnoit ses conseils aux généraux, & assistoit aux victoires. Il ordonna qu'après sa mort on fît un tambour de sa peau ; on lui obéit : ce reste de lui-même fut encore fatal à Sigismond, qui put à peine en seize années réduire la Bohème avec les forces de l'Allemagne, & la terreur des croisades : ce fut pour avoir violé son sauf-conduit qu'il essuya ces seize années de desolation, & il n'éprouva que ce qu'il méritoit. Extrait de l'Histoire générale, t. II. p. 97-105. (D.J.)


HUSUM(Géog.) ville de Danemarck dans la partie méridionale du Sleswick, au bailliage de Husum, dont elle est le chef-lieu. Elle n'est pas ancienne, & n'a gueres commencé que vers l'an 1450, mais elle fleurissoit déja beaucoup en 1520, & depuis lors elle a éprouvé tous les malheurs possibles, incendies, pillages, inondations ; elle est située à environ 2 milles de la petite riviere de l'Ow, à 4 de Sleswick, à 10 de Ripen, à 16 de Hambourg, à 18 de Lubeck. Long. 42. 33. lat. 54. 22. (D.J.)


HUTITESS. m. plur. (Théolog.) hérétiques qui font une secte d'anti-luthériens. Ils étoient sectateurs de Jean Hutus, & se croyoient réellement les enfans d'Israël venus pour exterminer les Cananéens. Ils disoient encore que le jour du jugement s'approchoit, & qu'il falloit s'y préparer en mangeant & bûvant. Du Preau, hist. Florimont de Raymond, de la naiss. de Chous. liv. II. c. xvj. num. 3. Gautier, Chron. sect. 16. c. lxxj. (G.)


HUTTES. f. (Gram.) selon Vitruve, étoit les premieres habitations que les hommes se construisoient avec des branches d'arbre & de la terre. Nos charbonniers, nos hermites, & quelques miserables vivent encore parmi nous dans des huttes.

HUTTE, s. f. (Art. milit.) petit logement fait à la hâte avec du bois, de la terre & de la paille, pour se mettre à l'abri de la pluie & du mauvais tems. Les soldats qui campent, se font de petites huttes avec des perches & de la paille. Voyez BARAQUE. Chambers.

Avant l'usage des tentes ou canonnieres, les soldats faisoient des huttes dans les camps pour se mettre à couvert du mauvais tems. Voyez CANONNIERES.


HUTTELHOFF(Géog.) ville d'Allemagne dans le cercle de la basse Saxe, au duché de Verden.


HUTTERHUTTER


HUTWEIL(Géog.) petite ville de Suisse, au canton de Berne.


HUTZOCHITLS. m. (Hist. nat. Botan.) arbre du Méxique, que quelques Indiens nomment chute. Il est de la grandeur de l'oranger, ses feuilles ont la forme de celles d'un amandrier, mais elles sont plus grandes & plus aiguës. A l'extrémité de ses branches, il porte des fleurs jaunes à feuilles longues & étroites, qui contiennent une semence brune. Dans toute saison, mais sur-tout à la suite des pluies, cet arbre donne par incision une espece de baume d'un jaune brun, amer & âcre, mais d'une odeur très-agréable. On obtient encore un baume, en faisant bouillir dans l'eau les branches de cet arbre, coupées en petits morceaux ; ce baume surnage à l'eau, mais il n'est pas si bon que celui qu'on tire par incision ; on tire encore une espece d'huile de la semence de cet arbre.


HUVACASS. m. (Hist. mod.) c'est ainsi que les Espagnols nomment les tresors cachés par les anciens habitans de l'Amérique, lors de la conquête de ce pays. On en trouve quelquefois près des anciennes habitations des Indiens & sous les débris de leurs temples ; ces pauvres gens les cachoient comme des ressources contre les besoins qu'ils craignoient d'éprouver après leur mort. Quelques-uns de ces trésors ont été enfouis pour tromper l'avarice des Espagnols, que les Indiens voyoient attirés par leurs trésors. La moitié de ces huvacas appartient au roi.


HUY(Géog.) petite ville des Pays-Bas dans l'évêché de Liége. Elle fut prise & reprise plusieurs fois dans les guerres de Louis XIV. Elle est avantageusement située sur la Meuse, à 5 lieues S. O. de Liége, 6 N. E. de Namur. Long. 22, 57. lat. 50, 31.

Mélart (Laurent) natif de cette ville, dont il a été bourguemestre, nous en a donné l'histoire à laquelle les curieux pourront recourir. (D.J.)


HWALHUNDES. m. (Hist. nat.) nom donné par les Norwégiens à un animal aquatique & monstrueux, gris, tout couvert de poil, semblable à un chien par la partie qui est hors de l'eau, & ayant des oreilles pendantes comme un dogue d'Angleterre. Cet espece de chien de mer nageoit autour des baleines, ce qui lui a fait donner le nom qu'il porte, qui signifie chien des baleines. Voyez Acta Hafniensia, ann. 1671 & 72. obs. 49.


HYAC(Marine) Voyez YACHT.


HYACINTHEhyacinthus. (Bot.) Voyez JACINTE (Botanique.)

HYACINTHE, s. m. (Hist. natur. Lithologie) pierre précieuse transparente, d'un jaune mêlé de rouge, ou d'un rouge orangé plus ou moins vif ; elle n'est point d'une grande dureté eu égard aux autres pierres précieuses ; un feu violent la fait entrer en fusion.

Boëce de Boot & d'autres auteurs comptent différentes especes d'hyacinthes relativement à leurs couleurs. La premiere, qui est la plus chere & la plus estimée, est d'un jaune tirant sur le rouge, & est presque comme un grenat, dont elle ne differe que par le jaune qui s'y trouve mêlé ; elle jette un très-grand feu. Boëce de Boot dit que l'hyacinthe la plus précieuse est celle qui est d'un rouge tirant sur le jaune, telle qu'est la couleur du sang bilieux.

La seconde espece est d'un jaune de safran ; la teinte rouge y est moins forte que dans la précédente.

La troisieme espece d'hyacinthe est plus claire encore, & sans sa dureté le coup d'oeil extérieur la feroit prendre pour du succin ou de l'ambre jaune à qui elle ressemble parfaitement.

La quatriéme espece est d'un jaune plus clair encore, & sa couleur ressemble à celle de l'ambre gris ou du miel ; c'est la moins estimée.

Il y a des hyacinthes d'une couleur si foncée, que l'on ne peut point distinguer la couleur à moins de les regarder en les tenant entre l'oeil & la lumiere. D'autres sont si peu colorées, qu'il n'y a que leur dureté qui puisse faire juger que ce sont des hyacinthes. Souvent les hyacinthes d'un jaune clair ont été confondues avec les topases & les chrysolites, mais elles en different par la dureté. Boëce de Boot pense que la pierre appellée carbunculus ou escarboucle par les anciens, n'étoit qu'une hyacinthe d'un beau rouge, jettant beaucoup de feu, & d'une taille plus grande que celle des hyacinthes ordinaires, qui, selon lui, n'excedent pas communément la grosseur d'un pois, & selon M. Hill, celle d'une noix de muscade. Ce dernier nous apprend que les hyacinthes se trouvent en crystaux à six côtés terminés par une pyramide exagone comme le crystal de roche, mais elles sont plus dures que lui ; ou bien elles se trouvent sous la forme de petits cailloux oblongs, arrondis & applatis par un de leurs côtés. Les hyacinthes qui se trouvent ainsi, sont plus dures que celles qui sont crystallisées. Voyez Hill's natural history of fossils.

Les hyacinthes de la plus belle espece viennent des Indes orientales, & se trouvent dans les royaumes de Cananor, de Cambaye & de Calicut ; il en vient aussi des Indes occidentales. Celles de la moindre espece se trouvent en Europe & entr'autres sur les frontieres de la Bohème & de la Silésie.

On voit aisément que les différentes nuances de couleurs, par où nous avons dit que les hyacinthes passoient, ont dû induire en erreur les auteurs ; il n'y a donc guere que la dureté qui puisse en faire juger & empêcher qu'on ne les confonde, soit avec la topase, soit avec la chrysolite, soit avec le grenat & le rubacelle, soit avec toutes les pierres précieuses jaunes ou rouges.

Il nous vient d'Espagne, de Saxe & d'Auvergne, des pierres que l'on nomme fausses hyacinthes ou jargons qu'il ne faut point non plus confondre avec celles dont nous parlons ; d'ailleurs elles sont d'un rouge matte & couleur de brique ; elles ne sont point transparentes, & doivent être regardées comme du vrai crystal de roche opaque & coloré ; elles ne sont pas plus dures que lui ; leur figure est celle d'une colonne à six pans, terminée des deux côtés par deux pyramides exagones. Les anciens ne donnoient point le nom d'hyacinthe à la pierre que nous venons de décrire ; celle qu'ils désignoient sous ce nom étoit une espece d'améthyste, puisque, par la description qu'en donnent Pline & Théophraste, c'étoit une pierre mêlée de bleu ou violette. Voyez Théophraste, traité des pierres avec les notes de M. Hill, pag. 65 de la traduction françoise. M. Hill croit que c'est l'hyacinthe que les anciens connoissoient sous le nom de lapis lyncurius, quoique quelques auteurs ayent prétendu qu'ils désignoient par-là la belemnite qui n'a pourtant aucune des qualités que Pline attribue au lapis lyncurius, puisqu'il dit que c'étoit une espece d'escarboucle qui ne différoit des autres que par sa couleur de flamme. Voyez Hill's natural history of fossils. Voyez LYNCURIUS LAPIS.

On a attribué un grand nombre de vertus médicinales à l'hyacinthe, & on la fait entrer dans des compositions pharmaceutiques, après l'avoir écrasée & réduite en une poudre impalpable ; mais comme cette pierre n'est point soluble dans aucun dissolvant, elle ne peut avoir plus de vertus dans la médecine que du verre pilé. (-)

HYACINTHE, (Pierre) c'est un des cinq fragmens précieux. Voyez FRAGMENS PRECIEUX.

HYACINTHE (confection d') Voyez à l'art. CONFECTION.


HYACINTHIESS. f. pl. (Myth.) ou HYACINTHES ; fêtes que les Lacédémoniens célébroient tous les ans au mois hécatomboeon, pendant trois jours, en l'honneur d'Apollon, auprès du tombeau d'Hyacinthe ; on sait assez que ce jeune prince, de la ville d'Amiclés en Laconie, étoit tellement aimé d'Apollon, que le fils de Jupiter & de Latone abandonnoit, pour le suivre, le séjour de Delphes, & qu'il fut la cause innocente de sa mort. Pausanias dit qu'on voyoit sur sa tombe la figure du dieu à qui s'adressoient les sacrifices ; mais les jeux furent institués en l'honneur du fils d'Oebolus.

Les deux premiers jours de ces fêtes étoient employés à pleurer sa mort ; on mangeoit sans couronne sur sa tête, & on ne chantoit aucun hymne après le triste repas ; mais le troisieme jour on s'abandonnoit à la joie, aux festins, aux cavalcades & autres réjouissances. On offroit ce jour-là des sacrifices à Apollon, & on n'oublioit pas de bien traiter sa famille & ses domestiques. Voyez Meursius, Graecia feriata, & Fazoldus, de festis Graecorum. (D.J.)


HYADESS. f. pl. (terme d'Astronomie) ce sont sept étoiles fameuses chez les Poëtes, qui, selon les anciens, amenoient toujours la pluie.

C'est pour cette raison qu'on les a appellées Hyades, du mot grec , pluere, pleuvoir.

La principale est l'oeil gauche du taureau appellé par les Arabes aldebaran. Voyez ALDEBARAN & TAUREAU.

Les Poëtes ont feint que les hyades sont filles d'Arlaf & de Pleione, & que leur frere Hyaf ayant été déchiré par une lionne, elles pleurerent sa mort avec tant de douleur, que les dieux touchés de compassion, les transporterent au ciel & les placerent sur le front du taureau où elles pleurent encore.

D'autres représentent les hyades comme les nourrices de Bacchus, que Jupiter transporta au ciel pour les mettre à couvert de la colere de Junon. Chambers. (G)

Les anciens, comme nous l'avons déja dit, regardoient la constellation des hyades comme apportant la pluie, témoin ce vers de Virgile : Archerum, pluviasque hyadas geminosque triones. Les philosophes reconnoissent unanimement aujourd'hui que les étoiles sont trop éloignées de nous pour causer aucuns changemens ni aucune altération dans notre athmosphere ni dans notre terre. (O)


HYALÉS. f. (Myth.) une des nymphes de la suite de Diane ; c'étoit elle qui remplissoit les urnes qu'on répandoit sur la déesse, lorsqu'Actéon l'apperçut dans le bain.


HYALOIDEhyaloides, du grec , verre, & , forme, se dit de l'humeur vitrée. Voyez VITREE.

HYALOIDE, s. f. (Hist. nat.) nom d'une pierre précieuse fort brillante & transparente comme du crystal ; il en est parlé dans les anciens naturalistes ; on s'en servoit pour les cachets après avoir gravé cette pierre. Plusieurs auteurs ont donné leurs conjectures sur cette pierre. M. Hill pense que c'est la même que Pline nomme astrios, qui étoit de la nature du crystal, & qui venoit des Indes ; il ajoute qu'il en vient beaucoup de cette espece d'Amérique ; elles se trouvent sur-tout sur les bords de la riviere des Amazones. Il dit qu'on en a apporté qui étoient si belles, qu'on les auroit presque prises pour de vrais diamans. Ce sont des cailloux blancs & transparens qui semblent être de la même nature que ce qu'on nomme cailloux du Rhin, ou cailloux de Médoc. Voyez le traité des pierres de Théophraste, avec des notes de Hill. (-)


HYAR(Géog.) ville d'Espagne au royaume d'Aragon, sur la riviere de saint Martin.


HYBOUCOUHUS. m. (Hist. nat. Botan.) fruit d'Amérique, qui ressemble aux dattes, mais qu'on ne mange point : on en tire une huile que l'on conserve dans des cocos que l'on a vuidés ; on en fait usage dans le pays pour une maladie appellée tom, occasionnée par de petits vers fins comme des cheveux, qui s'insinuent entre cuir & chair, & forment des pustules très-douloureuses. On frotte la partie affligée avec l'huile que les Indiens appellent garameno ; on prétend qu'elle est aussi très-bonne pour la guérison des plaies.


HYBRISTIQUESS. f. pl. (Myth.) fêtes qu'on célebroit à Argos, en l'honneur des femmes qui avoient pris les armes & sauvé la ville assiégée par les Lacédémoniens qu'elles eurent la gloire de repousser ; c'est de l'affront qu'ils essuyerent, que la fête prit son nom : en grec signifie injure, affront, ignominie ; elle fut grande pour des Spartiates, si tant est qu'on n'ait pas fait trop d'honneur aux exploits des Argiennes dans cette occasion. (D.J.)


HYCCARA(Géog. anc.) ancienne ville maritime de Sicile, sur la côte septentrionale : ses ruines s'appellent aujourd'hui Muro di Carini.

Plutarque nous apprend que, l'an 2 de la quatre-vingt-onzieme olympiade, Nicias, général des Athéniens, ruina cette ville où nâquit la fameuse courtisanne Laïs, l'an 4 de la quatre-vingt-neuvieme olympiade : elle avoit donc sept ans lors de la destruction de sa patrie ; à cet âge tendre, elle fut vendue parmi les autres prisonniers, & transportée à Corinthe ; au bout de quelques années, sa beauté lui valut des hommages de toutes parts ; de grands seigneurs, des orateurs illustres & des philosophes sauvages en devinrent éperdument amoureux ; l'on compte au nombre de ses adorateurs, Démosthène, Diogène le cynique ; qu'elle souffrit, tout pauvre & mal-propre qu'il étoit, & le philosophe Aristippe, qui étoit la propreté & la politesse même. Elle n'eut pas cependant la gloire de triompher de la continence de Xénocrate, & elle devint à son tour passionnée d'Eubatès, vainqueur aux jeux olympiques ; elle lui fit même promettre qu'il l'épouseroit, mais il trouva moyen d'éluder sa parole ; enfin Laïs s'étant rendue en Thessalie, pour y chercher un autre jeune homme dont elle étoit éprise, les Thessaliennes conçurent tant de jalousie contre cette belle créature, qu'elles s'en défirent cruellement, & l'assommerent dans le temple de Vénus à coups de chaises qu'elles trouverent sous leurs mains ; mais on lui bâtit un tombeau magnifique sur la riviere de Pénée, & le temple où elle mourut, ne fut plus nommé que le temple de Vénus profané ; tous ces faits peignent les moeurs d'un tems & d'un pays célebre. (D.J.)


HYDASPE(Géog. anc.) en latin Hydaspes ; grand fleuve des Indes, sur lequel Strabon dit qu'Alexandre mit une flotte formée des sapins & des cèdres qu'il fit couper sur les monts Emodes. Horace, l. I. ode 22, appelle ce fleuve fabulosus, c'est-à-dire, célebre, renommé, fameux. Il tire sa source du mont Ima, vers les frontieres du grand Tibet ; porte ses eaux dans l'Inde, où il tombe à l'orient entre Monltan & Bucor. N'est-ce point aujourd'hui le Ravi ? L'Hydaspe dont parle Virgile, Géorg. l. IV. v. 211, & qu'il met en Médie, Medus hydaspes, n'est point celui qui fut dans les Indes le terme des conquêtes d'Alexandre ; c'étoit un fleuve d'Asie, peu éloigné de la ville de Suze ; Strabon l'appelle Choaspe, & son eau passoit pour être délicieuse à boire. (D.J.)


HYDATIDES. f. (Med.) , aquula ; c'est, selon Galien (lib. XIV. meth. med.), une sorte de tumeur qui se forme d'une matiere aqueuse & graisseuse, sous la peau d'une paupiere, sur-tout de la supérieure, où elle cause ordinairement une fluxion qui empêche d'ouvrir l'oeil.

Cette maladie se traite comme l'oedeme de la paupiere ; voyez OEDEME (paupiere), & le Traité des maladies des yeux, de Maître-Jan.

Mais, en général, les Medecins entendent par hydatides toutes sortes de tumeurs vésiculaires, qui se forment ordinairement, en assez grand nombre, tout-à-la-fois, dans les intervalles des noeuds des vaisseaux lymphatiques (voyez LYMPHATIQUES, vaisseaux), qui s'engorgent quelquefois, de maniere à être dilatés à un point étonnant.

De pareilles tumeurs se présentent rarement à la surface du corps ; cependant Schenckius, dans ses observations, fait mention d'hydatides, qui s'étoient formées sur le dos, grosses comme des oeufs : on trouve aussi, dans les observations de M. Deidier, qu'il en avoit vû sur le bras, qui formoient comme une grappe de perles.

Ce sont, sur-tout, les visceres que les observations nous démontrent être le plus susceptibles d'hydatides : Ruysch rapporte (Observations Anatomiques, 17. 83.) avoir vû toute la masse du foie changée en un monceau d'hydatides : Pison a aussi observé (Tractat. de collect. seros.) des hydatides dans les poumons : on en a vû dans la rate, le mésentere, qui avoient été la source de l'hydropisie ascite, en tant qu'elles s'étoient rompues & avoient donné lieu à un épanchement de lymphe dans le bas ventre ; la matrice & les parties qui en dépendent, les ovaires sur-tout, sont aussi très-souvent affectés de cette sorte de tumeur. Voyez HYDROPISIE, MATRICE, OVAIRE.

Ainsi les hydatides ne proviennent que d'un engorgement des vaisseaux lymphatiques, qui se dilatent extraordinairement, sous forme de vesicules, à cause de l'étranglement que font les valvules dans ces vaisseaux.

On ne peut pas indiquer de traitement pour les hydatides, qui ont leur siége dans quelqu'un des visceres ; il n'y a point de signe marqué, constant, qui puisse en faire connoître l'existence : d'ailleurs, ils sont plutôt un symptome de maladie qu'une maladie en soi. S'il en paroît sur la surface du corps (ce qui est fort rare, parce que les vaisseaux lymphatiques ne sont pas libres) dans le tissu de la peau, comme dans des parties plus molles, on peut y employer les résolutifs spiritueux, pour les dissiper, si l'on ne juge pas à propos de donner issue à l'humeur qui les forme ; ce qui doit cependant être pratiqué le plus souvent, lorsque les tumeurs sont considérables.


HYDATOIDES. f. (Anat.) est le nom que quelques auteurs donnent à l'humeur aqueuse de l'oeil, renfermée entre la cornée & l'uvée. Voyez HUMEUR AQUEUSE.

Ce mot est composé de , eau, & , forme, ressemblance.


HYDATOSCOPIES. f. (Divinat.) c'est l'art de prédire les choses futures, par le moyen de l'eau. Voyez HYDROMANTIE.

Ce mot est composé , génitif , & , j'examine, je considere.

Il y a une hydatoscopie naturelle & permise ; elle consiste à prévoir & à prédire les orages & les tempêtes sur certains signes qu'on remarque dans la mer, dans l'air, & dans les nuages. Voyez TEMS & OURAGANS. Dict. de Trévoux.


HYDRAGOGUEadj. p. subst. (Médecine) médicament qui purge & chasse les eaux ; ce mot est composé de , eau, & de , chasser.


HYDRARGYROSES. f. terme de Chirurgie, friction mercurielle, capable d'exciter la salivation. L'excrétion de la salive a été long-tems regardée comme l'évacuation critique la plus salutaire pour la guérison de la maladie vénérienne. L'expérience ayant montré que plusieurs personnes ne salivoient pas, quoiqu'on tâchât de leur procurer le flux de bouche par les frictions mercurielles, & qu'elles n'avoient pas laissé de guérir, on a pensé que la salivation n'étoit pas absolument nécessaire à la guérison de la vérole ; & en effet, les évacuations par les selles, par les urines, par les sueurs, peuvent servir à la dépuration du sang, aussi utilement que la salivation. L'incommodité de cette excrétion a fait desirer qu'on pût administrer les frictions mercurielles, & éviter la salivation, c'est ce qui a donné lieu à la méthode de l'extinction, dans laquelle on donne des frictions, ou à de plus petites doses qu'à l'ordinaire, à des tems plus éloignés, & avec la précaution, ou de purger le malade de tems en tems pour déterminer le mercure vers les intestins, ou de baigner les malades dans l'intervalle des frictions, pour l'attirer par les pores de la peau. L'expérience a fait voir que ces sortes de traitemens avoient l'inconvénient d'être fort longs, & ce qui étoit plus fâcheux, d'être infideles. Des charlatans, de toute espece, se sont donnés dans tous les tems pour avoir des remedes particuliers qui guérissoient infailliblement la maladie vénérienne, sans garder la chambre, & par conséquent sans salivation. Les effets n'ont pas répondu aux promesses de ces empyriques ; des gens de l'art ont cru, dans ces derniers tems, réussir à ôter au mercure la vertu qu'il a de faire saliver, en le prenant révivifié du cinabre, en le faisant bouillir dans du vinaigre distillé, & le lavant bien avant de l'employer dans la pommade, à laquelle on ajoutoit quelque peu de camphre. Il est certain que cette préparation a paru efficace sur quelques personnes, avec la précaution de faire boire abondamment de la décoction d'esquine, & de permettre aux malades de sortir ; mais comme bien des personnes ne sont pas naturellement disposées à la salivation, on ne peut rien conclure de ce que ce remede a réussi à quelques-uns, d'autant plus qu'il a été absolument sans effet sur d'autres, qui ont salivé abondamment, après s'être frotté de l'onguent mercuriel camphré. Voyez VEROLE. (Y)


HYDRAULICO-PNEUMATIQUEadj. (Méchan.) est un terme composé, dont quelques auteurs se servent pour désigner certaines machines qui élevent l'eau, par le moyen du ressort de l'air. On peut voir, au mot FONTAINE, la description de différentes machines de cette espece.

Les machines qui servent à élever l'eau, par le moyen du feu, peuvent être regardées, en quelque maniere, comme des machines hydraulico-pneumatiques ; car ces machines agissent par le moyen du ressort de l'air, qui est augmenté par la chaleur ; telle la machine hydraulique de Londres, qui est conduite sur ce principe. On a donné une idée de ces sortes de machines à l'article FEU. (O)


HYDRAULIQUES. f. (Ordre encycl. Entend. Rais. Philosophie ou Science, Science de la nature, Mathématiques, Mathem. mixtes, Méchan. Hydrodynamique, Hydraulique) partie de la méchanique qui considere le mouvement des fluides, & qui enseigne la conduite des eaux, & le moyen de les élever, tant pour les rendre jaillissantes, que pour d'autres usages.

Ce mot est dérivé du grec , eau sonnante, formé , aqua, eau, & , tibia, flûte ; la raison de cette étymologie est que l'hydraulique, chez les anciens, n'étoit autre chose que la science qui enseignoit à construire des jeux d'orgue, & que dans la premiere origine des orgues, où l'on n'avoit pas encore l'invention d'appliquer des soufflets, on se servoit d'une chute d'eau, pour y faire entrer le vent, & les faire sonner. Voyez ORGUE.

L'hydraulique traite non-seulement de la conduite & de l'élévation des eaux & des machines propres pour cet effet, mais encore des loix générales du mouvement des corps fluides. Voyez MOUVEMENT. Cependant, depuis quelques années, les Mathématiciens ont donné le nom d'hydrodynamique à la science générale des mouvemens des fluides, & ont reservé le nom d'hydraulique pour celles qui regardent en particulier le mouvement des eaux, c'est-à-dire l'art de les conduire, de les élever, & de les ménager pour les différens besoins de la vie. On trouvera aux mots FLUIDE & HYDRODYNAMIQUE, les lois du mouvement des fluides en général.

L'hydrostatique considere l'équilibre des fluides qui sont en repos : en détruisant l'équilibre, il en résulte un mouvement, & c'est-là que commence l'hydraulique.

L'hydraulique suppose donc la connoissance de l'hydrostatique, ce qui fait que plusieurs des auteurs ne les séparent point, & donnent indifféremment à ces deux sciences le nom d'hydraulique ou d'hydrostatique. Voyez HYDROSTATIQUE. Mais il est beaucoup mieux de distinguer ces deux sciences par les noms différens d'hydrostatique & d'hydraulique.

L'art d'élever les eaux & les différentes machines qui servent à cet usage, comme les siphons, les pompes, les seringues, les fontaines, les jets-d'eau, &c. sont décrits chacun en leur place. Voyez SIPHON, POMPE, SERINGUE, FONTAINE, JET-D'EAU, &c. Voyez aussi la suite de cet article, où l'on traite des machines hydrauliques.

Les principaux auteurs qui ont cultivé & perfectionné l'hydraulique sont ; Mariotte, dans son Traité du mouvement des eaux, & autres corps fluides : Guglielmini, dans sa Mensura aquarum fluentium, où il réduit les principes les plus compliqués de l'hydraulique en pratique, voyez FLUIDE : M. Newton, dans ses Phil. Nat. Prin. Mathemat. M. Varignon, dans les Mémoires de l'académie des Sciences : M. Daniel Bernoulli, dans son traité intitulé Hydrodynamica, imprimé à Strasbourg en 1738 : M. Jean Bernoulli, dans son Hydraulique, imprimée à la fin du recueil de ses oeuvres, en 4. vol. in 4°. à Lausanne, 1743. J'ai aussi donné un ouvrage sur ce sujet, qui a pour titre Traité de l'équilibre & du mouvement des fluides. Voyez HYDRODYNAMIQUE.

Hero d'Alexandrie est le premier qui ait traité des machines hydrauliques : ceux qui en ont écrit, parmi les modernes, sont entr'autres Salomon de Caux, dans un traité françois des machines, sur-tout des hydrauliques : Gasp. Schottus, dans sa Mechanica hydraulico-pneumatica : de Chales, dans son Mundus mathematicus : M. Belidor, dans son Architecture hydraulique. On peut voir l'extrait des différentes parties de ce dernier ouvrage, dans l'Histoire de l'académie des Sciences, pour les années 1737, 1750, 1753. (O)

MACHINES HYDRAULIQUES. Les machines en général servent à augmenter les forces mouvantes, & les hydrauliques à élever les eaux par différens moyens. Elles sont également l'objet de la méchanique comme de l'hydraulique.

On y employe pour moteur la force des hommes & des animaux ; mais lorsqu'on se sert des trois élémens de l'air, de l'eau & du feu, on peut s'assurer d'une plus grande quantité d'eau ; leur produit, qui est presque continuel, les fait préférer aux eaux naturelles, qui tarissent la plûpart en été & en automne : on les appelle alors des machines élémentaires.

Voici un choix des plus belles machines qui aient été construites jusqu'à présent ; elles pourront servir de modeles dans l'exécution qu'on en voudra faire ; on est sûr de la réussite des machines exécutées, qu'on peut consulter sur le lieu ; au lieu que le succès des autres seroit très-incertain.

Ces machines sont celles de Marly, la pompe Notre-Dame, la machine de Nymphembourg en Baviere, les moulins à vent de Meudon, la pompe du réservoir de l'égout, la machine à feu de Londres, la pompe de M. Dupuis, une pompe à bras, & une pour les incendies. Voyez, sur les machines suivantes, l'Architecture hydraulique, tome II. page 196 ; & l'Encyclopédie, pour la pompe à feu, à l'article FEU.

Suivant le privilége accordé aux Léxicographes, nous rapporterons ces machines, & souvent les descriptions des auteurs qui en ont parlé.

Architecture Hydraulique, tome II. page 196. La machine de Marly est ici représentée dans son plan, & dans le profil d'une de ses roues, qui sont au nombre de 14. " Cette roue, qui sert à porter l'eau depuis la riviere de Seine jusqu'à l'aqueduc, a un coursier fermé par une vanne comme à l'ordinaire : son mouvement produit deux effets ; le premier est de faire agir plusieurs pompes aspirantes & refoulantes, qui font monter l'eau, par cinq tuyaux, à 150 piés de hauteur, dans le premier puisard, éloigné de la riviere de 100 toises ; le second est de mettre en mouvement les balanciers, qui font agir des pompes refoulantes placées dans les deux puisards ; celles qui répondent au premier puisard, reprennent l'eau qui a été élevée à mi-côte, & la font monter par sept tuyaux dans le second puisard, élevé au-dessus du premier de 175 piés, éloigné de 324 toises de la riviere : delà, elle est reprise de nouveau par les pompes qui sont dans le second puisard, qui la refoulent, par six tuyaux de 8 pouces de diametre, sur la plateforme de la tour, élevée au-dessus du puisard supérieur de 177 piés, & de 502 piés au-dessus de la riviere, dont elle est éloignée de 614 toises ; de-là l'eau coule naturellement sur un aqueduc, de 330 toises de long, percé de 36 arcades, en suivant la pente qu'on lui a donnée jusqu'auprès de la grille du château de Marly, d'où elle descend dans les grands réservoirs, qui la distribuent aux jardins & bosquets "

Planche I. des Macch. hydrauliques, fig. 1. On a formé sur le lit de la riviere un radier A, qu'on a rendu le plus solide qu'il a été possible, par des pilots & pal-planches, garnis de mâçonnerie, ainsi qu'on le pratique en pareil cas, & c'est ce qu'on remarque dans la 1re. 6e. & 7e. figures. A 14 piés audessus de ce radier, on a établi un plancher ou pont, qui sert à soutenir les pompes, & tout ce qui leur appartient, comme on en peur juger par la premiere figure, qui fait voir que l'arbre de la roue est accompagné de deux manivelles C & D ; à cette derniere répond une bielle E, à chaque tour de manivelle cette bielle fait faire un mouvement de vibration au varlet F (Planche II. fig. 6.) sur son essieu. A ce varlet est une autre bielle pendante G, qui est accrochée au balancier H, aux extrémités duquel sont deux poteaux pendans II, portans chacun 4 pistons, qui jouent dans autant de corps de pompes marqués au plan par le nombre KK. fig. 1. Pl. I.

Fig. 6. Pl. II. Quand la manivelle C & le varlet font monter la bielle G, les pistons qui répondent à la gauche du balancier aspirent l'eau par les tuyaux LL qui trempent dans la riviere, tandis que ceux de la gauche la refoulent pour la faire monter dans le tuyau MM, d'où elle passe dans le premier puisard ; & lorsque la manivelle tire à soi le varlet F, le balancier H s'inclinant d'un sens opposé au précédent, les pistons de la gauche refoulent & ceux de la droite aspirent, & continuent toûjours de faire la même chose alternativement.

Pour empêcher que l'air n'ait communication avec la capacité des corps de pompes, & que les cuirs qui sont aux pistons ne laissent point de vuide, on a ajouté à chaque équipage, indépendamment des huit pompes refoulantes, une pompe aspirante, appellée mere nourrice, afin d'entretenir toûjours de l'eau dans un bassin N, élevé à-peu-près à la hauteur du bord des corps de pompes ; ainsi il y a un des poteaux pendans I, qui porte un cinquieme piston.

La manivelle D (Pl. II. fig. 7.) donne le mouvement aux pompes du premier & du second puisard ; & pour juger comme cela se fait, il faut considérer la troisieme figure, relativement à la seconde, du sens qui leur convient ; on y verra que cette manivelle fait faire un mouvement de vibration au varlet O, par le moyen de la bielle P qui tire à soi, & pousse en avant l'extrémité Q. Ce varlet en fait agir deux autres, horisontalement placés au-dessous des nombres R & S, par le mouvement qui leur est communiqué de la part des bielles T & U, qui poussent ou qui tirent à elles le varlet supérieur ou inférieur, selon la situation de la manivelle.

Pl. I. fig. 1. L'on voit sur le plan comme le varlet X peut se mouvoir sur son axe Y, & qu'à l'extrémité Z il y a une chaîne I, qu'on doit regarder comme faisant partie de la chaîne 2 & 3 exprimée dans la 2. fig. Pl. I. de même le varlet R (fig. 7. Pl. II.), qu'on ne peut voir sur le plan, mais qui est tout semblable à l'inférieur, répond aussi à une chaîne qui fait partie de l'autre 4 & 5 ; ainsi ces deux chaînes sont tirées alternativement par les varlets R & S, pour faire agir les pompes des puisards, fig. 2. Pl. I. pour les entretenir, on les a soutenus avec les balanciers 6, posés de 18 piés en 18 piés ; ces balanciers sont traversés par un boulon, qui appuie sur le cours de lice 7, posé sur les chevalets 8.

La figure 2. Pl. I. est un profil qui peut être commun au premier & au second puisard, mais qui doit plûtôt appartenir au second qu'au premier, parce que les chaînes vont aboutir aux varlets 9 & 10, au lieu qu'elles traversent le premier, après y avoir mis en mouvement les pompes qui y sont.

Fig. 2. Pl. I. Lorsque la chaîne 4 & 5 tire à soi, de la droite à la gauche, le varlet 9, ce varlet enleve le chassis 11 suspendu à l'extrémité 12, ayant trois cadres 13, portans les pistons qui refoulent l'eau dans les corps de pompes 14 & 15. Quand cette chaîne cesse d'être tendue, & que l'inférieure 2 & 3 est tirée, alors le poids du chassis 11, celui des cadres & des pistons, fait baisser l'extrémité 12 du varlet 9, & l'eau monte dans les trois corps de pompes de cet équipage ; d'autre part, l'extrémité 16 du varlet 10 enleve le chassis 17, & les pistons que soutiennent les cadres 18, refoulent l'eau dans les trois corps de pompes de ce second équipage, qui sont unis comme les précédens aux tuyaux 14 & 15.

Tous ces corps de pompes, au nombre de 257, sont soutenus inébranlables, par des barres de fer qui les embrassent, comme on le peut voir au plan du puisard, fig. 5. Pl. I.

Fig. 3. Pl. I. On voit plus en grand l'intérieur d'une des pompes refoulantes du premier & du second puisard ; chaque corps de pompe 19, y est porté par des liens de fer 20 ; & d'autres 21, empêchent que ce corps de pompe ne soit enlevé par le piston dans le tems qu'il refoule : on voit aussi que la tige 22, qui porte le piston, est attachée à deux entretoises du chassis 23, que ce cadre & le piston haussent & baissent ensemble ; il y a deux clapets aux endroits 24, & des roulettes en 25, qui servent à soulager la manoeuvre lorsqu'on veut ôter ou remettre un cadre ou chassis.

Fig. 4. Pl. I. Cette figure est l'intérieur d'une des pompes de la riviere ; c'est un tuyau de communication HGEFIL fondu d'une seule piece, dont l'un des bouts G H est uni par une bride avec un tuyau d'aspiration N O qui trempe dans l'eau, & où il y a un clapet P ; l'autre bout L M K, qui est fait en retour d'équerre, aboutit au tuyau montant M K S, qui porte l'eau sur la montagne, au premier puisard, en ouvrant son clapet R. Dans le milieu est une branche C D E F, liée par une bride avec le corps de pompe A B C D, dans lequel agit le piston Q, parfaitement cylindrique & massif, traversé par la tige T V suspendue à une bielle pendante qui lui donne le mouvement, & refoule l'eau dans le tuyau S en ouvrant le clapet R, & successivement se rend dans le lieu destiné.

Les pompes que la manivelle fait agir dans le premier & second puisard, élevent l'eau dans leurs baches, sans rien avoir de commun avec les équipages des autres roues, c'est-à-dire qu'au rez-de-chaussée des bâtimens des puisards il y a un bassin, qui en occupe presque toute la capacité, divisée par des cloisons pour former des baches, dans chacune desquelles il y a six corps de pompes renversées, qui ne font monter l'eau que quand on le juge nécessaire ; & s'il y a quelques réparations à faire aux équipages dont je viens de parler, on peut mettre leur bache à sec, & y faire descendre des ouvriers, sans interrompre l'action des autres pompes.

Description de la pompe de Nymphenbourg. " C'est encore l'Architecture hydraulique qui nous fournira les développemens d'une fort belle machine exécutée à Nymphenbourg, par M. le comte de Wahl, directeur des bâtimens de l'électeur de Baviere ; son objet est d'élever l'eau à 60 piés dans un réservoir, pour la faire jaillir dans le jardin électoral.

L'eau du canal qui a 2 piés de profondeur, & 2 de vitesse par seconde, fait tourner une roue de 24 piés de diametre, dont l'arbre est accompagné de deux manivelles A (Planches d'Hydrauliq. fig. 1. 2. 4. Pl. I. & fig. 5. 6. Pl. II.) qui aboutissent à des tirans de fer B, répondans à des bras de levier D, qui font mouvoir deux treuils C, à chacun desquels sont attachés six balanciers E, que l'on distingue particulierement dans la fig. 2. & 4. Pl. I. portans les tiges F des pistons de douze corps de pompes G, partagés en quatre équipages. "

Fig. 1. 3. 4. Pl. I. & fig. 5. Pl. II. " Chacun de ces équipages est renfermé dans une bache I K, au fond de laquelle sont assis les corps de pompes, arrêtés avec des vis sur deux madriers H percés de trous, pour que l'eau du canal, qui vient se rendre dans les baches par des tuyaux de conduite R (fig. 6. Pl. II.), puisse s'introduire dans les corps de pompes ".

Fig. 3. 4. Pl. I. & fig. 5. & 6. Pl. II. Les trois branches L de chaque équipage se réunissent aux fourches O, qui aboutissent aux tuyaux montans P, qui conduisent l'eau au réservoir ; & pour que les pompes qui répondent à chacun de ces tuyaux soient solidement établies, on les a liées ensembles par des entre-toises N, aux extrémités desquelles il y a des bandes de fer qui embrassent les pompes, comme on en peut juger par la fig. 3. Pl. I. qui represente une de ces pompes avec sa branche, exprimée plus sensiblement que dans les autres.

Cette machine est fort simple, & bien entendue ; si les fourches qui n'ont que trois pouces de diametre étoient proportionnées aux corps de pompes qui en ont dix, le produit en seroit beaucoup plus considérable, mais c'est le défaut de presque toutes les pompes.

Description de la machine hydraulique appliquée au pont Notre-Dame à Paris. Cette machine représentée par les Planches XXXVI, XXXVII, XXXVIII & XXXIX de la Charpente, est composée de deux parties entierement semblables, qui sont placées chacune vis-à-vis du côté d'aval de deux arches contiguës de ce pont.

La Planche XXXVI. est le plan général de la machine. La partie à droite est le plan au niveau de la grande roue ; & celle à gauche, le plan pris au-dessus du premier plancher.

Les lettres B B B indiquent les plans des trois piles qui soutiennent les arches, vis-à-vis desquelles la machine est placée.

L'espace qui est entre les piles & qui sert de coursier, est retréci par quatre pessieres A A A A, formées par deux cours de madriers, dont l'intérieur est rempli de pierres. Les madriers sont soutenus par une file de pieux recouverts par les chapeaux E E, &c. & les chapeaux sont liés les uns aux autres par des moises F F, &c.

Explication du plan au-dessous du plancher. La cage de chaque machine est composée de deux palées G G G G, formées par un certain nombre de longs pieux qui soutiennent le plancher. Ces pieux sont entrelacés par plusieurs cours de moises K K dont les inférieurs passent sur les tasseaux M, qui sont portés par les chapeaux qui couronnent les deux files de pieux LL, Pl. XXXVII, qui accompagnent les longs pieux G G, & les affermissent au fond de la riviere.

Entre les deux palées, que l'on vient de décrire, sont plantées deux files de pieux Ae ae, Ae ae, recouverts par un chapeau. La distance entre ces deux files est de 19 pieds, & c'est où la grande roue est placée. Ces pieux, aussi-bien que les pieux du rang intérieur L (dans le profil) supportent des madriers, qui forment un encaissement que l'on a rempli de pierres ; c'est entre ces deux massifs qui forment le coursier ou la noue, que la roue est placée.

Le chapeau Ae ae est relié avec la palée G G par plusieurs liens ou moises FF, FF, qui portent quatre pieces de bois verticales cc cc cc cc, qui servent de guides au chassis qui porte la roue. Il y a encore deux autres pieces de bois verticales, placées en Ae Ae, qui soutiennent la face du bâtiment, & la grille qui est au devant de la machine du côté d'amont.

Le chassis qui porte la roue est composé de huit poutres CC, CC, CC, CC, dont quatre sont paralleles au courant, & les quatre autres perpendiculaires. Ces derniers embrassent par leurs extrémités les quatre pieces de bois verticales (cc cc cc cc dans le plan, & C C C C dans l'élévation) ; ces pieces reçoivent les extrémités de celles qui sont paralleles au courant, sur le milieu desquelles posent les tourillons l b de l'axe de la grande roue. Les rencontres de ces huit poutres forment aux quatre coins du chassis quatre petits quarrés d d d d, dans lesquels passent les aiguilles qui suspendent le chassis & la roue à une hauteur convenable, pour que les aubes soient entierement plongées dans l'eau.

La roue est composée de huit aubes YYY, de 3 piés de large, sur 18 piés de long, affermies par quatre cours de courbes X X de vingt piés de diametre. Cette roue porte un rouet i de 60 alluchons, qui engrene dans la lanterne k de 20 fuseaux, fixée sur un arbre vertical l, Pl. XXXVII. Ce même rouet conduit aussi une petite lanterne S, qui a pour axe une manivelle à tiers-point s, qui conduit les bascules qui font agir trois corps de pompes, ainsi qu'il sera dit ci-après.

A la face latérale de la premiere poutre qui forme le chassis, sur lequel est porté la roue, & du côté d'amont, sont fixés trois rouleaux servant à faciliter le mouvement de la vanne d, qui ferme le coursier pour modérer la vîtesse du courant, en faisant que les aubes soient frappées par une plus grande ou une moindre partie de leurs surfaces.

Explication du plan au premier étage qui repond à la seconde roue. d d d d, extrémités supérieures des quatre aiguilles qui suspendent le chassis sur lequel la roue est portée ; ff, manivelles ou croisées des crics avec lesquels on éleve le chassis & la roue ; g g les prisons qui embrassent les aiguilles ; h h, les clefs qui traversent les aiguilles, & reposent sur les prisons ou sur les semelles des crics, ainsi qu'il sera expliqué ci-après. d d, extrêmités supérieures de l'aiguille de la vanne, & les deux crics qui servent à l'élever. l, extrêmité supérieure de l'arbre vertical de la lanterne K, lequel traverse le moyeu du rouet horisontal m, garni de quarante alluchons. Ce rouet conduit la lanterne n de 20 fuseaux, & l'arbre o de cette lanterne terminé par une manivelle à tiers-point p q p, fait agir trois corps de pompes, semblables à ceux cotés r dans l'autre moitié du plan : ce sont là toutes les pieces essentielles de l'équipage que l'on appelle du grand mouvement.

L'équipage que l'on nomme du petit mouvement est composé de la lanterne S, dont l'axe formé en manivelle à tiers-point tire des chaînes qui répondent aux extrémités T des bascules T X V, qui par d'autres chaînes font agir trois corps de pompes semblables à ceux cotés y dans l'autre moitié du plan ; ainsi ces corps de pompes, pour les quatre mouvemens, sont au nombre de 12, six pour chaque roue.

Explication de la Pl. XXXVII qui represente l'élévation géométrale de tout le bâtiment des deux machines vûes du côté d'amont. La machine cotée A A est vûe au-dessus de la grille ou brise-glace Z Z ; on a supprimé la clôture antérieure du premier étage pour laisser voir l'intérieur. On a aussi supprimé les bascules du petit mouvement pour mieux laisser voir le rouet m du grand mouvement. L L L L, pieux qui accompagnent les palées G G. H I K, moises qui assemblent & relient tous les pieux G. N, chapeau de la palée sur lequel reposent les corbeaux O ou N R, soutenus par des liens sur lesquels posent les poutres R R qui forment le plancher. f f &c. crics qui servent à élever les aiguilles d d, par lesquels le chassis est suspendu. g g, les prisons. a a, les prisons de l'aiguille de la vanne d. cc cc, deux des quatre montans qui servent de guides aux chassis. Y Y Y, les aubes de la roue X X X, les courbes qui les assemblent. k, lanterne du grand mouvement. m, le rouet. n, lanterne, o, arbre terminé en manivelle q, portée par un bâti de charpente p p. q r, les chaînes & chassis des pompes. r, la bache où l'eau du puisart T est conduite par les pompes aspirantes r X & de-là portée par les pompes foulantes dans la cuvette de distribution A D A D, placée au haut d'une tour de charpente à 81 pieds au-dessus du niveau de la riviere.

La machine cotée B B est représentée en coupe. On suppose la grille abbatue aussi-bien que la clôture antérieure de l'étage au dessus du plancher, pour laisser voir l'équipage du petit mouvement. i, le rouet de la grande roue à aubes. S, lanterne de 15 fuseaux. f, la manivelle en tiers-point. f T, les trois chaînes qui répondent aux bascules T X V, dont le point d'appui est en X. Y y, les trois chaînes & les trois chassis des pompes du petit mouvement. y, la bache qui reçoit l'eau par les pompes aspirantes y Z, qui descendent au fond du puisart T ; la même eau est renvoyée par les pompes foulantes dans la cuvette de distribution placée au haut du bâtiment.

Explication de la Planche XXXVIII. Cette planche est la coupe de l'un des deux pavillons de la machine par la longueur du coursier. On y voit distinctement comment la palée est construite, comment les pieux G G qui la composent sont entretenus & liés les uns aux autres par les moises horisontales K K I I, par les moises obliques H H, & par le chapeau NN sur lequel porte le plancher RR. ZZ Z, profil de la grille placée du côté d'amont. a, tourillon de l'axe de la grande roue. b, le pallier sur lequel le tourillon repose. XX, autre pallier qui porte la crapaudine de l'arbre vertical l du grand mouvement. i, rouet de la grande roue. Y Y, les aubes. k, lanterne du grand mouvement. m, rouet du grand mouvement. f V X, chaînes du petit mouvement. dd, aiguilles par lesquelles on éleve le chassis CC qui porte la roue. ff, les crics. g e, les prisons qui embrassent les aiguilles.

Après avoir décrit la machine dont il s'agit, il reste à expliquer quelques-unes de ses parties qui n'ont pas pu être représentées distinctement dans les Planches précédentes, à cause de la petitesse de l'échelle, & qui sont représentées plus en grand Pl. XXXIX. La figure premiere est le plan plus en grand de la cuvette de distribution placée au haut du donjon, & la figure 2. en est le profil. Au dessus du puisart y 2 2 y est cette cuvette qui a la forme d'un fer à cheval, divisée en plusieurs séparations. y r, y r, tuyaux montans des quatre équipages, qui dégorgent l'eau dans la cuvette. 2 2, tuyaux montans des deux équipages de relais. t, languette de calme qui ne touche point au fond de la cuvette. u languette de jauge percée d'un nombre de trous circulaires, d'un pouce de diametre, servant à estimer le produit de la machine. x, bassinets percés de même dans leur circonférence de trous circulaires, pour jauger l'eau que l'on distribue aux différens quartiers. s s s s, tuyaux descendans, qui reçoivent l'eau de la cuvette & la portent aux fontaines. Fig. 3, coupe longitudinale de l'une des baches & des six corps de pompes qui y sont adaptées. A B C, les pompes foulantes dont les chapiteaux se réunissent à un seul tuyau D, qui se raccorde avec la conduite qui porte l'eau à la cuvette de distribution. a b c, les trois pompes aspirantes dont les tuyaux descendans X Z, vont chercher l'eau au fond du puisart T. Pl. XXXVII. Tous les pistons, les pompes aspirantes & la pompe foulante C, sont à clapets, les deux autres pompes foulantes A B sont à coquille.

Fig. 4, coupe transversale de la même bache & des deux corps de pompes foulantes & aspirantes. On y voit comment le chassis qui porte le piston de la pompe foulante, & qui tire celui de la pompe aspirante, est assemblé & raccordé avec la chaîne verticale par laquelle il est tiré.

Fig. 5, élévation extérieure des trois corps de pompes foulantes, & du chapiteau commun qui les assemble.

Fig. 6, coupe du cric qui sert à élever les aiguilles.

Fig. 7, élévation du cric du côté de la manivelle.

Fig. 8, élévation des deux crics qui posent sur le plancher, & servent à élever les aiguilles du chassis & celle de la vanne. (D)

Le moulin à vent de Meudon. Ce moulin est situé vis-à-vis d'un pareil dans le parc du château de Meudon, près la ferme de Vilbon ; il est monté sur un bâtiment rond & terminé en forme de glaciere A A, autour duquel est la balustrade de bois B B, pour pouvoir tourner tout-au-tour & monter sur l'échelle tournante L L, qui conduit à la lanterne & au rouet qu'il est besoin de graisser de tems-en-tems. Le haut de la machine est un bâti de charpente composé d'entretoises & de moises qui entretiennent en deux endroits C C, D D, l'arbre immobile E E du moulin, qui est un cylindre creux, composé de quatre pieces assemblées par des frettes de fer par où passe une grosse tringle de fer qui communique aux mouvemens d'em bas, & sert d'axe à la lanterne horisontale F, dont les fuseaux reçoivent les dents d'un rouet vertical G, attaché au cylindre H H, qui sert d'axe aux quatre volans ou aîles du moulin I I I. Tout ce bâti de charpente, l'échelle, le cylindre, les aîles, que d'autres appellent girouettes, tournent par le moyen du gouvernail N, que le vent fait aller ; & quand on veut arrêter le moulin, il y a un frein ou cerceau attaché sur le rouet qui le serre ou le laisse libre par le moyen d'une bascule O O, qui tire ou serre le bout du frein par une chaînette de fer MM. On voit dans le bas une citerne P P, pleine d'eau, où vient aboutir le bout de la tringle, partie en fer & le reste en bois Q Q, qui tourne sur une matrice de cuivre servant d'oeil, au-travers de laquelle passe la tige de la manivelle R, fortement assemblée dans la tringle de bois Q Q : cette manivelle R est coudée, tirant les chevalers S S attachés sur des tourillons TT, lesquels en haussant & baissant, font lever les chassis & les tringles de quatre corps de pompes foulantes VVVV, qui trempent dans l'eau du puisart P, & font monter l'eau dans quatre tuyaux de plomb X X X X, dont on ne voit ici que le bout du quatrieme tuyau où est un pareil corps de pompe ; le tout se raccorde au gros tuyau de fer de six pouces de diametre YY, qui va se rendre dans un reservoir qui par d'autres tuyaux, fournit les fontaines du parc.

Il faut entendre que les volans ou aîles du moulin sont chargées de toile pour prendre tout le vent possible, & faire ensorte en les tendant plus ou moins que l'axe où sont attachées les aîles, soit précisément dans la direction du vent, en sorte qu'elles ne soient point perpendiculaires à cet axe, mais un peu obliques formant un angle aigu.

La pompe de reservoir de l'égoût mûe par quatre chevaux. Le reservoir de l'égoût situé au bas du boulevart, a été fait pour jetter l'eau avec impétuosité dans les principaux égoûts de la ville de Paris, & les nettoyer.

Cette piece d'eau a 35 toises de long, sur 17 & demie de large, & a 7 piés 8. pouces de profondeur ; ce qui produit 21121 muids 72 pintes d'eau mesure de Paris. Ce reservoir est fourni continuellement par 8 à 9 pouces d'eau venant de Belle-ville, & par deux équipages de pompes aspirantes à 6 corps de pompes mûes par deux chevaux chacune, & l'eau qui vient à fleur du reservoir, y forme une nappe de 66 pouces.

Cette pompe est pratiquée dans un grand bâtiment en face du reservoir, formant deux maneges couverts A A, avec une citerne au milieu B B, de forme ovale ; elle est remplie de 6 tuyaux aspirans CCCCCC, soûtenus par des traverses & entretoises DD, communiquans à 6 corps de pompes EE, qui jettent l'eau dans une bache F, qui fournit la rigole du milieu, d'où se forme une belle nappe à la tête de la piece d'eau. Les 6 tringles des aspirans G G, sont attachées par des mouffles trois par trois à une manivelle HH à tiers-point, dont l'axe s'enfonce dans un cylindre horisontal I I, terminé par une lanterne verticale K K, dont les fuseaux reçoivent les dents d'un rouet horisontal L L, attaché par des liens à un arbre perpendiculaire MM, tournant sur un pivot N N à chaque extrémité, & mû par un train à deux chevaux chacun.

Rien n'est si simple que cette machine, & elle fournit environ 3. muids par minute. Si on fait le calcul suivant la nappe de 66 pouces qui tombe continuellement dans le reservoir, ce sont 66 pouces à multiplier par 13 pintes & demie, valeur du pouce d'eau par minute ; ce qui fait 891 pintes qui font 3 muids & 27 pintes par minute pour les 6 corps de pompes : cela fait par heure en abandonnant pour les frottemens les 27 pintes, 180 muids d'eau, & par jour 4320 muids d'eau.

La pompe à feu. Cette machine, quoiqu'extrèmement compliquée, est admirable par la quantité d'eau qu'elle fournit ; je l'ai vûe placée à Londres aux bords de la Tamise en 1728 ; on l'avoit détruite depuis, mais elle vient d'être rétablie & simplifiée par le retranchement de plusieurs pieces ; on dit même qu'elle coûte moins d'entretien pour le charbon & pour les hommes qui servent à la gouverner.

C'est une pompe placée dans un bâtiment où l'on a construit un fourneau, au-dessus duquel est une grande bouilloire de cuivre, sphérique par en-haut, bien fermée & entourée d'une petite galerie extérieure, régnant tout-autour, & laissant circuler la fumée du fourneau qui entretient la chaleur de l'eau bouillante dont la bouilloire est pleine aux trois quarts.

Le cylindre de la pompe est de cuivre, & d'un diametre à discretion. Il est garni de son piston. Le piston descend & s'éleve dans le cylindre. Ce n'est qu'une plaque de cuivre roulée & bordée de cuir. Il en est plus léger, & la vapeur le chasse d'autant plus facilement.

Il y a une chaîne de fer, dont l'anneau est accroché à la tige du piston, & tient à la courbe d'un balancier, dont l'axe tourne sur un tourillon, dont les parties portent sur un des pignons du bâtiment.

Un bout de tuyau transmet la vapeur de la bouilloire dans le cylindre, & la partie de la machine qu'on appelle régulateur, ouvre & ferme en-dedans & au haut de l'alembic l'extrémité du tuyau de vapeurs.

C'est un fleau ou une coulisse de bois attachée à une petite courbe concentrique à la courbe du balancier auquel elle est fixée, qui se haussant par ce moyen & se baissant, donne le jeu au régulateur & au robinet d'injection, en retenant par des chevilles fixées dans plusieurs trous faits dans son épaisseur, les axes recourbés & communiquans au robinet & au régulateur, dont on rend l'effet plus ou moins promt, en haussant ou baissant ces chevilles.

Le tuyau de l'injecteur descendant du réservoir au-dessus, & se coudant pour entrer dans le cylindre, y jette environ neuf à dix pintes d'eau froide à chaque injection par un robinet qui s'ouvre & se ferme continuellement au moyen des chevilles fixées le long de la coulisse.

Il y a un petit tuyau qui sort de l'injecteur, & qui a un robinet toujours ouvert. Il jette de l'eau prise dans le réservoir au-dessus, en couvre le piston de cinq à six pouces. C'est ainsi que l'entrée est fermée à l'air, & le cuir du piston humecté.

On appelle robinets d'épreuve ceux de deux tuyaux dont le plus court atteint seulement à la surface de l'eau de la bouilloire, & l'autre va jusqu'au fond. Ils indiquent l'un & l'autre l'excès ou le défaut de la quantité d'eau ou de vapeurs conservées dans l'alembilique ou la bouilloire.

Un tuyau communiquant à la capacité du cylindre, laisse écouler l'eau injectée, & la renvoie à la bouilloire. Un autre tuyau attaché au cylindre, donne issue à l'eau qui déborderoit, lorsque le piston est relevé. On y pratique un robinet qui jette l'eau sur la soupape du tuyau qui laisse sortir & l'air du cylindre, & celui qui est amené par l'eau froide injectée.

Une valvule ou soupape couverte de plomb, laisse évacuer la vapeur de la bouilloire, quand elle a trop de force. Au-dessous du piston, il y a un tuyau de décharge du cylindre, & au haut du bâtiment un tuyau de décharge du réservoir.

Deux autres courbes placées à l'autre extrémité du levier font aller une pompe renversée qui fournit un petit réservoir, & des pompes aspirantes posées dans un puits d'où l'eau est portée dans un grand réservoir.

C'est par une cheminée que sort le trop de fumée de la bouilloire.

L'eau portée dans le petit réservoir, fournit la machine. L'eau portée dans le grand réservoir sert à tel usage que l'on veut. C'est elle qui mesure le vrai produit de la machine.

Il est inutile d'entrer ici dans un plus long détail sur le principe d'action, sur l'utilité des parties, & sur l'effet de cette pompe, dont nous avons parlé fort au long à l'article FEU. Voyez cet article, & nos Planches de Machines hydrauliques.

La pompe que nous y avons décrite n'est pas tout-à-fait la même que celle-ci, mais ce sont ces petites différences qui nous ont déterminé à revenir ici sur cette machine.

Nouvelle machine de M. Dupuis. C'est avec grand plaisir que nous saisissons l'occasion de rendre justice au mérite & aux talens de feu M. Dupuis, maître des requêtes. Après avoir rempli dignement plusieurs charges considérables, il fut nommé intendant du Canada en 1725. Il s'appliqua, à son retour, aux méchaniques, science qu'il avoit aimé de tout tems. Son cabinet étoit rempli de toutes les productions de son genie ; enfin il inventa la machine suivante, qui fut approuvée de l'académie royale des Sciences, & fut exécutée en plusieurs endroits, & notamment cinq de ces machines ont été exécutées par l'ordre de M. de Maurepas pour les travaux du Roi à Saint-Domingue.

Madame Dupuis sa veuve, qui demeure à Paris, rue Chapon, a obtenu du roi un privilége exclusif de cette belle machine, & pourroit céder ses droits à ceux qui voudroient en faire tout l'usage qu'elle mérite.

Cette machine dans son intérieur est composée de deux coffres de bois posés l'un au-dessus de l'autre ; & se garnissent en dedans de plaques de cuivre de trois côtés, excepté celui où est attachée la plate-forme, qui est garni de cuir, avec une rainure de son épaisseur pour éviter le trop de frottement ; le coffre, où sont les mouvemens, est séparé en dedans par une cloison ; ces deux coffres sont dans l'eau dont la superficie est comprimée par l'air extérieur. La premiere figure montre l'intérieur des deux coffres A & B. La plate-forme mouvante CC, garnie de fer, est inclinée dans la caisse, tenant par un bout à un boulon de fer attaché à la caisse en forme de charniere, & de l'autre taillé en portion de cercle, montant & agissant sur une autre portion de cercle D, suivant lequel est taillée une des parois du coffre garnie de cuir fort ou de bourre pour empêcher l'eau de descendre. Cette plate-forme est percée de deux ouvertures garnies des clapets E F, qui donnent passage à l'eau dans le jeu de la plateforme que fait agir une tringle de fer I K, inclinée par le moyen de deux mouffles ou d'un chassis à deux branches, & qui se raccorde à un des bouts de ladite plate-forme, & va se rendre à la manivelle & au moteur.

Par ce mouvement l'eau qui entoure les deux coffres, & qui y entre continuellement, étant comprimée par l'air extérieur ou l'atmosphère, fait lever les deux clapets E & F de la plate-forme mouvante, & forcent à se lever les deux autres clapets G & H correspondans & placés sur le dessus de la caisse, au moyen de quoi l'eau passe dans une espece de hotte de cheminée, pour se communiquer dans le tuyau montant L, qui porte l'eau dans le réservoir ou lieu destiné.

Fig. 2. On peut établir cette pompe pour l'épuisement des eaux dans une mine, ainsi qu'elle a été exécutée à Pompéan, près de la ville de Rennes. L'eau est premierement attirée par une pompe aspirante à la hauteur de vingt-quatre piés dans une bache ou coffre de bois, & est reprise par une ou plusieurs pompes successivement jusqu'en-haut. Le mouvement est une tringle de bois qui fait agir tous les coffres par le moyen de deux bielles & d'une tringle de fer coudée qui y est attachée, & qui se rend par-dessous dans le coffre où est la plate-forme ; en-haut c'est un rouet & une lanterne que font mouvoir deux chevaux attelés dans un manege.

On ne fait monter l'eau qu'à vingt-quatre piés & à plusieurs reprises, que pour soulager la colonne d'eau ou tuyau montant ; car on pourroit élever l'eau tout d'un coup à deux cent piés par une pompe foulante ; le minéral est monté à bras dans des sceaux par le moyen d'un treuil.

Fig. 3. Cette machine peut être mûe par la force de l'eau, savoir par le courant d'une riviere, ou faisant tomber la chûte d'un ruisseau sur les aubes de la roue qui feroit agir une manivelle coudée où seroient attachées les deux tringles de fer qui correspondent aux coffres posés dans le bas de l'eau.

Un moulin à vent peut aussi faire agir de la même maniere cette machine, en mettant la manivelle dans le haut, & correspondante à l'axe des deux aîles, alors la tringle passe à-travers un arbre creusé, tourne de tous sens, & vient se communiquer à un balancier que levent les tringles qui vont faire agir les plate-formes des coffres, qui sont posés au bas de la citerne.

Fig. 4. On voit de face le chassis de fer, qui est attaché au bout de la tringle de fer, pour donner le mouvement à la plate-forme CC ; au bas du chassis se voit la patte-de-chat BB qui est chevillée sur la plate-forme pour la faire mouvoir.

On trouvera ici l'application de la même machine à une pompe à cheval, dont on voit (fig. 5.) le manege A, le rouet B portant sur son pivot C, la lanterne D, la manivelle E qui fait lever & baisser les trois tringles FFF garnies de leur chassis ou portes qui donnent le mouvement aux plate-formes des coffres placés au fond d'un puits, & font élever l'eau par les trois cheminées GGG qui se raccordent par une fourche au tuyau H, qui porte l'eau au réservoir.

Il est bon de remarquer que quand la manivelle est simple, il n'y a qu'une plate-forme dans le coffre ; lorsqu'elle est coudée ou à tiers-point, il y a une ou deux séparations dans le coffre pour y loger deux ou trois plate-formes, ce qui ne change rien à la méchanique de cette machine, ce qui revient aux trois corps de pompe ordinaires. La tringle est simple pour une plate-forme ; quand il y en a deux, la tringle se termine en-bas par une patte à deux branches, qui prend sur la plate-forme.

Fig. 6. Cette machine est encore d'une grande utilité, quand on veut dessécher un marais, ou vuider une piece d'eau, en l'établissant sur un des bords & par des bascules menées par deux ou quatre hommes qui se succéderont, sans discontinuité, d'heure en heure ; on fera mouvoir deux tringles qui feront agir deux plate-formes dans un coffre, d'où l'eau passant par les deux cheminées, sera portée par une fourche dans le tuyau montant, pour se vuider dans une auge de bois & se perdre où l'on jugera à propos, toûjours un peu loin de la piece, afin que l'eau en filtrant à-travers les terres, n'y puisse revenir. C'est ainsi que les Bénédictins ont vuidé, au village de Cachans près Paris, une grande piece d'eau de près de trois arpens d'étendue, & de cinq piés de profondeur, en dix jours de tems.

C'est sur le pié de 6000 muids en vingt-quatre heures, & 60000 en tout pendant les dix jours, avec quatre hommes qui se relevoient d'heure en heure, & quatre hommes frais pour la nuit.

Fig. 7. Le moindre effet que peut faire cette machine est d'être employé à faire jouer une pompe à bras, placée dans un puits pour l'usage d'un petit jardin ou d'une maison ; on mettra au bas du puits un coffre séparé en deux par une cloison, pour y loger deux plate-formes qui feront monter l'eau dans deux hottes, ou par une fourche elle se joindra au tuyau montant, d'où l'eau tombera dans une auge de pierre ou de plomb à l'usage de la maison ; les deux tringles correspondantes aux deux plate-formes seront mûes par une manivelle à bras, dont le mouvement sera vertical par le moyen d'un tourillon ; en haussant une pendant que l'autre descendra sans aucune interruption, elles jetteront de l'eau dans l'auge de pierre.

L'avantage de cette machine est de n'avoir point de pistons ni de corps de pompe, & d'avoir peu de frottement, de s'user moins qu'une autre, d'être de peu d'entretien, de coûter moins dans l'exécution, qui ne passe pas ordinairement, étant simple, la somme de douze cent livres ; de pouvoir servir aux mines, aux desséchemens des marais & fossés ; de se loger dans les puits & par-tout, sans échafaudage & sans grande préparation ; d'être mise en mouvement par des hommes, des chevaux, par l'eau & par le vent, & avec tout cela d'amener dans le même espace de tems le double de l'eau que peut fournir la meilleure machine qui ait été éxécutée jusqu'à présent. La raison en est fort simple : le coffre, où est renfermée la plate-forme mouvante, a ordinairement deux piés & demi de long sur neuf pouces de large, & un pié environ de haut, & par sa capacité & étendue a plus de jeu, contient plus d'eau, & l'agite plus violemment qu'un corps de pompe d'un pié de diametre, avec un piston qui lui soit proportionné ; ainsi la pompe à cheval du pont-aux-choux fournit, avec les deux maneges à quatre chevaux tirant ensemble, & les six corps de pompes aspirantes, environ deux muids par minutes ; celle de M. Dupuis fournit, sans manege, mue par quatre hommes, quatre muids & quatre cinquiemes par minute, à seize piés de haut, suivant le rapport de MM. de l'académie des Sciences.

Si elle étoit exécutée en grand avec une manivelle à tiers-point, une plate-forme percée de trois clapets, qu'elle fût mûe par un seul cheval dans un manege avec un train, un rouet & une lanterne, ce qui augmente beaucoup la force du moteur, elle fourniroit huit-muids au moins par minute, le reste du produit abandonné pour les frottemens, ce qui feroit par jour 11520 muids.

Pompe à bras. La pompe à bras A (figure premiere) est composée d'un tuyau de plomb B B de deux pouces de diametre, ayant son extrémité C coudée & portée sur un socle de bois D ; ce bout coudé doit être percé de plusieurs trous, & tremper dans l'eau du puits E, & ce tuyau doit aboutir à un plus large d'environ cinq pouces de diametre, servant de corps de pompe fait en entonnoir pour se raccorder avec le tuyau aspirant B B, & pour servir à loger à force le petit barillet F couvert d'une soupape ou clapet G, & garni de filasse pour empêcher l'eau de descendre ; le piston H est garni de cuir par en-haut avec son clapet I, & attaché à une anse de fer K, suspendue à une verge de fer L, attachée à la bascule M, composée d'un levier & d'une poignée N, soutenue par un étrier de fer O, attaché à la cuvette par deux liens de fer avec un oeil & un boulon de fer, où tournent les deux bras du levier M & N. L'eau tombe par une gargouille P, où est un masque dans une cuvette de pierre Q.

Fig. 2. La même machine A est répétée de profil ; les figures marquées RS fig. 3. sont deux outils de fer qui servent dans le tuyau à asseoir ou à retirer le barillet F que les ouvriers appellent le secret.

Les figures 4 & 5 offrent en profil & en coupe la pompe de bois T & V fig. 4 & 5 des plus simples dont on se serve ; on la nomme hollandoise, étant très en usage dans ces pays ; on l'emploie dans les vaisseaux, dans les jardins, & il n'y a pas une maison en Hollande qui n'en ait plusieurs ; c'est un tuyau d'aulne ou d'orme creusé, au bas duquel, à la distance de six à sept pouces, est un clapet X (fig. 5.) au dessous duquel on perce plusieurs trous qui trempent dans l'eau ; il y a une tringle de bois Y, dont un bout est attaché à l'anse Z d'un piston avec son clapet ; l'autre bout tient à la bascule de bois aa attachée au tuyau par un étrier de bois en fourchette avec un boulon, &c. L'eau tombe par une gargouille b dans une auge de pierre ou autre endroit destiné.

Le moteur ou la puissance appliquée à la poignée N. fig. 1. ou au bout du levier, &c. fait jouer le levier M & N, dont le bras O N est de trente pouces, & l'autre O M n'a que cinq pouces ; ainsi on voit que la puissance est la sixieme partie du poids, ou comme 1 est à 6.

La pompe pour les incendies. Cette pompe A est pareille à celle que l'on trouve dans les Pays-Bas ; on en voit ici la coupe A, figure premiere & le plan B, figure 2. Ce plan est quarré & est composé d'un bac partagé en trois parties par deux cloisons C C percées en D de plusieurs trous, pour que l'eau versée dans les réservoirs C C parvienne pure au retranchement du milieu D, fig. 2. par le moyen du jeu des deux pompes foulantes E E qui sont à ses côtés, dont l'eau se communique par les deux passages F & G qui s'ouvrent & se ferment alternativement par des clapets ; l'eau venant plus fortement par les deux pistons, surmonte le trou H, & se réunit vers le sommet du récipient où l'air se trouve de plus en plus condensé ; l'eau est refoulée sans interruption, & lancée continuellement avec une vîtesse qui est presque toûjours la même.

Fig. 3. La figure 3 expose un boyau de cuir L M qui s'ajuste avec une boëte de cuivre au trou H, & l'eau y est refoulée pour être dirigée avec vîtesse par un ajutage N dans les endroits embrasés.

Fig. 4. On voit dans la quatrieme figure l'élévation de la même pompe composée d'une caisse de cuivre rouge, de trois piés de large, sur deux piés & demi de haut, surmontée d'un chapiteau arrêté par des vis, portant l'axe d'un balancier dont les extrémités sont faites en fourches, afin de pouvoir y enfiler une poignée assez longue pour que cinq ou six personnes puissent agir de front ; il y a une ouverture O saillante de quelques pouces en forme de tuyau, pour y loger le bout H du tuyau de cuir qui porte l'eau à sa destination. (K)

HYDRAULIQUE, (Chimie) c'est le nom que M. le comte de la Garaye donne à l'art d'extraire toutes les parties efficaces des mixtes, sans feu, & par le moyen d'un dissolvant général, commun, simple, doux & homogene, savoir l'eau pure.

L'unique moyen de cette nouvelle chimie, pour la qualifier comme son inventeur, est l'infusion ordinairement agitée d'agitation des matieres, qu'il appelle peu exactement trituration.

Il place les corps dont il se propose d'extraire les principes efficaces dans des pots de verre, de fayence, ou de bonne terre cuite & non-vernissée, élevés de bord, dont le ventre est renflé & l'ouverture assez étroite ; il verse sur ces corps une quantité d'eau froide ou tiéde, déterminée d'une façon assez vague, mais très-considérable par proportion à la quantité de matiere employée, vingt-quatre livres d'eau, par exemple, pour demi-livre de quinquina ; les matieres & le dissolvant remplissent le pot environ aux deux tiers. On introduit dans ce pot un moussoir qui porte à sa partie supérieure une petite poulie ou crenelure circulaire, dans laquelle s'ajuste une corde appliquée d'autre part à une grande roue horisontale à rainures, comme celle du lapidaire, bien fixée sur son axe, qui en tournant, fait mouvoir rapidement le moussoir par le même méchanisme que celui de la roue du cordier. Le moussoir doit parvenir jusqu'à un pouce près du fond du vaisseau. On ferme le vaisseau ou avec un couvercle brisé dans lequel il y a un trou pour passer le moussoir, ou avec des vessies mouillées pour empêcher que la mousse qui s'éleve pendant l'opération ne se répande, & qu'il ne tombe des ordures dans le vaisseau. Tout étant ainsi disposé, on triture, ou on fait jouer le moussoir pendant plus ou moins de tems, selon le tissu des matieres, & selon qu'on se propose d'obtenir seulement le principe le plus soluble, ou au contraire d'épuiser la matiere ; car on peut par cette trituration épuiser certaines matieres, du-moins jusqu'à les rendre insipides. M. le C. D. L. G. emploie communément depuis six jusqu'à vingt-quatre heures ; il filtre son infusion à-travers des toiles claires & de grosses étoffes de laine, on la laisse éclaircir par le repos pendant une nuit en été, & pendant vingt-quatre heures en hiver ; il la fait évaporer ensuite sur des assiettes de fayence à la chaleur du soleil, ou à celle du bain de vapeurs : il rejette comme inutile un sédiment qui se précipite lorsque la liqueur est évaporée à peu-près à moitié ; la liqueur décantée & évaporée sur une autre assiette, donne le produit le plus parfait.

M. le C. D. L. G. traite par ce procédé les végétaux, les animaux & les minéraux.

Les prétentions de certains chimistes sur les sels métalliques sont trop justement contestées, pour que celles de M. de la Garaye sur les produits retirés de ces substances par sa méthode, ne restent encore au moins au rang des problèmes chimiques, & ne méritent un examen ultérieur de la part des maîtres de l'art. La trituration des substances minérales salines en opére bien réellement la dissolution parfaite ; mais il ne faut pas tant de mystère pour dissoudre le vitriol ou l'alun par exemple. La crême de tartre & le verre d'antimoine, long-tems triturés ensemble & à grande eau, doivent se combiner en partie sous la forme de tartre stibié, mais c'est un moyen très-long & très-inutile de composer ce remede ; la longue trituration du soufre peut être un moyen d'obtenir des connoissances nouvelles sur ce corps devenu si intéressant, par la théorie simple & lumineuse que Stahl a donné de sa mixtion. Mais certainement rien n'est moins démontré par les expériences de M. le C. D. L. G. que son sel de soufre.

La trituration avec l'eau n'extrait des viperes & de la corne de cerf, que M. le C. D. L. G. a donnés seuls pour exemple, qu'une substance gélatineuse qui, dessechée sur les assiettes, approche de l'état de colle, ou des tablettes de viande ou de bouillon, voyez ALIMENT, & qui ne fournissant aucune des commodités de cette derniere préparation, n'est qu'un présent très-inutile de la trituration ; & certainement plus improprement encore qualifié du titre de sel que les extraits métalliques.

Mais les produits de la trituration exécutée sur les minéraux & sur les animaux, sont à peine connus ; les expériences de M. le C. D. L. G. n'ont pas même été répétées, du-moins dans la vûe de les employer à la préparation de nouveaux remedes. On a regardé avec raison cette partie des travaux de l'auteur comme dûe à l'opinion qu'il a conçue de l'universalité de sa méthode, de son dissolvant, de sa nouvelle chimie. Les manoeuvres les plus particulieres nées hors du sein des arts, ou renouvellées, ou appliquées à quelque usage nouveau, paroissent toûjours à des auteurs sans principes devoir changer la face de l'art auquel elles tiennent, devoir suppléer à toutes les anciennes ressources, en un mot, créer un art nouveau. Les sels essentiels de la Garaye, qui ont été distribués dans le public & qui sont au nombre des médicamens des nouvelles pharmacopées, sont retirés des végétaux. Pour peu qu'on soit versé dans les connoissances chimiques, on s'appercevra sur le champ que ces prétendus sels essentiels ne sont précisément & à la lettre que des extraits. C'est ainsi que les qualifie avec raison M. Geoffroy le cadet, dans un Mémoire qu'il a composé sur ce sujet, qui se trouve parmi ceux de l'académie, de ces dernieres années, & à la fin de la chimie hydraulique, imprimée à Paris chez Coignard 1745. Le résumé du jugement de M. Geoffroy sur cette préparation pharmaceutique, qu'il donne lui-même à la fin de son mémoire est celui-ci ; " Le sel essentiel, préparé selon la méthode de M. le comte de la Garaye, n'est point un sel essentiel, mais un extrait sec & bien fait, & on peut avoir par infusion.... des extraits aussi sûrs & aussi parfaits que par sa machine ". En effet, l'infusion ménagée par les gens de l'art est bien plus efficace, n'est ni si embarrassante, ni si dispendieuse que la trituration, & elle fournit des remedes qui retiennent les vertus des substances dont ils sont retirés tout aussi peu altérées, qu'elles le sont dans les remedes préparés par la trituration. Au reste, il ne faut pas oublier qu'on ne peut obtenir ni par l'une, ni par l'autre méthode, que les substances végétales solubles par l'eau ; que c'est une prétention chimérique de vouloir en retirer par ce menstrue les parties résineuses & huileuses, les soufres, comme s'exprime M. le C. D. L. G. & par conséquent tous les principes medicamenteux des végétaux. (b)


HYDRE DE LERNE(Mythol.) monstre épouvantable, né de Typhon & d'Echidne, dit Hésiode.

Parmi les fameux travaux d'Hercule, la fable nous vante la défaite de l'hydre, ce serpent monstrueux qui faisoit un ravage épouvantable dans les campagnes, & sur les troupeaux des marais de Lerne. Les poëtes ont feint qu'il avoit un grand nombre de têtes, & qu'on n'en avoit pas plûtôt coupé une, qu'il en renaissoit plusieurs autres ; Hercule, ajoûtent-ils, pour tarir la source de cette fécondité, ne trouva pas d'autres moyens que d'appliquer le feu à chaque tête qu'il abattoit.

Cette hydre à plusieurs têtes, suivant nos Mythologues, n'étoit autre chose qu'une multitude de serpens, qui infectoient les marais de Lerne proche de Mycène, & qui sembloient multiplier à mesure qu'on les détruisoit. Hercule, avec l'aide de quelques-uns de ses compagnons, en purgea le pays, en mettant le feu aux roseaux du marais qui étoit la retraite de ces reptiles ; ensuite il dessecha ce marais par des canaux qui faciliterent l'écoulement des eaux, & rendirent le terrein d'un bon rapport. (D.J.)


HYDRÉLEONS. m. (Pharm.) huile commune & eau battues ensemble. Ce medicament pris par la bouche, excite le vomissement, est topique ; il est anodin & suppuratif.


HYDRENTEROCELES. f. terme de Chirurgie, hernie ou tumeur occasionnée par la descente des intestins avec des eaux dans le scrotum. Voyez HERNIE. Ce mot est composé d', eau ; , intestin ; & , tumeur.

C'est une maladie compliquée : l'hernie doit être réduite & contenue par un brayer, l'hydrocele doit être traitée à part : dans un cas pareil, s'il s'agissoit de faire la ponction avec le trocart, le chirurgien ne pourroit apporter trop d'attention pour éviter la piquûre du sac herniaire & celle du testicule. Voyez HYDROCELE. (Y)


HYDRIA(Antiq.) vase percé de tous côtés, qui représentoit le dieu des eaux chez les anciens Egyptiens. Les prêtres le remplissoient d'eau à certains jours, l'ornoient avec magnificence, & le posoient ensuite sur une espece de théatre public : alors, dit Vitruve, tout le monde se prosternoit devant le vase, les mains élevées vers le ciel, & rendoit grace aux dieux des biens que cet élément leur procuroit ; mais cette cérémonie étoit nécessaire chez un peuple, dont l'eau coupée par une infinité de canaux faisoit la richesse, dont le Nil fertilisoit les terres, & dont Canope étoit un des principaux dieux. Voyez CANOPE. (D.J.)


HYDRIEPHORESS. f. pl. (Antiq. greq.) , nom qu'on donnoit chez les Athéniens aux femmes des étrangers qui résidoient à Athènes ; on les appella de ce nom, comme étant obligées de porter des cruches d'eau dans la procession des Panathénées. Voyez Potter, Archaeol. graec. t. I. p. 56. & 421. Ce mot est composé de , eau, & , je porte. (D.J.)


HYDRINUS LAPIS(Hist. nat.) quelques auteurs se sont servis de ce nom, pour désigner la pierre de serpent, ou l'ophite.


HYDRO-SARCOCELES. f. terme de Chirur. nom qui a été donné par Fabrice d'Aquapendente, à une collection d'eau dans le scrotum, accompagnée d'un testicule sarcomateux. La tuméfaction de la glande est ordinairement la maladie originaire, & l'épanchement de lymphe est l'effet de la rupture des vaisseaux lymphatiques, engorgés par l'obstruction du testicule. Que l'hydrocele soit la maladie primitive, & que le testicule sain au commencement de la maladie, étant continuellement en macération, se relâche & se dissolve, pour ainsi dire, sa tunique propre viendra à se déchirer ; il en arrivera quelquefois autant aux vaisseaux, c'est ce qui produit l'épanchement mixte d'eau & de sang qu'on trouve quelquefois dans ces sortes de tumeurs.

L'indication curative qu'elles présentent, est de vuider l'eau contenue dans la tumeur, & de travailler à résoudre l'engorgement du testicule par les remedes appropriés à la nature de l'engorgement. Les cataplasmes résolutifs, les emplâtres émolliens & fondans peuvent être appliqués avec succès. Si les eaux se renouvellent, les remedes convenables au testicule seront sans effet, & l'on pourra tenter la cure radicale de l'hydrocele ; voyez HYDROCELE. Dans l'opération même, on voit en mettant le testicule à découvert, ce qu'on doit espérer de l'état où il se trouve ; il est bien rare qu'il n'exige pas l'extirpation dans la plûpart des hydrosarcoceles invétérées. Alors, par l'opération de la castration, on guérit radicalement les deux maladies dont la complication produisoit l'hydrosarcocele. Voyez CASTRATION, GATURETURE. On verra à ce dernier mot, les raisons qui exigent qu'on s'abstienne de la ligature, qu'on avoit coûtume de pratiquer dans l'opération de la castration. (Y)


HYDROBELES. f. terme de Chirurgie, tuméfaction de la sur-peau du scrotum, causée par des humeurs aqueuses. C'est une oedeme des bourses qui rend la peau lisse & luisante ; l'impression du doigt reste sur la tumeur pour peu qu'on l'y appuie. La verge devient souvent oedémateuse par le progrès de l'infiltration, & alors elle représente une colone torse.

Cette maladie est assez familiere aux enfans nouveaux-nés, & elle cede ordinairement à l'application des remedes astringens ou discussifs. Les compresses trempées dans le vin rouge, chaud, dans lequel on a fait bouillir des roses de Provins : l'eau de chaux simple, ou animée d'un peu d'eau-de-vie, suffisent pour résoudre la tumeur aqueuse superficielle du scrotum ; le cataplasme de têtes de porreaux cuites dans le vin blanc, est un remede éprouvé dans ces sortes de cas. Dans les adultes où l'hydrobele est un symptome & un accident de l'hydropisie ascite, ou une maladie essentielle causée par la difficulté du cours de sang dans des parties assez éloignées du grand torrent de la circulation, les remedes que nous venons d'indiquer ne suffisent pas ; il faut faire de légeres mouchetures à la sur-peau, pour procurer le dégorgement des parties tuméfiées ; on applique ensuite sur la partie des compresses trempées dans l'eau-de-vie camphrée tiede. Ces mouchetures doivent être faites avec art, pour prévenir la gangrene qui n'est que trop souvent la suite des scarifications faites sans méthode sur des parties oedémateuses. Voyez OEDEME & MOUCHETURE. (Y)


HYDROCARDIES. f. terme de Chirurgie, employé par Fabrice de Hilden, fameux chirurgien, pour désigner l'épanchement d'une humeur séreuse, sanieuse ou purulente dans le péricarde : dans l'exactitude étymologique, l'hydrocardie est l'hydropisie du péricarde ; maladie dont M. Senac a parlé savamment dans son Traité des maladies du coeur. Le péricarde est sujet à l'hydropisie ; cette maladie, suivant cet auteur, est fréquente, difficile à connoître, & plus difficile à guérir.

Les obstacles que trouve l'eau du péricarde à rentrer dans les voies de la circulation, seront les causes de l'hydropisie du péricarde. Les maladies du médiastin, du poumon & du coeur, sont des causes particulieres qui déterminent une plus abondante filtration de l'humeur du péricarde, & le défaut de résorbtion de cette humeur, soit par le dérangement qui arrive dans les pores absorbans, soit qu'il se fasse dans certains cas une expression de sucs lymphatiques & gélatineux, avec la rosée transpirable, qui épaississent l'humeur du péricarde, & qui ne permettent plus aux tuyaux resorbans de s'en charger. Il est certain par beaucoup de faits qu'on a trouvé des fluides extravasés contre l'ordre naturel dans le péricarde ; mais la difficulté est de connoître positivement l'existence de cette collection de matiere. Elle peut être portée fort loin ; le péricarde est susceptible d'une grande dilatation, on l'a trouvé tellement rempli d'eau, que la poche qu'il formoit s'étendoit presque jusqu'à la racine du sternum. Le premier effet de l'eau épanchée dans le péricarde doit être de gêner les mouvemens du coeur, & de produire en conséquence des palpitations, des tremblemens & des défaillances. Le poulmon étant nécessairement pressé par la dilatation du péricarde, la respiration doit être difficile, & beaucoup plus lorsque les malades seront couchés sur le dos. Elle sera pénible sur le côté droit ; la situation où les malades respireront le plus aisément, c'est lorsqu'ils seront assis & appuyés un peu sur le dos & s'inclinant vers le côté droit. Les connoissances anatomiques rendent raison de ces effets. La pression du poumon occasionnera une toux seche ; le pouls doit être dur, vif & fréquent. Tous ces signes ne sont pas univoques, & tels qu'ils ne puissent pas tromper. Il n'y a que la douleur & l'oppression sur la partie antérieure de la poitrine qui puissent indiquer que l'eau est ramassée dans la capsule du coeur.

Cette maladie n'a presque jamais été reconnue que par l'ouverture des cadavres ; il n'est donc pas étonnant que les livres de Medecine ne parlent point des symptomes de cette hydropisie. M. Senac a recueilli les observations de ceux qui ont répandu quelque lumiere sur une maladie si obscure, & il a soin de distinguer dans l'énumération des accidens quels sont ceux qui paroissent appartenir à l'hydropisie du péricarde, & qui peuvent en être considérés comme les symptomes. De la discussion de tous ces faits, il résulte que les signes qui caractérisent l'hydropisie du péricarde sont la dureté du pouls, les palpitations, l'oppression, un poids sur la région du coeur, les défaillances, la difficulté de respirer ; mais ce qui rend ces signes moins équivoques, c'est qu'on apperçoit distinctement entre la troisieme, la quatrieme & la cinquieme côtes, les flots de l'eau contenue dans le péricarde lorsqu'il survient des palpitations ; on entrevoit néanmoins quelque mouvement semblable dans les palpitations qui ne sont pas accompagnées de l'hydropisie du péricarde ; mais alors ce n'est pas un mouvement onduleux, & qui s'étende fort loin.

En supposant qu'on ait bien connu l'hydropisie du péricarde, quels sont les remedes que cette maladie exige ? On doit avoir recours aux remedes évacuans ; les hydragogues sont quelquefois utiles dans l'hydropisie ascite ; ils pourroient opérer efficacement dans celle du péricarde. Mais l'inutilité des remedes internes laissera-t-elle la ressource chirurgicale de la ponction ? On a guéri des abscès de péricarde par incision ; on pourra donc, à plus forte raison, faire une ponction. Cette opération exige de la circonspection. Il faut éviter l'artere mammaire qui est à-peu-près à un pouce du sternum ; il faut de plus prendre garde que le coeur dans ses oscillations ne soit piqué par la pointe de l'instrument. Pour éviter ces inconvéniens, on doit pénétrer dans le péricarde entre la troisieme & la quatrieme côte du côté gauche, en portant la pointe du trocart à deux pouces du sternum, la poussant obliquement vers l'origine du cartilage xiphoïde le long des côtes, c'est-à-dire qu'on doit s'en éloigner le moins qu'on le pourra. En marchant par cette voie, on ne blessera ni l'artere mammaire, ni le coeur, ni le poumon. Voyez le traité de la structure du coeur, de son action & de ses maladies, par M. Senac, conseiller d'état, & premier medecin du Roi ; à Paris, chez Vincent, 1749. (Y)


HYDROCELES. f. terme de Chirurgie, tumeur du scrotum, formée par une collection de lymphe. Les anciens mettoient cette maladie au nombre des hernies fausses ou humorales ; c'est d'où lui vient son nom , composé de , aqua, eau, & de , hernia, hernie.

On distingue deux sortes d'hydrocele ; l'une qui est faite par infiltration de lymphe séreuse dans le tissu cellulaire du dartos & de la peau, voyez HYDROCELE ; & l'autre est faite par épanchement ; celle-ci est une tumeur ronde & oblongue, lisse & égale, placée dans le scrotum ; elle est indolente, l'impression du doigt n'y reste pas en l'y appuyant, & l'on y sent la fluctuation d'un liquide épanché. La tuméfaction du scrotum dans ses progrès couvre la verge, au point qu'elle ne paroît souvent que par la peau du prépuce. L'hydrocele est une vessie remplie d'eau, placée sur l'un des testicules auxquels elle est adhérente ; la tumeur devient quelquefois si grosse, que le raphé partage le scrotum en deux parties inégales.

Les auteurs ne sont pas d'accord sur le siége de l'hydrocele ; les uns ont multiplié les especes de cette maladie par les lieux qu'ils lui ont fait occuper ; d'autres ont restraint le siége de l'hydrocele exclusivement dans les cellules de la tunique vaginale du cordon spermatique ou du testicule. On a souvent vû des hydatides du cordon spermatique. L'eau amassée dans une cellule de la tunique vaginale du cordon peut donc distendre peu-à-peu les cellules & former une vraie hydrocele. On sent d'abord autour du cordon spermatique, au-dessus du testicule, un engorgement qui forme une petite tumeur molle, laquelle se dissipe par la pression, & qui s'étend en longueur depuis l'anneau jusqu'au testicule. Cette tumeur croît peu-à-peu, elle divise plusieurs cellules dont elle distend les parois jusqu'à former un seul sac très-ample & qui augmente toûjours en épaisseur. On a trouvé quelquefois la dilatation du sac qui s'étendoit fort loin entre les muscles obliques de l'abdomen. On a observé des hydroceles partagées en deux tumeurs par une dépression transversale ; c'est que ces tumeurs qui sont originairement cellulaires, ont commencé en deux endroits de la tunique vaginale, & qu'elles ne s'accroissent que par la rupture des cellules.

L'espece d'hydrocele qui se fait dans la tunique vaginale du testicule est la plus ordinaire ; puisque cette tunique forme réellement un sac qui contient toûjours de l'eau. Si elle s'y ramasse en trop grande quantité, elle distendra facilement la membrane, & produira une vraie hydrocele. Nous n'avons point d'observation qui prouve que l'hydrocele se soit formée dans la propre substance du testicule, comme quelques auteurs l'ont avancé.

La cause de l'hydrocele vient de la difficulté du retour du sang dans les circonvolutions des veines qui forment le plexus pampiniforme. Cette difficulté occasionne fort souvent l'engorgement & la rupture des vaisseaux lymphatiques ; de-là l'épanchement qui produit l'hydropisie du scrotum. L'hydrocele est quelquefois un symptome de l'hydropisie ascite, & alors c'est plutôt un oedème des bourses qu'une vraie hydrocele. Dans ce cas, elle devient le moindre objet de l'attention, parce qu'elle se dissipe par le succès du traitement de la maladie principale. Les coups, les chûtes, les compressions sont des causes extérieures qui peuvent donner lieu à la formation de l'hydrocele. Dans les grandes & anciennes hernies, la masse & la compression des parties occasionnent la sécrétion d'une humeur qui s'amasse dans le sac herniaire, de telle sorte qu'il en résulte une vraie hydrocele. M. Monro assûre qu'au grand soulagement du malade, il a tiré six livres d'eau de la tumeur que formoit une oschéocele ancienne & considérable.

Aëtius nous apprend qu'Aspasia, conduit par l'étymologie du terme hydrocele, a mis cette maladie au nombre de celles des femmes. " Il se fait, dit-il, une hernie aqueuse dans les grandes levres ; la partie est un peu gonflée, la tumeur est molle & ne résiste point, & l'on y sent une sorte de fluctuation.

La cure de l'hydrocele est palliative ou radicale. La premiere ne convient que dans l'hydrocele simple, qui n'est compliquée d'aucune maladie du testicule, & qui n'incommode que par la collection de la matiere fluide épanchée. Cette cure palliative consiste à vuider de tems en tems la poche aqueuse par une simple ponction faite avec le trocart. Voyez TROCART.

Pour faire cette opération, on met le malade sur le bord de son lit, ou dans un fauteuil, les cuisses écartées. On examine le côté du scrotum affecté, & l'on s'assure de l'endroit où est le testicule. On comprime la tumeur de-haut-en bas, & on la contient avec la main gauche, pour ramasser la matiere épanchée sous un petit volume, & tendre la peau ; on évite de comprimer le testicule. Avec la main droite on plonge la pointe du trocart à la partie déclive de la tumeur, en évitant les vaisseaux de la peau ; & en dirigeant la pointe de cet instrument, de façon à ne point toucher le testicule. Lorsqu'on a pénétré jusqu'au fluide, on porte le doigt index & le pouce de la main gauche à la cannule, pour la soutenir, & on retire le poinçon avec la main droite, on laisse couler les eaux, & lorsque l'évacuation en est faite, on retire la cannule, en soutenant la peau avec deux doigts d'une main, pendant que de l'autre on retire la cannule, en lui faisant faire un demi-tour.

Le pansement de cette opération est fort simple. On applique sur la piquûre une petite compresse, comme pour une saignée ; on la trempe dans du vin tiede, ou de l'eau-de-vie, on enveloppe les bourses avec une autre compresse qu'on soutient par le bandage appellé suspensoir. Voyez SUSPENSOIR. Cette cure n'est que palliative, parce qu'on est obligé de répéter cette opération lorsque la poche s'est de nouveau remplie d'eau, ce qui se fait en plus ou moins de tems dans les différens sujets : j'ai vû que cela alloit ordinairement à six ou huit mois.

La cure radicale consiste à procurer l'évacuation de l'humeur épanchée, & à emporter le sac qui la contenoit. Pour y parvenir, on recommande l'usage du séton, ou des caustiques, ou de l'instrument tranchant ; & quoique chacun de ces moyens ne soit pas toujours également bon, il y a cependant des circonstances où l'un peut avec raison être préféré à l'autre. Le séton réussit très-bien dans les hydroceles formées depuis peu dans la tunique vaginale du cordon spermatique. L'ouverture de la tumeur suivant sa longueur, suffit pour guérir les hydroceles qui ne sont point anciennes, parce que l'écoulement de l'humeur fait affaisser les cellules, le séton qu'on peut faire passer par le centre de la tumeur, produit un dégorgement suppuratoire ; on se sert ensuite du baume de soufre, dont la vertu dessicative acheve de resserrer les follicules du tissu cellulaire, & guérit radicalement. Mais la simple incision, ni le séton ne peuvent être regardés comme des moyens suffisans, si la tumeur est ancienne, & qu'elle ait acquis un certain volume, car en retranchant un peu des tégumens émincés, on abrégeroit la cure ; on est obligé, après l'incision des tégumens, de scarifier les cellules engorgées, & on en détacheroit des portions pour les enlever, ayant bien soin de ménager le cordon spermatique.

Lorsque l'eau est contenue dans une grande & unique cavité, soit qu'elle ait son siege dans la tunique vaginale du cordon, ou dans celle du testicule, le procédé opératoire est le même : il s'agit d'ouvrir la tumeur dans toute sa longueur, & de faire suppurer le sac. Il y a des praticiens qui préferent les caustiques à l'instrument tranchant pour faire l'ouverture, parce qu'ils produisent plus promtement la suppuration, & que l'incision attire souvent des inflammations fâcheuses.

Pour éviter une grande partie des inconvéniens qui peuvent venir de l'usage des caustiques ou de l'incision, M. Bertrandi, Chirurgien du Roi de Sardaigne, professeur d'Anatomie & de Chirurgie en la royale université de Turin, a proposé dans les Mémoires de l'académie royale de Paris, dont il est associé, une méthode particuliere d'opérer dans l'hydrocele. Il commence la cure par évacuer l'eau au moyen de la ponction avec le trocart. Il fomente pendant quelques jours le scrotum avec des remedes fortifians, & le soutient avec le suspensoir, jusqu'à ce qu'il se soit fait un nouvel amas d'une petite quantité d'eau ; alors il a recours deux ou trois fois à la ponction, sans attendre que la tumeur soit portée à son ancien volume : puis il fait l'incision. Par cette méthode, la crainte de la gangrene ou de l'hémorrhagie est bien moindre ; les parties qui se sont rapprochées, & qu'on a fortifiées, sont plus susceptibles de l'effet des médicamens, & l'on excite plus promtement & avec plus de facilité une suppuration louable.

Lorsque l'hydrocele est formée par la maladie du testicule, il faut procéder tout de suite à l'extirpation du testicule dur, carcinomateux ou fongueux. S'il étoit simplement abscédé, il suffiroit d'en faire l'ouverture, & par des pansemens méthodiques on pourroit parvenir à le conserver. On peut aussi dans l'hydro-variocele, emporter avec la précaution des ligatures, les varices du corps pampiniforme, en laissant assez de vaisseaux pour le retour du sang des testicules & des bourses.

La destruction du sac est un objet bien important dans l'opération & dans la cure de l'hydrocele. Lorsqu'il a beaucoup de capacité, qu'il est épais & skirrheux, on doit en emporter une grande partie avec les tégumens. Ce qui reste doit être détaché avec les doigts, ou avec une feuille de myrthe, puis coupé. Si le sac avoit dans quelques points des adhérences un peu trop fortes, il ne faudroit pas le tirer avec violence, mais le laisser pendant quelques jours : la suppuration qui se formera dans la substance celluleuse, entre les restes du sac & les tégumens, en favorisera la séparation, sur-tout si l'on a eu la précaution de faire sur les portions restantes du sac, des scarifications qui se touchent par leurs angles, afin que par quelques-uns d'eux, ces portions puissent être plus facilement détachées. Lorsque le sac est détruit, il ne s'agit plus que de tendre à la consolidation de la playe. Voyez PLAYE, ULCERE, & le mot INCARNATION, Chirurg. (Y)


HYDROCÉPHALEterme de Chirurgie, tumeur aqueuse, ou hydropisie de la tête. Aëtius a parlé de cette maladie dans un grand détail. On en fait de plusieurs especes, eu égard à la situation des eaux. On en admet d'abord une externe sous les tégumens ; c'est à proprement parler l'oedeme du cuir chevelu, & cette maladie ne peut être comprise sous le nom d'hydrocéphale. Il y en a trois especes différentes suivant les auteurs. Dans la premiere, les eaux sont épanchées entre le crâne & la dure-mere ; dans la seconde, la collection est entre la dure-mere & la pie-mere, & la troisieme, qui est probablement la seule qui existe dans la nature, & qui soit prouvée par des observations positives, est l'augmentation contre nature des eaux qui sont naturellement dans les ventricules du cerveau. Les enfans sont sujets à l'hydrocéphale dès le sein de leur mere ; & le volume excessif de la tête par cette cause, a souvent rendu les accouchemens laborieux, au point d'exiger que l'accoucheur force la fontanelle avec le doigt, pour procurer l'affaissement des parois du crâne par l'écoulement de l'humeur épanchée. L'hydrocéphale peut venir à la suite des coups ou chûtes qui occasionnent une commotion dans le cerveau, par laquelle la structure en est dérangée, de façon que les humidités exhalantes ne sont pas résorbées. L'hydrocéphale se manifeste quelquefois après les douleurs de dents, les affections convulsives & vermineuses des enfans. Cette maladie arrive aussi à ceux qui ont quelque vice de la lymphe, & des obstructions aux glandes conglobées : en général, cette maladie est particuliere aux enfans. Dans les adultes, les sutures serrées ne permettent pas la distention des of du crâne.

Il y a des signes qui accompagnent cette maladie depuis son commencement jusqu'à son plus funeste degré. Ceux qui commencent d'en être attaqués, ont la tête lourde, l'assoupissement se manifeste par degrés, & devient plus fort à mesure que l'épanchement augmente ; les enfans sont foibles, languissans, tristes & pâles. Ils ont l'oeil morne, la prunelle dilatée, les sutures écartées, les of s'émincent, deviennent mous, la tête grossit, devient monstrueuse & d'un poids insupportable ; les convulsions tourmentent les malades, & si la tête vient à crever, le malade meurt peu de tems après.

On peut voir par cette terminaison quel jugement on doit porter sur l'opération que quelques-uns proposent pour évacuer les eaux qui forment l'hydrocéphale. Les desordres primitifs du cerveau, dont le skirrhe est souvent une cause de l'épanchement, ou la destruction consécutive des organes contenus dans le crâne, ne laissent aucune ressource. On pourroit par des remedes hydragogues, détourner l'humeur dans sa formation, si on pouvoit connoître à tems l'hydrocéphale dans son principe ; mais lorsqu'elle est confirmée & connue par les signes sensibles, le desordre est porté trop loin pour oser risquer une opération, qui abrégeroit infailliblement les jours du malade.


HYDROCHOOSS. m. (Astronom.) constellation qu'on nomme en latin aquarius, & en françois le verseau. C'est un des douze signes du zodiaque, qui est composé de trente étoiles en tout, & le soleil y entre au mois de Janvier. Il tire son nom grec & latin, de ce qu'il est ordinairement pluvieux en Grece & en Italie : son nom françois répond à la même idée, mais voyez VERSEAU. (D.J.)


HYDROCOLITES. m. (Bot.) écuelle d'eau. Genre de plante à fleur, en rose & en ombelle, composée de plusieurs pétales disposés en rond, & soutenus par un calice, qui devient un fruit composé de deux semences plates, & formées en demi-cercle. Tournefort Instit. rei herb. Voyez PLANTE. (I)


HYDROCOTILES. f. (Hist. nat. Bot.) plante qui pousse plusieurs petites tiges grêles, sarmenteuses, & s'attachant à la terre. Sa feuille est ronde, creuse, portée sur une petite queue ; sa fleur petite a cinq feuilles blanches, disposées en rose ; le fruit qui lui succede composé de deux graines fort applaties, & semi-circulaires ; sa racine fibreuse. Elle croît dans les marais, elle est un peu âcre au goût ; elle a la qualité apéritive, détersive, & vulnéraire. M. Tournefort la nomma hydrocotile, de eau, & de cavité, parce que sa feuille creuse est propre à ramasser l'eau.


HYDRODYNAMIQUES. f. (Ordre encycl. Entendement. Raison. Philosophie ou Science. Science de la nature. Mathématique. Mathématiques mixtes. Méchaniques. Hydrodynamique) est proprement la dynamique des fluides, c'est-à-dire, la science qui enseigne les lois de leur mouvement. Ainsi, on voit que l'Hydrodynamique ne differe point, quant à l'objet, de la science qu'on appelloit autrefois & qu'on appelle encore très-souvent Hydraulique. Voyez HYDRAULIQUE.

On appelle Dynamique, comme nous l'avons dit à ce mot, la partie de la méchanique qui enseigne à déterminer les mouvemens d'un système de corps qui agissent de quelque maniere que ce soit, les uns sur les autres. Or, tout fluide est un composé de particules faciles à se mouvoir, & qui sont liées entr'elles de maniere qu'elles alterent & changent réciproquement leurs mouvemens. Ainsi l'hydraulique & l'hydrostatique, est la vraie dynamique des fluides.

Il paroît que le premier qui se soit servi de ce terme, est M. Daniel Bernoulli, qui a donné ce titre à son Traité du mouvement des fluides, imprimé à Strasbourg en 1738. Si le titre étoit nouveau, il faut avouer que l'ouvrage l'étoit aussi. M. Daniel Bernoulli paroît être le premier qui ait réduit les lois du mouvement des fluides à des principes surs & non arbitraires, ce qu'aucun des auteurs d'hydrauliques n'avoit fait avant lui. Le même auteur avoit déja donné en 1727, dans les Mémoires de l'académie de Petersbourg, un essai de sa nouvelle théorie. On n'attend pas de nous que nous en donnions ici un extrait ; nous nous contenterons de dire qu'il se sert principalement du principe de la conservation des forces vives, reconnu aujourd'hui pour vrai par tous les Méchaniciens, & dont on fait un usage si fréquent dans la Dynamique, depuis qu'il a été découvert par M. Huyghens sous un autre nom. M. Jean Bernoulli a donné une Hydraulique, dans laquelle il se propose le même objet que M. Daniel Bernoulli son fils ; mais il prétend y employer des principes plus directs & plus lumineux que celui de la conservation des forces vives ; & on voit à la tête de cet ouvrage, une lettre de M. Euler à l'auteur, par laquelle M. Euler le félicite d'avoir trouvé les vrais principes de la science qu'il traite. M. Maclaurin a aussi donné dans son Traité des fluxions un essai sur le mouvement des fluides qui coulent dans des vases, & cet essai n'est autre chose qu'une extension de la théorie de M. Newton, que cet auteur a perfectionnée. Enfin le dernier ouvrage qui ait paru sur cette matiere, est celui que j'ai donné en 1744, sous le titre de Traité de l'équilibre & du mouvement des fluides ; j'aurois pû donner à cet ouvrage le titre d'Hydrodynamique, puisque c'est une suite du Traité de Dynamique que j'avois publié en 1743. Mon objet, dans ce livre, a été de réduire les lois de l'équilibre & du mouvement des fluides au plus petit nombre possible, & de déterminer par un seul principe général, fort simple, tout ce qui concerne le mouvement des corps fluides. J'y examine les théories données par M. Bernoulli & par M. Maclaurin, & je crois y avoir montré des difficultés & de l'obscurité. Je crois aussi avoir prouvé que dans certaines occasions, M. Daniel Bernoulli a employé le principe des forces vives dans des cas où il n'auroit pas dû en faire usage. J'ajoûte que ce grand géometre a d'ailleurs employé ce principe sans le démontrer, ou plutôt que la démonstration qu'il en donne n'est point satisfaisante ; mais cela n'empêche pas que je ne rende avec tous les savans, la justice dûe au mérite de cet ouvrage. Je traite aussi dans ce même livre de la résistance des fluides au mouvement des corps, de la refraction, ou du mouvement d'un corps qui s'enfonce dans un fluide, & enfin des lois du mouvement des fluides qui se meuvent en tourbillon.

Comme nous avons donné au mot FLUIDE les principales lois du mouvement des fluides, nous y renvoyerons ceux de nos lecteurs, qui voudront s'instruire des principales lois de l'Hydrodynamique. Nous ajoûterons seulement ici quelques réflexions qui n'ont point été données dans cet article FLUIDES, & qui lui serviront comme de complément.

La premiere de ces réflexions aura pour objet la contraction de la veine d'eau qui sort d'un vase. M. Newton a observé le premier que l'eau qui sortoit d'un vas, n'en sortoit pas sous une forme cylindrique, mais sous une forme de cône tronqué, qui va en se rétrecissant depuis la sortie du vase. M. Daniel Bernoulli ajoûte à cette observation (voyez son hydrodynamique, sect. 4.), que quand les eaux sortent, non par un simple trou, mais par un tuyau, la veine se contracte si les parois du tuyau sont convergens, & se dilate si ces parois sont divergens. La raison en est assez facile à appercevoir, c'est que l'eau dans sa direction, au sortir du tuyau, suit pendant quelque tems la direction des parois du tuyau, le long desquels elle a coulé. Cette contraction & dilatation de la veine d'eau se varie donc suivant les différens cas, ce qui fait qu'il est très-difficile de déterminer exactement le tems qu'un vase mer à se vuider, même quand on connoîtroit exactement la vîtesse de l'eau au sortir du vase. Car il est encore nécessaire de connoître la figure de la veine d'eau, qu'on ne peut pas supposer cylindrique, & dont on ne peut pas supposer par conséquent que les parties se meuvent avec une égale vîtesse, puisque la vîtesse est en raison inverse de la largeur de la veine.

A l'occasion de cette veine d'eau, nous dirons un mot de la cataracte de M. Newton. Ce grand géometre prétend dans le second livre de ses principes, que l'eau qui sort d'un vase cylindrique par un trou fait à la base de ce vase, en sort en formant depuis la partie supérieure du vase jusqu'au trou, une espece de cataracte ou de veine qui va en se retrécissant, & dont la largeur à chaque endroit est en raison inverse de la vîtesse de l'eau, c'est-à-dire en raison inverse de la racine quarrée de la distance de cet endroit à la surface supérieure de l'eau ; de maniere que cette cataracte est une espece d'hyperbole du second genre, dans laquelle les quarrés des ordonnées sont comme les abscisses. M. Jean Bernoulli dans son Hydraulique (voyez le tome IV. de ses oeuvres) a très-bien prouvé l'impossibilité d'une pareille cataracte, parce que la partie du fluide qui seroit hors de cette cataracte seroit stagnante, & par conséquent agiroit par sa pesanteur pour détruire cette cataracte, dans laquelle le fluide n'auroit aucune pression. Voyez un plus grand détail dans l'ouvrage cité.

Ma seconde observation aura pour objet la pression des fluides en mouvement. J'ai donné dans mon Traité des fluides en 1744, une méthode directe pour déterminer cette pression, & j'ai expliqué au mot FLUIDE, en quoi consiste cette méthode. Or il y a des cas où la formule qui exprime cette pression devient négative, & j'ai prétendu que dans ces cas, la pression ne doit pas se changer en suction, comme le dit M. Daniel Bernoulli, c'est-à-dire que les parois du canal ne doivent pas être pressés de dehors en dedans, mais qu'ils le sont toujours de dedans en dehors. Voyez l'article cxlix de mon ouvrage. En vain m'objecteroit-on les expériences par lesquelles M. Bernoulli a prétendu confirmer sa théorie ; ces expériences prouvant seulement ce que je n'ai jamais nié, & ce qui est évident par soi-même, que quand la pression du fluide est négative, la pression totale de l'air & du fluide sur les parties intérieures du canal, est moins grande que celle qui est exercée par l'air seul sur les parties extérieures du même canal. Or, dans toute ma théorie du mouvement des fluides, j'ai fait abstraction de la pression de l'air, à l'exemple de tous les auteurs d'Hydraulique ; & j'avois jugé que M. Bernoulli en faisoit abstraction lui-même en cet endroit, ainsi que dans tout le cours de son ouvrage. Si M. Bernoulli en disant p. 264 de son Hydrodynamique, pressio in suctionem mutatur, id est, latera canalis introrsùm premuntur, eût ajoûté ces trois mots, ab aëre circumambiente, nous étions pleinement d'accord, & je ne lui aurois fait sur cet article aucune objection ; mais il semble qu'il ait cherché à éloigner cette idée par la maniere dont il explique immédiatement après cette pression changée en suction ; tunc autem, dit-il (c'est-à-dire, dans le cas où la pression est négative) res ità consideranda est, ac si loco columnae aqueae superincumbentis, & in aequilibrio positae cum aquâ praeterfluente, sit columna aquea appensa, cujus nisus descendendi impediatur ab attractione aquae praeterfluentis.

En effet, ce n'est point par l'attraction de l'eau qui coule dans le fluide que cette colomne est soûtenue, mais par la pression de l'air inférieur, laquelle, dans le cas dont il s'agit, se trouve égale à la pression que l'air supérieur exerce sur la surface du fluide qui coule. Il paroît donc que M. Bernoulli ne s'est pas suffisamment expliqué sur ce qu'il appelle la pression changée en suction : mais quoi qu'il en soit, il est certain que toute la théorie que j'ai établie est exactement vraie, en faisant abstraction, comme je l'ai supposé, de la pression de l'air environnant. C'est ce qui fait dire à M. Euler, dans une lettre du 29 Décembre 1746 : Je crois que vos raisons sont aussi bien fondées que celles de M. Bernoulli, & que c'est une circonstance étrangere, à laquelle il faut attribuer l'effet de la suction.... Si le tuyau étoit situé dans un espace vuide d'air, il n'y a aucun doute que l'eau ne perdît sa continuité (lorsque la pression est négative) comme vous prétendez. Votre théorie sera donc vraie dans le cas où le tuyau est placé dans un espace vuide d'air ; & celle de M. Bernoulli l'est également, quand le tuyau se trouve en plein air.

Au reste, quand on considere le tuyau en plein air, la théorie de M. Bernoulli demande encore, ce me semble, quelque modification. Car lorsque le fluide descend pour sortir du vase, l'air qui environne ce vase de toutes parts n'est pas en repos, puisque l'air descend dans le tuyau à mesure que le fluide s'abaisse ; ce qui ne peut se faire, sans qu'il y ait du mouvement dans tout l'air environnant ; ainsi la pression de l'air sur le tuyau, tant extérieurement qu'intérieurement, ne doit pas être la même que si l'air étoit en repos ; pour déterminer cette pression, il faudroit connoître le mouvement de l'air environnant ; & c'est ce qui paroît très-difficile. Ne pourra-t-il donc pas y avoir des cas où la pression de l'air sur la surface extérieure du tuyau ne soit pas plus grande, ou même soit plus petite que la pression sur la surface intérieure ; auquel cas, les parois du tuyau ne seroient pas pressées de-dehors en-dedans, par l'air qui environne le tuyau, quoique la pression du fluide qui coule dans le tuyau fût négative ? Il paroît donc que le meilleur parti à prendre dans la théorie de la pression des fluides qui sont en mouvement, est de faire abstraction de l'air qui environne le tuyau. C'est aussi le parti que j'ai pris.

Enfin, ma derniere observation aura pour objet l'application du calcul au mouvement des fluides. J'ai donné dans le chapitre VIII. de mon essai sur la résistance des fluides en 1752, une méthode générale pour appliquer le calcul à ce mouvement. Cette méthode a cet avantage qu'elle ne suppose absolument aucune hypothese, & qu'elle est en même tems assez simple ; mais je n'ai donné dans ce chapitre qu'un essai de cette méthode, très-analogue à celle que j'ai employée dans le même ouvrage à la détermination de la résistance des fluides. M. Euler, dans les Mémoires de l'acad. des Sciences de Prusse, pour l'année 1755, a donné une méthode fort semblable à celle-là, pour déterminer le mouvement des fluides, & paroît faire entendre que la mienne n'est pas générale. Je crois qu'il se trompe sur ce point, & je me flatte d'avoir prouvé dans un écrit particulier, que je publierai à la premiere occasion, que ma méthode est aussi générale qu'on le peut desirer, à-moins qu'on ne suppose le fluide indéfini & sans limites ; ce qui n'a point lieu, & ne sauroit avoir lieu dans la nature. Il est vrai que je n'ai traité du mouvement du fluide que dans un plan ; mais il est si aisé d'étendre la théorie que j'ai donnée au mouvement d'un fluide dans un solide, que je n'attache absolument aucun mérite à cette généralisation ; & il me semble que M. Euler auroit dû rendre plus de justice à mon travail sur ce sujet, & convenir de l'utilité qu'il en avoit tirée. L'écrit que j'ai composé sur ce sujet n'étant pas de nature à pouvoir être inséré dans l'Encyclopédie, je me contenterai de donner une légere idée de ce qu'il contient. Je suppose pour fixer les idées, le vase plein & vertical, & je nomme x les abscisses verticales & z les ordonnées horisontales ; je démontre 1°. que la vîtesse verticale doit être exprimée par

q, & l'horisontale par

p,

étant une fonction du seul tems t écoulé depuis le commencement du mouvement, & q, p, des fonctions de x & de z. Ces fonctions de x & de z doivent être telles, 1°. que p d z + q d x soit une différencielle complete ; 2°. que p d x - q d z en soit aussi une ; 3°. que lorsque z = y, c'est-à-dire, lorsque z devient égale à l'ordonnée de la courbe qui exprime la figure du vase, on ait p d x - q d y = 0 ; c'est-à-dire que p d x - q d y = 0 soit l'équation de la courbe qui exprime la figure du vase. M. Euler paroît avoir cru qu'il étoit toûjours possible que ces trois conditions eussent lieu à la fois ; je crois avoir démontré le contraire. Mais la démonstration n'est pas de nature à pouvoir être rapportée ici.

Je donne ensuite une méthode pour trouver la fonction

du tems t, & une méthode pour déterminer la courbe que la surface supérieure du fluide forme à chaque instant. L'équation de cette courbe est aussi déterminée par différentes conditions qui doivent toutes s'accorder à donner la même courbe : si cet accord n'a pas lieu, le problème ne peut se résoudre analytiquement. D'où il est aisé de conclure qu'il y a bien peu de cas où l'on puisse trouver rigoureusement par une méthode analytique le mouvement d'un fluide dans un vase. On peut donc s'en tenir, ce me semble, dans le plus grand nombre des cas à la méthode que j'ai donnée en 1744, dans mon Traité des fluides, méthode qui donne des résultats assez conformes à l'expérience, quoiqu'elle ne soit pas dans la rigueur mathématique.

Lorsque le fluide a une masse finie & un mouvement progressif, alors le tems t doit nécessairement entrer dans l'expression de sa vîtesse, & les conditions précédentes doivent nécessairement avoir lieu. Il n'y a que le cas où le fluide se meut suivant une ligne qui rentre en elle-même, sans être animé par aucune force accélératrice, dans lequel on puisse supposer que le tems t n'affecte point l'expression de la vîtesse. Dans ce cas on a toûjours p d x - q d z = à une différencielle complete ; mais au lieu de l'autre condition p d z + q d x, égale à une différencielle complete , qui donneroit = , on a d () = d ().

Voilà le précis des lois du mouvement des fluides, telles qu'elles sont exposées dans l'écrit dont j'ai fait mention, & qui contient différentes autres recherches sur le mouvement des fluides, dont il seroit trop long de parler ici.

A l'égard de la résistance des fluides au mouvement des corps, laquelle fait une partie essentielle de l'Hydrodynamique, Voyez les articles FLUIDE, RESISTANCE. Voyez aussi le chap. j. du troisieme livre de mon Traité des fluides, & mon Essai sur la résistance des fluides, Paris, 1752. (O)


HYDROGRAPHES. m. se dit d'une personne versée dans l'Hydrographie. Voyez HYDROGRAPHIE. (O)


HYDROGRAPHIES. f. (Ordre encycl. Entend. Raison. Philos. ou Scienc. Science de la nature, Mathémat. Mathématiques mixtes, Astronomie géométrique, Géographie, Hydrographie.) C'est cette partie de la Géographie qui considere la mer, en tant qu'elle est navigable. Voyez GEOGRAPHIE. Ce mot est composé des mots grecs , aqua, eau, & , describo, je décris.

L'Hydrographie enseigne à construire des cartes marines, & à connoître les différentes parties de la mer. Elle en marque les marées, les courans, les baies, les golfes, &c. comme aussi les rochers, les bancs de sable, les écueils, les promontoires, les havres, les distances qu'il y a d'un port à un autre, & généralement tout ce qu'il y a de remarquable tant sur la mer que sur les côtes.

Quelques auteurs emploient ce mot dans un sens plus étendu, pour ce que nous appellons l'art de naviguer.

Dans ce sens, l'Hydrographie comprend l'art de faire les cartes marines, la maniere de s'en servir, & généralement toutes les connoissances mathématiques nécessaires pour voyager sur mer le plus promtement & le plus sûrement qu'il est possible. Voyez NAVIGATION, CARTES.

Les Peres Riccioli, Fournier, & Dechales, nous ont donné des traités d'Hydrographie. Le P. Dechales qui avoit déja examiné cette matiere dans son cours de Mathématiques, l'a traitée en 1677 dans un ouvrage exprès. M. Bouguer le pere suppléa à ce qui manquoit à cet ouvrage dans le Traité de navigation, qu'il publia en 1698, & qui a été imprimé plusieurs fois. M. Bouguer son fils, de l'académie royale des Sciences, a publié en 1753, un traité de navigation plus complet que tous les précédens, & qui contient la théorie & la pratique du pilotage ; car le pilotage ne differe point à proprement parler de l'Hydrographie. Voyez PILOTAGE. Nous renvoyons à ce dernier ouvrage les lecteurs qui voudront s'instruire de l'Hydrographie. (O)


HYDROGRAPHIQUEadject. qui a rapport à l'Hydrographie. Voyez HYDROGRAPHIE. Cartes hydrographiques, sont les mêmes qu'on appelle plus communément cartes marines. Voyez CARTE. (O)


HYDROLOGIES. f. (Hist. nat.) c'est la partie de l'histoire naturelle qui s'occupe de l'examen des eaux en général, de leur nature, & de leurs propriétés.

L'eau est toujours essentiellement la même ; mais par les mouvemens perpétuels qui se passent dans la nature, les eaux que l'on rencontre en beaucoup d'endroits en se combinant avec d'autres substances avec qui elles ont de l'analogie, se modifient diversement ; elles acquierent des propriétés qu'elles n'avoient point par elles-mêmes, & présentent des phénomenes extraordinaires. On peut dire en général que nulle eau n'est parfaitement pure ; elle est plus ou moins chargée de parties terreuses, de parties salines, de parties sulfureuses & métalliques, &c. ce qui vient de la disposition qu'elle a de dissoudre presque tous les corps de la nature. Toutes ces substances influent sur sa pesanteur, sur sa saveur, sur son odeur, & même sur sa couleur ; ces accidens varient en raison des proportions dans lesquelles ces matieres étrangeres se trouvent mêlées ou combinées avec les eaux.

Toutes ces circonstances ont déterminé quelques naturalistes modernes à distribuer les eaux suivant un ordre systématique, & à en faire plusieurs classes fondées sur les différentes substances auxquelles elles se trouvent jointes dans la nature. Plusieurs auteurs avoient déja donné des descriptions des eaux tant en général qu'en particulier, & nous ne manquons point d'ouvrages qui nous parlent des eaux minérales que l'on rencontre en différens endroits du monde. Le celebre M. Wallerius, est le premier qui ait donné une division méthodique des eaux, dans son Hydrologie, dont la traduction françoise se trouve à la suite de sa Minéralogie, qui a paru à Paris en 1753. Cet habile physicien divise les eaux en deux classes générales, qui sont 1°. les eaux douces, 2°. les eaux minérales ; il soudivise les premieres en eaux du ciel & en eaux de la terre ; & les secondes en eaux minérales froides & en eaux minérales chaudes. Les eaux du ciel sont de différens genres ; il y en a de fluides, telle que l'eau de pluie ; de solides ou de gelées, telle que la neige. Parmi les eaux terrestres sont les eaux coulantes, les eaux stagnantes, l'eau de la mer, la glace. Les eaux minérales sont ou spiritueuses ou grossieres, ou acidules, ou thermales.

A cette distribution méthodique des eaux, M. Wallerius ajoute un appendix ou supplément, dans lequel il donne une division des eaux étrangeres, c'est-à-dire, de celles qui se trouvent dans les minéraux, les plantes, & les animaux ; il les divise en naturelles & en artificielles. Sous ces dernieres, il comprend toutes les liqueurs que l'art sait tirer de différentes substances de la nature.

Depuis M. Wallerius nous avons encore une nouvelle Hydrologie ; elle a été publiée en 1758 par M. Frédéric-Auguste Cartheuser, sous le titre de Rudimenta hydrologiae systematicae, & est imprimée à Francfort sur l'Oder. Cet auteur divise toutes les eaux en insipides & en sapides, c'est-à-dire, en eaux douces & en eaux minérales. Il fait trois genres des premieres ; savoir, 1°. les eaux du ciel, 2°. les eaux de la terre, & 3°. les eaux ou sucs lapidifiques. Il soudivise les eaux qui ont de la saveur, 1°. en eaux alkalines, 2°. en eaux qui contiennent du natron, 3°. en eaux muriatiques, ou qui contiennent du sel marin, 4°. en eaux martiales, ou chargées de fer, 5°. en eaux cuivreuses, 6°. en eaux sulfureuses, 7°. en eaux bitumineuses, 8°. en eaux savonneuses, auxquelles il joint les eaux alumineuses.

Telles sont les divisions systématiques des eaux que l'on nous a données jusqu'à présent, ainsi que toutes les méthodes : elles sont sujettes à un grand nombre d'objections ; cependant elles ont l'avantage de guider la mémoire de ceux qui s'appliquent à l'étude de l'histoire naturelle. (-)


HYDROMANTIES. f. l'acte ou l'art de prédire l'avenir par le moyen de l'eau. Voyez DIVINATION. Ce mot est grec & composé d', eau, & , divination.

L'Hydromantie est une des quatre especes générales de divination ; les trois autres ont chacune rapport à un des élémens, le feu, l'air, la terre ; & on les appelle Pyromancie, Aëromancie, Géomancie.

Varron dit que l'Hydromantie a été inventée par les Perses, & que Numa Pompilius & Pythagore s'en sont fort servis. Voyez HYDATOSCOPIE.

Ceux qui ont écrit sur l'Optique, nous ont donné la description de plusieurs machines qui sont d'usage dans cette science.

Pour construire une machine hydromantique, par le moyen de laquelle on fera perdre une image ou un objet de vûe au spectateur, & on le lui fera appercevoir de nouveau sans changer la position de l'un ou de l'autre : prenez deux vaisseaux A B F, & C G M K (Pl. hydraul. fig. 31.), dont l'un soit plus haut que l'autre ; remplissez le premier d'eau, & soutenez-le sur trois petits piliers, dont l'un doit être creux & muni d'un robinet B ; partagez le vaisseau le plus bas C M en deux parties par une cloison H I, & adaptez un robinet à celle d'em-bas pour pouvoir l'ouvrir & fermer à plaisir.

Placez un objet sur la cloison que le spectateur placé en O, ne pourra appercevoir par le rayon direct N L.

Si l'on ouvre le robinet B, l'eau descendant dans la cavité C I, le rayon N L s'éloignera de la perpendiculaire, & réfléchira vers O, & le spectateur appercevra l'objet par le rayon rompu N O. Si l'on ferme le robinet B, & que l'on ouvre celui qui est marqué par la lettre P, l'eau descendra dans la cavité la plus basse H I ; la réfraction cessera, & il ne viendra aucun rayon de l'objet à l'oeil. Mais en fermant de nouveau le robinet P, & ouvrant l'autre B, la cavité se remplira de nouveau, & l'on appercevra l'objet comme auparavant. Voyez REFRACTION.

Pour construire un vaisseau hydromantique qui représente les objets extérieurs comme s'ils nageoient dans l'eau, prenez un vase cylindrique A B C D (Pl. hydraul. fig. 32.) partagé en deux par un verre E F, qui ne soit pas exactement poli : appliquez au point G une lentille convexe des deux côtés, & inclinez en H un miroir plan de figure elliptique sous un angle de 45 degrés ; que I H & H G soient un peu moindres que la distance du foyer de la lentille G ; ensorte que l'image de l'objet puisse passer à travers dans la cavité du vaisseau supérieur ; noircissez la cavité intérieure, & remplissez celle de dessus d'eau bien claire.

Ces machines appartiennent à l'hydromantie considérée comme une branche de l'histoire naturelle ; mais, pour y revenir entant qu'elle est divination, nous ajoûtons après Delrio qu'il y a plusieurs especes d'hydromantie, dont voici les principales.

1°. Lorsqu'à la suite des invocations, & autres cérémonies magiques, on voyoit écrits sur l'eau les noms des personnes, ou des évenemens, qu'on désiroit de connoître, ordinairement ces noms se trouvoient écrits à rebours, au moins se rencontrerent-ils de la sorte dans l'évenement que cite Delrio, d'après Nicephore Choniate, Annal. lib. II.

2°. On s'y servoit d'un vase plein d'eau, & d'un anneau suspendu à un fil, avec lequel on frappoit un certain nombre de fois les côtés du vase.

3°. On jettoit successivement, mais à peu de tems l'une de l'autre, trois petites pierres, dans une eau tranquille & dormante, & des cercles que formoit la surface de cette eau, aussi-bien que de leur intersection, on tiroit des présages pour l'avenir.

4°. On examinoit avec soin les divers mouvemens & l'agitation des flots de la mer ; les Siciliens & les Eubéens étoient fort adonnés à cette superstition, & quelques chrétiens orientaux ont eu celle de baptiser tous les ans la mer, comme si c'étoit un être animé & raisonnable ; mais ce n'en est pas une que d'examiner l'état de la mer, pour en conjecturer si le calme durera, ou s'il n'arrivera pas de tempête. On ne doit pas non plus mettre au nombre des superstitions, comprises sous le titre d'hydromantie, la cérémonie que fait tous les ans le doge de Venise d'épouser la mer Adriatique.

5°. On tiroit aussi des présages de la couleur de l'eau, & des figures qu'on y voyoit, ou qu'on y croyoit voir représentées. C'est ainsi, selon Varron, qu'on apprit à Rome quelle seroit l'issue de la guerre contre Mithridate ; certaines rivieres ou fontaines passoient chez les anciens pour être plus propres que d'autres à ces opérations. Voyez PEGOMANCIE.

6°. C'étoit encore par une espece d'hydromantie que les anciens Germains, quand ils avoient quelque soupçon sur la fidélité de leurs femmes, prétendoient s'en éclaircir : ils jettoient dans le Rhin les enfans dont elles étoient accouchées ; & s'ils surnageoient, ils les tenoient pour légitimes, & pour bâtards, s'ils alloient à fond ; c'est à quoi Claudius fait allusion dans ce vers,

Et quos nascentes explorat gurgite Rhenus.

Ne seroit-ce pas sur cet ancien usage, que dans le même pays on faisoit subir l'épreuve de l'eau froide à ceux qu'on accusoit d'être sorciers ? Voyez éPREUVE.

7°. On remplissoit d'eau une tasse, ou un autre vase, & après avoir prononcé dessus certaines paroles, on examinoit si l'eau bouillonneroit, & se répandroit par-dessus les bords.

8°. On mettoit de l'eau dans un bassin de verre, ou de crystal, puis on y jettoit une goutte d'huile, & l'on s'imaginoit voir dans cette eau, comme dans un miroir, les choses dont on désiroit être instruit.

9°. Les femmes des anciens Germains pratiquoient encore une autre sorte d'hydromantie, en examinant les tours & détours, & le bruit que faisoient les eaux des fleuves dans les gouffres ou tourbillons qu'ils formoient, pour prédire l'avenir. Clem. Alex. Strom. lib. I.

10°. Enfin, on peut rapporter à l'hydromantie une superstition qui a été en usage en Italie, & que Delrio assure qu'on pratiquoit encore de son tems. Lorsqu'on soupçonnoit quelques personnes d'un vol, on écrivoit les noms de trois de ces personnes sur autant de petits cailloux, qu'on jettoit dans l'eau, & il ajoute que quelques-uns se servoient pour cette opération d'eau-bénite ; mais il n'ajoute pas ce qu'on découvroit par ce moyen. Delrio, Disquisit. magic. lib. IV. quaest. vj. sect. 3. p. 543 & 544.


HYDROMANTIQUES. f. (Mathém.) quelques auteurs ont appellé ainsi l'art de produire, par le moyen de l'eau, certaines apparences singulieres. Cette science, si elle en mérite le nom, est fondée principalement sur deux faits très-connus ; l'un est, qu'un corps R placé au fond d'un vase plein d'eau, (fig. 31. hydr.) peut-être vû par un oeil O, placé près du bord du vase, quoique ce même oeil ne pût le voir si l'eau étoit ôtée ; l'autre est, que le fond C H D d'un vase plein d'eau paroît plus élevé qu'il n'en est en effet, par exemple en E I F : ces deux phénomenes sont une suite des loix de la réfraction. Voyez REFRACTION. (O)


HYDROMEL SIMPLE(Pharmacie & mat. med.) Voyez MIEL.

HYDROMEL vineux. (Chimie & diete.) Voyez MIEL.


HYDROMETRES. f. (Physiq.) est le nom qu'on donne en général aux instrumens qui servent à mesurer la pesanteur, la densité, la vîtesse, la force, & les autres propriétés de l'eau. Ce mot est composé du grec , eau, & , mesure. On donne communément le nom d'aréometre à l'instrument dont on se sert pour déterminer la pesanteur spécifique de l'eau. Voyez AREOMETRE. A l'égard de ceux dont on se sert pour mesurer la vîtesse, & par conséquent la force des eaux courantes, voyez l'article FLEUVE. Chambers. (O)


HYDROMETRIES. f. (Mathem. & Phys.) c'est la science qui enseigne à mesurer la pesanteur, la force, la vîtesse de l'eau, & des autres fluides ; ce mot est formé des mots grecs , eau, & , mesure. L'Hydrométrie comprend l'Hydrostatique & l'Hydraulique. Voyez ces deux mots.

Ce terme est moderne & de peu d'usage ; on s'en est servi pour la premiere fois en 1694, que l'on fonda une nouvelle chaire de professeur d'Hydrométrie dans l'université de Bologne, en faveur de Guglielmini, qui a poussé la doctrine des eaux courantes beaucoup plus loin qu'aucun de ceux qui l'avoient précédé. Voyez FLEUVE. Chambers. (O)


HYDROMITESS. m. (Hist. ecclés.) nom que l'on donnoit anciennement à certains officiers de l'église grecque qui étoient chargés de faire l'eau benite, & d'en faire l'aspersion sur le peuple. Voyez EAU-BENITE. Ce mot est composé d', eau, & , personne consacrée aux fonctions de la religion pour ce qui concerne la bénédiction & l'aspersion de l'eau. Dict. de Trév. (G)


HYDROMPHALES. f. terme de Chirurgie, tumeur qui vient au nombril, & qui est causée par de l'eau. Ce mot vient du grec , eau, & , nombril.

On distingue l'hydromphale des autres tumeurs qui viennent au nombril, en ce qu'elle est molle, & néanmoins peu obéissante au toucher, & qu'elle ne diminue ni n'augmente en la comprimant. Quand on la regarde à travers la lumiere, on la trouve transparente.

On dissipe l'hydromphale par des remedes résolutifs, tels qu'on les a indiqués au mot HYDROCELE. On la guérit aussi, si elle ne cede point aux remedes, par la ponction au milieu du nombril avec un trocart. Voyez TROCART.

Il semble que la fluctuation devroit être mise au nombre des signes caractéristiques de l'hydromphale. Voyez FLUCTUATION. (Y)


HYDROPARASTAou HYDROPARASTES, subst. masc. plur. (Théolog.) nom d'hérétiques, attachés à Tatien, qu'on appelle aussi Encratites, Apotactites, Saccophores, Sévérianiens & Aquariens. Voyez ENCRATITES, AQUARIENS, &c. Ce mot est formé du grec , eau, & , je présente, j'offre.

Les Hydroparastates étoient une branche de Manichéens, qui prétendoient qu'on devoit se servir d'eau au lieu de vin dans l'Eucharistie. Dict. de Trévoux. (G)


HYDROPHANES. f. ou adj. f. (Hist. nat.) genre de pierres à demi-pellucides ; ce mot est formé de eau, & , je brille, parce que le caractere distinctif de ce genre de pierres, est de jetter quelque éclat étant plongé dans l'eau.

Ce sont des pierres à demi-transparentes, composées de crystal, & de beaucoup de terre qui s'y trouve mêlée inégalement, comme dans la chalcédoine. Cette composition donne à toute la masse un oeil louche, terne & considérablement opaque, en sorte qu'on ne peut procurer à ces sortes de pierres un poli fin ; cependant si on les met dans l'eau, elles brillent, & deviennent à quelques égards pellucides, mais leur transparence cesse, dès qu'on les tire de l'eau & qu'on les essuie.

Nous ne connoissons que deux especes de ce genre de pierres hydrophanes ; l'une d'un gris blanchâtre sans veines, & qu'on nomme la pierre changeante, ou l'oeil du monde ; l'autre est semblablement d'un gris blanchatre mêlé de jaune, avec un noyau noir au milieu : les auteurs appellent cette derniere l'oeil de Bélus. (D.J.)


HYDROPHILLON(Hist. nat. Bot. anc.) nom que les anciens auteurs grecs ont donné à une plante qui croît sur les lieux où se trouvent des truffes par-dessous ; mais comme ils n'ont pas décrit cette plante sous laquelle on trouve des truffes, tubera, il n'est pas possible de la deviner. De plus, le récit qu'ils en font paroît tellement contraire à d'autres sentimens qu'ils soutiennent ailleurs, & même tellement opposé à la vérité, qu'on ne peut s'empêcher de soupçonner ici quelque méprise. Ils disent que cette plante nous enseigne où sont les truffes ; mais nous savons que par tout où on en trouve, il ne vient point de plante au-dessus. Peut-être que quelques-uns d'eux, ont confondu la truffe, tuber, avec le bulbocastanum, que nous appellons en françois terre-noix. En ce cas, il est certain que les feuilles de celle-ci en sont une sûre indication, & alors leur hydrophillon ne seroit qu'un second nom de terre-noix. (D.J.)


HYDROPHOBEadj. (Méd.) , aquam timens. On se set de ce terme, pour désigner ceux qui ont le malheur d'être affectés de la maladie terrible, qu'on contracte ordinairement par l'effet de la morsure de certains animaux, & particulierement d'un chien enragé, qui est connue sous le nom de rage, à laquelle on donne aussi le nom d'hydrophobie, à cause de l'horreur de l'eau, qui en fait un des symptomes essentiels. Voyez HYDROPHOBIE, rage.


HYDROPHOBIES. f. (Méd.) . Ce terme grec est composé des mots , eau, & , crainte, aquae timor. Il est employé par les Médecins, pour synonyme du mot rage, qui est la maladie de ceux qui sont affectés d'une sorte de délire furieux, à la suite de la morsure d'un chien, ou de quelques autres animaux enragés. Comme un des principaux symptomes qui accompagnent cette maladie, est une aversion insurmontable pour l'eau ; c'est ce qui lui a fait donner le nom d'hydrophobie. Mais comme elle est moins connue sous ce nom là, que sous celui de rage, il paroît convenable de ne traiter de cette maladie, que sous cette derniere dénomination, qui est d'ailleurs plus spéciale : ainsi voyez RAGE.


HYDROPHORES. m. (Myth.) statue de bronze, de deux coudées, dont parle Plutarque dans la vie de Thémistocle. Ce grand homme, dit-il, l'avoit faite des amendes auxquelles il avoit condamné ceux qui détournoient les eaux publiques à leur usage particulier, & ensuite il l'avoit consacrée dans un temple d'Athènes. Il retrouva son hydrophore à Sardis dans le temple de la mere des dieux. C'étoit une des statues que Xerxès avoit emportées de Grece, & Thémistocle fit des efforts inutiles pour que le satrape de Lydie voulût bien la lui rendre. M. Dacier croit que c'est celle qui, dans Pline, l. XXXIV. chap. viij. porte le nom d'Oenophore par la faute des copistes ; mais tout est perdu en critique, si l'on admet des conjectures de cette espece, que le sens n'exige point, & qui ne sont point appuyées par les manuscrits. (D.J.)


HYDROPHORIESS. f. plur. (Mythol.) cérémonie funebre qui s'observoit à Athènes & chez les Eginetes, mais en des mois différens, à la mémoire des Grecs qui avoient péri dans le déluge de Deucalion & d'Ogygès ; ainsi, hydrophorie étant un mot composé de , eau, & , j'emporte, désigne une fête commémorative de ceux qui ont été emportés par les eaux. (D.J.)


HYDROPHYSOCELES. f. terme de Chirurgie, tumeur du scrotum causée par de l'eau & de l'air. c'est une hydrocele mêlée d'air. Voyez HYDROCELE.

La complication de flatuosité se fera connoître par la rénitence de la tumeur, & le son qu'elle rend lorsqu'on la frappe, comme feroit un ballon. L'hydrocele flatueuse, ou plutôt la flatuosité de l'hydrocele se dissipera par l'usage des cataplasmes discussifs & carminatifs, faits avec les poudres de fleurs de camomille, de sureau, dans une décoction d'anis, de coriandre, &c. L'amas d'eau forme le fond & l'essentiel de la maladie ; nous en avons parlé amplement au mot HYDROCELE. (Y)


HYDROPIQUEadj. (Méd.) C'est l'épithete par laquelle on désigne un malade affecté d'hydropisie en général ; mais elle est plus particulierement affectée par l'usage à l'hydropisie, avec épanchement d'humeurs dans le bas-ventre, que l'on appelle ascite. Voyez HYDROPISIE.


HYDROPISIES. f. (Méd.) , hydrops. C'est une maladie des plus considérables entre les affections chroniques. Elle consiste dans une collection contre nature d'humeurs aqueuses ou séreuses, rarement d'une autre nature, qui croupissent dans leurs vaisseaux relâchés, ou qui sont extravasées dans quelques cavités ; d'où s'ensuivent différentes lésions de fonctions, selon le siege du mal, & toûjours, lorsqu'il est dans des parties molles, ou qui sont susceptibles de céder, une tumeur ou enflure, & une distension extraordinaire proportionnée au volume de ces humeurs.

Si elles s'étendent à toute l'habitude du corps & à ses cavités, l'hydropisie est dite universelle ; si les humeurs n'occupent que quelques-unes de ces parties, l'hydropisie est particuliere, & alors elle prend différens noms, selon les différentes parties qui en sont affectées.

Lorsque l'humeur remplit, outre mesure, tout le tissu cellulaire, qui est sous les tégumens, dans toute leur étendue, & forme une bouffissure générale, on appelle cette espece d'hydropisie, leucophlegmatie, lorsque l'humeur est pituiteuse, épaisse, & tirant sur le blanc : mais lorsqu'elle est simplement aqueuse, séreuse, ce qu'on distingue par la différente disposition de la peau, dont la surface, dans ce dernier cas, est plus luisante, plus étendue ; on donne à cette sorte d'affection le nom d'anasarque, terme formé de deux mots grecs , circa carnes, pour signifier qu'elle a son siege dans la membrane cellulaire, qui entoure, qui enveloppe les muscles, mais qui ne pénetre pas dans les interstices des fibres charnues, qui forment les muscles. Le contraire n'arrive que fort rarement ; & alors, selon Boerhaave, comment. in propr. instit. med. §. 732. cette maladie ne doit pas être appellée anasarque, mais , intra carnes, hyposarque. Voyez LEUCOPHLEGMATIE, ANASARQUE.

On appelle hydrocéphale, l'hydropisie de la tête, soit qu'elle ait son siége au dehors ou au dedans de cette partie. Voyez HYDROCEPHALE. L'hydrophtalmie est l'hydropisie des enveloppes, ou du globe de l'oeil. Voyez HYDROPHTALMIE.

Il se forme quelquefois une espece d'hydropisie dans les parties intérieures de la trachée-artere, qui est une sorte de bronchocele : Voyez BRONCHOCELE.

L'hydropisie de poitrine n'a pas de nom particulier ; voyez POITRINE. Celle du péricarde s'appelle hydrocardie ; voyez HYDROCARDIE.

Si l'hydropisie se forme dans le bas-ventre, elle prend le nom d'ascite, , ce qui signifie hydrops utricularius, parce que dans cette maladie les parois de l'abdomen sont tendues comme une outre, par les humeurs dont est remplie la cavité de cette partie. Voyez ASCITE : c'est l'hydropisie proprement dite, ou au moins celle que l'on a communément en vûe, lorsqu'on parle de l'hydropisie simplement, sans autre distinction : c'est aussi sous cette acception qu'il en sera principalement traité dans cet article.

Quelquefois l'hydropisie a son siége dans les cavités, plus ou moins distendues, du tissu cellulaire de Malpighi, entre les membranes qui sont des duplicatures du péritoine, d'où sont formés l'épiploon, le mésentere, &c. ou entre quelques parties du péritoine même, & celles auxquelles il doit être naturellement adhérent ; ou dans un grand nombre de cellules de ce tissu qui revêt la surface des visceres, lesquels se remplissent outre mesure, sans cesser d'être distinctes entr'elles, d'où se forment, ce qu'on appelle des hydatides. L'hydropisie est appellée enkistée, hydrops saccatus, dans le premier cas, & vésiculaire dans le dernier. Voyez KISTE, HYDATIDE.

On donne le nom d'hydrocele, à l'amas d'humeurs qui se forme dans les bourses, c'est-à-dire, dans le scrotum & avec différentes combinaisons, dans les cellules, ou cavités des différentes tuniques qui enveloppent les testicules ; ce qui s'étend quelquefois à la verge. Voyez HYDROCELE.

La matrice est aussi susceptible d'hydropisie, ainsi que les ovaires, le vagin. Voyez MATRICE, OVAIRE, VAGIN.

Lorsque les humeurs sont abondantes dans le tissu cellulaire de quelqu'un des membres, on ne l'appelle point hydropisie, mais enflure oedémateuse, si la tumeur est fort étendue ; ou oedème simplement, si elle est circonscrite. Voyez OEDEME.

Ainsi, il n'y a hydropisie que là où il y a proprement amas contre nature d'humeurs aqueuses, séreuses, ou laiteuses, d'un volume assez considérable, à proportion de la partie qui en est le siége. Or, donc, comme c'est un amas de liquides qui constitue essentiellement cette maladie, la tympanite qui n'est qu'une collection d'air dans la capacité du bas-ventre, est placée mal-à-propos, par quelques auteurs, parmi les différentes especes d'hydropisie, malgré la ressemblance dans l'enflure à l'égard de l'ascite, comme de l'emphysème, à l'égard de l'anasarque. Voyez TYMPANITE, EMPHYSEME. Il arrive souvent complication de ces deux sortes de maladies avec l'hydropisie.

Il resulte de toutes les observations que l'on a faites, à l'égard des différentes especes d'hydropisie ; que l'on ne peut les attribuer qu'à deux sortes de causes, qui sont, 1°. tout ce qui peut faire obstacle au cours de la lymphe séreuse, & l'empêcher de passer librement des arteres, qui lui sont propres, dans les veines correspondantes, ensorte que les premiers de ces vaisseaux s'engorgent & se dilatent de plus en plus, par défaut de mouvement progressif dans leurs fluides, dont le volume s'y augmente de plus en plus, par l'abord qui ne laisse pas de s'y en faire continuellement, effet de la cause impulsive, qui reste à peu-près la même ; d'où suit la rupture de ces mêmes vaisseaux qui, à force d'être distendus outre mesure, ne peuvent enfin qu'éprouver une véritable solution de continuité, qui donne lieu à l'effusion, à l'épanchement de l'humeur contenue, & de celle qui ne cesse d'y être portée. La foiblesse des vaisseaux & des visceres fait une cause de cette nature, attendu qu'il a été observé constamment, que la faculté qu'ont les pores absorbans des veines qui répondent aux grandes cavités du corps, de s'imbiber des humeurs qui y sont répandues, est susceptible d'augmenter ou de diminuer proportionnellement aux forces de la circulation en général ; ce qui fait que dans les maladies aiguës, où le mouvement du sang est trop grand, toutes les parties internes même se dessechent, parce que les vapeurs destinées à les humecter sont trop repompées ; & au contraire, dans les maladies chroniques de langueur, les humeurs extravasées sous forme de vapeurs, faute d'être reprises, se condensent, s'accumulent sous forme liquide, ce qui donne lieu à différentes enflures, & parce que, en général, la force des arteres qui portent les humeurs, se conserve plus long-tems que celle des veines, pour les reprendre, il s'ensuit le défaut d'équilibre respectif qui doit subsister dans la santé entre ces vaisseaux ; défaut qui, à l'égard des solides considérés généralement, est la cause de tous les dépôts, de toutes les fluxions, de toutes les évacuations spontanées, excessives, qui peuvent avoir lieu dans le corps humain. Voyez EQUILIBRE, Oecon. anim. On peut aussi ranger, dans l'espece des causes dont il s'agit ici, l'épaississement des humeurs, en tant qu'il donne lieu à des embarras qui en gênent le cours dans leur retour à la masse, qui produisent des obstructions, des compressions, des resserremens spasmodiques qui portent sur les veines séreuses, d'où suivent des engorgemens de ces vaisseaux, leur rupture, & des épanchemens d'humeurs qui forment l'hydropisie. Le spasme causé par l'irritation méchanique ou physique du genre nerveux, lorsqu'il subsiste un certain tems, peut également procurer des étranglemens dans les vaisseaux de toute espece, qui ont souvent les mêmes suites, indépendamment d'aucun vice dans les fluides. Tout ce qui vient d'être dit de ces différentes causes de l'hydropisie, est confirmé par l'expérience de Lower, qui produisoit dans des chiens de véritables épanchemens d'humeurs, des amas de sérosité dans les différentes capacités, par la ligature des principales veines qui en rapportent le sang.

2°. La dissolution du sang ou le défaut de consistance de cette humeur d'où dérivent toutes les autres, qui fait que ce fluide ne peut être retenu dans les vaisseaux qui lui sont propres ; il devient susceptible de s'échapper sous forme séreuse dans les vaisseaux d'un genre qui n'est pas fait pour le recevoir naturellement, lorsqu'il a la consistance qui lui est propre : il passe, dans les arteres séreuses, dans les conduits collatéraux qui ne sont pas capables de résistance ; &, comme il y en a encore moins dans les cavités du tissu cellulaire où quelques-uns aboutissent, il s'y jette, les remplit, les distend, & y fournit la matiere & le volume de l'oedème, des bouffissures, de la leucophlegmatie, de l'anasarque ; ou s'il est dirigé vers les vaisseaux exhalans, il fournit les fluides qui suintent continuellement dans les capacités, qui, n'étant pas repompés, forment des amas d'eau qui y croupissent plus long-tems qu'on ne pense communément sans se corrompre ; parce que l'air n'ayant point d'accès dans les parties où elles sont renfermées, elles se conservent comme les eaux de l'amnios, dans lesquelles nage le foetus pendant tout son séjour dans la matrice, qui y sont même quelquefois retenues pendant plusieurs années sans aucune corruption, dont peuvent être préservées encore plus aisément les eaux des hydropiques ; parce qu'elles ont ordinairement une sorte de consistance mucilagineuse, qui les rend peu susceptible du mouvement intestin qui produit la putréfaction. Voyez DISSOLUTION, PUTREFACTION. C'est par les effets de la dissolution du sang, qu'il arrive souvent que des phthisiques paroissent mourir hydropiques ; parce que les poumons ne pouvant pas convertir le chyle en sang, avec la consistance qui lui est nécessaire pour être bien constitué, il ne peut pas être retenu dans ses propres vaisseaux, & il fournit aux autres une surabondance d'humeurs avec les suites mentionnées ; dans le cas où ces humeurs excédantes viennent à prendre leur cours par la voie des selles, ou de la peau, ou des urines ; la diarrhée, ou les sueurs colliquatives, ou le diabete qui s'établit en conséquence, empêche qu'il ne se fasse aucun amas d'eaux : ces malades au contraire meurent entierement dessechés. Voyez COLLIQUATION, FIEVRE HECTIQUE, COLLIQUATIVE, DIARRHEE, DIABETES.

Il n'est aucun des symptomes de l'hydropisie, qui ne puissent être regardés comme les effets d'une des deux sortes de causes différemment modifiées, sur lesquelles on vient d'établir toute la théorie de cette maladie, où il y a complication de ces deux différens principes dans un même individu.

Ce qui dispose principalement à produire l'hydropisie dans quelque cas que ce soit, c'est le défaut de régime : d'ailleurs cette maladie peut être formée immédiatement, ou être la suite d'une autre maladie ; ce dernier cas est plus ordinaire que le premier. Quand l'hydropisie est la maladie primitive, elle est quelquefois l'effet d'une disposition héréditaire ; mais elle est ordinairement causée par la lésion des fonctions dans les premieres voies qui ne produit que des digestions imparfaites ; ou par la dégénération du sang & de la masse des humeurs, qui ne fournit qu'une lymphe trop épaisse, qui engorge les vaisseaux qui la reçoivent, ou une sérosité trop abondante qui les relâche, les distend & les force à se rompre ; ou, par l'effet du froid, sur l'habitude du corps qui donne lieu à une suppression de la transpiration, dont la matiere reflue dans la masse des humeurs, & produit ensuite une sorte de pléthore dans le système des vaisseaux séreux & lymphatiques ; lorsqu'elle ne se fait pas une issue par quelqu'autre voie d'excrétion : la résidence dans des lieux humides, marécageux, exposés au vent du midi, qui occasionnent un relâchement dans l'habitude du corps toûjours comme plongé dans un bain de vapeurs, dont il ne cesse de s'imbiber par les pores absorbans de la peau, a souvent aussi les mêmes suites : une boisson abondante d'eau froide, sur-tout lorsqu'elle est prise, le corps étant échauffé par quelque cause que ce soit, ou dans la nuit pendant le relâchement que procure le sommeil, peut produire intérieurement les mêmes effets ; si elle n'est pas évacuée d'une maniere proportionnée à sa quantité, par la voie du vomissement ou des selles, des urines ou des sueurs.

L'hydropisie, qui succede à une autre maladie, peut avoir autant de différentes causes, qu'il y a de différentes maladies qui peuvent la faire naître : telles sont toutes les fiévres accompagnées de beaucoup d'ardeur & de soif, suivies d'une boisson proportionnée, & même sans boisson par la seule acrimonie dissolvante qu'elles occasionnent dans la masse des humeurs : les fiévres intermittentes, invétérées, surtout la fiévre-quarte, lorsqu'elle n'a pas été bien traitée, & qu'on s'est trop hâté de la couper par l'usage du quinquina ; les obstructions des viscères rebelles à la nature & aux remedes, comme les skirrhes du foie, de la rate, du pancréas, du mésentere, des intestins, des reins, de la matrice, & même les tubercules des poumons aussi-bien que l'asthme : les trop grandes évacuations de quelque espece qu'elles soient, comme les hémorrhagies, les saignées trop répétées, trop abondantes, la diarrhée, la dyssenterie opiniâtre, invétérée ; les vomitifs, les purgatifs trop violens & trop souvent employés, ainsi que les sudorifiques, les diurétiques, les ptyalisans qui produisent de trop grands effets : la suppression des évacuations nécessaires, comme des urines, des menstrues, des hémorrhoïdes : la mélancolie, la jaunisse, le scorbut & autres de semblable nature : à toutes ces causes prédisponentes de l'hydropisie, on doit ajoûter la grossesse qui, par le volume de la matrice, établit souvent une disposition à cette maladie ; entant qu'elle comprime les troncs des veines, qui rapportent le sang des extrémités inférieures & des visceres de la région hypogastrique.

Quant aux effets & aux progrès de l'hydropisie, on observe en général, que, dans toutes les especes de cette maladie, il y a communément enflure, ou au-moins tumeur sensible dans quelque partie de l'habitude du corps ; & un sentiment de pesanteur dans l'intérieur, lorsque la collection d'humeurs se forme dans quelque capacité : on remarque que la couleur de la peau est toûjours viciée dans l'un & l'autre cas, en ce qu'elle est fort pâle, tirant sur le verdâtre ; que les malades ont un grand dégoût des alimens, & sont tourmentés par une soif continuelle, qui les porte à boire abondamment sans que la boisson les soulage à cet égard, ce qui a fait dire au poëte par rapport à cette circonstance :

Quò plus sunt potae, plus sitiuntur aquae.

Mais chaque espece d'hydropisie a ses symptomes particuliers, à raison des différentes parties qui sont affectées. Voyez HYDROCEPHALE, HYDROPISIE DE POITRINE, HYDROCELE, LEUCOPHLEGMATIE, &c.

Pour ce qui est de l'ascite dont il s'agit ici plus particulierement, il s'annonce ordinairement ainsi : les piés commencent à s'enfler autour des talons & des malléoles d'une tumeur oedémateuse, plus ou moins séreuse, qui conserve pendant quelque tems l'enfoncement qui s'y fait par l'impression un peu forte des doigts ou de quelqu'autre corps mousse qui y a été appliqué. Dans les commencemens, cette enflure disparoît entiérement pendant la nuit, c'est-à-dire lorsque les malades étant couchés, le corps est dans une situation à-peu-près horisontale, où les humeurs n'ayant plus à remonter contre leur propre poids, qui l'emporte sur l'action des vaisseaux ou du tissu cellulaire, relâché, forcé, retournent plus aisément dans le torrent de la circulation ; ensorte que le matin il ne reste plus de tumeur, ou au-moins elle est considérablement diminuée, mais elle se forme de nouveau pendant le jour, paroît le soir de plus en plus considérable, & gagne peu à peu les jambes & les cuisses au point de s'étendre jusqu'à la hauteur des reins, dans les bourses, & le tissu cellulaire des tégumens de la verge qui se tuméfient toûjours davantage, tellement qu'elle est quelquefois comme ensevelie dans l'enflure : en même tems l'humeur commence à se jetter dans la capacité du bas-ventre, & y devient toujours plus abondante au point qu'elle distend bientôt les parois de l'abdomen jusques par-dessus l'estomac, & cause un sentiment de fluctuation & de murmure par les eaux contenues qui augmentent le volume du bas-ventre, du côté où elles sont portées par leur poids, à mesure que le malade étant couché, se releve en différens sens à droite & à gauche : & cette fluctuation est encore plus sensible, lorsque l'on frappe le ventre avec une main à l'opposite de l'autre qui le presse par côté ; car alors les mains sont affectées, comme du choc ondulatoire d'une colonne de liquide mis en mouvement.

Ces différens symptomes suivent ordinairement cette marche, lorsque la cause de l'hydropisie ascite dépend d'un vice général dans les solides & dans les fluides ; mais lorsque la cause est dans quelque viscere du bas-ventre, l'enflure se forme souvent sans être précédée de celle des extrémités inférieures, survient insensiblement & presque sans que les malades s'en apperçoivent ; c'est ce qui arrive, sur-tout dans les hydropisies enkistées : d'autres fois l'enflure se forme en très-peu de tems, & comme subitement ; c'est le cas de l'ascite proprement dit : outre cela, il y a encore à remarquer que quelquefois l'enflure n'occupe pas toute l'étendue du bas-ventre, mais seulement une partie plus ou moins considérable, de maniere que le ventre paroît, dans quelques cas, comme partagé, étant fort relevé d'un côté & de l'autre fort affaissé ; ce qui arrive, lorsque l'hydropisie est renfermée dans un sac ; mais lorsqu'elle est étendue dans toute la capacité, l'enflure rend tout l'abdomen également saillant dans toute sa surface, avec un sentiment de pesanteur dans la région des aînes, lorsque le corps est droit ; & souvent cette enflure augmente si fort, devient si proéminente par le volume excessif des humeurs qui la forment, que les malades ne peuvent pas voir leurs piés, & qu'ils craignent de plus en plus que la distension extrême de leur ventre ne les fasse crever, en forçant ses parois à se rompre.

En général pendant que les parties inférieures du corps augmentent de volume par la formation de l'enflure, les supérieures diminuent de plus en plus, sur-tout le cou & le haut de la poitrine, par la maigreur, le desséchement de toutes les parties charnues qui ont lieu dans tout le corps, mais dont les effets sont cachés sous l'enflure, dans les parties qui en sont affectées : quelquefois cependant les mains & le visage, le tour des yeux sur-tout deviennent bouffis, lorsque le mal a fait de grands progrès ; ce qui arrive principalement le matin, après le sommeil : les malades éprouvent quelquefois de grandes demangeaisons par tout le corps, & deviennent même sujets à la gale ; ce qui doit être attribué aux parties acres les plus grossieres de l'excrétion cutanée, qui s'embarrassent, & sont pour ainsi dire, laissées à sec dans les vaisseaux de la peau. Voyez PRURIT, GALE.

Dans l'ascite, les malades rendent très-peu d'urine, & elle est ordinairement fort rouge & fort épaisse, parce que la sérosité du sang se portant ailleurs en grande abondance, les parties lixivielles restent privées de leur véhicule ; & par la même raison, il ne se fait presque point de transpiration, encore moins de sueur ; le ventre est le plus souvent aussi très-paresseux, sur-tout lorsqu'il y a obstruction au foie & défaut de flux de la bile dans les intestins.

Mais un des symptomes des plus importans de l'hydropisie, c'est la fiévre ordinairement continue, lente, hectique, qui augmente sur le soir, mais de sorte que le pouls est en général toûjours petit, très-fréquent, assez dur & tendu ; ce qu'on ne peut attribuer qu'à la dégénération des humeurs, qui excite l'irritabilité des vaisseaux plus que dans l'état naturel. Voyez IRRITABILITE.

L'enflure de la grossesse, sur-tout lorsqu'elle est accompagnée de celle des jambes, peut faire naître quelque difficulté à distinguer cet état de celui de l'hydropisie ascite ; mais cette difficulté ne subsiste pas long-tems, si l'on fait attention à ce que la suppression des menstrues n'a pas lieu ordinairement dans l'hydropisie ; que les mamelles qui s'enflent dans la grossesse, diminuent au contraire beaucoup dans cette maladie ; que la femme grosse ne sent point de ballotement, de fluctuation dans son ventre, selon les divers mouvemens qu'elle fait, surtout lorsqu'elle est couchée, comme on les sent dans l'hydropisie, qui d'ailleurs ne peut pas être confondue avec la grossesse, lorsque celle-ci est un peu avancée, parce qu'elle a son signe caractéristique, qui est le mouvement de l'enfant par parties successives ; ce qui n'a point lieu dans le mouvement des eaux qui se fait toûjours en masse. C'est l'hydropisie de la matrice (dont la cavité se remplit outre mesure de sérosités, sans qu'ou puisse dire pourquoi son orifice ne s'ouvre pas pour leur donner issue), qui est le cas le plus difficile à distinguer de la grossesse. Voyez MATRICE.

Pour ce qui est des signes qui établissent la différence entre l'hydropisie ascite, la tympanite, la leucophlegmatie. Voyez TYMPANITE, LEUCOPHLEGMATIE.

A l'égard du prognostic de l'hydropisie en général, on peut dire qu'elle est toûjours difficile à guérir, & même dangereuse, à proportion qu'elle est plus considérable & plus invétérée, & lorsqu'elle succede à une maladie aiguë. Cependant si les personnes affectées de cette maladie ont été naturellement robustes ; que les visceres fassent encore assez bien leurs fonctions ; que les forces ne soient pas beaucoup diminuées, que l'appétit subsiste passablement ; que les digestions ne soient pas laborieuses ; que la respiration se fasse librement, sans toux ; que la soif ne soit pas fort pressante, & que la langue soit rarement seche, sur-tout après le sommeil ; que le ventre soit libre, sans que les déjections soient trop fréquentes ; qu'elles deviennent faciles par l'effet des purgatifs, sans rester relâché après leur opération ; que l'urine change de qualité, selon la différence des boissons dont use le malade ; qu'il ne se sente pas de lassitude, & qu'il ait de la facilité à s'exercer : si toutes ces conditions se rencontrent dans le même sujet, c'est de très-bon augure ; s'il ne s'en présente que quelques-unes, c'est toûjours une raison d'avoir de l'esperance pour la guérison de la maladie ; mais s'il ne paroît aucune ou très-peu de ces dispositions avantageuses, l'état est desespéré.

Entre les especes d'hydropisie, l'anasarque est celle qui est le moins à craindre ; l'ascite est toûjours dangereuse, sur-tout s'il est joint à la tympanite, voyez TYMPANITE, & d'autant plus que les causes qui y donnent lieu, sont plus importantes ; ainsi il est plus difficile à guérir, lorsqu'il est une suite de l'obstruction du foie, que lorsqu'il provient seulement d'une trop grande boisson d'eau, ou de toute autre cause aussi peu considérable : il est bon qu'il n'y ait pas d'autre enflure qui l'accompagne, ou que, s'il y en a aux extrémités inférieures, elle ne soit pas bien considérable, & qu'elle ne s'étende pas à d'autres parties : l'hydropisie enkistée est moins funeste que l'ascite ; parce que dans celle-là il se fait encore un peu de circulation de la sérosité renfermée dans le sac, au lieu qu'elle est absolument extravasée & sans aucun cours dans l'ascite.

Le flux-de-ventre qui arrive au commencement de l'hydropisie, sans être causé par des indigestions, est le plus souvent très-salutaire, selon l'observation d'Hippocrate : il n'en est pas de même lorsque la maladie est fort avancée, & qu'il y a un grand abattement de forces, alors la diarrhée accélere souvent la mort, parce que ce symptome n'est que le mauvais effet de la foiblesse des visceres : c'est aussi pourquoi l'hydropisie, lorsqu'elle est une suite de l'abus des purgatifs, comme des saignées, est la plus incurable.

Les urines peu abondantes, troubles, avec la fiévre, sont un très-mauvais signe dans l'hydropisie, d'autant plus que la quantité en est moindre ; parce que c'est une preuve que la plus grande partie de la sérosité est détournée ailleurs pour former la collection d'humeurs : c'est pourquoi il est convenable, selon le conseil de Celse, de comparer chaque jour la quantité de la boisson du malade avec celle de l'urine qu'il rend, & d'observer le volume du ventre, en mesurant son contour avec un fil, sur-tout lorsqu'on donne au malade des remedes évacuans, parce que s'il diminue à proportion que la quantité des urines augmente, ou qu'il se fait une évacuation par quelqu'autre voie, c'est un fort bon signe ; au lieu que s'il augmente malgré l'effet de ces remedes, il n'y a presque plus rien à espérer, ainsi que dans le cas où il y a retour de l'enflure après avoir été emportée par les évacuations que l'art a procurées ; parce qu'il y a lieu de penser qu'il existe quelque vice incurable dans les visceres, qui renouvelle continuellement la collection des eaux.

On doit regarder la mort comme prochaine, lorsque, dans cette maladie invétérée, il survient des taches livides, des ulceres de mauvais caractere aux gencives, dans la bouche, dans différentes parties de l'habitude du corps, & particulierement aux jambes ; ainsi que quand les malades rendent du sang grumélé par la voie des selles, ou qu'ils deviennent sujets à des hémorrhagies, particulierement à celle des narines.

Les plaies, les ulceres des hydropiques sont très-difficiles à guérir, parce que la cicatrice ne peut s'opérer qu'avec difficulté dans des solides qui ont perdu leur ressort, & parce que la masse des humeurs est appauvrie & presque totalement privée de son baume naturel.

L'hydropisie elle-même se guérit cependant quelquefois sans le secours de l'art, par différens bénéfices de nature ; comme lorsque les jambes enflées se crevent d'elles-mêmes, ou par accident, comme par quelque égratignure, quelque écorchure, ou blessure ou brûlure, & qu'il se fait une issue aux eaux contenues dans le tissu cellulaire, ou qui peuvent en être repompées des cavités où elles sont épanchées, en sorte qu'elles s'écoulent souvent en grande abondance, par cette voie & de proche en proche se portent où il y a moins de résistance ; d'où suit quelquefois une évacuation complete non-seulement des humeurs qui forment des enflures extérieures, mais encore de celles qui sont contenues dans les parties internes : de semblables vuidanges se sont faites quelquefois par la rupture des enveloppes du bas-ventre, sur-tout au nombril, ou par la voie de la matrice dans le tems ou à la suite des regles, des lochies ; ainsi que Fernel (Pathol. lib. VI.) rapporte en avoir vû des exemples.

Avant que d'entreprendre le traitement de l'hydropisie, il est de la prudence du medecin de bien examiner quelle est la nature de cette maladie, quelle en est la cause : parce que si le mal lui paroît incurable, ou que le vice qui a occasionné la collection des humeurs ne puisse pas être détruit, qu'il doive s'attendre à la voir se renouveller à mesure qu'il en procurera l'évacuation ; dans le cas où il ne peut parvenir à en tarir la source, il doit éviter, s'il y a moyen, de se charger de la cure, pour ne pas compromettre sa réputation, en paroissant avoir donné la mort à qui il n'étoit pas possible de conserver la vie ; ou, s'il ne peut pas refuser ses secours, il convient qu'il prévienne par un prognostic convenable sur l'évenement que la maladie doit avoir.

Quant à la maniere de traiter l'hydropisie, qui paroît susceptible de guérison, les indications principales sont de tâcher d'abord d'évacuer les eaux ramassées, & ensuite d'attaquer & de détruire le vice qui a donné lieu à leur collection dans quelque partie qu'elle soit faite : c'est ce dernier effet seul qui rend la curation complete , parce que l'évacuation des humeurs est de peu d'importance pour les suites, si elles peuvent se ramasser de nouveau & produire les mêmes effets. Mais comme les moyens à employer, pour emporter la cause, sont moins efficaces, tant que les parties affectées sont abreuvées, & que leur ressort est affoibli par le relâchement & la corruption occasionnés par la présence des eaux, qui, participant à la chaleur animale, en sont plus susceptibles de contracter des qualités propres à produire ces effets : il est donc nécessaire de s'occuper d'abord de l'indication la moins essentielle, parce qu'elle est comme préparatoire, pour pouvoir parvenir à remplir la plus importante.

Ainsi, dans le cas de l'hydropisie ascite, simple, qui n'est pas bien invétérée, on doit travailler à l'évacuation des humeurs par le moyen des purgatifs émétiques, hydragogues, ou par les diurétiques chauds, les plus forts, les plus actifs. La sueur dans l'ascite est plus nuisible que profitable, parce qu'elle tend à priver le sang de la sérosité, qui lui sert de véhicule dans des parties éloignées de celles qui fournissent la matiere de la collection des eaux, c'est-à-dire à la circonférence du corps où la masse des humeurs en manque déja, à cause qu'il a été détourné ailleurs en trop grande quantité : les évacuations que l'on procure par la voie des selles ou des urines, sont les seules qui sont véritablement avantageuses.

On doit cependant observer que l'hydropisie dans son commencement doit être traitée, comme la cachexie ; & Vander Linden dit, fort à propos, que quiconque veut guérir l'hydropisie doit éviter l'usage trop fréquent des purgatifs, parce qu'ils affoiblissent de plus en plus le ton des solides, après en avoir excité l'érétisme outre mesure : l'atonie suit toûjours le trop de tension spasmodique ou convulsive, qui a lieu par l'effet irritant des purgatifs : ce n'est pas qu'il ne faille employer les plus forts remedes de ce genre, mais, après les avoir donnés d'abord coup-sur-coup, il faut n'y revenir ensuite que rarement, & il convient de faire usage dans l'intervalle des médicamens toniques, fortifians, tirés de la classe des amers, tels sur-tout que le kina, & des martiaux qui peuvent servir à tenir en regle les fonctions des organes de la digestion, & rétablir dans les solides en général la force que l'action des purgatifs leur a ôtée ; ce qui fait partie de l'indication principale à remplir. On doit par conséquent avant de faire usage de ces remedes, s'assûrer de ceux qui conviennent, eû égard à la facilité ou à la difficulté avec laquelle les malades sont susceptibles d'être purgés ; parce que des purgatifs qui sont ordinairement d'une médiocre activité, sont souvent suffisans pour produire de grands effets dans les sujets qui sont, comme on dit, faciles à émouvoir, qui sont d'une constitution foible, délicate & sensible, comme les femmes sujettes aux vapeurs, les hypocondriaques.

Mais il est nécessaire que les purgatifs, quels qu'ils soient, operent beaucoup, parce que ceux qui ne produisent que peu d'effets, sont plus nuisibles qu'utiles ; ils fatiguent les malades, ils les affoiblissent, & ne diminuent pas la quantité des eaux que l'on doit tâcher d'évacuer le plus promtement qu'il est possible ; pour ne pas laisser trop augmenter le relâchement des parties qui les contiennent, qui en sont abreuvées ou qui y trempent, parce que l'équilibre y étant de plus en plus détruit, les humeurs sont déterminées à s'y porter & à s'y accumuler aussi de plus en plus. Voyez ÉQUILIBRE, Economie animale.

Les purgatifs les plus usités dans le traitement de l'hydropisie, sont parmi les émétiques les préparations d'antimoine, de mercure de cette qualité, & particulierement le tartre, le vin stibié, le turbith minéral ; parmi les cathartiques, le jalap, sa résine, la seconde écorce de sureau, la gomme-gutte, l'euphorbe, la coloquinte, le concombre sauvage, & sur-tout l'elaterium, selon Vander-Linden, Lister, Sydenham ; la poudre cornachine, les fortes décoctions de sené, avec le syrop de nerprun, &c. la rhubarbe à grande dose peut être employée avec succès dans l'intervalle des autres purgatifs.

Mais dans les cas qui sont assez fréquens, où les malades, à cause de la foiblesse ou de la délicatesse de leur tempérament, ne peuvent soûtenir l'effet d'aucun des purgatifs qui conviennent ; il faut absolument se retourner du côté des diurétiques, d'autant plus qu'ils ont souvent opéré, sans aucun secours, l'entiere évacuation des eaux, même dans les personnes les plus robustes ; & que rien ne donne plus de soulagement aux hydropiques qu'un flux abondant d'urine, quand il se fait sans trop affoiblir les malades : tous les sels sont diurétiques, mais on doit préférer à tous les autres le nitre & ses préparations de cette qualité, parce qu'il contribue beaucoup à éteindre la soif, qui est le symptome le plus inquiétant de cette maladie : on peut employer les nitreux dans des tisanes appropriées qui soient émulsionnées, ou dans du petit-lait, du vin du Rhin, ou d'une qualité approchante, mais toûjours employés en grande quantité. C'est pourquoi la plûpart des eaux minérales, qu'on appelle acidules, qui ne peuvent opérer quelqu'effet qu'étant prises à grandes doses, ont souvent réussi à guérir des hydropisies considérables & des plus rebelles, en évacuant abondamment par la voie des urines, & en fortifiant en même tems lorsqu'elles sont martiales : on fait aussi usage avec succès du suc de la plante nommée kali ou soûde, des sels lixiviels, des infusions de cendres végétales, sur-tout de celles de genest, comme contenant plus d'alkali, de cendres animales telles que celles de vers de terre, & sur-tout de crapaud, dont Wierus, dans son livre intitulé de Lamiis, prétend qu'un ancien hydropique fut guéri à Rome par sa femme, qui, ennuyée de la dépense qu'elle faisoit pour son mari sans succès, & voulant s'en défaire, lui donna des cendres de crapaud à plusieurs reprises dans le dessein de l'empoisonner ; ce qui produisit un effet tout contraire, car il recouvra la santé, ayant été délivré de son hydropisie par le grand flux d'urine que produisirent ces cendres : on attribue la même propriété aux oeufs de fourmis, dont on donne la décoction dans du lait.

On doit observer que lorsqu'on entreprend la cure de l'hydropisie par le moyen des diurétiques, sur-tout des sels lixiviels avec effet, on ne doit point faire usage des purgatifs, mais seulement des corroborans, qui doivent être regardés comme les remedes essentiels ; entant qu'ils sont destinés à empêcher qu'après l'évacuation des eaux il ne s'en fasse une nouvelle collection ; ce qui est mettre véritablement le complément à la cure.

Le bon vin employé convenablement, est un des moyens les plus propres pour fortifier ; c'est pourquoi il est fort recommandé dans la cure de l'hydropisie, soit pur, soit rendu médicamentaire, & joignant à sa qualité propre celle des plantes aromatiques appropriées, telles que l'absynthe, le marrhube, l'aunée, & autres amers de cette nature ; le kina sur-tout, qui doit être regardé comme un excellent remede contre le relâchement, l'atonie des solides dans l'hydropisie, ainsi que dans les autres maladies qui y ont rapport. Voyez FIBRE, Pathol.

S'il y a des obstructions auxquelles on soit fondé d'attribuer la cause de l'hydropisie, on doit joindre les apéritifs aux fortifians ; voyez OBSTRUCTION. Les martiaux sur-tout sont alors fort recommandés, & même les mercuriels, si l'épaississement des humeurs est leur vice dominant ; mais ces derniers remedes seroient de vrais poisons, si elles péchoient pas dissolution ; & dans ce cas, les laitages seroient un des remedes les plus indiqués, aussi bien que les émulsions, les mucilagineux, avec les diurétiques & les corroborans, quelquefois rendus acides & un peu aromatiques, à quoi l'on doit sur-tout joindre un régime sec.

Lister rapporte plusieurs exemples d'hydropiques, qui ont été guéris, en s'abstenant pendant longtems de toute autre boisson, que de quelque peu de vin pur, dans les cas de foiblesse des visceres ; & d'autres, qui à cause de la dissolution des humeurs, avoient passé plusieurs mois sans prendre aucun liquide. De ces malades, quelques-uns pour appaiser leur soif, tenoient sur la langue une petite tranche de pain roti & trempé dans l'eau-de-vie, ce qui leur faisoit venir beaucoup de salive à la bouche. On a aussi employé avec succès, pour cet effet, l'esprit de vitriol dans de l'eau, dont les malades se lavent souvent la bouche : on a aussi éprouvé du soulagement dans ce cas, de mâcher du citron sans l'avaler.

Si l'hydropisie doit être attribuée à quelque cause, qui resserre, qui comprime les vaisseaux, qui les force à se dilater outre mesure, ou à se rompre, ensorte que les fluides qui doivent être contenus, s'en échappent, il faut tâcher d'emporter ou de faire cesser cette cause, si elle en est susceptible. Ainsi, dans le cas qui est assez rare, où elle consiste dans l'éretisme, le spasme du genre nerveux, qui gêne le cours des humeurs dans les petits vaisseaux, qui les étrangle, pour ainsi dire, les relâchans, les bains aqueux tiedes produisent de bons effets, aussi bien que les antispasmodiques, les narcotiques employés avec beaucoup de circonspection. Si la compression des vaisseaux provient des glandes obstruées, du skirrhe des visceres, il faut, comme on l'a dit, attaquer ces vices par les moyens appropriés, contre les obstructions, les skirrhes. Voyez OBSTRUCTION, SKIRRHE.

Tels sont, en général, les remedes internes qui sont indiqués dans l'hydropisie ; mais si l'on s'apperçoit bientôt qu'ils ne produisent aucun effet pour la guérison de cette maladie, en tant que l'on ne peut pas parvenir à procurer l'évacuation des eaux, ni par la voie des selles, ni par la voie des urines, particulierement dans l'ascite, il convient alors de recourir aux secours de la main, & d'en venir pour cette évacuation, à l'opération de la paracentèse, faite selon les regles de l'art, & avec les précautions convenables. Lorsque le malade est de bon âge, qu'il n'a pas perdu ses forces, que la maladie n'est pas invétérée, & qu'il y a lieu de présumer que les visceres sont en bon état ; c'est le moyen le plus sûr & le plus promt, pour emporter la collection d'humeurs contre nature, pour prévenir tous les mauvais effets de leur séjour dans les parties qui les contiennent, & de la corruption dont elles sont susceptibles, & pour établir de la maniere la plus avantageuse, la disposition, à ce que l'on puisse employer avec succès, les remedes propres à détruire la cause du mal. Mais on ne doit jamais attendre l'extrêmité pour employer ce moyen, auquel l'expérience ne rend pas des témoignages aussi favorables qu'ils pourroient l'être, parce qu'on a recours presque toujours trop tard à cette opération, lorsque le mal a fait de si grands progrès, qu'il est devenu sans remede.

C'est pourquoi, il faudroit peut-être moins compter sur les secours à employer intérieurement, qui ont été proposés, & faire usage de la paracentèse dès le commencement de la maladie. Outre l'avantage de tirer promtement les eaux ramassées contre nature, cette opération procure encore celui de pouvoir mieux juger, par l'inspection de ces mêmes eaux, soit du caractere & de la cause particuliere qui l'a fait naître, soit du prognostic convenable que l'on doit porter en conséquence, & des indications qui se présentent à remplir, pour empêcher que la collection ne se renouvelle.

Dans les hydropisies enkistées, dans celles du péritoine, de l'omentum, des ovaires même, la paracentèse ne convient pas moins que dans l'ascite, lorsque l'on s'est assuré du véritable siége du mal, & que l'on peut y atteindre.

Mais, dans tous les cas où cette opération paroît praticable, si les dispositions de la part des malades qui ont été mentionnées, ne se présentent pas, bien loin d'être utile, elle ne feroit qu'accélerer la mort. Voyez PARACENTESE.

La chirurgie fournit encore d'autres moyens de donner issue aux eaux des hydropiques, qui conviennent également aux différentes especes d'hydropisies, tant abdominales qu'autres, qui doivent toutes être traitées de la même maniere, lorsqu'elles proviennent des mêmes causes. Ces moyens sont donc les scarifications, les fonticules, les sétons, les vésicatoires, les cauteres potentiels, & même actuels, employés sur les parties charnues, dans les endroits vers lesquels les humeurs se portent par leur propre poids. Ces différens secours sont quelquefois très-efficaces, sur-tout si l'on peut entretenir les ouvertures, par lesquelles se font les écoulemens ; avec l'attention de prémunir ces parties contre la disposition à la gangrene, qui a lieu dans tous les hydropiques, sur-tout, par rapport au parties affectées de bouffissure, d'enflure, d'oedème. Voyez GANGRENE.

Avant que de finir sur le traitement de l'hydropisie, il reste quelque chose à dire sur les usages de la saignée, à l'égard de cette maladie. Il paroît que la plûpart des praticiens modernes n'ont pas jugé que ce remede pût être indiqué dans un genre d'affection, où, en général, la masse des humeurs est presque toute composée de sérosité, & de très-peu de parties rouges du sang, où il regne un relâchement, une atonie presque universelle dans les solides, où l'expérience semble n'avoir rien établi qui soit favorable à ce remede, d'une maniere bien décidée. Cependant parmi les anciens, il s'est trouvé des auteurs à la suite d'Hippocrate lui même, qui exaltent les bons effets de la saignée dans l'hydropisie. En effet, le pere de la Medecine, de diaetâ in acutis, recommande de tirer du sang aux hydropiques, qui, dans la vigueur de l'âge, dans une bonne saison, & n'ayant pas perdu leurs forces, ont la respiration considérablement gênée. Alexandre de Tralles, & Paul d'Egine, veulent que l'on saigne dans l'hydropisie, lorsque le foye, la rate & l'estomac sont enflés ; & dans les cas où cette maladie est une suppression des menstrues, ou un flux hémorrhoidal habituel. Le très-érudit Jacob Spon, aphor. nov. sect. 5. §. 87. rapporte une observation, dans laquelle il dit avoir vû une hydropisie guérie à la suite de vingt saignées, après avoir résisté aux hydragogues & aux diurétiques, employés pendant long-tems, à la maniere ordinaire. Le célebre Hoffman, après avoir exposé ainsi le sentiment de ces auteurs, conclud par l'adopter, d'après sa propre expérience, pour les cas où l'on est assuré qu'il y a sur-abondance de sang dans un sujet bien disposé, sur-tout lorsque le mal provient d'une asthme sanguin ; & encore faut-il qu'il ne soit question que de leucophlegmatie, ou d'anasarque, & point d'ascite, à l'égard duquel il seroit très-dangereux d'employer un pareil moyen, parce qu'en diminuant la force du mouvement de la circulation dans les arteres, il s'ensuit que la resorbtion se fait à proportion, moins par les veines, ce qui est une nouvelle cause d'augmentation de la maladie ; au lieu que dans l'anasarque & la leucophlegmatie causée par la pléthore, la saignée, en desemplissant les vaisseaux, fait cesser la trop grande dilatation des orifices des collatéraux, qui, recouvrant leur ressort, renvoient à la masse des humeurs, ce qu'ils contiennent de sur-abondant, ou s'en déchargent par la voie des excrétions. Voilà tout ce qu'on peut raisonnablement avancer pour & contre la saignée, employée dans le traitement de l'hydropisie, où on peut dire qu'en général, le cas d'y avoir recours se présente très-rarement, qu'il ne peut être bien connu que par les maîtres de l'art les plus expérimentés, & qui ont le plus de perspicacité, & qu'il ne faut y recourir qu'avec beaucoup de prudence.

On ne peut pas entrer ici dans un plus grand détail sur la théorie & le traitement de l'hydropisie ; mais on indiquera, pour suppléer à ce défaut, les principaux auteurs qui ont traité de cette maladie, avec une étendue, ou d'une maniere circonstanciée, proportionnée à l'importance du sujet. Tels sont, parmi les modernes, qui ont recueilli la doctrine & les observations d'Hippocrate, de Celse & des autres anciens, sur tout ce qui a rapport à l'hydropisie, Pison, Sennert, Fernel, Riviere, Ettmuller, Willis, Sydenham, Lister, Littre, Chomel, Mémoires de l'acad. des Sciences de Paris, 1707, 1708. & de ces derniers tems, Boerhaave, dans ses aphorismes ; Hoffman, dans ses oeuvres passim, & spécialement, tome IV. part. IV. medic. ration. system. cap. xiv. pour ce qui regarde les observations anatomiques, Bonet, sepulchretum, Ruysch ; & pour la partie chirurgicale, Heister dans ses institutions.


HYDROPNEUMOSARQUES. f. (Méd.) c'est un terme grec composé de trois mots, qui signifient eau, air, chair, employés pour signifier une tumeur contre nature, qui renferme des humeurs, des matieres flatueuses, & quelque carnosité ou excroissance de chair.

Il est fait mention de l'hydro-pneumo-sarque dans le livre des nouvelles observations sur les abscès de M. A. Severin. Castel. med. lexic.


HYDROPOTES. m. (Méd.) , potator aquae, buveur d'eau. Ce terme grec est particulierement employé pour désigner une personne qui ne boit que de l'eau, ou qui fait grand usage de l'eau pour sa boisson. Voyez EAU, DIETE, REGIME.


HYDROPTHALMIES. f. terme de Chirurgie, maladie de l'oeil, qui consiste dans la dilatation demesurée du globe, causée par l'augmentation contre nature du volume des humeurs. C'est à Nuck qu'on est redevable du mot hydropthalmie, qui exprime proprement la maladie dont nous parlons, & que les anciens appelloient exopthalmie, dénomination équivoque, par laquelle on confondoit la dilatation du globe, avec la chûte de l'oeil qui lui fait faire pareillement saillie hors de l'orbite. L'augmentation de l'humeur aqueuse est démontrée dans l'hydropthalmie, par la prééminence de la cornée transparente, & par l'éloignement ou la profondeur de l'iris. L'extrême dilatation de la pupille, est un signe que le corps vitré contribue à l'extension démésurée des tuniques.

Les malades ressentent presque continuellement au fond de l'oeil & à la tête, de violentes douleurs accompagnées d'insomnie & de fievre. Cette maladie est ordinairement chronique, & persiste dans son état sans aucun changement, lorsque l'oeil est parvenu au dernier degré d'extension que ses membranes lui permettent. Maitre-Jan propose dans cette maladie beaucoup de remedes tant généraux que particuliers, internes & topiques, bien variés, suivant les différentes indications qui peuvent se présenter ; car il croit cette maladie sujette à la résolution & à la suppuration. Dans ce dernier cas il conseille une petite ouverture, comme l'incision d'une saignée à la partie déclive, du côté du petit angle, à côté de l'iris, sur le blanc de l'oeil, & qui pénetre par de-là l'uvée. Bidloo propose aussi l'ouverture de l'oeil, lorsque sa protubérance est douloureuse ; & il rapporte le cas d'un homme qui est mort de cette maladie, pour n'avoir pas voulu se résoudre à cette légere opération qu'il lui avoit conseillée avec le célebre Cyprien son collegue, très-habile chirurgien d'Amsterdam. Il ajoûte à cette histoire celle d'un enfant de dix ans, à qui l'oeil étoit devenu excessivement gros à la suite de plusieurs fluxions fort douloureuses. On avoit employé en vain les remedes les mieux indiqués pour détourner cette humeur ; on appliqua enfin un cataplasme maturatif, qui attira une tuméfaction prodigieuse de l'oeil avec suppuration. Le malade souffrit les douleurs les plus aigues ; on obtint le calme en vuidant l'oeil par une incision que Bidloo fit au bord de la cornée transparente. Le globe se rétrecit & se consolida parfaitement en peu de tems, sans autre incommodité que la perte de la vûe.

Bidloo fait un précepte de sa méthode d'opérer dans ce cas. Il ne juge pas que l'incision doive s'étendre par de-là le bord inférieur de la cornée transparente, parce qu'il est possible que l'humeur vitrée ne soit pas liquefiée, & qu'elle reste en place avec le crystallin. Alors le globe de l'oeil conservera, dit-il, un certain volume, la cornée transparente ne sera pas défigurée par une cicatrice desagréable, & l'oeil conservera autant qu'il sera possible l'apparence d'un état naturel : si au contraire les humeurs sont entierement dissoutes, cette incision sera suffisante pour en permettre l'évacuation.

Quand les tuniques n'ont pas été portées à un point excessif de dilatation, on peut tenter la méthode de Nuck, qu'Heister assure avoir pratiquée avec succès. Elle consiste à faire une ponction au bord de la cornée transparente avec un petit trocart, pour évacuer l'humeur qui cause l'hydropthalmie & à contenir l'oeil avec une plaque de plomb par dessus l'appareil, & les remedes convenables : on réitere ces ponctions aussi souvent que la nécessité le requiert, jusqu'à ce que l'oeil soit réduit d'une maniere permanente dans son état naturel. L'usage intérieur des remedes sudorifiques & purgatifs favorise, dit-on, ces procédés curatifs. Mais dans le cas où la dilatation du globe est extrême, Heister conseille une grande incision transversale, ou même cruciale, pour vuider entierement l'oeil. Il est le copiste de Saint-Yves, lorsqu'il recommande de retrancher dans certains cas, les membranes qu'on croiroit trop étendues, & qui pourroient empêcher l'oeil de se réduire à un petit globe, propre à porter commodément un oeil artificiel. Dans une tuméfaction considérable de l'oeil, je me suis contenté de faire une simple incision transversale d'un angle à l'autre. Elle fut suivie d'inflammation & de vomissemens lymphatiques, qui me donnerent de la défiance sur l'utilité d'une incision aussi étendue : sans retrancher rien des tuniques, elles se sont réduites à un très petit volume. J'ai vu depuis, par un fait, dont je vais donner le précis, l'inutilité de la grande incision que j'avois faite, quoiqu'avec plus de ménagement que Saint-Yves & Heister ne la prescrivent. Une fille avoit l'oeil gauche fort dilaté depuis plus de 25 ans, à la suite de la petite vérole qu'elle avoit eue à l'âge de six ans. Les douleurs de migraine très violentes, accompagnées de fluxions de tête, qui se portoient souvent sur les yeux, ne pûrent la déterminer à laisser vuider l'oeil ; le hasard la servit utilement. Elle se donna un coup violent à l'oeil, en tombant sur le bâton de l'angle d'une chaise de paille ; la contusion & l'échymose furent considérables. Quelques heures après l'oeil s'est ouvert ; il en est sorti du sang fluide & coagulé, avec les humeurs qu'il contenoit ; la guérison a été parfaite en 12 ou 15 jours sans aucun accident. On remarque sur la surface antérieure du bouton globuleux, mobile par l'action des muscles, une protubérance solide & plissée, formée par la cornée transparente. La cicatrice enfoncée qu'on apperçoit, montre que l'oeil s'est crevé du côté du petit angle, au milieu de la partie latérale externe du globe, précisément où Guillemeau indique qu'il faut faire l'incision, lorsqu'il est nécessaire de vuider l'oeil. L'inspection de celui dont je parle, prouve que cette incision auroit l'inconvénient de laisser une inégalité protubérante ; parce que les membranes en se resserrant sur le centre du globe, la cornée transparente, qui est une portion de petite sphere ajoûtée à une plus grande, doit nécessairement former une saillie sur la surface du globe retréci ; ce qu'on évitera en incisant dans toute l'étendue de la cornée transparente exclusivement. Cette incision suffira pour procurer la réduction du globe fort dilaté à un petit volume, sans retrancher une portion des membranes. On ne peut trop simplifier les opérations de Chirurgie, & cette perfection ne peut être que le fruit de l'étude des faits mûrement réfléchis, & observés judicieusement sous leur véritable point de vûe. Les chirurgiens purement opérateurs pratiquent habilement, mais ils perfectionnent peu. (Y)


HYDROSCOPES. m. instrument qui étoit autrefois en usage pour mesurer le tems. Ce mot est grec, formé d', eau, & , je considere. Voyez CHRONOMETRE.

C'étoit une espece d'horloge d'eau, composé d'un tuyau en forme de cylindre, au bout duquel il y avoit un cône. On mesuroit le tems par des marques faites sur le tuyau pour cet effet.

Synesius décrit fort au long l'hydroscope dans une de ses lettres. Il est visible que c'étoit une espece de clepsydre. Voyez CLEPSYDRE. Chambers, (O)


HYDROSTATIQUES. f. (Ord. encycl. Entend. Rais. Philosoph. Science de la nature, Mathématiques, Mathématiques mixtes, Méchan. Statiq. Hydrostatiq.) partie de la Méchanique qui considere l'équilibre des corps fluides, aussi bien que des corps qui y sont plongés.

Ce mot est grec, & composé de , eau, & de , je pose. Hydrostatique signifie proprement la statique de l'eau, la science de l'équilibre des eaux ; mais comme les lois de l'équilibre de l'eau sont les mêmes pour les autres corps fluides, on a donné en général le nom d'Hydrostatique à la science de l'équilibre des fluides.

On confond souvent l'Hydrostatique avec l'Hydraulique, à cause de l'affinité du sujet, & plusieurs auteurs ne les traitent point séparément. En effet les lois du mouvement des fluides se réduisent à celui de leur équilibre. Voyez HYDRAULIQUE & HYDRODYNAMIQUE.

L'auteur le plus ancien que nous ayons sur l'Hydrostatique est Archimede, qui en a donné les lois dans son traité de insidentibus humido.

Parmi les modernes, le celebre M. Paschal a donné sur ce sujet un fort bon ouvrage intitulé Traité de l'équilibre des liqueurs & de la pesanteur de l'air.

M. Mariotte, dans un traité qu'il a publié en 1686, sur le mouvement des eaux & des autres fluides, donne presque toutes les propositions de l'Hydrostatique & de l'Hydraulique, prouvées par la raison & confirmées par l'expérience.

Nous avons donné au mot FLUIDE les principales lois de l'Hydrostatique, & il ne nous reste presque rien à y ajouter ici.

La loi générale de l'équilibre des fluides est 1°. que la direction des forces soit perpendiculaire à la surface du fluide : 2°. qu'un canal quelconque rectiligne, formé de deux branches terminées à la surface, & aboutissant où l'on voudra dans l'intérieur du fluide, soit en équilibre. M. Maclaurin est le premier qui ait fait usage de ce dernier principe, & qui l'ait heureusement appliqué à la recherche de la figure de la terre. De ce principe résulte celui de l'équilibre des canaux curvilignes quelconques, dont M. Clairaut s'est servi avec beaucoup de sagacité pour le même usage. Sur quoi voyez le chap. ij. de mon essai sur la résistance des fluides 1752.

Lorsque plusieurs fluides de différentes densités sont placés les uns au-dessous des autres, comme de l'huile, de l'eau, du mercure, &c. la surface de chacun de ces fluides doit être de niveau, c'est-à-dire perpendiculaire en chaque point à la direction de la force qui agit sur les particules de fluide. Cependant lorsque le fluide est composé de couches infiniment peu épaisses, & dont la densité ne varie qu'infiniment peu d'une couche à l'autre, cette loi ne doit pas être nécessairement observée, excepté à la surface supérieure. Je crois avoir fait le premier cette remarque & je m'en suis servi pour étendre la théorie de la figure de la terre plus loin qu'on ne l'avoit fait encore. Voyez l'appendice qui est à la fin de mon essai sur la résistance des fluides, 1752, & la troisieme partie de mes recherches sur le système du monde, liv. VI. Je renvoie le lecteur à ces deux ouvrages pour le détail d'une théorie qui demandant assez de calcul, ne peut être traitée commodément dans l'Encyclopédie. (O)


HYDROTITES. f. (Hist. nat. Lithologie) nom donné par quelques auteurs à une espece d'oetite ou pierre d'aigle, qui contient de l'eau ; c'est la même pierre que celle que l'on nomme enhydrus. Voyez cet article.


HYDRUNTE(Géog. anc.) Hydrutum dans Ciceron, Hydrus dans Lucain ; ville maritime de la grande Grece, d'où l'on passoit en Grece. " En partant de Cassiope, dit Ciceron, liv. XVI. Ep. 9. ad Tironem, avec un vent fort doux, nous mîmes la nuit & le jour suivant, à gagner en nous jouant l'Italie, où nous abordâmes à Hydrunte ". Le nom moderne est Otranto. (D.J.)


HYENEhyena, (Hist. nat.) ce nom a été donné à la civette & au glouton. Voyez CIVETTE, GLOUTON.

HYENE pierre d', (Hist. nat.) pierre ainsi nommée par quelques auteurs qui ont cru qu'elle se trouvoit dans les yeux de l'animal fabuleux appellé hyene, Pline dit qu'on alloit à la chasse de ces animaux pour avoir ces pierres, qui mises sous la langue, donnoient à celui qui les portoit le don de prédire l'avenir.


HYERINGEN(Géog.) petite ville du royaume de Danemarck, dans le Jutlande.


HYES(Mythologie) surnom donné à Bacchus du nom de Hye, que portoit sa mere Sémélé. Ou, selon d'autres, parce que sa fête arrivoit communément dans une saison pluvieuse.


HYETIUSou le PLUVIEUX, adj. (Mythol.) surnom de Jupiter. Les Athéniens adoroient Jupiter le Pluvieux, ils lui avoient élevé un autel sur le mont Hymette.


HYGIÉES. f. (Mythol.) c'est ainsi que les Grecs appellerent la déesse de la santé, car il étoit tout simple qu'ils missent au nombre des divinités, le bien le plus précieux que puissent posséder les mortels.

Comme tous les jours il se présentoit de nouvelles occasions de rendre un culte à cette déesse, il ne faut pas être surpris du grand nombre d'autels & de statues qu'on lui éleva, & si on la voit si souvent représentée sur les revers des médailles & sur les gravures antiques. Il y avoit peu de personnes riches, qui après avoir été guéries de grandes maladies, ne consacrassent quelque monument en mémoire de leur convalescence, à la fille d'Esculape & de Lampétie.

On la trouve presque toujours représentée avec un serpent qui étoit son symbole, ainsi qu'il l'étoit de son pere, dieu de la Medecine. Elle rendoit comme ce dieu, ou elle conservoit la santé aux hommes. Ceux qui se disent de nos jours les petits-fils d'Esculape, n'ont pas hérité de ce beau secret ; la déesse Hygiée l'a gardé pour elle, car elle avoit dans un temple de son pere à Sicyone, une belle statue couverte d'un voile ; Hippocrate leva le coin de ce voile, & le laissa retomber.

On voit sur les anciens monumens cette déesse en sa qualité de reine de la Medecine, portant la couronne de laurier, & tenant le sceptre de la main droite ; sur son sein est un serpent à plusieurs contours, qui avance sa tête pour aller boire dans une patere qu'elle tient de la main gauche ; quelquefois elle est assise, mais d'ordinaire elle est debout.

On la trouve souvent figurée sur le revers des médailles & dans les gravures antiques ; le roi de France possede dans son cabinet une pierre gravée qui représente cette déesse, & les connoisseurs prisent extrêmement les beautés simples & naïves de sa figure.

Pline nous dit, liv. XXVII. chap. xxxvij. qu'on lui offroit un simple gâteau de fine farine, qu'on appella de son nom hygeia ; étoit-ce pour indiquer que la santé est la fille de la sobriété, comme elle est la mere des plaisirs du sage ? Quoi qu'il en soit, on voit sur une médaille que Tristan a fait graver, tom. I. pag. 628, une femme qui présente respectueusement un gâteau de cette espece à la déesse.

Remarquons ici que les Grecs donnerent aussi quelquefois le nom d'Hygiée à la fille de Jupiter, je veux dire à Minerve, & l'honorerent sous ce titre ; la déesse de la sagesse étoit très-digne de ce surnom.

Les Romains qui adopterent sagement toutes les divinités des nations étrangeres, ne manquerent pas de recevoir dans leur ville la déesse de la Santé, & de lui bâtir un temple sur le mont Quirinal, comme à celle de qui dépendoit le salut de l'empire. Voyez l'article de la déesse SALUS.

Elle écarte les maux, la langueur, les foiblesses,

Sans elle la beauté n'est plus.

Les amours, Minerve, & Morphée,

La soutiennent sur un trophée

De myrthe & de roses paré,

Tandis qu'à ses piés abattue

Rampe l'inutile statue

Du dieu d'Epidaure enchaîné. (D.J.)


HYGIENEsubst. fem. , (Medecine) c'est un terme qui vient du grec , sanus, & qui sert à désigner la premiere des deux parties de la méthode medicinale concernant la conduite qu'il faut tenir pour la conservation de la santé actuellement existante ; comme la seconde partie de cette méthode est la Thérapeutique qui traite de la maniere de rétablir la santé lorsqu'on l'a perdue : ainsi ces deux parties renferment le double objet que l'on a pû se proposer pour le bien de l'humanité, par l'institution de la Medecine ; sa partie pratique ne peut pas tendre à autre chose.

Mais de ces deux objets, le plus utile sans-doute, est celui qui consiste à rendre l'état de santé aussi durable, que la vie humaine le comporte de sa nature, & à préserver cet état de tout ce qui peut lui causer quelque altération considérable, de tout ce qui peut réduire à la triste nécessité de faire usage des secours de l'art, pour le rétablissement de la santé : car, comme dit Seneque, c'est un plus grand service de soûtenir quelqu'un qui est dans le cas de faire une chûte, que de relever celui qui est tombé : pluris est labantem sustinere, quàm lapsum erigere. Ainsi le medecin auquel on peut devoir la conservation de sa santé, n'est pas moins à rechercher que celui auquel on peut devoir la guérison de quelque maladie.

Cependant comme il est très-rare que lorsqu'on se porte bien, ou que l'on croit se bien porter, l'on demande conseil sur la conduite que l'on doit tenir pour continuer à jouir de cet avantage, attendu que l'on est assez généralement dans l'idée, on peut même dire dans l'erreur, de croire que la Medecine n'a pour objet que de guérir les maladies ; c'est ce qui a fait que la partie de cette science, qui prescrit des regles à l'égard de la santé, paroît avoir été fort négligée, soit par les maîtres qui ont enseigné la Medecine, soit par ceux qui l'ont enrichie de leurs ouvrages. Ensorte que la plûpart des auteurs d'institutions médicales des derniers siecles, se sont presque bornés à donner la définition de l'Hygiene, sans exposition des préceptes salutaires en quoi elle consiste, préceptes qui avoient fixé l'attention des anciens medecins, parce qu'il leur suffisoit d'en sentir l'importance, pour être déterminés à s'en occuper fortement, parce qu'ils avoient sincerement à coeur de se rendre utiles à l'humanité ; au lieu que la plûpart de ceux de ces tems-ci semblent ne se vouer à son service que pour la faire servir à leur propre utilité, puisqu'ils s'appliquent très-peu à étudier & à prescrire les regles qu'il faut observer pour la conservation de la santé, que l'on peut cependant entretenir bien plus aisément, que l'on ne peut contribuer à la rétablir.

En effet, l'art n'a pas autant de part qu'on le croit communément, à la guérison des maladies. Voyez la dissertation de Stahl, de curatione aequivocâ. Elle est le plus souvent l'ouvrage de la nature dans les maladies aiguës. Voyez NATURE. Et les maladies chroniques, sur-tout lorsqu'elles sont invétérées, sont presque toujours supérieures à tous les secours de l'art.

Ainsi la partie de la science medicinale qui peut être la plus avantageuse au genre humain, est donc sans contredit l'Hygiene, en tant qu'elle a pour objet la durée de la vie saine, le bien de ce monde, qu'il importe le plus de conserver, qui est le plus facile à perdre, & le plus difficile à recouvrer, & sans lequel, comme dit le docteur Burnet, reliqua plus aloës, quàm mellis habent.

Mais pour conserver ce bien si précieux, autant qu'il en est susceptible dans un sujet bien constitué, & qui n'a actuellement en lui aucune autre cause que la vie même qui le dispose à la mort, il est nécessaire de connoître avant toutes choses en quoi consistent la vie & la santé, comme il faut connoître la nature de la maladie avant que d'employer les moyens qui peuvent en détruire la cause. Voyez VIE, SANTE, CONSTITUTION, MALADIE, MEDECINE.

Pour satisfaire à ce qu'exige la conservation de la santé, on doit se proposer trois objets à remplir, savoir 1°. de maintenir l'état de l'individu qui en jouit actuellement, & d'y employer les moyens qui sont conformes à la complexion, au tempérament, qui lui sont propres, qui conviennent à son âge, à son sexe, au climat qu'il habite, à la profession, à l'état dans lequel il vit. Voyez COMPLEXION, TEMPERAMENT, AGE, SEXE, CLIMAT, PROFESSION. 2°. D'éloigner toutes les causes de maladie, de corriger l'influence de celles dont on ne peut se garantir, de changer la disposition qu'elles donnent à en être affecté. Voyez PROPHYLACTIQUE. 3°. De rendre sa vie durable autant qu'elle en est susceptible, en établissant, en préparant, ou en faisant subsister sans interruption, toutes les conditions nécessaires pour le maintien de la santé. Voyez REGIME.

Ces conditions sont essentiellement renfermées dans le bon usage des six choses, que l'on appelle d'après les anciens, non-naturelles, qui deviennent naturelles, lorsque l'usage qu'on en fait tourne au profit de la santé ; & contre nature, lorsque l'on en use d'une maniere qui est nuisible à l'économie animale, c'est-à-dire que ces choses qui existent indépendamment de la nature considérée comme puissance, qui regle l'exercice de toutes les fonctions du corps humain, doivent cependant être regardées comme lui étant absolument nécessaires, & comme susceptibles de l'affecter avantageusement ou desavantageusement, selon qu'elles ont avec elles un rapport conforme ou contraire à ses besoins & à l'ordre qui doit y subsister.

Ces six choses sont donc 1°. l'air, & tout ce qui se trouve dans l'atmosphere, comme le feu, les météores, les exhalaisons de la terre, &c. Voyez AIR. 2°. La matiere des alimens & de la boisson. Voyez ALIMENT, PAIN, VIANDE, &c. EAU, VIN, &c. DIETE. 3°. Le mouvement & le repos. Voyez EXERCICE, MOUVEMENT, REPOS. 4°. Le sommeil & la veille. Voyez SOMMEIL, VEILLE. 5°. La matiere des excrétions, celle des suppressions. Voyez SECRETION, EXCRETION, FLUX. 6°. Enfin les passions de l'ame. Voyez PASSION.

Ces différentes choses sont par conséquent de nature à influer indispensablement sur la conservation de la santé ; par conséquent les regles qui doivent être prescrites sur leurs bons & leurs mauvais effets, constituent la partie de la Médecine pratique, qui est l'Hygiene : ainsi on trouvera une exposition sommaire de ces regles par rapport à chacune des choses non-naturelles, sous le mot non-naturel, ou sous le nom de chacune des dénominations particulieres qui viennent d'être mentionnées.

On se bornera ici à rapporter les sept lois ou préceptes proposés par le célebre Hoffman (dissert. sept. leg. sanit. exhib. tom. V. opusc. diaetetic.) pour servir à diriger sur tout ce qui a rapport à la conservation de la santé.

1°. Il faut éviter tout excès en quelque chose que ce soit, parce qu'il est extrèmement nuisible à l'économie animale ; la sobriété & la modération en tout, par conséquent même en fait de vertu, ne sauroit trop être recommandée ; c'est un conseil du sage Hippocrate, le meilleur connoisseur des vrais besoins du corps & de l'esprit (aphor. 51. sect. 2.) ; cette maxime est applicable à toutes les choses de la vie qui sont susceptibles d'influer sur la santé, & de porter quelque altération dans l'équilibre des solides & des fluides, c'est-à-dire dans la juste proportion du mouvement qui se fait entr'eux, d'où dérive la disposition à l'exercice libre de toutes les fonctions du corps humain. Moderata durant, atque vitam & sanitatem durabilem praestant.

2°. On doit prendre garde à ne pas faire des changemens précipités dans les choses qu'on a accoutumées, parce que l'habitude est une seconde nature : cette regle est aussi importante à suivre dans le physique que dans le moral & dans le politique ; parce que les choses que l'on éprouve ordinairement, lors même qu'elles ne sont pas bien conformes aux intérêts de la santé, peuvent moins causer de desordre dans l'économie animale, que ce qui étant essentiellement salutaire ne seroit pas accoutumé. C'est ce qui est confirmé par l'expérience journaliere, depuis Hippocrate, qui dit d'après le même témoignage (aphor. 49. sect. 11.) que les personnes foibles ne sont pas incommodées par certaines choses auxquelles elles sont habituées, tandis que des personnes robustes ne peuvent pas les éprouver impunément, parce qu'elles leur sont extraordinaires, quoiqu'elles ne soient pas essentiellement nuisibles, ainsi lorsqu'on juge qu'il y a quelque changement à faire dans la maniere de vivre, dans la conduite, en quelque genre que ce soit, il faut se faire peu-à-peu une habitude contraire à celle que l'on avoit, & ne rien précipiter dans l'innovation. Omnis mutatio subita mala ; quod paulatim & successivè fit, id tutum est.

3°. Il faut se conserver ou se procurer la tranquillité de l'esprit, & se porter à la gaieté autant qu'il est possible, parce que c'est un des moyens des plus sûrs pour se maintenir en santé, & pour contribuer à la durée de la vie. En effet, les passions de l'ame, dont elle est satisfaite, favorisent la distribution du fluide nerveux dans toutes les parties du corps ; par conséquent l'exercice de toutes les fonctions se fait avec facilité & d'une maniere soutenue ; au lieu que la trop grande contention, les peines d'esprit, les chagrins, la tristesse habituelle retiennent ce même fluide dans le cerveau, pour le seul exercice de la faculté pensante, & tous les autres organes en sont privés à proportion ; d'où s'ensuit un rallentissement général dans le cours des humeurs, & tous les mauvais effets qui peuvent s'ensuivre : ainsi la plûpart des hommes abregent leur vie plus par l'effet des maladies de l'esprit, que par celles du corps ; c'est pour quoi l'on peut dire avec Juvenal, que rien n'est plus à desirer pour la santé du corps, que la conservation de celle de l'ame. Optandum ut sit mens sana in corpore sano.

4°. Il faut tâcher, autant qu'il est possible, de vivre dans un air pur & tempéré, parce que rien ne contribue davantage à entretenir la vigueur du corps & de l'esprit. Rien n'affecte plus nos corps que l'air, & ne nuit davantage que ses impuretés & ses autres mauvaises qualités, comme l'excès, les variations subites de pesanteur, de légéreté, de chaleur, de froid & d'humidité qui operent à l'égard de nos solides, de nos fluides, & du cours de nos humeurs en général, des altérations, des changemens de la plus grande conséquence, qui peuvent avoir les suites les plus funestes. Voyez AIR, CHALEUR, FROID, HUMIDITE, TEMPERATURE, INTEMPERIE. Certe sanitas ad extremam senectutem duraret, dit Hoffman, si ceteris paribus, aëre, per quatuor anni tempora, puro, moderato & temperato semper frui liceret.

5°. On doit dans le choix des alimens & de la boisson, préférer toujours ce qui est le plus conforme au tempérament & à l'usage ordinaire, qui n'a pas été essentiellement nuisible, parce que la digestion, l'élaboration des humeurs qui en résultent, & leur distribution dans toutes les parties se font avec plus de facilité & d'égalité. Voyez REGIME. Ainsi la matiere des alimens & de la boisson devant pénétrer dans les vaisseaux de notre corps, pour être changée en notre propre substance, ou pour servir aux autres différentes destinations ; ensorte que le superflu, ou ce qui est inutile, ou ce qui pourroit devenir nuisible, étant retenu, doit être porté hors du corps par les différens émonctoires destinés à cet usage ; il est nécessaire que cette matiere, dont doivent être formées nos différentes humeurs, soit de nature à favoriser la dissolution, la séparation des parties nourricieres, des recrémens & des excrémens, d'une maniere proportionnée aux besoins de l'économie animale, dans chaque individu : c'est ce qu'on apprend par l'expérience, qui n'a eu pour guide que le sentiment & l'habitude, & par la réflexion que l'on fait en conséquence sur les suites. C'est cette expérience raisonnée qui doit fournir les regles d'après lesquelles chaque homme sensé doit être le médecin de soi-même, pour se diriger non pas dans le traitement des maladies, mais dans l'usage des choses qui servent à la conservation de la santé. Tout ce qu'on peut dire à ce sujet se trouve renfermé dans les paroles suivantes de l'Hippocrate allemand. Ingesta salubriora languidis, infirmis, aegrotantibus, maxime commendanda sunt ; cùm aliàs non negandum sit robustiora & exercitata corpora, etiam duriora, insalubritatis titulo notata, praecipuè usitata, saepè sine laesione ferre posse.

6°. Rien n'est plus important que d'établir une proportion raisonnable entre la quantité des alimens que l'on prend & celle du mouvement, de l'exercice du corps que l'on est en état de faire, ou que l'on fait réellement, eu égard au degré de forces dont on jouit, parce qu'il faut que la dépense soit égale à la recette pour se préserver de la surabondance ou du défaut d'humeurs. Voyez EXERCICE (Econom. anim.) Il suffira de rapporter ici la maxime du pere de la Medecine, l'oracle de Coos ; parce qu'elle renferme en peu de mots tout ce qu'on peut dire à ce sujet : Non satiari cibis & impigrum esse ad labores, sanum efficit corpus.

7°. Enfin, on ne sauroit trop s'éloigner de ceux qui conseillent le fréquent usage des remedes, parce que rien n'est plus contraire à la santé que de causer des changemens dans l'économie animale, de troubler les opérations de la nature, lorsqu'elle n'a pas besoin de secours, ou qu'elle peut se suffire à elle-même. C'est d'après cette vérité bien sentie, que le célebre medecin Montanus, & à son imitation Wepfer & Brunner, terminoient toutes leurs consultations, tant pour les malades, pour les valétudinaires, que pour les gens en santé, par la recommandation de se livrer le moins possible aux Medecins & à la Medecine, parce qu'il y a fort à craindre que l'on ne donne sa confiance à des ignorans, qui n'ont souvent que le titre de docteur pour tout mérite ; le nombre de ces gens-là étant fort supérieur à celui des habiles maîtres de l'art, puisqu'ils sont extrêmement rares, & les autres aussi communs que dangereux ; ensorte qu'ils peuvent être regardés, tant qu'ils font les fonctions de medecin, comme des fléaux de l'humanité, de véritables pestes endémiques : ce qui fait douter, avec raison, si cette profession n'est pas plus nuisible qu'utile, non par elle-même, mais par ceux qui l'exercent mal. Ainsi, lorsqu'on jouit de la santé, & qu'il ne s'agit que de la conserver avec la tempérance & la modération, on peut éviter d'avoir besoin de medecins, & de s'exposer à être les victimes de l'ignorance : lorsque la santé se dérange, & qu'on est menacé de maladie, la diete & l'eau, selon le célebre praticien de Paris M. Molin, dit Dumoulin, sont les meilleurs remedes pour prévenir le danger des suites. En général, on a raison de dire que l'on doit éviter de vivre medicinalement, si l'on ne veut pas vivre misérablement ; & d'après cette maxime, Celse commence de cette maniere son traité de re medicâ, concernant les moyens de conserver la santé : Sanus homo, qui & bene valet & suae spontis est, nullis obligare se legibus debet, ac neque jatralipta egere. Et ailleurs, il ajoûte, optima medicina est non uti medicinâ. L'école de Salerne, dont les préceptes ne sont pas toûjours à mépriser, persuadée que l'on peut très-bien se passer de Medecins, renferme, dans un seul distique, les principales regles de l'Hygiene, avec l'observation desquelles on peut se servir de medecin à soi-même, sur-tout si on n'est pas à portée d'en avoir de bons, ce qui est pis que d'en manquer entierement. Elle s'exprime donc ainsi :

Si tibi deficiant Medici, Medici tibi fiant

Haec tria, mens hilaris, requies moderata, diaeta.

Pour supplément à ce que la nature de cet ouvrage n'a pas permis de traiter plus au long, & de mentionner même dans cet article, concernant les différentes choses qui intéressent la conservation de la santé, il ne reste qu'à ajoûter ici la loi générale que prescrit l'admirable Hippocrate, epidem. lib. VI. §. 6. sur la plûpart de celles qui influent le plus à cet égard : Labor, cibus, potus, somnus, venus, omnia sunto mediocria. De cette maniere, & par une seule épithete, il détermine, avec toute la précision possible, l'ordre même que l'on doit observer dans l'usage de ces choses par rapport au tems où il convient de le placer pour chacune en particulier ; en les énonçant dans l'ordre successif qu'elles doivent avoir entr'elles ; c'est-à-dire, que l'on doit faire de l'exercice avant de prendre ses repas ; que l'on ne doit se livrer aux plaisirs de l'amour qu'après le sommeil, & que l'on doit mettre beaucoup de modération dans ces différens actes de la vie.

Il reste encore à désigner les principaux auteurs qui ont écrit sur les regles à observer pour la conservation de la santé. On est, à cet égard, comme à bien d'autres, plus redevable aux anciens qu'aux modernes, dont ceux qui ont donné les meilleurs traités d'Hygiene, n'ont fait que commenter ce qui leur avoit été transmis sur cette matiere par les Grecs & les Romains.

En effet, il semble qu'on ne peut rien ajoûter pour le fond, à ce que le pere de la Medecine nous a laissé concernant la conservation de la santé, dans son excellent traité de aëre, aquis & locis, dans son livre de alimento, dans ses dissertations de diaetâ salubri, de liquidorum usu, & passim, dans presque tous ses ouvrages, particulierement dans ses livres de flatibus, de geniturâ, où il traite de l'acte vénérien, & dans ses aphorismes.

Galien a beaucoup écrit sur l'Hygiene : outre les commentaires qu'il a donnés des ouvrages d'Hippocrate sur ce sujet, & particulierement des aphorismes 1, 4, 5, 17, du troisieme livre ; on trouve encore, parmi les ouvrages de cet auteur, quatre livres de sanitate tuendâ, trois livres de alimentis, un livre de attenuante victu, d'autres de consuetudine, de salubri diaetâ, un autre de exercitatione parvae pilae. On peut consulter, sur les ouvrages de Galien en ce genre, l'abrégé qu'en a donné Fuchsius dans son épitome, ainsi que celui de Valleriola in locis communibus.

Le Cicéron des Medecins, Celse, ne s'occupe, dans le premier de ses huit livres de re medicâ, que de ce qui a rapport à la conservation de la santé : on a un excellent commentaire de ce beau morceau d'Hygiene par Lommius.

On trouve, dans les oeuvres d'Avicenne, un traité particulier d'Hygiene, sous le titre de correctione sex rerum non-naturalium. On a aussi un ouvrage complet de Jules Alexandrin sur les choses salutaires, où il est sur-tout amplement question de tout ce qui a rapport aux alimens : cette hygiene est divisée en trente-trois livres.

Pour ce qui regarde la Gymnastique medicinale, outre ce qu'en a donné Galien dans ses livres de sanitate tuendâ & dans le dernier de ses ouvrages, qui viennent d'être cités, on a un excellent traité de Mercurial, de arte gymnasticâ. Voy. GYMNASTIQUE.

Tous les auteurs d'institutions de Medecine ont traité de l'Hygiene comme une des parties principales de cette science ; cependant plusieurs d'entre eux, tel qu'Ettmuller, se sont très-peu étendus sur cette matiere, par les raisons alléguées au commencement de cet article. Sennert & Riviere en ont traité avec assez de détail ; ce dernier sur-tout, qui donne de fort bonnes choses sur la nature & le choix des alimens.

On peut consulter une dissertation sur l'Hygiene, donnée par M. Bon, professeur de l'université de Valence : mais un des meilleurs ouvrages en ce genre, est celui du docteur Cheyne, intitulé de infirmorum sanitate tuendâ vitâque producendâ, qui ne peut être surpassé que par le traité complet d'Hygiene que l'on trouve dans les institutions du célebre Hoffman, tom. I. lib. II. & par les savantes dissertations diététiques insérées dans la partie citée ci-devant des ouvrages de cet auteur, un des modernes auxquels la saine théorie de la Medecine est le plus redevable de son avancement, ainsi qu'à Boerhaave, dont le petit abrégé d'hygiene que l'on trouve dans les institutions & dans les préleçons qui y sont relatives, pourroit fournir matiere à un très-beau & très-utile commentaire, dont il eût été à souhaiter que le baron de Haller eût voulu se charger, ou au moins donner le supplément par des notes, comme il a fait avec tant de gloire à l'égard de la physiologie de cet auteur.


HYGROCIRSOCELES. f. terme de Chirurgie, tumeur variqueuse des vaisseaux spermatiques, & suivie d'un épanchement d'eau dans le scrotum. Voyez VARICES. Ce mot est composé du grec , humide, & , hernie variqueuse.

Le gonflement variqueux des veines spermatiques est presque toûjours la cause des hydroceles, parce que le sang qui circule difficilement dans les circonvolutions de ces veines, donne lieu à la lymphe & à la sérosité de rompre leurs vaisseaux, & de suinter dans les bourses. Les signes diagnostics & les indications curatives de cette maladie se trouveront aux mots HYDROCELE & VARICOCELE. (Y)


HYGROMETRES. m. (Physiq.) machine ou instrument qui sert à marquer les degrés de sécheresse ou d'humidité de l'air. Voyez AIR, HUMIDITE, &c. Ce mot est composé des mots grecs , humidus, humide, & , metior, je mesure.

Il y a diverses especes d'hygrometres ; car tout corps qui s'enfle ou qui se raccourcit au moyen de la sécheresse ou de l'humidité, peut servir d'hygrometre. Tels sont la plûpart des bois, sur-tout ceux de frêne, de sapin, de peuplier, &c. comme aussi les boyaux de chat, &c. Voici ceux qui sont les plus en usage.

Construction des hygrometres. Etendez une corde de chanvre, ou une corde de boyau, telle que A B (Voyez Pl. pneumatiq. fig. 7.) sur une muraille, en la faisant passer sur une roulette ou poulie B ; & attachez à son autre extrémité D un poids E, dans lequel vous ficherez un stile F G. Posez sur la même muraille une plaque de métal H I, divisée en un certain nombre de parties égales, & vous aurez un hygrometre complet.

Car c'est une chose incontestable que l'humidité raccourcit peu-à-peu les cordes, & qu'elles reprennent leur longueur ordinaire à mesure que l'humidité s'évapore. Donc, dans le cas présent, le poids ne peut manquer de monter à proportion que l'humidité de l'air augmente, & de descendre lorsqu'elle vient à diminuer.

Comme donc le stile F G montre les espaces dont le poids monte & descend, & que ces espaces sont égaux à l'allongement ou au raccourcissement de la corde ou boyau A B D, l'instrument montera si l'air est plus ou moins humide un jour qu'un autre.

Si vous voulez avoir un hygrometre plus exact & plus sensible, faites passer une corde de boyau par dessus plusieurs roulettes ou poulies A, B, C, D, E, F & G (fig. 8.), & conduisez-vous pour tout le reste comme dans l'exemple précédent. Peu importe que les diverses parties de la corde AB, BC, CD, DE, EF & FG, soient paralleles à l'horison, comme dans la présente figure, ou qu'elles soient perpendiculaires à l'horison.

Cet hygrometre a cela d'avantageux sur le précédent, que l'on a une corde beaucoup plus longue dans le même espace, & que son allongement ou son raccourcissement devient par là plus sensible.

Ou bien, attachez une corde de chanvre ou de boyau A B (fig. 9.) à un crocher de fer, & laissez tomber l'autre bout B sur le centre d'un ais ou table horisontale E F. Suspendez près de B une balle de plomb C du poids d'une livre, & attachez-y un stile CG. Enfin, du centre B décrivez un cercle, & divisez-le en plusieurs parties égales. La construction de cet hygrometre est fondée sur ce qu'on a observé, qu'une corde ou un boyau s'entortillent en s'humectant, & se détortillent de nouveau à mesure qu'ils se dessechent. M. Molyneux, secrétaire de la société de Dublin, dit qu'il s'est apperçu des changemens dont nous venons de parler, dans une corde, en soufflant dessus huit ou dix fois, & en l'approchant ensuite d'une bougie. D'où il suit qu'à mesure que l'humidité de l'air augmentera ou diminuera, l'index indiquera de combien elle se tord ou détord, & par conséquent l'augmentation ou la diminution de l'humidité ou de la sécheresse.

Ou bien, attachez l'extrémité d'une corde de chanvre ou de boyau H (fig. 10.) à un crochet H, & à son autre bout une balle d'une livre pesant. Tracez deux cercles concentriques sur la balle, & divisez-les en un égal nombre de parties égales. Fixez un stile N O sur un pied N, de façon que l'extrémité O touche presque les divisions de la balle.

La corde, en se tordant ou en se détordant comme dans le premier cas, montrera le changement d'humidité par l'application successive des différentes divisions des cercles à l'index.

Ou bien, prenez deux chassis de bois A B & C D (fig. 11.) ; pratiquez-y des rainures dans lesquelles vous enchâsserez des ais fort minces de bois de frêne A E F C & G B D H, de façon qu'ils puissent couler. Arrêtez ces ais aux extrémités A, B, C, D, des chassis avec des clous, de façon qu'il reste entr'eux un espace E G H F d'environ un pouce de large. Attachez au point K une regle de cuivre dentée, & au point L une petite roue dentée, sur l'axe de laquelle vous poserez un index de l'autre côté de la machine. Enfin, du centre de l'axe du même côté décrivez un cercle, & divisez-le en un grand nombre de parties égales.

On sait, par expérience, que le bois de frêne se gonfle en attirant l'humidité de l'air, & qu'il se resserre de nouveau à mesure que cette humidité diminue : ainsi, pour peu que l'humidité de l'air augmente, les deux ais A F & B H se gonfleront & s'approcheront l'un de l'autre, & ils s'écarteront de nouveau à mesure que l'humidité diminuera.

Or, comme la distance de ces ais ne peut augmenter ni diminuer sans faire tourner la roue L, l'index marquera les divers changemens qui surviendront par rapport à l'humidité ou à la sécheresse.

On remarque que tous les hygrometres que nous venons de décrire, deviennent insensiblement moins exacts en vieillissant, & ne reçoivent à la fin aucune altération de l'humidité de l'air. Le suivant est de plus longue durée.

Prenez une balance, à laquelle vous adapterez une portion de cercle A D C (fig. 12.), telle qu'on la voit dans cette figure ; mettez à un des bras de la balance un poids, & à l'autre une éponge E ou tel autre corps qui attire aisément l'humidité. Pour préparer l'éponge, il faut commencer par la laver dans l'eau, la faire sécher, & la tremper de nouveau dans de l'eau ou du vinaigre où l'on aura fait dissoudre du sel ammoniac ou du sel de tartre, & la faire sécher ensuite. Si l'air devient humide, l'éponge devenant plus pesante, descendra, au lieu qu'elle montera s'il est sec, desorte que l'index montrera l'augmentation ou la diminution de l'humidité de l'air.

M. Gould, dans les transactions philosophiques, dit qu'il vaut mieux se servir, au lieu d'éponge, d'huile de vitriol, qui devient plus ou moins pesante, suivant le plus ou le moins d'humidité qu'elle attire ; desorte qu'étant une fois saoulée d'humidité dans le tems le plus humide, elle conserve ou perd dans la suite la pesanteur qu'elle a acquise suivant que l'air est plus ou moins humide. Cette altération est si considérable, qu'on s'est apperçû que sa pesanteur avoit augmenté depuis trois dragmes jusqu'à neuf dans l'espace de 57 jours, & avoit changé la position de l'index d'une balance de 30 degrés. Un seul grain pesant de cette liqueur, après son entier accroissement, a varié si sensiblement son équilibre, que l'index d'une balance qui n'avoit qu'un pouce & demi de long, a décrit un arc de quatre lignes, qui seroit même allé jusqu'à trois pouces, si l'index eût été d'un pied, malgré la petite quantité de liqueur ; d'où cet auteur conclut qu'en employant plus de liqueur, on pourroit, au moyen d'une simple balance, avoir un hygrometre beaucoup plus exact qu'aucun de ceux qu'on a inventés jusqu'aujourd'hui. Ce même auteur donne à entendre qu'on pourroit substituer à l'huile de vitriol l'huile de soufre per campanam, l'huile de tartre par défaillance, &c.

On peut faire cette balance de deux façons, ou en mettant le stile au milieu du levier auquel le poids E est attaché, & en joignant à ce stile un index d'un pied & demi de long qui marqueroit les divisions sur une lame graduée comme dans la figure 12.

Ou bien, on peut suspendre le bassin qui contient la liqueur au bout du fleau près du stile, & faire l'autre extrémité si longue qu'elle puisse décrire un arc d'une grandeur considérable sur un ais placé pour cet effet, comme dans la fig. 13.

M. Coniers conclud d'une suite d'observations hygroscopiques, dont on peut voir la description dans les Transactions philosophiques, 1°. que le bois se resserre en été & s'enfle en hiver, mais qu'il est plus sujet à ces altérations dans le printems : 2°. que ce mouvement arrive sur-tout pendant le jour, n'y ayant presque point de variations pendant la nuit : 3°. qu'il s'y fait un changement même dans les tems secs, le bois s'enflant le matin & se resserrant après-midi : 4°. que le bois se resserre de nuit comme de jour, lorsque le vent est au nord, au nord-est & à l'est en hiver & en été. Le même auteur ajoute qu'on peut connoître par le moyen de l'hygrometre les saisons de l'année ; car il se meut beaucoup plus vîte au printems qu'en hiver ; il se resserre plus dans l'autonne qu'au printems, & il a moins de mouvement en autonne qu'en été ; mais l'auteur n'a pas sans-doute prétendu donner cette regle pour sure ni pour exacte. Elle est d'ailleurs tout-à-fait inutile, puisqu'on a d'autres moyens que les hygrometres de connoître les saisons. Wolf & Chambers.

Le plus simple de tous les hygrometres se fait avec une corde de dix à douze piés que l'on tend foiblement dans une situation horisontale & dans un endroit à couvert de la pluie, quoiqu'exposé à l'air libre : on attache au milieu un fil de laiton, au bout duquel on fait pendre un petit poids qui sert d'index, & qui marque, sur une échelle divisée en pouces & en lignes, les degrés d'humidité en montant, & ceux de sécheresse en descendant. Tel est l'hygrometre que l'on voit suspendu sous une des portes du vieux Louvre, mais qui est trop vieux à présent pour être bon. Assez souvent on fait des hygrometres avec un bout de corde à boyau qu'on fixe d'un côté à quelque chose de solide, & que l'on attache par l'autre perpendiculairement à une petite traverse qui se tourne à mesure que la corde se tord ou se détord ; aux extrémités de cette petite traverse on place deux petites figures, dont l'une rentre & l'autre sort d'une petite maison qui a deux portiques, lorsque le sec ou l'humide fait tourner la corde, & l'on fait porter un petit parapluie à celle des deux figures que le mouvement de la corde fait sortir, lorsque l'humidité augmente. Les hygrometres que l'on fait de cette façon ou d'une maniere équivalente, en cachant la corde pour y mettre un air de mystere, ne sont bons que pour amuser les enfans : & on ne doit pas s'attendre qu'ils apprennent quel est l'état actuel de l'atmosphere, par rapport à l'humidité ou à la sécheresse, parce qu'on les garde dans des appartemens fermés, & que la corde qui en est la piece principale est contenue comme dans un étui, où l'air ne se renouvelle que peu ou point. Enfin le meilleur de ces instrumens n'apprend presque rien autre chose sinon que la corde est mouillée ou qu'elle est seche. Car 1°. l'humidité qui l'a une fois pénétrée n'en sort que peu à peu, & selon l'exposition du lieu, le calme ou le vent qui y regne ; & bien souvent il arrive que l'atmosphere a déja perdu une grande partie de son humidité, avant que la corde en puisse donner aucun signe. 2°. Tout ce qu'on peut attendre d'un hygrometre à corde, c'est qu'il fasse connoître s'il y a plus ou moins d'humidité dans l'air par comparaison au jour précédent ; & l'on sait cela par tant d'autres signes, qu'il est assez inutile de faire une machine qui n'apprend rien de plus. Ce qu'il importeroit le plus de savoir, c'est de combien l'humidité ou la sécheresse augmente ou diminue d'un tems à l'autre, & de pouvoir rendre ces instrumens comparables. Mais il paroît bien difficile de pouvoir faire des hygrometres qui ayent cet avantage.

Le bois verd, humide, lorsqu'on l'emploie, le devient moins à mesure qu'on le garde dans la chambre, & par conséquent il se retire & ce retrécit naturellement. Les cordes ayant leurs fils entrelacés les uns sur les autres, se lâchent & se détordent d'elles-mêmes ; devenant plus humides, elles se tordent davantage, mais non pas à proportion des vapeurs qu'elles reçoivent. La chose, réussit assez bien les premiers mois, mais ce tems passé, il s'en faut bien qu'elle ait le même succès. La corde à boyau se raccourcit trop lorsqu'elle n'est que peu humide, & s'allonge trop lorsqu'elle se trouve chargée de beaucoup de vapeurs. Le parchemin n'est pas assez épais pour rassembler long-tems l'humidité ; il se desseche aussi trop vîte, & n'a pas assez de mouvement. Quant au coton suspendu à une balance, pour faire un hygrometre, il est bien vrai qu'il devient plus pesant au commencement, mais il reste dans la suite trop pesant, & son poids dépend aussi de celui de l'air, & de la poussiere qui se trouve dans l'air. Pour ce qui est du tuyau d'épi de blé, dont on fait aussi un hygrometre, il tourne très-sensiblement, tandis qu'il est verd, mais cela ne dure pas long-tems. L'éponge que l'on trempe dans du vinaigre, où l'on a fait fondre auparavant du sel marin & du sel ammoniac, & que l'on suspend ensuite à une balance, après l'avoir pressée, reste bonne pendant quelques mois ; elle devient beaucoup plus pesante, lorsqu'elle est humide ; elle rassemble même autant d'humidité qu'il en découle ; mais elle perd par-là beaucoup de son sel qui devient volatil, desorte que cet instrument ne reste jamais le même toute une année. On fait grand cas du cuir de brebis, trempé dans la liqueur précédente ; mais quand il fait un tems humide, ce cuir s'humecte & s'allonge trop ; & si l'humidité augmente extrèmement, le cuir se charge de tous côtés d'une quantité prodigieuse d'humidité, desorte qu'il en découle plusieurs gouttes, & qu'il s'accourcit au lieu de s'allonger, sans compter qu'il ne sauroit rester une demi-année au même état. Tous ces instrumens sont donc fautifs, & on doit prendre garde qu'ils ne jettent dans l'erreur. Mussch. Essai de Physiq. (O)

HYGROMETRE, (Méd.) les différens instrumens propres à mesurer les degrés de l'humidité de l'air, plus ou moins considérables, sont employés fort utilement par les médecins, qui ont le zéle aussi louable, que laborieux, de faire des recherches sur les influences de cet élement & de tout ce qui y a rapport, à l'égard de l'économie animale, & de recueillir des observations sur les maladies qui regnent dans les différentes saisons de l'année, selon la différente température ; parce qu'il y a des conséquences très-importantes à tirer des changemens qui se font dans l'atmosphere, en tant qu'ils peuvent beaucoup contribuer à établir des causes morbifiques, ou à faire varier les symptômes, la terminaison des maladies, qui ont d'autres principes.

C'est par cette considération qu'Hoffman, dans son Hygiene (oper. tom. I. lib. II. cap. iij.) recommande fort le bon usage des hygrometres, comme celui des thermometres, des barometres, pour juger des différens dégrés de chaleur & de pesanteur de l'atmosphere ; parce qu'il y a un très-grand avantage à retirer des observations météorologiques, tant pour servir à determiner la nature des maladies qui dominent plus dans une saison, dans un pays, que dans d'autres ; que pour acquérir des connoissances, à la faveur desquelles on peut en prévoir, pour ainsi dire, la futurition contingente, & tâcher d'en préserver par les correctifs de l'air, ou par le régime. Voyez METEOROLOGIQUE OBSERVATION. L'hygrometre est la même chose que l'hygroscope.


HYGROPHOBIES. f. (Méd.) ce terme grec signifie aversion des liquides ; en général il est employé pour désigner un des principaux symptomes de la rage que l'on sait être appellée aussi hydrophobie ; parce que cette aversion est plus particulierement marquée à l'égard de l'eau, ce qu'exprime ce mot ; Voyez RAGE, HYDROPHOBIE.


HYGROSCOPES. m. (Phys.) est un mot que l'on emploie communément dans le même sens qu'hygrometre. Voyez HYGROMETRE. Ce mot est composé de , humidité, & , video, specto, je vois, je considere.

Wolfius néanmoins faisant attention à l'étymologie de ce mot, met quelque différence entre l'hygroscope & l'hygrometre. Le premier, suivant lui, ne sert qu'à montrer les altérations de l'air par rapport à l'humidité & à la sécheresse, au lieu que l'hygrometre sert à les mesurer. L'hygroscope, selon lui, est donc un instrument beaucoup moins exact que l'hygrometre. Cependant on pourroit dire que l'hygrometre ne mesure proprement les altérations de l'air, qu'en indiquant ces altérations, c'est-à-dire, en les montrant, & en ce sens l'hygrometre & l'hygroscope sont la même chose. (O)


HYLEou HYLECH, terme d'Astrologie, par lequel on distingue chez les Arabes la planete ou le point du ciel qui domine au moment de la naissance d'un homme, & qui influe sur toute sa vie. Voyez NATIVITE.


HYLICA(Géog. anc.) lac ou marais de Grece dans la Phocide, à l'orient méridional du lac Copais, auquel il communique par une coupure. Whéler le décrit exactement dans son voyage ; il dit qu'il ne paroît pas plus long que large, qu'il a plus de deux lieues de traverse, & qu'on l'appelle aujourd'hui le lac de Thébes, . (D.J.)


HYLLIS(Géog. anc.) presqu'isle qu'on appelle aussi le promontoire de Diomede ; capitale de la Liburnie, sur la mer Adriatique. Niger dit que c'est présentement Capo Cista. (D.J.)


HYLOBIENSHylobii, s. m. (Hist. de la Philos.) sont des philosophes indiens à qui les Grecs donnerent ce nom, parce qu'ils se retiroient dans les forêts pour vaquer plus commodément à la contemplation de la nature. Ce mot est composé de matiere, & qui signifie aussi bois, forêt, & de , vie. Voyez BRACHMANES & GYMNOSOPHISTES.


HYLOPATHIANISMES. m. (Hist. de la Phylologie) espece d'athéisme philosophique, qui consistoit à dire que tout ce qu'il y a dans l'univers n'est autre chose que la matiere, ou des qualités de la matiere. Les anciens naturalistes, aussi bien que ceux qui ont suivi Démocrite, ont tiré tout de la matiere mue par hazard. La différence qu'il y avoit entre eux, c'est que ceux qui étoient dans les sentimens de Démocrite, se servoient de la supposition des atomes pour rendre raison des phénomenes ; au lieu que les hylopathiens se servoient des formes & des qualités ; mais dans le fond c'étoit une même hypothese d'athéisme, quoique sous différentes formes ; & l'on peut nommer les uns athées atomistes, les autres Hylopathiens pour les distinguer. Aristote fait Thalés auteur de cette opinion ; mais de bons garans représentent les sentimens de Thalés d'une autre maniere, & disent formellement qu'il admettoit une divinité qui avoit tiré toutes choses de la matiere fluide, & qu'il croyoit l'ame immortelle. Il semble que l'on n'a rapporté si diversement le sentiment de Thalés, que parce qu'il n'avoit laissé aucuns écrits ; car Anaximandre est celui qui a le premier écrit sur les matieres de philosophie. C'est plutôt à celui-ci qu'à Thalés, qu'il faut imputer l'origine de l'athéisme des hylopathiens. Il disoit que la matiere premiere étoit je ne sais quoi d'infini, qui recevoit toutes sortes de formes & de qualités, sans reconnoître aucun autre principe qui la gouvernât. Il fut suivi de quantité d'athées, entr'autres d'Hyppon surnommé l'athée, jusqu'à ce que Anaxagore arrêta ce torrent d'athéisme dans la secte ïonique, en établissant une intelligence pour principe de l'univers.

Pour Thalés il est justifié par Ciceron, Diogene Laërce, Clément d'Alexandrie. Aristote lui-même, dans son traité de l'ame, dit que Thalés a cru que tout étoit plein de dieux. Il y a donc toute apparence qu'il n'a parlé de Thalés comme du chef des athées Hylopathiens, que parce que ses disciples l'étoient en effet, & qu'il a jugé du sentiment de ce philosophe par ceux de ses sectateurs. C'est ce qui est souvent arrivé & qui a fait tort à la mémoire des fondateurs des sectes, qui ont eu de meilleurs sentimens que leurs disciples. On devoit penser que les philosophes ne se gênoient pas si fort, qu'ils ne recherchassent & qu'ils ne soutinssent autre chose que les sentimens de leurs maîtres, & qu'ils y ajoutoient souvent du leur, soit que cela se fît par voie d'explication ou de conséquence, ou même de nouvelles découvertes qu'ils mêloient avec les opinions de leurs prédécesseurs. On a fait encore plus de tort aux sectes anciennes, en attribuant à tous ceux d'une secte les sentimens de chacun des particuliers qui faisoient profession de la suivre. Qui peut néanmoins douter que, dans une secte un peu nombreuse, il ne pût y avoir grande diversité de sentimens, quand même on supposeroit que tous les membres s'accordoient à l'égard des principes généraux ? On en use de même, pour le dire en passant, dans des recherches de plus grande conséquence que celle des opinions des philosophes payens ; par exemple, quand on trouve dans deux ou trois rabbins cabalistes quelques propositions que l'on croit avoir intérêt de soutenir, on dit, en termes généraux, que c'est-là l'ancienne cabale & même les sentimens de toute l'église judaïque, qui n'en avoit apparemment jamais oui parler. Quand deux ou trois peres ont dit quelque chose, on soutient hardiment que c'est-là l'opinion de tout leur siecle, duquel il ne nous reste peut-être que ces seuls écrivains-là, dont on ne sait point si les ouvrages reçurent l'applaudissement de tout le monde, ou s'ils furent fort connus. Il seroit à souhaiter qu'on parlât moins affirmativement, sur-tout des points particuliers & des conséquences éloignées, & qu'on ne les attribuât directement qu'à ceux dans les écrits desquels on les trouve. J'avoue que l'histoire des sentimens de l'antiquité n'en paroîtroit pas si complete , & qu'il faudroit parler en doutant, beaucoup plus souvent qu'on ne le fait communément ; mais en se conduisant autrement, on s'expose au danger de prendre des conjectures fausses & incertaines pour des vérités reconnues & indubitables. Le commun des gens de lettres ne s'accommode pas des expressions suspendues, non plus que le peuple. Ils aiment les affirmations générales & universelles, & le ton hardi d'un docteur fait dans leur esprit le même effet que l'évidence. Revenons de cette digression. Il est certain que le vulgaire a toujours été un fort mauvais juge de ces matieres, & qu'il a condamné comme athées des gens qui croyoient une divinité, seulement parce qu'ils n'approuvoient pas certaines opinions ou quelques superstitions de la théologie populaire. Par exemple, quoique Anaxagore de Clazomene fût après Thalés le premier de la secte ïonique, qui reconnût, pour principe de l'univers, un esprit infini, neanmoins on le traitoit communément d'athée, parce qu'il disoit que le soleil n'étoit qu'un globe de feu, & la lune qu'une terre ; c'est-à-dire, parce qu'il nioit qu'il y eût des intelligences attachées à ces astres, & par conséquent que ce fussent des divinités. On accusa de même Socrate d'athéisme, quoiqu'on n'entreprît, dans le procès qu'on lui fit, de prouver autre chose contre lui, sinon qu'il croyoit que les dieux qu'on adoroit à Athènes n'étoient pas de véritables dieux. C'est pour cela encore que l'on traitoit d'athées les chrétiens pendant les premiers siecles, parce qu'ils rejettoient les dieux du paganisme. Au contraire le peuple a souvent regardé de véritables athées, comme des gens persuadés de l'existence d'une divinité, seulement parce qu'ils observoient la forme extérieure de la religion, & qu'ils se servoient des manieres de parler usitées.


HYLOPHAGESS. m. pl. (Géog. anc.) peuples d'Ethyopie, voisins des Hylogones, c'est-à-dire, chasseurs nés dans les forêts, & des Spermatophages ou mangeurs de graines. Hylophages signifie mangeurs de bois, parce qu'ils broutoient pour vivre, les branches les plus tendres des arbres. Diodore de Sicile, lib. III. chap. xxiv. & xxv. donne une description bien curieuse de tous ces divers peuples Ethyopiens. Il ajoûte, au sujet des Hylophages, qu'ils sont exposés à une maladie nommée glaucoma ; " c'est, continue-t-il, lorsque par trop de sécheresse l'humeur crystalline devient de la couleur d'un verd de mer, & cet accident leur ôte l'usage de la vûe ". Le plus habile médecin de nos jours ne parleroit pas mieux de cette maladie, & n'en sait pas plus que l'historien qui vivoit du tems de César. (D.J.)


HYLOZOISMES. m. (hist. de la Philos.) espece d'athéisme philosophique, qui attribue à tous les corps considérés en eux-mêmes, une vie comme leur étant essentielle, sans en excepter le moindre atome, mais sans aucun sentiment & sans connoissance réfléchie ; comme si la vie d'un côté, & de l'autre la matiere, étoient deux êtres incomplets, qui joints ensemble, formassent ce qu'on appelle corps. Par cette vie, que ces philosophes attribuoient à la matiere, ils supposoient que toutes les parties de la matiere ont la faculté de se disposer elles-mêmes d'une maniere artificielle & réglée, quoique sans délibération ni réflexion, & de se pousser à la plus grande perfection dont elles soient capables. Ils croyoient que ces parties, par le moyen de l'organisation, se perfectionnoient elles-mêmes jusqu'à acquérir du sentiment & de la connoissance directe comme dans les bêtes, & de la raison ou de la connoissance réfléchie comme dans les hommes. Cela étant, il est visible que les hommes n'auroient pas besoin d'une ame immatérielle pour être raisonnables, ni l'univers d'aucune divinité pour être aussi régulier qu'il l'est. La principale différence qu'il y a entre cette espece d'athéisme & celle de Démocrite & d'Epicure, c'est que ces derniers supposent que toute sorte de vie est accidentelle, & sujette à la génération & à la corruption ; au lieu que les Hylozoïstes mettent une vie naturelle, essentielle, & qui ne s'engendre ni ne se détruit, quoiqu'ils l'attribuent à la matiere, parce qu'ils ne reconnoissent aucune autre substance dans le monde que celle des corps.

On attribue à Straton de Lampsaque l'origine de ce sentiment. Il avoit été disciple de Théophraste, & s'étoit acquis beaucoup de réputation dans la secte Péripatéticienne, mais il la quitta pour établir une nouvelle espece d'athéisme. Velleïus, épicurien & athée, en parle de cette maniere. Nec audiendus Strato, qui physicus appellatur, qui omnem vim divinam in naturâ sitam esse censet, quae causas gignendi, augendi minuendive habeat, sed careat omni sensu. De nat. deorum, lib. I. cap. xiij. Il prétendoit, comme les Epicuriens, que tout avoit été formé par le concours fortuit des atomes, à qui il attribuoit je ne sais quelle vie ; ce qui faisoit croire qu'il regardoit la matiere ainsi animée comme une espece de divinité : c'est ce qui a fait dire à Seneque : Ego feram aut Platonem, aut Peripateticum Stratonem, quorum alter Deum sine corpore fecit, alter sine animo ? Apud Augustinum de civit. Dei, l. VI. c. x. C'est-là la cause pour laquelle Straton est quelquefois rangé parmi ceux qui croyoient un Dieu, quoique ce fût un véritable athée. On peut s'en assurer encore par ce passage de Cicéron : Strato Lampsacenus negat opera deorum se uti ad fabricandum mundum ; quaecumque sint docet omnia esse effecta naturae ; nec ut ille qui asperis & laevibus & hamatis uncinatisque corporibus concreta haec esse dicit interjecto inani ; somnia censet haec esse Democriti, non docentis sed optantis. Acad. quaest. l. II. c. xxxviij. Il nioit donc aussi-bien que Démocrite, que le monde eût été fait par une divinité ou par une nature intelligente, mais il ne tomboit pas d'accord avec lui touchant l'origine de toutes choses ; parce que Démocrite n'établissant aucun principe actif, ne rendoit aucune raison du mouvement ni de la régularité que l'on voit dans les corps. La nature de Démocrite n'étoit que le mouvement fortuit de la matiere ; mais la nature de Straton étoit une vie inférieure & plastique, par laquelle les parties de la matiere pouvoient se donner à elles-mêmes une meilleure forme, mais sans sentiment de soi-même ni connoissance réfléchie. Quidquid aut fit aut fiat, naturalibus fieri, aut factum esse docet ponderibus ac motibus. Cic. ibid. Il faut donc de plus remarquer, qu'encore que Straton établisse la vie dont on a parlé dans la matiere, il ne reconnoît aucun être, ni aucune vie générale qui préside sur toute la matiere pour la former. C'est ce qui est en partie affirmé par Plutarque advers. Colotem. & qu'on peut recueillir de ces mots : " Il nie que le monde lui-même soit un animal, mais il soutient que ce qui est selon la nature, suit ce qui est conforme à sa nature ; que le hasard donne le commencement à tout, & qu'ensuite chaque effet de sa nature se produit ". Comme il nioit qu'il y eût un principe commun & intelligent qui gouvernât toutes choses, il falloit qu'il donnât quelque chose au hasard, & qu'il fît dépendre le système du monde d'un mélange du hasard & d'une nature reglée.

Tout Hylozoïsme n'est pas un athéisme. Ceux qui, en soutenant qu'il y a de la vie dans la matiere, avouent en même tems qu'il y a une autre sorte de substance qui est immatérielle & immortelle, ne peuvent pas être accusés d'athéisme. On ne sauroit nier en effet qu'un homme qui croiroit qu'il y a une divinité, & que l'ame raisonnable est immortelle, pourroit être aussi persuadé que l'ame sensitive dans les hommes comme dans les bêtes, est purement corporelle, & qu'il y a une vie matérielle & plastique, c'est-à-dire, qui a la faculté de faire des organes dans les semences de toutes les plantes & de tous les animaux, par laquelle leurs corps sont formés. Il pourroit croire en conséquence de cela, que toute la matiere a une vie naturelle en elle-même, quoique ce ne soit pas une vie animale. Pendant qu'un tel homme retiendroit la créance d'une divinité & d'une ame raisonnable & immortelle, on ne pourroit l'accuser d'athéisme déguisé. Mais au lieu que l'ancien sentiment des atomes menoit droit à reconnoître qu'il y a des substances qui ne sont pas corps, quoique Démocrite ait fait violence à ces deux dogmes pour les séparer, il faut avouer que l'Hylozoïsme est naturellement uni avec la pensée de ceux qui n'admettent que des corps.

Ainsi l'Hylozoïsme ne sauroit être justifié d'athéisme, dès qu'il est joint au matérialisme. En voici deux raisons ; la premiere, c'est qu'alors l'Hylozoïsme dérive l'origine de toutes choses d'une matiere qui a une espece de vie, & même une connoissance infaillible de tout ce qu'elle peut faire & souffrir. Quoique cela semble une espece de divinité, n'y ayant dans la matiere considérée en elle-même aucune connoissance réfléchie, ce n'est autre chose qu'une vie, comme celle des plantes & des animaux. La nature des Hylozoïstes est une mystérieuse absurdité, puisque l'on suppose que c'est une chose parfaitement sage, comme étant la cause de l'admirable disposition de l'univers, & néanmoins qu'elle n'a aucune conscience intérieure ni connoissance réfléchie ; au lieu que la divinité, conformément à sa véritable notion, est une intelligence parfaite, qui sait toutes les perfections qu'elle renferme, qui en jouit, & qui est par-là souverainement heureuse. 2°. Les Hylozoïstes matérialistes, en établissant que toute matiere comme telle a de la vie en elle-même, doivent reconnoître une infinité de vies, puisque chaque atome a la sienne ; vies collatérales, pour ainsi dire, & indépendantes l'une de l'autre, & non une vie commune ou une intelligence générale qui préside sur tout l'univers ; au lieu que dire qu'il y a un Dieu, c'est supposer un être vivant & intelligent, qui est l'origine & l'architecte de tout. On voit donc que les Hylozoïstes matérialistes sont de véritables athées, quoique d'un côté ils semblent approcher de plus près de ceux qui reconnoissent un Dieu. C'est une nécessité que tous les athées attribuent quelques-unes des propriétés incommunicables de la divinité à ce qui n'est point Dieu, & particulierement à la matiere ; car il faut indispensablement qu'ils lui attribuent l'existence par elle-même, & la prééminence qui fait qu'elle est le premier principe de toutes choses. La divinité à qui les Hylozoïstes matérialistes rendent tout le culte dont ils sont capables, est une certaine déesse aveugle, qu'ils appellent nature, ou vie de la matiere, & qui est je ne sais quoi de parfaitement sage & d'infaillible dans ses lumieres, sans en avoir aucune connoissance. Telles sont les absurdités inévitables en tout genre d'athéisme. Si l'on ne savoit pas qu'il y a eu des athées, & qu'il y en a encore, on auroit peine à croire que des gens, qui n'étoient pas destitués d'esprit, n'ayent pû digérer l'éternité d'un être sage & intelligent, ni la formation de l'univers par cet être, & qu'ils ayent mieux aimé attribuer à la matiere cette même éternité, qui leur fait tant de peine quand on l'attribue à une nature immatérielle. Voyez ATHEISME. MATIERE. Lisez aussi le premier article du tome II de la biblioth. choisie de M. le Clerc.


HYMENS. m. (Anatom.) C'est sous ce nom que les anciens ont déïfié une membrane charnue, placée à l'origine du vagin, dont elle retrécit l'entrée.

Le mot grec , signifie proprement une pellicule, une membrane, & répond aux mots de la même langue & , desquels mots on fait usage suivant les parties du corps où ces membranes se trouvent placées.

Mundinus a le premier parlé de l'hymen comme d'un voile mis constamment par la nature au-devant du vagin ; il l'appelle velamen subtile quod in violatis rumpitur, cum effusione sanguinis, le voile de la pudeur, qui se rompt dans la défloration avec effusion de sang. Picolhomini a pareillement nommé ce voile, le cloître de la virginité, claustrum virginitatis. Les Italiens l'appellent en conséquence dans leur langue, la telletta valvola, sede della virginita. Les Latins, flos virginitatis, zona virginea ; & les matrones françoises, la dame du milieu. Tous ces noms indiquent assez le cas qu'on en a fait & l'idée qu'on s'en est formée.

Aussi est-il arrivé que cette membrane délicate, de figure indéterminée, qui se trouve ou ne se trouve pas dans le conduit de la pudeur, qui est visible ou invisible, a causé plus de maux dans le monde que la fatale pomme jettée par la Discorde sur la table des dieux aux nôces de Thétis & de Pelée.

Cependant on peut voir dans Riolan, Bartholin, de Graaf & autres, combien les anciens Anatomistes disputoient pour & contre l'existence de cette membrane, ainsi que sur sa situation & sa figure. Les modernes ont continué la même dispute, sans pouvoir mieux s'accorder que leurs prédécesseurs.

Falloppe, Vésale, Riolan, Carpi, Platerus, Teichmeyer, Morgagni, Diemerbroeck, Drake, Heister, Ruysch, Winslow & autres, regardent la membrane de l'hymen comme une partie non-seulement réelle, mais qu'on doit mettre constamment au nombre de celles de la génération des femmes. Ils assurent que cette membrane est charnue ; qu'elle est fort mince dans les jeunes vierges, & plus épaisse dans les filles adultes ; qu'elle est située audessous de l'orifice de l'urethre ; qu'elle ferme en partie l'entrée du vagin ; qu'elle est percée d'une ouverture ronde, oblongue, ovalaire, si petite néanmoins, qu'on pourroit à peine y faire passer un pois dans l'enfance, & une grosse feve dans l'âge de puberté.

M. Winslow entre dans les détails les plus propres à nous persuader de l'existence de l'hymen, comme d'une chose constante. C'est, dit-il, un cercle membraneux qui borde l'extrémité antérieure du vagin dans les vierges, surtout dans la jeunesse & avant les regles. Ce repli membraneux, plus ou moins large, plus ou moins égal, quelquefois semi-lunaire, laisse une très-petite ouverture dans les unes, plus grande dans les autres, mais rendant pour l'ordinaire l'orifice externe du vagin généralement plus étroit que le diametre de sa cavité. Ce repli, continue-t-il, est formé par la rencontre de la membrane interne du vagin, avec la membrane ou la peau de la face interne des grandes aîles. Il peut s'effacer par des regles abondantes, par des accidens particuliers, par imprudence, par légereté, par tempérament & par d'autres causes. Il se rompt presque toûjours par la consommation du mariage, mais il se détruit immanquablement par l'accouchement ; & pour lors il n'en reste plus rien, ou seulement des lambeaux irréguliers, qu'on nomme caroncules myrtiformes, à cause de quelque ressemblance avec des feuilles de myrthe. On ne trouve point, ajoûte-t-il, ces caroncules dans les jeunes filles véritablement pucelles ; on ne les trouve que dans les adultes, parce qu'elles sont formées par le déchirement du cercle membraneux.

Enfin, Spigelius, Panarolus, Swammerdam, Garengeot, Santorini, ainsi qu'Heister dans les éphémérides des curieux de la nature, cent. VII. & VIII. fig. 4, ont donné des figures de ce cercle membraneux, tel qu'ils l'ont trouvé en différens sujets.

Mais d'un autre côté, de très-grands maîtres de l'art, aussi fameux qu'accrédités, Ambroise Paré, Nicolas Massa, Dulaurent, Ulmus, Pineau, Bartholin, Mauriceau, Graaf, Palfyn, Dionis & plusieurs autres, soutiennent nettement & fermement que la membrane de l'hymen n'est point une chose constante ni naturelle au sexe, & qu'ils se sont assurés, par une multitude d'expériences, de recherches & de dissections, que cette membrane n'existe jamais ordinairement. Ils avouent seulement qu'ils ont vû quelquefois une membrane qui unissoit les protubérances charnues, nommées caroncules myrtiformes, mais ils sont convaincus que cette membrane étoit contre l'état naturel.

Cette contrariété d'opinions de maîtres de l'art dans un fait qui ne paroît dépendre que de l'inspection, répand la plus grande incertitude sur l'existence ordinaire de la membrane de l'hymen, & nous permet au-moins de regarder les signes de virginité qu'on tire de cette membrane, non-seulement comme incertains, mais comme imaginaires & frivoles.

Cependant, si le partage des Anatomistes nous empêche de prononcer en faveur de l'existence constante de la membrane hymen, il est toûjours vrai que ceux qui prennent cette membrane pour un vice de conformation, pour un accident, pour un jeu de la nature, doivent avouer que ce jeu n'est pas extrêmement rare. Aussi Paré, Bartholin, Wierus, Mauriceau, qui n'estimoient l'hymen que comme un vice de conformation, reconnoissent tous l'avoir vû quelquefois. Colombus dit en particulier l'avoir observé dans trois filles. Kulm, en faisant une dissection publique, trouva ce cercle membraneux dans une fille de 17 ans. Mercurio, Spigelius, Plazzonus, Blasius, Rolfincius, attestent même avoir vû plusieurs fois cette membrane au-devant du conduit de la pudeur.

En un mot, nous avons des nuées de témoignages d'Anatomistes, qui certifient que l'orifice du vagin est quelquefois si fort retréci par une membrane qui le bouche presque totalement, qu'il n'y reste qu'un petit trou, par lequel les menstrues s'écoulent ; & qu'il résulte de ce jeu de la nature un obstacle à la consommation du mariage, & quelquefois à l'écoulement des regles.

Le lecteur en trouvera des exemples dans Roonhuysen, lib. I. de clausura uteri, observ. 1. Benivenius, de abditis morborum causis, cap. xxviij. Cabrolius, observ. xxiij. Fabricius ab Aquapendente, obser. chir. de hymene imperforato. Hildanus, Cent. III. obser. lx. Schenckius, lib. IV. de partibus genitalibus. Sollingen, observ. v. Meeckren, observ. chirurg. lv. Mauriceau dans ses observations sur les maladies des femmes grosses. Cowper dans son anatomie. Ruysch, obser. chirurg. xxxij. Saviard, observ. chirurg. iv. &c.

Dans les cas de l'existence de cette membrane, qui porte obstacle, soit aux devoirs du mariage, soit au cours des regles, il faut nécessairement, avec un bistouri, faire au cercle membraneux quatre petites incisions, en forme de la lettre X, & la guérison est immanquable.

Une chose bien plus étrange, c'est qu'il est arrivé que cette membrane bouchoit le vagin, sans avoir empêché la conception. J'en ai lu deux exemples trop curieux pour les passer sous silence, & dans deux auteurs trop celebres pour que leur témoignage ne soit de grand poids.

Ambroise Paré sera mon premier garant. Un orfévre, dit-il, qui demeuroit à Paris sur le Pont-au-Change, épousa une jeune fille qu'il aimoit beaucoup ; & parce que l'amour est d'ordinaire violent dans les premieres approches, ils s'y livrerent si fort l'un & l'autre, qu'ils vinrent tous les deux à se plaindre, l'un de ce que sa femme n'étoit point ouverte, & l'autre, de ce que dans les caresses de son mari, elle souffroit une douleur incroyable. Ils communiquerent leurs plaintes à leurs parens, qui se conduisant avec prudence, firent appeller dans la chambre des mariés, Jérôme de la Noue & le savant Simon Pietre, docteurs en Medecine, avec Louis Hubert & François de la Laurie, chirurgiens. Tous, d'une commune voix, tomberent d'accord qu'il y avoit une membrane au centre du conduit de la pudeur : ils la trouverent dure & calleuse, avec un petit trou au milieu, par lequel les regles avoient accoutumé de couler, & par lequel aussi la femme étoit devenue grosse ; car six mois après qu'on eut coupé cette membrane, cette femme fit un bel enfant à son mari, qui ne manqua pas de se réconcilier avec elle.

Ruysch me fournira le second exemple que j'ai promis. Il fut un jour appellé pour secourir une femme en travail d'enfant, qui depuis long-tems souffroit beaucoup, & jettoit de grands cris sans pouvoir accoucher. Après avoir examiné le fait, il découvrit que c'étoit l'hymen de la mere qui s'opposoit à la sortie de l'enfant. Cette membrane étoit dans son entier, fort épaisse, & poussée par la tête de l'enfant. Ruysch y fit faire promtement une incision par un chirurgien. Cependant cette incision ne put suffire, parce qu'il se trouva derriere une seconde membrane, contre nature, dans l'intérieur du vagin, qui la premiere formoit le passage à l'enfant : il fallut donc l'inciser de la même façon. L'opération faite, l'enfant vint au monde fort heureusement, & la mere, qui auparavant étoit à l'extrémité, fut délivrée de tous ses maux ; seulement à cause de la grande & longue tension que sa vulve & le sphincter de la vessie avoient soufferts, il lui survint une incontinence d'urine, dont elle guérit au bout de quelques semaines.

L'on trouve dans cette derniere observation quatre choses singulieres réunies. 1°. Que cette femme avoit une hymen à l'orifice du vagin, qui en bouchoit l'entrée. 2°. Que cette hymen ne l'avoit point empêché de concevoir. 3°. Qu'il s'étoit formé dans son vagin, depuis la conception, une seconde membrane, qui fermoit le passage de la sortie de son enfant. 4°. Que cette seconde membrane, contre nature, provenoit vraisemblablement d'une excoriation des parois du vagin, occasionnée par quelque ulcération, humeur âcre, ou autre cause semblable.

Je pourrois ajoûter quelques autres remarques de Morgagni sur l'hymen, mais cet excellent auteur est entre les mains de tous les Anatomistes. Quant au gros ouvrage de Schurigius sur cette matiere, intitulé Parthenologia, c'est une compilation sans choix & sans goût. (D.J.)

HYMEN, s. m. (Mythol.) ou HYMENEE, dieu qui préside aux mariages : Horace le nomme ingénieusement le gardien de la vie. On l'invoquoit toujours dans les épithalames, par l'acclamation répétée, hymen, ô hymenée, qui lui étoit consacrée. Voyez EPITHALAME & HYMENEE. (D.J.)

HYMEN ou HYMENEE, (Iconograph.) On représente ce dieu sous la figure d'un jeune homme blond, couronné de fleurs, tantôt de roses, & tantôt de marjolaine : c'est pourquoi Catulle lui dit, cinge tempora floribus suave olentis amaraci. Il tient de la main droite un flambeau, & de la gauche un voile de couleur jaune. Cette couleur étoit particulierement affecté aux noces ; car on lit dans Pline que le voile de l'épousée étoit jaune : les Poëtes même donnent au dieu Hymen une robe jaune & des souliers jaunes. (D.J.)


HYMÉNÉES. f. (Poésie) chanson nuptiale, ou du-moins espece d'acclamation consacrée à la solemnité des noces, , dit Athénée d'après Aristophane.

Entre les différens sujets qu'Homere a représentés sur le bouclier d'Achille, toute la ville où est placée la scene de ce tableau particulier, retentit des chants d'hyménée. Hésiode décrivant aussi sur le bouclier d'Hercule une pompe nuptiale, fait mention de ces mêmes chants. En un mot, l'épithalame dans sa naissance n'étoit autre chose que cette chanson, ce chant, cette acclamation répétée d'hymen, ô hyménée, & nous en trouvons l'origine dans l'histoire intéressante d'Hyménée, jeune homme d'Athènes, ou d'Argos.

Ce jeune homme, dont la Grece fit depuis un dieu qui présidoit au mariage, étoit d'une beauté accomplie ; né pauvre & d'une famille obscure, il se laissa surprendre aux charmes d'une athénienne de son âge, dont la naissance égaloit la fortune. La disproportion étoit trop marquée pour lui laisser la moindre espérance ; cependant à la faveur d'un déguisement dont sa jeunesse & sa beauté écartoient le soupçon, il suivoit par-tout son amante. Un jour il l'accompagna jusqu'à Eleusis avec les filles d'Athènes les plus qualifiées qui alloient offrir des sacrifices à Cérès ; il arriva qu'elles furent enlevées par des pyrates, & que les ravisseurs après avoir pris terre dans une île deserte, s'y endormirent. Hyménée saisit l'occasion favorable, tue les pyrates, revient à Athènes, déclare dans l'assemblée du peuple ce qu'il est, ce qui lui est arrivé, & promet si on lui permet d'épouser celle dont il est épris, qu'il la ramenera sans peine avec toutes ses compagnes. Il les ramena en effet, & devint le plus heureux des époux ; c'est pour cela que les Athéniens ordonnerent qu'il seroit toûjours invoqué dans la solemnité des noces, avec les dieux qu'ils en regardoient comme les protecteurs. Les Poëtes à leur tour le nommerent dieu, & lui formerent une illustre généalogie ; les uns le firent naître d'Uranie, d'autres d'Apollon & de Calliope, & d'autres enfin de Bacchus & de Vénus ; mais il nous suffit d'indiquer ici, d'après Servius, & tous les anciens commentateurs, quelle fut l'origine du chant, & de l'acclamation d'Hyménée.

Cette acclamation, dit M. l'abbé Souchay, dont nous empruntons les recherches, passa depuis dans l'épithalame, & devint un vers intercalaire, ou une espece de refrain ajusté à la mesure ; temoin Catulle imitateur de Sapho, qui répete si souvent ce vers,

Hymen, ô hymenaee, hymen ades, ô hymenaee.

& ces autres,

Io hymen, hymenaee io,

Io hymen, ô hymenaee ;

témoin encore Aristophane qui, dans sa comédie des oiseaux, acte v. scene 4, parlant du mariage de Pisthétérus avec la déesse Souveraineté, fait chanter par un demi-choeur, , après que ce même demi-choeur a exalté en ces mots, suivant la traduction de M. Boivin, le bonheur des deux époux.

Depuis le jour célebre où la reine des dieux

Superbement ornée,

Par les soeurs du destin fut au maître des cieux

Avec pompe amenée,

On n'a point encore vû d'hymen si glorieux

Hymen, ô hyménee !

C'est ainsi que l'acclamation d'Hymen par intervalles égaux, ne fut plus le chant nuptial ordinaire, & servit seulement à marquer les voeux & les applaudissemens des choeurs, lorsque l'épithalame eut pris une forme réguliere : enfin, cette acclamation a passé jusqu'à nous d'après les Latins qui l'avoient adoptée. (D.J.)


HYMETT(LE MONT,) Géog. anc. en latin Hymetus ; Hérodote dit Hymessus : montagne de Grece dans l'Attique, près de la ville d'Athènes, au midi oriental, sur la côte du golfe Saronique.

Cette montagne est fort célebre dans les écrits des Poëtes, à cause de l'excellent miel que l'on y recueilloit.

Martial, liv. VII. epig. 87. nous dit,

Pascat & Hybla mas, pascat Hymettos apes.

Silius Italicus, liv. XIV. v. 200. s'exprime en ces mots,

Tùmque nectareis vocat AD CERTAMEN Hymettum

Audax Hybla favis.

Horace, liv. II. satyr. II. v. 15. se moque d'un hom me délicat qui refuseroit de boire du vin de Falerne, s'il n'étoit adouci avec du miel d'Hymette.

Nisi Hymettia mella Falerno

Ne biberis diluta.

Le mont Hymette s'appelle encore aujourd'hui par quelques francs monte Metto ; mais on le nomme généralement Lamprovouni. Il est dans la Livadie, entre Sétine & le cap Colone, & s'étend depuis le golfe d'Engia jusqu'au détroit de Négrepont.

M. Spon qui a eu la curiosité de le visiter, en parle ainsi dans son voyage, tome II. p. 129. Le mont Hymette est à un mille d'Athènes, & n'a guere moins de sept à huit lieues de tour. Le dessus n'est ni habité ni cultivé ; il y a cependant un couvent de Grecs au nord de la montagne, que les Turcs nomment Cosbachi. On y fait quantité de miel qui est fort estimé, parce qu'il est moins âcre que les autres sortes de miel de la montagne, qu'il est d'une bonne consistance, d'une belle couleur d'or, & qu'il porte plus d'eau qu'aucun autre, quand on en veut faire du sorbet ou de l'hydromel.

Strabon assure que le meilleur miel du mont Hymette, étoit celui qui se recueilloit proche des mines d'argent, qui sont maintenant perdues. On l'appelloit Acapuiston, parce qu'il étoit fait sans fumée ; aussi le fait-on de même à présent sur le mont Hymette, sans étouffer les vieilles abeilles avec la fumée de soufre, comme on le pratique en quelques pays. C'est pour cela qu'elles y multiplient beaucoup, & qu'on recueille quantité de miel, non-seulement dans le couvent dont j'ai parlé, mais dans tous les autres du mont Penteli ; leurs ruches sont couvertes de cinq ou six petites planches, où les abeilles commencent d'attacher leurs rayons ; on y met un petit toît de paille par-dessus ; lorsqu'ils veulent partager leurs ruches, ils n'ont qu'à tirer pendant que les abeilles sont en campagne, la moitié des planches qui tiennent les rayons attachés, & les placer dans une autre ruche ; ils posent en même tems une ruche neuve au même endroit de la vieille, & qui est bâtie de la même façon ; alors les abeilles revenant du fourrage, prennent cette ruche pour leur ancien logis, & ne trouvant rien dedans, elles commencent à former leurs cellules.

Les herbes & les fleurs odoriférantes qui croissent au mont Hymette, ne contribuent pas peu à l'admirable manufacture de ces ouvrieres industrieuses. Enfin, le monastere grec Cosbachi fait du miel tant qu'il veut, & ne paye pour tous droits, qu'un sequin au vayvode ; le miel des autres monasteres qui sont sur la même montagne, n'a pas une si grande réputation à Constantinople. (D.J.)

HYMETTE (marbre d') hymettium marmor, Hist. nat. nom d'un marbre connu des anciens ; il étoit blanc mêlé quelquefois d'autres couleurs ; il étoit sur-tout remarquable par sa finesse & par le poli qu'il prenoit ; les Romains s'en servoient dans les édifices publics.


HYMNEsub. m. (Littérature) Hymne vient de , louer, célébrer ; l'hymne est donc, suivant la force du mot, une louange, soit qu'il emploie le langage de la Poésie, comme les hymnes d'Homere & de Callimaque, soit qu'il se borne au langage ordinaire, comme les hymnes de Platon, & d'Aristide ; mais si l'on fait attention à son principal & plus noble emploi, c'est une louange à l'honneur de quelque divinité.

Les hymnes ont fait dans tous les tems une partie essentielle du culte religieux ; sans parler encore des Grecs ni des Romains, en orient les Chaldéens & les Perses ; les Gaulois, les Lusitaniens en occident ; toutes les nations enfin, soit barbares, soit policées, ont également célébré par des hymnes ou des cantiques, les louanges de leurs divinités.

L'homme, suivant l'expression de Sophocle, se fit des dieux autant qu'il ressentit de besoins. Il pria ces dieux d'écarter les maux qui le menaçoient, & de lui accorder les biens qu'il désiroit. Il les remercia lorsqu'il crut avoir éprouvé les effets de leur protection, & il s'efforça de les appaiser, lorsqu'il se persuada qu'ils étoient irrités contre lui. Telle est l'origine des hymnes ; & ces hymnes furent plus ou moins parfaits dans leur genre, à mesure que les siecles qui les produisirent, furent plus ou moins éclairés.

Les critiques partagent ordinairement les hymnes anciens en diverses classes, qu'ils fondent sur la différence des noms, parce qu'outre les termes d'hymne & de paean, tous deux génériques, les Grecs avoient des noms affectés à leurs différens hymnes, selon les divinités qui en faisoient l'objet. C'étoit des lithierses pour Cybele, des jules pour Cérès, des paeans proprement dits pour Apollon, des dithyrambes pour Bacchus. Mais comme l'inutilité d'une telle division, & autres semblables, saute aux yeux, nous partagerons les hymnes anciens en théurgiques ou religieux, en poétiques ou populaires, en philosophiques ou propres aux seuls Philosophes ; trois especes d'hymnes réelles, dont nous avons des exemples dans les ouvrages de l'antiquité. Telle est aussi la division que M. Souchay a fait des hymnes anciens, dans deux mémoires très-curieux sur cette matiere. On les trouvera parmi ceux du recueil de Littérature ; nous n'en donnerons ici que le précis.

Les hymnes théurgiques ou religieux, sont ces hymnes que les initiés chantoient dans leurs cérémonies religieuses ; les hymnes d'Orphée sont les seuls de ce caractere, qui soient venus jusqu'à notre tems, & ce sont les plus anciens de tous. Pausanias nous apprend que les initiés aux mysteres orphiques, avoient leurs hymnes composés par Orphée même ; que ces hymnes étoient moins travaillés, moins agréables, que ceux d'Homere, mais plus religieux & plus saints ; & que les Lycomides qui rapportoient leur origine à Lycus fils de Pandion, les apprenoient aux initiés.

En effet, c'est pour eux seuls qu'ils semblent composés ; les initiés n'y sont occupés que de leurs propres intérêts ; soit qu'ils veuillent appaiser les mauvais génies, ou se les rendre favorables ; soit qu'ils demandent aux dieux les biens de l'esprit, du corps, ou les biens extérieurs, comme la salubrité des eaux, la température de l'air, la fertilité des saisons, ils rapportent tout à eux, & jamais ils ne parlent pour les profanes. " Accordez à vos initiés une santé durable, une vie heureuse, une longue & lente vieillesse ; détournez de vos initiés, les vains phantomes, les terreurs paniques, les maladies contagieuses ". , ils ne connoissent point d'autres formules dans leurs demandes.

Les hymnes dont nous parlons, sont aussi plus religieux que les hymnes d'Homere, de Callimaque, & des tragiques ; les seuls qui nous restent des Grecs, dans le genre que nous avons nommé poétique, ou populaire. Ils ne renferment avec l'invocation que des surnoms multipliés, qui expriment le pouvoir, ou les attributs des dieux. Le soleil y est nommé resplendissant, agile dans sa course, pere & modérateur des saisons, l'oeil & le maître du monde, les délices des humains, la lumiere de la vie. On y donne à Cybele, les titres de mere des dieux, d'auguste épouse de Saturne, de principe des élemens. Voilà ce qui fait la sainteté de ces hymnes, & par où ils remplissent l'idée que Pausanias attache aux hymnes d'Orphée.

Les invocations dans ce genre d'hymnes, frappent encore davantage : rien de plus énergique & de plus pressant, que ces invocations. Ecoutez-moi, exaucez-moi, , je vous invoque, je vous appelle, .

Je passe aux hymnes poétiques ou populaires, que nous nommons ainsi, parce qu'ils renferment la créance du peuple, & qu'ils sont l'ouvrage des poëtes ses théologiens. En effet, le peuple parmi les Grecs & les Romains, avoit reçû tous les dieux que les Poëtes avoient présentés, comme il avoit adopté toutes les avantures qu'ils en racontoient. Les dieux anciens furent les premiers objets des hymnes populaires ; car Jupiter n'étoit considéré que comme un roi puissant, qui gouverne un peuple céleste ; & les autres dieux partageant avec lui les attributs de la divinité, devoient aussi partager les mêmes honneurs. Or, au langage des Poëtes, les hymnes sont la récompense, le salaire des immortels.

Les héros participerent ensuite au même tribut de louanges que les dieux ; le tems nous a conservé beaucoup d'hymnes, soit grecs, soit latins, pout Hercule, & pour ces autres demi-dieux, qu'Hesiode appelle race humaine & divine, parce qu'on les supposoit nés d'un dieu & d'une mortelle, ou d'un mortel & d'une déesse.

On étendit encore plus loin les hymnes populaires, la politique & la flaterie en multiplierent les objets. La politique des Grecs produisit ce phénomene, en déifiant les hommes extraordinaires, dont on célébra les talens ou les vertus utiles à la société, la flaterie des Romains, en décernant le même honneur aux Césars.

Enfin, l'orgueil de quelques princes, tels que Démétrius-Poliorcete, & tel que ce roi de Syrie qui fut appellé dieu par les Milésiens, les porta à faire composer des hymnes pour eux-mêmes, comme on l'assure d'Auguste, & de quelques-uns de ses successeurs, à souffrir du moins qu'on leur en adressât.

En général, la matiere des hymnes populaires n'avoit pas moins d'étendue que l'histoire même des dieux. Les prétendues merveilles de leur naissance, leurs intrigues amoureuses, leurs avantures, leurs amusemens, tout jusqu'aux actions les plus indécentes, devint entre les mains des Poëtes, comme un fonds inépuisable de louanges pour les dieux. Ainsi la naissance de Vénus fournit à Homere, ou à l'auteur des hymnes qui portent son nom, la matiere d'un hymne peu religieux sans-doute, mais plein d'images agréables, " La déesse à peine sortie de la met, est portée sur les eaux par un zéphir ; elle arrive en Cypre : les heures filles de Thémis & de Jupiter, accourent sur le rivage pour la recevoir ; & après l'avoir parée comme une immortelle, elles la conduisent au palais des dieux, qui frappés de sa beauté, recherchent à l'envi son alliance ". Un autre hymne à la même déesse est employé tout en entier à peindre ses amours avec Anchise, & les couleurs n'y sont que trop assorties au sujet.

Les hymnes qui s'adressent à Mercure, roulent communément sur son adresse inimitable à dérober. " Vous n'étiez encore qu'enfant, dit Horace, dans l'hymne qu'il lui adresse, lorsque vous dérobâtes si finement les boeufs d'Apollon ; il eut beau prendre un ton menaçant pour vous forcer à les rendre, il ne put s'empêcher de rire, en se voyant sans carquois ".

Il est pourtant vrai, que les hymnes poétiques ne sont pas toûjours de ce caractere. On trouve quelquefois, & principalement dans ceux de Callimaque, des traits propres à inspirer la vertu, ou le respect pour les dieux. Si dans l'hymne à Diane, cet aimable poëte décrit les plaisirs & les amusemens de la déesse, il peint aussi, mais d'une maniere vive & touchante le bonheur du juste, & le malheur des méchans. S'il dit ailleurs, que Jupiter prit naissance en Arcadie, il ajoute incontinent, que ce dieu tire de lui seul toute sa puissance, qu'il est le maître & le juge des rois, & qu'il distribue à son gré les couronnes & les empires.

Il est même arrivé que la plûpart des hymnes poétiques, ceux de Callimaque sur-tout, passerent dans le culte public. On les chantoit dans les solemnités durant la cérémonie du sacrifice, & dans les veillées qui précédoient ces solemnités, pendant que le peuple s'assembloit. L'hymne de Callimaque pour Jupiter, dont nous venons de parler, fut chanté, tandis qu'on offroit au dieu le sacrifice, ou les libations ordinaires, &c. L'hymne intitulé Pervigilium Veneris, & qu'un magistrat illustre dans les Lettres, M. Bouhier, rapporte au siecle des premiers Césars, semble être un de ces cantiques, que l'on chantoit aux veillées de Vénus.

On sait que ceux qui chantoient les hymnes, s'appelloient hymnodes ; & que ceux qui les composoient, se nommoient hymnographes. Voyez HYMNODES, MNOGRAPHESPHES.

J'entends par hymnes philosophiques, ceux que les Philosophes ont composés suivant leur système religieux ; non que les Philosophes eussent un culte particulier, différent du culte populaire ; ils se conformoient au peuple dans la pratique, & venoient par bienséance, ramper avec lui aux piés des idoles ; mais ils différoient bien du peuple par la croyance. Ils reconnoissoient un Dieu suprême, source & principe de tous les êtres. Plusieurs admettoient avec ce Dieu suprême, des êtres subalternes, qui faisoient mouvoir les ressorts de la nature, & en régloient les opérations. Pour les avantures des dieux poétiques, les idoles, & les apothéoses, ils les mettoient au rang des fictions insoutenables.

Le Dieu suprême est donc en général l'objet des hymnes philosophiques ; il est seulement quelquefois déguisé sous le nom de Jupiter, ou du soleil ; & quelquefois caché sous le voile de l'allégorie. Sa toute-puissance, son immensité, sa providence, & ses autres attributs, en sont la matiere ordinaire.

Nous aurions un exemple ancien & précieux, d'un hymne philosophique simple, si l'hymne que les peres de l'Eglise défenseurs de notre foi, S. Julien, S. Clément, Eusebe, & autres, ont cité sous le titre de Palinodie, étoit véritablement d'Orphée. Je dis que cet exemple seroit précieux, car il surprend pour le fond des choses, & la grandeur des images. " Tel est (dit cet hymne) l'Etre suprême, que le ciel tout entier ne fait que sa couronne ; il est assis sur son trone entouré d'anges infatigables ; ses piés touchent la terre ; de sa droite, il atteint jusqu'à l'extrémité de l'Océan ; à son aspect, les plus hautes montagnes tremblent, & les mers frissonnent dans leurs profonds abîmes ". Mais la critique range cette piece parmi les fraudes pieuses qui ne furent pas inconnues aux premiers siecles du Christianisme.

Si l'hymne qu'on vient de lire appartient au péripatéticien Aristobule, comme on le croit, il est encore moins ancien qu'un autre hymne semblable que Stobée nous a conservé, & que l'on attribue à Cléanthe, second fondateur du Portique ; c'est d'ailleurs un des plus beaux monumens qui nous soit resté en ce genre, le lecteur en va juger.

" O pere des dieux (dit Cléanthe) vous qui réunissez plusieurs noms, & dont la vertu est une & infinie ; vous qui êtes l'auteur de cet univers, & qui le gouvernez suivant les conseils de votre sagesse ; je vous salue, ô roi tout-puissant ; car vous daignez nous permettre de vous invoquer. Vous serez, ô Jupiter, la matiere de mes louanges, & votre souveraine puissance sera le sujet ordinaire de mes cantiques. Tout plie sous votre empire ; tout redoute les traits dont vos mains invincibles sont armées ; sans vous rien n'a été fait, rien ne se fait dans la nature : vous voulez les biens & les maux selon les conseils de votre loi éternelle. Grand Jupiter, qui faites entendre votre tonnerre dans les nues, daignez éclairer les foibles humains, ôtez-leur cet esprit de vertige qui les égare, donnez-leur une portion de cette sagesse avec laquelle vous gouvernez le monde. Alors ils ne chériront d'autre occupation, que celle de chanter éternellement cette loi universelle qu'ils méconnoissent ".

Tel est le caractere des hymnes philosophiques ; je recueille tout ce détail en deux mots.

Les hymnes théurgiques n'étoient propres qu'aux initiés, & ils ne renferment, avec des invocations singulieres, que les attributs divins, exprimés par des noms mystiques. Les hymnes poëtiques ou populaires, en général, faisoient partie du culte public, & ils roulent sur les avantures fabuleuses des dieux. Enfin, les hymnes philosophiques ou n'étoient point chantés, ou ils l'étoient seulement dans les festins décrits par Athénée ; & ils sont, à proprement parler, un hommage secret que les Philosophes ont rendu à la divinité.

Je laisse à des mains savantes le soin de prouver les avantages qu'on peut tirer des différentes especes d'hymnes qui ont passé jusqu'à nous. Il me suffit de dire que les hymnes théurgiques peuvent répandre de la lumiere sur les initiations ; que les hymnes poétiques d'Homere & de Callimaque donnent au-moins pour les tems où ils furent composés, une idée de la croyance populaire des anciens par rapport à la religion publique ; enfin, que les hymnes philosophiques sont de quelque secours pour nous instruire de la croyance religieuse des Philosophes. J'ajoûte que les hymnes de Callimaque, de Pindare, d'Horace, & d'autres poëtes, outre des dogmes & des usages religieux, renferment encore des traits pour l'Histoire prophane, dont les Littérateurs, vraiment éclairés sauront toûjours habilement profiter.

Dans notre usage moderne, nous entendons par hymne, une ode, un petit poëme consacré à la louange de Dieu, ou des mysteres. Mais nous avons très-peu d'hymnographes recommandables. Santeuil s'est quelquefois distingué dans cette carriere, car tous ses hymnes ne sont pas également bons, une vûe d'intérêt en a gâté la plus grande partie, & les connoisseurs sentent bien que les inspirations de sa muse étoient souvent réglées par le profit qu'elle en retiroit. Les odes sacrées de Rousseau nous offrent tout ce que nous avons de plus parfait en ce genre. Pour les hymnes rimés du douze & treizieme siécle, ils sont le sceau de la barbarie ; ce n'étoit pas sur ce ton qu'Horace chantoit les jeux séculaires. (D.J.)


HYMNIA(Mythologie) surnom donné à Diane, sous lequel elle étoit invoquée, & avoit un temple en Arcadie. C'étoit une vierge qui étoit sa prêtresse, mais Aristocrate lui ayant voulu faire violence, on mit à sa place une femme mariée. Elle avoit encore un temple dans le territoire d'Orchomenes, qui étoit desservi par un homme marié qui n'avoit aucun commerce avec le reste des humains.


HYMNODES. m. (Hist. anc.) chanteur d'hymne. C'est ainsi que les Grecs ont appellé ceux qui chantoient les hymnes, comme ils ont nommé hymnographes ceux qui les composoient. Voyez HYMNOGRAPHE.

Les chanteurs d'hymnes ne furent pas toûjours, & dans toutes les occasions, de même sexe & de même rang. Tantôt c'étoient des filles seulement, comme dans les fêtes de Pallas ; tantôt des choeurs composés de jeunes filles & de jeunes garçons, comme dans les fêtes d'Apollon ; quelquefois comme à Delphes & à Délos, c'étoit le poëte lui-même, ou les prêtres avec leur famille entiere ; dans les veillées, c'étoient les prêtres seuls ; mais au lieu que dans les solemnités, on se servoit communément de la cythare, ici les prêtres unissoient leurs voix au son des flutes. De-là vient qu'Arnobe dit quelque part, des hymnes chantés dans les veillées, qu'ils sont, si je puis m'expliquer de la sorte, l'exercice matinal des dieux, exercitationes deorum matutinas collatas ad tibiam. (D.J.)


HYMNOGRAPHES. m. (Antiq.) compositeur d'hymnes. Les premiers poëtes de la Grece furent la plûpart hymnographes, & les plus grands poëtes composerent tous des hymnes : sans parler ici d'Orphée, d'Homere & de Callimaque, on compte parmi ceux dont les hymnes ont péri, Anthès, Olen de Lycie, Olympe mysien, Stésichore, Archiloque, Simonide, Alcée, Bacchylide, Pindare ; Pindare, dis-je, qui avoit choisi, comme on sait, Apollon delphien pour le sujet ordinaire de ses hymnes ; qui chantoit dans le temple ceux qu'il avoit composés ; & qui pour prix de ces mêmes hymnes, qui en faisant valoir le dieu, contribuoient sans-doute au profit de la Pythie, en avoit obtenu une partie des prémices que l'on apportoit de toutes parts à Delphes.

La Grece accordoit des récompenses de toute espece aux excellens hymnographes ; disons plus, à peine commençoit-elle à se policer, qu'elle avoit établi des prix en leur faveur. Pausanias, parlant de plusieurs hymnographes qui furent couronnés, ajoûte qu'Orphée & son disciple Musée ne voulurent jamais consentir à paroitre dans la lice, soit qu'ils se défiassent de la capacité de leurs juges, ou qu'ils dédaignassent des rivaux trop peu dignes d'eux.

Les Romains de leur côté établirent aussi des prix & des récompenses pour les hymnographes ; mais ils n'y songerent que lorsqu'ils n'eurent plus, pour ainsi dire, de poëtes. Horace & Catulle leur avoient fait entendre, dans les fêtes séculaires, des hymnes qui font encore notre admiration. La Poésie étoit alors en honneur, elle tomba avec Auguste & Mécene ; Domitien entreprit vainement de la rétablir, il proposa des prix pour les hymnographes, mais leurs beaux jours étoient passés, & ne devoient pas renaître sous un tyran, qui croyoit couvrir ses vices par un amour apparent pour les beaux Arts. (D.J.)


HYMNOLOGIES. f. (Liturgie) récréation ou chant des hymnes.


HYO-CERATO-PHARINGIEN(Anatomie) Voyez HYO-PHARINGIEN.


HYO-EPIGLOTIQUEadj. pris subst. en Anatomie, nom d'une paire de muscles de l'épiglotte, qui viennent de la base de l'os hyoïde, & s'inserent à la partie postérieure de la racine de l'épiglotte.


HYO-GLOSSEen Anatomie, nom des muscles qui s'attachent à l'os hyoïde, & se terminent dans la langue.


HYO-PHARINGIENen Anatomie, nom d'une paire de muscles qui viennent de la grande & de la petite corne, & même un peu de la base de l'os hyoïde, & se portent aux parties inférieures moyennes & supérieures du pharynx, en formant une espece de trapeze. Voyez TRAPEZE.

M. Winslow en a fait trois paires, auxquelles il donne le nom de grand kerato-pharyngien, de petit kerato pharyngien, & de basio-pharyngien.


HYO-TYROÏDIENen Anatomie, c'est ainsi qu'on appelle deux muscles du larynx, qui viennent de la partie inférieure de la base de l'os hyoïde, & vont s'insérer à la tubérosité oblique du cartilage tyroïde.


HYOIDEen Anatomie ; c'est un of situé à la racine de la langue, dont il est comme la base ou le soutien, voyez LANGUE. Il est ainsi appellé, parce qu'il ressemble à la lettre grecque , ce mot étant formé d', forme ; ce qui l'a fait aussi appeller ypsiloïde.

Il est pour l'ordinaire composé dans les adultes de cinq petits of ; celui du milieu, qui est le plus court & le plus gros, est appellé la base, & les quatre autres les cornes, ce qui lui a fait donner le nom de ceratoïde.

La base de l'os hyoïde est de la longueur environ d'un pouce par-dehors où il est convexe, sa face postérieure étant inégalement concave. Il est large d'un demi-travers de doigt, & a une petite éminence au milieu. Ses grandes cornes ont un pouce & demi de long, & sont plus larges à leurs bases qu'aux extrémités qui sont éloignées l'une de l'autre d'environ deux pouces. Il y a deux petites têtes cartilagineuses appellées petites cornes, cornicula ; vers la jonction de ses cornes avec la base, & au bord supérieur elles sont attachées aux apophyses styloïdes par des ligamens très-déliés ; quoique l'on trouve quelquefois entr'elles & les apophyses un petit muscle, outre le stylo-cerato-hyoïdien ; la petite corne & l'apophyse styloïde ne forment quelquefois qu'un seul os, quand le ligament qui les unit s'ossifie. Voy. OSSIFICATION.

La base de ces of est comme posée sur la tête du larynx, & ses grandes cornes sont attachées par des ligamens aux apophyses supérieures du cartilage scutiforme & par ses petites cornes aux apophyses styloïdes. Voyez LARYNX & SCUTIFORME.

Il est mu par cinq paires de muscles ; savoir, par les sterno-hyoïdiens, les coraco-hyoïdiens, les mylo-hyoïdiens, les genio-hyoïdiens & les stylo-hyoïdiens. Voyez chacun de ces muscles en leurs places.


HYOPHTALMUS(Hist. nat.) pierre ainsi nommée par les anciens, parce qu'elle ressembloit à l'oeil d'un cochon.


HYPALLAGES. f. , changement, subversion, RR. , sub, & , aor. 2. pass. d', muto, lequel est dérive d', alius.

Les Grammairiens ont admis trois différentes figures fondées également sur l'idée générale de changement, savoir l'énallage, l'hypallage & l'hyperbate : mais il semble qu'ils n'en ont pas déterminé d'une maniere assez précise les caracteres distinctifs, puisque l'on trouve les mêmes exemples rapportés à chacune de ces trois figures. Virgile a dit (Aeneïd. III. 61.) dare classibus austros, au lieu de dire dare classes austris : M. du Marsais (des tropes, part. II. art. xviij.) rapporte cette expression à l'hypallage ; Minellius & Servius l'avoient fait de même avant lui. Le P. Lamy (Rhét. liv. I. chap. xij.) cite la même phrase comme un exemple de l'énallage ; & d'autres l'ont rapportée à l'hyperbate, Méth. lat. de P. R. traité des figures de constr. ch. vj. de l'hyperbate.

La signification des mots est incontestablement arbitraire dans son origine ; & cela est vrai, surtout des mots techniques, tels que ceux dont il est ici question. Mais rien n'est plus contraire aux progrès des Sciences & des Arts, que l'équivoque & la confusion dans les termes destinés à en perpétuer la tradition, par conséquent rien de plus essentiel que d'en fixer le sens d'une maniere précise & immuable.

Or je remarque, en effet, par rapport aux mots, trois especes générales de changemens, que les Grammairiens paroissent avoir envisagés, quand ils ont introduit les trois dénominations dont il s'agit, & qu'ils ont ensuite confondues.

Le premier changement consiste à prendre un mot sous une forme, au lieu de le prendre sous une autre, ce qui est proprement un échange dans les accidens, comme sont les cas, les genres, les tems, les modes, &c. C'est à cette premiere espece de changement que M. du Marsais a donné spécialement le nom d'énallage d'après la plus grande partie des Grammairiens. Voyez ENALLAGE. Mais ce terme n'est, selon lui, qu'un nom mystérieux, plus propre à cacher l'ignorance réelle de l'analogie qu'à répandre quelque jour sur les procédés d'aucune langue. J'aurai occasion, dans plusieurs articles de cet Ouvrage, de confirmer cette pensée par de nouvelles observations, & principalement à l'article TEMS.

La seconde espece de changement qui tombe directement sur les mots, est uniquement relative à l'ordre successif selon lequel ils sont disposés dans l'expression totale d'une pensée. C'est la figure que l'on nomme communément hyperbate. Voyez HYPERBATE.

La troisieme sorte de changement, qui doit caractériser l'hypallage, tombe moins sur les mots que sur les idées mêmes qu'ils expriment ; & il consiste à présenter sous un aspect renversé la corrélation des idées partielles qui constituent une même pensée. C'est pour cela que j'ai traduit le nom grec hypallage par le nom françois subversion ; outre que la préposition élémentaire se trouve rendue ainsi avec fidélité, il me semble que le mot en est plus propre à désigner que le changement dont il s'agit ne tombe pas sur les mots immédiatement, mais qu'il pénetre jusques sous l'écorce des mots, & jusques aux idées dont ils sont les signes. Je vais justifier cette notion de l'hypallage par les exemples mêmes de M. du Marsais, & je me servirai de ses propres termes : ce que je ferai sans scrupule par-tout où j'aurai à parler des tropes. Je prendrai simplement la précaution d'en avertir par une citation & des guillemets, & d'y insérer entre deux crochets mes propres réflexions.

" Cicéron ; dans l'oraison pour Marcellus, dit à César qu'on n'a jamais vû dans la ville son épée vuide du fourreau, gladium vaginâ vacuum in urbe non vidimus. Il ne s'agit pas du fond de la pensée, qui est de faire entendre que César n'avoit exercé aucune cruauté dans la ville de Rome ". [Sous cet aspect, elle est rendue ici par une métonymie de la cause instrumentale pour l'effet, puisque l'épée nue est mise à la place des cruautés dont elle est l'instrument]. " Il s'agit de la combinaison des paroles qui ne paroissent pas liées entr'elles comme elles sont dans le langage ordinaire ; car vacuus se dit plutôt du fourreau que de l'épée.

Ovide commence ses métamorphoses par ces paroles :

In nova fert animus mutatas dicere formas

Corpora.

La construction est, animus fert me dicere formas mutatas in nova corpora ; mon génie me porte à raconter les formes changées en de nouveaux corps : il étoit plus naturel de dire, à raconter les corps, c'est-à-dire, à parler des corps changés en de nouvelles formes....

Virgile fait dire à Didon, Aen. IV. 385.

Et cum frigida mors animâ seduxerit artus ;

après que la froide mort aura séparé de mon ame les membres de mon corps ; il est plus ordinaire de dire, aura séparé mon ame de mon corps ; le corps demeure, & l'ame le quitte : ainsi Servius & les autres commentateurs trouvent une hypallage dans ces paroles de Virgile.

Le même poëte, parlant d'Enée & de la sibylle qui conduisit ce héros dans les enfers, dit, Aeneid. VI. 268.

Ibant obscuri solâ sub nocte per umbram,

pour dire qu'ils marchoient tous seuls dans les ténebres d'une nuit sombre. Servius & le P. de la Rue disent que c'est ici une hypallage, pour ibant soli sub obscurâ nocte.

Horace a dit, V. od. xiv. 3.

Pocula Lethaeos ut si ducentia somnos

Traxerim,

comme si j'avois bû les eaux qui amenent le sommeil du fleuve Léthé. Il étoit plus naturel de dire, pocula Lethaea, les eaux du fleuve Léthé.

Virgile a dit qu'Enée ralluma des feux presque éteints, sopitos suscitat ignes (Aen. V. 745.) Il n'y a point là d'hypallage ; car sopitos, selon la construction ordinaire, se rapporte à ignes. Mais quand, pour dire qu'Enée ralluma sur l'autel d'Hercule le feu presque éteint, Virgile s'exprime en ces termes, Aen. VII. 542.

.... Herculeis sopitas ignibus aras

Excitat ;

alors il y a une hypallage ; car, selon la combinaison ordinaire il auroit dit, excita ignes sopitos in aris Herculeis, id est Herculi sacris.

Au livre XII. vers 187, pour dire, si au contraire Mars fait tourner la victoire de notre côté, il s'exprime en ces termes :

Sin nostrum annuerit nobis victoria Martem ;

ce qui est une hypallage, selon Servius : hypallage, pro, sin noster Mars annuerit nobis victoriam, nam Martem victoria comitatur ".

[Cette suite d'exemples, avec les interprétations qui les accompagnent, doit suffisamment établir en quoi consiste l'essence de cette prétendue figure que les Rhéteurs renvoient aux Grammairiens, & que les Grammairiens renvoient aux Rhéteurs. C'est un renversement positif dans la corrélation des idées, ou l'exposition d'un certain ordre d'idées quelquefois opposé diamétralement à celui que l'on veut faire entendre. Eh, qui ne voit que l'hypallage si elle existe, est un véritable vice dans l'élocution plutôt qu'une figure ? Il est assez surprenant que M. du Marsais n'en ait pas porté le même jugement, après avoir posé des principes dont il est la conclusion nécessaire. Ecoutons encore ce grammairien philosophe.]

" Je ne crois pas,... quoi qu'en disent les commentateurs d'Horace, qu'il y ait une hypallage dans ces vers de l'ode XVII. du livre I.

Velox amoenum saepè Lucretilem

Mutat Lycaeo Faunus ;

c'est-à-dire que Faune prend souvent en échange le Lucrétile pour le Lycée ; il vient souvent habiter le Lucrétile auprès de la maison de campagne d'Horace, & quitte pour cela le Lycée sa demeure ordinaire. Tel est le sens d'Horace, comme la suite de l'ode le donne nécessairement à entendre. Ce sont les paroles du P. Sanadon, qui trouve dans cette façon de parler (Tom. I. pag. 579.) une vraie hypallage, ou un renversement de construction.

Mais il me paroît que c'est juger du latin par le françois, que de trouver une hypallage dans ces paroles d'Horace, Lucretilem mutat Lycaeo Faunus. On commence par attacher à mutare la même idée que nous attachons à notre verbe changer, donner ce qu'on a pour ce qu'on n'a pas ; ensuite, sans avoir égard à la phrase latine, on traduit, Faune change le Lucrétile pour le Lycée ; & comme cette expression signifie en françois, que Faune passe du Lucrétile au Lycée, & non du Lycée au Lucrétile, ce qui est pourtant ce qu'on sait bien qu'Horace a voulu dire ; on est obligé de recourir à l'hypallage pour sauver le contre-sens que le françois seul présente. Mais le renversement de construction ne doit jamais renverser le sens, comme je viens de le remarquer ; c'est la phrase même, & non la suite du discours, qui doit faire entendre la pensée, si ce n'est dans toute son étendue, c'est au moins dans ce qu'elle présente d'abord à l'esprit de ceux qui savent la langue.

Jugeons donc du latin par le latin même, & nous ne trouverons ici ni contre-sens, ni hypallage ; nous ne verrons qu'une phrase latine fort ordinaire en prose & en vers.

On dit en latin donare munera alicui, donner des présens à quelqu'un ; & l'on dit aussi donare aliquem munere, gratifier quelqu'un d'un présent : on dit également circumdare urbem maenibus, & circumdare maenia urbi. De même on se sert de mutare, soit pour donner, soit pour prendre une chose au lieu d'une autre.

Muto, disent les Etymologistes, vient de motu, mutare quasi motare. (Mart. Lexic. verb. muto.) L'ancienne maniere d'acquerir ce qu'on n'avoit pas, se faisoit par des échanges ; delà muto signifie également acheter ou vendre, prendre ou donner quelque chose au lieu d'une autre ; emo ou vendo, dit Martinius, & il cite Columelle, qui a dit porcus lacteus aere mutandus est, il faut acheter un cochon de lait.

Ainsi mutat Lucretilem signifie vient prendre, vient posséder, vient habiter le Lucretile ; il achete, pour ainsi dire, le Lucrétile pour le Lycée.

M. Dacier, sur ce passage d'Horace, remarque qu'Horace parle souvent de même ; & je sais bien, ajoute-t-il, que quelques historiens l'ont imité.

Lorsqu'Ovide fait dire à Médée qu'elle voudroit avoir acheté Jason pour toutes les richesses de l'univers (Met. l. VII. v. 39.), il se sert de mutare :

Quemque ego cùm rebus quas totus possidet orbis

Aesonidem mutasse velim :

où vous voyez que, comme Horace, Ovide emploie mutare dans le sens d'acquérir ce qu'on n'a pas, de prendre, d'acheter une chose en donnant une autre. Le pere Sanadon remarque (Tom. I. pag. 175.) qu'Horace s'est souvent servi de mutare en ce sens : mutavit lugubre sagum punico (V. od. ix.) pour punicum sagum lugubri : mutet lucana calabris pascuis (V. od. j.) pour calabra pascua lucanis : mutat uvam strigili (II. sat. vij. 110.) pour strigilim uvâ.

L'usage de mutare aliquid aliquâ re dans le sens de prendre en échange, est trop fréquent pour être autre chose qu'une phrase latine ; comme donare aliquem aliquâre, gratifier quelqu'un de quelque chose, & circumdare maenia urbi, donner des murailles à une ville tout autour, c'est-à-dire, entourer une ville de murailles ".

La regle donnée par M. du Marsais, de juger du latin par le latin même, est très-propre à faire disparoître bien des hypallages. Celle, par exemple, que Servius a cru voir dans ces vers,

Sin nostrum annuerit nobis victoria Martem ;

n'est rien moins, à mon gré, qu'une hypallage : c'est tout simplement, Sin victoria annuerit nobis Martem esse nostrum, si la victoire nous indique que Mars est à nous, est dans nos intérêts, nous est favorable. Annuere pro affirmare, dit Calepin (verb. annuo) ; & il cite cette phrase de Plaute (Bacchid.), ego autem venturum annuo.

On peut aussi aisément rendre raison de la phrase de Cicéron, Gladium vaginâ vacuum in urbe non vidimus, nous n'avons point vu dans la ville votre épée dégagée du fourreau. C'est ainsi qu'il faut traduire quantité de passages : vacui curis (Cic.), dégagés de soins ; ab isto periculo vacuus (Id.), dégagé, tiré de ce péril. L'adjectif latin vacuus exprimoit une idée très-générale, qui étoit ensuite déterminée par les différens complémens qu'on y ajoutoit, ou par la nature même des objets auxquels on l'appliquoit : notre langue a adopté des mots particuliers pour plusieurs de ces idées moins générales ; vacua vagina, fourreau vuide ; vacuus gladius, épée nue ; vacuus animus, esprit libre ; &c. C'est que, dans tous ces cas, nous exprimons par le même mot, & l'idée générale de l'adjectif vacuus, & quelque chose de l'idée particuliere qui résulte de l'application : & comme cette idée particuliere varie à chaque cas, nous avons, pour chaque cas, un mot particulier. Ce seroit se tromper que de croire que nous ayons en françois le juste équivalent du vacuus latin ; & traduire vacuus par vuide en toute occasion, c'est rendre, par une idée particuliere, une idée très-générale, & pécher contre la saine logique. Cet adjectif n'est pas le seul mot qui puisse occasionner cette espece d'erreur : car, comme l'a très-bien remarqué M. d'Alembert, article DICTIONNAIRE, " il ne faut pas s'imaginer que quand on traduit des mots d'une langue dans l'autre, il soit toujours possible, quelque versé qu'on soit dans les deux langues, d'employer des équivalens exacts & rigoureux ; on n'a souvent que des à-peu-près. Plusieurs mots d'une langue n'ont point de correspondans dans une autre ; plusieurs n'en ont qu'en apparence, & different par des nuances plus ou moins sensibles des équivalens qu'on croit leur donner ".

Il me semble que c'est encore bien gratuitement que les commentateurs de Virgile ont cru voir une hypallage dans ce vers : Et cùm frigida mors animâ seduxerit artus. C'est la partie la moins considérable qui est séparée de la principale, & Didon envisage ici son ame comme la principale, puisqu'elle compte survivre à cette séparation, & qu'elle se promet de poursuivre ensuite Enée en tous lieux ; omnibus umbra locis adero (v. 386.). Elle a donc dû dire lorsque la mort aura séparé mon corps de mon ame c'est-à-dire, lorsque mon ame sera dégagée des liens de mon corps. D'ailleurs la séparation des deux êtres qui étoient unis, est respective ; le premier est séparé du second, & le second du premier ; & l'on peut, sans aucun renversement extraordinaire, les présenter indifféremment sous l'un ou l'autre de ces deux aspects, s'il n'y a, comme ici, un motif de préférence indiqué par la raison, ou suggéré par le goût qui n'est qu'une raison plus fine.

C'est se méprendre pareillement, que de voir une hypallage dans Horace, quand il dit : Pocula lethaeos ut si ducentia somnos arente fauce traxerim : il est aisé de voir que le poëte compare l'état actuel où il se trouve, avec celui d'un homme qui a bu une coupe empoisonnée, un breuvage qui cause un sommeil éternel & semblable au sommeil de ceux qui passent le fleuve Lethé. On peut encore expliquer ce passage plus simplement, en prenant le mot lethaeus dans le sens même de son étymologie , oblivio ; de-là la désignation latine du prétendu fleuve d'enfer dont on faisoit boire à tous ceux qui mouroient, flumen oblivionis ; & par extension, somnus lethaeus, somnus omnium rerum oblivionem pariens, un sommeil qui cause un oubli général. Au surplus, c'est le sens qui convient le mieux à la pensée d'Horace, puisqu'il prétend s'excuser de n'avoir pas fini certains vers qu'il avoit promis à Mécene, par l'oubli universel où le jette son amour pour Phryné.

Ibant obscuri solâ sub nocte per umbram. Ce vers de Virgile est aussi sans hypallage. Ibant obscuri, c'est-à-dire, sans pouvoir être vûs, cachés, inconnus : Cicéron a pris dans le même sens à-peu-près le mot obscurus, lorsqu'il a dit (Offic. II.) : Qui magna sibi proponunt, obscuris orti majoribus, des ancêtres inconnus : dans cet autre vers de Virgile (Aen. IX. 244.), Vidimus obscuris primam sub vallibus urbem, le mot obscuris est l'équivalent d'absconditis ou de latentibus, selon la remarque de Nonius Marcellus, (cap. IV. de variâ signif. serm. litt. O) : & nous-mêmes nous disons en françois une famille obscure pour inconnue. Solâ sub nocte, pendant la nuit seule, c'est-à-dire, qui semble anéantir tous les objets, & qui porte chacun à se croire seul ; c'est une métonymie de l'effet pour la cause, semblable à celle d'Horace (1. Od. IV. 13.) pallida mors, à celle de Perse (Prol.) pallidam Pyrenen, &c.

Avec de l'attention sur le vrai sens des mots, sur le véritable tour de la construction analytique, & sur l'usage légitime des figures, l'hypallage va donc disparoître des livres des anciens, ou s'y cantonner dans un très-petit nombre de passages, où il sera peut-être difficile de ne pas l'avouer. Alors même il faut voir s'il n'y a pas un juste fondement d'y soupçonner quelque faute de copiste, & la corriger hardiment plutôt que de laisser subsister une expression totalement contraire aux loix immuables du langage. Mais si enfin l'on est forcé de reconnoître dans quelques phrases l'existence de l'hypallage, il faut la prendre pour ce qu'elle est, & avouer que l'auteur s'est mal expliqué.]

" Les anciens étoient hommes, & par conséquent sujets à des fautes comme nous. Il y a de la petitesse & une sorte de fanatisme à recourir aux figures, pour excuser des expressions qu'ils condamneroient eux-mêmes, & que leurs contemporains ont souvent condamnées. L'hypallage ne [doit] pas prêter son nom aux contre-sens & aux équivoques ; autrement tout seroit confondu ; & cette [prétendue] figure deviendroit un azile pour l'erreur & pour l'obscurité ". (B. E. R. M.)


HYPANIS(Géog. anc.) grand fleuve de la Scythie en Europe ; Hérodote même le comptoit autrefois pour le troisieme en ordre après le Danube ; son nom moderne est le Boc. (D.J.)


HYPAPANTou HYPANT, s. f. (Myth.) est le nom que les Grecs donnent à la fête de la purification de la Vierge, ou présentation de l'enfant-Jesus dans le temple. Voyez PURIFICATION. Ces deux mots sont grecs, & , & veulent dire rencontre humble, étant composes de , qui signifie sous, dessous, & , ou , je rencontre, de , contre. Ces dénominations sont prises de la rencontre du vieillard Siméon & d'Anne la prophétesse dans le temple, dans le tems qu'on y porta le sauveur. Dict. de Trév.


HYPATES. f. (Musiq.) est le nom qu'on donnoit dans l'ancienne musique au tétracorde le plus bas, & à la plus basse corde de chacun des deux plus bas tétracordes.

On appelloit donc tétracorde des hypates, ou tétracorde hypaton, , celui qui étoit immédiatement au-dessus de la proslambanomene ou de la plus basse corde du mode, & la premiere corde de ce même tétracorde s'appelloit nypate-nypaton, c'est-à-dire, la plus basse du tétracorde des plus basses. Le tétracorde suivant s'appelloit tétracorde meson ou des moyennes, & la premiere corde de ce tétracorde s'appelloit nypate-meson, c'est-à-dire, la plus basse des moyennes. Voyez TETRACORDE, SYSTEME, &c.

Nicomaque le Gérasenien prétend que ce mot d'hypate, qui signifie suprème, a été donné à la plus basse des cordes qui forment le diapason, par allusion au mouvement de Saturne qui est de toutes les planetes la plus éloignée de nous.


HYPATOIDESen Musique, sons bas. Voyez LEPSIS.


HYPECOONS. m. (Hist. nat. Bot.) genre de plante à fleur en croix composée de quatre petales découpés, pour l'ordinaire, en trois parties ; il sort du calice un pistil qui devient dans la suite un fruit, ou une silique plate & composée de plusieurs noeuds joints les uns avec les autres ; elle renferme des semences faites le plus souvent en forme de rein, & renfermées chacune dans un des noeuds de la silique. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)


HYPÉE(Géog. anc.) Hypaea, isle de la mer de Marseille ; c'est celle des trois Stoechades prétendues, qui est la plus proche de cette ville. Les Stoechades sont Pommegue, Ratenneau & Château d'If. Cette derniere est l'mypaea des anciens ; elle n'a conservé que la premiere syllabe de son nom, en changeant le P en F, changement commun dans notre langue, qui a fait de caput, chef, de colpus, golfe, &c. Voyez IF l'isle d'(D.J.)


HYPER-ÉOLIEN(Musique) le pénultieme à l'aigu des quinze modes de la musique des Grecs. Ce mode, non plus que l'Hyperlydien qui le suit, n'étoit pas si ancien que les autres. Aristoxene n'en fait aucune mention, & Ptolomée, qui n'en admettoit que sept, le retranchoit avec plusieurs autres. Ce mode portoit le nom d'hyper-éolien, parce que sa fondamentale étoit une quarte au-dessus de celle du mode éolien, dont il tiroit son origine. (S)


HYPERBATES. m. (Gramm.) ce mot est grec ; dérivé d', transgredi : R. R. , trans, & , eo. Quintilien a donc eu raison de traduire ce mot dans sa langue par verbi transgressio : & ce que l'on nomme hyperbate consiste en effet dans le déplacement des mots qui composent un discours, dans le transport de ces mots du lieu où ils devroient être en un autre lieu.

" La quatrieme sorte de figure [de construction], c'est l'hyperbate, dit M. du Marsais, c'est-à-dire, confusion, mêlange de mots : c'est lorsque l'on s'écarte de l'ordre successif de la construction simple [ou analytique] : Saxa vocant Itali, mediis, quae in fluctibus, aras (Aen. I. 113.) : la construction est Itali vocant aras (illa) Saxa quae (sunt) in fluctibus mediis. Cette figure étoit, pour ainsi dire, naturelle au latin ; comme il n'y avoit que les terminaisons des mots, qui, dans l'usage ordinaire, fussent les signes des relations que les mots avoient entr'eux, les Latins n'avoient égard qu'à ces terminaisons, & ils plaçoient les mots selon qu'ils étoient présentés à l'imagination, ou selon que cet arrangement leur paroissoit produire une cadence & une harmonie plus agréable ". Voyez CONSTRUCTION.

La Méthode latine de P. R. parle de l'hyperbate dans le même sens. " C'est, dit-elle, (des figures de construction, ch. vj.) le mélange & la confusion qui se trouve dans l'ordre des mots qui devroit être commun à toutes les langues, selon l'idée naturelle que nous avons de la construction. Mais les Romains ont tellement affecté le discours figuré, qu'ils ne parlent presque jamais autrement ".

C'est encore le même langage chez l'auteur du Manuel des Grammairiens. " L'hyperbate se fait, dit-il, lorsque l'ordre naturel n'est pas gardé dans l'arrangement des mots : ce qui est si ordinaire aux Latins, qu'ils ne parlent presque jamais autrement ; comme Catonis constantiam admirati sunt omnes. Voilà une hyperbate, parce que l'ordre naturel demanderoit qu'on dit, omnes sunt admirati constantiam Catonis. Cela est si ordinaire, qu'il ne passe pas pour figure, mais pour une propriété de la langue latine. Mais il y a plusieurs especes d'hyperbate qui sont de véritables figures de Grammaire ". Part. I. chap. xiv. n. 8.

Tous ces auteurs confondent deux choses que j'ai lieu de croire très-différentes & très-distinctes l'une de l'autre, l'inversion & l'hyperbate. Voyez INVERSION.

Il y a en effet, dans l'une comme dans l'autre, un véritable renversement d'ordre ; & à partir de ce point de vûe général, on a pu aisément s'y méprendre : mais il falloit prendre garde si les deux cas avoient rapport au même ordre, ou s'ils présentoient la même espece de renversement. Quintilien (Inst. Lib. VIII. Cap. vj. de tropis,) nous fournit un motif légitime d'en douter : il cite, comme un exemple d'hyperbate, cette phrase de Cicéron (pro Cluent. n. 1.) Animadverti, judices, omnem accusatoris orationem in duas divisam esse partes ; & il indique aussitôt le tour qui auroit été sans figure & conforme à l'ordre requis ; nam in duas partes divisam esse rectum erat, sed durum & incomptum.

Personne apparemment ne disputera à Quintilien d'avoir été plus à portée qu'aucun des modernes, de distinguer les locutions figurées d'avec les simples dans sa langue naturelle ; & quand le jugement qu'il en porte, n'auroit eu pour fondement que le sentiment exquis que donne l'habitude à un esprit éclairé & juste, sans aucune réflexion immédiate sur la nature même de la figure, son autorité seroit ici une raison, & peut-être la meilleure espece de raison sur l'usage d'une langue, que nous ne devons plus connoître que par le témoignage de ceux qui la parloient. Or, le tour que Quintilien appelle ici rectum, par opposition à celui qu'il avoit nommé auparavant , est encore un renversement de l'ordre naturel ou analytique ; en un mot, il y a encore inversion dans in duas partes divisam esse, & le rhéteur romain nous assure qu'il n'y a plus d'hyperbate. C'est donc une nécessité de conclure, que l'inversion est le renversement d'un autre ordre, ou un autre renversement d'un certain ordre, & l'hyperbate, le renversement du même ordre. L'auteur du Manuel des grammairiens n'étoit pas éloigné de cette conclusion, puisqu'il trouvoit des hyperbates qui ne passent pas pour figures, & d'autres, dit-il, qui sont de veritables figures de Grammaire.

Il s'agit donc de déterminer ici la vraie nature de l'hyperbate, & d'assigner les caracteres qui le différencient de l'inversion ; & pour y parvenir, je crois qu'il n'y a pas de moyen plus assuré que de parcourir les différentes especes d'hyperbate, qui sont reconnues pour de véritables figures de Grammaire.

1°. La premiere espece est appellée anastrophe, c'est-à-dire proprement inversion, du grec : racine , in & , versio. Mais l'inversion dont il s'agit ici n'est point celle de toute la phrase, elle ne regarde que l'ordre naturel qui doit être entre deux mots correlatifs, comme entre une préposition & son complément, entre un adverbe comparatif & la conjonction subséquente : ce sont les seuls cas indiqués par les exemples que les Grammairiens ont coutume de donner de l'anastrophe. Cette figure a donc lieu, lorsque le complément précede la préposition, mecum, tecum, vobiscum, quocum, au lieu de cum te, cum me, cum vobis, cum quo ; maria omnia circum, au lieu de circum omnia maria ; Italiam contrà, pour contrà Italiam ; quâ de re, pour de quâ re : c'est la même chose lorsque la conjonction comparative précede l'adverbe, comme quand Properce a dit, Quàm priùs abjunctos sedula lavit equos.

L'anastrophe est donc une véritable inversion ; mais qui avoit droit en latin d'être réputée figure, parce qu'elle étoit contraire à l'usage commun de cette langue, où l'on avoit coutume de mettre la préposition avant son complément, conformément à ce qui est indiqué par le nom même de cette partie d'oraison.

Ainsi la différence de l'inversion & de l'anastrophe est, en ce que l'inversion est un renversement de l'ordre naturel ou analytique, autorisée par l'usage commun de la langue latine, & que l'anastrophe est un renversement du même ordre, contraire à l'usage commun & autorisé seulement dans certains cas particuliers.

2°. La seconde espece d'hyperbate est nommée tmesis ou tmèse, du grec , sectio, coupure. Cette figure a lieu, lorsque par une licence que l'usage approuve dans quelques occasions, l'on coupe en deux parties un mot composé de deux racines élémentaires, réunies par l'usage commun, comme satis mihi fecit, pour mihi satisfecit ; reique publicae curam deposuit, pour & reipublicae curam deposuit ; septem subjecta trioni (Géorg. iij. 381) au lieu de subjecta septem trioni. On trouve assez d'exemples de la tmèse dans Horace, & dans les meilleurs écrivains du bon siecle.

Les droits de l'inversion n'alloient pas jusqu'à autoriser cette insertion d'un mot entre les racines élémentaires d'un mot composé. Ce n'est pas même ici proprement un renversement d'ordre ; & si c'est en cela que doit consister la nature générale de l'hyperbate, les Grammairiens n'ont pas dû regarder la tmèse comme en étant une espece. La tmèse n'est qu'une figure de diction, puisqu'elle ne tombe que sur le matériel d'un mot qui est coupé en deux ; & le nom même de tmèse ou coupure, avertissoit assez qu'il étoit question du matériel d'un seul mot, pour empêcher qu'on ne rapportât cette figure à la construction de la phrase.

3°. La troisieme espece d'hyperbate prend le nom de parenthèse, du mot grec , interpositio, racines, inter, , in, & , positio, dérivé de , pono. Les deux prépositions élémentaires servent à indiquer avec plus d'énergie la nature de la chose nommée. Il y a en effet parenthèse, lorsqu'un sens complet est isolé & inséré dans un autre dont il interrompt la suite ; ainsi il y a parenthèse dans ce vers de Virgile, Ecl. ix. 23.

Tityre, dum redeo (brevis est via), pasce capellas.

Les bons écrivains évitent autant qu'ils peuvent l'usage de cette figure, parce qu'elle peut répandre quelque obscurité sur le sens qu'elle interrompt ; & Quintilien n'approuvoit pas l'usage fréquent que les Orateurs & les Historiens en faisoient de son tems avant lui, à moins que le sens détaché mis en parenthèse ne fût très-court. Etiam interjectione, quâ & Oratores & Historici frequenter utuntur, ut medio sermone aliquem inserant sensum, impediri solet intellectus, nisi quod interponitur breve est. (liv. VIII. cap. ij.)

La quatrieme espece d'hyperbate s'appelle synchyse, mot purement grec , confusion ; , confundo ; racine , cum, avec, & , fundo, je répans. Il y a synchyse quand les mots d'une phrase sont mêlés ensemble sans aucun égard, ni à l'ordre de la construction analytique, ni à la corrélation mutuelle de ces mots : ainsi il y a synchyse dans ce vers de Virgile, Ecl. VII. 57.

Aret ager : vitio moriens sitit aëris herba ;

car les deux mots vitio, par exemple, & aëris qui sont corrélatifs, sont séparés par deux autres mots qui n'ont aucun trait à cette corrélation, moriens sitit ; le mot aëris à son tour n'en a pas davantage à la corrélation des mots sitit & herba entre lesquels il est placé : l'ordre étoit, herba moriens (prae) vitio aëris sitit.

5°. Enfin, il y a une cinquieme espece d'hyperbate que l'on nomme anacoluthe, & qui se fait, selon la Méthode latine de Port-royal, lorsque les choses n'ont presque nulle suite & nulle construction. Il faut avouer que cette définition n'est rien moins que lumineuse ; & d'ailleurs elle semble insinuer qu'il n'est pas possible de ramener l'anacoluthe à la construction analytique. M. du Marsais a plus approfondi & mieux défini la nature de ce prétendu hyperbate : " c'est, dit-il, une figure de mots qui est une espece d'ellipse.... par laquelle on sous-entend le corrélatif d'un mot exprimé, ce qui ne doit avoir lieu que lorsque l'ellipse peut-être aisément suppléée, & qu'elle ne blesse point l'usage ". Voyez ANACOLUTHE. " Il justifie ensuite cette définition par l'étymologie du mot , comes, compagnon ; ensuite on ajoûte l'a privatif, & un euphonique, pour éviter le baillement entre les deux a ; par conséquent l'adjectif anacoluthe signifie qui n'est pas compagnon, ou qui ne se trouve pas dans la compagnie de celui avec lequel l'analogie demanderoit qu'il se trouvât ". Il donne enfin pour exemple ces vers de Virgile, Aen. II. 330.

Portis alii bipatentibus adsunt,

Millia quot magis nunquam venêre Mycenis ;

où il faut suppléer tot avant quot.

Il y a pareille ellipse dans l'exemple de Térence cité par Port-royal. Nam omnes nos quibus est alicundè aliquis objectus labor, omne quod est intereà tempus, priusquam id rescitum est, lucro est. Si l'on a jugé qu'il n'y avoit nulle construction, c'est qu'on a cru que nos omnes étoient au nominatif, sans être le sujet d'aucun verbe, ce qui seroit en effet violer une loi fondamentale de la syntaxe latine ; mais ces mots sont à l'accusatif, comme complément de la préposition sous-entendue ergà : nam ergà omnes nos... omne... tempus.... lucro est...

L'anacoluthe peut donc être ramenée à la construction analytique, comme toute autre ellipse, & conséquemment ce n'est point une hyperbate, c'est une ellipse à laquelle il faut en conserver le nom, sans charger vainement la mémoire de grands mots, moins propres à éclairer l'esprit qu'à l'embarrasser ; ou même à le séduire par les fausses apparences d'un savoir pédantesque. Si l'on trouve quelques phrases que l'on ne puisse par aucun moyen ramener aux procédés simples de la construction analytique, disons nettement qu'elles sont vicieuses, & ne nous obstinons pas à retenir un terme spécieux, pour excuser dans les auteurs des choses qui semblent plûtôt s'y être glissées par inadvertence que par raison. Méth. lat. de Port royal, loc. cit.

Il résulte de tout ce qui précede, que des cinq prétendues especes d'hyperbate, il y en a d'abord deux qui ne doivent point y être comprises, la tmèse & l'anacoluthe ; la premiere est, comme je l'ai déjà dit, une véritable figure de diction ; la seconde n'est rien autre chose que l'ellipse même.

Il n'en reste donc que trois especes, l'anastrophe, la parenthèse & la synchyse. La premiere est l'inversion du rapport de deux mots autorisée dans quelques cas seulement ; la seconde est une interruption dans le sens total, qui ne doit y être introduite que par une urgente nécessité, & n'y être sensible que le moins que l'on peut ; la troisieme bien appréciée, me paroît plus près d'être un vice qu'une figure, puisqu'elle consiste dans une véritable confusion des parties, & qu'elle n'est propre qu'à jetter de l'obscurité sur le sens dont elle embrouille l'expression. Cependant si la synchyse est légere, comme celle dont Quintilien cite l'exemple, in duas divisam esse partes, pour in duas partes divisam esse ; on ne peut pas dire qu'elle soit vicieuse, & l'on peut l'admettre comme une figure. Mais il ne faut jamais oublier que l'on doit beaucoup ménager l'attention de celui à qui l'on parle, non-seulement de maniere qu'il entende, mais même qu'il ne puisse ne pas entendre ; non ut intelligere possit, sed ne omnino possit non intelligere. Quintil. lib. VIII. cap. ij.

Or ces trois especes d'hyperbate, telles que je les ai présentées d'après les notions ordinaires, combinées avec les principes immuables de l'art de parler, nous menent à conclure que l'hyperbate en général, est une interruption légere d'un sens total causée ou par une petite inversion qui déroge à l'usage commun, c'est l'anastrophe, ou par l'insertion de quelques mots entre deux corrélatifs, c'est la synchyse ; ou enfin par l'insertion d'un petit sens détaché, entre les parties d'un sens principal, & c'est la parenthèse. (E. R. M.)


HYPERBIBASMS. m. (Gram.) arrangement de mots qui renverse l'ordre de la construction : Cornelius Nepos nous en fournit un exemple dans sa vie de Chabrias, en ces termes : Athenienses diem certam Chabriae praestituerunt, quàm antè domum nisi redisset, &c. pour antequam. L'hyperbibasme où l'on s'écarte ingénieusement de l'ordre successif de la construction dans les pensées, s'appelle hyperbate dans Longin, & c'est le terme le plus reçu. Voyez HYPERBATE & CONSTRUCTION, qui est un des beaux articles de Grammaire de cet Ouvrage. (D.J.)


HYPERBOLES. f. en Géométrie, c'est une des lignes courbes formées par la section d'un cône. Voyez CONIQUE.

Si le cône A B C (Pl. con. fig. 27.) est coupé de telle sorte, que l'axe de la section D Q étant continué, rencontre le côté du cône A C, prolongé jusqu'en E, la courbe qui naîtra de cette section sera une hyperbole.

Quelques auteurs définissent l'hyperbole une section du cône par un plan parallele à son axe ; mais cette définition est défectueuse. Car bien qu'il soit vrai qu'une pareille section forme réellement une hyperbole, néanmoins il est vrai aussi qu'il peut s'en former une infinité d'autres, dont le plan ne sera point parallele à l'axe, & qui ne sont point comprises dans la définition.

Les auteurs appellent quelquefois le plan terminé par cette courbe, une hyperbole, & la courbe même ligne hyperbolique.

On peut définir l'hyperbole une ligne courbe, dans laquelle le quarré de la demi-ordonnée est au rectangle de l'abscisse, par une ligne droite composée de la même abscisse, & d'une ligne droite donnée, qu'on appelle l'axe transverse, comme une autre ligne droite donnée, appellée le parametre de l'axe, est à l'axe transverse ; (ou bien en nommant y l'ordonnée, x l'abscisse à l'axe transverse, & b le parametre) c'est une ligne courbe dans laquelle a y 2 = a b x + b x x, c'est-à-dire, b : a : : y 2 : a x + x 2.

Dans l'hyperbole, une moyenne proportionelle entre l'axe transverse ou le parametre, est appellée l'axe conjugué ; & si l'on coupe l'axe transverse A B (Pl. conic. fig. 27. n. 2.) en deux parties égales au point C, ce point est appellé le centre de l'hyperbole. Voyez AXE & CENTRE.

La ligne droite D E menée par le sommet A de l'hyperbole, parallelement à l'ordonnée, Mm (figure 20.) est tangente à la courbe au point A. Voyez TANGENTE.

Si l'on mene, par le sommet A d'une hyperbole, une ligne droite D E, parallele aux ordonnées M m, & égale à l'axe conjugué, c'est-à-dire dont les parties D A & D E soient égales au demi axe conjugué, & qu'on tire du centre C par D & E les lignes C F & C G, ces lignes seront les asymptotes de l'hyperbole. Voyez ASYMPTOTE.

Le quarré double du triangle rectangle C I A, c'est-à-dire, le quarré dont le côté seroit C I ou I A, est appellé la puissance de l'hyperbole. Voyez PUISSANCE.

Propriétés de l'hyperbole. Dans l'hyperbole, les quarrés des demi-ordonnées sont l'une à l'autre comme les rectangles de l'abscisse, par une ligne droite composée de l'abscisse & de l'axe transverse ; d'où il suit qu'à mesure que les abscisses x augmentent, les rectangles a x + x 2, & par conséquent les quarrés des demi-ordonnées y 2, & les demi-ordonnées elles-mêmes augmentent à proportion : l'hyperbole s'éloigne donc continuellement de son axe.

2°. Le quarré de l'axe conjugué, est au quarré de l'axe transverse, comme le parametre est au même axe transverse ; d'où il suit que, puisque b : a : : P M 2 : A P x P B, le quarré de l'axe conjugué est au quarré du transverse, comme le quarré de la demi-ordonnée est au rectangle de l'abscisse, par une ligne composée de l'abscisse & de l'axe transverse.

3°. Décrire une hyperbole par un mouvement continu : plantez aux deux points F & Z (fig. 28.) qu'on appelle foyers, deux clous ou deux épingles, & attachez au point F un fil F O C, & l'autre extrémité C de ce fil à la regle C Z, en observant que le fil C F soit moindre que la longueur de la regle C Z ; ensuite fixant un stile O au fil, faites mouvoir la regle autour de Z, ce stile tracera une hyperbole. Sans avoir recours à cette description, on peut trouver autant de points que l'on voudra de l'hyperbole, & il ne s'agira plus que de les joindre. Par exemple, du foyer Z, avec un intervalle Z m plus grand que la ligne A B, laquelle on suppose être l'axe transverse de l'hyperbole, décrivez un arc, & faites Z b = A B : avec l'intervalle restant b m, décrivez du point F un autre arc qui coupe le premier au point m, & comme Z m - F m = A B, il s'ensuit que m est un des points de l'hyperbole, & ainsi du reste.

4°. Si l'on prolonge la demi-ordonnée P M (fig. 20.) d'une hyperbole, jusqu'à ce qu'elle rencontre l'asymptote en R, la différence des quarrés de P M & P R, sera égale au quarré du demi-axe conjugué C d, d'où il suit qu'à mesure que la demi-ordonnée P M augmente, la ligne droite M R diminue, & l'hyperbole s'approche toujours de plus en plus de l'asymptote, sans pouvoir jamais la rencontrer ; car, comme P R 2 - P M 2 = D A 2, il est impossible que P R 2 - P M 2 deviennent jamais = 0.

5°. Dans une hyperbole le rectangle de M R & de M r est égal à la différence des quarrés P R 2 & P M 2, d'où il suit que le même rectangle est égal au quarré du demi-axe conjugué C d, & que tous les rectangles, formés de la même maniere, sont égaux.

6°. Lorsque Q M est parallele à l'asymptote C G, le rectangle de Q M par C Q, est égal à la puissance de l'hyperbole ; d'où il suit 1°. qu'en faisant C I = A I = a, C Q = x, & Q M = y, on aura a2 = x y, qui est l'équation de l'hyperbole rapportée à ses asymptotes. 2°. Que les asymptotes étant données de position, aussi bien que le côté de la puissance C I ou A I, si l'on prend sur l'une des asymptotes tel nombre d'abscisses qu'on voudra, on aura autant de demi-ordonnées, & par leur moyen autant de points de l'hyperbole qu'on voudra, en trouvant des troisiemes proportionnelles aux abscisses, & au côté de la puissance C I. 3°. Si l'on ne prend point les abscisses du centre C, mais de quelqu'autre point L, & que l'on suppose C L = b, on aura C q = b + x, & par conséquent a 2 = b y + x y.

7°. Dans l'hyperbole, l'axe transverse est au parametre comme la somme de la moitié de l'axe transverse & de l'abscisse est à la sousnormale ; & la somme du demi-axe transverse & de l'abscisse, est à l'abscisse, comme la somme de l'axe transverse entier & de l'abscisse à la sous-tangente. Voyez SOUSNORMALE, US-TANGENTEENTE.

8°. Si l'on tire au dedans des asymptotes d'une hyperbole, & d'un de ses points m (figure 29.) deux lignes droites H m & m K, deux autres L N & N O paralleles aux précédens ; on aura H m x m K = L N x O N.

9°. Si l'on tire une ligne droite H K, de telle maniere qu'on voudra, entre les asymptotes d'une hyperbole, les segmens H E & m K compris de chaque côté entre l'hyperbole & ses asymptotes, seront égaux. Il suit de-là, si E m = 0, que la ligne droite H K sera tangente à l'hyperbole ; par conséquent la tangente F D, comprise entre les asymptotes, est coupée en deux au point d'attouchement V. Enfin, le rectangle des segmens H m & m K paralleles à la tangente D F, est égal au quarré de la moitié de la tangente D V.

10°. Si par le centre C (fig. 30.) on tire une ligne droite quelconque C A, & par le point A une tangente E A D terminée aux asymptotes (on appelle la ligne C A demi-diametre transverse), & une ligne égale & parallele à EAD, menée par le centre C, est nommée diametre conjugué. Or le quarré de la demi-ordonnée P M, parallele au diamêtre conjugué, est au rectangle de l'abscisse par la somme du diametre transverse quelconque A B, & de l'abscisse A P, comme le quarré de la moitié du diametre conjugué A D est au quarré de la moitié du diametre transverse C A. D'où il suit qu'en supposant A P = x, P M = y, A B = a, D E = c, on aura y 2 = (c 2 a x + c 2 x 2) : 1/4 a a = + ; & faisant 4 c 2 : a = b ; on aura y 2 = b x + b x 2 : a. Ainsi la propriété des ordonnées de l'hyperbole par rapport à son axe, a lieu de la même maniere par rapport à ses diametres.

11°. Si l'on tire d'un point quelconque A & d'un autre point quelconque de l'hyperbole M (fig. 20.) les lignes A I, M Q paralleles à l'asymptote C G : le rectangle de M Q par C Q sera égal au rectangle de C I par I A. Donc si Q C = x, Q M = y, C I = a, I A = b : l'équation qui exprime la nature de l'hyperbole rapportée à ses asymptotes, sera x y = ab.

12°. Si l'on prend une des asymptotes, qu'on la divise en parties égales, & que par chaque point de toutes ces divisions qui forment autant d'abscisses qui augmentent sans-cesse également, on mene des ordonnées à la courbe parallelement à l'autre asymptote : les abscisses représenteront une suite infinie de nombres naturels, & les espaces hyperboliques ou asymptotiques correspondans, la suite des logarithmes des mêmes nombres. Voyez LOGARITHME & LOGARITHMIQUE.

Il suit delà que différentes hyperboles donneront différentes suites de logarithmes aux mêmes nombres naturels, & que pour déterminer une suite particuliere de logarithmes, il faut faire choix de quelque hyperbole particuliere. La plus simple de toutes les hyperboles est l'équilatere, c'est-à-dire celle dont les asymptotes forment un angle droit. On appelle cette hyperbole équilatere, parce que les axes sont égaux ; car l'angle droit des asymptotes donne C A = A D (fig. 20.). Dans cette même hyperbole le parametre est égal à l'axe, & son équation est en général y y = a x + x x.

Nous avons rapporté sans démonstration ces différentes propriétés de l'hyperbole, par les raisons qui ont été déjà dites au mot ELLIPSE. Sur la quadrature de l'hyperbole, voyez QUADRATURE.

Les hyperboles à l'infini, ou du plus haut genre, sont celles qui sont exprimées par l'équation ay(m + n) = b xm (a + x) n. Voyez HYPERBOLOÏDE.

L'hyperbole du premier genre a deux asymptotes ; celles du second peuvent en avoir trois ; celles du troisieme, quatre, &c. Voyez ASYMPTOTE & COURBE. On trouvera dans ce dernier article les dénominations des différentes hyperboles du second genre, &c. L'hyperbole du premier genre est appellée hyperbole conique, ou d'Apollonius. Voyez APOLLONIEN. Elle a été appellée hyperbole d'un mot grec qui signifie surpasser ; parce que dans cette courbe le quarré de l'ordonnée y 2 étant égal à b x + , surpasse le produit du parametre b par l'abscisse x. Voyez CONIQUE & ELLIPSE.

Nous avons vû ci-dessus que l'équation x y = a b, ou x y = a a, marquoit l'hyperbole rapportée à ses asymptotes. De même on peut en général prendre l'équation xm yn = a(m + n) pour celle d'une infinité de courbes à asymptotes, que l'on nomme aussi hyperboles, quoiqu'elles soient différentes de celles dont la nature est exprimée par l'équation a y(m + n) = b xm (a + x) n ; & ces courbes peuvent avoir leurs branches disposées par rapport à leurs asymptotes, de trois manieres : 1°. telles qu'on les voit dans la fig. 34. sect. coniq. ce qui arrivera si m & n sont deux nombres impairs, comme dans l'hyperbole ordinaire ou apollonienne : 2°. telles qu'on les voit dans la fig. 35. ce qui arrivera si n est un nombre pair & m un impair : 3°. enfin telles qu'on les voit dans la fig. 36. ce qui arrivera si m est pair & n impair. On trouvera une propriété des paraboles à-peu-près semblables dans l'article PARABOLE. (O)

HYPERBOLE, (Rhétor. Logiq. Poésie) exagération soit en augmentant, soit en diminuant. Ce mot est grec, , superlatio, du verbe , exsuperare, excéder, surpasser de beaucoup.

L'hyperbole est une figure de Rhétorique, qui selon Seneque, mene à la vérité par quelque chose de faux, d'outré, & affirme des choses incroyables, pour en persuader de croyables. L'hyperbole exprime au-delà de la vérité pour mener l'esprit à la mieux connoître.

Il y a des hyperboles qui consistent dans la seule diction, comme quand on nomme géant un homme de haute taille ; pigmée, un petit homme ; mais elles sont souvent dans une pensée qui contient une ou plusieurs périodes ; & l'hyperbole de la pensée se trouve également dans la diminution, comme dans l'augmentation des choses qu'elle décrit, quoique cette figure se plaise plus ordinairement dans l'excès que dans le défaut. Le trait d'Agésilas à un homme qui relevoit hyperboliquement de fort petites choses, est remarquable ; il lui dit " qu'il ne priseroit jamais un cordonnier qui feroit les souliers plus grands que le pié ".

L'hyperbole n'a rien de vicieux pour être ultrà fidem, pourvû qu'elle ne soit pas ultrà modum, comme s'exprime Quintilien. Elle est même une beauté, ajoute-t-il, lorsque la chose dont il faut parler est extraordinaire, & qu'elle a passé les bornes de la nature ; car il est permis de dire plus, parce qu'il est difficile de dire autant ; & le discours doit plutôt aller au-delà, que de rester en-deçà. Ainsi Hérodote en parlant des Lacédémoniens qui combattirent au pas des Thermopyles, dit, " qu'ils se défendirent en ce lieu jusqu'à ce que les Barbares les eussent ensevelis sous leurs traits. "

L'on voit par cet exemple, que les belles hyperboles cachent ce qu'elles sont ; & c'est ce qui leur arrive, quand je ne sais quoi de grand dans les circonstances, les arrache à celui qui les emploie ; il faut donc qu'il paroisse, non que l'on ait amené les choses pour l'hyperbole, mais que l'hyperbole est née de la chose même. Les esprits vifs, pleins de feu, & que l'imagination emporte hors des regles & de la justesse, se laissent volontiers entraîner à l'hyperbole.

Cette figure appartient de droit aux passions véhémentes, parce que les actions & les mouvemens qui en résultent, servent d'excuse, & pour ainsi dire, de remede à toutes les hardiesses de l'élocution. Cependant les hyperboles sont aussi permises dans le comique, pour émouvoir le public à rire ; c'est une passion qu'on veut alors produire. On ne trouva point mauvais à Athènes, ce trait de l'acteur, qui dit, en parlant d'un fanfaron pauvre & plein de vanité : " il possede une terre en province, qui n'est pas plus grande qu'une épitre de Lacédémonien ".

Mais dans les choses sérieuses, il faut très-rarement employer l'hyperbole, & l'on doit d'ordinaire la modifier quand on s'en sert ; car je croirois assez que c'est une figure défectueuse en elle-même, puisque par sa nature elle va toujours au-delà de la vérité : cependant je pourrois citer quelques exemples rares, où l'hyperbole sans aucune modification, frappe noblement l'esprit. Un particulier ayant annoncé dans Athènes la mort d'Alexandre, l'orateur Démades s'écria, " que si cette nouvelle étoit vraie, la terre entiere auroit déja senti l'odeur du mort. " Cette saillie hardie présente à la fois l'étendue de l'empire d'Alexandre, comme si l'univers lui étoit soumis ; & étonne l'imagination par la grandeur de la figure qu'elle met en usage : dans ce mot si fier, si fort & si court, se trouve l'emphase, l'allégorie & l'hyperbole.

Mais cette figure a encore plus de grace en poésie qu'en prose, quand elle est accompagnée d'un brillant coloris & d'images représentées dans un beau jour. C'est ainsi que Virgile nous peint hyperboliquement la légereté de Camille à la course.

Illa vel intactae segetis per summa volaret

Gramina, nec teneras cursu laesisset aristas,

Vel mare per medium fluctu suspensa tumente

Ferret iter, celeres nec tingeret aequore plantas.

C'est encore ainsi que Malherbe, pour peindre le tems heureux qu'il promet à Louis XIII. dans l'ode qu'il lui adresse, dit :

La terre en tous endroits produira toutes choses,

Tous métaux seront or, toutes fleurs seront roses ;

Tous arbres oliviers.

L'an n'aura plus d'hiver ; le jour n'aura plus d'ombre ;

Et les perles sans nombre

Germeront dans la Seine au milieu des graviers.

Il n'est pas besoin que j'entasse un plus grand nombre d'exemples, il vaut mieux que j'ajoute une réflexion générale sur les hyperboles.

Il y en a que l'usage a rendu si communes, qu'on en saisit la signification du premier coup, sans avoir besoin de penser qu'il faut les prendre au rabais. Quand on dit ; par exemple, qu'un homme meurt de faim, tout le monde entend que cela signifie qu'il fait mauvaise chere, ou qu'il a beaucoup de peine à gagner sa vie. On dit encore qu'un homme ne sait rien, quand il ne sait pas ce qu'il lui convient de savoir pour sa profession, ou pour son métier. Mais il n'est pas rare qu'on se trompe en fait d'expressions hyperboliques, quand elles tombent sur quelque sujet peu connu, ou qu'on les trouve dans une langue dont on ne connoît pas assez le génie, & qu'on ne s'est pas rendu assez familiere.

On dit, on écrit qu'il faut ignorer son propre mérite ; cette phrase bien prise, signifie qu'il faut être aussi éloigné de se vanter de son propre mérite, que si on l'ignoroit. On dit qu'il faut oublier les biens qu'on a faits & les maux qu'on a reçus ; cela veut dire seulement, qu'il ne faut point oublier ceux-là, ni reprocher ceux-ci sans nécessité. Cependant, pour avoir pris ces sortes d'expressions trop à la lettre, on a fait de la morale un tas de paradoxes absurdes & de maximes outrées. (D.J.)


HYPERBOLEONen Musique, est le nom que donnoient les Grecs au cinquieme ou au plus aigu de leurs tétracordes. Voyez TETRACORDE.

Ce mot est le génitif pluriel de l'adjectif grec , excellent, éminent ; comme si les sons les plus aigus étoient les plus parfaits. (S)


HYPERBOLIFORMEadj. (Mathém.) on appelle ainsi les courbes dont les équations ont une forme analogue à celle de l'hyperbole ordinaire. Voyez HYPERBOLE & HYPERBOLOÏDE. (O)


HYPERBOLIQUEadj. se dit de tout ce qui a rapport à l'hyperbole, dans quelque sens que l'on prenne ce mot. (O)


HYPERBOLOÏDEsubst. f. (Géom.) est le nom qu'on donne en général à toutes les courbes dont la nature est exprimée par l'équation a y(m + n) = b xm (a + x) n. Cette équation générale renferme comme un cas particulier l'équation a y 2 = b a x + b x x, de l'hyperbole ordinaire. (O)


HYPERBORÉENSS. m. pl. (Géog. anc.) peuples qui avoient coutume d'envoyer à Délos chaque année les prémices de leurs fruits pour être consacrés à Apollon fils de Latone, qu'ils honoroient particuliérement.

Pausanias rapporte qu'ils faisoient passer leurs offrandes de main en main jusqu'à Délos ; qu'ils les donnoient d'abord aux Arimaspes, les Arimaspes aux Assédons, & les Assédons aux Scythes, qui les portoient à Sinope ; là des Grecs se chargeoient de les remettre à Prasies, bourgade de l'Attique, d'où les Athéniens les envoyoient à Délos.

Tous les auteurs de l'antiquité qui nous restent, Hérodote, Strabon, Pausanias, Pline, Pindare, Callimaque, Apollonius de Rhodes, mettent les peuples Hyperboréens sous le pole, sous le nord, sous le vent du nord, au-delà du nord, au-delà de borée, ultra aquilonem, & c'est de-là que vient leur nom ; par ces expressions au-delà de Borée, le commun des hommes entendoit un temple, un pays, qui étoit tellement sous le nord, que le vent du nord n'y pouvoit souffler. Le poëte Olen de Lycie débita le premier cette fable, qui fit fortune, & donna lieu à plusieurs autres fictions.

Les Grecs qui aimoient le merveilleux (& leurs philosophes le leur ont reproché), imaginerent qu'un pays où le vent du nord ne se faisoit jamais sentir, devoit être admirable ; ils en firent comme nous dirions nous, un paradis terrestre. Si l'on veut les croire, les habitans de cette heureuse terre ne mouroient que quand ils étoient las de vivre ; ils couloient leurs jours dans la paix & dans l'abondance, sans que jamais ils fussent troublés ni par la discorde, ni par les maladies, ni par les chagrins ; les danses continuelles, les concerts de musique composés de divers instrumens, y faisoient les délices de tous les âges, & toute la vie se passoit dans l'allégresse & dans les festins ; à peine la mort appellée au secours des vieillards, venoit-elle délivrer d'un corps qui n'étoit plus propre au plaisir, des gens ennuyés d'une prison qui cessoit de leur être agréable, & pour le dire dans les termes élégans de Pline, mors non nisi satietate vitae, epulatis, &c.

Cette idée étoit si généralement adoptée des Grecs, qu'ils disoient en proverbe, la fortune des Hyperboréens ; cependant les bons auteurs, bien loin de regarder ces peuples d'un oeil si favorable, nous les peignent sous un climat très-âpre, où l'éloignement du soleil, les frimats, la glace & la neige, n'inspiroient ni la gaieté, ni les plaisirs. Virgile nous représente ces peuples comme des gens farouches, & dont les moeurs se ressentoient de la froideur des vents qui les accabloient, & pecudum fulvis velantur corpora setis.

Mais la question importante est de désigner quel étoit en Géographie, le lieu de l'habitation des Hyperboréens ; plus on lit les écrits des anciens, plus on trouve qu'ils different de sentimens & d'idées pour fixer ce lieu.

Strabon donne pour contrée aux Hyperboréens les environs du Pont-Euxin. Pline & Pomponius Mela les placent derriere les Monts-Riphées, & par-delà la mer glaciale. Hécatée de Milet mettoit leur pays à l'opposite de la Celtique, nom qui dans son opinion, comprenoit une infinité de peuples & de pays de l'Europe, tant au septentrion qu'à l'occident ; en un mot, suivant les uns, ce peuple dont ils ne désignent point la résidence particuliere, étoit en Europe, & suivant les autres, il étoit en Asie. Que tant d'écrivains s'accordent si mal sur la position des peuples Hyperboréens ; on n'en sera pas surpris si l'on considere que Strabon avoue que de son tems, on ne connoissoit pas même les pays situés au-delà de l'Elbe, bien moins ceux qui sont plus au nord vers l'océan septentrional ; & cette ignorance, ajoute-t-il, est cause que l'on a écouté tous les conteurs de merveilles au sujet des monts Riphées & des Hyperboréens.

De savans Géographes modernes, qui ont bien vû que les anciens ne pouvoient connoître les habitans du pole, puisqu'on ne les connoît guere encore, ont établi les Hyperboréens dans les extrêmités de notre continent, dans les sombres demeures des Sibériens & des Samoyedes ; c'est ainsi qu'en parlent Hoffman & Cellarius ; selon eux, les nations hyperboréennes dans les écrits des anciens, ne sont autre chose que les nations septentrionales du nord, sans qu'ils aient fixé ce nom à aucun peuple particulier ; les montagnes hyperborées sont les montagnes septentrionales où Ptolomée met la source du Volga, ne connoissant rien au-delà de cette source. Les peuples Hyperboréens de nos jours, sont les Russes septentrionaux, entre le Volga & la mer blanche.

Cluvier a pris une autre route, il prétend que les Hyperboréens comprenoient les peuples qui s'étendoient du Pont-Euxin, jusqu'aux bords de l'océan, & selon lui, le nom de Celtes étoit synonyme avec celui d'Hyperboréens.

M. l'abbé Banier, qui a fait sur ce sujet un mémoire exprès dans le recueil de l'académie des Inscriptions, ayant grand égard au système des poëtes grecs, qui font venir le vent borée de la Thrace, pense que les peuples du nord qui habitoient au-delà de cette province, sont les Hyperboréens de l'antiquité. Voyez sa dissertation, voyez aussi le discours de l'Abbé Gédoyn sur le même sujet & dans le même recueil.

On n'est pas sans-doute en peine de savoir quel a été le sentiment de Rudbeck sur les peuples que nous cherchons, & l'on se doute bien que cet auteur qui a regardé la Suede sa patrie, comme le grand théatre de l'Histoire ancienne, qui en fait le séjour des descendans de Japhet, de Saturne, d'Atlas, qui y établit le délicieux jardin des Hespérides, & tous les héros de la Fable, Persée, les Gorgones & le reste, n'a pas manqué d'y placer aussi les Hyperboréens.

Caligine tectus

Orithyam amans, caris amplectitur alis. (D.J.)


HYPERCATALECTIQUEadj. (Littér.) terme de Poésie greque & latine, qui se dit des vers où il y a une ou deux syllabes de trop, au-delà de la mesure d'un vers régulier. Voyez VERS. Ce mot est grec , composé d', sur ; & , mettre au nombre, ajoûter ; desorte qu'hypercatalectique est la même chose que surajoûté.

On distingue les vers grecs & latins par rapport à la mesure en quatre sortes ; en vers acatalectiques, qui sont ceux à la fin desquels il ne manque rien ; en catalectiques, qui sont ceux à la fin desquels il manque une syllabe ; en brachicatalectiques, auxquels il manque un pié à la fin ; & en hypercatalectiques, qui ont une ou deux syllabes de plus, on les nomme aussi hypermetres. Voyez ACATALECTIQUE, CATALECTIQUE. Dict. de Trévoux, &c. (G)


HYPERCATHARSES. f. (Med.) , super-purgatio ; ce terme est employé pour désigner l'effet immodéré, excessif, par conséquent toûjours nuisible d'un remede purgatif, trop violent. Voyez PURGATION.


HYPERCHIRIA(Mythol.) surnom donné à Junon, sous lequel elle étoit adorée dans la Laconie. On lui avoit élevé un temple après un débordement de l'Eurotas.


HYPERCRISES. f. (Med.) , super indicatio, ce terme signifie une crise violente, excessive, qui se fait dans une maladie, lorsque l'état des forces ne comporte pas les efforts extraordinaires que fait la nature pour opérer la coction de la matiere morbifique, & pour s'en décharger en conséquence, ensorte que les effets qui en résultent sont suivis d'un abattement si considérable, que la vie des malades est en grand danger. Voyez CRISE, EFFORT, COCTION, NATURE.


HYPERCRITIQUES. m. (Litter.) censeur outré, critique qui ne laisse passer aucune faute, qui ne pardonne rien. Voyez CRITIQUE. Ce mot est formé d', sur ; & de , de , juge ; de , judico, je juge.

La requête des Dictionnaires de Menage à l'Académie françoise commence ainsi,

A nosseigneurs académiques,

Nosseigneurs les hypercritiques.

où le terme hypercritiques est pris dans le sens de critiques, souverains juges en dernier ressort des ouvrages d'esprit, & c'est ce qu'il signifie à la lettre. (G)


HYPERDIAZEUXISHYPERDIAZEUXIS


HYPERDORIENadj. (Musiq.) est un des modes de l'ancienne musique appellé autrement mixolydien. Le nom d'hyperdorien lui fut donné, parce que sa fondamentale étoit une quarte au-dessus de celle du mode dorien. Voyez MODE.

On attribue à Pythoclide l'invention de ce mode. (S)


HYPERDULIES. f. terme de Théologie, culte qu'on rend à la sainte Vierge. Voyez VIERGE. Le mot est grec, , composé de , au-dessus ; & , culte, service.

On appelle dulie le culte qu'on rend aux saints, & hyperdulie celui qu'on rend à la mere de Dieu, parce qu'il est d'un ordre supérieur à l'autre. Voyez CULTE. Dict. de Trévoux. (G)


HYPERÉPHIDROSES. f. (Med.) , supersudatio ; ce terme signifie une évacuation excessive par la voie des sueurs. Voyez SUEUR.


HYPERIASTIENou MIXOLYDIEN AIGU, (Musique) c'est le nom qu'Euclide & plusieurs anciens donnent au mode de la musique greque, appellé hyperïonien par d'autres auteurs. Voyez HYPERÏONIEN. (S)


HYPERICOIDES. f. (Hist. nat. Bot.) genre de plante, dont la fleur est composée de quatre pétales disposés en rond & inégaux : les deux plus grands sont opposés l'un à l'autre comme les deux plus petits : le calice est composé de deux feuilles ; il en sort un pistil, qui devient dans la suite un fruit oblong : ce fruit s'ouvre d'un bout à l'autre en deux parties, & renferme de petites semences. Plumier, nova plant. Amer. gener. Voyez PLANTE.


HYPERIONIEN(Musique) est le nom d'un des modes de la musique des Grecs, appellé aussi par quelques-uns hyperiastien & mixolydien aigu.

Ce mode avoit sa fondamentale, une quarte audessus de l'ionien dont il tiroit son origine ; & c'est le douzieme mode du grave à l'aigu, selon le dénombrement d'Alypius. Voyez MODE, (S)


HYPERLYDIENen Musique, le plus aigu des quinze modes des Grecs, dont on trouve le dénombrement dans Alypius. Ce mode, non plus que son voisin l'hyper-éolien, n'étoit pas si ancien que les treize autres ; & Aristoxene, qui les nomme tous, ne fait aucune mention de ces deux-là. Celui dont il est ici question, s'appelloit hyperlydien, parce que sa fondamentale étoit une quarte au-dessus de celle du mode lydien, dont il tiroit son origine. Voy. MODE. (S)


HYPERMETREadj. (Littér.) terme de poésie ancienne. Voyez HYPERCATALECTIQUE ; c'est la même chose. Ce mot vient d', sur ; & , mesure.


HYPERMIXOLYDIEN(Musique) un des modes de la musique des anciens. Voyez HYPERPHRYGIEN.


HYPERO-PHARINGIENen Anatomie, nom de deux muscles du pharinx. Voyez PERISTAPHILI-PHARYNGIEN.


HYPEROCHE(Musiq.) différence qui se trouve entre les dièses enharmonique & chromatique ; & cette différence est exprimée par la proportion de 3125 à 3072, car 3125/3072 = 25/24 : 128/125. (D.J.)


HYPERPHRYGIEN(Musique) appellé aussi par Euclide hypermixolydien, est, en Musique, le plus aigu des treize modes d'Aristoxene, faisant le diapason avec l'hypodorien le plus grave de tous. (S)


HYPERSARCOSES. f. terme de Chirurgie, excroissance charnue, qui se forme dans les plaies & les ulceres.

C'est précisément une végétation qui differe d'une excroissance, proprement dite, en ce que celle-ci forme une tumeur revêtue des tégumens naturels de la partie ; tels sont les polypes, les condylomes, les fics, &c. Voyez EXCROISSANCE, & que l'hypersarcose est une chair ulcérée.

Il n'est pas possible de parvenir à la guérison des plaies ou des ulceres avec hypersarcose, sans avoir détruit cette excroissance charnue : on la consomme communément avec des escharotiques, comme les trochisques de sublimé corrosif, l'alun calciné, le précipité rouge, la pierre infernale, &c. les carnosités de l'ulcere sont des hypersarcoses. Voyez CARNOSITES.

Il y a beaucoup d'observations qui ont fait voir que des excroissances fongueuses que l'amputation réïterée & l'usage des cathérétiques n'empêchoient pas de répulluler, ont cedé à l'usage des remedes fondans & des purgatifs. On a principalement cette expérience à l'occasion des hypersarcoses de la dure-mere après des plaies de tête qui avoient exigé l'opération du trépan. Les excroissances fongueuses qui se forment sur l'oeil, sont à-peu-près dans le même cas. On sait en général qu'elles peuvent être emportées par la ligature, ou par l'instrument tranchant, suivant que leur base est large ou étroite. On peut même, à moins qu'elles ne soient bien décidement carcinomateuses, employer des remedes cathérétiques pour consumer la racine, avec la circonspection que prescrivent la délicatesse & la sensibilité de l'organe à la circonférence de la tumeur. Bidloo se plaint du peu d'efficacité qu'il a reconnue dans les caustiques : il a vu que l'escare étant tombée, l'hypersarcose se reproduisoit, & qu'il a été obligé de se réduire à la cure palliative. Cependant il a éprouvé depuis, que le meilleur corrosif dans le cas dont il s'agit ici, étoit le beurre d'antimoine affoibli par la teinture de safran ou d'opium, & dont on touche l'excroissance selon l'art avec un pinceau. L'histoire de l'académie royale des Sciences, année 1703, fournit un fait communiqué par M. Duverney le jeune, chirurgien de Paris, qui guérit un ecclésiastique de Lyon d'une excroissance à l'oeil qui se renouvelloit toûjours, malgré des extirpations réïterées. Cette observation est intéressante.

L'excroissance étoit fongueuse sur la conjonctive ; elle commença par un point rouge au petit angle ; elle s'accrut au point de couvrir absolument la cornée sans y être adhérente. On l'emporta avec la pointe d'une lancette, mais il en revint une seconde que l'on emporta encore, & à laquelle succéda une troisieme. On proposa au malade d'y appliquer le feu ; il ne put s'y résoudre. Ce fut alors que M. Duverney le vit : après avoir médité sur sa maladie, il lui fit user pendant quinze jours d'une tisane diaphorétique & purgative, & pendant tout ce tems, on bassinoit simplement l'excroissance avec de l'eau céleste ; ensuite on lui appliqua un séton entre les deux épaules, pour faire diversion des humeurs & faciliter l'action des remedes. On mêla en même tems à l'eau céleste de l'alun calciné : le malade fut purgé une fois la semaine avec la grande hiere de Galien. Tous ces remedes joints ensemble tarirent en deux mois la source de l'humeur qui causoit l'excroissance, & elle disparut.

Le succès de cette cure fait voir qu'un chirurgien ne peut compter sur le fruit de ses opérations, qu'en sachant aider la nature par tous les secours qui peuvent favoriser son action. (Y)


HYPERTHYRONS. m. terme d'Architecture antique, espece de table que l'on met en forme de frise sur les jambages des portes & au-dessus des linteaux des fenêtres dans l'ordre dorique. Voyez PORTE, FENETRE, &c. Ce mot vient de , super ; & , janua, porte. Vitruve. (G)


HYPETHRES. m. (Archit. antiq.) en grec , en latin hypethron, espece de temple des anciens, découvert & exposé à l'air ; ce mot dérive de , sous ; & , air ; c'est, selon Vitruve, tout édifice ou portique à découvert ; mais l'on appelloit ainsi spécialement les temples des anciens, qui avoient en-dehors deux rangs de colonnes tout-autour, & autant en-dedans, tandis que le milieu étoit découvert comme nos cloîtres. Il y avoit des hypethres décastiles ; il y en avoit de pignostiles, & tous avoient intérieurement des colonnes qui formoient un péristile, ce qui étoit une chose essentielle à ces sortes de temples.

Le temple de Jupiter olympien, que Cossutius, architecte de Rome, bâtit à Athènes, étoit dans ce goût-là. Pausanias parle aussi d'un temple de Junon sur le chemin de Phalere, semblable à celui de Jupiter, sans toît, ni portes : il ne faut pas s'en étonner ; comme Jupiter & Junon sont pris souvent pour l'air ou le ciel, l'on pensa qu'il convenoit que leurs temples élevés à découvert, ne fussent point renfermés dans l'étroite étendue des murailles, puisque leur puissance embrassoit l'univers, & s'étendoit depuis les cieux jusqu'à la terre.

Strabon nous apprend que ces sortes de temples étoient remplis de statues de divinités de la main des plus excellens artistes. L'hypethre de Samos avoit entr'autres trois statues colossales du ciseau de Myron ; Marc-Antoine les enleva toutes trois ; mais Auguste en restitua deux, celle de Minerve & celle d'Hercule ; il ne garda que celle de Jupiter, dont il embellit un temple qu'il fit bâtir au capitole. (D.J.)


HYPHIALTESadj. m. pl. (Mythol.) nom que les Grecs donnoient à certaines divinités champêtres. Elles apparoissoient en songe, & les hyphialtes des Grecs étoient les incubes des Latins & les nôtres.


HYPIUS(Géog. anc.) riviere d'Asie dans la Bythinie ; c'est celle qui suit le Sangar, & qui baigne la ville de Pruse. (D.J.)


HYPNOLOGIQUES. f. (Med.) , hypnologica ; Linden donne ce nom à la partie de la diététique, dans laquelle il est traité de la maniere dont doit être reglé le sommeil, pour être conforme aux intérêts de la santé.

L'ouvrage de cet auteur est intitulé, Manuductio ad medicinam, mis au jour par Schelhammer.

Le terme d'hypnologique vient d', somnus. Castell. lexic. medic. Voyez SOMMEIL.


HYPNOTIQUEadj. (Med.) tout medicament dont la vertu est de procurer le sommeil.


HYPNUMS. m. (Hist. nat. Botaniq.) c'est le nom que Ray donne à un genre de mousses fertiles, qui produisent une infinité de petites têtes uniformes, couvertes de coëffes la plûpart obliques qui tombent de travers, & dont les bords sont quelquefois dentelés, & quelquefois entiers. Elles sont portées sur de longs pédicules, qui naissent des aisselles des feuilles le long des tiges & des rameaux. Leur extrémité inférieure est entourée d'une peau écailleuse, différente des feuilles. Ajoûtez que les branches des hypnums se répandent sur terre, & sont vivaces. La famille de ce genre de mousses est fort nombreuse ; on les divise & subdivise en plusieurs ordres & en plusieurs especes ; le détail de tout cela nous meneroit trop loin pour l'entreprendre ici, on le trouvera très-exactement dans le bel ouvrage de Dillenius sur les mousses, & en partie dans le supplément de l'Encyclopédie de Chambers. (D.J.)


HYPOCATHARSES. f. (Med.) , hypocatharsis, ce terme signifie une purgation foible, dont l'effet a resté au-dessous de ce qu'on attendoit de la nature du remede employé, pour procurer une évacuation de cette espece, ou qui n'a pas été proportionné au besoin actuel. Voyez PURGATION, PURGATIF.


HYPOCAUSTES. m. (Antiq.) hypocaustum, en grec, de , sous, & , je brûle ; espece de fourneau employé dans les anciens thermes.

L'hypocauste étoit un très-grand fourneau maçonné au-dessous de deux grandes étuves jointes ensemble, que l'on nommoit laconium & tepidarium ; on remplissoit ce fourneau de bois & d'autres matieres combustibles, dont l'ardeur se communiquoit aux étuves à la faveur du vuide qu'on laissoit sous leurs planchers ; mais le principal usage de l'hypocauste étoit d'échauffer la chambre, appellée vasarium, située proche de ces mêmes étuves & des bains chauds. Voyez VASARIUM. (D.J.)


HYPOCHONDRES. m. & f. (Med.) se dit vulgairement d'une personne affectée de la mélancholie hypochondriaque : les Medecins se servent du terme d'hypochondriaque, comme synonyme d'hypochondre. Voyez MELANCHOLIE.

HYPOCHONDRES, s. m. pl. terme d'Anatomie, hypochondria, qui se dit de l'espace qui est de chaque côté de la région épigastrique, ou partie supérieure du bas-ventre. Voyez ABDOMEN & EPIGASTRE. Ce mot est composé de la préposition , sub, sous ; & , cartilage, c'est-à-dire, cartilagini subjacens, qui est au-dessous du cartilage.

Les hypochondres composent la partie supérieure de l'épigastre : ils sont situés de chaque côté entre le cartilage ensiforme, les cartilages inférieurs des côtes, & la pointe de l'estomac. On les divise par rapport à leur situation en hypochondre droit, & en hypochondre gauche.

Le foie est dans l'hypochondre droit, & la rate & une grande partie de l'estomac dans l'hypochondre gauche. Voyez FOIE & RATE.

Hippocrate donne quelquefois le nom d'hypochondre à tout le ventre inférieur. Voyez VENTRE.

Les hypochondres sont sujets à plusieurs maladies. Voyez AFFECTION HYPOCHONDRIAQUE.

HYPOCHONDRES, (Medec.) les parties tant externes qu'internes, placées sous les cartilages des fausses côtes dans l'espace qui comprend toute la circonférence du bas-ventre, au-dessus de sa section prise à la hauteur du nombril, forment dans le sens le plus étendu, ce qu'on appelle dans la pratique de la Medecine, les hypochondres, qui sont aussi designés par quelques auteurs latins, & entr'autres, par Lommius, (Observ. medic. lib. tert.) sous le nom de praecordia.

La région hypochondriaque est donc par conséquent cet espace, dans lequel se trouvent renfermés plusieurs des principaux organes de l'économie animale. Voyez HYPOCHONDRES (Anat.) Le bon ou le mauvais état de ces parties, c'est-à-dire, leur disposition plus ou moins éloignée de la naturelle, ne peut que fournir des signes susceptibles de fournir les conséquences les plus importantes, pour servir à établir le prognostic des maladies.

C'est par cette considération, fondée sur l'expérience, que les anciens s'étoient fait une regle de s'assurer exactement de l'état des hypochondres, dans le cours des maladies, pour en tirer des connoissances, des indices, sur les suites qu'elles pourroient avoir, à en juger par la disposition actuelle de ces parties.

Hippocrate s'explique de la maniere qui suit, sur le bon état des hypochondres : on ne se trompera jamais à le prononcer tel, tant qu'ils seront souples au toucher, sans inégalité des deux côtés, & qu'il n'y aura aucun sentiment de douleur. Hypochondria autem optima sunt, si dolore vacant, si mollia & aequalia sunt, dextrâ ac sinistrâ parte. in 1. progn. parce que c'est une preuve que le diaphragme, l'estomac, & sur-tout le foie & la rate, qui sont les vrais visceres des hypochondres, n'ont souffert aucune altération ; ce qui est toûjours de très-bon augure dans les maladies aigues, & qui doit faire beaucoup espérer pour la guérison, parce qu'il y a lieu d'attendre une promte coction.

Le vénérable auteur des Coaques, text. 281, assure qu'on n'a rien à craindre du gonflement douloureux des hypochondres, & qu'il est sans inflammation, lorsqu'il est accompagné de bruits fréquens dans le ventre ; parce que ce symptome se dissipe ordinairement avec les déjections qui suivent, sur-tout si elles sont flatueuses.

La tension des hypochondres, sans douleur, mais avec pesanteur de tête, surdité, éblouissement, annoncent selon Galien (in lib. III. de crisib. cap. xij.), l'hémorrhagie par les narines.

Les tensions douloureuses, les gonflemens des hypochondres sont très-souvent des effets du spasme, & ils deviennent très-dangereux, lorsqu'ils suppriment les évacuations qui doivent se faire, par la voie des selles, sur-tout dans les derniers tems des maladies ; parce que cette suppression occasionne souvent des dépôts mortels. Quibus hypochondria tumore assurgunt, alvo suppressâ, malum ; quod si & sopor accesserit, pestiferum. Hippoc. apud Duret, lib. I. coac. 32.

Lorsque les hypochondres résistent au tact sans tension, il y a lieu de craindre qu'il n'y ait engorgement inflammatoire dans les visceres qui y répondent. C'est ce qu'enseigne Galien, lorsqu'il dit : hypochondriorum mollem resistentiam significare viscus aliquod esse inflammatum, quippe aut jecur, aut lienem. in 3. épid. tom. II. text. 1.

Mais lorsqu'ils sont affectés de tension douloureuse, il y a lieu de penser que le diaphragme ou les parties qui y répondent, sont enflammées, comme il arrive dans la pleurésie. Hypochondrium tenditur & dolet, ubi à septo transverso vicinae partes trahuntur. Galen. in lib. III. epid. com. iij. text. 1.

Aussi Hippocrate ne craint pas d'assurer que toute tumeur dure, avec douleur des hypochondres, surtout lorsqu'elle est considérable, & qu'elle se forme subitement au commencement des maladies, est un signe de mort prochaine, à-moins qu'elle ne dépende de l'inflammation des muscles abdominaux : mais si elle se forme lentement & qu'elle dure long-tems, il y a lieu de craindre qu'elle ne tourne en abscès. Tumor durus & dolens, si magnus est, in utroque hypochondrio aut in dextro est pessimus ; talis quoque significat, ab initio, mortem brevi fore. In I. libr. progn. text. 39. Et cet auteur ajoute, loco citato. Si febris vigesimum transcendit diem & febris detinet & tumor non desistit, in suppurationem vergi contingit.

Pour avoir un plus grand détail sur-tout ce qui a rapport aux signes prognostics tirés de l'état des hypochondres, il faut consulter les oeuvres mêmes d'Hippocrate, de Galien, sur-tout le commentaire des Coaques, par Duret ; le traité de praesagiendâ vitâ & morte de Prosper Alpin ; les observations séméiotiques de Lommius, &c. Voyez PROGNOSTIC.


HYPOCHONDRIAQUEadj. (Med.) c'est l'épithete par laquelle on désigne les malades affectés de la mélancholie, qui a son siége, ou qui est censée l'avoir, dans les visceres des hypochondriaques, sur-tout le foie, la rate.

HYPOCHONDRIAQUE, (passion ou affection) ; c'est ainsi qu'est ordinairement désignée par les Medecins une espece de maladie, dont la mélancholie est le genre ; puisque l'attrabile en est aussi l'humeur morbifique, qui infecte toute la masse des fluides, comme dans la maladie générique, mais se fixe plus particulierement sur les organes ou visceres du bas-ventre ; ensorte que lorsqu'elle est déposée sur quelqu'un des visceres des hypochondres, ou qu'elle porte ses effets indirectement sur ces parties, par le moyen du spasme, elle constitue alors l'affection hypochondriaque ; comme lorsqu'elle établit quelque rapport de lésion de fonction avec la matrice, elle forme ce qu'on appelle passion hystérique. Voyez MELANCHOLIE, VAPEURS.


HYPOCHYMAou HYPOCHYSIS, s. f. terme de Chirurgie, nom d'une maladie des yeux, qu'on appelle plus ordinairement cataracte. Voyez CATARACTE. Ce mot est grec, , & veut dire dans sa propre signification, épanchement de quelque humeur ; les anciens croyant que cette maladie étoit occasionnée par l'épanchement d'une humeur crasse sur la prunelle.


HYPOCISTES. m. (Botan.) la plante dont on tire depuis si long-tems le suc hypociste, est appellée par les Botanistes hypocistis. Elle naît sur les racines ou collets de différentes especes de cistes, & ressemble par sa forme à l'orobanche.

Sa tige est grosse de quatre ou cinq lignes dans sa partie inférieure, d'un ou deux pouces à son extrémité supérieure, & elle en a trois ou quatre de hauteur. Elle est charnue, pleine de suc, facile à rompre, blanchâtre, purpurine, ou de couleur jaunâtre, d'un goût amer & fort astringent, couverte de petites feuilles ou écailles épaisses, longues d'un demi-pouce, larges de deux ou trois lignes, terminées en pointe mousse, de différente couleur dans les différentes especes. Elle porte plusieurs fleurs à son sommet, garnies & enveloppées de beaucoup de petites feuilles épaisses, ou d'écailles semblables aux précédentes.

La fleur ressemble à un calice de la fleur du grenadier ; elle est d'une seule piece, en cloche, longue de sept ou huit lignes ; sa partie inférieure peut être regardée comme le calice ; la supérieure est divisée en cinq quartiers, longs de deux lignes, terminés en un globule cannelé, dont les cannelures en s'ouvrant dans le tems convenable, jettent une poussiere très-fine ; ainsi cette partie tient lieu de pistil, d'étamines, & de sommet.

La partie inférieure de la fleur grossit peu-à-peu, jusqu'à un demi-pouce d'épaisseur, & devient un fruit arrondi, de même couleur que la fleur. Il est mou, partagé intérieurement comme par des rayons en six ou huit parties, plein d'un suc visqueux, gluant, limpide, d'un goût fade, & de plusieurs graines très-menues & poudreuses. Ce globule cannelé qui termine le pistil, demeure toûjours attaché à ce fruit qui est sphérique. On enleve facilement cette tige des racines du ciste sur lequel elle naît ; alors il reste sur la racine une petite fosse lisse, sans aucun vestige de fibres.

M. de Tournefort a observé dans l'île de Crete des especes d'hypociste différentes par la couleur, comme on peut le voir dans le corollaire de ses élémens de Botanique ; il n'y avoit que l'hypociste à fleurs jaunes qui étoit odorant, & qui eût l'odeur du muguet ; les autres especes étoient sans odeur.

Il n'est pas facile d'expliquer de quelle maniere l'hypociste se multiplie : cette plante ne croît jamais que sur les racines des arbustes appellés des cistes, qui se plaisent dans les landes les plus seches des pays chauds. Environ deux pouces au-dessus du collet de ces arbustes, il sort en maniere d'oeilleton, une plante bien différente du ciste ; elle est charnue comme une asperge, accompagnée de quelques écailles au lieu de feuilles, & garnie d'un bouquet de fleurs en cloche, qui laissent chacune un fruit gros comme une noisette, assez rond, charnu, rempli de semences menues, couvertes d'une humeur gluante, qui se desseche lorsqu'elles sont mûres, mais qui revient quand on les humecte. Comme cette plante pousse au-dessus du collet de la racine, qui est quelquefois couvert d'environ un demi-pié de terre, il semble qu'il n'y a pas d'autre chemin pour y faire passer les graines, que les crevasses de la terre ; ces crevasses en été sont fort communes dans les landes des pays chauds, & se resserrent aux premieres pluies ; ainsi la glu dont elles sont enveloppées, s'humectant peu-à-peu, ne les colle pas seulement contre les racines du ciste, mais elle les fait éclorre, & leur sert de premiere nourriture. C'est-là l'explication que donne M. de Tournefort de l'origine & de la multiplication de l'hypociste. (D.J.)


HYPOCRASS. m. (diete) sorte de boisson, qui se prépare avec du vin, du sucre, de la canelle, du gérofle, du gingembre & autres ingrédiens de cette nature. On en fait sur le champ avec de l'eau & des essences : il y a de l'hypocras de biere, de cidre, du blanc, du rouge ; il y a une essence d'hypocras, &c.


HYPOCRISIES. f. (Gramm.) espece de dissimulation qui fait donner à l'homme corrompu & faux qui en est coupable, le nom d'hypocrite. Voyez l'article suivant.


HYPOCRITES. m. (Morale) c'est un homme qui se montre avec un caractere qui n'est pas le sien : les distinctions flateuses & l'estime du public qu'obtient une sorte de mérite, la nécessité de paroître, la difficulté d'être, la force des penchans, la foiblesse de l'amour de l'ordre, & de la crainte de paroître le blesser, mille autres causes, forcent les hommes à se montrer différens de ce qu'ils sont. Tout a ses hypocrites ; la vertu, le vice, le plaisir, la douleur, &c.

Mais le nom d'hypocrite est donné plus particulierement à ces hommes constamment faux & pervers, qui sans vertus & sans religion, prétendent faire respecter en eux les plus grandes vertus & l'amour de la religion ; ils sont zélés pour se dispenser d'être honnêtes ; héros ou saints, pour se dispenser d'être bons. Des fanges du vice ils élevent une voix respectée pour accuser le mérite ou de crime ou d'impiété.

Le ciel est dans leurs yeux, l'enfer est dans leurs coeurs.


HYPODIAZEUXISdans la Musique des Grecs, est, au rapport du vieux Bacchius, l'intervalle de quinte qui se trouve entre deux tétracordes séparés par un troisieme tétracorde, & par une disjonction ; ainsi il y a hypodiazeuxis entre les tétracordes hypaton & diezeugmenon, & entre les tétracordes synnemenon & hyperboleon. Voyez TETRACORDE. (S)


HYPODORIEN(Musique) le plus grave de tous les modes de l'ancienne musique. Euclide dit que c'est le plus aigu ; mais comme il est contredit par tous les autres auteurs, & qu'il se contredit lui-même un moment après ; on doit croire que c'est une faute de copiste ou d'impression.

Le mode hypodorien a sa fondamentale une quarte au-dessous de celle du mode Dorien dont il tire son origine. Voyez MODE. (S)


HYPODROMES. m. (Antiq.) lieu fameux à Constantinople ; c'étoit une espece de cirque ou de carriere, où l'on faisoit des exercices & des courses de chevaux. Ce mot est grec , composé d', cheval, & , course, du verbe , je cours.


HYPOEOLIEN(Musique) est un des modes de l'ancienne musique, qu'Euclide appelle aussi hypolydien grave. Il tire son origine du mode éolien, dont la fondamentale est une quarte au-dessus de la sienne. Voyez MODE. (S)


HYPOGASTRES. m. hypogastrium, terme d'Anatomie, c'est la partie inférieure du bas-ventre, qui commence deux ou trois doigts au-dessous du nombril, & va jusqu'à l'os pubis. Voyez VENTRE & ABDOMEN. Ce mot est grec, formé d', sous, & , ventre. Dictionnaire de Trévoux.


HYPOGASTRIQUE(REGION.) Voyez HYPOGASTRE. On donne aussi le nom d'hypogastrique à la branche de l'artere iliaque, qui descend dans le bassin, & à la veine qui l'accompagne. L'artere hypogastrique produit la petite iliaque, la sciatique, la fessiere, la honteuse tant interne qu'externe, la petite hémorrhoïdale, &c. Voyez ILIAQUE, SCIATIQUE, &c. & les articles suivans.

HYPOGASTRIQUE (artere), Angéiologie, grosse artere que les iliaques jettent à environ deux pouces de leur origine.

Elle paroît dans le foetus aussi considérable que le tronc de l'iliaque qui la produit ; mais dans l'adulte, ce n'en est qu'une branche, qui se distribue, tant aux parties contenues dans le bassin, qu'à celles qui occupent les dehors de cette cavité.

La division de cette artere varie si fort, suivant la remarque de M. Lieutaud, qu'on n'en sauroit donner une description qui puisse convenir à un nombre même médiocre de sujets ; ainsi nous n'assurerons point que l'artere hypogastrique se divise en quatre, cinq, six, ou sept branches, parce que nous ne pouvons pas le savoir ; mais nous dirons qu'il résulte ordinairement de sa division huit arteres, qui sont l'ombilicale, la petite iliaque, la honteuse interne, l'obturatrice, la fessiere, la sciatique, la honteuse commune, & l'hémorrhoïdale externe.

On pourroit ajouter à ces vaisseaux la sacrée, qui vient souvent du tronc de l'hypogastrique, & quelquefois de la grande iliaque. (D.J.)

HYPOGASTRIQUE (veine), Angéiolog. cette veine autrement dite iliaque interne, est formée des veines qui viennent des parties internes & externes du bassin. Les noms qu'on donne aux arteres des mêmes parties, conviennent également aux veines ; mais il faut remarquer que ces veines sont quelquefois multipliées, & qu'on en trouve assez souvent deux ou trois pour une artere. Elles forment des plexus très-remarquables aux environs des parties de la génération ; elles communiquent encore avec les vaisseaux mésentériques, cruraux, &c. On doit observer aussi qu'il n'y a point de veine qui accompagne l'artere ombilicale, qu'on sait être une production de l'artere hypogastrique. A ces cas différens près, la distribution des veines de toutes ces parties se rapporte assez bien à celle des arteres.

Messieurs Ruysch, Littre, & du Verney, ont observé que les extrémités des veines hypogastriques sont percées de trous assez sensibles. Il est clair que le sang qui doit passer des arteres dans les petits filets des extrémités des veines, y passera plus facilement en vertu de cette méchanique. M. Mery la découvrit il y a plus de 80 ans dans les veines de la rate du veau ; & parce que le besoin de faire rentrer le sang dans les veines, est assez le même par tout le corps, & que la difficulté est toûjours assez grande, quoiqu'inégale en différens endroits, il a soupçonné que toutes les racines des veines pourroient bien être ainsi percées, du-moins d'une maniere insensible ; mais les injections les plus délicates n'ont point confirmé cette conjecture. (D.J.)

HYPOGASTRIQUE, (Medec.) dans les maladies où la vessie & la matrice peuvent être intéressées, les Medecins ne doivent pas négliger l'examen de la région hypogastrique ; parce qu'ils en peuvent tirer bien des signes diagnostics & prognostics pour tout ce qui a rapport à ces parties ; parce qu'en touchant, en pressant avec les doigts l'hypogastre, on s'apperçoit s'il y a tumeur, dureté, ou tension ; si l'on cause un sentiment douloureux au malade, &c. Voyez VESSIE, URINE, MATRICE, MENSTRUES, LOCHIES.


HYPOGÉES. m. terme d'Astrologie, est le nom que les Astrologues donnent aux maisons célestes qui sont au-dessous de l'horison, sur-tout à la partie la plus basse du ciel.

HYPOGEE, (Antiq.) tombeau sous terre. Les Grecs après avoir perdu l'usage de brûler les corps des morts, les enterrerent sous terre dans des cercueils qu'ils nommerent hypogées, & qui étoient assez semblables aux caveaux qu'on voyoit autrefois communément dans nos églises. Chaque corps parmi les Grecs avoit sa place dans ces sortes de monumens séparés, qui s'élevoient en forme de voûte.

Les hypogées des premiers Romains étoient au rez-de-chaussée, & n'occupoient point autant de profondeur que ceux de Grece, parce qu'on n'y renfermoit que les urnes qui contenoient les cendres des morts ; mais dans la suite, les grandes richesses des particuliers les porterent à imiter en ce point la magnificence des Grecs, & bien-tôt ils la surpasserent à tous égards.

Non contens de bâtir à leur imitation des tombeaux soûterrains composés de plusieurs appartemens, dans chacun desquels il y avoit un grand nombre de niches pour placer des urnes sépulchrales ; ils ornerent encore ces appartemens soûterrains de peintures à fresque, de mosaïques, de figures de relief en marbre, & autres décorations d'une richesse & d'une dépense infiniment plus considérable, que celles des plus belles sépultures élevées sur terre. On a eu lieu de le voir par les hypogées qu'on a découverts de tems-en-tems, en fouillant des ruines auprès de Rome.

Ce mot est formé d', dessous, & de , terre. Vitruve a appliqué ce terme abusivement à toutes les parties d'un bâtiment qui sont sous terre, comme les caves, les celliers, les gardes-manger, &c. mais ce n'étoit point-là le sens du mot hypogée dans son origine. (D.J.)

HYPOGEE, hypogaeum, terme d'Architecture ; les anciens appelloient hypogées les parties des bâtimens qui étoient sous terre, comme les caves, les celliers, les gardes-manger, & autres lieux semblables. Vitruve, lib. VI. chap. xj. Ce mot est grec , formé de , sous, & , terre.


HYPOGLOSSEadj. en Anatomie, se dit de quelques parties qui se remarquent sous la langue.

Les nerfs hypoglosses externes ou grands hypoglosses, appellés communément la neuvieme paire de nerfs de la moëlle allongée, ou paire linguale, naissent de côté & d'autre entre les éminences pyramidales & les éminences olivaires, par plusieurs petits filets qui se collent ensemble, percent la dure-mere, & sortent du crâne par le trou condyloïdien antérieur de l'os occipital. Voyez OCCIPITAL.

Ces nerfs, dans leur passage entre la jugulaire & la carotide, jettent plusieurs filets aux glandes jugulaires, &c. un de ces filets s'unit à la huitieme paire. Ces nerfs viennent ensuite gagner la mâchoire inférieure, & communiquent avec le rameau lingual du nerf maxillaire inférieur, & de la huitieme paire avec la premiere paire cervicale, avec la premiere & la seconde paire vertébrale, avec la portion dure du nerf auditif, & après cela ils se distribuent dans la langue. Voyez LANGUE.


HYPOGLOTTIDES. f. (Art numism.) couronne de laurier d'Alexandrie, qui étoit très-odorant. On voit la figure d'une hypoglottide sur une médaille de la ville de Myrine en Troade, qui couronne la célebre amazone de ce nom, dont il est parlé dans Athénée, dans Strabon, & sur-tout dans Diodore de Sicile. Tristan a tâché de l'expliquer, cette médaille, mais il ne paroit pas qu'il ait réussi. (D.J.)


HYPOÏASTIENun des modes de l'ancienne musique. Voyez HYPOIONIEN. (S)


HYPOIONIEN(Musique) le second au grave des modes de l'ancienne musique, qu'Euclide appelle aussi hypoïastien & hypophrygien grave. Sa fondamentale étoit une quarte au-dessous du mode ionien. Voyez MODE. (S)


HYPOLYDIEN(Musique) est, dans l'ancienne musique, un mode qui tire son origine du lydien, & dont la fondamentale est une quarte au-dessous de la sienne. Voyez MODE.

Euclide distingue deux modes hypolydiens ; savoir, l'aigu dont nous venons de parler, & le grave qui est le même que l'hypoéolien : Voyez ce mot.

Quelques-uns attribuent l'invention du mode hypolydien à Polymneste, d'autres à Damon l'athénien. (S)


HYPOMIXOLYDIEN(Musique) mode qu'on prétend avoir été ajoûté par Guy d'Arezzo à ceux de l'ancienne musique. C'est proprement le plagal du mode mixolydien, dont la fondamentale est une quarte au-dessus de la sienne, qui est la même que celle du mode dorien. Voyez MODE. (S)


HYPOMNEMATOGRAPHE(Antiq. ecclés.) nom qu'on donnoit dans la primitive Eglise à celui des officiers de l'évêque qui tenoit sous ses yeux le registre de ses consécrations. On voit que ce mot est composé de , dessous, , mention, & , j'écris. (D.J.)


HYPOMOCHLIONS. m. terme de Méchanique, c'est le point qui soûtient le levier, & sur lequel il fait son effort, soit qu'on le baisse, ou qu'on le leve. On l'appelle plus ordinairement point d'appui ou appui. Voyez APPUI & LEVIER. Ce mot est grec, & vient d', sous, & , vectis, levier.

L'hypomochlion est souvent une roulette que l'on place sous le levier, ou une pierre, ou un morceau de bois, pour pouvoir soûlever le levier plus aisément. Chambers. (O)


HYPOPHASES. f. (Med.) , subapparitio, du verbe , subappareo. C'est un terme employé pour exprimer ce qui arrive à ceux, qui, en dormant, ont les paupieres imparfaitement jointes entr'elles, en sorte qu'on voit une partie du blanc des yeux mal fermés ; ce qui est une marque de grande foiblesse, & un très-mauvais signe dans les maladies aiguës. Voyez YEUX, (Séméiotique)


HYPOPHASIES. f. suspectio, (Méd.) c'est un terme grec qui sert à désigner une sorte de clignotement dans lequel les paupieres restent tellement rapprochées, qu'elles ne laissent appercevoir qu'une très-petite portion des yeux par laquelle il n'entre par conséquent qu'une très-petite quantité de lumiere.

Ce resserrement des paupieres a lieu, lorsqu'on a beaucoup de sensibilité aux yeux, ou que l'on veut regarder quelque objet bien lumineux pendant que la pupille est encore dilatée ; ou lorsqu'on ne veut que se conduire à travers un air chargé de fumée ou de poussiere, dont on veut se garantir les yeux. Voyez CLIGNOTEMENT, PAUPIERES.


HYPOPHILLOSPERMATEUSEplante, (nomencl. Botan.) c'est ainsi que les modernes nomment les plantes qui portent leurs semences sur le dos de leurs feuilles ; ils disent tout cela dans un mot, qui ne doit pas paroître barbare, parce qu'il exprime très-bien ce qu'on veut désigner. Il est composé de , sous, , une feuille, & , graine. (D.J.)


HYPOPHORES. f. terme de Chirurgie, ulcere ouvert, profond & fistuleux ; ce mot est grec, , qui signifie la même chose. Voyez ULCERE. (Y)


HYPOPHRYGIEN(Musique) un des modes de l'ancienne musique. Il tiroit son origine du phrygien, dont la fondamentale étoit une quarte au-dessus de la sienne. Voyez MODE.

Euclide parle encore d'un autre mode hypophrygien au grave de celui-ci ; c'est celui qu'on appelle plus correctement hypoïonien. Voyez ce mot. (S)


HYPOPHTALMION(Medec.) c'est un terme grec employé pour désigner la partie inférieure des yeux, ou, pour mieux dire, des paupieres, qui est bouffie, dans les cachectiques, les hydropiques.

Hippocrate se sert de ce mot dans ce sens, coac. text. 39. &c. Voyez PAUPIERE, CACHEXIE, HYDROPISIE.


HYPOPHYSES. m. (Méd.) c'est une espece de trichiase, de chûte des cils. Voy. TRICHIASE, CILS, PAUPIERES.


HYPOPROPHETES. m. (Antiq. greq.) , prophete en sous ordre, de ; on appelloit ainsi chez les Grecs les subdelegués des devins, c'est-à-dire, de ceux qui rendoient la réponse des dieux qu'on venoit consulter. Il n'étoit pas de la dignité des oracles de rester muets faute d'organes ; il falloit, en cas d'absence ou de maladie des prophetes, qu'il y eût des gens qui tinssent leurs places, qui exerçassent leurs fonctions, & cet honneur appartenoit alors aux hypoprophetes, qui étoient leurs vicaires. Voyez PROPHETES. (D.J.)


HYPOPROSLAMBANOMENOSHYPOPROSLAMBANOMENOS


HYPOPYONS. m. terme de Chirurgie, maladie des yeux, qui consiste en un amas de pus derriere la cornée, qui couvre quelquefois toute la prunelle, & empêche la vue. Ce mot est grec, , composé de , sous, & de , pus.

Les auteurs ne sont pas d'accord sur la signification du mot hypopyon. Quelques-uns appellent ainsi tous les amas de pus qui viennent des abscès des parties intérieures de l'oeil, ou du sang épanché au-dedans de l'oeil & qui a suppuré, & d'autres entendent par l'hypopyon, l'abscès qui se fait entre les pellicules de la cornée, & l'épanchement du pus qui se fait au-dedans de l'oeil, lorsque cet abscès s'ouvre en-dedans. Ceux-ci restraignent la signification du terme.

L'hypopyon est causé par la rupture des vaisseaux de la cornée, occasionnée par quelque violence externe, ou par l'acrimonie du sang qu'ils contiennent.

On doit prévenir la suppuration par le moyen de cataplasmes convenables, secondés du régime & des saignées qu'on réitere relativement aux circonstances. Les auteurs prescrivent des sachets avec les fleurs de camomille, de mélilot, les sommités de sauge, d'euphraise, d'hyssope & la semence de fenouil qu'on fait bouillir dans le vin, & qu'on applique ensuite chaudement ; ces secours peuvent procurer la résolution du pus dans l'hypopyon, & même celle du sang épanché sous la cornée par la rupture de quelques vaisseaux de l'uvée à l'occasion d'un coup ou d'une chûte violente. Si dans l'un & l'autre cas, les remedes sont inefficaces, & que les malades souffrent, il faut faire une ouverture à la cornée avec une lancette : cette opération a été pratiquée avec tout le succès possible. La nature produit quelquefois dans l'hypopyon des effets que l'art ne peut point imiter, car le pus se fait jour intérieurement entre l'iris & la cornée, il s'épanche & se desseche sans aucun inconvénient. Mais une piquûre avec la lancette n'étant point dangereuse ; en la faisant, on évite aux malades des douleurs cruelles qui peuvent être l'effet de l'altération par laquelle la nature cherche à se débarrasser de la matiere qui forme l'abscès.

L'appareil & la cure sont les mêmes que pour la cataracte. Voyez CATARACTE & HEMALOPIE. (Y)


HYPORCHEMES. m. (Littérature) on appelloit ainsi chez les Grecs une sorte de poésie, faite non seulement pour être chantée & jouée sur la flûte & sur la cythare, mais encore pour être dansée au son des voix & des instrumens. C'est un chant accompagné de danse, dit Proclus : or cette danse, selon Athénée, étoit une imitation ou une représentation des choses mêmes exprimées par les paroles que l'on chantoit. Lucien semble insinuer que ces hyporchemes se dansoient le plus ordinairement au son de la lyre ou de la cythare ; aussi étoit-ce, comme l'assûre Athénée, lib. XIV. cap. vij. une des trois especes de poésie lyrique sur le chant desquelles on dansoit ; & cette danse hyporchémétique, continue-t-il, avoit beaucoup de rapport avec la danse comique appellée cordax, l'une & l'autre étant enjouée & badine. Voyez CORDAX.

Cependant, s'il en faut croire le rhéteur Ménandre, l'hyporcheme, ainsi que le péan, étoit consacré au culte d'Apollon, & en ce cas-là sans-doute la danse devenoit plus sérieuse. Elle se faisoit, dit l'auteur du grand Etymologique, autour de l'autel de la divinité, pendant que le feu consumoit la victime. Sur quoi il est bon de remarquer d'après Athénée, lib. XIV. cap. vj. qu'anciennement les Poëtes eux-mêmes enseignoient ces danses à ceux qui devoient les exécuter, leur prescrivoient les gestes convenables à l'expression de la poésie, & ne leur permettoient pas de s'écarter du caractere noble & mâle qui devoit regner dans ces sortes de danses. On peut consulter sur ce point Meursius dans son traité intitulé orchestra. Du reste, Plutarque, dans son traité de la musique, dit qu'il y avoit de la différence entre les péans & les hyporchemes. Sur quoi il prend à témoin Pindare, qui a cultivé l'un & l'autre genre de poésie. Mais comme nous n'avons rien aujourd'hui de ce poëte, ni en l'un ni en l'autre, nous ne pouvons fixer cette différence, ni le nombre & la qualité des piés qui entroient dans la poésie hyporchématique ; on conjecture seulement que les vers étoient de mesure inégale, & que le pyrrhique y dominoit. Voyez PYRRHIQUE. Notes de M. Burette sur le traité de la musique de Plutarque. Mem. de l'acad. des belles-Lettr. tome X.


HYPOSPADIASS. m. terme de Chirurgie, nom grec qu'on donne à celui qui n'a pas l'orifice du canal de l'urethre directement à l'extrémité du gland. Quand on est ainsi conformé, l'ouverture de l'urethre est entre l'os pubis & le frein ; dans la direction naturelle de la verge, l'urine tombe perpendiculairement à terre, & pour pisser en-avant, il faut relever la verge de façon que le gland soit directement en-haut. Cette mauvaise conformation est très-préjudiciable à la génération, parce que l'éjaculation de l'humeur prolifique ne peut se faire en ligne directe : l'art peut quelquefois réparer le vice de la nature. Galien appelle aussi du nom d'hypospadias, ceux en qui le frein trop court fait courber la verge dans l'érection. On remédie facilement à ce petit inconvénient par la section du filet, qui n'exige qu'un pansement très-simple avec un peu de charpie qu'on laisse jusqu'à ce qu'elle tombe d'elle-même. Il suffit de laver la partie avec un peu de vin chaud, pour consolider les portions du filet que l'instrument tranchant a divisées. (Y)


HYPOSPATISMES. m. terme de la Chirurgie des anciens, c'étoit une opération qui consistoit à faire sur le front trois incisions jusqu'à l'os, d'environ deux pouces de long, pour couper tous les vaisseaux qui étoient entre-deux. Le but de cette opération étoit d'arrêter les fluxions sur les yeux. Ce mot est grec, , formé d', dessous, & , spatule, parce que ceux qui pratiquoient cette opération, après avoir fait les trois incisions, passoient une spatule entre le péricrane & les chairs. Diction. de Trévoux.

Quelques auteurs proposent de couper ou détruire les gros vaisseaux du visage contre la maladie nommée goutte-rose, (voyez GOUTTE-ROSE), dans le dessein d'intercepter le cours du sang vers cette partie. Bayrus, pract. lib. VIII. cap. iij. dit que la rougeur du visage vient quelquefois de l'abondance du sang, qui, rapporté par la grande veine du front, se répand subitement dans tout le visage. Une comtesse l'ayant consulté à cette occasion, il apperçut que lorsqu'elle lui parloit, le sang se répandoit précipitamment de cette veine sur tout le visage. Il fit raser l'endroit de la veine un peu au-dessus de la suture coronale ; il cautérisa la peau, & comprima avec un bandage convenable la veine dont le cautere fit l'ouverture, & la malade fut délivrée pour toûjours de ses rougeurs, la face se trouvant privée par la destruction de cette veine, du sang qu'elle lui rapportoit. (Y)


HYPOSPHAGMA(Medecine) c'est un terme grec qui signifie la même chose qu'échymose, en général, mais qui est employé particulierement pour désigner celui de la membrane de l'oeil, appellée conjonctive. Voyez ÉCHYMOSE, OEIL.

On trouve aussi quelquefois des auteurs qui se servent du terme d'hyposphagma, comme synonyme d'haemalops. Voyez HAEMALOPS.


HYPOSTASES. f. hypostasis, (Théolog.) est un mot grec qui signifie à la lettre substance ou essence, & en Théologie, personne. Voy. PERSONNE. Ce mot est grec , & composé d', sub, sous, & , sto, existo, je suis, j'existe, d'où subsistentia.

On dit qu'il n'y a qu'une seule nature en Dieu, & trois Hypostases, ou Personnes. Voyez TRINITE, &c.

Le mot d'hypostase est très-ancien dans l'Eglise. S. Cyrille le répete souvent, aussi-bien qu'union, selon l'hypostase. Il se trouve pour la premiere fois dans une lettre de ce pere à Nestorius, où il l'emploie au lieu de , que nous rendons ordinairement par celui de personne, & qui n'étoit pas assez expressif. Les philosophes, dit S. Cyrille, ont reconnu trois Hypostases. Ils ont étendu la Divinité jusqu'à trois Hypostases, & employé même quelquefois le terme de Trinité ; desorte qu'il ne leur manqueroit que d'admettre la consubstantialité des trois Hypostases, pour faire entendre l'unité de la nature divine à l'exclusion de toute triplicité par rapport à la distinction de nature, & de ne plus prétendre qu'il soit nécessaire de concevoir aucune infériorité respective des hypostases.

Ce mot excita autrefois de grands démêlés entre les Grecs, & puis entre les Grecs & les Latins.

Dans le concile de Nicée, hypostase est la même chose que substance ou essence. Ainsi c'étoit une hérésie de dire que Jesus-Christ est d'une autre hypostase que le Pere, parce que hypostase signifioit essence ; mais l'usage changea. Voyez ARIEN & ARIANISME.

Dans le besoin qu'on eut de s'exprimer contre les Sabelliens, les Grecs choisirent le terme d'hypostase, & les Latins celui de personne, ce changement fut la source de la contestation. La phrase , dont se servoient les Grecs, scandalisa les Latins, qui ont accoûtumé de rendre le mot par celui de substantia. La stérilité de la langue latine, en matiere de Théologie, ne leur fournissoit qu'un seul mot pour deux grecs & , & les mettoit hors d'état de distinguer l'essence de l'hypostase. Ils aimerent donc mieux se servir du terme de trois personnes que de celui de trois hypostases. On termina enfin cette dispute dans un synode qui se tint à Alexandrie vers l'an 362, auquel S. Athanase assista ; & depuis ce tems-là, les Latins ne se sont plus fait un scrupule de dire trois hypostases, ni les Grecs trois personnes. Les Grecs prirent la coûtume de dire , une essence, trois substances, & les Latins non dans le même sens, una essentia, tres substantiae, mais, una essentia ou susistantia, tres personae. Ceux qui prenoient le mot d'hypostase dans son ancienne signification, ne pouvoient supporter qu'on admit trois hypostases, c'étoient trois essences divines selon eux, mais ce mot fut expliqué. Ceux qui s'en servoient contre les Sabelliens, déclarerent qu'ils entendoient par-là trois individus, ou trois sujets qui subsistent également, & non pas trois substances ou essences différentes. Dans ce sens, ils reconnoissoient trois hypostases dans une seule essence. D'autres entendoient par essence une nature commune & indéfinie, comme l'humanité à l'égard de tous les hommes en général, & par hypostase une nature singuliere & propre à chaque individu, comme chaque homme en particulier est une modification de la nature ou essence universelle. Mais cette derniere interprétation, que quelques-uns attribuent à S. Basile, appliquée à la Divinité, emporteroit le trithéisme ; parce que si les trois Personnes de la Trinité sont trois Hypostases, précisément comme Pierre, Jacques & Jean, il y a manifestement trois Dieux. Diction. de Trévoux.

HYPOSTASE, sedimentum, s. m. (Med.) ce terme grec signifie la partie la plus grossiere de l'urine, qui se dépose ou tend à se déposer au fond du vase, où elle est contenue ; c'est le sédiment de l'urine qui est aussi appellé quelquefois hyposteme, mot qui est par conséquent synonyme d'hypostase. Voyez URINE, SEDIMENT.


HYPOSTATIQUEadj. (Théolog.) se dit en Théologie en parlant du mystere de l'incarnation.

L'union hypostatique est celle de la nature divine avec la nature humaine dans la personne du Verbe. Voyez INCARNATION.

Les Chimistes & particulierement Paracelse entendent par principe hypostatique les trois élémens chimiques, le sel, le soufre & le mercure, qu'ils appellent tria prima. Voyez PRINCIPE & ÉLEMENT.


HYPOSTROPHEou HYPOTROPE, (Med.) ce terme grec a deux significations ; ou il est employé pour désigner l'action d'un malade, qui se tourne & se retourne dans son lit d'un côté à l'autre, & c'est le sens dans lequel Hippocrate s'en sert, Epid. lib. VII. &c. ou il est synonyme de récidive, rechûte dans les maladies selon le même auteur, Epid. l. II. Voyez RECIDIVE, RECHUTE.


HYPOSYNAPHEen Musique, est, au rapport du vieux Bacchius, la séparation de deux tétracordes par la consonnance de quarte, desorte que les sons homologues de ces deux tétracordes ont entr'eux cinq tons d'intervalle : tels sont les deux tétracordes hypaton & synnemenon. Voyez SYSTEME, TETRACORDE. (S)


HYPOTENUSES. m. terme de Géométrie, c'est le plus grand côté d'un triangle rectangle, ou la soûtendante de l'angle droit. Voyez TRIANGLE.

Ce mot est grec, soûtendante, formé d', sous, & , j'étends. La plûpart des Géometres écrivent hypotenuse par une h ; si cette ortographe n'est pas vicieuse, ce mot ne doit pas venir de , j'étends, mais de , je pose. On s'en rapporte là-dessus aux savans.

Dans le triangle K M L (Pl. géom. fig. 71.) le côté M L, opposé à l'angle droit K, est appellé hypotenuse.

C'est un théorème fameux en Géométrie que, dans tout triangle rectiligne rectangle K M L, le quarré de l'hypotenuse M L est égal aux quarrés des deux autres côtés K L & K M ; on l'appelle le théorème de Pythagore, à cause qu'il en est l'inventeur. Il fut si charmé de cette découverte, qu'il fit, diton, une hécatombe aux muses pour les remercier de ce bienfait. Voyez GEOMETRIE.

L'auteur des Institutions de Géométrie, imprimées en 1746 chez Debure l'aîné, observe qu'il est assez difficile de concevoir la raison pour laquelle Pythagore s'est livré à des transports si marqués à l'occasion de cette découverte : car, quand on découvre une nouvelle propriété dans l'étendue, on ne voit pas sur le champ la liaison qu'elle a avec toutes celles que la suite des tems a manifestées : l'usage de cette proposition est effectivement très-étendu, mais Pythagore n'en pouvoit presque rien savoir ; les Mathématiques alors n'étoient pas parvenues à cette fécondité qui leur donne aujourd'hui tant d'éclat & d'excellence : cette découverte même ne nous apprend-elle pas que les élémens de Géométrie ne faisoient que de naître ? Il faut donc, quoique l'histoire n'en dise rien, supposer que Pythagore avoit trouvé auparavant un grand nombre de propositions fondées sur celle-ci, & qui n'attendoient que cette découverte pour être mises elles-mêmes au nombre des grandes découvertes : & avec tout cela, la reconnoissance de Pythagore ne laissera pas de nous paroître extrême ; car il y a bien d'autres vérités dans la Géométrie élémentaire, plus sublimes & plus utiles dont les auteurs n'ont pas fait tant de bruit ; telles sont celles qui enseignent que les trois angles d'un triangle pris ensemble sont égaux à deux angles droits ; que les triangles semblables ont leurs côtés proportionnels ; & celles par où l'on résout tous les problèmes de la Trigonométrie, moyennant les sinus.

Au reste, la proposition de Pythagore se déduit très-simplement d'une proposition fort connue dans les élémens ; ce qui va nous fournir une nouvelle démonstration, qui nous paroît beaucoup plus facile que toutes celles dont nous ayons connoissance.

On sait que si d'un point pris hors d'un cercle on tire une tangente & une sécante qui aillent se terminer à la circonférence du cercle, la tangente est moyenne proportionnelle entre la sécante entiere & la partie de cette sécante qui est hors du cercle. Soit donc le triangle rectangle A B C (Pl. de Géom. fig. 23. n °. 1.). Avec l'un des deux côtés C A qui comprennent l'angle droit, décrivons un cercle du centre C, & prolongeons l'hypotenuse B C jusqu'à-ce qu'elle rencontre un autre point de la circonférence en D ; supposons maintenant que l'hypotenuse B C = h, le côté A C = C L = D = r ; ainsi B D = h + r & B L = h - r soit aussi le côté A B = t. Il s'agit de démontrer que h h = r r + t t.

Démonstration par la proposition précédente B D. A B : : A B. B L ou h + r. t : : t. h - r ; donc, en faisant le produit des extrêmes & celui des moyens, l'on a h h - r r = t t, & par conséquent h h = r r + t t. C. Q. F. D. (E)

De ce que h h = r r + t t, il n'en faut pas conclure que h = r + t ; car la racine quarrée de r r + t t n'est pas r + t, puisque le quarré de r + t est r r + 2 r t + t t. Nous faisons cette remarque, parce que nous avons vû plusieurs commençans qui croyoient que la proposition du quarré de l'hypotenuse étoit contradictoire à celle qui prouve que l'hypotenuse est plus petite que la somme des deux côtés : ces deux propositions sont au contraire parfaitement d'accord ; car, puisque h h = r r + t t & que r r + t t est moindre que r r + 2 r t + t t, c'est-à-dire que , il s'ensuit que h h est moindre que 2, & par conséquent h moindre que r + t.


HYPOTHÉCAIRES. m. (Jurisprud.) se dit de ce qui a une hypotheque, comme un créancier hypothécaire, une créance ou dette active hypothécaire. Voyez HYPOTHEQUE. (A)


HYPOTHENARS. m. (Anatomie) nom d'un muscle situé sous le thenar ; il prend ses attaches du ligament circulaire interne, un peu plus en-dedans de la main que le thenar de l'os du carpe qui soutient le pouce & se termine à l'os sesamoïde externe & à la partie inférieure de la premiere phalange du pouce.


HYPOTHEQUES. f. (Jurisprud.) est un engagement particulier des biens du débiteur en faveur du créancier pour plus grande sûreté de sa dette.

Ce mot vient du grec , qui signifie une chose sur laquelle une autre est imposée, c'est-à-dire qui est sujette à quelque obligation.

Lorsque le créancier ne se confie pas pleinement en la bonne-foi ou en la solvabilité du débiteur, il prend pour sa sûreté des gages ou des cautions, & quelquefois l'un & l'autre : la sûreté qui se trouve dans le gage est plus grande que celle des cautions ou fidéjusseurs, de-là vient cette maxime, plus cautionis est in re quam in personâ.

On oblige les choses en deux manieres, ou par tradition actuelle, ou par simple convention ; la premiere est ce que l'on appelle gage, ou, si c'est un immeuble, engagement ou anticrese ; la seconde est la simple hypotheque, où le débiteur oblige son héritage sans néanmoins se désaisir du fond, ni de la jouissance en faveur de son créancier.

Les Grecs, plus habiles que les autres peuples, mais aussi plus méfians & plus cauteleux, ne prétoient leur argent que sur l'assûrance des fonds du débiteur ; ils inventerent deux manieres d'engager les fonds pour sûreté de la dette ; savoir, l'anticrese & la simple hypotheque.

Lorsqu'ils se contentoient de l'hypotheque, ils exigeoient que le débiteur déclarât ses biens francs & quittes de toute autre hypotheque ; & comme, en prenant cette voie pour sûreté de la dette, le débiteur demeuroit en possession de l'héritage, on y mettoit des marques ou brandons qui se voyoient de loin, afin que chacun pût connoître que l'héritage étoit engagé.

Il est parlé de ces brandons dans deux endroits de Démosthene ; il est dit dans l'un, qu'ayant été fait une descente sur un héritage, pour savoir s'il étoit hypothéqué, il ne s'y étoit point trouvé de brandons ou marques ; & Phenippus, qui prétendoit y avoir hypotheque, fut sommé de montrer les brandons supposé qu'il y en eût, faute de quoi il ne pourroit plus prétendre d'hypotheque sur cet héritage : l'autre passage est dans son oraison , où il dit qu'un testateur ordonne que pour mille dragmes qui restoient à payer de la dot de sa fille, sa maison soit hypothéquée, & pour cet effet que l'on y mette des brandons.

Il falloit même que l'usage des hypotheques & des brandons fût déja ancien du tems de Solon ; car Plutarque, en la vie de Solon, dit qu'il s'étoit vanté dans ses poëmes, d'avoir ôté les brandons qui étoient posés çà & là dans tout le territoire de l'Attique. Amiot, dans sa traduction, a pris ces brandons pour des bornes qui séparoient les héritages, & a cru de-là que Solon avoit non-seulement réduit les dettes, mais aussi qu'il avoit remis les héritages en commun & en partage égal, comme Lycurgue avoit fait à Lacédémone ; mais la vérité est que Solon ayant ordonné en faveur des débiteurs la remise d'une partie de ce qu'ils devoient, & ayant augmenté le prix de la monnoie, il remit par-là les débiteurs en état de se libérer : c'est pourquoi il se vantoit d'avoir fait ôter les brandons ou marques d'hypotheque qui étoient sur les terres ; ainsi chez les Grecs brandonner un héritage, signifioit la même chose que l'hypothéquer.

Les Romains, dans les premiers tems, avoient inventé une espece de vente simulée, par le moyen de laquelle le créancier entroit en possession de l'héritage de son débiteur, jusqu'à-ce que la somme prêtée fut rendue.

Mais comme souvent les créanciers abusoient de ces ventes simulées pour s'emparer de la propriété, cette maniere d'engager les héritages fut abolie ; on introduisit l'usage d'en céder ouvertement la possession.

Il parut encore dur aux débiteurs d'être obligés de se désaisir, c'est pourquoi l'on parvint comme par degrés à se contenter de la simple hypotheque, dont l'usage fut emprunté des Grecs.

L'hypotheque ne se suppléoit point, elle dépendoit de la convention ; mais il n'étoit pas besoin que l'acte fût publié ni authentique.

Les biens présens étoient seuls sujets à l'hypotheque, jusqu'à-ce que Justinien l'étendit aussi aux biens que le débiteur avoit acquis depuis son obligation.

Il étoit parlé des gages & hypotheques dans la loi des douze tables ; mais l'on a perdu la onzieme table qui concernoit cette matiere, & nous n'en avons connoissance que par le commentaire de Caïus.

L'usage de mettre des marques aux héritages engagés ou hypothéqués, se pratiquoit à Rome avant les empereurs, comme il paroît par plusieurs lois du digeste : aux terres & héritages imponebantur tituli, & aux maisons superscribebantur nomina.

Les empereurs défendirent à toutes personnes, de faire de ces appositions de marques sur les héritages de leur autorité privée ; cette défense fit perdre l'usage d'apposer aucunes marques publiques, ni privées, pour l'hypotheque conventionnelle.

Il ne paroît pas qu'en France on ait jamais usé de marques ou brandons pour la simple hypotheque, mais seulement aux gages de justice & choses saisies.

L'hypotheque se contracte par le seul consentement des parties.

Dans les commencemens, il falloit une stipulation expresse, ensuite l'hypotheque fut suppléée de plein droit dans toute obligation authentique.

Je ne sais pourquoi l'on tient communément que c'est l'ordonnance de Moulins, qui a attribué aux jugemens l'effet de produire hypotheque ; il est vrai qu'il en est parlé dans l'article liij. de cette ordonnance, mais cette hypotheque avoit déja lieu, suivant l'ordonnance de 1539, art. xcij. & xciij.

Elle a lieu du jour du jugement même, lorsque le jugement est contradictoire ; pour les jugemens par défaut à l'audience, ou pour les jugemens sur procès par écrit, elle n'est que du jour de la signification du jugement à procureur ; voyez l'ordonnance de 1667, tit. xxxv. des requêtes civiles, art. ij. quand la sentence est confirmée par arrêt, l'hypotheque remonte au jour de la sentence.

Pour mieux assûrer l'hypotheque & la rendre notoire, de maniere qu'un second créancier ne soit point trompé, plusieurs coûtumes, notamment dans les provinces de Picardie & de Champagne, ont établi une espece de tradition fictive de l'héritage hypothéqué, qu'on appelle nantissement & qui se fait en trois manieres ; savoir, par saisine & désaisine, ou par vest & dévest, par main-assise & par mise en possession : dans quelques coûtumes on pratique une autre espece de nantissement pour les rentes constituées, appellé ensaisinement ; en Bretagne, on fait des appropriances pour purger les hypotheques ; en Normandie, on fait lecturer le contrat, mais cette lecture ne sert pas pour l'hypotheque.

Henri-III. par un édit de 1581, avoit ordonné que tous contrats seroient contrôlés & enregistrés, sans quoi l'on ne pourroit acquérir aucun droit de propriété ni d'hypotheque, ce qui fut révoqué par l'édit de Chartres en 1588, art. x. & n'eut d'exécution que dans la province de Normandie. Henri IV. renouvella cet édit au mois de Juin 1606, mais il ne fut registré qu'au parlement de Normandie ; il s'exécute dans cette province, comme il paroît par les articles cxxxiij. & cxxxjv. des placités.

En 1673, le Roi établit un greffe dans chaque bailliage & sénéchaussée, où ceux qui prétendoient hypotheque pouvoient s'opposer pour la conservation de leurs droits ; les opposans devoient être préférés sur les immeubles à ceux qui n'avoient pas formé d'opposition.

Cet édit n'eut pas d'exécution, & fut révoqué par un autre du mois d'Avril 1674.

En 1693, le Roi établit le contrôle des actes des Notaires. L'édit porte que les actes seront contrôlés quinze jours au plus tard, après la date d'iceux ; & il est dit que les particuliers ne pourront en vertu d'actes non-contrôlés acquérir aucuns privileges, hypotheque, propriété, ni autre droit.

Cet édit fut supprimé pour les actes reçus par les Notaires au châtelet de Paris, par la déclaration du 27 Avril 1694, le contrôle fut pourtant rétabli pour Paris par la déclaration du 26 Septembre 1722 ; mais par une autre déclaration du 7 Décembre 1723, il fut supprimé pour Paris à commencer du 7 Janvier 1724.

Tous ceux qui ont la libre disposition de leurs biens pourront les hypothéquer, & on peut hypothéquer tout ce que l'on peut vendre & aliéner.

Quant aux effets de l'hypotheque dans l'ancienne jurisprudence des Romains, l'hypotheque ne produisoit point d'action particuliere : lorsque l'effet hypothéqué étoit enlevé au créancier, il falloit user de la vendication, encore cette voie n'étoit-elle propre qu'au gage, car on ne connoissoit pas encore le droit de suite pour l'hypotheque.

Les préteurs y pourvurent en accordant aux créanciers hypothécaires une action qui fut appellée quasi Serviana ou utilis Serviana, parce qu'elle fut introduite à l'instar de celle qu'établit le préteur Servius en faveur du propriétaire, à l'effet de suivre & revendiquer les meubles de ses locataires qui étoient tacitement obligés aux loyers.

Cette action quasi servienne ou hypothécaire s'intentoit soit contre l'obligé, ou contre les tiers détenteurs de la chose hypothéquée ; ils avoient le choix à l'égard de l'obligé d'intenter contre lui l'action personnelle sans l'hypothécaire ou l'hypothécaire sans la personnelle, ou de cumuler les deux actions ensemble ; mais de façon ou d'autre, l'hypotheque ne produisoit qu'une simple action, les contrats n'ayant point chez eux d'exécution parée.

L'action hypothécaire ne tendoit même pas à saisir l'héritage & à le mettre sous la main de la justice, mais seulement à ce que le créancier fût mis en possession pour en jouir par lui jusqu'au parfait payement de sa dette.

Suivant le droit romain, les meubles sont susceptibles d'hypotheque, aussi-bien que les immeubles.

Non seulement ils se distribuent par ordre d'hypotheque entre les créanciers, lorsqu'ils sont encore en la possession du débiteur ; mais ils peuvent être suivis par hypotheque, lorsqu'ils passent entre les mains d'un tiers.

Il y a cependant quelques créanciers privilégiés, tels que le nanti de gages, qui passent avant des créanciers hypothécaires.

On observoit autrefois la même chose dans les pays de droit écrit du ressort du parlement de Paris, mais présentement on y suit la disposition de l'article clxx. de la coûtume de Paris, qui porte que meubles n'ont point de suite par hypotheque : quoique cette regle semble n'exclure que le droit de suite contre un tiers : il est néanmoins certain que, dans les pays où elle est reçue, le prix des meubles étant encore en la possession du débiteur, ne se distribue point par ordre d'hypotheque, mais seulement suivant l'ordre des privileges.

Dans les parlemens de droit écrit, les meubles se distribuent par ordre d'hypotheque, quand ils sont encore dans la possession du débiteur, mais ils n'ont point de suite par hypotheque.

Pour ce qui est de l'hypotheque sur les immeubles, elle produit par-tout un droit de suite.

Lorsque le contrat a exécution parée contre l'obligé, il n'est pas besoin d'intenter contre lui l'action hypothécaire ; après un commandement recordé, on peut saisir directement l'héritage hypothéqué.

Il y a proprement trois sortes d'actions hypothécaires : savoir, l'action pure hypothécaire, qui a lieu contre le tiers détenteur après discussion du principal obligé & de ses cautions, l'action en déclaration d'hypotheque ou interruption que l'on peut intenter contre le détenteur avant la discussion & l'action personnelle hypothécaire, qui a lieu contre l'obligé personnel, ou contre ses héritiers qui sont en même tems détenteurs de quelque immeuble hypothéqué.

L'action personnelle & l'action hypothécaire avoient bien lieu en droit contre l'héritier & biens tenans, mais elles ne pouvoient être exercées que séparément, l'héritier entant que tenu personnellement avoit le bénéfice de division, c'est-à-dire qu'il n'étoit tenu que pour sa part personnelle, & entant qu'il étoit convenu hypothécairement, il avoit le bénéfice de discussion.

Mais parmi nous, on cumule les deux actions de maniere que chacun des coobligés ou de leurs héritiers qui sont aussi biens tenans, ne peut opposer ni division, ni discussion ; il est tenu personnellement pour sa part, & hypothécairement pour le tout ; & lorsque l'action d'hypotheque est ainsi jointe avec la personnelle, elle est prorogée jusqu'à quarante ans, parce que la prescription de cette action ne doit point courir tant que dure l'exercice de l'action personnelle.

L'action en déclaration d'hypotheque a été prudemment inventée, pour prévenir l'inconvénient qui résultoit du Droit romain, en ce que d'un côté le créancier ne se pouvoit adresser au tiers détenteur qu'après la discussion, & que d'un autre côté le tiers détenteur prescrivant par dix ans entre présens, & vingt ans entre absens, le créancier pouvoit être frustré de son hypotheque.

Il n'étoit pas permis chez les Romains d'hypothéquer ses biens à deux créanciers à la fois ; il falloit que les causes de la premiere hypotheque fussent acquittées avant d'en contracter une seconde, tellement que celui qui celoit une premiere hypotheque actuelle subsistante, étoit réputé stellionataire ; le créancier n'avoit pas même besoin d'exiger de son débiteur la déclaration que ses biens étoient francs & quittes, le débiteur devoit la faire de lui-même. Cet usage s'observoit non seulement dans l'ancienne Rome, mais aussi sous les empereurs grecs, comme on l'apprend de l'églogue des basiliques ; celui qui y contrevenoit étoit poursuivi par la voie extraordinaire, & ne pouvoit se racheter de la peine qu'en restituant au créancier les deniers qu'il en avoit reçus.

En France, il est permis d'hypothéquer ses biens, successivement à plusieurs créanciers, & le débiteur n'est réputé stellionataire que lorsqu'il fait une fausse déclaration sur l'état de ses dettes ; si on ne lui demande point cette déclaration, il n'est pas obligé de la faire.

L'hypotheque dérive de la convention expresse ou tacite des parties ; car celle-même qu'on appelle hypotheque légale, dérive d'un consentement que la loi présume être donné par celui sur les biens duquel elle accorde cette hypotheque.

Mais le consentement exprès ou tacite ne suffit pas parmi nous pour constituer l'hypotheque ; il faut aussi l'intervention du juge ou du notaire, & que l'un & l'autre ayent caractere pour instrumenter dans le lieu, & pour les personnes qui s'obligent ; c'est pourquoi les jugemens & contrats passés en pays étrangers n'emportent point d'hypotheque en France, que du jour que l'exécution en a été ordonnée par les juges de France.

Les effets de l'hypotheque sont 1°. que le débiteur ne peut plus vendre, engager, ni hypothéquer les mêmes biens à d'autres personnes au préjudice de l'hypotheque qui est déja acquise à un premier créancier.

2°. Que si le bien hypothéqué sort des mains du débiteur, le créancier le peut suivre en quelques mains qu'il passe, tellement que le tiers détenteur est obligé de reconnoître l'hypotheque, & d'en acquiter les causes, ou de laisser le bien hypothéqué pour être vendu, & le créancier être payé sur le prix d'icelui. Voyez DELAISSEMENT PAR HYPOTHEQUE, & Loyseau en son traité du déguerpissement, liv. III.

3°. Le créancier hypothécaire a l'avantage d'être préféré aux créanciers chirographaires.

L'ordre des hypotheques entr'elles se regle par la date des contrats : prior tempore, potior jure ; il faut néanmoins excepter les hypotheques privilégiées qui passent les premieres, quoique leur date ne soit pas la plus ancienne. L'édit du mois d'Août 1669 attribue aux deniers royaux un privilege sur les biens des comptables, par préférence à tous créanciers hypothécaires.

Celui qui est mis au lieu & place d'un créancier en vertu d'un transport, cession ou délegation, se fait ordinairement subroger aux privileges & hypotheques de l'ancien créancier. Voyez SUBROGATION.

Purger les hypotheques, signifie effacer l'impression qu'elles avoient faites sur les biens du débiteur, de maniere que le créancier ne peut plus y exercer aucun droit.

Le decret volontaire ou forcé purge les hypotheques sur les héritages & rentes foncieres & constituées ; à l'égard des rentes sur le roi, on obtient des lettres de ratification ; le sceau fait le même effet pour les offices, lorsque les nouvelles provisions sont scellées sans aucune opposition.

Voyez au Digeste les titres de pignoribus & hypothecis, in quibus causis pignus vel hypotheca tacite contrahitur. Quae res pignori vel hypothecae datae obligari non possunt. Qui potiores in pignore vel hypothecâ habeantur. Quibus modis pignus vel hypotheca solvitur. De distractione pignorum vel hypothecarum. Voyez aussi au code, liv. VIII. tit. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 26. 28. 29. 30. & 31. la novelle 17. ch. xv. & la nov. 164. ch. j. Negusantius de pignoribus & hypothecis. Basnage & Olivier-Etienne en leurs traités des hypotheques. Loyseau en son traité du déguerpissement, liv. III. (A)

HYPOTHEQUE CONVENTIONNELLE est celle qui dérive d'un contrat ; chez les Romains il n'y avoit d'hypotheque conventionnelle que celle qui étoit stipulée expressément ; l'hypotheque tacite étoit celle qui procédoit de la loi ; parmi nous toute convention authentique produit une hypotheque ; soit que la stipulation d'hypotheque soit expresse ou non elle y est toûjours sousentendue. (A)

HYPOTHEQUE EXPRESSE est celle qui est stipulée nommément dans l'usage : les notaires abregent cette stipulation & se contentent de mettre le mot obligeant avec un &c. par où l'on sousentend obligeant tous ses biens présens & à venir à l'exécution des présentes. (A)

HYPOTHEQUE GENERALE est celle qui comprend tous les biens présens & à venir du débiteur, à la différence de l'hypotheque spéciale, qui est limitée à certains biens comme aux biens présens, & non aux biens à venir, ou qui est restrainte à certains biens nommément.

Une des principales différences entre l'hypotheque générale & la spéciale, c'est que la même chose peut être obligée généralement à plusieurs créanciers, au lieu qu'elle ne peut être hypothéquée spécialement qu'à un seul sous peine de stellionat.

L'hypotheque spéciale oblige le créancier de discuter le bien qui lui est ainsi hypothéqué avant de pouvoir s'adresser aux autres ; mais pour prévenir cette difficulté, on a coûtume de stipuler que l'hypotheque générale ne dérogera point à la spéciale, ni la spéciale à la générale. Voyez Basnage des hypotheques, chap. v. (A)

HYPOTHEQUE LEGALE est celle qui procede de la loi sans aucune convention expresse des parties, mais qui est fondée néanmoins sur un consentement tacite que la loi présume, donné par celui sur les biens duquel elle accorde cette hypotheque ; c'est pourquoi elle est aussi appellée en droit hypotheque tacite.

Telle est l'hypotheque que le mineur a sur les biens de son tuteur du jour que celui-ci accepte sa commission ; le tuteur a pareillement hypotheque sur les biens de son mineur pour le reliquat qui lui est dû ; en Normandie, cette hypotheque du tuteur est du jour de son institution ; à Paris & ailleurs, elle n'est que du jour de la clôture de son compte.

La loi donne aussi à la femme une hypotheque pour sa dot, tant sur les biens de son mari que sur les biens de ceux qui l'ont promise, quoique cette hypotheque n'ait point été stipulée.

L'Eglise, les hôpitaux & les communautés ont pareillement une hypotheque légale sur les biens des bénéficiers & autres administrateurs du jour de leur administration.

Celui qui commet quelque crime, contracte tacitement une hypotheque tant pour les amendes que pour les intérêts.

Le maître du navire a aussi une hypotheque tacite, & même un privilege pour son fret & pour les avaries sur les marchandises qu'il a dans son navire.

Le propriétaire acquiert de même une hypotheque pour ses loyers sur les meubles des locataires & sous-locataires.

Enfin les locataires ont une hypotheque semblable pour leur legs sur les biens du testateur. Voyez le traité des hypotheques de Basnage, chap. vj. (A)

HYPOTHEQUE NECESSAIRE est la même que l'hypotheque légale. Voyez Basnage, traité des hypotheques, ch. vj. (A)

HYPOTHEQUE PRIVILEGIEE est celle qui dérive d'une cause privilegiée, & qui donne la préférence sur les créanciers qui n'ont qu'une simple hypotheque.

Telle est l'hypotheque du baillement de fond qui est préférée à tous autres pour son payement sur le fond qu'il a vendu.

Telle est aussi l'hypotheque de celui qui est créancier pour un fait de charge.

L'ordre des privileges entr'eux ne se regle pas par leur date, mais par le plus ou moins de faveur que mérite la cause dont ils procedent ; ce qui est fondé sur la loi 82. au digeste de rebus autor. jud. possid. (A)

HYPOTHEQUE SIMPLE est opposée à hypotheque privilégiée. Voyez ci-devant HYPOTHEQUE PRIVILEGIEE. (A)

HYPOTHEQUE SPECIALE est opposée à hypotheque générale. Voyez ci-devant HYPOTHEQUE GENERALE.

HYPOTHEQUE STAENDE SEKER est une espece singuliere d'hypotheque usitée dans la Flandre flamande, qui se donne provisionnellement pour sûreté de la dette, sans qu'il soit dû aucun droit seigneurial qu'après deux termes de trois ans chacun. Ces deux termes écoulés, la sûreté provisionnelle passe en hypotheque absolue, & il en est dû un droit seigneurial, suivant le placard du 21 Janvier 1621, qui est au second volume des placards de Flandres, fol. 443. Il est parlé de cette sûreté provisionnelle au livre des partages du Franc de Bruges, art. lxiij. & ibi Vanden-Hanc in notis. Il cite Zypaeus in not. jur. belg. de reditibus, n °. 29.

On a douté si cette sûreté devoit être renouvellée au bout des trois premieres années, mais le bureau des Finances de Lille l'a ainsi décidé le 23 Juillet 1734. Voyez l'Inst. au droit belgique, part. II. tit. V. §. 9. n °. 17. (A)

HYPOTHEQUE TACITE est celle qui a lieu sans convention expresse, ainsi l'hypotheque légale est une hypotheque tacite. On donne aussi ce nom à l'hypotheque resultante d'un acte authentique, lorsque l'hypotheque n'y est pas stipulée.

Voyez ci-devant HYPOTHEQUE CONVENTIONNELLE, & HYPOTHEQUE LEGALE. (A)


HYPOTHESES. f. (Métaphysiq.) c'est la supposition que l'on fait de certaines choses pour rendre raison de ce que l'on observe, quoique l'on ne soit pas en état de démontrer la vérité de ces suppositions. Lorsque la cause de certains phénomenes n'est accessible ni à l'expérience, ni à la démonstration, les Philosophes ont recours aux hypotheses. Les véritables causes des effets naturels & des phénomenes que nous observons, sont souvent si éloignées des principes sur lesquels nous pouvons nous appuyer, & des expériences que nous pouvons faire, qu'on est obligé de se contenter de raisons probables pour les expliquer. Les probabilités ne sont donc pas à rejetter dans les sciences ; il faut un commencement dans toutes les recherches, & ce commencement doit presque toûjours être une tentative très imparfaite, & souvent sans succès. Il y a des vérités inconnues, comme des pays, dont on ne peut trouver la bonne route qu'après avoir essayé de toutes les autres : ainsi, il faut que quelques-uns courent risque de s'égarer, pour montrer le bon chemin aux autres.

Les hypotheses doivent donc trouver place dans les sciences, puisqu'elles sont propres à faire découvrir la vérité & à nous donner de nouvelles vûes ; car une hypothese étant une fois posée, on fait souvent des expériences pour s'assûrer si elle est bonne. Si on trouve que ces expériences la confirment, & que non-seulement elle rende raison du phénomene, mais encore que toutes les conséquences qu'on en tire s'accordent avec les observations, la probabilité croît à un tel point, que nous ne pouvons lui refuser notre assentiment, & qu'elle équivaut à une démonstration. L'exemple des Astronomes peut servir merveilleusement à éclaircir cette matiere ; il est évident que c'est aux hypotheses, successivement faites & corrigées, que nous sommes redevables des belles & sublimes connoissances, dont l'Astronomie & les sciences qui en dépendent sont à présent remplies. Par exemple, c'est par le moyen de l'hypothese de l'ellipticité des orbites des planetes, que Kepler parvint à découvrir la proportionalité des aires & des tems, & celle des tems & des distances, & ce sont ces deux fameux théorèmes, qu'on appelle les analogies de Kepler, qui ont mis M. Newton à portée de démontrer que la supposition de l'ellipticité des orbes des planetes s'accorde avec les lois de la Méchanique, & d'assigner la proportion des forces qui dirigent les mouvemens des corps célestes. C'est de la même maniere que nous sommes parvenus à savoir que Saturne est entouré d'un anneau qui réfléchit la lumiere, & qui est séparé du corps de la planete, & incliné à l'écliptique ; car M. Huyghens, qui l'a découvert le premier, ne l'a point observé tel que les Astronomes le décrivent à présent ; mais il en observa plusieurs phases, qui ne ressembloient quelquefois à rien moins qu'un anneau, & comparant ensuite les changemens successifs de ces phases, & toutes les observations qu'il en avoit faites, il chercha une hypothese qui pût y satisfaire, & rendre raison de ces différentes apparences ; celle d'un anneau réussit si bien, que par son moyen, non-seulement on rend raison des apparences, mais on prédit encore les phases de cet anneau avec précision.

Il y a deux excès à éviter au sujet des hypotheses, celui de les estimer trop, & celui de les proscrire entierement. Descartes, qui avoit établi une bonne partie de sa philosophie sur des hypotheses, mit tout le monde savant dans le goût de ces hypotheses, & l'on ne fut pas long-tems sans tomber dans celui des fictions. Newton & sur-tout ses disciples, se sont jettés dans l'extrémité contraire. Dégoutés des suppositions & des erreurs, dont ils trouvoient les livres de philosophie remplis, ils se sont élevés contre les hypotheses, ils ont taché de les rendre suspectes & ridicules, en les appellant le poison de la raison & la peste de la philosophie. Cependant, ne pourroit-on point dire qu'ils prononcent leur propre condamnation, & le principe fondamental du Newtonianisme sera-t-il jamais admis à titre plus honorable que celui d'hypothese ? Celui-là seul qui seroit en état d'assigner & de démontrer les causes de tout ce que nous voyons, seroit en droit de bannir entierement les hypotheses de la Philosophie.

Il faut que l'hypothese ne soit en contradiction avec aucun des premiers principes qui servent de fondement à nos connoissances ; il faut encore se bien assûrer des faits qui sont à notre portée, & connoître toutes les circonstances du phénomene que nous voulons expliquer.

L'écueil le plus ordinaire, c'est de vouloir faire passer une hypothese pour la vérité elle-même, sans en pouvoir donner des preuves incontestables. Il est très-important pour le progrès des sciences, de ne se point faire illusion à soi-même & aux autres sur les hypotheses que l'on a inventées. La plûpart de ceux qui depuis Descartes ont rempli leurs écrits d'hypotheses, pour expliquer des faits que bien souvent ils ne connoissoient qu'imparfaitement, ont donné contre cet écueil, & ont voulu faire passer leurs suppositions pour des vérités, & c'est-là en partie la source du dégoût que l'on a pris pour les hypotheses ; mais en distinguant entre leur bon & leur mauvais usage, on évite d'un côté les fictions & de l'autre on n'ôte point aux sciences une méthode très-nécessaire à l'art d'inventer, & qui est la seule qu'on puisse employer dans les recherches difficiles, qui demandent la correction de plusieurs siecles & les travaux de plusieurs hommes, avant que d'atteindre à une certaine perfection. Les bonnes hypotheses seront toûjours l'ouvrage des plus grands hommes. Copernic, Kepler, Huyghens, Descartes, Leibnitz, Newton lui-même, ont tous imaginé des hypotheses utiles pour expliquer les phénomenes compliqués & difficiles, & ce seroit mal entendre l'intérêt des sciences que de vouloir condamner des exemples justifiés par des succès aussi éclatans en métaphysique ; une hypothese doit être regardée comme démontrée fausse, si, en examinant la proposition qui l'exprime, elle est conçue dans des termes vuides de sens, ou qui n'ont aucune idée fixe & déterminée, si elle n'explique rien, si elle entraîne après elle des difficultés plus importantes que celles qu'on se propose de résoudre, &c. Il y a beaucoup de ces hypotheses. Voyez le chap. v. des Institutions de Phis. & sur-tout le traité des Systèmes de M. l'Abbé de Condillac.

HYPOTHESE, en Mathématiques, c'est une supposition que l'on fait, pour en tirer une conséquence qui établit la vérité ou la fausseté d'une proposition, ou même qui donne la résolution d'un problême. Il y a donc deux choses principalement à considérer dans une proposition mathématique, l'hypothese & la conséquence ; l'hypothese est ce que l'on accorde, ou le point d'où l'on doit partir, pour en déduire la conséquence énoncée dans la proposition, ensorte qu'une conséquence ne peut être vraie, en Mathématiques, à moins qu'elle ne soit tirée de l'hypothese, ou de ce que les Géometres appellent les données d'une question ou d'une proposition : quand une conséquence seroit vraie absolument, si elle ne l'est pas relativement à l'hypothese ou aux données de la proposition, elle passe & doit effectivement passer pour fausse en Mathématiques, puisqu'elle n'a pas été déduite de ce dont l'on étoit convenu ; on n'a donc pas pris l'état de la question, & par conséquent l'on a fait un parallogisme, que l'on appelle dans les écoles, ignorantia elenchi, ignorance ou oubli de ce qui est en question.

Dans cette proposition, si deux triangles sont équiangles, leurs côtés homologues sont proportionnels ; la premiere partie, si deux triangles sont équiangles, est l'hypothese ; & la seconde, leurs côtés homologues sont proportionnels, est la conséquence. (E)

HYPOTHESE, (Med.) ce mot grec est synonyme d'opinion. Voyez OPINION, SYSTEME, MEDECINE, NATURE, EXPERIENCE, OBSERVATION.


HYPOTYPOSES. f. (Rhetor.) l'hypotypose, dit Quintilien, est une figure qui peint l'image des choses dont on parle avec des couleurs si vives, qu'on croit les voir de ses propres yeux, & non simplement en entendre le récit.

On se sert de cette figure lorsqu'on a des raisons pour ne pas exposer simplement un fait, mais pour le peindre avec force ; & c'est en quoi consiste l'éloquence, qui n'a pas tout le succès qu'elle doit avoir, si elle frappe simplement les oreilles sans remuer l'imagination & sans aller jusqu'au coeur.

L'hypotypose s'exprime quelquefois en peu de mots, & ce n'est pas la tournure qu'on aime le moins ; ainsi Virgile peint la consternation de la mere d'Euryale au moment qu'elle apprit sa mort,

Miserae calor ossa reliquit :

Excussi manibus radii, revolutaque pensa.

Ainsi Cicéron se plaît à peindre la fureur de Verrès, pour le rendre plus odieux. Ipse inflammatus scelere ac furore, in forum venit ; ardebant oculi ; toto ex ore crudelitas eminebat.

La poësie tire tout son lustre de l'hypotypose ; j'en pourrois alléguer mille exemples, un seul me suffira, j'entends le portrait de la Mollesse personnifiée dans le Lutrin.

La Mollesse oppressée

Dans sa bouche à ce mot sent sa langue glacée ;

Et lasse de parler, succombant sous l'effort,

Soupire, étend ses bras, ferme l'oeil & s'endort.

Je croyois ne pas citer d'autres exemples en ce genre ; cependant la description que je trouve sous la main, d'un vieux livre, dans le même poëme, est une hypotypose si parfaite, que je ne puis la passer sous silence. Il est question du chanoine, qui, pour frapper ses ennemis,

Saisit un vieil infortiat,

Grossi des visions d'Accurse & d'Alciat ;

Inutile ramas de gothique écriture,

Dont quatre ais mal unis formoient la couverture,

Entourée à demi d'un vieux parchemin noir,

Où pendoit à trois clous un reste de fermoir.

Lutrin, Chant V.

Il y a d'autres hypotyposes, qui ressemblent à des tableaux, dont toutes les attitudes frappent ; telle est cette peinture d'un repas de débauche qu'on lisoit dans une harangue de Ciceron, qui n'est pas parvenue jusqu'à nous. Videbar mihi videre alios intrantes, alios autem exeuntes, partim ex vino vacillantes, partim hesternâ potatione oscitantes ; versabatur inter hos Gallius, unguentis oblitus, redimitus coronis. Humus erat immunda lutulento vino, coronis languidulis, & spinis cooperta piscium. Quintilien, qui nous a conservé ce beau passage, ajoute ; quid plus videret, qui intrasset ?

Mais une hypotypose sublime, c'est le tableau que Racine nous donne dans Athalie, de la maniere dont Jozabet sauva Joas du carnage : elle s'exprime ainsi.

Hélas ! l'état horrible où le ciel me l'offrit,

Revient à tout moment effrayer mon esprit.

De princes égorgés la chambre étoit remplie.

Un poignard à la main l'implacable Athalie,

Au carnage animoit ses barbares soldats,

Et poursuivoit le cours de ses assassinats.

Joas laissé pour mort, frappa soudain ma vue ;

Je me figure encore sa nourrice éperdue,

Qui devant les bourreaux s'étoit jettée en vain,

Et foible le tenoit renversé sur son sein.

Je le pris tout sanglant ; en baignant son visage,

Mes pleurs du sentiment lui rendirent l'usage,

Et soit frayeur encore, ou pour me caresser,

De ses bras innocens je me sentis presser.

Grand Dieu que mon amour ne lui soit point funeste !

Acte I. Scene 2.

Cet autre morceau de la même piece, où Athalie raconte à Abner & à Mathan le songe qu'elle a fait, n'est pas une hypotypose moins admirable ; voici comme elle peint ce songe, ce cruel songe qui l'inquiete tant, & qui par-tout la poursuit.

C'étoit pendant l'horreur d'une profonde nuit,

Ma mere Jézabel devant moi s'est montrée,

Comme au jour de sa mort pompeusement parée.

Ses malheurs n'avoient point abattu sa fierté,

Même elle avoit encor cet éclat emprunté,

Dont elle eut soin de peindre & d'orner son visage,

Pour réparer des ans l'irréparable outrage.

Tremble, m'a-t-elle dit, fille digne de moi,

Le cruel Dieu des Juifs l'emporte aussi sur toi.

Je te plains de tomber dans ses mains redoutables,

Ma fille ! En achevant ces mots épouvantables,

Son ombre vers mon lit a paru se baisser,

Et moi je lui tendois les mains pour l'embrasser ;

Mais je n'ai plus trouvé qu'un horrible mélange

D'os & de chairs meurtris & traînés dans la fange,

Des lambeaux pleins de sang, & des membres affreux,

Que des chiens dévorans se disputoient entr'eux.

Acte I. Scene 5.

Enfin, pour conclure cet article, les belles hypotyposes, en vers ou en prose, sont des peintures vives, touchantes, pathétiques, d'un seul ou de plusieurs objets, soit laconiquement, soit avec quelques détails, mais formant toujours des images qui tiennent lieu de la chose même ; c'est ce que signifie le mot grec hypotypose. Voyez IMAGE, PEINTURE, DESCRIPTION, &c. (D.J.)


HYPSILOIDEterme d'Anatomie. Voyez HYOIDE.


HYPSISTARIENSS. m. pl. (Theolog.) secte d'hérétiques qui parurent dans le quatrieme siecle, & qui furent ainsi appellés de la profession qu'ils faisoient d'adorer le Très-Haut. Ce mot est grec, , formé d', Hypsistos, Très-Haut.

La doctrine des Hypsistariens étoit un assemblage du paganisme, du judaïsme & du Christianisme. Ils adoroient le Très-Haut, de même que les Chrétiens ; mais ils révéroient avec les payens le feu & les éclairs : ils observoient le sabath, & la distinction des choses mondes & immondes avec les Juifs.

Ces hérétiques approchoient fort des Euchites ou Massaliens. Voyez MASSALIENS. Dictionnaire de Trévoux. (G)


HYRCANIES. f. (Géog. anc.) grand pays d'Asie, au midi de la mer Caspienne, dont une partie en prenoit le nom de mer d'Hyrcanie, Hircanum mare ; elle avoit la Médie au couchant, la Parthie au midi, & étoit séparée dans cette derniere par le mont Coronus. Ptolomée lui donne deux rivieres, savoir l'Oxus & la Maxéra, & il décrit tout le pays avec beaucoup d'exactitude ; mais il faut remarquer que les anciens ne pouvoient avoir une idée juste de l'Hyrcanie, car comme ils prenoient la longueur de la mer Caspienne d'occident en orient, au lieu qu'elle est du nord au sud, cette erreur faisoit une étendue très-opposée à la vérité.

2°. L'Hyrcanie désigne dans Xénophon un pays d'Asie au midi de la Babylonie, qui est par conséquent différente de l'Hyrcanie septentrionale de Ptolomée. Les Hyrcaniens de Xénophon habitoient le milieu du pays, nommé présentement Irac ou Irac-Arabi, pour la distinguer d'une grande province de Perse, nommée Irac-Agémi ou étrangere, qui comprend une partie de l'Hyrcanie voisine de la mer Caspienne ; ces deux Iracs sont séparés par les hautes montagnes du Curdistan & du Louvestan. Voyez sur l'Hyrcanie de Xénophon les mém. des Inscript. & Belles-Lettres, tome VI. (D.J.)


HYRIUM(Géog. anc.) ville de la Pouille Daunienne selon Ptolomée ; l'on croit que Hyrium est l'Uria de Pline, mais Celsus Citadinus prétend que ce sont deux villes différentes ; selon lui Hyrium est aujourd'hui Rhodes, & Uria est Oria ; cette derniere est dans les terres, entre les Brindes & Tarente, & l'autre est vers le mont Gargan. (D.J.)


HYSIUS(Mythologie) surnom donné à Apollon, à cause d'un temple qu'il avoit à Hysica en Béotie, où il rendoit des oracles. Il y avoit un puits dont l'eau mettoit le prêtre en état de donner des réponses sûres lorsqu'il en avoit bû.


HYSSOPES. m. (Hist. nat. Bot.) hyssopus genre de plante à fleur monopétale labiée ; la levre supérieure est relevée, arrondie & échancrée, & l'inférieure est divisée en trois pieces, dont celle du milieu est creusée en cuiller, & terminée par deux pointes en forme d'aîles. Il sort du calice un pistil, attaché comme un clou à la partie postérieure de la fleur, & environné de quatre embryons, qui deviennent dans la suite autant de semences oblongues & renfermées dans une capsule qui a servi de calice à la fleur. Tournefort, Inst. rei. herb. Voyez PLANTE. (I)

Miller en compte cinq ou six especes ; décrivons la plus commune, hyssopus officinarum, caerulea, spicata, C. B. P.

Sa racine est ligneuse, dure, fibrée, de la grosseur du doigt ; ses tiges sont hautes d'une coudée, ligneuses, cassantes, branchues ; ses feuilles naissent deux à deux & opposées ; elles sont longues d'un pouce ou d'un pouce & demi, larges de deux lignes, pointues, lisses, d'un verd foncé, âcres, & d'une bonne odeur. Ses fleurs sont en grand nombre au sommet des branches, disposées en maniere d'anneaux sur des longs épis, tournées presque toutes d'un même côté ; elles sortent de longs calices, cannelés, partagés en cinq segmens, pointus ; elles sont grandes, d'une seule piece, bleues, & en gueule ; la levre supérieure est redressée, arrondie, partagée en deux, & l'inférieure en trois, dont celle du milieu est creusée en cueilleron, échancré, & terminé par deux pointes.

Chaque fleur a quatre étamines, oblongues, bleues, garnies de petits sommets d'un bleu foncé. Il s'éleve du calice un pistil, attaché en maniere de clou à la partie postérieure de la fleur, & comme accompagné de quatre embryons, qui se changent ensuite en autant de petites graines arrondies, brunes, cachées dans une capsule qui servoit de calice à la fleur.

On cultive communément cette plante dans les jardins ; elle est toute d'usage, & a les qualités d'inciser, d'atténuer, & de discuter ; elle est surtout destinée aux maladies tartareuses des poumons, & passe pour très-utile dans l'asthme humoral. Elle contient un sel ammoniacal uni avec une huile, soit subtile essentielle aromatique, soit épaisse & bitumineuse.

Nous ne connoissons point l'hyssope des anciens, mais ce n'étoit pas le même que le nôtre ; Dioscoride, en parlant d'une plante appellée Chrysocomé, dit que c'est un petit arbrisseau qui a la fleur en raisin comme l'hyssope ; dans un autre endroit, où il décrit l'origan héracléotique, il remarque qu'il a la feuille semblable à celle de l'hyssope, disposée en ombelle : or notre hyssope n'a point la feuille en forme de parasol, mais étroite & pointue, ni la fleur en raisin, mais en épi.

Il paroît d'ailleurs par l'histoire de la passion de Notre-Seigneur, rapportée dans les évangélistes, que l'hyssope des anciens devoit être un petit arbrisseau qui fournissoit du bois assez long. On emplit, dit S. Jean, chap. xix. v. 29. une éponge de vinaigre, & l'ayant mise au bout d'un bâton d'hyssope, on la porta à la bouche de Jesus-Christ en croix ; à la vérité le grec dit seulement, l'ayant mise autour d'un hyssope ; mais ce qui prouve que cet hyssope étoit une espece de bâton c'est que S. Matthieu, racontant le même fait, dit qu'on attacha cette éponge autour d'un bâton.

Enfin, on peut tirer la même conséquence d'un passage de Josephe, où il dit de Salomon, d'après le vieux testament, que ce prince avoit décrit chaque espece d'arbre depuis le cedre jusqu'à l'hyssope. L'hyssope des anciens étoit donc un arbre, un arbrisseau, & par conséquent ce n'étoit point l'hyssope des modernes. Quelques commentateurs, comme le P. Calmet, répondent qu'en Judée l'hyssope s'élevoit à une assez grande hauteur ; mais cette supposition est gratuite, & n'est point appuyée du témoignage des Botanistes modernes qui ont herborisé dans ces pays-là. (D.J.)

HYSSOPE, (Diete & Mat. med.) l'hyssope est une Plante aromatique d'une odeur forte ; elle a une saveur vive & un peu âcre.

On s'en sert dans quelques provinces à titre d'assaisonnement, dans quelques ragoûts & dans les salades, mais son goût & son odeur ne plaisent qu'à peu de personnes.

Elle est destinée principalement dans l'usage medicinal, à diviser les glaires épaisses retenues dans les vésicules du poumon, & en faciliter l'expectoration ; ou bien, ce qui est la même chose, on l'emploie comme un béchique incisif très-puissant. C'est à ce titre qu'elle passe pour spécifique dans l'asthme humide, prise en infusion dans de l'eau ou dans du vin : on l'a employée aussi quelquefois avec succès dans l'aphonie ; dans ce dernier cas on mêle ordinairement son infusion avec du lait ; dans l'un & dans l'autre on peut employer le syrop simple & la conserve d'hyssope. L'eau distillée de cette plante passe encore pour utile dans les mêmes maladies ; on peut assurer au moins que cette eau est du nombre de celles qui ne sont pas sans vertu. Voyez EAUX DISTILLEES.

L'infusion d'hyssope prise habituellement le matin à jeun, est encore un bon remede pour fortifier l'estomac, & pour donner de l'appétit. Elle est analogue en ceci aux feuilles de mélisse & à celles de petite sauge, qui sont plus en usage que celles-ci.

Les feuilles & les sommités d'hyssope entrent dans plusieurs compositions pharmaceutiques. (b)


HYSTERALGIES. f. (Med.) ce mot grec composé d', uterus, & d', dolor, signifie douleur de la matrice. Voyez DOULEUR, MATRICE.


HYSTERAPETRA(Hist. nat.) c'est la même chose que la pierre nommée hysterolite. Voyez cet article.


HYSTÉRIESS. f. pl. (Antiq.) fêtes consacrées à Vénus, dans lesquelles on lui immoloit des cochons : , gén. en grec, signifie cochon. (D.J.)


HYSTÉRIQUEadj. , uterinus, (Med.) est une épithete qui s'applique en général à tout ce qui a rapport à la matrice : ainsi on appelle hystérique la plûpart des maladies de cette partie ; on dit colique hystérique, flux hystérique, fureur hystérique, &c. On donne le nom d'hystériques aux personnes mêmes qui sont affectées de ces maladies, & aux remedes qui sont employés spécialement pour leur traitement. Voyez MATRICE.

HYSTERIQUE, (passion ou affection) c'est ainsi que l'on désigne assez communément parmi les Medecins, une des maladies des plus compliquées qu'il y ait par rapport à ses causes & à ses symptomes, dans laquelle la plûpart de ceux qui en ont écrit, sur-tout parmi les anciens, ont pensé que la matrice est le siege de la cause principale du mal, ce qui lui a fait donner le nom de passion hystérique.

Mais comme la plus saine partie des auteurs modernes ne distingue la passion hystérique de la passion hypochondriaque, que parce que la cause occasionnelle de celle-là dépend souvent des lésions de fonctions particulieres au sexe féminin, quoique la cause prochaine soit la même, puisqu'ils conviennent que dans l'une & dans l'autre de ces maladies, c'est le genre nerveux qui est principalement affecté ; ce qui est démontré par les symptomes aussi multipliés que variés, qui les accompagnent, qui ont tous rapport à la nature des mouvemens convulsifs ou spasmodiques ; il s'ensuit que l'on doit aussi rapporter l'espece de maladie dont il s'agit ici, à la mélancholie qui en est comme le genre : ainsi voyez MELANCHOLIE.

Et comme un des symptomes des plus ordinaires dans la passion hystérique comme dans l'affection hypochondriaque, est l'embarras dans la tête, si connu sous le nom de vapeurs, c'est celui sous lequel il en sera traité, qui fournira en son lieu matiere à un article dans lequel sera circonstancié ce qui est particulier à chaque sexe, dans ces deux especes de mélancholie. Voyez VAPEURS.

HYSTERIQUE pierre, (Hist. nat. Lythol.) c'est une pierre noire, arrondie, qui prend assez bien le poli ; elle est fort pesante, & se trouve en Amérique dans la nouvelle Espagne ; on lui attribue des vertus singulieres dans les maladies de l'uterus, quelle guérit lorsqu'on l'applique extérieurement sur le nombril. Voyez Boëce de Boot, de gemmis & lapidibus.

De Laet parle d'une pierre d'Amérique qu'il possédoit, elle étoit taillée en un plateau ovale, & d'un très-beau noir ; on y voyoit deux taches d'un blanc brillant comme de l'argent ; il croit que c'étoit la pierre connue sous le nom de lapis uterinus, ou hystericus.

Il ne faut point confondre la pierre dont il s'agit ici, avec celle qu'on nomme hystérolite. Voyez cet article.


HYSTÉROCELES. f. terme de Chirurgie, tumeur formée par le déplacement de la matrice, qui forme une hernie dans le pli de l'aine. Voyez HERNIE.

La situation de la matrice dans le milieu du bassin, & la structure de ce viscere, n'en paroissent guere favoriser le déplacement ; il sembleroit même que dans l'extension considérable que cette partie acquiert dans la grossesse, son volume devroit être un obstacle à l'hernie : mais il y a des phénomenes dans la nature, que la théorie ne préverroit jamais ; des observations bien constatées mettent l'hernie de matrice hors de tout doute. Sennert rapporte un fait bien singulier sur un cas de cette nature. La femme d'un tonnelier aidant à son mari à courber une perche pour en faire un cerceau, fut frappée dans l'aine gauche par l'extrémité de cette perche. Quelque tems après, il parut une hernie qui augmenta au point qu'elle ne put être réduite : la femme étoit enceinte ; la tumeur devenoit grosse de jour en jour. On voyoit sous les tégumens tous les mouvemens de l'enfant, qu'on fut obligé de tirer à la fin du neuvieme mois par une ouverture à la poche, dans laquelle il étoit renfermé.

Ruisch rapporte qu'une femme eut une hernie de la matrice à la suite d'une suppuration à l'aine. Dans le tems d'une grossesse, cette hernie pendoit jusqu'aux genoux ; mais dans les douleurs de l'acouchement, la sage-femme fit rentrer la matrice avec le foetus, qui sortit naturellement par les voies ordinaires.

L'hernie de la matrice exige le secours d'une compression modérée, & d'une situation propre à en favoriser l'effet. Par ces moyens, lorsque cette incommodité est commençante, on pourroit parvenir à remettre peu-à-peu la matrice à sa place ; on previendroit les adhérences qu'elle pourroit contracter, lesquelles dans le cas de grossesse, peuvent devenir des causes déterminantes de l'opération césarienne. L'observation de Ruisch prouve qu'une matrice formant une hernie considérable, peut rentrer dans le bassin, se contracter, permettre & favoriser un accouchement par les voies naturelles. Ce fait est bien extraordinaire. (Y)


HYSTÉROLITES. f. (Hist. nat. Lithol.) en latin, hysterolithus, hystera petra, cunnolithus, pierre ainsi nommée, parce qu'elle représente d'une maniere distincte l'extérieur des parties de la génération du sexe féminin. Elle est fort dure, d'un gris ou d'un brun noirâtre, de la grandeur de la moitié d'une noix, à qui elle ressemble aussi, parce qu'elle est convexe & peu lisse d'un côté ; par l'autre côté elle a un enfoncement duquel il sort comme en relief un corps oblong, partagé en longueur par le milieu, & ressemblant au labia pudenda.

Langius distingue deux especes d'hystérolites, l'une est à peu près de la grandeur d'une noix, telle est celle qui vient d'être décrite ; l'autre est plus petite, & n'est que de la grandeur d'une noisette ; elle differe de la précédente en ce que la fente qu'on y remarque est garnie de petits sillons transversaux & paralleles ; cette derniere espece se trouve en Suisse. Voyez Langius, historia lapidum figuratorum, p. 48.

Wallerius distingue aussi deux especes d'hystérolites ; il appelle l'une simple, & l'autre aîlée ; peut-être entend-il par-là la même distinction que Langius.

Wormius parle d'une hystérolite qu'il décrit de même que nous avons fait, avec cette différence que l'on voyoit de l'autre côté les parties naturelles de l'homme, représentées très-distinctement, d'où il conclut que l'on devroit nommer cette pierre diphyis, plutôt qu'hystérolite, à cause que les parties naturelles des deux sexes s'y trouvoient réunies. Voyez Musaeum Wormianum, pag. 83 & 84.

Les hystérolites ne paroissent redevables de leur figure qu'à l'empreinte d'une coquille bivalve, dans l'intérieur de laquelle elles ont été moulées, ou à qui elles ont servi de noyau. Les auteurs sont partagés sur la coquille qui a pû donner cette empreinte. Klein prétend qu'elle est entiérement inconnue. Baier croit que l'hystérolite est la même chose que la bucardite, ou le coeur de boeuf. Langius croit que c'est la même chose que l'urtica marina, à qui il trouve qu'elle ressemble beaucoup. Wallerius dit que l'hystérolite est le noyau d'une coquille bivalve, qu'il appelle ostreopectinites ventricosa. Le musaeum Richterianum la regarde comme formée par l'empreinte du concha veneris.

Les hysterolites ne se trouvent nulle part en si grande abondance que près du château de Braubach sur le Rhin, sur les confins du landgraviat de Hesse. On en trouve aussi, suivant Gesner, dans la montagne nommée Ehrenbreitstein, vis-à-vis de Coblentz, à l'endroit où la Moselle se jette dans le Rhin. On en rencontre, quoique assez rarement dans le duché de Brunswick, près de la ville de Wolfembutel ; ces dernieres ne sont point fort dures, elles n'ont que la consistance de la terre ou de l'argille séchée. Les hystérolites de la petite espece, dont parle Langius, se trouvent en Suisse.

Il ne faut point confondre les hystérolites dont il est question dans cet article, avec d'autres pierres plus grandes, qui représentent assez bien la partie naturelle de la femme & qu'on nomme communément bijoux de Castres, parce qu'elles se trouvent en Languedoc dans le voisinage de cette ville : ces dernieres doivent être regardées comme une espece de madrépore, elles sont formées par plusieurs couches concentriques.

M. Falconet croit que l'hystérolite est la même pierre que celle que les anciens appelloient pierre de la mere des dieux, & qu'ils croyoient tombée du ciel ; elle étoit d'une grandeur médiocre, d'une couleur noire, & l'on y voyoit une apparence de bouche. Ce savant académicien ajoute, que " peut-être par rapport à une ressemblance qui n'est guere éloignée de celle de la bouche, le culte de cette pierre fut imaginé ; & on ne crut point trouver de symbole plus convenable, que cette pierre ainsi figurée, pour représenter une déesse, qui selon les Poëtes, étoit la mere des dieux & des hommes, & qui selon les Philosophes, étoit la nature même, source féconde de tout ce qui paroît dans l'Univers. " Voyez les mémoires de l'académie royale des Inscriptions & Belles-Lettres, tome VI. p. 528. (-)


HYSTÉROLOGIES. f. (Rhét.) figure de pensée où l'ordre naturel des choses est renversé, comme l'indique l'étymologie du mot ; les Grecs l'appellent autrement, , qui veut dire, mettre le dernier avant le premier. Quintilien ne nomme nullepart cette figure, & cependant il la condamne tacitement dans son XI. liv. chap. ij quand il dit : quaedam... turpiter convertuntur ut si peperisse narres, deinde, concepisse.... in quibus, si id quod posterius est dixeris, de priore tacere optimum est.

Cette figure que nous appellons renversement de pensée, est rare en prose, parce qu'on s'en apperçoit aisément en relisant ses productions à tête reposée. Mais elle est fréquente chez les Poëtes, à qui la mesure des vers, la nécessité de la rime, le feu de l'enthousiasme, & peut-être encore la paresse, la peine du changement, la difficulté d'y remédier, font dire souvent une chose, avant celle qui la doit précéder ; la seconde avant la premiere, la plus foible avant la plus forte ; & ce défaut plus ou moins grand, est toujours condamnable. D'habiles critiques n'exceptent pas même de cette censure ces trois vers si connus & si goutés.

Mais au moindre revers funeste,

Le masque tombe, l'homme reste,

Et le heros s'évanouit.

Le pléonasme, ajoutent ces critiques, s'y joint à l'hysterologie, ou renversement de pensée. Quand on a dit qu'il ne reste plus que l'homme, il est inutile de dire que le héros s'évanouit, parce qu'il est de toute nécessité que le héros ait disparu, pour qu'on ne voye plus que l'homme ; de même qu'il faut avoir conçû pour enfanter. Mais si le poëte avoit pû dire, le masque tombe, le héros s'évanouit, & l'homme reste, il auroit peint la chose telle qu'elle est, & nous auroit offert une image exacte.

Quelque condamnables cependant que soient les renversemens des pensées, on ne dira rien qui s'écarte de la doctrine de Longin, si l'on avance qu'ils pourroient être très bons dans la bouche d'un personnage troublé par le premier mouvement d'une passion impétueuse, parce qu'alors ils serviroient à peindre de mieux en mieux le caractere même de cette passion. Il est vrai que ce qu'on propose ici n'est pas d'une exécution facile, néanmoins un beau génie, qui connoîtroit bien la nature, ne manqueroit pas de succès, en cherchant à imiter son langage. Voyez HYPERBATE. (D.J.)


HYSTÉROMOTOCIEou HYSTÉROTOMIE, s. f. terme de Chirurgie, opération qu'on appelle autrement & plus ordinairement, opération césarienne. Voyez CESARIENNE. C'est un mot grec qui vient de , uterus matrice, & de , sectio, section, incilion. (Y)


HYSTÉROPOTMES. m. (Antiq.) on nommoit ainsi chez les Grecs les personnes qui revenoient chez leurs parens, après un si long voyage dans les pays étrangers, qu'on les avoit cru morts. On ne leur permettoit d'assister à la célébration d'aucune cérémonie religieuse, qu'après leur purification, qui consistoit dans une sorte d'enveloppement de robe de femme, afin que de cette maniere ils parussent comme de nouveaux nés. (D.J.)


HYSTÉROTOMIES. f. terme d'Anatomie, dissection anatomique de la matrice. Voyez MATRICE. Ce mot est formé du grec , matrice & , je coupe, je disseque.


HYSTRICITES. f. (Hist. nat.) nom donné par quelques auteurs à une pierre bézoard, qui se forme quelquefois dans le corps des porc-épics de la péninsule de Malacque ; c'est le même que l'on nomme bézoard de porc, ou en espagnol, piedra de puerco, bézoard de Goa, pierre de Malaque, &c. Cette pierre s'est vendue souvent un prix très-considérable à cause des grandes vertus qu'on lui attribue. Le cardinal de Sinzendorf, évêque de Breslau, en avoit payé un mille florins d'Hollande, ou deux mille livres argent de France. Il y en a que le préjugé a fait acheter encore beaucoup plus cher. Voyez BEZOARD. (-)


HYVOURAHÉS. m. (Hist. nat. Botan.) grand arbre du Brésil, dont l'écorce est blanche & luisante comme de l'argent, son bois est rougeâtre ; quand on fend l'écorce, il en sort un suc laiteux d'un goût salin, assez semblable à celui de la réglisse. On dit que cet arbre ne porte des fruits que tous les quinze ans ; son fruit est d'un beau jaune, de la grosseur d'une prune moyenne, tendre, d'un goût très-doux & d'une odeur fort agréable ; il renferme un petit noyau. L'écorce de cet arbre excite la transpiration, & on s'en sert au Brésil pour guérir le mal vénérien.